(Onze heures trente-huit minutes)
La
Présidente (Mme Chassé) :
Je constate le quorum et je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens
ouverte.
Je vous
souhaite la bienvenue et je vous demande à tous de fermer la sonnerie de vos
appareils électroniques, ou le mode de vibration, ou encore la porte
ici.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations particulières
et les auditions publiques sur le projet de loi n° 18, Loi modifiant le Code civil, le Code de procédure
civile, la Loi sur le curateur public et diverses dispositions en
matière de protection des personnes.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. M. Lévesque (Chauveau) est remplacé par Mme Picard
(Soulanges); M. Skeete (Sainte-Rose), par Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac); Mme Robitaille (Bourassa-Sauvé), par Mme Weil
(Notre-Dame-de-Grâce); Mme Dorion (Taschereau), par Mme Labrie
(Sherbrooke).
Auditions (suite)
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci, Mme la Présidente. Ce matin,
nous entendrons les groupes suivants : l'Ordre des travailleurs
sociaux et des thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec puis l'appui pour les
proches aidants d'aînés. Comme la séance a commencé à 11 h 38,
c'est ça, hein?
La Secrétaire : Oui.
La
Présidente (Mme Chassé) : Est-ce qu'il y a consentement pour
poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue?
Une voix : ...
La
Présidente (Mme Chassé) : Il n'y a pas de consentement, ça prend
l'unanimité. Donc, deux façons : soit qu'on répartit les coupes des enveloppes de temps à travers chacun des partis.
Est-ce qu'il y a consentement à ce que l'on coupe de façon proportionnelle
dans chacun des... dans chacune des enveloppes de temps?
M. LeBel : Combien de temps
qu'il en reste?
La
Présidente (Mme Chassé) :
Combien de temps qu'il en reste? Le 10 minutes qui est imparti aux
présentateurs est conservé, et le reste... mais je suis certaine qu'il va en
rester. Alors, il y a consentement?
Une voix : ...
• (11 h 40) •
La Présidente (Mme Chassé) :
Très bien. Excellent.
Je souhaite
donc la bienvenue aux représentants de l'Ordre des travailleurs sociaux et des
thérapeutes conjugaux et familiaux du
Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes, tel que je viens
de vous le mentionner, et, à une minute de la fin, je vais vous faire un
signe de la main ou un signe vocal pour vous inviter à conclure. Débutez en
vous présentant puis commencez tout de suite votre exposé. Allez-y.
Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec (OTSTCFQ)
Mme Ouimette
(Guylaine) : Mme la Présidente, je suis Guylaine Ouimette, présidente de l'Ordre des
travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec. Je suis accompagnée de M. Alain Hébert,
travailleur social, chargé d'affaires professionnelles à l'ordre.
Mme la Présidente, M. le ministre délégué, distingués membres de la commission, au
nom de l'Ordre des
travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec, je vous remercie de nous permettre d'exercer
notre participation citoyenne en commentant le projet de loi n° 18.
Dans le
respect de sa mission de protection du public, notre ordre soutient l'exercice
et encadre... professionnel ses quelque
14 000 membres. L'ordre juge impératif de participer à la réflexion
sociétale entourant ce projet de loi, et je remercie le curateur de nous avoir
associés à sa consultation en reconnaissance de notre expertise.
Mme la Présidente,
permettez-moi de vous présenter brièvement notre profession inspirante. Nous
croyons en la capacité humaine
d'évoluer et de se développer. Nous adhérons aux principes de respect de la
dignité, de l'autonomie et de l'autodétermination
de la personne. Nous reconnaissons à tout individu en danger le droit de
recevoir assistance selon ses besoins. Nous sommes, et avec fierté,
d'ardents défenseurs des droits et des principes de justice sociale.
Nous
intervenons auprès des personnes qui comptent souvent parmi les plus
vulnérables de notre société. Nous visons à rétablir leur fonctionnement social, à améliorer leurs conditions de
vie et leur mieux-être, à favoriser leur intégration et leur
participation citoyenne.
Les
travailleurs sociaux jouent un rôle de premier plan dans le contexte des
mesures de protection des personnes inaptes
depuis le tournant des années 1990. D'ailleurs, en 2009, le législateur
nous a attribué la réserve exclusive de l'activité qui consiste à, et je cite : «Procéder à
l'évaluation psychosociale d'une personne dans le [contexte] des régimes de
protection du majeur ou du mandat donné en prévision de l'inaptitude du
mandant.»
J'insiste
sur le fait que l'évaluation psychosociale constitue un geste professionnel de
première importance. Nous portons un
regard global sur la situation de la personne, sa réalité, ses besoins et ses
aspirations. Nous statuons sur la mesure de protection la plus appropriée et nous déterminons si la personne a
besoin d'être représentée dans l'exercice de ses droits civils. Également,
nous évaluons et recommandons la ou les personnes les plus habilitées à jouer
ce rôle.
L'évaluation
est une activité complexe et sensible puisque le travailleur social est souvent
placé au coeur de situations conflictuelles
où plusieurs intérêts divergents s'affrontent. Nous privilégions la
mesure de protection la moins contraignante pour la sauvegarde optimale
des droits... de l'exercice des droits et des volontés de la personne.
Le projet de loi n° 18 s'inscrit parfaitement dans l'esprit de la conduite
professionnelle attendue des travailleurs sociaux.
Mme la Présidente, ce projet
de loi représente un pas de plus vers
le respect de la préservation de l'exercice des droits civils. Il vise une plus grande sensibilité
sociale, je vous dirais, à l'égard des préférences, des volontés et de la
participation de la personne. Ce projet de loi tend à préserver un équilibre entre les principes d'autodétermination
et de protection pour les personnes en situation de vulnérabilité.
Nous
vous soumettons 17 recommandations qui visent à ajouter des balises pour
mieux réussir l'actualisation de la nouvelle
loi, protéger le public et éviter toute forme de maltraitance. Aujourd'hui, nous avons choisi de mettre l'emphase sur certaines recommandations qui favorisent
l'exercice optimal des droits des personnes tout au long du parcours de leur
vie.
D'abord,
l'ordre salue la volonté inscrite au projet
de loi, qui prévoit que la tutelle
sera modulée par le tribunal en fonction, notamment, des facultés de la personne. La notion de
faculté est très importante et mérite d'être définie pour éviter
toute méprise par une interprétation restrictive au sens biologique du terme.
Pour
sa part, le travailleur social, par son évaluation multidimensionnelle, tient
plutôt compte des capabilités de la personne.
C'est-à-dire qu'il estime les ressources propres à la personne,
donc ses attributs personnels, combinées à celles disponibles dans son environnement dans le but
premier de maintenir au maximum
l'exercice de ses droits. Nous recommandons donc l'ajout d'une brève définition de la notion de faculté dans le sens
même de capabilité. Cette précision, nous croyons, sera gagnante pour
tous et garante du respect de l'esprit de la loi.
La
mesure de représentation temporaire est une nouveauté. Elle vise à répondre aux
besoins d'une personne qui est devenue
inapte à la suite d'une évaluation médicale. Il s'agit d'une mesure pour un
seul acte par une personne désignée dans un temps spécifique. Ceci est un gain mais comporte des risques. Ainsi,
l'ordre est en désaccord avec le fait que cette mesure soit conclue uniquement
sur évaluation médicale.
Nous
recommandons fortement un amendement afin d'exiger une évaluation psychosociale de
pair avec l'évaluation médicale pour
la mesure de représentation temporaire. Notre souci comporte deux dimensions. Premièrement, valider si la personne
désignée est en mesure d'exercer les
droits qui lui sont confiés. Deuxièmement, si cette mesure ne répond
pas, une tutelle pourrait s'avérer
nécessaire. Par ailleurs, les travailleurs sociaux déplorent également qu'aucun
encadrement ne soit systématiquement prévu pour le mandataire, alors
qu'il se voit confier notamment la pleine administration des biens d'une
personne inapte.
Le projet de loi
propose l'instauration de l'inventaire obligatoire des biens et la reddition de
comptes, sauf sur renonciation expresse du mandant. Nous saluons ces deux
dispositions qui exigent du représentant qu'il agisse avec transparence afin d'éviter tout préjudice et
d'assurer la protection du patrimoine. Cela va dans le sens vraiment des
efforts sociétaux contre la maltraitance financière et matérielle.
Enfin, la mesure de l'assistant majeur est un
aspect novateur du projet. Elle suppose que la personne comprend la décision qu'elle prend et en quoi consiste la mesure. Dans
un souci de vigilance et de bienveillance, le curateur doit s'en assurer, et, en cas de doute, il importe de
prévoir une trajectoire afin que la personne en situation de vulnérabilité
obtienne la bonne mesure.
Mme
la Présidente, l'ordre appuie le projet de loi n° 18,
et nous souhaitons que nos 17 recommandations trouvent un accueil favorable de la part des parlementaires et
du législateur. Chaque jour, les travailleurs sociaux sont sollicités
afin d'évaluer des personnes en besoin de
protection. Vous conviendrez avec nous de l'absolue nécessité que les Québécois
aient accès à leurs services dans le réseau
public. Également, nous invitons l'État à être sensible aux besoins de soutien
des acteurs sociaux afin qu'ils bénéficient des ressources requises pour
contribuer à l'actualisation de cette future loi.
En
terminant, le succès de cette nouvelle pièce législative reposera en bonne
partie sur l'engagement, la rigueur et la
contribution unique de nos membres en collaboration avec les médecins, les
notaires, les avocats et les autres professionnels. Je vous assure que, de concert avec le curateur et
son équipe, les travailleurs sociaux seront à la hauteur du défi que ce virage
pose pour la protection des personnes, et ce défi est notre engagement. Pour
votre réflexion et en terminant, sans être une recommandation de
l'ordre, je me permets de vous suggérer que la future désignation du curateur
devienne le Tuteur public. Merci.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre exposé. Nous allons
maintenant débuter la période d'échange avec les membres de la commission. M. le ministre, la parole est à vous.
Le temps qui est imparti au gouvernement, au parti formant le
gouvernement, est de 14 min 30 s. Allez-y.
M. Lacombe : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci. Merci à vous pour la présentation, merci
pour votre présence, merci pour votre
mémoire, qu'on a évidemment lu avec beaucoup d'attention. D'entrée de jeu, je
suis heureux d'entendre que vous êtes
en faveur du projet de loi. Je le suis même avec vous. Je pense que c'est un
bel outil... ce serait un bel
outil... tout ce qui se trouve là-dedans serait un bel outil, peut-être, pour
améliorer l'autonomie des personnes, préserver leurs droits le plus longtemps possible. J'ai quelques questions quand
même, parce qu'évidemment le but de votre présence c'est qu'on puisse
améliorer... prendre vos commentaires et éventuellement améliorer le projet de
loi.
À
la page 10 de votre mémoire, donc, vous parlez... vous indiquez que le
curateur devra offrir un soutien aux tuteurs pour les aider. La question
que j'ai pour vous, le curateur joue déjà un rôle de soutien ou, du moins, un
rôle dans cette sphère-là : En quoi les fonctions actuelles du curateur ou
la situation actuelle ne répondent pas aux besoins selon vous?
• (11 h 50) •
Mme Ouimette
(Guylaine) : En fait, on dit offrir un soutien adapté. C'est parce
qu'on va vers un projet de loi qui a des
mesures, en fait, que la population vont comme découvrir et peut-être ne pas
nécessairement comprendre. C'est un enjeu qu'on a soulevé, d'ailleurs, déjà auprès du curateur pour dire que tout
l'aspect pédagogique qui va suivre suite à l'application de cette loi-là nécessitera définitivement du
soutien. Oui, on sait qu'il va y avoir des gens qui répondent aux appels
téléphoniques, mais ce qu'on veut dire, ça
prend vraiment une grande... On parle de soutien. Ça peut être des
documents, des dépliants, ça peut être de
l'information grand public, ça peut être des capsules vidéo et ça peut être,
dans certaines situations, vraiment
un soutien téléphonique pour bien faire comprendre le rôle soit de l'assistant
au majeur ou de la personne qui est
porteur d'une tutelle modulée. Parce que, parfois, les gens ne vont pas
nécessairement comprendre. Parce que, là, on s'en va vers vraiment le respect des droits de la personne dans ses capacités,
ses aptitudes personnelles, jusqu'au maximum de ce qu'elle peut utiliser. Donc, ça crée une ouverture de... On sort
du paternalisme, on soutient la personne dans l'exercice maximal de ses
droits.
Donc,
nous, c'est de s'assurer qu'il n'y aura pas oubli, hein, de mettre ce qu'il
faut en termes de ressources pour répondre
aux questions du grand public. Souvent ça va être peut-être des aidants
naturels qui vont répondre, qui vont jouer ce rôle-là. Ça va être des personnes qui ne vont peut-être pas nécessairement
toujours comprendre bien les balises. C'est à cet égard-là que nous
avons fait cette recommandation.
M. Lacombe :
Est-ce que le fait que, dans la loi, on introduirait dans la mission du
curateur, qui va changer de nom... dans
cette mission-là, on introduit aussi un devoir d'information. Parce que c'est
important, ce que vous dites. Effectivement, il y aura tout un changement. Et, au-delà du soutien, là, technique
qu'on doit offrir, par exemple aux tuteurs ou aux assistants, il y a toute
cette notion d'information dans le changement que vous évoquez. Cette notion-là
qu'on ajoute, de devoir d'information, est-ce que ça répond à votre
préoccupation, à cette préoccupation-là?
Mme Ouimette
(Guylaine) : En fait, je ne suis pas juriste, mais c'est...
Évidemment, si c'est inscrit dans un projet de loi que le futur tuteur ou Curateur public ait cette
responsabilité-là, je crois que ça viendrait appuyer notre demande. À
moins que mon confrère puisse en ajouter, des éléments.
M. Hébert
(Alain) : Bien, écoutez,
on part avec l'idée, pour nous, que le Curateur
public est déjà
dans cette voie-là, fait déjà le
travail. En fait, ce qu'on soulève, c'est qu'on prend très au sérieux les
changements d'attitude, de compétence que les tuteurs auront à
développer pour tenir compte, comme on dit dans le projet de loi, des volontés
et préférences de la personne et pour la
faire participer, dans la mesure de ses possibilités, à la prise de
décision. C'est un changement qui peut sembler,
comme ça, quand on le lit, peut-être un
petit peu banal. Et il est vrai que, déjà,
les tuteurs et qu'au plan social on est dans cette mouvance-là, mais en l'inscrivant nommément dans le projet de loi, nous, on pense qu'il y aura quand
même un changement de culture sociale
à y avoir, et même... Ça fait que c'est dans ce sens-là qu'on parle d'un soutien
adapté en fonction de cette nouvelle réalité. C'est ce qu'on veut dire.
Est-ce que,
dans la mission, le terme «information» suffit? Bien, il faut voir peut-être
comment on le comprend, là, du côté
du législateur dans le sens où, déjà, le Curateur
public donne de l'information, mais déjà, on le sait, nous, il donne du soutien.
Alors, est-ce que l'information, c'est la même chose que le soutien et l'accompagnement
qui est déjà dans la mouvance des actions du
curateur? Faudrait voir, là. On va laisser à d'autres peut-être
le soin de juger de ça. Est-ce
que le terme «information», de votre point de vue, englobe tout ça? C'est à
voir.
Tu
sais, il peut avoir une gradation, là, information, soutien, accompagnement. Et on sait que c'est déjà dans les pratiques
quand même du curateur de viser le soutien et l'accompagnement. Alors, est-ce qu'il faudrait l'inscrire dans la mission? Là,
c'est une... Nous, on ne s'est pas prononcé là-dessus dans notre mémoire.
M. Lacombe : Vous avez raison que c'est déjà
dans son rôle. Je pense que ça fait partie implicitement du rôle que le curateur joue. Et nécessairement, avec le projet de loi qu'on propose, ça sera aussi au coeur, l'accompagnement. Mais
je vous rassure, là, pour l'information, ce qu'on propose, c'est vraiment d'ajouter que le curateur «informe les personnes
chargées de la représentation de majeurs inaptes, les tuteurs aux
mineurs [...] les assistants aux majeurs afin qu'ils remplissent leur
charge conformément à leurs obligations
[qu'il] informe la population des enjeux que soulève la protection des
personnes inaptes et des moyens
nécessaires pour l'assurer». Donc, je présume, je ne veux pas vous mettre des
mots dans la bouche, mais que ça répond probablement à ce questionnement
que vous aviez.
M. Hébert
(Alain) : Ça va dans le sens de notre recommandation.
M. Lacombe :
Super! Deuxième question pour vous, et c'est à la page 12 de votre mémoire,
au sujet de l'évaluation psychosociale,
c'est la recommandation n° 5 que vous formulez. Vous l'avez dit tantôt, vous
exprimez un désaccord qui est assez marqué avec la mesure qui prévoit qu'il y a seulement
dépôt d'une évaluation médicale qui est nécessaire pour demander la représentation temporaire du majeur.
Il faut dire que l'évaluation médicale qui est nécessaire pour la
demande de représentation temporaire, ce
n'est pas la même, hein, on le sait, ce n'est pas la même que pour l'ouverture
d'une tutelle ou pour l'homologation
d'un mandat de protection. Et mon questionnement, c'est que, par exemple, dans
le cas où on se trouve devant un
notaire, il y a déjà cette situation-là qui se pose, c'est-à-dire qu'il n'y a
pas d'évaluation psychosociale qui est nécessaire
pour l'homologation. Si le notaire a un doute, il peut demander une évaluation
médicale. On se rend chez le médecin,
on doit revenir avec un billet. Et, pour terminer le préambule de ma question,
vous soulignez vous-même que c'est parfois difficile d'avoir accès aux
services pour avoir une évaluation psychosociale.
Est-ce
que vous ne pensez pas que de l'exiger dans le cas de la représentation
temporaire, ça pourrait rendre ça plus compliqué
et faire en sorte que le citoyen ne se prévale pas de cette mesure-là quand,
dans les faits, on veut simplifier la vie des citoyens qui ont besoin de
cette représentation-là de façon très temporaire?
Mme Ouimette
(Guylaine) : D'accord. Je vais demander à mon collègue,
M. Hébert, de bien positionner cette recommandation
avec la paire de lunettes que nous, les travailleurs sociaux, nous avons en
termes de protection de public et éviter de la maltraitance possible.
M. Hébert
(Alain) : Bien, voici, peut-être, d'entrée de jeu, on trouve important
de vous souligner qu'ici n'est pas mis en
cause le bien-fondé de l'évaluation médicale, peut-être juste important quand
même de le clarifier de façon explicite. C'est qu'en fait on estime que l'acte pour lequel la représentation temporaire
pourrait être en vigueur pourrait donner lieu, par exemple, s'il s'agit de la vente d'un actif
important, à des besoins possibles de représentation plus permanents, par
exemple au niveau de la gestion dans l'exemple que je vous donne.
Or,
au niveau de l'évaluation psychosociale, ce qu'on vous mentionnait tantôt,
c'est qu'on a développé, au fil des années, une complémentarité avec
l'évaluation médicale, avec les médecins, et, de notre côté, en termes
d'évaluation psychosociale, on a l'objectif
d'apprécier le représentant légal, d'en faire une recommandation pour qu'il
puisse bien jouer son rôle. Et on porte un regard global sur la
personne, qui pourrait faire en sorte qu'on s'assure que le besoin temporaire anticipé n'est vraiment que temporaire, le besoin
de représentation. C'est dans ce sens-là qu'on voit une plus-value, pour
la personne, qu'il y ait une évaluation psychosociale qui soit faite.
Maintenant,
est-ce que... parce ce qu'on fait la distinction entre cette évaluation
psychosociale... entre l'évaluation médicale
et le rapport d'évaluation médicale produit aux fins d'ouverture d'une tutelle,
par exemple, ou d'homologation de mandat.
Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir un pendant au niveau de l'évaluation
psychosociale? Et nous, dans les limites de notre mandat, comme ordre,
on est tout à fait disposés à voir qu'il puisse y avoir, et on le souligne dans
notre mémoire, peut-être pour clarifier, un
modèle de rapport adapté et un processus d'évaluation un peu plus succinct qui
part avec le contexte de la demande,
qui est une demande pour la représentation temporaire, quitte, au besoin, si le
travailleur social, dans son
évaluation, voyait que cette évaluation plus succincte... on trouve des
éléments, des données qui font en sorte qu'on devrait s'intéresser plus largement à la situation,
quitte, là, à ce moment-là, à la faire. Mais, pour un certain nombre de
situations, il est possible qu'une
évaluation plus sommaire pourrait être acceptable. Et, dans ce sens-là, nous,
comme ordre, ça nous ferait plaisir de travailler à cette situation-là
pour accommoder aussi en termes de besoins.
• (12 heures) •
Mme Ouimette
(Guylaine) : Je complémenterais en disant que, pour rassurer les
parlementaires et vous, M. le ministre, c'est que c'est évident qu'on ne
veut pas ajouter plus d'étapes pour permettre aux gens d'avoir accès à cette mesure-là, qui est quand même assez légère dans le temps, temporaire. Notre point de vue,
c'est de dire : On est prêts à travailler
avec le curateur pour arriver avec un type d'évaluation qui est beaucoup plus
simplifié, mais juste pour s'assurer que la personne qui va représenter,
qui va exercer les droits de cette personne-là, juste dans une mesure
temporaire, là, puis temporaire, des fois,
bon, est-ce que le médecin peut dire : C'est que trois mois, c'est que pour
cette action-là?, des fois, ça peut
être plus long, qu'on ait fait le tour de la question pour dire :
Effectivement, cette personne-là est en mesure de jouer ce rôle-là dans le contexte. Donc, on est ouverts
vraiment... On ne parle pas d'une évaluation psychosociale comme
l'activité réservée quand c'est le temps d'ouvrir une tutelle modulée ou
homologuer un mandat, là. On est ailleurs.
M. Lacombe :
D'accord, merci pour la précision. Je vais laisser le temps restant à ma
collègue députée de Lotbinière-Frontenac.
La
Présidente (Mme Chassé) : Excellent! Donc, j'invite la députée de
Lotbinière-Frontenac à prendre la parole. Bienvenue avec nous.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Bonjour.
La Présidente (Mme Chassé) :
Il reste trois minutes.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Merci. Pouvez-vous informer la commission des
impacts socioaffectifs vécus par les
personnes vivant sous le régime de tutelle et comment la réforme proposée par
le projet de loi pourrait aider à minimiser ces impacts-là?
Mme Ouimette
(Guylaine) : Je m'excuse, je vous ai mal entendue. Il y avait du
bruit.
Mme Lecours
(Lotbinière-Frontenac) : Je répète. Pouvez-vous informer la commission
des impacts socioaffectifs vécus par
les personnes vivant sous le régime de tutelle et comment la réforme proposée
par le projet de loi pourrait aider à minimiser ces impacts?
Mme Ouimette
(Guylaine) : Je vais commencer. En fait, l'esprit de cette loi-là vise
à ce qu'on change notre regard paternaliste
sur la limitation de l'exercice des droits d'une personne. C'est comme si, dans
la chaise, la personne qui va avoir
le devoir de représenter, elle devra permettre à cette personne-là d'exercer
ses droits de prendre la parole avec ce qu'elle a comme attitude ainsi qu'avec les ressources qu'elle a autour
d'elle. Donc, pour nous, ça va permettre — comme je disais tantôt, c'est un changement de cap,
là — d'une
certaine façon, d'aller encore plus loin, de dire : Ce qui est
primaire, ce qui est primaire, c'est la
parole de la personne dans les capacités qu'elle a et dans ses limites, mais
aussi avec toutes ses ressources.
Donc, on croit que, pour la personne qui est représentée, le projet de loi va
permettre qu'elle soit encore plus dans l'exercice de ses droits civils.
C'est la perception qu'on en a. Les gens vont être obligés...
La Présidente (Mme Chassé) : Il
vous reste encore au-dessus d'une minute.
Mme Ouimette
(Guylaine) : Dans le fond, je pourrais ajouter que les gens qui vont
représenter la personne, peu importe
la mesure... premièrement, la tutelle modulée, les gens, maintenant, vont avoir
des obligations d'inscrire, de faire un rapport, de faire une reddition de comptes, mais, quand on parle de
l'assistant au majeur, c'est intéressant, parce que c'est comme... on
part de ce que la personne est et où elle est rendue puis on lui permet
d'exercer parole et faire ses choix jusqu'au bout de sa limite.
Donc, c'est
ça, l'esprit de ce projet de loi là. Et c'est pour ça que les 17 recommandations
qu'on fait, c'est vraiment dans le sens que cet esprit-là, qui est
derrière ce projet de loi là, soit actualisé dans son sens même.
La Présidente (Mme Chassé) :
Bon, et voilà. Alors, merci, Mme la députée de Lotbinière-Frontenac. Je cède maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis. Le bloc qui vous est imparti est de
9 min 30 s. 9 min 40 s, pardon.
