(Quinze heures trois minutes)
Le Président (M. Picard) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la
Commission des relations avec les citoyens ouverte. Je demande à toutes les
personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs
téléphones cellulaires.
Le mandat de la commission est d'examiner les
orientations, les activités et la gestion du Curateur public, conformément aux
articles 293.1 et 294 du règlement de l'Assemblée nationale.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, M. le
Président. M. Bureau-Blouin (Laval-des-Rapides) est remplacé par
Mme Proulx (Sainte-Rose); M. Richer (Argenteuil), par
Mme Gadoury-Hamelin (Masson).
Le Président (M. Picard) :
Merci. La séance débutera par une présentation du Curateur public, suivie d'une
période d'échange avec les membres de la commission. Bienvenue, M. Jutras,
vous connaissez bien les lieux en tant qu'ex-député de Drummond. Je vous invite
à présenter les gens qui vous accompagnent et à faire votre présentation pour
une durée maximale de 30 minutes. Par la suite, il va y avoir des échanges
jusqu'à 6 heures. Donc, M. Jutras.
Exposé du Curateur
public, M. Normand Jutras
M. Jutras
(Normand) : Alors, M. le Président, membres de la commission, alors, dans
un premier temps, je veux vous remercier, je veux remercier les membres de la commission de vous être donné le mandat
d'entendre le Curateur public et de nous donner l'occasion donc de vous
dire quelles sont les orientations qui sont prises au Curateur public au cours des dernières années, quelles sont les
actions que nous accomplissons et de quelle façon nous nous acquittons
de notre mission.
Alors, je vous présente donc ceux qui m'accompagnent.
Alors, à ma gauche immédiate, c'est M. Pierre Lamarche,
qui est directeur général des services aux personnes et directeur général des
technologies de l'information par intérim;
et, à la gauche de M. Lamarche, Raynald Leblanc, qui est directeur général de
l'administration, de la planification et
des communications; à ma droite immédiate, Mme Jocelyne Hallé, qui est
secrétaire générale et directrice du Bureau des plaintes. Il y a aussi Me Nicole Filion, qui est directrice générale
des affaires juridiques; François Loiselle, qui est directeur des
communications; Patrice Éthier, qui est conseiller; et Mme Guylaine Queenton,
qui est directrice des ressources humaines.
Alors,
d'abord, ce que je veux vous dire, c'est que je suis en poste, vous le savez,
depuis le 7 mars dernier et je tiens à vous dire à quel point j'ai été
impressionné par, et de un, l'ampleur de la tâche qui est accomplie au Curateur
public et la complexité aussi de cette tâche-là.
Alors, je
vais donc diviser mon allocution en deux temps. Dans un premier temps, vous
présenter la mission du Curateur public et, dans un deuxième temps, vous
parler des résultats en fonction de notre plan stratégique et quels résultats
apparaissent dans notre rapport annuel de 2011‑2012.
Alors,
d'abord, concernant la mission du Curateur public, alors, nous nous occupons
des personnes inaptes et nous voyons à la protection de ces personnes,
qui sont parmi les plus vulnérables dans notre société, d'où le fait que c'est certainement une des missions les plus nobles qui
soient. Alors, qui sont les personnes inaptes? Ce sont des personnes qui
sont incapables de prendre soin d'elles-mêmes ou encore de leurs biens ou des
deux à la fois. Et notre mandat, par rapport
à ces personnes, et ce mandat nous vient du Code civil, là, et de la Loi sur le
curateur public, c'est d'abord un devoir de protection de ces personnes.
Nous devons voir à leurs meilleurs intérêts, nous devons protéger leurs droits
et voir à l'exercice de leurs droits, voir à l'administration de leurs
patrimoines, et cela, tout en sauvegardant leur autonomie. Et toutes ces décisions que nous devons prendre
par rapport aux personnes inaptes, ce qui doit nous guider,
principalement, tout le temps, c'est
l'intérêt de cette personne-là. L'encadrement du Curateur public, c'est la Loi
sur le curateur public et le Code civil du Québec, principalement.
Alors, qui sont donc ces personnes inaptes? On
parle, au total, là, j'arrondis les chiffres, M. le Président, on parle de 42 400 personnes qui sont sous régime de protection au Québec. Et là
ça se divise en trois temps. D'abord, les personnes qui sont sous un régime public, c'est-à-dire qui relèvent du
Curateur public; alors, il y en a 13 100. Il y a les personnes qui
sont sous un régime privé, c'est-à-dire qu'un proche ou quelqu'un de la famille
a accepté de prendre charge de la personne; alors, il y en a 17 600. Et
enfin il y a les mandats qu'on appelle les mandats homologués, c'est-à-dire les
mandats qui ont été signés en prévision de l'inaptitude d'une personne, et il y
en a 12 300.
Alors, je
vous parle en premier des 13 100 personnes qui sont sous régime du
Curateur public, c'est-à-dire les personnes dont nous nous occupons au
quotidien. Encore là, qui sont ces personnes? À 40 %, ce sont des
déficients intellectuels; 30 %, ce sont
des gens qui ont des problèmes de santé mentale; 20 %, ce sont des gens
qui ont des problèmes de maladie
dégénérative, c'est-à-dire, généralement, l'alzheimer ou démence sénile, et, un
10 %, traumatisme crânien ou autres raisons.
Par contre, ce qu'on constate au cours des dernières années, c'est l'augmentation
du nombre de cas de maladie dégénérative, en
raison évidemment du vieillissement de la population, de sorte que, si vous
regardez, au cours des dernières années, le nombre de nouveaux cas qui
nous arrivent au Curateur public, bien, maintenant, c'est près de 50 %,
49 %, ce sont des cas de maladies dégénératives; 25 % des gens qui
ont des problèmes de santé mentale; 20 % des gens qui ont des problèmes de
déficience intellectuelle et 5 % des traumatisés crâniens.
