(Neuf
heures trente-sept minutes)
Le Président (M.
Matte) : Je voudrais vous souhaiter un bon matin à tous.
Une voix :
...
Le Président (M.
Matte) : Pardon?
Une voix :
...
Le
Président (M. Matte) : Oui,
c'est vrai. Donc, le point à l'ordre, il a été fait, s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je
déclare la séance de la Commission
des relations avec les citoyens
ouverte. Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils
électroniques.
La
commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de
loi n° 115, Loi visant à lutter contre la maltraitance envers
les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.
Mme la secrétaire, est-ce
qu'il y a des remplaçants?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Plante (Maskinongé) est remplacé par Mme Melançon
(Verdun) et Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par M. Paradis
(Lévis).
Le Président (M.
Matte) : C'est bien. Je vous remercie. Oui, Mme la ministre.
Mme
Charbonneau :
J'attendais que vous me donniez la parole, M. le Président. J'aimerais, si
c'est possible, vous remettre les
orientations ministérielles relatives à l'utilisation des caméras et autres
moyens technologiques pour des fins
de surveillance dans les établissements exploitant une mission dans les centres d'hébergement et de soins de longue
durée, donc les CHSLD. Si vous me permettez, je vais vous les remettre à vous.
Le Président (M.
Matte) : C'est un dépôt que vous faites.
Mme
Charbonneau : C'est un dépôt que je vous fais pour pouvoir le
donner à mes collègues qui, hier, nous disaient qu'ils avaient un grand intérêt. Puis je me suis
un peu fait jouer un tour. Alors, ce matin, je me suis dépêchée pour les avoir.
Document déposé
Le Président (M. Matte) : Donc, à titre de président, j'accepte le dépôt,
et on va faire la distribution immédiatement.
M. LeBel :
M. le Président.
Le Président (M.
Matte) : Oui.
M.
LeBel : D'abord,
pour partir sur une bonne note, je souhaite la bienvenue à la députée de
Verdun. C'est la première fois qu'on la voit. Et félicitations pour
votre campagne, c'est le fun de vous voir là. On a un parcours qui se
ressemble, d'attaché politique, de conseiller, et je suis content de vous voir.
L'autre élément, par exemple, c'est un peu
dommage qu'hier, dans les médias, on parle des intentions réglementaires, et, ce matin, on nous les dépose. Je veux juste
dire que j'ai un malaise avec ça, que les médias aient eu ces règlements-là,
ces intentions, avant nous autres. Ce matin, c'est pour ça que je suis arrivé un peu plus tard, les médias me posent
des questions là-dessus, sur un document que je n'ai pas et qu'eux autres ont, et c'est un
peu, comme dirait l'autre, malaisant. Merci.
• (9 h 40) •
Le
Président (M. Matte) : Donc,
on ne s'étirera pas plus, là, sur le sujet, mais ce qui est important, c'est
que les dépôts... La ministre
avait pris un engagement de les déposer le plus rapidement possible,
et ce qu'elle a fait ce matin.
Auditions (suite)
Ce matin, nous entendons les groupes et
organismes suivants : la Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec, la Commission des droits de la personne et des droits de
la jeunesse, la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection juridique
des aînés de l'Université Laval et le Barreau de Québec.
Compte tenu que la commission débute ses travaux avec un peu de retard, je vous
demande, là, le consentement pour qu'on puisse poursuivre au-delà de
l'heure prévue. Il y a consentement?
Je vous rappelle que le temps d'exposé pour le gouvernement
est de 16 min 30 s; l'opposition officielle, de 10 minutes et le
deuxième groupe de l'opposition, de 6 min 30 s.
Sans plus
tarder, je souhaite la bienvenue à la Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec pour 10 minutes. Veuillez, s'il vous plaît,
vous présenter ainsi que la personne qui vous accompagne.
Confédération des
organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
Mme Vézina (Véronique) : Merci, M.
le Président. Bonjour aux membres de la commission. Mon nom est Véronique
Vézina, je suis présidente de la COPHAN. J'ai avec moi Camille Desforges, qui
est chargée de projets à la COPHAN.
Donc,
d'entrée de jeu, je vais vous présenter brièvement la COPHAN. On est un
organisme d'action communautaire autonome
qui a pour mandat de défendre les droits des personnes qui ont des limitations
fonctionnelles et de leurs proches. Nous regroupons plus de
60 organismes et regroupements nationaux et régionaux de personnes ayant
tout type de limitations.
Le mémoire
qu'on dépose aujourd'hui fait suite à un avis qu'on a déposé en mai 2016, dans
le cadre d'une consultation menée par
le Secrétariat des aînés, au sujet du plan d'action gouvernemental pour contrer
la maltraitance envers les personnes aînées. Dans cet avis, nous
revendiquions l'étendue du plan d'action aux personnes ayant des limitations
fonctionnelles de tous les âges.
L'inclusion,
dans le titre du projet de loi n° 115, de toute personne majeure en
situation de vulnérabilité nous laissait croire que cette préoccupation, qui s'inscrit dans les priorités
d'intervention gouvernementale de la politique À part entière, soit
celle d'agir contre toute forme d'exploitation, de violence et de maltraitance,
avait été considérée.
Malheureusement,
à la lecture du projet de loi, nous ne pouvons qu'en venir à la conclusion que
les personnes ayant des limitations et leurs proches en sont en grande
partie exclus, que la préoccupation des personnes en situation de vulnérabilité n'apparaît que dans son titre. Par
sa portée limitée, à vocation principalement institutionnelle, le projet
de loi nous paraît être en contradiction
avec la volonté du gouvernement de favoriser le maintien à domicile des
personnes qui ont des limitations et
des personnes aînées, tel qu'indiqué
dans la politique de soutien
à domicile, Chez soi : le premier choix, et la politique Vieillir
et vivre ensemble — Chez
soi, dans sa communauté, au Québec.
En effet,
l'absence de dispositions visant à lutter contre la maltraitance de la vaste
majorité des personnes aînées et des personnes ayant des limitations qui
vivent à domicile en dit long sur la considération qui est accordée par le gouvernement à ces dernières. Il nous semble
incohérent que les principales mesures prévues par le projet de loi n° 115
n'adressent pas la problématique de la maltraitance à domicile alors même que
le gouvernement met de nombreuses mesures en place pour encourager ces
personnes à demeurer chez elles le plus longtemps possible.
Aussi,
l'absence de reconnaissance de la nécessité d'adopter une approche globale de
lutte contre la maltraitance des
personnes ayant des limitations, comme c'est jugé nécessaire pour les personnes
aînées, nous laisse sceptiques quant à la véritable volonté du gouvernement de lutter contre la maltraitance de
toutes les personnes en situation de vulnérabilité.
Enfin,
l'absence de dispositions claires en matière de dénonciation obligatoire pour
envoyer un message fort pour contrer
la maltraitance est regrettable. Pourtant, le projet de loi n° 399, Loi
visant à enrayer la maltraitance des personnes vulnérables hébergées dans le réseau de la santé et des services
sociaux, déposé en 2013 et mort au feuilleton, contenait des dispositions en matière de dénonciation des
situations de maltraitance. Il introduisait notamment l'obligation, pour
tout professionnel de la santé ou employé d'un établissement, d'effectuer un
signalement à la personne responsable dès qu'il
y avait des motifs raisonnables de croire qu'une personne visée par la loi
faisait l'objet de maltraitance. Reprendre de telles dispositions et même les élargir pour que leur application ne se
limite pas au réseau de la santé et des services sociaux enverrait un
message clair : Au Québec, de tels actes de maltraitance ne seront plus
tolérés.
Mme
Desforges (Camille) : Donc, maintenant, je vais maintenant procéder à
l'analyse de certaines dispositions du projet de loi n° 115.
Certaines définitions nous semblent problématiques. Le terme «maltraitance»,
tel que défini à l'article 2, deuxième
paragraphe, devrait être amendé. Cette définition nous apparaît difficile à
appliquer dans les faits. La COPHAN
propose que la définition de «maltraitance» soit remplacée par la définition
suivante : un geste singulier ou répétitif
ou un défaut d'action appropriée qui cause ou est susceptible de causer du tort
ou de la détresse à une personne.
Ensuite, l'expression «personne en situation de
vulnérabilité», à l'article 2, paragraphe 3°, est qualifiée par la capacité à demander ou à obtenir de l'aide. Le
document de consultation du Plan d'action gouvernemental pour contrer la
maltraitance envers les personnes aînées
définissait, quant à lui, les facteurs de vulnérabilité ainsi : les
caractéristiques personnelles de la personne aînée qui peuvent faire en sorte
qu'elle sera plus sujette à vivre de la maltraitance.
Entendu que
la capacité restreinte d'une personne à demander ou à obtenir de l'aide est un
facteur de vulnérabilité, la
COPHAN est d'avis que le projet de loi devrait comporter une définition plus
large de «personne en situation de vulnérabilité» en ligne avec celle proposée
lors de la consultation sur le plan d'action.
Finalement,
l'expression «personne oeuvrant pour l'établissement» au sens du projet de loi est définie à
l'article 2, quatrième paragraphe.
Cette définition n'inclut pas les employés des entreprises
d'économie sociale en aide à domicile et les agences d'aide à domicile privées. Pour
assurer une lutte efficace à la maltraitance, il est nécessaire que la politique s'applique à ces derniers
et que des mécanismes soient mis en place pour que les commissaires aux
plaintes aient la compétence pour traiter les plaintes qui y sont reliées.
Plusieurs
personnes ayant des limitations fonctionnelles choisissent de se prévaloir de
la mesure chèque emploi-service pour l'obtention des services de soutien
à domicile. Les bénéficiaires de cette mesure peuvent embaucher la personne de
leur choix pour leur prodiguer les services de soutien à domicile dont ils ont
besoin. Nos membres nous rapportent que les
CISSS et les CIUSSS n'interprètent pas toujours de la même façon leurs responsabilités par rapport aux actes
de maltraitance commis par les préposés des CES. Le rôle de prévention et d'intervention
de ces derniers en matière de maltraitance à cet effet doit être clairement identifié dans la loi. De plus, des mécanismes
devraient être mis en place pour
s'assurer que les préposés soupçonnés de maltraitance ne puissent
continuer de donner des soins, le temps qu'une décision soit prise par
rapport à la plainte et que des sanctions nécessaires aient été appliquées, le
cas échéant.
Le projet de loi prévoit également l'obligation d'adopter et de mettre en oeuvre une politique
de lutte contre la maltraitance envers les personnes en situation
de vulnérabilité qui reçoivent des services de santé ou des services
sociaux. Mise à part la notion d'obligation,
le projet de loi n'apporte rien de nouveau ici puisque presque
tous les établissements produisent déjà de telles politiques notamment
dans la foulée du plan gouvernemental en matière de lutte contre la maltraitance
des personnes aînées. La maltraitance n'est pas toujours le fait des employés
en contact direct avec les personnes en situation
de vulnérabilité, mais peut être le résultat de décisions administratives ayant un impact
considérable sur la qualité de vie des personnes ou sur leur capacité d'exercer
leur liberté de choix.
La COPHAN insiste pour qu'il soit requis par la
loi que la politique adresse le phénomène de la maltraitance administrative et systémique. La COPHAN salue les
dispositions du projet de loi relatives à la diffusion de la politique
de lutte contre la maltraitance. Cela dit,
afin d'assurer une diffusion efficace, l'information sur la politique et les
différents mécanismes de plainte qui en
découleront doivent être accessibles aux personnes ayant tout type de
limitation. L'ensemble de la
documentation en lien avec cette politique doit faire l'objet de publications
en format accessible et en média substitut.
Plusieurs
personnes résidant dans une ressource intermédiaire ou une ressource de type
familial font l'objet d'un régime de
tutelle ou de curatelle. Les tuteurs et les curateurs devraient être informés
du contenu de la politique de lutte contre
la maltraitance. Donc, par souci de précision, la COPHAN propose d'ajouter, aux
articles 8 et 9, deuxième paragraphe de la politique, «et à leurs
proches tuteurs ou curateurs».
Finalement,
le chapitre III du projet de loi donne à la ministre responsable des Aînés la
responsabilité de lutter contre la
maltraitance envers les aînés de façon plus générale en ne se limitant pas
seulement aux établissements de santé. Il s'agit là d'une approche
globale et systémique que la COPHAN salue.
Toutefois,
nous ne pouvons nous empêcher de constater que les autres personnes en
situation de vulnérabilité, dont les
personnes ayant des limitations fonctionnelles, sont totalement exclues de ce
volet du projet de loi. La COPHAN est convaincue
qu'il y a un besoin réel pour le Québec de se doter d'une stratégie globale de
lutte contre la maltraitance de toutes les personnes en situation de
vulnérabilité et non seulement des personnes aînées.
En outre,
comme il s'agit d'un large enjeu, cette responsabilité ne devrait pas incomber
seulement à la ministre responsable
des Aînés. À tout le moins, le ministère de la Santé et des Services sociaux
devrait être également impliqué.
La COPHAN tient aussi à préciser que nous
appuyons les recommandations présentées par l'Association québécoise de défense des droits des personnes
retraitées et préretraitées compte tenu des ajouts et adaptations
nécessaires pour qu'elles s'appliquent également aux personnes que nous
représentons.
En bref, la COPHAN reconnaît la nécessité de
mieux protéger les personnes en situation de vulnérabilité. Cependant, comme
nous l'avons démontré, nous sommes d'avis que le projet de loi n° 115,
dans son état actuel, ne répond pas à cet objectif.
Le Président (M. Matte) : Je vous
remercie pour votre exposé. Nous allons débuter la période d'échange. Mme la
ministre, la parole est à vous.
• (9 h 50) •
Mme
Charbonneau :
Merci, M. le Président. Mesdames...
(Interruption) Je m'excuse. Bienvenue chez vous.
Merci d'avoir participé à cette consultation et d'être avec nous ce matin pour nous emmener sur un angle un
peu différent. Je vous dis un peu différent parce que les groupes qu'on
a reçus sont principalement des groupes qui
représentaient les aînés ou les résidents dans une institution dite de la
santé. Et vous représentez un spectre plus
large et, vous le dites bien, vous ne vous reconnaissez pas nécessairement bien
dans le projet de loi n° 115 qui
a été déposé parce que
la volonté, au départ, qui partait de 399, c'était de voir les gens qui
étaient en institution de santé, donc CHSLD. Et, de là, on n'allait pas bien à
l'extérieur, on restait ancrés au principe de nos institutions. De ce fait, on a
élargi — et
vous avez bien vu, hein — le
spectre de protection pour nos aînés et pour les gens en situation
de vulnérabilité en allant plus vers l'extérieur aussi, puisque tout geste posé
peut être aussi posé à l'extérieur.
Corrigez-moi si je me trompe, les gens que vous
représentez ont aussi des ententes sociales, ce que nous... Au
niveau des aînés, là, ça ne
fonctionne pas nécessairement tout le temps comme ça, mais faites juste me
préciser, puisque c'est un cadre que je connais un peu moins.
Mme Vézina
(Véronique) : Les gens qui
reçoivent des services et qui sont à domicile ont des contacts directs, bien
sûr,
avec les gens du réseau de la santé. Certains ont des intervenants sociaux.
D'autres en ont, mais ils ne le savent pas. Donc, le lien n'est pas toujours
évident entre la personne qui reçoit des services chez elle et qui a des
limitations et le réseau de la santé. À part
avoir un plan de services, savoir que c'est eux qui vont venir faire l'évaluation, ce n'est pas tout le monde qui est au fait de... j'ai un intervenant social
que je peux l'appeler, je peux lui parler. Ce n'est pas toujours clair.
Mme
Charbonneau : O.K. Ce
n'est pas toujours clair et c'est bien que vous nous le disiez parce qu'hier on a eu des intervenants qui nous ont aussi dit la même
chose. Ce n'est pas toujours clair, l'information, un, de mes droits, et
deux, des services que
je reçois et de qui je les reçois. Des fois, il y a une confusion, puis c'est
bon de vous entendre parce que ça nous
permet aussi d'aller plus loin dans le mandat qu'on se donne puisqu'à la fin de
cette commission on va pouvoir parler encore à nos partenaires et leur
dire qu'il y a certaines lacunes auxquelles il faut corriger.
Je vous rassure tout
de suite, au niveau du curateur, il est avec nous depuis le début du processus.
Il n'est pas nommé parce que probablement
qu'on a pris d'emblée le fait qu'il est connu auprès de nos familles et auprès
des gens à qui il donne le service.
Il devrait être avec nous en commission dans quelques heures ou dans quelques
jours, là, je n'ai pas regardé
l'horaire d'aujourd'hui pour voir exactement c'était qui. Mais je sais qu'il va
être avec nous et qu'il a été consulté aussi
dans le principe des orientations pour les caméras, il est avec le principe de
la maltraitance depuis le début parce qu'un peu comme vous, il fait
certains constats sur des gens et les situations de ces gens-là.
Vous
avez dit d'emblée dans votre mémoire que vous êtes pour la divulgation
obligatoire plutôt que celle que nous
proposons dans le projet de loi, c'est-à-dire la divulgation, ouvrir tous les
outils pour aider à divulguer, mais
pas nécessairement l'obliger. Un grand débat se fait à partir du moment où on
oblige. C'est-à-dire devrait-il y avoir des sanctions? Devrait-il y avoir un
prix? Et je le mets entre guillemets parce que vous le savez qu'un prix, ça
peut être quelque chose de monnayable, une contravention, mais ça peut être
aussi une peine.
Une
peine, c'est autre chose. Ça a une conséquence plus grave dans le principe des
sanctions qu'on met en place pour quelqu'un
qui a été pris et pour quelqu'un qui n'a pas divulgué. Parce qu'il y a ça aussi quelqu'un qui est témoin, mais qui ne divulgue pas,
et on est capable de faire la preuve qu'il en était témoin puis qu'il ne l'a
pas fait. Vous voyez ça comment comme conséquence?
Mme Vézina (Véronique) : Pour nous, ce qui est clair, c'est que toute
personne qui pose des actes de maltraitance ou qui est témoin d'actes de maltraitance et qui ne le dénonce pas doit
avoir une sanction. Il ne devrait plus oeuvrer auprès des personnes qui ont des... que ce soient les personnes qui ont des limitations, ou les personnes aînées, ou
toute autre situation de vulnérabilité.
Mme
Charbonneau : Je
vous entends puis je vous mets dans une situation que le témoin n'est
pas un employé, n'est pas quelqu'un
qui oeuvre dans les services, mais qui est plus un voisin de chambre, qui est
plus un parent. Il remarque des
choses, mais il tient ça mort, comme on dit, parce qu'il ne veut pas se
retrouver dans une situation
compromettante soit dans la relation qu'il a avec l'intervenant ou soit la
relation qu'il a avec son proche, son aîné ou son voisin. Vous comprenez un peu la situation? Donc, avez-vous une
idée comment on pourrait mettre en
place quelque chose qui fait
en sorte qu'on reconnaît à cette personne-là un manquement?
Mme Vézina (Véronique) : Pour nous, toute personne qui n'oeuvre pas auprès
de ces individus-là... Bon, oui, ils ont
eu des torts, ils ne l'ont pas dénoncé, mais il y a plusieurs
circonstances à prendre en compte. Que
ce soit un proche, un voisin, une personne qui est dans la même chambre
ou dans la chambre voisine, ces gens-là sont aussi, à quelque part, vulnérables. Et souvent, si ces personnes-là dénoncent, elles ont peur,
elles-mêmes, de subir certains actes. Donc, ce ne sont pas les témoins qui sont à risque aussi de
subir des actes de maltraitance, que l'on doit accuser puis pour
lesquels on doit poser différents actes, des
amendes ou d'autres sanctions, c'est pour les gens qui oeuvrent auprès de ces
personnes-là parce que les proches, les
voisins, l'entourage, c'est aussi des gens qui sont souvent vulnérables et que,
s'ils dénoncent, ils vont elles aussi subir les conséquences.
Par contre, je vous
dirais que, pour des gens qui sont à domicile et même pour certains qui peuvent
être en établissement, il
faut être conscient qu'un proche peut
aussi être la personne qui pose des actes de maltraitance. Et là on n'est pas dans la même situation,
on est dans une situation où c'est elle qui a posé l'acte, et là on doit
faire des sanctions parce que ce n'est pas acceptable.
Mme
Charbonneau : Vous
avez tout à fait raison. D'ailleurs, dans la plupart des cas, ce n'est pas un
employé qui pose un geste, c'est une personne qui est en relation de confiance.
Et, malheureusement, on le dit, il y a dans cette situation-là quelquefois une relation de proche aidant épuisé. Donc, il faut se préoccuper de nos proches aidants et sachez
qu'on va être au rendez-vous. Mais il y a
aussi toutes sortes de situations où la personne, par méconnaissance de ce
qu'elle peut ou ne peut pas faire, pose les
gestes qui sont inacceptables. Et vous avez raison de nous rappeler que plus
souvent qu'autrement, parce qu'il faut le dire comme ça, c'est quelqu'un qui
est proche puis qui est en confiance.
Donc,
dans le principe des services qu'on reçoit en institution, nous avons une
personne que nous nommons dans le
projet de loi n° 115, qui s'appelle le commissaire aux plaintes. Je
voulais savoir, de votre côté, est-ce que vous vous êtes attardés un peu au rôle? Parce que vous nous
dites : Vous savez, il y a déjà probablement des politiques partout dans
nos institutions. En faisant un tour de roue
assez grand, on s'est aperçus que, un, il n'y en a pas partout,
malheureusement, il y a des gens qui n'ont
pas suivi les règles, puis qu'il n'y en a pas partout ou elles sont plutôt très
différentes de part et d'autre. Donc,
c'est pour ça qu'on l'a écrit dans le projet de loi en se disant : On va
corriger le tir, mais on va s'assurer que... Mais on donne une
responsabilité supplémentaire au commissaire aux plaintes. Je me demandais si,
de votre côté, vous vous étiez attardés au rôle qu'il a en ce moment et à celui
qu'il pourrait avoir dans la suite des choses avec le projet de loi.
Mme Vézina (Véronique) : Si on donne un rôle à la commissaire aux plaintes
d'agir lorsqu'il y a des actes de maltraitance, il faut que le rôle de
la commissaire aux plaintes aille au-delà d'un rôle de recommandation. Elle
doit avoir le pouvoir soit de donner des sanctions ou de transmettre la plainte
à quelqu'un qui va pouvoir sanctionner la personne qui a fait un acte de
maltraitance.
Il faut, par contre, savoir qu'actuellement les
commissaires aux plaintes sont déjà débordés. Donc, si on ajoute un mandat
supplémentaire aux commissaires aux plaintes, il faut aussi qu'il y ait des
ressources qui viennent avec
pour qu'elles soient en mesure de faire rapidement parce que, dans un cas de
maltraitance, on ne peut pas dire : On va traiter votre plainte ou votre commentaire dans 45 jours, il
faut que ce soit traité immédiatement. Donc, il faut que les ressources
soient en place et qu'elle ait le pouvoir d'agir dans l'heure qui suit la
dénonciation qui a été faite.
Mme
Charbonneau :
Vous avez tout à fait raison. D'ailleurs, au moment où on a fait la conférence
de presse pour annoncer le dépôt du
projet de loi en Chambre, le ministre Barrette était avec nous, le ministre de
la Santé, et il s'est aussitôt avancé pour dire : Si on a besoin de
plus de ressources au niveau du commissaire aux plaintes, bien, on en mettra en place parce que le plus important, c'est
d'essayer de mettre en place un processus qui fait en sorte qu'il n'y a
plus de maltraitance du tout dans nos institutions. Et, quand quelqu'un lève la
main, il faut qu'on soit capable d'en dénoncer les agissements.
M. le
Président, ça me ferait tellement plaisir si vous pourriez donner la parole à
ma nouvelle collègue, qui est mon ancienne collègue, puis qui va rester
une collègue, qui aurait une question.
Le
Président (M. Matte) : Donc, je vais laisser la parole à la collègue,
la députée de Verdun. C'est à vous la parole, il vous reste six minutes.
Mme
Melançon : Merci, M. le Président. Alors, mesdames, tout à l'heure,
vous avez parlé de la maltraitance à domicile.
Ça m'a beaucoup interpelée, puis, à la lecture, bien sûr, de votre mémoire,
vous entrez un peu plus spécifiquement... mais j'aimerais beaucoup vous entendre sur des suggestions que vous
pouvez avoir, précises, là, de façon très pragmatique, là, pour déceler,
justement, toute forme de maltraitance à domicile.
• (10 heures) •
Mme Vézina
(Véronique) : D'abord, il
faut savoir que les services qui sont donnés à domicile sont soit donnés
par des entreprises d'économie sociale, des
agences privées ou des travailleurs
du chèque emploi-services, à l'occasion par des travailleurs de CLSC.
Eux sont déjà visés par le projet de loi, donc je n'en parlerai pas.
Pour les autres instances, il n'est pas clair
pour toutes les entreprises d'économie sociale, les agences privées qu'elles doivent avoir des politiques
pour lutter contre la maltraitance. Ces préposés-là viennent à domicile, des
fois viennent une fois, ne reviennent
pas ou reviennent deux semaines, trois semaines plus tard, il y a un roulement
très important de personnel. Donc, il doit y avoir une vigilance,
puis pour nous ça relève du réseau de la santé et des services sociaux
et non pas du réseau des entreprises d'économie
sociale. Les intervenants sociaux doivent être plus présents sur le terrain,
voir qu'est-ce qui se passe, visiter les
personnes. Parce qu'on les laisse, des fois, pendant un an, deux ans, les
seules visites qu'elles reçoivent, ce
sont les préposés des agences qui peuvent... je ne dis pas qu'elles le font,
mais qui peuvent oser des gestes de
maltraitance, et il n'y a personne qui peut les constater. C'est des gens qui
sont isolés, qui souvent n'ont pas de proches.
Donc, il faut qu'il y ait une vigilance qui soit assurée par le réseau de la
santé et une présence pour venir voir, constater
si tout va bien, si la personne n'est pas victime de maltraitance et qu'elle
ait quelqu'un à qui elle puisse aussi s'adresser
dans le cas où elle souhaiterait le dénoncer. Ce n'est pas toujours
clair. Souvent, les appels sont très courts : Est-ce que ça va bien? Oui, merci. On raccroche.
Donc, il faut qu'il y ait un arrimage qui soit meilleur pour protéger
ces gens-là puis faire de la prévention.
Pour la situation
du chèque emploi-services, c'est une situation qui est un
peu plus particulière parce que
c'est l'individu qui reçoit les services qui
choisit d'embaucher une personne, donc le lien à faire est encore un petit peu plus difficile qu'avec une entreprise d'économie sociale, par exemple. Par contre, la même vigilance du réseau de la santé
doit être présente. Il doit y avoir des
visites régulières, qu'on s'assure de faire de la prévention. Et on doit
surtout s'assurer qu'à partir du
moment où la personne dénonce une situation de maltraitance... Si, moi, mon préposé vient à
mon domicilie, qu'il me fait du
harcèlement psychologique, par
exemple, ou qu'il me vole de
l'argent, si demain matin je lui dis : Tu ne rentres plus, là, j'appelle qui pour venir me coucher ce
soir si je suis en fauteuil roulant, que je ne suis pas capable de le
faire? Donc, il faut que le réseau de la
santé soit en mesure de répondre à ces urgences-là pour que je puisse dénoncer.
Parce que, sinon, je ne dénoncerais jamais une plainte de maltraitance
si je sais que je n'aurai pas d'autres préposés qui vont venir me coucher le soir. Donc, il faut qu'il y ait des
mesures d'urgence qui soient mises en place pour aider les personnes à
d'abord avoir des options pour dénoncer ce
qu'elles subissent mais pour aussi ne pas être victimes du fait qu'elles
n'auront pas de services si elles dénoncent.
Le Président (M. Matte) : Très
bien.
Mme Charbonneau :
Permettez-moi, M. le Président...
Le Président (M. Matte) : Oui,
oui, madame.
Mme Charbonneau : Vous savez que la cinquième mesure — puis
on aimerait vous entendre là-dessus — du
projet de loi, c'est les ententes sociojudiciaires. Donc, à l'extérieur du contexte
du système de la santé, un individu que nous, on appelle un aîné ou un adulte en situation de
vulnérabilité peut être accompagné pour pouvoir cesser la maltraitance.
Je vous lève un petit drapeau pour vous dire
que l'entente socio qu'on a mise en place à Trois-Rivières et qui a fait
objet d'une étude pendant deux ans nous a
fait la démonstration que, plus souvent qu'autrement, c'était financier,
80 % des cas qu'ils ont traités
étaient financiers. Mais cette entente fait en sorte qu'on met alentour de
la même table plusieurs intervenants officiels, en commençant par la sécurité
publique, la santé, il peut y avoir le curateur, il peut y avoir le CAVAC, il peut y avoir plein d'intervenants spécifiques, qui
fait en sorte que la personne que moi, je vais appeler un aîné,
puisque c'est les gens
que je représente plus mais que vous pourriez titrer autrement, la personne
peut être accompagnée jusqu'à temps
qu'on arrive à la fin de cette mauvaise histoire là dans laquelle il est. Dans
ce principe d'étude là, on a regardé, puis ça prend à peu près 18 mois pour que l'histoire se finisse bien.
Donc, pour nous, c'est quand même un grand pas. Et de ce fait, bien, on
s'est dit : Pourquoi on n'a pas partout au Québec ces organismes-là? Et
c'est ce qu'on propose dans le projet de loi n° 115. Après une bonne installation partout dans les
régions, là, puis avec un mandat clair, est-ce que vous voyez une étendue face à votre clientèle, face aux gens que
vous représentez pour pouvoir avoir accès à ce comité sociojudiciaire
là?
Mme Vézina
(Véronique) : Je crois que
c'est intéressant de pouvoir l'étendre aussi aux personnes qui ont des limitations. Par contre, on est dans l'«après».
Nous, ce qui nous préoccupe beaucoup, c'est l'«avant». Parce qu'à partir
du moment où la personne a porté plainte,
avoir de l'assistance, de l'accompagnement pour pouvoir aller jusqu'au bout,
oui, c'est très bien, mais, si on ne lui en
donne pas avant, de l'assistance, la personne, elle ne portera pas plainte. Et
la journée où elle porte plainte,
elle n'a pas besoin d'un comité qui va évaluer, qui va l'accompagner, elle a
besoin de quelqu'un qui, dans l'immédiat,
va la sortir de cette situation-là puis va lui rendre ces services. Donc, oui,
l'«après», mais il faut prévoir aussi des mesures avant pour lui
permettre d'avoir quelqu'un en qui elle a confiance, à qui elle va pouvoir en
parler et d'avoir quelqu'un pour lui donner des services la journée où elle va
dénoncer la situation.
Mme Charbonneau :
Ça nous éclaire un peu plus dans les possibilités qu'on a. Ce que vous nous
dites, c'est de régler rapidement, pas nécessairement de façon judiciaire mais
de façon pour accompagner les gens jusqu'au bout du processus mais avec une
intervention rapide au moment où la personne lève un drapeau jaune pour dire
qu'il y a un problème.
Mme Vézina (Véronique) : C'est
ce qui préoccupe les gens actuellement.
Mme Charbonneau :
Oui, tout à fait.
Le Président (M. Matte) : Mais
je vous remercie. Votre temps étant écoulé, je cède la parole au député de
Rimouski.
M. LeBel : Merci, M. le Président.
Bienvenue ici. Je ne pourrais pas commencer la journée sans revenir sur mon
plaidoyer que ce projet de loi là vient travailler sur la maltraitance, mais
une maltraitance organisationnelle, une maltraitance
qui est faite par le manque de services offerts par l'État que ce projet de loi
là ne vient pas régler. Ce n'est pas par
ce projet de loi là qu'on va venir donner plus de ressources dans nos CHSLD,
qu'on va s'assurer que nos personnes aînées
et que les gens vulnérables soient bien traités. Actuellement, ils ne sont pas
bien traités, on ne parle pas de bientraitance, et ce projet de loi là
ne vient rien régler pour ces gens-là. Ça, il faut se le dire.
Vous, vous
nous amenez des choses... C'est intéressant parce que souvent, c'est vrai, on
parle souvent, le projet de loi...
puis la ministre des Aînés — je suis porte-parole des aînés — on va parler beaucoup de la protection des
aînés. Vous venez nous dire :
Wo! Wo! Le projet parle d'autres choses, d'autre monde aussi, là, vulnérable.
C'est bien, merci de le faire. Mais,
quand je regarde, déjà, le circuit des plaintes ou du signalement est
compliqué. Hier, on nous disait, à la commission des droits et protection de la jeunesse, l'article 48, le
Protecteur du citoyen, il y a différents circuits pour faire une plainte
ou un signalement, et là on vient en rajouter un, le commissaire aux plaintes.
Vous, déjà, vous avez d'autres circuits. Est-ce
que vous pensez que ça va être clair? Est-ce que vous pensez qu'on vient aider
ou on vient compliquer les choses pour
quelqu'un qui veut faire un signalement ou porter plainte? Comment vous voyez
ça, concrètement, sur le terrain?
Mme Vézina (Véronique) : Pour
nous, peu importe le nombre d'acteurs qu'il y aura pour gérer les plaintes, il doit y avoir une porte d'entrée, et cette porte
d'entrée là fera la distribution à qui ça va par la suite. Mais il faut
éviter de dire : Bien, pour telle
situation ou dans telle situation, vous allez au commissaire, pour telle autre
situation, vous appelez à la Commission des droits. C'est une porte
d'entrée, un endroit, un numéro de téléphone. Il faut éviter de transférer d'un
à l'autre puis de complexifier le système.
Déjà, juste le système de traitement des plaintes régulier dans le réseau de
la santé est complexe à comprendre pour les
gens. Ils ne savent pas nécessairement à qui ils doivent s'adresser. Donc, des
gens qui sont vulnérables, qui sont isolés, qui sont souvent loin de la réalité
de ce à quoi ils ont droit ou ils n'ont pas droit, où est-ce qu'ils doivent aller, il faut leur simplifier la vie. Donc, une
porte d'entrée serait la meilleure solution pour les aider.
Vous nous
parliez tantôt des gens qui sont en CHSLD. Pour nous, quand on parle de
maltraitance administrative et systématique,
ça vise principalement les gens qui ont des limitations et qui se retrouvent en
CHSLD à 35, 40, 45 ans souvent parce
qu'on n'est pas en mesure de leur donner deux, trois heures de services de plus
à domicile. Pour ces gens-là, c'est de la
maltraitance quotidienne qu'ils vivent. Ils se retrouvent dans des CHSLD, où il
n'y a pas des services adéquats pour leur condition, où ils sont
contraints à manger à des heures précises, à se coucher à des heures précises,
où les droits de sortie sont difficiles. Ça
fait que, quand on parle de maltraitance administrative, c'est une chose sur
laquelle il faut travailler. Les
jeunes qui se retrouvent en CHSLD parce qu'elles ont besoin d'une
intensification de services qui est importante, c'est quelque chose sur
lequel on doit travailler parce que c'est une forme de maltraitance qui est
faite, actuellement, à ces personnes-là qui ne sont pas dans des milieux de vie
adéquats.
M. LeBel : Mais pensez-vous que ce
projet de loi là vient régler cette maltraitance?
Mme Vézina (Véronique) : Il ne
règle rien à cette maltraitance.
M.
LeBel : Merci. Parce qu'on parle beaucoup du réseau, mais qu'il faut
s'inquiéter de ce qui se passe au niveau du domicile, il faut protéger les gens
aussi à domicile. Vous parlez de ceux qui travaillent dans les entreprises
d'économie sociale, les agences privées, chèque emploi-services.
Je
reviens au signalement obligatoire. Vous savez, ça peut être la personne qui
offre le service qui pourrait être maltraitant,
mais ça pourrait être quelque chose que la personne qui offre le service voit à domicile. Elle pourrait
faire le tour puis dire : Moi, j'ai vu
le garçon, ce n'est pas bien, bien correct. Puis la maltraitance, vous voyez,
là, il y a beaucoup de niveaux de maltraitance, ce n'est pas toujours
évident à identifier. Si on parle de signalement obligatoire, la personne
qui travaille en économie sociale — ou ça pourrait être une
bénévole aussi — qui
voit quelque chose, mais elle n'est pas certaine,
c'est-u de la maltraitance ou pas, avec une obligation de signaler, soit
qu'elle pourrait signaler des cas qui ne sont pas vraiment de la maltraitance ou, si elle a peur de
signaler, si elle ne signale pas, elle pourrait être elle-même
poursuivie. Vous ne trouvez pas qu'il n'y a
pas un danger? C'est un peu ce que nous dit la chaire sur la maltraitance. Vous
comprenez ce que je veux dire? Quelqu'un
qui arrive et voit quelque chose dans le domicile, il dit : Moi, je suis
obligé de le signaler, je ne suis pas
certain que c'est ça, mais je signale, sinon je pourrais être poursuivi pour quelque chose, vous ne trouvez pas qu'il peut y avoir un problème?
• (10 h 10) •
Mme Vézina
(Véronique) : Bien, il pourrait y avoir un danger, dans le sens où les
signalements pourraient augmenter de façon
significative. Mais, pour nous, il vaut mieux avoir un signalement qui n'a pas
de conséquence, donc où on juge qu'il
n'y a pas eu de maltraitance, qu'aucun signalement où il y a
eu de la maltraitance. Et puis il existe actuellement à la Commission
des droits de la personne une équipe d'intervention pour les aînés, en lien
avec l'article 48, qui permet justement
à une personne de pouvoir faire un signalement, de dénoncer qu'il y a eu de la
maltraitance. Malheureusement, actuellement,
l'article 48 est clair, il vise la maltraitance qui est faite aux
personnes aînées et aux personnes handicapées, mais l'équipe
d'intervention qui existe, elle ne vise que les personnes aînées, alors qu'on
devrait élargir leur mandat et s'adresser aussi aux personnes handicapées,
puisqu'on parle de l'article 48.
M.
LeBel : La chaire de recherche sur la maltraitance disait — on parle de cas précis : Quelqu'un va
dans une résidence, un employé
d'entreprise d'économie sociale voit ce qu'il pense peut-être être de la
maltraitance, signale l'affaire contre
la volonté de la résidente ou du résident, et là ça crée toute une histoire. Et
là ce que les gens de la chaire disent, bien, ça peut peut-être créer plus de problèmes que ça va en régler. Mais
mettons qu'on part du principe qu'il ne faut pas rien laisser passer, c'est mieux de signaler, qui va...
Là, ça va se ramasser au commissaire aux plaintes, le commissaire aux plaintes qui est déjà, lui ou elle, impliqué dans
le réseau. Là, ça va être avec le domicile. Est-ce que vous pensez que
la commissaire ou le commissaire aux plaintes a ce qu'il faut pour gérer tout
ça, gérer toutes ces plaintes-là rapidement pour éviter...
Mme Vézina (Véronique) : Actuellement, non. C'est pour ça qu'on recommande
qu'il y ait des ressources qui soient
mises en place puis qu'il y ait des mécanismes qui soient mis en place pour
qu'elle soit en mesure d'agir rapidement. Mais, dans l'état actuel des équipes des commissaires aux plaintes ou
dans les commissariats aux plaintes, ils n'ont pas la capacité de gérer
ça.
M.
LeBel : Dans le fond, ce qu'on comprend, c'est que tout le monde
voudrait... L'idée, là, c'est qu'on ne laisse rien passer, mais il faut
vraiment baliser les signalements, il faut avoir un cadre. Ça fait qu'il faut
que les gens soient formés, il faut que le
commissaire aux plaintes ait ce qu'il faut pour gérer les plaintes rapidement
pour éviter que ça déborde ou que
ça... Ça fait qu'est-ce que vous pensez qu'on a tout ça? On n'a pas ce qu'il
faut au commissaire aux plaintes. Tout ce qu'on a, c'est la parole du ministre, qui dit : Ah! on verra s'il a
besoin d'argent. Puis je ne suis pas sûr qu'on peut... c'est difficile à mettre dans une loi, la parole du
ministre, là. Est-ce qu'on a ce qu'il faut? Et est-ce que, sur le terrain, on a
la formation, les gens sont formés comme il faut pour vraiment identifier des
cas de maltraitance?
Mme Vézina (Véronique) : Non. La formation, actuellement, n'est pas nécessairement adéquate,
surtout pas dans les entreprises
d'économie sociale, dans les agences privées, pour le personnel qui
vient de l'extérieur puis qui est embauché par un individu. Par contre,
nous, on part du principe qu'à partir du moment où on met des choses en place,
on doit donner les ressources. Actuellement,
on ne les a pas, c'est clair. Ils n'ont pas les moyens, ils n'ont pas la
formation. Mais, nous, ce qu'on veut,
c'est qu'à partir du moment où on écrit qu'on fait ça puis que ça va
fonctionner comme ça, il faut que les
ressources viennent avec. On ne part pas du principe qu'il n'y en aura pas, ce
qu'on vient vous dire, c'est qu'il faut qu'il y en ait puis il faut qu'on les mette en place pour que le projet
de loi fonctionne et aussi pour que les gens dénoncent. Parce que, si les gens se mettent à dénoncer des
situations puis qu'ils se rendent compte que la commissaire n'a pas les moyens de gérer la situation puis de traiter les
plaintes qu'elle reçoit, ça ne sera pas long qu'après deux, trois
signalements le message va circuler, puis on
va dire : Bien, ça ne sert à rien d'aller là, elle ne peut rien faire, elle
ne peut pas traiter. Donc, si on
l'écrit, il ne faut pas juste l'écrire, il faut qu'on s'assure que les
mécanismes et les moyens sont en place et les ressources sont là pour
donner le service.
M.
LeBel : J'ai pris en note dans votre mémoire aussi les éléments qui
concernent... Vous trouvez que le projet de loi, de temps en temps, dans un chapitre on parle des aînés et des
personnes vulnérables, dans d'autres chapitres on ne parle que des aînés. J'aimerais ça que vous nous en parliez, qu'est-ce qu'on pourrait faire,
là, dans le projet de loi, pour que
ce soit plus clair, là, est-ce qu'on parle des aînés, est-ce qu'on parle
des personnes vulnérables, que ce soit plus clair.
Mme Vézina (Véronique) : D'abord, de bien identifier les personnes en situation
de vulnérabilité en modifiant, oui, la définition, mais aussi en
spécifiant c'est qui, ces personnes en situation de vulnérabilité là. Puis,
pour nous, la première section du projet de loi, on ajoute souvent «et toute personne en situation de vulnérabilité»,
bon, on peut s'y retrouver. Par contre, quand on arrive dans la politique,
on est spécifiquement pour les aînés, et c'est là qu'on dit qu'on ne s'y retrouve pas. Quand on a lu le
mémoire, on était contents, on a vu le titre, on a dit : Oui, on est
inclus. On a l'impression qu'on a changé le titre mais qu'on n'a pas
changé le contenu.
Donc,
il y a des ajustements à faire pour tenir compte de la réalité de l'ensemble
des personnes qui sont en situation de
vulnérabilité. Et il y a des modifications à faire parce qu'actuellement le projet de loi, il lui manque beaucoup de mordant pour vraiment avoir un message fort où on va dire aux
gens : C'est fini, la maltraitance, on n'en veut plus, puis voici les
sanctions qui vont venir si on constate qu'il y a encore des situations.
Le Président
(M. Matte) : Je vous remercie, et je cède la parole au député de
Lévis.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M.
le Président. Bonne journée à tous.
Encore une bonne journée à avancer de façon constructive et objective,
puis je pense que c'est exactement ce que vous faites à nouveau, à travers tous
ceux et celles qui sont venus nous rencontrer. Mme Vézina, merci
d'être là, Mme Desforges également.
Vous
avez raison, et je reviens sur un de vos éléments, vous parlez notamment des
personnes vivant des handicaps maintenant
en centre d'hébergement et de soins de longue durée. C'est une clientèle à
laquelle il faut penser plus que jamais, plus que jamais parce que, pour avoir visité des CHSLD au terme d'un
exercice qui a mené à des recommandations, c'est aussi des préoccupations des employés, des établissements aussi et des
résidents de dire : Nous sommes une clientèle qui a besoin de soins
particuliers. Et on ne peut pas faire un amalgame, également, de ceux et celles
qui se retrouvent en établissement parce que manquant de services à domicile,
et je pense que vous le reflétez bien. Est-ce que c'est une préoccupation constante et dominante? Est-ce que
vous en entendez davantage parler? Est-ce que c'est un élément majeur,
également, dans ce que vous recevez, à travers ceux que vous représentez?
Mme Vézina (Véronique) : Ça fait au moins 15 ans que c'est une
préoccupation à la COPHAN, les personnes en situation de handicap qui sont en CHSLD ou à qui on propose d'aller en
CHSLD parce qu'on n'a pas d'autre moyen de les maintenir à domicile. Ça fait 15 ans qu'on nous dit qu'on s'en
préoccupe, qu'on va arrêter d'en faire au moins entrer en CHSLD. Par
contre, ça fait 15 ans qu'on nous présente les mêmes statistiques puis il
n'y a pas d'actions claires qui sont posées.
Actuellement,
les actions qui ont été posées ont été posées beaucoup par le milieu
communautaire, qui a fait des choix d'ouvrir du logement communautaire
avec des services à domicile pour des personnes qui ont des situations particulières. Mais il n'y a pas eu d'actions
concrètes de la part du gouvernement pour faciliter puis octroyer plus
d'heures de services ou mettre en place des
solutions pour sortir ces gens-là de ces milieux de vie là et aussi pour leur
permettre de vivre avec leurs femmes, avec
leurs enfants, quand elles en ont. Parce que ce sont des gens qui ne sont pas
juste contraints de rester dans un
milieu de vie qui ne leur convient pas avec des horaires qui ne leur
conviennent pas, mais c'est des gens qui
sont aussi séparés du reste de leur famille et qui n'y ont pas accès, qui ont
très peu de vie sociale, donc il faut en tenir compte. Puis nous, on est tannés d'entendre «oui, oui, on s'en
préoccupe, on s'en préoccupe» et de ne pas voir les actions sur le
terrain, et on a de plus en plus de personnes qui font de la pression sur nos
groupes pour qu'on les représente puis qu'on les aide à sortir de ces milieux
de vie là.
M. Paradis
(Lévis) : Vous savez, Mme Vézina, j'ai une bonne mémoire — ça, je
tiens ça de mon père — je
retiens à peu près tout. Et malheureusement j'ai des témoignages en mémoire,
j'ai des images en mémoire, je revois des
gens qui m'ont parlé de ce que vous me dites également et qui souhaiteraient
voir des solutions être apportées. Le projet de loi n° 115, là, ça
nous donne peut-être la chance de se doter de quelque chose, dans la mesure où
on a cette volonté-là de se donner des outils supplémentaires.
Et
là je reviens à ce que vous avez dit. À l'image du 399 de 2013, quatre ans plus
tard, vous dites : Donnons-nous... et faisons en sorte qu'on rende maintenant la dénonciation obligatoire,
nous permettant... puis faisant confiance — et c'est comme ça que je le
comprends, moi — à
la façon dont ça va se faire. C'est bien sûr qu'à partir du moment où il y a dénonciation, il y a enquête puis il y a analyse.
Tout ce qui est porté devant le Protecteur du citoyen, actuellement, ne
mène pas nécessairement à des sanctions. Ils
ont l'intelligence et l'équipe pour analyser une situation puis faire en sorte
qu'on en soit informés et qu'elle puisse cesser, si maltraitance il y a.
Et
je comprends dans votre propos, quand vous dites qu'on devrait aller là, ne
laissons rien échapper. Mieux vaut signaler,
ensuite enquêter que de fermer les yeux, et perdre, et faire en sorte qu'on se
retrouve souvent avec des
histoires qui nous ébranleront, chacun d'entre nous. Je comprends bien votre
vision des choses?
• (10 h 20) •
Mme Vézina (Véronique) : Oui. Pour nous, un signalement, oui, oui, même un
signalement qui va s'avérer, je dirais,
négatif, où il n'y aura pas de conclusion où il y a eu de la maltraitance, oui,
c'est difficile pour la personne qui va avoir subi cette sanction-là, ça va être... pas cette sanction-là, mais
cette plainte-là, la personne qui va l'avoir faite aussi, mais au moins, au moins, toutes les situations où il va
y avoir vraiment eu de la maltraitance, on va s'assurer que ça va
cesser. Il vaut mieux dénoncer et constater
qu'il n'y a pas eu de maltraitance que de ne pas dénoncer par crainte de
peut-être déranger un petit peu ces personnes-là dans leur quotidien. Et
c'est important, puis, si on veut arrêter la maltraitance, la seule façon de le
faire, ça va être par de la dénonciation.
M. Paradis
(Lévis) : Les besoins sont énormes, les besoins sont énormes, et vous
parliez, à juste titre, des entreprises d'économie sociale, et là aussi il y a
des gens... Puis je me rappelle très bien récemment avoir donné des certificats
de gens qui travaillent dans des entreprises de ce type-là, avec un coeur gros
comme ça, là, après 15 ans, 20 ans,
25 ans de service, puis ils aiment ce contact-là. En même temps, la
demande est énorme, le roulement de personnel est énorme, et vous dites : Il va falloir qu'on s'arrête à ça aussi
parce que la maltraitance et des politiques de maltraitance ne doivent pas se limiter qu'à des établissements de
santé, faire aussi partie du cursus et de la façon de faire de ces
entreprises-là.
Actuellement,
avez-vous des rapports? Avez-vous abordé ce thème-là avec des entreprises
d'économie sociale, de plus en plus
présentes, et leur volonté de faire en sorte qu'à ce chapitre-là ils avancent
également, ils ont besoin de soutien?
Mme Vézina
(Véronique) : Actuellement,
on a eu des rapports avec les regroupements d'entreprises d'économie
sociale pour regarder un petit peu les bonnes pratiques qui sont mises en place
de façon générale dans les entreprises d'économie
sociale. Pour nous, la question de la maltraitance doit en faire partie, mais
on est vraiment au début du travail avec eux. Donc, parmi les bonnes
pratiques, toute la question de maltraitance qui peut être faite va faire
partie des discussions qu'on va avoir, c'est certain, mais on n'en est pas
rendus là.
M. Paradis
(Lévis) : Sans signer votre
conclusion, vous en avez une, mais ce que je comprends, en peu de mots,
c'est faire encore davantage et se doter des outils pour le faire.
Mme Vézina (Véronique) : Oui.
M. Paradis (Lévis) : Merci,
mesdames.
Le
Président (M. Matte) : Je vous remercie, le temps étant écoulé.
Je vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux afin de permettre au
prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 10 h 23)
(Reprise à 10 h 26)
Le
Président (M. Matte) :
Sans plus tarder, nous débutons, et je souhaite la bienvenue à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes
pour faire un exposé, et par la suite il
y a un échange. Je vous cède la
parole et je vous demande de vous présenter ainsi que la personne qui vous
accompagne.
Commission des droits
de la personne et des
droits de la jeunesse (CDPDJ)
Mme Bernard
(Claire) : M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je suis Claire
Bernard, directrice adjointe du service de la recherche de la Commission des droits de la personne et des droits
de la jeunesse, et je suis accompagnée de Me Evelyne Pedneault,
conseillère juridique au service de la recherche.
Permettez-moi d'abord de vous remercier de
l'invitation faite à la commission de présenter ses commentaires sur le projet
de loi n° 115. La commission a
entre autres le mandat de relever les dispositions des lois du Québec
qui seraient contraires à la charte en vue de faire les recommandations
appropriées. En outre, l'objet du projet de loi interpelle directement la commission, qui joue un rôle important
en matière d'exploitation des personnes en situation de
vulnérabilité, et ce, depuis de nombreuses années. C'est donc à ce double titre
qu'elle a procédé à l'analyse du projet de loi n° 115.
L'objet et
les dispositions du projet de loi concernent de nombreux droits et libertés
protégés par la charte, citons notamment
le droit à la vie, à la sûreté, à l'intégrité et à la liberté de sa personne,
le droit à la personnalité juridique, le droit au secours de toute personne dont la vie est en péril, le droit à la
sauvegarde de sa dignité, le droit au respect de sa vie privée, le droit au secret professionnel. Le droit
à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens peut également
être en cause. Il en est de même du droit à l'égalité.
Plus particulièrement, il faut référer à
l'article 48 de la charte, en vertu duquel toute personne âgée et toute personne handicapée a le droit d'être protégée
contre toute forme d'exploitation. Il faut le rappeler, le champ
d'application de cette disposition
s'applique autant aux rapports privés qu'à l'État. Il s'étend à de nombreux
secteurs d'activité, incluant les
services de santé et les services sociaux. En consacrant le droit à la
protection contre l'exploitation à l'article 48 de la charte, l'État québécois s'est engagé à mettre en
place des mécanismes et des recours qui permettent d'en assurer la mise
en oeuvre. En ce sens, la commission tient à
souligner la reconnaissance que constitue le projet de loi de la
responsabilité dans la lutte contre la
maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité que partagent l'État
québécois et l'ensemble de la société québécoise, y compris les acteurs
du réseau de la santé et des services sociaux. Elle souscrit aux objectifs du
projet de loi. Celui-ci répond à plusieurs des recommandations qu'elle a faites
par le passé.
Certaines dispositions du projet de loi soulèvent
quelques préoccupations en regard des droits et libertés de la personne. Les
commentaires de la commission à ce sujet se divisent en trois temps.
Dans
un premier temps, la commission tient à rappeler l'importance du droit à la
protection contre toute forme d'exploitation
garanti à l'article 48 et le rôle clé qu'elle joue en la matière. La
commission a entre autres la responsabilité de faire enquête sur toute situation
d'exploitation d'une personne âgée et, je le répète, toute personne handicapée.
Les plaintes qu'elle reçoit peuvent mettre
en cause tous les milieux, y compris les établissements ciblés par le projet de
loi, leurs préposés ou toute autre personne.
Dès l'ouverture d'un dossier en matière d'exploitation, la commission met en
oeuvre les mesures permettant de mettre fin à la situation et d'en prévenir la
récurrence. À tout le moins, la commission met en place des mesures pour former
un filet de sécurité de la personne.
La
commission agit également de façon à favoriser un règlement entre les parties.
Si elle n'y parvient pas, elle peut, au
terme de son enquête, proposer des mesures de redressement. Fait à noter, ces
mesures de redressement peuvent être de nature systémique ou préventive.
Si ces mesures de redressement ne sont pas mises en oeuvre, la commission peut saisir un tribunal en vue d'obtenir toute mesure
appropriée. De même, la commission peut s'adresser à un tribunal pour demander d'urgence une mesure propre à faire
cesser le risque lorsqu'elle a des raisons de croire que la vie, la santé
ou la sécurité de la victime est menacée. La
commission peut également saisir un tribunal lorsque quiconque exerce ou
tente d'exercer des représailles contre une personne intéressée par le traitement
d'un cas d'exploitation.
