(Neuf heures trente-neuf minutes)
Le Président (M.
Picard) : À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum,
je déclare la séance de la Commission des
relations avec les citoyens ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue et je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.
La commission est
réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques
sur le projet de loi n° 77, Loi sur l'immigration au Québec.
Mme la secrétaire y
a-t-il des remplacements?
La Secrétaire :
Oui, M. le Président. M. Bernier (Montmorency) est remplacé par
Mme Sauvé (Fabre) et Mme Lavallée (Repentigny), par Mme Roy
(Montarville).
• (9 h 40) •
Le
Président (M. Picard) : Merci. Ce matin, nous débuterons par les remarques préliminaires, et
nous recevrons ensuite la Fédération des travailleurs et travailleuses
du Québec, le Mouvement Québec français, la Commission des partenaires du
marché du travail et la Fédération québécoise des municipalités.
Comme la séance a
commencé à 9 h 40, y a-t-il consentement pour poursuivre au-delà de
l'horaire prévu? Consentement. Merci.
Remarques préliminaires
J'invite
maintenant la ministre
de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion à faire ses remarques préliminaires. Mme la
ministre, vous disposez de six minutes.
Mme Kathleen Weil
Mme Weil :
Oui, merci. Bonjour, M. le Président de la commission. Je salue Mme la députée
de Jeanne-Mance—Viger,
la députée de Fabre, le député de D'Arcy-McGee, M. le député de Bourget, Mme la
députée de Montarville et membres de la commission parlementaire. Mesdames messieurs. Je tiens à vous présenter ce matin les personnes
qui m'accompagnent : M. Robert Baril, à ma gauche, sous-ministre au ministère
de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion, Mme Marie-Hélène Paradis, ma chef de
cabinet, ainsi que M. Dave McMahon et Mme Marie-Pier Richard,
membres de mon cabinet.
Alors, c'est avec beaucoup
de fierté que j'ouvre les travaux de cette commission parlementaire qui
dirigera la consultation sur l'étude du projet de loi n° 77 visant une réforme en profondeur de la Loi sur
l'immigration au Québec. Je vous
souhaite à tous et à toutes la bienvenue. Cette réforme de la Loi sur
l'immigration au Québec nous permettra de mettre en oeuvre un système de sélection d'avant-garde,
concurrentiel et performant. Le projet
de loi est le premier jalon
d'un vaste chantier en vue de doter le Québec
d'un système d'immigration qui nous permettra de mieux sélectionner,
mieux intégrer et mieux vivre ensemble.
Permettez-moi
de rappeler les principaux éléments de ce nouveau système d'immigration prévus
au projet de loi. Le premier
élément du projet de loi, qui est aussi la proposition la plus structurante,
donne les pouvoirs de mettre en place un
système de sélection basé sur la déclaration d'intérêt. Ainsi, parmi des
personnes qui auront déclaré leur intérêt à s'installer au Québec, nous inviterons à présenter une demande formelle
d'immigration seulement celles dont le profil est le plus apte à
répondre aux besoins du Québec et à contribuer à sa prospérité. Ce système de
sélection nous permettra donc de réaliser des gains d'efficacité, puisque nous
allons examiner uniquement les demandes d'immigration des personnes invitées.
Nous pourrons aussi faire des gains dans les délais de traitement des demandes
d'immigration et permettre aux candidates et aux candidats sélectionnés
d'arriver plus rapidement au Québec.
La
sélection sur la base de la déclaration d'intérêt met un terme au
principe du premier arrivé, premier servi qui a engorgé notre système d'immigration dans le passé en créant des
inventaires et qui continue à l'engorger. Nous pourrons alors prioriser la venue au Québec
des personnes qui présentent un grand potentiel d'intégration, comme celles qui
ont une offre d'emploi ou qui possèdent un
profil professionnel en demande ou encore qui ont obtenu une
reconnaissance totale ou partielle de leurs
compétences acquises à l'étranger. Le système de sélection basé sur la
déclaration d'intérêt a été bien
accueilli dans les milieux socioéconomiques du Québec, car il permet
d'effectuer une adéquation optimale entre la sélection des candidates et des candidats et les besoins des entreprises
de toutes les régions du Québec. Pour les personnes immigrantes, il
favorise l'accès rapide à un emploi à la hauteur de leurs compétences.
Le
projet de loi dotera le Québec d'une flexibilité en matière d'immigration qu'il n'a pas
actuellement. Il sera possible de
mettre en place des programmes pilotes d'immigration permanente et temporaire
pour tester de nouvelles idées et innover. Il pourrait s'agir de
répondre à des besoins ponctuels d'une région ou d'un secteur d'activité.
Notre
volonté est que l'immigration permanente et temporaire contribuent à la
prospérité du Québec et de toutes les régions, à la vitalité du français
et à notre enrichissement collectif. Je l'ai déjà affirmé dans le passé et je
le réitère aujourd'hui,
que l'immigration temporaire contribue à la prospérité du Québec. Je réitère
aussi notre engagement à faciliter le
passage à l'immigration permanente des travailleuses et travailleurs
temporaires de même que des étudiantes et étudiants étrangers qui
souhaiteront s'établir de façon durable au Québec.
Le dernier élément
que je veux porter à votre attention concerne la protection du public et
l'intégrité de notre système d'immigration,
un objectif fondamental. Je citerais en exemple le renforcement des pouvoirs de
vérification et d'enquête, tout comme celui des dispositions pénales. Le
projet de loi prévoit également tous les leviers nécessaires pour intervenir
afin de prévenir et de réprimer la fraude.
Les auditions que
nous débuterons sur ce projet de loi sont une étape importante pour la mise en
oeuvre d'un système d'immigration efficace, performant et davantage en phase
avec les besoins du Québec. La nouvelle Loi sur l'immigration au Québec
permettra de mieux refléter les responsabilités actuelles du Québec en matière
de sélection, d'accueil, de francisation,
d'inclusion et de participation des personnes immigrantes. Elle permettra aussi
de mieux refléter la vision
rassembleuse et inclusive du Québec en soulignant l'importance de l'engagement collectif et individuel pour favoriser la pleine participation des personnes
immigrantes et des minorités ethnoculturelles à la prospérité du Québec,
à son rayonnement international, à la vitalité du français ainsi qu'à la vie
collective dans son ensemble.
Comme
vous le voyez, nous avons une tâche importante à accomplir. Je vous invite donc
à partager et intervenir dans un
esprit de collaboration et de façon constructive afin qu'à compter de 2017 le
Québec puisse compter sur ce système de
sélection moderne, rapide et flexible qui améliorera l'adéquation entre la
sélection des personnes immigrantes et les besoins du Québec. Merci.
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme la ministre. J'invite
maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés
culturelles et député de Bourget à faire ses remarques préliminaires
pour une durée maximale de 3 min 30 s.
M.
Maka Kotto
M. Kotto :
Merci, M. le Présidention... mes salutations — j'ai fait une contraction,
«présidention». Mme la ministre, chers
collègues. Mes salutations vont également à l'équipe qui accompagne la ministre
ainsi que les personnes que nous allons entendre ici aujourd'hui et les
jours qui suivent.
Mes
remerciements anticipés tout d'abord à toutes ces personnes et groupes qui
prendront part aux travaux de cette
commission parlementaire en les félicitant pour les efforts consentis à
participer à cet exercice malgré, encore une fois, le très court préavis au tournant de la période des fêtes. Je dis
«encore une fois» car nous vivons la même situation que l'an dernier presque jour pour jour alors que
la ministre avait déposé en toute fin de session sa nouvelle politique
en matière d'immigration. Cette politique, rappelons-nous, a été déposée le
5 décembre 2014 pour des consultations qui ont débuté le 28 janvier 2015, laissant en plan plusieurs groupes
qui auraient aimé y participer mais, faute de temps, ont dû décliner l'invitation. Le présent projet de loi
n° 77, quant à lui, a été déposé le 2 décembre 2015, toujours en fin
de session, et nous nous retrouvons encore
en ce début d'année, le 27 janvier 2016, encore une fois, avec plusieurs
groupes et personnes laissés en plan.
Bref,
au-delà de ces considérations, nous constatons que des articles de ce projet de
loi n° 77 trouvent leur source dans
le projet de loi n° 71 de notre ex-collègue Diane De Courcy. Je pense
notamment à la déclaration d'intérêt qu'évoquait la ministre, déclaration d'intérêt qu'un ressortissant étranger doit
déposer auprès du ministre, en l'occurrence la ministre, pour s'établir
au Québec.
Sur
des questions fondamentales, par ailleurs, nous sommes loin, très loin du
compte, M. le Président. Pensons à la
question de la langue, enjeu très important, il n'y a qu'à lire les journaux
ces temps-ci. Le présent projet de loi veut favoriser la vitalité du français; nous, à l'époque, nous parlions
plutôt de contribuer à la pérennité de la langue française, langue
officielle du Québec. Nous aurons beaucoup de choses à se dire, au-delà de
l'écoute des personnes qui vont se succéder comme témoins ici, en commission
parlementaire. Merci, M. le Président.
• (9 h 50) •
Le Président (M.
Picard) : Merci pour vos remarques préliminaires. J'invite maintenant
la porte-parole du deuxième groupe
d'opposition en matière d'immigration et députée de Montarville
à faire ses remarques préliminaires pour une durée maximale de
2 min 30 s.
Mme
Nathalie Roy
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président.
D'abord, d'entrée de jeu, permettez-moi de faire mes excuses pour les quelques minutes de retard. Quand les journalistes
veulent nous parler, bien malvenu à nous de refuser. Alors, je suis
désolée, et pardonnez ce retard, pardonnez-moi.
Cela
dit, j'aimerais d'abord saluer Mme la ministre, ses collègues de la partie
gouvernementale ainsi que mon collègue le député de Bourget, de
l'opposition officielle. Je veux vous souhaiter à tous un bon retour à l'Assemblée
nationale, ainsi qu'à tout le personnel. Je
tiens par ailleurs à remercier d'avance les quelque 40 groupes que nous
allons entendre au cours des trois prochaines semaines pour leur apport qui est
essentiel à nos travaux.
Après
les consultations de l'an dernier sur la nouvelle politique d'immigration, nous
entamons aujourd'hui une autre
importante étape de la modernisation du modèle québécois d'immigration. Alors, pour nous, l'objectif qui doit
être recherché est clair : assurer une
meilleure adéquation entre la sélection des immigrants et nos besoins en main-d'oeuvre et assurer une meilleure intégration socioéconomique des
ressortissants en leur offrant l'accompagnement dont ils ont besoin, notamment
en francisation.
Bien
que ma formation politique soit en faveur du projet de loi n° 77, force est de constater qu'il ne répond
pas à toutes les faiblesses du modèle actuel. En employabilité, il est vrai que
le système de déclaration d'intérêt offre des perspectives
positives pour l'employabilité et la gestion des demandes, sous condition, bien
sûr, que le ministère parvienne à corriger,
là, les petits ratés du système informatique, mais ce nouveau processus ne
saura solidifier tous les maillons faibles, notamment parce qu'aucune
modification n'est apportée au règlement sur la grille de sélection.
Pour ce qui
est de la francisation, en 2015, 42 % des immigrants ne connaissaient pas
le français au moment de leur
arrivée, et plus de 70 % d'entre eux ne suivent pas de cours de
francisation dans les trois années qui suivent. Et ça, pour nous, M. le
Président, c'est très inquiétant, très préoccupant, il faudra y travailler.
En 2014,
80 % des immigrants n'ont pas été initiés à l'histoire et aux valeurs du
Québec après leur arrivée, le cours n'étant pas obligatoire. Ça aussi,
nous croyons qu'il devrait l'être. Par surcroît, la ministre a décidé, en
juillet dernier, de réduire de 25 % le nombre de séances de ce cours, dont
le cursus est, par ailleurs, un peu faible.
Le
gouvernement ne prévoit donc rien dans son projet de loi pour assurer la
préservation de la langue française, la
culture et les valeurs qui sont si chères aux Québécois. Avec un flux important
d'immigrants, nous croyons qu'il est impératif
d'y travailler. Nous espérons y travailler ensemble et apporter, justement, des
amendements qui pourront nous aider dans ce sens. Alors, je suis ouverte
à travailler très... en toute collaboration.
Auditions
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme la députée. Je souhaite la bienvenue à la Fédération des travailleurs
et travailleuses du Québec. Je vous invite à
vous présenter ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Vous
disposez d'un maximum de 10 minutes. La parole est à vous.
Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ)
M. Boyer (Daniel) : Merci. Alors, Daniel Boyer, président de la
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec. Je suis accompagné de Denise Gagnon, directrice du Service de
solidarité internationale et relations interculturelles à la FTQ. Merci,
M. le Président. Merci, Mme la ministre. Merci à tous les membres de la
commission de permettre à la Fédération des travailleurs et travailleuses de
faire valoir ses arguments concernant le projet de loi n° 77, Loi sur
l'immigration au Québec.
En janvier 2015, nous reconnaissions tous que la
richesse de la société québécoise et l'apport des personnes immigrantes doit
favoriser la prospérité du Québec et que l'immigration doit également
contribuer au rayonnement international et à
la vitalité du français. Cependant, nous constatons que le projet de loi
n° 77 apporte peu de réponses aux grands enjeux soulevés par nombre
de groupes représentatifs de la société civile. Cette réforme que propose le
projet de loi n° 77 semble davantage
inspirée d'une volonté d'allègement au bénéfice strict des entreprises qui
souhaitent accélérer le recrutement des personnes immigrantes à la
grandeur du Québec, ceci dans un contexte où les ressources dédiées à l'appui
d'une politique d'ensemble sont réduites.
Je vous le dis tout de suite, on va aborder
entre autres deux aspects, plusieurs aspects mais deux aspects plus particuliers, celui de la langue française et
également la problématique des droits des travailleurs étrangers
temporaires. Nous sommes en effet étonnés du
peu d'information diffusée à ce propos. Enfin, nous réagissons vivement aux
modifications proposées en matière de protection de la langue française et au
peu de mesures assurant la protection des droits des personnes immigrantes.
Vu les
positions déjà présentées par la FTQ au sujet de la politique québécoise et de
la sélection des ressortissants étrangers, nous n'allons pas reprendre ici une analyse
exhaustive du présent projet de loi mais plutôt nous attarder à faire valoir nos principes et nos recommandations essentielles en matière de politique d'ensemble en regard de la conjoncture
actuelle de l'emploi et de l'immigration.
La proposition de changement de la
section III de l'actuelle Loi sur l'immigration au Québec interpelle la responsabilité de l'État en
matière de francisation et nous semble ouvrir une brèche
dangereuse en matière de protection de la langue. Nous y reviendrons.
Nous avons
été bien surpris de constater que le projet de loi ne prévoit que deux articles
concernant l'intégration des
personnes immigrantes à la société québécoise. En effet, dans un contexte où la
situation du français est fragilisée dans
nos milieux de travail et que l'intégration réelle des personnes immigrantes
reste déficiente, la FTQ aurait souhaité que ce chapitre sur la participation à la société québécoise soit davantage
étoffé, puisqu'il établit les bases d'une discussion pour une société harmonieuse. Ce chapitre aurait été
l'occasion de définir clairement les responsabilités des différents
acteurs de la société dans l'intégration des
nouveaux arrivants. Ce flou nous paraît dangereux, puisqu'il pourrait laisser
croire à une déresponsabilisation de l'État
au chapitre de l'intégration, et notamment pour la reconnaissance du français
comme pierre angulaire de la politique d'ensemble.
Et là vous
avez à la page... je pense que c'est à la page 7, je ne sais pas si j'ai
la bonne version parce que j'en ai eu plusieurs...
La page 7 de notre mémoire, vous avez les anciens... les articles de la
loi actuelle et, bien sûr, les nouveaux articles, qui sont les articles 58 et 59, dans le projet de loi,
qui diminuent l'importance des cours de français, de l'intégration en
français des personnes immigrantes.
Lutter
contre les discriminations multiples. Plusieurs recherches le démontrent, les
personnes immigrantes et les femmes en particulier rencontrent encore
trop d'obstacles à leur intégration à la communauté québécoise, et cette discrimination systémique nécessite des
changements majeurs. La FTQ est consciente de ses responsabilités en
matière de droit à l'égalité auprès de ses
membres. Elle représente plus de 600 000 membres présents dans près
de 5 000 milieux de travail dans tous les secteurs de l'activité
économique et dans toutes les régions du Québec, dont une proportion de
plus en plus importante de personnes issues
de l'immigration, en 2016, donc entre 10 % et 15 %, selon nos
estimations. Ces personnes sont
encore majoritairement concentrées à Montréal et dans de petites entreprises
peu syndiquées. Nous sommes donc non
seulement préoccupés par toutes les questions qui concernent la sélection et
l'accueil des personnes immigrantes, mais aussi par les services qui
devraient être offerts sur l'ensemble du territoire québécois, un aspect qui
nous semble déficient dans bien des régions.
Nous
sommes également inquiets des impacts négatifs d'une mauvaise intégration sur
la qualité de nos relations interculturelles,
dans cette période de restrictions budgétaires, et particulièrement dans nos
régions. Les régions les plus dynamiques
en matière de formation sont celles qui permettent à une diversité d'organismes
de se côtoyer sans exclusion, comme
le souligne la Commission des partenaires du marché du travail, que vous
entendrez un peu plus tard aujourd'hui. Ces dynamiques nous apparaissent
aussi importantes en matière de régionalisation de l'immigration.
Rappelons
aussi que la FTQ et ses affiliés offrent depuis nombre d'années des services
d'accueil, d'orientation, d'accompagnement,
de francisation, de formation et de défense des droits aux travailleuses et
travailleurs migrants, ceci en plus des formations sur le droit à
l'égalité destinées à nos membres, pour favoriser des relations
interculturelles harmonieuses dans nos milieux de travail.
Dans
le cas des travailleuses et des travailleurs étrangers temporaires non
qualifiés, la situation est plus critique. Ces personnes se retrouvent isolées dans un régime de droit d'exception
les privant de leurs droits syndicaux fondamentaux. Ceci ouvre la porte
aux abus, comme le démontrent plusieurs recherches universitaires en cours.
Un
dialogue est essentiel pour les orientations et la mise en oeuvre de ce projet
de loi là. La Loi sur l'immigration doit
faire l'objet d'un consensus fort autour des enjeux mentionnés, tout le monde
en convient. Nous aurions souhaité toutefois
un dialogue plus transparent, en suivi aux consultations de janvier 2015, avec
toutes les parties prenantes de la politique
d'ensemble. Vous le savez déjà, la FTQ est présente sur plusieurs
organismes : la Commission des partenaires du marché du travail, la nouvelle Commission des normes, équité, santé
et sécurité, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, l'Office québécois de la langue
française. On souhaiterait une plus grande implication de l'ensemble de
ces organismes dans la nouvelle politique et dans la nouvelle application du
projet de loi n° 77.
Dans
tous les cas, nos orientations et nos actions s'inscrivent dans une vision
reflétant nos choix démocratiques pour une société ouverte et inclusive
mais en faveur du travail décent pour toutes et tous.
Force
est de constater que le nombre de travailleurs étrangers temporaires a connu
une croissance constante depuis le
début... quelques années, au Canada, sous l'impulsion du gouvernement fédéral.
On observe une hausse marquée dans plusieurs secteurs, entre autres
l'agriculture, les services domestiques, l'hôtellerie, la restauration rapide,
les mines, et plus récemment dans la foresterie.
Situation canadienne
et québécoise. Je vous dirais que cela démontre une utilisation... — on
parle toujours de la main-d'oeuvre immigrante — cela démontre une utilisation
déloyale de la main-d'oeuvre immigrante comme substitut à rabais vis-à-vis les
travailleuses et travailleurs canadiens et même des personnes immigrantes au
Canada, confrontées à une situation de
chômage persistante. Et là on était déjà intervenus sur le projet de loi visant
les travailleurs étrangers temporaires. Effectivement, quand on crée
deux classes de travailleurs qui n'ont pas les mêmes droits, bien ça affecte,
bien sûr, l'ensemble des travailleurs et travailleuses au Québec.
• (10 heures) •
L'accord
Canada-Québec : une révision nécessaire. L'Accord Canada-Québec relatif à
l'immigration et à l'admission temporaire a été signé le 5 février
1991, donc il serait peut-être temps qu'on le revoie, parce que... En raison de l'administration conjointe du Programme
des travailleurs étrangers temporaires, l'application de certaines
réformes prend un temps énorme. Donc, nous
soumettons que le temps est peut-être venu de revoir les modalités de cette
entente et idéalement de rapatrier plus de pouvoir au chapitre de
l'immigration. En vertu de notre obligation d'harmoniser les mesures fédérales-provinciales dans le domaine, il
devient difficile pour le Québec d'assurer le respect et la pérennité de
sa politique. Cela peut aussi pénaliser le marché du travail québécois,
confronté à des défis structurels linguistiques et culturels spécifiques.
En
ce qui concerne la sélection des ressortissants étrangers, nous saluons l'idée
d'une sélection plus efficace et moins
lourde administrativement mais qui soit également en faveur d'une réponse
efficiente aux besoins des demandeurs, de
leurs familles et du marché du travail québécois. Dans un contexte où les flux
migratoires se font de plus en plus pressants pour plusieurs raisons — mondialisation, guerres, catastrophes
écologiques, et j'en passe — nous croyons en effet qu'il convient de développer une véritable politique
québécoise de l'immigration basée sur le respect des droits de tous et
toutes et non seulement d'un projet de loi répondant aux seules considérations
du monde des affaires. Les engagements de l'État
québécois à l'égard des grands principes de protection des droits fondamentaux
reconnus par le droit international et par nos législations nationales
se résument ici, malheureusement, à quelques déclarations de principe ici et
là, les obligations fondamentales nous
apparaissent reléguées au second plan. Enfin, le pouvoir discrétionnaire laissé
au ministre nous semble exorbitant en
regard de cet important débat, ce qui s'oppose au principe de la transparence
et du dialogue social que nous souhaitons tous et toutes.
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
M. Boyer
(Daniel) : Au final, je vous dirais que ce projet de loi représente
certes une avancée en matière de planification
de la main-d'oeuvre immigrante, mais il devrait s'inscrire davantage dans une
vision d'ensemble de l'immigration afin d'engager tous les acteurs.
Et,
en terminant, nous voulons rappeler humblement à la ministre l'importance de
consulter tous les acteurs du marché
du travail ainsi que les organisations de défense des droits des personnes
immigrantes, tant au niveau national que local, pour favoriser les meilleures pratiques
dans le domaine. Ces acteurs sont bien placés pour évaluer non seulement
les opportunités d'emploi réelles, mais aussi les situations à risque,
notamment pour la protection des droits des personnes migrantes face aux abus
dont elles sont victimes.
Et
vous avez en annexe une série de recommandations qu'on avait déjà soumises l'an
dernier dans le cadre de la consultation préalable à l'actuel projet de
loi.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. Boyer, pour votre exposé.
Nous allons entreprendre notre période d'échange avec le parti
ministériel pour une durée maximale de 17 min 30 s. Mme la
ministre, la parole est à vous.
Mme Weil :
Oui. Alors, je vous salue, je vous remercie, M. Daniel Boyer, président,
Mme Denise Gagnon, conseillère syndicale.
J'aimerais
vous amener sur cette question de sélection de travailleurs qualifiés, qui est
vraiment le noeud, le coeur de cette
réforme. Et la FTQ est membre de la Commission des partenaires du marché du
travail, et vous savez qu'il y a le projet de loi n° 70 qui est
sous étude actuellement, j'imagine que vous allez peut-être faire une
présentation dans ce cadre-là. J'aimerais voir...
Une voix :
...
Mme
Weil : Cet après-midi? Bon, excellent. Parce que je pense que
c'est important que ce dialogue se fasse, donc, entre... Finalement, la réussite de l'immigration passe par un dialogue
constant, de tous les jours entre plusieurs ministères, je pense que
vous le comprenez bien, mais peut-être en premier lieu le ministère du Travail
et de l'Emploi.
J'aimerais
voir comment vous voyez votre rôle parce que je suis très intéressée à
comprendre le rôle de la commission
et des membres de la commission, de la FTQ notamment, les syndicats, pour tout
ce qui concerne la sélection et le
travail qui se fait en amont, parce que le nouveau système se veut un système
qui va répondre en temps réel aux besoins du marché du travail, mais
j'étendrais ça aussi beaucoup, cette préoccupation, aux régions. Donc, ce
dialogue doit se faire à différents niveaux,
le niveau national, évidemment, pour une vue d'ensemble, mais aussi les acteurs
régionaux. Vous êtes sur les deux plans, vous-mêmes. Alors, je voulais voir un
peu comment vous voyez votre rôle, le rôle de la commission, dans ce cadre-là, pour bien sélectionner des gens qui vont
intégrer rapidement, hein, c'est beaucoup ça, la question, rapidement,
évidemment en français, le marché du travail.
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, le rôle de la FTQ est important depuis déjà plusieurs
années. Je vous avoue... Quand on dit
qu'on est un peu inquiets du peu de consultation des organismes, et je les ai
mentionnés, la Commission des partenaires
du marché du travail en est un, il y a eu une consultation, mais je pense qu'on
devrait aller encore plus loin. Au
premier comité exécutif de la Commission des partenaires du marché du travail, de début d'année, on a soulevé la problématique des travailleurs syriens, des
immigrants syriens, et il fallait à tout prix que la Commission des
partenaires du marché du travail planche sur
un plan de match dans le but de trouver des emplois aux réfugiés syriens qu'on
accueille actuellement. Donc, il y a un
travail important qui doit être fait, un travail important aussi en région. Il
y a les Conseils régionaux des
partenaires du marché du travail qui existent, où on y siège également, dans
chacune des régions, et on doit mettre à profit ces organismes-là, on
pense que c'est important.
Bon, vous savez que
la Commission des partenaires du marché du travail — et vous m'avez
interpelé lors des consultations l'an dernier — écoutez, on fait... le
mémoire qui est présenté par la Commission des partenaires, on y adhère, c'est un large consensus, les
partenaires du marché du travail, mais en même temps les membres des
organisations syndicales, qui représentent
les travailleurs, travailleuses à la Commission des partenaires, ont soulevé
une inquiétude concernant
l'utilisation de la langue française par les personnes immigrantes. Donc,
d'ouvrir un peu plus grand l'arrivée de
personnes immigrantes qui ont une moins grande connaissance du français, on n'a
pas d'objection pour certains emplois qualifiés
où on ne trouve pas de main-d'oeuvre qui connaît suffisamment le français, mais
en même temps ce qu'on dit, c'est
qu'il faut à tout prix qu'on permette à ces gens-là de s'inscrire à des cours
de français. Je ne veux pas faire miens les propos de la députée de la deuxième opposition qui a mentionné tantôt
l'article du Devoir, il y a une étude publiée par l'IREC aujourd'hui aussi concernant ça, puis,
écoutez, la FTQ est consciente de cette problématique-là depuis déjà
bien longtemps, à tel point qu'on a convenu
d'ententes avec les employeurs dans le but que les cours de français se
passent sur le temps de travail, et c'est
les organisations syndicales, la FTQ entre autres et nos syndicats affiliés,
qui ont fait en sorte que ça a été
possible dans le secteur de l'hôtellerie, dans le secteur de l'entretien
ménager, dans le secteur du textile. Bon, malheureusement, les subventions ne sont pas toujours au rendez-vous, et
on a de plus en plus de problèmes à organiser ces formations-là, mais, effectivement, de trouver des gens, des
immigrants qui ont un intérêt à suivre des cours de français à temps complet, c'est de plus en plus
problématique, et on pense que les employeurs doivent mettre l'épaule à la roue
et doivent permettre aux employés de suivre ces cours de français là pour une
meilleure intégration, hein?
Et
c'est le rôle qu'on joue depuis déjà plusieurs années. Je vous dirais que, dans
le secteur de l'entretien ménager, les
employeurs n'ont jamais voulu instaurer des cours de français; on s'en est
occupé et on a convenu d'ententes avec les employeurs qu'on organisait nous-mêmes des cours de français. Oui, c'est
une problématique, et, oui, on a une certaine ouverture à accueillir des
gens qualifiés pour des emplois où on ne trouve pas nécessairement des gens qui
maîtrisent suffisamment la langue française,
mais il faut aussi, par le fait même, qu'il y ait une structure d'accueil pour
leur permettre d'apprendre le
français le plus rapidement. Je vous l'ai déjà dit, Mme la ministre, à Montréal
on peut ne vivre toute une vie qu'en
anglais. On peut faire ça, là, n'importe qui peut faire ça. Donc, il faut le
mettre... Et les gens, dans leur famille, dans leur communauté, vont continuer à parler leur langue maternelle.
Donc, la seule place où ils peuvent apprendre le français, c'est sur le
lieu de travail.
Donc, l'importance du français au travail,
on y croit, et il faut à tout prix... Dans le but d'intégrer de façon
correcte l'ensemble de ces personnes
immigrantes là, il faut leur permettre d'avoir accès à des cours de français
s'ils ne maîtrisent pas suffisamment la langue française lors de leur
arrivée en terre québécoise.
• (10 h 10) •
Mme Weil : Oui. Alors, on a eu l'occasion, lors de la politique, de
parler de cet enjeu, et je l'ai retenu. Honnêtement, cette question
d'offrir et de promouvoir le français au travail, c'est très important pour
moi, personnellement.
Maintenant,
il faut savoir... Si on regarde les chiffres, les derniers chiffres, on regarde
les bassins d'immigration, je n'ai
pas encore les derniers chiffres, de 2015, mais on voit que la France se hisse,
hein, et la France et les Français prennent une part de plus en plus importante de l'immigration. On aura les
chiffres bientôt, à la fin février, mais, pour les premiers neuf mois, la France était en première position.
Donc, c'est l'effet d'une sélection qui va de plus en plus, évidemment,
vers des gens qui maîtrisent la langue française. Donc, ça, c'est une réalité
pour les travailleurs qualifiés.
C'est
une orientation voulue du gouvernement. Pourquoi? Parce que les gens,
contrairement à peut-être ce que les données
nous montrent... Bien, c'est difficile à dire parce qu'il y a des gens comme
les Maghrébins qui parlent parfaitement la langue mais qui ont un taux
de chômage plus élevé, donc il y a beaucoup d'enjeux, hein, dans tout ça. Donc,
il faut travailler en amont, au niveau de la sélection, il faut donner des
cours de francisation avant même, c'est-à-dire il y a des alliances françaises qui donnent des cours avant même que les gens
soient sélectionnés. Ensuite, entre la sélection et l'admission, ils
prennent le cours de français en ligne pour perfectionner encore.
Mais là ce qu'on
voit, c'est qu'il y a de plus en plus de gens qui maîtrisent la langue à
l'entrée. Des fois, c'est l'adaptation, hein, donc ils vont aller vers un
métier peut-être plus spécialisé.
J'aimerais vous entendre, peut-être
si on peut creuser... Parce que, je vous dis, ça m'intéresse beaucoup,
et c'est ça qui va sortir dans la stratégie d'action, dans la politique,
mais je voulais en profiter, de cette consultation, parce qu'évidemment, quand
on parle de la loi, on parle de sélection, on parle de la maîtrise de la langue
française, ça vient rejoindre aussi les orientations de la politique. Et je veux que vous soyez rassurés : toute
cette question de consultation, ça va être en temps continu, même avec
la Commission des partenaires du marché du travail. Votre rôle sur l'avis, ma question, elle est beaucoup sur les avis sur le marché du travail, vous allez certainement jouer un rôle en tant que membres de la commission. Tout ça, c'est important pour
nous parce que les avis sur le marché du travail et toute
cette réalité des besoins localisés
qui fait en sorte qu'on peut amener les immigrants directement en région, on ne passe pas par Montréal, on va directement
en région, c'est vraiment la volonté que j'ai. Alors, je voudrais vous entendre
peut-être sur comment adapter vraiment
ou peut-être vos constats, si vous avez vu des bonnes
expériences, en termes de français en milieu de travail, qui pourraient nous inspirer pour la
suite des choses. C'est une des stratégies pour promouvoir la langue française en milieu de travail.
Le Président (M.
Picard) : M. Boyer.
M. Boyer (Daniel) : Bien, je vois deux aspects. Là, vous me demandez de bons exemples. J'en
ai un très bon, j'en ai des moins bons aussi.
Vous
parlez d'adaptation, là. Toute la problématique de reconnaissance des acquis et des compétences, là, c'est une immense
problématique, et je ne sais pas pourquoi on n'y arrive pas. Oui, je sais que
c'est complexe, là, mais je ne sais pas pourquoi
on n'y arrive pas. Puis là je ne parle pas juste pour des médecins, des
dentistes et peu importe, là. Des travailleurs qualifiés, un
électricien, un plombier, où ce n'est pas les mêmes règles, il me semble que ça
devrait être simple qu'on ait un programme
de reconnaissance des acquis et des compétences et une mise à jour
simple des acquis et des compétences de ces gens-là pour qu'ils puissent
oeuvrer au Québec.
Là,
vous avez parlé des Maghrébins aussi. Il
y a un problème de reconnaissance d'acquis et de compétences, mais ce qui... Écoutez, il y a de la discrimination, il y a de
la discrimination, du racisme, autant de la part des employeurs, autant dans nos rangs, hein? Ce n'est pas simple, cette
problématique-là. Les Maghrébins, ils sont scolarisés, ils sont bien
souvent francophones, alors donc pourquoi
ils ne se trouvent pas d'emploi? Parce
qu'il y a une situation
discriminatoire à leur égard.
Et
vous me parlez d'expériences positives. On a lancé, il y a
quelques années, un cours de formation syndicale dans la région de Chaudière-Appalaches pour nos
délégués syndicaux à nous, dans le but de les familiariser avec
l'intégration dans les milieux de travail de
personnes immigrantes. Et ça, je pense que c'est important de le faire, parce qu'ils ne sont pas bien accueillis, autant par les employeurs, autant
par les travailleurs, dans les milieux de travail. Et ça, on a du travail
à faire, et on a commencé à le faire il y a quelques années, et on va
poursuivre le travail à cet effet-là, puis je pense que c'est important.
Mais on a à se
questionner. Il y a, oui, de la discrimination, du racisme, mais il y a aussi
de la reconnaissance d'acquis qu'il faut régler, qu'il faut régler.
Mme Weil :
Peut-être je céderais la parole à...
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée de Jeanne-Mance—Viger.
Mme
Rotiroti :
Merci, M. le Président. Alors, je salue tous les membres de la commission.
Alors,
merci d'être là. Je prends la parole parce
que vous parlez spécifiquement de la reconnaissance des compétences, et vous savez que le premier ministre ainsi que
la ministre de l'Immigration m'ont donné le mandat, justement, de regarder
l'ensemble du dossier, et il y a un comité interministériel qui se penche sur
la question.
J'ai
une question un petit peu plus précise pour vous : Quand on parle de
reconnaître les compétences à partir de l'étranger, de donner l'heure juste à l'immigrant qui veut migrer au Québec, c'est-à-dire de savoir exactement c'est quoi, ses compétences, son diplôme
vaut quoi ici, au Québec, est-ce que ça, déjà, pour vous, ce serait une amélioration?
M. Boyer
(Daniel) : Oui. Oui, donner
l'heure juste, là, c'est un détail important, c'est un détail important,
parce que les gens voient le Québec,
le Canada comme une terre d'accueil formidable, c'est fort probablement vrai, mais, quand on leur
fait miroiter des emplois qui sont disponibles mais qu'on ne reconnaît pas
leurs acquis une fois rendus ici, c'est un problème, on les a incités à immigrer sous de faux prétextes, de fausses
représentations, et je pense qu'il faut corriger le tir.
Et c'est
toute la problématique de reconnaissance
de compétences et des acquis. Quand les gens arrivent ici, ils ont
certaines compétences, certains acquis, qui ne répondent pas nécessairement aux
critères québécois, mais il me semble que,
pour plusieurs emplois qualifiés, ça devrait être relativement simple pour
reconnaître ces acquis et compétences là,
ce qui n'est pas le cas depuis déjà bien des années. Et je vous avoue qu'on se
gratte la tête. Pourquoi c'est si compliqué?
Mme
Rotiroti :
...ma prochaine question : Pourquoi
pensez-vous que c'est aussi compliqué de reconnaître par rapport...
d'autant plus si c'est un travailleur qualifié? Alors, on le sélectionne pour ses
compétences, puis il arrive ici, pas capable de travailler.
M. Boyer (Daniel) : Oui. Oui, oui, tout
à fait.
Mme
Rotiroti : Alors, selon vous, c'est quoi, les obstacles qui
ne leur permettent pas d'être reconnus, à part du fait qu'évidemment il y a des ordres professionnels là-dedans,
etc., là? Et d'ailleurs je suis contente de vous dire qu'ils sont autour de la table. Alors, ils sont là. Eux-mêmes
font le constat qu'ils doivent bouger, parce
que sinon ça ne fonctionnera plus. Alors, je veux savoir qu'est-ce qu'on pourrait faire. Pourquoi
pensez-vous qu'on n'est pas capables de les reconnaître, à part du fait... Comme vous avez dit, il y a la
discrimination là-dedans aussi, là, mais, à part de ça, est-ce que vous
voyez d'autre chose qu'on pourrait...
M. Boyer
(Daniel) : Bien là, vous
avez mis le doigt sur les ordres professionnels, il y a des chasses gardées
d'actes. Puis là vous parlez d'ordres professionnels, mais on peut se parler de
tous les critères que retient aussi la CCQ pour l'émission de permis, ça
devient très compliqué à certains moments donnés, là.
Et je pense
qu'il faut faire le débat entre nous puis trouver des solutions, hein? Je ne
vous dis pas qu'il faut arriver avec
les solutions, mais moi, je pense qu'il faut impliquer... Puis, écoutez, les
syndicats, on a notre mot à dire aussi dans ça, hein, parce qu'on a des choses à corriger, on a à se mettre à table,
nous aussi, puis de participer aux discussions, et de trouver des solutions à ces problématiques-là,
parce que nous aussi, on fait de la barrière systématique à certains
moments donnés. Donc, nous aussi, on a du
travail à faire, je vous l'avoue, mais il faut à tout le moins participer à ces
débats-là. Quand on établit un véritable dialogue social où on nous
permet de participer, ça nous permet de cheminer, connaître les problématiques et trouver, finalement, des
solutions; si on n'est pas de la partie, attendez-vous à ce qu'on se
rebute à un moment donné. Mais je pense que
le dossier est tellement important qu'on se doit de tous mettre l'épaule à la
roue puis de trouver des solutions.
Mme
Rotiroti : Bien,
merci beaucoup pour votre franchise. Puis c'est noté, que vous voulez
participer à ces discussions-là. Merci.
Le Président (M. Picard) :
Mme la ministre, il reste trois minutes.
Mme Weil :
Bon, c'est ça, alors, je vais y aller rapidement sur deux enjeux, j'aimerais
vous entendre rapidement.
On propose un élément de flexibilité que
franchement je trouve super intéressant, c'est des projets pilotes, pouvoir
tester des idées mais de façon très prudente, peut-être des projets dans des
régions. J'aimerais vous entendre sur peut-être des idées de projet pilote,
types de travailleur qu'on rechercherait, là, où il y a des pénuries ou autres.
L'autre, et c'est bien connu dans la
littérature, le passage rapide de l'immigration temporaire à l'immigration permanente est une mesure de protection des
travailleurs qui est très importante, même fondamentale. Que pensez-vous
de notre idée de mettre les gens rapidement sur une voie rapide pour la
sélection et l'immigration permanente?
Donc, les
deux enjeux, peut-être projets pilotes en quelques minutes, ce que vous en
pensez, si vous avez des idées.
Le Président (M. Picard) :
Mme Gagnon. Allez-y.
Mme Gagnon
(Denise) : Oui, bien, sur
les projets pilotes, on n'est pas fermés. Il faut voir que la FTQ elle-même
ne travaille pas en vase clos, travaille
surtout dans les régions avec un ensemble d'acteurs, que ce soit dans le secteur
de l'éducation, communautaire, pour mettre en oeuvre ces programmes. Donc, on
n'est pas seuls à faire ça.
Sur la
question des pénuries, et souvent c'est là qu'on a une divergence d'intérêts
avec certaines entreprises, pas toutes,
là, mais il y a des entreprises qui... Puis on le voit, la tendance canadienne
depuis 2006, on a augmenté le nombre de
travailleurs temporaires de façon exponentielle, alors que parfois il n'y avait
pas véritablement des pénuries. Parce que la question de la reconnaissance des acquis, c'est aussi vrai pour les
Québécois et les Québécoises, parce qu'il y a certains métiers pour lesquels on va demander... puis on a
eu des tristes exemples en Colombie-Britannique, le Québec, on a réussi
à résister à ça, où on demandait le mandarin
à des manoeuvres dans une mine, là, pour justifier des pénuries de main-d'oeuvre. Donc, ces
projets pilotes là doivent être très bien encadrés, doivent mettre à profit les
acteurs syndicaux et les acteurs aussi qui interviennent dans les
régions, notamment sur le développement économique régional.
Mme Weil : Et le passage
rapide?
• (10 h 20) •
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez,
pour ce qui est du passage rapide, bien sûr qu'on salue ça.
Je veux juste peut-être rajouter un petit bout
sur les pénuries. Il faut juste faire attention... Puis, quand on mentionne...
on est peut-être un peu carrés dans notre mémoire quand on dit que c'est dans
le but de faire plaisir aux gens d'affaires puis aux employeurs, d'accueillir
de la main-d'oeuvre immigrante qualifiée. Il y a 41 000 emplois à
combler au Québec, il y a 340 000 chômeurs au Québec. Ça fait qu'il
faut juste faire attention, il faut relativer certaines choses. Il y a des
problématiques où les solutions ne sont pas nécessairement faciles. J'entends
parler, à la Commission des partenaires du
marché du travail, là, qu'il manque de soudeurs depuis à peu près 100 ans
au Québec. La problématique des
soudeurs, là, c'est rendu quasiment une caricature, on en entend parler. Mais
pourquoi on n'inscrit pas des gens,
des jeunes dans des cours de soudure? Oui, mais ça ne marche pas comme ça, ça
ne marche pas de même, il faut susciter
un intérêt puis... Donc, il faut juste faire attention. Quand on parle des
emplois en pénurie, il faut aussi s'attarder aux
340 000 chômeurs qu'on a au Québec.
