(Quatorze
heures douze minutes)
Le
Président (M. Picard) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de
la Commission des relations avec les
citoyens ouverte. Je vous souhaite la
bienvenue. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien
vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires et de leurs autres
appareils électroniques.
Le
mandat de la commission : la commission est réunie afin de procéder aux consultations particulières et auditions publiques sur le document intitulé Rapport sur la mise en oeuvre du Plan d'action
gouvernemental 2008-2013 en matière d'agression sexuelle.
M. le secrétaire, y
a-t-il des remplacements?
Le
Secrétaire : Oui, M. le Président. Mme Blais (Saint-Henri—Sainte-Anne) est remplacée par Mme Simard
(Charlevoix—Côte-de-Beaupré); Mme Rotiroti (Jeanne-Mance—Viger)
est remplacée par M. Boucher (Ungava); M.
Bergeron (Verchères)
est remplacé par Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve); M.
Kotto (Bourget) est remplacé par M. LeBel (Rimouski); et Mme Lavallée (Repentigny)
est remplacée par Mme Roy (Montarville).
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Avant de procéder aux remarques
préliminaires, considérez que Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques est ici, j'aurais besoin d'un consentement pour permettre à Mme la députée de faire des
remarques préliminaires d'une minute. Est-ce que ça va à tout le monde? Consentement?
Des voix :
Consentement.
Le
Président (M. Picard) :
Aujourd'hui, nous débuterons notre
première séance par des remarques préliminaires, puis nous entendrons les organismes suivants : la Fédération des
femmes du Québec, le Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les agressions à
caractère sexuel, Femmes autochtones du Québec et finalement le Conseil
québécois LGBT.
Remarques préliminaires
J'invite
maintenant Mme la ministre de la Justice à faire ses remarques préliminaires.
Vous disposez de six minutes, Mme la ministre.
Mme Stéphanie Vallée
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, dans un premier temps,
vous me permettrez de saluer mes collègues qui sont présents en ce lundi, saluer également les membres et le
personnel de la commission qui évidemment se joignent à nous.
Avant
d'aller plus loin, M. le Président, j'aimerais remercier, en fait vraiment
remercier mes collègues la députée d'Hochelaga-Maisonneuve,
la députée de Montarville et la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour l'approche qui a été prise dans ce dossier et pour avoir joint leur
voix à la mienne d'une façon unanime le 25 novembre dernier, lorsque
nous avons déposé la motion visant l'organisation du forum et visant la mise en
place de cette commission-là.
Alors, le sujet que
nous abordons aujourd'hui est un sujet d'importance pour la société québécoise,
et, M. le Président, si nous en sommes arrivés à l'aborder d'une façon aussi
sereine, c'est parce que l'ensemble des formations politiques autour de la table et ici, à l'Assemblée nationale, a jugé
important de le faire. Alors, je veux remercier mes collègues parce que
c'est comme ça qu'on souhaite travailler dans cette Assemblée.
Je remercie
également, évidemment, tous les parlementaires de l'Assemblée qui ont appuyé
unanimement la démarche. Et je remercie les
collègues parlementaires d'être avec nous et de joindre leur voix à la nôtre
pour la suite des choses.
Au cours des deux
prochaines semaines, la commission va procéder à des consultations
particulières et à des auditions publiques
qui concernent le rapport sur la mise en oeuvre du Plan d'action gouvernemental
2008-2013 en matière d'agression
sexuelle, et, au nom du gouvernement et des partis d'opposition, je remercie
les groupes qui prendront part à cet
exercice démocratique. Les travaux qui s'amorcent contribueront à enrichir le
contenu du plan d'action gouvernemental en matière d'agression sexuelle qui est actuellement en préparation.
Nous sommes en mode écoute. Collectivement, nous ne pouvons demeurer insensibles à l'égard des agressions
sexuelles. Leurs conséquences sont considérables et complexes pour les
personnes victimes, pour leurs proches et pour l'ensemble de la société. Aussi,
depuis plusieurs années, le gouvernement du
Québec s'est doté d'orientations claires pour agir de façon concertée et
cohérente. L'exercice qui s'amorce nous permettra de tracer un bilan des
actions réalisées et d'évaluer comment nous pouvons continuer d'améliorer nos
interventions, parce que nous pouvons toujours faire mieux.
Permettez-moi de vous dresser un état
de la situation. Au Québec comme partout ailleurs dans le monde, ce sont
les femmes et les enfants qui sont
majoritairement victimes d'agression sexuelle. Ce pourcentage atteint
97 %, selon des données récentes
du ministère de la Sécurité publique. Ce taux demeure inchangé depuis
10 ans. Les statistiques nous apprennent
également que le nombre d'agressions sexuelles est plus élevé chez les jeunes
filles entre 12 et 14 ans. Par ailleurs,
la grande majorité des victimes connaissent l'auteur présumé, soit près de
85 % des jeunes victimes et 72 % des victimes adultes. Les
statistiques nous révèlent aussi que 97 % des auteurs présumés sont de
sexe masculin. De ce nombre, un agresseur
sur cinq est âgé de moins de 18 ans. Le nombre d'infractions à caractère
sexuel rapportées est en hausse. Le
taux actuel est de 66,4 par 100 000 habitants, c'est 4 % de plus
qu'il y a trois ans, et, je dois vous dire, j'en suis préoccupée. Je
vous fais état ici de ce qui est répertorié, mais combien d'agressions demeurent
encore à ce jour non déclarées? La honte, la
peur, la peur des préjugés, les incompréhensions sont sans doute à la base de
ces agressions qui ne sont pas déclarées.
En
2001, le gouvernement rendait publiques les orientations gouvernementales en
matière d'agression sexuelle ainsi
que son premier plan d'action d'une durée de cinq ans. Globalement, ces
orientations visent à répondre aux nombreux besoins des personnes
victimes en veillant à leur sécurité et en prévoyant des services d'aide et de
protection plus accessibles et mieux
coordonnés dans l'ensemble des régions du Québec. Elles cherchent également à
favoriser un meilleur encadrement des
agresseurs sexuels afin de réduire le risque de récidive. Ultimement, notre
objectif est d'éliminer les rapports
de pouvoir et de domination à l'endroit des femmes et des enfants, lesquels
sont à l'origine d'un grand nombre d'agressions sexuelles.
En
avril 2008, le document dévoilait son second plan d'action pour la période
s'échelonnant de 2008 à 2013. Ce plan
a d'ailleurs été prolongé le temps de tenir cette commission et les forums à
venir. Le rapport de mise en oeuvre présente les résultats des 100 engagements portés par 10 ministères et
organismes, pour des investissements de 149 millions de dollars. Ces sommes ont notamment permis le
financement récurrent de services d'aide et de soutien aux personnes victimes,
la tenue d'une campagne nationale ainsi que
la formation et l'accompagnement du personnel enseignant et du personnel
des services de garde éducatifs à l'enfance.
Déjà,
les travaux d'élaboration d'un prochain plan d'action gouvernemental en matière
d'agression sexuelle sont en cours. De premières consultations ont
d'ailleurs eu lieu au cours de la dernière année auprès d'organismes publics,
parapublics, communautaires, associatifs et de recherche.
Le Président (M.
Picard) : En terminant.
• (14 h 20) •
Mme
Vallée : M. le Président, en terminant, je tiens à vous
remercier, je tiens à remercier les collègues et membres de la Commission des relations avec les citoyens
pour votre écoute. Je tiens à saluer l'appui unanime des parlementaires
pour le forum à venir. À travers cet exercice rassembleur auquel se rallient
tous les partis politiques, nous évaluerons notamment
les dispositifs mis en place par l'État, par les institutions et par les
communautés pour prévenir les agressions, soutenir les victimes et favoriser les démarches. Le mandat est
ambitieux, j'en conviens. Toutefois, à voir la solidarité de ce désir
sincère qui nous anime d'être à l'écoute et en mode solution, je suis confiante
que nous y parviendrons et qu'ensemble nous saurons faire mieux.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme la ministre. Pour le bon déroulement, lorsque je vais indiquer «en
terminant», il va vous rester une minute. J'ai essayé 15 secondes, mais ça
a été un peu plus long que prévu. Merci, Mme la ministre. J'invite maintenant
la porte-parole de l'opposition officielle en matière de condition féminine et députée d'Hochelaga-Maisonneuve à faire ses remarques préliminaires. Vous disposez
d'une période maximale de 3 min 30 s.
Mme Carole Poirier
Mme
Poirier : Alors,
merci, M. le Président. Alors, vous me permettrez à mon tour de saluer
la présidence, et le personnel qui
vous accompagne pour la commission,
Mme la ministre ainsi que l'ensemble du personnel, et ainsi que tous
les collègues et tous ceux qui participeront à cette commission.
Alors,
rappelons les faits de cette commission : alors, une motion le
11 novembre demandant une commission spéciale avec mandat d'initiative sur les violences sexuelles contre les
femmes, que j'ai déposée; appui de la Fédération des femmes du Québec et
des regroupements nationaux, des groupes de femmes à la tenue d'une telle
commission; discussion entre la ministre et
les autres parlementaires afin d'en arriver à un consensus et motion de la
ministre pour la tenue de cette
commission sur le bilan 2008-2013 sur le plan d'action en matière d'agression
sexuelle; trois forums, dont nous
attendons les dates et les contenus, qui doivent être organisés en consensus
avec les oppositions et une commission parlementaire,
à la suite des forums, pour faire des recommandations sur l'ensemble du
processus. Alors, une commission spéciale avec mandat d'initiative
aurait remis l'ensemble de ce processus à l'Assemblée nationale et au personnel
de l'Assemblée nationale qui accompagne les parlementaires.
La
violence sexuelle, elle est féminine et masculine. Elle est juvénile et adulte.
Elle est impunie et punissable. Elle est dommageable psychologiquement
et physiquement. La victime peut devenir agresseur. L'agresseur n'est pas
nécessairement étranger à la victime. L'aide et l'accompagnement ne sont pas
toujours au rendez-vous au moment nécessaire.
Des projets comme Les Survivantes à Montréal doivent être mieux connus et être
importés... exportés dans les autres villes et vers les autres centres
jeunesse, parce que la traite de nos jeunes filles est inadmissible.
Parler d'excision, de mariage forcé, c'est aussi
parler de violence sexuelle. Nous devons aussi discuter de prostitution au Québec. Nous savons, toutes et
tous, que la prostitution est encadrée par les lois fédérales. Cependant, ce sont nos services ici, au
Québec, qui sont réclamés pour aider les femmes à s'en sortir, aider les femmes
dans leur sécurité, soutenir les milieux où la prostitution de rue remet
en question la sécurité publique et le vivre-ensemble, soutenir les femmes prostituées dans leur santé sexuelle.
Pourquoi ne pas discuter ici, au Québec, de ce que nous pensons de l'esclavage
sexuel? Pourquoi ne pas discuter du fait que la prostitution peut être un
milieu dangereux, un milieu de criminalité? Pourquoi
acceptons-nous, comme société, que vendre le corps d'une femme est quelque
chose de banal, d'acceptable, de
négociable? Que, lorsqu'on achète ou loue le corps d'une femme, on peut en
disposer comme on veut, avec ou sans préservatif, dans la violence?
Alors, la violence sexuelle, c'est aussi ça, M. le Président.
Alors,
des cours d'éducation à la sexualité, on a tenu une commission précédemment, on
ne sait toujours pas où s'en vont ces
cours-là. Qu'en est-il des femmes autochtones? Elles ne sont pas seulement que
disparues, elles sont dans la violence,
et il faut aussi y voir. Je demeure convaincue qu'un vaste chantier aurait été nécessaire
pour se donner un véritable plan
d'action. Pourquoi encore autant de cas de violence conjugale, d'enfants
victimes de cyberpornographie juvénile, de sextos? Notre système de justice priorise-t-il les victimes
d'agression sexuelle? Pourquoi ne parle-t-on pas des victimes aussi au
masculin? On parle encore d'images sexistes, de stéréotypes dans nos garderies,
dans nos écoles. Pourquoi n'agissons-nous
pas autour du métro Beaudry et du terminus Voyageur pour arrêter ces dragueurs
de filles qui font de nos filles des
victimes d'agression sexuelle à répétition? Pourquoi ne pas se dire, comme
société : Assez, c'est assez? Merci, M. le Président.
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme la députée. J'invite maintenant la
porte-parole du deuxième groupe d'opposition
en matière de condition féminine et députée de Montarville à faire ses
remarques préliminaires pour une période maximale de
2 min 30 s.
Mme Nathalie Roy
Mme
Roy
(Montarville) : Merci beaucoup, M. le Président.
Bien, avant toute chose, je tiens à saluer mes collègues, naturellement Mme la ministre de la Justice, les
collègues du gouvernement, les députés, les députés de l'opposition, sans
oublier, bien entendu, tous les membres de
la Commission des relations avec les citoyens, et naturellement vous saluer
tout d'abord, vous, intervenants qui avez beaucoup à dire. On va vous entendre
sou peu.
Alors,
c'est avec un grand intérêt et un grand plaisir que j'assiste ce matin à la
première audition publique pour faire
le bilan du plan d'action gouvernemental en matière d'agression sexuelle. Et je
suis particulièrement fière de me joindre
à cette démarche non partisane, faut-il le répéter, c'est important et c'est
rare dans une vie parlementaire. Donc, c'est
un sujet de première importance, tous ensemble, nous allons réexaminer
l'épineux problème des agressions sexuelles.
Les
agressions sexuelles constituent un problème de société extrêmement
préoccupant, on l'a vu au cours des derniers mois. Au Québec, une femme sur trois aurait été victime d'au moins une
agression sexuelle à compter de l'âge de 16 ans, et je vous fais grâce des enfants. C'est beaucoup
trop. Ces gestes irréparables bouleversent la vie de nombreux Québécois et de nombreuses Québécoises. Les principales
victimes de ces actes injustifiables sont en grande majorité nos femmes,
mais il ne faut pas passer sous silence les
agressions commises contre des hommes. Il y en a, M. le Président. Au cours
de sa vie, un homme sur six sera victime d'une agression sexuelle.
Selon
les données du ministère de la Sécurité publique, autre sujet, seulement
10 % des agressions sexuelles sont dénoncées aux forces policières.
Le manque de dénonciations est un problème. Autre problème, la banalisation et
la sous-estimation des agressions sexuelles
perpétrées soulèvent encore aujourd'hui des critiques. Il est de notre
devoir...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme
Roy
(Montarville) : ...nous, élus, de poser des gestes
visant à renverser cette tendance. Il est nécessaire également de déterminer quelles sont les
interventions qui, en prévention, s'avèrent les plus efficaces ou prometteuses
pour contrer les différentes formes
d'agressions sexuelles. Alors, nous serons à l'écoute, à l'écoute des groupes
de femmes, des centres
communautaires, des intervenants des organismes et aussi de tous autres
citoyens qui auront envie de nous aider
dans notre mission. Les personnes qui ont été agressées sexuellement se
dirigent souvent vers les services d'aide offerts par des organismes. Les témoignages que nous en recevrons seront
donc très utiles pour la mise à jour de la politique gouvernementale.
Donc,
je conclus. Nous avons un devoir parlementaire d'entendre ces préoccupations,
d'agir de façon non partisane pour tenter de trouver des solutions à ces
cas de violence extrême faite aux femmes et aux hommes. Les agressions sexuelles au Québec n'ont plus leur place en 2015.
C'est à nous de prendre les mesures nécessaires pour enrayer ce fléau.
Merci tout le monde. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à
Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour une période d'une minute.
Mme Manon Massé
Mme Massé :
Ça fait que vous me dites déjà : En conclusion, c'est ça?
Le Président (M.
Picard) : Allez-y.
Mme Massé : Bonjour, tout
le monde. Bonjour, collègues, chers invités, qui vont nous aider à faire la
lumière. Écoutez, je pense que mes
collègues l'ont dit avant moi, il y a une réelle volonté qu'on comprenne qu'est-ce
qui est en train de se passer
actuellement au Québec, comprendre le caractère social et collectif des
agressions sexuelles, parce que ce
n'est pas quelque chose qui est individuel. Il y a quelque chose là. Bien sûr
qu'il y a des hommes qui sont agressés, mais on apprend, à travers les lectures, que c'est souvent parce qu'ils
sont gais, ou ils ont l'air d'être gais, ou ils sont trans, ou ils sont l'air d'être trans. Mais les chiffres
sont pétants, pétants, c'est des femmes, ça a un sexe, les victimes d'agressions
sexuelles, et, nous, ce qu'on a comme devoir, c'est d'essayer de le comprendre,
comprendre ce qui se passe.
On a un devoir de
cohérence, parce qu'on ne peut pas, d'un côté, chérir l'égalité entre les
femmes et les hommes et, de l'autre côté,
faire comme si les choix politiques qu'on fait n'ont pas des impacts
particuliers sur les femmes ou sur les hommes. Et, dans ce sens-là, j'ai
envie de travailler pleinement, comme nouvelle responsable de condition féminine pour Québec solidaire, à chercher ces
pistes-là. On va commencer par se faire un bilan et bien sûr, durant les
forums, on va essayer de mieux voir comment
on peut atteindre 2015 dans une société qui ne prônera plus une culture
du viol, mais bien une culture réelle d'égalité.
• (14 h 30) •
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme la députée.
Auditions
Nous
allons débuter la période d'échange en... Le premier groupe, c'est la
Fédération des femmes du Québec. Mme
Conradi, vous disposez d'une période maximale de 10 minutes. Je vous
demanderais de présenter la personne qui vous accompagne. Allez-y.
Fédération des femmes du Québec (FFQ)
Mme Conradi (Alexa) : Alors, bonjour. Je suis accompagnée d'Isabelle Boisvert, qui vient d'un
de nos groupes membres, Action femmes handicapées de Montréal.
Nous avons préparé un
mémoire avec la collaboration d'un ensemble d'organisations qui sont membres et
de personnes qui sont membres de la
fédération, comme il se doit, comme une organisation plurielle. Je n'ai pas le
temps de les mentionner toutes, mais elles sont nommées dans le mémoire.
Je
vous remercie d'avoir organisé cette session parlementaire. Vous n'avez pas été
insensibles quand nous avons été
interpellés collectivement cet automne sur la question des agressions sexuelles
dans la foulée de l'affaire Ghomeshi. Bien
sûr, on a vu que des milliers et des milliers de femmes se sont exprimées pour
dire leur ras-le-bol du fait que c'est elles
qui portent les cicatrices des agressions pendant que les agresseurs dans nos
vies semblent s'en tirer sans vraiment de
conséquence. On a l'impression également que les femmes ont dit très clairement
à quel point elles souhaitent que la société
intervienne de façon plus proactive pour prévenir les agressions, pour
s'assurer qu'on mette fin à une culture du viol — je
parlerai tout à l'heure de culture ou de l'hégémonie masculine — et
qu'on se donne des moyens pour être capables
d'enrayer le problème, et que ce ne soit pas dans le train-train habituel d'un
plan d'action qu'on fait un peu année après
année, mais quelque chose où on se donne le temps vraiment de se dire :
Qu'est-ce qui fonctionne là-dedans puis qu'est-ce qu'on a besoin de
changer?
Donc,
on a des attentes, bien sûr. Je pense qu'il y a des femmes, à travers le
Québec, qui ont des attentes puis je trouve
que personne ici n'a le droit de les décevoir. Elles ont participé avec
beaucoup de générosité de leurs témoignages et de leurs récits, et c'est maintenant à nous, qui avons ici des
responsabilités, particulièrement les parlementaires, qui ont des
pouvoirs, pour changer les situations.
Alors, vous avez
dit : Les agressions sexuelles, les victimes sont 83 % des femmes et
des filles, et 97 % des agresseurs
présumés sont des hommes. Donc, nous faisons face à quelque chose de très
genré, et donc c'est absolument essentiel
que, dans l'analyse que nous avons des agressions sexuelles, on comprenne qu'il
y a ici quelque chose qui prend racine dans les inégalités entre les hommes et
les femmes et aussi qui perpétue les inégalités entre les hommes et les
femmes.
La
définition qui est utilisée, d'agression sexuelle, dans le plan d'action,
jusqu'à présent, est une bonne définition. Ce qui est difficile dans le plan d'action, c'est que c'est l'analyse
autour de la définition qui semble manquante, dans le sens où on ne met
pas assez d'emphase sur l'aspect genré du problème des agressions sexuelles. Et
on tend, dans les principes, par exemple, à
placer une forme de neutralité autour de la question des agressions sexuelles,
qui n'a pas vraiment sa place, et je me permets d'expliquer pourquoi.
Premièrement,
donc, on sait que les femmes sont les premières victimes, les femmes et les
filles sont les premières victimes.
Ce sont elles qui ont le plus peur, tout au long de leur vie, d'en subir les
effets. Et ça s'inscrit aussi dans des rapports
de pouvoir de la société. Dans notre mémoire, on cite quelques exemples pour
qu'on puisse les regarder de plus près. Mais ça se situe aussi dans une
culture générale, donc une culture du viol, qui a tendance à encourager les
gens à blâmer les victimes, à nier la fréquence des agressions sexuelles et à
minimiser leurs répercussions.
Puis
aussi on apprend, dans certains milieux, à former une forme de masculinité
hégémonique. Puis qu'est-ce que je
veux dire par là, c'est qu'il y a des formes de masculinité qui sont
encouragées dans des milieux, qui sont des formes de masculinité qui ont tendance à favoriser la
prise de pouvoir économique et symbolique avec la domination des femmes,
et c'est particulièrement dans certains
milieux. Puis toutes les femmes et tous les hommes qui ne correspondent pas à
cette forme de masculinité, bien souvent, sont les plus à risque,
vulnérables, d'être victimes d'agression sexuelle.
Je vais
arrêter là tout de suite, laisser ma collègue parler de la question des femmes
handicapées, aux situations de handicap,
et les agressions sexuelles, pour parler de l'ensemble... ensuite parler de
l'ensemble des obstacles à la dénonciation.
Le
Président (M. Picard) : C'est à vous.
Mme Boisvert(Isabelle) : Merci. Alors, juste quelques mots, quelques
minutes pour parler, là, de la situation particulière des femmes en situation de handicap. Donc, pour nous, la
violence sexuelle comprend le harcèlement verbal, les touchers, les agressions sexuelles, la stérilisation
et l'avortement forcés. Elle peut aussi prendre la forme d'un refus de se voir reconnaître notre propre sexualité ou
encore un refus au droit à une éducation sexuelle et aux services de santé
sexuelle.
Et
la condition des femmes est particulière. La condition des femmes, traitez-les
aussi. Nous sommes plus nombreuses que
les hommes handicapés à vivre des limitations physiques graves ou très graves,
à avoir un grand besoin d'assistance au
sein de notre quotidien et à vivre dans des situations économiques les plus
précaires. Donc, l'isolement et la situation de dépendance augmentent
les risques d'être victimes.
L'État
nous donne des chiffres épouvantables : 40 % des femmes ayant un
handicap physique vivront au moins une
agression sexuelle au cours de leur vie, et ce chiffre double pour les femmes
qui ont une limitation intellectuelle ou un trouble de santé mentale. Et, lorsque l'idée vient, pour nous, de
dénoncer, on se heurte à différents
obstacles. Nous nous heurtons à la
possibilité de perdre notre chez-soi et à devoir aller en CHSLD, ce qu'on ne
veut pas, parce que près d'un
tiers des agressions sont commises par ceux qui sont nos proches aidants. On se
heurte aussi à des intervenants et à des
policiers qui sont ferrés en agression sexuelle mais qui ne sont pas du tout
outillés pour venir en aide à une femme en situation de handicap. On se heurte aussi au manque de connaissances
et de détection des violences sexuelles au sein des institutions et des organismes pour personnes handicapées. On se
heurte aussi à l'impossibilité d'être hébergées dans des foyers pour femmes violentées si on a besoin
d'aide dans l'accomplissement de nos activités quotidiennes. Également,
on se heurte à l'impossibilité de faire
condamner notre agresseur, car le doute raisonnable prévaut souvent, parce que
la preuve ne se base que sur la
parole de la victime. Également du côté de la justice, on se heurte au concept de
non-consentement qui ne prend pas en
considération que, pour plusieurs d'entre nous, laisser commettre l'acte est des
fois le seul moyen de se protéger d'une violence qui pourrait être
encore plus exacerbée.
Dans les solutions
qu'on pourrait voir, il s'agirait de sensibiliser en démystifiant la sexualité
des femmes handicapées et en rendant
visibles les situations de violence sexuelle particulières qu'elles vivent. On
pourrait former des intervenants, des
intervenants aussi bien des centres de violence pour les femmes, aussi bien des
intervenants qui travaillent auprès de femmes handicapées. Il faudrait
rendre les milieux de services pour femmes violentées immédiatement accessibles, favoriser l'indépendance et
l'inclusion des femmes handicapées, et ce, en dédiant des enveloppes budgétaires
augmentées pour rendre les ressources et les services à domicile humains. Il
faut qu'on ait également des logements accessibles.
Il faut qu'on ait encore plus d'emplois soutenus par des contrats d'intégration
au travail, également rendre immédiatement
accessible le système de justice, entre
autres en revisitant la notion de
consentement éclairé, pour prendre en compte les conditions
particulières des femmes handicapées.
Mme Conradi
(Alexa) : Merci. Ce type... mettons, énumération des enjeux pour les
femmes en situation de handicap, on les a
faits pour vous, pour les femmes racisées, les femmes immigrantes, pour les
femmes aînées, pour les femmes qui
sont dans un contexte de violence conjugale, pour les femmes dans les métiers
non traditionnels, pour les femmes
dans l'armée et la police, on les fait aussi pour les femmes autochtones, bien
qu'on s'en remet d'abord au mémoire des femmes autochtones
elles-mêmes.
Et
donc ce qu'on aimerait vous dire, c'est qu'on ne peut pas avoir un plan
d'action qui dit une chose... fonctionne pour l'ensemble des problématiques...
Le Président (M.
Picard) : Merci, Mme Conradi.
Mme Conradi
(Alexa) : ...touchant les agressions sexuelles.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme Conradi. Le temps est écoulé. Vous allez pouvoir continuer à
échanger avec les parlementaires. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre
pour une période de 23 min 30 s.
Mme
Vallée : Merci, M. le Président. Alors, Mme Conradi, je vous demanderais de
poursuivre. Parce que ce que je comprends, là, de votre fin
d'intervention, c'est que le plan d'action, le prochain plan d'action devrait
être divisé, si je veux dire, en fonction
d'un certain nombre de particularités, d'un certain nombre d'enjeux que vont
rencontrer les groupes de femmes. Est-ce que c'est bien ça?
• (14 h 40) •
Mme Conradi (Alexa) : Oui, je dirais qu'on doit avoir des objectifs ambitieux d'éducation
et de prévention qui tiennent compte
de toutes ces différences qui marquent la vie des femmes, parce qu'il n'y aura pas une seule solution qui fonctionnerait pour toutes
les situations. Par exemple, les obstacles pour des femmes immigrantes peuvent
être liés à leur statut d'immigration. Donc,
on vous recommande de faire des représentations auprès du gouvernement canadien
pour améliorer les statuts conditionnels des femmes, pour qu'elles
puissent être plus libres, moins sujettes à du contrôle lorsqu'elles souhaitent, par exemple, dénoncer. Ou encore, pour des
femmes en situation de handicap, il y a clairement des obstacles qui y sont propres. Donc, l'idée,
c'est que le plan d'action, en effet, tienne compte de ces obstacles-là et cherche non seulement à soutenir les individus dans
leur approche, mais à regarder en quoi ces obstacles-là sont
institutionnels, culturels et politiques, pour qu'on puisse les changer.
Donc, le plan
d'action, on aimerait qu'il touche à ça, tout comme la question de l'éducation
sexuelle à l'école, qui est un enjeu
absolument majeur, c'est un outil de prévention qui pourrait être au coeur d'un
prochain plan d'action, tout comme le soutien à la sensibilisation de continuer le travail et de
bien viser des publics différents dans cette démarche de
sensibilisation.
Mme Vallée :
Quels sont, selon la Fédération des femmes, les incontournables du plan
d'action? Qu'est-ce qui a fonctionné et qui devrait nécessairement se
retrouver ou être maintenu dans un prochain plan d'action?
Mme Conradi
(Alexa) : Le fait qu'il y
avait une approche particulière en collaboration avec les femmes autochtones est quelque chose à répéter. Les
réalités des femmes autochtones, la violence... Le taux de violence qu'elles
subissent est extrêmement grand, autant à
l'intérieur des communautés qu'à l'extérieur des communautés. Donc, il doit
y avoir une approche qui répond aux besoins
des femmes en ville tout comme dans les communautés, mais une approche qui permet aussi de contrer la violence qui est
exercée par des gens de la communauté québécoise, donc que ce ne soit
pas juste visé pour les autochtones mais qu'on tienne des responsabilités de
nous-mêmes. Je dirais aussi d'avoir une ligne 24/7,
par exemple, c'est très utile, de reproduire des campagnes de sensibilisation
mais à plus grande échelle encore et en diversifiant aussi les cibles.
Ça, ce sont des éléments d'un plan d'action à répéter.
Maintenant,
comme je dis... Je dirais : Une pièce maîtresse pourrait être des
campagnes... un programme d'éducation sexuelle
de la petite enfance jusqu'à l'université. Un autre élément peut être
l'obligation pour les institutions d'enseignement au Québec de se doter de politiques de lutte
contre les agressions sexuelles en collaboration avec les communautés, parce
qu'on sait qu'il y a un problème dans
les campus. Il pourrait avoir également une approche intersectionnelle,
c'est-à-dire que, lorsqu'on adopte la
reconnaissance... dans la politique, dans les principes, une reconnaissance
qu'il s'agit d'un problème qui prend
racine dans les inégalités entre les hommes et les femmes et qu'il s'agit d'un
problème sexiste, qu'on reconnaisse qu'il
y a lieu de l'articuler sur plusieurs angles pour les femmes qui confrontent le
racisme, pour les femmes aînées qui confrontent
l'âgisme, pour les femmes... pour les lesbiennes, pour les femmes trans. Les
femmes trans, d'ailleurs, sont celles
qui subissent les plus hauts taux de violence qui existent, particulièrement
celles qui sont racisées. Donc, c'est cette compréhension plus fine des réalités qui mérite d'être reproduite dans
le futur plan d'action. On trouvait que le dernier plan d'action qui a été lancé par le gouvernement
ontarien est un bon exemple et qu'il pourrait inspirer les travaux de la
ministre et de l'Assemblée nationale.