Mme Maccarone : 40.
10 secondes de plus.
La Présidente (Mme Chassé) :
Yes!
Mme Maccarone :
Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Désolée
d'avoir manqué le début, mais j'ai lu avec grand intérêt votre mémoire.
La première
question pour moi, ça a rapport avec la recommandation n° 7,
par rapport à la procuration générale et que vous proposez de permettre des pouvoirs relevant de la simple
administration des biens. Si je joue l'avocat du diable, on a entendu des groupes qui représentent les proches
aidants, et, si, mettons, moi-même, j'étais proche aidante, pourquoi que
je ne voudrais pas aller pour quelque chose
qui est peut-être plus facile? Est-ce que la procuration est peut-être plus
facile? Et, sinon — procuration générale, excusez-moi, n'est pas
plus facile — pourquoi
je veux mettre des balises à l'intérieur de ceci? Parce qu'on veut vraiment faciliter puis aider ces
gens-là aussi, on ne veut pas ramener une lourdeur. Alors, comment que
le projet de loi peut nous aider à déterminer ou de décortiquer mieux?
Mme Ouimette (Guylaine) :
...vais demander à mon expert de vous répondre à ce sujet-là.
M. Hébert (Alain) : Bien, cette
recommandation sur la procuration, vous voyez qu'au début c'est explorer la possibilité et la pertinence. Alors, on est
vraiment dans... Dans le fond, ce qu'on veut faire avec cette recommandation-là,
c'est soulever des enjeux par rapport, par
exemple, au recours à la mesure de l'assistant au majeur. C'est-à-dire que la
mesure de l'assistant au majeur, et avec
raison, est encadrée par un certain nombre de mesures d'encadrement. Et
évidemment, quand on a le choix entre deux mesures, comme vous dites, on
pourrait trouver très contraignante l'idée, par rapport à la
procuration, la mesure d'assistant au
majeur. Alors, nous, on le voyait possiblement comme un obstacle, c'est-à-dire que cette mesure-là présente
moins d'attraits, et que, si on veut l'actualiser, l'assistant au majeur, qu'il
y aurait peut-être à regarder qu'on ait aussi une forme d'encadrement
au niveau de la procuration.
Là, ce que,
nous, il est proposé ici, c'est la pertinence pour des pouvoirs relevant de la
simple administration dans le sens où notre angle, nous, ce qu'on observe comme travailleurs sociaux, dans certaines situations, évidemment, pas toutes, on ne veut pas faire de généralisation, mais, dans certaines situations,
on se retrouve dans des zones grises où il nous semble que la procuration peut donner lieu à des risques
d'abus. Et, dans cette perspective-là, on souhaite qu'il y ait une réflexion sociale plus large.
On n'est pas les spécialistes de la procuration, mais on soulève la question
pour cette raison-là. Mais l'idée n'est pas de limiter, on comprend, les
choix des citoyens.
Mme Maccarone : Parfait. Je ne suis pas experte non plus, alors
je suis contente d'avoir votre réflexion. Je pense que ça va nous aider
quand on va aller article par article.
Pour la recommandation n° 9,
vous proposez d'ajouter un pouvoir réglementaire permettant de déterminer le
fond du contenu de la reddition de comptes du mandataire. Pouvez-vous nous
donner un exemple de qu'est-ce que ça peut avoir l'air?
Mme Ouimette (Guylaine) : Oui,
Alain, tu peux répondre.
M. Hébert
(Alain) : Bien, en fait,
c'est que, d'entrée de jeu, ce qu'on observe, comme Mme la présidente le
disait, Mme Ouimette, tantôt,
c'est qu'actuellement il n'y
a pas d'encadrement au niveau du
mandat de protection, et les deux mesures qui sont soulevées par le projet
de loi, qui sont identifiées dans le projet de loi, on est en accord avec elles. Ça fait plusieurs années, dans le fond, que nous, on déplore qu'il n'y ait
pas d'encadrement au niveau de mandat de protection.
Maintenant,
la mesure de reddition de comptes, ce qu'on dit, puis on finit en disant :
C'est ce que nous proposons, c'est
que, si on souhaitait avoir des balises pour dire en quoi elle pourrait
consister, sans que ce soit nécessairement trop contraignant,
ça pourrait agir comme guide pour voir à quoi pourrait ressembler la reddition de comptes, autant pour la personne que
pour les biens. Et on pense que ça pourrait être une bonne idée de le faire.
C'est dans ce sens-là qu'on soumet la recommandation.
Mme Maccarone : Pas nécessairement dans la législation, mais comme un document
accompagnateur, avec toutes les autres informations qui seront fournies
par le tuteur public, si c'est ça qui devient le nom potentiel.
Mme Ouimette
(Guylaine) : En fait... Et
aussi c'est vraiment... parce qu'on sait que c'est un grand
changement une fois que cette loi-là va
arriver. Puis on sait qu'il y a des tuteurs, des représentants légaux de toutes sortes de niveaux de compréhension. Et on se dit qu'on est vraiment
d'accord avec ces deux mesures-là. C'est parfait. Mais, s'il y a comme
des qualifications, des attendus, ça va être facile pour tout le monde. Pour ce
qui est des suivis mêmes faits par le curateur, ça va être encore plus simple.
Alors, pour
moi, c'est comme de faire la boucle et de permettre à la population d'agir,
mais avec un cadre qui est quand même plus simple, avec des lignes assez
claires et rendre ça le plus simple possible pour que ce soit réalisable.
Mme Maccarone : Par rapport à votre recommandation n° 1, excusez-moi, je pense que c'est la formation obligatoire, alors la recommandation n° 11.
J'aimerais vous entendre un peu par rapport aux critères de cette formation
obligatoire. Ça a l'air de quoi? On attend après quoi à l'intérieur de
ceci?
Mme Ouimette
(Guylaine) : Je vais demander à Alain de vous répondre à cet égard-là,
par rapport à la formation, les attentes.
M. Hébert
(Alain) : Oui, je ne suis pas certain d'avoir bien saisi votre
question. Je ne suis pas certain d'avoir bien saisi la question de Mme
la députée.
La Présidente (Mme Chassé) :
Pourriez-vous répéter?
Mme Maccarone : Oui, je vais répéter. C'est par rapport à la
recommandation n° 11, vous faites une recommandation pour avoir la formation obligatoire en matière
d'évaluation psychosociale. Ça a l'air de quoi, cette formation
obligatoire, si, mettons, on écrivait un autre document accompagnateur? Ça a
l'air de quoi exactement? On s'entend pour...
• (12 h 10) •
M. Hébert
(Alain) : Oui. Mais les éléments fondamentaux de cette formation-là,
ce seraient les nouveautés au plan juridique
du cadre légal qui encadre l'exercice de l'activité. Ce seraient aussi des
ajustements faits sur comment produire le rapport d'évaluation psychosociale, d'abord, comment la réaliser au plan
clinique et ensuite comment la produire. Parce que, là, c'est sûr qu'on aura, nous, comme travailleurs
sociaux, dans le cadre de notre évaluation, à formuler des
recommandations à l'intention du tribunal
pour la modulation de la tutelle. Tu sais, on aura à documenter quelles sont
les facultés de la personne pour permettre au tribunal de déterminer
quel type de modulation de tutelle on aura.
Dans ce
sens-là, ça va dans l'esprit, quand même, je vous dirais, de la philosophie des
travailleurs sociaux depuis plusieurs années, mais il y a quand même un
aspect nouveau qu'on devra documenter, et on souhaite que les travailleurs sociaux qui vont continuer à exercer cette
activité-là soient bien au fait de bien réaliser une opinion professionnelle et
des recommandations notamment sur cet aspect-là. Ça fait que, dans ce sens-là,
on estime que ça justifie cette formation obligatoire.
Nouveauté du
cadre légal, certaines dispositions par
rapport à l'évaluation psychosociale,
il y a d'autres éléments dans
l'évaluation psychosociale par
rapport à l'appréciation du futur
représentant légal, potentiellement, qui vont être aussi à modifier, parce
qu'on ajoute, puis nous, on prend ça très au sérieux, là, l'idée qu'on va... le
représentant va devoir tenir compte des volontés et préférences de la
personne dans la mesure du possible, la faire participer aux décisions.
On le disait
tantôt, ça suppose que nous, comme travailleurs sociaux, travailleuses
sociales, on apprécie cette ouverture du futur représentant, cette
capacité du futur représentant légal à jouer le rôle dans l'esprit du projet de
loi. Donc ça va changer quand même jusqu'à
un certain point l'évaluation. Ça fait que c'est peut-être les éléments qui je
vous dirais, là, spontanément.
Mme Ouimette
(Guylaine) : Un petit ajout tout simple. C'est qu'il existe déjà une
formation pour les travailleurs sociaux
qui font l'activité exclusive réservée. Là, ce qu'on souhaite, c'est, étant
donné le grand changement que ce projet de loi là apporte dans certaines façons de faire, on veut rendre
obligatoire la formation pour assurer au public que le travailleur
social qui la fait sera qualifié, aura les nouvelles connaissances nécessaires
pour le faire.
M. Hébert
(Alain) : Dans sa forme actuelle, la formation, là... puis c'est un
format de trois jours avec une journée dispensée par un juriste ou une
juriste et deux jours par un travailleur social ou une travailleuse sociale.
Mme Maccarone : Complètement
en accord avec vous. Je présume, aussi, ça va prendre une réflexion au
niveau universitaire aussi pour la formation
des travailleurs sociaux avec peut-être juste une petite note à prendre. S'il
reste du temps, Mme la Présidente, j'aimerais céder la parole à...
La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 1 min 30 s. La députée de
Notre-Dame-de-Grâce désire prendre la parole.
Mme Weil :
D'accord. Alors, merci. Bienvenue, Mme Ouimette, M. Hébert. Vous êtes
vraiment au coeur de l'action, donc
je vais aller un peu sur le lexique. «Tuteur public», c'est votre recommandation
pour le titre. On a eu quelques différentes recommandations, inquiétudes par rapport à «personnes vulnérables»,
qu'on vient stigmatiser ces personnes. Moi, dans mes recherches, «Tuteur public», c'est cohérent avec
le langage qu'on entend un peu partout dans toutes les provinces, dans
tous les sites qui sont en français, puis il y en a quand même beaucoup dans
diverses provinces.
Juste
expliquer... parce que c'est important, les mots, le titre est très important.
Ça signale quelque chose, un message, une orientation. Peut-être, avec
le temps que j'ai, expliquer votre choix.
Mme Ouimette
(Guylaine) : On est partis de l'idée que, depuis 1945, existe le titre
de Curateur public. On va faire face
à un projet de loi qui va amener des changements importants. C'est toute la
référence au public, à cette institution-là qu'on trouve très importante. Et d'aller avec un titre
comme celui qui est proposé, on craint un peu que la population se
perde. En parlant... et désormais, parce
qu'évidemment pour le curateur il n'y a plus de curatelle, ce sont des tutelles
modulées, et autres mesures. Alors,
vraiment, on n'en fait pas une recommandation ce matin, on fait un peu une
improvisation, mais il reste que... parce
que, quand on a finalisé notre mémoire, on n'avait pas encore finalisé notre
réflexion. Mais en disant tuteur public, là, ça dit ce qu'il fait, ça
dit qui il est...
La Présidente
(Mme Chassé) : En terminant.
Mme Ouimette
(Guylaine) : ...et ça fait quand même référence à une grande institution
depuis plusieurs années.
La
Présidente (Mme Chassé) : C'est très bien. Je vous remercie. Je
cède maintenant la parole au député de Rimouski pour un bloc d'échange
de 2 min 25 s. Go!
M. LeBel :
Merci, vous êtes trop généreuse. Très rapidement, moi, je suis porte-parole du
dossier des aînés. C'est un dossier
qui m'interpelle beaucoup. L'an passé ou il y a deux ans, j'ai participé au
projet de loi contre la maltraitance des aînés, mais c'est une situation qui se perdure, là, avec le vieillissement de
la population. Je suis dans une région, moi, où il y a une personne sur
quatre qui a 65 ans et plus. Il y a des... La protection des aînés, ça
m'intéresse beaucoup.
À
la recommandation 12, vous dites : «Prévoir une solution législative
à la controverse actuelle...» Je suis allé voir dans le mémoire. Vous dites : «L'obligation de devoir recourir à
l'autorisation du tribunal, comme on l'exige en matière de consentement
aux soins, peut s'avérer inutilement lourde, voire préjudiciable, dans
certaines situations...»
J'ai des petites
inquiétudes par rapport à des aînés qui ne pourraient pas se défendre ou qui
pourraient être... J'aimerais ça avoir un peu vos commentaires là-dessus.
Mme Ouimette
(Guylaine) : Sur l'enjeu que nous soulevons par rapport au
consentement aux soins?
M. LeBel :
Oui.
Mme Ouimette
(Guylaine) : Ça va prendre trois heures, mais je vais tenter de... je
vais passer la parole à mon collègue Alain
pour répondre le plus succinctement possible, parce que cet enjeu-là, cette controverse-là,
existe depuis très longtemps. On
savait, dans le cadre du projet de loi, ça serait difficile de le régler. Puis
on dit sous réserve, c'est de prévoir, de
discuter vraiment pour arriver à ce que le consentement soit bien compris.
Parce que le consentement aux soins, comme il est actuellement, peut être compris par les acteurs présents et futurs
comme un consentement aux soins global. On va chez le médecin, on signe un formulaire, faites ce que vous voulez. Quand nous,
on parle de consentement déontologique qui est produit par un travailleur social face à une personne, c'est d'aller
jusqu'au bout pour lui faire comprendre de façon la plus claire ce à
quoi elle consent.
Donc,
c'est une dimension que je vous dirais plutôt sociale, de bien comprendre, de
prendre le temps avec la personne pour
aller chercher son consentement. Et là on rentre dans les enjeux de respecter
qu'est-ce qu'elle a comme résiduel en termes d'exercices, d'aptitudes personnelles qui lui restent et de pouvoir
consentir à ce qui se passe avec elle. Je ne sais pas si tu voulais
ajouter quelque chose, Alain, parce que...
La Présidente
(Mme Chassé) : ...
Mme Ouimette
(Guylaine) : 30 secondes, c'est...
La Présidente
(Mme Chassé) : En 10 secondes.
M. Hébert (Alain) : En 10 secondes. Bien, en fait, c'est qu'on
soulève la difficulté que posent différentes interprétations sur
l'étendue du consentement requis pour procéder à l'évaluation, et c'est dans ce
sens-là qu'on souhaite une solution législative qui serait aidante pour tous
les acteurs d'établissement.
La
Présidente (Mme Chassé) : Excellent!
M. LeBel :
Merci.
La Présidente
(Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Je
suspends les travaux quelques instants — et on va essayer d'être diligent dans le
transfert — afin de
permettre au prochain groupe de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à
12 h 16)
(Reprise à 12 h 19)
La
Présidente (Mme Chassé) : On se retrouve, et je souhaite
maintenant la bienvenue aux représentants de l'appui pour les proches aidants. Je vous rappelle que
vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. À une minute de la fin,
je vais vous faire un signe de la main ou un
signe vocal pour vous inviter à conclure, puis, par la suite, nous procéderons
à une période d'échange avec les
membres de la commission. Commencez par vous présenter puis ensuite sautez tout
de suite sur votre exposé. Bienvenue.
L'Appui national pour les
proches aidants d'aînés
Mme Dumas (Magalie) : Merci. Donc, merci de nous accueillir. Je suis
Magalie Dumas. Je suis directrice générale adjointe à L'Appui national
pour les proches aidants d'aînés, donc la société de gestion.
Mme Laliberté (Emmanuelle) : Moi, je suis Emmanuelle Laliberté, directrice
générale de L'Appui Capitale-Nationale. Donc, comme on est dans la
région, c'est moi qui suis là pour représenter les 17 régions avec ma
collègue.
• (12 h 20) •
Mme Dumas (Magalie) : M. le
ministre, Mme la Présidente, Mmes et MM. les députés, membres de la Commission des
relations avec les citoyens, merci de nous recevoir aujourd'hui.
L'Appui
pour les proches aidants d'aînés salue le dépôt de ce projet de loi qui valorise l'autonomie, les droits, les volontés et les
préférences des personnes assistées. De plus, nous saluons de façon encore plus
soutenue l'objectif de simplification des
mesures actuellement en place. Comme organisation accompagnant les personnes
proches aidantes dans leurs trajectoires
de soutien, nous pouvons témoigner de leur désarroi face aux mesures
existantes. Leur simplification et leur modulation apporteront certainement un allègement de leur rôle et une reconnaissance
de leurs savoirs expérientiels. Telle était
la citation de notre organisation dans un document du Curateur
public annexé au communiqué de presse
du ministre de la Famille, M. Mathieu
Lacombe, pour souligner le dépôt du projet de loi n° 18, le 10 avril
dernier. Selon nous, cependant, pour arriver à de tels effets positifs,
il y aura, d'une part, des dispositions à préciser et, d'autre part, un plan de
transition rigoureux à orchestrer.
Plus
que juridique, l'esprit dans lequel nous sommes ici, devant vous, est empreint
d'une perspective sociale et de gestion
du changement. Notre opinion toute relative est celle de témoins et d'acteurs
privilégiés auprès de nos personnes aidantes
d'aînées québécoises. Il est important de préciser que, compte tenu de notre
mission, qui n'en est pas une de défense des droits, L'Appui n'adopte pas, dans ce processus des consultations,
une posture de revendication, mais plutôt une posture partenariale. Par ailleurs, compte tenu de notre
mission actuelle, qui pourrait être amenée à se modifier dans les
prochaines années pour élargir les clientèles de personnes proches aidantes
visées par notre action, L'Appui prend parole, dans ce mémoire et dans cette présentation, au regard de la situation des
personnes proches aidantes d'aînés exclusivement. Nous vous prions donc de ne pas extrapoler le contenu de ce
mémoire et de nos présentations à toutes les clientèles de personnes
aidantes et à toutes les personnes pouvant se
retrouver en situation de vulnérabilité et qui sont visées pas les dispositions
du projet de loi n° 18.
Est largement considérée
comme signe d'une société en santé celle qui vise à accroître le pouvoir d'agir
de ces citoyennes et citoyens. Malgré leurs
maladies, handicaps, limitations, difficultés, que tous puissent jouir d'un
exercice de leurs droits adapté à
leurs réalités et aptitudes. Par ailleurs, il est tout aussi largement
considéré comme signe d'une société en santé
celle qui vise à protéger ses membres en situation de vulnérabilité. À la
jonction de ces deux considérants se trouve une fine ligne, un équilibre que tout législateur chercherait à atteindre.
Il voudrait, pour ce faire, bien mesurer les impacts législatifs, légaux financiers, économiques, transitifs et
sociaux engendrés par cette recherche d'équilibre entre son rôle de
protection des individus et de préservation
des droits civils, tout en ne perdant pas de vue les considérants de la santé
des personnes et des institutions. C'est dans cette situation que se
trouve aujourd'hui l'État québécois, et nous saluons le courage nécessaire à
une telle entreprise.
Conséquemment,
la mission de L'Appui, c'est du point de vue des considérations sociales
et transitives que nous commentons le
projet de loi n° 18, et ce, au regard, comme je vous le disais
précédemment, d'une clientèle bien précise, celle des personnes proche
aidantes de personnes aînées et de l'environnement qui est le nôtre, donc celui
d'une organisation présente à la fois nationalement et régionalement.
Depuis
quelques décennies, l'État québécois a mis moult efforts politiques et mesures
législatives en place afin de contrer la maltraitance envers les
personnes aînées, de favoriser leur maintien à domicile et de soutenir leurs
personnes aidantes. À coup de gains âprement
atteints, l'équilibre et la cohérence de ces actions tendent à se stabiliser et
à se pérenniser depuis quelques années.
Derrière nos personnes aînées en
situation de vulnérabilité se cachent des centaines de milliers de personnes
proches aidantes sans qui nombre de
personnes aînées ne pourraient s'accomplir dans leur quotidien. Il apparaît
donc primordial qu'un changement de
paradigme si important à l'égard du dispositif de protection des personnes
prenne en compte la perspective particulière des personnes proches
aidantes d'aînés et des aînés en situation de vulnérabilité eux-mêmes comme
sous-population appréciable au Québec. La
structure démographique québécoise telle qu'on la connaît, le taux de
prévalence des troubles
neurocognitifs et l'espérance de vie des personnes dressent devant nous de
lourdes perspectives quant à l'équilibre et à l'étanchéité de notre
tissu social.
Tel
que présenté à l'heure actuelle, le projet de loi n° 18 ne semble pas
suffisamment prendre en considération de ces faits. Il est convenu qu'une approche clientéliste n'est certainement
pas le souhait du Curateur public, mais il est difficile d'imaginer que des changements aussi fondamentaux
au dispositif de protection des personnes puissent se réaliser sans
égard particulier aux personnes aînées en
situation de déficit cognitif ou de maladie dégénérative et leur entourage.
Plus tard, au moment de répondre à
vos questions, on pourra vous parler précisément de nos préoccupations, de nos
questionnements.
Mme Laliberté
(Emmanuelle) : Comme c'est toujours
le cas, l'adoption d'une nouvelle loi ou l'adoption d'une modification substantielle à une loi déjà en vigueur
est la fin importante d'un rigoureux processus législatif, mais aussi
le début d'un chantier déterminant de mise
en application, de communication et d'opération destiné à en assurer le
déploiement. Il nous faudra toute une collectivité pour réussir la
transition de la modification du dispositif de protection des personnes.
L'Appui
pour les proches aidants d'aînés souhaite continuer à contribuer de manière active à la poursuite des
activités de consultation du Curateur public
et à porter auprès de lui conseils et avis quant au contenu du projet de loi
n° 18. D'autre part, L'Appui
assure l'État québécois, le Curateur public et les personnes proches aidantes
d'aînées de toute sa volonté de contribuer
à la stratégie de mise en application et de communication nécessaire auprès des
instances qui seront concernées par ces changements, et il y en aura
beaucoup.
Nous
aurons pris la peine, en annexe de notre mémoire, de manière plus soutenue que
ce type d'exercice suppose, de dresser
au lecteur un portrait du pouvoir d'agir de L'Appui. Évidemment, ceci permettra au lecteur de mieux
comprendre qui nous sommes, mais surtout comment on pourra mesurer notre accès
privilégié à des réseaux diversifiés qui seront tous concernés par la modification
du dispositif de protection des personnes.
Nos
réseaux communicationnels, notre engagement au transfert des connaissances et notre travail
constant visant à vulgariser et
rendre disponible l'information pertinente pour les personnes proches aidantes
d'aînés de partout au Québec sauront
assurément trouver leur place dans la stratégie de transition et de communication du Curateur public. Non
seulement rejoignons-nous de manière privilégiée les personnes aidantes, nous
avons également un accès particulier auprès des organisations communautaires et associatives qui leur offrent des
services. Que ce soit par des initiatives communicationnelles, informationnelles ou formatives auprès des
intervenants et professionnels qui accompagnent et soutiennent les
personnes prochaines aidantes d'aînés, nous nous engagerons à être là aux
moments opportuns et importants.
Plus tard, nous
pourrons répondre à vos questions concernant nos principales préoccupations et
nos constats favorables eu égard au grand chantier de transition qui sera
nécessaire.
Bien
qu'il reste des zones d'ombre à éclaircir, des notions à approfondir, des
réalités différenciées à accorder et des politiques à rendre congruentes, L'Appui pour les proches aidants
d'aînés est favorable à l'adoption du projet de loi n° 18. Nous avons confiance que les multiples avis
transmis dans les exercices de consultation sauront apporter les
ajustements nécessaires au projet de loi, mais, comme l'adage nous dit que le
diable se cache souvent dans les détails, l'organisation demeure à la
disposition du Curateur public et du législateur pour s'assurer de l'adéquation
entre la modification du dispositif de protection des personnes et les réalités
des personnes proches aidantes d'aînés.
En
terminant, nous souhaitons remercier évidemment le Curateur public et la
Commission des relations avec les citoyens d'avoir donné une voix aux
préoccupations d'un réseau de soutien au service des personnes proches aidantes
d'aînés. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre exposé. On va débuter
la période d'échange avec le parti formant le gouvernement. M. le
ministre, je vous cède maintenant la parole.
M. Lacombe :
Merci beaucoup. Merci, Mme Dumas, merci, Mme Laliberté, de vous être
déplacées ce matin. Je comprends que
ça demande beaucoup de travail. À chaque fois qu'on dépose un projet de loi, ça
vous demande beaucoup de travail parce qu'évidemment vous voulez que ça
réponde très précisément aux besoins que vous avez. Je sais que vous avez
travaillé fort.
Je
sais que vous êtes favorables, donc, au projet de loi. On est ici pour
évidemment le bonifier, s'il y a lieu. Justement, je vous amène à la page 4 de votre mémoire.
