(Quatorze heures quatorze minutes)
Le Président (M. Picard) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones
cellulaires et de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations
particulières et auditions publiques
sur le document intitulé Rapport de la mise en oeuvre du plan
d'actiongouvernemental 2008‑2013 en matière
d'agression sexuelle.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Blais (Saint-Henri—Sainte-Anne) est remplacée par Mme Simard
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré);
M. Bergeron (Verchères) est remplacé par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve);
et Mme Lavallée (Repentigny) est remplacée par Mme Roy (Montarville).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Picard) : Merci. Nous entendrons aujourd'hui les
organismes suivants : le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada, la Confédération des
syndicats nationaux, le Regroupement des organismes Espace du Québec et
finalement le Centre de ressources et d'intervention pour hommes abusés
sexuellement dans leur enfance.
Nous allons
débuter avec le Réseau d'action des femmes handicapées du Canada. Mme Kouidri,
vous disposez d'une période de 10 minutes, va s'en suivre un échange
avec les parlementaires. Donc, la parole est à vous.
Réseau d'action des
femmes handicapées
du Canada (RAFH Canada)
Mme
Kouidri (Selma) : Alors, bonjour, mesdames, messieurs. Je vous
remercie tout d'abord de nous avoir, au nom du Réseau d'action des
femmes handicapées du Canada, donné cette occasion, en fait, de participer à
ces audiences et puis peut-être d'enrichir avec notre mémoire, nos
échanges un petit peu, peut-être, le futur plan d'action que nous aimerions beaucoup plus inclusif. Vous comprendrez qu'on a été quand même
invités dernière minute. On s'est fait inviter dernière minute. Donc, la préparation a été très, très
rapide, mais j'espère que ce qu'on vous a envoyé déjà pourrait déjà vous
donner une idée de nos préoccupations, des besoins en fait formulés par les
femmes en situation de handicap.
Le Réseau d'action des femmes handicapées est un
réseau pancanadien situé à Montréal. Nos bureaux sont situés à Montréal. Nous existons depuis près de 30 ans maintenant
et nous travaillons beaucoup de
façon... notre mantra qui est : le leadership, le partenariat et le
réseautage... travaillons beaucoup, beaucoup
en réseautage, en fait, et en partenariat pour développer un petit peu
plus le leadership des femmes en situation de handicap, des organismes et des
comités oeuvrant auprès de ce groupe de femmes.
Donc, nous
avons présenté ce mémoire-là, que nous espérons... qui n'est pas assez bref,
on le comprend, mais nous avons essayé un petit peu, à la lumière du plan
d'action que nous avons regardé, qui est le plan d'action qui nous a été
soumis, 2008‑2013 pour les agressions sexuelles... Nous avons constaté en fait
la présence plutôt très discrète des femmes
en situation de handicap dans ce plan d'action, puisque des mesures qui ont été
présentées sont à... se comptent sur
le bout des doigts, ce sont deux mesures qui ont été présentées, et cela, ce
n'est pas par manque de volonté puisque nous avons participé pas mal, les organismes femmes, à des consultations
qui ont été déjà faites, pour pouvoir un petit peu être plus présentes
au sein des plans d'action qui sont décidés par... qui sont étudiés par le
gouvernement.
Le mémoire
que nous avons présenté, vous allez voir, c'est assez long, ce qu'on a
présenté, parce qu'on voulait absolument
donner une idée claire de la situation des femmes, de reconnaître un petit peu
plus les femmes en situation de handicap,
qui sont-elles, où sont-elles, peut-être pour plus leur permettre de
communiquer un peu plus leurs préoccupations et d'avoir une oreille plus
attentive à leurs besoins aussi d'en discuter. Nous représentons quand même des
groupes différents, des comités de femmes
handicapées ici, au Québec, et ailleurs au Canada. Et, dans le cadre de ce
mémoire-là, nous avons présenté des recommandations surtout qui sont à la
lumière de nos derniers travaux sur un projet qui s'intitule In focus :
Mettre en lumière les personnes en situation de handicap, où on a travaillé
avec des groupes de femmes handicapées victimes de violence, de toute forme de
violence.
Donc, je vous
éviterai un petit peu de préciser chaque type de handicap, les femmes
représentant les différents types de
handicaps. Vous allez comprendre que ce sont des groupes différents. Les femmes
handicapées peuvent être des femmes immigrantes, des femmes qui ont une
orientation sexuelle différente, qui peuvent aussi être des femmes québécoises comme étant, comme je viens de le
préciser, immigrantes et racisées, d'où notre approche intersectionnelle
en fait pour comprendre un petit peu plus
les préoccupations et les besoins de chaque groupe qui sont cités dans le
mémoire.
Nous avons travaillé beaucoup à identifier les
différents contextes de violence que peuvent vivre les femmes handicapées dans
des groupes de discussion, des groupes qui ont été ici au Québec et comme
ailleurs au Canada. Et ce
qui ressortait beaucoup plus, c'est les agressions et les abus, les agressions
sexuelles aussi, où les femmes souvent se retrouvent victimes, mais ne peuvent vraiment aller au-delà de parler de
leur victimisation. Même pas, la dénonciation ne se fait pas. Pourquoi? On a cité un petit peu plus
dans le mémoire les difficultés de ces femmes-là pour aller dénoncer les
actes d'agression qui se sont perpétrés contre elles.
• (14 h 20) •
Et, quand on regarde un petit peu les contextes
de vulnérabilité dans lesquels elles vivent, on comprend pourquoi la difficulté à dénoncer et à en parler
aussi. Beaucoup d'obstacles sont sur place, beaucoup d'obstacles qu'on a
constatés au niveau des dispensateurs de service, comme au niveau aussi
familial aussi. Et l'on a constaté aussi que beaucoup
de femmes qui vivent avec la déficience intellectuelle sont souvent victimes d'agression sexuelle sans
pouvoir en parler. Vraiment
et souvent, l'abuseur, c'est quelqu'un qui est proche, c'est quelqu'un... un
membre de la famille, donc on a de la
difficulté à en parler, on a de la difficulté
à dénoncer ça, et souvent les femmes, quand elles dénoncent, ne sont pas
crues. C'est ça qui ressortait beaucoup
de nos groupes de discussion :
elles ne sont pas crues. Si elle veut aller au-delà de dénoncer au sein
de la famille, au sein de l'institution, donc aller voir au niveau judiciaire,
aller voir la police, ça se complique encore plus pour elle puisque les
services ne sont pas adaptés à la réalité des différents handicaps.
Si on parle
des femmes sourdes par exemple, souvent, appeler le 7-1-1 pour aboutir au 9-1-1
pour dénoncer une agression quelconque, c'est assez difficile pour
elles. Nous-mêmes, on a découvert des choses en discutant avec ces femmes-là lors de groupes de discussion, parce que
souvent, nous, on travaille que... notre approche est multihandicaps, donc on essaie d'être dans des groupes où il y a
différents handicaps qui sont représentés, donc, on découvre des
situations qu'on n'a même pas pensées réellement. On se dit... le manque
d'accessibilité des services qui existent.
Si je reviens
au plan d'action qui a été proposé par le gouvernement de... qui a été mis en
action 2008‑2013, les deux recommandations qui ont été... plutôt les
deux... qui ont été identifiées dans ce plan d'action parlent beaucoup d'information et de sensibilisation auprès des
femmes handicapées. Oui, c'est très important de leur parler des
violences, de les sensibiliser aussi à certaines réalités parce que, souvent,
elles ne comprennent pas, mais ce n'est pas assez. Pour nous — d'ailleurs,
on l'a cité dans nos recommandations — les informer, les
sensibiliser n'est pas assez. C'est aussi informer
la communauté, sensibiliser la communauté aussi, et adapter les services qui
existent déjà à la population générale, mais qui sont de moins en moins
accessibles pour ce groupe qui vit en situation de vulnérabilité.
Je donne un
exemple simple : Une femme qui a une déficience intellectuelle qui a été
agressée sexuellement — c'est des témoignages qu'on a eus... d'ailleurs, on a cité
plusieurs témoignages dans le mémoire — qui va aller jusqu'à dénoncer à la police, parce qu'elle a été
accompagnée, mais, une fois qu'on lui dit : Tu peux aller au niveau des
CAVAC aussi, on peut te donner une aide
supplémentaire parce que tu es victime, là, ça s'arrête pour elle parce que
l'information qui est là, c'est trop de
travail pour elle, c'est trop de... on lui demande trop de compréhension de
documents qui ne sont même pas accessibles, qui ne sont même pas en
langage simplifié pour qu'elle puisse elle-même se prendre en main et aller
au-delà. Donc, ça, c'est un des exemples assez simples pour comprendre la
difficulté d'accéder aux services qui existent déjà.
Nous-mêmes, on travaille dans le cas du projet
Dans la mire, on a développé aussi des outils. Quand on parle de recommandations, c'est surtout d'informer la
communauté et d'informer les femmes, c'est de leur donner des outils
aussi pour se défendre elles-mêmes, pour se prendre en main, mais aussi donner
les outils à la communauté. Si on prend le simple
exemple d'un service de police, le SPVM, ou la SQ, ou la Sûreté du Québec,
c'est que les intervenants doivent être aussi informés, doivent être formés aussi pour pouvoir répondre aux
besoins aussi de ces personnes-là, de comprendre le contexte de vulnérabilité, de comprendre aussi le
handicap de la personne. Nous avons développé des outils qu'on voudrait aussi tester auprès de ces dispensateurs de
services et de voir avec eux qu'est-ce qui pourrait mieux marcher. Parce
qu'on a constaté... une fois que la femme
appelle le 9-1-1 pour une agression sexuelle, pour une violence conjugale,
souvent, la chaîne se brise à un
moment donné. Quand la police prend l'appel ou au niveau... on la transfère au
niveau du CLSC, qui va essayer de trouver une maison d'hébergement pour
la femme, parce qu'elle voudrait peut-être quitter son foyer, mais là, ça devient plus difficile parce que la
majorité des... un grand nombre de maisons d'hébergement ne sont pas
accessibles aux femmes en situation de handicap.
Donc, dans
nos recommandations, on a essayé plus de parler d'éducation, de
sensibilisation. Oui, c'est important de développer des outils
accessibles dans des formats accessibles pour les personnes en situation de
handicap, les femmes notamment, et surtout
pour les dispensateurs de services, de mettre en place... quand même de
considérer le concept d'accessibilité universelle, qui est un concept
assez général pour identifier... en fait de s'adapter à la réalité de chaque handicap et, comme ce n'est pas juste... Je
donne un exemple toujours simple : avoir une porte automatique qui s'ouvre automatiquement, ce n'est pas juste pour la personne qui est en fauteuil
roulant, mais c'est aussi pour la femme qui est avec une poussette, qui
doit se promener avec sa poussette ou une personne âgée qui doit avoir une marchette
aussi.
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît.
Mme Kouidri (Selma) : Donc, c'est
pour toute la population.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme Kouidri. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une
période de 20 minutes.
Mme Vallée : Merci. Alors, merci beaucoup pour votre
présentation. Ce qui me frappe, c'est toute la question de l'accessibilité. À quel point, pour vous, ça
semble être l'un des obstacles les plus importants pour les femmes
handicapées, pour les femmes aveugles, c'est les obstacles à la dénonciation,
les obstacles, même, à une forme d'accompagnement qui serait adaptée à la réalité. Donc, obstacles dans la compréhension de la
documentation, vous en avez fait état lorsqu'il est question de référer une victime à la CAVAC, ça devient lourd, c'est
compliqué, ce n'est pas dans un langage qui est nécessairement adapté.
J'imagine, évidemment, dans certains cas, la
documentation n'est pas, non plus, accessible pour des femmes aveugles. Bref, vous soulevez cet enjeu-là et vous
soulevez également l'enjeu de l'obstacle qui est l'obstacle plus social,
c'est-à-dire la compréhension de la
situation propre et de la vulnérabilité des femmes handicapées chez les
intervenants qui ont à recevoir ces femmes-là,
victimes de violence et d'agressions sexuelles. Alors, ça, je pense que votre
témoignage est assez clair là-dessus, et je comprends qu'il est important, pour
vous, dans un prochain plan d'action, de prendre les moyens d'abaisser ces
obstacles-là, de les réduire substantiellement.
De quelle
façon croyez-vous qu'il est important de s'y prendre? Quelle façon on peut
s'attaquer à tout ce qui est d'adapter
ces services-là? Quelle serait la façon qui, à votre avis, serait la meilleure
pour venir à bout de ces obstacles d'accessibilité?
Mme Kouidri (Selma) : Merci, Mme la
ministre. C'est une question assez directe, et moi, je pourrais vous dire, en fait, je répéterais aussi parce qu'on
travaille déjà sur un projet qui est assez inclusif, et on est avec un comité
pour les agressions sexuelles aussi, qui est
mené par le RQCALACS aussi... Moi, je pourrais vous... Ce qu'on a constaté
d'après les demandes, aussi, des femmes, ce
qui pourrait faciliter, ce qui pourrait réduire les obstacles, voire les éliminer,
c'est de travailler en partenariat
aussi avec les organismes et de prendre des organismes oeuvrant auprès des
femmes, qui sont souvent la porte
d'entrée, les organismes de femmes en situation de handicap ou les femmes en
général, qui sont souvent la porte d'entrée pour ces femmes-là aussi.
Donc, si les dispensateurs de services
travaillent en collaboration, que ce soit un partenariat qui se fait... je
pourrais penser à une table de concertation ou des comités qui se mettent en
place, donc ça peut faciliter énormément de
comprendre les contextes de vulnérabilité pour les personnes handicapées,
comprendre les types de handicaps aussi, comprendre l'adaptation possible, les attitudes, la communication facile
pour ces personnes... pour pouvoir les rejoindre. C'est assez
intéressant de trouver... par exemple, nous avions vu des capsules qui ont été
développées par la Sûreté du Québec il y a
quelques années pour parler de la violence faite aux femmes. Moi,
personnellement, j'ai utilisé ces capsules pour les groupes de femmes
avec qui j'ai travaillé, ça ne leur parlait pas du tout, ça ne venait pas les
rejoindre, parce que c'était comme si ce n'était pas leurs situations.
Donc, nous
avons développé... Nous essayons de pousser les femmes, quand même, à parler de
leurs situations, mais nous voulons
travailler en même temps avec les dispensateurs de services pour que ces
femmes-là puissent avoir réponse à
leurs besoins. Si je viens dénoncer, moi, demain, il faudrait qu'au niveau de
la police... qu'on me comprenne, qu'on
sache c'est quoi, mes besoins, et que je puisse, moi, personnellement, si j'ai
un fauteuil roulant, je dois me déplacer, la maison d'hébergement est
assez adaptée... S'il n'y a pas de maison d'hébergement, donc, on fait en sorte
que je reste chez moi mais en sécurité
aussi. La sécurité est importante. Sauf que là on ne le voit pas vraiment. On
essaie d'approcher, par exemple, les services de police ou, comme je
dis, les intervenants en général au niveau des CLSC. La réponse n'est pas là.
C'est ça qui est dommage.
Mais
l'éducation, les programmes de formation qui doivent être offerts aux intervenants, aux dispensateurs de services, autant aux dispensateurs qu'aux femmes
elles-mêmes, parce que se prendre en main... Nous, nous ne
voulons pas les victimiser doublement et de
mettre la responsabilité sur leurs épaules, non. C'est que, nous, on lui
dit : Il y a une ligne sans frais qui a été mise en place, il y a peut-être
un an ou plus, où on demande aux femmes d'aller dénoncer. Mais moi, je
ne peux pas encourager les femmes handicapées d'aller dénoncer parce que je
sais qu'elles ne vont pas avoir la réponse qu'elles attendent. Donc, c'est les
mettre en danger sachant que l'abuseur souvent est quelqu'un qui est dans
l'entourage de la personne.
Donc, moi, ce que je peux vous répondre, c'est vraiment
travailler proche avec les organismes, qui sont des organismes de femmes handicapées ou des organismes de femmes en général.
Et développer ce partenariat, ce serait très, très... profiter de l'expertise
qui est déjà là pour pouvoir adapter les services existants.
Nous ne voulons pas réinventer la roue, il y a des services qui sont là,
il y a des programmes qui sont là, il suffit juste de les adapter, de
travailler en partenariat avec les organismes qui desservent les femmes en situation
de handicap.
• (14 h 30) •
Mme Vallée : Vous avez
soulevé quelque chose, vous avez dit : Dénoncer, je peux difficilement
inviter les femmes à dénoncer puisque, si je les invite à dénoncer, elles vont
se mettre en danger et vous se placer en situation de vulnérabilité. Je comprends que vous invitez un travail de
partenariat entre des groupes qui travaillent auprès des femmes
handicapées et des groupes comme les CALACS, comme les groupes qui offrent des
services aux victimes, faire des liens également avec les intervenants, qu'il
s'agisse du milieu policier, des différentes ressources. Mais comment, à court
terme, venir trouver une réponse à cette problématique-là? Parce que de ne pas
les inviter à dénoncer, parce qu'elles se
mettent dans une situation de vulnérabilité, c'est aussi passer sous silence
des gestes, des actes qui sont tout à fait inacceptables. Alors, elles
ne peuvent dénoncer, l'agresseur ne peut être puni pour les gestes posés et ne
peut, non plus, être sensibilisé à l'impact que le geste posé a pu avoir chez
la victime.
Alors, je
comprends la volonté du travail de collaboration, du partage des connaissances,
du partage du savoir, mais comment aller plus rapidement afin de
s'assurer qu'on puisse permettre à ces femmes victimes de violence sexuelle de
dénoncer leur agresseur et d'avoir, ce faisant, l'accompagnement qui est
requis?
Mme
Kouidri (Selma) : Je reviendrai toujours à vous dire : C'est de
donner les ressources aussi aux organismes communautaires, aux
organismes aussi qui travaillent directement avec ces femmes-là. C'est une
porte d'entrée. Je vous
donne un exemple simple. Nous recevons des appels, nous recevons... dans le
cadre de groupes de discussion que nous avons eus, nous n'avions pas les ressources nécessaires, nous n'avions
pas, par exemple, simplement une intervenante psychosociale pour pouvoir
prendre en main les femmes qui participent à ces groupes de discussion, qui
sont victimes d'agression, qui ont été
victimes d'agression sexuelle, qui se retrouvent à se remémorer tout ça. Donc,
ça a été très, très difficile pour nous, mais nous avons été chercher
l'aide nécessaire pour pouvoir soutenir ces femmes-là.
Où le
problème s'arrête, je répéterai toujours, c'est que nous voulons les pousser à
en parler, à sortir de ce cercle infernal, mais, en bout de ligne,
est-ce que les services vont être adaptés? Nous voulons que les services soient
adaptés, que cette femme, quand elle appelle au SPVM ou la Sûreté du Québec,
quand elle est en dehors de Montréal ou autre, que les services soient adaptés
à ses besoins, qu'elle soit... quand c'est une femme sourde, par exemple, qu'on comprenne un petit peu la réalité des femmes
sourdes, qu'on ait l'interprète qui est disponible tout de suite, que
cette femme-là, elle est prise en main
rapidement. Ce n'est pas qu'on lui dise : On attend ou on la met sur une
liste d'attente parce qu'elle a été
voir le CLSC, c'est une travailleuse psychosociale qui a beaucoup de dossiers.
À un moment donné, on les met en liste d'attente. C'est ce que nous
avons comme réaction, comme réponse auprès des femmes.
Moi, je vous
répéterais vraiment : C'est le travail de partenariat qui doit se faire
rapidement avec les dispensateurs de services pour voir... Moi, je peux
vous donner un exemple. Nous avons développé des outils d'éducation aussi qui peuvent être offerts, c'est des formations qu'on
offre aux dispensateurs de services pour leur expliquer un petit peu les
contextes de violence, les contextes de vulnérabilité, les différents types de
handicap et comment peut-on avoir des pratiques inclusives, comment peut-on
répondre au mieux aux besoins des personnes ou des femmes en situation de
handicap victimes de violence ou victimes d'agression sexuelle. Je ne sais pas
si ça répond à votre question, mais moi, je répète toujours... à dire que c'est
aux services, en bout de ligne, qui doivent être adaptés, nous assurer que les services soient adaptés, et donc ils ne seront
adaptés qu'en partenariat avec des organismes déjà travaillant dans le
domaine.
Mme Vallée : Vous parlez,
lors des différents... Dans votre mémoire, vous faites référence aux services d'orientation
qui devraient être offerts aux femmes immigrantes handicapées ou sourdes. Là,
on est vraiment dans la catégorie des femmes qui sont doublement stigmatisées. Et
quel serait le type de service d'orientation qui pourrait... ou qui serait nécessaire
pour cette clientèle bien particulière?
Mme
Kouidri (Selma) : En fait, c'est toujours un service d'orientation,
que ce soit au niveau des organismes qui travaillent auprès de cette clientèle-là... Je prendrais peut-être
l'association multiethnique pour les personnes handicapées. Ils ont un comité de femmes, et c'est très
difficile de rejoindre les femmes déjà dans un contexte différent, des
valeurs différentes, cultures différentes,
et des fois il y a l'obstacle de la langue qui est là. On a de la difficulté
aussi à les rejoindre, et à parler,
et à sortir un petit peu de cette réalité, de parler un peu plus d'agressions
qui se font ou de la violence en général.
Donc, le type d'orientation, ça pourrait être un
comité qui pourrait être mis en place au sein des organismes où on peut rejoindre mieux... et avec aussi, au niveau
des dispensateurs de services, on peut mieux rejoindre les femmes
immigrantes, les femmes sourdes, parce que c'est... Je pense que vous allez
recevoir sûrement un mémoire de La Maison
des femmes sourdes de Montréal, qui travaille beaucoup, beaucoup sur le dossier
de la violence conjugale et les agressions sexuelles, qui sont très
présentes dans ce domaine-là. Donc, elles expliqueraient beaucoup mieux que moi
le contexte de vulnérabilité pour ces femmes-là.
Nous voyons
un comité d'orientation qui pourrait travailler directement avec les femmes
immigrantes, leur parler des services
qui existent, les ressources qui existent, adaptés aux différents handicaps,
mais aussi les mettre au courant de ce
qui existe. Parce qu'arriver ici et ne pas savoir de... Souvent, elles sont
dans des situations où leur statut d'immigrantes est assez précaire, leur statut financier est assez précaire. Elles
dépendent toujours d'un conjoint ou de quelqu'un qui les a parrainées et qui peut être souvent un abuseur
aussi. Donc, elles ont de la difficulté d'aller au-delà de ça puis de
dénoncer des situations qu'elles peuvent vivre.
Nous-mêmes,
c'est que, en travaillant avec ces comités d'orientation, c'est un petit peu de
leur parler des droits qu'elles ont
et d'adapter l'information qui existe aussi, de la rendre accessible dans
plusieurs langues, d'une certaine façon, mais surtout d'avoir des
groupes de discussion, des groupes de travail avec les femmes directement, que
ce soit au niveau des organismes de femmes,
des organismes communautaires — je répète encore une fois — qui sont vraiment la porte d'entrée. Et puis je pense qu'il y a déjà
des programmes qui existent, au niveau des dispensateurs de services,
pour pouvoir mieux accueillir des clientèles différentes, dont des personnes
immigrantes, mais on accueille des personnes immigrantes sans réellement
adapter à la réalité des femmes en situation de handicap immigrantes ou
racisées.
Mme Vallée : Pour la
clientèle des femmes en situation de handicap, est-ce qu'il est opportun de
maintenir... Parce qu'on a actuellement...
Puis on s'est questionnées... Ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve l'a soulevé
la semaine dernière, on a plusieurs
plans d'action. Il existe un plan d'action en matière d'agression sexuelle, il
existe un plan d'action en matière de
violence conjugale, donc différents plans d'action qui viennent à échéance à
différents moments dans le temps.
Est-ce qu'il est opportun de maintenir des plans d'action distincts ou est-ce
que, pour... notamment pour les femmes que
vous représentez aujourd'hui, est-ce qu'il serait important d'incorporer les
notions à l'intérieur d'un seul et unique plan? Parce que je comprends
que les femmes en situation de handicap peuvent faire l'objet de violence
sexuelle à l'intérieur de leur vie de couple, leur vie conjugale, de leur vie
familiale. Est-ce que c'est complexe de se retrouver là-dedans ou est-ce qu'il
est important de les maintenir distincts?
• (14 h 40) •
Mme Kouidri
(Selma) : Personnellement, dans notre groupe, en fait, nous, de
maintenir ces programmes distincts, c'est
assez difficile aussi, d'avoir à incorporer... Parce que ce qu'on a fait dans
le mémoire, on a précisé qu'on peut vivre différents contextes de violence qui
peuvent mener souvent aux mêmes résultats, en fait, que de la
victimisation supplémentaire pour ces femmes-là. Donc, avoir un programme qui
répondrait aux besoins et qui soit spécifique aux violences, aux différentes
formes de violence que vivent les femmes, spécifiquement en relevant aussi,
comme vous l'avez bien soulevé, le fait que
les femmes vivent en contexte conjugal, familial ou institutionnel, mais qui
peuvent vivre différentes violences qui peuvent mener à des violences...
à des agressions sexuelles, mais qu'elles ne peuvent pas nommer non plus, mais
qu'elles vont tomber entre les craques, comme on dit, parce que ce programme-là
ne répond qu'à tel besoin. Donc, c'est
souvent... c'est ce qu'on réalise et c'est ce qu'on a vécu avec les groupes de
discussion qu'on a eus. Donc, pour
nous, avoir un programme qui incorporerait en fait, qui parlerait... qui
prendrait en considération les différentes formes de violence que
peuvent vivre les femmes serait beaucoup plus souhaitable, mais qui répondrait
efficacement aux besoins des femmes en situation de handicap dans toutes leurs
diversités. C'est ça.
Mme
Vallée : Donc, je
comprends que, pour vous, l'importance, c'est d'avoir des actions concrètes, avoir
une attention claire et forte de soutenir les clientèles, les femmes en situation
de handicap, et, pour vous, c'est ce qui est porteur, et ce n'est pas la
quantité de plans d'action, mais c'est plutôt la mise en place de mesures pour
accompagner, pour éduquer aussi ceux et
celles qui ont à être en contact avec ces clientèles-là. Je comprends que, de
votre message, là, c'est surtout... c'est ça qui est important...
Mme Kouidri
(Selma) : C'est important.
Mme Vallée :
...et que les actions posées soient... mènent à des résultats.
Mme
Kouidri (Selma) : Tout à fait. C'est des mesures concrètes de voir la réalité et de se dire :
Voilà ce qu'on peut faire. Les recommandations sont claires. Ce que nous proposons, et c'est issu de nos travaux,
hein, c'est les femmes qui le
demandent, ce n'est pas nous en tant que groupe, en tant qu'organisme, c'est vraiment
les besoins, qu'est-ce qui
peut répondre, qu'est-ce qui peut améliorer la situation. Donc, c'est aller
vers ça.
Et
puis moi, je peux vous donner un exemple simple. L'éducation, vous parlez, le
soutien à l'éducation pour tout le
monde, pour la communauté comme pour les femmes, même pour les abuseurs aussi,
c'est important pour nous qu'ils soient
informés, qu'ils soient sensibilisés à cette réalité. Parce que je peux vous
dire, un abuseur qui est dans un milieu institutionnel, parce qu'il est
en situation d'autorité, que ce soit un conjoint, que ce soit un membre de la
famille, va trouver que c'est tout à fait normal qu'il puisse abuser de cette
façon-là de la personne qui est sous sa tutelle, d'une certaine façon. Donc,
travailler aussi auprès des abuseurs, c'est très important. J'ai vu un exemple
de La Maison des femmes sourdes, où elles
travaillent, en parlant de la violence conjugale précisément, elles travaillent
beaucoup avec les conjoints aussi,
d'expliquer un petit peu le contexte de violence, qu'est-ce que c'est que la
violence conjugale. En tant que conjoint,
toi, tu peux être violent, mais tu ne te considères pas comme un abuseur, et
c'est important qu'on leur donne ce message-là, qu'ils le comprennent,
et que c'est un travail à deux qui se fait.
