(Dix heures trois minutes)
Le
Président (M. Bourgeois) : À l'ordre, s'il
vous plaît! Je déclare la séance la Commission des relations
avec les citoyens ouverte. Je demande
à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de procéder à l'interpellation de la députée de Repentigny à la
ministre responsable de la Condition
féminine sur le sujet suivant : Des
solutions concrètes pour lutter contre les violences à caractère sexuel
et mieux accompagner les victimes.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Guilbault
(Louis-Hébert) est remplacée par Mme Lavallée (Repentigny).
Le
Président (M. Bourgeois) : Je vous rappelle brièvement le
déroulement de l'interpellation. Dans un premier temps, la députée de Repentigny aura un temps de parole de
10 minutes, suivie de la ministre pour également 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq minutes seront
allouées selon la séquence suivante : d'abord, un député de l'opposition,
ensuite, la ministre, puis un député du
groupe formant le gouvernement, et ainsi de suite. Je comprends qu'il y a une
entente à l'effet que l'opposition
officielle interviendra lors de la troisième et de la sixième intervention. 20
minutes avant la fin de la séance,
j'accorderai 10 minutes de conclusion à la ministre et un temps de
réplique égal à la députée de Repentigny.
Enfin, je
vous rappelle que le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser midi.
Donc, compte tenu que nous commençons
nos travaux plus tard, je demande s'il y a consentement pour poursuivre nos
travaux jusqu'à 12 h 2. Consentement? Consentement.
Maintenant, je demande à la députée de
Repentigny de prendre la parole. Vous avez 10 minutes.
Exposé du sujet
Mme Lise Lavallée
Mme Lavallée :
Merci, M. le Président. Je tiens à saluer Mme la ministre de la Condition
féminine, la députée de
Marie-Victorin. Et vient d'arriver, dans nos tribunes,
Mme Rose Dufour, fondatrice de La Maison de Marthe de Québec, conférencière et auteure, je vous salue. Merci
beaucoup, madame. Je nous convie ce
matin à un échange positif, constructif. Si on veut intéresser plus de
femmes en politique, il faut démontrer que l'on peut conjuguer la politique au
féminin.
Cela étant
dit, ça ne m'empêchera pas de questionner certaines décisions prises par la ministre
ou certaines absences de décision. Je
m'engage à le faire dans le plus grand respect et avec toute ouverture et
l'écoute qu'un sujet comme celui dont nous allons discuter nécessite. Je
reconnais la qualité des femmes avec qui j'ai la chance d'échanger ce matin,
et j'ai très hâte d'entendre les propositions de l'opposition officielle ou encore d'entendre la ministre
nous faire état de l'éventail des mesures gouvernementales déjà en
place.
Notre
objectif est de démontrer ce matin que des choses se font au gouvernement, dans
les partis d'opposition, et dans les
organismes, et ailleurs. Voilà pourquoi j'ai demandé à ce que le sujet de la
présente intervention s'intitule «Des solutions
concrètes pour lutter contre les violences à caractère sexuel et mieux
accompagner les victimes». Bref, nous avons
une belle occasion ce matin d'être entre femmes pour discuter du problème des
violences à caractère sexuel, un problème
qui nous interpelle toutes et tous... je le sais, il y a des hommes ici, mais
on parle des parlementaires ici, on est quand même les trois représentantes de la condition féminine — désolée pour les hommes que j'ai omis — car soyons honnêtes, malheureusement
encore aujourd'hui, ces violences touchent principalement les femmes.
Nous avons,
de façon particulière, assisté à des vagues de dénonciations depuis trois
automnes successifs : il y a eu,
en 2014, dans les dénonciations qui ont affecté l'UQAM; en 2016, il y a eu
l'affaire Ghomeshi et la série de dénonciations
à l'Université Laval impliquant un député de l'Assemblée nationale; et nous
avons la série de dénonciations de
personnalités publiques cet automne. Au Québec, les agressions sexuelles ont
fait un bond de 23 % entre 1998 et 2015 pour atteindre
3 981 agressions. Précisons que ces données ne concernent que les
crimes déclarés à la police et validés. Les crimes à caractère sexuel sont ceux qui connaissent le taux de
dénonciation le plus faible. Du côté du SPVM, les plaintes pour agression sexuelle ont augmenté de 17 %
entre 2014 et 2015. Le problème est donc bel et bien réel, actuel et demande
une réaction musclée de la part du
gouvernement. On vit un ouragan social, pour reprendre les mots de la ministre.
Nous sommes au coeur d'un
basculement, d'un changement de culture à l'échelle de la société québécoise.
Nous avons une responsabilité à cet
égard, comme parlementaires, d'embrasser ce changement de culture au Québec et
de faire en sorte que les choses changent durablement au bénéfice des
survivantes d'abord et de toutes les femmes.
À chacune de
ces vagues de dénonciations, les organismes se retrouvent avec une augmentation
de demandes, doivent conjuguer avec
un manque de ressources, d'effectifs et financières, doivent jongler avec les
listes d'attente existantes et répondre
à l'afflux de nouvelles demandes. À chaque fois que des dénonciations
apparaissent dans la sphère publique, nous
regardons ce que nous devons faire dans l'immédiat et on essaie de mettre un
diachylon sur la fracture ouverte. On
organise un forum, des consultations, par exemple, ou on donne 1 million
de dollars et on passe à l'autre appel, mais la fracture ne guérit pas. Les dénonciations publiques permettent de mettre
en évidence des situations inacceptables, mais, une fois le buzz médiatique disparu, plus rien, comme si le problème
n'existait plus, qu'il était disparu, que tout était réglé jusqu'à la
prochaine crise.
Même chose
pour la prostitution juvénile. On s'indigne une fois par année la semaine du
Grand Prix, et après on dort sur nos
deux oreilles pendant que nos jeunes filles, elles, continuent de se faire
exploiter le reste de l'année. Chaque fois
que ces vagues de dénonciation surviennent, à chaque nouveau scandale, les
organismes présents sur le terrain nous rappellent que les agressions sexuelles sont un problème présent toute
l'année, qu'ils doivent faire face aux femmes qui se présentent chez eux, qu'ils doivent les
soutenir, les écouter, les accompagner et peut-être les amener à dénoncer, si
elles sont prêtes à le faire.
Au fil de ces années, les organismes ont
démontré le manque de rehaussement de leur financement. On leur demande de répondre à des appels de projets qui
n'ont qu'un effet ponctuel et dont leur durée est provisoire. Or, pour répondre
aux demandes et alléger les listes d'attente, elles ont besoin d'effectifs
supplémentaires, des intervenantes permanentes et non une aide ponctuelle et
temporaire.
• (10 h 10) •
Dans le cadre
des récentes dénonciations auxquelles nous avons assisté, les organismes se
sont retrouvés à nouveau sollicités par un excédent auquel la ministre de
la Condition féminine et la ministre de la Santé publique ont répondu rapidement en proposant l'injection d'un montant de 1 million de dollars et la tenue d'un
forum en décembre prochain. Je ne
doute aucunement des intentions des ministres, mais j'ai quelques
interrogations au sujet de ces annonces précipitées qui n'ont rien de structurant. Ces annonces ne
répondent pas aux besoins des organismes pour un financement stable, récurrent
et à la mission.
Au cours de
cette interpellation, je veux amener la ministre à réfléchir sur la pertinence
du forum qu'elle prévoit tenir dans
quelques semaines et sur les besoins exprimés depuis plusieurs années par les
organismes qu'elle a l'intention de
consulter encore. Ces mêmes organismes ont dénoncé d'ailleurs la tenue d'un
autre forum plutôt que des mesures concrètes, structurantes pour accompagner les victimes. Les besoins sont connus, les solutions pour contrer les violences sont
sur la table, il faut les mettre en application.
J'aimerais
rappeler à la ministre les forums et autres consultations qui se sont tenus au cours du présent mandat, pas sur les 10 dernières années, mais depuis
quatre années seulement. En
matière de harcèlement et de violence
sexuelle, je rappelle qu'il y a
eu 12 rencontres régionales et suprarégionales ainsi que des consultations particulières en 2013‑2014. Au
cours de l'année 2014, plus de 35 organismes concernés par la
problématique des agressions sexuelles ont été rencontrés par des représentants gouvernementaux. 18 organismes ont été entendus en mars
2015 par les membres de la Commission
des relations avec les citoyens. En juin et septembre de la même année, le Forum
itinérant en matière d'agression
sexuelle s'est aussi tenu à Montréal,
Rivière-du-Loup et Gatineau. Des consultations particulières auprès
d'organisations autochtones ont été
menées en 2013 et 2014. Des consultations et des forums, il y en a eu suffisamment. L'heure n'est plus à la recherche de
solutions, mais à leur mise en oeuvre.
Je soumets
quatre propositions à la ministre qui feront l'objet de mes prochaines
interventions : implanter le cours d'éducation à la sexualité
dans toutes les écoles du Québec et de
façon obligatoire dès la rentrée
scolaire 2018, adresser de façon durable et structurante la lutte aux violences
sexuelles de concert avec les organismes de première ligne par un
financement stable et à la mission, mettre fin aux délais de prescription pour
les crimes à caractère sexuel, engager l'Assemblée
nationale dans une démarche de lutte
contre la prostitution juvénile et l'exploitation sexuelle de nos jeunes.
Cela doit s'ajouter aux mesures actuellement en place. Je pense que les propositions
que je formule aujourd'hui ont l'avantage de
colmater les brèches dans le continuum de services et de prévention en matière de violences à caractère sexuel.
Je remercie Mme la ministre pour sa participation à la
présente interpellation. Je suis contente de voir à quel point elle était
satisfaite de sa nomination au sein du ministère de la Condition féminine. Et
je sais que c'est une grande féministe, et je suis assurée qu'au bout de
notre deux heures de travail nous arriverons à des constats et peut-être des consensus qui nous amèneront à avancer dans des
sujets qui nous préoccupent et qui préoccupent les femmes et, je répète,
les jeunes filles qui sont aux prises avec la prostitution juvénile. Merci
beaucoup.
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, Mme la députée. Nous allons
maintenant procéder en cédant la parole à Mme la ministre également pour
une période de 10 minutes.
Réponse de la ministre
Mme Hélène David
Mme David :
Merci beaucoup, M. le Président. On est en très bonne compagnie
aujourd'hui : Mme la députée de
Repentigny, Mme la députée de Marie-Victorin, M. le député de D'Arcy-McGee, qui
a été d'une grande aide pendant la commission parlementaire, les consultations,
Mme la députée de Fabre, qui est une grande
convaincue et convaincante, j'en suis
sûre, de toute la question des organismes
communautaires — non
seulement elle les connaît, elle y a travaillé, elle a dédié une grande partie de sa vie, donc on a l'incarnation même
de cette question des organismes communautaires — le député
de D'Arcy-McGee, qui a consacré beaucoup de temps à l'éducation dans sa vie,
aussi commissions scolaires, donc je
me sens bien entourée, en plus de tous les spécialistes, la sous-ministre
associée, évidemment, au Secrétariat à la condition féminine, mon chef de cabinet, attachée de presse,
attachée politique et vous tous et toutes. On va dire un petit «tous», hein, quand même, pour
les messieurs aussi qui nous accompagnent et qui nous éclairent. Et c'est une
des questions qu'il faut se poser et qu'il faut encourager, le rôle des
hommes dans ce combat-là.
Maintenant,
je suis aussi contente... Je ne veux pas trop vous mettre dans la même
génération que moi, Mme la députée
de Repentigny, mais on a une jeune députée qui est exactement
la cible des jeunes que nous voulons aider. Et nous avons vraiment besoin de vous, Mme la députée, pour nous dire
que peut-être nous, on a passé certaines étapes de notre vie et qu'on a peut-être
oublié des choses ou que les choses ont peut-être changé. Puis moi, je
me fie beaucoup sur vous pour nous dire : Écoutez,
là, mesdames, les choses peuvent encore aller mieux pour telle et telle raison
et, de telle et telle façon, on va pouvoir faire plus.
Alors, je
pense qu'à nous toutes et tous on peut vraiment faire une conversation intéressante ce matin. Il y a toujours un
peu de partisanerie, la structure même du gouvernement, de l'Assemblée nationale est faite pour ça, un en face de l'autre dans
différents partis, mais je pense que, s'il
y a une cause où il doit y avoir de
la solidarité, c'est bien la cause des femmes. Je sais qu'à Québec solidaire ils portent particulièrement cette cause, j'en ai été témoin dans tous les
pores de ma peau et de mon ADN. Mais il y a quand même
des gens qui portent le dossier, je ne sais même pas pourquoi... ou s'il y aurait pu avoir un représentant de Québec solidaire ou une représentante, mais on verra à discuter avec eux et elles en
temps et lieu.
J'ai bien
écouté votre introduction et je l'apprécie beaucoup. Je l'apprécie parce que
vous avez vraiment dit que cette
cause-là devait être une cause... le
plus possible, on s'entend, on n'est
pas naïves non plus, on n'est pas Calinours, comme disent certaines des fois, on sait bien qu'on est en politique
puis qu'on va essayer d'aller chercher le meilleur puis en retirer le meilleur pour notre formation politique, je n'ai rien contre ça, mais, s'il
y a une cause où il doit y avoir de
la solidarité féminine et de la créativité aussi par rapport à ces enjeux-là, c'est bien cette cause-ci, qui est très large, qui
touche quand même la moitié de la population, devrait-on le
répéter, et je pense que vous avez bien placé les choses en ligne de
départ.
Et il y a
des choses que j'ai noté que vous avez dites, par exemple qu'il faut faire
vivre les dénonciations. Et je répète souvent que... entre autres, la
scénariste d'Unité 9, qui a dit : Je n'écrirai plus jamais
de la même façon. Ce n'est pas rien
pour quelqu'un qui a une série aussi importante pour parler de
l'univers carcéral féminin, que j'ai eu, dans mon parcours personnel, professionnel, je dirais, le
privilège de connaître parce que j'ai évalué des mères, plusieurs,
plusieurs mères qui avaient tué leurs enfants, donc j'ai
fait beaucoup d'expertises psycholégales. Et, quand j'écoute
ça, je me dis : Merci, merci à
cette série de nous sensibiliser à cet univers-là. Et puis elle a dit : Je
serais la première à pleurer que nous ne
parlions plus de cet ouragan social, que ça s'éteigne comme peut-être
d'autres événements avant ou d'autres vagues avant. Et je pense que même une avant-midi comme celle qu'on a, à laquelle j'avais
hâte de participer, je le dis en toute sincérité,
parce que j'ai dit : Là, on va avoir du vrai temps de qualité, et pas
seulement dans les 1 min 15 s, 45 secondes, on a vraiment le temps de vraiment échanger...
