(Seize heures quinze minutes)
Le Président (M. Picard) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission
des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les personnes dans
la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires
ou de leurs appareils électroniques.
La commission
est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions
publiques sur le document intitulé Rapport sur la mise en oeuvre du Plan
d'actiongouvernemental 2008-2013 en matière
d'agression sexuelle.
M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Blais (Saint-Henri—Sainte-Anne) est remplacée par Mme Nichols
(Vaudreuil); M. Bergeron (Verchères) est remplacé par M. LeBel (Rimouski); M.
Kotto (Bourget) est remplacé par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve); et Mme
Lavallée (Repentigny) est remplacée par Mme Roy (Montarville).
Auditions (suite)
Le
Président (M. Picard) : Merci. Cet après-midi, nous entendrons
les organismes suivants : le Réseau des centres d'aide aux victimes
d'actes criminels, l'Intersyndicale des femmes et le Regroupement des
intervenants en matière d'agression sexuelle.
Comme la
séance a commencé à 16 h 15, y a-t-il consentement pour poursuivre
nos travaux au-delà de l'heure prévue, soit jusqu'à 18 h 30?
Consentement? Consentement pour tous. Merci.
Je souhaite
maintenant la bienvenue au Réseau des centres d'aide aux victimes d'actes
criminels. Vous disposez d'une
période de 10 minutes pour faire votre présentation. Va s'ensuivre des échanges
avec les parlementaires. Je vous cède la parole. Dans un premier temps,
je vous demanderais de vous présenter. Merci.
Réseau des centres
d'aide aux victimes
d'actes criminels (Réseau des CAVAC)
Mme
Tessier(Jacinthe) : Merci. Merci, M. le Président, Mme la
ministre, Mmes, MM. les députés. Mon nom, c'est Jacinthe Tessier. Je suis directrice du Centre d'aide pour
victimes d'actes criminels de l'Abitibi-Témiscamingue. Ma collègue...
Mme Cartier (Catherine) : Catherine
Cartier. Je suis directrice du CAVAC de la Montérégie.
Mme Tessier (Jacinthe) : Est-ce que
nos micros sont... Est-ce qu'on nous entend bien? O.K.
Je vais
plutôt prendre la parole que ma collègue, elle est plus jeune dans le réseau,
donc elle est en initiation, c'est ça.
Donc, je vais tout de suite... Bon, je vous remercie de nous entendre. Le
Réseau des CAVAC, on va s'attarder... on s'est attardé un peu... Je crois que vous avez en main qu'est-ce
qu'on... notre écrit. Je vais essayer de ne pas le lire, puis essayer de résumer, puis laisser plus de temps
pour les questions. On s'est attardé plus à des volets qui concernaient plus
spécifiquement les centres d'aide aux
victimes d'actes criminels. Pour nous, c'est une partie de notre mission, les
victimes d'agression sexuelle.
Il y a 17 CAVAC à travers le Québec. Les
17 CAVAC couvrent l'ensemble du Québec. Donc, comme pour l'Abitibi-Témiscamingue, il y a un CAVAC, bien, on
a un point de service à Rouyn-Noranda, un à La Sarre, un à Amos, un à Ville-Marie et un à Val-d'Or. Donc, on a une couverture
régionale, donc. Il y a les deux CAVAC du Nord, hein, le CAVAC cri et le CAVAC inuit, qui sont plus récents
dans le réseau. Autrement, partout, dans toutes les régions, chaque CAVAC couvre l'ensemble de leurs régions, donc ils
ont plusieurs points de service. Ça fait qu'il y a 17 CAVAC, mais
je ne me souviens plus trop combien de points de service en tout.
Notre
mission, c'est pour l'ensemble des victimes d'actes criminels, que ce soient
les victimes contre... les crimes contre
la personne que contre la propriété. On s'adresse aux hommes, aux femmes, aux
enfants et aux proches des victimes. Je vais arriver un petit peu plus
loin sur le nombre de victimes en agression sexuelle.
Notre rôle,
c'est d'abord d'informer les victimes des services existants et des procédures
judiciaires. Donc, on a développé, au
cours des années, différents programmes d'information aux victimes. Le premier
objectif, c'est d'informer les
victimes de l'aide qui est possible pour elles, et des procédures et des...
quand il y a un dossier criminel qui est entamé, des procédures
judiciaires ou quelles sont les étapes à venir, comment ça fonctionne, le
processus judiciaire, qu'il est peut-être possible de faire une demande
d'indemnisation à l'IVAC pour certains services.
• (16 h 20) •
Donc,
nos programmes d'information aux victimes, pour nous, c'est la base, parce que
c'est à ce moment-là que la victime
peut décider : Est-ce que je veux de l'aide? Si je décide... Est-ce que je
veux porter plainte ou ne pas porter plainte? Si je porte plainte, qu'est-ce qui va
m'arriver? Comment ça va se passer? Est-ce que, si je... Je vais-tu être accompagnée? Je vais-tu pouvoir avoir des
services? Est-ce que je vais avoir de l'aide financière? Donc, c'est l'ensemble
de ces situations-là. On évalue les besoins de la victime, on les
informe des différents services, autant ceux qui sont disponibles dans les CAVAC que ceux qui sont disponibles dans les autres
organismes. Comme en agression sexuelle, on parle naturellement des CALACS, mais on parle aussi des programmes
dans les services sociaux, plus particulièrement... et dans les CAVAC. Nous, naturellement,
on s'adresse aussi à une clientèle masculine et aux enfants.
Nos premiers programmes
d'information aux victimes, ça s'est développé avec les poursuites criminelles
et pénales et les services de justice. On a
eu des ententes, par ententes de service, pour avoir les coordonnées des
victimes lorsqu'il y a des
accusations qui sont portées. Nous, on a les coordonnées des victimes, on les
contacte, on leur dit : Il y a une
date de comparution, monsieur va comparaître. Puis là on utilise ce moment-là
pour expliquer les services qui sont disponibles.
Avec
ce programme-là, on atteignait déjà pas mal de victimes, sauf qu'on
n'atteignait que celles qui avaient un processus
judiciaire d'entamé. Donc, on a développé, avec le temps, aussi des ententes
avec la Sécurité publique pour atteindre
toutes les personnes qui font une dénonciation à la police ou qui appellent la
police, parce que, des fois, ils ne sont pas prêts à porter plainte,
mais ils ont appelé la police pour faire un arrêt d'agir. Donc, ces ententes-là
avec les policiers, ça nous permet de
contacter les victimes même s'il n'y a pas d'accusé. Des fois... souvent... En
agression sexuelle, aussi, on sait que c'est souvent des gens connus,
mais c'est aussi des personnes qui sont inconnues. Donc, il n'y aura peut-être pas de procédure judiciaire. Donc, avec
les ententes avec la Sécurité publique, on peut atteindre ces personnes-là.
On
a fait différentes ententes aussi. Dans chacun des CAVAC, on fait des ententes
plus particulières avec d'autres partenaires,
les partenaires des réseaux communautaires mais aussi avec la DPJ, pour
accompagner et préparer les jeunes victimes
dans le processus judiciaire. On a différents programmes. On va peut-être y
revenir un petit peu quand on va parler plus spécifiquement de chacune
des ententes — j'essaie
d'aller vite.
Au
niveau des statistiques, à la page 4... Nous, on comptabilise nos
statistiques avec un progiciel qui s'appelle SCAVAC, il n'existe qu'en français pour l'instant, il y a un projet de
changer de logiciel, mais, pour l'instant, il n'y a que les CAVAC, les
15 CAVAC, du sud qui peuvent utiliser le SCAVAC. C'est pour ça que, dans
les statistiques, on ne comptabilise pas les
deux CAVAC du Nord, dont les intervenants sont cris et inuits et qui parlent
leur langue et l'anglais. Donc, pour
les 15 CAVAC du sud, l'année... en 2013-2014, il y a eu
9 452 victimes qui ont fait des demandes directes, c'est-à-dire qui ont appelé le CAVAC pour des
services — ça,
c'est des personnes, ce n'est pas des services, après ça chaque personne
peut avoir cinq, dix, 15, 20 services — dont la majorité, 22 %,
étaient des femmes et 9,84 % des hommes.
Les
autres statistiques, qui sont les CAVAC-INFO, on les comptabilise un peu
différemment, parce que les gens n'ont
pas demandé à être appelés à ce moment-là. CAVAC-INFO, c'est : suite à
la... le dépôt de la plainte, on contacte... qu'est-ce que je vous expliquais tantôt, donc on les comptabilise à
part. Ça représente pas mal... Comme on a à peu près les coordonnées de tout le monde, ça correspond à peu
près au nombre de dénonciations qu'il y a dans une année. Ça fait qu'on peut, un peu, comparer entre ça : il y
a tant de victimes qui ont... des accusations qui ont été portées puis le
nombre de victimes qui nous demandent directement des services au CAVAC.
Au
niveau... on va tomber dans les mesures, la campagne gouvernementale de
sensibilisation en agression sexuelle, on
a participé aux différentes consultations, on a beaucoup apprécié cette
campagne. C'est des grosses campagnes qui coûtent très cher mais qui ont beaucoup d'impact, c'est très important,
ces grandes campagnes gouvernementales, parce qu'ils adressent un message clair à la population. Quand on dénonce les
agressions sexuelles puis que le gouvernement dénonce les agressions sexuelles, ça a un impact plus que quand c'est
nous, les organismes, qui les dénonçons. Donc, c'est certain que nous,
les CAVAC, on veut voir reconduire une grande campagne.
Je
sais que la dernière phase, qui mettait plus l'accent sur l'idée de dénoncer,
n'a pas toujours fait l'unanimité. Nous,
on n'est ni pour ni contre, on est là pour informer les victimes, s'ils
dénoncent, qu'est-ce qui va arriver,
mais c'est toujours le choix... Nous,
on respecte toujours les choix des victimes de dénoncer ou de ne pas dénoncer.
On informe de comment ça va se passer s'ils décident de dénoncer. On ne
prend jamais le choix pour les victimes.
Bon,
la mesure 25, ça ne nous concerne pas directement, mais je tenais à en
parler. Au niveau de la vérification des poursuites, des antécédents
judiciaires...
Le Président (M.
Picard) : ...s'il vous plaît.
Mme Tessier
(Jacinthe) : Pardon?
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît, votre 10 minutes
est écoulé.
Mme Tessier
(Jacinthe) : Oh boy!
Le
Président (M. Picard) :
Non, mais vous allez pouvoir poursuivre lors des échanges avec la ministre
et les députés.
Mme Tessier
(Jacinthe) : Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Picard) :
Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre. Donc,
allez-y, Mme la ministre.
Mme Vallée : Bien, merci, M. le Président. Alors,
mesdames, merci beaucoup pour votre présentation. D'ailleurs, je vais vous emmener rapidement
sur la question des antécédents judiciaires. Hier, certains groupes nous
indiquaient que nous
avions mis... il y avait peut-être eu trop de ressources investies dans cette vérification-là, dans cette
mesure-là contenue au plan d'action,
et donc il semble y avoir... Vous, vous semblez dire : Cette mesure-là,
elle est importante, même si elle ne
nous concerne pas directement. Donc, j'aimerais vous entendre davantage sur ce
point, compte tenu que d'autres groupes nous ont dit que trop de
ressources étaient allouées à cet égard.
Mme
Tessier (Jacinthe) : Bien, nous, on a comme... on a appliqué une
mesure volontaire. Chacun des CAVAC, on
a mis, dans nos règlements généraux, qu'on ne devait pas avoir... que nos
employés ne devaient pas avoir de dossier criminel, ou on demande une vérification. Mais on le fait encore de
façon parallèle. Lorsque j'engage quelqu'un au CAVAC, je demande qu'il n'ait pas de dossier criminel
puis qu'il m'apporte un papier. Et naturellement, comme on travaille en collaboration avec les procureurs, si en cours de
mandat il s'avérait qu'un employé faisait des crimes contre la personne,
je le saurais assez vite, parce que le procureur m'appellerait directement à
mon bureau.
Mais
on est, avec le BAVAC, le ministère de la Justice, Sécurité publique, à
instaurer une vraie vérification, là, avec
des ententes. Puis on attend toujours. Je pense que c'est la Sécurité publique
qui mette un frein, là. Je ne sais pas pourquoi
ce n'est pas encore... Mais moi, je pense que c'est important, les CAVAC
pensent que c'est important, parce que, si on s'adresse à des clientèles vulnérables, il faut s'assurer que ce
n'est pas des gens qui ont des antécédents judiciaires au niveau, tout
au moins, là, des crimes contre la personne.
Mme
Vallée : Hier, on a entendu également des groupes qui, bon,
étaient préoccupés quant aux interventions du CAVAC, notamment le CALACS. J'aimerais vous entendre sur la
complémentarité des services que les CAVAC offrent. Parce qu'on semblait dire : Bon, les CALACS
sont en place depuis plus longtemps, le CAVAC empiète, il y a des ressources
qui sont destinées à la CAVAC. Alors,
j'aimerais vous entendre un peu davantage sur la complémentarité des services
que vous offrez versus les services qui sont offerts aussi par les CALACS.
• (16 h 30) •
Mme
Tessier (Jacinthe) : Bien, naturellement, les CAVAC offrent de l'aide
aux hommes, aux enfants, alors que les CALACS s'offre aux femmes à
partir de 14 ans. Déjà, il y a une partie de la clientèle qui... ce n'est
pas... C'est deux clientèles différentes.
Pour les femmes, naturellement, c'est une grosse partie aussi de notre
clientèle. Il y a des ententes de collaboration
dans... Des fois, quand on entend les représentants, ce n'est pas toujours
clair, mais, sur le terrain, il y a beaucoup
plus de collaboration. Les CALACS font de la prévention, de la sensibilisation,
des choses que nous, on ne fait pas.
Nous, on s'adresse... on a un gros volume de personnes qu'on rencontre et
normalement on se concentre sur l'information,
le support. Et, l'intervention, on va
le faire de façon... à court terme, court, moyen terme, parce que les
procédures judiciaires peuvent s'étirer sur pas mal longtemps, donc on est
toujours dans le dossier. On donne le choix aux victimes pour le suivi psychosocial en les informant des services
qui existent. Certaines choisissent d'aller au CALACS, certaines choisissent de faire une demande à l'IVAC
avec nous pour avoir un suivi dans le privé. C'est un choix qu'on offre aux victimes et c'est à... Puis, bon,
certaines veulent avec les intervenants du CAVAC, puis on fait un bout, mais on
ne fera pas de thérapie avec la personne, on va toujours les référer après.
Sur
le terrain, souvent il y a des ententes. Certains ont des ententes. Ça dépend
de la volonté du CALACS aussi. Je sais
que, dans mon secteur, dans un CALACS, c'est très séparé. C'est le CAVAC qui va
s'occuper de tout le processus judiciaire,
puis l'intervention va être référée directement au CALACS, quand ils veulent du service dans le
communautaire, là, parce que ce n'est
pas... comme je vous dis, ce n'est pas toujours la volonté d'aller dans un
service... Ça fait que c'est...
La
collaboration... Moi, je ne pense pas qu'on se... on collabore ensemble puis
on... c'est complémentaire, plus que...
Mme Vallée :
...de complémentarité que de dédoublements, si je vous...
Mme
Tessier (Jacinthe) : Non, il
n'y a pas de dédoublement. Je ne penserais pas, non. Puis effectivement les CALACS sont là depuis
35 ans puis ils font du beau travail. Je ne verrais pas que les CAVAC
n'existeraient plus, ni les CALACS. Je pense qu'on a beaucoup de
travail. Et il n'y a personne qui chôme là-dedans, là.
Mme
Vallée : Donc, je
comprends également que les services que vous offrez ne sont pas
genrés, c'est-à-dire... Parce
qu'hier on entendait les commentaires du Conseil québécois LGBT qui nous
disait : Certains des membres de la communauté LGBT ont de la
difficulté à trouver des ressources pour les accompagner, pour les aider
lorsqu'ils sont victimes d'agression
sexuelle, donc pour la communauté trans, la communauté homosexuelle, lesbienne,
la communauté gaie. Donc, les membres
de la communauté, chez vous, sont reçus peu importe leur genre, peu importe
l'orientation sexuelle. Il n'y a pas de coupure de service.
Mme
Tessier (Jacinthe) : Absolument
pas. Absolument pas. O.K. Et, bon, quelles que soient leur
religion, leur orientation sexuelle,
tout le monde est reçu de la même façon. Les services, naturellement, sont gratuits, sont confidentiels. On offre beaucoup de support et de formation à nos intervenants. Il
y a de l'encadrement clinique qui est offert aux intervenants puis, si... C'est certain que c'est contrôlé. S'il
y avait un intervenant qui pouvait montrer une différence, c'est certain que cette
personne-là serait encadrée et revue, là. Tout le monde est accueilli avec la
même ouverture.
Mme Vallée : J'aimerais vous entendre sur le développement...
Parce que vous avez fait état dans votre mémoire des mesures qu'il était
important de conserver, de bonifier. Vous avez fait état de votre appréciation
du plan d'action. J'aimerais vous entendre
sur le développement des services offerts dans le Nord-du-Québec, parce qu'on s'entend qu'il s'agit
d'un territoire très vaste à couvrir. Hier, la représentante, Mme Michel, de
Femmes autochtones du Québec nous indiquait qu'il y avait encore des
défis à relever dans le Nord. J'aimerais vous entendre sur cette question.
Mme
Tessier (Jacinthe) : Bien,
les CAVAC du Nord fonctionnement de façon différente, sont encadrés par des
organisations cries, l'organisation crie des
services sociaux et judiciaires, et dans le Nord aussi. Ils fonctionnent différemment. On essaie de donner du support.
C'est des CAVAC qui sont jeunes. Ils sont amenés à des défis qui sont de tout ordre, entres autres sur le bassin
d'intervenants, hein? Pour l'instant, les CAVAC du Nord n'offrent pas le même
support psychologique, parce qu'ils n'ont
pas les intervenaux psychosociaux formés pour ça. Donc, ils font beaucoup l'accompagnement,
le support, mais peut-être un peu moins au niveau de l'intervention
psychosociale puis post-traumatique.
On a
développé un comité autochtone avec le BAVAC, des représentants du ministère de la Justice,
des CAVAC, dont le mien, dont... Ils
ont une proportion de communautés autochtones sur leurs territoires, qui ont
des défis. Comme la Côte-Nord, ils
font de la cour itinérante, donc c'est des intervenants autochtones qui font la
cour itinérante. C'est des gros
défis, parce qu'ils ne peuvent pas rencontrer nécessairement les victimes aussi
souvent. Ils rencontrent les victimes quand
ils... en faisant la cour. C'est la même réalité au niveau du CAVAC cri puis du
CAVAC inuit. CAVAC cri, avec les nouveaux
palais de justice, ça va un peu mieux, mais ils ont deux intervenants pour
couvrir l'ensemble du territoire. Les CAVAC, entre autres... Bon, le
mois passé, c'est notre CAVAC qui avons donné du support, de la formation pour
les intervenants cris. On essaie de supporter ces CAVAC là, mais c'est des
CAVAC qui sont assez... qui sont autonomes aussi,
qui ont une certaine autonomie au niveau de la gestion. Donc, il faut respecter
aussi comment ils entendent développer leur
réseau, là. Mais il y a beaucoup... puis sûrement beaucoup plus de besoins que
le nombre d'intervenants qu'ils ont sur le terrain.
Mme Vallée :
Quelles seraient les recommandations... les éléments qui, à votre avis,
seraient des incontournables dans un
prochain plan d'action en matière d'agression sexuelle? Si vous aviez trois
éléments à identifier dont on pourrait se passer, ce serait quoi?
Mme Tessier (Jacinthe) : Dont on
pourrait se passer?
Mme Vallée : Dont on ne
pourrait se passer. Quels seraient les trois incontournables, finalement?
Mme Tessier (Jacinthe) : Je ne
m'attendais pas vraiment à cette question. As-tu des... quelque chose que tu
voudrais ajouter? Non?
Mme Cartier (Catherine) : Bien, je vais y
penser pendant que tu réponds...
Mme Tessier (Jacinthe) :
Naturellement, la prévention, la prévention, la promotion des services.
Lorsqu'on demande aux victimes c'est quoi,
leurs besoins, là, leurs besoins, c'est d'être informées d'abord. C'est leur
plus grand besoin. On pense que les
victimes ont besoin de vengeance, ont besoin de ci, mais non. Quand on
rencontre les victimes, ils n'ont pas
besoin de vengeance, ils ont besoin d'être informés, ils ont besoin de sécurité
aussi. Donc, d'être informés des services qu'ils peuvent avoir, d'être
accompagnés, d'être supportés et d'être respectés dans leur choix.
Le système a
beaucoup évolué, le système de justice a beaucoup évolué. On n'est plus dans la
même situation au niveau de...
lorsqu'on dénonce une situation. C'est toujours difficile pour les personnes,
d'autant plus pour les victimes d'agression
sexuelle. C'est très difficile, le processus judiciaire, de parler devant la
cour. S'il y avait quelque chose, au niveau
de la cour, c'est d'améliorer les façons de témoigner, de façon peut-être plus
anonyme. Pour l'instant, il y a des mesures
qui s'adressent aux enfants. Je pense que, dans plusieurs cas, il y a des
mesures qui pourraient s'appliquer aussi aux adultes qui sont... qui
n'iront pas dans le processus. Ils ne dénonceront pas parce que ça va être trop
difficile de confronter l'agresseur. Donc,
il y a des mesures comme la boîte noire, différents... d'être à huis clos. Moi,
je pense que ça pourrait être... Là,
je n'ai pas consulté mon réseau, mais je suis sûre qu'ils sont d'accord avec
ça. Il pourrait y avoir des améliorations au niveau des conditions de
dénonciation...
Mme Vallée :
Mais certains groupes recommandaient notamment la possibilité pour une victime
de témoigner derrière un paravent, là. Je pense que c'est ce à quoi vous
faites référence.
Mme Tessier (Jacinthe) : En vidéo,
ou derrière un paravent, ou...
Mme Vallée :
Est-ce que, selon vous, ce serait ce... le processus judiciaire serait ce qui
pourrait retenir des victimes de
porter plainte? Qu'est-ce qui retient les victimes de pousser le processus
jusqu'à la plainte? Parce qu'on a parlé... Bon, oui, on a fait état du nombre de dénonciations qui ont été faites, mais
on sait tous très bien qu'il y a bon nombre d'agressions qui ne sont pas répertoriées, puisque les victimes
ne vont pas porter plainte. Qu'est-ce qui amène ou qu'est-ce qui va, à votre
avis, amener cette situation-là? Qu'est-ce qui explique cet état de fait là?
• (16 h 40) •
Mme Tessier (Jacinthe) : Comme je le
soulignais tantôt, aller témoigner, aller dire devant tout le monde qu'est-ce qui s'est passé, c'est très difficile.
Il y a beaucoup d'agressions sexuelles qui sont faites par... La majorité,
c'est des gens qu'on connaît. Il y a
beaucoup de... Dans les dénonciations, c'est de l'inceste, des abus faits dans
l'enfance ou des... C'est extrêmement difficile de dénoncer, parce qu'on
est... il y a souvent encore des liens avec l'agresseur.
On sait aussi que les dénonciations, quand c'est
intrafamilial, ça provoque des crises. Je vais prendre comme exemple Martine Ayotte, qui est de ma région puis
qui a écrit un livre sur tout son processus au niveau de l'abus sexuel qu'elle a vécu de son père. Lorsqu'elle a dénoncé,
bien, son frère, et sa soeur, et sa mère n'étaient pas prêts, nécessairement,
eux, de briser le
silence, hein, parce que c'est tout un silence qu'il y a autour de la vie
sexuelle. Donc, toute la famille s'est retournée contre elle. Il faut
être prêt à ça aussi.
Il faut être
prêt à se dire qu'on va être jugé aussi par certaines personnes. La loi du
silence, c'est fort, puis souvent les
victimes sont ostracisées d'avoir dénoncé. Donc, c'est certain que c'est
important que les victimes sachent qu'ils ont... qu'ils ne seront jamais seuls, qu'il va y avoir les CALACS, qu'il va y
avoir les CAVAC avec eux, parce que c'est des moments très difficiles.
Mais, comme je le disais dans le mémoire, les personnes qu'on accompagne,
j'allais dire les femmes, parce que c'est une majorité de femmes qui
dénoncent...
Le Président (M. Picard) : En
terminant, Mme Tessier. En terminant.
Mme
Tessier (Jacinthe) : Oui. Merci. Les victimes qui décident de le
faire, par contre, souvent elles décident pour protéger une autre personne. Parce qu'ils s'aperçoivent que
l'abuseur continue d'abuser, donc ils décident de le faire. Mais ceux qui le font, d'habitude ils s'en sortent
grandis, parce qu'ils se sont affirmés vis-à-vis de l'agresseur, ils ne portent
plus l'odieux, c'est à l'agresseur de porter
l'odieux. Puis c'est très difficile mais souvent très bénéfique pour les
victimes.
Je pense
qu'il faut que les victimes entendent ça aussi, qu'ils n'entendent pas seulement
que c'est difficile, que c'est
difficile, puis que ça ne sert à rien, puis que le système de justice est
épouvantable, que c'est... Donc, je pense qu'il faut qu'ils entendent
autre chose, un autre discours.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à
Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour une période de neuf minutes.
Mme
Poirier : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Il me fait
plaisir de vous avoir. Dans votre mémoire, vous parlez de la supervision
clinique. J'aimerais ça vous entendre parler de ce que vous voulez dire par là,
la supervision clinique, et ce que ça veut
dire chez vous, cette demande. Parce que vous demandez d'avoir... Dans le fond,
vous demandez que des postes de supervision
clinique soient là, soient subventionnés, et on le comprend. Mais qu'est-ce
que vous voulez faire de plus avec cette supervision clinique là?
Mme
Tessier (Jacinthe) : Bien, les CAVAC se sont développés... Moi, je
peux me mettre en exemple, le CAVAC de
l'Abitibi. Au début, on était deux, maintenant j'ai 14 employés. On n'a
pas de regroupement, les CAVAC, hein? Donc, toutes les représentations, c'est les directions qui le font, il n'y a
pas d'employés qui vont... on n'a pas des permanents qui vont faire ce travail-là. Donc, chaque
direction se partage les représentations, les dossiers, les différents comités.
Je suis sur cinq comités provinciaux,
donc je suis de moins en moins dans mon CAVAC. Et c'est à moi d'assurer la
gestion de mon CAVAC, de m'assurer de
l'encadrement, de l'évaluation des intervenants. Je n'y arrive plus, moi, à
prendre l'encadrement.
Puis nos
intervenants, c'est des gens qui sont formés en criminologie, en travail
social, en... Ils font partie de leur ordre
professionnel, mais il faut un encadrement, justement, pour s'assurer qu'il n'y
a pas d'intervenants qui pourraient faire
de la discrimination au niveau de l'orientation sexuelle ou de la religion,
puis tout. C'est important de le supporter. Ils vivent des choses très difficiles. Les intervenants aussi, ils
entendent des histoires d'horreur. Donc, ils ont besoin d'un superviseur clinique qui va les... encadrer leurs
interventions puis les écouter, ce que je n'arrive plus à... bien, je le fais,
mais...
Puis c'est la
même chose pour l'ensemble des CAVAC. Le CAVAC de Montréal, naturellement, ils
en ont déjà, parce que la directrice,
elle ne pourrait pas... Le CAVAC de Montréal, c'est un gros CAVAC. Chez vous
aussi, c'est...
Mme
Cartier (Catherine) : Chez nous,
on a 24 employés, quand même, et puis il n'y a pas de supervision... bien,
il y a de la supervision clinique, mais je
dois embaucher à l'externe, à l'extérieur, des professionnels, à raison de cinq
fois par année. Mais ça serait préférable que ce soit sur une base
régulière, là, ça, c'est clair, surtout que moi, je n'ai pas nécessairement une
formation d'intervenante. Donc, c'est essentiel.
Mme Poirier : Mais, selon
vous, la valeur ajoutée de cette supervision clinique là?
Mme
Tessier (Jacinthe) :
S'assurer qu'il y ait une intervention qui est juste et que les
intervenants aussi aient du support dans leurs interventions.
Mme
Poirier : La ministre
a abordé le sujet pourquoi les femmes ne vont pas plus vers la justice. Si
je vous parlais des délais de
traitement, qu'est-ce que vous auriez à dire là-dessus? Est-ce que
vous, vous auriez une recommandation, là? Dans
un monde idéal, là... Parce qu'hier
Femmes autochtones nous a parlé que ça prenait deux mois, il fallait continuer
à vivre dans la communauté, même prendre le
même avion pour aller à la cour. C'est un délai qui me semble très long.
Je sais que ça peut être aussi un délai même
plus long dans d'autres régions du Québec. Pour vous, là, s'il y avait un
modèle, là, le modèle parfait, là, il aurait l'air de quoi?
Mme Tessier
(Jacinthe) : C'est sûr que je ne pourrai pas dire qu'on devrait couper
des droits aux accusés, mais les
délais sont énormes. On parle de deux mois dans le Nord. Ce n'est pas pour le
processus en entier, c'est pour qu'il y ait la comparution, la première comparution. Les dossiers, ça peut s'étirer
sur un an, deux ans, c'est effectivement très, très long. Je suis très d'accord avec Femmes
autochtones, il faudrait trouver des moyens de raccourcir les délais, de
laisser moins de... Ces délais-là
sont longs parce qu'on demande que les étapes soient reportées et reportées. Je
trouve qu'il y en a trop, de reports, qu'on pourrait couper un peu, tout
en respectant...
Mme Poirier : Mais, si on se place dans un monde idéal, là... Parce qu'effectivement ces reports-là font en
sorte que la personne victime repasse
par le même processus une fois, deux fois, trois fois. Chacun des reports, elle
se prépare à chaque fois à revivre
des événements malheureux. Selon vous, pour respecter tant les droits des
accusés que des victimes, traiter une cause devrait prendre combien de
temps?
Mme
Tessier (Jacinthe) : Je ne peux pas répondre à votre question, parce
que les causes sont tellement différentes les unes des autres, mais c'est sûr qu'on pourrait réduire de beaucoup le
temps qui... Mais je ne suis pas juriste. Peut-être que tu serais mieux placée pour moi... Comment
c'est possible sans mettre des ressources supplémentaires? Les procureurs
ont des dossiers à traiter qui sont énormes. Je ne sais pas.