Mme Vallée :
Oui, exact. Quels sont, dans la même... Parce que, lors de votre présentation,
vous nous avez dit : C'est
important de se questionner sur ce qui fonctionne bien et ce qu'on doit
changer. Qu'est-ce qu'on devrait changer? Est-ce qu'il y a des approches, est-ce qu'il y a des mesures dans le
plan d'action qui, selon vous, n'auraient pas donné les résultats escomptés ou ont nécessité des
investissements qui peut-être aussi n'ont pas donné les résultats escomptés?
Selon la Fédération des femmes, est-ce qu'il y a des mesures qui sont moins intéressantes,
qui mériteraient tout simplement de ne pas être reconduites?
Mme
Conradi (Alexa) : Le plan
d'action comprend plusieurs mesures qui ont une portée très limitée, donc
j'aurais tendance à concentrer sur
des éléments de plan d'action de plus grande portée pour l'avenir, par exemple
la formation de toutes les personnes
qui interviennent et la mise à jour de tous les protocoles d'intervention, que
ce soit pour la police, que ce soit
pour les avocats, que ce soit pour les gens dans les premières lignes de
services de santé, et qu'à ce niveau-là il y ait vraiment une mise à niveau des connaissances. On a l'exemple de...
En violence conjugale, dans les protocoles, on ne semble pas vraiment faire mention que les agressions sexuelles peuvent être vraiment,
clairement, partie prenante de la violence
conjugale. Donc, il y a lieu de la visibiliser davantage
et de s'assurer que les gens soient formés pour dépister davantage les
problèmes.
On entend
aussi pour... Des milieux pour les personnes
âgées, par exemple, on a tendance à
ne même pas croire que ça peut
arriver, on a tendance à banaliser l'existence. Donc, il y a
lieu de s'assurer que les intervenants dans les CHSLD et autres maisons où vivent des personnes âgées ou des personnes en situation de handicap, par exemple, ils soient davantage formés,
je pense qu'il y a du travail, vraiment de l'emphase à faire à cette échelle-là, et de
mettre encore plus d'accent sur la
sensibilisation du public, parce que,
un des problèmes, on sait que le taux
de dénonciation à la police est très bas, 10 % seulement.
Et toutes ces raisons ne découlent pas
uniquement du système judiciaire. Il y a un bon nombre d'éléments qui découlent des attitudes sociales. Par exemple,
j'ai entendu, lors d'une soirée qui rejoignait des femmes de couleur, des
femmes immigrantes qui disaient que, si
dans... leur communauté d'appartenance est déjà victime de profilage racial, ce
qui est le quart des personnes noires à
Montréal, s'ils savent ça et que leur agresseur est un homme noir, elles vont
être très réticentes à le dénoncer à
la police de crainte qu'il y ait un traitement encore plus victimisant pour eux
et qu'on va remplir davantage les
prisons d'hommes noirs. Et donc, dans ce contexte-là, on a besoin de travailler
sur deux plans : comment s'assurer
qu'il y a moins de profilage racial général à l'égard de la population noire,
mais aussi légitimer le processus par lequel des femmes vont dénoncer
des agresseurs. Et c'est une combinaison de facteurs.
Ou encore des
femmes immigrantes qui actuellement vivent dans des communautés qui sont un peu
stigmatisées au Québec, on peut penser aux gens de la communauté
musulmane, des femmes qui ont témoigné de la difficulté de dénoncer de crainte que, pour les gens qui vont en
entendre parler, l'ensemble de la communauté musulmane est vue comme étant plus dangereuse que la communauté
majoritaire québécoise, et ça va les empêcher de dénoncer. Donc, on a besoin
de travailler les préjugés qu'on entretient
à l'égard des communautés musulmanes pour que les femmes aussi se sentent
plus libres de dénoncer une situation
individuelle et non pas avoir peur que ça va rejaillir sur l'ensemble de la
communauté.
Les femmes
blanches qui vont dénoncer ont peur que ça rejaillisse sur leurs familles, sur
les relations sociales dans leur
entourage, mais elles n'ont pas peur que toute la communauté blanche soit
visée, mais les personnes racisées ont cette crainte. Donc, on a besoin de travailler
sur plusieurs couches à la fois pour être capable de s'attaquer au problème
de dénonciation, au manque de dénonciation.
Mme Vallée : Quelles
seraient, à votre avis, là, les trois principales... les trois priorités qui
devraient... les trois incontournables d'un prochain plan d'action?
Mme
Conradi (Alexa) : Reconnaître
explicitement le caractère sexiste des agressions sexuelles et que le caractère
sexiste s'attaque principalement aux femmes,
mais à tous les hommes ou personnes non binaires qui transgressent nos attentes de masculinité et de féminité. Que ce
plan d'action là vise un programme d'éducation sexuelle le plus rapidement
possible. Et, troisièmement, qu'il y ait un soutien véritable pour les
organisations sur le terrain pour accompagner les femmes, et non seulement avoir un mandat de les accompagner, mais aussi
d'intervenir dans la communauté pour changer les mentalités et pour apporter des changements sociaux. Donc, cette
dimension est essentielle. On ne peut pas juste offrir des services, on
a besoin que ces mêmes femmes là deviennent des acteurs... des actrices du
changement qui puissent interpeller, donc, l'ensemble des acteurs de la société
dans chacun de nos milieux.
Mme Vallée :
J'ai été touchée lorsque vous avez soulevé les limites des maisons
d'hébergement pour femmes et qui
rendent un peu difficile l'accès pour les femmes vivant en situation de
handicap. J'aimerais vous entendre davantage, et surtout est-ce que vous
auriez une piste de solution pour venir contrer cette difficulté?
• (14 h 50) •
Mme
Boisvert (Isabelle) : Il y a
un rapport intéressant qui a été rédigé par l'OPHQ en 2010, qui a vraiment fait
le tour de la question de
l'accessibilité, et il y a différents
types d'accessibilité : l'accessibilité architecturale, donc, pour les femmes qui ont des besoins physiques, et
l'accessibilité des services pour les femmes de la communauté sourde, les
femmes qui ont de la difficulté
intellectuelle, les femmes qui ont des difficultés aussi de santé mentale. Il
ne faut pas oublier aussi que la
grosse difficulté que l'on voit, c'est que souvent les femmes ont une, deux et
même trois difficultés en même temps.
Donc, il y a une difficulté qui est non seulement
de rendre accessible l'hébergement physique, mais également de rendre accessibles les services, donc former
les intervenants à la littérature, il
y a des outils qui sont présents, il y a
des outils qui sont prêts à être utilisés mais qui ne le sont pas.
Également, il y a quelque chose qui est aussi primordial, c'est de faire des ententes entre les CLSC et
les maisons d'hébergement pour que
toutes les femmes qui vont dans ces maisons-là aient accès au minimum aux
services qu'elles ont besoin pour se
laver, pour manger, pour aller se coucher le soir, dans ces maisons-là. Ça fait
que, pour elles, c'est vraiment
un gîte, un havre de quelques jours à quelques semaines, puis elles ont besoin vraiment
de ce type de services là.
Mme Vallée : Est-ce qu'à votre connaissance il y a actuellement des maisons d'hébergement qui ont établi ces liens-là avec les CLSC, ces ententes-là, ou ça se
fait... Est-ce que ça se fait de façon individuelle, je dirais, entre certaines
maisons et certains CLSC?
Mme
Boisvert (Isabelle) : Si
j'ai bien compris, oui, ça se fait de façon individuelle, ça se fait avec beaucoup
de temps, dans le sens que ça ne se fait pas du jour au lendemain. Quand
une femme a besoin de tels services, ça prend quelques
jours à quelques semaines avant d'établir, justement, les services,
surtout quand la maison d'hébergement se situe à l'extérieur du périmètre du CLSC où la dame restait. Il faut
changer les dossiers de région, et ça, c'est assez complexe. Donc, je
sais qu'il y a des maisons d'hébergement qui commencent déjà à le faire, mais
de façon assez ponctuelle.
Mme Vallée : Vous avez aussi parlé de l'importance de
démystifier la sexualité des personnes en situation de handicap. Ça, ça
serait face aux intervenants du milieu de la santé ou en général, face à la
société?
Mme Boisvert (Isabelle) : Tout le
monde.
Mme Vallée : Tout le monde.
Mme
Boisvert (Isabelle) :
Absolument. Dans la société en général, déjà là il faut qu'on arrête d'entendre
le mythe de «c'est odieux, qui
oserait, tu sais, qui oserait violer une femme handicapée»? Les femmes
handicapées ont une sexualité autant que
n'importe quelle femme. Donc, déjà de démystifier au niveau général aiderait à
la compréhension de la violence et
aussi à la détection de la violence dans les familles, dans les couples, etc.,
au niveau des intervenants également et au niveau du corps policier. Vraiment
partout.
Mme Vallée : Et vous avez également soulevé la notion du
consentement vraiment en lien avec les personnes vivant en situation de handicap. Donc, quand vous avez abordé cette question-là,
qu'est-ce que... Comment vous souhaiteriez que cet
enjeu-là soit abordé? Qu'est-ce qu'il serait nécessaire de mettre en place
lorsqu'il est question de parler du consentement?
Mme Boisvert (Isabelle) : Je pense
que ce serait de prendre en compte que, oui, une femme qui n'a pas un handicap intellectuel peut consentir, oui. Par
contre, il faudrait systématiquement prendre en compte le choix ou le non-choix
de la femme, considérant qu'elle pouvait ou
non s'enfuir et qu'elle pouvait ou non mettre encore plus de l'eau sur le feu
si elle se défendait. Je ne suis pas
juriste, je ne connais pas rien là-dedans,
mais je pense que ça serait
vraiment souhaitable de soulever la question pour que, quand une femme en situation
de handicap dénonce, elle se sente comprise, accompagnée, et qu'on sente
qu'on comprend bien la situation dans laquelle elle s'est trouvée.
Mme
Vallée : Donc, dans le fond, ça vient... ça rejoint toute la
notion d'éducation générale, d'éducation populaire qui est nécessaire afin de bien comprendre... afin
que les intervenants puissent bien comprendre lorsqu'une femme en situation de handicap porte plaine, bien,
comprendre la situation particulière qu'elle vivait et pouvoir aussi
l'accompagner dans la suite des choses.
Mme Boisvert (Isabelle) : Oui. J'aurais peut-être ici le souhait de dire
que vous regardiez, au niveau des codes de lois, quel impact la notion de consentement a ou n'a pas dans la
culpabilité des agresseurs lorsqu'il s'agit de femmes en situation de
handicap.
Mme
Vallée : Merci. J'aimerais... Mme Conradi, vous avez parlé de
l'importance des campagnes de sensibilisation, qui devraient se décliner suivant certains thèmes. Encore une fois, je
vous demanderais : Quels seraient les thèmes, les trois
thèmes-phares qu'une campagne de sensibilisation devrait... sur lesquels une
campagne devrait porter?
Mme Conradi (Alexa) : Il devrait y avoir de quoi sur le consentement. C'est quelque chose que
la société, avec cette... Mettons, la
publicité, l'hypersexualisation. Toutes ces dimensions-là tendent à avoir comme
impact de faire en sorte que les gens
sont mêlés sur qu'est-ce que c'est, un consentement. Donc, je pense qu'il y a
de quoi à faire à ce niveau-là.
Il
y a aussi : quelque chose qui serait responsabilisant pour les hommes,
donc un message qui se dirige vers des hommes.
Il y en a eu, des campagnes, par le passé, qui peuvent être intéressantes,
interpellantes. Puis bien sûr que ce n'est pas tous les hommes qui sont agresseurs, mais la majorité des agresseurs
sont des hommes. Donc, comment faire en sorte que les hommes qui sont témoins de situations qui contribuent à la
culture du viol jouent un rôle positif pour la questionner.
Puis
peut-être également... Le troisième, c'est comment on s'adresse aux personnes
dans cette diversité-là pour qu'elles
connaissent leur droit, leur légitime droit de dire non, de dénoncer puis
d'avoir recours à des services. Puis, des fois, ça veut dire les faire
dans différentes langues, en LSQ, etc.
Mme
Vallée : Pour la question des femmes aînées, il y a actuellement
un plan d'action sur la maltraitance qui est en vigueur. Donc, je vous entends, vous dites : On doit aussi
démystifier, autant que nous devons démystifier la question des agressions posées ou portées à l'encontre des
femmes en personnes de handicap. Les femmes aînées aussi sont victimes, et sont des victimes silencieuses bien souvent,
parce qu'elles sont vulnérables, elles sont à la merci aussi de leurs
agresseurs. Alors, comment faire plus que ce qui est prévu actuellement
dans le plan sur la maltraitance?
• (15 heures) •
Mme Conradi (Alexa) : Alors, si je me rappelle bien... Je l'ai déjà lu, le plan sur la
maltraitance, mais je ne l'ai pas
relu juste avant de venir en commission, mais je pense qu'il n'y a pas une
approche sexuée dans le plan d'action sur la maltraitance. Donc, déjà, d'identifier clairement, plus clairement les
formes de violence envers les femmes qui se retrouvent dans la catégorie maltraitance, ça aiderait les
intervenants et intervenantes de mieux cibler et dépister les problèmes à cet
égard.
Je pense aussi que... Comprendre la dynamique dans
laquelle la génération actuelle de personnes âgées se retrouve. C'est-à-dire qu'ils sont plus religieux, à
plusieurs égards, que des plus jeunes. Elles ne vont pas vouloir déranger les codes
familiaux, parce que fonctionnent plus sur des modes religieux, par exemple, ce
n'est pas le cas de tout le monde, mais plusieurs, et donc ne veulent pas déranger les autres. Mais là les
intervenants peuvent jouer un rôle
pour non pas forcer une femme à
décider de laisser un conjoint, par
exemple, qui les agresse
sexuellement, après 50 ans, mais de vraiment identifier avec elle qu'est-ce qu'elle souhaiterait. Il y a une sorte de démarche à prévoir qui est
respectueuse de ses besoins à elle,
qui tient compte du fait qu'elles n'ont peut-être pas grandi dans le même
contexte social qu'une génération
plus jeune, mais aussi, surtout, en
hébergement, s'assurer que les CHSLD, et tout ça, soient vraiment très bien
équipés pour reconnaître et dépister le problème.
Mme
Vallée : Dernière question : Sur la question des
agresseurs, parce qu'un plan doit aussi aborder la question des agresseurs, quel serait, à votre avis, la
mesure que nous... l'incontournable qui devrait être mis en place pour éviter
les récidives?
Mme Conradi
(Alexa) : C'est une bonne question. On n'est pas de l'école du
gouvernement canadien, qui a tendance à mettre un accent trop fort sur l'aspect
loi et l'ordre, au détriment de la réhabilitation.
Ceci étant dit, il y
a quand même des mesures que des... quand on fait des sentences, qui pourraient
respecter davantage la portée et le
problème, l'étendue et les difficultés que ça apporte dans la vie d'une femme
d'avoir été agressée. Donc, on peut quand même imaginer des sentences
plus sévères mais à l'intérieur du cadre juridique existant.
Il
y a lieu d'avoir des programmes de réhabilitation qui tiennent compte d'une
analyse féministe de ce rapport de pouvoir. Ce que je veux dire par là,
c'est qu'il y a des groupes d'hommes qui existent, par exemple, pour aider les hommes à faire une réhabilitation dans des
contextes où ils ont été violents à l'égard des femmes. Certains sont menés
par des groupes d'hommes qui ne
reconnaissent pas les structures de pouvoir entre les hommes et les femmes. Et
donc, là, s'il y a lieu, d'investir dans la réhabilitation, l'important, c'est
de s'assurer que ça vient du groupe qui reconnaît les inégalités entre
les hommes et les femmes.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Il reste 25 secondes. C'est
beau? Je cède maintenant la parole à Mme la députée
d'Hochelaga-Maisonneuve pour une période de 14 minutes.
Mme
Poirier : Je comprends la non-réjouissance de la ministre à dire
qu'on manque de temps. On est tous d'accord, on a tellement de questions.
Bienvenue,
Mme Conradi, Mme Boisvert. Merci de vous entendre. Je reviendrais à la
définition, la définition que nous avons de l'agression sexuelle.
L'Ontario vient de se doter d'une nouvelle définition, et j'aimerais qu'on
puisse discuter des aspects différents entre
les deux, entre les deux définitions, par exemple tout ce qui est la
cyberviolence. À l'époque, on en
parlait moins ici, c'est un phénomène nouveau. Doit-on modifier notre
définition de l'agression sexuelle pour
additionner des aspects plus nouveaux, plus d'actualité? J'inclurais aussi la
traite, donc, l'exploitation sexuelle. C'est quelque chose dont on parlait moins avant, qu'on parle plus maintenant.
Selon vous, si on avait à modifier, et je sais que vous en faites part, là, dans votre mémoire, selon
vous, qu'est-ce qu'on doit ajouter absolument? Est-ce qu'on doit... En tenant compte de ce qu'a fait l'Ontario avec cette
nouvelle définition, qu'est-ce qu'on peut aller chercher là? Vous nous faites des recommandations dans votre mémoire,
page 12, mais je ne vois pas, entre autres, l'exploitation sexuelle, dans
vos recommandations, ni la cyberviolence. Alors, je voudrais juste voir
qu'est-ce qu'il en est.
Mme Conradi (Alexa) : En fait, on propose que le plan d'action tienne compte de l'évolution
des formes que peut prendre la
violence sexuelle, notamment sur tout ce qui est cyberviolence. Donc, il y a
lieu qu'on reste à l'affût des nouvelles
expressions de violence à l'égard des femmes. Les éléments d'étude que j'ai en
tête, mais que je ne me rappelle pas
exactement leur provenance, indiquaient très clairement que la cyberviolence
prend aussi les femmes pour victimes en
grande majorité et que, lorsqu'il s'agit d'autres personnes qu'on cible, bien,
encore une fois, ce sont les gais et lesbiennes, ce sont les personnes trans, ce sont les personnes de couleur. Donc, on
voit qu'il y a quelque chose qui se répète
sur le Web... que dans la vraie vie physique. Donc, oui, il y a
nécessité de voir ça.
Un
des éléments de la violence sexuelle et de la traite, c'est notamment
les problèmes avec la traite des femmes autochtones à l'intérieur des frontières du Canada. Donc, il y a lieu de
voir avec Femmes autochtones du Québec comment elles souhaitent qu'on traite de cette question-là. Et, pour nous, la
disparition des femmes autochtones, et le meurtre des femmes autochtones, au Canada n'est pas étranger à
ce phénomène de traite intérieur. Et ce n'est pas étranger non plus au problème de logement dans les communautés. Ce
n'est pas non plus étranger à une forme de dévalorisation historique des femmes
autochtones qui a été faite qui permet à certaines personnes de penser qu'ils
peuvent s'en prendre à elles en toute impunité.
Donc,
mettons, pour répondre généralement à votre question, je pense qu'il y a lieu, par exemple, de s'assurer que la SQ ne
participe pas, comme la GRC est accusée de faire, à un traitement différencié,
inadéquat, raciste des femmes autochtones, par exemple, qu'ils sachent
comment répondre aux interrogations et besoins des femmes autochtones et notamment
à cause de ces enjeux de traite interne à l'intérieur du pays.
Mme
Poirier : Je trouve
par contre que... Lorsque vous me parlez de traite et que vous me parlez des
femmes autochtones, moi, je vous
parlerais des petites filles au métro Berry, au métro Beaudry, en plein coeur
de Montréal, qui ne sont pas des femmes autochtones. Pour moi, elles
sont aussi victimes que les femmes autochtones. Alors, je ne voudrais pas qu'on réduise la traite seulement
qu'aux femmes autochtones, qui est un réel problème, qui est un réel, réel
problème, mais la traite des filles autour
des centres jeunesse est un problème aussi très réel. Alors, c'est pour ça
que... Vous, vous me parlez d'inclure
dans le plan d'action... Moi, je vous parle, dans la définition de l'agression
sexuelle, d'inclure ces deux
termes-là comme étant partie prenante d'un des actes de la définition d'une
agression sexuelle. Alors, je reviens à
un niveau beaucoup plus large qui, au niveau de la justice, vient
reconnaître ces actes-là comme des actes... de l'agression, là.
Mme Conradi
(Alexa) : Tout à fait. Il est dans notre mémoire, cette question-là.
Je pense qu'il y aurait lieu peut-être à inviter des gens qui travaillent avec des
femmes... avec des jeunes filles qui ont été dans les centres jeunesse, notamment,
parce qu'on sait que le passage jeune à vie adulte est un moment extrêmement
vulnérabilisant pour elles et qu'il y
a des enjeux absolument très grands sur cette question-là pour elles.
Nous-mêmes, dans notre mémoire, on parlait de violence sexuelle, on
parlait de cyberharcèlement. Donc, il est là dans nos recommandations.
Mme
Poirier : O.K. Je
reviendrais aux femmes handicapées, dans un premier temps. J'aimerais
connaître... Parce qu'on n'a pas documenté cet aspect-là. En tout cas,
je n'ai pas lu le document dont vous nous parlez. Les femmes en situation de
handicap dénoncent-elles, oui ou non, et dans quelle proportion? Est-ce qu'il
existe des statistiques qui démontrent
l'ampleur du phénomène, dont je ne doute pas du tout? Mais est-ce qu'il y a des
statistiques, des données qui démontrent
sur la place publique la gravité et surtout à quel niveau cela se passe? Est-ce
que c'est en situation d'hébergement?
Est-ce que c'est en situation de services à domicile? Est-ce que, comme dans le
cadre des femmes, ça se passe avec quelqu'un de la famille, dans un
premier temps? Un portrait de ce que ça veut dire.
• (15 h 10) •
Mme Boisvert (Isabelle) : Bonne question. Premièrement, les chiffres que
j'ai donnés tantôt, le 40 % pour les femmes ayant un handicap physique et le 80 % des femmes avec une
limitation intellectuelle ou de santé mentale, ça, c'est des chiffres du
ministère de la Sécurité publique en 2004. Parce que les chiffres sont être
très, très difficiles à aller chercher. Il
n'y en a presque pas. Avoir des études faites sur les chiffres... Ils font des
études plutôt qualitatives, qui vont chercher
le vécu des femmes, qui vont chercher le contexte des femmes, le contexte dans
lequel les violences se font. Donc, ça, d'une part.
D'autre
part, on pense que le taux de plaintes serait d'une proportion de 10 %, comme les femmes, une approximation moyenne, et même en deçà. Mais, là aussi, c'est
très difficile d'aller chercher des chiffres, surtout parce qu'il ne faut pas
faire de discrimination quand on prend...
Quand les policiers prennent des plaintes, ils n'inscrivent pas sur la plainte
que la femme a ou non un handicap. Et
ça, c'est pour un fonctionnement de la justice, mais ça nous coûte, nous, des
chiffres.
Pour ce qui est des contextes, on sait
que... bien, les études observatoires le disent, les femmes qui ont un handicap
vivent plus de violence. Donc, la violence
sexuelle s'inscrit bien souvent dans une traînée de violences qui commencent
dans les foyers, qui commencent en étant
jeunes, dans toute la discrimination qu'elles vivent, dans... beaucoup,
beaucoup de violence psychologique.
Alors, il y a des études qui démontrent que toutes les femmes avec un handicap,
quel qu'il soit, vivent de la
violence psychologique à répétition, psychologique, morale, verbale. Et ça, ça
les inscrit dans tout un processus de victimisation, de pensée, et donc
incite à une violence sexuelle un jour ou l'autre, malheureusement.
Pour
ce qui est des contextes, les contextes, sincèrement, là aussi, les chiffres
mentent, mais c'est autant des les milieux familiaux, que les crimes
sexuels sont commis, que dans les milieux institutionnels, que dans les
contextes conjugaux, également. Et, dans les
milieux institutionnels, je sais qu'il y a eu beaucoup de travaux qui ont été
faits dans les dernières années avec
la protection du citoyen, parce qu'il y a eu des choses innommables qui se
faisaient, mais, là aussi, on sait
qu'il y a encore beaucoup de chemin à faire. Donc, en réalité, c'est vraiment
comme si le parcours de vie des femmes
handicapées est vraiment jonché d'une multitude de miniactes qui s'accumulent,
qui s'accumulent. Et les crimes de violence sexuelle sont vraiment
partout.
Mme
Poirier : Merci. Je poserais une question qui... dans le fond,
c'est vraiment une question ouverte, là. Pour vous, les mutilations
génitales sont-elles des violences sexuelles?
Mme Conradi
(Alexa) : Oui. C'est-à-dire que, premièrement, elles sont une atteinte
à l'intégrité physique, évidemment, mais
aussi que ça peut porter atteinte, en fait, à l'épanouissement sexuel des
femmes. Et c'est pratiqué à un moment...
à un âge où elles n'ont pas à consentir. De toute façon, il s'agit d'un crime,
donc on ne consent pas à un crime.
Et
il y a, on le soulève dans notre mémoire, un questionnement sur les intersexes.
C'est-à-dire, actuellement, on pratique
des corrections chirurgicales qui sont... On peut faire des parallèles entre
les corrections chirurgicales qui sont pratiquées sur des enfants
intersexes à une forme de mutilation génitale. Et les témoignages et les
recherches tendent à montrer que les
symptômes ou les résultats de ça sur les enfants plus tard, c'est des symptômes
similaires que vivent les personnes
ayant été agressées sexuellement. Donc, il y a lieu de se questionner sur la
pratique de normalisation des enfants intersexes,
qui finalement le vivent comme une grande violence, très souvent, l'expérience
de ces chirurgies normalisantes.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Rimouski, question, réponse en deux
minutes.
M.
LeBel : Oui, je vais faire ça vite. Bonjour, tout le monde. J'ai
rencontré les gens, chez nous, qui interviennent à CALACS, c'est des groupes qui... dans le coin de Rimouski. Je les ai
rencontrés, j'ai beaucoup appris en discutant avec eux autres, avec un café, c'est... Et on me
disait, puis ça m'inquiète, que la situation économique est de plus en plus
difficile en région, crée des stress
et crée des occasions, puis ils le voient, eux autres, dans leurs
interventions, où il y a plus d'agressions, où il y a plus de contextes ou de dangers, puis ça, de tout âge, dans les jeunes dans la rue, qui se
ramassent dans la rue, ou des gens qui ont perdu leurs emplois, qui...
Et je me demandais : Comment on intervient? Comment vous voyez l'intervention, dans le projet, un plan d'action, auprès des hommes qui vivent des situations comme ça et qui
peuvent devenir potentiellement des
agresseurs? Je ne sais pas, moi, on voit les résultats. Comment on intervient
auprès de ces gens-là? Puis comment on pourrait faire pour mieux
intervenir, prévenir? Dans le fond, aussi, comment vous voyez le rôle des hommes puis de... Comment on peut faire... on peut
être impliqués dans un futur plan d'action? Parce que je le vois aussi
sur le terrain.
Mme Conradi (Alexa) : Vous avez raison de signaler le fait que,
lorsqu'il y a, par exemple, des grands changements sociaux, des détresses économiques, même des
catastrophes climatiques, la guerre, tout ce qui dérange un peu l'ordre établi,
les éléments qui affectent le tissu social,
il y a souvent augmentation de la violence envers les femmes dans ce temps-là.
Donc, c'est une des raisons pour lesquelles
on insiste tant à s'assurer que les éléments de plans d'action de développement
économique, par exemple, tiennent compte des femmes dans le moment d'y penser,
les plans de relance, qu'on a une perspective féministe dans la réflexion
sur comment faire un plan de relance, que ce ne soit pas juste des emplois
masculins, mais, quand, par exemple... on le
soulève dans notre mémoire, lorsqu'on fait du développement minier, par exemple, dans des territoires, qu'il s'accompagne
d'un plan d'intervention, parce qu'il s'accompagne aussi, à ces moments-là,
d'une augmentation d'agressions sexuelles.
Donc, il y a toutes
sortes de situations, soit une plus grande fragilité ou...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme Conradi (Alexa) : Oh! désolée. Une plus grande fragilité ou bien encore de
déstabilisation, qui peuvent être dangereuses. Je reviendrai sur le rôle
des hommes.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée
de Montarville pour une période de 9 min 30 s.
Mme Roy
(Montarville) :
Neuf minutes? Vous êtes généreux, M. le Président. Merci, je suis ravie.
Bonjour, mesdames. Bonjour, tout le monde. Merci d'être là. Merci pour votre
témoignage, merci pour votre mémoire.
On va passer des
hommes, si vous permettez, aux petits garçons, parce qu'il faut trouver une
solution, il faut trouver une réponse. Il
faut essayer de savoir comment faire pour que ces agressions sexuelles cessent
un jour ou du moins diminuent — on va commencer par diminuer — pour
arriver à un monde idéal où il n'y en aurait plus.
Comment
ferait-on ou que doit-on faire pour travailler de façon préventive? Et
j'imagine que, probablement... je veux
vous entendre là-dessus. Quels sont les outils les plus importants qu'il faut
élaborer pour justement que cette culture du viol, comme vous le disiez... je trouve que c'est très gros comme
mots, là, «culture du viol», mais pour que ces agressions ne se... pour qu'elles cessent? Donc, que doit-on
faire en amont en fait de prévention auprès des enfants, des petits garçons,
des petites filles? Est-ce que c'est la même
chose qu'il faut faire? Que doit-on faire, selon vous? Parce qu'il faut
commencer bien avant le travail, hein?
Mme Conradi (Alexa) : On vit dans
une période où les stéréotypes sont plus forts maintenant qu'ils l'étaient alors que j'étais jeune. C'est surprenant, hein,
parce qu'on a tendance à penser qu'on va de plus en plus vers l'égalité,
mais il y a le retour de certains
stéréotypes, notamment en ce qui concerne les vêtements, les jouets, les
vidéos, les films. Tout ça, c'est beaucoup plus stéréotypé qu'à une
autre époque.
