(Douze heures deux minutes)
Le
Président (M. Picard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission des relations
avec les citoyens ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à tous et je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs téléphones cellulaires.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 77, Loi sur
l'immigration au Québec.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Lavallée
(Repentigny) est remplacée par Mme Roy (Montarville).
Auditions (suite)
Le Président
(M. Picard) : Merci. Ce matin, nous recevons le Regroupement
des intervenants en immigration de
Chaudière-Appalaches et le Conseil du statut de la femme. Puisque nous avons
pris beaucoup de retard, nous allons excéder
l'horaire, mais nous devons terminer à 13 heures. Nous nous en excusons
auprès des témoins. Malheureusement, les travaux au salon bleu ont été
plus longs que prévu.
Je souhaite
donc immédiatement la bienvenue au Regroupement des intervenants en immigration
de Chaudière-Appalaches. Je vous
invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Vous
disposez ensuite d'un maximum de
10 minutes pour faire votre présentation, va s'ensuivre des échanges avec
les parlementaires. La parole est à vous.
Regroupement des intervenants
en immigration
de Chaudière-Appalaches (RIICA)
Mme
Laflamme (Céline) : D'accord. Alors, bonjour. Mon nom est Céline
Laflamme, je suis la coordonnatrice d'Alpha
Bellechasse, qui est aussi promoteur de Liaison Immigration Bellechasse. Et je suis
ici avec d'autres collègues de la
région Chaudière-Appalaches qui oeuvrent dans le milieu, là, de l'accueil et de
l'intégration des personnes immigrantes.
Mme Lopez
(Eva) : Bonjour. Eva Lopez,
directrice de l'organisme Intégration communautaire des immigrants, qui est l'organisme mandaté par le ministère de
l'Immigration pour faire la promotion globale de Chaudière-Appalaches et
qui s'occupe de dossiers d'accueil et d'intégration dans la MRC des Appalaches.
M. Diarra
(Elhadji Mamadou) : Elhadji Mamadou Diarra, président du conseil
d'administration de Tremplin, à Lévis, qui s'occupe de l'accueil et de
l'intégration des nouveaux arrivants dans la région de Lévis.
Mme Bizier
(Jeanne) : Alors, bonjour. Mon nom est Jeanne Bizier, je suis la
directrice générale au Carrefour jeunesse-emploi de Beauce-Sud, qui a le
mandat de l'immigration pour la MRC de Beauce-Sartigan.
Mme
Laflamme (Céline) : Alors, d'autres organismes forment le RIICA, alors
le réseau, là, ou le Regroupement des intervenants en immigration de
Chaudière-Appalaches. Alors, au nom d'eux, je nommerai le Comité d'accueil et d'intégration des immigrants Beauce-Nord, le
CAIDI, qui ne pouvait être ici aujourd'hui, le Carrefour jeunesse-emploi
Lotbinière et le groupe d'alphabétisation de
Montmagny. Alors, tous ces organismes ont des mandats, avec le ministère
de l'Immigration, d'accueillir et d'intégrer les personnes immigrantes dans la
région de Chaudière-Appalaches.
Ce qu'on
trouvait important de mentionner, ce qui a été fait aussi par le dépôt du
mémoire, qui a été déposé il y a un
an, c'est que notre région, notre grande région est composée d'une ville, qui
est la ville de Lévis, et de différentes MRC, alors on vit vraiment une régionalisation de
l'immigration tant en milieu rural qu'en milieu urbain. Le mémoire a été déposé
l'an dernier, et déjà on remarque, là, des besoins grandissants, dans notre
région, et une population d'origine immigrante qui est croissante.
Alors, c'est important.
Je pense
qu'il faut reconnaître l'expertise de nos organismes en matière d'accueil et
d'intégration. Certains d'entre nous
aussi font de la francisation, de l'alphafrancisation, de l'intégration des
personnes et de leurs familles tant au niveau, là, des entreprises qu'au niveau social. Alors, nous sommes les pivots
de la concertation locale et la concertation régionale en
Chaudière-Appalaches.
Je vais laisser la parole à M. Elhadji.
M. Diarra
(Elhadji Mamadou) : Merci beaucoup, Céline. La région
Chaudière-Appalaches est une région qui est caractérisée beaucoup par l'entrepreneuriat. C'est le plein-emploi,
dans cette région-là, et les gens, les entreprises ont besoin de beaucoup de
personnes pour combler les postes, des postes qui sont aussi à la fois pour les
travailleurs qualifiés et des
travailleurs qui sont non qualifiés. Céline l'a mentionné tantôt, la diversité
au niveau régional. Donc, on a un côté urbain puis un côté rural. Ça,
c'est extrêmement important.
Donc, le travail que
nous faisons, c'est beaucoup aussi la sensibilisation des populations qui accueillent
les nouveaux arrivants, donc la population
locale, mais aussi la population immigrante qui arrive dans la région. Ça,
c'est une notion extrêmement
importante, parce que les organismes en immigration, dans le milieu, ce qu'on
fait, avec les mêmes pierres nous
décidons de construire des ponts, donc, entre les cultures. Ça, c'est
extrêmement important. Donc, l'intégration puis l'accueil est une chose
importante pour nous.
Et
les organismes, on est en partenariat beaucoup, on travaille beaucoup ensemble,
l'ensemble des organismes, autant en
immigration et aussi des organismes qui ne sont pas en immigration, parce que
l'immigrant qui arrive, ce qui a été
aussi mon cas il y a de cela 21 ans, c'est qu'il y a l'intégration
économique, c'est extrêmement important, mais il y a aussi une intégration qui est sociale et aussi
d'ordre culturel. Donc, cette diversité, elle est extrêmement importante pour
que les gens se sentent dans le tissu culturel et social de nos régions, c'est
important pour assurer cette cohésion et ce vivre-ensemble-là,
et que les gens se sentent aussi pas nécessairement dans le tissu, mais qu'ils
fassent partie des fils qui essaient
de tisser ce tissu social là. Ça, c'est fondamental, puis c'est un rôle que les
organismes en immigration jouent, que nous jouons beaucoup dans le
processus d'intégration et d'immigration.
Aussi,
on joue un rôle de premier plan, quand les gens arrivent chez nous, pour
assurer l'intégration et aussi tout l'accueil,
dans le fond, qui découle de ça. Et les entreprises ont besoin d'immigrants,
ça, c'est important, et les besoins sont
criants, les besoins sont importants, et on est... En termes économiques, le
point mort, il n'est plus là, parce que les besoins sont en croissance, mais les ressources sont insuffisantes pour
soutenir ce que nous avons à faire comme travail, pour assurer ça. Et un
immigrant, oui, il arrive, oui, il faut qu'il reste puis il faut qu'il se sente
bien. Pour se sentir très bien, il faut
qu'il trouve un emploi, un emploi qui soit décent pour lui, pour sa famille, et
aussi se sentir impliqué puis important dans la communauté. Et, ce
rôle-là, nous, nous jouons ça, c'est un rôle aussi de sensibilisation. Ça,
c'est fondamental.
Donc,
nos organismes deviennent un ancrage très fort dans nos régions, et ça, c'est
important, pour nous, de pouvoir continuer
à jouer ce rôle-là de façon importante et de travailler aussi en collaboration
avec l'ensemble des autres organismes du
milieu, que ce soit en immigration ou pas. Ça, c'est fondamental. Donc, on est
là dans l'ensemble du processus d'intégration et d'immigration, puis les gens se sentent bien dans les régions, les
gens se sentent valorisés dans les régions aussi. Et nous, nous
prenons cette approche-là, mais, pour assurer notre fonction comme il faut, les
ressources, nous pensons, en tout cas je pense, nous pensons que c'est extrêmement
important d'assurer un financement adéquat qui va supporter l'ensemble de
l'oeuvre.
Mes collègues, est-ce
que vous avez d'autres éléments à apporter?
• (12 h 10) •
Mme Lopez (Eva) : Je voudrais ajouter, avant de donner la parole à ma collègue
Jeanne, en tant qu'organisme promoteur
de la région de Chaudière-Appalaches
nous pouvons assurer et affirmer devant vous que l'investissement du ministère de l'Immigration est très important et a
contribué totalement à l'accueil et à l'arrivée massive des personnes
immigrantes actuellement sur le territoire. C'est un investissement, mais ce
n'est pas suffisant, faire de la promotion régionale,
ça prend des organismes locaux qui sont capables de servir les familles, qu'on
va recruter et diriger vers les différentes
MRC. Alors, c'est un processus qui se travaille collectivement. Et il ne faut
pas promouvoir une région où il n'y a pas de services par la suite, parce qu'il
faut assurer le continuum de services. Et c'est bien important de considérer
le fait qu'actuellement nous sommes
sous-financés, et ça ne pourrait pas fonctionner dans une région où la
croissance de l'immigration se fait très bien.
Il
y a un aspect aussi en tant qu'organisme promoteur, c'est que la ville de
Lévis, elle va attirer naturellement la clientèle immigrante, c'est prouvé, un grand centre attire
naturellement, mais nous sommes... Chaudière-Appalaches ne se réduit pas à une ville, elle est pleine d'autres
municipalités et d'autres petites villes où il y a beaucoup d'emplois, et on
rencontre des immigrants qui souhaitent
venir s'installer. Et c'est pour cette raison-là que nos organismes ont besoin
d'un soutien financier qui assure les services d'accueil, d'intégration
par la suite.
C'est la parole à
Jeanne.
Mme Bizier
(Jeanne) : Oui? Ah! bien, merci. Moi, ce que je peux vous...
Le Président (M.
Picard) : ...reste une minute.
Mme Bizier
(Jeanne) : Ah! bien, écoutez, on va être ouverts aux questions que
vous aurez.
Nous,
on est vraiment des organismes terrain qui aidons à l'intégration dans le
milieu. Souvent, c'est une famille qui
arrive, le père ou la mère a déjà un emploi, mais le reste de la famille, il
faut s'en occuper si on veut qu'ils restent en région. C'est important, parce que toute cette intégration-là que l'on
vient faire et qu'on travaille en concertation avec le milieu, on a chacun dans nos territoires, dans
nos MRC, des tables de concertation à l'immigration que l'on anime, parce
qu'on travaille en collaboration, que ce
soit avec la commission scolaire, le cégep, la MRC, avec tout le monde, pour
qu'on accueille convenablement nos
immigrants puis qu'ils restent, pour combler les besoins de main-d'oeuvre dans
notre région. Parce que, vous savez,
c'est le plein-emploi, là, ça fait que... On n'en parle peut-être pas aussi
souvent, mais c'est le cas chez nous.
Et c'est partout en région. Et, si on ne fait pas de place pour les immigrants,
bien je pense qu'on va être une région en perdition avant longtemps.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
Mme Bizier (Jeanne) :
Ça fait que donc c'est important d'être ouverts et d'accueillir comme il le
faut les immigrants.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme Bizier. Je cède maintenant la parole
à Mme la ministre.
Mme
Weil : Oui, merci. Alors, bienvenue à M. Diarra,
Mme Laflamme, Mme Bizier, Mme Lopez et Mme Dje. Merci de votre présence ici aujourd'hui. J'ai fait
beaucoup de visites dans la région, je vous ai tous rencontrés. On dirait
que ce que vous vivez, c'est un peu
précurseur de ce qu'on va voir dans beaucoup de régions et dans bientôt, hein,
très bientôt. Et votre expérience,
votre désir de recruter et de retenir est clé. Le diagnostic que vous avez fait
de la pénurie, rareté, on parle de rareté, mais honnêtement c'est
pénurie dans certains créneaux.
Donc,
il y aurait beaucoup de questions à vous poser, on a huit minutes, moi, j'ai
huit minutes, mais on va essayer de
faire en sorte que tous ceux qui écoutent... Il y a un cri du coeur, hein, qui
est lancé des acteurs dans votre région, un cri du coeur. Et évidemment, dans le projet de loi n° 71, je pense
que c'est 71, de mon collègue le ministre de l'Emploi, évidemment on
parle des besoins régionalisés.
J'aimerais
savoir, dans le nouveau système de déclaration d'intérêt... Parce que tout
commence en amont, comment attirer,
attirer vers les régions. Donc, ce nouveau système va nous permettre de pouvoir
inviter ceux qui ont un profil a priori intéressant, qui répondent aux
besoins du marché du travail, à venir s'installer au Québec. Il y aura donc un effort de recrutement par rapport aux talents
qu'on verra, là, une invitation à déposer leur demande, mais ce que je
souhaite, ce que nous, on souhaite,
c'est que tous les acteurs puissent jouer un rôle en amont. Donc, quel est le
rôle que vous verrez jouer, les
acteurs que vous connaissez? On a
parlé avec les élus, évidemment, les élus. La Commission des partenaires du marché
du travail a un rôle important,
parce qu'on aura pour la première fois les besoins
d'Emploi-Québec régionalisés, alors ça, c'est vraiment une avancée, au lieu de juste national, donc ça
nous permet de recruter... Alors, j'aimerais voir comment vous voyez
votre rôle avec nous, là, pour déterminer les besoins de votre région.
Mme
Laflamme (Céline) : Moi, je
peux peut-être parler... Bien, dans le fond, c'est de
continuer ce qu'on fait, c'est-à-dire de travailler à la sensibilisation du milieu,
alors à préparer le terrain, comme disait Jeanne, pour que l'accueil ne se fasse pas qu'avec des entreprises
mais avec la population locale. Alors, il faut vraiment
travailler à la compréhension de la diversité culturelle, à...
Mme
Weil : Si je comprends bien, donc, vous faites le lien direct entre sélection... Puis moi, j'y
crois absolument, puis c'est ça,
le défi pour la rétention, donc, que tous les acteurs comprennent... Oui, vous
avez des pénuries, vous avez des
besoins. Ça freine votre croissance. Il y en a
qui, même, parlent de traverser la frontière, hein, aux États-Unis, où la main-d'oeuvre est ample, et donc...
Mme Laflamme
(Céline) : Qui déménagent, oui.
Mme
Weil : Mais, si vous
voulez les retenir, il faut agir là-dessus. Donc, c'est
ça que vous dites, vous faites un
lien entre les deux.
Mme
Laflamme (Céline) : Oui, il faut...
Parce que ça a été un peu le problème, je peux parler, en tout cas, pour la région de
Bellechasse. Initialement, la venue de personnes d'origine immigrante, ça s'est
passé comme en 2008, avec une entreprise qui avait un besoin urgent de main-d'oeuvre
et puis qui sont allés du côté de Montréal, puis ils ont fait débarquer comme 150 personnes, beaucoup
de minorités visibles, sans avoir préparé la population locale, alors le
choc culturel s'est fait dans les
deux sens. Alors, moi, je crois beaucoup à la sensibilisation de la population locale, qui inclut nécessairement les entreprises, les employés à tous les niveaux à
l'intérieur même de l'entreprise. Alors, le côté d'éducation populaire, de
formation, je crois qu'il est important, puis on le fait déjà avec les moyens
qu'on a, puis toute la concertation qui
doit se faire aussi, là, pour bien assurer, justement, l'accueil et
éventuellement la rétention des personnes.
Mme
Weil : Comment vous réussissez, généralement, en termes de
rétention? Votre vécu, votre expérience des dernières années, est-ce que
ça s'améliore à cet égard?
Mme
Laflamme (Céline) : Moi, si je peux parler pour nous, ça s'améliore,
parce qu'on voit beaucoup des personnes qui sont arrivées seules, par exemple des hommes qui sont arrivés seuls,
puis que maintenant c'est la famille qui vient, la conjointe, les enfants. Ça, c'est un cliché, mais c'est quand même
une réalité. Puis il y a une installation qui se fait dans le milieu
parce qu'on y retrouve une qualité de vie, parce qu'on y retrouve de l'emploi
et de la sécurité.
Nous,
ce qu'on vit, dans les milieux ruraux, c'est l'attraction de la ville,
l'attraction de la ville urbaine, là, tu sais, qui crée un mouvement
parmi la population. Mais j'imagine que...
Mme
Weil : Est-ce que vous voyez... bien, là, vous allez pouvoir
répondre, parce que je sais que vous avez un projet, mais est-ce que vous voyez une différence entre ceux qui sont
recrutés à Montréal ou ceux qui viennent directement de l'étranger chez
vous? Dans le taux de rétention, est-ce que vous voyez une différence?
• (12 h 20) •
Mme Lopez (Eva) : Bien, moi, je voudrais répondre à cette question, parce qu'on est
impliqués directement avec le recrutement international et aussi à Montréal.
Premièrement,
le taux de rétention, en Chaudière-Appalaches, dépasse les 90 %, les gens
sont vraiment ancrés. Et il y a un phénomène très particulier en
Chaudière-Appalaches, c'est que les immigrants arrivent à Bellechasse, à Thetford Mines, à
Saint-Georges et circulent dans toute la Chaudière-Appalaches sans quitter le
territoire. Et ça, c'est une
réussite. Ils s'installent, ils travaillent, et après ça ils changent, ils se
trouvent un meilleur emploi, ils évoluent à l'intérieur du territoire.
C'est un succès pour le réseau d'organismes, ça, c'est clair.
Par rapport à
la promotion qu'on a faite, parce que, l'organisme, j'insiste, c'est le
ministère de l'Immigration qui a financé
ses activités de promotion, l'organisme bénéficie d'une très grande couverture
médiatique au niveau international. Cette
couverture médiatique fait en sorte que les immigrants nous arrivent
directement dans les régions, maintenant, et c'est très intéressant.
Alors, il y a
un impact à Montréal qui est essentiel, parce qu'à Montréal, on sait très bien,
vous connaissez bien la
problématique, il y a beaucoup d'immigrants à la recherche d'opportunités sans
connaître qu'il y a des régionalisations à quelque part. Alors, le rôle
d'un organisme promoteur, c'est de venir alimenter cette connaissance sur le
milieu et de favoriser n'importe quelle MRC,
en Chaudière-Appalaches, mais avec une intention durable, parce que c'est ça
qu'on cible en tant qu'organisme,
retenir l'immigration. Et, pour le faire, je répondrai à la première question
que vous avez posée par rapport à
comment on voit, c'est un financement direct ministère de
l'Immigration-organisme et une implication du milieu pour tout le reste.
Mais il faut assurer une permanence et protéger les acquis.
Mme Bizier (Jeanne) : Pour ma part,
nous, dans la région de Beauce-Sartigan, il y a eu beaucoup de venue d'immigrants, de travailleurs étrangers
temporaires, des Costaricains entre
autres, et eux, ils sont liés par
contrat avec une entreprise, mais ils font tous les démarches de francisation
en vue d'apprendre la langue et en vue de faire leur demande de résidence permanente éventuellement, leur CSQ, tout ça. Et ça, c'est quand même un gros volume
qu'on a, et c'est une clientèle qu'on
prend à la base et qu'on s'occupe pour être sûrs qu'elle reste longtemps.
Et en général, comme on dit... des fois, bien, on essaie de les matcher avec des Beauceronnes, ça fait
que ça va bien, ils vont rester longtemps
chez nous, ça fait que c'est ça
qu'on essaie de faire. Mais, écoutez, on n'est pas une agence de mariage, c'est juste
pour vous faire rire, là, un petit peu. Mais c'est vrai que ces gens-là,
c'est des travailleurs spécialisés qui viennent en renfort dans les entreprises,
que les entreprises paient cher pour aller les chercher à l'extérieur du Québec parce
qu'il en manque, et on les accueille et s'occupe de leur intégration.
Quand ils arrivent, on fait le suivi avec eux. Et c'est une clientèle qui
reste. On en perd un de temps en temps, c'est vraiment juste... c'est
infime par rapport au reste. Alors, on a ça...
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît.
Mme Bizier (Jeanne) : Oh!
Excusez-moi.
Le Président (M. Picard) :
Non, non, allez-y, il vous reste quelques secondes.
Mme Bizier
(Jeanne) : O.K. Et
ce que je voulais dire... Ça, c'est une grosse part des travailleurs. Et on est allés en
recrutement, nous, à Montréal pour nos entreprises et on a eu vraiment des gens qui ont
déménagé en région, et qui s'établissent,
et qui veulent faire leur vie en région pour la qualité de vie, puis ça, il ne
faut pas... — bonjour — il ne faut pas l'oublier. On a des
milieux de vie très intéressants, qui sont bien, qui sont... Tu sais, ça coûte
moins cher, la vie, en région, hein?
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto : Merci,
M. le Président. Alors,
Mme Lopez, Mme Dje, M. Mamadou Diarra, Mme Bizier, soyez
les bienvenus, et merci pour la contribution à ces travaux ô combien importants.
Vous le
savez, la dernière Loi sur l'immigration date de 1968. J'avais sept ans, moi, à
l'époque, vous voyez, et je
n'envisageais même pas une seule seconde, tout au cours de mon adolescence en
Afrique, là-bas, de me retrouver ici aujourd'hui en train de changer la loi.
J'entends
bien votre témoignage, et c'est encourageant et c'est... Le rôle qui est le
vôtre et ce que vous représentez, évidemment,
est un rôle essentiel, c'est ce que j'appelle, moi, la première ligne
d'accompagnement; la première ligne de stabilisation
aussi, parce que, quand on vient d'ailleurs, on est habité par beaucoup de
préoccupations. Évidemment, dans les
premiers temps, on est très enthousiaste parce qu'on arrive dans un nouvel
espace, on est prêt à se plier à la francisation très facilement, mais
encore faut-il être guidé dans ça. On est prêt à apprendre les codes culturels
du milieu.
Il y a un
enthousiasme qui parfois est refroidi par la perception de ceux qui
accueillent, la perception de ceux qui sont dans la maison qui accueille, la maison étant en général le Québec, et
cette perception, on le voit ci et là, occasionnellement, est marquée par des préjugés. Je pense que,
madame, c'est vous qui parliez de la préparation des gens qui accueillent,
et c'est vrai que, quand on ne fait pas ça...
Ce n'est pas partisan, ce que je dis, là, ça vaut pour tous les gouvernements
qui se sont succédé au Québec depuis
toujours : On n'investit pas toujours temps et énergie pour préparer les
gens. Et quand bien même vous, de
votre côté, vous feriez ce travail, il y a un faisceau d'informations, un
faisceau de projection de modèles beaucoup
plus fort que vous, beaucoup plus fort que l'école même, c'est l'imagerie
populaire, qu'est-ce qui est véhiculé à travers les nouvelles à la
télévision, à travers les films à la télévision...
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste deux minutes, M. le député.
M. Kotto :
Et ma question : Est-ce qu'il serait pertinent de votre part que le
gouvernement, dans son approche de sensibilisation,
envisage d'utiliser tous les faisceaux de communication existants aux plans
culturel, informatique et autres?
Mme Bizier (Jeanne) : Pour
ma part, je crois que oui, parce qu'il y a quand même tout le volet
sensibilisation que l'on doit faire
dans les communautés et qui doit être supporté par l'action gouvernementale
aussi. Parce que c'est sûr qu'il y a
des communautés où c'est peut-être un peu plus difficile, mais c'est parce que
c'est une méconnaissance de l'autre qu'ils
ont plus qu'un racisme ou quelque chose, là, vraiment c'est : Ah mon Dieu!
Ils arrivent... C'est qui, eux autres? Et,
quand on leur explique qu'ils viennent chez nous, puis qu'ils entrent en
relation avec les immigrants, ça se place, et ça se place bien, en général. Dans nos communautés, là, on ne vit pas de
guéguerre ou de gens qui se regroupent en communauté ou quoi que ce
soit, là, il y a un accueil qui est fait, là.
M.