Alors donc, ce que vous devez retenir, c'est qu'on
a de plus en plus d'ouvertures de régimes pour des personnes atteintes de
maladie dégénérative, et cela, dû au vieillissement de la population. Et, en
fait, si on regarde ce qui se passe au
Curateur public comparativement à il y a quelques années, il y a quelques
années, au Curateur public, vous aviez des personnes déficientes
intellectuelles qui avaient un chèque d'aide sociale, de façon générale, et
vous aviez des personnes âgées qui avaient
un chèque de pension de vieillesse. Mais on voit que ça change énormément,
je vous l'ai dit, entre autres, beaucoup de
gens maintenant qui ont des maladies dégénératives, mais aussi qui nous
arrivent avec des patrimoines qui sont
beaucoup plus riches et beaucoup plus diversifiés qu'auparavant. Ça, je
reviendrai là-dessus.
• (15 h 10) •
Alors donc, on s'occupe de ces personnes-là au
quotidien et, s'il y en a parmi vous, là… Bien, vous savez, premièrement, ce qu'il en est de votre vie personnelle, tout ce que vous avez à
accomplir dans votre vie personnelle, les formulaires que vous avez à
faire, vos déclarations d'impôt, tout ça, on le fait pour 13 100
personnes. Mais aussi, s'il y en a parmi vous qui ont eu à s'occuper à un moment donné d'une personne atteinte d'une maladie dégénérative, un père ou une mère, toutes les personnes qui ont à
s'occuper de… qui ont eu à vivre une telle expérience, tous vont vous
dire que c'est effectivement quelque chose de très lourd.
Alors, je
vous donne des exemples. Entre
autres, au Curateur public, annuellement, on fait 26 000
déclarations d'impôt, 13 000 au
fédéral, 13 000 au provincial. Tous ces gens-là, on paie leurs
médicaments. Si la personne est dans un logement, on paie toutes ses factures, son loyer, son câble, son électricité,
on s'occupe de son renouvellement de bail. Si la personne a sa maison, s'il y a une hypothèque, on paie l'hypothèque,
on paie, encore là, toutes les factures qui sont afférentes à une maison. Si, à un moment donné, la toiture a besoin
d'être rénovée, on s'en occupe, s'il y a des travaux de plomberie à
faire faire... C'est le quotidien du Curateur public.
On consent aussi… on gère les petites dépenses
de ces personnes-là, parce qu'entre autres, les personnes qui sont à l'aide sociale, à la sécurité du revenu, on
est en mesure de leur remettre une allocation hebdomadaire pour qu'ils
puissent s'acheter ce qu'on appelle des petites gâteries. Alors, encore là, on
gère ça. Le consentement aux soins, on donne
9 000 consentements aux soins par année pour des gens qui ne sont pas en
mesure, là, de réaliser quels traitements
ils ont à subir, quelles sont les conséquences, quels sont les risques. On
achète des vêtements selon les
saisons — puis
l'hiver s'en vient — on a à
acheter des vêtements pour ces personnes-là. L'été, c'est la même chose.
On organise des funérailles, parce que,
souvent, des personnes sont esseulées et c'est nous qui avons à organiser les
funérailles quand la famille ou les proches ne sont pas là.
Juste la
gestion des patrimoines, on gère 400 millions de dollars par année. Au
cours des quatre dernières années, on a connu une augmentation des
patrimoines que l'on gère, au Curateur public, de 18 %. Alors, on est
rendus à un patrimoine total de
400 millions de dollars, dont, entre autres, 450 immeubles à travers le
Québec. Et, là-dedans, ça peut être un chalet, ça peut être un terrain
vacant, mais ça peut être un immeuble à revenus, quatre logements, 16
logements. On s'est même retrouvés il y a quelque temps avec une ferme laitière
dont il nous a fallu prendre possession et gérer.
Alors, c'est
vous dire… Vous savez comment les vies de tous un chacun sont variées, bien, on
a 13 000 personnes dont nous avons à gérer la vie de cette façon-là
au quotidien.
Et je vous donne l'exemple : Entre autres, quand
la personne nous arrive, bon, bien, qu'est-ce qu'on fait avec la personne? Où
logera-t-elle? Il nous faut faire l'inventaire des biens. Qu'est-ce qu'on fait
des biens? Est-ce qu'on les entrepose?
Est-ce qu'on les vend? Est-ce qu'on les donne? Il faut rencontrer la famille.
Il faut discuter avec la famille des orientations que nous devons
prendre. Il faut faire un plan de représentation, autrement dit un genre de
plan de vie pour cette personne-là qui est avec nous.
Par ailleurs,
aussi… ça, c'est dans le cas des 13 000 personnes qui sont sous curatelle
publique, donc qui relèvent de moi.
Vous avez aussi 17 000 personnes qui sont sous un régime de protection
privé, c'est-à-dire quand la famille ou un proche a accepté de prendre charge de la personne. Alors, dans ces
cas-là, nous surveillons l'administration des patrimoines. Alors, à
chaque année, ces gens-là doivent nous faire un rapport de leur administration.
On voit ce qu'il en est, si le rapport est conforme, ça va. S'il y a quelque
chose qui nous apparaît ne pas aller, on pose des questions. Si on a des
explications, bravo, mais, si on n'a pas d'explication ou s'il nous apparaît y
avoir une dilapidation du patrimoine, bien là il faut faire enquête et parfois
même en venir au remplacement de la personne.
On intervient
aussi sur les cas de signalement, les cas d'abus physique, les cas d'abus
financier. Souvent, ce sont des personnes
inaptes, ce sont des personnes vulnérables, et, au Curateur public, au total,
on traite environ 450 signalements par
année. Nous avons un service d'enquête qui nous permet, là, de voir
effectivement s'il y a abus financier ou s'il y a maltraitance.
Pour
accomplir ce mandat, quelle est l'organisation? Le Curateur public, c'est 650
employés, des avocats, des comptables,
des administrateurs, travailleurs sociaux. C'est un budget de 55 millions.
Nous avons 11 points de service à travers le Québec, parce que les
personnes inaptes sont partout sur le territoire du Québec, alors il faut donc
aller les rejoindre là où elles sont. Nos
collaborateurs, en premier, évidemment, ce sont les familles, le réseau de la
santé et des services sociaux, les
ministères et organismes gouvernementaux — principalement le ministère de la Santé et
des Services sociaux et le ministère
de l'Emploi et de la Sécurité du revenu — les milieux juridiques, les organismes
communautaires.