Mme
Poirier : ...penser qu'on aurait plus de causes si les délais
étaient plus courts, donc on exposerait les victimes moins longtemps devant la justice. Je vous donne un exemple. Un événement
se passe aujourd'hui, on passe devant un juge demain. Je fais de l'idéalisme, là, hein? Ça se
passe aujourd'hui, on va devant le juge demain, et, même s'il y a
un ou deux... deux, trois séances
nécessaires, mais, d'ici une semaine, là... Parce qu'on s'entend, là, que
madame a été victime d'acte sexuel, il y a
une trousse médicolégale de faite, on a toutes les preuves, là, il n'y a
pas de doute, là, aucun doute. Est-ce
qu'on ne pourrait pas avoir, dans le fond, une résolution de la situation en un délai qui serait... Je sais que je suis
idéaliste, mais, à un moment donné, il va falloir garder de l'idéalisme pour réduire des délais qui actuellement sont au détriment des victimes en tant que telles.
Mme Cartier
(Catherine) : Bien, c'est vrai, sauf que les délais... il y a une grande
partie des délais qui sont imputables, sans mettre la faute sur personne, aux
avocats de la défense, et c'est normal, ça fait partie de leur travail, je l'ai
déjà fait. Et c'est long, on remet pro forma, pro forma, pro forma, mais...
Mme Poirier :
Mais pourquoi on remet?
Mme Cartier (Catherine) : Bien, parce que des fois il
y a des compléments de preuve à
obtenir de la police, des fois... Il
y a toutes sortes de raisons. Il y a vraiment
plusieurs raisons, puis des bonnes raisons, parce qu'après ça, de toute façon, si on ne répond pas à ces raisons-là, on va
se retrouver au bout avec un retrait de plainte, parce que... pour x raisons.
On va avoir tout fait ça pour absolument rien.
Donc,
à mon avis, les délais, oui, ils pourraient... Dans un monde idéal, il faudrait
vraiment qu'ils soient raccourcis, puis,
je dirais, moi, je mettrais six mois, maximum, si vous voulez vraiment qu'on
soit dans un monde idéal, sauf que c'est peu probable qu'on y arrive, à
mon avis. Mais en fait il faudrait que les avocats de la défense et les avocats
de la poursuite, si on veut, s'entendent
entre eux pour raccourcir les... Il faudrait qu'il y ait, dans le fond, je ne
sais pas comment dire...
Mme Poirier :
Une priorisation?
• (16 h 50) •
Mme Cartier (Catherine) : ...une priorisation ou, tu sais, comme au civil ça se fait aussi, qu'il
y ait des ententes au préalable,
qu'il y ait des... qu'on puisse avec le juge s'asseoir puis voir qu'est-ce
qu'on pourrait enlever, qu'est-ce qu'on pourrait couper, qu'est-ce qui ne serait pas utile, qu'est-ce qu'on
admet, qu'est-ce qu'on n'admet pas, les admissions, tout ça, ça pourrait faire
en sorte qu'à un moment donné... Il y a des choses qui sont évidentes qu'on n'a
pas besoin de faire... dont on n'a
pas besoin de faire la preuve, mais ça, c'est dans un monde idéal. Mais
effectivement, si ça prend deux ans, là, c'est très long. Puis ce n'est
pas rare que ça prenne deux ans, mais... Oui, c'est ça.
Mme
Tessier (Jacinthe) : Mais je ne crois pas que ça soit le délai qui
soit un empêchement de porter plainte. Le
délai fait que c'est beaucoup plus pénible pour la victime de traverser à
travers le système, mais je ne pense pas que ça soit ça qui l'empêche de porter plainte, c'est d'autres raisons.
Parce que, souvent, les victimes, ils ne savent pas tant que ça que ça va durer si longtemps, ils sont très
surpris. Puis ils sont bien contents qu'ils soient accompagnés soit par les
CAVAC soit les CALACS pour être supportés
là-dedans. Parce que c'est vraiment très difficile pour elles. Mais je ne
pense pas que ça soit un empêchement. Bien, peut-être pour certaines personnes,
mais ce n'est pas majeur.
Mme Cartier (Catherine) : Mais je pense que, si on publicisait davantage... peut-être que je me
trompe, mais le fait justement
qu'elles peuvent... les victimes peuvent être accompagnées dans ce processus-là
de façon... Ce n'est pas tout le
monde qui sait ça, là, qu'elles peuvent être accompagnées par le CAVAC. Il faut
que ça nous arrive pour savoir. Je pense que le fait de savoir qu'on
peut avoir de l'appui...
C'est
parce que ça paraît gros. C'est gros, aller en cour, aussi, de toute façon, peu
importe pour qui. Moi, si j'étais victime,
j'aurais peur d'y aller. Pourtant, je connais le système. Mais je pense que le
fait d'être accompagné par des gens, des professionnels qui savent ce
qu'ils ont à faire, ça aiderait beaucoup... Tu sais, comme, on ne va pas leur
dire de dénoncer nécessairement, mais, si on voulait que ce soit le cas, bien,
oui, ce serait très aidant de le faire.
Mme Tessier
(Jacinthe) : Je peux ajouter aussi que, dans les CAVAC, on informe. Tu
sais, les victimes...
Le Président (M.
Picard) : ...
Mme Tessier (Jacinthe) : Hein?
Le
Président (M. Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme
Tessier (Jacinthe) : Oui. Les victimes ne sont pas obligées d'être là
à toutes les étapes, mais, le CAVAC, l'intervenante
dans le dossier, elle, elle peut être là puis informer la victime que ça s'est
passé comme ça, puis c'est l'autre date,
puis que tu n'es pas obligée d'être là, puis tout ça, puis de la supporter,
puis de... Mais c'est sûr que, quand c'est à l'étape de l'enquête préliminaire ou du procès puis que c'est reporté...
Comme vous dites, la personne s'est préparée, elle est sur le stress, puis là c'est reporté, puis c'est
dans deux mois, puis, dans deux mois, elle va être encore sur le même stress,
puis c'est...
Le
Président (M. Picard) : Je cède maintenant la parole à Mme la
députée de Montarville pour une période de 6 min 30 s.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président.
Mesdames, merci. Merci pour votre mémoire. Merci d'être là. Et je découvre des choses particulièrement intéressantes au
niveau des chiffres que vous nous donnez. Hier, entre autres, nous avions, d'entrée de jeu, la
Fédération des femmes du Québec qui disait que les agressions sexuelles,
c'était dans la très grande majorité
des femmes qui étaient victimes et dans la très grande majorité des hommes qui
étaient les agresseurs. La fédération
nous disait qu'il faudrait genrer ce crime, que c'était un crime commis par des
hommes contre des femmes.
Alors,
je vous amène à la page 4 de votre document. Ce que je trouve extrêmement
intéressant... Vous, au CAVAC, vous
travaillez directement avec les victimes d'agression sexuelle, naturellement
celles qui ont décidé... ceux et celles qui ont décidé de porter plainte. On a judiciarisé l'acte, ici, le
crime. Et vous nous arrivez avec des chiffres vraiment qui vont plus
loin que ce que la fédération nous disait, et qui sont très intéressants, puis
je pense qu'il faut les partager. Vous nous
dites qu'il y a eu, au cours d'une année, entre le 1er avril 2013 et
le 31 mars 2014, donc c'est tout récent, des chiffres très, très récents,
7 733 femmes victimes d'agression sexuelle qui ont demandé votre
aide, mais là-dessus il y a eu 1 719 hommes
victimes d'agression sexuelle qui ont demandé votre aide. Moi, je trouve que
c'est un chiffre qui est très gros,
qui est important, compte tenu des représentations qu'on nous a faites depuis
hier. Je trouve ça important de le dire parce que... Si je reprends un des arguments de la Fédération des
femmes, qui voulait genrer le crime, dire que c'est un crime contre les femmes commis par des hommes,
qu'est-ce que vous pensez de cette prémisse-là à la lumière de ce que
vous vivez, puisque, les victimes, vous les avez dans vos bureaux?
Mme
Tessier (Jacinthe) : Bien, je suis d'accord que les crimes sont pas
mal majoritairement commis par des hommes.
Quand on parle d'hommes puis de femmes, on parle d'enfants aussi à l'intérieur
de ça. Donc, sur les 1 719 victimes, il est possible qu'il y ait plusieurs enfants qui
sont de sexe masculin. On sait que les enfants sont beaucoup plus à risque
d'être abusés sexuellement. Il y a beaucoup de victimes là-dedans... Parce
qu'il n'y en a pas autant qui ont dénoncé à la
police, là, cette année-là, mais on a beaucoup de victimes du passé, on n'a pas
tous les enfants. On travaille avec la DPJ pour qu'ils nous soient référés plus rapidement, les enfants, quand ils
se désistent du dossier, quand c'est
des cas tiers. C'est effectivement des crimes commis souvent par... majoritairement par des hommes, mais il y a beaucoup de victimes hommes à l'intérieur de ça, qui ont besoin d'aide,
qui sont en détresse. Si on parle des communautés autochtones, il y a beaucoup d'hommes qui ont été victimes. Il y en a,
parmi ces hommes-là, qui sont devenus abuseurs, mais ils ne sont pas
tous devenus abuseurs. Ils continuent... Il y a beaucoup de souffrance de ce
côté-là.
Et
on recommandait aussi un peu plus de formation, un peu plus de recherche par
rapport à la victimisation des hommes en agression sexuelle. C'est
encore très caché. On avoue peu tout l'abus qui a été fait... qui ont été faits
aux hommes dans différents contextes, le
sport, les pensionnats, qu'ils soient autochtones ou non autochtones. C'est
quelque chose qu'on connaît peu,
cette problématique. Et on aimerait en connaître un peu plus. Naturellement, je
veux dire, il faut se concentrer
aussi sur l'intervention auprès des femmes. Ce n'est pas de développer un au
détriment de l'autre, là, ça ne se met pas en opposition.
Mme Roy
(Montarville) :
Alors, si je...
Mme Cartier
(Catherine) : Je m'excuse...
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, oui.
Mme
Cartier (Catherine) : Dans le fond, je me demande en quoi ça servirait
de genrer. Je ne suis pas convaincue que ça aurait... Je n'ai pas
entendu ce que la dame disait, là, je n'étais pas là, mais je ne vois pas
l'intérêt de...
Mme
Roy
(Montarville) : À la lumière de ce vous me dites, ce
qui est particulièrement intéressant, c'est que... dans, justement, ces hommes victimes d'agression,
beaucoup d'enfants. Cependant, vous nous dites aussi que... Et je reviens
aux hommes, mais, n'ayez crainte, ce n'est
pas au détriment des femmes victimes, et on s'entend là-dessus, et
effectivement ce sont majoritairement
des hommes qui sont agresseurs, là, j'en conviens, cependant c'est ce phénomène
aussi, que je ne crois pas qu'il
faille dire que très peu d'hommes sont agressés, mais, au contraire, je pense
qu'il y a quelque chose de latent qui
se passe, et vous en avez donné des bribes d'explication, la raison pour
laquelle ce n'est pas dit, ça ne sort pas, ce n'est pas avoué, ça fait
rarement les manchettes également.
Je vais
rester sur la page 11, parce que vous parliez des recommandations, entre
autres pour les hommes, pour qu'il y
ait davantage d'interventions qui soient faites pour qu'ils soient moins
nombreux à hésiter à demander de l'aide. À la page 11 toujours, et vous parliez des
enfants, et là il y a quelque chose qui m'interpelle, parce que ces hommes
étaient des enfants au moment des agressions, c'est ce que je comprends...
Mme Tessier (Jacinthe) : Non. Pas
tous.
Mme Roy
(Montarville) :
Pas tous, mais plusieurs.
Mme
Tessier (Jacinthe) : Plusieurs, oui. Parce que c'est... La plupart,
c'est des agressions qu'ils ont vécues dans l'enfance.
Mme Roy
(Montarville) : C'est ça. Et ça prend certaines années, même
ça prend plusieurs années avant qu'une victime décide de porter plainte,
là.
Mme Tessier (Jacinthe) : Enfant ou
adolescent, là, il y en a beaucoup qui ont été victimes à l'adolescence.
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste une minute, Mme la députée.
Mme Roy
(Montarville) : O.K. Merci, M. le Président. Donc, je vais
aller rapidement. Quand vous nous parlez des jeunes, que vous dites : «Les CAVAC recommandent le
développement de mécanismes de référence systématiques [...] uniformisés dans tout le Québec lorsque la
DPJ — la
Direction de la protection de la jeunesse — se désiste d'un dossier concerné par l'entente multisectorielle»,
qu'est-ce que vous recommandez? Et qu'est-ce qu'on fait avec les enfants à
partir du moment où la DPJ se désiste d'un dossier?
Mme
Tessier (Jacinthe) : Lorsque la DPJ se désiste d'un dossier, ils
peuvent le référer dans les centres de santé, des services sociaux, mais souvent ils sont sur des
listes d'attente très longues. Les CAVAC ont développé... Surtout avec les références policières, on a les coordonnées
des victimes puis des parents. Mais on ne fait pas le contact tant que
l'entente multi est en cours, parce
qu'on ne veut pas... Il y a déjà des intervenants de la DPJ qui sont dans le
dossier. On ne veut pas rajouter un
intervenant. Puis ils sont encadrés par la DPJ. Mais, lorsqu'ils se désistent
du dossier parce que c'est un tiers,
on veut que systématiquement ils disent : Bon, bien, O.K., vous pouvez
faire votre contact pour offrir le service aux parents puis aux enfants. On
développe de plus en plus notre intervention auprès des jeunes enfants. Et
c'est nous qui les accompagnons aussi lorsque les dossiers de retrouvent
à la cour puis que ce n'est pas intrafamilial.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour une période de
2 min 30 s.
• (17 heures) •
Mme
Massé : Wow! Ça fond comme neige au soleil. Bonjour. Merci de votre
contribution à la réflexion. Je vais aller
direct au but. Vous avez, lorsque la ministre vous a demandé quels étaient les
trois incontournables... question un peu
surprise, faites-vous en pas, il n'y a pas de bonne réponse, l'idée étant de
nourrir nos réflexions, mais d'un coup de coeur vous avez dit : Prévention. Et je peux comprendre, parce que,
dans les faits, quand on travaille — j'ai travaillé en violence
conjugale — au
jour le jour avec les victimes, à un moment donné, on se dit : Ce n'est
pas là qu'on veut les pogner, c'est avant,
que ça arrête, cette affaire-là. Alors, j'entends très bien. Et c'est tout en
votre honneur, parce que vous dites,
dans le fait, de la prévention, vous n'en faites pas beaucoup, ce n'est pas
votre mandat, ce n'est pas ça, et, dans ce sens-là, on sent l'importance
que vous y attribuez, de faire en sorte que ça arrête.
Je me
permettrais aussi de revenir sur la question du genré. Je pense qu'hier le
Conseil québécois LGBT est venu nous
rappeler, appuyé sur des études, comment, dans les faits... ce n'était pas la
question du genre en soit, mais plus qu'une façon qu'eux autres nomment comme était la masculinité hégémonique — vous pourrez lire leur mémoire,
excellent — qui
vient, dans le fond, nous rappeler qu'il y a
un rapport de pouvoir qui s'exerce. Et ça, je voulais vous demander :
Est-ce que vous êtes à même de
constater que, peu importe le genre de l'agresseur ou de l'agressé, c'est que,
dans le fond, on parle là d'un rapport de pouvoir, il y a quelqu'un qui
veut prendre du pouvoir sur la vie de quelqu'un d'autre?
Mme
Tessier (Jacinthe) : Oui, absolument. Je veux dire, on a le préjugé de
se dire que c'est un instinct sexuel, alors
que c'est une relation de pouvoir, autant... Quand on parle des hommes, on
disait que c'étaient des hommes qui ont été agressés souvent dans l'enfance ou à l'adolescence. Ils ont été
agressés dans... Et c'est des relations de pouvoir, ce n'est pas des gens qui sont... Les messieurs qui
abusent autant leurs jeunes enfants, garçons ou filles, ont des relations
sexuelles normales avec leurs épouses ou avec... Ce n'est pas des gens... ce
n'est pas des fous, ce n'est pas des gens différents
de qu'est-ce qu'on connaît, c'est peut-être notre mononcle, notre grand-père
ou... C'est des gens ordinaires qui ont une relation de pouvoir, et ça se fait
au niveau de l'agression sexuelle ou à d'autres niveaux de violence qui...
Donc, je suis d'accord avec vous.
Et c'est certain qu'on... Quand on parle... Il y
a une intervention qui est spécifique aussi avec les femmes. Souvent, les
agressions sexuelles sont faites dans... Oui, c'est fini?
Le Président (M. Picard) : Eh
oui!
Mme Tessier (Jacinthe) : Oh! dommage.
Le Président (M. Picard) :
Je vous remercie, Mme Messier et Mme Cartier, pour votre apport aux travaux de
la commission.
Je suspends quelques
instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à
17 h 2)
(Reprise à 17 h 5)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux avec l'Intersyndicale des femmes. Pour les fins d'enregistrement, je vous invite à vous présenter, ainsi que les personnes qui vous
accompagnent. Vous disposez d'une période de 10 minutes. Va
s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. Allez-y.
Intersyndicale des femmes
Mme Boileau (Denise) : Merci beaucoup. Moi, je suis Denise Boileau, du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec. Je
suis accompagnée de Mme Johanne
Jutras, chercheuse, et de Mme Diane Courchesne, de la Centrale des
syndicats du Québec.
Le Président (M.
Picard) : O.K., allez-y.
Mme Boileau
(Denise) : C'est beau?
Le Président (M.
Picard) : Merci.
Mme Boileau
(Denise) : Donc, merci beaucoup de nous accueillir à votre commission. Nous
allons entrer directement dans le vif du sujet. Vous avez reçu notre
mémoire, donc je vais vous présenter les principaux éléments sur lesquels
on veut mettre un accent.
Donc,
notre position sur la problématique des agressions sexuelles. Nous souscrivons à la
définition du concept d'agression sexuelle présentée dans le rapport sur
la mise en oeuvre du plan d'action gouvernemental 2008-2014 en matière d'agression sexuelle. Toutefois, nous
ajoutons à la définition gouvernementale les autres formes d'agression à
caractère sexuel énumérées par le
Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les
agressions à caractère sexuel, le groupe qui nous a précédés, notamment
le viol collectif, les attouchements sexuels, harcèlement sexuel, exhibitionnisme, voyeurisme, appels obscènes,
cyberprédation, cyberintimidation et exploitation sexuelle à des fins de
pornographie, de prostitution et de trafic sexuel.
Notre
critique du rapport sur la mise en oeuvre. Nous avons lu avec intérêt le
rapport sur la mise en oeuvre du plan
d'action gouvernemental en matière d'agression sexuelle. Nous remercions le
Secrétariat à la condition féminine et
le ministère de la Justice pour la production de cet imposant document.
Ainsi nous avons appris que six mesures n'ont pas été réalisées et que deux mesures ont été abandonnées. Donc, nous
trouvons déplorable... compte tenu que ces mesures-là étaient liées particulièrement
à la prévention.
La
nature du document. Quoique le rapport fasse état de l'ensemble des
réalisations issues des mesures du plan d'action gouvernemental, nous sommes restés sur notre faim. Nous aurions
apprécié prendre connaissance des résultats et non seulement des biens
et services produits par les mesures mises en oeuvre.
Les
ressources consacrées selon les axes. À la lecture du rapport, nous avons mis
en lien les ressources financières consacrées
selon les cinq axes d'intervention. Il en résulte que la réalisation des
106 mesures a nécessité près de 150 millions de dollars.
Les
non-dits du rapport de mise en oeuvre. Les groupes syndicaux ont constaté que
le rapport mentionne que le taux
d'agressions sexuelles des femmes et des enfants, 97 %, demeure inchangé depuis 10 ans. Il
demeure silencieux quant à l'évolution
annuelle des statistiques sur les infractions au cours de la période 2008 à
2014. Pourtant, le ministère de la Sécurité
publique publiait des données en 2012 : «Malgré la baisse de la majorité
des indices liés aux infractions sexuelles au Québec depuis 10 ans, l'année 2012 a connu une hausse de
6 % du taux d'infractions par 100 000 habitants, qui passe
de 61,8 % à 65 %. [...]Ainsi, les
victimes sont majoritairement mineures et de sexe féminin, alors que les
auteurs présumés sont surtout des hommes âgés de [...] 18 ans [et
plus].»
Les
groupes syndicaux estiment que les lois et les systèmes de justice pénale
servent non seulement à prévenir l'incidence
des agressions sexuelles, mais également à faciliter le rétablissement des
victimes, tout en assurant l'accès à la justice. Le rapport ne fait pas mention des changements survenus à
compter de 2008, notamment l'âge du consentement légal, qui est passé de 14 à 16 ans, et, en 2010, de l'introduction
du trafic des enfants dans le Code criminel canadien, et, en 2012,
l'introduction de deux nouvelles infractions au Code criminel canadien, soit le
fait de rendre accessible à un enfant du
matériel sexuellement explicite et le fait de prendre entente ou arrangement
par un moyen de télécommunications dans le but de perpétrer une
infraction d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant.
Par
ailleurs, si la définition d'agression sexuelle utilisée par le gouvernement
inclut la prostitution et la pornographie juvénile, nous comprenons mal
l'absence de mesures à l'égard de ces deux types d'infraction dans le plan
d'action gouvernemental.
À
la suite de l'analyse du rapport sur la mise en oeuvre, nous proposons des
recommandations pour la poursuite d'interventions gouvernementales
efficaces en matière d'agression sexuelle au Québec.
• (17 h 10) •
Un troisième
plan d'action gouvernemental. Depuis l'adoption d'orientations gouvernementales
en matière d'agression sexuelle en
2001, deux plans d'action gouvernementaux ont été réalisés au cours des
14 dernières années. Cependant, l'ampleur
du phénomène des agressions sexuelles semble croître, tant au Québec que dans
le reste du monde. On n'a qu'à penser
aux milliers de femmes ayant participé à une campagne sur Twitter et Facebook
créée à la suite de l'affaire Ghomeshi, sur AgressionNonDénoncée. Et,
encore dernièrement, qu'on pense aux jeunes filles, les skieuses
professionnelles, qui viennent tout juste de dénoncer des agressions après
20 ans.
De plus, nous
partageons les récents constats et l'orientation politique d'ONU Femmes à l'égard
de la violence faite aux femmes. ONU
Femmes propose de contribuer à
l'accroissement des investissements en
matière de prévention, le moyen le plus rentable à long terme de mettre
fin à la violence.
Face au
contexte social actuel, nous partageons le point de vue de la sexologue
Jocelyne Robert, émis en avril 2013, qui affirme que nous vivons dans une culture du viol et de la violence
sexuelle. Et elle reprend plusieurs constats pour en faire la
démonstration, que je vous invite à lire à la page 12 de notre mémoire.
Nous recommandons que le gouvernement du Québec
élabore son troisième plan d'action en matière d'agression sexuelle en
tenant compte du contexte social actuel.
Nous estimons
que les axes d'intervention du troisième plan d'action gouvernemental doivent être cohérents avec la
politique gouvernementale pour l'égalité entre les hommes et les femmes
ainsi qu'avec les plans d'action
gouvernementaux en matière de
violence conjugale et en matière d'exploitation sexuelle, que, pour ce dernier,
nous attendons les résultats de la consultation qui s'est faite en début
de 2014.
Recommandation. Nous recommandons que le
gouvernement du Québec priorise deux axes d'intervention, soit la prévention, notamment contre la
cyberpornographie, et l'intervention auprès des victimes et des agresseurs,
dans son prochain plan d'action en matière sexuelle.
En matière de
prévention, nous considérons que l'éducation sexuelle doit prendre une place
plus importante dans les programmes
scolaires et dans les cliniques jeunesse. Un seul cours d'éducation sexuelle
n'est pas suffisant dans le cursus scolaire.
Nous
recommandons l'élaboration du programme d'éducation sexuelle aux enseignements
primaire et secondaire valorisant des relations sexuelles égalitaires.
Par ailleurs,
bien que l'agression sexuelle demeure encore un tabou pour une bonne partie de
la population, elle est de plus en plus banalisée dans les réseaux
sociaux, la publicité, les jeux, les vidéos, les chansons. Il est donc
essentiel d'informer et de sensibiliser toute la population.
Nous recommandons davantage de campagnes
d'information nationale et locale pour combattre les tabous, sensibiliser et responsabiliser la population afin
de lutter contre les agressions sexuelles, un peu à la même image que les
campagnes qui ont été menées contre la violence faite aux femmes.
En ce qui
concerne l'accueil des victimes dans les différents milieux, seuls une minorité
de professionnels en soins et d'autres
intervenants sont formés pour accueillir les victimes, qui souvent ne parlent
pas de leur agression. Ainsi, le peu de connaissance de l'existence du protocole, de la trousse, de l'accueil
psychologique et de référence aux ressources externes rendent encore
plus difficile le dépistage des victimes par le personnel professionnel. Lors
de l'accueil clinique, les professionnels en
soins devraient recevoir une formation particulière pour détecter les personnes
agressées et leur fournir un accompagnement individualisé.
De plus, dans
les milieux de travail, les documents d'information, les outils et les
processus de réparation pour les
personnes victimes d'agression sexuelle sont peu ou pas disponibles. Nous
faisons face aussi à des tabous et à une faible écoute de la part des employeurs. Ainsi, il est plus difficile pour
les victimes de trouver des ressources et de pouvoir s'en sortir tout en
côtoyant leur agresseur.
Nous recommandons que le gouvernement du Québec
accentue les formations professionnelles auprès des personnes qui accueillent en première ligne les victimes réelles et
potentielles d'agression sexuelle dans tous les milieux de travail.
En matière
d'intervention judiciaire, les groupes syndicaux estiment que l'intervention
doit être améliorée pour les victimes
d'agression sexuelle qui portent plainte. Un support accru aux victimes, une
réduction des délais de procédures légales et une augmentation de la
durée des sentences en matière d'agression sexuelle sont essentiels pour
assurer la crédibilité du système judiciaire
québécois. Les agresseurs sexuels doivent être arrêtés et réhabilités afin
d'éviter qu'ils ne fassent d'autres
victimes. Une recension des bonnes pratiques développées dans les pays
occidentaux à l'égard des agresseurs
sexuels devrait permettre de déterminer des mesures innovantes. Et je donne en
exemple la campagne qui a été mise en
place en Ontario, où déjà deux pays comme la Turquie et le Portugal
l'utilisent. C'est une campagne très claire, Ce n'est jamais
acceptable, c'est le titre de la campagne.
Le Président (M. Picard) : En
conclusion, Mme Boileau.
Mme
Boileau (Denise) : Oui. Nous
recommandons que le gouvernement réalise des interventions percutantes à
l'intention des agresseurs sexuels dans son nouveau plan d'action.
Et, pour terminer, nous considérons que le gouvernement,
malgré un contexte d'austérité, doit démontrer une réelle volonté politique de prioriser le combat contre toutes les formes
d'agression à caractère sexuel et doit se donner les moyens d'augmenter l'efficacité de ses interventions en lien avec le
mouvement des femmes et la société civile. Et nous souhaitons que le Secrétariat à la condition
féminine soit l'interlocuteur privilégié pour la coordination du troisième
programme d'action gouvernementale et que, d'ailleurs, le secrétariat dispose des ressources matérielles et financières pour réaliser
ce plan.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je vous remercie pour votre
exposé. Nous allons débuter la période d'échange. Mme la ministre, vous
disposez de 15 minutes.
Mme
Vallée : Merci beaucoup. Alors, merci, mesdames, de votre
présence et de votre participation à nos travaux. Dans un premier temps, j'aimerais... Bon. Vous
avez fait état des critiques sur le bilan, des critiques sur le plan d'action.
Pour un prochain plan d'action, est-ce que
vous croyez qu'il serait plus opportun de réduire, c'est-à-dire d'avoir un
moins grand nombre de mesures, ciblant des incontournables bien précis
ou si nous devons continuer avec l'approche qui avait été prise, c'est-à-dire de prendre une très grande quantité de mesures dans différents champs d'action?
Qu'est-ce qui, à votre avis, serait à privilégier? Parce
qu'on nous a dit hier, par exemple, en citant le plan d'action qui a été déposé
la semaine dernière par ma collègue
de l'Ontario, qu'il était peut-être... c'était peut-être intéressant d'adopter
une approche qui était moins
éparpillée, mais de cibler et de se concentrer sur des actions très précises ou
des cibles à atteindre qui seraient un petit peu plus précises.
Mme Boileau
(Denise) : Je vais débuter et je vais demander à mes collègues de me
compléter. Nous, il y a deux priorités qu'on
mentionne, la question de la prévention... On dit que, oui, il faut continuer à
soutenir au niveau de l'intervention,
mais la prévention, c'est vraiment au coeur des actions à poser au niveau
gouvernemental. Et on est aussi d'accord de dire : En avoir
peut-être un peu moins mais vraiment de bien focusser sur la prévention,
l'intervention.
Et,
dans la prévention, bien, je pense qu'il y a différentes mesures. On propose,
nous, des campagnes. On propose un
programme d'éducation scolaire, qui est différent des cours, un cours de trois
heures. Un programme, c'est quelque chose qui est très structuré et que
les gens sont formés pour être capables de donner cette formation-là, qu'il y a
un accompagnement, qu'il y a un bilan, et donc c'est des personnes qui sont
réservées à ce rôle-là. Tandis que, quand, à l'intérieur des écoles, on a des
cours de trois heures, bien, c'est souvent un professeur qui va être demandé d'agir
en complément d'une autre charge de cours,
et on pense que ça prend des gens qui sont formés pour être capables de bien
faire le travail. Donc, un programme structurant pour être capable d'aller de
l'avant.
Mme
Vallée : Ce que je comprends de votre intervention, c'est que
la question de l'éducation doit faire l'objet d'un suivi tout au long du cursus scolaire, un petit peu... Ça reprend
un petit peu la suggestion qui nous a été faite hier par la Fédération des femmes, c'est-à-dire...
Elles parlaient de la petite enfance jusqu'au réseau universitaire. Vous, vous
nous avez parlé du primaire et du
secondaire. Mais j'entends très bien que vous dites : On doit porter une
attention très particulière à l'éducation portant sur les rapports
égalitaires.
Je vous entends aussi lorsque vous me dites :
Il y a, dans la société, des enjeux qui sont troublants, lorsqu'on parle
de l'accès à la pornographie qui, via les
réseaux sociaux, via Internet, est de plus en plus facile pour les jeunes, qui
va également mettre en valeur des comportements qui n'auraient pas été
imaginés ou imaginables il y a de ça quelques années. On valorise beaucoup une
sexualité qui s'exprime d'une façon troublante, qui est empreinte de violence
et de rapports inégalitaires, de rapports de
force. Donc, pour vous, ces éléments-là font partie nécessairement de ce que
vous appelez votre programme de formation.
Mme Boileau (Denise) : Un programme et accompagné de campagnes
nationales, soit locales ou nationales, pour faire de l'éducation, de la sensibilisation dans la population, parce
que... compte tenu que, ce qu'on fait comme constat, c'est banalisé, ces
comportements-là. C'est que maintenant on est comme habitués à voir des
comportements, des rapports de pouvoir.