Il y a beaucoup de
femmes handicapées qui ne veulent pas quitter leur foyer aussi, qui ne veulent
pas souvent aller dans des maisons
d'hébergement vu que l'accessibilité est très discutable, ou elles peuvent se
retrouver, par exemple, dans une
maison d'hébergement où la vie sociale de la maison se passe au premier étage
et elle, elle est au rez-de-chaussée parce
que c'est la seule chambre accessible. Donc, c'est encore, l'isoler encore
plus. Souvent, elles vont se dire : Moi, je reste chez moi, mais ça veut dire qu'on la coupe de tout si elle
dénonce. C'est le conjoint qui avait les moyens financiers de subvenir à ses besoins, de tenir la maison. Donc,
c'est quand même... on coupe pas mal de choses pour cette femme-là.
Donc, c'est prendre en considération ces situations de vulnérabilité.
Le Président (M.
Picard) : Il vous reste une minute, Mme la ministre.
Mme Vallée :
Bien, en fait, simplement vous remercier. Je sais que vous avez dû travailler
dans un temps compressé, mais le mémoire que
vous nous avez soumis est d'une grande qualité et je l'apprécie. Ça va nous
permettre de... Je pense qu'avec les
collègues on pourra certainement utiliser les recommandations et, on l'espère,
arriver avec des suggestions qui
sauront apporter un petit baume sur ce que vivent les femmes handicapées
victimes de violence sexuelle.
Mme Kouidri
(Selma) : Bien, je vous remercie aussi, puis je suis contente que...
Ce n'est pas la dernière, dernière version
parce je sais qu'il y a peut-être des petites erreurs, parce que c'est dernière
minute qu'on l'a présenté, mais j'espère
que les recommandations vont aider à avoir un plan d'action plus inclusif, puis
on est là pour travailler en partenariat.
J'aimerais laisser
des outils qu'on a développés ici, ça peut donner une idée un petit peu de ce
que l'on propose comme programmes d'éducation et de sensibilisation auprès des personnes, des femmes handicapées et
auprès des dispensateurs de services.
D'ailleurs, ce mercredi le 25, on donne un atelier et on essaie d'avoir beaucoup
de dispensateurs de services, des
maisons d'hébergement, le SPVM, la SQ, tout ça, pour discuter avec eux du processus d'intervention qui se fait auprès
des femmes, comment ça se fait et comment peut-on l'améliorer. Si c'est bien,
tant mieux; si on doit l'améliorer, comment on peut travailler ensemble pour
l'améliorer.
Le Président (M.
Picard) : Merci.
Mme Kouidri
(Selma) : Donc, je vous remercie beaucoup de cette...
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme Kouidri. J'accepte le dépôt
de vos documents. Nous allons en faire des copies, qui seront distribuées aux
membres de la commission. Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve
pour une période de 12 minutes.
Mme
Poirier : Merci, M. le Président. Merci, merci de votre mémoire. Merci aussi des
réponses que vous avez données à la ministre. Ça nous nourrit beaucoup.
J'aurai une question.
Vous nous parlez de l'accessibilité en tant que telle, l'accessibilité physique
des lieux. Selon vous, au Québec, les maisons d'hébergement pour femmes en situation
de violence sont-elles à 50 %, 25 %, à 90 % accessibles?
Mme
Kouidri (Selma) : Moi, je pourrais vous dire... Écoutez, moi, je
parlerais peut-être pour un 25 % accessible, parce que nous-mêmes,
dans le cadre de ce même projet, qui est Dans la mire, nous avons visité
quelques maisons d'hébergement, qui, entre
parenthèses, se disaient accessibles, mais, quand on y allait... Oui, il y a
beaucoup d'efforts qui sont en train
d'être faits. Il y a beaucoup d'efforts, il y a beaucoup d'écoute au niveau des
maisons d'hébergement, au niveau du personnel de gestion pour essayer
d'ouvrir plus les portes à des clientèles qui sont en situation de
vulnérabilité. Mais, on comprend, la
situation financière est toujours... on se heurte toujours à ce stade-là, quand
il s'agit d'améliorer l'adaptation
des maisons. Moi, je ne pense pas que l'accessibilité soit présente à
50 %, on n'y est pas encore. Et, quand on parle d'accessibilité universelle, ce n'est pas juste de mettre des
rampes devant une porte, c'est beaucoup plus large que ça. C'est de rendre accessible de façon... la
communication. La communication doit être accessible, que ce soit
électronique ou en braille ou autre, du langage simplifié aussi. La
communication auprès des femmes sourdes aussi, ça doit être accessible pour
toutes, et puis l'accessibilité aussi des lieux aussi.
Comme
je viens de le donner comme exemple, avoir une chambre, une seule chambre
accessible dans une grande maison
d'hébergement n'est pas suffisant, et la mettre au rez-de-chaussée, alors que
la vie sociale se déroule plus loin, donc, elle va toujours vivre avec cet isolement. Et souvent les enfants ne
sont pas acceptés... les enfants adolescents ne sont pas vraiment les bienvenus, parce que vu que... je ne
sais pas, dans certaines... ils sont toujours confinés à la salle, à une
salle.
Donc, ce qu'on a
constaté, l'accessibilité n'est pas là à 100 % ou à 50 %, mais il y a
beaucoup de travail qui se fait. D'ailleurs,
on a trouvé que c'était très encourageant de certaines maisons d'hébergement
ici, à Montréal. Ailleurs, à
l'extérieur, je sais qu'il y a des difficultés, mais il y a de l'écoute aussi.
Il y a du travail qui se... on travaille beaucoup en partenariat avec la Fédération des maisons
d'hébergement. On travaille aussi avec le réseau des maisons
d'hébergement. Mais souvent, comme je vous
dis, les femmes en situation de handicap qui... Quand on a précisé les
différents contextes de violence
qu'elles peuvent vivre... si ce n'est pas une violence conjugale, si ce n'est
pas le conjoint, elle n'est pas admise dans certaines maisons
d'hébergement parce qu'elles ne répondent qu'à ce critère-là.
Donc,
on essaie de dire : C'est une violence familiale, c'est une violence...
C'est une violence tout court, pour nous. Mais parce que ce n'est pas le
conjoint, c'est d'ordre familial ou d'ordre... les préposés aux bénéficiaires,
donc, elle ne peut pas avoir accès à cette maison d'hébergement. Donc, c'est
assez difficile de pouvoir intégrer cette...
Mais
je sais que les maisons d'hébergement travaillent là-dessus aussi. Ils essaient
aussi d'élargir un petit peu plus
leurs critères, et il y a maintenant des services externes qui existent, dont
nous n'étions pas au courant. Il a fallu qu'on travaille sur ce projet-là pour pouvoir savoir qu'il y a des services
externes qui peuvent être offerts aussi aux femmes. Le soutien
psychosocial est très important, les femmes ont besoin de parler, et l'empathie
ne suffit pas. Nous, nous ne pouvons offrir que de l'empathie en ce moment,
parce que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour pouvoir répondre
adéquatement. Donc, on demande plus que de l'empathie à ces femmes-là; une
écoute active pour trouver des solutions, et
certaines maisons d'hébergement l'offrent aussi. Donc, on travaille avec elles à améliorer le service, et à informer les femmes que ce service existe, et à
les encourager aussi à aller vers ce service-là, que ce soit par
téléphone ou autres, mais d'essayer quand même de trouver une porte de sortie,
d'une certaine façon.
• (14 h 50) •
Mme
Poirier : Moi, je
suis toujours de l'école qu'il faut renforcer ce qui
existe déjà avant de créer quelque chose de nouveau. On a un réseau au niveau des CALACS qui
se déploie sur environ... sur une quarantaine d'organismes. Il y a le réseau
des CAVAC qui est aussi là avec 17 points de service. Il y a les maisons de
femmes, en tant que telles, qui sont là.
Avec
l'ensemble de ces ressources-là, comment on peut s'assurer... Parce que
ce que je comprends... Puis vous êtes la
troisième, là, représentante au
niveau des femmes handicapées qui
vient nous rencontrer. Ce qu'on constate, c'est que, malgré l'ensemble
de ces services-là, les femmes handicapées, on dirait, ne trouvent pas le
chemin pour y accéder, probablement faute de quelque chose. On dirait qu'il y a
un lien qui manque, là. Comment ça que les maisons de femmes ne sont pas plus en lien? Pourquoi les maisons d'hébergement n'accueillent pas plus les femmes handicapées? Pourquoi les services ne sont pas au rendez-vous? Il y a comme une connexion, là, qui ne fonctionne pas,
en quelque part, dans le système,
et j'aimerais ça savoir si vous
l'avez identifiée, cette connexion-là, qui ne fonctionne pas. Est-ce que c'est une question de connaissance? Une question de clientèle? Une question d'expertise, en quelque part? Parce qu'on dirait
que tout est là, mais les femmes handicapées n'y arrivent pas. Et on entend ce
même discours de la part des femmes immigrantes, elles n'y arrivent pas, il y a
une connexion qui ne se fait pas. Il y a des ressources femmes immigrantes, il
y a des ressources qui... la majorité des ressources accueillent les femmes...
toutes les ressources accueillent les femmes
immigrantes, mais on dirait qu'il y a une connexion, il y a une... Je ne sais
pas si c'est culturel. Qu'est-ce qui fait qu'on n'est pas capables de
mieux rejoindre ces femmes-là?
Mme Kouidri
(Selma) : Bien, mieux rejoindre, vous l'avez cité, il y a plusieurs
choses : méconnaissance, manque d'expertise aussi au niveau de ces services-là
qui existent déjà et puis le travail en silo. Ça veut dire que le partenariat n'existe pas
énormément. Ça veut dire que, si on est dans des organismes de femmes, on va
rester dans des organismes de femmes.
Je vais vous donner
un exemple, c'est-à-dire... On est au réseau des personnes, des organismes de
personnes handicapées; on ne va pas prendre
la situation des femmes handicapées comme étant une priorité à travailler
dessus, non. Travaillons d'abord sur les personnes handicapées, après on
verra l'autre priorité.
Pourquoi ne pas
travailler de façon intersectionnelle? C'est ce que nous essayons de faire
depuis des années et de démontrer qu'il est
important de travailler en partenariat, développer des services inclusifs,
adaptés à la réalité de tout le
monde. Et je peux vous dire qu'au niveau des organismes de femmes, il y a
quelques années, il y a comme un réveil qui s'est fait, il y a comme... on va plus rejoindre, essayer de rejoindre
ces femmes-là. Les ressources existent; on essaie de voir comment
peut-on adapter nos ressources.
Moi,
nous, on est situés à La Maison Parent-Roback. Pour vous donner un exemple,
c'est un collectif féministe. On a
choisi d'être là parce qu'on veut travailler en partenariat avec les
organisations de femmes. Quand il s'agit... Je peux vous dire, de tous
les comités sur lesquels je siège, différents comités qui sont pour la violence
faite aux femmes, différents comités, souvent on va... les premiers temps, on
m'interpellait juste pour dire comment adapter telle chose, comment, ce texte-là, je peux le rendre plus
accessible. À un moment donné, il fallait qu'on explique beaucoup mieux.
Ce n'est pas juste de rendre un texte
accessible, il faudrait que ta communication soit encore plus accessible pour
les femmes, là. Qu'est-ce que tu veux
leur communiquer? Comment peux-tu les aider? Donc, on travaille ensemble. Donc,
c'est de profiter de l'expertise qui existe, qui nous manque aussi.
Nous, au sein des comités
de femmes, moi, je me mets personnellement... le Réseau d'action des femmes
handicapées, on se met sur plusieurs comités d'organismes de femmes pour
essayer de démontrer que les femmes en situation
de handicap sont une partie de la société, elles ont beaucoup à donner. Et
c'est important de faire avec, et de ne pas faire des choses et après les adapter à leur réalité. C'est de faire
avec elles. C'est le pour et le par. C'est important pour nous. Mais c'est une chose que je peux vous dire que
c'est juste... il y a quelques années que ça commence à rentrer un peu
plus dans nos habitudes de faire. Et, pour nous, c'est l'approche intersectionnelle,
c'est de comprendre les différentes réalités pour pouvoir s'adapter.
Je
ne sais pas si ça répond à votre question, mais je peux vous dire qu'on ne profite pas
assez de l'expertise qui existe au
sein des groupes de femmes handicapées ou des comités de femmes ou de
travailler avec elles directement
pour...
C'est la même chose
pour les femmes immigrantes aussi. Je peux vous donner un exemple : j'ai
été sur le comité femmes de la TCRI, de la
table de concertation pour les femmes immigrantes, où c'était un travail qui se faisait sur les besoins des femmes immigrantes, et on a intégré
le comité pour parler des besoins des femmes immigrantes handicapées. Je peux vous dire que ça a été très
difficile de parler des besoins et de voir à quel point que les
organismes desservant les personnes immigrantes, les femmes, n'étaient pas
adaptés à la réalité, n'avaient pas de réponse à nous donner. Moi, si je dis : Pourquoi les femmes à Québec, les femmes
immigrantes handicapées... Est-ce que vous recevez des femmes handicapées? La réponse, c'était
toujours : Non, nous ne sommes pas assez adaptés. Donc, il y a toujours
une coupure qui se fait quelque part. C'est
sûr que cette femme-là va rester encore plus isolée, va rester dans son coin et
ne voudra pas sortir de chez elle. Et
pourquoi sortir de chez elle? Donc, nous essayons de développer leur
leadership, mais, souvent, la réponse n'est pas au bout de la ligne,
donc, c'est un travail en collaboration à faire.
Mme
Poirier : La ministre
l'a demandé à plusieurs groupes : Si vous aviez trois mesures à cibler,
trois, trois actions directes, court terme, pour changer les choses rapidement,
on vous dit : Vous avez deux ans, qu'est-ce qu'on fait?
Mme Kouidri
(Selma) : Moi, la première chose que...
Mme Poirier :
Et je ne veux pas avoir un signe de dollar, je veux des idées.
Mme Kouidri (Selma) : Des idées. J'avais pensé signe de dollar, par
exemple, et, bon, les idées. En fait, développer les programmes
d'éducation. Pour nous, c'est très important. Le travail en partenariat et
développer le programme d'éducation à
travailler et non pas en silo, mais avec les dispensateurs de services et avec
l'expertise des femmes, des groupes
de femmes en situation de handicap qui existent déjà. Soutenir, je ne parle pas
de signe de dollar, mais soutenir, par tous
les moyens, des projets qui sont en branle maintenant, mais qui restent malheureusement
toujours à l'étape de projet par manque de ressources. Les projets
d'éducation et d'adaptation des services aussi, si on travaille...
Le Président (M.
Picard) : ...
Mme Kouidri
(Selma) : Pardon?
Le
Président (M. Picard) : En terminant, en avez-vous une
troisième, elle en avait demandé trois? Rapidement.
Mme
Kouidri (Selma) : La troisième mesure que j'aimerais, c'est beaucoup
de rejoindre, de travailler beaucoup plus
avec les femmes immigrantes, les femmes racisées immigrantes qui sont les
victimes les plus... Toutes les femmes en situation de handicap vivent
des situations de violence inouïes, c'est inacceptable. Les femmes immigrantes
sont laissées pour compte encore plus.
Pourquoi? Parce qu'elles sont doublement isolées vu le manque d'accessibilité
de la langue, vu leur précarité en termes de... Voilà.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme Kouidri. Mme la députée de Montarville, pour une période de huit
minutes.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président.
Merci madame, merci pour votre présentation, pour votre mémoire. Je vais vous citer, j'ai pris des
notes lorsque vous parliez, vous nous avez dit : On souhaite un futur
plan d'action plus inclusif. Et, à la
lecture de votre mémoire, on voit que le mot inclusif revient, inclusif,
inclusif. Pouvez-vous nous dire dans
quelle mesure le plan d'action 2008‑2013 n'était pas suffisamment inclusif, ce
qui vous a choqué là-dedans, ce qui a choqué les femmes handicapées et
sourdes?
• (15 heures) •
Mme Kouidri (Selma) : Bien, écoutez,
c'est le fait juste de trouver... Beaucoup de mesures étaient mises en relief, beaucoup de mesures ont regardé, mais le
fait de travailler juste deux mesures qui soient présentées pour les
femmes en situation de handicap, et
c'étaient des mesures où c'était juste l'information, la sensibilisation,
c'était assez, pour nous, assez choquant de voir quelles sont les... Les
besoins sont tellement énormes, les préoccupations sont énormes.
Et d'autant
plus, comme je dis, ce n'est pas par manque de volonté : nous avons
participé à des travaux qui ont déjà été
faits... Action des femmes handicapées Montréal a participé à des travaux où
c'était, par exemple, ciblé sur la violence conjugale, où l'on a développé des outils d'information qui
s'adressaient simplement aux femmes handicapées, femmes immigrantes aussi, pour leur parler un petit peu
de ce que c'est que les types de violence, c'est quoi les... C'est
simple comme exemple, mais c'est tellement concret, de la disparité des mesures
qui existent dans ce plan d'action... C'est que
de leur dire : C'est quoi, les types de violence? Comment vous pouvez
dénoncer les... Plutôt : Qu'est-ce que vous pouvez vivre en termes de... Si vous êtes immigrante, vous êtes une
femme en situation de handicap, voilà les types de violence qui existent. Maintenant, si vous voulez
vous sortir... si vous vivez une de ces situations, pour vous sortir,
voilà les ressources. Mais je peux vous donner... Les ressources qu'on mettait
en place, là, on mettait, par exemple, Action des
femmes handicapées Montréal comme ressource d'aide. Ce n'est pas une ressource
d'aide. Il n'y a aucune ressource d'aide au niveau des organismes tels
qu'un organisme comme Action des femmes handicapées ou même au niveau des CLSC. On envoie la femme et là, à ce moment-là,
elle va se retrouver sur une liste d'attente, où, à un moment donné,
elle va dénoncer puis elle va se retrouver dans des problèmes plus importants
aussi. Parce que, comme on a dit, les abuseurs, souvent, c'est des membres de la famille. Souvent, elle va se retrouver
à être coupée de ses ressources financières aussi. Donc, c'est ce qui nous a... Informer, c'est très
intéressant, sensibiliser, c'est bien, mais est-ce que le service existe à
l'autre côté? Est-ce que ces femmes-là vont
avoir accès au soutien nécessaire et à l'accompagnement? Choses qu'on n'a pas
vues.
Mme Roy
(Montarville) : Et
je vais aller plus loin, à la lecture de ce plan d'action 2008‑2013, est-ce qu'on peut dire qu'il y a
un manque de considération de votre réalité?
Mme Kouidri (Selma) : Tout à fait.
C'est ce que nous avons constaté.
Mme Roy
(Montarville) : Et
c'est pour ça qu'on vous écoute avec beaucoup d'intérêt,
parce que c'est frappant. Comme vous
disiez, plusieurs autres groupes de femmes nous ont parlé également des femmes
handicapées, qui sont, et c'est
excessivement triste, doublement victimes de par leur handicap physique et par
la suite l'agression, plus vulnérables à tout le moins. Je vous amène à la page 4 de votre mémoire,
l'avant-dernier paragraphe, je vous cite, vous dites : «Les
agressions sexuelles ne sont pas un phénomène rare dans la vie des femmes en
situation de handicap et des femmes sourdes,
bien au contraire. Elles sont omniprésentes et se manifestent de différentes
façons. [On a] par contre un point en commun : elles sont peu ou
pas dénoncées du tout.»
On parlait,
lorsqu'on parlait de façon générale des femmes, on disait que les agressions
non dénoncées, il y en avait 10 % qui dénonçaient. Donc, on peut en
déduire que 90 % ne sont pas dénoncées, 90 % des agressions. Dans le cas des femmes handicapées ou sourdes, si on prend
uniquement ce segment de la population féminine, est-ce que c'est le
même pourcentage ou est-ce que le manque de dénonciation est encore plus grand?
Mme
Kouidri (Selma) : Bien, moi,
je pense que c'est beaucoup plus important, moi, dans les groupes... Nous, c'est
à la lumière de nos travaux qu'on a faits dans notre dernier projet sur lequel
on a travaillé... on a vu que les
femmes ne dénonçaient pas du tout. Moi,
j'irais même plus à aller presque à 95 % de non-dénonciation des actes
d'agression que subissent les femmes souvent parce qu'elles sont dans un
contexte de vulnérabilité.
Pourquoi?
C'est que la violence peut se perpétrer au niveau... dans une institution. Des
femmes qui sont placées en institution,
c'est la personne... le préposé aux bénéficiaires ou autre qui va perpétrer
cette agression, et cette femme-là ne va jamais en parler. Pourquoi?
Parce qu'elle a peur des représailles, elle a peur de se faire couper ses
services, elle a peur que le préposé ne
veuille plus... que ça augmente. Parce que le processus de plainte, de ce qu'on
a compris — parce que
nous avons demandé à avoir plus de précision au niveau des dispensateurs de
services, mais nous n'avons pas eu de réponse
jusqu'à présent — c'est
que le processus de plainte ne va pas jusqu'au bout, là, il y a quelque... À un
moment donné, où ça s'arrête, là? C'est que
la femme dépose la plainte, mais elle est laissée à elle-même. Donc, à quoi ça
sert de le faire? Si elle le fait une fois, elle ne va plus le refaire.
Si c'est un
conjoint, si c'est un membre de la famille, nous avons rencontré des femmes en
déficience intellectuelle qui dénoncent parce qu'elles ont... Par
exemple, une jeune fille qui a été agressée sexuellement, ses parents sont très
présents ou peut-être ses parents l'ont poussée à dénoncer. Mais souvent cette
jeune femme n'est pas crue.
Il y a des
attitudes au niveau... quand elle arrive au poste... Que ce soit au niveau de
la police ou au niveau des intervenants, il y a comme des
questionnements. Et vous avez parlé de la non-dénonciation des femmes en
général, où on a un 10 % qui dénonce seulement,
où les femmes ont peur de l'attitude
de l'autre, des accusations qu'on peut voir dans le regard. Mais, nous, ce n'est pas juste dans le regard, c'est
dans la parole aussi. C'est le fait de : Es-tu sûre de ce qui s'est
passé? Es-tu sûre que quelqu'un t'a approchée? Puis c'est le fait de poser des questions
tellement de façon intime
où ça déstabilise la personne aussi. Donc, c'est ne pas comprendre aussi la
réalité du handicap de cette
personne-là, ça la déstabilise, et donc on ne va pas aller chercher à dénoncer
plus. Elles vont aller en parler en discussion ou avec l'intervenante au niveau de l'organisme de femmes. Mais l'organisme de
femmes, là, s'il n'a pas les ressources, ça ne va pas aller plus loin.
Comment va-t-elle accompagner plus que ça?
Mme
Roy
(Montarville) : On y revient toujours, à l'argent,
l'argent, les ressources.
Vous parliez de dénonciation, nous
parlions de dénonciation. Je vous amène à la page 25, là, j'aimerais que vous
me réconfortiez, deuxième
paragraphe : «Le système judiciaire
n'embauche pas d'interprètes au tribunal pour les familles de personnes
sourdes.» Je comprends pour les
familles, ce ne sont pas nécessairement les témoins, mais réconfortez-moi,
dites-moi au moins que la personne sourde qui porte plainte a un
interprète, c'est son droit.
Mme
Kouidri (Selma) : Bien, c'est son droit. Normalement. Mais sachant les
femmes... Les femmes souvent ne connaissent
pas leurs droits. Dès qu'on va leur parler : Tu vas passer au niveau
judiciaire, puis il va y avoir un interprète, elle, elle va tout de suite... ça va sonner dans sa tête : Où, moi,
je dois dépenser pour pouvoir avoir mon interprète? Donc, ça bloque
complètement.
C'est que
l'information n'arrive pas. Et, comme je vous dis, moi... c'est des témoignages
que nous avons eus. Et la maison des femmes
sourdes pourrait encore plus témoigner par rapport à ca puisqu'ils travaillent
directement avec ces femmes-là et elle les accompagne dans le processus
judiciaire aussi. Donc, souvent, les interprètes... Et je peux vous dire, moi, c'est que des femmes avec qui on a
travaillé, il y a des interprètes qui ne livrent pas la marchandise
aussi. C'est que les femmes... Moi,
personnellement, je ne connais pas le LSQ, donc je ne peux pas juger de la
pertinence de ce qui est interprété
ou pas. Mais certaines femmes, à un moment donné... Puis elles nous disent
qu'on n'a pas compris de cette... ce qui vient d'être dit, on ne l'a pas
compris comme ça. Donc, même le travail de l'interprète est questionné.
Nous,
quand on travaille avec des groupes, on essaie d'avoir un service d'interprète
adéquat qui a été conseillé par les
femmes sourdes elles-mêmes pour pouvoir être sûrs que l'information va arriver
à elles et qu'on va se comprendre d'une certaine façon. Donc, au niveau
judiciaire, je pense que c'est la même chose aussi.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Merci, Mme Kouidri. Je cède maintenant la
parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour trois minutes.
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Bonjour, chers collègues. Bonjour,
merci d'être là, de venir compléter notre compréhension de, je dirais,
l'aspect complètement fantôme de la présence des femmes handicapées dans
plusieurs de nos politiques et notamment dans celle-là.
Plusieurs des
questions ont déjà été posées. J'aimerais vous amener sur un aspect... En fait,
je veux vous remercier pour le type de
mémoire que vous avez posé, parce qu'il est plein de témoignages. Et ça met...
comment dire, on n'est plus dans la théorie, là, on lit des phrases que
des femmes que vous accompagnez ont vécues, et je trouve que c'est une belle
contribution dans notre portrait.
Vous
faites état de, bien sûr, la question de la vulnérabilité. Vous parlez comment,
d'une part, les revenus, hein, la possibilité
de travailler pour ces femmes-là, la possibilité de se transporter,
l'accessibilité aux ressources, aux différentes ressources, vous en avez parlé longuement, ça a un impact sur leur
vulnérabilité. Ce pour quoi je vous amène là, c'est que, bien oui, il faut en parler des sous, parce que je
pense que l'idée étant que, quand on veut régler un problème, il faut
qu'on se mette collectivement à le travailler puis le régler.
Alors,
en amont, avant que l'agression sexuelle arrive, vous nous avez, si j'ai bien
compris, suggéré comment on peut
permettre à ces femmes-là d'être plus... avoir une estime d'elles plus grande
pour être capables éventuellement, si elles sont agressées, de pouvoir
dénoncer. Est-ce que j'ai bien interprété ce que vous nous avez amené?
Mme
Kouidri (Selma) : Tout à fait, vous l'avez très, très bien interprété.
Vous l'avez très bien compris. D'une certaine
façon, c'est que c'est notre mantra, c'est le leadership des femmes. C'est de
se prendre en main, c'est le fait de donner
accès à des ressources financières, de donner accès au marché de l'emploi, de
donner des chances de travail aussi pour
les femmes. Il faudrait regarder ce que... Ces femmes-là vivent une précarité
énorme, que ce soit à Montréal et en région,
et, en région, c'est encore plus important. À Montréal, peut-être qu'on essaie
de trouver d'autres solutions, mais, en région, c'est encore plus important. Donc, de leur donner cet... c'est
de se prendre en main aussi. Une femme qui a cette... comment dire? C'est que... qu'elle puisse se
prendre en main de façon financière, qu'elle puisse avoir son propre
emploi, elle ne compte sur personne. Donc, à
ce moment-là, elle peut avoir accès à tout ce qui est de ses droits, de
l'information... Vous ne pouvez pas savoir à
quel point ça change, une femme qui occupe un emploi quelconque et qu'elle
puisse être active dans la vie de
tous les jours. Ça arrive à tout le monde. Et, à un moment donné... Puis de
comprendre c'est quoi ses droits, comment c'est, la vie. Et les femmes immigrantes...
encore plus important. À un moment donné, quand elles voient cette société
d'accueil puis qu'elles sont...
Le Président (M.
Picard) : ...s'il vous plaît.
Mme Kouidri
(Selma) : Pardon?
