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Version finale

42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)

Le jeudi 28 février 2019 - Vol. 45 N° 7

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 9, Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes


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Table des matières

Auditions (suite)

Document déposé

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

M. Stéphane Handfield

Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM)

Chambre de commerce et d'industrie de Québec (CCIQ)

Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ)

Mémoires déposés

Autres intervenants

Mme MarieChantal Chassé, présidente

M. Simon Jolin-Barrette

M. François Jacques

M. Christopher Skeete

M. Louis-Charles Thouin

Mme Marilyne Picard

Mme Dominique Anglade

Mme Paule Robitaille

M. Gregory Kelley

Mme Catherine Fournier

M. Andrés Fontecilla

M. Harold LeBel

M. Luc Provençal

*          Mme Véronique Proulx, MEQ

*          M. Michel Leblanc, CCMM

*          M. Michel Paradis, CCIQ

*          M. Philippe-André Tessier, CDPDJ

*          M. Jean-Sébastien Imbeault, idem

*          Mme Geneviève St-Laurent, idem

*          Mme Amina Triki-Yamani, idem

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures trente-trois minutes)

La Présidente (Mme Chassé) : Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans la salle de bien fermer leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 9, la Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes.

Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?

La Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Lachance (Bellechasse) est remplacée par M. Thouin (Rousseau); Mme Lecours (Les Plaines), par Mme Picard (Soulanges); M. Lévesque (Chauveau), par M. Provençal (Beauce-Nord); M. Birnbaum (D'Arcy-McGee), par M. Derraji (Nelligan); Mme Maccarone (Westmount—Saint-Louis), par M. Kelley (Jacques-Cartier); Mme Sauvé (Fabre), par Mme Anglade (Saint-Henri—Sainte-Anne); M. LeBel (Rimouski), par Mme Fournier (Marie-Victorin); et Mme Dorion (Taschereau), par M. Fontecilla (Laurier-Dorion).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Ce matin, nous débuterons les auditions par l'organisme Manufacturiers et exportateurs du Québec, puis par Me Stéphane Handfield.

Je comprends qu'il y a eu un consentement qui a été donné en Chambre pour poursuivre nos travaux au-delà de l'heure prévue, donc vers 13 h 30. Non... c'est ça. Oui, exactement.

Document déposé

Et aussi il y a un document à déposer. Donc, je dépose un document transmis par la Fédération québécoise des municipalités. Ce document sera accessible à tous, ici, sur notre site Web.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants des Manufacturiers et exportateurs du Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé et que nous procéderons par la suite à la période d'échange avec les membres de la commission. À une minute de la fin, je vous ferai un signe. Je vous invite donc à vous présenter puis à débuter.

Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ)

Mme Proulx (Véronique) : Excellent. Alors, bonjour à tous. Mon nom est Véronique Proulx. Je suis présidente-directrice générale des Manufacturiers et exportateurs du Québec. Je suis accompagnée de ma collègue Isabelle Limoges, directrice, Affaires publiques, affaires gouvernementales.

Merci aux membres de la commission de nous entendre aujourd'hui. On vous a tous remis le mémoire version papier. Il a été acheminé il y a quelques instants également à la commission par courriel. Alors, merci de nous donner cette opportunité aujourd'hui.

Manufacturiers et exportateurs du Québec, on est l'une des quatre grandes associations patronales. On représente 1 100 entreprises manufacturières à travers le Québec, des entreprises de toutes tailles, de tous secteurs d'activité, vraiment à l'image du tissu industriel québécois. Dans un premier temps, on voulait vous entretenir sur les besoins en termes de main-d'oeuvre dans le secteur manufacturier, plus particulièrement sur les impacts de la pénurie de main-d'oeuvre sur le secteur.

Alors, dans le secteur manufacturier québécois, au troisième trimestre de 2018, il y avait 18 000 postes vacants. Sur ces 18 000 postes vacants, 60 % des postes requéraient un niveau secondaire et moindre, donc des postes peu ou pas spécialisés, 40 % d'entre eux exigeaient un D.E.P., un D.E.C. ou un diplôme universitaire. Alors, connaissant le niveau de productivité du manufacturier québécois, connaissant le faible niveau d'intégration de nouvelles technologies, ce n'est pas étonnant de voir cette proportion-là. Donc, les entreprises n'ont pas encore pris le virage technologique. Ils ont besoin encore de gens qui ont peu ou pas de spécialisation. À terme, dans quelques années, on espère que cette tangente pourra changer.

Présentement, la pénurie de main-d'oeuvre a un impact très important et concret sur le secteur manufacturier, et vous en entendez parler régulièrement aussi. On voit des entreprises qui refusent des contrats, qui ne peuvent pas se permettre de prendre de nouveaux contrats à l'international. Et même, récemment, on voyait, à l'émission 24/60, Radio-Canada, Rotobec qui a choisi d'investir aux États-Unis plutôt qu'au Québec, faute d'avoir la main-d'oeuvre nécessaire. Donc, on est en train de... on nuit à la compétitivité du secteur et, en plus, on est en train de se priver de certains projets d'investissement.

Alors, pour nous, le lien entre la pénurie de main-d'oeuvre et l'immigration est très simple. L'immigration, pour nous, est vraiment la voie privilégiée pour pouvoir pallier à la pénurie de main-d'oeuvre à court, moyen et long terme. Et là, sachant que c'est la dernière journée de la commission, sachant aussi qu'on a perdu accès à nos serveurs depuis deux semaines, on est vraiment allés à l'essentiel, dans le mémoire, sur nos principales recommandations qui peuvent être pertinentes dans le cadre du projet de loi. Alors, je vais y aller avec les cinq recommandations en question.

La première recommandation, c'est de mieux sélectionner nos travailleurs afin de faire un meilleur arrimage entre les besoins du marché du travail et les immigrants que l'on fait venir.

Alors, cette recommandation comporte deux volets. La première, mettre en place le SDI le plus rapidement possible. On apprécie beaucoup l'effort qui est fait pour mieux arrimer les besoins du marché du travail avec l'immigration. On comprend que ça ne sera pas parfait, mais au moins on y tend. Ce qui est important pour nous, par contre, c'est que... Le SDI est en place depuis le mois d'août. Il n'est pas encore... bien, il est en place, mais il n'est pas en opération, et on souhaite que ça puisse se faire le plus rapidement possible parce qu'il y a urgence d'agir. Donc, on ne voudrait pas dire à nos membres : Bonjour, vous allez devoir attendre encore un an, deux ans avant qu'on puisse commencer à faire venir des gens qui répondent à vos besoins. Donc, pour nous, c'était essentiel de le souligner à ce stade-ci.

Deuxième volet de cette recommandation, le niveau de français exigé. Je vais vous amener un peu plus tard à l'annexe où on a recensé dans les dernières semaines des cas d'entreprises manufacturières qui présentement utilisent le PTET pour faire venir des soudeurs. Alors, plusieurs de ces soudeurs viennent d'Amérique latine. On comprend que ces soudeurs-là n'auraient pas pu passer par l'immigration permanente pour entrer au Québec parce qu'ils n'ont pas le niveau 7 exigé. Ces gens-là sont en route vers le Québec ou sont arrivés, et tous leurs employeurs leur ont dit : On veut qu'éventuellement tu déposes une demande à l'immigration permanente. Alors, on peut s'attendre qu'au terme de leur visa, dans deux ans, trois ans, tout dépendant, ils vont parler le français, mais ils n'auront certainement pas un niveau 7 qui est exigé.

Donc, ce qu'on demandait ici, ce qu'on recommande, c'est soit de réduire le niveau, de permettre aux candidats une plus longue période pour pouvoir atteindre le niveau souhaité ou de revoir la grille de pointage en conséquence. Si on se limite à la francophonie pour l'immigration permanente, on va vraiment priver le secteur manufacturier d'une main-d'oeuvre dont il a besoin et ce sera avec... à terme, la main-d'oeuvre dont ils auront besoin, ce seront des gens qui ont des compétences techniques, qui auront une grande polyvalence puis une grande capacité d'apprendre tout au long de leur carrière. Changements technologiques obligent, les gens vont devoir s'adapter tout comme les employeurs.

• (11 h 40) •

Deuxième recommandation, accélérer les délais de traitement et augmenter les seuils.

Alors, je l'ai mentionné, il y a une urgence d'agir dans le secteur. Les délais actuels et les seuils d'immigration font en sorte que les employeurs, encore une fois, vont devoir attendre quelques années avant d'avoir accès à la main-d'oeuvre dont ils ont besoin. Il est évident que le programme des travailleurs temporaires étrangers est une alternative qui peut répondre à des besoins à court terme, et, bien sûr, le PTET devrait être modifié pour répondre aux besoins du marché du travail.

Je pourrai y revenir dans nos recommandations, mais il n'en demeure pas moins que, si les employeurs souhaitent que ces travailleurs puissent faire une demande d'immigration permanente, je pense aux soudeurs latino-américains entre autres, les délais actuels, les seuils et le niveau de francisation demeurent des barrières importantes pour le secteur manufacturier.

Recommandation n° 3, favoriser la régionalisation durable des immigrants.

Alors, pour nous, ça, c'est vraiment essentiel. La grande partie de nos membres qui sont touchés par la pénurie de main-d'oeuvre sont en région et ils rencontrent plusieurs défis lorsque vient le temps d'attirer et de retenir les immigrants en région.

Alors, ici, on a trois volets. Un, s'assurer d'un déploiement régional du MIDI adéquat. On comprend que le MIDI va maintenant accompagner les entreprises. C'est excellent. Les employeurs et les manufacturiers ne sont pas des spécialistes du recrutement international, de l'intégration des immigrants. Il faut s'assurer d'être très proactif dans le déploiement des ressources auprès de ces entreprises-là.

Deuxièmement, arrimer le déploiement et l'accompagnement du parcours du travailleur avec celui des entreprises. Donc, on comprend que, sur le terrain, il y a le MIDI qui accompagnera éventuellement les travailleurs, dans un plan d'action personnalisé et les employeurs, des ressources différentes. Il y a aussi le MTESS qui est présent sur le terrain, qui accompagne les deux. Donc, on va devoir s'assurer d'avoir une coordination efficace pour s'assurer qu'autant le travailleur que l'employeur puissent être bien accompagnés et aient accès à toutes les ressources dont il a besoin pour réussir l'intégration en région.

Troisièmement, supporter les municipalités dans leurs enjeux d'accueil de nouveaux arrivants. Ce que nos membres nous disent, puis je donne un exemple concret, j'ai une entreprise qui est à Knowlton, plus ou moins 100 postes non spécialisés à combler : Il n'y a pas d'hébergement abordable, il n'y a pas de transport collectif, très difficile d'amener des travailleurs dans la région et de les garder dans la région. Ils ont la volonté de le faire. Ils se retournent vers la municipalité, et la municipalité n'a pas les ressources, l'argent. Donc, on soulève le point. Ça mérite vraiment d'être creusé pour voir comment on peut accompagner les municipalités et les entreprises en région face à ces défis-là.

Quatrième recommandation, clarifier les attentes et les obligations des employeurs dans l'intégration.

Alors, on voit, dans le projet de loi, qu'on ouvre la porte à possiblement donner plus de responsabilités ou d'obligations aux employeurs dans un contexte d'intégration des immigrants. Alors, les manufacturiers comprennent très bien que l'intégration des immigrants, c'est une responsabilité partagée. Ils sont prêts à faire la leur. Ceci étant dit, si on pense éventuellement ajouter des responsabilités au niveau de la francisation ou autres, il faut aussi tenir compte des charges qu'ont actuellement les entreprises.

Alors, je m'explique. Les entreprises manufacturières sont des entreprises qui exportent, qui font face à une concurrence internationale très accrue. Et elles n'ont pas toujours accès aux mêmes conditions, au même environnement d'affaires que leurs concurrents. Alors, la francisation, c'est une chose, mais, quand on regarde le cumul de toutes les mesures ou politiques que le gouvernement peut ou a déjà en place, cela fait en sorte que ça nuit. Nos entreprises sont moins compétitives, essentiellement, que leurs concurrents sur les marchés internationaux. Donc, on demande au gouvernement de garder ça à l'esprit lorsque viendra le temps d'évaluer quelles seront les obligations des employeurs et vraiment d'avoir une vue 360 sur le secteur manufacturier et sur sa compétitivité.

Et finalement, et non la moindre, la recommandation n° 5, c'est de traiter en priorité les demandes pour lesquelles les immigrants sont déjà en emploi au Québec. Il y a beaucoup de choses qui changent dans ce dossier-là présentement, mais néanmoins, pour nous, il était essentiel de mentionner que les gens qui sont déjà en emploi au Québec, qui parlent français, devraient avoir un traitement accéléré. Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, ça va de soi qu'on veut garder ces gens-là. Du moins, les employeurs souhaitent les garder.

Alors, en conclusion, on est favorables, dans les grandes lignes, au projet de loi, mais, encore une fois, on veut s'assurer que le projet permette de bien cibler les travailleurs étrangers, d'adapter, assouplir et accélérer le processus administratif, accélérer les délais de traitement et favoriser la régionalisation de l'immigration.

Alors, sachant qu'il me reste 1 min 45 s, je vous amènerais quand même à l'annexe à la page 7. Je ne passerai pas au travers avec vous, mais je voulais quand même vous le souligner, ce sont les cas d'entreprises...

La Présidente (Mme Chassé) : C'est plutôt 1 min 15 s.

Mme Proulx (Véronique) : 1 min 15 s?

La Présidente (Mme Chassé) : Oui.

Mme Proulx (Véronique) : ...les cas d'entreprises qu'on a sondées récemment. Vous allez voir que toutes les entreprises sondées, puis on ne les a pas nommées, mais on a quand même certains critères, utilisent présentement le PTET. Pourquoi? Parce que l'immigration économique ne permettait pas de répondre aux besoins de manufacturiers dans les plus hauts postes spécialisés, c'est tout à fait normal, alors qu'ils se retournaient vers le PTET ou autres mesures pour pouvoir y répondre. Et, pour la plupart de ces entreprises-là qui font venir ou qui sont en voie de faire venir des travailleurs, ils souhaitent tous que ces gens-là puissent rester. Mais, encore une fois, ce ne sont pas des gens, nécessairement, qui sont issus de la francophonie. Et vous allez voir aussi, dans les souhaits, certaines demandes d'amélioration au niveau du PTET. Ce n'est pas nécessairement le sujet aujourd'hui, mais il me fera plaisir d'y revenir avec vous éventuellement. Alors, merci beaucoup pour votre attention.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci beaucoup. Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. Merci d'être présentes aujourd'hui en commission parlementaire pour nous renseigner sur votre opinion du projet de loi n° 9.

Donc, globalement, vous êtes en faveur du projet de loi n° 9. Vous avez certaines inquiétudes, et je les ai bien entendues, relativement, là... pour les exportateurs, pour les manufacturiers, il y a une question de dire : Les gens qui sont en emploi au Québec déjà, on voudrait qu'ils soient traités prioritairement. Ça, je l'ai dit dès le dépôt du projet de loi, je peux vous rassurer là-dessus, j'ai déposé une motion aujourd'hui à l'Assemblée nationale pour faire en sorte que, dès l'adoption du projet de loi, ces gens-là vont être traités prioritairement dans Arrima.

D'ici là, et je l'ai toujours répété, j'invite, pour les gens qui sont admissibles, à déposer leurs demandes dans le PEQ. Ça ne s'applique pas à tout le monde à cause des critères, parler français et avoir occupé un emploi 12 mois au cours des 24 derniers mois, mais, pour ceux qui sont admissibles, bien, eux, ils peuvent avoir une voie rapide présentement. Et il y en a qui avaient appliqué dans le PRTQ à l'époque puis qui n'étaient pas encore admissibles au PEQ. Et ça, il faut le dire puis il faut le dire aussi à vos membres, aux différents manufacturiers, aux exportateurs, que ça se peut qu'il y ait des gens qui travaillent pour eux puis qui pourraient déjà avoir leurs CSQ rapidement. Premier volet.

Deuxième volet, on est conscients que les gens qui sont au Québec, qui occupent un emploi, ils contribuent à la société québécoise, puis c'est pour ça qu'on va les traiter prioritairement dans Arrima dès la sanction du projet de loi. Ça fait que là-dessus, je peux vous rassurer.

L'autre élément, tout à l'heure vous avez dit : On ne veut pas uniquement se limiter à la francophonie. Je suis d'accord avec vous là-dessus aussi, puis c'est pour ça qu'on veut faire en sorte d'arrimer les besoins du marché du travail au profil des compétences. Puis, nous, notre travail, au gouvernement du Québec, puis avec ce qu'on met dans le projet de loi n° 9, c'est qu'on se donne les outils, justement, avec le parcours personnalisé, pour faire de l'accompagnement en francisation, en intégration. Parce que nous, on ne veut pas se priver, là, des talents qu'il y a dans le monde entier. On veut donner la même chance à tous de venir au Québec, de venir travailler, puis on prend sur nous de déployer des ressources pour intégrer les gens. Et d'ailleurs, même pour les temporaires, là, présentement, avec le projet de loi n° 9, on va pouvoir leur donner des services, ce qu'on ne pouvait pas faire auparavant.

Ça m'amène à une question sur la régionalisation. Avez-vous des propositions sur la régionalisation? Comment est-ce qu'on fait, là? Moi, j'avais dans la tête d'inviter notamment les gens qui ont une offre d'emploi validée en région prioritairement, mais est-ce que vous voyez d'autres avenues pour assurer le fait que les personnes qui s'établissent en région y demeurent, sont conservées? Avez-vous des idées, une stratégie pour nous?

Mme Proulx (Véronique) : Bien, l'offre d'emploi validée, certainement. Je pense aussi que, lorsqu'on parle de parcours personnalisé, je comprends que le parcours pourrait débuter avant même que les gens arrivent. Donc, je pense qu'il y a un travail là à faire, s'ils n'ont pas eu d'offre d'emploi validée, pour leur faire part de ce qui existe en région comme opportunités au niveau du marché du travail.

Maintenant, quand vient le temps de l'intégration, il y a quelques modèles qui ont réussi au Québec. Et je pense, entre autres, à Exceldor à Saint-Anselme, qui avait réussi à faire venir, si je ne me trompe pas, 200 travailleurs qui étaient issus de l'immigration, qui étaient basés à Montréal. Certains parlaient français, d'autres non. Ils ont réussi à les intégrer de façon durable dans la région avec leurs familles. Ils ont travaillé avec les commissions scolaires, la municipalité, les syndicats. Tout le monde a été impliqué pour s'assurer que l'intégration, sur toutes ces facettes, de l'immigrant puisse être faite. Je ne peux pas dire que c'est parfait, mais ça a été un beau succès, et les gens sont restés avec le temps. Aujourd'hui, on se promène à Saint-Anselme, on va à l'épicerie, on trouve des produits de différentes origines. C'est un exemple simple, mais ça parle quand même de soi. Mais c'est très inégal d'une région à l'autre.

Alors, ça va prendre un leadership. Ça peut être soit via les MRC, ça peut être soit via les CRPMT, avec la Commission des partenaires du marché du travail. Il faut réunir les acteurs pour que chaque région se dote d'un plan d'action pour l'intégration, parce que, présentement, les entreprises sont vraiment laissées à elles-mêmes, ne savent pas vers quelle porte se retourner.

M. Jolin-Barrette : O.K. Là-dessus, le ministère de l'Immigration a une responsabilité, puis on veut renforcir le réseau justement pour être présents dans les différentes régions puis faire en sorte d'avoir un accompagnement à la fois pour la personne immigrante, mais à la fois aussi pour les acteurs de la société civile, les employeurs, les MRC, tout ça. Hier, la FQM est venue nous proposer de... dire : Bien, vous devriez faire peut-être une dévolution de pouvoirs vers les MRC. C'est quelque chose qui est intéressant. Vous, qu'est-ce que vous en pensez?

Mme Proulx (Véronique) : Si on le fait, il faut avoir des obligations, il faut avoir des attentes de livrables très précises, parce que c'est très inégal d'une région à l'autre, et c'est ce qu'on voudrait éviter, que, dans certaines régions... puis on le voit déjà, que certaines entreprises sont bien accompagnées, et, dans d'autres, elles sont laissées à elles-mêmes.

M. Jolin-Barrette : Ça fait que ça prend un plan de match concret puis une standardisation, si je peux dire.

Mme Proulx (Véronique) : Absolument, avec des livrables et des attentes très précises pour s'assurer... Parce que ça prend un leadership. Donc, ça peut être la FQM, ça peut être un autre partenaire. Puis je comprends que les ressources du MIDI vont y contribuer, mais ça prend un leadership très fort. Sinon, les projets ne vont pas avancer.

• (11 h 50) •

M. Jolin-Barrette : Puis, pour moi, c'est très clair, puis c'est pour ça qu'on met le rôle de coordination, dans le projet de loi n° 9, pour le ministère de l'Immigration, parce que je ne veux plus que ça se passe comme avant, du fait qu'Éducation faisait son bout, Santé faisait son bout, Emploi et Solidarité sociale aussi faisait son bout, puis Immigration aussi, puis, bon, il y avait de la collaboration entre les différents ministères, mais il n'y avait pas de coordination, il n'y avait comme personne d'imputable au gouvernement du Québec.

Ça, c'est ce qu'on change prioritairement, puis la porte d'entrée, ça va être le ministère de l'Immigration, relativement à toutes les questions, justement, de personnes immigrantes, en lien avec francisation, intégration. Emploi, on travaille de concert avec mon collègue de l'Emploi, ce sont eux qui sont les spécialistes là-dedans. Mais présentement il y a déjà des gens qui sont dans les locaux de Services Québec, mais nous, on souhaite en faire plus, puis c'est pour ça qu'on met le rôle de coordination dans le projet de loi.

Ça fait qu'on progresse. On est conscients que le ministère de l'Immigration doit retrouver sa place, doit aussi étendre ses services, mais surtout on veut répondre au rapport de la Vérificatrice générale de 2017 pour dire : Il n'y a pas de suivi, il n'y a pas de traçabilité. Alors, on est là-dessus présentement. C'est un des objectifs du projet de loi n° 9.

Sur la question de la disposition sur les règlements pour les employeurs, tout à l'heure vous avez dit : On est inquiets, on ne veut pas que ça soit un fardeau supplémentaire. Je vous entends très bien. On n'a pas l'intention d'imposer des règlements sans consulter les employeurs, sans prendre en compte votre point de vue, tout ça. C'est une habilitation législative. Vous l'avez dit tantôt, tout le monde doit participer. Il faut voir comment est-ce qu'on peut mettre tout le monde, les employeurs, les manufacturiers, les personnes immigrantes. Mais l'objectif, là, ce n'est pas de vous imposer des choses d'une façon unilatérale, là, je veux être très clair là-dessus. Je suis vraiment en mode écoute, en mode collaboration. Puis quelle forme ça va prendre, ça pourrait être de la facilitation au niveau des cours de francisation, des choses comme ça. Mais je suis conscient que, et la FCEI est venue nous le dire, il y a beaucoup de PME au Québec, ce n'est pas des gros employeurs. Je suis conscient de cette flexibilité-là qu'il doit y avoir aussi.

Mme Proulx (Véronique) : Peut-être un point sur la francisation. Ce qu'on voit présentement, on voit que c'est difficile de le faire. Souvent, les employeurs nous disent : Bien, on n'a pas des groupes suffisamment importants pour partir un groupe de formation en entreprise, les employés n'ont pas nécessairement de voiture pour se rendre à la formation le soir ou les fins de semaine. Ce n'est pas adapté. Peut-être penser à de la formation en ligne, regarder les plateformes technologiques, de changer la façon de faire la francisation, un, pour que ça soit plus accessible et, deux, pour que ça soit plus arrimé sur le travail qui est fait, donc que le travailleur lui-même soit plus intéressé à progresser en ce sens.

M. Jolin-Barrette : Je voyais dans votre mémoire, là, vous avez 18 000 postes vacants dans le manufacturier puis, de cela, 60 % requièrent un niveau secondaire V ou moins, puis 40 % exigent un D.E.P., ou un D.E.C., ou plus. Puis là, actuellement, vos membres ne trouvent pas de main-d'oeuvre.

Mme Proulx (Véronique) : Non, exact. Il y a le PTET qui est de plus en plus utilisé, mais avec ses limites, avec ses contraintes. Alors, par exemple, j'ai une entreprise qui a un produit saisonnier, une grande entreprise qui est basée à Laval, elle exporte à 90 %. Le temps que ses... Elle vend à des grands détaillants. Quand les grands détaillants lui passent ses commandes, il lui reste peut-être un quatre mois pour être capable de livrer, de préparer sa livraison. Le temps qu'elle fasse venir des travailleurs via le PTET, c'est six mois, 10 mois, 12 mois. L'année dernière, elle n'a pas pu livrer à temps. Cette année, elle a perdu des commandes, faute d'avoir eu accès à la main-d'oeuvre nécessaire.

M. Jolin-Barrette : Ça, c'est le permis temporaire fédéral, mais moi... Ça, c'est un dossier... On va en parler tout de suite après, mais, sur la question du projet de loi, c'est pour les permanents. Puis, entre autres, pourquoi est-ce qu'on rembourse les 18 000 dossiers, c'est justement pour répondre aux besoins des employeurs en lien avec leurs besoins de main-d'oeuvre, parce que ce qu'on veut faire, là, c'est vraiment s'assurer que, les besoins exprimés par les différentes régions, par les villes, par vos membres, les gens qu'on va aller chercher pour venir au Québec correspondent à ce profil-là. Parce que ce n'était pas respectueux, là, dans le passé, là, de dire : Bien, on vous fait venir au Québec, le type d'emploi qu'on a ne correspondent pas au profil.

Alors, c'est ça qu'on change dans le système, puis on fait vraiment en sorte de dire : Bien, il faut qu'il y ait un maillage entre les deux, puis on s'assure que le degré de formation corresponde aussi, parce que c'est sûr que, si vous avez une maîtrise ou un doctorat, puis vous scorez dans la grille de sélection du Québec, puis que, là, les emplois qu'il y a à offrir, supposons, c'est un niveau de secondaire V ou moins, ça se peut que la personne immigrante, elle soit déçue puis elle se dise : Ce n'est pas ça qu'on m'avait dit, là, à l'étranger. Quand j'ai choisi le Québec, là, ce n'était pas à ça que je m'attendais, là. Ça fait que c'est ça qu'on change, principalement.

Sur la question du PTET, présentement, on est en négociation avec le gouvernement fédéral. Dans les points que vous soulevez, la hausse du plafond de 10 %, le fait d'avoir plus de flexibilité sur l'étude d'impact puis les visas prolongés de 12 à 24 mois, on est entièrement au même endroit. Il faut que le gouvernement fédéral bouge là-dessus, parce que c'est vraiment criant, là, pour la réalité de vos membres.

Mme Proulx (Véronique) : Tout à fait. Absolument. C'est clair que le PTET permet de répondre à un besoin à court terme, un, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, deux, pour des entreprises qui ont des produits saisonniers ou qui ont de grandes commandes, de grands contrats. Par exemple, ils ont besoin de 100 employés additionnels pour une période d'un an. Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, personne ne va prendre un contrat d'un an. Ils veulent des emplois permanents, et c'est normal. Alors, la main-d'oeuvre temporaire peut venir répondre à ces besoins-là.

M. Jolin-Barrette : Puis comment vous voyez ça... Si les gens viennent, dans un premier temps, supposons, sur le PTET, puis nous, comme gouvernement québécois, on dit : Bien, ils répondent à un besoin de main-d'oeuvre, on leur donne des ressources pour se franciser, s'intégrer, et tout ça, pour les amener vers la permanentisation, pensez-vous que c'est une bonne idée?

Mme Proulx (Véronique) : Tout à fait, exactement, puis c'est ce que nos membres nous ont dit, ceux qui font venir notamment des travailleurs en provenance d'Amérique latine. Ils ont déjà dit aux travailleurs qui arrivent : On aimerait éventuellement que vous appliquiez pour la résidence permanente. Donc, pour nous, ça, ça fait plein de sens.

M. Jolin-Barrette : O.K. J'ai quelques collègues qui veulent poser des questions. Je vous remercie grandement pour votre mémoire, puis sachez que je suis très sensible à la réalité des manufacturiers et des exportateurs au niveau de la prévisibilité, au niveau aussi du fait des gens qui sont sur le territoire québécois. C'est pour ça que je veux inviter prioritairement les gens qui sont en emploi dans le système Arrima, pour m'assurer que ça répond aux besoins du marché du travail. Donc, vous pouvez rassurer vos membres à ce niveau-là.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci, M. le ministre. Qui veut intervenir dans le groupe parlementaire formant le gouvernement? Le député de Mégantic? Merci. Je vous invite à prendre la parole.

M. Jacques : Merci, Mme la Présidente. Dans un communiqué de presse daté du 7 février, vous avez dit que vous étiez en faveur du projet de loi n° 9. Pouvez-vous m'expliquer un peu, là, les points que vous aimez le plus dans ce projet de loi et un peu... bien, «un peu»... Pourquoi vous êtes en faveur, en fait?

Mme Proulx (Véronique) : Bien, en fait, ça permet d'établir un cadre qui va permettre de mieux arrimer les besoins du marché du travail avec les travailleurs, notamment via le SDI qui va se mettre en place. L'aspect du parcours immigrant, pour nous, était important. Pour moi, l'accompagnement, que ce soit de l'entreprise ou du travailleur, c'est essentiel si on veut assurer son intégration avec succès. C'est un élément qui nous avait beaucoup accrochés aussi, et la question de la régionalisation. Alors, c'était vraiment le meilleur arrimage, la régionalisation et l'accompagnement du travailleur immigrant.

M. Jacques : Au niveau des régions, là, on sait que l'intégration est souvent plus difficile, entre autres à... en fait, à cause de la francisation qui est difficile. Vous en avez parlé tantôt. Il y a beaucoup de... Ça prend des groupes de huit en fait, là, pour faire la francisation. Dans les petites régions où est-ce qu'il y a quand même un besoin de main-d'oeuvre, là, de quelle façon vous pensez qu'on pourrait aider à faire la francisation?

Mme Proulx (Véronique) : Je l'ai mentionné tout à l'heure, je pense qu'il faut revoir la façon dont on fait les cours de français, un, pour que ça soit plus intéressant pour le travailleur et, deux, plus accessible aussi, donc plus de flexibilité. Ça peut être des plateformes en ligne. Ça peut être un volet en ligne et un volet en entreprise qui est fait.

Je pense qu'il faut utiliser les différents outils technologiques qui sont disponibles plutôt que de dire à un travailleur qui a fait son 40 heures, son 35 heures, qui a une famille : Bien, va-t'en sur les bancs d'école pour apprendre le français. Ça peut être assez ardu. Ce n'est pas nécessairement hyperstimulant. Donc, je pense qu'il faut revoir la façon dont les cours sont livrés, tout simplement.

M. Jacques : Donc, en entreprise, en ligne?

Mme Proulx (Véronique) : Oui, absolument. En entreprise, ils sont là, c'est plus facile. Comme je dis, ils n'ont pas toujours le bon niveau. Ils n'ont pas suffisamment de gens pour partir un groupe. Ils ne sont pas tous au même niveau. Puis moi, j'impliquerais l'employeur aussi pour que son langage... le langage de l'entreprise, que ça soit au niveau des normes de la santé et sécurité, d'être capable de faire un maillage pour que ça soit finalement un apprentissage appliqué.

M. Jacques : Puis l'intégration sociale et communautaire, qui qui doit la faire? C'est la population? C'est l'employeur?

Mme Proulx (Véronique) : Bien, c'est là où je pense que ça prend un leadership pour déterminer dans chaque région quelle sera la meilleure... puis assurer ce leadership-là. Et je vous donne un exemple, puisque vous êtes à Mégantic, à Sherbrooke, il y a eu une vague de réfugiés syriens qui sont arrivés, ce n'était pas de l'immigration économique, mais ce n'est pas grave, l'exemple peut être pris, et Syriac Orthodox, donc c'est l'église de Sherbrooke, Syriac Orthodox, qui intègre, qui travaille vraiment à l'intégration à la communauté, qui trouve les cours de français, qui les aide à trouver des emplois. Il y en a d'ailleurs qui prennent l'autobus matin et soir pour aller travailler à Lac-Mégantic. Ce n'est pas parfait, mais là, au moins, on a une organisation qui est prête à travailler.

Alors, je pense que, dans chaque région, ça peut varier, mais ça prend un leadership en quelque part pour assurer la concertation avec tous les intervenants aussi.

• (12 heures) •

M. Jacques : La problématique, en fait, en région, si on prend Mégantic, qu'on connaît bien, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui viennent travailler à Mégantic. Des gens, ils viennent passer leur semaine là... à Mégantic, en fait, puis les familles de ces personnes-là sont à Sherbrooke pour faire la francisation. Donc, l'intégration communautaire et sociale ne se fait pas. Les enfants ne se font pas d'amis, les... en tout cas, les parents sont divisés aussi, d'une place à l'autre, à la semaine longue, donc les gens ont plus de facilité à retourner dans la région centre, qui est Sherbrooke.

Mme Proulx (Véronique) : Oui. Oui, effectivement. Puis leur communauté est là, ça fait que ça revient à la question de la communauté aussi. Puis ça, j'ai plusieurs de mes membres qui m'ont dit : Quand on fait venir des travailleurs étrangers, on essaie d'en faire venir un bassin. On se regroupe entre entreprises — je pense à la Beauce, entre autres — pour avoir une communauté qui s'établit avec leurs familles. Alors, à ce moment-là, les attaches se créent, ils ont davantage envie de rester dans la région plutôt que de retourner dans une région centre.

Mais là je reviens à ce que je disais tout à l'heure, ça passe par la capacité d'accueil au niveau du logement, le transport, les écoles. Est-ce qu'on a l'espace nécessaire? Comment est-ce qu'on peut travailler avec les écoles pour travailler avec les parents pour favoriser l'intégration là aussi? Donc, c'est vraiment les différents acteurs qui doivent travailler main dans la main pour que ça réussisse. Ça ne peut pas être juste les employeurs.

M. Jacques : C'est clair. C'est une histoire de communauté totale.

Mme Proulx (Véronique) : Absolument. Absolument.

M. Jacques : Merci beaucoup.

Mme Proulx (Véronique) : Merci à vous.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Sainte-Rose.

M. Skeete : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre prestation et merci pour votre présence. J'ai quelques questions et je voudrais faire du pouce sur le point du ministre. Tantôt, on a soulevé que 60 % des requérants... requièrent, plutôt, un niveau secondaire V et moins, et 40 % un D.E.P. Puis en même temps, plus loin, vous dites que le marché du travail se transforme. Donc, ce que je retiens, c'est que les besoins d'aujourd'hui ne seront pas nécessairement les besoins de demain.

Mme Proulx (Véronique) : Tout à fait, tout à fait. Dans un horizon de cinq ans à 10 ans, moi, je m'attends à ce que la courbe ait inversé, qu'on soit dans le 40 %, et j'espère moins, non spécialisés et 60 % et plus spécialisés. Pourquoi? Parce que, dans le secteur manufacturier, on parle beaucoup du virage 4.0, des entreprises vont devoir intégrer de toutes nouvelles technologies, s'automatiser, se robotiser, si elles veulent maintenir leur compétitivité, sinon elles vont être appelées à disparaître. Donc, ces entreprises-là vont rechercher des compétences qui sont très différentes de celles d'aujourd'hui. C'est pourquoi, dans le non-spécialisé aujourd'hui, le PTET pourrait, s'il est adapté, répondre aux besoins. Et, à terme, on va chercher des compétences qui sont très différentes, dans le manufacturier, qui vont être retrouvées dans le... qu'on pourra retrouver via l'immigration permanente. Pardon.

M. Skeete : Puis l'intention du gouvernement, on le sait, c'est de créer un arrimage entre les spécialités, là, dès que le candidat ou la candidate fait la demande, d'arrimer ça à un emploi au Québec. Donc, dans les deux cas, on serait bien positionné de répondre à... les critères de ce marché-là qui est changeant.

Mme Proulx (Véronique) : Oui. Et, comme je le disais, je ne pense pas que c'est parfait, mais au moins on tend à se rapprocher des besoins du marché du travail, ce qui est excellent.

M. Skeete : Donc, une modernisation était... est due.

Mme Proulx (Véronique) : Oui. Mais, en fait, le SDI... c'est le SDI qui va permettre cette modernisation-là, c'est ce que je comprends. Mais effectivement.

M. Skeete : J'aimerais aussi vous relancer sur le rôle des entreprises qui accueillent pour l'intégration de l'immigrant. Comment vous voyez ça pour vos membres d'intégrer un nouveau arrivant dans sa communauté? C'est quoi, le rôle de l'employeur? C'est quoi, le rôle de la communauté? C'est quoi, le rôle de la personne?

Mme Proulx (Véronique) : Alors, je vais reprendre, dans un premier temps, l'exemple de Knowlton. Encore une fois, il s'agissait de... L'entreprise venait piger à Montréal dans le bassin de réfugiés qui avaient un permis de travail. Puis, au départ, elle partait... elle les faisait venir en autobus. Donc, ils partaient à 4 h 30 de Montréal, prenaient l'autobus pour se rendre sur la Rive-Sud, un autobus pour se rendre à Knowlton, ils faisaient un quart de travail de 12 heures et ils revenaient le soir. On comprend que ça ne peut pas durer longtemps. Donc, éventuellement, elle a travaillé avec la municipalité, à Cowansville spécifiquement, pour être capable de trouver de l'hébergement. La municipalité a accepté de payer, jusqu'à tout récemment, le transport en... l'autobus, finalement, nolisé, pour les amener. Et, l'entreprise se retrouvant face à elle-même, bien là, elle cherche des ressources en francisation, en intégration, formation de ses équipes au niveau de la gestion interculturelle. Donc, présentement, l'entreprise est pas mal la seule à travailler à l'intégration de l'immigrant, à ce jour, ce qui n'est pas idéal, ce qui n'est pas idéal.

M. Skeete : Puis est-ce que c'est un rôle qui est de trop ou est-ce que c'est un rôle qui n'est pas assez?

Mme Proulx (Véronique) : Je pense que c'est trop dans le sens où ces entreprises-là n'ont pas nécessairement cette expertise ou cette expérience-là. Encore une fois, ce ne sont pas des spécialistes de l'intégration des immigrants, du recrutement international, de la francisation. Alors, le temps qu'ils mettent là, ils ne le mettent pas ailleurs, ils ne le mettent pas à leur «core business», finalement, et c'est là où je dis que ça nuit à la compétitivité du secteur, et c'est là où ils ont besoin d'accompagnement.

M. Skeete : Bien, c'était tout pour moi. Merci beaucoup. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. J'invite maintenant le député de Rousson... — je vais y arriver — Rousseau à prendre la parole.

M. Thouin : Bonjour, mesdames. À mon tour de vous remercier de vous être déplacées ici aujourd'hui. Agréable présentation. Je vous réfère à mon tour à votre communiqué de presse du 7 février dernier, où vous saluez aussi le remboursement des dossiers en inventaire. Pourriez-vous nous indiquer en quoi ceci est une solution appropriée au contexte actuel?

Mme Proulx (Véronique) : En fait, lorsqu'on a émis le communiqué, et par ce commentaire-là, ce qu'on souhaitait, c'est qu'on puisse passer au SDI le plus rapidement possible, alors, qu'on puisse cesser le premier arrivé, premier servi et pouvoir sélectionner les immigrants en fonction des besoins du marché du travail. Mais je vous dirais qu'au moment où on a émis le communiqué, effectivement, on avait peu... c'est quand même complexe, l'immigration, alors on avait peu de détails sur l'ensemble de l'oeuvre. Donc, je vous dirais que notre souhait, si j'avais à le reformuler aujourd'hui, c'est de dire : Passons le plus rapidement possible au SDI pour être capables de sélectionner en fonction des besoins du marché du travail. Et, je réitère, comme je l'ai dit aujourd'hui dans le mémoire, notre souhait, c'est de traiter en priorité les gens qui sont déjà ici et qui sont en emploi.