Diarra (Elhadji Mamadou) : Absolument. Moi, je pense que vous avez
raison parce que, pour sensibiliser quelqu'un,
il faut l'informer. Si je ne connais pas qu'est-ce que c'est, je ne peux pas
être sensibilisé à ça, je ne peux pas... Donc, il faut connaître ce qui s'en vient, il faut préparer les
individus. Donc, c'est sûr, il faut utiliser l'ensemble des canaux de communication qui puissent exister. Ça, c'est
fondamental, fondamental. Et puis ça prend de la préparation, et, dans
le monde des affaires, ce qu'on dit, c'est
qu'un manque de planification, c'est planifier à disparaître. Donc, c'est
exactement ça. Ça fait que c'est fondamental d'informer les gens,
d'utiliser les médias sociaux dans tout ce qui peut exister pour informer les
gens, parce que, j'ai dit tantôt, il faut créer... on construit des ponts avec
les mêmes pierres...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
M.
Diarra (Elhadji Mamadou) : ...donc c'est sûr et certain que, si on
n'informe pas les gens, la construction va être effectivement difficile.
M. Kotto :
Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède la parole à Mme la députée de
Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Mesdames
monsieur, merci d'être là. Je vais poursuivre sur la même lancée. J'adore vous entendre. Vous êtes
dans le milieu, vous connaissez l'immigration, vous savez ce qui se passe. Merci pour le travail que vous faites,
d'abord, c'est un travail remarquable, extrêmement important, l'intégration.
Et je vais poursuivre parce que moi aussi,
j'avais pris la note, vous dites : On est là pour construire des ponts
entre les cultures. Alors, j'ai peu
de temps. J'aimerais qu'on parle des changements, des changements aux
programmes qui ont eu cours. Est-ce
qu'il y a eu un impact chez vous de la réduction de 25 % du nombre de
séances du fameux cours Objectif intégration?
Si oui, ça ressemblait à quoi, cet impact-là? Trouvez-vous que c'est une bonne
chose d'avoir réduit de 25 %? Pouvez-vous en parler?
Mme Lopez
(Eva) : Bien, moi, je parlerai de ça, parce que la région de
Chaudière-Appalaches n'offre pas ce système
de formation, non, non, du fait que, les personnes qui arrivent directement de
leur pays, on les prépare dans nos organismes respectifs, on leur offre
le service d'accueil, d'intégration qu'on donne à n'importe qui d'autre. Mais,
ce service-là, cette coupure a causé un
impact très important, parce qu'avant les immigrants, ils étaient vraiment
informés à la première... en
arrivant, il y avait un service qui était là et qui était vraiment efficace,
surtout offert par des organismes de Montréal, logiquement, et
malheureusement on sent l'impact de cette coupure, c'est clair. Toute coupure
dans ce domaine-là cause un impact très important.
Mme
Bizier (Jeanne) : Bien, nous, effectivement, ce n'était pas donné dans
la région, il fallait amener les gens à Québec. C'est à Québec que ça se
donne. Ça fait qu'on l'a peut-être un peu moins senti, nous, cette baisse-là.
Par
contre, effectivement, quand les immigrants... ils passent tous par Montréal,
en général, et ça, c'est un de nos problèmes,
quant à nous, que les gens arrivent, ils vivent déjà une séparation de leur
pays, ils viennent s'intégrer ici, et là on les reprend de Montréal puis on les amène en région. Et ça, ce
côté-là, là, ça... Tu sais, on les sort une fois d'une place, on les ressort une seconde fois pour essayer de
les intégrer. Mon Dieu! Le déracinement, là, j'imagine, M. Kotto, là, que
vous l'avez vécu, mais j'imagine que, un
être humain, en vivre un une fois dans sa vie, c'est déjà assez; en vivre deux,
c'est peut-être trop. Alors, moi, je pense
qu'il faut regarder ça aussi, peut-être essayer d'amener les gens directement
en région et qu'on s'occupe des gens
directement à la base, parce qu'on a des besoins de main-d'oeuvre spécialisée,
mais on a aussi besoin de manoeuvres.
On n'a pas juste besoin de diplômes universitaires, on a besoin... On est sur
le plancher des vaches puis on connaît les besoins, puis ça, c'en est,
des besoins.
• (12 h 30) •
M.
Diarra (Elhadji Mamadou) : C'est
important, effectivement, ce que ma collègue mentionne. Déracinement,
moi, j'arrive du Sénégal, je suis arrivé en
plein mois de janvier; j'ai eu un choc thermique, dans mon cas. Je suis arrivé
à Trois-Rivières. De Trois-Rivières, je suis allé à Montréal. De Montréal,
je suis venu à Lévis.
Donc,
dans le fond, c'est des changements importants qu'on vit. Ce
n'est pas parce qu'on a décidé de traverser l'Atlantique pour
venir... ou peu importe où, là, ce n'est pas nécessairement mon cas, mais,
qu'on prend quelqu'un à Montréal puis l'amener à Lévis ou peu importe, ailleurs,
qu'il ne vive pas un autre déracinement, parce qu'il y a une attache
qui se crée, donc les gens sont aussi dans une communauté où est-ce qu'ils vont
se reconnaître...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
M. Diarra (Elhadji Mamadou) : Donc,
c'est important de pouvoir continuer ce soutien-là, oui.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Merci beaucoup. Je...
Mme Roy
(Montarville) : Je
pense comme vous. Merci beaucoup. Je suis tout
à fait d'accord avec ce que vous
dites.
Le Président (M. Picard) : Je
vous remercie pour votre contribution.
Et je vais
suspendre très brièvement. Je demande à tous les parlementaires de faire les salutations rapidement afin de permettre au prochain groupe de
prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 31)
(Reprise à 12 h 32)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue au Conseil du statut de la femme. Je
reconnais Mme Julie Miville-Dechêne. Je vous invite à présenter les
personnes qui vous accompagnent. Vous disposez de 10 minutes, va s'ensuivre des échanges. Vous êtes au courant,
vous savez comment ça se passe ici. La parole est à vous.
Conseil du statut de la
femme (CSF)
Mme
Miville-Dechêne (Julie) :
Donc, merci de nous avoir invitées. Je veux présenter, à ma droite, Hélène
Charron, qui est la directrice de la
recherche au Conseil du statut de la
femme, et, à ma gauche, Joëlle
Steben-Chabot, qui est celle qui a
écrit notre mémoire, en un temps record, parce que nous avons été
invitées il n'y a pas très longtemps, mais nous tenions à être présentes.
Donc, sans
plus tarder, on veut d'abord... Mme
la ministre et MM. et Mmes les
députés, le conseil se réjouit de l'intention du gouvernement de choisir
des personnes immigrantes en fonction des besoins réels et actuels de la main-d'oeuvre au Québec. En
effet, depuis que je suis au conseil,
les autres membres du conseil ont souvent rencontré des immigrantes extrêmement
frustrées et déçues qui avaient des diplômes et qui n'arrivaient pas à trouver
d'emploi en fonction des études qu'elles avaient faites, donc je crois
que cette réorientation était vraiment nécessaire. Et elles nous demandaient, ces immigrantes — on a fait des recherches là-dessus — pourquoi le Québec sélectionnait-il des
universitaires s'il avait surtout
besoin de techniciennes et de techniciens, et on en a entendu parler, là, dans
les Appalaches, là, on nous a dit la même chose. Donc, essentiellement,
il doit y avoir un meilleur arrimage. Nous saluons cette idée-là.
Par ailleurs,
étant donné notre mission, nous voulons souligner que les femmes, dans les différentes
catégories d'immigration, n'ont
évidemment pas les mêmes besoins et les mêmes parcours. Particulièrement, je
pense aux femmes parrainées. Une étude récente menée ici, à Québec,
montre que le parrainage place les femmes dans des situations de vulnérabilité en raison de leur dépendance
juridique, économique et sociale envers leurs conjoints. Je sais que je ne vous
apprends rien, mais je tiens à insister
là-dessus parce que, pour les cours de français notamment, ça fait une
différence. Une femme parrainée peut
devoir patienter jusqu'à 18 mois pour obtenir la preuve, parce
qu'évidemment le gouvernement fédéral est impliqué, preuve nécessaire
pour être admise dans les cours de langue française. Et vous avez peut-être vu comme moi ce cri du coeur à 24/60 de cette
femme anglophone parrainée par un francophone du Québec qui disait : Moi,
je veux contribuer à la société
québécoise, mais je suis incapable
d'apprendre ou d'avoir des cours d'anglais subventionnés. Dans...
Une voix : ...
Mme
Miville-Dechêne (Julie) :
J'ai dit «anglais»? Je voulais dire «français», bien sûr. Merci de me
reprendre.
Dans les cas
les plus graves, les femmes parrainées victimes de violence conjugale n'oseront
pas demander de l'aide aux services
sociaux ou porter plainte, de peur d'être expulsées. Donc, pour ces femmes-là,
nous considérons qu'un programme spécifique où on pourrait enseigner les droits
des femmes, l'égalité des sexes, les ressources disponibles devrait être
mené, devrait être donné par le MIDI pour ces femmes-là.
Par ailleurs, la fameuse grille de sélection
actuelle, nous notons qu'il y a, bien sûr, une majorité de métiers traditionnellement masculins pour lesquels on
donne un pointage assez élevé. Là, ce qu'on se dit, c'est qu'évidemment on ne connaît pas la nouvelle
grille, mais on vous invite à être attentifs parce que, si tout cela donne une
sursélection d'hommes, qui seraient mieux
préparés pour occuper ces emplois, nous tenons à un certain équilibre. Et je
sais que c'est une proposition difficile, mais l'idée d'étudier plus largement le fait qu'il peut y
avoir des professions plutôt traditionnellement féminines qui pourraient être privilégiées... ou alors offrir des cours
aux femmes immigrantes qui arrivent pour qu'elles puissent intégrer ces
métiers où on a besoin d'elles.
Pour ce qui
est de la question du français, les statistiques montrent que les
femmes migrantes sont un petit peu
moins susceptibles de connaître le français que les hommes migrants. Et, quand
on regarde qui fréquente les cours du MIDI,
c'est exactement la même chose, il y a 62 % de femmes,
dans ces cours, contre 38 % de femmes... d'hommes, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'obstacle à surmonter pour les femmes. Les femmes sont en général,
encore aujourd'hui, plus
impliquées avec les enfants que les hommes, donc toutes les questions de
garderie les interpellent particulièrement.
Seulement deux organismes
communautaires offrant des sessions
d'intégration, deux sur 17, offrent des haltes-garderies, alors vous
voyez tout de suite le problème.
Ensuite,
on s'inquiète du sort des femmes parrainées, qui attendent longtemps
pour avoir des cours de français et qui n'ont pas le même financement
pour les suivre que les autres immigrantes.
Ensuite,
parmi ces personnes immigrantes, il y
a les femmes qui choisissent de
rester à la maison dans les débuts pour
s'occuper des enfants ou qui n'arrivent pas à trouver un travail. Ces femmes
peuvent, bien sûr, suivre des cours de francisation, mais 44 semaines de cours, si
elles n'ont pas de possibilité de pratiquer, ce qu'on nous dit, dans le réseau,
c'est que ça fait des femmes qui ne parlent
pas français. Donc, c'est problématique. Je suis sûre que vous le savez, Mme la
ministre. Est-ce qu'il pourrait y avoir des suivis? Donc, bref, c'est quand
même un problème important.
Pour celles
qui ont des emplois, nous croyons qu'une des solutions réside dans les cours de
francisation dans les entreprises durant les heures de travail, parce
que ça permet particulièrement aux femmes de conjuguer leur travail, l'apprentissage du français et leur famille sans
courir partout le soir. Et, pour nous, c'est une des formes de solution. On
a noté qu'il y avait eu des
compressions dans ce domaine-là et on se demande si on ne devrait pas
réinvestir, parce que c'est une façon de maîtriser la langue, et surtout
le lieu de travail peut devenir un lieu de pratique de cette langue qu'on
apprend ensemble.
Taux de
chômage, vous le savez sans doute, les taux de chômage des femmes migrantes
sont deux fois plus élevés que ceux
des hommes migrants. Et en plus on ne fait pas très bien par rapport aux autres provinces, nos taux de chômage des femmes immigrantes sont plus élevés, et ça
leur prend plus de temps à trouver des emplois. Donc, il y a
des trucs, dans notre système, des
choses qui ne fonctionnent pas très bien, et je sais que vous avez fait une
réforme notamment pour cela.
Deux points
sur lesquels je vais insister plus sérieusement, des réflexions que nous avons,
très préliminaires, sur la formation
offerte en termes d'égalité des sexes
au Québec. Alors, ce que nous comprenons, c'est que cette formation de quelques heures fait partie du cours session
Objectif intégration d'une semaine. Donc, ça, c'est un cours qui est dispensé
par les groupes communautaires qui ont des
ententes avec le MIDI. Selon nos sources, le temps manque pour cette formation
essentielle, et des sujets comme la violence faite aux femmes ne sont pas
forcément soulevés. La formation est aussi donnée
une seule fois, tôt après l'arrivée, et ce qu'on nous dit, c'est, étant donné
le choc ou l'incrédulité que les formatrices observent chez certains
hommes qui suivent ces cours, faut-il en faire plus?
• (12 h 40) •
Donc, nous
savons que le MIDI, là-dessus... on a compris qu'il y avait une réflexion au
MIDI sur cette question-là en ce
moment, qu'il y avait une volonté de revoir ces programmes-là. Nous la saluons
parce que... Et nous vous disons aussi
que, comme vous le savez, nous sommes disponibles sur ces questions d'égalité
des sexes, si le besoin s'en fait sentir. Et, bien sûr, ici c'est important de souligner que nous ne
voulons pas stigmatiser les populations immigrantes et réfugiées, parce que,
parmi elles, il y a plein de gens qui
connaissent, et qui comprennent, et qui acceptent les valeurs d'égalité des
sexes, plus que d'autres Québécois. Mais,
dans la foulée des centaines d'agressions simultanées survenues récemment
à Cologne, ça nous oblige à nous interroger
sur nos programmes en matière d'égalité femmes-hommes. En fait-on assez dans ce domaine? Nous croyons que le ministère
devrait examiner ce qui se fait ailleurs, en Norvège ou ailleurs en Europe,
afin d'évaluer si nos cours en matière de
droits des femmes et de normes sociales sont suffisants ou doivent être
bonifiés.
En terminant, je voudrais vous dire un mot sur
une situation qui me semble particulièrement injuste dans une société comme la nôtre. Les migrantes à statut
précaire et enceintes ont beaucoup de difficultés à avoir accès à des soins et
à des accouchements à prix raisonnable. Il
est inacceptable, à nos yeux, que les femmes non assurées se voient réclamer
par certains médecins québécois le double, sinon le triple des tarifs fixés par
la RAMQ. Selon des recherches faites notamment
par Médecins du Monde, on peut demander jusqu'à 20 000 $, à
l'hôpital, pour accoucher, alors que le tarif du médecin est de 500 $. Nous comprenons que le gouvernement du
Québec veut lutter contre le tourisme obstétrical, mais il y a aussi des femmes pauvres qui
s'endettent. Et on nous dit qu'en Ontario toutes les femmes résidentes, quel
que soit leur statut, ont droit
d'avoir les soins d'une sage-femme quand elles sont enceintes, donc c'est la
résidence dans une province qui est le critère et non le statut. De
notre point de vue, c'est une question de droits de la personne. Cette
surfacturation est indécente. Voilà.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède la parole à Mme la ministre.
Mme Weil : Merci,
Mme Miville-Dechêne, Mme Charron, Mme Steben-Chabo, merci
beaucoup de votre participation. C'était
vraiment important pour nous d'avoir votre point de vue à cause de votre
expertise et votre souci de la place
de la femme, de la femme immigrante. Oui, c'est vrai que, depuis des années que
j'occupe ce poste, j'ai été très sensibilisée.
Le ministère de l'Immigration, on a plusieurs initiatives qu'on a lancées pour
s'adresser à toutes ces questions. Il y a évidemment d'autres ministères
qui sont concernés.
D'ailleurs,
je voulais voir si vous aviez des commentaires, je ne sais pas si vous êtes au
courant, c'est ce programme pour
faire la promotion des occupations dans le milieu du travail qui ciblent les
femmes. Alors, le ministère de l'Immigration est maintenant partenaire,
je pense que c'est la fin de 2015 que c'est sorti, donc il y a des liens, des
hyperliens pour encourager des femmes
immigrantes à postuler à certains métiers, professions dans le secteur de la
construction. Donc, ça, c'est une
initiative, je trouve, intéressante, novatrice. Et je pense à ça parce que vous
avez évoqué, donc, de faire attention à
la sélection parce qu'on pourrait avoir plus d'hommes que de femmes, mais je
voulais voir avec vous l'évolution de la place de la femme dans des métiers traditionnellement masculins. Est-ce
que vous avez pu voir de l'évolution? Est-ce que vous entrevoyez de
l'évolution?
Je pense
qu'il faut faire de la promotion, c'est sûr, mais on pense à la médecine, qui,
il n'y a pas... Il y a 20 ans, évidemment, il y a 30 ans, les
femmes étaient minoritaires, maintenant sont majoritaires. Donc, les femmes
sont à la conquête de tous les métiers,
alors je voulais voir si... Parce que, pour nous, évidemment, quand on doit
agencer les besoins avec le marché du
travail, c'est sûr que dans le réseau de la santé il y a beaucoup de femmes, il
y aura beaucoup de besoins, hein, dans les années à venir, c'est évident, mais
il y a beaucoup plus de femmes ingénieures, etc. Donc, juste vous entendre
là-dessus.
Mme
Miville-Dechêne (Julie) :
Donc, deux choses. D'abord, si je comprends bien, ce dont on a besoin en ce
moment plus que tout, ce sont surtout des
techniciens et des techniciennes. En tout cas, c'est ce que j'ai vu dans votre
grille, ça peut changer. Mais je ne pense pas qu'on peut se fier sur la
progression des femmes dans les professions universitaires
pour dire que forcément on va avoir, là, plus de femmes qui postulent pour
venir au Québec, parce qu'on le sait,
il y a beaucoup de femmes universitaires qui ont postulé et qui n'ont pas
forcément trouvé chaussure à leur pied ici. Mais vous avez peut-être raison, ça dépend de la formation
universitaire, et peut-être effectivement que ça peut changer.
Mme Weil :
Et un élément qui est très important, c'est le PEQ, le Programme d'expérience
québécoise, où on met les étudiants
étrangers et les travailleurs temporaires sur la voie rapide. Donc, il y a des
femmes qui sont dans des postes hyperspécialisés, des secteurs de
pointe, beaucoup de femmes dans les grandes villes et ailleurs, mais aussi, évidemment, dans les étudiants étrangers, autant
de femmes que d'hommes, donc, qui sont peut-être dans tous ces métiers.
Et on veut privilégier... On va garder le Programme d'expérience québécoise à
l'extérieur de ce nouveau système de déclaration d'intérêt, donc ce qui va
faire en sorte de bien équilibrer. Il faut qu'on fasse encore plus de promotion
du programme, mais il y a des pays qui ont
réussi à augmenter, comment dire, le succès de ce programme de façon impressionnante.
Je voudrais
revenir, parce que c'est important, puis on n'a pas beaucoup de temps, avec
vous... Cette question de partage, de
compréhension de valeurs d'égalité hommes-femmes et tout, moi, j'ai participé à
un cours pour voir qu'est-ce qui se
disait là et pour voir l'échange. Quand j'ai participé, c'était vraiment
extraordinaire parce que, honnêtement, tout le monde avait compris ce que ça voulait dire, égalité hommes-femmes,
surtout les femmes. Et d'ailleurs même dans les réfugiés syriens,
récemment, un interprète a posé la question à un couple, ils avaient quatre ou
cinq enfants, peut-être même six, une
famille adorable, et on a demandé... moi, j'ai posé la question :
Qu'est-ce qui fait en sorte que vous êtes ici, vous avez voulu venir? Évidemment, pour eux, c'est le Canada, là,
mais, bon, vous êtes au Québec, pour eux c'est la même chose au point de vue valeurs. Et la femme a
répondu que, elle, pour elle, la marque de commerce qu'on a, c'est l'égalité. C'est elle qui a soulevé ça, là. Alors,
je me suis dit : Oui, c'est quand même intéressant. Et ce que j'ai
remarqué dans cette classe : que
le prof était extraordinaire pour susciter un débat vivant, hein, parfois
ludique et drôle, et parce qu'ils se taquinaient un peu aussi entre eux,
hommes et femmes, mais c'était très bon.
Mais je suis
d'accord avec vous, je suis d'accord avec vous, je pense qu'il y a lieu
peut-être d'aller plus en profondeur, selon les études, les remarques,
les commentaires que vous faites. Je ne sais pas combien de temps...
Mme
Miville-Dechêne (Julie) : ...c'est
anecdotique. Vous avez participé à un cours. Nous, on a parlé à certaines
personnes dans le réseau et on entend différentes choses. Donc, clairement...
Mme Weil : ...c'est ça, il
faut...
Mme
Miville-Dechêne (Julie) : Ce
n'est pas, comment dire... c'est normal, d'ailleurs, qu'il y ait une espèce de choc quand on apprend en même temps que les femmes
gardent leur nom, qu'elles ont des droits, que... Tout ça, je veux dire, il y a certaines cultures où j'imagine qu'il
y a un choc. Donc, l'idée, c'est effectivement d'avoir suffisamment de temps pour discuter de toutes ces questions-là, de
ne pas le faire à la va-vite. Je sais qu'il en est aussi un peu question dans
la francisation, mais, encore là, on passe
peut-être un peu vite. Enfin, de notre point de vue, c'est un apprentissage
important.
Mme Weil :
Mais les études que j'ai lues là-dessus et les experts qui en ont parlé, et
surtout dans le cadre de ce qui s'est passé en Allemagne, ils disent que
l'expérience, au Canada, c'est totalement différent. Pourquoi? Parce que l'accueil et l'intégration est vraiment pris en
charge par le gouvernement et les organismes communautaires avec qui on travaille. Donc, oui, il y a ce cours d'entrée de
jeu, mais ensuite il y a un suivi. La société civile est différente aussi, en
tout cas dans la prise en charge.
Maintenant,
ça ne veut pas dire qu'on ne doit pas, tout au long du processus... On a appris
que... on le sait, il y a un certain
pourcentage de personnes qui ne sont pas dans nos cours de francisation,
notamment les femmes, les conjointes, hein,
c'est beaucoup dans le regroupement familial. Il faut trouver des façons de les
rejoindre et justement, dans ces cours, peut-être rehausser ces... avoir des discussions de ce genre pour les
sensibiliser comment on vit l'égalité dans la vie de tous les jours.
Donc, je trouve ça, cette idée, très, très, très intéressante.
Le Président (M. Picard) : Il
reste une minute, Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui. Bon, bien, peut-être... Sur cette question de francisation, parce qu'on en
a beaucoup parlé, c'est la langue de partage, c'est la langue de
participation, pour ces femmes, on a déjà fait, dans le passé, des mesures qui ont permis d'aller rejoindre ces personnes.
J'aimerais vous entendre un peu plus là-dessus, sur... en milieu de travail. Il
y a des femmes qui sont dans toutes
sortes d'emplois, ils ne sont pas spécialisés, c'est des emplois manuels, mais
il y a des entreprises qui ont permis la francisation dans ces
milieux-là.
Mme
Miville-Dechêne (Julie) :
Bien, ce qu'on entend — je ne suis pas une spécialiste de cette question, mais nous
avons, à l'intérieur de notre assemblée, une femme qui suit ces questions-là
fort bien — ce
qu'on entend, c'est qu'évidemment,
dans les grandes entreprises... on ne peut pas faire ça dans une entreprise de
trois personnes, c'est très difficile,
mais dans les manufactures, dans le textile et tout, le fait d'avoir un cours
qui se donne durant les heures de travail, évidemment, fait qu'il y a presque une obligation... ou, enfin, les
femmes préfèrent apprendre la langue que de travailler une heure de plus, j'imagine, mais c'est surtout
que ça n'entre pas en conflit avec le fait, le soir, d'aller chercher les
enfants, avec des tâches que les
femmes immigrantes, souvent, font aussi, parce que ce sont elles, n'oublions
pas, qui sont souvent responsables de l'intégration dans le quartier,
dans l'école. Donc...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme
Miville-Dechêne (Julie) : Pardon?