Alors, faire vivre les dénonciations, ça veut dire, effectivement, s'arranger
tous et toutes pour qu'il y ait des mesures qui vivent, que ça reste avec
toutes sortes d'initiatives qu'on va prendre.
Évidemment,
vous parlez... et je sais, Mme la députée de Repentigny, que c'est un sujet qui
vous tient à coeur, la prostitution; moi aussi. C'est un hasard de mon
parcours, mais peut-être qu'il n'y a pas de hasard dans la vie, j'étais si contente d'être à la Condition féminine parce
que ça fait des années et des années que je travaille dans ce domaine-là,
que j'ai toujours fait mes recherches
universitaires en termes de compétences parentales, de recherches sur les
femmes. Je ne prendrai pas les cinq
minutes qui me restent pour dire tout ça, mais la première recherche que j'ai
faite, à part la dépression postnatale, c'était sur la prostitution
juvénile, les mineurs. J'ai été passer des soirées, des nuits au parc La Fontaine avec un collègue masculin. On
arrivait, on était jeunes professeurs puis on s'est dit : On va aller
regarder la prostitution chez les
mineurs. Et vous n'aurez vraiment pas besoin de me convaincre — et je sais qu'il y a des gens qui travaillent avec cette clientèle-là — de l'importance de les aider, du lourd passé
qu'ils ont, autant jeunes garçons mineurs, hein... il y a une existence de prostitution masculine quand on était au
parc La Fontaine, ça s'est peut-être déplacé depuis ce temps-là, mais le niveau de vulnérabilité et de
passé très, très lourd de ces jeunes m'avait complètement bouleversée, on avait même publié là-dessus. Et évidemment que,
dans tous les cas, il y avait eu abus sexuel avant. On n'arrive pas du
jour au lendemain avec nos enfants qui deviennent prostitués juvéniles.
• (10 h 20) •
Alors, je
suis tout à fait d'accord qu'il faut regarder ça très attentivement. Vous me permettrez de dire que ça fait un mois que je suis là, mais toutes les causes que
vous chérissez et que vous embrassez, je les ai embrassées depuis longtemps et
je voudrais — je
sais que ce n'est pas votre cas — qu'il
me reste encore quatre ans pour pouvoir regarder toutes ces questions-là.
Là, vous
dites qu'il y a eu, bon, une aide d'urgence. Je le répète, j'ai
appelé ça, nommé ça une aide d'urgence. Si un jour vous êtes du côté du gouvernement, vous allez voir qu'aller chercher 1 million
en deux heures, c'est un exploit, je vous
le dis. Je ne suis pas une politicienne de très longue expérience, mais, quand je suis convaincue de quelque chose... J'ai dit : Là, les plaintes vont augmenter,
les dénonciations vont augmenter, il faut dire présent. Et je n'ai jamais dit
que c'était une aide pour leur
permettre de survivre pour 10 ans, ce n'est pas le cas. C'était vraiment
une aide d'urgence qui permet d'avoir des heures supplémentaires,
d'avoir du personnel qui peut répondre un peu plus vite et puis qui est un
équivalent temps plein sur deux mois, disons ça comme ça, pour un
20 000 $. Ça ne veut pas dire que je m'arrête là.
Et
effectivement le forum dont vous parlez... Oui, il y en a eu, des forums. J'ai
passé ma vie aussi dans des forums à toutes sortes de questions. Il ne
faut pas non plus trop banaliser l'importance d'un forum — d'ailleurs,
mon ministère est un peu découragé — organisé à six semaines d'avis, où on met ensemble
tous les acteurs gouvernementaux, aussi
ministériels pour dire : Qu'est-ce qu'on fait? Et juste de tenir un forum,
ça sert à mobiliser les troupes parce qu'ils vont être là pour le forum et puis pour dire : O.K., qu'est-ce
qu'on fait de bien? Qu'est-ce qu'on peut faire de mieux? Puis comment on peut regarder l'avenir? Alors, pour
moi, c'est important, ce forum-là. Pas parce que je veux y passer un mois,
puis il n'y a pas de consultations pendant
six mois, pour pelleter par en avant, puis qu'on se revoie au mois d'avril,
puis il n'y aura rien de fait. Il est très bientôt, ce
forum, avant Noël. On va arriver la langue à terre, tout le monde, je le
sais, mais au moins on se sera dit qu'on
aura mis plusieurs acteurs gouvernementaux, acteurs du milieu, puis qu'on aura
dit : Vu cet ouragan, mais en
plus des besoins qui étaient déjà là, je le sais, qu'est-ce qu'on peut faire de
plus, qu'est-ce qu'on peut faire de
mieux? Pour moi, j'ose croire, en toute honnêteté et transparence, que ce forum
aura vraiment, vraiment des retombées intéressantes.
Évidemment,
les quatre points que vous touchez... bien, la ministre de la Condition
féminine, évidemment, elle touche un
peu à tout, mais elle n'est pas la ministre titulaire de tout, alors je suis la
ministre qui essaie de convaincre tout le monde. Alors, éducation sexuelle, plus d'argent, les délais de
prescription, la prostitution... Évidemment, nous avons passé des heures ensemble — c'est le fun, on se connaît de plus en
plus — sur le
projet de loi n° 151, qui est, je dirais, dans le secteur que j'occupe et que j'occupais. Alors,
tout ça mis ensemble, ça permet de faire un grand tour d'horizon. Je ne vous promets pas de gagner toutes mes batailles
avec tous mes collègues ministres, mais je vous promets, par exemple, que toutes ensemble, on va pouvoir garder ce sujet
à l'agenda, garder ce sujet avec les besoins dans la discussion sociale,
publique, gouvernementale et, j'oserais dire, parlementaire.
Alors,
je vous remercie beaucoup de vos propos introductifs, et puis on aura
l'occasion d'échanger sur plein de sujets.
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, Mme la ministre. Nous allons
maintenant débuter la période d'échange. Mme la députée de Repentigny,
vous avez la parole pour un maximum de cinq minutes.
Argumentation
Mme Lavallée :
Merci beaucoup, M. le Président. Le premier bloc sera sur le cours d'éducation
à la sexualité. Il y a un consensus
au Québec, il faut remettre en place les cours d'éducation à la sexualité dans
toutes les écoles primaires et secondaires
du Québec. Or, malgré qu'à peu près tout le monde le demande, le ministre de
l'Éducation souffle le chaud et le
froid à savoir s'il va rendre le cours d'éducation à la sexualité obligatoire
l'an prochain. Il a dit que c'est un souhait, mais il n'est pas catégorique dans son intention ou non de le rendre
obligatoire. En ce moment, les écoles donnent le cours sur une base volontaire dans le cadre d'un projet
pilote. Seulement 165 écoles participent au projet pilote sur les quelque 2400 écoles primaires et secondaires
publiques du Québec. La ministre a déposé un plan et un projet de loi pour
contrer les violences sexuelles dans les cégeps et les universités, et je la
félicite pour son projet de loi, mais c'est un non-sens que l'on n'enseigne ni la sexualité, ni le consentement, ni
aucune prévention en matière de violences à caractère sexuel dans les
écoles secondaires, et je pense qu'elle est d'accord avec moi. Alors, je
demande à la ministre de la Condition féminine de convaincre — c'est
de ça, et je ne doute pas de sa capacité de persuasion — le
ministre de l'Éducation de mettre en place
les cours d'éducation à la sexualité dans toutes les écoles du Québec dès
septembre 2018. Il faut le faire et, pour que ça marche, il faut bien le
faire.
Le
projet pilote du gouvernement a été mis en place depuis deux ans déjà, mais avec très peu de soutien pour les enseignants. C'est un sujet excessivement complexe
à aborder pour nos enseignants, qui sont inquiets de se lancer dans cette matière avec si peu de ressources et d'appui
du ministère. On comprend, je pense, le malaise des enseignants de se
retrouver avec ces contenus à enseigner. Il y a moyen de bien faire les choses
et de mieux encadrer les enseignants. Il doit
y avoir des professionnels en soutien aux enseignants. Non seulement le cours
d'éducation à la sexualité doit-il être mis en place dès l'automne prochain mur à mur, dans toutes les écoles du
Québec, mais des ressources supplémentaires doivent être déployées, en
commençant par faire une place aux sexologues dans nos écoles.
Dans
l'éventualité où aucun sexologue n'est disponible, nous proposons qu'un
intervenant compétent soit en charge de soutenir les enseignants dans le cadre
du cours d'enseignement de la sexualité, comme par exemple une infirmière ou un
intervenant oeuvrant au sein d'un organisme
communautaire existant. Beaucoup de groupes communautaires ont développé
des programmes pouvant être utilisés dans
nos écoles, en autant, cependant, que les ressources, tant au niveau des
effectifs et financières, le leur
permettent. Selon l'étude PIXEL de l'Institut national de santé publique du
Québec, deux jeunes adultes sur cinq
n'utilisent pas le condom, même pour une aventure d'un soir. 20 % des
jeunes affirmaient qu'il y a eu pénétration
avant de mettre le condom. Les jeunes adultes ignorent des informations de
base, et plusieurs ont des pratiques sexuelles
risquées. Entre 2011 et 2015, les cas de gonorrhée ont plus que doublé et les
cas de chlamydia ont augmenté de
23 %. Un jeune homme sur 10 et une femme sur trois ont déjà vécu un abus
sexuel. Est-ce que la ministre va convaincre le ministre de l'Éducation d'instaurer dans toutes les écoles du Québec
le cours d'éducation à la sexualité pour septembre prochain avec des ressources supplémentaires, des
professionnels en soutien aux enseignants? Ne laissons pas Internet se
charger de l'éducation sexuelle de nos jeunes.
Pour
revenir au forum que la ministre veut instituer, la commission parlementaire
qui a eu lieu en mars 2015, j'ai les
verbatims ici, j'ai imprimé certains mémoires et je n'ai pas eu accès aux
interventions qui ont lieu en juin 2015 sur, toujours, le phénomène des agressions sexuelles.
Dans ces documents-là, ce que j'ai pu voir concernant les cours d'éducation
sexuelle, on avait l'appui de Pour les
droits des femmes, le Conseil du statut de la femme, la Fédération des femmes
du Québec, la Fédération des maisons d'hébergement, qui parlait d'un
manque de places dans leurs maisons aussi, les RQCALACS, qui parlaient des cours d'éducation à la sexualité, le
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, l'Intersyndicale des femmes, la Concertation des
luttes contre l'exploitation sexuelle. Donc, tous ces groupes-là, déjà en 2015,
et probablement plusieurs autres groupes qui sont venus dans les forums qui se
sont promenés dans les régions du Québec, sont venus pour appuyer cette
demande-là au niveau des cours d'éducation sexuelle.
Nous avons aussi,
dans les groupes...
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, Mme la députée. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la ministre.
• (10 h 30) •
Mme David : Merci beaucoup.
C'est court, cinq minutes, c'est frustrant. On aura l'occasion d'en parler hors
d'ondes, si vous voulez, parce que je
trouve ça extrêmement important, moi, qui a failli être professeure de sexologie,
figurez-vous, dans mon jeune temps. J'avais
postulé pour être professeure au
Département de sexologie, donc c'est quelque chose, ça aussi, qui m'intéresse. C'est plate dire ça parce que plus on
dit : Ah! ça, j'ai fait ça, ça veut dire qu'on est moins jeune
qu'on était, mais on a quand même une certaine expérience, hein, messieurs
mesdames?
Et donc, là
aussi, je vous dis ça, pas parce que je veux vous raconter toute ma vie, mais
c'est pour vous dire comme je
considère important, évidemment, de se pencher sur cette question de rapport à
la sexualité, parce que, là, je voudrais qu'on élargisse un peu le champ desdits cours de sexualité, ou
d'initiation, ou d'apprentissage. Oui, oui, les cours, oui, d'en parler plus, on s'est dit hier, et je le
disais avec la présidente du Conseil du statut de la femme : Est-ce qu'on
a un peu pris pour acquis que tout ça
était réglé parce que, depuis la libération de la femme... on a dit ça
longtemps, on l'entend moins, cette
expression-là, mais la sexualité maintenant, c'est complètement un sujet
ouvert, il n'y a plus de problème. On
élève nos enfants en leur en parlant à tous les jours, comme si c'était si
évident. Et je pense qu'on a peut-être une réflexion collective à se faire, de
dire : Est-ce qu'on en a parlé tant que ça? Comme parents aussi, je parle,
pas seulement comme éducateurs. On a
tendance à mettre beaucoup, beaucoup sur l'école, mais je pense qu'il faut en
mettre aussi partout, c'est-à-dire
dans nos maisons, dans l'éducation de nos enfants, dans l'ensemble de la
société aussi. C'est formidable, l'école, mais la vie est une école aussi, et partout ça devrait transparaître,
cette notion d'importance, de respect, de consentement, et Dieu sait
qu'on a besoin d'en parler de ce temps-ci.
Alors,
effectivement, les cours, c'est un des outils en plus de l'éducation, mais
encore faut-il que les adultes, pas seulement les professeurs dans les
écoles mais l'ensemble de la société, partagent cet objectif de culture, de respect,
de notions, notions... vous parlez de sexologues ou d'infirmières, bien,
j'oserais dire, pour les plus petits, des notions anatomiques, des notions relationnelles, des notions psychologiques.
C'est l'éducation des garçons par rapport aux filles. On a parlé de l'éducation genrée. Bien, alors, le
petit garçon qui doit jouer dur dans la cour d'école, puis la petite fille
qui est dans l'empathie... Et puis Dieu sait
les femmes, qu'on est dans cette approche plus humaniste, peut-être des fois,
des rapports hommes-femmes.
Alors, ce
n'est pas seulement une question de cours d'initiation à la sexualité. Quand on
parle des rapports de force dans la
question de consentement sexuel, c'est... On a beaucoup, beaucoup parlé des
rapports avec les études féministes, qui
disent : Oui, mais c'est parce que chacun reste dans son approche genrée.
Donc, des cours d'éducation à la sexualité, là, c'est large, c'est des cours des rapports hommes-femmes aussi, et donc
ça a trait à la culture. Combien de fois on dit : Oui, mais dans telle ou telle culture, ça ne se passe
pas de la même façon? Et Dieu sait que ça fait des débats sociaux autour
de toutes sortes d'enjeux liés à ça.
Alors, oui, les cours, je pense, de sexualité
reviennent dans le discours. Il y avait des projets pilotes. Il y en a beaucoup plus cette année, je pense que c'est
passé de 15 à 165 écoles. Le ministre de l'Éducation, ne vous inquiétez
pas, je lui en parle très souvent, et
je pense qu'il est très, très sensible, ayant lui-même de jeunes enfants, très
sensible à cette question-là, je pense qu'il y travaille sérieusement.