Donc, si on revient à la charge pour être capables de démontrer par des
campagnes de sensibilisation à toute
la population... bien, ça avoir un effet large sur l'ensemble des gens. Je ne
sais pas si vous vouliez compléter sur les mesures.
Mme Jutras(Johanne)
:
Mais il y a...
Le Président (M.
Picard) : Allez-y.
• (17 h 20) •
Mme
Jutras (Johanne)
: Oui, par rapport à... Je dirais que la
question d'un plan d'action, c'est intéressant par rapport au nombre de mesures. C'est sûr que nous,
on privilégie une réduction du nombre de mesures, peut-être avec une
impulsion de ressources financières puis de ressources humaines pour faire en
sorte que... L'un des reproches qu'on faisait
au rapport, finalement, c'est qu'on avait beaucoup un listing de biens et de services qui était mis
dans le rapport, ce qui était très
bien, mais, qu'est-ce que les différentes mesures avaient amené comme effet,
comme impact, on n'avait pas nécessairement de réponse. Donc, c'est pour
ça qu'on est restés un peu sur notre appétit.
Mais
on a constaté que le gouvernement avait fait beaucoup de choses, les différents ministères avaient beaucoup participé. Mais en même temps est-ce que ça ne
vient pas comme diluer, compte tenu que le plan a été réalisé sur six ans?
Donc, si on prend l'exemple de l'Ontario
présentement, qui a ciblé trois ans, 41 millions avec 16 mesures,
bien, on sait vraiment à quoi on va s'attaquer. C'est comme si,
finalement, les priorités avaient été établies.
Mme Vallée :
J'aimerais vous entendre, parce que vous avez abordé aussi la question de
l'agression sexuelle en milieu de
travail, quelles seraient... et vous avez mentionné l'existence de tabous en
milieu de travail, l'existence d'une certaine fermeture, de la part de certains employeurs, à
aborder la question des agressions sexuelles en milieu de travail. Quelles seraient vos recommandations pour venir,
d'une part, briser les tabous, donc permettre une véritable discussion sur la question, et également sensibiliser
davantage les employeurs à l'existence et à ce que peut être aussi une
agression sexuelle en milieu de
travail? Donc, une agression sexuelle n'est pas nécessairement une relation
sexuelle. Il y a beaucoup d'autres
gestes, beaucoup d'autres commentaires qui peuvent constituer des agressions
sexuelles en milieu de travail. Alors, quelles seraient vos
recommandations, vos suggestions?
Mme
Boileau (Denise) : Bien, moi, je
pense que la notion de prévention, de sensibilisation, elle demeure majeure
à l'intérieur des milieux de travail, comme
au niveau de la population. Beaucoup d'employeurs ont des politiques contre
le harcèlement psychologique, et on sait que
les agressions à caractère sexuel font aussi partie de cet ensemble, mais, pour
y mettre un accent particulier, moi, je
pense que c'est par la sensibilisation, par des politiques et aussi créer un
climat.
Parce que,
quand on fait la sensibilisation, on fait aussi appel aux gens pour leur dire
qu'on a des mesures pour les
protéger. Tout à l'heure, j'entendais les gens dire : Qu'est-ce qui fait
que les gens ne vont pas dénoncer? Bien, la honte, la peur de ne pas être cru. Tu sais, les jeunes
filles qui n'ont pas dénoncé, ça a pris 20 ans, ça veut donc dire qu'il y
a une force au niveau même de la
population. On a d'autres exemples encore aujourd'hui. En 2014, des jeunes filles,
dans un cégep, qui dénonçaient et,
quand elles sont arrivées aux policiers, se font dire : Il faut que ça
soit bien sûr, là, parce que tu peux
détruire la carrière de monsieur X, là. Ça fait que, tu sais, on met en
doute, ça fait qu'il faut que, dès le départ, on ait une ouverture
d'écouter les victimes, et ensuite on passe aux autres étapes.
Ça fait que je pense qu'il y a toute une mise en
place avec la prévention, qu'on doit faire, comment accueillir ces personnes-là quand ils viennent dénoncer, ne pas
les faire sentir coupables en partant, parce que, déjà, ils ont dû faire
un cheminement pour accepter. Et, dans les
milieux de travail, c'est souvent des gens que tu côtoies à chaque jour, hein?
Ça fait que, si, une fois que tu demandes qu'on interpelle et qu'on corrige la
situation, il n'y a pas d'écoute, bien, la personne,
elle va se sentir encore plus isolée. Ça fait qu'il faut que l'employeur agisse
rapidement quand il y a des situations comme
ça, pour ne pas laisser les choses se détériorer plus ou qu'il y ait des camps,
des fois, qui peuvent se faire à l'intérieur des milieux, ça fait qu'il faut agir. Puis augmenter la prévention,
parce que plus on en parle, plus on rend conscients des gens qui ont des
comportements qui sont inacceptables.
Mme Vallée :
Est-ce qu'au sein de l'Intersyndicale vous avez été sensibilisés à des
problématiques particulières, bien précises, qu'on n'a peut-être pas
répertoriées ou qui n'ont peut-être pas été abordées en milieu de travail?
Mme Boileau (Denise) : Bien, écoutez,
nous, on en a eu, des cas de comportement d'agression qui ont été dénoncés, qui ont été traités. Je laisserais aussi
la parole aux autres, mais... Et moi, je pense que, quand on diminue le travail
de prévention, de sensibilisation, bien, après
un certain temps, ça se recrée, ces comportements-là de relations de pouvoir
où est-ce que les gens vont se retrouver
dans des situations d'agression soit verbale ou physique. Je ne sais pas si,
Danielle...
Mme
Courchesne(Diane) : En
fait, les milieux de travail ont presque tous des outils de prévention, des
outils d'intervention aussi puis des
outils de... — comment
qu'on dit ça, quand on revient dans notre milieu de travail? — de réinsertion à notre milieu de
travail après une agression. Puis des liens avec l'agresseur, comment... bon.
Le problème, je pense, aussi, c'est qu'il n'est
pas diffusé. Bon, il faut le rappeler que ça existe ces choses-là, qu'il y a un soutien qui est possible, qu'on y a
déjà réfléchi dans l'organisation ou le milieu de travail, peu importe le
milieu de travail. Et ça, ce n'est
pas toujours fait. Et il y a bien des personnes qui ne connaissent pas ces
outils-là. Et même, des fois, le
premier intervenant que va recevoir la personne agressée ne connaît pas ces
mesures-là et ne sait pas trop comment référer
la personne. Et ça, ça ne devrait pas être. Donc, il faudrait le rappeler plus
souvent, il faudrait que l'employeur fasse
vraiment... la mette à la disposition de tous ses employés, cette politique-là
ou... La première chose, je pense que ça devrait faire partie du kit de
l'employé quand il arrive au travail. Je pense que ça devrait être là tout le
temps.
Mme Vallée :
Là-dessus, si je vous comprends bien, bien rassurer les employés quant à
l'existence d'un après, c'est-à-dire
que c'est important de porter plainte, c'est important de dénoncer, et après il
y aura un soutien, il y aura un accompagnement
en milieu de travail. Au-delà de l'accompagnement que vous pourrez avoir via le
CALACS, le CAVAC, il y aura aussi à l'interne un accompagnement pour
vous permettre de continuer, puisque vous n'êtes pas la source d'un problème.
Parce que j'imagine que ça peut stopper... ça doit contribuer à empêcher de
déclarer certains abus.
Mme Courchesne (Diane) : Bien, il y a
parfois d'autres agresseurs qui vont se présenter. La victime va devenir... Ah! bien là, c'est une victime, tu as
porté plainte pour telle chose. Bien là, l'agresseur n'est plus là, mais les
autres vont dire : Pourquoi tu l'as dénoncé, ce n'était pas si pire que
ça? Donc, elle redevient une autre victime, et ça s'ensuit. C'est un peu de
l'intimidation, finalement, c'est le même principe.
Mme Vallée :
Lorsque vous parlez des interventions percutantes, des campagnes percutantes, à
quoi faites-vous référence? Qu'est-ce que vous avez en tête lorsque vous
pensez à des campagnes percutantes?
Mme
Boileau (Denise) : Bien, on dit
que ça serait peut-être intéressant de recenser qu'est-ce qui se passe dans
d'autres pays, que ça pourrait être un
chantier de travail intéressant, et puis je pense que l'exemple de l'Ontario,
avec leur campagne... je pense que
c'est assez... ça bouscule, tu sais, quand tu regardes ça, là. Ça fait que
c'est vraiment de poser des gestes, des thèmes de campagne que c'est un
incontournable. C'est inacceptable, tolérance zéro.
Moi, je pense qu'il y a eu des
campagnes sur la violence faite aux femmes qui ont porté fruit, qui ont été
répétées. Aujourd'hui, on peut dire
que les femmes vont dénoncer plus rapidement qu'avant. Et c'est dans le même sens
qu'on doit revenir à charge. Parce qu'il y en a déjà eu, des campagnes sur la
question des agressions, mais je pense qu'avec tous les nouveaux réseaux sociaux qui se sont développés la
banalisation dans les chansons, dans les films, partout... C'est qu'on dirait qu'on a comme baissé les bras un peu, et il
faut comme reprendre et... de remettre, comme on dit, les pendules à l'heure, que des relations non désirées, bien,
c'est des agressions, tu sais, que ce n'est pas... Puis on entend, là, tout ce
qu'on peut dire : Une femme qui dit
non, tu sais... C'était comme ça dans les années 70. Bien, aujourd'hui, c'est
des choses qu'on entend encore
dire : Une femme qui dit non, ce n'est pas non, elle veut dire oui. On
ridiculise un peu les refus. Ça fait que je pense qu'il faut remettre
ça, comme on dit, sur la planche à dessin et aller de l'avant pour oser
affirmer...
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme Boileau. Là, j'ai Mme
Courchesne, mais j'ai M. le député de D'Arcy-McGee, puis il reste
1 min 20 s. Ça fait qu'on...
M.
Birnbaum : Mmes Boileau, Courchesne et Jutras, vous parlez, à juste
titre évidemment, de la prévention et là vous parlez d'un phénomène bien connu et très inquiétant, c'est-à-dire
la cyberpornographie, cyberintimidation, même cyberprédation, un phénomène qui dépasse notre juridiction ici, au
Québec, mais dont on a quelques leviers, j'imagine. Sur le plan concret,
quand on parle de cette grosse problématique, est-ce que vous avez des pistes à
nous proposer?
Mme Boileau
(Denise) : Moi, je n'ai pas un exemple concret, mais je pense que, même si
c'est de juridiction fédérale... Je pense
qu'entre les gouvernements il faut que les gens se parlent. Et ce n'est pas un
phénomène qui est propre... On a vu
ce qui s'est passé à la Chambre des communes. Je pense que c'est partout qu'on
doit être préoccupés et de faire en
sorte, d'abord, qu'on développe des moyens pour toute la question de
l'utilisation des réseaux Internet et qu'on soit plus vigilants pour
faire en sorte...
Le Président (M.
Picard) : En conclusion, s'il vous plaît.
•
(17 h 30) •
Mme Boileau (Denise) : Ça fait que c'est sûr que moi, je pense que c'est
des phénomènes nouveaux, donc on
doit être créatifs pour développer aussi des
idées nouvelles, puis de se concerter avec les différents gouvernements, et même faire pression sur le gouvernement fédéral pour qu'il
y ait des changements qui se mettent en place.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme Boileau. Je cède
maintenant la parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve
pour une période de neuf minutes.
Mme
Poirier : Merci beaucoup. Bonjour, mesdames. Puisque vous êtes... Vous représentez des travailleuses
et des travailleurs qui interviennent auprès, entre autres, des personnes
handicapées, des personnes en situation de handicap. Hier, la Fédération des femmes avait avec elle une femme handicapée qui
a dénoncé le fait qu'il pouvait y arriver que les intervenants étaient
les agresseurs. Et je vois que, dans votre mémoire, vous souhaitez que l'on
puisse avoir des interventions percutantes à
l'intention des agresseurs. Donc, je vous remets ça dans votre propre contexte à l'intérieur de vos propres membres : Qu'est-ce
qu'on fait avec les agresseurs en situation
de travail? Parce qu'on est souvent en... la victime en situation
de travail, mais moi, je vous parle de l'agresseur en situation de travail.
Mme Boileau (Denise) : Écoutez, ce n'est pas parce que c'est un membre
d'une organisation qu'on va plus tolérer les agressions. Je pense qu'il faut qu'il y ait des... les mêmes mesures doivent se mettre en place. Quand une personne est
agressée, il doit y avoir tout le processus d'enquête, d'accompagnement de la
victime. Et, au niveau... Ça se passe sur les lieux de travail, donc il y a une responsabilité aussi, au niveau de
l'employeur, d'assurer un lieu de travail exempt de violence et d'agression. Ça fait que c'est...
N'importe quelle personne qui fait des agressions, quel que soit le milieu d'où
elle vient, on ne peut pas accepter. Ça fait
qu'il faut prendre des mesures pour que ça cesse et protéger la victime à
l'intérieur.
Mme Poirier :
Alors, vous me dites : Il faut prendre des mesures. Quelles mesures on
prend pour qu'un intervenant, par exemple,
qui a soit à donner le bain ou à habiller une femme handicapée ne fasse pas
d'attouchements ou n'abuse pas de cette personne-là? Quelles mesures
préventives il faut mettre pour s'assurer que jamais ça n'arrive? Qu'est-ce
qu'on fait?
Mme Boileau (Denise) : Bien, moi, je pense que... C'est toujours la même
chose, hein? Je pense qu'il faut rendre les gens conscients que, dans les rôles qu'on exerce, on peut avoir une
relation de pouvoir. Quand on soigne une personne malade, quand on accompagne un enfant, nous sommes
en relation de pouvoir, il faut prendre conscience de cela. Et ça, c'est par de la sensibilisation, c'est par de
l'éducation qu'on va le faire. Et, s'il arrive des malheurs, bien, il ne faut
pas accepter puis il faut prendre les
moyens. Moi, je pense qu'à partir du moment que, dans un milieu, on entend des
rumeurs il faut agir. On ne doit pas
attendre des plaintes pour agir, des rumeurs doivent nous permettre d'agir
largement dans le milieu pour que tout le monde soit sensibilisé,
jusqu'à traiter directement si le problème persiste.
Le Président (M.
Picard) : Mme Courchesne.
Mme
Courchesne (Diane) : La
prévention et l'éducation, je pense que c'est ça qui fait que les mentalités
vont changer, et c'est ça qui fait
aussi que, dans les milieux de travail, les gens prennent conscience de l'importance
de leurs responsabilités.
Chacun a sa responsabilité face à l'agression sexuelle, peu importe qui tu es,
tu as cette responsabilité-là sur tes
épaules. Si tu vois, je ne sais pas, moi, un comportement que tu trouves qu'il
est agressif, en fait, envers... on parle d'agression sexuelle, mais ça peut être toutes sortes d'agression, de
l'intimidation, etc., mais c'est la même chose, tu as une responsabilité face aux personnes que tu
côtoies dans ton milieu de travail, et avec qui tu travailles aussi. Si tu
trouves qu'il y a un comportement qui
n'est pas correct et que tu en es témoin, bien, c'est important que tu le
dises, puisque tu vas peut-être
protéger je ne sais combien de personnes. Après, cette personne-là, bien, si
elle est prise en main, elle va cheminer
aussi, puis ça va peut-être devenir une employée exemplaire après, on ne sait
pas, mais au moins elle va être suivie
puis elle va être aidée, cette personne-là. L'agresseur aussi doit être aidé
là-dedans, doit faire une démarche, doit... Bon, tu sais, mais tout ça passe par la prévention et la
responsabilisation des personnes elles-mêmes, peu importe que tu sois
jeune... Les rapports égalitaires, si tu commences tout petit, ça va devenir
pour toi une norme, ça ne sera plus...
Mme
Poirier : Excellent. Dans votre mémoire, vous reprenez les
actes d'agression que le centre de lutte contre les agressions à caractère sexuel... tels que le viol collectif,
attouchements sexuels, harcèlement
sexuel, exhibitionnisme, voyeurisme,
appels obscènes, cyberprédation, cyberintimidation et exploitation sexuelle à
des fins de pornographie, de prostitution
et de trafic sexuel. Vous nous parlez aussi de la Coalition nationale contre
les publicités sexistes, dont je suis membre, je vous le confirme.
Qu'est-ce qu'on fait avec les publicités sexistes? Parce que, là, on laisse ça
dans les mains actuellement, je dirais, de vaillantes militantes. Mais qu'est-ce
qu'on... où on peut aller plus loin? Est-ce qu'on doit légiférer? Est-ce qu'on doit... Quels
gestes de plus on doit faire? Parce
que, quand on nous parle de
pornographie et, dans le fond, de toute l'image... On a eu une charte sur la minceur, là, une charte
volontaire qui, finalement, ne donne pas grand-chose. Mais qu'est-ce qu'on fait, qu'est-ce qu'on fait
avec ça?
Le Président (M. Picard) :
Mme Courchesne.
Mme
Courchesne (Diane) : Bien, je pense,
en fait, que, si je me réfère aussi à la coalition contre les publicités
sexistes, et toutes les dénonciations qui
sont faites, et les réponses qui sont reçues suite aux dénonciations, bien il y a
un manque. C'est sûr que légiférer,
ça serait l'idéal, mettons, et surtout, peut-être, rendre déjà les
lois qui sont là uniformes comme
compréhension pour tout le monde. Parce
que, quand on dénonce, par exemple, une publicité... — si
vous voulez essayer, essayez, ça va
nous faire plaisir — quand
vous dénoncez une publicité, par
exemple, vous l'envoyez aux normes
des publicités, bon, les normes canadiennes, et vous l'envoyez, mettons, à
celui qui l'a créée, cette publicité-là, à la compagnie,
bon, bien, des fois, la compagnie comprend mieux que les normes. Parce que
les normes, effectivement, vont surtout
regarder 14 options, si vraiment tu n'utilises pas ce texte-là, bien, ça ne rentre
pas dans leurs normes, bon. Si tu n'utilises
pas les bons mots : Non, ça ne répond pas à nos normes, etc. Et ils
n'interviendront pas. C'est dommage, parce
que
je pense que... Sur 250 publicités dénoncées, je pense
qu'il y en a sept qui sont vraiment considérées. Considérée, ça ne veut pas dire qu'elle va être considérée sexiste, c'est juste
qu'elle va être considérée. Alors, je pense que légiférer, c'est sûr que ça serait l'idéal, parce
qu'évidemment, quand on encadre quelque chose... il y a des encas qui passent à
travers, mais, si la norme est plus
serrée, il y en a moins qui passent à travers les filets. Donc, c'est l'idéal.
Mais je ne sais pas si ça appartient au gouvernement québécois de faire
ça, là.
Mme
Poirier : ...on n'est pas encore un pays indépendant et on ne
peut pas gérer nos communications encore, alors on ne pourra pas gérer
cette législation-là, parce que les communications, c'est fédéral,
malheureusement.
Je nous
ramène sur la définition. Vous incluez plus large que la définition de base qui
est là, actuellement, sur les
agressions sexuelles, et vous faites mention, entre autres, qu'au niveau de
tout ce qui est la pornographie... on l'inclut dans la définition...
(Interruption)
Une voix : ...excusez-moi.
Mme Poirier : Ce fut une
entrée discrète, ne vous en faites pas.
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste une minute, Mme la députée.
Mme
Poirier : Alors, vous
nous dites... vous la mentionnez comme acte, la prostitution, mais on n'y voit
aucune action. Quelles sont, selon vous, les actions que devrait avoir
le plan versus la prostitution?
Le Président (M. Picard) :
Mme Jutras, pour 30 secondes.
Mme Jutras
(Johanne)
: Pour
30 secondes. En fait, ce qu'on veut, le plan d'action en matière d'agression sexuelle, on veut vraiment qu'il soit cohérent avec
l'ensemble des politiques du gouvernement en ce qui concerne l'ensemble de
la sexualité des femmes, qu'on parle de
violence sexuelle, qu'on parle d'exploitation sexuelle. Alors, il faut qu'il y
ait des mesures qui soient comme cohérentes, qui soient imbriquées les
unes dans les autres.
• (17 h 40) •
Le Président (M. Picard) :
Merci. Mme la députée de Montarville, pour une période de six minutes.
Mme
Roy
(Montarville) : Je vais mettre mon chronomètre.
Merci, M. le Président. Que de générosité!
Bonjour,
mesdames, merci. Merci d'être là. Vous êtes des spécialistes du milieu du
travail, vous représentez les grandes
centrales syndicales de la fonction publique et parapublique. Alors, moi aussi,
je voudrais vous ramener au milieu du
travail, un peu comme l'a fait Mme la ministre. J'aimerais vous rappeler...
vous ramener, pardon, à la page 15 de votre mémoire. Je vais vous citer — un, deux, trois, quatre — le cinquième paragraphe. Vous parlez
spécifiquement du milieu du travail,
vous nous dites : «De plus, dans les milieux de travail, les documents
d'information, les outils et les processus de réparation pour les personnes victimes d'agression sexuelle sont peu
ou pas disponibles. Nous faisons face aussi à des tabous et à une faible
écoute de la part des employeurs.»
Je
voudrais savoir : Est-ce que ça se passe chez vous également, puisque l'employeur,
chez vous, c'est le gouvernement? On
est dans un milieu syndiqué, dans un milieu informé, dans un milieu privilégié,
alors c'est quoi, le problème ou y a-t-il des problèmes particuliers
avec cet employeur qui est le gouvernement, la fonction publique et
parapublique, et les patrons qui sont là?
Mme Boileau (Denise) : Bien, écoutez, moi, je peux parler pour le Syndicat de la fonction
publique. Écoutez, il n'y a pas de
milieu parfait puis il n'y a pas de milieu non plus à l'abri de situations
d'agression, de violence. Ça fait que
je pense, moi, que tous les milieux doivent avoir de la sensibilisation, de
l'éducation et développer des outils et des moyens d'accompagner les personnes. Je vous l'ai dit tout à l'heure, je
veux dire, dans la loi santé et sécurité, l'employeur a une responsabilité de fournir un milieu de
travail exempt de violence, d'agression. Mais, à partir de ça, il faut qu'on
mette en place des moyens. Pour la fonction
publique, dans les ministères, il y a des politiques qui existent, qui sont
sous le chapeau du harcèlement
psychologique, mais, à l'intérieur de ça, il y a aussi la question des
agressions qui fait partie, ça fait
qu'il y a des politiques où est-ce que les employés peuvent porter plainte ou
encore avoir des recours au niveau des
griefs. Mais, encore là, je pense qu'avec tous les tabous qu'il y a dans la
société, qu'on mentionnait tout à l'heure, vous savez, la peur de ne pas être cru, la honte... tous ces éléments-là
sont aussi des freins, souvent, pour que les personnes dénoncent, c'est des gens que tu côtoies à tous
les jours. Donc, je reviens à la charge avec la question de la sensibilisation,
de la prévention, on n'en fait jamais trop.
Ça
fait que c'est clair que moi, je pense que, depuis un certain nombre d'années,
on est allés large au niveau de la prévention.
On a parlé beaucoup du harcèlement psychologique avec la Commission des normes,
mais, sur la question des agressions
à caractère sexuel, je pense qu'on a tous été témoins que de plus en plus ça
ressort. Ça fait qu'il faut que, comme
on dit, on prenne ça directement en main, et la sensibilisation, y compris dans
les milieux syndiqués et non syndiqués... Il n'y a personne à l'abri, là, il n'y a pas de gens qui sont plus à
l'abri que d'autres. Moi, je pense que tout le monde sont influencés par la banalisation qui se passe à la
télévision, dans les films, la pornographie accessible. Ça fait que, donc,
tout le monde, on est influencés par ça, et
il faut revenir à la charge pour replacer les choses puis parler que des rapports
de pouvoir, de domination, ce n'est pas acceptable dans les relations... qui
mènent jusqu'aux agressions.
Mme
Roy
(Montarville) : Et vous avez tout à fait raison. Là
où je veux en venir, c'est justement le fait qu'un milieu favorisé, entre guillemets, si je peux
dire, un milieu de travail où il y a des ressources, où il y a de l'information,
où il y a un syndicat, vous êtes quand même
et encore confrontés à ça, malgré les ressources que vous avez et dont vous
disposez, alors imaginez pour l'ensemble,
par exemple, si on parle de relations de travail, si on pense aux gens qui sont
dans les entreprises non syndiquées ou des
petites entreprises avec... imaginez comment, pour contrer cette
problématique-là, va vraiment arriver
à trouver quelque chose qui fasse son effet pour contrer les agressions
sexuelles, qui sont de l'abus de pouvoir, effectivement. C'est un crime,
d'abord et avant tout, de l'abus de pouvoir.
Cela
dit, selon vous, si je vous comprends bien à la lecture du document, tout passe
par la prévention, et, selon vous, ça passerait surtout par une campagne
d'information. Parce qu'il faut trouver des moyens, il faut arriver à faire réfléchir les gens à ce que ça ne se reproduise
plus, idéalement, ou que ça diminue de façon importante. Donc, pour vous...
Parce qu'on ne pourra pas prendre une
panoplie de moyens, comme vous voulez resserrer, pour dire : Il ne faut
pas trop éparpiller, il faut se concentrer. Donc, pour vous, c'est la
promotion qui est la plus efficace, si je comprends bien?
Mme
Boileau (Denise) : Puis pourquoi on parle de campagne nationale? Parce
qu'une campagne nationale, ça va chercher
l'ensemble de la population, ça veut donc dire : ça touche tous les
milieux. Et cela n'empêche pas de
faire de la sensibilisation aussi dans les milieux de travail. Tu sais, on parle local, national, ça
fait que, c'est sûr, si une campagne de prévention est chapeautée au niveau national, quand tu vas rentrer dans
le milieu de travail de façon plus stricte, bien, à ce moment-là, je veux dire,
il y a un écho de partout dans la société. Parce que, les comportements qu'il
faut changer, qu'il faut dénoncer, il
faut que tout le monde, comme disait Diane, se responsabilise et les dénonce,
ces comportements-là. Ça fait que, si on travaille au niveau national,
le message passe partout, et ensuite on va dans chacun des lieux pour renforcer ce message-là, puis c'est ça qui va
apporter des changements dans les comportements. Ça fait que, quand on les
dénonce, bien, ça veut dire que les gens qui ont ces comportements-là...
Le Président (M.
Picard) : ...s'il vous plaît.
Mme Boileau
(Denise) : ...ils vont être regardés un peu plus.
Mme Roy
(Montarville) :
...merci.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques, 2 min 30 s.
Mme Massé : Merci
beaucoup. Merci, mesdames, de votre
contribution. Je comprends... En fait, si je résumais assez bêtement ce que vous nous dites avec tant
d'éloquence dans votre mémoire, c'est : Dans le fond, ce qu'il faut
changer, c'est le rapport entre les
hommes et les femmes... pas nécessairement entre les hommes et les femmes — vous
ne l'avez pas dit, mais je pousse
pour faire des liens avec d'autres présentations — entre
des gens qui sont en situation de pouvoir versus des gens qui ne le sont pas. Et je dirais, en poussant plus
loin... vous ne le dites pas, donc je ne vous résume pas, mais que ce changement-là de rapport nécessite de
revoir le modèle hégémonique de la masculinité qui, dans le fameux
préjugé, dans le fond, aime ça baiser puis il n'est pas capable de se retenir.
Vous
avez dit : La peur de ne pas être crues, c'est probablement un des plus
grands empêcheurs — et la
honte qui en découle — des femmes de dire : Moi, j'ai été
victime de ça. Ce que vous aspirez, c'est la même chose que nous, c'est de dire comment faire pour ne pas que ça
arrive. Vous parlez de prévention, vous parlez d'un programme au niveau de l'éducation. Donc, on voit, là, qu'on parle de
quelque chose qui doit durer dans le temps — vous ne l'avez pas dit, mais je le sens et je l'entends, je vois vos
signes — et donc
ça doit durer dans le temps pour qu'on arrive à changer ces rapports-là,
qu'on pogne une nouvelle génération puis
que, rendus au bout de la ligne, on puisse avoir changé les rapports. Mais vous
l'avez dit en quelque part aussi : Il
faut y mettre les moyens. Alors, il doit vous rester 15, 20 secondes,
qu'est-ce que vous avez à me dire là-dessus?
Mme Boileau (Denise) : Bien, c'est sûr que, pour atteindre des objectifs aussi grands, pour
corriger des situations aussi
graves qu'on entend, bien, il faut y mettre les moyens matériels et financiers.
Et c'est un peu ce qu'on disait, que, malgré
l'austérité qu'on vit, il faut donner un coup de barre. Il faut que ça soit
compatible avec notre plan d'action sur l'égalité
des hommes et des femmes et sur l'exploitation. Ça fait que le tout... Quand on
parle de rapport de pouvoir entre les
personnes qui développent des formes d'agression, bien, c'est sûr qu'il faut
que ça fasse un tout, qu'on soit cohérents dans notre discours. Eh oui,
quand on parle d'un programme...
Le Président (M.
Picard) : ...s'il vous plaît.
Mme Boileau
(Denise) : ...ça va dans le sens de structurant et sur du long terme.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Merci, Mmes Jutras, Boileau et Courchesne, pour votre apport aux travaux
de la commission.
Je vais suspendre quelques
instants afin de permettre au prochain groupe de prendre place, c'est-à-dire le
Regroupement des intervenants en matière d'agression sexuelle.
(Suspension de la séance à
17 h 48)
(Reprise à 17 h 50)
Le Président (M.
Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant les représentants
du Regroupement des intervenants en matière
d'agression sexuelle. Vous disposez d'une période de 10 minutes. Je vais
vous demander, dans un premier temps,
de vous présenter. Va s'ensuivre après votre présentation un échange avec les parlementaires. La parole est à vous.
Regroupement des intervenants en matière
d'agression sexuelle (RIMAS)
Mme Rioux
(Josée) : Bonjour. Je suis Josée Rioux, directrice générale du
Regroupement des intervenants en matière
d'agression sexuelle. Et, non, ce n'est pas ma vraie voix, et je ne suis pas toujours
larmoyante comme ça. Désolée pour aujourd'hui.
M. Bellemare (Daniel) : Je me présente : Daniel Bellemare. Je suis
le président du RIMAS, du Regroupement des intervenants en matière
d'agression sexuelle, depuis plusieurs années.
Mme
Rioux (Josée) : Ça va
vous faire changement d'entendre parler davantage au niveau des
agresseurs sexuels que des victimes, parce que nous, on est vraiment au
niveau de l'intervention auprès des agresseurs.