Donc, on a
besoin de questionner ces stéréotypes-là et de s'assurer que, dans les écoles
et dans les garderies, ce que nous
avons, c'est des programmes éducatifs qui ne renforcent pas les stéréotypes
sexuels et sexistes. On a besoin d'avoir des programmes d'éducation sexuelle à l'école qui n'interviennent pas
uniquement sur la question de comment prévenir des grossesses non désirées, là, il s'agit de voir comment on développe
des rapports égalitaires, sans domination, où le consentement est travaillé jeune, mais aussi où on apprend une sexualité
saine, égalitaire, avec, oui, la notion de plaisir, donc pas entourée d'un ensemble d'interdits, mais
plutôt une qui favorise l'idée qu'on a à se rencontrer dans un espace d'égalité. Ça veut dire apprendre aux enfants un
esprit critique sur l'ensemble des messages publicitaires qu'ils reçoivent.
Ça veut dire contrer l'hypersexualisation.
Ça veut dire questionner justement les stéréotypes sexuels dans les campagnes
de sensibilisation. Et là on pourrait tranquillement réussir à défaire un peu
les stéréotypes.
Il y a des
milieux qui renforcent une sorte de masculinité qu'on appelle, dans notre
mémoire, hégémonie. Puis ce qu'on
entend par là, c'est une sorte de masculinité très traditionnelle, très
stéréotypée. Il y a des milieux qui le renforcent, puis d'autres milieux
où ils ne s'attachent pas autant à ça. Et là on le voit surtout dans les milieux
traditionnellement masculins, la construction, la mécanique, l'informatique,
des milieux comme l'armée, la police. Et on a lieu de les questionner,
cette forme de domination culturelle d'un type de masculinité, pour qu'on offre
des options plus grandes aux garçons de grandir avec toutes la panoplie
de possibilités qu'un être humain a et qu'on dise non à cette forme de
domination là. On la tient responsable, on la dénonce et on ne l'accepte pas.
Et le
problème de la culture du viol, c'est notamment le fait qu'on a tendance à
banaliser les problèmes, les plus petits,
donc vite... pas les enfants les plus petits, mais on banalise les problèmes
plus petits, et là on devient moins sensibles aux problèmes plus grands.
• (15 h 20) •
Mme Roy
(Montarville) :
Alors, je vous entends bien, donc beaucoup de formation auprès des enfants, ça doit commencer tôt. Mais actuellement il n'y a rien, il
n'y a pratiquement rien dans nos écoles. On sait que le cours d'éducation
sexuelle est disparu, on prêche pour qu'il
revienne, mais il manque effectivement de la prévention en amont, vraiment au jeune âge.
Par ailleurs, je vous amène à la page 13 de
votre mémoire.
Mme Conradi (Alexa) : Page 13?
Mme Roy
(Montarville) :
Oui, à la page 13, on va parler de droit de dénonciation. Vous nous dites
au deuxième paragraphe, et je vous cite pour le bénéfice des
téléspectateurs : «Malgré
l'ampleur du phénomène — des
agressions sexuelles — et
malgré des changements législatifs favorables à la dénonciation, les femmes
sont peu nombreuses à dénoncer leur
agresseur. Entre 2003 et 2012, le taux de dénonciation des agressions sexuelles
est passé de 55,3 [%] à 47,9 [%] par 100 000 habitants[...]. Devant
cette absence d'avancée au plan des dénonciations, il est difficile de crier
victoire.»
Donc, il y a
une diminution de l'ordre de... passer de 48 % à 55 %, donc c'est quand même appréciable.
Qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer ce bilan, en prenant pour
acquis que les agressions sexuelles, elles, ont continué, j'imagine...
Mme Conradi (Alexa) : Oui.
Mme Roy
(Montarville) :
Bon, donc, qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer ce bilan, pour qu'il y
ait davantage de dénonciations? Parce que, pour le moment, l'outil ultime dont
peuvent bénéficier les victimes, c'est la dénonciation
en cour et poursuivre la personne qui a agressé. Donc, qu'est-ce qu'on peut
faire pour améliorer ce bilan-là? Je sais qu'il n'y a rien de parfait en
justice et devant le tribunal, mais qu'est-ce qu'on peut faire pour aider?
Mme
Conradi (Alexa) : C'est bien
sûr qu'il y a des éléments au niveau de la justice qui peuvent être regardés,
rendre le système plus rapide, plus
accessible et des éléments comme ça, mais je pense qu'il y a un travail social
à faire. Et donc, dans le plan
d'action, il y a beaucoup de mesures judiciaires, je vais laisser les femmes du
Regroupement québécois des CALACS en
parler plus dans le détail, mais il y a beaucoup de mesures judiciaires, mais
peut-être qu'on a du travail en amont
à faire. Les obstacles à la dénonciation sont quand même assez nombreux. Le
fait que les femmes sentent qu'elles vont
être culpabilisées est un enjeu majeur, et pas juste devant la cour, mais dans
la famille, dans la société, les femmes sont rapidement blâmées. Si on se rappelle au début du dévoilement des
agressions dans l'affaire Ghomeshi, la raison que BeenRapedNeverBeenReported, ou encore AgressionNonDénoncée, a été si
populaire, c'était une réaction des femmes qui sentaient qu'elles étaient au banc des accusées du fait... plutôt
que les agresseurs. Et donc on a énormément de travail à faire encore au Québec
pour dire que les femmes ne sont pas responsables des agressions qu'elles
subissent, et ça, ça pourrait faire
en sorte que les femmes aient confiance dans le système davantage. Mais, pour
le moment, socialement, le poids repose encore trop sur les épaules des
femmes. Donc, je pense qu'il y a du travail à faire à ce niveau-là.
Puis là,
encore une fois, plus spécifiquement, chaque milieu de femmes, que ce soit pour
les aînées, les femmes en situation
de handicap, les femmes immigrantes, les lesbiennes, il y a des enjeux
particuliers à examiner, parce que les obstacles
à la dénonciation sont différents. Est-ce que ça veut dire pour une lesbienne,
par exemple, de se dévoiler en tant que lesbienne devant la cour pour mieux
comprendre le contexte dans lequel ça s'est passé, l'agression? Mais, si oui,
peut-être elle ne va pas vouloir, si ce n'est pas déjà fait dans sa vie. Une
femme aînée, si ça veut dire qu'elle perd son réseau
de soutien et ça va l'isoler, bien, peut-être qu'elle ne va pas le faire. Et
donc on a besoin de comprendre tous ces mécanismes d'isolement qui
fonctionnent pour garder le silence.
L'autre
chose, c'est que souvent on ne croit pas les femmes lorsqu'elles dénoncent.
Donc, comment on s'organise pour que le poids de la responsabilité passe
des femmes vers les hommes qui nous agressent?
Mme Roy
(Montarville) : ...présomption. Merci beaucoup, Mme Conradi.
J'ai peu de temps, Mme Boisvert, je veux
vous entendre. Je vous ai trouvée criante de vérité, vous m'avez extrêmement
touchée, et, dans votre témoignage,
vous avez dit : Lorsqu'il
y a dénonciation, il y a un risque pour les femmes handicapées de devoir
quitter son chez-soi et d'avoir à
retourner en CHSLD. Pourquoi, si je vous comprends bien? Est-ce que
c'est parce que l'agresseur était à la maison?
Mme
Boisvert (Isabelle) : Oui,
c'est ça, le tiers des agresseurs sont des proches aidants, donc soit un
conjoint, soit un frère, soit un
père, soit aussi... bien, il y a aussi des agresseurs qui sont des aidants autres.
Il y en a beaucoup qui font
vraiment partie de la vie quotidienne de ces femmes-là.
Donc, un tiers. Donc, oui, souvent, elle va aimer mieux rester en
contexte de violence conjugale, de violence quotidienne que d'aller en CHSLD.
Puis ce qui
est drôle, c'est que souvent elles ont très peur aussi d'aller en CHSLD parce que
c'est dit, dans les médias, qu'il y a
beaucoup de viols en CHSLD puis que leurs corps vont être
instrumentalisés, parce qu'elles vont recevoir des services autant de femmes que d'hommes. Donc, elles n'auront aucun
accès à leurs corps, à leur vie privée, donc elles ne veulent pas. Donc,
elles vont rester, oui, elles vont rester.
Le Président (M. Picard) :
Merci...
Mme Roy
(Montarville) :
...c'est important que vous le disiez. Merci.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques pour trois minutes.
Mme Massé : Merci, M. le Président.
Merci, mesdames. En fait, vous avez fait mention de la politique du gouvernement ontarien qui, dernièrement, a quand
même lancé des choses. Est-ce qu'il y a des éléments que vous vous dites : Ça, on aurait
avantage ici, au Québec, de retenir ces éléments-là?
Mme
Conradi (Alexa) : Ce qui m'a
frappé dans le plan d'action ontarien, c'est à quel point on reconnaît le
caractère sexiste des agressions
sexuelles. Donc, on ne fait pas une sorte... L'agression sexuelle, c'est quelque chose qui arrive aux femmes, et aux
hommes, et aux enfants de façon très générique, mais il y a
une reconnaissance de l'enjeu spécifique. Je dirais aussi qu'il y a adoption claire d'une reconnaissance de l'ensemble
des structures de pouvoir qui intervient dans la vie des femmes. Donc, il y a bien sûr
les enjeux d'oppression des femmes comme groupe, mais aussi tous les autres facteurs, il y a handicap, ou
la race, ou l'orientation sexuelle, puis c'est bien développé, cet aspect-là.
Je dirais,
par ailleurs, le gouvernement ontarien a décidé d'aller quitte que quitte en
avant avec un programme d'éducation sexuelle à l'école pour tous les
groupes d'âge. Ce n'était pas forcément lié au plan d'action en matière d'agression sexuelle, mais c'est quand même
présent, et c'est un choix. Et d'ailleurs je rappelle à l'Assemblée, ici, que
le gouvernement du Québec, en 2010, avait
consenti à la Marche mondiale des femmes qui s'étaient rassemblées à
10 000 à Rimouski pour
revendiquer notamment le retour d'un programme d'éducation sexuelle à l'école. Et
le gouvernement avait répondu
favorablement à cette demande. Et puis on est toujours en attente. Alors, on
insiste à nouveau, c'est un programme absolument essentiel.
Et, je dirais, peut-être le dernier élément,
c'est à quel point le gouvernement a fonctionné avec les groupes de femmes comme partenaire, et reconnaît leur
expertise, et reconnaît l'importance de soutenir ces groupes-là sur le terrain
pour faire le travail de prévention, de changement et d'accompagnement des
femmes.
Mme Massé : Et, en 30 secondes,
j'imagine...
Une voix : ...
Mme Massé : Une minute! Est-ce que
vous croyez que, dans la période d'austérité dans laquelle on est, une
politique comme ça va trouver écho réellement?
Mme
Conradi (Alexa) : Bien sûr
que j'ai d'énormes craintes que nous faisons cet exercice et qu'il n'aboutit
pas par quelque chose de substantiel.
Et donc on participe de bonne foi avec... en faisant tous les travaux. On va
participer au
forum, on va continuer à alimenter les travaux de l'Assemblée nationale, mais
bien sûr on a des inquiétudes que ce plan d'action là ne va pas obtenir autant d'importance aux yeux du
gouvernement que d'autres priorités, non pas parce qu'on ne veut pas faire un plan d'action, je crois bien
que le gouvernement veut faire un plan d'action, mais que l'argent qui soit
associé soit nécessairement limité, par les temps qui courent.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Je vous remercie, Mmes Conradi et Boisvert, pour votre apport aux
travaux de la commission.
Je suspends
les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants du
Regroupement québécois des centres d'aide et de lutte contre les
agressions à caractère sexuel de prendre place.
(Suspension de la séance à 15 h 30)
(Reprise à 15 h 34)
Le Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant les représentantes du Regroupement québécois
des centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel. Vous
disposez d'une période de 10 minutes pour faire votre présentation. Je vous demanderais, dans un premier
temps, de vous présenter. Il va s'ensuivre des échanges avec les
parlementaires. Allez-y.
Regroupement québécois
des centres d'aide et de lutte
contre les agressions à caractère sexuel (RQCALACS)
Mme
Duhamel (Nathalie) :
Bonjour. Mon nom est Nathalie Duhamel, je suis la coordonnatrice du
Regroupement québécois des CALACS. À mes côtés, Mélanie Sarroino, agente
de liaison.
Le
Regroupement québécois des CALACS se consacre depuis plus de 35 ans
au développement d'une meilleure réponse aux femmes et aux
filles agressées sexuellement. Nous étions présents lors de l'élaboration des
orientations gouvernementales en matière d'agression sexuelle et également
présents au comité interministériel de coordination, auquel nous avons présenté notre bilan du deuxième plan d'action ainsi que nos recommandations en vue d'un troisième plan d'action.
Les
27 membres du Regroupement québécois des CALACS interviennent à plusieurs
niveaux. Nous offrons aux milliers de... aux presque 2 000 femmes
et adolescentes qui nous contactent à chaque année des services de soutien téléphonique, de rencontres individuelles ou en
groupe. Nous les appuyons également dans leurs démarches à la cour, à l'hôpital, à la police, à la
justice, face à un employeur ou une institution.
Les CALACS offrent également des programmes de
prévention dans les écoles secondaires et des activités publiques de sensibilisation telles que la journée nationale d'action contre
la violence sexuelle faite aux femmes, qui a lieu à chaque année en septembre.
Le but de ces activités est de contrer les mythes et les préjugés,
changer les comportements et prévenir les agressions sexuelles.
Nous
intervenons également en défense des droits. Nous faisons des
interventions dans les médias, participons à des concertations sur des enjeux, soumettons des mémoires aux gouvernements et nous faisons des représentations
auprès de nos partenaires. Nous sommes également impliqués dans
plusieurs recherches. Je passe la parole à ma collègue.
Mme
Sarroino (Mélanie)
: Nous
voulons aussi remercier la commission de nous recevoir aujourd'hui ainsi que tous nos
partenaires, qui vont vous parler dans les prochains jours, dans les prochaines
semaines. Merci de nous entendre.
Nous saluons
aussi plusieurs réalisations du deuxième plan, entre autres la mise en place
de la ligne 1 800. Nous espérons
qu'elle va être bonifiée, que vous allez faire davantage de publicité et que
vous allez la rendre davantage accessible aux groupes de femmes qui normalement n'y auraient pas... c'est-à-dire de la rendre accessible en différentes langues et pour les femmes et les personnes sourdes, entre
autres. Nous saluons aussi l'inclusion de mesures spécifiques pour les femmes davantage vulnérables. Par contre,
nous pensons que les mesures n'étaient pas poussées assez loin. Je vais revenir
sur ce point. Et nous saluons aussi les
ressources, même si non suffisantes, qui ont été allouées particulièrement en prévention et pour les
services qui viennent en accompagnement et en aide aux femmes, aux filles et
garçons, hommes victimes d'agression sexuelle.
Nous sommes par contre préoccupées par le recul
de l'approche sociale. Notre collègue de la FFQ en a parlé quand même
assez longuement. Nous vous rappelons que, dans les orientations gouvernementales en
matière d'agression sexuelle, il est
écrit qu'ils «ont pour but ultime d'éliminer les rapports de pouvoir et de
domination à l'endroit des femmes et des
enfants, lesquels sont à l'origine d'un grand nombre d'agressions sexuelles».
Nous espérons que cette approche sociale va être réintégrée et plus
poussée dans le prochain plan d'action. D'ailleurs, nous nous réjouissons qu'il
va y avoir un troisième plan d'action et nous avons bien hâte à participer à
son élaboration.
Aussi, je
vais vous rappeler rapidement que les agressions sont un problème de société,
je pense que ça aussi, ça a bien été
exposé par nos collègues, et que ça n'est pas un problème individuel, et donc
il faut l'adresser en tant que tel. Nous
vous rappellerons aussi le contexte social dans lequel se situe la violence
sexuelle, notamment les inégalités entre les hommes et les femmes mais
aussi les inégalités entre les femmes elles-mêmes, les stéréotypes sexistes,
racistes et hétérosexistes,
l'hypersexualisation de la société et le phénomène de la pornographie,
principalement la cyberpornographie, et
tout ça donne lieu à une banalisation de la violence, ainsi que les mythes et
préjugés, entre autres celui de la disponibilité sexuelle des femmes pour répondre aux besoins des
hommes et les besoins irrépressibles sexuels des hommes qui sont
incontrôlables. Je rappelle : Mythes et préjugés.
Nous avons aussi constaté, malheureusement, un
désengagement du MSSS, notamment en prévention et en intervention, et nous aimerions que le MSSS reprenne le leadership
particulièrement dans ces volets-là dans le troisième plan. Et nous aimerions aussi avoir une meilleure
concertation entre les ministères, qui doivent améliorer leurs interventions
pour apporter une meilleure réponse aux victimes.
• (15 h 40) •
Enfin, nous
déplorons le fait que l'expertise des CALACS, des ressources de type CALACS...
Bon, il y en a 27, membres de notre
regroupement, mais il y en a une quarantaine, de ressources de type CALACS,
donc nous parlons au nom de toutes ces ressources-là. Il y a un manque
d'appel à notre expertise, on n'est presque pas mentionnés dans le deuxième plan. Et on constate aussi un manque de
financement adéquat pour l'ensemble des mesures du deuxième plan.
On souhaite
aussi que le troisième plan mette de l'avant l'approche non seulement sociale, mais intersectionnelle, tel que bien expliqué par ma collègue de la FFQ, donc de prendre en compte les réalités
de toutes les femmes, les femmes immigrées,
réfugiées, dans tous les contextes dans lesquels elles vivent la violence,
elles ont vécu de la violence aussi. Et nous misons davantage sur la
sensibilisation et la prévention.
Et nous vous
rappelons que les CALACS, et les ressources de type CALACS, ainsi que nos autres partenaires,
les organismes ESPACE qui, eux, interviennent auprès de jeunes, ont plusieurs, plusieurs
années de prévention dans les écoles. On a
même fait une recherche avec l'UQAM par
rapport à nos programmes
de prévention dans les écoles. Et, bien qu'on salue l'annonce des retours des cours de l'éducation à la sexualité, nous savons qu'il
y a un projet pilote en train de se faire en
ce moment au sein du ministère de l'Éducation, des Loisirs et des
Sports, nous déplorons que le fait...
que l'expertise des groupes communautaires qui font de la prévention
dans les écoles depuis toujours ne fait pas partie de l'élaboration de ce volet de ce programme de prévention, projet pilote
qui est en train de se mettre en place. Là, je vais céder la parole à ma
collègue.
Mme Duhamel
(Nathalie) : Oui. Je vais vous parler d'offrir des choix de justice,
d'accessibilité, de financement d'une
campagne de sensibilisation grand public et de recherche. La récente campagne
#AgressionNonDénoncée a contribué à
démontrer à la population une réalité alarmante que nous côtoyons tous les
jours et pour laquelle nos ressources sont insuffisantes. Les agressions
sexuelles sont le seul crime où les victimes se sentent coupables. Ces
dernières ont de la difficulté à briser le
silence, et c'est pour cette raison qu'il faut mettre en place une réponse qui
saura respecter leur cheminement.
Les statistiques nous révèlent que seulement une
femme sur 10 choisit le recours judiciaire. Il faut donc tenir compte de cette contrainte et cesser de croire
qu'on puisse imposer aux femmes le recours judiciaire comme réponse idéale.
90 % des autres femmes agressées
sexuellement qui n'empruntent pas le recours judiciaire sont, à notre avis, des
grandes oubliées. Dans la majorité
des cas, elles ne veulent pas aller en justice ou bien c'est parce que
l'agression s'est passée dans un
passé très lointain. Alors, ces femmes, on croit, ont aussi le droit de
recevoir de l'information et de l'aide selon leur choix, leur désir.
Au niveau de la justice, nous trouvons qu'essentiellement
le deuxième plan a mis beaucoup l'accent sur une réponse judiciarisée ou
judiciarisante aux agressions sexuelles. Après deux plans d'action en matière
d'agression sexuelle, on est encore à
seulement 10 % de femmes qui portent plainte. Le faible taux de rétention
des plaintes, les délais très longs
de prise en charge et de résolution des procès, la revictimisation des victimes
par le contre-interrogatoire, le manque
encore persistant de sensibilité des intervenants dans le système de justice,
la faiblesse des sentences expliquent pourquoi les femmes ne portent pas
plainte.
Bien que plusieurs des raisons sont liées au
système judiciaire, il faut aussi se rappeler que plusieurs autres facteurs entrent en jeu. Je pense que Mme Conradi
y a fait allusion, les victimes peuvent entretenir des craintes par rapport
à la dénonciation : peur de représailles, peur de ne pas être crues, peur
de briser la famille, peur d'être exclues de leur communauté, pensons aux femmes autochtones ou aux femmes provenant de communautés
immigrantes, de ne pas obtenir le
soutien dont elles ont besoin. Pour les femmes en situation de handicap, il est
d'autant plus difficile de dénoncer lorsqu'il s'agit d'un tuteur ou d'un fournisseur de santé. Cette même relation de
dépendance se retrouve dans le cas d'une famille immigrante soumise à un contrat de parrainage ou à une femme qui est
dans le programme d'aide familiale résidente, alors que la dénonciation
peut mettre en péril leur droit de rester au Canada et souvent leur sécurité.
Nous
reconnaissons beaucoup de bonnes choses. On reconnaît quand même la prise en
charge de la plainte et de la
poursuite que... ce fait-là enlève un grand poids sur le dos des femmes qui
portent plainte. Mais nous trouvons aussi, souvent, que la police et la
couronne sont un peu comme pris dans une dynamique. La police cherche à monter
son dossier de sorte à ne pas être déboutée
par la couronne qui cherche à établir une cause hors de tout doute raisonnable. Alors, ça rend, dans le
fond... même si l'agression a eu lieu, ce n'est pas garanti que la plainte va
être retenue.
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît.
Mme Duhamel (Nathalie) : Oh! Déjà?
Le Président (M. Picard) :
Vous allez pouvoir poursuivre avec les parlementaires par la suite.
Mme
Duhamel (Nathalie) : O.K.
Alors, écoutez, je vais passer vite. Nous voulons un financement adéquat des ressources de type CALACS. Notre réseau a besoin
d'être consolidé, il y a de grands manques de financement de ressources dans le Nord-du-Québec. Nous voulons
également une campagne de sensibilisation grand public, qui est un des grands moyens que nous aurions pour
sensibiliser les hommes et changer les comportements à long terme. Et nous
invitons le gouvernement également à investir dans la recherche en faisant un
état des lieux et une cartographie des ressources disponibles sur le territoire
de la province.
Le
Président (M. Picard) :
Merci, Mme Duhamel. J'aurais besoin d'un consentement pour que nous
puissions poursuivre nos travaux jusqu'à 18 h 30. Est-ce que
ça va pour les parlementaires? Je cède maintenant la parole à Mme la ministre
pour une période de 22 minutes.
Mme Vallée :
Bonjour, mesdames. Merci de votre présentation. Vous savez, je vais poser probablement
les mêmes questions à chaque groupe, parce
que, pour moi, il est important de déterminer ce qui a fonctionné puis peut-être ce qui n'a pas eu le rapport
qualité-prix qu'on aurait souhaité, si on peut dire. Au même titre que je l'ai
demandé à Mme Conradi et à la
Fédération des femmes avant vous, quels sont les incontournables du plan
d'action dont nous faisons le bilan aujourd'hui?
Mme
Duhamel (Nathalie) : Moi, je
pense que nos priorités à nous, c'est vraiment d'offrir des choix aux femmes, qu'elles
veuillent ou non porter plainte. On ne peut pas seulement avoir recours à la
justice en pensant s'attaquer convenablement aux besoins des femmes qui ont été
victimes d'agression sexuelle.
Ensuite,
notre deuxième priorité, ça serait vraiment de compléter et de financer adéquatement le réseau des ressources de type CALACS. Il en manque. Souvent, la mission d'une
ressource CALACS est plutôt régionale, ce qui fait qu'elles ont besoin
de se déplacer pour favoriser l'accessibilité. Souvent, ce sont de petites
équipes, deux, trois, gros maximum quatre
personnes. Et il n'y a rien dans le Nord-du-Québec, il n'y a vraiment pas de
ressources, et c'est un manque.
Et
notre troisième priorité, ce serait vraiment cette campagne de sensibilisation
grand public. Les ONG comme nous et
les médias ne peuvent pas, comment je pourrais dire, dédouaner le gouvernement
d'un investissement en prévention que
permettrait une campagne de sensibilisation grand public. On pense que, oui, ça
doit s'adresser aux hommes. L'idéal, ce
serait même que des hommes parlent à des hommes, que peut-être des hommes
connus parlent à des hommes sur la question
des agressions sexuelles, qu'on puisse être capable de déterminer ce que c'est,
une agression sexuelle, c'est quoi, les conséquences, et quel est le
comportement acceptable.
Et ne pas oublier non
plus de penser aux femmes de ce qu'on appelle en général la diversité, c'est-à-dire
les femmes handicapées, les femmes
autochtones, les femmes immigrantes, les réfugiées, les femmes lesbiennes. Il
faut penser à ces groupes-là qui
probablement ont été un peu perdants depuis qu'on s'occupe d'agression
sexuelle. On est encore trop centrés sur nos affaires et pas
suffisamment ouverts.
Mme
Vallée : Bien, en fait, là, ce que je comprends, vous me donnez
les priorités du prochain plan d'action. Je vais y revenir, parce que,
oui, j'ai des questions sur les priorités que vous avez apportées, mais, sur le
plan précédent, notre plan d'action
précédent, quels sont les éléments du plan d'action qui était en vigueur, qui
est toujours en vigueur, qui devraient demeurer et être maintenus?
• (15 h 50) •
Mme
Sarroino (Mélanie)
: Bien, entre autres, il y a la place que le
plan a accordée à Femmes autochtones du Québec. Ça, on encourage fortement que ça soit bonifié et qu'il y ait
encore plus de place accordée à cet organisme, mais on va leur laisser
parler davantage avec vous, je sais que vous allez leur parler. Il faut mettre
davantage de mesures spécifiques pour les
femmes plus vulnérables. Et là-dessus nous appuyons aussi les mémoires du
Mouvement contre le viol et
l'inceste, qui travaille auprès des femmes immigrantes et réfugiées, mais aussi
le Centre de solidarité lesbienne, la TCRI,
le COPHAN, le Réseau d'action des femmes handicapées et la Maison des femmes sourdes. Il y en a
quelques-uns... quelques groupes que vous allez entendre. Mais nous
aimerions qu'il y ait plus de mesures qui s'adressent spécifiquement en agression sexuelle. Ce qu'on a vu dans le
deuxième plan, c'est qu'il y avait quelques mesures, «agression sexuelle» était
mentionnée, peut-être insérée dans un dépliant, mais il n'y a rien qui remplace
la prévention et la formation des intervenantes et intervenants qui travaillent
auprès de ces groupes. Et aussi de faire appel à l'expertise de ces groupes communautaires, parce qu'elles connaissent la
réalité de ces groupes de femmes et elles vont pouvoir alimenter davantage pour
qu'il y ait plus de mesures. Donc, on salue le fait qu'il y en ait, parce qu'il n'y en avait pas dans le premier plan,
mais il en faudrait davantage, entre autres.
Mme
Vallée : ...vraiment se concentrer sur celles qui sont
doublement ou parfois même triplement discriminées.
Une voix :
Absolument.
Mme Vallée :
D'accord. Dans vos priorités pour le prochain plan d'action, vous mentionnez
notamment le financement adéquat, le
déploiement adéquat du réseau CALACS. J'aimerais vous entendre sur ce qu'est...
parce qu'on entend... C'est un terme
qu'on entend beaucoup : On aimerait un financement adéquat, un
financement... mais qu'est-ce que ça
veut dire pour votre réseau, un financement adéquat, d'une part. Et, compléter
le réseau CALACS... Je comprends que vous nous dites : Nous ne
sommes pas présentes dans le Nord-du-Québec. Il y a d'autres organismes dans le
Nord-du-Québec qui viennent en aide aux
victimes, alors en quoi le réseau CALACS... qu'est-ce que le réseau CALACS
a à apporter de... et qu'il pourrait
apporter de différent dans le Nord-du-Québec face à ce qu'on retrouve
actuellement? Parce que le réseau CAVAC porte un autre nom, mais il est
présent, il y a d'autres organismes. Mais J'aimerais vous entendre sur toute la
question du déploiement de votre réseau sur le territoire du Québec.
Mme Duhamel (Nathalie) :
Je pense que la première chose qu'il faut comprendre, c'est que les CALACS
existent depuis les années 70,
les CALACS ont émergé des communautés locales. Alors, quand on parle des CAVAC,
ils sont 17, pour lesquels il y a eu
des mesures spécifiques de financement prévues dans le deuxième plan, alors
qu'il n'y avait pas de mesure
spécifique de financement pour les 40 ressources de type CALACS présentes
sur le territoire du Québec. Alors, c'est
quelque chose que nous déplorons. Pour une initiative qui est née des
communautés... des communautés, dans le fond, et qui s'est occupée des agressions sexuelles depuis les
années 70, on sent qu'on a perdu un petit peu de territoire. Et on
avoue, franchement, une certaine inquiétude.
Le
financement davantage adéquat des CALACS permettrait, premièrement, d'assumer
une partie des frais de déplacement
que les équipes CALACS font dans leurs régions pour favoriser l'accessibilité
pour des femmes qui portent... qui
nous téléphonent puis qui n'ont pas de moyen de transport. Ça permettrait
également de réduire le temps d'attente des femmes, parce que, présentement, dans certains CALACS, il y a des temps
d'attente avant de pouvoir prendre en charge, d'augmenter la fréquence
et la durée des services, de multiplier les activités de prévention dans les
écoles, auprès des jeunes, et nos activités
que nous faisons de formation d'intervenants et d'intervenantes puis de
sensibilisation du public. Ça fait
que ça permettrait vraiment de consolider davantage le réseau et de prendre
vraiment le parti de ressources qui ont émergé de la communauté et qui
sont présentes dans leurs communautés locales.