Il y a une progression quand même importante.
Mais je
voudrais quand même terminer sur un sujet qui est un peu encourageant et qu'on
voudrait probablement, éventuellement,
encourager plus, c'est le programme Empreinte des CALACS. Le programme
Empreinte des CALACS, secondaire III,
secondaire IV, ils sont très en demande depuis quelques semaines. J'ai été
visiter moi-même... j'ai passé pas
mal de temps à Trêve pour elles avec le RQCALACS et j'ai parlé beaucoup de ces
programmes-là, j'ai regardé toutes les commissions scolaires qui ont ce
programme Empreinte. Et voilà un des sujets dont on va discuter à ce forum-là. Est-ce qu'on peut aller plus loin dans ce
domaine-là? Est-ce qu'on peut aider plus les CALACS avec ce programme-là?
Je pense que la demande est là, le momentum,
comme on dit, est là. Alors, j'espère pouvoir avoir l'occasion, à travers
le forum — et j'oriente un peu vers ça — de discuter, entre autres, de cette
question, de ce genre de programmes à intégrer dans nos écoles
secondaires, et on en a discuté hier dans...
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, Mme la ministre. Je cède
maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président. Mme la ministre, collègues de Repentigny, de
Marie-Victorin et de Fabre, en tant
qu'homme, parlementaire, père, je me sens interpelé ce matin. Il me semble que
c'est d'une évidence que les hommes
du Québec, les décideurs du Québec ont une responsabilité accrue de faire
partie de la solution, des délibérations, c'est normal. En ayant partagé
notre forum, comme à la commission parlementaire de la culture et de
l'éducation, je comprends que nous tous, on
est préoccupés par ce débat et je comprends l'expertise et le dévouement de nos
collègues des deux formations de l'opposition ainsi que ma collègue pour
le sujet qui est devant nous aujourd'hui.
Je me permets
d'être un petit peu surpris par la suggestion de Mme la députée de Repentigny
que nous, on est en train de poser
des diachylons sur le problème. Je crois qu'on peut et on va continuer de
parler des solutions, des gestes assez
concrets, pragmatiques et réalistes. Et
j'aimerais aborder, dans un premier
temps, les gestes qu'on a faits, qu'on propose
de faire en tout ce qui a trait à la sensibilisation de la population pour
aborder les questions de prévention et de l'accompagnement des victimes
ensuite.
En ce qui a trait à la sensibilisation, ça commence
avec des actions concertées depuis 2001, dont trois plans d'action, dont le dernier de 2016 qui va nous
amener jusqu'en 2021. Et cette dernière stratégie définit l'agression sexuelle
ainsi que l'exploitation sexuelle, et voilà
les deux pôles de nos préoccupations les plus profondes. Mais des réalisations
qui commencent à porter fruit déjà, on parle
des investissements tôt, tôt en matière de lutte aux violences sexuelles pour
la durée de la période de notre plan
stratégique de quelque 200 millions de dollars, ce n'est pas rien :
44 millions pour les actions incluses dans la stratégie violences sexuelles, dont
26 millions de nouveaux crédits, 156 millions pour l'ensemble des mesures existantes qui se poursuivent. À titre
d'exemple : financement de Centres d'aide et de lutte contre les
agressions à caractère sexuel, les
CALACS; un autre 23 millions, à titre d'exemple, pour intervenir à l'égard
des violences à caractère sexuel dans
les milieux d'enseignement supérieur, dont le sujet du projet de loi n° 151
dont on parle; et, comme la ministre a dit,
le million pour les organismes venant en aide aux victimes, un geste ponctuel,
une autre fois, comme la ministre a dit, mais une somme que nous avons
dégagée en urgence et in extremis de façon très vite.
Plein
d'autres exemples qui relèvent du Secrétariat à la condition féminine :
une vaste campagne gouvernementale abordant
les violences sexuelles et la violence conjugale qui a été lancée; un appel aux
projets, des projets très intéressants et prometteurs pour être réalisés,
quelques exemples, et quelques-uns de ces groupes ont témoigné devant nous
en commission parlementaire lors des
audiences qui viennent de se compléter sur le projet de loi n° 151. Le
projet, la campagne Sans oui, c'est
non!, voilà un exemple concret qui cible l'éducation, la prévention pour faire
comprendre aux jeunes, surtout aux
jeunes gars, que c'est clair, c'est des zones qui ont l'air grises peuvent être
décrites pour que la plupart des jeunes hommes, qui n'ont pas le goût de dépasser les limites, vont comprendre
les limites. Ce n'est pas toujours évident pour un jeune gars, disons, de 18 ans. Il y a d'autres projets :
GRIS-Montréal, GRIS-Québec, qui visent spécifiquement les violences sexuelles à l'endroit des communautés
LGBT, voilà une préoccupation, plusieurs exemples au Y des femmes de Montréal. Et je crois qu'il faut sensibiliser,
comme je dis, cibler la population, qui doit appuyer les dépenses accrues dans
un tel domaine qui est très crucial, des jeunes femmes qui ont besoin de comprendre
qu'il y a un appui pour elles et, comme je dis, les jeunes gars qui ont
le goût, dans la plupart des cas, de comprendre les limites davantage.
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, M. le député. Je cède
maintenant la parole à Mme la députée de Repentigny.
• (10 h 40) •
Mme Lavallée :
Merci beaucoup, M. le Président. Devant la plus récente vague de dénonciations,
la ministre a annoncé, avec sa
collègue ministre déléguée à la Santé publique, 1 million de dollars et la
tenue d'un forum en décembre prochain.
On peut considérer l'injection du montant de 1 million de dollars comme
une aide d'urgence. Les organismes ont maintenant besoin d'une aide à
plus long terme. Il y a eu, dans les années récentes, un nombre important de consultations sur le sujet des violences
sexuelles. Concernant la seule commission parlementaire du mois de
mars 2015, de nombreux groupes
ont été entendus, dont la Fédération des femmes du Québec, le RQCALACS, les
Femmes autochtones du Québec, le Conseil québécois LGBT,
l'Intersyndicale des femmes, et ainsi
de suite. En juin et septembre de la même année,
le Forum itinérant en matière
d'agression sexuelle a aussi rencontré plusieurs groupes à Montréal,
Rivière-du-Loup et Gatineau. Beaucoup
de ce qui a été dit dans cette commission parlementaire va se redire en
décembre 2017. Le gouvernement détient déjà le portrait de la situation
et connaît les enjeux.
En septembre 2015, on
a parlé du manque de financement récurrent pour les organismes ainsi que du
manque d'effectifs pour répondre aux besoins
excédentaires des listes d'attente. Actuellement, plusieurs groupes et organismes
sont membres du Comité-conseil en matière
d'agression sexuelle. Selon les informations
dont je dispose, ce comité n'a pas
été consulté depuis 2014. Ce comité a pourtant pour rôle de conseiller la
ministre sur les stratégies et moyens d'action devant être priorisés
afin de contrer la violence sexuelle. Je suggère à la ministre de réunir ce
comité-conseil.
Les
organismes ont, bien sûr, salué l'injection récente d'une somme de
1 million de dollars en aide d'urgence, mais force est de constater que ça
ne répondra pas très longtemps aux besoins sur le terrain. Les organismes
demandent une vision à long terme, du financement à la mission stable et
récurrent.
Pourquoi
un nouveau forum de discussion? Quels seront vos attentes et vos objectifs pour
ce forum en décembre? Est-ce que ça
n'aurait pas été plus simple, moins coûteux et plus efficace de réunir et de
mobiliser le comité-conseil qui existe
déjà? Plus de 50 organismes sont membres de ce comité-conseil. Qu'est-ce
qui justifie d'organiser un forum, alors que la ministre a toutes les informations et ressources à portée de
main? Finalement, peut-elle s'engager à aller chercher auprès de son collègue des Finances, pour le
prochain budget, un financement stable, suffisant à la mission et récurrent
pour les organismes communautaires dédiés au
soutien et à l'accompagnement des victimes de violences à caractère sexuel?
Je
veux rappeler que, dans le cadre de la commission parlementaire qui s'est tenue
en mars 2015 et des forums qui ont eu lieu en 2015, au niveau du financement
accru des organismes, ça a été demandé par le Conseil du statut de la femme, les RQCALACS, qui évaluaient, pour 2013‑2014,
un manque d'environ 5 millions, selon ce qu'elles ont dit en commission parlementaire à ce moment-là. Il serait
étonnant que le montant soit moindre en 2017. Il y a eu le Regroupement des intervenants en matière d'agression sexuelle,
Pour les droits des femmes qui espéraient, en 2015, qu'il n'y ait pas de
coupures budgétaires, la Concertation des
luttes contre l'exploitation sexuelle qui parlait d'un manque de ressources et
de manque de financement accru, la
Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et
immigrantes qui parlait de l'importance de dégager des budgets. Donc, en
2015, tous ces sujets-là étaient déjà traités, toutes ces demandes-là étaient
déjà traitées.
Et,
lorsqu'on parle d'un diachylon, c'est que la commission parlementaire 2015
fait suite à des dénonciations qui avaient eu lieu à l'automne 2014. Donc,
on a consulté des gens et on va reconsulter des gens, et la crainte des
organismes, c'est dire : Après
le forum, il va arriver quoi? On l'a fait, cet exercice-là. Est-ce qu'on va
changer la page 1 de notre mémoire qu'on a présenté en 2015 juste pour changer la date puis refaire les
mêmes demandes? Ça ne sera pas différent. Donc, c'est mes attentes
auprès de la ministre. J'aimerais qu'elle réponde à mes inquiétudes et les
inquiétudes de plusieurs organismes terrain. Merci.
Le Président
(M. Bourgeois) : Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la
parole à Mme la ministre.
Mme David :
Oui, écoutez, c'est toujours important, c'est le nerf de la guerre, l'argent,
effectivement. Et l'argent... probablement
qu'il y a 30 ans aussi on demandait plus d'argent, il y a 20 ans, il
y a un an. Moi, je suis arrivée en fonction le mercredi, genre, 22 octobre ou... je ne
sais plus les dates, là, parce que je vous avoue que, depuis ce temps-là, je
suis moi-même dans cet ouragan
social, si je peux dire, et donc l'affaire Weinstein ou, en tout cas, des...
Cet ouragan commençait le vendredi
matin, et le jeudi matin j'étais en conférence de presse pour annoncer
1 million, jeudi d'après. Ça, là, ça veut dire quatre jours ouvrables. Bien, à ce rythme-là, quatre jours
ouvrables pour 1 million, si on multiplie, ça fait pas mal de
millions.
Je ne vous
dis pas... et je ne vous promets pas tout ça. Mais ce que je peux dire, par
contre, c'est que, quand il y a eu l'autre ouragan qui a précédé, qui était plus dans
les collèges et universités, qui ont mené aux journées de consultations,
oui, il y a eu des consultations, encore des
consultations, il n'y en avait jamais eu sur cette thématique-là pour les
collèges et les universités, jamais,
jamais. Alors, on a fait cinq journées extrêmement importantes pour l'avenir de
nos collèges, de nos universités.
C'est quelque chose qui n'avait jamais été fait. Vous dites que des forums, il
y en a, il y en a, il y en a, puis on
va arrêter de parler, puis on va agir, mais, dans les collèges et les
universités, ça n'avait jamais été fait, premièrement.
Deuxièmement,
quatre mois plus tard, ça donnait 23 millions de dollars. Puis on continue
à réfléchir, puis on est en projet de
loi, puis on va changer, tous ensemble, la société, puis on va la changer pour
vrai parce que, des lois, qu'on le veuille
ou pas, il y a quelque chose de structurant, quelque chose d'encadrant, puis là
on va se pencher sur tous les aspects. Puis
c'est important, chaque mot qu'on va décider dans ce projet de loi là puis avec quoi on va arriver. Je veux que vous
soyez aussi fiers que moi, parce que,
là, ce n'est pas une question de partis, c'est une question
d'avenir de nos jeunes, de nos jeunes
filles en particulier, mais de nos garçons aussi, autant victimes
qu'agresseurs, si malheureusement ça se produit,
autant pour les étudiants de l'immigration, des étudiants en besoins particuliers,
handicapés, des étudiants internationaux,
toutes les clientèles.
Alors, je
pense que, quand je me mobilise et je mobilise les gens autour, si l'exemple
des consultations pour les collèges et universités est un exemple sur lequel on
peut se fier... puis mes cinq premiers jours en Condition féminine, je pense que je suis arrivée, de façon assez
pragmatique, à donner des résultats très, très, très concrets. Alors, moi, les
forums, pour ce que soit de la perte
de temps, ça ne m'intéresse pas. Mais, quand vous dites vous-même, et là je
vais vous prendre à vos propres
mots : Allez voir votre collègue des Finances, vous allez voir, un jour,
quand vous irez voir, peut-être un jour, un collègue des Finances, vous êtes mieux d'être équipée, puis vous êtes
mieux d'avoir des données, puis êtes mieux d'avoir consulté votre monde, puis vous êtes mieux de
savoir pourquoi, parce que vous allez avoir, évidemment, à vous justifier
par rapport à d'innombrables demandes dans la société.
Celle-là,
elle est superimportante, mais ça prend de la conviction. Puis, pour avoir de
la conviction, quand j'arrive et je
dis : Je suis allée rencontrer les CALACS, je suis allée à une maison,
j'ai passé 2 h 30 min avec la fédération des maisons
d'hébergement pour victimes de violence conjugale, je vous dis qu'on les voit,
les besoins, mais il faut être convaincant,
il faut être équipé des meilleures idées de tout le monde pour dire :
Bien, ça, là, la facture, c'est tant. Mais, si j'arrive demain : Je veux plus d'argent, j'ai zéro crédibilité,
même s'il y a eu beaucoup de forums. Quand c'est porté par quelqu'un, je vous dis que ça fait une bonne
différence. Et j'ai l'intention de porter ces sujets-là comme j'ai toujours
porté tous les autres sujets dans ma vie.
Alors, je
suis d'accord avec vous, il faut qu'on soit très attentives et attentifs à la
question du financement. Ce million
était un début, et l'argent est déjà rendu. Ça aussi, vous verrez un jour que
ce n'est pas évident de faire sortir l'argent rapidement du gouvernement. Il est sorti, ils ont chacun
20 000 $, 30 000 $, 40 000 $, 50 000 $,
dépendant de la taille, etc., et ils
peuvent au moins avoir ça pour engager, mettre des heures et puis répondre
mieux à la demande pour ces semaines-ci.
