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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 19 septembre 2019 - Vol. 45 N° 36

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 18, Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes


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Table des matières

Auditions (suite)

Réseau pour un Québec Famille

Réseau Avant de craquer

Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

Fédération québécoise de l'autisme (FQA)

Intervenants

Mme MarieChantal Chassé, présidente

Mme Lucie Lecours, présidente suppléante

M. Mathieu Lacombe

Mme Stéphanie Lachance

Mme Jennifer Maccarone

Mme Christine Labrie

Mme Véronique Hivon

M. Samuel Poulin

M. Christopher Skeete

*          M. Raymond Villeneuve, Réseau pour un Québec Famille

*          Mme Marie Rhéaume, idem

*          Mme Suzanne Péloquin, Réseau Avant de craquer

*          Mme Renée Levaque, idem

*          M. René Cloutier, idem

*          Mme Louise Richard, idem

*          Mme Christine Morin, Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés

*          M. Philippe-André Tessier, CDPDJ

*          Mme Geneviève St-Laurent, idem

*          Mme Jo-Ann Lauzon, FQA

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Douze heures quinze minutes)

La Présidente (Mme Chassé) : Bonjour, tout le monde.

Une voix : Bonjour, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Bonjour, M. le Curateur.

Une voix : Vous allez bien?

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Vous?

Une voix : Oui.

La Présidente (Mme Chassé) : Fantastique! C'est ma façon de dire : À l'ordre! Je commence par : Bonjour, tout le monde.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. J'accueille le soleil. J'ai réussi, quand même, hein? Je vous propage plein de soleil.

Et je constate le quorum et déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue. Et je vous demande à tous de bien vouloir éteindre la sonnerie ou la fonction de vibration de son appareil électronique ou de ses appareils électroniques.

La commission est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 18 modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection des personnes.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. M. Lévesque (Chauveau) est remplacé par Mme Picard (Soulanges); Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé), par Mme Weil (Notre-Dame-de-Grâce); Mme Dorion (Taschereau), par Mme Labrie (Sherbrooke); M. LeBel (Rimouski), par Mme Hivon (Joliette).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Nous avons commencé à l'heure. Et, ce matin, nous entendrons tout d'abord le Réseau pour un Québec Famille. Je vous souhaite la bienvenue. Et je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous faire un signe de la main ou un signe vocal pour vous inviter à conclure. Débutez tout d'abord en vous présentant, puis, ensuite, commencez tout de suite votre exposé. Merci.

Réseau pour un Québec Famille

M. Villeneuve (Raymond) : Oui. Alors, bonjour. Merci de l'invitation, merci de nous entendre. Mon nom est Raymond Villeneuve, directeur général du Regroupement pour la valorisation de la paternité, mais aujourd'hui président du Réseau pour un Québec Famille.

Le Réseau pour un Québec Famille, c'est un réseau de réseaux. Nos membres sont tous des réseaux nationaux du secteur famille. Donc, dans nos membres, il y a des gens du secteur communautaire, il y a des gens du milieu syndical, il y a des gens du milieu municipal, donc toute une série d'acteurs qui ont tous à coeur le bien-être des familles. Donc, en toute humilité, nous ne sommes pas des experts de la question du Curateur public, on a un point de vue plus transversal, peut-être un petit pas de recul, alors, en toute humilité, nous allons vous transmettre nos considérations, là, sur le projet de loi. Marie va aller sur le détail après.

Ce que je peux dire d'entrée de jeu, c'est que, dans les mesures proposées, on voit quand même d'un très bon oeil toute l'idée de simplifier la loi, de rendre ça plus simple, plus efficace, plus performant, aussi de s'adapter aux réalités des personnes en contexte de vulnérabilité, de tenir compte des différentes situations, qu'il n'y ait pas un modèle unique. Tout ça au niveau de l'approche, au niveau de l'orientation, ça nous semble bien, bien, bien intéressant.

Alors, c'était mon petit préambule très humble. Alors, je vais passer la parole à Marie, là, pour les considérations plus spécifiques.

Mme Rhéaume (Marie) : Comme Raymond vous a dit, on est donc un réseau de réseaux nationaux qui, eux, regroupent des centaines d'organisations partout à travers le Québec. Et, comme partie intégrante de sa mission, le Réseau pour un Québec Famille s'est donné, en octobre 2015, l'objectif de devenir la voix des familles québécoises en faveur du développement de politiques publiques adaptées à l'ensemble des réalités des familles. Plus concrètement, nous intervenons auprès des décideurs publics de la société civile sur les enjeux, les dossiers, les lois qui ont un impact direct sur la vie et le quotidien des familles. On est bien sûr préoccupés par le soutien aux personnes fragilisées et en situation de vulnérabilité, que ces personnes-là soient mineures ou majeures.

Je commencerais tout de suite par le nouveau nom. Le projet de loi propose de changer le nom du curateur pour celui de Directeur de la protection des personnes vulnérables. Dans le contexte, cette nouvelle dénomination-là nous semble mieux correspondre à la réalité actuelle. Pour la plupart des gens, curateur, ça a comme un... bien, ça semble un nom de l'ancien temps, hein? On peut le dire.

Des voix : ...

• (12 h 20) •

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, c'est comme un nom... Il faut chercher pour voir que ça a rapport avec les soins, puis comprendre ce que c'est, mais je pense que, pour le commun des mortels, tu sais... Puis, en plus, c'est passé de curatelle à curateur. C'est comme... On sent, là, que ce n'est pas des réalités les plus intéressantes. Il reste que, par rapport à toute la question des personnes vulnérables, c'est un concept qui n'est pas très bien accueilli en général par le monde associatif. Pour nous, parler d'une personne en situation de vulnérabilité correspond mieux à la réalité actuelle. Parler d'une personne vulnérable, c'est comme lui mettre une grosse étiquette, puis, à partir du moment où elle a cette étiquette-là, ça devient difficile de s'en sortir. Donc, il nous apparaîtrait, là, que parler de personnes qui ont des besoins de protection, mais des personnes en situation de vulnérabilité, ça semblerait actualiser encore plus la dénomination.

En mai 2018, le réseau a fait un grand sommet qui... Ça a été un moment assez unique où on a réuni plus de 350 intervenants de toutes les régions du Québec qui sont venus discuter avec nous des priorités qu'il devrait y avoir au niveau de la vie des familles. Il y a deux éléments qui sont sortis, il y en a un qui nous concerne aujourd'hui. Moi, je dis tout le temps : C'est un peu les deux cailloux qu'il y a dans les souliers des familles. Le premier, c'est l'accès aux services, le deuxième, bien, c'est conciliation famille-travail. Donc, ça, c'est vraiment les deux irritants majeurs dans la vie des familles.

Du côté de l'accès aux services, les familles réalisent rapidement, quand elles rencontrent des difficultés, que les programmes puis les mesures élaborés par les gouvernements ou les différentes instances sont très souvent complexes. L'organisation en silos correspond mal au vécu des familles, qui, elles, composent régulièrement avec un cumul de réalités susceptibles de transformer chaque parcours de recherche de soutien en dédale. Cette combinaison-là contribue à un des écueils, là, vraiment qui affecte les familles au niveau de l'accessibilité des services. Donc, tout projet de loi qui contribue à simplifier les pratiques est bienvenu.

La réforme de la Loi sur le urateur public va en ce sens, et le réseau salue cet objectif du projet de loi. En passant de trois régimes de protection à un seul, la tutelle personnalisée, il sera plus facile d'adapter la protection offerte à une personne en fonction de ses limitations et de ses besoins. Le réseau est en accord aussi avec la prémisse fondamentale du projet de loi, qui veut permettre à une personne qui vit des limitations de conserver ses droits civils et de les exercer si possible. Dans la réalité, tout n'est pas tout noir ou tout blanc. Il nous semble important qu'une personne ne perde pas tous ses droits et qu'elle puisse garder un contrôle sur sa vie en fonction de son état réel, état qui, disons-le, peut aussi varier au fil du temps.

Le projet de loi propose un régime de protection unique. Nous comprenons que la tutelle personnalisée devrait permettre à chaque individu d'obtenir le niveau de protection qui correspond le mieux à son état. Pour nous, c'est essentiel. Cette personnalisation va être déterminée par un tribunal, qui devra tenir compte des capacités de la personne, avec l'objectif de lui permettre le plus possible de poser seule certains actes. Actuellement, les délais des tribunaux pour les premières décisions semblent être d'au moins un an. Du point de vue de la justice, un an constitue une période plutôt courte, mais, du point de vue de la famille qui vit au quotidien les difficultés générées par la situation d'une personne pour qui une tutelle est requise, c'est long, très long. Le tribunal devra, comme c'est le cas actuellement, faire reposer sa décision sur des évaluations médicales et psychosociales. Ça aussi, c'est essentiel. Toutefois, nous voudrions rappeler que, pour plusieurs familles, l'accès à ces évaluations est souvent long et difficile. Le gouvernement du Québec devrait s'engager formellement à mettre en place une campagne d'information auprès des intervenants du système de santé, particulièrement les médecins et les travailleurs sociaux chargés de ces évaluations, pour les sensibiliser.

Le Réseau pour un Québec Famille est satisfait de l'introduction dans la loi de la mesure d'assistance et la représentation temporaire. Ça nous apparaît d'autant plus approprié, entre autres en raison de la démographie québécoise. Pour la première fois au Québec se développe une cohorte de personnes de plus de 65 ans composée de groupes distincts qui prendront de l'ampleur dans les prochaines années. On s'entend qu'un aîné de 65 ans, ce n'est pas la même chose qu'un aîné de 90 ans. Donc, il va être de plus en plus fréquent de voir un aîné de 65 ans prendre soin d'un grand aîné de plus de 90 ans. On a vu, hein, qu'une des classes de population qui augmente le plus rapidement actuellement au Canada, c'est les centenaires. Ça a un impact, ça, ça a un impact qui déboule dans la vie des familles. Ça fait comme une espèce de domino dont on souhaiterait tous pouvoir se protéger. On estime donc que la mesure d'assistance et la représentation temporaire vont permettre aux familles de mieux composer avec tous les défis qui sont issus de cette situation-là.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

Mme Rhéaume (Marie) : Donc, soutenir les personnes fragilisées dans leur quotidien est une responsabilité que plusieurs familles jouent naturellement. Ce soutien est plus ou moins important en fonction des besoins, qui sont multiples mais essentiels, donc que ce soit pour faire toutes les phases, vous le comprenez, que les personnes fragilisées ont besoin de traverser. Des fois, juste s'ajuster avec la technologie, avec les fournisseurs de services, plus on vieillit, plus ça devient compliqué. Étant donné le nombre de personnes que ça touche, on pense que c'est important d'encadrer légalement certains éléments du travail de soutien des personnes et de donner les moyens aux familles d'être en mesure de le faire, que les familles puissent compter...

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant.

Mme Rhéaume (Marie) : Pardon?

La Présidente (Mme Chassé) : En terminant.

Mme Rhéaume (Marie) : En terminant, donc...

La Présidente (Mme Chassé) : Cinq secondes.

Mme Rhéaume (Marie) : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est terminé. Merci pour votre exposé. On va maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous pour une période... pour un bloc de 16 minutes.

M. Lacombe : Est-ce qu'il vous restait plus de choses à dire? Aviez-vous encore beaucoup de choses que vous auriez aimé nous partager?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, je vais essayer de le faire à travers les échanges.

M. Lacombe : Est-ce qu'on peut leur donner du temps?

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, le ministre vous offre du temps pour bien terminer. Qu'en pensez-vous?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, c'est... Je vais essayer de faire ça vite, là.

La Présidente (Mme Chassé) : Non, allez-y, prenez votre temps. Il vous offre du temps.

Mme Rhéaume (Marie) : Donc, on pense que les dispositions actuelles correspondent vraiment bien à la situation qu'on retrouve, en particulier celles qui ont de l'impact pour un nombre grandissant de familles, d'avoir la possibilité de seconder nos grands aînés en ne se faisant pas toujours barrer la route, en étant capable de dire : Bien non, moi, je suis mandaté, je suis capable de le faire, de ne pas toujours se faire dire : Bien, vous n'êtes pas son époux, donc, ou vous n'êtes pas son épouse. C'est déjà assez compliqué de se retrouver dans l'ensemble des situations. Puis, j'imagine, vous ne le savez pas, parce qu'il y en a plusieurs qui sont très jeunes, mais plus nos parents vieillissent... On se retrouve souvent avec des décisions à prendre pour l'état de santé, puis, bien, ça permet... ça va permettre aux gens de bien... d'être en mesure de bien seconder leurs aînés, de la même façon que ça donne des moyens d'encadrer, là, tout ce travail-là qui est fait par le proche, là, qui va être désigné par la personne comme assistant. On trouve que c'est vraiment des mesures qui correspondent bien à la société actuelle. Donc, pour cette raison-là, le réseau est satisfait des décisions qui ont été prises en ce sens-là pour le nouveau projet de loi.

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, j'invite notre jeune ministre à prendre la parole.

M. Lacombe : Mais c'est intéressant, ça, parce que, et peut-être pour ajouter à ce que vous venez de dire, malgré, parfois, notre jeune âge, on peut aussi avoir recours à la mesure d'assistance, par exemple pour aider un proche, parce que ça ne s'applique pas seulement pour les aînés qui auraient besoin d'aide. C'est la beauté, selon moi, de ce qu'on propose. Ça s'applique aux gens aussi qui vivent, par exemple, avec une maladie. En fait, ça s'applique à tout le monde. Donc, c'est la beauté de la chose.

M. Villeneuve, Mme Rhéaume, c'est toujours un plaisir de vous croiser. Merci beaucoup, donc, d'être ici avec nous aujourd'hui.

Vous parlez pour un large public, hein, vous représentez beaucoup de gens. Vous parlez au nom des familles. Et, tantôt, ça me faisait sourire, vous parliez de vos deux cailloux, il y en a un que c'est la conciliation famille-travail, l'autre est l'accès aux services. Peut-être pour vous donner encore plus de temps d'aller au bout de votre pensée sur l'assistant... J'ai l'impression que l'assistant va prendre beaucoup de place ou va répondre, disons, à beaucoup de besoins de familles. C'est l'objectif. Est-ce que c'est votre point de vue aussi?

• (12 h 30) •

Mme Rhéaume (Marie) : Pour nous, c'est la mesure... Comme Raymond l'a dit tantôt, toute la question qui est liée aux difficultés, là, prononcées de personnes qui ont des problèmes avancés, par exemple de santé mentale ou de déficience intellectuelle, on n'est pas allés de ce côté-là parce qu'on sait qu'il y a plein d'intervenants, là, qui sont en mesure de venir vous parler de ça. Nous, ce qui nous intéressait, c'était de parler du point de vue de la famille, pourquoi on a pris comme exemple... bien, les avantages, c'est ce qui nous a sauté le plus rapidement, là... c'est la conclusion qui nous est venue le plus rapidement, que c'était la mesure qui était le mieux adaptée. On sait que, oui, on peut assister d'autres personnes qui ne sont pas nécessairement en situation, là... qui ne sont pas des personnes aînées. Mais, en même temps, cet élément-là va être tellement important dans les années qui s'en viennent, en termes de nombre, que c'est ce qui nous est apparu comme étant la situation peut-être la plus brûlante pour les familles. Tu sais, ce n'est pas long, hein, la vie passe vite, on se retrouve, là, tu sais, les parents ont 80 ans, puis là, woups! ça se met comme à se détériorer, tu sais, la situation, sans nécessairement que les gens aient des grands problèmes, mais il y a une vraie fragilité qui s'installe puis de nervosité vis-à-vis de toutes sortes de décisions. Puis, quand on n'est pas bien équipé pour soutenir la personne, bien, c'est comme... on ne rajeunit pas, nous autres non plus, des fois, ça fait comme... ça énerve tout le monde, ce n'est pas aidant. Mais, si on pense que ça risque de se produire dans la majorité des familles, éventuellement, bien, on pense que cette mesure-là, le fait de ne pas avoir à recourir au tribunal, le fait de pouvoir être inscrit mais aussi d'être désinscrit, si jamais la situation ne va pas bien, on pense que c'est vraiment une mesure, là, qui correspond bien à la réalité des familles d'aujourd'hui.

M. Lacombe : Donc, on parle... on vient surtout de parler de faciliter la vie dans des familles, mais je vais un petit peu plus loin, parce que le premier caillou dont vous nous avez parlé, c'est l'accès aux services. Est-ce que vous diriez que, par définition, au-delà du fait que ça va simplifier la vie des familles, ça va aussi améliorer l'accès aux services?

Mme Rhéaume (Marie) : Je pense qu'on a un peu une pente à remonter pour toute la question de l'accès aux services. C'est quelque chose qui a été amené de façon spontanée et très fréquente par toutes les familles qui se sont exprimées. Quand je disais, un peu plus tôt, toute la question des évaluations... Des fois, quand on a les moyens, on peut facilement aller au privé pour avoir les évaluations, pour que ça aille un peu plus rapidement, mais, actuellement, il faut vraiment que les familles soient en très mauvaise situation financière ou en très, très grande détresse pour réussir à avoir des services. Quand on est dans une situation un peu entre les deux, les services, ça ne se précipite pas sur nous, là.

M. Lacombe : Je vais préciser ma question... Oui, allez-y, M. Villeneuve.

M. Villeneuve (Raymond) : Dans le fond, c'est ça, ce qu'on voit dans ce cas-là, mais, de façon macro, c'est toute la question, dans le fond, de l'interface entre la personne et le réseau de service, souvent, qui est très, très, très complexe. Et je connais plein d'intervenants de bonne volonté, d'intervenants, gestionnaires, de personnes impliquées qui ont à coeur ce qu'ils veulent faire, mais de comprendre l'environnement dans lequel on est, d'avoir un suivi de service, on sait que c'est vraiment des grands enjeux pour les familles, pour les personnes âgées, pour les jeunes, et tout ça.

Et, dans le fond, ce qu'on voit souvent, le genre de solution structurante, c'est tout ce qui va dans le sens de l'accompagnement, de l'intervenant pivot, d'avoir quelqu'un qui a une espèce de vision macro de l'environnement et qui est à même de guider, d'accompagner les personnes vers le bon endroit. Parce que la rupture d'accompagnement, souvent, c'est catastrophique, et c'est pour ça qu'on trouve ça intéressant, on va dans le bon sens, mais c'est sûr que ça ne réglera pas tout. Mais, je pense, c'est ça, quand on peut regarder vraiment la question de l'interface entre la personne qui a le besoin et l'offre de service, je pense qu'on se rapproche vraiment de quelque chose, et, dans plein de milieux, c'est vrai. Et je pense qu'il y a vraiment quelque chose d'important puis que, collectivement... sur lequel on doit réfléchir parce que, si le service existe, mais qu'on n'y a pas accès, c'est comme s'il n'existait pas finalement. Ça, c'est un bon exemple, la question d'évaluation. Et puis même une fois qu'on est évalué, après ça, il faut avoir accès aux services, et tout ça, là, cette espèce de chaîne là, cette espèce de mécanique là, souvent... Je pense qu'on peut mieux travailler ensemble dans ce sens-là.

M. Lacombe : Donc, si je comprends bien, évidemment que ça améliore... Ça n'ajoute pas de médecins, ça n'ajoute pas de travailleurs sociaux, évidemment, dans le réseau, mais ça améliore l'accès aux services, en ce sens où l'interface est simplifiée. La personne a accès à parler à quelqu'un peut-être plus facilement en étant assistée.

M. Villeneuve (Raymond) : Tout à fait. Puis c'est sûr, particulièrement dans le cas des personnes âgées qui... Écoute, il y a des gens, vous le savez, là, qui ont cinq spécialistes différents, puis là il faut qu'ils passent des heures, à chaque semaine, à parler au téléphone. Tout ça peut devenir extrêmement lourd. La personne, s'il y a un paquet de rendez-vous, et tout ça, donc, la question de l'interface, et tout ça... Et ça, c'est un pas dans la bonne direction, la question de l'accompagnement des personnes, mais je pense aussi qu'il y a l'accompagnement des personnes de l'autre côté aussi, là, qui est à améliorer, il nous semble, au réseau, là.

M. Lacombe : Et, dernière question pour moi, je vais laisser la parole à une collègue après, il y a une nouvelle façon aussi de voir la mission du curateur, qui va changer de nom, on en a parlé tantôt, c'est-à-dire qu'on introduit sa mission, et, dans la mission, il y aura cette obligation de diffuser l'information. Donc, il y aura un devoir d'information pour s'assurer que tout le monde comprend bien son rôle et qu'on sensibilise aussi le public. Est-ce que ça répond aux préoccupations, vous pensez, des gens que vous représentez?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, je pense que c'est essentiel, là. Si on veut des gens qui sont capables d'être actifs, le mieux, c'est quand ils sont aussi informés. Puis on a parlé d'informer les gens qui ont à s'occuper d'autres personnes, mais c'est aussi d'informer tout le monde qui est sur le terrain des enjeux puis des défis, là, qu'il y a pour les personnes, là.

M. Lacombe : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Je comprends que la députée de Bellechasse désire prendre la parole.

Mme Lachance : Merci, Mme la Présidente. Vous m'allouez combien de temps, Mme la Présidente?

La Présidente (Mme Chassé) : Six minutes.

Mme Lachance : Six minutes? Merci. Merci, M. Villeneuve, merci Mme Rhéaume, merci de prendre le temps de nous donner le point de vue des familles. À cet effet-là, tout à l'heure, vous avez mentionné, outre les deux cailloux, vous avez aussi mentionné qu'il y avait eu un sommet des familles en mai 2018 dans lequel des propositions avaient été déterminées. Plusieurs propositions?

Mme Rhéaume (Marie) : Plus que ce qu'on était capables de traiter. Au départ, on pensait que les gens n'auraient pas de... On est sortis de là avec au-dessus de 400 propositions.

Mme Lachance : Excellent. Dans cette optique-là, est-ce que le projet de loi n° 18 répond aux énoncés qui ont été faits dans ces propositions-là?

Mme Rhéaume (Marie) : Je dirais, il répond en mettant des mécanismes, comme on dit, le lien qu'on a fait avec tout le côté, là, de l'accès aux services. C'est de cette manière que le projet répond, en facilitant les choses, en facilitant les processus. C'est tout à fait dans la bonne voie, là, de ce qui a été formulé par les familles. Mais on n'avait pas de recommandation précise concernant le curateur ou les gens, là... Ça, c'est des choses qu'on va plus retrouver quand il y a des enfants avec des gros handicaps ou des choses comme ça, là.

M. Villeneuve (Raymond) : Oui. Puis, peut-être, ce que je pourrais ajouter, ce qui ressortait beaucoup, évidemment, c'est toute la question des fameux silos, là. Et, à ce niveau-là, je pense qu'il y a vraiment des défis de réflexion collective, tu sais, comment est-ce qu'on fait pour travailler ensemble pour les familles.

Vous le savez, les familles... Il y a un paquet de dimensions dans la vie des familles. Oui, il y a les aînés, oui, il y a les enfants, oui, il y a l'éducation, oui, il y a un paquet, paquet de choses, et, dans notre structure actuelle, toutes ces responsabilités-là, ces enjeux-là sont répartis dans un ensemble de ministères, dans un ensemble d'offres de services, dans un ensemble de programmes. Et, même nous — c'est notre travail au quotidien — à un moment donné, on n'arrive pas à se démêler dans tout ça. Alors, je pense que, dans le fond, si on veut soutenir n'importe quel membre de la famille, il faut se poser la question, là, de l'appareil gouvernemental, comment est-ce qu'il intervient.

Et c'est sûr que nous, on est vraiment des fans de l'importance du ministère de la Famille pour intervenir dans ce sens-là, pour avoir une vision transversale sur les familles. Et, oui, il y a des enjeux spécifiques, des responsabilités particulières, au ministère de la Famille, mais on pense que le ministère de la Famille devrait être vraiment un interlocuteur privilégié pour interpeler aussi les autres ministères sur les enjeux, autant que Santé et Services sociaux, Justice, Travail, et tout ça, Éducation, parce que c'est toujours la même famille qui se promène d'un service à l'autre, qui se promène d'un ministère à l'autre. Et, si on oublie ça, à un moment donné, c'est que la... C'est la famille, c'est la personne qui doit traiter avec tout ça. Donc, je pense que cette vision-là est vraiment importante, de dire : C'est toujours la même personne. Et, si on oublie ça, c'est elle qui va devoir cogner aux 40, 50, 60 portes, là.

Ça fait que, dans ce sens-là, je pense que ce projet-là est dans la bonne direction, mais il faut le voir encore plus largement que ça, là, l'ensemble de la démarche, là, si on veut vraiment atteindre les objectifs qu'on souhaite atteindre.

• (12 h 40) •

Mme Lachance : Merci pour votre réponse. Vous l'avez dit, il y a plusieurs familles, plusieurs types de familles, c'est vrai, hein, et puis le rôle d'aidant naturel incombe souvent à la famille ou à la famille élargie. Dans cet ordre d'idée là, est-ce que vous pensez que ça va faciliter la vie des familles? Puis est-ce que le projet de loi pourrait être bonifié ou amendé pour y répondre davantage?