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme Kouidri (Selma) : En
terminant, pour nous, c'est très, très important qu'elles puissent avoir accès
à des ressources financières.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme Kouidri, pour votre apport aux travaux de
la commission.
Et
je suspends quelques instants afin de permettre aux représentants de la
Confédération des syndicats nationaux de prendre place.
(Suspension de la séance à
15 h 10)
(Reprise à 15 h 12)
Le Président (M.
Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant les représentants
de la Confédération des syndicats nationaux. Vous disposez d'une période de 10 minutes. Dans un premier temps, je vous demanderais de vous présenter,
vont s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.
Confédération des syndicats nationaux (CSN)
Mme
de Sève (Véronique) : Alors,
bonjour. Mon nom est Véronique de Sève. Je suis la vice-présidente à la CSN. Je suis accompagnée d'Anne Pineau, l'adjointe à
l'exécutif de la CSN, ainsi que Marie-France Benoit, conseillère syndicale au
Service des relations de travail, volet condition féminine.
La CSN représente
plus de 2 000 syndicats, qui regroupent environ 325 000 travailleuses
et travailleurs dans huit fédérations et 13 conseils centraux.
Nous
vous remercions de nous donner l'occasion de commenter le rapport de mise en
oeuvre du Plan d'action gouvernemental
2008‑2013 en matière d'agression sexuelle. Cette consultation permettra
d'approfondir les réflexions et de bonifier les actions ainsi que les
pratiques d'intervention auprès des victimes de ce fléau social.
Il
y a plusieurs années, la CSN a adopté des orientations visant à faire
reconnaître l'égalité entre les hommes et les femmes en tant que valeur fondamentale dans notre société et à faire
reculer les violences, le harcèlement et les agressions sexuelles dans
les milieux de travail et dans la société en général.
Dans
le contexte actuel de révision par le gouvernement des programmes offerts à la
population, nous croyons qu'il est
essentiel de maintenir, voire de bonifier les services offerts et d'intensifier
les campagnes de sensibilisation et d'information
en matière d'agression sexuelle. Voilà une condition essentielle pour obtenir
des résultats de changements majeurs auprès de toutes les composantes de
la société québécoise.
Nous sommes en faveur
des mesures qui font la promotion des valeurs fondamentales, telles que le
respect, l'intégrité des personnes,
l'égalité entre les hommes et les femmes. Il s'agit là d'un long et patient
travail de sensibilisation, d'information et d'éducation qui doit
débuter dès la petite enfance.
Nous
tenons à souligner aussi l'importance de la formation à tous les ordres
d'enseignement de même que dans les institutions
gouvernementales. De nombreuses organisations revendiquent depuis plusieurs
années des cours d'éducation sexuelle permettant l'acquisition de
comportements basés sur le respect de l'intégrité physique et psychologique des
personnes, sur l'égalité entre les femmes et
les hommes ainsi qu'entre les garçons et les filles. C'est extrêmement
important de remettre ce cours-là à l'école.
L'intervention précoce et continue en milieu scolaire fait l'unanimité comme
moyen de réduire la reproduction de stéréotypes sexuels et leurs effets sur les
attitudes et les comportements des élèves, mais elle doit être étendue aux
autres niveaux d'enseignement.
Nous
voulons aussi insister sur l'importance de mettre en place des mesures
spécifiques adaptées aux réalités des femmes immigrantes et des femmes
autochtones. Nous constatons qu'un travail important a été réalisé auprès de
ces femmes et nous demandons au gouvernement de maintenir son soutien, voire de l'augmenter. L'appui gouvernemental s'impose particulièrement face
aux drames que vivent les communautés autochtones et relatifs à la disparition
et à l'assassinat de milliers de femmes
autochtones. Tout le long de notre mémoire, on va souligner cet aspect-là et on
souhaite que ce soit bien pris en compte dans le prochain plan qui va être mis
en place.
La
prévention est essentielle à toute démarche visant à mettre un terme à la
violence et aux agressions sexuelles. La mesure n° 11, qui vise une clientèle trop souvent oubliée, les
étudiantes en formation professionnelle et technique dans des secteurs
majoritairement masculins, doit être maintenue. Mais le soutien aux étudiantes
ayant choisi un métier non traditionnel doit
se poursuivre au-delà de l'école. Des mesures particulières s'imposent pour que
les milieux de travail masculins
fassent réellement une place aux nouvelles arrivantes. À cet égard, le nouveau
plan devrait s'attaquer particulièrement à la situation souvent
difficile que vivent les femmes sur les chantiers de construction.
Le dépistage en
matière d'agression sexuelle est certes fort complexe. Le personnel des
institutions et des organismes publics,
parapublics, communautaires et privés sont au coeur du travail à réaliser pour
atteindre ces objectifs. L'information sur l'obligation de signaler une
situation probable d'agression sexuelle de même que sur la capacité d'intervenir de façon adéquate auprès des victimes
d'agression sexuelle est indispensable. C'est pourquoi il faut
poursuivre la formation des intervenantes et intervenants.
Parmi toutes les
mesures mises en place concernant l'intervention psychosociale, médicale,
judiciaire et correctionnelle, nous soulignons la création d'une ligne
téléphonique sans frais partout au Québec. Un bilan de son utilisation a été
fait. Il montre l'importance de ce service puisqu'en moyenne, sur 47 mois
d'activité, il y a eu plus de 20 appels
par jour. Ce service répond donc à un réel besoin. Il permet aux victimes ainsi
qu'à leurs proches d'aller chercher toute l'information et le soutien nécessaires, et ce, de façon
confidentielle.
La
mesure n° 35 concerne l'inventaire des activités de prévention et
d'intervention précoce en matière d'agression sexuelle dans les cégeps et les universités afin de favoriser un partage
d'expertises à travers le réseau et publier un guide des meilleures pratiques dans les réseaux et dans
l'Internet. Le bilan d'application de cette mesure est fort mitigé. Il
aurait sans doute été préférable non pas de
produire un guide des pratiques exemplaires, mais plutôt de sensibiliser à la
problématique quant aux processus
d'intervention dans le cas de harcèlement et d'agression sexuelle dans les
universités. Il serait aussi souhaitable de travailler en étroite
collaboration avec les syndicats présents dans les établissements
d'enseignement; la grande majorité d'entre eux ont déjà établi des politiques
pour combattre la violence et le harcèlement.
Depuis plusieurs années, la CSN intervient pour
éliminer toutes les formes de violence, d'agression et de harcèlement dans les
milieux de travail. À cet égard, elle a notamment offert des sessions de
formation, organisé des colloques, adopté
des codes d'éthique et des politiques-cadres. Elle a outillé les conseillères
et les conseillers syndicaux pour
faciliter l'accompagnement des victimes de violence et de harcèlement. Pour la
CSN, la prise en charge syndicale est une préoccupation constante. Nous estimons en effet que la violence et le
harcèlement au travail sont des enjeux de santé et de sécurité au
travail et qu'à ce titre l'action de prévention est essentielle. Faire évoluer
les mentalités et sensibiliser nos membres,
cela veut dire agir au quotidien. Il faut cesser de banaliser les phénomènes de
violence et de harcèlement... se tourner vers les victimes avec une
ferme volonté de les soutenir et agir à la source des problèmes.
Je
terminerais ma présentation en parlant de la prostitution comme la forme ultime
d'exploitation et d'agression sexuelle.
La CSN est la seule organisation syndicale au Québec à avoir pris une position
de principe sur la prostitution. La prostitution n'est pas un commerce
comme les autres, elle repose sur une exploitation intolérable des êtres
humains, plus généralement sur l'oppression
des femmes. Nous pensons que les mesures et les actions déployées pour contrer
les agressions sexuelles devraient aussi s'intéresser aux besoins spécifiques
des femmes et des jeunes filles prostituées. Ainsi, nous proposons des
orientations qui relèvent à la fois du plan d'action gouvernemental en matière
d'agression sexuelle et de la politique
gouvernementale sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Pour trouver
quelques éléments que nous avons
présentés lors... dans notre présentation où... on a brochure d'ailleurs pour
faire la promotion de notre position.
Nous pensons que la fourniture des services doit être adaptée aux besoins des
prostituées et des ex-prostituées, y compris les services pour aider les
femmes à se sortir de la prostitution.
En
conclusion, on ne saurait s'attaquer véritablement au problème des agressions
sexuelles et plus généralement de la
violence faite aux femmes sans s'attaquer aussi aux inégalités économiques dont
elles sont victimes. Le prochain plan
d'action doit prendre en compte cette dimension de la problématique. Il devrait aussi s'inspirer de nombreux
avis qu'a rendus le Conseil du statut de la femme depuis 2008 et qui concernent plusieurs formes de
violence faites aux femmes. On parle de stéréotypes sexuels, de
prostitution, de crimes d'honneur.
Pour notre
part, en tant qu'organisation syndicale, nous nous engageons à poursuivre notre
travail de sensibilisation auprès de
nos syndicats afin de réaliser des milieux de travail exempts de violence et de
harcèlement. Nous entendons aussi
participer activement à la consultation qui portera sur le nouveau plan en
matière d'agression sexuelle. Et j'ai terminé.
• (15 h 20) •
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme de Sève. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une
période de 20 minutes.
Mme Vallée : Merci beaucoup.
Merci de votre présentation, merci aussi de l'importance que vous avez accordée
aux métiers non traditionnels. Je vous dis ça puisque, ce matin, mon collègue
Sam Hamad et moi étions à la commission de
la construction du travail pour le nouveau programme visant justement
à mousser la présence des femmes dans
l'industrie de la construction, parce que, malheureusement, on a seulement
que 1,4 % des femmes qui constituent la main-d'oeuvre dans
l'industrie, et puis un des problèmes qui est vécu, c'est non seulement de les
attirer, mais c'est aussi de les retenir. Et
toute la question des stéréotypes, des commentaires disgracieux, du
harcèlement, c'est une réalité dont
on parle peu, mais qui est très présente et qui constitue un obstacle à
l'intégration de bon nombre de femmes dans l'industrie de la
construction.
Alors, je
dois vous avouer que, lorsque vous me parlez de l'importance de maintenir la
mesure 11 et de la pousser davantage, de mousser davantage ces
mesures-là pour tout ce qui touche des femmes qui vont aller en formation technique, en formation professionnelle, qui vont
se lancer dans les métiers non traditionnels, c'est important aussi de
leur apporter un accompagnement.
De quelle façon croyez-vous que cet
accompagnement-là pourrait être, ou pourrait se concrétiser, ou se définir?
Comment pouvons-nous davantage accompagner les femmes qui souhaitent se lancer
dans les métiers non traditionnels, qui
souhaitent augmenter, justement, les pourcentages? On a des cibles ambitieuses
qui ont été établies ce matin : on souhaite passer de 1,4 % à
3 %. Certains diront : C'est peu. Mais c'est déjà beaucoup et c'est
important de trouver... de mettre en place
les mesures aussi qui vont contribuer à atteindre ces cibles-là et, on
l'espère, à les dépasser.
Donc, comme organisation syndicale, j'imagine
que vous avez une bonne idée de ce qui serait nécessaire, de l'accompagnement
et même de l'aide que différents acteurs, dont vos organisations, peuvent
apporter?
Mme de
Sève (Véronique) : Bien, je veux vous dire que moi, je suis assez
heureuse, dans le fond, de la place que la CSN, la fédération de la construction-CSN prend dans ce dossier-là.
Je veux saluer tout le travail extraordinaire, colossal de la secrétaire générale, Karyne Prégent, qui a
fait de cette bataille-là sa bataille pas juste personnelle, mais pour les
femmes dans la construction. Alors, on est vraiment, là, à tous les endroits où
on peut pour travailler pour ces femmes-là.
Mais, au-delà de ça, moi, je pense qu'il y a un
travail aussi à faire auprès des employeurs, parce qu'il y a l'élément, hein, sortir de l'isolement, de ces
femmes-là. Donc, on peut avoir un paquet de façons, colloques,
mentorats, tout ça... Ça, je pense qu'il y a
beaucoup de choses qui sont en train de se travailler puis je salue ce qui se
fait. Mais il y a un gros travail à faire auprès des employeurs, parce qu'eux aussi sont pris
avec un bébé, en se disant... Bien, ils préfèrent ne pas embaucher de femmes que faire face à la
musique. Et moi, je pense qu'ils ont besoin de prendre leurs
responsabilités dans ce dossier-là, parce que souvent ils sont... quand les
femmes... puis on le voit, là, les témoignages, d'ailleurs, il y a un très bon avis du Conseil du statut de la
femme, qui... on parlait de recherche qualitative... Et souvent les
employeurs, ce qu'ils disent, c'est :
Bien, je ne sais pas quoi faire. Puis, au lieu de dire : Bien, je vais
parler à mes gars, je vais aller dans les
roulottes, je vais leur dire : Ça ne se dit pas, ces affaires-là, bien,
ils se disent : Ah! bien, je n'en engagerai pas, alors que souvent
le travail qu'elles font, c'est un travail minutieux, c'est un travail qui est
apprécié, même, des collègues individuellement.
Mais il y a toute une industrie à changer. Et je pense que le fait que vous
avez sorti ce programme-là aujourd'hui avec une volonté politique, c'est
déjà un bon geste, mais je pense qu'il y a un travail aussi à faire auprès des
employeurs, parce qu'eux autres aussi sont pris et sont démunis dans certaines
situations.
Mme Vallée : On parle...
Mme Benoit (Marie-France) :
Peut-être je pourrais compléter, je ne sais pas.
Mme Vallée : Ah! oui.
Mme Benoit (Marie-France) : Mais je
vais donner un exemple très concret, je pense que c'est comme ça qu'on est le plus convaincants. Il y a à peu près
trois ans, la CSN avec, justement, la CSN-Construction, on a organisé un
premier colloque regroupant les travailleuses dans le secteur de la construction
et on voulait justement discuter quels sont les obstacles, qu'est-ce qu'on peut faire pour aider et comment transformer les
milieux pour faire en sorte effectivement
que vous ayez votre place. Et un des
problèmes majeurs, c'est évidemment au niveau de l'embauche. Oui, il y a
le maintien, mais le premier pas, une
fois qu'on sort de l'école, c'est comment est-ce qu'on peut avoir une
chance, entre guillemets,
chance de travailler et de pouvoir faire ses preuves, et de pouvoir effectivement
exercer un métier qui nous intéresse. Et un
des obstacles majeurs, c'était : Bien, on se fait souvent dire qu'on va
avoir des enfants peut-être et qu'en conséquence on sera absentes du
travail, et peut-être qu'on ne va pas pouvoir terminer notre contrat. Alors,
ça, je pense, c'est très parlant de penser
qu'encore en 2015 le fait qu'une femme peut vouloir avoir un enfant et que ça
fasse en sorte qu'elle ne pourra pas travailler, peut-être... parce que peut-être
elle aura un enfant... Alors, dans ce sens-là, je trouve que ce que disait Véronique, c'est absolument
majeur, de parler de toute la question de transformer les milieux de travail,
changer la culture organisationnelle... Et il faut bouger les mentalités.
Comment? Moi, je pense que ça commence entre
autres à l'école. Les cours de formation... d'ailleurs, on en parle dans notre mémoire, on pense
qu'effectivement on devrait, dans les cours techniques de formation professionnelle aussi, qu'il y ait de la sensibilisation sur expliquer entre autres qu'est-ce
qu'un comportement sexiste. Bien, pour plusieurs personnes, ce n'est pas si évident d'identifier qu'est-ce que ça peut
être, un comportement sexiste, ou de savoir c'est quoi, un rapport
égalitaire entre un homme et une femme quand on sait que c'est une classe très
majoritairement de jeunes garçons avec une minorité de femmes et avec des
professeurs qui sont habituellement masculins aussi.
Donc, il
faut, je pense, travailler vraiment au tout début, et par la suite que, dans
les chantiers, il y ait des règles claires, des protocoles clairs, des
mécanismes pour faire en sorte de protéger, de prévenir justement, de faire de
la prévention, et, s'il y a des cas de
harcèlement ou d'agression sexuelle, qu'il y ait des mécanismes très clairs
pour savoir comment se comporter,
tant la victime que l'employeur qui est peut-être aux prises avec une situation
comme celle-là.
Mme Vallée : Parce qu'on le
disait, ce matin, que justement c'était encore très tabou, on n'en parle pas.
Oui, parfois, on choisira de ne pas engager
de femmes pour éviter qu'il se produise des situations délicates et puis avec
lesquelles on n'a peut-être pas les outils pour travailler puis dont on ne veut
certainement pas s'encombrer, hein? Il faut le dire, là, il y a aussi cette mentalité-là. C'est compliqué, gérer les rapports
hommes-femmes. Donc, c'est peut-être plus simple ne pas avoir de femmes
sur le chantier que d'inclure des femmes sur le chantier.
Donc, je
comprends que vous me dites : Bien, ça prend des protocoles clairs, ça
prend de l'éducation, ça prend, à quelque
part, une éthique professionnelle. Donc, au-delà de l'éducation sur les
rapports égalitaires dont vous réclamez une réintégration, parce que... et, comme beaucoup de groupes, ramener tout
ça; je pense qu'à la base il y a quand même cet élément-là, là, qui est
important, de remettre en place, remettre les pendules à l'heure sur les
rapports égalitaires. Mais il y a aussi
toute la question de l'éthique au travail. Qu'on soit sur un chantier de
construction ou qu'on soit dans une école,
qu'on soit dans un hôpital, peu importe là où on est, il y a une éthique au
travail qui fait en sorte que des comportements violents, des
comportements... des commentaires de nature sexuelle n'ont simplement pas leur
place en milieu de travail. Donc, j'imagine que...
Bien, dans le fond, votre intervention dans le
cadre des dossiers des femmes dans la construction nous amène aussi à le voir
d'une façon plus large, parce que des groupes avant vous nous ont aussi parlé
du fait que l'agression sexuelle en milieu de travail était un enjeu tabou, et
j'aimerais vous entendre sur cette question-là.
Mme Pineau
(Anne) : Merci. De façon
peut-être plus globale, c'est certain qu'on est à 1,3 % dans la
construction, et je pense que la masse critique, c'est peut-être 15 %, le
moment où, quand on a 15 % de femmes dans un milieu de travail, il y a comme une espèce de culture qui
s'installe, où on est plus à égalité, où on est moins en lutte par rapport
à des stéréotypes. Mais donc il y a ce passage-là jusqu'à 15 % où il faut
énormément de soutien. Il faut des campagnes de sensibilisation, il faut dire que c'est inacceptable et qu'on
n'acceptera pas que : Oui, mais ici, c'est comme ça que ça se
passe. C'est la culture du milieu.
Les recours en harcèlement
psychologique et en harcèlement sexuel, c'est des enjeux culturels, c'est des
révolutions qui sont en cause, et il faut mettre toutes les ressources qu'il
faut pour atteindre ce moment-là où peut dire : Bien non, c'est terminé.
C'est inacceptable. Tolérance zéro. Et ça, on n'en est pas là.
Si on regarde
le plan qui vient d'être élaboré, l'étude préalable à ce plan-là indiquait qu'il n'y avait eu aucune plainte pour harcèlement en construction. C'est
invraisemblable. Je veux dire, ça ne se peut pas. Donc, évidemment, il y a
une omerta, il y a des pratiques qui font qu'on ne se plaint pas parce qu'on n'est pas rendus là. Alors, on pense qu'il faut vraiment d'abord marquer le pas, un peu comme on l'a fait à une
époque pour la violence conjugale, où on a dit : La violence conjugale, c'est criminel, qu'on se le dise. Puis ça devenait... À ce moment-là, on pouvait passer à une autre étape où, bon, oui, porter
plainte, ça devenait plus normal.
Et des programmes
comme Chapeau, les filles!... on n'insistera jamais assez sur l'importance
de mesures comme ça pour attirer des jeunes femmes dans ces milieux-là.
Les agressions sexuelles évidemment, imaginez si
on ne porte pas plainte même pour du harcèlement, alors, l'agression, on peut penser que c'est... C'est des
milieux difficiles parce que, si on porte plainte, on risque, bon,
d'abord de vivre les stigmates, de ne pas
être rappelé au travail ou de vivre des problématiques. Donc, c'est majeur,
parce que le milieu de travail, c'est
la moitié de la vie d'une personne. Il faut qu'on puisse être exempt de
violence et de harcèlement, au moins dans les milieux de travail, et
pouvoir choisir le métier qu'on veut.
• (15 h 30) •
Mme de Sève (Véronique) : Et, si je
peux me permettre, en fait, on le dit dans notre mémoire, on pense que, quand on parle de violence, de harcèlement ou même
d'agression, bien, il faut commencer par la prévention. Nous, on le prend sous l'angle de la santé et sécurité au
travail. Il y a souvent eu des comités paritaires même qui se sont
constitués seulement pour la violence au travail. Et les campagnes comme
Tolérance Zéro, je me souviens très bien, lorsque j'étais dans mon milieu de travail, on avait des gros posters : la
violence, c'est zéro ici, c'est inacceptable. Mais, quand on le fait en parité avec l'employeur, bien, il y a
déjà... On parlait de culture organisationnelle. Bien, je pense qu'on est
déjà en train de transformer les choses. Et
ça, ça va être dans tous les milieux de travail, ce n'est pas que dans la
construction. Mais, même dans les milieux
comme, même à majorité féminine comme un hôpital, bien, il faut continuer ça,
parce que c'est important que ça soit aussi un changement sociétal.
Mme Vallée :
Je vais aborder un autre aspect. Vous avez parlé de la prostitution, d'un
certain nombre d'enjeux. Évidemment, la traite des femmes, c'est une
violence sexuelle qui est préoccupante. J'ai posé la question à d'autres groupes. Ma collègue d'Hochelaga-Maisonneuve l'a
fait également. Est-ce qu'on devrait aborder la question des violences faites aux femmes dans différents plans d'action,
suivant le thème, ou est-ce qu'il serait plus à propos de l'aborder de
façon plus large à l'intérieur d'un seul et unique plan? Parce qu'on a un plan
qui porte sur les violences conjugales, on a un plan sur les violences sexuelles. On travaille sur la question de la
traite et de tout ce que ça peut impliquer. Dans un dossier comme dans
l'autre, bon, on interpelle les organisations syndicales, femmes autochtones,
les... Alors, tout le monde est appelé à se
positionner dans différents plans pour lesquels on a une reddition de comptes,
pour lesquels on a des mesures. Est-ce que c'est important de maintenir
des plans distincts, ou est-ce qu'on devrait plutôt avoir une force de frappe plus grande, ou est-ce qu'on aurait... Ou
n'aurait-on pas une force de frappe plus grande en ayant un plan d'action
qui se penche sur les violences dans leur ensemble, puis elles se déclinent?
Bon, on a les violences sexuelles, on a la traite des femmes, on a des
violences conjugales et, à l'intérieur de ça, on a un certain nombre de groupes
qui sont plus vulnérables que d'autres d'être victimes de ces formes de
violence là.
Je vous pose la question bien candidement. C'est
parce que je regarde les commentaires qui ont été formulés dans les mémoires, et immanquablement on va
toucher aux violences conjugales, on va toucher aux violences sexuelles,
on va toucher aux violences... à la traite des femmes. Bien, oui, on touche aux
violences sexuelles, et puis c'est un fléau majeur auquel on doit s'attaquer.
Mais, en voulant trop bien faire, est-ce qu'on ne se tire pas un petit peu dans
les pieds? Question, là, qui vous est transmise bien humblement. Parce que je
suis arrivée en poste il y a moins d'un an et
puis j'ai constaté la quantité de plans
d'action et j'essaie de voir comment on peut être plus efficaces et comment
mieux faire les choses, aussi de s'assurer qu'on n'oubliera personne. Le groupe
avant vous nous disait à quel point, eux, les femmes handicapées n'étaient pas
très présentes, alors que le taux d'agression envers les femmes handicapées
était quand même important.
Mme de
Sève (Véronique) : Bien, je comprends votre préoccupation, parce que,
si on regarde les statistiques en disant : Ça a très peu changé,
hein, il y a autant d'agression, de violence, tout ça... Alors, il y a quelque
chose à faire. Moi, je pense qu'on a passé à côté de quelque chose si, en
disant, avec tout ce qui a été mis en place, dans le plan : Il n'y a pas de changement... Il y a quelque chose à
réfléchir. Je n'ai pas la réponse toute faite sur est-ce que ça prend un
plan qui est décliné, est-ce que ça prend
plusieurs plans. Par contre, il faudrait... moi, ma préoccupation, c'est de ne
pas noyer les choses. C'est-à-dire que la violence conjugale, c'est un
phénomène en soi avec des situations particulières, les agressions, ce n'est
pas nécessairement tout le temps en situation de... avec un conjoint, une
conjointe, tout ça. Alors, il faut faire attention sur ça. Mais moi, je pense
qu'il va falloir quand même cibler.
Et, dans un premier temps, c'est peut-être
remettre les campagnes de sensibilisation sur la question des violences. On le dit d'entrée de jeu : Il
faut travailler sur cette question-là, il faut travailler pour que, un, les
femmes se sentent légitimes de dénoncer, parce qu'il y avait cette
question-là aussi. Et, en même temps, les personnes qui sont des agresseurs ou en situation de... tu sais, qui
sont l'agresseur, bien, ces personnes-là doivent réaliser qu'elles n'ont
pas à faire ça, c'est une question de
domination, et il ne faut pas que ça se produise. Alors, il y a un changement
de mentalité dans la société.
Après
ça, comment ça se décline? Bien, c'est sûr que nous, on parlait tout à l'heure
de la question du cours d'éducation sexuelle
où on va parler de stéréotypes; il faut défaire ça. Avoir des comportements
égalitaires, ça commence à la petite
enfance. Vous aviez une mesure sur, entre autres, dans les services de garde de
petite enfance, bien je pense qu'il faut poursuivre ces mesures-là pour
changer parce que c'est comme ça qu'on va faire évoluer les choses.
Maintenant, est-ce
que ça prend plusieurs plans, un plan? Moi, je pense qu'il faut y réfléchir,
moi, je pense qu'il faut... Ça peut être intéressant, mais il ne faut surtout
pas noyer des situations, parce qu'on n'y arrivera pas.
Mais
je comprends que, comme parlementaires, vous avez une sensibilité, de
dire : Bien, ça n'a pas de bon sens qu'en 10 ans il n'y a rien qui a été changé. Il faut aller plus
loin, et on a un coup de barre à donner. Ça serait la question... la réponse un peu... sa réponse, mais je pense qu'il
faut le regarder, d'où le fait que c'est important de faire l'analyse de
ces mesures-là pour être capable de voir,
après ça, ça va être quoi, le plan d'action et les actions concrètes qu'on va
nommer. En fait, c'est difficile, pour nous,
de faire l'analyse, parce qu'on a peu de données sur qu'est-ce qui a fonctionné,
qu'est-ce qui n'a pas fonctionné. Ça
fait qu'il y a peut-être quelque chose à faire là qui pourrait nous dénouer
certains éléments pour nous faire comprendre sur qu'est-ce qu'on doit
mettre dans le prochain plan.
Mme Benoit (Marie-France) : Peut-être, je voudrais, si je peux ajouter... À
l'origine, ce que je me rappelle, là, concernant particulièrement les
plans plus spécifiques concernant les maisons d'hébergement, au tout début,
c'était effectivement pour répondre à un besoin qui était criant, où on n'avait
pas les outils nécessaires au Québec. D'où le fait
qu'il fallait, oui, avoir des maisons d'hébergement, avoir des services de
qualité, et tout ça, les rendre accessibles, mais, en même temps, avoir une stratégie, un plan
d'ensemble. Je comprends que c'est la même chose concernant la question des agressions sexuelles, et, de vouloir tout
mettre sous le même chapeau, j'ai l'impression qu'il y a peut-être
certaines dimensions qui risquent d'être vraiment complètement oubliées, même
si ça peut être intéressant de le présenter globalement.