Maintenant,
allons et rendons-nous au forum. Ce forum, comme je vous dis, touche mes
collègues de plusieurs ministères.
Les questions que vous avez à me poser touchent, à chaque fois presque, un
collègue différent. Bien, c'est une
bonne idée qu'ils soient sensibilisés, eux autres aussi. Alors, un forum, ça
sert aussi à ça, aux gens qui sont là, mais aux gens qui écoutent et aux gens qui participent, et que tous ensemble,
on ait cette réflexion importante. Merci beaucoup.
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, Mme la ministre. Je cède
maintenant la parole au député de D'Arcy-McGee.
• (10 h 50) •
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président. J'aimerais parler d'un deuxième axe qui suit de façon
logique nos discussions et
c'est-à-dire la prévention des violences sexuelles en milieu universitaire et
collégial. Je tiens aussi à noter que,
bon, les forums, des fois, je comprends, les gouvernements utilisent ça comme
prétexte pour faire du surplace. Pour avoir assisté à un de ces cinq jours-là,
je vous avoue, moi, je n'aurais pas voulu être responsable de dire à ces
victimes : On a déjà assez
parlé, ça va, on connaît votre histoire. Ça a été une journée que, j'admets, je
trouvais pénible, difficile mais très
nécessaire. Il faut comprendre de façon fondamentale et profonde les séquelles
des incidents de violence sexuelle pour en agir.
Aussi, je me
permets juste de mentionner un autre petit mot sur le 1 million de
dollars. Pour avoir oeuvré la moitié de
ma vie professionnelle dans le secteur communautaire, je sais que ces
regroupements-là passent d'une petite subvention à une autre et optimisent cet argent pour être
présents sur le terrain. Souvent, l'argent arrive après que notre projet
proposé aurait dû être fini. Le fait
que ça a été fait de façon ponctuelle, et on voit déjà des retombées sur le
terrain, ce n'est pas rien, il faut
prendre ça très au sérieux. Et je me permets de féliciter la ministre
là-dessus. Il fallait de l'action très, très vite, et nous étions au
rendez-vous.
Quand on
parle de la prévention, c'est au centre de notre projet de loi n° 151, qui
exige aux établissements
d'enseignement supérieur d'adapter une politique ayant pour objet de prévenir
et de contrer les violences à caractère sexuel. Ces audiences nous démontrent l'importance de la prévention, et on note que... et je vais en parler un petit peu, mais qu'on est sur la bonne
voie. J'ai trouvé ça très encourageant. On est devant une situation
où il y a plein de progrès à faire, mais il me semble que la vitesse de nos réponses commence
à accélérer. De voir le consensus... Bon, chaque groupe avait sa propre approche dans nos audiences qui viennent de se
terminer, mais de voir — et je me suis permis de faire
l'observation — les organismes syndicaux,
l'organisme qui représentait tous les cadres dans les universités et cégeps,
qui se sont prononcés de façon
sincère, et dévouée, et détaillée sur l'importance d'être à l'oeuvre, ce n'est
pas rien. Ces organismes ont, en premier lieu, à défendre leurs
membres. Là, ils acceptent... et, comme j'ai dit, c'est normal et légitime,
mais en même temps ils acceptent
que voilà un fardeau additionnel qu'on accepte d'imposer sur nos membres. Par
définition, on est là pour gagner les
meilleures conditions de travail, et tout ça, on est là pour faire leurs avocats,
pour les appuyer. Là, ils acceptaient, ils comprenaient et ils comprenaient
que, dans ces terrains-là, notre projet
de loi était sur la bonne voie et
surtout en ce qui a trait à la
prévention.
Bon, il y a
des éléments sérieux et imputables dans le projet de loi : que les
rôles et les responsabilités de toutes les parties concernées soient énumérés et clarifiés, que les mesures de
prévention et de sensibilisation visant à contrer la violence à caractère
sexuel, elles incluent notamment des activités de formation pour les étudiantes
et les étudiants. Et on s'est fait dire, et j'imagine qu'on va
l'étudier de près, que ça soit étendu aux intervenants, même occasionnels, même
les fournisseurs, peut-être,
des établissements, parce
que c'est l'affaire de tout le monde, que les mesures de sécurité — bon, voilà la prévention de premier ordre — qui visent à contrer la violence soient
mises en place dans les infrastructures. Juste de s'assurer l'éclairage normal... Des fois, les gars ne le constatent
pas que de marcher au stationnement, à l'arrêt d'autobus, c'est une aventure pour une jeune femme. Quelle
réalité ridicule à constater que c'est une aventure de se rendre à son auto, à son autobus. Bon, le projet de loi va insister
que les établissements s'adressent à cette responsabilité, que les services
d'accueil, de soutien, de l'accompagnement
des personnes ainsi que les délais applicables soient mis en vigueur. Voilà
les mesures concrètes qui sont de mise. Le travail est déjà commencé. Chaque
université a déjà fait des gestes, mais il y a de plus à faire, et on va être
au rendez-vous.
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, M. le député. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier : Merci, M.
le Président. Donc, je salue mes deux
collègues qui sont là aujourd'hui pour l'interpellation,
la ministre de la
Condition féminine, la porte-parole de la Coalition avenir Québec en matière de
condition féminine aussi, et tous les
autres députés et le personnel présents. C'est un sujet qui est tellement
important, puis donc c'est intéressant
qu'on puisse creuser davantage, plus que lors de la traditionnelle période des
questions et même, pour poursuivre un
peu sur la thématique qui nous a occupés cette semaine, là, avec l'étude, les
consultations particulières sur le projet de loi n° 151.
Pour ma part
aussi, depuis quelques mois, j'ai l'occasion de parcourir le Québec avec deux
de mes collègues du Parti québécois. On est en train de faire une tournée qui
s'appelle Solidarité en action, et donc on rencontre des groupes communautaires un peu partout sur notre
territoire. Puis, quand la députée, justement, de Repentigny parlait du manque
de financement des organismes, on le
constate pour les organismes qui aident les victimes d'agression sexuelle, mais
aussi pour l'ensemble des organismes
communautaires. C'est quelque chose qui revient à chaque rencontre que j'ai
avec eux. Il y a vraiment une dérive
du financement des organismes communautaires vers le financement par projets.
Puis ça, c'est problématique, parce
qu'on ne fait pas... Les organismes, ils ont une mission, ils savent ce qu'il
est mieux d'accomplir avec l'argent
qu'on leur offre, et donc c'est important que le gouvernement puisse avoir
cette vision-là de reconnaître, au
fond, qu'il faut davantage axer le financement des organismes communautaires à
leur mission. Donc, ça, c'est d'une part.
Et donc c'est bien certain qu'avec les événements des dernières semaines, mais
je dirais même des dernières années, le réseau, par exemple, des CALACS
souffre d'un sous-financement, là, qui est particulièrement accru.
Donc, il y a
eu le mouvement #agressionnondénoncée
il y a quelque temps, maintenant on se retrouve, là, dans le fameux ouragan social avec le mouvement
#moiaussi. Et là les statistiques sont vraiment effarantes, hein? Si on regarde dans certaines régions du Québec,
si on regarde les Îles-de-la-Madeleine, la hausse des demandes se chiffre à 533 %. Il y a plusieurs chiffres comme ça qui sont astronomiques, là, vraiment. En
termes d'augmentation des demandes, grosso modo, on parle de 251 %
d'augmentation.
Et les
organismes, oui, ça les a aidés, le 1 million, puis je salue la ministre
pour son action rapide là-dessus. Mais, si je prends, par exemple, un organisme de chez nous, à Longueuil, qui
est tout près de ma circonscription, mais qui aide, à long terme, les gens qui souffrent et les
victimes d'agression sexuelle, qui leur procure un soutien psychosocial
important, ils ont un manque à gagner
de 400 000 $ par année — donc, je parle de l'organisme
La Traversée à Saint-Lambert — et, avec
le fonds d'urgence, ils ont pu avoir environ 27 000 $. Donc, oui,
c'est un pas, c'est une avancée, mais il faut reconnaître, là, que le problème
est beaucoup plus grand que ça. Il va falloir qu'il y ait des moyens
appropriés, parce qu'avec ce contexte social
on incite les victimes à dénoncer, on invite les victimes à aller chercher de
l'aide, mais je nous invite à nous mettre dans la peau d'une victime qui prend son courage à deux mains, qui
décroche le téléphone, qui va frapper à la porte d'un organisme communautaire et qui se fait répondre
qu'il y a une liste d'attente de deux mois, de six mois, d'un an. Comment,
comme société, on peut accepter que le délai
de prise en charge des gens qui en ont besoin ne soit pas immédiat? Moi, ça
me préoccupe vraiment énormément.
Puis on en
fait, de la sensibilisation, puis tant mieux, il va y en avoir de plus en plus,
des victimes qui vont aller chercher
de l'aide, qui vont porter plainte. Alors, il faut reconnaître que ce
phénomène-là, il est appelé à augmenter dans les années à venir parce que les récents mouvements de dénonciation nous
ont bien montré que l'effet, il est, bien sûr, immédiat, mais que l'effet est encore plus grand quelques semaines,
quelques mois après les mouvements. Donc, c'est vraiment important qu'on puisse augmenter, là, de façon importante, de
façon significative le financement à la mission de ces organismes communautaires pour faire en sorte, là, qu'on n'ait
plus de listes d'attente dans les organismes et qu'on aide les victimes
automatiquement.
Mme la
ministre, vous avez dit qu'il faut être convaincant auprès des gens des
Finances lorsqu'on demande du financement, mais je pense que le contexte
social est assez convaincant, je crois que les statistiques qui sont relevées par les organismes
communautaires sont assez convaincantes aussi. Alors, il faut vraiment pouvoir
prendre les moyens appropriés.
Puis là,
lorsqu'on parle du forum, les groupes le disent, on va arriver aux mêmes
conclusions. Je vous annonce tout de suite que les groupes vont dire, la
première recommandation : Il faut augmenter de façon importante le
financement à la mission des
organismes communautaires. Alors, ça, c'est clair. Tu sais, est-ce que ça sert
à gagner du temps? Le forum en lui-même, combien est-ce qu'il va coûter?
Est-ce qu'il ne faudrait pas plutôt mettre l'argent directement chez les
organismes qui en ont besoin? Alors, moi, c'est les questions que j'aimerais
exprimer aujourd'hui à la ministre.
Le Président (M. Bourgeois) :
Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme David :
Oui, alors, je vais reprendre tout de suite par la fin parce que ça
m'interpelle, cette question-là, pas de
forum, ce n'est pas nécessaire. Je vais vous donner deux, trois exemples de
choses, là. Oui, l'argent, mais qu'est-ce que vous faites avec la prochaine
question, madame, sur les délais, les délais de poursuite? Qu'est-ce que vous
faites avec les questions autour du
modèle de Philadelphie? C'est important de discuter de ça. Qu'est-ce que vous
faites avec l'accompagnement en justice des gens? Ce n'est pas juste une
question d'argent, c'est une question de contenu.
Qu'est-ce que
vous faites des gens en milieu de travail, de Diane Lemieux, Commission de la
construction, qui dit : Moi, là,
il faut changer la culture, la mentalité? Il ne faut pas juste lui envoyer de
l'argent. Il faut en discuter en société, de cette question-là. Qu'est-ce que vous faites du milieu culturel qui
dit : Là, il faut s'organiser? Je veux bien qu'on s'organise, mais il faut les aider à s'organiser. Ils ne
veulent pas juste de l'argent, ils veulent de l'expertise, ils veulent entendre
des experts. Et les experts, ils vont
être là, puis les différents ministères vont être là. Qu'est-ce que vous faites
des normes du travail? Il faut en
discuter. Les normes du travail sont-elles adéquates en rapport avec le
harcèlement sexuel? Ce n'est pas de l'argent, ça, c'est des décisions
politiques.
Alors, on
veut bien qu'il y ait de l'argent, mais on veut bien que les policiers aient
une écoute plus attentive, on veut
que le système de justice soit beaucoup plus fluide, que les gens s'y
retrouvent dans ce système de justice. Donc, il faut que le ministère de la Justice soit très interpelé. Pas besoin
d'argent pour ça, besoin de discuter, besoin de sensibiliser. Il faut
que la question des conditions de travail soit discutée.
• (11 heures) •
Alors, toutes
ces questions-là, ce n'est pas de l'argent, c'est de la sensibilisation
sociale. Ça n'exclut pas le besoin d'argent,
mais ce n'est pas vrai qu'on peut se taire, puis pitcher de l'argent, puis
c'est tout. Ce n'est pas vrai. Les
organismes seraient les premiers...
et j'ai parlé longuement avec eux, puis on ne parle pas seulement
d'argent quand on se rencontre, on
parle de contenu. On parle, par
exemple... Je vais vous donner un
exemple, fédération des maisons d'hébergement pour violence conjugale. Savez-vous de quoi on a beaucoup
parlé, avec raison? C'est la réalité de Montréal, c'est que les femmes
qui demandent de l'hébergement de
secours pour violence conjugale, ce sont des immigrantes, et très souvent elles
ne parlent pas ni français ni
anglais. Oui, il faut de l'argent pour des traducteurs, mais encore
faut-il que moi, comme ministre, je
sois convaincue et convaincante dans le besoin de traduction. Pourquoi?
Parce que je dis : On est en 2017, la réalité urbaine montréalaise et d'autres régions...
J'étais au gala du Y des femmes à Québec pour les femmes itinérantes. J'étais la seule, d'ailleurs, de toute l'Assemblée nationale à être là. Bien, je vous dis que vous auriez vraiment
trouvé que c'était important d'être là. C'était tellement touchant, tellement
émouvant de voir... il y avait 450 personnes et il y avait des femmes
qui étaient sorties de l'itinérance. Mais,
quand on parle de ça, on parle vraiment de comment aider les femmes autochtones, les femmes de l'immigration qui souvent viennent
d'autres cultures puis qui disent : Bien là, je pense que je vis de la
violence conjugale et je dois partir
de là. Alors, oui, ils font une oeuvre extraordinaire, les maisons
d'hébergement. Elles ont des listes
d'attente, elles aussi. Le Y... la Y, qu'il faut dire, WCA, W pour «women»,
refuse 900 personnes par année, 900 personnes par année.
Les bureaux
comme La Traversée, qui est un bureau de consultation avec des
psychologues, et tout ça... J'ai eu un bureau
pendant 25 ans. Est-ce que j'ai eu des listes d'attente? Tout le temps, tout le temps, tout
le temps. On se sent des fois un peu impuissants face aux listes d'attente.