Signalons,
par ailleurs, que les pouvoirs d'enquête de la commission
ne se limitent pas à des cas individuels. Elle est intervenue dans des milieux de vie, que ce soient des résidences privées fournissant des services ou des établissements
publics de santé et de services sociaux et que ce soient des personnes âgées ou
des personnes handicapées.
Enfin,
conformément aux différents mandats que lui confère la charte, la commission
collabore depuis de nombreuses années
avec d'autres acteurs. Pensons notamment aux établissements de santé et
services sociaux, aux services de
police, au Curateur public, aux organismes de défense des droits des personnes
aînées. Entre 2014 et 2016, la commission a d'ailleurs fait partie du projet pilote d'entente sociojudiciaire
portant sur les formes criminelles de maltraitance envers les aînés de la région de la Mauricie et du
Centre-du-Québec. La commission profite donc de l'occasion pour réitérer
son engagement à lutter contre
l'exploitation des personnes en situation de vulnérabilité, et ce, dans le respect
des droits que leur garantit la charte et en vertu de tous les moyens
que celle-ci met à sa disposition.
Certes,
le projet de loi prévoit l'élargissement du mandat du commissaire local aux
plaintes, nommé en vertu de la Loi
sur les services de santé et les services sociaux. Celui-ci serait responsable
du traitement des signalements et il devrait, le cas échéant, diriger les personnes qui formulent un signalement vers une
autre instance appropriée. Cela dit, la commission conserve ses responsabilités et ses compétences en
matière d'exploitation des personnes en situation de vulnérabilité et continuera de les exercer. En ce sens, elle
constitue notamment l'une des instances appropriées vers laquelle le
commissaire local aux plaintes pourra diriger les personnes formulant un
signalement ou une plainte.
• (10 h 30) •
En outre, la commission souhaite confirmer sa
volonté de participer à une entente nationale portant sur un processus
d'intervention concernant la maltraitance envers les aînés. Elle y contribuera
notamment en offrant son support à la formation et à la sensibilisation contre
l'exploitation.
Dans un deuxième
temps, la commission a voulu s'assurer que les modalités envisagées par le
projet de loi en cas de signalement de maltraitance de personnes en situation
de vulnérabilité respectent les droits et libertés de ces personnes. Comme
c'est le cas dans le cadre d'une plainte déposée à la commission en vertu de
l'article 48, la procédure de signalement envisagée par le projet de loi ne
nécessite pas nécessairement le consentement préalable de la victime de
maltraitance. L'intervention doit néanmoins se faire en tenant compte des
autres droits de la personne en situation de vulnérabilité, notamment le droit
à l'intégrité, au coeur duquel se retrouvent le droit au respect de son
autonomie et le droit au respect de sa vie privée.
Comme la commission
l'a souligné à maintes reprises, la possibilité d'intervenir sans le
consentement de la victime doit donc
demeurer exceptionnelle. Lorsque possible, la participation de celle-ci est
cruciale à la résolution des cas d'exploitation. En ce sens, le modèle
d'intervention qui découle de la charte en matière d'exploitation implique de développer une approche qui permet à la personne
de décider elle-même où se trouve son intérêt tout en lui fournissant les services qui l'aident à préserver son
autonomie. Dans chaque cas, le défi consiste à trouver les moyens
d'intervention qui optimisent l'équilibre entre l'autonomie de la personne et
sa sécurité.
Ainsi, la commission
tient à insister sur les mesures d'accompagnement, de concertation et de
prévention de la maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité.
Comme l'a déjà constaté la commission, accompagner la personne âgée victime d'abus constitue une alternative valable et même
beaucoup plus souhaitable qu'une intervention de force. De plus, des solutions qui préconisent une approche psychosociale
concertée constituent une alternative satisfaisante au refus qu'une
personne en situation de vulnérabilité victime d'abus peut opposer aux
tentatives d'intervention. L'intervention
préventive des abus demeure également de plus grande portée que celle de
l'intervention correctrice, par ailleurs, essentielle.
Certes, plusieurs
mesures ont été prises à ce chapitre au cours des dernières années. La
commission rappelle néanmoins l'importance
des mesures que les établissements visés par le projet de loi devront déployer
pour prévenir la maltraitance des
personnes en situation de vulnérabilité, notamment à travers des activités de
sensibilisation, d'information et de
formation. La première recommandation de la commission, dans son mémoire,
réitère d'ailleurs certains éléments dont devront tenir compte les établissements visés, ainsi que la ministre
responsable des Aînés, qui devra tenir compte de ces éléments dans le
cadre des responsabilités qui lui seront confiées en vertu de l'article 16 du
projet de loi.
Enfin, dans un
troisième temps, la commission s'est attardée à l'article 31 du projet de loi.
Cet article prévoit octroyer au gouvernement le pouvoir réglementaire de
déterminer les modalités d'utilisation des mécanismes de surveillance dans les
établissements régis par la Loi sur les services de santé et services sociaux.
Il va sans dire que l'utilisation de ces
mécanismes soulève des enjeux majeurs eu égard à certains droits et libertés
protégés par la charte. La commission réserve ses commentaires quant à
la conformité à la charte des modalités encore à déterminer.
Le Président (M. Matte) : Je vous
invite à conclure, madame.
Mme
Bernard (Claire) : Elle tient néanmoins à insister sur le sérieux et
la portée des enjeux posés de même que sur l'importance de sensibiliser
les acteurs concernés eu égard à ceux-ci.
Et je pourrai
répondre aux questions par la suite. Nous restons à votre disposition. Donc,
merci de votre attention.
Le Président (M. Matte) : Je vous
remercie. J'invite et je cède la parole à la ministre.
Mme
Charbonneau : Merci,
M. le Président. Avant de m'adresser
à nos invités — bienvenue
chez vous — je
voudrais juste lever un drapeau jaune. Il
faudrait faire attention quand on dit que tous les aînés sont maltraités. Je
vous dis pourquoi, M. le Président. Je peux
comprendre qu'on veut faire un propos important, mais on a des gens qui se
lèvent à tous les matins pour donner des
services et faire en sorte qu'on donne des bons services. Il y a des lacunes,
j'en conviens avec mon collègue, mais
il faudrait faire attention quand on prend un propos puis qu'on dit : Tous
les aînés du Québec sont maltraités. Ça me heurte. Donc, on va faire
attention, de part et d'autre, aux propos qu'on tient.
Mesdames, je
suis heureuse de vous voir ce matin, d'autant plus que vous êtes nos premiers
partenaires qui ont eu l'expérience
de Trois-Rivières, du comité sociojudiciaire. Quand vous avez annoncé votre
présence, j'avais hâte de vous voir
puisqu'à chaque fois qu'on parle du comité sociojudiciaire qui a été mis en
place et qu'on a fait en sorte qu'on pouvait faire certaines approches, c'est un peu nébuleux pour les gens, hein? Ce
n'est pas quelque chose qui existe ailleurs et ce n'est pas quelque
chose qu'on comprend bien dans la perspective d'accompagner les gens dans une
situation de maltraitance. Donc, j'aimerais
ça si je pouvais avoir une forme de témoignage de votre part parce que vous y
avez participé de façon active depuis
les deux ans et ça fait en sorte que vos paroles vont porter un peu sur une
action concrète. Moi, je peux en parler puis je vous dirais que
j'apprécie énormément ce comité, mais vous l'avez vécu, ce qui est tout à fait
différent. Donc, j'aimerais bien vous entendre sur cette participation-là.
Mme
Bernard (Claire) : Il faut le voir comme un mécanisme de coordination
où la commission est venue jouer son
rôle — comme
elle le faisait par ailleurs — donc, de concertation avec les services
policiers, avec le Curateur public, avec
les établissements et les représentants du réseau. Donc, c'était de s'assurer
de mettre en place les couloirs de référence et d'information dans les
cas qui étaient appropriés.
Mme
Charbonneau :
Dans la plupart des cas, quand j'ai rencontré les gens qui étaient en
responsabilité de ce comité, on me
disait que 80 % des cas avaient été plus des cas un peu plus financiers
qu'abus physiques, psychologiques et tous les autres. Est-ce que vous
avez la même perception de votre expérience avec le comité sociojudiciaire?
Mme
Bernard (Claire) : Effectivement. Et ça reflète aussi l'expérience de
nos propres plaintes, où, actuellement, la majeure proportion des plaintes dont nous sommes saisis touchent des
aspects financiers, ce qui ne fait pas que... on peut être saisis aussi d'autres cas où que ça se mêle
avec des situations de maltraitance psychologique ou parfois physique.
Mme
Charbonneau :
Le défi d'un comité comme celui-là, c'est non seulement l'échange d'expertise,
parce que vous avez chacun vos
créneaux, mais c'est l'aspect de confidentialité des informations que vous
avez. Est-ce que d'avoir un endroit
où les échanges sont simplifiés, confidentiels, peut vous permettre d'ouvrir un
peu sur cette porte-là ou vous gardez toujours une très grande prudence,
malgré les partenaires alentour de la table, sur le principe de la
confidentialité des informations que vous détenez sur la personne ou sur le
dossier en titre?
• (10 h 40) •
Mme
Bernard (Claire) : Une fois que le dossier nous est référé, on garde
la confidentialité. Il n'y a pas d'échange d'information, il y a des échanges de... en tout cas, pas sans le... Il
y a des échanges, bon, avec... On a un protocole, aussi, d'entente plus spécifique avec le Curateur public
et on a des règles très claires sur qu'est-ce qu'on peut échanger,
qu'est-ce qu'on ne peut pas échanger face à
certaines situations. Donc, l'entente et les protocoles permettent, justement,
de clarifier quelles sont les règles
de confidentialité, et ce qui permet...
Une entente sociojudiciaire, justement, ce n'est pas un endroit où on se met à parler de tous les cas, de toute la
vie privée des gens, mais ils sont plus, effectivement, des... un
mécanisme pour les clarifier et pour, en tout cas, protéger en même temps la
sécurité et ces informations.
Mme
Charbonneau : En
vous entendant un peu plus tôt, vous avez fait une ouverture sur le principe de
l'autonomie de l'aîné, son autodétermination. Nous, on aime bien parler de cet
aspect, puisque, entre la divulgation obligatoire
et le principe de mettre en place un mécanisme pour pouvoir avoir accès pour
dénoncer des choses, il reste que, je
vous dirais, la perception que je vais dire que j'ai, moi, parce que c'est très
fort, et je suis têtue, c'est qu'un aîné, c'est aussi un adulte qui a un peu plus d'expérience que les autres, donc une
forme d'autodétermination. Ce n'est pas parce que j'ai 72 ans que je
n'ai plus ma tête puis que quelqu'un devrait prendre des décisions à ma place
sur la relation que je devrais avoir avec une personne. Ce qui peut-être pour
certains — puis
les gens nous l'ont dit — peut
être de la maltraitance, pour d'autres ça
peut être une relation qui a toujours été comme ça, puis qu'on ne veut pas
changer, puis qu'on veut garder dans
ce principe-là. Est-ce que vous croyez que l'autodétermination chez nos aînés
est suffisamment forte pour qu'on garde un principe de filet de sécurité
où c'est lui ou les gens alentour qui peuvent dénoncer et non qui doivent
dénoncer ou on devrait mettre en place un système qui fait en sorte qu'on a
l'obligation de dénoncer?
Mme
Bernard (Claire) : Comme on disait, on pense que l'intervention de
force doit rester exceptionnelle. Il faut garder un équilibre. Dans les situations individuelles, c'est ça, la
difficulté de l'enjeu, et, quand on entendait les questions... de là l'importance des formations au préalable.
Parce que ce que vient faire le projet de loi, c'est vrai qu'il ne vient
pas rajouter nécessairement des nouveaux recours. Il
vient clarifier les responsabilités du commissaire local. Il vient clarifier qu'est-ce qu'on doit retrouver dans les
politiques. On nous dit qu'il y a des mécanismes, mais là on vient nous
dire quels sont les mécanismes, et il faut
que les gens connaissent les différents recours, donc qu'ils puissent aussi
diriger vers les bonnes personnes.
Dans certains cas, ça va être le Curateur public, dans certains cas, ça va être
les services policiers, dans certains cas, ça peut être la commission.
Ça peut être aussi ces personnes-là, et, après, nous, on agit en concertation.
Donc, même
dans notre cas, où la charte permet d'être saisi et même de saisir le tribunal
sans le consentement de la personne, c'est une démarche qu'on fait
exceptionnellement dans certaines situations. On s'assure d'abord que la
personne est capable de consentir, de déterminer son intérêt. Et donc,
effectivement, dans cette logique-là, on n'a pas recommandé qu'on aille plus loin dans le signalement. On est très
confortables avec la possibilité de signaler telle qu'elle est prévue
dans le projet de loi.
Mme
Charbonneau :
Merci. Dans la relation que vous avez avec l'ensemble des dossiers, vous disiez
un peu plus tôt qu'il est possible
d'avoir une relation d'échange et de confiance avec le commissaire aux
plaintes. Plusieurs nous ont dit avec
raison... Je vous dirais même que, dès le départ, au dépôt du projet de loi, on
en a parlé avec le ministre de la Santé, de lui donner plus de responsabilités pourrait faire en sorte qu'on
se doit de lui donner plus d'effectifs, hein, parce qu'il faut qu'il
soit capable d'interagir rapidement. Mais, dans votre perspective à vous, vous
dites : Il est aussi plausible d'imaginer une relation d'échange qu'on a
déjà avec le commissaire aux plaintes. Est-ce que, dans cette volonté-là, vous voyez une responsabilité qu'on pourrait lui
donner, supplémentaire, par rapport à la relation que vous avez lui ou est-ce que la relation actuelle que vous avez est
suffisamment grande pour faire en sorte que l'enjeu se règle rapidement
entre la responsabilité de l'un et celle qui vous est conférée?
Mme
Bernard (Claire) : Je dirais que l'enjeu des ressources est au coeur
de tous les organismes, que ce soient les établissements, donc les commissaires locaux, mais les autres
représentants des établissements, les ressources du Curateur public, les ressources de la commission. Et donc
ça, ce n'est pas une correction législative. On a les mécanismes, on les
exerce. On reçoit déjà les plaintes des
établissements. On reçoit déjà des plaintes parfois de représentants de comités
des usagers, mais de commissaires locaux, d'intervenants. Là, c'est peut-être
clarifier quel est ce mécanisme à l'intérieur de
l'établissement. Il se peut que parfois ce soit nécessaire, parfois ce n'est
pas nécessaire. Là, on vient dire : Bien, dans un établissement, voilà comment ça se passe. Il va y avoir une personne
qui va être responsable de canaliser
les demandes, par exemple, chez nous,
ou vers d'autres intervenants, ou vers, effectivement, la direction
administrative de l'établissement, qui doit continuer à exercer ses
responsabilités.
Mme
Charbonneau : D'ailleurs,
dans le projet de loi, on le dit, le premier répondant sera le directeur
général de chaque établissement pour
s'assurer qu'il y ait une personne responsable en titre et qui peut avoir des
comptes à rendre si les choses ne se font pas de façon régulière.
Dans les
dossiers de la CDPDJ, depuis quelques années, on voit la réduction — je vais l'utiliser comme ça, puis les
mots ne sont pas toujours justes — du cas de dossiers ouverts pour les
aînés. Je vous donne des chiffres ronds, là, parce que c'est ce qu'on me
fournit. De 2012 à 2013, il y avait 87 cas de relevés, 2013 à 2014, 92 — donc
une légère augmentation — mais 2014‑2015, 61. Est-ce que le comité
sociojudiciaire vient faire en sorte que les dossiers qui sont traités là, un, ne sont pas reconnus auprès de la
CDPDJ ou est-ce qu'il y a des formes d'aide qui font en sorte que ça ne
se rend pas jusqu'à vous, on règle avant
parce que l'information se rend chez nos aînés plus rapidement pour trouver
des façons de les aider à se sortir de situations malaisantes?
Mme
Bernard (Claire) : Alors, je
vous dirais trois choses. La première, c'est qu'avec l'adoption du plan
d'action sur la maltraitance, effectivement, sur le rôle accru qui n'était plus reconnu, on avait vu une très
importante augmentation des... Donc,
oui, effectivement, on voit une baisse ici, mais ce n'est rien par rapport à ce qu'on voyait avant. Donc, c'est important, et je dirais que
les occasions comme ce projet de loi
et les discussions remettent en mémoire aux gens qu'on a, nous aussi, un rôle à jouer. Donc, ça, peut-être
qu'on va le voir, nous, dans les prochains mois. Donc, ça, c'est la
première chose, c'est tout le rôle qui doit
continuer à être un rôle d'information, de sensibilisation. Et enfin les gens,
ce qu'on entend quand même, c'est
encore un manque d'information et de connaissance, pourtant des choses qui sont
très simples, sur les mécanismes qui existent.
La deuxième
chose, c'est que les chiffres que vous donnez parlent des personnes âgées.
C'est peut-être parce que vous les recevez à titre de ministre
responsable, mais il y a aussi des données sur les personnes handicapées, qui
sont moindres, mais qui viennent... Après,
les chiffres que vous donnez sont les dossiers d'enquête, mais il y a aussi
tout le volet des dossiers de
plaintes. Et on le dit un peu plus dans le mémoire, c'est-à-dire que nous, dans
les dossiers d'enquête, on les ouvre
une fois qu'on n'a pas réussi à régler la situation, à établir avec les
personnes le filet ou alors qu'on a... parfois, on réfère, effectivement. Donc, il y des cas où on
n'a pas besoin de rester dans le dossier parce qu'en bout de compte, une
fois qu'on fait enquête, nous, si on saisit le tribunal, on devient un recours
civil, mais, dans certains cas, ce n'est pas nécessairement
une demande de dommages-intérêts qui justifie l'intervention de la commission.
Ça dépend des situations. Notamment,
dans les cas où on est intervenus dans des établissements, ce qu'on avait fait
à l'époque, c'était beaucoup plus des recommandations systémiques, et
qui ressemblent à ce que fait le Protecteur du citoyen. Alors, je dirais que,
pour certaines des situations, le Protecteur du citoyen joue un rôle beaucoup
plus, enfin, accru depuis ses responsabilités.
Il
y a aussi toute l'accréditation des résidences privées. Il y a quelques années,
les résidences privées n'étaient pas accréditées,
donc on était les seuls à pouvoir intervenir. Maintenant, les CISSS,
maintenant, peuvent intervenir. En fait, tout ça, ça a permis aussi d'encadrer. Donc, on reste de plus en plus, nous,
avec les situations particulières de familles... enfin, de familles ou de contrats.
On a parlé tout à l'heure de situations, mais c'est sûr que les chiffres ne
reflètent pas les situations qui existent, et ce que le... Parce que ce
que vient faire le projet de loi, c'est effectivement rappeler... Parce que les
dispositions antireprésailles, elles sont
déjà dans la charte, mais on doit expliquer... Nous, on recommandait déjà
dans le rapport de 2001 : Si on
reconnaît le droit à une personne de porter plainte ou de signaler, ça doit
nécessairement venir avec un
mécanisme d'antireprésailles, de protection, mais c'est aussi tout ce qui vient
avec la prévention et la formation. Et ça, c'est important que les employés disposent de ces formations pour savoir
qu'ils peuvent effectivement
signaler, parce qu'on sent encore
cette peur, et ce que vient faire le projet de loi, c'est dire : Non, vous
devez le faire et vous pouvez le faire.
• (10 h 50) •
Mme
Charbonneau : Une dernière question, qui est une question
qui relève d'une autre possibilité, mais, dans le projet de loi, on ouvre la porte à la divulgation
du secret professionnel d'une façon plus ouverte. Je vais dire plus
ouverte parce qu'un professionnel peut aller
au-delà, mais il faut vraiment qu'il y ait danger de mort imminente ou un
danger plus grand. Nous, ce qu'on
dit, c'est : Quand il y a un soupçon ou une perspective de maltraitance,
le professionnel peut sortir de son rôle de professionnel et aller
porter... je ne dirais pas une plainte, mais il pourrait aller donner son
soupçon d'une possibilité de maltraitance en
outrepassant son secret professionnel. Je voulais savoir ce que vous en pensiez
par rapport au projet de loi.
Mme Pedneault
(Evelyne) : À ce sujet-là, la commission rappelle que la Cour suprême
du Canada a énoncé trois conditions qui
permettent l'exception au droit au secret professionnel dans les circonstances
que vous énoncez. La commission a
rappelé ces trois conditions-là. La nouvelle formulation proposée par le projet
de loi change très peu de choses
quant aux deux premières conditions, à savoir qu'il faut qu'il y ait une personne
ou un groupe identifiable qui soit clairement
en danger. La deuxième, c'est que cette personne-là ou ce groupe de personnes
là doit risquer d'être blessé gravement ou tué. Et la troisième, c'est que le danger doit être imminent. La
nouvelle formulation proposée par le projet de loi nous semble correspondre à la définition que fait la
Cour suprême du terme «danger imminent», à savoir que le risque doit
être sérieux et qu'il doit inspirer un
sentiment d'urgence. En ce sens-là, la commission est d'accord avec cette
exception-là dans la mesure où elle
correspond aux balises établies par la Cour suprême et où la nouvelle
formulation est interprétée comme respectant les cadres établis par ces
balises-là.
Mme Charbonneau :
Merci.
Le
Président (M. Matte) : Je vous remercie. Le temps étant écoulé,
je cède la parole au député de Rimouski.
M.
LeBel : Merci, M. le Président. Je vous salue. Je vais commencer par
relever le drapeau jaune de la ministre de tantôt. Je ne me souviens pas d'avoir dit que tous les aînés étaient des
gens maltraités, au contraire. Et je rappelle que je suis très d'accord avec ce que l'AQRP disait hier,
qu'on est dus pour des états généraux sur les aînés — je ne l'ai pas dit encore, mais je le répète — et ça pourrait être des états généraux sur
une façon non partisane et qui nous permettraient de discuter de l'enjeu très large des aînés, et,
entre autres, de souligner l'extraordinaire contribution de nos aînés, dans
toutes les régions du Québec, dans la vie de nos communautés. Ça fait que je
suis très ouvert. Je relance la ministre là-dessus.
Moi,
depuis hier, là, j'entends... Puis je ne suis pas un expert, hein, j'écoute,
puis j'essaie de me faire une tête sur différentes
choses, mais ce que je trouve de plus en plus compliqué, là, à chaque fois,
c'est qu'on dirait qu'on met une couche
sur la complexité du réseau, là, comment la personne, là, qui a à faire une
plainte ou un signalement, là, à qui elle fait la plainte puis comment ça... Je trouve que ça devient de plus en plus
complexe. Et vous avez une expérience là-dedans, la ministre, tantôt, parlait d'un tableau qui parlait
des enquêtes, des dossiers que vous avez ouverts, 2013‑2014, qui étaient
de 92, 61 en 2014‑2015, et moi, je rajoute
48 en 2015‑2016. Vous avez expliqué un peu la problématique, mais vous
avez ouvert des enquêtes là-dessus,
j'aimerais savoir, les enquêtes que vous avez ouvertes, est-ce que vous avez un
portrait de qui a fait les signalements? Ça vient-u du réseau, de la famille
ou... Est-ce que vous avez un portrait?
Mme Bernard (Claire) : Je n'ai pas nécessairement les chiffres de qui...
je ne peux pas vous les donner maintenant, mais je vous réponds que, oui, ça peut venir, donc, de travailleurs
sociaux du réseau, donc, et de la famille, de proches, d'institutions financières. Donc, il n'y a pas de
groupe plus que l'autre, là. Mais je pourrais vous les transmettre, par
contre.
M.
LeBel : Je posais la question parce que, quand je regarde les
statistiques de la ligne Abus Aînés, là, ce que je vois, c'est que le signalement vient surtout des
victimes elles-mêmes, des membres de la famille, c'est à 70 % à peu
près, et du réseau, que 3 point
quelques pour cent. Ça fait que je me demandais, j'essayais de voir parce que
ça me pose la question pourquoi que
les gens du réseau ne signalent pas dans la ligne Abus ou... J'essaie de voir,
je pose la question, c'est en relation avec les signalements
obligatoires. Parce que le signalement obligatoire viendrait nous assurer qu'il
y ait des signalements qui soient faits dans le réseau plus que maintenant, et
je posais la question pour ça.
Dans
votre mémoire, vous parlez aussi
d'une entente nationale prévue à la loi. Je ne sais pas si la ministre
peut nous le dire, mais ce que j'ai lu dans
la loi, on parle plutôt d'ententes... c'est plutôt régional ou local, là, avec
les établissements. Je ne vois pas
là-dedans où on parle d'une entente nationale qui est prévue dans la loi sur la
maltraitance, c'est plus que la ministre coordonne des ententes, en fait, avec les établissements et...
Mais je trouve l'idée intéressante d'avoir une entente nationale. Ça
pourrait peut-être répondre à plusieurs questions sur le circuit que les
plaintes pourraient être faites et comment chacun pourrait intervenir.
Qu'est-ce que vous voyez dans ce genre d'entente nationale sur la maltraitance?
Qu'est-ce que vous voyez là-dedans? Ça servirait à quoi, cette entente
nationale?
Mme Bernard (Claire) : En fait, le projet de loi ne parle ni de
national ni de régional. Il y a des discussions sur les suites, et ce que je peux vous dire, c'est que la commission,
elle ne peut pas s'engager dans des ententes régionales ou même locales. Il
y a eu des tentatives, mais on est
quand même une petite équipe et on ne peut pas s'engager dans des
ententes. On répond aux demandes, aux
plaintes sur tout le territoire du Québec, mais avoir des ententes, il y a
quand même beaucoup de réunions, de...
Donc, nous, on préfère répondre dans les situations particulières
plutôt que d'être engagés dans chaque entente régionale parce qu'on n'a
pas assez de représentants de la commission pour participer à toutes les
réunions. Mais, par ailleurs, ce que le
mécanisme national doit prévoir, c'est effectivement quand on doit agir, là,
comme on le fait... Comme je vous dis, ça vient formaliser des pratiques
qu'on fait déjà, que ce soit avec le Curateur public, les services policiers,
le CSSS ou le CISSS maintenant.
M.
LeBel : O.K. Parce que
je lis votre mémoire, là : «La commission souhaite également confirmer sa volonté de participer à une entente nationale portant sur un
processus d'intervention concernant la maltraitance envers les aînés que
prévoit la loi n° 115. Elle contribuera notamment en offrant un support de
formation en sensibilisation contre l'exploitation.»
Je trouve ça superintéressant, mais j'aurais... j'aimerais ça... Cette
entente-là, qui devrait être, selon vous, les signataires ou les partenaires d'une entente comme ça? Comment cette
entente nationale, où chacun s'entend sur son rôle... comment ça va
faire en sorte que la personne qui vit de la maltraitance, ce sera plus clair
pour elle, cette personne-là, comment faire son signalement ou ses plaintes?
Mme
Bernard (Claire) : On le
voit plus comme le haut de la pyramide, mais après, pour les cas individuels,
ce sera par les ententes locales. Mais c'est
plus, en fait, pour... Parce qu'au
niveau national, c'est la Sécurité publique, le ministère de la Sécurité publique, ce n'est pas
nécessairement, par exemple, les services policiers individuels. Après, dans...
au niveau régional, c'est, par exemple, la ville de Montréal. Donc, ce
n'est pas une entente nationale pour répondre aux besoins individuels. Ce que nous, on dit, c'est qu'on est
prêts à s'engager dans une entente nationale, mais qu'on... Bien, voilà,
c'est ce qu'on dit par rapport aux ententes.
M.
LeBel : Moi, le souhait que
je ferais pour une entente nationale, c'est que ça clarifie le processus
puis que, dans les régions, ça nous
aide à établir nos politiques, à savoir comment la personne... Parce que,
tantôt, on a posé la question, là, avec
la COPHAN, tu sais, la personne qui est vulnérable, qui subit de la
maltraitance ou qui a peur de faire le signalement ou... ça devient compliqué quand tu regardes qui
fait quoi. Et moi, je pense que ce projet
de loi là, s'il y a
quelque chose qu'il doit faire, c'est de clarifier tout ça,
avoir un processus très clair, et l'idée d'une entente, je trouvais
ça intéressant. Si ça vient aider les
gens qui mettent en place des politiques dans chaque région, ça vient les aider à
clarifier le processus, moi, je trouvais ça une bonne idée.
Tantôt,
les gens de la COPHAN, puis d'autres aussi, nous... Tu sais, on parle beaucoup
du réseau, on parle moins du domicile. Tantôt, on disait : Bon, il
y a des gens qui interviennent à domicile. Puis là j'amène l'idée du
signalement obligatoire, comment vous voyez
ça? Comment on peut amener... pour ne rien laisser passer? C'est ça,
l'objectif, on ne laisse
passer aucune maltraitance. Comment on peut s'assurer qu'il y ait un signalement, mais que... Le signalement, si on le rend obligatoire, est-ce qu'il y a des sanctions
qui doivent être données à ça? Est-ce
que ça ne fera pas l'effet
contraire, les gens ont peur des sanctions
et ne signaleront pas? Comment vous voyez ça? Dans votre expérience, comment ça
pourrait aider, le signalement obligatoire avec des sanctions?
• (11 heures) •
Mme
Bernard (Claire) : Bien,
comme on vous dit, nous, on prône plutôt ce qui est proposé, qui est le signalement
facultatif. Et, encore là, tout notre exposé, c'est de dire que ça ne
doit pas être automatique, mais qu'il faut impliquer la personne qui est au coeur de la démarche. Donc, il
faut aller en chercher... Quand on parle de son consentement aussi, ce n'est pas nécessairement un consentement, oui ou
non — est-ce
que tu es d'accord? — c'est de
lui expliquer quels sont ses recours,
quelles sont ses possibilités face à sa situation et c'est ce qu'on fait déjà,
nous, dans nos démarches. Donc, c'est effectivement
prévoir que, dans certains cas — et comme on le fait actuellement, comme la
chartre nous le permet — le consentement de la personne n'est pas obligatoire. Mais,
dans la plupart des cas, nous, on procède avec la personne.
M.
LeBel : Bien, moi, ça me permet, en terminant, de plaider pour... Il y
a des groupes communautaires qui font ça, qui aident les personnes, je pense, les CAAP, communautés d'aide aux
plaintes. Il faut mieux financer ces groupes-là. Parce que les régions sont grandes, tu sais. Tantôt, on
parlait souvent de ça, mais moi, je vois des villages, là, puis je vois
des... Et ça, ça prend des gens qui soient sur le terrain, et ce n'est pas si
facile que ça. Et, pour ça, il faut mieux outiller nos organisations, les
groupes communautaires, entre autres, les réseaux qui s'occupent de ça, sinon
ça n'aboutira à rien. Ça me permet de plaider pour un meilleur financement du
milieu communautaire.
Le Président
(M. Matte) : Je vous remercie. Et je cède la parole au député de
Lévis.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bonjour et bienvenue, Me
Bernard, Me Pedneault. Merci d'être là. Je prends une seconde pour dire
aussi, également, puis je rappelle à la ministre... Je ne sais pas, M. le
Président, d'où la ministre tenait ses
informations concernant le propos voulant que tous les aînés soient maltraités.
Effectivement, je n'ai pas entendu
ça, je ne sais pas qui a pu dire ça, mais force est de constater que c'est loin
d'être le cas et que ce ne doit pas l'être. Mais ceux qui vivent des situations de maltraitance, bien, travaillons
pour faire en sorte que ça ne se reproduise pas, quel que soit le type
de maltraitance, bien sûr.
Vous avez dit
beaucoup de choses, mesdames, puis c'est important de vous avoir parce que vous
avez été citées à de nombreuses
reprises par des groupes qui se sont présentés avant vous comme étant peut-être
le chemin idéal. Et cela, c'est bien important
parce que vous avez parlé d'information, vous avez parlé de clarification. Vous
avez parlé de l'article 48, c'est intéressant que vous nous l'ayez lu
également parce que les gens ne le savent peut-être pas, mais cette notion — toute personne âgée ou toute personne
handicapée a droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation,
telle personne a aussi droit à la protection et à la sécurité que doivent lui
apporter sa famille ou les personnes qui en tiennent lieu — je
pense que c'est fondamental, hein, c'est la base même d'une société qui
fonctionne bien.
Mais je
reviens sur le chemin, il y a des gens qui nous ont dit que ça doit passer par
votre organisation. Il y a des gens
qui sont venus nous dire : Le Protecteur du citoyen devrait être le chemin
que l'on utilise, sachant pertinemment qu'on utilise l'un et l'autre,
là, et vous nous le disiez il y a deux instants. Mais il y a une espèce de flou
pour l'ensemble des citoyens, j'en suis
convaincu, à savoir qui fait quoi. D'ailleurs, vous le disiez, la Commission
des droits de la personne et de la jeunesse, peut-être qu'il y a bien
des gens qui ne savent pas qu'ils ont la possibilité de s'adresser à vous. Et
là le chemin qu'on privilégie, c'est celui du commissaire aux plaintes.
Deux options, deux questions. Est-ce que, selon
vous, c'est le chemin idéal? Deuxième question... Parce que plusieurs ont dit : Encore, faudrait-il qu'il
ait, au terme de l'exercice, un pouvoir exécutoire, et non pas seulement un
pouvoir de recommandation sur l'aboutissement de ce qui lui sera présenté. À la
première : Est-ce que c'est le chemin idéal?
Mme Bernard
(Claire) : Je répondrais que ce n'est pas le chemin unique. Pour nous,
ce n'est pas de pointer un seul
chemin, c'est que tous les acteurs soient bien conscients des passerelles qui
existent et c'est ce que vient faire le projet de loi. Quand il dit que le commissaire local est la personne
responsable, va pouvoir faire des recommandations, c'est celles, par exemple, qui touchent des mesures correctrices,
qui impliquent l'établissement. Évidemment, ça ne va pas toucher le cas
de toute autre personne, puisque le projet
de loi, ce qu'il prévoit, c'est qu'on pourra signaler aussi des situations d'un
proche, d'un membre de la famille, qu'il
soit à domicile ou dans la chambre, par exemple. Donc, ce qui est très bien,
c'est que, là, le commissaire local,
même s'il est mis au fait, il pourra être le canal. On vient renforcer qu'il
sera le canal, et il ne pourra pas dire : Mais écoutez, ça, ça ne
relève pas de ma compétence parce que c'est un cas de maltraitance familiale.
Donc, ça va être un canal de référence.
Les canaux
existent déjà. Le Protecteur du citoyen a actuellement un canal vers nous dans
la chartre. Quand il est saisi d'une situation qui ne relève pas de sa
compétence, il est prévu qu'il nous le réfère. Il y a aussi un canal vers le Curateur public. Dans la chartre, si on est saisi
d'une situation et on continue d'enquêter, mais où le Curateur public devrait
intervenir parce qu'on est face à un besoin de protection, c'est déjà prévu.
Alors, il y a des canaux déjà prévus, et ce que vient faire le projet de loi,
ce n'est pas, à mon avis, écarter, ça vient renforcer, rappeler et
responsabiliser.
Ça vient
responsabiliser aussi les établissements et les commissaires locaux. Alors, ça, ça va
être aux établissements aussi de se
dire : Bon, là on est face à des situations de maltraitance, la loi nous le dit très
clairement, on doit agir. À
mon avis, ils devaient déjà agir parce
que les droits qui sont reconnus, ils
sont déjà dans la charte et sont déjà
dans la Loi sur les services de santé
et les services sociaux. Mais ça vient dire très clairement que ce sont des situations
de maltraitance et ça vient responsabiliser, donc, à la fois le
commissaire local mais, encore là, les établissements eux-mêmes.
M. Paradis
(Lévis) : Vous dites :
Il va falloir que cette confusion, parce
qu'il y en a une... en tout cas, que cette façon de faire là, que cette approche-là soit extrêmement claire pour les utilisateurs. Est-ce
que vous ne craignez pas que
ce que l'on vit actuellement... Vous dites que ça existe, hein? Manifestement, c'est là, là. Force
est de constater qu'il faut bonifier ça aussi. Est-ce que vous pensez
que, dans l'état actuel des choses... Parce que plusieurs nous ont dit que le commissaire local aux plaintes ou le commissaire
aux plaintes est déjà débordé. On nous dit : On croule sous les
dossiers que l'on ne peut traiter. Est-ce que
vous pensez que, dans l'état actuel des choses, cette organisation-là est capable ou serait capable de recevoir et de remplir la
mission qu'on lui souhaite?
Mme Bernard
(Claire) : Ce n'est pas à la
commission à le dire. Ce qu'elle dit dans son mémoire,
c'est que l'État québécois a des responsabilités, il est en train de les
mettre en oeuvre, il prend des engagements. Il va falloir que ces engagements
soient aussi des engagements de ressources ou financières.
M. Paradis
(Lévis) : Je comprends par
votre message qu'à ce chapitre-là, et on rejoindra des propos qui ont
été tenus, le gouvernement doit aussi ajouter la force des moyens, bien sûr,
pour être en mesure d'atteindre les objectifs.
Je reviens sur le pouvoir de ce commissaire aux
plaintes... local aux plaintes ou le commissaire aux plaintes. Alors, des gens ont dit : C'est dommage de
voir qu'il n'y ait pas... qu'il n'y ait qu'un pouvoir de recommandation. Est-ce que vous avez l'impression que cette organisation-là devrait avoir davantage de pouvoirs qu'elle en a présentement dans le cadre du projet de loi
n° 115?
Le Président (M. Matte) : Une
courte réponse, s'il vous plaît.
Mme Bernard
(Claire) : Notre analyse,
qui s'insère dans les mécanismes actuels, est que les sanctions sont déjà
de la responsabilité de la direction
générale, des directions disciplinaires. Par exemple, il y a
des mécanismes, mais on n'a pas fait l'analyse pour voir est-ce qu'ils
sont déficients. Ce n'était pas notre objectif.
Le Président (M. Matte) : Je
vous remercie de votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 8)
(Reprise à 11 h 11)
Le Président (M. Matte) :
...tarder, je souhaite la bienvenue à la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur
la protection juridique des aînés de l'Université Laval. Je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes et je vous
invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent.
Chaire de recherche
Antoine-Turmel sur la
protection juridique des aînés
Mme Morin
(Christine) : Alors, je vous remercie. Bonjour. Mon nom est Christine Morin, je suis professeure à la Faculté de droit de l'Université Laval et
titulaire de la Chaire de recherche Antoine-Turmel sur la protection
juridique des aînés. Je suis accompagnée par
Marie-Hélène Dufour, qui est avocate, étudiante au doctorat et chercheuse à la
chaire, et de Katherine Champagne,
qui est notaire et coordonnatrice de la chaire. Alors, on est très heureuses de
pouvoir être ici avec vous aujourd'hui et on vous remercie pour
l'invitation. Sachez par ailleurs que c'est une première pour Katherine, pour
Marie-Hélène et pour moi. Alors, merci.
Des voix : ...
Mme Morin (Christine) : Merci,
merci. Alors, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, on est trois juristes
associées à la Chaire Antoine-Turmel, et c'est à ce titre qu'on est présentes aujourd'hui.
Alors, la
Chaire Antoine-Turmel a été lancée à l'automne 2014. Elle regroupe des
professeurs et des étudiants qui s'intéressent
aux questions en lien avec la protection des droits des personnes âgées. Donc, l'objectif de notre
présence aujourd'hui à l'Assemblée
nationale, c'est de contribuer à la réflexion sur l'environnement juridique
global pour venir en aide aux personnes âgées qui sont maltraitées et
autres personnes majeures en situation de vulnérabilité.
Alors, bien
entendu, vous le devinerez, on accueille favorablement le projet de loi
n° 115, on considère que c'est une
initiative louable pour contrer la maltraitance. On se réjouit de la volonté
politique de lutter contre la maltraitance des personnes aînées et autres personnes majeures en situation de
vulnérabilité et on est contents du message qui est transmis par le législateur quant au caractère inacceptable
de cette maltraitance. Vous me permettrez par ailleurs de me désoler du
fait de constater qu'au Québec on a encore
besoin de nouvelles lois pour que les personnes âgées ne soient pas
maltraitées.
Alors, comme
vous avez pu le constater à la lecture de notre mémoire, on fait plusieurs
commentaires, certaines propositions.
Mais ce qui est, selon nous, particulièrement important avec le projet de loi
n° 115 et ce qu'il va falloir, selon nous, retenir de nos propos aujourd'hui, c'est qu'il faut chercher à
favoriser l'accessibilité du droit et la cohérence du droit en matière
de protection des personnes âgées contre la maltraitance.
Alors, je
m'explique. Au niveau de l'accessibilité du droit, on considère que, d'une
part, c'est fondamental que les personnes
âgées et leur entourage connaissent leurs droits, ce qui est loin d'être le cas
dans plusieurs situations. D'autre part, on pense qu'il est important,
encore une fois, que les personnes âgées et leur entourage sachent quoi faire
et à qui s'adresser lorsqu'elles constatent
des situations où il y a de la maltraitance. Alors, on croit qu'il faut d'abord
essayer de voir pourquoi ce qui est
déjà en place au Québec ne fonctionne pas dans toutes les situations — il y a des situations où ça
fonctionne, heureusement, mais pas toujours — et il faut ensuite veiller à
coordonner les propositions du projet de loi
n° 115 avec les mécanismes déjà prévus, de manière à obtenir la meilleure
façon d'intervenir pour régler le fameux problème de la maltraitance aux
aînés et autres personnes vulnérables.
Alors, comme on a peu de temps pour la
présentation, je vais revenir seulement sur trois parties du mémoire, les
parties 1, 3 et 5, mais on va évidemment être heureuses de répondre aux
questions sur toutes les parties.
Dans la
partie 1, sur les considérations générales, on s'interroge sur la portée
et le champ d'application du projet, qui nous apparaissent
restreints parce qu'on vise surtout les personnes âgées qui ont des soins et
des services, ce qui semble exclure une partie des autres personnes âgées.
Je vous le
mentionnais tout à l'heure, on s'interroge et on se préoccupe de la cohérence
du projet de loi avec les dispositions déjà en place. Et je dirais que c'est particulièrement vrai par rapport à la charte québécoise et à la Commission
des droits de la personne. En fait, on était
très étonnées que le projet de loi ne mentionne ni la charte ni la Commission
des droits de la personne, contrairement à
ce que faisait le projet de loi n° 399.
Alors, on croit que la commission est importante et on croit qu'elle
devrait d'ailleurs être expressément mentionnée parmi les organismes qui
participent aux ententes sociojudiciaires.
Dans la
troisième partie du mémoire, celle qui porte sur la politique de lutte contre
la maltraitance et sur le rôle accru
du commissaire local aux plaintes, bien, on se réjouit du fait que les établissements
vont devoir adopter une politique de lutte
contre la maltraitance, ça va mettre en évidence la volonté de lutter contre la
maltraitance et ça va avoir aussi un effet de sensibilisation.
Pour ce qui
est du rôle du commissaire, qu'on veut accroître dans le projet, bien, là on se
demande : Est-ce qu'il s'agit vraiment de la meilleure
personne-ressource à qui dénoncer les situations de maltraitance? À première
vue, le commissaire a moins de pouvoirs que la Commission des droits, moins de
pouvoirs que le Curateur public, alors on s'interroge.
Par ailleurs, on a un rapport de juin 2016 de la Commission de la santé et des
services sociaux sur les conditions de
vie des adultes hébergés en CHSLD qui révèle que peu de personnes âgées
dénoncent les situations au commissaire. Alors, on pense que ce n'est peut-être pas la meilleure personne,
notamment pour les situations de maltraitance organisationnelle, notamment parce que le commissaire est nommé par le
conseil d'administration de l'établissement et parce qu'il relève de ce
conseil d'administration.
Pour
ce qui est de la partie cinq du mémoire, à propos des dispositions
modificatives, sur le secret professionnel, on est favorables à la volonté de modifier le Code des professions et les
lois qui régissent les professionnels pour revoir les dérogations qui permettent la levée du secret
professionnel dans certaines situations. On a cependant l'impression
qu'avec le projet de loi c'est un peu le
statu quo, qu'on fait simplement reprendre ce qui a été établi par la Cour
suprême, ce qui n'est pas mauvais en
soi parce que ça a une fonction pédagogique. Par ailleurs, on pense qu'on
aurait pu profiter du projet de loi pour aller un peu plus loin.
Ma collègue
Me Dufour et la professeure Raymonde Crête ont beaucoup travaillé sur ce secret
professionnel là, eu égard aux
situations de maltraitance par rapport aux personnes âgées, et elles
proposaient d'adopter une disposition qui permettait d'intervenir dans un plus grand nombre de situations. Je vous
laisse le soin de vérifier leurs propositions dans notre mémoire. Mais l'avantage de ce qu'elles
proposaient, c'était de laisser plus de place à la compétence et au
jugement des professionnels, sans toutefois les forcer à intervenir.
Je mentionne
d'ailleurs immédiatement que, pour toutes les questions sur la dénonciation
obligatoire et le secret professionnel, c'est Me Dufour qui va pouvoir
répondre à vos questions.
Un mot maintenant sur les caméras cachées...
bien, en fait, les caméras de surveillance. Est-ce qu'elles seront cachées? On verra. On veut simplement mentionner
encore une fois ici qu'on se désole de constater qu'on en est rendus là.
Ça montre bien la méfiance de la population par rapport au réseau de la santé.
Par contre, comme la maltraitance existe dans
certains milieux d'hébergement, bien, on pense que, oui, il faut permettre
l'utilisation des caméras, mais il faut le faire avec beaucoup de prudence, il faut respecter la vie privée des
personnes hébergées, il faut respecter la vie privée des employés. Mais, par ailleurs, c'est un moyen
effectivement utile pour prévenir la maltraitance et pour détecter les
situations où il y a de la maltraitance.
Alors, je
conclus en mentionnant qu'on est favorables au projet de loi, c'est une
initiative louable pour contrer la maltraitance envers les aînés et
autres personnes en situation de vulnérabilité. On est très conscientes qu'il
n'y aura jamais de législation parfaite,
mais on pense que le projet est néanmoins perfectible et que, si on veut
vraiment mettre en place un
environnement législatif global pour mettre fin à ces situations de
maltraitance, il faut penser — et ici je vais me répéter — cohérence
et harmonisation des mécanismes et des ressources en place et accessibilité du
droit pour les personnes concernées. Sur ce, je vous remercie.
• (11 h 20) •
Le
Président (M. Matte) : Je vous remercie. Pour le début des
échanges, je cède la parole à Mme la ministre.
Mme Charbonneau :
Merci, M. le Président. Je suis en train d'écrire en gros «harmonisation» sur
ma feuille, puisque vous en faites un éloge. Bienvenue, mesdames, merci
d'être avec nous aujourd'hui. J'avais très hâte de vous rencontrer, comme la plupart des gens, mais tout particulièrement
Mme Morin, parce que j'ai lu avec beaucoup d'attention votre lettre d'opinion que vous avez faite, le
billet que vous avez fait pour rappeler plusieurs aspects, hein, du travail
que vous faites et que vous avez constatés.
Je vais me
faire plaisir personnellement, je vous le dis, aujourd'hui, je suis un peu
égoïste, je me fais plaisir, je vais vous
relire parce que... Probablement que, vous, vous le savez par coeur, parce
qu'avant de l'envoyer on la lit bien des fois, cette lettre, pour s'assurer de tout. Mais vous finalisez vos propos en
disant : «Le problème de la maltraitance envers les personnes aînées, comme celui de toute forme de
maltraitance, est complexe et multifactoriel. La meilleure législation
ne réussira jamais à résoudre tous les
problèmes, si la société ne s'intéresse pas davantage au sort des personnes
âgées qui sont en situation de
vulnérabilité. De meilleures lois peuvent certes améliorer la situation, mais,
face à un problème social, chacun de nous doit se sentir concerné.»
Je vous dis
que je suis égoïste en relisant ce dernier chapitre de votre lettre parce que
le premier constat que j'ai fait en
arrivant au ministère, au Secrétariat des aînés, en parlant de différents
dossiers, c'est qu'effectivement, si chacun d'entre nous se donnait une responsabilité — et je suis passée par l'intimidation, je
suis passée par la maltraitance, dans un passé pas si lointain, j'étais en éducation, sur la persévérance
scolaire — si
chacun d'entre nous se donnait une responsabilité civile, forte et engagée, il y a bien des choses qu'on ne
ferait pas en législation, on n'aurait pas besoin de le faire. Donc, je
voulais souligner cet aspect que vous avez apporté.
Mais
j'aimerais ça peut-être vous donner l'opportunité de nous parler un peu, de par
la Chaire de recherche, mais aussi par les constats que vous en faites,
comment peut-on amener une population, autre que par ce sujet qu'on a aujourd'hui... Parce que vous savez qu'avant d'en
parler de façon légale, hein, avant de dire qu'on dépose un projet de
loi sur la maltraitance, tout ce qu'on a, c'est quelques rubriques médiatiques
qui nous rappellent un peu à l'ordre comme société,
qu'il se passe des choses inacceptables. Comment peut-on faire, comme
gouvernement, comme société, pour guider notre société dans un regard
meilleur sur comment on s'occupe bien de notre monde? Parce qu'on pourrait
prendre la jeunesse puis dire que la DPJ, si
elle existe encore, c'est parce qu'il se passe encore des choses. La sécurité
publique pourrait nous passer en rubrique
plein de choses qui se passent, du vol à la maltraitance auprès des personnes
handicapées, on en parlait ce matin,
à toute autre forme de geste inconcevable. Mais comment peut-on faire, comme
gouvernement ou comme société, pour
mettre une lumière fluorescente sur ce fléau que nous subissons et comment
faire en sorte que tout le monde se donne cet engagement-là de ne plus
tolérer la maltraitance?
Mme Morin
(Christine) : En fait, je
pense qu'on est sur une bonne voie, notamment depuis 2010, avec le plan d'action contre la maltraitance. Mais je pense que
ce qui est particulièrement important, c'est qu'on en parle. La campagne
de publicité qui a eu lieu par rapport à la
maltraitance, moi, je pense que ça a effectivement sensibilisé les gens, ça a
fait en sorte que les gens en parlent. Et
c'est la même chose, ne serait-ce qu'avec les commissions parlementaires, en ce
moment; dans les journaux, hier on en
parlait; dans les médias, ce matin, on en parlait. Et on ne parlait pas que
d'un cas isolé, on parle vraiment de la problématique. On se rend compte qu'elle a une
importance, qu'elle existe toujours, malheureusement, au Québec, et
c'est à force d'en parler que les gens vont être de plus en plus conscientisés.
Et c'est la
même chose avec l'ensemble des problèmes sociaux. Quand on a parlé de
protection de la jeunesse, bien, c'est à force de conscientiser tout le
monde qu'on en est venus à avoir un organisme, à mieux s'organiser, et tout ça.
Il faut faire la même chose pour la maltraitance envers les personnes aînées et
autres personnes majeures en situation de vulnérabilité.
Les politiques qu'on recommande d'adopter dans
le projet de loi, ça aussi, je trouve que c'est une partie de la solution, parce que, là encore, ça manifeste la
volonté de lutter contre la maltraitance. On a une politique formelle
qui explique ce qu'est la maltraitance, ce
qu'on doit faire pour l'enrayer. Mais, une fois qu'on a tout ça, il faut qu'on
s'assure qu'une fois qu'on va avoir conscientisé les gens à la maltraitance,
s'ils veulent dénoncer, il ne faut pas que ce soit compliqué, il faut qu'ils
sachent où dénoncer, quoi faire, comment le faire. Il ne faut pas que ce soit
un dédale de possibilités. Il faut qu'il y ait une voie, la voie optimale. Pour
les enfants, c'est la DPJ. Quand il y a une urgence, c'est le 9-1-1. Quand il y a la maltraitance des aînés, on fait quoi? La
majorité des gens ne le savent malheureusement pas.
Mme Charbonneau :
À partir du moment où vous me dites : Il faut simplifier l'action et
l'interaction de la dénonciation, est-ce qu'elle se doit d'être obligatoire ou peut-on laisser une place à
l'autodétermination et le bon jugement des gens?
Mme Champagne
(Katherine) : Il nous semble
important effectivement, comme vous le dites, de ne pas oublier que la personne
âgée est néanmoins
une personne autonome et de respecter justement son autonomie. Avec un régime de dénonciation obligatoire, on prive la personne âgée de sa propre autodétermination sur sa personne, sur sa vie, sur sa
façon de gérer sa vie comme elle l'entend.
Et aussi il ne faut pas oublier, Me Morin l'a dit, la maltraitance est une
problématique très complexe,
multifactorielle, donc ça peut être très difficile de reconnaître des situations
de maltraitance. C'est pour ça qu'avec une plus grande sensibilisation
et puis une incitation à aider ça nous semble préférable qu'une dénonciation
obligatoire.
Le
Président (M. Matte) :
Oui. Donc, je laisserais la parole à la députée de Verdun.
Il vous reste huit minutes.
Mme Melançon : Merci. Merci
beaucoup. Mesdames, bonjour. Merci beaucoup d'être parmi nous. Et je vais me permettre un commentaire. Si c'est votre première expérience comme ça
parmi nous, je veux vous dire que moi aussi, c'est ma première
expérience aujourd'hui. Alors, nous allons partager ce moment.
J'ai bien lu, j'ai bien parcouru tout le dossier
et je sais que votre chaire se penche particulièrement sur la maltraitance financière. Et en ce sens, un peu plus tôt, avec la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse, on a parlé du projet pilote en Mauricie, où on a parlé où
c'était autour de 80 %, là — si le chiffre est exact — des cas
qui étaient soulevés qui étaient de la maltraitance financière. Moi, je veux savoir — et
j'imagine que la chaire s'est penchée
là-dessus — est-ce
que nos établissements, donc je pense aux banques, je pense à nos caisses...
est-ce qu'ils sont bien outillés, justement,
pour offrir un soutien? Est-ce qu'on dispose suffisamment d'outils pour
faire de la prévention?
Mme Morin
(Christine) : Eh bien, en fait, je dois vous dire que les
institutions financières et tout ça sont de plus en plus conscientisées. Quand on fait des activités à la
chaire, par exemple, ce n'est pas rare qu'on ait des
représentants des institutions financières.
Et ils ont le même problème qu'un peu tout
le monde, ils se disent : On
constate une situation, est-ce qu'on
peut faire quelque chose? Est-ce qu'on peut geler un compte? Est-ce qu'on
doit aviser quelqu'un de la famille? Parce que, malheureusement,
parfois, c'est des gens de la famille aussi qui font l'exploitation financière
ou la maltraitance financière. Alors,
qu'est-ce qu'on fait rendu là? Si on parle à la personne âgée puis qu'elle nous
dit : Non, non, c'est correct, on
ne fait rien, c'est ma fille, c'est correct, jusqu'où peut aller l'institution financière? À qui elle peut demander de l'aide? Donc, on est conscients qu'il y a
des gens qui téléphonent dans les CIUSSS, demandent à des travailleurs sociaux,
il y a des gens qui se
renseignent à la Commission des droits de la personne, mais les gens ne savent
pas où se diriger, même lorsqu'ils veulent intervenir.