Mme
Sarroino (Mélanie)
: Pour le Nord-du-Québec, en ce moment les
services sont assurés par des centres de femmes. Et ce qu'on voit qu'il se passe, c'est que les centres de femmes
téléphonent nos CALACS qui sont en périphérie de cette région pour qu'on aille leur donner de la formation. Et là ça
cause un certain problème, parce que nos CALACS ont un manque de ressources et ils doivent se déplacer. Souvent, c'est à
des centaines de kilomètres pour aller donner ces formations-là. Les centres
de femmes ne sont pas aptes à offrir ce genre de services.
Ce
qu'on aimerait voir, ce ne serait pas nécessairement un CALACS, parce qu'on
s'entend que c'est une population qui
est vraiment distribuée et qui n'est pas très condensée dans un même endroit,
peut-être sauf Chibougamau, mais ce qu'on
aimerait, c'est qu'il y ait une concertation entre les différentes agences des
différentes régions pour que des argents soient partagés pour permettre à nos CALACS qui sont en périphérie de
cette région du Nord de pouvoir aller donner des formations aux centres de femmes, qui pourraient couvrir les trois
volets. Parce que, là, on voit que les centres de femmes répondent
seulement au soutien direct, à l'aide directe, mais elles sont incapables de
faire de la prévention et de la défense de
droits, faute de ressources. Donc, on aimerait qu'il y ait
un travail qui se fait ensemble entre nos CALACS en périphérie et les
centres de femmes qui sont dans le Nord mais que ce soit vraiment un phénomène
isolé et que le gouvernement ne commence pas à penser que, ah! bien, finalement,
les centres de femmes vont pouvoir offrir ces services-là à prix réduit. Alors, il faut vraiment
faire attention de ne pas mêler les missions des différents organismes
sur le terrain, mais par contre de favoriser une collaboration, que ce
soit avec les CAVAC, que ce soit avec les centres de femmes.
Mme
Vallée : En lien justement
avec votre volonté de mettre en place une meilleure concertation, est-ce qu'il est possible, est-ce qu'il est
envisageable que les services des CALACS puissent être offerts via la
téléconférence, par exemple, la
vidéoconférence, puisque, dans le Nord, les distances sont quand même assez
importantes? Ça peut engendrer des
frais, puis pas seulement que des frais, c'est le temps de déplacement aussi
qui est grugé et qui n'est pas accordé à tous les dossiers. Est-ce que les services offerts par votre réseau
pourraient l'être via téléconférence, vidéoconférence?
Mme
Sarroino (Mélanie)
:
Ça pourrait probablement se faire en aide directe individuelle. Par contre,
aussi, on voit que les femmes bénéficient énormément du soutien de
groupe, et donc ça ne pourrait pas remplacer le soutien de groupe. Aussi, souvent, les femmes qui viennent
nous voir dans les CALACS deviennent des militantes, participent à notre
volet de prévention et notre volet défense
des droits, donc ça fait partie de la reprise de pouvoir sur leur vie de
pouvoir devenir militante par la suite. Et donc, oui, ça pourrait
répondre à une partie du problème, mais ça ne pourrait pas couvrir tous les
trois volets et tout le processus par lequel les femmes cheminent dans un des
CALACS.
Mme
Vallée : M. le Président, je sais que j'ai des collègues qui ont fait signe, je vais céder la...
j'ai des collègues qui ont également des questions pour vous.
Décidément, il manque de temps.
Mme Simard :
Merci, Mme la ministre...
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée de Charlevoix—Côte-de-Beaupré, la parole
est à vous.
Mme
Simard : Merci, M. le Président. Bonjour, mesdames. Vous avez parlé... Bien, en
fait, depuis le début, on parle beaucoup de sensibilisation et de
prévention, et avec raison. Vous avez mentionné : Nous aurions besoin
d'une campagne de sensibilisation. Alors, j'aimerais que vous me disiez comment vous l'imaginez, cette
campagne de sensibilisation, comment elle devrait s'articuler, par exemple les médiums utilisés ou le message que l'on devrait véhiculer
dans une telle campagne.
Mme
Duhamel (Nathalie) : Bien, tout à l'heure, j'ai fait référence un peu à... par exemple, on pourrait
penser en termes d'hommes avec un
profil public qui parlent aux hommes. Il faudrait que cette campagne-là
définisse ou du moins, en tout cas,
dise clairement ce que c'est, une agression sexuelle, parce qu'en cette période
de banalisation puis de culture du
viol ça a l'air d'être bien mélangé, là, puis on n'a plus l'air de savoir de
quoi on parle dans le grand public, là. Puis on pense qu'il faut parler des conséquences pour les victimes. Parce que
la campagne #AgressionNonDénoncée a parlé vraiment des dévoilements de
la réalité des agressions sexuelles mais pas suffisamment des conséquences.
Et
puis on pense que cette campagne-là doit aider à contrer les mythes et les
préjugés, mythes et préjugés qui s'appliquent
aussi aux femmes dites de la diversité. Alors, on pense que cette campagne-là
doit se déployer dans les médias traditionnels, dans les médias
communautaires qui sont spécifiques dans les communautés, comme par exemple les
communautés autochtones, les communautés
immigrantes, et dans les médias sociaux, notamment pour rejoindre davantage
les jeunes. On pense que la campagne doit se
déployer en différentes langues, encore une fois pour rejoindre les femmes
plus vulnérables. Puis, bon, écoutez, on vous offre notre collaboration pour...
En
fait, ce qu'on est en train de vous dire, c'est qu'on le sent, le besoin d'une
campagne de sensibilisation grand public,
mais on n'a pas les moyens de porter ça seuls. On n'a pas les moyens
d'organiser ça ni de financer ça puis on a vraiment besoin que le gouvernement
s'y investisse. Vous l'avez fait lors du deuxième plan. Puis je pense que
#AgressionNonDénoncée a démontré le besoin. Et ça prendrait un
investissement, encore une fois, du même genre qu'on a eu en violence conjugale, du même genre qu'on a eu sur les
facultés affaiblies. Il faut vraiment... On a besoin de vous, là, là-dedans, on
n'est pas capables de porter ça à bout de bras.
Mme Simard :
Merci.
Le Président (M. Picard) :
M. le député de Sherbrooke.
• (16 heures) •
M.
Fortin (Sherbrooke) : Oui. Merci beaucoup, M. le
Président. À mon tour de vous
souhaiter la bienvenue à l'Assemblée
nationale. Vous nous donnez l'occasion
de traiter un sujet qui est très important et très préoccupant, puis
aussi qu'on se donne les moyens, dans notre prochain plan d'action, de bien
contrer les agressions sexuelles.
Évidemment, l'idée,
c'est de mettre en place des mesures visant à les prévenir, hein, le plus
possible, mais je pense que c'est quand même
utopique de penser qu'on va réussir à complètement les éliminer, malgré tout ce qu'on peut faire. Et, lorsque les agressions surviennent,
vous avez relevé une statistique qui est très préoccupante, vous dites qu'il
y a 90 % des femmes agressées qui ne veulent pas ou qui ne réussissent
pas à passer à travers le système judiciaire. Alors, évidemment, ces
femmes-là rencontrent toutes sortes de difficultés, il y a les difficultés
liées au processus judiciaire, il y en a qui ne veulent pas déplaire à, ou ils
ont peur de briser leur famille, de ne pas être crues dans leur entourage.
Alors,
moi, je voudrais savoir de votre part comment on peut faire pour mieux
accompagner ces femmes-là pour qu'elles surmontent les difficultés du
processus judiciaire et, celles qui ne veulent pas dénoncer, comment on peut
les amener... ou comment on peut mieux les
encadrer pour les inciter à dénoncer. Parce que, les gens qui... les agresseurs
qui ne sont pas dénoncés, qui ne sont
pas sanctionnés, il y a quand même un risque de récidive aussi de faire
d'autres victimes. Alors, comment on peut faire pour les accompagner?
Mme
Duhamel (Nathalie) : Il n'y a pas de solution miracle. Je vais vous
dire, on y a pensé, et repensé, et repensé, il n'y a pas vraiment de solution miracle. C'est très difficile de
forcer une femme à le faire, surtout si elle sait qu'elle va dénoncer son père, son beau-père, son frère, son
oncle, ou bien son employeur, ce qui risque de lui faire perdre sa job,
ou bien son professeur, ce qui risque de lui causer des problèmes au niveau de
sa fréquentation académique. Puis on vient
de voir tout récemment le problème des entraîneurs sportifs. On a plein de
preuves, là, que c'est très difficile et que ce sont les femmes, dans le
fond, qui portent l'odieux au niveau de la dénonciation.
Je
pense que le système de justice s'est beaucoup adapté, en mettant sur pied des
équipes spécialisées au niveau des
enquêteurs de police, en permettant le témoignage sous écran ou en
vidéoconférence. Il y a beaucoup de bonnes choses qui ont été faites pour favoriser le témoignage
des femmes, mais on semble avoir de la difficulté à trouver une solution
pour encourager les femmes à y aller. Parce
que, dans le fond, c'est... La nature intrinsèque d'une agression sexuelle,
dans 90 % des cas, la femme
connaît son agresseur. Ce n'est pas le gars qui attend sous l'escalier de la
galerie, qui pogne par en arrière le
soir, là. Ce n'est pas ça, là, les agressions sexuelles. C'est toujours
quelqu'un que tu connais. Donc, tu as, quand... Tu as deux odieux quand tu portes plainte : tu as celui de
t'identifier comme victime d'agression sexuelle, ce qui n'est pas une
mince affaire à faire, et tu as l'odieux d'avoir à porter les conséquences.
Alors, c'est...
Il
n'y en a pas, de solution miracle. Je pense que la manière que le système de
justice s'est adapté, c'est bien. Pour toutes celles qui y vont, les
délais sont quand même longs, on s'entendra. Ce serait le fun qu'il y ait une
procédure accélérée de traitement des
plaintes. Ça serait bien qu'on sente que les sentences reflètent davantage la
gravité du crime. Mais, bon, chez les autres, là, le 90 % qui
hésite, il n'y a pas de truc miracle, là.
M. Fortin
(Sherbrooke) : Merci.
Le Président (M.
Picard) : M. le député d'Ungava, il reste quatre minutes.
M. Boucher :
Quatre minutes. J'aurai amplement le temps, M. le Président.
Bonjour,
mesdames. Ça me fait plaisir que vous soyez devant nous aujourd'hui. Juste pour
être sûr que j'ai bien compris, tantôt vous aviez dit qu'il n'y avait
pas de CALACS présent dans le Nord, Nord incluant Chibougamau, Lebel-sur-Quévillon, puis vous dites : Bon,
on utilise des limites, des ressources limitrophes. C'est où, limitrophes,
juste pour éclairer mon savoir?
Mme
Sarroino (Mélanie)
: Il y a Amos, Rouyn-Noranda, à la rigueur
Roberval aide un peu Chibougamau, La Sarre aussi. Donc, c'est à ces
CALACS là, d'habitude, qu'on fait appel pour principalement les formations,
oui.
M. Boucher : O.K. Puis
est-ce qu'il y a eu des efforts... Bon, vous dites : C'est des problèmes
de sous-financement, etc. Mais pour... Du côté inuit, par exemple,
là-bas, bien, c'est Sapummijiit, là, qui est l'équivalent du CALACS. Est-ce
qu'il y a des démarches ou des efforts de faits pour voir comment ça peut se
faire, à quel prix?
Mme
Sarroino (Mélanie)
: Oui, on avait déjà entrepris une démarche,
je crois, en 2006, pour rejoindre les communautés
de la Baie-James et les communautés, bien, de la Jamésie, les communautés dans
le Nunavik. Par contre, on a réalisé
que... propre à ces communautés-là, qu'ils connaissent leurs réalités et qu'ils
ont des réalités très particulières, on
s'entend. Après avoir fait des démarches, des recherches, on s'est entendus que
les réponses aux agressions sexuelles devraient
émerger de leurs communautés, parce que c'étaient elles qui étaient le plus en
mesure de trouver les solutions.
Donc,
je ne sais pas ce qui est arrivé exactement, on n'a pas suivi le dossier. Il y
a eu un peu de roulement au sein de
notre regroupement. Par contre, ce que je sais, c'est qu'il y a des argents qui
ont été donnés dans ces deux régions-là, et la problématique a été prise en main par la communauté. Par contre, là,
on laisserait peut-être plutôt à Femmes autochtones du Québec, par
rapport à la Jamésie, vous parler davantage de ce qu'elles font, parce qu'elles
mettent sur pied...
M. Boucher :
...là.
Mme
Sarroino (Mélanie)
: Exactement, elles ont des très belles
initiatives et elles connaissent beaucoup plus leurs communautés que nous, on pourrait le prétendre, et la même chose
pour le Nunavik. Par contre, en parlant avec un ancien directeur du
BAVAC, ce qu'il y aurait à faire dans le Nunavik, ce serait d'améliorer le
système d'interprètes, parce que les
interprètes ne sont pas sensibilisés à la problématique des agressions
sexuelles. Je crois qu'il n'y a même pas
un terme pour «agression sexuelle» dans ces régions-là. Et donc, souvent,
l'interprétation, la traduction de ce que la femme vit, avec les tabous qu'ils ont en place, le message ne passe pas,
et la réalité n'est pas reflétée quand il y a lieu de traduction. Donc, il y aurait un travail à faire
de sensibilisation auprès des interprètes. Et aussi je vous sensibilise à
l'effet des cours itinérantes, où,
souvent, la femme a à voyager dans le même avion que son agresseur. Alors, il y
a beaucoup, beaucoup de travail à faire dans le Grand Nord du Québec.
M.
Boucher : Ou attendre dans un corridor, assis à côté... Si c'était
juste l'avion, ce ne serait déjà pas si mal, je peux vous le dire, là.
Mme
Sarroino (Mélanie)
: Donc, c'est ça, alors on aimerait qu'il y
ait plus de sensibilisation par rapport à ces réalités-là.
M.
Boucher : Quand la cour se passe dans un gymnase d'école, dans une
salle communautaire, puis il y a des chaises comme... Le public est
assis en arrière, puis c'est là que les agresseurs puis les victimes attendent
côte à côte. Parfois, c'est surréaliste, je peux vous le dire.
Le Président (M.
Picard) : En 10 secondes.
M.
Boucher : En 10 secondes. Vous parliez, bon, qu'il y avait
beaucoup de ressources, près de 15 millions, pour le système de filtrage pour les sports, les
mouvements jeunesse puis vous trouvez que c'est trop. Pensez-vous que ça, ça
devrait être arrêté ou... Qu'est-ce que vous voyez là-dessus, là?
Mme
Sarroino (Mélanie)
: Non, on croit que c'est une bonne mesure,
mais on croit qu'il y a trop de ressources qui ont été allouées. Parce qu'on sait que, pour toutes les raisons que
ma collègue a énumérées, il y a très peu de plaintes ou d'accusations qui sont portées et qui sont
menées jusqu'au bout. Et il y a beaucoup d'agresseurs qui n'ont pas d'antécédents judiciaires. Donc, ça ne peut pas
éliminer tous les problèmes. On reprend l'exemple actuel de l'entraîneur
de ski : il n'en avait pas,
d'antécédents, alors, même si on avait fait une recherche, on n'aurait rien
trouvé. Ce qui ne l'aurait pas empêché de commettre les actes qu'il a
commis. Alors, oui, c'est important, parce que ça... Oui.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je dois céder maintenant la
parole à Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve.
• (16 h 10) •
Mme
Poirier : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, mesdames. Ça
fait plaisir de vous voir, de vous revoir. J'aurais plein de questions, mais il y en a une que je veux vous
adresser particulièrement, parce que vous travaillez vraiment auprès des femmes directement, mais moi, je vais
vous parler des hommes agresseurs. Est-ce qu'on doit se dire, à l'heure actuelle, qu'il n'y a rien à faire avec la cohorte
actuelle des hommes et qu'il faut travailler seulement que sur nos enfants?
Parce qu'on regarde toutes les situations,
et, à chaque fois, on nous dit : Ah! on ne peut pas faire ça, on ne peut
pas faire ça, on ne peut pas faire ça.
Les hommes qui ne
sont pas nécessairement dénoncés et qui sont des agresseurs actuels, on fait
quoi pour changer leur comportement? On fait
quoi pour faire en sorte qu'ils ne deviennent pas des agresseurs ou, ceux qui
sont des agresseurs non dénoncés,
qu'ils ne continuent plus à agresser? Alors, comment on fait pour intervenir
là? Ou on se dit : On laisse
passer cette génération-là, puis on
s'attaque à la prochaine, puis on s'attaque aux enfants, on fait de l'éducation
à la sexualité dans nos écoles, on change
nos attitudes, on met tout le paquet là-dessus,
puis on oublie la génération actuelle. Qu'est-ce qu'on fait?
Mme Duhamel
(Nathalie) : Moi, je serais portée à vous dire : S'il avait fallu
qu'on se dise ça en violence conjugale, on
ne se serait pas attaqué aux batteurs de femmes. Je pense que les deux sont
bons. Il faut intervenir en amont avec nos jeunes, commencer jeune à les
éduquer. Mais il y a lieu aussi, quand même, de faire quelque chose avec la génération actuelle. Et le meilleur outil auquel
on pense, c'est vraiment la campagne de sensibilisation grand public, comme
on l'a fait en violence conjugale puis en facultés affaiblies.
Mme
Poirier : Je veux
bien, mais on en a eu, des campagnes, là, dans les dernières années, là, sur
l'agression, là, les chiffres font
juste grimper. Alors, est-ce que les chiffres grimpent parce que,
finalement, il y a plus de dénonciations? Mais ça fait
en sorte que ça continue, l'agression continue, il n'y a pas de changement de
comportement, là. On ne le voit pas,
le changement de comportement. Alors, qu'est-ce que ça va prendre pour changer
les comportements demain matin, pour
faire baisser les statistiques puis qu'on arrête les comportements d'agression
en tant que tels? Parce que, la campagne publicitaire, je veux bien, là, mais ça n'a rien donné en tant que tel
dans les statistiques, j'ai autant de cas aujourd'hui que j'en avais il y a cinq ans. Alors, qu'est-ce qu'on
peut... Et c'est pour ça ma question : On fait quoi avec la génération
actuelle?
Mme
Sarroino (Mélanie)
: Je pense aussi qu'il y a un problème, puis
ça a été mentionné par Mme Conradi, c'est qu'il y a encore le mythe de l'égalité à atteindre. Je pense qu'il faut
travailler là-dessus, parce que ce n'est pas vrai, puis la violence
sexuelle en est un symptôme flagrant, comme quoi on peut parler : Ah! on
est presque arrivés à l'équité salariale.
Ah! Il y a presque 50 % de femmes! Mais, si on regarde la violence
conjugale, la violence sexuelle, ce n'est pas vrai. Je pense qu'il y a un grand message en général d'égalité
hommes-femmes qu'on doit continuer à mettre de l'avant, autant pour nos jeunes que pour les hommes
d'aujourd'hui. Souvent, lorsqu'on passe des commentaires dits féministes dans
les médias, on va souvent voir des commentaires en dessous de quoi... il y a
tout un mouvement masculiniste qui vient
nous rabaisser. Et je pense qu'il y a beaucoup de changements de mentalité à
faire par rapport à comment les hommes perçoivent
les femmes, mais comment les femmes se perçoivent aussi face aux hommes, parce
qu'on a encore tendance à se dénigrer, et il y a encore du travail à
faire là-dessus.
Par rapport
aux hommes qui sont agresseurs, on voit beaucoup une tendance à psychiatriser
le phénomène et on parle beaucoup de
déviance sexuelle. Je trouve que ça aussi, c'est problématique, parce que ce
n'est pas des déviances sexuelles. Ça se manifeste de cette manière-là,
mais le problème, c'est un problème de pouvoir, et de domination, et
d'inégalité. Et on va vous faire le traintrain du discours féministe, mais il
faut qu'on continue à le mettre de l'avant.
Alors, encore
pour la question du système de justice, il n'y a pas de miracle, mais je pense
qu'il faut arrêter de se leurrer puis
de dire que l'égalité est atteinte, ce n'est pas vrai. Donc, oui, il faut faire
une campagne de sensibilisation en agression sexuelle, mais il faut continuer à
mettre de l'avant comme quoi il y a encore un système patriarcal en place,
et un des symptômes de ce système patriarcal, c'est la violence sexuelle. Et il
faut responsabiliser les hommes.
Et ce qu'on a aimé aussi de la campagne de
sensibilisation de nos voisins en Ontario, c'est de responsabiliser aussi les témoins, que ce soient hommes, que ce
soient femmes, des agressions sexuelles, et je pense qu'il y aurait quelque
chose à faire de cette sorte ici, au Québec
aussi, justement pour responsabiliser l'ami du gars, là, qui a envoyé le texto
de sa blonde toute nue à l'autre,
bien, de dire que ce n'est pas correct. Alors, je pense que, si les hommes
prennent conscience que ce que son chum a fait n'est pas correct, peut-être
que, si lui, il a l'intention d'avoir un comportement de la sorte, il va
se remettre en question aussi. Alors, il y
aurait des petites choses à faire, mais il n'y a pas de solution miracle non
plus. Ça va prendre du temps.
Le Président (M. Picard) : M.
le député de Rimouski.
M.
LeBel : ...là-dessus, je vais faire du pouce là-dessus un peu. Moi, je
trouve que la force des CALACS, c'est que
vous êtes des organismes communautaires. Vous êtes de la communauté, on vous
connaît, puis, quand on jase avec vous, puis il y a une petite
discussion plus globale sur la... tu sais, on est capables d'échanger, puis on
est capables d'évoluer. Moi, c'est ce que je sens quand je rencontre... Et ça,
pour ça, ça vous prend des moyens pour le faire.
C'est parce
que je ne pense pas, moi non plus, que ce soit par une campagne à la télé...
C'est vraiment par des rencontres individuelles ou des rencontres avec
des groupes, dans des associations, dans des rencontres régionales où il y a
des échanges, où on peut travailler. Puis, comme je dis, votre force, c'est
qu'on vous connaît. Vous êtes dans le milieu,
vous êtes des intervenantes, puis avec des bénévoles autour, les militants,
militantes. Ça fait que moi, je pense que
vous êtes la preuve que les organismes
communautaires, c'est important.
Puis la force du communautaire, c'est plus qu'un guichet, c'est plus qu'un service, c'est plus que, je veux dire...
Si on veut changer nos mentalités, il faut renforcer l'aspect communautaire. Parce que
ce n'est pas facile, vous nous bousculez. Qui sait, ce n'est pas... Au niveau
des concepts, tu sais, on... Ça fait qu'il faut se faire confiance, puis
ça se fait, ça, dans des rencontres partout.
Et moi, pour
ça, je milite beaucoup pour qu'il
y ait une vraie reconnaissance de
l'action communautaire autonome. Et
vous êtes un exemple qu'il faut avoir... Et je ne sais pas comment vous voyez
ça, comment ça peut se faire, parce
que, pour être présents, ça prend des
moyens. Je sais que vous le demandez, mais je pense que c'est une partie
importante du plan d'action, de vous
donner des moyens pour être proches du monde puis être capables de leur parler
pour... si on veut changer des mentalités.
Mme
Duhamel (Nathalie) : Les
CALACS font des activités de sensibilisation dans leurs communautés locales.
Elles en font. Chaque CALACS participe à la
journée d'action nationale contre la violence sexuelle. Puis c'est à force
d'avoir des moyens qu'on va pouvoir en faire
davantage puis prendre plus de place dans les communautés
locales, oui, en effet. Mais encore faut-il, ce n'est pas une garantie
non plus, que le gars qui est agresseur va venir au meeting, ou va venir assister à la
conférence, ou... tu sais. Ça fait que c'est pour ça qu'on a pensé à la
campagne de sensibilisation grand public,
parce qu'on s'est dit : À un moment donné, si ça passe
à l'heure des nouvelles ou pendant une partie de hockey, le gars, il va bien être confronté, là, tu sais, parce que
lui, on le sait qu'il est en train d'écouter à ce moment-là, tu sais.
M.
LeBel : Il faut
se comprendre, je pense qu'il en faut une, une campagne, c'est important,
puis il faut que ça soit large puis que ça soit... Ça, je
comprends ça. Mais je veux juste
insister sur le fait qu'une organisation communautaire avec des gens connus, des gens impliqués dans la
communauté... Vous allez aller dans les ateliers, là, qui vont parler de la
pauvreté, vous allez expliquer un peu
l'impact de la pauvreté, que ça peut avoir sur... et ça va percoler. Il y a
des gens qui vont partir de là, ils
vont en discuter à d'autres, en famille, un peu partout. Et c'est comme ça que
ça marche. Et c'est une grande force, ça, l'aspect présence dans des
communautés.
Dans
les régions, votre mandat, il est hypergrand, tu sais. Couvrir le Bas-Saint-Laurent, là, il y a deux, je
pense, CALACS, c'est comme un peu fou, là, tu sais, Matane, Rimouski,
Mont-Joli, Amqui, tu sais. Pour les filles qui sont là, c'est un peu cinglé d'essayer de couvrir tout ce
territoire-là. Et moi, je pense qu'il faut donner des moyens. Il faut donner
des moyens puis sauvegarder l'aspect
communautaire autonome puis votre façon d'aller voir le monde sur le terrain,
en plus de la campagne, je suis bien d'accord.
Mais, c'est ça, on se jase, hein, nous autres, après. Quand on discute avec
vous autres dans les ateliers, là, ça
ne reste pas là, après ça on va prendre une bière puis on en jase. C'est ça qui
est important, c'est que ça
circule.
Une voix :
À la brasserie.
M. LeBel :
À la brasserie.
Le Président (M.
Picard) : Il reste quatre minutes.
Mme
Poirier : On voit,
puis je sais, je vais mettre le feu dans quelque chose, là, il y a
une dynamique, je dirais, particulière entre les CALACS et les CAVAC,
hein? Je pense que c'est assez clair, hein? Je pense qu'on le lit, là. Qu'est-ce qu'un CAVAC ne fait pas qu'un CALACS fait? Puis qu'est-ce qu'un CALACS fait qu'un CAVAC ne fait pas? Pour le commun des mortels, là, qui ne comprend rien dans nos
abréviations, là... Puis est-ce qu'on a absolument besoin des deux? Est-ce
qu'on ne pourrait pas en avoir juste
un? Est-ce que, puisqu'un est un peu partout sur le territoire,
puis l'autre ne l'est pas... Pourquoi
on ne met pas tout ça ensemble? Finalement, on pourrait peut-être dynamiser nos forces
ensemble. Pourquoi on a deux systèmes, deux types d'organismes?
Faites-moi donc le portrait de ça, là, pour qu'on puisse se comprendre
dans nos abréviations, mais surtout dans ce que ça veut dire terrain.
• (16 h 20) •
Mme
Duhamel (Nathalie) : Comme
vous avez dit... Les CAVAC ont émergé, en fait, après les CALACS, et ils
sont 17, on est 40 ressources de type
CALACS au Québec. Oui, il
y a comme un dédoublement, surtout
que, depuis un certain temps, les
CAVAC ont commencé à faire des groupes de soutien puis de l'intervention plus au niveau
individuel.
Alors,
oui, au départ, on aurait pu croire que les CAVAC auraient fait de
l'accompagnement des femmes qui portent plainte, de l'accompagnement à la cour, puisque, très souvent, ils ont
un bureau à la cour et, dans d'autres circonstances, sont carrément dans
le poste de police. Alors là, il y a un manque de... il y a comme un manque de...
Premièrement, il y a un manque de référence des femmes vers les
CALACS... Entre les CAVAC et les CALACS, il y a un manque de collaboration.
Puis on semble assister aussi à un certain dédoublement, là, parce que les
CAVAC, dernièrement, ont déclaré que ce
n'était pas nécessaire de porter plainte pour avoir recours à leurs
services. Alors, elle est où, là, la différence entre nous et eux?
Mme
Sarroino (Mélanie)
:
Et je voudrais juste mettre les choses au clair. C'est que ça ne va pas mal
partout. Il y a des très belles collaborations entre les CAVAC et les
CALACS, notamment à Montréal. Ils ont une entente de collaboration, ça se passe
très bien.
Pour
répondre à votre question, je pense que les deux doivent exister. Nous, on
n'est pas là pour revendiquer la disparition
du CAVAC. Au contraire, on trouve que c'est nécessaire que les CAVAC
soient là, surtout qu'ils s'occupent de
toute victime d'acte criminel. Ça, il faut mettre bien au clair. Alors, ils ne
sont pas pour seulement agression sexuelle, mais pour violence conjugale, pour voies de fait,
pour tous les crimes. Alors, c'est important qu'ils restent. Ils ont un accès
privilégié aussi à la cour. Bon, c'est sûr
que les CALACS, on aimerait aussi avoir un petit accès privilégié. On n'offre
pas le même genre d'approche. Ils n'ont pas
une approche féministe, ils ne remettent pas de l'avant une approche sociale.
Ils font vraiment autrement. Et aussi
ils ouvrent leurs services aux hommes et aux garçons. Donc, ils ont certainement leur raison d'être.
Pour
nous, chez les CALACS, c'est sûr qu'il y a des CALACS qui offrent des services
aux hommes aussi et aux enfants, par contre...
Le Président (M.
Picard) : ...s'il vous plaît.
Mme
Sarroino (Mélanie)
:
...toujours avec une perspective féministe puis une approche
sociale. Dans le fond, ce qu'on souhaite, c'est que les deux coexistent
et collaborent davantage et que les missions soient bien claires, que la
prévention reste du côté des CALACS, et l'intervention de groupe aussi, et que
l'accompagnement judiciaire et le remplissage
de formules IVAC restent CAVAC, mais que les deux puissent travailler ensemble.
On souhaite vraiment une belle
collaboration.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à Mme
la députée de Montarville.
Mme Roy
(Montarville) :
Oui. Pour neuf minutes, vous me disiez?
Le Président (M.
Picard) : Oui, Mme la députée.