Puis je vais
faire du pouce sur ce que Denise vient de mentionner, la reconnaissance
d'acquis et de compétences de ces
gens-là pourrait permettre de combler, dans bien des cas, ces emplois-là. Un
cours de soudure, là, ça ne demande pas une technique, puis ça ne demande pas un bac, puis ça ne demande pas une
maîtrise, donc je pense qu'on peut y arriver suffisamment rapidement.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. Boyer. Je cède
maintenant la parole à M. le député de Bourget pour une période de
10 min 30 s.
M. Kotto : Merci, M. le Président.
Mme Gagnon, M. Boyer, soyez les bienvenus.
41 000 emplois à combler,
340 000 chômeurs, ce sont deux chiffres qui parlent avec énormément
de force. Dans une perspective générale,
devrait-on investir temps, moyens, ressources pour aller dans le sens de ce que
vous venez de dire, c'est-à-dire
encourager, sensibiliser, orienter sur le terrain ce bassin de chômeurs, ou
devrions-nous, en tant qu'élus, mettre
davantage l'accent sur une ouverture de flux migratoire massif au Québec, flux
que nous sommes à l'évidence, à la lumière de l'étude que vous avez
citée tantôt et des articles de journaux, notamment de M. Dutrisac hier...
mettre sur pied des structures cohérentes pour notamment la francisation, qui
nous pose un énorme problème?
M. Boyer
(Daniel) : Bien, écoutez, je
vous dirais que, dans les 340 000 chômeurs, il y a bon nombre de
Québécois, entre guillemets, de souche, mais il y a bon nombre d'immigrants
aussi qui n'ont pas encore trouvé d'emploi, hein?
M. Kotto : Exact.
M. Boyer
(Daniel) : Donc, il faut...
Entre autres, on a parlé de la problématique des Maghrébins tantôt. Moi,
je pense qu'il faudrait d'abord s'attarder à
ces 340 000 chômeurs là avant de penser d'avoir une politique
d'immigration à peu près strictement basée sur les 41 000 emplois à
combler. Donc, il y a des emplois qui peuvent être comblés par les
340 000 chômeurs.
Maintenant,
il y en a qui ne seront pas comblés par les 340 000 chômeurs, qui
demandent des qualifications un peu
plus particulières, et là on est assez ouverts à ce qui est dans le projet de
loi. Puis, comme j'ai dit, et on va dans le même sens que la Commission
des partenaires du marché du travail à cet effet-là, mais, comme on le dit, il
y a une problématique à l'ouvrir si les gens
ne maîtrisent pas suffisamment la langue française. Il faut à tout prix mettre
en contact ces gens-là avec la langue
française par des cours de formation pour leur permettre de maîtriser
suffisamment la langue française pour
être efficaces sur le marché du travail, efficaces pas juste au travail mais
dans leur milieu de travail au Québec.
M. Kotto :
Et ça, c'est un argument que vous aviez déjà exprimé ici par le passé,
notamment dans le cadre de l'étude du projet de politique en matière
d'immigration.
M. Boyer (Daniel) : Oui, tout à
fait.
M. Kotto :
Et, parlant de politique d'immigration, pas la Loi sur l'immigration,
pensez-vous qu'il aurait été, entre guillemets, aidant d'avoir ce projet
de politique avant même d'aborder l'étude de ce projet de loi qui nous occupe
ici aujourd'hui? Parce que je vous dis le
fond de ma pensée, je pose la question parce que, de ma perspective des
choses, c'est un document, disons, une
orientation générale qui aurait éclairé les zones d'ombre dans ce projet de
loi, notamment relativement au pouvoir
exorbitant, comme vous le disiez vous-mêmes, pouvoir discrétionnaire exorbitant
que se donne la ministre relativement
aux programmes, au chapitre de la sélection des immigrants économiques, la
gestion de traitement des demandes,
etc. Vous parliez de... je ne veux pas mal vous citer, mais vous parliez de...
vous remettez en question la transparence
même de la démarche. Alors, est-ce qu'il n'aurait pas été préférable d'avoir le
projet d'orientations politiques avant même d'aborder ce projet de loi?
Le Président (M. Picard) :
Mme Gagnon.
Mme
Gagnon (Denise) : Oui, bien, écoutez, c'était un peu problématique,
effectivement, parce qu'avant Noël on a eu
le projet de loi, puis la politique a été adoptée, on l'a vu dans Le
Courrier parlementaire, mais elle n'a pas été diffusée. Nous, on a
essayé de voir où était le document, je crois qu'il n'est pas...
Mme Weil :
...pas déposé encore.
Mme Gagnon (Denise) : ... — ce n'est
pas déposé, bon, O.K. — en ce qui concerne la planification notamment. Donc, c'est
pour ça qu'on a plus de questions que de réponses, et on le souligne dans le
mémoire. Donc, avant de réfléchir en termes de projet pilote, etc...
Puis,
Mme la ministre, vous avez énoncé la question du droit de résidence, qui est,
pour nous, fondamentale pour nombre de personnes immigrantes temporaires
qu'on dit non qualifiées, qui sont vraiment dans un no man's land, pardonnez-moi l'anglicisme ici, qui sont
désinformées autant en amont que lorsqu'elles arrivent au Québec ou au
Canada, où on leur dit : Regarde, tu
n'as pas de droits, tu n'as pas le droit de rien; si tu veux être sélectionné,
on a même des listes noires qui
circulent chez les employeurs. Alors donc, oui, on veut voir cette politique-là
parce que, le Québec, on s'est un peu démarqués par rapport à d'autres
provinces, et, sur la question de la résidence, le Manitoba a pris une avancée intéressante par rapport à la question des
travailleurs temporaires étrangers en leur permettant de faire application
pour le droit de résidence, ce qui n'est pas le cas au Québec, là, ils doivent
retourner, comme vous le savez, sur une base de quatre ans. Et ça, les employeurs n'aiment pas non plus cette mesure-là
fédérale parce qu'on forme des gens, ils deviennent un peu qualifiés, que ce soit dans l'agriculture
ou comme aides familiales, et puis... aides familiales, ce n'est pas le
cas, mais dans l'agriculture notamment, et
on doit les retourner, c'est des nouvelles personnes qui viennent. Alors, c'est
de la marchandisation de la main-d'oeuvre, pour nous, là, ça n'a aucun sens. Et
les groupes de personnes immigrantes que nous
rencontrons à l'échelle canadienne et au Québec, en particulier à Montréal,
dénoncent ce genre de mesure là très vivement, et nous appuyons ce
non-respect des droits fondamentaux.
Donc,
je pense qu'il faut regarder aussi les droits de résidence puis il ne faut pas
juste réfléchir en termes d'emplois qualifiés, parce que, nous, les
membres qu'on représente puis ceux qu'on voit dans les différents milieux de
travail, souvent c'est des travailleurs peu
qualifiés qui sont vraiment privés de leurs droits. Puis d'ailleurs le projet
de loi n° 8 leur a enlevé le
droit à la syndicalisation dans certains secteurs de l'agriculture, là, qu'on
avait obtenu avec les travailleurs unis de l'alimentation et du
commerce.
Donc,
c'est vraiment une situation, je pense, à laquelle la politique devra répondre,
mais on verra, là, elle sera diffusée, publiée, comme tel. Et nous
espérons que ce dialogue se poursuive.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Bourget.
M.
Kotto : À coups de 50 000 immigrants qui rentrent par
année, et considérant que 40 % à 43 % d'entre eux ne parlent pas un mot de français et que parmi
ceux-ci un nombre substantiel ne se donnent pas la peine de l'apprendre
parce que les incitatifs ne sont pas là, les
moyens ne sont pas là — on vient de vivre des coupes paramétriques avec le nouveau gouvernement, il y a des incidences
évidemment — au bout
du compte, au bout du chemin, on a plusieurs problématiques au plan social qui se posent. Au-delà du fait que
des gens ne s'intègrent pas en français, il y a la stigmatisation
potentielle, on peut, veux veux pas, c'est
la réalité, volontairement, consciemment ou inconsciemment, stigmatiser les
immigrants parce que la réputation est faite à l'effet qu'ils ne s'intègrent
pas en français au Québec.
Si nous avions la
pleine maîtrise de notre politique d'immigration, si nous avions le contrôle
total de notre immigration, je ne pense pas
qu'il en serait de même, parce que les gens, quand ils viennent, ils viennent
au Canada, et le Canada a deux langues officielles. Et le constat est
fait : à Montréal, on peut travailler en anglais sans avoir besoin de
maîtriser le français. 80 % de cette immigration atterrit et est en
rétention à Montréal, et Montréal se bilinguise dangereusement. C'est ce qui
nous a alertés, avec Mme Marois, et qui l'a amenée à confier à Mme Diane
De Courcy deux portefeuilles, celui de
l'immigration et celui de la langue, les deux étaient liés, parce que le
précipice n'est pas loin. Le précipice,
il est l'endroit où le Québec perdra probablement son visage français.
Montréal, c'est plus de la... enfin, la région de Montréal, la grande
région, c'est plus de la moitié de la population du Québec.
Le Président (M.
Picard) : Il vous reste une minute M. le député.
• (10 h 30) •
M. Kotto :
Est-ce que ce sont des préoccupations qui vous occupent également à la lecture...
à la lumière de ce projet de loi?
M. Boyer (Daniel) : Bien, bien évidemment que ça nous préoccupe. D'ailleurs,
on le mentionne, là, l'accord entre le Canada et le Québec est un peu
désuet et nous amène à avoir des délais qui sont exorbitants, là, je vais
prendre le qualificatif que j'ai pris tantôt. Mais, un accord de 1991, il
faudrait le revoir pour donner un peu plus de pouvoir au Québec en matière
d'immigration.
Vous faites référence
à ce qu'on a mentionné plus tôt concernant le fait que les personnes
immigrantes ont peu ou pas d'intérêt à aller
suivre des cours de français, mais, écoutez, les employeurs non plus n'ont pas
d'intérêt à donner des cours de
français, et on est un peu... C'est pour ça qu'on est un peu inquiets, un peu
beaucoup inquiets de la flexibilité qu'amène le projet de loi concernant
l'intégration des personnes immigrantes. On a une grande inquiétude parce que, dans le contexte actuel de coupures du
gouvernement... On a des syndicats, là, l'union des employés de service, un
syndicat affilié chez nous qui donne des cours de français, qui reçoit des
subventions de la Commission des partenaires et de l'Office québécois de la
langue française et qui se voit couper ses subventions.
Donc, les employeurs ne participent
pas à l'intégration en français des travailleurs, travailleuses, les
immigrants ne le font pas non plus, c'est
nous qui avons pris le bâton du pèlerin, mais là on nous coupe les vivres en
plus. Donc, c'est sûr qu'en introduisant des mesures un peu plus
flexibles, puis qu'on n'a pas les moyens de former adéquatement les personnes
qui ont... les personnes immigrantes...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
M. Boyer
(Daniel) : ...c'est sûr que c'est un problème.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée
de Montarville pour une période de sept minutes.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Gagnon, M. Boyer. Merci
d'être là, merci pour votre mémoire.
Et mon collègue de Bourget
est dans la ligne directe où je m'en vais, page 7, page 14, les deux
sujets qui m'interpellent, parce que je vois que vos préoccupations rejoignent carrément
les nôtres également, au niveau de la francisation,
puis également l'entente avec le Canada et avoir plus de
pouvoir en immigration, ce que nous réclamons depuis un an.
D'abord, j'ai appris beaucoup
en lisant votre mémoire, j'étais néophyte dans le domaine, le fait que la FTQ,
justement, les syndicats donnaient des cours de francisation aux travailleurs.
M. Boyer
(Daniel) : Tout à fait.
Mme
Roy
(Montarville) : Et là vous nous en parliez, là, dans la réponse que... Est-ce qu'on a
une idée de grandeur, combien de travailleurs? Les subventions
ressemblaient à quoi? Qu'est-ce qu'on vous a enlevé? Ça ressemble à quoi maintenant?
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, ça ressemble à quoi maintenant...
Je vous avoue que, depuis deux, trois ans, il faut se battre pour le
maintien des subventions. Et là elles sont coupées. Bien, ce que ça
représente, écoutez, je ne le sais pas en nombre, là, je pourrais vous le faire parvenir, je ne le sais pas
en nombre, mais les classes de français ont beaucoup diminué parce que
les subventions ont diminué.
Mais,
écoutez, l'union des employés de service, les Teamsters en ont donné aussi,
c'est des gens qui ne maîtrisaient absolument rien de la langue française, on prend les
gens quasiment à zéro, là. C'est des cours de français, là, je ne dirais
pas 101, vraiment d'initiation à la langue française.
Et
ça, c'est une initiative de nos syndicats affiliés, parce que
les employeurs ne voulaient pas s'en occuper, dans l'entretien ménager. Ils ont démontré un certain
accord, mais ils ont dit : On ne s'en occupe pas. Bien, on va s'en
occuper, nous. Puis les subventions
permettaient de rembourser les salaires de ces gens-là, de les libérer de leur
travail, de rembourser le salaire de
ces gens-là, parce que, comme on l'a vu, il n'y a pas d'intérêt à aller
suivre des cours à temps plein. C'est sûr, ces gens-là veulent d'abord
travailler; une fois qu'ils ont travaillé leur semaine de travail, bien ils ont
besoin de se reposer aussi. Donc, l'intérêt
d'aller suivre des cours de français n'est pas tout à fait là, il faut
les intéresser. Et, nous, de la façon
qu'on les a intéressés, c'est de dire : Écoutez, on va vous libérer de
votre travail, vous allez venir suivre des cours de français. Et ça a tout un succès, je vous le dis, là. Là, je
vous dis des cours d'initiation, mais il
y a un cours 101, il y a un cours
201, il y a un cours 301. Donc, on pousse, là, sur ces
cours-là, entre autres dans le domaine de l'entretien ménager.
Mme Roy
(Montarville) :
Vous vouliez en rajouter, Mme Gagnon?
Mme Gagnon (Denise) : Bien, je voulais juste dire qu'il
y a la dimension sociale aussi du
vivre-ensemble, ça fait partie de la formation, et qu'on n'a pas toujours.
Et
il y a des groupes communautaires qui nous réfèrent des cohortes de gens, dans nos
milieux de travail en région, qui,
eux, n'ont plus de ressources. Le centre des travailleurs immigrants, à Montréal,
là, c'est une catastrophe, là, ce n'est que par la force des bénévoles qu'on survit. Puis moi, j'y vais des fois
le soir, je vois les travailleurs arriver, qui doivent payer leurs bottes de sécurité, qui doivent... qui
sont désinformés sur le plan de leurs droits et qui, au demeurant,
essaient tant bien que mal, là, de s'organiser pour se donner entre eux des
cours. Ça, je parle des groupes non syndiqués. Pour les groupes syndiqués, bien on peut toujours négocier un peu, par
l'effet de la négociation, des processus de négociation, des aménagements
pour faciliter la formation, mais, pour une travailleuse ou un travailleur...
Et c'est beaucoup des femmes, dans le
secteur du vêtement notamment, qui doivent s'occuper de la maison, de la
famille, de survivre. Bien, la formation à temps complet, ce n'est pas
possible, là, il faut vraiment aménager.
Mme Roy
(Montarville) :
Comme je vous dis, j'apprends en lisant votre mémoire, et je trouve que c'est
très méritoire que le syndicat offre la francisation. Chapeau! La francisation,
pour nous, c'est primordial. D'ailleurs, je l'ai
souligné d'entrée de jeu, mais, pour nous, les cours de français pour nos
nouveaux arrivants, pour nos immigrants devraient être obligatoires pour assurer une pérennité du français au
Québec. Et c'est le syndicat qui prend le relais pour franciser les
travailleurs. Chapeau!
Effectivement, si vous pourriez nous trouver la
donnée — sûrement
que les collègues journalistes aimeraient savoir — combien en
francisez-vous par année, puis si ça a descendu ou si ça a monté, puis...
M.
Boyer (Daniel) : Ah! ça, ça a descendu, c'est clair, oui.
Mme
Roy
(Montarville) : ...ça pourrait être intéressant, ça
pourrait être intéressant pour nous donner une idée de l'apport que vous
faites pour ce qui est de la francisation des travailleurs.
Et vous disiez
d'ailleurs d'entrée de jeu, j'ai pris des notes : Pour nous, il y a une
grande... il y a une brèche dangereuse en
matière de protection de la langue française. Pourriez-vous élaborer, la
brèche, elle était où précisément, les subventions qui diminuent ou
d'autre chose, plus précisément dans le projet de loi n° 77?
M. Boyer
(Daniel) : Non, mais... Bien, c'est parce que, dans le projet de loi
n° 77, on voit qu'on a assoupli les
règles, les obligations de la ministre concernant la langue française,
l'intégration des personnes immigrantes au niveau de la langue française. C'est la section III
de l'actuelle loi, et on a modifié ça par les articles 58 et 59 de
l'actuel projet de loi.
Et
on sait à quoi ça rime, là, c'est dans le but, justement... Des emplois
qualifiés que c'est difficile de trouver de la main-d'oeuvre qualifiée pour occuper ces emplois-là, bien, il faut avoir
un peu plus de souplesse, on est tout à fait d'accord avec ça, là. Peut-être qu'on ne trouvera pas des
gens qui parlent suffisamment bien le français pour occuper certains
emplois qualifiés, ça se peut. Si on veut les
combler, bien, «fine», là, qu'on les comble par des gens qui ne maîtrisent pas
suffisamment la langue française, ça va, mais il faut à tout prix offrir le
service de cours de francisation à ces gens-là.
Denise
parlait du vivre-ensemble tantôt. Vous savez, dans le secteur de l'entretien
ménager, du vêtement, ce n'est pas juste... les gens parlent espagnol,
portugais, anglais, ils viennent de l'Europe de l'Est, ils maîtrisent toutes
sortes de langues, sauf le français. Bien,
ils travaillent ensemble, ce monde-là, ils travaillent ensemble et ils n'ont pas
de langue commune pour se parler. Il faut absolument que la langue
commune, ce soit le français. On vit au Québec. Notre langue, c'est le
français.
Donc,
les cours de français permettent à ces gens-là d'échanger entre eux dans leur
milieu de travail. Ça aussi, c'est important. Ce n'est pas juste le fait
de vivre au Québec en français mais de vivre dans son milieu de travail puis de
pouvoir échanger avec ses collègues de travail, c'est d'une ultime importance,
là.
Mme Gagnon
(Denise) : Partager nos valeurs.
M. Boyer
(Daniel) : Partager nos valeurs.
Mme
Roy
(Montarville) : Et je suis tout à fait d'accord avec
vous et je vous amène là-dessus : partager nos valeurs et les
connaître aussi. Avant de les partager, encore faut-il qu'on les connaisse,
qu'on sache ce qui est permis ou non permis au Québec puis quelle est la façon
de vivre ensemble en fonction de nos lois, ne serait-ce que de nos chartes, et
l'égalité entre les hommes et les femmes entre autres, et — vous
parliez des droits tout à l'heure — effectivement le Code du
travail et quels sont les droits des employés.
Ça m'amène à la page...
Le Président (M.
Picard) : Il vous reste 45 secondes.
Mme
Roy
(Montarville) : ... — ah! misère! — 14 de votre mémoire. Écoutez, à la
page 14 de votre mémoire, vous
réclamez... finalement vous demandez à la ministre un rapatriement des pouvoirs
nécessaire au niveau de l'immigration. Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous écrivez là, puis c'est
intéressant de le lire et venant de la FTQ à cet égard, donc je garde
précieusement ce mémoire. Quelques secondes pour conclure, je vous laisse la
parole, à cet égard.
M. Boyer (Daniel) : Bien, écoutez, moi, je l'ai déjà mentionné, hein, cet accord-là date de
1991. Il faut simplifier les choses entre les pouvoirs du fédéral et les
pouvoirs des provinces.
On pense qu'au Québec
c'est une province particulière, contrairement aux autres, et on devrait
s'octroyer des pouvoirs un peu plus
spécifiques. Nous, nos immigrants, on les veut de langue française, on ne les
veut pas nécessairement de langue
anglaise comme le reste du Canada. Donc, je pense que ça a toute son
importance, ça a toute son importance qu'on rapatrie le maximum de
pouvoirs possible au Québec en matière d'immigration.
Mme Roy
(Montarville) :
Tout à fait d'accord avec vous. Merci beaucoup.
Le Président (M. Picard) : Merci, M. Boyer,
Mme Gagnon, pour votre contribution aux travaux de la commission.
Je
vais suspendre quelques instants afin de permettre au prochain groupe, qui sera
la Commission des partenaires du marché du travail, à prendre place.
(Suspension de la séance à
10 h 39)
(Reprise à 10 h 42)
Le Président (M.
Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant
M. Florent Francoeur, président de la Commission
des partenaires du marché du travail.
Vous disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre exposé,
va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous,
M. Francoeur.
Commission des partenaires du
marché du travail (CPMT)
M.
Francoeur (Florent) : Merci.
Alors, Mme la ministre, Mmes,
MM. les députés, alors je vous
remercie de me donner l'opportunité de présenter le point de vue de la Commission
des partenaires du marché du travail sur le projet de loi n° 77.
Je dirais d'entrée de
jeu que ce projet de loi repose sur des valeurs auxquelles nous souscrivons, de
façon très générale. Pour tous les
partenaires de la commission, l'attraction des travailleurs étrangers
représente un défi important pour le Québec,
mais il faudrait aussi que ces travailleurs obtiennent des emplois et qu'ils
les conservent. Au Québec, nous avons un problème d'intégration des immigrants au marché du
travail. Le taux de chômage des immigrants, même s'il diminue avec le temps passé au pays, demeure supérieur à
celui des personnes qui sont nées au Canada, et cet écart est plus important qu'en Ontario ou dans l'ensemble du Canada. Pourtant, nous sommes devant une dure réalité,
la population québécoise vieillit alors que nos besoins de main-d'oeuvre grandissent, et il faut donc intégrer de façon efficace toutes les
personnes susceptibles de joindre les rangs de la population active.
C'est des chiffres
que vous allez entendre beaucoup au cours des prochains jours, mais, selon les
prochaines prévisions d'Emploi-Québec, nous aurons près de 1,4 million de postes à combler, à pourvoir entre 2013 et
2022. Ce n'est rien de nouveau. Ce
sont des données qui sont solides, basées sur la démographie. Il faut quand même
se dire que, sur les 1,4 million de postes à combler, il y a un million de ces postes-là qui sont des départs
à la retraite, alors qui vont devoir être remplacés. Alors, il y a des
emplois qui nous attendent.
Fait important, un
emploi sur cinq sera comblé par une personne immigrante. Il est donc primordial
de faire une sélection judicieuse de ces
ressortissants en fonction des besoins exprimés sur le marché du travail et
d'assurer leur intégration. Dans un
tel contexte, nous sommes donc d'accord avec le choix stratégique d'instaurer un système
d'immigration compétitif qui permettra d'attirer des talents répondant
aux besoins des entreprises, ça ne peut que contribuer à la prospérité du Québec. Ce projet est
ambitieux, et nous pensons que la Commission
des partenaires du marché du travail est un acteur incontournable dans
l'élaboration des orientations visant à favoriser l'équilibre entre l'offre et
la demande de main-d'oeuvre.
Permettez-moi de
situer la commission au sein de l'échiquier gouvernemental. La commission
réunit des représentants des employeurs, de
la main-d'oeuvre, des milieux de l'enseignement et des organismes
communautaires. Elle rassemble aussi des
représentants de plusieurs ministères ainsi que du milieu universitaire; une
vaste expertise, un lieu unique.
Pensez à une table autour de laquelle s'assoient les chefs patronaux,
syndicaux, communautaires et de l'éducation avec les sous-ministres concernés, on pense Immigration, Économie,
Éducation, Régions, Emploi, pour mettre en commun et
contribuer non seulement à l'identification des besoins de main-d'oeuvre, mais
aussi coordonner les efforts en vue d'accroître
l'efficacité des services publics d'emploi et de favoriser le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre québécoise.
Nous pensons... en
fait nous espérons, en fait, que la commission sera bientôt appelée à agir
concrètement sur plusieurs aspects qui pourront avoir une incidence directe sur
le développement de la nouvelle politique québécoise en matière d'immigration. Quelques-uns de vos collègues députés étudient
actuellement, en fait vraiment en même temps, dans une salle à côté, le projet de loi n° 70. Celui-ci propose de
renforcer le leadership de la Commission des partenaires du marché du travail pour permettre une meilleure
adéquation entre la formation et l'emploi. Il a aussi pour objectif de
favoriser l'intégration en emploi, il
prévoit que la commission aura notamment le mandat de participer à
l'élaboration des politiques gouvernementales visant à favoriser
l'équilibre entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre sur le marché du
travail. La commission aura aussi la
responsabilité de formuler des recommandations aux ministères qui en sont
membres, toujours en vue de répondre
aux besoins du marché du travail. Finalement, les ministères concernés lui feront aussi rapport de leurs
actions à cet égard.
Tous s'entendent pour
dire qu'une intégration en emploi réussie, celle qui engendre un maintien en
emploi, est un élément primordial de
l'intégration sociale d'une personne immigrante. Pour arriver à un tel
résultat, il est aussi important individuellement que collectivement de
poser des balises solides.
Concrètement,
nous devons nous assurer de l'engagement de l'ensemble des partenaires, notamment
pour réaliser l'exercice de priorisation des besoins et d'identification
des déséquilibres. Cela permettra d'établir le vrai portrait du marché du travail. L'exercice de priorisation consiste à identifier, parmi les
professions en demande au Québec sur le marché
du travail, celles qui devraient être priorisées, car il existe pour celles-ci des
besoins de main-d'oeuvre mais pas suffisamment de candidats. La commission a retenu, pour 2015
à 2017, notamment 24 professions, pour lesquelles trois
interventions spécifiques devraient être
faites : dans un premier cas, augmenter l'offre de formation pour cinq
d'entre elles; ensuite, faire la
promotion pour attirer des candidats dans 19 autres formations; et, finalement,
approfondir quatre professions supplémentaires, notamment le cas des soudeurs dont Daniel
Boyer vous a parlé tout à l'heure.
Le
projet de loi répond aussi à nos préoccupations quant à la
participation économique des immigrants, celle-ci doit se
concrétiser par des emplois à la hauteur de leurs compétences. Toutefois, l'évaluation
équitable des compétences, notamment celles acquises par l'expérience, représente un
vrai défi. Le processus de reconnaissance des acquis et des
compétences doit devenir plus performant, et ce, afin de soutenir un système de
sélection basé sur les vrais besoins du marché du travail. Nous souhaitons que
la nouvelle loi permette de prendre en fait cette considération.
Afin
de faciliter l'intégration et le maintien en emploi, la nouvelle loi doit aussi
prévoir des moyens pour favoriser la
réalisation de formations d'appoint et d'expériences de travail en entreprise
pour les travailleurs issus de l'immigration. Cette question devra par
ailleurs être considérée par l'ensemble du marché du travail afin de trouver
des solutions qui faciliteront l'accès à ces formations, tant en milieu scolaire
qu'en entreprise.
De notre côté, à la commission,
nous travaillons déjà activement à deux nouveaux programmes du fonds. Par exemple,
nous sommes à élaborer un programme de soutien à des formations
professionnelles et techniques de courte durée qui privilégient les
stages dans les domaines jugés prioritaires.
Mais les entreprises n'ont pas seulement d'une main-d'oeuvre
universitaire, il faut le rappeler. Souvent, elles recherchent une main-d'oeuvre non spécialisée ou formée à un niveau
professionnel ou technique. Nous jugeons donc important que la nouvelle loi prévoie un processus d'identification des
profils professionnels nécessaires à la sélection des candidats qui soit
basé sur la détermination des besoins réels des entreprises.
Il en va de
même pour la catégorie des travailleurs qui ne détiennent pas de diplôme
comparable à un secondaire V. Il faut, dans certains cas, favoriser
leur admissibilité, considérant que ces types d'emploi ont souvent un caractère
permanent. Par contre, la formation d'appoint
devrait par la suite combler les déficits de compétence de ces
travailleurs et augmenter leurs
qualifications en fonction de l'équivalent d'une formation professionnelle ou
technique donnant accès au marché du
travail. Dans le même ordre d'idées, nous
pensons que le recours à la formation d'appoint pourrait également
suppléer aux carences de formation au niveau universitaire.
Par ailleurs, les principaux obstacles à l'embauche des travailleurs immigrants sont
souvent liés à la validation des expériences acquises à l'étranger, au
manque de compétences liées aux postes à pourvoir, au manque d'expérience
québécoise, au manque de formation et à l'ouverture des employeurs à l'embauche
des candidats surqualifiés. Nous jugeons que la perspective d'une meilleure
adéquation entre les besoins économiques du Québec et la sélection des
personnes immigrantes via le concept de déclaration d'intérêt facilitera
grandement le processus d'intégration socioéconomique. Il importe que les
qualifications des candidats soient rigoureusement évaluées pour qu'elles
soient reconnues à leur juste valeur sur le marché du travail.
Enfin, nous
jugeons qu'il reste un travail important à faire en ce qui concerne la
sensibilisation des employeurs et des
milieux de travail à l'embauche d'immigrants pour tenir compte également
de la discrimination à l'embauche. Nous souhaitons donc que la nouvelle
loi permette la poursuite des efforts de sensibilisation des employeurs ainsi
que la formation interculturelle. Nous
aimerions aussi que soit renforcée l'offre d'outils de soutien en matière
d'accompagnement à l'embauche et de gestion de la diversité mise à la disposition
des employeurs.
Un Québec
prospère repose certes sur un marché
du travail le plus en équilibre
possible, nous en sommes très conscients,
c'est pourquoi la commission s'affaire à ce que chaque action, qu'elle soit
individuelle ou collective, permette d'atteindre des objectifs
significatifs. En matière d'emploi, la responsabilité d'une intégration réussie
des personnes immigrantes sera tributaire d'une politique constructive et
comprise par l'ensemble des intervenants. Les actions stratégiques qui seront
mises en oeuvre... de l'avant constitueront les pierres d'assise d'un système d'immigration
encore plus compétitif et qui répondra entre autres aux nombreux besoins du marché
du travail.
Les positions et les réflexions que nous vous
avons présentées témoignent de la volonté de la commission de participer
activement aux interventions qui se réaliseront au cours des prochaines années.
C'est là un défi important pour le Québec, un engagement collectif visant à
favoriser l'accès à l'emploi des immigrants auquel la commission souscrit
pleinement. Je vous remercie.
• (10 h 50) •
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Francoeur. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil : Merci beaucoup,
M. Francoeur. Très contente de vous recevoir aujourd'hui.
Évidemment,
il y a le projet de loi n° 70 en même temps, alors, votre arrivée
aujourd'hui, première journée de la commission, honnêtement on voudrait
avoir encore plus de temps pour vous poser beaucoup, beaucoup de questions. Vous allez avoir un rôle important, et j'aimerais
que vous puissiez nous expliquer ce rôle, parce que vous allez vraiment être, comment dire, entre le ministère de
l'Immigration et le ministère du Travail et de l'Emploi et vous allez jouer
un rôle important pour la détermination des besoins mais aussi régionaliser,
c'est ce qu'on comprend, et c'est une nouveauté. Ça nous permet d'aller
beaucoup plus loin pour répondre aux besoins des régions.
Alors,
j'aimerais que vous puissiez nous expliquer ce rôle que vous allez jouer pour
qu'on puisse en tirer plein profit dans notre planification, dans un
premier temps. C'est ma première question.
M.
Francoeur (Florent) : Oui. En fait, les nouvelles responsabilités qui
devraient être dévolues à la commission, si le projet de loi n° 70 est accepté tel quel, essentiellement ça
confère une responsabilité, je dirais, réelle à la commission en matière d'adéquation formation-emploi. Qu'est-ce
qu'on veut dire par adéquation formation-emploi,
c'est de constater qu'actuellement, sur le marché
du travail, il y a
des entreprises qui cherchent certaines compétences qu'elles ne
retrouvent pas actuellement, on parle grosso modo, là, de 70 000... Les entreprises
québécoises, si on regarde les chiffres donnés, par exemple, par la Fédération canadienne
de l'entreprise indépendante,
on parle de 70 000 postes, actuellement au Québec, où les entreprises nous disent : Le poste est
disponible, mais on ne trouve pas sur le marché, actuellement, des
personnes pour combler ces postes-là. Alors, je dirais, ça, c'est le problème
d'un côté.
De l'autre côté, c'est comment on fait pour
pouvoir faire... en fait, la partie adéquation, c'est comment on fait pour prendre des gens... On a parlé de plusieurs
centaines de milliers de personnes qui sont sur le chômage. Comment on fait pour prendre ces personnes-là et les amener à
intégrer rapidement le marché du travail? Et c'est pour ça que souvent
on va parler, je dirais, de rôle plutôt...
au départ on va vraiment parler d'un rôle plus proactif, au niveau de ces
70 000 postes là disponibles. Les
entreprises nous disent dans certains cas : Ça freine notre croissance, on
a besoin de certaines compétences et
on ne les retrouve pas. Et, on regarde ces métiers-là, comme nous disons dans
le mémoire, on a identifié notamment 24 métiers,
24 métiers où on dit : Ça, on est vraiment en rareté de
main-d'oeuvre, pour différentes raisons. Les jeunes ne s'intéressent pas
à ces professions-là, les jeunes ne connaissent pas ces professions-là... ou le
marché du travail gère difficilement ces besoins du
marché. Et comment on fait pour, je dirais, attirer des jeunes, les former mais
en même temps les intégrer, intégrer, en
fait, les gens qui sont en recherche d'emploi actuellement, qui souvent ont des
formations, qui sont qualifiés, mais n'ont
simplement pas les qualifications qui sont requises par le marché du travail?
Alors, comment on fait pour faire le
pont entre, je dirais, l'offre, l'offre des individus, et, je dirais, les
besoins des entreprises, d'une part?
D'autre part, il faut rappeler que la
commission, c'est une structure nationale mais aussi avec une structure à peu près, je dirais... un peu un effet miroir,
c'est-à-dire qu'il y a 17 conseils régionaux, il y a 28 comités
sectoriels. Alors, tous ces gens-là
sont, évidemment, préoccupés. Lorsqu'on parle d'en région, alors, tous ces
gens-là sont préoccupés de leur situation d'emploi dans leur région et
ils sont probablement les mieux placés pour dire comment on peut, je dirais...
quels sont nos vrais besoins.
Alors, ce qu'on cherche à faire, je dirais, dans
une première étape, on a dit : Bien, au niveau du Québec, il y a 24 métiers à prioriser, mais on veut aller
beaucoup plus loin et aller dans chacune des régions pour dire quelles sont
les spécificités de cette région-là, ça peut
être une région, ça peut être, je dirais, un endroit en particulier, pour qu'on
puisse identifier les besoins et trouver
rapidement la main-d'oeuvre disponible. Je prends souvent l'exemple de la
cimenterie en Gaspésie, c'est un projet qui est à peu près unique au monde et
pour lequel on va avoir besoin d'une main-d'oeuvre particulière. Alors, évidemment, ça ne veut pas nécessairement dire que
ça joint les 24 métiers qu'on a identifiés, mais il faut qu'on puisse déjà réfléchir à quels sont les
besoins cette industrie-là et comment on va pouvoir faire pour combler
les besoins de main-d'oeuvre.
Mme Weil : Bien, c'est très
intéressant et c'est clé. Ça, on n'a jamais pu le faire, et donc il y a un
décalage entre... Le système actuel, le
système qui est premier arrivé, premier servi, donc, ça peut prendre...
D'ailleurs, les chiffres de 2012 sont
très datés, là, dans l'étude d'aujourd'hui, parce que c'est des gens qui ont
appliqué de trois à cinq ans avant. Donc, l'admission retarde beaucoup
la sélection, c'est vraiment le problème du système actuel.
Donc, autour de ce système de déclaration
d'intérêt, qui est vraiment juste, comment dire, très technique, finalement, il faut greffer tout ce que vous
dites, c'est-à-dire comment on va meubler cette nouvelle façon de faire,
donc identifier en amont très précisément
les besoins pour que nous, au ministère de l'Immigration, évidemment, on
puisse arrimer la sélection. Donc, dans ce cadre-là, vous voyez donc qu'on
pourrait répondre plus rapidement aux besoins des régions, donc plus adapté, mais en
même temps nous assurer que les gens
qu'on sélectionne ne seront pas vulnérables non plus à long terme, à moyen terme. Donc, vous allez avoir,
j'imagine, les deux perspectives, court
terme, moyen terme, travailleurs peut-être temporaires ou permanents,
mais nous, on est vraiment sur l'immigration permanente, c'est vraiment notre
orientation.
Les projets pilotes, dans ce cas-là, est-ce que
vous avez eu l'occasion de réfléchir un peu à ça, qu'est-ce que ça pourrait représenter? Comme vous voyez, c'est
vraiment très, très restreint, c'est inspiré de modèles ailleurs, mais
qui, selon nous — c'est très innovateur — nous permet de tester certaines hypothèses
pour des besoins particuliers dans les régions. Est-ce que vous avez...
M. Francoeur (Florent) : Oui. Alors,
je vous dirais, on salue l'idée des projets pilotes dans la mesure où... parce que, je dirais, on est à peu près en train
aussi, à la commission, de faire un peu la même chose, là, des projets
pilotes à ce niveau-là. C'est-à-dire qu'à
partir du moment où on a identifié des besoins de main-d'oeuvre quelles sont
les solutions qui peuvent être apportées par les différents intervenants
là-dessus? Lorsqu'on parle de, je dirais, si j'ai besoin de... M. Boyer, tantôt, a parlé du cas des
soudeurs, là, mais, si j'ai besoin de 1 000 soudeurs, alors quelles
sont les solutions possibles? Alors,
il y a des solutions qui peuvent venir du système d'éducation, il y a des
solutions qui peuvent venir par des formations d'appoint, il y a des
solutions qui peuvent venir par l'immigration.
Alors, je
dirais, ce qui relativement nouveau, c'est que, je dirais, pour une première
fois au Québec, on confère à un organisme une responsabilité réelle
d'identifier, je dirais, les besoins mais en même temps aussi de chercher avec
les partenaires à trouver des solutions, et
là on va demander à chacun... Parce que, là, on dit : J'ai un besoin de
1 000 employés dans un domaine
précis. Alors, de quelle façon on va contribuer? Le ministère de l'Éducation va
nous dire : Moi, j'en ai 600,
700 qui s'en viennent, qui sont actuellement sur les... je dirais, à l'école et
qui vont être diplômés bientôt. Vous allez peut-être nous dire : Nous, on est en train d'en recruter, je
dirais, qui vont combler ces besoins-là; les entreprises elles-mêmes, je dirais, continuent à former des gens.
Alors, comment on fait pour toujours s'assurer... Parce que, lorsqu'on
parle d'équilibre, alors, c'est un équilibre
qui est en mouvance. L'équilibre aujourd'hui, les entreprises ont des besoins
particuliers aujourd'hui, pensent à
aujourd'hui, mais nous, on est préoccupés pas aujourd'hui mais, évidemment, par
demain, alors quels seront les nouveaux emplois, l'emploi du futur, au
Québec, il va ressembler à quoi, pour qu'on puisse déjà vous suggérer, je
dirais, de quelle façon attirer des gens au Québec.
Mme Weil : C'est excellent.
Je vais permettre... donner la parole — ou le président — à des
collègues et je reviendrai avec des questions après. Donc, ma collègue...
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, Mme la ministre. Alors, Mme
la députée de Fabre,
la parole est à vous.
Mme Sauvé : Merci. Bonjour,
M. Francoeur.
M. Francoeur (Florent) : Bonjour.
Mme Sauvé : Je suis contente que
vous soyez là. Merci pour le mémoire et merci pour votre présentation.
Je m'inscris directement un peu dans les questions de la ministre à votre sujet et d'entrée de jeu je vais vous
dire que je connais bien le rôle pilier de
la Commission des partenaires du
marché du travail. Dans un premier
temps, j'ai bien entendu et je suis
très enthousiaste d'entendre votre ouverture à être à l'écoute des besoins
régionaux, évidemment, en
matière d'immigration, mais je voulais un petit peu aller plus loin en vous
posant la question suivante : Au-delà des exercices entre la Commission des partenaires et les conseils régionaux
en matière de priorisation des besoins de formation et l'acheminement des plans d'action régionaux
annuels, est-ce que vous avez prévu concrètement des espaces, que ce soient des espaces de vigie, des espaces de
consultation, pour vraiment prendre le pouls des réalités, des dynamiques
des territoires, des conseils régionaux en matière d'immigration?
M. Francoeur
(Florent) : Oui, alors...
Mme Sauvé :
Ça, c'est ma première question, et, la deuxième, je peux peut-être la nommer
tout de suite : En matière de projets
pilotes — et Mme
la ministre en a bien parlé, vous avez bien nommé en introduction, et vous avez
bien raison, la richesse partenariale autour
de votre table — est-ce que
vous pourrez être porteurs de bonnes pratiques partenariales? Parce qu'on parle de solutions, mais les solutions
peuvent venir plus vite quand on part de pratiques et de bonnes
pratiques déjà existantes. Allez-vous pouvoir être porteurs de bonnes pratiques
déjà existantes pour inspirer les projets pilotes?
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Merci. Merci, Mme la députée. M. Francoeur.
• (11 heures) •
M.