M. Thouin : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Mme la députée de Soulanges prend la parole.

Mme Picard : Merci. Dans votre mémoire déposé dans le cadre des consultations publiques de 2015, Vers une nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de diversité et d'inclusion, vous suggérez que le français ait moins d'importance lors de la sélection de personnes de l'immigration mais devrait être plus défendu dans l'intégration. Vous indiquez aussi que les entreprises participent directement au processus de francisation des employés. Selon vous, quelles conditions vous apparaissent justifiées pour que les employeurs s'engagent davantage dans la francisation et l'intégration, sans compromettre la productivité? Comment on pourrait encore... et vous l'avez mentionné tantôt, là, mais comment... en ligne, et tout, mais...

Mme Proulx (Véronique) : Oui, bien, en fait, je vous dirais, dépendamment de la taille des entreprises, certaines ont la capacité et... Deux choses : la taille de l'entreprise et aussi l'impact de la pénurie de main-d'oeuvre sur l'entreprise. Une entreprise qui est vraiment touchée, qui manque beaucoup d'employés, bon, c'est difficile de lui dire : Bien, peux-tu dégager tes gens une journée-semaine pour faire de la francisation? C'est beaucoup demander. Dans certaines industries, c'est possible de le faire, puis on voit certains employeurs qui le font déjà, mais d'autres pour qui c'est plus difficile.

Ça fait que je pense que ça prend une flexibilité, là aussi, en fonction de la réalité de l'entreprise, de la taille de l'entreprise, de le faire, d'avoir la possibilité de le faire pendant les heures, à l'extérieur des heures, mais, en entreprise, d'avoir les facilités pour pouvoir le faire sur place parce que ça devient plus facile pour l'employé. Encore une fois, il n'a pas à se déplacer. Donc, c'est vraiment au niveau de l'organisation du travail. Mais je donnerais la flexibilité aux employeurs dans un certain cadre.

Mme Picard : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui... Pardon. Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Parfait. Merci. Alors, merci, Mme Limoges, Mme Proulx. Contente de vous revoir. Écoutez, il n'y a pas de doute dans mon esprit qu'on veut avoir une meilleure intégration, un meilleur arrimage, une meilleure coordination. D'ailleurs, donner plus de rôles pour la coordination, pour le ministère, à mon avis, est une bonne chose. Et donc, tous ces volets-là, je pense qu'on va tous s'entendre de manière générale là-dessus.

Il y a des enjeux, par contre, de pénurie de main-d'oeuvre qui sont réels. Depuis deux ans, ce que l'on constate, c'est qu'il y a une accélération de la problématique de pénurie de main-d'oeuvre partout. Alors, on disait qu'il y avait quelques pénuries de main-d'oeuvre, 10 000, 20 000, on est rendus maintenant à 120 000. Donc, chaque jour qui passe, le problème s'accentue. Et vous avez spécifiquement dit : Il y a des projets qui ne se réalisent pas aujourd'hui, il y a des projets qui n'avancent pas aujourd'hui. Lorsque vous mettez ça en juxtaposition avec l'optique de réduire le nombre d'immigrants, comment est-ce que vous réagissez à ça?

Mme Proulx (Véronique) : Bien, je reviens à ce que je disais dans le mémoire, pour nous, il faut accélérer les délais mais rehausser les seuils aussi. C'est clair qu'on ne pourra pas pallier à la pénurie de main-d'oeuvre, à terme, si on n'est pas en mesure d'accepter et d'accueillir davantage d'immigrants, toujours en lien avec les besoins du marché du travail. Ça, c'est très clair.

Mme Anglade : ...contre l'idée de réduire les seuils, vous aimeriez même... Est-ce que vous les auriez rehaussés au même niveau qu'ils étaient avant ou bien...

Mme Proulx (Véronique) : Ça, c'est une excellente question. Alors, on n'a pas fait d'analyse spécifique sur quel serait le seuil idéal pour le secteur manufacturier, mais je vais me référer à une analyse que mes collègues de la Fédération des chambres de commerce avaient faite, et puis je suis certaine qu'elle a été faite avec beaucoup de rigueur, alors ils évaluaient le seuil à 60 000. Alors, il faudrait voir à l'intérieur de ça, pour le manufacturier, qu'est-ce qui est pertinent, mais c'est clair que c'était soit de maintenir ou de rehausser...

Mme Anglade : ...passablement loin présentement. Si on regarde le taux de... Un des éléments qui fait dire, d'ailleurs, au ministre... un des éléments qui fait dire que ça ne fonctionne pas, l'immigration, c'est le fait, par exemple, qu'il y a un taux de chômage hyperélevé pour les immigrants 0-5 ans, le taux de chômage qui serait du simple au double. Ce que l'on constate dans les dernières statistiques, c'est qu'il y a une chute vraiment marquée et drastique, dans les derniers six mois, marquée, qui montre qu'en fait le taux de chômage pour les personnes 0-5 ans est tombé maintenant... au mois de janvier, le dernier chiffre, 7,9 %, ce qui veut dire qu'on n'a jamais vu ça dans l'histoire du Québec. Et c'est bien meilleur que ce qui se fait présentement en Ontario.

Alors, quand on écoute ça, est-ce que vous seriez davantage favorables à ce que, par exemple, dans les 18 000 dossiers... il y en a qui seront rejetés, mais, dans les 18 000 dossiers, à accélérer le processus aujourd'hui, pas dans trois mois, pas dans six mois, mais accélérer le processus d'acceptation des personnes qui font partie justement des 18 000 dossiers?

• (12 h 10) •

Mme Proulx (Véronique) : Oui, mais dans la mesure où ils répondent aux besoins du marché du travail. Alors, d'un point de vue technique, légal, je ne sais pas si on peut les transférer dans le SDI, les traiter avec les nouveaux critères... ou les évaluer, plutôt, avec les nouveaux critères. Le cas échéant, oui.

Mme Anglade : Quand vous dites : «Les nouveaux critères», c'est que ce soit de plus en plus aligné avec les besoins du marché du travail?

Mme Proulx (Véronique) : Oui, oui.

Mme Anglade : Lorsque l'on regarde les résultats, présentement, environ 85 % des gens répondent aux besoins du marché du travail, pour ceux qui ont déjà été accordés, là, pour ceux qui sont déjà passés à travers le moulin, 85 %. Puis c'est d'ailleurs la raison pour laquelle on voit aussi une chute drastique du taux de chômage par rapport à la situation.

Mon message, ici, en fait, c'est de dire : Il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. On veut plus de coordination, plus d'intégration, mais il faut également prendre en compte que les décisions qu'on prend aujourd'hui ont des incidences à long terme d'un point de vue économique.

Je vais vous amener sur la question de la résidence permanente. Avez-vous une opinion si une résidence permanente devait être conditionnelle à une condition quelconque, là, mobilité, localisation? Est-ce que vous avez une perspective par rapport à ça? Parce qu'on en a peu parlé ici.

Mme Proulx (Véronique) : Non, effectivement. Bien, écoutez, je pense que la résidence permanente doit être... les conditions doivent être les mêmes pour tous les citoyens, donc, en termes de mobilité, en termes de... Je ne sais pas, je ne suis pas certaine de comprendre à quels critères vous faites référence, mais la mobilité, certainement...

Mme Anglade : Est-ce qu'une résidence permanente peut être conditionnelle à un lieu que vous habitez? Normalement, la résidence permanente n'est pas conditionnelle à quoi que ce soit : vous avez une résidence permanente, vous pouvez aller où bon vous semble.

Mme Proulx (Véronique) : Oui, je ne pense pas qu'on peut avoir deux catégories de citoyens. Donc, non.

Mme Anglade : Non. O.K. Très bien. Est-ce que, lorsque vous entendez aujourd'hui... Parce que ça, c'est un des enjeux aussi que l'on a par rapport à l'immigration temporaire. Vous regardez les besoins de main-d'oeuvre aujourd'hui puis vous dites vous-même qu'ils vont se transformer — ça rejoint la question de mon collègue en face — ce qui veut donc dire qu'il faut qu'on prête particulièrement attention au type de personne qu'on veut avoir. Parce que, si on ne prend que des personnes en fonction des besoins actuels, lorsque va venir le moment de changer de secteur ou qu'ils vont devoir changer d'emploi, bien, ça peut avoir une incidence sur la capacité d'adapter ces personnes-là.

Mme Proulx (Véronique) : Si on regarde les données qui ont été publiées par Emploi-Québec, on voit les postes vacants actuels, et il y a une précision qui nous dit : Ces postes-là ne seront pas nécessairement... ne peuvent pas nécessairement être utilisés pour dire quels seront les besoins dans cinq ans, 10 ans, et là il y a une liste des professions d'avenir et des métiers à venir ou qui pourraient être considérés dans le cadre des critères pour la sélection des immigrants.

Mais je reviens au secteur manufacturier, on parlait de compétences techniques, mais on parle aussi de gens qui ont envie de travailler dans le manufacturier, qui ont une capacité d'apprendre et qui sont polyvalents. Comment est-ce qu'on le mesure? Ce n'est pas évident. Mais c'est clair qu'il faut se tourner vers les métiers d'avenir pour voir, dans deux ans, cinq ans, 10 ans, qui seront les gens qu'on va faire venir.

Mme Anglade : Dans les critères de sélection qu'on va avoir, à terme, pour les personnes qui viennent, oui, c'est adapté aux besoins du marché du travail, mais il ne devrait pas y avoir un critère, justement, sur la capacité d'adaptation de ces gens à étudier et, justement, évoluer dans leur travail?

Mme Proulx (Véronique) : Oui, absolument.

Mme Anglade : Excellent. Je vais céder la parole tout de suite à ma collègue de... Bourassa-Sauvé?

La Présidente (Mme Chassé) : Alors, je cède la parole à Mme la députée de Bourassa-Sauvé.

Mme Robitaille : Dites-moi, Mme la Présidente, on a combien de temps?

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 9 min 30 s.

Mme Robitaille : Alors, oui, donc, chez les manufacturiers, il y a de toute évidence urgence. Il y a une pénurie de main-d'oeuvre que vous voyez, qui est criante, c'est bien ça?

Mme Proulx (Véronique) : Exact.

Mme Robitaille : Et donc ces 18 000 dossiers qui sont en attente et que le gouvernement voulait suspendre, si on les analyse, dans ce lot de gens là, il y a des gens qui peuvent répondre à cette pénurie de main-d'oeuvre, qui peuvent trouver des emplois si on respecte la grille de sélection, les nouvelles grilles de sélection?

Mme Proulx (Véronique) : Alors, il y en a certainement, mais ça ne sera pas la grande majorité. Pourquoi? Parce que l'immigration économique, dans le passé, donnait un très haut niveau de pointage aux gens qui sont très scolarisés. Or, les manufacturiers, présentement, 60 % des besoins sont dans le non-spécialisé. Alors, je ne suis pas capable de vous dire, dans le 18 000, combien répondent aux besoins du secteur manufacturier, mais je ne pense pas que ce soit une grande proportion.

Alors, c'est pour ça que je reviens à ce que je disais tout à l'heure, pour nous, c'est important que ces gens-là idéalement puissent être évalués en fonction... avec le SDI pour s'assurer d'un meilleur arrimage. Et je ne suis pas en train de dire qu'il faut prendre juste des gens pas spécialisés, il y a un 40 % quand même qui sont des gens qui doivent avoir des compétences techniques, mais de s'assurer que ce lien-là se fasse, parce que, par le passé, ces gens-là rentraient peu par l'immigration permanente.

Mme Robitaille : Maintenant, pour l'employeur... ma collègue parlait de conditions à la résidence permanente. Pour l'employeur, c'est important... On ne peut pas juste fonctionner avec des PTET? On veut aller chercher des immigrants... on veut avoir une immigration permanente, on veut avoir des gens qui vont s'établir, qui vont avoir des résidences permanentes. Pourquoi c'est important?

Mme Proulx (Véronique) : Parce que, lorsqu'on fait venir des gens via le PTET, dans le non-spécialisé, on a un visa de travail d'un an. Donc, après un an, l'entreprise doit recommencer les processus avec le IMT, doit débourser des frais. Si elle a perdu le candidat, elle a perdu la formation, ce qu'elle a investi dans le candidat. Souvent, elle va utiliser des agences parce que les gens ne sont pas des spécialistes du recrutement international. Et on sait que, lorsqu'on utilise une agence, les frais varient de 3 000 $ à 12 000 $ par employé. Donc, c'est beaucoup de temps, beaucoup de coûts pour les entreprises. Ça, c'est les visas non spécialisés. Les spécialisés vont aller jusqu'à 24 mois ou 36 mois. Alors, les entreprises, une fois qu'elles ont trouvé un candidat intéressé, intéressant, souhaiteraient le garder, ils vont investir, ils vont le former, ils vont espérer le garder en région. C'est rentable pour l'entreprise, mais c'est bénéfique pour l'ensemble de la société et pour le travailleur aussi s'il souhaite rester.

Mme Robitaille : Oui, c'est ça. Donc, ça coûte moins cher et puis, pour l'entreprise, bien, c'est plus rassurant parce que, justement, ils peuvent construire là-dessus.

Mme Proulx (Véronique) : Oui. Je pense que, pour le travailleur qui vient, qui est intéressé à rester, ça lui donne une perspective complètement différente. Il n'a pas à chaque année à se préoccuper si son visa va être renouvelé ou non. Si c'est ce qu'il souhaite, bien sûr.

Mme Robitaille : Et ces conditions-là qu'on veut accoler à la résidence permanente, je veux mieux le comprendre, là, pour vous, test de français au bout de trois ans pour ces gens-là ou qu'on les oblige à rester à un endroit, ça serait contre-productif selon vous?

Mme Proulx (Véronique) : ...certainement. Puis je pense qu'au terme du PTET, si les gens ont accès à la résidence permanente... Je pense que, si les gens rentrent par le PTET, je pense à mes soudeurs colombiens qui s'en vont en région, après trois ans dans la région, normalement, si on a bien travaillé au niveau de l'intégration, ils vont avoir envie de poursuivre parce qu'ils vont être établis, idéalement avec leurs familles. Alors, les conditions de localisation ne seront pas nécessaires si le travail de régionalisation est bien fait.

Mme Robitaille : Mais je parle du projet de loi, là. Il y a l'article 9 qui parle d'insérer, justement, une condition à la résidence permanente.

Mme Proulx (Véronique) : Oui, mais c'est pour ça, je fais le lien parce que, souvent dans le secteur manufacturier, les gens arrivent par le PTET. S'ils ont accès au PEQ, CSQ pour ensuite aller vers l'immigration permanente, je ne pense pas qu'on devrait les obliger à rester dans une région une fois qu'ils ont la résidence permanente. Je pense que, si l'intégration se fait bien avec ces travailleurs temporaires là, ils vont vouloir rester, et ça va permettre de répondre aux objectifs de régionalisation.

Mme Robitaille : ...si je comprends bien, un PTET, ensuite, si on tombe dans les programmes du PEQ et si on veut avoir un CSQ, on doit faire un test de français, on doit être évalué au niveau de son français. C'est bien ça?

Mme Proulx (Véronique) : Oui. Mais je reviens au niveau des conditions et je réitère ce que j'ai dit tout à l'heure, je ne pense pas qu'on veut avoir deux types de... deux catégories de citoyens.

Mme Robitaille : Deux types de... Oui. O.K. La responsabilité de l'employeur, quelle est sa part dans l'intégration, dans la francisation, selon vous, d'un nouvel arrivant?

Mme Proulx (Véronique) : Alors, encore une fois, je pense que ce qu'il est important de garder en tête, c'est vraiment la notion de flexibilité. On ne peut pas avoir un «one-size-fits-all» dans la francisation puis dans l'intégration, il faut tenir compte de la réalité des employeurs, de leur taille, de leur secteur d'activité et où ils sont situés également en région. Alors, de fixer des objectifs, c'est une chose, de déterminer les moyens, ça en est une autre. On peut peut-être donner accès à un panier de moyens à l'employeur, dans lequel il peut piger en fonction de sa réalité, mais la notion de flexibilité est très, très, très importante.

Mme Robitaille : Cet engagement-là de l'employeur, il a ses limites. C'est ce que vous dites?

Mme Proulx (Véronique) : Exactement. Il faut respecter sa capacité à le faire.

Mme Robitaille : Et qu'est-ce que vous souhaiteriez en région pour, justement, accompagner l'entreprise qui accueille des nouveaux arrivants? Est-ce qu'en ce moment il y a... De toute évidence, en ce moment, dans plusieurs régions du Québec, il n'y a pas les infrastructures nécessaires, mais qu'est-ce que vous souhaiteriez?

• (12 h 20) •

Mme Proulx (Véronique) : En fait, ça prend un guichet unique, ça prend une porte d'entrée vers laquelle l'employeur ou l'entreprise va pouvoir se retourner pour toutes ses questions de main-d'oeuvre, d'immigration. Alors, que ce soit le MTESS, Emploi Québec, que ça soit l'Immigration, ça prend une porte d'entrée où l'entreprise va pouvoir s'asseoir avec quelqu'un, dire : Voici mes enjeux, mes problématiques; qu'est-ce qui existe?, comment tu peux m'aider? Et ça, c'est vraiment la notion d'accompagnement. Donc, en francisation, voici ce qui existe, voici les ressources.

En termes de... Les gens nous posaient la question : Qui est-ce que vous connaissez qui pourrait venir former mes chefs d'équipe au niveau de la gestion interculturelle? On ne sait pas à qui s'adresser. Donc, parfois, c'est des détails très techniques, ils ne savent pas vers qui se retourner. L'accompagnement du ministère doit prendre cette forme-là, doit mettre à profit, à contribution le réseau, l'expertise, les ressources qui existent pour aider l'entreprise dans ses enjeux, pour ne pas qu'elle perde beaucoup de temps... de toute façon, elle n'a pas le temps, là, mais pour ne pas qu'elle perde beaucoup de temps à chercher des informations et à ne pas arriver à une solution qui soit pertinente pour elle, là.

Mme Robitaille : Donc, vous comptez vraiment sur le gouvernement provincial pour, justement, montrer la voie dans chaque région. S'il y avait, par exemple, un bureau du MIDI dans chaque région, ça serait idéal à ce niveau-là?

Mme Proulx (Véronique) : Oui, tout à fait. Tout à fait. Puis il y a les bureaux d'Emploi-Québec ou de Services Québec qui sont présents en région. Et on a vu que, pour la prochaine année, on en est très satisfaits, les cibles au niveau de l'accompagnement de l'entreprise ont été rehaussées. Alors, ces gens-là, historiquement, accompagnaient beaucoup les employés, les travailleurs, et ça demeure important, mais il faut aussi offrir de l'accompagnement aux entreprises dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre. Et je reviens à ce que je disais dans le mémoire, il doit y avoir une concertation puis une collaboration sur le terrain entre ces deux ministères-là.

Mme Robitaille : Merci. Je laisse la parole à mon collègue.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Il vous reste 2 min 30 s. J'invite le député de Jacques-Cartier à prendre la parole.

M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. Je vais être très, très rapide. C'est encore sur la question de la main-d'oeuvre. Juste pour vos entreprises puis vos clients, est-ce que vous pouvez juste élaborer un petit peu plus sur leur capacité de vraiment penser l'avenir? Ils sont en situation très difficile maintenant, mais aussi, dans trois ans, pour une entreprise qui veut accroître, ils vont dire : Bien, première chose, je n'ai pas des emplois puis des gens qui travaillent pour moi pour, maintenant, demander pour un plus grand salaire, parce qu'ils sont un petit peu des agents libres, dans le sens qu'une autre entreprise va payer plus. Alors, est-ce que vous pouvez juste parler un petit peu plus des réalités des gens, de vos clients dans ce sens-là?

Mme Proulx (Véronique) : Dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre?

M. Kelley : Oui.

Mme Proulx (Véronique) : Alors, il y a deux distinctions à faire : la PME et la grande entreprise. La grande entreprise a vu arriver la pénurie de main-d'oeuvre, a davantage de ressources, de compétences, davantage de moyens aussi, donc peut être beaucoup plus attractive. Elle est touchée, mais elle est moins touchée que la PME. La PME est vraiment démunie. Un, elle ne l'a pas nécessairement vu venir. L'entrepreneur moyen, là, généralement, a des idées, des projets, il a de l'ambition, mais il manque de temps et il manque de ressources, alors il manque de ressources pour son développement, sa croissance. Mais également, pour être capables de voir venir la pénurie de main-d'oeuvre, c'est clair qu'ils n'étaient pas là. Alors, ces entreprises-là se retrouvent effectivement au dépourvu.

Et ce que ça fait... et c'est très au quotidien, là : Je n'ai pas de soudeurs, comment est-ce que tu peux m'aider? J'ai un bris d'équipement, vers qui je me retourne? Alors, ces entreprises-là ont vraiment besoin d'être prises par la main pour être accompagnées, encore une fois, et pour être mises en... pour qu'on puisse les mettre en relation avec les bonnes ressources. Mais, encore là, ça va avoir ses limites si on n'a pas suffisamment de travailleurs.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

Mme Proulx (Véronique) : Ça va avoir ses limites si on n'a pas suffisamment de travailleurs au Québec pour répondre à leurs demandes.

M. Kelley : Et présentement, entre vos clients, est-ce qu'il y a des gens qui perdent des contrats maintenant parce que, bien, des personnes qui ont besoin d'une machine vont dire : Bien, est-ce que vous êtes capables de livrer ça là, et la réponse, c'est non? Et ça, ça a un impact, j'imagine, pour la suite des choses aussi. Parce que, si cette compagnie-là n'est pas capable de livrer, ils vont chercher une autre compagnie aux États-Unis ou...

Mme Proulx (Véronique) : Exactement. Je prends mon exemple de l'entreprise de Laval. Quand des grands détaillants américains, comme Walmart, Home Depot, lui passent des commandes, et elle ne livre pas à temps, l'année d'après ils vont chercher d'autres fournisseurs. Tout à fait.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Merci, Mme Proulx, pour la présentation. En ce qui a trait à la pénurie de main-d'oeuvre qui affecte particulièrement votre secteur d'activité, vous dites qu'il y a quelque 16 000 postes à pourvoir. Est-ce que vous avez la statistique à savoir quel pourcentage de ces postes à pourvoir se trouve en région?

Mme Proulx (Véronique) : Je ne l'ai pas avec moi aujourd'hui, mais certainement il y a un... j'ai juste un anglicisme, là, un «breakdown», il y a une séparation régionale qui est faite. Mais c'est en grande proportion en région, hors Montréal.

Mme Fournier : En grande majorité?

Mme Proulx (Véronique) : Absolument.

Mme Fournier : O.K. Super.

Mme Proulx (Véronique) : Mais je pourrais vous revenir avec la donnée spécifique.

Mme Fournier : O.K. Merci. Puis, justement, concernant la régionalisation, bien, tantôt la députée de Bourassa-Sauvé faisait référence aux bureaux régionaux du MIDI. On sait que c'est des entités qui existaient avant, qu'elles ont été abolies au courant du dernier mandat gouvernemental, mais que, dans la dernière année, là, on a annoncé que ces bureaux allaient être remis sur pied. Est-ce que, pour vous, les bureaux du MIDI pourraient être une bonne façon d'avoir accès à ce guichet de services unique, là, dont vous parliez tout à l'heure?

Mme Proulx (Véronique) : Oui, dans la mesure où on met les bonnes personnes dans les bons postes. Alors, c'est souvent l'enjeu lorsqu'on travaille avec le MTESS, le MEIE ou autres, les conseillers en région qui sont là doivent vraiment être proactifs. C'est très inégal, comme partout ailleurs, mais quand même, je tiens à le souligner, ça prend des gens qui ont une approche entrepreneuriale, qui sont proactifs, qui sont capables de faire le lien rapidement avec l'entrepreneur pour pouvoir le guider.

Mme Fournier : Puis diriez-vous qu'il y a beaucoup de besoins en matière de médiation interculturelle?

Mme Proulx (Véronique) : Je dirais plus en termes de sensibilisation, de formation plutôt qu'une médiation, vraiment. Je n'ai pas entendu de besoins au niveau de la médiation, mais des gens qui disent : O.K., on a des gens de différentes cultures qui arrivent dans notre entreprise, à quoi est-ce qu'on doit penser, comment on forme nos chefs d'équipe? Et d'ailleurs je reviens à ce que je disais tout à l'heure pour Exceldor, un de ses facteurs de succès, c'est qu'il a formé ses gens à l'interne pour être capable de gérer la diversité.

Mme Fournier : Est-ce qu'il a eu accès à des ressources gouvernementales pour ce faire ou ça a été une initiative de l'employeur?

Mme Proulx (Véronique) : C'est une initiative de l'employeur. Mais lui, c'est un grand employeur, on s'entend qu'il a pu investir temps et argent. Certainement qu'il a bénéficié de subventions pour la formation, là, mais c'est lui-même qui a trouvé les ressources nécessaires.

Mme Fournier : Donc, ça peut être plus difficile pour les petits employeurs.

Mme Proulx (Véronique) : Absolument. Absolument. Exactement.

Mme Fournier : Parfait. Merci. Vous disiez également qu'il y a quand même 40 % de la main-d'oeuvre que vous attendez qui est quand même de la main-d'oeuvre spécialisée. Est-ce que vous diriez qu'au niveau du secteur manufacturier il y a aussi une difficulté de reconnaître les formations acquises à l'étranger? Parce qu'on sait que c'est le cas pour plusieurs métiers, mais est-ce que ça touche aussi votre secteur d'activité?

Mme Proulx (Véronique) : Dans les métiers techniques, moins. Je reviens à mes soudeurs, là, puis, en fait, ce sont tous des cas de soudeurs, j'ai l'impression que ce sont tous des gens qui se sont parlé puis qui ont pigé dans les mêmes bassins, dans les mêmes pays. Mais, au niveau de la soudure... au niveau de la mécanique, souvent on va être capable... on n'a pas besoin d'avoir une reconnaissance formelle. Les gens arrivent avec une formation, on les évalue et on peaufine la formation en entreprise, au même titre que, quand quelqu'un sort un D.E.P. ou un D.E.C., souvent il y a une formation additionnelle qui est offerte en entreprise pour que ce soit plus appliqué à la réalité de l'entreprise. Donc, ça ne semble pas être majeur.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 45 secondes.

Mme Fournier : Puis finalement vous parliez de la compétitivité des entreprises. Donc, outre ce guichet de services, qu'est-ce que le gouvernement pourrait faire pour améliorer au point de vue de l'immigration?

Mme Proulx (Véronique) : La compétitivité?

Mme Fournier : Oui.

Mme Proulx (Véronique) : Bien, en fait, rendre ça le plus simple possible. Les gens perdent énormément de temps à chercher de la main-d'oeuvre, à chercher la francisation, à trouver les ressources, à comprendre le IMT...

Mme Fournier : ...connues. C'est ça?

Mme Proulx (Véronique) : Exactement. Exactement.

Mme Fournier : O.K. Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Bonjour, madame. Vous avez dit tantôt que la réduction de cibles d'immigration n'était pas une bonne nouvelle. On a appris cette semaine, là, qu'Arrima ne va traiter que 400 dossiers cette année, en 2019. Est-ce que vous pensez que 400 dossiers est en mesure de contribuer à réabsorber la rareté de main-d'oeuvre au Québec?

Mme Proulx (Véronique) : Bien sûr que non, ce n'est pas suffisant, c'est sûr.

M. Fontecilla : Et j'étais très intéressé par votre pensée sur la question des... non seulement sur les liens d'emploi, mais la question d'offrir du logement, du transport, etc. Vous avez abondé dans ce sens-là. Donc, est-ce que vous pensez que soit les municipalités, soit l'État, soit un ministère devraient non pas se concentrer seulement sur la création d'un lien d'emploi, mais tout ce qui va autour, là, au-delà de l'interculturel, même du logement, du transport, etc., là? Est-ce que ça prend un investissement beaucoup plus substantiel et complet?

Mme Proulx (Véronique) : Ça prend un investissement plus substantiel et ça prend des gens qui vont être prêts à mettre du temps puis, encore une fois, de faire la concertation avec les différents intervenants sur le terrain. La première chose, c'est le logement, l'hébergement et le transport, mais par la suite il y a toutes les autres facettes de l'intégration qui doivent être comprises dans le projet de la municipalité et de la région.

M. Fontecilla : Tout à fait. Vous avez dit aussi que la francisation, c'est un fardeau pour l'employeur. On peut le comprendre, c'est une tâche supplémentaire. Et en même temps vous avez dit qu'une formule gagnante, c'était l'apprentissage appliqué. Et on a entendu les organismes communautaires qui nous disent que la meilleure formule, c'est la francisation professionnelle, si l'on veut dire, en utilisant les termes, etc., là. Est-ce que vous pensez qu'il y a une façon d'aider de façon considérable les employeurs pour que la francisation se fasse en entreprise?

Mme Proulx (Véronique) : Bien, en fait, oui, oui, les plateformes technologiques, des modules adaptés, du contenu adapté que les entreprises pourront utiliser au sein de leur entreprise, deux, d'être capables de supporter financièrement — mais c'est fait présentement — de poursuivre en ce sens-là, autant les frais de développement de contenus de formation que les salaires des employés qui sont affectés à la formation. Alors, du côté financier, je pense que c'est très bien fait pour l'instant. Là, ce qui reste, c'est peut-être d'arrimer les contenus et les évaluations avec l'application en entreprise.

• (12 h 30) •

M. Fontecilla : Un dernier élément. On entend beaucoup d'opinions du milieu économique sur les grilles de sélection, soit favoriser les grilles pour des travailleurs peu qualifiés ou plus qualifiés, etc. Est-ce que vous pensez que... Parce que, là, je vois 40-60. C'est quand même... il y a une division, il y a autant d'un côté comme de l'autre, pas tout à fait, là. Mais est-ce que vous pensez qu'il doit y avoir une formule unique, là, en termes des grilles de sélection, là, pour sélectionner juste... favoriser juste les moins qualifiés ou seulement les plus qualifiés?

Mme Proulx (Véronique) : Non, je pense que ça prend une formule hybride. Ça prend une formule qui est à l'image des besoins du marché du travail. Là, je vous parle du manufacturier.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

Mme Proulx (Véronique) : Mais, dans le service, on le sait, on a entendu la FCEI, ce sont beaucoup des postes peu spécialisés. Je pense qu'il faut être capable de s'adapter en fonction des besoins que l'on a, des besoins que l'on aura dans les prochaines années, pas nécessairement immédiats parce que l'immigration prend plusieurs années aussi.

M. Fontecilla : Par le p.l. n° 9, le ministre se donne le pouvoir d'imposer des tests linguistiques et des valeurs, même. Est-ce que c'est une bonne façon, selon vous, de retenir la main-d'oeuvre?

Mme Proulx (Véronique) : Je vous dirais que, pour le secteur manufacturier, le test des valeurs ou le test de français pour assurer... ce n'est pas un facteur qui est très primordial pour eux. Ils ne sont pas là. Ils ne sont pas là.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission. J'invite les membres de la commission à demeurer sur les lieux, par efficacité.

Je suspends les travaux pour quelques instants afin de permettre au prochain représentant de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

(Reprise à 12 h 33)

La Présidente (Mme Chassé) : ...la bienvenue à Me Stéphane Handfield. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. À une minute de la fin, je vous ferai un signe. Je vous invite donc à vous présenter, puis à débuter... et à vous offrir de l'eau.

M. Stéphane Handfield

M. Handfield (Stéphane) : Oui, bien, s'il y avait un pichet d'eau, ça serait apprécié.

La Présidente (Mme Chassé) : Ça s'en vient, ça s'en vient. Allez-y.

M. Handfield (Stéphane) : Merci. Alors, bonjour, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes, MM. les députés, ex-collègues, merci beaucoup de l'invitation, même si celle-ci, disons, n'était pas des plus spontanées. Alors, ça me fait plaisir d'être ici aujourd'hui.

Alors, je me présente. Je suis membre du Barreau du Québec depuis 1992. J'ai été commissaire à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pendant 11 ans. J'ai également été chargé de cours au cégep Saint-Laurent en droit de l'immigration. Je suis membre de l'Association québécoise des avocats et avocates en droit de l'immigration, membre de l'Association des avocats de la défense de Montréal, membre du Comité consultatif sur l'immigration et la citoyenneté du Barreau du Québec. Je suis également inspecteur au service de l'inspection professionnelle du Barreau du Québec. Et évidemment je pratique en droit de l'immigration, à mon compte.

Alors, je n'ai pas l'intention aujourd'hui de vous lire mon mémoire. J'ose espérer que vous l'avez tous lu. J'aimerais cependant attirer votre attention sur trois points qui m'apparaissent importants : le premier, la langue, le deuxième, les 18 000 dossiers et, le troisième point, la résidence permanente, que je qualifierais de conditionnelle.

Alors, au niveau de la langue, au niveau des tests de français et des tests des valeurs québécoises, malheureusement, dans le contexte actuel du droit, il serait impossible pour le gouvernement d'imposer à un résident permanent ces tests de valeurs québécoises ou ces tests de français. Le droit actuel ne permettrait pas au gouvernement du Québec d'imposer ces tests-là à un résident permanent du Canada, évidemment.

Cependant, est-ce que le gouvernement du Québec aurait compétence pour imposer ces critères dans la sélection de son immigration? Effectivement. Au niveau des critères de sélection, le gouvernement a compétence pour imposer les conditions qu'il veut. Alors, s'il souhaite imposer des tests de français ou un test de valeurs québécoises, il pourrait évidemment le faire, mais avant l'émission, évidemment, du certificat de sélection du Québec. Et, contrairement à ce qu'on peut penser, je ne suis pas contre des tests de valeurs québécoises. D'ailleurs, le gouvernement fédéral, pour l'obtention de la citoyenneté canadienne, impose des tests des valeurs canadiennes et impose des tests de langue. Alors, je ne verrais pas pourquoi le gouvernement du Québec ne pourrait pas, dans le cadre de sa sélection de son immigration, imposer de tels tests.

À mon avis, il est important cependant de mettre l'accent sur la connaissance du français pour la sélection des nouveaux immigrants. On sait tous que, pour la préservation et la protection du français, on ne doit pas compter sur le gouvernement fédéral et encore moins sur le ministère de l'Immigration du Canada. Encore aujourd'hui, en 2019, il est difficile d'obtenir des services en français. D'ailleurs, pas plus tard que la semaine dernière, dans une procédure où toute la documentation a été soumise en français au ministère, nous avons reçu une décision uniquement en anglais. Alors, j'ose espérer que le gouvernement du Québec mettra l'accent sur le français et je pense qu'il relève du gouvernement du Québec de préserver le français surtout au Québec. Et il m'apparaît important également d'envoyer un message aux nouveaux arrivants qu'au Québec, bien, c'est en français que ça se passe.

Mon deuxième point, évidemment, c'est les 18 000 dossiers, 18 000 dossiers qui seront jetés à la poubelle. Dans ces 18 000 dossiers, on parle de personnes, hein, ce n'est pas juste des dossiers, on parle de femmes, des couples, des enfants, des familles. On parle d'environ 45 000 personnes, des gens qui ont investi temps et argent afin d'immigrer au Québec. Jamais le ministère de l'Immigration n'a laissé sous-entendre à ces candidats à l'immigration qu'un jour, si les délais devaient s'accumuler, on retournerait tout simplement leurs demandes. Il n'est pas question ici de retourner un dossier parce que la personne ne rencontre pas les critères de sélection. C'est tout simplement parce qu'on n'a pas été en mesure de traiter son dossier dans un délai raisonnable.

Ce sont des gens pour la plupart, hein, on parle de 3 700, 3 800 dossiers, donc environ 5 000 à 6 000 personnes, qui travaillent déjà au Québec, qui occupent un emploi. Dans certains cas, les gens ont investi dans l'achat d'une maison. Ils ont des enfants, et les enfants sont scolarisés. Ce sont des gens bien intégrés à la société québécoise. On souhaite répondre à une pénurie de main-d'oeuvre, bien, ces gens-là travaillent déjà au Québec. Alors, il m'apparaît important que, si on souhaite aller de l'avant par l'adoption du projet de loi n° 9, on priorise évidemment ces dossiers. Il serait un peu absurde que, des gens qui occupent déjà des emplois au Québec, parce que les délais se seraient accumulés, le gouvernement fédéral refuserait de renouveler leurs titres de séjour temporaires. Parce qu'il faut comprendre que, si les gens sont ici présentement, au Québec, c'est qu'ils ont un statut de résidence temporaire leur permettant de rester au Québec, soit travailler, soit étudier. Ce n'est pas éternel, et il est possible que, si les délais s'accumulent, ces gens-là devront quitter le Québec et abandonner leurs emplois.

Le dernier point, qui est la résidence permanente conditionnelle... Encore une fois, compte tenu de l'état du droit actuel, il est impossible d'imposer cette condition. Québec n'a pas compétence en matière de résidence permanente. D'expérience, et certains d'entre vous pourront me corriger, Québec a détenu dans le passé un pouvoir en matière de conditions au niveau de la résidence permanente. Mais, si je me souviens bien, c'était pour des investisseurs ou des entrepreneurs, mais ce n'était certainement pas pour des... Les deux? Non? Le deuxième, les investisseurs?

M. Jolin-Barrette : ...

• (12 h 40) •

M. Handfield (Stéphane) : Les entrepreneurs, merci, M. le ministre. Mais jamais Québec n'a eu la compétence d'imposer des conditions au niveau de la résidence permanente au niveau géographique. Et l'article 6 de la Charte canadienne des droits et libertés est clair : un résident permanent a le droit à la mobilité, a le droit de s'établir partout sur le territoire québécois et partout sur le territoire canadien, et il a le droit de gagner sa vie partout au Canada. Alors, même si on souhaitait obtenir ce pouvoir-là, je doute fortement que le gouvernement fédéral acquiesce à la demande du gouvernement du Québec parce que donner ce pouvoir-là irait à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés.

Alors, en conclusion, j'aimerais poser la question suivante : A-t-on vraiment besoin d'en prendre moins pour en prendre soin? Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période des échanges. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Handfield, bonjour, merci d'être parmi nous pour contribuer aux travaux de la commission.

Bien, si vous voulez, on va reprendre les points que vous avez abordés. Vous dites : Dans l'état actuel du droit, on ne peut pas imposer des conditions grevant la résidence permanente. Là-dessus, je suis d'accord avec vous, dans l'état actuel du droit, parce qu'il manque un bout au fédéral. Est-ce que vous êtes d'accord avec moi que, présentement dans la loi fédérale, c'est prévu, il y a une disposition législative qui est prévue, qui permet aux provinces de faire en sorte qu'elles puissent imposer des conditions grevant la résidence permanente, qu'il y a un pouvoir habilitant, là, du gouvernement fédéral qui dit aux provinces : Vous pouvez le faire; si vous décidez de le faire, moi, gouvernement fédéral, je dois adopter la réglementation qui va en conséquence, une réglementation miroir avec celle de la province, en l'occurrence le Québec, qui se dote de ce pouvoir-là, puis que lui aussi adopte un règlement? Est-ce que vous êtes d'accord avec ça?

M. Handfield (Stéphane) : Je suis d'accord avec vous.

M. Jolin-Barrette : O.K. Et qu'entre 1993 et 2016 cette disposition-là était en vigueur dans la loi fédérale puis qu'en plus il y avait un règlement du gouvernement fédéral, je pense, à partir de 2004, pour les immigrants entrepreneurs, qui permettait au gouvernement du Québec d'imposer des conditions grevant la résidence permanente dans le cadre du Programme immigrants entrepreneurs?

M. Handfield (Stéphane) : Au niveau des dates, je ne peux pas les confirmer, mais, sur le reste de votre affirmation, je suis d'accord avec vous.

M. Jolin-Barrette : O.K. Ça fait que ça a déjà existé, puis c'est déjà dans la loi fédérale actuellement?

M. Handfield (Stéphane) : Oui. Le pouvoir, oui, mais encore faut-il que le gouvernement fédéral, par règlement, accepte de changer les règles du jeu, et ce qui revient à dire qu'au niveau de la région géographique, compte tenu de la charte, je doute fort qu'on aille de l'avant.