Et le fonctionnement, somme toute, le Curateur
public, en vertu de la Loi sur le curateur public, c'est une personne physique. C'est ça que la loi prévoit.
Alors donc, le curateur public, c'est Normand Jutras. Auparavant, c'était
Diane Lavallée, auparavant c'était Nicole Malo. Et il n'y
a pas de conseil d'administration. Je suis assisté dans mes fonctions par les
personnes que je vous ai présentées il y a quelques minutes, à savoir : le
comité de direction; il y a un comité de
placement, qui me conseille aussi pour le placement des argents; il y a un
comité de protection aussi, des gens
qui viennent du milieu des affaires sociales, qui me conseillent quant à la
protection des personnes et la représentation des personnes; et il y a
finalement un comité d'audit ou un comité de vérification que nous avons à l'interne,
sans compter le Vérificateur général, qui passe à peu près de quatre à cinq
mois chez nous, au Curateur public, non pas parce qu'il soupçonne de
malversations ou quoi que ce soit, mais c'est parce qu'on administre les
patrimoines de 13 000 personnes. Alors, il voit donc de quelle façon ces
patrimoines sont administrés.
Et les
valeurs qui nous animent principalement, ce sont des valeurs de respect,
d'empathie et d'ouverture d'esprit, qui se rajoutent à celles de l'administration
publique québécoise, soit la compétence, l'impartialité, l'intégrité, la
loyauté, le respect.
Maintenant,
j'en arrive à la deuxième partie de mon allocution, en fonction des résultats.
Alors, les défis auxquels nous devons
faire face, au Curateur public, d'abord, je vous en parlé quelque peu, c'est le
vieillissement de la population. Alors, les personnes étant
vieillissantes... bien, plus une personne est vieillissante, plus elle a de
risques de devenir atteinte d'une maladie dégénérative. Et, je vous le disais,
maintenant, 49 % des nouveaux cas, ce sont des cas de personnes atteintes
de maladie dégénérative.
Mais d'autres
défis auxquels il nous faut faire face, c'est entre autres les familles qui
sont plus petites qu'avant. Auparavant,
quand vous aviez cinq, sept enfants, ça allait bien... ça allait mieux, en tout
cas, pour trouver une personne proche
pour s'en occuper. Mais, quand vous avez deux enfants, et le père est à
Sept-Îles, il a un fils à Gatineau puis l'autre à Paris, vous comprenez
que c'est difficile d'obtenir une implication, de la famille immédiate à tout
le moins. Alors donc, familles plus petites,
les familles qui sont dispersées. Quand, auparavant, toute la famille vivait
dans le même rang, ça allait bien,
mais là ce n'est plus le cas. Les familles éclatées aussi. Les familles qui,
malheureusement, souvent, sont divisées,
la chicane dans la famille. Quand vient le temps, là, de choisir un
représentant, souvent, la famille est divisée... souvent. Il arrive,
quand la famille est divisée en deux clans, un soupçonne l'autre d'exploiter la
personne inapte. Alors, souvent, ça va même
se rendre devant le tribunal, à savoir s'il y a lieu qu'une personne de la
famille prenne charge ou si c'est le Curateur public qui doit prendre
charge.
Et nous avons
aussi, évidemment, des patrimoines plus importants et plus diversifiés qui nous
arrivent. Je vous parlais de l'augmentation qu'on a connue au cours des
dernières années, et ça, c'est une tendance, là, qui est à la hausse de façon
irrémédiable, là, toujours, de plus en plus, parce qu'entre autres les femmes,
au cours des dernières décennies, ont été beaucoup plus sur le marché du
travail, et elles arrivent donc elles aussi avec des patrimoines plus importants, les hommes aussi. Alors, ça veut dire
que les patrimoines qui nous arrivent, là, souvent, sont très complexes,
des REER, des actions, des obligations, des
placements, des placements à l'étranger, des immeubles de toutes
natures. Alors, vous comprenez que gérer ces
patrimoines-là, c'est beaucoup plus difficile. Et aussi, sur la question des
défis, vous comprenez que les personnes nous arrivant plus âgées, elles
sont moins longtemps sous un régime de protection. Alors, ça veut dire qu'on procède à l'ouverture, mais, bien souvent, pas
longtemps après, on procède à la fermeture. Et, dans un régime, c'est
toujours ça qui est le plus de travail, là, l'ouverture du régime et la
fermeture du régime. Et ces deux échéances-là, maintenant, sont beaucoup plus
rapprochées.
Alors, dans notre plan stratégique, on a pris
trois grandes orientations. La première : s'assurer de la qualité de la représentation des personnes protégées; la
deuxième, qui est de favoriser l'implication des familles et des
partenaires dans la protection des personnes inaptes; et, troisièmement,
optimiser l'utilisation des ressources de l'organisation.
• (15 h 20) •
D'abord,
s'assurer de la qualité de la représentation des personnes inaptes. Alors, nous
avons adopté, au cours des dernières années, et mis en oeuvre, même, au
cours de la dernière année, une nouvelle politique sur l'ouverture des régimes, à savoir, on se pose plus de questions maintenant, à savoir : Est-ce que c'est nécessaire
d'ouvrir un régime? Ce n'est pas vrai que, parce qu'une personne est
inapte, qu'il faut nécessairement ouvrir un régime. Et vous l'avez vu
probablement souvent dans vos familles, la personne n'est plus en mesure d'administrer
ses biens, mais ce n'est pas nécessaire,
dans tous les cas, d'aller devant le tribunal. Ça peut très bien se faire à
partir du mandat domestique, qu'on appelle,
du mandat entre conjoints, mais ça peut très bien se faire aussi à partir d'une
procuration. Alors, ça, donc : Est-il nécessaire d'ouvrir un
régime?
L'autre point, c'est la proportionnalité du
régime, et c'est peut-être un élément auquel on attachait moins d'importance
auparavant au Curateur public. Plutôt que de prendre tous les avoirs de cette
personne-là et tous ses droits, est-ce qu'on
ne peut pas établir des proportions et faire en sorte que cette personne-là
garde davantage l'exercice de
certains droits? Et ça lui permet donc de sauvegarder davantage son autonomie.