Dans la section où vous parlez de l'assistant aux majeurs, vous parlez de
décalage. Vous dites que, selon vous, il y a un décalage, et là je vais vous
citer, là, qu'il y a «un décalage [qui] semble se créer entre — les principes : "Destinée à toutes les personnes qui, en raison d'une
difficulté, souhaitent être accompagnées pour prendre certaines
décisions" et — de
l'autre côté — "Aucun
pouvoir décisionnel pour l'assistant".»
Donc, selon vous, il
y a comme une zone... est-ce que je dirais d'ombre ou de possible?
Mme Dumas
(Magalie) : D'ombre, de lumière, toutes ces choses étant
possibles.
M. Lacombe :
Est-ce que vous pouvez nous en parler
davantage? Qu'est-ce
que... Est-ce que vous avez des craintes? Si oui, quelles sont ces
craintes-là?
Mme Dumas
(Magalie) : En fait, bien, tout ça sera dans les efforts de
communication, de formation, puis de vulgarisation de la loi. Là, à l'heure
actuelle, c'est sûr que les outils ne sont pas à ce point développés pour
permettre d'expliquer l'ensemble de ce
changement-là. Mais, à la lecture préliminaire puis pour avoir testé ça avec
quelques proches aidants, cette
lecture-là, la vision, d'un, sur la ligne de l'accompagnement... Qu'est-ce
qu'un début, une fin d'accompagnement? Qu'est-ce
qu'accompagner quelqu'un, mais de ne pas prendre de décision? Parce que ça
demeure d'être accompagné dans une
décision. Il y a quand même une zone ici, où, si c'est une mesure non
judiciarisée, qu'on espère rendre très accessible... puis on l'a dit
dans les constats favorables, on pense que, dans plusieurs cas où la personne
est encore apte mais a des difficultés, ça
va vraiment permettre à nombre de proches aidants de pouvoir agir là où ils ont
plein de difficultés de nature administrative quand il n'y a pas de
procuration, quand il n'y a pas d'autre chose pour la personne.
Mais cette zone-là où il y a un équilibre dans
une dyade, où on a une personne aînée avec son proche aidant... Puis il y a plein de zones, puis on n'a
malheureusement pas pu assister à tout l'exposé de nos amis de l'Ordre des
travailleurs sociaux, mais, assurément, je
suis convaincue qu'ils ont probablement des préoccupations aussi à ce
niveau-là, sur s'assurer que tous
comprennent bien. Puis je pense que l'assistant, une fois nommé, on devra
vraiment prendre le temps avec lui pour ne pas que ça crée plus de dommages et de conflits familiaux à
l'interne. Donc, de vraiment, vraiment définir la zone de l'assistant
nous apparaît d'une primauté absolue, là.
• (12 h 30) •
M. Lacombe : Si je vous dis... Je comprends mieux votre
crainte ou votre questionnement. Si je réponds à ça que, bien, d'une part, le curateur ou le nouveau nom qu'on va lui donner rencontre, hein,
l'assistant pour lui expliquer son rôle et, d'autre part, que, de façon plus théorique, mais quand même, on intègre
aussi dans la loi, dans la mission du curateur, le fait qu'il a un devoir d'informer et de faire en sorte
que les gens qui vont agir à ce titre-là aient tous les outils pour le faire
puis qu'ils connaissent bien leur rôle, est-ce que ça, ça vous rassure?
Mme Dumas
(Magalie) : Tout à fait. Et
je pousserais ça plus loin. C'est-à-dire, oui, effectivement, dans
l'exercice, au moment où on a l'assistant et
l'assisté puis l'assistant au moment... Mais aussi, puis souvent, bien, on...
C'est comme les proches aidants puis
les aînés qui se retrouvent chez le médecin, hein? La moitié des questions
qu'ils voulaient poser, ils se les
posent dans l'auto en retournant, ou ils ont été stressés, ou c'est bien
énervant de se trouver dans ces institutions-là.
Donc, non
seulement, oui, il y a un rôle du curateur, d'information et d'assistance, mais
il y aura aussi à ce que ce soit
très, très bien compris, bon, les travailleurs sociaux, mais, au-delà de ça,
dans les organismes communautaires, dans tous les gens qui interviennent dans la vie des dyades de proches et de
leurs personnes, que ce soit tout aussi bien compris. Parce que, souvent, c'est ce qui arrive dans une
zone de transition où tout le monde n'a pas les mêmes informations au
même moment. Donc, oui, bien informer l'assistant, mais s'assurer que le réseau
autour aussi soit très bien informé.
M. Lacombe :
Donc, si j'ajoute peut-être un autre élément de réflexion, si je vous disais
que toutes les questions que les gens
se posent en revenant dans la voiture, ils pourraient téléphoner, disons, à une
ligne qu'on pourrait mettre sur pied, surtout
dans la transition, on parle d'une transition qui pourrait durer plusieurs
mois, là, mais, si on vous dit qu'il pourrait y avoir une ligne comme ça
pour les questions de voitures, est-ce que ça, ça vous rassurerait encore plus?
Mme Dumas (Magalie) :
Un accueil favorable, effectivement.
M. Lacombe : Accueil favorable,
d'accord.
Je vous amène
maintenant à la page 5 de votre mémoire. Vous indiquez à cet endroit-là
que «le régime de tutelle modulé dans
un contexte de maladie dégénérative ou de troubles neurocognitifs n'est [...]
pas suffisamment considéré dans [le
texte] du projet de loi». Et vous dites que ce manque de considération là, le
fait que ce ne soit pas assez évoqué, ça pourrait alourdir la tâche des tuteurs puis des familles,
potentiellement peut-être aussi désengager les gens qui auraient eu un
intérêt de s'occuper d'un proche, d'une personne aînée. Qu'est-ce qui vous
amène à tirer cette conclusion-là?
Mme Dumas
(Magalie) : Bien, la
lourdeur, déjà, actuelle de tous ces impacts-là. On a un service Info-aidant,
donc, l'année dernière, presque
20 000 interventions auprès de proches aidants d'aînés au Québec.
Donc, on a une antenne très, très, très
collée, donc, sur les besoins du milieu. Et, après les questions sur les
services et le répit, le deuxième sujet en importance au service Info-aidant, ce sont les questions de
nature légale, fiscale et financière. Donc, c'est les proches aidants et
les familles... ne serait-ce qu'ouvrir un
régime de protection, là. Puis d'être dans les démarches d'évaluation
psychosociale, médicale, les temps d'attente
qui sont déjà présents actuellement, c'est beaucoup, et ça fragilise
énormément, et ça crée des zones de conflit dans les familles très
souvent, malheureusement.
Donc, de
retourner... Bon, si on installe une tutelle modulée... Je vais essayer de
faire un exemple le plus concret possible.
Donc, avec une personne, donc, une conjointe et son conjoint qui a la maladie
d'Alzheimer, pas de mandat de protection,
on se retrouve donc sur un régime de tutelle. Et, bien, par la nature même
d'une maladie dégénérative ou un trouble neurocognitif, on ne peut pas prévoir, cinq ans en avant de nous, ce qui
va arriver, quels seront les droits civils qui pourront être maintenus. Donc, ça implique systématiquement
de la revue très rapide et à une fréquence qui va finir par finalement
épuiser des familles et renoncer à la volonté de maintien à domicile.
Puis,
d'un autre côté, notre État québécois travaille fort à soutenir les proches
aidants, à accueillir et à donner des facilitateurs
pour qu'ils puissent vivre à domicile. Mais, si on vient déséquilibrer ce
fragile équilibre là en plus des coûts financiers,
nous... Je vais être... Encore une fois, très, très concrètement, à Info-aidant
quand on a un proche aidant d'aîné qui est
en attente des évaluations pour ouvrir un régime de protection et qu'on est
rendu à 13 mois d'attente, si... Faites ça fois quatre sur une trajectoire de deux, trois, quatre,
cinq ans, 10 ans, plus les coûts que ça engendre. Il y a des gens qui ont
dit : C'est tellement
rendu problématique d'avoir les évaluations avant d'ouvrir le régime que les
gens se tournent au privé, là. Puis ce
n'est pas toutes les familles qui ont les moyens et les accès à ces réseaux-là.
Donc, on est très préoccupés par ce bout-là pour ne pas finalement
déséquilibrer ce qu'on essaie de faire comme société ici, au Québec.
M. Lacombe :
Je comprends. On a pris des notes. Et puis peut-être, dernière question...
peut-être, en fait, une proposition.
J'aimerais peut-être avoir une proposition de votre part. Vous écrivez, c'est à
la page 4 — c'est-u
à la page 4? — oui,
à la page 4 de votre mémoire, vous
écrivez que ce serait souhaitable, selon vous, d'arrimer et de préciser la...
disons, la zone d'action des
assistants dans le contexte du plan d'action contre la maltraitance puis de la
loi pour lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre
personne en situation de vulnérabilité. Qu'est-ce que vous proposez?
Mme Dumas (Magalie) : En fait, je n'ai pas avec moi le détail de cette
loi-là, mais elle prévoit déjà des mesures, des zones d'action... faire
la différence entre la maltraitance, de... Bien, tu sais, il y a une entente
sociojudiciaire en cours.
Puis
c'est ça qu'on disait à un moment donné dans la mesure d'assistance. Pour nous,
ce serait vraiment très pertinent puis
c'est à degré variable, puis elle est à déploiement encore variable, l'entente
sociojudiciaire, mais le curateur n'est pas forcément de toutes les
ententes sociojudiciaires.
Et,
exemple, pour vraiment s'arrimer avec ça, c'est que, comme c'est une mesure non
judiciarisée, bien, si le curateur, quand
il a des préoccupations ou des soupçons importants, s'il peut, lui aussi, faire
partie de l'entente sociojudiciaire et aller travailler avec les policiers, les travailleurs sociaux, avoir de
l'accès, pour nous... C'est déjà prévu. C'est là. Pourquoi refaire? C'est là qu'on dit : Il y a un arrimage qui
nous apparaît nécessaire entre — celui-là en était un exemple, là — la loi puis la politique.
M. Lacombe :
Et, si je vous dis qu'on fait déjà partie de cette entente-là, est-ce que ça
répond de facto à cette préoccupation?
Mme Dumas (Magalie) : Bien, corrigez-moi si je me trompe, j'ai
peut-être commis une erreur, parce que j'ai vu, entre autres, des ententes sociojudiciaires où le curateur n'était pas
tout le temps là. C'est pour ça qu'on dit : Qu'il soit vraiment là dans tous les déploiements des ententes
sociojudiciaires. C'est peut-être juste là, mais je le sais qu'il est présent
dans certaines...
M. Lacombe :
D'accord. Bien, on comprend l'essence de votre proposition. Merci beaucoup.
Puis je vais... Mme la Présidente, je n'ai plus de question, mais je
vais laisser peut-être ma collègue députée de Les Plaines...
La Présidente
(Mme Chassé) : Oui. Je cède la parole à la députée de Les
Plaines. Allez-y.
Mme Lecours
(Les Plaines) : Merci, M. le ministre. Merci beaucoup, Mme la
Présidente...
La Présidente
(Mme Chassé) : 4 min 30 s.
Mme Lecours
(Les Plaines) : 4 min 30 s? Bonjour, mesdames. D'entrée
de jeu, je vais vous dire que votre organisme
est très important. Vous êtes déployés à travers le Québec, et, dans ma
circonscription, on réfère souvent des cas à votre organisme.
Écoutez, j'avais beaucoup de questions auxquelles
vous avez répondu, mais, une question un petit peu pointue comme... Étant donné que votre clientèle, si je peux
m'exprimer ainsi, là, ce n'est pas une clientèle, mais les gens que vous
appuyez, on va dire ça comme ça, c'est à un
bout du spectre, et le projet de loi couvre quand même assez large, j'aimerais
vous entendre sur l'obligation des
mandataires de tenir un registre et de faire des redditions de comptes de façon
permanente, de façon périodique également.
Mme Dumas
(Magalie) : Bien, dans notre mémoire, on le mentionne, en fait,
pour nous, c'est...
Une voix :
...à quelle page?
Mme Dumas (Magalie) : À la page 6, chère collègue, de notre
mémoire. Donc, on a des constats essentiellement très, très favorables pour les ajouts au mandat, donc le mandat de protection
bonifié, puis je vais prendre la peine de le dire en trois
secondes :
«L'obligation du
mandataire de faire un inventaire des biens de la personne inapte dans les
60 jours suivant l'homologation corrige une lacune actuelle importante;
«La
bonification semble mieux structurer — aussi — les attentes et les obligations qui peuvent
être légitimement attendues de la
part du mandataire et du mandant.» Puis, tu sais, bon, c'était quand même une
procédure écrite et entérinée par le
tribunal, mais, des fois, il y avait quand même encore des petites zones
d'ombre, mais on sent que la bonification vient clarifier ça, là, et que l'obligation de reddition de comptes qui
pourrait être demandée est, pour nous, une mesure de protection
supplémentaire tant pour le mandant que le mandataire.
Souvent,
en conseil de famille, après, on se retrouve, on est le mandataire de notre
personne aînée, puis il y avait des questions
même sur... O.K., il est où, cet argent-là? Qu'as-tu fait de ce bien-là? Et,
comme il n'y avait pas d'inventaire à la base, bien, il y a certains proches aidants qui se retrouvaient d'être
dans le siège de l'accusé. Là, de savoir que ça va être mis par écrit,
que ça va faire partie du mandat de protection, pour nous, protège absolument
et le mandataire et le mandant. Donc, on entrevoit ça vraiment d'un bon oeil.
Et, dans la préoccupation qu'on a dans
notre mémoire à ce sujet-là, compte tenu de nos préoccupations, eu égard
à la quérulence des révisions pour le mandat
de tutelle dans des cas de maladie cognitive ou dégénérative, bien,
travaillons très fort à ce que les familles
travaillent très fort à s'équiper puis à faire des mandats de protection au bon
moment pour justement éviter la tutelle.
À
Info-aidant, entre autres, on fait beaucoup d'éducation aux gens. Puis, tu
sais, corrigez-moi si je me trompe, mais, tu sais, les directives médicales anticipées, on est encore à moins de
1 % de la population qui les a remplies. Donc, les mesures de
protection sont mal connues, puis ce qui fait qu'on se précipite dans des
situations très déplorables.
Donc, on aimerait ça. Oui, il va y avoir un effort
de communication à expliquer les régimes de tutelle, mais
prenons aussi un bon temps pour mieux préparer les gens, finalement, pour
éviter les recours à la tutelle, justement.
• (12 h 40) •
Mme Lecours
(Les Plaines) : Et, de façon
peut-être un petit peu plus générale, est-ce qu'il y aurait
des ajouts au projet de loi qui répondraient encore plus à votre partie
de clientèle plus spécifique?
Mme Dumas (Magalie) : On l'a nommé dans le régime de tutelle modulée,
on sait que ça existe, entre autres, en santé
mentale, mais peut-être la création d'un tribunal administratif ou de quelconque organe qui
permettrait un accès plus rapide en
cas de réévaluation. Parce que, comme je vous dis, à l'heure actuelle, ouvrir
un régime de protection, tout dépendant d'où on est au Québec, c'est de semaines à plusieurs mois, voire dépassé
des années. On essaie de... on se met dans la peau des proches aidants qui accompagnent quelqu'un qui
a une perte d'acquis substantielle qui fait que le tuteur ou le proche aidant ne peut plus... En fait, l'aidé a encore
des responsabilités qu'il ne peut plus assumer. Et, dans ce contexte-là, si
au moins il y avait un endroit où, rapidement,
on peut sonner l'alarme et ne pas retourner sur une liste d'attente pour être
réévalué nous apparaît être vraiment
quelque chose de primordial à penser, à installer et à faire. Si on avait une
recommandation à faire, ce serait probablement celle-là.
Mme Lecours
(Les Plaines) : O.K.
Mme Laliberté (Emmanuelle) : Pour les personnes atteintes, dans le fond, de maladie cognitive, neurodégénérative.
Mme Lecours
(Les Plaines) :
Dégénérative, parce qu'entre le moment de faire la demande puis... il y a déjà une...
Mme Dumas (Magalie) : Le lendemain de la décision du tribunal, on
pourrait se retrouver dans une tout autre situation.
Mme Laliberté
(Emmanuelle) : Ça change vraiment
rapidement, là, l'évolution de la maladie. Il y a toutes sortes de choses qui peuvent amener des changements, puis on
ne peut pas attendre aussi longtemps que ce qui est prévu actuellement, là.
La Présidente
(Mme Chassé) : Ça conclut.
Mme Dumas (Magalie) : Et des changements dans la situation
de santé de l'aidé, mais des changements dans la situation de l'aidant
aussi.
La
Présidente (Mme Chassé) :
Merci. C'est très bien. Je vous remercie. Je cède maintenant
la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis
pour un bloc de 9 min 40 s.
Mme Maccarone : Tellement beaucoup de questions, puis pas assez de temps. Premièrement, merci beaucoup pour l'infographie. J'adore, ça donne vraiment
un portrait clair puis, vraiment, ça m'aide beaucoup à mieux comprendre.
Ça fait que merci pour ça, c'était hyperclair, votre mémoire.
Première
question pour moi, parce que, là, on parle du plan
d'action, etc., puis comment qu'on va l'arrimer avec le projet de loi. On sait que, souvent, la maltraitance des aînés est faite par leurs membres de la
famille. Comment voyez-vous... Qu'est-ce
qu'on peut faire pour protéger ces personnes en situation de vulnérabilité et aussi éviter un embarras pour eux, peut-être, à l'intérieur
de qu'est-ce qu'on est en train de faire?
Mme Laliberté
(Emmanuelle) : C'est une bonne question.
Mme Dumas (Magalie) : C'est une excellente question.
En fait, bon, la... Bien, premièrement, je vais commencer par dire : Oui, effectivement, la maltraitance, souvent, est opérée par quelqu'un
qui est près de nous, pas seulement un
membre de la famille, mais quelqu'un
qui est près de nous. Mais j'ai aussi envie de vous dire qu'en ce moment au Québec il y
a des chercheurs qui s'intéressent au
contraire, c'est-à-dire la maltraitance à
l'égard des proches aidants de la part de leurs aidés. Nous,
à Info-aidant, on reçoit beaucoup d'appels de proches aidants qui voudraient
prendre du répit, qui voudraient avoir accès
aux services, et c'est l'aidé qui refuse. Ces dynamiques-là sont excessivement complexes. Donc, on ne peut pas juste parler de la maltraitance comme l'aidant qui... qu'il est sur l'aidé, vraiment
pas, et souvent ça crée du déséquilibre dans la famille, où le proche
aidant a vraiment besoin de services, et c'est le contraire qui se produit.
Donc,
c'est des questions excessivement pointues, c'est pour ça que je pense que j'ai
pris un délai de réponse, parce que
ça mériterait un mémoire, en soi, cette question-là. Ce n'est pas
évident à trancher, mais, assurément, il faut trouver quand même le
moyen d'avoir une préoccupation. Puis c'est
ça qu'on vous mentionne, par ailleurs, dans le mémoire. On trouve que
vous vous retrouvez dans une position où trouver la juste balance, hein...
voyons, la balance de la justice, qu'elle soit vraiment comme ça à
l'égard du proche aidant puis de l'aidé.
Puis j'ai entendu, tantôt,
vaguement, je pense, nos collègues de l'Ordre des travailleurs sociaux parler
aussi qu'il faudrait qu'ils rajoutent
l'appréciation aussi du tuteur ou de la personne responsable. On ne l'a pas
mentionné dans notre mémoire en se
disant que, probablement, ils le feraient, et ils l'ont fait. C'est un
incontournable aussi. Il va falloir vraiment évaluer les deux personnes. Puis, dans un contexte aîné, c'est souvent le
conjoint ou la conjointe qui se retrouve à être le tuteur ou le représentant
légal.
Donc,
on parle d'une dynamique de couple qui s'est établie sur 50 ans, sur
30 ans, sur 40 ans, on n'arrive pas là... Déjà,
absorber la maladie, là, surtout dans le contexte des aînés puis des maladies
neurocognitives, c'est déjà quelque
chose. Donc il faut vraiment
s'assurer de trouver, entre le rôle de protection, hein, puis on pose plusieurs questions à cet effet-là, entre le
rôle de protection puis, évidemment, la préservation des droits civils, mais de
trouver un juste équilibre pour ne pas justement ajouter plus de déséquilibre
aux familles qui sont déjà sur une corde raide, là.
Mme Maccarone :
Ça m'amène sur mes questions, mais
les questions de consentement. Avez-vous quelque chose à nous emmener là-dessus
pour nous aider dans cette réflexion-là? Parce que, c'est sûr, c'est un
enjeu directement affecté dans
qu'est-ce qu'on est en train de parler.
Mme Dumas (Magalie) : On n'a pas abordé ni le consentement aux soins dans notre réflexion... puis j'entendais aussi la procuration générale qui nous questionne
aussi. On s'est vraiment concentrés sur les aspects... pas que ceux-là
ne le sont pas, là, mais de... vraiment
dans le projet de loi. Il y a une réflexion à poursuivre là-dessus.
On s'engage à la faire à l'intérieur des instances de consultation du Curateur
public. Mais c'est sûr qu'il y a toute une réforme à opérer.
Puis
on se pose quand même la question entre la procuration générale, je
vais plus aller sur la procuration générale, puis le rôle... la nouvelle mesure d'assistance, puis je l'ai entendu
tantôt, donc je ne répéterai pas le même propos, mais on a sensiblement les mêmes préoccupations par rapport
à ça. Puis la procuration générale, bien, des fois, elle permet d'aller
plus... tu sais, elle permet d'aller plus
loin. On peut signer pour quelqu'un, on peut prendre place pour lui. Et là on
pense que, bon, bien, dans certains
cas, toujours avec la perspective d'éviter des situations de maltraitance, il y
a assurément des choses à venir préciser
ici pour vraiment s'assurer finalement que la mesure d'assistance soit plus
utilisée pour ne justement pas utiliser la procuration générale dans le cas où quelqu'un est capable de signer pour
lui. Parce que, souvent, elle est utilisée rapidement, puis on enlève
des droits civils pour rien. Donc, trouver ici un équilibre encore.
Mme Maccarone :
O.K. Pour ne pas répéter les questions, déjà, que mes collègues ont posées,
vous avez souligné une préoccupation
que... quand on parle de la personne responsable du respect des décisions au
tribunal, quelqu'un qui peut-être
n'habite pas avec la personne à leur charge ou qui n'habite même pas,
peut-être, dans la même ville. Vous dites qu'on devrait considérer de déléguer un certain nombre de responsabilités
particulières à un tiers. Vous proposez beaucoup de questions, suffisamment de ressources pour l'accompagnement,
exercice de leurs droits, puis je sais qu'on a touché un peu là-dessus,
mais que proposez-vous à nous, à cette commission, pour régler cette
problématique, la préoccupation?
Mme Dumas (Magalie) : Assurément, d'avoir cette préoccupation-là, c'est-à-dire
d'éviter la lourdeur, hein? Je pense
que vous comprendrez que c'est l'esprit du propos, c'est déjà une tâche lourde,
d'éviter la lourdeur. Mais, à l'heure actuelle,
puis ce n'est pas un jugement, c'est un constat, hein, il y a des familles qui
vont nourrir leurs personnes chères en CHSLD
pour s'assurer qu'elles ne sont pas en dénutrition. Ils font déjà beaucoup,
beaucoup, beaucoup de travail pour venir suppléer au réseau de la santé et des services sociaux. Si, en plus, on
leur dit : O.K., là, en plus, votre aidé est accompagné, mais il va falloir que vous soyez là, très, très,
très présent dans le jugement du tribunal pour qu'il lui permette
d'accomplir tel droit civil...
Une voix :
Ça fait peur.
Mme Dumas (Magalie) : Ça fait peur. Ça fait peur. Les charges sont déjà
importantes en soins mêmes à la personne. Donc, si on vient encore ajouter des impacts administratifs, légaux,
fiscaux, financiers à tout ça, est-ce qu'on va avoir moins de gens qui
vont venir s'occuper de nos personnes? Puis ça, c'est pour la partie publique.
Et,
pour la partie privée, bien, on assiste quand même, dans le réseau des
résidences, à une facturation à la carte assez impressionnante dans certains cas. Donc, allons-nous ravoir une belle
facturation, un nouveau... une belle proposition de facturation pour
accompagner un aidé à aller voter? On se pose la question.
Mme Maccarone :
Wow! Je n'avais même pas pensé à ça. Je trouvais que c'était vraiment une bonne
idée quand vous avez proposé que... Il
n'y aurait pas un dispositif à envisager, comme, par exemple, la constitution
du tribunal administratif qui pourrait permettre un accès rapide et sans
frais à cette clientèle pour que les modulations de tutelle seront à prévoir à
une cadence potentielle accélérée? C'est une idée excellente.
Est-ce
qu'actuellement nous avons assez de ressources pour répondre à ce besoin-là?