M. Jolin-Barrette : Attendons avant d'aller là, mais revenons sur l'habilitation législative. Donc, le fédéral, l'état du droit, c'est que le gouvernement fédéral, dans sa législation, permet aux provinces de le faire. Il manque un règlement.

En 2016, quand l'Assemblée nationale a modifié la Loi sur l'Assemblée... excusez, a modifié la Loi sur l'immigration avec le projet de loi n° 77, on a retiré le pouvoir que je réintroduis par l'article 21.1. Le libellé qui se retrouve dans le projet de loi n° 9 est pratiquement le même que celui qui existait jusqu'en 2016, on a rajouté la compétence linguistique. Alors, moi, ce que je fais dans le projet de loi, c'est que je me redonne le pouvoir que l'Assemblée nationale avait déjà. Est-ce qu'on est d'accord là-dessus?

M. Handfield (Stéphane) : Oui, mais encore faut-il voir les conditions qu'on veut imposer. Il est là, le problème. Ce n'est pas tant le pouvoir de Québec d'imposer des conditions à la résidence permanente. Vous l'avez bien dit, on l'a dit, dans le passé, on l'a eu. Cependant, le gouvernement fédéral est très pointilleux, et on l'a vu aussi, sur les conditions à la résidence permanente. Le précédent gouvernement conservateur avait imposé justement, au niveau de la catégorie des réunifications familiales, donc, l'engagement de trois ans. Les gens devaient obligatoirement cohabiter ensemble pendant 24 mois, sous peine de perdre la résidence permanente. Le gouvernement actuel a aboli ces conditions-là. Donc, au niveau des conditions qu'on pourrait imposer à la résidence permanente, on ne semble pas être très chaud à l'idée de pouvoir aller... de vouloir aller de l'avant sur ce point-là.

M. Jolin-Barrette : Mais, juridiquement, c'est quelque chose qui est possible d'être fait?

M. Handfield (Stéphane) : Juridiquement, si Ottawa veut bien changer les règles du jeu, c'est possible de le faire.

M. Jolin-Barrette : O.K., et c'est légal de le faire si Ottawa veut le faire?

M. Handfield (Stéphane) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc là, ça relève de la sphère politique?

M. Handfield (Stéphane) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, moi, comme ministre du gouvernement du Québec, je peux insérer cet article-là, 21.1, dans le projet de loi n° 9, donner les pouvoirs au gouvernement du Québec d'imposer les conditions grevant la résidence permanente.

Là, j'arrive à la question de la mobilité, où je vous rejoins. Il est vrai qu'à partir du moment où quelqu'un a sa résidence permanente on ne peut pas l'obliger d'assurer une mobilité... de ne pas avoir de mobilité sur le territoire québécois, sur le territoire canadien, je suis d'accord avec vous, puis le sens de l'article, ce n'est pas ça, ce n'est pas d'obliger quelqu'un qui est résident permanent à être dans une région. Ça n'a jamais été le cas. Par contre...

La Présidente (Mme Chassé) : M. le ministre, je vais vous interrompre parce que...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : C'est ça, exactement. Tout d'abord, est-ce qu'il y a consentement pour poursuivre les travaux par la suite afin de reprendre le temps de suspension?

Des voix : Consentement.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Étant donné que nous devons suspendre les travaux de la commission, puisque nous sommes appelés pour un vote en Chambre, je compte sur votre diligence pour revenir rapidement.

M. Handfield (Stéphane) : Je ne dois pas le prendre personnel, c'est ce que je comprends.

La Présidente (Mme Chassé) : Prenez-le pas personnel.

Des voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 45)

(Reprise à 13 h 3)

La Présidente (Mme Chassé) : À l'ordre, s'il vous plaît! Merci. M. le ministre, je vous invite à poursuivre. Je crois que c'était vous qui étiez... qui avez votre droit de parole.

M. Jolin-Barrette : Alors, désolé pour la suspension, les travaux de la Chambre requéraient qu'on aille voter.

On parlait de la résidence permanente puis les conditions grevant à la résidence permanente. Ce qu'on disait, c'est que, dans l'état actuel du droit, il fallait que le fédéral adopte un règlement mais que la législation fédérale le permettait, de donner ce pouvoir-là aux provinces. Alors, avez-vous écouté l'audition du Barreau quand ils sont venus ici?

M. Handfield (Stéphane) : Non.

M. Jolin-Barrette : O.K. Le Barreau nous a dit que ça ne se faisait pas. Alors, je comprends que vous êtes en désaccord avec le Barreau.

M. Handfield (Stéphane) : Bien, la question n'est pas être en désaccord ou à être en accord. Vous savez, vous êtes membre du Barreau, on va assire six avocats autour d'une table, on va poser une question puis on risque d'avoir six réponses différentes. Alors, évidemment, mes collègues du Barreau ont leur position, j'ai ma position, et chaque position, à mon avis, se défend.

M. Jolin-Barrette : Au niveau, là, du français, vous êtes d'accord pour le fait qu'on puisse imposer des conditions en matière de connaissance du français. Vous dites, par contre...

M. Handfield (Stéphane) : ...

M. Jolin-Barrette : Avant l'émission du CSQ, parce que, pour la société québécoise, c'est important que les gens puissent être intégrés, parler en français, travailler en français. C'est important pour vous.

M. Handfield (Stéphane) : Absolument. Ça l'a toujours été.

M. Jolin-Barrette : O.K. Dans l'éventualité où le fédéral ferait en sorte d'imposer des conditions grevant, comme on le souhaite... en fait, comme je réintroduis l'article, je ne présume pas de ce que l'Assemblée va décider, mais supposons que l'article est adopté puis que le fédéral adoptait une réglementation miroir pour nous permettre de faire en sorte d'imposer une évaluation du français puis d'en faire une condition à la résidence permanente, ça, on pourrait faire ça, si le fédéral est d'accord.

M. Handfield (Stéphane) : Si le fédéral est d'accord, oui.

M. Jolin-Barrette : O.K. Donc, ça requiert que le fédéral accepte notre proposition de faire en sorte que la résidence permanente qui est accordée par le fédéral suite à l'obtention d'un CSQ, pour le gouvernement du Québec, ce soit conditionnel à la connaissance du français, ça, on pourrait le faire.

M. Handfield (Stéphane) : À mon avis, il n'y a rien qui pourrait l'empêcher. Maintenant, ça demeure politique.

M. Jolin-Barrette : Ça demeure politique.

M. Handfield (Stéphane) : Ça, bien, c'est sur une autre patinoire que la mienne.

M. Jolin-Barrette : Je suis d'accord avec vous. C'est la même chose pour l'évaluation de connaissance des valeurs québécoises aussi.

M. Handfield (Stéphane) : C'est la même chose.

M. Jolin-Barrette : Donc, si le fédéral est d'accord, on pourrait mettre en place une évaluation de connaissance des valeurs québécoises, et il faut qu'ils modifient leur réglementation pour permettre au Québec, dans le cadre, dans le fond, des... en fait, des résidents permanents pour que la condition grevant la résidence permanente, suite à l'émission du CSQ, puisse être faite.

M. Handfield (Stéphane) : Oui, à la... Évidemment, et là je fais une parenthèse ici, M. le ministre, si vous permettez, il faudrait que tout ça soit évidemment conforme aux droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Alors, si évidemment on considère qu'il y a une atteinte aux droits garantis par la charte, alors je vois mal comment, d'une part, on pourrait aller de l'avant avec cette disposition et comment le fédéral pourrait permettre cette disposition-là.

Ceci étant dit, je pense qu'il faut aller aussi un peu plus loin, parce que, lorsqu'on veut imposer des conditions, il faut voir les conséquences si, évidemment, les conditions ne sont pas respectées. Je vois mal comment on pourrait arriver à expulser des gens, parce que, si, effectivement, l'objectif du gouvernement est d'imposer des conditions à la résidence permanente... Si on ne rencontre pas les conditions, c'est qu'on perd la résidence permanente. Et donc il y a une mesure d'expulsion qui est prise, et on est expulsé. J'ai de la difficulté à penser que le gouvernement accepterait de faire en sorte que des gens qui n'ont pas réussi un test de langue ou un test de valeurs québécoises deviendraient des sans-statut et qu'ils devraient être expulsés du Canada ou du Québec.

Dans ma déclaration initiale, je vous mentionnais que le gouvernement canadien impose des tests de langue et des tests de valeurs canadiennes pour l'obtention de la citoyenneté canadienne. Si la personne, le candidat à la citoyenneté canadienne échoue ces tests, il ne perd pas de statut, il n'en gagne tout simplement pas un. Il ne devient pas citoyen canadien, mais il demeure résident permanent. Donc, il n'y a pas d'expulsion possible. Je pense que c'est important de faire la parenthèse.

M. Jolin-Barrette : Je suis d'accord avec vous sur cette nuance-là. Puis, pour l'examen de citoyenneté, c'est connaissance français, anglais, en plus de l'examen de connaissance des valeurs canadiennes. O.K.

Dans votre expérience, là, en droit de l'immigration, là, ça arrive que le fédéral lui-même retire la résidence permanente à certaines personnes qui ont commis un crime ou qui sont à l'étranger pendant x nombres d'années.

M. Handfield (Stéphane) : Non, ce n'est pas le fédéral qui retire le statut. En fait, on parle d'une perte de résidence permanente, et c'est fait par le tribunal. C'est la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui, après audition, peut déterminer qu'il y a perte de résidence permanente pour quelqu'un, effectivement, qui a commis une infraction criminelle soit au Canada, soit à l'étranger, qu'une personne n'a pas rempli les conditions de la résidence permanente, c'est-à-dire de demeurer sur le territoire canadien pendant une période quinquennale, donc de deux ans sur une période de cinq ans, ou pour fausse déclaration. Tout comme pour un réfugié, hein? Une personne qui a été reconnue comme réfugié, si on veut lui faire perdre ce statut, donc pas le lui retirer mais qu'il y ait une perte du statut, c'est le tribunal aussi qui a compétence pour trancher cette question-là, ce n'est pas le gouvernement fédéral.

M. Jolin-Barrette : C'est le tribunal qui a compétence, je suis d'accord avec vous. Cela étant dit, le tribunal a compétence sur la perte de statut lorsqu'il statue qu'il y a une perte... en fait, les conditions de la loi qui a été votée par le Parlement fédéral ne sont pas remplies. Donc, ce n'est pas le gouvernement qui dit : Je retire le statut de résident permanent. C'est le tribunal, on s'entend, mais le tribunal le fait en vertu de la loi qui a été votée par le Parlement fédéral.

M. Handfield (Stéphane) : Des dispositions, entre autres, quand on parle de perte de résidence pour criminalité. Si on parle d'un résident permanent, évidemment, c'est l'article 36 de la loi qui s'applique, c'est grande criminalité, et il faut avoir été reconnu coupable, évidemment, d'une infraction, au Canada ou à l'étranger, qui est punissable d'une peine d'emprisonnement maximale d'au moins 10 ans ou pour laquelle on a reçu une sentence d'emprisonnement de six mois et plus.

Alors, si on constate, si le tribunal constate qu'effectivement la personne n'est pas citoyenne canadienne et a été déclarée coupable pour une telle infraction, le tribunal va effectivement conclure qu'il y a perte de la résidence, et mesure d'expulsion sera prononcée. Dans certains cas, le résident permanent aura un droit d'appel devant la Section d'appel de l'immigration, où il pourra invoquer les motifs d'ordre humanitaire.

M. Jolin-Barrette : Il y a tout le processus judiciaire qui suit son cours, même chose pour la personne qui n'a pas été présente sur le territoire canadien pendant un certain temps...

M. Handfield (Stéphane) : ...devant la Section d'appel de l'immigration.

• (13 h 10) •

M. Jolin-Barrette : Il y a un droit d'appel, mais ultimement il peut y avoir une perte de statut. Alors, le fédéral lui-même, dans sa législation, prévoit qu'il est possible de perdre sa résidence permanente sous certaines conditions qui sont évaluées par le tribunal en fonction de la loi qui a été validement adoptée par le Parlement fédéral. O.K.

Sur les 3 700 dossiers, les gens qui ont fait leurs demandes ici, alors qu'ils étaient physiquement sur le territoire québécois, à ce jour, on ne peut pas identifier précisément le nombre de personnes qui sont sur le territoire québécois. On sait qu'il y a environ 3 700 demandeurs principaux qui ont fait leurs demandes, ils étaient sur le territoire québécois à l'époque. Ça peut représenter jusqu'à 5 500 personnes qui sont sur le territoire québécois.

Moi, ce que je dis, c'est qu'on souhaite que... Ces gens-là qui sont sur le territoire québécois, on les invite en priorité dans le système Arrima parce que, s'ils occupent un emploi, ils répondent aux besoins du marché du travail, ils sont présents. Parce qu'eux, quand ils ont fait leurs demandes, puis encore aujourd'hui, ils sont avec un statut temporaire, un permis de travail, généralement, ou un permis d'étude qui a été délivré par le gouvernement fédéral.

Est-ce que vous êtes d'accord avec le fait qu'on travaille à faire en sorte qu'ils soient invités prioritairement à demeurer au Québec, ces gens-là?

M. Handfield (Stéphane) : Pas invités, traités.

M. Jolin-Barrette : Traités?

M. Handfield (Stéphane) : Leur dossier a été déposé. Je crois que ce serait inacceptable de leur demander de recommencer à neuf. Je pense qu'ils devraient justement recevoir un traitement de faveur, à la limite, mais on doit les prioriser, mais pas les inviter. On ne doit pas fermer leur dossier et leur demander de recommencer à zéro. Si on leur demande de recommencer à zéro pour l'obtention du certificat de sélection du Québec, vous savez, par la suite, ils devront soumettre leur demande à Sydney, hein, pour obtenir la résidence permanente, et on connaît les délais du côté du fédéral. Alors, je pense, ces gens-là ont assez attendu.

M. Jolin-Barrette : Donc, une priorité pour ces candidats-là.

M. Handfield (Stéphane) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : Dans votre mémoire, vous dites : Ces personnes-là ont acheté des maisons; dans certains cas, les enfants sont à l'école, tout ça. Je suis très sensible à cette situation-là, surtout s'ils sont en emploi aussi, présentement, qu'ils répondent à un besoin du marché du travail, parce que ce qu'on fait avec le projet de loi n° 9, justement... On veut réformer pour faire en sorte que maintenant il y ait une adéquation entre le profil du candidat puis les offres d'emploi qu'on a de disponibles, pour qu'il y ait un maillage entre les deux.

M. Handfield (Stéphane) : Et je ne suis pas contre. Vous l'avez vu dans mon mémoire, je ne suis pas contre, non plus, ce principe-là.

M. Jolin-Barrette : Les gens, là, qui étaient dans cette situation-là, les 3 700, là... On enlève le projet de loi n° 9. Je ne l'ai jamais déposé, supposons. Ça ne veut pas dire que toutes ces personnes-là seraient demeurées au Québec, parce que, s'ils ne répondaient pas au Programme régulier des travailleurs qualifiés, s'ils ne passaient pas dans la grille de sélection, il y a certains dossiers qui auraient été rejetés.

M. Handfield (Stéphane) : C'est sûr qu'on peut... À partir du moment où on n'a pas évalué les dossiers, comme pour l'ensemble des 18 000, le même raisonnement s'applique. Ce n'est pas parce qu'on soumet une demande qu'automatiquement cette demande-là va été acceptée.

Toutefois, d'expérience, parce que, bon, ça fait quand même bientôt 27 ans que je travaille dans le domaine, lorsqu'on soumet une demande, lorsqu'on soumet un dossier, bien, il y a une évaluation préliminaire qui est faite. Alors, si j'invite un candidat à soumettre une demande dans la catégorie du travailleur qualifié pour le Québec, c'est que j'ai bon espoir qu'il remplit les critères et qu'il va être accepté. S'il est en deçà du seuil minimal de pointage, je ne l'invite pas. S'il y a une problématique au niveau de ses compétences en français, je ne l'invite pas à soumettre une demande. Ça ne veut pas dire qu'il n'en soumettra pas une par lui-même, mais j'ose espérer que, si on a soumis une demande, c'est qu'on considère qu'on va remplir les conditions.

Maintenant, est-ce que ces gens-là aujourd'hui, après x nombres d'années, ont changé leur plan? Peut-être. Il y en a probablement qui ont décidé de soumettre une demande dans une autre province canadienne. Peut-être que certains ont décidé de soumettre une demande d'immigration pour un autre pays. C'est possible, mais, tant qu'on n'a pas évalué ces dossiers-là, on ne peut pas le savoir.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais ce n'est pas tout le monde qui a déposé une demande qui est allé voir un avocat ou un consultant en immigration avant de déposer une demande.

M. Handfield (Stéphane) : C'est sûr.

M. Jolin-Barrette : Puis, même encore là, même s'il consulte un membre du Barreau ou un consultant en immigration, le ministère traite sa demande puis parfois... Ce n'est pas parce qu'on a le O.K. de quelqu'un que c'est nécessairement le traitement qui va être fait par le ministère de l'Immigration. Il y a la grille, puis tout ça, puis chaque dossier est analysé individuellement, puis on se retrouve avec une analyse objective qui est faite du dossier.

M. Handfield (Stéphane) : C'est sûr que ce n'est pas parce qu'un avocat vous conseille quelque chose qu'inévitablement ça va tenir la route. On l'a vu récemment avec l'injonction à la Cour supérieure.

M. Jolin-Barrette : Je comprends, et d'ailleurs c'est une injonction interlocutoire provisoire. Et je vous ai entendu dire aussi, au début de votre intervention : Vous mettez six membres du Barreau autour de la même table, vous allez avoir six réponses différentes.

M. Handfield (Stéphane) : Je maintiens cette déclaration.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous dirais que je pourrais la seconder, parfois. Vous nous invitez, à la fin de votre mémoire, à rapatrier toutes les compétences en matière d'immigration pour le gouvernement du Québec.

M. Handfield (Stéphane) : Absolument.

M. Jolin-Barrette : Moi, je vous dirais, je suis très en accord avec ça, notamment on est en négociation avec le gouvernement fédéral pour rapatrier le regroupement familial. Pourquoi, pour vous, c'est important que le Québec puisse sélectionner la totalité de son immigration?

M. Handfield (Stéphane) : Bien, on le voit, on a un bel exemple avec votre projet de loi n° 9, plusieurs pans du projet de loi ne pourront pas être appliqués justement parce que le Québec n'a pas compétence sur ces questions-là. Alors, si on veut pouvoir adopter des projets de loi en matière d'immigration, on doit avoir compétence.

J'ai beaucoup de difficultés à concevoir qu'on ne peut pas aller de l'avant sur plein de domaines qui touchent le droit de l'immigration. Par exemple, on a vécu au Québec, hein, une entrée massive de demandeurs d'asile, et c'était un phénomène typiquement québécois. Là, je comprends que je sors un peu du projet de loi, mais c'est pour vous mettre dans le contexte. C'est un phénomène typiquement québécois. Les quatre premiers mois de l'année 2018, on a reçu, par le chemin Roxham, plus de 7 000 nouveaux demandeurs d'asile, comparativement à 153 pour la Colombie-Britannique ou 152 pour l'Alberta. J'ai de la difficulté à comprendre pourquoi que le gouvernement du Québec n'avait pas compétence pour émettre des permis de travail rapidement à ces gens-là pour qu'ils puissent travailler au Québec. C'est le fédéral qui devait les délivrer, et vous vous rappelez qu'au début ça pouvait prendre jusqu'à six mois, dans certains cas jusqu'à 12 mois, avant que les gens puissent obtenir le fameux permis de travail. Mais, pendant ce temps-là, les gens, qu'est-ce qu'ils doivent faire? Ils doivent subvenir à leurs besoins. Ils font quoi? Ils se retournent vers l'aide sociale.

Alors, c'est un bel exemple, à mon avis... vous poseriez la question à mes collègues, puis ils ne seraient pas d'accord, mais je pense que c'est un exemple où il serait important que le Québec puisse avoir compétence sur ces questions-là, oui.

M. Jolin-Barrette : Donc, vous nous supportez dans notre démarche notamment d'aller chercher le regroupement familial puis que ce soit de compétence québécoise.

M. Handfield (Stéphane) : Il faudrait que je voie exactement où vous voulez en venir, mais... Je ne signe pas de chèque en blanc, mais, si l'objectif est de rapatrier des compétences en matière d'immigration, absolument.

M. Jolin-Barrette : Et donc, dans cette perspective-là, sur la question des conditions grevant la résidence permanente, dans l'état actuel du droit, je suis d'accord avec vous qu'il y a certaines réserves, le gouvernement fédéral doit modifier sa réglementation. Mais par contre c'est légitime pour la société québécoise de vouloir faire en sorte que les immigrants qu'elle accueille puissent parler français.

M. Handfield (Stéphane) : Attendez. C'est parce que, là, vous parlez de conditions à la résidence permanente et de parler français. Est-ce que je suis en faveur que le Québec sélectionne l'immigration qui maîtrise le français? Absolument.

M. Jolin-Barrette : Bien, en fait, qu'on puisse faire en sorte d'avoir une évaluation pour pouvoir obtenir sa résidence permanente, que la condition associée à la résidence permanente, ce soit de connaître le français, qu'on puisse imposer une évaluation de la connaissance de la langue française.

M. Handfield (Stéphane) : Je ne sais pas, là. Je ne vous suis pas. Je suis désolé.

M. Jolin-Barrette : L'article 21.1, on dote le Québec du pouvoir de grever la résidence permanente de certaines conditions. Trouvez-vous ça légitime qu'on puisse imposer... Supposons que le fédéral accepte, là, l'article 21.1, adopte une réglementation qui nous permet que la résidence permanente soit délivrée conditionnellement à la connaissance d'un certain niveau de français. Trouvez-vous ça légitime pour la nation québécoise de faire en sorte que les gens apprennent le français?

M. Handfield (Stéphane) : J'ai compris. J'ai un peu de difficultés parce qu'on viendrait faire en sorte que des gens qui sont déjà ici, qu'on a sélectionnés, n'obtiennent pas la résidence ou perdent la résidence parce qu'ils ne maîtrisent pas le français, alors que je pense que, pour éviter une situation comme celle-là et des déchirements... Une expulsion du Québec, ce n'est jamais drôle. Je ne sais pas si vous en avez vécu dans le passé dans votre pratique, mais des femmes... des enfants qui sont séparés de leur père, de leur mère, c'est déchirant. Donc, on ne veut pas en arriver là, parce que ces gens-là, s'ils sont ici, bien, pourraient avoir des enfants qui sont, eux, canadiens, d'où l'importance, à mon avis, que, si on veut imposer de telles conditions, bien, c'est avant la sélection. Ça, c'est mon opinion.

• (13 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Mais, dans le cadre du Programme de l'expérience québécoise, là, le gouvernement québécois, c'est ce qu'il fait déjà. Il impose un niveau de connaissance du français pour avoir le CSQ puis ultimement avoir la résidence permanente. Ça dépend de quelle façon on le prend.

Nous, ce qu'on disait, c'est : On veut faire venir les gens beaucoup plus rapidement au Québec puis on ne veut pas limiter la possibilité des gens de venir au Québec, basée sur la connaissance préalable de la langue française. Puis c'est un peu ça, le projet de loi n° 9, entre autres avec le parcours personnalisé, pour faire en sorte que l'État... tu sais? Parce qu'il y a une grande responsabilité du ministère de l'Immigration, de l'État québécois de dire : Il faut déployer les ressources, il faut faire de l'accompagnement personnalisé, pour dire, dès l'étranger, au niveau de l'intégration, au niveau de la francisation : Il faut accompagner les gens. C'est notre responsabilité comme société d'accueil, et aussi de répondre aux besoins de main-d'oeuvre des différentes entreprises pour dire : On est en pénurie de main-d'oeuvre, puis il faut que le profil des gens corresponde aux besoins en matière de marché du travail.

Les délais sont extrêmement longs. Moi, je me ramasse dans une situation où il y a un inventaire de dossiers non traités, les 18 000 dossiers notamment. J'ai un autre inventaire, au gouvernement fédéral, aussi de 40 000 personnes, que des CSQ ont été délivrés basé... parce qu'il n'y a pas eu de gestion de la demande adéquate puis en fonction des seuils aussi d'immigration... bien, c'est comme l'entonnoir aussi. Alors, on se retrouve dans une situation où, pour nous, on souhaite que les gens puissent apprendre le français, puissent parler français et qu'on puisse imposer cette condition-là, éventuellement, avec la résidence permanente.

M. Handfield (Stéphane) : Mais, dans l'état actuel du droit, vous ne pourrez pas. Et moi, je vous le dis, j'ai de la difficulté à faire en sorte qu'on ferait que des gens deviennent des sans-statut sur la base du fait qu'ils n'ont pas réussi un test de français ou n'ont pas réussi un test de valeurs.

Je reviens à ma comparaison. Le fédéral l'a fait, mais on ne leur fait pas perdre un statut. Il n'y a pas d'expulsion possible. Ce que vous souhaitez faire, c'est de faire en sorte que des familles vont être séparées. Oui au français, mais, avant, évitons de faire en sorte que les gens se retrouvent dans une situation insoutenable. Trop souvent, on le vit au quotidien. C'est épouvantable. Alors, ne faisons pas ce qu'on reproche au fédéral de faire.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste moins d'une minute.

M. Jolin-Barrette : Au niveau des permis de travail temporaires, une des réalités, c'est que, les gens, lorsqu'ils viennent au Québec ou au Canada avec un permis de travail temporaire, la situation, elle est temporaire. Donc, nous, notre objectif, c'est de donner des services aussi à ces gens-là en intégration et en francisation pour pouvoir les garder le plus longtemps possible au Québec. Est-ce que vous accueillez favorablement cela, le fait que maintenant le ministère de l'Immigration va pouvoir leur donner des services?

M. Handfield (Stéphane) : En francisation?

M. Jolin-Barrette : En francisation, en intégration, en emploi.

M. Handfield (Stéphane) : Bien, absolument. En fait, tout individu qui se trouve sur le sol québécois, que ce soit un travailleur, un étudiant, un demandeur d'asile ou même un résident permanent qui a obtenu la résidence par le biais du regroupement familial, le parrainage, qu'il puisse obtenir des services de francisation, d'intégration et d'accompagnement, je ne suis que favorable à ça.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Merci, M. le ministre. Maintenant, je cède la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Merci. Alors, merci de l'opportunité d'échanger avec vous. Nous avons eu beaucoup d'échanges, lors de votre présentation, sur les aspects juridiques de la question de la résidence permanente, est-ce qu'il est possible d'avoir... de négocier avec le fédéral des conditions par rapport à la résidence permanente. Mais je pense que la question fondamentale qu'on doit se poser, au-delà d'est-ce que c'est possible, c'est : Est-ce que c'est souhaitable? Et c'est là que j'aimerais vous entendre.

Je pense que, dans la manière dont vous avez exposé la chose... Vous avez parlé de... avant qu'ils arrivent, si on était capables d'imposer des conditions, c'est une chose. Mais, une fois qu'ils sont là, ce n'est pas souhaitable, indépendamment du fait que ce soit le gouvernement fédéral ou le gouvernement du Québec qui soit en charge de cette décision-là. Alors, j'aimerais vous entendre sur le fait que... si c'est souhaitable ou pas.

M. Handfield (Stéphane) : Bien, c'est parce que, si on le faisait, hein, d'imposer des conditions pour la résidence permanente au Québec... ce qui viendrait dire qu'au Canada on aurait deux types de résidence permanente. On aurait un résident permanent avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, qui demeure au Québec, et on aurait les autres qui demeurent ailleurs, dans une autre province canadienne. Et la condition géographique, encore là, ça va carrément à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. Alors, je ne peux pas être d'accord avec l'imposition d'une condition qui va à l'encontre des droits garantis par la charte.

Et je pense et je maintiens que, si on veut imposer des conditions au niveau de la langue, c'est avant l'arrivée du candidat au Québec qu'on doit le faire, et non pas faire en sorte qu'une personne devient un sans-statut parce qu'elle n'a pas réussi à remplir, compléter un test de français.

Mme Anglade : Vous avez dit à maintes reprises que vous pensez que le gouvernement fédéral n'était pas... n'allait pas être en accord, de toute façon, avec les modifications qui sont proposées par le projet de loi. On sent, du côté du gouvernement, la volonté de voir de quelle manière ils vont pouvoir aller négocier ces éléments-là. Combien d'énergie pensez-vous qu'on devrait dépenser là-dedans par rapport à l'impact réel que ça peut avoir sur notre capacité d'intégration de nos immigrants?

M. Handfield (Stéphane) : Excellente question. L'énergie déployée pour aller chercher, disons, cet accord ou ce changement de procédure du gouvernement fédéral, bon, c'est une chose, mais par la suite, vous savez, à partir du moment où on impose des conditions, encore faut-il avoir les capacités de faire respecter ces conditions-là. Donc, est-ce qu'on aura les ressources supplémentaires?

On le voit aujourd'hui, les délais explosent, les dossiers s'accumulent. On parle beaucoup du système Arrima, hein, je pense que c'est de l'heure, mais il faut savoir qu'actuellement il y a plus de 90 000 personnes qui ont soumis une déclaration d'intérêt dans ce système-là. On parle de 45 000 personnes dans les 18 000 dossiers qui traînent depuis quelques années. On essaie de trouver une solution pour ces dossiers-là. J'ai une difficulté à savoir comment est-ce qu'on va pouvoir faire les choses rapidement avec 90 000 personnes.

Ceci étant dit, ça prend des ressources pour suivre les gens à qui on impose des conditions. Donc, est-ce que c'est vraiment avantageux pour la société québécoise de mettre autant de ressources et d'énergie pour s'assurer est-ce qu'une personne a rempli ou non une condition à la résidence permanente, pour faire en sorte qu'elle perde cette résidence puis qu'elle devienne un sans-statut? Et la question que je me pose... parce que, bon, évidemment, c'est embryonnaire, on discute, mais il arrive quoi avec cette personne-là si, en cours de route, elle décide de déménager dans une autre province canadienne? Est-ce que les conditions qu'on lui aura imposées pourront suivre du côté de l'Ontario, ou du Manitoba, ou l'Alberta? Je n'en ai aucune idée.

Mme Anglade : Je lis votre enthousiasme par rapport à ça.

Question pour vous. Le 29 janvier dernier, le premier ministre du Québec a dit qu'il allait procéder au traitement des 18 000 dossiers dans l'ancien système. Le gouvernement est revenu sur sa parole et a donc décidé de ne pas traiter, ce qui a mené évidemment au recours juridique que l'on connaît aujourd'hui. Comment réagissez-vous à cette situation-là?

Et, sachant que, par exemple, l'année dernière, 20 000 dossiers ont été traités au sein même du ministère, sachant que d'anciens fonctionnaires ont dit qu'ils étaient en mesure de traiter les dossiers relativement rapidement, si les efforts étaient mis, dans les prochains six mois, comment réagissez-vous à cette situation-là plus particulièrement?

M. Handfield (Stéphane) : Bien, dans un premier temps, j'ai pris connaissance, probablement comme vous, des statistiques à l'effet que le ministère, en 2018, dans une période de huit mois, a été en mesure de traiter environ 5 000 dossiers. Donc, s'il y a une volonté de vouloir traiter les dossiers, je pense qu'il est possible de le faire.

On parle de rembourser les candidats à l'immigration, les 18 000 dossiers, des frais de traitement. On parle d'environ 19 millions de dollars. Si on prenait une partie de cette somme-là pour investir dans les ressources humaines et matérielles du ministère dans le but d'étudier les 18 000 dossiers, je pense que c'est faisable.

D'autre part, la prémisse de votre question, comment je réagis à la déclaration du premier ministre, bien, lorsque, le 29 janvier, le premier ministre du Québec a déclaré que les 18 000 dossiers allaient être traités en fonction des anciens critères et que, par la suite, on allait mettre de l'avant le nouveau système, évidemment j'étais réjoui par cette déclaration-là, parce que c'est le souhait que la plupart de mes collègues souhaitent également, c'est-à-dire qu'on traite ces dossiers-là. Comment expliquer qu'une semaine plus tard on dépose un projet de loi qui va carrément à l'encontre de cette déclaration-là? Comme citoyen, je ne parle pas comme avocat, mais comme citoyen, je trouve ça préoccupant. D'une part, est-ce que le premier ministre était au courant de la teneur du projet de loi lorsqu'il a fait cette déclaration le 29 janvier? Si oui, eh bien, il a menti à la population québécoise, si non, c'est préoccupant.

Mme Anglade : Très bien. Lorsque l'on parle, donc, des 18 000 dossiers, votre commentaire par rapport aux 18 000 dossiers, c'est qu'ils devraient être traités de manière urgente dans l'ancien système, surtout que l'on sait qu'il y a quand même 90 000, déjà, demandes dans le nouveau système et que, selon le sous-ministre du ministère de l'Immigration, c'est 400 dossiers qui seraient traités dans Arrima, seulement, en 2019. Alors, évidemment, pour ces personnes-là, j'imagine que vous dites... ça renforce l'idée qu'il faudrait traiter les 18 000 dossiers le plus rapidement possible dans l'ancien système.

• (13 h 30) •

M. Handfield (Stéphane) : Dans un premier temps, ceux qui sont déjà au Québec, les 3 700, 3 800, c'est un incontournable. C'est une priorité. Par la suite, bien, je pense qu'il ne faut pas laisser tomber non plus les 14 000 autres dossiers, hein? Il y a des gens, comme je vous dis, qui ont mis sur la glace des projets d'avenir, des gens qui se sont dit : Oui, j'ai un projet; non, je mets tous mes oeufs dans une migration vers le Québec, et qui se font dire, et je pense que c'est important, hein, ils se font dire aujourd'hui : Désolé, vous avez attendu trois, quatre, cinq ans, repartez à zéro, non pas parce que vous ne rencontrez pas les critères de sélection, c'est tout simplement qu'on n'a pas été en mesure de traiter votre dossier dans un délai raisonnable.

Les comparaisons sont souvent boiteuses, mais vous me permettrez d'en faire une. En matière criminelle et pénale, la Cour suprême a dit qu'une personne qui est accusée d'un meurtre doit être jugée dans un délai raisonnable, et c'est 30 mois. Et là on dit à ces gens-là : Bien, désolé, à cause du délai, recommencez à zéro. Bien, non, c'est l'inverse qu'on devrait faire. On veut mettre en branle un nouveau système de non-priorité à ces dossiers-là pour ensuite aller de l'avant avec le nouveau système.

Mme Anglade : Dans la question du remboursement, à supposer que le gouvernement persiste et signe, puis on va voir, parce que, là, les tribunaux ont statué, là, le tribunal a statué, pour l'instant ils sont obligés de traiter les 18 000 dossiers, mais à supposer qu'on décide de rembourser les gens, des gens qui sont venus ici nous ont dit qu'on s'expose à des poursuites additionnelles parce que, si c'était simplement le remboursement du 1 000 $, on ne prend pas en considération les frais de certification, de notaires, les frais d'avocats, etc., et que, dans le fond, on devrait considérer un minimum supplémentaire de 1 000 $ à 2 000 $, sinon on pourrait s'exposer encore à davantage de poursuites. Est-ce que vous êtes en accord avec ça? Est-ce que vous avez une opinion sur cette question?

M. Handfield (Stéphane) : Depuis le dépôt du projet de loi, j'ai cessé de compter le nombre de courriels et de messages que j'ai reçus de gens, au Québec et à l'extérieur du Québec, qui ont l'intention de se joindre à un recours collectif éventuel ou, à tout le moins, d'entreprendre des procédures judiciaires si le projet de loi n° 9 est adopté tel quel. Ça se compte par centaines. Alors, oui, j'imagine que le gouvernement s'expose à des poursuites si évidemment on adopte tel quel le projet de loi. Et je ne crois pas que les gens vont intenter des recours si on parle d'un test de français, d'un test de valeurs. Je crois que ce qui fait problème, c'est les 18 000 dossiers qu'on veut tout simplement fermer et demander aux gens de repartir à neuf.

Mme Anglade : Nous avons entendu également cette préoccupation-là, parce que, comme je vous dis, ça ne fait pas trois semaines qu'on est déjà devant les tribunaux, et on a clairement eu le message des gens qu'il y avait des risques importants de poursuites... mais c'est dur de quantifier, je veux dire, je ne suis pas juriste non plus, mais qu'il y avait un risque certainement de poursuites, notamment si on persistait dans le remboursement qui n'était pas équitable, là, par rapport aux personnes.

M. Handfield (Stéphane) : Si vous me permettez, au-delà du remboursement, le fait de fermer un dossier dans les conditions... dans les circonstances, je trouve que ce n'est pas équitable et c'est injuste, et on cause déjà un préjudice. Je comprends qu'on va rembourser certains frais, mais, au-delà des frais, c'est un projet d'avenir qu'on leur fait perdre.

Mme Anglade : Dernière question. On ne prend pas de recul, on est dans une situation de pénurie de main-d'oeuvre, pénurie de main-d'oeuvre, les taux de chômage de la population immigrante, de manière générale mais particulièrement du 0-5 ans, sont en chute drastique, ce qui montre bien qu'ils arrivent à s'intégrer même si l'intégration a besoin d'être améliorée, a besoin d'être renforcée, d'où la nécessité de ce qui est proposé par le ministre en termes de coordination, et ça, je l'assume, je le reconnais pleinement.

La réduction des seuils, la réduction des seuils aujourd'hui, comment vous la qualifieriez?

M. Handfield (Stéphane) : Vous m'emmenez sur un sujet qui... Les seuils d'immigration... Je pense qu'on ne peut pas juste balancer des chiffres à la légère, et je l'ai déjà dit et je le répète. Est-ce que c'est 30 000, est-ce que c'est 40 000, est-ce que c'est 60 000? On ne le sait pas. Pourquoi? Parce qu'on n'a jamais fait d'études approfondies, à savoir : C'est quoi, les besoins réels du Québec au niveau du vieillissement de la population, au niveau justement de la pénurie de main-d'oeuvre? Il est possible, hein, il est possible... C'est parce que chacun, hein, au gré du vent, balance son chiffre, mais il est possible que c'est 20 000 qu'on a de besoin, il est possible que, dans deux ans, ce sera 40 000. Alors, j'ai de la difficulté à juste me prononcer sur un seuil d'immigration à la hausse, à la baisse, au maintien sans vraiment se pencher d'une façon rigoureuse... Et c'est la raison pour laquelle j'avais déjà déclaré que je pense que la Vérificatrice générale serait probablement la personne la mieux habilitée, si évidemment on souhaitait le faire, pour qu'elle puisse... — je vois M. le ministre qui... ça le fait sourire — qui serait le mieux habilitée, à mon avis, pour trancher cette question.

Mme Anglade : Le ministre sourit parce que ça va réjouir les personnes qui sont à ma gauche présentement, c'est certainement pour ça qu'il sourit dans le commentaire.

Mais, au-delà de ça, il y a deux choses à regarder dans la réduction des seuils : il y a la capacité d'intégration ou d'adaptation, d'absorption dans une société, et il y a les besoins de la société. Je pense, en tout respect, que, dans les besoins, il y a plusieurs organisations qui se sont positionnées, qui ont fait des études de fond pour évaluer les besoins. En aucun cas ces organismes n'ont parlé de réduction de main-d'oeuvre. Pas une fois ces organismes ne sont venus pour dire : Il faudrait réduire. Donc, on peut se questionner sur la capacité d'absorption, là. Peut-être qu'il n'y a pas eu d'étude, mais il y a quand même plusieurs organes qui se sont positionnés sur la question du maintien, à tout le moins, sinon de l'augmentation.

Écoutez, je ne sais pas combien de temps il nous reste. Il nous reste trois minutes?

La Présidente (Mme Chassé) : Oui.

Mme Anglade : Est-ce que je peux céder la parole...