Francoeur (Florent) : Alors, deux choses. Au niveau du pouls des
régions, encore une fois, je vous dirais, ce qui est relativement
nouveau dans la responsabilité d'adéquation formation-emploi de la commission,
c'est un peu... j'insiste beaucoup sur
l'exercice de priorisation, parce que tout va partir de là. En fait, vous
connaissez bien les structures régionales.
Alors, lorsqu'on établit, je dirais, une priorisation nationale, elle vient
notamment des régions, elle vient des comités
sectoriels, elle vient des données économiques du ministère de l'Emploi. Mais
où on va plus loin maintenant, c'est qu'on
dit aux régions : À partir du moment où vous avez identifié des métiers à
prioriser, bien vos actions vont devoir être reliées à ces métiers-là. Alors, on est... Et ça, je dirais, c'est très,
très nouveau. C'est-à-dire que, vous le savez, on a des, je dirais... il se dépense quand même beaucoup
d'argent, je dirais, en termes de formation dans les régions, les régions
ont des budgets importants, mais là,
maintenant, ce qu'on leur dit, c'est : Votre exercice de priorisation, il
est particulièrement important parce
que vous allez financer ensuite, parce que c'est votre choix... vous allez
financer les activités de formation qui sont liées à ces projets-là.
À
titre d'exemple, si on le regarde d'un point de vue collectif, vous savez qu'on
finance des activités de formation, ce
qu'on appelle le programme... les promoteurs collectifs, et on a dit :
Dorénavant, les promoteurs collectifs, on va financer des activités qui sont en lien direct avec
l'exercice de priorisation, on ne financera pas d'activité pour laquelle on a
des surplus de main-d'oeuvre. On connaît nos
besoins de main-d'oeuvre, et nos sommes, nos investissements en
formation vont aller directement là-dessus.
Alors, c'est pour ça que, je dirais, l'exercice de responsabilisation, pour
moi, est important, c'est : Vous
allez établir les besoins, mais ils sont tellement importants dans l'exercice
que, je dirais, les actions qui vont en découler, qui vont venir de
vous, vont être reliées à cette priorisation-là.
Quant à, je dirais,
être porteurs, je pense que oui. En fait, et je reviens à la question initiale,
c'est que, quand on regarde l'adéquation
formation-emploi, ce qui est relativement nouveau, c'est qu'on confie, je
dirais, officiellement à un organisme, la Commission des partenaires, la
responsabilité de l'adéquation formation-emploi, alors ce qui veut dire que... Quand j'en parle aux employés de la
commission, je leur dis : Bien, on a identifié une liste de priorités, on
a identifié 24 métiers à prioriser; bien, dans trois ans,
j'aimerais ça me présenter devant vous en disant que ces 24 métiers là ont
changé, on a corrigé cette situation-là. Et
dorénavant il y en a probablement 24 autres, mais il y a eu un exercice qui
a été fait, et on a travaillé là-dessus, on
a trouvé des solutions, je dirais, l'immigration est alignée sur nos
stratégies, l'emploi est aligné sur
nos stratégies, l'éducation est alignée sur nos stratégies. On a une stratégie
collective pour réaliser l'adéquation formation-emploi.
Alors
là, ça veut dire que les partenaires autour de la table, syndicaux, patronaux,
le milieu communautaire, tous ces gens-là
sont maintenant, je dirais, collectivement impliqués. On est responsables, on
est fiduciaires, alors il faut livrer.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Alors, ça va, Mme la députée? Oui?
Mme Sauvé :
...merci.
La Présidente (Mme
Rotiroti) : Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, la parole est
à vous.
M. Birnbaum :
Merci, Mme la Présidente. Bonjour, M. Francoeur, et merci pour votre
présentation.
J'ai
le privilège, en tant qu'adjoint parlementaire au premier ministre, de
participer dans nos efforts en ce qui a trait à l'adéquation formation-emploi. Évidemment, tous les enjeux qui
touchent à l'immigration sont assez impliqués dans cet enjeu, si on est
pour réussir, et donc je suis avec intérêt le rôle accentué, maintenant, de la
CPMT là-dessus, et de comprendre que vous
avez identifié ces 24 chantiers et de voir que... compte tenu les gens
autour de votre table, vous êtes assez bien placés pour voir si cette
adéquation, dans un premier temps, va démontrer beaucoup de progrès et, dans un
deuxième temps, que les nouveaux arrivants
vont avoir tout leur rôle à jouer comme nécessaire dans cette
adéquation.
Comme je dis,
compte tenu du fait que les partenaires, avec des perspectives bien
différentes, sont tous autour de la
table avec une responsabilité maintenant fiduciaire de travailler là-dessus,
j'aimerais vous entendre sur trois aspects, et comment vous allez apporter de l'aide, et comment
ce projet de loi va vous aider à faire votre travail. Et c'est des
enjeux qui sont devant nous.
Dans la
facilitation d'intégration des immigrants au sein du marché du travail, comment
est-ce qu'on va inciter et promouvoir
la formation d'appoint, impliquer surtout nos PME dans leur rôle en termes de
formation d'appoint? Parce que, peu importe le progrès qu'on songe faire
sur la reconnaissance des acquis, il y a toujours une formation sur place qui
est nécessaire.
Et, troisièmement, il me semble que
malheureusement on parle trop souvent comme dichotomie la priorité, partagée par tout le monde, de franciser les
immigrants et en même temps de participer dans un monde concurrentiel.
Il me semble qu'il n'y a pas une exclusivité, là, il y a une complémentarité.
Sur ces trois questions, est-ce que vous pouvez
nous parler un petit peu?
La
Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. le député.
M. Francoeur, vous avez trois minutes et quelques secondes pour
répondre aux trois questions.
M.
Francoeur (Florent) : O.K., oui. Alors, au niveau de l'intégration, en
fait, je pense que vous avez à juste titre souligné... Les partenaires autour de la table, je dirais, en sont
parfaitement conscients, c'est-à-dire que maintenant — Daniel Boyer, de la FTQ, vous en a parlé tantôt, les patrons vont probablement
vous en reparler aujourd'hui — au moins on est capables de faire le
constat que, je dirais, on est capables d'attirer une main-d'oeuvre immigrante
qualifiée, on a des problèmes, je dirais,
pour la retenir. Alors là, je dirais, ça n'appartient plus aux ministères, là,
ça appartient aux travailleurs, ça appartient aux employeurs, on a une
responsabilité collective. Et là je vous dirais qu'autour de la table on est effectivement à trouver des... à chercher des solutions ensemble,
mais au moins, je dirais, on est déjà capables de se dire, autour de la
table : On a un problème commun, et là ce n'est pas la faute juste d'un,
ce n'est pas la faute juste de l'autre. Et là on est en train, je dirais, de
travailler sur ces éléments-là.
Au niveau des formations d'appoint, je vous l'ai
mentionné un petit peu, on est vraiment, je dirais, pour cette étape-ci, sur... Moi, je dis toujours : Un trou, un bouchon. Là, on se dit : Il y a
des problèmes concrets qui sont identifiés par les entreprises. Comment on peut dès maintenant
trouver des solutions rapides pour intégrer des gens qui se cherchent
des emplois, qui ont la volonté de
travailler, mais qui n'ont pas nécessairement
des connaissances particulières requises par les entreprises? Et on
travaille beaucoup au niveau de ces formations d'emploi là.
Et, au niveau de francisation, bon, vous l'avez
vu dans notre mémoire, là, ça se traduit par une chose, c'est le français, langue d'intégration. Alors, on
dit : La meilleure façon d'intégrer un immigrant, c'est d'abord de lui
trouver un emploi, et, deuxièmement,
on espère que tout va se passer dans le milieu de travail. Le milieu de
travail, à partir du moment où on se
dit : On travaille en français, là, je dirais, l'immigrant qui va arriver
et qui ne parle pas français, alors, je dirais, devrait sentir une volonté, là, je dirais, d'apprendre la langue
française. Et, nous, je dirais, c'est un peu, là, je dirais, le sens du message qui est là, c'est : Assurons-nous que
dès que possible, lorsqu'un immigrant arrive au Québec, il ait un emploi
et que ce milieu de travail là l'encourage à travailler en français.
Le Président (M. Picard) :
D'autres questions? Ça va?
Une voix : ...
Le Président (M. Picard) :
1 min 30 s.
Mme Weil :
Une minute. Oui. Vous parlez des formations d'appoint et vous proposez que la
nouvelle loi ait une disposition pour
favoriser la réalisation de formations d'appoint et d'expériences de travail.
Qu'est-ce que vous envisagez, de rendre ça obligatoire ou... dans la loi
qui est...
M. Francoeur (Florent) : ...je vous
dirais, sans se donner une volonté commune de dire... souvent on a un immigrant qui est qualifié, mais, pour toutes
sortes de raisons, notamment, par exemple, là, le travailleur est qualifié
mais n'a pas d'expérience de travail au
Québec... Et ça, je dirais, c'est un des éléments qui va faire que l'employeur
est moins intéressé, je dirais, à
l'embaucher. Et là on dit, nous : Il faut favoriser les situations où, on
dit, par une formation de courte durée,
ça peut être un stage, ça peut être différentes formes, mais on met le
travailleur directement, je dirais, en mode action et on lui dit : Voilà, tu commences à
travailler sur un projet, disons, de... On a des projets de quelques semaines
où déjà, l'individu, l'immigrant qui arrive, en le mettant au travail,
il est capable, je dirais, de se mettre en contact avec un employeur, qui, lui,
voit l'intérêt, les compétences et le garde à long terme.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
Mme Weil : Ça complète. Il
reste 15 secondes.
Le Président (M. Picard) :
10 secondes.
Mme Weil : Donc, j'irais dans
le même sens pour tout ce qui est dans la sélection, mais on aura l'occasion d'échanger là-dessus avec la déclaration
d'intérêt. Je trouve votre proposition intéressante. De mettre ça dans la loi,
je pense que c'est très structurant. Merci beaucoup, M. Francoeur.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de
Bourget.
M. Kotto : Merci, M. le
Président. M. Francoeur, soyez le bienvenu.
Je rebondis sur le milieu de travail qui peut
contribuer à la francisation, et c'est un point important. Pensez-vous
qu'adopter des mesures s'appliquant à l'endroit des entreprises de 25 à
49 employés — c'est
là où le projet de loi n° 14 voulait se rendre sous le précédent
gouvernement — soit
une mesure qui conforterait votre proposition?
M.
Francoeur (Florent) : Je vais vous répondre autrement en vous
rappelant d'abord, je vous dirais, le rôle que je joue, là. Je vous ai parlé un petit peu de la
particularité de la table. Alors, je vous dirais qu'on n'a pas, je vous
dirais... Ce que je vous ai présenté dans le mémoire, c'est un peu la somme des
convergences, et vous allez voir que, je dirais... quand vous allez entendre, je dirais, les différentes parties qui sont
autour de la table que je préside, vous allez entendre des points de
vue, je dirais, qui peuvent être particulièrement différents.
Alors, je
vous dirais, honnêtement, par choix, on n'a pas voulu, je dirais, aller dans ce
détail-là. Pour nous, ce qu'il était
important simplement de rappeler, comme je l'ai dit tout à l'heure,
c'est : On fait une sélection qui est appropriée dès le départ pour
que la personne ait autant que possible accès à un emploi lorsqu'elle arrive
sur le marché du travail, et assurons-nous que le milieu de travail puisse, je
dirais, contribuer fortement à l'intégration de cette personne-là, notamment
avec la francisation.
M. Kotto : Donc, c'est un
voeu que vous exprimez, un simple voeu mais sans...
• (11 h 10) •
M.
Francoeur (Florent) : C'est plus qu'un voeu, je dirais. Quand on
regarde les différentes expériences, quand on regarde, je dirais, les formations qui se donnent en entreprise...
M. Boyer en a parlé tout à l'heure, là, mais, je dirais, la Commission des partenaires du marché du travail
finance de la formation, des programmes de francisation en entreprise,
les programmes qui sont donnés notamment par la FTQ sont financés par la commission,
avec des taux de succès qui sont
impressionnants, là, on est dans des milieux de travail où, je dirais, il peut
y avoir beaucoup de réticence. Et on forme les travailleurs en entreprise, je dirais, sur les lieux de travail, sur
l'heure du midi, par exemple, ou le soir, et ça fonctionne.
M. Kotto : O.K. Dans votre
mémoire, vous parlez souvent de partenariat avec Emploi-Québec. Or, le projet
de loi n° 70, s'il est adopté tel quel, abolira cette instance. Comment
entrevoyez-vous votre nouveau partenariat avec le ministère dans ce cas?
M.
Francoeur (Florent) : C'est-à-dire que la portion qui... Lorsqu'on a parlé en partenariat avec Emploi-Québec, c'est qu'Emploi-Québec, par ses données, par les données du marché du travail, c'est un joueur important, là, c'est-à-dire
que toutes les données économiques, lorsqu'on dit que le Québec va créer
1,4 million d'emplois, ce sont des données d'Emploi-Québec, alors les données sur tout ce qui concerne l'information sur le marché du travail. Alors, de ce qu'on en comprend, avec le projet... Et évidemment
on utilise ces données-là avec les données qui viennent de nos régions,
qui viennent de nos comités sectoriels pour
faire le portrait du marché du
travail. Alors, de ce qu'on en
comprend, ça, ça ne change rien, là, je dirais, ces services-là qui sont
offerts par Emploi-Québec vont continuer à l'être.
M. Kotto : O.K. Sur le sujet de la catégorie de travailleurs qui
ne détiennent pas un diplôme comparable à une cinquième secondaire — c'est
ce que vous évoquez — vous
ne croyez pas que leur intégration puisse être difficile sans diplôme?
M.
Francoeur (Florent) : Bien, d'abord,
il faut rappeler que, je dirais, sur les emplois qu'on crée actuellement
au Québec, il y a à peu
près 40 % de ces emplois-là pour lesquels on a besoin, je dirais, d'un
diplôme de secondaire V et moins. Il
y a quand même 60 % des emplois, je dirais, qui sont en haut de ça, mais,
je dirais, de façon globale, quand on regarde, là, il y a quatre emplois sur 10 qui sont créés qui
sont dans la catégorie de ce qu'on appelle les emplois moins qualifiés,
alors ça veut dire qu'il y a des emplois là.
Il y a des emplois là, les entreprises nous disent : On a besoin de ce
type de travailleur là.
Et nous, un
peu comme on le fait avec la question de la francisation, on dit : Le
milieu de travail, actuellement, a besoin
de ces gens-là, mais en même temps, quand on parle de rareté de main-d'oeuvre,
quand on regarde un peu la courbe démographique, on s'en va, je dirais
sans trop de risques, vers un taux de chômage qui va tourner autour de
5,5 % dans un horizon de sept, huit
ans. Alors, les entreprises, lorsqu'on parle aujourd'hui de rareté de
main-d'oeuvre, je dirais, c'est un
problème qui commence, hein? Alors, les entreprises vont devoir, je dirais...
Moi, j'arrive du milieu des ressources humaines
et je dis : Le premier problème des entreprises, là, ce n'est pas
l'attraction; le premier problème des entreprises, c'est la rétention
des personnes. Et ce qui veut dire qu'aujourd'hui j'attire chez moi un candidat
moins qualifié, cette personne-là est
compétente, cette personne-là a de l'intérêt, cette personne-là veut se
développer, je dirais, l'expérience montre
qu'actuellement les entreprises sont intéressées à développer ces gens-là,
parce qu'on se dit : J'ai une bonne tête, cette personne-là est intéressée, alors je vais investir en lui, parce
qu'il n'y a pas de main-d'oeuvre qui attend, je dirais, de l'autre bord
de la porte, là. Je ne peux pas dire que j'ai une main-d'oeuvre qualifiée qui
m'attend, il n'y en a pas, je dirais, il n'y a pas de main-d'oeuvre qui cogne à
la porte.
Alors, la
question, je dirais, de rareté de plus en plus grande de main-d'oeuvre va faire
en sorte que les entreprises vont
s'intéresser de plus en plus, je dirais, à leurs propres ressources humaines,
et ce qui veut dire que ces gens-là qui ont pris d'abord un emploi moins qualifié vont probablement être placés dans
des situations où on va leur demander, je dirais, de se qualifier, de
plus en plus, dans la même organisation.
Le Président (M.
Picard) : M. le député.
M. Kotto :
O.K. Il a été dit par M. Boyer, qui vous a précédé, qu'on dispose de
340 000 chômeurs au Québec. Et, dans ce bassin, entre guillemets,
il y a un fort taux de chômeurs issus de l'immigration récente.
M. Francoeur (Florent) : Absolument.
M. Kotto : Pensez-vous qu'il
y a quelque chose à faire avec ce potentiel, au lieu de... Parce que, parmi
eux, il y en a beaucoup qui se sont déjà
intégrés à la société québécoise, qui parlent français. Et, considérant nos
préoccupations relativement au recul du
français, dans la grande région de Montréal notamment, pensez-vous qu'il y a
lieu de développer d'autres
perspectives de politiques ou de stratégies pour aller puiser là-dedans, au
lieu d'investir la totalité de l'énergie dans le recrutement de
personnes formées ailleurs, vivant ailleurs?
M.
Francoeur (Florent) : Absolument. Et, quand on dit, grosso modo, là, encore une fois je prends les
chiffres de la Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante... les entreprises nous disent qu'elles
embaucheraient 70 000 personnes,
au Québec, si ces personnes-là avaient les compétences, il faut
s'intéresser à savoir qu'est-ce qu'ils veulent
dire par avoir les compétences. Et, dans certains cas, ça peut être tout simplement que j'ai un candidat devant moi, j'ai un ingénieur, j'ai un
diplômé en technique de génie civil qui vient d'un autre pays mais qui n'a pas
d'expérience québécoise, exemple. Et ce que ça veut dire, quand on vous
parlait, par exemple, de programmes de courte durée, des programmes
notamment que la commission va commencer à financer, alors on dit :
Comment on peut faire pour briser la barrière
de : Il est compétent, mais il n'a pas d'expérience québécoise?
Alors, comment on peut rapidement lui donner une expérience québécoise? Et
là c'est là qu'on parle, par exemple, de formations de courte durée, où on
dit : On va inviter cette personne-là à
aller suivre un stage, une formation dans une entreprise. Alors, on va le placer en
contact avec l'entreprise et on va
faire réaliser à l'entreprise que cet individu-là a tout à fait les compétences, et rapidement, je
dirais, la barrière, par exemple, du fait qu'il n'a jamais travaillé au Québec...
pour faire disparaître.
Alors, c'est
un exemple. Ça peut vouloir dire, lorsqu'on parle... par exemple des formations universitaires,
des formations dans les ordres professionnels. Alors, comment on fait pour enlever les
barrières qui sont identifiées par les entreprises comment étant des
freins à l'embauche? Qu'est-ce que c'est, encore une fois, qu'est-ce que ça
veut dire, «j'embaucherais si ces
personnes-là avaient les compétences»? Alors, il faut aller un petit peu plus loin pour comprendre ça, pour trouver des solutions.
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste deux minutes, M. le député.
M. Kotto : Deux minutes. Très
rapidement. Merci, M. le Président.
M. Dutrisac,
dans le quotidien Le Devoir hier, nous rapportait que 42 % des
50 000 immigrants qui arrivent au Québec à chaque année ne parlent pas un mot de français,
donc c'est environ 21 000 par année, là. Et de ce nombre on apprend
que 60 % ne se francisent pas, donc c'est environ 12 000 par année.
Et, de votre
côté, vous appelez à l'assouplissement des critères en termes de maîtrise du français. Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a un
problème en perspective, considérant la situation du Québec? Nous sommes
2 % de parlant français en Amérique du Nord.
M.
Francoeur (Florent) : Oui. Écoutez,
ces chiffres-là, je les ai regardés, je dirais, et là, je vais vous dire,
sauf erreur, là, nous, là, ce qu'on a
compris de ces chiffres-là, c'est que c'étaient des formations offertes par le MIDI. Maintenant, ce qu'il faut aussi savoir, c'est qu'il y a des formations
qui sont offertes par le ministère de
l'Éducation, il y a des formations
qui sont offertes par Emploi-Québec, il y a des formations qui sont offertes par la Commission des
partenaires. Autrement dit, là, nous, ce qu'on vous dit, c'est qu'à
notre avis n'a pas été comptabilisée la formation en entreprise.
Et, pour répondre à une question de tout à
l'heure, lorsque quelqu'un posait la question à M. Boyer sur ça voulait
dire combien de personnes, là, bien peut-être juste vous mentionner, là, juste au
niveau de la Commission des partenaires du marché du travail, dans les trois
dernières années, on parle de 9 807 participants qui ont participé à des programmes
de francisation en emploi. Alors, ces personnes-là sont en entreprise.
Alors, à notre avis, ces chiffres-là que vous
avez eus ne tiennent pas compte... en fait ce sont des chiffres des formations données par le ministre de l'Immigration, mais il y a d'autres façons. En fait, la
personne qui arrive directement, je
dirais, de l'extérieur, travaille
dans un emploi au Québec et, je
dirais, participe à des programmes
de francisation par l'entreprise, qui
sont offerts par la Commission des
partenaires ou par Emploi-Québec, alors là, lui, cette personne-là, il
n'est pas dans vos statistiques, alors que, pour nous, il est en train de se
franciser.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour,
M. Francoeur. Merci pour votre mémoire. Et décidément le député de
Bourget et moi-même, aujourd'hui, sommes sur la même préoccupation. Je vais
poursuivre, parce que ce dont mon collègue
parlait, ça se trouve à la page 5. Et, pour le bénéfice des gens qui nous
écoutent, je vais faire une petite lecture de ce que vous proposez, et
puis peut-être on pourra élaborer pour essayer de comprendre.
On parle
naturellement du français, langue d'intégration. Vous nous dites : «La
commission reconnaît l'importance de
la langue chez les personnes immigrantes afin de favoriser leur pleine
intégration à la fois au marché du travail et à la société québécoise. Toutefois, elle juge que le
critère de sélection des candidats potentiels relié au niveau de maîtrise
de la langue française doit être appliqué avec
souplesse, via un pointage moins élevé dans la grille de sélection selon le
domaine de formation...»
Là, j'aimerais qu'on élabore là-dessus. Si je
simplifie ce qui est écrit là, vous nous dites, à quelque part : Il faudrait être un peu moins exigeant sur le niveau
de la maîtrise du français qui est demandé. Alors, pourquoi? Et
qu'est-ce qu'on veut accomplir par ça?
• (11 h 20) •
M.
Francoeur (Florent) : Le
pari que l'on fait, c'est de se dire : Plus cette personne-là arrive ici
avec des chances d'avoir un emploi
sur-le-champ, plus cette personne-là va intégrer rapidement le marché du travail et plus cette personne-là va
s'intégrer au niveau du français. Alors, autrement
dit, on dit : Le milieu de
travail va devenir un milieu de francisation.
Et c'est pour
ça qu'on insiste là-dessus en disant... Je dirais, dans le pointage, ce
qu'on cherche à faire, on est capable
d'identifier en disant : On a des besoins très précis d'employés dans des
secteurs très précis. Alors, si vous embauchez ces gens-là, même si, par exemple, ils n'ont pas une
connaissance suffisante de la langue française, si ces
personnes-là arrivent avec un emploi
assuré dans un milieu francophone, ces personnes-là vont apprendre le français.
C'est le pari qu'on fait.
Mme Roy
(Montarville) :
Une amie me disait : Il y a de très,
très bons candidats à l'immigration, entre autres les Italiens, qui sont d'ailleurs près de nos valeurs, qui pourraient s'intégrer
facilement mais malheureusement ne peuvent pas être accueillis ici parce
que leur niveau de francisation n'est pas assez élevé, selon cette grille. Est-ce
que ça pourrait rejoindre ce type
d'immigration qui pourrait bien s'intégrer et bien apprendre le français?
Parce qu'on n'oublie pas qu'il faut quand même que ces
gens soient intégrés et suivent le français. Qu'est-ce que vous en pensez?
M.
Francoeur (Florent) : Oui,
bien, je dirais, on ne l'a pas regardé, je dirais, de façon
aussi pointue, mais, je dirais, c'est toujours un peu la même chose,
c'est... À partir du moment où la personne arrive au Québec, je dirais, arrive directement
dans le milieu de travail, et au Québec on travaille, de façon générale, en français,
alors les milieux de travail vont se
charger, je dirais, de franciser, si vous me permettez, cette personne-là. Et
on le voit de façon, je dirais, très fréquente, là, c'est un programme qui fonctionne. Alors, on dit : Pourquoi,
pourquoi se priver d'un candidat de qualité quand
on est capable de faire le pari que cette personne-là va rapidement apprendre
le français?
Et c'est pour
ça, tantôt, quand je vous parlais de chiffres en disant...
Quand on regarde, là... Je vous ai parlé juste de nos chiffres à nous, à la commission,
mais, quand on regarde de façon globale, on se dit : Il se fait beaucoup
d'efforts de francisation en milieu de travail. Alors, c'est parce qu'il
y a des besoins.
Mme Roy
(Montarville) : Je poursuis dans la même veine. Et je vous
suis, là, vous nous dites : Des gens qui sont très qualifiés, ils ont un emploi, seraient
d'excellents candidats, pourraient devenir d'excellents citoyens québécois.
Dans cette veine, si on diminue le niveau de la maîtrise du langage, ne
croyez-vous pas qu'il faudrait cependant s'assurer qu'il y ait de la francisation ou des cours de francisation, quitte à
les rendre obligatoires dans une certaine mesure; si on diminue le
critère, s'assurer tout de même que ces gens-là deviendront francophones?
M.
Francoeur (Florent) : Je vous dirais, honnêtement on n'est pas allés
jusque-là, sinon, encore une fois, pour dire qu'il y a de nombreux programmes de francisation dans les entreprises
qui fonctionnent. Je dirais, la FTQ en a parlé, par exemple, je dirais, il faut quand même le dire, là.
La clientèle, je dirais, qu'on finance, à la commission, pour les programmes de la FTQ, c'est une clientèle, je
dirais, qui est assez difficile à intégrer, et, je dirais, ça réussit. Alors,
on dit, la clientèle, je dirais, qui est... une personne qui est encore plus
scolarisée, se trouve un emploi plus facilement, a probablement plus de chances
de s'intégrer encore plus facilement.
Mme Roy
(Montarville) : Je poursuis dans la même veine. Alors, des
gens qualifiés, scolarisés, avec emploi, que fait-on lorsque ces gens-là se retrouvent, par exemple... Et vous
nous dites : Le français fera partie de leur intégration. Alors, si ces employés qui nous arrivent s'en vont
dans des entreprises de juridiction fédérale où la loi 101 ne s'applique
pas, on fait quoi avec ces gens-là pour la francisation?
M. Francoeur (Florent) :
Honnêtement, on n'est pas allés jusque-là, comme je vous disais. Je vous amène la somme de nos convergences, là, mais on n'est
pas allés à ce point-là. C'est vraiment... Pour nous, on dit, dans notre
responsabilité d'adéquation formation-emploi : S'il vous plaît, allez nous
chercher des gens, je dirais, qui ont des chances d'arriver direct, rapidement
sur le marché du travail, et en quelque sorte le marché du travail lui-même va
s'assurer de franciser ces personnes-là.
Mme Roy
(Montarville) : C'est ce que je souhaite tout comme vous,
mais est-ce qu'on a une idée du nombre de ces immigrants qualifiés qui
viennent ici et qui ne se retrouveront pas dans des entreprises où le français
est la langue de travail? Parce que, là, on
perd au change si on les fait venir, ils sont super qualifiés, mais ils se
retrouvent dans une entreprise où vraiment tout se fait en anglais.
Parce que ça existe. Dans les grandes tours à Montréal, il y en a plein.
Qu'est-ce qu'on fait?
M.
Francoeur (Florent) : Bien, je regarde... Simplement, encore une fois,
quand je vous donnais les chiffres, qui sont quand même importants, hein, si on parle juste de la Commission des
partenaires, j'exclus Emploi-Québec, là on parle quand même de 10 000 personnes sur trois ans, là, c'est
beaucoup, là. Quand on regarde ce que fait le MIDI, quand on regarde ce que fait le
ministère de l'Éducation, quand on regarde ce que fait Emploi-Québec, quand on
jumelle, je dirais, toutes ces sommes et tous ces efforts-là de
francisation, je dirais, le taux de succès est quand même bon, là.
Le Président (M. Picard) :
Une minute.
Mme Roy
(Montarville) :
Une minute? Eh! M. le Président, vous êtes dur avec moi!
J'aimais
aussi l'optique de l'emploi en région. Je considère, tout comme vous, qu'effectivement le nouvel arrivant doit nous aider aussi, puis, s'il peut y
avoir de l'emploi en région, tant mieux, parce que les besoins sont grands.
À cet
égard-là, jusqu'où pourrait-on aller pour favoriser, justement,
l'emploi en région, comme les besoins sont grands? Et là quand je dis : Jusqu'où pourrait-on aller... Dans
quelle mesure pourrait-on... le gouvernement pourrait-il prendre des mesures pour faire
en sorte qu'on sorte un peu de Montréal puis qu'on aille remplir les besoins
dans les régions, ce qui aide à la francisation, d'ailleurs?
M.
Francoeur (Florent) : En
fait, ce que j'ai le goût de vous suggérer, c'est d'utiliser, je dirais, la
Commission des partenaires et ses
constituantes régionales, parce que, quand, tantôt, je vous ai parlé de priorisation
des métiers, alors on a dit : La
réflexion doit d'abord venir... c'est une réflexion qui doit d'abord
venir des régions, alors on s'intéresse à ça, et c'est à eux à nous dire d'abord en quoi on a des problèmes d'adéquation
formation-emploi, quels sont les métiers... lorsqu'on veut attirer un
immigrant et qu'on se dit : On a des emplois dans notre région, alors
quels sont les emplois qui sont en
demande dans votre région, et, je dirais, avec nous, avec le MIDI, alors,
comment on va faire pour attirer des gens dans la région mais qui ont d'abord les qualifications
pour répondre aux emplois qui sont disponibles dans la région. Actuellement,
on ne va pas jusque-là. Et, nous, c'est le
pari qu'on fait, on dit : De plus en plus, au niveau de la commission,
lorsqu'on va parler d'adéquation
formation-emploi, on va tenter de définir de façon de plus en plus pointue les
besoins. On les a faits, nous, au niveau national. On veut aller les
faire au niveau régional...
Le Président (M. Picard) :
Merci.
M.
Francoeur (Florent) : ...pour
faire en sorte qu'on puisse dire, dans une région donnée : Les besoins en
emploi sont ceux-ci.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Francoeur. Sincère merci pour votre contribution aux travaux de
la commission.
Je suspends
quelques instants afin de permettre aux représentants du Mouvement Québec
français de prendre place.
(Suspension de la séance à 11 h 27)
(Reprise à 11 h 30)
Le Président (M. Picard) :
Nous reprenons en recevant les représentants du Mouvement Québec français. Je vous invite à vous présenter. Vous disposez de
10 minutes pour faire votre présentation, va s'ensuivre des
échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.
Mouvement Québec
français (MQF)
M. Rivard
(Christian B.)
:
Bonjour. Je suis Christian Rivard, le président du Mouvement Québec français. Mon collègue ici, Éric Bouchard, est le directeur général du Mouvement Québec français.
Je vais commencer par une lecture de l'historique du Mouvement Québec français,
ensuite je vais laisser la parole à mon collègue Éric qui va vous expliquer le
mémoire. Merci.
Fondé en 1972
à l'initiative de mouvements citoyens et syndicaux, le Mouvement Québec français
constitue une organisation militante
à la promotion de la défense de la langue française. La langue française est la
langue officielle du Québec. Cependant, encore de nos jours, des
tensions linguistiques existent au Québec, remontant aussi loin qu'à la
conquête de 1760 de la colonie française par l'Empire britannique.
Depuis les années 1960, un débat linguistique
s'impose au Québec à la suite d'une mobilisation citoyenne constante. Au long
des années 1970, des militants politiques du Mouvement Québec français ont
dirigé des actions significatives qui ont
dès lors engagé le Québec dans un nouvel aménagement linguistique,
consécutivement à l'adoption de la loi 22 et la loi 101.
Depuis 1979, toutefois, de nombreuses
contestations judiciaires ainsi que des décisions de la Cour suprême du Canada ont mené à des modifications majeures de
la Charte de la langue française. Récemment, plusieurs ont réalisé que
la Charte de la langue française a été affaiblie et ne constitue plus une loi
forte et porteuse telle qu'elle fut jadis.
Au milieu des
années 2000, les premières études ont démontré une fulgurante anglicisation au
Québec, particulièrement dans la région de Montréal. Puisqu'il y avait
urgence d'agir, le Mouvement Québec français a alors mobilisé les efforts autour de la lutte linguistique afin de contrer
cette anglicisation par une participation citoyenne à la défense et à la promotion de la langue française.
Le grand objectif du Mouvement Québec français est de renforcir la Charte de la langue française afin de faire du français
la seule langue officielle et commune au Québec, c'est-à-dire de faire
de la langue française la langue de l'État et de la loi
et la langue normale et habituelle du travail, de l'enseignement, des
communications, du commerce et des affaires.
Au cours des
années, le Mouvement Québec français a sans cesse exprimé que la Charte de la
langue française visait à faire du
français non pas la langue des seuls francophones, mais la langue commune de
tous les Québécois. Il a présenté des
mémoires, fait connaître des études décrivant le portrait de la situation du
français dans la société québécoise et entrepris des actions
nécessaires. Il s'est imposé d'une façon efficace et a participé à l'essor de
la société québécoise. Soulignons que le Mouvement Québec français
s'implique depuis 2012 parmi le regroupement Partenaires pour un Québec français afin de mener des actions communes avec
des organisations syndicales, étudiantes, professionnelles et civiles
reconnues.
Pour finir,
le Mouvement Québec français tient à exprimer ses remerciements à la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal
et à son président, M. Maxime Laporte, pour son soutien précieux à la
préparation de ce mémoire, précisément sur les recommandations de nature
réglementaire sur le projet de loi n° 77, Loi sur l'immigration du Québec.
Je laisse la parole à mon collègue Éric
Bouchard.
M. Bouchard (Éric) : M. le
Président, Mme la ministre, messieurs dames les parlementaires, merci de nous
accueillir.
Bien, tout
d'abord, il y a un an, pour ceux qui étaient là dans les commissions... dans
les audiences sur la politique d'immigration,
bien j'avais été invité par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal à titre
d'expert-conseil du dossier linguistique,
et la Société Saint-Jean-Baptiste m'avait aussi invité à rédiger le mémoire qui
a été présenté l'an passé. Ce mémoire-là
disait quoi? Grosso modo que, chiffres à l'appui, Montréal et le Québec
s'anglicisent. Et il disait une autre chose,
c'est que, dans le fond, le Québec échoue à franciser son immigration. Ce qui
menait directement à quoi? C'est que, si on échoue la francisation de
l'immigration, bien il est clair que ça a un impact direct sur l'anglicisation
de Montréal. Donc, c'est ce qu'on disait il y a un an.
Ce matin, et on l'a vu hier aussi dans Le Devoir,
donc deux matins de suite en une, ce matin l'IREC publie l'étude Le Québec
rate la cible. Cette étude vient corroborer exactement ce que je disais il
y a un an en commission parlementaire, à
savoir : Le Québec échoue à franciser de façon optimale son immigration.
Ce matin, bien, le Mouvement Québec français reprend le mémoire qui a
été présenté l'année passée. D'ailleurs, il est en annexe de notre mémoire, donc, parce que ça ne nous tentait pas de refaire
un mémoire pour expliquer comment le Québec s'anglicisait, c'est pour ça qu'on a mis le mémoire qu'on a fait l'année
passée en annexe du mémoire présenté aujourd'hui. Il est clair, il est
clair, clair, clair, là... De plus en plus, là, c'est très difficile de pouvoir
affirmer haut et fort, sans sourciller, qu'il n'y a pas anglicisation au Québec. Il y a anglicisation. Deuxième chose : on
rate la cible en matière de francisation de l'immigration.
Donc,
j'aimerais entendre non seulement Mme la ministre Weil, mais aussi tous les
parlementaires qui vont prendre la
parole pour nous poser des questions nous dire qu'ils partagent ce
diagnostic-là. J'aimerais aussi
entendre les parlementaires ici présents nous dire que, face à ces deux
constats, il ne faut pas se contenter d'offrir plus de cours de français ou
inciter davantage les immigrants qui seraient portés à être plus récalcitrants
à la francisation. Ça, ça fait 25 ans
qu'on a des mesures incitatives. Il faut obliger les adultes comme on oblige
les enfants actuellement...
Actuellement, on oblige les enfants à
fréquenter l'école de langue française; bien, il faut faire la même chose avec
les adultes, il faut obliger. Le
temps où on incitait est terminé. Vous savez, personne ne paierait d'impôts si
on n'était pas obligés de les payer.
Donc, l'étude
de l'IREC de ce matin nous montre qu'il y a 200 000 personnes au
Québec, pas 10 000, pas 15 000, pas 25 000, pas 100 000, 200 000 personnes sur le
territoire québécois qui ont immigré, un immigrant sur cinq, qui ne sont
pas francisés, c'est beaucoup, beaucoup,
beaucoup de monde qui ne parle pas français. Et de ces
200 000 personnes là, bien, c'est 160 000 qui utilisent
l'anglais comme langue commune dans l'espace public.
Parmi nos
16 recommandations, en voici quatre qui seraient réellement structurantes
afin que nous n'échouions plus, dans les 25 prochaines années, à la
francisation de notre immigration.
Tout d'abord,
tous les immigrants de moins de 50 ans qui ne possèdent pas le
niveau 7 de l'échelle québécoise de connaissance de français
doivent, à l'intérieur de 12 mois, réussir le niveau 7 sans quoi il y
a deux choses qui vont arriver, c'est que, jusqu'à l'obtention du
niveau 7, on se voit retirer, si tu as un permis de conduire ou si...
l'assurance maladie. Pendant ce temps-là, il va falloir que tu contractes une
assurance privée pour pouvoir payer, dans le fond, ton assurance maladie.
C'est une
mesure structurante qui fait peur à bien de gens, je le sais, sauf qu'il faut
qu'il y ait quelque chose en retour
qui ne soit pas, disons, aussi radical. C'est-à-dire que, si on oblige les gens
à faire quelque chose, il faut les aider, et donc on propose de donner une
allocation de 400 $ par semaine jusqu'à l'obtention du niveau 7,
c'est-à-dire que tu immigres, tu es
accueilli, tu as 400 $ par semaine pour te franciser, jusqu'à ce que la
francisation soit faite, à l'intérieur d'un
an, pour obtenir le niveau 7. Donc, au départ, là, on n'enlève pas de
droit à personne. Tu arrives, on te donne l'occasion de te franciser, on te paie; ça te donne le temps
de te faire un réseau au Québec, ça te donne le temps de te chercher des
emplois, ça te donne le temps de t'intégrer
et surtout ça te donne le temps de pouvoir connaître la langue et de
l'utiliser par la suite. Donc, on fait ça.
Troisième
mesure : arrêt de la pratique du bilinguisme institutionnel afin d'envoyer
un message clair aux ressortissants étrangers, aux nouveaux arrivants
que la langue d'État est uniquement le français. On le sait, c'est le
bilinguisme institutionnel qui est une des raisons pour lesquelles un immigrant
ne voit pas l'intérêt à apprendre le français,
l'État communique avec lui constamment soit en français soit en anglais en
fonction de ses demandes. Et donc là, si
on arrête ça, évidemment, bien là il faut être sûr que la communauté dite
historique puisse pouvoir continuer de recevoir ses services en anglais, et donc ceux qui ont... les ayants droit du
système scolaire de l'école anglaise seraient ceux qui évidemment pourraient obtenir des services en
anglais, mais, pour le reste, comme ça se passe en France, où ça se
passe en français pour
tous les migrants, comme ça se passe en Italie pour chaque immigrant qui
immigre, où ça se passe en italien, comme
ça se passe au Canada anglais, dans la majorité des provinces, où ce n'est pas
en français, ça se passe en anglais pour
les migrants... Et 99 % des transferts linguistiques, au Canada, des
immigrants et des allophones se font vers l'anglais. C'est simple,
l'État ne répond qu'en anglais aux demandes des gens qui arrivent, et ça
explique le transfert vers la langue anglaise.
Et enfin, bon, les seuls candidats qui
déposeraient une déclaration d'intérêt qui pourraient être acceptés, en rapport avec le projet de loi, en fait, pourraient
être ceux qui possèdent le niveau 7 de l'échelle québécoise de
connaissance du français. Donc, on est en lien avec le projet de loi.
Si on revient au projet de loi comme tel puis à
notre mémoire, quand on regarde dans le temps... Puis là j'ai entendu certaines paroles dites par mon
prédécesseur de la Commission des partenaires du marché du travail, mais je
l'ai vu avec des mémoires ou avec des déclarations publiques, le patronat et
les gens d'affaires, depuis 1977, de façon systématique,
et ça, il y a une étude qui a été faite par Joëlle Quérin, de l'Institut de
recherche sur le Québec, systématiquement on demande de baisser soit les
critères, d'assouplir les articles de loi pour faire en sorte que le français
soit moins présent. Donc, ça, c'est inquiétant.
• (11 h 40) •
Le Président (M. Picard) : ...s'il
vous plaît.
M. Bouchard (Éric) : Pardon?
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît.
M. Bouchard (Éric) : En terminant.
Bien, on y repassera quand ce sera rendu... tantôt, parce que, là, ça sera particulièrement
sur des articles de règlement du projet de loi que je voudrais intervenir.
Le Président (M. Picard) :
C'est ça. En répondant aux différentes questions, vous allez pouvoir continuer
à nous... à partager vos...
Une voix : ...
Le Président (M. Picard) :
Oui? O.K. Vous pouvez continuer sur le temps du gouvernement.
Mme Weil : Vous voulez finir...
M. Bouchard (Éric) : Oui. Une ou
deux minutes, oui. Ça vous va, Mme Weil?
Mme Weil : Oui, oui, pas de
problème, allez-y.