Puis, je pense aussi, pour les régions
aussi, c'est une question que je demande régulièrement, parce qu'on n'est pas
tous dans les milieux urbains. Alors, qu'est-ce que vous proposez qu'on
peut faire pour bonifier ceci puis pour le mettre en vigueur?
• (12 h 50) •
Mme Dumas (Magalie) : En fait, le tribunal administratif, on le voit
très, très bien sous l'égide du curateur. On ne pense pas à une structure différente. Puis le curateur a un bureau
partout au Québec, hein? Bon, des fois, hein, bon, ils sont à Gaspé, il peut être à 200 kilomètres pareil,
mais quand même. Puis, à la limite, je vous dis ça, puis probablement aussi
que l'avènement des technologies nous
amènera probablement un jour à être capables de faire un certain nombre de ce
type d'audition là à distance. Et ce serait d'ailleurs une très, très bonne
idée, en passant.
Donc, on ne voit pas de création
supplémentaire. On voit juste une facilité vraiment dans les antennes du
curateur qui sont déjà partout au Québec, et
donc très près du milieu décisionnel régional à ce sujet-là. Donc, à partir de
maintenant, est-ce qu'on a les ressources et
les capacités? Moi, je pense qu'on doit les donner au curateur, de pouvoir
faire ça dans chacun de ses bureaux
régionaux pour vraiment, vraiment, vraiment venir enlever de la pression et
donner de l'accès rapide pour ne
pas... puis... Parce que de l'accès
non rapide, éventuellement, peut conduire aussi à des situations
de maltraitance. Si on commence à être au bout du rouleau, l'épuisement,
la fatigue, l'ajout puis déjà composer avec de l'errance la nuit, par exemple,
comme proche aidant, quand on a été debout toute la nuit pour veiller,
il faut donc... il faut vraiment prévoir un accès facilité à la clientèle, vraiment,
mais dans les antennes déjà en place.
Mme Maccarone : Avez-vous déjà été confrontés avec des difficultés
pour les communautés minoritaires, que ça soit linguistiques ou
autochtones, qui ont un besoin, mais qu'on n'est pas capables de les combler parce
qu'il y a un manque de ressources?
La Présidente
(Mme Chassé) : En une quarantaine de secondes.
Mme Dumas (Magalie) : On ne constate pas, nous, en tout cas, à
Info-aidant, qui est notre principale antenne, là, directe, on ne constate pas de différenciation
quant à ces facteurs-là. C'est le même accès. Bon, c'est sûr que, parfois,
les niveaux de littéracie, si on est un anglophone
dans une région plus francophone, bon... Mais c'est vrai là et c'est vrai
à l'épicerie, là. Ce n'est pas différent. Mais rien de particulier par rapport
à cette clientèle-là.
Mme Maccarone :
C'est une bonne nouvelle. Merci. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Chassé) : Merci à vous. Je cède maintenant la parole au
député de Rimouski.
M. LeBel :
Merci, Mme la Présidente. Moi, c'est à votre page 3, le dernier
paragraphe, ça m'a... En partant, vous... Il dit : «Tel que présenté à l'heure actuelle, le projet de loi [...]
ne semble pas suffisamment prendre [en] considération [le fait du
vieillissement de la population].» Vous dites : On ne peut pas... Ça ne
peut pas se réaliser sans égard particulier aux personnes aînées en situation de déficit cognitif. Moi, je vous le dis,
c'est vrai qu'on a... Il faut s'ouvrir les yeux, là. Il nous arrive... À chaque année, le vieillissement de la
population nous interpelle, puis ça tombe beaucoup sur le dos des
proches aidants, je le vois dans ma région.
Il faut absolument qu'on prenne conscience de ça. Puis on ne peut pas y aller
par silo.
Est-ce que vous
pensez qu'au Québec on ne serait pas dus à un protecteur des aînés?
Mme Dumas (Magalie) : Vaste question, intéressante. Pourquoi pas?
Pourquoi pas? Notre structure démographique est telle que, pour les 20 prochaines années... Peut-être que ce ne
serait plus... ce ne serait peut-être plus la saveur à la mode dans
60 ans, là, quand on aura passé une grande partie de notre pyramide démographique,
mais, à l'heure actuelle, ce serait effectivement une idée intéressante.
M. LeBel :
J'en profite parce que je n'ai pas beaucoup de temps, Mme la Présidente,
j'aimerais ça, déposer... parce qu'il
y a des réflexions qui se font partout. Et, dans ma région, avec les gens de
chez nous, on a proposé une réflexion sur le... comment on peut bien vieillir dans nos communautés, vieillir dans la
dignité, et on organise un colloque bientôt. Je vous dépose le programme
du colloque qui est organisé. Ça pourrait donner des idées aux autres. C'est
fait en collaboration avec tout le monde.
Parce
que je continue à dire qu'il faut se donner une vision par rapport aux aînés;
ça va nous rattraper. On a parlé aujourd'hui de listes d'attente en
CHSLD, on ne parle pas encore des ressources intermédiaires qui ont aussi des
listes d'attente, des aînés qui n'ont pas
d'argent, qui vivent... Il y a des villages chez nous, les aînés sont à
94 %, ils reçoivent des revenus
suppléments garantis, ça fait qu'ils ne peuvent pas avoir des logements
adéquats. Et il faut les protéger et il faut travailler avec eux autres.
Merci pour ce que vous faites.
Document déposé
La
Présidente (Mme Chassé) : Excellent! Je confirme qu'on a reçu
votre document, M. le député de Rimouski, et qu'il va être disponible
sur notre site.
Alors, je vous
remercie pour votre contribution aux travaux.
La commission suspend
ses travaux jusqu'à 15 heures. Bon lunch!
(Suspension de la séance à
12 h 54)
(Reprise à 15 h 03)
La Présidente
(Mme Chassé) : Bon après-midi, tout le monde. La Commission des
relations avec les citoyens reprend ses travaux, et je demande à toutes les
personnes de la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie ou la fonction de
vibration de son appareil.
La
commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions
publiques sur le projet de loi n° 18, la Loi modifiant le Code
civil, le Code de procédure civile, la Loi sur le curateur public et diverses
dispositions en matière de protection des personnes.
Et, cet après-midi, nous entendrons les organismes
suivants : La Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec,
le Protecteur du citoyen et Me Dominique Goubau, professeur en droit à l'Université
Laval.
Je souhaite tout d'abord la bienvenue à la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec. Vous avez
10 minutes pour votre exposé. À une minute de la fin, je vais vous faire
un signe de la main ou un signe vocal pour vous inviter à conclure. Je
vous invite à tout d'abord vous présenter puis à tout de suite débuter votre
exposé. Bienvenue.
Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
Mme Vézina (Véronique) : Merci,
Mme la Présidente. Merci aux membres de la commission. Mon nom est Véronique
Vézina, je suis présidente honorifique de la COPHAN. J'ai à mes côtés, à ma
droite, M. Olivier Collomb d'Eyrames,
qui est du Regroupement des organismes de personnes handicapées de la
région 03, qui est un membre de la COPHAN, et, à ma gauche, Mme Louise Bourgeois, qui est présidente
de la Fédération des mouvements Personne d'abord du Québec, qui est
aussi un membre de la COPHAN.
Peut-être une
petite minute pour vous présenter la COPHAN. La COPHAN est un organisme de
défense de droits des personnes qui
ont des limitations fonctionnelles et de leurs familles. On couvre l'ensemble
des limitations, que ce soient les
limitations motrices, visuelles, auditives, intellectuelles, trouble du spectre
de l'autisme, troubles de santé mentale, trouble du langage et les troubles cognitifs. On regroupe actuellement près de
45 organisations à travers le Québec, ce sont des organisations
soit provinciales ou régionales.
La COPHAN fonctionne par le... a le mandat de
faire du pour et par. Aujourd'hui, je tiens à souligner qu'on fait beaucoup
plus de pour que de par, et on est ici pour porter la voix de ceux qui sont
derrière nous et qui, considérant que plusieurs d'entre eux sont sous curatelle ou tutelle, n'ont
pas le droit à l'image et à la parole. Et je tiens à le souligner, car
nous ne sommes que des porte-voix et non pas des porte-parole.
La COPHAN
accueille favorablement les principes du projet de loi n° 18. Après lecture de la situation
issue des individus et de leurs
familles, il est en effet grand temps de réformer en profondeur le système des
régimes de protection. Cependant, à
travers les informations de nos membres, nous constatons que l'effet réel du projet de loi est trop faible. Ayant pris
connaissance de plusieurs mémoires, nous constatons ne pas être les seuls à
partager cette lecture. Nos membres vous rappellent que l'autodétermination des personnes ayant des limitations
fonctionnelles va beaucoup plus loin que ce qui est mis de l'avant par le personnel des différents réseaux
de la direction jusqu'aux intervenants terrain. L'autodétermination d'un
individu, comme celle d'un peuple, c'est
avoir la capacité de choisir, incluant le droit à l'erreur. Il s'agit de notre
ligne directrice dans le présent
mémoire afin d'améliorer véritablement les droits des personnes que nous représentons. À
la lecture du projet de loi, il pourrait potentiellement avoir un gain de
droit pour les personnes. Cependant, plusieurs points nous apparaissent limiter les effets
du projet de loi.
Le premier
point : les ressources humaines techniques et financières. Le changement de
mentalité dans l'ouverture et la
gestion de la tutelle ne peut pas être simplement décrété. C'est un processus
long, complexe et surtout hasardeux. Nous nous questionnons sur le fait que, depuis 1990, la tutelle modulée était
déjà possible sur une base volontaire. Pourtant elle n'a été que la
solution dans 225 cas. Nous doutons que l'obligation fasse naître la
vocation.
Tous les
réseaux impliqués dans la mise en oeuvre de la loi à venir ont des contraintes
évidentes de ressources. Même en leur
prêtant les meilleures intentions du monde, les différentes organisations impliquées vont faire en fonction de leurs ressources actuellement
déficientes. Nous avons une perception que nous allons aller vers une
définition a minima du processus de modulation. Cela sera tout simplement des
tutelles modulées, numérotées de un à cinq.
Nous recommandons donc que la Commission des
relations avec les citoyens s'assure, notamment dans l'étude des crédits, que
les ressources nécessaires aux différentes organisations citées plus haut
soient affectées en accord avec l'esprit du législateur.
Nous recommandons également que le projet de loi
prévoie la mise en place d'une modulation personnalisée à chacun et non
une modulation individualisée avec un jugement identique par catégories de
tutelles modulées.
Également,
depuis trop longtemps la COPHAN et ses membres suivent différentes initiatives
censées améliorer les droits
effectifs des personnes et de leurs familles. Ainsi, nous demandons à ce qu'une
recherche de 10 ans soit faite, débutant avant la mise en oeuvre de la loi et suivant les changements au fil des
années. Un rapport d'étape après cinq ans permettrait d'alimenter un
comité responsable d'étudier les effets de la loi et ses éventuelles révisions.
Nous
demandons également que le projet de loi prévoie une évaluation indépendante de
la mise en oeuvre et des résultats de
la loi sur la base du rapport préliminaire de la recherche. Pour soutenir ce
monitorage de la loi, nous demandons qu'un
comité consultatif soit formé avec, entre autres, des experts de vécu après
consultations, entre autres, de la COPHAN. Ce comité aurait notamment deux mandats : la préparation et la
révision de la loi ainsi qu'une analyse dénominalisée des plaintes et
des commentaires reçus au Curateur public.
Nous suggérons
aussi à la commission d'agir immédiatement pour les personnes vivant en RI, RTF
ou en RAC. Ces personnes sont extrêmement surveillées sur ce qu'elles
peuvent ou non faire chez elles, dans leur domicile. Par exemple, si une personne veut recevoir son conjoint
ou sa conjointe, si elle veut inviter une personne à dîner, aucune
raison ne pousse le gestionnaire de la
ressource à accepter. Le fait d'octroyer de nouveaux droits aux personnes ne
dictera pas ce changement de mentalité. Le projet de loi ne s'attaque
pas à ce problème et la présente commission doit interpeler les autorités en
charge des lieux d'hébergement.
Nous demandons en
conséquence à la présente commission d'interpeler le ministère de la Santé et
des Services sociaux et son réseau pour
qu'ils prennent leurs responsabilités concernant les hébergements en RI, RTF et
RAC afin que les personnes soient maîtres chez elles et aient
véritablement accès à leurs droits.
Concernant la
mesure d'assistance, nous comprenons que cette pratique se fait déjà et
que le projet de loi veut encadrer cette pratique. Nous avons du mal à concevoir ce que ce nouveau modèle
va proposer d'effectif. Nous nous questionnons, en fait, sur l'intérêt des personnes à s'inscrire à cette mesure
d'assistance. Dans les faits, s'inscrire à la mesure d'assistance, faire une demi-journée de formation, rédiger un rapport
une fois par année devient plus lourd que de simplement continuer d'assister sa grand-mère de façon
ponctuelle.
• (15 h 10) •
Nous
recommandons donc que la Commission des relations avec les citoyens prenne les
moyens, en se servant des mécanismes d'imputabilité, que ce soit l'audit
d'imputabilité ou le mandat d'initiative, pour documenter les besoins
d'accompagnement et que la mise en oeuvre de ces moyens inclue l'audition des
groupes représentant les individus et leurs familles.
Pour les
personnes sous tutelle modulée, la mesure d'assistance doit exister. Comme
indiqué, le réseau de la santé n'aura
pas les ressources. Le personnel du Curateur public a une
expertise très pointue en gestion de patrimoine, notamment en acquisition et vente de biens, qui doit être
mise à contribution. De plus, une partie des personnes concernées sont
isolées, voire désaffiliées. Et il est
crucial que l'expertise cumulée par le personnel du Curateur public soit mise à
contribution dans l'exercice de leurs droits.
Nous
recommandons donc que le projet de loi permette au Curateur public de mettre en
place un réseau d'assistants rémunérés
pour aider les personnes sous tutelle modulée et leurs proches qui en font la
demande. En effet, si la personne sous tutelle
ne développe pas d'elle-même les
aptitudes pour gérer son nouveau droit, le Curateur public n'aura d'autre
choix que de lui retirer. À titre d'exemple,
une personne qui assume le droit de gestion de finance et qui oublie de payer
son loyer car elle ne sait pas faire
un chèque risque de se voir retirer son droit. Le projet de loi doit prévoir un
mécanisme pour que le service de soutien des services sociaux soit là,
et pas dans six mois. Il doit être là maintenant.
Ainsi, il
faut aussi prendre en considération que les personnes sous régime de protection
ont droit à l'erreur, comme tout un
chacun. Il faut toutefois faire la part des choses entre le droit à l'erreur et
protéger les personnes sous tutelle. La personne a droit à l'erreur, toutefois, lorsque cette erreur est répétée
dans le temps, il faut s'en apercevoir et corriger la situation.
La Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui a le mandat
d'exercer l'article 48 de la Charte des droits et libertés de la
personne, doit être impliquée dans le projet de loi.
La Présidente (Mme Chassé) : Il
vous reste moins d'une minute.
Mme Vézina (Véronique) : La
COPHAN est surprise que cette entité ne soit pas associée au projet de loi.
Nous
recommandons donc que le projet de loi prévoie une disposition pour que le
réseau de la Santé et des Services sociaux
assume la période de transition lorsque la personne sous régime de protection
assume de nouveau certains droits.
Je vais laisser ma collègue, Mme Bourgeois,
terminer avec quelques exemples.
La Présidente (Mme Chassé) : En
30 secondes. 30 secondes.
Mme Bourgeois (Louise) :
Bonjour.
La Présidente (Mme Chassé) :
Bonjour.
Mme Bourgeois
(Louise) : Au sujet de... les mots... Oui. Au sujet des mots, le
vocabulaire et les changements de pensée,
nous ne voulons plus entendre le mot «inapte» et «vulnérable». Nous ne voulons
que des mots qui respectent l'esprit de la loi, qui respectent la
personne. Au sujet de «le droit à l'erreur»...
La Présidente (Mme Chassé) : Ça
conclut votre exposé. Je suis désolée.
Mme Vézina
(Véronique) : Est-ce qu'on
pourrait avoir un petit deux minutes en accommodement en fonction de nos
limitations?
La
Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre, est-ce que vous
accordez deux de vos minutes pour... Comme vous le désirez. Vous êtes...
Vous avez la pleine liberté.
M. Lacombe : Oui. Oui, oui.
Allez-y.
La Présidente (Mme Chassé) :
Oui. Le ministre vous accorde deux minutes supplémentaires.
Mme Vézina (Véronique) : La
conclusion.
Mme Bourgeois (Louise) : Ah! la
conclusion. Je passe à la conclusion.
La Présidente (Mme Chassé) :
Excellent!
Mme Bourgeois (Louise) :
Au sujet... Conclusion, message général. Ça fait plus de 10 ans qu'on
attendait ce projet de loi. À chaque fois qu'il y avait un changement de
gouvernement, le projet de loi restait sur glace, et à chaque fois. Maintenant, c'est là que ça se passe. On a déjà
trop attendu, mais il ne faut pas que ça se passe tout croche. Merci
beaucoup.
La
Présidente (Mme Chassé) : Bien, merci à vous. Très bien. Je
vous remercie pour votre exposé, et
nous allons débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est
à vous. Il vous reste 15 minutes.
M. Lacombe : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Merci à vous de vous être déplacés en aussi grand nombre. Ça
fait plaisir à voir, vous prenez ça à coeur. Merci pour votre engagement.
D'abord,
je dois vous dire, honnêtement, je suis un peu surpris, parce qu'effectivement vous venez de le dire
en conclusion, et je vous avais entendus le
dire : À la COPHAN, nous attendons un tel projet de loi depuis plus de
10 ans. Par contre, je vous
écoute, vous n'avez pas l'air satisfaits, vous avez l'air d'avoir plusieurs
revendications. Vous sous-entendez ou,
enfin, vous mettez de l'avant que ce qu'on propose n'est pas adapté. Et je vous
avoue aussi que j'aurais aimé peut-être pouvoir vous poser des questions plus précises, mais je vais vraiment me
baser sur ce que vous venez de me dire, parce que, là, vous comprenez qu'on a reçu votre mémoire il y
a moins d'une heure. Donc, on... J'aurais aimé pouvoir le lire avant, puis pour qu'on puisse échanger sur le mémoire,
mais on pourra le lire après, c'est correct. Donc, je vais vraiment me
baser sur ce que vous venez de dire.
Donc,
effectivement, je suis un peu surpris. Pouvez-vous m'expliquer qu'est-ce qui a
changé entre le moment où on a déposé
le projet de loi, et vous avez été consultés, je pense qu'il y a eu des
discussions, et tout ça, entre ce moment-là, où vous étiez heureux, et
aujourd'hui, où vous semblez avoir, disons, beaucoup de points de divergence?
Mme Bourgeois (Louise) : Je vais expliquer. C'est parce que, dans le
passé — comment
je pourrais dire ça? — on parlait beaucoup du projet de loi, puis là on voulait que le
projet de loi soit adopté et accepté. Mais, à chaque fois, on rentrait dans un mur. Il y avait un changement de
gouvernement. Là, c'était à recommencer encore, le projet de loi était mis
sur la glace. Mais maintenant, là, on a eu
un changement de gouvernement cette année, on s'est pris dès le début, c'est là
que ça se passait, puis on en est fiers.
Puis
je peux vous donner des exemples qu'on a le droit à l'erreur... je peux vous
donner des exemples aussi. Il faut que
les mots soient simples, que le projet de loi ne soit pas expliqué dans les
mots à 100 $, que ce soit expliqué dans les mots simples pour des personnes... la population au
complet. Comme je prends, exemple, Suzie, qui a 80 ans, une personne
âgée, puis qu'elle ne comprend pas qu'est-ce
qu'ils disent dans la loi, puis, s'ils interprètent des mots de politicien, ça
peut être dur. Comme Mario... Suzie,
qui a une énorme... une déficience visuelle. Il faudrait qu'il y en ait en
version braille aussi pour les personnes non voyantes.
M. Lacombe :
Je comprends. Mais, en fait, peut-être...
Mme Bourgeois
(Louise) : J'en ai un troisième, exemple, qui est pertinent :
Mario, un malentendant, qui est sourd, il faudrait qu'il ait un
interprète pour lui expliquer la loi.
Mme Vézina
(Véronique) : Peut-être pour compléter...
M. Lacombe :
Mais je voudrais peut-être juste poser une question. Je comprends ces
exemples-là, et vous avez raison, je
pense qu'on doit faire des efforts pour que les projets de loi et les lois
soient accessibles. En même temps, on a aussi un devoir, après, de communication, hein? Et je pense que le meilleur
outil pour vendre les nouvelles mesures, ce ne sera pas le projet de loi, parce que c'est lourd et ce
n'est pas toujours compréhensible pour le commun des mortels, parce que
c'est du langage souvent juridique, hein,
mais je pense qu'on a un devoir de diffuser l'information, de faire connaître
aux gens leurs droits. D'ailleurs,
dans le projet de loi, si vous le voyez, on intègre la mission du curateur.
Notamment, on ajoute le fait que le curateur a un devoir d'information.
Donc, peut-être que ça, ça peut répondre à votre questionnement.
Mais
la question précise que je me pose, parce que je me la pose sincèrement :
Qu'est-ce qui a changé dans votre état
d'esprit entre le moment où on a présenté le projet de loi et aujourd'hui? Vous
étiez heureux. Là, aujourd'hui, je vous sens davantage, je veux dire,
prudents, pour ne pas dire déçus de ce qu'on présente dans le projet.
• (15 h 20) •
Mme Vézina (Véronique) : Je vous dirais que ce qui a changé... On est
toujours heureux que le projet de loi soit déposé, mais on est inquiets sur sa mise en oeuvre. On trouve qu'il
manque énormément de balises et de mesures pour soutenir la personne
pour transiter vers une nouvelle façon de faire. Et les ressources qui vont
être utilisées pour soutenir ces personnes-là
ne sont actuellement, puis ça va être
principalement les ressources du réseau de la santé, ne sont
actuellement pas disponibles. Quand je dis
«pas disponibles», je pense, c'est un contexte qui est connu dans plusieurs
secteurs, il y a un manque de main-d'oeuvre partout, et il y en a un criant dans le
réseau de la santé. Et actuellement il y a des listes d'attente importantes.
Le réseau de la santé n'a pas les ressources pour absorber le soutien qu'ils
vont devoir donner aux personnes qui vont
aller vers différents types de tutelles en fonction de la modulation
qu'il va y avoir. Ils n'auront pas le soutien, par exemple, pour faire des
apprentissages qui vont leur permettre d'obtenir des droits. Ils n'auront pas
le soutien nécessaire s'ils veulent avoir,
par exemple, de l'information : Est-ce
que je devrais faire l'achat de tel
équipement, ou me procurer tel service, ou aller vers telle ressource? La disponibilité n'est pas là, et c'est ça
qui nous inquiète. Ce n'est pas le projet
de loi. Je pense qu'on est contents d'aller vers où on va, mais on est inquiet de la
disponibilité du soutien que les personnes vont avoir pour pouvoir regagner des droits.
Parce que, nous, notre objectif, c'est que les gens aient plus de droits, mais,
pour avoir plus de droits, ils ont aussi besoin à plus de services.
M. Collomb
d'Eyrames (Olivier) : Si je
peux me permettre, en complément, il nous semble avoir compris, dans les derniers temps, que le réseau de la justice
aussi a des légers problèmes de ressources. Puis ce qu'on constate, on ne
veut pas comparer ça à la
désinstitutionnalisation, parce que c'est beaucoup mieux préparé, mais c'est que, là, le projet de loi, il s'adresse à une entité, en... principalement le Curateur public, qui ne peut pas couvrir toute une société, là. Le projet de loi qui couvre tout le monde, je ne sais pas ce... même, si ça peut seulement
exister. Mais c'est de se dire... d'attirer l'attention de la commission,
parce qu'il y a même des recommandations qui concernent la commission, qui ne concernent
même pas le projet de loi, mais sur le fait qu'il faut vraiment
le monitorer. Puis je pense que le curateur, certainement, a dû vous faire
part de comment ça c'était passé
ailleurs. Ailleurs, les réformes des systèmes de protection, ça a eu parfois... en tout cas, je pense, notamment
en France, ça a été très mal géré.
Là, on voit
qu'il y a des modifications importantes qui ont été
apportées face aux philosophies des projets
de loi précédents. On sent moins la
volonté d'aller vers des trucs de curatelle privée, des choses comme ça. Mais
ce qu'on se dit, on voit un réseau de
la santé qui coupe des services, qui n'arrive pas à respecter ce qui est son
coeur de métier et à qui on vient rajouter ça. C'est ça qui nous préoccupe.
Et on sait que le projet de loi, il y a des aspects qu'il ne couvrira pas.