Par ailleurs, pour les institutions financières, il y aurait peut-être
lieu de les inciter ou peut-être même de modifier les lois pour qu'elles puissent intervenir plus facilement.
Je pense, par exemple, à l'utilisation des cartes de crédit. Vous savez tous que, quand on part à l'étranger, ce n'est pas
rare que, si on n'a pas avisé la carte de crédit, on va bloquer notre
carte de crédit. Mais pourquoi une personne
âgée qui a un compte de banque où, tout
à coup, il y a
des gros retraits significatifs, pourquoi
il n'y a pas une lumière rouge? Pourquoi il n'y a
pas une réaction de la banque quand on constate une situation comme ça,
anormale? Là aussi, ça permettrait d'arrêter l'exploitation avant qu'elle soit
rendue trop loin, avant que le compte de banque soit à zéro. Donc, les institutions
financières, ce serait bien qu'elles aient plus de ressources mais peut-être également
qu'elles aient plus de pouvoirs pour intervenir dans ces situations-là.
• (11 h 30) •
Mme Melançon :
Intéressant. En ce sens-là, tout à l'heure, lorsque vous avez débuté votre intervention,
vous avez parlé que les aînés devaient mieux, peut-être, connaître leurs
droits. Encore faut-il que les aînés connaissent mieux leurs droits, et, en ce
sens-là, auprès des institutions financières, est-ce
que vous ne croyez pas qu'on pourrait
peut-être aller vers une campagne de sensibilisation ou... Puis là je sais, là, que les institutions financières sont
d'ordre fédéral, mais à quel point, à ce moment...
Une voix : ...
Mme Melançon : Ah! je savais que j'étais pour te faire sourire.
Mais j'aimerais bien connaître... avez-vous déjà eu des liens avec les institutions
financières pour voir avec eux? Oui, il y aurait une mesure à prendre pour
mieux faire connaître le droit des aînés?
Mme Morin (Christine) : Oui, puis ce n'est pas seulement avec les institutions financières, c'est dans tous les milieux, à tous les niveaux. Même les gens qui oeuvrent dans le domaine
de la santé, parfois, ils ont une connaissance approximative des droits
des uns et des autres. Donc, toutes les campagnes d'information et de
sensibilisation à ce sujet-là sont les bienvenues, c'est certain.
Par
ailleurs, quand on fait des campagnes de sensibilisation, d'information, il
faut faire attention, il faut vulgariser l'information pour qu'elle soit
facilement accessible. Parce que, si on pense, par exemple, à Internet, on a
des sites merveilleux avec plein
d'informations — je pense
simplement à Éducaloi, le site de la Chambre des notaires — mais il faut que ce soit accessible,
facilement compréhensible.
Et
on se rend compte aussi dans nos recherches que l'accessibilité du droit, ce n'est
pas juste connaître la loi, c'est parfois
avoir quelqu'un pour nous accompagner pour faire les démarches, une fois qu'on
sait qu'on a droit à quelque chose, donc
avoir une espèce de soutien. Bien, pas pour toutes les personnes âgées. Et là
je ne l'ai pas encore mentionné, mais tout le monde a compris que les personnes âgées, ce n'est pas un groupe
homogène, là, la plupart des personnes âgées n'ont aucunement besoin de
protection législative supplémentaire. Mais là on parle de celles en situation
de vulnérabilité. Et, pour celles-là, bien, il y a un besoin accru
d'accompagnement. Donc, pas juste de donner l'information, mais d'accompagner
la personne.
Le
Président (M. Matte) :
Merci. Je céderais la parole au député de D'Arcy-McGee. Il vous reste
2 min 30 s.
M. Birnbaum : Merci, M.
le Président. Mes Morin, Champagne et
Dufour, merci pour votre présentation. Bon, c'est une première fois.
Dans les deux cas, je trouve que c'est assez bien réussi.
Vous
avez noté que vous auriez souhaité que la portée du projet de loi touche aux aînés qui ne sont pas soit en établissement ou en train de recevoir des services. Intéressant. Deux questions qui
me viennent. Dans un premier temps, est-ce
qu'on peut comprendre, donc, que les
instances actuelles et les lois en place ne sont pas suffisantes pour cette
plus grande cible là? Dans un
deuxième temps, sinon, comment on aurait pu faire appliquer un tel projet de loi pour cette population-là?
Mme Morin (Christine) : O.K. En fait, la nouveauté du projet de loi, c'est un rôle accru au commissaire
local, ce qui est super pour les gens qui
sont dans le réseau de la santé et
des services sociaux. Mais que peut
faire un commissaire local aux
plaintes, si on lui dit qu'il y a de la maltraitance financière qui est faite par le fils de la personne? Quel
est le pouvoir du commissaire local
aux plaintes de contacter le fils de la personne âgée pour lui dire d'arrêter
de faire ça? C'est quoi, ses moyens?
Donc, ici, on se rend compte que, vite, il atteint ses limites. Pour les gens
qui oeuvrent dans le réseau de la
santé, là c'est différent, et le commissaire devient peut-être une ressource de
proximité qui est intéressante, mais pour les autres situations qui n'ont pas trait aux soins de santé, c'est plus
difficile. On parlait des institutions financières. Je serais très
surprise qu'une institution financière qui constate une situation de
maltraitance ait le réflexe de contacter le commissaire local aux plaintes.
Donc,
c'est pour ça que je me dis qu'il faut avoir un organisme à la base qui est la
première ressource qu'on va contacter,
et par la suite, bien, peut-être que ce groupe-là pourra renvoyer à d'autres
endroits. Mais il faudrait avoir un lieu commun où on s'occupe de la maltraitance envers les personnes âgées, et
pas plein de petits réseaux, plein de petits canaux. Parce que là, commissaire local aux plaintes,
Commission des droits de la personne, Curateur public, on peut contacter
tout le monde. Est-ce que tout le monde se
parle? Est-ce que tout le monde partage les informations? Est-ce que ça se
pourrait, éventuellement, qu'il y ait une
plainte de maltraitance contre une personne déposée à ces trois endroits-là
puis qu'on ne sache pas, dans les
trois cas, qu'il y a des plaintes aux autres endroits? Donc, c'est pour ça
qu'on parle d'environnement global, d'harmonisation, de cohérence, pour
qu'on sache vraiment quelle est la façon d'intervenir dans les situations de
maltraitance.
Le Président
(M. Matte) : Je vous remercie. Je cède la parole au député de
Rimouski.
M.
LeBel : Bonjour, vous trois. J'ai lu votre mémoire, puis la
présentation était très bien faite. Puis je vais continuer sur la même
question que mon collègue, prenons, exemple... vous avez parlé de la caissière
qui voit qu'il se passe quelque chose de pas
normal, tu sais. Effectivement, pour l'instant, le projet de loi ne touche pas
à ces personnes-là ou on ne semble
pas, comme vous le dites, on ne semble pas... On parle surtout des gens qui
sont dans le réseau, mais pas à ceux qui sont... Mais, mettons que le projet de loi ouvre et qu'on a un circuit
qui est plus clair, comme vous demandez. Si j'arrive maintenant au signalement obligatoire, la
caissière en question, est-ce qu'elle doit faire le signalement obligatoire?
Et, si elle ne le fait pas, est-ce qu'on
parle de sanctions? Comment on peut mettre en place l'idée du signalement
obligatoire si on ouvre à des cas comme ça?
Mme Champagne
(Katherine) : Bien, encore une fois, le signalement obligatoire ne
nous semble pas nécessairement la voie à
suivre. On préconise plutôt une incitation, une sensibilisation pour amener les
gens, volontairement, à d'abord
outiller la personne âgée, l'informer de ses droits, l'amener elle-même à
reconnaître la situation de maltraitance et aller chercher les ressources.
Il ne faut pas oublier que la personne âgée
continue d'être une personne autonome et qu'elle peut décider pour elle-même. Évidemment, si on parle d'une
personne inapte, peut-être qu'il y aurait lieu de faire certains
ajustements. Mais,
pour une personne qui est apte, mais qui est en situation de vulnérabilité...
la caissière d'une institution financière, par exemple, devrait d'abord l'accompagner et, si elle juge que la situation
nécessite vraiment un signalement, eh bien, là, elle pourrait être autorisée
à le faire, mais sans être obligée à le faire.
Et il ne faut
pas oublier que, si on met une obligation législative de dénoncer une
situation, bien, il va falloir aussi mettre en place des conséquences et
que c'est une question d'allocation des ressources. Est-ce qu'on veut mettre
les ressources pour surveiller les gens qui ne font pas des signalements ou on
préfère utiliser ces ressources-là pour accompagner les personnes en situation
de vulnérabilité qui voudraient avoir de l'aide ou des services pour contrer la
maltraitance dont elles sont l'objet?
M.
LeBel : Merci. Sur un autre
sujet, peut-être. Hier, la CSN nous parlait de comment on peut
mieux identifier la maltraitance, là, la nommer puis la définir, et ils
disaient, bon, qu'on devrait bonifier la définition proposée de la maltraitance, qu'il serait pertinent d'y introduire la notion d'atteinte aux
libertés et les droits fondamentaux. Dans votre mémoire, vous, vous dites qu'au niveau de la notion de maltraitance vous
remettez en question l'histoire de... où il devrait avoir de la confiance. J'essaie de voir, là — puis
vous êtes la chaire qui s'occupe de ça au niveau des droits de la
personne, au niveau du juridique, plus — pourquoi
vous arrivez à cette notion-là que, la confiance, il faudrait sortir ça?
Qu'est-ce que ça vient donner de plus? Et la proposition de la CSN de se
référer aux droits et libertés de la personne, qu'est-ce que vous en pensez?
• (11 h 40) •
Mme Morin
(Christine) : Alors, merci
pour votre question. En fait, nous, on parlait de la distinction à la
base entre maltraitance et exploitation. Là encore, c'est une situation
où il y a une certaine incohérence parce que,
sur le plan social, on parle de maltraitance, alors que, sur le plan juridique, le mot consacré, c'est
«exploitation», à l'article 48 de la charte. Donc, est-ce qu'on parle de la même chose? Dans la
plupart des cas, il semblerait que oui, mais là aussi il y aurait peut-être lieu de clarifier : Est-ce que l'exploitation,
c'est de la maltraitance? Est-ce que de la maltraitance, c'est de
l'exploitation? Est-ce que ça couvre toutes les mêmes choses?
Nous, on
pense qu'il faut élargir au maximum, et d'où l'aspect lien de confiance qui est
dans la définition de la maltraitance
en ce moment. Donc, on exige qu'il y
ait une relation de confiance, et
nous, on se demande pourquoi l'exiger. Oui,
c'est une des situations où il
y a de la maltraitance, mais, en faisant ça, est-ce qu'on n'est pas en train de fermer
la porte à d'autres situations,
par exemple tout ce qui est fraude par Internet, tout ce qui est arnaque aux
grands-parents, dont on a entendu
parler, là, les téléphones pour obtenir des montants d'argent, le vendeur
porte-à-porte qui ciblerait la clientèle des personnes âgées? Donc, tous
ces gens-là, est-ce qu'ils sont visés par la définition de «maltraitance»,
puisqu'on ne s'attend pas à ce qu'il y ait
un lien de confiance avec les gens avec qui on transige sur Internet, les gens
à qui on parle nécessairement au téléphone, les vendeurs de porte-à-porte?
Donc, on a peur qu'on mette de côté certaines situations en exigeant ce lien de confiance, qui, par ailleurs,
est souvent présent dans les relations où il y a de la maltraitance.
Donc, d'où notre bémol.
M.
LeBel : O.K. Là,
je comprends bien. D'ailleurs, ça s'applique sur tout ce qui touche la
maltraitance organisationnelle, parce qu'il n'y a pas de lien de
confiance, là. Le CHSLD, si on ne donne pas les services, si on ne donne pas les bains, si on laisse les gens dans
leurs couches, c'est le système, là, c'est l'organisation, c'est l'État qui
ne prend pas en charge assez bien nos aînés. Là, on ne peut pas parler de lien
de confiance.
Mme Morin
(Christine) : Oui et non,
parce qu'il devrait y avoir un lien de confiance par rapport au
personnel qui nous soigne. On a un lien de confiance avec notre médecin, on a
un lien de confiance avec notre infirmière, notre travailleur social, etc. Donc, moi, je pense que, pour le réseau, on est
couverts par la relation de confiance parce que ces gens-là, c'est des gens qui nous donnent des
services de proximité, donc avec qui on s'attend effectivement à ce qu'il
y ait une relation de confiance.
M.
LeBel : Mais, encore là, on
met la charge sur le personnel, le personnel qui est débordé, qui est
surchargé, qui n'est pas assez nombreux.
C'est vrai qu'il y a un lien de confiance avec la personne, mais le problème
n'est pas là. Le problème, c'est
qu'il n'y a pas assez d'investissement dans le réseau, puis le problème, c'est qu'on
s'en... Ça fait que, là-dessus, effectivement, en parlant de lien de confiance, on met la
charge sur le dos de la personne qui fait son possible pour donner le
service, mais qui est débordée.
Ailleurs,
dans votre mémoire, vous dites : «Nous croyons que le
commissaire local aux plaintes et à la qualité des services ne dispose pas de pouvoirs suffisants, notamment pour lutter contre la
maltraitance.» Effectivement, plusieurs nous le disent, là, les commissaires, là. Puis, si on couvre plus large au
niveau de la maltraitance, le commissaire va être débordé. Les commissaires ne seront pas capables de livrer.
Puis le ministre nous dit : Bon, si ça déborde, on mettra de
l'argent. Mais ça, on ne le sait pas, là.
Comment vous voyez ça? Comment on pourrait s'assurer qu'on est capables, là, en
mettant le projet de loi en marche, qu'on est capables de livrer la
marchandise puis qu'on ne décevra pas personne?
Mme Morin
(Christine) : Alors, je reviens sur le début de votre
proposition, là, sur la maltraitance organisationnelle. Moi, je suis d'accord pour dire que c'est de la
maltraitance. Donc, quand c'est le réseau qui n'arrive pas à répondre
aux besoins des personnes aînées et autres
personnes majeures en situation de vulnérabilité, je crois que c'est de la
situation de maltraitance organisationnelle, structurelle et qui doit
impérativement être visée par le projet de loi n° 115.
M. LeBel : Dans un cas comme ça, le
commissaire aux plaintes fait quoi?
Mme Morin (Christine) : Bien, c'est ça, le commissaire local aux plaintes
fait quoi par rapport à la maltraitance organisationnelle? Il relève du conseil d'administration, c'est
difficile pour lui de les forcer à bouger. Par ailleurs, vous mentionnez
un problème important, celui des ressources. La commission l'a évoqué tout à
l'heure, que ce soit la Commission des droits de la personne, le Curateur
public ou le commissaire local aux plaintes, si on veut vraiment régler les problèmes, il va falloir affecter les
ressources en conséquence, et c'est probablement une partie du problème.
Tout
à l'heure, la Commission des droits de la personne disait qu'elle voulait et
pouvait agir sur le plan national, mais
qu'elle n'avait pas suffisamment de ressources pour intervenir dans les
ententes sociojudiciaires locales. Mais ça, selon moi, c'est un problème parce que la Commission des
droits de la personne a tellement de pouvoirs qui lui sont donnés dans la charte, elle peut faire beaucoup de choses,
mais, si elle n'est pas là sur le terrain, où il y a des problèmes, bien, on
se prive d'une ressource hyperimportante. Donc, il faut que, dans les ententes
sociojudiciaires, ce ne soient pas juste les policiers,
travailleurs sociaux, médecins, il faut que la Commission des droits de la
personne soit là, qu'elle accompagne localement.
Parce que la commission est là pour l'ensemble du territoire québécois. Donc,
on n'est pas que dans les grands principes théoriques, il faut qu'elle
soit là sur le terrain parce qu'elle peut intervenir, la charte lui permet de
le faire, et ça, c'est hyperimportant.
Le Président
(M. Matte) : Je vous remercie. Je cède la parole au député de Lévis.
M. Paradis (Lévis) : Merci,
M. le Président. Me Morin, Me
Champagne, Me Dufour, merci. C'est intéressant. Puis, si on fait seulement
un petit bout de chemin sur ce qu'on a abordé là... Et vous le disiez d'emblée
dans votre préambule, vous disiez :
C'est dommage qu'en 2017 on soit à se jaser de ça puis tenter de bonifier un projet de loi pour protéger nos aînés. À la même enseigne, en 2013, il y avait ce projet de loi n° 399, en fait, qui, déjà, mettait en
lumière des problématiques.
Vous
venez de parler de maltraitance organisationnelle, de cette obligation d'avoir
des ressources pour faire en sorte que
le fardeau de la preuve ne soit pas que sur notre personnel, qui n'est pas en
mesure de rendre son service parce
que le système ne lui permet pas de le faire. Mais on est encore en train de jaser de
ça aujourd'hui puis à se demander est-ce qu'on a suffisamment d'argent pour investir où ça compte, c'est-à-dire dans le cadre de la protection de nos aînés, tant sur le plan
personnel, que psychologique, que juridique. Avouez comme moi, on a du chemin à
faire. Mais, tant mieux, vous êtes là, puis on va tenter d'avancer également.
Je
reviens sur la dénonciation obligatoire,
est-ce que vous avez analysé et comparé les dispositions légales et le
chemin qu'ont pris huit provinces sur 13 qui ont adopté le signalement
obligatoire avec, évidemment, leurs modalités d'application propres? Mais huit
provinces sur 13, actuellement, ont dit : Nous, là, on se dote d'une
disposition de déclaration obligatoire.
Est-ce que vous avez analysé le pourquoi, les effets, ce que ça a donné de bon
puis peut-être ce que ça a donné de mauvais?
Mme Champagne
(Katherine) : Bien, en fait, on a déjà regardé, effectivement, ce qui
se faisait ailleurs, mais pas le détail dont...
Une voix :
...
Mme Champagne
(Katherine) : Pardon?
Une voix :
Non, pas dans le détail de chacune des provinces.
Mme Champagne
(Katherine) : C'est ça, et pas nécessairement au niveau des effets non
plus pour vérifier si c'est des mesures qui ont été efficaces.
Mme Morin (Christine) : Mais, en fait, la littérature à ce sujet-là, elle
n'est pas très abondante, hein? Donc, est-ce que l'obligation de signalement, c'est un plus ou un moins? C'est loin
d'être certain. Les quelques études qu'on a, certaines montrent que ça peut parfois être contre-productif
d'obliger à le faire parce que ça va faire en sorte que certaines
personnes vont attendre d'être sûres que
c'est vraiment, vraiment de la maltraitance avant de dénoncer, alors que, si
c'est simplement une incitation, une possibilité,
peut-être qu'elles vont être plus amenées à le faire. Mais, encore là, on n'a
pas de chiffres, on n'a pas d'étude,
et le gros bon sens devrait vouloir qu'on n'ait pas besoin de forcer les gens à
faire ça. Et nous, ce qu'on dit, c'est
que, comme les ressources ne sont pas illimitées, si on doit mettre l'accent
sur quelque chose, on pense que ça doit être la prévention, la détection
et l'intervention.
M. Paradis (Lévis) : Je comprends Me Morin, puis je comprends que vous
dites... Puis surtout ce que j'entends, c'est qu'on n'a pas la
littérature nous permettant d'aller chercher l'aboutissement, mais qu'il reste
que huit provinces sur 13 ont décidé
d'adopter cette façon de faire là, qu'au Québec la société — en tout cas, à travers des sondages qui
ont été présentés — semble prête à aller de ce côté-là. Puis
oui, vous avez raison, dans le meilleur des mondes, tous ceux qui voient un élément de maltraitance devraient
dénoncer dans la mesure où on le fait de façon intelligente. Et, à travers
même des dispositions d'obligation de dénonciation, il y a des mesures
d'application qui permettent de faire en sorte que ce soit fait d'une manière intelligente, sans infantiliser qui que ce soit,
mais en aidant peut-être ceux qui ne sont pas en mesure de se défendre
en fonction d'un traitement que l'on juge globalement inacceptable.
Vous dites : L'important ce sera — puis
vous n'êtes pas la première — de clarifier le chemin et de faciliter le
chemin également. Vous parliez, il y a deux
instants... Puis on pourrait reprendre l'exemple de mon collègue, là, de
la caissière qui se
rend compte que des... ou du banquier ou du directeur de banque qui se rend
compte qu'il y a des relevés ou des
retraits importants puis qui se demande : Est-ce que... Puis permettez-moi
une parenthèse, c'est parce que je repense à vos propos. Quand vous dites : Ça pourrait peut-être faire en sorte
que les gens attendent avant de dénoncer, vous l'avez dit, on n'a pas les données probantes pour huit
provinces sur 13 qui ont décidé... D'ailleurs, ces chiffres-là viennent de
l'étude de la chaire de recherche sur la
maltraitance. En même temps, il y a des gens qui, malheureusement et
manifestement, ferment les yeux. Et ça, on
en a des échos assez régulièrement, et, à chaque fois qu'on en a, ça nous
ébranle. Est-ce que l'un ne permettrait pas d'éviter l'autre? En tout
cas, le raisonnement, le questionnement est là.
Ceci dit, selon vous, quel est le chemin idéal?
Vous m'avez parlé du commissaire local aux plaintes, de ses pouvoirs. En a-t-il
assez? On nous a dit ici : Le pouvoir de recommandation, pas suffisant.
Oui, il y a d'autres... La Commission des
droits est venue nous rencontrer. Le Protecteur du citoyen, il nous a parlé du
Curateur. Vous parlez... Il y a la
ligne Abus, on ne sait pas trop. Quel est le chemin? Est-ce que ce qu'on
prévoit là est le chemin idéal pour faire en sorte qu'on puisse répondre
à l'objectif qu'on se donne, c'est-à-dire celui du commissaire local aux
plaintes?
• (11 h 50) •
Mme Morin
(Christine) : En fait, ce
n'est pas un mauvais chemin pour les gens qui sont dans le milieu de la
santé, pour les cas de maltraitance dans le réseau, dans les services, dans les
soins, dans la mesure où le commissaire, il est de proximité et qu'il est
accessible. Alors, ça, c'est ce qui est important. Là, on sait qu'il n'y a pas
un commissaire dans chacun des établissements. Donc, est-ce que c'est une ressource
suffisamment accessible pour qu'on soit porté à aller lui dénoncer la situation?
Donc, il faut
trouver le moyen le plus simple, le plus près, celui à qui on va penser
spontanément. Si on regarde ce qu'on
a sur papier en ce moment, ce chemin-là, ça devrait être la Commission des droits de la personne. Parce que ce n'est pas rien, hein, on protège les personnes âgées
dans la charte. On devrait être fiers, comme société, au Québec,
de faire ça parce que c'est loin d'être le cas partout dans le monde.
Mais est-ce qu'on fait en sorte qu'on utilise tout ce que nous donne la charte?
M. Paradis (Lévis) : ...et donc
de signaler et de mettre en avant-scène le rôle de la Commission des droits.
Le Président (M. Matte) : Je
vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants.
(Suspension de la séance à 11 h 51)
(Reprise à 11 h 56)
Le
Président (M. Matte) :
Sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants du Barreau du Québec.
Je vous rappelle que vous disposez de
10 minutes et je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui
vous accompagnent.
Barreau du Québec
Mme Prémont
(Claudia P.)
: Alors,
bonjour, M. le Président, Mme la
ministre, Mmes et MM. les membres
de la commission. Alors, je me présente, Claudia P. Prémont,
bâtonnière du Québec. À mes côtés, vous avez Me Pearl Eliadis, qui est présidente du Comité sur les droits de la
personne du Barreau du Québec, ensuite Me Ana Victoria Aguerre, à la gauche, avocate et secrétaire du Comité sur les
droits de la personne du Barreau du
Québec, et, finalement, Me
Nicolas Le Grand Alary, qui est avocat au Secrétariat de l'ordre et affaires
juridiques du Québec.
Alors, le Barreau, bien évidemment, soutient l'objectif
du projet de loi n° 115, qui est de protéger les droits fondamentaux des personnes aînées et des personnes
majeures en état de vulnérabilité, en situation de vulnérabilité. C'est avec enthousiasme que nous accueillons l'idée
d'instaurer en établissement et hors établissement une politique contre
la maltraitance de ces personnes vulnérables.
Vu le temps qui nous est alloué, nous référons à
notre mémoire pour nos autres commentaires généraux. Et j'aimerais attirer votre attention sur trois points en
particulier : alors, tout d'abord, l'exception au secret
professionnel; en second lieu, les caméras
de surveillance; et, finalement, le commissaire aux plaintes, qui sera la
personne désignée, selon notre compréhension, pour gérer les plaintes
découlant du projet de loi n° 115.
Alors donc,
l'exception au secret professionnel, l'article 21 du projet de loi, ce
sont les pages cinq à 10 de notre mémoire
qui y réfèrent plus particulièrement, et on vient modifier l'article 131
de la Loi sur le Barreau. Alors, le Barreau du Québec considère que les modifications à l'exception au secret
professionnel ne sont pas nécessaires, et on se questionne sur
l'objectif poursuivi par le législateur par le changement des critères
nécessaires à la levée du secret professionnel. Et je m'explique.
En 1999, la
Cour suprême a rendu l'arrêt Smith contre Jones, qui demeure l'arrêt de
principe sur la question à l'exception
de sécurité publique au secret professionnel. Dans cet arrêt, la cour conclut
qu'il est possible pour un avocat de passer outre, hein, à son secret,
dans certaines circonstances spécifiques, lorsque la sécurité publique est en
jeu. Le législateur québécois, en 2001, a
fait le choix d'utiliser les critères établis par cet arrêt relativement au
secret professionnel de l'avocat pour le rendre applicable de manière
uniforme aux lois, là, concernant les professionnels, aux lois professionnelles. Et, à la page 7 de notre mémoire, on a
mis la liste des lois qui étaient touchées et qui prévoient, là, les
critères établis par Smith contre Jones.
Ainsi,
le secret professionnel peut être levé lorsqu'il y a présence d'un danger
imminent, de mort ou de blessure grave
visant une personne ou un groupe de personnes identifiables. Or, le projet de
loi n° 115 viendrait modifier toutes les lois ayant codifié
l'exception au secret professionnel relative à la sécurité publique.
Le projet de
loi propose une reformulation des critères, qui s'articuleraient désormais
autour de la notion d'un risque
sérieux, de blessure grave ou de mort menaçant une personne ou un groupe de
personnes identifiables et dont la nature de la menace inspire un sentiment d'urgence. En premier lieu, par ailleurs,
les termes «blessure grave» sont définis, équivalant à des blessures physiques ou psychologiques qui
nuisent à l'intégrité physique, à la santé ou au bien-être d'une
personne ou d'un groupe de personnes
identifiables. Et, à cet égard-là, cette précision-là, nous la saluons, on
considère que c'est bien que ce soit précisé, lorsqu'on parle de
blessure grave, ça équivaut à quoi.
Nous
remarquons toutefois que la notion de danger imminent est remplacée par celle
de risque sérieux dont la nature de
la menace inspire un sentiment d'urgence. Alors, on comprend, là, que, bien que
les termes soient différents, oui, ils sont tirés de ce qui était dit dans l'arrêt Smith contre Jones et dans
l'arrêt Reine contre McCraw de la Cour suprême du Canada, cependant le critère du risque sérieux dont la
nature inspire un sentiment d'urgence dans son sens général, selon nous,
ça semble correspondre à un seuil moins
élevé que le danger imminent, prévu depuis 2001 dans nos lois par le
législateur.
• (12 heures) •
Alors, le
changement de termes dans le libellé laisse donc croire qu'il existe une
intention de modifier les critères applicables,
puisque, comme vous le savez, le législateur ne parle pas pour ne rien dire.
Ainsi, ces modifications sont de nature à engendrer des difficultés
quant à leur interprétation et à soulever des litiges, à notre avis. Et est-ce vraiment
nécessaire afin d'atteindre l'objectif visé par le projet de loi n° 115?
Nous ne le croyons pas.
Le projet de loi n° 115 a pour objet de lutter contre la maltraitance
envers les aînés. C'est un objectif
spécifique, mais ça vient modifier des lois
d'application générale comme le Code des professions, la Loi sur le Barreau ou
la Loi sur les services de santé et services sociaux. Alors, l'intention
du législateur est-elle ici de modifier ces lois d'application générale afin de permettre, entre autres aux
professionnels et aux autres personnes visées, de dénoncer les situations
de maltraitance envers les aînés, par exemple en ce qui a trait aux questions
d'exploitation financière?
Alors, si c'est le cas, on ne comprend pas le
choix du législateur de modifier l'exception. Et, selon nous, la protection des personnes aînées contre la
maltraitance et l'exploitation serait mieux servie par la création de
procédures spécifiques de signalement de
maltraitance permettant la levée du secret professionnel. Et ces dispositions s'appliqueraient à certains
professionnels visés par une loi particulière
à l'instar des mécanismes qui sont prévus et qui sont différents dans
chacune des lois, mais, à l'article 39 de la Loi sur la protection de la
jeunesse, à l'article 603 du Code de la sécurité routière ou à l'article 15.1 de la Loi sur l'Autorité des marchés
financiers, on y réfère dans notre mémoire. Cela permettrait, à notre avis, d'éviter de modifier une exception
générale au secret professionnel applicable à tous les professionnels
dans tous les cas pour lesquels il existe un
danger imminent de blessure grave ou de mort à l'endroit d'une personne ou
d'un groupe de personnes identifiable. Alors, c'était le premier commentaire
que nous tenions à faire.
Deuxième commentaire, sur les caméras de
surveillance, pages 10 à 15 de notre mémoire, article 31 qui vient
modifier l'article 505 de la Loi sur les services de santé et services
sociaux.
Alors, le
projet de loi n° 115 habilite le ministre à édicter, par règlement, des
mécanismes de surveillance dans tout
établissement en lien avec la prestation de services de santé et de services
sociaux. Nous n'avons pas, évidemment, le règlement. Nous avons pris connaissance des directives ministérielles
qui ont été publiées, là, il y a quelques minutes, peut-être une heure. Donc, évidemment, on réserve nos
commentaires, c'est clair. Il aurait peut-être été préférable d'avoir un
document de travail un petit peu plus élaboré à cet égard-là pour qu'on vous
donne des commentaires peut-être plus pertinents.
Mais, cela
étant dit, on a quand même certains commentaires généraux à faire. Alors,
l'utilisation de la vidéo de surveillance
soulève des enjeux juridiques concernant notamment les droits fondamentaux,
comme vous le savez, garantis par la Chartre des droits et libertés de
la personne.
Alors,
première des choses, bien que la jurisprudence confirme à la fois que la vidéo
de surveillance effectuée par les
usagers résidant dans un milieu de vie substitut ou encore par les employeurs
est légale, ça, je pense que vous le savez, elle doit répondre à
certains principes qui varieront selon les circonstances.
Alors, principe établi par la loi, la
jurisprudence qui précise le cadre juridique selon deux circonstances. C'est-à-dire, tout d'abord, la vidéosurveillance
est effectuée par l'usager lui-même et, en second lieu, selon que
l'usager agit de connivence avec l'établissement.
Alors, dans
le premier cas, la jurisprudence indique que la personne qui se retrouve en
milieu de vie substitut jouit d'une
protection large de sa vie privée. Donc, il faudra néanmoins toujours avoir en
tête qu'il faut obtenir le consentement de toute autre personne qui partagerait, par exemple, le milieu de vie
substitut. Dans le deuxième cas, bien qu'il soit vrai qu'en vertu de la chartre l'employé a droit à des
conditions de travail justes, raisonnables, qui respectent sa santé, et
sa sécurité, et son intégrité physique, on sait que la jurisprudence nous
indique toutefois que le milieu de travail ne peut, généralement, pas être
considéré comme un lieu visé par le droit à la vie privée. La jurisprudence
exige néanmoins que l'employeur — il faut garder ça en tête — justifie toute mesure de vidéosurveillance
qu'il mettra en place par des motifs rationnels
et des moyens raisonnables conformément à l'article 9.1 de la chartre. De
façon générale, la surveillance par l'employeur
en milieu de travail doit répondre à un test de raisonnabilité, et je vous
réfère aux pages 12 et 13 de notre mémoire, où on a chacun des
critères qui doivent être analysés.
Alors,
gardant à l'esprit l'objectif du projet de loi, le Barreau, comme je vous le
disais, reste dans l'attente d'évaluer précisément
la réglementation qui sera finalement émise, mais nous croyons néanmoins que le
contexte de vulnérabilité dans lequel
se retrouvent les usagers en milieu de vie substitut serait, à lui seul,
susceptible de répondre aux critères de nécessité et de raisonnabilité des moyens requis par le droit pour justifier l'installation de caméras de
surveillance dans les chambres des usagers par les établissements et estimons qu'une fois démontrée la maltraitance organisationnelle pourrait répondre aux exigences
juridiques et justifier une telle mesure.
Le
dernier point, capacité organisationnelle du commissaire aux plaintes et à la qualité
des services, pages 15 et 16 de notre mémoire. Alors, un petit peu, on a
entendu les autres intervenants. Je crois que notre commentaire va dans le même sens, c'est-à-dire on s'interroge sur la capacité organisationnelle du commissaire aux plaintes et à la qualité des services de répondre de ces nouvelles obligations
qui découleraient de l'application du projet
de loi n° 115. Alors, le message qu'on veut passer, c'est tout simplement très important de s'assurer que les ressources seront suffisantes
pour faire face à ce nouveau volume de plaintes à prévoir.
Maintenant, en
terminant, oui — et
c'est très, très, très important — alors vous avez compris qu'on accueille favorablement le projet de loi, mais on croit que
l'objectif de lutte contre la maltraitance doit également passer par des
mesures de prévention, extrêmement
important, tout autant que par la mise en place de procédures, et signalements,
et mesures d'interdiction de représailles.
Dans la lutte contre la maltraitance, oui, il est crucial de fournir aux
victimes, leur famille, tous les
moyens pour faire cesser et sanctionner les actes reprochés, mais ultimement le
projet de loi doit proposer des
moyens pour qu'il n'y ait plus de victimes. Et on pense que c'est par la
prévention, fournir des outils, l'éducation, qu'on va enrayer le
phénomène de la maltraitance.
Le Président (M.
Matte) : Je vous remercie, et ceci...
Mme Prémont
(Claudia P.)
: Merci beaucoup, je terminais.
Le
Président (M. Matte) : Nous sommes rendus à la période d'échange, et
je cède la parole à Mme la ministre.
Mme
Charbonneau : Merci, M. le Président. Mesdames, monsieur,
vous avez compris que le temps est quelque chose de superprécieux, et, de ce fait, bien, quelquefois, ce qui peut
sembler être un peu bousculé, bien, fait en sorte que ça nous donne plus de temps pour pouvoir échanger
avec vous. Donc, pardonnez-nous les règles, mais elles sont ainsi
faites. Et je m'adresse aux gens du Barreau qui connaissent très bien, hein, ce
qu'est une règle et quand on doit la mettre en application.
Merci
pour le mémoire. Je corrige un peu parce que vous avez dit, effectivement, vous
avez reçu les orientations... elles ont été rendues publiques, hein, ces
orientations, ce matin. Par contre, le Barreau avait reçu une invitation pour participer à la journée de réflexion qu'on a faite
avec les groupes. Malheureusement, probablement que, dans vos horaires,
il y avait un imbroglio qui faisait que vous
ne pouviez pas être avec nous. Mais on avait lancé l'invitation, et soyez
assurés que, quand le règlement sera écrit,
la même mesure sera prise pour pouvoir vous entendre parce que vous avez un
regard sur cette société qui est très bien cadré dans le principe du droit de
la personne. Donc, merci de vous y intéresser.
Vous
avez fait dans votre présentation une phrase qui m'a accrochée en disant :
Pour l'utilisation des caméras, il y a nécessairement
des réglementations qui visent le milieu de travail et l'individu. Je veux
juste vous donner la perspective qui émane
du Secrétariat des aînés ou de la ministre, qui les défend bien, c'est que,
pour nous, c'est vraiment un milieu de vie.
Comme la chanson le dit en anglais, où j'accroche mon chapeau, c'est chez moi.
Mais, pour un aîné, à partir du moment où il est dans une résidence, même s'il faut qu'il paie un loyer, il est
chez lui. Donc, de ce fait, la réflexion qui a été faite pour les
caméras, c'est vraiment dans cette perspective-là.
Ce matin, on a pu
entendre des gens réagir par rapport à un milieu de travail, mais
rappelons-nous que, de ce côté-ci de la
table ou de l'autre côté, on parle éminemment d'un milieu de vie. Et, quand on
parle de l'aspect désorganisé ou institutionnel, bien, on fait référence
aux services, mais le milieu de vie reste une priorité dans la perspective.
Vous
l'adressez dans votre mémoire, mais vous avez choisi de ne pas le mettre dans
vos trois points d'aujourd'hui, alors je vais vous y amener tout de
suite parce qu'il y a un grand débat qui veut faire en sorte qu'on se demande
entre l'obligation et la possibilité, et, de
ce fait, j'aimerais avoir l'angle sur lequel vous avez statué entre
l'obligation de dénoncer et la possibilité de dénoncer.
• (12 h 10) •
Mme Prémont
(Claudia P.)
: Bien, comme vous l'avez vu... et là je vais
céder la parole à Me Aguerre sur ce
point-là, possiblement, mais ce que j'aimerais quand même vous dire d'entrée de
jeu, c'est que nous référons à des dispositions
spécifiques. Nous référons, entre autres, à la Loi sur la protection de la
jeunesse, qui prévoit une obligation applicable à certains
professionnels. Les deux autres lois ne vont pas aussi loin dans leur approche.
Et le but, c'était vraiment d'offrir,
finalement, aux parlementaires, au gouvernement, une ouverture, différentes
possibilités. Parce que peut-être, un petit peu comme l'ont dit les
intervenants juste avant nous, est-ce que vraiment le fait d'obliger une
dénonciation va nécessairement amener de meilleurs résultats? Peut-être qu'il y
a un questionnement à y avoir. Mais Me Aguerre va pouvoir vous réponde
peut-être de façon encore plus pointue.
Mme Aguerre (Ana Victoria) : Compte tenu que c'est davantage Me Le Grand Alary
qui a travaillé sur ce volet-là du projet de loi, je céderais, à mon
tour, la parole à Me Le Grand. Regardez...
Mme Prémont
(Claudia P.)
: Bon, alors, vous voyez, je suis bien informée.
Mme
Charbonneau : Mais je voulais vous dire, j'ai l'impression
d'être comme dans un match de hockey, puis là vous venez de passer la
puck à...
Mme Prémont (Claudia P.)
:
Oui, exact. C'est un beau travail d'équipe.
Mme
Charbonneau : Un jeu d'équipe, un jeu d'équipe.
M.
Le Grand Alary (Nicolas) : Oui. Donc, bonjour. Sans prendre position,
là, claire au niveau... dans le mémoire du Barreau, on a décidé de présenter des mesures alternatives parce
qu'on l'a vu vraiment dans la perspective de l'exception au secret
professionnel. On a compris, là, de différentes entrevues puis de... que
l'intention est de permettre aux professionnels
de passer outre leur secret pour dénoncer des situations de maltraitance. Nous,
par contre, de la façon qu'on a interprété
les modifications proposées, qui collent à la décision de la Cour suprême dans
Smith contre Jones et R. contre McCraw, on voit difficilement comment le
critère pourrait être assoupli à ce point et, donc, on propose des mesures alternatives issues, par exemple, de la Loi sur la
protection de la jeunesse, le Code de la sécurité routière ou la Loi sur
l'Autorité des marchés financiers.
En
ce qui a trait à la Loi sur la protection de la jeunesse, effectivement, il
s'agit d'une obligation de signalement applicable
à tout professionnel qui voit des situations de compromission, là, des enfants.
Et par contre, dans le Code de la sécurité
routière, c'est seulement une possibilité pour un professionnel de la santé de
le faire, de transmettre à la SAAQ des informations, là, que quelqu'un
était incapable de conduire un véhicule automobile. Et, dans la Loi sur
l'Autorité des marchés financiers, c'est
vraiment une interdiction de refus de la part des comptables professionnels
agréés de transmettre des documents à l'autorité.
Donc,
il y a différentes façons de procéder, et, sans avoir pris une décision
peut-être fixe, on propose trois mesures alternatives, là, au lieu de vraiment aller sur l'exception au secret
professionnel, de plus aller sur des mesures spécifiques.
Mme
Charbonneau : Je vous dirais que moi, comme mon collègue de
la CAQ... être déçue de ne pas vous voir statuer, mais permettez-moi... Puis je n'ai aucune force légale. Dans
l'ensemble des articles de loi, là, vous êtes mieux placés que moi. Mais, pour la jeunesse, on se
rappellera que c'est des gens qui ne sont pas aptes, hein? Je vais
reprendre ce terme-là, c'est peut-être
malhabile, mais ce sont des enfants jusqu'à l'âge de 18 ans, donc ils ne sont
pas aptes. Donc, il faut mettre un encadrement différent pour pouvoir
assurer qu'on puisse les accompagner dans des gestes qui sont inacceptables ou
dans des situations dans lesquelles il faudrait les retirer. Ma première
intervention.
Les
deux autres sont... parce que c'est une responsabilité partagée. Le médecin
signe un document pour assurer qu'à partir de 80 ans je peux encore
conduire ma voiture, donc il a une responsabilité face au document qu'il signe.
Et, quelquefois — je vous le dis parce que, dans les bureaux
de comté, on en voit plusieurs — les gens veulent maintenir leur
permis de conduire parce que c'est leur autonomie qui en dépend, leurs
déplacements.
En
ce qui a trait à l'autonomie des marchés, on connaît les histoires d'horreur
qui se sont passées et on sait pourquoi un a une responsabilité face à l'autre. On est plutôt cette fois-ci dans
une situation où, dans le fond, la question qui se pose, c'est l'autodétermination de la personne,
l'autonomie d'un aîné. On le dit souvent, «aînés», c'est un titre qu'on
donne à un regroupement de gens, mais qui ne sont pas nécessairement... J'ai
déjà livré des repas de popote avec un monsieur de 72 ans qui me disait qu'il allait porter des repas aux vieux.
Alors, «aîné», ce n'est pas toujours la même perspective pour tout le
monde.
De
ce fait, de ce côté-ci de la table, nous croyons qu'un aîné, c'est quelqu'un
qui a encore de l'autodétermination. Quand
il ne l'a plus, vous le savez, il y a un contrat ou un mandat d'inaptitude qui
est donné à quelqu'un pour pouvoir parler
au nom de cette personne. Mais nous croyons qu'il y a encore cette liberté de
penser là chez... l'autonomie de la personne, qui fait en sorte qu'il peut se prononcer s'il se passe quelque chose et
qu'il choisit de le faire. Après ça, bien, on s'en va au secret
professionnel, puis ça, c'est une autre rubrique.
Mais
j'aurais vraiment apprécié vous entendre sur ce principe, puisque c'est une
grande question qui nous habite, entre
l'autodétermination puis entre l'obligation, qui, pour moi, est une forme
d'infantilisation auprès de l'aîné parce qu'on la compare à la DPJ, puis je ne trouve pas ça intéressant. Donc,
j'aurais mieux aimé une position plus ferme de votre côté pour pouvoir vous prononcer sur le sujet. Donc, si
moi, je n'y arrive pas, soyez assurés que j'ai peut-être un collègue qui
va avoir les bons arguments pour vous faire vous prononcer, pour pouvoir vous
entendre sur le sujet. Je crois que j'ai un collègue qui a signifié sa volonté
de poser une question puis je veux vraiment que tout le monde participe. Donc,
M. le Président...
Le Président (M.
Matte) : Je cède la parole au député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président. Je veux revenir à la question de la levée du secret
professionnel et je m'aventure. Je ne suis pas avocat de formation, mais je
crois que votre conseil là-dessus est très précieux et je veux m'assurer que vous pouvez en élaborer. Vous avez
noté que la formulation de «danger imminent» risque d'être, en quelque
part, un petit peu plus limitative que ce qu'on propose. En même temps, vous
dites qu'il y a peut-être d'autres façons d'assurer
que l'étendue du projet de loi soit à
propos. Je crois qu'on partage l'idée que les protections soient
présentes et l'accès à ces recours soit
protégé. Si j'ai bien compris, vous avez l'inquiétude que d'élargir cette
définition de cette façon risque
d'inciter des cas d'abus ou des problèmes. Par contre, si j'ai bien compris,
vous êtes en train de nous proposer de créer un autre libellé pour
toucher de façon claire des cas qui risquent d'être oubliés par un danger
imminent, à titre d'exemple, bon, des cas d'abus financier ou d'autres. Je vous
invite d'assurer qu'on a bien compris votre suggestion là-dessus, ce serait un
autre libellé d'ajouté?
M.
Le Grand Alary (Nicolas) : Oui. En fait, selon nous, le libellé
original qui est actuellement dans la loi, qui est issu de la définition de la Cour suprême, les
modifications qui sont proposées, là, à toutes ces lois, selon nous, ne
devraient pas avoir de changement
significatif au niveau de l'étendue de l'obligation et l'étendue de qu'est-ce
qui est possible, de quelles situations peuvent mener à l'ouverture à la
levée du secret professionnel dans ces cas précis.
Donc,
en quelque sorte, on trouve que ça rate un peu la cible si l'intention est
réellement de permettre aux professionnels
de passer outre leur secret professionnel pour dénoncer des situations de
maltraitance au lieu de modifier une exception au secret professionnel
qui s'applique à tous les professionnels dans toutes les situations visées où
une personne ou un groupe de personnes est
face à un danger imminent de blessures graves ou de mort. On pourrait avoir
une disposition spécifique qui permet de passer outre le secret professionnel
dans les cas particuliers de maltraitance. On pourrait
avoir dans la disposition une définition de ce qu'est la maltraitance et, donc,
vraiment bien cibler le cas et cibler aussi les professionnels qui
seront visés par cette exemption.
M.
Birnbaum : Si je peux, n'y a-t-il pas justement un danger que ça serait
trop exclusif si on ciblait une certaine terminologie? N'y aurait-il pas des cas possibles d'un abus
psychologique où le danger imminent n'est peut-être pas tout à fait évident? Est-ce qu'on ne risque pas de
laisser des trous dans la couverture de ces exceptions-là avec une telle
formulation?
M. Le Grand Alary
(Nicolas) : Il faudrait s'assurer que la définition de maltraitance et
le libellé choisi permettent de protéger le maximum de situations où les aînés
et les personnes majeures vulnérables sont face à ces situations-là. Par contre, au niveau du secret professionnel,
l'exception, c'est pour tous les professionnels dans toutes les circonstances, donc, et le critère établi par la
Cour suprême dans Smith contre Jones est un critère assez strict, qui a
déjà été codifié dans la loi, et on vient proposer de le modifier à nouveau
d'une façon qui ne devrait pas faire de changement vraiment conséquent, là, au niveau des libellés. Même le choix des
termes actuellement n'est pas porteur de modifications, là, majeures selon nous, donc, pour éviter les
situations... Je pense, c'est vraiment dans le cas de présenter une
mesure spécifique applicable aux situations de maltraitance envers les aînés.
• (12 h 20) •
Mme
Prémont (Claudia P.)
:
C'est ça, parce qu'en touchant à
toutes ces lois-là avec un libellé avec lequel, depuis 2001, on est habitués de fonctionner, on pense que
la modification qui est proposée ne touchera pas l'objectif spécifique du projet de loi n° 115. Puis, à ce
moment-là, bien, si on veut véritablement, comme a dit Me Le Grand Alary,
toucher la cible, allons-y avec quelque chose de plus spécifique.
Le Président (M.
Matte) : Je vous remercie et je cède la parole au député de Rimouski.
M.
LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour, tout le monde. Je rappelle un
peu mon inquiétude, c'est... La ministre l'a dit elle-même un peu, elle dit : Il y a un grand débat, c'est
l'obligation... signalement obligatoire ou pas, la vidéo... J'ai peur que la commission, le grand débat devienne ça
et ne devienne pas vraiment la maltraitance des aînés, moi, je trouve, parce que, dans les médias, on ne parle que de ça
aujourd'hui, là, vidéo ou pas, signalement ou pas. C'est vrai que c'est
en ayant... mais le fond de la chose, le
fond de l'affaire, c'est comment on fait pour protéger nos aînés contre la
maltraitance. C'est ça, le grand débat qu'on devrait donner.
Ceci
étant dit, vous avez été chanceuses et chanceux, vous avez pu lire le document
que la ministre a déposé ce matin.
Nous, on ne pouvait pas, on participait puis on a posé des questions, mais je
n'ai pas vraiment pris le temps... avoir le temps de regarder tout ça. J'aimerais savoir, vous avez lu... votre
première réaction par rapport à ce qui est déposé ce matin, par rapport
à l'orientation ministérielle sur l'utilisation des caméras vidéo.
Des voix :
...
Mme Eliadis (Flora
Pearl) : Bon, le pari continue. Merci beaucoup pour la question.
Effectivement, moi, j'aimerais commencer un
peu avec les grands principes qui s'appliquent, et ensuite vous parler des
éléments plus précis, et ensuite je vais passer la parole à
Me Aguerre.
La
question de la vidéosurveillance est toujours une question d'un équilibre entre
la vie privée des deux personnes ou
des deux côtés, si vous voulez, qui sont en jeu. Primo, la personne qui est
visée, soit la patiente ou la personne aînée et, secundo, les personnes qui peuvent être touchées ou affectées par cette
vidéosurveillance, alors les employés, les personnes qui sont peut-être
vidéosurveillées — s'il
y a un verbe comme ça — à
cause de l'installation de ce mécanisme.
C'est
sûr que l'interprétation devrait toujours être consciente des vies privées de
toutes les personnes qui sont là, mais
c'est sûr que, et là je reprends un peu vos paroles, c'est la maltraitance de
la personne concernée qui nous concerne, une personne qui est, dans les circonstances et dans un certain
contexte, plus vulnérable. Or, l'équilibre change un peu dans ce contexte-là et met l'emphase,
particulièrement quand il s'agit de la vidéosurveillance qui est menée par
l'usager, en contraste avec l'institution, bien sûr, qui donne le droit à la
personne concernée de s'assurer de sa propre intégrité physique et de son
autonomie.
Alors, quand on parle
de l'usager, c'est sûr que la jurisprudence regarde la situation d'une façon
différente par rapport à l'institution.
Quand l'institution met en place la vidéosurveillance continue, qui cible
particulièrement les employés, là,
c'est autre chose. Je comprends que ce n'est pas la deuxième situation qui nous
concerne dans votre question, c'est
la première, mais il faut clarifier, je pense, dans l'esprit du citoyen, la
différence les deux. Et je passe maintenant la parole à Me Aguerre.
Mme Aguerre (Ana
Victoria) : Donc, on a pu prendre connaissance, effectivement, des
directives, des orientations ministérielles
ce matin. Moi, il y a deux choses qui m'ont interpelée rapidement. C'est sûr
que je n'ai pas eu l'occasion de les
lire en fond et en comble, de faire une réflexion très, très large. Il y a deux
choses principales. Le premier critère
à prendre en considération, à retenir, comme on l'a fait dans la présentation,
comme Mme la bâtonnière l'a présenté, c'est toute la notion du milieu de
vie substitut, comme vous l'avez bien signalé.
À
partir du moment où un usager, puisque l'orientation ministérielle démontre que
ça serait l'usager qui mettrait lui-même
ou elle-même sa caméra, à partir du moment où on se retrouve dans ce qu'on
pourrait associer, assimiler à un milieu
de vie substitut, là, le droit à la vie privée de cet usager-là est presque
illimité. Il y a vraiment une interprétation très, très, très large qui se fait de ce droit-là et qui pourrait
l'emporter sur certains autres droits qui pourraient entrer en
considération dans ce contexte-là.
Par contre, ce qu'il faut savoir, c'est que,
mettons, dans une chambre, dans un CHSLD, il y a peut-être deux personnes qui peuvent aspirer à bénéficier de ce
statut-là de milieu de vie substitut. Ce qui n'a pas été spécifié, je
pense, dans les orientations, c'est qu'en
est-il du voisin de chambre qui, lui aussi, peut aspirer à un droit important à
sa vie privée et qui se retrouve dans
les captations vidéo de l'autre usager qui, lui, veut mettre une caméra. Ça,
c'est la première question. Si je vous ramène à la jurisprudence, le
consentement de cette personne-là devrait être obtenu. Ça, c'est très
important.
Et la deuxième chose qui m'a interpelée — et
ça, je ne suis pas certaine de l'avoir vu au niveau des orientations — c'est
que le pouvoir habilitant, tel que rédigé dans le projet de loi, est très,
très, très, très large. Et en clair, ce que ça permettrait éventuellement, c'est de réglementer sur la présence
des caméras par des usagers, on l'a vu ce matin avec les orientations, dans des milieux qui seraient
difficilement assimilables à des milieux de vie substituts. Or, comme on
l'a vu, à chaque fois qu'on se distance
davantage de ce qu'on pourrait assimiler à un milieu de vie substitut, le droit
à la vie privée de la personne, de
l'usager, devient de moins en moins grand, interprété moins largement. Donc, il
faudrait voir à ce niveau-là dans quel contexte le règlement va
s'appliquer, si c'est vraiment dans ce qu'on peut vraiment facilement assimiler
à un milieu substitut ou autrement.
Par contre,
moi, quand je me réfère, par exemple, à l'article 31, le pouvoir de
réglementation du ministre va aussi loin
que dans tout autre lieu en lien avec la prestation de services de santé et de
services sociaux qu'il détermine. C'est extrêmement large. À partir de ce moment-là, il faudra se poser la
question : Est-ce que ce lieu-là peut être facilement assimilable à
un milieu de vie substitut? C'est vraiment la notion à retenir, je pense,
lorsque vient le temps d'analyser la réglementation à ce niveau-là.
M. LeBel : O.K. C'est le milieu de
vie et la décision de la personne qui y vit, hein? C'est à cette personne-là à
prendre la décision ou pas d'avoir... Il faut son consentement avant de...
C'est ça qui est important aussi, c'est ça que vous dites.
Mme
Aguerre (Ana Victoria) :
Bien, en fait, pour la personne elle-même, on présume qu'elle a donné son
propre consentement, si c'est elle ou son
représentant légal. Par contre, c'est pour le voisin de chambre, celui qui va
vraiment et qui est susceptible d'être capté, après beaucoup de temps dans la
journée, dans les captations vidéo.
M. LeBel : Et, pour le travailleur,
la personne qui offre les services, qui doit passer régulièrement dans cette
chambre-là, est-ce que cette personne-là a des droits aussi?