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Oui, je termine. Je voulais aussi, sur la
question de Cologne, ne pas faire trop de
parallèles avec... Je posais la question, mais évidemment il y a des
différences fondamentales aussi en termes de nombre de réfugiés, en termes de culture. Mais reste que
cette question de cours d'égalité est importante, et on voulait le souligner
ici.
• (12 h 50) •
Le Président (M.
Picard) : Merci. M. le député de Bourget.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. Mme Miville-Dechêne, Mme Charron,
Mme Steben-Chabot, merci d'être là, merci pour la contribution. C'est toujours très intéressant de vous entendre, de vous écouter, parce qu'entendre, c'est une chose, et
écouter, c'est autre chose.
Je
voudrais m'attarder un tout petit peu — je n'ai pas beaucoup de temps — sur l'enjeu de la vulnérabilité des
femmes parrainées, qui, selon ce qui nous est souvent rapporté, notamment par
votre organisme, disons, vivent dans l'isolement, sont abandonnées à
elles-mêmes.
Évidemment,
il y a une information qui peut circuler afin d'informer, d'éduquer, même, je
dirais, mais, quand on se réfère aux
codes culturels de ces nouvelles Québécoises parrainées, qu'elles soient
originaires d'Europe de l'Est, de l'Ouest, d'Afrique, d'Amérique latine, des
codes culturels qui recèlent, disons, des références machistes, la place de
l'homme dans ces sociétés, et tout ça, à
l'évidence, quand elles viennent au Québec, ça peut être une surprise que
d'entendre parler d'égalité hommes-femmes, de voir cela même de façon
tangible dans la vie de tous les jours. Et je dirais entre parenthèses qu'on
est très, très avancés, au Québec, relativement à cet enjeu.
Déprogrammer
ou reprogrammer ces personnes, c'est tout un exercice aussi, parce que les plus
grands exégètes en psychologie nous
apprennent que c'est de zéro à 20 ans qu'on construit notre personnalité
psychique. Donc, tout ce qui est
codes, tout ce qui est repères, élément de référence culturelle, quand c'est
enchâssé, plus tard c'est difficile à déloger.
Est-ce que ça ne
prendrait pas une approche plus musclée, je dirais même... Et là je reviens
encore avec mon arme de prédilection,
c'est-à-dire l'imagerie populaire. Comme on a fait pour la ceinture de
sécurité, pour sensibiliser les gens relativement aux dangers de
conduire sans, comme on l'a fait contre la conduite en état d'ébriété, pourquoi
n'arriverait-on pas, en tant qu'État,
nation, avec des messages musclés à portée pédagogique pour aider ces femmes à
se prendre en charge, à un moment donné?
Mme
Miville-Dechêne (Julie) : Alors, nous, comme conseil, on a, sur
plusieurs plans, demandé de grandes campagnes
de sensibilisation, contre les agressions sexuelles notamment, contre
l'exploitation sexuelle. Le fait de les cibler particulièrement dans une campagne grand public, envers certaines
femmes, il faut juste être prudent dans la façon dont c'est fait. C'est une bonne idée en théorie. Par
ailleurs, il ne faut pas non plus stigmatiser ces femmes-là, parce qu'elles
ne sont pas toutes dans cette idée qu'elles
arrivent de pays plus machistes, je veux dire, il y a aussi des femmes
françaises parrainées...
M. Kotto :
...que je disais, tout à fait.
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Tout ça pour dire que l'idée, en théorie, n'est
pas mauvaise, mais je me demande, étant
donné parfois la connaissance du français et tout, si le fait d'être plutôt
dans une formation où on les rencontre, où elles peuvent rencontrer d'autres personnes et discuter avec d'autres
personnes... si ce n'est pas la meilleure façon de faire.
Par
exemple, toujours dans cette émission de 24/60, je voyais cette femme
qui essayait désespérément d'apprendre le
français, et qui était une femme parrainée, et qui était chez elle, et qui
souffrait. Elles s'étaient fait, entre elles, un petit cercle Facebook où elles discutaient entre elles
des différents problèmes d'intégration, et qui étaient à ce point difficiles
que l'une d'entre elles s'était enlevé la vie. Donc, ce n'est pas rien, là.
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme
Miville-Dechêne (Julie) : Il faut que je me taise? Oui.
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour. Merci d'être là.
C'est assez grave, ce que vous venez de dire. La
dame qui s'est enlevé la vie, c'est une note plutôt triste.
Revenons à votre mémoire, cependant. Vous nous ouvrez les yeux sur deux choses que je
trouve particulièrement intéressantes. Le fait que, si nous choisissons
les immigrants en fonction de l'offre d'emploi, va-t-on se retrouver avec
plus d'hommes que de femmes parce que...
bien ça, c'est extrêmement... c'est la première fois qu'on l'entend, alors je pense qu'il faut s'y attarder, poser la question,
vérifier. Donc, merci pour... Puis ça, c'est vraiment un éclairage, là, on
ne l'avait pas eu, c'est la première fois qu'on l'entend.
Par ailleurs, il y a quelque
chose qui, nous, ma formation politique
et moi-même, me tient particulièrement à coeur, c'est
vraiment ces cours,
et vous faites des références déjà
avec ce qui se passe à l'étranger, ces cours, je vais les appeler, moi, d'initiation à la société
d'accueil. Actuellement, il y a le cours Objectif intégration, on sait qu'il a
été amputé de 25 %, les cours
auxquels vous faites référence, certains, c'est des cours de cinq heures à
peine, bon, et vous nous ouvrez plein de pistes, plein de portes, de
solutions.
De
un, j'aimerais vous entendre... Pour nous, ces cours-là devraient être
obligatoires. Nous, c'est la position qu'on prône, là, ça devrait être obligatoire. Je veux vous entendre à cet
égard-là. Et, de deux, peut-être pas lorsqu'on parle des femmes, justement, peut-être pas juste aux femmes majeures, mais peut-être
y aurait-il lieu de faire quelque
chose avec les jeunes femmes également.
Et
là j'ouvre la porte. Je me souviens d'une autre commission parlementaire à
laquelle j'ai participé il y a quelques années,
où on apprenait, dans la foulée de l'affaire Shafia, et tout ça, que souvent le
répondant, le père de famille, gardait toute
l'information pour lui et jamais ne la transmettait aux femmes
de la maison, à la conjointe, aux enfants. Donc, leurs droits étaient
brimés lorsqu'ils arrivaient ici, ils n'en avaient pas conscience.
Alors,
dans quelle mesure, en fonction de tout ça, il faudrait qu'il y ait un cours à
la citoyenneté? Un, la question
est : Obligatoire? Et, deux, de quel
type? Et devrait-il s'adresser à davantage qu'uniquement les femmes majeures, peut-être même les jeunes femmes?
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Alors, c'est une très bonne question.
Le conseil, l'assemblée du conseil ne s'est pas prononcée sur la question de l'obligation des cours, mais c'est clair que,
dans notre assemblée, il y avait vraiment
une forte envie que tous les immigrants
puissent bénéficier de ce cours. Donc, nous n'avons pas de position très
franche là-dessus.
Ceci
dit, sur les mineurs, nous, ce qu'on dit aussi, au Conseil du statut de la femme, et ce qu'on va dire bientôt dans un avis
qui va bientôt sortir sur l'éducation à l'égalité, c'est qu'évidemment cette question
doit commencer à l'école, au primaire, qu'il
doit y avoir non seulement un cours d'éducation sexuelle mais qui parle
d'égalité. Et donc c'est dans le cadre scolaire qu'on pense que ces
jeunes filles vont apprendre ces notions-là.
Est-ce qu'elles devraient en plus avoir un cours spécifique pour elles? Normalement, l'école est obligatoire, alors ça devrait être dans le cadre de l'école. Ceci dit, en ce moment, c'est vrai que ce n'est pas le cas. C'est vrai qu'il y a
certains efforts dans certaines
écoles, que c'est de façon transversale, mais nous comptons vraiment
présenter des propositions fermes pour
qu'il y ait des cours d'éducation sexuelle, d'éducation à la
citoyenneté et que la notion d'égalité femmes-hommes soit vraiment
au coeur de cela, parce que, vous avez raison, cette information doit circuler, sortir des mains du premier requérant vers sa
femme et aussi vers les enfants, vers les jeunes.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède la parole à M. le député de Mercier.
M. Khadir : Tout
simplement nous rappeler que les problèmes
de domination des femmes et de leur exploitation ou leur soumission à des pouvoirs machistes, c'est universel. On est,
cette semaine, en train de parler de ce qui se passe au centre de santé
de Laval, où il y a, bon...
Mme
Miville-Dechêne (Julie) : Exactement, avec le proxénétisme.
M. Khadir : Alors, nos programmes peuvent être pensés en
vertu de principes universels et adaptés, bien sûr, aux besoins.
Je voudrais revenir à
votre rapport, page 12, où vous êtes «d'avis que le Québec doit adapter
ses services aux immigrantes parrainées afin
de tenir compte des situations de vulnérabilité dans lesquelles certaines se
trouvent», conscients que 61 %
de la catégorie du regroupement familial sont des femmes, donc sont particulièrement touchées. Pouvez-vous nous expliquer de quelle façon, quel type
de programme, par exemple?
Mme Miville-Dechêne (Julie) : Bien, il
y a cette espèce de flou dans la
mesure où, comme c'est de juridiction fédérale,
et donc les règlements autour du parrainage sont faits par le gouvernement fédéral, on n'intervient, de mon point
de vue, pas suffisamment pour protéger ces femmes. Alors, ça veut dire
intégration à l'emploi spécifiquement pour elles, pour qu'elles puissent
rapidement pouvoir subvenir à leurs besoins et devenir autonomes, parce que de
l'autonomie financière découle, bien sûr,
tout le reste, mais aussi il faut qu'elles puissent de toute urgence avoir un
enseignement sur leurs droits. Il
faut qu'elles sachent que, si elles sont violentées, elles peuvent se plaindre
et elles ne seront pas expulsées. Et
ça, c'est le genre d'information qui n'est pas forcément donné au bon moment, on
nous a vraiment rapporté des cas...
Le Président (M.
Picard) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme
Miville-Dechêne (Julie) : ...de femmes parrainées qui malheureusement
n'ont pas accès à ce genre de programme. Donc, il faut de l'information, il
faut que ça soit connu.
Je suis désolée, je ne peux pas en dire plus.
C'est court!
Le
Président (M. Picard) : Merci beaucoup pour... Malheureusement,
l'horaire nous bouscule. Je vous remercie pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Et je suspends les travaux jusqu'à
15 heures, où la commission poursuivra son mandat.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 9)
Le
Président (M. Picard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Cet
après-midi, nous entendrons l'Association du Barreau canadien, division Québec,
le Conseil canadien pour les réfugiés, M. Pierre Fortin et la
Confédération des syndicats nationaux.
Je souhaite
la bienvenue aux représentants de
l'Association du Barreau canadien. Je vous invite à vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent.
Vous disposez d'une période de 10 minutes, va s'ensuivre des échanges
avec les parlementaires. La parole est à vous.
Association du Barreau
canadien, division
Québec (ABC‑Québec)
Mme
Villaran (Gilda) : Bonjour. Vous m'écoutez bien? Bon, nous nous
présentons. Donc, Me Nadine Landry et
moi-même, Gilda Villaran, nous sommes vice-présidente et présidente,
respectivement, de l'Association du Barreau canadien, division Québec, section Immigration. Nous représentons ici,
donc, l'Association du Barreau canadien, qui représente quelque
67 000 juristes, professeurs de droit, étudiants de droit, etc., dans
tout le Canada, dont 2 400 au Québec.
• (15 h 10) •
Nous avons
envoyé hier pas un mémoire mais des notes pour une présentation orale, mais
elles sont publiques, donc vous pouvez passer à travers ces notes pour
voir quels sont les points importants que nous voulons soulever. Évidemment, en
10 minutes, on ne peut pas les soulever tous.
Je veux vous référer aussi au mémoire que nous
avons envoyé il y a exactement un an, le 10 février 2015, au moment où il y a eu la consultation en relation à
la nouvelle politique en matière d'immigration, diversité et inclusion. À ce moment-là, nous avons produit un mémoire.
Nous ne sommes pas venus à l'Assemblée nationale, mais on avait produit un mémoire dont la vaste majorité des points sont
encore très pertinents en ce moment. Donc, je vous invite à le réviser,
parce qu'on traite exactement des mêmes sujets que nous traitons aujourd'hui.
Je veux
seulement énumérer très rapidement les points que nous avons soulevés dans nos
recommandations, dans les notes. Le
premier, c'est de souligner l'importance du choix du programme. Nous
recommandons que les candidats à l'immigration soient capables de
choisir leur propre programme et ne se voient pas imposer un programme
alternatif. En plus, nous disons que les
fonctionnaires en immigration peuvent suggérer mais pas se substituer à la
décision d'un candidat, qui connaît mieux son propre intérêt que
n'importe quel autre fonctionnaire.
Le deuxième point est en relation à
l'immigration temporaire. Ce serait le sujet d'une autre consultation dans
laquelle nous pouvons passer des heures, c'est un sujet très important. Il y a
très peu qui est dit dans la loi, mais nous voulons
souligner l'importance de maintenir la procédure simplifiée au Québec pour les
procédures d'étude d'impact du marché du travail. Et ça, c'est le
programme qui permet une certaine flexibilité. Et, si nous, nous pouvons
permettre, suggérer que ça, c'est maintenant
le bon moment, pour le gouvernement du Québec, pour retourner à la table de
négociation avec le gouvernement
fédéral, qui nous avait imposé une certaine rigidité, que nous avons considéré,
qui, au Québec, ne permettait pas aux compagnies, aux employeurs, de
confronter les problèmes de rareté de la main-d'oeuvre. Donc, maintenant, après le changement de gouvernement,
nous nous permettons humblement de suggérer, ce serait le bon moment de retourner à la table de négociation, pour le
bien des entreprises du Québec et la création d'emplois; non seulement pour
les étrangers, mais pour les Québécois.
Le troisième
point, nous tenons à souligner le bon fonctionnement du Programme d'expérience
québécoise. Donc, ma collègue va parler de la question, mais mon point
est, quand il y a quelque chose qui marche, on le garde.
Le quatrième
point, c'est exprimer des réserves importantes en relation à la déclaration
d'intérêt. On ne s'oppose pas à la déclaration d'intérêt, comme tel, mais il
faut la circonscrire et surtout apprendre des erreurs du fédéral. On a
eu l'occasion d'apprendre, de voir comment ça marche au fédéral. On pourrait
discuter longuement, mais il y a plein de problèmes, et on ne doit pas les
répéter ici.
Le cinquième
point, c'est... Nous nous opposons vigoureusement à la rétroactivité qui est
prévue à l'article 49, alinéa
trois. On parle d'application immédiate de la loi. Ce n'est pas une application
immédiate de la loi, on est en train d'implanter des règles rétroactives,
ce qui n'est pas admissible dans un État de droit.
Le sixième
point, c'est de nous prononcer à l'encontre de la détermination des critères
par instruction ministérielle. Encore une fois, ça, c'est quelque chose
qu'a commencé à faire le gouvernement conservateur au fédéral, et nous ne voudrions pas que ce soit par instruction
ministérielle qu'on fixe les critères pour la sélection des personnes au
Québec.
Le septième
point, c'est dénoncer le taux élevé, exagéré du nombre des rejets, qui a explosé
les dernières années.
Le huitième, c'est de demander que le MIDI cesse
de demander des documents inutiles et non pertinents. On parle, dans la loi, de pertinence. Parlons de
pertinence. On est complètement à l'encontre de ces pratiques de demander
des documents non pertinents.
Le neuvième, c'est d'applaudir l'encadrement des consultants en immigration. C'est très important, c'est un très
bon pas qu'on voulait souligner.
Aussi, le
10e point, c'est de souligner l'importance du droit à la représentation de l'avocat, qui a
été menacé plus d'une fois. Nous avons eu des représentations de
Mme la ministre dans le sens que ce droit va être respecté, mais nous voudrions profiter de cette occasion pour
dire : Le droit à la représentation, c'est un droit vraiment important, et
nous tenons à ce qu'il soit toujours conservé.
Et dernier
point, c'est que nous sommes très contents de l'établissement du Tribunal
administratif du Québec, et nous
voudrions aussi que les demandes qui ont été rejetées et non seulement refusées
soient aussi objet des contestations devant
le tribunal. Aussi, dans le cas de la dérogation négative de l'article 38,
il n'y a aucune raison pour enlever ce droit d'aller au Tribunal
administratif du Québec.
La seule réserve que nous avons, c'est que le
droit de l'immigration, c'est un droit vraiment spécialisé. On ne s'improvise
pas en immigration, ça prend longtemps. Donc, il faudrait prévoir que les
personnes qui vont siéger au Tribunal administratif du Québec, qui vont
connaître des matières dans toutes sortes de domaines du droit, aient les
connaissances spécialisées requises. Ça, c'est notre seule réserve.
Sur ce, je cède la parole à ma collègue.
Mme Landry
(Nadine) : Très rapidement,
cinq points additionnels. Alors, si on revient sur le PEQ, qui fonctionne
très bien, on aurait deux points d'amélioration à proposer, soit de l'ouvrir au
conjoint qui accompagne le demandeur principal
et qui est sur un permis de travail ouvert. Présentement, c'est fermé. On
ne comprend pas pourquoi quelqu'un, une
famille qui est ici ou le conjoint qui est sur permis de travail ouvert,
travaille déjà depuis 12 mois, parle parfaitement français, ne peut
pas agir comme demandeur principal. Quelle est la différence avec quelqu'un
qui serait ici sous un permis vacances-travail?
La deuxième amélioration à ce programme-là : le retour du niveau de français à ce qu'il
était. Avec l'imposition par le fédéral d'un délai maximal de quatre ans
sous permis de travail, ça devient impossible, pour quelqu'un qui arrive
ici sans déjà parler français, de se
qualifier et d'apprendre le français en si peu de temps. Ça prend un an, un an
et demi aux personnes pour décider qu'elles veulent rester ici de façon
permanente. Atteindre le niveau de français requis en l'espace de 12 à 18 mois, c'est impossible, parce qu'il faut
s'assurer, si on a à choisir le programme régulier, de déposer la demande au moins 12 mois à l'avance, sans
quoi on ne sera pas capable de renouveler le permis de travail, les gens
vont devoir quitter avant de pouvoir s'installer de façon permanente.
Si on revient sur la déclaration d'intérêt,
comme ma consoeur l'a mentionné, on a des grosses craintes ou des réserves. On
salue la gestion de la demande, mais on est contre ce qu'on ne considère pas vraiment
une gestion de la demande mais une
imposition d'un nouveau critère de sélection par l'ajout d'une grille
additionnelle sur les critères de sélection qui vont être mis en place
par règlement, qui, à notre avis, devrait être publié à l'avance.
Je fais très
rapide. Donc, on s'oppose à la rétroactivité. On pense que les outils sont
prévus dans l'outil législatif pour
être capable de faire des déclarations d'intérêt en temps opportun. La
rétroactivité n'est pas nécessaire, elle ne fait
que ternir l'image du Québec. Les candidats ont besoin d'une prévisibilité.
Quand les gens viennent nous voir, ils nous demandent : On veut ouvrir une entreprise ici, on veut
s'installer ici. Quels seront les délais? Quelle est la prévisibilité
qu'on puisse rester à long terme? C'est très important pour eux.
Finalement,
les rejets, je vous réfère, là, dans le mémoire du Barreau, aux chiffres. Pour
nous, ça devrait aussi être des
décisions qui peuvent aller au TAQ, parce
que la majorité des décisions
négatives sont présentement des rejets.
Le
Président (M. Picard) :
Merci beaucoup, merci pour votre présentation. Je cède la parole
à Mme la ministre.
• (15 h 20) •
Mme Weil : Oui, bonjour. Alors, Me Villaran et
Me Landry, merci beaucoup de votre participation. Je sais que vous vous sentiez précipitées. Alors, on aura l'occasion
pour vous poser des questions. C'est très technique, hein, tout ça, puis je pense que, pour que les gens puissent bien
comprendre les enjeux que vous soulevez, c'est important que vous puissiez
avoir le temps de vous exprimer, de bien expliquer les choses.
Pour revenir
sur le PEQ, oui, d'ailleurs plus généralement à vos commentaires par rapport au système
fédéral, en effet,
il y a des échanges de façon régulière avec le gouvernement fédéral, entre le
MIDI et l'IRCC, pour justement
regarder les failles de leur système,
c'est normal, dans tout système informatique complexe comme ça il y a
des failles, qu'ils corrigent, et
donc on en profite pour regarder ça. Donc, ça, c'est du côté informatique et
technique. Mais, par rapport aussi à la vision, nous, d'entrée de jeu, on ne voulait pas intégrer le PEQ dans la déclaration d'intérêt. Donc, ça, je vous rassure qu'on va le garder
distinct.
Peut-être revenir sur la question du conjoint ou
conjointe dans le cas du PEQ. Qu'est-ce que vous proposez?
Mme Landry (Nadine) : On propose simplement
que toute personne qui est sous permis de travail valide au Québec,
qui rencontre le critère des 12 mois de travail à temps plein et le critère de la langue
française puisse être admissible
à déposer une demande dans le PEQ. Ce n'est pas ça présentement parce que
l'interprétation que fait le ministère du paragraphe, séjourne au Québec, donc le but principal
du séjour au Québec est le travail, ne s'applique pas au conjoint
qui accompagne le demandeur principal parce que
le conjoint n'est pas ici principalement pour le travail. C'est l'interprétation que
le ministère en fait et avec laquelle on n'est pas d'accord.
Mme
Weil : Oui, écoutez,
pour le PTET, vous savez qu'il y a eu une motion unanime de l'Assemblée nationale là-dessus,
alors, en effet, alors, on va reprendre... parce que c'est important pour
nous parce que ce programme-là alimente, justement,
le passage à l'immigration permanente et parce que c'est des gens qui...
des travailleurs temporaires qui comblent des besoins très pressants et qui sont là, voulus,
choisis par l'employeur, qui sont en emploi, déjà intégrés. Tout ça, vous
le connaissez. Donc, en effet, de
restreindre ce programme comme la modification à l'époque de Jason Kenney, là, qui a été maintenue ensuite, cause beaucoup,
beaucoup de problèmes. Vous, vous le voyez dans votre pratique,
j'imagine, hein, quotidiennement,
oui. Alors donc, on est d'accord avec vous. Je pense que la motion unanime à l'Assemblée nationale a vraiment reflété, d'ailleurs,
un consensus au Québec, c'était assez intéressant et frappant.
Pour
ce qui est de pouvoirs de dérogation, je pense... C'est bien celui-là qui est
le statu quo? Est-ce que c'est bien celui-là? Oui? Les articles 37
et 38, ils reprennent les pouvoirs prévus dans la loi actuelle, donc...
Mme Villaran
(Gilda) : Ce que nous demandons, excusez-moi si j'ajoute...
Mme Weil :
Oui. Non, allez-y.
Mme Villaran
(Gilda) : ...c'est que, s'il y a un exercice du pouvoir dérogatoire
négatif, cette décision soit susceptible
d'être amenée au Tribunal
administratif du Québec. En ce
moment, ce n'est pas prévu, donc cette décision est finale.
Mme
Weil : Je vais peut-être
vous amener sur la question du pouvoir de créer des programmes pilotes d'immigration. Est-ce que vous avez analysé cette question-là?
Mme Landry (Nadine) : Très brièvement.