Essentiellement,
le regroupement a comme membres tous les centres communautaires au Québec
qui donnent des services aux
agresseurs sexuels. Donc, je me plais à dire qu'on est un mal essentiel pour la
population, parce que nous travaillons
à la genèse du problème, nous travaillons avec la personne qui commet des
agressions sexuelles et qui font des
victimes, malheureusement. Donc, nos centres sont répartis un peu au Québec,
et ce qu'il est important de dire, c'est que, depuis plusieurs années, on accueille, bon an, mal an, 1 000 à
1 200 nouveaux agresseurs sexuels par année, O.K.? Donc, on
doit considérer que ce mal essentiel là est essentiel.
Au niveau des mesures
du plan d'action, moi, je suis de la mouture des orientations en matière
d'agression sexuelle. Je ne suis pas si
vieille que ça, ça fait que j'ai siégé jeune sur ce comité-là. En 1997, on a
commencé à élaborer les orientations suite au rapport Les agressions sexuelles : stop, qui
avait été publié par Diane Lemieux, à
ce moment-là, O.K., qui était au
Regroupement des CALACS. Et, pour avoir fait partie prenante de l'élaboration
des orientations, je peux vous dire que les mesures au plan d'action me
sont toujours très importantes.
Moi,
je vais vous parler plus du côté des mesures qui touchent les agresseurs
sexuels, sauf une mesure où je trouve importante de ramener, c'est celle qui parle... c'est la
mesure n° 34... Non, ce n'est pas vrai, excusez. C'est ça, la
mesure 34 : «Soutenir le
financement des organismes desservant les personnes victimes d'agression
sexuelle, quels que soient leur âge et leur sexe.»
On parle beaucoup,
beaucoup des femmes victimes, mais il faut quand même
considérer qu'on a 17 % des crimes sexuels qui sont commis sur des garçons. Et, malgré toute la bonne
volonté du gouvernement ou malgré toute la bonne volonté des organismes, il y a
très peu de services aux hommes victimes, qu'ils aient été victimes en bas âge
ou qu'ils soient victimes
actuellement, comparativement à tous les services qui sont donnés aux femmes.
Et je ne vous dis pas qu'il faut
qu'on arrête de donner des services aux femmes, mais je crois que l'agression sexuelle,
c'est une globalité, on ne peut pas
opposer une victime à un agresseur. Et, de pouvoir donner des services à toute
personne, quel que soit son âge ou quel que soit son sexe, je pense que
c'est quelque chose qu'il faut qu'on pense vraiment à se doter au Québec, O.K.?
L'agression sexuelle ne devrait pas avoir de sexe. On parlait peut-être,
tantôt, de genrer l'agression sexuelle. Oui, la majorité des agresseurs sexuels sont des hommes, il y en a
97 %. Le 3 % qu'il reste, c'est des femmes, O.K.? Je ne vous dis pas qu'il
y a juste 3 % des femmes
agresseurs sexuels, mais il y a 3 % de femmes qui sont judiciarisées à ce niveau-là. Donc, de pouvoir donner des
services complets à toutes les victimes, je pense qu'on aurait déjà une
vraie belle base pour pouvoir prendre
en charge les personnes qui n'ont pas choisi d'être victimes, qu'ils soient
enfants, garçons, adolescents, filles,
peu importe, parce qu'actuellement
nos centres sont bien dotés pour les 14 en montant, femmes, mais il y a bien
d'autres types de victimes qui sont là aussi, qui ne sont pas bien desservis.
Au Québec, on
a deux centres qui donnent des services aux hommes victimes en bas âge. Ils
sont membres du regroupement parce
qu'ils n'ont pas de lieu d'appartenance. Donc, on leur a fait une petite place,
nous, au RIMAS, O.K.? Mais ils ont beaucoup de difficultés à survivre,
parce que ce n'est peut-être pas une priorité, actuellement.
Et il faut
penser que 50 % à 60 % des hommes qui ont été victimes en bas âge
deviennent agresseurs sexuels. Ça fait
que c'est pour ça que je trouve important qu'on leur donne des services pour
briser ce cycle et qu'on puisse arriver à mieux protéger les victimes en donnant des services à ces gens-là,
pour qu'on ne les retrouve pas, à l'âge adulte ou à l'adolescence, comme agresseurs et qu'ils
soient... et qu'ils fassent partie prenante de nos services ou qu'ils fassent
partie des 1 216 — si je me rappelle bien — délinquants sexuels qu'on a pris en charge,
en évaluation et en traitement en 2013‑2014. Je pense qu'il faut partir de là, O.K., au niveau des orientations puis
du prochain plan d'action, pour pouvoir mieux protéger tout le monde par
la suite.
Au niveau des
mesures au niveau des agresseurs
sexuels, il y a une mesure qui parlait d'implanter, d'ouvrir le
programme à Percé, qui est le PETRAAS, O.K.? C'est une mesure qui est
exceptionnelle, à mon avis à moi, dans le sens
où on s'est toujours plaint, au Québec, qu'il y avait peu de traitement en incarcération
pour les hommes agresseurs et que le
fédéral était blindé mur à mur pour pouvoir donner, dans les pénitenciers, des
services. Nous, on n'a jamais été contre
la mesure, on a toujours été pour le programme à Percé. Là où ça achoppe, c'est
le suivi en communauté par la suite,
O.K., dans le sens où les gens font leur programme à Percé, c'est cinq mois, et
ensuite ne sont pas référés dans la communauté.
Et se porter garant de l'agresseur sexuel et de pouvoir faire en sorte qu'il
n'y ait pas de récidive, c'est de lui
donner un encrage dans sa communauté d'origine, pas uniquement à faire un
programme en incarcération. Ça fait que, pour moi, c'est une mesure qui
est importante.
On fait des
projets de loi. On a fait un projet pilote actuellement avec trois régions du
Québec. Ça ne fonctionne pas, il
n'y en a pas, de référence de Percé. Pourquoi? C'est difficile à dire. Mais je
vous dirais que les gens qui font le... Faire un programme en incarcération, c'est un programme qui n'est pas
complet, parce que la vraie vie, ce n'est pas en prison, la vraie vie, c'est dehors : les culottes courtes sont
dehors, les jupes courtes sont dehors, et les difficultés que nos agresseurs sexuels vivent, c'est dans la
communauté. Donc, on peut leur démontrer beaucoup de choses en incarcération,
mais, les prendre en charge en réinsertion sociale
dans la communauté, je vous dirai qu'on ne peut pas passer à côté de ça.
Un autre
point qui est majeur, pour nous... Ce n'est pas glamour que de travailler avec
un agresseur sexuel, O.K.? On ne fait
pas... On n'est pas très populaires, nous, dans ce qu'on fait. On est souvent
même questionnés dans les choix qu'on fait. Mais on est un mal essentiel
pour la population. Une mesure qui est importante, c'est d'essayer de rendre
accessibles des formations aux intervenants. Parce qu'on ne peut pas s'improviser
intervenant auprès d'un agresseur sexuel,
c'est une problématique particulière, ça prend des services particuliers, des
services thérapeutiques. Et, comme ce
n'est pas populaire, on a énormément de difficultés à avoir de la relève. Les
vieux de notre gang, là, qui sommes devenus gestionnaires, c'est très difficile pour nous d'aller rechercher des
gens pour pouvoir les intéresser à travailler, à donner des services
thérapeutiques aux agresseurs sexuels. Et ça, pour nous, je vous dirais que
c'est majeur, quand, dans une région, on n'est pas capable d'avoir des
intervenants, bien, le service risque de tomber.
Et, avec
l'avènement de la p.l. n° 21, on a encore plus de difficultés. La
p.l. n° 21, les intervenants qui doivent avoir des permis de psychothérapeute pour pouvoir
donner des services thérapeutiques, pour nous, en agression sexuelle, je
vous dirais que c'est vraiment majeur, parce qu'on n'arrive vraiment pas à
aller chercher de la relève. Il n'y a pas beaucoup
de formation en agression sexuelle, et, que ce soit le département de sexologie
ou les départements de criminologie, ils n'ont pas vraiment la formation
adéquate pour pouvoir donner tout ce que ça prend pour travailler au niveau de
la fantasmatique, au niveau de la problématique au complet. Ça fait que je vous
dirais que ça, c'est une mesure qui est importante.
Puis, en
dernier lieu, une mesure qui est superimportante aussi, c'est de pouvoir doter
le Québec de services dans chaque
région. On ne dit pas d'avoir 12 centres dans chaque région mais au moins un
centre par région, qui va prendre en
charge les agresseurs sexuels, parce que, jusqu'à maintenant, on n'est pas
capables d'en avoir. Un, on n'a pas de relève, mais, deux, je dis toujours qu'il n'y a pas un apôtre qui va aller
ouvrir un organisme communautaire actuellement. Parce que c'est quelque chose... Pour en avoir ouvert
quatre, je peux vous dire que ce n'est pas évident au niveau du financement
et au niveau d'aller
chercher les... d'intéresser la population et de penser que la population va
accepter qu'il va y avoir un centre qui va traiter les agresseurs
sexuels dans sa région.
Donc,
d'être capable de doter le Québec de services, je pense qu'on est encore à
travailler ça. Mais on ne peut pas passer à côté de travailler à la
genèse du problème, et la genèse du problème, c'est l'agresseur sexuel.
Le Président (M.
Picard) : Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour
une période de 13 min 30 s.
• (18 heures) •
Mme
Vallée : Merci. Alors, bienvenue. Merci de participer aux
travaux de la commission puis de nous apporter aussi une autre image,
d'autres préoccupations qui sont tout aussi importantes, c'est-à-dire de
travailler aussi sur les agresseurs et de faire en sorte de freiner ou de
stopper le cycle de la violence sexuelle.
Beaucoup
de groupes nous ont parlé de l'importance de travailler sur la prévention, sur
la sensibilisation. Vous qui
travaillez de près avec les agresseurs, qui êtes en contact avec eux, quels seraient, dans un contexte de prévention, d'éducation, de sensibilisation, les incontournables, ce sur quoi nous devrions
agir? Ou est-ce que ces préoccupations-là ont leur raison d'être de la part des
groupes qui demandent d'investir davantage dans ces mesures-là?
Mme
Rioux (Josée) : La
prévention a toute son importance
auprès des victimes. Je vous dirais que la prévention auprès d'un agresseur, ce n'est pas quelque chose
qui va l'empêcher de commettre un crime, O.K.? Là où je pense que c'est important, c'est d'amener les victimes à
parler, de faire de la prévention, de comprendre que l'agression sexuelle,
c'est inacceptable, peu importe pour quel
côté qu'on travaille aussi, on parle de côté victimes, agresseurs, c'est
inacceptable. Des préventions dans ce sens-là, je pense que, oui, ça
peut être majeur, ça peut être important. Mais nous, on se disait même, justement, tout à l'heure, parce qu'on vous
entendait parler de prévention : Auprès d'un agresseur sexuel, ce
n'est peut-être pas la chose qui va fonctionner; il y en a eu, des
campagnes se prévention, suite aux orientations qui ont été déposées. Et on
pense souvent que la violence sexuelle, c'est inacceptable. Je ne pense pas
qu'un agresseur sexuel va entendre. C'est
comme quelqu'un qui fume la cigarette ne va pas entendre les campagnes de
prévention. Ils ne veulent pas entendre, ils veulent pouvoir continuer.
L'agresseur
sexuel, c'est au-delà de ça, c'est vraiment dans la prise en charge.
Malheureusement, généralement, on va
avoir une prise en charge quand il va avoir commis un acte sexuel.
Malheureusement, on n'a pas encore réussi à trouver comment les atteindre avant. Même si on va dans les milieux de
travail, ce n'est pas ça qui va les empêcher de commettre des crimes, O.K.? Mais, auprès des victimes, de dénoncer, de
dire, de sentir à quelque part qu'ils ont un soutien, je pense que la
campagne de prévention va avoir toute son importance.
M. Bellemare
(Daniel) : Et, selon notre point de vue, c'est la sensibilisation à
faire auprès des victimes qui risque d'être
le plus porteur. Parce que ce qu'il faut comprendre d'un agresseur sexuel,
c'est une structure qui a fini par être
montée au fur et à mesure. Quand on disait que 50 % à 60 % des
agresseurs ont eux-mêmes été abusés, c'est tout un système qui est à défaire. C'est pour ça que des
campagnes de sensibilisation et de prévention auprès des agresseurs ont très peu de portée. Ça fait que, si vous aviez à
faire une campagne, c'est vraiment via les victimes et, je vais pousser un
peu plus loin, même sur tout ce qu'on peut
voir sur le plan social. Par exemple, quand on va avoir au niveau de l'hypersexualisation, c'est une campagne qui
techniquement va finir par avoir des résultats auprès de l'agression sexuelle,
inévitablement. C'est ces angles-là qu'on doit faire sur le plan social.
Si
on prend juste, à un moment donné, la femme — et l'homme maintenant — qui enlève tout poil de son corps, techniquement c'est faire référence à la portion
prépubère de l'humain, et ça il n'y a aucune campagne qui dénonce ça ou qui dit ça. Nous qui travaillons en agression
sexuelle avec les agresseurs, on sait très bien que ça, ça n'aide pas. Et c'est
accepté socialement. Donc, les campagnes de
sensibilisation doivent se porter plus à ce niveau-là si on veut avoir un axe
qui va finir par avoir une portée auprès des agresseurs, à mon avis.
Mme
Vallée : Vous apportez un éclairage qui est vraiment différent
de ce qu'on a pu entendre. Donc, toutes les campagnes de sensibilisation sur le fait qu'un comportement x
ou y est inacceptable, selon votre expérience, n'auraient pas
l'effet escompté?
Mme Rioux (Josée) :
Chez l'agresseur, chez l'agresseur.
Mme
Vallée : Chez l'agresseur, c'est ça. Donc, les campagnes, on
devrait se concentrer sur l'aide aux victimes, la sensibilisation auprès
des victimes et non sur l'agresseur, sur ce qui est ou n'est pas acceptable.
M. Bellemare (Daniel) : ...le message social que l'agression sexuelle
n'est pas acceptable. Et nous, dans notre définition d'agression sexuelle, j'entendais tantôt... on incluait tout,
là, pour nous, c'est inclus, ce n'est pas exclusif. On n'a jamais pris que l'agression sexuelle excluait,
par exemple, le voyeurisme ou... Pour nous, ça l'inclut. C'est inclusif.
Mme Vallée :
Et pour... Bon, vous...
Le Président (M.
Picard) : Allez-y.
Mme Vallée :
Ah! d'accord. Je pensais que vous me rappeliez au temps. Vous avez réitéré
l'importance de donner un service
complet aux victimes, mais aussi un service complet aux agresseurs. Là,
actuellement, vous dites que vous avez... il y a deux centres qui
offrent les services au Québec?
Mme Rioux (Josée) :
Non. On a 11 centres communautaires puis on a deux instituts, O.K.? Il y a
l'Institut Philippe-Pinel de Montréal, ou le
centre de psychiatrie légale, et l'institut ici, Institut universitaire en
santé mentale de Québec. Le restant...
Mme Vallée : ...qui donnent
des services en bas âge.
Mme Rioux
(Josée) : Ah! O.K., on parle des victimes. O.K. Excusez. Pour les
hommes adultes qui ont été victimes
en bas âge, il y a CRIPHASE à Montréal et il
y a SHASE à Sherbrooke, O.K.? Ailleurs, les hommes vont aller dans des...
Bon, ils vont peut-être aller au CAVAC, puis
je vous dirais que c'est correct, mais le CAVAC ne promouvoit pas
l'intervention de groupe et, pour les
hommes victimes, que de dédramatiser et de comprendre qu'ils ne sont pas
seuls... Parce que ce n'est pas
évident pour une femme victime de dire qu'ils ont été victimes, mais vous
pouvez imaginer que ce l'est encore moins
pour un homme, parce qu'on est encore dans une société où un homme ne peut
pas être victime, il peut juste être un agresseur, O.K.? Donc, que de
comprendre en groupe que, la problématique, ils ne seront pas tout seuls, de
briser l'isolement, y travailler, ce n'est
pas quelque chose qui leur est offert par les CAVAC, parce que les CAVAC ne
sont pas... n'ont pas comme mission
de donner des services mais de référer, mais ils vont référer dans
l'intervention individuelle, et ce
n'est pas suffisant. Ça fait que c'est cette portion-là qu'il faut qu'on puisse
travailler auprès des hommes victimes, et d'essayer de doter le Québec
autant de services pour les hommes victimes que pour les agresseurs.
Dans le fond, comme je vous le disais tantôt,
l'agression sexuelle, c'est global. Donc, il faut pouvoir donner autant à l'un qu'à l'autre les services dont il
aurait besoin pour éviter une récidive, et faire en sorte que les victimes vont
se sentir mieux, puis, pour les hommes,
bien, d'éviter qu'il y ait aussi, là, des gestes sexuels. C'est vraiment une
globalité.
Mme Vallée : J'ai des
collègues qui ont aussi des questions.
Le Président (M. Picard) : Je
vais céder la parole à M. le député de Pontiac.
M. Fortin
(Pontiac) : Merci beaucoup. Merci, premièrement, du travail que vous faites. C'est intéressant.
J'ai quelques questions, parce que les points que vous apportez sont
sensiblement différents des points qu'on a entendus auparavant. Et il y a peut-être une situation particulière qui m'intéresse au niveau de la prévention. Vous dites que c'est peut-être un petit peu plus difficile, là, au niveau
des agresseurs. Mais moi, je suis député de
la région de l'Outaouais, et récemment, là, il y a eu des incidents — et
le mot me semble extrêmement faible, «incidents» — qui ont été rapportés dans les médias à propos d'organisations
sportives, par exemple, deux incidents séparés, un où il y aurait eu une
plainte pour agression sexuelle, et,
l'autre, on parle d'actions indécentes, mais il y a toute la notion de
consentement, là, autour de ça, parce
qu'il y avait potentiellement des questions d'alcool. Et, si je retourne en
arrière, dans une perspective régionale, il y avait même l'Université d'Ottawa, l'an dernier, qui a suspendu deux
joueurs québécois et qui a suspendu son programme. Ces gens-là avaient été accusés d'agression
sexuelle. Et il y a des gens dans le milieu des organisations sportives — on
peut appeler ça jeunesse maintenant — qui
disent qu'il y a une culture malsaine datant d'une autre époque, et eux se
sentent inconfortables et sont
inquiets par rapport aux comportements des joueurs de leurs équipes, à
tel point qu'ils vont maintenant
avoir des services de parrainage avec les services de police locaux et des
choses comme ça.
Et hier, quand M. Dorais de l'Université Laval
était ici, il nous a dit que, s'il y a vraiment des campagnes de prévention à faire auprès des agresseurs, c'est
des gens qui sont un petit peu à l'âge adolescent, des gens qui sont dans
l'âge, là, où peut-être certaines de ces
équipes-là peuvent opérer. Vous, est-ce que vous croyez que des campagnes comme
ça, ça peut être utile et est-ce que vous croyez que c'est un réel problème, en
même temps, les équipes sportives?
M.
Bellemare (Daniel) : C'est
intéressant. On ne dira jamais, parce que... de ne pas faire de campagne par rapport à des agresseurs. Ça, c'est un milieu ciblé. Et faire une campagne
spécifique par rapport aux organisations sportives ou les clubs de football, ça doit être fait. Et ça va
avoir une portée parce que c'est ciblé. Ce qu'on parlait tantôt, c'est une
campagne généralisée pour rejoindre
les agresseurs sexuels, le taux d'efficacité va être faible. Tandis qu'une
campagne ciblée, par exemple
pour une équipe de football ou ce qui est arrivé, entre autres, dans les
universités, c'est super, parce que le message
va dire aux gens qui sont là : C'est inacceptable et ça ne se fait pas. Ça
va être très efficace. Maintenant, sur le plan
clinique d'un agresseur sexuel, je ne pense pas qu'une campagne de même va
faire que les gens qui ont fait ça vont modifier leur structure. Ça, ça n'aura pas de portée sur le fait de
faire cesser ce genre de chose là. Et, de faire régresser les
agressions, oui, ça, ça va avoir une portée. Ça fait que je veux que ce soit
clair, ce qu'on dit.
• (18 h 10) •
Mme Rioux
(Josée) : Parce que c'est
deux choses, hein, que d'avoir une équipe sportive... On me parlait... Parce
que, je me souviens, avec l'Université
d'Ottawa, j'avais fait beaucoup d'interventions à la radio et je disais : Il
faut se retenir de dire des
fois : Est-ce qu'il y a des cultures du viol? Je pense
que c'est une sensibilisation qu'il faut faire dans ces équipes-là. Il n'y a pas un joueur de hockey,
l'année passée, qui s'est dit : À soir, on va aller agresser sexuellement
une fille, O.K.? L'intention n'était pas là.
L'alcool, le taux de testostérone élevé dans ces équipes-là ont fait qu'il y a
eu, dans plusieurs scénarios, des
attouchements ou des agressions. Mais, quand on parle vraiment des clients que
nous, on a, on est au-delà de ça,
O.K.? Et cette campagne-là auprès de nos clients, les 1 200 qu'on a rencontrés, ce n'est pas la même problématique puis ce n'est pas la même intention
que dans les équipes sportives où est-ce qu'on va vraiment faire une
sensibilisation sur les relations sexuelles saines. Pour moi, c'est deux
choses.
Le Président (M. Picard) : Il
reste deux minutes. M. le député de D'Arcy-McGee.
M.
Birnbaum : Merci, M. le Président. Je veux saluer votre courage et
votre dévouement. Voilà. Vous êtes en train
de travailler avec les gens qui sont au coeur du problème, alors il me semble
que c'est de mise de vous écouter comme il faut et d'évacuer la question honte, et tout ça, d'aller au problème,
parce que vous avez la population cible devant vous.
Et je comprends quand vous dites que, bon, la
prévention a toute sa pertinence de façon plus indirecte et pas directement sur
les agresseurs. En même temps, je constate un taux de «recidivism» beaucoup
moins élevé ici, au Québec, qu'à travers le
pays, ce qui suggère que vos programmes sont efficaces, en quelque part. Et
c'est là où la prévention devrait
avoir son rôle à jouer. Alors, je vous invite une autre fois, davantage
peut-être, de nous identifier quelques-uns des facteurs qui pourraient
avoir les échos dans les actions d'un gouvernement qui ont fait en sorte que le
taux de «recidivism» se trouve à un niveau beaucoup plus promettant ici
qu'ailleurs au Canada.
Mme Rioux
(Josée) : Je pense qu'il faut qu'on soit fiers au Québec, parce qu'on
est avant-gardistes au niveau de la
prise en charge des agresseurs sexuels. Le RIMAS, là, n'existe pas ailleurs au
Canada. Il y a une association qui est en
Ontario et, bon, dans les provinces anglophones, mais c'est une association,
c'est l'ATSA, qui est l'association américaine. Ici, au Québec, on est forts parce qu'on a un réseau communautaire qui
est fort, qui donne des services spécialisés à une clientèle
particulière. Et la grande majorité des centres qui donnent des services aux
agresseurs sexuels sont aussi impliqués dans
la prise en charge de la délinquance en général, O.K.? Donc, on est bons dans
ce qu'on fait, soyons fiers au Québec de dire qu'on est bons et que le
taux de récidive n'est pas très élevé au niveau des agressions sexuelles.
Mais, qu'on soit au Canada, le taux de récidive
pour un agresseur sexuel traité, c'est 5 %, on n'entend pas toujours ça de la part de nos médias. Un agresseur
sexuel non traité, ce qui veut dire ni pris en charge au pénitencier ou en centre de détention et dans la communauté,
c'est 15 % à 16 %, et ça diminue à 5 % quand on les prend en
charge. Donc, on se dit que ce qu'on fait, c'est bien puis ça
fonctionne, O.K.? Ce n'est pas populaire...
Le Président (M. Picard) :
...s'il vous plaît.
Mme Rioux (Josée) : ...mais ça
fonctionne.
Le Président (M. Picard) :
C'est beau, merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée
d'Hochelaga-Maisonneuve pour une période de 8 min 30 s.
Mme
Poirier : Merci. Bien, on va poursuivre sur ce sujet. Vous
dites qu'après une prise en charge la récidive est de 5 %. Vous avez identifié que vous avez vu
1 116 personnes l'année dernière... bien, cette année. Sur ces 1 116 personnes, je prends un chiffre,
là, près de celui de l'autre année, ce sont tous des nouveaux agresseurs
versus... Combien de pourcentage là-dedans sont des gens qui reviennent
en traitement?
Mme Rioux
(Josée) : Le chiffre est difficile à dire. Parce qu'il faut penser que
le chiffre noir en agression sexuelle est
quand même assez élevé, tant au niveau des victimes, parce qu'il n'y a pas
toujours plainte, qu'au niveau des agresseurs, parce qu'ils ne sont pas toujours arrêtés. Ça fait que c'est difficile
de vous chiffrer qui revient et qui est là pour la première fois. Parce
qu'il y en a qui sont là pour la première fois qui ont probablement déjà commis
des crimes sexuels. Tant qu'il n'y a pas eu
arrestation, bertillonnage, ce qui veut dire la prise d'empreintes, et tout,
là, la récidive est à 75 %. Parce que
c'est déjà assez dissuasif que de se faire arrêter. Parce que la structure
criminelle d'un délinquant sexuel n'est pas la même que la structure d'un délinquant ordinaire. Ça fait que juste
l'arrestation, c'est déjà beaucoup pour ces gens-là. Ça fait que, dans
les 1 116 qui ont été pris en charge, si on calculait, on pourrait
dire : Juste 5 % reviennent, mais je vous mentirais que de vous dire ça, O.K.? C'est certain qu'il y en a qui
viennent en évaluation présentencielle, il y a en a qui viennent pour
traitement. Dans ces 1 116 là, on ne pense pas que ce sont 1 116
nouvelles personnes, il y a certainement de la récidive, O.K.? Mais, à quelque part, qu'on les prenne en charge
puis qu'on puisse leur donner des services, je pense que c'est déjà
important.
Et il y a un
fait majeur qui est important à dire, c'est que, quand je vous dis qu'il faut
qu'on dote le Québec de services
auprès des agresseurs, on a des régions qui ont 20 mois d'attente avant de
pouvoir accepter un délinquant sexuel dans
son programme, 20 mois. Pour pouvoir prendre en charge quelqu'un et faire
en sorte qu'il ne récidive pas, c'est de le prendre assez rapidement
dans sa période de vulnérabilité, pour pouvoir l'intégrer dans un programme. Je
peux vous dire que, 20 mois
d'attente, il n'y en a plus, de période de vulnérabilité, O.K.?
Alors, le risque de récidive, à ce
moment-là, il est plus important. Ça fait que, quand on dit de
doter le Québec, c'est aussi de faire en sorte que chaque client
puisse être pris en charge et faire en sorte de diminuer encore ce taux de
récidive là. S'il pouvait passer à 3 %,
la madame, elle serait bien contente. (Interruption)
Mme Poirier : Prenez une
petite gorgée d'eau, là.
M.
Bellemare (Daniel) : Si je
peux me permettre, étrangement, le phénomène de la porte tournante en agression
sexuelle, il n'est pas si élevé que ça. Souvent, quand il y a une prise en
charge réelle qui va se faire, il y a déjà eu des récidives, il y en a eu plusieurs. Puis je vous dirais même que,
bon an, mal an, il y en a peut-être 700, nouvelles accusations, au niveau
de la justice, qui sont faites, par année, ou qui reçoivent une sentence, et
là-dessus ils ne sont pas tous pris en charge, étonnamment. S'il y avait
une mesure à mettre, c'est de favoriser la prise en charge des délinquants
sexuels...
Mme Poirier : Est-ce qu'on
peut l'obliger, la prise en charge?
M.
Bellemare (Daniel) : Le juge peut l'obliger. Par contre, la
faisabilité de l'accueil est variable au Québec. Le fait de pouvoir, également, accéder à un service, souvent l'agresseur sexuel
va devoir débourser de l'argent. S'il ne l'a pas, même s'il a une obligation légale, il ne se passera pas grand-chose. Il y a
une amélioration à faire à
ce niveau-là. Mais ce qu'on est
conscients, c'est : plus on va favoriser la prise en charge d'agressions
sexuelles, moins il va y avoir de
victimes, puisqu'à un moment donné c'est efficace. Et chaque agresseur sexuel a plusieurs victimes, selon
le délit lui-même, là.
Mme
Poirier : Mais vous
dites : Il faut qu'il paie pour avoir des services. Expliquez-moi ça, là.
Je veux juste comprendre.
M. Bellemare (Daniel) : Ce n'est pas tous les centres au Québec
qui sont financés au niveau de pouvoir offrir les services.
Mme
Poirier : O.K. On
a dit : Il y avait Pinel, Québec, puis j'ai compris Percé. Donc, il y a
d'autres centres...
Mme Rioux
(Josée) : Ça, c'est institutionnel. C'est les trois centres
institutionnels, mais les 11 autres sont en communauté.
M. Bellemare
(Daniel) : C'est des organismes communautaires...
Mme Rioux
(Josée) : Et nous, malheureusement, on relève de la Sécurité publique
et du MSSS, O.K.? On a deux porteurs de
dossier, parce que le traitement fait partie de la Santé
et le gardiennage, ou la réinsertion sociale, fait partie de la Sécurité publique. Ça fait que
c'est assez difficile. Il y a des centres qui sont reconnus par la Sécurité publique, qui ne le sont pas par la Santé. Bon, je vais vous passer, là,
nos problèmes à ce niveau-là.
Mais
que d'obliger quelqu'un à suivre une thérapie, ce n'est pas toujours
non plus très efficace, O.K., parce
que, le désir de changement, il faut
qu'il passe par la personne aussi. Mais, de créer le lien avec ces
personnes-là, je pense que c'est
important. De l'obliger à payer un montant, une contribution peut être quand même
quelque chose qui va être un incitatif à la personne à s'impliquer. Mais il y a
des endroits où est-ce qu'ils doivent charger tellement cher que ce ne sont
pas toutes les personnes qui peuvent aller
là. Parce que nous, on a une obligation, actuellement, d'avoir des gens qui sont formés puis qui ont un permis de
psychothérapeute, O.K.? Donc, ça demande beaucoup au niveau du budget pour les organismes communautaires. Donc, de pouvoir donner
un service spécialisé, des fois ils n'ont pas toujours le financement pour le faire, malheureusement.
Mme Poirier :
Les 11 centres sont dans combien de régions du Québec?
Mme Rioux
(Josée) : Dans 11 régions.
Mme
Poirier :
11 régions différentes, d'accord. Par
exemple... Parce que
ce que vous nous amenez, c'est aussi la
formation pour les intervenants. Donc, on a 11 centres, mais on a un
problème de formation à la source. Je comprends qu'au niveau de nos universités on a un problème dans
nos programmes pour former des intervenants spécialisés en agression.