Le Président (M. Picard) : O.K.,
allez-y.
M.
Bouchard (Éric) : Merci beaucoup. Donc, ce qui est inquiétant, parce
que dans la... c'est que, le projet de loi, les gens d'affaires se sont empressés avec enthousiasme à dire que c'est
un projet de loi extraordinaire. Donc, il
n'y a pas de lien direct, mais, si depuis des années on demande
d'assouplir les critères et qu'au dépôt du projet de loi les gens d'affaires, le patronat disent : Wow! Wow!
Wow! c'est extraordinaire!, ça inquiète les organisations, qui se disent :
Oh! là il faut faire de quoi pour le français, donc...
Puis, au niveau du gouvernement, bien, Mme Weil,
puis c'est bien correct, tu sais, elle a dit : Il faudrait avoir une immigration plus diversifiée, puis ça, on est
d'accord avec ça, tu sais, la diversification, mais, quand on regarde ce
qui se passe actuellement dans le monde, les
bassins d'immigration, la francophonie, c'est plus de 230 millions de
personnes sur la planète; la francotropie,
plus de 400 millions, 450 millions. Donc, il y a 700 millions
d'individus dans les bassins dans
lesquels nous pouvons puiser pour aller chercher notre immigration,
700 millions de personnes. Je ne peux pas croire que, dans ces
bassins-là, il n'y a pas toute la diversité, les cerveaux et les talents dont
on a besoin pour la prospérité du Québec.
Et je
termine. Dans le fond, la raison pour laquelle j'insiste sur les bassins, c'est
que, l'étude de ce matin le montrait très,
très bien, les immigrants francotropes tendent à se franciser pratiquement
tous, et ceux qui ne sont pas francotropes, eh bien, tendent à utiliser l'anglais au travail ou dans l'espace public.
C'est pourquoi nos recommandations, pour le mémoire, vont vraiment être d'ordre réglementaire, en
fonction des articles de loi où est-ce qu'on réfère à un règlement
ultérieur de la part du gouvernement. Merci.
Le Président (M. Picard) : Je
cède maintenant la parole à Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui, bonjour. Alors, juste avoir... Excusez-moi, je n'ai pas la fiche. C'est
ça. Donc, M. Rivard, c'est bien
ça, dans l'ordre, et M. Bouchard, bienvenue à la commission. Donc, je le
répète souvent, la question du français et la contribution de
l'immigration à la vitalité de la langue française est primordiale. Je vous le
dis, là, je pense que c'est important de
répéter que ça fait... depuis longtemps que ça fait partie de la vision du
gouvernement, des gouvernements successifs,
en matière d'immigration. Seule société francophone en Amérique du Nord, c'est
la seule façon de préserver la pérennité du
français, parce qu'évidemment l'immigration, hein, c'est une réalité de tous
les pays occidentaux qui vieillissent, on
accueille des gens d'un peu partout dans le monde. Donc, les critères de
sélection, c'est très important pour nous en amont, l'action qu'on a à
faire en amont, et en aval.
Donc, en
amont, les critères de sélection vont vraiment vers une immigration
francophone. Je sais que des gens parlent de critères, on est très
prudents sur ces... c'est-à-dire d'assouplir certains critères, on est prudents
là-dessus. Et je vais vous dire que, de mon
expérience personnelle, ce que je remarque, honnêtement, et les commentaires,
ceux que je vois dans les cours de
francisation, les gens me disent : Je n'arrive pas à me dénicher un emploi
parce que je ne parle pas français, et c'est à Montréal, alors... Et on
sait qu'il y a d'autres obstacles à l'emploi, beaucoup de Maghrébins qui
maîtrisent la langue de façon impeccable qui ont de la difficulté à trouver de
l'emploi. Donc, il faut agir sur plusieurs fronts
comme société, hein, parce qu'il y a le ministère de l'Éducation, le ministère
de l'Emploi, lutter contre les préjugés, les barrières, donner des voix de passage pour les gens, qu'ils puissent
bien intégrer, offrir, donc, des cours de français en milieu de travail
pour ceux qui réussissent à intégrer le marché du travail. Donc, je pense qu'on
est sur la même page sur toutes ces questions.
Mais je vous
dirais que, les bassins francophones, les chiffres qu'on a vus dans Le Devoir,
c'est des chiffres qui datent, hein,
parce que c'est des admissions en 2012, et on sait très bien, c'est pour ça
qu'on amène... je fais un préambule pour qu'on puisse être sur une même
page lors de nos échanges, on réforme complètement notre système parce que l'autre système, le système actuel, c'est premier
arrivé, premier servi, donc ça peut prendre jusqu'à trois, quatre ans avant
que la personne arrive. Donc, les gens de
2012, le portrait d'hier matin du Devoir, c'étaient des gens qui
auraient peut-être fait leur demande
en 2009. Depuis, on a vraiment amélioré nos critères de sélection. Pourquoi?
Parce que c'est une barrière à l'intégration, généralement, la langue,
hein, c'est bien important, l'offre aussi.
Et, je dois vous dire, dans le 40 %, parce que c'est souvent répété, là, le
40 % qui ne parlent pas français, il faut savoir qu'un tiers de notre immigration de 2014 — je n'ai pas les chiffres devant moi — c'est des enfants, hein, des enfants et des jeunes, ça, ce n'est jamais précisé, ils
sont scolarisés dans nos écoles. Je ne sais pas si vous avez l'occasion
d'aller dans nos écoles. Moi, j'étais là
tout récemment, une nouvelle école qui vient d'être construite, et, les
enfants, un français impeccable,
vraiment impeccable. Et je leur demande leurs origines, parce qu'on voit qu'ils
peuvent avoir des origines diverses,
et je vous dis qu'ils viennent d'un peu partout, donc c'est des parents qui
viennent de différents bassins, mais qui ont appris le français.
Alors, on
donne des cours de français avant même la sélection avec des alliances
françaises. Des gens qui sont vraiment
déterminés à venir au Québec, on donne le cours de francisation en ligne, donc,
pour ceux qui sont sélectionnés avant leur admission. Évidemment,
évidemment, une fois qu'ils arrivent, c'est des cours de français un peu
partout.
Alors, dans
ce système où la sélection met beaucoup, maintenant, l'accent sur la
connaissance du français, vous devez
savoir que, dans la composition de l'immigration, le Québec adhère à des
conventions humanitaires, notamment les réfugiés et le regroupement familial, et c'est la convention de Genève.
Et le Québec a toujours
adhéré. Si je pense aux réfugiés syriens, justement, ils ne parlent ni
anglais ni français, donc c'est comme une page blanche, ils s'inscrivent rapidement
dans le cours de français.
On a beaucoup parlé du milieu de travail, ce
matin, avec les partenaires qui sont la FTQ, la Commission des partenaires du marché
du travail, parce que, lorsque j'ai fait la consultation sur la politique... On
voit que les gens intègrent plus rapidement
le marché du travail. Ils ont souvent besoin... Ils ont une connaissance du français. Soit ils sont très...
ils parlent français, ils sont francophones, ou ils ont un niveau de français
qui... peut-être que c'est des gens qui sont arrivés il y a
cinq, six, sept ans. C'est d'offrir des cours de français en milieu de travail.
Puis j'aimerais vous entendre là-dessus. J'ai
fait un long préambule pour qu'on soit sur la même page, que vous compreniez un peu la vision. On maintient
cette vision que l'immigration doit contribuer au fait français, la
pérennité, donc comment on fait en amont, en aval, et mobiliser tout le milieu pour
appuyer ces personnes; la formation d'appoint, oui, technique, mais
aussi la langue. Alors, il y a une politique qui s'en vient avec une stratégie
d'action. C'est déjà dit publiquement :
La promotion de la langue, c'est très important, promotion dans le sens très
large du français, mais, le rôle de tous
et chacun, le gouvernement a un rôle, les employeurs aussi, la société
civile. J'aimerais vous entendre un peu sur peut-être les entreprises,
dans un premier temps, et les autres acteurs. Excusez-moi du long
préambule, mais je voulais nous amener sur des idées pour la politique.
Le Président (M. Picard) :
M. Bouchard.
M. Bouchard (Éric) : M. le Président,
il nous reste combien de temps?
Le Président (M. Picard) :
10 minutes.
M. Bouchard (Éric) : Il nous reste
10 minutes de cet échange-là?
Le Président (M. Picard) : C'est
ça.
• (11 h 50) •
M.
Bouchard (Éric) : Parfait.
Alors, bien, sur la question, si on revoit... On s'excuse, tout est arrivé en même temps. J'ai terminé le mémoire à 1 heure du matin,
on s'est en venus... Je veux dire, c'est la folie! Le rapport de l'IREC,
pourquoi on a fini si tard, c'est que le rapport de l'IREC
n'a été disponible que très tard cette nuit. Que disait ce rapport-là? Bien, on voit toute l'offre de francisation, mais
on voit qu'en entreprise c'est assez mince. Donc, si, au niveau du gouvernement, on favorise puis qu'on fait en sorte qu'au niveau des syndicats... il y a
des moyens qui soient donnés aux syndicats pour que, dans le fond, les entreprises
où est-ce qu'il y a des syndiqués favorisent la francisation,
évidemment qu'on est d'accord,
évidemment, que les comités de francisation, O.K.,
soient... Parce que tous les comités de francisation qui font en sorte qu'on francise les entreprises,
c'est des gens qui sont utiles sur le terrain puis qui peuvent prendre
les gens qui sont immigrants par la main
puis leur dire : Eh! écoute, savais-tu, il y a des cours qui se
donnent. Donc, il faut redonner le lustre à l'OQLF, et aux comités de
francisation, et à ceux qui vont en entreprise, parce qu'il y a combien d'agents d'immigration qui sont vus comme des
méchantes polices de la langue, alors qu'ils vont en entreprise
pour aider les travailleurs et les employeurs à faire en sorte qu'on francise l'entreprise et, par le fait même, peut-être informer certains immigrants, dire : Tu pourrais, franchement... il y a
aussi tel, tel, tel cours? Ça fait que là-dessus, Mme la
ministre, on est avec vous à
250 000 %. Là-dessus, là, on est d'accord.
Mais je reviens sur une chose : ce n'est
pas tout le monde qui se trouve un emploi. Puis, contrairement au monsieur qui m'a précédé, de la CPMT, de
dire : Si tu t'intègres en emploi, bien tu vas te franciser, ce n'est pas
tout, dans la vie, c'est comme juste
une stratégie. Je m'excuse, qu'est-ce qui arrive avec ceux qui n'ont pas
d'emploi? Puis souvent, le portrait
type, la femme va apprendre le français,
reste à la maison avec les enfants, et l'homme va travailler, en bon français, dans le fond d'une shop, il ne sait pas
parler français. Et, s'il ne sait pas parler français, il ne peut pas
connaître ses droits au travail puis il ne
peut pas faire partie de ceux qui vont dire : Bien, nous, on aimerait ça peut-être syndiquer cette entreprise-là.
Donc, la connaissance du français, ça nous aide à connaître les normes du
travail, ça nous aide à connaître qu'est-ce qui se passe avec la CSST.
Donc, pour
nous, le fait de donner 400 $ par semaine pour que les gens apprennent le
français, c'est la mesure la plus
intégratrice. Ceux qui se trouvent un emploi tout de suite, tant mieux, mais
qu'est-ce qui arrive à ceux qui ne se trouvent pas d'emploi? Qu'est-ce qui... Et là, là, je veux dire, c'est vraiment
quelque chose de bien. Tu reçois 400 $ pour apprendre le français au bout d'un an, je veux dire, tu y
vas. Moi, je parle quatre langues, je veux dire, ça s'apprend, une
langue, là, ce n'est pas de dire : Aïe!
c'est donc bien difficile à apprendre! Surtout, en plus, si tu te fais payer...
Moi, j'ai payé. Je suis allé en
Floride pour apprendre l'anglais, je suis allé au Mexique pour apprendre
l'espagnol. Tu sais, à un moment donné, c'est difficile. Si on donne la chance aux gens qui arrivent de l'apprendre...
Puis, en ayant une allocation, les gens ne vivent pas dans la pauvreté
et ils s'intègrent.
Donc, moi,
j'aimerais revenir, si vous me permettez, Mme la ministre, en venir surtout
avec les recommandations qui sont
plus d'ordre... — et là on
voit ça en page 7 — qui sont
d'ordre réglementaire, parce que c'est des suggestions. Le projet de
loi, pourquoi un groupe comme le Mouvement Québec français peut être inquiet de
ce projet de loi là, c'est qu'il y a
34 articles sur 125 où est-ce qu'on dit : Les modalités d'application
seront décidées par règlement. Nous voulons avoir confiance en vous,
nous voulons avoir confiance, mais, la confiance, on va, dans le fond, essayer
peut-être de la travailler en vous proposant certaines choses qui pourraient
être intéressantes comme articles de loi... je veux dire comme règlements.
Et là, dans
le fond, là, je ne ferai pas la lecture de tout ça, parce qu'on n'aura pas le
temps, mais l'idée, c'est de dire : Si tu veux te porter garant en
regroupement familial, bien est-ce que ça se peut que cette personne-là ait
obtenu le niveau 7 d'échelle québécoise
de connaissance du français? Est-ce que ça se peut que ce serait un critère? Si
tu es un employeur puis que tu veux
aller chercher le plus grand talent de la planète un peu partout dans le monde,
ça se pourrait-u qu'on te demande
comme employeur, si tu veux avoir l'approbation de la ministre, de dire :
Bien, est-ce que tu as ton certificat
de francisation? Ah oui? Tu l'as? Bien, vas-y. Une entreprise qui n'a pas son
certificat de francisation, pourquoi elle,
elle a le droit d'aller chercher un talent sur la planète pour, dans le fond...
si on n'est pas sûr que cette personne-là va connaître le français? Pour
les immigrants temporaires qui vont devenir des immigrants permanents, est-ce
que ça se pourrait qu'on demande à ceux qui vont faire la demande : As-tu
obtenu le niveau 7?
Tu sais, le
niveau 7, c'est la base, mais il faut que le gouvernement — je reviens là-dessus — donne les moyens aux gens de l'apprendre. Tu ne peux pas obliger
quelqu'un, dans le fond, à obtenir un certain niveau en ne lui donnant
pas les outils pour atteindre ce niveau-là.
Est-ce que... Vous sembliez vouloir me répondre,
Mme la ministre.
Mme Weil :
Bien, j'ai une question. Est-ce que vous êtes en train de dire... Je n'ai pas
lu votre mémoire, mais il me semble que j'ai vu ça, quelqu'un va le
proposer, donner accès à la francisation à certaines catégories d'immigrant
temporaire. Est-ce que c'est ce que vous dites?
M. Bouchard (Éric) : Bien, un
immigrant temporaire...
Mme Weil : Qui serait destiné
peut-être aux permanents...
M. Bouchard (Éric) : Aux permanents,
bien c'est...
Mme Weil : ...de commencer la
francisation, oui, je trouve ça intéressant.
M. Bouchard (Éric) : Bien,
certainement, certainement. Moi, pour moi, je veux dire, c'est comme ça. Un immigrant temporaire, il arrive, je ne sais pas,
moi, il travaille dans un champ puis il a la chance... Je sais qu'ils
travaillent très, très fort dans les champs,
là, ils n'ont pas vraiment la chance d'apprendre, mais ils réussissent à
atteindre le niveau 7 puis ils
décident : Bien, moi, je veux devenir un immigrant permanent, j'ai atteint
le niveau 7, bravo, je veux dire, on est pour ça. Tout le monde est pour l'immigration, mais on est pour que
l'immigration, elle se fasse pour ne pas faire en sorte que le français
recule.
Puis,
moi, c'est sûr que les déclarations, ça, je vous l'avais déjà dit l'an passé,
Mme la ministre, puis on l'a écrit dans
le mémoire, dans vos documents de consultation, je veux dire, on croirait que
c'est des gens du Mouvement Québec français puis de la Société
Saint-Jean-Baptiste de Montréal qui ont écrit ça tellement on sent qu'il y a un
amour du français puis un désir. Pour de
vrai. Non, mais ce n'est pas des blagues, là, il faut lire ces documents-là.
Mais, nous, ce qu'on dit, c'est que c'est beau, le désir, mais ça prend
des mesures structurantes puis ça prend des objectifs. Donc, il faut aussi
mesurer l'évolution du français en fonction d'indicateurs connus et crédibles.
Le français, langue d'usage public, ça se
calcule, maintenant, on l'a. On les a, les études. Est-ce qu'on peut se dire,
au ministère de l'Immigration : Nous
avons des objectifs, d'ici cinq ans, d'avoir tel niveau avec les non-francotropes,
par exemple? Là, tu as un indicateur de
mesure, ça veut dire qu'au bout de quatre ans tu dis : On s'est donné cet
indicateur-là, ça n'a pas réussi. Qu'est-ce qu'on a fait de mal? Même
chose au niveau de la langue maternelle, au niveau de la langue d'usage.
Donc, quand
tu te donnes des critères de même, c'est facile de faire de la reddition, pas
des comptes publics, pas de savoir si
nos fonctionnaires travaillent bien. De dire : Ils ont donné tant de cours
de français de plus, ça ne nous intéresse pas, nous. Nous autres, ce qui
nous intéresse, c'est de dire : Est-ce que le français va mieux au
travail? Est-ce que le français va mieux dans l'usage public? Est-ce que le
français se porte mieux? Nous, c'est là-dessus.
Donc, principalement des mesures réglementaires
qui vont faire en sorte que les gens atteignent le niveau 7. Puis,
au niveau 7, tu travailles en entreprise, puis tu envoies des courriels à tes collègues, puis tu envoies de
courriels à d'autres entreprises, tu es utile à ton entreprise, puis en
plus de ça ça te permet d'avoir des emplois bien payés. Si tu ne sais pas le français, comment tu peux écrire des
courriels à une autre entreprise? Puis, je veux dire, tu veux acheter,
mettons, de la confiture du Bas-Saint-Laurent puis tu es dans une entreprise à Montréal, tu es dans... puis là tu veux écrire, puis
là tu essaies d'appeler la compagnie qui
fait de la confiture au Bas-Saint-Laurent; si tu ne sais pas écrire le français, on ne
te donnera jamais cet emploi-là. Puis c'est souvent les emplois où est-ce qu'il
y a des connaissances linguistiques qui sont
les mieux payés. Au Québec, les gens les mieux payés sont ceux qui savent le
français et l'anglais. Si tu es unilingue anglophone, tu es moins bien
payé que quelqu'un qui connaît à la fois le français et l'anglais.
Donc, la
connaissance des langues, je vous le répète, c'est quelque chose que nous, on n'est pas contre ça, mais ce qu'on veut, par contre, c'est s'assurer
que les gens atteignent un certain niveau pour leur permettre à eux, ces
immigrants-là, d'avoir des emplois de qualité. Puis c'est vraiment important,
la connaissance de la langue, ça assure... parce que tu peux avoir des bons
emplois dans la fonction publique. Si tu ne connais pas le français, tu ne peux
pas avoir de bons emplois dans la fonction publique.
Le Président (M. Picard) : Mme
la ministre.
Mme Weil : En effet. Donc, vous seriez d'accord
si l'article 106... Bien, je vous pose la question. Donc, c'est l'article... c'est paragraphe 4, le 7°, mais je vais vous le lire, donc :
«Le ministre conseille le gouvernement, les ministères et les organismes[...]. Il exerce ses fonctions en
collaboration...» Non. «Les fonctions du ministre en matière
d'immigration, de diversité [...] consistent plus particulièrement à — et je
veux juste le lire :
«7°
coordonner, par [la] suite d'une consultation des autres ministres concernés,
la mise en oeuvre des programmes visant
l'accueil, la francisation et l'intégration permettant la pleine participation,
en français, des personnes immigrantes à la société québécoise.»
Ce qu'on amène avec la vision, la consultation
qu'on a faite en début d'année...
Le Président (M. Picard) : Il
reste une minute.
Mme Weil : ... — oui — c'était
de vraiment bien clarifier le rôle transversal du ministère de l'Immigration, qui doit... Parce que, dès que quelqu'un a sa
résidence permanente, cette personne a tous les droits, les mêmes droits
que tous les Québécois, donc il faut agir
avec le ministère de l'Éducation, Emploi, etc. Vous serez d'accord avec ça,
j'imagine, cette déclaration, là. C'est que le ministère de l'Immigration, en
consultation avec les autres ministères, s'assure de l'offre en matière de
francisation pour les nouveaux arrivants.
Dans l'offre
actuelle qu'on a, je vous l'ai expliqué en préambule, là, qui va en amont de la
sélection puis... avant l'arrivée et après, est-ce que vous voyez des
carences?
Le Président (M. Picard) : En
30 secondes.
M. Bouchard (Éric) : ...la
coordination entre les... Je veux dire, il n'y a pas de suivi qui est fait, on
dirait que c'est désorganisé. Et je reviens
sur l'étude de l'IREC, c'est des bouts qui sont faits par le MESS, des bouts
qui sont faits par le MELS, des bouts
qui sont faits par les commissions scolaires, des bouts qui sont faits par le
cégep. Et ce qu'on voudrait, nous,
c'est quelqu'un qui arrive, qui dit : Bon, moi, je veux me franciser, on
dit : Oh! Toi, tu fais quoi dans la vie? Ah! bien moi, je suis
soudeur. Parfait, on t'amène à la commission scolaire. Mais là il faut qu'il
soit suivi. D'un coup que lui, il veut aller
au cégep, par la suite, parce qu'il dit : Moi, soudeur, je ne suis pas
fort là-dessus, je voudrais peut-être plus aller en informatique, faire
ma formation qualifiante — je
vous donne un exemple tout à fait farfelu — il faut qu'on suive le
parcours de l'individu pour l'amener d'un bout à l'autre.
Parce que,
là, il y a une compétition pour avoir des effectifs, on veut des effectifs. Les
cégeps veulent des effectifs, les
universités veulent des effectifs, les commissions scolaires veulent des
effectifs, les commissions scolaires anglophones veulent des effectifs.
C'est la course aux effectifs pour, dans le fond, financer les institutions
d'enseignement, et c'est complètement fou.
Le
Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît. En
terminant.
M. Bouchard
(Éric) : Excusez. Merci.
Le Président (M.
Picard) : C'est beau? M. le député de Bourget.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. Je vais concéder quelques
minutes à monsieur pour qu'il termine son laïus.
• (12 heures) •
M. Bouchard (Éric) : Merci, M. le député de Bourget. Alors, tout ça pour dire que... Et
vraiment il faut lire l'étude de
l'IREC de ce matin, c'est là qu'on voit que, s'il y avait... puis c'est sûr et
certain qu'on est devant la bonne personne, puis il y a ce désir-là en plus, c'est de faire en sorte que, le
parcours, il y a quelqu'un qui arrive au MICC... excusez-moi, au MIDI, quelqu'un qui arrive au MIDI, dit :
Bonjour, je m'appelle Manuela Machin Chouette... Hernandez, Manuela Hernandez, bon, bien, toi, parfait, tu as-tu
besoin de cours de francisation? Oui? Parfait. On pose des questions : Tu
es rendue à quel niveau? C'est quoi que tu veux faire dans la vie? Ah! toi...
Là, on suit les gens au cours du parcours.
Vous
allez dire que c'est beaucoup trop, 50 000 personnes, mais il y a un
requérant, tu sais, on ne suit jamais toute la famille, il y a le requérant. Puis, le requérant, on dit : Bon,
bien, toi, ta famille est composée de quoi, bon, toi, ta femme a besoin
de quoi ou, toi, ton mari a besoin de quoi?, et là tu suis le parcours, et là
on les oriente.
C'est beau, avoir un guichet unique, mais ce qu'on ne veut pas, c'est que les institutions publiques courent après les
effectifs, c'est complètement... Et donc ils se compétitionnent à la place de
se dire : On s'appelle puis on essaie de se passer des effectifs ensemble. Bref, le principe de compétitivité entre
les institutions pour donner les cours de français est à
revoir, Mme la ministre, si je peux me permettre.
Merci beaucoup de
nous avoir permis, M. le député de Bourget, de répondre à la question.
Le Président (M.
Picard) : M. le député.
M.
Kotto : Merci, M. le Président. M. Bouchard, M. Rivard, soyez les
bienvenus, et merci pour la contribution. Nous avons évidemment pris connaissance du mémoire que vous aviez déposé lors de votre dernier
passage ici. Il nous restera à lire celui en lien avec le projet de loi
que nous étudions ici ce matin.
Je
vais faire l'avocat du diable. Dans la culture chrétienne, j'en
porte la couleur, d'ailleurs. Considérant l'omnipotence de l'approche
multiculturaliste, base idéologique de l'intégration au Canada, pensez-vous
que, dans l'esprit d'une famille immigrante
qui arrive au Québec, le parcours que vous esquissez soit celui vers
lequel il va se pencher spontanément?
Est-ce qu'il ne va pas se dire : Je n'ai pas besoin de
m'intégrer à la société québécoise? Est-ce
qu'il ne va pas se dire : Il y a
deux langues officielles au Canada, et je suis au Canada? Et, considérant le
fait que les éléments sont là, vous
l'avez évoqué vous-mêmes, considérant qu'on n'a plus besoin de maîtriser
le français à Montréal pour travailler, tout ça mis ensemble, n'y
a-t-il pas là une situation qui appelle une action musclée plutôt que des voeux
pieux?
M. Bouchard (Éric) : Merci de me tendre la perche. Évidemment, pour nous, bien, une action structurante,
on appelle ça l'arrêt du bilinguisme institutionnel. Pourquoi les institutions publiques, c'est si important? Je suis un
enfant de la loi 101. Être né un an avant, j'aurais pu aller à l'école en
anglais. Sur ma rue, il y avait trois, quatre petits gars puis petites filles qui ont eu accès à l'école Aimé-Renaud,
pour ne pas la nommer, dans ce temps-là; moi, je n'ai pas pu y avoir accès. Malheureusement, toute ma vie, j'ai été obligé de côtoyer,
imaginez-vous donc, des gens qui venaient d'ailleurs, j'ai été obligé de faire ça, et là ça m'a... j'ai
un paquet d'amis, j'ai rencontré du monde qui venait de partout dans le
monde. Ça fait que moi, je suis passé de tricoté serré à métissé
serré, dans ma vie, ça fait que ça n'a quand
même pas de bon sens, les institutions publiques m'ont forcé. Et, avec tout ça, aujourd'hui, je me retrouve avec des amis maghrébins, des gens de la Catalogne, du monde du Mexique. Quand on
regarde des parties de hockey ou quand on regarde le Real Madrid contre
le Barça, il y a du monde d'à peu près
cinq, six pays dans le monde, et ensemble nous parlons tous à peu près 12 langues, mais on a une langue commune, c'est le français.
C'est la langue dans laquelle, dans
le fond, on s'obstine, on s'aime,
parce qu'il y a toujours des traîtres, vous savez, qui prennent pour le
Real Madrid ou pour Boston, hein? Et donc là on s'obstine puis on fait tout ça, puis c'est dans... mais la
langue commune, c'est ça, le principe, la langue commune, c'est le
partage. Ça ne nous empêche pas de connaître d'autres langues.
Mais
qu'est-ce qui nous a permis ça, M. le
député de Bourget,
c'est l'obligation ou le passage par des institutions publiques en français. Mon ami Reda, mon
ami Bun Mang, ma blonde Nina, mon amie Vanessa, tout ce monde-là que je pourrais vous nommer, c'est parce que
je les ai rencontrés, et c'est l'État qui m'a forcé. Moi, je ne me lève pas le... je
ne me disais pas : Ah oui! c'est le
deuxième mardi du mois, c'est vrai, il faut que j'aille intégrer un immigrant, je marche dans la rue puis je dis : Oh! toi, tu as de l'air
d'un immigrant, je vais t'intégrer. Voyons donc! C'est les institutions
publiques.
Donc, quand je
reviens sur les mesures structurantes, l'arrêt du bilinguisme institutionnel,
ce serait... J'ai un beau-père. Je ne le
nommerai pas, ma mère m'a déjà dit : Arrête de le nommer, c'est gênant.
C'est correct. J'ai un beau-père que
ça fait 30 ans qu'il est au Québec, ses enfants parlent parfaitement
français, mais lui a reçu et reçoit encore toute sa correspondance du gouvernement du Québec
uniquement en anglais. Bien, il est clair qu'il ne fait jamais partie de la
vie sociale, des partys ou de quoi que... il
est toujours à part. Donc, le fait qu'il n'ait pas été obligé, mais qu'on ne
lui ait pas donné surtout la chance via
ce que je dis, une allocation substantielle, via des comités de francisation,
via des syndicats, des entreprises
qui disent : Oui, viens ici, il y a des cours de francisation ici, si on
ne l'a pas aidé, si l'État ne l'a pas soutenu, bien il est un peu à
part.
Donc, l'avenir collectif, pour moi, au Québec,
le métissé serré qu'on cherche, la diversité qu'on cherche, tout ça passe par une langue commune et des moyens qu'on
donne. Et pas juste des moyens, on vient sur des choses structurantes, puis ça devient des obligations. C'est sûr
que je n'aime pas ce mot-là, mais ça devient... on oblige les gens, souvent les gens vont dire : C'est de
la coercition, mais il faut obliger les gens à faire certaines choses des fois,
puis d'autres fois il faut juste les encourager.
Là, jusqu'à maintenant, on a beaucoup encouragé, on a... l'étude montrait,
de l'IREC, que le gouvernement a fait
beaucoup d'efforts, depuis plusieurs années, pour la francisation, donc vous
n'êtes pas en train de m'entendre dire que
je condamne le gouvernement, puis tout ça, mais vraiment pas, mais, pour passer
à un autre niveau, pour arrêter
d'échouer dans la francisation, il va falloir arrêter le bilinguisme
institutionnel qu'on pratique avec eux.
Le Président (M. Picard) : M.
le député. Trois minutes.
M. Kotto :
Trois minutes. Merci, M. le Président. Je veux vous amener sur un autre point,
touchant la francisation, évidemment.
Et à cet effet il est rapporté que les délais de début de cours de francisation
sont très longs, ce qui, dans la réalité
d'une famille immigrante dans laquelle l'homme ou la femme, l'un ou l'autre,
travaille... La base quotidienne de réflexion
dans cette famille, c'est la survie au quotidien. Pendant l'attente, durant
l'attente du début de ces cours, quand l'un ou l'autre trouve un emploi,
à l'évidence le choix est fait, et la motivation pour aller s'inscrire... pas
s'inscrire mais suivre le cours par la suite, elle n'est plus là.
Est-ce que, de votre perspective, en fait à
l'aune de vos connaissances, il y a quelque chose à faire pour corriger la
situation?
M.
Bouchard (Éric) : Bien, pour
vous répondre, M. le député de Bourget, il est clair pour nous que, je
reviens à ça, comme l'a proposé Mme la
ministre, dans le fond, que ce soit structuré et structurant, tu sais, que
quelqu'un soit suivi puis que, tu sais, les ministères se parlent, puis
tout ça, c'est une chose importante, prendre en charge.
Et je reviens
sur l'allocation de 400 $ par semaine. Actuellement, ça va entre
115 $ ou 130 $ puis 30 $, dépendant si ça vient du MESS ou du MIDI, hein? Et donc c'est
clair : 115 $ par semaine, comment tu peux vivre avec ça? Il y en
a qui le font, là, je veux dire, on les voit
au Marché Bonanza, à ville d'Anjou, là, je veux dire, les gens, sur les grappes
de tomates, ils enlèvent les tiges de
tomates pour que la tomate pèse moins puis que ça leur coûte moins cher. Donc,
c'est trop peu d'argent. Puis si on veut beaucoup d'immigration, puis si
on veut cette diversité-là, il faut mettre les moyens.
Puis on a
toujours les moyens, puis là je ne veux pas faire de la politique, on a
toujours les moyens, plate pour le gouvernement, mon but, ce n'est pas
de pointer le gouvernement, mais tous les gouvernements vont dire : Bon, bien... ah! il faut donner, genre, à Bombardier.
Si ce n'est pas à Bombardier, ça va être à une autre entreprise, là, puis
peu importe le gouvernement. À un moment donné, il faut donner aux gens qui
arrivent ici. Puis ça, c'est seulement de l'accueil.
Puis ça, c'est être social-démocrate. Puis ça, c'est faire en sorte qu'on
veuille vraiment faire de l'intégration. Et, quand on a ça en tête, quand le... pas juste le gouvernement, il ne faut
pas juste pointer le gouvernement, quand l'ensemble des parlementaires, quand les chroniqueurs, quand
les journalistes, quand les gens, on parle d'une même voix, c'est ça, l'objectif, eh bien, il est clair qu'on donne les
moyens à Mme la ministre de mettre en place des choses où est-ce qu'elle
va être en mesure de dire : Oui, bien,
chacun qui arrive, il y a un requérant par famille, on le prend par la main,
puis là on le suit, puis là on l'aide. Puis là, bien, ils ont besoin de
tant d'argent par semaine; bien on leur donne. Après ça, ils vont devenir des
gens qui vont payer des impôts puis qui vont rapporter à la société.
Puis savez-vous quoi? S'ils parlent français,
ils ne quitteront pas. Parce que les documents du MIDI qui ont été fournis pour
la consultation publique l'année passée disent quoi? Ceux qui ne parlent pas
français, après 10 ans, il y en a seulement 66 % qui restent au Québec.
Le Président (M. Picard) : En
terminant.
M.
Bouchard (Éric) : Ceux qui
ne connaissent que le français restent au Québec à plus de 85 % après
10 ans.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville.
• (12 h 10) •
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, M. Rivard, M. Bouchard.
Merci. Merci pour votre mémoire, que je lis rapidement, en diagonale,
depuis tout à l'heure.
Protéger la
langue française, j'en suis. Ça, il faut que ce soit très, très, très clair
dans votre esprit. Tout comme vous, j'ai lu hier l'excellent article de M. Dutrisac.
J'ai eu l'occasion de lui parler, d'ailleurs, nous étions en caucus hier, donc on a échangé à cet égard-là, et, tout comme
lui, je disais que c'est très inquiétant de voir que le nombre... le
taux de participation à ces cours diminue. Moi, ça m'inquiète énormément.
Alors, c'est
pour ça que je voudrais vous amener sur l'idée de rendre ces cours
obligatoires, parce que je pense que
plusieurs personnes qui nous écoutent ignorent que les cours de francisation ne
sont pas obligatoires, alors que, de notre
côté, nous croyons que le Québec, l'État a tout intérêt à tout faire pour
intégrer les gens, c'est de sa responsabilité, nous avons une obligation, un devoir, mais en contrepartie nous croyons
que les nouveaux arrivants, que nos immigrants ont aussi des obligations et des devoirs, soient ceux d'apprendre notre
langue. Et nous, nous voulons que ces cours soient obligatoires sous une forme ou une autre, ça, il
peut y avoir une variété de façons d'offrir ces cours, mais de les
rendre obligatoires pour s'assurer que tous aient des chances et des chances
égales, aient des chances de bien s'intégrer.
Alors, soyez
bien conscients, là, que, cette problématique-là, pour nous, c'est primordial
que la francisation soit obligatoire,
il faut protéger notre langue française dans ce bassin d'anglophones. Et ce
n'est pas non plus une guéguerre anglophones-francophones,
comprenez-nous bien, à cet égard, puisque les anglophones sont aussi une
minorité et qu'il faut
protéger leurs droits, nous y tenons absolument, c'est primordial également.
Cependant, il faut sauver notre langue, la démographie étant ce qu'elle
est et le visage de l'immigration étant aussi ce qu'il est.
Donc, moi,
j'aimerais aussi vous entendre sur l'idée de rendre obligatoires les cours de
francisation. Parce que vous, vous axez davantage sur : Allons
chercher dans les bassins francophones, et les bassins francophones, et les
bassins francophones. Nous, nous
disons : Rendons obligatoire la francisation, peu importe l'origine, parce
que probablement qu'à l'intérieur de
ces bassins, de ce flux d'immigrants il y a des gens qui ne parlent peut-être
pas français mais qui ont des racines latines ou qui ont des valeurs
avec lesquelles l'intégration sera très facile. Alors, qu'est-ce que vous
pensez de rendre les cours de francisation obligatoires?
M.
Bouchard (Éric) : Bien, Mme
la députée de Montarville, d'entrée
de jeu j'ai dit qu'il fallait rendre les cours obligatoires, sans quoi... Moi, je disais sur une période de temps,
jusqu'à l'obtention du niveau 7, qu'on retire le droit d'un permis
de conduire. Il faut qu'il y ait une pénalité à quelque part. Ça n'existe pas.
Puis en même
temps il y a déjà eu, il y a quelques mois, une proposition de votre formation
politique où on disait : Au bout
de trois ans, les gens, s'ils n'apprennent pas le français, bien ce que j'ai
compris, en tout cas, ils pourraient repartir. Pour ma part, pour le Mouvement Québec français, c'est sûr que ce n'est
pas la voie vers laquelle nous voulons aller, puis la raison pour laquelle... c'est que souvent les
enfants, ils sont intégrés. Et là-dessus... Puis, je vous le dis,
médiatiquement, là, dans le monde, là, un
gouvernement qui ferait ça, dire : On les renvoie parce qu'ils ne parlent
pas français, je veux dire, c'est sûr et certain que ce serait
difficile. Donc, l'intention derrière votre formation politique, moi, était
louable, mais c'est pour ça que...
Mais votre proposition que vous avez faite, ça
m'a permis de réfléchir, je me suis dit... puis ça nous a permis de réfléchir, dire : Qu'est-ce qui pourrait
être fait qui ne soit pas de l'ordre de dire... Puis là je vois déjà les
caméras, là, puis tout le kit, puis là, là, on envoie ces pauvres
personnes là puis les enfants... Je veux dire, c'est intenable. Un gouvernement, c'est là pour gouverner, pas pour
gérer des crises médiatiques avec les médias. Donc, est-ce qu'il y
aurait quelque chose... Puis ce n'est pas
obligé, là, juste une suggestion que j'ai faite, mais il faut amener la
réflexion au niveau des parlementaires, ce serait quoi, le type de...
Parce qu'il faut que ça soit pénalisant. Si tu n'obtiens pas le niveau 7, qu'est-ce qui arrive? Il y a des entreprises, ça
fait 40 ans que la loi 101 est appliquée puis on leur demande de se
conformer, puis elles ne se conforment pas
encore parce qu'il n'y a pas de pénalité. Ça fait que ça prend quelque chose de
pénalisant.
Maintenant,
je ne pense pas qu'une formation politique, ou un parlementaire, ou un groupe
de pression comme le Mouvement Québec
français, nous avons la vérité. Au Québec, les décisions se prennent par
consensus, puis les consensus se prennent avec le temps, avec des
discussions, avec des commissions parlementaires comme on fait présentement, un
parti politique qui dit à un autre : Je ne suis pas sûr de ça, mais, si on
proposait ça... Qu'est-ce qui pourrait être contraignant?
C'est ça que je demande aux parlementaires que vous êtes, parce que vous allez
étudier le projet de loi article par
article par la suite et vous allez étudier les... vous allez faire des
suggestions à Mme la ministre, comme parlementaires, pour l'écriture des règlements. Puis c'est pour ça
que nous, on s'est dit, dans nos recommandations... On n'en parlera pas aujourd'hui, là, vous lirez ça, là. Pour les gens
à la maison, c'est trop... je m'excuse, là, c'est vraiment des termes
d'avocat, de juriste incompréhensibles, là,
même moi, là, je les lis, des fois, puis je suis comme : Je ne comprends
pas. Donc, je comprends, mais ce que je veux dire, c'est que
l'idée, c'est qu'on arrive avec l'idée de contrainte. Ça, là-dessus,
on y est. «Contrainte», donc, ça veut
dire «obligé». Et là, après ça, j'ai suggéré ça ce matin, nous avons suggéré
ça, dans le fond, l'arrêt pendant quelques mois peut-être
de pouvoir bénéficier de l'assurance
maladie gratuitement et de dire à
quelqu'un : Bien, tu dois, toi,
t'assurer au privé en attendant mais... ou que ce soit la question
des permis de conduire ou des permis de quoi que ce soit que vous voudrez. Mais nous, on n'est pas dans le fait
de dire : Les gens, après trois ans, on leur dit : Bien, vous
pouvez quitter.
Mme Roy (Montarville) : ...
Le Président (M. Picard) :
Une minute.
Mme Roy
(Montarville) :
Mon Dieu! c'est court pour échanger! Je comprends votre idée de contrainte.
C'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle nous disions : Après trois ans, si on n'a pas
atteint un niveau de connaissance du français, bien l'obligation de cet immigrant était de s'intégrer... Et puis il y a
des délais de grâce, naturellement, pour se reprendre puis se rattraper, mais, en tant que société, que société
distincte, puisque la langue
française est la priorité, on
persiste et signe, là.
Cela dit,
vous parliez de mesures de contrainte et seulement neuf mois pour
apprendre. Oui, on pourrait s'obstiner longtemps sur le temps que ça
prend pour apprendre la langue française.
Cela dit, vous dites que ce n'est pas une idée
qui serait populaire. Je suis d'accord avec vous que ce n'est pas
nécessairement populaire, mais là n'est pas l'idée, l'idée est de faire
respecter la langue française et surtout que les immigrants comprennent qu'ici, au Québec, ça se passe en
français. Et d'ailleurs on a vu dans l'actualité récemment qu'en Angleterre on pense à retourner certaines
immigrantes arabes qui n'ont jamais appris l'anglais. Alors, c'est une idée
qui commence à émerger dans les sociétés
occidentales, qui se rendent compte qu'il
y a une problématique à conserver
leur langue d'origine, et je pense
que ce sera une réalité que nous verrons de plus en plus. Donc, ce n'est pas quelque chose qui est farfelu, loin de là.
Cependant, oui pour l'obligation du cours de
français, et surtout que les gens le sauront...
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît.
