(Quinze heures trente minutes)
Le
Président (M. Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant
constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs appareils électroniques.
La
commission est réunie afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi
n° 77, Loi sur l'immigration au Québec.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président : Mme Lavallée
(Repentigny) est remplacée par Mme Roy (Montarville).
Remarques préliminaires
Le Président (M. Picard) :
Merci. Nous débutons avec les remarques préliminaires. Mme la ministre de
l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, vous disposez de
20 minutes.
Mme Kathleen Weil
Mme Weil :
Merci, M. le Président. Chers collègues députés, membres de la Commission des
relations avec les citoyens, nous
voici à une nouvelle étape du projet de loi n° 77 visant une révision
complète de la Loi sur l'immigration au
Québec. C'est une étape importante pour les législateurs que nous sommes. Je
tiens à vous remercier, à titre de membres de l'Assemblée nationale, pour votre collaboration. Cela a contribué au
bon déroulement des auditions et à l'appui unanime au principe du projet
de loi à l'Assemblée nationale.
Je souhaite vivement, M. le Président, que
l'étude détaillée que nous débutons maintenant, aujourd'hui, se poursuive dans cet esprit de collaboration. Pour
ma part, je compte travailler avec vous avec la même ouverture dans le but de doter le Québec d'un système d'immigration
moderne, efficace et performant, un système flexible et adapté à la réalité québécoise, qui saura répondre en temps
réel aux besoins évolutifs de notre société et du marché du travail. Je crois
sincèrement que ce sont là les attentes de la population québécoise.
Premièrement,
il y a lieu de souligner que d'importants consensus se sont dégagés des
auditions sur le projet de loi
n° 77, c'est le cas notamment du pouvoir que le projet de loi vise à
accorder en vue de mettre en place un système de sélection basé sur la
déclaration d'intérêt.
Des
représentants des milieux d'affaires et municipaux sont venus réitérer le
besoin de miser sur l'immigration internationale pour faire face aux
raretés de main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activité et certaines
régions. Le modèle de la déclaration
d'intérêt permettra au Québec de sélectionner en continu les personnes dont le
profil est le plus apte à répondre à
ces besoins, et qui présentent le plus grand potentiel d'intégration. Nous
pourrons répondre plus rapidement aux besoins en temps réel, comme je
l'ai dit antérieurement.
Ce système permettra au Québec d'être plus
compétitif dans la course aux talents qui se déroule sur la scène internationale. Non seulement le Québec pourra
attirer et sélectionner les meilleures candidatures, mais aussi des personnes
qui s'y établiront de façon durable et qui
participeront pleinement à sa prospérité et à la vitalité du français, et ceci,
dans toutes les régions.
Rappelons-nous,
M. le Président, qu'en raison des enjeux démographiques, notamment celui de la
diminution de la population en âge de
travailler, une pression s'exerce sur le marché du travail québécois. En effet,
selon Emploi-Québec, c'est
1,36 million d'emplois qui seront à pourvoir d'ici 2022. On prévoit de
même que 18 % de ces emplois seront comblés par l'immigration.
Le système de
déclaration d'intérêt sera donc alimenté par des portraits régionalisés des
besoins du marché du travail,
réalisés par la Commission des partenaires du marché du travail. Nous pourrons
répondre de façon plus directe à ces besoins et ainsi favoriser le
dynamisme de nos villes et municipalités et favoriser l'immigration en région.
La plus
grande flexibilité du système d'immigration proposé par le projet de loi a
aussi fait consensus chez les participants
aux auditions. Cette flexibilité pourra s'exprimer, entre autres, par la mise
en place de programmes pilotes d'immigration
permanente et temporaire. Ces programmes pilotes permettront notamment de tester
de nouvelles idées et d'innover, ou encore de répondre aux besoins
ponctuels d'une région ou d'un secteur d'activités.
Le potentiel de solution que représentent les
programmes pilotes a été reçu avec beaucoup d'enthousiasme en commission. L'immigration temporaire est en
croissance au Québec et elle permet notamment de combler les besoins
pressants des entreprises. Nous partageons l'opinion que ce sont des candidates
et candidats de choix pour le Québec puisque
leur processus d'intégration est déjà avancé et qu'il contribue déjà à la
prospérité du Québec et au dynamisme de leurs collectivités.
Nous
réitérons, dans le projet de loi n° 77, notre engagement, donc, à
faciliter le passage à l'immigration permanente des travailleuses et travailleurs temporaires de même que des étudiantes
et étudiants étrangers qui souhaiteront s'établir de façon durable au
Québec.
Nous travaillons déjà en ce sens
depuis l'année 2010 avec le Programme de l'expérience québécoise. Nous avons
d'ailleurs constaté une grande unanimité
autour de ce programme, qui sera, bien entendu, préservé comme programme
distinct.
D'autres
composantes du projet de loi ont été bien reçues lors de la consultation en commission
parlementaire. Je pense notamment à l'instauration d'un recours au
Tribunal administratif du Québec pour les ressortissants étrangers appartenant
à la catégorie de l'immigration économique dont la demande de sélection
permanente a été refusée.
La
mise à jour des dispositions du projet de loi visant la protection du public
est très bien vue. Nous proposons de renforcer les pouvoirs de
vérification et d'enquête, tout comme celui des dispositions pénales.
Nous
avons aussi intégré les leviers nécessaires pour intervenir afin de prévenir et
de réprimer la fraude. Je tiens à souligner l'importance de ces mesures
pour préserver l'intégrité de notre système d'immigration.
Les auditions sur le
projet de loi n° 77 ont été l'occasion de réaffirmer la vision de notre
gouvernement et de rappeler l'importance des
efforts investis pour assurer la contribution de l'immigration à la vitalité de
la langue française. Cette
contribution est fondamentale. Nous avons misé sur deux stratégies afin de
concrétiser ces efforts. Tout d'abord, nous
avons favorisé le critère du français dans la sélection. Ainsi, parmi les
personnes qui sont arrivées au Québec entre 2010 et 2014, soit les personnes issues de l'immigration économique, du
regroupement familial et les réfugiés, 61,3 % ont déclaré connaître le français au moment de
leur admission. Chez les requérants principaux de la catégorie des travailleurs
qualifiés, la proportion de ceux qui
connaissent le français est bien plus élevée : en 2014, leur proportion
était de 90 %. Voilà une donnée significative.
L'autre
stratégie a conduit à une plus grande diversification de l'offre de services en
francisation, et cela, tant au Québec
qu'à l'étranger et en ligne. Nous sommes ainsi en mesure de mieux répondre aux
besoins variés des personnes qui ne
connaissent pas le français à l'admission, de même qu'à celles qui souhaitent
parfaire leur maîtrise de la langue française.