Mais, bon, ils trouvaient des fois, heureusement, des services ailleurs, on essayait de donner le maximum. Mais il faut
aider tous ces regroupements-là. Les regroupements des CALACS, c'est la
même chose.
Enlever les
listes d'attente, en tout respect... C'est parce que c'est compliqué, la question
des listes d'attente. Vous pouvez avoir une liste d'attente à un
endroit, mais la personne peut avoir peut-être, de façon sage, fait sa demande
à différents puis être pris à un
endroit x ou un endroit y. Un peu comme les maisons d'hébergement
disent : On n'a plus de place
chez nous, mais il y a une centrale, qui est la ligne... il y a un central pour
les violences conjugales, et là ils peuvent envoyer dans d'autres maisons d'hébergement. Alors, il faut
un système d'accueil, d'accompagnement. Et, oui, il faut accompagner
en termes financiers plus, c'est clair, on essaie de les aider le plus
possible. On a mis quand même 200 millions dans la dernière stratégie, mon collègue en a parlé. Mais je pense que je
suis obligée d'apporter des nuances à ce que vous dites parce que je ne voudrais pas qu'on sorte
d'ici en disant : Ça ne vaut rien, un forum, tout ce qu'on veut, c'est un
chèque et puis on ne parlera pas.
Moi, quand on va entendre parler les policiers, parler d'une plus grande
sensibilité, le modèle de Philadelphie, que ça soit la justice, je vais
dire : Bravo! Là, on a fait une avancée de société importante.
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, Mme la ministre. Je
cède maintenant la parole au député de
D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum : Merci,
M. le Président. Je me permets une
allusion à notre performance économique et j'insiste que ce n'est pas gratuit. Avec tout
respect, quand la députée de Marie-Victorin parle de ressources, qu'il en manque, qu'on puisse se comprendre que d'avoir créé un
déficit de 7 milliards de dollars du gouvernement précédent et
d'avoir remis le Québec sur les rails avec des
surplus successifs maintenant pour une troisième année, est-ce qu'on peut se comprendre qu'on ne parle pas aux banquiers quand
on parle de tout ça? Qu'on parle d'un phénomène qui est intimement, intimement attaché à ce qu'on discute aujourd'hui, s'il vous plaît. C'est une des raisons pour quoi
je suis embarqué dans la vie politique,
c'est pour avoir les ressources pour faire les choses pour être en mesure de
rendre la justice sociale, l'accès aux
services, l'équité à notre population en entier. Alors, ce n'est pas un exercice économique, puis après, bon, là on fait les bonnes choses comme bons citoyens, les deux sont liés. Alors, si on est pour parler
de dégager des sommes, il faut en être conséquent.
Et voilà la raison pour quoi les gestes économiques qui sont la
signature de notre gouvernement prennent toute leur ampleur.
Je me permets
d'offrir un deuxième défi aux formations de l'opposition. Quand on parle de
deux vigies suite aux agressions
qu'ils ont eues à l'Université de Laval, on parle de ces cinq journées, ces
cinq forums aux universités, à part d'avoir
vu mon collègue le député de Chambly
à une de ces occasions, il me semble que je suis le seul député homme de notre Assemblée nationale à assister à de tels
événements, qui sont assez importants, hein? Il me semble qu'à la prochaine
fois je devrais me trouver avec d'autres collègues masculins.
Bon, je me permets de prendre le temps qu'il me
reste pour parler de quelque chose qui est au centre de nos discussions. On parle de la prévention, de la
formation, mais est-ce qu'on va faire le tout pour être au rendez-vous quand
il s'agit de soutenir, d'accompagner des
victimes lors de leur participation au processus judiciaire? Je me permets de
parler surtout aux hommes, mais des femmes aussi, pour nous
sensibiliser. De quoi on parle quand on parle de ça? De nous interpeler à imaginer — vous avez fait référence, Mme la députée de
Marie-Victorin — le
fardeau sur une jeune femme victime
d'un acte de violence sexuelle, la peur, la douleur, la honte. Quel outrage
d'avoir honte suite à un geste horrible commis par quelqu'un d'autre, la colère d'avoir été victimisée et le
fardeau de vivre avec la suite, les étapes médicales, légales à franchir. Et qu'on se rappelle qu'on
parle de 66 % de ces victimes, peut-être plus, qui ont moins que
18 ans, 84 % de ces jeunes
qui connaissent leur agresseur, ce qui rend la suite de l'événement tellement
douloureux, on parle de quelqu'un qu'on
connaît. Alors, d'où vient notre grande responsabilité d'accompagnement, de
notre devoir de rendre les étapes à franchir plus claires, sans obstacle
et... pour assurer un suivi le moins invasif, le plus réconfortant que
possible.
Bon, dans
cette optique, notre plan stratégique vise plusieurs, plusieurs volets :
l'importance d'adopter un programme de rencontre entre la procureure ou
le procureur aux poursuites criminelles et pénales avec la victime — y
a-t-il quelque chose de plus
important? — de
favoriser l'accès au télétémoignage pour protéger des jeunes peut-être en
région ou dont ils connaissent l'agresseur, de témoigner par
visioconférence, de produire des outils d'information qui vont contribuer à sensibiliser les intervenantes et les
intervenants du système judiciaire aux mesures visant, justement, à faciliter
ce témoignage tellement difficile. Le plan
stratégique parle aussi de produire et diffuser des capsules d'information sur
le processus judiciaire ainsi que sur le
rôle et la procédure où le procureur aux poursuites criminelles et pénales,
dans le cas de traitement d'un dossier, a à agir pour sensibiliser les
jeunes aux grandes difficultés dans ces domaines-là. Bon, voilà les gestes concrets — il y en a plein d'autres — qui vont, j'espère, continuer à rendre ce
processus pénible au moins un petit peu plus facile.
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, M. le député. Je cède
maintenant la parole à Mme la députée de Repentigny.
• (11 h 10) •
Mme Lavallée :
Merci, M. le Président. En mars 2016, le député de Borduas a déposé le projet
de loi n° 596, qui vise à combler un trou dans la loi actuelle. Le
projet de loi a pour objet de prévoir qu'une action en réparation d'un
préjudice résultant d'une agression à caractère sexuel ne puisse se prescrire
ou s'éteindre par le seul écoulement du temps.
Malgré tous les appels lancés par ma formation depuis 18 mois, le
gouvernement a toujours refusé de modifier le Code civil du Québec. Pour
de nombreuses victimes, les délais de prescription actuels les empêchent
carrément de tourner la page et de repartir
à zéro. Une victime agressée en 2009 et qui a connaissance des faits n'a plus
de recours civil contre son agresseur pour obtenir réparation. Le
gouvernement doit régler cette inéquité dans la loi pour les victimes agressées sexuellement avant 2010. Les délais de
prescription ont été abolis dans plusieurs autres provinces, et le Québec
est, une fois de plus, à la traîne. Il est
urgent d'envoyer un signal de soutien aux victimes en abolissant définitivement
tout délai dans le système judiciaire
québécois, comme c'est le cas en matière criminelle. Il n'est pas normal que
toutes les victimes ne puissent se
tourner vers les tribunaux. En éliminant une fois pour toutes cette barrière
juridique qu'est le délai de
prescription, bon nombre de victimes pourraient être incitées à dénoncer et
obtenir justice. Une agression sexuelle est un traumatisme qui marquera à
jamais la vie des victimes. Il est primordial de les encourager à dénoncer, et
je suis certaine que la ministre est d'accord avec ça.
Je demande au gouvernement d'envoyer un message
d'appui aux victimes d'agression sexuelle. Ces victimes d'agression sexuelle ont besoin d'accompagnement, de soutien psychologique et financier et du
support de l'État. Les délais actuels sont injustes et représentent
un frein à la dénonciation pour les victimes du passé. Il faut leur donner un coup de main, abolir les délais de prescription
pour qu'elles puissent choisir librement de poursuivre ou non leurs agresseurs.
Posons ce geste pour toutes les victimes du passé qui ont le courage de briser
le silence.
Est-ce que
la ministre reconnaît que le droit des femmes d'être indemnisées en cas d'agression sexuelle est bafoué
actuellement? Est-ce que la ministre
considère injuste que certaines femmes perdent leur droit à leur indemnisation à cause de
la prescription? Est-ce que la ministre reconnaît qu'il peut être long et difficile pour
une femme d'entreprendre des démarches pour faire reconnaître une agression
sexuelle et obtenir réparation et que la question des délais de prescription
n'a pas sa raison d'être? Le projet de loi
de mon collègue de Borduas ne concerne que la modification d'un article dans
le Code civil. Est-ce que la ministre
pourrait envisager d'intégrer les articles du projet de loi n° 596 en
amendant son projet de loi
n° 151? Si la ministre ne peut le faire, pourrait-elle prendre
l'engagement que le projet de loi sera appelé au plus tard au début de la prochaine session afin de le
faire adopter et qu'enfin on règle une situation qui, jusqu'à maintenant,
créait une inéquité envers certaines femmes? C'est un détail pour nous dans le cadre de l'étude détaillée d'un
projet de loi, mais ça changerait la vie de combien de femmes si on intègre la
modification au projet de loi n° 151? Faisons de la cause des femmes une priorité et adoptons ce
projet de loi tout simple mais important pour la cause des femmes victimes
d'agression sexuelle.
Comme il me
reste du temps, je vais vous lire — c'est un projet de loi d'une page — l'article 1, c'est l'article qui vient modifier l'article 2926.1 du Code
civil du Québec, et le premier paragraphe, c'est celui qui vient en aide aux
victimes : «L'action en réparation d'un
préjudice résultant d'une agression à caractère sexuel est imprescriptible.»
Tout simple, rapide, mais qui pourrait définitivement régler le problème
qui revient auprès de certains organismes qui interviennent
auprès des femmes victimes d'agression sexuelle. Et le Conseil du statut de la
femme en a d'ailleurs parlé hier et en a parlé dans le cadre de la
commission parlementaire en mars 2015. Merci beaucoup.
Le Président (M. Bourgeois) :
Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme David :
Oui. La première réaction que j'ai, c'est : Si la vie était si simple que
ça, on serait tellement bien, on se
coucherait toujours tranquilles, on dormirait bien. Un mot veut dire beaucoup
de choses, et c'est pour ça que je le dis pour notre projet de loi qui
nous concerne en ce moment, où on parle de délais d'ailleurs, ce n'est pas un
mot neutre, «imprescriptible». Et moi, je ne
suis pas juriste. Vous, vous êtes notaire de formation et de pratique, alors,
là-dessus, je vous envie un peu parce
que vous avez quand même un bagage dans ce domaine-là. C'est un très, très bel
exemple d'un voeu que l'on peut
appeler et souhaiter, mais qui n'est certainement pas du ressort d'une ministre
de la Condition féminine qui, là,
peut aller plaider et discuter avec les gens du ministère de la Justice, ça,
c'est clair. D'ailleurs, c'est votre collègue le député de Borduas qui a
proposé ça et c'est, comme par hasard, le critique à la justice.
Alors, je
sais bien que vous prenez des notes et vous écrirez que
M. Jolin-Barrette — je ne sais pas si j'ai le droit de le nommer dans cas-ci,
disons le député de Borduas — aille voir les gens qui sont au ministère
de la Justice et ma collègue à la Justice,
qui peut-être verra de quelque chose avec beaucoup plus de conséquences qu'un
simple mot. Parce que, s'il y a des
choses qu'on apprend en droit, je crois... je n'ai pas fait mon droit moi-même,
bien que j'aie failli le faire, mais
j'ai assez fréquenté d'avocats pour savoir que ça peut durer des heures, des
heures, des heures, on le voit en commission
parlementaire quand on fait des projets de loi, ça peut être des heures pour
une virgule, un mot, un point, alors
que dire d'un paragraphe et que dire d'une loi au complet? Donc, chaque mot
compte, et je pense que c'est une des premières
choses que les juristes apprennent dans leurs cours de droit. Donc, ce mot-là,
«imprescriptible», il veut sûrement dire
quelque chose. Tout ce que je peux vous dire, c'est que — et je n'irai pas très loin, je vous avertis,
là-dessus parce que je ne parlerai pas de quelque chose qui n'est pas de
ma compétence professionnelle — depuis 2013, le délai de prescription pour les poursuites civiles où l'on
demande réparation pour une agression à caractère sexuel, pour de la violence subie pendant l'enfance ou de la violence conjugale est passé de trois
ans à 30 ans. C'est quand même 10 fois plus comme délai.
Alors, il y a eu quand même des avancées. Ce que
ça veut dire, c'est que la justice et le Code civil — puis
là je vous dis, là, je fais attention aux
mots, là — il y a des juristes qui réfléchissent à ces questions-là. Ce qu'on peut
dire, c'est, étant donné... tout ce qui est dans le discours public et social en ce moment amène peut-être à une réflexion comme ça et qu'on peut demander aux juristes de se
pencher sur ces questions-là. Dans le forum que j'organise, il y aura
un volet juridique aussi. Alors, voilà
ce genre de lieu où ça ne coûte pas un sou. Ce n'est pas de l'argent, là, que
vous dites qu'il manque, c'est une
mesure du Code civil qui, vous dites, un mot, un mot, vous l'avez beaucoup
dit, changerait énormément.
Alors,
j'imagine que ce genre de discussion a des lieux précis de gens très compétents
où ce n'est pas parce que tout
le monde est avocat que tout le monde s'entend sur la même façon de voir le Code civil,
mais je pense que c'est un sujet que vous pourriez regarder. Et je ferai le
message à ma collègue de la Justice que nous en avons parlé ce matin et
que c'est un sujet qui revient ou est
dans une certaine actualité par
rapport à tout ce que nous vivons.
Ça, je m'engage à lui dire.
Par ailleurs, et parce que, là, on touche à quelque chose de très, très, très actuel dans le projet de loi
n° 151, on en a parlé, de
délais. On en a parlé pour des délais de... et que je trouve aussi important,
là, parce que, là, on ne parle pas du «après les faits». Puis là, si je voulais brûler
du temps — puis
là, en fait, il ne m'en reste pas beaucoup — j'aurais
pu vous parler de toutes les
patientes que j'ai eues et qui, oui, ont eu des traumatismes il y a
bien, bien, bien des années, et donc vous
n'avez pas à me convaincre que le traumatisme, il dort, là, puis tout à coup
il ressort. Mais, quand on parle de délais, au moment où il y a
un traumatisme de quelqu'un, une étudiante, par exemple, qui est prête et
qui veut rencontrer quelqu'un, là, on
est dans des délais extrêmement importants. Et c'est pour ça qu'on a parlé — il y a eu des suggestions de part et
d'autre, là — des
chiffres 5-5-45, par exemple, étant
donné... cinq jours pour les mesures
immédiates, cinq jours pour, après
ça, regarder le suivi de la plainte puis, après ça, 45 jours pour la
traiter. C'est un exemple que je donne parce
que c'est facile à retenir. Mais pourquoi
il a été question de délais? Dans le fond, c'est l'envers
du miroir de ce que vous dites. Des fois, on garde ça très enfoui pendant très longtemps
puis on veut que la société reconnaisse que ce n'est pas parce que c'est enfoui... puis je l'ai
enseignée toute ma vie, la question de l'inconscient ou la question du refoulé...