Mme Roy
(Montarville) :
... — oui,
en terminant — les
gens le sauront. Vous voulez venir au Québec, vous devrez parler le français. Et, si vous parlez plusieurs
autres langues, tant mieux, tant mieux pour nous, nous en serons tous
plus riches collectivement, mais ça, on pourrait échanger longtemps. Alors, je
vous remercie pour votre témoignage.
Le Président (M. Picard) :
MM. Bouchard et Rivard, je vous remercie pour votre contribution aux
travaux de la commission.
Je suspends quelques instants afin de permettre
au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 12 h 17)
(Reprise à 12 h 21)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant les représentants de la Fédération québécoise des municipalités. Je
reconnais M. Lehoux. Donc, je lui demanderais de présenter les gens qui
l'accompagnent. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation,
va s'ensuivre des échanges. Vous êtes des habitués, allez-y.
Fédération québécoise
des municipalités (FQM)
M. Lehoux (Richard) : Merci, M. le
Président. Alors, bonjour, Mme la ministre, distingués membres de la Commission des relations avec les citoyens, Mmes,
MM. les députés, bonjour à tous. Les gens qui m'accompagnent ce
matin : M. Sylvain Lepage, directeur général de la Fédération
québécoise des municipalités, et Mme Maryse Drolet, conseillère aux
politiques.
Alors,
premièrement, je voudrais remercier la commission d'avoir invité la Fédération
québécoise des municipalités à partager son analyse du projet de loi
n° 77 sur l'immigration au Québec.
Comme vous le
savez, la Fédération québécoise des municipalités représente les intérêts de
quelque 1 000 municipalités
locales et régionales dans toutes les régions du Québec. Notre mission est de
soutenir les municipalités dans leurs champs de compétence actuels et
futurs et de conjuguer les forces des territoires ruraux et urbains pour
assurer le développement durable des régions du Québec.
De façon
générale, la FQM accueille favorablement le projet de loi n° 77 sur
l'immigration au Québec. Toutefois, la
fédération déplore que la question de la régionalisation de l'immigration était
exclue de cette proposition législative. En effet, la FQM est d'avis qu'il est primordial que cet enjeu soit abordé
directement dans le projet de loi afin d'assurer une répartition et une
intégration optimales des immigrants sur l'ensemble du territoire québécois.
Premièrement,
rappelons que les régions font face à des enjeux démographiques d'importance,
la baisse du taux de mortalité, le vieillissement de la population et la
pénurie de main-d'oeuvre sont préoccupants dans toutes les régions du Québec. L'immigration est devenue, dans ce
contexte, essentielle au développement ainsi qu'à la vitalité de
nombreux territoires. L'accueil des nouveaux arrivants, qu'ils soient du Québec
ou de l'étranger, est donc un atout essentiel au dynamisme de nos régions. Les municipalités, et les MRC, et leurs
partenaires en sont bien conscients et travaillent en concertation afin
d'offrir un milieu de vie accueillant et attrayant pour tous les nouveaux
arrivants. Ces milieux sont d'ailleurs particulièrement propices à
l'intégration et à la francisation des nouveaux arrivants.
Toutefois, les régions ne peuvent atteindre
leurs objectifs seules, le ministère doit travailler avec les milieux concernés afin d'assurer que leurs différents
besoins sont comblés. C'est pourquoi nous croyons qu'il est nécessaire
que la loi fixe les balises ou à tout le moins les mécanismes d'une réelle
régionalisation de l'immigration, afin d'assurer une planification et une
exécution adéquates de l'accueil de ces nouveaux arrivants en région.
Le projet de
loi indique déjà que les orientations gouvernementales en matière d'immigration
seront présentées par la ministre et
qu'une planification pluriannuelle assurera leur mise en oeuvre. Un plan
d'accueil annuel devra également être déposé
à l'Assemblée nationale. La FQM demande que le projet de loi fixe également
l'obligation de la ministre d'inclure à
sa planification un volet spécifiquement dédié à la régionalisation de
l'immigration. Il est important que la loi prévoie explicitement cette obligation. Des consultations
avec les élus municipaux en région devront être prévues en amont afin de
sonder les besoins et la capacité d'accueil
de chaque milieu. Dans ce dossier comme dans bien d'autres, le mur-à-mur
doit être évité à tout prix. La
régionalisation de l'immigration ne doit pas être imposée à tous les
territoires, elle doit être faite en concertation avec les milieux selon
les besoins et la capacité d'accueil de chaque communauté.
Par ailleurs,
la FQM salue la volonté gouvernementale de rapprocher les besoins en emploi et
l'immigration en visant une meilleure adéquation entre la déclaration
d'intérêt et les critères d'invitation déterminés par la ministre, tel que défini à l'article 43 du projet de loi.
Il est impératif de mieux faire connaître aux immigrants les opportunités
d'emploi et les opportunités d'affaires, tel
qu'indiqué précédemment. Certaines régions ont des besoins de main-d'oeuvre
récurrents que l'immigration peut aider à
combler. C'est pourquoi la FQM recommande que le milieu municipal soit
étroitement associé au processus
d'identification de besoins en matière d'emploi et de main-d'oeuvre.
D'ailleurs, la FQM recommande également
que les instances municipales, dont les MRC, soient formellement reconnues en
tant que partenaires privilégiés dans
l'identification des critères de sélection par territoire et par région. Cette
reconnaissance serait cohérente avec les compétences en matière de
développement local et régional rapatriées récemment à la MRC.
La MRC peut être
l'échelle de concertation et de coordination de l'accueil des personnes
immigrantes sur leur territoire. Le
dynamisme de ces milieux repose sur le leadership d'élus, de citoyens et
d'organismes, il est important que le
ministère soutienne et valorise leur action. Il faut rappeler que les régions
sont génératrices d'emplois et offrent un cadre propice à l'innovation sans négliger les
opportunités de relève d'entreprise, qui seront de plus en plus
nombreuses dans les années à venir. Il faudra également s'assurer de bien
communiquer ces nouvelles pratiques à l'ensemble des employeurs et des organisations de soutien au développement local sur le
territoire québécois, dont les MRC, afin que tous puissent tirer parti
de ce développement dans l'adéquation entre les besoins en main-d'oeuvre et
l'immigration.
En
terminant, la FQM appuie la vision de la ministre d'inclure dans l'objet du
projet de loi la dimension «diversité et inclusion» en remplacement de
«communautés culturelles». Ce changement ajoute une vision, lance un message
d'inclusion et de reconnaissance de l'apport de la diversité à la société
québécoise associé à l'accueil des immigrants de communautés culturelles
diversifiées.
Alors, merci de votre
attention. Et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Lehoux. Je cède maintenant la parole à
Mme la ministre.
Mme
Weil : Oui. Alors, bienvenue, M. Lehoux, M. Lepage,
Mme Drolet, Mme Blouin. Écoutez, je veux vous rassurer, on trouvera... j'accueille favorablement
votre notion d'inclure à quelque part cette vision qui est fondamentale,
là, on l'a pris beaucoup... et puis on va en
venir sur le très concret, sur la déclaration d'intérêt, la consultation avec
vous pour tenir en compte les besoins des régions.
Aussi,
dans la politique, on a beaucoup parlé, justement, comment répondre aux besoins
des régions, comment attirer les
immigrants en région en amont. Alors, je retiens votre préoccupation que ce ne
soit pas verbalisé clairement comme
ça, là, mais, je veux vous rassurer, ça fait partie de toutes nos discussions,
et, que ce soit dans notre plan stratégique, dans notre politique, etc., on rajoute toujours cette notion, mais que moi,
personnellement, je trouvais que l'expression «régionalisation» avait
perdu un peu son sens parce que ce n'était pas très dynamique réellement. On a
quelques programmes, mobilisation, diversité. Je trouve que la pierre d'assise
de tout ça, c'est les besoins des régions.
Donc,
quand vous parlez d'un rôle en amont, je veux vous amener là, parce que c'est
vraiment ça qui m'intéresse, qui nous
intéresse, c'est le rôle que les acteurs régionaux peuvent jouer, et les
municipalités et les MRC en premier lieu. Je vais vous dire pourquoi puis ensuite vous demander votre point de vue
sur le rôle que vous pourriez jouer pour identifier les besoins des régions. C'est que l'inclusion, la
participation, l'inclusion, oui, une bonne sélection, ça commence avec
ça, mais ça commence avec une consultation avec les milieux. On le voit, je
donne l'exemple des réfugiés syriens, c'est extraordinaire,
ce qu'on est en train de vivre, mais on a des acteurs régionaux qui sont en
amont avec nous tout de suite parce
qu'il y a des consultations, des organismes communautaires qui sont dans les
régions, et on voit que tout le monde s'active pour la partie inclusion,
donc s'inscrire à l'école, dans les cours de francisation, l'intégration en
emploi qui vient rapidement.
Donc,
c'est un peu cette vision qui fait en sorte qu'il faut consulter le milieu si
on veut qu'ils adhèrent pour le reste, d'avoir
des actions pour assurer un accueil qui est un accueil complet. Pourquoi? À
cause de la rétention. Vous le savez, il y a toujours cette question de rétention. Autant Montréal a un problème
de rétention vis-à-vis... Bien, problème... ça a baissé quand même, le niveau de rétention, quand même,
reste assez élevé, vers 80 %, mais il y a toujours ce risque-là.
Mais, dans les régions, c'est encore...
c'est un défi de plus, hein? Les gens qui gravitent vers les villes, c'est vrai
un peu partout dans le monde, hein, les gens vont vers les villes, d'où
l'importance...
Alors,
qu'est-ce que vous verriez comme rôle, le rôle que vous pourriez jouer en amont
pour identifier avec nous et avec la
Commission des partenaires du marché du travail... Vous n'êtes pas membre de la
commission, mais c'est un autre acteur très important, on l'a entendu ce
matin. Justement, c'est vraiment le coeur du succès de l'immigration, c'est
d'amener les gens en région, oui, mais qui vont répondre à des besoins bien
identifiés.
• (12 h 30) •
M.
Lehoux (Richard) : Oui, M. le Président. Mme la ministre, pour nous, c'est sûr qu'il y a
une implication de base, là, de par
les élus, les élus locaux qui sont aussi, là, les leaders dans chacun des
milieux, qui vont rassembler les gens.
On le voit déjà dans plusieurs régions au Québec
où est-ce qu'il y a de l'intérêt à recevoir, en fin de compte, des nouveaux
immigrants, la collaboration que les gens ont entre eux, cette facilité qu'ils
ont à développer, en fin de
compte, un partenariat pour... Parce que
c'est sûr que l'enjeu majeur, c'est l'intégration des personnes immigrantes
lorsqu'elles arrivent, puis je pense qu'il y a une belle ouverture en région,
là, pour cette intégration-là, il se fait déjà, là, beaucoup de travail en
partenariat avec les différents organismes des milieux.
Ce
que l'on remarque souvent puis pour avoir vécu des expériences, là,
particulières dans ma région, en Beauce, c'est le manque de coordination
de la part des différentes instances, là, gouvernementales, parce que,
lorsqu'on arrive avec... on identifie les
besoins, oui, on va chercher les gens, mais, lorsque ces gens-là ont bien
identifié les besoins, les immigrants ont choisi de venir s'installer en
région, bien il faut les soutenir par la suite. Et c'est de là l'importance, là, d'une plus grande implication de la part, là...
Et le but, de notre point de vue, de régionaliser l'immigration, bien
c'est... il y a des sous qui sont
disponibles, là, pour l'intégration de ces immigrants-là, et on veut que ces
sous-là se régionalisent aussi, parce
qu'on a vu dans le passé des problématiques où des gens, quand ils sont en
région... difficulté de se déplacer. La question, là, du permis de
conduire est un exemple flagrant, où on a des gens, là, qu'après trois mois
leur permis n'est plus valide, ça devient compliqué, là, toute la gestion, là,
de... pour voir à la mobilité de ces gens-là sur le terrain parce que, quand ils
sont en région, les transports en commun, disons qu'ils sont peut-être moins
présents. On essaie de plus en plus de
travailler à développer les transports collectifs, mais on reste encore avec
des distances. Et, même à cela, on
pourrait ajouter la dynamique, là, du problème de la francisation, où on était
obligés de transporter les gens pour aller...
Même, à un moment donné, il y avait une problématique de francisation ici, à
Québec, il fallait envoyer nos gens à Montréal, là. On veut les
installer en Beauce, puis il faut les envoyer se franciser à Montréal. Il y a
un problème.
Ça fait que c'est pour ça qu'il y a cet ensemble
de facteurs là, là, qui doivent être pris en compte quand on appelle, nous, la régionalisation, là, vraiment de
penser à l'ensemble des régions du Québec, et ça se décide, là, entre...
Au niveau des régions, encore là, on disait qu'on ne
voulait pas avoir de mur-à-mur, parce qu'il y a des régions qui sont très,
très, très prêtes, là, à recevoir, pour, je vous dirais, l'ensemble des régions
au Québec, il y en a d'autres qui sont beaucoup
plus prêtes à recevoir des personnes immigrantes, et c'est la raison pour
laquelle il faut se donner... il faut avoir ces outils-là, pour être capable, là, de bien, là, favoriser leur
intégration. Ça, je pense que c'est un élément qui est très, très important. Il y a des belles histoires à succès
qui ont été vécues, là, dans les années antérieures, mais on sent, là, un
peu cette difficulté-là, le support à nos organismes qui... parce que 90 %
du temps c'est des organismes bénévoles, c'est des citoyens qui se regroupent, qui veulent trouver des façons d'accueillir
des nouvelles personnes sur le territoire. Il y a une dynamique qui est
problématique de ce côté-là.
Mme Weil : Bien, oui,
M. Lehoux, c'est pour ça que nous, on va en amont de ça, hein? Lorsqu'on
parle de consulter les acteurs du milieu et
de mettre les entreprises... — on a parlé avec la Commission des
partenaires du marché du
travail — ce n'est
pas juste de mettre des gens en région puis espérer qu'ils auront un emploi,
c'est vraiment de répondre aux
besoins. Donc, vous serez d'accord de bien identifier des besoins régionaux,
mais on parle vraiment... La vision, là, c'est des entreprises qui disent : Bien, nous, on a besoin de tel et tel
profil, avec la Commission des partenaires du marché du travail, les
acteurs municipaux aussi qui seraient dans le coup, parce qu'ils doivent aussi,
je pense, avoir confiance que la sélection est bonne et réponde à leurs
besoins.
Ce qui nous
amène à parler de services en milieu de travail comme la francisation. Il y a
des entreprises qui sont prêtes à
accueillir cette personne-là. D'abord, le niveau de français requis est élevé,
hein, c'est le niveau 7, mais, quoi qu'il en soit, il y a une adaptation. Donc, on a beaucoup parlé du rôle des
entreprises pour offrir la francisation en milieu de travail. Donc, vous, je vous amène là-dessus parce
que c'est un nouveau système, hein, on n'est plus dans premier arrivé, premier servi, bon, on essaie d'amener des gens en
région, mais on ne sait pas quels sont les besoins du marché du travail
dans ces régions, c'est là que c'est difficile pour les organismes
communautaires. Alors...
M. Lehoux
(Richard) : Effectivement.
Mais, pour bien identifier ces besoins-là, je pense que le meilleur...
le palier le plus propice, c'est vraiment
la MRC, parce que, pour l'ensemble des petites municipalités dans les milieux
ruraux, je pense que c'est très pertinent, le point de chute, là, qui est la
MRC, où on le fait déjà, parce que moi, je connais plusieurs MRC qui font déjà ce
travail-là de concertation, de rassembler les partenaires, d'établir les
besoins pour chacun des milieux en
lien avec les entreprises, parce que les élus municipaux
sont en lien avec les entreprises dans leur milieu, et c'est pour ça qu'on est capable encore mieux, là... On
est vraiment la place où est-ce qu'on peut rassembler l'ensemble des
intervenants pour faciliter, en fin de compte, là, la réflexion.
Mme Weil : O.K. Donc, dans ce
nouveau système...
M. Lehoux (Richard) : On est tout à
fait partants.
Mme Weil :
...vous verriez un rôle pour vous en amont, justement, qui nous amène aussi toute
la question... Donc là, évidemment, ce serait de répondre aux besoins.
Il y a une
mobilisation à faire aussi du milieu pour que... On parlait des milieux de
travail, justement. Ce n'est pas
toujours facile, je le sais, je vais en région, je parle avec les entreprises,
la diversité amène aussi certains défis, par ailleurs, mais, si on veut retenir les gens... Alors, je pense, c'était
la FTQ qui avait fait un commentaire — oui, c'est la FTQ : dans des milieux de travail, ça appartient à tout le monde un
peu, dans un milieu de travail, aussi d'assurer que le milieu est
accueillant, pour les retenir. Donc, ça prend toute la communauté ensemble à
travailler. Donc, ça, nous, on voit ça beaucoup.
Puis, dans la
politique qui s'en vient, il y aura des dimensions, des stratégies d'action qui
vont toucher cet élément-là, parce qu'on en a parlé en consultations au
début de l'année dernière, on amène cette stratégie d'action, et ça fait le tour, donc, avant, pendant, après. La
mobilisation des milieux, moi, je perçois que vous avez un rôle très important
à jouer dans ça.
Des projets
pilotes, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de réfléchir à ça, on avait
vraiment en tête les régions quand on
pensait aux projets pilotes, des fois il y a des besoins, ou des visions, ou un
objectif qu'une région pourrait avoir et
que l'immigration... — et c'est une innovation en immigration — de voir si vous aviez réfléchi là-dessus.
Qu'est-ce que ça vous dit, ces projets pilotes?
M. Lehoux
(Richard) : Je pense que, Mme la ministre, il y a beaucoup d'ouverture
à ce genre de projet pilote là par
territoire de MRC. Il y a déjà des MRC, je suis convaincu, qu'on n'a pas un
gros signal à faire, qui sont prêtes à lever la main, dire : Oui, on est partants, parce qu'ils ont déjà fait quand
même une partie, en amont, du travail de concertation dans le milieu, d'aller voir avec les entreprises c'est
quoi, les besoins réels. Je pense qu'on serait en mesure de vous fournir
sûrement, là, des MRC, là, qui pourraient agir, là, à titre, là, de... dans le
genre de projet pilote que vous voulez, là, mettre de l'avant.
Je pense que,
le territoire de MRC, d'autant plus que je l'ai mentionné durant ma
présentation, le développement économique local et régional a été ramené
aux territoires des MRC, là, avec les nouvelles orientations, là, depuis la
nouvelle entente de partenariat avec les municipalités et le gouvernement du
Québec. Je pense que le point de chute, c'est
vraiment la MRC, ça se développe là. Il y a des déjà des MRC au Québec... je ne
vous dirais peut-être pas les 87, là, en région, qui sont prêtes à embarquer dans un projet pilote, mais il y en
a sûrement plusieurs, là, qui auraient de l'intérêt fortement à adhérer
à ce genre de projet là.
Mme Weil : Très
bien, merci. Je vais céder la parole à la députée de Fabre, avec votre
permission, M. le Président.
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée de Fabre.
Mme Sauvé :
M. le Président. M. Lehoux, bonjour. Merci pour votre présence.
Écoutez, je trouvais
intéressants vos propos, et il y a un aspect sur lequel je souhaiterais vous
entendre. Évidemment, ça a été clairement
exprimé, le rôle que vous souhaitez jouer et l'importance de la
régionalisation, mais qui dit régionalisation
dit évidemment travail de partenariat avec les acteurs du terrain, qui déjà ont
des mandats et des actions très
concrètes dans tout le dossier de l'immigration. Alors, je voulais vous
entendre un petit peu sur votre vision partenariale sur le terrain. On a parlé des conseils régionaux
des partenaires du marché du travail, mais il y en a bien d'autres.
Alors, si vous jouez un rôle et que vous
voulez cette reconnaissance d'un rôle précis, comment vous allez travailler et
tisser des liens avec les autres acteurs qui déjà agissent sur le
terrain?
• (12 h 40) •
M. Lehoux
(Richard) : Je vous dirais, Mme la députée, c'est clair que dans
plusieurs MRC au Québec actuellement ce
genre de relation là entre les différents partenaires est déjà... ça se fait
déjà. Je pense que, quand même, les
MRC existent depuis quand même au-delà d'une trentaine d'années, le
développement s'est fait, de nos MRC, en lien avec l'ensemble des
partenaires du milieu.
Je
pense qu'il y a un lieu propice là pour... avec les partenaires du marché du
travail. Oui, on les côtoie. Comme moi,
dans ma région... Je ne sais pas si
c'est dans toutes les régions pareil, mais je pense que c'est peut-être... encore là, comme je le répétais, il ne faut pas penser à faire
du mur-à-mur à l'intérieur, y aller selon l'intérêt, le besoin et puis l'intention, là, réels, là, de travailler dans cet
objectif-là, mais plusieurs régions, plusieurs MRC au Québec sont prêtes
à aller dans ce sens-là. Ils le font déjà.
Moi, je regarde dans
ma région. Personnellement, moi, chez nous, on a déjà, là, une très bonne
collaboration avec les gens, là, du marché
du travail, les gens de l'éducation, les commissions scolaires et, au niveau de
l'ensemble du territoire, les
différents ministères concernés, que ce soit Emploi-Québec ou peu importe. Nos
centres locaux de développement,
appelons-les... ils ont changé de nom, mais on a quand même, là... le
développement économique relève de chacune
de nos MRC. Tout cet aspect-là de développement économique, la MRC est vraiment
le point de chute, actuellement, et
je reste convaincu... Je ne dis pas que dans une région, on va parler de région
administrative, il n'y aurait pas...
parce que, là, il y a des tables régionales qui sont en train de s'installer un
peu partout, dans l'ensemble des régions du Québec, mais la base, c'est la MRC. Puis, si trois, quatre MRC décident
de travailler ensemble pour susciter, en fin de compte, là, une meilleure cohésion, bien... Je pense qu'il y a déjà, là,
des réflexions qui sont en route, actuellement, là, dans différentes
régions du Québec, là.
Mme Sauvé :
Je vous remercie pour votre réponse. Merci.
M. Lehoux
(Richard) : Ça me fait plaisir.
Le Président (M.
Picard) : Il reste trois minutes.
Mme
Weil : Oui. Question... Le taux de régionalisation s'est accru
ces dernières années, il y a plus de gens qui s'installent en région, le
taux de rétention s'est amélioré aussi. C'est sûr qu'avec le nouveau système il
va falloir accompagner, oui, les besoins du
marché puis la sélection par des mesures d'attraction quand même aussi, hein,
pour attirer des gens. Ils ont les
compétences, on sait que les besoins sont là, mais vous, vous êtes en
compétition, les MRC peuvent être en compétition avec d'autres, et
chacun va vouloir que les gens s'installent dans leur MRC.
Avez-vous
des idées de stratégie ou des stratégies qui ont bien fonctionné? Moi, j'en ai
vu, des campagnes un peu de séduction, quand on va sur l'Internet. J'ai même
parlé avec des immigrants qui m'ont dit qu'ils ont été justement séduits puis
qu'ils ont choisi une région à cause de ce qu'ils ont vu.
Et ce n'est pas tout
le monde qui veut s'installer en ville, bien au contraire.
M. Lehoux
(Richard) : Tout à fait.
Mme
Weil : Il y a des gens qui ont grandi dans d'autres milieux et
ils veulent choisir un milieu qui ressemble à leur milieu d'origine.
Alors,
je ne sais pas si vous avez une réflexion là-dessus, parce que c'est important
qu'on en tienne compte dans ce nouveau
système de déclaration d'intérêt, qui est bien plus qu'une stratégie... qu'un
mécanisme, hein, il y a une vision derrière ce mécanisme pour que ça
fonctionne. Je ne sais pas si vous...
M.
Lehoux (Richard) : Personnellement, moi, je pense qu'il y a un aspect
très important dans ce que vous venez de mentionner, Mme la ministre,
parce que... pour l'avoir vécu, avoir été faire de la sollicitation pour une
situation particulière, les médecins. Les
médecins, en région, c'est intéressant qu'on puisse en avoir. On a travaillé
très fort, on a fait de la
sollicitation, une médecin égyptienne qui est arrivée chez nous et qui s'est
très bien intégrée parce que, lorsqu'elle est venue, moi, la première remarque qu'elle m'a faite, bien elle
dit : Le paysage, le décor, ça ressemble à chez nous, et puis je pense que je vais, là, aimer votre coin de
pays rapidement. Lorsqu'on prend les gens, là, puis qu'on va les
chercher, on les amène faire un tour en région, la plupart du temps, là, il y a
un coup de coeur qui se fait à ce moment-là, là, pour que les gens, là...
Entre les territoires de
MRC, est-ce qu'il y a... quelle forme de compétition... C'est pour ça que, je
vous dis, il y a cette nuance, là, qu'il
faut faire. Il faut vraiment y aller non dans le mur-à-mur mais de laisser le
milieu, lorsque les gens sont prêts à
aller de l'avant, à cette concertation qu'ils ont pu monter, parce que, si on
veut que nos nouveaux arrivants, nos
nouveaux immigrants s'intègrent rapidement, bien il faut déjà, avant que ces
gens-là arrivent, que l'organisation soit prête, que l'ensemble des
partenaires aient eu, là, des échanges pour bien planifier leur arrivée, leur
intégration. Vous mentionniez l'importance aussi de certains éléments, là, qui
vont améliorer la qualité de vie de ces gens-là, parce que, oui, des fois, en région, on va penser qu'il n'y a peut-être pas
toutes, là, les facilités, les opportunités, mais je crois que, lorsqu'on s'y attarde, on est capable de
trouver des fois d'autres éléments qui vont venir compenser. C'est pour
ça que moi, je laisse à chaque milieu, à chaque MRC, à chaque région de trouver
l'élément pour lequel il va être le...
Mme Weil : De faire la grande
séduction, c'est ça?
M. Lehoux
(Richard) : La grande séduction, la grande séduction, on va l'appeler
comme ça, vous avez raison, Mme la ministre.
Mme Weil : Très bien. Merci
beaucoup.
Le Président (M. Picard) : Je
cède la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto : Merci, M. le
Président. Alors, madame messieurs, soyez les bienvenus.
Il y a un défi important auquel que nous sommes
tous, collectivement, confrontés aujourd'hui en regard de la capacité de Montréal à attirer et à capter plus ou
moins 80 % d'immigration annuellement, et il nous importe de sortir
les nouveaux arrivants de la grande région
de Montréal pour les inciter à s'installer en région, car, à l'évidence, les
régions sont des incubateurs culturels et
linguistiques sans égal, on en convient tous. Et, le constat ayant été fait sur
des enjeux portant sur le vieillissement, sur le vieillissement de la
population, évidemment, sur l'exode des jeunes et la pénurie de la main-d'oeuvre, selon vous, la réponse
adéquate du gouvernement était-elle à l'effet de sous-financer le
programme de régionalisation?
M. Lehoux
(Richard) : Bien, M. le député, c'est sûr que vous soulevez un point qui est très important
parce que, lorsqu'on veut bien
intégrer, on a l'ensemble des partenaires qui sont autour de la table, là,
dans l'accueil de ces nouveaux arrivants
là, ces immigrants-là, c'est clair que ça prend des sous pour soutenir, en fin de compte, les milieux. Parce
que, les gens, actuellement, on a plusieurs organisations dans plusieurs régions qui sont
supportées à bout de bras par les milieux, par différentes actions que
les gens font. Ils font des soupers spaghetti pour ramasser des fonds pour être
capables de soutenir, pour que... lorsque
les nouveaux arrivants apparaissent en région, pour être capables de faciliter
leur intégration.
C'est sûr que
la régionalisation de l'immigration, pour nous, ça passe aussi par les moyens
financiers, on ne se le cache pas,
c'est très clair. Nous, on croit qu'avec un support financier... Des fois, ça
ne prend pas des montants astronomiques, pour répondre à des besoins, pour soutenir des milieux qui se prennent
en main puis qui veulent être accueillants pour les immigrants, mais, à un moment donné, ces gens-là
sont à bout de souffle. On travaille ensemble avec le milieu municipal, mais, à
un moment donné, on n'est pas, nous
non plus, capables de répondre à tous leurs besoins. Et c'est la raison
pour laquelle on dit : Quand on pense à
la régionalisation de l'immigration, pour nous, il y a l'aspect aussi de la
régionalisation des budgets qui viennent avec toute cette notion d'intégration
d'immigrant là. Je pense que ça, c'est un facteur qu'il faut vraiment,
là, mettre au premier plan, quand on parle de faire de la régionalisation,
qu'on ait les soutiens financiers qui
puissent aider, en fin de compte, l'ensemble, là, des milieux à être le plus
accueillants possible. Ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas d'intérêt, au
contraire, mais un petit coup de pouce, là, fait souvent toute la différence.
M. Kotto : Vous comprenez que c'est votre commentaire sur l'absence du volet régionalisation de l'immigration dans ce projet
de loi qui a amené ma question,
parce qu'à l'évidence, sans prêter quelque intention que ce soit à la
ministre, soit c'est un oubli, soit c'est un
désintérêt, une des deux choses. Mais je suis bien content de l'avoir validé,
votre commentaire, et s'engager à corriger cela.
Il y a une autre question qui me préoccupe, je
vous la pose et puis je m'arrêterai là, M. le Président : De votre
perspective des choses, est-ce qu'il aurait été de bon ton d'avoir l'énoncé de politique
général de l'immigration avant même d'étudier un projet de loi à cet effet-là? Est-ce que
la politique, en fait, d'orientation générale aurait pu nous éclairer sur les intentions réelles du gouvernement? Elle existe, elle est là, mais elle n'est pas encore déposée. Donc,
partant du prisme de cette politique
générale, nous aurions été éclairés sur différents aspects obscurs de ce projet de loi, qui repose notamment sur des pouvoirs discrétionnaires importants
que la ministre, en l'occurrence, aurait.
• (12 h 50) •
M.
Lehoux (Richard) : Je
comprends très bien votre questionnement, et c'est probablement la raison pour
laquelle nous, on a répété je ne sais pas à combien de reprises dans le mémoire
l'aspect régionalisation. Je pense que j'ai bien entendu la ministre, tout à
l'heure, dire que, pour elle, c'était
très important et... Est-ce qu'on le verra ajouté à quelque part dans la loi actuellement, dans le projet de loi? Moi, je le souhaite ardemment parce
que, si on veut atteindre l'objectif, je pense, dans la régionalisation, il faut déjà l'inscrire à l'intérieur du
projet de loi. Par la suite, oui, il y a la politique qui va venir, mais
il y a un élément qui est très important, c'est que, s'il y a un projet de loi
puis on ne mentionne pas le mot «régionalisation»,
on a un peu de difficultés, là, par la suite. Je pense que ce qui va se décliner dans la politique
et puis qui viendra, là, après le projet de loi pour... vraiment, là, dans l'opérationnel, les actions qui
pourront être portées, s'il n'y a pas un signal, qu'il y a le mot
«régionalisation» à quelque part, on craint que ça soit délaissé. C'est la raison
pour laquelle la FQM, dans son mémoire, a répété souvent le mot
«région».
M. Kotto :
Merci beaucoup. Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Maintenant, Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Bonjour, madame messieurs. Merci. Merci pour
votre mémoire, merci de votre présence.
La
Fédération québécoise des
municipalités, alors, ce sont les
municipalités du Québec, les régions. J'en suis, je suis née en Gaspésie, grandi dans le Bas-Saint-Laurent puis en Estrie. Et, quand vous nous dites... à la page 6 de votre
mémoire vous nous parlez des régions, vous
savez, vos propos me rejoignent totalement. Les régions sont des endroits magnifiques
et aussi — on
parle ici d'immigration et de francisation — des endroits pour assurer la
pérennité de la langue française. Ça, je
pense, c'est important de le rappeler et, je dirais même, c'est le gros bon
sens. On va dans les régions : la langue française, elle n'est pas en péril. Donc, c'est l'endroit idéal pour
l'enseigner aussi, la montrer à nos immigrants, pour qu'ils s'intègrent
et deviennent Québécois, Québécoises comme nous tous.
Et
vous dites à la page 6 — il
y a un paragraphe ici que j'aimerais
lire pour les gens qui nous écoutent : «Les régions sont faites de communautés accueillantes. Ces
milieux peuvent jouer un rôle important en regard de la décentralisation
de l'immigration et, incidemment, en regard d'une occupation dynamique et
vitalisée du territoire québécois.
«Ainsi,
la [fédération] recommande que la notion de contribution à la vitalité des
territoires et la volonté gouvernementale de décentraliser l'immigration
fassent partie intégrante de ce projet de loi.»
Je
suis tout à fait d'accord avec vous, je vais vous soutenir à cet
égard-là. On pense que c'est le gros
bon sens, tout le monde au Québec est d'accord là-dessus, là. De grâce,
ayons des immigrants un peu partout, intégrons-les, montrons-leur notre belle
langue et nos valeurs, puis on aura un Québec plus riche.
Vous
parliez de la Beauce. Là, ça m'a vraiment interpellée parce que nous avions, vous le
savez, M. le Président, des
élections partielles récemment, il y a quelques mois, alors je suis allée là,
comme tout le monde ici, on est allés rencontrer
les gens, et ce qui m'a impressionnée, à la sortie d'une épicerie, les gens que
j'ai rencontrés : un homme de la Grande-Bretagne
qui parlait le français, naturellement, le français, un Africain, tous des immigrants
qui étaient arrivés en Beauce pour y travailler. La Beauce, on le sait,
c'est le royaume des entrepreneurs, de l'entrepreneuriat.
Alors,
quand vous nous dites — et
là j'arrive à vous : Il y a un manque de coordination des différentes
instances, entre autres à l'égard de la francisation, il faut envoyer nos
gens se faire franciser à Québec, à Montréal, ça n'a pas de maudit bon sens!, est-ce que vous pouvez, en Beauce, on va
parler pour la Beauce, là... est-ce que vous pouvez nous dire dans quelle mesure la Beauce aurait perdu des
nouveaux arrivants, des immigrants dont elle a besoin? Parce que c'est quand même, au niveau de la main-d'oeuvre,
un besoin qui est criant. Avez-vous une idée de ce qu'on a perdu puis une idée
des besoins aussi?
M.
Lehoux (Richard) : Je ne
pourrais peut-être pas, Mme
la députée, vous quantifier, là, le
nombre de personnes, mais c'est sûr que c'est une problématique que l'on
a vécue, qui est très, très pertinente, parce que, quand on pense à l'accueil de ces nouveaux immigrants là, la
francisation, nous, ce n'est quand
même pas si mal, si je peux me
permettre, on est à 35 minutes de la tête des ponts, ça fait que de venir
à Québec pour la francisation... mais, quand on pense aux gens du secteur de Saint-Georges, c'est clair que c'est beaucoup
plus compliqué. Ça fait qu'il y a probablement
des personnes qui ont décidé de se trouver
d'autre chose ailleurs, parce que de voyager, là, à Québec, de un, avec la difficulté
des moyens de transport que l'on connaît,
c'est certain que ça a peut-être, là, freiné certaines personnes au niveau
de l'intégration.
Mais vous en avez
rencontré, puis on peut en nommer plusieurs. Je pense que ce n'est pas la
volonté du milieu... Chez nous, on l'a
regardé régulièrement avec le milieu scolaire, avec la commission scolaire, on a travaillé en partenariat de façon importante, et le problème, là, c'était plus une question de financement qu'autre chose, parce
que ce n'est pas que la commission
ne voulait pas offrir le service, mais elle voulait avoir un soutien aussi
financier pour accompagner, là, la démarche de francisation.
Je
pense que l'ensemble des partenaires sur le terrain se concertent très bien,
mais, comme je le mentionnais, puis à défaut
de me répéter, je pense que le petit coup de pouce que ça nous prendrait au niveau
soutien financier, dans l'ensemble des
milieux où est-ce qu'il y a un grand intérêt pour accueillir des immigrants,
ferait toute la différence, parce que je pense qu'on
ne peut pas s'imaginer que les... La francisation, là, dans nos milieux, elle
se fait quand même de façon... très, très bien. Moi, j'ai plusieurs personnes, là, de l'Amérique
latine qui sont dans ma MRC puis j'en ai dans ma municipalité. J'ai même
une personne, là, qui est en train d'offrir des cours d'espagnol, à un moment
donné, là, parce que son français est très
bon, ça fait qu'elle est capable d'aller sur cet aspect-là. Ça fait que vous voyez quel genre de dynamique
qu'on peut développer dans nos petites communautés, là, qui sont... Je ne pense
pas que ces gens-là sont prêts à repartir demain matin, au contraire.
Mme
Roy
(Montarville) : M. le Président, oui, ce sont des
milieux riches, et on s'enrichit, l'immigration, là, vous nous en faites la démonstration à cet égard-là.
D'ailleurs, les gens que j'ai rencontrés, dans un si court laps de temps,
tous, les nouveaux arrivants, des immigrants, semblaient très, très heureux,
d'ailleurs, de leur sort.
Donc,
on sait que c'est un endroit dynamique — là, je suis toujours en Beauce,
naturellement — parce
que c'est...
M. Lehoux (Richard) : ...qui sont
capables d'accueillir...
Mme Roy
(Montarville) :
Tout à fait. C'est pour ça que je vous le disais d'entrée de jeu, là, j'en
suis, là. Le Bas-Saint-Laurent, Rimouski,
Estrie, Sherbrooke, c'est tous des endroits que je connais et où l'immigration
se fait d'une belle façon, avec douceur, avec les bras ouverts et...
Mais ce sont
les ressources, on y revient. Est-ce que vous avez vu, au fil des années, les
ressources se dégrader ou les moyens
diminuer? Est-ce que ça a toujours été comme ça ou est-ce qu'il y a eu une
perte de ressources?
M. Lehoux
(Richard) : Je vous dirais, pour moi, là, l'expérience que j'en ai
vécue dans mon coin, c'est peut-être,
là... il y a une stagnation, peut-être une petite diminution, parce qu'on
supporte, là, puis on est en demande, là, on se fait demander
régulièrement, dans le monde municipal actuellement, de soutenir nos organismes
parce qu'il y a des besoins qui sont
importants, et puis la difficulté, là, d'arrimer, là, les budgets... Parce que,
oui, il y a des organismes qui sont dédiés
à aller faire la prospection, et tout ça, qui arrivent puis qui sont là pour
soutenir nos communautés dans l'intégration des immigrants, mais le
partage de ces sommes d'argent là peut-être, là, ou d'en ajouter un petit peu
ferait toute la différence parce que, quand
on parle... Vraiment, le recrutement, c'est une chose, la concertation du
milieu, c'en est une, mais, quand on
vient pour soutenir financièrement, là, quotidiennement l'intégration de ces
gens-là dans la communauté, ça prendrait un petit coup de pouce
additionnel.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Il reste 30 secondes.
Mme Roy
(Montarville) : Rapidement, page 5, vous nous parlez de
l'accueil des réfugiés syriens, vous nous dites : Ça ne pourra se faire avant plusieurs mois.
Qu'est-ce qui manque? À la page 5, vous nous dites : «Ainsi, la
régionalisation de l'accueil des réfugiés ne pourra se faire avant plusieurs
mois.» Là, vous m'inquiétez.
M. Lehoux (Richard) : Bien, c'est
juste une question, là... beaucoup plus une question financière qu'une
question, là, de...
Une voix : ...
M. Lehoux
(Richard) : Effectivement. C'est une question financière, tout
simplement. Parce que les gens ont dit : On est bien prêts à en
recevoir, mais c'est... Il y en a même... À un moment donné, il y a des coûts
importants à supporter, puis on aurait besoin d'un coup de pouce.
Le Président (M. Picard) : Je
vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.
Et je suspends les travaux jusqu'à
14 heures, où la commission poursuivra son mandat.
Une voix : ...
Le Président (M. Picard) :
Oui, on peut laisser les choses ici, oui.
(Suspension de la séance à 12 h 58)
(Reprise à 14 h 5)
Le
Président (M. Picard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La commission reprend ses travaux. Je demande à toutes
les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires.
Cet après-midi,
nous entendrons l'Union des
municipalités du Québec,
Mme Michèle Vatz-Laaroussi — peut-être
que la prononciation va être à parfaire — et le Regroupement des
organismes en francisation du Québec.
Comme nous
avons quelques minutes de retard, je demande le consentement pour poursuivre
au-delà de l'heure prévue. Consentement, comme d'habitude.
Je souhaite
la bienvenue à l'Union des municipalités du Québec. Je vous invite à vous
présenter, et vous disposez de
10 minutes pour faire votre exposé, par la suite va s'ensuivre un échange
avec les parlementaires. À vous la parole.
Union des municipalités
du Québec (UMQ)
M. Cusson
(Alexandre) : Merci beaucoup. Alors, Mme la ministre, M. le Président
de la commission, Mmes et MM. les députés. Je me présente : Je suis
Alexandre Cusson, deuxième vice-président du conseil d'administration de
l'Union des municipalités du Québec et maire de Drummondville. Je suis
accompagné par Mme Sylvie Pigeon, qui est conseillère aux politiques à
l'UMQ.
Alors, avant
d'entrer dans le vif du sujet, vous me permettrez de vous rappeler que l'UMQ
représente depuis près de 100 ans
maintenant les municipalités de toutes les tailles dans toutes les régions du
Québec. Sa mission est d'exercer à l'échelle
nationale un leadership pour des gouvernements de proximité efficaces et
autonomes. Ses membres représentent 80 % de la population et
80 % du territoire du Québec.
Les municipalités sont au coeur des défis de
société à venir, notamment en ce qui concerne l'intégration des immigrants, la cohésion sociale et le
vivre-ensemble. Comme l'union l'indiquait dans son livre blanc municipal
L'avenir a un lieu, la cohésion sociale sera un enjeu plus important
à l'avenir en raison d'une diversité croissante tant générationnelle que
culturelle de la société québécoise.