Mais, en même temps, quand un gouvernement fait un plan spécifique, il me
semble que c'est l'indice assez... l'indicateur important qui montre
jusqu'à quel point, comme société, on veut s'attaquer à telle et telle problématique.
Dans ce sens-là, il me semble que c'est pertinent d'avoir un plan spécifique
tout en ayant une politique d'égalité qui chapeaute de façon globale ce que
l'on veut faire comme orientation générale.
Le Président (M.
Picard) : Il vous reste une minute, Mme la ministre.
• (15 h 40) •
Mme
Vallée : Bien, en fait, je vous remercie, parce qu'évidemment
c'est toujours délicat de ramener à un seul plan d'action parce qu'il y a certaines spécificités qui sont importantes de
mettre en valeur. Je comprends que, si vous aviez trois priorités...
Vous parlez d'éducation, donc, pour vous, le retour des cours d'éducation
sexuelle, c'est une priorité qui inclurait
évidemment toute la question de la notion des rapports égalitaires, c'est
important. Vous parlez de campagne de sensibilisation. Et quel serait le
troisième élément, vos trois musts?
Le Président (M.
Picard) : Rapidement...
Mme Pineau (Anne) : On pense qu'il faut vraiment des ressources financières pour donner
effet à ces mesures-là. Et, à terme,
c'est une économie parce que ça coûte cher, la violence faite aux femmes, ça
coûte cher en soins de santé, ça coûte cher en jours-travail perdus. Il
faut mettre les ressources nécessaires, c'est une question fondamentale. Et aussi
l'égalité, pour nous, c'est d'abord l'égalité économique : tant que les
femmes n'auront pas les outils qui leur permettent
une véritable égalité économique, bien, on est susceptibles de vivre des
problèmes comme ceux de la violence faite aux femmes.
Le
Président (M. Picard) : Merci, Me Pineau. Je cède maintenant la
parole à Mme la députée
d'Hochelaga-Maisonneuve pour une période de 12 minutes.
Mme Poirier :
Merci, M. le Président. Bonjour.
Une voix :
...
Mme Poirier :
Obligation de lecture dans cette commission.
Ce petit guide que
vous avez fait sur la prostitution est, à mon avis, ce que j'ai lu de plus
intelligent depuis longtemps. C'est court,
c'est simple, c'est didactique, c'est ce qu'on veut entendre finalement, et
votre mémoire reprend ce même
discours et ces mêmes revendications. Le plan d'action que nous avions, 2008‑2013,
n'abordait pas le sujet de la prostitution. La définition d'agression
sexuelle n'aborde pas la prostitution. On la met où, la prostitution,
finalement, selon vous?
Mme
de Sève (Véronique) : Bien, moi, je pense... et on le dit, hein, on le
dit d'entrée de jeu, on en fait même le titre, dans notre mémoire, La
forme ultime d'exploitation et d'agression sexuelle : la prostitution.
Moi, je pense qu'il faut le mettre à l'avant-scène, il faut en parler. C'est
une exploitation qui est inacceptable dans une société évoluée. Même si on nous dit que c'est le plus vieux métier
du monde, tout ça, et que les femmes qui sont dans cette industrie-là, elles sont souvent dans une situation de survie,
donc on n'a pas à les juger dans ce qu'elles font, mais, comme société,
on peut très bien, quand même, juger les personnes qui utilisent ces
services-là.
Alors, pour
moi et pour la CSN... Puis je vais vous dire, je l'ai dit, hein, nous sommes la
seule organisation syndicale au
Québec et probablement... en tout cas, on est... à avoir pris position telle
quelle, là, en tout cas, au Québec, ça, je suis convaincue. D'ailleurs, j'étais au colloque, au premier
colloque international à Paris, à l'automne dernier, pour présenter notre position, parce que, comme organisation
syndicale, on ne peut pas dire que c'est un travail, mais, en même
temps, on ne peut pas nécessairement
condamner les femmes qui sont dans cette industrie-là, parce que, comme je le
dis, elles sont en situation de survie, et on ne peut pas les juger.
Mais, en même
temps, on peut leur donner des moyens, qu'elles prennent des décisions. Donc,
quand on parle, à la toute fin, où on dit qu'il faut aussi adapter les
services, les besoins, pouvoir être capable d'offrir des logements, d'offrir d'autres possibilités, et même qu'elles
ne soient pas stigmatisées lorsqu'elles ont besoin, lorsqu'elles ont
dénoncé, lorsqu'elles ont besoin de services
de santé. Ça a déjà fait partie, d'ailleurs, de revendications de la Marche
mondiale des femmes, c'était 2000, si je ne me trompe pas, et je pense
que c'est encore d'actualité.
Mme
Poirier : On vient de parler... la ministre dit : On a
trois plans d'action. On la met où, la prostitution? Dans lequel des trois? Est-ce que c'est une violence
conjugale? Parce que ça peut se passer en situation de... dans un
couple. Est-ce que c'est de la traite et c'est de l'exploitation sexuelle ou
c'est dans les agressions sexuelles?
Mme Benoit
(Marie-France) : Bien, on n'y
a pas vraiment réfléchi beaucoup, mais, actuellement, à ma connaissance, ça se retrouve... Il y a des mesures
spécifiques dans la politique d'égalité, et ces mesures-là sont
justement, ce que j'en comprends, là pour
bien identifier la problématique, donner des soutiens, et être capable aussi
d'analyser les situations, et qu'il y
ait certaines recherches, et qu'on se déploie un peu plus en collaboration,
justement, avec les femmes qui sont
dans... ou qui veulent sortir de cette industrie-là, puis auprès d'organismes
qui, effectivement, travaillent entre autres dans la défense de la santé
de ces femmes.
Une fois qu'on dit ça, il y a des volets là-dedans,
ce que vivent les femmes, sûrement qu'elles vivent des agressions aussi.
Nous, on suggère là-dedans — finalement,
c'est une suggestion — qu'on
maintienne la politique d'égalité avec des
mesures spécifiques, mais que, dans le plan portant sur les agressions
sexuelles, effectivement, il y ait des mesures plus concrètes encore pour nous permettre d'agir encore mieux. Et je
pense que ce n'est pas nécessairement contradictoire puisque le plan d'égalité va avoir des mesures
beaucoup plus générales, plus sociétales qui vont chapeauter tout ça. Et
les plans spécifiques, dont sur les agressions sexuelles, il pourrait y avoir
des mesures qui concernent spécifiquement les femmes prostituées et les jeunes
filles. Parce que là, effectivement, on peut parler aussi... on va devoir
introduire la traite sur ces questions-là.
Mme
Poirier : Donc, pour
vous, agression sexuelle et exploitation sexuelle pourraient se retrouver sous
un même terme. C'est ce que j'en comprends.
Mme Benoit (Marie-France) : Oui.
Mme Poirier : Oui. D'accord. Est-ce
que vous avez écouté 19-2 la semaine passée?
Mme de Sève (Véronique) : Non, je
l'ai enregistré.
Mme Benoit (Marie-France) : On m'a
dit qu'il y avait eu un viol. C'était assez... Je ne l'ai pas vu.
Mme
Poirier : ...direct à
la télé. Une scène difficile, très difficile. On pouvait voir un vrai viol en
direct entre un conjoint qui avait déjà été poursuivi pour agression
contre sa conjointe dans un cadre de violence conjugale. On parle souvent des
campagnes de publicité, là, je veux aller sur les campagnes. Le fait, dans une
émission, de... avec un visionnement
important, le fait de faire... Puis, bon, il faut que je vous raconte la suite,
là, parce que, si vous ne l'avez pas vu, vous... Il a été arrêté. Bon, il a été arrêté
par ses collègues policiers, parce que c'est un policier
qui agresse sa femme. Ce n'était pas
la première fois, mais là, cette fois-ci, on a beaucoup de détails dans la
scène. Selon vous, dans le type de campagne que l'on doit avoir dorénavant
pour sensibiliser, tant les femmes que les hommes, tant les victimes que les agresseurs... Puis je fais bien attention, parce qu'on a appris durant cette commission que beaucoup d'hommes sont aussi des victimes, et des
femmes des agresseurs. Comment vous voyez les prochaines campagnes? Avec quel
angle vous voyez les prochaines compagnes?
Mme de
Sève (Véronique) : Bien, je
vais vous dire, puis je ne sais pas si l'émission, par la suite, il y avait un petit segment : si vous êtes en situation, dénoncez, ou... Je
pense que c'est ça aussi qu'il faut regarder. C'est déjà arrivé, où on a fait appel à des situations
très précises, là, difficiles, que ça soit le suicide, et après ça, on avait un
petit segment juste avant la pause : si vous avez besoin d'aide, tout ça.
Alors, ça aurait été peut-être souhaitable dans le cadre de cette émission-là.
Mais moi, je
pense qu'on est quand même rendus à des campagnes soit publicitaires soit de
sensibilisation-choc. Moi, je me souviens très bien d'une campagne sur
la violence conjugale où c'était horrible, là, on voyait la femme quasiment se faire battre. Et il y a
eu comme un électrochoc de ça. Je ne dis pas qu'il y a eu moins de violence,
mais, au moins, cet électrochoc-là
fait aussi réfléchir les gens qui peuvent être témoins, d'une certaine façon, collègues
de travail, tout ça, de ces situations-là,
pour dire : Écoute, je peux-tu t'aider ou quoi que ce soit? Parce que c'est aussi ça, le malaise.
Moi,
je viens de voir la publicité du gouvernement ontarien sur les agressions, là. Je vais vous
dire, en termes... Puis il n'y a rien, on ne voit pas rien de déplacé. Mais
mettons que moi, je me suis fait... J'ai réfléchi. Je veux dire, je vais être dans un bar, je vois quelque chose de louche, je
vais y aller. Je vais intervenir. Donc, moi, je pense qu'il faut aller là. Parce qu'on le dit : Il faut changer les mentalités. Déjà là,
avec toute la situation de l'automne, où on a eu plein de
hashtags, de dénonçons tout ça, il y a
eu des situations... Ça a fait en sorte que des femmes se sont
senties légitimées de le dire, sans dire nécessairement qui était
l'agresseur, mais de le dire, et je pense qu'il faut continuer à ça.
Donc,
un coup tu le dis, après ça, il y a peut-être des choses qui peuvent changer. Mais c'est clair,
il faut changer les mentalités
parce que ce n'est pas normal... Et je le redis : Moi, ça me jette à
terre, quand j'ai vu la statistique en disant :
Il n'y a presque rien qui a changé. Pour moi, ça ne se
peut pas, c'est peut-être la psychoéducatrice en moi, là, qui réagit de ça, mais je n'en reviens pas. Alors, je
me dis : Là, il faut faire quelque
chose. Vous avez cette commission-là
qui est tout à fait à propos, il faut
continuer avec un nouveau plan. Donc, il
faut trouver des façons que peut-être...
brasser le camarade pour, après ça, repartir sur des meilleures bases.
• (15 h 50) •
Mme Poirier :
Est-ce que la campagne devrait viser particulièrement un message aux agresseurs
ou un message aux victimes?
Mme
de Sève (Véronique) : On ne
peut pas dire... Oui, moi, je pense que c'est les deux, parce qu'on ne peut pas que viser un côté
de la médaille. Tu sais, je pense que
le premier message, c'est de dire : C'est inacceptable, pas
supposé. Mais en même temps il faut aussi
être capable de permettre aux personnes qui sont victimes d'agressions de tous
genres qu'elles se sentent la légitimité de
dire : Écoute, ce qui m'est arrivé, ça n'a pas de bon sens. Parce que
c'est aussi prendre conscience de : ce qui m'arrive, ça n'a pas de
bon sens. Puis ça, ce n'est pas... je veux dire, c'est un processus, hein? Donc, il faut être capable de pouvoir permettre à
ces personnes-là, hommes et femmes, comme vous l'avez dit... Malgré tout, c'est quand même les femmes qui sont
majoritairement agressées et violentées, mais je reconnais qu'il y a aussi
les hommes aussi qui peuvent être violentés.
Mais de permettre à ces personnes-là de dire : J'ai une porte, je peux
parler... Parce que, des fois, juste
commencer à parler, ça ne veut pas dire qu'ils vont dénoncer puis on va arriver
en cour, etc., mais ça va au moins leur donner un pouvoir sur leurs
vies, puis je pense que c'est ça qu'il faut aussi donner.
Donc, on ne peut pas
dire juste un, juste l'autre, il faut trouver une façon de faire la jonction
des deux. Et c'est ce que je trouvais de la
beauté de la campagne ontarienne, c'est parce qu'on voyait une section
agresseur, hein : Merci de ne pas dénoncer, mais, après ça :
Merci de m'avoir aidée. Et je pense que c'est cette beauté-là et cette
finesse-là qu'on doit souligner dans cette publicité-là.
Mme
Poirier : Justement, le plan d'action ontarien est très
agressif, entre autres, sur l'exploitation sexuelle. Nos moyens au
niveau légal sont plutôt du niveau fédéral. On vient d'avoir un jugement qui
criminalise toujours les femmes, qui criminalise dorénavant les clients et
particulièrement les proxénètes.
Au
niveau québécois, on a quand même un champ d'action plus limité en tant que
tel. Quels types de mesures devrait-on prendre dans un premier temps
pour favoriser... Moi, je regarde dans les rues d'Hochelaga-Maisonneuve,
là : Comment je favorise le mieux-vivre ensemble dans mes rues?
Mme Benoit (Marie-France) : C'est une question qui est fort complexe et qui
exige effectivement, je pense, un travail de solidarité, je le dirais
comme ça, dans le sens suivant... et on en parle quand même un peu plus
rapidement, c'est un peu plus précis, dans
la brochure que vous aviez entre les mains, où effectivement ce que l'on dit,
c'est que, et Véronique l'a bien précisé tantôt : Les femmes
qui vivent dans l'industrie de prostitution — je ferme la parenthèse sur... — est-ce qu'elles sont toutes consentantes,
etc.? Il y en a beaucoup qui vont nous dire : Bien, la plupart, c'est
parce qu'elles le veulent. Nous, on prétend
que c'est beaucoup des situations de manques de choix, de survie. Et ce que
l'on souhaite, c'est, comme société,
justement que l'on ne juge pas. Dans ce sens-là, je pense que c'est important
qu'il y ait un travail
d'accompagnement et de soutien à ces femmes-là pour qu'elles puissent... et on
le dit, à la fin, dans une de nos suggestions, de faire en sorte
effectivement qu'on adapte les services. Ce que ça veut dire? Ça veut justement
dire qu'il y a aussi des femmes qui soient
capables d'aller les rencontrer et d'offrir leurs services en termes de
possibilités, de comment...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, Mme Benoit, s'il vous plaît.
Mme Benoit (Marie-France) :
...se chercher un travail pour une femme qui, pendant des années, a navigué
dans cet horizon. Il faut qu'il y ait un accompagnement et, dans ce sens-là,
comme société, on a des responsabilités.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Mme la députée de Montarville, pour une
période de huit minutes.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président.
Excusez ma voix, la grippe reprend le dessus. Merci, mesdames. Merci
pour votre mémoire, pour les informations qu'on y retrouve. J'aimerais vous
amener tout de suite à la page 9. Là, c'est
vraiment l'aspect du travail qui m'intéresse, mais l'aspect du syndicat au sein
des milieux de travail, vous
dites : On représente 2 000 syndicats — d'entrée de jeu, vous nous avez dit ça — donc dans différents domaines de
travail, de pratiques, à la grandeur du Québec.
Vous nous dites que,
«depuis plusieurs années, la CSN intervient pour éliminer toute [...] forme de
violence, d'agression ou de harcèlement dans les milieux du travail». Plus
loin, vous dites : «Elle a outillé les conseillères et conseillers
syndicaux pour faciliter l'accompagnement des victimes de violence ou de
harcèlement. Pour la CSN, la prise en charge
syndicale est une préoccupation constante.»
Parlons-en, les
fameuses plaintes pour harcèlement, harcèlement psychologique... Ce n'est pas
si vieux, ça date d'une dizaine d'années, à
peu près, dans le milieu du travail. Donc, plaintes pour harcèlement ou
plaintes pour agression
sexuelle... Vos gens sur le terrain, les représentants syndicaux, de un, est-ce
qu'ils ont vu une progression ou une diminution dans les différents
milieux du travail — si vous avez ces chiffres-là?
Par
ailleurs, deuxième question, dans le même ordre d'idées, si on est devant... On
va prendre une employée qui se fait
harceler, harceler, harceler, ça devient de l'agression sexuelle, les
conseillers syndicaux, que recommandent-ils : porter plainte au niveau du harcèlement ou de l'agression sexuelle? Parce que
c'est deux types de plaintes différentes, là. Comment ça se passe dans
le quotidien, donc?
Mme
Pineau (Anne) :
Merci. Bien, écoutez, c'est sûr que nous, on agit, là... D'abord, dès
les années 90, on a de nos syndicats, particulièrement dans les affaires
sociales, qui ont adopté des politiques contre le harcèlement. Et c'est très important, autant pour protéger les personnes
à l'intérieur de l'unité qui seraient victimes de violence que, même,
des bénéficiaires. Alors, on s'est positionnés rapidement pour dire qu'il y a
des choses qu'on n'acceptait pas et pour lesquelles,
s'il y avait des mesures disciplinaires, on ne défendrait pas les personnes qui
sont coupables, à moins que bon, on puisse établir qu'il y a des
circonstances qui puissent atténuer la faute.
Les
recours en harcèlement psychologique, nous, c'est viol et grief. C'est sûr
qu'il y a énormément... Depuis
2004, le premier juin 2004, l'entrée en vigueur des dispositions de la Loi des
normes, ça a entraîné beaucoup, beaucoup de griefs de
harcèlement psychologique. C'est des recours qui sont très longs, des recours
qui sont très mobilisants, des recours, souvent, qui vont amener des confrontations à l'intérieur, là, des
salariés de l'unité, parce que, bon, il y a des gens qui vont témoigner
les uns contre les autres. C'est des recours, qui, somme toute... je n'ai pas
de chiffre, là, mais qui, souvent, vont en
plus être rejetés, parce que la définition, à 81.18 de la Loi sur les normes, est extrêmement difficile à rencontrer, là. Il y a une série... conduite
vexatoire, paroles, gestes à caractère hostile ou non désirés. Or là, il y a
cinq volets qu'il faut remplir, et souvent
on va arriver à terme avec une plainte qui va être rejetée, un grief qui va
être rejeté, même si en réalité il y
a un problème. Il y a un problème parce qu'il s'est passé quelque chose qui
n'était peut-être pas du harcèlement psychologique, mais qui
mérite qu'on s'y attarde.
Et, nous, une des difficultés qu'on a, c'est
qu'on trouve que c'est nécessaire, ces recours-là, mais ce n'est pas suffisant.
Il faut qu'en amont on agisse au plan de la santé, sécurité. Il faut faire de
la prévention, les situations qui ne sont pas comme telles des situations de
harcèlement au sens de la loi peuvent dégénérer en situations réellement de
harcèlement, mais il faut intervenir avant. Or, ça, c'est une des premières
problématiques.
Et vous savez
que, quand le harcèlement rend malade, alors là, c'est un autre type de recours
qui entre en ligne de compte, c'est la lésion professionnelle. Et là aussi
on parle d'une plainte à la CSST, qui va monter à la CLP. Ça va être souvent très long, et à terme souvent la
plainte va être rejetée, et, là encore, on n'aura pas réglé la situation.
Parce que, que la plainte soit accueillie ou
rejetée, il n'en demeure pas moins qu'il y a un problème. Si la plainte est
accueillie, souvent, les dommages, par exemple, au niveau des griefs
vont être très, très minimes. Et on aura causé à la limite certains dommages au
plan, là, des rapports à l'intérieur du milieu de travail.
Donc, il est
essentiel pour nous qu'on agisse d'abord en termes de prévention pour que dans
les milieux de travail on désamorce les situations qui peuvent devenir
du harcelèrent psychologique.
Mme Roy
(Montarville) :
Alors...
Mme Benoit (Marie-France) : ...peut-être
juste indiquer le nom d'une brochure...
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, parce qu'il manque un volet.
Mme Benoit (Marie-France) : C'est Agir
avant la tempête, que l'on a produite, qui s'adressait aux délégués
syndicaux, à tous les responsables, tant santé et sécurité que les personnes
qui s'occupent du droit des femmes pour justement faire de la prévention.
Alors, ces documents, si ça vous intéresse, sont au centre de documentation de
la CSN, c'est important.
Mme Roy
(Montarville) :
Et je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faut travailler en amont. Mais
ma question était plus à l'effet du fait
que... et on sait que ça peut être complexe, identifier quelle est l'agression
sexuelle; un bout de temps, c'est du
harcèlement psychologique, puis, après ça, ça peut devenir de l'agression
sexuelle pure et simple. Donc, ma question, c'était : Vos
représentants syndicaux vont-ils encourager à porter plainte à l'égard des
agressions sexuelles ou vont-ils choisir le
harcèlement? À quel moment ça se joue, ça se décide? Et est-ce qu'on encourage
de porter plainte au criminel pour agression sexuelle?
• (16 heures) •
Mme de Sève (Véronique) : Bien, ce
que je peux dire, c'est que, de toute façon, dans le milieu de travail, on fait
toujours enquête. Et, selon l'enquête qui va être faite, bien c'est là qu'on va
évaluer où il est mieux de porter plainte. Est-ce que c'est le grief, est-ce
que c'est... Et ça, ça fait partie des travaux qu'on a faits pour outiller nos conseillers puis les officiers, aussi, syndicaux, parce que,
oui, on a des conseillers, des conseillères syndicaux qui sont en appui
au syndicat local, mais il y a des gens directement sur le terrain.
Même chose, il y a
certains milieux de travail, particulièrement dans la santé et les services sociaux, qui ont
adopté des politiques-cadres avec leur
employeur pour justement trouver des façons de pouvoir régler cette situation-là,
parce qu'on le sait l'employeur a une responsabilité, donc... Et, quand on a,
des fois, certains des conflits qui perdurent, bien là, ça va dégénérer, ça peut arriver qu'on aille plus loin. Alors,
c'est pour ça qu'on essaie le plus possible de travailler en amont. Mais, tout dépendant de la situation
et de l'enquête, dans le fond, du résultat de l'enquête, bien, à ce moment-là, il va
y avoir une évaluation qui va être faite. Et, s'il y a besoin d'aller plus loin
et d'aller jusqu'à une dénonciation au niveau criminel, bien, évidemment, on va
trouver les ressources pour accompagner ces personnes-là, là.
Mme Roy
(Montarville) :
Mais je comprends que, malheureusement, on n'a pas de chiffres à l'égard de ce
type de plaintes qui auraient été portées au criminel, par exemple, dans le
milieu du travail, dans les syndicats que vous représentez.
Mme de Sève (Véronique) : ...
Mme Roy
(Montarville) :
O.K. Je vais poursuivre, je vais aller à la page...
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste une minute, Mme la députée.
Mme Roy
(Montarville) :
Oh! une minute... Alors, bien, si on va tout de suite dans les recommandations, il y a quelque chose
qui m'intéresse et qui m'a un petit peu surprise, c'est que vous semblez dire
que, bon, des échanges... page 8, et ça
fait partie de vos recommandations plus loin, «des échanges entre les praticiennes
et praticiens du milieu communautaire
et ceux des institutions gouvernementales seraient bénéfiques et permettraient
[d'améliorer] des pratiques et des
services offerts aux victimes d'agression sexuelle». En lisant ça... et j'en
conclus que tous ces intervenants — est-ce
que c'est la conclusion à laquelle vous en
arrivez aussi? — travaillent en silo, puis il y aurait lieu
d'améliorer la concertation avec les différents intervenants du milieu
qui s'occupent des agressions?
Mme de Sève (Véronique) : Bien, il
est clair qu'il y a un travail de collaboration qui doit être fait. Si je
prends juste les intervenantes qui sont dans les groupes de femmes, elles ne
sont pas toutes outillées pour faire face à des situations comme celles-là où
une femme va se confier puis va dire : Qu'est-ce que je fais?, tout ça.
Donc, il faut travailler en collaboration. Il y a des collaborations qui se
font dans certains milieux, mais je pense qu'il y a encore plus de travail à
faire pour, justement, que tout le monde se sente outillé, parce que, lorsqu'on
est une intervenante puis on se sent démunie, je vais vous dire, quand on est
la victime, je vais dire que ça devient aussi, je dirais, inquiétant, là, donc.
Lorsqu'on est victime puis on se confie à une intervenante, on souhaite qu'elle
nous aide. Alors, c'est le travail qu'on pense qui doit être amélioré. Je ne
dis pas que tout le monde le fait en silo, mais il y a encore des milieux, qui sait,
peut-être on aurait besoin de travailler ensemble.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup, mesdames.
Le Président (M. Picard) : ...Mme
la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Massé : Merci, M. le Président.
J'entends bien que vous dites : Il y a un changement sociétal à opérer. Pour y arriver, vous dites aussi : Il va
falloir y mettre les ressources, sincèrement, sérieusement. Ça fait 10 ans, il
n'y a rien qui a changé ou si peu. Je nous rappelle que ça fait 10 ans
qu'il n'y a plus de cours aussi d'éducation sexuelle, des relations égalitaires. Bref, si on veut y arriver, c'est qu'il faut
se prendre au sérieux. Et il a été mentionné comment, bien, si on ne le
fait pas, il y a des coûts pour les personnes, mais il y a un sacré coût
socialement aussi. Ce n'est pas chiffré, toujours dur à chiffrer, mais on le
sait.
La Fédération des femmes du Québec est venue
nous expliquer pour essayer de comprendre comment on va y arriver, par quoi.
Là, on parle des moyens, mais quel bout du truc de laine, là, qu'il faut tirer
dessus pour que ça se défasse? Puis elle nous parle d'un grand mot, là,
masculinité hégémonique. En fait, vous avez mentionné, dans vos mots, c'est la culture du milieu : c'est de même
que ça se passe. J'aimerais peut-être, parce qu'il doit vous rester une
seconde et demie, non, 1 min 30 s, que vous nous poussiez un
petit peu plus loin que ça. Parce que, dans les faits, oui, il y a trois plans, mais ils ne sont pas arrivés en même
temps. On a trouvé indignant la violence conjugale à partir de 1995, on
en a fait des orientations, après ça, un
plan. Là, on a dit : Oui, mais, merde, il y a aussi des agressions, puis
là, oui, mais, merde, il y a aussi
l'égalité. Mais, ceci étant dit, en dessous de ça, il y a des cultures de
milieux, j'aimerais vous entendre là-dessus.
Mme de Sève (Véronique) : Bien, ce
que je peux dire, c'est : Les cultures se changent, hein? Parce que moi, je pense qu'il faut travailler sur cette
question-là, et, quand on adresse les problèmes, souvent les gens réalisent des
choses. Parce que, tu sais, il y a la
culture organisationnelle. On va prendre la construction, même dans certaines
entreprises qui sont à majoritairement... des emplois majoritairement
masculins, des fois, on dirait que, tu sais, on se défoule, hein, on se défoule entre gars, tout ça, et on ne réalise pas
que la personne à côté peut être heurtée. Des fois, on le fait spécifiquement. J'ai vu, moi, quand j'ai
fait des tours de chantiers lors de maraudage, des affaires pas très
intéressantes, et je suis convaincue que le
gars, il ne serait pas d'accord que sa fille soit dans un milieu de même, mais
il le fait pour lui. Alors, juste, tu sais, des fois, là, il faut juste
la remettre, cette personne-là, en disant : Est-ce que tu souhaiterais
avoir le même comportement du gars qui travaillerait avec ta fille? Non. Ah!
bien, pourquoi tu le fais? Ah! O.K., bien... Alors, des fois, moi, je pense
qu'il faut remettre la situation vraiment, là, dans le blanc des yeux.