Et, nous aussi, c'est une obligation qui nous est faite par le Code
civil du Québec de voir à sauvegarder l'autonomie des personnes.
Puis, en fin
de compte, le dernier élément, c'est la subsidiarité, et ça, il nous faut le
rappeler à tous les intervenants, il nous faut le rappeler aux familles,
aux intervenants du milieu de la santé et des services sociaux, le Curateur public, ça doit être le dernier recours. C'est,
quand on s'en va au tribunal et que le tribunal nous confie la personne,
bien là, évidemment, nous, nous devons en prendre charge, mais il faut garder
en tête que ça doit toujours rester le dernier recours. Et aussi il faut que le Curateur public maintenant garde
toujours en tête que c'est le dernier recours. Mais aussi, durant tout
le temps de l'administration du régime, est-ce que c'est nécessaire qu'il y ait
toujours maintien d'un régime de protection? Est-ce que cette personne-là n'a
pas suffisamment récupéré pour finalement pouvoir récupérer l'exercice de certains droits? Alors, c'est une
question qu'il nous faut garder aussi durant tout le temps de l'administration
du régime. C'est vrai que l'on fait des
réévaluations, selon la loi, aux trois ans ou aux cinq ans, mais même avant ça.
Et aussi, en gardant le contact avec la famille… Peut-être que la famille,
quand s'est présenté le cas d'inaptitude, n'était pas en mesure d'accepter la charge. Peut-être
qu'une personne n'était pas en mesure d'accepter d'agir comme curateur,
mais, avec le temps, un an, deux ans après, la personne peut se dire :
Bien, oui, maintenant, le choc est passé. Parce que, souvent, aussi, c'est souvent une situation dramatique qui se vit
dans la famille, mais, une fois que le drame s'est estompé, bien,
peut-être que la personne maintenant peut accepter d'agir comme curateur ou
comme tuteur.
Nous procédons aussi maintenant davantage à des
plans de représentation, c'est-à-dire : Quel est le plan de vie de cette personne-là? On n'a pas à prendre une
personne puis dire : Bon, bien, là, la vie continue son bout de
chemin, puis on verra ce qui arrivera. Il
nous faut donc maintenant voir au volet psychosocial et le milieu de vie de
cette personne-là, le volet biomédical, le volet légal. Est-ce que cette
personne-là aura des droits à faire valoir au cours des prochaines années ou au
cours des prochains mois? Est-ce qu'elle devra, par exemple, faire valoir des
droits dans le règlement d'une succession? Est-ce qu'elle payait une pension
alimentaire, maintenant elle n'a plus à la payer? Et voir aussi au volant
financier. Et ce plan de représentation là, tout dépendant de l'évaluation de
la personne, bien, effectivement, il nous faut toujours le réévaluer.
On a mis en oeuvre
aussi une politique sur le traitement des abus financiers. Alors, nous
participons, au Curateur public, là,
au plan général du gouvernement concernant la maltraitance à l'endroit des
aînés. Vous le savez, c'est un plan qui a été mis de l'avant au cours
des dernières années. Alors, le Curateur public est un intervenant dans ce
domaine-là. On représente des personnes inaptes, on représente des personnes
qui sont vulnérables, souvent qui peuvent être facilement victimes d'abus. Alors, il nous faut donc les protéger.
Alors, je vous disais, entre autres, qu'on participe à ce plan-là, on a
consolidé un service d'enquête, on a maintenant cinq enquêteurs au conseil, au
Curateur public. Il arrive que, souvent, ces
signalements-là ne soient pas fondés, mais, à tout le moins, il faut aller
voir, et, quand on a le résultat, bien, on peut donc agir en
conséquence.
Deuxième orientation que nous avons prise dans
le plan stratégique, qui est 2011-2016, c'est de favoriser l'implication de la famille et des partenaires.
Alors, nous sommes convaincus, au Curateur public, que c'est les gens de
la famille, ce sont les proches qui peuvent le mieux s'occuper d'une personne
inapte parce qu'ils la connaissent depuis longtemps, parce qu'ils connaissent
ses besoins, ses goûts, ses désirs. Alors, on fait donc, depuis un certain
temps, un virage famille pour faire en sorte que les familles s'impliquent davantage
auprès de leurs proches.
Et on a même
fait un sondage à savoir : Qu'est-ce
qui incite les gens à accepter cette tâche-là? Puis qu'est-ce qui les rebute? Et on a, avec les résultats du sondage que
nous avons eu, bien ça nous permet d'agir en conséquence. Comme, par exemple, on s'est aperçu qu'un des obstacles, les
gens doutent de leurs capacités. Alors, nous, on leur dit : Bien,
écoutez, vous doutez… on est là pour vous
accompagner. Oui, on a un mandat de surveillance de votre administration, mais
on a un mandat de vous accompagner, et on
sera là pour répondre à vos appels, on sera là pour vous rencontrer, on sera là
pour vous donner des renseignements. Et, quand les gens se sentent ainsi
réconfortés, ils n'ont pas l'impression que c'est une montagne qui se dresse
devant eux, et, à ce moment-là, ils acceptent davantage, là, le mandat d'agir,
à savoir, comme tuteur ou comme curateur.
Et, pour en
venir à cela, on a mis en oeuvre de nouvelles façons de faire. Comme, par
exemple — on a
commencé cette année — on
réunit des personnes qui sont nouvellement nommées curateur ou tuteur, on les
réunit. Et on leur donne, somme toute, un cours, de l'information, on leur
donne des dépliants, là, je pourrai vous les montrer quand on répondra aux questions… mais on leur donne de
l'information pour que les gens se sentent rassurés et qu'ils voient que
ce n'est pas si sorcier que ça que
d'accepter d'agir comme tuteur ou comme curateur. Et ça permet à ces gens-là de
réaliser qu'ils ne sont pas seuls et qu'il y en a d'autres qui sont dans la
même position qu'eux, et ça leur permet aussi de développer un réseau et même un réseau d'entraide, à savoir qu'ils
peuvent nous rejoindre, ils peuvent nous appeler, ça va nous faire plaisir de les aider et de leur donner
tous les renseignements qu'ils veulent, mais aussi, entre eux, ils
vivent les mêmes problèmes et ils peuvent donc s'entraider.