Mme Rhéaume (Marie) : Déjà, en mettant la disposition d'assistant puis l'autre disposition, là, de représentation temporaire, c'est des éléments qui vont faciliter la vie des familles qui ne sont pas aux prises avec des difficultés peut-être plus profondes ou plus avancées. Je pense qu'on aurait intérêt à l'expérimenter puis peut-être à faire les ajustements nécessaires avant de dire... Tu sais, c'est difficile d'améliorer quelque chose qui ne fonctionne pas encore, là. Je pense que c'est de s'assurer... Je pense qu'il y a beaucoup de dispositions qui ont été prises pour s'assurer que ça fonctionne correctement. Sur l'expérience, j'imagine, qui a déjà été accumulée au fil des ans par le curateur, j'espère qu'ils ont pris le temps de considérer l'ensemble des éléments. C'est certain que, des fois, on voit les choses dans le sens d'empêcher que les personnes en situation de vulnérabilité subissent de l'exploitation, mais aussi il faut voir la partie qui incombe aux familles puis ne pas rendre ça tellement difficile que c'est un parcours du combattant, puis que la première chose que tu te dis, c'est : Plus jamais je ne vais m'embarquer dans un parcours comme ça. Je pense que c'est ça, c'est toute cette médiation-là qu'il faut opérer entre ceux qui prennent soin et ceux qui ont des besoins.

Mme Lachance : Merci. Me reste-t-il une petite minute?

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

Mme Lachance : Excellent. Vous l'avez dit, bien, en fait, vous l'avez mentionné sans le dire, l'esprit du projet de loi, c'est tenir compte des volontés puis des préférences de la personne puis de valoriser son autonomie. Tout le monde s'entend pour dire que c'est excellent puis que c'est un principe essentiel, mais est-ce que vous pensez, dans cette optique-là, que certains... ça pourrait alourdir le rôle des familles ou contribuer à rendre les choses plus complexes?

Mme Rhéaume (Marie) : Je pense que le rôle des familles est... Les familles ont des vies passablement bien remplies avec de nombreuses responsabilités. C'est certain que tout ce qui contribue à... Tu sais, si, quand tu as... Admettons que tu as la charge de t'occuper de quelqu'un, mais que, finalement, tu as des outils puis tu as des dispositions qui t'aident à le faire, bien, déjà, tu te sens comme mieux appuyé dans ce que tu fais.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 10 secondes.

Mme Rhéaume (Marie) : Donc, de ne pas mettre des charges inutiles sur le dos des familles va les aider, là.

Mme Lachance : Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour ce bloc d'échange. Ça m'a fait plaisir, Mme la députée de Bellechasse. J'invite maintenant la députée de Westmount—Saint-Louis à prendre la parole pour un bloc de 10 min 40 s.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Alors, je vais faire un peu de pouce sur qu'est-ce que ma collègue, elle vient de vous demander. J'aimerais vous entendre, peut-être... votre opinion sur les proches aidants familles, aidants naturels, parce qu'on parle... Est-ce qu'on devrait avoir une mention dans ce projet de loi vis-à-vis leur rôle puis peut-être réduire la lourdeur pour ces familles-là? Parce qu'on comprend que ces parentés... ces familles... Est-ce qu'on devrait mettre quelque chose dans le projet de loi pour eux?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, je pense qu'en tout cas c'est ce qu'on comprend quand on lit le projet, que ça peut s'adresser à ces personnes-là. Je sais qu'il y a une politique des proches aidants qui est peut-être en élaboration, là, il me semble que j'ai vu que ça pourrait venir après... Bien, ça serait intéressant que les choses soient arrimées, parce que c'est évident que... Tu sais, c'est certain que la mesure d'assistance peut toucher des gens plus jeunes, peut toucher d'autres personnes, mais, quand on a lu le projet, on l'a vraiment lu avec des yeux de se dire : Bien... Tu sais, je peux juste vous donner un exemple. J'ai 63 ans puis ma mère a 90 ans, mon père est décédé l'année passée, on voit bien qu'on est dans des situations où ça peut se dérégler très rapidement, où on peut se retrouver... Bien, je veux dire, moi, je suis encore sur le marché du travail. Oui, on se partage ça entre nous, mais on le voit autour de nous aussi, là. Tu sais, les gens nous disent : Moi, ma mère est rendue là, moi, mon père est rendu là, on vient de traverser ça. Il y a tous les gens aussi qui ont des enfants avec des besoins particuliers, des enfants qui vieillissent, eux qui vieillissent aussi, donc c'est certain que c'est toute la question, là, des proches aidants. Si ça peut aider de l'inscrire dans le projet de loi, de le spécifier, je ne crois pas que ce soit... C'est une modification qui va être bien accueillie.

Mme Maccarone : Est-ce qu'on a besoin d'un registre pour quelqu'un qui est proche aidant? Un registre pour eux?

Mme Rhéaume (Marie) : Un registre?

Mme Maccarone : Oui.

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, j'ai compris que, quand on avait la mesure d'assistance, tu t'étais inscrit en quelque part. Puis, au moins, quand tu entrais dans le système, tu pouvais prouver que tu étais la personne qui était déléguée. Je pense que c'est une mesure qui est intéressante en autant que ça ne soit pas trop compliqué, puis que ça ne vienne pas alourdir encore la démarche, là.

Mme Maccarone : J'aimerais vous entendre... Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais j'ai déposé un mandat d'initiative pour faire une étude par rapport à la transition de l'âge mineur à l'âge adulte pour les personnes autistes. C'est sûr, c'est quelque chose qui m'interpelle personnellement. Mais vous avez parlé de l'intervenant pivot. C'est un sujet que je trouve vraiment intéressant puis très important. Entre autres, j'espère que le gouvernement va accepter de discuter, par rapport à ce mandat d'initiative, parce que je pense que le bénéfice, ce serait non seulement pour les personnes autistes, mais vraiment pour les personnes inaptes, des personnes qui ont un besoin, peu importe comment qu'on va le décrire, les personnes handicapées... Je pense qu'on mérite vraiment de discuter l'idée de l'intervenant pivot. J'aimerais vous entendre un peu là-dessus, ce serait quoi, le rôle, les responsabilités, puis comment que ça peut vraiment aider, parce qu'on comprend que ce n'est pas nécessairement l'accompagnateur de la personne qui a besoin d'aide.

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, actuellement, là, je dirais que, dans... autant pour les parents qui ont des tout petits enfants, autant pour les parents qui ont des enfants à besoins particuliers, autant pour les grands enfants qui ont des vieux parents, tout le monde parle de l'intervenant pivot. Est-ce que l'intervenant pivot n'est pas le symbole comme quoi c'est tellement difficile de s'orienter à travers les services que ça prend, comme... un traducteur, presque, pour nous aider à dire : Ah! toi, dans ta situation, voici l'endroit où tu serais le mieux d'aller?

En tout cas, comme représentant des familles, là, je pense qu'on a à se questionner là-dessus, puis ça vient tout à fait appuyer nos propos quand on dit que la mise en silo des services fait que ça devient comme un parcours du combattant, de toujours répéter ton histoire, puis, quand les intervenants changent, de recommencer. Donc, c'est certain qu'avoir des personnes qui facilitent la navigation dans le milieu, c'est certainement un atout pour les familles dans la mesure où cette personne-là aide à traduire les besoins qui sont exprimés par la famille puis à dire : Voici ce qui serait le mieux dans votre situation, là. Tu sais, c'est certain, c'est comme une voie rapide, on pourrait dire.

M. Villeneuve (Raymond) : Oui. Puis, si je peux poursuivre, c'est que c'est sûr que souvent les services sont organisés pour répondre à un problème. Problème, solution, on est beaucoup dans cette logique-là. Sauf que la difficulté qu'on a, c'est... s'il y a un enfant qui a plusieurs problèmes, il se retrouve lui-même dans plusieurs corridors de services, et, si tu as une famille dont plusieurs membres ont plusieurs problèmes, ils peuvent se retrouver dans plein, plein, plein de corridors de services en même temps, et, dans chacun des corridors de services, il peut y avoir un ensemble de péripéties. Donc, là, à ce moment-là, on morcelle tout à partir, justement, des problèmes, et ça, ça devient un gros, gros, gros enjeu. Et la famille, c'est une entité où il y a plusieurs personnes, où il y a plusieurs agents. C'est pour ça... C'est ça, l'intention des groupes de médecine familiale, c'est de dire : Dans le fond, c'est un groupe de personnes qui intervient. Et l'idée de l'intervenant pivot, c'est avoir quelqu'un qui peut... Est-ce qu'il peut considérer les enjeux dans leur globalité et non pas juste comme un ensemble de problèmes? Et ça, je pense, c'est vraiment quelque chose qui est très ancré dans notre façon de fonctionner et qui est très, très lourd pour les gens qui sont aux prises avec tout ça. Donc, d'avoir une espèce de vision globale sur les enjeux et des personnes et des familles.

Et c'est pour ça, quand on parlait, au début, de ne pas parler de personnes vulnérables mais de personnes en situation de vulnérabilité, c'est d'arriver avec une approche, dans le fond, systémique où, oui, il y a la personne, mais il y a son environnement, il y a sa société, il y a tout ça. Et, je pense, c'est toujours ce qu'il faut ramener, parce que, sinon, on peut mettre un diachylon sur un problème, mais ça demeure toujours, toujours partiel. Donc, c'est toujours ça. Puis j'ajouterais peut-être juste... Mon garçon est Asperger, donc il n'est pas autiste, et tout ça, mais il est Asperger au quotidien, donc c'est des situations qui me touchent aussi, et, effectivement, des fois, l'accès aux services, c'est très compliqué, là. Puis, en plus, il est majeur, puis, s'il refuse des services, et tout ça, c'est tout... il y a plein d'enjeux. Ça fait qu'en tout cas il y a plein, plein, plein de choses derrière ça. Mais je pense qu'effectivement, là, l'idée d'aller dans une façon globale, on est toujours, toujours gagnant. Et le système nous fractionne souvent les enjeux, et ça, ça ne nous aide pas dans la... comme famille.

• (12 h 50) •

Mme Maccarone : Avec cette définition, trouvez-vous que ce serait important, d'abord, pour cette commission, à peut-être décider ou de discuter l'importance de rajouter le mot «intervenant pivot» dans le projet de loi n° 18, avec une description? Parce que ce n'est pas nécessairement la personne qui va aider, ce n'est pas nécessairement le tuteur, c'est vraiment quelqu'un dans le réseau qui va aider. C'est un rôle à identifier, mais pensez-vous que peut-être ce serait intéressant de le rajouter?

M. Villeneuve (Raymond) : Bien, écoutez, on n'est pas des experts du projet de loi alors on va se garder une petite réserve.

Mme Maccarone : Moi non plus.

M. Villeneuve (Raymond) : Mais, en termes d'objectifs, de finalité, c'est sûr qu'on est pour ça, mais, techniquement... Je pense qu'on ne voudrait pas dire des bêtises, mais je pense que l'objectif est tout à fait louable, là, et important.

Mme Maccarone : Comment voyez-vous votre rôle dans l'éventualité... si jamais le projet de loi est adopté, comment voyez-vous votre rôle dans la dissémination de comment qu'on va participer dans la gestion d'un changement du réseau actuel à un nouveau réseau pour le Curateur public, le rôle du réseau Québec Famille?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, le réseau pourrait certainement jouer un rôle, sensibiliser ses membres qui sont autour de la table. On pourrait faire de la diffusion d'information. On pourrait certainement, là, transmettre, même, aux familles ou à ceux qui sont en contact avec les familles, là, les informations nécessaires pour bien naviguer dans ce nouvel univers là quand il y a des besoins, là.

Mme Maccarone : Est-ce que, dans votre expérience, vous avez des difficultés à... pour les régions, pour disséminer l'information dans les régions ou pour supporter les gens dans les régions qui ne sont pas urbaines?

Mme Rhéaume (Marie) : Moi, je peux difficilement parler de ça parce que, nous, on ne regroupe que des gens qui sont au niveau national, au niveau de la province. Donc, on a moins de ramifications sur le terrain, et c'est plutôt avec ces organisations-là qu'il aurait lieu de faire, là, les vérifications.

Mme Maccarone : Puis, ces organismes, est-ce qu'ils ont mentionné à vous que peut-être ils aimeraient avoir plus de points de contact pour le Curateur public dans leurs régions? Tu sais, je parle souvent de ça, les accès, la proximité. Je regarde... On a sorti une petite carte d'où ils sont présentement situés. Est-ce que ça serait au bénéfice de la population, peut-être, d'en rajouter, d'autres points de contact pour la population?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, c'est certain. Là, c'est difficile, là, je ne sais pas à quoi ça ressemble, là, en termes de répartition.

Mme Maccarone : Juste votre opinion.

Mme Rhéaume (Marie) : Mais c'est certain que, quand il y a des services de proximité, c'est plus facile que quand les gens doivent parcourir, là, des grandes distances, s'il y a lieu, là, pour faire le suivi.

Mme Maccarone : Parfait. Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça me fait plaisir. Nous allons maintenant passer à la députée de Sherbrooke pour un bloc de 2 min 40 s.

Mme Labrie : Merci. J'aimerais ça revenir sur la conversation qu'on avait tout à l'heure, sur la question de s'orienter dans nos services publics. On constate tous ici, dans nos bureaux de circonscription, que, même pour une personne qui est tout à fait apte, c'est très difficile, là, de se retrouver, à savoir où cogner pour avoir les services dont on a besoin, puis je n'ose même pas imaginer comment c'est difficile quand on doit le faire pour quelqu'un d'autre. Donc, certainement que la notion d'assistant vient introduire quelque chose d'intéressant. Mais êtes-vous en mesure de me dire, dans le système actuel, est-ce que le Curateur public offre suffisamment de soutien aux personnes qui sont tuteurs, curateurs? Est-ce qu'il a les ressources suffisantes au niveau du Curateur public pour assister les assistants ou les tuteurs?

Mme Rhéaume (Marie) : Bien, on espère qu'il va y en avoir assez. Ça, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question-là. Comme on vous dit, on n'a pas de... on n'a pas fait de grandes enquêtes, là, à l'intérieur, les membres du réseau, pour le savoir, mais je pense que ça fait partie, là, des éléments qui devraient être là, parce qu'en fin de compte soutenir ces personnes-là, c'est empêcher que ces personnes-là se retrouvent à la charge de l'État complètement, là. Donc, ces personnes-là mériteraient d'être soutenues adéquatement.

Mme Labrie : Donc, il devrait y avoir, au niveau du curateur, du soutien disponible pour les assistants, les tuteurs. Puis est-ce que c'est... mais on ne sait pas... Vous ne savez pas si, en ce moment, ce qui existe répond aux besoins de ces personnes-là.

Mme Rhéaume (Marie) : Non.

Mme Labrie : Bon, bien, en tout cas, j'espère que c'est entendu. Bien, il me reste un peu de temps, si vous voulez...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

Mme Labrie : Voulez-vous le prendre, le temps? Je ne sais pas si on... Moi, si on peut m'éclairer sur qu'est-ce... (panne de son) ...soutien déjà offert par le curateur, est-ce que ça va être adéquat pour répondre?

La Présidente (Mme Chassé) : Je sais qu'en général on essaie de limiter ce genre d'échange là, parce qu'on aura l'occasion dans d'autres étapes... Ça fait que, là, je vous avise que ces libertés-là que vous prenez sont à limiter à l'étape-ci.

Mme Labrie : On me répondra à un autre moment, alors.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Vous allez avoir l'occasion de d'autres discussions. Alors, ça termine votre propos? Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Joliette.

Mme Hivon : Merci beaucoup pour votre éclairage. Deux angles de question dans mon gros 2 min 30 s. Vous avez dit tantôt que le suivi des services, c'était vraiment tout un défi puis que, quand il y a une rupture dans l'accompagnement, c'est une catastrophe. Donc, vous accueillez favorablement, je l'ai bien compris... Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples vraiment concrets de ce qui n'est pas possible en ce moment, en termes d'accompagnement, de suivi, pour éviter ces ruptures-là puis qui deviendraient plus faciles avec le projet de loi? Je pense que ça nous éclairerait, parce que certains hier ont dit que ça ne changeait rien, le projet de loi. Il y en a peu, là, mais donc j'aimerais ça, si vous avez des exemples concrets.

Puis la deuxième chose, c'est qu'il y a un ou deux groupes qui nous ont dit, justement : Avec les aidants naturels... Ils ont proposé d'avoir la notion d'un assistant substitut pour ne pas être obligé de multiplier, par exemple, les demandes d'assistants si un assistant est fragilisé ou a un moment... Est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qu'on devrait envisager?

Mme Rhéaume (Marie) : Oui, je pense que... Mais il y a déjà, en tout cas, une disposition... Je pense qu'il peut y avoir plus que seulement un assistant, là, dans... pour une personne, là. La personne choisit les assistants. Les difficultés, en tout cas, nous... Moi, ce dont j'ai été témoin, là, je peux le dire, c'est quand tu es dans une visite médicale puis que tu te fais rembarrer par l'intervenant pour dire : Vous n'avez pas accès, vous n'êtes pas le conjoint, on ne peut pas vous donner l'information, là, ton parent te regarde puis, tu sais, c'est comme... il y a un malaise, là, dans la... tu sais. Puis, comme j'ai dit, c'est encore le cas des parents vieillissants, là, mais, plus les parents vieillissent, là, tu te retrouves... chirurgie de la hanche, les cataractes, ce n'est pas une joke, là, ça fait vraiment partie du processus, ça fait que tu es beaucoup dans les services médicaux. Puis, souvent, bien, dans les services médicaux, c'est comme... tu sais, quand ils voient que tu es là, des fois, il y a un petit recul avant d'accepter, là, que tu sois là, puis... Mais c'est pour aider ton parent aussi à prendre les décisions. Des fois, il y a des décisions financières qui doivent être prises, à savoir est-ce que tu prends ce qui est fourni, est-ce que tu prends la prothèse plus chère parce que tu évalues telle ou telle chose. Bien, je pense qu'en étant signifié comme intervenant direct, bien là, comme assistant de la personne, tu peux, comme... mieux soutenir, là, ton proche, là, dans cette situation-là.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça conclut le bloc d'échange. Merci pour votre contribution aux travaux, très appréciée.

Je suspends la commission jusqu'à 15 heures. Bon dîner, tout le monde!

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 heures)

La Présidente (Mme Chassé) : La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 18, la Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en matière de protection de personnes. N'oubliez pas de fermer les sonneries et les vibrations de vos appareils électroniques. Et cet après-midi nous entendrons les organismes suivants : le Réseau Avant de craquer, la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, la Fédération québécoise de l'autisme.

Nous allons débuter avec le Réseau Avant de craquer. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous faire un signal de la main ou un signal vocal pour vous inviter à conclure. Vous commencez tout d'abord en vous présentant puis ensuite vous poursuivez. Bienvenue.

Réseau Avant de craquer

Mme Péloquin (Suzanne) : Alors, bonjour. Mon nom est Suzanne Péloquin. Je suis mère de deux jeunes adultes qui ont un problème de santé mentale.

Mme Levaque (Renée) : Bonjour. Mon nom est Renée Levaque, et je suis membre de l'entourage, moi-même, et présidente du Réseau Avant de craquer.

M. Cloutier (René) : Bonjour. René Cloutier, directeur général du Réseau Avant de craquer.

Mme Richard (Louise) : Bonjour. Louise Richard, membre de l'entourage et ex-avocate.

Mme Levaque (Renée) : Alors, Mme la Présidente, Mmes, MM. les membres de la commission, M. le ministre de la Famille, nous vous remercions de l'invitation à venir présenter nos commentaires sur le projet de loi n° 18. Notre présentation résumera évidemment le mémoire qui vous a été déposé et dont vous avez probablement déjà pris connaissance.

Quelques mots, avant, sur le Réseau Avant de craquer. La mission du Réseau Avant de craquer est de regrouper, représenter, soutenir et mobiliser les organismes oeuvrant auprès des membres de l'entourage de personnes atteintes de maladie mentale. Fondé en 1985, le réseau regroupe 39 associations à travers le Québec, et nos organismes membres offrent du soutien psychosocial aux membres de l'entourage, de l'information, de la formation, des groupes d'entraide, de même que du répit.

Quelques mots sur les personnes atteintes de maladie mentale. Une personne sur quatre sera atteinte d'une maladie mentale au cours de sa vie. Ça représente un tiers des dossiers actifs du Curateur public. Et, en santé mentale, l'incapacité est habituellement partielle, temporaire et variable dans le temps.

Dans le cadre des lois actuelles, il y a l'installation d'un vide social lorsqu'il y a un régime de protection public qui est mis en place. Cela équivaut à la mort civile pour la personne qui bénéficie du régime de protection public. Le projet de loi n° 18 est une opportunité qu'il ne faut pas manquer d'abolir cette situation inhumaine. Il faut préserver les liens affectifs avec la famille. Ces liens sont essentiels au rétablissement de la personne atteinte de maladie mentale.

Quelques mots sur les membres de l'entourage. Quatre personnes sur cinq ont un proche atteint de maladie mentale. Ce peut être un conjoint, un père, une mère, un enfant, un frère, une soeur, un collègue de travail. Dans la majorité des cas, la famille demeure la principale source de soutien et d'hébergement. La famille joue un rôle d'accompagnateur. Toutefois, souvent, elle est non informée et même non sollicitée par les services de santé mentale. M. Cloutier.

M. Cloutier (René) : Oui, alors, d'entrée de jeu, il faut vous dire que nous accueillons de façon très favorable le projet de loi n° 18. On va vous expliquer pourquoi. Tout d'abord, par l'introduction de la nouvelle mesure d'assistance. C'est une mesure qui est très congruente en santé mentale, et voici pourquoi : c'est qu'elle tient compte, comme disait ma présidente, de la nature partielle, temporaire et variable dans le temps de la maladie mentale. Aussi, c'est une mesure qui est simple, non judiciarisée, qui ne nécessite pas d'évaluation médicale ni psychosociale, donc très simple à appliquer par les familles et la personne assistée. C'est une mesure qui est très utile. Comme je disais, c'est une... la maladie mentale est variable dans le temps. Donc, quand ça va bien, la personne peut convenir avec un membre de son entourage d'être assistée dans les situations où il peut y avoir une crise ou une diminution de la capacité de jugement. Donc, en prévision de ces moments-là, c'est une mesure très utile.

En plus, cette mesure-là reconnaît le rôle essentiel de la famille qui assiste son proche, ce qu'on ne retrouve pas toujours, puis particulièrement dans le réseau de la santé. Souvent, très souvent, les familles ne sont pas informées, ne sont pas impliquées, contrairement à ce qu'on vit en santé physique, hein? On a tous accompagné des proches en santé physique. On n'a pas de difficulté de parler avec un médecin, un intervenant, et ce n'est pas le cas en santé mentale, malheureusement, encore. Pourtant, ce sont les mêmes lois sur la confidentialité, et surtout c'est que, dans le projet de loi, on prévoit que le tiers ne peut refuser que l'assistant agisse à ce titre. Vous voyez? Ça va contribuer à aider les familles à jouer le rôle d'accompagnateur.

Pour la mesure d'assistance, le défi, c'est l'implantation, c'est le changement des pratiques, le changement de culture que ça devra induire afin que les membres de l'entourage puissent jouer pleinement leur rôle. C'est pourquoi nous recommandons quelques ajouts additionnels pour renforcer justement la capacité d'application de cet objectif de permettre aux membres de l'entourage de jouer le rôle d'assistant.

Alors, particulièrement, on recommande une modification au Code des professions afin d'encadrer la capacité de transmettre de l'information et de recevoir de l'information aux membres de l'entourage, au Code civil du Québec et à la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

De plus, on recommande aussi d'ajouter, dans la Loi sur le curateur public, qui prévoit un pouvoir réglementaire, trois sous-éléments qui permettent de camper dans la loi qu'il doit y avoir un plan de communication de mise en place de cette mesure-là, et aussi de prévoir le soutien aux familles qui se voient malgré tout refuser ce rôle-là, d'assistant. Donc, comment on va soutenir ces familles-là tant que le changement de culture ne sera pas instauré tout partout?

Et, finalement, bien, on recommande la constitution d'un comité consultatif spécifiquement en santé mentale pour être capable de prévoir les spécificités d'application pour cette clientèle-là compte tenu de la variabilité de la problématique dans le temps.

Au niveau de l'intégration des régimes de protection, encore là, on en fait un accueil très favorable parce que ça amène une simplification des régimes de protection et ça amène l'obligation de moduler la tutelle afin que la personne conserve le plus possible l'exercice de ses droits civils. Mais, en même temps, le projet de loi n° 18, c'est l'occasion de mettre fin à la mort civile des personnes sous régime de protection lorsqu'il n'y a pas un proche impliqué pour maintenir des liens affectifs. Donc, c'est une opportunité pour maintenir l'espoir de rétablissement. En santé mentale, il faut toujours maintenir cet espoir-là parce qu'il est toujours possible. Ce n'est pas comme une maladie dégénérative ou génétique d'origine... bon, et il faut préserver aussi, donc, les liens affectifs afin d'éviter la mort civile.

Donc, nous recommandons quatre modifications, dont deux à la Loi sur le curateur public et deux à la Loi sur les services de santé et services sociaux, pour assurer l'implication d'un membre de l'entourage, qui est désigné par le curateur, à ce moment-là, hein, et lors des décisions qui concernent soit le bien-être ou la santé de la personne sous régime de protection public.