Ces
efforts ont porté des fruits, puisque, parmi les personnes arrivées en 2012,
environ 86 % étaient soit francophones, ou étaient inscrites à un programme de francisation, ou étaient des
enfants, évidemment, scolarisés en français. Ces progrès témoignent d'une attention continue à l'égard de la
vitalité et de la pérennité du français et d'une volonté ferme du gouvernement du Québec de favoriser la pleine
participation en français des personnes immigrantes. Nous allons tabler sur ces résultats afin d'aller plus loin. C'est ce
qui est prévu dans le projet de loi n° 77, qui habilite le ministre à
mettre en oeuvre les programmes visant la francisation, l'intégration et
la participation des personnes immigrantes.
Nous
allons, avec la collaboration des experts du ministère, poursuivre
l'amélioration de l'offre en francisation en l'adaptant davantage aux besoins des personnes immigrantes et nous
allons en faire une promotion vigoureuse. C'est d'ailleurs un des
éléments clés de la nouvelle politique en matière d'immigration, de
participation et d'inclusion, Ensemble, nous
sommes le Québec, et de sa stratégie d'action. Je vous confirme que je
dévoilerai cette politique très bientôt.
Je peux déjà vous
indiquer que des moyens d'action seront déployés pour enrichir notre offre de
services en francisation, notamment en
relation avec l'insertion en emploi. Je suis convaincue que l'intégration
réussie des personnes immigrantes est
celle qui passe par l'accès à un emploi de qualité et l'apprentissage du
français, les deux pierres angulaires de l'inclusion et de la
participation à la société québécoise.
La
nouvelle politique ainsi que la révision de la Loi sur l'immigration au Québec
s'inscrivent dans la démarche de
notre gouvernement visant à revoir en profondeur l'action du Québec en matière
d'immigration, de participation et d'inclusion.
Au
cours des 50 dernières années, le monde a changé, et la société québécoise
aussi. La mobilité internationale des
travailleurs est en croissance, et ce phénomène n'est pas près de s'estomper.
Les gens sont à la recherche des meilleurs endroits pour vivre et
travailler. Dans le contexte d'une économie de plus en plus mondialisée, les
grandes sociétés d'immigration se livrent à
une chaude lutte pour attirer les meilleurs talents sur leur territoire. Le
Québec ne fait pas exception.
• (15 h 40) •
Comme
je l'ai souligné précédemment, au Québec, l'immigration temporaire est appelée
à prendre de plus en plus d'importance
pour répondre aux besoins les plus urgents des entreprises et des sociétés
d'immigration lorsque ces besoins ne
peuvent être comblés par la main-d'oeuvre locale. L'immigration permanente et temporaire a toujours
contribué à l'enrichissement du Québec.
Je
le répète, et nous l'avons bien entendu lors des consultations : Nous
faisons maintenant face à un défi démographique
qui se présente sous la forme d'une décroissance de la population en âge de
travailler, les 15 à 64 ans. Cette
réalité démographique crée une pression sur le marché du travail, sur le
développement économique et sur la compétitivité
de nos entreprises. Le succès du Québec repose donc directement sur notre
capacité à agir rapidement et efficacement.
Il repose aussi sur notre capacité à favoriser la pleine participation en
français des femmes, des hommes et
des enfants que nous accueillons, tant pour des motifs économiques que pour des
motifs de réunification familiale et humanitaires.
En
terminant, j'aimerais faire un commentaire sur la forme du projet de loi. Tout
au long de son élaboration, une attention
particulière a été portée au caractère pédagogique du projet de loi. Notre
volonté était qu'il puisse être accessible et simple à comprendre pour
la population. Cela a d'ailleurs été souligné dans un article du Journal du
Barreau par Me France Houle,
vice-doyenne au premier cycle et professeure titulaire à la faculté de droit de
l'Université de Montréal. Elle
qualifie le projet de loi n° 77, et je la cite, «d'amélioration majeure au
niveau de l'organisation de la loi, qui fait en sorte qu'elle gagne
énormément en clarté», fin de la citation.
J'aimerais prendre le
temps de féliciter les légistes de mon ministère, le ministère de
l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, qui ont oeuvré sur le projet
de loi, soit : Me Geneviève Lajoie, qui est assise à ma gauche, Me Matteo Miriello, qui est assis derrière moi,
sous la direction de Me Anne-Marie Wilson. Je peux vous dire que, quand
j'ai reçu le Journal du Barreau chez moi, j'étais très, très fière de
cette équipe de légistes.
En somme, l'évolution des
50 dernières années et les nouveaux défis qui se posent au Québec soulèvent la
nécessité d'un système d'immigration qui soit à la fois plus moderne, plus
efficace et plus performant, un système du 21e
siècle. Le ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion a déjà
entrepris une démarche de transformation visant à simplifier ses processus, son fonctionnement et son offre de
services aux personnes immigrantes. La réforme de la loi lui donnera les leviers nécessaires pour
compléter cette transformation et compléter la mise en place d'un nouveau
système d'immigration dans le cadre général
décrit au projet de loi n° 77. La réforme proposée par le projet de loi
est un jalon important de ce vaste
chantier. À terme, nous voulons que le Québec dispose d'un système
d'immigration souple et efficace lui permettant de mieux sélectionner,
mieux franciser, mieux intégrer et mieux vivre ensemble. C'est en travaillant ensemble que nous pourrons compter, à
partir de 2017, sur ce système de sélection moderne et concurrentiel capable de contribuer avec diligence à nos besoins
tout en favorisant la pleine participation des personnes immigrantes et
leur établissement durable.
Merci, M. le Président. Je vous remercie de
votre attention.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant le porte-parole de l'opposition officielle
en matière d'immigration, le député
de Bourget, à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de 20
minutes.
M. Maka Kotto
M. Kotto : Merci, M.
le Président. Comme je le disais au
moment de l'adoption du principe, la semaine dernière, c'est avec plusieurs interrogations en
tête, lesquelles étaient par ailleurs largement partagées par différents groupes que
nous avons entendus ici en commission,
que nous abordons aujourd'hui l'étude article
par article du projet de loi n° 77, Loi sur
l'immigration au Québec.
Je le disais
également, notre appui à ce projet de loi n'est pas inconditionnel, et nous
aurons ici le loisir d'exprimer nos
doléances dans une perspective constructive, évidemment, et aussi proposer des
amendements lors de l'étude article par article.