Puis
à un moment donné il y a un travail qui doit se faire de façon plus
latente. On parlait d'électrochoc par
rapport à des campagnes de sensibilisation, puis je pense que cet
électrochoc-là, on en a besoin. Puis après ça il va falloir qu'on travaille
plus en sous-marin, je dirais, pour continuer ce travail-là, pour dénoncer les
petits graffitis dans les toilettes ou
encore les pitounes qui sont dans les coffres à outils dans la SM, exemple, là,
ou bien... Non, mais c'est parce que c'est comme ça, là. Il faut
travailler ça, puis après ça, bien, à
un moment donné, ça va changer. Je ne
dis pas que ça va changer demain matin, on est quand même réalistes,
mais en même temps, si on a une volonté politique comme on le fait aujourd'hui, bien, ça va nécessairement faire en sorte
qu'il y a du monde qui vont se sentir moins légitimés de poser des
gestes et de dire : Ce qu'ils font actuellement... Parce que le problème actuellement,
c'est que c'est comme s'il n'y a personne qui dit rien, donc on se sent
légitimé de dire n'importe quoi et de banaliser la situation.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme de Sève, Mme Benoit et Me Pineau, pour
votre contribution aux travaux de la commission.
Je suspends quelques
instants afin de permettre au prochain groupe, qui est le Réseau des organismes
Espace du Québec, de prendre place.
(Suspension de la séance à
16 h 7)
(Reprise à 16 h 10)
Le Président (M.
Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant les représentants
du réseau des organismes Espace du Québec. Vos disposez d'une période de 10
minutes pour faire votre exposé, va s'ensuivre un échange avec les parlementaires. Dans
un premier temps, je vous demanderais de vous identifier. La parole est à
vous.
Regroupement des organismes Espace du Québec (ROEQ)
M.
Castonguay (Joël) : Merci beaucoup. Alors, je suis Joël Castonguay, je
suis coordonnateur du Regroupement des organismes Espace du Québec.
Mme Théberge
(Odette) : Je suis Odette Théberge, coordonnatrice au programme du
ROEQ aussi.
M.
Castonguay (Joël) : Alors, on va commencer d'abord tout simplement par
vous présenter qui on est. Alors, le Regroupement des organismes Espace
du Québec réunit 11 organismes communautaires autonomes, qui ont comme champ d'action principal la prévention de la
violence faite aux enfants. En fait, notre analyse est basée sur une
analyse globale de la violence comme étant
un abus de pouvoir, donc on va traiter de toutes les formes de violence
commises envers les enfants. Et on
s'adresse aux enfants de trois à 12 ans ainsi qu'aux adultes de leur entourage,
donc personnels des milieux éducatifs
et leurs parents. Dans le fond, ce qu'on a, entre autres, c'est une
reconnaissance, à travers différents prix puis différentes mentions
également, à l'Assemblée nationale, dont on est très fiers. Je te laisse
poursuivre.
Mme Théberge
(Odette) : Bonjour. Alors, on souhaite d'abord souligner les bons
coups du Plan d'action gouvernemental 2008-2013 et on voudrait faire ressortir
les mesures qui sont de nature préventive et qui touchent particulièrement les enfants. Alors, à la page 6,
il s'agit principalement des mesures... c'est-à-dire, il s'agit
principalement des enfants — on le fait ressortir — qui participent à des activités de loisirs
et de sport alors qu'il y a des enfants qui n'ont pas cette chance-là,
mais c'est quand même un bon coup pour ces enfants-là.
Et,
au niveau de la mesure 16, c'est une mesure qui concerne directement la mission
du ROEQ et des organismes Espace, et on est très heureux de cette
reconnaissance accordée à notre mission et à nos activités. Toutefois, c'est important de souligner qu'il n'y a aucun nouvel
argent qui a été octroyé aux organismes Espace et au regroupement dans le cadre de cette mesure-là spécifiquement. Le
rapport d'ailleurs démontre clairement l'importance du PSOC, du Programme de soutien aux organismes communautaires,
et de son financement à la mission des organismes communautaires
autonomes.
Ensuite, la mesure
17, qu'on veut faire ressortir... Pour la plupart des projets en lien avec
cette mesure-là, ils sont liés à la prévention aussi, donc beaucoup d'entre eux
s'adressent aux adolescentes et aux adolescents. Il serait intéressant de voir
davantage des projets de prévention des agressions à caractère sexuel qui
touchent les enfants de 12 ans et moins.
Ensuite,
au niveau de la mesure 18, soutenir le développement d'outils de
sensibilisation portant sur l'hypersexualisation des jeunes, c'est une
façon de faire de la prévention de la violence aussi. Donc, c'est intéressant
pour nous, c'est un bon coup.
Et, au niveau de la
mesure 54, l'application de l'entente multisectorielle, le ROEQ salue le
renouvellement de cet engagement, qui est une réalisation concrète pour le
mieux-être des enfants victimes.
Ensuite,
au niveau de la mesure 95, le soutien financier qui a été offert au ROEQ, dans
le cadre de cette mesure, a permis d'établir plusieurs liens de
cohérence entre les actions préventives d'Espace et le renouveau pédagogique.
M. Castonguay
(Joël) : Alors, au niveau des obstacles qu'on a vus, dans la mise en
oeuvre du dernier plan d'action, on voyait,
entre autres, l'omniprésence de ce qu'on appelle le dossier intimidation,
c'est-à-dire que, à travers les événements, les drames qui ont été
médiatisés et la loi pour contrer la violence et l'intimidation à l'école,
cette problématique-là prend beaucoup de place dans les milieux scolaires et
dans l'actualité également au détriment de d'autres formes de violence. Donc,
ça a été un obstacle pour nous.
Il y a l'hypersexualisation, ma collègue en a
parlé, mais c'est quelque chose qui est omniprésent dans la société, et, d'après notre analyse, qui amène une
sexualisation précoce des enfants, et aussi qui touche le développement des enfants dans leur
identité sexuelle et dans leur rôle aussi dans la sexualité. Il existe encore
des mythes et préjugés, qui étaient là il y a 10 ans, il y a 20 ans, et
qui sont toujours présents, qu'on peut voir à travers différentes tribunes,
entre autres, dans l'actualité, des mythes
et des préjugés comme, par exemple : Les victimes sont en partie
responsables des agressions qu'elles subissent. Alors, il faut continuer
à lutter contre ça.
Ce qu'on peut voir aussi, c'est qu'il y a
différents milieux de vie des enfants qui ont une certaine résistance
face à la prévention, et on trouverait intéressant dans le fond d'aller au-delà
de cette résistance-là pour mieux la comprendre. On peut voir aussi qu'un des freins à la mise en oeuvre des mesures du
dernier plan a été le manque de ressources d'argent, qui a freiné l'action des
différents milieux, et chez nous a entraîné des listes d'attente et des mises à
pied, donc la perte de personnes
expérimentées qui peuvent contribuer à la prévention de la violence faite aux
enfants. Ce qu'on voulait faire ressortir, c'est qu'au-delà des
conséquences organisationnelles il y a aussi les conséquences sur les enfants,
sur leurs communautés, et il y a des besoins en prévention qui n'ont pas été comblés
pleinement.
Mme
Théberge (Odette) : Au niveau des défis pour un prochain plan
d'action gouvernemental, on fait ressortir trois défis importants. Celui
de rejoindre la population massivement... Plusieurs organismes communautaires
ont des moyens restreints pour rejoindre la population, et ce, même si leurs
actions sont reconnues comme efficaces. À l'inverse,
des personnalités publiques qui décident de mettre de l'avant un service ou une
fondation reçoivent beaucoup de visibilité médiatique et en conséquence
souvent un grand soutien financier aussi.
Comme deuxième défi, garder le cap sur les objectifs et
l'analyse en restant centrés sur les enfants et sur leurs besoins. Ça
demande énormément de volonté quand on travaille dans un organisme communautaire,
de volonté et de conviction pour résister aux modes, aux tendances et aux
pressions extérieures.
Ensuite, le
troisième défi qu'on veut faire ressortir, c'est de rejoindre les parents.
C'est vraiment un défi majeur. Les milieux
scolaires, les milieux de garde et les organisations communautaires constatent
depuis plusieurs années qu'il est vraiment difficile de rejoindre les
parents.
M.
Castonguay (Joël) : On a différentes recommandations à faire en vue...
pour voir vers l'avenir, donc peut-être pour un prochain plan d'action.
La première recommandation, c'est de traiter de la violence dans sa globalité. Au lieu de compartimenter l'analyse au niveau des
diverses problématiques, de la voir dans sa globalité. Puis c'est un peu
une approche novatrice qu'Espace a au Québec depuis 30 ans; on voit que c'est
souvent plus efficace de parler de violence — en tout cas auprès des enfants — de façon globale et d'utiliser les mêmes
stratégies pour la contrer. On veut aussi
qu'un prochain plan d'action axe sur la prévention, et la prévention dès la
petite enfance, c'est-à-dire, dans le fond, c'est important d'aller
toucher tous les enfants, le plus d'enfants possible qui vivent la violence et
aussi toucher les adultes autour d'eux, donc
principalement les parents. Comme on le disait, c'est un défi. Mais, pour
demeurer efficace, il faut que l'action préventive continue tout au long
du développement des enfants.
Mme Théberge (Odette) : Ensuite,
comme recommandation, troisièmement, la mise en place des cours d'éducation à la sexualité dans les écoles, c'est
une très bonne idée. Et, dans le cadre de l'élaboration du projet pilote
en éducation sexuelle, c'est important de
valoriser aussi tout le travail qui est fait en ce sens par les organismes
communautaires tels que le nôtre, n'est-ce pas, le ROEQ. Plusieurs
organismes travaillent déjà en ce sens-là, donc ce serait important, comme il a
déjà été mentionné, de se parler.
Ensuite, au
niveau... la quatrième recommandation, financer les organismes communautaires,
eh oui, ce n'est pas une surprise pour personne, ça rapporte beaucoup
par rapport à ce que ça coûte. Il y a des organismes en place qui sont déjà
prêts à passer à l'action, puis cette action-là peut faire une réelle
différence, une différence concrète très rapidement dans la vie des personnes.
M.
Castonguay (Joël) : On a une cinquième recommandation, qui est le
soutien au milieu éducatif. Alors, ce que ça signifie entre autres,
c'est d'éviter les coupures financières en éducation. Parce qu'il y a déjà des
collaborations en place dans les milieux
éducatifs, donc CPE, garderies, milieux scolaires avec d'autres
organisations... et, lorsqu'il y a des coupures en éducation, ça met en
jeu ces collaborations-là, qui tombent. Et c'est dommage parce que ça soutient
les acteurs en place. Et qui en bénéficie au bout du compte? Ce sont les
enfants les plus vulnérables.
Une sixième
recommandation, c'est de tout simplement remettre en valeur les orientations
gouvernementales en matière d'agression sexuelle. Ce qu'on s'aperçoit,
quand on regarde le document sur les orientations, c'est qu'il est toujours d'actualité. Donc, les obstacles sont
sensiblement les mêmes, les conditions gagnantes également. Et ce qu'on souhaiterait, c'est qu'il y ait un prochain plan
d'action gouvernemental en matière
d'agression sexuelle, mais peut-être
avec un peu moins de mesures en place et peut-être
avec un peu plus de ressources disponibles pour réussir ces mesures-là.
Mme
Théberge (Odette) : Ensuite,
pour la septième recommandation, reconnaître l'expertise des organismes
communautaires en ce qui concerne le financement, qu'il soit convenable, créer
du nouveau matériel, c'est-à-dire que ça
pourrait devenir un réflexe qui pourrait être de voir ce qui existe déjà avant
de créer du nouveau matériel, donc de se concerter, encore là, et, quand
vient le temps, aussi, de chercher des partenaires ou des alliés. Et...
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Théberge. Le temps est écoulé. Vous pourrez poursuivre lors des
échanges avec les parlementaires si vous avez d'autres recommandations. Mme la
ministre, pour une période de 19 min 30 s.
• (16 h 20) •
Mme
Vallée : Merci beaucoup de votre participation à nos travaux.
Dans un premier temps, j'aimerais vous entendre davantage sur la globalisation
que vous souhaiteriez voir au niveau du traitement de la violence, parce que, dans votre mémoire, vous faites état... bien, vous
semblez dire qu'il y a une attention qui est soutenue, qui a été
portée par le gouvernement à certaines problématiques, notamment à
l'intimidation, mais que le travail devrait se faire d'une façon plus globale,
qu'on ne devrait pas compartimenter lorsqu'il s'agit d'aborder la question de
la violence. Et donc j'aimerais vous
entendre davantage, parce que d'autres groupes, on entend des messages à
l'effet contraire, à l'effet que, si
on ne parle pas nommément d'une forme de violence, bien, cette violence-là, elle
n'existe pas et donc elle devient plus acceptable.
Je parle de l'intimidation à l'école. Si on n'en parle pas, bien, les jeunes ne
seront pas sensibilisés. Même chose pour les violences sexuelles, les
violences conjugales, si on n'en parle pas nommément, eh bien, il n'y aura pas
de de sensibilisation de la part des gens.
Alors, vous avez une
approche qui est différente, et j'aimerais vous entendre.
Mme Théberge
(Odette) : Oui. Cependant, c'est important d'en parler de façon
nominale, effectivement, que ce soit clair.
Alors, pour nous, l'approche globale, c'est plutôt relié à l'importance de
faire des liens, comme il a été mention tout à l'heure, de faire des
liens entre les différentes formes de violence, parce que, dans le vécu des
enfants, les enfants qui vivent des
agressions sexuelles, ce sont souvent des enfants qui vont vivre de
l'intimidation ou qui sont exposés à
de la violence conjugale, et c'est pour ça qu'on a mis quelques références dans
le mémoire. Il y a des recherches qui ont démontré cette concomitance-là. Alors, si on traite d'une seule
forme de violence, bien, on passe à côté possiblement du vécu d'un
enfant ou de plusieurs enfants qui ne se reconnaîtront peut-être pas tout à
fait ou qui ne se sentiront peut-être pas tout à fait compris.
Et c'est important de
le faire, autant en prévention qu'au niveau de l'intervention, parce que, si on
approche un enfant pour une forme de violence spécifique parce qu'on a parlé
juste de celle-là, donc... Les enfants, souvent, ils aiment ça nous plaire, et, si on lui parle seulement
d'une forme de violence, il va parler juste de cette forme de violence
là, alors on va passer à côté de tout un vécu qui risque de faire partie de sa
vie, à cet enfant-là.
M.
Castonguay (Joël) : En fait,
puis, si je peux poursuivre, en fait, c'est important de parler de chaque
forme de violence, mais c'est important de faire des liens entre ces formes de
violence là, tout simplement. Donc, au niveau politique, c'est important qu'il
y ait un plan d'action en matière d'agression sexuelle, mais il doit faire des
liens avec l'intimidation, la violence conjugale, etc.
Mme
Vallée : Merci, c'est
important, parce que le dépistage, la prévention, ce sont des éléments que vous
avez aussi abordés dans la question des défis qui s'adressent à nous, des
enjeux, évidemment, qui sont très importants, dont celui de l'importance de
rejoindre les parents ou de la difficulté de rejoindre les parents afin de
discuter, afin de parler de la question des violences sexuelles.
Encore
une fois, j'aimerais vous entendre : On s'y prend comment? Avez-vous des
idées, avez-vous des pistes de solution?
Parce que les parents, évidemment, font partie de la réponse, c'est-à-dire qu'on peut avoir en place un programme d'éducation sexuelle à l'école, mais, s'il n'y a pas de discours
égalitaire à la maison, ça peut être un petit peu difficile d'en assurer
un suivi. Donc, comment voyez-vous une façon de rejoindre les parents des
tout-petits, les parents des moins de 12 ans, mais aussi les parents des
ados qui ont aussi un rôle hyperimportant à jouer auprès de leurs jeunes?
M.
Castonguay (Joël) : Alors, actuellement, nous, c'est un travail qu'on fait au quotidien, d'essayer de
mobiliser et de rejoindre les parents. On le
fait par une panoplie de moyens, c'est-à-dire, ça peut passer par une lettre d'invitation
à un atelier qui leur est spécifiquement
destiné, ça peut être des affiches dans les milieux, ça peut être une annonce
dans un bulletin scolaire, l'envoi de
courriels, par exemple. Puis on s'y prend vraiment de la façon... on y
va individuellement avec chaque
milieu, que ce soit une école ou un CPE. Donc, c'est l'école ou le CPE qui va,
en collaboration avec nous, mettre en place les
stratégies. Donc, c'est important que ces stratégies-là soient adaptées à la
réalité de la communauté et du milieu de vie de l'enfant.
Nous, à l'heure
actuelle, ce qu'on se rend compte, et on n'est pas les seuls, c'est que souvent
les parents participent aux ateliers mais peu, en termes de quantité, de
nombre, et on aimerait rejoindre davantage les parents. Et là on s'est demandé : Est-ce que
c'est possible de le faire via les nouvelles technologies, le Web, à
travers des capsules, à travers des webinaires? Donc, on est dans cette
réflexion-là et on trouverait important d'impliquer d'autres acteurs dans cette
réflexion-là.
On se dit aussi qu'il
y a peut-être possibilité de faire plus de place aux parents dans les milieux
de vie des enfants, c'est-à-dire peut-être plus de place dans les milieux scolaires, dans
les CPE, dans les garderies parce que les parents ont un rôle à jouer, puis c'est important, en termes de prévention, que tout le monde autour des enfants soit sensibilisé, ait le même message pour
pouvoir poursuivre le travail de sensibilisation et de prévention par la suite.
Le Président (M.
Picard) : Mme la ministre.
Mme Vallée :
On reste un petit peu sur la question de la communication et l'importance de
rejoindre les tiers. Vous avez parlé d'un
certain nombre de préjugés qui sont véhiculés sur les médias sociaux, sur les
réseaux sociaux, et puis ça contribue à alimenter un climat, un contexte
qui n'est pas très sain. Vous avez fait mention... dans votre mémoire, vous avez nommément indiqué que les
journalistes ne reprenaient pas certains discours. Comment venir contrer
ces préjugés-là? Comment venir s'attaquer ou
passer votre message ou le message que vous souhaitez passer que vous
considérez qui n'est pas entendu?
Mme Théberge (Odette) : C'est une très bonne question;
on se la pose continuellement. Mais... vas-y. J'aimerais ça revenir
après sur la question des parents.
M.
Castonguay (Joël) :
D'accord. En fait, au niveau médiatique, ce qui est clair, dans notre analyse,
c'est que, dans le fond, les médias doivent vendre un peu leurs
produits, si on veut, donc ont peut-être tendance à aller vers plus de sensationnalisme, et tout ça. Et c'est sûr
que la violence, elle est parfois sensationnaliste, mais elle est parfois
dans le quotidien également, dans le quotidien des enfants. Donc, ça peut être
le fait de crier après un enfant, le fait tout simplement de le pousser, de
le dénigrer continuellement. Donc, elle prend diverses formes, puis, on le
sait, au niveau de la violence
sexuelle, ça peut passer par un regard jusqu'au viol, hein? Donc, il y a comme plusieurs
formes.
Donc, au niveau de la
sensationnalisation de la violence, la prévention n'est pas très populaire — on va
se le dire — dans le sens où on n'a pas de drame à
médiatiser, on a simplement des stratégies à offrir et des moyens pour
la contrer. Alors, c'est peut-être pour ça
que c'est plus difficile, à ce moment-là, que les réactions face aux mythes et
aux préjugés soient prises. Puis, des fois,
c'est peut-être confortable de rester dans un mythe. Le changement, c'est
quelque chose de difficile, donc ça prend vraiment une mobilisation et des
ressources pour le faire.
• (16 h 30) •
Mme Théberge
(Odette) : Oui. Puis les médias vont souvent vers les organismes qui
sont en intervention puis qui ont des
histoires très... de relation d'aide ou de drame, comme disait Joël, mais il y
a aussi ce qu'on soulevait tout à l'heure, toute la question des
personnalités publiques aussi qui fait que, tout d'un coup, quelqu'un semble
devenir spécialiste. Disons que c'est ça aussi qui, j'ai l'impression, rend la
chose plus difficile pour les messages qui sont... des messages comme le nôtre, de changements des mentalités et de valeurs
et d'éducation. Et je reviendrais, tout à l'heure... En fait, la seule
chose qui m'est venue, quand Joël parlait, c'est que nous, on étudie
présentement la question du webinaire puis
de faire des capsules pour essayer d'intéresser les parents, sur notre site
Web, à venir à nos ateliers. Mais le jour
où on va décider que, oui, on s'en va vers ça, là, il va falloir qu'on passe
beaucoup de temps à trouver du financement. Donc, ça aussi, ça fait...
Je sais qu'on l'a nommé plusieurs fois, là, mais concrètement c'est ça que ça
veut dire, c'est très long pour nous avant de pouvoir réaliser un projet qu'on
décide de mettre en place.
Mme
Vallée : Je ne peux pas m'empêcher... parce que je lisais et je
vous entendais sur la différence ou l'impact que pouvait avoir une personnalité publique sur la capacité pour une
cause d'amasser des fonds, et je me disais : Bien oui, mais
pourquoi les groupes Espace n'arrivent pas justement à s'associer avec une
personnalité publique puisque le message, la
prévention, les enfants, les tout-petits, c'est quand même important, puis
c'est quand même... je pense que ça rejoint
bien des citoyens, bien des gens. Et j'étais étonnée en fait de lire ça, dans
votre... Je comprends les références et je comprends ce à quoi vous vous référez, mais en même temps je trouvais
étonnant qu'un organisme qui prône le respect de l'enfant ne puisse pas trouver de porte-parole qui aura un effet
important sur sa capacité à organiser, par exemple, une campagne de
financement digne de ce nom. Alors, je dois vous avouer mon étonnement.
M. Castonguay
(Joël) : Bien, c'est intéressant comme question parce qu'effectivement
on trouve que notre mission est fort intéressante, puis notre plan de
communication justement soulève le fait que la population se rallie facilement à la mission du Regroupement des
organismes Espace. Puis on est en démarchage justement pour essayer de
rejoindre des personnalités publiques intéressantes et intéressées à notre
mission, puis à parler de nous, dans le fond, publiquement. Mais ce qu'il faut
comprendre aussi, c'est qu'on a peu de ressources humaines et peu de sous.
Donc,
c'est sûr qu'on ne changera pas nos activités quotidiennes, qui sont, entre
autres, de travailler sur la qualité du programme éducatif qu'est le
nôtre. Et ce qui fait sa force et sa qualité, c'est le fait qu'on est plusieurs
à travailler ensemble. Donc, le
travailler-ensemble fait aussi partie de notre quotidien. Donc, ce qui fait
que, quand on a des démarches qui
sortent un peu du quotidien, comme le fait de chercher une personnalité
publique qui est intéressée et intéressante, bien, ça prend plus de temps souvent, à ce moment-là, parce qu'on n'ira
pas arrêter ce qu'on veut faire au quotidien, parce qu'on pense que, dans le fond, il faut continuer à
rendre un programme éducatif de qualité pour les organismes Espace mais
surtout pour les écoles, les CPE et les enfants.
Mme Théberge
(Odette) : C'est ça. Pour nous, au bureau, on est trois personnes à
temps très partiel. Donc, à un moment donné, aussi, le démarchage pour trouver
quelqu'un, bien, il ne faut pas lâcher. C'est comme quand on entreprend des
démarches aussi pour trouver du financement, c'est ça, là, c'est... Je pense
que ça peut être difficile à imaginer pour
des organisations qui ont des ressources, qui travaillent sur différents
dossiers en même temps, mais c'est ça. Mais on essaie. On essaie.
M. Castonguay
(Joël) : Et c'est un projet parmi plusieurs, parce qu'on a beaucoup
d'ambition, beaucoup de projets sur la table, donc...
Mme Théberge
(Odette) : Oui, effectivement.
M. Castonguay
(Joël) : Voilà.
Mme Vallée :
Pour revenir à la question des agressions sexuelles, les regroupements Espace,
vous travaillez avec les jeunes de zéro à 12
ans, peut importe le sexe, peu importe... les jeunes filles, les jeunes garçons
évidemment. Et qu'est-ce qui vous
apparaît comme étant probablement l'élément qui devrait... ou l'élément fort
d'un prochain plan d'action pour la clientèle à laquelle vous donnez des
services?
M.
Castonguay (Joël) : Bien, l'élément
fort... En fait, ce qu'on se rend compte dans les différents rapports
sur la mise en oeuvre des plans
gouvernementaux, c'est qu'il y a beaucoup d'argent et de ressources qui sont mises plus
dans l'intervention. Souvent, ce qu'on voit,
c'est que la prévention, elle est là, mais c'est un élément qui est moins fort
que l'intervention. Donc, ce qu'on
souhaiterait, c'est qu'il y ait davantage de ressources qui soient mises en
prévention. Ça peut être au niveau de la promotion des valeurs pour contrer justement l'hypersexualisation, mais ça peut être aussi en
outillant les enfants et les personnes autour d'eux à savoir comment réagir
face à la violence soit en tant que témoin soit en tant que victime, ou savoir
comment aussi aider une personne qui vit une violence sexuelle.
Mme
Théberge (Odette) : Oui. Il y a toute la question évidemment de la
première recommandation qu'on a mise dans notre mémoire, qui est de
traiter la violence dans sa globalité. C'est quand même très important à
considérer aussi dans tout ça.
Mme Vallée : Pour ce qui est
de l'accompagnement des enfants dans le processus judiciaire, j'imagine que vous avez quand même aussi une expérience, une
expertise. On vous a sans doute raconté des épisodes. Comment ça se vit?
Est-ce qu'il y aurait lieu d'apporter une amélioration à l'accompagnement des
enfants et d'un enfant victime de violence qui doit traverser le processus
judiciaire?
Mme
Théberge (Odette) : D'abord, c'est important de dire que nous, notre
mission s'arrête à la prévention, donc c'est
très important de spécifier qu'on ne fait pas ce type d'accompagnement parce
qu'on va référer aux ressources si... Quand
on fait du dépistage, on va référer et on doit référer, on ne doit pas prendre
en charge ce qui ne nous appartient pas.
Cependant, c'est quand même assez évident pour tout le monde, je pense que ça
peut être très difficile pour un enfant de témoigner. Et ça peut lui
faire revivre... C'est-à-dire, ça peut le revictimiser s'il se retrouve dans un
contexte où il ne comprend pas très bien ce qui se passe et on lui redemande
plusieurs fois les mêmes questions, tout ça. Non, je pense qu'il y a eu quand même beaucoup d'évolution à ce
niveau-là avec le... On a beaucoup entendu parler à une certaine époque,
là, du vidéotémoignage, pour éviter que les
enfants répètent. Là, c'est ça, on n'a pas énormément d'informations sur
le sujet. Je me souviens d'avoir entendu,
lors d'un congrès, quelqu'un qui disait que ce n'était pas toujours utilisé,
que ce n'était pas toujours le cas et que ça arrivait parfois que les
enfants pouvaient être malmenés. Donc, c'est certain qu'il faut porter une
attention particulière là-dessus, mais ça ne fait pas partie de notre
quotidien, là.
M.
Castonguay (Joël) : Moi, je pense en fait... Dans le fond, nous,
souvent, ce qu'on fait, c'est, lorsqu'un enfant nous confie une situation de violence, de violence sexuelle, par
exemple, dans le cas qui nous intéresse aujourd'hui, la mission des animatrices, animateurs sur le
terrain, c'est vraiment d'être la personne de liaison entre l'enfant et la
ressource. Et la ressource, à ce moment-là,
c'est la protection de la jeunesse. Donc, effectivement, oui, il y a toujours
lieu d'offrir des conditions
gagnantes, donc d'offrir plus de ressources en protection de la jeunesse. Parce
qu'on le sait, encore là, les centres
jeunesse sont touchés par différentes coupures financières et doivent bien
souvent prioriser leurs actions, donc...
Mme Vallée : La problématique
de l'hypersexualisation, vous la rencontrez très jeune et elle semble être très
présente. Quelles sont les interventions qui
devraient... Bon, on a l'éducation; le retour du cours d'éducation
sexuelle, je pense que la plupart des intervenants sont venus nous demander et
nous dire à quel point c'était important. Outre des cours, des cours d'éducation sexuelle, est-ce qu'il y aurait d'autres
moyens, d'autres mesures qui devraient être mises de l'avant pour
contrer ce fléau-là?