M. Handfield (Stéphane) : ...d'apporter...

Mme Anglade : Oui, je vous en prie.

M. Handfield (Stéphane) : Oui? Peut-être qu'on devrait se poser également la question : on a peut-être moins besoin de travailleurs qualifiés et plus de travailleurs moins qualifiés. On ne s'est jamais vraiment posé cette question-là. Parce que j'écoutais les gens qui ont passé juste avant moi, et c'est ce qu'ils soulevaient, hein, la difficulté de combler certains types d'emploi parce que, bon, ce sont... lorsqu'on parle beaucoup de seuil, c'est beaucoup de... on parle de travailleurs qualifiés. Alors, je pense qu'on devrait aussi se poser cette question-là.

Mme Anglade : À cette question, qui est fort pertinente, de voir qu'il y a environ deux tiers des emplois qui ont besoin d'être comblés qui ne nécessitent pas de formation passé le secondaire V, mettons, les gens nous disent : Ah! bien, oui, il faut une meilleure adéquation. Mais en même temps les mêmes personnes nous disent : L'économie se transforme, ces emplois-là vont probablement, ultimement, s'automatiser, se robotiser, etc. Donc, il va falloir que les personnes qui occupent ces fonctions-là puissent migrer vers d'autres fonctions également, d'où l'équilibre à maintenir entre les personnes qui sont qualifiées et les personnes qui le sont moins. Il y a un meilleur arrimage à faire, mais il faut faire attention dans ce meilleur arrimage là également.

M. Handfield (Stéphane) : Absolument.

Mme Anglade : Il me reste...

La Présidente (Mme Chassé) : Deux minutes.

Mme Anglade : Il me reste deux minutes. Est-ce que tu...

Mme Robitaille : Oui. En fait, peut-être pour clore. Écoutez...

La Présidente (Mme Chassé) : ...députée de Bourassa-Sauvé à prendre la parole.

Mme Robitaille : Oui, Mme la Présidente. Alors, bien, donc, si le projet de loi était adopté comme il est là, là, on ne change pas les libellés, comme il est là, on s'en va où avec ça? Parce que je pense aux conditions, là, qu'on veut accoler à la résidence permanente, les problèmes avec la charte, l'article 20, ça va où, ça?

M. Handfield (Stéphane) : Dans le mur. Beaucoup de dispositions ne sont pas applicables parce que le gouvernement du Québec n'a pas cette compétence de les appliquer. Donc, on pourrait les adopter, mais elles ne pourraient être opérantes tant et aussi longtemps que le fédéral ne bouge pas. Et, d'autre part, on va investir combien dans les poursuites judiciaires? Parce que c'est clair que, s'il n'y a pas de modification à ce projet de loi là, c'est là qu'on s'en va. Je vous le dis. J'entends mes collègues parler, on a des discussions, et c'est là qu'on s'en va. Les armes se préparent. Je vous le dis, M. le ministre, on se prépare.

Mme Robitaille : Donc, on fonce dans le mur.

M. Handfield (Stéphane) : Absolument.

Mme Robitaille : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Je cède maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin. Merci.

Mme Fournier : Merci, Mme la Présidente. Bienvenue, Me Handfield. On est bien contents que vous soyez là et que vous puissiez vous faire entendre aujourd'hui en commission.

D'abord, sur la question des 18 000 dossiers annulés, je vous ai bien entendu tout à l'heure, vous, vous dites qu'on doit prioriser les dossiers des gens qui sont déjà au Québec, qui travaillent déjà ici, qui parlent déjà français, question de faire en sorte qu'ils n'aient pas à redéposer une demande dans le nouveau système Arrima. C'est bien ça?

M. Handfield (Stéphane) : Exact.

Mme Fournier : Donc, vous êtes d'accord avec moi pour dire que, par exemple, la motion qu'a déposée aujourd'hui le ministre de l'Immigration, qui invite une nouvelle fois, au final, ce qu'il dit depuis le dépôt du projet de loi n° 9, à ce que les nouveaux... à ce que les demandeurs puissent déposer leurs dossiers dans Arrima, ça ne change strictement rien.

M. Handfield (Stéphane) : Bien, c'est ce que j'ai compris, mais évidemment je n'étais pas présent à cette déclaration-là, mais ça ne change rien pour moi. Moi, je pense qu'on devrait revenir à la déclaration du premier ministre du 29 janvier, où il a clairement... où il a été clair : les 18 000 dossiers doivent être traités en fonction de l'ancien système, des anciens critères, et par la suite on mettra de l'avant le nouveau système. On doit les traiter, évidemment, traiter en priorité les 3 700 ou 3 800 dossiers qui... dont les gens se trouvent déjà au Québec.

• (13 h 40) •

Mme Fournier : Parfait. Merci beaucoup. Sur la question de la langue, vous avez dit que c'était évidemment très préférable que les gens puissent connaître au final les conditions avant de venir. Donc, on pourrait imposer certains critères de sélection plutôt que de faire venir les gens ici puis, après, qu'ils puissent y avoir une espèce d'épée de Damoclès, là, qui leur repose au-dessus de la tête, à savoir s'ils vont pouvoir conserver leur résidence permanente.

Vous savez, on entend beaucoup dans le discours public : si on impose, par exemple, un certain niveau de connaissance du français avant d'arriver au Québec, eh bien, on se limiterait seulement au bassin de la francophonie. Mais est-ce que vous êtes d'accord pour dire que ça serait tout à fait possible, aussi, d'aller recruter des gens dans des pays qui ne sont pas francophones grâce à la présence des alliances françaises, un peu partout sur la planète, et de faire en sorte que les gens puissent commencer à apprendre le français avant même d'arriver? Parce qu'on s'entend que, même si on réduit les délais d'admission, il va toujours en demeurer et que c'est tout à fait possible pour les candidats à l'immigration d'acquérir un certain niveau de français avant d'arriver au Québec.

M. Handfield (Stéphane) : Bien, vous savez que déjà, actuellement, bien là, on... L'ancien système faisait en sorte que les gens devaient évidemment justifier une certaine connaissance du français. J'ai eu l'expérience où des gens ne faisaient pas du tout partie de la francophonie, ils ont appris le français, ils ont passé les tests de français, ils ont réussi les tests de français et, par la suite, ils ont soumis leurs demandes de résidence... en fait, de certificat de sélection du Québec pour finalement soumettre leurs demandes de résidence permanente. Alors, oui, c'est possible.

Mme Fournier : Puis est-ce que vous savez si ça se fait effectivement dans d'autres pays, donc que c'est possible de faire aussi au Québec?

M. Handfield (Stéphane) : Absolument. Ah! ça se fait absolument. Ça se fait, donc, de sélectionner des gens à l'extérieur de la francophonie, des gens qui vont effectivement apprendre le français, qui sont en mesure de le faire et puis qui soumettent leurs demandes et que c'est des beaux... Vous savez, il y a quand même des belles réussites au niveau de l'immigration, hein? Là, on essaie de changer les choses, mais il y a quand même des belles choses qui se sont faites et il y a des beaux cas.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 30 secondes.

Mme Fournier : Donc, j'en comprends que, sur la question des seuils d'immigration, vous êtes en effet d'accord pour que ça soit la Vérificatrice générale qui puisse donner une indication aux parlementaires basée sur les faits rigoureux plutôt que tirer un chiffre du chapeau.

M. Handfield (Stéphane) : Je pense que ça serait un choix judicieux, effectivement.

Mme Fournier : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Bonjour. Le ministre invite les détenteurs de 3 700 dossiers, sur les 18 000 qui supposément restent au Québec, là, à postuler à Arrima, avec d'autres critères, et etc., dont la question de l'âge qui a changé, il y a des gens qui ont vieilli, comme ça arrive, là, de temps en temps.

M. Handfield (Stéphane) : Des enfants qui deviendront peut-être plus... qui ne seront peut-être plus des enfants à charge aussi.

M. Fontecilla : Voilà, tout à fait. Est-ce que vous pensez que... D'ailleurs, ce système-là, on l'a appris, ne va admettre que 400... ne va émettre que 400 CSQ, là, à la fin de l'année, là, donc on est loin du compte, là. Mais est-ce que vous pensez que cette façon de faire diminue les possibilités de poursuites judiciaires contre le gouvernement, là?

M. Handfield (Stéphane) : Absolument pas. À partir du moment où on va demander aux gens de recommencer à neuf, donc de soumettre une nouvelle demande, on ne se met pas à l'abri de poursuites, vraiment pas.

M. Fontecilla : O.K. Et, dites-moi, dans son plan d'immigration, les informations qu'on a, c'est que le MIDI va réduire les seuils de connaissance du français, là, de 44 % à 41 % pour 2019, ce qui nous paraît faible, est-ce que vous pensez qu'on devrait augmenter ce seuil-là?

M. Handfield (Stéphane) : Bien, ma position est claire sur la connaissance du français, ce n'est pas nouveau, je suis d'opinion qu'on devrait effectivement augmenter la connaissance du français. Je l'ai dit et je le répète, si le gouvernement du Québec n'est pas le gouvernement qui va faire... qui va prioriser le français, qui va défendre le fait français? Je ne vois pas quel gouvernement au Canada va le faire à sa place. Ce n'est certainement pas le gouvernement fédéral.

M. Fontecilla : Je vous repose une question qui revient souvent, là : Si on obtient tous les pouvoirs, bref, si on devient indépendants, là, je ne pense pas que le gouvernement va aller jusque-là, bon...

M. Handfield (Stéphane) : On ne sait jamais.

M. Fontecilla : ... — on ne sait jamais, si vous êtes optimiste — en tout cas, tous les pouvoirs en immigration, là, seriez-vous d'accord d'imposer des conditions de résidence territoriale, linguistiques ou... dans l'absolu, là?

M. Handfield (Stéphane) : Absolument pas. Absolument pas. Je l'ai dit, on ferait en sorte qu'on aurait deux types de résident permanent au Canada, ceux du Québec, qui seraient désavantagés parce qu'ils vivraient avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête, et ceux du reste du Canada. Faire en sorte que des gens soient obligés de demeurer dans une région pour combler, par exemple, une pénurie de main-d'oeuvre irait carrément à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés. Alors, même si le gouvernement fédéral acquiesçait à cette demande, je vois mal comment il pourrait le faire sur cette question-là parce que ça irait carrément à l'encontre de sa propre charte.

Au niveau d'imposer des conditions, je l'ai dit plus tôt, au niveau de la connaissance du français et charte de... test des valeurs québécoises, je pense que, si on veut le faire, c'est avant, justement, d'émettre les certificats de sélection du Québec, et non pas une fois que les gens sont résidents permanents. Ça serait complètement absurde de faire en sorte que des gens deviennent des sans-statut parce qu'ils ont échoué un test de français et de faire en sorte qu'on aurait l'odieux de séparer des familles.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 30 secondes.

M. Fontecilla : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution aux travaux.

La commission suspend les siens jusqu'à 15 heures. Merci beaucoup.

(Suspension de la séance à 13 h 45)

(Reprise à 15 heures)

La Présidente (Mme Chassé) : À l'ordre! Je vous invite à prendre vos places. La Commission des relations avec les citoyens reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle, bien sûr, de fermer ses appareils électroniques.

Nous poursuivons les consultations particulières et les auditions publiques sur le projet de loi n° 9 visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à accroître adéquatement... à répondre, pardon, adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes.

Je comprends qu'il y a consentement que le député de Rimouski, qui arrivera bientôt, remplace la députée de Marie-Victorin cet après-midi.

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : Ah! O.K. Je pensais que tu m'avais expliqué que je ne posais pas la question parce que je disais que je comprends qu'il y a consentement. Je vais y arriver. Je suis tout en train d'introduire... d'intégrer ça.

Cet après-midi, nous entendrons les organismes suivants : la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, la Chambre de commerce et d'industrie de Québec et la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Je souhaite donc la bienvenue aux représentants de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période des échanges. Je vous ferai signe à une minute de la fin. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter votre exposé. Merci.

Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM)

M. Leblanc (Michel) : Alors, bonjour. Mon nom est Michel Leblanc. Je suis le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Merci de nous accueillir aujourd'hui sur ce dossier.

Je vais présenter brièvement la chambre. Pour certains d'entre vous, c'est peut-être un premier contact. La Chambre de commerce du Montréal métropolitain va fêter ses 200 ans d'histoire en 2022, dans quelques années. C'est une des plus anciennes institutions non religieuses au Québec. La chambre représente 7 000 membres de la communauté d'affaires. C'est une organisation qui a comme mission d'être la voix du milieu des affaires de la métropole et d'agir aussi sur le terrain, dans l'intérêt de la base d'affaires.

Sur le dossier de l'immigration, la chambre a pris acte et position sur ce dossier depuis maintenant plus de 10 ans. Nous avons non seulement pris des positions publiques, mais nous avons aussi lancé des programmes concrets. Je vais les présenter brièvement parce qu'ils sont importants et qu'ils donnent de bons résultats.

Le premier programme, soutenu par le gouvernement du Québec, s'appelle Interconnexion. C'est un programme terrain qui vise à trouver des emplois à des immigrants qualifiés qui n'ont jamais eu d'emploi dans leur domaine de compétence. Donc, traditionnellement, ça peut être l'Algérien ou l'Algérienne qu'on a accueilli ici avec un diplôme d'ingénieur et qui a envoyé des C.V., qui n'a jamais reçu de réponse et qui est devenu, par la force des choses, devant gagner sa vie, chauffeur de taxi, ou travaillant à nettoyer des édifices le soir. Et ce programme-là, donc, a pour mission de travailler, avec des organismes terrain, avec ces immigrants qualifiés, travailler avec les entreprises sur leurs besoins non comblés, de les mettre en relation, et le taux de réintégration est de 70 %. C'est un taux élevé, c'est un taux qui aussi couvre de la petite entreprise, pas que de la grande.

Le deuxième programme qu'on a, maintenant, s'appelle le jumelage linguistique. C'est un programme qui vise à aider à la francisation des commerçants sur rue dans les quartiers et sur les artères montréalaises, là où il y a peut-être des enjeux de francisation. C'est un programme qui met en relation des commerçants sur rue avec des étudiants de facultés universitaires pertinentes. Ces étudiants-là vont dans le commerce durant les heures d'ouverture, à chaque semaine, pendant trois mois, donner des cours sur du français approprié au type de commerce. Donc, c'est le nettoyeur avec un immigrant qui ne sait pas ce qu'un ourlet est, ou bien faire un bord, et qui finalement l'apprend. Et, à travers ces apprentissages de français, on peut mesurer la progression.

Et, deuxièmement, c'est une campagne aussi dans les quartiers, où il y a des écussons, il y a de la documentation qui dit : J'apprends le français, encouragez-moi. Et c'est pour conscientiser la population que l'apprentissage du français, ça exige aussi qu'on aide cet immigrant qui apprend le français, soit en parlant plus lentement, en lui enseignant un nouveau mot par jour, et surtout pas en basculant dans la langue anglaise, si on avait l'habitude de le faire. J'en parle pour dire que, sur le terrain, nous sommes très actifs auprès des populations immigrantes.

Je venais ici en me disant, et je pense que je vais vous dire à peu près des lieux communs que vous connaissez, mais ça vaut la peine peut-être de les répéter : nous sommes aux prises avec une prise de conscience nouvelle pour les Québécois qui est une double réalité. La première, on l'anticipait, mais le choc démographique est bien réel, le vieillissement de la population, le resserrement sur le marché du travail est réel. Ça fait en sorte que, de toute façon, nous aurions connu, à ce moment-ci, un resserrement du taux... un resserrement démographique avec une baisse du taux de chômage. C'est normal. C'est un constat collectif qui est à faire tout simplement parce que, même si on l'a vu venir, ses impacts sont nouveaux.

Mais la deuxième prise de conscience, on n'est pas habitués, économiquement nous surperformons. Nous n'avions pas vu ça venir, et on en est très heureux, mais il se crée beaucoup d'emplois, il y a beaucoup de projets qui mèneraient à de la création d'emplois, il y a beaucoup d'investissements qui sont considérés qui mèneraient à des créations d'emploi. Ça accentue cet effet de pénurie. Dans la région de Montréal, à peu près tous les secteurs connaissent des pénuries d'emploi. Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des gens au chômage, mais ça veut dire qu'il y a un enjeu parfois d'adéquation entre ce que ces gens-là peuvent offrir et le besoin des entreprises.

Deuxièmement, dans la région métropolitaine, ce qu'on s'aperçoit, c'est que progressivement les bassins de travailleurs potentiels commencent à se tarir. Donc, on le voit, le taux de chômage chez les immigrants tend à baisser rapidement, les écarts entre les natifs du Québec et les immigrants tendent à diminuer, et ce qu'on présume, on n'est pas dans les régions, on voit les statistiques, on voit les manchettes, c'est que c'est un phénomène panquébécois. Ce qui nous amène à dire que, d'un point de vue autant des leaders de la communauté que, nous pensons, des élus et du gouvernement, il y a un devoir de lucidité, voir ce qui se passe, et un devoir de leadership, expliquer, conscientiser les gens non seulement à la réalité de ce qui se passe, mais aux solutions qui doivent être mises de l'avant.

La position de la chambre est la même depuis plusieurs années. D'abord, bien réussir la sélection, et nous avons appuyé entièrement le processus qui a été proposé, d'y aller par déclaration d'intérêt. Ça présuppose, selon notre compréhension, d'abord que l'immigrant présente très clairement son projet d'immigration, ce qu'il peut apporter à la société, ce qu'il propose, et ça sélectionne que... ça implique que nous sachions clairement quels sont nos besoins. Et, dans cette proposition de système à déclaration d'intérêt, il y avait une promesse qui a été faite, et je pense qu'elle reste en partie à remplir, et c'est d'être capable de bien détecter, relativement en temps réel, les besoins qui existent, la deuxième composante, qui est les besoins à venir, parce qu'évidemment il pourrait y avoir de la myopie sur les besoins immédiats, mais, on sait, les changements technologiques et les nouvelles réalités vont changer les besoins après un certain temps.

Deuxième, évidemment, élément de la stratégie, pour nous, qui est très clair, c'est de réussir l'intégration. Et réussir l'intégration, dans notre perception à nous, ce n'est surtout pas de dire à l'immigrant : C'est à toi de trouver ta route, mais c'est à la société d'accueil de l'aider, de l'accompagner. Nous le faisons avec des immigrants qualifiés déjà sur le territoire. Nous avons, et je vais y revenir, des propositions qui nous permettraient d'étendre ce qu'on fait à des nouveaux cas d'immigrants, et ça permettrait d'utiliser des ressources compétentes que nous avons pour répondre à ce besoin des nouveaux immigrants d'accompagnement vers les bons emplois.

Nous avons aussi dit, à travers notre programme Interconnexion et à travers toutes nos propositions, que nous serions très disposés à contribuer à la régionalisation de l'immigration. Et donc, par le biais de passerelles, nous qui trouvons des emplois pour des immigrants qualifiés dans la région de Montréal, nous serions très à même d'aider dans les régions, lorsqu'il y a identification de besoins en travailleurs qualifiés, de transmettre les dossiers et éventuellement de faire en sorte que des autobus d'immigrants qualifiés puissent aller dans les régions. On l'a proposé. Ça avait déjà été envisagé dans le cadre d'un budget antérieur qui avait été déposé par le ministre des Finances de l'époque, Raymond Bachand, et, dans les régions, les organismes qui avaient été identifiés à ce moment-là n'avaient pas répondu. Donc, nous étions ouverts. Je pense qu'on peut faire plus, mais ça prend un interlocuteur, dans les régions, qui peut aider à détecter les besoins, et nous, de par notre programme, on pourrait identifier des immigrants qualifiés qui iraient vers ces régions.

• (15 h 10) •

La dernière position que nous avons toujours défendue, qui n'est pas neuve, c'est dire qu'on peut marcher et mâcher de la gomme en même temps et donc qu'on peut réussir l'intégration tout en admettant qu'on en a besoin de davantage. Notre position, qui n'a pas changé, c'est que le Québec devrait se diriger vers un nombre d'immigrants qui correspondrait à son poids dans le Canada, pour être dans le poids de l'immigration canadienne, qui correspondrait à environ 60 000 personnes.

On a pris acte de la décision du gouvernement de réduire à 40 000. On a surtout pris acte du mot «temporairement» qui a été assigné à cet objectif, et, pour nous, c'est fondamental, si nous devions devant nous avoir une dynamique où les seuils d'immigration sont plus faibles, je nous le dis, on s'appauvrirait collectivement, on mettrait en péril des investissements pour le Québec, et des sociétés québécoises présentement envisageraient d'investir ailleurs plutôt qu'au Québec, étant inquiètes sur la disponibilité de main-d'oeuvre.

Finalement, des recommandations qui sont dans le mémoire sont assez simples et vont refléter ce que je viens de dire. D'abord, en ce qui a trait à la sélection, aux critères de sélection, comme je le disais, le système par déclaration d'intérêt présuppose qu'on sache clairement quel genre de compétences on aimerait accueillir ici, quel genre de besoins on a. Et ce mécanisme-là de consultation, pour nous, n'est pas clair. Et, s'il n'est pas clair pour la chambre de commerce, je peux vous dire que les entreprises ne savent pas comment communiquer au gouvernement les besoins qu'elles auraient en termes d'immigrants, immédiats ou dans le futur. Et je pense que, cette solution-là, on doit la clarifier, on doit la mettre en oeuvre, et la chambre de commerce est prête à aider.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Leblanc (Michel) : Une minute. Je vais aborder un sujet rapide : la mesure de transition. C'est clair que, dans notre esprit, les...

La Présidente (Mme Chassé) : Le ministre vous offre ses minutes.

M. Leblanc (Michel) : Je vous remercie, M. le ministre, c'est généreux.

C'est clair dans notre esprit que, dans le cas des fameux 18 000 dossiers, on ne devrait se priver de personne qui est au Québec, qui est compétent et qui désire être ici. Et donc, dans notre esprit, on accueille extrêmement favorablement ce que nous avons compris que le premier ministre a annoncé ce matin, qui est de dire : Pour ceux qui sont ici, on va s'arranger pour que ça se passe vite. S'il y a besoin de faire une déclaration d'intérêt de leur part, ça va se faire immédiatement, et on va les traiter rapidement, ces dossiers-là. Pour nous, c'est une évidence. Je vous dis, des entreprises, à Montréal, qui auraient des travailleurs qui seraient dans leurs bureaux et qui seraient soumis à une inquiétude sur leur statut, ça va juste créer de la frustration immense.

Je pense que, d'un point de vue de conscience... et je ne sais pas si l'État a le droit d'avoir une conscience et une morale, mais les candidats à l'étranger qui se sont soumis à ce processus-là devraient être invités, à tout le moins, à déposer rapidement et facilement une déclaration d'intérêt, et on devrait tenir compte du fait que ces gens-là, à travers le temps, avaient déjà signalé leur désir de venir. Ça serait de l'ordre, à notre avis, d'un contrat moral à respecter avec eux.

Une fois que j'ai dit ça, deux autres propositions qui sont faites. La première, c'est que notre programme Interconnexion, par lequel on travaille avec des travailleurs qualifiés étrangers, pourrait être étendu à des étudiants qui sont dans nos universités. Et, dans le même rappel où on appelle des entreprises pour savoir s'ils seraient ouverts à accueillir un travailleur stratégique ou un travailleur qualifié immigré, on pourrait vérifier s'ils ont besoin de stagiaires qui seraient des étudiants étrangers, et on ferait ça en collaboration avec Montréal International, qui travaille déjà avec des étudiants étrangers. On pourrait le faire aussi pour les conjoints des travailleurs temporaires, et donc, dans le cas où il y a des travailleurs temporaires qui viennent ici avec leurs conjoints, hommes ou femmes, on pourrait contribuer à ce que rapidement ce travailleur temporaire puisse être intégré, et ça accentuerait, à ce moment-là, les chances qu'à la fin les deux décident de rester.

Dernier point — et merci, M. le ministre, encore, pour votre temps — je pense que l'approche du gouvernement à travers la mise en oeuvre de cette loi devrait se faire avec des organismes actifs sur le terrain. Je l'ai souvent dit, pourquoi Interconnexion fonctionne en partie, c'est que c'est plus facile pour quelqu'un des ressources humaines d'une petite entreprise de nous révéler son inconfort face à un travailleur immigrant ou face aux immigrants, parce que nous ne sommes pas du gouvernement. Et ça crée un échange où ça nous permet de converger vers la possibilité qu'il reçoive ces C.V., qu'il s'aperçoive que la ressource dont il a besoin est un immigrant et qu'il l'embauche. Et je dis donc que, là où le gouvernement peut faire parfois... parfois, en faisant faire par d'autres, ça donne de meilleurs résultats. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période d'échange. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Leblanc, bonjour. Merci d'être présent parmi nous aujourd'hui.

Commençons tout d'abord par les personnes qui ont déposé leurs dossiers dans le Programme régulier des travailleurs qualifiés, les 3 700 demandeurs principaux qui, au moment, étaient présents sur le territoire québécois. Aujourd'hui, on ne sait pas combien de personnes sont toujours présentes. Ce matin, j'ai réaffirmé la volonté du gouvernement de les traiter en priorité, de déposer une demande de déclaration d'intérêt dans le système Arrima, et qu'ils seraient invités prioritairement, et qu'on analyserait leurs dossiers prioritairement. Ça, on vous entend bien, je pense qu'on se rejoint là-dessus. Cela étant dit, d'ici le projet de loi, on a annoncé aussi que les dossiers allaient être traités... d'ici l'adoption du projet de loi, les dossiers vont être traités comme c'était le cas avant le dépôt du projet de loi. Lundi, il est arrivé un événement à la cour. Alors, on a annoncé très certainement que nous allions continuer le traitement, et donc... et, en ce sens-là, je vous rejoins.

Pour les 14 000 autres dossiers, on invite les gens déjà à déposer dans Arrima parce qu'on veut utiliser le nouveau système basé sur la déclaration d'intérêt. Et ce que je note dans votre mémoire, c'est que vous êtes en accord avec le fait que maintenant on arrime les besoins du marché du travail avec le profil des candidats. Ça fait que là-dessus j'espère vous rassurer avec le message gouvernemental qu'on va livrer.

La question de la régionalisation, tout à l'heure, ça m'intéresse, ce que vous avez dit par rapport au fait que vous disiez que vous aviez une entente avec certains organismes, finalement ça n'a pas marché, pour amener des travailleurs dans les différentes régions. Pourquoi ça n'a pas marché, puis pouvez-vous nous en dire davantage là-dessus?

M. Leblanc (Michel) : C'est le genre de réponse qui ne me fait pas des amis. La réalité, c'est que, lorsque le programme Interconnexion a grossi... Toute la logique de ce programme, c'est qu'il y a des organismes terrain qui détectent, sur le terrain, des immigrants qualifiés qui sont sous-utilisés et qui sont surqualifiés. La chambre n'a pas des chapitres dans la communauté portugaise ou ici et là pour les détecter. Nous travaillons avec les entreprises, et là on trouve, chez les entreprises, des besoins non comblés. On met ça en relation, on est des marieurs.

À l'époque, Raymond Bachand avait dit : Michel, peux-tu faire ça avec des chambres de commerce? En fait, moi, j'avais proposé qu'on le fasse, mais je n'avais pas identifié que ce seraient les chambres de commerce. Et lui est arrivé, donc, avec la proposition, dans le budget c'est écrit que nous allions travailler avec la chambre de commerce de Trois-Rivières, de Québec, de Hull, de Sherbrooke. Et, à mon avis, la petite erreur, c'est que ce n'est pas clair que les chambres de commerce, à l'extérieur de Montréal, sont toujours le meilleur agent pour livrer ça. J'en prends pour... À l'époque, c'était clair dans notre esprit que Québec International, par opposition à la Chambre de commerce de Québec, aurait été plus apte, à ce moment-là, à livrer cette passerelle.

Le deuxième élément, c'est que souvent, quand le gouvernement nous a interpelés sur Interconnexion, ce qu'il voulait, c'est créer des interconnexions à l'extérieur de Montréal. Or, qui dit interconnexion dit qu'il y a des bassins d'immigrants qualifiés qui ne trouvent pas de job à Sherbrooke ou à Trois-Rivières, ce qui n'est pas la logique de ce qu'on proposait. Le bassin, 86 % des immigrants sont dans la région de Montréal. Donc, c'était dire : On va contribuer à identifier dans la région de Montréal, via des organismes, des immigrants qualifiés et là trouvons en région l'intégrateur des besoins d'entreprises. Et nous, on était prêts à communiquer. Et, derrière ça, ce qu'il y a comme message qui est important, c'est que la base d'affaires à Montréal nous disait : Michel, on ne va pas essayer de garder nos immigrants. Si, sur le territoire du Québec, il y a une job qui est plus appropriée pour certains immigrants, tant mieux, qu'ils y aillent. Et, derrière ça, il y avait une volonté, puis on peut convenir que c'est encore un défi, c'est que tout le monde, à travers le Québec, voit l'immigration comme une solution. Et, si on garde les immigrants dans la région de Montréal, dans les régions, c'est plus lent, le processus de voir l'immigration comme étant une solution.

M. Jolin-Barrette : Dans le cadre du nouveau système, on veut donner la priorité, entre autres, à la régionalisation, notamment par le fait de dire : Bien, on pourrait prioriser ceux qui ont une offre d'emploi validée en région davantage. Il y a toujours la difficulté de s'assurer que la personne demeure dans la région et ne migre pas nécessairement vers Montréal. Montréal est très attractive pour les populations immigrantes. La ville de Montréal est venue, hier, nous dire : Bien, écoutez, nous aussi, on a des grands besoins dans nos différentes entreprises. Comment est-ce qu'on réconcilie ça, là, pour s'assurer que...

M. Leblanc (Michel) : Bien, la prémisse, au départ, elle égratigne. La prémisse qui serait de dire : On va, à travers un bassin fermé d'immigrants, en choisir pour les régions, ça veut dire qu'on présuppose qu'on en choisit moins pour les besoins des entreprises de la région de Montréal. Ça égratigne tout le monde.

Qu'on se dise qu'on veut augmenter en se disant qu'on va identifier une catégorie d'immigrants qui va rentrer par un programme de régionalisation... Donc, il y aurait la possibilité, dans un premier bassin, de venir à Montréal, dans un deuxième bassin qui s'ajoute, d'aller directement dans les régions. Je ne pense pas que moi, j'aurais énormément de réticences dans la communauté d'affaires si et seulement si les besoins des entreprises de la région de Montréal peuvent être comblés par l'immigration.

Après ça, quant à la rétention en région, moi, j'ai l'impression qu'il y a un énorme effort à faire de comprendre les besoins des immigrants et qu'à partir du moment où les besoins des immigrants sont compris, autant pour des Québécois ça peut être agréable de vivre à Chicoutimi ou de vivre à Rimouski, autant pour des immigrants ça va être agréable de vivre à Chicoutimi ou Rimouski. Mais l'idée, c'est qu'il faut qu'on soit sensibles aux réalités de l'immigrant à Chicoutimi et à Rimouski, ce qui est de facto le fait à Montréal, dans des quartiers. C'est ça qui fait l'attraction à Montréal. Les immigrants restent à Montréal parce qu'il y a des emplois, mais souvent le meilleur emploi n'est pas nécessairement là, mais le quartier, la boucherie hallal, etc., ça a une valeur pour l'immigrant.

• (15 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Je suis d'accord avec vous là-dessus. Entre autres, c'est pour ça que, dans le projet de loi n° 9, on va mettre un parcours personnalisé pour accompagner en matière d'intégration et de francisation, et ce, dès l'étranger. Et on veut étendre aussi les services qui sont donnés aux travailleurs temporaires, parce qu'actuellement ils ne sont pas admissibles, et là on vient étendre les services à eux aussi.

Tout à l'heure, je vous entendais dire : Les conjoints, c'est important aussi. C'est un facteur d'intégration extrêmement important, puis on veut offrir des services de francisation et d'intégration aussi aux conjoints. L'État a un rôle à jouer, les communautés aussi, mais le ministère de l'Immigration a aussi un rôle à jouer à ce niveau-là.

On déborde un peu, là. Les travailleurs étrangers temporaires, nous, notre désir, c'est de s'assurer que, s'ils répondent aux besoins du marché du travail, on puisse les permanentiser. Pour vos membres, là, chez vous, au niveau de la flexibilité du Programme des travailleurs étrangers temporaires, j'imagine que vous voulez davantage de flexibilité à ce niveau-là.

M. Leblanc (Michel) : Oui. En fait, c'est comme si le «mindset» qu'on doit avoir, là, c'est : quiconque veut venir chez nous, est compétent et qu'il peut répondre à un besoin, là, on devrait dire oui. Puis, si on peut les rentrer parce qu'ils sont temporaires au début, tant mieux, et là on fait tout pour les convaincre de rester. Donc, ça va avec le conjoint, la famille, la fluidité du processus vers devenir permanent.

On est dans une situation où on est en pénurie, et ça affecte nos volontés d'investir. Et en même temps le Canada, dans sa réputation planétaire, trône dans la stratosphère. Alors, si nous, on est perçus comme étant plus refermés, ils vont vouloir venir et ils vont aller encore plus à Toronto puis encore plus à Vancouver. Donc, on est vraiment dans accueillir les travailleurs temporaires, leur donner de la flexibilité, faire en sorte qu'on les garde. Et, si ce n'est pas dans l'employeur initial, ce n'est pas grave, on en a besoin.

M. Jolin-Barrette : Je reviens à l'immigration permanente. Certains disent qu'on devrait accueillir uniquement des candidats francophones à l'entrée. Moi, j'ai plutôt tendance à dire : Il faut donner les opportunités à tout le monde, dans le monde entier, basé sur leur profil de compétence puis que, par la suite, l'État québécois déploie les ressources pour amener la francisation, amener une intégration. De quelle école la chambre est...

M. Leblanc (Michel) : Écoutez, je vais vous prendre l'exemple extrême. Si on impose la connaissance du français, il n'y a pas de supergrappe en intelligence artificielle à Montréal et il n'y a pas de trajectoire phénoménale qui s'en vient en intelligence artificielle au Québec, et pas juste à Montréal. C'est clair que, présentement, là, il y a un phénomène planétaire, la langue internationale, c'est l'anglais, et les gens vont connaître souvent leur langue d'origine peut-être et l'anglais, si ce n'était pas l'anglais.

À mon avis, notre défi, c'est de les convaincre, une fois que ça se passe ici, que le français, c'est une langue facile à apprendre, on leur facilite la vie, que c'est la langue commune. Et ça passe beaucoup par les enfants, et on le sait, les enfants des immigrants, c'est une réussite, ils apprennent le français. Donc, à mon avis, on se priverait énormément de ressources stratégiques si on imposait la connaissance du français, et, du point de vue de la communauté d'affaires de Montréal, je vous dirais, il y aurait énormément de levées de boucliers.

M. Jolin-Barrette : Sur les travailleurs étrangers temporaires, vous nous recommandez d'augmenter le nombre. Présentement, on est en négociation avec le gouvernement fédéral. Nous, on souhaite des assouplissements au Programme des travailleurs étrangers temporaires, le déplafonnement du 10 %, que le Québec soit le seul à faire l'étude d'impact sur le marché du travail de façon à réduire les délais, de s'assurer aussi que la durée du permis de travail soit plus longue.

Donc, très certainement, on accueille favorablement vos commentaires et puis on invite le gouvernement fédéral à comprendre le marché du travail québécois, la région montréalaise notamment, de façon à faire en sorte de répondre aux besoins de main-d'oeuvre dans les différentes régions, particulièrement à Montréal aussi. Parce que moi, je pense que c'est fondamental, à partir du moment où nous, comme gouvernement du Québec, on dit : Écoutez, oui, on veut des travailleurs temporaires, ils vont s'intégrer, on va déployer les ressources pour les intégrer et pour les franciser, il n'y a pas de raisons pour que le fédéral dise : Non, on laisse la rigidité du programme.

M. Leblanc (Michel) : On est votre allié dans ces représentations. On fait aussi des représentations auprès du gouvernement du Québec pour qu'on augmente le nombre d'immigrants permanents.

M. Jolin-Barrette : Oui. J'ai bien saisi aussi, et, tel que je l'ai annoncé au moment de l'annonce de la baisse du seuil pour l'année 2019, il s'agit d'une baisse temporaire qui fait suite notamment à un engagement lors de la campagne électorale.

Un des objectifs au niveau de la baisse du seuil, c'est de s'assurer, un, dans un premier temps, de réformer le système d'immigration, de revoir la façon dont nos ressources en matière de francisation et d'intégration sont déployées pour mieux faire les choses, et on aura une commission parlementaire en 2019, avant le 1er novembre, parce qu'on doit déposer le plan pluriannuel pour le 1er novembre, et, à cette occasion-là, les volumes pour les années subséquentes seront établis. Puis je vous invite aussi... et j'imagine qu'on va se voir en commission parlementaire à ce moment-là.

M. Leblanc (Michel) : On va venir, si vous nous invitez, avec plaisir.

M. Jolin-Barrette : Bien, certainement. Alors, écoutez, je vous remercie grandement d'être venu ici. Je pense que mes collègues ont des questions à vous poser aussi. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Est-ce qu'il y a des collègues du groupe formant le gouvernement qui désirent faire une intervention? Personne ne s'est signifié, M. le ministre. Alors, je vous invite à poursuivre, à moins... Ah! encore une fois, le député de Mégantic, allez-y.

M. Jacques : Merci, Mme la Présidente. Bon, quand on parle des entreprises, est-ce que vous croyez que ces entreprises-là doivent s'impliquer dans la façon d'intégrer les immigrants au Québec, autant au niveau social, francisation et compagnie?

M. Leblanc (Michel) : Oui. La réponse, c'est oui, et clairement, pour nous, les entreprises ont des rôles à jouer à plusieurs niveaux. Le premier sur bien s'équiper pour évaluer les C.V. des immigrants, et c'est un défi pour les PME. Souvent, on accuse les PME d'être fermées à l'immigration. Je pense que, dans bien des cas, c'est que des PME sont confrontées pour la première fois à un C.V. d'un immigrant qui a étudié à l'étranger et aussi qui a une expertise ou une expérience qui était acquise uniquement à l'étranger. Et, pour des PME, entre un candidat où je sais où il a étudié, je sais ce qu'il a appris puis je sais même l'entreprise dans laquelle il a déjà travaillé... même s'il est moins qualifié, ce candidat local, souvent l'entreprise, par réflexe, va aller vers lui. Alors donc, à notre avis, un des premiers défis qu'on a, c'est d'amener les PME à bien comprendre les C.V. des immigrants, à bien détecter le potentiel des immigrants.

Deuxième, après l'intégration, appelons-la périphérique sociale, donc s'assurer que... l'intégration des conjoints, bien comprendre les activités de l'organisation, si c'est en région, bien comprendre comment les activités sociales en région fonctionnent, de façon à ce que les immigrants et leurs familles se sentent bien intégrés.

Le dernier point qu'on a soulevé à travers une étude qu'on a faite, et, à notre avis, c'était la seule à ce moment-là, c'était sur le parcours des immigrants à l'intérieur des entreprises, vers des postes de cadre. Et ce qu'on s'est aperçu, c'est que des entreprises sous-investissaient dans certains apprentissages que les immigrants doivent faire, notamment sur le français. Des immigrants connaissant le français suffisamment pour obtenir un poste ne connaissent pas nécessairement la nuance requise pour obtenir des postes de cadre, et des entreprises ont souvent le réflexe de donner des compléments de formation à leurs employés sur plein d'angles et pas nécessairement sous l'angle de la francisation en vue d'obtenir un poste de cadre et d'autres besoins de formation additionnelle qu'il pourrait y avoir.

Donc, pour nous, la responsabilité des entreprises n'est pas seulement au niveau de l'intégration initiale, mais au niveau de l'accompagnement des immigrants à l'intérieur des entreprises, pour qu'il y ait des cheminements à la hauteur de leur potentiel. Donc, oui, il y a une responsabilité des entreprises.