On n'était pas vraiment certains de l'intention en arrière de ça. On
est tout à fait pour les programmes pilotes de façon générale, ça permet de
tester.
On
a vu que, dans la loi, c'est limité à cinq ans et à 400. On s'est posé la question
sur le chiffre du 400, sur la base du 400, mais au-delà de ça on n'a pas...
Mme
Villaran (Gilda) : Oui,
c'est ça. On a discuté la question, mais on n'a pas compris vraiment
exactement qu'est-ce qui est
l'objectif de cette disposition.
Mme
Weil : C'est par projet, hein? Ça ne veut pas dire qu'il y a un
projet pas année, c'est par projet. C'est proportionnel aux projets
pilotes qu'ils ont au niveau fédéral, qu'ils ont introduits. Mais ça permet
quand même une multitude de projets pilotes,
par exemple, dans les régions, je vous dirais. Beaucoup les régions demandent
cette flexibilité, ils ont des
besoins changeants. Donc, je vous dirais que, l'enthousiasme, on le retrouve
beaucoup chez les acteurs des régions, qui ont chacun leurs besoins.
Mais
il faut faire attention que ça ne vient pas remplacer, évidemment, le système
d'immigration qu'on connaît tous, les
gens qui vont passer par le système d'immigration régulier. Alors, c'est pour
ça que c'est à petite échelle, c'est pour tester des idées.
L'intérêt
de ça, évidemment, c'est de pouvoir trouver des solutions adaptées à des problématiques
pointues qui sont... variant, là,
dans différentes régions. Montréal aussi, les grandes villes peuvent avoir
leurs problématiques, dépendant d'où elles sont situées. Je pense à
Gatineau, qui est à la frontière avec l'Ontario. Eux, ils vivent une situation
assez particulière où les gens vont, hein,
de l'Ontario au Québec, de l'Ontario au Québec, une mobilité importante, donc
ça crée toutes sortes d'enjeux pour
eux au point de vue services à des personnes qui seraient des nouveaux
arrivants mais qui se retrouvent à s'installer dans la région, accès à
la francisation, en tout cas, il y a différents types de problèmes.
Bon,
peut-être vous entendre sur le recours au TAQ, qui est
nouveau, le Tribunal administratif,
votre évaluation de ce nouveau recours.
Mme
Villaran (Gilda) : Comme moi, je le disais très brièvement, nous
applaudissons cette mesure d'avoir recours au Tribunal administratif du Québec. Nous voudrions que cette
possibilité soit élargie, la possibilité d'aller au tribunal soit élargie à deux autres situations qui ne sont
pas prévues actuellement dans le projet de loi, qui sont, premièrement,
les demandes qui ont été rejetées, que, comme on sait, c'est un problème énorme
actuellement encore, le nombre de demandes
qui sont rejetées par des questions de formalité, et le rejet auquel on peut
arriver après plusieurs années, parce qu'on
ne parle pas d'un rejet qui vient quelques semaines après le dépôt mais après
quelques années. Donc, dans les cas de rejet,
nous considérons qu'il devrait y avoir la possibilité d'un recours, et aussi
qu'il devrait y avoir la possibilité d'un recours au TAQ dans les cas de dérogation négative, comme je le disais
il y a un moment. C'est expressément exclu, on dit «sauf dans le cas de l'article 38», je pense, ou quelque chose
comme ça. Donc, il y a une exclusion d'aller au TAQ dans les cas de
dérogation négative, et c'est ça qu'on voudrait enlever. Il peut y avoir de
bonnes raisons pour...
Mme Weil :
...recours à la Cour supérieure, par exemple, dans ce dernier cas.
Mme
Villaran (Gilda) : Oui, sauf que le recours à la Cour supérieure,
c'est prohibitif et c'est très long. Donc, vraiment, on ne comprend pas pourquoi on va soustraire au TAQ la
possibilité de regarder ce type de dossier.
Mme
Weil : Excusez-moi. Certains ont demandé de maintenir la
révision administrative en même temps aussi que le recours au TAQ. Je ne
sais pas si vous vous êtes prononcés là-dessus.
Mme Villaran (Gilda) : Nous ne nous
sommes pas prononcés en relation à ça.
Mme
Landry (Nadine) : En fait, ce qu'on pourrait suggérer, pas
nécessairement un moyen formel mais une possibilité...
parce que des fois, les rejets, c'est vraiment sur des minitechnicalités, donc
qu'il puisse y avoir une personne référence ou un bureau quelconque, là,
pour éviter d'aller au TAQ pour des choses banales.
Mme
Weil : Oui. Pour l'article 11, vous demandez que le
ressortissant étranger puisse avoir le libre choix de la catégorie dans laquelle il désire ou elle désire
présenter sa demande. La façon que ça fonctionne et l'idée derrière ça, c'est
de toujours l'orienter vers ce qui est le
meilleur choix pour la personne. Donc, c'est toujours à son avantage, c'est
comme ça que ça fonctionne.
Mme
Villaran (Gilda) : Mais la question, le problème, c'est que nous ne
sommes pas d'accord que les choix qui sont faits par les instances
gouvernementales soient...
Mme
Weil : ...guider, on va le guider. On lui dit : Bon,
voici, vous seriez mieux d'aller dans ce programme-là.
Mme
Villaran (Gilda) : L'expérience que nous avons en ce moment avec le
système fédéral d'Entrée express est que... Vous savez, dans le système
fédéral, il y a trois programmes : le programme d'expérience canadienne,
le Programme des travailleurs qualifiés et
le programme des «skilled trades», les métiers spécialisés. Donc, nous, on
applique pour l'expérience
canadienne; le système, le système, l'ordinateur, décide que le meilleur
programme pour vous, c'est l'autre,
il vous envoie... il vous demande plein de choses dont on n'a pas besoin, parce
qu'on se qualifie sur le système de l'expérience canadienne.
Donc,
ce que nous disons, nous sommes tout le temps fâchés, frustrés, avec cette
situation. On dit : Mais nous savons qu'est-ce que c'est, le mieux
pour nous. Pourquoi est-ce que vous allez choisir pour nous? Donnez-nous un conseil, si vous voulez, mais ne vous substituez
pas à nous, nous savons pourquoi nous choisissons un programme. Et, si
ce programme n'est pas le meilleur pour nous, bon, tant pis pour nous, mais
laissons-nous le choix.
Mme Weil :
Oui, on vous comprend, on est d'accord. Et donc le système, évidemment, qui
n'est pas encore implanté, ferait en sorte
que, oui, ce serait la décision... La recommandation, une fois que l'analyse du
ministère est faite, il ferait une
recommandation au demandeur : Vous seriez mieux de choisir celui-là, mais
le choix serait le choix du candidat.
Mme
Villaran (Gilda) : Ça serait idéal, ça serait idéal, parce que, comme
je vous dis, ce n'est pas notre expérience actuelle avec le système
fédéral.
• (15 h 30) •
Mme
Weil : Vous savez que, le problème des rejets et refus,
évidemment, dans le nouveau système de déclaration d'intérêt, il y aurait... parce qu'il y a un
dialogue, hein, entre le ministère... Mais vous pourriez m'expliquer peut-être
une expérience avec Entrée express
qui est différente, mais il n'y aurait plus ce problème de rejet, refus, oui,
mais de rejet parce qu'il manque des documents, parce qu'on peut
demander à la personne... on leur dit en temps constant, là, les documents qui manquent. Donc, ce problème-là,
selon le ministère, n'existerait plus. Je ne sais pas si votre expérience
avec Entrée express est autre.
Mme Landry
(Nadine) : Oui, tout à fait, notre expérience est différente. Si vous
regardez les statistiques du gouvernement fédéral, quand ils ont publié leur
rapport, au 1er juillet, il y avait plus de 50 % des dossiers qui
étaient rejetés parce que les documents
soumis... Au fédéral, on soumet électroniquement, donc les documents sont
téléchargés sur la plateforme informatique, et, si les documents sont
non-conformes, jugés non conformes, ou il y a un document manquant, le dossier peut être rejeté. Pour des
choses un peu plus minimes, ils vont donner au demandeur sept jours ou
15 jours, des délais très, très courts, parce qu'ils font la promesse que les
dossiers vont être traités en six mois.
Donc,
ça va dépendre comment ça va être appliqué, parce que, pour nous, il y a toujours
cette possibilité de rejet pour des... Au fédéral, l'avantage, c'est
que, le pointage étant déterminé, la personne va faire sa correction dans son
document, va être réinvitée très, très rapidement et va pouvoir faire la
correction, mais il faut quand même qu'elle recommence tout le processus depuis
le début, qu'elle repaie les frais de traitement, etc.
Mme
Villaran (Gilda) : La question
avec la demande de documents non pertinents, il y a une décision qui est
prise derrière, ce n'est pas la
machine qui génère seule, il y a une décision. Et là ce que nous suggérons, c'est
que beaucoup d'attention soit
donnée à quel type de document soit demandé. L'expérience que nous avons, qui a
été vraiment traumatisante, les dernières
années, c'est de devoir présenter des documents qui ne sont pas pertinents à la qualification
de la personne. Et nous, nous sommes
fatigués de le dire, nous l'avons dit dans le comité de liaison, dire :
Mais pourquoi, si une personne est en train d'avoir le pointage
sans ce document-là, on continue à nous demander la preuve de cet
emploi que le monsieur a eu...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme Villaran
(Gilda) : ...quand il avait 18 ans et il était à Tahiti.
Le Président (M.
Picard) : En terminant.
Mme Weil : Bien, en terminant, moi, je vais vous dire qu'on
va tenir bonne note de ce que vous dites pour ne pas, justement,
implanter des mesures qui seraient des obstacles plus qu'autre chose. Alors...
Puis il y aura un dialogue entre le ministère et vous,
évidemment. Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme la ministre. Je cède la parole à M. le
député de Bourget.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. Mme Villaran, Mme Landry, merci d'être là et de
participer à cet exercice.
Je
rebondis sur l'échange que vous aviez avec la ministre, parce qu'on ne pose pas souvent cette question, mais vous
êtes des gens de droit et de terrain, vous devez avoir une idée, vous vous êtes
sans doute déjà modélisé un concept de sélection peut-être
plus performant que celui que nous sommes en train de délaisser avec la loi de
1968. Là, vous mettez en relief les couacs
avec le mode nouveau qui nous a été inspiré par l'Australie, la
Nouvelle-Zélande, c'est-à-dire
la déclaration d'intérêt. Aucun modèle, de toute façon, à travers le
monde n'est parfait, mais vous, selon vous, selon votre expérience terrain, si vous aviez à formuler, à
suggérer des idées pour réaliser un modèle, disons, optimal, quel serait-il?
Et notamment relativement à la catégorie qui nous concerne ici.
Mme Landry (Nadine) : Des travailleurs qualifiés, oui, c'est ça. Donc, dans la catégorie
des travailleurs qualifiés, ultimement il faudrait être absolument
compétitif avec les autres, donc, c'est les mêmes candidats qui sont attirés
par le fédéral. Donc, on a l'aspect
français. Et je pense que l'emphase devrait vraiment être mise sur les gens qui
sont ici. Moi, ce qui me crève le
coeur, c'est de rencontrer un client qui vient me voir, qui me dit :
J'aime ça, j'adore mon travail ici, je
veux rester ici, comment je fais?, et là je suis obligée de dire : Bien, à
moins que tu sois capable d'atteindre un niveau de français comme ça... Parce que tu ne te qualifies pas dans la grille
parce que ton domaine n'est pas dans la formation. Oui, tu es dans la liste des professions en
demande pour le programme des travailleurs temporaires, mais la liste pour le
permanent n'est pas tout à fait arrimée.
Donc, je pense, dans un modèle idéal, il y aurait un meilleur arrimage, même si
les besoins de court terme ne sont pas nécessairement les besoins sur le long
terme.
Donc, ça me crève le coeur de lui dire :
Bien, pour devenir résident permanent, là, vous devriez vous trouver un emploi en Ontario ou dans une autre province, vous allez être
résident permanent à l'intérieur de six mois avec Entrée express, et après ça, bien, vous pourrez décider. Ce qui
est triste, c'est que ces gens-là souvent ne reviennent pas, alors qu'ils
avaient déjà créé des attaches ici.
Donc,
je pense, dans le modèle idéal, quand les gens sont ici et
qu'ils veulent rester, qu'ils sont en emploi, il faudrait trouver un
moyen de faire le transfert vers la résidence permanente. Il n'y a pas de
modèle parfait. Je pense qu'au fédéral il y a
une trop grande emphase qui est mise sur la validation de l'offre d'emploi, les
600 points bonis, qui met tout
le monde sur un pied d'égalité. Je
pense que les offres d'emploi ne sont
pas toutes sur un pied d'égalité, il
y a une variation à faire. Mais c'est très, très difficile d'entrer
dans un système informatique avec un système
de pointage quand on ne peut pas vraiment
juger les subtilités. Donc, ce n'est pas notre travail, on va vivre avec, mais
disons que quelqu'un trouverait un moyen de régler ça...
Mme
Villaran (Gilda) : Et, moi,
ce que je dirais, c'est : Premièrement, nous sommes d'accord avec le principe
de l'expression d'intérêt
et nous pensons que ça, c'est la seule solution au problème d'avoir une grande
demande et un nombre limité de places qui peuvent être données. Le système
antérieur, disons, dans lequel tout le monde rentrait, et on devait attendre des années, et des années, et
des années, ça n'a aucun sens, ça cause des engorgements, ça n'a aucun sens. Le système qui doit commencer lundi prochain de premier
arrivé, premier servi non plus, ce n'est pas idéal, parce que...
et je sais que c'est quelque chose de transitoire, mais ce n'est
pas les meilleurs, ceux qui ont la qualité de s'adapter mieux, de contribuer à la société québécoise qui
vont être choisis, parce que c'est une question de qui a le doigté plus rapide
ou des questions comme ça.
Donc, l'idée de
l'expression d'intérêt, nous pensons qu'elle est très bonne, mais elle doit
être circonscrite, premièrement, aux candidats économiques et aux programmes
économiques, ce qui n'est pas très clair, parce que la manière qu'il est expliqué dans la loi, c'est assez ambigu. On parle de
déclaration d'intérêt pour les séjours qui sont... on réfère toujours à «temporaires» et pour
l'établissement, donc, comme si la déclaration d'intérêt, c'était pour tout, et
on ne les circonscrit pas non plus
aux programmes économiques. Ça doit être clair que ce soit seulement pour
travailleurs qualifiés et exclure le
PEQ, ce que, Mme Weil vient de dire, ça va être l'intention, mais le
projet de loi peut-être pourrait être plus clair en ce sens et dire que,
d'après les critères, il peut y avoir la valorisation de l'expérience
québécoise ou quelque chose qui laisse voir que ça s'en vient.
Et,
nous, ce que nous voudrions, c'est que la manière d'implanter ce système de
déclaration d'intention ne répète pas
les erreurs du fédéral, donc le poids excessif, excessif des EIMT, études
d'impact sur le marché du travail, qui prend 600 points des 1 200 possibles et qui fait en sorte que toutes les
personnes qui sont ici comme travailleurs qualifiés et qui ont bénéficié d'une dispense, par exemple les
jeunes qui sont venus avec PVT, Jeunes professionnels, les personnes qui
sont venues comme en mutation
intraentreprise, avantage important pour le Canada, se disent... toutes ces
personnes-là ont zéro point quand la personne qui a eu une EIMT pour un
travail de quelques mois, elle va avoir ceci, 100 points.
Donc,
c'est ce type de problème que nous ne voudrions pas qu'ils soient répétés. Et
nous pourrons évidemment nous étendre sur tous ceux qui ont ces
problèmes, sans dire les problèmes technologiques, là, évidemment, que c'est la machine qui décide, la non-possibilité de faire
des demandes de révision une fois que la machine a décidé que ce n'est pas une bonne candidature, il faut recommencer, et
ça n'a aucun sens. On a perdu le visage humain, il n'y a personne à qui
dire : Non, ce n'est pas comme ça. Il n'y a rien. Donc, il faut
recommencer.
Donc, il y a énormément de problèmes avec le
système express qu'on ne voudrait pas reproduire ici, mais le système de
choisir les meilleurs, c'est, nous pensons, une très bonne idée, qu'il faut
accueillir positivement.
Le
Président (M. Picard) : M. le député, question et réponse, une
minute.
M.
Kotto : Une minute. Bon, bien, je vais être très discipliné,
sinon le président va me chicaner. Je vous remercie pour votre
contribution. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. le député de Bourget. Mme la députée de
Montarville, c'est à vous.
• (15 h 40) •
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. Maîtres. Bonjour à vous deux.
Votre
mémoire est très, très pointu, très technique, très dans la loi puis surtout
dans l'application de la loi. Je vais vous amener tout de suite à la
page 4 de votre mémoire, où vous avez des préoccupations relativement au
TAQ, le Tribunal administratif, le neuvième
point. Vous nous dites, pour le
bénéfice des gens qui nous écoutent : «L'ABC-Québec reconnaît l'importance de fournir aux candidats une procédure de
contestation/appel des décisions administratives prises en vertu de la Loi sur l'immigration et [...] ses
règlements d'application.» Cependant, vous êtes préoccupés par la soumission des dossiers auprès du TAQ et vous souhaiteriez
recevoir l'assurance que les juges du TAQ qui auront à se prononcer en
matière d'immigration auront toutes les connaissances requises dans ce secteur
de droit spécifique.
Si
j'ai bien compris la ministre tout à
l'heure, là — probablement que je me suis trompée, mais peut-être que non, vous
me corrigerez — ce
que je semble comprendre du dossier, c'est que dorénavant toutes les demandes administratives, les révisions
administratives ne se feront plus au ministère, elles vont toutes se faire... tout va se passer
au TAQ, si j'ai bien compris. Est-ce que c'est votre compréhension également?
Parfait, on a bien compris.
Maintenant,
considérant qu'actuellement le TAQ dispose déjà d'une section Immigration, il y a
déjà des dossiers qui sont en cours,
les délais moyens de traitement sont entre 13 et 14 mois, c'est très lourd
déjà, si on envoie tout ce qui arrive
au MIDI, au ministère,
et qu'on envoie tout ça, il y en a à peu
près 1 300, au
TAQ, est-ce que vous craignez pour l'accès à la justice, qu'il y
ait un engorgement des tribunaux à cet égard? Quelles sont vos préoccupations si tout se passe au TAQ?
Mme
Villaran (Gilda) : Bon, la préoccupation que nous avons exprimée, c'est en relation aux connaissances spécialisées que le domaine requiert, parce que
nous, par exemple, même dans l'immigration, nous sommes
surspécialisés, Me Landry et moi-même, nous faisons un type
d'immigration, madame qui va parler après nous fait un autre type d'immigration, humanitaire, les réfugiés, etc., il y a énormément
de spécialités. C'est ça, notre crainte. La crainte que nous avons exprimée dans le document, c'est qu'il y ait
des juges qui traitent de différentes matières, qu'ils ne sont pas familiers
avec les demandes qui sont déposées.
Et
sinon, l'engorgement, je pense que c'est une question de ressources. Si le
TAQ a les ressources nécessaires pour
traiter les demandes avec célérité, nous n'avons pas de crainte per se que ce
soit le TAQ. Je ne vois pas pourquoi au TAQ ce serait plus long que maintenant
avec la révision administrative.
Mme
Roy
(Montarville) : ...déplacement de ressources. Chose certaine, si on enlève des dossiers
au ministère pour les envoyer au TAQ, ça va prendre plus de
monde pour les traiter, là, il faut que les ressources suivent en quelque part aussi, là.
Mme Villaran
(Gilda) : Exactement, oui.
Mme
Roy
(Montarville) : Par ailleurs, dans le projet
de loi n° 77, on parle également des amendes, des amendes qui... les amendes, naturellement, là, dans la
portion pénale. Les contrevenants, on parle des personnes physiques, des
personnes morales. Puis là on énumère
plusieurs circonstances, là, dans lesquelles on peut se voir imposer des
amendes : falsifier des documents, les sceaux, etc.
Pour les personnes
physiques, actuellement, l'amende peut varier entre 500 $ et
10 000 $; pour les personnes morales,
de 1 000 $ à 50 000 $. Mais là, avec le projet n° 77,
ces amendes-là augmentent grandement. Pour les personnes morales, on passe de 5 000 $... les
personnes physiques, pardon, on passe de 5 000 $ 50 000 $,
puis les personnes morales, de
10 000 $ à 100 000 $. Donc, il y a une forte augmentation
des amendes au niveau pénal du projet de loi n° 77. Qu'en pensez-vous dans votre pratique quotidienne?
Mme Landry (Nadine) : On n'a pas abordé ça, notre temps était limité, là, mais, oui, on est
inquiets du libellé de plusieurs des
articles, qui semblent énormément larges. Dans
le fond, le gouvernement se donne beaucoup, beaucoup
de pouvoir : de se présenter à des
endroits sans mandat, d'avoir accès à tout, les personnes ont des obligations de produire des documents, etc.
C'est le pendant de ce que le fédéral a fait.
Les
amendes sont très salées, parce que, quand... Je prends l'exemple d'un
employeur. Si on a fait 10 offres d'emploi, bien c'est une infraction par travailleur. Si on multiplie, là, le
10 000 $ par 10 travailleurs, c'est des montants qui montent
très, très vite.
Et,
quand on tient responsable une personne morale, là, on prévoit que n'importe
quel employé, par ses gestes, peut
rendre... Donc, ça, ça doit être circonscrit. À notre avis, là, de la façon
dont c'est libellé, c'est très, très large. Les impacts potentiels de ça
sont incroyables.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je vous remercie pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Et je suspends
quelques instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 45)
(Reprise à 15 h 47)
Le Président
(M. Picard) : Nous
reprenons en recevant la représentante du Conseil canadien pour les réfugiés. Je vous invite à vous présenter. Vous disposez
d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation, va s'ensuivre
un échange avec les parlementaires. La parole est à vous.
Conseil canadien pour
les réfugiés (CCR)
Mme Dench
(Janet) : Merci beaucoup. Je
m'appelle Janet Dench, je suis la directrice du Conseil canadien pour les réfugiés. Le CCR est un organisme pancanadien
de regroupement sans but lucratif qui se voue à la défense des droits et
à la protection des réfugiés et d'autres migrants vulnérables, au Canada et
dans le monde, et à l'établissement des réfugiés et des immigrants au Canada.
Comme
préambule, je vais mentionner qu'en général nous ne commentons pas trop les
enjeux provinciaux, on laisse la
place plutôt aux regroupements provinciaux, dont, au Québec, la Table de
concertation des organismes au service des
personnes réfugiées et immigrantes, que vous allez, je pense, entendre la
semaine prochaine. Cependant, nous acceptons volontiers cette invitation, surtout dans le cadre de l'étude d'un
projet de loi d'une telle importance pour l'immigration au Québec.
Donc, je vais
aborder très brièvement, étant donné le temps est limité, trois thèmes, donc,
premièrement, sur les réfugiés, deuxièmement, les travailleurs migrants
et, troisièmement, concernant les droits de la personne.
Donc, pour ce
qui est des réfugiés, on salue et on sait que l'accueil des réfugiés représente
une source de fierté pour les
Québécois. On reçoit au Québec des demandeurs d'asile dans un nombre assez
important, sauf peut-être pendant les
dernières années, beaucoup moins. On reçoit aussi au Québec les réfugiés
réinstallés, tant les réfugiés pris en charge par l'État que ceux qui sont parrainés par le secteur privé, ce qu'on
appelle, au Québec, le parrainage collectif. Donc, je vais surtout parler du parrainage collectif. Et je
note que le Québec a choisi de s'occuper de l'administration des parrainages.