• (16 h 40) •
M. Castonguay (Joël) : Ce qui est
intéressant dans le dernier plan d'action et ce qui a été réalisé, il faut le souligner, c'est différentes formations auprès des
intervenants dans la petite enfance sur justement l'importance de ne pas
genrer certains jeux. Donc, c'est quelque chose à poursuivre. Je pense
qu'il faut regarder les bons coups et les poursuivre, c'est-à-dire, il faut s'applaudir, oui, mais ne pas s'arrêter là. C'est-à-dire que les gens changent, donc il faut constamment ravoir ce genre de réflexion et, dans le fond, peut-être y aller justement en petite enfance et en enfance pour
sensibiliser les gens qui sont sur le terrain. Un exemple tout simple, c'est
que c'est correct que ce soit une fille qui joue avec des camions et un garçon
qui joue à la poupée. Donc, voilà, sur le terrain, des fois, c'est le genre
d'intervention qu'on peut aussi faire, de sensibiliser le personnel éducatif à
ce moment-là.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Mme
la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, pour une période de 11 min 30 s.
Mme Poirier : Merci beaucoup.
Bonjour.
M. Castonguay (Joël) : Bonjour.
Mme Poirier : Ce que je
comprends, c'est que l'intervention que vous faites, effectivement, c'est beaucoup
plus en prévention. Vous agissez au niveau des écoles, au niveau des milieux où sont les enfants et où sont les
parents. Vous êtes présents dans 11 régions du Québec. Quand vous dites que la
prévention, ce n'est pas sensationnaliste, là, effectivement, si on peut en
sauver un, enfant, par jour, ce serait extraordinaire, mais effectivement ce
n'est pas ça qui va faire les médias.
Votre
approche... parce que je lisais votre document sur l'hypersexualisation
que vous avez sur votre site, et je comprends
ce lien-là que vous faites avec l'intimidation, mais, quand on voit l'absence de cours d'éducation à la sexualité, on le note, c'est un fait, mais il
y a plein de monde qui sont dans nos
écoles, il y a plein d'organismes qui sont dans nos écoles et qui agissent actuellement de différentes façons avec différentes approches pour soit prévenir
contre l'intimidation, prévenir contre l'hypersexualisation, faire de l'éducation
à la sexualité ou aux rapports égalitaires. Il y a plusieurs intervenants comme ça dans les écoles du Québec. Vous en êtes un. Comment vous voyez... Parce que
le ministère de l'Éducation est à élaborer un nouveau programme. Comment vous voyez les choses entre ceux qui
sont actuellement sur le
terrain avec les enfants, versus le ministère de l'Éducation, qui prépare un
programme? Vous n'avez probablement pas été
consulté, là, on s'aperçoit que les gens n'ont pas été consultés. Mais comment
vous voyez les choses? Quel est le message
vous pourriez dire aujourd'hui au ministère de l'Éducation, là, dire :
Nous, on est là tous les jours, là, puis on les entend, les enfants. On entend les messages que les enfants nous disent.
Quel est ce message que vous pourriez dire au ministère de l'Éducation
dans la nécessité de travailler, un, avec ceux qui sont déjà dans les écoles,
et ne pas récréer les choses en tant que telles?
Mme
Théberge (Odette) : Bien, en
fait, je peux parler pour nous, quand on arrive dans un milieu, ça
pourrait être très, très aidant que les... pas seulement les enfants en plus,
les adultes aussi soient déjà sensibilisés à une sexualité saine. Nous, on parle de prévention de la
violence, mais c'est très important, quand on est petit, d'entendre parler de
la sexualité saine, et chaque âge a son information pertinente à recevoir
aussi. Donc, c'est quelque chose qui est très complémentaire,
et c'est très important que les... Parce
qu'on va entendre des gens parfois dire, je l'ai entendu il n'y a pas
longtemps à la radio, il y a des gens qui disent : C'est à la maison que
ça doit se passer tout ça. Mais oui, mais, à la maison, là, si on peut aller faire un petit sondage, tu sais, est-ce que
c'est fait ou pas fait, là, on va probablement se rendre compte que beaucoup d'enfants... Et ça, nous, on
peut le constater, les enfants ne connaissent pas les vrais noms des
parties génitales. C'est un exercice qu'on
va faire avec les tout petits, on regarde des schémas, puis on demande de
nommer les parties du corps qui n'ont
pas été nommées dans la chanson. Bien, les enfants, ils ne les connaissent pas
tout le temps, là, les vrais noms. C'est de base.
M. Castonguay (Joël) : Et souvent le
personnel dans les milieux n'est pas toujours à l'aise de parler toujours de
sexualité et particulièrement d'agressions sexuelles. Donc, souvent, d'être des
partenaires de la communauté qui viennent
s'insérer dans un programme éducatif, là c'est intéressant parce qu'on venir en
appui aux différents personnels éducatifs des milieux.
Mme
Poirier : La journée qu'il y a un programme d'éducation à la
sexualité donné dans nos écoles, il est donné par qui, selon vous?
M.
Castonguay (Joël) : Bien, moi,
je pense qu'il faut qu'il soit donné par des gens qui sont dans le milieu,
donc des enseignants, des personnes pivots
dans les milieux éducatifs des enfants. Et, quand je dis «milieux éducatifs»,
c'est le préscolaire. Et il faut que ce soit
donné en collaboration à mon
avis. C'est-à-dire, il ne faut pas
juste que ce soit l'école, mais, encore
une fois, il faut impliquer la communauté,
donc les partenaires communautaires,
les organismes et idéalement les parents. Mais, pour impliquer les
parents, il faut aussi bien les outiller et leur donner des moyens pour en
parler.
Mme Théberge (Odette) : Il faut
savoir comment les rejoindre aussi.
M. Castonguay (Joël) : Tout à fait.
Mme Poirier : Alors, je vais
être plus précise. Qui donne le cours à l'intérieur de l'école? Est-ce que
c'est un professeur? Est-ce que c'est un
sexologue? Est-ce que c'est une infirmière? Est-ce que c'est un organisme
communautaire qui vient en appui à l'école?
Mme
Théberge (Odette) : Bien, je pense que ce que Joël disait, c'est que
ça pourrait être les professeurs, oui, en autant qu'ils reçoivent une
formation qui va avec le programme. Parce que, comme on le disait tout à
l'heure, ils ne sont pas nécessairement tous à l'aise. Mais ça pourrait aussi
être un intervenant de l'école. Mais je pense que c'est important que ce soit quelqu'un qui est proche des enfants. Nous, quand
on arrive, ce qui est intéressant, c'est qu'on apporte justement... Étant donné qu'on parle d'un sujet
qui est assez difficile au niveau de la prévention de la violence,
parfois, ça simplifie les relations avec les
enfants qui veulent se confier, parce que c'est plus facile souvent de se
confier à quelqu'un qui n'est pas là tout le temps dans notre vie, là.
C'est moins menaçant. Mais par contre, au niveau de l'éducation sexuelle de
base, bien, ça me paraît... Ça me paraît intéressant que ce soit une personne
qui a un lien de confiance presque au quotidien, là, avec les enfants, pour que
les enfants puissent évoluer avec ça, poser des questions puis qu'il y ait des choses qui restent en classe. Oui,
que ce soit... si ce n'est pas l'enseignant, ça peut être quelqu'un qui
est spécialiste dans l'école, mais qui est là régulièrement.
Mme Poirier : Une personne
significative qui, si on en a besoin à un moment donné dans le processus
scolaire où il arrive une action, bien, la personne-ressource, elle est là, on
la connaît, elle nous a déjà parlé du sujet.
Mme
Théberge (Odette) : Pour les
parents aussi, c'est important de pouvoir rejoindre facilement cette personne-là.
M. Castonguay (Joël) : Je pense
qu'il faut retenir... c'est le lien de confiance.
Mme
Poirier : Vous parlez beaucoup des parents, de la difficulté de
rejoindre les parents. Manque d'intérêt? Manque
de temps? Pourquoi les parents ne s'intéressent pas finalement à un sujet comme
cela? Parce qu'ils ne veulent pas être considérés comme coupables avant
qu'on leur parle? Pourquoi il n'y a pas d'intérêt?
M.
Castonguay (Joël) : Bien, je pense que ce n'est pas un manque
d'intérêt. C'est un manque de disponibilité. Donc, l'intérêt est là,
parce que, souvent, quand on va, par exemple, travailler avec une école, bien,
il n'y a pas nécessairement beaucoup de
parents qui se présentent à l'atelier qui leur est destiné, mais il y a
beaucoup de parents qui demandent à recevoir la documentation. Donc,
l'intérêt est là, mais je pense que c'est la conciliation travail-famille qui
se fait difficilement. Donc, c'est sûr que, si on se met dans la réalité les
parents, arriver à 5 heures, 5 h 30 du soir, préparer le souper, les devoirs, le bain, le
coucher, etc., il nous reste peu de temps pour aller assister à un atelier ou
aller, c'est ça, recevoir une formation.
Mme Théberge
(Odette) : Oui. Puis, en fait, ce qu'on sait par les milieux
scolaires, c'est que ce n'est pas... Il n'y a pas moins de parents qui viennent
à nos ateliers à nous en prévention de la violence. C'est à peu près le même taux de participation, peu importe l'activité
à laquelle ils sont invités. Mais non, je ne pense que pas que ce soit le
manque d'intérêt.
Mme
Poirier : Vous disiez : Les enfants ont une résistance en
tant que telle. Est-ce qu'ils ont une résistance au message? Ils ont une
résistance à comprendre la prévention, ce que ça veut dire?
Mme Théberge
(Odette) : ...les enfants.
M. Castonguay
(Joël) : ...
Mme Théberge
(Odette) : Ah! vas-y.
M. Castonguay
(Joël) : En fait, non. Les enfants sont très ouverts. À chaque fois
qu'on leur offre un atelier — je dis «on» parce que je suis des fois
sur le terrain — les
enfants sont très contents de recevoir une activité extérieure de prévention, connaître des nouvelles personnes. Puis on y
va aussi avec une approche, disons... pas lucrative, ludique — pas
du tout lucrative — mais
une approche qui est ludique. Donc, les enfants s'amusent à travers ça.
Ce qu'on voit par
contre, ce n'est pas de tous les milieux heureusement, mais certains milieux
vont avoir une résistance, une réticence à parler de prévention. Est-ce que
c'est un milieu dans sa globalité? Donc, est-ce que c'est toute une école qui est réticente ou si c'est la
direction du milieu? Est-ce que c'est parce que c'est encore tabou de
parler de violence, d'agression sexuelle?
Donc, ça peut soulever différentes questions. Mais ce n'est certainement pas les enfants, mais davantage certains
milieux de vie des enfants qui peuvent être réticents, mais heureusement il y
en a beaucoup qui sont très ouverts.
• (16 h 50) •
Mme Poirier :
Mais pourquoi ils sont réticents?
Mme
Théberge (Odette) : Bien,
c'est la question qu'on se pose. Mais, dans le fond, peut-être qu'il peut y avoir une partie de la
réponse qui touche aussi les parents, qui parfois préfèrent se dire : Il
n'y en a pas, de violence, dans notre
milieu, tu sais. Puis les gens vont croire aussi que c'est seulement
dans les milieux socioéconomiques
défavorisés alors qu'on sait très bien qu'il
y a de la violence dans toutes les couches de la société. Ça peut être vécu
différemment, là, ça peut être autre chose. Moi, j'aime bien dire que, chez les
riches, les rideaux sont plus épais, donc parfois on le voit moins facilement,
ils font moins appel aux ressources ou ils ont moins de ressources qui
débarquent chez eux. Bon. Donc, ça se vit
différemment, mais c'est un peu partout. Sauf que je pense qu'il y a encore ce réflexe-là
de dire : Bien, chez nous, il n'y en a pas, puis on n'a pas besoin
de ça, puis allez chez les autres, tu sais.
M.
Castonguay (Joël) : Et ce qui est clair, c'est que c'est beaucoup plus
facile de parler de violence entre enfants, donc d'intimidation bien
souvent, que de parler de la violence d'un adulte envers un enfant. Donc, ça
reste un sujet qui souvent... qui fait peur.
Mme Poirier :
On a eu un groupe qui nous a dit que 50 % des enfants qui ont été victimes
deviennent des agresseurs, si je me rappelle bien, là, il me semble que ça
tournait autour de ça. Est-ce que vous, vous voyez, dans les milieux où vous agissez, que, les enfants
victimes, il y aurait moyen d'agir sur eux pour ne pas qu'ils embarquent
dans ce cercle de devenir un agresseur. C'est 50 % des agresseurs qui ont
été des victimes.
Mme Théberge
(Odette) : Oui, bien, c'est certain que nous...
Mme Poirier :
Chez les garçons.
M. Castonguay
(Joël) : Chez les garçons.
Mme Théberge (Odette) : Oui, c'est
ça. Chez les garçons, c'est ça. Donc, c'est ça, ça veut dire qu'il y a quand
même 50 % qui ont été victimes qui ne deviennent pas agresseurs, donc ce
n'est pas de cause à effet direct. Mais, en fait, à la
réponse à votre question, j'ai juste envie de dire : Bien, c'est certain
que, nous, avec notre action en prévention, où on parle beaucoup des relations
puis des rapports de pouvoir avec les enfants... Tu sais, les mises en situation que l'on fait mettent en scène des
situations où il y a un déséquilibre de pouvoir, et là on fait parler les
enfants là-dessus, on trouve des solutions. C'est sûr que nous, on espère agir
là-dessus, on espère que des enfants qui...
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît.
Mme Théberge (Odette) : Pardon?
Le Président (M. Picard) : En
terminant.
Mme
Théberge (Odette) : Notre programme a quand même été évalué et a donné
des résultats très intéressants au niveau de ce que les enfants
retiennent, et, à quelque part, on vise les rapports égalitaires, donc on pense
que ça peut jouer aussi sur les éventuels potentiellement agresseurs.
Le Président (M. Picard) :
Mme la députée de Montarville, pour une période de huit minutes.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Merci beaucoup, Mme
Théberge, M. Castonguay, merci pour le
mémoire. Je reviendrais, je ferais du millage — puis j'avais prévu en parler — sur ce que ma collègue vient de dire
concernant les milieux qui sont réticents à faire cette prévention. À la page
10, «la [réticence] de certains milieux face à la prévention», est-ce qu'on
parle uniquement d'écoles ou on parle ici aussi de milieux culturels par
exemple?
M.
Castonguay (Joël) : Bien, souvent, ce qu'on peut remarquer, nous,
c'est que, dans... Ça touche différentes régions. Ce qu'on s'aperçoit, c'est que, pour certains organismes, le
programme est le même, la façon de le promouvoir est la même, mais, dans
certaines régions, c'est plus difficile, puis, à ce moment-là, ce n'est pas
nécessairement des régions où il y a des
communautés culturelles, parce qu'au contraire dans la région de Québec, où il
y a des communautés culturelles, bien il y a des listes d'attente, donc
des écoles de quartier où il y a justement différentes populations qui
attendent pour recevoir le programme Espace. Donc, il y a quand même une
certaine popularité, mais, dans d'autres régions où il n'y a pas nécessairement
de communauté culturelle, il y a quand même plus de réticence, donc ce n'est
pas nécessairement lié.
Mme Roy
(Montarville) : O.K. Est-ce qu'on peut trouver un
dénominateur commun, ou il n'y en a pas, à ces milieux où il y aurait
une résistance au dépistage des agressions sur les enfants?
M. Castonguay (Joël) : Ce qu'on peut
trouver peut-être comme dénominateur commun, puis peut-être que tu compléteras, c'est souvent une question de
personnes en place, c'est-à-dire il y a une direction d'école qui a envie
de collaborer avec les partenaires, les organismes communautaires, donc là on
peut se rendre compte que cette école-là bénéficie
de beaucoup de programmes
de prévention où on a les portes grandes ouvertes si on veut. Et d'autres
directions d'écoles, par exemple, bien, elles sont moins sensibles à ça. Elles
sont peut-être plus sensibles à d'autres choses, peu importe, mais, à ce
moment-là, c'est comme si les portes étaient plus refermées.
Mme
Théberge (Odette) : Oui. Mais je dirais que ça ne repose pas seulement
sur les directions d'écoles, mais ça peut
être aussi plus large. Ça peut être dans une certaine région où les gens...
tout le monde se parle, hein, puis, à un moment donné, il y a quelque
chose qui se passe, et on ferme les portes à certains organismes puis on ne
sait pas toujours... C'est pour ça que c'est une des...
Mme Roy
(Montarville) :
...intangible, là, pour le moment.
Mme Théberge (Odette) : ...c'est une
des choses difficiles. Bien, c'est intangible. En même temps, comme dit Joël, il
y a quand même toujours
la question des personnes en place parce que,
souvent, il va y avoir quelqu'un qui va bouger, puis, woups! il y a quelque
chose qui se passe, woups! il y a une petite porte qui s'entrouve.
M. Castonguay (Joël) : Et parler de
prévention, c'est confrontant, c'est-à-dire que ça nous confronte en tant
qu'adultes des fois sur les rapports qu'on peut avoir avec les enfants. Donc, peut-être,
parfois, certaines personnes ou certains milieux n'ont pas envie de vivre cette
réflexion-là.
Mme Roy
(Montarville) :
Je lisais dans votre mémoire... depuis 30 ans que vous travaillez justement
la prévention. 30 ans, là, c'est trois décennies, là. On dit que la
dernière décennie, rien n'a changé. Moi, j'aimerais vous entendre. Ce qu'il y a eu à l'égard du
phénomène des agressions sexuelles sur les enfants, parce que
c'est votre clientèle, est-ce que ce phénomène-là a changé au fil des
décennies? Si oui, dans quelle mesure?
Mme
Théberge (Odette) : Je peux peut-être
y aller étant donné que ça fait quasiment 30 ans moi-même que je suis là. Je peux dire qu'au
début, quand on arrivait dans un milieu — puis là, nous, c'est
l'analyse féministe qui est à la base de notre action, féministe et
communautaire — écoutez,
là, on avait vraiment l'air de débarquer d'une boîte à surprise. Au début, les gens se... tu sais, ça
brassait beaucoup d'affaires, de questions, de... Puis les gens aussi, toute
la question de : la violence, chez nous, il n'y en a pas, c'était très,
très présent.
Aujourd'hui,
ça existe encore, mais, de ce côté-là, il y a quand même eu une évolution, là.
Les gens ne sont pas étonnés de
comment on aborde la question de la violence, la question de l'abus de... notre
analyse de l'abus de pouvoir, les...
tu sais, c'est comme devenu très courant au niveau des milieux de recherche
aussi, il y a... Bon. Et les gens sont de plus en plus conscients que la
violence existe de différentes formes. Et, nous, la façon dont on l'aborde,
c'est beaucoup en se questionnant sur nos propres comportements d'adultes
envers les enfants, et... C'est ça. Donc, il peut
y avoir certains endroits où c'est menaçant, mais, en général, les gens sont
ouverts à ça. Et ça, ça a changé. Ça, c'est quelque chose qui a évolué
au fil du temps.
Mme
Roy
(Montarville) : Entre autres avec, peut-être,
l'excellente campagne de sensibilisation, je pense, c'est la société Marie-Vincent je pense, sous toute
réserve, le nom... la petite fille agressée la première fois, là, c'est
percutant, là, ce genre de campagne là.
Mme Théberge
(Odette) : Oui, ça peut avoir un impact...
Mme Roy
(Montarville) :
Ça nous met une réalité en face, chose certaine. Je vous ramène à la page
10 de votre mémoire. Naturellement, le
manque d'argent, c'est toujours la même chose, mais, quand vous dites :
«Le manque [d'argent chronique] récurrent freine l'action, entraîne des
listes d'attente et la perte de personnes expérimentées»... Vous avez fait un lien tout à l'heure avec une
liste d'attente, j'aimerais que vous nous en parliez. Ça ressemble à quoi,
les listes d'attente? C'est dans les écoles? Ils peuvent attendre combien de
temps avant d'avoir une sensibilisation, un cours? Ce que vous offrez, ça dure
combien de temps? Qui sont sur ces listes puis ils attendent combien de temps?
• (17 heures) •
M. Castonguay
(Joël) : Bien, c'est une question très pertinente. Ce que je peux
amener comme élément de réponse, c'est que les organismes Espace au Québec,
avec leur regroupement, ont fait un plan de consolidation et de développement, donc ont regardé avec une firme
externe combien ça prendrait d'organismes dans chaque région et combien
d'effectifs ça prendrait dans chaque organisme.
Donc,
ce qu'on peut voir, c'est que, simplement pour la consolidation des organismes
qui sont en place — donc on ne parle pas de développement de
nouveaux organismes — il
manque à l'heure actuelle 3,5 millions de dollars. Voilà. Alors, les
conséquences de ça, ce qui arrive, c'est que tous les organismes Espace à
l'heure actuelle partout au Québec doivent au minimum deux mois, trois mois
fermer leurs portes ou mettre des gens à pied, faire des mises à pied. Donc, à
ce moment-là, il y a des gens qui se retrouvent au chômage de façon récurrente
annuellement... bien, quotidiennement. Donc,
à ce moment-là, ces gens-là peuvent... c'est ça, se trouver d'autres emplois,
on le sait maintenant avec les mesures aussi liées aux personnes sur le chômage,
sur l'assurance-emploi.
Et vous me parliez
des listes d'attente. Bien, c'est une des conséquences. Le fait de ne pas être
disponible pendant un certain temps dans l'année, ça fait qu'il y a des milieux
de vie qui seraient intéressés à collaborer pour la prévention, mais qui
peuvent attendre parfois un an, parfois deux ans. Et ces milieux-là, ce sont
les milieux scolaires, ce sont les garderies,
les garderies privées, les garderies en milieu familial, les centres de la petite enfance ou tout autre organisme. Ça peut être des
organismes de loisir et de sport également. Donc, ce qu'on s'aperçoit, c'est qu'il
y a des régions où il n'y a pas nécessairement de liste d'attente, donc les
besoins... Mais il n'y a pas de promotion qui est faite à grande échelle, c'est-à-dire
qu'on prend les demandes comme elles arrivent sans faire beaucoup, beaucoup de
promotion, très largement, et il y a certaines régions où il y a des listes
d'attente qui peuvent aller jusqu'à deux ans.
Mme Théberge
(Odette) : C'est très différent d'une région à une autre, comme on... Il
y a des milieux où c'est plus résistant, donc il n'y a pas de liste d'attente,
l'organisme travaille pour rentrer dans les différents milieux, avoir accès aux enfants et à leur milieu, puis,
dans d'autres régions, c'est ça, ils ne peuvent pas répondre à la demande
de manière annuelle.
M. Castonguay
(Joël) : Et il y a certaines parties de territoire aussi au Québec qui
ne réussissent pas à être couvertes par manque de financement, il faut se
concentrer sur...
Mme Roy
(Montarville) :
...de se concentrer, là, tout le tour de l'île et à Québec. Merci infiniment de
vos réponses.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme la députée. Maintenant, pour une période
de trois minutes, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : Merci. C'est sûr que
j'aurais plusieurs questions, mais je vais devoir me concentrer.
Vous avez fait référence à la philanthropie. Ma collègue vous a posé des
questions là-dessus. Je pense que, depuis le début de cette commission et depuis ce qui s'est passé cet
automne avec Agression non dénoncée, on emploie facilement ou en tout cas régulièrement le vocable de
«fléau social», tu sais, que, dans le fond, ces violences-là — et je
le fais volontairement, je dis «ces
violences-là» — y
compris bien sûr les violences sexuelles, c'est un fléau social. Est-ce que
vous croyez que c'est la responsabilité de la philanthropie de répondre
à ça, ou c'est notre responsabilité collective sociale?
Mme Théberge (Odette) : ...je pense
qu'on a la même réponse à la bouche.
M. Castonguay (Joël) : Bien, c'est sûr que c'est une responsabilité collective, donc ça implique vraiment
tous les acteurs de la société, autant les parlementaires que les organismes
sur le terrain. C'est sûr qu'il y a de la place pour la philanthropie, mais tout ne doit pas reposer sur la philanthropie; il
doit y avoir des leaders, et je pense que les leaders doivent être au
niveau du gouvernement à ce moment-là pour orienter les choses dans la façon
dont elles sont déjà orientées avec les orientations gouvernementales en
matière d'agression sexuelle.
Mme
Massé : Tout le long de votre mémoire, vous avez dit : Il y a
des — de votre
présentation — liens à
faire entre les formes de violence. C'est quoi, les liens que vous faites, vous
autres?
Mme
Théberge (Odette) : Bien, dans le fond, les liens, c'est ce que je disais
un peu tout à l'heure, c'est surtout le fait qu'un enfant qui vit une
forme de violence, bien c'est à peu près sûr qu'il n'en vit pas juste une.
Donc, à partir de ça, bien c'est clair qu'on
ne peut pas se fermer les yeux, tu sais, aborder juste une forme de violence
puis ne pas regarder les autres. Alors, ça, c'est comme la base de la
réflexion.
Après
ça, bien, il y a des études qui le documentent. Après ça, bien, notre approche
globale, elle a fait ses preuves depuis
plusieurs années au Québec. Mais c'est un programme aussi qui vient des
États-Unis et qui aborde les différentes formes de violence à partir
justement de... chaque forme de violence est un abus de pouvoir, donc les
stratégies, peu importe qu'elles soient...
quelle forme de violence, ce sont les mêmes stratégies, nous, qu'on aborde avec
les enfants. Donc, c'est très important, là. Ce n'est pas compliqué
quand on voit ça comme ça.
Le Président (M.
Picard) : 25 secondes, Mme la députée.
Mme
Massé : Merci. Merci beaucoup. Et je me demande si on ne devrait pas
parler plutôt de cours d'éducation aux relations égalitaires et à la
sexualité.
Mme Théberge
(Odette) : Ah! intéressant.
Une voix :
Tout à fait.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Merci, M. Castonguay, Mme Théberge, pour votre
apport aux travaux de la commission.
Je suspends quelques
minutes afin de permettre au prochain groupe de prendre place, c'est-à-dire le
Centre de ressources et d'intervention pour hommes abusés sexuellement dans
leur enfance.
(Suspension de la séance à
17 h 5)
(Reprise à 17 h 8)
Le Président (M.
Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant les
représentants du Centre de ressources et d'intervention pour hommes abusés
sexuellement dans leur enfance. Vous disposez d'une période de 10 minutes. Va
s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. Dans un premier temps, je vais
vous demander de vous présenter et de faire votre présentation, tout
simplement. La parole est à vous.
Centre de ressources et d'intervention pour hommes
abusés sexuellement dans leur enfance (CRIPHASE)
M. Richard
(Sébastien) : Merci, M. le Président. Merci beaucoup de nous
accueillir. Je m'appelle Sébastien Richard. Je suis le vice-président du
conseil du CRIPHASE. Vous avez à ma gauche Mme Evelyn Joncas, qui est la coordonnatrice du CRIPHASE et Mme Line Ouellette,
qui est ici à ma droite, qui est travailleuse sociale et psychothérapeute
et qui est intervenante au CRIPHASE depuis plusieurs années.
Alors,
le CRIPHASE, le Centre de ressources de référence et d'intervention pour les
hommes agressés sexuellement dans
leur enfance, a été fondé à Montréal en 1997 par trois professionnels qui constataient
que les hommes victimes d'agression sexuelle dans leur enfance ne disposaient
d'aucune ressource spécialisée pour leur venir en aide dans le processus de reprise en main de leur dignité. Aussi, au cours
des années, des intervenants du CRIPHASE, qu'ils soient psychothérapeutes, sexologues, travailleurs sociaux, ont développé
une expertise unique et reconnue au point où des organismes similaires au nôtre destinés aux hommes ou encore intervenant
auprès des victimes d'abus sexuels offrent désormais des services pour
les hommes ayant vécu des abus sexuels dans leur enfance, ceci dans différentes
régions du Québec. Ces organismes sollicitent de plus en plus notre expertise.