D'abord, sur le rôle des municipalités en
matière d'immigration, l'UMQ accueille favorablement le projet de loi n° 77 et souhaite participer à la
réussite de la nouvelle politique québécoise en matière d'immigration, de
diversité et d'inclusion. D'ailleurs, l'UMQ a déjà prévu une formation
intitulée Immigration et diversité culturelle : pour mieux vivre
ensemble, elle sera offerte à nos membres en juin prochain. Son objectif
est de donner aux élus municipaux les outils afin qu'ils puissent mieux
comprendre les enjeux liés à l'immigration et à la diversité ethnoculturelle
dans la gestion municipale.
L'UMQ croit
que les municipalités peuvent exercer un leadership important dans leur milieu
de différentes façons, je vais en
souligner quatre : d'abord, en favorisant les échanges et le dialogue
entre les différents acteurs sur leur territoire afin d'identifier les besoins des nouveaux arrivants; en soutenant les
organismes communautaires qui oeuvrent sur leur terrain; en servant de
modèle par leurs politiques d'embauche qui favorisent la diversité culturelle
au sein de leur fonction publique; en sensibilisant la population au respect
des différences culturelles et en luttant contre les préjugés et le racisme. D'ailleurs, il y a plusieurs
municipalités qui ont déjà adopté des politiques d'immigration et de gestion
de la diversité ethnoculturelle adaptées à leurs réalités locales.
Les
municipalités qui s'engagent dans cette démarche doivent pouvoir compter sur le
soutien et l'accompagnement du
ministère de l'Immigration, de la Diversité et de l'Inclusion — vous me permettrez de le désigner par son
acronyme, MIDI, pour la suite de ma
présentation. Nous avons toutefois constaté une baisse significative des sommes
dédiées aux municipalités dans les derniers budgets de ce ministère, et
il y a plusieurs municipalités qui ont été consultées dans le cadre de la rédaction de ce mémoire qui nous ont
souligné, qui nous ont rappelé ce constat par rapport au
désinvestissement de la part du MIDI. Donc,
en 2014‑2015, c'était une somme de 2,1 millions qui avait été transférée
aux municipalités, alors qu'en 2015‑2016
ce montant a été réduit de moitié. Il s'élève maintenant à 980 000 $,
ce qui est, pour nous, nettement insuffisant.
Actuellement, plusieurs des ententes spécifiques
en matière d'immigration qui ont été conclues avec le MIDI arrivent à échéance. De plus, les conférences
régionales des élus, les CRE, qui avaient, elles aussi, conclu des
ententes spécifiques en matière
d'immigration, ont été abolies. Le MIDI a également réorganisé ses services et
fermé ses directions générales qui
avaient un lien direct avec les municipalités. Bref, on considère qu'on en est
arrivés à une étape charnière qui va nous permettre de redéfinir les
rôles de chacun. Alors, l'UMQ souhaite que le projet de loi n° 77 et la
nouvelle politique en matière d'immigration,
de diversité et d'inclusion soient les prémisses à une nouvelle approche
partenariale avec les municipalités et qui
soit basée sur le principe de subsidiarité. Pour nos membres, il est clair que
les nouvelles ententes de partenariat avec les municipalités devraient
être d'une plus longue durée. Cela permettrait une meilleure planification mais
aussi plus de temps pour la mise en place d'actions structurantes.
• (14 h 10) •
Le projet
de loi n° 77 propose de revoir
la sélection des immigrants afin de tenir compte davantage des besoins
de main-d'oeuvre des régions. L'UMQ accueille favorablement cette
orientation. D'après notre compréhension, le MIDI tiendra compte des
plans régionaux en matière de main-d'oeuvre et d'emploi qui seront réalisés lorsque
le projet de loi n° 70 aura été adopté.
L'UMQ, par ailleurs, s'interroge sur la façon
dont l'intensification de la régionalisation sera mise en oeuvre dans un contexte où les directions régionales du
MIDI ont été abolies, ainsi que les CRE. Toutes deux jouaient un rôle important dans la planification régionale de
l'immigration. Alors, comment le milieu municipal sera-t-il mis à
contribution? Quels seront les moyens financiers qui seront mis à sa disposition?
D'autre part, l'UMQ souhaite attirer votre
attention sur les besoins de modulation de certains critères retenus pour les services offerts aux immigrants. On va
parler, par exemple, de la question des cours de francisation, il
existe un minimum de 15 personnes avant d'ouvrir une classe. Or,
dans certaines régions où il y a moins de population, moins d'immigration, il peut se passer plusieurs
mois avant que ce nombre de 15 soit atteint. Ça cause un certain problème et particulièrement ça retarde la
francisation de nombreux immigrants, ça retarde donc par le fait même leur
intégration sur le marché du travail.
Et très souvent, lorsque ces retards-là sont observés, les gens se
découragent, retournent dans les grandes villes et quittent les régions
ou les villes de taille moyenne.
Il reste
aussi beaucoup de sensibilisation à faire auprès des employeurs
afin de les encourager à embaucher des personnes
immigrantes. De plus, la question de la reconnaissance des diplômes et de
l'expérience acquise dans le pays d'origine demeure un obstacle
important pour de nombreux immigrants.
Par ailleurs, toujours dans un souci de
régionalisation de l'immigration, l'UMQ porte à votre attention que l'automne dernier, lorsqu'il y a eu des discussions sur l'accueil de réfugiés syriens, il y
a plusieurs municipalités qui nous ont
fait part de leurs demandes qui mentionnaient qu'elles n'étaient pas inscrites
sur la liste officielle du MIDI. Or, ces municipalités auraient souhaité collaborer à cet accueil mais n'en ont
pas eu la possibilité. Alors, afin de mieux répartir les efforts de chacun pour l'accueil des réfugiés, il
serait nécessaire, selon nous, d'offrir la possibilité aux municipalités
qui le désirent et qui ont des organismes dédiés à l'accueil d'immigrants sur
leur territoire de s'inscrire sur cette liste.
En conclusion, l'accueil et l'intégration
réussis des personnes immigrantes demandent des efforts constants et soutenus. Les municipalités sont prêtes à agir
pour une intégration réussie et harmonieuse des nouveaux immigrants sur leurs territoires, d'ailleurs plusieurs le font
déjà. Toutefois, il faut s'assurer qu'elles aient les ressources et les
moyens de le faire de façon optimale. Or,
plusieurs des municipalités — je le mentionnais tout à l'heure — consultées dans le cadre de la
rédaction de ce mémoire nous ont mentionné que le MIDI se désengageait
financièrement et qu'il était actuellement difficile
de conclure de nouvelles ententes de partenariat. Par exemple, chez nous, à
Drummondville, la dernière entente est
échue depuis 2012, donc bientôt quatre ans. L'UMQ souhaite que l'adoption de la
nouvelle loi sur l'immigration et de la nouvelle politique sur l'immigration, la
diversité et l'inclusion donne un nouveau souffle aux relations que les
municipalités entretiennent avec le MIDI pour bâtir des milieux de vie
accueillants et inclusifs.
Dans ce
contexte, l'UMQ y va de six recommandations : d'abord, que le principe de
subsidiarité soit appliqué dans la
nouvelle approche partenariale avec les municipalités et que celles-ci soient
formellement consultées avant d'en définir
les termes; que les nouvelles ententes de partenariat entre les municipalités
et le MIDI soient modulées en fonction des spécificités locales et des
besoins des personnes immigrantes et qu'elles aient une durée minimale de trois
ans; troisièmement, que le MIDI rétablisse
les sommes auxquelles les municipalités avaient auparavant accès pour la
conclusion d'ententes spécifiques en matière d'immigration; quatrième
recommandation, que les municipalités soient consultées lors de la planification régionale de l'immigration afin de tenir compte
de leur réelle capacité d'accueil et d'intégration sur le plan des emplois, des services, des
infrastructures, du logement et du transport; cinquième recommandation, que le
MIDI poursuive ses actions de
sensibilisation auprès des employeurs et facilite la reconnaissance des
diplômes et des acquis pour les personnes immigrantes; et finalement,
sixième recommandation, que les municipalités qui désirent accueillir des
personnes réfugiées soient incluses à la liste actuelle des municipalités
désignées à cet effet.
Alors, Mme la
ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés, c'est l'essentiel de la
réflexion de l'UMQ à l'égard de ce
projet de loi. Je vous remercie évidemment de votre invitation, de votre
attention, et c'est avec plaisir que je vais répondre à vos questions.
Merci.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Cusson. Nous allons débuter nos échanges avec Mme la ministre.
Mme Weil :
Oui. Bonjour, M. Cusson,
Mme Pigeon. D'abord, ce qu'on me dit, ceux qui sont plus des
experts dans le pacte fiscal, c'est vraiment
des argents qui ont bougé. Donc, le ministère
de l'Immigration, l'argent a gravité pour financer le pacte fiscal.
Pour ce qui
est Mobilisation-Diversité, vous le savez peut-être, les négociations ont été suspendues juste avant le temps des fêtes et ont
repris. Donc, c'est très, très bientôt que tout ça va être finalisé, ces
ententes-là.
M. Cusson (Alexandre) : On le
souhaite.
Mme Weil : Oui, oui, oui. Par ailleurs, d'ailleurs, votre vision, c'est ma vision, c'est notre vision, honnêtement.
Il faut dire que le mot... Parce que
ça a été évoqué aussi par la Fédération
des municipalités du Québec, c'est tout le lexique de régionalisation, la façon qu'on voit ça, que moi,
je vois beaucoup ça, puis c'est beaucoup suite à la consultation sur la politique, il faut rendre ça plus dynamique dans
le sens que c'est des gens qui vont en région parce qu'il y a des
emplois, il y a de l'activité, ils vont
contribuer au développement des régions, alors que par le passé on parlait
souvent d'aller installer les gens en région, il manquait ce bout de
connexion avec les acteurs économiques de la région, les élus. Donc, on a
beaucoup parlé de ça aussi avec la Fédération des municipalités du Québec.
Donc, dans ce
nouveau projet de loi, cette nouvelle vision, c'est vraiment d'avoir un système
d'immigration qui répond en temps
réel aux besoins, les besoins du marché du travail du Québec et, évidemment, de
ses régions. On nous a recommandé de trouver... C'est sûr qu'à chaque
fois qu'on parle du Québec c'est tout le Québec.
Alors, vous
parlez du rôle que vous pourriez jouer. Ça, c'est très intéressant, en tout cas
pour moi, d'entendre votre vision des
choses. Aussi, vous faites le lien beaucoup avec les milieux dynamiques qui
font la promotion de la participation, de
l'inclusion. Tout ça, ça reflète exactement, comme vous dites, la politique,
les discussions qu'on a eues. Là, il s'agit d'opérationnaliser tout ça, opérationnaliser le nouveau système de
déclaration d'intérêt, parce que finalement c'est très technique, hein, la déclaration d'intérêt. Il y a
d'autres sociétés qui ont adopté ce système-là, mais c'est tout le reste
qui est important, c'est comment on mobilise
les acteurs pour faire en sorte que ce système donne les résultats qu'on
souhaite. Donc, on a parlé avec la Commission des partenaires du marché du
travail.
J'aimerais
vous entendre, vous l'avez évoqué, mais par rapport aux besoins des régions.
C'est sûr que ça prend de l'activité économique, des entreprises.
Comment vous voyez votre rôle pour consulter votre milieu, parce qu'on voudrait
que vous soyez des partenaires autant en amont qu'en aval, hein, quand viendra
le temps d'avoir des actions comme Mobilisation-Diversité, etc., mais, plus
particulièrement dans la sélection, vos besoins et comment vous allez pouvoir
jouer ce rôle pour bien mobiliser les acteurs économiques du milieu et autres
pour identifier ces besoins?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, écoutez, d'une part, on le mentionnait, hein, on
le dit toujours, les gens qui arrivent au
Québec, ils arrivent où? Ils arrivent dans une ville, ils arrivent chez nous.
Notre intervention se fait beaucoup au niveau de l'identification des besoins, qu'on pense aux services
communautaires, tout ça. On travaille beaucoup avec les groupes qui sont mandatés par le ministère pour accueillir
ces gens-là chez nous. On veut continuer à le faire, on veut continuer de
soutenir les différentes initiatives, bon, prendre le temps d'accueillir ces
gens-là, de monopoliser, si on veut, des employés municipaux pour leur permettre d'accueillir ces gens-là. Chez nous, on
organise chaque année des cérémonies d'accueil, tout ça.
On veut être présents au niveau du marché du
travail. On citait l'exemple, par exemple, de Sept-Îles, où le maire nous disait : Moi, j'ai de l'emploi,
j'aurais des choses à proposer à ces gens-là, mais il faut simplifier les
démarches, il faut faire en sorte que les immigrants puissent venir chez nous,
puissent être informés sur ce qui se passe chez nous.
Donc, sur
l'identification des besoins, on travaille beaucoup, évidemment, avec tous les
organismes de développement économique,
on connaît nos besoins en main-d'oeuvre. Et là-dessus on peut venir soutenir de
façon importante toute la question du logement aussi, la collaboration avec les
offices municipaux d'habitation, avec les gens qui ont des logements
disponibles. C'est important d'être
au fait de ça, et les municipalités sont très, très bien placées pour jouer un
rôle important là-dedans.
Mme
Weil : C'est ça. Donc, on identifie d'ailleurs dans le projet
de loi n° 77 les autorités municipales, le rôle des autorités
municipales, parce qu'on compte vraiment se fier à cette collaboration en amont
pour identifier, comme vous dites, exactement.
C'est sûr
qu'il y a toute la question des travailleurs temporaires, vous connaissez
sûrement la réforme au niveau fédéral qui... et donc qui a causé des
problèmes, honnêtement, ici, au Québec.
M. Cusson (Alexandre) : Oui.
Clairement.
• (14 h 20) •
Mme Weil : Et on a adopté une
motion unanime à l'Assemblée nationale pour amener des modifications à ce programme-là parce qu'il vient alimenter
l'immigration permanente. Beaucoup de régions sont... on a l'écho de
plusieurs régions qui voudraient voir une révision de ce programme-là. Donc,
c'est le genre de dialogue en temps constant qu'il
faut avoir avec les acteurs régionaux, parce que c'est les acteurs régionaux
qui vont le sentir en premier lieu, donc, et c'est les entreprises qui font appel à vous. Donc, vous, vous voyez
jouer ce rôle, justement, en amont, lorsqu'on fera la consultation,
parce que c'est des gens qui vont être sélectionnés parce qu'ils ont un profil
qui répond rapidement aux besoins du marché du travail.
Ensuite, il faut faire le lien rapide entre ce
candidat et le milieu, que les gens ne passent pas par Montréal mais y aillent
directement. Donc, on parlait de ça ce matin, comment les municipalités font un
peu leur campagne de séduction par
l'Internet, et c'est vrai, ils le font, on peut aller sur l'Internet et on voit
beaucoup de villes qui vont expliquer un
peu l'attrait de leur région, donc on a eu cet échange ce matin, parce que, les
immigrants, ce n'est pas tout le monde qui veut passer par la grande ville, ils préfèrent aller dans des régions
qui ressemblent beaucoup à leur milieu de vie où ils ont grandi. Et donc
est-ce que vous voyez aussi un rôle pour vous lorsque vient le temps d'avoir ce
contact plus direct avec le candidat?
M. Cusson
(Alexandre) : Oui, tout à fait. D'ailleurs... Et je pense que c'est
important d'identifier que, là-dedans, les
municipalités, les villes au premier chef devraient intervenir, bon, dans le
recrutement, dans la vente, on est là aussi pour faire connaître notre
milieu, expliquer nos différentes politiques. Et ces politiques-là sont souvent
des politiques municipales, donc des
politiques qui relèvent des conseils municipaux, qui relèvent des villes. Or,
évidemment, dans le principe où on
veut rapprocher la décision de l'action, si on veut, et si on veut rapprocher
la décision de ce qui se passe vraiment
sur le terrain, il faut vraiment identifier les villes, les municipalités,
définir leur rôle. Et on va être au rendez-vous, c'est ce qu'on souhaite. C'est ce qu'on souhaite, je vous dirais,
vraiment de façon importante, c'est être consultés, être impliqués,
faire partie de la solution dès le départ.
Mme Weil : Bien, moi, je suis
tellement d'accord avec vous, parce qu'honnêtement je pense qu'il faut que le processus, quand on parle de régionalisation, soit
beaucoup plus dynamique, hein? C'était l'intention derrière
Mobilisation-Diversité, justement, c'était de mobiliser les milieux.
D'ailleurs, c'est ma dernière... Bien, mon premier mandat, et je suis très fière, c'est moi qui ai trouvé ce
mot-là, parce que je trouvais qu'il fallait — ce titre-là — qu'on trouve une façon de montrer que c'est une action pour mobiliser les
acteurs, parce que c'est ça qui va donner les meilleurs résultats pour
la rétention. Mais ce qui manquait, c'était le bout en amont, parce que les
milieux ne choisissent pas ou ils n'ont pas leur mot, ils n'ont pas voix au
chapitre par rapport à la sélection. Donc là, on vient boucler tout ça avec ce
projet de loi n° 77 — on est là, évidemment, pour entendre vos
commentaires et améliorer, évidemment, le projet de loi avec vos
commentaires — et
la politique, qui vont exactement dans le sens de votre introduction.
J'ai des
collègues qui ont des questions, mais j'aimerais vous amener peut-être sur les
réfugiés syriens, hein, parce que
c'est un dossier d'actualité. On a 13 villes partenaires, d'autres qui
expriment un intérêt. Donc, il y a des critères, hein, avant d'amener
des gens en région. Il faut qu'il y ait de l'emploi, du logement, un organisme
d'accueil, d'intégration, et d'ailleurs on a
des partenaires très, très solides sur le terrain; évidemment des écoles, pour
que les enfants puissent aller à
l'école; des services de santé adaptés, dépendant des besoins, il y a des
profils différents. Alors, peut-être vous
pourriez en profiter pour vous exprimer, «for the record», en bon français,
hein, pour qu'on puisse avoir vos souhaits et que je puisse l'entendre
de vive voix.
M. Cusson (Alexandre) : Bien, je
pense que ce qui est intéressant, et ça me permettra peut-être de faire un parallèle, il y a des villes qui sont identifiées,
hein, on les connaît, les 13 villes, on l'a identifié pour l'accueil des
réfugiés, et je pense qu'on pourrait le faire aussi pour les immigrants
économiques. Ce que ça nous permet de faire, hein, on se connaît, il y a 13 villes, ça nous permet de
travailler ensemble, et tout ça, et je pense que c'est probablement ce qu'il
faut développer davantage. Et c'est ce qu'on
entend de nos collègues, les gens qui accueillent, chez nous on en accueille,
des Syriens, aussi, il faut améliorer toute cette communication-là qu'on a
entre nous, cette façon de travailler ensemble, d'être informés parce que, quand on dit, par exemple, à des
municipalités : Demain, vous allez en recevoir ou dans les
prochains jours... Puis on comprend qu'on ne peut pas savoir ça deux semaines
d'avance, il y a des changements de dernière
minute. Donc, il faut facilement communiquer, travailler ensemble. Et ça, il
faut le développer, parce que
ce qu'on a vu, lorsqu'au cours de l'automne est arrivée toute la
question des réfugiés syriens, c'est qu'on avait peu travaillé ensemble,
on n'avait pas développé de réflexe de
collaboration à cet égard-là, et c'est important de le faire pour améliorer le
tout.
Bon,
je prends l'exemple de ma ville, à Drummondville, où on a déjà quelques
familles d'arrivées. Ça se passe bien,
il y a des logements, il y a de l'espace, bon, on les accueille, il y a du
travail, mais c'est quelque chose de particulier pour la communauté aussi, accueillante parce qu'il y a des gens qui se
réjouissent, qui viennent porter des choses, qui voudraient, finalement,
tout faire pour eux; il y a des gens plus réticents, il faut aussi faire face à
tout ça. Et là-dedans je pense que la collaboration, le
fait... Et nous, on le dit, le projet de loi n° 77 devrait être une
occasion pour mieux travailler ensemble, le
ministère et les villes. Et je pense qu'à partir du moment où on développera
cette habitude de mieux travailler ensemble on sera encore meilleurs la
prochaine fois qu'une situation comme celle-là va se poser.
Mme Weil :
Oui, je connais bien votre ville, honnêtement, c'est une ville tellement
dynamique! J'étais là il n'y a pas si longtemps, vous vous rappelez...
M. Cusson
(Alexandre) : Oui.
Mme
Weil : ...c'était cet été, je crois, hein, et avec l'organisme
communautaire qui dessert la ville, puis des trucs extraordinaires, et
tout le monde ensemble, et tout le monde est fier. Et vous vous démarquez
beaucoup par rapport à l'immigration humanitaire et la réussite d'intégration
en emploi par l'économie sociale, hein, justement ce modèle. Vraiment
intéressant.
M. Cusson
(Alexandre) : Oui, tout à fait.
Mme
Weil : Puis je ne sais pas si vous suivez les vols qui
arrivent, mais il y en a d'autres qui vont dans votre ville.
M. Cusson
(Alexandre) : Il y en a qui arrivent aujourd'hui.
Mme Weil :
Oui, qui arrivent aujourd'hui. Moi, je suis ça quotidiennement, là, parce qu'on
voit une grande différence avec ce que vit
Toronto, Vancouver ou Ottawa parce que justement on a ces ententes, donc, avec
des milieux qui sont déjà très organisés. C'est un atout, c'est une
force qu'on a, puis il faut vraiment miser sur cette force.
Et
je trouve ça intéressant, le parallèle entre cette expérience avec les réfugiés
syriens... Comme vous dites, il faut que ce soit, pour l'immigration
économique, ce même dynamisme, même concertation, collaboration et partage des
meilleures pratiques entre vous, entre les villes. Tout ça, je pense que ça
augure très bien pour l'avenir.
J'ai un collègue, le
député...
Le Président (M.
Picard) : De D'Arcy-McGee.
Mme Weil :
...de D'Arcy-McGee, qui voudrait vous poser quelques questions.
M.
Birnbaum : Merci, M. le Président. Et bonjour, M. Cusson et
Mme Pigeon. Je vous félicite, je trouve qu'on a devant nous un mémoire et des commentaires qui
suivent, qui voient dans les sujets qui nous touchent un enjeu, un défi
mais aussi une opportunité incontournable pour le développement, et la
pérennité, et la santé de nos régions, et c'est très intéressant de l'entendre,
et en même temps une vision qui est assortie d'un pragmatisme, que j'ai bien
entendu dans plusieurs de vos suggestions, et je vous félicite pour ça.
Vous
avez parlé du fait que l'UMQ offre ou songe offrir une formation sur la
diversité culturelle à ses membres, et tout ça. Je vous invite de nous
en parler davantage et de nous parler de ce que vous faites et ce que vous
invitez vos membres à faire pour doubler les
consultations, les interactions, les échanges avec, bon, les instances du CPMT,
régionales et sectorielles, avec les chambres de commerce, avec les syndicats
sur le terrain, avec les PME, pour voir comment ensemble vous pouvez accentuer l'offre, assurer la rétention une fois
qu'on accueille les nouveaux arrivants, parce que tout ça, c'est des enjeux aussi. Alors, je vous invite
de nous parler concrètement davantage de ce que vous faites pour faire
en sorte que l'accueil des immigrants se passe comme il faut en région ainsi
qu'en région métropolitaine.
• (14 h 30) •
M.
Cusson (Alexandre) : Parfait. Bien, merci pour votre question. Bien,
d'une part, sur la formation qui sera offerte
en juin par l'union, il y a deux objectifs principaux dans cette proposition
qu'on fait, d'ailleurs formation qui va se tenir à Drummondville, je trouve que c'est un excellent choix :
donc, d'une part, outiller les municipalités pour qu'elles puissent
assumer un rôle de premier plan en matière d'accueil, d'intégration et
d'interculturalité et proposer aux élus et à l'administration municipale des
actions concrètes, adaptées aux réalités de leur milieu.
Et là-dessus, je vous
dirais, quand on parle des pratiques, quand on parle de choses qu'il faut
faire, et on le mentionnait dans le mémoire, et je veux revenir là-dessus,
toute la question de la francisation, dans des régions où, par exemple, c'est francophone à 95 %, à
97 %, c'est certain que, si on fait attendre plusieurs mois les immigrants
qui arrivent parce qu'on veut
15 personnes dans un groupe de francisation, bien le premier risque auquel
on s'expose, c'est que ces gens-là se découragent et qu'ils s'en
aillent, qu'ils ne réussissent pas à s'intégrer, qu'ils aillent retrouver des
gens ailleurs et qu'ils se retrouvent dans
une grande ville où ils vont finalement parler... ils ne parleront même pas le
français ou l'anglais, ils vont parler leur
langue, ils vont se retrouver entre eux, et ça va rendre leur intégration
encore plus difficile.
Alors, il y a plein
de petits gestes qui doivent être posés chez nous qui apparaissent importants,
l'organisation d'activités interculturelles
pour permettre aux gens de voir un peu comment ça se passe. Mme la ministre,
tout à l'heure, faisait référence à
une action d'économie sociale qu'on fait chez nous, par exemple, où le
Regroupement interculturel de Drummond a mis en place une coopérative
qui s'appelle Goûts du monde, où les gens se retrouvent ensemble et ont, finalement, ouvert un commerce où on vend de la
nourriture de tous ces pays. Donc, ça permet aux gens, à l'ensemble de
la communauté de se procurer des mets qui sont nouveaux pour eux et ça leur
permet d'aller à la rencontre aussi des immigrants, et tout ça en collaboration
avec la commission scolaire, qui offre une formation en collaboration avec le
MAPAQ. Alors là, il y a vraiment une intégration, et il y a plein de
partenaires qui se donnent la main pour réussir.
Et ça, ce sont des actions
structurantes, ce sont des actions qui permettent de réussir, qu'on doit
inscrire dans des ententes qu'on
conclut, par exemple, entre les municipalités et le ministère.
Et c'est pour ça qu'on vous dit : Ces ententes-là, idéalement,
elles doivent être au moins de trois ans, parce que, quand on veut faire de
quoi, quand on veut que ce soit structurant, si on revient toujours... après
une année on recommence, on passe six mois à négocier, finalement c'est
terminé, etc., vous savez ce que ça donne. Alors, pour nous, ça, c'est très important
aussi.
Mais
je vous dirais que, quoi qu'on fasse, quoi qu'on pense comme activités
d'intégration, ça passe d'abord
et avant tout par la francisation en région, il faut mettre des énergies là-dessus.
Et je pense qu'on doit se questionner. On comprend, là, qu'il y a des
impératifs, là, quand on crée des groupes, et tout ça, c'est difficile de le
faire pour une ou deux personnes parce que
de toute façon ça n'a pas le même impact, mais il faut
se questionner sur la durée d'attente qui est liée au
minimum qu'on attend. Et là-dessus je pense qu'il devrait y avoir des
réflexions.
Le Président (M.
Picard) : Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M.
Kotto : Alors, M. le Président, je me mettrais en conflit
d'intérêts en posant des questions
à M. Cusson, car ma conjointe dirige une ville membre de cette union.
Donc, je saute mon tour.
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée de Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Je ne m'attendais pas à ça, je suis surprise.
Bonjour à vous deux, merci d'être là.
Je vais tout de suite
prendre la balle au bond. Vous parliez de la francisation. Merci de nous
allumer sur une problématique, je l'ignorais, j'apprends beaucoup
dans ce forum. À la page 8, vous nous parlez de la grosseur des
groupes de francisation, qui font en sorte que les délais peuvent être très
longs, dans la mesure où à certains endroits on doit attendre d'avoir 15 personnes pour partir un cours. Et, bien, là il y a
des délais, manque de professionnels, j'imagine, pour pouvoir offrir la formation... en fait pas un
manque de professionnels mais un manque de nouveaux arrivants pour
pouvoir assister, on a besoin du 15.
Donc,
quels sont les impacts? J'aimerais que vous élaboriez sur les impacts ou les
conséquences du fait que les gens doivent attendre trop longtemps. Qu'est-ce
qui se passe si notre nouvel arrivant doit attendre trop longtemps avant
d'avoir son cours, tant qu'on n'a pas 15 personnes? Il se passe quoi?
M.
Cusson (Alexandre) : Bien, il y a clairement des conséquences
sociales, hein, parce que, quand on se retrouve, comme je le disais, dans un milieu qui est francophone, par exemple, à
97 % et qu'on souhaiterait s'intégrer, aller dans des activités, mais qu'on ne parle pas du tout la
langue des gens ni même leur langue seconde, ça fait en sorte que
l'intégration est très difficile. Alors, pensons à quelqu'un qui s'installe
dans une municipalité de taille moyenne, qui peut à peine participer aux
activités, à peine rencontrer des gens parce qu'ils sont très peu de même
nationalité, par exemple.
Et,
si ces gens-là souhaitent ensuite s'intégrer au marché du travail, c'est
impossible de le faire aussi. Il y a des conséquences sociales, il y a
des conséquences économiques qui sont liées à ça et qui très souvent vont faire
en sorte que ces gens-là vont se décourager,
ils vont dire : Bien, on va retourner à Montréal parce que c'est trop
difficile. Puis là, bien, s'ils vont
à Montréal, par exemple ils sont Irakiens, ils s'en vont à Montréal, il y a
d'autres Irakiens, ils parlent leur langue
ensemble, c'est très tentant de dire : Bien, moi, je ne resterai pas en
région, je vais m'en aller là-bas, alors que dans la région il y aurait
probablement eu du travail pour eux s'ils avaient parlé le français.
Donc, ça, pour nous,
là, c'est un élément très, très important, il y a des impératifs économiques
derrière ça beaucoup plus, à mon avis, que des impératifs, là, de disponibilité
de main-d'oeuvre. Donc, il faut trouver une façon d'appuyer ça. Ce n'est certainement pas des sommes très, très importantes
mais qui auraient un impact réel, direct et rapide sur l'intégration des
immigrants.
Mme
Roy
(Montarville) : Et je vous suis tout à fait et je vous remercie de nous éveiller à cette
problématique parce qu'effectivement plus le temps passe, plus c'est critique
pour ces gens-là. Et Dieu sait qu'avoir de nouveaux arrivants dans les villes, dans nos régions à la grandeur du Québec,
c'est un plus pour nous tous, et on devrait les retenir. Et là vous me
parlez d'un problème de rétention parce qu'ils vont s'en aller où ils pourront
plus vite avoir accès à de la formation
et/ou retrouver des gens de leur communauté d'origine et peut-être même se ghettoïser,
malheureusement, au lieu de s'intégrer. Donc, c'est très important, là,
je pense comme vous à cet égard.
La
page 6, vous nous dites quelque chose de très intéressant, parce que, pour moi,
vous représentez l'Union des municipalités du Québec, et, pour moi, pour
ma formation politique, on est extrêmement conscients du fait que
l'administration, les administrations municipales, quelles qu'elles soient,
petites, moyennes, grandes villes, mais les administrations
municipales, c'est la politique... c'est le palier de gouvernement le plus
proche du citoyen sur le terrain et du nouvel
arrivant, de l'immigrant. Et ce que vous nous dites : «Selon nous, les
municipalités peuvent exercer un leadership important dans leur
milieu — je
suis tout à fait d'accord avec vous : [entre autres] en favorisant les
échanges et le dialogue entre les différents acteurs du milieu afin
d'identifier les besoins des nouveaux arrivants — vous êtes collés dessus, vous pouvez rapidement les identifier; en
soutenant les organismes communautaires oeuvrant sur le terrain — et
qui font un travail remarquable mais surtout
un travail primordial, parce que beaucoup, beaucoup, beaucoup de
l'intégration est confiée aussi au
communautaire; en servant de modèle par leurs politiques d'embauche favorisant
la diversité culturelle au sein de
leur [formation] publique — là, j'ai une petite question pour vous là-dessus. Et vous êtes des
leaders et vous exercez un leadership
«en sensibilisant la population, par différents outils de communication, au respect
des différences culturelles et en luttant contre les préjugés et le
racisme».
Le point juste avant, j'ai
une question. Donc, vous exercez un leadership en servant de modèle par vos politiques d'embauche favorisant la diversité
culturelle au sein de la fonction publique. En pratique, est-ce que ça se
fait beaucoup? Est-ce qu'on voit ça souvent?
Est-ce que ça fait partie du guide des ressources humaines d'une ville? On
parle d'une forme — mais ce n'est peut-être pas le bon
terme — de
discrimination positive pour encourager l'intégration des minorités
culturelles, des immigrants. Est-ce que ça se fait beaucoup dans les villes?
M. Cusson
(Alexandre) : Bien, je vous
dirais que c'est un peu... comme dans bien des domaines, hein, il y a des endroits où c'est plus avancé qu'ailleurs,
où c'est un peu plus développé, où il y a une attention particulière qui est portée là-dessus. Il faut savoir qu'il y a souvent toute la question
linguistique. Une municipalité, par
exemple, où il y aurait plusieurs hispanophones
d'installés dans la ville, bien ça peut être intéressant des fois d'avoir, au
niveau des services municipaux, quelqu'un qui peut leur répondre, qui peut les guider. Et je pense
que c'est intéressant. Je prends évidemment l'exemple de ma
ville, Drummondville, qui est quand même une ville de taille moyenne, qui est
une ville où il y a près de
60 nationalités différentes, on ne serait pas porté à le croire, mais on a
la fierté, chez nous, d'avoir un conseiller municipal issu de
l'immigration, qui est chez nous depuis à peine 10 ou 15 ans, donc la
communauté accueille bien ces gens-là, on leur permet de s'intégrer, et
qui récemment nous disait : Écoutez, on est quand même bien en termes d'intégration, mais on pourrait être mieux, il
faudrait développer des politiques, tout ça. Donc, je vous dirais que
c'est à géométrie variable dans les différentes municipalités, mais c'est
d'abord là que ça peut se passer.
Et vous avez souligné différentes façons, en
reprenant des éléments de notre mémoire, où on peut vraiment intervenir, et là c'est vraiment des champs
d'action municipaux. Et je pense que c'est important de le rappeler,
définir le rôle des villes, parce que
vraiment la personne qui arrive dans une ville va dire : J'arrive à
Longueuil, j'arrive à Drummondville, j'arrive
à Trois-Rivières, et ils vont aller à l'hôtel de ville, ils vont aller poser
des questions, donc, davantage que la MRC, davantage que les bureaux provinciaux ou fédéraux. Donc, c'est important
de reconnaître la ville parce qu'on appartient d'abord à une ville, et
ça, c'est important. Et, ces gens-là, on le voit quand on organise, par
exemple, des cérémonies d'accueil annuellement, la fierté qu'ils ont de devenir
citoyens, citoyennes d'une ville et de rencontrer les autorités municipales. Très, très souvent, ces gens-là, dans
leurs milieux d'origine, n'ont pas la chance de parler aux élus, qui ne
sortent pas, qu'ils ne voient pas, ils sont impressionnés de nous rencontrer.
Donc, c'est important d'aller le plus près possible des gens, on l'a mentionné,
au niveau des villes, au niveau des municipalités.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Pigeon et M. Cusson.
Mme Roy (Montarville) : C'est
terminé?
Le Président (M. Picard) :
Malheureusement, le temps est écoulé, Mme la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci. Merci à vous.
M. Cusson (Alexandre) : Merci à
vous.
Le Président (M. Picard) :
Donc, je suspends quelques instants afin de permettre aux prochains témoins de
prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 14 h 40)
(Reprise à 14 h 42)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons, et je souhaite la bienvenue à Mme Vatz-Laaroussi. Et je
lui indique qu'elle dispose de
10 minutes pour faire sa présentation, je vous demanderais de présenter la
personne qui vous accompagne, et il va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires.
La parole est à vous.
Mme Michèle
Vatz-Laaroussi
Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Très
bien. Bien, merci beaucoup, merci de l'invitation à participer à cette commission. Et donc je vous présente Annick
Lenoir, qui est professeure à l'École de travail social de l'Université de Sherbrooke et qui est vice-présidente
de l'organisme Rencontre interculturelle des familles de l'Estrie, un organisme
avec lequel on travaille de près en Estrie.
Alors, tout à l'heure, c'était Drummondville; maintenant, c'est Sherbrooke. Alors, bon,
personnellement, je suis professeure
en travail social depuis 1992 et j'ai travaillé sur la question de
l'immigration, de l'immigration en région et des dynamiques familiales d'intégration en
région depuis à peu près ces dates-là. Et puis Annick Lenoir travaille aussi sur l'immigration et l'intégration et aussi sur l'intégration en emploi, entre autres,
des Maghrébins.
J'ai mené des
recherches, personnellement, autour des dynamiques familiales, des parcours
des familles réfugiées, de l'immigration dans les régions, aussi autour
de la question scolaire, des processus d'intégration et d'exclusion de
certaines familles, et en particulier des femmes d'origine maghrébine ou des
femmes musulmanes, de confession musulmane,
donc un sujet qui est malheureusement toujours au goût du jour, et puis aussi des travaux sur
les processus de racisme, de
stigmatisation et de rejet, plus spécifiquement toujours dans les régions du Québec
ou du Canada, parce
qu'on a travaillé
aussi plus largement sur le Canada. Et finalement j'ai travaillé aussi, et je
pense que c'est intéressant de l'amener ici, sur les interactions autour de l'immigration entre
les groupes francophones et anglophones, toujours dans les
régions, qui présente donc une réalité fort
différente de ce qui se passe dans la vie montréalaise. Donc, on s'est
intéressées aussi à la façon dont les
communautés anglophones dans les régions pouvaient participer à l'accueil et à
l'intégration des immigrants dans la région et donc dans la communauté
francophone aussi.
Alors, la
façon dont je vais procéder, je vous enverrai le mémoire revu juste après pour
qu'il puisse être public, mais cet après-midi
je vais revenir d'abord sur quelques points que j'avais soulevés dans le
mémoire de février 2015 et puis, à partir
de là, je vais soulever quelques enjeux qui me semblent reliés au cadre du projet de loi que vous présentez maintenant, un
cadre avec lequel je pense qu'on peut dire qu'on est en accord de manière générale, mais peut-être soulever un
certain nombre de points qui peuvent poser question pour la suite et qui donc
pourraient aider pour la suite, quand cette loi va devenir beaucoup plus
opérationnelle aussi au travers de ses règlements et des programmes qui vont
aller avec.
Alors, lors du mémoire de 2015, j'avais insisté
sur un certain nombre de points qui me paraissent toujours pertinents, en particulier — et
j'écoutais mes collègues, tout
à l'heure, qui disaient la même chose — l'importance de continuer à sensibiliser la communauté québécoise
à la diversité. Je pense qu'il y a eu un certain nombre de... un travail
de fait dans ce sens-là, mais on est encore
loin du compte. Et je parle des régions, mais on peut parler aussi de
Montréal, on peut parler des grandes villes,
il y a encore du travail à faire. Donc, une sensibilisation à la diversité qui
ne soit pas sensationnaliste, bon, parce que, là, on a eu beaucoup de
choses autour des réfugiés syriens. Je pense que c'était sans doute un momentum intéressant pour parler de ces
questions-là au Québec et dans les régions, mais il est important de ne pas en rester là et à une population médiatisée à
un moment donné, alors que la diversité fait partie et doit faire partie
de nos réalités quotidiennes beaucoup plus. Donc, je pense qu'il y a un travail
de sensibilisation qui reste à faire et qui est à faire autant auprès de tous
les citoyens, finalement, qu'auprès des employeurs — on sait l'importance
que ça peut avoir — qu'auprès des élus, parce qu'il y a encore
beaucoup d'élus qui ont besoin d'en apprendre un petit peu plus sur ces questions-là, mais aussi auprès des
écoles, mais aussi auprès des acteurs socioéconomiques de nos régions et
des médias, parce qu'on le voit, hein, ils
jouent un rôle très important, et donc il y a toujours du travail à faire avec
eux aussi.
Le deuxième point que je soulignais, et qui va
dans le même sens, c'était la lutte contre le racisme et l'islamophobie. Donc,
on est quand même dans une situation, au Québec, où les choses sont moins
graves que dans d'autres parties du monde sur ce plan-là, mais, bien, tous les
derniers événements amènent à des débats, et dans ces débats-là, qui sont toujours fortement médiatisés, on voit très souvent
des dérapages, et des dérapages qui se manifestent en comportements, en attitudes. Et, les comportements
et les attitudes, on les vit dans les régions quand il s'agit soit de se
poser la question : Est-ce qu'on est prêts à accueillir des
immigrants?, soit de se poser la question : Est-ce qu'on est prêts à embaucher des immigrants?, à se poser la
question : Est-ce qu'on est prêts à vivre avec, à ce que ces personnes-là
fassent partie de notre projet de vie, projet d'avenir? Donc, il y a, à mon
avis, un travail important à mener et en lien avec les réalités actuelles.
Et, sur
l'islamophobie aussi, bon, il y a eu tout un débat sur Sherbrooke, troisième
ville, je crois, dans laquelle il y
aurait eu des crimes haineux. Bon, sur les chiffres, je pense qu'on peut
débattre largement là-dessus, mais je pense qu'il ne faut pas se cacher non plus que le problème
existe, et qu'il est important de se pencher dessus, et que donc une loi
sur l'immigration, et on le voit, hein, au
niveau international aussi, une politique d'immigration, elle doit mettre les
bases pour permettre, justement, d'aller
plus loin sur la lutte à la discrimination, sur la lutte au racisme, sur la
lutte à l'islamophobie, et encore plus, bien sûr, dans le contexte
actuel sur le plan international.
• (14 h 50) •
Le troisième
point que je soulignais, et qui rejoint, je pense, l'ensemble des recherches,
des travaux sur ce plan-là, c'est la
nécessité de reconnaître les expériences et les compétences plus que de mettre
les immigrants en compétition. On était
et j'espère qu'on sera de moins en moins dans des systèmes dans lesquels on met
en compétition les immigrants soit entre eux soit avec les locaux sur le
plan de leurs diplômes, de leur expérience québécoise, canadienne, etc. On a un
énorme travail à faire sur ce plan-là parce
que c'est en travaillant justement sur ces questions qu'on va arriver à
intégrer de manière beaucoup plus fluide les
personnes qui nous arrivent. La reconnaissance, c'est l'élément clé, et je
pense qu'on l'a vu dans nombre de
recherches, reconnaissance des personnes, de leur trajectoire, de leur apport,
de leur expérience.