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, Mme la ministre. Je
cède maintenant la parole à Mme la députée de Fabre.
• (11 h 20) •
Mme Sauvé : Merci,
M. le Président. Alors, d'entrée de jeu, je me sens très privilégiée d'être ici ce matin pour, bien sûr,
une problématique qui me tient bien à coeur. Je veux saluer les collègues
et je veux nommer mon grand respect pour la ministre qui est ici ce
matin et aussi mon collègue de D'Arcy-McGee.
Vous savez,
je vais parler d'un aspect très précis en
termes de solutions concrètes, puisque
c'est le sujet ce matin, pour les
victimes de violence sexuelle. C'est un thème qu'on n'a pas abordé du tout, et
c'est pourtant un engagement du gouvernement du Québec, c'est toute la nuance qu'on doit donner, l'aide
et l'intervention qu'on doit adapter selon différents groupes de
victimes sexuelles. Pourquoi? Pourquoi j'aborde ça? Parce que les victimes ne
constituent pas un groupe homogène, et il
faut adapter les solutions concrètes. La ministre vient de nommer, entre autres, en termes de démarches de dénonciation, à quel point il
y a une nuance, une attention qui
doit être donnée dans l'accompagnement, dans les délais. Il y a certains
groupes qui nécessitent aussi une attention particulière.
Alors, tantôt,
je reviendrai sur la notion du chèque et puis toujours l'aspect du financement, mais je n'entends pas beaucoup parler, de la part des oppositions
ce matin, à toute cette nuance qui est nécessaire dans les solutions que l'on
donne et que l'on met concrètement, des
solutions musclées, comme vous le dites si bien, mais des solutions nuancées
aussi dans le respect des personnes et dans
le respect des groupes auxquels elles appartiennent. Alors, les solutions,
elles sont présentes, elles sont dans
la stratégie. Je vais juste être capable, en cinq minutes, de
faire un bref survol parce qu'il y en a tellement. Alors, je vous invite à
lire tout ça, mais je vais vous donner des exemples concrets. Parlons des personnes
handicapées victimes de violence sexuelle, les autochtones, les personnes réfugiées, les personnes immigrantes, issues
de minorités ethnoculturelles, les aînés,
les personnes prostituées, les LGBT. Il faut ajuster les solutions aux
différents groupes.
Alors donc,
comment est-ce qu'on y arrive? Bien, tout d'abord, c'est important, première
étape dans les solutions, il faut
mieux connaître la réalité de ces groupes-là. Il y a des portraits qui sont
nécessaires, hein? Ce n'est pas pour rien que, dans la stratégie, on
retrouve, entre autres, le portrait par rapport à ce que vit la communauté des
LGBT qui sont victimes de violence sexuelle.
Donc, les portraits, fort important. Reconnaître l'expertise d'accompagnement
en place. Je pense, entre autres, à
l'action concrète de soutien au centre d'expertise Marie-Vincent, qui travaille
avec les jeunes autochtones et avec leurs familles. Ça aussi, une action
concrète modulée.
Et là je vais
revenir un peu à ce qu'on a entendu par rapport aux organismes communautaires,
puisqu'on parle d'accompagnement. Je suis toujours un peu... pour bien
connaître le communautaire... Et je vais nous ramener, là, à l'histoire communautaire, à la politique
gouvernementale de 2001. Oui, le financement, mais, oui, aussi la capacité des
organismes communautaires qui, dans leur ADN, doivent travailler à la
problématique qui est devant eux, s'adapter, développer des bonnes pratiques et
être dans un enracinement dans la communauté. Ça, ça veut dire qu'on trouve des
nouvelles solutions. Quand il y a des
réalités qui émergent, quand il y a des nouveaux besoins qui prennent une
ampleur, il faut être capables de se
concerter et de travailler ensemble. Et ça, c'est l'identité communautaire que
je connais, que j'apprécie et que je souhaiterais qui soit davantage
nommée.
Moi, là,
quand j'ai vécu, dans mon organisme, des délais par rapport aux démarches
d'orientation, l'émergence de santé
mentale chez les jeunes et la venue des jeunes immigrants, je me suis retournée
de côté, j'ai regardé mes partenaires du
milieu, puis j'ai été créative, et je n'ai pas attendu de demander un chèque.
Et on a réussi à chaque fois parce qu'on était dans l'innovation et
l'enracinement dans la communauté. C'est ce que j'aimerais davantage entendre.
Dans les
solutions concrètes d'adaptation aux différents groupes, il y a l'aspect de la
formation aussi qui est très important,
les intervenants, entre autres, de première ligne de l'Office des personnes
handicapées du Québec, au CAVAC également.
Et il faut soutenir les nouvelles initiatives et, oui, des projets, regarder
des nouvelles pratiques. Moi, je pense, entre autres, en termes d'information, à une belle initiative lavalloise
qui s'appelle As-tu ton numéro? C'est une initiative de la Table jeunesse du Marigot. Ça donne accès,
entre autres, aux organismes qui travaillent auprès des personnes qui
vivent la violence sexuelle.
Alors, les
expertises communautaires institutionnelles sont fortes. Il faut adapter les
solutions. Elles sont présentes. Le
gouvernement du Québec, avec sa stratégie, est très sensible, une stratégie
très porteuse de solutions qui vont s'adapter pour chacun des groupes dans leur caractère unique, dans leurs réalités
qui sont propres, et on a une ministre qui est très sensible à cela.
Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, Mme la députée. Je cède
maintenant la parole à Mme la députée de Repentigny.
Mme Lavallée :
Merci, M. le Président. Porte-parole de la condition féminine depuis janvier
dernier, certains dossiers revenant
dans l'actualité ont attiré mon attention, et plus particulièrement le dossier
de la prostitution juvénile, puis je
suis contente d'apprendre que la ministre est interpelée par le sujet. Depuis
le printemps dernier, j'ai rencontré beaucoup
d'organismes et personnes, lu beaucoup de textes, livres, écouté beaucoup de
documentaires sur le sujet, et j'ai été profondément troublée par ce que
j'ai lu et entendu.
Quand on parle de violence à caractère sexuel,
on parle aussi de prostitution juvénile. Le sujet revient plus particulièrement autour de l'organisation du Grand
Prix. Malheureusement, le problème n'existe pas uniquement à cette période. Le sujet revient aussi lors de séries de
fugues, lorsque des séries de fugues arrivent en centre jeunesse.
Malheureusement, aussi, le problème
de prostitution juvénile ne concerne pas seulement les filles provenant des
centres jeunesse. Ce dossier devrait
être une des priorités du gouvernement. S'il doit y avoir un forum et des
consultations, c'est sur ce sujet-là. De jeunes filles sont recrutées dès l'âge de 14 ans à peine. Elles
sont exploitées par un proxénète et peuvent lui rapporter une somme
d'environ 200 000 $ par année. Le proxénète en a plus qu'une à sa
charge.
À l'ONU,
l'exploitation sexuelle est passée au deuxième rang dans le palmarès de la
criminalité, après le trafic des
stupéfiants. Ces jeunes femmes qui sortent sont souvent en état de choc post-traumatique.
Alors que les peines que subissent
les proxénètes ne sont pas assez lourdes, selon moi, ces jeunes filles, elles,
sont sentencées à vie. Nous devons, comme
parlementaires, nous sentir interpelés par cette problématique qui prend de
l'ampleur. On ne peut penser que ce dossier-là se réglera tout seul,
sans un intérêt marqué par le gouvernement.
Dans
toutes mes rencontres, ce qui est ressorti presque tout le temps, c'est
l'absence d'un portrait global à la grandeur du Québec sur le problème de la prostitution
juvénile et de la traite. Dans vos priorités en matière d'exploitation sexuelle dans la stratégie, il est mentionné, à
l'item 4 : «Puisque les connaissances [sont à parfaire à cet égard],
des actions sont prévues visant à mieux
connaître, notamment, l'ampleur de l'exploitation sexuelle, les facteurs de
risque, le profil et le parcours des
personnes exploitées, ainsi que les conséquences de la prostitution sur les
filles et les femmes», et effectivement c'est important. Si le Québec
est fou de ses enfants, ça ne devrait pas se limiter à la petite enfance, mais
bien au-delà.
Comme vous êtes à la deuxième année du plan
stratégique et qu'à la lumière de ce que j'ai entendu depuis plusieurs mois il est primordial et urgent d'avoir
ce portrait qui nous permettrait de connaître l'ampleur du phénomène, est-ce que la ministre peut nous dire si un tel
portrait est en cours d'exécution? Si oui, quand aurons-nous accès à ce
portrait? Si non, est-ce que la
ministre exigera que ce portrait soit effectué afin qu'au début de la prochaine
session parlementaire nous ayons toute l'information requise et de
pouvoir circonscrire ainsi nos priorités?
Ensuite,
est-ce que la ministre est d'accord avec l'idée de convoquer une commission
parlementaire non partisane sur ce
sujet? Est-ce que la ministre serait ouverte à l'idée de proposer une stratégie
pour contrer et lutter... la prostitution juvénile et l'exploitation sexuelle, que ce dossier soit traité de façon
indépendante et que nous fassions de ce dossier une priorité?
D'ailleurs,
dans la commission parlementaire 2015, dans le dossier de l'exploitation
sexuelle, le Conseil du statut de la
femme s'est positionné en faveur de ce dossier. Le Regroupement des maisons
pour femmes victimes de violence conjugale,
elles ont mentionné qu'elles avaient été consultées pour l'élaboration d'un
plan d'action en matière d'exploitation sexuelle. La Concertation des
luttes contre l'exploitation sexuelle attend le plan d'action de lutte contre
l'exploitation sexuelle. Eux autres
mentionnent qu'il est très difficile d'avoir des chiffres sur l'ampleur du
phénomène. La prostitution est une industrie en expansion. Selon eux, il
y aurait une inaction ou un manque de volonté du gouvernement.
Donc, déjà,
dans les forums 2015, c'est aussi des sujets sur lesquels nous nous sommes
penchés. Et, pour moi, c'est une de mes priorités. J'ai accordé
énormément de temps depuis le printemps dernier sur ce sujet-là et je n'ai pas
l'intention de baisser les bras concernant le dossier qui m'interpelle. Je vous
remercie, madame.
Le Président (M. Bourgeois) :
Merci, Mme la députée. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme David :
Oui, merci beaucoup. Alors, quel sujet de grande importance. Comme je vous ai
dit, ça fait 40 ans que j'y suis
sensibilisée, alors je vais juste essayer d'être capable de me limiter à cinq
minutes. Parce que votre intérêt est
réel, on le sent, on le sait, et je pense que je n'aurai pas à vous convaincre
longtemps que le mien l'est aussi parce que j'en ai rencontré, des prostituées juvéniles, parce que je peux vous
dire que tu ne deviens pas prostituée du jour au lendemain, parce que je peux vous dire qu'il y a des garçons
prostitués, puis j'aimerais ça être sûre que vous êtes autant intéressée
aux jeunes garçons mineurs qu'aux jeunes
filles parce que du proxénétisme, ce n'est pas seulement chez des jeunes
filles, c'est aussi chez des jeunes
garçons, que, oui, il y a des histoires d'une lourdeur incroyable. Je vous
amènerai en centre d'accueil, je vous
amènerai en prison pour femmes, je vous amènerai dans ces lieux-là. Vous avez
rencontré déjà beaucoup de monde, et
on le sait que chaque cas... puis j'ai dû faire, je ne sais pas, moi, des
dizaines, et des dizaines, et des dizaines d'évaluations de cas de parents qui avaient des enfants dans la
prostitution ou des enfants eux-mêmes, et chaque cas est extraordinairement
troublant et lourd. Et il y en a qui s'en
sortent, oui, il y en a qui s'en sortent, puis il y en a qui s'en sortent
moins, puis ça prend de l'aide, et
puis ça prend des lieux sécuritaires pour eux parce que ce n'est pas évident
d'avoir un proxénète au bout.
Puis vous
dites : On n'a pas beaucoup de données là-dessus. C'est sûr qu'on n'en a
pas beaucoup. Pensez-vous que les proxénètes vont s'afficher puis vont
participer à des projets de recherche? Pas sûre. Alors, il faut utiliser des
moyens vraiment astucieux et passer par les
victimes, et les victimes n'osent pas trop parler. Ce n'est pas un milieu à
l'eau de rose, là, c'est vraiment un
milieu d'une grande dangerosité avec des immenses effets et conséquences sur
ces jeunes qui deviennent adultes,
très souvent enceintes très jeunes, avec des enfants de parents différents, de
pères différents, et qui sont
eux-mêmes dans ce cycle de la violence et du placement par la DPJ, et qui ont
des enfants, et qui après, bon, pourront avoir des passés très, très
lourds.
Je répète,
j'étais à cette soirée pour aider la
YWCA pour les... Vous savez qu'ils ont 60 femmes en hébergement à tous les soirs, et la plupart ont des passés qui
ressemblent à ce que je viens de décrire, et ça peut aller jusqu'à
l'itinérance, etc. Alors, oui, il faut
faire de la recherche, oui, le Secrétariat
à la condition féminine a lancé un appel d'offres, oui, il y a eu une recherche qui a été entamée...
• (11 h 30) •
Une voix : ...Université de
Sherbrooke.
Mme David : ...et on me dit,
là, que c'est à l'Université de Sherbrooke, je suis très contente, il y a
différentes universités qui s'intéressent à cette question-là,
et puis, oui, effectivement, il
faut documenter. Il faut toujours
documenter, la recherche sert à ça,
et on appuie la recherche, il faut appuyer la recherche. Là, on ne partira pas dans
la recherche, mais je vous dirai quand même
qu'on a mis 180 millions de plus pour les fonds de recherche dans les cinq
prochaines années, c'est très, très
bien accueilli par les différents universités et collèges, puis il faut en faire de plus en plus, de la recherche. Alors, oui,
je vous remercie de vous intéresser à ce sujet qui est un des, on pourrait
dire, sous-sujets de toute cette question
des agressions et des violences à caractère sexuel.