Puis, dans ce
qu'on vous dit, comme dit notre présidente, c'est important,
bravo! Maintenant, c'est qu'est-ce
qu'il y a derrière. Puis on sait que le pouvoir de l'Assemblée nationale, il y a
un moment, c'est le pouvoir exécutif qui va s'occuper de ça. Puis on voit plusieurs organisations, puis ce qu'on a tendance à constater, puis ce n'est pas juste, je pense,
pour les personnes qui ont des
limitations, quand on change quelque
chose, chacune des organisations concernées essaie de le moins possible
changer ses pratiques quand elle n'a pas les ressources pour le faire. Et donc,
nous, ça, c'est une de nos préoccupations,
c'est comment faire pour que les ressources soient là, pour que les gens les
aient au bon moment dans un contexte
où... Puis je pense que vous avez des gens aussi qui travaillent en
services sociaux. Bien, vous le voyez, c'est comment on va faire pour
dire à des gens qui n'y arrivent pas : En plus, il y a ça dans ta charge
de cas à travers le reste?
M. Lacombe : Là, vous parlez de ressources, vous parlez du
réseau de la santé. Pouvez-vous préciser en lien avec le projet de loi?
Mme Vézina
(Véronique) : Bien, en lien
avec le projet de loi, c'est que les gens vont avoir des apprentissages
à faire, mais on va avoir aussi beaucoup
de questionnements. Puis ce n'est pas toujours
les proches. Il y a beaucoup de gens qui sont isolés. Il y en a qui sont même désaffiliés du réseau, que, déjà,
ils ne sont pas dans le réseau. Les gens n'arriveront... les professionnels qui sont dans le réseau de la santé
n'arriveront pas à prendre cette charge de travail là, supplémentaire,
pour supporter les personnes qu'on vient de
sortir d'un régime, mais qu'on transfère dans un autre réseau qui va devoir
leur donner des services pour venir
pallier. Puis tant mieux si on les transfère de réseau, mais est-ce que
les ressources vont être là pour leur
donner le service? Puis il faut savoir que les principales personnes concernées
sont des personnes qui ont une déficience intellectuelle, un trouble du
spectre de l'autisme et une déficience ou des déficiences cognitives.
M. Lacombe : Mais, je...
Mme Vézina (Véronique) :
J'aimerais terminer mon idée. C'est ces personnes-là qui vont être les
principales concernées, et, actuellement, l'offre de service à ces personnes-là est en train de se modifier. On travaille maintenant
par épisodes de services. Donc, plusieurs personnes se retrouvent sans
intervenants dans le réseau de la santé, donc sans personne sur qui pouvoir
s'appuyer.
M. Lacombe :
Je vais... Ce que je vous dirais,
c'est que je comprends vos critiques envers le réseau de la santé. Je comprends, en fait, que vos critiques s'adressent
au réseau de la santé, sauf que je dirais aussi que ce n'est pas
l'objet du projet de loi, ce n'est pas du tout l'objet du projet de loi, parce que, puis c'est pour ça que je voulais peut-être
corriger la perception, on ne parle pas
d'envoyer des gens... de changer des gens de réseau, tout ça est toujours
sous l'égide du curateur, qui va changer
de nom. Donc, on ne parle pas de désinstitutionnalisation comme ce à quoi on faisait référence, c'est-à-dire qu'on n'envoie pas les gens dans le réseau de la santé. C'est pour ça que je me posais la question quand vous faites
référence au manque de ressources en santé pour prendre en charge ces
gens-là. Ces gens-là vont continuer d'être épaulés par le curateur.
Donc, on
parle d'une mesure, la mesure d'assistance, qui fait en sorte que, pour
permettre à des gens de conserver des
droits le plus longtemps possible, on leur permette, sans avoir recours aux
tribunaux, d'avoir accès à une personne qui va pouvoir leur offrir un conseil, va pouvoir les accompagner, va pouvoir
téléphoner dans les ministères, par
exemple, les organismes
à son nom pour être capable de prendre de l'information, appuyée par le
curateur, qui va être là, qui va avoir un devoir d'informer les gens de leurs obligations, des outils qui
sont disponibles, de leur donner de l'information. Donc, on ne les envoie pas dans le réseau de la santé. Donc, je
me demande si on a une interprétation différence.
Mme Vézina
(Véronique) : On n'a pas une
interprétation... Je ne dis pas qu'on les transfère du curateur
au réseau de la santé, mais le réflexe des gens, ça va être de
s'adresser au réseau de la santé pour obtenir un service, parce qu'ils n'auront plus... la perception des gens, là, c'est
qu'ils n'auront plus d'agent, à la curatelle, je vais dis ça, peu importe
le nom que ça portera par la suite, n'auront
plus d'agent à qui se référer. Déjà, c'est difficile d'avoir accès à ces
personnes-là. Et là, en ayant une mesure d'assistance, à qui ils vont se
référer? Ça va être beaucoup plus simple pour eux d'aller dans le réseau de la
santé.
Puis
on ne dit pas que le projet de loi doit adresser des recommandations ou s'attacher
avec le réseau de la santé. Ce qu'on dit, c'est qu'on doit s'assurer que le réseau de la santé aura les ressources pour absorber les changements à la curatelle, mais aussi pour permettre aux gens de
faire de... Nous, ce qu'on veut, c'est que les gens aient plus de droits.
Mais, pour avoir plus de droits, les gens
vont avoir des apprentissages à faire. Et, si le réseau n'a pas la capacité de
leur donner la possibilité de faire des apprentissages là, ils n'auront
pas plus de droits.
M. Lacombe : Je
pense qu'on gagnerait peut-être
à échanger davantage le fond du projet de loi, sur la façon
dont il va être mis en oeuvre, parce que,
je vous avoue, je suis très surpris, et pas agréablement surpris, là. Moi, je
pensais que ça répondait à ce que
vous cherchiez, et je le dis honnêtement, parce
que je suis persuadé que ça répond à
ce que vous énoncez comme préoccupations en ce moment. Je
pense qu'on a peut-être
un travail d'explication à faire parce
que, vraiment, je ne vois pas ça de la même façon que vous. C'est-à-dire il y a toujours des gens, là, au curateur... Les gens qui sont
sous curatelle, par exemple, ou sous tutelle aujourd'hui, vous dites :
Bien là, maintenant, ils devront se tourner vers des gens du réseau de la santé ou, en tout cas, ce sera
leur réflexe.
Les gens qui ont toujours besoin d'une tutelle,
là, avec le nouveau projet de loi, ils vont continuer d'avoir leurs ressources. Les gens qui voudraient eux-mêmes
ne pas être sous tutelle, mais plutôt avoir recours à la mesure d'assistance, bien là, d'abord, ce serait leur choix, parce que
peut-être que, pour eux, c'est la meilleure solution. Ils
peuvent conserver le maximum de droits puis ils sont capables de les exercer.
Bien, à ce moment-là, ce sera leur choix. Ils vont être très bien informés
du support qu'on leur donne ici sans être obligés d'aller chercher ça dans le réseau de la santé. Donc, je pense que
c'est là qu'on ne s'entend peut-être pas ou qu'on ne comprend pas la même chose.
Mme Vézina
(Véronique) : Je pense
qu'on comprend bien les mêmes intentions. Nous, ce qui nous inquiète,
c'est l'application, puis je vais vous donner un exemple de ce qui
nous inquiète. Si on redonne à la personne le droit, par exemple, de gérer ses finances elle-même,
mais qu'il n'y a jamais personne qui lui a montré à faire un chèque, à aller au
guichet automatique, à simplement aller sur Internet
faire un virement ou une transaction quelconque, ça, là, la personne, ce
n'est pas qu'elle n'est pas capable de gérer
ses finances, c'est qu'elle n'a pas fait les apprentissages pour y arriver. Ça
fait que, si on veut lui redonner le
droit à gérer ses finances, il faut d'abord lui donner des services pour qu'elle ait les
capacités de le faire.
La Présidente (Mme Chassé) : Il
vous reste moins d'une minute au bloc d'échange, M. le ministre.
M. Lacombe : Merci,
Mme la Présidente. Dans le cas d'une
tutelle... je comprends qu'il y a un accompagnement, là, qui est offert. Vous
êtes d'accord avec moi?
Dans le cas d'une curatelle, en ce moment, d'une tutelle, il y a cet accompagnement-là.
• (15 h 30) •
Mme Vézina (Véronique) : Oui. Oui.
M. Lacombe : Si la personne, du
jour au lendemain, pour x, y raisons, il y en a mille et une, sort du régime de
protection, de la tutelle, pour aller vers une mesure d'assistance, la personne qui
va pouvoir l'aider dans son cheminement, parce qu'elle reprend le contrôle de ses finances, bien, ça va être
l'assistant. Puis ça, c'est explicite, là. En faisant tout ce
processus-là, ça va lui être expliqué, la personne va choisir un assistant, il
va y avoir une entrevue...
La Présidente (Mme Chassé) : En
terminant, M. le ministre.
M. Lacombe : ...et tout ça va
se faire, donc c'est l'assistant qui va les aider.
La Présidente (Mme Chassé) : Ça
conclut le bloc d'échange avec le parti formant le gouvernement. Je cède maintenant la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis pour son bloc d'échange avec les
intervenants. Allez-y.
Mme Maccarone :
Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présence ici en si grand nombre. Ça
fait du bien d'avoir du monde ici, à votre Assemblée nationale.
Question pour vous, puis là j'ai fait une
lecture rapide, mais je vous ai entendus par rapport à votre présentation, vous avez dit que la Commission des droits de la
personne et les droits de la jeunesse, qui a le mandat d'exercer
l'article 48 de la Charte des droits et
libertés de la personne, doit être impliquée dans le projet de loi. Quel rôle
aimeriez-vous qu'elle occupe à l'intérieur de ce projet de loi?
M. Collomb
d'Eyrames (Olivier) : Oui, ça, il y a quelques années, la Commission
des droits de la personne avait mis
sur pied une escouade avec différentes compétences pour protéger les aînés, en
vertu de l'article 48, de l'exploitation. Et, en ouvrant des nouveaux droits, on augmente les
risques d'exploitation. C'est comme ça. Si la personne peut gérer
0 $... en tout cas, on peut abuser d'elle, mais pas là-dessus.
Et donc, là,
nous, on se posait la question, c'est... comme l'article 48 de la charte
protège les personnes qui ont des limitations, enfin, personnes
handicapées au sens de la charte, bien on s'est dit : Mais ça va être quoi
leur lien avec ces nouvelles ouvertures de
droits? Parce que, nous, ce qui nous préoccupe, ce n'est pas... Je comprends le
ministre, mais je pense qu'il n'y a
personne qui est contre le fait qu'on donne des nouveaux possibles, mais, si on
ne donne pas les ressources, bien, en fait, les possibles ne seront
juste pas mis en oeuvre.
Et là on se
posait la question encore une fois, et je comprends, M. le ministre, mais nous,
on n'est pas juristes, et surtout pas
à ce niveau-là, c'est qu'on se posait la question : Est-ce que le projet
de loi, il interpelle le rôle de la commission? Est-ce qu'eux aussi, ça va leur
donner ce que la Commission des droits de la personne... voilà encore une
organisation qui se déclare sous
contrainte de ressources depuis de nombreuses années, qui certainement fait
très bien son travail. Mais un an pour avoir une instruction pour des discriminations, des fois, qui sont, somme
toute du genre : On m'a refusé un taxi, j'ai un chien-guide, ça prend des délais qui sont quand même assez
élevés, d'aller en médiation, et tout ça. De se dire, encore une fois... ils
sont interpellés. Il y a un effet d'aubaine,
ça s'appelle, hein, quand on... de ces personnes qui vont recouvrir des droits,
et de se dire : Mais est-ce
qu'ils devraient être interpellés... Comme je vous dis, on n'a pas votre
expertise, on ne sait pas si votre commission a le pouvoir de se pencher là-dessus, mais de se dire... puis la
commission a certainement un avis sur le présent projet de loi. Mais,
nous, c'est ça, ce qui nous questionnait, c'était : Est-ce qu'en donnant
ces nouveaux droits il y a ce besoin d'une protection plus élevée par le biais
de la commission? Est-ce que la commission a un rôle?
Donc, nous,
c'est ça qu'on soulève dans notre mémoire. Et d'ailleurs, je pense, de mémoire,
il n'y a pas de recommandation
spécifique à cet effet, mais c'est qu'en le lisant, bien, il y a des gens qui
se sont déclarés surpris en disant : Bien, la protection contre
l'exploitation, la maltraitance, là, d'habitude, c'est eux. Donc là, on se le
demandait, on s'est posé cette question.
Mme Maccarone :
Mais c'est bien que vous souleviez ce point-ci. Vous êtes ici pour nous aider
dans notre réflexion. Alors, merci.
C'est sûr, notre Curateur public est avec nous aujourd'hui. Alors, je sais
qu'il en prend note, de vos propos.
Vous avez
mentionné : Qu'est-ce qu'on peut faire pour changer la mentalité? Parce
qu'on comprend qu'il y a quand même une
vulnérabilité à l'intérieur de tout ça, parce qu'il y a des jugements.
J'aimerais vous entendre parler un peu sur le consentement. Parce que, moi, dans le fond, si je peux résumer un peu
qu'est-ce que vous avez partagé avec nous à cette commission aujourd'hui, c'est qu'il y a des
jugements, il y a des gens qui peuvent être aptes à faire des choses, mais
il y a un jugement envers ces personnes-là qui ne sont pas capables, mais elles
ont le droit au consentement.
Ça peut avoir
l'air de quoi à l'intérieur de notre projet de loi si on faisait peut-être une
définition, une description de comment
que ça peut évoluer puis comment qu'on peut vraiment aider les gens à
l'intérieur de qu'est-ce qu'on veut faire, une évolution pour aider le
public dans ce projet de loi?
Mme Bourgeois
(Louise) : Moi, je dirais que leur donner... de leur donner leur droit
de se marier puis le droit de voter,
parce qu'une personne qui est sur la curatelle, leurs droits sont enlevés. Ils
n'ont même pas le droit de faire un appel. Les personnes qui vivent en ressources intermédiaires, ils n'ont pas le
droit de recevoir un ami de coeur. Donc, il faut que ça change. Il faut
qu'ils regagnent tous ces droits-là. Pour nous, c'est très important.
M. Collomb
d'Eyrames (Olivier) :
...peut-être pour compléter, c'est...
Et, encore une fois, vous avez vos expériences, et nous, on a les
nôtres. On aimerait éviter qu'on aille vers une individualisation, parce qu'individualiser,
une lettre individualisée, en fait, c'est
qu'il y a votre nom dessus, puis c'est la même pour tout le monde. Ça, c'est bien ce qu'on appelle une lettre individualisée. Une lettre personnalisée, bien, on connaît
mon âge, qu'est-ce que j'ai déjà acheté, bon, c'est ça. Mais, nous, notre
souci, c'est que l'approche reste personnalisée. Puis on ne décrète pas un
changement de mentalité. Puis ce n'est pas...
Je veux dire, nous, quand on a posé la question, effectivement, il y a
eu des très beaux échanges avec le personnel du curateur. Ça aurait dû commencer il y a 10 ans, mais on apprécie
le nombre de rencontres qu'on a eues en quelques semaines. Mais, c'est ça, on nous dit : Depuis 1990, on
peut faire des tutelles modulées sur une base volontaire. On pose la
question : Il y en a eu combien?
J'aurais... Ça fait 29 ans qu'on peut le faire, que les acteurs, les
individus, tout le monde peut le faire. Sur une base volontaire, on nous dit : 225 en 30 ans. Sur le
volume total des gens qui ont été concernés, nous, ça nous interroge.
Si je vous
permets volontairement de cesser un comportement qui brime les droits des
autres et que vous continuez, bien,
ça veut peut-être dire qu'en fait cette situation-là, pour toutes sortes de
raisons, des jugements de valeur, des fois des contraintes de
ressources... On l'a entendu aussi, les proches... toutes les démarches
juridiques de modulation de tutelle, quand
c'était sur une base volontaire, on peut comprendre que des proches qui en ont
déjà pas mal au-dessus de la tête se soient
contentés de choses beaucoup plus rigides. Mais ça, je veux dire, si, en
30 ans, tu l'as fait 225 fois sur des dizaines de milliers de cas, ça veut peut-être dire que, le
jour où je t'impose, tu vas y aller, mais pas gaiement. Donc, pour nous,
c'est pour ça qu'on veut insister sur le côté personnalisé.
Et on sait
que ça va être compliqué à gérer. On sait qu'il n'y a personne qui veut des
jugements de six pages d'attendus et
de 18 pages de ce qu'il faut faire dans le détail. Ça ne sera pas gérable.
Mais on veut vraiment rester dans cette philosophie. C'est d'essayer de
la personnaliser. Maintenant, comment faire, dans la loi, pour dire qu'il faut
que les gens respectent, ça, c'est compliqué.
Mme Maccarone :
En effet, mais comment? Comment le faire? Parce qu'on a déjà entendu d'autres
groupes nous dire qu'ils ne veulent
pas qu'on en rajoute, de la lourdeur administrative, dans le fond. Dans le
fond, il faut enlever cette lourdeur-là
pour aider les proches aidants à aider les personnes à leur charge. Alors, ma
crainte, c'est que... comment on peut le
faire sans rajouter une lourdeur administrative non seulement pour les proches
aidants puis les tuteurs, mais aussi pour le Curateur public, qui veut
vraiment bien gérer toutes les personnes pour qui il est responsable, mais
d'une façon où il n'y aura pas une liste d'attente puis il y aura un accès
assez rapide?
Parce
que je vous ai clairement entendus, il faut rajouter des ressources, je pense
que c'est clair puis je pense que tout le
monde est en accord avec ceci, avec ce changement. Puis il y aura une gestion
de changement, ça aussi, je vous entends là-dessus, une gestion de changement qui peut être à 18 mois,
24 mois, peut-être. Il y a déjà l'engagement du gouvernement et du curateur pour donner de l'information, faire
de la formation, s'assurer que toutes les informations sont adaptées
pour la population qui va subir ce changement-là. Mais comment faire vraiment,
personnaliser? Est-ce que c'est parce qu'on... Pensez-vous qu'on devrait proposer un autre
intervenant à l'intérieur du processus? Est-ce qu'il y a un autre rôle qu'on
devrait penser à créer? Est-ce qu'il y a un
autre niveau de gouvernement à interpeller dans le processus? Est-ce que c'est
le droit de la personne qui peut nous aider dans ceci?
M.
Collomb d'Eyrames (Olivier) : Je pense que la seule réponse claire que
vous avez, dans notre mémoire, à ce sujet-là,
c'est qu'en fait on n'en sait peut-être pas grand-chose et que c'est pour ça
qu'on vous propose un projet de recherche qui commence avant l'entrée en vigueur du projet de loi, un côté
longitudinal, qu'on suive les personnes dans cette évolution et qu'on
la... peut-être on la révise. En tout cas, pour nous, c'est quand même un
changement de mentalité important qu'on propose là.
Mais moi, je me
rappelle, il y a quelques années — peut-être mon accent me trahit encore, je
ne suis pas né ici — j'entendais des gens qui parlaient du moment
où les femmes ont eu le droit de commencer à signer des papiers sans qu'il y ait un homme à côté, puis d'entendre des
gens qui disaient : Mais tu as encore des notaires, au milieu des
années 70, qui questionnaient le fait
que la femme, elle vienne toute seule. Et là on parle de gens formés, on parle
de gens qui sont dans un certain milieu, soit les années 70, les
notaires, bon, voilà. Donc... Et ça a pris des années. Et je pense... Il me
semble entendre parfois, encore, qu'il y a
encore des enjeux sur l'égalité hommes-femmes, comme la Loi sur l'équité. Je
suis arrivé en 2004, on en parlait encore.
Donc, je me dis, c'est ça, nous, on en est venu à
la conclusion... Et, pour éviter ces problèmes de perception que le ministre souligne, on parle bien d'un projet de
recherche où on suit des gens, où on regarde, où on monitore. J'ai vu un
très beau... un extrait de projet de
recherche en France, où ils ont vu à quel point il y avait eu du très bon et
des gens qui s'étaient tout simplement débrouillés pour faire comme
avant, mais en changeant les mots, et on se dit...
• (15 h 40) •
La Présidente
(Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.
M.
Collomb d'Eyrames (Olivier) :
...avec un vaste projet de recherche ambitieux, on en a déjà
parlé au Curateur public, qui semble ouvert, M. Marsolais, bien là on
se donne une chance. Je pense qu'il faut arrêter de vouloir essayer
d'être parfait tout le temps en partant. Et, quand on en a parlé entre nous,
c'est ce qu'on s'est dit. Le droit à l'erreur, il est pour vous aussi.
Mme Maccarone :
Si vous me permettez, parce qu'il nous reste peut-être 30 secondes, vous
avez fait plusieurs recommandations. Est-ce que vous pouvez identifier vos tops
trois? Parce qu'il y en a deux pages, et je vous félicite là-dedans, c'est
parfait, mais, si, mettons, il faut cibler, c'est lesquels, les plus importants?
La Présidente
(Mme Chassé) : En 15 secondes.
Mme Vézina (Véronique) : Je vais en citer deux : la personnalisation
et l'ajout de ressources pour s'assurer que les personnes sont soutenues et qu'on leur permette
d'acquérir des droits, mais d'acquérir la possibilité de faire des
apprentissages pour avoir des droits.
Mme Maccarone :
Merci.
La Présidente
(Mme Chassé) : Merci beaucoup pour votre contribution aux travaux
de la commission.
Je vais suspendre
momentanément les travaux pour permettre au prochain groupe de prendre place.
Merci.
(Suspension de la séance à
15 h 42)
(Reprise à 15 h 45)
La
Présidente (Mme Chassé) : Et je souhaite... À l'ordre, s'il vous
plaît! Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants du Protecteur du citoyen. Vous savez que vous disposez de
10 minutes, et que, par la suite, nous procéderons à une période d'échange, et qu'à une minute de la
fin je vais vous faire un signe pour vous inviter à conclure. Débutez
tout d'abord en vous présentant puis poursuivez avec votre exposé. Allez-y.
Protecteur du citoyen
Mme Rinfret
(Marie) : Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Chassé) : Merci à vous.
Mme Rinfret
(Marie) : Marie Rinfret, Protectrice du citoyen. Mme la Présidente, M.
le ministre de la Famille, Mmes, MM. membres de la commission, je vous présente
les personnes qui m'accompagnent. À ma droite... bien, je ne sais pas pourquoi je dis à ma droite, parce
qu'il y a juste un homme, Claude Dussault, qui est vice-protecteur,
Services aux citoyens et aux usagers, et Mme Ariane Massicotte, qui est
coordonnatrice aux enquêtes en administration publique.
D'abord, je remercie la Commission des relations
avec les citoyens d'avoir invité le Protecteur du citoyen à participer aux consultations sur le projet de loi
n° 18. Le respect des personnes et de leurs droits ainsi que la prévention
des préjudices sont au
coeur de la mission du Protecteur du citoyen. Son rôle en matière de prévention
s'exerce notamment par l'analyse de
situations qui pourraient engendrer des préjudices pour des citoyens et des
citoyennes ou qui sont de nature systémique.
En vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous pouvons proposer des
modifications aux lois, aux règlements, directives et politiques
administratives afin de les améliorer dans l'intérêt des personnes concernées.
C'est dans cette perspective que nous sommes devant vous aujourd'hui.
D'entrée de jeu, le Protecteur du citoyen
considère que le projet de loi n° 18 marque une avancée pour la protection des personnes en situation de
vulnérabilité, et ce, dans le respect de leur autonomie. De plus, il s'inscrit
dans les tendances internationales
qui visent les mêmes buts et auxquelles nous adhérons. Je suis toutefois d'avis
que des précisions sont nécessaires pour que la réforme atteigne son
objectif.
Soulignons
d'abord que le projet de loi prévoit dorénavant une seule mesure de
représentation pour les personnes inaptes,
soit la tutelle. Le tribunal en déterminera les modalités à partir
d'évaluations médicales et psychosociales et en fonction de l'avis du majeur, dans la mesure du possible.
C'est un progrès. C'est un progrès, puisque le tribunal adaptera mieux
les conditions de la tutelle à la situation du majeur inapte.
La
reconnaissance de l'autonomie des personnes exige qu'on ne les empêche pas
d'exercer elles-mêmes les droits qu'elles
sont en mesure d'exercer. C'est ainsi que l'accent est désormais mis sur
l'évaluation du besoin de représentation.
Cela m'amène
à recommander que les critères à prendre en compte pour évaluer le besoin de
représentation pour l'exercice des
droits civils soient davantage précisés afin de fournir des références communes
à tous les professionnels, de même
qu'au tribunal, et ce, compte tenu des conséquences déterminantes sur les
personnes visées. Parmi ces facteurs ni exhaustifs ni limitatifs à prendre en compte, on peut penser au degré et
à la durée prévisible de l'inaptitude du majeur, à la nature et à la valeur de son patrimoine, à savoir
s'il est isolé ou bien entouré ou encore si un mandataire désigné par
lui assure déjà une représentation adéquate ou non.