Mme
Aguerre (Ana Victoria) :
Bien, en fait, c'est différent. La jurisprudence, la loi nous enseigne que,
lorsque la caméra est placée par l'usager
lui-même, c'est un cadre juridique spécifique qui s'applique parce que
l'employé n'est pas là 24 heures sur
24, qu'il n'y a pas une caméra qui le filme, un peu à la Big Brother, de
manière systématique, permanente, tous
ses faits et gestes. Ce n'est pas considéré comme une atteinte quelconque à un
droit, notamment au droit à l'article 46, conditions de travail
raisonnables, justes et raisonnables. Donc, j'espère que ça répond à votre
question.
Mme
Eliadis (Flora Pearl) : Et, si je peux me permettre, ce n'est pas
l'employé lui-même qui est ciblé par la caméra en l'espèce. Quand l'employé est visé par l'employeur, à ce
moment-là, c'est sûr que l'employé peut avoir plus de droits. Mais, si c'est l'usager lui-même qui met
en place la caméra pour se protéger, là, ce n'est pas l'employé en
particulier qui est visé à 100 % par
l'employeur. Et c'est pour ça que, tout en comprenant qu'il y a les deux droits
qui sont en jeu, c'est sûr qu'il y a un équilibre toujours à maintenir
par rapport à la situation de l'usager.
M. LeBel : Merci.
Le Président (M. Matte) : Je vous
remercie et je cède la parole au député de Lévis.
• (12 h 30) •
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Me Prémont, Me Eliadis, Me Aguerre et Me Le
Grand Alary, merci d'être là. Et je
surprendrai la ministre, mais, de but en blanc, bien sûr que le signalement
obligatoire est un questionnement qui,
depuis quelques jours, est à l'ordre du jour. Mais, cependant, je veux
simplement dire : La ministre donne l'impression souvent, quand on parle de ce dossier-là, que
l'adoption du signalement obligatoire infantiliserait nos aînés puis elle
emploie souvent ce terme-là, et très
fréquemment. J'imagine mal, ceux qui ont décidé d'aller dans cette
voie-là — c'est
quand même huit provinces sur 13 — que ces gens-là aient le sentiment d'avoir
infantilisé tous les aînés habitant sur leur territoire. Alors, à ce chapitre-là, je pense qu'il faut faire aussi
attention, ils ont peut-être choisi de protéger davantage que
d'infantiliser. Ça fait peut-être partie des options qu'ils ont choisies.
Je
comprends votre prudence. Je comprends votre prudence, je la salue puis je comprends
très bien que vous arrivez et vous
dites qu'il serait préférable d'avoir des procédures spécifiques de levée du
secret professionnel parce que vous liez ça à cette dénonciation
obligatoire particulièrement, j'entends Cependant, quand je dis que huit
provinces sur 13 ont décidé de prendre cette avenue-là, et il est dit
clairement dans les documents, bien qu'on manque de données sur les effets, hein — vous n'en avez pas plus que j'en ai, il n'y
en a pas, de documents là-dessus, malheureusement — que ça a été fait avec leurs modalités d'application propres,
bien, c'est aussi ça que vous me dites ... Et je comprends votre
prudence et le fait que vous décidiez de
proposer des alternatives, mais les modalités propres d'application peuvent
faire en sorte que, d'un côté comme de l'autre, on atteigne les
objectifs que l'on souhaite. Et je vous la pose comme ça à...
Mme Prémont
(Claudia P.)
: Bien, je crois qu'effectivement, dans cette
réflexion-là, je crois que tous, on a un objectif, c'est que ça serve à quelque chose puis qu'on atteigne la
cible. Alors, c'est vraiment de faire une analyse sur les mesures
spécifiques de nature à mieux atteindre ledit objectif, et je pense qu'il y a
des questionnements à y avoir, à savoir
est-ce qu'il faut que ce soit obligatoire, une dénonciation obligatoire ou non?
Et, à cet égard-là, c'est pour ça, on se dit : Ça appartient au
gouvernement de choisir la meilleure mesure, et on arrive avec des mesures
alternatives qui ont leurs avantages et leurs inconvénients.
M. Paradis (Lévis) : Je veux aller ailleurs, je parle maintenant de ce chemin que l'on
propose, commissaire local aux
plaintes, parce que vous dites dans votre mémoire : Le nombre total de
CLPQS, commissaire local aux plaintes, au sein des établissements de santé et de services sociaux a diminué
drastiquement au rythme de la diminution des établissements eux-mêmes.
Il y a donc lieu de se questionner sur la capacité actuelle du commissaire
local aux plaintes de traiter tous les signalements qui lui seraient transmis.
Est-ce que, par ce propos-là, vous nous dites : Ce n'est peut-être pas le
chemin idéal?
Mme Prémont
(Claudia P.)
: Bien, je vous dirais : Présentement,
peut-être non. Mais, à partir du moment où on décide d'aller par ce chemin-là et qu'on donne les ressources afin que
le commissaire fasse bien son travail, on n'était pas nécessairement fermés au fait que ça puisse être
le commissaire aux plaintes qui reçoive les plaintes. Maintenant, il
faut s'assurer, par contre, qu'il y a les ressources, le personnel suffisant
pour répondre à la demande.
M. Paradis
(Lévis) : Et ça, ce n'est pas toujours facile, mais remarquez qu'en
principe l'objectif est celui-là. Advenant
que les ressources ne soient pas au rendez-vous, ce qui pourrait peut-être
arriver, il y a mille et une circonstances, est-ce qu'il y a un autre
chemin qui serait préférable à celui qui est étudié?
Mme
Prémont (Claudia P.)
: Moi, je n'ai pas cette réflexion-là. On
ne l'a pas eue de cette façon-là, je crois, à moins que quelqu'un ait quelque chose à ajouter. Alors, à cet égard-là,
on ne s'est pas positionnés sur d'autres alternatives. Nous, vraiment,
ce qui nous préoccupait, c'était de s'assurer que les ressources suffisantes
soient injectées dans le système afin que la personne, les commissaires
puissent faire le travail qu'on leur demande de faire.
M. Paradis (Lévis) : Me Prémont, j'aborderai le troisième thème
dont vous avez parlé, celui des caméras. En avril 2015, je déposais
au salon bleu un document émanant du Protecteur du citoyen qui reprenait dans
ses grandes lignes l'analyse de la
justification de la caméra pour l'usager qui désire s'en servir, et je pense
qu'à travers les dispositions, les
orientations ministérielles, on retrouve de ces éléments-là. Le Protecteur du
citoyen, cependant, parlait en général, non pas seulement du secteur public, mais également de résidences privées.
On sait qu'il y a 170 000 aînés qui, actuellement, habitent en résidence privée, et non pas dans les
établissements publics. Est-ce qu'il serait de bon aloi que le règlement
englobe également, aussi, les résidences privées d'aînés?
Mme Prémont
(Claudia P.)
: Alors, ça, je crois...
Le Président
(M. Matte) : ...s'il vous plaît, parce que le temps est épuisé.
Mme Prémont
(Claudia P.)
: Oui, je crois, on ne s'est pas positionnés. Pour
nous, présentement, je pense que c'est un
pas dans la bonne direction, le projet de loi tel qu'il est rédigé. Clairement,
il ne va pas jusque... En tout cas, selon notre compréhension, ça peut toucher les familles d'accueil qui reçoivent des
aînés, mais, dans les résidences privées, ça ne va pas jusque-là. Alors,
éventuellement, on aura à y réfléchir, mais on n'a pas de position définie sur
cette question-là particulièrement.
M. Paradis (Lévis) : Et j'imagine qu'on devra, ensemble, aussi
collectivement, ne pas oublier ces 170 000 personnes pour
clarifier des situations dont on devra éventuellement disposer. Merci.
Le
Président (M. Matte) : Je vous remercie de votre contribution à
nos travaux et je suspends la commission jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à
12 h 35)
(Reprise à 14 heures)
Le Président (M.
Matte) : À l'ordre, s'il vous plaît! Je constate que mon message de ce
matin a porté fruit. On est tous là.
Alors, la Commission des relations avec les
citoyens reprend ses travaux. Je demande à toutes les personnes dans la salle
de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils. Nous poursuivons les consultations
particulières et
l'audition publique sur le projet de
loi n° 115, Loi visant à lutter contre la maltraitance envers
les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.
Cet après-midi,
nous entendrons les personnes et organismes suivants : la Chambre des
notaires du Québec, le réseau
de la FADOQ, la Fédération interprofessionnelle
de la santé du Québec, Me Jean-Pierre Ménard, le Regroupement québécois
des résidences pour aînés ainsi que le Regroupement des Commissaires aux
plaintes et à la qualité.
Alors, sans
plus tarder, je souhaite la bienvenue à la Chambre des notaires du Québec et je
vous cède la parole. Toutefois, je vous invite à vous présenter ainsi
que les personnes qui vous accompagnent.
Chambre des notaires du
Québec (CNQ)
M. Guay
(Gérard) : Merci. Bonjour,
M. le Président. Bonjour, Mme la ministre et Mmes et MM. les membres de
la commission.
Alors donc,
je suis accompagné, en commençant à ma gauche, par la Dre Johanne Clouet,
docteure en droit, future notaire
également, ayant une expertise en droit des personnes, de Me Nicolas Handfield,
ici, à ma droite, notaire, chef de service
à la Direction des services juridiques, et de Me Raphaël Amabili-Rivet, notaire
à Direction des services juridiques, qui a piloté le dossier pour la
Chambre des notaires, et le mémoire également. Enfin, je me présente, Gérard
Guay. Je suis président de la Chambre des notaires du Québec.
Alors, M. le
Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, au nom de la Chambre des
notaires du Québec, je vous remercie
de votre invitation à cette consultation particulière portant sur le projet de
loi n° 115. Son objectif est clair, il laisse transparaître la volonté du gouvernement de lutter contre la
maltraitance qui peut être faite envers les personnes aînées ou toute
autre personne majeure en situation de vulnérabilité.
La chambre, il
va de soi, il va sans dire, accueille favorablement ce projet de loi. Elle
salue l'intérêt et la détermination de la ministre responsable des Aînés
et de la Lutte contre l'intimidation de proposer de telles mesures législatives.
La protection des personnes aînées est un des thèmes-phares de la profession
notariale non seulement au Québec, mais
également à travers le monde. Ce sujet a récemment été abordé dans le cadre des
congrès tenus par l'Union internationale du notariat. C'est un des
sujets qui nous intéressent, qui nous préoccupent dans tous les pays où les
notaires sont implantés, et ça, il y en a dans 86 pays dans le monde.
Par sa
fonction de juriste de proximité, une grande relation de confiance unit en
effet le notaire, son client et la famille de ce dernier. Le notaire est
bien à même de constater que le phénomène de la maltraitance faite envers les
personnes aînées est une problématique en filigrane de notre société qui
déborde des simples frontières généralement associées
aux aspects juridiques de leur vie. La
manifestation de la maltraitance prend de l'ampleur et est de plus en plus variée. Il serait donc faux de prétendre que ce
sujet peut être traité simplement. Sur certaines questions, on aime beaucoup
répondre par noir et blanc, vrai ou faux,
oui et non. Comme on peut s'en douter, ce n'est pas le cas de la maltraitance faite envers les aînés.
La règle de base est la suivante : toute
personne est présumée apte à exercer pleinement ses droits civils. Le principe
de base, «toute personne est apte», c'est le principe de l'autonomie, de la
volonté et du libéralisme dans les conventions. Les aînés ne font évidemment
pas exception à cette règle. Toutefois, les professionnels ont un devoir déontologique et sociétal d'agir en cas d'abus. Cependant,
l'arbitrage éthique entre le bien commun et les droits individuels peut
être difficile à vivre pour lui ou pour elle.
À titre d'illustration, une personne aînée
souhaite conclure une donation qui, au lieu des tiers, peut paraître
déraisonnable. Il souhaite donner, de son vivant, sa maison à sa jeune
conjointe nouvellement rencontrée alors qu'il a deux enfants majeurs qui aimeraient bien avoir la maison et qui seraient
peut-être même dans le besoin. Y a-t-il une situation de captation ou d'abus psychologique de la
nouvelle conjointe pour expliquer ce geste? Évidemment, lorsqu'une telle
situation se produit, le notaire cherchera à savoir si le client exprime sa
volonté sans aucune contrainte ni confusion. Il
suggérera peut-être à son client d'en parler à une autre personne ou
bien de réfléchir à la situation. Mais, concrètement, comment le professionnel qui se retrouve
dans une telle situation peut-il alors agir pour prévenir les cas d'abus
faits envers ces personnes? Qu'en
est-il de l'autonomie et de la vie privée de la personne? Il veut gâter sa
conjointe. Est-ce qu'on peut
l'en empêcher s'il est parfaitement lucide? Peut-on protéger une personne
contre son gré?
En effectuant une pondération des droits fondamentaux,
le projet de loi n° 115 tente de répondre à ces questionnements en proposant
des mesures qui visent notamment à faciliter la dénonciation des cas de
maltraitance. Nous croyons toutefois que l'élargissement de la levée du
secret professionnel ne peut être la seule avenue à considérer pour lutter
contre la maltraitance et c'est pourquoi notre mémoire propose d'autres pistes
de solutions intéressantes.
Parlons justement du secret professionnel. Avant
d'y arriver, on constate d'emblée que le projet de loi n° 115 propose de briser le mur du silence qui aurait pu
exister en certaines circonstances en modifiant le texte des lois
relatives aux ordres professionnels, dont la
Loi sur le notariat. En effet, il existe actuellement une problématique documentée en ce qui
concerne les limites du régime de
confidentialité des professionnels, soit le secret professionnel lorsqu'un
client est potentiellement victime de
maltraitance. Plusieurs intervenants sont actuellement réticents à lever
le secret professionnel, particulièrement en présence d'une blessure psychologique ou lorsque
le danger n'est pas immédiat, et ce, considérant, d'une part, les difficultés
d'interprétation que posent les dispositions actuelles, deux, la balance entre
les divers droits constitutionnels, dont le respect au secret professionnel parce que
c'est un droit constitutionnel pour le juriste, ou encore les conséquences de communiquer un renseignement protégé par ce secret sans d'abord avoir obtenu le consentement du client.
Or, pour répondre à ces problématiques, le projet
de loi n° 115 vient aujourd'hui renforcer les mesures d'exception déjà existantes pour justifier
la levée du secret professionnel, le tout en conformité avec les enseignements
de la Cour suprême du Canada. En d'autres
termes, on vient accorder une préséance à la sécurité et au bien-être de la
personne, mais en
veillant néanmoins à ce que l'atteinte au secret professionnel soit minimale.
Généralement, dans les limites prévues par
la loi, nous croyons que cette bonification permettra d'offrir une latitude
supplémentaire aux différentes ressources oeuvrant auprès d'une personne
aînée, dont les notaires, afin de se concerter entre elles lorsqu'elles auront
un motif raisonnable de croire qu'un risque
sérieux de mort ou de blessure grave menace cette personne et que la nature de
cette menace inspire un sentiment d'urgence.
Il faut toutefois noter que la conciliation des
propositions du projet de loi n° 115 avec le cadre législatif existant présuppose que la levée du secret
professionnel se fasse toujours en vue de prévenir un acte de violence. Il
est vrai que cette contrainte législative
qui survivra au projet de loi n° 115 pourra causer certaines
problématiques d'application, par exemple
lorsqu'une personne est victime de maltraitance financière. Le caractère
violent de certains gestes associés à la maltraitance financière n'est
en effet pas toujours reconnu ou admis. Cela dit, comme mentionné en
introduction, étant donné le contexte
particulièrement difficile, il n'existe aucune solution parfaite. Il s'agit
donc d'un choix du législateur, qui,
on peut l'imaginer, s'est livré à un complexe exercice de pondération des
droits fondamentaux afin d'en arriver à un compromis en accord avec les balises établies par la Cour suprême en
cette matière. Le législateur renforce donc par le fait même la confiance envers le jugement du
professionnel dans l'évaluation des motifs menant à la levée du secret
professionnel, ce que nous saluons.
Parlons du rôle du notaire. Le rôle
qu'entendront avoir divers intervenants, dont le notaire, sera déterminant dans
la lutte contre cette maltraitance. En effet, le notaire, de par ses fonctions,
serait un des professionnels les plus susceptibles
de détecter des situations de maltraitance. On est le conseiller de proximité
des gens partout au Québec. Pour preuve,
un récent sondage, en janvier 2017, de la firme Léger fait état de la
statistique suivante : près de 82 % des Québécois sont d'accord pour dire que le notaire peut
conseiller une personne aînée ou en situation de vulnérabilité en vue de
prévenir des situations d'abus. De ce nombre, les personnes âgées de 65 ans et
plus sont les plus nombreuses à être en accord avec cet énoncé, 92 %. Donc
les gens, personnes âgées ont confiance en leur notaire.
Dès lors, on comprend que l'approche du notaire
est naturellement axée sur la prévention et même davantage lorsque des personnes vulnérables sont parties à
des actes ou des procédures. Nous croyons donc que ce rôle peut être consolidé par le biais de divers outils
juridiques. À titre d'illustration, le notaire a la possibilité d'inclure
certains types d'actes qu'il reçoit,
tels la procuration ou le mandat de protection, des clauses de reddition de
comptes, de contrôle, adaptées à sa
clientèle. Il s'agit d'une action préventive relativement simple et peu
coûteuse, qui saura bénéficier aux personnes vulnérables.
Je termine en vous disant que les pages 26 et
suivantes de notre mémoire comportent des propositions qui, bien que simples,
nous apparaissent tout à fait innovatrices. Nous proposons en effet des modifications
techniques à la procédure menant à l'ouverture d'un régime de conseiller au
majeur afin de faciliter sa mise en place. Ce régime d'assistance — le conseiller est là pour assister la
personne âgée ou la personne en perte d'autonomie — souvent considéré comme archaïque ou d'un autre temps, pourrait en
fait constituer le mécanisme préventif le plus approprié pour contrer l'abus fait envers des personnes aînées en légère
perte d'autonomie. Il suffit de donner suite à nos quelques recommandations.
Effectuons d'abord un bref rappel de ce régime.
Le Code civil prévoit donc qu'une personne généralement apte, lorsqu'elle a besoin, pour certains actes ou temporairement,
d'être assistée dans l'administration de ses biens... d'avoir un conseiller qui est là pour l'assister. Le
majeur doté d'un conseiller exerce lui-même ses droits civils, mais le
conseiller doit cependant intervenir aux actes pour lesquels il est tenu de lui
prêter assistance.
• (14 h 10) •
Le Président (M. Matte) : Je vous
invite à conclure.
M. Guay
(Gérard) : Oui. Donc, nous
proposons donc que le notaire joue un plus grand rôle dans la mise en
place de cette protection. Nous sommes donc,
bien évidemment, disponibles afin de répondre à vos questions que vous
pourriez avoir et vos commentaires. Merci de votre attention.
Le
Président (M. Matte) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous
débutons notre période d'échange, et je cède la parole à Mme la
ministre.
Mme
Charbonneau :
Merci, M. le Président. Madame, messieurs, je vous ai un peu vus aussi ce
matin. J'ai senti que vous aviez un
intérêt à entendre non seulement le Barreau, mais les gens qui sont venus aussi
avant. Donc, merci de passer votre
journée avec nous. On va le titrer comme ça. Je ne sais pas ce que vous allez
faire après, mais je viens de vous
mettre de la pression un peu. Mais, en même temps, on sent votre intérêt, et je
ne suis pas surprise. Je ne suis pas surprise
parce que, quand vous nous dites que, dans le monde des notaires, qui est un
monde qui peut sembler un peu plus loin
qu'on pense, vous avez toujours eu un intérêt pour le bien, moi, je vais le
généraliser en disant le bien des gens parce que votre relation, ce n'est pas juste quand on achète une maison.
D'ailleurs, c'est l'endroit où, la première fois, le notaire a l'opportunité d'expliquer aux gens qu'il peut
l'aider aussi dans autre chose dans sa vie que juste son contrat d'achat
puis son acte notarié qui fait qu'il est
maintenant propriétaire. Donc, bravo et merci de nous signifier que, partout
dans le monde, on se soucie de ce principe-là! On n'est pas uniques, on
vieillit partout.
Et la
première question que je vous poserais ou la première chose que je vous
demanderais de réagir, c'est sur ce bien
qui appartient à l'individu. Donc, on a chacun nos trésors de maisons, mais on
a aussi chacun nos biens, et, de ce fait, quand on fait un acte notarié, mais quand on fait aussi le principe du
contrat d'inaptitude, il y a une demande de votre part, de façon professionnelle, de :
Qu'est-ce qui vous appartient, à qui vous donnez quoi, puis... Alors, cet
aspect-là de votre travail, qui fait
en sorte que vous gérez des... J'essaie de trouver le bon terme. J'ai eu une
relation privilégiée, professionnelle, avec le curateur, et on parlait
beaucoup du...
Une voix :
...
Mme
Charbonneau :
...patrimoine — merci — du bien patrimoine, et, de ce fait, il y a
différents aspects de ce patrimoine. J'aimerais ça vous entendre sur cet
aspect-là parce que votre premier exemple que vous avez donné est le meilleur.
Des fois, ça peut être une dame aussi qui a marié un plus jeune homme qu'elle
vient de rencontrer — s'il
vous plaît, un peu d'espoir — mais le bien de la personne devient toujours
un enjeu au moment où une nouvelle relation entre en compte. Et je n'irai pas sur le principe où, des fois, il y a
des gens qui veulent donner leur fortune à leur chat, je vais rester sur le bien où on a de jeunes personnes qui
peuvent, pour toutes sortes de raisons, avoir en vue un héritage d'une autre personne qui a un peu plus de vie et
d'expérience puis qui fait en sorte qu'il peut y avoir là un litige. J'aimerais
vous entendre sur ce bien patrimoine, le
bien patrimoine que vous avez à gérer ou que vous avez à bien sensibiliser les
gens sur la gestion de ce bien.
M. Guay
(Gérard) : Bien, c'est
évident que, lorsqu'on reçoit les clients... Par exemple, dans l'exemple que
je vous donnais, c'est évident, le notaire, son rôle, c'est de s'assurer, un,
que la personne, évidemment, elle a sa capacité, la personne, donc elle est
vraiment saine d'esprit, qu'elle n'est pas en perte d'autonomie, auquel cas il
pourrait y avoir, effectivement, eu de
l'exploitation financière. La Cour d'appel l'a rappelé dans l'arrêt Vallée, il
y a quelques années, en appliquant
l'article 48 de la charte. Mais, quand la personne est vraiment saine
d'esprit puis elle a toutes ses capacités mentales, bien, c'est évident, c'est de voir que c'est sans contrainte
et qu'on... Le notaire la rencontre seule, la personne, prend le temps de discuter, au besoin, il peut lui dire : Revenez, puis voir
ce qu'il en est, mais c'est évident que le notaire, un, n'est pas là
pour juger la personne. Mais il doit quand même prendre les précautions — et
c'est ce qu'il fait en pratique — pour
s'assurer que c'est bien la volonté de la personne de donner à son jeune
conjoint, de donner à un tiers, peut-être, même, qui s'occupe d'elle... Parce qu'on voit des
situations où les enfants, exemple, de la personne ne vont pas vraiment
la visiter, ils ont leur vie, ils ne vont pas la visiter. Il y a quelqu'un
d'autre qui est plus significatif, qui va la voir plus souvent, peut-être que cette personne-là, la
personne aînée, veut donner plus à cette personne-là qui est plus
souvent en relation, qui lui ferait plus de... il rend plus de services.
Alors, les
gens ont cette liberté. On sait qu'au Québec... et ça, c'est un principe qui date depuis toujours,
la liberté de tester, entre autres, hein, la liberté de faire le testament qu'on veut. Contrairement à en
Europe, on n'a pas de réserve, on n'est
pas obligé de léguer des biens à sa famille en particulier ou il n'y a pas une
partie... Sauf quelques exceptions, la survie,
l'obligation alimentaire, là, il n'y a pas d'obligation au Québec
de léguer ses biens ou que c'est la loi qui fait que ça va à telle personne. Donc, c'est pourquoi
cette liberté de tester, qui nous vient du régime anglais, ça s'est perpétué à
notre Code civil, ça se perpétue, et c'est vrai dans tous les autres actes.
Donc, dans la mesure où la personne est saine
d'esprit, on s'assure que c'est bien la volonté de la personne, on s'assure que
c'est bien fait sans contrainte. Ceci dit, pour la suite, bien, si la personne
est vraiment lucide et sans contrainte, bien, c'est sa décision de faire le
geste qu'elle veut faire.
Mme
Charbonneau : Et
si le notaire a un doute sur la lucidité de la personne?
M. Guay (Gérard) : À ce moment-là,
ce qu'il va faire, il va peut-être demander qu'on ait soit un rapport du médecin, il va demander qu'il y ait plus de
vérifications pour s'assurer que la personne est vraiment lucide. Alors,
c'est évident que, dans le doute, le notaire
va hésiter ou même n'agira pas. Alors, il ne va vraiment agir que dans la
mesure où il sait que c'est vraiment libre et sans contrainte, effectivement.
Mme
Charbonneau : Je vous le fais dire parce que c'est bien que les
gens entendent que le rôle que vous occupez n'est pas qu'un rôle aussi
simple qu'on pourrait le croire puis que vous ne le faites pas les yeux fermés.
Vous êtes...
M. Guay (Gérard) : Non, il ne fait
pas ça les yeux fermés, il fait ça les yeux ouverts. Et là, dans tout ce qui s'appelle le patrimoine des gens, on est vraiment
le conseiller des gens. Partout au Québec, on est la personne qui sommes là pour les aider. Et, effectivement, un élément important
du rôle du notaire, c'est son devoir de conseil, ce qu'on appelle... et ce devoir de conseil là, les tribunaux l'ont
souvent rappelé également, c'est donc qu'on n'est pas là juste pour faire
des contrats, on est là pour conseiller les
gens au départ. On est un conseiller impartial pour conseiller les personnes,
et, dans ce sens-là, c'est évident que, si une personne âgée vient
nous voir pour faire poser un acte, faire une donation ou autre, on est
là pour la conseiller et s'assurer qu'elle agit en bonne connaissance de cause
et ayant toute sa capacité également.
Mme
Charbonneau :
Alors, c'est pour ça que, dans votre mémoire, vous nous parlez d'un conseiller
de protection.
M. Guay (Gérard) : Oui. Alors, c'est évident qu'on déborde un peu le
texte de la législation, du projet de loi n° 115.
On en est conscients, et c'est pourquoi aussi on appelle de nos voeux que le projet de loi n° 96, qui est déjà devant cette Assemblée
nationale, puisse cheminer en commission parlementaire et être adopté, parce qu'effectivement... Et on
pourra, à ce moment-là, en reparler, mais le conseiller au majeur... Et
je vous le dis, je ne vous parle pas à titre de président, que quelqu'un qui enseigne ce domaine-là, qui le pratique
aussi, le droit des aînés, c'est que le conseiller au majeur, c'est une façon, si on le simplifie,
d'avoir une assistance légale, c'est-à-dire que la personne, là, si elle signe
un contrat, bien, le moindrement important,
bien, si le conseiller ne l'a pas assistée, le contrat n'est pas bon. Alors,
s'il y a un bon assistant, s'il y a un bon conseiller, ça peut être très
utile.
Exemple tiré de ma pratique, une dame
âgée s'est fait offrir une balayeuse de 2 000 $. C'est sûr qu'elle
n'en a pas vraiment de besoin, une balayeuse de 2 000 $.
Bon, alors, mais c'est évident que, si une personne est moindrement en
perte d'autonomie, en perte de capacité,
bien, à ce moment-là, si elle avait eu un assistant, mais elle aurait
pu dire : Écoute, là, la
balayeuse, je n'en ai pas vraiment de besoin.
Donc, sans faire de
l'âgisme, sans faire du paternalisme, le conseiller au majeur peut être une
personne qui pourrait aider les personnes
qui sont vulnérables, les gens vulnérables, en perte d'autonomie, habituellement aptes, comme dit la loi,
mais qui, un petit peu, perdent l'autonomie. Ce serait une bonne façon de les
aider.
• (14 h 20) •
Mme
Charbonneau : M. le président, quand vous me parlez de ce
rôle, est-ce que vous y voyez... je vais dire «en conséquence», c'est peut-être le mauvais terme, mais, en
conséquence, une facturation qui irait à la personne ou qui serait gérée
d'une autre façon? On va se parler des vraies affaires, hein, quand je passe
chez le notaire, il y a un coût, et il y a
des gens même... Puis vous aviez été un des premiers — l'organisation que vous représentez — à signifier le fait qu'il y a des gens qui n'en font pas, de
testament, hein? Il y a des gens qui n'en font pas parce qu'ils voient le coût,
ils ne voient pas l'avantage...
M. Guay
(Gérard) : Exactement.
Mme
Charbonneau :
...et malheureusement, quelquefois, le coût qu'ils n'ont pas déboursé finit par
être un coût ailleurs.
M. Guay
(Gérard) : Très souvent.
Mme
Charbonneau : Par contre, avec ce drapeau-là, on se
dit : La proposition que vous faites est intéressante, mais y
a-t-il un coût?
M. Guay (Gérard) : Oui, il y a un coût, mais le coût est beaucoup moindre que le coût
actuel. C'est qu'actuellement il faut
comprendre que ça existe, le régime du conseiller au majeur, mais je peux vous
dire d'expérience que les gens ne le
font pas parce que, comme maman est encore un peu capable, on peut lui tenir la
main, puis elle signe les chèques, tu
sais, bon, alors il n'y a aucune protection. Et c'est ce que le mémoire dit,
d'ailleurs. Alors donc, à cause des coûts
actuellement puis les démarches qu'il faut faire — il faut obtenir une évaluation médicale,
psychosociale, et autres, passer à la
cour, et tout — à cause
de tout ça, les gens disent : Bon, comme elle est encore un peu capable,
on va le faire... alors que, si une personne souffre de l'Alzheimer puis
elle est complètement inapte, bien là c'est évident qu'on n'a pas le choix
parce que tout est bloqué, tout est gelé, mais là, ici, elle est encore...
Alors,
c'est pour ça qu'on se dit : Si on peut simplifier la procédure, ça va,
d'une part, diminuer dramatiquement les coûts, et de un, et ça va inciter les gens à dire : O.K. Parfait,
ça va nous protéger, ça va me protéger, puis l'avantage pour moi est très grand. Tu sais, il y a déjà eu une
cliente qui a déjà dit : Il y a-tu moyen de me faire signer un papier
comme quoi je n'ai plus le droit de
donner de l'argent à mon fils, là, parce qu'il vient à toutes les fins de mois,
là? Bien, c'est ça, c'est qu'on ne
peut pas faire un genre de document comme ça. Par contre, on pourrait avoir un
régime, pour une personne vulnérable, qui
ferait en sorte que quelqu'un de confiance pourrait l'assister, puis, si elle
ne contresigne pas le chèque, bien, il ne sera pas donné, le chèque, au
fils, tous les mois, les fins de mois.
Donc,
oui, il y a des coûts, et c'est pour ça qu'on a voulu un système très
simplifié, pour éviter les coûts, les garder au minimum puis pour faire
en sorte que les gens puissent l'utiliser, le régime.
Mme
Charbonneau :
Je trouve ça intéressant, mais je trouve aussi tout aussi intéressant que vous
gardiez cette sensibilité-là auprès de la population plus vieillissante, où il
peut y avoir un jugement qui est porté. Parce que vous le savez, souvent, hein,
étrangement, on garde nos sous pour nos enfants.
M. Guay
(Gérard) : Exactement. Oui, oui, oui, c'est un fait.
Mme
Charbonneau :
Vous l'entendez plus souvent que moi.
M. Guay
(Gérard) : Oui, oui, on entend souvent ça.
Mme
Charbonneau : Moi, je l'entends parce que, quand je me
promène dans les résidences puis je vais voir les gens, souvent, je leur demande s'ils voyagent,
puis ils me disent : Ah! non, non, non, je garde les sous pour les
enfants, puis je leur rappelle souvent que, sur un corbillard, il n'y a pas de
porte-valise, hein, donc, des fois, il faut profiter de la vie un peu.
Je
crois que mon collègue, il m'a fait signe un peu. Donc, je vous laisserais
aller, M. le président. Je veux laisser le temps aux gens de pouvoir
intervenir.
Le Président (M.
Matte) : C'est lequel de vos collègues? Le député de D'Arcy-McGee?
Mme
Charbonneau :
L'homme.
Le Président (M. Matte) : L'homme.
M.
Birnbaum : Merci, M. le Président. Mes Guay, Handfield, Amabili-Rivet,
Mme Clouet. Merci pour votre présentation.
Il me semble que c'est une évidence que vous êtes un partenaire privilégié et
potentiellement à privilégier davantage dans la bataille contre la
maltraitance. Vous êtes très bien placés.
M. Guay (Gérard) : ...notre mission
de protection du public, oui.
M.
Birnbaum : Oui, en tout ce
qui a trait au sujet devant nous. Il
y a, par contre, évidemment, une proportion de la clientèle,
de la population dont on parle qui est inapte, alors, comme vous
avez dit, il y a toutes sortes d'autres régimes et d'autres
enjeux qui s'imposent. Il y a aussi une clientèle — assez substantielle,
j'imagine — apte
sans notaire et qui n'aurait pas pris le choix, pour diverses raisons, légitimes
et autres, de ne pas se prévaloir d'un notaire. Pour cette population-là, et on
parle de beaucoup, beaucoup de monde, je vous invite de vous prononcer sur deux
choses.
Dans un
premier temps, de façon générale, est-ce que vous diriez que le régime qu'on
propose, les protocoles qu'on propose,
nous met sur la bonne voie pour ajouter aux protections que vous êtes en mesure
d'accorder aux clientèles qui vous cherchent, qui décident de se
prévaloir de vos services? Dans un premier temps, est-ce qu'on est sur la bonne
voie dans notre projet de loi?
Dans un deuxième temps, y a-t-il des gestes,
collectivement, qu'on devrait poser sur le plan communication pédagogique pour faire comprendre aux Québécois et
Québécoises qui sont des aînés, des proches aidants... pour qu'ils
comprennent les enjeux, les protections auxquelles ils ont droit, les droits
auxquels ils peuvent se prévaloir?
M. Guay
(Gérard) : Bien, c'est
évident que l'information auprès du public, c'est très important.
Puis je pense qu'on n'a jamais
trop de communication, soit par la télévision ou autrement, pour sensibiliser
les gens à cela parce qu'on sait que les gens... Si on dit que les jeunes sont
sur les réseaux sociaux, les personnes âgées sont devant la télévision.
Alors donc, c'est évident qu'entre autres la télévision, c'est sûr que c'est un
médium privilégié pour rejoindre les gens.
Mais il existe d'autres mesures, et je tiens à
en mentionner une, entre autres, à laquelle on participe. C'est un organisme,
que vous connaissez peut-être, de Montréal, Juripop, et qui organise la Caravane 360°
des aînés, où ils ont une journée
de... et c'est nous qui sommes le commanditaire, et on les aide. Les notaires
participent à ça aussi, et la caravane est une journée de
sensibilisation et d'information sur l'abus envers les aînés, offerte au grand
public, et ça a, d'année en année, un grand succès. Alors donc, ça a eu lieu
cette semaine.
Alors donc,
tout ça pour dire que, oui, il y a des mesures et il y a des organismes
qui aident. Puis nous, de notre côté,
on contribue, les notaires participent également, et, oui, il faut continuer la sensibilisation
auprès des gens pour leur faire prendre
conscience de cette réalité puis faire comprendre aux gens qui la vivent qu'ils
ont intérêt à en parler à d'autres, hein, c'est beau. Parce qu'on parle de secret professionnel, puis ça, ce n'est pas
toujours évident, pour un professionnel, quand est-ce je vais signaler,
mais est-ce que la personne elle-même pourrait... moi, je...
Le Président (M. Matte) : Je vous
remercie et je cède la parole au député de Rimouski.
M.
LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour à vous trois, madame, messieurs. Quand on parle de la
maltraitance... Je veux juste le ramener parce que
souvent, à un moment donné, on en parle, sur la maltraitance, mais, selon ce
qu'on nous donne, la littérature, il y a
sept types de maltraitance. Je veux en parler parce que ça a une importance sur le suivi qu'on peut y faire.
La maltraitance psychologique, là : chantage affectif, manipulation,
humiliation, insultes, infantilisation. Maltraitance
physique : bousculade, rudoiement, brûlures, alimentation forcée.
Maltraitance sexuelle : propos ou attitudes suggestives, blagues ou insultes à connotation sexuelle, promiscuité.
Maltraitance matérielle et financière — puis vous le voyez peut-être plus
souvent — :
pressions à modifier un testament, transactions bancaires sans consentement.
Puis je peux
rajouter, j'ai vu des choses, là,
dans certaines résidences, où les personnes aînées qui demeurent là, si elles veulent aller faire des commissions
en ville, il faut qu'elles passent au comptoir pour demander leur 20 $ ou quelque chose du genre. Des fois,
c'est pour les protéger, mais, d'autres fois, je trouve que c'est un peu
exagéré. Il y a toujours des nuances dans ces affaires-là, mais maltraitance,
violation des droits, imposition d'un traitement médical, déni du droit
de choisir, de voter... Ça, j'ai déjà vu
ça aussi, des propriétaires de résidences suivent la personne pour l'aider à
voter, tu sais, lui tenir le bras, tu
sais, ce n'est pas... Bref,
maltraitance organisationnelle, bon, ça, on en parle en masse, comment
on traite nos aînés dans notre réseau, dans
les CHLSD, les coupures, les couches, les lunchs trop vites, etc., puis
l'âgisme. Vous voyez, il y a beaucoup
de nuances. La personne qui traite ces plaintes-là, il faut qu'elle soit
allumée à gérer les signalements de chacun qui... il y a bien, bien,
bien des choses à regarder, à nuancer.
Dans votre
mémoire, dans les mises en garde, vous dites que les commissaires aux plaintes
n'ont, un, pas toutes les ressources
pour le faire, et ils font face à déjà plein de choses, le curateur, etc., et
vous dites qu'il faudra harmoniser... et vous posez la question, vous dites : De quelle façon devrait-on
harmoniser le rôle renouvelé du commissaire local aux plaintes avec
celui, entre autres, de la commission dans les fonctions... Est-ce que vous
avez réfléchi à ça, à ce genre d'harmonisation? Si vous avez vu un danger,
comment vous voyez la solution?
M. Guay (Gérard) : ...Amabili-Rivet
répondre à la question.
M.
Amabili-Rivet (Raphaël) :
Bonjour. Bien, d'emblée, en fait, ce qu'on amène, c'est l'harmonisation avec
la charte puis les mécanismes qui y sont
prévus. Vous parliez un peu plus tôt de toutes les différentes formes de
maltraitance, puis, pour répondre aussi au député de
D'Arcy-McGee, un peu plus tôt, sur sa
question, notre position générale sur le projet de loi, c'est qu'on est favorables. Il faut comprendre que notre
compétence ou notre expertise se limite aux professionnels notaires. Donc, c'est sûr que les réalités qui existent dans
les centres d'établissement de santé, c'est une réalité qui nous échappe un peu. Toute la maltraitance à
laquelle vous référez, la levée du secret professionnel, la position qui a
été choisie par le législateur dans le
projet de loi n° 115, c'est d'y aller généralement, sans identifier de
maltraitance particulière, mais
laisser la chance au professionnel d'user de sa discrétion, de son jugement
pour voir s'il y a des circonstances ou des motifs
raisonnables qui justifient qu'il y ait levée de ce secret professionnel là.
• (14 h 30) •
M.
LeBel : Il y a plusieurs
groupes qui sont... Effectivement, on parle beaucoup du réseau. Le projet de loi est très centré... il y a beaucoup de monde qui sont venus nous voir, ils disent
qu'il faudrait ouvrir plus large. Effectivement, dans les cabinets de notaire, les gens peuvent voir des
clients arriver, ils peuvent détecter de la maltraitance au cabinet. Ça
peut être dans l'autobus qui emmène les gens
dans les différentes activités, ça peut être très large. Et puis, comme je
disais tantôt, il y a beaucoup
de façons de porter plainte ou de signaler, mais là le défi du projet de loi, c'est de clarifier tout ça, et je ne suis pas sûr qu'on clarifie beaucoup actuellement. Vous dites : «Le législateur pourrait aussi profiter de l'occasion
que lui offre le projet de loi n° 115
afin de renforcer ses outils de protection déjà existants et ayant un statut
quasi constitutionnel.» Pouvez-vous m'expliquer un peu qu'est-ce que
vous voulez dire par là?
M. Amabili-Rivet
(Raphaël) : On faisait référence particulièrement à l'article 48
de la charte, qui parle déjà de l'exploitation
qui peut être faite envers les personnes aînées. Puis, comme je vous le disais
un peu plus tôt, là, le mécanisme de
la commission, en fait, qui est là, qui est un mécanisme existant pour porter
plainte... on entendait la Chaire de recherche Antoine-Turmel, un peu
plus tôt, qui disait : Pourquoi ne pas harmoniser le rôle du commissaire
avec le rôle de la commission? Donc, ça, c'est toutes des avenues qui peuvent
être envisagées dans ce projet de loi là.
Une voix : Oui,
Me Handfield.
M. Handfield (Nicolas) : Nicolas Handfield. Il y a le mot «harmoniser» qu'on utilise aussi
dans notre mémoire, mais, pour que la
personne se sente assez en confiance afin de parler de sa situation, il faut
qu'il y ait un lien de confiance entre
les personnes. Donc, c'est pour ça qu'à titre de professionnels on les voit
dans nos bureaux à longueur de journée, s'il y a un cas de maltraitance, étant donné qu'il y a cette relation de
confiance là qui existe... Mais, si c'est une personne avec laquelle la personne n'a pas accès facilement, ça
peut être difficile. Donc, un travail plus local de la commission des
droits pourrait être une porte agréable pour avoir un lien plus facile puis
bâtir une relation de confiance plus rapidement.
M.
LeBel : Parce que c'est un peu ça, le mot clé depuis deux jours, là,
c'est harmoniser puis baliser. Tout le monde est d'accord à aller de l'avant sur plein de choses, mais comment on va
harmoniser avec chacun? Puis comment on va baliser les droits, entre autres? Si on fait du signalement obligatoire,
comment on balise? Si on met des caméras vidéo, comment on balise? C'est
la grande question. On n'a pas toujours les réponses. On a beaucoup de choses,
là, mais il faudra relever ce défi-là.
Vous avez dit
aussi dans votre mémoire qu'il faut rappeler le respect de l'autonomie de la
vie privée de la personne, qu'elle
soit aînée ou en situation de vulnérabilité, c'est un fondement de la société
québécoise et de son système de droits. Parce que c'est majeur, là, les personnes aînées, c'est des gens
autonomes qui ont des droits dans tout ce qu'on va faire. Autant au niveau du signalement que de la
protection, il faut respecter les droits de chacun. Peut-être juste en
terminant, il me reste une minute, peut-être revenir là-dessus.
M. Guay
(Gérard) : C'est évident que
toute personne, y compris les personnes inaptes, a des droits. Et
d'ailleurs, si on regarde le Code civil,
c'est ce que ça nous dit, hein? La sauvegarde de l'autonomie de la personne,
c'est un élément clé de notre droit
des personnes inaptes, la sauvegarde de l'autonomie des personnes inaptes.
Donc, c'est évident que c'est une balance,
comme je disais, c'est un balancier entre protection mais aussi sauvegarde de
l'autonomie de la personne et c'est un équilibre
qu'il faut avoir. Donc, on trouve que la loi, le projet de loi est un pas dans
la bonne direction. Et c'est évident que c'est à parfaire, mais je pense
que c'est déjà un premier pas qui est intéressant dans ce sens-là.
Le Président (M. Matte) : Je
vous remercie. Je cède la parole au député de Lévis.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Je vous salue, messieurs mesdames, Mes Guay, Handfield,
Amabili-Rivet et Clouet. Je reviens sur votre exemple, si vous voulez, du
départ. Parce que vous nous dites être souvent des intervenants de première
ligne dans des situations qui peuvent devenir chaotiques ou problématiques.
J'en suis. Je comprends fort bien puis
j'illustre très bien ce que vous dites là. Dans votre exemple du début, avec le
couple, et puis la nouvelle
conjointe, puis l'ancienne, puis les enfants, et tout ce que vous voudrez,
probablement que vous voyez ça de temps en temps, j'imagine, êtes-vous appelés aussi à convoquer des tiers pour
tenter de comprendre le phénomène qui fait que certains diront que
l'aîné a pris une mauvaise décision, qu'il se fait manipuler, que c'est une
forme d'exploitation financière de laquelle
il est victime? Alors, quand vous analysez avec votre client sur le précepte
des conseils puis que vous jugez
qu'il a un argumentaire pour dire pourquoi il fait ça, mais, devant les
contradictions qui sont émises, avez-vous ce pouvoir-là ou vous arrive-t-il de convoquer les tiers, ceux qui sont
questionnés, pour tenter de voir effectivement si votre client est dans
une situation de manipulation ou d'exploitation?
M. Guay (Gérard) : Bien, on n'a aucun pouvoir de convoquer un tiers
ou qui que ce soit, c'est évident. Alors, évidemment, on va renseigner la personne, on va discuter avec elle ou
même discuter d'autres sujets qui vont nous amener à voir si elle est lucide. Parce que c'est un
premier élément, est-ce qu'elle est lucide, la personne, est-ce qu'elle sait ce
qu'elle fait. Puis, si vraiment elle est lucide, à ce moment-là il y a des
moyens. Soit qu'on lui dit : O.K. On se revoit à un deuxième rendez-vous,
il y a toutes sortes de moyens.
Bien,
vous savez que le notaire, depuis toujours, là, il est... En matière
testamentaire, entre autres, tout ce qu'on appelle la captation, quelqu'un qui te dirige à faire un testament où il
veut, ça existe depuis toujours, donc le notaire, il est déjà allumé à ces questions-là, à éviter qu'une
personne agisse sous influence. Donc, le fait d'agir librement, et de
façon volontaire, et que ça soit sans contraintes, le notaire est déjà formé à
cela, et c'est pourquoi, par différents moyens, lors des rencontres, les
discussions qu'il peut y avoir, il va faire ce genre de discussion avec la
personne, quitte à la faire revenir, et
autre. Mais c'est évident qu'on ne peut pas aller voir d'autres personnes. Mais
c'est évident que, si le notaire connaît bien la personne, connaît la
famille, des fois... et c'est souvent le cas aussi, hein?
M. Paradis
(Lévis) : C'est souvent le cas.
M. Guay (Gérard) : Alors, à
ce moment-là, c'est évident qu'il peut
se faire peut-être à l'idée du passé, de l'historique. Mais, s'il ne
la connaît pas, il va quand même agir avec prudence pour s'assurer que le geste est
posé correctement. Et, s'il est vraiment fait sans contraintes, bien, à ce moment-là, on pourra respecter la volonté de la personne.
M. Paradis (Lévis) : La ministre disait, à juste titre, il y a quelques
instants, que le notaire, c'est bien au-delà
que de la signature d'un acte qui aura
une vertu légale. Puis au-delà des actes notariés pour des propriétés, vous
intervenez dans mille et un dossiers,
hein, je veux dire, évidemment, tout ce qui sera matrimonial, nuptial, évidemment,
quand ça va moins bien,
l'autre côté, la division du patrimoine et puis, bon, est-ce qu'on voudra les
testaments et les legs.
Je
vous pose une question, c'est une hypothèse. On se fait une
image. Peut-être qu'elle n'est pas réelle, peut-être qu'elle est déjà
arrivée. Dans la mesure où... Parce
que, de mémoire et de souvenir
d'individus qui, à un moment
donné, sur le plan financier, se sont trouvés sous le joug d'un manipulateur ou
d'une manipulatrice, se rendant compte plus tard qu'effectivement leurs
économies avaient été dilapidées par quelqu'un en quel il ou elle n'aurait pas dû avoir
confiance, hein, parce que souvent c'est ça, à un moment donné il y
a comme un... Puis vous devez le voir, là, tu sais, il y a une espèce de... on ne voit plus clair, puis, tout d'un coup,
oups! on voit clair puis on a l'impression que ce qu'on a vu, ça
n'aurait pas dû être ça. Dans une situation
comme celle-là, où vous devez vous fier au fait de la lucidité de votre client,
mais sachant pertinemment... puis le regret, est-ce qu'il arrive, à
l'occasion, que des clients vous disent : Vous auriez donc dû, monsieur mon
notaire, me dire que ça ne n'avait pas de sens parce que j'ai pas mal perdu,
puis là je me rends compte que je n'avais pas toute ma tête?
M. Guay (Gérard) : Ils vont nous le dire quand ils ne nous ont pas
consultés avant. S'ils consultent avant, là on va généralement donner
des bons conseils. Puis ça m'est arrivé souvent, les clients qui me
connaissent, qui sont déjà ma clientèle, qui
me consultent avant pour n'importe quoi, un projet quelconque. Au fil des ans,
il y a eu toutes sortes de projets qu'il
y a eu à une époque, des fameuses sociétés en commandite, puis toutes sortes de
choses qui sont arrivées, là, puis ils nous consultent, même des raisons
familiales, il y a des affaires familiales. Quand ils nous consultent, le
notaire est généralement de bon conseil puis il dit : Fais attention, puis
tout ça.
Moi, j'ai plusieurs
cas où les gens ont dit : Une chance qu'on vous a consulté avant parce
qu'on se serait fait embarquer dans une
chose. Et c'est vrai pour tous les notaires aussi, alors, parce que le notaire,
il faut comprendre, il a vraiment une
relation de confiance, de proximité avec la personne, comme on dit. Et ces
questions-là de patrimoine, et tout, là,
c'est vraiment au coeur de notre profession, là, il y a des notaires qui font
des testaments, des mandats puis qui font des partages, ces choses-là, des donations. C'est vraiment, comme on dit, le
coeur de notre profession, de notre travail, et les notaires qui s'y dévouent le font et ils ont la
confiance. Et cette confiance-là, ils ne veulent pas la perdre. Et c'est
pour ça que le notaire, vraiment, c'est...
Que les notaires conseillent mal, non, pas vraiment. Ce qu'on voit surtout,
c'est les gens qui n'ont pas demandé conseil avant. Ça, c'est...
M. Paradis
(Lévis) : Ou qui ont mal compris. Merci.
Le Président
(M. Matte) : Je vous remercie. Je vous remercie pour votre
contribution aux travaux de la commission.
Je suspends pour
quelques minutes, là, afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à
14 h 40)
(Reprise à 14 h 42)
Le
Président (M. Matte) : Sans plus tarder, nous débutons avec les
représentants... C'est un test de son que je faisais. Sans plus tarder,
je souhaite la bienvenue aux représentants de la FADOQ. Je vous rappelle que
vous avez 10 minutes pour faire un
exposé et, par la suite, un échange entre les représentants des membres de la
commission. Je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui
vous accompagnent.
Réseau FADOQ
M. Dupont (Maurice) : Alors, Maurice Dupont, président du Réseau FADOQ,
M. Danis Prud'homme, directeur général,
et Mme Caroline Bouchard, qui est notre attachée, coordonnatrice au niveau
des affaires publiques et relations gouvernementales.
Le Président
(M. Matte) : Vous débutez votre exposé.
M. Dupont (Maurice) : Alors, le Réseau FADOQ est un regroupement de
personnes de 50 ans et plus qui compte plus de
475 000 membres partout au Québec.
M.
le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, la maltraitance
envers les aînés est encore un sujet tabou au Québec. Force est de constater que les campagnes de sensibilisation
et la dénonciation des actes de maltraitance sur la place publique n'ont pas suffi à endiguer le
phénomène. Au contraire, tout porte à croire qu'avec l'augmentation de
notre population aînée le phénomène va en s'accroissant.
En
2010, pour répondre aux besoins des aînés et prévenir les cas de maltraitance,
le Réseau FADOQ a mis sur pied le programme Aîné-Avisé, de concert avec
la Sûreté du Québec et le centre affilié universitaire en gérontologie sociale du CIUSSS—Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal. Ainsi, en six
ans, nous avons rejoint plus de 45 000 personnes, qui ont
participé à nos séances d'information par rapport à la fraude et aux divers
types de maltraitance.
Je
résumerais notre expérience au sein du programme Aîné-Avisé en un seul
mot : peur; peur, d'une part, des aînés victimes de maltraitance de dénoncer leur situation, peur des témoins de
faire face à des représailles de toutes sortes ou encore de faire subir ces représailles à leurs
proches. C'est la peur qui engendre le silence et l'aveuglement
volontaire qui constitue le terreau fertile de la maltraitance.
À
l'évidence, le combat contre la maltraitance demande un effort important de
tous les secteurs de la société. Le projet
de loi n° 115, en se concentrant de manière importante sur la maltraitance
au sein du réseau de la santé, constitue une étape importante mais insuffisante pour contrer le phénomène. Nous
espérons, par notre apport, réussir à améliorer un projet de loi dont le
contenu est de première importance pour tous les aînés du Québec.
Nos
propos porteront sur trois éléments : le premier, la divulgation
obligatoire des actes de maltraitance envers les aînés; le deuxième, la facilitation dans l'utilisation des caméras
et autres moyens de surveillance en établissements de soins; et le troisième, diverses suggestions pour
faciliter la mise en oeuvre des politiques de lutte contre la maltraitance
dans les établissements de soins.
Le Réseau FADOQ croit
fermement que les cas de maltraitance envers les aînés doivent être à
déclaration obligatoire pour le personnel
des établissements de la santé, tel que préconisé dans l'article 8 du
projet de loi n° 399 présenté par
l'opposition libérale en octobre 2013. Nous croyons qu'une telle mesure envoie
un message clair que la maltraitance envers
les aînés dans le réseau de la santé, c'est tolérance zéro. Cette mesure est
d'ailleurs déjà en vigueur en France et dans certaines provinces canadiennes, dont l'Alberta, la Colombie-Britannique
et la Nouvelle-Écosse. C'est la responsabilité de l'État de déclarer clairement que la personne qui tolère une
situation de maltraitance a une responsabilité légale au même titre que
la personne qui commet l'acte de maltraitance.
La position du Réseau
FADOQ au sujet de l'encadrement des caméras de surveillance est claire, le
meilleur règlement serait qu'il n'y en ait
pas du tout. Nous sommes catégoriquement contre toute forme d'encadrement des
caméras de surveillance dans tous les types
d'établissements. C'est pourquoi nous avons été très heureux de lire que le
gouvernement souhaite proposer de rendre leur autonomie aux usagers qui
souhaitent utiliser les caméras, et ce, avec un moindre encadrement. Nous
appuyons cette démarche, puisqu'agir à l'inverse aurait d'importantes
conséquences. De fait, une réglementation limitative serait carrément néfaste,
car elle encouragerait les établissements à restreindre de manière
bureaucratique et arbitraire les droits des usagers et de leurs familles.