Malheureusement,
depuis cette période-là, on a l'impression que le parrainage collectif a été un
peu oublié par le gouvernement du
Québec, et surtout c'est assez frappant si on compare ce qui se passe au plan
fédéral et donc ce qui se passe dans
les autres provinces au niveau de la formation, de la promotion et de la
coordination. Il existe, au plan fédéral, un programme, Refugee Sponsorship Training Program, qui donc offre
formation et soutien aux groupes de parrainage, et il n'y a pas d'équivalent
au Québec.
• (15 h 50) •
On note aussi qu'on aurait pu faire un peu plus de promotion de ce programme de parrainage. La réalité, c'est que
proportionnellement, au Québec, on a vu le nombre de parrainages privés chuter,
au cours des dernières années.
Sauf que maintenant,
dans le contexte actuel, on voit une recrudescence d'intérêt, ce qui est une
bonne nouvelle. Donc, on a eu une
très importante augmentation du nombre de réfugiés parrainés au Québec,
mais c'est une réalité qui ensuite
pourrait engendrer des préoccupations, étant
donné qu'on voit beaucoup
de groupes de parrainage qui se lancent dans le programme mais qui ont beaucoup
moins d'expérience. Et c'est quelque chose qu'on voit déjà apparaître, il peut y avoir des pépins dans le programme,
et donc le manque de soutien, de programmes de formation, de mécanismes pour gérer ce
genre de problème se fait sentir.
Deuxièmement, je vais parler des travailleurs
temporaires. On a vu, tant au plan fédéral qu'au Québec, une augmentation importante dans le nombre de travailleurs temporaires admis. Nous, nous sommes très
préoccupés par la situation des travailleurs temporaires, surtout ceux qui sont moins
qualifiés ou qui sont dans les postes moins rémunérés et moins
qualifiés, nous nous joignons aux préoccupations exprimées à cet égard par la
Commission des droits de la personne et des
droits de la jeunesse. On souligne que «statut précaire» signifie
«vulnérabilité». Donc, nous suggérons à
votre attention la recommandation d'éviter le plus possible le recours aux
travailleurs temporaires, puisque ça les met dans une situation de
vulnérabilité.
Deuxièmement, on recommande au Québec de financer des services de soutien pour les travailleurs temporaires. À la différence
des résidents permanents, les travailleurs temporaires n'ont pas accès aux services
d'accueil et d'intégration offerts au
Québec. C'est une grande lacune à travers le Canada. Certaines autres
provinces offrent au moins certains services aux travailleurs
temporaires, ce n'est pas le cas du Québec. Et donc c'est une recommandation
qu'on vous fait.
Troisièmement, et c'est surtout pertinent dans le cadre de votre étude de ce projet de loi, on recommande au Québec
d'introduire dans la législation un encadrement des recruteurs. On note que vous avez dans le projet de loi des mesures pour parler des consultants qui pourraient
intervenir, mais, dans le cas des travailleurs temporaires, ce qui préoccupe énormément,
ce sont les recruteurs, qui souvent donnent de fausses promesses, de fausses informations,
de fausses représentations aux
travailleurs temporaires et aussi prennent de l'argent qu'ils ne devraient pas
prendre. Donc, il y a un besoin
urgent d'encadrer les recruteurs. Et c'est quelque chose qui a déjà été fait
par d'autres provinces, le Manotiba et la Saskatchewan, donc on vous
recommande de suivre leur exemple.
Troisièmement
et pour terminer, la question des droits de la personne. Pour le Conseil
canadien pour les réfugiés, les droits de la personne représentent un
guide essentiel pour tout ce qui concerne la gestion de l'immigration, et on recommande, si c'est possible, d'intégrer les
instruments internationaux dans le projet de loi. C'est quelque chose qui se
fait dans le cadre de la législation
équivalente au plan fédéral, où il y a une clause qui dit :
«L'interprétation et la mise en oeuvre
de la présente loi doivent avoir pour effet de se conformer aux instruments
internationaux portant sur les droits de [la personne]...» Bon, ils
mettent «droits de l'homme», mais je préfère «droits de la personne».
Et plus particulièrement je vais mentionner la question
de l'intérêt supérieur de l'enfant. Comme vous le savez sans doute, la
Convention relative aux droits de l'enfant impose à toutes les instances de l'État
de prendre en compte, en
fait de donner une considération primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant
dans toutes les décisions qui concernent les enfants. C'est donc quelque
chose qui pourrait être
spécifiquement mentionné dans votre projet
de loi, à l'article 35. Le projet
de loi dit : Un ressortissant étranger qui est dans une situation
particulière de détresse peut être sélectionné par le ministre dans les cas et
aux conditions déterminées par règlement du gouvernement, et on suggère
d'ajouter une clause pour dire qu'ils doivent
notamment tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant directement
touché. Merci beaucoup.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Nous débutons notre période d'échange avec Mme la ministre.
Mme Weil : Oui. Bonjour et bienvenue, Mme Dench. C'est vraiment un plaisir de vous avoir avec nous
pour parler d'immigration
humanitaire. Vous avez une grande expertise, très reconnue au Canada, on vous
lit souvent, hein, dans les journaux, alors c'est vraiment un plaisir de
vous avoir ici, à l'Assemblée nationale.
On parle
beaucoup d'immigration humanitaire ces temps-ci. Je pense que ce grand dossier
des réfugiés syriens nous a permis
collectivement d'attirer l'attention... Parce qu'on parle beaucoup
d'immigration économique, c'est normal, ça a été le grand focus, je pense, des dernières années, mais, au
Québec, le gouvernement du Québec, tous les gouvernements du Québec ont toujours eu aussi le souci de
l'immigration humanitaire, et on se dit toujours présents et prêts à jouer
notre rôle.
J'aimerais revenir
sur le parrainage collectif, parce que vous avez une expertise par rapport au
modèle canadien. Alors, vous savez que plus de 50 % des réfugiés
syriens qui sont arrivés la dernière année, c'est au Québec, grâce au parrainage collectif. On a fait de la promotion,
on a fait une promotion très directe, moi, j'ai rencontré les organismes de
parrainage pour les remercier aussi, bon, on a fait des sessions d'information,
etc., donc... Et c'est aussi le reflet de la communauté
syrienne qui est déjà ici. Ça, souvent, les gens ne le savent pas, mais c'est
une communauté historique, au Québec,
qui a fait en sorte que les églises, surtout beaucoup à Montréal, Laval,
Sherbrooke, ça a été les grands centres de parrainage collectif. Alors,
pour nous, on est très contents des résultats.
Là où c'était
plus lent, évidemment, c'était les prises en charge. Je pense que vous
connaissez bien l'histoire des dernières
années, des réfugiés syriens, le volume était très, très bas. Mais là on voit...
Donc, le volume augmente. Donc, le Québec a fait son plan au mois de
septembre. On voulait indiquer au gouvernement fédéral de l'époque, la société québécoise, qu'on était prêts à faire plus et
qu'on était capables de faire mieux à cet égard, au-delà du parrainage. Même
le parrainage collectif, on avait émis
beaucoup de certificats de sélection du Québec, mais les dossiers étaient
bloqués. Alors donc, pour nous,
l'important, c'était de débloquer. Juste vous dire à quel point, comme
gouvernement, parce qu'on a une
compétence... Évidemment, c'est de compétence fédérale, hein, quand on arrive
sur l'humanitaire, mais on joue un
rôle en amont dans le sens qu'on va toujours dire au gouvernement fédéral
combien nous, on peut en prendre dans notre planification générale. Et, pour ce qui est de l'immigration
humanitaire, on a toujours affiché présent. Et on met plusieurs ministères en action lorsqu'on accueille des
réfugiés, hein, c'est le ministère de l'Éducation, le ministère de la Santé, le
ministère de la petite enfance, évidemment
l'Immigration. Donc, il y a une approche gouvernementale par rapport à
l'accueil, l'intégration.
Mais je suis
intéressée à vous entendre parler... Parce que je connais peu le système
fédéral. Pour ce qui est du parrainage,
c'est-à-dire, il y a un certain appui aux parrains, si je comprends bien, s'il
y a des problématiques particulières puis ils ont besoin d'intervenir.
J'aimerais vous entendre sur ce système canadien qui pourrait nous inspirer.
• (16 heures) •
Mme Dench
(Janet) : Merci. Oui, donc, il y a un programme qui est financé par
Immigration Canada qui, donc, offre
des formations, ça s'appelle le Refugee Sponsorship Training Program, c'est
basé à Toronto. Et leur mandat, c'est d'offrir
de la formation aux groupes de parrainage, ils vont expliquer le processus
d'immigration, comment remplir les paperasses, etc., mais ils offrent
aussi des outils pour aider avec l'accueil, donc, pour un groupe qui se forme,
bien, qu'est-ce qu'il faut faire, comment s'adapter aux besoins des réfugiés
qui arrivent, comment offrir un bon accueil et aider dans l'intégration des
réfugiés. Et ils peuvent aussi intervenir s'il y a des pépins ou des problèmes au
niveau du traitement du dossier.
C'est un
service qui est très apprécié, surtout, évidemment, par les nouveaux
groupes, les groupes qui se forment. Et
ce qu'on entend souvent, c'est qu'il y a une lacune au Québec. Donc,
les gens aimeraient bien avoir accès à des services semblables. Puis le
RSTP, il va nous dire toujours : Bien, nous, on ne peut pas aller au-delà
de la frontière. Donc, on pourrait offrir un
programme de formation mais seulement si nous, on est en Ontario
et puis vous, vous êtes au Québec.
Donc, on aimerait bien avoir au Québec un programme semblable.
Je mentionne
deux aspects importants. Bien, d'abord, comme j'ai mentionné, il peut y avoir des problèmes
qui surgissent alors que nous, on a actuellement beaucoup de nouveaux groupes de parrainage qui se forment
et qui ne savent peut-être pas comment suivre le processus
et aussi comment aider de façon convenable dans l'accueil des réfugiés, donc on
a besoin de quelque chose pour aider et pour éviter que les choses... qu'il y
ait trop de problèmes dans l'accueil de ces
réfugiés. Mais, deuxièmement, aussi, c'est parce que nous avons
l'occasion maintenant, avec tous ces groupes qui se forment... Certains se forment spécifiquement
pour les Syriens, mais il y a d'autres qui s'intéressent, et donc nous avons
actuellement une occasion en or pour développer ces programmes et pour aider ces
groupes de parrainage à devenir des parrains
à continuité, de continuer peut-être avec d'autres groupes de réfugiés par la suite, et là il faut aussi avoir quelque chose qui
soutient les groupes de parrainage.
Je vais aussi
mentionner qu'au niveau fédéral aussi il y a un dialogue avec les groupes de
parrainage, et le fédéral appuie les groupes de parrainage dans des
rencontres. En général, ils ont une rencontre par année où tous les groupes de parrainage vont venir ensemble, avec un
représentant par groupe de parrainage, pour discuter du système. Et il n'y a
pas d'équivalent pour les groupes de parrainage au Québec. Ils ne sont pas
invités aux discussions fédérales, et puis il n'y a pas de discussion semblable au Québec.
Donc, c'est aussi un manque de communication et de concertation entre
les groupes de parrainage au Québec.
Mme Weil :
Écoutez, j'écoute ça avec beaucoup d'intérêt. Pour l'instant, je dois vous
dire, pour vous rassurer, il y a
beaucoup de rencontres actuellement avec... Justement à cause de l'intensité,
la cadence, le volume de réfugiés syriens qui rentrent, c'est des rencontres très, très fréquentes avec l'équipe
du ministère de l'Immigration. Il y a aussi un appui des organismes communautaires, qui sont nos partenaires
sur le terrain. Mais j'entends bien ce que vous dites. Je pense que
c'est très intéressant, la suggestion que vous faites.
Pour revenir,
l'article 34, 35, sur les conventions internationales, donc, évidemment,
au ministère de la Justice, ce n'est pas dans les normes de la
législation québécoise de se référer... parce qu'on est tributaires du
gouvernement fédéral qui signe ces
conventions internationales. On pourra le regarder, ça me plairait de pouvoir
le mettre parce que, je dois vous
dire, dans les cas où moi, je suis intervenue, ça a toujours été ça, ça a
toujours été l'intérêt de l'enfant. C'est le meilleur guide, on sait toujours qu'on ne se trompe pas quand on le fait
dans l'intérêt de l'enfant. Il y a beaucoup de cas qui sont... bien, pas
beaucoup, mais à chaque année il y a des cas. C'est déchirant, c'est des cas
déchirants.
Maintenant, parce que le gouvernement fédéral
adhère, est signataire de ces conventions ou adhère à ces conventions, le Québec, par le fait même, y
adhère, alors, lorsque nous, on dit : On veut jouer notre rôle... Mais
c'est quelque chose qu'on pourrait
regarder pour rendre ça plus clair, on le répète, mais, comme je vous dis,
c'est une convention au gouvernement du Québec depuis toujours, de ne
pas se référer à ces instruments internationaux.
Mme Dench
(Janet) : Nous avons trouvé que ça aide, le fait que ce soit
explicitement dit. Même si c'est quelque chose qui doit guider toutes
les décisions, ça n'empêche pas l'utilité de le répéter.
Mme Weil :
Oui, je suis d'accord avec vous, oui, puis on pourra en discuter tout le monde
ensemble lorsqu'on va faire l'étude
du projet de loi. Je trouve que c'est très intéressant parce qu'en fait c'est
vrai, on y adhère, on adhère à ces principes, on adhère à nos propres
chartes, notre propre Charte des droits et libertés, et l'intérêt de l'enfant
prime.
Quand on
parle du regroupement familial, justement, on a souvent des débats sur cette
question du regroupement familial,
c'est de faire comprendre à tout le monde que, le regroupement familial, il y a
justement... Peut-être que vous pourriez
en parler, pourquoi le regroupement familial est dans cette catégorie de
conventions internationales, où la famille doit se retrouver réunie, vous comprenez. Puis, quand on lit ces
instruments internationaux, on parle de l'intérêt de l'enfant. Ce n'est pas très bien compris. Je ne sais pas si
vous pouvez expliquer cet aspect-là, mais le regroupement fait partie de la
grande famille de l'immigration, à quelque
part, humanitaire dans le sens que l'intérêt de la famille, c'est de se
retrouver, que les familles ne
pourront pas... et surtout les enfants. Tout ce que j'ai lu en la matière,
c'est l'épanouissement de l'enfant, qui
a besoin de sa famille, ses parents. Et donc c'est une catégorie à part mais
qui s'associe plus, évidemment, à ce qui est des accords internationaux
et des ententes.
Mme Dench
(Janet) : Bien, en principe, les droits de l'enfant devraient guider
les questions de regroupement familial,
mais malheureusement ce n'est pas toujours le cas. Et le volet réunification
familiale, tant du côté... bien, du côté fédéral, ça ne vient pas
nécessairement à la source de cette préoccupation de l'enfant. Et donc, même si
on parle de réunification familiale comme une priorité, dans les faits, il y a
beaucoup de situations où on bloque la réunification de l'enfant avec
ses parents, et ce qui va à l'encontre de nos obligations en vertu du droit
international.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
• (16 h 10) •
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Mme Dench, soyez la bienvenue, et merci pour votre
contribution à nos travaux. Je vous
ai entendue dire que vous n'alliez pas vous inscrire dans le débat
intraprovincial relativement à ce projet de loi. Alors, je vais profiter
de votre présence pour, disons, nourrir mon esprit.
Vous êtes une
personne d'expérience, reconnue comme telle et respectée. Je veux vous parler
des flux migratoires, et plus spécifiquement
des flux de réfugiés. Vous l'avez sans doute constaté comme nous, avec
l'expérience récente de l'arrivée
massive de réfugiés, arrivée motivée par un engagement électoral au fédéral de
M. Justin Trudeau qui a forcé la
main, en quelque sorte, au gouvernement du Québec, qui n'avait pas anticipé cet
engagement, parce que le gouvernement du
Québec avait pris un engagement avec un seuil bien spécifique, mais qui s'est
adapté avec l'engagement de M. Trudeau, qui, me dit-on, risque de doubler dans les mois à venir... Prenons ça
comme une base hypothétique, O.K., comme ça on ne se créera pas des chicanes. On dit qu'en toute
chose la modération a bien meilleur goût et que trop d'immigration, ça peut
tuer l'immigration, au moins sur le plan de
l'accueil, on dit : Trop de réfugiés, ça peut tuer les réfugiés au plan de
l'accueil. Pourquoi dit-on cela?
Parce que, quand la population n'est pas préparée à accueillir autant de monde
à la fois en si peu de temps, ça crée
toujours des grincements. Et, comme vous le savez, le territoire humain sur
lequel nous nous inscrivons n'est pas
un territoire angélique, on est des êtres humains, donc les réactions peuvent
être hostiles, même, face à une telle affluence.
Est-ce que vous avez pris la mesure de ce qui s'est passé
ici au niveau de l'accueil? Et, si oui, comparativement à d'autres pays où ce phénomène
est arrivé, qu'est-ce qu'on a fait de bien, au Québec? Qu'est-ce qu'on devrait faire de mieux pour
justement nous inscrire dans la promesse de lendemains meilleurs relativement
au vivre-ensemble?
Parce que
c'est quand ça se passe mal que ceux qui viennent d'ailleurs sont marginalisés,
sont stigmatisés. On n'a pas besoin
d'un discours tangible pour cela, mais ça se voit avec notamment le niveau
extrêmement élevé de chômage chez
ceux-là, leurs enfants par la suite. C'est ce qui est arrivé en France dans les
années 80. En France, on a vu comment des générations se sont marginalisées et ont
abouti dans la petite délinquance, la grande délinquance, et par la suite
tombées entre les mains de certains directeurs de conscience qui les ont
amenés dans une violence que vous connaissez. C'est pourquoi je parle de
modération.
Vous
pouvez comparer ce qui se passe ici, ce qu'on devrait faire de bien pour ne pas
tomber dans le piège dans lequel d'autres pays en Occident, en Europe
plus spécifiquement, sont tombés?
Mme
Dench (Janet) : Oui, merci pour la question. Je pense que c'est
d'abord important de prendre un peu... de regarder un peu le contexte
dans lequel on accueille un nombre, finalement, assez limité de Syriens. On
regarde, par exemple, la situation dans les
pays tel le Liban, dont la population actuelle, maintenant, c'est un peu... un
quart, c'est des réfugiés syriens.
Comparé, donc, à des situations comme ça ou à plusieurs pays africains qui ont
accepté des réfugiés, comme 50 000 réfugiés au cours de
quelques semaines, ce qu'on vit au Québec et au Canada est relativement faible comme chiffre. Et on est un pays très riche, donc
on a toutes les capacités d'accueillir le nombre de réfugiés qu'on reçoit.
Et c'est beaucoup une question de volonté politique, et, si on veut regarder ce
qui s'est passé, je pense qu'on peut se féliciter,
au Québec et au Canada, d'avoir des leaders politiques qui ont fait ce qu'il
fallait faire pour encourager la population,
dont beaucoup déjà voulaient ouvrir leurs portes aux réfugiés, mais
d'encourager la population dans le bon sens.
Et donc ça, c'est primordial. Et on a été vraiment impressionnés par le nombre
de maires qui se sont prononcés, de premiers ministres des provinces et
autres leaders, du secteur entreprises et autres, qui ont vraiment fait le
nécessaire pour montrer qu'offrir un accueil aux réfugiés est une bonne façon
de faire. C'est sûr que l'accueil, ça demande une organisation, une planification, mais on est amplement capables de le
faire avec tout ce qu'on a au Québec pour se préparer.
Vous
avez aussi mentionné les problèmes à plus long terme, et là je vais souligner
le fait que, là, on ne parle pas de
l'intégration de nouveaux immigrants, dans beaucoup de cas on parle de
problèmes de racisme dans la société. Si, par exemple, on parle des problèmes d'accès à l'emploi pour des personnes
noires ou des personnes arabes, au Québec, ce sont des problèmes qui sont vécus pas nécessairement par des immigrants,
c'est aussi des personnes qui sont nées ici, au Québec. Et donc ce n'est
pas un problème d'intégration de nouveaux arrivants, c'est un problème de
société, c'est un problème de racisme, et je
pense qu'il faut d'abord reconnaître les problèmes que nous avons comme
société, que le racisme existe et que
nous avons besoin et nous pouvons affronter ce problème avec la volonté de tous
les membres de la société et surtout de vous comme leaders politiques.
M. Kotto :
Merci.
Le Président (M.
Picard) : Je cède maintenant la parole à Mme la députée de
Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président.
Mme Dench, bonjour. Merci. J'ai pris des notes, il y a des choses très intéressantes que vous avez dites, puis il y
en a une, entre autres, j'aimerais qu'on y revienne. Vous nous avez dit...
Parce qu'il y a des mesures d'encadrement des avocats, des gens qui aident à l'immigration, etc., mais vous nous dites : Attention, ce serait intéressant d'introduire un encadrement des recruteurs,
alors les recruteurs, naturellement, dans le cas de travailleurs... les travailleurs
temporaires. Et vous nous dites : Ces gens-là, les recruteurs, font
miroiter de fausses promesses, des emplois
qui ne sont pas nécessairement les bons et même demandent de l'argent. Donc, on
appelle ça des fraudeurs, hein, en français.
Est-ce que
c'est une problématique, les recruteurs,
au Québec, là, des travailleurs temporaires? Est-ce qu'il y en
a plusieurs? Est-ce que c'est récent, ça a toujours été? Il y en a
davantage?
Mme
Dench (Janet) : C'est un problème qu'on a reconnu dernièrement à cause
de l'augmentation du nombre de
travailleurs temporaires à travers le Canada. Donc, dernièrement, nos
organismes membres ont commencé à nous dire : Bien, nous recevons ces personnes-là, nous ne
sommes pas financés pour leur offrir des services, mais il n'y a aucun autre
organisme qui offre des services, ils viennent, ils nous racontent toutes
sortes d'histoires. Entre autres, ils parlent des recruteurs. Donc, un élément qui se passe, c'est que les personnes sont
recrutées dans le pays d'origine pour venir au Canada, et puis on leur dit : Bien, vous allez payer
10 000 $ pour avoir accès à cet emploi au Canada, et là vous allez
travailler, vous allez gagner tant
d'argent et vous allez pouvoir nous rembourser pour cette dette que vous avez
prise pour avoir votre job au Canada.
C'est illégal, ils ne sont pas supposés faire ça, mais ça se passe. Et donc les
personnes arrivent, et puis en fait
ce n'est pas vrai, qu'est-ce qu'ils vont gagner, etc., et ils ont cette
dette-là, donc ils sont dans l'impossibilité... Parce qu'ils doivent
rembourser cette dette-là, ils sont dans une situation de vulnérabilité.
Donc,
c'est quelque chose qui est soulevé souvent par ceux qui quand même ont accès
aux travailleurs migrants, mais on est conscients qu'on ne sait pas trop, parce
que, comme je dis, les organismes ne sont pas financés pour offrir des services à ces personnes-là, donc on pense que les
problèmes sont beaucoup, probablement, plus grands qu'on ne le sait. Mais le problème de recruteurs est grand, et,
comme j'ai noté, d'autres provinces ont déjà pris des initiatives pour essayer
de faire face, d'affronter ce problème.
Mme Roy
(Montarville) :
...la Saskatchewan.
Mme Dench
(Janet) : Le Manitoba et la Saskatchewan, oui.
Mme
Roy
(Montarville) : Voilà. On a pris ça en note parce
que je pense qu'il y a
quelque chose d'intéressant.
Puis c'est une forme de... c'est des
passeurs, c'est du trafic, et on abuse des personnes, là, alors il y aurait
quelque chose à faire à cet égard-là.
Mme Dench (Janet) : Nous
sommes juste en train de finaliser un document sur les travailleurs migrants
avec un chapitre sur le Québec, ça pourrait vous intéresser une fois que
c'est publié.