Il est utile
de rappeler que cette loi, et la ministre l'a rappelé, si adoptée, viendrait
remplacer la Loi sur l'immigration adoptée
en 1968, une loi qui n'avait jamais fait l'objet d'une révision en profondeur.
C'est une révision en profondeur. Parce qu'on se rappelle de l'épisode
de Mme Courchesne aussi, il y a eu des retouches.
Je rappelle également que ce projet de loi
reflète de larges pans du projet de loi n° 71 que dame De Courcy, l'ancienne ministre de l'Immigration,
avait déposé, à la veille de la dernière élection générale, c'était le
18 février 2014, un projet de loi qui avait pour objet, donc, de contribuer, par l'immigration, à la
prospérité économique, certes, notion qui est contestée par certains chercheurs érudits en ces matières, mais
qui, néanmoins, de la perspective même de certains entrepreneurs, est fondée. On pense aussi également
à l'enrichissement du patrimoine socioculturel,
si cher au coeur du professeur
Fortin, qui est passé ici, au dynamisme démographique, à l'occupation et la
vitalité des régions ainsi qu'à la pérennité
du français, terme qui nous convient davantage que «vitalité», le français
étant la langue publique commune au Québec.
M. le Président, sur la question fondamentale
relative à la sauvegarde du français, en rappelant à la vigilance, comme l'a
souvent répété le premier ministre actuel... c'est une chose, mais la situation
exige de nous, législateurs et décideurs
politiques, beaucoup plus que ça. Le père de la loi 101, le regretté
Dr Camille Laurin, a maintes fois décrit la langue comme étant l'âme d'un peuple, résumant ainsi en quelques mots la
thèse de tous les exégètes en ces matières, d'où l'importance de la protéger et de la défendre avec l'énergie du
désespoir, si vous me permettez l'expression, chaque jour, à chaque
instant, à chaque moment que l'occasion nous est donnée de le faire.
Aussi,
défendre le principe de la compétence dans la sélection des ressortissants
étrangers souhaitant s'établir au Québec
est fort bien, mais nous serions très mal avisés de négliger les impératifs
liés à la connaissance de la langue française. Pour cela, il nous faut nous assurer que le projet de loi n° 77,
dans son articulation, considérera l'immigration de façon globale comme un projet de vie et non pas
uniquement comme un simple instrument légal facilitant l'arrimage entre la
main-d'oeuvre immigrante et les besoins tangibles du marché québécois.
Et ce point
de vue est largement partagé, comme nous avons pu le lire ou l'entendre, ci et
là, notamment avec ce collectif qui a
fait paraître une lettre dans Le Devoir, le 27... non, je n'ai pas
la date précise, mais c'était tout récemment, où ils mettaient l'accent, ils
orientaient notre attention sur l'impératif, la nécessité de nous pencher sur
la question de la langue relativement à l'immigration.
M. le
Président, je veux ici saluer toutes les personnes qui sont venues, les unes
après les autres, contribuer à la réflexion que nous avons entamée lors des
consultations, et aussi saluer la rigueur de votre présidence et du secrétariat
relativement à cet épisode. Nous avons,
comme l'a dit la ministre, eu un moment, disons, de collaboration, et je
souhaite, pour ma part également, que cette collaboration se poursuive
pour le reste du travail qui nous incombe.
Je veux
revenir sur la question de la langue en lien avec l'échange, un échange entre
la ministre et la présidente de la Centrale des syndicats du Québec, Mme Chabot,
et je cite la ministre : «La langue, c'est la clé de l'intégration
en emploi.» Nous l'avons apprécié, de ce
côté-ci de la table, M. le Président. Nous aurions certes aimé une terminologie
plus musclée. Si la ministre avait
dit que la langue est la clé d'une intégration réussie, on aurait applaudi,
même si cela nous est interdit maintenant.
• (15 h 50) •
M. le Président, nous le disons depuis longtemps,
le gouvernement devrait d'abord s'assurer d'intégrer en français et de faciliter l'accès au travail pour des milliers de
nouveaux arrivants qui sont accueillis chaque année au Québec. En ce sens, le gouvernement devrait, dans des
approches rigoureuses appelant énergie, temps, créativité et ressources,
consacrer, donc, ces
éléments dans l'apprentissage du français, ce qui, vous l'avez constaté, est
notre première préoccupation au-delà des compétences dont le marché de
l'emploi au Québec a besoin, et préoccupation qui fut celle des premiers
négociateurs des pouvoirs en matière d'immigration avec le fédéral, il y a déjà
longtemps.
M. le
Président, la ministre évoquait l'esprit de collaboration qui nous a habités
ici ou l'esprit de collaboration dont
nous avons fait preuve. Je souhaiterais, évidemment, pour le bien de tous ici,
partager avec elle la connaissance qu'elle a de l'orientation générale dans laquelle s'inscrit ce projet de loi.
Et, quand je parle de l'orientation générale, je veux parler de la
politique-cadre en immigration. La ministre a dit que celle-ci a été
validée — elle
peut me contredire si elle le veut — au Conseil des ministres, donc elle existe,
elle est tangible. Nous aurions, à l'étape de l'étude article par article, nous
aurions aimé la voir, cette bible-là, pour pouvoir naviguer à vue comme elle le
fait. Nous sommes plutôt, de ce côté-ci, dans l'obscurité totale, et ce n'est
pas une situation très agréable. Plusieurs intervenants entendus ici en commission
parlementaire... pour en citer quelques-uns, la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse, la CSN, la FTQ, le Barreau du
Québec, tous étaient étonnés, voire dubitatifs de constater que la nouvelle politique en matière d'immigration, pourtant
promise et qui, rappelons-le, avait fait l'objet de consultations au début de
l'année 2015, n'ait pas été déposé avant que
nous entreprenions les consultations qui nous engagent... pardon, les... oui,
avant les consultations et l'étude, pour ce qui nous engage ici aujourd'hui,
l'étude article par article, M. le Président.
La ministre a certainement à coeur la qualité de
notre contribution relativement à cet exercice. Mais, si nous sommes, disons, tenus dans le secret de la
politique-cadre en immigration, j'ai bien peur qu'on soit parfois amenés, ici,
à errer. Parce que l'absence de
l'information de base n'étant pas là, nous serions enclins à deviner, à
imaginer. Quand je me réfère
notamment à la quarantaine d'articles dans le projet de loi, qui en recèle 125,
quarantaine d'articles qui donnent des
pouvoirs exceptionnels, discrétionnaires à la ministre, vous comprendrez mon
désarroi, en quelque sorte. Si le souci de transparence en est un qui habite la ministre, il serait apprécié, de
notre part, de devoir déposer ici, en commission, à la limite même, à huis clos, à huis clos, pour que
nous puissions, à l'instar d'elle-même, naviguer à vue. Voilà ma principale
doléance, M. le Président. Et je m'arrêterai là pour l'instant.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. le député. J'invite maintenant la porte-parole du deuxième
groupe d'opposition, la députée de Montarville, pour vos remarques
préliminaires d'une durée maximale de 20 minutes.