Nous
avons déjà exprimé notre point de vue auprès de la ministre et nous le
réitérons aujourd'hui : la présence de caméras et d'autres moyens de surveillance en établissement ne constitue
pas un problème pour les aînés, bien au contraire. Sans ces moyens de surveillance, des situations
d'abus inacceptables n'auraient pu être rendues publiques. Plutôt que de
s'attarder à limiter les droits des usagers
et de leurs familles, le gouvernement devrait corriger le contexte qui a
donné lieu à l'utilisation de plus en plus
fréquente des caméras, soit les difficultés que les usagers et leurs proches
éprouvent à faire entendre leurs récriminations auprès du personnel et
des gestionnaires des établissements et la perte de confiance du public envers
le réseau de la santé.
Par
ailleurs, afin de faciliter la mise en oeuvre du projet de loi n° 115, le
Réseau FADOQ croit bon de préciser quelques
éléments du projet de loi qui... s'inquiète des ressources humaines et
financières qui seront disponibles pour sa mise en oeuvre. D'emblée, comme les établissements de santé devront se
doter d'une politique de lutte contre la maltraitance revue tous les cinq ans, nous croyons essentiel
que des lignes directrices soient spécifiées pour permettre une certaine
uniformité. Nous relevons aussi l'absence
dans le projet de loi de mécanismes de surveillance pour assurer la
pertinence mais la mise en oeuvre et l'actualisation de ces politiques locales.
Nous
craignons également que les commissaires aux plaintes ne soient pas en mesure
d'assumer les responsabilités qui
leur sont attribuées dans le projet de loi. À l'heure actuelle, plusieurs
usagers déplorent les délais dans la gestion des plaintes. Si le système
est trop lent, il sera difficile d'inspirer confiance aux usagers et aux employés
du réseau. La maltraitance est un problème
sérieux qui demande des investissements humains et financiers sérieux aussi.
Nous aimerions avoir des précisions quant aux moyens financiers qui
seront disponibles pour mettre en oeuvre les politiques de lutte à la
maltraitance.
Parallèlement,
les moyens mis à la disposition des organismes offrant de l'accompagnement aux
usagers, notamment les centres d'assistance aux plaintes et
d'accompagnement aux plaintes, doivent être revus à la hausse. Il ne faudrait pas négliger non plus l'accompagnement à la
suite de plaintes, car ce processus peut laisser d'importantes séquelles autant
pour le plaignant que pour la personne ayant fait le signalement.
Au niveau
structurel, nous aimerions souligner plusieurs éléments qui bonifieraient
avantageusement le projet de loi.
Premièrement, nous croyons que les commissaires aux plaintes, en tant
qu'employés des établissements de santé, ne disposent pas de l'indépendance que requiert leur fonction. Il serait
préférable d'augmenter leur autonomie pour garantir la confiance des
usagers, des employés du réseau de la santé et du grand public.
Deuxièmement,
nous sommes surpris par l'absence de toute mention du Protecteur du citoyen
dans le projet de loi. Nous croyons
essentiel que le rôle du Protecteur du citoyen soit bonifié pour inclure le
traitement en deuxième instance des plaintes et signalements qui
découleront de l'adoption de politiques de lutte à la maltraitance dans les
établissements.
• (14 h 50) •
Troisièmement,
le projet de loi n° 115 serait une bonne opportunité de supprimer la
distinction entre une plainte et un
signalement. Le dépôt d'une plainte comporte plusieurs obligations, notamment
celles de faire enquête et d'offrir une
réponse durant les 45 jours suivants. Quant au signalement, il ne comporte
aucune garantie formelle de réponse. Si nous voulons convaincre les travailleurs du réseau de la santé de
l'importance de dénoncer la maltraitance, la moindre des choses serait
de donner aux commissaires l'obligation de leur répondre.
Quatrièmement,
nous saluons les efforts du p.l. n° 115 pour protéger les employés
contre toute forme de représailles s'ils
présentent un signalement aux commissaires aux plaintes, l'article 11 du
projet de loi. Toutefois, s'il communique des renseignements aux médias, rien n'empêchera son employeur de faire usage
de représailles à son égard. Malheureusement, dans plusieurs situations, c'est l'ensemble de la structure
organisationnelle qui participe activement ou tacitement à la situation d'abus et il est difficile de concevoir
une réelle amélioration dans la dénonciation publique. Par conséquent,
nous croyons que cette protection devrait être étendue à toutes les démarches
pour dénoncer les situations d'abus et non uniquement à celles entreprises dans
le cadre du mécanisme de plainte.
En
conclusion, et compte tenu du vieillissement accéléré de la population
québécoise et de concert avec l'adoption du projet de loi n° 115, le Réseau FADOQ estime que la création
d'une commission de protection des droits des aînés, déjà suggérée en
1995, serait tout à fait à propos dans le contexte actuel. Cet organisme aurait
un rôle d'évaluation et de surveillance afin
d'assurer le respect des droits des aînés. Cet observatoire et organe
indépendant se pencherait sur tous les enjeux touchant le
vieillissement.
Enfin, dans
la foulée de l'adoption du projet de loi n° 115, il serait logique que le
gouvernement québécois fasse pression auprès du gouvernement canadien
pour qu'il appuie la convention internationale sur le droit des personnes âgées
proposée par l'ONU. Merci.
Le
Président (M. Matte) : Je vous remercie pour votre exposé. Nous
allons débuter notre période d'échange. Mme la ministre, je vous cède la
parole.
Mme Charbonneau :
Merci, M. le Président. Pour tous les gens qui ne le savent pas, nous avons une
forme de routine, M. Dupont et moi. En premier, je commence
par : Messieurs, jeune fille... et puis après je lui dis comment je suis
jalouse de son membership.
Une voix : ...
Mme Charbonneau :
J'ai toujours ce sentiment-là, M. Dupont. Puis, à chaque fois que vous
dites le chiffre, j'ai un petit frisson qui me passe puis qui me
dit : Maudit chanceux!
M. Dupont (Maurice) : Il faut
éviter les calculs, Mme la ministre.
Mme Charbonneau :
Oh! tout à fait, tout à fait, vous avez raison. Mais vous le savez parce que
vous êtes un réseau qui valorise, qui informe mais qui est toujours
proche de ses membres. Puis là-dessus j'ai peu l'occasion de le faire publiquement — d'habitude, quand on se voit, c'est plus
privément, là, dans le cabinet ou en rencontre autrement — mais
cette fois-ci, sous caméra, je le dis :
Vous êtes un réseau qui s'occupe bien de vos aînés, malgré que souvent, dans
nos rencontres, on arrive à ne pas s'entendre sur deux, trois affaires, mais on
finit toujours par avoir une belle conclusion parce qu'on travaille pour le
même monde.
Je vous
entends, M. Dupont, et je sais que votre souci de l'autonomie de l'aîné
est important, premièrement, parce que
ce sont des gens que vous côtoyez de façon journalière, hein? Des aînés, vous
en voyez partout, vous en accueillez. Et vous avez mis un peu la barre basse, comme on dit, par rapport à
50 ans, mais, en même temps, vous êtes les premiers à donner signe à un aîné en lui disant : Vous
avez droit à un réseau, on vous représente, et ça commence à 50. Mais, de
tous ces gens, vous en voyez... Moi, je vais
à votre rencontre annuelle que vous avez et je vois une salle pleine de gens
qui vont danser, qui m'interpellent, qui
sont très actifs, qui regroupent un paquet de regroupements, hein, parce que,
quand je les rencontre chez vous, ils sont déjà peut-être sur la table
de concertation des aînés, ils sont peut-être à l'AQDR, ils sont peut-être même ailleurs, dans d'autres organisations,
mais ils sont en premier chez vous. Donc, quand vous dites que vous ne voyez pas autre chose que la divulgation
obligatoire, ça m'interpelle un peu, puisque, dans le principe de la
divulgation obligatoire, pour moi, il y a un
manque de respect sur l'autonomie de la personne. Mais je veux mieux le
comprendre dans l'angle que vous avez
parce qu'on est ici pour améliorer, s'il y a lieu, les principes du projet de
loi n° 115. Donc, j'aimerais vous
entendre sur l'autonomie et l'obligation pour un tiers de divulguer plutôt que
l'opportunité, puisque tous les outils alentour de lui font en sorte que
c'est plus facile de travailler avec la dénonciation.
M. Dupont (Maurice) : Bien, je répondrais a priori, après ça je
laisserai la parole à la direction générale. Je pense qu'il faut revoir l'image des services qui sont
donnés et surtout de la confiance que la société québécoise a envers les
milieux de santé. Alors, oui, l'autonomie
est importante pour nous et, je dirais, à cause de notre contrat social et les
quatre piliers du bouton argenté que je porte avec fierté. À tous les échelons
de la vie, je pense qu'il faut avoir ça en tête.
Alors, pour
l'argumentaire, je vais laisser Mme Bouchard et M. Prud'homme
argumenter.
M. Prud'homme (Danis) : En fait, je dirais qu'on ne veut pas enlever
l'autonomie aux gens mais on veut plutôt l'appariement, l'appariement avec ce qui est dit dans la charte par rapport aux devoirs citoyens. Donc, on considère que ce qui est présentement dans la charte devrait être dans le projet de loi comme un devoir citoyen de venir de l'avant et de dénoncer lorsqu'on
voit quelque chose. Ce n'est pas qu'on veut enlever l'autonomie aux gens, c'est
plutôt un devoir citoyen de dire quand on le voit. Peut-être
que la personne n'est pas en position de venir de l'avant, mais nous, on l'a
vu, là, alors c'est un devoir citoyen, qu'on considère.
Mme Charbonneau :
Dans le principe de devoir citoyen, nous avons tous les mêmes devoirs, hein?
Vous le savez, si vous voyez quelque chose, dans la rue, qui se passe, vous avez le devoir de. Mais, si je ne le
fais pas, il n'y a pas nécessairement
une conséquence aussi grande que si je regarde ce qui nous avait interpelés
dans le 399 sur la conséquence de
non-divulgation. Et, malheureusement, il y a aussi cette réalité-là qu'on ne parle pas que du système de la santé. On parle de gens de confiance qui sont près de nos personnes
aînées, donc ça peut être un conjoint, ça peut être un fils, ça peut être une fille, ça peut être une
voisine, ça peut être une soeur. Un membre de la famille peut aussi être
une personne qui, pour toutes sortes de raisons, pose des gestes qui sont
inacceptables.
Et le niveau de
tolérance de la personne par rapport au principe de la maltraitance, hein? On
est toutes et tous — je
vais le dire maladroitement — élevés
d'une différente façon. Peut-être que, dans une maison, il y a
des gestes qui se posent et qui sont
acceptés puis, dans une autre, ça serait inacceptable. Prenons juste lever la
voix. Vous pouvez lever la voix dans
certaines familles, puis c'est juste normal parce qu'ils sont passionnés,
sanguins et puis qu'ils ont le goût de faire
valoir leurs points, et, dans d'autres maisons, poser ce geste-là est une
agression. Comment voyez-vous ce principe-là s'appliquer à partir du moment où il faut que je sois obligée de dénoncer
et que, de ce fait, si je ne le fais pas, il y aura nécessairement des conséquences? Puis comment les
voyez-vous, ces conséquences-là, si le gouvernement avait à en mettre en
application?
M. Prud'homme (Danis) : Bien, en fait, je répondrais assez simplement en
disant que, quand une personne est dans
le système de santé, parce qu'on commence avec le système de santé — vous avez dit «c'est plus large», oui,
mais prenons le système de santé — les personnes prennent soin de ces gens-là
dans le système de santé, donc ont comme une responsabilité de s'assurer qu'ils sont bien, qu'on prend bien soin
d'eux, qu'on leur dessert les bons services. Et donc, dans le temps qu'ils sont dans notre entourage, donc
dans notre cercle, c'est, pour nous, nécessaire que la personne, si elle
voit des choses se passer, de venir de l'avant avec ça pour le dénoncer.
Première chose.
La
deuxième chose, je comprends ce que vous dites, nous-mêmes dans notre programme
Aîné-Avisé, on l'a adapté à certaines
cultures. Par contre, quand on est dans un système de santé où on prend soin de
quelqu'un, oui, on pourrait, mais là on commence à mettre beaucoup de
différenciations. Et, à ce que je sache, on veut essayer de prendre soin de la personne de la bonne façon. Et, quand on va dans
le système de santé, on n'a qu'une façon de prendre soin de la personne,
on ne donne pas des soins de différentes
façons. Donc, c'est un peu là qu'on veut faire un lien, de dire : Tant
qu'à aller sur la, entre guillemets,
protection du système de santé parce qu'on prend soin d'elle, bien, les gens
devront respecter comment on doit prendre soin d'un patient, ou d'un
client, ou selon le nom qu'on veut lui donner.
Mme Charbonneau :
Vous savez comme moi que les mots sont lourds quelquefois. Donc, de bien nommer
les choses, des fois, ça peut nous jouer des
tours puis... Mais on va l'appeler notre aîné parce qu'il peut être dans le
système de la santé, comme il peut être en dehors. Vous savez que le projet de
loi n° 115 va à l'extérieur aussi du système de la santé. Pour nous, c'était important de dire : Si on est pour parler
des gens en situation de vulnérabilité ou les aînés, bien, heureusement
pour nous, on est capables de dire qu'il y a des aînés qui sont actifs sur le
marché du travail, qui sont chez eux, qui font du bénévolat, mais ça n'empêche
pas qu'il peut arriver des situations.
Donc, dans le projet
n° 115, il y a cette proposition d'un projet pilote qu'on a mis en place
en Mauricie, à Trois-Rivières, et qui
s'appelle le comité sociojudiciaire. On en a déjà échangé quelque peu parce
qu'il y avait des questions de votre
côté à savoir... mais, chez nous, on dit «de que c'est» parce que ce n'était
pas très expliqué, mais c'était un projet pilote. Et la volonté dans le 115, c'est de faire en sorte qu'on puisse
nationaliser cette mesure-là et la rendre accessible dans toutes les
régions du Québec pour accompagner un aîné qui est à l'extérieur du système de
la santé, qui fait affaire autrement, mais qui peut vivre une situation de
maltraitance.
Puis
on prend toujours le même exemple parce que c'est, pour l'instant, 80 %
des cas qu'on a traités, la maltraitance financière, donc l'aîné qui se retrouve dans une situation malaisante
par rapport à ça, qui se pose beaucoup
de questions, qui fait appel soit à
un travailleur social, soit à quelqu'un dans son CLSC ou à la sécurité publique, hein, parce qu'ils sont nos premiers partenaires au niveau du comité. Et là on met en
place tout un réseau alentour de lui pour l'accompagner à bien finir cette histoire, parce que c'est ce qu'on
cherche à faire. Est-ce que, pour vous, c'est plus clair maintenant, ça a
plus de sens, ou il y en a encore, au niveau
de la FADOQ, du questionnement par rapport à ce comité qu'on veut mettre en
place partout au Québec?
• (15 heures) •
M. Prud'homme
(Danis) : En fait, je pense
que, quand on en a discuté, ça a été éclairci, puis on a bien compris le
processus. Et, tant que ça va quand même de l'avant, advenant qu'on doive aller
plus loin, ça y va. Pour nous, en poursuite ou quoi que ce soit, on n'a pas de
problèmes avec ça.
Et, quand on disait pour la divulgation, je
pense que les travailleurs du milieu de la santé, s'ils n'ont pas une formation... je pense qu'ils en ont. Peut-être
qu'ils auraient avantage à en avoir davantage, mais il y a des signes qui
sont apparents chez des gens qui souffrent
ou qui sont négligés, qui ont de l'abus ou de la maltraitance envers eux. Et,
quand on parlait du programme Aîné-Avisé, ce
sont des choses qu'on dit aux gens, à savoir : Bien, quand vous voyez
quelqu'un qui vient à tous les jours jouer à une activité, il ne vient plus,
bien, déjà il faut se poser une question puis, si on le connaît, aller le voir. Quelqu'un perd du poids, quelqu'un devient triste,
quelqu'un ne parle plus, quelqu'un commence à avoir peur, donc il y a plein de signes qui sont... par les experts, les
intervenants. Et ça, c'est là que nous, on dit : Surtout dans le
milieu de la santé, ces gens-là devraient être encore plus aptes à voir ça
arriver, et justement pour pouvoir prévenir.
Et, quand on voit définitivement des signes, pour nous, c'est une obligation de
venir de l'avant pour les dénoncer parce que ça veut dire qu'on ne prend
pas bien soin de la personne si on ne le fait pas.
Mme Charbonneau :
Bien, je prends la balle au bond pour vous dire, M. Prud'homme, que, ça,
c'est quelqu'un qui signalerait quelque chose, ce n'est pas quelqu'un
qui ferait une plainte. Parce que vous avez compris qu'entre les deux il y a la personne qui subit quelque chose,
qui fait une plainte, puis la personne qui le voit ou le perçoit; elle,
elle le signale, donc le signalement.
La chaire de
recherche, hier, a été fort intéressante dans le principe de oui ou non sur
l'obligation de divulguer, et elle
nous disait : Vous savez, ce qu'on a cru percevoir puis ce qu'on a entendu
de quelqu'un qui nous a fait une présentation dans un autre pays, c'est qu'à partir du moment où il y a une
divulgation obligatoire les gens attendent plus longtemps, ils attendent
que le concret soit plus perçu.
Je reprends l'exemple que vous nous avez donné,
il y a une perte de poids, le goût de manger est moins là, il y a un intérêt moindre à socialiser. Mais, pour
arriver à l'obligation, puisque ça découle, après ça, hein, une enquête,
puis il y a plein de choses qui se font,
puis ça alourdit le processus, la chaire de recherche semblait nous dire :
Quand il y a une obligation, quand on attend plus longtemps avant de le
faire... Puis peut-être que, dans le plus long temps, il y a une personne plus
fragile au moment où on fait le signalement. Je me demandais si c'était quelque
chose, un, que vous aviez peut-être déjà
entendu parce que peut-être que je vous radote une histoire que vous
connaissez. Mais, sinon, est-ce que vous
pensez que c'est plausible d'imaginer que, si le processus est obligatoire avec
conséquences si tu ne le fais pas...
Parce qu'il y
a ça aussi, hein? Si j'oblige quelque chose, il faut que... Je dis : Il
faut que tu roules à 100. Si tu roules à 120, bien, il y a une conséquence, tu vas avoir une infraction. Par
contre, si tu frappes un enfant et que tu le blesses, bien, ce n'est pas une contravention, que tu vas avoir, tu
vas peut-être faire de la prison, c'est différent. Donc, dans le
principe de la conséquence de la
divulgation, les gens attendaient plus longtemps. Est-ce que vous y voyez là...
je n'ose pas dire un intérêt parce que ce n'est pas ça que je veux dire,
mais est-ce que vous y voyez là quelque chose de plausible ou, malgré ce principe-là, vous dites : Bien, oui,
effectivement, ça peut arriver, mais nous, malgré tout, on aime mieux garder le
principe de l'obligation?
M. Prud'homme
(Danis) : En fait — et je pense que, dans la littérature, on le
voit — ça peut
arriver. Par contre, ce qu'il faut
regarder, c'est lorsqu'on met quelque chose de nouveau en place, ça comme
stimule, et, avant que ça arrive, souvent
ça va prendre... On s'est adapté à la chose, et là peut-être qu'on devient un
peu plus... plus facilement pour voir ce qui se passe, puis on peut prendre plus de temps parce qu'on n'est pas
sûrs. Au début, c'est sûr qu'au contraire ça va être bénéfique, je
pense, dans un premier temps. Et c'est comme tout. En fait, quand on parle de
conséquences, si on met quelque chose en
place, bien, je pense qu'on y va graduellement, je pense qu'on fait des choses
graduellement. On doit mieux renseigner notre monde, mieux former notre
monde. Puis je pense que tout ça va de pair, c'est sûr qu'on ne s'attendra pas,
demain matin, à ce que tout soit mis en place et parfait, là. Ça, c'est sûr.
Mme Charbonneau :
Juste avant de vous quitter ou de laisser ma parole à mon collègue... Puis je
m'excuse à mes propres collègues parce que
j'ai pris tout le temps, mais, vous le savez, quand on est ensemble, on jase
tout le temps, pas mal longtemps. Au
début, M. le président, vous avez dit : On était contre les caméras. Puis
il y a eu le groupe des 30 qui a étudié, qui a fait des recommandations.
Puis, à la fin de votre intervention, vous avez dit : Si c'est ça, bien,
oui aux caméras. Je voulais juste avoir plus
un oui ou un non parce que je n'étais pas sûre de... l'avenue qu'on prenait
était bien ou pas bien. Je veux juste être plus sûre de votre réponse,
là, face à ça.
M. Prud'homme (Danis) : En
fait, on a toujours été pour les caméras. C'est l'encadrement qu'on avait un bémol, à savoir comment on allait faire ça. Puis,
pour nous, je ne crois pas qu'on doit le faire. Et là, bien, en partie,
ce qui a été fait a été répondu.
Mme Charbonneau :
O.K. Puis mes collègues ne le savent peut-être pas, mais vous avez participé au
groupe des 30, qui ont échangé pour assurer
que les orientations, avant d'écrire un règlement — parce que c'est là qu'on est — étaient,
dans un sens, concrètes pour vous puis acceptables.
M. Prud'homme (Danis) :
...qu'on vient de voir.
Mme Charbonneau :
Oui. Merci beaucoup.
Le Président
(M. Matte) : Je vous remercie. Et j'invite le député de Rimouski
à poursuivre les échanges.
M. LeBel : Merci, M. le Président.
Bonjour à vous trois. Dans votre mémoire, vous écrivez, à la page 9 :
«Le Réseau FADOQ redoute d'autant plus un autre cas de manque criant de
financement que tout le système de santé est actuellement
sous respirateur artificiel, tant les compressions sont importantes de tous
bords, tous côtés. Les personnes les plus
vulnérables, dont une majorité d'aînés, sont de plus en plus victimes de cette
situation déplorable, et il ne faut pas se surprendre que le nombre de
cas de maltraitance soit à l'avenant.»
Un type de
maltraitance, c'est la maltraitance organisationnelle. Mais ça, ce n'est pas la
faute des soignants ou du personnel,
c'est le système. C'est l'État qui ne prend pas soin de ses aînés, qui ne
«bientraite» pas ses aînés, qu'on pourrait dire. Puis il y a des exemples depuis longtemps, là. Dans les CHSLD, on
se le dit tous, on ne veut pas aller là parce qu'on a des couches, la bouffe, les logements, etc. Est-ce
que vous pensez que ce projet de loi là, avec le lien qu'il fait avec le
commissaire aux plaintes, va venir corriger
la situation de maltraitance, entre autres, dans les CHSLD, la
maltraitance organisationnelle? Est-ce que vous pensez que ce projet de loi là
vient régler des choses?
M. Prud'homme
(Danis) : En fait, c'est une
première étape pour dire que la maltraitance n'est pas acceptable. Et là
on parle de maltraitance, et là je ne parle pas qui la fait. Ça, c'est la
première étape. Je pense qu'elle est là.
La deuxième
étape, évidemment, nos travailleurs de la santé... Je dis nos, pas les miens,
mais les travailleurs de notre
société qui travaillent en santé sont des gens qui sont passionnés et qui ont
du coeur, dans la majorité des cas, là, parce que, comme dans tous les emplois, il y a des gens qui ne devraient
peut-être pas exercer une certaine profession. Mais, dans la majorité des cas, nos gens sont passionnés, je pense, ceux
qui font ça. Et malheureusement, effectivement, par faute de temps, de ressources, on est minuté pour faire
manger les gens, donc on est moins humain qu'on devrait l'être. Bon, ça,
c'est un autre volet qu'il va falloir
regarder parce que, comme on dit, actuellement, et depuis bien des années, et
c'était à prévoir... Puis, bien, quand une
maison est à rénover, si on ne la rénove pas quand c'est le temps, elle va
coûter plus cher à rénover par après. Bien, c'est là où on en est
aujourd'hui.
Je pense
qu'il faut regarder notre système de santé en fonction du vieillissement de la
population. Il y a l'OMS qui l'a dit
dans un rapport qui a été publié à l'automne sur le vieillissement dans le
monde. On a un institut au Canada qui se penche sur le vieillissement,
qui l'a aussi dit dans son rapport et son plan stratégique. Et les déterminants
de la santé font foi de ce qu'on veut comme
société. Et, si on s'oriente vers une société vieillissante, le système de
santé est bon pour tout le monde. Ça fait que c'est sûr que c'est un
tout, là, mais ça, c'est la première étape, de dire : On n'accepte pas la
maltraitance. Par la suite, on pourra aller de l'avant.
M.
LeBel : Mais le projet de loi, si on n'accepte pas la maltraitance,
nous propose un circuit pour signaler ou faire des plaintes. Mais le commissaire aux plaintes, là, dans le
Bas-du-Fleuve, là, qu'on lui fasse une plainte sur le système de santé,
là, bien, qu'est-ce que vous voulez qu'il fasse? Il va appeler le premier
ministre? Qu'est-ce qu'il va faire? Il va recommander quoi? Qu'on mette de
l'argent? Ça ne réglera pas le problème, à mon avis. Bref.
Sur les
obligations de divulgation puis l'encadrement des caméras de surveillance, je
voudrais juste comprendre, là, la dernière information, j'ai moins...
Dans votre mémoire, vous dites : «La position du Réseau FADOQ au sujet de l'encadrement des caméras de surveillance est
claire : le meilleur règlement serait qu'il n'y en ait pas du tout. Nous
sommes catégoriquement contre toute forme
d'encadrement des caméras de surveillance dans tous les types
d'établissements.» Ça fait que, bref, vous êtes contre les caméras de
surveillance?
• (15 h 10) •
M. Prud'homme
(Danis) : Pas contre les
caméras, contre l'encadrement des caméras au niveau des usagers, s'ils veulent... Et ce qu'on voit, là, c'est ce qui a
fait ressortir les cas de maltraitance qu'on voit. C'est des caméras qui
l'ont fait ressortir. Nous, on dit qu'un
usager a le droit de placer une caméra, que son représentant, au sens de la
loi, a le droit de placer une caméra, et on n'a pas le droit de l'encadrer pour ça. Si lui, il pense qu'il y a
quelque chose qui se passe, il doit en...
M.
LeBel : Ce que vous dites dans le fond : Il faut respecter
l'autonomie de la personne. C'est le
consentement de la personne puis c'est son
milieu de vie, c'est sa résidence en tant que telle, et, s'il y a
une caméra à placer, ça prend son consentement, à la personne elle-même.
C'est ce que vous me dites?
M. Prud'homme
(Danis) : Bien, à la
personne ou son représentant. Puis là, bien, on ne rentrera pas parce qu'on l'a fait avec... on travaille beaucoup avec Me Ménard, là. Quand on regarde ça, son représentant, ce n'est pas obligé qu'il y ait eu un affidavit à l'effet que la personne, elle n'est plus capable de
prendre soin d'elle-même. Il peut y avoir autres façons d'aller de
l'avant, donc ça peut être l'âge, là. Ça, c'est un débat qui est...
M.
LeBel : O.K. Il
faut respecter le droit de la personne, son consentement d'une façon ou d'une
autre. O.K. Mais, concernant
les obligations de divulgation, là-dessus vous dites même un peu... dans votre
mémoire, vous faites la différence entre une
plainte puis un signalement. Vous dites que «signalement», ce n'est pas assez
fort, que «plainte», c'est plus fort parce que ça amène des sanctions ou
une enquête, quelque chose du genre.
M. Prud'homme
(Danis) : Non, c'est la loi
qui fait une différence, pas nous. Nous, on a écrit que la loi faisait
une différence entre les deux dans notre mémoire.
M. LeBel : Mais vous, vous êtes...
M. Prud'homme
(Danis) : Nous, ce qu'on
dit, c'est qu'il ne devrait pas y en avoir, de différence. Un
signalement ou une plainte devrait être
traité et être répondu parce que, si un signalement qu'on rend obligatoire n'est pas répondu, bien, les gens, ça a beau être obligatoire, à un moment
donné, ça n'a pas force. Parce que, quand on dit : C'est quelque
chose, on ne sait pas ce qu'est la suite, on ne se fait pas répondre. Donc,
nous, on dit : Ils devraient être traités similaires au niveau des
réponses, le délai et le processus à ce niveau-là.
M.
LeBel : Je comprends mieux. Mais, quand vous dites, dans le fond, là,
vous dites : «Signalisation» ou «plainte», ça devrait être la même chose et ça devrait être obligatoire, j'essaie
de comprendre pourquoi. Dans le cas des caméras, ça prend le consentement des personnes, mais, dans le
cadre du signalement, est-ce que ça
prend le consentement aussi des personnes
ou une... Quelqu'un passe dans une résidence, voit, pense voir...
Puis là il y a beaucoup...
il y a sept formes de maltraitance.
Mais, si c'est obligatoire, elle est obligée, là, il faut qu'elle le fasse.
Alors, elle n'est pas certaine, mais elle doit le faire, et là ça emmène des sanctions ou toutes sortes
d'affaires. Si elle ne le fait pas, il y a des sanctions aussi, là, il faut croire. Puis ça peut se faire sans le
consentement de la personne, la victime en tant que telle. C'est ça que j'essaie de voir, pourquoi, d'un côté,
ça prend le consentement, et, de l'autre, ça ne le prend pas. Pourquoi?
M. Prud'homme
(Danis) : Non. Au niveau de
la caméra pour l'usager, donc, c'est sa famille qui l'installe ou
lui-même pour se protéger ou pour démontrer quelque chose. Ça ne prend pas nécessairement
son consentement. C'est pour ça que je vous
dis : Il faut faire attention, là, la loi, il faut y aller... Si on va à
la loi, on ne va pas être ici pendant longtemps parce que le représentant,
ça peut être sa famille. Puis il n'est pas obligé de le dire à sa personne
qu'il va mettre une caméra parce que
lui, il a présumé avoir quelque... C'est très compliqué, là, ce n'est pas aussi
simple que ça.
Ça fait
que, donc, idéalement, la personne, oui, si elle est toute là. Mais, quand la
personne commence à avoir des signes
où, à quelques reprises, malheureusement, elle a des habiletés mentales qui commencent,
pour différentes raisons, à manquer,
on n'est pas obligé de lui dire. Il y
a plein de choses qui sont
réglementées au niveau du représentant
dans la loi. Donc, c'est juste ça,
là, qu'il faut regarder, là. Mais, donc, je ne dis pas que ça prend le
consentement parce qu'il ne faut pas le
faire ou il ne faut pas... Moi, là, au niveau de la réglementation de la
caméra, ce qu'on a dit, c'est qu'on n'en voulait pas, de réglementation,
que les gens, s'ils voulaient en mettre, ils en mettaient.
M.
LeBel : Parce que vous connaissez ça plus que moi, vous connaissez ça,
puis j'aime ça avoir votre lumière là-dessus,
là, c'est pour ça que je pose des questions. C'est-à-dire que la famille
d'un... pourrait décider elle-même,
la famille, sans parler à la personne aînée, pourrait décider, la famille, sans
lui dire, d'installer une caméra. C'est ça que vous me dites?
M. Prud'homme
(Danis) : La famille
pourrait décider, parce qu'elle a une... Quand je vous disais, tout à l'heure, des signes, par exemple, si on regarde des signes de ce qui arrive à notre
parent, par exemple. Si c'est notre parent, bien, si on voit
des choses qu'on ne comprend pas puis on questionne... Parce qu'une caméra
n'est pas le but ultime, on l'a toujours dit, là. Si on pose une caméra, c'est parce qu'on soupçonne et on a des raisons de
soupçonner. Donc là, on est rendu à
une étape plus loin que de poser des questions parce que notre parent a eu
telle ou telle chose ou telle et telle chose est arrivée. Donc, on est rendu à une étape supérieure, habituellement,
quand on va mettre une caméra, là, les gens ne font pas ça pour le fun.
Dans les cas qu'on a vus aller en cour, ça a été fait parce qu'ils
soupçonnaient des choses.
M.
LeBel : C'est bien. Est-ce que vous avez eu le temps de voir les
intentions réglementaires du gouvernement sur les caméras? Est-ce que
vous avez eu le temps de voir ça, ce qui a été déposé ce matin?
M.
Prud'homme (Danis) : Bien, à
la consultation, on était là, et sur ce qui a été... Hier, là, ce
qui été... là, bien là, oui, on l'a lu et on l'a regardé, tout à fait.
M. LeBel : Est-ce que vous avez une
opinion là-dessus?
M. Prud'homme
(Danis) : Bien, en fait,
comme on l'a dit dans notre discours d'ouverture, je pense que c'est
dans le bon sens. Nous, on n'en voulait pas,
de réglementation comme telle pour les caméras, on voulait que ce soit laissé
libre aux personnes d'en mettre. Évidemment,
quand ça touche leur lieu prescrit, c'est-à-dire, quand ils sont dans une chambre, leur
chambre, quand ils sont dans leur appartement, leur appartement; si on parle de
résidences privées, même chose. Dans un
édifice à appartements, tous les lieux publics, évidemment, on est conscients
qu'on ne peut pas mettre de caméras là. Ce n'est pas notre building,
c'est notre chambre qui est notre endroit personnel.
Le Président (M. Matte) :
Alors, merci. Je cède la parole au député de Lévis.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le Président. Bienvenue à M. Prud'homme, bien
sûr, à Mme Couillard et à M. Dupont.
Content que vous y soyez. Ce que je
comprends fondamentalement, dans votre position, puis c'est clairement exprimé, là, on
a l'opportunité aujourd'hui, dans un contexte de maltraitance où la population
réagit très sévèrement, où il y a
une inacceptabilité sociale claire, puis vous devez le sentir à travers vos
membres, vos membres, ils vous parlent aussi — puis
on a eu des organisations qui sont venues nous voir également, où il y a des
membres qui sont aussi membres de chez vous — on
a l'opportunité de se donner des outils, de nouveaux outils, puis de passer des
messages clairs, des outils supplémentaires : signalement obligatoire, on pourrait dire dénonciation
obligatoire, c'est comme ça qu'on l'a sorti en premier, mais le fait de se donner un
outil, un outil faisant en sorte
qu'on n'a plus le droit de se fermer les yeux. Et, si je comprends bien votre message, c'est
ça : permettons-nous d'être conséquents aussi avec ce que les gens en
général constatent, n'acceptent plus,
donnons-nous cet outil-là pour faire en sorte que le maltraitant potentiel
sache que tous ceux et celles qui verront seront obligés de le dire.
C'est un outil supplémentaire que vous recherchez et que vous réclamez.
M. Prud'homme (Danis) : Tout à fait. En fait, on pense que le projet de
loi a des bonnes choses dedans et on voudrait, quant à la divulgation
obligatoire, que soit rajouté l'article qui était dans l'ancien projet de loi
qui avait été déposé il y a quelques années.
Donc, pour nous, à la base, ça envoie un signal que c'est non acceptable, la
maltraitance, dorénavant. Et, comme je dis, oui, ça va prendre un bout de temps
à mettre en place, oui, ça va prendre davantage de formation pour tout le monde qui travaille dans le milieu de la santé,
parce qu'ici on parle de santé plus précisément. Mais, si on va en résidence privée, bien, on ose espérer,
puis on le mentionne dans notre mémoire, que ça va être inclus à
l'intérieur de la certification, qu'il va y
avoir des processus de faits très sérieux au niveau de dire que ce n'est pas
plus accepté non plus.
Donc, parce qu'on
parle ici, malheureusement, souvent de personnes qui sont vulnérables, et les
personnes vulnérables, on a besoin de les
protéger... D'ailleurs, dans la loi de la santé, ça le dit bien, et c'est pour
ça qu'on va plus loin avec un comité
qui s'adresserait directement à ça, et c'est pour ça qu'on pousse encore plus
loin, c'est-à-dire... Et on siège sur le comité de travail à l'ONU sur
la convention internationale, et, à travers le monde, ils en ont débattu
pendant cinq ans. Nos outils ne protègent
pas bien nos aînés actuellement. C'est pour ça que ça prend une convention et
c'est pour ça que, dès en 1995, il y avait déjà, ici, une commission
qu'on demandait pour protéger les aînés davantage.
M. Paradis (Lévis) : Il y a du travail à faire, et le collègue, le
député de Rimouski, le dit, puis on se le dit, puis on le sait. Mais là on est dans une étape primordiale
puis on ne peut pas rater notre chance, quelque part, d'autant plus que
ce n'est pas d'hier qu'on en parle. Vous
parliez de cette première mouture de 2013. Vous dites même plus loin que ça,
vous êtes d'avis que le gouvernement
du Québec doit imiter des pays comme la France, comme huit provinces
canadiennes sur 13, dont l'Alberta,
la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse, qui ont établi des protocoles
d'application. Et ça, c'est ce que je
comprends de ce que vous me dites également, on établira des protocoles
d'application, mais, au-delà de ça, vous dites «qui prévoient de graves
sanctions à la non-divulgation». Vous dites : Plus que d'être obligé de
divulguer, il va falloir qu'il y ait des
conséquences si on ne le fait pas. Alors, vous en êtes également de ces
dispositions pénales pour celui qui saurait mais ne dit pas.
M. Prud'homme (Danis) : Bien, écoutez, oui, parce que c'est un peu
comme... Quand on met une loi en place, on y va graduellement, et je pense que, lorsque notre société aura bien,
comme on dit, pris en charge ce volet-là, si on le met de l'avant avec tout ce qu'on demande, bien, les gens
vont devoir être conscients que c'est sérieux et que, oui, si on ne fait
pas ce qu'on a une responsabilité de
faire... Un peu comme la loi, quand on a des lois, on doit suivre. Si on ne
remplit pas notre rapport d'impôt, bien, il y a des conséquences. Bien, je
pense qu'il faut aller là si on veut que ça arrête un jour.
M. Paradis (Lévis) : Ce que vous me dites, M. Prud'homme, puis
vous ne parlez pas en votre nom personnel... Ce que je comprends d'après ce qui nous a été présenté, des associations
nous ont dit : Écoutez, on a des sondages récents, là, 2016, on a posé la question mot à mot, à
93 %, les gens consultés ont dit : On est rendus là. C'est le reflet
de ceux que vous représentez?
M. Prud'homme (Danis) : Enfin, oui, parce qu'on a toujours et
continuellement une hausse d'appels, et c'est des milliers d'appels par année sur plein de causes au
niveau de ce qui touche de la maltraitance, de la négligence et de
l'abus. Et les gens sont démunis, ils ne
savent pas quoi faire, ils ne savent pas où aller, ils ne comprennent pas que
ça peut se passer envers leur famille, leurs parents ou leurs amis.
Donc, définitivement, eux, ce qu'ils cherchent, ces gens-là, quand ils nous appellent, c'est une solution pour que ça
arrête et comment faire arrêter ça. Donc, ça, à la base, là, je fais un
portrait global, si je retiens tout ce qui
vient des plaintes qu'on a, nous, via notre service téléphonique à chaque année
et quand on sonde nos membres par
rapport à comment on veut vieillir, bien, c'est en qualité et avec respect et
être considéré comme une personne à part entière, donc que, s'il y a des
choses qui nous sont faites, que ça soit corrigé.
• (15 h 20) •
M. Paradis (Lévis) : Que la divulgation soit donc, à ce moment-là, rendue obligatoire. Je parle de caméra
parce que les caméras aussi, si je lis bien ce que vous nous écrivez, c'est un
outil, c'est un autre outil supplémentaire. Ça serait tellement merveilleux qu'on n'ait pas besoin de ça, mais je vois
manifestement... Puis, encore aujourd'hui, pour ceux qui suivent l'actualité, on a vu, encore aujourd'hui, puis c'est
déchirant, des images captées par
caméra. Alors, maintenant, on a des orientations.
Est-ce
que vous iriez davantage à dire... Parce que, déjà en 2015, un avis du
Protecteur du citoyen, avant même que vous
ayez, vous aussi, à participer puis à arriver avec des orientations — en tout cas, pour le moins, des
conseils — arriver à ce
qu'on a maintenant, disait : On le fait, résidences publiques, là,
établissements publics. Mais la portée du protecteur était plus large en disant : Le règlement, là, pour
éviter toute confusion, il va falloir aussi qu'il soit édicté puis qu'il
comprenne les résidences privées, les
1 850 résidences privées au Québec qui accueillent
117 000 aînés. Est-ce que vous seriez d'accord que ça ratisse plus large et que cette
réglementation-là s'adresse à toutes résidences pour aînés, qu'elles soient
publiques ou privées?
M. Prud'homme
(Danis) : Au niveau du projet de loi, vous parlez?
M. Paradis (Lévis) : Oui, du...
M. Prud'homme
(Danis) : 115?
M. Paradis
(Lévis) : ...concernant les caméras.
M. Prud'homme
(Danis) : Bien, concernant les caméras, en fait...
Le Président (M. Matte) :
Pour votre réponse, il vous reste deux secondes.
M. Prud'homme
(Danis) : Oui, en fait, en ce qui concerne les caméras, l'usager et sa
famille ont le droit de l'installer s'ils pensent qu'il y a quelque chose qui
se passe. Point.
M. Paradis
(Lévis) : Partout, public, privé?
M. Prud'homme
(Danis) : Bien, dans leurs appartements.
M. Paradis (Lévis) : Dans leurs appartements, entendu en fonction
d'une réglementation qui peut s'appliquer à l'un comme à l'autre.
Le Président (M. Matte) :
Je vous remercie. Ceci termine la période. Je vous remercie d'avoir participé
aux travaux de la commission.
Et je suspends les
travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
15 h 22)
(Reprise à 15 h 26)
Le
Président (M. Matte) :
Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération interprofessionnelle
de la santé du Québec. Alors, vous êtes un habitué, donc je vous
rappelle que vous avez 10 minutes pour faire l'exposé et je vous
invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous accompagnent.
Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec
(FIQ)
Mme Laurent (Régine) : Bonjour. Merci, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, merci de nous recevoir.
Alors, à mon extrême
gauche, Florence Thomas, qui est conseillère syndicale à la FIQ, au secteur
condition féminine; à côté de moi, Daniel
Gilbert, qui est vice-président à la fédération; et, à ma droite, Marc-Antoine Durand-Allard,
qui est aussi conseiller syndical au secteur tâches et organisation du travail
et pratique professionnelle.
Alors,
merci. Tout d'abord, bien, c'est clair que, pour nous, la lutte
contre la maltraitance et sous toutes ses formes, toutes formes de violence, est une priorité et
que, comme professionnels en soins, évidemment, ça nous fait mal
au coeur. Depuis plusieurs
années, on s'emploie par tous les moyens à enrayer la violence et la maltraitance dans nos milieux de travail comme dans le milieu de soins. Pour
notre organisation, c'est inconcevable que des aînés, au Québec, ou des personnes vulnérables subissent de la maltraitance. On est quand même en 2017. Les membres de la fédération
se sont toujours fermement positionnés pour agir contre la violence, qui
est souvent banalisée à tort.
Les professionnels en
soins du réseau de la santé auront à travailler avec l'application de cette
nouvelle loi au quotidien. Donc, on souhaite
vous interpeller au-delà de la portée stricte de la loi. Le succès d'une lutte
contre la maltraitance est intrinsèquement lié aux moyens financiers, organisationnels déployés pour mettre en oeuvre
des politiques contre la maltraitance. Investissez dans la prévention,
investissez dans la bientraitance.
Bien
qu'on salue le gouvernement et sa volonté de s'attaquer à la maltraitance dont
sont victimes plusieurs aînés on ne
peut passer sous silence cette manie aussi de jouer un peu au pompier pyromane.
Ce que je veux dire par là, c'est que, depuis
l'élection du gouvernement libéral, près de 2 milliards de dollars ont été
coupés au budget de la santé. Des répercussions se sont fait sentir
partout dans le réseau, et particulièrement dans les soins et les services aux
aînés.
Il
y a aussi le projet de loi n° 10, qui éloigne les aînés des soins, qui
augmente la distance à parcourir, qui centralise les services et coupe
dans les soins à domicile. C'est une réforme, on nous avait dit, qui devait
vraiment s'attaquer à l'administratif. Or,
elle s'est avérée malheureusement une catastrophe pour les patients et pour le
personnel soignant. J'étais hier en
Gaspésie et, je vous dis, ça me fait mal au coeur — et, pour moi, c'est de la maltraitance — qu'il y ait encore des gens qui se posent des questions par rapport à
leur hémodialyse parce que la distance à parcourir, c'est trop loin pour
eux. Et, pour moi, une dame de 85 ans qui vit ces situations-là, c'est
inacceptable et c'est de la maltraitance.
Régulièrement, on
revient sur des histoires d'horreur qui se passent dans les centres d'hébergement
partout au Québec. Le personnel qui y
travaille, particulièrement celles qui soignent, les infirmiers auxiliaires,
les infirmières, l'équipe soignante,
les préposés aux bénéficiaires font un boulot extraordinaire. Malheureusement,
on leur impose des conditions
épouvantables. Leur charge de travail est trop souvent inhumaine et,
inévitablement, ça a un impact, malheureusement,
sur la qualité des soins aux patients. Des ratios une infirmière pour
200 patients, ça n'a vraiment pas de bon sens. Et ça, c'est le
résultat direct des compressions et de la réforme de la loi 10. Les
décisions du gouvernement ont contribué à créer et à augmenter les conditions
favorisant la maltraitance chez nos aînés.
Je
vous le répète, M. le Président, on est d'accord avec les objectifs du projet
de loi, mais encore j'ai l'impression que le gouvernement essaie de
corriger un problème qu'il a, en partie, exacerbé.
À la FIQ, on
estime que les dispositions du projet de loi sont nettement insuffisantes pour
contribuer à endiguer et résoudre un
phénomène fort complexe, pluridimensionnel qu'est la maltraitance envers les
aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité.
Pour nous, il est clair que le projet de loi, tel que libellé, ne s'attaque pas
adéquatement aux racines des différentes formes de maltraitance qui touchent
les aînés.
• (15 h 30) •
Quand on
parle de racines, quand on parle de maltraitance, c'est peut-être
le travers de nos professions où on aime beaucoup la prévention avant
que les problèmes arrivent. Pour cela dit, on trouve, d'ailleurs, que la
définition de la maltraitance qui est
choisie dans le projet de loi est réductrice, et c'est pour ça que, très
respectueusement, nous vous en proposons
une autre, parce que, dans le projet, la définition qui est proposée, bien, ça
identifie les individus comme les seuls responsables de la maltraitance.
Or, ce n'est pas le ça. Sans vouloir minimiser la présence de maltraitance liée
aux personnes qui gravitent autour des aînés
au sein des établissements du réseau de la santé, on considère que les
compressions budgétaires des dernières
années et, surtout, les effets directs de ces dernières en regard de la qualité
des soins reçus, ça représente une forme de maltraitance
organisationnelle que l'on pourrait qualifier de systémique.
Le projet de loi est complètement muet sur ce type de maltraitance. En escamotant cet
aspect clé, le gouvernement diminue
quant à nous grandement les chances d'atteindre les objectifs qu'il a lui-même
fixés, entre autres à l'article 1 de ce projet de loi.
Nous, on croit que pour lutter efficacement contre la maltraitance l'État doit
assumer pleinement sa responsabilité et réinvestir rapidement en santé afin de
permettre aux professionnels en soins du réseau d'offrir des soins de
qualité sécuritaires, investir dans la prévention, investir pour que la norme
sociale soit la bientraitance.
Bien qu'on considère, je le répète, qu'il s'agit
d'un pas dans la bonne direction, le réinvestissement en santé annoncé
récemment par le ministre des Finances, quant à nous, est nettement
insuffisant. Je vous le disais, depuis 2014,
2,3 milliards, c'est nettement insuffisant pour corriger le tir. Pas plus tard
que la semaine dernière, nous étions, mon collègue et moi, dans le Bas-Saint-Laurent pour faire part d'une consultation menée auprès
des professionnels en soins de la région
et, face à un énième plan de compression de 20 millions, bien, c'était
assez catastrophique, ce qu'elles nous ont dit par rapport aux soins
qu'elles ne peuvent plus dispenser.
Par exemple, 86 % des professionnels en soins questionnés nous ont dit ne pas
avoir le temps d'informer les patients sur
les effets indésirables de la médication. Nous sommes au coeur des soins. Cet
exemple-là illustre les effets vraiment des compressions au sein des établissements,
qui a un effet sur la sécurité ou sur la dignité des patients. Et la réalité,
je vous donne un exemple du Bas-Saint-Laurent, mais pour parcourir le Québec, je peux vous affirmer que ça ressemble à
ça un peu partout dans les régions du Québec,
et nous ne sommes pas les seuls à affirmer que les compressions et la
réforme ont des effets dévastateurs pour les patients.
Il faut
mettre en lumière toute la conjoncture qui prévaut dans le réseau si on veut
corriger le tir. Plusieurs voix se sont
élevées pour dénoncer la réorganisation qui se vit, une première de
l'association des gestionnaires des établissements de santé ont lancé un cri d'alarme en avril
dernier. La Protectrice du citoyen est également intervenue pour dénoncer les effets indésirables de la réforme en précisant que
les personnes âgées de 65 ans et plus sont de plus en plus nombreuses à attendre pour avoir accès à des
soins à domicile.
Je le sais
bien, le ministre de la Santé n'aime pas être critique, mais il faut aussi voir
les faits. Comment est-ce qu'il peut
dire, par exemple, que ce qu'on dénonce dans les situations ces
derniers mois, ces dernières semaines, des situations qui se vivent dans des CHSLD par des vraies
personnes... au lieu de répondre à ces vraies personnes qui attendent,
on nous parle de maraudage syndical, rien de
moins. Ce que nous demandons, c'est que les décisions soient prises, qu'on
arrête de banaliser les situations
déplorables qui se vivent. On estime que malgré toute la bonne volonté des
personnes qui oeuvrent au sein du
réseau de la santé, l'implantation d'une politique, celle du projet de loi à l'étude, qui s'avère aussi peu définie et sommaire dans un réseau en pleine mutation, est
vouée à l'échec. Les personnes qui vivent des situations de maltraitance
attendent une réussite de nous. Un échec est exclu.
M. le Président, nous sommes une fédération qui exerçons un syndicalisme de
propositions. Nous l'avons démontré dans
nos interventions sur plusieurs enjeux, et des propositions, on en fait dans
notre mémoire. C'est dans cet esprit que nous faisons
neuf recommandations qui, à notre avis, si elles trouvent l'écoute auprès de
vous — ce
sont des recommandations pragmatiques, constructives — devraient
nous aider, nous tous, à ne pas vivre un échec.
Parmi les
solutions, des ratios professionnels en soins patients qui ont de l'allure. La
FIQ est l'ambassadrice des ratios
sécuritaires, professionnels en soins de patients au Québec
et on va continuer de le faire. On va continuer d'y travailler parce que c'est une des façons d'enrayer plusieurs problèmes dans nos
milieux, en arrimant les besoins de soins cliniques avec une présence sécuritaire de professionnels en
soins. Des législations ailleurs, appliquées en Californie, au
Queensland, l'État de Victoria aussi en
Australie, ont prouvé des effets bénéfiques de ces pratiques. Pour nous, une
dotation sécuritaire des équipes de
soins assure des conditions facilitantes pour exercer notre jugement clinique,
une plus grande autonomie et des
conditions d'exercice qui nous permettraient de répondre mieux encore à nos
obligations déontologiques et respecter les standards de meilleures
pratiques cliniques.
Vous êtes en train de me faire signe que je suis
arrivée à 10 minutes, hein?
Le Président (M. Matte) : Oui.
Mme Laurent (Régine) : Est-ce que
c'est ça, votre signe de tête?
Le Président (M. Matte) : C'est en
plein ça.
Mme
Laurent (Régine) : Alors, je
vous invite, en terminant, à lire le dossier spécial que je vous remettrai à
la fin de notre présentation sur les soins
sécuritaires. C'est un symposium que nous avons tenu au moins d'octobre 2016
avec des chercheurs internationaux. Je pense qu'il y a des choses là-dedans qui
pourraient vous intéresser. Je vous remercie.
Le Président (M. Matte) : Je vous
remercie et je cède la parole à Mme la ministre.
Mme
Charbonneau : Merci,
M. le Président. Mesdames messieurs, merci d'être avec nous aujourd'hui.
Mais, de tous les groupes, je savais que
vous n'étiez pas pour manquer ce rendez-vous. Donc, j'avais confiance de vous
rencontrer encore une fois.
Mme Laurent (Régine) : On n'en
manque jamais un.
Mme
Charbonneau : Exactement.
C'est pour ça que j'avais confiance que vous y soyez.
Vous avez sûrement
remarqué que la voix est un peu plus féminine, que le look est un peu plus jeune. Je ne suis pas le ministre de la Santé, je vous fais un peu la blague. Parce que je vais
vous ramener sur le projet de loi
n° 115. Mais ne craignez rien, Mme Laurent, je vous entends. À
chaque fois que vous prenez la parole, j'entends les propos que vous
tenez. Je ne peux que mieux les entendre
quand on est ensemble, comme ça, dans la même pièce, mais vos soucis, j'en
partage plusieurs, et on a un travail à faire pour mieux encadrer plusieurs
choses.
Je ne
défendrai pas l'ensemble des gestes posés. Ça va me faire perdre mon
10 minutes que j'ai d'échange avec vous, alors je n'irai pas là. Je vais juste vous dire que je reste le
chien de garde auprès des aînés, pour m'assurer qu'à chaque fois qu'un ministre prend une décision,
l'impact soit moindre, ne soit pas du tout, soit même pour bonifier la vie des
aînés au Québec, parce que c'est ce que je cherche à faire par le rôle que
j'occupe.
Ceci dit, avant 2014, il y avait de la
maltraitance pour les aînés. Donc, avant le projet de loi n° 10, avant le projet de loi n° 15, 20, il
y avait de la maltraitance. Et l'objectif
qu'on a en commun, parce que je pense vraiment
que la fédération a le même objectif
que le ministère qui s'occupe des aînés, c'est-à-dire d'essayer de faire un environnement le plus sain possible, le plus sécuritaire possible pour un aîné. La
différence entre vous et moi, c'est que moi, je partage mon rôle avec le système de la santé, le système
de la justice et le système de sécurité
publique. De ce fait, c'est pour ça
que, dans le projet de loi n° 115,
dans la cinquième proposition, il y a le comité sociojudiciaire qui ne s'adresse pas au
système de la santé. Vous
n'êtes pas au rendez-vous là et c'est correct puisqu'on adresse le principe
pour aider un aîné à l'extérieur du système.