M. Bellemare (Daniel) : Actuellement, oui, mais le phénomène de la p.l. n° 21,
le projet de loi n° 21, qui oblige d'avoir le fameux permis de psychothérapeute, fait... Avant, les
services, dans les 11 régions du Québec, étaient donnés par des bacheliers, en grande partie, et des maîtrises. Maintenant,
les enjeux sont différents à cause d'une loi qui vient dire que, maintenant, ça prend des gens qui ont un permis, ce qui vient
d'augmenter les coûts de façon importante chez des gens qui veulent se
diriger en agression sexuelle. Et, lorsqu'il y a un permis, c'est bien plus
payant d'être avec la population dite normale qu'avec une population
délinquante qui... dans le fond, c'est souvent des gens qui ne veulent rien savoir au début. Il y a beaucoup
plus... Ils sont moins volontaires, par
exemple, c'est moins intéressant pour
quelqu'un qui a un permis. Ça, c'est un nouveau phénomène auquel on est
confrontés actuellement.
Mme Poirier :
Juste pour comprendre...
M. Bellemare
(Daniel) : Bien, des universités ne sont pas rendues...
Mme Poirier :
...ce permis-là, c'est... Suite à la loi n° 21, on a exigé un permis. Ce
permis-là, il est donné en fonction de quoi, là?
• (18 h 20) •
Mme
Rioux (Josée) : Bien, les
gens doivent être membres d'un ordre professionnel, doivent avoir une maîtrise et doivent être capables de démontrer qu'ils font de l'intervention
directe. C'est pour ceux qui font de la thérapie, là, O.K.? Mais, nous, ce qu'on fait actuellement, c'est
considéré comme de la thérapie. Et d'intéresser les gens déjà en maîtrise à
venir chez nous travailler dans le réseau communautaire, ce n'est pas
glamour, ce n'est pas intéressant...
Mme Poirier :
Ce n'est pas payant.
Mme Rioux (Josée) : ...parce que
c'est certain que les salaires sont beaucoup moins élevés dans le réseau communautaire. Donc, quelqu'un qui a son permis de
psychothérapeute va préférer aller dans le privé, parce que, pour ces
personnes-là, c'est beaucoup plus payant. Ça fait qu'on est dans un petit peu
une difficulté.
Mme
Poirier : Un centre communautaire, ça a un budget de combien?
Mme
Rioux (Josée) : Bien, la majorité des centres communautaires, là, si
on parle de l'Estrie, qui desservent toute... ils sont à Sherbrooke, ils desservent toute l'Estrie au complet, ils ont
un budget d'à peu près 250 000 $ par année, là. Ça fait que, s'il y a quatre intervenants là-dedans,
vous pouvez imaginer que les salaires ne sont pas en fonction de ce que le
réseau est capable de donner, O.K.?
Mme Poirier :
Et ils sont financés comment?
Mme Rioux
(Josée) : Par le ministère de la Santé.
Mme Poirier :
Par le PSOC?
Mme Rioux
(Josée) : Par le PSOC, effectivement.
Mme Poirier :
Mais là vous nous dites...
Le Président (M.
Picard) : Il reste 20 secondes, Mme la députée.
Mme Poirier :
Ils recevaient 1,3 million pour neuf centres, là, que vous nous donnez.
Mme
Rioux (Josée) : Comparativement à ce qui est donné au niveau des
CALACS, là, il y a quand même un gros
gap — excusez
l'anglicisme. Il y a quand même une grande différence entre les deux pour les
services spécialisés qu'on donne,
O.K.? C'est certain que le 1,9 million pour les 11 centres, ce n'est
vraiment... Bien, il n'y a pas 11 centres qui sont financés par la
Santé.
Mme
Poirier : Je fais juste un comparable, qui est peut-être
boiteux, mais, si on compare ça à des services... des centres en
toxicomanie, par exemple, est-ce que...
Mme Rioux
(Josée) : Le budget est moindre.
M. Bellemare
(Daniel) : Ça ne se compare pas.
Mme
Rioux (Josée) : Ça ne peut pas se comparer. On est vraiment... Je vais
le dire comme ça, là, je ne suis pas sûre
que c'est la bonne expression, mais on est vraiment le parent pauvre au niveau
des agressions sexuelles : un, on est arrivés après tout le monde, et, deux, bien, ce n'est pas populaire.
Donc, ce n'est pas la portion qui est la plus intéressante, tant pour un
gouvernement, de financer, que tant pour les intervenants, de venir travailler
chez nous...
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme Rioux. Je dois maintenant céder la parole
à Mme la députée de Montarville pour une période de 5 min 30 s.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Je vais
revenir de toute façon sur le financement, ça m'intéresse, parce que
vous disiez : On s'occupe de la genèse du problème, l'agresseur.
Mme
Rioux, M. Bellemare, merci d'être là. Mme Rioux, vous signez, vous dite :
Crim. J'imagine que vous êtes criminologue. Je trouve ça très...
Mme Rioux
(Josée) : Et fière de l'être.
Mme
Roy
(Montarville) : Et fière de l'être, oui. Je trouve
ça superintéressant, ce que vous nous avez dit, parce qu'hier on avait ce professeur d'université qui a
rétorqué à une de mes interventions, lorsque je disais : Souvent, la
personne agressée, le jeune agressé,
l'enfant agressé deviendra un agresseur... et on m'a fait comprendre que
c'était plutôt de l'ordre du préjugé,
parce que les femmes, étant agressées, ne deviennent pas agresseurs. Je
comprends ce volet-là. Mais vous nous dites que de 50 % à 60 %
des garçons agressés deviendront agresseurs. J'imagine, vous êtes
criminologue...
M. Bellemare (Daniel) : Non, 50 % à 60 % des personnes
agresseurs ont été agressées. On ne peut pas faire l'inverse.
Mme
Roy
(Montarville) : Oh! Oui, voilà. Je me relis
difficilement. Mais, cela dit, ces chiffres-là sont des chiffres documentés. Pouvez-vous élaborer là-dessus? Parce
que moi, je trouve qu'il y a une grosse problématique à cet égard-là,
que ça se perpétue, cette délinquance ou cette tristesse, ce crime-là.
Pouvez-vous nous en parler un petit peu?
Mme Rioux
(Josée) : J'ai combien de temps? Parce qu'on peut faire...
Le Président (M.
Picard) : Quatre minutes.
Mme Roy
(Montarville) :
Prenez-en trois puis gardez-en une pour le financement. Allez-y.
Mme Rioux (Josée) : C'est
certain que, nous, quand on rencontre nos clients, c'est une démarche qu'on va
faire avec eux autres, c'est de savoir
s'ils ont été victimes en bas âge, O.K.? Et, dans la grande majorité des cas,
les gens vont nous répondre oui. Malgré toutes les études qui peuvent
être faites, ces gens-là ne vont pas d'emblée, même par autorévélation, dire qu'ils ont été victimes en bas âge, sauf s'ils ont
créé un lien avec nous puis qu'ils vont être capables de le dire. C'est honteux que de penser qu'on a
été victime en bas âge. C'est honteux pour les femmes. Comme je vous ai
dit, c'est très honteux aussi pour les adolescents et pour les jeunes.
Donc,
nous, quand on vous donne ce chiffre-là, c'est parce qu'on les voit directement
dans nos centres et qu'ils sont
capables de faire de l'autorévélation et dire : Moi, j'ai été victime en
bas âge. Et c'est très difficile de travailler avec un délinquant sexuel quand on n'a pas réussi à
régler sa portion victime en premier. Il a été blessé, il est souffrant, et là
on va travailler la portion où lui a
fait des victimes. Il n'est même pas rendu là encore, O.K.? Ça fait qu'il faut
qu'on travaille encore plus avant de le prendre en charge en traitement
pour agression sexuelle, il faut travailler son côté victime.
Mme Roy
(Montarville) :
Donc, c'est bel et bien une réalité?
Mme Rioux
(Josée) : Oui, c'est une réalité. C'est une réalité documentée.
Mme Roy
(Montarville) :
Ce n'est pas un préjugé, là?
Mme
Rioux (Josée) : Non, c'est vraiment une réalité documentée à travers
mes centres... — je suis
possessive — à
travers les centres qui sont membres du
regroupement. Si vous faites le tour, chacun va avoir fait de l'autorévélation
pendant le cadre de son programme de
thérapie, parce qu'il est plus à l'aise de le faire, parce qu'il a créé des liens, il a créé un ancrage dans
la communauté, il est plus à l'aise de le faire à ce moment-là.
Mme
Roy
(Montarville) : Parfait. Maintenant, j'aimerais vous amener sur le financement, parce que, comme vous dites,
traiter un agresseur sexuel, ça n'attire pas la faveur populaire, et pourtant,
et pourtant, il y a du travail qui doit être fait, donc : «Soutenir — c'est
une des mesures que vous réclamez — le
Regroupement des intervenants en matière d'agression sexuelle, le RIMAS, pour la réalisation d'initiatives
favorisant l'amélioration des connaissances et des services aux
agresseurs.»
Vous nous parliez des
budgets qui sont, somme toute, assez différents. Dans votre cas, vous auriez
besoin de combien pour pouvoir traiter
adéquatement ces agresseurs, qui sont de l'ordre de 1 000 à
1 200 nouveaux cas par année, au moins?
Mme
Rioux (Josée) : Bien, ça,
bien, 1 000 à 1 200 nouveaux cas, c'est dans les centres qui
sont déjà existants. Là, on ne parle
pas des régions où est-ce qu'il n'y a pas de centre. C'est difficile à chiffrer.
Dépendant de ce qui va arriver au
niveau de la relève qu'on est capables d'aller chercher, moi, vous mettre un
chiffre aujourd'hui... Je sais qu'on est dans une période plus difficile budgétairement, donc
c'est difficile pour moi... Et je n'aime pas parler d'argent. S'il y a
une question que je n'aime pas faire,
c'est parler d'argent, parce que, moi, pour moi, c'est vraiment
d'offrir des services à tout
le monde puis protéger la population du Québec. Moi, c'est vraiment par ça que
je passe.
Le regroupement donne
déjà des mesures d'initiative. Hier, on était en formation en cyberagression
sexuelle toute la journée. On essaie de
donner à nos membres le plus de formation possible pour avoir les moyens de
prendre en charge des nouvelles
problématiques. Parce que, malheureusement, il y en
a, des nouvelles problématiques, et,
la cyberagression sexuelle et le
leurre d'enfants, on sait que c'est majeur. J'ai de la misère à vous le
chiffrer comme ça, je pourrais vous
lancer des montants, mais je pense qu'on ne veut pas la parité, là, ce n'est
pas ça qu'on veut, avec les groupes de
victimes. Ils sont là depuis plusieurs années, puis il y a
plus de groupes dans chaque région du Québec. Mais ne serait-ce que d'avoir un centre et que ce centre-là puisse donner des services aux
agresseurs sexuels à moindre coût, ce serait déjà, pour moi, une réussite, que
de dire qu'on peut au moins en accueillir un peu plus et faire en sorte qu'ils
n'ont pas 20 mois à attendre avant de commencer une thérapie.
Mme Roy
(Montarville) :
Parce que c'est le cas actuellement?
Mme Rioux
(Josée) : Il y a certaines régions du Québec que c'est le cas actuellement.
Mme Roy
(Montarville) :
Quelles sont les régions les plus défavorisées en matière d'aide, justement, de
ressources que vous pouvez apporter aux agresseurs?
Mme
Rioux (Josée) : La
Côte-Nord, ils n'ont pas de service. Gaspésie, ils n'ont pas de service.
L'Abitibi, on arrive peut-être
à réussir à avoir quelque chose. C'est l'Estrie qui a 20 mois d'attente actuellement pour pouvoir accueillir un délinquant sexuel. Ça n'a pas
d'allure, la crise, elle est passée.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme Rioux, merci.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci beaucoup.
Le
Président (M. Picard) :
Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour une période de 2 min 30 s.
Mme
Massé : Merci. Merci de
votre contribution, de votre présentation. Ce que je comprends dans ce que vous
dites, dans le fond, c'est de dire :
Quand on veut que cessent les agressions sexuelles, il faut, d'une part,
s'assurer que la toile de fond qui
facilite ça... il faut que ce soit... que le message soit clair : Ce n'est
pas acceptable, ça n'a pas de bon sens,
puis on ne veut plus que ça se passe. Ça, vous êtes d'accord avec ça puis vous
dites : Ça, ça aide, mais ça n'arrête pas notamment des gens qui
ont une structure d'agresseur sexuel.
Et toute
votre présentation est focussée sur les gens qui ont été, donc, criminalisés,
donc qui ont posé des gestes qui les
ont amenés en prison, parce qu'il y a eu une dénonciation. Et là vous, vous les pognez
à l'autre bout du spectre, quand ils
ont passé à travers des programmes x, y, souvent pas très longtemps
en prison, si on comprend aussi les CAVAC, et tout ça, ça fait que pas beaucoup d'accès non plus aux programmes, puis là, oups!
vous les pognez à l'autre bout, si j'ai bien compris. Ce que je comprends, c'est qu'il y a une nécessité
d'intervenir là parce qu'ils ont des modes d'opération différents et que
donc vous devez déconstruire des choses. Donc, jusqu'à date, je comprends bien.
Ce que vous dites, c'est... vos statistiques, bien
sûr, disent que, comme vous l'avez bien nuancé...
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste une minute.
Mme Massé : Ah, tabarnouche!
Le Président (M. Picard) :
C'est parce que, si vous voulez avoir une réponse...
Mme
Massé : Oui, c'est ça.
Est-ce que vous avez un problème si je vous dis que, dans le fond, une des
choses qui encadrent les gestes des
agresseurs avec lesquels vous travaillez, c'est qu'il y a une conception que
ce qui est en avant, que ce soit un enfant, une femme, un autre homme,
peu importe, peut être leur objet sexuel?
M.
Bellemare (Daniel) : Je vous
dirais : Dans la majorité des crimes, oui. Par contre, si on prend
l'ensemble des agressions sexuelles,
ce n'est pas tout de cet ordre-là, mais la majorité, oui. Et, lorsque vous
disiez que la majorité aussi, c'est une notion de pouvoir...
Mme Massé : Rapport de force.
• (18 h 30) •
M.
Bellemare (Daniel) : ...on
peut le retrouver dans la majorité des agressions sexuelles, mais ce ne l'est pas
toutes. Quand on rentre en clinique, il y a
des diversités, à un moment donné, et d'autres histoires qui, dans le fond, sont issues de familles qui
agressent, de grand-père, et dans le reste. Et là on est dans une autre forme
d'histoire, là. Il y a des familles qui ont été violentes, on est dans d'autres formes d'histoire. Ça fait que, oui, on peut retrouver ces aspects-là, mais c'est beaucoup plus
élargi que ça.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, M. Bellemare. Merci, Mme Rioux, M. Bellemare, pour votre apport aux
travaux de la commission.
Et la commission suspend ses travaux jusqu'à
19 h 30.
(Suspension de la séance à 18 h 31)
(Reprise à 19 h 35)
Le
Président (M. Picard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! La Commission
des relations avec les citoyens
reprend ses travaux. Je demande à
toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de
leurs téléphones cellulaires
et de leurs appareils électroniques.
Nous
poursuivons les consultations particulières et auditions publiques sur le
document intitulé Rapport sur la mise en oeuvre du Plan
d'action gouvernemental 2008-2013 en matière d'agression sexuelle.
Nous entendrons ce soir les organismes
suivants : la Confédération des organismes de personnes handicapées du
Québec et le Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence
conjugale.
Dans un premier temps, je souhaite la bienvenue
aux représentantes de la Confédération des organismes des personnes handicapées du Québec. Je vous invite à
vous présenter. Vous disposez d'une période de 10 minutes. Va s'ensuivre
des échanges avec les parlementaires. À vous la parole.
Confédération des organismes de personnes
handicapées du Québec (COPHAN)
Mme Vézina
(Véronique) : Merci, M. le
Président. Bonsoir, Mmes les députées, MM. les députés. Ça nous fait
plaisir d'être ici aujourd'hui. Avant de commencer notre présentation, comme on
le fait dans plusieurs commissions parlementaires,
j'aurais deux accommodements à vous demander. Le premier, on est deux personnes
autour de la table, là, qui avons une
déficience visuelle, donc si les députés pouvaient se présenter pour qu'on
sache qui est présent. Le deuxième accommodement,
ce serait d'avoir quelques minutes supplémentaires, parce que notre rapidité à
lire l'information est un petit peu réduite.
Le Président (M.
Picard) : ...commencer.
Mme Vézina (Véronique) : Oui. Est-ce que
c'est possible d'avoir la présentation des députés?
Le
Président (M. Picard) : Ah! se présenter à tour de rôle tout de
suite. Je pensais que c'était lors des interventions.
Mme Vézina (Véronique) : Non, non. S'il
vous plaît.
Le Président (M. Picard) :
Mon nom est Marc Picard. Je suis président de la commission et député des
Chutes-de-la-Chaudière. Je vais poursuivre avec Mme la ministre, puis on fait
le tour.
Mme Vallée :
Bonjour. Stéphanie Vallée, députée de Gatineau mais aussi ministre de la
Justice et ministre responsable de la Condition féminine.
M. Fortin (Sherbrooke) : Bonjour.
Luc Fortin, député de Sherbrooke.
M. Birnbaum : Bonjour. David
Birnbaum, député de D'Arcy-McGee.
Mme Nichols : Bonjour. Marie-Claude
Nichols, députée de Vaudreuil.
Mme Poirier : Bonjour. Carole
Poirier, députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
M. LeBel : Oui, bonjour. Harold
LeBel, député de Rimouski.
Mme Roy
(Montarville) :
Bonjour. Nathalie Roy, députée de Montarville.
Mme Massé : Bonjour. Manon Massé,
députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme Vézina
(Véronique) : Merci. D'abord,
brièvement vous présenter la COPHAN. La COPHAN est un organisme pour et par des personnes qui ont des
limitations fonctionnelles. On regroupe 61 organismes qui sont présents
dans toutes les régions du Québec et qui représentent l'ensemble des
limitations fonctionnelles.
Mme Pardo(Florence) : Le bilan de
la mise en oeuvre du Plan d'action gouvernemental 2008-2013 en matière d'agression sexuelle révèle sans équivoque que les
personnes ayant des limitations fonctionnelles ont été ignorées dans les
actions entreprises. On peut repérer seulement deux actions qui les ciblent, et
ce, de façon assez superficielle.
Pourtant, en
2008, le gouvernement du Québec a adopté la politique À part entière :
pour un véritable exercice du droit à
l'égalité, et l'objectif de cette politique, c'est de rendre la société
québécoise plus inclusive. Le concept d'inclusion implique que, dans tous les projets, dès le
départ, on crée les conditions qui font en sorte que l'ensemble de la
population, dans toute sa diversité,
puisse participer pleinement au projet. Alors, ça, ça va pour les lois, les
politiques, les stratégies, les
règlements, les plans d'action, et malheureusement ce n'est pas ce qu'on voit
dans le plan d'action qui a été mis en oeuvre
pour les cinq dernières années. Et c'est un peu paradoxal de voir que les
personnes qui font partie de ceux qui sont plus à risque d'être agressés sexuellement sont les grands absents de ce
plan. Et on fait ce constat que tout reste à faire.
Les commentaires et les recommandations que nous
allons partager avec vous ce soir concernent surtout les engagements du prochain plan d'action. Nous
employons le terme «personne ayant des limitations fonctionnelles» parce
que nous voulons inclure toutes les
personnes qui pourraient être victimes et qui sont victimes d'agression
sexuelle, parce qu'il y a un faible
pourcentage d'hommes, il y a les garçons. Mais cependant nous voulons affirmer
qu'étant donné que 83 % des
victimes sont des femmes nous reconnaissons le fait qu'il existe un problème
grave et systémique de violence contre... envers les femmes qui mérite
d'être réglé dans notre société.
• (19 h 40) •
Mme Blais (Linda Marie) : Le premier
constat que l'on fait : un problème complexe et méconnu. Quelques recherches établissent que les femmes ayant des
limitations en particulier... sont particulièrement à risque de violence
sexuelle. Les chiffres sont même alarmants.
Malheureusement, les études sur le sujet sont parcellaires, quasi nulles pour le Québec et pour les hommes
ayant des limitations. Nous manquons d'information pour agir auprès de ces
personnes.
Le manque de formation
du personnel des réseaux en matière
d'agression sexuelle est flagrant. La plupart connaît souvent mal les
besoins des personnes ayant des limitations et les différentes manières d'y
répondre.
Par ailleurs,
les femmes ayant des limitations vivent les mêmes problèmes que les autres
femmes, par exemple la discrimination
liée au sexe, à l'âge, à l'origine ethnique, et vivent également de la
discrimination liée à leurs limitations. Nous croyons qu'il convient
d'adopter une approche intersectionnelle, il faut pouvoir prendre en compte la
réalité complexe de chacune des femmes et de
ne pas ramener certains groupes à une seule composante de leur identité. Si
nous considérons, par exemple, que
plus de 30 % des femmes autochtones de tout âge déclarent une incapacité, vous
voyez tout de suite l'importance de tenir compte de plus d'une facette
identitaire.
Pour agir sur
les problèmes méconnus, nous vous recommandons d'inclure dans toutes les
recherches ou études sur la violence
sexuelle, comme pour l'analyse différenciée selon les sexes, une analyse
différenciée selon les capacités, qu'il
s'agisse de faire ressortir la spécificité des personnes ayant des limitations
dans l'ensemble des données collectées en matière
d'agression sexuelle. Il s'agit notamment de pouvoir identifier les obstacles
au dévoilement de la violence sexuelle, les problèmes d'accès aux services et
les facteurs de risque spécifiques aux personnes ayant des limitations, former
le personnel des réseaux en matière d'agression sexuelle aux besoins et solutions
en lien avec les limitations fonctionnelles. Cette formation doit se faire en
partenariat avec les personnes ayant des limitations et la COPHAN.
Mme Vézina
(Véronique) : Le deuxième constat
qu'on fait concerne les facteurs de vulnérabilité. Le prochain plan d'action doit cibler plusieurs facteurs de
vulnérabilité afin de prévenir la violence sexuelle faite aux personnes ayant
des limitations fonctionnelles. Pour en
citer quelques-uns : des difficultés à se bâtir un réseau dans des
environnements sociaux inaccessibles;
l'éducation sexuelle peu développée au Québec, ne considérant pas les
spécificités des personnes ayant des
limitations; la méconnaissance des ressources en matière d'abus, de
maltraitance, de violence et d'agression sexuelle et l'inaccessibilité de celles-ci aux personnes ayant des
limitations; la dépendance fréquente des personnes ayant des limitations à des individus qui leur
prodiguent des soins intimes ou non; la difficulté pour certaines personnes à
évaluer qu'elles sont victimes
d'agression sexuelle; les réticences à rapporter les agressions sexuelles dont
elles sont victimes par loyauté
envers la famille, par peur de perdre leurs services, par crainte d'être
placées en institution ou par peur d'être rejetées par leur communauté
pour avoir dénoncé un ou une des leurs; et, le dernier, les stéréotypes encore
très présents qui contribuent à confiner les personnes ayant des limitations
fonctionnelles à une image de personne asexuée.
Pour agir sur
ces facteurs de vulnérabilité, nous recommandons de reconnaître les
personnes ayant des limitations fonctionnelles
comme une population à risque à prioriser dans le prochain plan d'action en
matière d'agression sexuelle; de
rendre les campagnes de prévention et d'information inclusives, c'est-à-dire
faire apparaître des personnes ayant des limitations dans ces campagnes; d'adapter le matériel de dépistage et
d'intervention à la réalité des personnes qui ont des limitations
fonctionnelles et former le personnel à détecter les manifestations de la
violence sexuelle qui leur sont spécifiques;
former le personnel intervenant en matière de violence sexuelle sur les
problèmes particuliers liés aux situations de handicap afin de combattre
les préjugés et stéréotypes qui font qu'on nous infantilise et que nous sommes
perçus comme des êtres asexués; puis
s'assurer d'offrir de l'éducation... des cours d'éducation sexuelle incluant
les spécificités des personnes ayant
des limitations, puis ce volet de la formation doit être développé en
collaboration avec la COPHAN.
Comme troisième constat : une population
qui est difficile à rejoindre. Les personnes qui ont des limitations fonctionnelles n'ont souvent pas accès à l'information, ce qui renforce leur
vulnérabilité. Lorsque s'additionnent d'autres discriminations, les
obstacles deviennent insurmontables.
Pour la
COPHAN, une société inclusive se réalise notamment
par l'accessibilité universelle de l'environnement,
de l'information et des programmes et services. Il est essentiel de
financer les besoins liés à l'accommodement, à l'accessibilité universelle et à la compensation des coûts liés aux
limitations dans les réseaux de prévention et de support en matière de
violence sexuelle.
Pour agir sur
ce constat, nous recommandons de colliger et rendre publique l'information sur l'accessibilité, pour les
personnes ayant des limitations, des ressources et des services offerts en violence sexuelle; de
diffuser toute communication relative à la violence sexuelle en s'assurant de
leur accessibilité universelle, cette accessibilité inclut divers
médias substituts; d'inclure l'accessibilité universelle de l'environnement et des lieux physiques dans la conception de
tous les services de prévention, de
dépistage et d'intervention en violence sexuelle, puis il faut aussi prévoir
des mesures de rattrapage pour les
services déjà existants; de soutenir financièrement le développement de services universellement accessibles dans toutes les ressources
consacrées à la violence sexuelle.
Mme Pardo
(Florence) : Le quatrième
constat est qu'il existe des expertises que l'on peut exploiter. Les victimes
d'agression sexuelle qui ont des limitations fonctionnelles sont
initialement, souvent, approchées et soutenues par des centres se spécialisant en violence sexuelle, notamment
les centres d'aide et de... d'action et de lutte contre les agressions à caractère sexuel, les CALACS. Le Regroupement
québécois des CALACS, depuis plusieurs années, a recours à l'expertise de groupes de femmes de la diversité. Donc,
ensemble, on travaille sur inclure les femmes ayant des limitations
fonctionnelles dans les actions soit pour la prévention, le dépistage et
l'intervention.
Les groupes qui oeuvrent auprès des personnes
ayant des limitations fonctionnelles, les associations, les regroupements de personnes ayant des limitations
fonctionnelles, ont aussi une expertise très intéressante, notamment en
ce qui a trait à connaître les
besoins et les réalités de ces personnes, mais aussi en ce qui a trait à tout ce qui a rapport avec l'accessibilité des services, de l'environnement,
de l'information, etc.
Donc, à cet égard, nous avons trois recommandations,
c'est-à-dire d'une part d'avoir recours à l'expertise du Regroupement québécois des CALACS, notamment
dans ses initiatives d'inclure les femmes de la diversité, et de soutenir
ces initiatives financièrement; de
développer et de diffuser du matériel destiné aux groupes de personnes, aux
différents organismes dédiés aux limitations fonctionnelles pour que ces
organismes soient à même de comprendre la violence sexuelle, comprendre comment... quelles différentes formes qu'elle peut
prendre; et d'avoir recours à l'expertise de ces organismes, et de
soutenir leurs initiatives financièrement.
Mme Vézina
(Véronique) : Notre analyse ainsi
que le temps imparti pour cette présentation nous ont amenées à partager avec la commission quatre constats.
Nous espérons que le gouvernement qui rédigera le futur plan d'action priorisera une fois pour toutes les
personnes ayant des limitations fonctionnelles. Nous demandons que cette prise
en compte fasse l'objet de suivi
spécifique de la part de chacun des acteurs impliqués. Dans l'esprit de la Loi
assurant l'exercice des droits des personnes handicapées comme de la
politique À part entière, chacun et chacune est responsable d'agir en
collaboration avec les personnes ayant des limitations fonctionnelles ainsi
qu'avec les groupes les représentant.
En
terminant, pour éviter les erreurs du passé, nous désirons insister sur
ceci : Rien ne doit se faire sur nous sans nous.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Merci beaucoup, mesdames. Je
cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de
19 min 30 s.
Mme Vallée :
Bonsoir, mesdames. Merci beaucoup de votre participation aux travaux de la
commission puis de nous donner surtout une autre piste sur laquelle nous
pouvons travailler. Vous mentionnez, à juste titre, l'importance d'adapter les campagnes de sensibilisation et de
les... en fait, d'utiliser certains outils déjà développés et de les utiliser
pour et dans le cadre d'une campagne de
sensibilisation. J'aimerais vous entendre sur le type de messages qui, à votre
avis, seraient des messages incontournables
dans ces campagnes de sensibilisation dont vous faites mention dans votre
mémoire.
• (19 h 50) •
Mme Vézina
(Véronique) : Oui. Je vous dirais qu'un des messages incontournables, c'est
que, pour plusieurs femmes et hommes qui ont des limitations, la
violence sexuelle n'est pas toujours perçue comme elle devrait l'être. Donc, un message qui explique clairement
ce qu'est la violence sexuelle ou les agressions sexuelles pourrait... devrait
être le premier message qui leur soit adressé.
Je vais
donner un exemple pour imager mes propos. Une personne qui aurait une
déficience intellectuelle, par
exemple, qui sont des personnes qui sont souvent victimes d'agression sexuelle,
peut percevoir ces gestes comme de l'amour,
comme plusieurs autres victimes d'agression sexuelle, mais je
vous dirais que c'est encore plus flagrant, parce que, pour elle, ce dont elle est victime est normal,
fait partie de ce que l'ensemble des personnes subissent. Donc, d'avoir un message qui est clair, qui lance un message
clair sur ce qu'est la violence sexuelle, comment elle se manifeste dans
des... Puis, quand on dit comment elle
se manifeste dans des gestes quotidiens de la vie des personnes qui ont des
limitations, par exemple
des gestes qui sont causés des fois en transport adapté, par des gens qui
viennent donner des soins à la maison. On
a vu, il y a deux ans, une victime qui avait une déficience
intellectuelle et qui était non verbale subir pendant plusieurs années
des agressions sexuelles dans les services de transport adapté, et ça a pris
des années avant qu'on le constate. Donc, de ramener les messages qui sont véhiculés dans des contextes qui
sont... qui font partie du quotidien des personnes qui ont des
limitations.
Mme Vallée : Pouvez-vous me parler aussi des enjeux que l'on
peut rencontrer lorsqu'une personne
atteinte de limitations va porter
plainte? Est-ce qu'on vous a fait part de certaines problématiques? Parce qu'il
y a aussi le processus d'accompagnement.
Donc là, on a parlé de la prévention, mais aussi, le processus qui va donner
suite à une plainte, on l'a peu
abordé dans le mémoire. Est-ce qu'il y a des éléments sur lesquels on devrait
porter une attention particulière? Je pense, comme ça, à l'accompagnement, évidemment, mais est-ce qu'il y a d'autres
éléments dans le processus de traitement d'une plainte qui devraient
comporter des aménagements ou dans lesquels on devrait avoir des considérations
spéciales, là?