Voici
un aperçu de l'ampleur du problème vécu par les hommes victimes d'agression
sexuelle dans la région de Montréal, ceci selon notre propre expérience.
Au cours des cinq dernières années, le CRIPHASE a reçu 155 appels téléphoniques
par an et a accompagné 154 hommes annuellement à travers un processus complet
qui les amène à mieux composer, et donc à vivre avec les conséquences
occasionnées par les abus.
• (17 h 10) •
Avant de
procéder à l'analyse du document, il nous semble important d'insister sur
l'aspect suivant : au Québec, un homme sur six est susceptible
d'être agressé sexuellement au cours de sa vie, principalement durant l'enfance
et l'adolescence. Par
ailleurs, une femme sur trois a été victime d'au moins une agression sexuelle
depuis l'âge de 16 ans, et ce, bien
que les deux tiers des agressions sexuelles se déroulent avant l'âge de 18 ans,
tant pour les hommes que pour les femmes.
Ces chiffres nous semblent plus près de la réalité que les statistiques
présentées dans le rapport, puisque celles-ci proviennent uniquement des dénonciations auprès des instances
policières, alors que, selon le ministère
de la Santé et des Services sociaux, seulement 10 % des agressions sexuelles
sont déclarées à la police. Les tabous et les mythes erronés véhiculés
dans la société sur les hommes ayant été abusés sexuellement pendant leur
enfance empêchent souvent ceux-ci de dévoiler et/ou de dénoncer ces abus.
Notons par exemple le mythe qui veut qu'un homme
ayant été abusé sexuellement deviendra lui-même agresseur à l'âge adulte ou encore qu'un garçon ou un adolescent ne peut
être abusé sexuellement puisque cela fait partie de son apprentissage sexuel. Malgré le grand nombre
de victimes masculines, le tabou entourant cette réalité et le peu de ressources en services qui leur sont destinés a
pour effet que ces hommes peuvent vivre très longtemps dans le silence
et la honte, ce qui aggrave les conséquences des abus. Selon notre expérience,
la plupart de ces hommes qui finiront par dévoiler le feront après 20, 30,
voire 40 ans après les abus.
Dans ces
conditions, il nous semble sociologiquement impossible d'établir les politiques
en matière d'agression sexuelle selon
le postulat que les hommes sont seulement des agresseurs et les femmes
seulement des victimes. Dès la page 9
du rapport, il est affirmé, et je cite : «...97 % victimes sont des
femmes et des enfants. Un taux qui demeure inchangé depuis 10 ans.» Fin de la citation. Plus loin il
est affirmé, et je cite à nouveau : «97 % des auteurs présumés sont
de sexe masculin : 76 % des
hommes et 21 % des garçons.» Aussi, dès le départ, la table est mise. La
possibilité que des hommes aient été
aussi des victimes d'agression sexuelle est écartée d'emblée, ce qui explique
de manière éloquente pourquoi les organismes
d'aide aux hommes reçoivent si peu d'aide, et ce, depuis toujours, sans oublier
les organismes qui viennent en aide aux enfants, garçons et filles.
Le chapitre
du rapport traite de la promotion des valeurs fondamentales et propose une
série de mesures. Il est hélas vrai
que beaucoup d'agressions sexuelles commises sur des enfants
sont commises par des personnes proches, que ce soient des adultes
membres de la famille ou par des personnes en autorité dans les milieux
scolaires et sportifs. Cette intimité
préalable entre les agresseurs et leurs victimes rend la dénonciation extrêmement difficile à faire, d'où l'importance de pouvoir compter sur des ressources compétentes dans les milieux où la
jeunesse est présente, donc les garderies, le réseau scolaire et les
institutions de protection de la jeunesse.
Un autre
aspect doit être mentionné ici. Depuis fort longtemps, le Québec a
constitué un havre pour les agresseurs sexuels à cause du délai de
prescription prévu dans notre Code civil. Or, lors de la législature
précédente, la Loi modifiant la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes
criminels, la Loi visant à favoriser le civisme et certaines dispositions du Code civil relatives à la
prescription a été adoptée à l'unanimité des voix l'Assemblée nationale le 22 mai 2013. Cette loi a porté le délai de prescription à 30
ans, ce qui est un progrès notable, mais nous souhaitons le voir être aboli totalement,
surtout pour les victimes que le délai de prescription prive de tout recours,
et ce, pour toujours.
D'entrée de
jeu, dans ce mémoire, nous avons mentionné qu'une des raisons pour lesquelles
le CRIPHASE a été créé découle du
fait que les hommes victimes d'agression sexuelle pendant leur enfance ne
trouvaient aucune ressource permettant de répondre à leurs besoins.
C'est donc dire qu'au cours de cette période, près de 20 ans, le CRIPHASE a développé une expertise précieuse en matière
d'aide aux hommes victimes d'agressions sexuelles pendant leur enfance. Nombreux
sont les témoignages obtenus de nos membres qui nous disent qu'enfin ils ont
trouvé au CRIPHASE une expertise qui répondait à leurs besoins, d'où notre
désir de faire connaître cette expertise et de contribuer activement à aider
les intervenants, où qu'ils se trouvent au Québec.
Dans notre mémoire, nous présentons neuf
constats que nous invitons les membres de cette commission à examiner. Le
premier constat : un homme victime d'agression sexuelle pendant son
enfance qui ne peut recevoir l'aide nécessaire
pour surmonter un pareil traumatisme finit par coûter très cher au trésor
public. Lui offrir de l'aide, en plus
de lui permettre de recouvrer sa dignité, contribue à en faire un citoyen qui
participe à la prospérité de notre société. Voilà une allocation de
ressources financière très rentable à tous les points de vue.
Constat deux.
Certaines personnes déplorent que des victimes puissent recueillir des sommes
d'argent suite à des recours
judiciaires, pensant que ces gens ne cherchent qu'à s'enrichir. Le recours
collectif intenté contre la congrégation de Sainte-Croix nous a enseigné
que nombreuses sont les victimes qui attendaient ce montant pour enfin parvenir
à se payer une thérapie et ainsi se libérer
de leur mal de vivre. Offrir de l'aide rapidement pour une victime, c'est aussi
lui donner le courage de confronter son agresseur et de lever la tête
pour retrouver sa dignité.
Dans ces
conditions, nous sommes d'avis qu'il faut volontiers parler de prévention, de
dépistage, d'accompagnement et de soins, mais aussi de juste réparation
de la part des agresseurs et des autorités responsables de ces agresseurs, là
où une telle situation se présente.
Constat
trois. Le concept d'aide aux hommes victimes d'agressions sexuelles doit être
reconnu et admis par tous les
ministères et organismes de l'État québécois pour pouvoir agir adéquatement et
objectivement face à la problématique des agressions sexuelles au
Québec.
Constat
quatre. Pour le CRIPHASE, il ne fait aucun doute qu'un dépistage actif des
garçons victimes d'agressions sexuelles est très important pour tenter
d'en minimiser les séquelles rapidement.
Constat cinq.
Les écoles élémentaires, jusqu'à l'université, le réseau des services de garde,
les centres jeunesse, les forces
policières, les organismes communautaires doivent être en mesure de référer
rapidement des victimes identifiées à des organismes compétents pour que
la prise de conscience du tord subi soit faite et que la démarche à entreprendre
pour retrouver sa dignité soit entreprise rapidement, que les victimes soient
enfants, filles ou garçons, d'ailleurs.
Constat six. Les institutions carcérales et
judiciaires doivent reconnaître les conséquences dramatiques possibles si leur personnel ne parvient pas à
comprendre les particularités que vivent les victimes d'agressions
sexuelles pendant leur
enfance. Cette compréhension permet de mieux soutenir les efforts de
réhabilitation et de recherche de justice des victimes de manière à ce
que cette quête de justice triomphe contre le mensonge des agresseurs qui
s'obstinent trop souvent à nier les tords qu'ils ont causés, aidés par des
avocats peu scrupuleux qui n'hésitent pas à s'y associer.
Constat sept. Par ailleurs, il nous semble
incontournable que les besoins des hommes soient admis et que les mesures
d'accompagnement nécessaires soient mises en place pour les hommes victimes
d'agression sexuelle qui purgent des peines
d'emprisonnement parce que la colère qui les habite les a fait basculer dans le
côté obscur. Cet état ne doit pas être un état permanent et immuable.
Constat huit. Le Québec doit faire le choix de
ne plus donner un avantage juridique aux agresseurs face aux victimes. Dans ces
conditions, nous souhaitons ardemment un retour du débat sur le délai de
prescription au nom du principe de la justice élémentaire la plus universelle.
Constat neuf.
Si des institutions publiques souhaitent nous soutenir dans des projets de
formation et de publication de cette
expertise... ou que des formations soient offertes à des professionnels qui
sentiraient le besoin de s'en doter pour répondre aux besoins des hommes victimes d'agressions sexuelles dans
leur enfance, le CRIPHASE répondra : Présent, pourvu que le soutien
financier nécessaire nous soit accordé, il va sans dire.
Et le constat
10. Nous souhaitons qu'il y ait désormais des mesures spécifiques pour les
garçons, les adolescents et les
hommes victimes d'agressions sexuelles dans le prochain plan d'action
gouvernemental en matière d'agressions sexuelles,
à l'instar des mesures spécifiques pour les populations autochtones, les
personnes vivant avec des handicaps, les aînés, les enfants et les
femmes.
À la fin de
notre mémoire, nous proposons un certain nombre d'actions que nous souhaitons
voir être adoptées par le plan
d'action que le gouvernement mettra en place. Je ne les lirai pas, mais je veux
tout simplement les résumer à ceci :
Nous détenons une expertise utile qui est sollicitée. Nous serions heureux de
la partager parce que nous croyons que ces victimes, qui vivent leurs
malheurs dans le silence, ont besoin de cette aide, et c'est toute la raison de
notre présence ici aujourd'hui.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Richard. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une
période de 18 minutes.
Mme Vallée :
Merci beaucoup. Merci, M. Richard, merci beaucoup de votre intervention.
J'aimerais tout de suite aller dans le coeur de vos suggestions. Vous
souhaitez que les hommes... que les victimes d'agressions sexuelles, que les garçons, les adolescents soient vraiment...
une partie soit nommée dans le prochain plan d'action, que des mesures
spécifiques leur soient dédiées. Nous avons entendu, lors des journées
précédentes, des groupes nous disant : Bien, c'est très difficile,
lorsqu'on n'est pas une femme victime d'agression sexuelle, de trouver du
support, de trouver un accompagnement. Le réseau québécois LGBT notamment a
fait état de cette situation-là.
Comment aider
davantage? Comment soutenir davantage ces jeunes garçons, ces jeunes
adolescents qui font partie des victimes, bien souvent des victimes
silencieuses aussi, qui ont vécu des moments difficiles, qui n'auront pas nécessairement
dénoncé et qui ont besoin d'être accompagnés?
• (17 h 20) •
M. Richard
(Sébastien) : Dans l'état du rapport, Mme la ministre, l'essentiel de
notre message est à l'effet que la réalité
que des garçons ou des hommes peuvent avoir été victimes d'agressions sexuelles
est occultée. Cette réalité-là n'est pas mentionnée. L'homme est un
agresseur, la femme est une victime. On fait une dualité qui, sociologiquement,
ne peut pas marcher, parce qu'on voit que,
dans une société complexe, ça serait beaucoup trop simple de réduire ça à
cette équation-là. Donc, à partir du moment où on reconnaîtrait cette
réalité-là, ce serait déjà un très grand départ, et, dans cette
perspective-là, si elle est reconnue, je pense que d'emblée on va solliciter
notre expertise.
Mme Vallée : Est-ce... Oui?
Mme Joncas
(Evelyn) : Bien, comme Mme
Massé le disait, tu sais, d'aller dans l'éducation sexuelle puis dans les rapports égalitaires, mais pas... rapports égalitaires
hommes-femmes, mais rapports égalitaires entre tout le monde. Et je pense que c'est là-dessus qu'il faut miser
et non pas genrer la situation, parce que ce qu'on voit chez les garçons adolescents qui sont agressés, souvent, ils le
sont par des enfants même à l'école qui ont trois ou quatre ans de plus
ou... Tu sais, c'est souvent... ce n'est pas nécessairement des garçons qui
abusent des filles, donc il faut vraiment que les rapports de pouvoir ne soient
pas genrés, qu'ils soient vraiment... En tout cas, je ne sais pas si c'est
clair.
Mme Vallée : ...que, dans le
fond, l'agression, c'est un abus de pouvoir, point à la ligne.
M. Richard (Sébastien) : C'est d'abord
une relation de pouvoir.
Mme Joncas (Evelyn) : C'est ça.
Mme Vallée : C'est ça.
M. Richard (Sébastien) : Regardez
bien. Si vous me permettez de faire une allusion au recours collectif contre la
congrégation de Sainte-Croix, dont je suis une des victimes et dont j'ai été le
porte-parole des victimes, à l'évidence, dans un contexte où on est des jeunes
enfants mis en pensionnat ou non, à l'égard de religieux qui ont un statut, donc là enlevons
le fait que maintenant la société n'est pas aussi religieuse qu'elle
l'était... mais ceux qui sont en autorité
ont toujours cette autorité. Donc, il ne faudrait surtout pas
penser que, parce que la société s'est désécularisée, les
risques n'existent pas dans les mêmes environnements.
Mme Vallée : Comment voyez-vous... Parce qu'on a aussi un discours... On a des demandes de la part de certains
groupes de maintenir... de genrer les rapports, et je dois vous avouer qu'à mes
yeux une victime, c'est une victime. Alors, comment on peut équilibrer
socialement ces demandes-là de sorte à arriver avec un plan d'action qui aura
des mesures qui vont vraiment
porter fruit? Parce que, malgré tout, là, on a quand même
bon nombre d'agressions qui ne sont pas
dénoncées. Là-dedans, il y a certainement des agressions commises à l'égard de jeunes
garçons, à l'égard d'adolescents, à l'égard de femmes, oui, mais pas
juste... Il n'y a pas que les femmes qui ne dénoncent pas. Puis on a entendu
des groupes; il y a beaucoup
de garçons, de jeunes garçons et d'hommes qui ne dénoncent pas aussi parce qu'il existe également beaucoup de
préjugés, beaucoup de tabous dans le milieu.
Mme
Ouellette (Line) : ...il y a
un gros travail à faire sur les mythes et préjugés. Et puis un des gros mythes
qui a été nommé par... je ne connais pas les
noms ici, là, mais par une dame qui... on disait que 50 % des victimes d'agression sexuelle risquent de devenir un agresseur. On s'entend
que l'homme victime d'agression sexuelle, c'est lui qui le porte, ce
tabou-là, d'abord et avant tout, hein? Et, dans nos locaux, dans nos bureaux,
bien, souvent les hommes arrivent avec cette peur-là : Moi, j'ai peur de
devenir un agresseur; ou parfois même ils vont identifier des actes qu'ils ont
faits puis qui ne sont pas nécessairement des agressions et qu'ils perçoivent
comme une agression sexuelle.
Nous, en
intervention, on a à travailler beaucoup ce regard négatif que la victime porte
sur lui-même. Ça fait que, donc, il y a un gros, gros travail à faire
sur les préjugés. Et l'autre gros préjugé qui est nommé aussi dans le mémoire, c'est qu'un homme ne peut pas être victime
d'agression sexuelle. Et souvent, quand moi, je dis aux gens que je travaille
auprès des victimes d'agression sexuelle hommes, des gens sont toujours
surpris, hein? Bien, c'est souvent ça : Hein, qu'est-ce que tu veux dire?
Bien, on oublie souvent que l'homme a été un enfant et que, bien, bon, on sait
que la majorité des agressions sexuelles chez les garçons, c'est entre quatre
ans et 12 ans, hein? C'est ça?
M. Richard (Sébastien) : Oui.
Mme Ouellette (Line) : Et donc on
oublie cette réalité-là. Et aussi, quand un homme dit avoir été victime
d'agression sexuelle par une femme, ça, c'est un autre gros mythe, un gros
tabou, c'est qu'on dit : Bien, ça a dû être le fun, c'est une initiation
sexuelle. Mais nous, de plus en plus, on observe, là, dans nos rapports
d'activité, dans nos statistiques... on a de
plus en plus aussi de dévoilements où les hommes disent qu'ils ont vécu
l'agression sexuelle par une femme. Parce qu'on l'offre, cet espace-là,
de le dire. Mais, d'abord et avant tout, souvent, quand ils viennent, ils vont
nommer les agressions sexuelles qu'ils ont vécues par un homme, qu'ils ont
subies par un homme, et, au fil des rencontres,
là, bon, bien, ils vont tenter de s'ouvrir à l'autre réalité. Donc, il faut
travailler beaucoup sur ces tabous-là.
M. Richard
(Sébastien) : Permettez-moi
d'ajouter quelque chose dans cette perspective-là. Compte tenu de l'âge que j'ai, je me
souviens très bien du débat où les premiers groupes féministes
avaient tenté de faire ressortir l'importance de s'opposer au viol. Et je me souviens très bien que les premières...
très souvent, il y a des gens qui disaient : Voyons! Des
viols. Et on tournait ça un petit peu en dérision.
Or, on se
retrouve maintenant, je
pense, dans une situation
tout à fait analogue dans la perspective des hommes
victimes d'agression sexuelle. On est obligés de convaincre que ça existe et on
est obligés de convaincre que c'est une réalité à laquelle il faut s'attaquer.
On est juste décalés dans le temps, mais on vit à peu près la même situation.
Donc, je pense que, si vous me demandez qu'est-ce qui peut être fait :
nommons les choses; ce serait déjà beaucoup.
Et
j'ajouterais que, dans le recours collectif contre les religieux de
Sainte-Croix, la moyenne des agressions avait été commise autour de l'âge de 13 ans. Le temps qu'il
a fallu pour la plupart de ces gens-là pour dévoiler l'agression dont
ils avaient été l'objet, on parle d'une
période de 40 ans. O.K.? Moi, dans mon cas, ça a été très rapide, je l'ai fait
seulement après 25 ans. Imaginez.
Alors donc,
ce que je veux faire ressortir ici, c'est que... Et je peux même vous dire que,
dans le recours collectif, il y a des gens qui sont inscrits au recours
collectif qui ne voulaient surtout pas être connus des autres victimes, et qui voulaient... et qui, encore aujourd'hui, le
cachent à leur femme, à leurs enfants, à leurs parents, O.K.? On en est là.
Donc, le recours collectif a servi à un
certain nombre de gens, mais il y a certains d'entre eux, compte tenu que
j'agissais comme porte-parole des
victimes, qui ne voulaient même pas, lorsque des courriels m'étaient envoyés,
que leur nom apparaissent. Ils passaient par nos avocats en
disant : Effacez mon nom.
Donc, ce silence coupable fait en sorte qu'il y
a un débat de société de fond à faire, d'après moi. Et, dans la version plus longue de notre rapport, là, parce
qu'on en a eu qu'un résumé, vous vous en doutez bien, on se permet de faire ressortir la nécessité de faire une
commission d'enquête sur cette réalité-là. Parce que les autorités religieuses
ont fait... excusez-moi d'employer un tel
terme, mais on fait des carnages, là, dans ce domaine-là. Et on ne fait que
commencer à voir ça sortir. Mais, en plus, c'est que ce qui est le plus pervers
dans tout ça, c'est que la plus grande majorité des victimes le sont... faites
par des proches. Donc, dans tous les cas de figure, c'est compliqué de
dénoncer. C'est compliqué de dénoncer.
Donc, moi, je fais partie de ceux qui pensent
qu'une thérapie collective au Québec est à peu près inévitable là-dessus. Les
communautés autochtones — est-ce
que vous voulez qu'on en nomme? — il y en a beaucoup qui sont passées par
là. C'est déplorable, mais c'est une réalité. Et, tant et aussi longtemps qu'on
fera comme si ça n'avait pas existé, on se retrouve avec des gens qui se retrouvent à errer dans nos
rues, qui se ramassent en prison. 40 % des hommes, selon un
organisme de Sherbrooke, qui sont dans nos centres pénitenciers seraient des
gens qui auraient été victimes d'agression sexuelle dans leur enfance.
Donc, vous
voyez, combien de ces gens-là, qui sont sur l'aide sociale, qui sont inaptes à
travailler, des gens qui se suicident...
Il y a un portrait un peu macabre à faire autour de ça, et il y a un débat de
société qui est à peu près inévitable, d'après moi.
Mme Vallée :
J'aimerais vous entendre aussi sur l'expertise. Vous suggérez d'apporter une
expertise particulière aux CAVAC. On
a entendu... Bien, encore une fois, je reviens avec les commentaires à l'effet
qu'il y avait peu d'aide disponible. Et, lorsqu'on était un homme,
lorsqu'on était un jeune garçon et qu'on cognait aux portes de certains
organismes, ce n'était pas facile.
Alors, j'aimerais vous entendre sur l'expertise
que vous pourriez apporter aux CAVAC et qui pourrait être exportée sur l'ensemble du territoire. Parce qu'il
y a aussi cette réalité-là, au Québec, d'un territoire immense à
couvrir, et des communautés qui sont dispersées, et qui n'ont pas toujours la
possibilité de se déplacer dans les zones urbaines pour avoir accès aux
services puis à l'accompagnement.
M. Richard
(Sébastien) : Je veux juste dire une chose avant de laisser Mme
Ouellette parler de son expertise. Je veux juste vous dire une
chose : Il y a beaucoup de gens qui, lorsqu'ils participent au groupe que
le CRIPHASE met sur pied — et j'ai été témoin de ça — me disent : Enfin, j'ai trouvé un
thérapeute qui me comprend. Et ces gens-là étaient allés voir d'autres
thérapeutes avant.
Je ne cherche pas ici à adresser des reproches
aux autres thérapeutes, c'est juste qu'il faut réaliser que cette
intervention-là demande une expertise tout à fait particulière. C'est juste ça
que je voulais dire.
• (17 h 30) •
Mme
Ouellette (Line) : Bien, je pense que cette expertise-là, elle est
présente dans la majorité des CALACS au Québec. Par contre, il y a des particularités très importantes à tenir
compte quand on intervient auprès des hommes. Alors, on sait que la
réalité... Premièrement, un homme, quand il vit un acte aussi difficile que
l'agression sexuelle, ça va souvent le maintenir dans une énorme honte,
comparativement à une femme où est-ce qu'on parle beaucoup plus de culpabilité, hein? Ça ne veut pas dire qu'un et
l'autre ne vivent pas la culpabilité et la honte, mais, en général,
l'homme porte énormément de honte. Et la
honte, c'est quoi exactement? C'est vraiment le sentiment, hein, qu'il y a
quelque chose de pas correct en moi. La culpabilité, c'est que j'ai fait
quelque chose de pas correct. Ça fait que l'homme porte cette honte-là, ce qui fait qu'il a énormément de
difficultés à aller chercher de
l'aide et, quand il va aller chercher de l'aide, bien, c'est parce qu'il va avoir essayé tout avant d'aller chercher de
l'aide, hein? Ça fait que souvent l'homme va être vraiment
dans le bas-fond, là, O.K. Donc, on a une personne extrêmement souffrante qui arrive dans nos bureaux.
Ça, c'est une réalité qu'il faut tenir
compte, puis, quand on intervient, bien, il faut être capable de l'accueillir,
cette souffrance-là.
Une autre particularité chez les hommes, c'est
qu'un homme, quand il est souffrant, quand il n'est pas bien dans sa peau, bien, ça va être souvent à travers
des gestes agressifs. Puis beaucoup d'intervenants ne sont pas
confortables avec cette agressivité-là, donc
il faut former des intervenants, intervenantes pour percevoir de façon juste
les gestes ou l'intensité de l'homme dans ton bureau. Quelle autre
particularité qu'il y aurait?
Mme Joncas (Evelyn) : Bien, je
dirais que les femmes qui interviennent dans les CALACS, bien, elles ont un
paradigme féminin de l'agression sexuelle, et puis, chez nous, au CRIPHASE,
bien, on a un paradigme autre, donc il
faut... Tu as été confrontée justement à donner des formations auprès des
femmes du CALACS, peut-être que tu peux nous en parler de à quoi tu es
confrontée.
Mme Ouellette (Line) : Bien, je
pense que les intervenantes qui ne sont pas habituées de travailler auprès des
hommes, elles ont un peu peur. Comme je disais tantôt, elles ont un peu peur
des réactions plus masculines de réagir face à une grande souffrance, donc on
doit vraiment préparer ces femmes-là puis leur donner des interventions justes. Et les hommes aussi parlent beaucoup de
quand je vais dans d'autres réseaux, quand je vais dans des réseaux
sociaux, des choses comme ça, pas des réseaux sociaux, excusez-moi, des
institutions, là...
M. Richard (Sébastien) : CLSC.
Mme Ouellette (Line) : ...CLSC, puis
tout ça, ils disent : Quand j'arrive, moi, dans toute ma masculinité,
bien, j'ai l'impression qu'on a peur de moi, j'ai l'impression qu'on veut
m'envoyer ailleurs ou qu'on met plein de mesures
de sécurité pour me recevoir, ça fait que donc je n'ai pas l'impression que ma
souffrance, et ce que j'ai à dire est que
mon... comment le dire, mon cri... en tout cas, ma grande souffrance, je n'ai
pas l'impression qu'elle est accueillie comme j'aimerais qu'elle soit
accueillie...
Une voix : ...
Mme Ouellette (Line) : Hein?
Exactement. Je crie, et on veut m'exclure, on veut me référer ailleurs, donc...
M.
Richard (Sébastien) : Ce qui vient accréditer la thèse de l'organisme
de Sherbrooke, le SHASE, S-H-A-S-E, qui nous dit que 40 % des
hommes incarcérés ont été victimes d'agression sexuelle. Ils ont donc commis,
dans la colère qui les
habite, un geste de violence qui faire en sorte qu'ils se retrouvent au banc
des accusés, qu'ils se retrouvent en
prison. N'allons surtout pas excuser les gestes qu'ils ont commis, là, on
s'entend là-dessus. Mais, une fois qu'on a dit ça, est-ce que la vraie raison de cette présence-là, c'est un sentiment
de criminalité criminogène ou c'est plutôt le fait d'une grande
souffrance ou d'un appel à l'aide, ou on a besoin d'aide? Il y a beaucoup à
faire dans nos centres carcéraux.
Mme Joncas
(Evelyn) : Dans le rapport, on a vu qu'il y avait des interventions
auprès des femmes en milieu carcéral, mais
on n'a pas vu la même chose dans chez les hommes en milieu carcéral, et ça, ça
nous a choqués. Sachant les statistiques, ça nous a choqués.
Mme Ouellette
(Line) : Et souvent cette colère-là va être interprétée comme de la
violence, mais moi, j'en ai rarement vue, de
la violence, dans nos bureaux. J'ai vu des hommes en colère, des hommes qui
avaient des charges émotives
tellement grandes puis qui vivaient énormément de confusion, puis on sait que
souvent l'émotion de l'homme va être la colère. Mais très, très peu vu
de la violence. Mais on entend souvent cette peur-là parmi les intervenants,
intervenantes qui ne sont pas habilités à travailler auprès des hommes.
Mme
Vallée : Combien d'organismes adoptent l'approche que vous
adoptez auprès des hommes? On a combien de ressources au Québec capables
de se diriger et d'offrir le support qui est nécessaire?
Mme
Joncas (Evelyn) : Très, très, très peu. En fait, le CRIPHASE a été le
premier organisme. Nous avons formé, il y a quelques années, AutonHommie
ici, à Québec, qui donne ce service-là. Il y a le SHASE de Sherbrooke qui le donne depuis quelques années. Et on trouvait que
ce n'était pas suffisant, donc l'équipe de Line a été former le CALACS
de Gaspésie, et avec bonheur on a appris, cette année, que 27 % de leur
clientèle était désormais des hommes, ce qui est énorme et ce qui nous donne
beaucoup d'espoir parce qu'on s'en va à Maniwaki former le CALACS. On s'en va
là le 31 mars.
Mme Vallée :
Et bienvenue chez nous!