Ce qu'on dit,
je pense, alentour de cette table depuis le début, c'est qu'on veut et on
souhaite un projet de loi qui met en
lumière des gestes qui se posent, qui sont inacceptables, mais sans jamais
laisser un doute sur le professionnalisme du personnel que vous représentez. Je suis certaine qu'il n'y a personne
qui se lève le matin — on reprend tout le temps cette même phrase là parce que,
pour M. et Mme Tout-le-monde, c'est une image concrète — en se
disant : Je vais aller travailler pour
maganer quelqu'un. Tout le monde se lève en se disant : Aujourd'hui, je
vais faire de mon mieux, et, des fois, mon mieux est difficile à faire.
Et ça, j'ai compris dans vos propos, c'est ce que vous cherchiez à nous dire
aussi.
Dans le
projet de loi, une des premières propositions qu'on fait, c'est de mettre en
place une politique dans chacune de
nos institutions. Et, depuis hier, mais depuis un petit bout, parce qu'avant ça
je posais des questions ici et là dans les organismes que je rencontrais, on semble nous dire que, un, des
politiques, il n'y en a pas partout sur la maltraitance pour les aînés dans nos institutions. Deux, elles ne se
ressemblent pas d'une place à l'autre pour toutes sortes de raisons. Puis,
des fois, on me vante ce principe. Puis, des
fois, on me le détruit un petit peu en me disant : Ce n'est pas juste, ce
n'est pas correct. Donc, si le projet de loi n° 115 va jusqu'au bout de son processus, que mes collègues
me suivent et font en sorte
qu'on arrive à déposer le plus rapidement possible, parce qu'à chaque fois
qu'on met une mesure contraignante de plus il y en a de moins en moins...
Donc, quel
serait le regard que vous porteriez ou quel conseil pourriez-vous donner à la
ministre sur une politique qui
pourrait s'inscrire dans chacun de nos établissements de la santé, qui part
soit du CISSS ou qui part de l'établissement? Je suis prête à vous entendre sur cette proposition-là qui ferait en
sorte que l'aîné est plus en sécurité, mais qu'il y a une complicité
peut-être même avec les gens qui travaillent avec cette politique-là.
• (15 h 40) •
Mme
Laurent (Régine) : D'accord,
merci. Alors, oui, vous avez raison, d'une part, on veut faire mieux, on
veut soigner. Ce que j'essayais d'illustrer
par mes propos, c'est qu'il y a des limites à notre faire mieux, et qu'on est
rendus là depuis un certain nombre d'années, et que les compressions viennent
exacerber, effectivement, une difficulté, déjà, qu'on avait dans le réseau de
la santé, je suis d'accord avec vous.
Ce qu'on dit
dans notre mémoire, c'est qu'il ne faut pas que ça retombe sur des individus,
la politique. Alors, dans la mesure
où ce que je comprends, c'est que vous souhaitez uniformiser comment les choses
vont se faire, et vous avez raison, il
n'y a pas de politique dans tous les établissements, il y a beaucoup
d'établissements où c'est la politique... Comment on l'appelle? Pas
tolérance zéro...
M. Gilbert (Daniel) : Il y a le code
de conduite.
Mme
Laurent (Régine) : Le code
de conduite. Merci, Daniel. Donc, code de conduite, ce n'est pas
uniforme, vous avez raison. Si l'objectif,
c'est d'uniformiser, je veux bien, mais il ne faut pas que ça retombe sur les
individus. C'est pour ça qu'une des
choses importantes qu'on a mises dans notre mémoire, c'est qu'il faut tenir
compte vraiment de tous les types de maltraitance, et ça, ça ne peut pas
reposer sur les individus. Il faut aussi se donner les moyens pour arriver à
enrayer, et ça, ça ne
peut pas être individuel. Quand je vous disais tantôt en présentation peut-être
maladroitement : Il faut qu'on travaille
à ce que la norme sociale devienne la bientraitance... Alors, si c'est dans ce
sens-là, nous, on est là pour travailler dans ce sens-là parce que ça nous fait mal au coeur, comme
professionnels en soins, quand on voit la situation ou l'état de
personnes âgées se dégrader parce qu'il y a un problème organisationnel, parce
qu'on n'a pas le temps de les faire manger comme du monde. C'est ça qu'il faut
enrayer.
Mme
Charbonneau :
Vous avez compris que le principe de la maltraitance organisationnelle ne
relève pas que de la ministre des
Aînés. C'est une responsabilité que je dois incomber à mon collègue de la
Santé, mais que mon collègue en face
de moi se fait un plaisir de rappeler, sur le principe. Donc, je vais vous
laisser, cher collègue, tout le questionnement sur la maltraitance
institutionnelle. Je pense que...
Une voix : ...
Mme
Charbonneau : Oui,
oui. Bien, chacun notre créneau. Mon autre collègue, lui, c'est la dénonciation
obligatoire. Donc, on a chacun...
Une voix : ...
Mme
Charbonneau :
Oui, oui, oui, c'est vrai, vous en avez plus qu'un. Je veux dire, ce n'est pas
réducteur, ce que je fais là, mais je fais un peu une image de qui on
est. Ce n'est pas par volonté de devenir réducteur.
Mais j'ai une
collègue qui va poser une question. La mienne revient à celle que je viens tout
juste de faire, juste pour préparer
le terrain un peu, mais par rapport à la divulgation obligatoire ou non
obligatoire. Moi, j'appelle ça entre l'autonomie
de l'aîné et lui retirer cette forme d'autonomie pour la divulgation
obligatoire pour gestes de maltraitance.
Vous savez,
au moment où on a soulevé cette question-là, beaucoup de gens ont sourcillé en
se disant : Bon, qui on pointe?
Puis c'est pour ça que le projet 115 va au-delà du système de la santé, on ne
pointe pas un personnel, on ne pointe pas
une personne, on se dit : Ça existe, et on devrait resserrer le filet de
sécurité auprès de nos aînés. Pour le faire, on pense qu'il faut
faciliter et mettre des outils pour la divulgation.
Personnellement, cette divulgation-là, on la
voit dans l'autodétermination de l'aîné, dans sa façon de pouvoir le regarder et d'être accompagné dans ce
processus-là. Par contre, on lève aussi, hein, une partie de l'enveloppe sur
le secret professionnel, cette relation de
confiance là qu'on a avec notre professionnel, et on fait en sorte que c'est
peut-être plus facile de faire un suivi auprès de l'aîné pour l'aider
dans une situation de maltraitance.
Deux
questions sont soulevées à partir de là. C'est : Y a-t-il moyen
d'émettre... Y a-t-il obligation de divulguer? Si oui, bien, si je ne le fais pas, il y a sûrement
des conséquences, là, il faut se le dire. Et, si lever en partie une plus
grande liberté pour le professionnel
de pouvoir dénoncer des choses qu'il voit, bien, est-ce que vous y voyez là une
ouverture plus intéressante?
Mme
Laurent (Régine) : O.K. Sur
la divulgation, nous, on suit vraiment des organismes qui ont beaucoup plus fouillé et qui nous disent : Faisons attention, allons plus dans l'éducation et la prévention parce qu'il y a un effet pervers que je ne souhaite pas voir et qu'ils ont soulevé.
L'effet pervers — et
vous le savez — c'est
que les gens, comme le processus est
long, fastidieux, je dirais, moi, comme infirmière, émotionnellement... bien,
les gens attendent que, vraiment, ce soit très grave avant de faire une divulgation. Or, toujours parce que
nous sommes des professionnels en soins puis on assume nos travers, la plus petite maltraitance est
inacceptable. Alors, il ne faut pas non plus prendre, à mon avis, une tangente où on risque de banaliser un certain nombre de
maltraitances parce qu'on attend que ce soit très, très, très grave pour passer
à travers ce processus.
Ce que
j'ajoute, par exemple, quand vous parlez du secret professionnel,
vous changez la définition — je vais me retrouver — je ne
suis pas sûre que c'est une bonne idée. Quand vous changez «une mort
imminente»... Merci, Daniel.
Mme
Charbonneau : ...assouplir
les propos.
Mme
Laurent (Régine) : O.K.
Quand vous changez, effectivement, «danger imminent de mort ou de
blessure grave», quand on a une définition
qui est claire pour tout le monde, qui a été testée devant les tribunaux, qui
veut dire la même chose pour tout le
monde, à notre avis, on vient diminuer encore par le changement que vous
proposez. Donc, on ne voit pas pourquoi changer quelque chose qui ne
pose pas problème. Alors, pour nous, ce n'est pas une bonne idée de changer la
définition en regard de «secret professionnel».
Mme
Charbonneau :
Mais là-dessus, si vous me permettez, on a pris un jugement qui a été donné par
la Cour suprême pour prendre les mêmes propos qui avaient été utilisés
pour faire la jurisprudence. Donc, j'entends ce que vous me dites, j'en prends bonne note, là, quand il y a un changement,
ça peut provoquer un recul plus qu'une avancée. Mais les propos qui ont été utilisés ont vraiment été pris dans un
principe de jurisprudence de la Cour supérieure parce qu'on s'est
dit : C'est plus clair. Mais ça change le terme, vous avez raison.
Mme Laurent (Régine) : Mais c'est
parce que... Excusez.
Mme
Charbonneau : Non,
non, je...
Mme
Laurent (Régine) : Mais
c'est qu'en même temps il faut le changer dans nos codes de déontologie, et
tout ça, là. Donc, il y a un arrimage à
faire parce que, là, si ça s'appliquait aujourd'hui, nous, comme infirmières
auxiliaires ou infirmières, on a un
petit problème. Donc, c'est pour ça que, s'il n'y a pas un problème majeur,
pourquoi changer? On a d'autres choses sur lesquelles agir, à mon avis.
La Présidente (Mme Tremblay) :
Alors, la députée de Verdun, maintenant, qui aurait une question à poser.
Mme
Melançon : Bonjour. Bonjour à vous quatre. Merci d'être présents avec
nous aujourd'hui. On a entendu, depuis
ce matin, différents groupes venir nous parler de la place acceptable ou non
des caméras dans les différents lieux. On a entendu certains syndicats s'opposer. Bien, vous avez entendu tout à
l'heure les gens de la FADOQ, hein? Vous étiez arrivés lorsque les gens de
la FADOQ, eux, ont parlé. Oui à la caméra sans réglementation.
J'ai lu, de
votre côté, votre recommandation n° 8 qui est assez large, là. J'aimerais
vous entendre un peu plus, de façon plus pointue, la position de la
fédération sur l'utilisation des caméras.
• (15 h 50) •
Mme Laurent (Régine) : Tout à fait.
Alors, merci de la question. Ça va me permettre d'expliquer pourquoi est-ce
qu'on demande cette consultation publique, parce que c'est ça, notre
recommandation 8.
Pour les
caméras, on n'est pas contre parce que je pense que, dans certains cas,
effectivement, ça peut permettre de mettre
en lumière des... où c'est nécessaire. Ça peut aussi rassurer ou sécuriser,
mais parfois c'est un faux sentiment aussi, sécuriser des familles. Mais
agissons aussi en amont. Il y a, par exemple, des équipes multidisciplinaires
dans les établissements, dans les CHSLD.
Nous croyons que, si on avait le temps d'intégrer mieux les familles dans les
soins, de prendre le temps que les
familles participent aux équipes multidisciplinaires quand on a ces
rencontres-là, qu'ils puissent suivre, je pense que ça diminuerait
l'insécurité, d'une part.
D'autre part,
on demande la consultation publique, parce qu'il y a un certain nombre de
questions qu'on n'a pas de réponse.
Probablement qu'on les aura quand le règlement va arriver, mais je pense que ce
n'est pas souhaitable, même pour les
gens qui installeraient des caméras,
que les images se retrouvent sur YouTube. Alors, comment est-ce qu'on va
s'assurer d'avoir un système de caméras
sécurisé pour ne pas que quelqu'un vienne pirater puis que ça se retrouve sur
YouTube? Peut-être que, pour des familles ça ne dérange pas, mais il y a
aussi des professionnels en soins... Moi, Régine Laurent, si j'étais en train d'installer une sonde urinaire à
un monsieur, je n'ai pas envie que ça se retrouve sur YouTube, il n'y a pas de raison pour ça.
Autre question, par exemple, comme
professionnelle en soins, comment est-ce qu'on va interpréter et qui va
interpréter les images? Je racontais à mes collègues que ce qui m'est venu
spontanément, c'est ma mère, qui est, malheureusement, décédée maintenant, mais ma mère, de tout temps, on a eu de la
difficulté à la piquer, ne serait-ce que pour une prise de sang. Alors, si l'image montre que je la pique une
fois, ça ne marche pas, je la pique une deuxième fois, je la pique une troisième fois, ce n'est pas parce
que je suis incompétente. Dans l'image, on va dire : Coudon, elle va-tu
arrêter de la piquer? Alors, comment est-ce qu'on va interpréter mon geste qui
est professionnel?
Donc, c'est pour ça que je dis : On n'est
pas contre, mais je pense qu'il faut répondre à un certain nombre de questions. Mais, en même temps, les caméras, c'est
la solution facile. Il faut aussi agir et faire de la prévention,
intégrer mieux les familles, accueillir les
familles dans les CHSLD à bras ouverts et les intégrer dans les soins pour
faire diminuer cette pression-là,
arrêter aussi de minuter, parce que c'est sûr que ce ne sera pas une belle image si
j'ai trois minutes pour faire manger
un patient. Il y a eu une commission de députés, c'est la commission
sur la santé, je pense, qui disait : On n'a même pas le temps de
bien positionner — ça
veut dire de mettre la personne assise droite dans sa chaise pour qu'elle mange — et, si je n'ai pas le temps de faire ça puis
que je la fais manger pareil, bien oui, c'est de la maltraitance dans l'image.
Donc, je
pense que c'est global, il faut agir en amont. Et on n'est pas contre,
effectivement, mais c'est important pour nous, la consultation publique,
pour voir comment est-ce que ça va être géré.
La Présidente (Mme Tremblay) : Il
reste 30 secondes à la partie gouvernementale.
Mme
Melançon : Bien, c'est intéressant. Il y a des idées comme ça qui nous
viennent en tête puis, grâce à vous, là, de pouvoir voir un petit peu loin. Mais on me rappelait aussi que
l'utilisation de la caméra peut être aussi une forme de protection pour certains de vos membres, hein? En
Outaouais, là, d'ailleurs, il y a une infirmière qui a été blanchie
grâce, justement, à l'utilisation de
caméras. On pourra peut-être y revenir plus tard, puisque je n'ai plus de
temps, mais, sur les différents types
de maltraitance, là on parle vraiment en santé, la piqûre, mais il y a aussi
toute la maltraitance financière, dont on a parlé un peu plus longuement
ce matin, pour laquelle on pourrait aller...
La
Présidente (Mme Tremblay) :
Le temps est écoulé pour la partie gouvernementale. Merci beaucoup. Je cède maintenant
la parole au député de Rimouski, de l'opposition officielle.
M. LeBel : Merci, Mme la Présidente.
Salutations à tout le monde. On va parler des différentes sortes de maltraitance, mais je vais parler de celle organisationnelle, ça ne vous surprendra
pas. J'aime bien la ministre, là, je l'aime bien. Vous avez un bon
mandat, mais vous avez le mandat de chien de garde des aînés, et on ne passera
pas à côté du traitement de nos aînés dans
le système de santé. Ça fait partie aussi du mandat. Je peux comprendre que ça
ne peut pas toujours être facile, mais ça fait partie du mandat.
La Commission de la santé et des services sociaux, là, les députés... une tournée des CHSLD, ils
ont vu plein de choses. Moi, mes collègues étaient là-dessus, cette commission-là,
ils ont vu plein de choses qui étaient arrivées, ont dénoncé plein de choses sur le roulement de
personnel, toujours des facteurs de risque pour la maltraitance, mais ils ont tout vu. Le gouvernement a réagi en mandatant une députée de faire une autre tournée pour voir
encore, pour être sûr qu'on a bien
compris et un forum sur les CHSLD, une bouffe populaire au centre des congrès pour être sûr... bon, plein de
choses comme ça, mais qui, dans le fond, ne règlent pas la problématique.
L'autre jour,
je suis allé vous entendre dans le Bas-Saint-Laurent, puis vous avez parlé un
peu de l'enquête que vous avez faite,
là, auprès des intervenants dans le Bas-Saint-Laurent. Vous avez sorti quelques
statistiques, mais je vais vous en
sortir d'autres un peu, là. 31 % des professionnels en soins n'ont pas le
temps de veiller à la sécurité du patient, cloche d'appel... 31 %, c'est quand même
beaucoup. 76 % des professionnels en soins n'ont plus le temps d'enseigner
au patient, à ses proches aidants, à
sa famille, la préparation du retour à domicile. 75 % des professionnels
en soins n'ont pas le temps d'écouter
leur patient lorsqu'il tente de parler. Aïe! Ça n'a pas de sens. Tu sais, c'est...
Puis là un projet de loi comme ça, là, on
serait porté à dire : S'il n'y a pas le temps... On serait porté à dire
que le maltraitant, c'est le professionnel. Mais ce n'est pas le
professionnel, le maltraitant, c'est le réseau qui manque d'outils, c'est le
réseau qui a été abandonné.
La question
que je pose : Est-ce que ce projet de loi là, avec le commissaire aux
plaintes, et tout ça, vient régler le problème
de la maltraitance qu'on a dans le réseau de la santé suite aux différentes
coupures depuis deux ans? Est-ce que, par ça, on va régler ces problèmes-là?
Mme
Laurent (Régine) : Vous
allez me permettre de vous parler d'un espoir, M. le député. Quand il y a
eu les recommandations de la commission
de la santé, nous avons eu espoir, parce qu'on s'était dit : Bien, comme
c'est l'ensemble des députés, en tout
cas, des différents partis politiques qui sont arrivés et qui ont produit ce
rapport de la commission santé, on pensait effectivement que ce serait
appliqué.
Or, il faut
se rendre compte que les employeurs dans le réseau de la santé n'appliquent
même pas les recommandations de votre
rapport. Quand je donnais l'exemple tout à l'heure de positionnement pour être
capable de manger convenablement, c'était une des choses qui était
ressortie effectivement de ce rapport-là. Donc, on est vraiment dans, pour
nous, le minimum du minimum dans la dignité
et dans le prendre soin qu'on ne fait pas. Alors, j'ai commencé avec espoir, je
dois vous dire espoir déçu, parce qu'au moment où je vous parle,
malheureusement, ce n'est pas appliqué par beaucoup d'employeurs.
Quand on
parle organisationnel, si vous regardez les bienfaits d'avoir des ratios
professionnel en soins-patients qui ont
de l'allure, on maintient quelques bienfaits. On maintient les aptitudes
fonctionnelles des personnes âgées, on diminue les contentions, on
diminue l'utilisation de cathéters urinaux, et je continue avec, donc on
diminue les risques d'infection urinaire. Je
ne sais pas si vous le savez, mais ça fait mal. Donc, on diminue
l'hospitalisation, on diminue où on doit
appeler, faire venir une ambulance, les amener à l'urgence. Et malheureusement,
une personne âgée, deux jours sur une civière, et elle n'est pas
mobilisée, et elle a perdu énormément de ses capacités.
Alors, je
suis obligée de vous dire : J'avais beaucoup d'espoir en voyant ce
rapport-là, mais, aujourd'hui, je suis obligée de vous dire ma
déception.
M.
LeBel : Mais vous voyez, ce que vous nous dites, là, selon la
définition de la maltraitance, puis... qu'on va chercher, c'est un type de maltraitance. C'est ce qu'on appelle la
maltraitance organisationnelle. Ça fait que c'est un type de
maltraitance que le projet de loi devrait prendre.
Je reviens à
ma question, le projet de loi, avec toute la mécanique qu'on installe, le
commissaire aux plaintes, est-ce qu'on
pourrait, par ça, régler ces problèmes-là? Est-ce que le commissaire aux
plaintes aurait un certain pouvoir d'appeler le premier ministre ou le
ministre de la Santé pour dire : Ça ne marche pas, tes affaires? Pas
vraiment?
Mme Laurent
(Régine) : Malheureusement,
non. C'est pour ça que je disais très respectueusement qu'on vous apporte des recommandations pour essayer
d'atteindre les objectifs. Si on ne tient pas compte des différents risques
qui entraînent la maltraitance... Et, pour
nous, les risques organisationnels, ils sont importants. Quand on parle, par
exemple, de risques liés à l'organisation du travail, quand une organisation du
travail est sous-financée, roulement de personnel, moins de personnel...
Je pense que
je vais vous donner un exemple, là. Quand, dans un CHSLD, on me dit que, pour
arriver, pour toutes les raisons de
sous-financement, de manque de personnel, qu'on doit faire la toilette en deux
temps... Moi, je suis une vieille infirmière,
je n'avais jamais entendu ça, je pensais que c'était un nouveau modèle de
soins. Mais, quand on m'a expliqué qu'effectivement
il fallait réveiller des personnes âgées... À 5 h 30, le personnel de
nuit les réveille, fait le bas du corps, comme on emploie dans le langage du sport. Ils les assoient, ils
déjeunent, il faut attendre le personnel de jour pour faire la toilette du haut du corps. Je trouve ça humiliant.
Pour moi, c'est déjà humiliant d'être dans une condition physique où ma
toilette doit être faite par quelqu'un d'autre. Une personne par jour, c'est
suffisant, mais deux, c'est trop.
Alors, c'est pour ça que je dis : Quand on
parle de risques et de conjonctures dont il faut tenir compte, il y a effectivement l'organisation du travail, il y a la
pénurie de main-d'oeuvre, il y a tout ce qui appelle la dévalorisation de certaines fonctions. Il y a l'absence,
effectivement, de règles d'éthique aussi, il y a les risques liés à ce sous-financement-là.
On peut et on fait beaucoup, mais ne nous en demandez pas plus, ce n'est humainement
pas possible.
M. LeBel : J'aurais d'autres choses
à dire là-dessus, mais il ne me reste pas de temps. Mais je voudrais juste souligner que, dans votre mémoire, vous avez un
grand passage sur l'analyse
différenciée selon les sexes. Vous êtes les seuls, que j'ai vus, là, qui l'ont fait, et je voulais juste vous en
féliciter. J'aurais aimé ça en entendre parler un peu plus parce que je
pense que vous avez...
• (16 heures) •
La Présidente (Mme
Tremblay) : Il vous reste deux minutes. Il vous reste deux minutes.
M. LeBel : Ah! vous avez deux
minutes pour nous en parler un peu, parce que c'est important, je pense.
Mme Laurent (Régine) : Ça va faire
plaisir à notre experte conseillère syndicale en condition féminine. Effectivement, pour nous, c'est important d'en tenir compte. Puis peut-être
qu'on a cette sensibilité-là parce
qu'on est une organisation à plus de
90 % de femmes, mais aussi parce que dans le réseau, comme les femmes
vivent plus longtemps, bien, elles
sont aussi plus à risque ou plus nombreuses à être à risque d'être dans une
situation de vulnérabilité et où nous devrons
les protéger. Donc, elles sont en plus grand nombre. Et ce qu'on dit, c'est
que, quand on installe des politiques, si on ne tient pas comme de cette
analyse différenciée, on va passer à côté.
Peux-tu ajouter quelque chose, Florence? Il doit
te rester 15 secondes.
La Présidente (Mme Tremblay) : Il
reste 1 min 20 s.
Mme Thomas
(Florence) : Ça ne marche
pas, là. Vous m'entendez? Bien, écoutez, Régine a très bien résumé la problématique. En fait, ce que ça permet de faire,
c'est de nommer, comme dans le titre du mémoire, de nommer ce qui est invisible. Quand on n'a pas les statistiques
ou quand on n'a pas les collectes de données qui reflètent la réalité, on
ne peut pas agir adéquatement. Donc, c'est ça.
En fait,
c'est un outil qui nous permet de diagnostiquer des situations. Et pour établir
des politiques publiques, et faire de
la prévention, et apporter des solutions, on ne voit pas comment on pourrait
faire pour corriger des situations si on n'utilise pas des bons outils
d'analyse. Voilà.
La Présidente (Mme Tremblay) : Il
reste 40 secondes.
M.
LeBel : Parce que, dans les facteurs de risque et puis dans les
différentes formes de maltraitance, je peux penser qu'il faut
probablement agir d'une façon différente avec une femme patient et un homme
patient dépendamment des circonstances. Dans
la formation des intervenants, il doit y avoir des différences. On n'agit pas
de la même façon, puis, dans les politiques qu'on met en place, on
devrait aussi avoir une certaine différence, à mon avis.
Mme Laurent (Régine) : Absolument.
M. LeBel : Merci.
La
Présidente (Mme Tremblay) : Le temps alloué à l'opposition officielle
qui est maintenant écoulé, je cède la parole au député de Lévis, du
deuxième groupe d'opposition.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, Mme la
Présidente. Je salue évidemment Mme Laurent. Bonjour. Content de vous
revoir. M. Gilbert, Mme Thomas, M. Durand-Allard.
Je suis
obligé de faire un bout de chemin... Puis je pense que c'est intéressant, puis
ça fait aussi partie de ça, notre rencontre,
là, aujourd'hui, au-delà des principes et des articles du projet de loi, quand
vous dites : L'impact des demandes faites aux travailleurs en fonction des ressources dont elles ou ils
disposent... Et je ne sais pas si vous avez entendu ce matin, mais je suis obligé de le dire parce que ça
m'a secoué, une recherche faite par un chercheur de l'Université du
Québec à Trois-Rivières qui interroge des préposés aux bénéficiaires, Mauricie—Centre-du-Québec,
près de 1 000 personnes interrogées
avec un constat qui est alarmant, et c'est un peu ce que vous nous dites,
et c'est un peu l'effet de tout ça : 56 % d'entre eux recommandent aux jeunes de faire un
autre choix de carrière que le leur. 56 % disent : Bien, ne prenez
pas cette job-là. Puis je vais vous donner un chiffre qui est plus fort que
ça : 69 % des répondants, 69 % accepteraient n'importe quelle autre job offrant le même salaire.
Ce n'est pas des blagues, là, et ça, ces chiffres-là, là, c'est un
chercheur qui pousse ce sondage-là et cette recherche-là, et c'est très
évocateur et révélateur des problématiques que l'on vit actuellement.
Et c'est pour
ça que, oui, mon collègue a raison, qu'on doit tous ensemble — et je comprends que la ministre en
est également — avoir un regard beaucoup plus vaste,
beaucoup plus large concernant le traitement de nos aînés puis aussi
comment vivent ceux qui souhaitent que tout aille mieux. Je pense que c'est
important de le dire.
Vous abordez,
dans le dossier qui nous occupe, pour revenir au projet de loi n° 115...
Et, si vous voulez intervenir sur les
chiffres que je vous ai donnés, vous le ferez, hein, liberté vous est donnée.
Mais vous abordez la trajectoire, vous dites :
Dans ce projet de loi là, là — j'y reviens carrément — il y a le commissaire aux plaintes. Avec le
projet de loi n° 10, le
problème, c'est que, dans les faits, on a un commissaire aux plaintes par
établissement, donc un par région, en fonction, bon... Et là je vous donne l'exemple de la région de la
Capitale-Nationale, de la région, bon, ici, où il y en a un. Il y en a
cinq dans le bout de Montréal, mais les territoires sont maintenant énormes.
Et, d'ailleurs, vous questionnez ça en disant :
Est-ce qu'on a les moyens de faire ça? On est-u capables puis est-ce qu'on a
l'impartialité de le faire également? Est-ce que c'est le canal
privilégié? J'aimerais ça vous entendre là-dessus.
Mme Laurent (Régine) : Je peux y
aller, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Tremblay) : Vous
pouvez y aller.
Mme
Laurent (Régine) : Merci. Je
vais intervenir peut-être sur les chiffres que vous avez nommés au début.
Ça ressemble à peu près, les chiffres chez
les aides-infirmières à l'intérieur des trois premières années pour toutes
sortes de raisons et, entre autres,
parce qu'on n'a pas le temps, on n'a plus le temps de les accueillir, de les
intégrer. Parce qu'il y a une différence entre le milieu scolaire et
quand on arrive vraiment sur le plancher. Malheureusement, ce n'est plus comme dans le temps où j'étais jeune infirmière,
où les plus expérimentés avaient le temps de m'intégrer. Et là, depuis
des années, on réclame qu'il y ait plus de mentorat, de tutorat,
d'accompagnement, et cet accompagnement, ce n'est pas longtemps. Des fois, c'est quelques semaines, quelques mois, de façon
régulière, qu'elles aient une répondante, qu'elle puisse valider un
certain nombre de choses, parler des questions qu'elles se sont posées dans
leurs priorités durant la semaine. Donc, je ne suis pas étonnée parce que c'est
à peu près ça qu'on a.
Dans les
chiffres que votre collègue citait tantôt, le Bas-Saint-Laurent, bien, il
y en a 61 % de celles qui ont été interrogées
qui nous disent qu'elles songent à quitter, mais plus inquiétant, 25 % de
celles-là ont entre 25 et 40 ans. Donc,
ça veut dire que ma tranche d'âge qui arrive et celles qui ont 35, 40 ans,
donc qui ont acquis une certaine expérience, c'est celles-là qui nous
disent qu'elles pensent à quitter. Donc, il faut vraiment agir, et, pour moi,
c'est assez urgent.
Sur le
commissaire aux plaintes, nous sommes intervenus en commission parlementaire,
c'était le projet de loi sur le
lanceur d'alerte — c'était
comme ça, lanceur d'alerte? — et ce qu'on avait dit, par exemple, un
commissaire aux plaintes qui peut, par exemple, nommer des adjoints,
donc le risque est que, si, par exemple, je veux faire une dénonciation puis
que la personne qui est adjointe du commissaire, bien, c'est la chef d'unité ou
la chef de programme, on a un problème.
Alors, il y a beau avoir des adjoints, mais nous, on avait questionné le fait
que les lanceurs d'alerte, dans la loi qui a été passée, ne sont pas
bien protégés.
Alors, moi,
j'ai beaucoup de respect pour les gens qui agissent comme commissaire aux
plaintes, mais, comme vous le disiez,
avec la grandeur des territoires, les nombreux sites, je ne suis pas sûre qu'on
va avoir des résultats ou qu'on va atteindre les objectifs visés.
M. Paradis
(Lévis) : Je vais un petit
peu plus loin sur votre réflexion. Au-delà de vous inquiéter, est-ce que
vous avez songé ou analysé quelle pourrait être la trajectoire idéale? Parce
qu'on s'est fait dire aujourd'hui, à travers les témoignages, le Protecteur du citoyen est là, le commissaire est là
aussi, droits de la personne et de la jeunesse, devraient être des outils puis des organisations
privilégiés. Est-ce que vous avez analysé quelle pourrait être la trajectoire
idéale pour faire en sorte qu'on arrive avec des résultats, avec un projet de
loi comme celui-là?
Mme
Laurent (Régine) : Encore
une fois, je vais assumer mes travers comme professionnelle en soins,
comme infirmière. Les plaintes, c'est
le bout, là. Il faut agir en amont et faisons le pari que, si on finance
correctement le réseau de la santé,
on devrait avoir de moins en moins de plaintes. Faisons ce pari-là, parce que
jusqu'à maintenant, ce qu'on constate, c'est
de coupures, en coupures, en coupures et en plan d'optimisation et de tous les
noms, ça fait que c'est sûr qu'on arrive avec des plaintes. Alors,
faisons le pari de mieux financer.
Ce que nous
avions dit, à l'époque, en commission parlementaire, c'était qu'il fallait s'assurer
que la personne qui agit, donc envers
qui on peut porter plainte, qu'elle soit complètement impartiale, et je pense
même, de mémoire, on avait dit : Idéalement, de l'extérieur de
l'établissement.
Le
Président (M. Matte) : Je vous remercie. Ceci termine le temps qui
était réservé et alloué, et je constate que vous connaissez mon langage
non verbal, gestuel quand je fais...
Mme Laurent (Régine) : Je vous
décode bien, M. le Président. Merci infiniment.
Le Président (M. Matte) : Je vous remercie
de votre participation aux travaux.
Alors, je suspends les travaux quelques
instants.
(Suspension de la séance à 16 h 9)
(Reprise à 16 h 13)
Le
Président (M. Matte) :
Alors, sans plus de préambule, je souhaite la bienvenue à Me Jean-Pierre
Ménard. Je vous rappelle que vous avez 10 minutes pour faire un exposé,
et, par la suite, c'est une période d'échange avec les membres de la
commission. Alors, je vous invite à vous présenter ainsi que les personnes qui
vous accompagnent.
M. Jean-Pierre Ménard
M. Ménard (Jean-Pierre) : Oui.
Alors, je suis avec deux de mes collègues, donc Me Camille Dontigny et Me Carl Dutrisac, qui sont des collègues de mon
cabinet qui ont travaillé avec moi sur la présentation et la préparation
de ce mémoire-là.
Merci, d'abord, de l'invitation. C'est avec immensément
d'intérêt que j'ai dit oui tout de suite pour participer
à ça, parce que moi, je suis un avocat qui
pratique depuis 36 ans dans le domaine de la santé, où je représente
essentiellement les patients. Et, pendant
toute cette carrière-là, j'ai vu des centaines de cas impliquant des cas de maltraitance individuelle. J'ai eu aussi le privilège de faire les quatre causes
de maltraitance systémique
que le système judiciaire a traitées au Québec, jusqu'à maintenant. Je représentais les victimes
dans ces causes-là. J'ai également eu l'occasion de faire à peu près
tous les cas de caméras qui ont été rendus
publics, sauf peut-être un ou deux aussi. Et, encore tout récemment, j'ai eu
l'occasion de défendre une personne qui
avait dénoncé la maltraitance et qui a été poursuivie par le propriétaire d'un
CHSLD, là. C'est l'affaire de Savoie contre Thériault-Martel. Ça s'est
bien terminé pour ma cliente, mais ça pose la question de la protection des lanceurs d'alerte puis des gens qui
dénoncent la maltraitance aussi. Alors, on a voulu, dans ce dossier-là,
faire un exemple en faisant... C'était une
poursuite-bâillon, mais le projet de loi, dans ce contexte-là, a une pertinence
qui est bien réelle. Alors donc, je voulais vous dire ça parce que ce
que je viens de vous raconter, c'est fondé essentiellement sur cette expérience
pratique là. Moi, j'ai la prétention modeste d'être en première ligne,
peut-être, de la lutte contre la maltraitance
dans le système de santé. Mon cabinet fait à peu près 60 % des poursuites
de la province dans ce domaine-là, alors on voit vraiment tout ce qui se
passe un peu partout.
Essentiellement,
l'expérience nous amène à constater qu'il y a deux sortes de maltraitance — puis
on en parle beaucoup ici — la maltraitance individuelle quand c'est
l'action d'un individu et la maltraitance organisationnelle quand ça découle de politiques, procédures,
pratiques tolérées ou pratiquées par une organisation aussi. Cette
deuxième forme de maltraitance là, elle est
plus grave puis elle touche plus de monde. Elle est plus difficile aussi à
contrer, aussi, et, évidemment, on va
voir, puis je vais parler un peu de l'impact du projet de loi sur cette forme
de maltraitance là parce que ça pose des difficultés qui sont particulières,
donc, puis c'est une maltraitance, aussi, qui découle au niveau, je parle, organisationnel. On voit un accroissement des
plaintes par rapport à ces choses-là parce qu'on assiste, dans le
système de santé, à une diminution graduelle
des ressources pour certaines clientèles, dont les personnes âgées, et ça, ça
augmente les plaintes liées à la
maltraitance organisationnelle. On voit surtout une forme de maltraitance qu'on
appelle la maltraitance par
privation, les services qui ne sont pas rendus ou pas rendus dans les
conditions qu'ils devraient être. Alors donc, c'est à la lumière de
cette expérience-là, donc, qu'on va analyser le projet de loi n° 115.
D'abord, écoutez, je
tiens d'abord à souligner que c'est un point extrêmement positif qu'on dépose
une loi sur la maltraitance. Ça nous oblige,
comme société, à s'arrêter, puis à en parler, puis à voir ce qu'on est capables
de faire. Alors, je reçois, moi, le
projet de loi n° 115 comme étant un premier pas qu'il faut encourager,
mais il faut par contre, puis je vais souligner ça comme une difficulté,
il faut aller nettement plus loin si on veut vraiment attaquer la maltraitance
à bras-le-corps.
Alors donc,
essentiellement, d'abord, au niveau de la définition de la maltraitance,
essentiellement, on a une définition qui
découle de l'OMS, mais je pense que cette définition-là, il faut faire
attention à deux choses, parce que je pense
que la maltraitance, si on veut vraiment l'attaquer, il faut qu'elle ait la
définition la plus large possible pour qu'on soit vraiment capables de l'adresser comme il faut.
Donc, dans ce contexte-là, la notion de la nécessité d'un lien de
confiance m'apparaît un cadre peut-être un
petit peu délicat, parce que, dans le domaine de la santé, quand les gens
reçoivent des soins, la question de
l'établissement préalable d'un lien de confiance, ce n'est pas toujours un
prérequis. D'abord, les gens, des fois, reçoivent des soins de personnes
qu'ils ne connaissent pas, reçoivent des soins aussi de personnes qui changent constamment aussi. Et je pense qu'exiger ce genre
de chose là, c'est un petit peu délicat. Je pense qu'on peut le laisser
là, mais peut-être rajouter aussi que la maltraitance peut résulter du simple
exercice de la prestation de soins de santé et de services sociaux.
Par
ailleurs, aussi, la définition même de maltraitance, on pense que ça peut
causer un tort ou un préjudice. Je pense qu'il faudrait aussi rajouter,
dans la maltraitance, que l'on trouve dans la littérature aussi, que
dans certains cas, la maltraitance découle
aussi d'une forme d'atteinte aux droits de la personne aussi. Alors, c'est pour
ça que mon mémoire comprend une série de modifications proposées. Je
propose de la définir un peu plus largement avec ça aussi.
Bon,
la maltraitance, par ailleurs, c'est un concept beaucoup plus large que
l'exploitation. Donc, actuellement, la charte
québécoise prévoit, à l'article 48, la notion d'exploitation. La maltraitance,
c'est un concept beaucoup plus large, parce
que, dans la maltraitance, on n'a pas besoin de prouver le rapport de force ni
l'intention de quelqu'un de tirer avantage de la condition de quelqu'un d'autre. Ça, c'est l'exploitation. Alors,
j'ai fait des litiges liés à l'exploitation aussi déjà. Alors, la
maltraitance, c'est un concept qui est beaucoup plus large que ça, puis je
pense que, juridiquement, on peut lui trouver un cadre bien précis.
La
lutte contre la maltraitance a trois volets : prévention, détection,
répression. Il faut comprendre, ces trois volets-là, qu'ils sont indissociables et ils doivent être aussi bons l'un que
l'autre. Dans le projet de loi n° 115, je pense qu'il faut souligner le volet prévention qui est encouragé
ici. Alors, je pense que c'est excellent de prévoir de la formation, de
la sensibilisation puis de l'information à
tout le monde, le plus largement possible, sur ce que c'est, la maltraitance.
Par contre, ce qui serait important,
c'est que cette formation-là, ces informations-là soient quelque peu, je vous
dirais, structurées puis organisées.
C'est pour ça qu'on demande, on suggère d'intégrer au projet des orientations
ministérielles pour guider l'ensemble
des établissements sur l'élaboration de leur politique en matière de
maltraitance, par ailleurs, s'assurer aussi que la formation va
comprendre de la sensibilisation puis de la formation sur les droits des
usagers et sur la maltraitance systémique.
Parlons
maintenant de la détection, puis j'y vais rapidement parce que mon mémoire
comprend ces choses-là, là. La détection,
alors, ça, le projet de loi n° 115 m'apparaît un peu plus faible
là-dessus. Essentiellement, c'est que la détection, le mécanisme de mise en oeuvre pour détecter la
maltraitance, c'est par les plaintes, plaintes et signalement. Pour
favoriser le signalement, on propose une
modification aux règles du secret professionnel qui m'apparaît tout à fait
insuffisante, parce qu'essentiellement, puis
je pense que le Barreau l'a souligné, puis on a eu des échanges là-dessus
aussi, on retrouve un peu la
même redéfinition de ce qu'on trouve dans la décision de la Cour suprême de
l'affaire de Jones contre Smith. Puis ce qui est proposé là, c'est un
changement qui est tellement... c'est presque un changement de virgule. Moi, je
propose une définition beaucoup plus radicale, si on veut...
Parce
que la maltraitance, pour la détecter, il faut qu'on en favorise le
signalement. Moi, je ne suis pas favorable au signalement obligatoire puis je vais vous dire pourquoi tout de suite
après, mais ce que je pense qu'on devrait faire, c'est
prendre plutôt un critère large de signalement. Ce que je propose, c'est ma
résolution n° 7. Essentiellement, ce que
je propose essentiellement, c'est que, donc, l'exception du secret
professionnel serait redéfinie différemment. Vous l'avez à la page 23 de
mon mémoire, là.
• (16 h 20) •
Alors,
je propose donc qu'on puisse... c'est-à-dire que, donc, toute personne liée par
le secret professionnel ou la confidentialité
puisse signaler au commissaire aux plaintes et à la qualité des services toute
situation où la personne a des motifs
raisonnables de croire qu'une personne en situation de vulnérabilité est ou
peut être victime de maltraitance, parce que, si on veut combattre la
maltraitance, il faut favoriser la déclaration le plus possible.
Le
traitement du signalement, il est très emballé juridiquement : protéger la
confidentialité, protéger tout ça, alors il n'y a pas grand risque pour la réputation des personnes à permettre
un signalement large, et ça, ça m'apparaît être un meilleur mécanisme que le signalement obligatoire,
parce que le signalement obligatoire, si on en fait une obligation, il
faut qu'on le sanctionne s'il n'est pas respecté. Alors, il faudrait que le
projet de loi prévoie quelqu'un qui fait défaut de signaler de la maltraitance
peut-il avoir une sanction pénale, une responsabilité. Je pense qu'il y a ça
d'une part.
Deuxièmement, il y a
plein de gens qui ne veulent pas signaler de façon contrainte, ils vont tout
faire pour ne pas voir la maltraitance le
moindrement évidente aussi. Je pense qu'il faut plutôt savoir qu'il faut encourager
les gens à signaler puis dire :
Écoutez, le critère de signalement est large, vous êtes protégés si vous
signalez de bonne foi aussi, et tout ça,
vous êtes assurés du traitement confidentiel. Je pense que c'est important.
Alors, actuellement, donc, au niveau de la détection, ça ne m'apparaît pas suffisant, ce qui est dans le projet de
loi, beaucoup trop restrictif. Puis, si on regarde le texte qui est là,
ça ne changera pas la nature réelle de ces choses-là.
Troisième
partie, la répression. Alors, ça, encore ici, bon, le projet de loi propose de
remettre au commissaire aux plaintes. Ça, ça m'apparaît être un remède,
malheureusement, tout à fait inadéquat si on veut parler de maltraitance
organisationnelle ou systémique. La maltraitance individuelle, peut-être plus
efficace parce que, ça, on peut cibler un individu, et tout ça, mais il faut
penser que, nous, le gros des cas de maltraitance qui nous sont rapportés ne
sont pas individuels. C'est des gens qui se
plaignent qu'ils n'ont pas de services, que les services ne sont pas donnés
comme il faut, et tout ça, et ça,
c'est difficile de pointer quelqu'un en particulier parce que les préposés et
les infirmières s'arrachent le coeur pour donner des services qui ont de
l'allure dans des conditions qui sont extrêmement discutables.
Alors donc, de tout
remettre ça au commissaire aux plaintes, c'est inadéquat pour les raisons
suivantes. Le commissaire aux plaintes, d'abord, il est engagé par le conseil
d'administration du CISSS. Alors, quand on parle de maltraitance organisationnelle, ça peut venir très bien des décisions du
conseil d'administration. Si on constate que, dans un CHSLD, il n'y a
pas assez personnel puis ça conduit à des conditions de maltraitance, est-ce
que le commissaire aux plaintes peut raisonnablement penser de demander à son
conseil d'administration : Bien, écoutez, rajoutez du personnel, ne faites pas ces coupures-là? Ce n'est
pas réaliste, d'autant plus aussi que le commissaire aux plaintes,
d'abord, en termes d'indépendance, il n'a pas cette indépendance-là,
deuxièmement, n'a qu'un pouvoir de recommandation. Alors donc, ça n'a pas de
portée réelle.
En
plus de ça, avec la restructuration du réseau, la charge de travail des
commissaires aux plaintes s'est beaucoup alourdie, et on a dégradé la
crédibilité du processus de plainte dans beaucoup de milieux. Je pourrai vous
donner des exemples de ça tantôt si vous me posez des questions là-dessus.
C'est ça. Puis par ailleurs, aussi, moi, tous les cas de maltraitance systémiques que j'ai faits, on s'est
aperçu, dans tous ces cas-là, qu'il y avait une faillite ou un échec
complet du processus de plainte qui n'était pas fonctionnel. Donc, ce n'est pas
un processus assez sécuritaire.
Moi,
je propose comme solution puis je vais aller rapidement là-dessus, qu'on
modifie l'article 48 de la charte pour rajouter, dans l'alinéa 1° : «Toute personne âgée, toute personne
handicapée a le droit d'être protégée contre toute forme d'exploitation et de maltraitance.» Le rajouter
là, ça a pour effet d'abord d'ouvrir un recours à la Commission des
droits de la personne. Ça a pour effet aussi de favoriser les recours liés à la
maltraitance parce que 74.3 de la charte permet d'exercer des recours dans cette matière-là, à ce moment-là, en vertu du
premier alinéa de 48, sans le consentement des victimes. J'ai entendu la commission ce matin qui disait : Écoutez,
on aime mieux avoir le consentement, mais on pourrait le faire sans consentement, puis ça permet aussi à
des organismes de défense des droits de déposer ces recours-là aussi.
Ça, c'est important.
En plus de ça, la
commission peut demander au tribunal immédiatement d'intervenir pour faire
cesser, par ordonnance de cour, là, les
situations d'abus. Ça ouvre la porte aussi à ce que la commission s'adresse au
Tribunal des droits de la personne,
le cas échéant, pour demander compensation, incluant dommages exemplaires, le
cas échéant. Alors, on aurait, de
l'extérieur, pourvu que la commission, par ailleurs, ait une approche peut-être
un peu plus proactive dans ces matières-là...
parce qu'actuellement, malheureusement, la commission, pour des questions de
ressources puis d'approche, est extraordinairement lente,
malheureusement.
Le Président
(M. Matte) : Votre temps étant écoulé, est-ce que...
M. Ménard (Jean-Pierre) :
Alors donc, je pense qu'on devrait aller beaucoup plus loin avec ça.
Le Président
(M. Matte) : On va procéder aux échanges.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Alors, je vous écoute.
Le Président (M. Matte) : Je
vous remercie. J'ai été généreux dans son cas aussi.
Mme Charbonneau :
C'est vrai. Ça veut dire que j'ai perdu des minutes, ça, M. le Président.
Le Président
(M. Matte) : Ah! exactement. Je ne peux rien vous cacher, mais je
vous cède la parole sans plus de préambule.
Mme Charbonneau :
Merci. Je suis rendue à combien?
Le Président (M. Matte) :
15 minutes.
Mme Charbonneau :
O.K. Bon, je n'ai pas perdu tant que ça. Merci, Me Ménard. Dans mon
préambule, je veux faire une petite
parenthèse à l'extérieur du contexte dans lequel on est parce que je n'ai pas
eu toujours la chance de pouvoir le
faire, mais j'ai eu le privilège, pendant deux ans, de travailler dans la
consultation. Je n'ai pas travaillé au projet de loi parce que le gouvernement avait changé puis je
n'ai pas été attribuée à cette responsabilité-là, mais j'ai eu le
privilège de faire la consultation publique
privée sur mourir dans la dignité, et peu de gens peut-être savent que vous
avez été d'une aide indispensable. Votre connaissance du patient qui fait des demandes qui sont à l'extérieur du contexte légal et de la structure
et cette défense que vous avez de l'humain nous a aidés à avoir une perspective
autre que celle du départ, quand on est
partis avec notre dossier. Donc, merci infiniment pour cette implication-là parce qu'à chaque fois les gens peuvent penser que les avocats s'investissent parce qu'il
y a un cadran au bout du pupitre, bien, ce n'est pas toujours le cas.
Donc, cette fois-là, je vous ai découvert à
travers cette commission. C'est un peu ça que je vous dis puis je vous en
remercie.
Et, vous
l'avez bien dit, vous avez défendu puis vous avez un intérêt particulier pour
l'utilisation des caméras. Je veux
aller là avec vous. Je pourrais aller sur le secret, je pourrais aller... Je
pense qu'il y a plein d'aspects qu'on pourrait regarder ensemble, mais je vais vous amener là parce que chacun de mes
collègues ont aussi des questions qui sont plus axées... Moi, je veux rester sur le principe de la caméra parce que je
pense que, un, vous faisiez partie des 30 et vous avez donné des opinions très... je vais utiliser le mot
«tranchées», sur l'utilisation de la caméra. De un, le droit fait en sorte
que tout le monde peut utiliser dans ses
installations une caméra. Ça, c'était clair. À partir de là, l'humain étant ce
qu'il est, on joue avec le droit des uns et le droit des autres, hein,
puis la fameuse phrase du voisin qui dit : Le droit de un s'arrête quand
le droit de l'autre commence. Mais vous avez quand même bien situé les choses.
Dans les
recommandations ou dans les orientations qui ont été déposées ce matin par
moi-même et qui font en sorte qu'on
donne un peu d'éclairage sur ce que pourrait être la réglementation, il y a un
avis sur l'utilisation dans les règles générales,
il y en a un qui dit : «L'utilisation d'une caméra ou d'autres moyens
technologiques pour des fins de surveillance ne doit pas porter atteinte au droit de la vie privée des autres
usagers, des visiteurs ou du personnel de l'établissement. Conséquemment, l'établissement doit installer un
panneau signalétique visible dans son hall d'entrée pour indiquer la
présence possible de caméras de surveillance à l'intérieur des chambres des
usagers.»
Je vais vous
poser une question qu'un collègue m'a posée, parce que je suis en réflexion sur
bien des choses depuis quelque temps
par rapport au dépôt du projet de loi n° 115. On me disait : Pourquoi
ne pas mettre à la porte de la chambre une
pancarte qui dit : Souriez, vous êtes filmé, puisque, dans certains
établissements, c'est vraiment au moment où on peut voir la caméra que c'est écrit : Il y a une
caméra en haut, faites attention? Alors, je voulais savoir, pour vous, la
différence entre signaler avant d'entrer dans la chambre ou signaler avant de
rentrer dans l'établissement.
• (16 h 30) •
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Bon, alors,
au départ, dans le projet préliminaire d'orientation, on parlait de
mettre un pictogramme sur les portes. Moi, je me suis opposé à ça lors de la
consultation puis, effectivement, je pense qu'on a... cette idée-là et que ce n'était peut-être pas la meilleure
approche. Je vais vous dire pourquoi... plusieurs façons. Moi, là, comme je vous dis, là, je suis en première ligne
de voir un grand nombre de situations de maltraitance. Il faut qu'on
arrête d'en voir. Moi, j'aimerais ça que ça
diminue, puis il faut qu'on travaille sur la prévention. La prévention, bien,
les caméras, pour moi, ça en fait partie. Ça peut être un instrument
puissant de prévention.
Puis là, pour
parler par expérience, O.K., un des cas que j'ai faits, le personnel savait
qu'il y avait une caméra dans cette
chambre-là, ça fait que les gens n'étaient pas d'accord. Alors, ce qu'on a
décidé de faire, c'est de boycotter la patiente.
Ce qu'on faisait, c'est qu'essentiellement on allait lui donner des soins, mais
on ne lui parlait pas. O.K.? Dans un autre cas que j'ai fait aussi, on
savait qu'il y avait une caméra, alors là le personnel décidait de donner des
soins à la noirceur, on n'allumait pas les lumières. Alors, le patient atteint
d'Alzheimer était traité, était brassé dans la noirceur. Imaginez un peu ce que
ça peut être. J'aurais encore d'autres histoires à vous conter là-dessus. Bon.
Mais alors
moi, je pense que, pour éviter qu'à un moment donné des patients soient ciblés
ou soient... Bon, parce qu'à une
chambre il y en a une; une chambre, il n'y en a pas; une chambre, il y en a
une; une chambre, il n'y en a pas. Je
pense que l'effet utile des caméras,
c'est la prévention puis la dissuasion aussi. Si n'importe qui sait qu'il peut
y en avoir, il va se comporter comme s'il y en avait à l'égard de tout le
monde. Et ça, je pense que, même s'il y a juste une caméra sur
200 chambres, ça va avoir un effet bénéfique pour tout le monde.
Alors, l'aspect prévention, là, m'apparaît
capital pour éviter le pictogramme sur la porte, puis je pense que le personnel va apprendre à travailler avec ces
choses-là aussi. Puis, écoutez, dans la vraie vie, là, de toute façon, on ne
pensera pas que tout le monde va mettre des
caméras partout, là. Dans la vraie vie, moi, les cas que j'ai vus où les gens
en ont mis, c'est quand? C'est quand
on n'a pas confiance dans l'établissement, quand on n'a pas des réponses
satisfaisantes sur la qualité des
soins, quand la communication est mauvaise, quand on voit des choses qui
arrivent puis on a des explications invraisemblables,
quand il y a eu des vols, des bleus qu'on ne peut pas expliquer, on voit que
les gens n'ont pas l'air bien. Alors, la meilleure façon d'éviter les
caméras, c'est la bonne communication, les bons soins, la transparence, l'imputabilité. Alors moi, je ne pense pas que,
demain matin, il va y avoir 1 million de caméras dans les CHSLD du
Québec, mais le fait qu'il puisse y en avoir, juste le fait qu'il puisse y en
avoir, on vient de gagner beaucoup sur la prévention, presque autant que la
formation.
Mme
Charbonneau : Vous
avez raison, d'autant plus que certains commerces nous disent qu'il y a une
caméra, mais il n'y a rien qui les filme.
C'est juste parce qu'elle est là comme installation que les gens ont déjà une
prévention de posée ou ça enlève l'intention de poser le geste parce qu'ils ont
l'impression qu'ils sont filmés. Contrairement à ces installations-là, ici, les caméras fonctionnent, je vous le dis, et on
projette l'image partout au Québec. Vous êtes une vedette aujourd'hui. Vous
l'êtes depuis ce matin si j'ai bien compris parce que je vous ai suivi un petit
peu.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Ça a
commencé à 6 h 30.