Mme Nathalie Roy
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, M. le Président. 20 minutes, c'est généreux, je suis ravie.
D'abord,
j'aimerais vous saluer, Mme la
ministre, l'équipe gouvernementale, mon collègue de Bourget également. Et, puisque je bénéficie de 20 minutes, je croyais
avoir 2 min 30 s seulement, j'aimerais tout de suite ouvrir le
jeu, poser une question ou, du moins, faire une remarque, et la ministre
pourra nous éclairer plus tard.
Moi aussi, je
viens d'entendre que la nouvelle politique en immigration suivra, alors je suis
un petit peu perplexe dans la mesure
où nous aimerions connaître cette politique avant peut-être de voir une loi. Et
y aura-t-il une loi qui — parce
qu'on est dans le projet de loi actuellement — suivra une politique, alors peut-être
qu'avoir vu le contenu de la
politique on aurait pu s'en inspirer aussi pour, Dieu sait, faire quelques
amendements ou modifications au projet de
loi actuel? Et y aura-t-il une autre loi qui suivra la politique ou la loi
devance la politique? Vous me faites oui, signe de la tête, donc pas
d'autre loi? Ah bon, d'accord.
Donc, la
question se pose. On travaille sur le projet de loi n° 77 et la politique
suivra après. Alors, tout comme mon
collègue de Bourget, j'aurais peut-être aimé voir qu'y a-t-il dans la politique
pour qu'on puisse arrimer le projet de loi sur lequel nous travaillons tous à cette politique pour essayer d'avoir
un contenu le plus cohérent et homogène possible. Enfin, c'est une remarque que
je fais parce que c'est la première fois que je travaille comme ça et j'aurais
voulu qu'on m'explique, à cet égard-là, le fonctionnement.
Il y a aussi
tout ce qui est du côté des règlements, on n'a pas les règlements non plus.
Alors, on travaille sur un projet de
loi sans avoir les règlements qui en découleront et sans savoir quelle est
cette politique, cette nouvelle politique en immigration. Donc, on vous
suit, on travaille ensemble, mais il nous manque beaucoup de petits morceaux.
Sur ce, d'entrée de jeu, je vous dirais :
Qu'ont en commun la France, la Belgique, l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Norvège et les Pays-Bas? Je vous pose
cette question-là et je vous réponds, je vous dis : Eh bien, tous ces
pays ont mis en place une formation linguistique obligatoire pour les nouveaux
arrivants dans le but d'assurer leur intégration
à la société d'accueil et, il ne faut pas se le cacher non plus, dans le but de
préserver leurs lois, leurs langues respectives.
Certains de ces États ont également créé des cours d'orientation obligatoires
relativement aux valeurs et aux droits
fondamentaux qui prévalent dans leurs sociétés respectives. Alors, pourquoi, au
Québec, une société minoritairement francophone
dans un océan anglophone et anglo-américain, doit-on le dire, bien, pourquoi ne
serions-nous pas capables de nous inspirer de ces pays, de ces autres
démocraties pour protéger notre langue française?
Chose
certaine, je vais vous le répéter, je vous l'ai dit et je persiste et
signe : Nous continuons à dire qu'il faut protéger la langue française et que nous devrions rendre les cours de
langue obligatoires. La pérennité et la préservation de notre langue française et l'intégration
responsable, efficace et durable des immigrants doivent passer par un meilleur
accompagnement en matière de francisation et
la mise en place d'obligations de résultat. Le p.l. n° 77 comporte de
bonnes mesures, principalement, et
nous sommes d'accord avec le gouvernement pour assurer une meilleure adéquation
entre les qualifications des
personnes sélectionnées et les besoins de main-d'oeuvre du Québec, il faut
qu'il y ait un lien entre les deux, mais on considère qu'à certains
égards le projet de loi est trop faible sur d'autres volets.
Le projet de
loi n° 77 est donc une occasion, une occasion pour les parlementaires de
réellement moderniser notre modèle
d'immigration en profondeur. Vous nous l'annoncez avec ce plan d'immigration
qui s'en vient. Alors, je compte sur l'ouverture de la ministre envers les
propositions, propositions d'amendement que nous allons lui soumettre pour
bonifier ce projet de loi, naturellement, dans l'intérêt de toutes les
citoyennes, tous les citoyens du Québec et tous ces nouveaux arrivants, ces
immigrants qui deviendront eux aussi Québécois.
Alors, voilà,
tout simplement, je vous soumets que nous allons travailler en toute bonne foi,
en collaboration, mais que je
reviendrai avec cette obligation d'apprendre cette langue, cette si belle
langue qui fait notre différence, qui fait notre fierté, qui fait notre
unicité au sein du Canada, et il faut la protéger.
Alors, voilà, M. le Président, pour l'ensemble
de mes remarques.
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme la députée. Est-ce qu'il y a
d'autres membres qui souhaitent faire des remarques préliminaires? M. le
député de Mercier, pour vous permettre de faire des remarques préliminaires,
j'aurais besoin de consentement des parlementaires parce que vous n'êtes pas
membre de cette commission. Consentement?
Une voix : Oui.
• (16 heures) •
Le Président (M. Picard) :
Oui? M. le député de Mercier.
M. Amir Khadir
M. Khadir : Merci, M. le Président. Je remercie
mes collègues. Je vous présente également un membre de notre équipe qui
s'est intégré récemment à l'équipe de Québec
solidaire à l'Assemblée nationale, M. Casgrain, Antoine, que vous allez voir souvent dans nos travaux. Il va
donc s'impliquer dans le travail
qu'on va faire en commun avec un esprit, disons, constructif de collaboration
pour essayer de renforcer tous les éléments, enfin, tenir compte des éléments
les plus importants qui, pour la plupart, ont été mentionnés par les
gens qu'on a tant entendus lors des consultations.