Puis, enfin, le titre de Directeur de la protection des personnes vulnérables, pour nous, c'est un titre qui n'est pas très recevable, puis je vous explique pourquoi, c'est que ça envoie un message contradictoire entre l'intention du projet de loi de promouvoir l'autonomie et la considération du potentiel de la personne et l'emphase que ce titre-là met sur la vulnérabilité de la personne. Alors, nous, ce qu'on recommande, c'est un titre qui est simple, hein, qui n'amène pas à créer un acronyme, hein, si on pense à la population, et on recommande un titre tel que tuteur public, qui dit bien ce que ça doit.

Mme Levaque (Renée) : Alors, en conclusion...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Il vous reste une minute.

• (15 h 10) •

Mme Levaque (Renée) : Une minute? Très bien. Le projet de loi n° 18 nous convie donc à de véritables défis de société : préserver la dignité des personnes et l'exercice des droits des personnes ayant une incapacité, de même que reconnaître le rôle essentiel des familles qui assistent leur proche dans son rétablissement vers la santé mentale.

Il s'agit d'une occasion unique de mettre fin à tout jamais à la mort civile des personnes sous un régime de protection publique et de maintenir l'espoir d'un rétablissement aux personnes ayant une maladie mentale.

Enfin, le Réseau Avant de craquer offre son entière collaboration pour la mise en oeuvre de cet important projet de loi pour les membres de l'entourage et leur proche atteint de maladie mentale.

Mesdames, messieurs, pour la période des questions, Mmes Richard et Péloquin, qui sont deux membres de l'entourage, pourront répondre à vos questions, d'autant que l'adoption de cette loi sera un apport direct bienvenu dans leur quotidien, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre exposé. Et nous allons débuter la période d'échange avec les membres de la commission. M. le ministre, la parole est à vous pour 16 minutes.

M. Lacombe : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous de vous être déplacés aujourd'hui pour nous partager vos observations, vos recommandations sur notre projet de loi. Effectivement, on a bien lu votre mémoire, on a pris des notes et on a quelques questions pour nous aider dans notre travail.

Donc, allons-y tout de suite. C'est à la page 6 de votre mémoire, donc au point 3.3, vous proposez, et corrigez-moi si je me trompe, mais vous proposez, selon ce que je comprends, que le directeur, lorsqu'il va agir comme tuteur d'un majeur, puisse désigner un proche ou un organisme communautaire pour assister ou épauler, conseiller, là, c'est peut-être le mot sur lequel je voudrais que vous précisiez votre pensée, dans son rétablissement, avoir accès aux informations nécessaires pour le faire. Au sens du Code civil, ce n'est pas possible parce qu'en fait on prévoit même que, lorsque la tutelle commence, le rôle de l'assistant prend fin, donc c'est comme ça que ça fonctionne. Par contre, ce que je vous dirais, puis c'est là-dessus que j'aimerais aussi vous entendre, le curateur — qui va changer de nom — le curateur est déjà très engagé pour s'assurer, par exemple, qu'il y ait une bonne représentation. Selon les données qu'on a, 87 % ont un plan de représentation, on parle de curatelle et de tutelle. Actuellement, c'est dans les directives qui régissent le... en fait, dans les directives que le curateur s'est lui-même donné, puis on voit que ça donne des résultats. C'est produit dans les six mois et c'est réévalué à chaque année.

Est-ce que, considérant, donc, que le curateur se fait déjà un devoir d'impliquer les proches, est-ce que ça répond à cette préoccupation-là ou, pour vous, malgré que le Code civil ne le prévoit pas, vous aimeriez... vous auriez quand même aimé qu'il y ait quelqu'un qui puisse agir comme assistant, même en cas de tutelle?

M. Cloutier (René) : Oui. En fait, puis en en discutant entre nous, on voyait aussi cette confusion-là. Quand quelqu'un est sous régime public, hein, et qu'on dit qu'il faudrait que le délégué, par exemple, du curateur, qui souvent se fie aux recommandations des intervenants dans ses décisions, soit assisté, ce n'est pas dans le sens de la mesure d'assistance de la nouvelle mesure. Donc, c'est parce que, évidemment, puis pour avoir travaillé dans le réseau de la santé aussi, on a un rôle d'intervenant, hein, et le délégué du curateur a un rôle, comment je dirais, de protection, de bonne gestion, autant des biens que de la personne, mais ces personnes-là ne peuvent pas jouer un... ne peuvent pas établir un lien affectif. Et c'est là-dessus qu'on insiste, que, pour aider le délégué, par exemple, à bien jouer son rôle, il faut maintenir ce lien affectif là avec un proche. Ce n'est pas parce que quelqu'un est sous curatelle publique que, nécessairement, il y a plus de membres de l'entourage. Souvent les membres de l'entourage, elles ne sont pas en mesure de soit gérer les biens ou d'apporter beaucoup d'aide, d'assistance à la personne. Et, pour aller au-delà de bien gérer les biens, les services donnés à la personne, pour nous, c'est important de préserver ce lien affectif là parce que c'est une des conditions essentielles si on veut maintenir l'espoir d'un rétablissement. En santé mentale, il y a toujours un espoir de rétablissement, mais s'il n'y a plus de membres de l'entourage qui se préoccupent, par exemple, du bien-être, est-ce qu'il mange bien, est-ce qu'on tient compte de ses intérêts, et tout ça, bien, on perd un élément là, et c'est là qu'on dit qu'il se crée un vide social. La personne est bien, elle est bien soignée, elle est dans une bonne institution, etc., bon, on s'assure de sa protection, mais il faut aller au-delà de ça.

Je sais que, dans certains dossiers, il y en a, des membres de l'entourage, qui sont impliqués. Maintenant, il y a encore certains dossiers, et ça, on pourrait l'illustrer, si vous voulez, où on voit les conséquences du fait que les familles ne sont pas impliquées ou mises à l'écart, dépendamment des situations.

M. Lacombe : C'est une bonne observation, merci. Mais, si... Je le souligne à nouveau parce que j'aimerais voir si ça vous rassure, quand même, le fait que 87 %, actuellement, là, à l'heure où on se parle, que 87 % des cas — ou des personnes, disons — sous curatelle ou tutelle ont un plan de représentation. Un plan de représentation vise exactement ce que vous venez d'énoncer, c'est-à-dire engager les proches avec la personne qui est sous curatelle ou sous tutelle, justement, tenir compte de ces éléments-là de préférence, assurer qu'il y ait des visites, et tout ça. Est-ce que ça vous rassure? Et on me dit, en plus, que... On me met un peu de pression pour que le pourcentage augmente.

Mme Richard (Louise) : Mme la Présidente, ce que j'ajouterais, c'est qu'on est dans une société de droit. On a le droit positif, c'est-à-dire les chartes, qui nous protègent de... nos droits fondamentaux. Mais il y a aussi ce qu'on appelle les droits naturels, et c'est dans ce cadre-là qu'il y a un vide, là, pour le curateur, je dirais, parce qu'au niveau des droits naturels c'est les droits qui sont nécessaires pour la survie de la personne. C'est aussi des droits, et, dans ces droits-là, vous avez les besoins vitaux, physiologiques, le besoin de sécurité et de protection. Et là, c'est très, très bien assuré par le curateur. Mais il y a trois autres besoins qui sont importants, qui sont le besoin d'amour et d'appartenance, le besoin d'estime de soi et le besoin de se réaliser. Et c'est là, dans ces trois besoins-là, que le rétablissement se situe. Et ça, la curatrice ou le curateur a beau être le plus humain possible, il ne remplacera jamais le proche. Moi, j'ai déjà été infirmière et, lorsque je mettais la main sur un patient, ça ne fait pas les mêmes vibrations que si c'était son conjoint qui le touchait, ou sa fille, ou un membre de la famille. On ne peut pas, en tant qu'étranger à la personne, apporter ces trois besoins fondamentaux naturels, qui sont le besoin d'appartenance, et tout ça.

Mais les besoins de sécurité... En fait, quand la personne se trouve sur la curatelle publique, on prend soin de ses biens et de sa personne, mais de son état d'humain, là, c'est là qu'il y a un trou, et c'est ce qu'on aimerait bien... profiter de l'occasion pour, justement, combler ça parce que c'est la place qu'on met pour les proches. Et, depuis 1989, le ministère de la Santé l'a mis dans on plan d'action en santé mentale, et, à chaque cinq ans, il y a un plan d'intégration qui est révisé. Et on mentionne tout le temps combien, c'est important, essentiel, la place des proches pour le rétablissement.

Alors, Mme la Présidente, c'est maintenant ou jamais où on doit mettre dans la loi cette expression-là, formelle. Notamment, si on avait juste une recommandation à accepter, je dirais : Acceptez au moins notre recommandation n° 1, qui dit que tous les professionnels doivent respecter la confidentialité. Cependant, à moins d'une expression expresse de la loi, là, ils peuvent... Et c'est ça qu'on dit : Le proche qui va être identifié par le curateur pour jouer ce rôle-là, garder le lien affectif, c'est ça qu'il faut qu'il soit mis comme... dans les exceptions aux droits de la confidentialité. Et ça, c'est fondamental, parce que ça fait 30 ans que ça dure, ça n'a jamais été comblé, ce point-là, parce qu'on oublie que, dans notre société de droit, on a les droits naturels qui sont nécessaires pour la survie de la personne.

Une voix : ...

M. Lacombe : Vous vouliez parler? Oui, allez-y.

Mme Péloquin (Suzanne) : Oui, j'aurais aimé en rajouter. En fait, lorsqu'on est en train d'aborder une modification légale, arrivent avec ça tous les contextes de l'intervention, par exemple, dans le réseau de la santé. Vous savez, moi, j'ai deux enfants. J'ai plus de 18 ans d'expérience à tenter d'accompagner mes enfants, tantôt dans une désorganisation où ça me demande d'utiliser la P-38, donc une intervention policière qui va rentrer dans la vie de mon enfant, qui va le prendre, le coucher à terre avec des petits gants. Pourquoi? Parce que le Code des professions va m'interdire à moi, comme parent, de rentrer en relation avec l'intervenant puis dire : Je trouve que mon enfant, en ce moment, vit une situation de dangerosité.

• (15 h 20) •

Mon enfant, par moments, va avoir une vie tout à fait merveilleuse, que j'espérais, comme quand je les ai mis au monde, parce que lorsqu'on porte un enfant, ce qu'on espère, c'est qu'il va avoir une meilleure vie que la nôtre. Or, la maladie mentale va venir entacher ça dans la vie de nos enfants. Tantôt, ils vont être en mesure d'avoir une vie sociale, à d'autres moments, à cause des éléments de la psychose, ils vont tellement se désorganiser, ils vont tellement devenir inintéressants que la vie sociale va se couper de leur vie. À un autre moment donné, ils vont réussir à rentrer sur le marché du travail, mais, en raison de l'incapacité à se lever parce que le traitement, par exemple, les empêche de se lever un matin, ils vont perdre leur emploi. Un autre échec. À un autre moment donné, ils vont avoir des périodes de toxicomanie qui va s'ajouter à la maladie mentale, qui va faire en sorte qu'ils se retrouvent sur un coin de rue à vous quêter ici, devant l'Assemblée nationale pour pouvoir soi-disant aller prendre un café. C'est ça la réalité d'une personne qui vit un problème de santé mentale.

Il y a donc des épisodes où ces épisodes-là le mettent en danger pour sa sécurité. C'est des moments aussi où la famille, on doit travailler plus fort pour rester en relation avec eux, parce qu'ils s'installent en rupture de lien avec nous. Lorsqu'ils arrivent dans le réseau de la santé, bien, là, on fait face, nous comme parents, et je vous le dis, je gagne à la 6/49 chaque fois, est-ce que je suis face à un intervenant capable d'avoir le courage de s'éloigner un petit peu de son secret professionnel ou de son code des professions pour m'entendre dans ma compétence de parent et entendre mon jugement et que mon jugement est bon, que je suis un parent bienveillant et que ce que j'amène comme information va faire une différence dans l'intervention qu'il faut faire auprès de mon enfant.

Et là, vous me direz : oui, mais s'il le suivait, son traitement? Alors, c'est propre de la maladie mentale. Toute personne et toute personne qui vit une situation de santé mentale, à un moment donné, ne veut plus les prendre, ses pilules, même quand tu as fait une dépression, parce qu'enfin tu voudrais retrouver ton état de santé avant. Mes enfants, ils sont comme tous les autres. Alors, ils ont des périodes qu'ils arrêtent de prendre leur médication. Dans ces périodes-là, moi, j'ai besoin, j'ai besoin que les portes s'ouvrent pour que je puisse jouer mon rôle de parent sans m'épuiser, parce que lorsque je défonce une porte, que j'accompagne mon enfant malade, que je le lave aussi parce qu'il ne se lavera plus pendant un certain temps, que je ne le reconnais plus, qu'il me parle à travers un langage psychotique, puis que moi, j'essaie de rester en relation avec son coeur, parce que je le sais que c'est par le coeur que je vais le ramener à la vie, et que je fais face constamment à des portes qui se ferment, parce que la TS me regarde par son code des professions, parce que le gestionnaire me regarde en absence de mon droit, parce tout le monde me regarde en disant : Restez dans la salle d'attente, Mme Péloquin, puis que Mme Péloquin, parce qu'elle est courageuse, parce qu'elle connaît le système, va utiliser... faire des plaintes, va foncer à travers la porte, bien, en bout de ligne, quand Mme Péloquin, elle retourne dans son stationnement, toute seule, puis dire : Écoutez, là, en ce moment, mon fils n'a pas la capacité décisionnelle, et je suis la première à espérer qu'il la retrouve... Sachez que je suis la première, parce que chaque fois que mon enfant va mieux, parce qu'il se rétablit, je redeviens le parent qui avait le même espoir quand que j'ai porté mes enfants. Le même parent.

Alors, c'est ça. Et peut-être qu'aujourd'hui quand vous travaillez comme ça, vous vous dîtes : Mais qu'est-ce que je fais, moi, comme député? Qu'est-ce que je peux faire comme ministre pour changer la vie des gens? Vous savez, ça ne fera pas de grandes annonces médiatiques de rentrer un rôle d'assistant, mais, par contre sur vos épitaphes, vous allez pouvoir écrire que vous avez fait la différence dans ma vie et celle de mes enfants. Et peut-être celle de mes petits-enfants, parce qu'on sait qu'il y a un facteur héréditaire là-dedans. Ça fait que moi, je regarde mes petites-filles en me demandant si je n'en ai pas une dans la gang. Et peut-être votre conjoint, que vous êtes en amour depuis 15 jours, trois semaines, et que dans peut-être deux mois, il va faire sa première crise de bipolarité, mais que vous allez l'aimer pareil, même s'il est rendu avec un problème de santé mentale. Alors, c'est important, ces mesures de structure là que vous êtes en train de mettre en place, très important. Alors ce soir, quand vous rentrerez chez vous, vous pourrez vous dire que vous avec fait la différence dans la vie de Suzanne, vous avez fait la différence dans la vie de René, la différence dans la vie de Louise, et Gabriel, et Michael, du prénom de mes deux fils, mais aussi sa soeur, qui elle aussi se ramasse dépassée par moments, qui voudrait bien jouer ce rôle d'assistant là. Parce que vous savez, un jour, malheureusement je vais mourir, et qui va le jouer dans la famille, ce rôle-là? C'est elle. Et, si elle ne peut pas le faire, bien, j'espère que ça va être Angela. Et, si Angela ne peut pas le faire, bien, j'espère que ça va être un groupe communautaire. C'est ça la réalité que l'on vit. Alors, merci.

M. Lacombe : En fait, je n'aurai pas d'autre question. Je pense que ça fait le tour, mais beau témoignage, vraiment. Je vais vous confier, ça me touche beaucoup, parce que dans ma famille aussi, je suis... vous le disiez tantôt, là, vous énumériez les statistiques, puis, bien, ça me touche beaucoup d'entendre votre témoignage. Puis tant mieux si, comme parlementaires, on peut, avec nos projets de loi qui semblent parfois bien techniques, changer réellement la vie. Mais c'est M. le curateur qui a dit : C'est plus qu'un projet de loi, c'est un projet de société. Ça résume peut-être...

Mme Péloquin (Suzanne) : Moi, je voudrais le dire, c'est un projet bienveillance, sans utiliser le terme galvaudé. Plus on utilise nos projets de loi pour favoriser qu'il y a une bienveillance de communauté, une bienveillance de voisinage, une bienveillance familiale, une bienveillance en termes de gens qui sont payés pour faire le travail, alors là on ne se dispose plus dans la protection de «mon métier, ma profession, mon secret professionnel», on s'installe, tout le monde, dans une bienveillance autour d'une personne qui va vivre toute sa vie avec un diagnostic de santé mentale, toute sa vie. Il n'y a pas encore... il n'y en a pas eu de guérison encore. On guérit des cancers, vous savez. Moi, j'assiste avec du monde qui se promène en rémission d'un cancer. Malheureusement, je n'ai pas encore eu ce billet-là d'un psychiatre qui me dit que mon enfant est en rémission, au mieux, on est en rétablissement, ensemble.

Mme Richard (Louise) : Les professionnels, actuellement, sont liés par leur secret professionnel à cause du libellé de la loi, et c'est pour ça qu'il faut créer cette exception. Il y en a des exceptions, si vous voulez examiner le Code des professions, au niveau du secret professionnel, qui sont ajoutées, qui sont présentes, libellées dans le Code des professions. Il faut absolument, à ce moment-là, qu'on fasse aussi cette exception-là pour la personne qui va assister. Et, pour ce qui est du curateur, le problème...

La Présidente (Mme Chassé) : ...vous avez 20 secondes.

Mme Richard (Louise) : ...le problème pour le curateur, c'est que les personnes qui sont confiées sur cette loi-là, sur cette protection-là, c'est qu'ils sont limités, souvent, ils ont des réactions de ressentiment à leurs parents, alors...

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci pour votre témoignage. Alors, je cède maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Aimeriez-vous terminer votre... Oui.

Mme Richard (Louise) : On a un cas type sur lequel on a travaillé pour faire les propositions qu'on a faites. Alors, ce cas, c'est une adulte qui a été confiée par ses parents en 2002 à la curatelle publique. Alors, imaginez-vous, vous êtes un adulte, et les parents vous confient... parce qu'autrement le cas était trop lourd, et les parents étaient pour perdre leur propre équilibre mental. Ils l'ont confiée à la... Ce que ça a provoqué, c'est que la personne est devenue très agressive envers ses parents. Alors, maintenant, on est rendus en 2019, c'était en 2002, et elle dit toujours : Ne dites rien à mes parents, ils vont s'inquiéter. Alors, les parents, ils ont beau dire : On veut l'aider, ils la voient dépérir, ils ne savent pas pourquoi elle a l'air d'un légume depuis quelque temps, est-ce qu'ils ont changé la médication, est-ce qu'elle mange bien. Elle est rendue incontinente, elle n'a plus de dentier. Mais qu'est-ce qui se passe? Tout est fermé. Alors, ils ont essayé de parler à la curatrice, mais c'est toujours le mur de la confidentialité. Alors, comme je vous le disais, le curateur est limité à certains droits naturels, mais les trois autres, qui sont importants, ils ne peuvent pas les assumer.

Alors, c'est donc très important, fondamental qu'on crée expressément une exception pour qu'il y ait des informations, pas toutes les informations mais les informations raisonnables pour que les proches puissent se gouverner, savoir qu'est-ce qui se passe, est-ce que la médication a été changée, c'est quoi, les effets secondaires, et tout ça. Donc, c'est là-dessus qu'on aimerait qu'on impose un libellé exprès, parce qu'autrement les professionnels ont beau voir le parent se morfondre, mais ils ne peuvent pas trahir leur secret professionnel. Alors, donnons-leur au moins cette clé-là de l'exception pour la personne qui va avoir été désignée par le curateur.

• (15 h 30) •

Mme Maccarone : Merci. Cette semaine, c'était une semaine superbizarre pour moi parce que j'ai eu plusieurs personnes qui sont venues me voir, puis ils m'ont dit : C'est comme si vous décrivez ma vie. Mais il faut que je vous dise, c'est une semaine bizarre pour moi aussi parce que je viens de vivre exactement ce que vous avez décrit. Ça me touche énormément. Je ne veux pas me retrouver dans une situation comme ça encore. Alors, je vous entends.

C'est sûr, ça va être important de définir puis d'aller vers l'avant pour le rôle de l'assistant. Je vous confirme : Mon Dieu! C'est difficile d'être face avec un professionnel qui vous dit : Non, il a 18 ans, d'où l'importance du mandat d'initiative, s'il vous plaît. J'aimerais qu'on va vers l'avant avec ceci parce qu'il faut préparer les parents puis la communauté pour la transition de mineur à majeur. On n'est pas pour ça quand on a des enfants ou des membres de la famille qui ne sont peut-être pas comme les autres. Mais ça m'a fait du bien de vous entendre, je me sens moins seule. Ça fait que merci pour votre témoignage.

Mais ça me fait penser, pour les gens qui n'ont pas des membres de famille qui sont là, moi, là, je suis une maman féroce, puis je vais être là, puis je vais me battre pour mes enfants, puis ce n'est pas vrai que vous allez fermer la porte à ma face pour très longtemps. Puis il a 18 ans, mon enfant, ça fait que j'ai encore une mesure de contrôle. Mais qu'est-ce que je vais faire quand il va avoir 38 ans, puis il y a quelqu'un qui fait une recommandation de médicaments que je sais, fondamentalement, ce n'est pas bon pour lui, comme je vis présentement? Qu'est-ce qu'on fait pour eux qui n'ont pas une maman féroce? Qu'est-ce qu'on va faire? Qu'est-ce qu'on va faire?

Mme Richard (Louise) : Moi, je pense qu'on est ici, maintenant, dans un moment stratégique pour justement répondre à votre question. C'est le moment de placer cette ouverture-là dans le code. Le Code des professions est ouvert, la Loi sur les services de santé est sur la table, le Code civil est sur la table. Mon Dieu! C'est le temps, là, c'est un moment, là, puis que ça ne passera pas encore, là, ou, en tout cas, ça peut prendre encore 30 ans. Alors, c'est tout ouvert, c'est le moment de dire : Ici, on modifie ça, ici, on modifie ça, et de vraiment ne plus avoir des situations comme vous décrivez et comme on entend, pour que l'information circule pour que le parent soutenant puisse avoir l'information qu'il a besoin. Autrement, tout le monde s'en va, bâillonné. Alors, il faut changer la loi.

Mme Maccarone : Sauf que ce n'est pas toujours les parents. Des fois, c'est des personnes qui ne sont pas des membres de la famille naturelle. Qu'est-ce qu'on fait pour leur aider? Comme je dis, moi, je suis prête à militer pour mon enfant, mais des fois... ou, comme vous avez très clairement dit : Quand je ne suis plus là... Aïe, mon Dieu! je ne veux pas pleurer encore, là. Qu'est-ce qu'on va faire? Qu'est-ce qu'on va faire?

Mme Péloquin (Suzanne) : Bien, honnêtement pour donner un peu d'espoir, parce qu'il y a quand même des petites ouvertures, là, dans le réseau de la santé, où on fait plus de place aux parents, et même pour des adultes, je pense qu'en changeant justement le paradigme de départ où on se donne le droit de dire que, dans certaines circonstances, sans vouloir nuire à la Charte des droits et libertés de la personne, sans vouloir enlever le droit, mon droit à moi quand je vais bien et que j'ai tout mon potentiel à la protection de mes informations personnelles, en ouvrant ça et en implantant cette façon-là, autre, de travailler ensemble, bien, on se ferme moins. Mais bien sûr qu'on va toujours être confrontés, comme parents, au fait que ce n'est pas nous, l'expert qui fait la prescription de la médication.

Vous savez, moi, j'ai vu mes enfants... 36 changements de traitement, là, 36, là. 36, je ne sais pas si vous savez ce que ça veut dire, là. C'est que, chaque fois que tu vas le voir, il est plus ou moins présent, hein? Il n'est pas là, parce qu'ils viennent d'essayer une médication, mais ce n'est pas toi qui tiens la prescription. Par contre, si on t'écoute, bien, tu vas être capable de dire : Écoutez, ça ne fonctionne pas, je ne suis même pas capable d'aller dîner avec... à midi parce qu'il est comme trop sous l'effet de la médication. Est-ce que c'est ça, contrôler les symptômes? Est-ce que c'est ça, permettre à quelqu'un de vivre en société? C'est comme une prison chimique rendu là, là.

Alors là, si on crée des brèches, qu'on se repose la question : La protection personnelle est au service de qui, à moi comme travailleuse sociale par rapport à mon ordre professionnel ou au service d'un partage d'information circonscrite pour le bien-être de la personne? Là, on va moins fermer des portes. Mais il faut être capable de changer ce paradigme-là. Et là, en ce moment, bien, c'est une brèche ici qu'on peut utiliser. Il faut en utiliser dans l'implantation. C'est sûr que, si c'est adopté puis il n'y a pas de plan d'implantation, vous n'impliquez pas des parents comme nous, bien, ça va être difficile parce que la résistance va rester là.