M. Jacques : Parfait. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Y a-t-il d'autres interventions de la part du groupe formant le gouvernement? Le député de Sainte-Rose. Prenez la parole.

M. Skeete : Je vais tenter ma chance. Merci beaucoup pour votre présentation. Merci beaucoup pour votre présence. Est-ce que vous avez une idée c'est quoi, le profil typique de l'immigrant dont Montréal a besoin?

M. Leblanc (Michel) : Présentement, la réponse, c'est : à peu près dans tous les profils. Il y a des restaurants qui vont fermer. L'Épicier, pour ceux qui le connaissent, c'est un restaurant qui allait très bien, a fermé parce que le propriétaire trouve que ça ne finit plus d'essayer de trouver des personnes à remplacer dans soit la cuisine soit la plonge. Les hôteliers, Montréal et le Québec... mais Montréal connaît une période touristique extrêmement faste, et donc toutes les industries qui tournent autour du tourisme sont en manque de candidats.

Alors là, on est dans des travailleurs qui ont des compétences, je dirais, moins pointues, mais allez dans tout ce qui s'appelle les entreprises de technologie, des entreprises de pointe, et là on parle de travailleurs stratégiques très qualifiés, les besoins sont énormes. Il y a des besoins de travailleurs dans les écoles, dans les garderies. C'est clair qu'on le voit. Il y a beaucoup d'immigrantes qui travaillent dans les garderies parce qu'il y a des besoins.

Alors, le profil type, je dirais, c'est quelqu'un qui rêve de s'intégrer dans la société québécoise. L'immigrant, c'est un entrepreneur personnel en soi qui est prêt à changer sa vie. Et à ce moment-ci, sur tout le territoire de Montréal, il y a des pénuries de main-d'oeuvre dans à peu près tous les secteurs.

M. Skeete : Donc, si j'entends bien, qu'il y ait des critères de sélection ou pas, ce n'est pas important.

• (15 h 30) •

M. Leblanc (Michel) : Non, ça va être important, parce que les critères de sélection vont servir d'abord à identifier ceux qui ont une formation, qu'elle soit technique ou pas. On a eu une période où on embauchait des universitaires parce qu'on pensait que c'est ça dont on avait besoin. Là, ce qu'on s'aperçoit, c'est que, dans des domaines techniques, il y a des besoins particuliers.

La deuxième, c'est qu'il peut y avoir des emplois qui vont être fortement touchés par l'automatisation, la numérisation, éventuellement l'intelligence artificielle, et là on peut avoir des pénuries temporaires, mais qui vont éventuellement disparaître. Et là moi, je pense que le gouvernement devra faire du travail, de voir venir, penser aux compétences du futur. Parce que le défi, c'est que les entreprises vont investir dans l'éventualité où, dans cinq ans ou dans 10 ans, la main-d'oeuvre va être là. Moi, je pense qu'on a besoin clairement d'identifier les compétences dont on a besoin puis que les entreprises ont besoin. C'est dans tous les secteurs, mais c'est des compétences spécifiques dans chacun de ces secteurs.

M. Skeete : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Est-ce qu'il y a d'autres interventions de la part... Oui? J'invite le député de Rousseau à prendre la parole.

M. Thouin : Bonjour, M. Leblanc. Selon vous, c'est quoi, les conditions qui vous apparaissent justifiées pour que les employeurs s'engagent davantage, bien sûr dans l'intégration mais plus particulièrement dans la francisation, sans, bien sûr, compromettre leur productivité, là, la productivité de leurs entreprises?

M. Leblanc (Michel) : Bien, pour ce qui est des PME, c'est carrément de leur faciliter la vie. On le voit à travers notre programme de jumelage linguistique, les commerces de détail n'ont pas de redondance. De dire : Ton employé, en après-midi, devrait aller apprendre le français, là, c'est mettre la PME dans une situation très difficile. Et, dans bien des cas, ces gens-là travaillent des longues heures, et de penser que, le soir, ils vont prendre sur leur temps de famille d'aller apprendre le français, c'est exigeant. Donc, leur faciliter la vie avec le plus possible des mesures d'enseignement de l'apprentissage du français sur les lieux de travail. Ça, c'est pour la PME. Donc, ça peut être le propriétaire qui... c'est lui-même ou ça peut être quelques employés dans le petit commerce.

Pour ce qui est des entreprises qui sont de taille plus importante, ce qui donne, à mon avis, le meilleur résultat, c'est d'informer le plus facilement possible, le plus fluidement possible ces entreprises-là sur les ressources qui sont disponibles, soit en entreprise, soit à proximité. On a eu d'autres programmes à la chambre où on rendait cette information disponible. On travaillait, à ce moment-là, entre autres, dans le cadre d'un comité avec des représentants des syndicats. Et je pense que, dans cette mobilisation de tous les partenaires, il y a la clé du succès pour que ça ait lieu en entreprise. Mais je reviens... Puis c'est exactement, je pense, le point que vous aviez, c'est : plus c'est simple, plus les entreprises vont le faire. Ça ne veut pas dire que ça doit être gratuit, mais ça doit être simple. Et là, à ce moment-là, c'est de s'ajuster aux besoins de l'entreprise, parfois sur les lieux, à proximité des lieux, sur des horaires qui font l'affaire des entreprises, et elles vont le faire.

La Présidente (Mme Chassé) : ...au groupe formant le gouvernement. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? M. le ministre.

M. Jolin-Barrette : Je reviens parce que je veux éclaircir un point, les acteurs terrain. Bon, premièrement, acteurs terrain, on parle des organismes communautaires, chambres de commerce...

M. Leblanc (Michel) : Je vais vous donner un exemple de ce qui a été frictionnel il y a quatre ans. Ça nous a pris un an pour ramener le gouvernement dans le droit chemin, selon nous. Le programme Interconnexion fonctionne avec des organismes terrain qui travaillent souvent dans des domaines d'employabilité de l'immigrant, donc identifient des immigrants qui ont des besoins, des immigrants qui sont déjà arrivés, ils sont dans les communautés.

Nous, notre programme trouve auprès d'entreprises des besoins non comblés puis fait le match. Pendant un certain temps, le gouvernement a décrété qu'il ne pouvait pas y avoir de double... appelons-le financement pour le même individu. Donc, ça a été de dire à l'organisme terrain : La seconde où l'immigrant que tu as identifié bascule dans le programme Interconnexion, tu ne reçois plus de financement. Nous, on a dit au gouvernement : Si vous faites ça, ce qui va se produire, c'est que l'organisme terrain va garder ses dossiers le plus longtemps possible, puis, quand ils ne seront plus admissibles, là, vous nous les transférerez. Les fonctionnaires ont dit : Ça ne se passera pas comme ça. On a perdu 92 % de nos référencements des organismes terrain. Ça s'est passé exactement comme ça. Et c'est...

M. Jolin-Barrette : Dans le fond, les organismes disaient : Moi, je ne veux pas perdre mon financement...

M. Leblanc (Michel) : Je ne veux pas perdre mon... Exactement ça. Je ne veux pas perdre mon financement, je travaille avec ces gens-là puis j'en ai de besoin dans mes frais généraux, puis tout ça. Alors, le gouvernement, au bout d'un an et demi, a dit : Effectivement, ça défait ce qui fonctionnait bien. Le coût du dédoublement, c'est entre 300 $ et 600 $ par personne qui, à un moment donné, est dans les deux programmes. Je vous dirais, on a des chiffres sur le nombre de gens qui arrivaient de l'aide sociale, qui arrivaient de l'assurance chômage ou qui basculaient dans un emploi beaucoup plus payant, et donc qui payaient plus d'impôt. Bref, le gouvernement recouvrait très rapidement les frais du dédoublement. C'est là où je dis que travailler avec les organismes terrain... si c'est bien réalisé, qu'il y ait des organismes qui travaillent avec ces gens-là au quotidien, qui identifient clairement les besoins qui les accompagnent. Il y en a d'autres comme nous qui travaillons avec les entreprises et qui font en sorte que, si c'est bien matché, c'est très fluide.

Moi, je pense que le rôle du gouvernement à ce moment-là, c'est de s'assurer qu'il n'y a pas des dédoublements à l'infini, il n'y a pas de multiplication inutile d'organismes, mais que cette fluidité-là de la relation fonctionne bien. Et, si on fait ça avec des indicateurs de résultat, on peut identifier des meilleures pratiques, obtenir les résultats qu'on veut.

M. Jolin-Barrette : Tantôt, vous avez dit...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Jolin-Barrette : ... — oui, rapidement : Il faut avoir le portrait des emplois disponibles rapidement. Mon collègue du Travail est en train de faire une grande corvée, identifier tout ça. En lien, là, avec le système d'immigration qu'on met en place sur Arrima, là... Bon, on se dirige vers un portail employeurs pour que les employeurs aient accès directement. Est-ce qu'il y a d'autres façons qu'on pourrait faciliter la vie des employeurs pour identifier leurs besoins par rapport à l'immigration?

M. Leblanc (Michel) : Moi, j'ai l'impression, de travailler avec les employeurs via le portail, c'est une bonne partie de la solution. Je pense que je demanderais aux organismes comme le nôtre de travailler en levant un petit peu plus le regard sur l'horizon. Les employeurs vont avoir le réflexe de parler de besoins immédiats. Il faut regarder un petit peu plus loin, puis, je pense, le gouvernement pourrait lui-même dire, à certains moments, via des mandats à des chercheurs : Regardons ce qui vient dans cinq ans, dans 10 ans pour que notre sélection immédiate, elle ne soit pas juste en fonction des besoins immédiats, et là on serait, à ce moment-là, à mon avis, sur une trajectoire très solide à long terme.

M. Jolin-Barrette : Je vous remercie.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je cède maintenant la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.

Mme Anglade : Alors, ça fait un peu particulier de se voir à Québec, donc, contente de pouvoir échanger avec vous.

Alors, M. Leblanc, un des mots que vous avez mentionnés tantôt, c'est le «devoir de lucidité», et je pense que ça m'a beaucoup marquée, ce devoir de lucidité là. Lorsque vous voyez la transformation qui s'opère au niveau économique, j'en ai parlé plus tôt, aujourd'hui, il y a véritablement une accélération des problèmes de pénurie de main-d'oeuvre et une accélération de cet enjeu. On l'a vu dans les deux dernières années, puis, chaque jour qui passe, on dirait qu'on a une couche qui s'ajoute. Moi, j'aimerais vous entendre sur cette accélération-là que l'on sent, et est-ce que vous sentez, tout comme moi, que, là, on va arriver à un moment donné où on va vraiment arriver à un point de bascule si on n'est pas encore plus agressif aujourd'hui?

M. Leblanc (Michel) : Moi, j'ai confiance en nous, les Québécois. Ce que je pense, c'est qu'on est pris un peu de court par cette accélération-là, mais elle est réelle. Ce que vous décrivez là, moi, je le pense, c'est que, de mois en mois, les signaux qu'on reçoit des entreprises sont des signaux de plus en plus inquiets sur les difficultés qu'ils ont de recruter. Je parle de Montréal International qui a annoncé ses résultats aujourd'hui, mais qui, dans la dernière année, je pense, a fait 14 missions à l'étranger pour recruter des talents dits très qualifiés, et ça, ça répond à des entreprises qui ont des besoins et qui cherchent par tous les moyens à les trouver, les compétences dont elles ont besoin, ces entreprises-là.

C'est clair qu'à mon avis les Québécois dans les régions, dans les entreprises, vont réaliser que ce n'est pas juste les emplois des immigrants ou les emplois futurs qui sont à combler, mais c'est qu'éventuellement on va avoir besoin que les entreprises réinvestissent pour préserver les emplois existants. Et les entreprises ne vont réinvestir que si elles savent que, dans quelques années, elles vont avoir les ressources dont elles ont besoin. Donc, le problème ou l'enjeu, il est immédiat. On doit trouver des façons de rassurer les entreprises que les travailleurs vont être présents en grand nombre, disponibles, bien qualifiés, et l'immigration est un des éléments de la solution.

Mme Anglade : Et est-ce qu'envoyer le message qu'on réduit le nombre d'immigrants est un message négatif, à ce moment-là, perçu par les entreprises présentement?

M. Leblanc (Michel) : Bien, les entreprises m'ont toutes dit : Michel, peut-on s'assurer que c'est temporaire? Puis, si c'est temporaire, ça veut dire peu de temps, ce n'est pas la fin du monde. Donc, c'est vraiment un message qu'on dit. Si la question, c'est de dire : On est en transition sur l'espace d'un an, on veut s'assurer que les processus sont mieux enlignés, et ce qu'on dit à tout le monde, c'est : Rapidement on va réexaminer le seuil, ce que j'ai des entreprises, c'est : Bon, on va vivre avec ça.

L'inquiétude des entreprises, il y a deux choses. Le premier, ce serait tout ce qui dirait : Dorénavant, on en veut peu, ou bien un message qui dirait : L'immigration, c'est un problème et non pas la solution. Et ce que j'entends maintenant, c'est qu'on est tous en train de reconnaître qu'avec des bons processus l'immigration fait partie de la solution.

Mme Anglade : Tout à l'heure, vous avez dit : Il y a... On ne peut pas se passer de talents, hein? Un talent en moins, c'est un talent qu'on perd. Dans les 18 000 dossiers dont on parlait, je sais bien que le premier ministre a annoncé plus tôt qu'il voulait traiter de manière prioritaire les gens dans le nouveau système Arrima. Mais la réalité, c'est que les mêmes gens savent très bien que c'est compliqué de... On a eu beaucoup de personnes qui nous ont dit à quel point c'était compliqué de fermer une demande, de recommencer. Et le gouvernement s'expose à des poursuites comme on est présentement, dans le cas qui nous occupe, où il y a effectivement une poursuite, puis on nous a appris qu'il pourrait y en avoir d'autres. Dans ce contexte-là, est-ce que vous verriez que, de toute façon, la solution, c'est que, le plus rapidement possible, dans les six prochains mois, on soit en mesure de traiter les 18 000 dossiers d'une manière ou d'une autre, peu importe la...

• (15 h 40) •

M. Leblanc (Michel) : C'est ce qu'on a dit depuis le début. Dès que l'annonce avait été faite, à l'effet qu'on n'allait pas traiter ces 18 000, la réponse que moi, j'ai reçue du milieu des affaires, c'est : Si on ne les traite pas selon l'ancien système, on peut-u s'assurer qu'ils embarquent immédiatement dans le nouveau système? Pourrions-nous même reconnaître au moins ceux qui sont ici, dans le nouveau système, et faire en sorte qu'on regarde tout de suite leurs déclarations d'intérêt? Et la perception du milieu des affaires, c'est qu'on va s'apercevoir que, dans la très grande totalité de ceux qui sont déjà ici, on veut les garder. Et, dans ceux qui étaient à l'étranger, dans bien des cas, ils ont fait des investissements dans leur connaissance du français, dans leur préparation à venir, et, encore là, possiblement que, là-dedans, il y a des très bons candidats.

Donc, l'idée, effectivement... Moi, je n'arrive pas avec la solution sur est-ce qu'Arrima permet de mettre un astérisque puis qu'on sache que, cette personne-là, il faut la traiter rapidement. Je ne le sais pas. Mais on devrait se fixer comme objectif que ces gens-là ont un accès extrêmement rapide et qu'on va être très efficace à traiter leurs dossiers.

Mme Anglade : «Efficace», dans votre esprit, M. Leblanc, ça veut dire quoi? Ça veut dire que, dans six mois, c'est traité, l'ensemble de ces dossiers-là, dans une méthode ou une autre ou... C'est quoi, «très efficace»? Est-ce que, dans un an, c'est correct? Est-ce que, dans deux... C'est quoi, «efficace»?

M. Leblanc (Michel) : «Très efficace», c'est que ça les rassure. Moi, je vais vous dire, hier j'ai parlé à... La chambre de commerce, comme nous avons le programme Interconnexion, on détecte, nous, des immigrants très qualifiés, qu'on embauche. On a un taux, à la chambre, qui frise les 50 % d'immigrants dans nos équipes. Et moi, j'ai une candidate, avec qui j'échangeais hier, qui est ici depuis six ans, qui était sur la base d'un permis de travailleur temporaire ouvert et qui, il y a quelques mois, s'est fait dire que maintenant ça serait fermé, donc ça veut dire que c'est seulement si elle garde son emploi à la chambre, et qui, là, vient d'apprendre que possiblement que ça va être retardé de nouveau. Et ce que je discutais avec elle, c'est qu'elle dit... Cette incertitude qui se prolonge est très dérangeante, très dérangeante dans sa vie de couple puis dans sa vie professionnelle. Et, moi, c'est ça que j'ai... Le six mois n'est pas si important si ces gens-là sont confiants qu'on va traiter ça rapidement. Que ça prenne quatre mois, six mois, mais on ne doit pas les laisser dans l'incertitude.

Mme Anglade : Il faudrait à ce moment-là qu'on soit capable de leur garantir qu'ils vont avoir une réponse, peu importe. En fait, c'est ça que vous dites, qu'on soit capable de dire aux gens qu'il faut qu'il y ait une échéance avec une réponse au bout du compte.

M. Leblanc (Michel) : Dans un monde idéal, très clairement. Et, à ce moment-là, ce serait bon pour leur moral, peut-être pour leur productivité, et, dans certains cas, qu'ils investissent ici puis que ça soit clair pour eux que ça risque d'être ici.

Mme Anglade : Aujourd'hui, là, vous êtes... On sait qu'il y a des pénuries de main-d'oeuvre. Aujourd'hui, vous êtes en lien avec le milieu des affaires, vous devez entendre quotidiennement qu'il y a des projets qui ne se font pas ou qui sont retardés à cause des enjeux de pénurie de main-d'oeuvre. Je ne me trompe pas quand je dis ça.

M. Leblanc (Michel) : Ça ne vient pas de commencer, là. Ça fait quelques années. Et je le dis, les entreprises qui doivent investir regardent à la... C'est des investissements qui vont être amortis sur plusieurs années, qui vont requérir des équipes sur plusieurs années. Et, quand on demandait aux entreprises : Quelle est la grande force de la région métropolitaine?, les entreprises nous disaient : Sa main-d'oeuvre compétente, relativement bon marché, en abondance suffisante. Et, quand on leur disait : Quelle est la principale inquiétude qui ferait que vous n'investiriez pas à Montréal?, ils nous répondaient : La main-d'oeuvre, parce qu'on n'est pas sûr si elle va être au rendez-vous dans cinq ans ou dans 10 ans en quantité suffisante. Alors, notre force, si on ne fait pas attention, pourrait devenir un frein.

Mme Anglade : Est-ce qu'on peut revenir rapidement sur le programme Interconnexion, parce que j'ai vu... j'ai pris connaissance de votre mémoire. On parle du nombre de personnes qui ont été impliquées, mais, en termes de résultats...

M. Leblanc (Michel) : C'est 8 000 personnes.

Mme Anglade : C'est 8 000 nouveaux arrivants, 1 300...

M. Leblanc (Michel) : 8 000 personnes à travers le temps. Cette année, notre... Avant, notre objectif était en termes de nombre de dossiers et d'un pourcentage qui était réintégré. Réintégré, ça voulait dire qu'il avait un emploi ou qu'il allait chercher un cours complémentaire. L'immigrant, souvent, qui a envoyé son C.V. n'a pas reçu de réponse quand il n'a pas été dans les trois, quatre premiers. Donc, il ne sait même pas pourquoi il ne se qualifiait pas. Et là, Interconnexion, on leur trouvait des mentors, des coachs. Ils recevaient une première réponse en disant : Écoutez, si tu allais chercher ce cours-là, tu augmenterais considérablement tes chances. Donc, le 70 %, historiquement, c'était 70 % de réintégration sur des volumes qui étaient autour de 1 000 participants, donc 700 par année. Là, maintenant, on est à 1 000 emplois par année. Donc, l'objectif, maintenant, que nous demande le gouvernement, c'est de prendre des immigrants qualifiés et, pour 1 000 d'entre eux, leur trouver un emploi. On estime qu'on va traiter 2 000 dossiers pour arriver à ce 1 000 là. Ça ne veut pas dire que, sur les 1 000 autres, ils ne vont pas réintégrer des cheminements menant vers ces secteurs-là, mais c'est 1 000 immigrants qualifiés qui vont enfin, pour la première fois, avoir un emploi dans leur domaine de qualification.

Quand on fait ça, on appelle des entreprises. Et c'est pour ça que je dis : Si on s'occupait des étudiants étrangers et des conjoints de travailleurs temporaires, c'est le même téléphone qu'on ferait. Et j'invite souvent le gouvernement à être attentif, parce qu'il y a beaucoup d'initiatives. Les départements de RH, ils reçoivent sept téléphones de sept organismes différents sur sept demandes de besoins non comblés. Ça crée beaucoup de confusion. Moi, je dis : Dans un monde idéal, on aurait un certain regroupement des possibilités. Donc, on appellerait ces entreprises et on dirait : On a un bassin de travailleurs immigrants qualifiés. On a un bassin d'étudiants. Ce n'est pas les mêmes types d'emploi. Ça peut être des stages, ou des emplois d'été, ou des emplois durant les études. Puis on a des conjoints de travailleurs temporaires qui sont disponibles. Et on pourrait le faire pour les entreprises de la région métropolitaine ou, avec des organismes à l'extérieur, dans les régions, trouver ces passerelles-là.

Et donc, à ce moment-ci, notre objectif, c'est 1 000 par année. On pense qu'on va le livrer.

Mme Anglade : Puis est-ce qu'après ça il y a des suivis sur ce qu'ils deviennent par la suite, après les...

M. Leblanc (Michel) : Alors, non. Et, encore là, il y a quelques années, les fonctionnaires ont refusé de nous financer, à travers le programme Interconnexion, un budget de suivi. Donc, on savait dans les deux premiers mois parce qu'on prenait contact, mais après, six mois après, on n'était pas capables de le savoir. Là, maintenant, on a le droit de faire un suivi dans les six mois parce que nos résultats admissibles sont dans les six mois à partir du moment où ils sont rentrés dans le programme. Donc, pendant six mois, moi, je peux vous dire qu'est-ce qui arrive à cet immigrant-là. Un an après, je n'ai pas de budget pour, normalement, refaire des appels puis aller monter des bases pour savoir est-ce qu'ils restent dans l'emploi, est-ce qu'ils ont une progression, quel est leur cheminement. Pour l'instant, je ne peux pas le savoir.

Mme Anglade : D'accord, très bien. Je pense qu'en fait c'est des choses qu'il faut renforcer, la question du suivi, de voir comment est-ce qu'on les finance. On a tendance à considérer ça comme étant secondaire, alors que, souvent, c'est ce qui nous permet de nous améliorer par la suite.

Peut-être une dernière question, et le sous-ministre me corrigera, à un moment donné, si je me trompe, mais est-ce que... Depuis le 1er octobre, je pense qu'on n'a traité aucun nouveau CSQ dans le programme régulier. Parmi les 18 000 dossiers, il n'y a pas de CSQ qui a été émis. Aujourd'hui, on reprend l'étude des 18 000 dossiers. On espère qu'ils vont passer à travers la moulinette du système. Est-ce qu'à un moment donné... Si, cette année, mettons, on ne traitait que 3 000 dossiers, quel genre de message que ça enverrait au milieu d'affaires, de manière générale?

M. Leblanc (Michel) : Moi, je rêve qu'on lance un message au milieu des affaires que la fonction publique ou les fonctionnaires sont incroyablement efficaces et performants. Ce que je pense, c'est que, devant nous, on a un grand défi collectif d'amélioration de la performance de nos processus. Ça vaut pour les entreprises. On a des indicateurs de productivité qui ne sont pas nécessairement à la hauteur. Je pense que, pour le milieu gouvernemental, sur les immigrants... La question des 18 000, ça nous révèle qu'on a pris du retard, historiquement, qu'on ne devrait jamais prendre. Et là, à ce moment-ci, s'il faut revoir à la fois les processus, les individus, les façons de faire, faisons-le, parce que le danger, c'est qu'on focusse sur les 18 000 qui sont là mais qu'éventuellement on ait d'autres retards qui vont se générer.

Alors, à la question : Qu'est-ce que le milieu des affaires va voir?, c'est un message. Est-ce que la fonction publique est capable de livrer quand il y a une priorité et de s'accorder avec des processus efficaces?

Mme Anglade : Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste 3 min 30 s. J'invite la députée de Bourassa-Sauvé à prendre la parole. Allez-y.

Mme Robitaille : Oui, merci. Merci, monsieur, d'être là. Écoutez, il y a, dans le nouveau projet de... Dans ce projet de loi là, on veut grever une condition à la résidence permanente. On veut grever des conditions à la résidence permanente. L'article 9 du projet de loi, on veut insérer un article qui s'appellerait 21.1. Vous parliez tout à l'heure... Vous nous disiez : Il faut faire attention à l'image parce que, si on donne l'impression qu'on est fermés, on perd des bons talents, on perd des immigrants pour le Québec. Durant les derniers jours, on a entendu beaucoup d'organismes communautaires qui nous ont dit que grever une condition à la résidence permanente, ce n'était pas une bonne idée, qu'il faudrait peut-être utiliser la carotte plus que le bâton. Mettre un test de français au bout de trois ans, ce n'est pas nécessairement une bonne idée. Obliger un travailleur à rester en région, puis il perd sa résidence permanente parce qu'il n'a pas pu rester en région, ce n'est pas une bonne idée. On a eu des juristes qui sont venus ici puis qui nous ont dit : Grever des conditions à la résidence permanente, c'est aussi une grave erreur. Ça va à l'encontre des chartes, et puis, en plus, bien, le fédéral ne serait pas très, très enclin à aller de l'avant avec ça. Puis ce serait un mécanisme bancal, qui ne fonctionnerait pas parce que ce serait au fédéral de voir à ce que ces conditions-là soient appliquées, puis, si elles ne sont pas appliquées, c'est à eux de mettre le monde dehors et de leur retirer leur résidence permanente. Donc, ça ne fonctionnerait pas.

Vous, qu'est-ce que vous pensez de ça? Qu'est-ce que vous pensez de l'idée de grever une condition à la résidence permanente, pour ce qui est d'un test de langue, d'un test de valeurs ou d'un lieu où la personne devrait...

• (15 h 50) •

M. Leblanc (Michel) : Notre signal, le signal qu'on préfère, nous, c'est un signal de société d'accueil, qui va accompagner l'immigrant puis qui va y consacrer des ressources pour l'aider. Qu'à travers un processus qui serait sur une déclaration d'intérêt on accorde de la valeur à l'immigrant qui est ouvert à aller vivre en région, à l'immigrant qui vient de l'étranger puis qui vivait déjà en région et qui signale que son attrait pour les grandes métropoles n'est pas un attrait tel que c'est sûr qu'il va se retrouver à Montréal, je pense que ça serait tout à fait correct. Donc, qu'on y aille vers de l'intelligence au niveau de la sélection, qu'ils reconnaissent les probabilités qu'un immigrant désire s'installer dans une ville à l'extérieur de Montréal ou carrément dans les milieux ruraux, moi, je pense que c'est très correct.

Ce qui est fatigant pour le milieu des affaires, c'est d'accueillir des immigrants qui seraient heureux d'être ici, qui répondraient à des besoins ici et à qui on dirait : Dans trois ans, on va te tester, si tu ne réponds pas bien au test, on va dire : On n'a pas besoin de toi. Si c'est sur cette rigidité-là qu'on s'en va, moi, j'ai l'impression qu'on va avoir des entreprises qui vont être déçues et peut-être être vocales dans le fait qu'il y a des gens qui font très bien l'affaire, qui s'intègrent bien du point de vue de l'entreprise, et il n'y a pas de raison qu'on leur signale qu'ils ne sont pas les bienvenus après un certain temps. Ça, j'ai l'impression que le milieu des affaires va être très mal à l'aise. Qu'on y mette des ressources, qu'on insiste sur le fait que c'est important, qu'on sélectionne en fonction de leurs aptitudes ou de leur volonté à aller dans les régions, aller dans certains secteurs, moi, je pense que le milieu des affaires va être très ouvert à ça.

La Présidente (Mme Chassé) : On est près de la fin.

Mme Robitaille : ...O.K., oui, donc, qu'on les encourage, qu'on mette tous les moyens pour qu'ils apprennent le français rapidement, et tout ça, ça, c'est...

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je dois céder la parole au député de Rimouski. Merci.

M. LeBel : Bonjour, bonjour. Je vous confirme, c'est très intéressant de vivre à Rimouski. Vraiment, je vous le confirme, c'est très bon.

Chez nous aussi, il y a un problème de main-d'oeuvre majeur qui est lié beaucoup au vieillissement de la population. C'est beaucoup des emplois de remplacement qu'il faut aller... Ça fait qu'on a besoin de l'immigration, mais l'expérience nous dit, chez nous, que, quand ça passe par Montréal, quand les immigrants arrivent à Montréal puis ils viennent en région, ils ne restent pas en région. On n'est pas capables de les... Il faut qu'ils arrivent en région. C'est pour ça que je suis un peu d'accord avec l'idée de mettre en priorité dans des grilles d'analyse, je ne sais pas... s'il y a un emploi qui est collé en région, faire en sorte que la personne arrive en région. C'est l'expérience qu'on a, c'est ce que les gens nous disent, que les expériences qu'on a faites d'un déplacement de Montréal, de convaincre des immigrants qui sont à Montréal de venir s'installer en région, ça ne fonctionnait pas. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

Puis, selon votre expérience que vous avez eue avec le programme que vous nous parliez tantôt, c'est quoi, ça, la formule gagnante? C'est quoi, le portrait du meilleur porteur qu'on devrait avoir en région, puis c'est quoi, la formule gagnante? Puis je pense aussi à la culture, l'éducation, la vie communautaire. J'aimerais ça vous entendre là-dessus.

M. Leblanc (Michel) : O.K. Pour ce qui est du premier, sur «passer par Montréal pour aller en région, ça augmente le risque qu'ils reviennent sur Montréal», moi, je dis souvent bien candidement : Convaincre des Montréalais d'aller vivre en région, là, des Montréalais de souche, là, ce n'est pas si simple que ça. Il y a quand même des attraits à vivre en ville. Et j'ai l'impression qu'une partie de la réponse à votre question n'est pas tellement est-ce qu'ils aboutissent en région, parce que quelqu'un qui vivrait, dans le pays d'origine, dans une grande métropole, qui risque de se ramasser à Rimouski, peut-être qu'il va être superheureux d'être à Rimouski, mais peut-être qu'il y a des réalités de grande métropole auxquelles il est habitué qu'il va vouloir retrouver. Moi, j'ai l'impression qu'une partie de la réponse, c'est de regarder dans quelle mesure les immigrants qu'on va sélectionner viennent de villes de taille de Rimouski, viennent de ce genre d'écosystème. Ça, c'est le premier. Donc, ce n'est pas tellement d'arriver à Rimouski, mais c'est d'où on part, qu'est-ce qu'on aime au départ. Ça, je pense que c'est un facteur important.

Le deuxième élément, qui est : Quel est le porteur de ballon local qui serait le plus approprié pour faire des passerelles avec notre programme Interconnexion?, c'est l'organisme local qui est le plus susceptible d'être capable de détecter les besoins des entreprises. C'est-u une chambre de commerce, c'est-u un autre véhicule? Mais c'est l'organisme local qui dirait : Moi, là, voici, j'ai 18 ou j'ai 204 entreprises où il y a des besoins non comblés, puis moi, j'aurais quelqu'un de chez moi qui dirait : O.K., envoie-moi ça, puis c'est comme mes entreprises à moi quand je vois des besoins non comblés, je vais essayer de trouver des C.V. qui correspondent.

Et là il faudrait trouver, dans le cadre du financement public, une solution pour les amener chez vous. Parce que, moi, c'est facile, dans ma région, de dire : Va voir telle entreprise. De l'envoyer à Rimouski ou d'en envoyer 10 à Rimouski, ils doivent se transporter, peut-être qu'ils doivent rester là, dormir là.

Parce que ça m'amène à votre autre point, qui est de dire : par la suite, il y a un exercice de séduction, et je pense que, de mieux en mieux, c'est fait. Il y a des immigrants qui descendent à Rimouski pour remplir des postes, qu'est-ce que vous leur montrez? Qu'est-ce que c'est, la vie de Rimouski? Alors là, on est dans La grande séduction, là, mais qu'est-ce qui fait en sorte qu'eux, pour eux, soudainement ils reviennent à la maison puis ils disent : O.K., mon projet de vie, il pourrait avoir lieu à Rimouski? Et moi, du point de vue du milieu des affaires, si c'est la solution qu'à travers le Québec on voit les immigrants arriver, on intègre les immigrants, que collectivement on voit tous à quel point ça peut bien se passer et qu'on a moins de craintes face à l'immigration, ça bénéficie à mes entreprises, ça bénéficie à Montréal également.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste 30 secondes.

M. LeBel : Je suis aussi bien d'être bon. Il y a la Commission des partenaires du marché du travail qui... Comment vous voyez leur rôle là-dessus, pour coller l'immigration à nos réalités?

M. Leblanc (Michel) : Je pense qu'ils ont un rôle très, très clair à jouer. Je pense que ça pourrait être un véhicule, comme je disais tantôt, pour essayer d'identifier, entre autres, des besoins à plus long terme, même les besoins à long terme. Dans la région métropolitaine, nous avons aussi un conseil Emploi Métropole qui vise à créer une dynamique métropolitaine sur l'emploi, et c'est des véhicules, à mon avis, utiles.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie. Je dois céder la parole. Merci, M. Leblanc. Je dois céder la parole au député de Laurier-Dorion. Merci beaucoup.

M. Fontecilla : Bonjour, monsieur. On a appris cette semaine que le système Arrima, qui reçoit des dossiers mais qui n'a pas d'appel d'invitation... mais, bref, qu'il va traiter et délivrer 400 certificats de sélection du Québec. Dans ce contexte-là des 18 000 dossiers annulés, etc., là, est-ce que vous pensez que le système Arrima, pour cette année en tout cas, est en train de livrer la marchandise?

M. Leblanc (Michel) : J'aimerais pouvoir vous répondre intelligemment. Je n'ai pas suivi et je ne suis pas capable de vous répondre sur ce que permet de faire ou ne permettra pas de faire cette année le système Arrima. Ce que je sais, c'est que l'idée derrière le système Arrima et le fonctionnement d'un système par déclaration d'intérêt, nous l'appuyons complètement. Est-ce que l'outil lui-même est approprié? Là, je n'ai pas l'expertise. Et, si l'outil ne permet pas de livrer, bien, il faudrait le revoir. Mais c'est clair dans notre esprit que, par opposition au système passé, où on recevait des déclarations... pas des déclarations, des demandes premier arrivé, premier servi, ça n'était pas optimal, et une partie de ce qu'on a eu comme difficulté d'intégration, c'est qu'on avait des besoins non comblés, puis on avait des immigrants qui arrivaient, puis il y avait un «misfit», en partie, puis il y avait des difficultés aussi avec la société d'accueil qui s'organisait mal, puis peut-être un petit peu de résistance en entreprise.

Là, on est en train de corriger ces morceaux-là. Le système de déclaration d'intérêt va permettre, à mon avis, à notre avis, des meilleurs résultats. Maintenant, Arrima, comme tel, je vais laisser les spécialistes répondre sur les capacités ou non du système cette année.

M. Fontecilla : Et on a beaucoup parlé dans le passé, et ça a disparu un peu du décor, de la question de la reconnaissance des compétences, des diplômes. Ça fait partie d'un processus d'intégration, en tout cas intégration en emploi, à tout le moins, là, réussi. Qu'est-ce que vous avez à dire?

M. Leblanc (Michel) : Nous sommes sortis à plusieurs reprises de façon très critique, des ordres professionnels, à la demande du milieu des affaires, à une époque où on sentait qu'il y avait une non-reconnaissance du problème, non-reconnaissance du problème de reconnaissance des diplômes.

Maintenant, j'ai une approche qui est beaucoup plus positive et je dis à tout le monde : Regardons ce que fait l'Ordre des ingénieurs du Québec, qui a mis en place un système par lequel ils se sont engagés à traiter 75 % des demandes de reconnaissance à l'intérieur de neuf mois. Nous, quand on voulait que ça s'améliore, on demandait à l'intérieur d'un an. Je sais que l'Ordre des comptables agréés aussi a grandement amélioré ses capacités de traitement des demandes d'équivalence et moi, j'invite le gouvernement à identifier les meilleures pratiques que ces deux organismes-là viennent de définir, et à regarder tous les autres organismes, et à leur demander d'implanter d'ici un an des processus qui vont donner des résultats équivalents.

Ce que l'Ordre des ingénieurs a montré, c'est que, quand on prend ce dossier-là, qui est la reconnaissance des diplômes, et qu'on dit qu'on va régler le problème, c'est possible au Québec et ça s'est très bien fait. Alors, on a un exemple de meilleures pratiques, construisons sur cet exemple-là.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Fontecilla : Concernant les programmes J'apprends le français, là, parlez-nous-en un petit peu plus, là. Ça apparaît dans votre...

M. Leblanc (Michel) : L'idée, c'est qu'on va sur des rues commerçantes. La première a été Côte-des-Neiges. On est dans six arrondissements à Montréal, plus une antenne sur la rive sud, et à Laval, et à Sherbrooke aussi. On va dans des commerces où le commerçant ne parle pas le français et là on lui propose de lui jumeler... jumelage linguistique. Souvent, c'est un étudiant de maîtrise à l'université dans un domaine... traduction, enseignement du français, etc., qui va venir sur les heures du commerce, à chaque semaine, discuter pendant qu'il travaille et lui apprendre le français lié à sa tâche, lié à son travail, trois mois. Il y a une évaluation qui est faite au jour 1. Les universitaires ont des moyens de mesurer la progression, puis, à la fin des trois mois, on est capables de voir la progression et de la mesurer. Dans bien des cas, ils partent de tellement loin qu'il va peut-être y avoir besoin d'un autre trois mois additionnel...

La Présidente (Mme Chassé) : M. Leblanc...

M. Leblanc (Michel) : ...mais ça donne des résultats, ça fonctionne.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.

(Suspension de la séance à 16 heures)

(Reprise à 16 h 2)

La Présidente (Mme Chassé) : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Chambre de commerce et d'industrie de Québec. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous invite donc à vous présenter puis à commencer votre exposé.

Chambre de commerce et d'industrie de Québec (CCIQ)

M. Paradis (Michel) : Parfait. Est-ce que vous m'entendez bien? Oui? Ça va? Je vais essayer de m'avancer un petit peu plus, bon, et je lèverai le ton, si jamais il y a un problème.

Donc, de un, je tiens à vous remercier de nous recevoir aujourd'hui. Pour ceux et celles qui ont peut-être eu l'opportunité de prendre connaissance du mémoire, volontairement nous nous sommes circonscrits à deux articles du projet de loi, l'article 3.5° et l'article 8. Mais, avant toute chose, peut-être pour ceux et celles qui ne connaissent peut-être pas la Chambre de commerce et d'industrie de Québec, peut-être simplement rappeler que le poids économique de la chambre d'industrie et de commerce de Québec se décline comme suit : nous sommes la deuxième plus importante chambre de commerce au Québec avec 4 700 membres, dont un conseil d'administration composé d'entreprises qui totalisent un chiffre d'affaires de 14 milliards de dollars et qui représentent plus de 30 000 entreprises dans toute la grande région de la Capitale-Nationale.

Je sais qu'après avoir pris connaissance de certaines autres personnes qui ont comparu devant vous je prends déjà conscience que les propositions que j'ai à vous faire ont forcément déjà été présentées. Donc, je tenterai de pouvoir y apporter une couleur pour tenter d'au moins donner une perspective qui va être davantage, je vous dirais, en fonction du profil d'entreprise qui compose nos chambres de commerce. Ici, à Québec, je vous dirais que, tant au niveau de la région de la Capitale-Nationale que celle de la ville de Québec, nos membres, c'est des chefs d'entreprise, hommes et femmes, qui ont 25 employés et moins. Ce qui veut dire donc que ces gens, ces personnes vivent des particularités que d'autres entreprises de plus grande dimension n'ont pas à vivre ou des enjeux qui leur sont différents.