Nombreux, par
exemple, Mme la ministre et mes collègues se rappellent, nombreux ont été les
groupes qui sont venus exprimer leur
inquiétude de voir une si grande importance accordée dans ce projet de loi à la
dimension strictement économique. Non
pas que cette dimension n'a pas son importance, mais il y a un projet
d'immigration, un projet de loi qui
touche à l'immigration de n'importe quelle nation, mais particulièrement d'une
petite nation minoritaire en Amérique du
Nord dans un océan anglophone qui a comme principale langue le français qui,
pour d'autres raisons que l'immigration, pour bien d'autres raisons liées à la dynamique économique et culturelle
en place est menacé de toutes sortes de façons, qu'il faut protéger, a des responsabilités, a des exigences qui
requièrent qu'il y ait d'autres dimensions dans cette politique d'immigration qu'uniquement de nature à
l'adéquation entre l'immigration et les besoins des secteurs économiques, les
besoins du marché de l'emploi.
Il en va de
la pérennité du français sur lequel plusieurs personnes et groupes, syndicats,
groupements sociaux sont venus
insister, mais il en va également de toute une autre dimension, c'est-à-dire
une intégration harmonieuse, qui donne aux
citoyens issus de l'immigration tous les moyens de s'intégrer. Tous les moyens,
ça veut dire une bonne connaissance de
leurs droits, de leurs obligations, une connaissance relative, en tout cas,
souhaitable des repères historiques, des repères politiques, des repères
administratifs et judiciaires qui sont nécessaires pour une bonne intégration.
On a parlé
aussi d'accompagnement, ma collègue de Montarville vient de citer l'exemple des pays d'Europe du
Nord, que ça soit des pays scandinaves, que
ça les Pays-Bas. Elle a, à juste titre, parlé de l'investissement que font ces pays dans ces programmes
d'intégration. Je signale simplement, sans malice, que tout ça coûte des sous,
nécessite des ressources et je lui rappelle que, dans ces pays-là, heureusement, il y a des systèmes d'impôt, d'imposition qui sont beaucoup plus justes, moins, je dirais,
désavantageux pour les classes moyennes et qui responsabilisent les plus riches
et les entreprises pour une pleine
participation dans les efforts de la société à assumer ses responsabilités
notamment en matière d'intégration à l'immigration.
Donc, lorsqu'on parle d'immigration, on doit
forcément quelque part avoir en tête que, si on a connu tant de problème et de ratés au cours des dernières années,
c'est que, pour des raisons, je m'excuse de dire, bêtement budgétaires, parce que ça devient bête quand c'est les mesures
budgétaires et des considérations budgétaires qui déterminent un projet de société, qu'est-ce qu'on a vu au cours des 20
dernières années? Ce n'est pas uniquement le gouvernement en place, mais d'autres gouvernements qui l'ont précédé ont
coupé à divers moments dans notre histoire contemporaine des programmes
de francisation, les cours de COFI où on a simplement...
Là,
évidemment, je laisse le bénéfice du doute à Mme la ministre, qui nous a déjà
dit qu'elle allait nous présenter, parce
qu'on en aura besoin... je le rappelle à la ministre, on aura besoin, pour voir
où et ce qu'on doit mettre dans cette loi,
l'emphase sur quelle dimension, de savoir par exemple, les transferts fédéraux,
comment ont-ils été ventilés. Il y a des
groupes qui sont venus nous dire : ils n'ont pas été consacrés, ces
budgets-là, vraiment de manière adéquate à l'intégration, à la
reconnaissance des diplômes et aux services rendus aux immigrants, que parfois,
quand ils ont trouvé le chemin de
certains ministères, ils sont allés soustraire des budgets qui devaient être
alloués déjà dans ces ministères-là, remplacer des budgets existants et
non pas s'ajouter à ces budgets-là, comme ça a été mentionné à plusieurs
reprises au cours des cinq dernières années, n'ont pas suffisamment servi à
s'assurer que le Québec reconnaît les compétences, donne les budgets qu'il faut
aux facultés, aux ordres professionnels pour intégrer les diplômés venus
de l'extérieur. Donc, c'est pour avoir une
bonne vision, pour pouvoir ensemble travailler à ce que le projet de loi
réponde à... c'est-à-dire répare et vienne palier aux faiblesses qu'on a
connues avec non seulement l'ancien projet de loi, mais les politiques qui ont gouverné en matière
d'immigration... On a besoin de les avoir, ces chiffres-là, on a besoin
d'avoir, oui, la politique
d'immigration sur laquelle le ministère travaille. Et ça va être l'axe aussi de
nos interventions, c'est-à-dire de s'assurer que cette nouvelle
politique d'immigration et la loi qui l'accompagne n'ont pas comme seul
impératif un impératif économique, parce que, lorsqu'on
commet cette erreur, malheureusement, on se ramasse avec d'autres problèmes.
Et même,
quand on fait la meilleure adéquation, mais uniquement basée sur les
compétences et le savoir-faire des
immigrants qui arrivent, on sait bien que, dans une ère économique marquée par
la précarisation des emplois, marquée par
le fait qu'il y a de moins en moins d'emplois qui, traditionnellement, étaient
garantis pour 10, 15, 20 ans, les employés, on est dans un marché du travail où la plupart des personnes, dans nos
économies modernes, occupent des emplois pour de brèves périodes.
Qu'arrivera-t-il quand ces secteurs d'emploi qui recherchent des immigrants
dans trois, quatre, cinq ans, à la fin d'un
cycle économique particulier, n'auront plus besoin de cette main-d'oeuvre? Si
on a uniquement visé les compétences
professionnelles et non pas les compétences générales, y compris la langue, y
compris les capacités d'intégration,
y compris, je dirais, l'entourage familial et donc d'autres dimensions de
l'immigration, en fait, on se prépare à un échec même sur le plan
économique.
Ensuite, il y
a des groupes qui sont venus, notamment le Conseil du statut de la femme, mais
aussi des syndicats, qui sont venus
nous rappeler, étant donné les ratios hommes-femmes dans certaines catégories
d'immigration, notamment rapprochements familiaux, réunions familiales,
qu'il est absolument important que, maintenant qu'on est en train de réviser la
Loi sur l'immigration, qu'on accorde une importance particulière à la question
des femmes, à une analyse différenciée selon
les sexes pour s'assurer que les politiques qu'on met en place, le cadre
réglementaire et législatif qu'on introduit
tienne compte qu'en fait, si on n'y prend pas garde, on peut désavantager les
femmes, comme souvent dans le passé nos politiques en matière économique
et en d'autres matières ont désavantagé les femmes.