La
réévaluation médicale et psychosociale de la personne sous tutelle ne se fera
plus selon des délais uniformes mais fixés
au cas par cas par le tribunal selon l'évolution de la condition de la
personne, et ce, sans excéder cinq ans. J'insiste qu'il faudra voir à respecter rigoureusement les délais
impartis. En effet, des plaintes que nous recevons font état de nombreux
retards dans ce processus de réévaluation.
• (15 h 50) •
Le projet de
loi introduit le concept de représentation temporaire du majeur inapte. Sans
être une tutelle, la formule vise à
répondre à un besoin temporaire de représentation d'une personne déclarée
inapte par un médecin, et ce, pour la réalisation d'un acte déterminé.
Or, aucune mesure de surveillance n'est prévue pour s'assurer que l'acte posé
par le représentant temporaire respecte le
cadre de son mandat. Les actes visés par une telle représentation peuvent parfois être
complexes et lourds de conséquences.
Ainsi, je
suis d'avis que des mesures de surveillance devraient être instaurées pour que
le représentant temporaire, tout
comme le tuteur, soumette une reddition de comptes lorsque la représentation
prend fin. J'en fais une recommandation.
Le projet de loi prévoit une nouvelle mesure d'assistance au majeur apte ou inapte.
Cette mesure, qui n'en est pas une de représentation, pourrait concerner
toute personne majeure qui, en raison d'une difficulté, voudrait être assistée
pour prendre soin d'elle-même, administrer son patrimoine ou exercer ses droits
civils tout en conservant sa pleine capacité.
Par cette
formule administrative, ce serait donc le directeur de la protection des
personnes vulnérables qui serait responsable
de la reconnaissance de l'assistant au majeur choisi par la personne elle-même.
J'estime que cela devrait répondre aux
besoins d'un certain nombre de personnes et de leurs proches aidants, tout en
leur évitant des démarches judiciaires.
Afin de remplir son rôle auprès de la personne
qu'il assiste, il importe toutefois que l'assistant au majeur puisse accéder facilement à l'information requise, y
compris à de l'information confidentielle. Des plaintes traitées par le
Protecteur du citoyen nous ont permis de
constater les difficultés qu'éprouvent les proches aidants pour obtenir des
renseignements auprès de certains ministères
et organismes parce qu'ils n'ont pas de statut reconnu par un
régime de protection ou un mandat homologué.
Par exemple, nous avons reçu une plainte d'une dame qui n'avait
pas de procuration ou de mandat homologué pour prendre soin de sa mère atteinte de la maladie d'Alzheimer. Elle
souhaitait obtenir des renseignements sur une réclamation de Revenu
Québec d'environ 800 $ qu'avait reçu sa mère. Jusqu'alors elle n'avait pas
réussi à obtenir l'information qui lui était nécessaire. Elle avait même échoué
à négocier une entente de paiement.
La mesure d'assistance devrait permettre
au proche désigné par la personne souhaitant être assistée d'obtenir l'information nécessaire pour l'aider. Je
recommande donc que le projet de loi soit modifié afin de préciser que nul ne
puisse refuser à cet assistant au majeur,
avec le consentement de la personne assistée, la communication d'un
renseignement ou l'accès à toute information requise dans le cadre de
cette assistance.
Le projet de loi prévoit par ailleurs que
l'assistant ne puisse agir lorsqu'il se trouve dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et celui du majeur
assisté. Je recommande que le projet de loi oblige l'assistant à dénoncer
à la personne qu'il assiste et au directeur
de la protection des personnes vulnérables toute situation où il peut se
trouver en conflits d'intérêts réels ou potentiels.
Enfin, le
Protecteur du citoyen est préoccupé eu égard aux délais requis pour compléter
les étapes de la reconnaissance d'un
assistant au majeur. Les ressources nécessaires devront être mises en place au
directeur de la protection des personnes vulnérables pour permettre la
reconnaissance des assistants dans des délais raisonnables.
Par ailleurs, considérant la nouveauté et
l'ampleur des modifications proposées par le projet de loi, je
recommande que le directeur de la protection
des personnes vulnérables ait un rôle d'accompagnement et d'information pour
les personnes qui le requiert dans le cadre de leurs démarches pour
initier l'ouverture d'une tutelle ou une demande de représentation temporaire.
En
conclusion, le Protecteur du citoyen estime que le projet de loi n° 18 constitue un pas dans la bonne direction vers l'atteinte de l'équilibre délicat entre la
protection des personnes et le respect de leur autonomie. La mise en place de
la réforme proposée nécessitera une grande vigilance pour
assurer une juste réponse aux personnes dont la situation, loin d'être nécessairement binaire, apte ou inapte, peut se situer quelque part entre ces deux
pôles. Autant dire que répondre aux besoins de chacun et de chacune à l'intérieur des balises légales requiert à la
fois souplesse et rigueur. Le défi est de taille, de plus en plus
d'actualité dans une société qui prend de l'âge et profondément humain. Je vous
remercie de votre attention.
La
Présidente (Mme Chassé) :
Merci à vous pour votre exposé. Nous allons débuter ensemble la période
d'échange avec les membres de la commission en commençant avec M. le ministre
pour le bloc d'échange du parti formant le gouvernement avec vous.
M. Lacombe : Merci, Mme la Présidente. Merci à vous tous
d'être ici aujourd'hui. Évidemment, on a écouté avec beaucoup d'attention vos commentaires, vos recommandations, et là j'ai plein de questions.
Donc, je vais essayer de faire ça vite pour qu'on puisse couvrir le plus
de terrain possible.
D'abord,
vous en avez parlé, c'est à la page 5 de votre mémoire,
parlons de surveillance, des mesures de surveillance du représentant temporaire. Vous recommandez, donc, vous venez de
le mentionner, que les règles relatives aux mesures de surveillance de la tutelle s'appliquent au représentant temporaire avec peut-être des adaptations en fonction de l'acte
visé. Pourquoi vous croyez qu'il devrait y avoir cette mesure de surveillance, alors
que, d'une certaine façon... cette mesure de reddition de comptes? Parce que, d'une certaine façon, le juge,
lorsqu'il a un doute ou lorsqu'il y a une attention ou une information qui est portée à son attention, peut
décider par lui-même de dire : Bien, à la suite de la transaction, par
exemple, à la suite de la vente de la maison
pour laquelle vous allez être représenté temporairement, bien, je veux avoir
une reddition de comptes, je veux
voir tel ou tel document. D'autant plus que le curateur lui-même, par exemple,
serait notifié, lorsqu'il y aurait
une telle demande, il pourrait lui-même aller faire des représentations. Et là
je parlais comme si c'était déjà adopté, mais évidemment, c'est hypothétique. Donc, il y aurait déjà cette
possibilité pour le juge de demander une reddition de comptes, et le curateur aurait lui-même la
possibilité de faire une revendication. Donc, pourquoi faire cette
recommandation-là?
Mme Rinfret
(Marie) : Écoutez, et... à
cet égard-là, on considère d'abord, un, éviter de judiciariser les dossiers
et de responsabiliser le représentant
temporaire à devoir rendre compte, faire une reddition de comptes, tant à la
personne qu'il représente à l'égard
de l'acte qui avait été déterminé par le tribunal et également au directeur de
la protection des personnes vulnérables.
Ça nous apparaît essentiel, d'autant plus que l'article 297.7 du projet de
loi... bien, en fait, ce n'est pas... vous me comprenez, là,
l'article 297 qu'on introduit par le projet de loi, réfère aux règles
relatives à la charge tutélaire et au remplacement d'un tuteur au mineur. On
importe ces règles-là à la représentation temporaire du majeur inapte.
Alors, nous,
on se dit : Ce serait essentiel que le représentant temporaire doive
également être assujetti aux règles sur la surveillance, qui sont prévues également au Code civil. Et,
conséquemment, ça permettrait, sans avoir à judiciariser, sans avoir à retourner auprès d'un juge pour déposer
une reddition de comptes, de le faire administrativement et d'avoir
cette responsabilité-là inhérente en vertu de la loi.
M. Lacombe : On en prend bonne
note.
Mme Rinfret (Marie) : Merci.
M. Lacombe :
Page 4 de votre mémoire, vous recommandez que le projet de loi précise les
principaux critères, vous l'avez
aussi mentionné, que le tribunal devra prendre en compte dans l'évaluation des
besoins de représentation au moment d'établir les mesures. Selon l'article 270
du Code civil, le besoin de représentation... et c'est toute la notion du
rapport psychosocial. Donc, par exemple,
dans le rapport psychosocial, on pourrait retrouver la durée, justement, le...
bien : isolement du majeur, la
durée prévisible de son inaptitude, la nature ou l'état de ses affaires,
essentiellement, de mémoire, ce que vous avez mentionné tantôt. Donc, puisque ce serait déjà inclus dans le
rapport psychosocial, ce que je comprends, c'est que, pour vous, ce
n'est pas suffisant, ça devrait être écrit tel quel.
• (16 heures) •
Mme Rinfret (Marie) : En fait,
ce qu'on souhaite, c'est qu'il y ait des repères communs pour l'ensemble des intervenants qui devront... Parce que chacun
intervient à un moment x de l'évaluation de la personne, et ce serait
également essentiel, selon nous, que le
tribunal tienne compte de ces facteurs au moment où il doit déterminer sur
mesure dans quelles circonstances la
personne pourra exercer ses droits civils ou dans quelles circonstances elle
devra être représentée par son tuteur.
Et, à ce titre-là, ça nous importe que l'ensemble des intervenants, donc pas
juste lors de l'évaluation psychosociale, pas juste, également, lorsque c'est le directeur général d'un
établissement qui fait un signalement,
qui doit, lui, s'en tenir à ces
critères-là, donc que ce soit une trame commune. Puis, bon, quand on vous
énumérait les facteurs qu'on propose, bien, ma foi, il faut également que ces facteurs-là collent à la réalité des
personnes visées par la demande de tutelle. Donc, ils ne doivent ni être limitatifs ni être exhaustifs, mais ce
doit, selon nous, être des éléments communs que l'ensemble des
intervenants au dossier doivent prendre en compte.
M. Lacombe : Pas seulement le
travailleur social, donc, dans l'établissement de son rapport?
Mme Rinfret
(Marie) : Exactement.
Et ça, ça devrait être vrai, selon nous, tant pour l'ouverture de la tutelle
que pour des modifications par la suite. On
le sait, hein, avec les dispositions qui sont prévues par le projet de loi, la personne qui a été déclarée inapte, qui a besoin de
représentation dans l'exercice de ses droits civils peut, elle aussi, demander
que les conditions soient assouplies ou
changées, modifiées. Et, à ce titre-là, de pouvoir s'asseoir également
sur des critères uniformes communs... Je n'aime pas le mot «uniforme», parce qu'on n'est pas dans l'uniformité ici, c'est vraiment une
appréciation commune qui, selon nous, doit être faite et partagée par
l'ensemble des intervenants dans un dossier.
M. Lacombe : D'accord. Et puis dernière question
pour moi, je vais laisser la place à un collègue après, c'est à
la page 6 de votre mémoire, donc, au
sujet des renseignements, la communication
des renseignements confidentiels. Donc, vous venez de le dire, là, vous aimeriez qu'on ajoute dans le texte que nul
ne pourrait refuser la transmission des renseignements à la personne qui
est désignée comme étant l'assistant dans le cadre de son assistance. Je veux
juste préciser avec vous, à 297.1, on dit
déjà que l'assistant agit comme intermédiaire entre le majeur assisté et tout
tiers et que le tiers ne peut refuser que
l'assistant agisse à ce titre. Donc, je comprends, encore une fois, que c'est
peut-être... ça répond partiellement à ce que vous voulez. Vous voulez
qu'on aille plus loin?
Mme Rinfret (Marie) : Oui. Bien
simplement, le fait qu'un tiers ne puisse refuser que l'assistant agisse à
titre d'assistant, ça n'empêche pas un
organisme public, par exemple, de dire à cette personne-là : Bien, en
vertu de la loi, par ailleurs, je ne
peux pas te donner tel document. Ce qui fait que, bien, ça n'aide pas
l'assistant ni l'assisté dans des circonstances comme celle-là.
M. Lacombe : Et on se demandait : Est-ce qu'il y a une
notion de professionnel là-dedans ou vous ne touchez pas à ça?
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez,
on n'en était pas là. Ce qu'on... vraiment, l'exemple qu'on a chez nous et les demandes, les plaintes que nous recevons, c'est
souvent lié à des documents détenus par les organismes publics qui...
bien, qui, en vertu des lois actuelles, hein, sont tenus de refuser l'accès à
ces documents-là.
Donc, je me
dis : Si, vraiment, on veut aider l'assistant au majeur à administrer ses
biens, bien, c'est de boucler la boucle et de lui permettre d'avoir
accès aux documents dont il a besoin pour soutenir, pour assister le majeur.
M. Lacombe : On a pris note de
ça aussi.
Mme Rinfret (Marie) : Merci.
M. Lacombe : C'est tout pour
moi, Mme la Présidente. Je sais que la députée de Bellechasse...
La
Présidente (Mme Chassé) : Je cède la parole à la députée de
Bellechasse. C'est très bien, merci, M. le ministre. Mme la députée,
vous avez 7 min 30 s.
Mme Lachance : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Chassé) :
Allez-y.
Mme Lachance :
Merci, Mme Rinfret, merci à vos acolytes. Merci d'être là. J'ai trois
petites questions quand même assez
brèves. La première, c'est que j'aimerais savoir : Dans les mandats de
protection, suite à l'homologation, l'inventaire obligatoire et la
reddition de comptes, quelle est votre opinion?
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez,
en ce qui nous concerne, et vous le savez, mon mandat se situe à l'égard des organismes publics. Donc, quand on entre dans la
sphère privée, malheureusement, je n'ai pas compétence. Donc, je
réserverai des opinions qui pourraient vous être faites par les personnes les
mieux placées pour les faire.
Mme Lachance :
D'accord. Dans la suite et dans le même ordre d'idée, pensez-vous que les
propositions d'abandon du régime de curatelle auront un impact sur votre
travail en tant que Protecteur du citoyen?
Mme Rinfret
(Marie) : Écoutez... et là
vous me permettez de souligner à nouveau que, pour nous, de simplifier
la curatelle, la tutelle, la représentation
temporaire aux majeurs inaptes, donc de regrouper la curatelle et la tutelle au
sein d'une forme de représentation,
c'est une avancée. Toutefois, et je le disais d'entrée de jeu, on le dit dans
notre mémoire, je le disais dans mon
allocution tout à l'heure, il y a là un défi de taille, il y a là un grand défi
de communication, un défi d'accompagnement, de guider les personnes qui, à un moment de leur vie, demandent à ce
qu'il y ait une personne pour les assister, alors qu'elles sont encore
aptes, et qu'ensuite, bon, leur état, pour une raison ou pour une autre, se
dégrade, bien, il faudra que le directeur de
la protection des personnes vulnérables agisse avec beaucoup de vigilance pour
être capable d'accompagner les personnes
qui auraient été désignées comme assistant au majeur pour, là, venir
dire : Bien là, votre personne ne peut plus uniquement être assistée, elle a besoin d'être représentée, et, bien, ça
pourrait être par le moyen de la représentation temporaire ou encore son état s'est tellement dégradé que ça
devrait être la tutelle. Et, pour ça, il devra y avoir des outils, il devra
y avoir des guides, il devra y avoir de l'accompagnement pour les personnes,
les proches aidants, notamment, les personnes, donc, qui sont désignées comme
assistant au majeur et les personnes également visées par les mesures.
Mme Lachance : Donc, si j'ai
bien compris, vous nous dites qu'il y a un très grand enjeu de communication...
Mme Rinfret (Marie) : Oui,
d'accessibilité.
Mme Lachance :
...d'accompagnement et puis d'outils disponibles pour accompagner les gens.
Mais, dans votre expérience, avec le type de plaintes que vous recevez
habituellement, est-ce que vous pensez que ça va augmenter ou diminuer, à la
lumière de...
Mme Rinfret (Marie) : Votre question est excellente. Un constat qu'on
fait généralement, c'est que, lorsqu'il y a un grand changement, et appelons-le comme ça, une réforme, la gestion de la
transition est aussi importante que l'adoption du projet de loi comme tel, ce qui fait qu'au moment
où le projet de loi sera adopté, dans l'hypothèse où il l'est, bien sûr,
il faudra déjà avoir prévu tous les éléments
de transition pour bien soutenir les personnes qui auront besoin de ces outils
pour assister les personnes qui en
auront besoin. Et ici on parle souvent des personnes qui sont les plus
vulnérables de notre société, de sorte qu'il
faut être proactifs par rapport à eux si on veut vraiment que, par exemple,
l'assistance aux majeurs atteigne son objectif d'aller chercher le plus
possible les gens qui, actuellement, parce qu'ils n'ont pas les sous, parce que
de s'adresser aux tribunaux, ça devient
quelque chose qui s'ajoute au fait d'accompagner leurs parents... Donc, il y a
là, quand on parle de défi de
taille... Et c'est vrai dans n'importe quelle réforme, je vous dirais, là, mais
ici il faut bien être conscient qu'on parle d'une réforme qui va toucher les personnes les plus
vulnérables de notre société. Donc, on doit vraiment mettre en place tout
ce qu'il faut pour assurer la transition et bien, bien, bien accompagner les
personnes dans ça.
Mme Lachance :
Donc, je comprends l'importance. Je tiens à vous rassurer à cet effet-là, entre
l'adoption, si elle a lieu, et la mise en application, on prévoit un
temps de 18 à 24 mois pour préparer tout ça. Merci.
Mme Rinfret
(Marie) : O.K. C'est parfait. C'est très bien.
La Présidente
(Mme Chassé) : 2 min 30 s.
Mme Lachance :
Si vous permettez, Mme la Présidente, j'aurais terminé.
La
Présidente (Mme Chassé) :
Bon, est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le ministre, vous désirez reprendre la parole? Absolument. Allez-y. C'est
votre prérogative.
M. Lacombe :
J'ai senti un peu d'inquiétude.
La Présidente
(Mme Chassé) : Absolument aucune inquiétude, vraiment pas de
stress du tout.
M. Lacombe : Bien, j'avais une autre question
parce qu'évidemment on veut bien faire les choses. Vous dites que vous êtes préoccupés, c'est à la page 6 de
votre mémoire, vous dites qu'au point 21 «le Protecteur du citoyen est préoccupé eu égard aux délais requis pour compléter les étapes de la reconnaissance d'un assistant au majeur. Les ressources nécessaires devront être mises en place au directeur de la protection des personnes
vulnérables pour permettre la reconnaissance
des assistants dans des délais raisonnables.»
Et
là je comprends qu'on peut interpréter ça de plein de façons, mais disons qu'on
veut éviter de se retrouver dans votre rapport. Qu'est-ce que vous
voulez dire?
• (16 h 10) •
Des voix :
Ha, ha, ha!
Mme Rinfret
(Marie) : C'est un excellent réflexe.
M. Lacombe : Je pense que c'est bien de savoir qu'est-ce que
vous entendez par «délais raisonnables». J'imagine que ça dépend de beaucoup
de choses.
Mme Rinfret
(Marie) : Vous avez raison, et c'est d'ailleurs pour ça qu'on a
inscrit «délais raisonnables», parce que, déjà
dans la loi, il y a des délais qui sont prévus, hein, des avis de
30 jours, il y en a deux, me semble-t-il. Déjà là, on est dans une perspective de plus de deux
mois avant de déposer une demande et de se voir reconnu comme assistant
au majeur, de sorte qu'il faudra vraiment agir avec beaucoup de célérité, du
côté du directeur de la protection des personnes vulnérables, pour permettre
aux gens qui demandent d'être assistés de recevoir une réponse rapidement pour s'assurer qu'effectivement, là, leur
demande est acceptée et que l'assistant, lui, au majeur obtienne l'information, obtienne la formation. Parce que ça aussi, ça va devoir faire
partie de l'accompagnement quand on parle d'accompagner les personnes qui
transigent autour...
La Présidente
(Mme Chassé) : En moins de 30 secondes.
Mme Rinfret
(Marie) : Excusez-moi.
La Présidente
(Mme Chassé) : Allez-y.
Mme Rinfret
(Marie) : Donc, c'est tout ça.
La Présidente
(Mme Chassé) : Bon,
vous aviez 30 secondes. Je vous remercie. Je cède maintenant
la parole à la députée de Westmount—Saint-Louis pour son bloc d'échange.
Allez-y.
Mme Maccarone : Merci, Mme
la Présidente. Juste pour faire un
peu de pouce sur votre paragraphe 13, faire le lien avec qu'est-ce que le ministre
vient de dire, on parle des suivis rigoureux, puis il y a
des délais. Savez-vous s'il y a des actions qui sont mises en place pour adresser cette problématique-là? Et, sinon, est-ce qu'on devrait être conscients de ceci dans
l'adoption de ce projet de loi?
Mme Rinfret
(Marie) : Écoutez, c'est une chose qu'on porte à l'attention... à
votre attention, Mmes, MM. les parlementaires, parce qu'actuellement on reçoit des
plaintes, au Protecteur du citoyen, qui concernent le non-respect des
délais de réévaluation des dossiers. Bon, actuellement, il y a un délai de trois ans et un délai de cinq ans,
selon qu'on est en tutelle ou en
curatelle. Là, ce qu'on prévoit, c'est que le délai puisse varier, selon la
personne visée par la tutelle, avec un maximum de cinq ans. Et, à ce
titre-là, ce qu'on dit, c'est qu'il faut mettre en place, au directeur de la
protection des personnes vulnérables, les
outils de suivi pour s'assurer qu'il n'y a pas de dossier qui glisse entre les
craques, comme on dit au Québec, et qui se retrouve sans évaluation,
sans réévaluation.
Et ce que je dois
dire, cependant, pour répondre complètement à votre question, c'est qu'à ce
titre-là on a une excellente collaboration du côté du Curateur public actuellement,
qui, de fait, est tout à fait conscient de ces enjeux-là et met en place
les processus pour s'assurer de respecter le délai de réévaluation des
dossiers.
Mme Maccarone :
Excellent. Vous parlez beaucoup de la responsabilité du tuteur, la personne qui
va faire la représentation temporaire, mais je n'ai pas senti qu'on parle
beaucoup des proches aidants ou la personne qui va être responsable là-dedans. Est-ce que ça, c'est quelque chose qui devrait
faire partie aussi de notre réflexion? Parce qu'on sait qu'eux aussi ils ont besoin des mesures de
protection. On a bien entendu la cause puis la demande. Alors, qu'est-ce
qu'on peut faire pour bonifier qu'est-ce que vous avez présenté aujourd'hui
pour amener des mesures de protection envers cette population?
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, les... quand on parle... pour nous,
quand on réfère au proche aidant, l'ensemble du projet de loi n° 18, les nouvelles mesures qui sont proposées
devraient faire écho aux besoins qu'on entend de leur part. C'est certain, selon nous, que la mesure d'assistance au
majeur devrait faciliter les choses, d'où l'importance de faire
connaître. Et ça aussi, c'est une
recommandation que l'on fait, de faire la promotion de cette nouvelle mesure
pour permettre justement que ce
soient les proches aidants, mais aussi les personnes qui ont besoin d'aide...
de faire cette demande-là, que ce soit traité rapidement. Dans le fond, les mots-clés
dans ça, c'est la souplesse, l'efficacité, l'accessibilité. Et, en ce sens-là,
je pense... en tout cas, on le pense sincèrement, ça devrait répondre à
un besoin qu'on entend.
Le besoin qu'on
entend aussi souvent, et c'est pour ça qu'on en fait une recommandation, c'est
le fait que les personnes qui... les proches
aidants, les personnes qui soutiennent celles qui ont besoin d'aide, se butent
au refus d'organismes publics de leur donner les outils dont ils ont
besoin pour aider la personne qui a besoin d'aide.
Et
là je réfère uniquement... je vais vous donner seulement un exemple
puis je pense que vous allez, tout le monde, comprendre :
la déclaration de revenus qui doit être faite, l'ensemble des documents qu'on a
besoin pour demander une rente d'invalidité.
Ce sont des formalités qui devraient demeurer des formalités simples,
accessibles et qui actuellement peuvent s'avérer être une montagne pour les proches aidants, alors qu'on devrait
leur faciliter les choses. C'est pour ça qu'on vous demande d'ajouter au
projet de loi un article qui va leur permettre d'obtenir tous les documents
nécessaires, avec le consentement de
l'assisté, bien sûr, mais tous les documents nécessaires qui vont leur
permettre justement, à titre d'assistant, de bien conseiller la personne
assistée afin que les décisions puissent être prises correctement.
Mme Maccarone :
Vous identifiez dans votre recommandation 1 les principaux critères, alors
je réfère à votre paragraphe 9, où vous dites les facteurs qui devraient
guider l'analyse des professionnels
de la santé, ultimement celles du tribunal... ne soient pas davantage
précisés au projet de loi. Comme quoi?