Dans ce contexte-là, comme vous pouvez l'imaginer, ce sont des hommes et des femmes qui sont des chefs d'entreprise, hommes et femmes-orchestres, qui font tout, ils n'ont pas nécessairement de fonctions RH, qui s'occupent de la comptabilité, de la gestion, du management. Bref, elles font tout. Donc, ce qui veut donc dire que, face à un enjeu ou à une situation qui peut paraître... Lorsqu'elles reçoivent de l'information, quand même, qui peut générer un impact, bien, vous comprendrez que les réactions sont quelquefois épidermiques, parce qu'on vit un enjeu de perception.

Donc, dans le contexte qui nous occupe, il est évident que les informations qui ont été émises concernant certaines initiatives qui avaient été mises en place par nos chefs d'entreprise avec des personnes immigrantes qui avaient déjà été identifiées, bien, c'est évident que la réaction... en tout cas, les commentaires que l'on a reçus étaient quand même un tant soit peu négatifs, des craintes, des remises en question. Parce qu'il faut bien comprendre que, pour ces chefs d'entreprise, la question du travailleur étranger ou travailleur permanent, c'est une réponse, pour ces entrepreneurs, pour leur pénurie de main-d'oeuvre, non pas pour la pénurie de main-d'oeuvre, mais pour leur réalité à eux et à elles.

Donc, bien évidemment, dans ce contexte, on souhaite que le gouvernement puisse avoir à l'esprit cette ouverture face à ces situations en tenant compte véritablement de, peut-être, ces incompréhensions ou un message qui se rend plus ou moins adéquatement. Donc, bien, heureusement, notre compréhension actuelle, et je pense peut-être qu'il évolue, est à la fois que le projet tout de même ne toucherait pas aux immigrants ayant un emploi confirmé. C'est du moins notre compréhension, on pourra me corriger.

Maintenant, notre compréhension de l'objectif du gouvernement et des approches qui sont suggérées, bien, je vous dirais qu'on ne vous cachera pas que, nous, comme chambre de commerce, la finalité quand même nous apparaît être positive. On lit à l'article 3, notamment, la promotion de l'immigration, prospection, recrutement des ressortissants étrangers, de parcours d'accompagnement personnalisé, de la volonté de l'intégration. Et, selon nous, bien évidemment, bien, l'article 3 et l'article 8 du projet de loi semblent pouvoir tendre vers cette finalité.

Maintenant, si je m'attarde maintenant à l'article 3, alinéa 5°, où on comprend qu'il y a cette volonté de contribuer notamment aux besoins du marché du travail, alors vous comprendrez encore que, pour nos membres, qui sont des chefs d'entreprise, de pouvoir percevoir que cet élément-là va être un élément qui va être au coeur de la réforme, eh bien... c'est même, comment dire, un commentaire, un concept qui a été maintes fois repris par la Chambre de commerce et d'industrie de Québec, qui a dit qu'au niveau de l'immigration l'importance de faire l'arrimage entre les besoins des postes disponibles au sein de nos PME en adéquation avec les compétences des personnes qui sont disponibles pour les occuper rejoint parfaitement notre philosophie. Et, en fait, je vous dirais qu'avec un taux de chômage de 3,8 % dans la région de la Capitale-Nationale on se plaît à dire que, possiblement, la région de la Capitale-Nationale est possiblement le meilleur endroit pour faciliter l'intégration, car, plusieurs experts le disent, l'emploi est assurément un des meilleurs moyens pour intégrer une personne immigrante dans sa communauté.

Mais, en revanche, je vous dirais qu'il est quand même toujours intéressant de pouvoir regarder un tant soit peu ce qui peut se faire ailleurs, où est-ce qu'on peut trouver des options ou des avenues qui nous permettent de voir que, dans un programme qui vise l'intégration pour les personnes immigrantes... que l'entreprise puisse être, en amont, comment dire, la cible qui est visée. Et, en ce sens-là, je pense qu'on vous a déjà abordés sur ce point-là, donc vous me permettrez de peut-être faire un peu de redondance, mais il n'en demeure pas moins qu'on a, nous, de notre côté, été impressionnés ou, du moins, touchés par le Programme pilote d'immigration au Canada atlantique. Que vise ce programme? Bien, possiblement qu'on vous l'a expliqué, mais donc il aide les employeurs à embaucher des candidats qui ne sont ni citoyen ni résident permanent au Canada, des postes qui ne peuvent être occupés par des Canadiens, et l'entreprise et les candidats doivent respecter certains critères, et les candidats peuvent ensuite obtenir, éventuellement, le statut de résident permanent.

Tout de suite, d'entrée de jeu, je vous le dis, là, on est très conscients que ça ne peut pas être, entre guillemets, là, une application complète de ce qui se fait en Atlantique au Québec. On comprend très bien qu'ici c'est à compétences partagées, et tout ça. Mais ce que je veux vous... retenir, c'est : Mettez-vous à la place du chef d'entreprise qui prend connaissance du fait qu'il existe un programme, quelque part, où est-ce que, finalement, il est au coeur de l'enjeu. C'est ce principe-là que je fais... de vous partager aujourd'hui. En quoi il est distinctif? C'est que, normalement, bien, un programme débute quand une personne immigrante veut venir au Canada, alors qu'ici le programme se déclenche ou prend forme du moment que l'employeur souhaite embaucher une personne immigrante suite à sa propre démarche de prospection et qu'il a identifié le candidat ou la candidate.

• (16 h 10) •

Donc, on comprend que le programme du Canada atlantique n'a pas pour objet de faire un maillage. Il a pour objet de pouvoir faciliter l'embauche d'une personne qui, au préalable, a déjà été identifiée. Donc, bien évidemment, la demande nécessite que l'employeur puisse avoir été désigné ou qualifié au sein de ce programme-là et est en mesure ensuite de pouvoir demander à ce que la personne qui a été identifiée et qui correspond en termes de qualification puisse devenir un employé bel et bien reconnu au sein de l'entreprise, nécessite, bien évidemment, l'accord de la province pour valider le lien d'emploi.

Et, bien évidemment, l'entreprise a aussi des obligations. L'entreprise a notamment le devoir de s'assurer de proposer au gestionnaire du programme ce qu'on appelle un plan d'implantation, plan d'implantation, donc, qui a pour objet de dire de quelle manière je vais m'assurer que le nouvel employé va bien s'intégrer au sein de mon entreprise, avec aussi cette garantie d'une durée d'emploi minimum.

Donc, il y a une autre conséquence, relativement à ce programme-là, qui, pour nous, nous rejoint, parce qu'à Québec je vous dirais que, lorsqu'on regarde la proportion de personnes immigrantes en proportion de la population que l'on représente au Québec... Vous comprendrez que, lorsque ça bifurque vers la question de l'attractivité et de la rétention, bien, de voir finalement la possibilité de mettre en place un plan d'intégration ou d'implantation, ça nous rejoint, parce que ça, bien, il est évident que toutes les démarches qu'on veut faire, c'est qu'on veut que les gens demeurent dans la communauté, travaillent au sein de l'entreprise, parce que ces gens-là, pour nos PME, et je parle toujours des employés... de 25 employés et moins, des entreprises de 25 employés et moins, cette personne-là peut répondre à des perspectives de croissance, de développement économique, de réalisation de projet. Donc, ce n'est pas sans importance pour nous.

Ce qu'il y a d'intéressant aussi, c'est que, dans ce cadre-ci, l'entreprise n'a pas à effectuer l'examen d'impact sur le marché du travail. Donc, au niveau administratif, ça rejoint un autre corollaire, qui est celui de la lourdeur administrative. J'aurais pu vous parler pendant les 10 minutes ne serait-ce que de ce point-là, là, parce que c'est le plus récurrent.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Paradis (Michel) : C'est long, c'est compliqué, je ne sais pas où est-ce que je m'en vais, etc. Le 10 minutes est atteint, c'est ce que je comprends?

La Présidente (Mme Chassé) : Le ministre vous offre ses minutes. Vous pouvez poursuivre.

M. Paradis (Michel) : Ah bon! Parfait. Donc, bien, moi, ce que je veux que vous reteniez vraiment, c'est l'esprit du programme, parce qu'on ne se prétend pas des spécialistes en architecture de programmes, vraiment pas, mais c'est l'esprit, c'est le fond, c'est l'objectif. Et, simplement pour terminer sur ce point-là, il y a quand même trois indicateurs qui permettent justement de justifier si ce programme-là va durer par la suite, à savoir qu'il faut s'assurer qu'à la fin de ce projet pilote là on a constaté qu'il a aidé à attirer et retenir une main-d'oeuvre qualifiée pour répondre aux besoins du marché du travail — comme chambre de commerce, c'est de la musique à nos oreilles — qu'on a constaté que l'accent sur la rétention à long terme a été mesuré, quantifié et qu'on le constate, donc que l'employé est demeuré au sein de l'entreprise, et finalement, ultimement, bien, faciliter la croissance économique de la région.

Et, en ce qui nous concerne, nous, je vous dirais que — je fais peut-être un petit peu de coq-à-l'âne, mais pas tant que ça — ce dernier point là m'amène directement à l'article 8. Je pourrais pratiquement vous le... pratiquement, à savoir que, lorsqu'on parle de faciliter la croissance économique de la région, vous savez que la région de la Capitale-Nationale se caractérise notamment par un secteur touristique, restauration, hôtellerie, qui est excessivement important et qui ne cesse de croître. Les dernières données nous le démontrent hors de tout doute. Et le premier questionnement que nos chefs, que nos leaders d'entreprise de ce secteur-là nous disent : Écoute, Michel, notre enjeu, là, c'est que, lorsqu'on est rendu qu'on est obligé de fermer temporairement des restaurants ou lorsqu'on est obligé de fermer définitivement un établissement, ça nous pose un problème. Est-ce qu'il y a moyen de pouvoir accélérer le processus? Et, en ce sens-là, vous me permettrez d'aller directement à l'article 8 — je sais que je saute quelques bouts, mais on pourra échanger par la suite — l'article 8, qu'on trouve aussi fort intéressant, parce qu'il nous semble laisser entrevoir qu'il y a une volonté du gouvernement de pouvoir s'attarder justement à l'examen d'impact sur le marché du travail, donc, et à savoir si la réponse peut être positive ou non.

Je tiens à saluer... puis j'ai regardé le document de 2017 par rapport à 2018, en ce qui a trait au processus simplifié, où on identifie les postes qui peuvent permettre de bénéficier de ce programme-là. Si je compare 2017 à 2018, déjà, il y a une étape... Parce qu'on l'a comme régionalisé. Je vois Bas-Saint-Laurent, la Capitale-Nationale, etc. Moi, je dis bravo, donc, et j'encourage d'aller plus en ce sens-là, et le plus loin se décline comme suit, c'est qu'il faut aller davantage vers de la modulation.

Et la modulation, pour moi, ça se décline comment? Encore une fois, je reviens au niveau de la Capitale-Nationale. Nous, les emplois qui sont essentiels actuellement, là, ça peut être des personnes qui travaillent dans le domaine de la restauration, pas nécessairement des chefs, dans le domaine de l'hôtellerie, dans le domaine du tourisme dans son sens large, parce que, selon la réalité économique dans laquelle on vit en 2019, ce qui est névralgique chez nous actuellement, c'est ce secteur-là. Ce qui fait que, si je m'attarde au point, à l'élément qui concerne le processus simplifié, notre recommandation, c'est tendre à élargir le nombre de postes qui peuvent bénéficier de ce processus-là. Non pas que ce qui a déjà été fait est mauvais, non, on ne remettra ça jamais en question, ce n'est pas ça, mais il y a des moments sporadiques, au plan économique, au plan régional, qui font que la réalité de Québec est forcément différente de ce qui se passe en Gaspésie et aux Îles, de mon ancienne région, d'où je suis originaire, le Bas-Saint-Laurent, ou la région de Montréal, ou peu importe. Chaque région a son propre ADN, chaque région a ses propres particularités.

Donc, d'avoir cette ouverture vers la modalité... la modulation, c'est-à-dire, excusez-moi, modulation, pour nous, ce serait peut-être l'élément clé qu'on aimerait qui puisse être perçu et retenu par les membres de la commission. Donc, c'est un survol des principaux éléments qu'on tenait à vous transposer. Je réitère de nouveau que notre approche se veut excessivement constructive, et elle provient vraiment de commentaires qui émanent des membres, ce qui fait que ça nous a amenés à circonscrire notre témoignage sur ces deux articles. Merci.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période... continuer la période d'échange... la débuter, plutôt, la poursuivre en même temps. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Paradis, bonjour, merci d'être présent ici aujourd'hui.

Effectivement, la région de Québec est extrêmement dynamique. Ce matin, j'étais au premier rendez-vous des gens d'affaires. Malheureusement... bien, heureusement, malheureusement, je ne pouvais pas rester toute la journée parce que j'avais la chance d'être avec mes collègues, ici, pour travailler sur le projet de loi n° 9. Mais, je pense, c'est une belle initiative de la ville de Québec. Je pense, vous y participiez également aujourd'hui, l'ensemble des partenaires économiques.

Le projet de loi n° 9, ça reflète vraiment bien ce que vous avez dit. Ça vise notamment à arrimer les besoins du marché du travail, mais aussi dans une approche, là, de répondre aux besoins de main-d'oeuvre des différentes entreprises, de faciliter et de s'assurer que la pénurie de main-d'oeuvre puisse être comblée notamment par l'immigration. On est vraiment dans cette logique-là.

La question de la flexibilité, je suis très sensible à ce que vous dites, la question de la lourdeur administrative aussi. L'objectif du projet de loi n° 9, c'est que ça fonctionne, que ça aille plus rapidement puis qu'on réussisse à faire en sorte que les gens qui choisissent le Québec puissent venir beaucoup plus rapidement puis que, lorsqu'on a une offre d'emploi, lorsqu'on a besoin de monde dans une entreprise, ce n'est pas dans trois ans, c'est maintenant, souvent, qu'on en a... Alors, je vous rejoins entièrement. Le projet de loi n° 9 va nous aider à faire ça, puis ça va nous aider aussi à faire en sorte que les candidats qu'on sélectionne vont répondre au profil des emplois.

Vous parlez de Canada atlantique, c'est un programme qui est intéressant. Je l'ai dit à vos prédécesseurs tout à l'heure, là, on est en négociation avec le gouvernement fédéral sur le Programme des travailleurs étrangers temporaires. Les délais sont longs présentement, très longs, beaucoup trop longs. J'invite le gouvernement fédéral à agir, à mettre des ressources pour traiter rapidement le dossier.

Je suis d'accord avec vous, les études d'impact sur le marché du travail, là, actuellement, il y a des dédoublements. Nous, on demande que ce soit uniquement le Québec. Est-ce que c'est nécessaire tout le temps d'en faire? Je ne pense pas. Les règles entourant ça, c'est très lourd, puis c'est des règles qui datent d'une époque où on n'était pas en pénurie de main-d'oeuvre. Ce n'est pas adapté, il faut moderniser les façons de faire. Nous, on a un enjeu avec le fédéral parce qu'on veut que ça fonctionne. Je pense qu'on peut vous compter comme collaborateurs là-dedans pour faire pression sur le gouvernement fédéral, pour leur exposer la réalité des entreprises.

Outre cela, au niveau des difficultés administratives, lourdeurs administratives, qu'est-ce qui pourrait être simplifié de la part du gouvernement du Québec dans le processus, pour vos différents membres, lorsqu'ils souhaitent accueillir des personnes immigrantes?

• (16 h 20) •

M. Paradis (Michel) : Vous me permettrez de nouveau de volontairement circonscrire mon intervention pour... non pas que les 26 employés et plus dans les entreprises ne représentent pas d'intérêt, mais ceux qui nous transmettent davantage d'informations, c'est vraiment ces entreprises-là de 25 employés et moins. Et, encore une fois, c'est 80 % des entreprises et plus de la région de la Capitale-Nationale.

Je vous dirais que ça tourne vraiment... Écoutez, c'est des questions qui sont très simples : Qui, quoi, où, comment? Vous comprenez ce que ça veut dire, hein? Ça veut dire, donc : Je débute un processus, mais je m'adresse à qui? Je fais ça comment? Est-ce qu'il y a un point de chute? De quelle manière je peux débuter mon processus? Parce que, bien sûr, lorsqu'une entreprise a déjà fait le processus une fois, ce n'est pas eux qui vont nous contacter, mais vous seriez surpris, en revanche, du nombre d'entreprises qui nous appellent et qui nous disent : Bon, écoute, j'essaie de me retrouver quelque part, là. Donc, il y a cette...

Lorsqu'on parle de complexité, ça ne se limite pas, malheureusement, à l'architecture du programme, où est-ce que... Même pour une personne qui oeuvre un peu là-dedans, bon, il faut quand même se faire une tête. Donc, imaginez une personne pour qui, là... elle est rendue à cette première étape où elle se dit : Je suis rendu à ça. C'est de se retrouver et de savoir auprès de qui s'adresser. Donc, vous me permettrez d'utiliser un langage d'affaires, là, mais il y a un enjeu de commercialisation. Il y a un enjeu de commercialisation pour s'assurer que nos PME savent qui fait quoi.

On a fait une activité dernièrement où, pour plusieurs PME, c'était une surprise de savoir ce que pouvait faire Emploi-Québec, c'était une surprise de savoir ce que pouvait faire Service Canada. Alors, voyez-vous, pour... Écoutez... Et ce n'est pas une mauvaise volonté de nos chefs d'entreprise, mais possiblement plusieurs autour de vous ont été en affaires ou ont accompagné des gens qui étaient en affaires, vous savez c'est quoi, leur rythme de vie, là. Ça se lève à cinq heures, le matin, ça va sur le chantier, ça gère les problèmes des employés. Ensuite, le soir, c'est la comptabilité, puis, bon, ils sont rendus à 10 heures, bien, ils se couchent puis ils dorment. Je m'excuse, mais je l'ai fait même en partie, donc je le sais, là, je l'ai vécu, là. Alors, ce n'est pas dans l'ADN du matin de se dire : Bon, bien, c'est maintenant le temps de m'assurer de trouver qui peut commencer à m'aider et auprès de quel ministère. Non. Où est-ce qu'on débute?

Alors, il y a ce besoin de simplification là, comme entité gouvernementale, pour qu'on puisse le plus possible — ce que j'appelle la proximité — rejoindre les gens. Et, respectueusement, j'ai bien aimé un commentaire de mon prédécesseur, M. Leblanc : N'ayez pas peur de faire usage... eh oui, je vais parler pour ma paroisse, O.K., je le dis tout de suite, je suis partisan de ce côté-là : Faites usage des chambres de commerce. Moi, chez nous, là, j'ai 4 700 membres qui paient leur cotisation. Si vous saviez le nombre d'appels qu'ils me font, là, durant les semaines. Ils le savent, qu'ils se doivent de m'appeler, parce qu'ils paient quelque chose, ils paient une adhésion. Donc, n'ayez pas peur de pouvoir faire usage de ce que j'appellerais les réseaux parallèles.

Ce qui se fait actuellement, c'est extraordinaire, c'est très bien, et jamais je ne remettrai ça en question, bien au contraire. Les résultats sont là pour le démontrer. Mais il existe d'autres organisations qui ont une proximité naturelle avec les PME comme il y a des organisations qui ont une proximité naturelle avec les personnes immigrantes, et nous, nous faisons partie de ce rôle-là. Lorsqu'on fait, par exemple, nos cohortes, au niveau des ressources humaines, d'appeler, par exemple, nos chefs d'entreprise à avoir un savoir-être pour faire des affaires avec le milieu européen ou autres, inévitablement, je vous dis... Cette année, en 2019, l'enjeu de la pénurie de main-d'oeuvre, c'est un dossier sur lequel on va s'attarder de toute façon. Mais nous savons qu'il va y avoir une réceptivité parce que les gens nous appellent. Donc, ils savent qu'on existe parce qu'il y a cette... Quand je vous parle de commercialisation, c'est qu'ils font cette démarche de dire : J'adhère à.

Donc, je pense que tout tourne autour de cet élément-là, de quelle manière on peut simplifier les choses pour s'assurer qu'il y a un canal de communication auquel nos gens d'affaires savent que «j'appelle à cet endroit-là et, par la suite, je pourrais être référé».

M. Jolin-Barrette : O.K. Un des objectifs du projet de loi n° 9, c'est d'assurer une coordination maintenant, donc de faire en sorte que le ministère de l'Immigration coordonne tout ce qu'il y a en lien avec les personnes immigrantes, notamment santé, éducation, emploi et solidarité sociale.

Ce que je saisis de votre message aussi, c'est que ça prend un guichet unique. Bon, au-delà du guichet unique... Parce que, là, Immigration travaille avec Emploi puis le ministère du Travail, on est dans les centres de Services Québec. Qu'est-ce que vous pensez qu'on doit faire de plus dans cette optique-là de guichet unique? Parce que, quand on va avoir le nouveau système Arrima, à terme, on va avoir un portail employeurs, on va permettre aux employeurs de regarder les candidats à l'immigration pour leur offrir des offres d'emploi. Pour les autres services, comment vous voyez ça? Il faut que ce soit le ministère de l'Immigration qui coordonne le tout, que l'employeur appelle directement, ou c'est préférable de faire affaire avec vous puis qu'on soit en lien ensemble? Parce qu'exemple, tout à l'heure, la Chambre de commerce de Montréal disait : Bien, faites confiance aux partenaires. Moi, je suis d'accord de travailler en collaboration, mais, de façon opérationnelle, là, comment vous voyez ça?

M. Paradis (Michel) : Bien, écoutez, moi, je vais vous répondre sur la façon dont on procède actuellement dans d'autres dossiers. On s'est toujours positionné comme étant un partenaire qui est apte à pouvoir effectuer la diffusion. Et, encore une fois, nous, je réitère, on a un marché cible, là, on a 4 700 membres. D'avoir une organisation qui, à portée de main, est en mesure d'être un partenaire pour diffuser des informations pertinentes auprès de 4 700 membres d'une chambre de commerce, en tout respect, vous ne trouverez pas ça facilement, là.

Donc, oui, de faire confiance aux partenaires, et des partenaires en fonction du marché ou de la clientèle qu'ils desservent. Donc, quand je parle de guichet unique, moi, je pense que, dans une perspective d'efficacité... et là je m'avance un peu au-delà, là, du mémoire, mais, en termes opérationnels, si vous voulez travailler avec des partenaires, travaillez avec des partenaires qui sont en lien avec le public cible que vous voulez rejoindre. Un guichet unique mais qui est là pour l'ensemble de l'oeuvre, peut-être qu'à un moment donné il va y avoir de la confusion.

Donc, c'est d'avoir vraiment un plan de commercialisation qui est bien établi, bien ciblé, et toujours en évitant le dédoublement. Ça, c'est très, très, très important. Moi, ce serait la réponse que je vous ferais immédiatement, mais, comme on fait avec d'autres partenaires, on est toujours ouverts par la suite à élaborer pour la suite des choses, là.

M. Jolin-Barrette : Et puis vous êtes d'accord avec le fait qu'on modifie le système d'immigration pour passer vers un système de déclaration d'intérêt, et qu'on réponde aux besoins des différentes entreprises en fonction des offres d'emploi disponibles, puis qu'on arrime le profil du candidat avec les besoins de main-d'oeuvre?

M. Paradis (Michel) : Écoutez, si on revient avec l'exemple que l'on vous a exposé et que possiblement d'autres vous ont explosé, à savoir... «Explosé»? Exposé, pardon. Quoique c'est un sujet qui peut être explosif parfois. Mais non... Oui, en fait, là, nous, ce qu'on apprécie énormément de l'initiative faite en Atlantique, c'est qu'on a comme transposé une variable qui est importante, c'est : Le programme s'adresse à qui au départ? En fonction des besoins de qui? Et, volontairement, le programme prend l'initiative de dire : Bien, écoutez, on va écouter, finalement, ce que l'employeur a fait et a à offrir. Et on comprend que c'est... Puis, encore une fois, c'est...

Moi, ce qu'on trouve intéressant, c'est que ce n'est pas un programme qui semble être lourd, parce qu'il n'a pas pour objet de faire du maillage, là. Le travail a été fait en amont par l'entreprise. La personne a été identifiée. Le programme, lui, a pour effet de faciliter le processus qui permet d'officialiser le lien d'emploi. Donc, dans un contexte comme ça, vous comprenez que ça répond à plusieurs inquiétudes ou revendications de nos membres, à savoir, donc : bien, si c'est moins compliqué, si c'est moins complexe, moi-même, comme chef d'entreprise, j'ai peut-être des chances de mieux m'y retrouver. Parfait. Et en plus, si c'est plus simple et que, là, moi, j'ai un enjeu pour combler un poste... parce que cette personne-là peut me permettre d'atteindre mes objectifs de vente, de pénétrer un marché, de répondre à un enjeu d'innovation, ou même pour mon restaurant qui, finalement, est tellement unique que, là, il me manque une main-d'oeuvre pour vraiment m'assurer que je vais répondre à la clientèle, pour nous, là, c'est merveilleux.

Et, en ce sens-là, je tiens à vous dire quand même que, pour nous, ça ne remet pas en question le juste équilibre aussi des moyens et des ressources qui doivent être nécessaires et accordés pour que cette personne immigrante là qui va occuper le poste puisse aussi vivre ce processus-là de manière la plus harmonieuse possible en termes d'intégration. Et c'est un des éléments qui est intéressant, c'est lorsqu'on parle que l'entreprise se doit quand même de proposer une durée raisonnable pour le lien d'emploi. Et c'est aussi bon pour l'entreprise que pour la personne immigrante, parce que, pour cette entreprise-là, bien, elle est capable de commencer à faire une planification. On peut parler de planification stratégique, on peut avoir des objectifs, alors que, là, bon, bien, lorsque ce n'est pas aussi clairement exprimé, bien, écoutez, c'est un casse-tête aussi pour l'entreprise, là.

M. Jolin-Barrette : O.K. Je vous remercie. Je pense que mes collègues ont des questions à aborder, mais merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui. Je reconnais le député de Rousseau. À vous la parole.

M. Thouin : Oui. Bonjour, M. Paradis. Merci d'être là, bien sûr. Avant de parler du système de déclaration d'intérêt, là, avant ça, aujourd'hui, il y en a un, système qui fonctionne. Selon vous, là, est-ce que le système actuel est suffisamment arrimé aux besoins du marché du travail?

M. Paradis (Michel) : Bien, écoutez, je vais vous répondre en fonction de ce que je sais, O.K.? Parce que, bon, moi, je me suis quand même volontairement circonscrit aux éléments qui sont dans le mémoire.

Pour la déclaration d'intérêt, moi, l'enjeu que j'ai derrière ça, c'est beaucoup plus le nombre de postes qui peuvent bénéficier de cette déclaration-là. Ce qui veut donc dire que ma compréhension, c'est que, pour que tout puisse être effectif... Moi, je fais surtout le lien, et volontairement, avec tout ce qu'on appelle le processus simplifié. Je réitère qu'en ce qui nous concerne... et peut-être que je ne répondrai pas à votre question en disant ça comme ça, parce que, bon, c'est un élément que je n'ai pas, clairement, exploré, mais, du côté québécois, moi, le commentaire que l'on reçoit, c'est que, oui, d'avoir mis un processus simplifié pour des postes afin que, finalement, en termes administratifs, la réponse puisse être obtenue le plus rapidement possible, c'est très bien. Nous, ce qu'on dit en fonction de ce point-là, c'est : S'il vous plaît, ayez l'ouverture d'élargir les postes qui peuvent être admissibles à ce processus-là. Moi, c'est ce que simplement... C'est ça, mon message. Le certificat simplifié regarde, on ne se fera pas d'histoire, là, je m'y connais plus ou moins bien, là. Je n'ai pas été aussi en profondeur sur ce point-là.

M. Thouin : Ça me va.

La Présidente (Mme Chassé) : C'est bon? Parfait. Merci. J'invite le député de Sainte-Rose à prendre la parole.

M. Skeete : Merci, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présentation. Écoutez, j'ai le mémoire du maire de Québec, qui a mis la cible de 10 % pour recueillir des immigrants dans la région de la Capitale-Nationale. C'est une ambition importante, je pense, qui peut beaucoup régler la pénurie de main-d'oeuvre qui existe, à part... Mais je me demande, puisque vous êtes, en fait, en compétition avec Montréal à ce niveau-là, les gens ont tendance à choisir Montréal : Comment on fait pour les attirer à Québec? Comment on fait pour les inciter à venir? C'est quoi, votre plan pour ça?

• (16 h 30) •

M. Paradis (Michel) : Bien, écoutez, nous, comme tel, on est un partenaire avec Québec International et avec la ville de Québec. Je vous dirais que le plan qui nous apparaît être le plus probant, et on le constate par les types de personnes et les immigrants qui viennent s'installer à Québec, c'est que c'est très souvent que Québec est perçu comme un lieu pour élever une famille. Donc, l'aspect qualité de vie... Parce qu'en termes de postes à combler, l'enjeu n'est pas là. Écoutez, on a 12 000 postes à combler actuellement, là, et ça va aller de manière exponentielle, là. Bon.

Alors, c'est beaucoup plus de pouvoir vraiment mettre de l'avant ce que sont les avantages qu'une personne immigrante peut trouver à Québec. Et très souvent, contrairement aux grands centres, Montréal, Toronto et autres, c'est cette capacité d'avoir à Québec tout, mais de vivre aussi comme si nous étions dans un milieu beaucoup plus propice à la qualité de vie, élever les familles. Parce qu'il faut bien comprendre que, pour les personnes immigrantes, pour ceux que je connais personnellement, le milieu dans lequel ils ont vécu auparavant, ce n'est pas simplement une question d'améliorer son sort économique, là. C'est des personnes qui ont des conjoints, des conjointes, des enfants. Donc, ils font ces démarches-là non pas seulement pour eux personnellement, mais le font aussi pour leurs familles.

Et le positionnement de Québec, tant en termes d'opportunités d'emploi et d'emplois de qualité... Elle se démarque aussi par la qualité de vie qu'elle peut offrir. Et ça, c'est un élément qui se doit d'être davantage promulgué, mis de l'avant, parce que c'est intimement lié à la rétention. Si je ne fais que proposer l'approche d'un emploi qui peut être très, très intéressant, mais que par la suite... Bon, qu'est-ce que je fais par la suite? Après mon travail, j'ai une vie, par la suite. Donc, cet élément-là est très, très, très important. Je vous dirais même aussi important, sinon plus que l'emploi uniquement. Donc, il y a une convergence de ces deux axes-là. Et même, ce matin, justement, au rendez-vous d'affaires concernant ce point-là, c'est un élément qui a ressorti.

Autre élément qui est intéressant, lorsqu'on parle aussi des avantages de la petite entreprise de 25 employés et moins, M. Léger est venu exposer son indice du bonheur, et les employés de 25 entreprises et moins l'emportent sur toute la ligne, sauf sur un seul enjeu, celui du salaire. Mais on sait que les gens ne viennent pas nécessairement, uniquement pour le salaire. Ils viennent pour un environnement. Alors, je vous dirais que, dans un contexte comme ça, lorsqu'on prend ces éléments-là et on les additionne, je vous dirais que... là, je vais prendre mon ancien chapeau, là, mais, en termes de commercialisation, là, il y a des heures de plaisir devant nous, très sincèrement.

M. Skeete : Donc, tout ce que le gouvernement peut faire pour aider un immigrant à s'établir dans la région, en plus de ce que vous faites déjà pour les attirer, serait le bienvenu.

M. Paradis (Michel) : Serait très bienvenu. Et vous me permettrez ensuite juste un petit aparté. Vous savez, je représente inévitablement des gens d'affaires, donc le secteur privé. Ce n'est pas une recommandation, là, qui est dans le document, mais je vous le partage, puis c'est à votre réflexion : N'occultez pas immédiatement ou facilement l'expertise que le privé peut apporter à ces enjeux-là.

Je vous donne un cas de figure. Il y a trois semaines, il y a deux personnes de la Tunisie qui sont venues me rencontrer à mon bureau, des personnes qui sont des techniciens en TI, là, puis vraiment «topnotch» dans le privé, puis c'est vraiment, là, une référence, là. Ces gens-là sont connectés auprès des universités de la Tunisie qui, eux, en termes de formation, sont immédiatement reconnues en France. Et même les Français vont chercher cette main-d'oeuvre-là de grande qualité pour venir travailler dans leur pays. Ils viennent me voir, ils me disent : Écoute, nous, on serait prêts, là. On est même accompagnés avec un cabinet d'avocats qui, au niveau des enjeux légaux, est prêt à nous accompagner. Mais là qu'est-ce que je peux faire? Oui, c'est une bonne question. Qu'est-ce que je peux faire?

C'est simplement pour vous dire qu'il y a des organisations qui font un travail extraordinaire, et mon propos n'est absolument pas de les remettre en question, au contraire. Moi, je suis dans l'école de pensée qu'on additionne sans dédoubler, ce qui fait que ça fait un éventail très intéressant. Mais n'oubliez pas que... Comment intégrer l'apport de l'expertise du secteur privé à cette démarche-là? Je vous dis, c'est des ressources, c'est des réseaux en soi qu'on ne peut pas se permettre d'occulter. C'est simplement un petit commentaire, là, qui me vient à l'esprit comme ça, suite à un échange, justement, ce matin.

M. Skeete : Puis dernière petite question, là, pour faire du pouce sur ce que vous venez de dire. D'abord, l'intégration d'un immigrant passe par deux vecteurs : l'implication de la personne qui veut immigrer et de la société d'accueil qui veut l'accueillir?

M. Paradis (Michel) : Oui, tout à fait.

M. Skeete : Parfait. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Il reste à peine 30 secondes au groupe formant le gouvernement. 30 secondes.

M. Provençal : Écoutez, la réussite, ça va passer par un engagement partagé de tous les acteurs et particulièrement des employeurs. Quelles conditions vous apparaissent justifiées pour que les employeurs s'engagent davantage dans la francisation et l'intégration sans compromettre la productivité de leurs entreprises?

M. Paradis (Michel) : Encore une fois, je reviens volontairement à mes 25 employés et moins. C'est ma radote, mais vous me pardonnerez. Et, encore une fois, M. Leblanc avait fait un très bon point en disant que, ces gens qui sont excessivement occupés, on ne peut pas... ce n'est pas la même réalité que la grande entreprise. Mais, pour avoir vécu en région... Oui?

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je dois céder la parole à l'opposition officielle. J'invite le député de Jacques-Cartier à prendre la parole.

M. Kelley : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation. J'ai juste une question. Entre, environ, 2008 puis 2017, on a vu que le taux de chômage des immigrants a vraiment diminué, dans ces années-là. Selon vous, quels facteurs expliquent ça? Est-ce que c'est des actions ou des politiques gouvernementales qui ont vraiment aidé des immigrants de trouver des emplois dans le gouvernement... excusez-moi, dans... trouver un emploi?

M. Paradis (Michel) : Vous me posez une grande question. Je pourrais dire, comme l'adage dit, merci pour votre question. Je pense qu'il y a différents axes qui l'expliquent puis, on ne se le cachera pas, là, ce que j'appelle, moi, le phénomène de la nécessité, si vous me permettez ce terme, à savoir qu'à un moment donné, face à une pénurie de main-d'oeuvre évidente, certaines entreprises n'ont certainement pas eu d'autre choix que de s'ouvrir. Donc, ça, c'est le premier point. C'est ce que j'appelle la nécessité.

Mais, chose certaine, on ne se cachera pas qu'il y a un pourcentage certainement non négligeable de chefs d'entreprise qui, en étant sensibilisés, en discutant, en étant... Je vous dirais, je parle des chambres de commerce, c'est un sujet qui a été abordé, là, à maintes reprises, là, à savoir : oui, soyez ouverts. Et je pense qu'en plus des initiatives gouvernementales il ne faut pas sous-estimer le travail fait par, justement, des organismes tels que le nôtre, parce que, dans les chambres de commerce, je vous dis, il y a des personnes qui ont de très, très grandes visions d'avenir, se projettent facilement dans l'avenir, et même dans les... Moi, je suis en poste depuis un an maintenant, puis c'est un discours d'ouverture qui est omniprésent, là. Et donc, inévitablement, d'en parler dans des groupes...

L'enjeu, aussi, de témoignages... Moi, j'ai été estomaqué de l'impact de témoignages, donc de cas vécus, d'une personne qui a réussi à avoir une intégration positive d'une personne immigrante et la richesse que cette personne-là a apportée au sein de l'entreprise, une ouverture d'esprit. Je vous dirais même qu'il y a un projet que l'on tente de vouloir élaborer graduellement, c'est celui des ambassadeurs au sein des entreprises. Parce qu'on a beau avoir une volonté en amont, donc à la direction, de pouvoir finalement aller davantage vers l'intégration des personnes immigrantes, mais ça ne peut pas simplement partir du haut de la pyramide. Il faut aussi qu'à la base les employés puissent aussi partager cette même réceptivité là.

Puis une initiative qu'on a à l'esprit, c'est que certaines entreprises puissent identifier ce qu'on appelle un ambassadeur ou une ambassadrice qui aura pour objet, finalement, de jouer le rôle d'intégration, d'amener cette personne à... aussi bêtement, de dire : Bien, tiens, viens manger avec nous ce midi. C'est des petits gestes concrets, parce qu'ultimement tout est humain derrière ça, là. On aura beau établir la plus grande théorie qui soit, il n'en demeure pas moins que c'est une personne humaine par rapport à une autre personne humaine, et c'est les échanges, l'ouverture, la discussion sur des sujets bien, bien anodins qui font que, finalement, les liens d'amitié prennent forme. Il faut en arriver à ça.

Et donc c'est des gestes beaucoup plus simples, concrets, de cette manière-là, qui, pour nous, semblent être porteurs. Et c'est une déformation parce que chaque initiative que nous, on fait à la chambre, c'est pour les membres, par les membres et avec les membres, et ce n'est pas tellement théorique, c'est toujours pratique. Donc, c'est des axes comme ça, appliqués en entreprise, qui nous, nous apparaissent, par le passé, avoir été porteurs, et, en ce qui nous concerne, c'est vers là qu'on va pousser davantage. Merci.

• (16 h 40) •

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. J'invite la députée de Bourassa-Sauvé à prendre la parole.

Mme Robitaille : Merci, Mme la Présidente. Bonjour, monsieur. Merci d'être ici.

Écoutez, j'aimerais savoir, pour une entreprise, là, qui cherche des... qui a besoin de main-d'oeuvre, quel est l'avantage d'avoir quelqu'un de... Parce que maintenant vous pouvez avoir... c'est plus facile de faire venir du monde avec des visas temporaires, hein? On se comprend, oui. Et quel est l'avantage d'aller chercher du monde et puis de leur donner un visa plus permanent, une résidence permanente?

M. Paradis (Michel) : Écoutez, je vous dirais que, là, chaque cas est un cas d'espèce parce que les besoins d'une entreprise par rapport à l'autre peuvent changer, et ça, ça dépend des secteurs d'activité. Si je fais abstraction de ce premier constat là et que toutes choses étant égales par ailleurs, bien, c'est évident que d'avoir la perspective d'une personne immigrante qui pourrait savoir qu'elle peut obtenir une éventuelle résidence permanente, bien, ça peut avoir deux effets et, à prime abord, deux effets positifs.

Le premier, pour l'entrepreneur, si, bien sûr, ça répond à son besoin, on s'entend, bien, en termes de planification, en termes même de projection vers l'avenir, c'est évident que c'est un avantage parce qu'on élimine une incertitude. Bien sûr, si c'est son besoin, je le réitère, là, parce qu'il y a des secteurs d'activité où ce n'est pas nécessairement une réponse à son besoin. En ce qui a trait à la personne qui a une résidence permanente, bien, je pense que le simple fait de savoir que finalement elle va être ici à demeure, bien, écoutez, tout ce qui s'appelle anxiété, nervosité... la planification au plan familial, bien, peut être définitivement un avantage.