Le Barreau du Québec, qui n'est pas venu, mais
qui a présenté un mémoire, mais aussi la Confédération des syndicats nationaux nous ont aussi mis en garde
contre la possibilité de voir peu à peu l'immigration sortir du giron et...
pas du giron, mais en fait que le MIDI perde
sa maîtrise d'oeuvre, le ministère, et son contrôle de la gestion et de
l'intégration des immigrants au
profit du secteur privé avec tous les... je dirais, l'histoire qui démontre
qu'il y a réellement des soucis légitimes,
notamment le libellé de l'article 81, mais nous y reviendrons dans nos
amendements pour s'assurer, surtout en
matière d'immigration, il en va d'un projet, je dirais, de société, hein, ce
n'est pas une législation technique, c'est une législation qui porte en elle une vision de la société. La pleine
maîtrise d'oeuvre à tous les niveaux doit être assurée par le public. Bien sûr, le privé peut, à l'occasion,
et souvent même, être un appoint, mais ne peut pas être maître d'oeuvre,
alors que, dans sa forme actuelle, le projet
de loi malheureusement ouvre la voie pour une dérive ou un lent glissement
vers une privatisation de l'immigration.
Je voudrais aussi apporter une précision sur le
souci particulier que nous avons de protéger les travailleurs temporaires. On voit, dans le libellé actuel du
projet de loi, un recours, je dirais, une intention de recourir de plus en plus
intensivement à des travailleurs temporaires, à des travailleurs étrangers qui
viendraient temporairement remplir des besoins.
Ces travailleurs-là ont besoin de protection. Vous vous rappelez, avec moi,
lorsque la Commission des droits de
la personne est venue témoigner sur les rappels qu'on nous a faits, sur le fait
que le gouvernement du Québec doit assurer, conformément à la Charte des droits et libertés de la personne, la
reconnaissance des droits des travailleurs dans ces lois et une reconnaissance qui ne doit pas dépendre de
leur statut d'immigration. C'est en vertu de la charte, c'est toute personne
résidant sur le sol du Québec.
• (16 h 10) •
Nous aimerions aussi apporter des suggestions qui
visent à renforcer les prérogatives du Québec pour que le Québec développe une politique
globale et intégrée d'immigration dans laquelle on rapatrie tous les pouvoirs nécessaires
pour l'adaptation et la gestion, justement,
des travailleurs et des travailleuses étrangers temporaires, de manière à
pouvoir offrir les protections dont on a besoin.
Et finalement, et finalement, tous les aspects
de cette nouvelle politique d'immigration qui s'adressent aux besoins économiques du Québec, on doit aussi l'envisager sous l'angle suivant.
Cette immigration — la
question à se poser — ce qu'on aura prévu pour l'immigration et
les impératifs pour lesquels on élabore notre politique d'immigration vont-elles — vont-ils et vont-elles — aggraver les problèmes sociaux,
principalement liés, souvent, à des discriminations, à des inégalités économiques qui semblent aller
croissant si on laisse uniquement le marché, les règles du marché ou les
besoins des entreprises, qui sont guidés par des impératifs de marché, dicter
la conduite des choses? Ou non, comme société
moderne démocratiquement avancée, le gouvernement encadre sa politique de
mesures concrètes de manière à ce que l'immigration, comme d'autres
aspects de son activité, entraîne une meilleure cohésion sociale. Et on sait
qu'une meilleure cohésion sociale vient avec
un accès universel à des droits, à des services dans une économie où les gens
ne sont pas discriminés et ont accès à des
revenus et à des conditions d'existence qui soient le plus possible
égalitaires, les moins frappées par des inégalités.
Les
inégalités entraînent des déséquilibres sociaux et des sources de tension. Et,
si on veut les éviter, la meilleure approche,
c'est que, du point de vue économique, les politiques d'immigration soient
entourées des meilleures protections pour
assurer que ces immigrants ne sont pas discriminés à l'emploi, qu'ils ont accès
au logement, qu'ils ont accès à des sources
de revenus dignes, comme on est supposés le garantir à l'ensemble de nos
citoyens. Merci beaucoup, M. le Président.
Étude détaillée
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. le député de Mercier. Est-ce
qu'il y a d'autres membres qui veulent faire des remarques préliminaires? Je vois que non. S'il n'y a pas de motion
préliminaire, nous allons immédiatement débuter l'étude article par
article.
Mme Weil : M. le Président?
Le
Président (M. Picard) : Oui, Mme la ministre.
Mme
Weil : Oui. J'aimerais déposer quelques amendements : un
amendement à l'article 1, amendement à l'article 3, amendement
à l'article 11 et un amendement à l'article 18.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Nous allons les distribuer.
M. Khadir : M. le
Président, comme mon micro... à la partie gouvernementale. Est-ce
que la ministre... peut-elle indiquer si elle compte procéder article par article en commençant dans l'ordre? Ou y
a-t-il un impératif pour aborder
un... Oui, allez-y.
Le Président (M.
Picard) : Mme la ministre.
Mme
Weil : Bien, écoutez,
ce que je propose, mais, vraiment, je
pense qu'on pourrait décider ensemble,
l'article 1, c'est
des objets. Alors là, j'ai déposé un amendement, mais souvent — et je
voulais voir un peu le consensus — on peut suspendre l'adoption et l'étude de l'article 1, parce que, souvent,
ça reflète... c'est-à-dire qu'on amène des amendements à l'article 1 après avoir fait tout le projet
de loi. Parce qu'il y aura beaucoup de discussions ici sur tout ce qu'on a
entendu en commission parlementaire.
Vous allez avoir peut-être vous aussi des choses à rajouter aux objets. Alors
là, j'ai proposé un amendement à l'article 1 pour que vous puissiez
voir un peu comment j'ai tenu compte de ce qu'on a entendu en commission parlementaire. Donc, les amendements
que j'ai déposés, que je viens de déposer reflètent ce qu'on a entendu en commission parlementaire. Évidemment, vous
allez certainement en avoir d'autres. Alors, ma proposition, pour être efficace, ça serait qu'on suspende
l'article 1 afin qu'on puisse le réviser à la lumière de toutes les
discussions qu'on aura tout au long de l'étude.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Bourget.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. La proposition de la ministre rejoint parfaitement les préoccupations que j'avais relativement à ce projet de
loi que nous étudions à ce stade-ci sans avoir été éclairés sur l'économie générale
de la politique d'immigration, c'est-à-dire
la politique-cadre qui existe puisqu'elle a été validée par le Conseil des
ministres. Nous ne l'avons pas sous
les yeux, et je réitère ma doléance : Est-ce que la ministre est ouverte à
l'idée de nous la déposer pour qu'on
en prenne connaissance afin de naviguer à vue comme elle dans cet exercice?