Et je pense qu'il faudrait un jour avoir le
courage de questionner le concept d'expérience québécoise, comme d'expérience canadienne, d'ailleurs. Qu'est-ce que
ça signifie, avoir une expérience québécoise, une expérience canadienne,
en termes d'emploi? Ça ne veut pas dire
qu'il ne faut pas qu'il y ait une adaptation des expériences, une adaptation de
ce que les gens peuvent vivre
professionnellement à l'extérieur, mais cette idée d'expérience semble
actuellement un concept plutôt
administratif qui crée une barrière pour l'intégration à l'emploi et ne
correspond pas à la réalité de ce que vivent les gens quand ils rentrent
réellement en emploi. Vous pouvez... Si vous êtes un
ingénieur, admettons, un ingénieur, je ne sais pas, civil, et puis que vous avez eu une expérience dans un Pharmaprix à
vendre des... parce que c'est ça, ce qui se passe, hein, l'expérience québécoise, on la prend où on peut, donc on prend une
expérience de vendeur, eh bien, ça ne va pas vous servir à grand-chose quand vous allez entrer vraiment en emploi soit comme ingénieur parce que vous
aurez passé les examens pour ça, etc. Donc, il faut vraiment se questionner sur ce concept-là, ce qui ne veut
pas dire qu'il ne faut pas penser en termes d'expérience ou en termes d'emploi, mais ce n'est peut-être pas l'idée d'expérience au Québec et dans n'importe quel domaine qui est
valable. Donc, je pense qu'il y a là quelque
chose à continuer à réfléchir.
J'abordais
aussi la question de la régionalisation de l'immigration, hein, dont vous avez parlé, et j'insistais sur l'idée qu'on devrait parler d'immigration en région plus que de régionalisation de l'immigration — je pense qu'on se rejoint sur ce
plan-là, Mme la ministre — parce qu'effectivement ce sont des projets qui doivent se rencontrer, des projets de
personnes immigrantes qui parce que cela correspond à leur vision de leur
avenir, à leur vision de leur vie ici se disent :
Bon, on va aller s'installer dans cette région-là, on va pouvoir travailler
dans cette région-là, on va faire quelque chose là, donc ce projet d'immigrant d'un côté, et
le projet d'une région, d'une collectivité, d'un autre côté, qui veut se
développer en accord avec ces immigrants-là.
Donc, je pense qu'il faut vraiment penser dans ces termes-là et il faut penser en termes de capitaux, capitaux à développer,
capitaux locaux à développer. Puis là il y a un capital, qu'on pourrait dire,
un capital d'employabilité, qu'est-ce qu'on
a à offrir, hein, sur le plan de l'employabilité, il y a un capital de
gouvernance, comment dans notre collectivité, puis on l'a vu tout à l'heure avec les municipalités... comment on est capable de se concerter, comment on est
capable de dresser ensemble quelque chose
d'intéressant qui va permettre d'intégrer et de profiter ensemble, finalement, de
cette diversité, de la venue des migrants, et un capital d'ouverture à la
diversité, et, ce capital-là, on a encore beaucoup
à le travailler, même si on a les emplois de l'autre côté. Donc, c'est vraiment en termes de
capitaux qu'on doit penser les choses. Et les immigrants, leurs familles
apportent, eux aussi, des capitaux humains qui vont enrichir, finalement, ce développement
local là.
Le
Président (M. Picard) : En conclusion, s'il vous plaît.
Mme Vatz-Laaroussi
(Michèle) : Oui. Alors, je conclus sur trois points qui me paraissent
importants dans le cadre de la loi.
Le premier, c'est que
la déclaration d'intention, oui, ça peut être intéressant, mais il y a un
certain nombre de risques, et je voudrais
vraiment les souligner parce qu'il va falloir, dans la suite, hein, mettre en
place ce qu'il faut pour éviter ces
risques-là. D'abord, c'est un allongement de la période d'attente et
d'incertitude pour les candidats, les candidats qui sont dans leur pays,
parce qu'eux, ils se mettent dans une banque puis ils attendent voir si à un
moment donné on va les appeler. Donc, il y a
quelque chose à faire avec les pays d'origine pour arriver à gérer au mieux
cette période-là et pour aussi que,
quand on va les appeler, ces bons candidats qui vont correspondre à nos
besoins, ils sont encore prêts à venir, parce que la politique canadienne, qui actuellement fonctionne de cette
façon-là, démontre — et les chiffres sont un petit peu inquiétants — qu'on a
fait beaucoup d'offres en fonction de nos besoins, au Canada, et il n'y a plus
grand monde qui est prêt à venir. Donc, ça, c'est vraiment important.
Les offres qu'on fait, très peu ont reçu, finalement, des candidats effectifs qui sont venus suite à ces offres-là,
alors qu'ils étaient au départ dans le pool, là, avec les offres d'intention.
Donc, il y a la question du timing, de la
durée, de la période. Il y a quelque chose à gérer, il va falloir vraiment le
prévoir de près.
Il va falloir penser
l'intégration, la penser beaucoup plus. Et, dans l'intégration, il va falloir
penser à cibler toujours la bonne
gouvernance, les partenariats locaux, avec le local, et, quelque chose de très
important, la décentralisation des
programmes. On a fait l'inverse, on a recentralisé. Il va falloir
décentraliser, sinon, effectivement, on va avoir beaucoup de mal à ramer...
enfin, on va ramer, du moins, avec le local.
Et
je terminerai sur les effets que tout ça peut avoir sur les bassins d'origine
des immigrantes et des immigrants. Il va
falloir être très attentif à ce que ça ne crée pas une discrimination à moyen
terme parce qu'on irait seulement vers des pays d'origine où on
trouverait des qualifications qui correspondraient à notre façon de définir les
compétences dont on a besoin à notre façon aujourd'hui en Amérique du Nord, ce
qui ne veut pas dire que les gens n'ont pas les bonnes compétences en face, c'est juste qu'on ne mettrait pas les mêmes termes
sur ces compétences-là. Donc, il y a un travail à continuer à faire sur
ce plan-là. Voilà.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la
ministre.
Mme
Weil : Oui. Alors, merci beaucoup, Mme Vatz-Laaroussi et Mme Annick Lenoir, merci beaucoup d'être ici. C'est fascinant,
on aimerait avoir plus de temps pour discuter de...
J'aime
beaucoup votre approche quand vous parlez des capitaux.
Les discussions, je ne sais pas si vous avez suivi les discussions ce
matin, donc, avec la Fédération des municipalités et l'Union des municipalités
du Québec, dans les deux cas, parce que la
vision derrière toute cette grande réforme, qui est beaucoup dans le nouveau
nom du ministère, Diversité et Inclusion, qui est un appel à l'action,
c'est comme ça que je l'ai décrit dans un premier temps, et toute la
consultation va dans ce sens-là, il faut travailler sur tous les champs en même
temps.
J'aime
beaucoup votre expression «immigration en région». En effet, c'est ça, c'est
plus dynamique. Il y a la vitalité qui est là, mais ce n'est pas la
régionalisation, c'est un peu stagne comme expression.
Maintenant, c'est sûr
que j'aimerais vous entendre un peu plus. Les risques, c'est sûr qu'on a un peu
une opportunité de voir ce qui se passe au niveau fédéral, on suit ça de près
pour justement éviter ces genres de risque, mais
peut-être revenir sur ce nouveau système. Parce qu'évidemment on a beaucoup de
gens qui sont au chômage, ça peut prendre
longtemps avant qu'ils intègrent le marché du travail, pour toutes sortes de
raisons. Vous avez dit : Il faut lutter contre la discrimination,
d'une part, mais souvent ce n'est même pas la discrimination, c'est la
non-connaissance de l'autre. Donc, l'expérience québécoise est venue peut-être
réparer un peu ça parce que, dès que la personne a un peu d'expérience québécoise, les gens s'ouvrent à eux,
donc ça vient rassurer les entreprises. Et le PEQ, le Programme de
l'expérience québécoise, qu'est-ce que c'est un diplôme québécois et une
expérience de travail, donc, un travailleur temporaire
qui voudrait rester, donc, on le met sur la voie rapide, et ça connaît vraiment
un succès important. Et je cite souvent la Nouvelle-Zélande,
je ne sais pas si le chiffre est toujours bon, 85 % de leur... 95 %
de leur immigration permanente est issue de l'immigration temporaire. Donc,
c'est des gens qui viennent avec leur expérience. Tout à fait d'accord avec vous qu'il faut aller beaucoup
plus loin. Et c'est ma collègue la députée
de Jeanne-Mance—Viger qui a ce mandat-là de présider une grande
table où tout le monde est pour voir comment peut-on mieux réussir et
reconnaître ces compétences. On a fait des
comparaisons entre différents pays. Certains, pas beaucoup,
sont très ouverts, la plupart ne le sont
pas, alors c'est difficile de s'inspirer d'autres pratiques. Il va falloir
qu'on s'inspire de nous-mêmes pour aller dans le sens que vous dites.
Mais
le rôle de la Commission des
partenaires du marché du travail et
l'orientation qu'on a, c'est qu'il faut que les gens réussissent leur intégration puis il faut
mobiliser les gens. Donc, on regarde le profil, on dit : Vous, vous
avez un profil intéressant, et on trouve une
façon de mobiliser le milieu pour qu'ils nous disent, justement,
leurs besoins, et on fait un mariage, un jumelage rapide. Est-ce que
vous êtes, en principe, d'accord avec cette approche?
Mme
Vatz-Laaroussi (Michèle) :
Moi, je dirais qu'en principe oui, dans le sens où on se dit : Bon,
effectivement, on a du mal à trouver de l'emploi.
Maintenant,
je ne suis pas sûre que cette approche-là... Et il va falloir sûrement
travailler la façon de le faire pour que
cette approche-là donne réellement les fruits qu'on en attend,
c'est-à-dire : Est-ce que la personne qu'on va choisir en fonction,
justement, de propositions d'emploi qui sembleraient convenir à son profil...
Quand elle va arriver, cette personne-là,
est-ce que réellement elle va y accéder, à cet emploi-là? Est-ce que réellement
elle va rester dans cet emploi-là? Est-ce que ça va lui permettre de la
promotion dans la vie québécoise dans laquelle elle va être désormais, elle et
sa famille, hein? Parce qu'il faut penser famille aussi et pas juste une
personne.
Donc, je
dirais qu'il ne faut pas que ce soit quelque chose de trop pointu, ça, c'est
très important, et il faut aussi que
l'employeur ne s'attende pas... Je dis toujours, bon : Il ne faut pas
penser à avoir des immigrants prenables et jetables, du sur-mesure, hein? Donc, il faut vraiment que,
les employeurs, le travail qu'on fasse avec eux soit de les former à ce
que les personnes qui leur arrivent correspondront en partie, en bonne partie à
ce qu'ils ont comme attentes, mais il faut
que les employeurs soient ouverts aussi à ce qu'ils peuvent amener de plus, de
différent, hein? Je disais : Pourquoi embaucher un travailleur immigrant si c'est pour faire la même chose
qu'avec un travailleur québécois? O.K.? Donc, si on embauche un
travailleur immigrant, il faut que ça amène quelque chose de plus. Et là on a
un travail à faire avec les employeurs pour
qu'on le perçoive, ce plus-là, et qu'on soit ouvert peut-être
à quelque chose qu'on n'avait pas prévu. On ne prévoit pas tout, hein,
ce n'est pas juste un profil professionnel qui va jouer, là.
Je pense que peut-être tu peux...
• (15 heures) •
Mme Lenoir
(Annick) : Oui. En fait, un
des problèmes que moi, je vois, c'est qu'il faut absolument travailler en parallèle sur la question de la sensibilisation de
la population et des employeurs, parce qu'actuellement les employeurs, en tout cas dans notre région, ne sont pas
particulièrement ouverts à l'embauche d'immigrants, donc, du coup, même
s'il y a des offres d'emploi disponibles, ça ne veut pas dire qu'ils vont
embaucher la personne qui aurait les compétences pour le faire.
Par ailleurs
aussi, je pense que c'est la même chose au niveau des logements. Tout à
l'heure, M. Cusson disait : Il faut avoir des logements, il
faut avoir de l'emploi. C'est la même chose au niveau des propriétaires, les
propriétaires ne sont pas nécessairement
ouverts à louer leurs appartements aux personnes immigrantes parce que
justement il n'y a pas de références,
parce qu'on ne sait pas trop d'où elles viennent, etc., méconnaissance. Donc,
il faut absolument que cette loi-là soit accompagnée de mesures pour...
bien, pour la sensibilisation de la population comme telle.
Mme Weil :
Oui, tout à fait. Alors, c'était justement l'objectif de la grande consultation
en début d'année, l'année dernière,
donc une nouvelle loi pour amener des changements législatifs, et évidemment
une politique qui va accompagner, qui
va dans le sens de faire la promotion de l'inclusion, de la diversité, valoriser
la diversité. C'est des orientations qu'on a depuis un certain temps, mais ça prend une nouvelle dimension avec la
politique. Mais c'était là une dernière occasion d'entendre tout le
monde, parce que c'est une grande réforme, c'est imbriqué l'un dans l'autre.
L'immigration
humanitaire, on en parle dans la loi. Évidemment, on vient d'avoir... on est en
train de vivre une grande expérience
en immigration humanitaire. J'aimerais connaître un peu votre point de vue.
Souvent, ça a été des moments forts
du Québec et des moments historiques, pour le Québec, où ils ont pu justement
se rendre compte de l'apport de ces gens que d'entrée de jeu on n'a pas
évalués, on a tout simplement... parce qu'on est adhérents à des ententes
internationales, notamment la convention
de Genève. Puisque vous faites des recherches, parce que vous êtes
beaucoup là-dedans, comment vous voyez
l'apport, justement, de cette expérience qu'on est en train de vivre pour
ouvrir, s'ouvrir à l'autre?
Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Bien,
je pense vraiment que ça peut être un momentum intéressant, mais il ne faut pas en rester là, parce qu'en fait,
bon, l'accueil des réfugiés syriens, bien, d'abord, c'est loin d'être fait,
hein?
Mme Weil : J'aimerais... Plus
vastement, l'immigration humanitaire, pas juste parce qu'on...
Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Oui,
oui, c'est ça, c'est ça. Tout ce qui est immigration humanitaire, bon, dans la région de Sherbrooke, on le vit depuis
fort longtemps, et je pense qu'on a un système qui est quand même bien rodé, qui fonctionne bien. Et on devrait plus
profiter de cette population qui arrive, justement, pour travailler la
diversité. Je pense qu'on a encore ce travail-là à faire, mais c'est avec eux
qu'on va pouvoir faire la sensibilisation, c'est avec eux aussi qu'on peut justement faire que les milieux
s'ouvrent, parce que les gens sont là déjà, et les gens qui sont là sont
des gens qui sont extrêmement actifs.
On a fait à
Sherbrooke juste avant Noël, le 18 décembre, un 5 à 7 où on parlait des réfugiés,
la ville de... Sherbrooke en route avec les réfugiés. Et c'était un 5 à 7 le
18 décembre, on s'est dit : Un vendredi soir, il ne va pas y avoir la
foule; on était 70, des représentants de toute la population. Et ce qui
m'apparaît important : lors de cette rencontre-là,
il y a eu six témoignages de réfugiés qui étaient arrivés au fur et à mesure
des années à Sherbrooke et qui tous étaient
des gens particulièrement impliqués dans la vie sociale, dans la vie locale,
qui tous ont raconté leurs difficultés, les vraies difficultés qu'ils avaient rencontrées mais aussi comment, pour
eux, c'était important d'être impliqués, certains en politique, d'autres dans la vie communautaire,
certains travaillant à l'hôpital, peu importe. Mais cette implication-là
a vraiment impressionné, je pense, les gens
qui étaient là, les organismes, et c'est ça qu'il faut qu'on arrive à faire
passer, c'est comment ce n'est pas juste de...
Oui, bien sûr, on a un engagement humanitaire, on doit accueillir des réfugiés
parce qu'on signé des conventions puis parce
qu'on est un pays où les droits de la personne sont importants, donc c'est
bien, on le fait, mais ce qu'on doit voir
plus loin, c'est comment ces réfugiés-là, ces personnes qui arrivent, ce n'est
pas... on leur est redevables de beaucoup de choses, nous aussi, ce
n'est pas juste eux qui nous sont redevables, qui doivent avoir de la gratitude envers nous de les accueillir, mais
combien on doit leur être reconnaissants de la vitalité qu'ils apportent,
de cette... justement, dans nos régions,
aussi de tout l'aspect interculturel dont ils sont porteurs. Et, s'ils
n'étaient pas là, on n'aurait pas ça dans nos régions, et ce serait un
manque profond au Québec. Donc, il y a quelque chose effectivement qui est
important et qu'on doit continuer à faire.
L'autre élément, je voulais revenir un tout petit
peu sur les travailleurs temporaires et le fait qu'ils puissent ensuite passer au statut permanent. Je trouve que ça,
c'est vraiment quelque
chose de très important, il faut le
continuer, mais il faut faire très
attention parce que les immigrants, les réfugiés et les travailleurs
temporaires sont en compétition pour les mêmes emplois, et ça, ça créé beaucoup de difficultés. Et je ne voudrais vraiment
pas, je pense... bien, on travaille sur les médiations interculturelles, on a envie qu'on vive bien ensemble, et
donc il faut vraiment, dans les programmes qu'on met en place... Là, on parlait des Syriens. Bien là,
on a vu que les autres commençaient à dire : Bien oui, mais nous aussi,
on est là. Et puis, quand on parlait du
travail pour les Syriens, bien les immigrants qui sont là depuis 10 ans puis
qui n'ont pas d'emploi, les Maghrébins, disaient : Bien là, ça va
bien, mais on aimerait ça, nous aussi, hein, qu'on nous ouvre des portes d'emploi. Donc, il y a,
là aussi, un travail à faire pour qu'on voie qu'on ne met pas juste une population
de l'avant, qu'on travaille pour le bien commun, pour le bien de toute
la population ensemble.
Même chose pour les Québécois,
hein? Il y avait quelque chose à Coaticook dernièrement pour l'emploi des immigrants. Bien, oui, mais peut-être
que la population de Coaticook, elle aurait aimé être là aussi, la population québécoise de souche, entre
guillemets. Donc, vraiment harmoniser davantage nos choses.
Mme
Weil : Avant de céder
la parole, juste un petit commentaire. On a fait une annonce, Sam Hamad et moi,
le ministre du Travail et de l'Emploi, pour annoncer le programme... pas annoncer le
programme PRIIME mais sensibiliser le milieu
des affaires au programme PRIIME, qui est un programme de subvention salariale.
Et, savez-vous, on est rendus à presque 200 entreprises. Mais on a
bien dit : C'est pour tous les immigrants, là, c'est le programme cible,
ceux qui sont sous-représentés.
Et
ce que je perçois, c'est que, l'arrivée des réfugiés syriens, tout le monde, on est revenu sur les boat people, on a fait un peu l'histoire
de l'immigration humanitaire au Québec. Les gens sentent une fierté aussi par
rapport à cette histoire, cet engagement.
Et
là, les entreprises, c'est des moments de sensibilisation, je crois. Alors là,
ils se disent... ils savent très
bien qu'il n'y a pas de discrimination, le programme est pour tout le monde,
alors ils disent : Oui, oui, oui, on a des emplois à offrir, alors nous,
on va saisir l'occasion.
Mais j'apprécie. J'aurai peut-être
le temps à la fin, mais j'ai deux autres collègues, de Fabre et
de D'Arcy-McGee...
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée de Fabre. Il reste quatre minutes.
Mme Sauvé :
Je vais être très rapide, M. le Président, merci. Bonjour, mesdames.
Écoutez,
j'ai été très sensible... Vous avez parlé tantôt de cette sensibilisation qui
est tellement encore nécessaire auprès des employeurs et
de faire comprendre la contribution très spécifique que peut apporter, bien sûr,
la personne immigrante dans un milieu de travail. Je sais que vous êtes
sensibles à des pistes d'intervention pour les PME et je trouve qu'on n'en a pas entendu parler suffisamment les PME qui sont 90 %
des emplois au Québec dans le secteur privé.
Et, oui, des entreprises ont des préjugés, mais la PME a aussi une réalité
d'organisation où il y a très peu de services de ressources humaines. Alors,
moi, j'aimerais vous entendre rapidement sur des pistes d'intervention que vous
envisagez pour outiller ces petites et moyennes entreprises. Et est-ce
que ça pourrait même faire partie de bonnes idées pour les projets pilotes?
Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Oui, bien, moi, je pense qu'il y a un certain
nombre de pistes qui pourraient être intéressantes,
qui sont toujours des pistes interculturelles. Alors, qu'on s'adresse aux
employeurs, aux employeurs de PME qui
sont directement sur le terrain avec leurs employés, je pense que leur faire vivre
une situation d'interculturalité réussie, ça peut être quelque chose
d'intéressant.
On
a fait ça à Sherbrooke avec l'organisme dont tu fais partie, on est allés dans
un organisme qui se... un genre de soupe populaire. Puis là il n'y a pas
beaucoup d'immigrants qui y sont, hein, ce n'est pas interculturel, c'est
vraiment des Québécois de souche. Puis là
les immigrants sont allés dans l'organisme, puis on a animé une discussion
ensemble, puis on a parlé des préjugés qu'on
avait les uns envers les autres, et ça a été très efficace dans le sens où
vraiment il y a eu une ouverture
mutuelle, parce que les préjugés étaient des deux côtés. Donc, il y a vraiment
eu une ouverture mutuelle.
Et je pense que, dans
les idées qui pourraient être... des projets pilotes qui pourraient être
intéressants, de faire ça en réunissant
quelques chefs d'entreprise, de PME ensemble et y aller, groupe d'immigrants,
puis là on anime... Bien sûr, il faut
une animation qui se tienne, là, mais c'est, à mon avis, quelque chose de très
efficace et qui fonctionne bien. On
peut le faire par des institutions aussi, mais, avec des employeurs de PME,
d'abord on fait tomber les préjugés puis on montre qu'il n'y a pas que nous qui en avons, donc ce n'est pas
dramatique, on peut... Bon. Et une fois qu'on a posé les préjugés on est
capables de travailler ensemble, on est capables de faire des choses ensemble,
et puis on fait un petit projet ensemble, pas grand-chose, là, mais un petit
projet; bien là, ça veut dire qu'on va être capable de continuer.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède la parole à M. le député de
D'Arcy-McGee. 1 min 30 s.
• (15 h 10) •
M.
Birnbaum : 1 min 30 s. Merci, M. le Président. Merci
pour votre exposé. Je crois que ça a ses échos dans notre projet de loi actuel. Quand on parle de
sensibiliser les gens à l'accueil, d'impliquer tout le monde, c'est tout à fait
de mise.
Le projet de loi a comme deux assises aussi les phénomènes de l'importance de la francisation et aussi l'adéquation avec les besoins du marché de travail. Je crois que de façon
malheureuse, des fois, on a l'impression que les genres de propos que
vous êtes en train de faire ne s'arriment pas avec ces deux priorités. Je vous
invite de dire le contraire.
Mme
Vatz-Laaroussi (Michèle) :
Oui, oui, oui, O.K., mais pour ma
part je suis toujours très nuancée, hein, dans ce que j'apporte, alors je ne dirai pas que je... Je pense que les
choses peuvent s'arrimer, mais je dis qu'il faut faire attention à la façon dont on va les arrimer. Et en particulier
tout ce qui est autour du socioéconomique et du social, de l'intégration
en emploi et de l'intégration sociale, les
deux, on doit toujours les penser ensemble, et on doit y penser ensemble aussi
en utilisant justement tous les acteurs et en travaillant avec les acteurs du
social, d'un côté, du social, scolaire, etc., la francisation, tout ça, et les acteurs de l'emploi ensemble. Et on doit
faire cet effort-là. Je sais que ce n'est pas simple parce qu'on
travaille par secteurs, habituellement, mais le local nous permet ça aussi. Donc, il faut
jouer sur le local pour avoir ces concertations-là.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto : Merci,
M. le Président. Mme Vatz-Laaroussi,
Mme Lenoir, soyez les bienvenues. Merci pour votre contribution.
J'aime bien vous entendre. Vous êtes nourries de
bonne volonté et de générosité, d'abnégation, vous êtes des personnes qui me
rappellent les missionnaires en action. On est dans un symbole.
Et je
comprends, j'entends bien la portée de votre message, parce qu'il y en a un. Vous évoquez l'impératif de sensibiliser relativement à la diversité, et c'est un enjeu pas seulement
au Québec, c'est à travers la planète, aujourd'hui,
et la gestion de la diversité va être un
défi pour les 50 prochaines années, minimalement parlant, selon les
exégètes de la question de l'immigration, aussi à cause de la mondialisation
et autres. Or, dans la très grande, vaste majorité des pays, les gens ne
sont pas préparés...
Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) :
Absolument.
M. Kotto : ...et c'est ce
qui, parfois, crée des tensions, parce qu'on n'est pas préparé et qu'on
accueille des personnes, notamment ici, au Québec et au Canada... Parce qu'il y
a deux symboles qui se côtoient et qui sont en compétition perpétuelle, un
véhiculant le multiculturalisme, l'autre, l'interculturalisme, et les gens
confondent les deux concepts parfois. Et la
majorité des gens qui viennent s'inscrivent dans le multiculturalisme, compte tenu du fait que celui-ci a un
statut qui est enchâssé dans la charte canadienne et dans la Constitution
canadienne; le Québec n'a pas assis une telle approche, la sienne, l'interculturalisme initié par
M. Bourassa, dans un texte de loi de référence. Et c'est une base
de malentendus perpétuels. Et, dans l'entente Canada-Québec, le fédéral s'est
réservé le droit de financer son approche multiculturaliste partout au Canada,
y compris au Québec, vous voyez?
J'en parle parce que je suis un ancien immigrant — j'aime
à dire ça parce qu'on ne reste pas immigrant toute sa vie, hein? — et
c'est des choses que je n'avais pas perçues au départ, ça a pris du temps. Il a
fallu effectivement que je m'inscrive dans des cercles interculturels avec
une présence affirmée des indigènes, des autochtones ou des Québécois de
souche, appelons-les comme vous
voulez, pour voir ou détecter ces nuances-là. Et c'est ce qui m'a amené, d'une part, à valoriser un des piliers
fondamentaux du Québec, du vivre-ensemble au Québec qui est la langue.
Dans votre
approche, dans la hiérarchie de vos priorités en tant que médiatrices, la
langue arrive dans quelle position?
Mme
Vatz-Laaroussi (Michèle) :
Bien, elle est extrêmement importante, bien sûr. Mais, dans différents projets
auxquels on a participé qui sont des projets de recherche ou des projets de
recherche-action, autant avec des enfants qu'avec
des adultes, on conçoit que l'apprentissage du français et le fait... l'investissement du français comme étant la langue
commune, finalement, peut se faire et se fera d'autant mieux qu'on
reconnaît les langues maternelles ou des langues autres qui peuvent aider à aller vers le français. Et, juste aussi très rapidement,
on a fait une recherche-action avec des enfants dans des écoles, classes d'accueil, où on voulait les aider à
mieux apprendre à écrire en français, ça a été soutenu par le fonds québécois de recherche Société
et culture et le ministère de
l'Éducation, et on leur demandait...
on les amenait à écrire un livre de
leur histoire familiale, les enfants en classe d'accueil, hein? Donc, ils
arrivaient, ils ne connaissaient pas
le français, ils écrivaient un livre de l'histoire familiale. La majorité
du livre était écrite en français, mais ils avaient l'autorisation
d'écrire quelques mots soit dans leur langue maternelle soit en anglais, pour
ceux qui connaissaient l'anglais, et les
parents pouvaient écrire aussi dans leur langue maternelle. Du fait qu'on a
donné l'autorisation, très peu l'ont
utilisée, en fait, tout le monde a voulu écrire en français, et on a obtenu des
livres particulièrement intéressants qui montrent la capacité d'apprentissage autant des adultes que des enfants.
Mais, pour ça, il faut qu'on reconnaisse — on est toujours
dans la reconnaissance — il faut qu'on reconnaisse l'importance des langues d'origine,
l'importance du passage qui se fait
et qu'on donne le goût, la motivation à parler de soi avant, de soi dans un
autre pays, dans une autre langue qui va
devenir la sienne et qu'on va investir. Et c'est faisable, ça se fait. Et ça
met le français de l'avant, bien sûr, et les parents et les enfants, à la suite de ce travail-là, nous ont
dit : Mais le français est une belle langue, et on est contents de savoir
écrire et on veut continuer à apprendre à écrire.
Donc,
c'est faisable, et c'est faisable sans mettre en opposition les langues les
unes avec les autres. On dit dans le milieu
linguistique, qui n'est pas mon milieu, là, mais on dit : Il faut
additionner les langues, il faut les cumuler. Il ne faut pas les mettre
en opposition, il faut les mettre en dialogue. Alors, ce serait ma réponse,
oui.
Mme Lenoir (Annick) : Oui, si je
peux me permettre, j'ajouterais aussi dans le même sens, quand on parle d'additionner les langues, qu'il ne faut pas non
plus mettre le français — et je sais que c'est une question délicate — en
compétition avec l'anglais, parce que ce
qu'on a remarqué, dans les recherches que l'on a menées, c'est que les
personnes qui sont en recherche d'emploi, et
qui sont immigrantes, et qui parlent français ne trouvent pas d'emploi parce
qu'elles ne parlent pas anglais. Donc, ça, c'est un problème. Donc, évidemment,
ces personnes-là voient très bien la nécessité d'apprendre l'anglais aussi.
Et l'autre chose, c'est qu'on remarque aussi
que, chez les enfants de la loi 101, en fait, ces enfants-là sont généralement trilingues, donc ils peuvent passer
d'une langue à une autre très facilement. Alors, la langue qu'ils
utilisent dans l'espace public commun est
souvent le français, parce qu'ils savent que c'est important, mais ça
n'empêche pas qu'ils peuvent utiliser l'anglais quand ils vont au travail et
leur langue maternelle quand ils sont chez eux.
• (15 h 20) •
M. Kotto :
O.K. Et là vous m'amenez sur un terrain privilégié. La langue de travail, au
Québec, c'est le français.
Vous savez
pourquoi le Québec a été chercher des pouvoirs en matière d'immigration auprès
d'Ottawa? C'était pour renforcer le
filet linguistique, en l'occurrence français, du Québec, parce qu'aujourd'hui
nous comptons pour 2 % de parlant
français en Amérique, et, si d'aventure nous baissions collectivement la garde,
ça prend deux générations pour disparaître.
Comme au Manitoba, ça a pris 20 ans, même une génération, de passer de
54 % de parlant français à 4,5 % de parlant français,
20 ans.
La langue française n'est pas ma langue
maternelle, je l'ai apprise à l'école. C'est ma troisième langue, vous voyez? Mais c'est parce que je suis conscient de
cela que je défends ce fait. Ce n'est pas par idéologie ou réflexe, je
dirais, débile, non, c'est par souci de
préservation d'une écologie linguistique. Le seul endroit où il est
potentiellement possible de parler de
façon durable la langue française, c'est ici, au Québec. On voit ce qui se
passe avec les minorités francophones hors
Québec. Le Québec a
ceci de louable, c'est que sa minorité historique anglophone, elle est
largement et de très loin mieux traitée que les minorités françaises...
francophones hors Québec. Et la littérature nous dit également que c'est un
modèle de référence un peu partout à travers le monde. Comptez les universités,
les hôpitaux, les commissions scolaires, etc., vous ne trouverez pas un schéma comparatif
vis-à-vis des minorités francophones hors Québec.
C'est louable, et ça, c'est à
protéger. Ça fait partie d'un environnement, comment dire, d'un écosystème culturel riche. Et,
si M. Bourassa et
M. Lévesque, par la suite, avec Camille Laurin, se sont battus pour préserver le visage français du Québec, il y avait une cohésion là-dessus, ce qui nous avait amenés par la suite à collectivement embrasser la notion de société distincte. Je ne veux pas rentrer en politique,
là, parce que, si j'allais plus loin, j'irais sur un autre
territoire, mais je ne vous amène pas là-dessus.
Le Président (M. Picard) : Il
reste une minute.
M. Kotto : Une minute.
Le Président (M. Picard) :
Bien, c'est parce que...
M. Kotto : Je voudrais juste vous signifier que la langue
officielle, au Québec, c'est le français, et c'est quelque chose
qu'il faut respecter quand on vient d'ailleurs parce
que, quand on ne respecte pas cela, ça peut générer des préjugés, et les
préjugés alimentent des préjugés et des murs de communication au sein des
diverses personnes et des diverses cultures qui viennent s'installer.
Mme
Vatz-Laaroussi (Michèle) :
Oui. Je voudrais juste dire un petit mot. Je suis tout à fait en accord avec vous, bien sûr, sur la préservation du français, qui est notre
langue commune et que je défends beaucoup aussi, en
particulier quand je vais dans le reste du Canada,
mais ce que je voulais dire par
rapport à ça, c'est qu'à mon avis le français n'est pas en
danger à cause des immigrants, et vraiment toutes les études le démontrent, malgré le petit
pourcentage de moins...
M. Kotto : Non, mais ce n'est
pas ce que j'ai dit, hein?
Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Non,
non, mais je veux juste clarifier ça.
M. Kotto : Non, non, c'est la
structure, c'est l'environnement qui crée cette situation.
Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) :
Voilà. Alors, l'environnement, oui, je comprends très bien, on est une minorité, etc., c'est important,
mais je trouve qu'il ne faut vraiment pas faire porter aux
immigrants le poids du problème du
français, des problèmes qu'on peut rencontrer avec le français. Par exemple, si on demande l'anglais aux Maghrébins pour qu'ils travaillent
à Montréal, ce n'est pas de la faute des Maghrébins, c'est nos employeurs, là.
Voyons avec nos employeurs ce qui se passe.
M. Kotto : Non, mais c'est la
situation. Mais on est d'accord là-dessus, mais c'est la situation. Voilà.
Le
Président (M. Picard) : Merci, M. le député. Mme la députée de Montarville,
c'est à vous.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames, merci d'être ici. Vous arrivez de Sherbrooke,
mon alma mater, l'Université de Sherbrooke. Je suis contente de vous entendre.
J'ai
pris des notes, la journaliste en moi a pris des notes, et je veux poursuivre
sur la langue parce que vous nous avez
dit d'entrée de jeu que vous étudiez entre autres le processus d'intégration et
d'exclusion, le corollaire, n'est-ce pas? Parlons d'intégration, parlons de la langue française. À mon avis, et
vous me corrigerez si j'ai tord, la langue française, au Québec, c'est la clé de l'intégration, à moins que
je ne m'abuse. Donc, j'aimerais savoir ce que vous pensez. On a vu les nouvelles, il y a des statistiques, il y a des
groupes militants... il y a un déclin de la langue française, particulièrement
en région métropolitaine, à Montréal. Et
vous pensez quoi de cette diminution de la fréquentation des cours de
francisation par les immigrants qui sont non francophones?
Mme Vatz-Laaroussi
(Michèle) : Écoutez, moi, j'ai répondu à cette question-là hier à plusieurs
journalistes, donc... Bon, pour ma part, je
pense qu'il faut vraiment nuancer, parce que ces chiffres-là, vraiment, doivent
être nuancés. Ça concerne, finalement, une toute petite partie de la
population, de ceux qui arrivent, qui ne parlent pas le français ni
l'anglais — et
certains parlent l'anglais à leur arrivée — ça concerne des
investisseurs, ça concerne des réfugiés. Les réfugiés,
c'est normal, on ne les choisit pas en fonction de la langue. On reste quand
même avec une majorité de gens qui arrivent
en parlant le français, qui sont sélectionnés aussi parce qu'ils parlent le
français. Donc, il faut vraiment nuancer.
Alors,
effectivement, il y a un petit déclin de ceux qui veulent suivre les cours de
français. D'abord, ils ne refusent
pas de suivre les cours de français, c'est très important, souvent c'est qu'ils
n'ont pas les bonnes conditions pour suivre
les cours de français. Et ça m'amène vraiment à dire qu'il y a quelque chose à
faire dans la suite des travaux, à faire pour que ces cours de français soient plus souples, plus adaptés aux
besoins de ces nouveaux arrivants qui... Par exemple, on voit que ceux qui les suivent à temps partiel, ça
semble mieux se maintenir que ceux qui les suivent à temps plein. Alors,
pourquoi? Bien, quand on est un réfugié, qu'on arrive, on a tellement de choses
dans la tête, tellement de choses à faire,
c'est difficile d'aller à l'école à temps plein pour apprendre le français.
Quand on est un immigrant indépendant, on vient pour travailler, on a dépensé de l'argent pour venir s'installer
au Canada, au Québec, on veut travailler rapidement. On a sa famille, on a des enfants qui vont à l'école
ou qui sont à la maison, on a besoin de s'occuper de ces enfants-là, on
n'a pas toujours les systèmes
de garde qui sont là pour garder les enfants. Donc, il y a
toutes sortes de conditions qui, à
mon avis, jouent sur le fait qu'on ne peut pas toujours fréquenter ces cours.
Et,
pour moi, ce n'est vraiment pas un refus de la part des personnes de les
suivre, je pense que la grande, grande majorité des immigrants qui
arrivent savent que le français est la clé de l'intégration, veulent
s'intégrer. Ils viennent ici, ils ont
dépensé beaucoup d'argent, beaucoup d'énergie pour venir,
ils ne veulent pas repartir, hein? Donc, ils veulent rester. Ils veulent rester, ils veulent être bien
dans leur vie professionnelle, dans leur vie sociale pour que leurs
enfants... que tout se passe bien. Ils le savent, que le français est important.
Alors, offrons-leur les meilleures conditions possible pour apprendre le français. Il y a des groupes, d'ailleurs, des
organismes qui sont plus flexibles, je dirais, ils sont fréquentés
beaucoup par des personnes plus âgées, par des femmes qui ont des jeunes
enfants, par des gens qui travaillent un petit peu à côté.
Donc,
tout ça, à mon avis, doit être pris en compte dans la compréhension qu'on a de
ces chiffres-là, et il ne faut surtout pas en faire... en tout cas, pour
moi, là, il ne faut pas en faire un cheval de bataille et, comme je le disais
tout à l'heure, du coup faire porter aux
immigrants l'odieux de ce qui serait un déclin du français au Québec. Je trouve
que c'est vraiment important. On les prend
un otage déjà pour beaucoup de choses, les immigrants, alors pas pour ça en
plus.
Mme Roy
(Montarville) :
Et j'apprécie que vous ayez continué parce que vous nous apportez des
solutions. Et, advenant... dans
l'éventualité où le gouvernement a la responsabilité d'offrir ces conditions
maximales, ces conditions optimales,
devrais-je dire, pour que les immigrants puissent... bon, temps partiel, le
soir, pour accommoder, nous offrons tout, nous offrons tout pour qu'il y
ait cette intégration et cette francisation parce qu'effectivement il faut
préserver la langue française au Québec,
pour nous c'est extrêmement important, le corollaire, ne devrait-il pas y avoir
une obligation de la part de
l'immigrant de suivre ces cours, lorsque nous arriverons à leur offrir les
conditions optimales, gratuites à tous pour qu'ils se francisent?
Mme Vatz-Laaroussi (Michèle) : Écoutez, moi, je ne suis pas vraiment pour des
obligations parce que je pense que ça
ne fait que rigidifier les processus. Alors, je pense que, si on offre les
bonnes conditions, si on décentralise aussi, c'est très important, si on décentralise, si on localise les offres, si
on les rend les plus proches possible des personnes, on n'aura pas
besoin d'obliger.
Je
pense que l'obligation de la loi 101 est une bonne obligation parce que ça
permet aux enfants vraiment, là, d'être dans le français de plain-pied.
Je pense que les parents vont suivre, on peut se servir de l'école des enfants
aussi pour cela. Pour moi, ce serait risqué,
je pense, sur l'image qu'on a des immigrants et sur l'image qu'on leur donne du
Québec et du Canada que de les obliger ou
que de mettre une quelconque sanction au fait qu'ils suivent ces cours-là parce
que, bien, on le sait, hein, le Québec,
Canada, ce n'est pas très compliqué de passer d'une province à l'autre, et
vraiment on sait aussi que les communautés francophones hors Québec
cherchent des immigrants.
Alors,
moi, je trouve qu'au Québec on devrait offrir les meilleures conditions
possible localement, délocaliser, que
tout le monde soit partie prenante de l'affaire, parce qu'on veut qu'on parle
français au Québec, mais je n'irais pas vers une obligation, en tout
cas, c'est ma position.
Mme
Lenoir (Annick) : En fait, je partage tout à fait l'avis de Michèle
là-dessus. C'est que la plupart du temps, on le sait, quand on met une obligation à quelque chose, il y a une
réaction de rejet. Donc, moi aussi, je ne suis vraiment pas pour
l'obligation, je suis pour le fait qu'on incite les gens à s'inscrire.
Mais je
voulais revenir sur le fait que vous disiez que le français est en déclin à
Montréal. Et je me disais : Mais en fait ça dépend ce que vous regardez. Si vous regardez la langue
maternelle à la maison, bien c'est normal, il y a beaucoup d'immigrants à Montréal, et c'est normal qu'ils
parlent leur langue à la maison. Si on parle, maintenant, de la langue
de travail, probablement que c'est l'anglais
qui est en croissance, mais, à ce moment-là, c'est le problème des
employeurs, en fait, on revient à ce qu'on disait tout à l'heure, c'est une
question de contexte.