Donc, si l'ensemble de tous les postes disponibles était sujet à ce qu'il y ait un besoin permanent, bien, écoutez, ça, c'est juste une question de logique. De tendre vers ça pourrait être une avenue qui serait intéressante, mais je ne pense pas que c'est le cas de l'ensemble des secteurs d'activité. En tout cas, du moins, là, moi, les réponses que j'ai de mes membres, ce n'est pas nécessairement, là, un besoin qui est partagé par tous. Mais, pour les cas où est-ce que ce serait le cas, évidemment que c'est un autre scénario.

Mme Robitaille : Quand l'entrepreneur a besoin d'une main-d'oeuvre ponctuelle, il va demander des visas de travail, il va demander un visa temporaire, j'imagine. C'est ça? Et, quand il planifie à long terme, il va demander le package deal avec une résidence permanente.

M. Paradis (Michel) : ...que dans son choix de la personne immigrante, si cette dernière est dans cette voie-là, à ce moment-là, oui, ça va influer sur son choix.

Mme Robitaille : Dans le projet de loi n° 9, à l'article 9, justement, on veut insérer l'article 21.1, où on accolerait, on grèverait une condition à la résidence permanente, une condition où... Si la personne en question doit passer un test de français pour vraiment permaniser sa résidence, si je puis dire, un test de français, un test de valeurs, ou l'obliger, par exemple, à rester à un endroit en particulier, vous, qu'est-ce que vous pensez de ça? Est-ce que c'est une bonne idée de grever une condition à la résidence permanente qu'on connaît actuellement?

M. Paradis (Michel) : Écoutez, ce n'est pas par manque de respect à votre question, bien au contraire, elle est très fortement intéressante, mais je reviens en amont de l'objet de ma démarche, qui est celle de représenter mes membres, et, en fonction de mes membres, je vous dirais que c'est les deux articles qui vous sont ici déposés sur lesquels on nous a demandé de pouvoir consacrer le temps. Ce qui veut donc dire que non pas que le sujet n'est pas intéressant, non pas que moi, comme personne, je n'ai pas une opinion, mais ce n'est pas Michel Paradis qui est important aujourd'hui, c'est bien évidemment la Chambre de commerce et d'industrie de Québec.

Mme Robitaille : Vous ne voulez pas vous avancer là-dessus, là. C'est terrain glissant.

M. Paradis (Michel) : J'ai bien circonscrit mon rôle.

Mme Robitaille : O.K. Mais quel est le rôle, selon vous, de l'entreprise pour franciser... Dans toute la démarche de franciser un nouvel arrivant, d'intégrer un nouvel arrivant, est-ce que l'entreprise peut prendre...

M. Paradis (Michel) : ...la question de monsieur...

Mme Robitaille : Oui.

M. Paradis (Michel) : Oui, bon, écoutez, je vais faire un comparable avec d'autres secteurs d'activité dans lesquels j'ai accompagné des PME et qui semblaient être les plus intéressants, c'est la formation en entreprise. La formation en entreprise, quand on parle de formation professionnelle, que j'ai vu applicable dans d'autres secteurs : l'atelier de soudure, lorsque j'étais plus dans l'Est du Québec, et les gens... et ça répondait à un enjeu, à savoir que la personne pouvait demeurer au sein de son entreprise, n'avait pas à quitter. La formation pouvait se faire sur l'heure du dîner, et par la suite, eh bien, là, la formation était terminée, puis après ça, bon, on poursuit. Parce qu'il faut faire attention, hein, pour une entreprise de 25 employés et moins, elle n'a pas nécessairement la capacité de s'assurer qu'un de ses membres de son personnel va consacrer son après-midi à une formation linguistique, là. Ça, c'est le premier point.

L'autre point qui avait été abordé lors d'autres rencontres auxquelles j'ai participé, c'est aussi de faire une adaptation, une formation qui est adaptée à la réalité de l'entreprise. Je m'explique. Comment dire, si on parle de la qualité du français, bon, la qualité du français dans un établissement d'enseignement, par exemple, on va tous être d'accord qu'il y a peut-être un certain nombre de vocabulaires qui vont être un peu moins complexes ou utiles si je suis dans... excusez-moi l'anglicisme, mais une «machine shop», parce que, finalement, bien, je sais ce que j'ai à faire, puis mon français va être utilisé en fonction des besoins de mon travail.

Mais, en fait, lorsque... Mais, dans les deux cas de figure, l'apprentissage du français dans... Surtout lorsqu'on parle d'une région comme Québec ou à l'extérieur de Montréal... Moi, je peux vous dire, je connais une entreprise à Rivière-du-Loup où est-ce que, finalement, les gens apprennent le français lorsqu'ils sortent du bureau, vivent ensemble, vont prendre un verre à... je me rappelle un bar à Rivière-du-Loup, et autres, là, pour ne pas le nommer. Ils vivent ensemble, ils vivent en communauté, et il y a un apprentissage de la langue qui se fait de cette manière-là, qui est tout à fait extraordinaire.

Mais, en contrepartie, moi, je ne dis pas qu'il faut, en contrepartie, dire que, là, l'effort pour la francisation de manière plus normée, avec véritablement un accompagnement sérieux, doit être mis de côté. Ce n'est pas ça. Mais, encore une fois, modulation, modulation, et, encore une fois, l'emploi demeure le meilleur moyen pour intégrer une personne immigrante, on ne s'en sortira jamais, par la suite accompagnée par une formation en français qui va lui permettre de vivre en français dans sa collectivité. Et je peux vous assurer que, par expérience, son vocabulaire va augmenter de manière tout à fait extraordinaire.

Donc, adapter à la réalité du terrain, encore une fois, pour les 25 entreprises et moins. Je ne me prononcerai jamais pour les entreprises d'autres dimensions.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. J'invite la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne à prendre la parole.

Mme Anglade : Il me reste combien de temps?

La Présidente (Mme Chassé) : Cinq minutes.

Mme Anglade : Alors, merci de votre exposé. Une question que je me pose par rapport à toute la question de l'intégration des immigrants, c'est la capacité pour les entreprises, bien, de reconnaître... d'embaucher ces personnes. Puis on sait toujours qu'il y a des barrières à l'entrée, des gens qui ne reconnaissent pas nécessairement la différence. Puis comment est-ce qu'on est capables de sensibiliser les entreprises quand la majorité de nos PME n'ont pas les ressources humaines qui coordonnent ce genre de situations là? Est-ce qu'il y avait des initiatives que vous recommanderiez pour que les entreprises soient davantage ouvertes, également, à cette différence?

M. Paradis (Michel) : Dans mon expérience passée, je vous dirais que ce qui a été le plus probant, et là, encore une fois, ce n'est pas au niveau linguistique ou autres, là, c'est dans d'autres secteurs d'activité, c'est lorsqu'une personne est prête à se déplacer, et à aller en entreprise, et s'adapter à la réalité de l'entreprise, s'adapter à l'horaire de l'entreprise pour que, finalement, il puisse y avoir ce qu'on appelle nos séances de sensibilisation. Et puis ce n'est pas seulement à Québec qu'il y a des organismes tels des chambres de commerce, il y en a partout. Et, encore une fois, moi, je vous réitère, je vous encourage, faites usage de ce réseau qui est en proximité optimale avec les chefs d'entreprise. Et, pour qu'il puisse y avoir, de manière, après ça, plus large une sensibilisation qui peut être davantage répandue, il ne suffit pas d'avoir 100 personnes dans une salle, dans une communauté comme... peu importe laquelle, c'est simplement d'avoir les bonnes personnes qui, elles, sont déjà sensibilisées, qui, après, lorsqu'elles vont sortir, elles vont parler entre elles. L'effet multiplicateur va être là.

Mme Anglade : Mais, quand vous dites : Il faut qu'il y ait une personne qui suive les horaires de l'entreprise, etc., qu'elle aille sur le terrain, cette personne-là, elle relève de qui? Je veux juste bien comprendre.

M. Paradis (Michel) : Ça peut être... Écoutez, là, je peux vous laisser libre cours, au choix du ministère, mais, lorsqu'on est en région, par exemple, bien, très souvent, on a... On avait, à l'époque, un centre local de développement, on avait Emploi-Québec, qui sont des bureaux très bien répartis sur l'ensemble du territoire. Et c'est des pouvoirs dédiés, à ce moment-là... Écoutez, juste... Puis, au niveau de l'immigration, j'ai compris que, par exemple, Emploi-Québec a maintenant une division où... des demandes de personnels qui vont s'attarder davantage à la personne immigrante, là. Et je dois même rencontrer une personne à cet effet-là prochainement, il doit venir me rencontrer à la chambre des commerces. Donc, il est possible de faire des amalgames, de pouvoir adapter le tout, là.

• (16 h 50) •

Mme Anglade : Une question que je me pose, par contre... Parce que, dans votre discours, quand même, vous mentionnez à quel point c'est important de se concentrer puis de miser sur des organismes qui sont déjà existants, puis là, dans ce que vous venez de me dire, là, vous parlez de personnes qui relèvent du gouvernement. Est-ce que c'est vraiment le rôle du gouvernement que de faire ce genre de choses là ou bien ne voyez-vous pas à l'intérieur des entreprises des campagnes de sensibilisation qui seraient plutôt menées par des gens qui connaissent bien le milieu des affaires, comme les chambres de commerce, pour sensibiliser les gens?

M. Paradis (Michel) : Oui, mais, écoutez, l'un n'exclut pas l'autre, et je pense qu'il y a... Puis il faut tenir compte aussi qu'il y a des chambres de commerce, pour avoir vécu un petit peu ailleurs au Québec, qui ont quand même des capacités qui sont moindres que certaines organisations gouvernementales aussi, là. Une chambre de commerce qui est composée de deux, trois personnes, ce n'est pas la même chose qu'une chambre de commerce qui est composée d'une équipe de 20 personnes. Vous comprenez?

Donc, en termes de capacité de livraison du message, puis de la logistique, et de tout ce que ça implique, quand même, on parle, là, de... il y a un enjeu de capacité. Donc, je veux simplement que ce... Tu sais, j'aime à dire que le GBS, à ce moment-là, peut être un bon «guideline» pour s'assurer de qui pourrait jouer un rôle proactif sur le terrain. Et, encore une fois, je réitérerais aussi un élément, c'est que chaque région a son propre ADN. Donc, il y a certaines régions qui sont plus adaptées et sont plus en lien avec certains organismes du milieu. Nous, comme à Québec, bien, écoutez, avec la masse critique que l'on a, ce ne serait absolument pas une surprise de voir que la chambre de commerce pourrait jouer un rôle proactif et positif avec vous tous pour atteindre cet objectif-là.

Donc, il faut vraiment quand même tenir compte de la réalité régionale dans laquelle cet élément de sensibilisation serait à faire. Moi, c'est ma recommandation, parce que, finalement... parce que je ne crois pas qu'un vecteur unique va être uniforme partout. Une approche à Québec ou à Montréal risque peut-être un peu d'être un peu différente de si vous le faites en Gaspésie et aux Îles ou, par exemple, au Saguenay—Lac-Saint-Jean, avec tout le dynamisme que je reconnais à mes collègues de ces chambres de commerce. C'est une simple question au plan opérationnel, là, point à la ligne, là.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une trentaine de secondes.

Mme Anglade : Je pense qu'on peut... Je peux les donner à mon collègue de Rimouski.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. La parole est dorénavant au député de Rimouski.

M. LeBel : Merci. Bonjour. Effectivement, vous semblez connaître un peu ce qui se passe à Rivière-du-Loup, mais c'est vrai, le CLD là-bas a pris un grand leadership, puis c'est la même chose aussi à Rimouski avec la SOPER, et ça fonctionne.

Ma question, c'est... L'enjeu pour nous autres, c'est, bon, d'amener les immigrants en région, mais faire en sorte qu'ils s'installent en permanence, qu'ils restent en région. Ça fait que c'est l'enjeu aussi pour les entreprises. Les propriétaires d'entreprise essaient de... font ce qu'ils peuvent, mais est-ce... Il y a plein de partenaires dans la communauté, là. Comment vous voyez ça? C'est quoi, la formule gagnante, là, de... Si je parle du monde de l'éducation, de la culture, les gens du milieu, comment on peut arriver à concerter tout ce monde-là pour qu'ils travaillent avec les entreprises pour faire en sorte que les immigrants demeurent en région?

M. Paradis (Michel) : Si je reviens un peu avec l'approche qui émane du projet de loi Canada atlantique, pour aller juste un peu plus en profondeur de ce point-là, puis peut-être que ça peut donner des idées, je ne vous dis pas que c'est une formule gagnante, là, mais ça peut permettre, là, de faire un cheminement, là, l'entreprise doit présenter un plan d'intégration, mais avec les gestionnaires du programme, O.K., et, en principe, le gestionnaire du programme est déjà en amont des différents enjeux et des difficultés qu'aurait à vivre éventuellement la personne immigrante qui va s'intégrer dans la communauté.

Donc, les deux parties doivent donc travailler de concert pour élaborer... pas quelque chose de fixe, mais quelque chose qui peut être malléable, mais au moins les conditions gagnantes qui vont faciliter l'intégration de la personne immigrante. Et c'est évident donc que l'organisme en question ou la personne qui est gestionnaire du programme aura à faire un travail avec la personne immigrante pour connaître un peu c'est quoi, ses aspirations, c'est quoi, ses conditions, ses enjeux familiaux, etc., les besoins en éducation, bref, tout pour s'assurer que... est-ce qu'il y a un arrimage qui peut être fait, et là je parle ici, là, avec l'entreprise.

Par contre, dans ce même projet pilote là, pour les régions plus éloignées, c'est la communauté qui serait appelée à jouer ce rôle-là. Alors, sans faire du copier-coller... Là, encore une fois, ce n'est pas la chambre, là, on fait tout simplement jaser, vous et moi, là, O.K. On s'entend, là, je vais beaucoup plus loin, là, de... Là, c'est juste moi qui parle. Il n'y a rien qui empêcherait qu'il puisse y avoir une convergence entre l'entreprise qui a besoin de cette personne immigrante là et... Sachant qu'elle a un besoin, je ne vois pas pourquoi elle n'aurait pas une ouverture à collaborer avec certains organismes du milieu pour dire : Bien, moi, je peux faire ça, ça, ça, mais toi, qu'est-ce que tu peux faire ensuite pour tenter de répondre à tel, tel, tel enjeu?

Parce que le besoin ne peut pas être strictement bilatéral. Je ne pense pas que ça puisse être uniquement bilatéral. Il doit y avoir quand même une convergence avec d'autres intervenants qui vont être complémentaires. Parce que nous, à la chambre... et ça, c'est une radote, mais finalement qui fait notre différence, là, vraiment, depuis que je suis en poste, c'est qu'il faut avoir une vision 360 des enjeux. Moi, j'ai un axe. J'ai un axe chambre de commerce en fonction des besoins de mes membres. Ce n'est pas que je n'ai pas un intérêt pour la personne humaine qui est la personne immigrante, mais, moi, ma mission, ce n'est pas ça. Vous voyez? Alors, si on veut avoir une convergence de vue complète, moi, je pense qu'en région, Bas-Saint-Laurent—Gaspésie, c'est d'avoir... de faire usage de l'ensemble des ressources qui sont présentes, mais qui sont rassemblées envers un objectif qui est commun. Et, à partir de là, les actions sont beaucoup plus faciles à décliner, et c'est à ce moment-là qu'une rétention pourrait être faite.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute, oui.

M. Paradis (Michel) : Je m'excuse d'abuser de votre temps.

M. LeBel : Non, non, non. C'est correct. C'est correct. Ma question, c'est un autre aspect, c'est le rôle des universités ou des cégeps en région qui accueillent des étudiants étrangers. Souvent, ils s'installent en région. Ici, à l'Université Laval, c'est majeur, là. Il y a beaucoup d'étudiants étrangers. Comment vous voyez le rôle? Est-ce qu'il y a un rôle qu'on peut donner aux universités et aux cégeps en région pour attirer des immigrants?

M. Paradis (Michel) : Encore une fois, là, vous m'amenez hors de mon... J'avais travaillé sur un autre dossier auparavant pour un genre de grappe qu'on voulait faire au plan régional, dans une région x, et ce point-là avait été abordé. Et je ne sais pas si c'est faisable, mais, si on peut faire des adéquations entre des formations offertes dans certains cégeps et qui sont...

La Présidente (Mme Chassé) : Pardon. Est-ce qu'il y a consentement pour le laisser terminer sa réponse?

Une voix : Consentement.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci.

M. Paradis (Michel) : Je vais essayer de faire très court, je vous assure, là. Je vais essayer de faire ça en 10 secondes.

La Présidente (Mme Chassé) : On compte.

M. Paradis (Michel) : Convergence cégeps, spécialisation dans les cégeps, corrélation avec intérêts des personnes immigrantes à vouloir combler leur formation dans ces spécialités-là. Conséquemment, il risque fort d'avoir ce qu'on appelle les entreprises qui vont aussi oeuvrer dans le secteur spécialisé qui est offert par le cégep, et c'est ce qu'on appelle un écosystème. Donc, voilà. Alors, 10 secondes. Voilà.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci beaucoup. Je remercie la Chambre de commerce et d'industrie de Québec pour sa contribution aux travaux de la commission.

Je suspends les travaux quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 16 h 58)

(Reprise à 17 heures)

La Présidente (Mme Chassé) : Je souhaite maintenant la bienvenue aux représentants de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour votre exposé, puis nous procéderons à la période d'échange avec les membres de la commission. Je vous ferai un signe à une minute de la fin de votre exposé. Je vous invite donc à vous présenter et à débuter. Merci.

Commission des droits de la personne et
des droits de la jeunesse (CDPDJ)

M. Tessier (Philippe-André) : Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes et MM. les députés, je m'appelle Philippe-André Tessier, je suis président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je tiens d'abord à souligner le fait que c'est ma première comparution en commission parlementaire depuis ma nomination toute récente de ce matin. Alors, je voulais simplement le souligner et remercier les parlementaires présents pour leur confiance. Je suis accompagné par Me Geneviève St-Laurent, conseillère juridique, et Mme Amina Triki-Yamani, et M. Jean-Sébastien Imbeault, chercheurs à la commission.

Nous tenons d'abord à vous remercier, évidemment, de l'invitation faite à la commission de présenter ses observations et ses commentaires sur le projet de loi n° 9, Loi visant à accroître la prospérité socio-économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes. La commission se doit néanmoins de déplorer le court délai alloué pour participer aux consultations particulières et aux auditions publiques sur le projet de loi n° 9. Nous le disons en tout respect, mais, comme la commission l'a rappelé par le passé, il est idéal d'avoir un certain nombre de temps pour permettre à des enjeux importants d'être débattus et traités, notamment par la commission. Cela dit, compte tenu des importances des enjeux soulevés par ce projet, la commission a mis les bouchées doubles pour vous présenter les commentaires qui suivent, et vous venez d'ailleurs de recevoir à l'instant copie de notre mémoire.

La commission est instituée, comme vous le savez, en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne. Elle assure le respect et la promotion des principes qui y sont énoncés. Elle assure aussi la protection de l'intérêt de l'enfant reconnu par la Loi sur la protection de la jeunesse et, enfin, elle veille à l'application de la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi.

C'est dans le cadre du mandat que lui confère la charte que la commission a procédé à l'étude du projet de loi n° 9. Le mémoire que nous vous présentons soulève d'importantes préoccupations quant à l'impact de certaines dispositions de ce projet de loi sur les droits et libertés protégés par la charte, notamment le droit à l'égalité et à la non-discrimination. Au terme de son analyse, nous avons formulé sept recommandations portant sur quatre thèmes : premièrement, l'intégration socioéconomique des immigrants en toute égalité; deuxièmement, l'introduction des conditions liées au statut de résident permanent; troisièmement, le refus de traitement des demandes présentées avant le 2 août 2018; quatrièmement, la référence aux valeurs québécoises exprimées par la charte.

Dans un premier temps, la commission constate que le projet de loi n° 9 pose la question de l'intégration socioéconomique des personnes immigrantes principalement en termes d'arrimage entre le profil professionnel de celles-ci et les besoins du marché du travail. Cette approche omet cependant de prendre en compte la discrimination systémique fondée sur les motifs de race, couleur et origine ethnique ou nationale qui perdure tant dans l'accès à l'emploi que dans la progression en emploi. En bref, elle omet la dimension humaine qui est nécessaire à une meilleure intégration à la société québécoise.

Plus encore, l'article 6 du projet de loi n° 9 propose de modifier l'objet de la Loi sur l'immigration au Québec, modification qui aurait pour effet de supprimer la référence au droit à l'égalité qui avait été ajoutée suite à une recommandation formulée en 2016 par la commission. Or, inscrire le droit à l'égalité dans la loi est une façon de souligner les garanties offertes par la société d'accueil aux candidats à l'immigration et ainsi d'assurer leur intégration socioéconomique.

À ce sujet, la commission recommande d'amender l'article 6 du projet de loi n° 9 afin que l'article 1 de la loi réfère de manière explicite aux droits et libertés protégés par la charte, et particulièrement au droit à l'égalité réelle, notamment en ce qui concerne la pleine participation des personnes immigrantes à la vie collective.

À ce sujet, il faut d'ailleurs mettre davantage l'accent sur les responsabilités de la société d'accueil et de l'État en matière de lutte contre la discrimination systémique, particulièrement contre les obstacles rencontrés par les personnes immigrantes dans le domaine de l'emploi. Un rééquilibrage à cet égard est nécessaire.

La commission recommande, à cet effet, que le gouvernement axe ses interventions sur l'approche de l'accès à l'égalité en emploi. Elle réitère la nécessité de mieux appliquer les programmes d'accès à l'égalité dans la fonction publique provinciale et d'étendre ces programmes au secteur privé.

La commission recommande en outre que le gouvernement lève les obstacles discriminatoires de nature systémique entravant la reconnaissance des diplômes et l'expérience professionnelle acquise dans le pays d'origine ou de provenance de l'immigrant.

Dans un deuxième temps, la commission s'inquiète des effets des dispositions en vertu desquelles le gouvernement pourrait imposer des conditions relatives à la résidence permanente conférée par la loi fédérale. Au-delà de sérieuses questions de constitutionnalité que posent ces dispositions, la commission constate qu'elles risquent de porter atteinte aux droits garantis par la charte, principalement le droit à l'égalité. La commission s'inquiète par ailleurs du fait que l'introduction de ces conditions ne soit pas davantage balisée dans la loi et qu'elles soient introduites uniquement par voie réglementaire.

À cet effet, nous recommandons de modifier le projet de loi n° 9, tout comme nous l'avions fait pour le projet de loi n° 77 de 2016, que la prépublication des règlements soit conservée, contrairement à ce qui est prévu aux articles 8 et 10 de la loi. En vertu des compétences qui lui sont dévolues, la commission se réservera néanmoins le droit d'analyser la conformité à la charte des projets de règlement publiés en vertu des dispositions qui seraient introduites suivant les articles 8 et 10 du projet de loi, tout comme elle l'a fait suite à l'adoption du projet de loi n° 77 en 2016. La commission tient à souligner qu'elle analysera également tout projet de loi qui serait publié en vertu de l'article 21.1 que l'article 9 du projet de loi propose d'introduire à la loi.

Dans un troisième temps, la commission s'inquiète du respect des droits des personnes visées par l'article 20 du projet de loi n° 9. En vertu de cette disposition, les demandes soumises dans le cadre du Programme régulier des travailleurs qualifiés avant le 2 août 2018 qui n'auraient pas fait l'objet d'une décision en date de la présentation du projet de loi ne seraient pas traitées. Le refus de traiter ces dossiers affecte directement des milliers de personnes, 3 800 demandeurs et leurs familles, qui travaillent ou étudient au Québec. On se doute que, d'ailleurs, plusieurs d'entre elles ont déjà en bonne partie accompli leur intégration à la société. Ces personnes se voient aujourd'hui plongées dans une grande insécurité qui risque d'affecter l'exercice de plusieurs de leurs droits garantis par la charte, notamment le droit à la sauvegarde, à la dignité, à leur capacité à faire des choix relevant de leur sphère d'autonomie personnelle tel que protégée par les droits et libertés et à la vie privée.

On peut imaginer, par exemple, que ces personnes vont devoir mettre de côté leur projet de fonder une famille ou s'établir durablement. Or, la liberté doit favoriser la pleine réalisation de chacun, le respect des choix personnels de chaque individu et le droit de prendre des décisions fondamentales qui touchent intimement la vie privée.

En outre, l'exigence de détenir un CSQ étant généralement essentielle à l'inscription à la RAMQ, plusieurs de ces résidents actifs du Québec risquent de voir leur droit à la vie, à la sûreté et à l'intégrité de leur personne... L'attente accrue et inattendue de ce refus de traiter leurs demandes de sélection risque, en effet, de compromettre l'exercice de ce droit qui est pourtant protégé par l'article 1 de la charte. D'ailleurs, advenant la fin de leur permis de séjour temporaire avant la réception de leurs CSQ, elles pourront demander une prolongation de ce permis aux autorités fédérales en attendant qu'une décision soit prise par les autorités québécoises. Cependant, ce statut implicite leur privera de la liberté de quitter le territoire, y compris dans les cas d'urgence familiale.

La commission recommande donc d'amender le projet de loi n° 9 afin de retirer l'article 20 de celui-ci.

Quatrièmement, la commission s'est attardée aux trois dispositions du projet de loi n° 9 qui visent à modifier la Loi sur l'immigration du Québec et la Loi sur le ministère de l'Immigration afin d'associer la notion de valeurs québécoises exprimées par la charte à celle de valeurs démocratiques qui s'y trouve déjà.

Soulignons d'emblée que l'objet de la charte est d'affirmer et de mieux protéger les droits et libertés de la personne. Certes, les valeurs fondamentales sont au coeur des droits et libertés de la personne et encore plus précisément de la charte. Il serait toutefois préoccupant de voir celle-ci associée à l'édification d'un corpus de valeurs auxquelles il faut adhérer sous peine d'exclusion.

Au chapitre des valeurs démocratiques se trouvent notamment le respect de la dignité inhérente de l'être humain, la promotion de la justice et l'égalité sociale, l'acceptation d'une grande diversité de croyances, le respect de chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institutions sociales et politiques qui favorisent la participation des particuliers et des groupes dans la société. Les droits fondamentaux recèlent, dans leur essence, une intention de reconnaissance de valeurs plurielles.

La commission tient à rappeler qu'il importe d'être vigilant par rapport à l'articulation qui est faite entre les droits promus par la charte et les valeurs démocratiques qui la sous-tendent. Une mauvaise articulation des droits et valeurs risque de mener à une hiérarchisation des droits et libertés protégés par la charte, voire de restreindre la portée de ceux-ci.

Aussi, recourir à un ensemble de valeurs dont le contenu ne correspond pas complètement aux valeurs promues par la charte ou qui vise à restreindre les droits qu'elle protège comporte un risque. Il pourrait créer une pression à la conformité et des exclusions des personnes dont les valeurs seraient jugées éloignées de celles du groupe majoritaire. Ceci pourrait, en définitive, affecter plus particulièrement les personnes issues de l'immigration et nuire à leur intégration, surtout qu'il est documenté que les valeurs ne sont pas une bonne prédiction de comportement.

La commission recommande ainsi d'amender le projet de loi n° 9 de façon à supprimer les termes «valeurs québécoises» où ils sont cités et que de ne référer qu'aux valeurs démocratiques telles qu'interprétées au sens de la charte, tout comme la commission l'avait recommandé dans son mémoire sur le projet de loi n° 77.

La commission s'interroge en outre sur une modification qui serait apportée à l'article 4 de la Loi sur le MIDI. Pour rappel, le cinquième paragraphe qui serait introduit à cet article établirait que la sélection des ressortissants étrangers doit contribuer ou répondre aux besoins et aux choix du Québec en fonction de différents facteurs, dont la réalité socioculturelle. Ce critère, en plus d'être large...

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

M. Tessier (Philippe-André) : Ça tombe bien, j'ai presque fini.

La Présidente (Mme Chassé) : Mais le ministre vous offre davantage de temps.

• (17 h 10) •

M. Tessier (Philippe-André) : Ah! bien, merci, M. le ministre. Ce critère, en plus d'être large, est difficilement mesurable, risque de créer une distinction entre un immigrant désirable et un immigrant indésirable et, à terme, nuire à l'intégration de ces personnes immigrantes.

La commission recommande donc d'amender l'article 3 du projet de loi n° 9 afin de retirer la référence à la réalité socioculturelle dans le paragraphe 4°, 5° entre parenthèses, qu'il envisage d'introduire à la Loi sur le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion.

Et enfin, et c'est un élément qui est fort important pour nous, j'ai entendu les parlementaires discuter avec l'intervenant précédent, la commission tient à réitérer l'importance de mettre de l'avant l'éducation aux droits et libertés pour les personnes immigrantes, mais également pour l'ensemble de la population québécoise. De l'avis de la commission, l'éducation aux droits et libertés demeure un outil privilégié pour lutter contre les préjugés et la discrimination et assurer l'édification d'une société plus inclusive, telle que souhaitée par l'ensemble des citoyens québécois. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci à vous pour votre exposé. Nous allons maintenant débuter la période des échanges. M. le ministre, la parole est à vous.

M. Jolin-Barrette : Oui. Merci, Mme la Présidente. Me Tessier, Me St-Laurent, M. Imbeault, Mme Triki-Yamani, bonjour. Merci d'être présents à la commission. Félicitations, Me Tessier, pour votre nomination à titre de président permanent, si je peux dire, de la Commission des droits de la personne aujourd'hui. La motion a été présentée par le premier ministre et appuyée par pratiquement toute la Chambre.

Écoutez, on vient de recevoir votre mémoire séance tenante. Vous comprendrez qu'on ne l'a pas lu, mais, quand même, votre invitation... Vous étiez dans la première version de l'invitation, le 19 février, je crois. Alors, le Parlement a fait ses invitations. Cela dit, je vous ai écouté. Est-ce que vous trouvez qu'il y a quelque chose de positif dans le projet de loi n° 9?

M. Tessier (Philippe-André) : Écoutez, l'approche de la commission, évidemment, en vertu de la charte, c'est de faire des recommandations au gouvernement eu égard aux éléments des projets de loi qui peuvent porter atteinte aux droits reconnus par celle-ci. Alors, évidemment, lorsque c'est le cas, nous avons l'obligation et le devoir de le faire en vertu du texte de la charte, et c'est pour ça qu'on se présente devant vous. Et je respecte le fait que vous avez placé la commission à la toute dernière case de l'horaire disponible et je l'apprécie. Je vous signifie simplement le fait qu'il y a aussi une question humaine de préparer un mémoire et sur des enjeux qui ne sont pas nécessairement très simples. Les enjeux en immigration, comme vous le savez, sont éminemment complexes, avec deux niveaux de gouvernement. Donc, c'est sûr et certain que, nous, notre travail ici, c'est de venir vous présenter les éléments qui, pour la commission, devraient être sujets d'attention de la part des parlementaires lors de leurs délibérations et de leur étude détaillée.

M. Jolin-Barrette : Donc, revenons sur les conditions grevant la résidence permanente. Vous nous indiquez qu'on ne devrait pas imposer des conditions grevant la résidence permanente. Moi, ce qui m'intéresse, c'est le cadre juridique applicable. Donc, vous indiquez qu'il y a des risques constitutionnels à cela.

Je voudrais savoir, selon vous, est-ce que c'est possible pour le gouvernement fédéral de... Bien, dans un premier temps, est-ce que vous pensez que je peux introduire, par le biais de l'article 9, l'article 21.1 dans la loi, qui habilite le Québec à imposer des conditions à la résidence permanente? Est-ce que l'Assemblée nationale peut faire ça?

M. Tessier (Philippe-André) : Évidemment, il est clair, puis je le rappelle aux parlementaires, que le mandat de la commission n'est pas de donner des opinions de constitutionnalité de loi au sens du partage des compétences fédératives.

Cela dit, il est important pour nous, nous pensons, de vous rappeler les atteintes possibles au droit à l'égalité et aussi le souligner au passage qu'il y a des éléments là-dedans où, par une norme d'apparence neutre, il pourrait y avoir un effet préjudiciable et attentatoire contre le droit à l'égalité des personnes visées. Ça, c'est l'élément qui est contenu dans notre mémoire et c'est l'élément sur lequel on attire votre attention. Mais l'élément le plus fondamental pour nous, et on vous le dit, on l'a dit à la commission sur le projet de loi n° 77, et on le répète, c'est que dispenser le gouvernement de l'obligation de publication des règlements fait perdre au gouvernement, parce que, dans ce cas-ci, c'est un règlement, l'éclairage de la commission eu égard à certaines mesures mises en place.

Et il faut le rappeler, tout comme on le disait sur 77, on répète la même chose aujourd'hui, il y a énormément de pouvoirs qui sont délégués par règlement au gouvernement ainsi, et ça fait en sorte que c'est un petit peu difficile pour nous d'anticiper et de nous prononcer à l'avance sur le contenu du corpus réglementaire. Mais on vous sensibilise au fait qu'il y a des risques eu égard au droit à l'égalité sur ces questions.

M. Jolin-Barrette : Je comprends. Dans toutes les lois, il y a des dispositions habilitant le gouvernement à adopter des règlements. Ça, ce n'est pas nouveau. Mais je vous réfère à la page 14 de votre mémoire, la note de bas de page 55. Donc, vous-même, vous abordez... «Au-delà des sérieuses questions de constitutionnalité que pose cette disposition, la commission souhaite faire part de ses préoccupations quant à l'imposition de telles conditions au regard des droits protégés par la charte québécoise.» Puis, dans la note de bas de page 55, vous dites : «L'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration et à l'admission temporaire des aubains, 1991, établit, à son article 12, que le Québec est responsable de la sélection des personnes immigrantes à destination de son territoire. Cependant, la question de l'admission des ressortissants étrangers et l'octroi du statut de résident permanent est confiée à l'administration fédérale. Sur le plan administratif, cela signifie qu'une fois le certificat de sélection du Québec émis, le gouvernement fédéral applique sa procédure d'admission, qui inclut une enquête sur l'état de santé du ressortissant étranger et ses antécédents criminels, notamment. Seul le fédéral peut accorder le statut de résident permanent ou le révoquer.»

Donc, vous l'abordez vous-mêmes dans votre mémoire, donc vous me permettrez de vous poser la question sur ce point-là, en ce qui concerne la constitutionnalité.

Est-ce que la Commission des droits de la personne est d'avis que l'Assemblée nationale du Québec peut adopter l'article 21.1 et que, dans le cadre constitutionnel applicable, c'est possible de faire vivre cet article-là, considérant que le fédéral, dans sa loi, actuellement, prévoit déjà une disposition habilitante?

M. Tessier (Philippe-André) : Je respecte votre question, puis vous faites bien d'attirer l'attention des parlementaires à cet extrait du mémoire. Comme je vous le dis, la commission ne formule pas de recommandation spécifique. Si vous regardez dans la liste des recommandations qui se retrouvent à la fin, sur cet élément-là, ce qu'on fait, c'est qu'on vous fait part d'une préoccupation. On sensibilise — je pense que nous ne sommes pas le seul organisme qui le fait, d'ailleurs — sur la possible difficulté que pourrait rencontrer une telle disposition.

Cela dit, puis je pèse mes mots, comme je ne suis pas un organisme qui vient ici pour vous plaider le partage des compétences fédératif, je vais réserver mes commentaires à ce sujet-là et je vais laisser la commission parlementaire faire son travail en étude détaillée, en tenant compte de la préoccupation qu'on vous soulève, qui en est une, c'est une préoccupation, mais on vous la soulève et on vous laisse en disposer.

M. Jolin-Barrette : O.K. À la page 17 du mémoire, la commission dit : L'introduction de conditions relatives à l'embauche d'un résident permanent. «La commission souhaite...» C'est le deuxième paragraphe, la fin du premier, là, le point 2.2, dans le fond. «La commission souhaite également faire part de ses préoccupations relatives à l'article 10 du projet de loi n° 9 qui vise à remplacer l'article 29 de la Loi sur l'immigration au Québec. Dans sa nouvelle formulation, le premier aliéna de l'article 29 prévoit que le gouvernement pourrait, par règlement, déterminer des conditions qui doivent être respectées par un employeur qui souhaite embaucher un résident permanent. D'évidence, cette disposition soulève d'importantes questions constitutionnelles — et là on réfère à 63, qu'on dit : "La Charte canadienne des droits et libertés garantit, à son article 6, la libre circulation des résidents permanents et le droit de gagner leur vie dans [toutes les provinces]. Toute restriction sur le lieu d'établissement d'un résident permanent semble ainsi soulever de sérieuses questions en conformité avec cette disposition", mais la Commission s'interroge aussi sur la conformité de celle-ci à la charte québécoise.»

Bon, à 29, l'obligation qu'on met, c'est sur l'employeur, ce n'est pas sur le résident permanent. Dans le fond, dans le projet de loi n° 9, on impose... on pourrait imposer certaines conditions à l'employeur, notamment, supposons, d'offrir des locaux pour des cours de français ou d'offrir de la francisation en milieu de travail ou certaines facilités. Il n'est pas question de limiter la circulation ou l'établissement d'un résident permanent. Ce n'est pas ce que l'article dit.

Donc, j'aimerais ça vous entendre sur la question de l'employeur. L'objectif, c'est de faire en sorte que le gouvernement ait certains outils pour travailler en collaboration avec les employeurs, pas pour pénaliser quelconque résident permanent que ce soit.

M. Tessier (Philippe-André) : Je vous entends bien, M. le ministre. Je vous répète, le rôle que l'on se donne aujourd'hui devant vous et que nous avons en vertu de la charte, c'est celui de vous sensibiliser et de vous faire part de cette préoccupation-là, préoccupation qui est de l'ordre... de nature constitutionnelle, au sens et au regard de la charte canadienne, je le précise. Vous avez un élément là-dessus.

Cela dit, si on regarde les objectifs de la loi... puis là vous me donnez un exemple concret, on pourrait s'amuser à en accumuler un après l'autre. Nous, notre travail, c'est de venir en commission parlementaire et c'est de vous dire : Lorsque vous adoptez une loi et que vous avez des règlements, par la suite, à adopter, dont vous ne prépubliez pas le texte pour commentaires, il faudra être vigilant eu égard à la question des partages de compétences, eu égard à la question possible de conformité à la charte québécoise, droit à l'égalité, droit à la circulation.

Donc, nous, on vous dit : Là, présentement, on n'est pas ici pour commenter sur les règlements de mise en application. C'est très difficile pour nous de nous prononcer sur des cas hypothétiques de règlement potentiel avec des situations factuelles données. Mais notre travail, c'est de venir vous mettre en garde sur ces éléments-là. Vous semblez bien au fait de ces éléments-là... Excusez-moi, Mme la Présidente. Le ministre semble bien au fait de ces éléments-là.

• (17 h 20) •

M. Jolin-Barrette : Je vous entends bien, là. Je comprends, là, le rôle de la commission, mais, dans le mémoire, là, vous nous dites quand même, là : «D'évidence, cette disposition soulève d'importantes questions constitutionnelles, mais la commission s'interroge sur la conformité de celle-ci à la charte québécoise.»

Alors, décortiquons-le, là. Sur la question de la conformité de celle-ci à la charte québécoise, si on mettait en place un règlement, là... Puis effectivement il n'est pas publié, il n'est même pas écrit, le règlement, encore, là. Et, comme dans des centaines de lois qui sont adoptées au Québec, des fois, il y a des règlements qui sont adoptés, des fois, d'autres, pas, puis ce n'est pas tout qui se retrouve dans les lois. Mais en quoi la disposition pourrait contrevenir à la charte québécoise si on vise l'employeur?