Mme Maccarone : Sauf qu'on parle de la maladie mentale, puis on a des préjugés. On parle de consentement. Alors, qu'est-ce qu'on a besoin, comme formation dans le réseau, pour que les professionnels, pour que tout le monde qui sont impliqués comprennent qu'il y a un effet... Il y a quand même des préjugés, puis ils ont droit à leurs droits, à leurs droits civils, ils ont droit à dire leur consentement aussi. Je ne veux pas prendre ces médicaments-là. Mais ça se peut que... On a le Curateur, qui est impliqué, puis il n'y a pas de maman qui est là qui va militer... On définit ça comment d'abord? Parce que qu'est-ce qu'on va faire à l'intérieur de qu'est-ce que nous sommes en train de faire? Puis, écoute, c'est de bonne volonté partout, là, on veut aider, puis ce n'est que de la collaboration. Mais, quand ça vient sur la santé mentale, il y a des préjugés.

Mme Richard (Louise) : Bien, c'est pour ça qu'on parle de partenaires. Alors, quand on va faire les plans d'intervention, les plans de soins, et tout ça, le proche va être assis ou la personne qui est en lien affectif avec le patient va être aussi à la table, et là vous allez pouvoir, en tant que parent ou lié à la personne, dire ce que vous voyez, dire ce que vous pouvez apporter pour que ça serve à la réflexion commune. C'est ça le partenariat. Mais il faut qu'on crée, dans la loi, formellement... Parce qu'on a beau... Les droits et libertés s'est battu... s'est défendu bec et ongles. Alors, il faut vraiment des... On est du droit positif, là. Il faut vraiment, pour pouvoir fonctionner librement, sans avoir peur des poursuites, mettre le libellé clair dans la loi que, pour le proche désigné, on peut donner des informations qui font partie du secret professionnel. Vous allez régler tous les barrages. Il n'y en aura plus.

Mme Péloquin (Suzanne) : Puis, oui, ça va prendre des programmes de formation, puis, oui, ça va prendre que les ordres professionnels se remettent en question sur cette protection-là, puis on défait des paradigmes, puis... Mais il y a déjà des initiatives qui se passent dans différentes régions, entre autres au niveau des programmes de première psychose où ils tentent de plus en plus de travailler avec un proche.

Et le cheminement en santé mentale, ce n'est pas un cheminement linéaire, malheureusement, parce que c'est lié à une personne, dans la manière dont elle vit ses premiers épisodes de santé mentale, et les proches, comment on réagit ou pas. Et, oui, si on n'est pas un parent lion, si on n'est pas une lionne vorace, bien, si le système continue de se comporter comme ça, bien, ça fait des parents qui, finalement, abandonnent. Pas parce qu'ils manquent d'amour, mais ils abandonnent parce que ça devient trop difficile, accompagner le proche souffrant, puis en en plus défoncer des portes du système. Alors, ils vont se replier sur eux, et là, bien... Et c'est pour ça que ça prend des modifications comme le projet de loi aujourd'hui.

Mme Maccarone : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : ...bloc d'échange, Mme la députée.

Mme Maccarone : C'est parfait pour moi. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour les témoignages éloquents. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke. Allez-y.

Mme Labrie : Merci. Écoutez, je vous remercie pour votre témoignage éloquent, effectivement, et très touchant. Je pense que vous pouvez compter sur moi, assurément, pour défendre les modifications que vous proposez. Je pense que c'est des ajouts essentiels, puis vous m'en avez fait la démonstration.

Personnellement, je n'ai pas de question, ça fait que j'aimerais vous laisser mon temps s'il y a des choses que vous aimeriez ajouter puis que vous n'avez pas eu le temps jusqu'à maintenant.

M. Cloutier (René) : Peut-être, en complément aux questions... On est dans un changement de culture, notamment dans le réseau de la santé, pour y avoir travaillé, là, dans le domaine de la santé mentale. Donc, on sait déjà qu'au niveau du Curateur public, il y a des efforts qui sont mis dans l'implantation, hein, l'après, là, pour être sûrs que ce projet de loi là fonctionne. Donc, ça, c'est pour ça qu'on insiste beaucoup sur le défi que ça pose, des formations, des relances, un soutien aux familles qui vont rencontrer, malgré les changements législatifs, les mêmes obstacles, mêmes difficultés. Donc, ça va prendre un suivi serré parce qu'un changement de culture, bien, ça se planifie, mais aussi il faut être patients, persévérants parce que ça va prendre des années avant qu'on puisse apporter ces changements-là. Mais on y croit, et c'est pour ça qu'on a offert notre collaboration à l'implantation de ce projet de loi là.

Mme Péloquin (Suzanne) : Et, même s'il y a juste 13 % des gens actuellement qui se retrouvent en situation, dans le fond, plus orphelins, on va dire, d'un réseau social, bien, il ne faut pas le négliger parce que ce 13 % là, il faut qu'on aille apprendre d'eux pourquoi ils se retrouvent dans une situation... orphelins d'une société. Parce qu'ils vont vieillir. Vous savez, quand on parle... Moi, je trouve ça toujours un petit peu triste que, dans le fond, on enferme mes enfants dans un diagnostic de santé mentale, alors qu'ils sont des citoyens à part entière, qui ont encore le droit de voter et qui vont vieillir. Et tantôt, quand ils vont être rendus vieux, ce qu'on va dire qui fait une différence dans la vieillesse et l'autonomie, c'est le fait qu'il y ait un réseau. Alors, comment peut-on se permettre que 13 % de notre monde, et tous les autres, bien, on accepte qu'ils vont vieillir sans réseau? Comment on va faire pour rattraper un réseau quand ils vont être rendus vieux puis que c'est ça qui va faire une différence?

Alors, il faut absolument se demander de quelle façon... Même si... Je comprends, tu sais, que le Code civil, il ne vient pas dire : Bien oui, on peut désigner une autre personne morale... Oui, mais c'est de notre responsabilité, lorsqu'on est assis à votre table, de dire comment on va faire ça pour que ces 13 % là... Et je ne l'espère pas, mais peut-être qu'un de mes enfants va se retrouver dans ce 13 % là un jour. Imaginez qu'on part tout le monde en même temps, un beau voyage, que je ne peux pas faire, d'ailleurs, avec mes enfants parce qu'ils ne sont pas capables de prendre l'avion...

La Présidente (Mme Chassé) : ...

• (15 h 40) •

Mme Péloquin (Suzanne) : Oui, en conclusion. Imaginez qu'on meurt tout le monde ensemble, bien, qu'est-ce qui arrive, tu sais?

La Présidente (Mme Chassé) : C'est terminé. Je suis désolée. Oui, M. le ministre.

M. Lacombe : Est-ce que vous me permettez, Mme la Présidente, d'ajouter quelque chose, en 20 secondes, au bénéfice de tout le monde, sur le secret professionnel?

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Est-ce qu'il y a le consentement à l'unanimité? Très bien. M. le ministre. 20 secondes.

M. Lacombe : Ça me brûlait, là, de pouvoir sauter dans l'arène pour vous dire que c'est un excellent point. Et ça ne se retrouve pas présentement dans ce que vous voyez, mais le ministère de la Justice... on a saisi le ministère de la Justice de cette question-là pour qu'éventuellement on puisse vous présenter, on puisse présenter, plus tard dans le processus, effectivement, un élément où on pourra... où on pourrait, on va mettre ça au conditionnel parce que c'est en travail, présentement, mais ouvrir le secret professionnel pour que l'assistant puisse avoir accès aux informations.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre contribution aux travaux.

Je suspends momentanément pour laisser la place au prochain groupe.

(Suspension de la séance à 15 h 41)

(Reprise à 15 h 43)

La Présidente (Mme Chassé) : ...la bienvenue aux représentants de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et ensuite nous procéderons à une période d'échange. À une minute de la fin de votre exposé, je vais vous faire un signe pour vous inviter à conclure. Débutez en commençant par vous présenter. Bienvenue.

Chaire de recherche Antoine-Turmel sur
la protection juridique des aînés

Mme Morin (Christine) : Merci beaucoup. Bonjour. Mon nom est Christine Morin, je suis professeure à la Faculté de droit de l'Université Laval et titulaire de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique des aînés. Je suis accompagnée par Katherine Champagne, qui est notaire coordonnatrice à la chaire et chargée de cours à la faculté de droit.

Alors, pour ceux qui ne connaîtraient pas la chaire Antoine-Turmel, c'est une chaire de recherche qui est à la Faculté de droit de l'Université Laval, qui a été créée à l'automne 2014 et qui regroupe des professeurs et des étudiants qui s'intéressent à la question de la protection des droits des personnes aînées. Donc, comme le projet de recherche... le projet de loi, pardon, qui est discuté aujourd'hui touche à un de nos sujets de recherche mais aussi d'enseignement, on est très heureuses d'être parmi vous aujourd'hui et on vous remercie pour l'invitation.

Alors, d'emblée, on accueille favorablement le projet de loi n° 18 parce qu'on considère qu'il favorise le respect des droits, des volontés et même des préférences des personnes qui sont en situation de vulnérabilité. Donc, clairement, dans ce sens, il va... il est en phase avec les grandes orientations, à l'international, en matière d'accompagnement des personnes qui sont en situation de vulnérabilité. Et je dirais que c'est particulièrement le cas de la nouvelle mesure d'assistance qui est proposée dans le projet de loi et qui ne requiert pas d'évaluation médicale, d'évaluation psychosociale, en plus d'avoir l'avantage de préserver la capacité juridique de la personne qui est assistée. Donc, clairement, cette nouvelle mesure-là, elle est en phase avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées, et particulièrement de son article 12.

J'en profite pour vous souligner également que cette notion d'assistance est aussi en phase avec la notion de bientraitance dont il est abondamment question dans le Plan d'action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées. Alors, comme plusieurs organismes qui se sont présentés devant vous, on pense que la nouvelle mesure va permettre de combler un besoin et on pense que ça pourrait également être un élément qui va être utile dans la future politique nationale en matière de proche aidance, donc on pense que ça va pouvoir aider aussi à cet égard.

Toutefois, pour que la nouvelle mesure d'assistance soit utilisée et pour que la population adhère à ses objectifs, il va falloir un important travail de sensibilisation et d'information parce que ça représente une vraie nouveauté. La mesure d'assistance va aussi devoir être bien encadrée par le Curateur public et par son équipe si on veut que la mesure soit efficace et si on veut que la mesure soit sécuritaire. Ça va être important, donc, que le Curateur public dispose des ressources humaines et matérielles nécessaires pour que le projet de loi commence sur un bon pied, donc qu'il n'y ait pas de faux pas.

On a, par ailleurs, certaines interrogations par rapport au rôle de l'assistant. Donc, le projet de loi, en ce moment, prévoit qu'il y ait des mesures de protection au moment de la mise en place de la mesure auprès du Curateur public, mais nous, on s'interroge sur ce qui se passe par la suite. Alors, par exemple, si, après un certain temps, l'assisté perd sa faculté de comprendre la mesure de protection ou si l'assisté perd sa faculté d'exprimer ses volontés et ses préférences, qu'est-ce qui se passe? Est-ce que l'assistant va pouvoir continuer à agir? Est-ce que l'assistant va devoir en informer le Curateur public ou on continue comme s'il ne s'était rien passé? Donc, on pense que ça, en ce moment, ce n'est pas assez clair dans le projet de loi.

Pour ce qui est de la représentation temporaire, à la base, ça nous apparaît être une très bonne idée de prévoir une mesure qui est justement temporaire pour un acte déterminé. Par contre, on a certaines craintes par rapport à l'utilisation qui pourrait être faite de la représentation temporaire. Donc, on a l'impression que si les gens doivent aller chez le médecin pour obtenir une évaluation médicale et qu'ils doivent ensuite se présenter devant le tribunal pour obtenir la mesure temporaire, bien, on pense qu'il y a des gens qui vont se dire : Allons-y directement avec la mise en place d'une tutelle modulée ou allons-y directement avec l'homologation d'un mandat de protection pour éviter d'avoir à retourner devant le tribunal par la suite. Et parce que parfois les gens ont tendance à vouloir surprotéger, donc, ils vont se dire : Bien, en ouvrant tout de suite une tutelle, on va protéger une fois pour toutes. Donc, on craint qu'il y ait des dérives à ce niveau-là. Donc, c'est pour ça qu'on pense qu'on devrait réfléchir à tenter de simplifier cette mesure-là si on veut que les gens la choisissent.

• (15 h 50) •

Pour ce qui est des régimes de protection, de leur simplification, donc, très rapidement, on est favorables à la simplification des règles, on est favorables à la tutelle qui serait modulée, mais là, encore une fois, pour que la nouvelle mesure fonctionne, il va falloir une sensibilisation très importante chez les médecins, chez les travailleurs sociaux, chez les juristes et dans la population en général. Si on ne le fait pas suffisamment, on risque de se retrouver avec des tutelles qui ne seront toujours pas modulées en fonction des besoins de la personne, et c'est déjà le cas qui se présente en ce moment. Donc, si on veut vraiment qu'il y ait un changement, il va falloir une sensibilisation importante.

En ce qui a trait au mandat de protection, alors, tout d'abord, on se réjouit du fait que vous ayez profité de ce projet de loi là pour venir répondre à certaines demandes des juristes de corriger certaines lacunes. On se réjouit particulièrement par rapport à la clarification qui est apportée à l'article 154 du Code civil. Ça peut paraître un détail, mais, pour les juristes, c'est fondamental. Donc, maintenant, 154 du Code civil dit que la capacité d'un majeur est limitée par l'homologation d'un mandat de protection. Ce n'était pas clair, ce n'était écrit nulle part dans la loi, donc il y avait des incertitudes par rapport à ça. On vient ici vraiment corriger une lacune. Et j'en profite pour mentionner qu'on se réjouit de tous les petits changements qui sont apportés dans le Code civil où on vient préciser les effets de l'homologation d'un mandat de protection, parce qu'à plusieurs égards ce n'était pas suffisamment clair, et là on a fait un bon bout de chemin.

On est aussi heureuses que l'inventaire et les redditions de comptes deviennent obligatoires, sauf... à moins que le mandant y renonce expressément dans le cas des redditions de comptes. On est contentes, parce que ces mesures-là nous apparaissent des mesures qui sont très utiles en matière de prévention de la... maltraitance, pardon, et de l'exploitation financière des personnes qui sont assistées ou représentées. Qu'est-ce qui se passe, en ce moment, quand il n'y a pas de reddition de comptes et qu'un mandataire fait mal son travail? Bien, c'est qu'on va s'en apercevoir seulement au moment du décès du mandataire, au moment du décès du mandant ou lorsque le patrimoine du mandant va être épuisé. Donc, il n'y aura plus rien, il va être trop tard pour réagir.

La Présidente (Mme Chassé) : ...

Mme Morin (Christine) : Alors, rapidement, peut-être, sur la procuration. Pour le reste, vous en profiterez dans les questions, si vous avez besoin, donc, on voulait vous parler de la procuration, même s'il n'en est pas question dans le projet de loi, parce que la recherche montre abondamment que les gens, encore aujourd'hui, ne distinguent pas suffisamment une procuration d'un mandat de protection. Alors, c'est surprenant, le nombre de personnes qui confondent encore les deux instruments ou qui signent des procurations en prévision de leur inaptitude plutôt que de signer des mandats en prévision de leur inaptitude. Et le problème, en ce moment, avec les procurations, c'est que, oui, c'est un instrument qui peut être utile, mais ça peut aussi devenir un outil qui est utile pour exploiter ou maltraiter financièrement le mandant parce qu'une fois qu'on a donné les pouvoirs, bien, la personne peut les utiliser comme elle veut, puis ce n'est pas toujours dans l'intérêt de la personne.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons débuter le bloc d'échange en commençant avec le parti formant le gouvernement. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Lacombe : Merci, Mme la Présidente. C'est un plaisir de vous rencontrer. Merci beaucoup d'être ici pour nous exposer vos recommandations, vos questionnements, et puis nous permettre de vous poser des questions.

Je vais attraper tout de suite la balle au bond. Vous venez de parler de procuration, et lorsqu'on a commencé à travailler sur le projet de loi, pour certaines personnes, il y avait une confusion, on opposait la procuration à la mesure d'assistance. Certaines personnes se demandaient quelle est la différence. On vous a avec nous, aujourd'hui, il y en a beaucoup, mais j'aimerais vous entendre, de votre point de vue... les grandes différences entre la mesure d'assistance et puis la procuration

Mme Morin (Christine) : Bien, avec la mesure d'assistance, la personne conserve ses pouvoirs, conserve sa capacité, conserve ses facultés, et il y a quelqu'un qui vient l'accompagner, lui donner de l'aide. Avec une procuration, vous le savez, on donne nos pouvoirs à quelqu'un d'autre. Et là, cette personne-là, si on a donné une procuration générale, et, dans les faits, là, il y a des gens qui signent des procurations générales plus plusieurs procurations bancaires, une fois qu'on a fait ça, bien, la personne qui a la procuration, elle peut faire ce qu'elle veut avec nos biens, on lui a donné le pouvoir de faire ce qu'elle voulait avec nos biens. Si on a bien choisi notre mandataire, il n'y a pas de souci. Puis, heureusement, dans la plupart des cas, là, les gens sont corrects. Mais dans la littérature, et ce n'est pas qu'au Québec, là, aux États-Unis, on en parle aussi abondamment, on parle de la procuration comme «a licence to steal», un permis de voler, parce qu'une fois qu'on a signé ça, on a donné les pouvoirs à quelqu'un d'autre. Donc, il faut surveiller cette personne-là pour s'assurer qu'elle les utilise bien, ces pouvoirs-là. Et, si c'est moi, par exemple, qui donne une procuration à quelqu'un, bien, je peux le surveiller. Je peux lui poser des questions par rapport à ce qu'il fait ou à ce qu'il ne fait pas par rapport à mon patrimoine. Puis, si je ne suis pas contente, je peux révoquer la procuration.

Le problème en ce moment, c'est qu'il y a des personnes inaptes qui ont des procurations, notamment les procurations bancaires, et ces personnes-là ne sont plus en mesure de surveiller leurs mandataires, ne sont plus en mesure de leur poser des questions, ne sont plus en mesure de mettre fin à ces procurations-là, et c'est là qu'il y a un risque pour les abus parce que les mandataires qui sont mal intentionnés ont le champ libre, il n'y a personne qui les surveille. Donc, on a donné le pouvoir, il y a du danger qui vient avec ça si on a mal choisi, malheureusement, le mandataire.

M. Lacombe : Merci. À la page 9 de votre mémoire, vous... je vais y arriver... Je voulais vous parler, en fait, du rôle, disons du futur directeur d'on ne sait pas trop quoi — on est en train d'y penser,d'ailleurs, si vous avez des suggestions, hein... Vous mentionnez qu'on devrait prévoir que le directeur détienne les pouvoirs nécessaires pour éventuellement prendre les mesures appropriées pour évaluer si la personne qui est choisie pour être assistante... si ce choix-là pourrait être préjudiciable pour la personne qui va être assistée. Notamment, vous avez beaucoup parlé d'exploitation, maltraitance matérielle et financière, pour tenter de prévenir ça. Donc, vous dites que le directeur devrait avoir les pouvoirs. À quel type de pouvoirs vous faites référence?

Mme Morin (Christine) : Bien, tout d'abord, sur le nom du futur directeur de quelque chose, on fait quelques propositions dans le mémoire. Mais, par rapport au pouvoir du Curateur public, on pense toujours en termes de prévention. Donc, si le Curateur public, lorsqu'il rencontre le futur assistant, a des doutes, quand il s'entretient avec la personne, s'il soupçonne qu'il y a de l'influence indue, par exemple, que la personne a déjà des procurations en sa faveur, donc, s'il sent que peut-être cette relation-là n'est pas saine à tous égards, bien, on veut que le Curateur public puisse faire des vérifications. Oui, qu'il puisse vérifier notamment le plumitif, qu'il puisse parler avec des membres de la famille. Et pourquoi on suggère ça? Bien, c'est pour éclairer la décision de l'assisté. Donc, c'est l'assisté qui doit choisir son assistante, puis ça, on en convient, on n'a pas de problème avec ça, mais encore faut-il que le choix de l'assistant résulte d'une décision qui est libre et qui est éclairée. Donc, pour que cette décision-là soit éclairée, s'il y a des choses à connaître par rapport au futur assistant, bien, ce serait bien que le Curateur public puisse les porter à l'attention du futur assisté : Saviez-vous que votre futur assistant a été reconnu coupable de telle infraction, il y a tant d'années? Puis peut-être que l'assisté va dire : Oui, je le sais. Il avait 19 ans. C'était un petit vol, je le sais, il me l'a dit, je lui fais quand même confiance. Mais, au moins, la personne va le savoir puis, à partir de là, elle pourra prendre sa décision, alors que si on trouve autre chose, puis des choses plus graves, de l'exploitation financière en série, bien, là, à ce moment-là, probablement que l'assisté va dire : Ah, bien, peut-être que je devrais opter pour quelqu'un d'autre.

• (16 heures) •

M. Lacombe : Est-ce que... Parce qu'on... Je ne sais pas, je pense que vous avez vu toute la liste de filtres qu'on s'imposerait avec cette mesure-là. Je dois dire que moi-même, je suis assez impressionné, là, de voir tout ce qui est mis sur la table. Est-ce que ça vous rassure, quand même? Parce qu'il y a quand même beaucoup d'éléments que vous mentionnez qui sont prévus, entre guillemets, là-dedans. Je comprends que le Curateur ou le directeur de l'assistance, peut-être, et de la tutelle, comme vous le proposez, n'ira pas vérifier dans le plumitif, par exemple, mais, avec tout ce qui est écrit là, tout ce qui serait prévu, est-ce que ça vous rassure quand même un peu?

Mme Morin (Christine) : Bien, en fait, ça me rassure, mais, s'il y a des doutes, nous, on aimerait que le curateur puisse investiguer davantage. Donc, en cas de doute, pas que ça devienne une obligation, mais, si on sent que, hum! on n'est pas si certain que ça par rapport au choix de l'assistant, bien, que le curateur prenne la peine de faire certaines vérifications minimales pour rassurer tout le monde.

M. Lacombe : On en prend bonne note. Au sujet de la représentation temporaire, vous questionnez le recours au tribunal, la nécessité, donc, de l'intervention du tribunal puis l'obtention d'une évaluation médicale pour avoir accès à cette mesure, la représentation temporaire. Vous suggérez qu'on puisse recourir au même type de procédure que pour le consentement aux soins, c'est-à-dire... Et là je ne suis pas juriste, là, mais ce que je comprends, c'est que, s'il y a un doute que la personne ne peut consentir aux soins, on demande un consentement substitué.

Une voix : ...

M. Lacombe : Pas si pire, pas si pire. En fait, ce que je me demande, c'est quelle autre instance que le tribunal pourrait accorder une représentation comme celle-là? Parce que ce n'est pas exactement le même cadre. On n'est pas devant une personne dans le réseau de la santé.

Mme Morin (Christine) : Bien, en fait, il faut chercher c'est quoi, l'objectif d'aller chercher une représentation temporaire, c'est pour faire quel type d'acte, puis c'est pour satisfaire quelle demande, donc, pourquoi on en a besoin, de cette représentation temporaire là. Est-ce que ça pourrait passer par le Curateur public? Gros point d'interrogation. S'il faut absolument que ça passe par le tribunal, est-ce que c'est obligé de venir avec une étiquette de personne inapte? Nous, c'est là qu'on voir un danger. Parce qu'à l'heure actuelle, puisqu'il faut aller chez le médecin faire déclarer que la personne, elle est inapte, bien, ça risque de créer un doute pour tout le monde, puisqu'on a jugé qu'elle était inapte pour faire cet acte-là.

M. Lacombe : Il ne faut pas qu'elle soit stigmatisée.

Mme Morin (Christine) : Exactement. Elle veut faire un testament après. Quel notaire va accepter de recevoir ce testament-là, sachant que la personne a été considérée inapte pour vendre sa maison? Donc, si elle n'était pas apte pour vendre sa maison, elle ne devrait pas être apte pour signer son testament. Donc, si ce qu'on veut, c'est une autorisation judiciaire pour poser un acte, ça va. Est-ce que c'est obligé de venir avec une étiquette de personne qui est inapte? C'est notre grande interrogation, parce que c'est à partir de là que commencent les difficultés. Une fois que la personne est étiquetée comme personne inapte, là, tout le monde pense tutelle, homologation de mandat de protection, donc perte de la capacité juridique.

M. Lacombe : On en a pris bonne note. C'est un point de vue intéressant et avisé. On a pris des notes. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Est-ce que je cède la parole à une députée? La députée de Les Plaines? Allez-y, vous avez 6 min 30 s.

Mme Lecours (Les Plaines) : 6 min 30 s. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci, M. le ministre. Merci beaucoup à vous, Mmes Champagne et Morin. Merci, c'est vraiment très clair. Dans une de mes questions que j'avais, là, je voulais vous demander justement un peu de commentaires sur l'obligation des mandataires à dresser un inventaire des biens et de le faire de façon périodique également dans la reddition de comptes. Je pense que j'ai bien compris que vous êtes en faveur de cet ajout-là. Par ailleurs, est-ce que vous êtes... vous seriez opposés à certains... que certains changements soient apportés, comme l'autorisation du tuteur à confondre ses biens avec ceux de son conjoint s'il en est le tuteur?