Quand vous me parlez d'Un Québec fou de ses
enfants, c'était un collègue à moi, Camil Bouchard, il était professeur de psychologie lui aussi, il a écrit ce
livre avant d'entrer en politique, et ce livre qui a fait vraiment époque
et auquel on s'est référés longtemps parce
qu'il disait des choses importantes sur les conséquences de bonnes ou de moins
bonnes actions qu'on porte vis-à-vis nos enfants, et la question de la
prostitution en est une.
Est-ce qu'il
y a différents lieux où il faut en parler? Plus on en parle, plus c'est
important, je vais être d'accord avec
vous là-dessus. Moi, je ne me prononcerai pas sur un véhicule plutôt qu'un
autre. Commission parlementaire, il y a plein d'initiatives qui se font avec le ministère
de la Sécurité publique, il y a des initiatives avec le ministère de la
Justice. Encore une fois, c'est un
peu comme les délais de prescription, puis la ministre de la Justice... Oui, je
peux sensibiliser les gens, mais,
vous le savez, une commission parlementaire est relativement souveraine dans
les sujets qu'elle veut traiter.
C'est un
sujet fort important, je vous remercie de le porter. Parce que chacun, on peut
décider... parce qu'il y en a tellement,
de causes. Bon, pour une raison qui est la vôtre, et que je respecte, et que je
salue, vous portez cette cause-là, j'en
suis. Vous avez vu qu'on a beaucoup de causes qu'on pourrait porter toutes les
deux sur plein d'enjeux. Alors, si la commission parlementaire veut s'y
pencher, elle peut s'y pencher. On pourra voir avec les gens de la commission
parlementaire, mais ils sont souverains dans, quand même, leurs décisions.
Le Président (M. Bourgeois) :
Merci, Mme la ministre. Je cède maintenant la parole à la députée de Fabre.
Mme Sauvé : Merci, M. le
Président. Alors, je veux remercier également la collègue de Repentigny pour sa
préoccupation, sa sensibilité par rapport à
ça, parce qu'effectivement, je dirais, on a parlé d'ouragan social, c'est un
fléau social, et il faut continuer
toujours, toujours d'y travailler, même s'il y a des initiatives
gouvernementales excessivement importantes
et beaucoup d'actions, aussi, multidisciplinaires, je dirais, qui sont sur le
terrain. Je veux donc vous parler de
tout ce qui se fait en matière... et ce qui se fera aussi, autant pour la
prévention... D'ailleurs, la ministre dit ceci : Pour contrer les violences sexuelles mais aussi le
problème de l'exploitation sexuelle, ça prend de la prévention. La prévention,
prévention, il faut y être beaucoup. Mais il
y a l'action, aussi, déterminante qui est celle où les acteurs principaux
travaillent ensemble et sortent de leurs secteurs pour être dans une
solution concertée.
Je veux
parler aussi de l'aide à la sortie. Et ça, c'est très important aussi, parce
qu'il y a l'aspect de la prévention, mais
il y a la sortie de la prostitution. C'est très fragile, hein, toute cette
démarche-là, que ce soit une jeune fille ou un jeune garçon qui souhaite sortir de cette réalité-là, il y a des
rechutes, il y a une fragilité, ça prend un accompagnement. Et tantôt quand je parlerai des solutions
concrètes qui font partie de la stratégie, on verra qu'il y a l'éventualité
d'ajout de personnes-ressources.
Alors, c'est important, ça, ces solutions concrètes là, dans l'accompagnement
et l'intervention, entre autres aussi pour la sortie de la prostitution
et, évidemment, la lutte au proxénétisme.
Ça a été mentionné plus tôt, au Canada — c'est
épouvantable quand on regarde ça, hein, la statistique — la moyenne d'âge d'entrée dans la prostitution se
situe entre 14 et 15 ans. C'est vraiment épouvantable. Et c'est présent partout
au Québec, c'est présent dans toutes les
régions, divers contextes, des contextes insoupçonnés. Et je vous en parlerai
d'un, contexte, tantôt, mais il ne
faut pas sous-estimer l'ampleur de ce
phénomène-là et les lieux et places où il y a
une émergence. Comment on arrive à
contrer ça, prévenir, soutenir? Bien, évidemment, par les solutions concrètes, puis elles sont nombreuses. Mais c'est important
de les nommer, ces solutions concrètes là qui sont au coeur de la stratégie gouvernementale parce qu'on y voit, là, l'aspect multiacteur.
Alors, il y a
un programme de prévention, entre autres, et d'intervention qui va être mis en
place et qui va soutenir les partenariats locaux, fort important, des outils,
des activités, des offres de formation, l'intervention policière intensifiée, une concertation nouvelle de lutte contre
l'exploitation sexuelle des enfants sur Internet, du DPCP, qui va voir le jour,
un projet pilote pour avoir des personnes-ressources pour la sortie de la prostitution, comme je l'ai nommé, une nouvelle coordination de la lutte contre la traite
des personnes et des réseaux, une équipe policière intégrée de lutte contre
l'exploitation sexuelle, un guide d'enquête,
une formation aux procureurs, la production et diffusion d'un
répertoire de ressources communautaires, mieux connaître ce qui se fait
et qui n'est pas suffisamment connu, alors, il y a aussi un projet pilote avec les intervenants du CAVAC au sein du Service
des enquêtes spécialisées du Service de police de la ville de Montréal, bref, une multitude de solutions très terrain,
très concrètes, des pratiques gagnantes. Il faut continuer l'effort,
mais il y a des idées excessivement importantes, et il faudra toujours,
toujours y travailler.
Alors, je
veux vous parler, et j'ai peu de temps... Moi, je peux vous dire que, dans mon
expérience de vie précédente, j'ai eu
à gérer une situation de crise où, dans les propres murs de mon organisme, j'ai
eu un jeune homme qui est arrivé, qui
était en activité et qui se préparait à faire du recrutement de jeunes filles.
J'ai eu à vivre ça et, je peux vous dire, j'en parle encore aujourd'hui avec beaucoup d'émotion parce que ça a été une
gestion de crise. Et on ne s'est pas demandé qui fait quoi, et tout ça, on a travaillé ensemble avec le
centre jeunesse, avec la police de Laval, avec les organismes communautaires
qui avaient l'expertise. On a travaillé à la
prise en charge du jeune homme, et on a travaillé à l'accompagnement des jeunes
filles, et on a réussi à résorber la situation, mais ça a été un travail
instantané de concertation.
Alors, oui,
il y a des solutions, mais, encore une fois, ne minimisons pas le travail réel
qui se fait déjà sur le terrain dans
la prévention et l'accompagnement. Le gouvernement du Québec est là dans cette
sensibilité-là à reconnaître, et sa stratégie inclut un volet unique
pour lutter contre l'exploitation sexuelle. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, Mme la députée. Je cède
maintenant la parole à la députée de Marie-Victorin.
Mme Fournier :
Merci, M. le Président. Tantôt, dans sa réponse, la ministre de la Condition
féminine a abordé la question de la
violence conjugale, qui était justement un sujet que je souhaitais aborder plus
en profondeur aujourd'hui. On a parlé
des maisons d'hébergement pour femmes, et j'ai eu l'occasion, il y a quelques
semaines, de pouvoir rencontrer plusieurs
de leurs représentantes ici même, à l'Assemblée nationale, dans le cadre d'un
point de presse que j'ai donné avec
mon collègue Alexandre Cloutier, qui est d'ailleurs le porte-parole des hommes
alliés, donc le manifeste des hommes contre la violence faite aux
femmes, que j'invite d'ailleurs tous les hommes présents dans la salle à
signer. Donc, les maisons d'hébergement pour femmes s'inquiétaient alors du
renouvellement du plan d'action en matière de violence conjugale, plan d'action
qui avait été amené par ma collègue députée de Taschereau en 2012 lorsque nous
étions au gouvernement, donc le plan d'action 2012‑2017, qui vient à échéance
le 6 décembre prochain, et donc les groupes se demandaient ce qui arrivait avec ça. Par la suite,
à la période de questions, la ministre m'avait répondu qu'ils allaient s'en
occuper, que les groupes allaient être
rencontrés, d'ailleurs, ce que je souligne, parce que je sais que les maisons
d'hébergement pour femmes ont
effectivement été consultées récemment, donc, ça, c'est un bon pas, c'est une
bonne chose. Mais où en est-on? Est-ce qu'on va pouvoir avoir le plan
d'action rapidement?
Parce qu'il
faut se rappeler que le plan d'action 2012‑2017 comportait trois axes : un
axe de prévention, un axe de
dépistage et un axe d'intervention. Il y avait aussi une campagne, donc, de
sensibilisation qui était prévue dans le plan d'action, mais qui n'a pas été réalisée par le présent gouvernement
lorsqu'il est arrivé au pouvoir. Donc, je me demande est-ce que cet aspect-là va être inclus dans le
nouveau plan d'action. Et j'espère de tout coeur, donc, qu'une campagne de sensibilisation importante soit déployée, parce
que c'est encore un fléau qui touche énormément de femmes. On dit qu'il y a une femme sur quatre qui va être victime
de violence conjugale dans sa vie, alors ça rappelle l'importance de cet
enjeu-là.
Alors, qu'en
est-il maintenant? J'aimerais entendre la ministre sur la question. Et quels moyens aussi seront accordés à cette politique — parce que, on l'a dit, l'argent, c'est bien sûr le
nerf de la guerre — puis sur
le plan d'action, aussi, en matière de violence conjugale? Je sais
qu'aux dernières études des crédits — la ministre de la Condition
féminine ne portait pas encore ce chapeau, et moi non plus, je n'étais pas
encore porte-parole en condition féminine — la députée d'Anjou—Louis-Riel, qui est maintenant la ministre de
l'Habitation, s'était engagée à ce qu'à chaque fois qu'il y ait un plan d'action qui est coordonné par le Secrétariat
à la condition féminine, bien, que le ministère puisse rendre publiques
les fiches de suivi des ministères, là, afin que tous puissent obtenir
l'information. Mais on se rend compte qu'en date aujourd'hui les fiches, donc, de suivi ne sont toujours pas disponibles,
donc qu'est-ce que la ministre entend faire là-dessus? Merci.
Conclusions
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, Mme la députée. Maintenant,
nous en sommes rendus aux dernières interventions. Mme la ministre, vous
avez la parole pour 10 minutes.
• (11 h 40) •
Mme David : 10 minutes?
Le Président (M. Bourgeois) :
Oui.
Mme Hélène David
Mme David :
Mais c'est les remarques finales, là, je ne réponds pas à madame, c'est ça? Ah!
excusez. Mais je vais lui répondre, c'est un sujet trop important que je vais
donc inclure dans ma clôture. Parce que, excusez, j'étais dans l'idée
qu'on continuait nos échanges. Le temps passe vite, mais je trouve que c'est un
sujet extrêmement important.
Ce matin
même, d'ailleurs, a eu lieu le déjeuner pour les hommes. On a émis un beau
tweet là-dessus. J'étais avec Mme Monastesse
lundi après-midi dans une maison d'hébergement. C'est là que j'ai passé
2 h 30 min avec elle, et la directrice de la maison, et d'autres personnes, pour
vraiment, vraiment discuter de tous les enjeux de violence conjugale, et il y
en a beaucoup, et j'ai eu l'occasion
de le dire un peu précédemment, les nouveaux enjeux de violence conjugale, les
nouveaux enjeux.
Et, puisque
vous parlez de stratégie, effectivement elle se termine bientôt. Et j'étais
allée les rencontrer quand ils sont
venus ici, et c'est sûr qu'on est déjà au travail pour la prochaine stratégie
et que, me connaissant moi-même, là, je me parle à moi, et je n'ai pas l'intention de rester inactive sur... mettre
les deux mains à la pâte moi-même dans cette nouvelle stratégie, parce qu'il n'y a rien de plus
important pour moi que d'entendre moi-même les gens et d'aller sur place,
d'aller sur le terrain. Et donc on va
très rapidement se mettre au travail pour la nouvelle stratégie pour contrer
les violences conjugales.
Ces
violences-là peuvent avoir changé de nature, peuvent avoir changé de culture,
j'oserais dire, peuvent avoir changé
dans les formes, mais, sur le fond, il reste qu'il y a un problème sérieux
encore de violence conjugale. Et, comme j'ai dit, cette violence ne vient pas seule, il y a beaucoup de victimes
collatérales, dont les enfants, évidemment, et qui sont dans les refuges
avec leurs mères. Et j'ai visité des chambres, là, il y avait une chambre avec
une dame et cinq enfants. Alors, imaginez le
lit est là, il y a trois autres lits là, puis il y a deux autres lits dans une
autre petite pièce, un tout petit
évier, et c'est son nouveau lieu de vie. Mais probablement que, pour cette
personne-là, évidemment, on veut que ça ne soit qu'une transition, que ça ne dure pas trop longtemps, mais il y
a un accompagnement extraordinaire qui se fait. Moi, je salue les femmes
qui travaillent dans ces centres-là jour après jour, parce qu'il n'y a pas de
petite situation, il n'y a pas de situation
banale, parce que ce n'est vraiment pas un caprice d'aller dans un centre
d'hébergement et ce n'est pas un
caprice d'aller dans un YWCA, ce n'est pas un caprice d'être prostituée. Tous
les sujets qu'on touche sont des sujets très importants pour notre
société.
On parle
beaucoup de la fierté de nos actions dans toutes sortes de matières au Québec,
l'innovation, la recherche, l'éducation,
on a parlé beaucoup d'enseignement supérieur, on parle de l'éducation des
jeunes, mais ici on est ici, tous et
toutes, en politique pour dire qu'est-ce qu'on peut faire de plus, qu'est-ce
qu'on peut faire de mieux. On ne peut pas seulement dire : On est bons, il
faut qu'on dise qu'on est ici pour rendre des services au public. Je pense qu'on est tous et toutes ici pour
ça. Les façons peuvent différer, mais on a tous la même motivation.
Et
certainement qu'ici ce qui nous réunit ce matin, ce sont les violences à
caractère sexuel sous toutes leurs formes. On a terminé avec les violences conjugales, on est allés par le
proxénétisme, les jeunes filles et jeunes garçons dans la prostitution, on a parlé, évidemment, des violences dans les collèges, dans les universités, mais des
dénonciations en milieu de travail, des campagnes
actuelles, donc, des mesures en sécurité publique, des mesures en justice, des
mesures dans le milieu de travail — parce
que ça, on n'en parle peut-être pas assez, quoique là, il y a des dénonciations
qui en parlent beaucoup,
mais il faut penser au milieu de travail — et
on a parlé d'éducation sexuelle. Et je pense que c'est un ensemble
qui est très, très important, ce n'est pas seulement une mesure. Alors,
oui, il faut supporter ces mesures-là, puis on les supporte par... je ne veux pas revenir sur
des chiffres, là, mais tout ce qu'on a mis sur les stratégies
d'intervention en matière d'agression
sexuelle, sur les projets de recherche, sur le PSOC, pour soutenir les maisons
d'hébergement, le soutien à la
mission, le soutien aux projets aussi. Mais le fait que nous parlions de
l'ensemble de ces sujets-là, ça veut dire que, peut-être, peut-être,
tous ensemble, on va faire vivre un peu cet énorme dossier de la condition
féminine.