M. Tessier (Philippe-André) : Ça va être l'effet discriminatoire, Mme la Présidente. Et j'attire l'attention, au niveau parlementaire et dans la commission, au paragraphe suivant, hein? C'est : «L'introduction de conditions relatives à l'embauche des résidents permanents», parce qu'on parle bien de leur embauche. On peut viser les employeurs, mais c'est quand même bien de l'embauche de résidents permanents dont on parle. On parle d'employeurs, mais on ne peut pas faire indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement aussi. Il faut faire attention dans la façon qu'on va venir faire ça, dans la façon qu'on va venir jouer là-dedans, parce qu'une norme d'apparence neutre peut avoir un effet discriminatoire, et donc c'est ce qu'on vous rappelle ici. Même si une norme peut paraître neutre d'apparence, elle peut avoir un effet discriminatoire. C'est ce que cette section du mémoire vous rappelle.

Et c'est pour ça que la recommandation de la commission, qui est la recommandation n° 4 du mémoire, est de vous inciter fortement à faire attention que les... pardon, la recommandation n° 4 fait référence justement à ça ici, les conditions additionnelles, parce que les libellés dans le projet de loi sont en termes très larges, et ce qui fait en sorte que c'est, encore là... puis j'ai l'impression de me répéter, là, je m'en excuse, mais c'est difficile pour nous de nous prononcer à ce moment-ci et c'est pour ça qu'il est important...

Tout comme la recommandation n° 4 le mentionne, l'obligation de publication donne la chance aux acteurs comme la commission, mais l'ensemble de la société, et puis évidemment les acteurs oeuvrant auprès des personnes immigrantes aussi, donc, de venir commenter et informer le gouvernement avant l'adoption formelle du projet de règlement. C'est ce qu'on vous dit, c'est la recommandation de cette section-là, si vous la regardez. Elle est à la page 18 et 19, mais c'est la même, je vous le dis, Mme la Présidente. Je le souligne à l'ensemble des parlementaires, c'est la même chose qu'on avait dit sur 77. Il y avait cette préoccupation-là à l'égard de 77 également.

M. Jolin-Barrette : O.K. Mais, si on met des conditions favorisant l'embauche des personnes immigrantes, favorisant le fait que l'ensemble des acteurs de la société québécoise se mobilise pour l'embauche des personnes immigrantes, visant leur intégration, visant leur francisation, ce n'est pas des motifs de discrimination. On dit aux partenaires de la société : Tout le monde doit faire sa part.

L'intégration, là, d'une personne immigrante qui quitte son pays d'origine, ce n'est pas l'unique responsabilité de la personne immigrante. C'est terminé, ça, là, le fait de faire reposer toute l'obligation, la lourdeur de faire les démarches sur la personne immigrante. Nous, on est dans une logique, avec le projet de loi n° 9, de dire : C'est notre responsabilité à tout le monde. C'est la responsabilité de la société québécoise, c'est la responsabilité des villes, c'est la responsabilité des villages, c'est la responsabilité des employeurs dans toutes les régions, de la communauté. C'est la responsabilité des Chevaliers de Colomb de...

Je ne l'ai pas mis dans la loi, là, mais vous comprenez où je m'en vais, dans le sens où... de dire : Si la société d'accueil vous accueille bien, vous prend en charge... Vous quittez votre pays d'origine, vous ne connaissez personne, vous arrivez dans un milieu, chez nous, à Beloeil, supposons, là, vous arrivez sur Saint-Jean-Baptiste, vous ne connaissez personne. Ça va être toffe au début, là. J'imagine, là, je ne l'ai pas vécu, là, mais, même quand vous déménagez d'une ville à l'autre au Québec puis vous êtes natif du Québec, c'est toffe parce qu'il faut refaire votre réseau, tout ça.

Nous, avec le projet de loi n° 9, ce qu'on dit, c'est que l'État québécois, le MIDI, le ministère de l'Immigration, prend ses responsabilités. On dit : c'est assez, là, il faut investir, il faut s'assurer que, dès l'étranger, on déploie des ressources. Puis on dit, là : Écoutez, là, nous, on veut, là, que le processus, là, ça se déroule très bien. Puis notre objectif, c'est que vous soyez heureux au Québec, que vous occupiez un emploi à la hauteur de votre compétence, que vous viviez ici avec votre famille, et, pour ça, on se dote des moyens dans le projet de loi pour faire ça.

Là, je comprends, vous me dites : On ne voit pas le règlement, ça pourrait être potentiellement discriminatoire. Mais je pense que la commission voit une problématique qui, nous, quand qu'on a construit l'article de loi, visait plutôt à accompagner puis plutôt à donner des moyens pour la personne immigrante. Et c'est pour ça qu'on ne dit pas : Le résident permanent doit rester dans telle région ou est captif, tout ça. Ce n'est pas ça du tout où on est, là. On est vraiment dans une approche positive de donner des outils, là.

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, Mme la Présidente, si, peut-être, je peux donner un élément de réponse au ministre, c'est en attirant l'attention des membres de la commission aux recommandations de la première section de notre mémoire. Et il faut comprendre que le projet de loi, tel que rédigé présentement... Puis on parlait de 8 et 10 présentement, la rédaction laisse place à l'imagination. Vous présentez des scénarios, mais on peut présenter d'autres scénarios également. Alors, c'est ce qu'on vous dit, c'est que l'obligation de publication, dans un contexte comme ça, devient encore plus importante, parce que l'article laisse beaucoup de possibles, et ces possibles-là peuvent être bons comme moins bons.

Mais, si vous regardez la partie n° 1 de notre mémoire et la recommandation n° 1, un des indices qu'on voit dans le projet de loi et sur lequel on vous interpelle, on interpelle le gouvernement, Mme la ministre, c'est le fait qu'on retire de la loi actuelle un des indices qui allait dans le sens que le ministre semble indiquer en disant vouloir respecter la charte, vouloir se conformer aux droits et libertés. Bien, ce n'est pas en retirant le principe de l'égalité, en retirant des mots qui ont été ajoutés suite à des recommandations de la commission sur 77 en 2016 qu'on va dans ce sens-là. On donne un indice contraire à la population, puis le législateur, quand il parle, il n'est pas censé parler pour ne rien dire. S'il enlève des mots, ça donne un sens.

Alors, c'est pour ça que, nous, ce qu'on vous recommande, c'est de reconnaître explicitement... de référer de façon explicite au droit à l'égalité réelle et aux droits et libertés protégés par la charte, tout comme on l'avait recommandé sur 77, qui avait mené à un amendement en étude détaillée et l'ajout d'éléments qui ne se retrouvent plus dans le projet de loi n° 9. Ça, c'est un premier élément de réponse.

Le deuxième élément de réponse que je peux vous donner, et ça, ça touche à l'accès à l'égalité en emploi, puis c'est les recommandations suivantes... Alors, il y a des leviers dont le gouvernement dispose pour mettre en place des actions porteuses pour permettre une pleine intégration, un accès en pleine égalité aux emplois et pour lutter contre la discrimination systémique dont sont victimes les personnes racisées. C'est les programmes d'accès à l'emploi, c'est de faire en sorte que la fonction publique soit assujettie, que le privé soit assujetti, que les minorités racisées constituent un groupe cible distinct et spécifique des programmes d'accès à l'égalité du gouvernement, de la fonction publique. Et donc, ça, c'est des éléments, c'est des outils que le gouvernement peut mettre en place pour véritablement atteindre ces fins-là d'une pleine intégration des personnes immigrantes à l'emploi.

Et la dernière chose, puis c'est la recommandation n° 3, c'est : on vous recommande de lever les obstacles systémiques aux effets discriminatoires, qui sont là, qui existent, qui sont documentés, quant à la reconnaissance des diplômes et la reconnaissance de l'expérience professionnelle acquis dans les pays d'origine ou de provenance des personnes immigrantes. Ça, c'est des véritables barrières concrètes, qui existent au quotidien, pour des gens qui viennent ici, qualifiés, dans le programme dont on parle, et qui se butent à des refus systématiques parce que ce sont des personnes racisées, qui, de façon générale, proviennent d'Afrique du Nord ou d'Afrique subsaharienne. Et ce sont des personnes qui parlent français.

Et ça, c'est un véritable problème. La commission, nous recevons des plaintes de ces personnes, qui se plaignent de discrimination à l'embauche. Pourtant, la charte dit, à l'article 18.1, très clairement : On ne peut pas demander à quelqu'un d'où il vient dans un processus d'embauche. Et, à tous les jours, on reçoit des plaintes à la commission, processus d'entrevue... Pourquoi on pose cette question-là? Quelle finalité est-ce que ça sert de savoir, la personne, elle vient d'où, si on a besoin d'un manoeuvre, si on a besoin d'une secrétaire médicale? Mais ces questions-là sont posées au quotidien, au Québec, par des employeurs.

Et c'est ce qu'on vous dit, Mme la Présidente, c'est ce qu'on dit au gouvernement, il y a des gestes... j'entends le ministre, il y a des gestes très clairs et très concrets qui peuvent être posés pour aider les personnes immigrantes, majoritairement des personnes racisées ici, qui se butent à des problématiques d'accès à l'emploi. Pardonnez-moi la longue réponse.

• (17 h 30) •

M. Jolin-Barrette : Donc, dans les mesures qu'on peut prendre, parce que... Séparons le fait des personnes immigrantes et le fait des personnes racisées. Prenons le cas des personnes racisées. Parce que les deux ne sont pas équivalents, là?

M. Tessier (Philippe-André) : Effectivement.

M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce qu'on devrait pour... faire comme moyen d'action, selon la commission?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, les deux sont étroitement liés, dans la mesure où, nous, ce qu'on documente, et ce que les études documentent, c'est que c'est les personnes racisées qui ont plus de problèmes, on se comprend. Donc, c'est pour ça que...

M. Jolin-Barrette : Non, mais ce que je veux dire, ce n'est pas parce que vous êtes...

M. Tessier (Philippe-André) : Je ne veux pas jouer sur les mots, là.

M. Jolin-Barrette : ...ce n'est pas parce que vous êtes une personne immigrante que vous êtes une personne racisée.

M. Tessier (Philippe-André) : Effectivement. Puis ça, dans notre mémoire, c'est très clair, les personnes racisées natives ont des problématiques semblables. Donc, c'est pour ça que vous avez raison de faire la distinction. Mais évidemment, dans les personnes immigrantes, il y a aussi des personnes racisées. C'est pour ça je ne veux pas faire le... je ne veux pas finasser sur le sens des mots, là, mais il y a une très grosse majorité.

M. Jolin-Barrette : Qu'est-ce que vous nous suggérez de faire comme moyen d'action pour éviter que ce genre de situation là, déplorable, se produise?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, première chose, comme on vous le dit, puis c'est un peu le sens de notre propos, c'est de ne pas retirer des mots qui avaient été mis dans la Loi sur l'immigration en 2016 pour venir inscrire une intention législative, d'assurer en pleine égalité... c'est de renforcer ces textes-là, renforcer les programmes d'accès à l'égalité, les appliquer.

L'État devrait être un employeur exemplaire. Et l'État québécois, pour ce qui est de la représentativité, malheureusement, ne l'est pas encore. Et on est plusieurs années après, ça fait plus de 30 ans que les programmes d'accès à l'égalité ont été prévus à la charte, on n'a pas encore atteint une vitesse de croisière au niveau de la fonction publique de l'État. Alors, ça, c'est une revendication historique de la commission. Je ne suis pas le premier président qui se présente en commission parlementaire qui le dit à des parlementaires. Alors, je vous le répète. Ça, c'est une bonne mesure. L'étendre au secteur privé, aussi. Les programmes d'accès à l'égalité, présentement, ne sont pas... le secteur privé n'est pas couvert par les programmes d'accès à l'égalité. Ça aussi, vous avez une piste là. Mme la Présidente, le ministre a une piste là, peut-être, s'il en cherche. Et, comme je vous le dis, l'expérience professionnelle, les diplômes, il y a des idées comme ça qui... et c'est une recommandation, il y a des idées comme ça qui ont circulé dans la société civile, c'est de mettre fin aux barrières et aux blocages qui existent.

Puis je termine aussi en vous disant que, lorsque — la recommandation n° 7, la toute dernière — on fait référence à la réalité socioculturelle, c'est un autre indice qui s'éloigne de cet objectif d'égalité réelle. Parce que, quand on parle de patrimoine socioculturel, on vient de mettre une norme un peu de conformité et non pas de reconnaissance de la diversité.

Alors, encore une fois, le législateur doit être prudent dans ses mots. Et c'est pour ça que la commission, on se présente devant vous, puis on vous dit : Soyez prudents dans l'utilisation de ce genre de vocabulaire là. Soyez prudents quand vous parlez de valeurs québécoises. Les valeurs démocratiques sont prévues à la charte présentement. Elles sont prévues dans le texte de la loi. Et ce qu'on vous recommande, c'est de prévoir «valeurs démocratiques telles que reconnues par la charte» et non pas «valeurs québécoises» parce que ça, ce sont des indices que le législateur envoie quand il adopte ce genre de loi là, pas juste aux personnes immigrantes, mais à l'ensemble de la société. Parce que, et ça je vous l'ai dit tout à l'heure, l'enjeu, c'est un enjeu qui n'implique pas uniquement les personnes immigrantes, mais l'ensemble de la société. Il y a encore malheureusement, je vous le dis, des plaintes, mais pas juste des plaintes, des incidents malheureux, au Québec, qui se produisent, que la commission dénonce. On n'a pas encore, malheureusement, atteint une société qui fait en sorte qu'il y a... Des comportements racistes ouverts, flagrants se produisent, encore cette semaine. Tout le monde l'a dénoncé. Je n'ai pas dit que personne... mais, ça s'est produit quand même.

Alors, ce travail d'éducation aux droits, ce travail d'égalité réelle, il n'est pas juste sur les épaules de la personne immigrante...

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste 30 secondes.

M. Tessier (Philippe-André) : ...il est sur la société d'accueil aussi, qui, elle, doit élever le niveau de son jeu un peu.

M. Jolin-Barrette : Pratico-pratique, là, je vous entends, là, sur l'égalité puis le texte, là, mais, pratico-pratique, c'est quoi, les actions que le gouvernement du Québec peut poser? Enlevons, là, le texte législatif, parce que, malgré le fait, là, que, dans la charte, c'est prévu qu'on ne peut pas discriminer, vous me dites qu'il y a de la discrimination, pratico-pratique, c'est quoi, vos recommandations sur les gestes à poser?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, la recommandation n° 1 : maintenir le texte et faire référence à l'égalité au sens de la charte, d'enlever les mots «socioculturel» de votre...

M. Jolin-Barrette : Je le sais, mais c'est déjà discriminatoire. Ce n'est pas des actions concrètes. C'est législatif, ce n'est pas des recommandations pratiques.

M. Tessier (Philippe-André) : Des actions, les programmes d'accès à l'égalité, les étendre au réseau privé, les mettre... Assujettir la Loi sur la fonction publique, les...

La Présidente (Mme Chassé) : Je dois vous interrompre...

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Pardon.

La Présidente (Mme Chassé) : ...et céder la parole à la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne. Merci.

Mme Anglade : D'accord, je vais commencer. Bien, justement, je vais reprendre là où on vient de quitter. Merci de votre présentation, et merci à toutes les personnes d'être présentes avec nous, heure un peu tardive, il est vrai, un jeudi, alors c'est d'autant plus apprécié.

J'aimerais donc revenir sur la question de valeurs démocratiques versus les valeurs québécoises. J'aimerais bien saisir les nuances que vous amenez en introduisant la notion de valeurs québécoises, vous dites qu'on ouvre, en fait, une espèce de boîte de Pandore, si je comprends bien, parce qu'on vient amener des questionnements qui sont plus... enfin, amener des enjeux. Ça ouvre des... ça soulève des questionnements. Puis je veux bien comprendre la nuance entre valeurs démocratiques et valeurs québécoises et pourquoi vous l'amenez de cette manière-ci. Et j'ai lu votre document, donc, j'ai besoin de vous entendre davantage là-dessus.

M. Tessier (Philippe-André) : Avec beaucoup de respect, je vais passer la parole à mon collègue M. Imbeault.

Mme Anglade : Très bien.

La Présidente (Mme Chassé) : M. Imbeault, à vous la parole.

M. Imbeault (Jean-Sébastien) : Oui. Donc, comme on essaie... comme on l'explique dans le mémoire, l'objet de la charte, c'est de promouvoir des droits et des libertés. On y prévoit les valeurs démocratiques, elles sont énoncées. Mais, comme on essaie de démontrer dans le mémoire, il y a eu, au fil des ans dans la politique, si on se réfère à la politique de 1991, où étaient énoncées les valeurs démocratiques... Puis, dans le mémoire, on cite, là, celles auxquelles on référait, l'égalité des sexes, la non-discrimination, la protection des enfants, par exemple. Il y a eu depuis, disons, les 10 dernières années, au Québec, une forme de décentrement. On l'a observé surtout avec tout le débat qu'on a eu sur les accommodements raisonnables, où les valeurs communes, les valeurs québécoises ont été mises de l'avant pour tenter de réduire l'expression de certains particularismes. Puis, durant cette consultation-là puis avant même la consultation, c'étaient beaucoup les immigrants qui étaient visés par les propos, le malaise qu'on entendait dans la population.

Suite à ça, il y a eu également... on a vu la déclaration des valeurs qui a été mise en place en 2008 comme première réponse au rapport Bouchard-Taylor, puis on est avec ce discours des valeurs québécoises, des valeurs communes qu'on met de l'avant d'une certaine façon, comme j'essaie de l'expliquer, pour réduire l'expression de certains droits. Donc, ce qu'on dit, c'est : Faites attention, les valeurs, ce n'est pas un bon prédicteur pour l'action des individus.

Puis je référais à la politique, l'énoncé de politique de 1991, tout à l'heure, qui reconnaissait les valeurs démocratiques mais qui reconnaissait également les valeurs personnelles que tout un chacun, là, pouvait adopter, puis il y avait une marge de manoeuvre, une marge d'autonomie dans l'exercice de ces valeurs-là, puis il n'y avait pas une espèce de désir de fusion, là, entre les deux ordres de valeurs.

Mme Anglade : Au-delà du terme qui est utilisé, «valeurs québécoises», est-ce que c'est davantage l'application que vous en avez vu dans les dernières années qui vous amène à conclure ça ou l'interprétation que les gens ont bien voulu en donner dans les dernières années qui vous amène à conclure ça, plutôt que le terme lui-même, en fait?

M. Imbeault (Jean-Sébastien) : Le terme est important, mais il y a aussi la question de l'application puis ce que ça induit, parce que les valeurs démocratiques, en fait, elles doivent s'appliquer à tous les individus, sans égard au statut des personnes, de leur origine, elles sont immigrantes ou pas immigrantes.

Donc, la déclaration des valeurs, puis on cite un extrait qui était, à notre sens, assez juste, là, de la table de concertation des personnes immigrantes, en 2008, au moment de l'adoption de la mise en place de cette déclaration des valeurs, ce n'est pas tant le contenu que ce que ça induit comme perception, comme quoi que les personnes qui rejoignent le Québec à l'intérieur d'un projet migratoire ne partageraient pas les valeurs, tandis que la société québécoise, elle, partagerait de façon homogène ces mêmes valeurs là. Donc, il y a un risque de... ça rend suspicieux par rapport à l'immigrant, c'est un discours qui rend suspicieux. Puis c'est un discours qui peut être aussi catégorisant, donc il y a eux, il y a nous, puis il y a une différence fondamentale qui est irréductible, puis c'est ça, on réduit les gens, finalement, à certains particularismes, alors que, dans les faits, les gens s'intègrent, ils vivent bien au Québec.

• (17 h 40) •

Mme Anglade : O.K., très bien, je vous remercie de la clarification. Je vous amène à votre recommandation n° 5, qui est celle où la commission recommande de modifier le projet de loi n° 9 afin de retirer l'article 20 de celui-ci. Si l'article 20 n'est pas retiré, quelles pourraient être les conséquences de ça, premièrement, et, deuxièmement, qu'avez-vous vu, dans les dernières semaines, les trois dernières semaines, qui vous laisse craindre... et vous force à recommander cette recommandation n° 5? Vous pouvez vous partager le droit de réponse.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, c'est ça, c'est ce qu'on est en train de convenir. Ma collègue pourra compléter au besoin. Écoutez, pour ce qui est de l'article 20, il faut se rappeler une chose, c'est que la charte s'applique, évidemment, aux gens qui sont ici, hein? Et donc, lorsque l'on pense à des personnes qui, en vertu des critères... Le simple écoulement du temps a des conséquences, des effets pratiques. Alors, je vous parlais tantôt de norme d'apparence neutre qui peut avoir un effet. Bien, le fait d'avoir moins de 35 ans, tu as des points, tes enfants sont en bas de tel âge, tu as des points, l'écoulement du temps fait en sorte que la remise du compteur à zéro fait en sorte que cette personne-là, tout d'un coup, avait un bon dossier et en a un moins bon. Alors, c'est ce genre de risque là auquel la société québécoise s'expose et le gouvernement s'expose lorsqu'il adopte une norme d'apparence neutre. Mais, dans son effet, il peut y avoir un effet préjudiciable sur certaines catégories de personnes. Et puis peut-être que ma collègue peut compléter.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui, Mme St-Laurent.

Mme St-Laurent (Geneviève)  : Il y a aussi l'élément où, au-delà d'atteintes potentielles au droit à l'égalité ou à... L'insécurité dans laquelle les gens se trouvent plongés par l'effet de cette disposition-là, dès maintenant d'ailleurs, peut avoir pour effet... va avoir pour effet de repousser le projet d'avoir un enfant, par exemple. Ils ne savent pas quand ils vont avoir un CSQ, quand leur statut va être régularisé.

Des gens qui sont au Québec à l'heure actuelle, qui travaillent, qui paient des impôts, qui se retrouvent dans une situation où leur choix, qui relève de leur sphère d'autonomie personnelle, ce qui est couvert par le droit à la liberté, protégé par l'article n° 1 de la charte québécoise, bien, ces droits-là se retrouvent en péril, donc, il y a plein de projets de vie... choisir... bien, là, on allait peut-être acheter une maison à tel endroit, on allait... tout ça est en suspens.

Donc, il y a aussi le fait que, dans l'attente d'un CSQ, il y a un impact important sur le droit de quitter le territoire. S'il y a un parent malade à l'étranger, bien, peut-être que, si on va le visiter, on a le risque, si notre CSQ n'est toujours pas arrivé, qu'on est en statut implicite parce que notre permis n'est pas encore renouvelé, on peut se retrouver à ne pas pouvoir aller visiter notre famille ou, si on le fait, ne pas pouvoir revenir au Canada. Donc, c'est une insécurité, un impact considérable sur la vie personnelle puis sur la sphère d'autonomie personnelle de ces personnes-là qui vivent actuellement au Québec.

Mme Anglade : Avez-vous reçu dans les dernières semaines des plaintes, ou des commentaires, ou de l'information qui viendraient confirmer ce que vous dites ou est-ce que c'est basé plus sur l'interprétation que vous faites du projet de loi?

M. Tessier (Philippe-André) : Non, on n'a pas d'information sur des plaintes à vous communiquer aujourd'hui. C'est basé sur l'interprétation du projet de loi. Vous aurez compris que le projet de loi a été déposé il y a trois semaines aujourd'hui, puis, entre-temps, il y a eu certaines péripéties, donc ça fait en sorte que, non, on n'a pas d'information à cet effet-là à communiquer aux parlementaires.

Mme Anglade : Je vais céder tout de suite la parole. Je ne sais pas combien de temps il reste, mais c'est parce qu'elle a plusieurs questions à poser.

La Présidente (Mme Chassé) : Oui? Non? Oui? Est-ce que...

Mme Robitaille : Oui, j'en ai. J'en ai, oui, oui, oui.

La Présidente (Mme Chassé) : La collègue de Bourassa-Sauvé a plusieurs questions pour vous.

Mme Robitaille : Merci. Oui, je voudrais revenir sur toute cette question de condition à la résidence permanente. Vous n'êtes pas les seuls, évidemment, à avoir relevé ce problème-là, à avoir une crainte à l'endroit de cette idée de rendre conditionnelle la résidence permanente. Les différents organismes communautaires qui sont venus nous voir aujourd'hui et durant la semaine ont convenu que rendre conditionnelle cette résidence permanente là allait à l'encontre de l'idée même d'un projet de vie, d'un nouveau chapitre entamé en terre canadienne. Et on a tous les groupes de juristes qui sont venus ici qui vont dans le même sens que vous. On avait même Me Handfield, ce matin, qui nous disait que, si le projet de loi était adopté comme il est là, avec le même libellé, on allait dans un mur, que c'était une bataille juridique. Et là, bon, vous dites la même chose.

En fait, si je comprends bien, la problématique aussi, c'est qu'on aurait un système à deux vitesses. Ici, au Québec, on aurait une résidence permanente conditionnelle, mais, dans le reste du Canada, bien, ça serait très différent. L'applicabilité aussi de ça est un peu difficile à envisager, est un peu bancale parce qu'il faudrait que le fédéral s'en mêle. Dans le mémoire du Barreau canadien, qu'on a ici, je voulais juste vous lire un petit bout parce que ça rejoint ce que vous dites : «L'application d'un test des valeurs ou d'un test de langue après l'obtention de la résidence permanente est également inconstitutionnelle. Qui sera visé? Qu'adviendra-t-il des immigrants qui quittent la province, de ceux qui arrivent après avoir fait leur établissement dans une autre province, des familles dont un membre ne rencontre pas les conditions, des personnes affectées par un handicap ou une incapacité? Il est utopique de penser pouvoir imposer de telles conditions avec des conséquences qui affecteraient le statut octroyé par le gouvernement fédéral. De telles dispositions seraient clairement inconstitutionnelles. Le ministre peut imposer des conditions pour l'obtention d'une sélection. Toutefois, une fois la sélection confirmée et la résidence permanente approuvée, il n'est plus du ressort du gouvernement provincial d'intervenir.»

Mais, dans le cadre de la charte, selon vous... Pouvez-vous aller un petit peu plus loin que ce que vous avez dit aujourd'hui, nous expliquer vraiment ce qui va à l'encontre des... ce qui fait en sorte que, finalement, ça ne fonctionne pas?

M. Tessier (Philippe-André) : Comme je l'ai dit préalablement, Mme la Présidente, au ministre, en réponse, il est évident que nous avons aussi des responsabilités et que d'autres intervenants qui viennent en commission parlementaire, eux, ont d'autres regards et nourrissent la réflexion de la commission parlementaire. Il est évident que, l'aspect de la constitutionnalité, au sens des partages des compétences, on s'éloigne de cette... Et c'est pour ça qu'on est prudents. Parce qu'il y a d'autres acteurs qui sont venus très éloquemment, comme vous le parlez, là, du Barreau canadien, vous expliquer ces éléments-là. Nous, on s'en tient à une mise en garde au gouvernement, eu égard à ces questions-là.

Vous faites référence à certains autres acteurs du milieu du droit. Mais évidemment moi, je vous dirais que, pour nous, ce qui est important, puis je le répète, c'est quelles vont être les façons de mettre en oeuvre et opérationnaliser ce vocabulaire-là et quels sont les autres indices législatifs qui vont être contenus au projet de loi qui vont permettre, advenant une éventuelle contestation, de venir l'interpréter de façon conforme ou moins attentatoire, par exemple, à la charte ou, de l'autre côté de la clôture, en disant : Non, ici, il s'agit de droits à la charte qui ont été violés.

Alors, nous, notre rôle, c'est de venir mettre en garde et vous dire : Soyez très prudents lorsque vous prenez ce sentier-là et aussi donnez-nous la chance à nous, Commission des droits, d'exercer notre mandat en vertu de 71, de venir vous dire... et de venir recommander au gouvernement certains éléments lorsqu'il y aura, si et lorsqu'il y aura — j'ai compris qu'il y avait un «si» aussi — si et lorsqu'il y aura des projets de règlement qui seront soumis pour publication.

Mme Robitaille : Donc, la commission, comme telle... Bon, l'article, comme tel, ne vous dérange pas. C'est vraiment la réglementation qui suivra, c'est ça?

M. Tessier (Philippe-André) : Je vais laisser ma collègue...

La Présidente (Mme Chassé) : Mme St-Laurent.

Mme St-Laurent (Geneviève)  : Oui. Bonjour. Par rapport à la charte québécoise, ce qu'on soulève comme préoccupation, c'est que, dans la formulation actuelle du projet de loi... Ce qu'on dit, c'est que les objectifs qui sont fixés pour d'éventuels et potentiels règlements, ils sont très flous. Et on se dit : Dans la rédaction actuelle du projet de loi, le risque, c'est qu'on se retrouve avec des règlements qui pourront avoir un effet discriminatoire, qui vont créer des catégories de résidents permanents. Donc, on va se trouver avec différentes catégories de résidents permanents : ceux qui répondent aux conditions, ceux qui n'y répondent pas. Et ça pourrait être lié à des motifs de discrimination quand on parle d'objectifs poursuivis, qui sont, par exemple, le critère de l'intégration sociale. Donc, les règlements pourraient viser ça.

Ça peut paraître neutre, mais, l'intégration sociale, on peut se demander... c'est très large. Donc, est-ce que ça pourrait avoir pour effet de... Je suis à la page 15 du mémoire, dans l'avant-dernier paragraphe. On soulève... C'est une question hypothétique, hein, puisqu'il y a toujours... il n'y a pas de règlement, évidemment, mais on se dit : Est-ce que ça pourrait avoir pour effet de priver de statut certaines personnes en raison de pratiques culturelles qui seraient, par exemple, liées à leur origine ethnique ou à leurs pratiques religieuses, et qui seraient considérées comme des indices de mauvaise intégration? Donc, à l'heure actuelle, on ne le sait pas.

Donc, c'est pour ça qu'on insiste sur le fait que, tel que rédigé à l'heure actuelle, le projet de loi n° 9 ouvre la porte à une grande incertitude et possiblement à l'adoption de règlements dont on s'inquiète de l'effet potentiel, tout simplement.

La Présidente (Mme Chassé) : Il vous reste une minute.

Mme Robitaille : Oui. Donc, idéalement, il faudrait... on pourrait proposer l'étude des règlements en même temps que le projet de loi. Bien, idéalement, c'est ce que vous aimeriez.

• (17 h 50) •

M. Tessier (Philippe-André) : Oui, bien là, à l'impossible nul n'est tenu, là, mais c'est sûr que, de notre côté, nous, à tout le moins, c'est notre recommandation : publiez les règles, prépubliez. Comme ça, on a la chance de les regarder, les analyser et de vous faire part de nos commentaires pour justement éviter ça. Parce que je prends la parole du ministre, là, tout à l'heure, je comprends que ce n'est pas son intention. Maintenant, nous, on est ici pour vous mettre en garde, on est ici pour rappeler aux parlementaires, là, un cadre et voici certaines frontières auxquelles soyez très prudents lorsque vous vous en approchez ou vous tentez de les franchir.

La Présidente (Mme Chassé) : Merci. Je reconnais le député de Rimouski.

M. LeBel : Merci, Mme la Présidente. Bien, d'abord, félicitations pour votre parcours puis la nomination d'aujourd'hui!

Deux questions, je vais vite. La loi est là pour mieux arrimer l'intégration d'immigrants, l'intégration au monde du travail, marché du travail. Mais il n'y a rien pour faciliter l'accès à l'emploi aux immigrants déjà installés. Vous avez commencé un peu à répondre tantôt. Nous, on a proposé un C.V. anonyme, des stages de première expérience. J'aimerais ça vous entendre encore un peu là-dessus.

Ma deuxième question, c'est que, bon, il y a une réalité, c'est qu'il y a des employeurs qui exigent maintenant une connaissance de l'anglais pour des emplois où ce n'est pas nécessaire. Ça fait que ça fait un frein beaucoup à des immigrants, il faut qu'ils apprennent le français puis qu'ils apprennent aussi l'anglais. Nous, on proposait d'ajouter à la charte québécoise des droits et libertés le droit de vivre et de travailler en français. On pense que ça pourrait être une solution. J'aimerais ça savoir ce que vous en pensez ou si vous avez une autre solution. Merci.

M. Tessier (Philippe-André) : Alors, c'est sûr et certain que, pour ce qui est de certaines mesures par rapport à... Puis j'attire votre attention sur notre recommandation, puis je m'excuse, là, je la cherche, mais c'est notre recommandation qui fait égard à... pas au C.V., mais à la reconnaissance d'expérience à l'étranger. Vous parlez de C.V., mais il y a aussi la reconnaissance de l'expérience, donc de ne pas simplement dire : Ah! bien, tu as été urbaniste dans tel autre pays, bien, tu sais, tu ne comprends rien à l'urbanisme au Québec. Donc, il y a ce genre de choses là, puis pas juste pour... évidemment, pas pour nécessairement les professions réglementées, là, ça peut être pour toutes catégories d'emploi. Donc, ça, c'est une des mesures. Peut-être que ma collègue peut en ajouter sur la question.

Mme Triki-Yamani (Amina) : Oui, je peux vous répondre sur les C.V. anonymes. Il y a plusieurs recherches qui disent que ça n'arrange rien à la discrimination fondée sur la race, l'origine ethnique ou nationale et sur la couleur, d'autant plus que, lorsqu'on dit où on a obtenu son diplôme, c'est très facile de voir si la personne qui est candidate s'appelle Unetelle ou Unetelle. Donc, c'est vraiment... par les chercheurs, ce n'est pas recommandé, le C.V. anonyme. Ça a été testé dans plusieurs pays, notamment dans des pays européens et en France, et ça n'a absolument rien résolu.

Sur l'anglais en tant qu'exigence professionnelle justifiée, je vais peut-être laisser compléter ma collègue, mais c'est exactement ce qui se passe pour les milliers d'Africains qui proviennent soit d'Afrique du Nord soit d'Afrique subsaharienne, qui maîtrisent très bien le français et qui, en plus, viennent... qui ont été sélectionnés sur la base de leurs qualifications. Bon, alors là le problème, c'est quand ils arrivent en emploi, on leur dit : Avez-vous l'anglais? Et c'est là-dessus... pas pour tout le monde, parce que la Commission des droits de la personne considère qu'il y a beaucoup de biais discriminatoires à l'embauche, mais c'est entre autres à cause de l'anglais que certaines personnes racisées immigrantes ne vont pas obtenir un emploi. Je vais laisser compléter peut-être Me St-Laurent sur l'exigence.

La Présidente (Mme Chassé) : Allez-y.

Mme St-Laurent (Geneviève)  : La particularité d'exiger l'anglais, là, c'est... on a quelques dossiers à la commission là-dessus. Exiger l'anglais dans le cadre d'un emploi, ça peut être possible et ça peut être... En fait, a priori, c'est discriminatoire, O.K.? C'est ce qu'on appelle la discrimination prima facie. Donc, a priori, ça peut être quelque chose de discriminatoire, mais il y a quand même une possibilité pour l'employeur, par l'article 20 de la charte, de venir démontrer que c'est une exigence professionnelle justifiée pour le poste. Donc, c'est quelque chose qui est déjà encadré, je vous dirais, auquel la charte répond déjà par les jeux de l'article 10, 16 et 20. Puis je pense qu'on s'est déjà positionné par ailleurs, là, dans d'autres projets de loi là-dessus, là, mais...

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie. La parole est dorénavant au député de Laurier-Dorion.

M. Fontecilla : Merci. Bonjour. Écoutez, l'article 20, vous recommandez l'abrogation de ce... Donc, pour vous, si je comprends bien, c'est l'étude des 18 000 dossiers, 18 139, en fait, selon les critères de l'ancien programme... selon l'ancien programme. C'est ce qu'on doit comprendre?

Mme St-Laurent (Geneviève)  : Oui, en demandant le retrait de l'article 20, effectivement, c'est ce qu'on demande, c'est ce que la commission demande.

M. Fontecilla : C'est parfait. Et considérez-vous que le projet de loi n° 9 fait trop de place... en fait, ne fait que de la place aux impératifs économiques, là, au détriment des droits fondamentaux?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, c'est sûr que, sur cette question-là, puis je pense que c'est un des éléments qui est important, qu'il faut dire, nous ne sommes pas les seuls à venir en parler en commission parlementaire. Évidemment que le travail, c'est quelque chose de fondamental pour l'être humain, hein, qu'il soit immigrant ou natif, peu importe. Mais on ne peut pas réduire un être humain à uniquement sa capacité de travail, à son travail. La personne qui vient ou qui choisit... qui se déplace le fait pour toutes sortes de raisons. Puis même les travailleurs qualifiés, parce que je comprends qu'on parle d'un programme de travailleurs qualifiés, mais même les travailleurs qualifiés vont avoir toutes sortes de rêves et d'aspirations qui dépassent le simple cadre de leur travail. Ils vont avoir des aspirations pour leurs enfants, qu'ils aient une vie meilleure qu'eux ont eu, et donc ils sont prêts des fois à consentir des sacrifices personnels pour permettre aux générations futures d'arriver à un meilleur futur.

Donc, il faut toujours faire attention de réduire l'angle uniquement à une question d'emploi. Puis l'autre bonne raison pour ça, c'est que, tant mieux, nous sommes en période où l'emploi, l'économie est bonne, mais, quand l'emploi, et l'économie, va moins bien, l'immigrant devient-il indésirable, moins intéressant, moins important? Parce que, bien, là, on n'a plus besoin de lui comme travailleur qualifié, mais on a besoin de lui comme citoyen pour d'autres raisons. Donc, il faut faire attention à cette logique-là de trop arrimer «immigration égale travail», point. L'être humain est beaucoup plus complexe que... et ne peut se réduire qu'au travail. C'est un peu le sens du propos de la commission.

M. Fontecilla : J'aimerais vous entendre davantage sur la question des indicateurs, là, dont vous faites mention, là, d'adhésion à des valeurs québécoises, etc., là, comment... Est-ce que ça existe? Est-ce qu'on peut les créer? Est-ce que c'est justifié?

M. Tessier (Philippe-André) : Je m'excuse, j'ai mal compris. Je n'ai pas compris votre...

M. Fontecilla : Parce qu'on sent que la question de l'adhésion à des valeurs québécoises, etc., là... bien, il faut être en mesure de les mesurer, n'est-ce pas? Est-ce que c'est possible?

M. Tessier (Philippe-André) : Bien, c'est un peu ça, la difficulté, là. Je comprends votre question. C'est un peu ça, la difficulté, de mesurer une valeur, hein? Mon collègue, tout à l'heure, vous le mentionnait...

La Présidente (Mme Chassé) : Il reste une minute.

M. Tessier (Philippe-André) : Oui. Les valeurs, c'est un mauvais indicateur d'une intégration réussie. Les valeurs sont plurielles dans une société démocratique comme la nôtre, même parmi des personnes natives... Et utilisez le vocabulaire que vous voulez, il y a différentes valeurs au sein même de notre société. On peut utiliser certaines valeurs, mon collègue y faisait référence tout à l'heure, l'égalité hommes-femmes, puis on peut lui donner des regards différents. Alors, il faut faire attention à cet exercice-là abstrait.

Il est beaucoup plus utile et intéressant d'avoir une approche... Si on a à questionner, ça va être de s'assurer de connaissances générales telles qu'on peut voir au fédéral lorsqu'on devient citoyen canadien, on pose certaines questions de connaissances générales. Mais il s'agit bien ici d'éléments factuels, hein, donc l'emblème, l'hymne national, des choses très factuelles, et non pas quelque chose de flou et d'abstrait comme des valeurs ou, à tout le moins, de très changeant selon à qui on parle au Québec et de quelle région on vient.

La Présidente (Mme Chassé) : Je vous remercie pour votre contribution aux travaux. Je vous souhaite la meilleure des chances, le meilleur dans vos nouvelles fonctions.

Mémoires déposés

Avant de conclure les auditions...

Une voix : ...

La Présidente (Mme Chassé) : ... — ça me fait vraiment plaisir — je procède au dépôt des mémoires des organismes qui n'ont pas été entendus lors des auditions publiques.

Ayant accompli son mandat, la commission ajourne ses travaux sine die. Bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 17 h 59)

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