Mme
Roy
(Montarville) : Oui, merci. Par ailleurs, j'aimerais
vous amener sur un tout autre dossier. Vous avez parlé des réfugiés syriens, alors je n'embarquerai pas là-dessus, mais
ça aurait été intéressant d'avoir votre point de vue, on en a une
portion déjà. J'aimerais vous amener sur le regroupement familial, on en a
parlé un petit peu tout à l'heure, compétence
fédérale, on le sait. Moi, je vous demande votre avis, en tant que spécialiste,
s'il pourrait être pertinent ou opportun
que le regroupement familial devienne... ou soit laissé aux provinces, que les
provinces aient le pouvoir de faire ce regroupement familial.
Mme
Dench (Janet) : Bien, je ne sais pas dans quelle mesure on pourrait
transférer... Peut-être vous parlez d'une modification de l'accord Canada-Québec pour avoir ces compétences-là. Je
ne pourrai pas vraiment commenter ça, mais ce que je peux mentionner, c'est que plusieurs provinces, dans leurs
programmes, oui, peuvent désigner des personnes pour immigration, certaines provinces. Au moins, je sais, le Manitoba a
mis l'accent sur le regroupement familial. Là, on ne parle pas de famille immédiate, mais on parle de prendre en compte
le fait que la personne a des parents, des membres de la famille dans la province, et c'est parce que
c'est reconnu qu'en fait les gens vont être beaucoup plus portés à rester
dans la province s'ils ont de la famille là-bas. Et c'est un problème. Nous, on
est très conscients de...
Le Président (M.
Picard) : ...s'il vous plaît. En terminant. Vous pouvez
compléter votre phrase, là.
Mme Dench
(Janet) : Oui. Nous sommes très conscients que, pour les réfugiés,
c'est une problématique très grande, parce
que les réfugiés qui sont ici sont très préoccupés par le fait qu'ils ont une
soeur ou un frère qui sont dans une situation très difficile et ils ne
peuvent pas les aider.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède la parole à M. le député de Mercier.
• (16 h 20) •
M. Khadir :
M. le Président, je tiens à saluer
Mme Janet Dench, qui vraiment est à l'oeuvre dans le domaine de
l'accueil des réfugiés ou, enfin, des politiques d'accueil des réfugiés depuis
de nombreuses années.
Un
petit commentaire puis ensuite une question, j'ai deux minutes.
Le commentaire, je ne sais pas, on a parlé que trop de réfugiés pourrait tuer des réfugiés, trop d'immigrants pourrait
tuer l'immigration. C'est possible qu'il y ait... bon, il y a sûrement une
sagesse là-dedans. On ne peut pas faire les choses n'importe comment, il faut
s'arranger pour trouver les moyens de
surmonter nos difficultés, pour bien faire le travail de les accueillir et de les intégrer, parce qu'il en va de notre responsabilité. On ne peut pas
faire des choses qui nous arrangent, qui sont bénéfiques à nous, on a des
responsabilités internationales. Juste dans
les années 90, juste en provenance de l'Afghanistan, c'est 6 millions
de réfugiés qui se sont ajoutés aux
4 millions des années 80. Syrie, c'est 12 millions de déplacés,
c'est 4 millions de réfugiés. Nos 25 000
ne représentent rien en termes de prise de nos responsabilités collectives
internationales, parce qu'on a signé des conventions notamment qui relèvent de notre devoir d'assistance aux
populations en détresse. Puis ce n'est pas juste des guerres, parfois c'est des problèmes climatiques,
etc. Donc, il faut qu'on surmonte nos difficultés pour le faire bien, on
a des responsabilités. On ne peut pas juste faire des choses quand ça nous
arrange et qui sont dans notre bénéfice.
Mme Dench,
vous avez souligné que ça serait bien qu'on recoure moins aux travailleurs
temporaires et saisonniers parce
qu'ils sont vulnérables. On pourrait aussi peut-être penser d'améliorer la
protection, diminuer le pouvoir, par exemple, des agences, offrir de
meilleurs...
Le Président (M.
Picard) : ...secondes.
M. Khadir :
Est-ce qu'il y a des choses que font d'autres provinces en matière de
protection des travailleurs migrants que le Québec pourrait immédiatement
copier et parce qu'ils sont bons?
Mme Dench
(Janet) : Oui, certainement. Ce serait bien, par exemple, d'avoir un
bureau de protection des travailleurs migrants, donc une instance du
gouvernement avec une ligne téléphonique où les travailleurs migrants pourraient appeler s'ils ont des problèmes, s'ils
ont une plainte contre leur employeur. Ça, c'est un exemple de quelque
chose qui a été, ailleurs...
M. Khadir :
Où est-ce que ça existe?
Mme Dench
(Janet) : En Alberta.
M. Khadir :
Parfait.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Merci pour votre contribution aux travaux de
la commission.
Je suspends quelques
instants afin de permettre au prochain témoin de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise à 16 h 26)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons, et je souhaite la bienvenue à M. Pierre Fortin. Vous
disposez d'un maximum de
10 minutes pour votre exposé, va s'ensuivre une période d'échange avec les
parlementaires. La parole est à vous, M. Fortin.
M. Pierre Fortin
M. Fortin
(Pierre) : Merci, M. le Président. Je désire tout d'abord remercier les
membres de m'avoir invité. Je n'ai
aucune idée de la raison pour laquelle vous m'avez invité, mais ça me fait le
plus grand plaisir, étant donné que je viens...
je suis dans une famille immigrante où, les immigrants, dans les
13 membres de ma famille, il y
en a 10 qui sont des immigrants de première puis de deuxième
génération. Et donc c'est ma vie. Les enfants puis les immigrants, c'est
ma vie.
Donc, je pense
que le projet de loi est un bon projet de loi, qui est dû
depuis longtemps, qui a demandé une longue préparation, qui a impliqué l'ancien gouvernement comme le nouveau. Et mon mémoire, évidemment, aborde les
questions économiques en ce qui concerne ce projet de loi là.
Alors, l'idée
centrale que je fais valoir dans ce mémoire, c'est la suivante : que
l'opinion générale au Canada et au Québec qui est favorable à l'immigration, très
favorable, croit faussement qu'elle apporte des avantages économiques significatifs à la population d'accueil — j'insiste
sur le mot «économiques» parce
qu'il y a d'autres types d'avantages,
évidemment. Dans son ensemble, la recherche scientifique contemporaine affirme
que ce n'est pas le cas. L'opinion publique
tient rarement compte du coût imposé par l'immigration aux finances publiques et elle se leurre en présumant que
l'immigration peut résoudre le problème
du vieillissement de la population. Elle appréhende toujours, cette opinion-là,
des pénuries généralisées de main-d'oeuvre
qui sont pour le moins improbables et elle ignore la menace à la cohésion
sociale que fait courir à la société une progression de la diversité
ethnoculturelle trop rapide, qui ne respecterait pas la capacité d'absorption annuelle, forcément limitée,
de la population d'accueil. Les perturbations politiques et sociales qui
frappent présentement l'Europe, où le taux
d'immigration est même inférieur à celui du Québec, prouvent que ce danger
n'est pas imaginaire dans une société qui a mal géré son immigration et sa
diversité.
• (16 h 30) •
Cela dit, il
faut répéter, répéter et répéter que l'immigration, c'est notre contribution au
combat mondial contre les inégalités
de revenus et de richesse, que la diversité enrichit notre culture, si on prend
le temps de bien l'absorber, et que la
composition de l'immigration peut et doit répondre aux besoins particuliers des
entreprises. Cela nous coûte de l'argent, mais l'investissement en vaut
la peine.
Il faut
toutefois bien saisir que le taux global d'immigration et de diversité culturelle
qui est souhaitable n'est pas infini,
le taux annuel, et qu'il faut moduler notre hospitalité en fonction de notre
capacité d'absorption culturelle, politique et sociale. Il faut donc ouvrir notre coeur mais garder notre tête
froide, quand on discute de cette question-là. Il faut être capable de voir
la langue anglaise, notamment, non
pas seulement comme une menace, dans un continent où les francophones représentent à peu près une personne sur 45, mais
également comme un avantage extraordinaire — d'ailleurs, c'est facile, l'anglais, la preuve, c'est que les Anglais le
parlent — mais
aussi comme un avantage extraordinaire dans l'économie globale actuelle qui est la nôtre. Du point de vue
des entreprises, on n'a pas besoin, à mon avis, d'alléger les exigences de français qui existent déjà dans notre système
canadien, mais il faut que le ministère de l'Immigration reste ouvert et
flexible, alerte aux besoins particuliers
qui peuvent se présenter à l'occasion. Et finalement il est important de
conserver, de maintenir la
loi 101, parce qu'à long terme, évidemment, ce sont les enfants
d'immigrants qui vont déterminer si, oui ou non, dans 100 ans, nos pessimistes qui nous prédisent la fin du
peuple franco-québécois vont avoir eu raison ou non.
Alors, dans
les circonstances, j'appuie sans détour la proposition des Prs Brahim
Boudarbat et Gilles Grenier, qu'ils ont
faite en conclusion du survol de la littérature scientifique qu'ils ont remis
au ministère en 2014, à savoir de garder constant autour de 50 000 le nombre d'immigrants internationaux
admis chaque année au Québec. Ça veut dire à peu près six immigrants par
millier d'habitants au Québec, en gros.
Je veux
insister enfin sur le fait qu'en tant qu'élus québécois votre rôle comme guides
de l'opinion publique est crucial. Il est aussi particulièrement délicat
pour deux raisons.
La première,
c'est que vous êtes naturellement portés à combattre la perception qui est
répandue dans les autres provinces
canadiennes selon laquelle les Québécois forment une nation chauvine, xénophobe
et voire même raciste. En conséquence,
vous pouvez être tentés de poser des gestes excessifs à la seule fin de
démontrer votre ferme engagement à
être ouverts, accueillants et hospitaliers. Par exemple, une suggestion comme
celle du Conference Board du Canada, qui
consisterait à augmenter immédiatement les admissions annuelles d'immigrants au
Québec à 65 000, voire à 90 000, va beaucoup trop loin. Nul doute qu'elle exposerait le Québec aux dangers
d'une déferlante excédant la capacité d'absorption raisonnable de sa
population et destructrice, à terme, de sa cohésion sociale.
La seconde
raison pour laquelle la chose est délicate pour vous est la pression que vous
impose le simple calcul électoral.
Comme plus de 40 % de la région montréalaise, maintenant, est formée
d'immigrants de première et de seconde génération, il est clair que
votre avenir politique, dans cette région, est fortement lié à l'adoption
d'attitudes et de politiques qui favorisent
toujours plus d'immigration et toujours plus de diversité. L'objectivité et la
prudence en la matière sont rendues
plus difficiles par cette préoccupation électorale, qui est, évidemment,
forcément importante en politique. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Fortin.
M. Fortin (Pierre) :
Est-ce que... Je n'ai pas excédé mes 10 minutes?
Le
Président (M. Picard) : Non, non, non, vous êtes bien correct.
Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil :
Merci. Bienvenue, M. Fortin. C'est vraiment... Vous m'entendez bien? Ça
va, le micro est bien... Écoutez,
jamais... Vous savez qu'on a des consultations pluriannuelles pour déterminer
les volumes d'immigration et la composition
d'immigration que l'on veut. Moi, j'ai fait une recherche pour voir s'il y
avait d'autres sociétés qui faisaient des
consultations comme ça, je n'en ai pas trouvé. Je ne sais pas si, depuis ce
temps-là... Et je trouve l'exercice extrêmement démocratique, justement
pour que ce ne soit pas un exercice partisan.
Et donc,
suite à la dernière consultation, moi, j'avais proposé de stabiliser à
50 000, je ne sais pas si vous vous rappelez, c'était en 2011. On
était montés jusqu'à 55 000, je crois, 54 000, 55 000, et on est
revenus à 50 000.
Donc là, on
fera l'exercice... je pense que c'est peut-être au printemps, on verra, c'est
bientôt. Alors, ça permet à tous les
groupes de venir, de parler exactement des enjeux dont vous parlez, les
organismes communautaires qui sont sur le terrain un peu partout, les besoins
des régions. Ça va venir compléter le projet de loi, la politique qui sera
déposée sous peu. Et tous ces efforts
font en sorte qu'on développe des consensus et aussi que, chaque région, tous
les acteurs économiques et sociaux de la société québécoise puissent
trouver un peu leur compte dans ça, puissent s'approprier l'immigration. Parce que c'est vrai, c'est un
sujet bien, bien délicat. Je le sais, je suis ministre de l'Immigration, des
fois j'ai des commentaires : Oh!
Mme la ministre, vous devez trouver ça très difficile, le dossier de l'immigration,
et je leur dis : Non, c'est un dossier magnifique, que j'adore.
Alors donc,
j'aimerais... Je ne sais pas si vous connaissez cet exercice, mais on le fera,
on le fera. C'est toujours basé sur les études d'Emploi-Québec, de
l'Institut de statistique du Québec, des études du ministère des Finances sur justement l'apport de l'immigration qu'on a
besoin. Mais je vous comprends tout à fait dans vos propos, l'importance
de bien intégrer, comme on le fait dans le
dossier des réfugiés syriens. Il y avait un plan, on avait un plan très chiffré
qui rentrait dans le cadre de notre plan d'immigration, des ententes
avec les villes, les 13 villes, et chaque ville qui a une histoire d'accueil, d'intégration des réfugiés,
donc chaque ville qui a dit : Oui, on est partie prenante. Donc, c'est ce
genre d'exercice, le Québec a une force en la matière. Donc, on parle
d'immigration humanitaire ou économique.
Donc, pour en
venir... Votre point essentiel, c'est que, oui, vous êtes d'accord avec cette
façon de sélectionner. Ça, c'est une
technicalité, hein, la déclaration d'intérêt, parce que ça nous permet... et
c'est qu'est-ce qu'on en fait qui est important. Donc, il y a des
dimensions dont je voudrais vous entretenir, là, vous poser des questions.
Donc, c'est de permettre justement que ces
personnes puissent contribuer à l'économie en intégrant rapidement le marché du
travail, parce que dans l'étude que vous citez, de Brahim Boudarbat,
justement, le commentaire, c'est qu'à la longue, oui, ils contribuent, mais ça prend trop longtemps avant
qu'ils trouvent un emploi, à cause du taux de chômage. Donc, vous êtes
d'accord avec ça, l'arrimage, Commission des partenaires du marché du travail.
Il y a aussi
le Programme d'expérience québécoise. J'aimerais vous entendre d'un point de
vue d'un économiste. Alors, c'est des
étudiants étrangers diplômés ici, donc on n'a plus la barrière de, non, on ne
reconnaît pas vos compétences, on ne reconnaît pas votre diplôme, on ne
reconnaît pas vos acquis, vous avez un diplôme québécois, ou le travailleur temporaire qui est ici. Alors, on cite souvent...
moi, je cite souvent la Nouvelle-Zélande, 85 % de leur immigration
permanente est issue de l'immigration temporaire. Comment vous voyez,
comme économiste... Parce que nous, on préserve ce Programme de l'expérience québécoise, que ce soit une voie privilégiée
pour l'immigration. On ne l'intègre même pas dans le système de
déclaration d'intérêt, ça, c'est une nouveauté, on va le prioriser. Comment
vous le voyez, comme économiste, comme contribution, comme vous dites, à
l'économie du Québec, de privilégier ce programme-là?
Le Président (M. Picard) :
M. Fortin.
• (16 h 40) •
M. Fortin
(Pierre) : Je trouve que le ministère fait une maudite bonne job dans
l'ensemble et que le fait qu'on ait
des consultations régulières sur les niveaux généraux et les diverses manières
dont on doit s'y prendre pour déterminer qui entre et qui n'entre pas, bien ça démontre qu'on est meilleurs que
les autres. C'est ce que vous venez de déclarer, moi, je l'appuie
entièrement.
En ce qui concerne le débat qui a été soulevé au
sujet des associations d'entreprises qui veulent se dépêcher d'embaucher des gens immédiatement utilisables
pour répondre à tel ou tel besoin ressenti, je trouve que le débat public
est beaucoup trop polarisé. Je pense que ces
gens-là sont des gens raisonnables, ils rapportent ce qu'ils entendent à la
base. Un peu comme moi quand j'étais
administrateur de compagnie, c'est clair que, quand on a manqué d'usineurs de
pièces sur le plancher de l'usine,
tout le monde parlait de l'importance d'aller en chercher quelque part. Comme j'ai indiqué dans un texte que j'ai écrit pour ce matin dans le
journal Le Devoir, on a envoyé notre directeur d'usine à Poznań, il
est revenu avec six usineurs de pièces, et puis ils ont commencé à
travailler le lendemain matin.
Bon, quelques...
Évidemment, dans les régions du Québec, on peut apprendre le français
plus facilement, puis la pression est beaucoup plus forte qu'à Montréal, mais je pense
que, d'un côté, ce n'est pas un vrai problème.
Il ne faut pas monter en épingle l'opposition entre des gens qui veulent des compétences, quelle que soit la langue
de la personne, et, de l'autre, des
gens qui veulent la langue, quelles que soient leurs compétences, c'est complètement ridicule d'aborder le problème
de cette manière-là. Je pense qu'il y
a moyen, entre gens raisonnables, de
discuter et d'en arriver à des consensus sur la manière dont on va
arriver à prendre la décision.
Une chose qui
me semble importante, c'est que le ministère conserve de la flexibilité dans la manière dont,
en cours de route, il peut prendre
les décisions. Le problème qu'il peut y avoir, c'est qu'on a peur, à un moment donné, de s'écarter un peu trop de
la boîte et, bon, en permettant quelque
chose, que tout le monde veuille cette chose-là, mais il
faut vraiment, autant que possible, utiliser la loi pour se
donner la flexibilité nécessaire dans les circonstances. Il faut
surtout et surtout s'assurer de
l'intégrité de la loi 101, qui va permettre à long terme aux enfants de ces gens-là, qui
arrivent parfois sans connaissance
d'anglais ou de français, de devenir des Québécois qui, on l'espère, vont être
bilingues mais qui vont avoir le français comme langue de base, qui est
notre langue commune à nous.
Le programme
expérience Québec, c'est merveilleux. Je veux dire, les PTET puis les étudiants
étrangers, une fois qu'il y a une
certaine expérience qui est acquise, un certain enrichissement au Québec, c'est
bien évident que l'avantage qu'ils
ont pour rester est plus grand que la moyenne, et il faut autant que possible
continuer dans cette direction-là. Je sais que M. Frémont a soulevé, à un
moment donné, un problème juridique, mais, comme vous êtes avocate de formation,
je compte sur vous pour régler ce problème-là.
Bon, je n'ai
pas d'autre chose à dire... J'ai une liste de recommandations, à la fin de mon
mémoire, qui correspond à peu près à la même chose que ce que
MM. Boudarbat et Grenier ont proposé. J'insisterais beaucoup sur le
travail qu'il y a à faire auprès des femmes
immigrantes, qui, dans certaines cultures, ont un taux de participation au
marché du travail nettement inférieur
relativement aux hommes, c'est-à-dire l'écart entre hommes et femmes est
beaucoup plus grand chez nous que
c'est le cas dans d'autres provinces, il faut faire attention à ça. Et je pense
qu'il faut les encourager autant que possible. L'éducation est
évidemment un des facteurs décisifs là-dedans, le fer de lance de l'emploi.
Il faut aussi s'assurer que, quand Mustapha fait
une demande d'emploi à une entreprise, répond à une offre d'emploi, que l'entreprise le rappelle, ce n'est
pas parce qu'il s'appelle Mustapha qu'ils ne le rappellent pas. Et ça se
produit de façon systématique. Quand
Thomas Fortin, mon fils, fait une demande, il a un retour immédiat, ils ne
savent pas qu'il est coréen d'origine, alors... ils voient juste son
C.V., qui est très bon, mais Mustapha, qui est assis à côté de lui, c'est beaucoup moins probable qu'il va... Donc, il
faut qu'en contrepartie de ce qu'on
accorde aux associations d'entreprises ces associations d'entreprises là prennent l'engagement auprès de la population
et auprès du gouvernement de faire tout en leur pouvoir pour combattre cette discrimination. Donc, je ne veux pas
employer un mot trop péjoratif, c'est simplement de l'ignorance ou du moins du manque d'habitude à faire face à des situations
comme ça, mais il faut être alerte à cette question-là.
Pour la question
des régions, dans le mémoire, mon tableau 1 montre que, quand on passe de Montréal,
Toronto, Calgary, Vancouver puis
qu'on arrive à Québec, bien, Québec, il n'y
a pas grand monde qui est d'origine
immigrante de première ou de deuxième génération. Je n'ai pas de
solution à ça, là. Je pense que les immigrants recherchent les endroits où ils ont déjà une... oui, c'est ça, une
diaspora d'installée, parce qu'ils
peuvent plus facilement tirer leur épingle du jeu dans ce nouveau milieu là. Mais je pense qu'il faut discuter avec
les gens des régions, là, qui sont mieux à même de connaître le
problème.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Fortin. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. M. Fortin, soyez le bienvenu, et merci pour votre
contribution et, encore une fois, pour votre mémoire succinct mais
éclairant.
J'aurai
trois questions, parce que je n'ai pas beaucoup de temps, je vous laisserai le
restant du temps pour y répondre. Ma première question, c'est au
paragraphe intitulé Il est peu probable... Vous m'entendez bien? Oui?
M. Fortin (Pierre) : De quel
paragraphe vous parlez? Quelle page?
M. Kotto : C'est à la page,
attendez... 4.
M. Fortin (Pierre) : Il n'y a pas de
numéro de page.
M. Kotto : Il n'y a pas de
numéro, non. À la page 4. C'est sur la question de l'enjeu de
l'immigration et des avantages économiques
significatifs. Vous dites qu'«il est peu probable que les natifs tirent de
l'immigration un avantage économique significatif». On est dans l'enjeu
de l'enrichissement, donc nous parlons tous relativement à l'apport de
l'immigration.
Première
question : Pourquoi, selon vous, les représentants des chambres de
commerce, Montréal International, pour ne citer que ces deux entités,
tiennent le discours contraire? Ça, c'est la première question.
Vous avez
répondu à la deuxième question, mais je vais vous la reposer quand même. Au
dernier paragraphe de la même page,
vous nous référez à la figure 3, qui permet de constater que le taux de
chômage des nouveaux immigrants est
de deux fois, à Toronto, à trois fois, à Montréal, plus élevé que celui des
natifs. J'aimerais savoir, de votre perspective des choses, pourquoi.
Et le
troisième point, c'est sur la francisation, la langue. Vous suggérez, vous
proposez d'assouplir les exigences en
matière de maîtrise de la langue, en l'occurrence revenir au niveau 6,
comme certains sont venus le plaider, notamment le patronat, et vous dites «relativement à certains métiers». C'est quel
profil de métier? Est-ce que ce sont des métiers stratégiques ou une
catégorie plus large que ce seul volet là? J'aimerais vous entendre là-dessus.
Et, en retour, dans l'hypothèse où cette
proposition serait retenue par la ministre, que devrions-nous nous attendre des
responsabilités du gouvernement et de
l'entreprise pour la francisation de ce nouveau Québécois qui correspond aux
attentes d'une entreprise de pointe quelconque? Voilà.
Le Président (M. Picard) :
M. Fortin, vous disposez de quatre minutes.
• (16 h 50) •
M. Fortin
(Pierre) : Pourquoi vous posez des questions si difficiles?
Bon, alors,
pourquoi les associations d'entreprises jugent que l'immigration est favorable
à l'économie? Elle est favorable dans
le sens que, par exemple, si vous regardez l'augmentation globale du gâteau au
Canada, le produit intérieur brut, la
valeur totale de ce qui est produit dans l'économie dans un an, c'est sûr
qu'avec plus de personnes immigrantes il
y a plus de travailleurs, par conséquent plus de production, et le PIB augmente
plus que s'il y avait moins d'immigrants.