Mme
Charbonneau : Oui, c'est ça. Dans le principe de la liberté de
la personne et de l'obligation d'une entreprise ou d'une institution, il y a le principe qui veut... Puis il y a beaucoup
de journalistes qui posaient la question sur le droit de la personne. Donc, est-ce que je dois demander à
mon institution où je loge, que je considère un milieu de vie, et non un
milieu de travail, personnellement... mais
est-ce que je dois demander la permission pour poser une caméra? Puis, si
je demande la permission, est-ce qu'il faut que je dise le nombre de caméras
que je mets puis qui fait les trucs ou je n'ai pas besoin de faire ça, là?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Alors, écoutez,
moi, je me suis opposé énergiquement à ça parce qu'il y a eu des groupes qui ont émis des opinions laissant
entendre qu'il fallait qu'on ait des raisons extraordinaires, que c'était... il
fallait que ce soit justifié, exceptionnel. Écoutez,
ça n'a pas de bon sens. Je vais vous dire pourquoi puis l'expérience
pratique, moi, ce que j'ai vu dans la vraie vie, là. Les caméras
ont servi souvent à surveiller, effectivement, je dirais, de façon globale, la qualité
des soins; pas un individu, la qualité des soins. Je ne vais prendre rien qu'un
exemple que je vis à travers différentes affaires.
Dans un cas, par exemple, ce qu'on voyait, c'était une dame dont il était convenu que ce
seraient des préposés féminins qui
viendraient lui faire les soins d'hygiène. À l'établissement, on
disait : Oui, oui... La dame ne pouvait pas parler elle-même, sauf que, sa caméra, qu'est-ce qu'on
voyait tout le temps? Des préposés masculins qui venaient faire les
soins d'hygiène. Alors, la famille a découvert qu'en leur absence on ne
respectait pas ces choses-là.
Dans un autre
cas, ce qu'on voyait, c'était une autre forme de maltraitance. Par exemple,
on voyait un monsieur dont on
changeait la culotte d'incontinence. On voyait changer la culotte, mais ce
qu'on s'est aperçu, c'est qu'on ne le lavait pas entre les changements, une fois, deux fois, trois fois. Puis, une
fois, c'était une infirmière-chef qui était là. L'autre, c'était le chef
d'unité. L'autre fois, c'était un autre préposé.
Bon, dans un
autre cas, on faisait manger un monsieur. Alors, on voyait que les préposés le
faisaient manger assez vite, puis là
on servait le breuvage. Le breuvage n'a pas été touché, alors on ne l'a pas
fait boire pendant son repas. On l'a fait manger vite puis on est sorti
vite aussi.
Toutes sortes
de situations comme ça. Alors, la surveillance, ici, là, s'il fallait demander
la permission à la direction de
mettre ces caméras-là... Ça permet de voir de la maltraitance
organisationnelle, ici, là, claire, claire, claire. Alors, si on a un doute sur la qualité du service qu'on donne,
est-ce qu'on va le permettre facilement aussi ou est-ce qu'on va s'arranger
pour pas que ce soit apparent ou visible? Je
pense que c'est enlever un droit important. N'oublions pas qu'on a réduit les ressources dans les CHSLD, les ressources au
niveau des ratios personnel-patients, au
niveau de l'encadrement. On a
réduit ça à un niveau, d'après moi, là, qui
est critique puis qui favorise le développement de pratiques de maltraitance. Alors, à ce moment-là, enlever aux patients, en plus de ça, le droit de surveiller comme
ça... Puis n'oublions pas qu'aujourd'hui aussi ce n'est pas rare, les gens qui sont placés dans des milieux où
ils ne veulent pas aller, dans le sens où le choix du CHSLD, là, on va vous placer là où il y a de la
place, pas là où vous voulez aller. Alors, des fois, vous faites 50
kilomètres, les gens n'ont pas de transport, pas de moyen d'y aller. Ça reste
un moyen ultime.
Alors moi, je
ne voudrais pas qu'on enlève aux patients, à leurs familles, un moyen de
protection puis de sécurité. C'est un
moyen de protection et de sécurité, ce n'est pas un moyen d'espionnage — laissons
faire ce discours-là — puis
ce n'est pas un moyen d'essayer de coincer
un personnel, c'est le moyen de s'assurer qu'une personne vulnérable est
bien traitée, puis ça, bien, ça suppose peut-être
qu'on veut, peut-être, je
vous dirais, écorcher un tout petit
peu le droit d'autres personnes plus
autonomes et moins vulnérables pour protéger les gens plus vulnérables. C'est
des choix de société qu'on
doit être prêts à faire puis prêts à accepter.
Mme
Charbonneau : Dans les
exemples que vous donnez — je
les entends bien — j'en
ai entendu un en Outaouais parce que je suis
allé faire une visite là pour pouvoir échanger avec les gens, et la directrice
générale me disait... Parce que je
posais toujours la question : Que répondez-vous à une
famille qui veut poser une caméra? Et ils avaient été confrontés à cette problématique-là, et ils
étaient heureux de me dire : Bien, on a dit oui parce que c'est dans les
droits, on a consulté, c'est dans les
droits, pour, finalement, voir que la personne qui venait faire du barda, hein,
dans la chambre de la personne aînée,
c'était un autre résident, ce n'était pas un employé, et, tout à coup, la scène, elle venait de se dégonfler parce qu'il y avait une justification, quelqu'un de
confus qui entrait dans la mauvaise chambre, qui défaisait toutes les
affaires puis, finalement, changeait de
chambre, et, à chaque fois que la famille arrivait, la chambre était toute
croche, puis ils ne savaient pas... ils se disaient : Bien, coudon,
on ne prend pas bien soin de ma mère ici. Donc, ce principe-là...
Je finis avec
ma dernière question sur les caméras. Je suis-tu obligée de la mettre dans un
nombril d'un toutou, cette caméra-là, ou bien je peux la mettre à la vue
de tout le monde?
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Ce sera au
choix du patient, O.K., qui pourrait très bien décider de la mettre aux
vues de tout le monde. Mais, si tu ne veux
pas que tout le monde la voie, il y a un bon toutou. O.K.? Mais on ne devrait
pas aller jusque-là dans le balisage de ça. O.K.? Je pense que ça devrait être
laissé à la discrétion, aux gens.
Mme
Charbonneau :
C'est à la discrétion de la personne.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Mais
savez-vous ce qui arrive? C'est que je pense, moi, c'est de transparence,
O.K., tout simplement. Puis, écoutez, je
pense que ça veut dire qu'ici, là, on n'a rien à cacher, on est ouverts, on est
transparents. Puis, écoutez, si vous voyez des choses sur la caméra qui peuvent
nous aider à donner des meilleurs soins, bravo! Dites-nous-le, on va bien vous
accueillir. C'est ça, je pense, l'esprit avec lequel il faut travailler ces
choses-là.
Mme
Charbonneau : Tu
as-tu quelque chose... Il me reste combien de temps?
Une voix : ...
Mme
Charbonneau :
Il me reste quatre minutes? Yé! Vous nous suggérez une modification au principe
qui veut... la possibilité de
s'ouvrir sur le secret professionnel, hein, sur cette volonté-là. Ce matin, on
a rencontré, quand même, les gens de différents ordres, et certains sont
bien frileux par rapport à cette possibilité de...
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Je ne
connais pas un ordre professionnel qui ne sera pas frileux, O.K., le pire
étant mon ordre. O.K.? Je le dis avec fierté pour le...
Mme
Charbonneau :
Merci de le souligner!
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Non, non, mais c'est des préoccupations bien
légitimes du Barreau parce qu'il y a une
pression large du public. Bon. Mais, par ailleurs, si on regarde un peu tout
l'esprit de la loi par rapport aux exceptions au secret professionnel — puis il y en a une trâlée, en passant, peu
importe ce qu'on peut dire, mais il y en a un grand, grand nombre, dans le domaine de la santé
particulièrement — ce qu'on
voit, c'est qu'il y a toujours une justification qui permet de le faire. D'habitude, ça va être un intérêt
public, un intérêt de protection. Le meilleur exemple, c'est pour la
jeunesse. Moi, je ne pense pas qu'il faut
aller au signalement obligatoire, là. Mais, dans la mesure où on veut protéger
des personnes vulnérables, un peu
comme on permet le signalement au Curateur public — 270 du Code civil — de gens qui sont inaptes et en besoin de protection, c'est un signalement qui
est permis là pour fins de protection, alors, quand c'est pour ce type
de fin là... Puis, sans être paternaliste,
là, pour ce type de fin là, on se rend compte que le secret professionnel est
appliqué avec beaucoup plus de flexibilité,
tout en protégeant... Parce que comprenons bien, moi, je propose de l'atténuer,
mais pour une seule fin, envoyer de l'information au commissaire aux plaintes,
point. Pas aux médias, pas à qui que ce soit non autorisé, là, juste à une seule personne. Alors, on est dans
l'application rigide des exceptions, mais la base de l'exception, elle
devient plus large pour favoriser — puis c'est ça, ce qui est
important, là — la
lutte contre la maltraitance.
Mme
Charbonneau :
C'est ça.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Alors, il
faut viser large si on veut que ça se fasse.
Mme
Charbonneau : Le
travail non seulement de divulgation, mais de prévention aussi.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Oui, tout à
fait. Puis comprenons bien aussi, c'est que l'exception, il faut penser
à une chose, là, c'est interne à
l'établissement, alors un peu comme, par exemple, on a un processus de
déclaration obligatoire des accidents,
incidents. O.K.? Alors, le patient, on ne lui demande pas avant s'il est
d'accord pour qu'on déclare qu'on a eu une erreur de médicament, la loi dit : Vous êtes obligé de déclarer.
Mais c'est déclaré à qui? Au comité de gestion de risques. Ça ne va à
personne d'autre, puis tout ça, c'est protégé. Alors, on n'est pas dans de
grosses exceptions puis dans des changements
fondamentaux aux règles, là. On a l'infirmière de l'établissement, ou le préposé,
ou le médecin qui signale à quelqu'un d'autre de l'établissement, qui
s'appelle le commissaire aux plaintes, une situation comme ça. Alors, écoutez,
moi, là, je ne pense pas qu'on est dans de grandes infractions.
Mme
Charbonneau :
J'y vais rapide, puis peut-être que vous ne l'avez pas... Je vous en lance une
qui sort de nulle part, là. Le comité
sociojudiciaire qu'on veut mettre en place partout au Québec, c'est-à-dire un
beau mélange de monde qui vont... ma
problématique, c'est la divulgation d'informations personnelles par le DPCP
alentour de cette table-là avec la Sécurité publique, avec d'autres
membres qui sont là pour bien accompagner l'aîné. Vous en pensez quoi, de cette
confidentialité-là? Doit-elle être protégée ou doit-elle... Doit-il y avoir un
lieu où on peut avoir des échanges francs sur des informations privées de
quelqu'un?
• (16 h 40) •
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Moi, je
pense que tout ce qui est nominatif, qui permet d'identifier une
personne, on doit essayer de protéger le caractère
privé de ça. Par contre, une fois qu'on a dénominalisé, on devrait être
capable, en comité, ici, de discuter
d'un cas avec une série de paramètres même très personnels, mais qui ne
permettent pas d'identifier la
personne aussi. Alors, je pense que, là-dessus, c'est des équilibres. O.K.?
Parce que, si on regarde la protection du secret professionnel, là, ce n'est pas un dogme, c'est un droit fondamental
avec une série d'atténuations. Puis l'atténuation, elle n'est pas compliquée,
c'est quand c'est permis par la loi. Alors, c'est la loi qui est la mesure
d'atténuation de ces règles-là. Il n'y
a rien au-dessus de la loi qui empêche... Alors, c'est des choix politiques,
des fois, du législateur, des choix d'opportunité par rapport aux
intérêts qui sont en cause. Alors, moi, je vous dis, en matière de maltraitance,
c'est un problème qui est tellement fondamental dans la société,
là, dans le système de santé, qu'il faut qu'on ait peut-être des remèdes plus
originaux puis qu'on fasse preuve d'audace. On ne traitera pas la maltraitance
si on reste dans des sentiers très battus.
Le Président (M.
Matte) : Je vous remercie et je cède la parole au député de Rimouski.
M.
LeBel : Merci, M. le Président. Bonjour. J'ai beaucoup aimé ce que vous avez parlé, sur la caméra vidéo.
Ça dédramatise un peu l'affaire. Tu sais, on
part ça gros, on se dit : Là, il va y avoir des caméras qui surveillent tout le monde tout le temps. Mais, de la
manière que vous l'amenez — puis
j'ai écouté les gens du Barreau aussi, là, sur le consentement des
personnes — la
vie privée des... je trouve qu'il y a quelque chose là, pour avancer là-dessus,
qui dédramatise un peu les choses.
Mais
ma question est plus sur... Vous avez parlé, là, du
commissaire aux plaintes, là, puis d'un projet d'amender l'article
48 pour... Dans le fond, ce que vous dites, c'est : Il faut préciser
un peu le circuit, là, de... Du moment où on détecte une plainte ou on fait un signalement, quand ça
embarque dans la machine à saucisse, il faut que ça fonctionne, il faut savoir où on va puis que... Puis ça, je vous le
dis, là, depuis deux jours, des... Puis il y a des groupes, des fois, qui
nous ramènent d'autres choses. Aujourd'hui, il y avait un groupe qui a proposé
un protecteur des aînés, puis, tu sais, à un moment
donné, là, je ne sais plus trop où on
va se rendre. Il y a aussi la loi sur les lanceurs d'alerte qu'on vient
d'adopter, où on parle que des lanceurs
d'alerte, c'est le Protecteur du citoyen qui serait l'organisme qui reçoit les
plaintes. L'article 48, c'est plus la CDPJ, 115, c'est le commissaire aux
plaintes. Vous remettez en question un peu son indépendance.
J'aimerais
ça que vous... Vous avez l'expérience de ça. Moi, je suis un nouveau là-dedans,
je ne connais pas trop... mais comment vous voyez ça?
M. Ménard (Jean-Pierre) : Alors donc, essentiellement... Puis, écoutez, on
va se comprendre, le commissaire aux plaintes...
Je ne mets pas en doute la bonne volonté de chacun de faire son possible, O.K.,
bon, mais sauf que dans la réalité, moi,
ce que j'ai vu, ce que j'ai constaté, dans les cas de maltraitance systémique,
les commissaires aux plaintes n'ont aucune influence, aucune capacité,
vraiment, d'influencer les choses, ils ne touchent pas à ces questions-là. Ce
qu'on va dire, essentiellement, c'est que...
Regardez, oui, il a parlé que votre mère, votre père est trop souvent souillé,
malheureusement, problème de ressources.
C'est pour ça que moi, j'ai proposé qu'on modifie l'article 13 de la loi...
services sociaux pour dire que le
droit au service, qui peut être limité par les ressources, doit s'appliquer
sous réserve des obligations de l'établissement
en matière de maltraitance. On ne doit pas couper les ressources jusqu'à
générer de la maltraitance. Alors, autrement dit, là, la protection
contre la maltraitance, ça devrait être la ligne rouge à ne pas franchir pour
n'importe quel décideur du réseau en matière de réduction de l'offre de
service. Il y a une ligne rouge, là. O.K.? Puis je pense qu'actuellement je ne
suis pas sûr si, dans plusieurs milieux, elle n'est pas déjà franchie.
Bon,
alors, moi, ce que je pense qu'il faut faire, c'est à éviter de créer d'autres
structures. O.K.? Le protecteur des personnes âgées, bien oui, ce serait
peut-être intéressant, mais là on crée une bureaucratie. Puis il va faire quoi,
ce protecteur-là? Bon, on a un Protecteur du
citoyen qui est là, qui a un pouvoir de recommandation. Là, ce qu'on voit,
c'est une tendance récente, les recommandations
du protecteur en matière de santé sont de moins en moins suivies par le
réseau. Avant, c'était 99 point quelques
pour cent de ce que le protecteur recommandait qui était appliqué par l'État.
Dans les réseaux de la santé, là, on
commence à développer une résistance, là. On a des antibiotiques qui ne sont
plus efficaces, là, bon, ou des bactéries qui sont résistantes aux
antibiotiques, bien là le réseau de la santé commence à être résistant au protecteur, bon, parce que les pouvoirs du protecteur,
c'est le pouvoir de recommandation, un pouvoir moral très fort encore, mais plus limité. Bon, alors moi, ce que je pense,
c'est que je pense que le message fort qui doit être envoyé en matière
de prévention de la maltraitance... Puis on
comprend que c'est des cas exceptionnels, là, mais c'est qu'il existe des
moyens coercitifs. Pas de recommandation
puis pas de suggestion, mais coercitifs, un certain stade pour ça. N'oublions
pas, par ailleurs, que la commission des droits, lorsqu'elle intervient,
a d'abord un pouvoir de médiation.
Donc,
essentiellement, il ne faut pas penser que ça sera tout judiciarisé d'un coup,
puis c'est clair qu'il faut penser que,
dans beaucoup de cas, on sera capables de régler les choses sans l'avoir
judiciarisé, trouver des solutions acceptables pour les victimes aussi. Parce que le but de tout ça, c'est faire cesser
la maltraitance dès qu'elle est constatée, puis ça, la commission a le pouvoir d'urgence, l'article 81 de
la charte le prévoit. Il n'y a pas d'autre organisation qui a ces
mandats-là, parce que j'ai cherché à voir
qu'est-ce qu'il y avait dans le système actuel qui serait utile, puis ça, c'est
là. On n'a pas besoin de créer puis de faire des nouvelles affaires,
bon, sauf que, là, évidemment, est-ce que la commission veut cette juridiction-là? Actuellement, ils ne courent pas
après aucune juridiction. Ils ont un certain degré de difficulté, même,
à assumer dans des délais corrects les
juridictions qu'ils ont, mais ça, c'est une autre sorte de problème. Mais je
pense qu'on n'a pas à faire le choix
en fonction, je vous dirais, de la vision que les gens ont de leur mandat. Je
pense que la loi a défini ces
mandats-là. Mais je pense qu'il est nécessaire qu'il y
ait quelque chose d'extérieur au système de santé qui vienne dire au système de santé : Ça, ça n'a pas de bon sens. Le Protecteur du citoyen, ça se peut, mais là je vous dis juste, là,
que j'ai des craintes sur la résistance du système,
actuellement. Là, la commission des droits, elle a le pied dans le système judiciaire si nécessaire. C'est beaucoup plus puissant, plus dissuasif, quant à moi. Puis
aussi c'est que la commission, même si ce n'est pas parfait, a une
certaine crédibilité, là. On critique beaucoup la commission, il faut la
critiquer encore, mais je pense quand même que ça peut...
Alors,
c'est pour ça que je pense que, si on regarde tout ça, peut-être
que le calibre du fusil qu'on a pour se battre contre la maltraitance à travers de la 115, on est à peu près
à l'époque des fusils à plomb, là. Alors, peut-être que ça aurait
besoin d'un gros canon.
M.
LeBel : Oui. Bien, je pense, ça va être important, là, qu'on trouve
les amendements au projet de loi pour améliorer
ça, mais ça veut dire... Concrètement, là, il y a une plainte, il y a
un signalement dans un établissement, la plainte serait faite au commissaire
aux plaintes?
M. Ménard (Jean-Pierre) : Regardez, moi, ce que j'ai proposé, essentiellement, c'est que t'appelles une fois le commissaire aux plaintes, puis, quand le commissaire
aux plaintes considère que la plainte est soit d'allure systémique ou encore qu'il estime ne pas avoir les pouvoirs ou
l'autorité suffisante pour la traiter, qu'il puisse la référer à la
Commission des droits de la personne
immédiatement. Je pense, ça serait une articulation comme ça parce qu'il faut
un véhicule quelque part, il faut un guichet, là.
M.
LeBel : O.K. Sur le systémique, vous dites, là : Il y a un niveau
de service qu'il faut donner, sinon c'est de la maltraitance. Mais, tu
sais, je vois...
M. Ménard
(Jean-Pierre) : C'est le niveau de service en deçà duquel il ne faut
pas descendre. C'est un petit peu différent.
M.
LeBel : C'est ça, O.K. Mais, si ça descend parce qu'il n'y a pas les
ressources, pas le financement, pas rien, qu'est-ce que vous voulez que
les gens du CISSS font? Ils ne font rien, là.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Regardez bien, mais, à ce moment-là, c'est parce
que ce qui arrive, c'est que... Alors, d'une
part, je pense que c'est un problème que ce soit vu par des yeux externes au
système de santé, porter un jugement là-dessus
parce que peut-être qu'à l'intérieur du système on ne s'en aperçoit pas puis on
a tellement l'habitude de faire ces choses-là
qu'à un moment donné on ne le voit plus. Alors donc, essentiellement... Alors,
si on voit, effectivement, que c'est un
problème de ressources qui génère de la maltraitance, bien, d'abord, un
organisme indépendant comme la Commission des droits de la personne peut
aussi très bien s'adresser au gouvernement puis dire : Écoutez, on a
problème là, les ressources sont d'une
nature telle qu'on a développé des pratiques de maltraitance par privation, les
gens, les besoins de base ne sont plus satisfaits.
Bon,
ça, ça peut avoir un caractère public, puis ça, je pense que la population...
Quant à moi, ce que je vois, là, les gens
n'aiment pas qu'on maltraite les personnes âgées. Les personnes âgées nous ont
donné la société qu'on a, on leur doit énormément,
puis là le retour d'ascenseur qu'on fait, c'est qu'on les envoie au sous-sol.
Alors, ça, ce n'est pas acceptable. Alors,
je pense que, quand ces choses-là deviennent publiques, il y a un levier là qui
est important pour, quelque part, qu'on trace une ligne. Je ne pense pas qu'il y a un gouvernement qui va
dire : Bien, écoutez, on ne peut pas faire autrement. On va
adresser ça, puis on va attaquer ça, puis le but, c'est d'aider les personnes.
M.
LeBel : Très d'accord avec vous, là, je suis en plein dans ce sens-là,
mais, pour ça, il faut bien identifier c'est quoi, la maltraitance, il
faut que tout le monde s'entende sur quoi...
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Tout à fait. Bien, c'est pour ça qu'on n'a pas une
définition qui... parce que la maltraitance, on n'y gagne pas non plus pour la
prévenir si on a une définition qui est très étroite, hein, où quasiment rien
n'est de la maltraitance. Il ne s'agit pas que tout soit de la maltraitance.
Regardez, moi, je fais des cas d'erreurs médicales.
Tous les cas d'erreurs médicales ne sont pas de la maltraitance, mais il y en a
qui en sont. Comprenez-vous l'idée?
Alors, quand ça en est, bien là je pense qu'il faut agir, bien, aussi un peu
comme, par exemple, l'exploitation. Toute forme d'exploitation, au sens de la charte, est de la maltraitance, mais
toute forme de maltraitance n'est pas de l'exploitation. Alors donc, il
faut être capable, donc, de comprendre ces... puis de les distinguer
juridiquement aussi, puis d'essayer d'avoir une définition qui est la plus
opérationnelle possible. C'est pour ça que j'ai fait quelques suggestions,
mais, évidemment, ça... Et puis ce n'est pas le sujet, là, mais alors qu'on
s'entende bien sur ce que c'est, de la maltraitance.
Puis la maltraitance,
aussi, ce qui est intéressant, c'est qu'avec l'expérience qu'on a à la fois
avec des litiges judiciaires, où les
tribunaux se sont prononcés pour dire : Ça, ce n'est pas acceptable, ça,
ce n'est pas acceptable, les rapports du
Protecteur du citoyen, la littérature scientifique, on sait pas mal
aujourd'hui, à tout le moins, les principales pratiques de maltraitance :
la maltraitance par privation, ne pas donner les services; la maltraitance
aussi par action, autrement dit, dénigrement,
tutoiement, abus, isolement. Bon, c'est sûr que l'imagination humaine peut
permettre d'en trouver d'autres, là, mais moi, je fais confiance aux
gens du réseau puis aux citoyens de percevoir ces choses-là.
M. LeBel :
Je vous remercie. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Matte) : Je vous remercie. Je cède la parole au député de Lévis.
• (16 h 50) •
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le Président. Me Ménard, Me Dontigny, Me Dutrisac,
merci d'être là. Je vais revenir, je fais du
chemin également... C'est très intéressant parce que vous
avez parlé de maltraitance individuelle, de maltraitance organisationnelle. On arrive avec ce que vous nous
dites : On ne doit pas couper
les ressources qui pourraient générer
de la maltraitance. Cependant, force est de constater qu'actuellement les
ressources sont telles qu'on a l'impression que des services ne sont pas rendus. La difficulté, c'est d'établir le
seuil où c'est acceptable, où ce ne l'est plus non plus. Puis, si on veut être coercitif, il faut montrer
du doigt quelqu'un. Est-ce que je comprends que, si tout ça est fait, dans
la chaîne, là, on établit tout ça, à la limite, un gestionnaire pourrait être
accusé de maltraitance en fonction de ce qu'on est en train de définir
ensemble?
M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien, ce qui arrive, regardez, c'est que je pense
que la prévention de la maltraitance, ça
doit être aussi un principe de gestion. O.K.? On a l'article
3 de la loi des services de santé et services
sociaux — je l'ai mis
dans mon texte, là — où
on dit : Pour l'application de la présente loi, les lignes directrices
suivantes guident la gestion et la
prestation des services... est la personne qui les requiert... le respect des
droits... doivent inspirer les gestes... Puis on dit aussi que la personne doit être traitée avec
courtoisie, équité et compréhension, dans le respect de sa dignité,
autonomie, besoins. Y aurait-u lieu, peut-être,
de rajouter là aussi, comme principe de gestion, la prévention de la maltraitance? Parce qu'un
gestionnaire qui affecte des ressources puis qui décide un modèle
organisationnel, bien, il doit avoir derrière la tête la nécessité de rendre
des services de qualité, des services adéquats puis de ne pas maltraiter.
Parce
que les gestionnaires aussi, il faut qu'ils soient imputables. Là, le problème,
c'est que ça, ces décisions-là se prennent
puis il n'y a personne qui est imputable. On dit : Ah! problème de
ressources, mais qui a décidé de l'allocation des ressources, O.K., alors, autrement dit, qui a
décidé qu'on priorisait telle chose plutôt que telle chose? Bien, c'est
parce qu'il y a des clientèles à l'intérieur
des CISSS qui sont actuellement nettement défavorisées. Les CISSS ont favorisé
beaucoup, beaucoup le développement d'un modèle très médicalisé au détriment
des services sociaux. Alors là, par exemple, en déficience ou des clientèles comme ça, actuellement, là, c'est les
parents pauvres. Mais l'idée, c'est que, dans notre système de santé,
puis là c'est un jugement très personnel que je porte, il manque beaucoup
d'imputabilité.
M. Paradis (Lévis) : À la limite, si on réfléchit à voix haute, là, en fonction de ce qu'on
se dit, là, dans le meilleur des mondes, bien sûr, là, qu'on pourrait
remonter jusqu'aux choix politiques faisant en sorte qu'on décide d'actions
concrètes dans un système de santé.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Tout à fait.
M. Paradis (Lévis) : Je fais une parenthèse parce que... J'ajoute même : Si on
réfléchit encore davantage — puis souvent nos aînés le disent, puis leurs enfants
nous le disent — on est
les clients de demain. Nos demandes seront plus élevées. C'est qu'à la
limite, en fonction de la clientèle, le seuil, il est variable et évolutif.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Mais c'est très égoïste, on travaille tous pour nous
autres ici, là.
M. Paradis
(Lévis) : C'est un fait.
M. Ménard
(Jean-Pierre) : Oui, on peut se le dire.
M. Paradis (Lévis) : Vous dites : Facilitons le cheminement puis la façon de faire...
Article 48, on ajoute «et de maltraitance»,
ce qui va permettre d'avoir un accès direct, notamment... La Commission des
droits de la personne et des droits
de la jeunesse... On a reçu l'un comme l'autre, le Protecteur du citoyen,
commission des droits, qui disaient : C'est important que les gens sachent qu'on est là comme deuxième instance.
Alors, le fait d'ajouter et de modifier, ceci change quoi dans les faits
dans la mesure où, de toute façon, les gens ont cet accès-là ou à la commission
ou au protecteur?
M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien,
actuellement, la Commission
des droits de la personne ne court pas après la juridiction là-dessus.
La commission a juridiction sur l'exploitation. Exploitation, maltraitance,
c'est deux choses bien différentes. Si on
examine un cas de maltraitance puis on conclut que la personne n'avait pas
l'intention... ne tire pas d'avantages
personnels de ça ou qu'il n'y a pas de rapport de force avec une personne, on
va dire : Bien, écoutez, c'est malheureux, ce n'est pas de
l'exploitation au sens de la charte, et on vous remercie beaucoup d'avoir porté
plainte.
Alors,
moi, je pense qu'il faut élargir la portée de ça pour que la commission ne
doute pas de sa juridiction ou qu'on ne commence pas, pour des
raisons... parce qu'on n'a pas beaucoup de ressources d'enquêteurs, à appliquer
de façon étroite ces concepts-là. Parce
qu'en matière de protection de gens vulnérables, là, comme disait Mme Michelle
Obama dans la... il faut viser haut. O.K.?
Visons loin, n'ayons pas peur d'être audacieux, c'est la seule façon de le
faire. Si on a une approche qui est frileuse puis étroite, ça ouvre la
porte à n'importe quoi.
M. Paradis (Lévis) : On a tous envie de faire un coup de circuit. Dans le meilleur des
mondes, ça fera un coup sûr, on
avancera sur les sentiers, tant mieux. Alors, le but de l'exercice, ce n'est
pas de se faire retirer. C'est la même chose dans ce dossier-là.
J'arrive
avec les caméras parce que c'est un dossier qui est important également, dont
on a souvent parlé. Est-ce que je
comprends que, du fait que... Et, depuis 2015, il y avait un avis du Protecteur
du citoyen, il y avait cet avis du comité sur l'utilisation des caméras,
donc, et puis il a été convenu que c'était légal. En 2015, c'était déjà légal,
tu sais, on disait : Vous avez le droit
sans demander de permission. On arrive avec des orientations ministérielles,
mais, eu égard à cette légalité-là,
est-ce qu'on aurait pu déjà édicter, présenter un règlement pour baliser
l'application sans attendre nécessairement l'adoption d'une loi comme la
115?
M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien, écoutez, d'après moi, je penserais que oui,
mais, écoutez, là, quel est le meilleur véhicule? Parce que, là, je pense que, dans la mesure où on a une loi
habilitante puis qui s'inscrit aussi dans un contexte de maltraitance, moi, je vous le dis, les caméras, ça
a beaucoup de sens dans le contexte de la prévention de la
maltraitance. Si on ne parle pas de
maltraitance, si on parle juste de façon générale... réseau de la santé, peut-être,
ça n'aura pas la même connotation.
Mais, si on associe les caméras à la protection contre la maltraitance, je
trouve que ça a un sens beaucoup plus puissant, quant à moi, aussi.
M. Paradis (Lévis) : En 10 secondes, Me Ménard. Parce que
l'orientation ministérielle et le règlement à venir proposent, en tout cas, une avenue
concernant les centres d'hébergement et de soins de longue durée, CHSLD,
réseau public, est-ce qu'on devrait étendre ça également aux résidences
privées? Il y en a 1 850.
M. Ménard (Jean-Pierre) : Bien, si on veut être concordant avec le reste du
projet de loi n° 115, ça devrait toucher les RI, les RTF et les RPA. O.K.? Parce que 115, c'est une loi sur la
protection contre la maltraitance dans le système de santé. O.K.? Alors
donc, ça devrait comprendre les organisations, puis moi, je serais d'avis que
le règlement devrait également s'appliquer partout où il y a un chez-soi pour
les gens.
M. Paradis
(Lévis) : Merci.
Le Président (M.
Matte) : Je vous remercie de votre contribution au sein de nos travaux
et je suspends les travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à
16 h 56)
(Reprise à 17 heures)
Le Président
(M. Matte) : Alors, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au
Regroupement québécois des résidences pour personnes aînées. Alors, je vous invite à vous présenter et je vous rappelle que vous
avez 10 minutes pour faire un exposé, et par la suite nous allons
procéder à un échange de la part des membres.
Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA)
M. Desjardins (Yves) : Excellent. Merci beaucoup. Alors, mon nom est
Yves Desjardins, je suis le président-directeur
général du Regroupement québécois des résidences pour aînés. Je veux d'abord vous
remercier, tous les membres de la
commission, Mme la ministre, M. le Président, pour nous donner l'opportunité de pouvoir
exprimer notre point de vue, étant
donné que le projet de loi sur la maltraitance vise bien sûr les résidences
pour aînés.
Alors,
le Regroupement québécois des résidences pour aînés, RQRA, représente plus
de 700 résidences privées pour aînés réparties sur l'ensemble du territoire
québécois. Nos membres offrent aux aînés autonomes ou en perte d'autonomie près
de 80 000 unités locatives. Comme association, nous nous efforçons de
promouvoir l'efficacité, l'efficience et la
qualité des services offerts par nos membres à la clientèle. Nos actions et représentations n'ont qu'un but, faire en sorte d'offrir des milieux de vie
sécuritaires aux aînés, où ils pourront recevoir les services et les soins
d'assistance qui leur permettront de conserver aussi longtemps que possible
leur autonomie et la liberté d'organiser leur vie.
Le
RQRA se réjouit que le Québec se dote d'une première loi visant à contrer le
phénomène de la maltraitance. Mais,
pour en augmenter l'efficacité, nous soumettons à la Commission des relations
avec les citoyens les recommandations suivantes.
Premièrement,
augmenter la portée de la loi en retirant de son article 3 les références
au fait qu'elle s'adresse aux personnes qui
font l'objet de maltraitance et qui reçoivent des services de santé et des
services sociaux, ce, afin d'éviter que
les aînés qui sont aussi victimes de maltraitance mais qui sont isolés, qui ne
reçoivent aucun service d'un établissement et dont le réseau social est réduit ne soient laissés pour compte. À
défaut de modifier le projet de loi dans ce sens, nous croyons que son
nom doit être modifié pour mieux identifier les personnes à qui il s'adresse.
Deuxième
recommandation. Par souci d'équité envers les résidences privées pour aînés,
nous souhaitons associer aussi le
commissaire régional aux plaintes et à la qualité des services, qui connaît
mieux le milieu et la culture des RPA
que le commissaire local, tout ça à la réception et au traitement des plaintes
de maltraitance des personnes en situation de vulnérabilité, portées en
vertu de la loi.
Nous recommandons
également de mieux baliser deux choses. Premièrement, le processus de
traitement des signalements, au sujet de la
façon dont seront traités les signalements frivoles, vexatoires ou sans
fondements, du lien qui doit être établi entre une mesure de
représailles et un signalement de maltraitance, du recours dont doit pouvoir se
prévaloir la personne qui fait l'objet d'un signalement. Le deuxième point
étant le processus d'intervention, pour que l'article 3 mentionne aussi
quel type d'aide sera apportée aux victimes de maltraitance ou de quelles
ressources elles pourront disposer pour que
les centres intégrés de santé et de services sociaux adaptent leurs politiques
de façon à y inclure les mesures de lutte à des formes de maltraitance
qu'on observe plus fréquemment dans les milieux d'hébergement collectifs comme
les RPA, notamment l'intimidation et le harcèlement.
Dernière
recommandation, bien baliser l'utilisation des mécanismes de surveillance, tels
que les caméras ou tout autre moyen
technologique, de façon à assurer le respect des principes fondamentaux que
sont le droit au respect de la vie privée
des résidents et des employés des RPA ainsi que le droit à la dignité des
résidents, tout en prévenant les situations de maltraitance. Voilà.
Le
Président (M. Matte) : Merci. Alors, on débute notre période
d'échange, je cède la parole à Mme la ministre.
Mme Charbonneau :
Merci, M. le Président. Bonjour.
M. Desjardins (Yves) : Bonjour.
Mme Charbonneau :
Comment ça va?
M. Desjardins (Yves) : Ça va
bien. Vous?
Mme Charbonneau :
Ça va bien. On se connaît d'une autre vie, hein?
M. Desjardins (Yves) : Oui,
c'est ça.
Mme Charbonneau :
Il y a de ça très longtemps, on était tous les deux dans le monde scolaire,
donc on s'est rencontrés là. Puis on s'est
retrouvés au moment où j'ai pris le chapeau de ministre responsable des Aînés,
pour savoir que vous étiez encore une fois sur le même chemin que moi
pour le travail. Donc, ça fait toujours plaisir de vous revoir.
M. Desjardins (Yves) : Merci,
madame.
Mme Charbonneau :
Et c'est toujours un plaisir pour moi de vous rappeler que non seulement je
suis restée dans le même giron, mais
dans mon comté il y a l'IPIQ maintenant, ça fait que je suis vraiment
doublement gâtée. L'IPIQ étant l'école
de pompiers de la commission scolaire de Laval, d'ailleurs la seule école de
pompiers publique au Québec. Ça fait que ça me fait toujours plaisir de
le dire.
Vous avez
donné certaines recommandations, et je les entends. Je veux juste corriger le
tir sur une chose, puis permettez-moi
de le faire, je le fais bien humblement. Le commissaire régional aux plaintes
n'existe plus. Il n'existe plus. Il y a maintenant juste le commissaire
local aux plaintes. Donc, celui-là n'existe plus, mais j'ai bien entendu votre propos quand vous dites : Il y aurait
peut-être une importance à ce qu'il y en ait un plus local que celui qui est
dans les institutions. Mais je vous entends quand vous dites : Un
plutôt que l'autre.
Dans le
principe du projet de loi n° 115, sur lequel vous vous prononcez
aujourd'hui, il y a aussi cette volonté d'avoir une politique dans
chacune de nos institutions. Nous, au départ, à l'intérieur du projet qu'on a
écrit, il y a nécessairement une volonté
d'imposer quelque chose aux institutions de la santé. Mais, nonobstant l'aspect
partenariat, vous êtes quand même au premier
plan qui abrite des gens aînés. Et de ce fait, croyez-vous qu'il serait
intéressant, plausible? Et vous la voyez comment, cette politique, si on
avait — ...
Une voix : ...
Mme Charbonneau :
...à vos souhaits! — à vous
demander... Des fois, ça ne vient pas tout seul, ces affaires-là, par exemple. Il y en a tout le temps un, deux
trois. Là, je vous checke, là, deux, hein? Ne sursautez pas personne, ça
se peut qu'il y en ait un autre qui arrive.
Quelles seraient les mesures incontournables à mettre dans une politique de
lutte contre la maltraitance, dans une
institution qui pourrait être un de vos membres, là? Prenons-en un type parce
que vous avez des résidences qui sont
quelquefois très différentes une de l'autre en âge, en... je ne dirai pas en
contenu, mais en nombre de pièces qu'il y a et aussi en services parce
que vous avez de un jusqu'à trois, je pense. Donc, j'aimerais vous entendre sur
ce principe.
M. Desjardins
(Yves) : Merci, Mme la
ministre. Vous me donnez justement l'occasion, je m'étais promis, j'ai
dit : Il faut absolument que je leur
parle de ça, c'est notre milieu. Puis j'entendais Me Ménard, juste avant moi.
On n'est pas des établissements de santé.
Les gens nous confondent souvent, ils disent : Bien, vous faites partie du
réseau de la santé. Quand on regarde
l'article 79 de la Loi sur la santé, nous sommes des habitations. Je
répète aux gens que, quand vous parlez de résidences pour aînés, il faut
penser bungalow, il faut penser meubles locatifs, les gens signent un bail,
c'est un choix qu'ils font de venir vivre en résidence pour aînés. On en est
bien heureux. Alors, il faut que ce soit différemment.
Par contre,
il existe un règlement sur la certification des résidences privées pour aînés
au Québec qui relève du ministre de la Santé, lequel, je pense,
apportera, dans sa nouvelle mouture, des recommandations justement sur la bientraitance. Et on veut vraiment parler de
bientraitance. Puis je peux vous dire une chose, notre secteur d'activité...
Je le dis comme ça parce que nous vendons de
la sécurité, c'est ça que nous faisons. Le premier objet pourquoi les gens
viennent en résidence pour aînés, c'est pour
être en sécurité. Alors, loin de nous l'idée d'accepter quelque forme de
maltraitance que ce soit.
Toutefois, et
c'est le cas, par exemple, pour les mécanismes de surveillance, il faut
comprendre que les gens sont chez eux, c'est leur domicile. Loi pas loi,
actuellement, un aîné en résidence pour aînés, qu'il ait une chambre ou un
appartement, il a le loisir d'avoir le nombre de télévisions qu'il veut, le
nombre de caméras qu'il veut, et on n'a pas à intervenir.
À l'inverse, si le propriétaire ou le gestionnaire d'une résidence pour aînés
voulait installer une caméra, il ne pourrait pas le faire sans obtenir
l'autorisation du locataire puisque c'est son domicile.
Concernant la
diversité des résidences pour aînés, la plus petite résidence au Québec
contient une unité, la plus grande
1 044 unités. Il y a une panoplie de services allant des repas, des
loisirs, à aller jusque... nous, on dit à la porte des CHSLD, où des gens reçoivent une panoplie de
services, de soins, à la carte bien sûr, parce que chaque résident,
c'est variable. Mais on peut offrir, dans
une résidence, de l'aide à la vie domestique, alors que, dans une autre
résidence, on va vraiment... de
l'aide à la vie quotidienne, où là vraiment on parle de soins. Puis on a des
gens atteints de déficits cognitifs, dans certaines résidences, ce ne
sont pas toutes les résidences. Alors, c'est un spectre qui est très, très
large.
C'est pour ça qu'il y a un peu plus de 1 800 résidences
pour aînés au Québec. Nous, on en représente 700. Mais la variété des résidences pour aînés fait en sorte qu'il faut
vraiment composer avec une réalité différente. Ceci dit, moi, je pense que les
résidences pour aînés vont toujours... du moins le Regroupement québécois des
résidences pour aînés, offrir sa
collaboration pour mettre en place des politiques, Mme la ministre, dans
chacune des résidences pour aînés qui sont membres du RQRA.
• (17 h 10) •
Mme Charbonneau : Merci, M. Desjardins. Par contre,
vous le disiez, hein, vous n'êtes pas une institution de la santé. Vous avez raison. Par contre, il y a un
déploiement de services de la santé quelquefois dans vos installations pour
toutes...
M. Desjardins (Yves)T : Le
maintien?
Mme Charbonneau :
C'est ça. Pour toutes sortes de...
M. Desjardins (Yves) : Bien sûr.
Mme Charbonneau : ... raisons, on a des gens de la santé qui vont
chez vous. Et, vous savez, le principe même du projet de loi n° 115
ne s'adresse pas juste aux gens qui donnent des services. Et c'est là que je
veux peut-être un peu vous rassurer. On a malheureusement un constat d'une société où quelquefois le lien
de confiance entre l'aîné et un membre de sa famille est brisé par un
geste inacceptable. Plus souvent qu'autrement d'ailleurs notre difficulté qu'on
voit, c'est la divulgation de ça. La
personne aînée va tarder avant de la faire, parce qu'elle juge que c'est peut-être
un comportement temporaire, peut-être
que ça ne durera pas. Des fois, on peut dire : C'est l'adolescence, ou
c'est un manque de sous au moment où
la personne vient interpeler l'aîné. Quand c'est un voisin, bien, des fois,
c'est parce qu'il lui rend bien des services puis là il est
impatient, ça fait que, tu sais, il a fait ça, mais ce n'est pas grave.
Ce qu'on veut
faire à partir du projet de loi n° 115, mais depuis longtemps, c'est de dire, un, et ça, je vous dirais, je suis heureuse que ma collègue, mon ex-collègue,
Mme Blais, l'a fait, c'est nommer la maltraitance, dire que ça
existe. Pour l'enrayer, pour la prévenir,
pour la détecter, il faut être
capable de dire que ça existe. Il faut aussi être capable de dire que ce ne sont pas juste des gens qui donnent des
services, qui posent des gestes. Ça peut être aussi quelqu'un
de confiance. Et là, quelqu'un de confiance, bien, j'étire la sauce très,
très loin, parce que ça peut aller très loin.
Donc, quand
on parle d'une politique mise en place, j'entends votre volonté puis je
n'avais pas de doute, là, sur le fait que vous n'avez aucune contrainte
à mettre en place dans vos installations une politique. Mais vous voyez cette implication-là ou cette obligation-là
de façon favorable, mais diversifiée dépendamment de la
grosseur de l'établissement,
ou vous voyez un enlignement très sûr et
très clair, un signe du gouvernement qui dit : C'est ça, la politique,
ou vous nous voyez vous laisser
certaine latitude pour adapter à chacun des milieux? Puisque
vous avez un privilège, c'est que la plupart de vos résidences ont des gens fort autonomes qui réclament plus de
récréologie que de soins parce qu'ils veulent bouger, ils veulent nager, ils veulent aller au golf, ils
veulent aller se promener plutôt que des gens qui ont besoin de soins.
Donc, la question est plus : Est-ce qu'on devrait avoir une diversification ou des lignes claires qui font en
sorte qu'on doit imposer à tout le monde la même ligne?
M. Desjardins
(Yves) : Vous savez, on ne
représente qu'une partie, hein, des... malgré toute la bonne volonté du Regroupement québécois des résidences pour
aînés. Il reste qu'il y a des résidences qui ne sont pas membres. Moi, je
vois très bien qu'il y ait une politique qui s'applique à l'ensemble des
résidences pour aînés.
La ligne, Mme la ministre, elle est mince entre la surveillance et d'infantiliser les aînés.
Parfois, on s'approche un peu pour
comprendre les comportements. Quand on côtoie des gens quotidiennement, des aînés aussi, on le voit dans leur comportement, par exemple, qu'après la visite de telle personne l'appétit
n'y est plus, le sommeil est perdu, on la sent morose. Et d'entrer dans
sa vie privée, parfois, ça peut être difficile, et il y a toute une délicatesse
à travers ça. Ce n'est pas simple.
Moi, je pense
qu'il faut donner les outils. On a la chance, je pense, d'avoir des aînés près
de nous. On les a un peu dans notre
quotidien, les employés sont à même... et tous ceux qui travaillent, là, les
préposés sont, je dirais même, au chevet,
là, des résidents, là, ils sont là quotidiennement, il y a des confidences qui sont faites, ils sont à même
de déceler les sources de
maltraitance. Il faut pouvoir donner à nos gestionnaires, nos propriétaires,
mais tous nos employés la possibilité
d'avoir recours à des moyens pour aider ces
gens-là. Parce que vous avez soulevé de très bons exemples, et je
vous dirais que, des fois, la maltraitance n'est pas dénoncée par amour.
Le Président (M. Matte) :
Merci, M. Desjardins. Je céderais la parole à la députée de Verdun.
Mme Melançon : Merci, M. le
Président. Bonjour.
M. Desjardins (Yves) : Bonjour,
Madame.
Mme Melançon : Merci. Merci d'être parmi nous. Très personnellement, moi, je sors d'une campagne
électorale où j'ai visité de nombreuses
résidences. Et, lorsque vous dites : Il y a différents niveaux,
hein, vous parlez d'une unité à 1 044 unités,
c'est pas mal ce que j'ai vu, et à différents niveaux aussi, disons-le. Moi, ce
qui me préoccupe, on a parlé beaucoup des usagers, et parce que c'est pour les
usagers d'abord et avant tout qu'on veut avoir une politique
pour contrer, pour lutter la maltraitance, mais j'aimerais qu'on parle encore des préposés parce que
j'en ai rencontré plusieurs, des gens qui se dévouent. Et vous, comme regroupement, là, des résidences pour aînés, j'aimerais
savoir, selon vous, là, pour que la politique soit bien comprise, pour qu'il y ait une adhésion à cette politique-là, quels devraient être les moyens mis en
place par le gouvernement, là, mais de
façon rapide pour qu'il y ait une meilleure compréhension. Parce que,
là, on parle des usagers, on parle
des grands regroupements, mais encore faut-il penser aux travailleurs, puis, pour les atteindre, ce n'est pas toujours aussi évident
qu'on peut le penser.
M. Desjardins (Yves) : C'est
vrai, votre question n'est pas simple, mais moi, je peux vous assurer... Puis
je ne viens pas de ce milieu-là, et je ne
suis pas un propriétaire de résidence, et je n'étais pas là avant 2009, puis
j'ai découvert des gens... les plus
grands défenseurs de la maltraitance, ce sont des gens qui travaillent auprès des
aînés. Ils ne travaillent pas là
autrement que par vocation, ils les aiment, ils les accompagnent. Et je vous
dis, la marche, elle n'est pas très grande pour être capable... Bien, il
y a une compréhension, là, bien, bien
élaborée, là. Mais, d'une adhésion... moi, je ne suis pas certain qu'on
est loin de l'adhésion. Les gens sont déjà à l'affût de tout ce qui est signe
de maltraitance.
Notre
inquiétude, c'est parfois de dire : Qu'est-ce qui arrive avec la dame qui est seule dans sa maison, à
l'autre bout, et elle n'a pas des services
de maintien à domicile, elle est laissée pour compte? C'était là notre point,
dans notre mémoire, on disait :
Bien, d'accord, là, puis, dans les résidences, pas de problème, puis le réseau
de la santé, il faut protéger. Mais il y a, quoi, 83 % des aînés
qui sont ni en CHSLD, ni en RI, ni en résidence pour aînés. Moi, ça, ça
m'interpelle comme citoyen. Je me dis : Ces gens-là...
Puis les gens vivent plus longtemps, on en a
beaucoup plus, d'aînés. Je ne ferai pas une démonstration de démographie, vous
le connaissez mieux que moi, mais il va y en avoir, des aînés, et il faut
trouver des moyens pour sensibiliser pas
seulement que les aînés, mais toutes les familles, tous les gens. Je sais qu'il
y a des sensibilisations qui se fait chez
le personnel des banques, par exemple, qui peuvent déceler un retrait
inattendu. On a déjà entendu ces histoires-là. En tout cas, en ce qui concerne mon secteur, les
résidences pour aînés, nous, c'est certain qu'on va parler de formation,
on va parler d'initier les gens à, dans le fond, connaître toutes les formes de
maltraitance.
Parce que,
souvent, on dit : Ah! maltraitance, c'est violence physique... Moi, j'ai
lu une recherche récemment qui m'a
vraiment interpelé parce que... et ça vient du ministère de la Sécurité
publique, qui dit que la strate de population qui est la plus victime de maltraitance, c'est entre 54 et
64 chez les hommes, et la maltraitance, elle est financière. Moi,
j'étais sûr que c'étaient les dames
au-dessus de 90 ans. Ça fait qu'il faut vraiment étendre, élaborer, bien
comprendre. Puis je pense qu'aussi avec l'information, la formation puis
le souci... Puis ça, c'en est un bel exemple, je pense, qu'il y a une préoccupation tant au niveau du gouvernement que
de la société, et c'est pour ça qu'on s'en réjouit. Je pense que c'est
un beau geste. Voilà.
Le Président (M. Matte) : Il
vous reste un peu moins qu'une minute.
• (17 h 20) •
Mme Charbonneau :
Je la prendrais, M. le Président, pour vous rassurer, M. Desjardins. Deux
aspects. Un, je reviens au projet de
loi parce que c'est pour ça qu'on se voit. Il y a le principe du comité
sociojudiciaire. Pourquoi? Parce que celui-ci, qui est le cinquième axe
de notre projet de loi, fait en sorte qu'on va au-delà des résidences, au-delà
du système de la santé. On parle à monsieur,
madame, qui est chez lui, dans sa résidence à lui, puis qui a besoin de
services. Le comité fait ça, accompagne quelqu'un qui lève la main pour
dire : Je crois que mon voisin vit de la maltraitance. On peut
l'accompagner à partir de là.
La deuxième
chose, je vous donne leur nom, comme ils sont appelés sur le marché du travail,
des ITMAV. C'est une initiative de travail pour aider les aînés en
situation de vulnérabilité, mais on les trouve... On a des gens dans le milieu que leur travail, c'est de parler aux
organismes communautaires parce que ce sont, comme le dit mon collègue
d'en face, des organismes très précieux,
mais qui nous soulignent que Mme Tremblay n'est pas sortie de chez elle
depuis trop de temps puis que, dans
le fond du rang, il y a une maison avec une dame, puis elle est seule. Et là il
y a une première visite qui s'organise pour pouvoir les accompagner puis
revenir dans le milieu social pour pouvoir faire en sorte qu'ils ne sont plus
isolés.
Donc, je
voulais juste vous rassurer pour vous dire : Il existe des moyens.
Maintenant, il faut juste s'assurer qu'avec le projet de loi n° 115
on fait un premier grand pas pour...
Le Président (M. Matte) : Je
vous souligne, Mme la ministre...
Mme Charbonneau :
Oui, oui, oui!
Le Président (M. Matte) :
...que vous avez dépassé votre temps. J'invite le député de Rimouski à
poursuivre les échanges.
M. LeBel : Merci, M. le Président.
Salut. Bonjour. On va jaser un peu, là, j'ai des... On parlait de campagne électorale. C'est vrai, pendant une campagne, tu
en rencontres plein. Puis moi, j'en ai fait quatre. J'ai gagné juste la
dernière, mais j'en ai fait quatre.
Des voix : ...
M.
LeBel : Mais je les ai quand même faites, puis j'en ai rencontré
plein, là, puis j'en rencontre plein, des gens, là, des résidences, puis tout ça. C'est assez
particulier, les propriétaires de résidences, c'est vrai, les gens, le
personnel, c'est des gens qui sont
très attachés aux aînés qui habitent là. Ça devient comme une grande famille.
Le monde lunche ensemble souvent, tout le monde se... Souvent, les propriétaires vont comme
protéger aussi, tu sais, ils vont protéger, s'assurer que ça va bien. Et il y a beaucoup d'amour là-dedans, je
le vois aussi, là. Mais souvent ça amène... Des fois, les aînés, ils
sont là, ils sont très redevables au propriétaire ou sont très... tu sais, ça
devient un peu leur père de famille ou je ne sais pas trop quoi. Souvent,
c'est...
M. Desjardins
(Yves) : Une deuxième famille.
M.
LeBel : Oui. Et je me demande, des fois, comme ça devient très serré,
est-ce que... Avant de faire une plainte ou avant de faire un signalement ou dire que ça ne va pas bien, la personne
aînée va attendre un peu, tu sais, elle va se dire... Tu sais, ce que je veux amener comme discussion,
c'est que... J'essaie de mieux m'expliquer, là. Mais, des fois, je me
pose la question. Vous allez me dire,
là : Est-ce que les aînés ont ce qu'il faut? Est-ce qu'ils ont la latitude
ou est-ce qu'ils ont la... de porter
plainte? Des fois, ils aiment mieux ne pas parler pour ne pas faire de chicane
ou pour ne pas changer le climat. Des fois,
j'ai l'impression, quand je vois les... Des fois, j'ai cette impression-là. Ça
se peut-u? Comment on pourrait faire pour s'assurer que les aînés aient
la possibilité ou la latitude de porter plainte ou signaler des choses?
M. Desjardins (Yves) : Vous savez, à mon point de vue, mais on en
discute beaucoup au niveau de nos membres, c'est vrai à tous les niveaux, puis ce n'est pas peur de représailles.