Mme
Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Bonne
question, chers collègues. D'ailleurs, je vais continuer, je vais faire un petit peu de millage là-dessus,
je trouvais ça très intéressant. Vous nous apprenez quelque chose aujourd'hui,
là. Les CAVAC puis les CALACS, il ne faut
pas qu'ils se marchent sur les pieds, là. Il faut qu'ils travaillent en
collaboration, ça, c'est bien clair.
Et, de votre côté, c'est la prévention, et le centre pour les victimes, c'est
vraiment... là, on parle lorsqu'il y
a eu agression, lorsqu'il y a acte criminel. C'est bien important que les deux
soient séparés pour vous, et vous craignez qu'actuellement il est en
train d'avoir un certain mélange.
Mme
Duhamel (Nathalie) : Bien, c'est parce que les CALACS font de
l'intervention sur une base individuelle et font du groupe de soutien. Pour chaque femme qui téléphone, elle
reçoit immédiatement une intervention sur une base individuelle, elle
peut être rencontrée de manière individuelle et inscrite par la suite dans une
démarche de groupe. Alors là, si les CAVAC commencent à faire la même chose que
nous, il y a comme... il y a un problème, là, il y a un dédoublement. On
espère, dans le fond, que ça soit clarifié au niveau des missions.
Mme
Roy
(Montarville) : Et aussi au niveau des budgets,
parce que c'est intéressant, s'il y a deux organismes qui font la même
chose, on n'avance pas, là. Il faut qu'il y ait une complémentarité.
Je
vous amène à la page 10 de votre recueil sur les recommandations. Pour les
bénéfices des gens qui nous écoutent, je
vais citer : «Nous recommandons — première colonne de gauche — que l'analyse féministe et l'expertise des
Centres d'aide et de lutte contre les
agressions à caractère sexuel, les CALACS, dans leurs trois volets d'action,
prévention, aide directe et défense
de droits, soient [reconnues] et reconnues de façon tangible.» Alors, on
poursuit dans la même veine, plus spécifiquement, quelle est la
reconnaissance que vous demandez au gouvernement, puis à quel niveau?
Mme Sarroino
(Mélanie)
: Bien, comme on a dit, dans le deuxième plan, il y a
des mesures qui s'adressent spécifiquement,
entre autres, aux CAVAC, aux RIMAS aussi, au regroupement Espace, pour ce qui
est prévention, mais nulle part
est-il mention des CALACS, des ressources de type CALACS. Ça, ce serait un
moyen de reconnaissance, qui est des
mesures spécifiquement rattachées au travail des ressources de type CALACS.
Puis là on va avoir l'air opportunistes, on parle de nous, on parle de nous, mais je vous rappelle que nous, on a
juste 27 membres. On parle au nom de toutes les ressources de type
CALACS.
Aussi,
on aimerait, comme j'ai mentionné précédemment, qu'on fasse appel à notre
expertise, donc, reconnaître notre
expertise pour ce qui est du projet pilote des retours de cours d'éducation à
la sexualité pour tout le volet agression sexuelle, et, comme Mme
Conradi l'a dit, nos CALACS, dans leurs thématiques, parlent beaucoup de
consentement, mais de rapports égalitaires,
d'estime de soi, de sens critique. Nos CALACS font ça depuis plus de
35 ans. Donc, on aimerait
qu'ils fassent appel à notre expertise pour ça.
Alors,
entre autres, ce serait ça, qu'on soit reconnus, on est le Regroupement des CALACS, on est le Regroupement
des centres qui viennent en aide aux femmes et aux filles victimes d'agression
sexuelle, on répond à leurs besoins.
Mme Roy
(Montarville) : Que vous soyez reconnu également
dans le milieu de l'éducation de
façon plus officielle, si je
comprends bien?
Une voix : Oui.
Mme Roy
(Montarville) : Parfait.
Je vous amène à la page... Attendez. Avant d'aller à la page 19, j'ai une question
aussi qui me vient à l'esprit comme ça. On parle beaucoup, là : Il faut
contrer les agressions sexuelles, qu'est-ce
qu'on peut faire? Vous nous amenez des pistes de solution, mais vous qui
travaillez avec les femmes, qui travaillez avec les victimes, et Dieu sait qu'elles sont multiples, dans des situations
les plus diverses, qu'est-ce que la victime d'agression sexuelle a le plus
besoin?
Mme Duhamel (Nathalie) : Elle a besoin d'être crue puis elle a besoin
d'être entendue, puis à son rythme. Alors, ça se peut que ça ne commence pas avec une dénonciation à la police. Ça
se peut que ce soit juste aller frapper à la porte d'un CALACS pour être entendue, écoutée et crue,
et peut-être, éventuellement, si elle décide d'y aller à la police, on va
l'accompagner. Mais on ne peut pas avoir une
réponse qui est uniquement centrée sur le fait de dénoncer puis d'aller au
poste de police. C'est ce qu'on est en train un peu de vous dire cet après-midi,
là.
Mme Roy
(Montarville) : Et c'est ce qu'on a besoin d'entendre aussi, la
façon d'intervenir auprès des victimes.
Je vous amène à la
page 19, toujours du guide des recommandations. Vous en avez
glissé un mot tout à l'heure, page 19, colonne de droite : «Nous
recommandons que le financement à la mission des CALACS soit bonifié et
privilégié par rapport au financement par projets, et ce, pour répondre le mieux possible aux besoins en matière de prévention et d'aide aux femmes et adolescentes victimes d'agression à caractère
sexuel.» Alors, on va se poser les vraies questions, là : De
combien est-ce que vous auriez besoin pour pouvoir mener à bien votre mission?
• (16 h
30) •
Mme Sarroino
(Mélanie)
: Bien, on a fait une étude des besoins de nos
centres membres et non membres qui ont
répondu à un questionnaire, donc, je crois que c'était... on a eu la réponse de
29 centres, donc... et à ce moment-là on n'en avait pas 27 comme membres. Mais, en gros, on a regardé la
différence entre ce qu'on demandait dans le cadre du PSOC, qui nous finance à la mission, versus ce
qu'on a réellement reçu, et la différence, et ça, on parle de 2013-2014, se
chiffrait à peu près à 5 millions de
dollars de plus de financement qu'on aurait besoin pour bonifier ce qui existe
déjà, et là on ne parle même pas de mettre sur place des nouvelles
ressources. Donc, ce serait à peu près ce montant-là.
Et je rappelle aussi que notre
organisme fait partie du mouvement Je tiens à ma communauté — Je soutiens le communautaire. Donc, on revendique un haussement
d'argent pour tous les organismes communautaires qui travaillent en santé et services sociaux aussi, parce qu'on
voit beaucoup d'organismes qui sont menacés, et il y a beaucoup de
problématiques qui s'entrecoupent. Des femmes victimes d'agression
sexuelle vont peut-être avoir des problèmes de toxicomanie, des chocs post-traumatiques, vont aller chercher des soins
à l'extérieur de nos centres aussi, et ces autres groupes sont aussi menacés. Alors, pour le réseau
CALACS, en gros, ce serait à peu près 5 millions de dollars, mais je
vous rappelle que, les groupes
communautaires en général, qui travaillent dans le domaine de santé et services
sociaux, on vous a donné un chiffre de 225 millions, en général.
Juste un petit rappel.
Mme Roy
(Montarville) :
O.K. Je vous amène maintenant à la page 20, la conclusion de votre
document, puisque le temps qui m'est
imparti est somme toute assez court. Et là je vais me faire l'avocat du diable.
Vous n'aimerez peut-être pas ce que
vous allez entendre, là, je me fais l'avocat du diable. Vous avez dit tout à
l'heure, madame, et ça, je l'ai retenu : Il faut aussi responsabiliser les témoins. J'ai beaucoup aimé ce que
vous avez dit, parce que ça ouvre la porte à quelque chose dont on parle
très, très peu. En conclusion, vous nous dites : «Le RQCALACS tient à
saluer toutes les actions gouvernementales
visant à mettre fin à la violence faite aux femmes et aux enfants, et plus
spécifiquement à la violence sexuelle»,
etc. «Plus spécifiquement la violence faite aux femmes et aux enfants». Et je
vous amène sur la violence faite aux enfants et ce que vous nous avez
dit de la responsabilité des témoins.
On a parlé beaucoup,
tout à l'heure avec la Fédération des femmes, de ces hommes qui étaient
agresseurs, qui agressaient des femmes. On a parlé un peu des enfants.
Moi, je vous amène sur la piste de l'inceste. Y a-t-il aussi une problématique à laquelle on devrait s'attarder,
qui est celle de ces témoins, de ces témoins muets, de ces témoins complices
qui sont hélas! malheureusement, également
des mamans, des mères dont les enfants sont agressés? Beaucoup plus tard,
dans l'histoire de la famille, on finit par
savoir que la maman le savait ou s'en doutait mais n'a pas agi au moment
opportun. Est-ce qu'il y a quelque
chose à faire pour ces femmes pour
qu'elles cessent d'être des complices silencieuses de ce qui s'est
passé? Parce que ça existe, ça aussi. J'ai beaucoup de difficultés avec uniquement
l'homme agresseur, je pense qu'il y a aussi une complicité, une complicité qui peut
être, là, une complicité silencieuse, lorsqu'on parle d'inceste, bien entendu. Qu'est-ce
qu'on peut faire avec ces femmes-là? Avez-vous une idée?
Le Président (M.
Picard) : En une minute, s'il vous plaît.
Mme Duhamel
(Nathalie) : Écoutez, 70 % des victimes d'agression sexuelle
l'ont été alors qu'elles étaient mineures, et on s'entendra là-dedans, là,
qu'on parle beaucoup de cas d'inceste. Et je pense que, nous, quand on
dit : Responsabiliser les agresseurs et
les témoins, oui, il faudrait que tous les témoins, quel que soit leur sexe,
quelle que soit leur position par
rapport à l'agression qui est commise, ils soient davantage responsabilisés, si
on veut vraiment mettre un terme à ce crime.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Maintenant, Mme la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques
pour une période de trois minutes.
Mme
Massé : Merci. Merci, mesdames, pour votre contribution à la
réflexion. Plusieurs des questions ont déjà été posées. J'aimerais attirer votre attention sur deux éléments. Un
premier élément, vous dites, dans la question justement de la responsabilisation des agresseurs, que, dans
le fond, les femmes avec lesquelles vous travaillez depuis 35 ans, ce
qu'elles vous disent, c'est... ce qu'elles aimeraient, c'est que les agresseurs
reconnaissent le caractère criminel, et voire grave des agressions à caractère sexuel. Avez-vous des... On a compris
la campagne, on a compris le travail que vous faites déjà, d'ailleurs
depuis 35 ans, à la base. Est-ce qu'il y a des moyens d'arriver à
signifier que c'est réellement grave?
Mme Duhamel
(Nathalie) : Je pense qu'il faut contrer le discours de banalisation
dans lequel on est pris, d'hypersexualisation
des filles, de culture du viol. Il faut vraiment contrer ça et nommer les
choses telles qu'elles sont. Si on
veut que le comportement change de manière durable, encore faut-il que l'homme
ou le garçon entendent de façon très
claire c'est quoi, une agression sexuelle, puis c'est quoi, les conséquences
d'une agression sexuelle, puis que quelque part tu n'as pas le droit de faire ça, que ce soit très clair. On est un
peu dans une situation où là, bon, l'hypersexualisation, la banalisation, la cyberprédation sur Internet,
l'exploitation sexuelle qui a l'air d'être cool, tout ça vient masquer, vient
rendre compliqué le fait de bien identifier
qu'il y a des comportements qui sont acceptables puis qu'il y en a d'autres qui
ne le sont pas.
Mme
Massé : Prendre pour acquis des choses. Et malheureusement il reste
très peu de temps, mais vous êtes pour le
moment celle qui a abordé la question de la justice alternative en y mettant un
bémol. Vous dites : Nous nous inquiétons du recul potentiel qu'elle
comporte. Pouvez-vous... Il reste combien de temps, M. le Président?
Une voix : ...
Mme Massé :
S'il vous plaît.
Mme
Duhamel (Nathalie) : Bien, tout ce qu'on veut dire là-dedans, c'est
que, oui, on est bien conscientes que la justice alternative a cours
souvent dans les communautés autochtones mais qu'en même temps il faut bien
prendre conscience que Le Mouvement des
femmes s'est battu pendant longtemps pour faire reconnaître les agressions
sexuelles comme un crime et que
souvent la justice alternative, dans le fond, elle dédouane l'agresseur, elle
lui évite de passer par un procès,
elle lui évite un casier judiciaire, puis on ne voudrait pas qu'on aille trop
dans cette voie-là. On pense que ce n'est pas la façon de vraiment
responsabiliser les agresseurs que de les dédouaner trop facilement.
Le Président (M. Picard) : Je
vous remercie pour votre apport aux travaux de la commission.
Et je
suspends les travaux quelques instants afin de permettre aux représentants des
Femmes autochtones du Québec de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 16 h 34)
(Reprise à 16 h 37)
Le
Président (M. Picard) :
Nous reprenons nos travaux en recevant les représentantes du regroupement
Femmes autochtones du Québec.
Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation. Il va s'en
suivre des échanges avec les parlementaires. Dans un premier temps, je
vous demanderais de vous présenter. La parole est à vous.
Femmes autochtones du
Québec inc. (FAQ)
Mme Michel
(Viviane) : «Kuei!» (S'exprime dans sa langue). Est-ce
que vous avez besoin de traduction?
J'ai le même problème quand je dois parler en anglais ou dois comprendre
l'anglais.
Bonjour, tout
le monde. Avant tout, j'aimerais vous saluer. Merci, M. le Président, de nous
accorder ce temps. Merci aux députés, aux élus, hommes et femmes. Merci
de nous recevoir, Femmes autochtones du Québec.
Donc,
évidemment, je vais quand même... Pour démarrer, je vais quand même vous
demander un peu de tolérance, O.K.,
et un peu de compréhension aussi, parce que Femmes autochtones du Québec n'a
pas juste un dossier, O.K.? Femmes autochtones
du Québec existe depuis quand même 40 ans. Donc, on a le dossier de la
santé, oui, on a le dossier agressions sexuelles,
on a le dossier violence familiale, je trouve ça important de dire «familiale»
parce que, chez nous, c'est vraiment la violence familiale, qui inclut la violence conjugale aussi. Et on a
aussi un secteur international, aussi. Donc, on a une variété de
dossiers qu'on travaille.
Donc, moi, je
suis la porte-parole des femmes autochtones. J'ai été élue dernièrement pour un
deuxième mandat et je suis assez
occupée, merci. Je pensais que j'allais avoir les deux pieds sur un bureau puis
me balancer, et ce n'est pas ça.
Donc, c'est
une vraie passion. Je vais essayer du mieux que je peux de répondre à vos
questions, mais je prends quand même quelques mots clés qui vont essayer
de vous montrer les agressions sexuelles en milieu autochtone. Une chance que je suis intervenante de formation. J'ai
travaillé longtemps pour la Maison communautaire Missinak, O.K., qui est
une maison d'hébergement pour femmes victimes de violence en milieu urbain.
Donc, ça, ça a beaucoup aidé. Et j'ai été
aussi la travailleuse santé communautaire pour le programme des
ex-pensionnaires avec Santé Canada. Donc, bagage agressions sexuelles, j'en ai entendu. Moi-même étant une victime
d'agression sexuelle, donc je peux connaître les impacts. Je peux connaître aussi qu'est-ce que ça fait dans une
communauté, comment on vit cette problématique-là en tant que personne.
Donc, je pense que je suis une bonne personne-ressource pour essayer de vous
montrer le topo.
• (16 h 40) •
Premièrement,
brisons le silence sur les agressions sexuelles. Je tiens à vous dire que Femmes autochtones du Québec a été quand
même une des premières organisations à vraiment briser le silence quand on
parle en matière de violence et d'agression sexuelle, surtout agression
sexuelle dans les communautés autochtones. Pourquoi? Parce que, justement,
quand on parle d'agression sexuelle, c'est un sujet assez tabou dans les communautés autochtones. Donc, on a su quand même relever le défi
et faire tomber les barrières pour justement aller parler, faire de la
prévention, de la sensibilisation et de l'éducation par rapport aux agressions
sexuelles.
Donc, brisons
le silence sur les agressions sexuelles, nous devons savoir d'où nous venons
pour savoir où nous allons. La
violence sexuelle a pris des proportions d'épidémie dans nos communautés,
blessant nos corps, nos âmes et nos esprits.
En a-t-il toujours été ainsi? Comment en sommes-nous arrivés là? Une
part de la guérison des peuples autochtones en matière d'agression sexuelle consiste à mieux connaître le passé pour
mieux comprendre les racines de cette souffrance. Pour répondre adéquatement aux défis du présent,
il est important de comprendre le passé et d'envisager l'avenir de façon
positive.
Je ne veux
pas entrer dans des propos culpabilisateurs. Il y a une histoire que les
peuples autochtones ont vécue, on va
parler de la colonisation, etc., l'impact de la colonisation aussi, et je pense
qu'il y a une formule qui doit être changée aussi, maintenant. Oui, on a été des victimes, mais on ne veut pas
rester dans la victimisation. Qu'est-ce qu'on peut faire ensemble pour enrayer justement cette
problématique-là? On a des moyens concrets. Bravo pour Femmes autochtones
du Québec!
Écoutez,
j'arrive de Lima, justement, je fouille dans ce que les filles ont vraiment
pondu comme travail. Vous savez, on a
vraiment travaillé dans les communautés. On a vraiment étalé le sujet qui a été
vraiment tabou. Et ça, ça fait partie d'une culture vraiment qui revient de façon... On
vivait de façon anormale côté sexualité. Il ne faut pas en parler. Donc,
c'est comme tu arrives avec un sujet assez fragile, on a su quand même le
dépasser.
En
milieu autochtone, une étude réalisée en 1989... Je vais reculer un peu, en
1989, l'Association des femmes autochtones
de l'Ontario a révélé que les femmes autochtones représentaient jusqu'à
80 % des femmes victimes d'agression sexuelle. Cette étude démontre aussi que les agresseurs sont
habituellement des hommes autochtones. Une étude réalisée en 1998 a constaté que plus d'un tiers des hommes
autochtones détenus dans un établissement sous responsabilité fédérale
sont des délinquants sexuels.
Vous
savez, chez les peuples autochtones, il
y a aussi cette matière où est-ce qu'on ne fait pas confiance à la justice. On va plus prôner la justice réparatrice, O.K.? Maintenant,
c'est comme un nouveau chemin à prendre, parce que plusieurs agresseurs
se retrouvent dans le système judiciaire, incarcérés, mais la problématique
n'est pas travaillée, ce qui veut dire : ils vont juste aller faire leur temps pendant, quoi, un an, deux ans,
ils ressortent, et la problématique est encore là. Donc, il y a un
travail à faire. D'où l'importance, justement, de faire une réparatrice de... justice
autochtone adaptée aux autochtones. Moi, je vais parler le côté
autochtone, je pense que mes consoeurs ont leurs propres, aussi, moyens.
Vous
savez, il existe aussi la résilience par chez nous, la résilience, la guérison
et la spiritualité. Ça, c'est des bons outils,
justement, pour rétablir ou bien donc travailler, justement,
les problématiques que l'on a. Lorsque les agressions sexuelles persistent dans
nos familles et nos communautés, elles entravent le développement normal des
enfants qui sont en mode de survie au lieu
d'être en croissance. Pour éviter que ce schéma ne se reproduise, il faut
rassembler plusieurs éléments vers la découverte du chemin de la
guérison. C'est important pour les Premières
Nations de toujours
travailler la guérison, que l'on soit
victime ou que l'on soit agresseur. Pourquoi? Parce
que tu as un travail à faire sur ta
personne, sur les quatre dimensions de ta personne, donc à devenir une
meilleure personne.
Nous
avons vu dans les sections... bon, dans les sections précédentes, parce que
moi, je regarde le document qu'on a pondu comme outil de travail... Il ne
s'agit pas de faire une leçon
d'histoire mais de démontrer que, dans le passé, nos peuples ont subi de nombreux traumatismes qui affectent toujours
notre bien-être individuel et collectif génération après génération. La dépendance, la dépression, la
rage chronique, les agressions sexuelles, les tendances suicidaires, les
relations brisées et les sentiments de désespoir sont des exemples de
l'héritage de traumatismes dont nous sommes témoins aujourd'hui. Nous
souhaitons que ces explications apportent une compréhension historique de la
raison pour laquelle nos nations se trouvent dans la situation actuelle où la
guérison est essentielle.
Heureusement,
malgré les héritages négatifs du passé, nous pouvons faire appel à notre grande
force et entreprendre notre voyage
vers la guérison. En dépit de toutes les pertes et de la souffrance, nous
démontrons beaucoup de résilience, car
nous ne sommes pas des peuples vaincus. Ainsi de nombreux éléments essentiels
soutiennent le tissu social de nos communautés.
Le cercle de la résilience représente les éléments qui, à l'intérieur de
nous-mêmes, de nos familles et de nos communautés, reflètent notre
résilience.
Nos
ancêtres croyaient que, lorsqu'une personne se comportait de façon
irrespectueuse, notre esprit encourait les représailles, mais, en manquant de respect au plus petit enfant, une
personne manquait de respect à son propre esprit. De tels comportements étaient considérés comme des
abus ou des violations de la loi naturelle, et la personne se voyait dans
l'obligation d'obtenir réparation en rendant service aux autres.
Pendant des siècles,
on nous a répété que ces enseignements ne faisaient pas partie de nos peuples
en tant que nations. Cela ne veut pas dire
que la loi naturelle n'existe plus, puisqu'elle est constante et ne change
jamais, c'est plutôt notre compréhension et nos pratiques de la loi
naturelle qui se sont détériorées. Mais cela ne doit pas décourager nos peuples, car nous comprenons : en tant que
nations, nous entrons dans un nouveau cycle de vie qui nous procurera une
harmonie et un équilibre accrus. À mesure que nous en apprenons plus sur notre
passé traditionnel, nous serons mis à l'épreuve au point de douter de nos
propres aptitudes à apprendre. Nous devons avoir foi...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît.
Mme
Michel (Viviane) : ...en notre créateur et en la puissance de l'esprit
pour persévérer, peu importe la façon dont elle est perçue. J'ai écoulé
ma minute? Oui?
Le
Président (M. Picard) : Oui. Merci, Mme Michel. Je cède
maintenant la parole à Mme la ministre pour une période de
22 minutes.
Mme
Michel (Viviane) : Est-ce que je peux juste vérifier si vous aviez
reçu le document qu'on vous a envoyé?
Des voix :
...
Mme Michel
(Viviane) : O.K. Merci.
Le Président (M.
Picard) : Les parlementaires l'ont en leur possession. Mme la
ministre.
Mme Vallée : Oui. Merci.
Merci beaucoup de votre présence et de partager avec nous les préoccupations de
Femmes autochtones. Vous savez, nous
avons... Puis le gouvernement a collaboré avec Femmes autochtones pour la mise
en place du plan d'action. Je pense qu'il
est important de poursuivre cette collaboration-là. Il est important aussi
d'adapter les mesures en fonction des réalités des communautés. On a
entendu tout à l'heure les CALACS qui ont porté une préoccupation à l'égard de la justice réparatrice.
Je comprends que l'approche est différence et donc que vous souhaitez
davantage que ce mode de justice là, ce modèle-là soit utilisé davantage dans
les communautés, si j'ai bien compris.
• (16 h 50) •
Mme Michel
(Viviane) : Évidemment,
écoutez... Si je donne un bon exemple... Maintenant, à Femmes autochtones
du Québec, on a une campagne avec les
hommes. On a un réseau de maisons d'hébergement autochtones, dont
11 maisons d'hébergement. Et,
avec ce réseau-là, on donne la formation aux intervenantes, on leur donne des
outils de travail pour justement
améliorer le système d'intervention dans les maisons d'hébergement, et ça,
qu'ils répondent à leurs besoins, qu'ils
répondent aussi aux réalités. Entre-temps, il y a une maison d'hébergement qui
va s'ouvrir, une maison d'hébergement hommes,
O.K.? Parce que, de plus en plus, les hommes sont sensibilisés, dans les
communautés, qu'il y a une problématique, qu'ils ont un manque aussi dans ce secteur-là. Ces hommes-là, ce sont
des anciens batteurs de femmes, ce sont des anciens agresseurs sexuels, ce sont des anciens tueurs,
O.K.? Il y a toute cette panoplie-là
d'hommes. Et ce que je peux vous dire, c'est
que ces hommes-là se sont pris en main. On les appelle les Napeuat, ça,
c'est leur titre de groupe. Et je
suis quand même fière, parce que ça vient de chez moi. Je ne suis pas
fière parce qu'ils ont été ça, je suis fière parce qu'ils se sont mis debout, ils se sont regroupés, ils ont
travaillé leurs problématiques, avec quoi? Avec la spiritualité, avec nos
propres médecines, qui est nos «sweat
lodge», qui est aussi les cercles de parole, parce que ce n'est pas tout le
monde qui veut faire des «sweat
lodge», mais juste parler de sa problématique de comportement va déjà dans un
processus de guérison.
Donc, ces
hommes-là veulent ouvrir une maison d'hébergement, une maison où est-ce qu'ils
peuvent encore aider d'autres hommes
qui ont cette problématique-là. Ça ne veut pas dire que c'est juste des hommes
qui ont ces problématiques-là. Une
femme aussi, maintenant, peut devenir une agresseure aussi, on ne se le cachera
pas. Et ces hommes-là ont besoin d'outils.
Donc, ils ont fait la demande, justement, au réseau des maisons d'hébergement
autochtones, de Femmes autochtones du
Québec, de faire partie de ce réseau-là, pour qu'ils aient une formation, une
base au moins, une formation, et
aussi recevoir des outils. Je suis tellement contente de ce qu'on est en
ouverture d'esprit. Les maisons d'hébergement ont accepté que ce groupe-là se joigne à leur formation et encouragent
que cette maison-là soit réalisable. Elle n'est pas encore réalisable,
ça fait quand même six ans qu'ils y travaillent pour que cette maison-là soit
sur pied.
Donc, on
parle de justice réparatrice. Justice réparatrice, on parlait tout à l'heure de
cour qui se rend... Meilleur exemple,
Schefferville, il y a une cour qui se rend là à tous les deux mois. Mais,
écoute, quand tu vis une agression ici et
maintenant, agression sexuelle, et que tu oses dénoncer, bien, il faut que tu
attendes dans deux mois avant que ça passe
en cour. Mais l'agresseur se promène dans la communauté. La protection de la
victime, ça, c'est une des réalités qui existent quand même dans des régions éloignées. Et, pour une victime, ce
n'est pas évident pour une victime de dénoncer. On parle, j'entendais
tout à l'heure, de dénoncement. Ce n'est pas évident de dénoncer pour une femme
autochtone. Pourquoi? Parce qu'on a cette
pression sociale là de faire face à la communauté. On a l'étiquette maintenant,
qui est mise à jour, que je suis une
agressée, une victime d'agression sexuelle. C'est lourd à porter, c'est lourd à
porter pour une victime, et, en plus,
on doit faire face à ces pressions sociales là. Il faut que je dénonce... des
fois, c'est un de mes amis, des fois, c'est
mon frère, des fois, c'est mon père, et après c'est tout... Il faut que la
femme soit assez solide, justement, pour qu'elle dénonce.
Et aussi, dans nos valeurs à nous, on n'a pas le
système punitif. Ça, c'est une des différences qu'on a avec le peuple québécois. On va aller plus sur le mode
réparation, le mode guérison, justement, pour travailler la problématique.
Si on veut vraiment stopper la violence en
général, ou les agressions sexuelles, il faut travailler le bobo. Il faut
inclure le bobo, qui est l'agresseur
aussi, que ce soit homme ou que ce soit femme. Donc, si on parle de justice
réparatrice, j'ai vu, moi, des
gens... J'ai assisté au forum qu'il y a eu, justement, sur la violence chez les
peuples autochtones à Montréal, les moyens
étaient... On a amené ces gens-là qui avaient des problèmes de consommation, ou
peu importe, en forêt. C'est notre façon d'être. Nos valeurs sont là, le
changement se fait là, et le message passe encore plus en forêt. C'est notre habitat, c'est notre environnement, et il n'y a
pas ce mode où est-ce que la personne peut se sentir en mode il faut que je
me défende ou il faut que je prouve que je
suis correct, à quelque part. Donc, c'est tous ces processus-là qui amènent à
un résultat assez concret.
Mme Vallée : Évidemment, il y
a un enjeu d'étendue de territoire des communautés, qui sont quand même éloignées les unes des autres, qui ont aussi des
enjeux différents d'une à l'autre, qui ont des réalités différentes. Comment
arriver à mettre en place, à l'intérieur d'un
plan d'action, des mesures qui sauront répondre, de façon quand même assez
précise, tant aux besoins de nos communautés
dans le Nord-du-Québec qu'aux communautés plus au sud, à proximité de Montréal,
qu'aux communautés de l'est et aux communautés de l'Abitibi. Bref, vous
représentez des communautés qui sont
dispersées. Comment on peut arriver à mettre en place des mesures et s'assurer
que ces mesures-là puissent vraiment
être accessibles à l'ensemble des communautés qui sont dispersées sur le
territoire?
Mme Michel (Viviane) : J'adore votre
question, et merci pour votre question, elle est très pertinente. Et j'ai vraiment
le goût de vous relancer la question à vous tous : Est-ce que
vous êtes vraiment prêts à travailler
le problème d'agression sexuelle?
Jusqu'où vous êtes prêts, justement, à vouloir travailler cette problématique
qui affecte un humain, un enfant, un
humain, une femme, un homme? Si vous êtes prêts, on connaît la réponse. La
réponse, c'est quoi? C'est le côté
économique. On vit de l'austérité ces temps-ci, on la vit grandement. Les
coupures budgétaires affectent justement les organisations communautaires, les organisations régionales, les
organisations nationales qui travaillent les problématiques directement.