Quand on
parle d'avantages économiques, de ce point de vue là, ce n'est pas de ça qu'il
s'agit. Il s'agit plutôt de voir l'impact sur le niveau de vie, non pas, donc,
sur le gâteau dans son ensemble mais sur son partage, sur le revenu total
par habitant et non pas le revenu total total. Et ce que la... et ce n'est pas
moi qui le dis, là, c'est vraiment la revue de littérature scientifique que j'ai faite et qui a été faite par Boudarbat
et Grenier, que, oui, il y a des avantages à avoir une immigration, mais ces avantages-là sont captés par
les immigrants eux-mêmes. Alors, quand vous vous placez du point de vue d'une population d'accueil qui
se demande : Est-ce que ça va être avantageux économiquement, stupidement économiquement, pour moi, d'avoir plus
d'immigrants?, la réponse, ce n'est pas évident. La réponse est plutôt... C'est
soit négatif ou, si c'est positif, ça va être relativement faible comme impact.
C'est tout simplement ce que la littérature scientifique nous dit.
Évidemment,
quand on sort une affirmation comme ça en public, on a l'impression d'être
politiquement incorrect, d'être
xénophobe, etc. Ce n'est pas le cas du tout, là. Il faut d'abord connaître la
réalité brute avant de prendre des décisions.
Moi, mon
sentiment, c'est que, cette littérature-là, bon, il est impossible de la
contourner et que le point de vue qu'il
faut adopter, c'est que l'immigration, au XXIe siècle, c'est un phénomène
qui doit avoir des racines beaucoup plus sociales, culturelles et humanitaires que purement bêtement économiques,
O.K.? Et, de ce point de vue là, je veux dire, je suis aussi enthousiaste que
n'importe qui en faveur de l'immigration, avec la réserve que le rythme
d'entrée doit être ajusté à la
capacité de la population d'accueil de prendre ces nouveaux arrivants là, ces
nouveaux concitoyens, et de faire en
sorte qu'ils entrent dans la culture commune, et non pas de faire une espèce de
tour de Babel comme le multiculturalisme canadien traditionnel a plus ou
moins créé dans certaines grandes villes canadiennes, O.K.?
Le Président (M. Picard) : En
conclusion, s'il vous plaît.
M. Fortin
(Pierre) : Je pense que l'approche québécoise, jusqu'ici, qui a été
beaucoup plus prudente que celle qui
a été prise par Toronto ou Victoria, Victoria étant la capitale de la Colombie,
est tout à fait louable, c'est celle qu'il faut continuer d'adopter, mais il faut éviter que la politique
québécoise prenne un virage vers l'accélération débridée de
l'immigration, qui risquerait de compromettre notre capacité d'intégration.
Le Président (M. Picard) :
M. Fortin, merci...
M. Fortin (Pierre) : Quels métiers?
Je ne le sais pas...
Le Président (M. Picard) :
M. Fortin, M. Fortin...
M. Fortin
(Pierre) : Oui, O.K. Quels métiers? Je ne le sais pas, quels métiers.
Ça peut dépendre de telle ou telle circonstance, et c'est une
responsabilité gouvernementale, de toute façon.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Fortin.
M. Kotto : Merci.
Le Président (M. Picard) : Je
vais maintenant céder la parole à M. le député de Lévis. J'ai besoin d'un
consentement, auparavant, des parlementaires. Ça va pour tout le monde? M. le
député de Lévis, la parole est à vous.
M. Paradis
(Lévis) : Merci, M. le
Président. Bonjour, M. Fortin. J'essaierai de parler fort, mais
habituellement je n'ai pas de problème à ce niveau-là, alors on devrait
bien s'entendre.
M. Fortin,
je vais vous demander deux choses, d'abord considérant votre vision de
l'immigration, votre vision générale, et aussi une autre question qui
fera davantage appel à vos talents d'économiste, bien sûr.
Dans le
tableau 1 dont vous nous parliez il y a quelques instants, on parle de
répartition de la population totale sur
les lieux de naissance, et vous disiez vous-même, à travers ces grandes régions
métropolitaines du Canada, que le Québec était comme, permettez-moi l'expression, je le mets entre guillemets,
sous-représenté, donc peut-être pas très attirant pour des immigrants
qui veulent s'installer ici. On sait que dans le principe actuel il existe des
grilles de sélection avec des éléments qui permettent, de fait, de faciliter la
venue d'un immigrant. Parmi celles-ci, il y a un facteur pour favoriser l'accueil qui concerne notamment les offres
d'emploi validées. Avez-vous l'impression que ce serait une bonne idée, pour
favoriser l'accueil d'immigrants en région
et vitaliser les régions par cet apport-là, de pondérer de façon différente ce
qui est donné dans la grille de
sélection concernant les offres d'emploi validées en région par rapport à des
offres d'emploi validées, par exemple, dans des grands centres urbains
comme Montréal, histoire de faciliter et d'attirer davantage d'immigrants pour
revitaliser les régions du Québec ?
M. Fortin
(Pierre) : Je suis tout à fait incompétent pour vous répondre. Je
dirais a priori que ce serait politiquement très délicat de s'avancer
là-dessus. Les associations d'entreprises, qui sont très puissantes dans la
région de Montréal, je
pense, s'y opposeraient carrément, et puis assez rapidement ils demanderaient
d'être égalisés avec ce qu'on accorderait dans les régions.
Maintenant,
je vous dis ça comme... je vous réponds comme un amateur, là, tu sais, je veux
dire, je ne peux pas vous donner une réponse intelligente et informée
là-dessus, là.
M. Paradis
(Lévis) : ...intelligente malgré tout, M. Fortin. Je me
permettrai une sous-question à cette même question : De quelle façon
pourrait-on faire en sorte d'améliorer et de modifier le portrait de l'accueil d'immigrants en région dans le contexte actuel? Comment on rend les régions plus
attirantes pour l'immigrant, et notre façon de l'accueillir?
M. Fortin
(Pierre) : Bien, je pense que je labeaumiserais ça, dans le sens que je
demanderais aux maires de participer de façon plus active, au niveau
international, à inviter des immigrants dans des régions qui seraient plus susceptibles d'être intéressées par une venue, par
exemple dans la région de Québec. Je prends la région de Québec parce que c'est la septième plus grande ville au Canada.
Et, bon, vous voyez qu'à partir de la sixième on descend à la septième, là,
on passe d'Ottawa à Québec, il y a une chute
considérable. Et je pense qu'il faudrait, s'il est vraiment sérieux avec ça,
que le maire participe et que le coût de son voyage ne fasse pas la une du Journal
de Québec le lendemain matin.
Le Président (M.
Picard) : M. le député, il vous reste une minute, question et
réponse.
M. Paradis (Lévis) : O.K., je vais aller très, très rapidement.
Vous savez qu'il existe également un programme
qui s'appelle Immigrants investisseurs, des immigrants qui ont
des sous et qui s'engagent à investir 800 000 $, qui sera remboursé après cinq ans passés dans la région. Mais
on sait que le taux de rétention est très difficile, à peine 22 % des
gens qui investissent quittent avant le
fameux cinq ans. Est-ce qu'il y aurait moyen de faire différemment? Est-ce que
vous avez analysé sur le plan économique cet incitatif-là?
M.
Fortin (Pierre) : Oui, c'est un programme que je connais bien. Tout ce
qui concerne ce programme-là, c'est en dessous de mon oreiller à la
maison.
Je
vous dirais qu'a priori il faut être compréhensif sur les allées et venues d'un
millionnaire de Shanghai qui vient s'installer,
mettons, dans la région de Montréal, enfin, qui est un immigrant investisseur,
qui apporte 1 million à Investissement Québec.
En passant, l'argent
qui va...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, M. Fortin.
M.
Fortin (Pierre) : ...l'argent qu'utilise Investissement Québec est en
bonne partie en provenance du Programme d'immigrants investisseurs,
hein? Ça, il faut garder ça à l'esprit aussi.
Alors,
a priori, comme j'écrivais un peu avec la langue dans la bouche, pour faire une
blague, on n'a pas enlevé la
citoyenneté à Paul Desmarais parce qu'il passait le plus clair de son temps en
Europe à faire des affaires. Alors, ces millionnaires-là qui ne sont pas au Québec, bon, mais qui sont installés
au Québec, ils ont des grosses entreprises dans les pays d'origine et
puis ils doivent y être souvent pour faire leurs affaires là-bas.
Le Président (M.
Picard) : En terminant, M. Fortin, s'il vous plaît.
• (17 heures) •
M.
Fortin (Pierre) : D'autre part, 22 %, c'est peut-être un peu bas,
O.K., et, bon, il faudrait peut-être explorer des régions du monde où le taux de rétention pourrait être plus élevé,
dans des régions où la langue... comme disent les gens dans la démographie linguistique, là, des
régions francotropes, c'est-à-dire qui ont des langues comme des langues
latines, mettons, comme les Roumains, les
Portugais, les Espagnols, les Latino-Américains, etc., tu sais, peut-être
explorer un peu plus. Bon, c'est sûr
qu'il va toujours y avoir un bon contingent de personnes qui viennent d'Asie,
parce que l'Asie, ça explose en termes démographiques et économiques,
mais il faudrait peut-être explorer de ce côté-là.
Encore
une fois, là, je vous parle comme... je connais très bien le programme.
Personnellement, je tiens à ce qu'il soit
continué. Contrairement à ce que le gouvernement fédéral a fait en essayant de
l'abolir, le Québec a continué dans cette
direction-là, et, je pense, c'est une bonne décision. Le Québec fait quelque
chose de super intelligent en connectant... en faisant évaluer au départ la situation financière des immigrants
investisseurs potentiels par des intermédiaires financiers qui
connaissent leur affaire, c'est un partenariat public-privé qui marche.
Le
Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le
député de Mercier, s'il vous plaît. Deux minutes.
M. Khadir :
Très bien. M. Fortin, l'idée que se font certaines personnes, à
l'extérieur du Québec, dans le reste du
Canada, du Québec m'inquiète, parce que vous avez dit qu'ils pourraient nous
prendre pour des xénophobes ou des racistes,
et tout ça. Alors, je ne sais pas s'ils nous écoutent à travers les canaux de
l'Assemblée, mais il suffirait de promener la caméra pour savoir que
moi, je suis un Montréalais d'origine iranienne, je me trouve à l'Assemblée
nationale, mon collègue le député de
Bourget — je ne
peux pas le nommer — est
d'origine camerounaise et porte-parole... et a déjà été ministre ici, au
Québec. Ma collègue... — Rotiroti,
j'allais dire — la
députée de Jeanne-Mance—Viger
est d'origine italienne. Il y a un Montréalais, un éminent Montréalais
d'origine juive qui est ici, à l'Assemblée nationale. Alors, franchement, je
pense qu'il n'y a aucune place pour que le reste du Canada puisse...
Une voix :
...
M. Khadir : Oui, deuxième génération, oui. Sans
doute de Tanzanie ou de Japon, n'est-ce pas? Bon, voilà. Alors... Mais
c'est sûr que vous jetez quelques pavés dans la mare de nos perceptions,
n'est-ce pas?
Le Président (M. Picard) : Il
reste une minute, M. le député.
M. Khadir : Oui, je sais.
Moi, je suis d'avis qu'on ne peut pas juste écrémer l'immigration. Vous dites qu'«on se bat à la porte des pays riches pour y
entrer». «...4 milliards [d'êtres humains] se rendent compte que le revenu
moyen des 4 autres milliards, juste à côté,
est 10 fois plus élevé[...]. Ils comprennent vite qu'immigrer peut leur
procurer un énorme avantage [de]
niveau de vie.» Oui, mais vous ne dites rien là-dessus. Comment est-ce qu'il se
fait qu'il y ait un tel écart? Et quelle est la part de responsabilité
de l'Occident dans ce désordre d'inégalités et de violence dans le monde? Il y a des millions de réfugiés, vous
m'avez entendu dire, 50 millions actuellement dans le monde,
50 millions de réfugiés, plus
tous ceux qui veulent immigrer parce qu'il y a ces inégalités. On ne peut pas
juste faire... Est-ce que vous pensez qu'on peut juste accepter les
immigrants quand ça fait notre affaire, l'immigrant millionnaire de Shanghai?
Le Président (M. Picard) : Le
temps est malheureusement terminé, M. Fortin.
Une voix : ...
M. Fortin
(Pierre) : Non, non, je conviens tout à fait qu'une motivation
centrale, que j'ai écrit en toutes lettres dans le rapport...
Le Président (M. Picard) : ...quelques
instants.
M. Fortin
(Pierre) : ...pour continuer d'accueillir les immigrants au Québec
comme on le fait, c'est de combattre les inégalités...
Le
Président (M. Picard) : M. Fortin, M. Fortin, le
temps est malheureusement écoulé, et nous devons aller voter.
M. Fortin (Pierre) : ...
Le Président (M. Picard) :
M. Fortin, je vous remercie...
(Suspension de la séance à 17 h 3)
(Reprise à 17 h 24)
Le Président (M. Picard) : Nous
reprenons nos travaux. Je souhaite la bienvenue à la Confédération des syndicats nationaux. Je vous invite à vous
présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Vous disposez d'un
temps maximum de 10 minutes, va s'ensuivre
des échanges avec les parlementaires. Vous êtes des habitués. Allez-y, la
parole est à vous.
Confédération des
syndicats nationaux (CSN)
M. Lortie
(Jean) : Merci, M. le Président. Alors, je remercie la Commission
des relations avec les citoyens de recevoir
la CSN. Je suis accompagné, à ma gauche, de Me Anne Pineau, adjointe au
comité exécutif de la CSN, et, à ma droite, de Me Marjorie Houle,
conseillère à la recherche à la CSN.
Alors, la CSN
réagit au projet de loi n° 77 aujourd'hui en déposant un mémoire où on
rappelle un certain nombre d'enjeux,
notamment la consultation de janvier dernier qui devait mener à une politique
sur l'immigration. Alors, nous avions déjà, à ce moment-là, donné un
certain nombre d'orientations pour une politique gouvernementale. Vous les
retrouvez en annexe de notre mémoire, l'ensemble des nos recommandations que
nous avons faites.
Il est clair
que, depuis quelques jours, depuis quelques semaines, le débat est intense sur
la situation notamment du français au Québec et du projet de loi
n° 77. Bien, évidemment, on va rappeler plusieurs enjeux qu'il y a dans ce
projet de loi. D'abord, pour nous, les enjeux, notamment la centralisation des
pouvoirs de la ministre, du ministre de l'Immigration, on le voit par la réglementation et à travers le
mémoire qui est déposé. La question de la francisation des personnes immigrantes, pour la CSN, c'est un enjeu
de taille, sur lequel on veut discuter. Et, à travers le projet de loi, la CSN remarque qu'il y a
beaucoup une vision utilitariste, à la limite mercantile,
uniquement pour plaire aux employeurs québécois, de ce projet
de loi, où on veut faire non seulement, comme dans le p.l. n° 70, une adéquation formation-emploi, mais
c'est véritablement une adéquation employeur-immigrant, et, pour nous, là,
c'est passablement inquiétant qu'on s'éloigne
de 1990, où l'énoncé de politique était beaucoup plus vision humaniste que ce qu'on peut retrouver à ce moment-ci. On a une volonté, nous, comme CSN, d'avoir un
portrait de l'immigration ou avoir une vision de l'immigration qui prévoit notamment une volonté d'intégration à une société majoritairement francophone au Québec, l'élimination des
discriminations de toutes sortes, de l'emploi au logement, etc., des mesures
concrètes d'intégration pour les
personnes immigrantes non seulement sur la formation linguistique, mais
également sur le vivre-ensemble dans une société québécoise et francophone, sur l'intégration en emploi, et une
vision aussi pour les femmes immigrantes, avoir une préoccupation à ce
niveau-là. Véritablement, nous ne nous retrouvons pas dans le projet de loi
n° 77.
Bien, la
question des banques, pour nous, on qualifie ça de véritable Monopoly, on passe
go et on ne collecte pas deux ans, on
se réinscrit chaque fois sur cette banque pour être accueilli comme candidat à
l'immigration. On trouve ça inintéressant.
On voit, à
travers le projet de loi, une centralisation. Les précédents qu'on retrouve,
c'est p.l. n° 10, p.l. n° 15, 86, 70. Tous ces projets de loi donnent des pouvoirs aux
ministres du gouvernement beaucoup plus étendus qu'on ne retrouvait
autrefois dans les projets de loi.
Et
véritablement, à travers ce projet de loi là, c'est de plaire uniquement aux
besoins quotidiens des entreprises québécoises,
et je mets en garde la commission, parce que les employeurs québécois, sur la
formation de la main-d'oeuvre, véritablement
ne livrent pas la marchandise. Le projet de loi n° 70, je suis à la
Commission des partenaires du marché du
travail et je constate qu'au Québec, sur la formation, c'est une société qui
est en retard, un retard important. Et il est faux de prétendre... Je qualifierais ça de véritable tartuferie, de
prétendre que le français va s'apprendre naturellement dans les milieux de travail par les personnes
immigrantes. Ça ne se passera pas comme ça, on le sait très bien. D'ailleurs,
on est en retard dans cet aspect de
formation dans les milieux de travail, et c'est plutôt inquiétant, ce qu'on
entend sur la question du français.
La question
également de la main-d'oeuvre, une main-d'oeuvre qui est purement adaptée aux
besoins uniquement des entreprises,
on écarte toute vision socioculturelle de ce que c'est, l'immigration,
c'est-à-dire d'accueillir des gens en terre
québécoise et de faire en sorte qu'ils s'intègrent dans une société
démocratique. Alors, on trouve qu'on ne s'y retrouve pas et on pense que... La question des
travailleurs migrants temporaires, certains qualifieront que c'est notre
obsession, mais véritablement on n'adresse pas cette question, au
Québec, des discriminations multiples que ces travailleuses et travailleurs temporaires... En milieu agricole,
les aides domestiques, partout on le reconnaît, qu'il y a des problèmes, et on
ne s'y retrouve pas, malheureusement. On
aurait pu avoir l'ambition de faire en sorte que les travailleuses et
travailleurs qui sont des
travailleurs migrants temporaires aient le droit plus rapidement... Même s'il y
a un peu d'ouverture dans le projet
de loi, je crois que c'est l'article 17 du projet de loi, d'ouvrir un peu sur
la question des migrants temporaires, de faire un pont, non, pour nous, on n'y trouve pas vraiment ce qui
pourrait faire en sorte de les intégrer davantage en les accueillant.
Le français, le français au travail, le français
au Québec, les statistiques sont là, on en parle depuis plusieurs semaines. On pense que le projet de loi pourrait
être renforcé à cet égard-là, sur la question de l'intégration. Des cours
de français en milieu de travail, nous en
donnons, nous, nous avons des projets depuis maintenant 1989. À l'époque, avec
le ministre Claude Ryan, on avait initié un
projet assez innovateur de formation en entreprise pendant les heures de
travail pour les personnes
immigrantes, et les budgets sont pas mal atrophiés. Bref, la question du
français est inquiétante, et on ne semble pas y retrouver quoi que ce
soit à ce niveau-là.
La reconnaissance des diplômes, le travail que
les ordres professionnels doivent faire, la surqualification mais une sous-rémunération; également la question
du racisme et de la discrimination, avoir davantage sur l'embauche, sur l'emploi, sur les stratégies d'intégration;
les besoins des femmes immigrantes, qui sont souvent dans l'immigration
familiale, donc ont une certaine isolation par rapport à d'autres.
Alors, bref,
p.l. n° 77 nous laisse une désagréable impression de n'avoir été
instrumentalisé que pour et par les
employeurs québécois, on évite ou on écarte cette vision qu'on retrouvait en
1990 dans l'énoncé de politique, et on
marque notre insatisfaction ou notre déception par rapport à ça. On aurait pu
avoir une vision beaucoup plus large de l'immigration au Québec, qui fait en sorte d'accueillir, et non pas une
vision seulement marchande. L'enthousiasme des associations d'employeurs est assez clair, il démontre assez bien que ce
projet de loi leur plaît. Comme 70
sur la formation de la main-d'oeuvre, c'est vraiment des instruments pour eux et qui ne répondent qu'à
des objectifs très court terme, et ça, la société
québécoise ne peut pas se payer le
luxe de le faire. Alors, qui seront les gagnants de ce projet? La réponse, on
la connaît très bien. Certainement pas la société québécoise
francophone. Voilà.
• (17 h 30) •
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil : Bon, merci. Bonjour, M. Lortie,
Mme Pineau, Mme Houle. Bon, je
pense que vous êtes à peu près le seul organisme, même des
syndicats, qui ont une vision aussi négative de ce qui est vraiment juste une
technicalité, hein? Ça peut sembler
gros, mais c'est une façon de sélectionner qui fait en sorte que les gens
intègrent le marché plus rapidement. L'objectif est noble, c'est une
intégration rapide pour ne pas que les gens soient au chômage.
Mais actuellement
savez-vous qu'on sélectionne les travailleurs qualifiés, depuis très longtemps?
Savez-vous que c'est 70 % de
notre immigration, l'immigration sélectionnée, qu'on est allé chercher ces
pouvoirs justement dans l'accord Canada-Québec?
Et comment, qu'est-ce qu'on sélectionne, c'est des gens... et depuis des années
qu'on essaie d'améliorer la façon de sélectionner, des gens — ce
n'est pas nouveau, ça — qui
répondent aux besoins du marché de travail.
Donc, la
dernière consultation, je vous rappelle, vous êtes venus, vous étiez très
positifs par rapport aux orientations de
la dernière planification pluriannuelle qui mettait l'accent sur la langue,
l'intégration et tout, mais qui disait qu'on puisse cibler au moins 60 % des gens qui répondent
aux besoins du marché de travail. Mais, pour le reste, c'étaient des gens très
scolarisés, avec un fort potentiel
d'intégration, mais c'est des gens qui pouvaient prendre d'un à trois ou quatre
ans avant d'arriver. Donc, ce qu'on a
constaté, c'est que ça a créé vraiment un engouement dans le système, le marché
du travail avait eu le temps de
changer depuis, depuis la sélection et le moment qu'ils arrivent. Ça a créé des
gens très, très déçus, et d'ailleurs il y a beaucoup d'organismes qui sont venus justement pour
constater de cette grande déception, qu'ils avaient été sélectionnés pour leurs qualifications, mais
finalement il n'y avait pas d'emploi pour eux, qu'ils avaient de la misère
à intégrer le marché du travail, on parlait
du rêve brisé. Pendant la consultation sur la politique, le grand consensus,
c'était qu'il fallait absolument
aller vers ce système qui est plus équitable. Là, on choisit des gens puis on
sait qu'on choisit des gens à fort potentiel d'intégration.
Les
entreprises, finalement, quand on rencontre les entreprises partout au Québec,
c'est des gens qui sont en emploi dans ces entreprises. Parfois, ces
entreprises vivent une pénurie aiguë dans certaines régions. S'ils ne trouvent
pas les compétences soit ici, localement, parce que, comme vous dites, les
efforts de formation sont majeurs, capital comme enjeu, puis il faut s'attarder à ça, le gouvernement s'attarde à ça, ça
fait l'objet du projet de loi n° 71, mais à peu près 16 % de nos besoins seront comblés par l'immigration au
fil des prochaines années, jusqu'en 2020‑2022. Actuellement, à court terme, c'est à peu près 14 %, mais on est à
peu près dans ces pourcentages. Ce n'est pas pour combler tous les besoins,
parce que les natifs, ce qu'on appelle les natifs, évidemment, c'est bien
important.
Donc, je pense qu'il faut voir ce système pour
ce qu'il est. C'est tout simplement un système plus efficace, mais il ne change pas la vision d'un Québec qui a
besoin d'une immigration qualifiée. Parce que vous le savez, qu'il y a de l'immigration humanitaire, il y a le
regroupement familial. On ne choisit pas la langue, c'est-à-dire, on ne
sélectionne pas ces gens-là. C'est
des conventions internationales, on adhère à ces conventions internationales,
mais on a l'obligation de les intégrer.