Alors, un autre mandat dont nous voulons nous
acquitter davantage, c'est de faire connaître davantage les mandats en prévision de l'inaptitude. Alors, on a
fait de la publicité au cours des deux dernières années.
Présentement, on a environ 36 % des
Québécois qui ont signé un mandat d'inaptitude, à savoir, c'est un contrat
entre deux personnes et on confie à
l'autre : S'il m'arrive quelque chose, si je deviens inapte, je voudrais
que tu prennes charge de l'administration de mon patrimoine et que tu
prennes charge de ma personne. Alors, c'est une heureuse solution, là, dans
beaucoup de cas, on veut augmenter le nombre
de Québécois qui font un mandat d'inaptitude. Les gens pensent que c'est
compliqué, que c'est onéreux, qu'il faut
aller voir un notaire, il faut aller voir un avocat. Ce n'est pas le cas. Vous
pouvez vous contenter d'aller sur le site Web du Curateur public, on a
un formulaire, vous avez à le compléter, vous le signez devant deux témoins, et c'est tout à fait valable.
Alors, et j'invite tous les parlementaires qui sont ici, si ce n'est déjà fait,
je vous en prie, faites-le et parlez-en aussi à vos commettants.
Il nous faut
aussi… Je parle de l'implication des familles, mais aussi on veut davantage
agir en complémentarité avec les
intervenants du réseau de la santé et des services sociaux et aussi avec le
ministère de l'Emploi et de la Sécurité du revenu. Alors, nous avons établi des ponts avec ces gens-là, nous avons
donné des formations dans les centres hospitaliers, entre autres, là,
pour que les gens sachent c'est quoi, le Curateur public puis c'est quoi,
le rôle du Curateur public par rapport, par
exemple, à un travailleur social. Et ça nous permet de mieux comprendre le rôle
de chacun et ça nous permet aussi de
voir que, entre autres, une sensibilisation que l'on veut faire, même auprès de
ces intervenants-là, c'est de leur dire : Bien, les familles en
premier, et, après, le curateur public. Mais on aura l'occasion d'y revenir.
Enfin,
l'optimisation des ressources de l'organisation. Alors, on a adopté une
stratégie d'attraction et de rétention de notre personnel, parce qu'au
curateur public, comme dans d'autres organisations, on a un certain roulement
de personnel. Alors, comment on peut faire
en sorte de garder davantage ces gens chez nous? On a procédé aussi, au
cours des dernières années, à la modernisation des technologies de l'information,
ce qu'on appelle la PSTI, alors donc on parle de
planification stratégique des technologies de l'information. On a connu un
mauvais départ à cet égard, on a redressé la situation.
C'est un dossier qui est sous surveillance constante, mais on peut vous dire
que présentement le dossier est sous contrôle.
• (15 h 30) •
Enfin,
on a amélioré notre efficience, entre autres en modifiant notre grille tarifaire — parce
que, dans certains cas, on charge des honoraires aux personnes que
l'on représente — parce que ça nous apparaissait une question
d'équité. Pourquoi une personne qui a de l'argent et qui est sous la
surveillance du Curateur public ne paierait pas, alors que la personne qui a de l'argent, qui est sous un régime
privé, elle, doit payer un comptable, doit payer des conseillers pour s'occuper
de son patrimoine?
Alors, je conclus
donc en vous disant que, comme vous le voyez, au Curateur public, nous n'avons
pas été attentistes, nous avons su
identifier les défis auxquels nous devons faire face et nous avons entamé... adopté, c'est-à-dire, de nouvelles politiques. On est à les mettre en oeuvre pour bien faire
face à ces défis-là. Moi-même, comme curateur, j'ai entrepris une
tournée du Québec, d'aller voir les personnes que je représente, et, que ce
soit dans CHSLD ou que ce soit dans une ressource
intermédiaire, que ce soient des déficients intellectuels ou des gens qui ont
des problèmes de santé mentale, pour voir dans quelles
conditions ces gens-là vivent.
Mais
ça me permet aussi d'établir des liens plus étroits avec les intervenants du
milieu. Je rencontre souvent... je rencontre
tout le temps, à ce
moment-là, le travailleur social qui
est en charge de la personne, je rencontre les intervenants de la santé
et des services sociaux... J'ai vécu une expérience assez extraordinaire effectivement
dans l'Outaouais cet été, où, effectivement, maintenant, les relations entre le Curateur public et les
intervenants du milieu... parce que des ponts bien construits se sont établis.
Et ces gens-là travaillent maintenant main dans la main.
C'est sûr que notre
tâche va sans cesse en augmentant, nous en sommes conscients, pour les raisons
que je vous ai mentionnées tantôt. C'est souvent difficile, mais nous y
arriverons. En fait, c'est une mission sociale — vous le réalisez — qui est de première importance. Ce sont les
gens les plus vulnérables dans notre société. Alors, il faut voir à leur
protection, il faut voir à leur protection de façon quotidienne. Et je profite
de l'occasion que j'ai aujourd'hui de m'adresser à vous pour remercier le
personnel du Curateur public. J'ai une équipe de proches collaborateurs qui est
extraordinaire, mais aussi, les employés du
Curateur public, ce sont des gens, comme on dit, qui ont la mission
tatouée sur le coeur, qui sont dévoués à la
cause des personnes inaptes et qui accomplissent, là, je vous le dis, un
travail extraordinaire.
Alors,
voici, rapidement, là, j'avais une demi-heure, mais on a deux heures et demie
d'échange, alors on pourra répondre à toutes vos questions sur quelque
volet que ce soit. Alors, ça m'a fait plaisir de vous faire cette première
allocution.
Discussion générale
Le Président (M.
Picard) : Merci, merci, M. Jutras. Nous allons débuter
notre période d'échange. Pour la répartition du temps :
1 min 6 s pour le gouvernement, 1 min 6 s à l'opposition
officielle...
Une voix :
...
Le
Président (M. Picard) : Excusez, 1 h 6 min au
gouvernement, 1 h 6 min à l'opposition officielle et
16 min 40 s au deuxième groupe d'opposition. Nous allons débuter
par des blocs de 23 minutes au gouvernement, à l'opposition officielle, et la deuxième opposition va faire son
16 minutes. Mille excuses. À qui la parole maintenant? Je cède la
parole à M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Je vous remercie, M. le Président. D'abord,
je salue les collègues qui m'accompagnent ici aujourd'hui à cette commission.