Et Femmes
autochtones du Québec représente 10 nations au Québec, incluant le milieu
urbain. On a une réalité aussi au
milieu urbain. Si on regarde les agressions au milieu urbain, qu'est-ce que ça
affecte beaucoup? N'oublions pas que les femmes autochtones disparues,
assassinées est un des grands enjeux qui rejoint aussi les agressions
sexuelles. Que fait-on
avec cette problématique-là? Il y a 56 communautés au Québec. Avec un
budget minime, si on veut qu'on parle
comment on peut régler des choses, est-ce que moi, je peux me permettre d'aller
dans les 56 communautés puis essayer d'éveiller une conscience, essayer de sensibiliser, d'éduquer et de
prévenir la problématique en matière d'agression sexuelle?
Je pense que
ceux qui m'ont précédée retombent toujours au point de vue économique. Ça,
c'est évident. Mais Femmes autochtones du Québec ne va pas s'arrêter à
là. On va encore continuer quand même à produire des documents de sensibilisation — merci à ceux qui nous ont aidées — à produire des outils de travail pour des
intervenants, mais aussi à aller
faire entendre c'est quoi, une agression sexuelle, oser parler de ces
problématiques-là dans les communautés où est-ce que le mot «agression
sexuelle» est tabou.
Dénonciation,
je pense qu'on n'est pas encore rendus là, l'importance de dénoncer. Pourquoi,
pour punir? Pourquoi ne pas plutôt... Oui, on va aller sensibiliser,
oui, on va aller éduquer, on va aller prévenir pour qu'on puisse travailler ensemble cette problématique-là. Quand on parle de
justice réparatrice, on oublie toujours
de faire travailler la problématique avec
ceux qui sont concernés directement avec cette problématique-là, les agresseurs. Au
lieu de faire du temps, pourquoi
ne pas leur donner des moyens ou de les
faire prendre des prises de conscience par
rapport à leur propre problématique
là?
Il y a beaucoup
de... 56 communautés, comment se rendre là, les régions éloignées? Et une des
choses qui est assez importante, je
pense, c'est aussi des programmes, oui, des programmes de sensibilisation, mais n'oubliez pas qu'on est 56 communautés
et qu'on a des langues différentes. Si on veut atteindre le maximum, les
langues maternelles doivent être prises aussi en considération.
L'approche,
elle est différente aussi. L'approche, on parle d'approche holistique, donc
l'approche plus respectueuse aussi.
N'arrivez pas dans une communauté puis essayer de faire la morale, le message
ne passe pas. Trouvez plus une approche
inclusive de participation. Et je pense qu'on est rendus à une ère aussi...
Peut-on donner la parole aux victimes? Qu'est-ce
qu'eux autres veulent? On oublie toujours les acteurs principaux. Qu'est-ce
qu'ils veulent comme moyens et solutions? Qu'est-ce que les agresseurs ont
besoin? Je suis certaine... Avec les groupes Napeuat, ils ont sorti plusieurs solutions.
Donc, 56 communautés. On parle de plan
d'action, plan d'action concrets. Peut-on penser maintenant, oui, sensibilisation, conscientisation, éducation,
formation de formateurs? Pourquoi est-ce
qu'on ne peut pas aller dans les
communautés, aller former des gens sur place et leur laisser un plus? Donc, former
des gens sur place, ce qui veut dire avec des outils concrets.
On est vraiment
dans une... On a tellement vécu des recherches un peu partout, des
recherches sur la violence, etc. Les
gens sont venus nous étudier dans les communautés, sont venus faire des statistiques et sont repartis. Et maintenant
je pense qu'on est rendus... Est-ce qu'on peut laisser quelque chose? Si on va dans les communautés, peut-on les
former, et leur laisser leurs outils,
et aussi croire en leurs capacités? Je pense que ça, c'est important, redonner.
Redonner, je pense qu'il faut vraiment repartir dans ce moyen-là.
• (17 heures) •
Le Président (M. Picard) : Mme
la ministre.
Mme Vallée : Vous parlez de plan d'action concret, de
redonner. Quel serait, à votre avis, le type de mesure qui pourrait être le
mieux adapté aux victimes? Est-ce que c'est l'accompagnement du type CALACS que
l'on reçoit? Est-ce que c'est un accompagnement... Est-ce que
ce serait un accompagnement adapté, propre à chacune des communautés?
Comment soutenir les victimes et, dans le fond, les accompagner pour traverser cette période-là qui est difficile
de... en fait tout ce qui va venir
suite à l'agression, tout le processus de colère, de honte? Comment accompagner ces
victimes-là? Je comprends que,
culturellement, la dénonciation n'est pas nécessairement ce qui est
privilégié, mais il y a quand
même un accompagnement auprès de la
victime qui est nécessaire, qui sera nécessaire. Au-delà de
la question de la prévention et de l'éducation, on a
des gens qui ont vécu des traumatismes très, très graves.
Alors,
comment vous voyez cet accompagnement-là au sein des communautés?
Parce que je sais que certaines communautés
ont des services de santé, ont des ressources. Certaines communautés ont des centres
pour femmes, d'autres n'en ont pas.
Certaines communautés ont un filet social plus organisé que d'autres,
ça dépend toujours. Alors, comment... Est-ce qu'il y a un modèle qui
serait adapté à tous ou est-ce qu'on doit reconstruire dans chaque communauté
un modèle particulier?
Mme Michel (Viviane) : Évidemment, il
y a différentes évolutions dans les communautés. Il y a certaines communautés
qui sont plus avancées et d'autres qui n'ont comme pas de moyens par rapport à ces problématiques-là.
Je ne veux
pas quand même mettre de côté les organisations existantes qui
peuvent apporter aux communautés. Donc,
le travail d'équipe est important. Ce qui veut dire : je n'ai rien contre
les CALACS, on n'a pas cette expertise-là dans nos communautés. Je n'ai rien contre les CAVAC, on n'a pas cette
expertise-là. Sauf que, je pense, une des choses qui est importante, si on veut faire un travail de partenariat, on doit
aussi engager des femmes autochtones. Pourquoi? Je
vous parlais tout à l'heure de l'importance de la langue. Une femme
autochtone qui doit raconter son histoire en langue française... Écoutez,
moi-même, je le fais dans ma tête psychologiquement, je pense innu, je parle
innu dans ma tête et je dois vite
faire le «switch» en français, trouver mes mots pour que ça ressorte bien. Mais
imaginez une victime — et je sais parce que je suis une victime d'agression
sexuelle. Lorsque tu dois dénoncer et que tu dois faire ta déposition, je m'excuse, mais c'est vraiment plate d'entrer dans
les détails, dans les détails, surtout quand c'est ta deuxième langue qui
doit être en marche. Ce n'est pas ta langue
maternelle, donc les mots ne sont pas très exacts. Ou, en étant victime, bien,
écoute, ça ne te tente pas de raconter ce qui vient de passer. C'est tout ça.
Je ne renie
pas l'aide, sauf que je pense que la langue doit être prise en considération.
On peut travailler avec ces organisations-là, on ne peut pas les mettre
de côté. Comment deux nations peuvent, maintenant, travailler ensemble, on est rendus là, et tout en se respectant aussi dans nos
différences? Il ne faut pas oublier pour qui on le fait. Ça, c'est vraiment
important. Ce n'est pas parce qu'on veut une job. On
veut aider la victime. Je pense qu'il ne faut pas oublier aussi ce
contexte-là.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à M. le
député d'Ungava. Il reste quatre
minutes. Et je sais que le député de Pontiac aussi veut intervenir.
M. Boucher :
Je vais essayer de me contenir. Le message est...
Alors,
bienvenue, Mme Bussière, Mme Michel. C'est un plaisir de vous recevoir. Vous
savez, les deux tiers des citoyens de mon comté sont des Inuits ou des Cris. Et
puis j'ai la chance aussi d'être le conjoint d'une femme extraordinaire, qui est une femme
autochtone, une Innue. Donc, je suis en pays de connaissance, on peut dire.
Vous
parliez tout à l'heure, là... bon, vous représentez 10 des
11 nations. Les Inuits ne font pas partie, c'est-u ça que je dois
comprendre ou... Quelles sont les relations que vous avez avec l'Association
des femmes inuites?
Mme
Michel (Viviane) : Les femmes
inuites ont leur propre organisation, qui est Pauktuutit. Pauktuutit est située à Ottawa. Au début, les femmes inuites faisaient partie de
femmes autochtones du Canada, parce
que... si on regarde la démographie
aussi, donc aussi le secteur anglophone, et ils ont parti eux autres mêmes leur
propre organisation, qui correspond vraiment à l'image de femmes autochtones du
Canada et Femmes autochtones du Québec aussi.
M.
Boucher : Alors, je ne veux pas prendre trop de temps, parce que je
veux laisser du temps à mon collègue de
Pontiac, mais, vous savez, on parle de faire de l'éducation, bon, puis
j'écoutais attentivement vos paroles puis je peux vous dire que je suis entièrement d'accord avec
tout ce qui s'est dit. On a souvent tendance à importer le modèle blanc chez les... sans mauvaise intention, dire :
Regarde, une agression, c'est un crime, puis, avec un crime, on appelle la
police, on va en prison, on fait un
procès, ce qui n'est peut-être pas la façon de voir les choses des autochtones
en général. Mais aussi l'éducation...
Moi, je parlais avec plusieurs jeunes femmes, au Nunavik, pour qui, dans leur
tête, c'était normal, là : une jeune fille de 12, 13 ans, allé
jusqu'à 17, 18 ans, c'est normal de te faire agresser, la vie, c'est comme
ça, là. Après, ils ont réalisé que ce
n'était pas normal, mais, tu sais, il y a beaucoup de travail à faire dans ce
sens-là, puis donc... Je vais laisser la parole à mon collègue.
M. Fortin
(Pontiac) : Vous êtes très gentil, M. le député. Bien, merci, merci de
partager avec nous, là, votre expérience,
votre expertise. Je vais tenter de faire mon point de façon assez succincte.
Vous avez parlé de l'importance dans
tout ça de se rappeler du but principal, qui est d'aider la victime. J'ai
récemment rencontré le Centre d'innovation des Premiers Peuples, qui est basé en milieu urbain, dans mon comté, et
ils m'ont parlé de l'importance de la population autochtone en milieu urbain. Alors, une fois qu'on n'est pas directement
dans les communautés traditionnelles, comment est-ce qu'on peut s'assurer de bien rejoindre les victimes d'acte...
d'agression sexuelle? Et je vois dans votre mémoire que vous avez déposé
que vous parlez de favoriser, dans les régions où se trouvent les communautés
autochtones, la présence de personnel
autochtone dans les services offerts aux victimes. Mais je me demande :
Est-ce que c'est le cas en milieu
urbain également? Est-ce que vous travaillez avec les organismes comme ceux
qu'on a vus plus tôt, qui sont, eux, bien
implantés en milieu urbain? Est-ce qu'ils ont des ressources autochtones pour
répondre aux besoins de votre communauté?
353
655 Le Président (M. Picard) : Une
minute.
Mme
Michel (Viviane) : Une minute. Bon, je vais patiner. Évidemment,
Femmes autochtones du Québec travaille en
partenariat avec plusieurs organisations, donc on fait partie des tables de
concertation non autochtones, autochtones aussi. Et, quand on parle dans les grandes villes, on a quand même les
centres d'amitié qui sont quand même les premiers à entrer en contact,
mais pas sur les problématiques, justement, d'agression sexuelle.
Comment on peut le
faire? Écoute, il y a quand même... Les premiers concernés, c'est vraiment la
ville. Les premiers concernés, c'est
vraiment les policiers. Est-ce que les policiers nous appellent, nous? Non.
Premièrement, parce qu'on n'est pas un centre d'hébergement. On a le
réseau des centres d'hébergement pour des femmes victimes de violence,
on en a une en milieu urbain qui est située à Montréal. Donc, je pense que ce
sont les premiers acteurs. Nous, on a un siège avec eux autres, on fait
un travail de partenariat, justement, avec eux autres et, lorsque...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît. En terminant.
10 secondes.
Mme Michel
(Viviane) : O.K. Donc, voilà...
Le Président (M.
Picard) : Parce que je vous voyais partie pour longtemps.
• (17 h 10) •
Mme Michel
(Viviane) : ...on travaille beaucoup en partenariat avec des organisations
communautaires, la Fédération des femmes du Québec,
où est-ce qu'on fait beaucoup de promotion. On est en contact avec les
non-autochtones aussi en ville.
Le Président (M. Picard) :
Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, une période de 13 minutes.
Mme
Poirier : Merci, M. le Président. Alors, bonjour, Mme Michel, Mme Bussière. Si je
reviens au bilan du plan d'action, je vais reprendre les mots qui sont
dans le plan d'action et... dans le bilan et je vais vous demander de bien comprendre qu'est-ce qu'il y a là-dedans, en
page 11, on dit : «[Nous] soulignons les avancées significatives qui
ont été faites en milieu autochtone.»
Je m'en vais après ça à la mesure 8, où on dit qu'à la phase 1 on a,
entre autres, investi une somme de 50 000 $ à Femmes
autochtones pour réaliser des outils de sensibilisation, qui a permis de mettre
sur pied six projets pilotes, et, en
septembre 2010, une somme additionnelle de 15 000 $ pour joindre la
nation inuite. Je m'en vais après
ça... Je vais me promener un peu, là. Je m'en vais après ça à la
mesure 15... Excusez-moi... Oui. Est-ce que c'est la 15? Oui, la mesure 15-16... la
mesure 14-15, où là on a la liste, à la mesure 15, des six projets,
les mêmes six projets dont on nous
parlait à la mesure 8, qui sont ventilés là et, à la mesure 15, le
fameux 15 000 $ pour les Inuits. Donc, mesure 8, mesure 14-15, qui est exactement
les mêmes montants. Après ça, je m'en vais un petit peu plus loin, à la
mesure 18, page suivante, où là
on parle d'une collaboration avec le centre Marie-Vincent et d'une somme de
9 000 $ pour un projet de formation à la maison Missinak.
Je veux juste
qu'on se comprenne, là, quand on parle, dans le fond, d'avancées
significatives... Puis je vois des sommes qui sont relativement des
sommes modestes, disons-nous-le. Mais il y a aussi un 60 000 $ qui a
été donné à Femmes autochtones pour faire de
la formation aux intervenantes. Ça veut dire à combien de monde? Parce que, sur
une période aussi longue, un montant de 74 000 $, donc le
50 000 $, 15 000 $, 9 000 $ donnés, donc
74 000 $ donnés sur cinq ans, et
six ans parce qu'on a jouté une année, qu'est-ce que ça veut dire en approche
significative, en avancées significatives? Moi, je voudrais juste comprendre qu'est-ce que ça a vraiment changé
dans la vie des femmes en réserve ou hors réserve et qu'est-ce que finalement vous demandez pour le
prochain plan, au-delà de l'argent, mais en moyens. Quels moyens
voulez-vous avoir pour avoir vraiment un changement significatif?
Mme Michel (Viviane) : De très
bonnes questions. Écoutez, je ne suis pas la coordonnatrice en santé. Notre
coordonnatrice est en congé de maternité. Je suis celle qui la remplace, mais
je vais essayer du mieux que je peux.
Évidemment,
on a reçu 75 000 $ en tout dans les cinq ans. Qu'est-ce que ça a
produit? En voilà un exemple : un outil
de travail, un outil de prévention qui est fait dans les deux langues. Vous
savez, Femmes autochtones du Québec,
lorsqu'elle a à faire des choses, doit le
faire en anglais et en français, parce que c'est la réalité justement de nos nations. Qu'est-ce qui a été fait? Qu'est-ce que ça a rapporté comme résultats
concrets? Je pense que de plus en plus des femmes se sont mises debout... renforcir justement les
femmes, parce qu'on a eu à travailler aussi l'estime de soi. Quand tu es victime, tu n'as pas une grosse estime de soi. Et quand même certaines ont
dénoncé, ce qui ne se faisait pas, O.K.? Quand il y a une éducation,
quand il y a une sensibilisation qui a été faite, tu réveilles une conscience
et l'importance aussi.
Et, vous
savez, quand même, on a su toucher aussi que, si... Oui, on a fait quand même
de la sensibilisation au dénoncement,
mais sans trop insister, parce qu'on sait que c'est assez fragile chez les
peuples autochtones, mais dans les sens dénoncement à briser ce fameux cercle
vicieux, O.K.? Si on ne dénonce pas, même si ça se passe dans nos familles,
bien, c'est tes petits-enfants qui vont en pâtir, tes arrière-petits-enfants,
et le cercle continue. Ça, ça a été une forme d'éducation qu'on a pu rapporter.
Et évidemment, aujourd'hui, il y a plus de dénoncements. Si je recule de l'année
passée, une amie, moi-même, où est-ce que
je lui ai donné l'information : Si on ne brise pas le cycle, voilà ce qui va
arriver... Et c'est toute une famille qui
est concernée par rapport à ça. Et c'est assez délicat pour cette femme-là
de dire : Je dénonce ou je ne dénonce pas? C'est sûr que la décision de dénoncer lui appartient, mais il faut
montrer aussi les conséquences si on ne dénonce pas. Je pense que c'est
assez important.
Et encore,
quand on parle en matière d'agression
sexuelle, je peux vous dire que le système judiciaire est très lent, peut-être parfois trop lent chez nous. Je ne
comprends pas encore aujourd'hui. Si je regarde ma propre situation, je recule
de bien en arrière — j'ai 52 ans — lorsque j'avais 14 ans, ça a pris deux
ans, deux ans avant qu'il y ait un point final. Et comment on se sent en
tant que victime quand on dénonce? Mon Dieu! J'étais toute petite. Il y a des
étrangers. Je dénonce avec un policier, que
je connais en plus, autochtone. Et tu es dans une communauté. Et là ça te prend
deux ans. Des fois, ça va bien, la
vie, tu réussis à oublier. Mais là il faut retourner en cour. Combien de fois
on est retournés en cour? Vous voyez
toutes ces choses-là qui font revivre ce traumatisme-là t'amènent à... C'est
pour ça que j'ai dit tout à l'heure : Il faut être vraiment solide
pour dénoncer.
Les CALACS
m'ont beaucoup aidée, moi personnellement. Pourquoi? Parce qu'ils m'ont
préparée comment que ça se passe dans
un système judiciaire. Ça aurait été super si ça aurait été dans ma langue.
Mais c'est correct, moi, j'ai reçu de
l'aide. Pour les prochaines victimes, j'espère que ça peut se faire dans la
langue. J'ai été préparée à aller témoigner à la cour. Puis, imagine, ton agresseur est en face de toi. Comment tu
vis ça? Donc, il y a des choses de ce genre, justement, qui ont amené,
justement, à plus dénoncer et à faire entendre de plus en plus.
On parle des
écoles aussi. Il y a toute une éducation à faire. Et, si on revient justement
aux impacts, justement, de ces
agressions-là, je pense qu'on devrait aussi inclure l'habilité parentale. Il y
a un gros manque quand on parle d'habilité parentale. Est-ce qu'on fait
de l'éducation sexuelle dans les écoles? Dans les écoles autochtones, je
m'excuse, mais il n'y en a pas, d'éducation
sexuelle. Donc, il y a tout un gros ménage ou bien donc un gros... une
amélioration à faire, autant au niveau scolaire, autant au niveau familial,
parce que c'est toute une communauté qui est touchée.
Mme Poirier : Il y a environ...
Il y a plus d'un an, Michèle Audette est venue...
Une voix : ...
Mme Poirier : Vous pourrez
compléter.
Mme Bussière
(Nathalie) : Mais je voulais juste...
Mme Poirier : Oui.
Mme
Bussière (Nathalie) : On discutait qu'est-ce que je fais, moi, comme
travail puis les impacts directs puis indirects
sur les autochtones et les non-autochtones. Entre autres, on fait des
présentations dans les écoles, que ça soit dans les communautés ou hors communautés, que ça soit dans les universités,
on touche un peu à toutes les sphères finalement, que ça soit au niveau des enfants, des femmes, des
professionnels. On parle de sécurité culturelle aussi, comment parler aux autochtones, hein? Pour ceux qui travaillent
dans le domaine, exemple, hospitalier, policier, on fait des formations à l'École nationale de police à Nicolet, on parle
de sexualité saine, d'agression sexuelle. Bon, ils ont des préjugés. On va
aller casser les mythes, tout ça. On donne
de la formation. On donne de la formation aux intervenants. Donc, on se promène
dans les communautés et puis on parle aux
personnes qui sont directement touchées par ça, donc les personnes en première
ligne.
Aussi, on a
des outils de sensibilisation, comme le livre que vous voyez là, Ma
sexualité, c'est une question de respect : brisons le silence!. On a aussi une autre formation, Sortir de l'ombre, marcher vers la
lumière. Il y a eu aussi une
tournée, dans les communautés, de cette belle formation là. Ensuite de ça, en
fait, on est dans plusieurs comités, entre autres RQCALACS. On est...
Marie-Vincent. On est dans plusieurs, plusieurs comités.
Aussi,
qu'est-ce que je voulais dire... C'est ça, dans le fond, on a de l'impact
direct et indirect. Quand on se promène comme ça, mettons, dans les universités,
bon, on parle de la colonisation, des impacts de la colonisation qui ont touché
l'aspect, là, sexuel des autochtones, puis
là on aborde le sujet des agressions sexuelles. En fait, c'est ça, on touche à
plusieurs...
• (17 h 20) •
Mme
Poirier : Excellent.
Alors, comme je disais, Mme Michèle
Audette est venue rencontrer le
Cercle des femmes parlementaires il y a
bientôt deux ans et elle nous avait interpellées en disant : Plus de 90 % des femmes autochtones ont été victimes d'une agression. Alors, vous
comprenez notre surprise cette journée-là. Mais, quand on parle... on parle de
toutes les femmes, et je ne vous ai pas
entendu parler du phénomène... en tout cas, pas du phénomène, mais de la
situation des femmes disparues et des
femmes violentées en tant que telle, le sujet de l'heure, où on demande une
enquête. Qu'est-ce que vous pouvez
demander au gouvernement québécois? Parce que c'est ce qu'on demande au
gouvernement canadien, mais qu'est-ce qu'on demande au gouvernement
québécois en lien avec la disparition des femmes autochtones?
Mme Michel
(Viviane) : J'en ai fait un survol tout à l'heure, quand j'ai parlé des
femmes autochtones disparues et
assassinées. Écoutez, Femmes autochtones du Québec, depuis quand même
juin 2013... 2014, excusez, on travaille sur une étude, justement, une recherche sur la
situation des femmes autochtones disparues, assassinées au Québec, parce que
les chiffres qui ont été sortis,
c'est 1 181 femmes autochtones disparues, assassinées au Canada.
Donc, on fait une recherche, mais ce
n'est pas une recherche quantitative. On fait une recherche qualitative. Et on
a pris encore, aujourd'hui, justement, l'enquête nationale.
Et j'ai
beaucoup de respect envers ce gouvernement-là qui dit que c'est d'ordre
criminel, je suis d'accord avec ce
que le gouvernement Harper dit, d'ordre criminel, oui, mais c'est d'ordre
sociologique aussi. Pourquoi est-ce qu'une jeune fille quitte une communauté? Il faut comprendre aussi l'état, le
manque de logement, le taux de violence, le taux de suicide, le taux d'agressions sexuelles, le taux
de violence. Tous les AAA plus que l'on pète en scores de problématiques
dans une communauté, qui amènent un mal de
vivre à des gens et qui pensent que sortir d'une communauté, aller vivre
en ville, c'est encore plus beau. Mais c'est
encore plus dur, parce qu'elles se retrouvent... Oui, on va parler de la traite
des femmes, oui, on va parler aussi
de l'exploitation des femmes, exploitation sexuelle des femmes, des agressions
sexuelles, etc. C'est tout ce qui englobe cette problématique-là.
À Femmes autochtones du Québec, dans cette
recherche-là... Normalement, on va finir notre recherche, notre mini-recherche, parce qu'avec le budget minime
qu'on a eu de 7 000 $ pour faire une recherche... on va la finir en
octobre. Qu'est-ce qu'on veut faire?
Les filles, mes recherchistes, se sont demandé : À quoi ça va servir? Un
autre rapport encore à déposer? J'ai
dit : Écoutez, on fait cette recherche-là parce qu'on va démontrer qu'au
Québec aussi cette problématique-là existe, c'est un enjeu très
important et majeur.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
Mme Michel (Viviane) : À partir de
là, bientôt, en avril, à la mi-avril, nous, on rassemble les familles...
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît.
Mme Michel
(Viviane) : ...des femmes disparues. Pourquoi? Pour entrer, oui...
pour avoir leur moment à eux autres. Parce
qu'on oublie toujours les acteurs principaux. Eux autres sont dans l'attente,
eux autres sont dans l'espoir de
retrouver leurs enfants. Et, ce qu'on veut faire à partir de là, on va
implanter un comité de travail avec les familles des disparues. Pourquoi? Bien, pour passer à l'action.
Nous, on est rendus là. On pense que le Québec ne bouge pas par rapport à...
Le
Président (M. Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole à
Mme la députée de Montarville, s'il vous plaît.
Mme Roy
(Montarville) : Merci, M. le Président. Merci, mesdames. Ne
vous inquiétez pas, on va poursuivre. Je m'en vais dans la même
direction, inquiétez-vous pas.
De
un, merci d'être là, mais merci de nous enseigner. Moi, je me demandais... Je
voyais les peuples autochtones un
peuple grand, un peuple fier, un peuple de la nature, et je me disais :
Mon Dieu! Pourquoi il y a tant d'agressions à l'égard des femmes, ces femmes disparues, violentées, parce que c'est
effectivement la même veine, là? Mais je me disais : Mon Dieu!
Qu'est-ce qui s'est passé, pourquoi? Mais on a peu d'histoire au Québec, on
manque d'histoire, et moi la première. Et
merci de l'enseignement que vous nous donnez, parce qu'on comprend pourquoi il
y a tant d'agressions et tant d'agressions sexuelles chez vous.
Je vous amène
à la page 9, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, parce que je pense que c'est important, parce que
là réside la clé — je vais le lire de toute façon — là réside la clé de la problématique, et
c'est à ça qu'il faut s'attaquer,
mais vous nous dites : «La colonisation, renforcée par le régime des
pensionnats indiens où plusieurs agressions sexuelles ont eu lieu envers les enfants autochtones par les personnes
en position d'autorité, a précisément attaqué les valeurs fondamentales des peuples autochtones, qui
étaient le respect, la famille, le caractère sacré de l'enfant, le respect des aînés, le respect des genres, le respect des
différentes identités et orientations sexuelles, l'harmonie, l'équilibre, la spiritualité, etc.» Ça, quand on pense aux
autochtones, on pense à ça. Et, entre autres, c'est cette colonisation, cette
agression dont ont été victimes les enfants dans des pensionnats qui ont
fait qu'il y a eu ces agresseurs qui sont nés de ça, si je comprends bien. Parce qu'un enfant agressé, malheureusement... et c'est
pour ça que je m'inquiétais particulièrement des problématiques
d'inceste chez les enfants, un enfant
agressé deviendra éventuellement un agresseur. Donc, vous nous enseignez
la problématique ici. Je vous en remercie.
Vous nous
dites plus loin : «Pour contrer le phénomène des agressions sexuelles,
nous considérons nécessaire de
rétablir l'équilibre dans les familles et les communautés autochtones en
mettant l'accent sur la culture — que c'est important, la culture! — et en réclamant ce qui a été arraché aux
peuples autochtones avec la colonisation.» Vous êtes prêts à agir.
On tourne la
page. À la page 11, vous arrivez avec des solutions, je voudrais vous entendre là-dessus,
au point 6.5, l'axe 4, Intervention psychosociale,
médicale, judiciaire et correctionnelle. Vous nous avez expliqué tout à
l'heure pourquoi vous préfériez la justice réparatrice, parce que vous n'êtes
pas un peuple qui croyez à la punition mais à la réparation. Alors, ça, c'est très important, c'est des mentalités dont
il faut tenir compte, c'est une culture différente, il faut la
souligner.
Donc, je vous
amène au point 6.5c, quand vous dites : La Fédération des femmes
autochtones... Il faut «appuyer la
[fédération] dans le développement et le déploiement d'un programme de guérison
intergénérationnelle pour rétablir l'équilibre et les relations saines
au sein des familles autochtones, favoriser la résilience émotionnelle et se
défaire de l'oppression intériorisée».
Alors, ça fait des années, des années, des années, des décennies qu'elle est
intériorisée, cette... qu'il est intériorisé, justement... cette
oppression.
Donc, qu'est-ce que c'est qu'un programme de guérison intergénérationnelle? Expliquez-le et
expliquez-nous-le. Parce qu'on
a le même problème ici, parce que, chez les peuples ou chez les Blancs, appelez-les
comme vous voulez, là, les
non-autochtones, c'est la même
chose : un enfant agressé deviendra potentiellement un agresseur. Alors,
qu'est-ce qu'il faut faire? C'est quoi, ce programme-là? Donnez-nous des
pistes de solution.
• (17 h 30) •
Mme Michel
(Viviane) : Merci de ce questionnement. Écoutez, on est en 2015, de
plus en plus on se rend compte qu'à
quelque part... l'importance de l'éducation, dans le sens d'éduquer les nôtres,
premièrement, O.K. — je pense
que vous avez votre propre
éducation — éduquer
les nôtres dans le sens de faire savoir, de faire connaître d'où on vient, qui
on était avant et quelles valeurs, ou
quelles coutumes, ou quelles traditions on avait, qu'est-ce qu'on est
devenus — je
pense que c'est important — et qui a voulu qu'on devienne ça
aujourd'hui, mais changer la formule à qu'est-ce qu'on peut faire maintenant, aujourd'hui. Quand je
dis : Les deux nations, je parle de vous et de nous, O.K.? On cohabite
ensemble. On croit... On veut
travailler les problématiques ensemble, donc on a besoin de votre expertise,
mais on a besoin de l'adapter à notre façon d'être, O.K.?