Donc, encore
une fois, je suis d'accord avec Michèle en disant : Oui, mais ce n'est pas
les immigrants, le problème à ce
niveau-là, parce que les immigrants veulent apprendre le français, mais c'est
vraiment les conditions dans lesquelles ils sont qui font que ça va bloquer pour leur apprentissage. Et, comme je
disais tout à l'heure, c'est que beaucoup d'entre eux vont devenir trilingues, ou quadrilingues, ou,
bon, j'en connais qui en connaissent encore plus, de langues, et donc, du coup, passer d'une langue à une autre, ça peut être très facile pour
eux, et, quand on vient pour comptabiliser, finalement, l'importance du
français, bien là ça devient plus difficile, automatiquement.
Mme Roy (Montarville) : Je
vous remercie.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je vous remercie pour votre apport aux travaux de la commission.
Je suspends quelques instants afin de permettre
au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 30)
(Reprise à 15 h 33)
Le
Président (M. Picard) :
Je souhaite la bienvenue au Regroupement des organismes en francisation du
Québec. Je vous invite à vous présenter
ainsi que la personne qui vous accompagne. Vous disposez d'un maximum de
10 minutes, va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole
est à vous.
Regroupement des
organismes en
francisation du Québec (ROFQ)
M. Le Clerc (Roger) : Bonjour. Je
suis Roger Le Clerc, je suis le secrétaire du conseil d'administration du
ROFQ — on
va résumer le titre parce que c'est un peu long. Et je vous présente...
Mme Kokoun (Georgina) : Moi, je suis
Georgina Kokoun, coordonnatrice du regroupement.
M. Le
Clerc (Roger) : Alors, comme
nous n'avons que 10 minutes, on va passer par-dessus la présentation
du ROFQ. Vous avez le document
entre les mains, je présume. On regroupe l'ensemble des groupes qui font
de la francisation, les organismes communautaires.
D'abord, on
est très heureux de participer à cette commission
parlementaire. On aimerait attirer
votre attention sur quelques points de ce projet de loi.
À la
section I, Catégories et programmes d'immigration, le point 6.1°, la catégorie des
travailleurs temporaires, il est important
pour les travailleurs temporaires qu'on les avertisse, qu'ils soient conscients
que la langue française est un outil fondamental d'intégration,
d'intégration sur le marché du travail mais aussi dans la société québécoise.
Nous souhaiterions que les travailleurs
temporaires ainsi que leurs familles qui ont une présence au Québec
qui cumule plus d'une année soient admissibles aux cours de français,
parce qu'on sait que ceux qui cumulent plus d'une année vont être des demandeurs de statut de résident permanent éventuellement et que leur connaissance du français, à ce moment-là, devient très importante
pour eux. S'ils sont ici et s'ils cumulent, encore une fois, plus d'une
année, ça signifie que ce sont des travailleurs qui connaissent le Québec, et, s'ils viennent avec leurs familles, c'est
encore une indication de leur volonté d'y
vivre, alors on pense qu'en leur ouvrant l'accessibilité aux cours de français
ça pourrait être une mesure intéressante et pour eux et pour nous.
En ce qui concerne le point 7.1°, la
catégorie des immigrants économiques, la nouvelle exigence qui est
proposée du niveau 7 pour et le
demandeur principal et le demandeur secondaire, l'accompagnateur, est trop
élevée, on souhaiterait qu'elle
revienne au niveau 4. On comprend que dans les règlements, cependant, le
demandeur principal, sa pondération des points sera plus élevée s'il a
le niveau 7, comparativement à l'accompagnateur ou l'accompagnatrice, mais
malgré tout on souhaiterait revenir au niveau 4.
Un
autre point sur lequel je voudrais attirer votre attention et qui a été
beaucoup soulevé depuis deux jours par les reportages de cette enquête,
le rapport de recherche de l'IREC qui a été rendu public, la question qu'il
faut se poser, c'est : Est-ce que le
français représente un obstacle à l'intégration en emploi d'un immigrant
allophone à Montréal? Je ne veux pas
rentrer sur les résultats de la recherche parce que c'est plein de
statistiques, et on peut faire dire beaucoup de choses aux statistiques selon l'optique qu'on a. La
réalité, cependant, c'est que, la région montréalaise, dans la région
montréalaise, la connaissance du français
est de moins en moins nécessaire pour intégrer le marché du travail, et, pour
nous, c'est une anomalie. Si le
Canada... Si le Québec souhaite que la langue commune soit le français, il faut
qu'il y ait un effort généralisé du gouvernement dans tous les ministères mais qui
implique aussi d'autres partenaires, que ce soient les municipalités,
les commissions scolaires, les chambres de
commerce, le Conseil du patronat ou les organismes communautaires, il faut
qu'il y ait une volonté soulignée, ancrée,
répétée, soutenue et combattue pour s'assurer que le français sera la langue
commune.
Nous
sommes aussi d'accord, c'est un sujet dont on discute fréquemment à l'intérieur
du ROFQ, qu'il ne faut pas faire
porter aux immigrants le poids du sauvetage de la langue française au Québec.
Si les Québécois de souche parlant français
ne tiennent pas à leur langue, bien elle devra disparaître, ce que je ne
souhaite pas, loin de là, mais il n'appartient pas... L'immigrant qui arrive ici est en situation d'urgence, urgence de
comprendre sur quelle planète il est arrivé, c'est quoi, les langues, c'est quoi, le travail, c'est quoi,
le système scolaire, etc. Apprendre le français, c'est bien. Apprendre
l'anglais, ça devient lourd. S'il a le
choix, il va aller au plus facile, et on ne peut pas le lui reprocher, il va
parler la langue qu'on lui dit qu'il
a besoin de parler pour se trouver du travail. Alors, c'est à nous, comme État
d'abord mais aussi comme société, de faire en sorte que le français
devienne de façon réelle la langue commune.
Il y a une diminution
du taux de participation aux cours de francisation pour les travailleurs
qualifiés, et là force est d'admettre qu'il
faut faire une réflexion sur toute cette notion de travailleur qualifié. Qui
sont-ils? Pour quelle période
viennent-ils ici? Qu'est-ce qu'ils amènent? Est-ce que c'est... À quel point
s'intègrent-ils? L'examen doit être fait, et une réflexion doit être
faite par l'ensemble des partenaires.
Mais ça nous sonne
une sonnette d'alarme. Qu'est-ce qui explique ce phénomène? Comment peut-on
vivre et travailler, surtout à Montréal,
sans apprendre le français? Comment est-ce possible? Il faut se questionner sur
cette question. Encore une fois, le fardeau ne doit pas revenir sur le
dos des immigrants, mais c'est une question que la société au complet doit se
poser.
• (15 h 40) •
Sur
l'immigration temporaire, le point 15... À la section II, Immigration temporaire, le point 15 : «Un
employeur qui souhaite embaucher un
ressortissant étranger est tenu d'obtenir du ministre, dans les cas et aux
conditions déterminées par [réglementation]...», etc.
«Les conditions
applicables à l'employeur qui embauche un ressortissant étranger [...] par règlement
du gouvernement.»
Nous
souhaitons qu'un des critères de ces contrats implique l'apprentissage du français,
dans le sens que l'employeur doit
s'engager à faciliter l'apprentissage de la langue française à son salarié,
qu'il soit un travailleur temporaire qui cumule plus d'une année, encore
une fois, ou que ce soit un employeur... un immigrant de type... pour un emploi
spécialisé. Il faut que l'employeur, dans
son engagement, s'engage à faire de la place à la francisation et à soutenir,
d'une façon à déterminer, à soutenir la francisation de ses employés.
Sur
le point 106, point 4 : «Les fonctions du ministre en matière
d'immigration, de diversité [...] et d'inclusion consistent plus
particulièrement à :
«6°
contribuer, par l'offre de services
d'accueil, de francisation et d'intégration, à la pleine participation, en
français, des personnes immigrantes à la société québécoise; et
«7° coordonner, par
[la] suite d'une consultation des autres [ministères] concernés, la mise en
oeuvre des programmes...», etc.
On
ne peut qu'applaudir à ces points. On souhaite cependant qu'ils soient réels,
concrets. Il faut... Le ministère de l'Immigration, en ce qui concerne la francisation, depuis quelques années, s'est placé plutôt
dans un rôle de service, et le ministère lui-même nous dit : Nous
ne refusons personne, nous acceptons toute personne immigrante qui demande à être francisée. C'est vrai, nous le constatons sur
le terrain, particulièrement dans les organismes
communautaires, mais il ne
suffit pas d'attendre, il faut aller chercher les personnes immigrantes.
Quand
on dit : Il y a des personnes qui refusent d'apprendre le français,
je n'irais pas jusque-là, parce qu'il
y a toutes sortes de raisons qui peuvent expliquer, mais on peut noter
que, dans la communauté asiatique en général, la résistance à apprendre le français est très grande. Plusieurs facteurs
peuvent l'expliquer, encore une fois, ça peut être que ces communautés sont repliées sur elles-mêmes, ça
peut être parce qu'il y a toutes sortes de questions d'employabilité, de
maintien à domicile, etc., mais il faut que le ministère pose des gestes plus
agressifs pour pénétrer à travers ces communautés
pour les inciter à se franciser. C'est vrai des communautés asiatiques, c'est
vrai des Pakistanais, c'est vrai des Bhoutanais, qui particulièrement
sont repliés sur eux-mêmes et qui déménagent leur pays ici, même s'ils sont immigrants, et continuent à vivre à l'intérieur de
leur communauté. Alors, il faut que le ministère de la francisation...
le ministère de l'Immigration, pardon, que
le ministère de l'Immigration soit plus proactif pour aller chercher ces
communautés.
Et au point 8°
du même...
Le Président (M.
Picard) : En conclusion, s'il vous plaît.
M. Le Clerc
(Roger) : Oui, 106, point 8° :
«8°
susciter et coordonner l'engagement des ministères [...] ainsi que des acteurs
[...] afin d'édifier des collectivités inclusives...», etc.
Nous croyons, encore une fois, que le ministère
doit être le premier porte-parole à l'intérieur même du gouvernement, auprès des autres ministères, pour que ceux-ci
posent des gestes concrets. L'intégration par la langue française ne
pourra se faire qu'à la seule condition que l'ensemble de l'État, des
partenaires veuillent que ça se produise.
Je crois que j'ai
terminé, oui.
Le Président (M.
Picard) : Merci, M. Le Clerc. Je cède maintenant la
parole à Mme la ministre.
Mme Weil : Oui. Bonjour,
M. Roger Le Clerc et Mme Georgina Kokoun.
M. Le Clerc
(Roger) : Bonjour, madame.
Mme Weil : Merci beaucoup de
votre participation.
J'aimerais vous donner quelques chiffres de 2014
sur cette question, c'est du ministère de l'Immigration. Donc, comme vous
savez, les chiffres qu'on a vus dans le journal Le Devoir hier
c'était 2012, admission, ce qui veut dire
sélection quelque part peut-être en 2009, ça remonte assez loin, hein, ça peut
prendre entre trois à quatre ans avant que les gens arrivent. Beaucoup
de, comment dire, progression par rapport à nos bassins francophones. La France
s'est hissée au deuxième rang et au premier
rang dans les premiers neuf mois de cette année, on voit que la France, de
plus en plus... Et tous les grands bassins d'immigration sont francophones. Donc, c'est sûr qu'il y a les réfugiés, le
regroupement familial.
Et il y a
aussi des mouvements par rapport au regroupement familial, je ne sais pas si vous suivez l'immigration,
et c'est toujours... des fois des... Il y a
quelques années où, le gouvernement
fédéral, soudainement il y avait une augmentation du
nombre de regroupements familiaux. Là, ces dernières années, ça a rebaissé, et
ils ont des inventaires importants. Donc, c'est des mouvements.
Mais là,
nous, ce qu'on contrôle, évidemment, on dit toujours au gouvernement fédéral
qu'on veut notre 23 % des réfugiés,
c'est dans l'entente Canada-Québec, c'est notre poids démographique au sein de
la fédération, c'est important, et c'est des gens qui vont... qu'on
inscrit rapidement dans les cours de français. Je pense que vous connaissez
cette expérience. On le voit beaucoup avec
les réfugiés syriens, ils ne parlent ni anglais ni français, donc ils veulent
rapidement s'inscrire dans des cours de français. Il y en a d'autres qui
viennent de l'Afrique qui parlent français.
Pour ce qui est du regroupement familial, c'est
des parents, c'est les grands-parents. Évidemment, on a fait beaucoup de promotion pour rejoindre le
regroupement familial, c'est avant que je devienne ministre de
l'Immigration, qui a donné des résultats. Je
pense qu'il faut continuer à aller dans ce sens-là, je suis d'accord avec vous
sur la promotion.
Mais, si on
revient... si on regarde les chiffres de 2014, on regarde les statistiques,
donc, sur 50 275, 41,4 % des immigrants admis en 2014 qui ne
connaissent pas le français. Un tiers des admissions, c'est des enfants, donc
c'est 17 542 enfants et jeunes qui
sont scolarisés en français. Et on le voit beaucoup aussi dans toute notre
immigration, la part des enfants,
quand même, joue un rôle important. C'est une nuance qui est quand même
importante, là, pour regarder la situation.
Donc, nous,
ce qu'on va faire, c'est de bien regarder nos chiffres. Pour avoir des
politiques publiques cohérentes, il
faut bien... avoir un portrait actualisé de la situation. C'est dur de faire
des constats par rapport à l'accès à l'emploi et la connaissance. Moi,
c'est des constats personnels, alors ça vaut ce que ça vaut, hein, mais je
rencontre quand même beaucoup d'immigrants
qui sont dans des cours de francisation qui sont très qualifiés, ils me disent
tous que... Et c'est beaucoup parce
qu'ils sont très qualifiés que leur niveau de français doit être élevé, vous
comprenez ce que je veux dire, sinon
ils sont sous-qualifiés. Donc, il faut adapter le cours de français à leurs
besoins parce qu'ils ne trouvent pas d'emploi à Montréal, ils ne trouvent pas d'emploi à Montréal parce que c'est des
gens qui sont destinés pour des emplois qui sont plus spécialisés, à un
niveau plus élevé.
Donc, nous,
dans notre stratégie d'action... Et c'est très important, cette consultation,
parce que, oui, on parle de sélection,
cette nouvelle façon de faire avec la déclaration d'intérêt, comment en amont
on met tout le monde en action un peu
avec nous, les partenaires du marché du travail globalement, les villes, et
tout ça, les acteurs régionaux, parce que, s'ils ont voix au chapitre en
amont, la participation, l'inclusion va aller mieux aussi. Mais la question de
la langue, évidemment, c'est primordial.
Donc, beaucoup d'experts qui viennent ici aujourd'hui avec des expériences
différentes, dont vous, c'est important de
vous écouter, parce qu'ensuite, nous, la politique et surtout, je vous dirais,
la stratégie d'action, la mise en oeuvre de la stratégie d'action, on a
eu la consultation en début d'année, l'année dernière, mais c'est aussi un moment important ici, d'entendre tout le
monde — les
choses évoluent — pour
adapter, modifier notre offre de services.
Mais je vous
dirais que l'immigration francophone, elle est quand même dynamique,
actuellement, par rapport aux
travailleurs qualifiés. Alors, j'ai bien hâte d'avoir les chiffres de 2015. On
devrait les avoir, je pense, pour la fin du mois.
Je trouve
intéressante votre idée de donner accès aux cours de français aux travailleurs
temporaires mais qui seraient ici
pour plus d'un an, parce que... Et on pourrait avoir des conditions. Est-ce
qu'ils ont vraiment l'intention... Évidemment, il faudrait avoir des
conditions. Donc, vous voyez donc l'offre globale, que ce soit temps plein, que
ce soit à temps partiel, adapté; que, si on
leur donne ce cours de français, premièrement, on les encourage à immigrer,
mais déjà, lorsqu'ils ont leur CSQ, leur résidence permanente, ils sont
bien équipés pour le marché du travail.
Alors,
peut-être vous entendre un peu plus sur comment vous voyez ça, s'il y aurait des
conditions à imposer, parce que c'est très peu de gens qui proposent ça,
mais je trouve ça intéressant.
• (15 h 50) •
Mme Kokoun
(Georgina) : Quand on le
dit, c'est parce que de plus
en plus on reçoit, au niveau des organismes, des demandes de
ces personnes-là qui veulent vraiment apprendre, des cours de français. Malheureusement,
dans les critères d'admission, elles ne
peuvent pas l'apprendre. Et c'est vraiment un grand nombre, on a pratiquement... à peu près 60 % qui demandent, de plus
en plus.
Donc, on se
dit : Bon, on pourrait accepter tout le monde, mais, là encore, il y a
certains qui viennent juste pour six
mois et puis repartent. Donc, il faut trouver le juste milieu pour... C'est
pour ça qu'on a fait la proposition d'avoir au moins ça, qu'ils cumulent au moins une année, enfin, sur le territoire
québécois pour qu'ils puissent avoir ces cours-là.
M. Le
Clerc (Roger) : Mais, notre
approche, cette question des travailleurs temporaires nous a amenés à
avoir une approche moins globale du phénomène de la francisation. L'immigration
aussi en région nous force à avoir une vision un peu plus ouverte à comment
devrait se faire l'immigration. Il y a même eu une expérience qui a été tentée,
soutenue par le ministère de l'Immigration, à Sherbrooke, où la première année
était plus une année d'intégration des personnes, où,
oui, il y avait un aspect francisation, mais c'était beaucoup une question
d'orientation, comment on va à l'hôpital, comment on va au CLSC, aller faire l'épicerie,
bon, etc., tout ce genre de questions.
Et c'est sûr qu'à Montréal... Moi, j'appartiens
à un organisme où on a une douzaine de classes, il m'arrive 225 étudiants
en début de session, c'est facile, on remplit les classes, merci, bonjour, on
donne les cours, on fait de l'intégration à
travers, bon, mais en région c'est tout une autre question. Mais la vie est
aussi différente. La vie à Montréal est très rapide, très... qui qu'on
soit, point. Alors, pour l'immigrant qui arrive... Moi, mon conjoint vient
d'Afrique de l'Ouest. Quand il est arrivé
ici, il était étourdi, et ça lui a pris six mois à arrêter d'être étourdi,
tellement on n'arrêtait pas de bouger,
pour lui, alors... Mais en région la vie est autre chose, la vie se déroule
différemment. Donc, peut-être qu'il y a lieu de revoir l'offre de services, dans un premier temps, par exemple,
non pas seulement de la francisation mais plus de l'intégration, ce qui
faciliterait la suite des choses.
Je donne
l'exemple de l'enfant qui va à l'école primaire. Sa mère ne connaît pas le
système scolaire, elle reste à la maison,
le mari s'est trouvé du travail. C'est le cas classique. Les deux enfants vont
à la maison, ils apprennent le français assez facilement, assez
rapidement, et là, tout à coup, il y a un écart qui se creuse à l'intérieur de
la famille, où les enfants se parlent entre
eux, la mère parle une autre langue, le père, et là les services sociaux s'en
mêlent parce que ça devient une
famille dysfonctionnelle. Là, je caricature, mais on arrive jusque-là. Alors,
peut-être que, si on accordait... On parle
même, dans les régions... les gens des régions nous ont dit : Il serait
intéressant plutôt que des gens... Dans les régions qui sont très grandes, où ça prend une voiture
pour venir au point central suivre des cours de français, pourquoi ce ne
serait pas le prof qui irait passer un
après-midi par semaine dans la maison de Mme Unetelle, avec M. Untel
qui serait là et les enfants? Et là,
oui, on parle de français, mais on parle des devoirs, on parle du système
scolaire, bon, c'est peut-être une autre approche.
Pour nous, au ROFQ, on a beaucoup adhéré au
concept du français, langue d'intégration, outil d'intégration. Si c'est de ça dont on veut parler et qu'on est
sérieux, il faudrait peut-être essayer de voir d'autres expériences. On
n'en a pas parlé ici parce que ça déborde un
peu de notre question, parce que, là, on arrive dans l'intégration, mais c'est
aussi tout ce phénomène-là. S'il faut voir
la langue française comme langue commune, si on veut qu'elle le devienne, il
faut donner aux nouveaux arrivants et à la
société d'accueil — puis là
on pourrait en reparler longtemps — les outils nécessaires pour que
l'intégration puisse se faire.
Mme Weil : Pour ce qui est de
l'expérience en région, donc, évidemment, quand je vais en région, les gens me disent toujours : Ah! ça se fait bien et
rapidement, l'intégration, parce qu'évidemment personne ne parle anglais
ici, ils apprennent le français très rapidement. Mais ce que vous dites, c'est
plus compliqué que ça, hein? Des fois, les gens sous-estiment, hein? Moi, c'est ce que je remarque. Ils pensent que tout
le monde est une éponge puis que ça s'apprend parce que tout le monde
autour... C'est plus compliqué que ça.
Est-ce que vous pourriez nous décrire peut-être
cette expérience en région? Parce qu'on parlait de classes, un minimum de 15 personnes, mais d'après... je
n'ai pas pu corriger parce que j'ai eu de l'information un peu tard, en
fait c'est beaucoup plus flexible, maintenant.
Mme Kokoun
(Georgina) : En fait, non,
c'est plus compliqué, parce qu'il faut aller... Si, par exemple, l'écart entre... Enfin,
c'est les grandes régions, là. Pour aller rejoindre les personnes, c'est vraiment
difficile. Donc, on peut se retrouver
avec des classes de cinq ou deux, donc c'est vraiment particulier. Et les
gens sont... C'est vraiment difficile pour les organismes en région.
C'est difficile, la sélection. Les critères de sélection, d'abord, pour être
subventionné, c'est difficile, et l'organisme va au-delà de ce qu'il doit
faire.
Donc, c'est
une des propositions. Lorsqu'on a eu la rencontre des membres qui étaient en
région, ils nous ont dit : Écoutez,
nous, on aimerait aussi essayer de toucher toute la famille, comme Roger l'a
dit, on touche toute la famille, on va à
lui. Parce que, quand, supposons, le mari, il vient le matin, il doit aller au
travail, il dépose la dame et puis il est parti, donc, toute la journée elle est là. D'abord, on
l'empêchait d'avoir des cours de façon continue, donc la dame fait deux
heures de cours et puis elle est là, elle
traîne dans l'établissement. Pourquoi ne pas avoir des cours, comme ça se
donne, pratiquement au temps complet,
avoir des cours de telle sorte que la personne puisse, je pense, profiter et
puis rentabiliser son temps, puisque
le transport aussi, c'est quelque chose de vraiment à prendre en compte en
région? Ça, on l'a souligné aussi à, comment
on appelle ça... avec la Direction de la francisation, pour que vous puissiez
regarder cet aspect-là, parce que la réalité
en région est vraiment plus compliquée que celle de Montréal, donc le groupe se
défend plus ou moins. Mais on aimerait que le ministère regarde un peu
plus l'aspect en région.
Si je prends l'exemple de Sherbrooke, on a eu
une de nos membres qui parlait, par exemple, des Bhoutanais. Ce sont des personnes parfois qui sont restées
toute leur vie au niveau des camps de réfugiés. Quand elles arrivent
ici, c'est une autre problématique. Les
cours de français, oui, elles sont dans les cours, mais elles ne comprennent
rien, ce n'est pas une nécessité pour eux parce qu'ils n'ont pas ce
mental. Enfin, ils ont été tellement... ils ont connu tellement de difficultés qu'il y a une autre approche à
prendre, donc essayer de réadapter, par exemple, les cours de francisation
par rapport à ça, envoyer aussi des personnes qui vont essayer de les encadrer
par rapport à ça.
Donc, ils se
retrouvent... ces personnes-là sont vraiment dans leur communauté. Même quand
tu leur parles de : Bon, il faut...
c'est quelque chose d'assez extraordinaire parce qu'ils n'ont jamais vécu ça.
Donc, ils se retrouvent avec ce problème-là, en fait. Donc, ils essaient
un peu d'aller sur le programme du ministère, mais il ne répond pas vraiment
aux besoins de la population.
Je
veux un peu revenir sur l'aspect des immigrants concernant les cours de
francisation à Montréal. On a dit oui, c'est
vrai, au niveau des organismes on a de plus en plus de personnes qui viennent
s'inscrire aux cours de francisation. Il y en a parce que l'offre est
là, le ministère a ouvert plus de groupes — je prends l'exemple de cette
année à l'année dernière — plus de groupes en francisation. Donc, on ne
peut pas dire que les immigrants refusent de se franciser, ils ont envie
de se franciser.
Sauf
qu'il y a une problématique qui est là, on se dit que le temps complet se vide.
Pourquoi? La personne qui arrive,
immigrante, là, oui, elle veut apprendre la langue, oui, parce qu'elle sait que
c'est la première barrière quand tu vas dans une société, elle veut apprendre la langue, mais en même temps il y
a la famille qu'il faut nourrir. Et commencent les cours de francisation. Arrive un moment, ils se vident. Certains
trouvent de l'emploi et vont au temps partiel pour pouvoir continuer le processus, mais d'autres continuent...
n'ont même pas encore le niveau requis pour comprendre... pour aller, comme on appelle ça, travailler. Mais, si, au
niveau de l'emploi, on leur demande, écoutez : Si tu as anglais, là... Je
vous dis, en tant qu'immigrant, tu as plus
de chances d'avoir du travail à Montréal quand tu es anglophone que
francophone, et c'est la réalité. On te
demande... Tu as peut-être un niveau 2 en francisation, on dit : Ah!
tu es bon en anglais, c'est correct, tu peux commencer, bien il va
abandonner le cours parce que, même s'il est à temps complet, peut-être il
touche le SMIG, autant pour moi, il touche — comment ils appellent ici le
minimum, là? — ...
M. Le Clerc
(Roger) : Le salaire minimum.
Mme
Kokoun (Georgina) : ...le salaire minimum, il touche peut-être le
salaire minimum, mais, s'il travaille, il pourra nourrir sa famille. Et
puis il ne trouve même plus la nécessité d'apprendre l'anglais... d'apprendre
le français, parce que c'est l'anglais qui est prioritaire. Écoutez...
Mme Weil :
Où ça?
Mme Kokoun
(Georgina) : À Montréal.
Mme Weil :
Où à Montréal?
Mme Kokoun
(Georgina) : Mais partout à Montréal. En fait, pour l'ensemble des
immigrants qu'on entend, ils disent...
Une voix :
Dans l'Ouest?
Mme
Kokoun (Georgina) : Écoutez, dans le domaine où on est, on en
rencontre beaucoup qui sont en même temps au niveau de la francisation
et qui vont aussi en employabilité. Donc, c'est ce qu'on a de plus en plus. Et
nos membres nous le disent : Ça sert à
quoi de franciser quelqu'un, et, quand il part en emploi, on lui demande d'être
bilingue?
Mme
Weil : Juste vous... Parce que, pour bien comprendre, moi, je
rencontre beaucoup, beaucoup de gens qui sont dans les cours de francisation. Évidemment, c'est des gens, certains,
qui ont été sélectionnés il y a quelques années, un niveau de français plus élevé, actuellement, et
ils disent qu'ils ne sont pas capables... Je parle de gens qualifiés, là.
Est-ce que vous, vous êtes en train de
parler de gens qualifiés? Parce qu'ils me disent qu'ils ne trouvent pas
d'emploi parce qu'ils ne parlent pas français, donc c'est impossible.
Alors, il y en a... évidemment
on a vu... c'est sûr qu'il y a toujours des gens qui peuvent quitter le Québec carrément,
là. Alors, est-ce que vous parlez de gens qualifiés, vous parlez de gens non
qualifiés?
Mme Kokoun
(Georgina) : Même les gens qualifiés...
Mme Weil :
Vous parlez de quel niveau? Quel type d'emploi vous parlez?
• (16 heures) •
M. Le Clerc
(Roger) : Mais là il faut s'entendre de quoi on parle quand on parle
de «qualifiés».
Mme
Weil : Bien... Ou de
gens, d'employeurs qui disent : C'est correct de juste parler anglais. Parce que moi, honnêtement...
M. Le Clerc
(Roger) : Ah! bien ça, des employeurs à Montréal, je vais vous amener
dans le quartier...
Mme Weil :
Bilingue peut-être, mais...
M. Le Clerc (Roger) : Je vais vous amener dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce et sans
difficulté je vous trouve un emploi, demain matin, de serveuse dans un
restaurant, et vous êtes unilingue anglophone.
Mme Weil :
Vous ne parlez pas de travailleurs qualifiés qu'on sélectionne, là.
M. Le Clerc (Roger) : Bien... Mais c'est ça, de quoi parle-t-on? On peut être un travailleur
qualifié, médecin dans son pays, et être chauffeur de taxi à Montréal.
Alors, il est qualifié pour quoi?
Et alors, quand on
nous parle...
Mme
Weil : O.K. Donc, pour en venir à la réforme, on va commencer
avec cette réforme qui fait en sorte qu'on sélectionne... C'est parce
que ça va avoir un impact, hein, sur les cours de français, je vous le dis, là.
M. Le Clerc (Roger) : Oui, oui. Dans
trois, quatre ans, oui.
Mme Weil : Il va falloir
vraiment adapter l'offre parce que, là, c'est des gens qui vont être sélectionnés
pour intégrer rapidement le marché du
travail, donc, évidemment, le critère de français qui est là et un employeur
intéressé, on fait l'arrimage; en région, etc.
C'est sûr,
pour tout le regroupement familial, il faut essayer de pénétrer, je suis d'accord
avec vous. À un certain âge, c'est
une réalité un peu partout dans le monde, peut-être que les grands-parents ne
vont pas apprendre la langue, mais le regroupement familial, c'est
beaucoup ça, c'est des personnes âgées aussi. Les enfants sont scolarisés, donc
ça va bien pour les enfants.
Pour les
réfugiés, nous, notre observation, c'est que globalement, parce qu'ils sont
tellement bien pris en charge, ils vont prendre des cours de français,
mais il y a l'enjeu de la traumatisation.
Le Président (M. Picard) : En
conclusion, s'il vous plaît.
Mme Weil :
Donc, je pense qu'il faut... J'aimerais savoir si, en vertu du nouveau système
de sélection, vous êtes en accord avec
ce système et que vous voyez peut-être que l'offre de francisation devra être
adaptée, donc, à ce nouveau système.
Le Président (M. Picard) :
Très rapidement, M. Le Clerc.
M. Le
Clerc (Roger) : On est
d'accord avec cette proposition dans le projet de loi à la condition que cet
arrimage comporte, pour l'employeur, une obligation d'accepter, de soutenir la
francisation de son employé, parce que sans ça on n'y arrivera pas.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
Mme Kokoun
(Georgina) : Et puis on aimerait aussi que le gouvernement, à son plus
haut niveau, fasse vraiment la
promotion du français comme la langue commune et sensibiliser beaucoup les
employeurs, parce que, quand tu demandes un poste et on te dit : Il
faut être bilingue, ça craint un peu. Il faut absolument être bilingue pour
pouvoir avoir un meilleur emploi.
Moi,
j'aimerais avoir... je n'ai pas le chiffre, là, avoir des statistiques où
quelqu'un qui a été qualifié dans son pays, par exemple, en tant que, je ne sais pas, juste technicien, les
statistiques, est-ce que vraiment il travaille ici en tant que technicien? Non, je ne pense pas. La majorité des
immigrants qui arrivent qualifiés, en tant que travailleurs qualifiés...
Moi, je le sais, j'ai immigré, là, en tant
que travailleur qualifié en informatique; je suis arrivée, je n'ai pas eu de
l'emploi dans mon domaine. Je veux
juste avoir les chiffres. On me sélectionne en tant qualifiée dans tel domaine.
Est-ce que c'est vraiment dans ce domaine que je vais travailler?
Le Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le député de Bourget.
M. Kotto :
Merci, M. le Président. Je ne prendrai pas beaucoup de temps parce que j'ai été
très, très attentif à la présentation,
à l'exposé, enfin, j'ai retenu les messages, notamment celui adressé non
seulement au gouvernement, mais à l'ensemble
des élus ici, à l'Assemblée nationale, relativement au fait qu'il faille tenir
une position claire pour envoyer un signal à l'effet que la langue
publique commune au Québec, c'est le français, c'est la langue de travail,
langue de communication. Et, tant que nous
baignerons dans des ambiguïtés ou des sophismes, quand vient le temps
d'expliquer des situations qui sautent aux yeux relativement à leur
contradiction, nous avons une responsabilité collective.
Et j'entends
aussi qu'au-delà des élus la population doit faire sa part, mais cette
population, à partir du moment où on
ne lui insuffle pas la fierté de cette langue, à l'évidence, elle la
relativisera comme cela se passe aujourd'hui. Donc, ça prend des campagnes. On l'a fait pour des ports de
ceinture dans la voiture, pour l'abus d'alcool, on peut avoir une
approche aussi agressive pour faire la
promotion de la langue française. Et d'ailleurs la collègue qui a la
responsabilité de la Charte de la
langue française parle souvent de défense et de promotion de la langue, mais
très souvent on n'en fait pas la promotion, et ça reste un chantier à
accomplir.
Je vous
remercie beaucoup au nom de notre aile parlementaire pour cet éclairage
relativement à des gens de terrain qui vivent le quotidien de ces
personnes prises avec ces enjeux-là. Merci. Oui?
Mme Kokoun
(Georgina) : J'aimerais juste un peu renchérir sur ce que vous êtes en
train de dire. Je veux dire, moi,
j'arrive, par exemple — c'est juste une image, là — j'arrive dans un monde où déjà, dans le pays
où j'arrive, les gens ont déjà de la
difficulté entre qu'est-ce que je parle, je parle français ou je parle anglais.
Moi, en tant qu'immigrante, j'arrive là,
je regarde qu'est-ce qui m'arrange. Oui, je sais que là-bas, au Québec, quand
j'arrive, c'est le français que je dois parler, mais, si j'arrive et
puis je tombe dans un bureau, et puis je parle le français, la personne me
répond en anglais, je me dis : Ah!
c'est l'anglais qui est bénéfique pour moi, parce que le D.G. parle anglais.
Alors, tout le monde qui est français commence à parler anglais. Moi, je
veux apprendre plus l'anglais pour pouvoir...
Donc,
moi, je viens dans un système, je suis dans un dilemme, il faut bien que je
choisisse qu'est-ce qui peut m'arranger pour pouvoir m'en sortir. C'est ce dont
à quoi l'immigrant est confronté présentement.
Donc, qu'on dise que
l'immigrant est la cause du recul du français, moi, je suis désolée, il faut
que la société elle-même se pose la question. Est-ce qu'on veut que le français
soit la langue commune? C'est ça.
M. Kotto :
Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède la parole à Mme la députée de
Montarville.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président.
Madame monsieur, merci pour le mémoire, merci pour vos propos.
J'ai
pris des notes lorsque vous parliez parce que je me dis que le Regroupement des
organismes en francisation du Québec, s'il y en a un qui comprend ce que
c'est, c'est bien ce regroupement-là que tout le processus de francisation, l'importance, tout passe par vous, la grande
majorité passe par vous. On sait qu'il y a aussi des entreprises, des
syndicats, bon, on l'a appris, qui
francisent également, mais c'est extrêmement important, le travail que vous
faites. Merci de le faire, merci infiniment.
Et,
comme vous dites, l'importance de notre langue, je pense qu'on doit tous y
travailler. Et même les francophones de
souche, nés ici, on doit faire attention à notre langue et tenter de la parler
de la meilleure façon possible, déjà c'est lui rendre hommage et c'est
la protéger. C'est mon éditorial.
Cela
dit, vous représentez 60, 60 organismes à travers tout le Québec, une
référence. Quand vous nous écrivez... On parle de la diminution du taux de participation aux cours de
francisation, ça a fait les manchettes. Mme la ministre a nuancé, certains organismes ont nuancé, ce n'est pas
nécessairement de la mauvaise volonté mais le fait que ces cours ne sont
pas nécessairement adaptés aux besoins des
immigrants, et il faudrait aussi qu'on puisse les adapter pour que les
conditions soient optimales, pour que les
immigrants puissent aller à ces cours. Et vous dites — on est à la page 6, après les
chiffres, là, sur la diminution de
fréquentation, là : «Ces chiffres doivent être une sonnette d'alarme...»
Quand ça vient de chez vous, qui ne représentez aucun parti politique,
qui n'avez pas de parti pris, vous faites de la francisation, vous voyez ce qui
se passe, j'écoute. J'écoute, et ça me touche, et ça m'inquiète tout comme
vous.
Vous
nous avez dit — je vais
accélérer parce que le temps qui m'est imparti est court — vous avez dit, puis j'ai pris des notes : Il ne suffit pas d'attendre
l'immigrant, il faut aller chercher l'immigrant, le MIDI doit poser des gestes
plus agressifs pour les inciter à se
franciser. Pourriez-vous élaborer ça pourrait ressembler à quoi, ces gestes
plus... plus forts, oui?
• (16 h 10) •
M. Le Clerc (Roger) : Je n'ai pas... on n'a pas d'idée géniale à vous proposer. On sait
cependant qu'il y a des communautés qui sont plus résistantes que
d'autres, alors il faut peut-être commencer par eux. Et il y a toutes sortes de raisons, encore une fois, je ne veux pas tomber
dans des scénarios un peu apocalyptiques, l'apocalypse. La plupart des
immigrants souhaitent apprendre français. Beaucoup d'entre eux ne peuvent pas
pour toutes sortes de raisons : des enfants,
je suis trop âgé, je viens de débarquer, bon, etc. Mais on sait qu'il y a des
communautés... la communauté asiatique, les Bhoutanais dont on a parlé.
J'ai dans mon quartier une communauté bengalie qui est d'une résistance pas
juste au français, qui est d'une résistance
à la culture québécoise, qui reste hermétiquement close. Il faut pénétrer ça, il
faut aller chercher ces gens-là, il
faut ouvrir nos portes. J'essaie de
le faire à la mesure de mon organisme en leur offrant des salles pour leurs mariages, etc., c'est très exotique,
c'est merveilleux, mais, bon, ça fait deux ans que je fais cette démarche,
et tout ce que ça me donne, c'est qu'ils
viennent de plus en plus se marier chez nous, mais je ne les revois pas par la
suite, parce que je suis tout seul à faire ça. Alors, comment pénétrer,
je ne le sais pas. Probablement de multiples façons.
Et
c'est là où je reviens avec une... je ne dirai pas une francisation sur mesure,
parce qu'il ne faut pas venir fou puis il ne faut pas aller n'importe où et faire n'importe quoi, mais il faut peut-être être ouvert à différentes
expérimentations, à différentes approches. Cette idée qui nous vient des
régions d'une année... appelons ça d'une année d'intégration, bien, c'est peut-être quelque chose vers lequel il faudrait aller. Mais là ce n'est pas juste le ministère de l'Immigration qui est
concerné, c'est aussi les Affaires sociales, c'est aussi l'Éducation, c'est
aussi les municipalités, c'est aussi les associations. Il y a peut-être quelque
chose là d'ouverture que nous devons avoir pour réussir à ouvrir.
J'ai
bien aimé l'intervenante d'avant qui disait : Il ne faut pas mettre la
langue française en concurrence, il faut additionner les langues. Bien, peut-être qu'il ne faut pas mettre les
cultures en concurrence non plus. Peut-être que, mes Bhoutanais, il faut les accueillir comme ils sont
et essayer de tisser des liens. Comment? Je ne le sais pas, je n'ai pas
de formule miracle. Si j'en avais, je serais
probablement assis à la place de la ministre. Mais il y a là une réflexion
qu'il faut faire.
Et
peut-être que l'arrivée massive de ces réfugiés syriens, sans tomber dans...
remettre en question ce phénomène-là,
va nous forcer à se questionner sur notre façon d'accueillir, un peu comme on a
été forcés de le faire avec les boat people. Moi, je me souviens — je suis assez vieux pour ça — de l'arrivée des boat people. À l'époque,
j'étais à Victoriaville. À Victoriaville, il était débarqué 55 boat
people, c'est énorme, à Victoriaville, il y a je ne sais pas combien d'années,
et il y avait eu tout un mouvement de la
municipalité, toute la population était là pour les accueillir, et on a inventé
des choses là-bas à ce moment-là. Bien, peut-être qu'il faut profiter de
nos Syriens qui arrivent, qui qu'ils soient, qu'on doit profiter pour revoir
notre façon d'accueillir. Parce que franciser, c'est le début d'un processus,
pour l'immigrant, qui va être très long.
L'intégration, ça se fait en quatre ou cinq ans à peu près quand ça va bien,
pas du tout quand ça va moins bien. Alors, il faut prendre le temps de
prendre le temps, mais il faut être ouvert.
Le Président (M.
Picard) : 20 secondes.
Mme Roy
(Montarville) :
Ah là là! 20 secondes! Juste le temps de vous remercier...
Des voix : Ha,
ha, ha!
Mme Roy
(Montarville) :
Merci infiniment, merci pour votre présentation.
M. Le Clerc (Roger) : Fait plaisir.
Mme Roy (Montarville) : Oui,
voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Kokoun (Georgina) : On aimerait
ajouter une autre catégorie qu'on a oubliée, ce sont les...
M. Le Clerc (Roger) : Oui, que j'ai
oubliée.
Mme Kokoun (Georgina) : ...ce sont
les immigrants qui viennent d'autres provinces.
Mme Weil : ...pas des
immigrants, là.
Mme Kokoun (Georgina) : Bien, si. Il
y a certains qui quittent ici, qui partent et qui reviennent.
Mme Weil : Ils n'ont pas un
CSQ.
M. Le
Clerc (Roger) : Non, mais le
problème est justement là. Parce qu'ils n'ont pas le statut... C'est des
gens qui sont anglophones, pour la très
grande majorité, qui veulent apprendre le français et qui n'ont pas accès à nos
cours. Il y aurait peut-être, là, lieu de regarder est-ce qu'il y a quelque
chose de possible. Je comprends qu'ils ne sont pas immigrants, ils...
Mme Weil : Bien, pour la
société québécoise généralement, est-ce qu'il y a quelque chose à offrir.
M. Le Clerc (Roger) : Oui.
Le Président (M. Picard) :
Donc, je vous remercie pour votre contribution aux travaux de la commission.
Et la commission ajourne ses travaux au
mardi 2 février 2016, à 10 h 15, afin de poursuivre son
mandat. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 16 h 14)