Mme Morin (Christine) : Là, vous parlez de la tutelle ou du mandat de protection?

Mme Lecours (Les Plaines) : Oui, tutelle.

Mme Morin (Christine) : De la tutelle, O.K. Dans la mesure où les biens étaient déjà confondus avant la mesure de protection, bien, ça nous apparaît normal qu'il demeure une certaine confusion pour la suite. Mais il ne faut pas que la confusion des biens commence avec la mesure de protection. Donc, il faut faire attention. C'est sûr que, dans l'idéal, dans l'absolu, c'est mieux quand les patrimoines sont séparés, mais déjà, en exigeant l'inventaire puis les redditions de comptes, ça va faire un gros changement. Parce qu'il y a des gens qui n'en sont pas conscients, il y a des gens à qui on demande : Est-ce que les comptes de banque sont séparés?, puis qu'ils nous disent : Non, est-ce qu'ils devraient l'être?, donc, qui sont surpris de l'apprendre. Donc, si on clarifie, déjà, ça va aider beaucoup. Est-ce que vous le proposez dans le projet de loi, par rapport à la tutelle, de confondre les biens?

Mme Lecours (Les Plaines) : Non, c'est une question que je vous pose...

Mme Morin (Christine) : O.K., O.K., O.K. Bien, en fait, comme je vous dis, si c'était déjà confondu avant, on n'a pas d'opposition formelle au départ, là. Il faudrait y réfléchir davantage. Mais c'est sûr que, dans l'absolu, c'est plus facile de contrôler quand c'est séparé, mais, si les gens ont toujours confondu, il va demeurer une certaine confusion, au moins tant et aussi longtemps que les gens cohabitent.

Mme Lecours (Les Plaines) : C'est parce qu'on a affaire à une clientèle, quand même, aujourd'hui, dans nos aînés, qui ont des habitudes de vie... qui avaient des habitudes de vie qu'on n'a plus nécessairement aujourd'hui, dans... tout dépendant des générations, là.

Mme Morin (Christine) : Mais ça va beaucoup dépendre de la modulation, parce que la modulation, là, c'est une excellente idée, et, si on veut qu'elle soit en phase avec la convention internationale, notamment, bien, il faudrait que la modulation, ce soit plus souvent de l'assistance, auquel cas il n'y a pas de problème avec la confusion des biens, que de la représentation et des décisions substituées. Donc, ça va dépendre comment on va gérer les futures tutelles. Déjà, on fait un superpas en éliminant la curatelle complètement. Donc, ça force davantage les tribunaux à venir expliquer c'est quoi, la tutelle, parce que, puisque tout le monde va être sous tutelle, bien, il va falloir prendre en considération chaque personne. Mais, si on veut se rapprocher de ce qu'exige l'international, il faut espérer que nos tutelles, dans la mesure du possible, vont y aller vers l'assistance et non la représentation, puis là, si je reviens à votre question, bien, avec l'assistance, il n'y a pas de souci.

Mme Lecours (Les Plaines) : J'ai encore du temps?

La Présidente (Mme Chassé) : Trois minutes.

Mme Lecours (Les Plaines) : Je vais me permettre la question, parce qu'on a eu un éminent chercheur hier qui est venu nous exposer que, oui, le projet de loi était vraiment intéressant, qu'il avançait très... qu'il était une avancée, par contre, il y avait quand même des choses qu'on devrait conserver : Est-ce que vous êtes d'accord avec cette position-là?

Mme Morin (Christine) : Alors, l'éminent chercheur étant mon collègue, que j'apprécie beaucoup, avec lequel je m'entends très, très bien et avec qui je suis d'accord dans la plupart des situations. En fait, là où on n'est pas d'accord, c'est notre interprétation de la convention internationale. C'est vraiment sur cet élément-là qu'on n'est pas d'accord. Et, pour m'être rendue à l'ONU, à Genève, pour en parler avec la rapporteuse spéciale, là, elle, elle vous dirait que le projet de loi n° 18 ne va pas assez loin. Elle, elle vous dirait que ce qui fonctionne avec le projet de loi n° 18, c'est la mesure d'assistance parce que ce n'est pas des décisions substituées. Ce qui fonctionne avec le projet de loi n° 18, c'est la fin de la curatelle — alors, ça, elle l'applaudirait aussi — mais, dans la mesure où on conserve la possibilité d'avoir des décisions substituées, elle nous dirait qu'on ne va pas encore assez loin, et c'est pour ça que le Canada a émis une réserve par rapport à l'article 12 de la convention. Les juristes ont eu raison de le faire parce que, tant qu'on garde les mesures de représentation, bien, on n'est pas conforme à l'article 12 de la convention internationale.

Donc, est-ce que c'est utopique, ce que propose l'ONU? Point d'interrogation. Je vois des gens qui font oui de la tête, mais c'est vers ça qu'on se dirige. C'est un vrai changement de paradigme, c'est de penser la capacité juridique comme un droit fondamental que tout le monde doit avoir, puis le seul cas de décision substituée, ce serait quelqu'un qui est dans le coma, donc quelqu'un qui ne peut vraiment pas prendre ses décisions. Pour toutes les autres personnes, il faudrait ajuster l'assistance pour qu'elle soit de plus en plus importante, mais ne jamais prendre les décisions à la place de la personne. Donc, la convention... Est-ce que je peux continuer? Oui?

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute, mais je sais que le ministre aimerait intervenir à la fin.

Mme Morin (Christine) : O.K. Alors, avec la convention, là, ce que prônent les Nations unies, c'est vraiment de mettre de côté le meilleur intérêt de la personne pour remplacer par le respect des volontés et des préférences de la personne. Donc, on change l'équilibre, parce qu'en ce moment, bon, on fait... on va considérer ce que la personne souhaite, mais, à la fin, on va prendre la décision dans son meilleur intérêt. Ce qui est prôné comme changement de paradigme, c'est : Allons-y avec les volontés, et les préférences, et, de façon subsidiaire, le meilleur intérêt de la personne selon nous, selon nos critères. Donc, pour eux, on n'irait pas encore assez loin, même si on fait un bon bout de chemin.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 15 secondes, M. le ministre.

M. Lacombe : Pour terminer avec un clin d'oeil, pour vous dire qu'il n'y a pas de chicane, je pense, avec votre collègue, parce qu'hier il nous a quand même dit que sa préoccupation, c'est que ce ne serait pas populaire, mais que, si c'était populaire, on avait un excellent projet de loi.

• (16 h 10) •

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. Ça termine le bloc d'échange avec le parti formant le gouvernement. Maintenant, je cède la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présence avec nous aujourd'hui, c'est fort intéressant, qu'est-ce que vous avez soumis à notre commission. J'ai une question pour vous puis je vais peinturer quand même un portrait, parce que vous avez abordé le sujet un peu avec le ministre : Est-ce que vous croyez qu'il y a un risque d'abus avec la mesure d'assistance, par exemple, si on parle de la maltraitance des aînés? Puis vous avez dit que oui, ça se peut, il faut informer, quand même, le majeur que ça se peut, la personne à l'assistance, il y a quelque chose qui s'est passé dans leur passé. Mais, mettons, comme ma collègue l'a dit, mais si c'est ma nièce... oui, mais c'est ma nièce. Qu'est-ce qu'on fait dans un cas de même? Est-ce qu'il y a une manière de mieux encadrer qu'est-ce que nous faisons, puis est-ce qu'il y a vraiment un risque d'abus ou de maltraitance?

Mme Morin (Christine) : Malheureusement, je dois vous répondre qu'il y aura toujours des risques d'abus et de maltraitance. Mais la mesure d'assistance qui est présentée me fait beaucoup moins peur que les procurations en ce moment, les procurations générales, les procurations bancaires, où, là, on vient donner les pouvoirs à quelqu'un d'autre. La mesure d'assistance, là, la beauté de cette mesure-là, c'est que l'assistant ne peut pas faire les choses à la place de l'assisté. Donc, c'est nécessairement l'assisté qui va aller à la banque, c'est nécessairement l'assisté qui va prendre la décision, c'est nécessairement l'assisté qui va vendre le bien.

Donc, l'assistant, là où il pourrait y avoir un danger, entre guillemets, c'est au niveau de l'influence indue qu'il pourrait exercer sur l'assisté. Mais ça, ça existe déjà, sans avoir de mécanisme d'assistance. Donc, ça se peut, un proche qui fait des pressions sur son père, sur sa mère pour obtenir des faveurs, des cadeaux, pour être avantagé dans un testament. Le fait qu'on formalise la mesure d'assistance, selon moi, ça ne va pas accroître les risques, ça ne va pas les diminuer non plus. On vient juste officialiser une assistance qui existe déjà souvent dans les faits, puis, en la rendant officielle, bien, l'intérêt, c'est que ça devient opposable au tiers puis que l'assistant devient un interlocuteur valable, donc quelqu'un à qui on va accepter de parler, alors que, là, quand les gens téléphonent en disant : Je suis la mère, je suis la soeur, je suis la fille, parfois, on va dire : Je ne peux pas vous dire ces informations-là. Alors là, on espère pouvoir répondre : Vérifiez dans le registre, je suis l'assistant de cette personne-là, donnez-moi l'information. Puis, une fois que la personne a l'information, elle ne peut pas davantage agir seule, c'est toujours l'assisté qui a sa capacité, qui a tous ses pouvoirs, donc, moins de risques qu'avec la procuration, encore une fois. Moi, je pense qu'il faut regarder la procuration, qu'il y a des choses à faire avec la procuration. C'est elle qui est dangereuse puis c'est elle qui laisse des traces dans la jurisprudence en ce moment.

Mme Maccarone : Est-ce qu'il y a d'autres mesures d'encadrement que nous devrions mettre en considération, exemple, quand... On a déjà entendu des intervenants qui parlaient des personnes qui souffrent de déficience intellectuelle, puis le droit de vote, puis vous parlez de l'influence, est-ce qu'il y a autres mesures dans lesquelles... qu'on devrait penser pour bonifier le projet de loi pour éviter que ces personnes sont à risque de la maltraitance ou d'une influence négative, disons?

Mme Morin (Christine) : Bien, en fait, malheureusement, on sait que la maltraitance, le plus souvent, ça se passe au sein des familles. Et, encore une fois, ici, qu'il y ait une assistance formalisée ou pas, bien, ça va continuer à se passer au sein des familles. Donc, je pense qu'il faut lutter contre le phénomène en général. Qu'il y ait une mesure d'assistance ou pas de mesure d'assistance, pour moi, ça ne m'apparaît pas plus risqué, à la base, étant donné que la personne n'a pas de pouvoir. Donc, malheureusement, je n'ai pas d'idée magique par rapport à ça.

Peut-être vous mentionner une question qui m'avait été posée, puis j'en fais état dans notre mémoire, une conseillère juridique chez Desjardins, qui... J'avais été donner une formation là-bas, où je présentais le projet de loi, puis elle m'avait demandé : Si on se rend compte qu'un de nos clients est exploité financièrement par son mandataire, est-ce que moi, comme conseillère, est-ce que je peux téléphoner à l'assistant pour essayer d'obtenir une forme de collaboration, et tout ça? Si je comprends bien le projet de loi, actuellement, ce n'est pas le cas. Est-ce qu'on veut que ça demeure comme ça? On peut. Mais si on veut qu'il y ait cette espèce d'élément de réciprocité là, bien, il faudrait le prévoir dans le projet de loi, parce qu'en ce moment l'assistant peut communiquer avec Desjardins pour poser des questions, mais Desjardins ne pourrait pas téléphoner à l'assistant pour lui dire : Surveillez votre père, frère, il y a des problèmes qui se passent avec son compte de banque. Donc, est-ce qu'on veut entrer là-dedans? Gros point d'interrogation. Mais sachons que, là, en ce moment, on ne le permet pas.

Mme Maccarone : Ça m'amène à secret professionnel. Votre opinion sur la divulgation de ces informations pour le bien-être du majeur?

Mme Morin (Christine) : En fait, j'ai le goût de vous retourner à notre mémoire sur le projet de loi n° 115 en matière de maltraitance matérielle et financière. Je trouve que le compromis que vous avez adopté à cette époque-là, c'était quand même un compromis qui était raisonnable, donc ne pas considérer les personnes aînées et les personnes en situation de vulnérabilité comme des personnes qui ne peuvent pas prendre leurs propres décisions, mais obliger la divulgation d'information et mettre de côté le secret professionnel pour les personnes qui sont déclarées inaptes et pour les personnes qui sont en CHSLD.

D'ailleurs, à ce sujet-là, dans les modifications avec le projet de loi, là, il va falloir penser à modifier la loi contre la maltraitance parce que la curatelle disparaît, maintenant, c'est juste la tutelle modulée, donc il va falloir ajuster, là, en conséquence.

Donc, je pense que c'était, à l'époque, le compromis acceptable. Le problème avec l'exploitation et avec la maltraitance, ce n'est pas tant une histoire d'obligation de divulguer ou de dénoncer qu'une volonté de le faire, hein, même s'il y a une obligation dans la loi, si les gens veulent se fermer les yeux puis dire : Bien, je n'ai rien vu, on a beau dire : Vous étiez obligé de dénoncer, si les gens disent : Ah! je n'ai rien vu...

Mme Maccarone : Je comprends. Je ne suis pas légiste, alors peut-être j'aurais besoin... puis j'aimerais avoir votre recommandation. Quand vous dites, sur votre page 14 : «Il serait important que le projet de loi définisse la notion de "temporaire" et ce qu'il entend par "acte déterminé"», votre recommandation, ça a l'air de quoi si on met une définition de ces deux termes-là?

Mme Morin (Christine) : Oui, bien, en fait, il faut voir c'est quoi, l'étendue de la représentation temporaire à laquelle on pense. Donc, est-ce que c'est vraiment juste un acte juridique, donc, par exemple, une renonciation à une succession ou un acte de vente ou si on peut ouvrir un peu plus pour les dossiers qui s'échelonnent dans le temps? Par exemple, dans le cadre du règlement de la succession, des fois, il peut y avoir plusieurs interventions nécessaires, donc est-ce qu'on peut aller chercher une représentation temporaire pour les fins d'un dossier en particulier, par opposition à un acte juridique en particulier? C'est dans ce sens-là, donc est-ce qu'il y a une latitude laissée au tribunal pour aménager la représentation temporaire?

Mme Maccarone : Une dernière question.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 2 min 30 s.

Mme Maccarone : Parfait. Par rapport à la procuration, parce que je ne connais pas... J'ai la procuration de ma mère, par exemple. Elle l'a signée. C'est sûr que je n'ai pas eu cause de l'utiliser, c'est au cas où il y a quelque chose qui arrive. Dans un cas où on a quelqu'un qui, peut-être... On parle de la maltraitance. Est-ce qu'il y a un recours pour ces personnes-là? Parce qu'on dit : Ils ont tous le droit maintenant, ils ont la procuration, puis cette personne-là peut agir au nom du majeur. Mais est-ce que le majeur, il a un recours légal? Est-ce qu'il y a quelque chose qu'il peut faire pour éviter ou pour dire : Regarde, je ne veux plus ça maintenant, je veux reprendre mes droits civils?

• (16 h 20) •

Mme Morin (Christine) : Absolument. On peut toujours mettre fin à une procuration, en tout temps. Le problème en ce moment, c'est qu'il y a plein de gens qui l'ignorent.

On a fait une étude auprès de personnes aînées en collaboration avec Option Consommateurs où on leur posait différentes questions par rapport à leurs finances. Puis un des énoncés, c'était : Quand vous avez signé une procuration ou une procuration bancaire, comme mandant, vous pouvez y mettre fin en tout temps. Je ne me rappelle pas exactement le pourcentage, mais il y avait beaucoup de gens qui nous ont répondu non, qui ont dit : Il faut qu'on obtienne l'accord de notre mandataire.

Donc, ils ne savaient pas qu'unilatéralement ils pouvaient décider, du jour au lendemain, de mettre fin à cette procuration-là, alors que c'est un élément important. Comme mandant, on peut toujours mettre fin à une procuration quand on n'est plus content. On n'a pas besoin d'avoir de motif, il n'y a pas besoin d'avoir d'histoire de maltraitance. Demain matin, on décide qu'on ne veut plus ce mandataire-là, on peut y mettre fin. Mais, parfois, les gens pensent qu'il faut aller chercher l'autorisation ou l'accord du mandataire, ce qui est faux, ce qui est un problème. Puis l'autre problème, bien, c'est si le mandant est devenu inapte puis qu'il ne se rend plus trop compte de ce qui se passe, bien, il ne peut pas mettre fin non plus à la procuration parce qu'il ne se rend juste plus compte de ce qui se passe. Donc, c'est là, le danger.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste moins de 30 secondes.

Mme Maccarone : J'aurais plus un message pour le ministre, et le curateur qui nous a quitté, mais peut-être que ça devrait faire partie de la formation qui va être disséminée aux gens de savoir qu'ils ont des droits légaux, parce que je pense qu'en grande majorité les gens ne sont pas au courant qu'ils ont ce droit-là. Ça fait que ce serait d'éduquer la population qu'ils peuvent aller... il y a un recours vis-à-vis la procuration, voici comment le faire, parce qu'on est en train de refaire le réseau. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien, merci à vous. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke pour un bloc de 2 min 40 s.

Mme Labrie : Merci. Vous avez abordé une question intéressante tantôt sur la question de... est-ce que la banque, par exemple, peut signaler à l'assistant qu'il y a un problème. On peut se demander aussi est-ce que la banque peut signaler à la personne que... Est-ce que la banque peut signaler au curateur qu'il y a un problème avec un tuteur, par exemple? Est-ce que c'est un mécanisme qui existe en ce moment? Je comprends que non. Est-ce que vous pensez que c'est souhaitable de l'inclure dans la loi, que n'importe quelle instance pourrait signaler au curateur : Là, on pense qu'il y a quelque chose de croche avec cette tutelle-là ou avec cet assistant-là?

Mme Morin (Christine) : Bien, encore une fois, ici, votre question interpelle la question de la confidentialité puis, pour les professionnels, le secret professionnel. Donc, en ce moment, l'institution financière a une obligation de confidentialité, donc elle n'est pas supposée d'avertir le Curateur public. Donc, la première chose que devrait faire l'institution financière, c'est demander à son client... donc l'informer, lui offrir son aide. Si le client accepte, là, c'est parfait. Le client peut toujours lever le secret professionnel ou l'obligation de confidentialité, puis, à ce moment-là, le client... l'institution financière va pouvoir informer des proches, le Curateur public, peu importe. Mais, si le client refuse de lever l'obligation de confidentialité, bien, c'est là qu'il y a un problème parce qu'il faut respecter ce que le client a demandé. Donc, c'est pour ça que les institutions financières souvent, de plus en plus, vont inscrire dans les nouveaux comptes un mécanisme qu'ils appellent la «trusted contact person». Alors, cette personne de confiance là que l'institution financière peut contacter, s'ils se rendent compte qu'il se passe quelque chose dans le compte de banque qui est étrange, ils vont voir s'il y a cette personne-là identifiée, et là vont pouvoir communiquer avec elle pour l'inviter à accompagner son proche qui serait maltraité ou exploité financièrement.

Alors, la question qui m'avait été posée par la conseillère de Desjardins, c'est : Si on n'a pas le nom de cette personne-là dans le compte de banque, bien, est-ce qu'on pourrait utiliser le nom de l'assistant? Donc, est-ce qu'on pourrait demander à l'assistant, dans la mesure où l'assisté aurait coché une case, là, pour dire : Oui, j'accepte que ce soit réciproque et que les tiers puissent s'adresser à mon assistant en cas de besoin? En ce moment, ce n'est pas le cas, mais c'est peut-être une des voies, sans mettre de côté le secret professionnel, de reconnaître cette personne-là comme une personne-ressource qu'on pourrait contacter en cas de besoin.

La Présidente (Mme Chassé) : Cela conclut le bloc d'échange. Merci beaucoup. Merci pour votre contribution à la commission.

Je suspends momentanément les travaux pour laisser la place au prochain groupe à s'asseoir.

(Suspension de la séance à 16 h 24)

(Reprise à 16 h 26)

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, contente de vous retrouver. Et, je vous rappelle, vous le savez, vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, et qu'à une minute de la fin, je vais vous indiquer... c'est le temps de conclure. Commencez tout d'abord en vous présentant. Bienvenue.

Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Tessier (Philippe-André) : Bonjour. Merci, Mme la Présidente. Je m'appelle Philippe-André Tessier, je suis le président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je suis accompagné de Me Claire Bernard, directrice de la recherche, et Me Geneviève St-Laurent, conseillère juridique à la recherche.

Donc, mesdames messieurs les députés, M. le ministre, M. le Curateur public, je suis Philippe-André Tessier, comme je le disais, et je vous remercie de l'invitation faite à la commission de présenter nos commentaires sur le projet de loi n° 18.

Évidemment, comme vous le savez, la commission a pour mandat de relever les dispositions des lois et règlements du Québec qui seraient contraires à la charte et, évidemment, ce projet de loi là interpelle directement la commission, qui joue un rôle important en matière d'exploitation des personnes vulnérables, et ce, depuis près de 40 ans. En effet, la charte confie à la commission la responsabilité spécifique de faire enquête sur les cas d'exploitation de personnes âgées ou handicapées et de proposer des moyens pour régler ces situations ou de saisir le Tribunal des droits de la personne pour ce faire. Ce travail se fait toujours, d'ailleurs, en collaboration étroite avec le Curateur public, et nous sommes donc heureux de constater que cette collaboration se voit consacrée par le projet de loi.

La commission joue donc un rôle actif dans la protection des personnes en situation de vulnérabilité, qui se reflète aussi dans les avis, études et activités d'éducation qu'elle fait sur le sujet. C'est notamment à ce titre que la commission a fait l'analyse du projet de loi. L'objet et les dispositions de celui-ci concernent de nombreux droits protégés par la charte, dont notamment le droit à l'intégrité et à la liberté de sa personne, le droit à la personnalité juridique, le droit à la sauvegarde de sa dignité, le droit au respect de la vie privée et le droit à la libre disposition de ses biens.

De plus, le projet de loi introduit des modifications et des dispositifs qui concernent les mineurs, et les majeurs inaptes, et qui visent des personnes en raison de leur âge ou de leur handicap, évidemment deux motifs qui sont de discrimination interdite en vertu de la charte. La commission veut donc s'assurer que le projet de loi permet à ces personnes d'exercer leurs droits et libertés en toute égalité, tel que le garantit l'article 10 de la charte.

Notrfe analyse, évidemment, tient compte de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui renforce, hein, les droits contenus à la charte. Rappelons que le Québec s'est engagé en 2010 à mettre en oeuvre les droits inscrits dans ce traité dans les domaines de sa compétence. Il convient d'emblée de souligner que la commission souscrit aux objectifs du projet de loi, qui rejoignent plusieurs des recommandations qu'elle a formulées par le passé. Les changements proposés paraissent ainsi favorables au respect des droits fondamentaux des personnes vulnérables, et particulièrement du droit à l'intégrité à la liberté de sa personne, la personnalité juridique, du droit à la sauvegarde de sa dignité et du droit à la libre disposition de ses biens. Ces mesures s'inscrivent aussi dans l'évolution des régimes de protection destinés aux majeurs vulnérables, que préconise aujourd'hui le droit international et qui consacre le droit à la reconnaissance de la personnalité juridique en toute égalité.

Au terme de son examen du projet de loi, la commission souhaite néanmoins émettre quelques recommandations afin de, nous l'espérons, renforcer le filet de sécurité entourant les personnes vulnérables et de prévenir les abus dont elles pourraient être potentiellement victimes. Nos préoccupations concernent ainsi essentiellement les mécanismes de surveillance et de contrôle du mandat de la tutelle. Nous y reviendrons.

La commission se réjouit tout particulièrement des modifications qui visent à garantir une meilleure prise en compte des volontés et préférences du majeur vulnérable sous régime de protection ou dont le mandat de protection a été homologué. L'abandon de la curatelle et du conseiller au majeur pour ne conserver qu'une tutelle aux règles souples et modulables, en fonction des facultés et circonstances propres à chaque personne, nous semblent aussi constituer des mesures favorables à une meilleure reconnaissance de l'autonomie des personnes vulnérables. L'obligation de tenir en compte de l'avis du majeur, dans la mesure du possible, pour toute décision relative à la tutelle contribue également au respect du droit à la liberté de sa personne et de sa personnalité juridique. Il en va de même pour les mesures de représentation temporaire ou du mandat. De l'avis de la commission, toutes ces mesures contribueront à une meilleure reconnaissance de l'autonomie et de la volonté des personnes vulnérables.