Mme Pardo
(Florence) : Je pense qu'au
niveau du... Le processus de plainte, c'est quelque chose qui doit être
vraiment examiné, et de venir avec des stratégies très précises, parce que,
ne serait-ce que... Même s'il y a un mécanisme de plainte qui existe, il y a tellement d'obstacles au niveau de la peur, au niveau de
même ne pas savoir que ça existe, un processus
de plainte. Parce que ce qui arrive avec les obstacles à l'information, avec l'isolement, c'est que souvent les personnes ne sont même
pas au courant que les choses existent, qu'elles ont même le droit de se
plaindre. Donc, il doit y avoir des
stratégies qui sont mises en place pour rejoindre les personnes, ne serait-ce
qu'à travers les organismes ou les services auxquels elles ont recours,
pour au moins qu'elles puissent savoir qu'elles peuvent se plaindre.
Mme Vézina
(Véronique) : J'ajouterais à ce
que Mme Pardo vient d'énoncer : Les services de police, qui sont
souvent, je vous dirais, les premiers intervenants lorsqu'une personne est
victime d'agression sexuelle. C'est arrivé à plusieurs reprises que la
crédibilité des personnes a été remise en cause notamment à cause de leurs
limitations. C'est comme si le fait d'avoir une limitation t'immunise contre la
possibilité d'avoir une agression, de vivre une agression sexuelle. Les
personnes, on les questionne, on remet beaucoup en cause la véracité des faits
qu'elles énoncent. Donc, il y aurait peut-être des actions à poser auprès des services policiers
pour éviter ce genre de situation là. On sait que la personne est déjà dans
une situation de vulnérabilité importante, c'est déjà difficile pour elle de
dénoncer ce qu'elle vient de vivre et, si en
plus on ajoute des éléments comme remettre en cause sa crédibilité, ça ne
facilite pas du tout l'accès à la suite du processus.
Ensuite, je vous dirais que... les
accommodements, souvent la possibilité d'avoir plus de temps pour pouvoir répondre, ou rencontrer des intervenants, avoir
accès à des interprètes pour des personnes sourdes, ce n'est pas encore des automatismes. Des fois, les... je vais dire
les femmes, parce que c'est surtout des femmes, doivent se battre pour
avoir accès à des mesures comme celles-là, qui ne demandent pas nécessairement
beaucoup de financement. Le système judiciaire,
malheureusement, lorsqu'on doit aller en cour, n'est pas nécessairement
encore très bien adapté à la réalité des personnes qui ont des limitations fonctionnelles. Donc, je vous
dirais... Puis aussi les ressources, les ressources qui aident les victimes ne sont pas toujours à l'aise. On a vu, dans certaines situations,
des ressources qui ont refusé de soutenir des personnes
qui avaient des limitations, entre autres parce que leur autonomie n'était pas
suffisante.
Donc, il
y a quand même plusieurs éléments qu'il faut aborder et qu'il
faut régler pour permettre... malheureusement, il ne
faudrait pas permettre que les personnes puissent être victimes d'agression
sexuelle, mais pour leur permettre, lorsque ça arrive, d'avoir un
soutien qui répond à leurs besoins puis qui leur permette de s'en sortir sans
trop de séquelles.
Mme Pardo (Florence) : Si vous
permettez, je pourrais faire le lien avec une des recommandations qu'on a
faites, c'est qu'il y a un grand besoin de formation. Mme Vézina vient de
parler du système judiciaire, mais, tous les intervenants,
en fait, que ce soit dans le réseau de la santé, l'éducation, transport adapté,
il y a une nécessité que les intervenants soient formés à la réalité et aux
divers besoins des personnes qui ont des limitations fonctionnelles.
Mme
Vallée : Donc, est-ce
que vous avez, est-ce que la COPHAN a développé des liens avec certains centres
d'aide aux victimes? Que ce soit dans le réseau des CAVAC ou le réseau des
CALACS, êtes-vous... avez-vous des expériences de mesure ou d'accompagnement
qui ont mené à un succès, à des résultats intéressants?
Mme Vézina (Véronique) : Je vous dirais qu'il n'y en a pas eu en matière d'agression sexuelle
par directement la COPHAN. Par contre, certains de ses membres ou
des membres de ses membres en ont eu. Je pense à Action femmes handicapées Montréal qui mène certains
dossiers en collaboration avec des organismes. Mais on en a eu dans le cadre de la violence conjugale. Je pense au regroupement
des maisons d'hébergement. On en a eu certains avec les CALACS aussi, il y a certains CALACS qui se sont
intéressés et qui ont participé à différents échanges avec nous, mais il n'y a
pas eu d'actions, de gestes concrets qui ont été posés.
• (20 heures) •
Mme Pardo (Florence) : Au
niveau des CALACS, depuis plusieurs
années ils ont mis sur pied un comité-conseil, et, dans le comité-conseil, il y a des femmes de la diversité, il y a
des organismes de femmes handicapées, de femmes autochtones, de femmes de l'immigration et de
femmes de la diversité sexuelle, et ces femmes ont été consultées avant le plan d'action, bien, celui-là, là, 2008-2013,
avant les recommandations pour ce plan d'action là. Et justement,
pour cette consultation aussi, le comité-conseil a été remis sur pied. Et
je sais aussi que les CALACS, on travaille à rendre leurs services,
c'est-à-dire les services offerts par les centres, accessibles, donc elles
travaillent au niveau de l'accessibilité universelle.
Je pense qu'au niveau
des groupes de femmes il y a un grand effort qui est fait à cet égard. Et ce
serait même intéressant qu'au niveau du réseau public il y ait tant d'effort
qui est mis au niveau de l'accessibilité universelle des services. Mais ce qui manque à ces groupes-là,
c'est aussi le financement qui vient avec. Avec le regroupement des maisons
d'hébergement, la COPHAN avait travaillé sur
un document qui forme les intervenantes en maison d'hébergement pour mieux accueillir
les femmes ayant des limitations fonctionnelles. Donc, ça, c'est très
intéressant. Mais vous savez que l'accessibilité, c'est plus que la
formation, c'est l'environnement, c'est... Ça prend les coûts pour la réaliser.
Mme
Vallée : Les
messages, évidemment, que vous souhaitez véhiculer dans le cadre de la
formation, dans le cadre de la
sensibilisation devraient prendre quelles formes? Bon, vous avez parlé d'une
formation destinée notamment aux ressources d'hébergement, c'était une formation qui était
destinée aux intervenantes, mais est-ce
qu'il y a des formes particulières de formation? Est-ce qu'il y
aurait... J'essaie de visualiser, parce qu'on parle... on prend... on se
dit : Oui, on doit former les
intervenants, on doit former les policiers, on doit former... Est-ce qu'il y
aurait une formation type? Est-ce que
ça devrait prendre la forme d'un document écrit? Est-ce que c'est de la
formation qui devrait se donner dans le cadre de la formation générale?
Vous l'aviez imaginée de quelle façon, cette formation?
Mme Vézina (Véronique) : La formation à la COPHAN, on l'a toujours vue... Il y a
une formation générale qui est donnée
sur différents sujets. Dans ce cas-ci, ça peut être sur la violence sexuelle,
sur les agressions, sur l'hébergement ou
d'autres mécanismes. La formation, on l'a voit toujours dans la formation
générale. La formation générale doit inclure
un volet qui concerne spécifiquement les
personnes qui ont des limitations ou les facteurs de vulnérabilité, par
exemple, qui touchent les personnes qui ont des limitations.
Mme Vallée :
Est-ce que vous voyez également une campagne destinée aux témoins des actes de
violence, la sensibilisation des tiers, la
sensibilisation des pairs? Parce qu'il y a aussi une culture du silence qui...
On en a parlé dans certains milieux,
milieu de travail, auparavant dans le milieu... Dans les communautés
autochtones, on nous a dit qu'il y
avait beaucoup de tabous. J'imagine que les tabous existent dans tous les
milieux, à bien des égards. Donc, est-ce que vous croyez qu'il y aurait aussi lieu de rejoindre ceux et celles qui
pourraient être témoins de gestes, de propos inappropriés?
Mme Vézina (Véronique) : C'est certain que les campagnes d'information ou de prévention doivent
aussi rejoindre l'entourage, l'entourage, je dirais, immédiat, même si
on sait que souvent les agressions sont faites par des personnes proches. Il faut être capable de rejoindre
l'entourage mais rejoindre l'entourage, je dirais, aussi indirect, les
intervenants qui vont au quotidien
chez ces personnes-là donner des soins ou qui les transportent, par exemple, au
quotidien ou pour aller au travail,
dans des activités, pour qu'ils soient en mesure de déceler les signes qui
pourraient laisser croire que cette personne-là
est victime de violence sexuelle. Parce que souvent ces personnes-là agissent
sur une situation bien précise, que
ce soit du transport, des services à domicile, et ne voient pas toujours
l'ensemble de ce qui se vit chez la personne. Et qu'on soit capable de leur donner des outils pour qu'elles soient
capables de détecter ces signes-là serait intéressant.
Mme Vallée :
Comment rejoindre... Comment on peut adapter des campagnes de sensibilisation
auprès des clientèles qui vivent en
situation de handicap, qui présentent un handicap intellectuel? Comment arriver
à les rejoindre et à bien les
sensibiliser? Vous en avez mentionné, mais c'est quand même... Ça prend une
approche très particulière, très spécifique
pour rejoindre les clientèles, pour s'assurer qu'elles comprennent bien le
message de ce qui n'est pas
acceptable, ce qui n'est pas une marque d'affection, ce qui n'est pas une
marque d'amour ordinaire. Mais on s'y prend comment? Est-ce que votre
organisme, par exemple, a une expertise en cette matière-là?
Mme
Vézina (Véronique) : La COPHAN, via ses membres, a une expertise pour
justement s'assurer que le message qui est véhiculé s'adresse, entre autres,
aux personnes qui ont une déficience intellectuelle. Je vous dirais, le message principal qu'il faut passer, dans le cas
de ces personnes-là ou pour ces personnes-là, c'est qu'il faut que le message
soit simple, une idée par phrase, qu'il ait
été validé par des personnes qui vivent avec une limitation intellectuelle pour
s'assurer que le message est bien compris,
et souvent l'imager, l'imager avec des photos, des images, mais aussi par des
exemples de la vie quotidienne qui
pourraient leur permettre de reconnaître, via cet exemple-là, d'autres
situations captives.
Mme Vallée :
Merci. Je ne sais pas si mes collègues avaient des...
Le Président (M.
Picard) : Il reste trois minutes presque. M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Birnbaum :
Merci, M. le Président. Et merci pour votre témoignage, ça ajoute... ça nous sensibilise
à une dynamique... regrettablement,
peut-être, ne serait pas en tête tout de suite. Et je comprends que, les
enjeux, on ajoute à un sujet très
triste une autre panoplie de défis. En même temps, on est dans un environnement
de ressources restreintes et où il y a des causes criantes partout.
Alors, il me semble qu'il faut trouver des solutions.
Et
je me demande, compte tenu de votre expertise, si vous pouvez nous parler un
petit peu, peut-être, des façons que
COPHAN pourrait être catalyseur, en adoptant peut-être des gestes qui sont plus
généralisés, mais qui ne touchent pas
spécifiquement aux populations très vulnérables, admettons, dont vous parlez.
Je veux dire, au lieu d'être obligés de parler de, disons, une mesure parallèle dans chacune des 100 voies
dont on a parlé dans le bilan, y a-t-il une façon de... ou est-ce que vous pouvez envisager un rôle accru
pour votre association en nous accompagnant à joindre la population dont
on est en train de parler?
Mme Vézina (Véronique) : Bien, le rôle que peut jouer la COPHAN comme
accompagnement, c'est de collaborer, par
exemple, s'il y a des campagnes de prévention qui sont mises en place, de
collaborer pour s'assurer que le message qui va être véhiculé... Des fois,
ce n'est pas des messages spécifiques, c'est juste de s'assurer que le message
qui est véhiculé prend en compte les
personnes qui ont des limitations. Souvent, on va voir des campagnes de
prévention, par exemple, où on voit
des femmes qui ont... d'origines ethniques différentes, de différents âges.
Mais pourquoi on ne met pas, par
exemple, une femme qui a des limitations aussi qui témoigne, qui vient
présenter sa réalité, ou qu'on fait juste voir pour qu'on sache que ces
femmes-là aussi vivent des agressions sexuelles?
Après
ça, lorsqu'on fait des dépliants d'information, nous, on peut collaborer, à la
COPHAN, pour s'assurer que le message
est simple, pour s'assurer que, la façon dont ça va être présenté sur le
document grand public, on prend en compte
le plus grand nombre de critères d'accessibilité, pour s'assurer que les sites
Internet, par exemple, qui donnent de
l'information... bien, à la COPHAN, on a un comité, on peut rejoindre des
personnes qui peuvent tester les sites Internet. C'est beaucoup de cette
façon-là qu'on collabore dans ces dossiers-là.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Et je cède maintenant la parole
à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour une période de
11 minutes.
Mme Poirier :
Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames. Il me fait plaisir de vous
revoir. Combien d'organismes représente la COPHAN?
Mme Vézina (Véronique) : ...61 organismes, mais plusieurs de ces
organismes regroupent soit des personnes individuellement ou d'autres
organismes.
• (20 h 10) •
Mme Poirier :
...vous avez mentionné tout à l'heure que, dans la politique À part entière de
2009, il y avait effectivement... qui est
sortie après ce plan d'action sur les agressions sexuelles, il y a une section,
effectivement, où on reprend des orientations particulièrement au niveau...
et c'est la section Agir contre toute forme d'exploitation, de violence et de maltraitance. Alors, il me semble... et là le coeur de ce qui
aurait dû faire un continuum avec le plan d'action en matière d'agression sexuelle. Mais
malheureusement, je viens de lire toute la section, le mot «sexuel» n'apparaît
nulle part, comme si c'était quelque
chose qui n'existait pas. On parle d'intégrité physique, on parle... mais on ne
parle jamais... Le mot «sexuel» n'apparaît nulle part.
Au moment de l'élaboration, au moment de... de ce
document-là — je me
pose juste la question — entre l'OPHQ, qui a été
l'émetteur de ce document, et, dans le fond, l'ensemble des groupes, parce que
les groupes ont collaboré à ce document-là, comment ça, cette réalité-là
n'a pas été mise en force, selon vous? Parce qu'il y a quelque chose là, là.
Mme Vézina (Véronique) : Bien, encore une fois, je vais vous dire que c'est beaucoup
les préjugés, les stéréotypes. Pour
la majorité des personnes, les personnes handicapées n'ont pas de sexualité et
donc sont immunisées aussi contre les
agressions sexuelles. Je vous dirais, c'est la principale raison pourquoi la
question de violence sexuelle, de sexualité n'apparaît pas dans la
majeure partie des politiques. C'est un stéréotype qui est véhiculé depuis probablement
qu'il existe... qu'il y a des personnes
handicapées ou des personnes qui ont des limitations. Et il y un vidéo qui a
été fait il y a 30 ans, qui s'appelle...
Une voix :On n'est pas des anges.
Mme
Vézina (Véronique) : ...On
n'est pas des anges. Ce vidéo-là essayait de démystifier la sexualité chez
les personnes handicapées. On le
regarde aujourd'hui, on dirait, là, qu'il vient d'être tourné. La
sexualité n'est pas quelque chose qui
existe pour les personnes qui ont des limitations fonctionnelles, selon les
perceptions qu'on a, alors que, dans la réalité, c'est tout à fait le
contraire.
Mme Poirier : Selon vous, les
personnes qui interviennent autour de vous, que ce soit particulièrement tout qu'est-ce qui est intervenant en matière de santé, services sociaux, est-ce que ces
personnes-là ont une formation... selon vous, je veux entendre votre qualificatif là-dessus. Est-ce que la
formation qu'ils ont reçue pour travailler justement avec des personnes ayant des limitations... Est-ce que
cette formation-là incluait le fait que les personnes ayant des limitations
ont aussi une vie sexuelle? Est-ce que c'est
quelque chose qui, selon vous, apparaît dans leur cursus? Est-ce que ça fait
partie de ce qu'on leur enseigne, de ce
qu'on leur démontre, que, dans la personne avec qui ils auront à travailler,
cette personne-là... Puisque vous
nous dites, là : La personne est asexuée, est-ce que... dans les formations
qui sont données à ce moment-ci, est-ce que c'est encore tenu en compte
ou on a eu une évolution?
Mme Pardo
(Florence) : Tout ce que je
peux dire, c'est que... Est-ce que c'est possible de le regarder largement?
L'expérience nous a montré qu'il y a beaucoup
de chemin à faire en matière de vraiment comprendre les besoins et la réalité des personnes qui ont des limitations
fonctionnelles, que ce soit au niveau
de la sexualité ou les besoins en
général. Quand une personne arrive
dans le réseau de la santé, à l'urgence, admettons, cette personne-là a un
problème : ses besoins, les
spécificités de ses besoins ne seront pas assez connues. Donc, il y a un
besoin, de toute façon, que tous les intervenants de tous les réseaux
aient une idée des besoins de ces personnes.
Je pense que
ce qu'on essaie de dire dans notre intervention, c'est toute l'idée du principe
de l'inclusion au départ, c'est-à-dire que vous allez travailler sur un
plan d'action en matière d'agression sexuelle, il faut qu'au départ votre image de la personne, là, du citoyen soit une
image diversifiée. Donc, ce n'est pas des programmes... Il se peut qu'on ait
besoin des choses très spécifiques, mais ce n'est pas des programmes
spécifiques. C'est juste l'idée au départ qu'une personne peut avoir une limitation fonctionnelle, peut avoir un problème
auditif, peut avoir un problème intellectuel et que tous les projets, toutes les actions sont destinés à ces
personnes-là aussi. Excusez-moi, je me suis un petit peu éloignée
de ce que vous aviez dit, mais, pour moi, c'est ça qui compte.
Mme Vézina
(Véronique) : Peut-être
juste pour compléter puis vous illustrer... Je pense que les... Je crois
que les intervenants ont quand même
une idée que ça existe. Certains vont l'aborder. Mais je vais vous donner un
exemple. Au Québec, on utilise un outil d'évaluation pour évaluer
les besoins, entre autres, des personnes qui ont des limitations, qui est l'Outil d'évaluation multiclientèle. Cet
outil-là contient une section sur la sexualité des personnes, et les
intervenants ne l'utilisent pas, ils passent par-dessus.
Mme Poirier : Est-ce que vous
savez pourquoi?
Mme Vézina
(Véronique) : Non. Probablement parce que c'est quelque
chose qu'ils ne veulent pas aborder.
Puis ce qui n'aide pas non plus,
c'est qu'actuellement il n'y
a aucun service qui existe au Québec
pour répondre aux besoins des
personnes qui ont des... aux besoins sexuels des personnes qui ont des
limitations fonctionnelles. Donc, souvent, quand on ne peut pas offrir
de service, on n'aborde pas les besoins.
Mme
Poirier : C'est une
excellente réponse. Quand vous nous parlez d'éducation à la sexualité en tant que telle, ça a été abordé par à peu
près tous les groupes en
disant : Il faut revenir avec l'éducation à la sexualité à l'école, à tous les niveaux, en tant que tel. Comment vous
voyez... Est-ce qu'on devrait avoir justement une spécificité...
Je reviens avec ma spécificité, même
si je comprends qu'on doit être inclusif avec tous les types de personnes. Est-ce qu'on devrait traiter, justement, dans l'éducation sexuelle...
Puisque, dans le cours d'éducation à la sexualité, on souhaite justement parler de la sexualité, mais que ce soit la
sexualité hommes, femmes, gais, lesbiennes, trans, etc., est-ce qu'on doit aborder les personnes
ayant des limitations fonctionnelles comme étant une... je vais appeler ça une
clientèle, je n'aime pas le mot, là, mais comme étant d'un type
particulier?
Mme Vézina
(Véronique) : Bien, je crois que,
dans les cours d'éducation sexuelle, on devrait non pas aborder comment se fait la sexualité chez les personnes
qui ont des limitations fonctionnelles, mais exprimer que ça existe aussi,
pour justement démystifier puis éliminer les préjugés qui existent.
Mme Poirier : Effectivement.
Je suis d'accord avec vous.
Vous nous
parlez de... On parle de l'analyse différenciée selon les sexes, là, on en
parle beaucoup, beaucoup, de l'ADS. Vous nous dites : On
devrait maintenant avoir une ADC, alors une analyse différenciée selon les
capacités. Pouvez-vous me parler de ce que vous souhaiteriez voir analysé particulièrement
et le but de cette analyse-là?
Mme Vézina
(Véronique) : Bien, au Québec,
il se fait différentes recherches, études sur différents sujets. Dans le cas qui nous concerne aujourd'hui, il y a des études sur la violence sexuelle. Bien, ces
études-là, souvent, font une analyse différenciée
sur combien il y a d'hommes, combien il y a de femmes, selon les
groupes d'âge, selon les communautés culturelles,
mais c'est très, très, très rare... Ça, je dirais, ça se fait spécifiquement quand c'est
des recherches qui concernent les
personnes qui ont des limitations qu'on documente la réalité des personnes qui
ont des limitations dans ces recherches-là. Nous, quand on parle d'analyse différenciée selon
les capacités, c'est que toutes études, recherches, statistiques qui sont
sorties devraient être capables de faire ressortir ce qui concerne
spécifiquement les personnes qui ont des limitations fonctionnelles.
Mme
Poirier : Avez-vous
des données ou savez-vous s'il existe... Puisque justement
on parle de données, est-ce qu'il
existe des données sur le nombre, par
exemple, ou le pourcentage... On
disait qu'il y a... Sur le nombre de pourcentage de
victimes, est-ce qu'on a des données sur les victimes au niveau... handicapées?
Mme Vézina (Véronique) : Actuellement, à
ma connaissance, non. Il y a une recherche qui a été faite par le CRIVIFF.
Florence peut peut-être compléter.
Mme Pardo
(Florence) : Mais justement
la recherche dont Véronique parle, c'était une recherche plus qualitative,
c'est-à-dire le bassin était assez
restreint, mais, à l'intérieur de ce bassin, il y avait des données assez
alarmantes. Donc, c'est pour ça que
nous, nous trouvons qu'il y a un grand besoin de recherches sur ce sujet-là par
rapport aux personnes ayant des
limitations fonctionnelles, et notamment les femmes, par rapport à la
problématique des agressions
sexuelles. C'est très important de faire de la recherche là-dessus.
Mme
Vézina (Véronique) : Ce que je
veux spécifier, c'est qu'on ne veut pas des recherches spécifiques aux
personnes, mais on veut que, dans toute recherche qui se fait, on analyse
et on sorte des statistiques sur les personnes qui ont des limitations
fonctionnelles, parce que celles qui existent au Québec sont très parcellaires.
On se base beaucoup sur des recherches qui
ont été faites à l'extérieur du Québec, où on a des statistiques sur les personnes qui
ont des limitations, puis on ne voit
pas pourquoi ces chiffres-là qui viennent de d'autres pays ou
de d'autres provinces ne représentent pas la réalité qui doit se vivre
ici aussi, là.
• (20 h 20) •
Le Président
(M. Picard) : Merci.
Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Montarville pour huit minutes.
Mme Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président. Mesdames, merci. Merci d'être ici. Merci pour
votre mémoire. Ce que vous faites ce soir est terriblement important. Je vais
vous citer, parce qu'on sent que ce soir vous nous lancez un cri du coeur, vous dites, et là je vous
cite, entre guillemets, que vous avez été ignorées dans le plan d'action,
qu'il y a juste deux mesures qui vous visent, les articles 36 et 85, et de
façon bien superficielle, avec un investissement qui est dérisoire. Alors, moi, j'entends un cri du coeur. Les mots que
vous prenez dans votre mémoire, vous n'êtes ni vues, ni comprises, ni
impliquées, ni consultées, victimes à certains égards de préjugés, vu la
méconnaissance.
Et vous nous dites en page 2 : «Il est
[...] paradoxal de constater que les personnes qui comptent parmi les populations les plus à risque d'être sexuellement
agressées sont les grandes absentes du bilan ici commenté et du plan d'action
dont il découle.» Et, moi, ce que je souhaite et ce que j'espère de tout coeur,
c'est que le prochain plan d'action et les mesures qui seront prises par
le gouvernement vous concerneront davantage et aideront davantage la cause des personnes qui ont des limitations pour justement
faire en sorte que, des agressions sexuelles, il y en ait de moins en moins,
de moins en moins, de moins en moins.
Et vous avez
dit, à juste titre, et je le souligne pour les gens qui nous écoutent... Le
fameux documentaire On n'est pas
des anges, j'ai souri parce que
je l'ai vu. Il est extraordinaire, et ça démystifie beaucoup de choses, ça fait
tomber les préjugés, et on en apprend
beaucoup. Et je pense que vous parlez beaucoup
d'information, on manque d'information sur les limitations, sur ce que vous vivez. Et vous nous l'avez dit de toute façon que vous êtes pratiquement peu consultés sur vos réalités. Donc, j'espère que vous le serez davantage et bien
davantage, et vous êtes ici pour ça ce soir, justement.
Ce que vous
dites me touche beaucoup, et je vous amènerais à la page 5 de votre
document, quand vous nous parlez, dans
les recommandations, de «rendre les campagnes de prévention et d'information
inclusives, c'est-à-dire [de] faire apparaître des personnes ayant des limitations fonctionnelles dans les
campagnes». Donc, ce que je comprends, c'est : on veut vous voir, on veut comprendre votre
réalité. Pourriez-vous élaborer là-dessus? Parce que vous parlez des jeunes,
plus particulièrement des jeunes. Pourquoi?
Mme Vézina (Véronique) : Je vous dirais
qu'on insiste sur les jeunes parce que... non pas qu'on ne veut pas intervenir pour les personnes plus âgées ou chez
les adultes, mais l'avenir, ce sont nos jeunes, et, si ces personnes-là ne
sont pas... n'apparaissent pas dans les
publicités, qu'on ne leur donne pas d'éducation sexuelle et qu'on ne les
informe pas que les personnes qui ont
des limitations fonctionnelles sont aussi des êtres qui ont une sexualité ou
des personnes qui ont une sexualité,
on va continuer et on va maintenir les préjugés qui existent actuellement. Ceux qui peuvent changer ces préjugés-là... Si on peut changer
ces préjugés-là, c'est notamment en passant par les jeunes, pour éviter qu'ils
se perpétuent dans le temps.
Mme Roy
(Montarville) : Je
vais poursuivre avec mes questions. Merci pour la réponse. À la page 4, ma
collègue l'a abordé, a abordé un petit peu la question tout à l'heure,
parmi les recommandations, vous nous dites également : «Sensibiliser,
informer et former [...] les professionnels qui sont amenés à intervenir auprès
des personnes ayant des limitations
fonctionnelles victimes d'agression sexuelle aux problèmes particuliers liés
aux situations [du] handicap.» Et on avait tout à l'heure des gens de la
fonction publique, des syndicats de la fonction publique. Quand on parle de
professionnels, on parle des intervenants, entre autres, dans le milieu de la
santé, de CHSLD, j'imagine, c'est de ces professionnels-là
que vous voulez parler, mais parlez-m'en davantage. Est-ce que c'est nous dire
qu'ils ne sont pas formés, alors qu'ils se trouvent, justement, dans des environnements où vous
vous trouvez, il n'y a pas suffisamment de formation à cet égard-là?
Mme Vézina (Véronique) : Les formations sont très générales, et, dans le cas qu'on parle
actuellement, on parle beaucoup des
intervenants ou des professionnels qui sont à risque de détecter les situations
d'agression sexuelle. Et ce qu'on
dit, c'est que les facteurs de vulnérabilité que vivent les personnes qui ont
des limitations ne sont pas toujours connus. Alors, on ne connaît pas non plus leurs spécificités, on n'est pas
informé sur la façon dont cette violence-là peut se vivre, donc on n'est
pas en mesure nécessairement de la détecter et de bien accompagner les
personnes par la suite.
Mme
Roy
(Montarville) : Ce qui est, somme toute, très
triste, parce que ces gens-là sont là pour vous aider, ils devraient le
savoir. Et de toute évidence c'est quelque chose à faire à cet égard-là
également.
Je
vous amène aussi à la page 7, un peu plus bas, encore dans des
recommandations, vous parlez des liens avec les autres organismes, une des recommandations, en bas de page :
«Recourir à l'expertise [des regroupements] québécois des CALACS,
notamment dans ses projets visant l'inclusion des femmes de la diversité, et
soutenir financièrement ces initiatives.»
Est-ce que c'est dire que, présentement, il n'y a pas suffisamment de
collaboration? En voulez-vous davantage? Est-ce que vous avez suffisamment d'aide des CALACS ou d'autres
organismes? À quel niveau ça accroche, si ça accroche?
Mme Vézina (Véronique) : Je vous dirais que l'accrochage n'est pas dans la collaboration avec
ces organismes-là, mais l'accrochage
est plutôt que, souvent, il y a des investissements qui sont nécessaires pour
répondre aux besoins qui sont exprimés par les personnes qui ont des limitations
fonctionnelles, et ces organismes-là ne sont pas suffisamment soutenus pour
pouvoir mettre en place les accommodements qui vont répondre à ces besoins-là.
Mme Roy
(Montarville) :
Vous savez qu'on est ici pour tenter de trouver des mesures pour faire arrêter
ces agressions sexuelles ou du moins les
faire diminuer de façon importante. Si nous n'avions qu'une mesure à mettre de
l'avant, selon vous, laquelle serait la plus importante?
Mme Vézina (Véronique) : Je vous dirais, il y en a... Il n'y a pas une mesure à prendre, là. Ce
que je vais vous dire, c'est que
l'ensemble des mesures doivent être inclusives et prendre en compte
l'accessibilité aux personnes qui ont des
limitations et les spécificités des personnes qui ont des limitations. On ne
veut pas une mesure nous concernant, on veut des mesures qui concernent
tout le monde, nous incluant.
Mme Roy
(Montarville) :
Je vous remercie infiniment, mesdames. Merci beaucoup.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques,
pour trois minutes.
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Bonsoir, mesdames. Merci de votre
contribution, votre participation et votre présence. D'ailleurs, je pense que ce qui est pour moi bien important
dans ce que vous amenez, c'est de dire : On peut-u enfin être inclus? On peut-u enfin être partie
prenante, comme êtres humains à part entière, des plans qui sont mis au niveau
du gouvernement, au niveau... pour faire en
sorte que, si on est inclus, bien, donc, il y a des mesures, des programmes,
des promotions, des publicités qui vont
s'adresser... on va se reconnaître. Et l'exemple qui me venait, en vous
écoutant, sur justement le fameux
préjugé que les personnes à limitations fonctionnelles n'ont pas de sexualité,
c'est l'émoi qu'a créé dans le peuple
québécois le film Gabrielle, où est-ce que tout le monde a fait :
Ah! tu peux être handicapé intellectuel puis tomber en amour? Alors, dans ce sens-là, je pense que votre
présence nous rappelle qu'on a une sexualité et qu'il y a des abus
auprès des personnes qui ont des limitations fonctionnelles, comme auprès
d'autres femmes.