Souvent, les aînés vont dire : Je n'ai plus de temps pour me
battre, pour aller là, pour déposer une plainte là. Je parle de façon générale,
là, bien sûr, là, on n'est pas dans la maltraitance
physique, là. Mais, de façon générale, les aînés, cette génération d'aînés,
souvent, c'est : Ça va être correct. C'est froid, mais ce n'est pas grave. Puis les patates sont froides,
mais, bof! ils en ont beaucoup à servir. On sent beaucoup une
résignation. Puis, d'abord, ils ont eu la vie très dure, il faut le dire, et
ils ne s'accrochent pas nécessairement à beaucoup de choses.
Alors,
souvent, un premier geste, c'est vrai, mais ce n'est pas par peur de
représailles. Souvent, c'est parce qu'il ne doit pas être dans une bonne journée. Ou est-ce que j'ai fait quelque
chose pour lui déplaire? C'est vrai à l'endroit d'un employé, c'est vrai à l'endroit d'un enfant qui
visite aussi son parent. Les aînés, on le sait, ce n'est pas des gens qui
sont portés à aller se plaindre tout le
temps. Ils se plaignent pour des petites choses, mais ce n'est pas des gens qui
vont entamer des processus pour relever. C'est là que je parle que,
nous, on doit être vigilants, les propriétaires, les employeurs, les gestionnaires, les employés, tout le monde. On
remarque quand qu'il y a des changements de chiffres, M. LeBel, il y
a toute cette communication-là : Elle
ne va pas bien, madame, aujourd'hui, je ne sais pas ce qu'elle a, mais
surveillez. Et on rattache ça à des événements, et là on va apporter une
attention plus particulière.
J'ai
vu, dans une résidence où on a mis une préposée dans la chambre, ce n'était pas
un appartement, on a mis une préposée
toute la nuit à côté de la dame parce qu'elle se réveillait, puis elle faisait
des cauchemars, puis personne ne sait pourquoi.
Mais il fallait qu'il y ait quelqu'un à proximité immédiatement. Ça fait que,
quand je vous parle de gestes, que ces gens-là adorent les aînés, je
peux vous dire qu'il y a beaucoup de gestes qui sont faits qui ne sont
malheureusement pas très connus mais qui sont fait dans le sens pour aider les
aînés.
M.
LeBel : Oui. Puis, des fois, j'ai vu des situations aussi... Tu sais,
les aînés, ils arrivent en résidence, comme ça, il y a... Tu sais, ils vont luncher, tout le monde
ensemble. Des fois, ils n'ont jamais vécu ça trop dans leur passé, tu
sais, et là ils arrivent ensemble, et là des
aînés gais, des... il y a toutes sortes de... et là il y a des conflits, des
fois, qui s'installent. En tout cas, ce n'est pas facile, toujours, à
gérer, et c'est pour ça, quand on parle de maltraitance, la définition de la
maltraitance, comment les signalements vont se faire, il faut comme préciser ça
d'une façon très claire.
Puis
vous amenez le mot à la mode, là, depuis deux jours, vous amenez le mot
«baliser», mieux baliser, dans le règlement
d'application, la loi. Entre autres, vous parlez au sujet de la façon dont seront
traités les signalements frivoles, vexatoires ou sans fondement. Est-ce
que vous avez une idée, là, de tout ça, comment ça pourrait être mieux balisé?
M. Desjardins (Yves) : Bien, écoutez, on en vit, des situations où, par
exemple, un employé — ça arrive — qui
est remercié n'est pas nécessairement
content et, là, va porter plainte. On l'a vécu avant les fêtes, là, puis il a
dit : Moi, je travaillais là,
là, puis c'est effrayant comment ils maltraitent les aînés. Et là on part la
machine, tout simplement, puis cet employé-là est rendu, il travaille
ailleurs. Puis pourquoi? Simple vengeance. Ça, nous, on dit : Oui, mais il
faut faire attention, non plus, que ça ne
tombe pas dans l'excès parce qu'à un moment donné... On voudrait que ce soit
bien contenu, que ce ne soient pas
des signalements frivoles, comme on disait, là, et que ça porte vraiment sur
intérêt parce qu'autrement il va y en
avoir, puis pas juste dans les résidences pour aînés, là, c'est là que ça... Je
n'ai pas encore toutes les idées ou tous les moyens pour dire comment le baliser, mais certainement il faut
mettre des mesures, là, pour limiter ça parce que, sinon, là, je vous le dis, il va y avoir un débordement
et les commissaires aux plaintes ou peu importe qui vont passer du
mauvais temps, dans le fond, sur des
plaintes qui sont non fondées. Pendant ce temps-là, il y a peut-être des cas
fondés qui vont manquer de ressources ou de temps pour qu'on s'occupe de
ces vrais cas là.
M. LeBel :
Merci. C'est bien pour moi.
Le Président
(M. Matte) : Merci. Je cède la parole au député de Lévis.
M. Paradis (Lévis) : Merci, M. le Président. Bonjour,
M. Desjardins. Vous avez raison, hein, mais tout ça, c'est comme vous dites : Comment il faut faire ça?
Puis est-ce qu'il peut y avoir des plaintes ou des signalements frivoles?
Puis, en même temps, bien, c'est ça qu'on
est en train de faire, bâtir quelque chose pour faire confiance au système qui
va être mis en place.
Au-delà de ça, aussi, bien, vous le
dites aussi, ça va prendre des ressources parce que, oui, vaut-il mieux
avoir un signalement frivole, dans la mesure
où le système enquête rapidement puis puisse juger de la pertinence de la
plainte ou du signalement, ou ne pas
le faire alors qu'il se passe peut-être quelque chose? Ça fait que je pense que
le système doit être mis en place, doit être efficace, puis il doit
avoir les ressources nécessaires.
Vous
disiez... puis, tout à l'heure, la ministre vous disait : Bien,
M. Desjardins, le commissaire régional aux plaintes n'est plus là. Vous disiez : Le commissaire
aux plaintes, là, le commissaire local aux plaintes, pas sûr que ça nous
servirait parfaitement. Vous me corrigerez
si j'interprète vos propos. C'est pour ça que vous disiez : Il faudrait
peut-être aller au commissaire
régional aux plaintes. La ministre dit : Bon, il n'y a plus de commissaire
régional aux plaintes. Est-ce que ça vous
inquiète davantage? Parce que, là, ce que vous souhaitiez n'est plus là.
Avez-vous encore cette impression que le canal qui passe par le commissaire
local aux plaintes peut vous desservir là-dedans?
M. Desjardins (Yves) : Bien sûr, bien sûr, il le fait très bien,
M. Paradis. D'ailleurs, actuellement, là, ça va très bien avec les commissaires locaux. C'est tout
simplement que, dans la loi, là, il y avait une distinction, puis le
commissaire régional aux plaintes s'occupe
des établissements de santé, alors que le commissaire local, comme il traite
régulièrement avec les résidences pour
aînés, connaît mieux la culture, connaît mieux les gens, donc est plus près
aussi de ce réseau-là de résidences pour aînés. C'était notre seul
point, là, il n'y a pas d'autre préférence que ça. Voilà.
M. Paradis
(Lévis) : ...on comprend que le canal choisi, pour vous, fait sens.
M. Desjardins
(Yves) : Bien sûr.
• (17 h 30) •
M. Paradis (Lévis) : Vous êtes en résidences privées, puis c'est vrai
que ce n'est pas évident, puis c'est vrai que vous devez faire face à quelque chose de bien particulier parce que les
aînés que vous recevez qui décident d'aller vivre dans vos établissements, petits ou plus gros, sont des
aînés qui évoluent en fonction de leur quotidien et de leur santé. Et
c'est très fragile, hein? Un aîné autonome
la semaine dernière ne le sera peut-être plus la semaine prochaine, faisant en
sorte qu'il aura besoin de soins que
vous ne pourrez peut-être pas lui donner partout non plus. Alors, vous êtes
obligés de composer avec la fragilité de votre clientèle.
Vous
êtes aussi ouvert et sensible au phénomène de la maltraitance, vous l'avez dit.
Est-ce que vous sentez que les aînés
savent vraiment de quoi on parle? Vous disiez tout à l'heure : Vous savez,
des fois, ils sont résilients, ils sont tolérants. On parle de formation, d'information et de formation de
travailleurs et travailleuses. Est-ce que, quelque part, il faudrait
aussi faire du travail auprès de ceux qui peuvent être des victimes
potentielles pour qu'elles comprennent les droits qu'elles ont puis de quoi
veut-on les protéger?
M. Desjardins (Yves) : Il y a des situations qui sont très, très claires
pour l'ensemble de la société, pour vous tous, pour moi puis pour nous. Il y en a d'autres qui sont sur la ligne, et,
je le disais, c'est difficile d'intervenir auprès d'un aîné qu'on sait pertinemment qu'un de ses enfants, à
chaque fois qu'il lui rend visite, il a des changements de comportement profonds. On ne sait pas ce qui se passe
nécessairement dans la discussion. On ne sait pas, cette pression-là, d'où elle
vient, on ne connaît pas nécessairement tout le passé, mais on le voit.
Et
c'est difficile de dire à l'aîné : Est-ce que vous voulez qu'on porte
plainte? Et, écoutez, c'est presque si on était... Vous voulez accuser mon fils? Pour qui vous vous
prenez? Et là, je vous le dis, ce n'est pas simple. Puis ce n'est pas
parce qu'ils ne veulent pas, mais il y a une
question d'amour. Puis il a toujours été de même, puis c'est normal, c'est mon
dernier. Puis, bon, on entend un paquet d'histoires.
M. Paradis (Lévis) : Vous avez raison, mais la ligne est mince, vous
venez de le dire. Il peut y avoir des résultats, mais on dit : Oui, mais j'aime, c'est mon enfant, oui, j'aime...
Bon, peu importe, là, et vous l'avez probablement vécu à travers des
rapports de gens qui travaillent à vos côtés.
Alors,
vous faites quoi à ce moment-là? Est-ce que vous indiquez à votre personnel...
ou, en tout cas, vous en parlez pour
tenter d'investiguer davantage pour comprendre une situation qui peut être
permise par un aîné, mais que vous jugez être une forme de maltraitance?
M. Desjardins (Yves) : Bien, il peut arriver même qu'il rencontre ces
enfants-là ou ces visiteurs-là qui peuvent amener des changements de comportement, là. Mais nous, on se pose la
question : Est-ce qu'on fait fi de l'aîné puis on dit : Bien,
on va porter un signalement, on a maintenant tous les outils et on le rentre
dans ce processus-là? Est-ce qu'il voulait
ça? Là, je ne parle pas de cas, là, extrêmes, là, où qu'on est capables
d'identifier, là, je parle vraiment, là, de... il vient quêter un peu d'argent, puis elle trouve que
c'est normal, puis, bon, tu sais... Et là nous, on dit : Non, un
instant, là, ça, parce qu'elle pleure après
ça pendant deux jours. Ça fait que, là, on dit : Écoutez, il faut arriver
à faire quelque chose. Et c'est là
que je me dis : On prend les moyens puis on juge de la situation. On en
parle avec les commissaires aux plaintes, on en parle avec le réseau de la santé, et là on dit : Je pense
qu'il faut porter une action indépendamment du souhait de l'aîné pour le
protéger lui-même.
M. Paradis (Lévis) : Indépendamment du souhait, pour la protéger, en
fonction de l'étude que vous en aurez faite.
Je
terminerai avec le dossier des caméras, M. Desjardins. Bientôt sera
présenté un règlement précis concernant l'encadrement, donc, de l'utilisation des caméras. Ça concerne les
centres d'hébergement et de soins de longue durée dans la façon dont on l'explique. Souhaiteriez-vous que
ce règlement-là qui balise l'utilisation des caméras s'adresse également
de façon officielle aux résidences privées pour aînés?
M. Desjardins
(Yves) : Comme je disais, le milieu est différent. Les gens ont le
loisir déjà d'en installer, les familles.
Que ce soit une chambre ou un appartement, c'est un domicile, donc ils peuvent
déjà en installer. Pour ce qui est des
espaces communs, bon nombre de résidences ont déjà des systèmes de
surveillance, dans le fond, pour éviter s'il y a une chute ou quoi que ce soit puis voir les allées et
venues, puis les entrées sont contrôlées. Mais je pense que de dire :
Bien, on va le mettre obligatoire, je me demande si c'est vraiment nécessaire
puisqu'actuellement les gens ont tous les droits d'installer des caméras dans
leur domicile.
Le
Président (M. Matte) : Je vous remercie, M. Desjardins, de
votre contribution à nos travaux et je suspends les travaux de la
commission pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 17
h 34
)
(Reprise à 17 h 38)
Le
Président (M. Matte) :
...sans plus tarder, je souhaite la bienvenue au Regroupement des commissaires
aux plaintes et à la qualité. Je vous invite
à vous présenter, ainsi que la personne qui vous accompagne, et à procéder à
votre exposé pour une durée de 10 minutes.
Regroupement des
commissaires aux plaintes et à la qualité du Québec
Mme Frenette (Geneviève) : Merci
bien. Bonjour à toutes et à tous. M. le Président, Mme la ministre et les membres de la commission, d'abord, merci de
nous recevoir et de nous permettre de présenter nos observations suite à
la consultation du projet de loi n° 115.
Je me
présente. Donc, mon nom est Geneviève Frenette. Je suis commissaire aux plaintes et à la qualité des services du CHUM ainsi que la
présidente du Regroupement des commissaires aux plaintes et à la qualité du Québec.
Je suis accompagnée...
Mme
Casgrain (Lynne-Marie) :
...de Lynne Casgrain. Je suis commissaire aux plaintes au Centre
universitaire de santé McGill et je suis la vice-présidente du regroupement.
Bonjour.
• (17 h 40) •
Mme
Frenette (Geneviève) : Donc,
d'entrée de jeu, mentionnons que le sujet de la maltraitance et de sa
prise en charge est si vaste qu'il nous apparaît illusoire de penser que nous
pouvons nous prononcer sur tous ses tenants et aboutissants, bien entendu, de même que sur l'intégralité du projet de
loi. C'est pourquoi nous nous sommes attardés bien humblement à
réfléchir le projet de loi dans une perspective terrain que nous connaissons,
basée sur notre expérience de la fonction de
commissaire, afin que les grands principes qui y sont énoncés puissent être
applicables et intégrables aux fonctions des commissaires dans la
conjoncture actuelle du réseau de la santé et des services sociaux.
Plus que
quiconque, nous avons une connaissance fine des rouages du système de santé
québécois et passons, en une même journée, de l'usager couché sur une
civière, ou dans un lit d'hôpital, ou d'une résidence, ou d'un centre
d'hébergement au conseil d'administration.
Les objectifs
qui ont guidé nos travaux sont la réponse rapide et efficace aux signalements,
le renforcement du régime d'examen
des plaintes existant et la mise à contribution des forces vives et des
expertises du réseau de la santé et des services sociaux dans le contexte où nous sommes convaincus que la lutte
à la maltraitance est une responsabilité partagée entre tous les acteurs
du réseau de la santé de même qu'avec ses partenaires externes et la
population.
En principe,
le respect des droits fondamentaux, dont le droit de l'intégrité de la
personne, est un droit énoncé au Code civil et à la charte des droits et
libertés. De même, la Loi sur les services de santé et les services sociaux, à
son article 5, stipule que toute personne a
le droit de recevoir des services de santé et sociaux adéquats sur les plans
scientifique, humain et social, avec
continuité et de façon personnalisée et sécuritaire. En réalité, des moyens
sont parfois nécessaires pour veiller
au respect de ces droits, ce qui constitue, selon nous, ce projet de loi, un
moyen, donc, pour éviter ou corriger ce que nous reconnaissons tous comme étant inacceptable : des
situations de maltraitance à l'endroit d'aînés ou de personnes
vulnérables.
Nous tenons à
préciser également qu'à cet effet nous avons considéré le projet de loi comme
inclusif à l'endroit de toute
personne vulnérable, incluant les personnes vulnérabilisées par une condition
de santé ou une condition psychosociale ponctuelle. Nous avons également
considéré nos actions afin que soit prévue la possibilité, pour un usager ou
son représentant, de faire un recours en deuxième
instance auprès du Protecteur du citoyen, lorsque applicable, ceci afin
de garantir à tous les usagers les droits de
recours qui leur sont dévolus par le régime d'examen des plaintes pour toute
autre situation qu'un signalement ou une plainte liée à la maltraitance.
Encore une
fois, nous pourrions commenter le projet de loi pendant des pages et des
heures, puisque l'on adresse un sujet dont la prise en charge est et
doit être tentaculaire. Tous doivent y être investis. Et certains enjeux qui
nous apparaissent plus prioritaires, du
moins, à court terme, pour son application sont énoncés dans le mémoire que
nous avons déposé, qui comporte les recommandations suivantes.
Je les énonce
rapidement, la première étant d'identifier les sphères d'action. Donc, nous
recommandons que les sphères d'action
suivantes s'inscrivent dans une action gouvernementale, dont la sensibilisation
de la population et des acteurs
concernés. Nous parlions tout à l'heure des personnes vulnérabilisées
elles-mêmes, que ce soient des personnes âgées ou
tout autre adulte, le signalement sécuritaire et accessible des situations de
maltraitance, l'enquête sur le signalement, l'intervention concertée des
acteurs, le suivi et la rétroaction adéquats concernant les interventions qui
auront été prises.
La
recommandation n° 2 stipule d'émettre une politique type pour tous les
établissements, basée sur les meilleures pratiques en la matière. Nous avons la chance d'avoir des acteurs au
sein du réseau qui sont très, si on veut, spécialisés en matière de maltraitance et qui sont en mesure de
produire une politique type qui pourrait être harmonisée pour l'ensemble
du réseau.
Notre troisième recommandation est de mettre à
profit les ressources spécialisées existantes, donc ces mêmes ressources, au
bénéfice de l'ensemble du réseau de la santé. Nous recommandons donc que les
ressources qui ont été déployées dans le
cadre du plan d'action pour la maltraitance participent activement à la
réalisation du mandat de lutte à la maltraitance en offrant, entre
autres, un service de formation et d'expertise tant aux commissaires, aux
équipes des établissements, aux équipes dédiées ou toute autre personne qui
doit contribuer à la lutte à la maltraitance.
Quatrième
recommandation, nous recommandons de modifier la dénomination des commissaires
afin que l'on puisse introduire la notion de protection des usagers.
La cinquième
recommandation est de prévoir le pouvoir d'enquête aux commissaires. Nous
recommandons donc que le pouvoir d'enquête puisse être introduit dans la
loi pour les commissaires. De même que la recommandation numéro 6 qu'il soit
introduit également une reddition de comptes aux commissaires.
Dernière recommandation : obtenir ou
compter sur des ressources suffisantes. C'est une recommandation extrêmement
importante, et nous l'avons stipulé en toutes lettres pour que nous puissions
actualiser un mandat très important et surtout avec lequel nous avons comme
objectif de le remplir de façon adéquate et de qualité.
Le Président (M. Matte) : Je vous
remercie. Vous avez terminé?
Mme Frenette (Geneviève) : Terminé.
Le
Président (M. Matte) : Je vous remercie. Je cède la parole à Mme la
ministre pour poursuivre nos échanges.
Mme
Charbonneau :
Merci, M. le Président. Mesdames, j'ai le goût de vous faire une petite boutade en disant : Je ne suis pas surprise d'avoir des femmes devant moi
quand on parle de commissaires aux plaintes. Mais, bon, je n'irai pas
plus loin parce qu'on pourrait me dire, de l'autre côté, où il y a des gars,
que je fais de moi-même une entrave à la disposition de certains aspects de
l'intimidation et des préjugés, donc je n'irai pas là.
Dites-moi, ma première question est assez
technique, votre regroupement existe depuis combien de temps?
Mme
Frenette (Geneviève) : En
fait, nous avions, antérieurement à l'avènement de la loi n° 10,
un regroupement des commissaires du Grand Montréal dont les activités ont été transformées depuis près d'un an et
demi, là, en regroupement des commissaires de la province du réseau de la santé. Donc, nous représentons l'ensemble des commissaires,
de même que les commissaires adjoints et leurs équipes, bien entendu, du
réseau de la santé, donc de tous les établissements.
Mme
Charbonneau :
Merci. Ça amène un plus grand éclairage, là, sur l'organisation que vous avez,
et ce qui nous permet aussi d'axer
sur certains aspects du rôle que vous occupez et du regard que vous portez dans
différentes régions parce qu'il y a plus qu'un commissaire aux plaintes,
donc peut-être une perspective différente.
Vous avez été
au coeur de nos discussions depuis le début. C'est votre dernière
recommandation, mais vous avez compris
qu'on a longtemps compris que, si on vous donnait des responsabilités supplémentaires
ou si on permettait à des gens de
vous interpeler plus, il y aura nécessairement, j'imagine, de votre côté, une
volonté de nous dire que vous allez avoir besoin de ressources. Et, dès le dépôt du projet de loi, en octobre, où
il y a eu conférence de presse avec mes partenaires, collègues de travail, le ministre de la Santé, la
ministre des Services sociaux et la ministre de la Justice, il y avait
aussi des partenaires en arrière de nous,
hein, qui nous accompagnaient dans cette annonce, il y a eu d'emblée un
engagement du ministre de la Santé, qui disait : Si on a besoin de
plus de ressources pour faire le travail, on mettra en place plus de ressources. Donc, je vous le dis, ça ne vient pas
dire combien, ça ne veut pas dire comment, mais la finalité de la loi
fait en sorte qu'on a un engagement du ministre de la Santé. Il n'est pas écrit
dans la loi, comme dirait mon collègue, mais l'engagement est là. Et, quand
j'ai un engagement, croyez-y, pour moi, c'est comme un os, je ne le lâche pas.
Mais ceci, on
a exploré différentes avenues, hein, du projet de loi n° 115, de comment
on pourrait le modifier, le bonifier, le rendre meilleur, mais ce que
j'ai entendu jusqu'ici depuis deux jours, c'est qu'on a une volonté de le faire
avancer. Donc, ça, ça me rassure. Mais, à
chaque fois qu'on parle de votre rôle, on parle en partie de votre
indépendance. Vous relevez d'un conseil,
vous avez un directeur général, vous êtes rattachés à une organisation. Vous le
disiez, chacun de votre côté, vous
êtes rattachés à une institution de la santé. Quand on parle de votre
indépendance, y a-t-il lieu pour nous de beaucoup s'inquiéter ou vous
êtes capables de trouver les mots pour nous rassurer par rapport à cette
indépendance? J'aimerais vous entendre.
Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Bon,
alors, justement, la raison pour laquelle nous parlons, une de nos recommandations, du pouvoir d'enquête, c'est vrai que, selon la loi sur la santé et les services sociaux, la LSSSS,
nous avons un pouvoir d'enquête qui est quand même considérable. Mais nous
pensons que de l'inscrire aussi dans votre projet
de loi n° 115, ça le bonifie. Il n'y a
pas besoin d'aller chercher ailleurs, c'est là, ça nous aide à nous donner
des assises puis à nous donner un peu plus de poigne et de force.
Je
vous rappelle que l'indépendance que nous avons, nous l'avons de plusieurs
façons, mais par l'exclusivité de nos fonctions
et le fait que nous répondons au conseil
d'administration, non à nos directeurs généraux, ne leur en déplaise. L'exclusivité
de nos fonctions fait que nous n'avons pas d'intérêt à ce que nous ayons
un plus grand budget ou un plus petit budget. On ne donne pas des soins et des services.
Alors, ça nous permet d'avoir un regard plus indépendant là-dessus. On ne dépend pas du budget de
l'établissement, sauf quand on a besoin de ressources, puis, quand on a besoin
de ressources, selon la loi, c'est au conseil d'administration que nous devons
nous adresser.
Évidemment,
nous parlons à nos directeurs généraux et nous collaborons avec tout le monde.
C'est pour ça que vous n'entendez pas
souvent parler de nous, parce que nous collaborons, parce que... Et puis, comme
nous vous disons ici avec nos
recommandations, nous voulons collaborer avec tout le monde. Nous avons parlé
du Protecteur du citoyen qui est très important en deuxième recours.
Nous sommes intéressés avec tous les autres mécanismes que vous avez en place
et avec qui nous comptons travailler.
Alors, oui, l'indépendance, c'est important,
l'exclusivité de nos fonctions, mais nous donner un pouvoir d'enquête directement
dans ce projet de loi pourrait permettre de bonifier, de nous donner plus
d'assises, puis c'est ça.
• (17 h 50) •
Mme
Charbonneau : Plus
de mordant, comme on dit.
Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Voilà.
Mme
Charbonneau :
Plus de mordant. On en a parlé, de donner plus de mordant à la loi, plus de
mordant. La question, pour moi, s'impose à vous puisque vous un acteur
principal du projet de loi. Il y a la volonté de mettre une politique en place partout, laquelle pourrait, à
l'intérieur, reconnaître le rôle que vous occupez, le mandat que vous
avez, qui vient éclairer non seulement le
directeur général, mais le conseil d'administration. Ça, c'est un premier
regard que je porte sur le principe même de la politique qu'on pourrait
mettre.
Mais le CDPDJ
a, lui, un pouvoir que vous n'avez pas, c'est-à-dire que lui peut prendre le
téléphone puis poser, par quelques
mots, un geste qui fait que tout s'arrête, que tout ce qui gravite alentour de
mon aîné, qui subit quelque chose ou
qu'il ne le subit pas, hein, parce qu'une chose et son contraire peut faire de
la maltraitance... Quels seraient les gestes à poser, s'il y a lieu de le faire, pour vous permettre d'avoir une influence
aussi grande et un pouvoir aussi grand qu'une CDPDJ par rapport l'arrêt
de gestes posés instantanément au moment où vous prenez le téléphone?
Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Là,
vous nous posez une question à laquelle des juristes devraient répondre parce que, là, ça devient une question technique
et légale. C'est un peu difficile pour nous de répondre. Si vous voulez,
bien, donnez-nous les pouvoirs du... Ce
n'est pas parce que je les veux, là, mais, si vous voulez que nous ayons ce
pouvoir, bien, il s'agit de nous les donner.
Je ne peux pas vous dire quels sont les mécanismes exacts qui viennent de la
loi sur... mais c'est ça.
Mme
Frenette (Geneviève) : Oui, il faut aussi tenir compte... Dans votre
question, Mme Charbonneau, ce que j'entends,
en fait, c'est de dire : Comment on pourrait faire en sorte que les
commissaires puissent faire un arrêt d'agir si une situation de
maltraitance était portée à son attention? Je dois vous dire qu'au moment où on
se parle on est en mesure d'actualiser ce type d'intervention là, et nous le
faisons au quotidien, c'est-à-dire que les situations pour lesquelles le commissaire est interpelé... Aujourd'hui, je
pourrais vous donner des exemples d'hier, aujourd'hui et demain où est-ce
que le commissaire va interpeler sur-le-champ
un gestionnaire pour faire un arrêt d'agir d'une situation x, y, z parce
que nous devons... Parfois, c'est pour réfléchir à où est-ce qu'on doit s'en
aller, est-ce qu'on va dans le bon chemin ou ne serait-ce que de dire : On fait un arrêt d'agir et on peut même
demander un changement d'intervenant. C'est des choses qui arrivent,
c'est des choses qu'on fait au quotidien.
Toutefois,
nous croyons que le pouvoir d'enquête dûment explicité et nommé pourrait
renforcer cette capacité-là qui est actuellement en place et qui
s'actualise dans le quotidien, là, déjà, tout à fait.
Mme
Charbonneau :
C'est bon de vous entendre, je vous le dis, vous étiez attendues avec beaucoup
de plaisir.
Mme
Frenette (Geneviève) : C'est parce qu'effectivement on a des
situations comme ça à tous les jours, là, où est-ce qu'on est appelés de façon anonyme ou de façon déclarée, où
est-ce qu'on nous dit : Bien, à tel endroit, il se passe quelque
chose. Tout de suite, on y va et on intervient sur-le-champ.
Mme
Charbonneau :
Dans cette perspective-là puis parce que la question se pose à vous encore plus
de façon pointue, pour ou contre la
divulgation obligatoire? Puisque, vous le disiez un peu plus tôt, on n'a pas
beaucoup entendu parler de vous, sauf
que, depuis deux jours, on parle du rôle que vous occupez, là, mais parce que
votre discrétion et votre emploi font
en sorte que ça va bien. Je le dis en gros, comme ça, parce que c'est sûr que
tout peut s'améliorer. Mais, si on met un processus en place, le pour et
le contre, en ce moment, c'est une discussion qu'on a, là, presque avec chaque intervenant parce que chacun a sa perspective du
départ de qui il représente puis c'est quoi, son travail. Pour vous,
pour ou contre une divulgation obligatoire?
Mme Casgrain (Lynne-Marie) : On doit
vous dire que nous sommes déjà interpelés, que nous recevons des signalements, que nous avons des dénonciations.
C'est certain que ce projet de loi nous aide là-dedans. Ça veut donc
dire que, même si ça ne faisait pas
exactement partie de notre mandat, que quelqu'un du personnel nous fait un
signalement contre
quelqu'un d'autre du personnel, avoir ce projet de loi là, maintenant, ça nous
donne une plus grande légitimité. On le faisait pareil, on s'était arrogé ce pouvoir de parler puis on avait un
certain respect des gens avec qui nous travaillions, qui avaient compris
le but de nos interventions, donc ça fonctionnait. Mais, avec ça, on est bien
plus en mesure de dire : Voilà, nous pouvons agir sans ambages, nous avons
les coudées franches.
Mme
Charbonneau : Mais
je n'ai pas compris le pour ou contre.
Mme
Frenette (Geneviève) : En
fait, la divulgation obligatoire,
nous, ce n'est pas quelque chose que nos jugions comme étant un impératif, O.K., dans la mesure où notre rôle, là — on est toujours avec notre lunette à nous,
là — dans les établissements est aussi un rôle
d'influence très important. Et, dans la promotion de notre rôle, si on y
intègre la promotion des signalements liés à
la maltraitance, bien, bien entendu qu'on promeut par le fait même la
divulgation des situations. C'est ce
qu'on fait au quotidien avec les droits des usagers qui sont inscrits dans
LSSSS, mais là, si on ajoute cette notion-là, on vient renforcir. Donc,
on se situait à ce niveau-là.
Mme
Charbonneau :
Merci.
Le Président (M. Matte) : Merci.
J'invite le député de D'Arcy-McGee à participer à nos échanges.
M.
Birnbaum : Merci, M. le Président. Mme Frenette, Mme Casgrain, merci
beaucoup pour vos interventions. Vous
êtes en mesure de nous donner un aperçu de la situation actuelle, et on parle
d'un projet de loi qui vise à bonifier votre rôle, et vous avez déjà
parlé de quelques gestes qui seraient nécessaires à poser pour faire comme il
faut.
Il me semble
que, compte tenu qu'on propose, comme gouvernement, une stratégie qui vise à
vous positionner comme joueur clé,
enfin, dans la lutte contre la maltraitance, ça serait intéressant de vous
entendre nous parler un petit peu de
votre vécu jusqu'à date sans cet outil-là, de nous dresser un petit peu un
portrait typique lorsque vous avez à faire des enquêtes et à donner des
recommandations à vos conseils d'administration. Votre vécu, jusqu'à date,
est-ce que ça s'annonce promettant pour un rôle accru qu'on vous propose?
Mme Frenette (Geneviève) : Bien, en
fait, la fonction de commissaire est une fonction qui exige, je dirais,
certaines habiletés, nommons-les comme celles-là. C'est une fonction dont
l'exercice est difficile, bien entendu, par définition.
Dans le quotidien, comment cette fonction-là s'actualise — du
moins, je vais parler pour mon milieu, mais je peux parler pour mes
collègues sans aucun problème — est portée à notre connaissance une
situation x, y, que ce soit une plainte, que ce soit un signalement, une insatisfaction
par écrit, verbalement, nous recevons tout, tout, tout.
Tout à
l'heure, j'entendais monsieur parler de la plainte frivole ou vexatoire. Elle a
aussi de la valeur, la plainte frivole
ou vexatoire, parce que, bon, parfois, la façon de se plaindre n'est pas
toujours la bonne, mais le coeur du problème est quand même réel, il faut l'examiner. Ça, c'est notre travail
d'examiner ça. Et donc des plaintes frivoles ou vexatoires, on en ouvre très peu parce que, même quand c'est
difficilement enrobé, on réussit quand même à aller chercher ce qu'il
faut aller chercher pour être porteur d'amélioration. Parce que nous, notre
rôle, c'est l'amélioration continue des soins et des services, c'est ce pour
quoi on est là.
Donc, quand
on reçoit une insatisfaction d'un usager ou d'un proche, si la personne est en
mesure par elle-même de déposer une
plainte, on va ouvrir un dossier de plainte. Si elle ne l'est pas, on peut, si
on le juge requis, si la situation est suffisamment préoccupante, ouvrir
une intervention. Ça, c'est notre prérogative de commissaire. Donc, une
situation qui est portée à notre connaissance ne sera jamais laissée lettre
morte quoi qu'il arrive, il y aura toujours un examen minimal qui sera fait. On va décider après ça comment on oriente le dossier
et on va interagir, dans un premier temps, avec l'usager pour obtenir davantage l'information sur ce qu'il nous rapporte
et on va essayer de voir avec cette personne-là comment on peut répondre
à son besoin. Il a fait appel à nous, il y a un besoin qui est exprimé.
Comment,
nous, à l'intérieur de notre mandat, on peut y répondre pour arriver à faire en
sorte soit qu'il reçoive ces services,
ces soins, que ce soit fait de la façon plus adéquate si telle est sa
perception qu'il y a une inadéquation, on va regarder tout ça avec lui et, après ça, nous allons intervenir auprès
des gestionnaires et des intervenants impliqués. Donc, ça peut aller d'une visite directement à l'urgence
pour aller constater sur les lieux s'il se passe quelque chose parce
qu'on nous a signalé une situation. Ça peut
aller à une rencontre avec un gestionnaire pour que le gestionnaire puisse
s'approprier le contenu de ce qui nous a été
rapporté et que lui fasse une démarche de son côté et nous revienne avec
l'information. Ça peut aller à rencontrer nous-mêmes un intervenant directement
sur place ou au bureau.
C'est très, très vaste, là, la multitude d'interventions que
nous pouvons faire pour traiter une plainte.
Et, après ça,
on va regarder si, effectivement, il y a un écart entre l'offre de service
attendue, l'offre de service donnée
et comment on peut rétablir cet écart-là. C'est ça, nous, notre objectif, puis comment on peut surtout... Parce que notre rôle, c'est aussi de maintenir le lien de confiance de l'usager
envers l'établissement et les intervenants parce que ce qu'on veut, c'est que l'usager reçoive ces soins
et services. Donc, au quotidien, on traite les dossiers de cette façon-là.
Les dossiers arrivent, on les ouvre, on
interagit avec les usagers, avec le personnel, on trouve des solutions, on
essaie de proposer des choses. Quand les dossiers sont plus
difficiles...
Le Président (M. Matte) : ...
Mme Frenette (Geneviève) : Excusez-moi.
• (18 heures) •
Le
Président (M. Matte) : Je vous invite à conclure votre réponse.
Mme Frenette
(Geneviève) : Ah! je vais
conclure. Quand c'est plus difficile, on peut aller en recommandation.
Si on va en recommandation, à ce moment-là on va aller avec notre comité de
vigilance, qui va faire le suivi de nos recommandations. Mais je vous dirais que, dans la réalité, on
fait ça nous-mêmes. Moi, je peux vous dire que, pour ma part, toutes les recommandations que j'ai
émises ont été suivies dans leur intégralité. Alors, je n'ai pas de complexe vis-à-vis mon pouvoir de recommandation.
Le Président
(M. Matte) : Je vous remercie. Et je cède la parole au député de Rimouski.
M. LeBel :
Merci, M. le Président. Bonsoir. Il est 18 heures, on est un peu fatigués,
mais... Puis c'est un peu dommage de la
façon qu'on procède, je n'aurais pas haï que... Parce qu'on a parlé beaucoup de
vous toute la journée hier, il y a
des formules... C'est la formule qu'on a ici, mais peut-être, des fois, des
formules table ronde, on aurait pu échanger avec d'autres groupes ou
vous auriez pu être là pour répondre, ça aurait peut-être été utile — en
tout cas, pour nous autres — pour
mieux comprendre.
Moi,
je sais que je vous vois sur le terrain, là, on vous voit, les députés, on vous
voit faire sur le terrain, vous êtes proches
des clientèles. Bien, entre guillemets, vous connaissez les situations puis, à
chaque fois qu'il y a des colloques ou des affaires en région, des
forums, vous êtes là, pas loin, on comprend. Je pense que vous avez la connaissance
locale assez précise.
Le questionnement qui
a été depuis deux jours, c'est plus sur le potentiel que vous avez dans le
cadre du projet de loi pour livrer la
marchandise, est-ce que vous avez tout ce qu'il faut, les équipes. Tout le
monde, on nous dit que les commissaires aux plaintes n'ont pas le
personnel qu'il faut, il faut financer parce que, comme ça, vous n'avez pas... Tout le monde ont dit ça, presque tout le
monde. D'autres ont dit que vous n'avez pas assez de pouvoirs, le
pouvoir de recommandation, ce n'est pas assez fort. Là, vous parlez d'un
pouvoir d'enquête, mais on parle aussi de sanctions éventuellement, et il y a d'autres... Me Ménard disait tantôt qu'il faut
aller plus haut pour être sûr que vous pourriez... Vous devrez pouvoir
référer à des personnes pour aller plus haut, pour être capables d'avoir des
sanctions puis comprendre le bon sens, là.
Moi,
j'ai posé la question... Dans les types de maltraitance, il y a la maltraitance
organisationnelle, et ça, c'est de la maltraitance
parce que le réseau est sous-financé. Quand les services ne sont pas donnés,
les soins ne sont pas donnés, les bains
ou, des fois, le minutage des services, ce n'est pas la faute à la personne, au
préposé, c'est la faute... Il n'y en a pas, d'argent, dans le réseau. On a tellement serré à la ceinture qu'on est
rendus à un niveau de maltraitance. Me Ménard disait qu'à un certain
niveau on pourrait dire qu'en bas de... il y a une ligne rouge, là, puis, en
bas de ça, là, c'est de la maltraitance. Et
là je disais en blague hier, j'ai dit : Qu'est-ce que va faire le
commissaire aux plaintes si on arrive, on dit : Il y a de la
maltraitance organisationnelle, pas d'argent dans le réseau? Le commissaire aux
plaintes va faire quoi? Il va appeler le ministre? Il va appeler le premier
ministre? Qu'est-ce qu'il va faire? Qu'est-ce qu'il pourrait faire?
Mme Casgrain
(Lynne-Marie) : Ça serait bien qu'on appelle le ministre puis le
premier ministre. Nous, on ne s'objecte
pas à ça. D'ailleurs, les bureaux du ministre et de tous les députés nous
sollicitent régulièrement. Alors nous, on va parler à tout le monde. Ça, ce n'est pas un problème en partant. Si vous
voulez nous donner une ligne directe, allez-y.
Mais,
si nous sommes ici, c'est parce que notre système de santé est imparfait, et
qu'il est toujours perfectible, et que
ce que nous offrons à notre population a besoin de s'améliorer. C'est certain
que le projet de loi n° 115, c'est un outil qui va nous aider, puis on vous a parlé de certaines choses. Mais la
maltraitance organisationnelle, c'est un problème sociétal. Ce n'est pas
juste le problème de l'établissement, ce n'est pas juste le problème...
Une voix :
...
Mme Casgrain
(Lynne-Marie) : Mais non. Mais ce n'est pas juste le problème de
l'établissement, c'est le problème de toute
la société. Est-ce qu'on veut augmenter notre apport de taxes pour augmenter
notre apport au système de santé pour
nous assurer qu'on donne deux bains par semaine à nos aînés? Bien, moi, je suis
en faveur de ça, mais je ne pense pas
que c'est comme ça que ça fonctionne. Alors, qu'est-ce qu'on peut faire
avec la maltraitance organisationnelle?
Bien, on doit en parler, puis je pense que tout le monde autour de la table,
ici, est aussi responsable de ça.
M.
LeBel : ...maltraitance organisationnelle, ça peut être un problème sociétal, mais ça
devient un problème d'une personne, que c'est la personne qui n'a pas le
service, et ça...
Mme Casgrain
(Lynne-Marie) : Mais nous, quand on reçoit la personne qui vient puis
qui n'a pas le service, on peut vous assurer
qu'on ne les laisse pas comme ça : Ah! bien, c'est un problème organisationnel. Nous, là, ce n'est pas une réponse de dire : C'est la
faute du conseil d'administration, c'est parce qu'il n'y a pas assez d'argent. Ce n'est pas une réponse. Alors, nous, on
dit : Qu'est-ce que vous allez faire? Puis on travaille avec le monde dans
le terrain, sur les unités, dans les
CHSLD, pour essayer de trouver des solutions. On ne peut pas vous dire qu'on
trouve des solutions miracles, mais
on est tous là à travailler à essayer de trouver quelque chose de raisonnable,
de rationnel. Puis, si ça ne marche pas, bien, ils auront le Protecteur
du citoyen, qui, eux, vont faire une recommandation à l'Assemblée.
M.
LeBel : C'est ça. Ce qu'on nous disait tantôt, c'est que, de plus en
plus, les recommandations du Protecteur du citoyen ne sont pas suivies,
ça fait que... À un moment donné, si on veut vraiment lutter contre la
maltraitance, il faut, dans tous les cas de maltraitance...
Puis là, quand on parle de maltraitance organisationnelle, c'en est, c'est de
la maltraitance, c'est des gens, au bout de
la ligne, qui n'ont pas le service. Et ça, je trouvais ça intéressant tantôt de
dire : S'il y a un certain niveau, dans
nos établissements, que le service n'est pas donné parce qu'il n'y a pas
d'outils ou il n'y a pas ce qu'il
faut, là, bien, ça, on devrait être capable de le dénoncer. Le commissaire aux
plaintes — j'aime
beaucoup votre idée du protecteur des
usagers — il devrait
être capable de le dénoncer, puis ça devrait être capable d'être public. Et
ça, pour ça, l'indépendance, c'est
important. Actuellement, vous relevez des conseils d'administration qui sont
nommés par le ministre. Est-ce que ce ne serait pas mieux que le
protecteur des usagers, comme vous — puis je pense que c'est une bonne idée, là — soit complètement indépendant, à
l'extérieur? Est-ce que ce ne serait pas une bonne façon d'assurer
vraiment l'indépendance des conseils d'administration et du réseau?
Mme Casgrain
(Lynne-Marie) : Bien là, vous pensez à créer une autre organisation de
commissaires aux plaintes et à la protection des usagers qui serait
externe aux établissements?
M. LeBel : ...moi, c'est ce que,
tantôt, on nous a proposé...
Mme Casgrain
(Lynne-Marie) : Si c'est ce que nous comprenons de ce que vous nous
dites, je ne pense pas que ça soit la solution. Je pense que ça serait
de créer quelque chose d'autre.
M.
LeBel : Puis ce ne serait pas une façon d'assurer l'indépendance? Pour
l'instant, l'indépendance est assurée, vous pensez, actuellement?
Mme Casgrain (Lynne-Marie) :
Je...
Mme Frenette (Geneviève) : ...
Mme Casgrain (Lynne-Marie) :
Oui.
Mme Frenette
(Geneviève) : La portée des interventions actuellement... J'entends ce
que vous dites, là. On parle peut-être de systémique, tu sais, quand, au
niveau systémique, on constate des lacunes, par exemple, qui pourraient mener à
de la maltraitance organisationnelle. C'est ce que je comprends de votre
propos, là, si je ne m'abuse. En fait, les interventions systémiques sont aussi
dans notre mandat, et nous les adressons également. Maintenant, ce que
j'entends, c'est : Est-ce que les recommandations que vous allez faire
seront suivies? Et, de ce fait, est-ce qu'il serait préférable que vous
releviez d'une organisation externe à l'établissement pour qu'elle puisse
l'être? C'est ce que je comprends?
M. LeBel : C'est ce qu'on a entendu
souvent ici depuis deux jours, c'est ce qu'on entend.
Mme Frenette
(Geneviève) : O.K. C'est ce que je comprends de votre question. Moi,
de mon expérience, je vous dirais,
comme je l'ai... Je ne sais pas si je vous l'ai dit tout à l'heure, mais je
pense que oui, l'ensemble de mes recommandations,
qu'elles soient individuelles ou systémiques, elles ont été appliquées. Elles
ont été appliquées. Je pense à un cas, entre autres, où on a fait
ajouter un préposé aux bénéficiaires sur une unité, et les budgets ont été
trouvés à gauche et à droite pour créer le manque à gagner qu'il y avait. Et on
a créé ce poste-là, et c'était suite à une de nos interventions. Donc, c'est sûr que l'actualisation du rôle du
commissaire, comme je le disais tout à l'heure, c'est un pouvoir d'influence très important, et je crois que, là,
c'est notre responsabilité de l'assumer comme il se doit et de faire en
sorte que nos recommandations soient porteuses.
• (18 h 10) •
Mme Casgrain (Lynne-Marie) : Je
vous dirais qu'à l'intérieur de nos établissements, quand nous avons des choses
qui nous préoccupent, ce n'est pas réglé nécessairement dans les 45 jours.
Nous avons donné une réponse au plaignant ou à la personne, mais parfois nous
allons suivre un dossier un an, deux ans, trois ans, jusqu'à ce que nous obtenions les engagements des établissements, que
nous obtenions des dates fermes d'accomplissement de ce que nous voulions qu'ils fassent. Moi, j'ai fait des
rapports de 30 000 dossiers environ depuis les 14 ans que je
suis commissaire aux plaintes et je
dois vous dire que toutes les recommandations et engagements qui ont été faits
ont été acceptés. Il n'y a que deux recommandations du Protecteur du
citoyen qui n'ont pas été acceptées, mais ça, ce n'était pas important, ces deux-là. Mais toutes les autres recommandations du
Protecteur du citoyen — puis il y en a eu des importantes — ont été acceptées, mises en place.
Le Président (M. Matte) : 30
secondes.
M. LeBel : 30 secondes. Moi, mon
objectif, là, c'est, si on veut lutter contre la maltraitance, il faut que ça fonctionne. Et, là-dedans, ce qu'on entend, c'est
qu'il faut donner plus de pouvoirs au commissaire aux plaintes, plus de
ressources pour mieux fonctionner. C'est comme ça que je vois ça, puis
s'assurer de l'indépendance. C'est pour ça que je posais ces questions-là. Et
on pourra étudier ça davantage et nous assurer que ça fonctionne.
Le Président (M. Matte) : Je
vous remercie. Et je cède la parole au député de Lévis.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Bienvenue, Mme Frenette. Bienvenue, Mme Casgrain,
également. Puis c'est vrai, je dois le dire,
hein — puis
vous le disiez, puis je pense que c'est important de le mentionner — vous êtes des partenaires importants. Puis on le sait, nous le savons tous, en
fonction de nos démarches, de nos demandes citoyennes également, souvent on est appelés à collaborer, à
échanger, et, au-delà d'être la présidente, la vice-présidente du regroupement,
vous aussi chapeautez et dirigez comme dans
les différentes régions du Québec. Et, en ce sens-là, chez vous, comme
moi, dans mon coin aussi, vous demeurez des partenaires importants.
Deux choses à
clarifier. Au-delà de ça, je vais revenir sur l'indépendance que vous avez
parce que c'est ce qui a été
questionné beaucoup, hein, le meilleur canal faisant en sorte qu'on puisse
atteindre les meilleurs résultats. D'abord, pouvoir d'enquête, vous dites : Selon l'état actuel de la LSSSS, le
commissaire local aux plaintes et à la qualité des services n'a pas de
pouvoir d'enquête. Alors, vous écrivez ça. Et puis, en même temps, vous me
dites tout à l'heure : On a des pouvoirs d'enquête. Alors là, je m'excuse,
vous les avez, vous ne les avez pas? Aidez-moi à comprendre.
Mme Casgrain
(Lynne-Marie) : Alors, on
les a, les pouvoirs d'enquête, mais nous croyons... Alors, c'est mal dit
dans notre...
Mme Frenette (Geneviève) : Ils
ne sont pas spécifiés dans la loi comme telle.
Mme Casgrain
(Lynne-Marie) : Oui, oui,
c'est ça, ils ne sont pas spécifiés dans le projet de loi n° 115, et
c'est ce que nous aimerions voir dans le projet de loi n° 115.
M. Paradis
(Lévis) : Mais je comprends. Au-delà du fait qu'ils ne
soient pas mentionnés dans la 115 actuellement, dans l'état actuel des
choses, vous avez ce pouvoir. En fait, vous aimeriez simplement que ça soit
écrit pour qu'on comprenne que, dans ce contexte, vous en avez un.
Mme Frenette (Geneviève) : Oui,
c'est ça, exactement.
M. Paradis
(Lévis) : O.K. Je reviens
sur le dossier de la maltraitance systémique parce qu'elle a été abordée,
et vous nous dites, et vous nous rassurez en disant : Écoutez, là, nous,
on fait une bonne job puis on a à coeur... Bien, je présume.
Une voix : Très humblement.
M. Paradis
(Lévis) : Vous ne me direz
pas que vous faites une mauvaise job, là, tu sais, on s'entend là-dessus.
Mme Frenette (Geneviève) : Très
humblement, on fait notre possible.
M. Paradis
(Lévis) : Mais, tu sais,
vous travaillez au maximum de... Et, dans l'aspect d'aider les usagers,
quel que soit le dossier qui vous est
présenté, il faut que ça arrive à quelque chose. Alors, il y a les cas
individuels puis il y a les cas... Et
les cas de maltraitance systémique, on vient d'en parler. Et, même si vous nous
dites que tout va bien puis que vous avez cette indépendance, bien,
force est de constater qu'il y a des gens qui sont venus nous parler puis qui
remettent en question cette indépendance-là.
Et pourtant, bien, vous vous êtes croisés à quelques minutes d'intervalle, il
n'y a rien qui a changé entre il y a 10 minutes puis maintenant.
Et, dans ces
propos qu'on a entendus, on dit notamment, dans le cas de maltraitance
systémique, que l'on adresse également
parce que ça fait aussi, hein... le manque de services est un principe de
maltraitance en soi ou peut l'être. Alors, dans le cas de maltraitance systémique où la situation peut avoir été
générée par des décisions du conseil d'administration lui-même ou son P.D.G., par exemple, le commissaire
conserve-t-il la même indépendance pour critiquer ou remettre en question ses décisions? Et l'intervenant
ajoute : Le commissaire ne possède qu'un pouvoir de recommandation dans
le contexte de la maltraitance systémique.
Lorsque l'établissement ne suit pas ses recommandations, le commissaire, il
n'a pas de pouvoir pour corriger la
situation, alors ça s'arrête là. Constatez-vous ça ou ce qui nous est dit là
n'est pas la réalité?
Mme Frenette
(Geneviève) : Bon, bien,
j'aimerais répondre, dans un premier temps, au fait qu'il y a des gens
qui disent que, bon, c'est plus difficile
avec nous, l'indépendance, etc. Il faut savoir, je l'ai dit d'entrée de jeu,
que la fonction de commissaire est
d'exercice difficile et qu'il est... En général, c'est difficile de satisfaire
toutes les personnes avec qui on fait affaire
parce que nous, nous sommes impartiaux. O.K.? Donc, parfois, l'usager va être
satisfait. Parfois, il ne le sera pas. Parfois,
le protecteur va dire : Vous n'êtes pas allés assez loin, mais l'usager...
Selon l'établissement, on est allés trop loin. Le protecteur va dire : Non, vous n'êtes pas allés assez loin. Puis
l'usager, lui, il ne sera pas content de notre réponse parce qu'il aurait voulu qu'on fasse un congédiement ou
des choses comme ça. Donc, les attentes à notre endroit, elles sont très
grandes. O.K.? Donc, on a à manoeuvrer à travers ça.
Maintenant,
pour ce qui est de la maltraitance organisationnelle, ce que vous dites,
c'est : Est-ce qu'on va émettre une
recommandation suivant la décision de l'établissement de réduire, par exemple,
un service x, y, z? C'est un peu ça.
M. Paradis
(Lévis) : En fait, ce que je
dis, c'est qu'au-delà de la recommandation que vous émettrez... Et, dans la présentation faite par Me Ménard, il y a peu de temps, on
dit : Au-delà de ça, si l'établissement ne suit pas la recommandation que vous
faites, ça s'arrête là. C'est pour ça, quelque
part — et je vous demande votre avis — il
dit : Modifions l'article 48 de la charte, faisant en sorte qu'on y inclue la
maltraitance, permettant, par exemple, à la Commission
des droits de la personne et des
droits de la jeunesse d'intervenir parce qu'eux vont avoir un pouvoir plus
grand de modifier les choses. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette
vision qui nous a été présentée?
Mme Frenette
(Geneviève) : Nous, en fait, comment on le voyait, c'est de donner ce
recours-là au Protecteur du citoyen
dans le respect du régime d'examen des plaintes actuel. Donc, ce recours-là, il
est présent, là, il est là, il existe, il se trouve au niveau du Protecteur du citoyen. Nous, c'est comme ça qu'on
l'articulait. On ne prétend pas avoir raison, on ne prétend absolument
pas, sauf qu'on a essayé de le réfléchir avec le régime actuel, qui comporte
les outils nécessaires à l'actualisation de ça. Donc, au final, si une
recommandation n'a pas été suivie suite à une situation de maltraitance et que
l'usager ou le plaignant est insatisfait du fait que ça n'a pas été suivi, le
recours au Protecteur du citoyen est applicable à 100 %.
M. Paradis
(Lévis) : Je comprends. Le
Protecteur du citoyen a aussi, évidemment, un pouvoir moral, hein, quand
il présente quelque chose. Ses recommandations, ça a une aura particulière.
Mais on nous dit également qu'on devrait davantage se servir de la Commission
des droits de la personne et des droits de la jeunesse parce qu'eux ont encore
davantage de pouvoirs pour faire de la sanction, à la limite, ou obliger une
décision. Est-ce que vous êtes aussi en accord avec ça?
Le Président (M. Matte) : Une
courte réponse, s'il vous plaît...
Mme Casgrain (Lynne-Marie) : On
n'a pas réfléchi à ça, on est prêts à...
Le Président (M. Matte) : Une
courte réponse.
Mme Casgrain
(Lynne-Marie) : Alors, nous n'avons pas eu cette question-là avant,
c'est difficile pour nous de nous
prononcer. Mais certainement, si vous pensez que le Protecteur du citoyen
devrait avoir recours à la Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse, c'est peut-être une idée, mais nous, personnellement, on
a assez de choses autour, que je pense que c'est limité.
Le Président (M. Matte) : Je
vous remercie de votre contribution à nos travaux.
Je suspends la commission jusqu'à jeudi le 19,
9 h 30.
(Fin de la séance à 18 h 17)