C'est une question d'équité.
Le Président (M.
Picard) : Mme la ministre.
Mme
Weil : Ce que je répondrais à la question pour rassurer les
collègues, c'est sûr que ça sera déposé sous peu, mais c'est exactement la consultation,
c'est-à-dire c'est les orientations qu'on a déposées pour la consultation.
Donc, le document de consultation,
toute la vision était là, tout est là, le reste, c'est des stratégies d'action,
c'est vraiment des stratégies
d'action qui reflètent ce qu'on a entendu, et c'est ça qui sera dévoilé. Mais
le document de consultation avait justement
toutes les orientations. D'ailleurs, le fait qu'on mette l'accent sur une
transition rapide, efficace entre l'immigration temporaire et permanente, de garder et de valoriser le Programme de
l'expérience québécoise, l'arrimage entre la sélection et le marché du travail, tout ça reflète justement
tout ce qu'on a entendu en commission parlementaire. Pourquoi? Parce que c'étaient les questions qui avaient été posées
dans le document de consultation. Je tiens à rassurer encore une fois les députés des oppositions que c'est vraiment
sous peu qu'ils prendront connaissance de la politique, mais ils ne seront pas
surpris du tout de ce qu'il y a dans la politique parce que ça reflète
le document de consultation.
Pour
ce qui est des textes des articles qu'on va étudier, évidemment c'est vraiment
une modernisation. Certains articles reprennent même ceux qui étaient
déjà dans le projet de loi n° 71, comme les définitions à l'article 2,
ensuite, à l'article 3, on est... Les
premiers articles, on est beaucoup sur les définitions. C'est ça. Donc, c'est
vraiment la planification, tout ça reflète exactement les actions que le
ministère mène en matière d'immigration depuis toujours.
Les
pouvoirs de la ministre qu'on retrouve à la fin de la loi, c'est là où
évidemment toute la question de la politique en effet est très pertinente dans le sens qu'on voit le rôle du ministre
de l'Immigration, qui a un rôle réellement transversal pour assurer la
pleine participation de tous les citoyens, d'ailleurs, non seulement juste les
immigrants, mais toute la société québécoise.
Donc, toute la diversité ethnoculturelle se retrouve reflétée dans nos actions
gouvernementales.
Il
y a, en fait, 25 ministères et organismes qui ont participé à la politique, qui
ont aidé à développer les stratégies d'action
qu'on verra très bientôt, et c'est pour ça que c'est aux articles plus dans la
deuxième partie, les articles des pouvoirs de la ministre, devoirs de la ministre... 106 et suivants. Et, à ce
stade-là, vous allez bien voir la politique d'immigration, de diversité
et d'inclusion à ce moment-là.
Le Président (M.
Picard) : Merci. M. le député de Bourget.
M. Kotto :
M. le Président, je prends la parole de la ministre, mais, étant un apôtre de
l'autre, je crois ce que je vois, donc,
et l'objet dont il est question ici donne la mesure de l'orientation du projet
de loi. Mais jusqu'à quel point est-il pénétré de la vision du gouvernement relativement à la politique d'immigration?
C'est ça, la question que je me pose. On ne l'a pas. Rien
n'empêche la ministre de nous soumettre ce document à huis clos. Nous nous
engagerions à ne pas en parler publiquement, et cela, au contraire, nous
permettrait d'avancer comme elle avance, elle, à visière levée, à vue.
• (16 h 20) •
Le Président (M.
Picard) : Mme la ministre.
Mme Weil :
...d'autre commentaire pour l'instant.
M. Kotto :
...si j'entends bien la...
Mme
Weil : Non, non, écoutez,
je ne sais pas, là, je ne peux pas prendre cette décision tout de suite comme
ça, là, cette... Mais, moi, si on
regarde... Parce que, les objets, je comprends, puis, rassurez-vous, quand on
reviendra aux objets, vous allez
avoir vu la politique, parce que c'est vraiment très, très, très prochainement, mais on veut le faire convenablement, avec une invitation à vous aussi de participer à
cette annonce. Donc, il n'y a rien qui nous empêcherait, par exemple, de regarder, dans le temps
qui nous reste, des articles qui sont vraiment très,
très, comment dire... des articles de
définition, qui ne changent rien,
hein, parce qu'on sait que c'est de compétences partagées, beaucoup
de ces articles touchent justement
des responsabilités du gouvernement du Québec en matière de sélection, mais aussi en matière
d'accueil, d'intégration, oui, des travailleurs qualifiés, mais aussi
des membres du regroupement familial et des réfugiés.
Alors,
si on regarde l'article 1 — je vous le donne comme exemple, là, on ne
l'a pas encore lu — vous
voyez là qu'on a amené des correctifs
dans l'article 2, et ça, ça ne relève pas du tout de la politique. Ce n'est pas
une question de vision, là, c'est
vraiment une question de corrections qu'on a amenées ici parce qu'il y avait
des erreurs dans l'article 1. Je vous
donne ça comme exemple, je ne veux pas commencer à lire tous les articles,
mais, avec le temps que nous avons, on
pourrait au moins se pencher sur les premiers articles qui suivent. Moi, je
propose de suspendre l'article 1, c'est de voir si tout le monde serait
d'accord avec cette proposition.
Le
Président (M. Picard) : C'est ça. Pour suspendre l'étude de
l'article 1, j'ai besoin du consentement de tous les parlementaires.
M. Kotto :
Bien, M. le Président, à ce moment-là, pourquoi ne suspendrions-nous pas le
processus?
Mme Weil :
On perdrait du temps pour un projet de loi qui est super important.
M. Kotto :
Mais il est important, certes, j'en conviens, mais il l'est aussi de ce
côté-ci. C'est le sentiment de handicap que
j'ai exprimé depuis tout à l'heure qui m'oblige, disons, à rester fermé à cette
proposition. Si nous avions ce
document d'orientation générale, cette politique-cadre, nous serions plus à
l'aise, et je pense qu'on irait avec célérité dans l'exercice qui nous
engage ici aujourd'hui.
Le Président (M.
Picard) : Donc, si nous n'avons pas consentement, nous allons
procéder à l'article 1.
Mme Weil :
Oui. D'accord.
Le Président (M.
Picard) : J'ai besoin d'un consentement pour suspendre, moi.
Mme Weil :
Oui. D'accord. On procède à l'article 1, oui.
Le Président (M.
Picard) : Ou on discute pendant... vous allez en parler, là.
Mme
Rotiroti :
M. le Président?
Le Président (M.
Picard) : Oui?