Une histoire
doit être racontée chez nous. La grosse crise d'identité qui existe dans les
communautés autochtones, le sentiment
de honte, pourquoi? Je vous donne le meilleur exemple. Quand j'étais jeune,
j'ai regardé le livre du Canada, le
petit livre bleu ciel qui était petit comme ça, où est-ce que j'ai vu des
autochtones manger des missionnaires. Mon Dieu! Comment pensez-vous que moi, je vis ça, le premier rejet de mon
identité, le premier rejet d'être une autochtone? J'ai honte d'être autochtone, on mange des êtres
humains! Parce que ça fait partie de l'histoire du Canada. Une histoire doit
être contée, la vraie histoire :
lorsque mon peuple était nomade, comment on vivait, comment on avait nos
valeurs d'entraide, de partage, de
respect. Parce que ça, ça c'est perdu avec les premiers contacts ou la colonisation, l'imposition d'une loi qui est très discriminatoire, la Loi sur les
Indiens, qui est désuète, 1876, aucun changement n'a été apporté. Si vous avez
la chance d'aller la regarder, vous allez
voir que... Moi, je la trouve débile, je m'excuse, mais elle est débile comme
loi. Et en même temps
je peux dire que, cette loi-là, ce papier-là, ce document-là, peut-être,
dans un sens, il faut que je retrouve... Parce que j'ai ce contexte-là que je dois toujours
trouver le positif dans tout ce que j'ai à faire. Bon, c'est peut-être
le seul document, à quelque part, qui prouve qu'on existe, à
quelque part. Vous voyez comment, si je veux renverser la médaille, il y
a ça.
Il y a
une éducation. Chez les nôtres, la crise d'identité, elle est vraiment
flagrante. Comment on peut retrouver nos
valeurs ancestrales? À les retravailler, arrêter d'avoir honte d'être une
autochtone. Je suis une femme innue, «innushkueu».
Je parle ma langue, je connais ma
culture, j'ai été marcher dans le chemin de mes ancêtres. Comment je peux redonner ça à mes enfants? Mais pas rien que
mes enfants, parce que, chez nous, lorsqu'on s'inquiète, on va
s'inquiéter communautaire, on va
s'inquiéter collectif de nation. Et ça va vraiment «at large», ce n'est
pas juste ma maison, ma clôture, puis ma petite voiture, puis mes enfants.
C'est ma communauté, c'est les nations, et on vous inclut aussi. Donc, ça va vraiment
«at large». Il y a une éducation qui doit se faire. Est-ce que
vous nous connaissez vraiment? Je ne crois pas que vous nous connaissez. Invitez-nous! Invitez-nous,
on va aller vous raconter qui nous sommes, qu'est-ce qu'on est devenus, et pourquoi on est devenus ça, et
qui a voulu qu'on devienne ça. C'est important.
Mais comment,
maintenant, on peut cohabiter ensemble, comment on peut travailler ensemble
sur, justement, des gros enjeux de
problématiques qui détruisent un monde? Ça n'a pas de couleur, les agressions
sexuelles, ça n'a pas de couleur. Que
l'on soit québécois, que l'on soit autochtone, noir ou chinois, on est toutes
rejoints par ça, une problématique qu'on veut vraiment enrayer.
Mme Roy
(Montarville) :
Je vous remercie beaucoup.
Une voix : Ah! le micro était
fermé.
Le
Président (M. Picard) : Non, le micro, là, vous n'y touchez
pas, ça se fait automatiquement. Il reste 40 secondes, Mme la
députée.
Mme Roy
(Montarville) :
...rajouter quelque chose sur le programme, oui?
Mme Bussière (Nathalie) : Je
voudrais rajouter quelque chose. Vous parliez tout à l'heure des pensionnats. Les enfants étaient arrachés de leurs familles à
l'âge de cinq ans pour aller dans les pensionnats, très loin de chez eux.
Ils n'avaient pas le droit de parler leur
lange. Ça, ils partaient pour 10 mois, là, sans voir leurs parents, un
petit bout de chou de cinq ans. Pas
le droit de pratiquer leurs rituels, bon, tout ça. Mais il n'y avait pas... Ils
ont subi, premièrement, beaucoup d'abus sexuels, abus physiques, abus
psychologiques, hein? Et puis ils n'avaient pas les besoins de sécurité de
base dans les pensionnats. Donc, comment...
Vu qu'ils n'ont pas eu cette sécurité-là, ils ne peuvent pas redonner à leurs
enfants, parce qu'ils n'ont pas vécu cette sécurité-là. Donc, de génération en
génération...
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît, oui, en terminant.
Mme Bussière
(Nathalie) : Oui. Donc, la honte, bon, dans les pensionnats, bien,
c'était honteux d'être indien, c'était tuer l'indien dans l'enfant.
Donc, ça s'est perpétué comme ça, alors aujourd'hui on peut voir les
traumatismes intergénérationnels avec le temps.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Pour une période de trois
minutes, Mme la députée de Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Mme
Massé : (S'exprime en innu). Merci beaucoup, merci d'être là, merci de
continuer à faire notre éducation. Je suis d'accord avec ma collègue.
Je vais
rouvrir la porte de la nécessaire réflexion sur les femmes autochtones
violentées, disparues, assassinées. Je
sais que ça relève du gouvernement fédéral, mais je sais aussi... Il y a
quelques semaines, on a rencontré des femmes élues des différentes communautés, qui sont venues nous implorer, sur la
base du gouvernement du Québec, de faire un bout. On ne pourra pas faire la grande commission à
travers le Canada, mais, comme votre propre recherche cherche à
comprendre qualitativement... Donc, je reviens en disant : Qu'est-ce que
nous, comme gouvernement du Québec, on pourrait
faire pour soutenir ce début de démarche? On l'entend, c'est un début. Qu'est-ce qu'on pourrait faire, nous, pour soutenir ça, parce qu'on s'y est
engagés, à le faire?
Mme Michel
(Viviane) : J'adore votre question,
Mme la députée Manon Massé — c'est une grande amie. Écoutez, qu'est-ce que vous pouvez faire? Vous êtes des
élus, l'avantage que vous avez, c'est vraiment de faire des pressions. Je
pense qu'on vous élit justement parce qu'on
vous donne des responsabilités. Et vous côtoyez vous-mêmes l'Assemblée nationale, vous côtoyez vous-mêmes ces
gouvernements-là. Si vous voulez vraiment appuyer cette problématique-là, O.K.,
nous, on... Depuis combien de temps déjà
qu'on exprime qu'on veut une enquête nationale? C'est ça qu'on veut. On ne
veut pas faire de la sensibilisation. Pour l'instant, ce n'est pas ça. On veut
une enquête nationale. Je pense que, si vous y croyez aussi...
Vous savez, il
y a 1 181 femmes disparues, femmes autochtones disparues,
assassinées. Ça équivaut à 8 000 Québécoises,
ça équivaut à 30 000 Canadiennes. Je pense que, si ça aurait été des
Canadiennes ou des Québécoises qui
auraient été... atteint ce chiffre-là, ça fait longtemps qu'il y aurait eu une
enquête nationale, ça fait longtemps que ça aurait été en «move». Je suis désolée, mais il y a un côté aussi racial.
Parce qu'on est des femmes autochtones, ça ne vaut pas la peine que ça bouge. Et ça, ça existe depuis
assez longtemps. Parce qu'on est des autochtones, on ne va pas mettre un plan d'action ou bien donc une enquête pour
montrer qu'est-ce qui se passe dans les communautés. Ça va encore plus
loin quand on parle de disparition...
Le Président (M. Picard) : En
terminant, s'il vous plaît.
Mme Michel
(Viviane) : En terminant, je vous remercie de nous supporter et de
faire pression. Parce qu'on en veut
une. Nous, on veut être en «move», maintenant, par rapport à ça. On est déjà en
«move», donc on a besoin de vous. Est-ce que vous voulez vraiment nous
aider? Et ça rejoint aussi la problématique d'agression sexuelle. On n'a pas...
Le Président (M. Picard) :
Merci, Mme Michel.
Mme Michel
(Viviane) : Merci. Merci, M. le Président.
Le
Président (M. Picard) : Merci, Mme Michel, Mme Bussière, pour
votre apport aux travaux de la commission.
Je suspends les travaux quelques instants afin
de permettre aux représentants du Conseil québécois LGBT de prendre place.
(Suspension à 17 h 38)
(Reprise à 17 h 40)
Le
Président (M. Picard) : Nous reprenons nos travaux en recevant le Conseil
québécois LGBT. Vous disposez d'une période de
10 minutes, va s'ensuivre des échanges avec les parlementaires. Dans un
premier temps, je vous demanderais de vous identifier. La parole est à vous.
Conseil québécois LGBT
(CQ-LGBT)
Mme
Gauthier (Audrey) : Alors, M. le Président, Mme la ministre de la
Justice, Mmes et MM. les députés, les autres
invités, bonsoir. Mon nom est Audrey Gauthier. Je suis la directrice générale
du Conseil québécois LGBT. Nous représentons
différents organismes lesbiennes, gais, bisexuels et trans au Québec. Je suis
accompagnée aujourd'hui... j'ai la
chance d'avoir M. Michel Dorais avec moi, professeur titulaire, chercheur de l'École
de service social de la Faculté des sciences sociales à l'Université
Laval. M. Dorais présentera une portion de ce mémoire avec moi.
Nous sommes
heureux de présenter ce document dans le cadre des consultations particulières
de la commission en matière d'agression sexuelle.
À la suite
d'une collaboration avec certains de ses différents partenaires et
collaborateurs, le CQ-LGBT estime que
le plan d'action actuel semble ignorer complètement les réalités des LGBT quant
aux agressions sexuelles touchant cette
population. Il est apparu que plusieurs modifications se doivent d'être
apportées afin d'assurer la pleine représentativité des difficultés vécues par les personnes LGBT dans
ce contexte. En effet, à la lecture du plan d'action, nous constatons que les différents organismes LGBT de l'époque
n'avaient pas été consultés. Nous sommes heureux de voir que le CQ-LGBT, en tant qu'interlocuteur privilégié du
gouvernement et porte-parole de plus de 23 organismes oeuvrant auprès
des communautés LGBT, fasse maintenant partie des instances consultées.
Bref, le
gouvernement doit, dans la révision de son plan d'action, établir les modalités
assurant l'intégrité et la dignité
des personnes LGBT qui sont victimes d'agression sexuelle afin d'éviter que ces
dernières subissent inutilement davantage
de discrimination, d'intimidation, de harcèlement et de violence. Sur ce, le
Conseil québécois LGBT demande donc que soient incluses les personnes
LGBT dans la protection offerte aux citoyens par ce plan d'action de lutte aux agressions sexuelles et que les réalités
particulières aux personnes LGBT, en particulier les jeunes, soient tenues en
compte dans les améliorations
suggérées au plan actuel pour la lutte aux agressions sexuelles. Et je laisse
maintenant place à M. Dorais.
Le Président (M. Picard) : M.
Dorais.
M. Dorais
(Michel) : Bonjour. Alors,
je suis professeur à l'Université Laval mais aussi chercheur attaché à la
chaire de lutte à l'homophobie et aussi au
Centre jeunesse de Québec, où je travaille notamment sur l'exploitation
sexuelle des enfants et des adolescents, des adolescentes.
Alors, la première chose qu'on doit faire
lorsqu'on s'intéresse à la problématique des abus sexuels en ce qui concerne précisément la population LGBT, c'est de
regarder les chiffres. Or, les chiffres sont constants en Amérique du Nord — et on en a quelques-uns au Québec grâce à
mes recherches, notamment, et à celles de collègues : les jeunes LGBT
sont deux à trois fois plus à risque de
vivre et de subir, donc, des agressions sexuelles. Et ça, c'est important de le
savoir, et on va le rappeler tout à l'heure.
Par ailleurs, dans cette communauté-là, il y a
des personnes encore plus à risque que d'autres. On sait que les jeunes personnes trans, donc transgenres et/ou
transsexuelles, sont beaucoup plus susceptibles, parmi toute cette
population-là... suivies en cela par
les filles bisexuelles, les filles lesbiennes et, en dernier lieu, les garçons
bisexuels ou gais, qui sont plus ou moins deux fois plus à risque. Pour
les filles, les personnes trans, c'est plutôt trois fois plus à risque.
Par ailleurs,
lorsqu'on croise deux problématiques qui sont l'intimidation et l'abus sexuel,
on voit que les jeunes qui ont vécu
des abus sexuels et qui sont aussi intimidés, et on y reviendra brièvement
tantôt... Les jeunes LGBT sont une
des populations qui subit le plus d'intimidation à l'école au Québec
actuellement. C'est jeunes-là sont plus que 10 fois plus à risque
de suicide que tous les autres du même âge.
Alors,
l'origine du problème. Vous allez dire : Mais comment se fait-il que les
jeunes LGBT sont autant que ça surreprésentés
parmi les jeunes victimes d'agression sexuelle? Bien, on l'a dit,
l'intimidation, d'une part. Et l'intimidation va souvent de paire, hein, avec l'isolement, avec une certaine
stigmatisation sociale, avec la honte aussi, évidemment. Les jeunes ne
sont jamais fiers d'être intimidés. Très souvent, l'agresseur va présenter son
agression soit comme une punition face au
jeune ou à la jeune à cause de ses différences. Ça peut être présenté comme une
initiation aussi par certains agresseurs.
Et, dans tous les cas, on va tabler sur le fait que ces jeunes-là sont habitués
au secret, sont habitués au silence. Parce
que, souvent, dans l'expression de leurs différences, hein, il y a toute la période qu'on appelle du coming out,
qui, grosso modo, se passe entre 12
et 15 ans, parfois un peu avant. Alors, c'est souvent, hein, donc, début
de l'adolescence, fin de l'enfance, la période où il peut y avoir des abus sexuels. Alors,
tout ça s'additionne ensemble, ça fait un poids très lourd à porter.
Nous,
on demande donc que la lutte aux abus sexuels soit pairée, d'une certaine
façon, avec la lutte à l'intimidation. Et,
rappelons-le, l'intimidation, neuf fois sur 10, pour les jeunes LGBT, débute ou
se produit à l'école, ou pas très loin, sur le chemin de l'école, ou au retour. Et très souvent le profil des
agresseurs... Il ne faut jamais oublier que les agresseurs, pour la plupart, débutent leur carrière, entre
guillemets, si j'ose employer cette expression-là, qui est typique en
sociologie, là, à l'adolescence. Si
on veut faire la prévention chez les agresseurs à l'âge adulte, il est trop
tard. C'est à l'adolescence que les agressions commencent.
Et,
si on me permet, Mme Roy vous disait tantôt : Qui a été agressé
agressera. Toutes les recherches démontrent plutôt le contraire, en fait. Il
n'y a pas de corrélation entre le
fait d'avoir été agressé... En fait, on sait que la majorité des
victimes sont des femmes. Or, si c'était le cas, la majorité des agresseurs
sera des femmes. C'est plutôt l'inverse. Et, même
chez les garçons qui sont victimes d'agression sexuelle, effectivement, une minorité, c'est des hommes surtout qui agressent, peuvent devenir agresseurs, mais ça
n'est pas la majorité. Il faut faire très attention d'ailleurs quand on
véhicule cette idée-là, parce que ça
fait en sorte que beaucoup de garçons n'osent révéler des abus qu'ils ont
subis en disant : Ah, oui! Voilà, tu deviendras un agresseur à ton
tour un jour.
Alors
donc, combattre l'intimidation, combattre l'homophobie, combattre les préjugés,
faire en sorte aussi, et je vais terminer là-dessus, que les mesures d'aide aux
victimes soient plus ouvertes aux personnes de tous âges, de toutes orientations sexuelles, de tous genres et de
toutes expressions de genre, parce qu'actuellement il n'y
a pas vraiment de recherche là-dessus. Moi, ça fait, quoi,
35 ans, grosso modo, que je travaille là-dessus. Écoutez, il n'y a
pratiquement pas une semaine sans que
je n'aie pas des témoignages, des téléphones, des gens qui me disent :
J'ai essayé d'avoir de l'aide, mais
on m'a dit : Ah! vous êtes un homme, on n'est pas sûrs. Ça varie beaucoup
d'une région à l'autre du Québec, mais, des
fois, c'est fermé pour les hommes. Les personnes trans ont parfois de la
difficulté, encore là ça dépend des endroits, à recevoir de l'aide. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des services
de grande qualité, j'entendais tantôt les gens de la CAVAC... la CALACS,
qui font des choses de grande qualité, mais souvent ce n'est même pas clair
dans la publicité faite pour certains
organismes, et j'insiste : Certains organismes. Les gars, par exemple, ne s'y retrouvent pas, les gars d'orientation homosexuelle. Certaines femmes ou filles qui ont
été agressées par des femmes, même si c'est minoritaire, ça existe, se font dire : Mais ce type d'abus là, nous, on
ne travaille pas ça. J'ai une étudiante qui vient de finir son doctorat
là-dessus, et toutes ses répondantes
ont dit la même chose : Quand j'ai voulu être aidée, on m'a dit :
Bien, nous, on ne peut pas ici, ça ne fait pas... pour nous, ce n'est
pas un viol.
Alors,
il faudrait que, quels que soient, donc, le sexe, l'expression de genre,
l'orientation sexuelle de la victime et/ou
de son — ou
de sa — agresseur,
les services soient disponibles pour les enfants, les adolescents, les
adolescentes, bien sûr, et les personnes adultes. Je ne vous dis pas, et
je terminerai là-dessus, que les services, qui font un très bon travail,
je le répète, pour aider les victimes font
une discrimination, une exclusion volontaire, mais parfois, tout simplement
dans la façon de répondre, dans la
façon d'annoncer le service, dans la formation aussi continue qu'on donne aux
intervenants pour faire en sorte
qu'ils pourront ou qu'elles pourront ou pas répondre à la demande, il y aurait certainement des choses à bonifier. Merci.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Je cède maintenant la parole à Mme la ministre pour une
période de 18 minutes.
• (17 h 50) •
Mme
Vallée : Alors,
Mme Gauthier, M. Dorais, merci beaucoup pour votre présence
en commission parlementaire et pour vos commentaires. En fait, votre mémoire
révèle des statistiques qui sont assez troublantes, assez préoccupantes,
pour les jeunes surtout, les jeunes qui font
partie, en grande partie, des victimes, là, qui constituent, là, avec les
femmes, la majorité des victimes, ce sont nos mineurs, nos jeunes. Et
comment... Parce qu'évidemment vous avez mentionné, Mme Gauthier, que vous n'aviez pas été consultés dans la mise en
place, dans la préparation du premier plan d'action. Vous abordez des enjeux qui sont très troublants,
très préoccupants. Quelles seraient les mesures? Comment un prochain plan d'action pourrait répondre concrètement aux problématiques et aux difficultés
que vous avez soulevées dans votre mémoire?
M. Dorais (Michel) : Bien, nous, on pense, par exemple... Je vais vous donner un exemple. Le
subventionnement donné aux organismes
d'aide devrait inciter davantage les organismes à élargir, non seulement
élargir l'éventail concret, mais à
faire en sorte que toutes les clientèles puissent se reconnaître parmi les
victimes susceptibles de demander et de recevoir de l'aide. Et je pense que... Souvent, les gens nous
disent : Bien, si ce n'est pas... si on ne dit pas : Garçon, ce
n'est pas pour nous, si on ne dit pas :
Personne LGBT, si on ne dit pas : C'est ouvert aux personnes trans... Les
gens ont vécu souvent du rejet.
Alors, vous savez, les choses que l'on croit réelles ont des conséquences
réelles, hein, disait je ne sais plus
quel psychologue, mais c'est vrai. Alors donc, si on ne vous dit pas que c'est
ouvert à vous... Et surtout qu'on entend
régulièrement des personnes qui témoignent d'expériences décevantes. On n'a pas
fermé la porte au nez, on ne les a
pas... on n'a pas été méchants avec eux, on dit : Ici, on n'est pas très à
l'aise, on n'est pas sûrs, essayez de voir ailleurs. Alors, ça revient à
un non, finalement.
Et je pense que tous
les citoyens québécois, quels que soient, je le répète, leur sexe, leur âge,
leur orientation sexuelle, leur genre ou leurs expressions de genre, s'ils ont
ou si elles ont été victimes d'agression sexuelle, devraient pouvoir recevoir
des services de qualité. C'est notre position. Et actuellement c'est par un
peu... je ne dirais pas par indifférence, c'est par absence de préoccupation
sur ce plan-là qu'il y a comme un manque à combler, assurément.
Mme Vallée :
On nous a parlé un peu plus tôt, lors du passage de la Fédération des femmes,
de l'importance de sensibiliser les intervenants à certaines réalités.
Notamment, on parlait de la problématique des enjeux que vivent les femmes handicapées et les
abus dont elles sont victimes. Est-ce que vous croyez qu'une approche similaire
devrait être faite pour permettre de
démystifier ce qu'est la communauté LGBT auprès des intervenants qui oeuvrent
en matière de violence sexuelle et en matière d'agression?
M. Dorais (Michel) : Oui. Je sais
qu'il y a certains CAVAC, CALACS, là, qui ont développé une formation spécifique, là, pour dire : Il faut prendre
ça à bras-le-corps. Il faut vraiment faire quelque chose, parce qu'on réalise
que cette clientèle-là, elle est
négligée. Alors, moi, je pense que c'est bien qu'il y ait des belles initiatives
comme ça, mais, si c'était davantage
encouragé, moi, je suis à peu près convaincu qu'une majorité d'intervenants et
d'intervenantes en matière d'agression sexuelle seraient intéressés à
ouvrir davantage la nature des services qui sont offerts.
Parce que,
vous savez, un abus sexuel, quels que soient votre sexe ou votre orientation
sexuelle, votre genre, et même le sexe ou le genre, l'orientation
sexuelle de votre agresseur, c'est quand même quelque chose d'extrêmement destructeur. Il faut qu'il y ait de l'aide. Et
trop souvent les gens nous disent : Bien, je n'ai pas trouvé. Écoutez,
moi, je ne fais pas de consultation, ça fait très longtemps, là, et
c'est incroyable, le nombre d'appels que je reçois. Quand c'est à Montréal, je peux trouver. À Québec, ça commence,
là, on peut trouver des petites choses. Bon, en Mauricie, il y a des choses intéressantes. Mais ça demeure... On s'est
dit : Mais ça devrait être... tout le Québec devrait être couvert, on
devrait... Un garçon qui a été agressé par un homme devrait demander de
l'aide, une fille par une autre femme devrait pouvoir demander de l'aide. Une
personne transgenre ne devrait pas être obligée de tout raconter son histoire
puis savoir : Coudonc, moi, je vais du
côté des hommes ou des femmes?, ça n'a pas de sens. Je pense qu'il faut
dégenrer, on permettra l'expression,
il faut dégenrer l'aide aux victimes, parce que toute victime mérite respect,
mérite d'être écoutée, mérite d'être
soutenue et d'être accompagnée dans toutes les démarches. Et plusieurs m'ont
dit précédemment, aujourd'hui : C'est
quand même assez lourd, hormis les séquelles, toutes ces démarches-là sur le
plan judiciaire, et tout ça. Alors, on devrait
davantage sentir d'accueil. Comme je l'ai dit tantôt, je ne pense pas qu'il y
ait une discrimination volontaire ou voulue, hein? Mais je pense que,
par omission, c'est l'effet qui se produit.
Mme
Gauthier (Audrey) : Si je
peux me permettre de compléter, une formation à ce sujet-là était disponible,
elle faisait partie du plan de lutte à l'homophobie
que vous supervisez. Ceci dit, une des formations, en fait deux formations,
qui concernaient les personnes LGBT a été retirée de la gratuité des services
offerts aux différents services. Elle a été maintenue pour les médecins, les
infirmières, mais maintenant cette formation, elle est payante, et, depuis
qu'elle est payante, malheureusement, presque plus d'intervenants la prennent.
Donc, on aimerait bien, effectivement, que cette formation-là, sa gratuité,
pour en donner le plus d'accès possible, puisse revenir.
Le Président (M. Picard) : Mme
la ministre.
Mme Vallée : J'imagine qu'au niveau de la
dénonciation il y a aussi des obstacles, c'est-à-dire, pour prendre notre paquet,
notre malheur puis aller cogner à la porte pour dénoncer notre agresseur, ça
prend déjà beaucoup de courage. Si on est doublement stéréotypé comme victime, comme personne trans, comme
personne de la communauté LGBT, j'imagine que ça a un impact, et il
y a beaucoup d'agressions qui passent sous le silence et qui ne sont pas
dénoncées.
M. Dorais
(Michel) : En particulier si l'agresseur est du même sexe. Je
vais vous donner un exemple : un garçon agressé par un autre homme a très, très peur d'être étiqueté ou catégorisé
comme homosexuel. Qu'il le soit ou pas, ça n'a aucune importance, là, il a peur d'être étiqueté. Le même garçon, s'il
est agressé par une femme, va aussi avoir peur, cela dit. Parce qu'on
entend encore, et moi, j'ai eu des témoignages encore récemment... Un garçon,
un adolescent, par exemple, abusé par la
gardienne qui est une belle jeune fille va se faire dire par des proches à qui
il se confie : Chanceux! On
dira... Vous savez, la beauté de l'agresseur, là, ça n'a rien à voir. Je suis
content, je pense qu'on ne le dit plus aux femmes. On ne devrait pas le dire
aux garçons non plus.
Quand je vous
dis qu'il y a de la formation
à faire, là, y compris auprès des
intervenants, c'est parce qu'il y a des gens
qui se font répondre ça. Donc, si c'est de nature homosexuelle, on va
dire : Oui, mais tu es homosexuel, t'as-tu pas provoqué?, et, si c'est une femme : Tu n'es
pas normal, parce que, croit-on, à
tort bien sûr, tout garçon rêve d'avoir une relation, même étant enfant ou adolescent, avec une femme plus âgée. Il
y a des films là-dessus, entre vous et moi, c'est du cinéma. Quand ça
arrive, les victimes ne sont... Évidemment, quels que soient le sexe, le genre
de l'agresseur, par définition, une agression, c'est une agression. Mais effectivement
chez les garçons...
Chez les
filles, c'est un peu pareil. Moi, mon étudiante qui vient de terminer, les
filles agressées par des femmes plus
âgées, elle a eu... Écoutez, ça ne se dit pas comment qu'elle a trouvé. Elle
me dit : J'ai l'impression que c'est le plus gros tabou. On a dû prendre toutes sortes de mesures pour trouver des gens. Parce que même des gens, dans les cours qu'elle suivait, lui disaient : Bien, voyons! Ça
n'existe pas. Bien, elle dit : Écoutez, oui, moi, j'en ai rencontré, j'en
rencontre des victimes, ces femmes-là
n'inventent quand même... Ça demeure... C'est le type d'abus le moins courant.
Mais est-ce que la personne qui le vit souffre moins? Non. Est-ce
qu'elle n'a pas besoin de services? Non. Il faut donner des services. Toute
victime a droit à des services de qualité.
Le Président (M. Picard) :
Mme Gauthier.
Mme
Gauthier (Audrey) : En fait,
je voulais compléter, parce que, dans mes études en sexologie au baccalauréat,
une de mes tendances d'études, c'était
effectivement les agresseurs et les agressés sexuels, et, pendant mes stages,
j'ai eu la chance d'aller assister à
des groupes de travail chez CRIPHASE. CRIPHASE, c'est le seul organisme qui
s'occupe des hommes agressés sexuellement. Et, dans le
groupe de 10 hommes que j'ai supervisé pendant 10 semaines, je vous
dirais qu'il règne, chez les hommes
agressés, une très grande confusion. Le fait d'être agressé par une femme les
rend, comme Michel le disait un peu,
dans un no man's land, on ne les croit pas. Et, chez les hommes agressés par d'autres
hommes, ça leur crée une grande
confusion au niveau de leur orientation sexuelle. Même s'ils se savent
hétérosexuels, souvent ils sont complètement désorientés par rapport à
ça. Ils ont la peur de devenir des agresseurs. C'est omniprésent, pourquoi? Parce qu'on entend ça dans le discours
populaire : Qui sera agressé deviendra un agresseur. C'est des hommes
aussi qui vivent une très grande destruction par rapport aux femmes. Ces
hommes-là vont souvent se jeter dans toutes sortes d'addictions ou de troubles addictifs : drogue, violence, sexualité
débridée. Alors, c'est des hommes qui, quand ils trouvent assez de résilience pour se retrouver dans le seul
centre au Québec qui prend soin d'eux... Ce sont des hommes extrêmement
démolis qu'on a en thérapie. C'est vraiment particulier de voir ce genre de
clientèle là.
• (18 heures) •
M. Dorais
(Michel) : Et, chez les
femmes lesbiennes aussi, il y a une grande interrogation identitaire aussi,
parce que beaucoup de jeunes filles
ou de jeunes femmes vont se dire : Est-ce que je suis devenue lesbienne
parce que je le suis véritablement,
entre gros guillemets et triples guillemets, ou parce que j'ai été violée? Il
n'y a pas forcément de réponse à ça, mais ça contribue au malaise que
vit la personne.
Alors, on voit
qu'il y a quand même plusieurs spécificités, là, qui justifient qu'on accueille
cette clientèle-là et qu'à la limite on élargisse, là, la connaissance
et la formation, surtout, des aidants sur ce plan-là.
Mme Vallée :
Vous nous demandez, vous nous incitez à dégenrer toute la question de
l'agression sexuelle, alors qu'un peu
plus tôt cet après-midi on nous invitait à le faire. La Fédération des femmes,
les CALACS nous indiquaient que
c'étaient des... les agressions sexuelles sont un peu le résultat d'une société
patriarcale et qu'il était important de le dire, il était important d'en faire état. Comment concilier les deux? Parce
que, je suis bien d'accord avec vous, une agression sexuelle demeure une agression sexuelle, et une
victime d'agression sexuelle doit avoir accès à des services. Ça, je suis...
M. Dorais
(Michel) : Mon propos ne
contredit pas celle de madame tout à l'heure, bien entendu. Les victimes sont des personnes vulnérables. Donc, quand on
parle de garçons, ce sont très souvent des garçons, donc, qui sont... qui,
aux yeux de la... pas de la victime, aux
yeux de l'agresseur, ont peut-être un genre... pas de genre, là, parce que ce
sont des enfants, des adolescents, et
même quand ce sont de grands adolescents. Écoutez, on a vu des joueurs de
hockey qui faisaient deux fois le
poids de leur agresseur. Mais l'agression sexuelle, c'est une question de... ce
n'est pas une relation sexuelle,
hein? C'est un abus de pouvoir. Alors, quels que soient le poids, l'âge, le
genre, le sexe, je le disais tantôt, ça n'a rien à voir. C'est à partir du moment où la victime est sous le joug,
sous la peur de son agresseur. C'est de ça dont profite l'agresseur.