Mme Joncas
(Evelyn) : Bien, merci.
M. Richard
(Sébastien) : EMPHASE.
Mme
Joncas (Evelyn) : Puis ensuite, spécifiquement pour les hommes, on vient tout juste de former
EMPHASE à Trois-Rivières, donc ils viennent de commencer leurs premiers
groupes. Et puis il y a aussi Haute-Yamaska, le Ressources pour hommes de Haute-Yamaska, qu'on vient juste, juste de
former et qui vont commencer leurs premiers groupes bientôt.
Mme
Vallée : Mais c'était justement un petit peu ma question. C'était
de... Parce que je dois vous dire, j'avais eu des échanges avec le CALACS de Maniwaki bien avant d'occuper les
fonctions que j'occupe puisque ce sont mes voisins de bureau de
circonscription, donc on est voisins vraiment côte à côte. Et je les questionnais
sur le travail qu'ils effectuaient auprès des hommes, à savoir... parce que,
bon : Est-ce que vous travaillez auprès de la communauté?
Et puis je suis
heureuse de voir que certains CALACS font appel à vos services parce que ce que
j'avais cru comprendre lors des échanges la semaine dernière, c'était que les
CALACS avaient une philosophie d'abord et avant tout destinée aux femmes et que
les hommes ne se retrouvaient pas là-dedans. Et là il semblait y avoir une
espèce de friction entre les CAVAC, les CALACS.
Mme
Joncas (Evelyn) : En fait, on découvre qu'à Montréal... c'est plus
difficile dans la région de Montréal. Mais en région... étant donné que
les financements pour les organismes sont plus limités, ils sont plus ouverts
en région. Donc, Gaspésie, Maniwaki, ils sont plus ouverts.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à
Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour une période de 11 minutes.
Mme Poirier :
Mais ça ne veut pas dire qu'il ne fallait pas couper les subventions aux CALACS
de la région de Montréal, là.
Des voix :
Non, non, non...
Mme
Poirier : Mais la ministre a raison. J'ai le petit dépliant sur
les agressions, des CALACS, et c'est très clair : les CALACS s'adressent aux femmes et aux
adolescentes. Donc, il y a quand même là un message clair, de la part
des CALACS, à savoir que leur clientèle est
principalement... C'est des femmes et adolescentes victimes d'agressions, et
non pas juste femmes et adolescentes. Donc, je comprends qu'il peut y avoir un
renouvellement de la mission qu'ils se sont donnée, et fort heureusement, pour
mieux desservir tout le monde. Ça, on en convient.
Je
comprends que, maintenant, vous êtes... il va y avoir quatre, cinq partenaires
comme vous, formés par vous, et c'était
d'ailleurs une de vos recommandations, à l'effet de dire : Nous, on est
bien prêts à apporter la bonne nouvelle en tant que telle, mais il
faudrait en avoir les moyens. Qu'est-ce que vous voulez dire par là?
Mme Joncas
(Evelyn) : Bien, c'est sûr que, comme tout le monde, on veut de
l'argent. Je pense que ça, c'est clair. Mais
on veut surtout des partenariats stratégiques. On veut que ces mythes-là et ces
tabous soient défaits, mais il faut qu'on
soit là pour les défaire. Parce qu'on est conscients de ce que ça a comme
conséquences. Donc, que ce soit avec...
Là, on est en
train de préparer notre planification stratégique pour les trois prochaines
années. Et ça, là, c'est partout dans
notre stratégie : c'est d'aller vers les universités, vers ceux qui font
des recherches, vers les CALACS, les CAVAC. La SPVM fait appel à nous parce qu'ils ne comprennent pas quoi faire avec
les hommes qui sont agressés sexuellement ou qui disent : Là, je suis violent parce que j'ai été agressé
sexuellement. Ils ne sont même pas crus, des fois, par la police.
Donc, nous,
on veut avoir surtout des partenariats. Donc, où il nous faudrait de l'argent,
c'est plus pour avoir plus d'intervenants pour aller former, mais c'est
surtout une ouverture pour les partenariats.
Une voix : Et de développer
notre expertise.
Mme Joncas (Evelyn) : Oui, bien,
c'est ça, avec des chercheurs pour que ça...
M. Richard
(Sébastien) : Et n'oublions surtout pas les centres de protection de
la jeunesse. Je n'ai pas de chiffres là-dessus, mais mon petit doigt me
dit qu'il y en a beaucoup, de jeunes, qui ont été agressés sexuellement
là-dedans. Dans mes loisirs, là, je suis entraîneur de football à Jeunesse au
soleil, et il y a des jeunes, des fois, qui nous sont référés parce qu'ils ont comme besoin... ils ont un surplus
d'agressivité à exprimer, là. Parfait, venez sur le terrain, on va vous
organiser ça.
Mais ce qui est important de remarquer, c'est
que les intervenants qu'ils ont devant eux deviennent des cibles faciles pour
exprimer leur colère. Comprenez-vous ce que je veux dire? Il y a enfin
quelqu'un qui les écoute, donc, tiens... On
voit ça aussi chez les enseignants. Je travaille dans le domaine de
l'enseignement. On se demande comment ça se fait que, des fois, il y a des jeunes qui sont agressifs à l'égard
des figures d'autorité qu'ils ont devant eux. Il ne faut pas chercher
très, très longtemps, hein?
Alors donc,
je répète : À partir du moment où on a un plan d'action gouvernemental qui
reconnaît cette réalité-là, par
rapport au précédent, on a fait un grand bout de chemin. Et, dans ce
contexte-là, nécessairement, on va vouloir notre expertise et on sera
heureux de la partager.
• (17 h 40) •
Mme Vallée : Michel Dorais était
ici la semaine passée et d'ailleurs nous communiquait le fait qu'il y a des étudiantes qui ont travaillé justement
pour documenter l'agression sexuelle chez les garçons en tant que telle. J'ai
cité d'ailleurs l'une des théories qui existent, de Franca
Cortoni et Theresa Gannon sur, justement, Female Sexual Offenders,
qui est la première étude, là, qui est
arrivée sur les tablettes, je dirais, pour justifier que ça existait, que le
phénomène existait, des mamans qui
abusent de leurs enfants, en tant que tel. On parle beaucoup
de prévention; vous êtes plus dans l'action, dans l'après. Et, surtout, on parle souvent du cycle de l'agresseur, qui
est quelqu'un qui a été, dans 50 %, agressé lui-même. Comment on fait pour arrêter ça, là,
ce cycle-là? Où on intervient?
Mme Joncas
(Evelyn) : Bien, on s'est rendu compte, avec plusieurs rencontres
d'équipe, que justement on devait... Oui, là, on travaille à la fin du
cycle, mais on veut de plus en plus, avec des partenaires qui travaillent déjà
avec les enfants, s'associer, donc, déjà, de
les conscientiser à : Ça se peut, donc ne regarde pas juste tes petites
filles dans ta classe, là, regarde
aussi tes petits gars, regarde quelle sorte de colère ils ont, tu sais, de
distinguer des symptômes qu'ils ne regarderont pas parce qu'ils regardent juste les petites filles. Donc, déjà, de...
nous, si on peut aller sensibiliser les acteurs qui travaillent auprès
des jeunes, je pense qu'on va avoir fait un grand pas comme... C'est petit à
petit, hein? Mais je pense qu'il faut aller avec des partenaires.
M. Richard (Sébastien) : Je voudrais
ajouter un exemple concret qui illustre ce qui vient d'être dit. Dans le
recours collectif contre les religieux de Sainte-Croix, il y a une personne qui
est venue me voir à un moment donné. Cet
homme-là avait 70 ans dépassés. Il
n'en avait jamais parlé à sa femme et à ses enfants, et je ne pense
pas qu'il l'ait fait encore à ce
jour. Pourquoi est-ce
que je vous dis ça? C'est qu'à
partir... On le voit très bien, les chiffres l'ont démontré, que les
hommes ne dénoncent pas et que ceux qui dénoncent ne forment que 10 % des
victimes. Donc, est-ce qu'on voit, là, l'histoire, là?
Donc, la
raison pour laquelle je fais cette intervention-là, c'est qu'à partir du moment
où on a des intervenants qualifiés aux bons endroits le simple fait que
la personne ait accès à des ressources tout de suite, on vient déjà de diminuer de beaucoup les conséquences plutôt que
de les faire durer dans le temps, avec tous les dommages collatéraux qui viennent avec ça. Les parents ont besoin
d'aide, les frères et soeurs. Il y a plein de gens, là, qui... Il y a des
dommages collatéraux là-dedans.
Encore dans
le recours collectif, il y a une victime qui lui, son réflexe, ça a été de
couper les contacts avec toute sa famille. Et là, tout à coup, son
frère, qui, lui aussi, était allé au Collège Notre-Dame, a dit... Quand il a
entendu parler de notre recours collectif, il est allé voir son frère, qu'il
voyait aux cinq ans, il lui a dit : Est-ce que tu as été agressé? Et là
son frère lui a dit oui. Il lui a dit : Il faut que tu en parles à nos
parents. Il n'avait pas parlé à ses parents depuis 30 ans. O.K.? Ça, c'est un exemple extrêmement concret du genre de
souffrance et de dommages collatéraux qui sont faits, et je réitère que
ça prend un débat de société autour de ça, on en est là.
Mme Poirier : Je veux juste
rajouter une petite question. Quand vous nous parlez, justement, du débat de société,
est-ce que vous pensez que la société fait semblant que ça
n'existe pas pour, justement, ne pas s'en occuper, ne veut pas s'en occuper parce qu'on n'a pas les moyens? Parce
que, on le sait, ça a débordé entre autres sur des recours judiciaires, un
recours aussi...
M. Richard (Sébastien) : Il y en a
d'autres qui s'en viennent.
Mme
Poirier : ...un
recours collectif. Il y en aura d'autres qui vont venir. Est-ce que
c'est parce que, finalement, on veut juste faire semblant
qu'on ne veut pas voir puis on se cache la tête dans le sable?
M. Richard (Sébastien) : O.K. L'âge
moyen des agresseurs, dans le recours collectif contre les religieux de Sainte-Croix, c'était de 13 ans. Je vais parler au
je, ça va être encore plus clair.
Lorsqu'on se fait agresser à 13 ans, on est un enfant non éveillé sexuellement, donc on a l'insouciance qui vient
avec. Donc, le lendemain de l'agression, qu'est-ce qu'on fait? On a des cours, on a des examens, on
doit faire... Enfin, vous voyez, tout... Le quotidien ne change pas. Ce n'est que beaucoup plus tard qu'on réalise qu'on a
été déprogrammé, voyez-vous? Donc, ça signifie que le fait de nommer le geste, d'être capable de le... qu'il soit
perçu... Parce que le jeune ne viendra pas, deux, trois ans plus tard, en
disant : J'ai été agressé. Non. En fait, ce qui arrive, c'est qu'on va
voir que le jeune qui a de la colère et qui a un problème de comportement et de discipline, il faudrait se
demander pourquoi il est comme ça, alors qu'il ne l'était pas il y a
quelque temps. Voyez-vous? Donc, c'est pour
ça que... Et, compte tenu qu'il s'agit de figures d'autorité et que, par
définition, cette figure d'autorité là exige le silence une fois que l'abus a
été commis, bien, bien entendu, tout ça est complice d'une situation de silence
qui ne fait que continuer.
Alors, le
débat de société, il doit se faire autour du fait qu'il faut le dire. Ça
existe, et les conséquences sont là.
Mme Joncas
(Evelyn) : C'est vrai que ça
arrive à l'école et dans les équipes sportives. On le voit. C'est parce
que ça, c'est médiatisé. Mais 90 %, c'est à la maison. C'est à la maison. Le
voisin, l'ami de la famille, le frère, la grande soeur, la gardienne, la maman. Donc, comment on amène ça?
Démystifier ça, comment on rentre ça à la télé? Dans une émission? Je ne sais pas, peut-être 30 vies, là. Il
faudrait que j'appelle Fabienne Larouche. Mais comment on rentre ça? Parce que
c'est là que ça se passe. C'est, oui, à l'école, mais c'est à la maison.
Donc, comment former les intervenants qui sont
près? Puis moi, j'ai beaucoup aimé ce que les gens avant nous nous ont dit. Il
faut être en collaboration avec les gens qui sont proches des enfants, en qui
ils ont confiance, les enfants. C'est eux
qu'on doit sensibiliser. Ne regardez pas juste les petites filles. Regardez les
petits garçons qui ont des problèmes
de comportement, parce que c'est souvent comme ça que... La fille, peut-être ça
va être par l'hypersexualisation qu'on
va le voir. Le garçon, ça va être par la colère qu'on va le voir. Qu'est-ce
qu'on fait avec le petit garçon qui a de la colère? On le punit. Bien, c'est ça. On le prive de quelque chose qu'il
aime. On le prive d'aller jouer dehors, on le prive d'aller faire du
sport, alors que, tu sais, c'est...
M. Richard
(Sébastien) : Et, s'il porte
plainte devant les tribunaux, l'avocat de la défense va s'arranger pour
lui faire perdre les pédales. Il va
dire : Bien, vous voyez, M. le juge? Bien entendu, il a tout
inventé. Et alors, on vient d'en faire une deuxième fois... Il est comme
agressé une deuxième fois.
Mme Ouellette (Line) : Quand c'est
juste une manifestation de sa souffrance.
M. Richard (Sébastien) : C'est ça.
Mme
Ouellette (Line) : Puis un
autre phénomène, c'est qu'on observe beaucoup
que, souvent, les victimes, là, vont
tenter de dénoncer, de briser le silence, hein? Mais on dit que ça prend
environ de six à huit tentatives de dévoilement avant qu'une victime va
être vraiment crue, de là l'importance d'un organisme. Quand les gens appellent
chez nous puis qu'ils nous racontent leur histoire, bien souvent, c'est la première
fois de leur vie où est-ce qu'ils se sentent vraiment crus et entendus.
Mme Joncas (Evelyn) : Au téléphone,
là, on le sent. Ouf! On le sent.
Mme Poirier : Dans le fond,
ce que vous nous dites...
Le Président (M. Picard) : 30
secondes, Mme la députée.
Mme
Poirier : Ça va
être une conclusion. Dans le fond, ce que vous nous dites, c'est qu'un des mythes
que l'on a actuellement, c'est la dénonciation sur laquelle on ne met pas
assez d'emphase au niveau ne serait-ce que de campagnes de publicité, de travail auprès des enfants, auprès
de la population en
général, parce qu'on
disait que ça pouvait prendre des années avant de sortir cette
épreuve-là de son corps, finalement. Donc, pour vous, s'il y avait une campagne
à faire sur la dénonciation, sur le dévoilement en tant que tel, ce serait une
priorité.
Mme Ouellette (Line) : Ah oui! Oui,
puis comment recevoir de dévoilement-là. Ça, c'est important.
Mme Poirier : Ça, c'est dans
les moyens. Mais, pour provoquer le débat de société dont vous nous parlez, il
y aurait une campagne nécessaire pour faire lever...
Le
Président (M. Picard) : Merci. Mme la députée de Montarville,
pour une période de sept minutes.
Mme
Roy
(Montarville) : Oh! c'est court. Merci
beaucoup, M. le Président. Merci à vous tous. Mais j'aimerais particulièrement remercier
M. Richard pour le travail que vous faites, de sensibilisation, mais aussi d'éducation
à cette problématique. Je ne suis pas
de celles qui croient que l'agression
sexuelle est genrée. Il y a
des victimes, point. Il est faux de dire que toutes les victimes sont
des femmes, à mon avis. Il est faux de dire que tous les agresseurs sont des
hommes. Il y a des hommes agressés au Québec. Et je pense que c'est important
de le souligner et surtout de ne pas croire que c'est anecdotique. Et je pense
que c'est extrêmement important, le travail que vous faites à cet égard-là.
Et,
si je dis ça, c'est que, personnellement, dans ma famille, on a connu cette problématique-là avec un homme agressé
alors qu'il était enfant, avec une personne en position d'autorité. Et, quand
vous parlez des conséquences, ce que ça fait par la suite, vous nous
énumérez un paquet de conséquences et vous dites qu'il faut justement vivre
avec les conséquences, vous avez raison, ça
laisse des traces pour certains, pour toute la famille, toute la fratrie, et
j'en passe. Alors, c'est extrêmement important, le travail que vous
faites. Je tiens à le souligner, et à remercier, et à vous remercier personnellement pour votre implication. Je suis vraiment tanné d'entendre ça,
que tous les agresseurs sont des hommes et toutes les victimes sont des
femmes. Faux.
Cela
dit, pour reprendre votre mémoire, vous nous dites entre autres que vous
réussissez... Vous recevez 155 appels par
année, vous suivez 155 cas. Est-ce
qu'il y a tellement
de demandes que... Est-ce que c'est le flot de demandes annuel ou devez-vous en refuser? Devez-vous en déléguer à
je ne sais qui? Est-ce que vous auriez besoin de plus de ressources?
• (17 h 50) •
M. Richard
(Sébastien) : Ce qui est certain, c'est que, cette année en tout cas, particulièrement,
comme conseil d'administration, on a
vraiment pris des mesures pour qu'il n'y ait plus de liste d'attente. O.K.?
Donc, ça, on a vraiment fait des
choix, là, et donc on est en mesure de dire qu'on répond aux... bien, oui, on
répond aux besoins des gens qui nous appellent. Sauf que la nuance que
je veux apporter est la suivante, c'est qu'à chaque fois que l'actualité parle du sujet, tout à coup, les appels rentrent.
Donc, ça signifie que le... Je vous remercie des bons propos que vous
m'avez accordés, mais je veux quand même
dire que, là, il y a un deuxième recours collectif qui commence au début du
mois de mai, là, contre les Sainte-Croix,
O.K.? Donc, il y en a un qui s'en vient contre les Clercs de Saint-Viateur,
contre les enfants sourds qui ont été des esclaves sexuels... je
m'arrête là. Et donc il y a d'autres événements qui s'en viennent et,
invariablement, ceci a pour effet de dire : Tiens, moi aussi, ça m'est
arrivé. Où est-ce que je pourrais appeler? O.K.?
Je
vais même vous dire que, dans le cadre du recours collectif contre les
religieux de Sainte-Croix, compte tenu que
j'avais déjà fait un témoignage public dans le cadre de l'émission Enquête
à Radio-Canada, il y a des victimes qui sont venues me voir puis qui ont dit : Sébastien, c'est ce soir-là
que j'ai réalisé que moi aussi, j'avais été victime. Donc, il avait un
mal de vivre, mais il n'était pas conscient que c'était à cause de ça. Et
plusieurs m'ont dit que, lorsqu'ils ont pris conscience de ça... et je me suis
prostré en position foetale dans mon téléviseur et j'ai pleuré longtemps,
alors...
Donc, c'est pour ça
que, lorsqu'on parlait tout à l'heure de campagnes de publicité, moi, j'ai
envie d'ajouter que c'est le fait de prendre
conscience qu'on a été déprogrammés, là, qu'on a besoin d'aide. C'est ça qui
est l'élément important du point de
vue de la victime : j'ai été déprogrammé, j'ai besoin d'aide. À partir du
moment où on oriente ça dans cette
perspective-là, là, ensuite, les victimes collatérales dont on parlait tout à
l'heure, bien, à ce moment-là, eux aussi peuvent participer à cet exercice-là.
Je pense qu'il y a quelque chose d'extrêmement important à faire de ce côté-là.
Mme Joncas
(Evelyn) : Et on offre ce service-là aux familles.
Mme Roy
(Montarville) :
Je vais poursuivre parce que j'ai peu de temps. On parlait de la prescription
tout à l'heure. La prescription, c'est le délai qu'on a pour poursuivre. Avec
le nouveau Code civil, on parle d'un délai de 30 ans dans le cadre
d'agressions sexuelles. Qu'est-ce que vous demandez?
M. Richard
(Sébastien) : Bon. Alors, le délai de prescription s'applique à partir
du moment où on prend conscience du tort qui nous a été fait, O.K.? À partir du
moment où on a pris ça... Ça, c'est la Cour suprême qui a déterminé de cette manière-là, c'est-à-dire qu'à
partir de ce jour-là le chronomètre est parti, on a 30 ans. Le
problème, c'est qu'il y a des gens qui, en ce moment, étaient sous l'ancien
délai de prescription et, ces gens-là, eux, le délai de prescription fait en sorte qu'ils ne peuvent plus entreprendre de
recours. Donc, ça signifie que ces gens-là, aujourd'hui, sont, jusqu'à
la fin de leurs jours, incapables d'entreprendre une démarche qui fait suite au
fait de prendre conscience de l'agression.
C'est que, lorsqu'on prend conscience de l'agression, on a envie d'obtenir
réparation. Ça vient ensuite dans l'ordre des choses.
Donc,
c'est pour ça que nous, notre demande par rapport au délai de prescription, à
son abolition, c'est pour ces personnes
qui vieillissent... que leur vie achève et qui vont... qui pourraient quitter
ce bas monde en ayant été incapables de dénoncer leur agresseur. C'est
ça ici pour nous qui est la clé. Et je reconnais que, juridiquement, c'est
complexe, Mme la ministre, parce qu'il s'agit de redonner des droits à des gens
qui n'en ont plus, O.K.? Il y a un problème, là, mais est-ce qu'on en est... Je
pense que ces gens-là ont assez souffert.
Mme
Roy
(Montarville) : Il nous reste un peu de temps. Quand
vous dites également qu'un homme sur six est susceptible d'être agressé,
c'est phénoménal, comme chiffre... «Susceptible», ça ne veut pas nécessairement
dire qu'il y aura agression, mais on
parlait... chez les femmes, vous avez les chiffres également chez les femmes...
Mais ça pourrait représenter combien d'hommes au Québec qui ont été
agressés ou qui seront agressés?
Mme Joncas (Evelyn) :
Bien, nous, honnêtement, on n'est pas sûrs de ces chiffres-là parce que, quand
on pense qu'il y a juste 10 % qui dénoncent, là, puis que c'est
tellement difficile de dévoiler... Nous autres, on pense que c'est un nombre
effarant, puis surtout, même à l'intérieur même d'une même famille, il peut y
avoir un prédateur avec plusieurs garçons. On n'a pas de nombre.
Nous, ce qu'on veut
faire dans notre planification stratégique, c'est d'engager un sociologue pour
vraiment décortiquer toutes nos statistiques à nous, parce que c'est un travail
de longue haleine, pour aller chercher nos propres
chiffres à nous parce que les nôtres sont véritables en ce sens que c'est des
vraies, vraies victimes qui sont venues vraiment chez nous puis qui ont
fait la démarche. On veut aller voir ça puis investiguer un petit peu plus nos
chiffres à nous. Parce que ce n'est pas
clair même pour les femmes, parce que tu peux être agressé quatre, cinq fois
dans ta vie. Puis, quand on parle... ça peut être une incitation à avoir
des relations sexuelles qui te traumatisent, ça peut être un attouchement. La maman qui donne son bain au petit
garçon, le petit garçon a une érection, ça peut être perçu comme un
traumatisme, tu sais, si la maman s'attarde trop. On a cette clientèle-là chez
nous. Tu sais, pendant des années, ma maman
me lavait puis elle s'attardait là. Bien, ça cause des traumatismes. Donc,
agression ne veut pas dire nécessairement violence. C'est souvent fait
avec douceur, en famille. Ce n'est pas nécessairement fait avec violence.
Donc,
moi, tout à l'heure, l'affaire avec
violence, j'ai un petit peu de difficulté, parce
que chez nous, on parle plutôt
d'abus, nous, parce que l'abus, c'est vrai que c'est fait en douceur, puis
c'est souvent par quelqu'un qu'on aime.
M.
Richard (Sébastien) : Et ce
sont faits par des gens qui ont planifié leur acte, hein, d'accord? Je peux
vous dire que celui qui est mon agresseur en
a agressé 30 autres dans le recours collectif contre les religieux de Sainte-Croix,
d'accord? Et c'était fascinant de voir à quel point le «pattern» était le même,
O.K.? Donc, il y a vraiment une manipulation,
et c'est pour ça que, lorsque l'agression a lieu, pourquoi est-ce que je
dénoncerais? Il a été gentil avec moi, il m'a aidé, on a fait ci, on
fait ça. C'est très confus, là, comme démarche lorsqu'on prend conscience de la
chose. Et, juste pour donner un élément de chiffres, dans le recours collectif
contre les religieux de Sainte-Croix, on a été 206 victimes à être indemnisées,
d'accord? Selon notre avocat, Me Alain Arsenault...
Une voix :
...
M. Richard
(Sébastien) : Oui — c'est
10 % des gens qui dénoncent. Alors, faites la règle de trois.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
trois minutes.
Mme
Massé : Oui, trois minutes. En fait, ce que je tiens à dire, dans un
premier temps, je pense que je n'ai pas entendu ici qu'on ne voulait pas
reconnaître qu'une agression sexuelle était une agression sexuelle. Moi, je
n'ai pas entendu ça du tout, au contraire. Alors, ça va bien, c'est plutôt
positif.
Ceci étant dit, c'est
évident que, quand je vois la charge, exemple : «Ainsi, dès le départ, la
table est mise. La possibilité que des
hommes aient été victimes d'agressions sexuelles est écartée d'emblée...» Je
prends ça de votre... Je lis ici, pas
tout à fait ce qui est écrit là, «97 % des victimes sont des femmes et des
enfants». On ne dit pas «des femmes et des filles». On dit, trois lignes
plus bas : «60 — c'est-u
la bonne ligne? Oui — 63 %
des victimes sont âgées —
vous l'avez dit — de moins de 18 ans — on ne dit pas "des filles" — 49 % des jeunes filles [...] 14 %
des jeunes garçons.»
Je vous dis ça, j'ai
besoin de vous dire ça, parce que, quand on dit : Il ne faut pas genrer,
je pense qu'il y a un bout de la réalité
qu'on ne veut pas reconnaître quand on dit ça. Ceci étant dit, ça ne veut pas
dire que parce qu'on veut le genrer, l'analyse différenciée selon les
sexes, ce n'est pas de dire que c'est rien que pour défendre les femmes.
C'est d'être capable d'avoir une analyse genrée des affaires. Ça, c'est la
première chose que je voulais placer.
L'autre élément, on a
eu d'autres groupes d'intervenants auprès des hommes, qui sont venus nous
rencontrer, qui ne sont pas des groupes que vous avez nommés. On a eu le RIMAS
qui est venu, il y a CPIVAS, qui intervient avec
les jeunes garçons agressés depuis plusieurs années, etc. Je vois ça occulté
dans l'affaire. Ça me dérange, c'est comme si vous venez d'arriver sur la... bien, pas vous venez, parce que ça
fait un bout, et là c'est comme si Espace n'existait pas et ne faisait
pas le travail depuis 35 ans. Ils n'ont pas juste détecté les jeunes filles,
ils l'ont dit...
Le Président (M.
Picard) : ... minutes, Mme la députée.
Mme
Massé : ...ils l'ont dit tantôt. Alors, malheureusement, c'est
toujours ça que ça fait, trois minutes. Est-ce que vous êtes en lien
avec le RIMAS, le Regroupement des intervenants... M-A-S...
Mme Ouellette
(Line) : CPIVAS.
Mme Massé :
Pardon?
Mme Ouellette
(Line) : Avec le CPIVAS, oui.
Mme Massé :
Oui, mais avec le RIMAS, qui intervient spécifiquement auprès des agresseurs
sexuels?
Mme Ouellette
(Line) : C'est dans nos plans...
Mme Massé : Dans vos plans.
Mme Ouellette
(Line) : Dans notre plan stratégique de... bien, d'avoir des
associations avec eux, oui, effectivement.
Mme Massé : Excellent. Il n'y a
aucune victime qui a le droit d'être victime. Je suis d'accord avec vous.
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Ouellette, M. Richard, Mme Joncas, pour votre apport aux travaux de
la commission.
Et la commission ajourne donc ses travaux à
demain, le mardi 24 mars 2015, à 11 heures, afin de poursuivre son mandat.
(Fin de la séance à 17 h 59)