Je salue aussi M. Jutras et les membres qui vous accompagnent aujourd'hui.
Je
pense que le mandat de la commission, c'était d'avoir de l'information sur la mission et, on peut dire, les résultats que le Curateur public a connu ces dernières
années. Et, en même temps, je
pense que, pour les gens qui nous écoutent, c'est une belle façon de peut-être démystifier puis de faire comprendre,
aussi, l'importance que joue cet organisme-là au niveau du Québec, au niveau des personnes qui sont surtout défavorisées,
qui sont mal prises. Je pense que, à ce niveau-là, vous faites un
travail remarquable. Et je tiens à vous féliciter.
Maintenant, bien sûr,
on est là pour poser des questions, donc je vais commencer. Vous avez parlé
dans votre allocution que vous avez des
partenaires. Bien sûr, vous travaillez en étroite collaboration avec le réseau
santé et les services sociaux. Mais qu'en est-il de vos liens avec ce
réseau? J'ai deux sous-questions : Nous illustrer la façon concrète, la collaboration que vous avez établie avec le
réseau, le réseau santé. Et, deuxième question : Quelle est la proportion
de votre clientèle qui réside dans un établissement du réseau?
M. Jutras
(Normand) : Dans un établissement?
M. Pelletier
(Saint-Hyacinthe) : Du réseau santé.
M. Jutras
(Normand) : Du réseau, bon. O.K.
Le Président (M.
Picard) : M. Jutras.
M. Jutras (Normand) : Bon. Alors, pour ce qui est de la collaboration avec les gens du réseau de la santé et des
services sociaux, ça va de soi parce
que souvent c'est les personnes qui
nous arrivent et qui sont devenues inaptes, elles viennent de passer,
là, à travers le réseau de la santé et des services sociaux. Et d'ailleurs,
souvent, le dossier s'ouvre parce qu'il y a un rapport du directeur général de l'hôpital
qui nous est soumis avec le rapport d'un travailleur social, qui disent que cette personne-là est inapte,
et on intervient donc dans le dossier à ce moment-là. Puis, tenant compte du fait qu'on s'occupe de personnes inaptes qui sont
souvent des personnes malades, mais évidemment qui sont, par voie de
conséquence aussi, forcément dans le réseau, ça va de soi que les relations
doivent se faire de façon harmonieuse.
Par
contre, ce que l'on constatait, c'est qu'il y avait assez souvent une
méconnaissance du rôle du Curateur public. Et d'ailleurs, je dois dire, dans la population en général, là, je me
fais souvent demander qu'est-ce que ça fait, le Curateur public. Il y a vraiment une réelle méconnaissance.
Mais, même dans le réseau de la santé et des services sociaux, il yavait aussi beaucoup de questionnements. Alors, on
a donc donné des formations à ce qu'on appelle des personnes pivots dans
les différentes institutions à travers le territoire pour qu'ils connaissent
davantage ce qu'est le Curateur public, et où le Curateur public intervient, en
vertu de quel droit, et jusqu'où il peut aller.
Je vous parlais de ma
tournée quand je suis allé au CSSS, là, de Gatineau. Effectivement j'ai
rencontré, là, le directeur adjoint de
l'hôpital et aussi deux… le directeur du personnel infirmier, puis une autre
dame, là, Nancy Héroux, je
pense… et qui a formé, elle, au sein de l'hôpital, ce qu'on appelle le comité
curateur, où elle a réuni son personnel, et elle a donné de l'information concernant ce qui en est, du rôle du
Curateur public. Et ce qu'on m'a raconté, c'est que, de part et d'autre,
ça a facilité énormément les relations et ça a facilité énormément, énormément
le travail, alors. D'où l'importance, là, de travailler en étroite
collaboration avec ces gens-là.
On a aussi une
brochure, que l'on envoie aussi à travers le réseau, qui s'appelle Le Point,
je l'ai pas loin.
Une voix :
…
M. Jutras
(Normand) : Oui. Alors, qu'on envoie… C'est à quelle fréquence?
Une voix :
Trois fois par année.
M. Jutras (Normand) : Trois fois par année. C'est de l'information concernant le Curateur
public. C'est envoyé dans toutes les institutions du réseau, et ça leur
permet donc de mieux connaître le Curateur public, savoir c'est qui, savoir ce
qu'il fait et comment on peut établir des ponts avec le Curateur public.
Le Président (M.
Picard) : M. le député de Saint-Hyacinthe.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : La deuxième question, c'était la
proportion de votre clientèle. Et puis, en même temps, comment vous déterminez dans quel… si, dans les institutions, dans
les CHSLD, j'imagine, ou dans les réseaux santé… Mais comment vous
faites le choix de ces établissements-là?
M. Jutras (Normand) : Bon. Alors, je vous donne les chiffres en
premier. Alors, c'est 80 % de nos 13 100 personnes qui sont
dans une ressource du réseau public, il y en a 10 % qui sont hébergées
dans une ressource d'hébergement privée et les autres vivent à domicile… oui,
les autres vivent à domicile.
Alors,
comment ça s'établit? En fait, à partir du moment où, bon, la personne… Par
exemple, le cas qui arrive le plus souvent, la personne est hospitalisée
et les médecins constatent, là, que cette personne-là est devenue inapte, ne
pourra pas réintégrer son foyer, alors il y a un médecin qui procède donc à une
évaluation médicale de la personne. Il y a
un travailleur social qui procède à une expertise psychosociale. Ces deux
rapports-là sont transmis au directeur général de l'hôpital, et le directeur général de l'hôpital transmet ce
rapport-là à quelqu'un de la famille, mais nous le transmet aussi. Et là
nous, on intervient, on rencontre la famille et on voit, bon, quelles sont les
possibilités par rapport à cette personne-là. Et ça se discute avec la famille.