• (16 h 30) •

La commission appuie également la création d'un assistant au majeur, une mesure qui respecte le virage préconisé par la convention voulant que la protection des personnes vulnérables passe d'abord par des mesures de décision assistée avant d'avoir recours à des mesures de décision substituts. Le mécanisme d'assistant au majeur permettra à des personnes aptes mais qui souhaitent bénéficier d'une assistance pour prendre soin d'elles-mêmes, pour administrer leur patrimoine ou pour exercer leurs droits civils de faire reconnaître auprès des tiers le rôle d'appui ou d'intermédiaire que joue un proche auprès d'eux. Pour bénéficier du mécanisme, il suffit que la personne fasse une demande de reconnaissance d'assistant au directeur de la protection des personnes vulnérables, tel qu'il est proposé, qui pourra refuser dans certains cas, y mettre fin si l'assistant ne peut plus agir ou si des mesures de protection sont mises en place à l'égard du majeur ou de l'assistant.

Cependant, alors que le mécanisme se veut visiblement souple et facile d'accès, la commission s'interroge sur les raisons pour lesquelles tout intéressé, y compris le directeur, doit s'adresser au tribunal pour mettre fin au mécanisme dans le cas où il exerce une crainte... il existe, pardon, une crainte que la personne majeure ne subisse un préjudice. Nous nous posons la question à savoir s'il aurait été plus cohérent de laisser cette appréciation au directeur, quitte à prévoir un mécanisme décisionnel qui garantit le respect de l'équité procédurale. Le mécanisme pose donc cette question à la commission de la nécessité de judiciariser cette partie du mécanisme.

D'autre part, pour être conforme à la convention, la prise de décision assistée devrait être disponible pour toute personne qui en ressent le besoin. Or, le projet de loi en limite actuellement l'accès aux personnes majeures qui souhaitent être assistées en raison d'une difficulté. La commission estime que ce critère est flou et qu'il soulève des difficultés d'interprétation dans la mesure où cela risque de poser une barrière inutile à l'accès à un mécanisme de décision assistée particulièrement respectueux des droits des personnes vulnérables. La commission recommande de retirer cette condition.

Par ailleurs, nous saluons l'introduction d'une disposition dans la loi qui prévoit que le directeur signalera à la commission, je l'ai dit plus tôt, toute situation susceptible d'être un cas d'exploitation au sens de l'article 48 de la charte. Cette disposition vient consacrer la collaboration qui existe déjà entre la commission et le Curateur public dans leur mandat de protection des personnes âgées ou en situation de handicap et en position de vulnérabilité et qui se poursuivra. Je tenais en informer les parlementaires.

Si elle adhère aux orientations de la réforme, la commission souhaite néanmoins faire quelques recommandations pour garantir le droit de toute personne âgée ou de toute personne handicapée d'être protégée contre toute forme d'exploitation, mais également, je le dis, de protéger les droits des mineurs, des enfants, compte tenu du mandat qui est attribué à la commission pour la jeunesse. La commission s'inquiète ainsi de la possibilité introduite par le projet de loi qui permettrait au tuteur datif d'être dispensé de constituer un conseil de tutelle et de rendre un compte annuel de gestion lorsque la valeur des biens administrés est inférieure à 25 000 $. Compte tenu du risque que représente l'affaiblissement des mécanismes de protection du mineur sous tutelle, la commission recommande de modifier le projet de loi pour prévoir que le tuteur datif doit constituer un conseil de tutelle et rendre un compte de gestion annuel, peu importe le montant du patrimoine en jeu. Par ailleurs, nous saluons l'introduction de mesures de reddition de comptes dans l'exécution de mandats de protection, mais nous déplorons qu'elles soient facultatives.

On insiste, à la commission, depuis 2001, pour que les mesures de surveillance et de contrôle du mandat de protection soient mises en place pour protéger les personnes âgées et/ou handicapées contre toute forme d'exploitation telle que le garantit la charte. La commission est notamment favorable à la possibilité de faire annuler certains actes faits seuls par le mandat postérieurement à l'homologation du mandat seulement si le mandat en subit un préjudice. Une telle mesure contribuerait à une meilleure protection du mandant sans nier son autonomie, son droit de faire des choix et même de faire des erreurs. La commission regrette néanmoins que la reddition de comptes soit facultative et qu'elle ne puisse pas être faite au directeur si personne n'a pu être identifié dans l'entourage pour la recevoir.

Compte tenu des risques d'exploitation auxquels font face les personnes âgées par un mandant, la commission recommande donc que le mandataire soit tenu de faire à un tiers ou au directeur, annuellement et sur demande, si les circonstances l'exigent, un rapport standardisé susceptible de mettre à jour les irrégularités de son administration. Au surplus, nous recommandons de retirer la possibilité pour le mandant de renoncer à la mesure de sécurité que représente la reddition de comptes faite régulièrement en cours d'exécution du mandat. En dernier lieu, nous estimons qu'en raison des risques d'exploitation auxquels font aussi face les personnes sous tutelle il serait opportun de modifier le projet de loi afin de mieux circonscrire les circonstances et les conditions dans lesquelles le directeur pourrait utiliser le pouvoir discrétionnaire qui lui permet d'autoriser la confusion des biens du tuteur avec ceux de son conjoint, de permettre la reddition de comptes autrement que par un rapport annuel standardisé et de dispenser le tuteur légal de constituer un conseil de tutelle.

Enfin, au-delà du processus législatif en cours, la commission est d'avis qu'il faudra porter une attention particulière, d'autres acteurs l'ont également mentionné devant vous, à la mise en oeuvre de cette réforme, notamment à la prise en compte de l'aptitude, de l'autonomie et de la capacité des personnes en situation de vulnérabilité par tous les acteurs impliqués. La commission recommande ainsi qu'une évaluation de la mise en oeuvre des mesures à être adoptées soit effectuée périodiquement conformément à sa mission.

Nous continuerons à veiller au respect des droits de ces personnes et nous sommes disposés à prendre part à cette réflexion, le cas échéant. Nous demeurons à votre disposition pour répondre à vos questions. Merci beaucoup de votre attention.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour vous, pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Lacombe : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous tous d'être ici, c'est toujours un plaisir de discuter avec vous, cette fois-ci, sur le projet de loi qu'on propose. On a, bien sûr, lu votre mémoire avec beaucoup d'attention, on en a fait ressortir quelques petites questions. Mais, d'abord, peut-être deux petites questions générales pour m'assurer que le Curateur public fait bien son travail. Vous l'avez dit tantôt, mais est-ce que vous pouvez nous parler de la collaboration avec le Curateur public? Est-ce que ça se passe bien au quotidien?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, effectivement. Donc, compte tenu des responsabilités qui sont dévolues à nos organismes respectifs, il est essentiel qu'une collaboration existe entre les organisations parce qu'il faut comprendre que les justiciables, que les citoyens du Québec n'ont pas nécessairement toujours une connaissance intime de l'ensemble de l'architecture des appareils de l'État, des différents organismes et émanations de l'État. Alors, je pense que c'est quelque chose qui est très important, tant pour la commission que pour le curateur, de s'assurer qu'entre nous on vise à adéquatement informer les citoyens qui communiquent chez nous, des rôles et responsabilités de l'un et l'autre pour s'assurer que la personne est au bon endroit et soit toujours... cogne toujours à la bonne porte, pour paraphraser une phrase un peu célèbre dans le milieu de la justice.

M. Lacombe : Et vous êtes donc d'accord... Est-ce que je peux même dire que vous vous réjouissez de l'introduction de la possibilité pour le directeur de signaler à la commission des droits de la personne et de la jeunesse les cas présumés d'exploitation? Vous êtes d'accord avec ça?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, ce qu'on pense, c'est qu'évidemment c'est toujours... ce genre d'entente là, lorsqu'il y a un message législatif, hein, lorsqu'il y a une... l'intention du législateur, elle est là lorsque le législateur dit : Cette collaboration-là est non seulement importante, hein, c'est encouragé, mais elle se retrouve inscrite dans les principes de la loi. On pense que ça aussi, ça vient mieux informer le public, ça vient bien faire comprendre que ce rôle et responsabilité ne dépendent pas des époques, ou des années, ou des titulaires des différentes charges, mais se pérennisent dans le temps pour chacune de nos institutions. Évidemment, c'est déjà dans la charte pour le Curateur public. Donc, ici on vient ajouter une disposition, si on veut, miroir dans la loi.

M. Lacombe : Dans la mécanique des choses, là, pouvez-vous me donner un exemple d'une situation où cette mesure-là prendrait tout son sens?

M. Tessier (Philippe-André) : C'est sûr et certain que je vais faire attention d'entrer dans des cas trop spécifiques, évidemment, mais ce qu'il faut comprendre, c'est que les cas qui sont soumis à l'attention de la commission, il arrive fréquemment que le statut de la personne qui est porté à notre attention, dont le cas est porté à notre attention pour une situation potentielle d'exploitation, il est possible qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas déjà présence d'un mécanisme prévu par la structure actuelle du Curateur public. Donc, c'est sûr et certain que lorsqu'il y a déjà des procédures ou des processus entrepris par une entité administrative chargée de la protection de la personne, bien, l'autre organisme responsable doit s'assurer de ne pas faire double emploi, si on veut, de s'assurer qu'il y a une coordination efficace par rapport à ça, dans le respect des compétences de chacun, parce que notre compétence et celle du curateur n'est pas la même. Évidemment, notre mandat, c'est de protéger la personne. Donc, c'est sûr et certain que, pour ces cas-là spécifiques, où est-ce que, par exemple, on est à la toute veille de l'ouverture d'un régime, bien, c'est sûr que ça, c'est important de le savoir parce que ça peut orienter les actions de la commission en matière d'exploitation.

M. Lacombe : D'accord. Maintenant, j'ai une question pour vous. J'ai une petite préoccupation et je voulais peut-être vous donner l'opportunité de nous donner plus de détails là-dessus. Vous êtes d'accord, je comprends, avec ce qu'on propose, d'introduire une obligation pour le mandataire de dresser un inventaire des biens qu'il administre dans les 60 jours de l'homologation du mandat. Par contre, vous ne voudriez pas, comme on le prévoit, qu'on puisse expressément renoncer à cette mesure-là. Je me questionne, parce qu'il reste que c'est une mesure... que c'est un contrat entre deux personnes, que, par exemple, dans le cas d'un couple, bien, la personne pourrait décider de dire : Bien, moi, ça fait 50 ans que je suis avec cette personne-là, je veux y renoncer. Donc, dans chacun des cas, vous pensez qu'il devrait y avoir cette mesure-là?

• (16 h 40) •

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, avec votre permission, je vais permettre à ma collègue de répondre.

M. Lacombe : La reddition de comptes, évidemment, là.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, j'avais compris.

M. Lacombe : Parce que l'inventaire étant avant bien sûr, là, je parlais... j'ai fait un lapsus, la reddition de comptes, à la fin. Dans certains cas, il semble que ça va de soi qu'on puisse renoncer à ça, mais ce n'est pas votre avis?

M. Tessier (Philippe-André) : On avait bien compris le sens de votre intervention.

M. Lacombe : D'accord.

M. Tessier (Philippe-André) : Mais la précision est utile pour nos téléspectateurs, là, mais on a bien compris.

Mme St-Laurent (Geneviève)  : Oui, effectivement, la commission, depuis... de longue date, réclame une reddition de comptes pour le mandat. On le sait, puis c'est déjà ce que l'intervenante précédente soulignait, les cas d'abus puis d'exploitation, ça arrive souvent entre proches. Et le mandat, c'est vrai que c'est un contrat, une entente entre deux parties proches, et, un peu comme un mariage, on ne prévoit jamais le divorce, on ne pense pas que les choses vont mal se passer. Donc, nous, ce qu'on... les recommandations constantes de la commission en cette matière-là ont été de dire : Il faudrait une mesure de reddition de comptes automatique, obligatoire, dans tous les mandats, de manière standardisée, pour qu'on puisse voir facilement s'il y a des problèmes ou pas. Après, tu sais, on comprend que, c'est ça, les gens n'ont pas forcément... C'est ça, quand tout va bien et qu'on va faire le mandat chez le notaire, on se dit : Bon, bien, oui, oui, on n'a pas besoin de la reddition de comptes, tout va bien aller. Mais, après, on ne sait pas comment les choses se passent, et puis souvent c'est dans un contexte familial. Là, on parle du conjoint, mais ça peut être un des enfants qui est choisi comme mandataire, puis on se retrouve dans un conflit familial où, là, les choses, finalement, ne sont pas tout à fait les mêmes. S'il y a une reddition de comptes, les choses sont transparentes, les choses sont claires. Donc, dans ce souci-là, dans cet esprit de protection, d'éviter les cas d'exploitation, c'est dans ce sens-là que la commission fait cette recommandation.

M. Tessier (Philippe-André) : Il faut comprendre que le vécu de la commission, c'est en matière d'application de l'article 48 de la charte. Puis, en matière d'exploitation... Puis pour les gens qui n'en font pas à tous les jours, des fois, ça surprend, mais c'est les proches qui font de l'exploitation. On pense que c'est une entité obscure, ou c'est une entité gouvernementale, ou un tiers, ou quelqu'un de mal intentionné. C'est malheureusement beaucoup plus proche de la maison que ça. Donc, ça, c'est une réalité avec laquelle, nous, on compose depuis 40 ans, ce qui anime ce genre de recommandation là ou, disons, cette prudence de notre côté.

M. Lacombe : D'accord. Je vais céder la parole à un collègue.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Merci beaucoup, M. le ministre. Alors, la parole est au député de Beauce-Sud pour la suite de l'échange, avec 9 min 4 s.

M. Poulin : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci pour votre mémoire. Je veux revenir un peu sur la question du ministre, sur un cas de figure concret de gens qui peuvent vous rejoindre, vous téléphoner si jamais ils souhaitent, bon, que ce soit dans le processus de révision d'un titulaire, votre avis sur une personne inapte, dans l'ensemble de ce que la CPDJ peut faire et dans l'ensemble des droits que vous offrez, que ce soit droits de la personne ou droits de la jeunesse. Concrètement, pouvez-vous nous parler des délais de réponse des ressources que vous avez à l'interne et de quelle façon vous vous y prenez concrètement?

M. Tessier (Philippe-André) : Votre question interpelle quelque chose d'un petit peu plus large, c'est toutes les dispositions entourant la question de l'exploitation. Mais, comme vous le savez, je pense que les intervenants précédents en ont parlé, également, depuis 2017, il y a une loi, donc, entourant la question de la maltraitance. Cette loi-là est venue, disons, mettre... installer, encore une fois, une collaboration entre organismes, donc le Curateur public, nous, mais également les corps policiers, l'AMF. D'autres entités gouvernementales sont signataires de cette entente-là, toujours dans l'idée d'assurer une collaboration avec le... sous le leadership du Secrétariat aux aînés. Donc, c'est sûr que cette question-là, de la maltraitance, elle est multifacettes.

Nous, une des mesures qui est aussi mise en place par le gouvernement sur la question de la maltraitance, c'est qu'il y a un plan d'action sur la maltraitance. Ce plan d'action là confie également certaines responsabilités à différents organismes, et, de notre côté, c'est sûr que ce plan d'action là vise à contrer le phénomène de l'exploitation, parce que toute question de maltraitance n'est pas nécessairement une question d'exploitation. Donc, c'est peut-être un sujet un peu vaste pour aujourd'hui, mais je peux vous résumer ça en vous disant que notre champ d'action à nous n'est pas sur l'ensemble de l'oeuvre, tout comme le Curateur public, son champ d'action, n'est pas sur l'ensemble de l'oeuvre, d'où la nécessité de concertation entre différents organismes sur ces questions liées à la maltraitance.

Donc, c'est sûr et certain que, pour nous, il y a une priorité donnée à ces cas-là, parce que c'est des cas qui sont dits, donc, urgents. Fréquemment, ce sont des personnes qui sont, donc, âgées, assez âgées, donc en situation de vie qui nécessite une attention immédiate. Donc, nous, c'est sûr que, sur cette question-là, on essaie d'être très vigilants à l'interne pour ce qui est de la question des délais, et d'où aussi la nécessité de la collaboration puis des échanges avec le curateur lorsque, souvent, on a un mécanisme soit qui vient d'être ouvert ou qui est à la veille d'être ouvert. Cette collaboration-là, institutionnelle, est très importante.

M. Poulin : Au niveau des délais, vous nous dites : Le plus court possible. Vous nous donnez un horizon?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, écoutez, c'est sûr et certain que, là, pour moi, c'est difficile de vous donner un délai spécifique par rapport à un cas d'exploitation. Ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a une séquence qui est mise en place lorsqu'il y a un cas d'exploitation qui nous est signalé. Et il faut se rappeler une chose, quand on parle de délais, il faut toujours être conscient que, si on parle d'un délai pour un dossier qui est judiciarisé, c'est sûr et certain que le processus judiciaire en soi, en lui-même, comporte un délai qui est plus grand. Mais il faut rappeler une chose, les cas d'exploitation qui nous sont signalés donnent fréquemment jeu, ouverture, à une action de notre part. Et il y a un juriste américain célèbre qui disait : «Sunshine is the best disinfectant.» Donc, la lumière du soleil, c'est le meilleur désinfectant. Et, souvent, juste le simple fait que quelqu'un de la commission, un enquêteur appelle, il dit : Bonjour, je suis enquêteur à la commission, nous avons reçu un signalement de la part d'une personne anonyme par rapport à une problématique, qui appelle, donc, le mis en cause, donc la personne qu'on allègue qui a fait la situation de l'exploitation, c'est sûr que, souvent, disons que ce dialogue-là amorcé avec la personne va venir, des fois, corriger des situations.

M. Poulin : ...certainement refroidir les ardeurs de certaines personnes.

M. Tessier (Philippe-André) : On l'espère, on le souhaite, et je vous dirais que, nous, c'est une action qu'on essaie de beaucoup plus porter puis pousser parce que le processus judiciaire comporte ses aléas et son lot de complications.

M. Poulin : Et je vous pose la question sur les délais parce qu'on a été sensibilisés collectivement, au Québec, à cette notion-là, entre autres, au niveau des centres jeunesse, du département de la protection de la jeunesse, puis Dieu sait que vous êtes, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse... vous avez tout un volet sur votre site Internet qui nous rappelle les droits de la personne, les droits des aînés, les droits de la jeunesse. Avez-vous vécu une hausse de téléphones, de signalements depuis, disons, les dernières semaines, les derniers mois, que ce soit au niveau des conseils, au niveau du droit de la jeunesse ou même... vous nous parlez... depuis 2007, là, de la loi qui a été faite...

M. Tessier (Philippe-André) : 2017, oui.

M. Poulin : ...2017, pardon, de la loi sur la maltraitance chez les aînés. Est-ce que, pour vous, ça a apporté un travail supplémentaire?

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Alors, il est évident que, et on ne se fera pas de cachette, la commission, comme beaucoup d'autres institutions publiques gouvernementales québécoises, est aux prises avec une augmentation assez importante des plaintes qui sont déposées. Je ne veux pas poser un outrage au Parlement avant de déposer mon prochain rapport annuel de gestion, qui est attendu d'ici le 17 octobre, donc, si vous me le permettez, je vous dirai que vous allez le recevoir bientôt.

M. Poulin : ...tendance à la hausse.

M. Tessier (Philippe-André) : Mais, c'est sûr, ça peut être que... vous pourrez voir, les députés seront... je serai ici même, à l'Assemblée, pour fait état de ça. Oui, effectivement, il y a une tendance à la hausse des plaintes, que ce soit en jeunesse, que ce soit en charte, mais que ce soit aussi en exploitation.

M. Poulin : Vous êtes à la Commission des relations avec les citoyens, à ce moment-là, la commission parlementaire?

M. Tessier (Philippe-André) : Non, c'est un dépôt.

M. Poulin : C'est simplement le dépôt. O.K. Il faudrait vous convoquer, à ce moment-là.

M. Tessier (Philippe-André) : Je me rends disponible pour les parlementaires.

M. Poulin : Merci. En terminant, avant qu'on cède la parole à ma collègue la députée de Bellechasse, peut-être parce qu'on est en élection fédérale, je veux parler de votre dernier paragraphe, vous nous parlez d'Élections Canada qui «exige que toute personne extérieure à la famille qui prête assistance à un électeur ne puisse aider qu'une seule personne par scrutin et qu'elle confirme cet engagement en signant une déclaration sous serment». Vous dites : «Nos recherches ne nous ont pas permis de confirmer si Élections Québec a adopté la même pratique.» Puis votre phrase, elle est révélatrice, parce que ce n'est pas normal qu'on n'est pas capable de le savoir, puis qu'effectivement, dans les bureaux de scrutin, dans les lieux de votation, cette question-là se pose, de savoir, exemple, si on est tuteur de deux personnes, est-ce qu'on peut les accompagner deux fois lors de la votation? Et, si vous, vous n'avez pas été capables d'avoir l'information, je me dis, le citoyen qui souhaite avoir l'information doit également avoir des défis. Alors, qu'est-ce qui fait en sorte que vous n'avez pas été capable de l'avoir? Puis, si oui, je trouve qu'il y a des questions fort intéressantes à se poser.

Mme St-Laurent (Geneviève)  : Très honnêtement, là, on n'a pas fait des recherches excessivement poussées sur cette question-là, mais, contrairement au site d'Élections Canada, où la section est très, très détaillée, l'information n'est pas rendue accessible par Élections Québec. Peut-être que c'est le cas, mais j'avoue très humblement que je n'ai pas pris le temps de leur téléphoner pour vérifier exactement, sur cette question-là, quelle est leur pratique. Par contre, ils n'ont visiblement pas de politique publique sur la question, c'est tout ce que je peux... Ma recherche s'est limitée aux documents publics d'élection sur ce point précis.

M. Poulin : Alors, d'institution à institution, j'invite votre commission à recommander à Élections Québec de rendre le tout accessible et de le clarifier. Je me mets dans la peau de parents, de gens qui s'en vont voter puis qui ne sont pas en mesure d'avoir cette information-là, ça peut faire en sorte certaines personnes ne puissent pas exprimer leur droit de vote. Et ça, c'est extrêmement inquiétant à ce niveau-là, malgré les efforts qu'on a faits, au cours des dernières années, pour permettre à des gens qui n'avaient pas le droit de vote d'y avoir accès.

Moi, je suis content, quand je vais visiter les organismes chez nous, de jeunes hommes, de jeunes femmes qui ont des défis, qui me disent : J'ai voté, je suis allé voter pour la première fois, puis de voir des étoiles dans leurs yeux, je trouve ça fabuleux. Alors, ce serait peut-être important de le recommander à Élections Québec.

Une voix : ...

• (16 h 50) •

M. Poulin : Oui, effectivement, il y en a qui ont deux enfants, effectivement. Merci beaucoup. Merci.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, pour la députée de Bellechasse, il reste 1 min 27 s pour votre question.

Mme Lachance : Merci, Mme la Présidente. Merci. J'ai une très brève question pour vous, parce que vous en avez fait mention, tout à l'heure, vous avez mentionné que l'exploitation et l'abus étaient quand même présents puis que, la plupart du temps, c'était des membres proches, des membres de la famille. Est-ce que vous auriez des statistiques très récentes sur le nombre de cas que ça peut représenter?

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Il vous reste une minute.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, alors, pour ce qui est de la commission, le nombre de cas que nous recevons par année, on parle de quelques centaines, O.K., donc, cela dit, évidemment, on parle de situations ici où est-ce qu'il y a enquête qui est faite.

Évidemment, on a un volume d'appels qui est plus important, mais, comme je vous dis, là, quand on parle de situations qui deviennent véritablement... qui nécessitent, disons, vraiment de déployer des moyens d'enquête, on parle de quelques centaines de cas par année. Mais c'est quand même plus qu'avant. Et c'est une tendance où est-ce qu'on voit augmenter, dans les dernières années, le nombre de ces signalements-là ou de ces situations-là qui sont portés à notre connaissance.

Mme Lachance : Bien, merci. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Lecours, Les Plaines) : Alors, merci beaucoup. Merci à la partie ministérielle. Maintenant, nous allons passer la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis, pour une période de 10 min 40 s.

Mme Maccarone : Merci. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre mémoire puis votre présence ici avec nous aujourd'hui. Puis ça m'allume la question, quand on parle des plaintes, parce que vous avez dit qu'il y a une hausse : Est-ce que le projet de loi n° 18 répond ou va répondre aux plaintes actuelles puis envisagez-vous une diminution grâce à l'adoption éventuelle de ce projet de loi?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, c'est sûr et certain que la présence d'un mécanisme souple, flexible, comme l'assistant aux majeurs, je ne pense pas que son objectif premier, c'est nécessairement de lutter contre les cas d'exploitation visés à 48. Mais, évidemment, lorsqu'on a des personnes qui sont là, qui sont là pour assister, on espère y voir un effet bénéfique, et c'est pour ça, d'ailleurs, qu'on appuie... Comme on l'a bien dit, c'est en droite ligne avec la convention internationale que le Québec a signée, c'est en ligne avec les principes du fait qu'il faut toujours faire attention, dans les cas d'exploitation, de ne pas nier non plus l'autonomie de la personne, hein? Ce n'est pas parce qu'on est âgé ou qu'on est dans une situation de handicap, comme l'article 48 le décrit, qu'on est nécessairement vulnérable ou qu'on est, peut être exploité. Alors, une personne âgée peut très bien décider de donner des cadeaux à ses petits-enfants, de payer des voyages. Où est-ce que ça devient plus problématique, puis, des fois, c'est là où que la zone est grise, c'est quand ces voyages-là ne sont peut-être pas nécessairement de la propre initiative de la personne âgée, mais disons... Alors, ces éléments de nuance là, c'est sûr et certain qu'il y aura encore, je pense, malheureusement, demain matin, des cas d'exploitation. Mais c'est sûr qu'il y a des mécanismes plus souples, plus flexibles qui respectent l'autonomie de la personne, ça, on l'espère, de nature à venir, donc, aider à accompagner les personnes en situation de vulnérabilité.