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, on réfère, et ce sont les exemples que
l'on donne, est-ce que... puis ça, c'est un exemple, là, bien sûr, est-ce que la personne est isolée ou elle est
bien entourée. Et, quand on réfère au fait d'être bien entourée, ce n'est pas juste d'être entourée, c'est d'avoir
des personnes compétentes pour administrer leurs biens. Parce que, dans
les plaintes que nous recevons, il y en a plusieurs qui réfèrent à la gestion
du patrimoine des personnes.
Donc,
on identifie des gens qui devraient nous aider et qui, malheureusement, soit se
retrouvent en conflit d'intérêts ou
encore ne savent pas trop par où passer, de sorte que ce ne sont pas les bonnes
personnes pour nous soutenir. Ce qui fait que, dans les exemples qu'on donne, qui, encore une fois je le répète,
ne sont pas des critères qui doivent être limitatifs ou exhaustifs, je pense que le principal, ça devrait
toujours être dans l'intérêt du majeur inapte, hein, de s'assurer que
toutes les décisions qui sont prises, les facteurs qui sont considérés le
soient à terme en fonction de la personne qui a besoin de représentation.
Parce
qu'ici avec la réforme on sort de l'appréciation binaire d'une personne apte ou
inapte. On pousse... On met l'accent sur est-ce qu'une personne inapte a
besoin de représentation dans l'exercice de ses droits civils, et, si oui, pour
l'exercice de quels droits civils, et, conséquemment, que la personne qui soit
désignée comme tuteur agisse dans cette continuité-là,
donc permette au majeur inapte d'exercer ses droits civils par ailleurs, pour
lesquels il a été... il est toujours compétent pour le faire.
Donc,
vraiment c'est le choix des personnes en fonction des critères qui doivent être
pris en compte pas uniquement, je le
rappelle, dans le cadre de l'évaluation psychosociale, mais également par
l'évaluation médicale et aussi, et j'ai presque envie
de dire surtout, par le tribunal, qui, lui, a comme responsabilité de
déterminer la tutelle sur mesure pour la personne qu'il a devant lui. Bien,
qu'il a devant lui ou qu'il a... dont il est chargé d'évaluer le besoin de
représentation.
• (16 h 20) •
Mme Maccarone :
Merci, Mme la Présidente, je pense que...
La Présidente
(Mme Chassé) : Est-ce que la députée de Notre-Dame-de-Grâce
désire prendre la parole? Vous avez deux minutes. Allez-y.
Mme Weil :
...question. D'abord,
j'aimerais vraiment vous remercier pour votre mémoire. Avec
votre expérience, avec votre vision
de l'intérieur, des plaintes que vous recevez, on voit que la tâche est énorme.
Et, dans ce que vous dites, il y a des échos de ce que d'autres ont dit,
et je suis contente d'entendre qu'il y a une bonne collaboration avec le Curateur public, parce qu'il y a beaucoup de travail
à faire. Et on comprend que le gouvernement va se donner le temps de
s'assurer que les choses seront mises en place. Moi, je n'avais pas saisi que
ce serait comme jusqu'à peut-être 24 mois.
Donc,
j'irais sur peut-être votre point 13. Vous, vous recevez beaucoup de
plaintes par rapport aux délais concernant la réévaluation du régime de
protection, déjà, donc, un drapeau rouge, alors que, maintenant, ça va se faire
cas par cas. Est-ce que vous... Donc jusqu'à
un maximum de cinq ans. Est-ce que vous avez une recommandation? Parce que
c'est bien de dire qu'ils devront
être vigilants par rapport à ça, mais, dans un système aussi complexe, si on
n'a pas, comment dire, un déclencheur
qui fait en sorte que, woup! là c'est trop tard... Est-ce que, de votre expérience,
vous êtes capable de peut-être y
réfléchir, si vous n'avez pas aujourd'hui une solution à ça? Si vous n'avez pas
de recommandation, c'est que vous n'aviez pas nécessairement une
recommandation précise, mais...
La Présidente
(Mme Chassé) : Il reste une minute.
Mme Rinfret (Marie) : Écoutez, votre question est excellente. On s'est posé la question.
Le système comme le propose
la réforme, il est très bien. Je vous dirais, pour nous, la limite maximale de
cinq ans se doit d'être une limite maximale, parce que c'est quelque
chose de priver une personne de l'exercice de ses droits civils.
Donc,
est-ce que le délai de cinq devrait... maximal de cinq ans
devrait être une limite maximale de trois ans? À cet égard-là, on se fie
sur la discrétion du tribunal qui aura, avec l'éclairage de l'évaluation
médicale et psychosociale, à déterminer une limite pour la réévaluation. Ce qui
fait que, là, on arrive vraiment dans l'ordre administratif...
La Présidente
(Mme Chassé) : En terminant.
Mme Rinfret (Marie) : ...et, à cet égard-là, ce qu'on demande, c'est
d'être extrêmement vigilant et de mettre en place des outils du côté du
directeur de la protection des personnes vulnérables pour...
La Présidente
(Mme Chassé) : Ça conclut.
Mme Rinfret
(Marie) : ...assurer le suivi... Excusez. Donc, assurer le suivi.
La Présidente
(Mme Chassé) : Ça va. Je vous remercie pour votre contribution
aux travaux de la commission.
Je suspends
momentanément les travaux afin de permettre à la prochaine personne de prendre
place.
(Suspension de la séance à
16 h 23)
(Reprise à 16 h 25)
La
Présidente (Mme Chassé) :
Je souhaite maintenant la bienvenue à Me Dominique Goubau. Je vous
rappelle que vous disposez de
10 minutes pour faire votre exposé et, à une minute de la fin, je vais
vous faire un signe de la main ou un signe
vocal pour vous inviter à conclure. Débutez tout d'abord en vous
présentant de nouveau puis commencez votre exposé.
M. Dominique
Goubau
M. Goubau
(Dominique) : Merci. Mme la Présidente, M. le ministre, distingués
membres de la commission, M. le Curateur public, c'est un honneur pour moi d'être
ici, c'est un privilège, et je vous remercie de me l'avoir accordé. Je vais prendre juste quelques secondes pour me
présenter, pour dire qui je suis, comment ça se fait que je viens vous
voir pour parler et participer à vos travaux sur le projet de loi n° 18.
J'enseigne
le droit des personnes depuis plus de 30 ans, depuis 33 ans
exactement, à l'Université Laval. J'ai publié beaucoup dans ce domaine. J'ai notamment écrit un traité sur la
question, qui est réédité depuis 25 ans maintenant et qui sert
d'ouvrage de référence pour les tribunaux et les avocats dans la province de
Québec.
Donc,
j'ai un intérêt personnel, professionnel pour la matière et je vais vous dire
en deux mots la raison aussi pour laquelle
j'ai demandé à... enfin, j'ai déposé un mémoire, que j'ai rédigé cet été, et
que j'ai demandé à pouvoir vous rencontrer. Je vous remercie d'avoir
accepté ma demande.
La première
raison, et je ne sais pas si ça a déjà été soulevé depuis vos travaux d'hier,
mais, depuis quelques années, maintenant,
au Québec, on entend des juristes bien avisés qui soulignent depuis quelques
années, depuis l'entrée en vigueur... enfin, depuis d'adoption par le Canada de la
convention internationale sur la protection des droits des personnes
handicapées, le fait que le droit du Québec
serait en porte-à-faux par rapport aux normes internationales. Je ne partage
pas du tout cet avis et je pense que
cela ne constitue... ce soi-disant porte-à-faux ne devrait pas être le
fondement d'une réforme du droit québécois actuel, et je m'en
expliquerai dans quelques instants.
J'entends
également l'argument suivant : Ça fait 30 ans qu'on a fait la
réforme — j'y étais,
de la réforme, en 1989, j'enseignais
déjà cette matière-là — et ça fait 30 ans, le système québécois était à
l'avant-garde, il ne l'est plus, la société a changé, il faut donc
changer le système. Là encore, je ne suis pas d'accord. Je pense que le droit
québécois est encore à l'avant-garde, je m'en expliquerai.
On parle
aussi de difficultés sur le terrain. Je pense que, depuis hier, vous entendez
parler de difficultés sur le terrain lorsqu'il
s'agit des régimes de protection au Québec. Par exemple, on entend souvent dire
qu'en matière de consentement aux soins
médicaux il arrive souvent et, selon certains témoins, très souvent que, par le
simple fait qu'une personne est sous régime de protection, que ce soit la tutelle et certainement la curatelle, on ne
s'intéresse même pas de savoir si elle est apte à consentir ou non à des soins médicaux ou les refuser. Et
c'est un vrai problème, mais ce n'est pas un problème de norme, c'est un
problème de pratique sur le terrain. La loi est très, très claire. Même s'il y
a un régime de protection de tutelle ou de curatelle,
il faut vérifier au cas par cas l'aptitude ou l'inaptitude de la personne, et,
si, même si elle est sous curatelle, elle est apte à consentir ou à refuser les soins, il faut respecter cette décision
comme si elle était apte et qu'elle n'était pas sous régime.
Alors, si
cette règle n'est pas respectée, c'est un vrai problème. Les médecins qui ne
respectent pas cette règle-là commettent
une faute civile, pour ne pas dire plus, et seraient susceptibles d'être
poursuivis en responsabilité civile. Il s'agit d'une atteinte à l'intégrité physique. La Cour d'appel et la Cour
suprême sont très claires sur le fait que, lorsqu'il y a un régime de
protection, cela ne constitue jamais une présomption d'inaptitude.
Donc, ce n'est pas la norme qui est la fautive
ici. La norme est bonne. Elle prévoit que la... qu'il n'y a pas de présomption d'inaptitude, mais elle est mal
appliquée, elle n'est pas respectée dans la pratique. Il ne faut pas changer
la norme, il ne faut pas changer l'article 15 du Code civil du Québec, il
faut modifier les mentalités.
Y a-t-il encore des relents de paternalisme
médical? Sans doute. En tout cas, certains juges le soulignent encore. Y a-t-il
une certaine paresse professionnelle à se contenter du régime de protection et
à ne plus vérifier l'aptitude ou l'inaptitude de la personne? Sans doute. Ce
n'est pas un problème de norme, c'est un problème de pratique.
Un autre
exemple, et je pense que vous... on vient de l'entendre tout à l'heure. J'étais
dans la salle et j'ai entendu les deux
précédents intervenants. On sait que la tutelle est donc un régime adaptable,
mais on sait aussi, on l'a entendu des précédents
témoins, que, souvent, ça ne se fait pas, et on prend, au fond, le régime par
défaut plutôt que d'y aller dans le détail.
Bien, là
encore, ce n'est pas un problème des normes. Les normes prévoient dans la loi
que c'est un système adaptable. Et je
vais plus loin que certains témoins ici. Le juge n'a pas l'option de déterminer
le champ de capacités des personnes dans le cadre de la tutelle, il a l'obligation. Il ne peut prononcer un
régime de protection et décrire les pouvoirs de la personne que dans la
mesure où le besoin existe, dans la mesure de l'inaptitude de la personne.
Donc, ces règles existent déjà, mais il y a clairement un problème
d'application des normes actuelles.
• (16 h 30) •
Mon propos
est le suivant, s'il fallait le résumer. Les objectifs du projet de loi
n° 18, qui sont les mêmes que ceux de la convention, sont des objectifs louables, mais je pense que les
mesures qui sont proposées sont beaucoup trop radicales, qu'il n'est pas nécessaire de bouleverser des
régimes de protection. Il suffit, à mon avis, de modifier quelques
dispositions d'un code pour satisfaire à l'essentiel des objectifs de la loi.
Évidemment,
dans mon exposé, de même que dans mon mémoire, je ne m'arrête qu'à ce qui me
paraît problématique. Il y a bien des
points dans la loi qui sont bien et que j'applaudis, j'en ai cité quelques-uns.
Mais, sur le fond même, celui de l'abolition
des régimes, d'où vient cette idée? La convention internationale sur la
protection des personnes handicapées prévoit que les objectifs de la convention, c'est de prévenir les abus, de ne
pas discriminer, de respecter les droits des personnes, surtout de respecter la volonté et les préférences
des personnes à chaque fois que c'est possible et de protéger des
personnes de façon proportionnée. Ce sont
les objectifs du projet de loi. Ce que je viens vous dire ici, c'est que ce sont
les fondements éthiques de la loi actuelle. Ce sont exactement les
mêmes.
Donc, sur le
plan des objectifs, le projet de loi, fondamentalement, ne change rien. Ces
objectifs existent déjà. Ce sont déjà les valeurs fondamentales du
système actuel. Or, selon certains, notamment des hauts fonctionnaires à l'ONU,
les systèmes de représentation, comme notre
curatelle ou notre tutelle, sont... ou de décisions substituées, comme on les
appelle, sont fondées sur l'idée que
la protection des personnes, dans un cadre de représentation, tutelle,
curatelle, implique nécessairement la privation des droits de
participation. Or, cela ne s'applique pas au Québec.
Depuis 1989,
nous avons déjà ces principes dans notre loi. Nous sommes précurseurs. Nous
avions déjà dans notre système ces
principes avant même la convention. Je peux vous dire aussi qu'il y a plusieurs
pays qui, à l'époque, ont regardé avec
beaucoup d'intérêt notre système et qui, encore aujourd'hui, imitent notre
système. La Belgique, en 2013, a modifié ses régimes pour les rendre conformes à la convention internationale et, ce
faisant, elle a appliqué des principes que nous avons dans notre
loi : mandat de protection, un régime de tutelle à la carte, etc., qui
sont les principes que nous avons déjà.
Alors, depuis
1989, et je pense que ça n'a pas changé, le Québec est à l'avant-garde dans
l'organisation de ses régimes de protection, et je pense qu'il est
conforme. Le mandat de protection, nous étions précurseurs là-dedans. Bien sûr,
il y a certains points qui peuvent être
améliorés, mais la tutelle — alors, c'est le premier grand point
ici — devrait
être abolie, la curatelle devrait
être abolie, le conseiller judiciaire devrait être aboli au profit d'une
tutelle unique, parce qu'on ne doit pas
seulement prévoir la représentation, il faut aussi insister sur le terme
d'assistance des... et la possibilité d'assistance. Mais on oublie
souvent que c'est déjà le cas aujourd'hui.
Si
vous regardez l'article qui est... l'article 288 du Code civil actuel,
cette disposition du code prévoit expressément que le tribunal qui ouvre un régime de tutelle doit déterminer dans son
jugement, selon le niveau d'inaptitude de la personne, les actes pour lesquels
elle doit être représentée ou les actes pour lesquels elle doit être assistée.
Par conséquent, la tutelle n'est pas
qu'un régime de représentation, c'est aussi un régime d'assistance. On a
tendance à l'oublier. Même les juges semblent l'oublier. Il y a là
certainement un effort d'information à faire au sein de la magistrature et au
sein du Barreau.
Le
deuxième point, celui... je pense qu'il est central dans votre projet de loi,
c'est celui de la prise en considération de la volonté et des désirs de la personne. Et ça, je pense que c'est le
point le plus important de la réforme, je pense qu'il mérite d'être
souligné. L'idée est la suivante...
La Présidente
(Mme Chassé) : Il vous reste une minute à votre exposé.
M. Goubau
(Dominique) : Pardon?
La Présidente
(Mme Chassé) : Une minute.
M. Goubau
(Dominique) : Une minute.
La Présidente
(Mme Chassé) : Il vous reste une minute à votre exposé.
M. Goubau (Dominique) : D'accord. Alors, il y a, dans le Code civil,
l'article 257 et l'article 260 qui prévoient qu'il faut informer la personne des décisions que l'on
prend. La Cour d'appel, unanime, nous rappelle, à tous les deux mois,
que cela signifie non seulement qu'il faut
informer, mais qu'il faut faire participer la personne dans le respect de son
autonomie résiduelle. Donc, ce principe, il est déjà dans notre système
juridique.
Je
crois que c'est une bonne idée de l'inscrire, comme le projet de loi le fait,
et je propose qu'on aille plus loin et qu'on prévoie, à l'article 257 et surtout l'article 260, qui est un
petit peu les obligations du représentant, de déterminer plus dans le
détail quelles sont les obligations du représentant ou de l'assistant lorsqu'il
s'agit de faire participer la personne à des décisions et certainement
lorsqu'il s'agit de décisions qui touchent aux droits fondamentaux de la personne.
La
Présidente (Mme Chassé) : Merci. Très aimable. Merci pour votre exposé. Je cède maintenant la parole au ministre
pour son bloc d'échange.
M. Lacombe : Merci,
Mme la Présidente. Merci d'être ici aujourd'hui. On voit que vous avez beaucoup d'expérience. Je comprends que, lorsque vous avez commencé à enseigner, je n'étais pas né
ou j'avais 1 an, là. Donc, j'ai beaucoup
de respect pour votre feuille de route.
Blague
à part, il y a beaucoup de choses dans ce que vous nous amenez, surtout beaucoup
de points sur lesquels vous n'êtes
pas d'accord avec ce qu'on propose.
Donc, si vous permettez, je vais me concentrer peut-être sur un ou deux
points sur lesquels j'aimerais davantage
échanger avec vous, notamment sur l'assistant au majeur, parce que c'est une
petite révolution. Certains diront que ce serait une grande révolution
d'avoir, et je comprends que ce n'est pas votre avis, mais plusieurs personnes nous ont dit que, pour eux, ça ferait
toute la différence. Vous questionnez l'utilité réelle parce que vous dites
que le majeur peut déjà avoir accès, par
exemple, à une procuration. En même temps, on comprend que la procuration, ça
permet de donner à une autre personne le
pouvoir d'exercer notre droit. Quand on parle de l'assistant, ce n'est pas du
tout la même chose. Pouvez-vous peut-être nous clarifier ou nous donner
plus de détails sur votre position là-dessus?
M. Goubau (Dominique) : Certainement. Je trouve que cette idée
d'assistance est très intéressante, mais je doute qu'elle soit appliquée. D'abord la procuration,
c'est une chose, mais il n'y a pas que la procuration. Le droit commun...
Si la personne est apte, et on prend pour
acquis qu'elle est apte, mais qu'elle désire une certaine assistance, rien
n'empêche, selon le droit commun,
d'engager une personne et dire : Tu vas m'aider, tu vas m'assister. Moi,
si j'achète une maison, je ne connais
rien dans l'immobilier, je peux demander à quelqu'un non pas de me représenter,
je ne veux pas lui donner une procuration,
mais je peux très bien, en droit, lui confier cette entreprise, si vous voulez,
qui est de me conseiller et de m'aider. C'est tout à fait possible. Pourquoi est-ce que j'irais m'enregistrer
dans un registre pour cela? Pourquoi est-ce que je me soumettrais à des formalités, alors que le droit
commun permet de le faire de façon très, très simple dans une entente,
même pas une entente écrite. Mais, si, par
contre, il s'agit d'une personne qui est vulnérable, non pas au point d'être
inapte au sens qu'elle doit être
représentée, mais suffisamment vulnérable pour que son entourage trouve qu'elle
devrait être assistée, on a déjà le conseiller judiciaire dans le code.
C'est vrai que c'est peu appliqué, mais ce principe existe déjà.
Alors,
c'est sûr que c'est intéressant, mais est-ce que ça va être appliqué dans les
faits? D'abord, je pense que la plupart des gens qui veulent vraiment être assistés, alors qu'ils sont aptes
d'exprimer leurs volontés, ils ne passeront pas par le système prévu par
la loi. Mais ça s'est déjà vu ailleurs.
En
Saskatchewan, ils ont cela. Ils ont la «codecision making», l'assistance. J'ai
un de mes collègues à l'Université de Saskatchewan
qui a fait une étude intéressante en 2012 et qui a démontré qu'il n'y a à peu
près aucune demande d'assistance. Et je l'ai appelé, parce que son étude
date de 2012, je l'ai appelé pour savoir si son étude était actualisée. Il m'a
dit : «Your timing is perfect», parce
qu'il vient de terminer l'actualisation. Il m'a envoyé un petit mémo parce
qu'il n'a pas eu le temps de publier ses résultats. Il m'a envoyé un
mémo récemment et il m'autorise à le déposer aujourd'hui, à vous le communiquer, dans lequel il confirme que son étude
de 2012 a été actualisée à 2018‑2019. Et il constate la même chose.
Juste pour vous donner une idée, selon son
étude à lui, si on prend les assistances, cela représente, sur une période
10 ans, à peu près huit dossiers
par année. Et, si vous me permettez, sur la représentation temporaire, où ça
existe, ça existe également en Saskatchewan, deux cas par année pour la
Saskatchewan. Donc, je pense que c'est une... Ça vaut la peine, c'est peut-être
une suggestion que je pourrais faire, de regarder plus en détail ce qui s'est
fait ailleurs.
M. Lacombe :
On l'a fait. On l'a fait. Et, là-dessus, peut-être qu'on ne sera pas d'accord,
mais, en fait, on ne parle pas du
tout de la même chose. On ne parle pas du tout de la même chose, parce que,
dans le cas de la Saskatchewan, le système
de codécision, ce qu'il permet de faire, c'est... ou, en fait, la différence entre
ce qu'on propose et le système de codécision,
c'est qu'en Saskatchewan, avec ce système-là, vous ne gardez pas totalement le
contrôle de vos droits. C'est-à-dire que
la décision, l'autre personne a un droit de veto. Donc, ce n'est pas exactement
la même chose. Et évidemment on a communiqué
avec... bon, là, le nom m'échappe, là, mais avec le Public Guardian and Trustee
of Saskatchewan. Et lui-même nous
confirme que ce n'est pas du tout la même chose et salue ou, en tout cas, nous
dit que c'est une excellente nouvelle parce qu'ici au Québec c'est
différent et que c'est intéressant. Donc, on ne parle pas de la même chose, là,
dans ce cas-là.
• (16 h 40) •
M. Goubau (Dominique) : Évidemment, je ne veux pas argumenter, mais je pense que,
comme vous dites très bien, s'il
s'agit d'une personne qui veut garder l'entier contrôle et qui est inapte totalement,
cette personne a les outils, actuellement dans le droit commun, pour
faire les choses de façon beaucoup plus simple que ce que propose le projet de
loi.
M. Lacombe : ...inapte, disons. Je pense qu'on peut tasser, peut-être,
l'exemple de la Saskatchewan, parce
qu'on ne parle pas du tout de la même chose,
mais, si on revient à l'assistant, on parle de quelqu'un, par exemple... je
peux vous donner l'exemple de mon
père, qui, par exemple, pourrait vouloir garder toutes ses capacités, pouvoir
prendre ses décisions par lui-même,
mais peut-être avoir besoin de mon aide pour téléphoner chez Revenu Québec,
peut-être avoir besoin de mon aide pour
téléphoner chez Vidéotron quand il y a un problème de facture, pour téléphoner
à la banque, parce que, parfois, c'est compliqué, et les gens ressentent
ce besoin-là.
D'ailleurs,
on a toute une liste, là, de gens qui... de groupes qui sont venus nous dire
que ça ferait toute une différence. Et
la différence, avec ce que vous mettez de l'avant en disant : Bien, les
gens peuvent le faire de toute façon, c'est qu'il y a une légitimité qui
est donnée à l'assistant qui peut aller recueillir ces informations-là au nom
de la personne qu'il assiste. La situation
actuellement, c'est qu'on se bute... les gens qui veulent assister un proche,
bien, se butent, par exemple, dans les organismes publics, à la loi, qui
dit : Bien, on ne peut pas vous partager ces renseignements-là.
M. Goubau (Dominique) : Non, je comprends très bien. Et je vous ai dit au
départ, c'est intéressant : Je doute de la praticabilité et j'ai entendu tout à l'heure un des intervenants qui
disait : Ça serait peut-être intéressant de faire des tests et
vérifier si ces mécanismes peuvent fonctionner. Il faudrait peut-être les
observer. Personnellement, j'ai des doutes que ça fonctionnera. Je pense que le
droit commun répond amplement à cela et qu'on n'a pas besoin d'un autre élément
de complexité dans la loi.
M. Lacombe :
Et l'autre particularité, c'est que ce n'est pas judiciarisé.
M. Goubau
(Dominique) : Oui.
M. Lacombe : Donc, vous n'avez pas besoin d'avoir recours aux
tribunaux. Par exemple, que, si vous voulez assister...
M. Goubau
(Dominique) : C'est administratif.
M. Lacombe : Exactement, c'est administratif.
Donc, il y a aussi une différence avec ce qui existe actuellement. Vous
parliez du conseiller au majeur, qui existe actuellement, qui n'est pas
comparable en ce sens-là.
M. Goubau (Dominique) : Je ne veux pas polémiquer. Je n'ai pas dit que
c'était identique, j'ai dit qu'il y a
une idée d'assistance à une personne qui est
apte dans la prise de décision. On voit le succès très, très
mitigé, pour dire à peu près
nul, en Saskatchewan.