On dit abus
sexuel, mais il ne faut jamais oublier que l'abus sexuel, avant toute chose,
c'est un abus de pouvoir. Et
effectivement il y a des conditions sociales, dont le sexisme et dont le
patriarcat — personne
n'en doute — qui
peuvent avoir bien sûr un certain
effet. Mais ça ne devrait pas nous amener à négliger ou à nier qu'il peut y
avoir d'autres causes, d'autres types
et que, d'une façon générale... Je pense que les agresseurs, en tout cas les
recherches qu'on voit là-dessus, ont
tendance à voir leurs victimes pas comme ayant un sexe ou un genre mais
avoir... comme quelqu'un de qui aller voir... comme de quelqu'un de qui
on peut exploiter.
Par exemple,
vous savez, il y a des recherches sur l'inceste, hein? Avant, moi, quand j'ai
commencé — j'ai
déjà été travailleur social dans une
autre vie — il y
avait de l'inceste dans une famille, on enlevait les filles et puis on
disait : Ouf! Youpi! Mais qu'est-ce que le père faisait? Bien, il
allait voir les garçons. Alors, les agresseurs ont souvent une préférence sur le plan du sexe, du genre, et tout
ça, mais une grande partie des agresseurs sont opportunistes. S'ils n'ont
pas une personne victime, là, à portée de la
main du sexe ou du genre préféré, disons, bien, il y a hélas! beaucoup de
risques qu'ils s'en prennent à quelqu'un d'autre, de vulnérable toujours...
Mme Gauthier (Audrey) : Je voulais...
Le Président (M. Picard) :
Mme Gauthier.
Mme
Gauthier (Audrey) : Oui,
pardon. Il semblerait que c'est la dynamique qu'on a. Je complète, je voulais
vous expliquer un peu le non-genré. C'est davantage peut-être au niveau des
centres d'aide. Moi, je suis une femme transsexuelle.
Si j'étais une personne agressée, que je sois chirurgicalement modifiée ou pas,
présentement j'aurais quand même cette apparence-là. Si je suis
violentée et que je me présente dans un centre pour femmes battues...
J'ai encore
lu, dans Le Devoir il n'y a pas plus longtemps qu'il y a deux
semaines, qu'une des femmes féministes disait :
Bien, nous, on ne laissera pas des hommes prétendre qu'elles sont des femmes
entrer dans nos centres d'aide, et là, bon,
tout le discours de voir le pénis comme l'arme offensante chez les femmes, et
tout ça, là. À un moment donné, c'est dans
ce sens-là qu'il faut dégenrer l'intervention. Une femme victime, qu'elle soit
trans, biologique, peu importe, c'est une
femme victimisée. On doit lui venir en aide, on ne peut pas lui fermer la porte
parce qu'elle a subi ou non des chirurgies correctrices. Et c'est à ce
niveau-là, je pense, qu'il faut dégenrer la situation.
M. Dorais
(Michel) : Quand on dit ça,
et j'insiste là-dessus, on ne dit pas qu'il faut placer dans la même salle
toutes les victimes, quels que soient leur
sexe, leur genre, leur âge, vous comprenez? Ça se peut qu'il y ait des
intervenants ou des intervenantes qui se spécialisent avec certaines
clientèles. Ça se fait déjà. Ça se peut que, s'il y a des groupes d'entraide,
des groupes soient réservés aux femmes, aux hommes. Ça, on n'en disconvient
pas.
Quand
on parle de dégenrer les services, c'est comme programme général. Maintenant, à
l'intérieur de ça, bien sûr, il y a souvent
lieu de dire : Bien, il y a des spécificités — nous-mêmes, on le dit — pour les femmes, les hommes, bon,
les personnes LGBT, par exemple. Mais ça, c'est comme n'importe quel programme,
on doit s'adapter à la clientèle plutôt que la clientèle de s'adapter à nous, je pense,
quand on donne un service comme ça. Il n'est pas question de... Je pense qu'il
faut respecter les besoins. Et on
sait qu'il y a des femmes victimes qui ne veulent pas être mises
en présence d'hommes, par exemple, dans des groupes de thérapie, et tout ça, et on doit bien sûr
respecter ça. Mais, comme organisme, si je donne des services, je peux très
bien prévoir, pas le même soir, pas
dans la même salle, bien sûr, aussi des services, par exemple, pour des
hommes ou des adolescents.
Mme Vallée : Quelles
seraient les mesures de prévention les plus susceptibles de prévenir les agressions sexuelles ou qui pourraient peut-être être... qui seraient
nécessaires pour prévenir ce dont vous avez parlé, toutes
ces agressions dont vous avez parlé? Parce que vous avez mentionné l'importance
d'agir rapidement, d'agir en amont, d'agir avant que l'agresseur ne soit
l'agresseur, évidemment, idéalement. Quel serait le type de mesures de
prévention?
M. Dorais (Michel) : L'école. C'est à l'école, comme on sait que la grande majorité
des agresseurs débutent à l'adolescence
et souvent ne réalisent même pas... Moi, j'ai plusieurs étudiants qui ont
travaillé là-dessus, là, au cours des 10, 12 dernières années. Chez les adolescents agresseurs, il y a
des services, il y en a de bonnes qualités, notamment
à Québec, mais il
n'y en a pas assez. Aussitôt qu'un
enfant ou un adolescent — parce que ça commence là — commence, il faut le prendre en charge. Il faut s'occuper aussi de sa famille.
Actuellement, moi, je reçois beaucoup d'appels. On aide les jeunes, c'est beau, mais il faudrait aussi
aider les parents qui se sentent coupables : Qu'est-ce que j'ai fait au
bon Dieu pour que mon enfant fasse
des... Et souvent ils ne savent pas trop. Il y a des parents mêmes qui
préféreraient... Si j'avais su, j'aurais
préféré que ça reste caché, parce qu'eux aussi, ils se sentent coupables. Il
faut donner des services. Donc, il faut, oui...
Le Président (M.
Picard) : En terminant, s'il vous plaît. En terminant.
M. Dorais (Michel) : ...de l'éducation sexuelle, lutter contre l'intimidation. Les
agresseurs sexuels, ça commence à
l'école. Je pense que c'est l'endroit. Parce qu'effectivement la prévention ne
peut pas être mise sur le dos seulement des victimes, comme vous dites,
il est déjà trop tard.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Mme la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, s'il
vous plaît.
Mme
Poirier : Merci. Écoutez, ça me fait plaisir que nous ayons
enfin la chance de se parler, M. Dorais, parce qu'on a eu... on a fait
des tentatives assez fréquentes pour essayer de se jaser.
Je
reviendrais sur l'aspect des femmes agresseurs. Vous dites que vous avez une
étudiante qui a travaillé là-dessus. Mais
il existe une étude, qui est, à mon avis, une des premières études qui a été
documentée, qui s'appelle Female Sexual Offenders, qui a été faite par Mme Gannon et Mme Cortoni. C'est la première étude
canadienne sur les femmes agresseurs. Et
cette étude-là, ce qu'elle vient démontrer — parce que c'est des femmes agresseurs sur
leurs enfants ou sur d'autres enfants — elle vient démontrer
l'absence totale de services autant pour elles que pour l'enfant.
Parce
que la théorie que vous nous dites à l'effet que c'est souvent symbolique
d'initiation à la vie sexuelle qui est faite par une femme plus âgée sur
un enfant plus jeune n'est pas tenue en compte ni par les
praticiens, alors le médecin qui... Si
la dame se confie, dans l'étude on dit : Bien, fais-toi-z-en pas, ça va te
passer, mais on n'offre aucun service
en échange aux enfants. Il n'y a personne qui se préoccupe, malgré une
dénonciation de la mère, dans bien des cas, de s'occuper de l'enfant victime. Et je me dis : On n'en parle
jamais, de ça. Vous dites que vous avez trouvé des cas au Québec. Je ne suis pas contente qu'on en ait
trouvé, mais, d'un autre côté, effectivement, ne pas en trouver, c'est faire
semblant que ça n'existe pas. Parce qu'on
n'a pas de statistiques, et on avait tout à l'heure les statistiques présentées
dans l'étude et d'autres groupes, on est toujours...
Et,
dans le fond, l'affichage qu'a fait la Fédération des femmes, en nous
disant : Il faut que, dans le fond, on ait un plan d'action genré, parce que c'est les femmes
qui sont victimes principalement, moi, je nous rapporte que l'agresseur,
pour moi, qu'il soit féminin ou masculin, doit être inclus dans les actions.
Vous nous dites que l'agresseur débute à l'adolescence...
M. Dorais
(Michel) : En général.
Mme
Poirier : En général. Vous nous dites que l'agresseur n'est pas
nécessairement une... que la victime n'est pas nécessairement un agresseur. Mais est-ce que vous faites le lien d'à
l'envers, que l'agresseur est, à grande proportion, une victime?
• (18 h 10) •
M. Dorais (Michel) : Pas toujours, pas toujours. Il y a plusieurs profils, il y a plusieurs
profils. Il y a effectivement, oui,
des agresseurs qui réagissent à des traumatismes mais pas forcément des agressions sexuelles, ça peut être
des traumatismes physiques, ça peut
être même l'abandon d'un parent, hein? Donc, c'est très
difficile de faire un profil pour les
agresseurs, il y en a toutes sortes. Il y a des agresseurs qui
sont, par exemple, pour les enfants, qui sont pédophiles, mais beaucoup d'agresseurs ont par ailleurs... peuvent avoir par ailleurs plusieurs partenaires adultes mais être opportunistes
et profiter d'un enfant qui est faible et
vulnérable, tout ça. Alors, c'est pour ça que c'est très difficile de faire un
profil.
Mais,
moi, quand je dis : Dégenrer, dégenrer les services, je ne contredis pas qu'il y a
des victimes qui ont besoin de programmes
qui sont particuliers, comme je le disais tantôt, pour les hommes, pour
les femmes, pour... En fait, pour moi,
l'un n'exclut pas l'autre. C'est très clair pour moi cependant
que l'ensemble des services qui devraient être offerts aux citoyens,
aux citoyennes du Québec, et en particulier aux enfants, aux adolescents,
aux adolescentes, ne devaient, eux, pas... on ne devrait pas dire :
Bien là, si tu as été agressé par une femme, tu n'as pas droit, ou tu as moins
droit, ou on n'est pas sûr, tout le monde devrait... Et, sans ça...
Je dis que,
dans l'ensemble, les programmes devraient être larges. Maintenant,
quand on les réalise, qu'on dise : Bien, tel groupe, il est pour
les femmes ou, à telle heure, c'est pour les gars, ça, évidemment, ça se
comprend. Mais effectivement, actuellement, il y a des choses qui... Beaucoup de gens le disent, les
agressions sexuelles commises par des
femmes... Et souvent d'ailleurs les femmes à l'intérieur de leur couple aussi, parce qu'on dit hommes-femmes, il y a parfois des agressions... quand il y a présence de
femmes, c'est aussi un couple, hein, il y a des cas célèbres au Canada.
Alors donc, il faut penser à toutes ces possibilités-là et être en mesure de
répondre, effectivement.
Et, comme je
disais tantôt, la beauté de l'agresseur, homme ou femme... d'ailleurs consultez
la loi, la beauté de l'agresseur,
homme ou femme, n'a rien à voir. Et, dans les services qu'on donne, on ne
devrait pas dire : C'est une belle femme ou c'est un bel homme qui t'a agressé, c'est moins grave. On
devrait offrir des services de qualité et des services à tout le monde.
Vous
comprenez, ça n'a pas de bon sens d'être en train de dire ça, mais je pense
qu'il faut le dire, on est rendus là. Parce
qu'effectivement, quand un garçon ou une fille se plaignent d'avoir été
agressés par des femmes, effectivement on
a tendance... c'est la partie cachée, là, des agressions sexuelles. On
dit : Ça n'existe pas, très peu. Mais on ne le sait pas tant que ça. Parce qu'on commence à découvrir
ça, parce qu'il y a des gens qui commencent... il y a des victimes qui
commencent à en parler et il y a des gens, des chercheurs comme moi qui
commencent à dire : Bien, il faut aussi se préoccuper de ça. Parce que les gens qui nous racontent ces histoires-là
ne nous mentent pas. Moi, je crois les victimes, là, je peux vous dire ça. Et c'est très, très... Les
fausses allégations d'abus sexuel, hein, c'est peut-être 2 %, grosso modo,
3 %, c'est très, très peu. La
majorité des victimes, quels que soient leur sexe, leur genre, etc., nous
disent la vérité, alors ont besoin d'être aidées.
Mme
Poirier : Dans le fond, on en est aujourd'hui, je dirais, au
même constat qu'il y a bien des années : un gars violenté, ça n'existe pas, donc un gars violenté
sexuellement, ça n'existe pas. Alors, c'est un peu le même mythe qu'on vit. Alors, les hommes agressés physiquement par
les femmes, ça n'existait pas, et il
faut bien voir les Maisons oxygène qui ont explosé, au Québec, de gars
qui sont victimes physiquement de femmes, principalement, qui se retrouvent là parce
qu'il y a un besoin, parce qu'il y a une réalité. Alors, cette même réalité là,
elle existe de l'autre côté, au niveau de la violence sexuelle.
M. Dorais
(Michel) : Et la forme la
plus courante étant l'inceste dans les deux cas, on le sait... enfin toutes les
différentes formes d'inceste, hein? Les abus sexuels les plus courants sont
ceux qui se produisent dans la famille proche ou pas trop loin. Mais
c'est vrai pour tous les types d'abus.
Mme
Poirier : Vous dites,
dans votre mémoire, que l'agression sexuelle dans l'enfance, donc l'inceste,
est plus fréquente chez les minorités
sexuelles. Quels sont ces... À partir de quelles données on tire cette
conclusion-là qui, à mon avis, est très importante, là?
M. Dorais
(Michel) : Il y a des
recherches aux États-Unis, là, avec des échantillons LGBT uniquement, et effectivement on obtient toujours à peu
près le double. Celles que j'ai
faites, moi — j'ai
fini ça l'année passée, là, De la honte à la fierté — on
a interviewé, c'était subventionné par le Centre jeunesse de Québec, institut universitaire, pour mieux connaître cette clientèle-là. Par exemple,
on sait que les jeunes LGBT sont trois fois et demie plus souvent suivis
par les centres jeunesse. Pourquoi? Bien,
effectivement, ils vivent plusieurs problèmes que les autres, plus souvent que
les autres, l'intimidation, l'abus sexuel,
et tout ça. Et, nous, dans notre échantillon, effectivement, par exemple, les
personnes trans, une sur trois, il
n'y en avait pas beaucoup, mais avait vécu l'agression sexuelle, mais, sur 260,
on avait des chiffres... presque une
fille sur quatre avait été agressée
sexuellement. Et, vous savez, souvent, dans les sondages comme ça, assez
larges, on sait que c'est sous-déclaré. Les
abus sexuels, de façon générale, hein, c'est sous-déclaré. Alors, nous, quand
on regarde, là, on se dit : Le
quart des jeunes femmes lesbiennes ou bisexuelles nous disent : J'ai été
agressée, là, à part de celles que je
ne suis pas... qu'elles n'en ont jamais parlé puis qui n'aiment autant pas en parler
encore, on trouve les chiffres très élevés.
Alors, effectivement, il n'y a pas énormément de
recherches, mais les quelques-unes... celle de Martin Blais aussi, à l'UQAM, qu'il a fait à peu près en même temps que
moi, avec à peu près ça, lui aussi, 250 jeunes, arrivait à ça aussi,
un peu plus que deux fois, plus ou moins
deux fois plus à risque. Et, en fait, nous, ça nous désole, mais ça ne nous
surprend pas, parce qu'on dit :
C'est les mêmes facteurs qui font en sorte que ces jeunes-là sont aussi
victimes d'intimidation. Puis, dans
l'intimidation aussi, nous... je ne l'ai pas dit tantôt, il y a quelques
jeunes... dans l'intimidation, il y avait aussi des agressions
sexuelles, et chez des garçons, mais plus encore chez les filles lesbiennes.
Dans les menaces, elles se font menacer
d'être violées parce qu'elles sont lesbiennes, d'être punies, entre guillemets,
et tout ça. Alors, oui, les personnes transgenres, on rencontre ça
aussi, et c'est terrible, et ça montre comment l'intimidation est un problème
important.
Mme
Gauthier (Audrey) : Alors,
techniquement, en fait, comme on n'avait que deux semaines pour vous présenter
un mémoire puis on ne voulait pas venir ici
les mains vides, on voulait quand même saisir des méta-analyses qui regroupent
plusieurs études,
celles-ci ont été faites souvent aux États-Unis, ça fait que, donc, le document
vous présente la compilation de ces
résultats-là, les plus grandes recherches. Puis on voulait les appuyer de
recherches québécoises, dont PAJ — PAJ, c'est Parcours amoureux des jeunes — qui est effectivement piloté par Martin
Blais, qui est un professeur-chercheur à l'UQAM en sexologie, qui ressort les mêmes chiffres. Donc, on voulait
simplement vous démontrer que les études américaines, parce qu'elles sont nord-américaines, peuvent être très
bien transposées sur les populations canadiennes ou québécoises.
Mme Poirier : Est-ce qu'il me
reste une seconde? Deux secondes?
Le Président (M. Picard) : Il
reste une minute.
Mme Poirier : D'accord. Je
reviendrais sur...
Le Président (M. Picard) :
Question-réponse.
Mme
Poirier : Merci, oui. Je reviendrais sur un sujet que vous nous
avez parlé, Mme Gauthier, précédemment. En lien justement avec le projet
de règlement de la ministre sur un autre domaine, qui est le règlement des
genres, peut-être, pour notre questionnement
à tous, comment vous voyez l'application de ce règlement-là? Et vous nous avez
fait la démonstration dans un lieu
d'hébergement pour femmes violentées. Moi, j'aimerais ça vous entendre
là-dessus. Moi, je me questionne
énormément sur l'application de ce futur règlement là, et on l'a vu dans Le Devoir,
j'ai l'impression que je ne suis pas
toute seule, là. J'aimerais ça vous entendre, puisqu'on vous a devant nous, là,
aujourd'hui. On va profiter de vous.
Mme Gauthier (Audrey) : Bien là, je
vais essayer de vous faire ça en 30 secondes.
Le Président (M. Picard) :
30 secondes.
Mme
Gauthier (Audrey) : Alors,
en fait, c'est justement par un projet de loi comme celui-là qu'on croit que,
le genre, s'il est établi sur des documents officiels, et que moi, je me
présente, et que, comme Audrey, je suis bien une
f et non pas un m, ça va faire toute la différence. Parce qu'évidemment, en
entrant dans un centre, je me présente : Je suis victime, je m'appelle Audrey, je suis un f, là on ne me
déshabillera pas sur la place publique pour dire : Mesdames les agressées, ici, regardez, là, j'ai une
nouvelle victime puis, regardez, elle est toute conforme physiquement. Alors,
on croit que cette invisibilité-là
que la loi va permettre, c'est-à-dire qu'on ait les chirurgies ou pas, qu'on
devienne une femme ou un homme à part
entière légalement, va nous assurer une forme de protection dans ces
endroits-là plus spécifiquement.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
Mme Gauthier (Audrey) :
30 secondes. J'ai été bonne.
Le Président (M. Picard) :
Ah! vous avez fait 40 secondes. Merci. Mme la députée de Montarville.
• (18 h 20) •
Mme Roy
(Montarville) :
Merci, M. le Président. J'ai presque le goût de continuer dans la... puisqu'on
a des spécialistes avec nous. Oui,
effectivement, il y a cet article-là. Et il y a la crainte du groupe PDF
femmes, qui s'inquiète du fait qu'il
y aura maintenant des transgenres. Et là c'est bien important de le dire, ce
n'est pas la même chose, transsexuel et
transgenre. Il y a des gens qui ne connaissent pas la différence. Vous venez de
nous dire que vous êtes f. Je vous crois. Transgenre, la personne se sent femme et femme dans sa tête, dans son
corps, mais a toujours des attributs de l'autre sexe, en l'occurrence le sexe mâle, parce qu'on parle de
femme ici. Et les craintes de PDF femmes... PDF Québec — ça signifie Pour le droit des femmes
Québec — c'est
qu'en modifiant le règlement avec le nouveau règlement nous aurons des transgenres, donc des personnes possédant les
attributs masculins, qui pourront s'identifier en tant que femmes dans des
espaces où des femmes seules habituellement
peuvent aller. Vous me parlez d'une maison pour femmes violentées. On peut penser aux salles de bain, on peut penser aux
vestiaires des gymnases qui sont exclusivement
réservés pour les femmes, et là on
aurait quelqu'un avec des attributs masculins qui se dit femme.
Alors, moi, j'ai une... Il faudrait
en rediscuter. J'ai une sensibilité à cet égard-là. Voilà.
Mais il faut
faire la différence. Il y a une différence entre transsexuel et transgenre. Ce
n'est pas exactement la même chose et...
Mme Gauthier (Audrey) : Votre
question.
Mme Roy
(Montarville) :
Pardon?
Mme Gauthier (Audrey) : Votre
question.
Mme Roy
(Montarville) : Ma question. Bien, je vous amène à votre
mémoire, parce que vous faites un lien... Vous nous parlez, entre autres, des recommandations que vous souhaitez
pour les jeunes trans. Et, entre autres, vous dites quelque chose, là ça a piqué ma curiosité — parce que vous allez me faire mon éducation,
parce que moi, j'apprends à tous les
jours ici — vous
nous dites, à la page... C'est l'avant-dernière page, juste avant la
conclusion, dans les recommandations, les
recommandations pour les trans, la dernière recommandation, je vais la lire
pour le bénéfice des téléspectateurs : «Des programmes spécialisés de soins qui permettent aux jeunes trans de vivre
une expérience de leur genre conforme à leur demande et leur perception incluant la réduction des méfaits, de la
prostitution et des hormones sur le marché noir.» Alors, pouvez-vous
nous en dire plus long sur cette réalité?
Mme Gauthier (Audrey) : C'est une recommandation qui vient de l'étude
américaine. Je ne l'ai pas inventée. Ceci
dit, elle s'adresse à une clientèle plus particulière des transgenres qui, pour
arriver à leurs fins, vont parfois glisser vers la prostitution, le
marché noir, tout ça.
Ceci
dit, ça demeure des clientèles vulnérables, et ce n'est pas parce qu'elles sont
dans cette situation vulnérable qu'on
ne les traite pas comme hommes ou comme femmes de par leur apparence. Moi, des
transgenres qui ont habit, cravate, et
qui se disent femmes, et qui disent s'appeler Claire, là, je n'en connais pas
beaucoup. La majorité des femmes transgenres ou transsexuelles sont très près de mon apparence. Et, quand vous
référez à ça, je la comprends, la peur, parce qu'elle fait partie de la peur de la population, et c'est
ce qu'on entend par transphobie. En général, en transphobie, on va croire
qu'un homme qui se dit être une femme est un
peu «fake», un peu faux, qu'il n'est pas tout à fait ce qu'il dit être, et ça, c'est de la transphobie. La personne qui sait
s'identifier comme femme ou comme homme, il faut la croire. Et c'est à lui
ou à elle de vivre ensuite son genre et de s'assumer, et tout ça.
Donc,
je ne pense pas qu'il y a personne qui va rentrer en habit, cravate dans un
centre pour femmes battues puis qui
va dire : Je m'appelle Claire puis je suis une femme. Il faut s'enlever
cette perception-là de peur, qui n'existe pas.
M. Dorais (Michel) : Bien, sans compter... C'est sûr, sur le plan théorique, vous avez
raison, transgenre, transsexuel, ce
n'est pas forcément la même chose. Mais, dans la réalité, il y a beaucoup de
gens en transition, c'est-à-dire... Donc,
c'est que, dans les faits, tout le monde n'est pas clair comme ça. C'est ce que
je veux dire. Une personne en transition peut être partie... dire : Bien, j'ai été transgenre longtemps,
vous dira la personne, puis là, soudainement, elle va vous dire qu'elle s'identifie plus... Vous savez,
l'identité, des fois, pour certaines personnes, c'est quelque chose en
mouvement, quelque chose labile, c'est quelque chose qui peut bouger.
Alors, ce serait plus simple si ce n'était pas comme ça, me direz-vous, mais ce
n'est pas comme ça, ça a l'air.
Et on a aussi la
situation des personnes intersexuées, il ne faut pas oublier, qui ont donc à la
naissance les deux sexes, quand même près de
2 % de la population. Et traditionnellement on opérait les gens, on le
fait de moins en moins, on va le
faire de moins en moins, semble-t-il. Les médecins sont plus au fait de ça
maintenant, dire : Bon, on va laisser les gens vivre avec qui ils
sont.
Et
aussi on a le cas des jeunes transgenres, des adolescents, des adolescentes,
qui ne peuvent pas, parce qu'il faut être...
Pour l'opération, hein, il faut être majeur. Alors, moi, je le vis, je connais
des jeunes, actuellement dans l'école, là,
par exemple, qui... quelqu'un qui est né garçon, et l'école a accepté que cet
enfant-là aille dans les toilettes pour filles et... quand les jeunes sont divisés par sexe, selon son apparence, qui
est l'apparence d'une jeune fille, d'une adolescente assez standard,
finalement. Mais évidemment il faut que l'école soit d'accord.
Donc, on voit que ce
n'est pas toujours clair, hein, et qu'il y a toujours des cas particuliers qui,
oui, rendent la chose... qui demandent
quasiment du cas à cas et qui demandent surtout aux intervenants et au milieu
une ouverture d'esprit.
En
passant, on a toujours l'impression qu'il n'y en a pas tant que ça, mais
finalement, quand on s'ouvre à cette réalité,
on ouvre une petite porte puis on dit : Bien, voilà, maintenant, ça
accommode plus de gens. Parce que, nous, ce que notre enquête a montré, c'est que les jeunes LGBT se révèlent et se
découvrent de plus en plus tôt, et ça, hein, c'est mondial. Avant, les premières recherches
là-dessus, les gens commençaient à en parler puis à le dire, hein, au début de
l'âge adulte. Maintenant, au Québec, chez les garçons, la moyenne de la découverte,
c'est 12 ans, et l'âge moyen de la révélation, c'est 14 ans. Les
filles, à peu près pareil, là, 13 ans, la découverte de soi, en
disant : Je suis lesbienne, bisexuelle,
etc., et la révélation, 14, 15 ans. Donc, ces jeunes-là... Et, chez les
jeunes trans aussi, c'est de plus en plus tôt que les gens disent : Bien, woups! mon corps ne va peut-être
pas avec... Ça commence souvent dès
l'enfance, hein? Alors donc, il faut
des services pour ces jeunes-là quand des malheurs comme l'agression sexuelle
leur arrivent, effectivement.
Le Président (M.
Picard) : Je cède maintenant la parole à Mme la députée de
Sainte-Marie—Saint-Jacques.
Trois minutes.
Mme
Massé : Merci, M. le Président. Ça pourrait être tentant d'aller
là-dessus, mais j'ai entendu la ministre nous dire qu'on aura un autre temps pour en parler. Alors, je vais revenir au
niveau des agressions, parce que, comme vous dites, tout le monde... En fait, ce que je comprends, ce n'est pas...
vous ne tenez pas à ce que l'aide soit dégenrée mais que tout le monde,
peu importe leur aide, ait accès à des services. C'est ce que j'ai finalement
compris dans votre préoccupation.
Ma
question serait... On a eu des groupes qui sont venus nous expliquer, à partir
de leur grille d'analyse féministe, que
l'hétéronormativité et ce qu'elles ont appelé la masculinité hégémonique
avaient un rôle important dans les agressions sexuelles chez les femmes, mais elles ont parlé aussi pour les
lesbiennes, bon, peu... J'aimerais vous entendre là-dessus. Est-ce que vous croyez, dans les faits, à partir
de vos recherches, que les agressions sexuelles orientées vers les communautés
LGBT relèvent de cette même logique de l'hétéronormativité et de la masculinité
hégémonique?
M. Dorais
(Michel) : On peut
certainement... C'est une lecture qu'on peut très certainement adopter,
d'autant que les garçons et les
filles LGBT qui ont été victimes d'agression le disent très souvent. Parfois
même, l'agresseur, quand c'est une agression
particulièrement violente, là, c'est présenté. Et, surtout quand c'est dans le
cadre d'intimidation, c'est présenté
clairement comme ça pour les punir d'être différents, donc de ne pas être
genrés ou orientés sexuellement comme la majorité.
Bien sûr,
l'homophobie est une manifestation de sexisme et d'hétérosexisme aussi, hein,
il faut bien le dire. Vous savez,
bien souvent... Au Québec, on a fait beaucoup de pas. Il en reste encore pour
l'égalité des femmes, mais... L'égalité du masculin et du féminin, on a des pas à faire, hein? Parce qu'encore
le masculin est considéré supérieur au féminin, parce qu'un homme qui démontre un peu trop de féminité est considéré
comme un sous-homme. Alors, ce sont toujours les garçons les plus
intimidés, et tout ça.
Alors, si le
garçon se dit : Bien, j'ai été violé, il va se sentir coupable, va
dire : Ah! bien, peut-être que j'étais un peu différent et que je l'ai bien cherché. Est-ce
qu'une victime l'a bien cherché? On ne le dit plus pour les femmes, Dieu merci!
J'espère qu'on ne le dira pas non plus pour
les garçons. Mais, cette mentalité, qu'on pourrait dire sexiste ou
hétérosexiste, fait encore beaucoup de dégâts, j'en conviens.
Le
Président (M. Picard) : Merci. Donc, je vous remercie, M.
Dorais et Mme Gauthier, pour votre apport aux travaux de la commission.
Et je remercie tous les collègues et le personnel qui les accompagne.
La commission
ajourne donc ses travaux à demain, le mardi 17 mars 2015, après les
affaires courantes, afin de poursuivre son mandat. Bonne soirée à tous.
(Fin de la séance à 18 h 29)