Mme Maccarone : Parce que votre organisme représente toutes les personnes, mais incluant jeunesse en particulier, le volet jeunesse, j'aimerais savoir si, dans votre mémoire puis dans votre présentation aujourd'hui... Avez-vous eu le réflexe de regarder le projet de loi avec un oeil pour les personnes majeures et les personnes mineures? Si oui, quelle est la différence? Déjà, vous dites oui, ça fait que je vais arrêter là. Quelle est la différence?

M. Tessier (Philippe-André) : C'est parce que c'est une bonne question. Bien, effectivement, c'est toute la question de la tutelle dative, puis ma collègue peut vous en parler, mais, si vous regardez, là, dans notre mémoire, à la page 17, donc, les mesures de surveillance et de contrôle de la tutelle dative, hein, c'est sûr et certain que pour la commission, notre rôle étant également de veiller aux droits et aux intérêts de l'enfant au Québec, donc les mineurs, les moins de 18 ans, évidemment, la question ici se pose par rapport à cette tutelle dative là, donc c'est pour ça que notre recommandation, nous, c'est toujours, encore une fois, l'idée du rapport annuel de gestion, là, c'est ce qui est notre recommandation n° 4, peu importe le montant. Je vous parlais dans mon allocution d'ouverture du montant de 25 000 $. Donc, c'est sûr et certain que nous, en raison de notre mission de veiller à l'intérêt de l'enfant, quand on voit ça, bien, encore une fois, on fait une recommandation au législateur et puis on vous laisse par la suite en disposer puis prendre la meilleure décision dans l'intérêt des Québécois.

Mme Maccarone : Puis est-ce qu'il y a autres indices que nous devons regarder à l'intérieur, mettons, encore une fois, je reviens à mineur versus majeur, quand on parle de protection temporaire, assistance, etc., est-ce qu'il y a une différence à l'intérieur de ceci que nous devrions être conscients?

M. Tessier (Philippe-André) : Nous, à part la question de la tutelle dative, on n'a pas remarqué d'autres éléments dans le projet de loi.

Mme Maccarone : Bon, puis d'abord quand on parle de 25 000 $, par exemple, est-ce que ça, c'est un montant qui devrait être indexé, par exemple?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, oui...

Mme St-Laurent (Geneviève)  : Sur le montant de 25 000 $, nous... En fait, ce qu'il faut aussi savoir, c'est que, par exemple, dans des cas d'exploitation, ce n'est pas toujours des gens qui ont énormément d'argent qui se font exploiter. Des fois, l'exploitation, c'est sur... c'est des gens qui ont un petit patrimoine. Après, quand on est en position de vulnérabilité ou de dépendance par rapport à quelqu'un qui a le contrôle sur nos finances, peu importe le montant... Donc, nous, on estime qu'il ne devrait pas y avoir de distinction, là, par rapport au... On ne fait pas... Le 25 000 $, il est là depuis un certain temps, mais on n'estime pas qu'il soit insuffisant comme montant.

Mme Maccarone : Alors, est-ce qu'on devrait, n'est-ce pas, l'enlever? Il y a du monde qui ont dit : Ça devrait être zéro.

M. Tessier (Philippe-André) : C'est une possibilité.

Mme Maccarone : Je ne l'ai pas, l'article, devant moi, mais j'ai demandé aux autres intervenants leur avis par rapport... On a dit qu'il faut vraiment faire tous les efforts pour rejoindre les personnes si elles veulent intervenir ou faire des changements. Pour vous, est-ce que ça, c'est quelque chose qui devrait être défini, c'est quoi, tous les efforts, comme... Je ne le sais pas exactement comme il faut, mais que tout effort est mis en place avant de procéder? Parce que ça se peut qu'il y ait des moments... Comme vous avez dit, souvent, on a... Exemple, sur votre page 16, on parle beaucoup pour le... On parle des élections, mais ça peut être n'importe quoi. Qu'est-ce qu'on fait pour les gens qui n'ont pas nécessairement des membres de la famille qui vont être là pour leur aider? Puis, quand on dit qu'il faut que l'assistant ou la personne à charge, que ça soit le curateur... fasse tous les efforts possibles pour rejoindre les personnes dans sa tribune pour aider, il faut faire tous les efforts possibles avant d'aller vers l'avant... mais ce n'est pas défini, «tous les efforts». Est-ce que ça, c'est quelque chose que vous voyez problématique vis-à-vis peut-être des plaintes éventuelles que le monde vont dire : Bien, ils n'ont vraiment pas fait tous les efforts, parce qu'ils n'ont pas fait ça, ils n'ont pas fait ci? Est-ce que, ça, c'est quelque chose que vous pensez... mérite d'être clarifié?

M. Tessier (Philippe-André) : Je vous avoue que ce n'est pas un élément sur lequel on a vraiment porté attention. La notion de «tous les efforts», je veux dire, on peut le dire de différentes façons, mais, évidemment, c'est... Il faut se mettre en garde aussi de placer un fardeau insurmontable. Donc, il y a aussi une question ici de rédaction législative. Nous, on n'a pas...

Une voix : C'est laissé à l'appréciation du juge.

M. Tessier (Philippe-André) : C'est un peu laissé à l'appréciation aussi. Est-ce que tous les efforts ont été rencontrés ou non? Je vous avoue que là-dessus, on n'a pas vraiment... je n'ai pas vraiment d'éléments de réponse à vous fournir à part ça.

Mme Maccarone : Et, parce que vous visez vraiment les membres de la famille, que fait-on pour les gens qui n'ont pas de membres de la famille? Est-ce qu'il y a quelque chose à clarifier à l'intérieur de qu'est-ce que nous sommes en train de faire? Votre opinion.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, c'est sûr. C'est pour ça... C'est parce que la... Tu sais, l'assistant, c'est ça aussi qui est intéressant, comme mécanisme, ce n'est pas obligé d'être un membre de la famille. Donc, c'est pour ça que nous, on salue ce qu'on juge être une avancée puis une meilleure conformité de la nouvelle loi future avec ce qui est nos engagements internationaux puis notre charte québécoise des droits et libertés. Alors, je vous dirais que, pour ça, l'assistant, il répond un peu à cet élément-là que vous soulignez, qui est le fait que ce n'est pas tout le monde qui a un réseau social élargi, et tout. Ça peut être aussi un peu plus ouvert, cette question-là.

Mme Maccarone : Merci, Mme la Présidente. Ça conclut pour moi. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Merci à vous. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke.

Mme Labrie : Merci. Dans votre mémoire, vous parlez du délai maximal de cinq ans, qui serait adapté pour les cas plus lourds, mais... et pour certaines personnes, vous dites : «Il est à espérer que les tribunaux continueront à prévoir un délai de réévaluation plus court dans les autres cas.» Mais il n'y a pas de recommandation par rapport à cette préoccupation-là dans votre mémoire. Est-ce que vous avez des pistes de solution pour encadrer ça?

• (17 heures) •

Mme St-Laurent (Geneviève)  : Ça va être... En fait, ça va être fixé au cas par cas par les juges. Donc, c'est l'idée d'une tutelle modulable. C'est sûr que c'est difficile pour nous de faire une recommandation là-dessus, puisque... Il faut... Comment... Après, il y a sans doute moyen pour les parlementaires de réfléchir à différentes formulations. Mais, nous, ce qu'on voulait surtout souligner, c'est que, par rapport à nos recommandations passées, où il y avait eu... Dans le dernier projet de loi, il y avait une volonté d'étendre ces délais-là beaucoup. Il avait été proposé que ce soit 10 ans en matière de curatelle, par exemple. Donc, pour nous, quand on regarde le cinq ans pour les cas les plus lourds puis que ce soit au cas par cas modulable, c'était un pas dans la bonne direction, on va dire. Après, c'est sûr qu'on ne peut qu'exprimer le souhait que les greffiers spéciaux puis les juges qui prennent ces décisions-là continuent à avoir une jurisprudence qui tienne compte... que ce ne soit pas cinq ans presque automatiquement pour tout le monde, donc que ça tienne compte de l'évolution des gens. Après, il y a aussi d'autres mécanismes qui permettent la révision à différents moments ou selon le besoin, donc je pense qu'on a... la commission a estimé que ça répondait un peu à cette inquiétude-là, et puis que... Mais, certainement, il ne faudrait pas que ça dépasse le cinq ans.

Mme Labrie : Est-ce que vous pensez que ce serait préférable d'ajouter une mention, par exemple, qui dit que... quand la situation d'inaptitude est temporaire, de prévoir que le délai soit aussi court que possible?

Mme St-Laurent (Geneviève)  : Normalement, c'est ce que le juge doit faire, donc c'est difficile pour la commission de venir dire à la magistrature comment interpréter. Après, c'est ça, il y a toujours...

M. Tessier (Philippe-André) : Le problème des cas d'application, évidemment, c'est qu'on peut, aujourd'hui, penser à deux, trois, mais en oublier un certain nombre. Et c'est pour ça que des fois... Puis ça respecte aussi l'autonomie, hein, individuelle. C'est ça aussi, le principe, cette appréciation-là, cet exercice-là. Ce qu'on souhaite juste éviter, c'est l'automatisme.

Mme Labrie : ...donc, de comment ça se passe dans la réalité. Est-ce que c'est systématiquement cinq ans? Il faudra intervenir, si c'est le cas.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, et c'est notre conclusion, en effet, puis je pense qu'on n'est pas les seuls à le dire. C'est sûr et certain que ce genre de projet de loi là, on pense que c'est important de revoir, après un certain temps, qu'est-ce qui en est.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre exposé et votre contribution aux travaux de la commission.

Nous allons suspendre momentanément pour laisser la place à la prochaine personne qui vient nous entretenir.

(Suspension de la séance à 17 h 02)

(Reprise à 17 h 04)

La Présidente (Mme Chassé) : Je souhaite maintenant la bienvenue à la représentante de la Fédération québécoise de l'autisme. Vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous faire un signe pour vous inviter à conclure. Je vous invite à tout d'abord vous présenter. Bienvenue.

Fédération québécoise de l'autisme (FQA)

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Parfait. Alors, je suis Jo-Ann Lauzon. Bonjour, mesdames. Bonjour, messieurs. Merci de l'invitation. Je suis la directrice générale de la Fédération québécoise de l'autisme. Je devais être avec notre présidente, Mme Plourde, qui s'excuse, elle a eu une grave urgence, alors elle ne peut pas être là.

Donc, vous avez vu qu'on vous a... Notre mémoire, c'est un petit mémoire. Chez les personnes autistes, c'est quelque chose... Il y a plus d'enfants, à l'heure actuelle, donc on n'est pas encore dans tous ces mécanismes-là, mais ça commence quand même de façon assez régulière. Puis les adultes autistes ont souvent eu leur diagnostic au moment où ils étaient déjà adultes, alors ils ne sont pas dans ce processus-là pour beaucoup.

Donc, la fédération, c'est un organisme qui a été fondé en 1976 par des parents d'enfants autistes. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'avant 2003, l'autisme au Québec, ça n'existait pas, en termes... Au niveau des services, on envoyait les gens soit en santé mentale soit en déficience intellectuelle. Donc, on est considérés comme une clientèle émergente.

Notre organisme compte 75 organismes membres, c'est-à-dire à peu près tous les organismes qui ont un intérêt pour l'autisme au Québec. Ce qu'on a en commun, c'est les intérêts de la personne autiste et ceux de sa famille et de ses proches. Notre mission, c'est de mobiliser tous les acteurs concernés afin de promouvoir le bien-être des personnes, sensibiliser et informer la population sur les troubles du spectre de l'autisme ainsi que sur la situation des familles, et contribuer au développement des connaissances et à leur diffusion. Vous devez vous rendre compte que, dans les médias, on parle très, très souvent d'autisme, là. C'est vraiment tout en train de se mettre en place. Ça prend du temps. Donc, c'est des situations qui sont souvent assez difficiles.

Notre travail, ça se traduit par, évidemment, la promotion des intérêts et des droits, l'information et la formation, la promotion et une vie associative assez intense, là, pour soutenir nos membres à travers tout ce qu'ils ont à faire, là, auprès des familles.

Le projet de loi n° 18 nous interpelle grandement parce qu'une majorité de familles doivent continuer à protéger leurs fils et leurs filles qui deviennent adultes. Il faut savoir que le taux de prévalence augmente continuellement. On évalue l'augmentation au Québec à, à peu près, 20 % par année, ce qui fait qu'au bout cinq ans le taux de prévalence double complètement. Et la commission des droits a fait une enquête, là, l'été passé, puis elle sortait des chiffres au niveau de l'autisme. Juste pour le réseau scolaire, là, entre 2001 et 2016, il y a eu 628,4 % d'augmentation d'élèves autistes. Donc, ce n'est pas une histoire, le taux de prévalence, il augmente vraiment, vraiment beaucoup.

Alors, les personnes autistes, aussi, on appelle ça le trouble du spectre de l'autisme. Donc, ça part à une extrémité puis ça s'en va à l'autre. C'est un groupe qui est très hétérogène par rapport à leur niveau de fonctionnement, les caractéristiques cognitives et comportementales, la présence ou non de troubles associés, comme la déficience intellectuelle, les troubles d'anxiété, les troubles graves de comportement, des stéréotypes comportementaux, les troubles liés aux sens, bien sûr, des troubles de l'attention, des troubles de santé mentale et tous les autres troubles, en fait, que nous, on pourrait avoir, mais ceux-là, on les retrouve fréquemment chez les personnes autistes. Donc, la flexibilité des mesures d'assistance s'avère essentielle dans le cas de notre clientèle.

Pour ce qui est du projet de loi n° 18, je ne sais pas si je pourrai vous envoyer un autre PDF de notre mémoire. J'ai parlé avec M. Marsolais, puis, à un moment donné, on s'est mélangés, là, au niveau de la terminologie. J'ai corrigé ça aujourd'hui, mais j'ai une copie papier seulement. En fait, on mélangeait, là, l'assistant, le représentant, tout ça. Ce que ça nous dit, parce qu'on avait un bon gros dossier, épais comme ça, c'est qu'il va falloir être très, très clair pour la population en général puis pour les organismes comme nous aussi, parce que nous, on va avoir le devoir, en fait, de donner cette information-là à nos membres. On a travaillé fort, puis malgré tout, on s'est mélangés dans tout ça.

Donc, ce qu'on apprécie beaucoup, dans le projet de loi n° 18, c'est la simplification des régimes de protection actuelle. Bien sûr que ça facilite la vie de tout le monde, hein? On apprécie aussi le fait d'avoir des dispositifs de protection sur mesure qui tiennent compte des forces de la personne assistée et qui lui permettent de continuer à avoir une participation active dans des décisions qui la concernent. Donc, ça, ça nous apparaît très, très important. On apprécie aussi le principe d'une tutelle personnalisée. Ça, c'est vraiment bien. Tu ne perds pas tous tes droits parce que tu as besoin d'aide à certains niveaux, donc la personne va pouvoir continuer à exerces ses droits le plus longtemps possible, puis garder un contrôle sur certains aspects de sa vie.

• (17 h 10) •

On a des inquiétudes, des questions, des commentaires. Alors, au niveau de la représentation temporaire, puis on en a discuté beaucoup, c'est que la personne assistée qui bénéficie d'une représentation temporaire, on a peur qu'elle soit influencée dans le choix de son représentant. Comment on va s'assurer que ça ne sera pas le cas? On nous a parlé de questionnaires entre autres, là, uniformes, qu'on allait poser aux gens, et le mot «uniforme» nous a fait très, très peur, parce qu'avec des personnes autistes, l'uniformité, ça ne fonctionne pas du tout. Des questions ouvertes avec un oui ou un non, ça va être une réponse... un oui ou un non. Il faut vraiment connaître l'autisme pour être capable de poser les questions de la bonne façon. Alors, peut-être s'assurer, là, d'avoir des gens terrain, là, quand il y aura formulation de ces questions-là, de ces questionnaires-là.

Est-ce que les mécanismes seront mis en place pour s'assurer que les droits de la personne sous tutelle seront effectivement respectés? Actuellement, parce qu'on parle à des travailleurs sociaux, entre autres, qui ont des dossiers, puis ils nous disent : Bien non, ça ne change rien, ça va être la même chose, on respecte encore leurs droits actuellement, c'est juste qu'ils ne sont pas capables. Une mentalité comme ça, ça va être long à changer. On le sait, hein, c'est 10 ans, à peu près, là, changer ce genre de pratique là. On pense qu'il faudrait qu'il y ait une façon pour s'assurer que les droits de la personne sont effectivement respectés.

Le rôle d'assistant, comme tel, on trouve ça un peu large. Je comprends que ce n'est pas judiciarisé, mais où commencent et où se terminent ses responsabilités, à cette personne-là? Je sais aussi, bon, qu'elle va être dans un registre. En tout cas, je trouve ça très, très vague, là, ça manque de précisions. Puis, pour des personnes vulnérables, on aurait peur qu'il y ait de l'abus au niveau de cette mesure-là.

Le nouveau titre du protecteur, le protecteur des personnes vulnérables, pour nous, ça porte énormément à confusion, entre autres, avec la loi sur la maltraitance, qui est là depuis deux ans puis qui est très utile, là, avec notre clientèle. Cette loi-là oblige toute personne qui est témoin de la maltraitance à faire un signalement. J'ai l'impression que le Protecteur du citoyen ou le protecteur des personnes vulnérables va recevoir plein de plaintes qui n'auront aucun rapport, là, avec la protection d'une personne. On n'est pas dans la maltraitance, c'est autre chose. Je trouve ça... On ne parle pas non plus de personnes vulnérables dans la loi, et là le titre, on est plus ou moins à l'aise avec ce titre-là.

Notre plus grande inquiétude quant aux changements qui sont proposés dans le projet de loi, c'est la capacité des ressources actuelles du Curateur public à soutenir les personnes en besoin de protection, leurs familles et leurs proches. Parce que l'adoption de cette loi-là, ça va entraîner des demandes d'information, du soutien aux personnes qui vont initier une démarche, la gestion de la multitude des mesures d'assistance personnalisées, parce que ça va être personnalisé, donc, en principe, ça prend plus de temps à gérer. Ça va demander une compréhension détaillée de la situation d'une personne à protéger. Puis, enfin, la gestion du changement de régime comme tel pour les personnes qui s'inscrivent dans les modèles actuels. Actuellement, une personne qui est sous la garde du Protecteur du citoyen, quand elle est très, très chanceuse, elle rencontre le protecteur une fois par année. Ça fait que, si on rajoute tout ça, il faudrait s'assurer, là, d'avoir assez de personnel pour réaliser tout ça.

Au niveau de nos recommandations, on aimerait que le Curateur public s'assure d'avoir des mécanismes en place pour les situations où la condition de la personne assistée requiert immédiatement une plus grande protection, c'est-à-dire qu'on parlait, là, au niveau de la tutelle, s'il y a une réévaluation à faire, tu sais, mettons, qu'on juge que ça va être dans deux ans, sauf qu'il y a des situations où la personne, par exemple, aurait une maladie dégénérative ou ça peut se produire rapidement, puis, s'il faut attendre cinq ans pour une réévaluation, ça risque de la mettre dans des situations où elle pourrait se faire abuser.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça termine votre exposé.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Et on va maintenant... bientôt débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous, mais je pense que vous avez une suggestion?

M. Lacombe : Bien, oui, après discussion avec des collègues, on sait que c'est un sujet qui est cher à la députée de Westmount—Saint-Louis, puis on lui proposait, si elle le souhaite, de peut-être lui céder la moitié de notre temps pour qu'elle puisse poser plus de questions. Je ne sais pas si on a le droit de faire ça?

La Présidente (Mme Chassé) : Est-ce que vous voulez lui céder la moitié de votre temps au début de votre période d'échange ou à la fin?

M. Lacombe : Bien, ça... comme vous voulez, là. Au début. Ce serait peut-être au début?

La Présidente (Mme Chassé) : Bien, on pourrait le... Je le suggère à la fin, comme ça, elle pourra avoir... Est-ce qu'il y a consentement à offrir la moitié du temps du bloc du parti formant le gouvernement? Très bien. Alors, M. le ministre, vous avez huit minutes.

M. Lacombe : Super! Donc là, je vais me dépêcher. Mais, en fait, je n'ai pas beaucoup de questions. Votre présentation était claire. D'abord, peut-être, une petite précision. Vous dites que vous avez une certaine inquiétude au sujet des ressources, est-ce que le curateur, qui va changer de nom, aura suffisamment de ressources pour s'acquitter de sa nouvelle tâche. Cette année, il y a 10 ressources qui sont ajoutées. La curatrice déléguée, il y a... on envisage jusqu'à 27, il y a un horizon, dans les prochaines années. Il y a une somme de près de 15 millions de dollars qui est accordée pour tous les changements qui seront nécessaires. Ça, est-ce que ça vous rassure? C'est une bonne nouvelle?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Oui, oui c'est sûr.

Une voix : ...

M. Lacombe : Il faut une réponse claire. Page 4 de votre mémoire, dans la section...

Une voix : ...

M. Lacombe : ... — on n'est pas en demande budgétaire, là, Denis — dans la section Le respect de la personne représentée, tantôt vous l'avez effleuré, là, j'ai tendu les oreilles, parce que je me demandais si, justement, vous alliez donner un peu plus de détails, et vous ne l'avez pas fait, donc là, j'aimerais peut-être avoir l'occasion de vous entendre là-dessus, vous dites qu'il y aurait... Bien, en fait, je vais vous citer, là, vous dites : «À notre avis, il y aurait intérêt à préciser l'obligation de mettre en place des mécanismes pour s'assurer que les droits de la personne représentée seront effectivement respectés.» Vous avez expliqué ça tantôt, mais on se demande un peu... Bien, d'abord, est-ce que vous pouvez préciser un peu plus, puis avez-vous des idées? Qu'est-ce que vous avez en tête exactement?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : ...pas vraiment de façon de faire, là, de recette miracle, mais si on se fie à ce qui se passe actuellement, quand je disais là, quand j'en parlais à des travailleuses sociales, elles me disent : Bien, c'est exactement ce qu'on fait actuellement, là, la personne a encore le droit de faire ses choix, na, na, na, mais, dans la réalité, ce n'est pas ça qui se passe, là. C'est toujours des situations qui se règlent très rapidement. Et, comme on est habitués à prendre les décisions pour les personnes qui sont sur curatelle présentement — sous curatelle, oui — est-ce qu'on va... Ça va être quoi, le mécanisme? Tu sais, entre de dire : Vous devez faire en sorte que la personne participe à ses décisions puis de vérifier si la personne a participé à ses décisions, c'est là que ça se joue, là. Parce que je peux bien vous dire, moi : Oui, oui, je lui ai demandé son opinion, c'est plus dans le sens, surtout des gens qui font ça depuis des années, qui ont une façon de faire, qui prennent souvent les décisions à la place des personnes vulnérables, comment on va s'assurer que ces personnes-là vont avoir été consultées, les personnes vulnérables?

M. Lacombe : Est-ce que c'est dans le cadre de la mesure d'assistance que vous exprimez cette crainte-là? Parce que...

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Pour la tutelle personnalisée.

M. Lacombe : Exact, O.K. Donc... Parce que, dans la mesure d'assistance, on comprend que la personne ne cède pas ses droits, là.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Oui.

M. Lacombe : Puis je vais terminer, je vais laisser la parole à mon collègue après, mais, peut-être, terminer en vous... en échangeant rapidement sur la mesure d'assistance. Vous dîtes : On trouve que c'est large, que ce n'est peut-être pas assez défini, où commence la responsabilité de l'assistant, où est-ce qu'elle se termine. L'idée derrière le projet de loi, c'est de donner de l'autonomie aux personnes, donc il y aura autant de cas d'assistants qu'il y aura d'assistant, en ce sens où la personne n'exerce pas les droits pour l'assisté. Elle est là pour le conseiller comme c'est déjà le cas probablement, sauf que, là, on lui donne de la légitimité, parce qu'elle peut téléphoner, et puis elle a la légitimité par exemple de téléphoner à la banque ou dans un ministère. Est-ce que vous trouvez quand même que ça demeure trop flou?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Oui, oui. Si la personne ne perd pas du tout ses droits, c'est-à-dire que la personne qui assiste ne pourra pas, par exemple, signer de papier à la place de... Bon, O.K. Ça, ça me...

M. Lacombe : Ça répond à votre inquiétude?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Oui, oui, oui, tout à fait, oui.

M. Lacombe : Super! Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, j'invite maintenant le député de Sainte-Rose à prendre la parole. Vous avez 3 min 30 s.

M. Skeete : Merci, Mme la Présidente, ça va être plus vite que ça. Dans le fond... Bonjour, merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui pour nous éclaircir. Dans votre mémoire, vous avez exprimé que vous avez un questionnement sur l'appellation de la direction de la protection des personnes vulnérables. Pouvez-vous m'éclairer davantage sur la confusion, là, que ça pourrait apporter, qui pourrait exister entre le terme «inapte» et «vulnérable»? Comment vous voyez ça, vous, la fédération? Est-ce que c'est une appellation qui est trop sévère, qui porte confusion, qui peut nuire? Vous voyez ça comment?