Vous
avez fait état de la nécessaire collaboration entre la COPHAN, les membres de
la COPHAN, et différents acteurs déjà
sur le terrain. Est-ce qu'une des pistes serait de développer des outils qui
pourraient, bien sûr, servir à former les femmes, les intervenantes, etc., à
l'intérieur des CALACS, CAVAC et l'ensemble des intervenants, mais aussi à
l'intérieur des groupes qui interviennent
avec les gens qui ont des limitations fonctionnelles, qui, eux autres, sont
souvent des groupes qui ont des contacts directs avec vous? Est-ce que
ça pourrait être une piste aussi?
Mme Vézina
(Véronique) : Bien, ça fait partie de nos recommandations, là, je ne
pourrais pas vous la citer explicitement,
mais on a une de nos recommandations qui vise à outiller les groupes de
personnes qui ont des limitations fonctionnelles à détecter et à
soutenir les personnes qui sont victimes d'agression sexuelle.
Mme
Massé : Et j'ai aussi bien entendu le besoin de documenter, donc la
recherche, la recherche. Est-ce que, par
exemple, un engagement qu'on pourrait peut-être prendre dans un futur plan
d'action, c'est de dire : Si, par le plan d'action, on soutient de la recherche, tant au niveau de nos propres...
soit le Secrétariat à la condition féminine ou peu importe, qu'on oblige, là, j'utilise un gros mot,
mais que soit obligé d'avoir cette lunette de l'analyse différenciée selon
les capacités...
Le Président (M.
Picard) : Je dois vous interrompre, Mme la députée.
Mme Massé :
O.K. Merci.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Merci, Mmes Pardo, Vézina et Blais, pour votre
apport aux travaux de la commission.
Et je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du
Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale de
prendre place.
(Suspension de la séance à 20 h 30)
(Reprise à 20 h 32)
Le Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant les représentants du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence
conjugale, et je vous demanderais de vous présenter, dans un premier temps.
Vous disposez d'une période de
10 minutes. Va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. La parole
est à vous, mesdames.
Regroupement des
maisons pour femmes
victimes de violence conjugale
Mme Langlais(Sylvie) : Alors,
bonsoir. Je suis Sylvie Langlais, présidente du regroupement provincial des maisons d'aide et d'hébergement, et je suis
accompagnée ce soir de Mme Louise Riendeau, qui est permanente et responsable
des dossiers politiques.
Je remercie
la commission de bien avoir accepté notre présence ici ce soir. Les
intervenantes en maison sont aussi appelées
à intervenir auprès des femmes qui ont été victimes d'agression sexuelle, car
n'oublions pas que les agressions sexuelles,
c'est une des formes de violence conjugale. Plusieurs études d'ailleurs nous
révèlent que plus de 85 % des
femmes ont dit avoir été agressées
sexuellement après avoir été battues ou insultées de la part de leurs conjoints
dans la dernière année dont elles
étaient... quand elles étaient en couple. Une des caractéristiques importantes
de la violence sexuelle dans les
relations amoureuses et conjugales est sa fréquence élevée et sa répétition.
Évidemment, la proximité avec l'agresseur fait vivre aux femmes des abus
de manière répétitive. Les femmes subiraient, selon certaines études, jusqu'à
13... 20 viols par année.
Malheureusement,
et ce, malgré ces chiffres, les femmes sont mal à l'aise de dévoiler, on s'en
doute bien. Aujourd'hui, c'est encore
plus difficile. L'hypersexualisation, la pornographie via Internet, on entend
beaucoup parler de ça en maison d'hébergement.
Le bilan
qu'on en fait, pour ce qui est des femmes marginalisées, c'est bon. Mais on en
a peu parlé, des mesures... il y a très peu de mesures qui parlent de la
population en général. Il y a peu de mesures, puis ça, on peut le voir par
rapport à la régression au niveau des mythes et préjugés.
La campagne
de sensibilisation, on en parle depuis hier, on en parle beaucoup. Pour nous,
elle devrait être à la hauteur de
celle qui parle de l'alcool au volant, ni plus ni moins. Mais surtout ce plan
d'action là, pour nous, devrait faire en
sorte que cette problématique-là arrête d'être une problématique individuelle
et qu'elle devienne une problématique sociale. Sur ce, je vais laisser
la parole à ma collègue.
Mme Riendeau(Louise) : Vous
l'aurez compris, bien qu'il y avait plusieurs mesures dans le dernier plan d'action, nous pensons qu'il faut aller plus loin,
beaucoup plus loin dans celui-ci. En fait, cet automne, avec toute la vague
de dévoilements qu'on a vus, on a pu se
rendre compte que les obstacles qui étaient dénoncés en 2001, au moment des
orientations, sont toujours là. En fait, les
mythes, les préjugés font en sorte que les victimes restent isolées, restent
dans le silence. Et on se rend compte
aussi, de notre point de vue, que, si les choses se sont améliorées pour les
victimes de violence conjugale, les victimes de violence sexuelle
restent suspectes. Que ce soient les proches, que ce soient les professionnels, il y a toujours quelqu'un pour se demander si la femme ne serait
pas responsable de ce qui lui est
arrivé, si elle n'aurait pas couru
après, et c'est ce qui fait que les femmes n'osent pas, parfois, demander de
l'aide et, souvent, dénoncer. Et,
quand on regarde les statistiques du ministère de la Sécurité publique, si on
isole les agressions sexuelles qui
touchent plus les adultes, on voit que non seulement ça n'a pas augmenté, mais
ça a légèrement fléchi depuis 10 ans. Donc, on n'avance vraiment
pas à ce niveau-là.
Donc, comme
notre présidente l'a dit, pour nous, il faut changer les mentalités absolument,
et on pense que la campagne de sensibilisation est un bon moyen, mais à
condition que ça ne dure pas trois semaines pendant quelques années. Ça doit être une campagne annuelle,
soutenue. Et il ne faut pas se limiter au message dénoncé, il faut plutôt
travailler sur les mythes, les
préjugés, sur le consentement, avoir des messages de responsabilisation à
l'égard non seulement des agresseurs, mais aussi inviter les gens à se
responsabiliser, on l'a fait pour les proches en violence conjugale, à aider, à prévenir, à soutenir. On pense aussi qu'il faut
que cette campagne-là ait un volet qui s'adresse spécifiquement aux jeunes,
et spécifiquement aux jeunes hommes. Quand
on a lu le rapport fait à l'Université d'Ottawa, on trouvait ça assez effarent
de lire qu'un certain nombre de jeunes
hommes disaient que, s'ils n'étaient pas pris, peut-être qu'ils violeraient une
femme. Donc, il faut travailler
là-dessus. Et je pense qu'il faut que les hommes parlent aux hommes. Donc, ça
nous semble un élément essentiel.
Autre élément
dont plusieurs m'ont parlé, l'éducation à la sexualité et à l'égalité. Je pense
que je ne m'étendrai pas beaucoup
là-dessus, on pense, comme d'autres, qu'il faut que ça soit dès le primaire, et
d'aller chercher l'expertise qu'il y a à ce niveau-là.
Au
plan du dépistage, les deux derniers plans n'avaient pas de mesure pour
favoriser le dépistage par les intervenants en santé et services sociaux. Donc, on le voit, on en a parlé pour les
femmes qui ont des limitations fonctionnelles juste avant, mais aussi en général beaucoup
d'intervenants sont mal à l'aise avec la question de la violence sexuelle, ne
posent pas de questions. Donc, il
faut les former, il faut les soutenir et il faut aussi que ça contienne des
volets qui leur permettent de
s'interroger : s'ils sont face à de la violence conjugale, peut-être qu'il
y a aussi de la violence sexuelle, s'ils sont face à une femme qui a une limitation fonctionnelle,
peut-être qu'il faut poser des questions à ce niveau-là. Donc, il faut vraiment
donner un coup de barre à ce niveau-là.
On a parlé du
soutien, on a parlé beaucoup des CALACS, effectivement, qui peuvent apporter
une approche globale aux femmes, aux jeunes femmes qui sont victimes.
Donc, il faut le faire. Et on pense qu'il faut maintenir le cap, continuer à développer la ligne 24/7, c'est
une porte d'entrée 24 heures par jour, anonyme, où les victimes peuvent
avoir un premier contact et être orientées vers les ressources.
Autre élément
qui est pour nous crucial, c'est : il faut changer des choses au niveau du
processus judiciaire. On ne peut pas
se contenter d'informer les victimes et penser que par magie elles vont y
aller. Il faut travailler sur les mythes et les préjugés pour les aider, mais il faut aussi faire en sorte
qu'elles puissent davantage dénoncer. Parce que nous, on ne veut pas mettre le poids sur les épaules des
victimes, mais il faut quand même être clairs : quand on ne dénonce pas
les agressions sexuelles, les agresseurs peuvent continuer d'agresser en
toute impunité, et c'est une des façons qu'on a d'envoyer un message social fort. Donc, il faut se donner des moyens
pour faciliter les choses au niveau des victimes, au-delà de changer les
mentalités.
On a beaucoup
parlé des délais. On nous dit que, dans certains cas, ça peut aller jusqu'à
quatre ans. Ça, ce que ça veut dire,
là, c'est : quand tu es une victime, il ne faut surtout pas que tu
oublies, parce que tu vas témoigner, si tu portes plainte, et ça veut dire aussi que tu continues à
côtoyer des proches de ton agresseur, puisque souvent il est connu et que lui est considéré comme innocent jusqu'à preuve du
contraire. Donc, imaginez dans quel état les victimes peuvent se sentir
pendant ce long délai. Alors, on peut comprendre qu'elles ne portent pas
plainte.
• (20 h 40) •
Une autre chose à regarder, c'est la première
étape au niveau des services policiers. Des gens qui enseignent aux policiers,
qui nous disent que la formation est meilleure, nous disent que, malgré tout,
beaucoup de policiers arrivent et ressortent
de la formation en se disant : Je serai peut-être face à une fausse
victime qui veut se venger d'un homme
et l'accuser faussement. Alors, pendant ce temps-là, l'enquête qu'ils font ne
se fait pas avec toute l'ouverture et la neutralité qui seraient nécessaires. Il faut qu'ils fassent enquête, si
c'est une fausse victime, ils vont le trouver, mais il faut qu'ils aient
l'ouverture pour le faire. Donc, ça, c'est un élément.
Et l'autre
chose qu'on nous rapporte, c'est aussi : il faut que chacun fasse son
travail. Il ne faut pas que le policier pense que le procureur va trouver que la preuve n'est pas suffisante,
puis il ne faut pas que le procureur pense que le juge va trouver que la preuve n'est pas crédible. Chacun
doit faire son travail à sa place, et à ce moment-là on va mieux progresser.
On remarque aussi que le taux de verdicts de
culpabilité est plus bas en matière
d'agression sexuelle que pour d'autres
crimes et on se dit... on s'est un peu questionnées, mais, quand on est allées
voir les directives du Directeur des poursuites
criminelles et pénales, on a vu que ça se limite à trois directives. En
violence conjugale, il y en a 20. Au niveau de la violence envers les enfants, elles sont beaucoup plus nombreuses.
Donc, il nous semble qu'il y a une réflexion à faire là et il y a aussi
des moyens à mettre.
Si on parle
de réduire les délais, bien, il faut que le DPCP ait les moyens, probablement,
d'avoir plus de procureurs pour être
capable de plaider les choses. Il faut des orientations de la ministre aussi
pour éviter qu'on ait toutes ces remises, qui souvent, effectivement, sont le cas... sont le lot de la défense.
Mais il y a peut-être des discussions à faire avec le Barreau à ce niveau-là. Bien sûr, on veut un système de
justice qui ne fait pas que des innocents soient condamnés, mais, à l'heure
actuelle, on a des victimes qui, elles se
sentent condamnées par le système de justice. Donc, il y a des choses à changer
à ce niveau-là.
Au niveau du
témoignage aussi. On a fait des aménagements pour les enfants. Il faudrait
évaluer si on ne peut pas faire des
aménagements... Parce que c'est particulièrement difficile de témoigner devant
un agresseur qui nous connaît, et qui
nous connaît bien dans certains cas. Donc, il y a peut-être la question des
écrans en circuit fermé, il y a des choses à regarder pour faire en sorte qu'on puisse aller mieux à ce niveau-là. Et
on pense qu'il faut que les victimes puissent être accompagnées en tout temps, même quand elles
parlent des faits. C'est des moments extrêmement difficiles pour elles, alors on ne peut pas leur dire : Bien là,
l'accompagnante va rester dehors, vous allez parler au procureur ou à la police.
Il faut faire des changements à ce niveau-là.
Le Président (M. Picard) : En
conclusion, Mme Riendeau.
Mme Riendeau (Louise) : Oui,
conclusion. Je dirais qu'un élément dont je n'ai pas parlé puis qu'on pourra peut-être parler plus tard, c'est toute la
question du consentement en matière de violence conjugale, c'est un problème
particulier.
Mais, si je
faisais une conclusion, je dirais... On sait qu'on se fait souvent demander une
chose : Y a-tu une chose, deux
choses, trois choses? Il faut avancer, on a trop de rattrapage à faire en
matière d'agression sexuelle. Il faut avancer sur plusieurs fronts à la fois, le changement de mentalité, la justice,
le dépistage, pour être capables de bouger des choses. On ne peut pas
être au même endroit qu'en 2001.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à
Mme la ministre pour une période de 22 minutes.
Mme
Vallée : Merci beaucoup, mesdames, de vos recommandations. En
fait, je lisais votre mémoire ce week-end, et je me suis sentie doublement interpellée de par mes fonctions, puis
je dois vous dire qu'effectivement vous apportez des pistes qui méritent d'être analysées. Je pense que c'est quand
même... Toute la question de la fragilité d'une victime qui traverse le processus judiciaire, vous
apportez des suggestions, des recommandations, et j'entends les regarder avec
attention et voir dans quelle mesure,
évidemment, on peut mettre en place certaines choses sans nécessairement
attendre davantage. Je vous ai très
bien entendues là-dessus et je tiens à vous dire que ce que je retrouve, là,
comme recommandations... il y a des
choses qui peuvent être plus difficiles à mettre en oeuvre, mais il y a des
trucs qui méritent qu'on les analyse sérieusement.
Vous abordez une question aussi qui est
extrêmement... je pense qui est un peu tabou, toute la question de la violence conjugale et sexuelle. Et nous avons deux
plans d'action, on a un plan d'action en matière de violence conjugale, on a un plan d'action en matière de violence
sexuelle. Est-ce que le fait d'avoir deux plans d'action distincts... est-ce
que vous pensez que ça cause un
problème ou est-ce qu'on doit maintenir deux plans d'action distincts? Ou
est-ce qu'on doit aussi envisager,
peut-être, joindre les plans d'action afin de mieux répondre à la problématique
que vous soulevez? Parce que ça, ça
entraîne tout un autre aspect, c'est-à-dire la sensibilisation des intervenants
face à la réalité qu'est l'existence de
la violence sexuelle dans un contexte de relations de couple, toute la
sensibilisation, dans ce contexte-là, à tout l'aspect du consentement. Parce qu'on aura tendance à
dire : Mais oui, mais vous êtes en couple, comment démontrer que vous
n'étiez pas consentante? L'avez-vous dit,
l'avez-vous manifesté? Est-ce que c'était juste parce que vous étiez fâchés
puis... Bref, on peut penser à tous
les préjugés qui peuvent ressortir lorsqu'une victime veut dénoncer une
agression qui s'est produite à
l'intérieur de son couple. Donc, ça nous amène à l'aborder d'une autre façon et
avec une sensibilité tout autre. Alors,
je me questionne, parce que je lisais le mémoire puis je me
disais : Est-ce que nos deux plans
d'action... Est-ce que c'est aidant
ou est-ce que c'est plus compliqué de travailler avec deux plans d'action
distincts? Ou est-ce qu'on ne devrait pas avoir des mesures ou un tronc
commun entre les deux plans?
Mme
Riendeau (Louise) : Bien,
c'est une question qui est d'actualité, que les groupes se posent, qu'on se
pose aussi, je sais, au secrétariat.
Et je pense que ça mérite d'y réfléchir. Mais, dans ce cas-ci, moi, je me
demande : Le problème est-il
deux plans d'action ou le problème est-il que la question des agressions
sexuelles est plus taboue que la question de la violence conjugale? Parce que, même si tout n'est pas rose au plan
de la violence conjugale, on a vraiment le sentiment d'avoir fait plus de chemin, plus de chemin au
niveau de la sensibilisation du public. Tu sais, il y a 20 ans, les
proches dissuadaient et les proches
se tournaient contre les victimes de violence conjugale, comme ils le font
encore contre les victimes
d'agression sexuelle. On a réussi à changer ça. Là, on a des proches qui
veulent aider, qui nous appellent pour dire :
Comment je peux faire pour soutenir? En fin de semaine, il y avait quelqu'un au
bout du téléphone, sur le cellulaire, qui
disait : «J'ai une proche qui habite tel endroit, je voudrais l'aider», et
j'ai pu la diriger vers le bon endroit. Mais ce n'est pas la
même chose au niveau des agressions sexuelles. Même chose au niveau de la
justice, des policiers. On a fait du chemin.
Alors, on a
le sentiment que toute... C'est beaucoup les mythes et les préjugés à l'endroit
de la violence sexuelle, à l'endroit
des victimes d'agression sexuelle qui sont le plus grand frein, dans ce cas-ci,
plus que le fait d'avoir nécessairement un plan ou deux plans. Je pense
qu'on a du travail à faire pour abattre cette vision des choses.
Mme Vallée :
Est-ce que vous avez beaucoup... Vous êtes au fait de nombreux obstacles,
d'autres obstacles à la dénonciation de ces agressions-là. Outre les
préjugés que certains corps policiers ou certaines personnes pourraient avoir, est-ce qu'il y a d'autres obstacles qui
vont amener une femme ou une victime... Parce que la violence sexuelle dans
un couple peut aussi être entre deux hommes,
entre deux femmes. Est-ce qu'il y a d'autres éléments qui constituent des
obstacles, à votre avis?
Mme
Riendeau (Louise) : Bien, en
fait, tantôt, on en parlait. Ce que nous, on voit dans les maisons
d'hébergement... Parce que la
recherche dont on parlait, elle a été réalisée en 1987. Malheureusement, elle
est toujours d'actualité, puis des recherches
plus récentes la confirment. Ce qu'on voit de différent maintenant, c'est que
les femmes ont plus de difficultés à nous en parler parce qu'une
sexualité soi-disant ouverte est valorisée, parce qu'on est dans un climat
d'hypersexualisation où c'est normal, parce qu'effectivement la pornographie
est plus accessible. Déjà, en 1987, les conjoints
des femmes qu'on voyait en maison d'hébergement utilisaient la pornographie,
demandaient aux femmes d'avoir des
pratiques sexuelles comme ce qu'ils voyaient dans la pornographie. Mais là,
avec Internet, tout ça s'est multiplié. Et, pour les femmes, dire non, ou dénoncer, ou le dire devient comme :
Bien, je suis trop prude, c'est moi qui n'est pas correcte. Et c'est ce que le conjoint leur a dit, en tout
cas dans le cas de la violence conjugale. Alors, ça, c'est ce dont nous, on
peut témoigner.
Tout ce contexte-là qui tend à normaliser une
sexualité violente rend la chose beaucoup plus difficile pour les femmes, parce que ça devient elles qui ne sont pas
correctes et qui devraient accepter des choses au lieu de dire que c'est
un agresseur qui a un problème.
Mme Vallée :
Vous m'emmenez sur, justement, le sujet de l'hypersexualisation,
l'accessibilité de la pornographie. Est-ce
que vous avez des recommandations à cet égard-là? Comment aborder cette
question-là, et qu'est-ce qui pourrait être
mis en place, dans un prochain plan d'action, à l'égard de ce fléau,
appelons-le comme tel, qui vient contaminer aussi les ados dans leurs
pratiques et dans leur conception de ce qui est acceptable et ce qui ne l'est
pas?
• (20 h 50) •
Mme
Langlais (Sylvie) : Bien, ça va
être les cours d'éducation sexuelle. Je pense que, si on veut rejoindre les jeunes, ça va être là. On les a enlevés, on n'a presque plus... Il y a
des projets, là, j'entends, là, que le ministère
de l'Éducation veut
remettre les cours d'éducation sexuelle. Mais, là encore, il va falloir faire
attention, parce que ce qu'on entend aussi, c'est que ce n'est pas tous les profs qui se
sentent à l'aise de parler de sexualité. Alors, il faudra aller voir des
spécialistes, aller voir les gens des
CALACS, des gens qui sont habitués, qui n'ont pas de malaise à parler de
sexualité avec les jeunes. Mais ça part de là. Si on veut rejoindre les
jeunes, ça va partir de là. Les inégalités femmes-hommes au niveau de la sexualité, dans la société, il va falloir qu'on
en parle à quelque part, et je pense que c'est là. Et le respect de
l'autre, c'est là.
Mme
Riendeau (Louise) : Parce que,
disons-le, à l'heure actuelle, ce qui tient lieu de cours d'éducation sexuelle, c'est souvent Internet. Alors, si on n'est pas
capables de contrebalancer...
Mme Vallée : Et l'éducation à
des rapports égalitaires.
On a abordé
hier toute la question des services qui sont offerts aux transsexuels,
aux transgenres, et le Conseil québécois
LGBT nous informait... nous sensibilisait à l'absence ou la difficulté
pour les femmes et pour les transgenres et les transsexuels d'avoir accès à des services d'aide. Comment... Quel
genre de service est offert par votre regroupement à ces groupes et à ces femmes, à ces hommes qui
vivent des situations terribles et qui sont aussi l'objet de violence
sexuelle et aussi de violence conjugale?
Mme
Riendeau (Louise) : Bien,
écoutez, je vous dirais que les maisons, quand elles reçoivent une demande
d'une femme transgenre, vont
l'évaluer, comme elles vont évaluer toute demande qu'elles vont recevoir, et
vont tenter d'y répondre. C'est des
demandes nouvelles que les maisons reçoivent. Nous, on a organisé des activités
de sensibilisation, de formation à ce
niveau-là, et effectivement on tente, là, de répondre aux besoins des femmes.
Ça pose des défis. Je pense qu'il
y a encore beaucoup
de travail à faire socialement. Dans les défis que ça pose, c'est que, dans une
maison d'hébergement, on vit avec un groupe de femmes, et, comme les
premières fois, au fond, où on a reçu des femmes lesbiennes qui étaient victimes de violence, il faut travailler avec le
groupe qui est là à défaire des mythes et des préjugés. Et donc, des fois, il
faut soutenir les intervenantes pour qu'elles soient capables de le faire.
Mme Vallée : Mais je comprends que, dans votre réseau, vous
avez déjà... vous êtes déjà en amont, c'est-à-dire que vous travaillez déjà
auprès de vos membres pour les sensibiliser à la question. D'accord.
Il y a également...
On a quand même des statistiques impressionnantes sur tous les
cas qui ne sont pas dénoncés. On nous dit qu'il y a près de 90 %
des agressions qui ne sont tout simplement pas dénoncées. Et donc on n'a pas de
distinction, à savoir : Ce 90 %
est-il composé exclusivement de femmes? Il y a des hommes aussi,
j'imagine. Et comment travailler avec
ce 90 %? Comment les rejoindre, ce 90 % de victimes qui, ne dénonçant
pas, n'ont pas de service, n'ont pas d'accompagnement, n'ont aucune
épaule sur qui se reposer?
Mme Riendeau (Louise) : Bien,
tantôt, on vous parlait de la ligne. Nous, on pense que c'est une très bonne initiative. Écoutez, SOS Violence conjugale existe
depuis 1986. On a une ligne en agression sexuelle depuis quatre ans à peu
près, je pense que c'est 2010. Donc,
il faut que cette ligne-là perdure, et qu'elle soit connue, et qu'on sache que
c'est confidentiel, qu'on sache qu'on va nous mettre en contact avec une
ressource. Mais, au bout, il faut qu'il y ait les ressources pour être capable
de répondre. Si on sait qu'on va être sur une liste d'attente pendant des mois,
peut-être que ce
n'est pas ça dont on a besoin. Mais certainement qu'il faut faire connaître l'existence des ressources
d'aide, la possibilité de recevoir de l'aide sans être obligé de porter
plainte. Et, qui sait, peut-être que cette aide-là nous aidera ensuite à dénoncer.
Mais je pense qu'il faut le dire.
Tantôt, vous
disiez : Je trouve que vous avez des propositions sur la justice
qui peuvent être intéressantes. Si on fait
des changements, il faut le faire savoir, il faut le faire savoir par les ressources,
parce que peut-être qu'une femme qui n'en a pas besoin immédiatement ne réagira pas, mais il faut
que ce soit dans la rumeur publique. La seule année où on a eu... les deux seules années où on a eu une augmentation des dénonciations, c'est l'année et l'année qui a suivi la dénonciation de Nathalie Simard. Pourquoi? Bien,
on a vu Nathalie Simard qui semblait assez bien traitée par le système judiciaire,
supportée et bien traitée par les médias. Donc, ça a envoyé un message à
d'autres victimes, qui ont dit : C'est possible. Donc, c'est ça aussi, il
faut que cette rumeur-là se rende
dans la population, qu'on peut avoir de l'aide et qu'on peut
faciliter les choses si on décide de dénoncer.
Mme Vallée : Je ne sais pas, je pense que j'ai des
collègues qui avaient... qui semblaient manifester un intérêt.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Pontiac.
M. Fortin
(Pontiac) : Merci, M. le Président. Merci à vous. Merci d'être avec nous et de nous partager un peu
ce que vos membres font à tous les jours.
Pour ceux d'entre nous, là, qui ont eu la chance, et je suis certain que c'est
le cas de la plupart ici, qui ont eu
la chance de discuter avec vos membres dans nos comtés respectifs, on sait
toute l'importance du travail
qu'ils font, là, pour les victimes et on les en remercie.
Je crois que
la ministre de la Justice — vous
êtes chanceux d'avoir la ministre de
la Justice en même temps devant vous aujourd'hui, puisque vous avez fait des propositions, là, au plan judiciaire — a quand même
démontré une ouverture à certains des points que vous soulevez. Cependant,
moi, j'aimerais vous entendre un petit peu développer ces idées-là aujourd'hui. Quand vous parlez de mesures pour faciliter les témoignages des victimes,
je veux savoir exactement qu'est-ce que vous voulez dire par ça. Comment on peut mieux les encadrer dans le
processus? Comment on peut les aider pour, comme vous l'avez dit, leur
enlever un poids sur les épaules?
Mme Riendeau (Louise) : Bien, écoutez, d'autres collègues ont parlé de
l'interrogatoire, du contre-interrogatoire, tout ça, et on comprend bien qu'il
faut que le système
judiciaire, effectivement, s'assure qu'il
y a une preuve et qu'on est face à un acte criminel. Mais, tantôt
je le disais, c'est extrêmement difficile pour une victime de témoigner quand
elle a à quelques
pieds d'elle l'agresseur qui était là. Pas pour toutes les victimes, et moi, je
ne veux pas infantiliser les victimes, mais,
pour certaines victimes, ça peut être tellement perturbant qu'elles vont dire : Non, moi, je
n'irai pas là. Et donc est-ce qu'on
peut penser à des témoignages derrière des écrans, comme on le fait avec les
enfants? Est-ce qu'on peut penser à des témoignages dans une pièce attenante avec une télévision en circuit
fermé? Ça, ça fait partie des choses qu'on pourrait regarder.
On
peut aussi... Bien sûr, l'utilisation du vidéo pour prendre la déposition n'empêche pas
nécessairement d'être là au moment d'être interrogée et contre-interrogée. Mais, dans certains
cas, on a des victimes qui disent : Aïe! Moi, je ne vais pas aller le répéter 10 fois. Alors, peut-être
qu'à certaines étapes, peut-être qu'à l'enquête préliminaire, on pourrait utiliser cette vidéo-là, puis peut-être
que la victime témoignera au moment du procès. En tout cas, il y a...
Je sais qu'il y a des règles
particulières, mais il y a peut-être des agencements qui pourraient être faits pour
que ça soit un peu plus facile. Si
on réduit les délais, si on permet plus d'accompagnement, si on
s'assure que les procureurs aient un temps suffisant pour rencontrer la victime. Écoutez,
c'est important d'avoir établi un lien avec la personne qui va nous interroger.
Bien sûr, on n'établit pas avec la
personne qui nous contre-interroge, et c'est peut-être de cet avocat-là
dont on a le plus peur, mais, si déjà
on est en confiance avec le ou la procureur qui va nous interroger, parce qu'on a eu le temps de se parler,
qu'elle nous a expliqué comment ça va se passer, ça peut faire une différence
importante pour les femmes.
M.
Fortin (Pontiac) : Je sens que c'est quelque chose que... Les femmes
que vous aidez, que vous accompagnez à
travers ce processus-là, de toute évidence, elles vous ont parlé de
l'importance ou du poids, justement, que ça pouvait avoir, tout ce processus
judiciaire là.
Vous avez également
parlé de différentes formations pour les policiers et les enquêteurs, peut-être
pour les sensibiliser, justement, à ce que
ces femmes-là ont vécu, vivent et vont continuer de vivre, là, dans le futur.
Quand vous parlez d'une formation différente pour ces gens-là, vous
voulez dire quoi, au juste?
• (21 heures) •
Mme Riendeau
(Louise) : Bien, je pense qu'il y a de la formation continue puis je
pense, quand on parle des mythes et des
préjugés, quand... Moi, je trouve ça troublant quand une personne qui fait de
la formation à l'école de police me
dit : Tu sais, la formation est bonne, mais, quand ils arrivent, puis
quand ils repartent, ils sont souvent d'une tête qu'ils vont être face à une fausse victime. Ça fait que
ça, ça veut dire que, si on travaille au niveau de la société sur les mythes
et préjugés, on va aussi atteindre les
professionnels, puis, si on bonifie la formation des professionnels là-dessus
en disant : Oui, mais faites
votre enquête, allez vérifier tout ce
qu'elle va vous dire, si vous n'êtes pas sûrs, et vous le saurez si... alors
que, dans d'autres... On nous parle aussi
de, quand on n'a pas confiance à telle ou telle victime, on utilise des moyens
comme : on va lui faire écrire sa
déposition, puis on va analyser son écriture, on va voir si ça a l'air
crédible. Ça fait qu'il y a
des choses comme ça qui peuvent continuer d'être faites, qui peuvent être
bonifiées, je pense, à ce niveau-là.