Alors,
quand la famille accepte de prendre charge et dit : Bon, bien, écoutez, on
attend une place dans un CHSLD, puis
notre mère va s'en aller là, et on va s'en occuper. Alors, bravo, quand la
personne accepte de s'en occuper, quand la famille accepte de s'en occuper. Mais, parfois, ce n'est pas possible,
pour les raisons que je vous ai mentionnées tantôt. Ou, si on constate qu'il y a un conflit au sein de
la famille, bien, à ce moment-là, nous, on prend charge de la personne. Quand,
des fois, c'est très conflictuel, on peut même demander au tribunal une administration
provisoire et, à ce moment-là, on s'occupe, là, de placer cette personne-là en collaboration avec le réseau, évidemment. Et, cette personne-là, bien, on trouve l'institution
qui peut le mieux convenir pour elle. Et là le processus s'enclenche, le
tribunal qui nous donne le mandat d'agir pour cette personne-là, et, par la
suite, bien, c'est l'inventaire des biens, et etc.
• (15 h 40) •
Le Président (M.
Picard) : Merci. Mme la députée de Champlain.
Mme
Champagne : Merci, M. le Président. Écoutez, je vais continuer... je vais faire suite à mon collègue sur le Curateur public face à une
personne qui est déclarée inapte par un centre d'hébergement quelconque. Je
vais prendre un cas concret. S'il y a eu un mandat d'inaptitude... Parce
que là vous en faites une grande promotion, et vous avez raison, et j'ai fait
mon mandat d'inaptitude. Un deuxième mariage, là, tu es très, très prudent.
Avant de dire oui, tu passes devant le notaire. Bon. Voilà.
Alors, cela étant, donc on se marie, on prend
toutes les précautions du monde — 2009, d'ailleurs, pour ceux qui voulaient
le savoir — alors
donc, le mariage se fait...
M.
Jutras (Normand) : Mes félicitations.
Mme
Champagne : Merci beaucoup. J'accepte tout ça. Et on a pris
des précautions puis on a été bien conseillés. Je le dis avec sérieux parce qu'on ne pense pas à le faire. Ce n'est pas
important. Quand tu as 20 ans, tu te maries, tu l'aimes, il t'aime, et
la suite des choses viendra après. Et c'est là des fois que ça se gâte, hein?
Bon.
Alors,
cela étant, une fois le mandat d'inaptitude fait, on pense bien s'être
protégés. Deux familles, deux familles avec
des adultes de part et d'autre, des fois, ça peut frictionner, n'est-ce pas?
Surtout quand un des deux devient inapte. Si le mandat a été bien fait... Je vais prendre un exemple encore plus
concret. J'espère que mon conjoint ne m'écoute pas, mais je vais le
prendre en exemple. Il fait une paralysie importante et là il n'est absolument
plus là, O.K., il n'a plus d'esprit, il ne me reconnaît même pas, ce qui est
grave en soi. Alors, cela étant...
Des voix :
...
Mme
Champagne : Ce qui est grave en soi. Donc, cela étant, il
arrive à l'hôpital, des bons soins, et tout. Moi, j'ai en main un mandat
d'inaptitude. C'est moi qui suis responsable pour la suite des choses, mais il
a deux enfants. Alors, quel rôle vous avez à
jouer dans ça, en tant que Curateur public, alors que les papiers sont clairs,
je dois m'occuper de mon homme,
possiblement avec ses enfants? Vous n'avez pas le détail qu'on a signé, là,
mais il demeure qu'il y a quand même une réalité, il y a eu des
précautions de prises. Alors, est-ce que le curateur a un rôle à jouer là ou
pas du tout?
Le Président (M.
Picard) : M. Jutras.
M. Jutras (Normand) : Oui. Alors, en fait, dans ces cas-là, il va falloir en venir à
l'homologation du mandat. Parce qu'au
Curateur public, là, on tient trois registres : on tient le registre des
gens qui sont sous curatelle, on tient le registre des gens qui sont sous un régime de protection privée et on
tient aussi un registre des mandats qui sont homologués. Alors, effectivement, dans un cas comme ça, s'il y
a une bonne entente dans la famille et puis effectivement la conjointe dit : Écoutez, je vais en prendre soin, de
mon mari, je vais m'en occuper, les biens, je les connais, je sais ce qui en
est, alors on s'en va vers la requête en
homologation. C'est la personne qui va s'en occuper, c'est la famille qui va
s'en occuper. Et nous, à ce
moment-là, on a tout simplement à inscrire au registre, là, des mandats
homologués à l'effet qu'effectivement il
y a un mandat, là, qui est maintenant en vigueur. Le mandat est confié à telle
personne et le registre est fait. Alors, c'est pour ça que, dans des cas
comme ça, bravo.
Et
c'est pour ça aussi qu'on incite les gens à signer des mandats d'inaptitude.
Parce qu'un mandat d'inaptitude, c'est somme toute un contrat entre deux
personnes. C'est le conjoint qui dit à sa conjointe : Je veux que tu
prennes soin de moi et de mes biens s'il
m'arrive quelque chose et vice versa. Alors donc, il y a déjà une entente, et
les gens se disent : Oui, on va
agir de cette façon-là. Puis, s'il arrive, par exemple, un accident, le mari se
retrouve avec un traumatisme crânien sévère, n'est plus capable d'administrer
ses biens, bien, la famille va ressortir le mandat d'inaptitude et, dans des
cas comme ça, ça se joue très bien.
On
peut par contre intervenir, là, si on va plus loin, si on nous rapporte un signalement,
si on nous rapporte une mauvaise administration des biens. Alors, c'est
des cas où on a quand même juridiction pour faire enquête et voir, là, si tout
se passe normalement, là, à l'intérieur, là, de l'administration de ce
mandat-là.
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée de Champlain.
Mme
Champagne : Si je comprends bien, là, pour... Parce qu'il y
a des gens qui nous écoutent. Ça a l'air de rien, mais, même aujourd'hui, il y a des gens qui nous
écoutent. Et il y a des gens qui apprennent beaucoup. Puis c'est vrai qu'on
se rend compte à quel point, quand on est
face à une réalité, on est ignorant. On ne sait pas trop, trop comment se
comporter.