• (17 h 20) •

Mme Lauzon (Jo-Ann) : En fait, c'est qu'on ne voit pas le lien avec la loi comme telle, parce qu'on ne parle pas de personnes vulnérables dans la loi. On ne parle jamais de personnes vulnérables, puis, tout à coup, c'est le Directeur de la protection des personnes vulnérables. Au niveau de l'autisme, il y a des personnes qui ont certaines vulnérabilités. Je l'ai dit tantôt, c'est un spectre. Il y a des médecins qui sont autistes, qui ont besoin d'aide à certains niveaux, puis pas du tout à d'autres niveaux. Ce n'est pas nécessairement des personnes vulnérables. En tout cas, elles n'aiment pas se faire identifier comme personnes vulnérables, là. Je ne le sais pas. Moi, à cause... Chez nous, là, ce qu'on a vu, c'est que... parce qu'on travaille beaucoup avec la nouvelle loi sur la maltraitance, puis c'est pour les personnes vulnérables, c'est toujours, toujours ça qui revient, «personnes vulnérables». Donc, on a peur que les gens, qu'ils aient à utiliser les signalements pour la maltraitance. Tu sais, je cherche de l'information, je m'en vais sur Internet, je vois «Directeur de la protection des personnes vulnérables», c'est là que je vais. Ça n'a aucun rapport avec la loi sur la maltraitance. C'était surtout ça, là, qu'on trouvait très confondant, là.

M. Skeete : Merci. Je cède le reste de mon temps, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Très bien. Alors, vous êtes gâtée et vous le méritez. Alors, je cède la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis pour un bloc d'échange de 19 min 40 s, c'est ça? On l'a ajusté, hein?

Mme Maccarone : C'est comme Noël, Mme la Présidente.

Des voix : Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Chassé) : «It's Christmas!»

Mme Maccarone : Je n'ai jamais eu autant de temps. Alors, vraiment, merci. Merci, collègue, je suis vraiment touchée, c'est très gentil d'avoir accordé tout ce temps-là. Je ne sais pas si vous êtes au courant... Oui. Bon, bien, voilà, je n'irai pas en détail.

C'est sûr, pour moi, je veux parler un peu, parce que je le vis présentement, personnellement, puis vous, vous avez probablement vécu un peu la même expérience ou... terrain, les membres que vous représentez, la transition de mineur à majeur. Très important, parce que c'est là où on commence à ouvrir la porte aux idées de Curateur public, ça veut dire quoi, je n'ai jamais pensé avant, tu sais, la veille de la fête de mon fils, mon Dieu! ça se peut que j'aurais besoin de ça, une chance que j'ai ouvert un compte de banque quand il avait 17 ans parce qu'il avait eu un petit emploi puis je voulais lui montrer c'est quoi, avoir un peu d'indépendance.

J'aimerais avoir un peu votre expérience terrain pour ce changement-là, parce qu'il y a un impact. Puis est-ce qu'il y a quelque chose... Est-ce que vous sentez que... Toujours à l'intérieur du projet de loi, parce que je ne veux rester quand même à l'intérieur de qu'est-ce qu'on discute ici aujourd'hui, est-ce que le projet de loi répond aux questions pour notre communauté, les personnes autistes? Parce qu'aussi il faut aller en détail, c'est totalement différent que les autres communautés, comme vous avez bien cité avant. Quand on parle de la transition de mineur à majeur, est-ce que ça répond aux préoccupations que la communauté peut avoir?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Les parents vont être très, très satisfaits de la mesure d'assistance, c'est clair, c'est facile. Actuellement, les jeunes adultes ne sont souvent ni sur la curatelle... Ils ne sont pas sous une curatelle parce que les endroits où ils reçoivent des services, on va leur dire : Bien non, vous n'avez pas besoin de ça pour le moment, là, c'est correct. Puis, tu sais, les parents, ils ont tellement de choses à faire qu'ils font : Bon, bien, tant mieux, on va attendre pour ça. Sauf qu'on se ramasse dans des situations, à la dernière minute, où on en aurait besoin maintenant, puis on ne peut pas prendre les décisions à la place de l'adulte, puis, par exemple, des cas médicaux ou des choses comme ça, ou des transferts de ressources, sans que le parent soit d'accord. En tout cas, ça fait des situations assez difficiles. Mais j'ai vérifié, et il y a beaucoup de parents de jeunes adultes qui ne sont pas dans un régime de protection actuellement. Ils sont très nerveux, par rapport à ça, s'il arrive quelque chose. Mais l'accompagnement, ça va être idéal pour les familles.

Mme Maccarone : Secret professionnel, est-ce que ça, c'est quelque chose qui vous interpelle pour la communauté des personnes autistes? Exemple, de rentrer dans des rendez-vous médicaux, que ça soit financiers ou autres, est-ce que ça, c'est quelque chose qui serait important, pour vous, pour la communauté?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Dépendant des personnes, oui, ça peut être très important. Mais on le sait, hein, le spectre est tellement large qu'on ne peut pas dire que c'est important pour tout le monde. Mais, oui, certainement, pour certains jeunes adultes, oui, ça pourrait être très important.

Mme Maccarone : C'est peut-être quelque chose à prendre en considération dans ce projet de loi.

Je veux parler de la maltraitance parce qu'on sait que, pour la communauté des personnes autistes, c'est tellement vaste, hein? C'est tellement vaste parce qu'il y a des difficultés de communication, comme il y a des difficultés sociales, comme on peut être vraiment haut fonctionnement comme on peut être très bas dans le fonctionnement, puis c'est difficile d'identifier les émotions. Puis là on parle vraiment de leur donner plus de droits, on veut respecter les droits civils, on veut qu'ils participent à faire des choix pour eux, mais ça va être difficile, des fois, de comprendre la maltraitance.

J'ai fait une entrevue dernièrement puis j'ai fait exprès de ne pas préparer mes enfants parce que je savais bien d'avance que, si je leur dit : Là, dis ci, dis ça, eux, ils vont dire au journaliste : Ma mère m'a dit que je devrais dire... Parce que c'est ça. C'est ça, souvent, le monde des personnes autistes, parce que souvent ils ne vont pas comprendre c'est quoi, la maltraitance, et, souvent, la seule façon qu'ils peuvent nous démontrer qu'ils souffrent ou qu'il y a quelque chose qui ne va pas bien, c'est à l'intérieur de leur comportement.

Ça m'amène à discuter peut-être de l'idée de la formation. Quand on parle... que ce soit assistant temporaire ou autres, que pensez-vous que nous devrions faire pour protéger les personnes autistes, étant donné que le spectre est tellement vaste vis-à-vis la formation à l'intérieur du réseau? Je veux vous entendre par rapport à l'éducation, santé, services sociaux, juridiques...

Mme Lauzon (Jo-Ann) : ...assez de temps

Mme Maccarone : Pas assez... Bien, peut-être... Bien, écoute, on a 19 minutes... ou peut-être moins maintenant.

La Présidente (Mme Chassé) : Vous êtes rendue à 14.

Mme Maccarone : Ça fait que, regarde, on est rendus à 14. Ça fait que j'aimerais vraiment vous entendre parce que votre expérience terrain... Qu'est-ce qu'il serait important pour eux de comprendre? Puis peut-être ça peut être spécifique pour chaque domaine, parce qu'on se comprend, chaque domaine est vraiment différent.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : En fait, ça va être de la formation et information pour tous ces domaines-là, là, pour savoir, surtout, comment bien accompagner une famille pour qu'elle sache vers quoi s'en aller dans ça, là, quoi choisir. Et moi, je pense, c'est là, là, c'est dans l'information puis la formation du personnel qui travaille auprès de la clientèle, puis c'est dans tous les domaines, là.

Mme Maccarone : Ça fait qu'est-ce qu'on devrait peut-être même aller en milieu de l'éducation? Parce que, on sait, souvent, les personnes autistes, comme... ça peut être déficience intellectuelle ou autres, ils sont dans le réseau de l'éducation jusqu'à 21 ans. Est-ce qu'il y a quelque chose en particulier que nous devrons en prendre conscience ici vis-à-vis le projet de loi, côté formation? Est-ce que ça devrait être ciblé peut-être par réseau?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Oui. Effectivement, là, c'est... Je pense qu'il va y avoir des approches différentes d'un réseau à l'autre, mais, en éducation, je ne peux pas vous répondre actuellement parce que, comme je vous dis, les jeunes adultes, actuellement, ne sont même pas sous curatelle. Donc, on n'est pas dans ça, là... de famille qui raconte des problèmes, qui partage avec nous au niveau de... à ce niveau-là pour l'éducation. Il y a d'autres problèmes, là, mais...

Mme Maccarone : Vous avez parlé du rôle de mandataire puis vous avez dit : Au-delà le rôle de l'assistance à la personne représentée, le rôle d'un mandataire nous semble manquer de précision, où commencent et où se terminent ses responsabilités.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : C'était l'erreur de notre mémoire. On parlait, en fait, de l'assistant.

Mme Maccarone : Parfait. On va dire de l'assistant. Aucun problème. Où pensez-vous que ça devrait commencer et terminer, dans le cas de la personne autiste?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Bien, tantôt, j'ai été sécurisée quand on m'a dit que la personne autiste ne va jamais perdre ses droits. L'autre, elle va être juste là pour l'assister. Donc, à ce moment-là, je suis plus à l'aise avec ça.

Mme Maccarone : Mais, quand on sait qu'une personne autiste a souvent de la difficulté à identifier qu'il y a de la maltraitance ou identifier... parce qu'on a des difficultés sociales, etc., puis vous avez dit que vous avez des inquiétudes principalement sur les personnes isolées, sans famille, qui ne peut pas leur accompagner, comment on peut savoir que cette personne-là a besoin plus d'aide puis comment on peut leur aider, leur éduquer pour qu'ils comprennent mieux leurs droits, parce qu'ils ont quand même maintenant des droits? Qu'est-ce que vous pensez que nous devrions faire pour mieux communiquer avec cette communauté pour qu'ils puissent saisir le changement?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Je pense qu'il faudrait impliquer des personnes autistes dans la préparation de cette sensibilisation-là et de cette information-là. Il y a un groupe d'adultes... beaucoup de groupes d'adultes autistes qui sont très conscients qu'ils ont des droits et qui sont très actifs, entre autres, dans les réseaux sociaux, qui participent de plus en plus, là, dans la communauté. Je pense qu'il faudrait travailler avec ces gens-là pour trouver la meilleure... travailler avec eux parce que c'est eux qui vont diffuser l'information auprès des autres personnes autistes.

• (17 h 30) •

Mme Maccarone : J'ai parlé tantôt de l'idée d'un intervenant pivot. Je ne suis pas la seule personne à aborder ce sujet-là. J'aimerais vous entendre là-dessus. Pensez-vous que c'est une idée intéressante? Pensez-vous que peut-être c'est quelque chose qu'on peut même envisager d'amener dans ce projet de loi comme accompagnateur, comme quelqu'un qui peut vraiment aider les personnes autistes ou autres dans la compréhension non seulement du changement, parce qu'on comprend que c'est un changement majeur, mais de leurs droits, mais aussi quelqu'un qui peut guider les personnes à l'intérieur du processus?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Oui. Sauf que l'intervenant pivot, on nous le promet depuis 2003. On est en 2019, on n'a toujours pas d'intervenant pivot. Si on regarde le plan d'action en autisme, l'intervenant pivot n'a pas un rôle clairement défini. Oui, s'il en y avait un, comme vous venez de l'expliquer, ce serait parfait. C'est ça qui est supposé être, depuis 2003, puis on ne l'a toujours pas. Ça fait que, dans le meilleur des mondes, oui, l'intervenant pivot devrait être là, devrait être en mesure d'informer et de soutenir les familles, les personnes. Dans un monde idéal, oui, bien sûr, l'intervenant pivot.

Mme Maccarone : Puis votre définition d'intervenant pivot, vous avez dit que c'est manquant, ce n'est pas clair, ça serait quoi?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Excusez-moi, je ne comprends pas votre...

Mme Maccarone : Vous avez dit que la définition d'intervenant pivot, dans le plan d'action, ce n'est pas clair. Ce serait...

Mme Lauzon (Jo-Ann) : ...de ses tâches, c'est que la personne n'a pas de pouvoir. Parce que l'intervenant pivot doit aller chercher des intervenants d'autres milieux aussi pour soutenir les familles. Et, actuellement, l'intervenant pivot, comme il est prévu théoriquement, parce qu'en pratique on n'en a pas, il n'a pas le pouvoir de... il peut inviter quelqu'un à une réunion, mais il n'a pas de pouvoir de décision, il est juste là pour discuter avec les autres membres, ce qui fait qu'il y a souvent une perte de temps épouvantable, là, autour de tout ça parce qu'il faut retourner auprès de l'instance décisionnelle, revenir. Présentement, ce n'est pas efficace, vraiment pas, puis il n'y en a pas beaucoup, ça fait que ce n'est pas très grave.

Mme Maccarone : Bien, il n'y en a pas beaucoup, mais je pense qu'il n'y en a pas. Ce n'est pas identifié nulle part, hein? Ce n'est pas comme un rôle, on n'engage pas nécessairement quelqu'un dans le milieu de santé ou services sociaux comme intervenant pivot. Ce n'est pas un rôle qui existe, mais... dans le même style...

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Oui, en fait, je dirais, le dernier rapport d'évaluation du premier plan d'action, ce qui a été dévoilé par le ministère de la Santé, c'est qu'il y a des intervenants pivots, sauf que les parents ne sont pas au courant qu'ils ont des intervenants pivots. C'est-à-dire qu'ils donnent le rôle. L'éducateur, à un moment donné, ça devient l'intervenant pivot. Les parents ne sont pas informés, donc ce n'est vraiment pas bien structuré actuellement.

Mme Maccarone : Puis je vous dirais que, dans mon expérience, c'est souvent les parents qui sont les intervenants pivots, et non nécessairement les personnes qui travaillent... Puis je n'enlève rien de tout le respect pour les gens qui travaillent dans tous les réseaux, mais, souvent, c'est les parents. Il faut qu'ils se retrouvent à dire : Je vais où pour santé, je vais où pour l'éducation, je vais où pour services sociaux, je vais où pour les mesures judiciaires? J'ai besoin d'aide. Ça fait que, souvent, c'est eux qui vont aller là-dedans.

Ça m'amène à... J'aimerais vous entendre par rapport aux proches aidants. Pour la communauté autiste, encore une fois, ça peut être très complexe parce qu'on a un spectre qui est tellement vaste. J'aimerais vous entendre là-dessus, comme, est-ce qu'il y a quelque chose qu'on devrait bonifier à l'intérieur du projet de loi pour les proches aidants, mesures de protection ou autre?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Je pense que la mesure d'assistance, ça va être une mesure très appréciée des proches aidants. Je pense que ça, ça va être ce qui va être le plus utilisé, là, par les proches aidants.

Mme Maccarone : On sait aussi, on a entendu, pour les démographiques, qu'on est une population vieillissante, alors ça veut dire que nous avons des personnes autistes vieillissantes. Puis on sait que, dans plusieurs des cas, on peut être très rigide, les personnes autistes peuvent être très, très, très rigides. Alors, est-ce qu'il y a quelque chose qu'on devrait penser pour protéger aussi les proches aidants à l'intérieur de tout ça? Parce qu'on a dit, aussi, la maltraitance, mais la maltraitance, ce qu'on a compris par autres intervenants, ça peut aller les deux bords. Ça peut être qu'on a la personne qui est protégée, mais il faut protéger les proches aidants parce que ça aussi peut être une maltraitance à l'inverse, on connaît un peu ça quand même. Pas besoin d'avoir des enfants différents, de vivre, des fois, des difficultés avec nos enfants, mais, en vieillissant... Est-ce que ça, c'est quelque chose que nous devrions prendre en considérations, qu'est-ce qu'on va faire pour protéger les proches aidants vis-à-vis à la maltraitance?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Probablement, je vous dirais qu'on n'a pas... presque pas de personnes âgées autistes actuellement. Il n'y a presque rien qui est fait au niveau des personnes autistes. Probablement qu'il y en a, mais elles ne sont pas connues. Il n'y en a pas tant que ça, on est en... Il y a nos organismes, entre autres à Laval, qui ont fait des travaux là-dessus avec des gens en Europe. On commence à travailler, là, le troisième âge, au niveau de l'autisme. On n'a vraiment pas beaucoup d'information là-dessus.

Mme Maccarone : Essayons de commencer les préparatifs en avance que ça devient un problème.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Il faut être proactifs.

Mme Maccarone : Oui, exactement, exactement. Je pense aussi que c'est intéressant... J'aimerais vous faire entendre aussi, par rapport à... Trouvez-vous que la communauté va être... Est-ce qu'il y a... Vous avez dit qu'il faut interpeller la communauté autiste à participer, mais on n'a personne, autiste, qui est venue parler ici, à cette commission. Pensez-vous que ce serait possible d'avoir une personne du réseau qui pourrait nous soumettre de l'information là-dessus, pour dire : Voici mon expérience personnelle, voici comment... avant que ça soit adopté pour nous aider à bonifier le projet de loi? Est-ce que ça, c'est quelque chose qui serait possible, dans votre estime, d'avoir quelqu'un qui va nous parler de leur expérience, leur espoir aussi vis-à-vis le futur, étant donné que ça se peut — c'est des personnes qui peuvent être très aptes, c'est des personnes qui peuvent être indépendantes mais qui ont besoin de mesures d'assistance temporaires — de leur faire entendre leur expérience puis leur désir pour le futur?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Oui, bien sûr. Des personnes autistes, vous voulez dire, qui viendraient s'exprimer?

Mme Maccarone : Oui.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Bien sûr.

Mme Maccarone : Puis vous êtes en mesure peut-être de nous aider, d'être en contact avec ces personnes-là.

Vous avez dit aussi qu'on a une croissance exponentielle de la communauté, puis je sais que vous avez eu des échanges vis-à-vis... est-ce qu'on est prêt, est-ce qu'on va avoir des ressources, mais ce n'est pas nécessairement tout simplement des ressources à l'intérieur du Curateur public mais aussi dans le réseau. Parce que, là, on comprend, avec un changement majeur, c'est la gestion de changement, le monde ne comprend pas nécessairement comment qu'il se voit à l'intérieur de ce changement-là. Pensez-vous que ce serait important aussi de rajouter des ressources ailleurs? Parce qu'on parle de la formation, mais formation, aussi, ça vient des ordres professionnels, ça vient du milieu de l'éducation, mais j'ai vraiment une crainte dans le réseau de santé. Parce que, là, il faut interpeller beaucoup les professionnels, même encore plus, parce que, là, on comprend qu'on peut avoir des évaluations, ça change vraiment. Êtes-vous à l'aise? Trouvez-vous qu'on est prêt pour ce changement-là vis-à-vis les besoins de professionnels, ou dans le réseau actuel?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Pas vraiment, non. Je pense que les professionnels vont avoir besoin de soutien dans tout ça. Le changement dont vous parlez, ça a fait en sorte que les gens qui avaient développé une expertise en autisme ont changé de chaise, ils sont partis un peu partout. Donc, on ne peut retomber... Actuellement, on est... il y a une crise de ressources humaines, on le sait tout le monde, avec les congés de maternité, les congés de maladie, c'est incroyable. Au niveau de la clientèle autiste, je ne sais pas avec les autres clientèles, mais les intervenants autour d'eux changent énormément et très, très souvent. Ça fait que ça va prendre un pivot qui va connaître toute cette information-là, parce qu'il y a trop de changements autour d'une personne, là. Ça fait que ça va prendre quelqu'un, effectivement. Un intervenant pivot reste l'information la plus pertinente, je pense.

Mme Maccarone : Si vous avez, aujourd'hui, des échanges avec vos membres — il nous reste juste deux minutes — est-ce qu'il y a une préoccupation actuelle — la plus grosse préoccupation — que la communauté autiste, ils ont maintenant vis-à-vis le Curateur public? Si oui, c'est quoi? Et est-ce que le projet de loi... bien, je sais qu'on a déjà parlé des mesures temporaires, mais la plainte, mettons, numéro un, la préoccupation numéro un, la crainte numéro un, «the biggest worry» que la communauté... qu'ils ont aujourd'hui, c'est quoi?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : J'ai cette information-là plus par rapport aux familles que par rapport aux personnes comme telles. Les familles, actuellement, c'est la complexité de tous ces mécanismes-là, tandis... et ça, ça va répondre aux besoins... que ce soit facile puis qu'on puisse soutenir notre adulte, là.

Mme Maccarone : O.K., d'où la nécessité de la dissimilation de l'information, que ça soit clair, dans un jargon que tout le monde comprend, hein?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Exact.

Mme Maccarone : Puis peut-être, tu sais, vous avez parlé de la malcompréhension entre les définitions. Peut-être, il y a une autre façon d'amener des définitions qui vont être plus claires pour voir vraiment la distinction entre tous les termes. Ce serait le bienvenu.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Oui, tout à fait. Ça, c'est clair.

Mme Maccarone : O.K. Bien, merci beaucoup. Je n'ai plus de questions, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Je peux imaginer. Merci à vous. Je cède maintenant la parole à la députée de Sherbrooke. Allez-y.

• (17 h 40) •

Mme Labrie : Merci. J'ai bien entendu votre inquiétude par rapport au manque de ressources dans le réseau, je suis assez préoccupée aussi par ça. Puis, surtout, les taux d'augmentation sont quand même assez inquiétants, là, de prévalence de l'autisme. J'ai le goût de vous demander est-ce qu'en ce moment, dans les recherches, ça pointe vers une stabilisation de cette augmentation-là. Donc, il y a des facteurs environnementaux, probablement, ou génétiques qu'on n'a pas identifiés qui...

Mme Lauzon (Jo-Ann) : En fait, c'est l'Institut national de santé publique qui a sorti un rapport, il y a deux ans, c'était le premier rapport sur les troubles du spectre de l'autisme, et il ne prévoyait pas que ça allait... qu'il allait y avoir un... comment on appelle ça, comme...

Une voix : ...

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Un plateau, oui. On ne prévoyait pas du tout un plateau, on parle juste d'augmentation. En Montérégie, à chaque année, ils sortent un document qui s'appelle le Périscope et qui fait la Montérégie puis un peu l'ensemble du reste du Québec, mais surtout la Montérégie, et c'est constant, constant, ça augmente, ça augmente, et il n'y a personne, nulle part, qui parle de plateau, pas du tout.

Mme Labrie : On n'est pas devant un phénomène, disons, qui était seulement sous-diagnostiqué à une époque où on connaissait moins bien...

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Non.

Mme Labrie : On parle de quelque chose qui connaît une croissance en ce moment. Est-ce que vous sentez que, dans le plan d'action du gouvernement, on met en place, en ce moment, ce qu'il faut pour gérer cet enjeu-là à long terme? Parce que, là, c'est vrai qu'il n'y a presque pas d'aînés autistes, en ce moment, vraisemblablement, il va y en avoir très rapidement, et beaucoup. Est-ce qu'en ce moment on est préparés à ce qui s'en vient, à ce tsunami-là?

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Non, parce que... Le tsunami, ça fait longtemps qu'il est là, là. Moi, ça fait 20 ans que je suis à la fédération, puis je suis arrivée, puis ça a commencé à monter, puis ça n'a jamais arrêté. Et les plans d'action sont faits pour cinq ans, il y a des montants qui accompagnent ça, mais dans cinq ans... Je l'ai dit tantôt, on a doublé le taux de prévalence, et ça, on n'en tient pas compte, ça fait que c'est sûr qu'on ne balance jamais, là.

Mme Labrie : Donc, les plans d'action ne tiennent pas compte qu'on est devant un phénomène qui continue d'augmenter et qui ne se stabilise pas du tout.

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Non, non. Pas du tout. Les plans d'action, c'est généralement à court terme. Cinq ans. Donc, on ne va pas plus loin que ça. Puis j'ai été de tous les comités de travail sur les plans d'action et j'ai toujours frappé sur le clou en disant : Taux de prévalence qui augmente...

Mme Labrie : Ça prendrait une stratégie intergouvernementale pour se préparer à ça et éventuellement comprendre aussi les raisons pour lesquelles...

Mme Lauzon (Jo-Ann) : Puis, en fait, se préparer, ce n'est même pas se préparer, on est dedans, là. Tu sais, comment on deale ça, présentement, là. C'est incroyable, là, les listes d'attente, en autisme, c'est, au bas mot, deux ans, là. Quand on sait qu'il faut intervenir rapidement, c'est assez paniquant pour les familles de savoir qu'elles vont attendre deux ans.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça termine le bloc d'échange. Merci pour votre contribution aux travaux.

La commission ajourne ses travaux jusqu'à mardi le 24 septembre, à 10 heures, où nous poursuivrons notre mandat.

Et je trouve qu'on est une commission modèle, vraiment, hein? Il y a tellement de bienveillance ici, il y a tellement de bienveillance ici. C'est bien.

(Fin de la séance à 17 h 43)

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