Puis
ce qu'il faut penser, c'est qu'en violence conjugale on a fait du progrès. En 1986-1987, on avait 6 000 plaintes par
année, nous en avons 19 000. Et les recherches estiment qu'on est à
30 % de taux de dénonciation. C'est ce qui nous fait croire qu'on
peut changer les choses aussi au niveau des agressions sexuelles.
M.
Fortin (Pontiac) : Le dernier point que vous aviez par rapport au plan
judiciaire, c'était un lieu d'échange entre,
justement, les différents intervenants, que ce soient les autorités policières,
judiciaires, les CALACS et sûrement le
CAVAC également. Comment est-ce que ces gens-là communiquent les uns avec les
autres en ce moment? Vous avez fait une proposition concrète, là, mais,
dans la vie de tous les jours, dans ce qui se passe sur le terrain
présentement, comment est-ce qu'ils communiquent les uns avec les autres, et où
est la lacune dans le système présent?
Mme Riendeau
(Louise) : Bien, écoutez, on ne peut pas vous parler beaucoup de
comment les CALACS communiqueraient avec les
policiers, on peut regarder ce qui se passe en violence conjugale puis faire
des parallèles. On sait que, dans
certaines régions où il y a des protocoles, où, au fond, les policiers réfèrent
les victimes aux maisons, ça a aussi
un double effet, non seulement les victimes savent que la ressource est là,
mais ça fait des contacts réguliers, plus ou moins étroits, mais quand même des contacts réguliers entre les policiers
et les intervenantes des maisons. Et, quand ces contacts-là deviennent, par exemple, plus étroits, s'il y a un
policier qui est chargé des relations ou qui est à la table de concertation, on finit par se développer des
liens plus personnels et être capables de s'appeler quand il y a un problème,
être capables de dire : Écoute, dans ce
dossier-là, ça ne marche pas, qu'est-ce qui se passe? Et, quand on parle d'un
lieu permanent, on peut le voir de
façon macro, mais on pourrait aussi le voir de façon micro sur le terrain, des
occasions, au fond, pour que les gens
se parlent, qu'ils confrontent leur partie de la réalité, et la partie... tout
en restant chacun dans son mandat,
mais d'être capables de se parler des difficultés qu'ils vivent et de
voir : Est-ce qu'on peut faire une différence? Est-ce que la façon dont une intervenante va
soutenir et préparer une victime va être aidante pour le policier ou va être
aidante pour le procureur? C'est des questions comme ça qu'on pourrait se poser
s'il y avait ces lieux-là.
M. Fortin
(Pontiac) : Combien de temps il me reste, M. le Président?
Le Président (M.
Picard) : 1 min 50 s.
M. Fortin
(Pontiac) : Une minute. Bien, je vais faire ça vite, je veux peut-être
vous permettre de conclure, mais en
même temps je veux vous dire que le témoignage que vous avez aujourd'hui, là,
sans parler pour les autres collègues, mais je crois que ça a un impact réel. Quand vous
parlez de 13 à 20 viols par année, c'est quelque chose qui est frappant,
quelque chose qui est choquant, quelque
chose que je suis content que vous ayez apporté ça à la commission aujourd'hui,
parce que je crois qu'on va quitter avec une
réalité différente de ce avec quoi on est arrivés. Donc, pour ça, je vous
remercie.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à
Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve pour 13 min 30 s.
Mme
Poirier : Merci, M. le Président. Alors, bonjour... bonsoir,
mesdames. La ministre a posé une question tout à l'heure, puis je vais faire un petit peu de pouce là-dessus. Dans
votre mémoire, vous nous dites, bon : Il y a un plan en matière d'exploitation sexuelle, plan d'action qui
doit venir, on le sait, ça fait partie des plans. C'est un autre plan pour
moi. Dans la définition de l'agression
sexuelle... L'exploitation sexuelle est à l'intérieur de la définition de
l'agression sexuelle, et là on va
faire un plan pour l'agression puis un plan pour l'exploitation. En complément,
il y a le plan sur la violence
conjugale. Mais je nous donne un cas qui va pouvoir toucher les trois. Si je
suis en situation... je suis une fille qui
est victime de la traite, par exemple, et que je suis en couple avec mon
«pimp», qui peut me violenter et m'exploiter sexuellement, dans quel
plan d'action je vais me diriger?
Il
me semble qu'il y a là une dynamique qui est réelle. Est-ce que, selon vous, on
doit se segmenter dans des plans d'action
différents ou on devrait ne pas avoir un plan sur la violence, point, et
justement peut-être mieux cibler certaines actions en tant que telles? Certains nous ont dit aujourd'hui :
Ciblez-en juste une ou deux, mais ciblez-les, puis on agit. Comment vous
voyez ça?
Mme Riendeau (Louise) : Bien, on ne peut certainement pas segmenter les
femmes, ça, c'est sûr. Et moi, je dirais que, dans des ressources comme les
maisons d'hébergement, comme les CALACS, on essaie de travailler avec la
globalité des femmes et leur
entièreté. Est-ce que la solution serait un seul plan? Peut-être, mais, si
c'est un seul plan, il faut vraiment qu'on
s'assure qu'il contient tout ce qu'il faut pour qu'on arrive à faire reculer,
au fond, effectivement, ces différentes facettes d'un même problème, qui est le problème de la domination des
hommes sur les femmes, du fait que des hommes se donnent le pouvoir d'exercer
des abus de pouvoir sur des femmes, sur des enfants, et parfois sur d'autres
hommes, mais c'est tout le même problème, ça vient vraiment des
inégalités entre les hommes et les femmes.
Mme
Poirier : Dans votre mémoire, vous consacrez une bonne partie
sur la prostitution. Vous faites une liste de recommandations.
J'aimerais savoir qu'est-ce qui sous-tend votre réflexion là-dessus.
Mme Riendeau (Louise) : Bien, en fait, nous avions été consultées lors des
consultations pour justement l'élaboration
du plan d'action en matière d'exploitation sexuelle, et on nous avait
consultées particulièrement parce que, justement, dans les maisons, on
reçoit des femmes dont le conjoint est le souteneur et qu'il est violent avec
elles à ce niveau-là. Et, à ce moment-là, on
avait fait une première réflexion pour dire : De quoi ces femmes-là
auraient-elles besoin pour pouvoir
échapper à cette situation-là, et de quoi aurions-nous aussi besoin comme
intervenantes... Parce qu'on sent beaucoup
nos limites à ce niveau-là. C'est quelque chose qui est encore plus tu que la
violence sexuelle, souvent, par les femmes
qu'on voit, qui ne restent pas longtemps, et tout ça, et des fois on se
dit : Comment on interviendrait? Puis c'est là qu'on se disait : On aurait besoin que des ressources comme la
CLES, la Concertation des luttes contre l'exploitation sexuelle, puissent nous supporter ou que des
groupes spécialisés comme ça puissent nous aider là-dedans. Ça fait que ça
faisait partie... On se disait : Aussi,
si on veut que les femmes échappent à l'exploitation sexuelle, puissent faire
d'autres choix — parce que, pour nous, pour plusieurs d'entre
elles, ce n'est pas un choix réel — on se disait, bien, il faut qu'ils aient accès à de la réinsertion en emploi. Mais ça
pourrait se dire aussi pour des femmes victimes de violence conjugale qui ont des difficultés à quitter leurs conjoints
parce qu'elles vont se retrouver démunies financièrement. Ça fait qu'effectivement
il y a des passerelles, là, que je pense qu'on peut regarder.
Mme
Poirier : Parce que, ces mêmes arguments là, moi, je les ai
entendus, entre autres, de groupes de femmes immigrantes qui ont ces
mêmes besoins là, et qui sont dans des situations de violence, et qui ont
besoin aussi de ces mêmes passerelles là,
qui ont besoin de ces mêmes moyens là, je dirais, pour finalement aller à la
dénonciation, aller vers la maison
d'hébergement, ne serait-ce que d'aller en maison d'hébergement, qui est déjà
un grand pas, là, on s'entend.
On
a eu, d'ailleurs la ministre l'a mentionné tout à l'heure, entre autres,
des représentations pour tout le côté homme, il y a des hommes qui sont des victimes en tant que telles, mais qu'il
n'y a pas de ressources vraiment identifiées pour accueillir les hommes qui sont des victimes. Comment
vous voyez ça? Parce qu'il n'y a que des femmes d'accueillies dans le
réseau des maisons d'hébergement de femmes. Et je sais que vous n'êtes pas une
chasse gardée, mais on veut protéger absolument le réseau. Comment vous voyez
l'établissement de maisons pour hommes victimes de violence? Et je vous dis «victimes de violence» et je
m'arrête, je mets un point, là, je fais exprès de mettre le point, parce qu'ils
peuvent être victimes de violence,
violence conjugale, violence sexuelle, exploitation sexuelle, on pourrait
mettre les qualificatifs, là.
Mme Riendeau (Louise) : Bien, écoutez, moi, je pense qu'il faut regarder
les besoins puis il faut faire le tour des
ressources. Vous avez entendu les CAVAC, un peu plus tôt, qui donnent des
services à ces hommes-là. Le réseau de la santé et des services sociaux donne des services. Est-ce que le besoin
est un besoin d'hébergement? Quand les femmes viennent en maison d'hébergement, là, c'est parce qu'elles craignent
pour leur sécurité. Est-ce qu'on est dans le même cas de figure? Moi, je ne suis pas contre
l'établissement de ressources, mais il faut répondre aux bons besoins par les
bonnes ressources. Ça fait que moi, je pense qu'il faut évaluer.
• (21 h 10) •
Mme Poirier : O.K.
Il y a une... Vous parlez beaucoup de la pornographie, on a parlé de la
cyberintimidation. Ce que j'en
comprends, c'est la banalisation. On banalise actuellement, et ce qui donne,
finalement, de la force à ceux qui
sont des agresseurs. On a eu au Québec
une phase de mouvements d'hommes qui remettaient en question
les maisons d'hébergement pour femmes
en disant que ça coûtait trop cher puis que ne n'était pas vrai qu'il n'y avait
pas d'aide, etc. Je pense
qu'on a passé ce chapitre-là, mais toute cette banalisation de la sexualité...
Je regardais, j'ai des groupes dans mon
quartier qui me disent qu'en intervenant à l'école pour... les jeunes filles,
les premières fois, doivent faire l'objet... je ne dirai pas de comment et du pourquoi, mais que les modèles qui leur
sont communiqués dans leur entourage, c'est vraiment des modèles de
violence. Comment on fait? Je comprends les cours d'éducation à la sexualité,
là, j'en suis là, on a fait une autre
commission parlementaire là-dessus, mais comment on peut faire pour venir
intervenir, justement, au
niveau de la pornographie, au niveau de l'Internet, la cyberpornographie?
Qu'est-ce qu'on fait avec ça?
Mme Riendeau (Louise) : Bien, on a vu, par exemple... en tout cas, je pense
que c'est des phénomènes nouveaux pour lesquels on n'a pas toutes les
réponses, mais on a vu que, dans le plan d'action ontarien qui est sorti la
semaine dernière, on a tenu compte de cette
dimension-là, que le fait de diffuser des images de femmes contre leur gré, des
images sexuelles, pouvait être
considéré comme une agression sexuelle. Alors, il y a peut-être
des réflexions à faire à ce
niveau-là. Parce qu'effectivement on a vu un certain nombre de cas de suicides de
jeunes femmes après qu'elles aient été intimidées parce qu'on a fait circuler leurs images ou...
Puis il faut faire de l'éducation aussi en disant : Un coup que c'est sur
Internet, là, ce n'est pas parce que c'est ton chum, là, ça peut se promener
partout. Ça fait qu'il faut, tu sais, je pense, regarder ça puis voir
comment on peut adresser ces questions-là.
Mme Poirier :
Dans votre mémoire, vous nous rappelez qu'on devrait aborder la
responsabilisation des agresseurs et la notion de consentement. Un groupe qui
est venu, le RIMAS, qui est venu précédemment, nous a dit : Si vous avez
de l'argent à mettre, allez plutôt sur la prévention que sur l'agresseur
lui-même, en tant que tel. Alors, comment
vous voyez ça, vous, la responsabilisation de l'agresseur? Pour eux, il y avait
vraiment, là... ça ne devait pas être
une cible première, puisque l'agresseur, il est déjà dans un phénomène
d'agression, c'est plus en prévention, selon les personnes qu'on a rencontrées. Mais vous, vous nous le spécifiez. Est-ce
que vous avez des idées précises en fonction de ça?
Mme Riendeau (Louise) : Bien, écoutez, le système de justice est un moyen
pour responsabiliser. Le fait aussi que
nos pairs s'adressent à nous, nous interpellent et nous disent que ça ne
devrait pas se passer comme ça, que d'autres hommes disent à des hommes : On n'est pas d'accord avec ce que tu
es en train de faire, peut avoir un effet. Mais il est clair qu'encore
aujourd'hui le système de justice est une façon que notre société a de
dire : Nous ne tolérons pas ça. Mais on
est tout à fait d'accord que la prévention est un élément essentiel, parce
qu'on ne peut pas juste intervenir après le fait, d'autant plus qu'on sait que les dénonciations sont encore,
malheureusement, peu nombreuses. Donc, il faut un ensemble de mesures,
il faut avancer de front avec l'ensemble de ces mesures-là.
Mme
Poirier : J'ai une maison d'hébergement dans mon comté qui me
parle régulièrement de l'accompagnement des femmes à la cour. On a
rencontré les CAVAC précédemment, mais elles, elles me disent qu'elles
souhaiteraient elles-mêmes accompagner les femmes à la cour. Qu'est-ce que vous
demandez là-dessus?
Mme Riendeau (Louise) : Écoutez, un certain nombre de maisons le font, un
certain nombre de CALACS le font. Et,
quand on... Il faut que la femme puisse avoir des choix et qu'on puisse trouver
une façon de collaborer. Certainement que
les CAVAC sont beaucoup plus spécialisés dans l'information plus juridique,
plus technique. Nous, ce dans quoi on est spécialisées avec les femmes, c'est travailler avec elles dans une
question de reprise de pouvoir. Et, quand on accompagne une femme à la cour, ce qu'on essaie de voir avec
elle, c'est quels sont chacun des gains qu'elle fait qui peut lui permettre
de reprendre du pouvoir. Ce n'est pas
nécessairement la sentence au bout du compte, mais c'est : Est-ce que tu
as été crue? Est-ce que tu sens que,
ton agresseur, lui, on ne l'a pas cru, puis il y a des conséquences? C'est ça.
Ça fait que c'est comme ça qu'on
travaille avec les femmes au niveau de la reprise de pouvoir, et je pense que
ça peut faire une différence. Donc,
c'est pour ça qu'il faut... on se dit :
Il ne faut pas qu'il y ait de chasse gardée, là, il faut être capable de
travailler selon ce que les femmes choisissent.
Mme
Poirier : Je suis un
peu surprise, probablement que c'est
juste parce que je ne me suis pas renseignée, qu'on, vous dites, utilise au besoin les moyens
technologiques. Moi, j'avais dans ma perception que, lorsqu'il y avait,
justement, une victime, soit conjugale ou sexuelle, de violence
conjugale ou sexuelle, il y avait effectivement une distance entre l'agresseur
et la victime, soit le paravent ou... Je comprends que ce n'est pas
systématique. Pourquoi ce ne l'est pas?
Mme Riendeau (Louise) : Il faudrait poser la question au système
judiciaire, je vous dirais. Probablement qu'on est... Notre système fonctionne, et c'est bien ainsi, pour s'assurer
qu'on ne va pas condamner d'innocents. Donc, il faut, et c'est à ça que
le contre-interrogatoire sert, s'assurer qu'il y a une preuve hors de tout
doute que c'est arrivé.
Mais
cette façon de faire là, qui vient... qui existe depuis longtemps, qui peut
bien fonctionner, par exemple, si on a
été victime d'un crime contre la propriété, où on n'a pas un rapport émotif et
troublant comme on peut l'avoir, à sa face même, on le voit, ça ne marche pas quand on parle d'agression sexuelle.
Et c'est pour ça que nous, on dit : Bien, on est peut-être rendus à se questionner, parce que, si
on veut que la justice soit juste avec les contrevenants, elle doit l'être
aussi avec les victimes, ou elle doit permettre qu'on se rende jusque-là
pour envoyer le message social.
Mme Poirier :
C'est parce que, dans votre mémoire, vous nous dites que déjà en 2001 les
orientations gouvernementales recommandaient
d'utiliser au besoin — je comprends, c'était au besoin — les moyens technologiques. Ça veut
dire quoi, ça, le «besoin»?
Mme
Riendeau (Louise) : Bien, le
besoin peut être : Est-ce que la victime en sent le besoin ou est-ce
qu'elle veut témoigner comme on le fait tout le temps? Je pense que
c'est ça, il faut avoir une place pour évaluer.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à
Mme la députée de Montarville pour un période de neuf minutes.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Merci, mesdames,
merci d'être avec nous. Je vous amènerais à la page 16. D'entrée de jeu, vous avez dit, et ça a vraiment sorti,
là, d'un coup, et on comprend toute la problématique : «Les obstacles de 2001 sont toujours là.»
Page 16, on a une petite idée : «On pouvait lire dans les
orientations gouvernementales, en
2001, les raisons pour lesquelles les victimes hésitaient à porter plainte», et
là il y en a une tralée, on les connaît : elles craignent les réactions négatives de l'entourage,
les représailles de leurs agresseurs, elles manquent de confiance dans l'efficacité du système judiciaire, elles
constatent généralement l'accès limité à des ressources d'aide et de
protection, et ça continue, ça
continue. Ça fait deux jours qu'on en entend, qu'on entend ces plaintes à
l'égard du système, entre autres du système judiciaire.
C'était en
2001, nous sommes en 2015, ça fait 14 ans. Selon vous, est-ce que c'est
dire que... enfin ce n'est pas peine perdue, mais pourquoi ça n'a pas
changé en 14 ans, selon vous? Des pistes.
Mme
Riendeau (Louise) : Bien,
moi, je pense qu'il faut faire le lien avec les préjugés qu'on a, que toute la
société a et qui n'épargnent pas les
professionnels et les gens qui sont dans le système de justice. Je pense qu'il
faut faire ce lien-là, absolument.
Quand on va penser qu'une... Tant qu'on croira qu'une victime le mérite
peut-être, qu'elle avait la jupe trop courte,
qu'elle était dans un bar le soir et que, de ce fait, quelqu'un a pu décider de
l'agresser, mais qu'elle avait juste à ne pas être là, bien, peut-être
qu'on ne changera pas nos pratiques professionnelles aussi à ce niveau-là.
Mme Roy
(Montarville) : C'est troublant, parce que vous parlez plus
loin des intervenants qui doivent les aider qui ont également ces préjugés. Donc, on revient de loin, puis ça n'a
pas beaucoup évolué, ça n'a pratiquement pas évolué. Si vous dites que
ça a évolué au niveau de la violence conjugale, puis on se souvient tous des
campagnes de pub très percutantes, c'est le
cas de le dire, malheureusement — mauvais jeu de mots, là, mais ça avait fait
bouger les choses — au
niveau des agressions sexuelles, donc, ça
n'évolue vraiment pas rapidement, et vous nous en faites la démonstration,
parce que ce sont effectivement les
mêmes causes de non-dénonciation qui étaient en 2001 qui sont présentes
aujourd'hui en commission parlementaire, en 2015.
Je vous amène à la page 12...
Mme Langlais (Sylvie) : Il ne faut pas
oublier qu'il y a encore...
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, allez-y.
• (21 h 20) •
Mme
Langlais (Sylvie) : ...qu'il y a
encore des intervenants qui ont des malaises de parler ouvertement à une
femme, de poser la question : Est-ce
que vous avez été agressée sexuellement? Ça fait que, si l'intervenant est mal
à l'aise de même ouvrir cette
question-là, probablement que la dame ne sera pas à l'aise non plus de l'ouvrir
là-dessus, ou avec elle. En maison
d'hébergement, on ne se gêne pas, tu sais. On la pose, la question, parce que
ça fait partie, c'est une des formes
de violence conjugale dont sont victimes
les femmes. Mais ce n'est pas tous les intervenants. Comme je le dis, oui,
si dans la société ce n'est pas ouvert et que les intervenants ne sont pas à
l'aise pour le faire, c'est...
Mme Roy
(Montarville) :
C'est plus facile de parler de tout autre type d'agression ou de crime contre
la personne que de crimes à caractère sexuel, et là, c'est le mot, là.
À la
page 12, vous nous parlez... vous faites un comparatif avec une étude
ontarienne. On en a abordé quelques aspects
tout à l'heure. Je vous cite dans l'avant-dernier paragraphe : «Et, si on en croit cette étude, il reste beaucoup
de travail à faire pour que les jeunes, particulièrement les jeunes
hommes, acquièrent une vision égalitaire et empreinte de respect des relations sexuelles.» Ça
m'interpelle beaucoup. Je suis en train de me dire... Moi, j'ai dans la
cinquantaine, mais je suis en train
de me dire, parce qu'on axe beaucoup sur les jeunes hommes : Sommes-nous — qu'en pensez-vous? — en présence d'une génération de
jeunes hommes qui ont de pires dispositions, peut-être, à l'égard de la
sexualité que des hommes de générations plus avancées?
Mme
Riendeau (Louise) : Écoutez,
de pires dispositions, je ne sais pas. C'est sûr que, ces jeunes-là, comme on
le disait, souvent leur éducation sexuelle a été faite avec Internet. Je
vous dirais que, si on pense à il y a quelques générations, on ne peut quand même pas penser que les rapports étaient
égalitaires entre les hommes et les femmes et que, pour... Si on regarde dans les couples, pour
beaucoup d'hommes et même de femmes, ça faisait partie de la job, hein, avoir
des rapports sexuels. Ça fait que je ne sais
pas si on peut comparer, mais on peut se désoler, par exemple, qu'on n'ait pas
avancé davantage, qu'on pense encore qu'une
femme qui est habillée de façon sexy, c'est une invitation à l'agresser, tu
sais, à ne pas respecter le fait qu'elle ne consente pas à une relation
sexuelle.
Mme Roy
(Montarville) :
Vous le disiez d'entrée de jeu, ce sont les mentalités qui n'ont pas changé.
C'est effectivement à ça qu'il faut s'attaquer. On y revient toujours, à la
campagne, campagne de publicité, campagne de sensibilisation et éducation.
Vous
dites : Le retour de cours dès le primaire. Vous mettriez ça vers quelle
année, pour le primaire, les enfants, les
sensibiliser? Vers quel âge, à compter de quel âge on pourrait sensibiliser les
jeunes à ces relations égalitaires, à ce respect, à ce vivre-ensemble,
hommes et femmes, comme des partenaires et non comme des objets?
Mme
Riendeau (Louise) : Écoutez,
je pense que, si on adapte le contenu, au fond, en fonction des âges, on peut
commencer assez jeune, là, dans les
premières années du primaire. C'est sûr qu'on ne va pas parler de la même chose
au primaire qu'au secondaire, mais moi, je
pense qu'on peut y aller, effectivement, assez jeune, puisqu'on va aussi parler
de relations égalitaires, pas seulement de sexualité.
Mme Roy
(Montarville) : Vous travaillez avec les femmes, les femmes
victimes de violence conjugale, mais également — et ça vient trop souvent, malheureusement,
avec — d'agression
sexuelle, vous nous l'avez dit tout à l'heure, dans des proportions assez catastrophiques. Je vais vous poser la
question que j'ai posée à un autre groupe, pour voir votre réponse, si elle sera différente ou
similaire : Les femmes victimes d'agression sexuelle, elles arrivent chez
vous, qu'est-ce qu'elles veulent? Qu'est-ce qu'elles demandent?
Mme
Langlais (Sylvie) : Elles
demandent d'être écoutées sans être jugées. Puis je vous dirais qu'elles
demandent à comprendre ce qui est
arrivé, parce que c'est comme : Comment ça que ça m'arrive, cette
affaire-là? Comment ça que ça m'arrive
à moi? Puis, à partir de là, c'est comme on est là, nous, pour les accueillir
là-dedans, et les supporter, puis les
informer c'est quoi, leurs choix. Mais c'est ce qu'elles veulent, c'est être
écoutées sans être jugées, puis de dire : Non, ce n'est pas de ta faute, tu n'es pas responsable
de ça. Tu n'es pas responsable — je vais prendre un exemple — d'avoir pris le taxi en état
d'ébriété. Au contraire, tu as été superresponsable, tu as pris un taxi au lieu
de prendre ton auto en état d'ébriété. Tu
n'es pas responsable que ton conjoint t'ait attaquée physiquement, ce n'est
pas... C'est ça qu'elles ont envie
d'entendre, et après ça comprendre qu'est-ce qui est arrivé, puis après ça
qu'on regarde l'ensemble de la situation avec la femme puis de lui
offrir des choix : Oui, tu peux aller porter plainte. Oui, tu peux
attendre de le faire. Oui, tu pourras faire
tel ou tel... Mais je lui offre la possibilité, parce que, pour nous, une femme
informée, c'est une femme qui va pouvoir faire des bons choix. C'est ça
qu'elles attendent.
Mme Roy
(Montarville) : Et est-ce que la solution peut-être la plus
efficace ou la plus importante serait justement d'axer davantage pour
que les femmes puissent naturellement, à leur vitesse, aller vers la
dénonciation?
Mme
Langlais (Sylvie) : Moi, vite
comme ça, j'ai envie de vous dire : Je vais y aller avec ce qu'elle, elle
a besoin. Si c'est la dénonciation
qu'elle veut, je vais aller avec elle là-dedans. Si elle n'est pas prête à aller
là, je vais attendre puis je vais
regarder avec elle ce qu'elle a besoin. Je vais y aller en fonction de son
besoin à elle, je n'irai pas en fonction du mien, en lui disant : Go, go, go! C'est là qu'on va aller, puis
tu... Je vais y aller avec ce qu'elle va me nommer. Parce que nous autres, les maisons d'hébergement, on
travaille pour et avec les femmes. Je n'irai pas à contre-courant. Ça fait que
je vais y aller avec ce qu'elle m'apporte et où elle veut aller, en l'informant
puis...
Mme Roy
(Montarville) :
...d'où ma première question... bien, en fait, pas ma première vraiment,
troisième question, qu'est-ce qu'elles veulent, c'est cette écoute et
c'est cette compréhension aussi, sans être jugées.
Je vous
remercie beaucoup de votre témoignage, ça rejoint ce qu'on
entend : l'éducation, éducation, sensibilisation, promotion, mais, chose certaine, il faut faire quelque chose, puis j'espère, j'espère, j'espère qu'on va arriver à changer
les mentalités.
Mme
Langlais (Sylvie) : ...que ça
devienne un problème individuel puis que ça devienne un problème de société.
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, mesdames.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Et je cède maintenant la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Trois minutes.
Mme
Massé : Merci. Alors, effectivement, vous le dites dans votre première recommandation : Promouvoir les
rapports égalitaires, ce n'est pas une problématique individuelle, mais bien
une problématique sociale.
J'ai, en
fait, une question, puis ensuite j'aimerais revenir sur un certain nombre de
petits éléments que vous avez amenés. Votre recommandation 21 nous
recommande que la présence de la violence conjugale soit prise en compte
lors d'une agression sexuelle. Je pense
qu'on se le disait, c'est vraiment ce que vous nous apportez comme étant de neuf et
de... en tout cas, ça complète l'ensemble des informations qu'on a
eues. Est-ce que vous croyez que ça pourrait être le genre de directive
que le DPCP pourrait envoyer, ça? Est-ce que c'est le genre de bébelles
auxquelles vous pensez?
Mme
Riendeau (Louise) : Bien, je
ne sais pas si c'est dans une directive, si c'est dans de la formation, si
c'est dans de la réflexion, s'il faut monter ça en Cour suprême, comme
on l'a fait pour le consentement avec des femmes intoxiquées, mais certainement qu'il faut commencer à regarder ça, parce que
c'est sûr qu'une femme qui craint d'être davantage
violentée ne pourra pas affirmer un consentement comme on s'attend à ce que ce
soit, qu'elle dise un non ferme à un moment donné, et ça ne veut pas dire
qu'elle consent. Ça fait qu'il faut certainement brasser ça.
Puis on le
voit quand on accompagne des femmes à la police, ils disent : Bien, non,
non, ça ne passera pas le test pour
le consentement, tu ne l'as pas dit assez clairement. Ça fait que c'est pour ça
qu'on se dit : Il faut vraiment entamer une
réflexion et des actions. Je pense que la ministre de la Justice, qui
donne des orientations, le DPCP, qui donne des directives, peuvent faire
une réflexion ensemble là-dessus et voir ce qu'on devrait faire.
Mme
Massé : Et, dans ce sens-là,
vous l'avez dit à quelques reprises, violence conjugale, violence sexuelle, on
pourrait rajouter violence économique, ça
relève du même pattern, d'une volonté de prendre le pouvoir sur l'autre, là,
c'est un peu ça.
Et, dans
ce sens-là — je
vais terminer là-dessus, le trois minutes file toujours plus vite qu'on ne le
souhaite — j'entends
aussi votre cri du coeur pour dire : Il
faut prendre... il faut y aller, il faut y aller, il faut le prendre à
bras-le-corps, ça fait trop longtemps,
l'automne nous l'a redit. Vous avez parlé du programme d'éducation, je n'y
reviens pas, la campagne diversifiée,
longtemps dans le temps, qui s'adresse parfois aux jeunes
hommes mais que des hommes significatifs parlent aux jeunes hommes, la ligne d'écoute. Vous êtes conscientes que tout ça
nécessite de l'investissement. Qu'est-ce que vous avez à dire?
Mme
Riendeau (Louise) : Bien, la
violence à l'égard des femmes coûte très cher non seulement
aux femmes, mais à la société. L'Organisation mondiale de la santé dit que la violence faite aux femmes fait perdre
une année sur cinq en bonne santé aux
femmes. Ça, ça veut dire des femmes malades, ça veut dire des soins de santé,
ça coûte cher. On sait que les frais
liés, justement, à la police, à la judiciarisation, liés... quand
on parle des enfants ou des enfants des femmes qui sont violentées, à des problèmes d'adaptation scolaire, de
décrochage scolaire, tout ça a des coûts très importants, qu'on assume
dans notre société. Alors, pour nous...
Le Président (M. Picard) : ...Mme
Riendeau, en conclusion.
Mme Riendeau (Louise) : Oui. Le coût
des mesures, je termine là-dessus, c'est davantage un investissement qu'une
dépense.
Le
Président (M. Picard) :
Je vous remercie, Mmes Langlais et Riendeau, pour votre apport aux travaux de
la commission. Je remercie tous les collaborateurs.
La commission ajourne donc ses travaux au
vendredi 20 mars 2015, à 10 heures, afin d'entreprendre un autre
mandat. Bonne soirée.
(Fin de la séance à 21 h 30)