Je vais
amener, avant de vous poser la question, une clarification par rapport à ce que
vous dites. Si vous regardez la
section Loi sur le ministère de l'Immigration... Et le Barreau, d'ailleurs,
dans un article, félicite le ministère pour le projet de loi, qui est une façon très moderne maintenant de légiférer et
dans sa forme plus pure. Donc, on le déposera. Je ne sais pas si on l'a ici, mais je pourrai le partager avec vous.
Mais vous avez le rôle du ministère de l'Immigration, de la Diversité et
de l'Inclusion, et c'est là que vous trouvez les valeurs que vous recherchez,
qui sont comblées par des politiques. Moi,
je dépose une politique dans quelques semaines, mais ce ne sera pas la dernière
politique qui sera déposée.
Et vous savez
que l'immigration, c'est l'affaire de tout le monde. L'immigration, nous, on
est le ministère de l'Immigration,
c'est-à-dire la sélection, l'accueil, l'intégration, la francisation, dans un
premier temps, mais c'est tous les
ministères qui ont cette responsabilité, c'est toute la société. Donc, c'est
pour ça que... La section sur la loi sur
le ministère qui décrit les rôles,
par exemple : «Le ministre élabore et propose au gouvernement des
orientations ou des politiques sur l'immigration et la pleine
participation, en français, des personnes immigrantes et des minorités
ethnoculturelles à la société québécoise. Il élabore notamment une politique québécoise
en ces matières.
«Le ministère coordonne la mise en oeuvre de ces
orientations et de ces politiques et en assure le suivi...» Et plus loin on
parle... «Les fonctions du ministre en matière d'immigration, de diversité
ethnoculturelle et d'inclusion consistent plus particulièrement...» Donc, c'est
tout ce qu'on fait, mais aussi «contribuer, par l'offre de services d'accueil, de
francisation et d'intégration [...] à la pleine participation, en français, des
personnes immigrantes» à la société québécoise.
Donc, moi, je dépose une politique, mais c'est une politique qui implique
beaucoup de ministères, beaucoup de ministères. C'est là que vous allez
voir des valeurs dont vous parlez.
Maintenant, pour l'immigration humanitaire, on
le sait bien, ces valeurs, on y adhère, c'est des valeurs très profondes. Je pense qu'on le démontre comme
société collectivement dans l'accueil des réfugiés syriens, mais ça fait partie
de notre histoire. On va continuer à jouer ce rôle, on le mentionne.
Et, quand on parle de ces politiques, ça
s'adresse à tout le monde, ça s'adresse à pas juste les immigrants, les
nouveaux arrivants mais toute la société, c'est-à-dire ce qu'on appelle la
diversité ethnoculturelle, donc deuxième, troisième génération des minorités visibles. Et, lors de la consultation, et vous
êtes venus, on a beaucoup mis l'accent là-dessus,
des gens qui de par leur nom, par la couleur de leur peau sont exclus ou
autres, on a parlé de discrimination, on
a parlé de méconnaissance de l'autre... qui sont exclus. Donc, de dire qu'on a
une vision utilitariste, honnêtement, je pense que c'est de ne pas regarder le portrait globalement. Peut-être
parce que... Quand vous verrez la politique, c'est tout le contraire,
jamais un gouvernement n'aura fait tant de choses. Et on a aussi parlé de
l'interculturalisme. C'est des morceaux, hein, tout ça, c'est des morceaux
d'une nouvelle vision qui reflète le nouveau nom du ministère, c'est le
ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion. Alors, la loi,
elle établit, hein, les grands paramètres.
Donc, je veux
revenir... Vous êtes membres de la Commission
des partenaires du marché du travail, vous avez un rôle à jouer, et donc on a beaucoup d'espoir par rapport aux nouveaux pouvoirs que la commission
aura pour déterminer les besoins dans
les régions et ailleurs, et tout le reste. Les sommes qui seraient,
comment dire, libérées, si vous voulez, pour la francisation, par
exemple, en milieu de travail, dans le fonds de développement
de la main-d'oeuvre, on a parlé de ça
aussi en parlant avec la Commission des partenaires du marché du travail, les
syndicats. Donc, j'essaie de voir le rôle
que vous, vous pourriez jouer en amont, justement parce qu'on ne veut pas que
ce soit une loi utilitariste, parce que, pour que cette vision se concrétise, il faut que les acteurs
socioéconomiques de la société québécoise soient impliqués en amont; oui, les entreprises, mais aussi tous
les acteurs. Alors, les élus qui veulent jouer un rôle, bon, voici ce dont nous
avons besoin dans notre région, parce que
moi, je suis convaincue que, si les acteurs puissent jouer un rôle et avoir
voix au chapitre en amont, l'inclusion,
la participation, la rétention, on réussira mieux, parce que les gens
comprendront que ce n'est pas juste
sélectionner quelqu'un puis, hein, l'amener en région, là, il faut que toute la
société puisse l'entourer, l'intégrer, la famille, les écoles, bon, etc.
Donc, avec les précisions que je vous apporte,
je vous demanderais quel rôle vous pourriez jouer dans un système... — honnêtement, le système de déclaration
d'intérêt, je pense que c'est une mécanique qui fait que la personne rentre plus vite et donc intègre le marché du
travail rapidement — le rôle
que vous pourriez jouer pour déterminer les besoins, les besoins des régions, et des villes et des régions, par
rapport à la main-d'oeuvre, au-delà de ce que le marché québécois est
capable de fournir.
Le Président (M.
Picard) : Allez-y, oui.
• (17 h 40) •
M. Lortie
(Jean) : M. le Président. Alors, bien, écoutez, sur la question de
l'intégration, d'abord, dans les milieux de travail, c'est clair que nous souhaitons une intégration en langue
française qui se fait accompagné, c'est-à-dire d'avoir des ressources pour permettre à la personne... qui
s'intègre non seulement à un emploi, même si hautement qualifié, mais rapidement s'intègre aussi à un milieu
socioéconomique qui est le milieu québécois, que ce soit en région ou à
Montréal. Montréal, les pressions
sont très fortes pour ne travailler qu'en anglais, et toutes les statistiques
sont connues, alors je ne reviendrai pas là-dessus, mais
particulièrement en région il y a un facteur d'intégration encore plus
important, parce qu'on veut, nous,
décloisonner l'immigration que seulement à Montréal. Il faut que ce soit en
région, les emplois sont souvent là.
Il y a des difficultés de recrutement et de rétention de main-d'oeuvre. Alors,
comment le faire? Bien, souvent, les
organisations qui peuvent le faire n'ont plus de ressources, on le constate,
nous, sur le terrain, dans nos milieux de travail. Les ressources pour accueillir en région, intégrer les
personnes immigrantes et les retenir, surtout, et fonder des familles,
donc participer au tissu économique, moi, je pense qu'il y a des efforts
importants.
Quand on dit
qu'on voit une vision utilitaire... Et c'est quand on a vu la réaction des
associations d'employeurs québécois
comme à p.l. n° 70. Moi, je suis allé à la commission, hein, ils sont très
enthousiastes, ils sont tout sourire, on leur pose la question. Mais on ne peut pas avoir seulement... formater
dans un petit cube une personne immigrante pour votre job en six mois, c'est le débat, actuellement
au Québec, de l'adéquation formation-emploi, et ce serait le débat de
l'immigration si... d'y avoir seulement une vision très courte, très
intéressée, à quelques semaines, d'avoir un ouvrier spécialisé. On ne parle que des soudeurs, au Québec, à ne plus en avoir
soif, des soudeurs au Québec, mais on veut un soudeur à Drummondville
demain matin puis qu'il soit capable d'être sur la machine, c'est irréaliste.
Et, pendant ce temps-là, tous les employés
qui sont déjà en emploi, on ne leur donne pas les moyens de devenir... Alors,
nous, on a fait des propositions à ce niveau-là, mais c'est la même
chose pour l'immigration. Il faut accueillir des travailleurs, des
travailleuses pas seulement hyperqualifiés, pas seulement utiles à une
entreprise dans une région, mais également qui deviennent des citoyens
québécois.
Et nous, on
constate, par rapport à 1990, en tout cas dans l'énoncé de principe, que ce
n'est pas la même vision humaniste où...
ce qu'on avait retrouvé à l'époque du gouvernement Bourassa, et ça, ça nous préoccupe
énormément dans le projet de loi n° 77. On a bien hâte de voir
cette politique qui a été adoptée par le Conseil des ministres au mois de novembre, on a bien hâte de la voir, si
effectivement elle correspond à ces attentes-là, mais actuellement, dans les
projets de loi qu'on a vus à date,
dans les dernières semaines, il n'y rien qui nous rassure, au contraire, on n'y
retrouve qu'un couloir très étroit
pour ces gens-là, et il me semble que le débat pourrait être beaucoup plus
large sur accueillir et leur donner plus de chances que seulement d'être
utilisés pour les entreprises.
Le Président (M. Picard) : Ça
va? Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. C'est intrigant, ce que vous dites. D'abord, soyez
bienvenus, et merci pour votre... Je
vous suivais, j'étais concentré et j'analysais vos propos. Merci. Merci d'être
là et merci pour la contribution.
Vous
conviendrez que le système sous lequel nous vivons jusqu'à présent en est un
qui a des avantages et des inconvénients.
Il a ce profil, certes, humaniste, mais force est de constater notamment les
difficultés rencontrées récemment. Je
pense qu'en mettant les années en perspective, à partir de la fin des années
2000... pardon, la fin des années 1990, début des années 2000, plusieurs de nos nouveaux concitoyens avaient de la
difficulté à s'intégrer en emploi, notamment ceux venus d'Afrique du Nord et
d'Afrique subsaharienne, et la situation n'a pas arrêté de s'empirer, disons.
On a à
quelques occasions soulevé des questions relatives à la difficulté de gérer la
diversité en tant que telle, en 2007,
début de l'augmentation des seuils, ce qui, à la lumière de ce qui se passait
sur le terrain, était un peu paradoxal, compte tenu du fait qu'on n'arrivait pas à intégrer tout le monde en
emploi. De la perception de beaucoup, l'approche était une machine à
fabriquer des chômeurs, en gros. On disait, au Québec, on affichait un taux de
chômage, chez les Québécois d'adoption... et
M. Fortin le disait tout à l'heure, il parlait d'un tableau qu'il avait
dans son mémoire, mais je sais que, comparativement, à l'Ontario, par
exemple, l'immigrant à Montréal ou dans la région de Montréal dans son ensemble représentait 24 % versus un
14 % chez le natif, et, en comparaison, en Ontario, c'était 14 %
versus 7 %, à peu près, en termes de chômage, comparatif
immigrants-natifs.
Il y a cette
idée qui nous est proposée de la déclaration d'intérêt qui vient répondre en
quelque sorte à cette critique qui
est faite à l'effet qu'on a une immigration choisie, certes, mais ces choix
n'étaient pas toujours pointus, et l'approche en est une qui essaie d'aller justement chercher des gens qu'on ne va
pas envoyer sur le filet du chômage par la suite. Du moins, j'espère que cette ambition est réelle,
elle est concrète. Maintenant, ça ne les empêche pas non plus, ces personnes
qui seraient choisies relativement à ce
bassin de déclarations d'intérêt, à vivre, à s'intégrer et à vivre normalement, à réaliser un plan de vie au Québec.
Je mets tout ça en perspective pour vous poser
la question suivante : Est-ce qu'il y a moyen de jumeler les deux visions
à travers cette approche qui, disons, va plus à l'essentiel relativement à nos
besoins en tant que société, considérant le
vieillissement, considérant les emplois à pourvoir et considérant, de l'autre
côté, des personnes qui ont envie de se réaliser en Amérique, au Québec en
particulier?
Le Président (M. Picard) : ...
Mme Pineau
(Anne) : Merci. J'aimerais quand même...
Parce que Mme la
ministre, tantôt, disait qu'on était
un peu seuls. En fait, je ne pense
pas qu'on est tout seuls à faire état d'une problématique qui fait que ce
modèle-là n'est pas sans biais. Je vais vous citer ici ce que dit Laurence Monnot, qui a
écrit un livre, La politique de sélection des immigrants au Québec, et qui vante la politique actuelle de sélection
des immigrants comme un outil exceptionnel, et elle dit : «L'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada
ont renoncé au recrutement sur la base de l'offre d'immigration pour arrimer
la sélection à la demande des employeurs. Le
Québec se singularise jusqu'ici
parce qu'il maintient ouverte la possibilité, pour les immigrants économiques, d'être sélectionnés sur la base de leur
capital humain.» Ce qui est beaucoup plus large, le capital humain, que le seul
fait d'être capable de remplir tel poste, tel jour, telle heure, selon les
besoins fluctuants de l'employeur et du marché du travail.
Et c'est un
des reproches qu'on formule ici. On estime, nous, que ce système-là est
beaucoup arrimé à l'offre à court terme d'emploi et qu'on évacue un pan qui est beaucoup plus large. Oui, mais
cette personne-là, à long terme ou à moyen
terme, est-ce qu'elle va s'intégrer? Est-ce qu'elle va rester? Est-ce qu'elle va développer... Est-ce
qu'elle a vraiment envie d'être ici?
Est-ce qu'elle parle le français? Est-ce qu'on va se priver de candidats
intéressants parce que, finalement, à ce moment-ci on ne demande pas cette
expertise-là ou ce type d'emploi là?
C'est là
qu'on parle d'instrumentalisation, c'est-à-dire qu'on parle de répondre à la demande. L'employeur veut un
plombier, on va chercher un plombier. Et on a vu...
M. Kotto : Oui, pardon. Non,
c'est parce que j'ai très peu...
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste 20 secondes, M. le député.
M. Kotto : Voilà, 20 secondes. C'est un long débat. Ma
question, elle est très simple : Pensez-vous que le système actuel, je ne parle pas de celui qu'on étudie ici, a
généré plus de bonheur? Parce que plusieurs de ceux qui sont venus ne se sont pas intégrés parce que, faute d'emploi,
des ménages se sont brisés, des familles se sont brisées, parce que les gens
ont vécu des désillusions totales sur le
terrain. Pensez-vous que ce système est meilleur que celui que nous sommes en train de discuter ici cet après-midi?
M. Lortie (Jean) : Je dirais, M. le
député...
Le Président (M. Picard) : En
30 secondes, M. Lortie.
M. Lortie
(Jean) : ... — oui — ce
système peut être amélioré si on y met les ressources pour assurer
l'intégration, éviter la
surqualification, la sous-employabilité,
déjà là la question de la désillusion — on arrive ici avec un mirage, et ce n'est pas ce qui se réalise — l'intégration dans les milieux de travail,
donc être capable de s'intégrer rapidement, sortir de l'isolement, parce que... les obstacles
linguistiques, etc. Ça, si on se met ces moyens-là, ce système-là peut être
amélioré, puis c'est ce qu'Anne
citait exactement, par rapport à un système
plus mercantile qui vise aux besoins des entreprises. Je pense
qu'on a des efforts à faire là-dessus.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède la parole à Mme la députée de Montarville.
• (17 h 50) •
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Mesdames — maître,
je devrais dire — monsieur,
bienvenue, merci pour votre mémoire.
Tout comme vous, je suis préoccupée
effectivement par la sauvegarde de la langue française, la protection de la langue française, le fait que
les immigrants doivent suivre des cours de français, il faut qu'il y ait une
francisation qui se fasse. Il ne faut pas
qu'il y ait de compressions, de coupure, de diminution d'heures, bien au
contraire. On le comprend.
On a compris
aussi que ce qui est important, c'était d'adapter aussi les cours de français
et la francisation à la réalité des
travailleurs immigrants, qui doivent travailler, s'occuper des enfants, et, le
cours, bien il va être pris entre le travail et la maison. Donc, il faut adapter, je pense qu'on l'a bien compris, ça,
et c'est important de le faire. Je pense, c'est du devoir de la société québécoise qui accueille de mettre à
la disposition des immigrants tout le matériel pour qu'ils réussissent; qu'ils apprennent le français, s'ils ne le parlent
pas, et qu'ils réussissent surtout. Et, pour ma part, notre formation, nous
préconisons même que les cours de français
deviennent obligatoires, comme ils ne le sont pas actuellement, ce qui est,
pour moi, une aberration, et pour plusieurs également.
Cela dit, vous nous parlez, à la page 15 de
votre mémoire, de l'utilisation du français mais vraiment dans l'organigramme des différents emplois du
gouvernement et, vous parlez, entre autres dans toute l'administration. Vous
nous dites, à la page 15 : «Le
gouvernement du Québec doit aussi faire en sorte que la langue officielle de
l'administration soit bien le
français comme l'énonce le chapitre IV de la Charte de la langue
française.» Je suis bien d'accord avec vous.
Plus bas,
vous nous dites : «Bref, le gouvernement québécois offre de facto des
services en anglais aux citoyens allophones.
Cette manière de faire conduit à un bilinguisme d'État aux antipodes de
l'esprit de la Charte de la langue française.»
Alors, vous
êtes la CSN, vous avez des membres, des travailleurs qui justement travaillent
dans les réseaux du gouvernement,
beaucoup dans les écoles, commissions scolaires mais également dans le monde de
la santé, les hôpitaux. Alors, ma
question est la suivante : Vous nous dites que de facto les employés
offrent le service en anglais aux allophones. Pourquoi? Vos membres
sont-ils confrontés à ça? Leur demande-t-on de le faire? Donnez-moi des
exemples.
M. Lortie
(Jean) : Bien, écoutez, à chaque année on rencontre, nous, nos
responsables en francisation dans nos milieux
de travail, tous les mois de mars, une journée de travail, et les cris du coeur
véritables des gens, ils disent : On ne peut pas ne pas leur répondre, hein, d'abord, il y a un minimum de...
Les gens disent : On est de plus en plus obligés de leur répondre. On reçoit des directives,
souvent, dans le milieu de travail, on a documenté ça à travers nos activités,
hôpitaux, écoles, partout, puis pas seulement à Montréal, hein, dans les
couronnes de Montréal également. Les gens constatent que de plus en plus c'est
permis et ça doit se faire de cette façon-là, et ça pose cette question-là.
Alors,
c'est pour ça qu'on le soulève dans notre mémoire, parce que, depuis trois ans
qu'on organise cette activité annuelle
sur la francisation, cette problématique, elle surgit avec de plus en plus
d'acuité. Alors, on la pose dans le mémoire : Comment se fait-il
que, comme société, on permette que l'État communique de cette façon-là?
Et
nos gens sont souvent peu qualifiés. Moi, je viens du secteur de l'hôtellerie,
c'est clair qu'on doit être bilingue quand
on accueille des clients, comme moi, mon métier, je parle français, anglais
puis je me débrouille en espagnol pour accueillir des clients, ça, c'est
clair, mais ce n'est pas dans tous les milieux de travail que c'est nécessaire
de le faire.
Et
ça, il y a un glissement, de plus en plus et dans particulièrement le secteur
de la santé, des services sociaux et dans
l'éducation également. Alors, ça, on a documenté ça, on a vu ça à travers nos
composantes, qui nous le disent, à travers ces activités-là, que la
pression est de plus en plus forte, particulièrement Montréal et sa couronne.
Mme
Roy
(Montarville) : Et on comprend qu'en agissant de la
sorte nous sommes accueillants, nous sommes humains et humanistes, nous voulons aider la personne, donc on va aller
au plus facile, qui est souvent la langue commune sur la planète, souvent, l'anglais. Et cependant
faire ça, c'est humain, mais j'imagine qu'a contrario c'est que ça envoie
l'image au nouvel arrivant qu'ici le français n'est pas important, c'est ce que
vous nous dites.
M.
Lortie (Jean) : En fait, ce qu'on dit, c'est qu'ici le français
pourrait être plus important, si on se donnait les moyens de le rendre plus important avec des
mesures, des moyens de faire en sorte que l'intégration se fasse
obligatoirement, des cours de
français en milieu de travail. Mais les coûts de ça, quand on les pèse dans la
balance, entre former un soudeur puis
perdre quelqu'un qui parle français rapidement, l'impératif économique va
prévaloir, et ce ne sera pas le cours de français qui se donne, parce que ça prend des énergies considérables
pour organiser ça avec l'entreprise, les travailleurs en dehors des heures de travail ou pendant les heures
de travail. Ça demande, comme vous le disiez un peu plus tôt, énormément
de conciliation de travail-famille, et etc. Donc, souvent, le sacrifice était
là plutôt que sur d'autre chose.
Mme Roy
(Montarville) :
Vous nous disiez...
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme la députée. Je cède la parole à M. le
député de Mercier.
M. Khadir :
Merci, M. le Président. Je veux d'abord féliciter les représentants de la CSN
pour l'excellent rapport qu'ils ont
soumis à l'Assemblée nationale. Je comprends que Mme la ministre accueille ce
rapport comme une critique assez
sérieuse de son projet, mais je pense en même temps qu'il y a d'excellentes
recommandations. J'attire son attention, d'ailleurs, à Mme la ministre,
j'attire son attention à la page 24 pour ce qui est des
recommandations 9 et 11 pour le français
et les besoins temporaires en main-d'oeuvre, les recommandations 13, 14,
15, 16, 17 et 18 qui visent à renforcer la protection des travailleurs temporaires, une protection, qu'on a vu
précédemment, qui est mieux assurée par, par exemple, d'autres provinces
canadiennes, on a parlé de l'exemple de l'Alberta.
Maintenant,
je sais que vous faites partie de la commission des partenaires en milieu de
travail, qui finance la formation de
la main-d'oeuvre lorsque les entreprises ne le font pas elles-mêmes,
contribuent leur 1 %. À travers la CPMT, c'est assuré.
On
a présenté une motion à l'Assemblée
nationale aujourd'hui pour que le gouvernement abaisse le seuil à partir duquel les entreprises doivent
contribuer, pour ne plus dispenser comme c'est le cas actuellement 8 000 entreprises, qui
autrefois contribuaient et ne contribuent
plus au fonds qui alimentait la CPMT. Est-ce que vous pensez que cette mesure
peut améliorer les choses?
M.
Lortie (Jean) : D'abord, il y a 230 000 entreprises au
Québec; il y en a seulement 8 000 qui sont couvertes par cette loi de développement et de la
reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre. C'est une véritable
catastrophe d'avoir encore abaissé
les seuils, hein? On est passé de 250 000 $ à 1 million, et
maintenant c'est 2 millions. Ça envoie un très mauvais signal aux
entreprises québécoises, c'est le signal que, la formation, l'investissement
qu'elles doivent y consacrer n'est pas aussi important.
Et on a dénoncé,
nous, les partenaires du travail, à la Commission des partenaires du marché du
travail, cette mesure-là, parce qu'on disait
entre autres : Ça prive cette commission-là de ressources importantes sur
la francisation, sur l'intégration en milieu de travail. Et c'est des
ressources que l'État québécois doit compenser par le trésor public, donc les
contribuables comme vous et moi, et ce n'est pas nécessairement...
Les
entreprises québécoises, au Québec, de plus en plus se déresponsabilisent sur
la question de la formation et elles
souhaitent que ce soit l'État qui prenne la relève via la taxation, les
contribuables, et, pour nous, ce n'est pas le bon chemin. Et, notamment
la question du français, il aurait pu y avoir des efforts et un canal important
par cette voie-là.
M. Khadir :
...temps?
Le Président (M.
Picard) : Il ne reste plus de temps, M. le député. Je vous
remercie, M. Lortie, Mme Houle, Me Lortie, pour votre apport aux
travaux de la commission.
La
commission ajourne ses travaux au jeudi 11 février
2016, après les affaires courantes, vers 11 h 15, afin de poursuivre
son mandat.
(Fin de la séance à 17 h 58)