Vous n'étiez
pas là, moi non plus, ça ne fait donc pas très longtemps... ni l'une ni
l'autre, mais je pourrais dire, dans
ce qui me concerne, que ça fait plus longtemps que vous, de toute évidence, ne
serait que les générations différentes... C'est un sujet qui m'habite au plus haut point, et je m'aperçois de
l'immense privilège mais responsabilité aussi qui est la mienne d'essayer de faire avancer tous les
dossiers avec tous les collègues. Quelque part, c'est très stimulant, mais il
faut qu'on en parle tous ensemble
pour que tous les collègues, vos collègues, mes collègues, priorisent ces
dossiers-là. Parce qu'il y a beaucoup
de dossiers à prioriser dans la vie, mais ceux-là, ce sont des dossiers, comme
l'éducation, des dossiers de base qui
font en sorte qu'on veut que nos jeunes ne passent pas par une enfance et une
adolescence qui vont faire en sorte que leur vie va être hypothéquée
pour le restant de leurs jours.
• (11 h 50) •
Il y a eu des
années où on parlait beaucoup plus d'inceste. On n'a pas prononcé le mot une
seule fois aujourd'hui. Est-ce un
signe des temps? Est-ce parce qu'il y a eu énormément de travail de fait du
côté de l'inceste, dont on ne parlait pas
avant, mais pas du tout? Les questions de violences à caractère sexuel, ça, en
milieu de travail, c'est tellement plus nouveau qu'avant qu'on en parle officiellement les normes du travail ne
prévoient pas une ligne spéciale pour les violences, le harcèlement sexuel. C'est le harcèlement
psychologique qui couvre tout ça. Je le sais parce que, quand j'étais dans le
milieu universitaire, les gens me disaient,
dans les bureaux de prévention : Il faudrait qu'il y ait une séparation du
harcèlement psychologique, du harcèlement sexuel, ça ne se traite pas de la
même façon. Vous avez vu le reportage hier à Radio-Canada, ils sont traités sous le couvert du harcèlement
psychologique. Est-ce que c'est la bonne façon? Est-ce qu'il faut réfléchir à ça? Alors, voilà une bonne
question pour une ministre du Travail, et je sais qu'elle se la pose et qu'elle
est très sensible. Donc, voilà des sujets
qui n'étaient pas très, très populaires avant et qui, là... avec cet ouragan
social, on le répète, les femmes se
mettent à parler. Et, comme j'ai dit hier, la peur a peut-être changé de côté
un petit peu et que ceux qui, tout comme l'inceste, je pense, où il y avait une
sorte d'invulnérabilité, d'impunité... il ne se passera jamais rien, je ne serai jamais découvert, bien, je pense
que, là, il va y avoir un changement de culture profond par rapport à des gens au pouvoir, peut-être plus masculins à date,
c'est pas mal des exemples plus masculins, que ça soit envers des hommes ou des femmes, d'ailleurs, où ils vont se sentir un
peu moins invulnérables dans l'exercice de leur pouvoir, parce qu'il y a
souvent un lien entre pouvoir et violences à caractère sexuel,
malheureusement.
Alors moi, je tiens à vous remercier de vous
intéresser à ça. J'oserais dire : Laissez-moi pas tomber dans les prochains mois. Je pense qu'il faut que tous
ensemble, on continue, mes collègues qui sont là aussi et qui s'intéressent à
ça. Ça prend un village pour élever
un enfant. Ça prend une société pour changer des pratiques et pour accepter, tel que mon
collègue le disait, qu'il y a des réalités difficiles, il y a des
réalités qu'on ne veut pas voir et que c'est tellement plus facile de ne pas
penser à la prostitution juvénile, à la violence conjugale, à l'inceste, à
toutes ces violences, petites, moyennes et
grandes, qui n'ont d'adjectif petit, moyen ou grand que dans notre tête à nous,
pragmatique. Mais, dans la tête d'une femme, d'un enfant qui vit ça, ça peut
être un immense traumatisme pour ce qui, nous, pourrait bêtement être
catégorisé de petite violence, donc il n'y a pas de petite violence.
Et je pense qu'on doit absolument avoir en tête
que ce qu'on fait aujourd'hui, ce qu'on fait depuis quelques semaines, ce que
vous faites même depuis plusieurs mois... moi, j'étais dans d'autres dossiers,
mais je n'en pensais pas moins sur
l'importance de ces sujets-là, mais il faut qu'on continue à travailler tous et
toutes ensemble. Alors, je vous
remercie de cette interpellation, parce
que ça permet de mettre ça dans
l'agenda, je dirais, politique — c'est
plate à dire, mais c'est ça — l'agenda
politique des priorités de toute l'Assemblée nationale. On a voté une motion ensemble, je me suis
engagée à donner suite à cette motion. Le
forum est dans la suite de cette motion. Ce forum est même dans la suite de la
stratégie pour contrer les violences à caractère sexuel, c'est même la motion, ou
l'article, ou l'action n° 55. Et donc je pense
qu'on va... avec ça, tous ensemble, j'ose croire qu'on va arriver à quelque
chose de très, très intéressant.
Le Président (M. Bourgeois) : Merci,
Mme la ministre. Et je cède maintenant la parole à Mme la députée de Repentigny,
également pour une période de 10 minutes.
Mme Lise Lavallée
Mme Lavallée : Merci,
M. le Président. Je reviendrai avec
les quatre propositions que j'ai annoncées dès le début de l'interpellation. Donc, l'importance pour moi d'implanter des
cours d'éducation à la sexualité dans toutes les écoles dès le
début de la rentrée scolaire 2018, pourquoi? Parce que
l'éducation sexuelle, c'est la base de tout. C'est notre
travail en amont qui va faire peut-être
qu'un jour on va parler moins de violence
conjugale, moins d'agression sexuelle et moins de prostitution juvénile. Quand on parle de cours d'éducation sexuelle, ce qui devrait être inclus dans le cursus de ces cours-là, c'est de traiter des sujets comme les
relations saines, la pornographie versus la sexualité dite normale,
l'importance de comprendre ce que
veut dire un non, le respect, la prostitution et les formes de recrutement, la
pédophilie, l'inceste et tout autre
sujet important. Et je rappellerai que 80 % des femmes prostituées ont été abusées durant leur enfance.
C'est un point qui est commun. Elles ont été victimes d'inceste, de viol,
d'agression sexuelle par un proche, un ami, un membre de
la famille. Donc, cette agression-là dans leur parcours, au tout jeune âge, a changé leur façon de voir leur
rapport à leur corps. Et c'est pour ça que c'est important d'intervenir très
jeune sur des sujets aussi percutants.
Je reviens
sur le dossier de la lutte aux violences sexuelles, et au fameux forum, et à
l'investissement de 1 million. Oui,
on ne critique pas et on salue cet investissement-là, puis je pense que les
organismes étaient contents, mais, oui, depuis plusieurs années, il y a un problème de financement récurrent, et ça a
été dit dans les commissions parlementaires en 2015. Votre équipe ministérielle le sait, ça, elles
étaient là dans les forums. Et ma crainte à moi, c'est qu'on leur fasse répéter
la même chose et qui serait une perte de temps, parce qu'elles sont déjà
débordées. Parce que le 1 million que vous leur avez donné, ils éteignent des feux, et ce que ça a fait aussi, il faut
se le rappeler, c'est que les femmes qui sont dans les listes d'attente ont eu peur que cet
investissement-là que vous leur avez donné fasse en sorte que les nouveaux cas
qui appellent dans ces centres-là soient prioritaires à celles qui
étaient sur les listes d'attente. C'est ça que ça a créé, cette peur-là. Et naturellement qu'à chaque fois qu'on
médiatise les agressions sexuelles, mais les femmes qui sont sur les listes
d'attente, bien, ça ramène tout, ça rebrasse tout ce qu'elles ont vécu, et
donc, pour eux autres, elles sont prioritaires. Donc, c'est toujours de faire attention à l'impact. On
le fait de bonne foi, on veut que ça ait un succès, mais des fois ça crée, des
fois, plus de problèmes qu'autre chose.
Donc, moi, c'est ma peur, c'est qu'on refasse cet exercice-là, mais qu'on
arrive encore au même résultat puis qu'on ne réponde pas aux
organisations.
Concernant
mettre fin au délai de prescription, oui, je suis consciente que la ministre de
la Condition féminine ne peut pas
régler les cours d'éducation sexuelle dans les écoles, ne peut pas régler le
problème des délais de prescription, mais
vous êtes à la défense des femmes, et je compte sur vous. Et je suis certaine
que vous êtes capable de beaucoup de persuasion
pour convaincre vos collègues de régler ça. Ce n'est quand même pas gros, mais ça
peut faire toute la différence dans la vie des femmes. Donc, c'est un
petit paragraphe qui change tout.
Et je veux
finir avec le dossier de la prostitution juvénile, parce que, pour moi, j'ai
mis énormément de temps tout au long de l'été, j'ai passé mon été sur ce
sujet-là et je veux vraiment que le gouvernement prenne ce dossier-là à bras-le-corps. L'Organisation internationale du travail
disait que la traite à des fins d'exploitation sexuelle rapportait, au Canada seulement, environ 400 millions de dollars
US, donc c'est énormément d'argent. Dans le rapport qui a été fait par
Mmes Sandrine Ricci, Lyne Kurtzman et Marie-Andrée Roy, La traite des
femmes à des fins d'exploitation sexuelle, il y a énormément d'information.
Ça a été fait en 2012, mais c'est un bijou. Et là-dedans on parle de ce que les
filles, nos filles, subissent. Donc — je vais y arriver — on parle qu'on séquestre les jeunes filles,
qu'on les roue de coups, on les
agresse sexuellement, elles subissent des représailles. Les proxénètes les tatouent
pour indiquer à qui elles appartiennent. C'est grave, ça. Et on les transforme physiquement : on leur
fournit des prothèses mammaires, on exige qu'elles perdent du poids, la décoloration des cheveux,
l'épilation, bronzage. C'est effrayant. On traite ces femmes-là de marchandise
et de denrées périssables, parce que,
quand elles sont trop vieilles, on passe à un autre appel ou, si elles sortent
de la prostitution, ce n'est pas
grave, les proxénètes ne courront pas après, ils vont en prendre une nouvelle.
C'est des jeunes filles qui sont prises
dans ces réseaux-là. Et, on parle de la traite des femmes, Patrice Carrier, de
la section du SPVM, disait qu'on est la seule province à exporter nos filles vers le reste du Canada, parce
qu'on ne les garde pas ici, elles sont mineures, elles ne veulent pas se faire
prendre, donc le proxénète les amène ailleurs. Elles ne parlent pas l'anglais,
on leur enlève leur argent, on les enferme dans des chambres, et là
c'est un après l'autre, après l'autre, après l'autre. C'est grave.
Moi, pour
moi, je veux vraiment que le gouvernement prenne ce dossier-là à bras-le-corps.
Mme Dufour, qui est là, le souhaite ardemment. Je suis en train de lire sa
bible. Je n'ai pas fini la lecture, c'est énorme. Mais je pense qu'il y a
des femmes qui s'impliquent dans ce
dossier-là. Mme Dufour n'est pas payée lorsqu'elle s'implique dans son
organisation, et c'est parce qu'elle
aime les femmes et parce que des organismes comme la CLES, comme le RQCALACS
s'impliquent sur ces dossiers-là...
Le Conseil du statut de la femme a fait un rapport extraordinaire sur la
prostitution juvénile, et, pour moi, c'est un dossier que j'ai
l'intention de défendre et de ne pas laisser tomber. J'ai présenté un mandat
d'initiative, malheureusement on m'a dit non.
J'ai présenté deux motions pour redemander une commission parlementaire, on m'a
dit non. J'ai questionné le ministre à
l'autre session, on m'a dit non. Mais je vais continuer malgré les non qu'on me
dit parce que, pour moi, on doit
sauver ces jeunes filles là qui sont prises dans ces réseaux-là, et c'est le
défi que je me donne le temps que je vais avoir le dossier de la
condition féminine.
Et je compte
sur vous parce que je suis assurée, vous m'avez convaincue, que vous étiez
touchée par ce dossier-là. Et je
compte sur vous, et j'espère que ce forum-là ou cette commission parlementaire
là aura lieu d'ici la fin de la présente législature. Je compte sur vous, et vous m'avez inspiré vraiment
confiance durant l'interpellation. Je suis très contente d'avoir demandé cette
interpellation-là parce que je pense que je considère que vous démontrez
beaucoup de bonne foi. On va voir la
suite des choses. Mais je vous remercie, je remercie les gens qui ont participé
à ce travail-là. Et je compte aussi
sur l'équipe ministérielle qui est derrière, qui font un travail, qui ont
assisté à toutes ces commissions-là, ces forums, ces consultations dans les années passées. Mais je pense que, par
moments, il faut passer à l'action. Il y a des choses dont on est sûrs
que les gens veulent.
Et, lorsque
vous avez parlé tout à l'heure des personnes handicapées, justement, en
commission parlementaire, en 2015, il
y a eu, bon, des gens qui ont représenté des femmes autochtones du Québec, il y
a eu le Conseil québécois LGBT, il y
a eu le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada, le Centre de
ressources et d'intervention pour hommes abusés sexuellement, il y a eu
la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et
immigrantes. Moi, j'ai peur, par le nouvel exercice, qu'on redemande aux gens
de redire les mêmes choses et qu'à ce moment-là
elles craignent qu'on arrive au même résultat. C'est ma peur. Mais je fais
confiance à la ministre, j'ose espérer qu'on va vraiment arriver avec
des vraies actions après le forum que vous allez faire. Je vous remercie
beaucoup.
Le
Président (M. Bourgeois) : Merci, Mme la députée, et merci à
l'ensemble des parlementaires pour la qualité des échanges, qui se sont
faits dans un respect, j'oserais dire, exceptionnel.
Et, compte tenu de
l'heure, je lève la séance de la commission ayant accompli son mandat, qui
ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 heures)