Mme
Rotiroti :
Est-ce que je peux parler?
Le Président (M.
Picard) : Oui, oui, allez-y, Mme la députée de Jeanne-Mance.
Mme
Rotiroti : Il y a quelque chose que je ne comprends pas. La
ministre nous propose de, justement, en souci de transparence, de suspendre l'article 1 puis continuer, parce que
l'article 1 concerne les objets, puis le député de Bourget semble dire le contraire. Je veux juste bien
comprendre et bien saisir l'argument, parce que je pense qu'on le fait... la
ministre est de bonne foi et,
justement, si le député parle de transparence, je pense qu'on ne peut pas être
plus transparent que ça. Alors, l'idée, c'est de suspendre l'article 1
vu que ça traite des objets — puis je veux bien comprendre moi-même, là — et continuer, par la suite, revenir. D'ici
ce temps-là, la politique va être déposée, alors, si, le ministre, c'est ça,
son inquiétude, je pense que la
ministre a très bien répondu puis a très bien rassuré le député de Bourget,
alors je ne vois pas pourquoi qu'on fait cette obstruction-là,
présentement.
Le
Président (M. Picard) : On ne doit pas dire que M. le député de
Bourget fait de l'obstruction, c'est un questionnement légitime, mais au
niveau de... moi, dans l'application du règlement, pour suspendre, j'ai besoin
du consentement.
Mme
Weil : Mais je suis prête à procéder avec l'article 1.
Le Président (M.
Picard) : Est-ce que ça va pour tout le monde? Mme la ministre,
nous allons débuter à l'article 1, s'il vous plaît. Je prends en considération
l'article 1 du projet de loi. Mme la ministre, la parole est à vous.
Mme
Weil : Donc, article 1. Donc : «La présente loi a pour
objets la sélection de ressortissants étrangers souhaitant séjourner au Québec à titre temporaire ou s'y
établir à titre permanent, la réunification familiale des citoyens canadiens
et des résidents permanents avec leurs
proches parents ressortissants étrangers et l'accueil de réfugiés et d'autres
personnes en situation particulière de détresse.
«Elle vise aussi à
favoriser, par un engagement collectif et individuel, la pleine participation
des personnes immigrantes à la société
québécoise afin qu'elles contribuent notamment à la prospérité du Québec, à son
rayonnement international et à la vitalité du français.»
Le Président (M.
Picard) : Mme la ministre, vous avez un amendement?
Mme
Weil : Bon, alors, je
vais faire... Bien, j'ai déposé un amendement, alors donc, vous avez l'amendement, et je vais lire l'amendement. Alors, ce serait de remplacer le deuxième alinéa
par le suivant : «Elle vise aussi à favoriser, par un engagement collectif et individuel, la pleine participation
des personnes immigrantes à la société québécoise en toute
égalité et dans le respect des valeurs démocratiques afin qu'elles contribuent notamment
à la prospérité du Québec, à son
rayonnement international, au dynamisme de ses territoires, à son
enrichissement culturel par l'établissement de relations interculturelles harmonieuses
ainsi qu'à la pérennité et à la vitalité du français.» Donc, je ferais des
commentaires.
Le Président (M.
Picard) : Oui, vous pouvez y aller.
Mme
Weil : M. le Président, donc, l'ajout de «en toute égalité et dans le respect des valeurs
démocratiques» affirme l'engagement
du gouvernement à la fois à l'égard
du droit à l'égalité et du respect des valeurs démocratiques en assurant
un équilibre entre les attentes à l'égard
des personnes immigrantes et la responsabilité de la société à viser l'égalité
réelle.
Également,
l'article 1 du projet de loi est amendé afin d'ajouter l'expression «au
dynamisme de ses territoires», qui a
pour but de marquer le fait que l'immigration en région contribue à son
dynamisme. De plus, l'ajout de «[ainsi qu']à son enrichissement culturel par l'établissement de relations
interculturelles harmonieuses» permet de mettre de l'avant l'apport de la diversité à l'essor de la société
québécoise, accru par le renforcement des liens de confiance et de solidarité
et l'établissement de relations interculturelles harmonieuses.
Enfin,
cet amendement prévoit l'ajout de «la pérennité» avant «la vitalité du
français» afin d'accentuer l'engagement du gouvernement à l'égard de la
promotion du français, notamment auprès des personnes immigrantes.
Alors,
M. le Président, juste pour résumer ou répéter ce que j'ai dit avant, ça
reflète aussi beaucoup les commentaires qu'on a eus de nombre de groupes qui sont venus ici pour dire à quel
point, d'une part, il fallait assurer la pérennité aussi du français, oui, la vitalité, la pérennité, mais
vraiment mettre l'accent sur l'importance de la langue française, mais aussi
des régions. Évidemment, c'était toujours la
volonté de nous assurer que l'immigration contribue au dynamisme des régions,
mais là c'est de le rendre plus clair dans les objets.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Interventions sur l'amendement?
M. Kotto :
Oui, M. le Président.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Bourget.
M.
Kotto : Je suis ouvert à l'idée d'apporter l'idée, d'amener
l'idée de la pérennité et la vitalité du français, c'est une chose. Cependant, selon les propos qui ont été
tenus ici et l'écoute dont nous avons fait preuve, nous retenons que le
projet de loi devrait aussi avoir pour objet de favoriser la francisation et
l'intégration économique, sociale et culturelle
des immigrants. Et le reste, l'établissement des relations interculturelles
harmonieuses, ça, on en convient. Il y a, par ailleurs, la notion des valeurs
communes qui a été ramenée... donc, l'ouverture potentielle de la ministre à l'idée d'intégrer l'affirmation des
valeurs communes de la société québécoise auprès des immigrants... est une
chose qui viendrait enrichir son amendement.
Disons que je suis ouvert à son amendement, mais on pourrait l'enrichir
davantage.
Le
Président (M. Picard) : Je comprends, M. le député de Bourget,
que vous allez élaborer un sous-amendement?
M. Kotto :
Oui, j'aimerais apporter un sous-amendement, M. le Président.
Le
Président (M. Picard) : Je vais suspendre quelques instants
afin de permettre à M. le député de Bourget d'écrire son
sous-amendement.
(Suspension de la séance à
16 h 30)
(Reprise à 17 h 59)
Le Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux. Je confirme qu'il y a eu de bonnes discussions
entre les différents députés, et j'ajourne sine die, et je vous encourage à
poursuivre vos discussions privément pour qu'on puisse avancer dans les
différentes étapes du projet de loi. Donc, merci et bonne soirée.
(Fin de la séance à 18 heures)