Je
ne peux que vous redire que le droit commun permet déjà de
répondre à cela, mais je crois, et je le souligne dans mon mémoire, la question
de la représentation temporaire va probablement souffrir du même défaut.
M. Lacombe :
Qu'est-ce que vous voulez dire?
M. Goubau (Dominique) : Je veux dire par là que les exigences qui sont
mises en place sont des exigences telles qu'il est difficile d'imaginer des personnes qui vont faire les
démarches pour le constat d'inaptitude, la démarche judiciaire, tout cela pour obtenir l'autorisation d'un seul
acte. Dans ces genres de situations là, il s'agira d'un cas où, de toute
évidence, on se dirige vers un cas
d'inaptitude plus important. Or, les cas où on peut demander l'autorisation
d'un acte particulier, c'est déjà prévu dans la loi. Vous pouvez aller
voir un juge aujourd'hui et dire : Il y a un acte pour lequel on demande
une autorisation particulière, et c'est déjà dans la loi, c'est possible.
M. Lacombe : Je n'ai pas envie de m'obstiner avec vous sur le
détail juridique, parce que je sens que je vais perdre.
M. Goubau
(Dominique) : Non, non, non. On n'est pas là pour gagner ou pour
perdre.
M. Lacombe : Parce
que vous êtes juriste, et je ne le
suis pas, mais moi, j'ai envie de vous parler des gens aussi. On a tous
une liste de gens : la mesure d'assistance, le Réseau FADOQ, le Barreau du
Québec, l'Office des personnes handicapées,
Réseau Avant de craquer, l'Ordre des travailleurs sociaux et des thérapeutes
conjugaux et familiaux du Québec, seulement pour la mesure d'assistance,
par exemple, qui sont venus nous dire que ça les aiderait.
Je vais vous
poser une question. Je comprends que vous présumez que ça ne sera
pas utilisé. Vous présumez que ce ne
sera pas populaire. Mais, si tout le
monde, demain matin, applaudissait et
utilisait cette mesure-là, tel qu'on la présente, telle qu'on la propose
aujourd'hui, est-ce que ce serait une bonne nouvelle?
M. Goubau
(Dominique) : Vous n'êtes peut-être
pas juriste, mais vous êtes un très bon avocat. Et l'argument du nombre, c'est
sûr. Moi, tout ce que je vous dis,
c'est : Les outils existent déjà. Maintenant, si un nombre important d'intervenants dans la société vous
disent : C'est un outil qui, pour nous, serait très utile, j'imagine que
c'est votre responsabilité de les écouter.
M. Lacombe : Donc, on a un terrain d'entente, là. Je comprends
ce que vous voulez dire. Vous dites : Actuellement, peut-être
que, légalement, à gauche et à droite, en théorie, je vais dire, on a les
outils pour arriver aux mêmes fins. Là, je comprends qu'il y a d'autres juristes qui pourraient peut-être,
là, ne pas être d'accord, mais ce que vous dites, je résume en disant : Légalement, on aurait peut-être
les leviers, là, pour le faire, mais ce n'est pas populaire. Nous, ce qu'on
dit, c'est : On veut que les
gens aient recours, on veut faciliter la vie des gens, on veut leur simplifier
la vie. Donc, en ce sens-là, si la mesure,
elle est utilisée... et c'est le son de cloche qu'on a, on a l'impression que
les gens vont l'utiliser. Il y a des gens qui nous disent qu'ils attendent ça depuis 10 ans, par exemple. Donc, si elle est populaire,
j'imagine que la façon dont on la présente, ce sera une bonne nouvelle.
M. Goubau
(Dominique) : On avait
présenté également le conseiller au majeur comme une formule
intermédiaire très, très utile et pratique,
et finalement on voit bien qu'elle n'est jamais appliquée parce qu'il s'agit de
personnes qui sont aptes.
M. Lacombe : Mais il y a un
coût associé à ça.
M. Goubau (Dominique) : Il y a
un coût parce que c'est judiciarisé.
M. Lacombe :
C'est ça, exactement. Et là ce ne le serait pas. Mais je comprends, je
comprends mieux votre point de vue. Donc, je comprends que, si vous
aviez la certitude que ce serait utilisé et populaire, je comprends que vous
seriez probablement d'accord avec la mesure.
M. Goubau (Dominique) : Bien
sûr. Bien sûr, oui.
M. Lacombe :
D'accord. Moi, je suis encouragé, je suis peut-être optimiste, mais je suis
encouragé quand je vois toute la
liste des gens qui sont venus nous dire qu'ils aimeraient utiliser cette
mesure-là. Mais je suis content d'avoir pu échanger avec vous, c'est
instructif.
Maintenant, moi, je céderais la parole à une
collègue, un collègue?
La
Présidente (Mme Chassé) : À un collègue ou à une collègue, puis
peut-être que vous allez la reprendre après.
M. Lacombe : La députée de
Soulanges.
La Présidente (Mme Chassé) :
C'est la députée de Soulanges qui prend la parole. Allez-y.
Mme Picard :
Oui, merci. Bonjour... pour votre présence aujourd'hui. J'aimerais attirer
votre attention sur une partie de
votre mémoire où vous parlez de l'utilisation du terme «vulnérable». Vous dites
qu'on aurait proposé un autre nom au lieu du terme «vulnérable».
J'aimerais avoir vos propositions, si vous en avez, ou... élaborer sur le
sujet.
M. Goubau
(Dominique) : J'ai écrit
dans le mémoire que j'aimais assez bien l'idée de Curateur public,
d'abord parce que les gens connaissent le
Curateur public et que, dans les milieux d'intervention, tout le monde sait qui
est le Curateur public. Donc, le mot,
il est acculturé, il est connu. Et qu'on a déjà un défi important, auprès de
nombreuses clientèles, à faire comprendre les choses, voilà déjà un
acquis, il est connu. Tout le monde sait qui est le Curateur public.
Mais j'ai une
objection... enfin, une proposition ou, plutôt, un élément à apporter. C'est
que le Curateur public, bien sûr, il
s'occupe des régimes de protection des majeurs, il s'occupe aussi des mineurs,
des petits enfants, mais il s'occupe aussi des adolescents qui ont 16 ans, qui ont 17 ans et qui, parce
qu'ils ont des actifs de plus de 25 000 $, eh bien, se voient
soumis, en tout cas, leur tuteur, à une
série de contrôles, et c'est normal, dont le Curateur public est le chien de
garde. C'est normal. Mais les jeunes
de 16, 17 ans ne sont pas des personnes vulnérables au sens où on
l'entend. Et j'ai écrit, j'ai dit dans mon mémoire qu'il y a même quelque chose de problématique là, puisque le
Québec adhère à la convention internationale sur les droits de l'enfant, dont un des principes
fondamentaux est la reconnaissance de l'autonomie des mineurs,
particulièrement des adolescents.
Et donc dire du même
souffle : Nous adhérons à la convention internationale sur les droits de
l'enfant et nous reconnaissons l'importance
de l'autonomie du mineur, et le Québec est en avance sur ces questions-là, et
dire en 2019 ou 2020 : Par ailleurs, nous considérons que tous les mineurs, parce
qu'ils ont des intérêts pour lesquels ils sont représentés, pour lesquels il y a des contrôles, qui sont
nécessaires et normaux, eh bien, on va les faire contrôler par une personne
qui est responsable ou le protecteur des
personnes qui sont en état de vulnérabilité au Québec, je pense que ce n'est
pas un bon signal à envoyer aux
étudiants de secondaire V et aux étudiants de cégep, qui, au contraire,
sont des personnes qui sont dans la voie de l'autonomie bien plus que de
la vulnérabilité.
Mme Picard :
Donc, vous proposez de garder le terme de «curateur».
M. Goubau
(Dominique) : Personnellement, je le garderais, oui, je l'aime bien.
Mme Picard :
D'accord. J'ai combien de temps encore, Mme la Présidente?
La Présidente
(Mme Chassé) : Il vous reste encore 2 min 45 s.
Mme Picard :
Deux minutes? Est-ce que tu y vas ou je peux faire une autre question? Parfait.
Vous avez mentionné d'entrée de jeu
qu'il y a des aspects du projet de loi qui, selon vous, ont le plus grand
potentiel d'améliorer la vie des individus concernés. Vous avez dit
qu'il y a certains éléments qui sont bons. J'aimerais que vous élaboriez un
petit peu sur les points positifs.
M. Goubau
(Dominique) : J'en ai signalé plusieurs, que j'applaudis. D'ailleurs,
il y en a plusieurs que j'avais moi-même... que j'ai déjà moi-même proposés il
y a longtemps, mais il y a des simplifications dans les procédures de convocation du conseil de tutelle, des
simplifications dans l'organisation de l'assemblée des parents et des
simplifications au niveau du mandat aussi,
du mandat de protection. Peut-être, ce sont des choses qui paraissent plus des
détails, mais qui ont leur importance
dans le quotidien et qui sont des irritants qui ont déjà été parfois soulignées
par les tribunaux aussi et qui vont être améliorées par ce projet de
loi. Donc, ça, je pense que c'est une très bonne idée.
Mme Picard :
Merci beaucoup.
La Présidente
(Mme Chassé) : 1 min 45 s au bloc.
Mme Picard :
Je pourrais en prendre d'autres, si vous voulez, mais libre à toi. En avais-tu
une dernière?
M. Lacombe :
Tu n'as pas d'autre question?
Mme Picard :
Bien oui, je pourrais en avoir une autre, oui.
La Présidente
(Mme Chassé) : Oui, elle dit qu'elle en a une autre.
M. Lacombe :
O.K. Oui, oui, vas-y, vas-y.
• (16 h 50) •
Mme Picard :
L'article 257 et 260, vous les avez mentionnés tantôt. J'aimerais ça que
vous élaboriez un petit peu sur votre commentaire que vous avez dit
d'entrée de jeu dans votre...
M. Goubau (Dominique) : Ma
position est la suivante, c'est que je pense que le point central du projet de loi, et qui devrait être le souci de tout le monde, c'est de s'assurer que, dans notre société, les personnes qui
sont sous une mesure de protection,
quelle qu'elle soit, puissent être entendues dans la mesure où elles sont
capables de s'exprimer, un, donc exprimer leur volonté, et, deux, si elles ne sont plus capables de le faire, que
le représentant ou que l'assistant ait l'obligation de tenir compte d'une
expression de volonté antérieure ou probable de cette personne-là. Ces
choses-là ont été soulignées et sont soulignées
très régulièrement par les tribunaux. La Cour d'appel, comme je vous
ai dit en introduction, a dit : Il ne suffit pas d'informer, il
faut que la personne puisse participer à la décision. J'ai mis, dans mon
mémoire, plusieurs extraits...
La Présidente
(Mme Chassé) : Il vous reste 45 secondes pour répondre, Me
Goubau. 45 secondes.
M. Goubau (Dominique) : Alors, j'ai mis, dans mon mémoire, plusieurs
extraits de décision des tribunaux dans lesquels les tribunaux du Québec insistent sur l'importance du respect de la
liberté et de l'autonomie, particulièrement
lorsqu'il s'agit des droits fondamentaux des personnes sous régime de
protection. C'est l'état actuel du droit. De l'inscrire mieux dans la
loi, c'est une excellente idée.
Mme Picard :
Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Chassé) :
Très bien. Ça termine le bloc avec le parti formant le gouvernement. Maintenant, nous passons au bloc... au parti formant l'opposition
officielle. La députée de Westmount—Saint-Louis désire prendre la parole. Allez-y.
Mme Maccarone : Merci,
Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre mémoire puis votre présentation. Je vous ai entendu quand vous avez débuté votre
présentation. Vous avez parlé, je ne vous cite peut-être pas exactement,
mais : On a le problème
de pratique, sur le terrain, à identifier si la personne est apte, puis il faut
modifier les modalités. Alors, comment on peut faire appliquer la loi et
quelles modalités devrons-nous changer pour faire appliquer la loi?
M. Goubau (Dominique) : Dans ma
pratique d'avocat ou de professeur, je suis très souvent confronté à des médecins, compte tenu de la matière que j'enseigne
et dans laquelle je fais de la recherche, et je constate effectivement
qu'il y a un manque d'information. Et pourtant, pourtant, les médecins ont un
ordre professionnel qui les informe beaucoup. Mon
épouse est médecin, et je lis ce qu'elle reçoit et, je veux dire... et je
trouve qu'ils sont très bien outillés pour informer leurs membres. Et, curieusement, on entend des
gens, comme des gens qui sont venus hier, je pense, ici, devant la
commission, vous dire que, dès lors qu'il y
a un régime de protection, on ne cherche pas à obtenir le consentement ou à
savoir s'il y a un refus, ce qui est
tout à fait contraire aux règles. Et donc il y a là un déficit d'information,
enfin, j'espère que ce n'est que ça, et très certainement une action à
mener là-dessus.
Mais, puisque
vous me tendez la perche sur cette question-là, une des propositions que je
fais dans mon mémoire, et je pense
que... enfin, je pense qu'elle est intéressante, c'est que la règle que nous
avons en matière de consentement aux soins, c'est-à-dire de vérifier au cas par cas si la personne, même sous régime
de protection, a l'aptitude ou non de participer à la décision médicale, je pense qu'on devrait avoir la
même règle pour ce qui est de la résidence de la personne. Il y a des
pays où ça existe. En France, ça existe, en
Belgique, ça existe. Il y a des pays qui prévoient, comme en matière de soins
médicaux, que, même si la personne est sous
régime de protection, lorsqu'il s'agit de la résidence, de son lieu
d'habitation, alors il faut présumer
que la personne est apte ou, en tout cas, il faut vérifier à chaque cas par
cas, comme en matière de soins, si la personne est inapte de prendre une décision concernant son lieu de résidence. Je
pense que ça, ce serait une amélioration intéressante pour le projet de
loi.
Mme Maccarone : Merci. Merci. C'est sûr, on comprend, comme le
ministre a cité, beaucoup de gens sont contents avec la proposition d'avoir un rôle d'assistant au majeur temporaire
tel que proposé dans le projet de
loi. Si, mettons, on va vers l'avant, puis le projet de loi est adopté, mais, avant que ce soit adopté,
que devrions-nous faire pour bonifier le rôle de cette personne-là?
M. Goubau (Dominique) : Le rôle
de l'assistant?
Mme Maccarone : Oui.
M. Goubau
(Dominique) : Je pense
qu'il faudrait bonifier les
dispositions 257, 260, y inclure l'assistant. Et, au lieu de simplement dire, comme le fait le projet de
loi, mais c'est une énorme avancée : Le représentant ou l'assistant doit
tenir compte des volontés et des désirs
exprimés, ce que la Cour d'appel a dit noir sur blanc, donc c'est déjà la
règle, mais elle n'est pas dans le
code, de la mettre dans le code, c'est une bonne idée, j'y ajouterais des
choses plus précises. Qu'est-ce que ça veut dire, tenir compte? Comment tenir compte? Tenir compte du milieu de la
personne, de son histoire. Il y a des précédents, il y a des législations en dehors du Québec où on
prévoit ce genre de code d'éthique, si vous voulez, du bon représentant
ou du bon assistant. Et donc je pense que
l'article 260 pourrait être bonifié pour mieux expliciter ce que ça veut
dire concrètement, pour un assistant ou pour un représentant, de tenir
compte des volontés et tenir compte des désirs de ces personnes.
Évidemment,
le grand défi, c'est comment établir l'aptitude ou l'inaptitude de la personne.
Mais ça, ce n'est pas un législateur
qui va faire ça. Et tous les intervenants sont d'accord pour dire, que ce soient les médecins, les travailleurs sociaux, pour dire que c'est probablement la chose la plus
délicate à faire. Lorsque le juge devra déterminer, dans une tutelle,
que tel acte est permis tout seul, tel acte,
non, tel acte, oui, ça va être extrêmement compliqué. C'est déjà très compliqué de
dire qu'une personne est totalement inapte ou qu'elle est apte. Les psychiatres
s'entendent pour dire que c'est un exercice parfois impossible à faire. Alors, quand il s'agit d'aller déterminer, par le
menu détail, que l'aptitude est suffisante pour tel acte mais qu'elle est insuffisante pour tel acte, c'est
sûr qu'on va avoir des problèmes d'application concrète de dispositions comme celles-ça. Donc, moi, je pense que ça va être
là, le grand défi. Ce n'est pas un défi de loi, c'est un défi dans la pratique,
encore une fois.
Mme Maccarone : Je céderais la
parole à ma collègue, elle a une question directement reliée à ceci.
La
Présidente (Mme Chassé) :
Absolument. La députée
de Notre-Dame-de-Grâce, allez-y.
Vous avez 6 min 20 s. Profitez-en.
Mme Weil :
Merci. Merci beaucoup. Justement, donc, vous avez dit : Le problème
n'est pas dans le Code civil en soi,
que le Québec est précurseur, mais c'est dans la pratique, surtout, je pense,
que... j'imagine, dans le réseau de la santé et des services sociaux, etc., toutes ces institutions qui ont le mandat de
protéger ces personnes en situation de vulnérabilité. Qu'en est-il des tribunaux et de leur
compréhension? Surtout parce que c'est quand même... ces modifications du Code
civil, ça date, cette réforme, 1989, vous avez dit. Donc, il y a certainement
des changements dans la compréhension aussi peut-être des juges.
Et là on vient d'avoir des recommandations. Je
pense, c'est le Protecteur du citoyen qui nous a fait des recommandations
d'être très, très précis, je pense que vous
vous référez à ça, par rapport aux conditions de vulnérabilité, etc., puis
quand est-ce que... je ne sais pas si
vous avez entendu, donc... et invite le ministre à aller de façon assez
pointue. Qu'en dites-vous, par rapport aux tribunaux et l'application, de ce que
vous voyez dans votre pratique, de la loi, et des modifications, et du
Code civil tel que c'était conçu à l'origine, la réforme?
M. Goubau (Dominique) : L'analyse des 30 dernières années des
décisions des tribunaux, particulièrement de la Cour d'appel, démontre que la Cour d'appel a très bien mis la lumière
sur l'interprétation juste de la réforme de 1989. C'est la Cour d'appel
qui a rappelé que le principe le plus important dans notre régime actuel, c'est
le respect de l'autonomie résiduelle et
qu'on ne peut imaginer une mesure de protection que lorsqu'il y a un besoin à
rencontrer. C'est exactement ce qu'on
dit dans le projet de loi. La Cour d'appel a constamment rappelé ça. Quand elle
dit : Il ne suffit pas d'informer une personne, encore faut-il l'écouter et, quand c'est possible, la faire
participer, ce sont les tribunaux qui ont mis ce principe de l'avant, et je pense que c'est un excellent
principe, raison pour laquelle j'applaudis le projet de loi lorsqu'il ajoute,
dans cette disposition du code, qu'effectivement il faut écouter la personne et
qu'il faut tenir compte de ses volontés.
Maintenant,
la détermination de l'aptitude ou de l'inaptitude est un exercice tellement
difficile, et je ne pense pas que les
tribunaux, même, soient très efficaces là-dedans. Dans les années 90, la
Cour d'appel du Québec a proposé un test en cinq questions s'inspirant d'un document de psychiatres de la
Nouvelle-Écosse et a dit : Voici, pour déterminer l'aptitude sur le plan médical, voici les questions qu'il faut se
poser. Et le médecin ou n'importe qui, travailleur social, doit se poser
ces cinq questions. C'est bien, mais c'est
très théorique. Ça n'a pas réglé les problèmes en termes de difficultés d'établir
l'aptitude ou l'inaptitude d'une personne. Mais, voilà.
Mme Weil :
Est-ce qu'il y a un risque, si le législateur va trop loin, à énumérer, bon,
des éléments ou pensez-vous que ce
serait éclairant pour le tribunal d'être assez précis pour regarder des
conditions de vulnérabilité, etc., qui mériteraient...
M. Goubau
(Dominique) : Et donc les conditions d'inaptitude.
Mme Weil :
C'est ça.
M. Goubau
(Dominique) : Je pense qu'aujourd'hui les tribunaux sont tous d'accord
pour dire que ce test en cinq questions
s'applique. Donc, à la limite, on pourrait même l'inscrire dans la loi. Mais,
si vous parlez à un psychiatre, il va
vous dire : Oui, c'est très bien, mais c'est purement théorique. Ça reste
un exercice extrêmement délicat et compliqué.
• (17 heures) •
Mme Weil :
Dans votre pratique, je ne sais pas s'il y a d'autres éléments que vous
voudrez... parce que c'est une occasion
unique, pour nous, de vous entendre. Vous avez une expertise extraordinaire. Le
Barreau est venu avec son point de vue.
Donc, évidemment, on regarder ça, toutes ces recommandations. st-ce qu'il y a
d'autres éléments dans ce que vous avez peut-être pu entendre?
C'est
sûr qu'on nous... il y a une grande préoccupation par rapport au système, on a
parlé de la gestion du changement. Mais
c'est drôle, parce que, d'après ce que vous dites, le droit va bien, c'est la
pratique qui est problématique. Donc, quoi qu'il en soit, dans la
pratique, c'est une occasion peut-être pour le gouvernement... On a beaucoup
parlé de formation et d'information. Donc, alors qu'on amène des changements
dans le sens que vous dites et dans le sens de ces conventions internationales, alors que le Québec
est peut-être déjà là, mais peut-être pas en pratique, mais en théorie, est-ce que
votre pratique vous dit, en effet, les
genres de problèmes qui ont été soulevés, problèmes de vieillissement de la population, lourdeur, problème de ressources
humaines, problème de coordination
entre les professionnels qui sont tous autour de cette même personne,
est-ce que vous constatez ça dans votre pratique?
M. Goubau (Dominique) : Oui. Enfin, ma pratique est une pratique de
chercheur et d'enseignant, mais je vous dirais, pour répondre ou peut-être répondre par le biais, que ma pratique
m'enseigne, si vous voulez, que la chose la plus importante, et on la retrouve dans le projet de loi, c'est la consécration dans la loi du principe reconnu en jurisprudence de la prise en considération
des volontés de la personne. Il faut que ce soit inscrit dans la loi. Je pense
qu'il faut encore aller plus loin, et mieux
l'expliquer, et peut-être même prévoir une règle selon laquelle, lorsqu'il
s'agit de droits fondamentaux comme la résidence
d'une personne, le lieu de vie, alors il faut une présomption
dans la loi que cette personne est apte à prendre cette décision, à moins qu'on en fasse la démonstration
contraire. Et je pense que, s'il y avait ne fut-ce que cette partie de la réforme là, ce serait déjà un
pas énorme dans la prise en considération des droits fondamentaux des personnes
protégées.
La Présidente
(Mme Chassé) : Il reste 30 secondes.
Mme Weil : Dans les systèmes que vous avez observés, analysés, vous avez beaucoup
cité la Belgique, la France ou l'Europe. Est-ce que c'est là les
meilleurs modèles que vous avez vus?
M. Goubau
(Dominique) : Non, certainement pas. Je pense, honnêtement, quand je
fais des exposés...
Mme Weil :
C'est le Québec? C'est le Québec?
M. Goubau (Dominique) : Quand je fais des exposés sur notre modèle, le Québec
est cité en exemple. Et donc je pense qu'il faut... Et c'est pour ça que j'ai... une des raisons pour
lesquelles j'ai fait ce mémoire, c'est que je ne suis pas d'accord avec ceux qui viennent dire qu'on a un
mauvais système et qu'il viole le droit international. C'est
faux. Et, quand on connaît le système,
on ne peut que conclure que c'est un bon système, mais qui peut être...
on peut le parfaire. Et je pense que c'est une bonne occasion de le
faire.
Ceci
dit, tout cet exercice me rappelle une fois de plus à quel point la loi, elle
n'est pas toujours efficace. Je veux dire, je tombe de ma chaise quand j'entends quelqu'un
venir vous dire, pas plus tard qu'hier ou ce matin, je ne sais plus, que
c'est la norme que, lorsque dans les milieux
médicaux une personne est sous régime de protection, qu'on ne cherche même
pas à savoir si elle refuse ou si elle
accepte ça. Je tombe de ma chaise. C'est contraire à toutes les règles. C'est
même contraire à toute l'information médicale...
La Présidente (Mme Chassé) : Ça
conclut.
M. Goubau
(Dominique) : ...qui est
proférée par l'ordre des médecins. Donc, la loi a beau dire le principe, on
a un problème d'application. C'est un peu frustrant. Cet exercice nous mène
face à la limite de la loi.
La
Présidente (Mme Chassé) :
Ça conclut votre... l'échange avec le... Oui. Il manque un petit bout à mon
aide-mémoire, mais je vais y aller justement avec ma mémoire.
Ça conclut
nos discussions pour aujourd'hui, et j'ajourne les travaux jusqu'à demain, jeudi
19 septembre, merci de me
rappeler la date... Qu'est-ce qui est écrit? 12 h 15. Bonne soirée,
tout le monde.
(Fin de la séance à 17 h 04)