Parce que moi, dans
ma tête à moi, là, je le dis : À partir du moment donné où le mandat d'inaptitude
a été fait, qu'on sort le mandat
d'inaptitude, puis c'est clair pour tout le monde, qu'il n'y a pas
contestation, j'avais l'impression que le curateur n'était même pas
informé qu'il y avait une personne qui était devenue inapte. Là, je comprends
que la personne qui est à l'hôpital un mois
de temps et qu'il y a des décisions qui doivent se prendre soit pour un
placement ou pour des soins, cette
personne-là… c'est rapporté au curateur qu'il y a une personne qui est inapte,
puis je dois, dans le cas que je vous donnais tantôt, faire homologuer
le mandat d'inaptitude. Donc, la personne, elle fait quoi? Elle va présenter ça
devant un juge? Elle va présenter ça devant un avocat?
M. Jutras
(Normand) : Bien, ça peut se faire devant un notaire…
Mme
Champagne :
Devant un notaire pour l'homologuer?
M. Jutras
(Normand) : Ou ça peut se faire devant le tribunal.
Une voix :
Le greffier.
Mme
Champagne :
Donc, il faut qu'elle aille au tribunal avec ça. Est-ce que c'est long? Est-ce
que ça prend du temps?
M.
Jutras (Normand) : Non, ça peut se faire assez rapidement, surtout
quand ce n'est pas contesté, là. Ça peut être une affaire de quelques semaines
seulement. Mais, à la limite, je vais vous dire que ça ne serait même pas
nécessaire. C'est préférable, mais ce n'est même pas nécessaire.
Mme
Champagne :
S'il n'y a pas contestation.
M. Jutras
(Normand) : C'est ça.
Mme
Champagne : O.K. Alors, quand vous disiez tantôt que vous
parliez de faire une politique pour des régimes de protection, est-ce que ça avait un lien avec le mandat d'inaptitude,
cette tendance-là que vous aviez, comme curateur, d'aller de l'avant? Parce que j'avais cru
comprendre que vous mettiez en oeuvre une politique concernant l'ouverture
des régimes de protection. Est-ce que ça incluait cela?
M. Jutras (Normand) : Oui, oui, c'est toujours dans le cadre de ce que j'appelais, moi, le
virage famille. On veut que les familles prennent davantage en charge,
là, la personne inapte quand l'inaptitude, là, survient à quelqu'un de la famille. Mais le mandat d'inaptitude est un
moyen parce que, plus souvent qu'autrement, ou même, tout le temps, le mandat d'inaptitude est signé entre deux personnes
qui se connaissent, là, qui vivent ensemble, de façon générale, ou ça peut être la mère qui signe un mandat d'inaptitude
en demandant à son fils de prendre charge d'elle-même si jamais elle devient
inapte. Alors, c'est dans ce sens-là que je vous dis que ça favorise le virage
famille. Quand on vous dit : On rencontre
la famille et on essaie de faire en sorte que quelqu'un de la famille accepte
de prendre charge… Et le mandat d'inaptitude en est un bel exemple.
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée de Champlain.
Mme
Champagne : Dans votre intention — puis c'est déjà commencé — d'informer, de faire même la tournée des établissements, comme vous parliez tout à
l'heure avec mon collègue, y a-tu d'autres endroits où vous considérez
qu'il serait pertinent d'aller parler de cette sécurité-là? Il n'y a plus de
cours de préparation au mariage, ou à peu près pas, là. Je le dis en riant parce qu'on a tous, à l'âge que j'ai, suivi ça.
Et ça avait quand même du bon. Sur le coup, on ne trouvait pas ça, mais ça avait quand même du bon. Et
aujourd'hui, n'ayant plus cette façon de faire là… Les jeunes vivent
très, très indépendamment l'un de l'autre;
ces jeunes-là vont vieillir. Est-ce que, à part aller dans les établissements,
il y a d'autres endroits où vous
entendez, comme curateur, avec votre équipe, aller donner de l'information sur
l'importance de se protéger?
• (15 h 50) •
M. Jutras (Normand) : Bien, en 2011 et en 2012, nous avons fait deux campagnes de publicité,
campagnes de publicité, là, dans les
grands quotidiens, là, Le Devoir, Le Soleil, La Presse, là,
dans tous les hebdos régionaux, et on avait… C'était une publicité conçue maison pour que ça nous coûte moins cher. Alors, dans un cas, elle nous a coûté… Vous
savez combien coûte cher la publicité. Alors, dans un cas, elle nous a coûté
quand même 175 000 $, dans l'autre cas, elle nous a coûté 190 000 $, même si c'était une publicité faite
maison. Alors, je vous montre le poster ici, là… alors, et qui dit : «Si elle devient inapte, serez-vous là
pour elle?» Alors, ça parle beaucoup, n'est-ce pas? Mais, quand je vous dis
que c'est une publicité maison… Elle,
c'était une employée du Curateur public à l'époque. Alors, c'est une photo de
la famille avec sa mère. Et on en a une autre qui est au masculin :
«Il était là pour vous, […]serez-vous là pour lui [s'il devient inapte]?» Et un peu conçue de la même façon,
conçue à l'interne. Et celui que vous voyez ici, c'est notre directeur
des communications, beau petit bonhomme, qui a à peu près, à ce moment-là,
quoi, quatre ou cinq ans, avec son frère. Alors, pour que ça nous coûte moins
cher, on a conçu cette publicité-là.
Et, d'ailleurs, on a
obtenu de bonnes retombées, on a remarqué, suite à cette publicité-là, beaucoup
plus de téléchargements à partir de notre site Web, de notre formulaire dont je
vous parle, là, du mandat d'inaptitude. Alors, on a vu qu'il y avait des
effets.
Et, d'ailleurs, on a
été finalistes à l'intérieur des concours publicitaires organisés par le gouvernement,
les publicités de moins de 500 000 $, on a été finalistes, là, à
partir de cette publicité-là, qui était vraiment une publicité conçue maison;
on n'a pas confié ça, là, à une équipe de marketing à l'extérieur, elle s'est
conçue chez nous. Et on a distribué aussi ces posters-là dans tous les
établissements du réseau de la santé et des services sociaux, et ce genre d'organisation là aussi, auprès des organismes
communautaires. Et, si vous en voulez pour vos bureaux de députés, parce
que je sais qu'il passe beaucoup de monde
dans les bureaux de députés, alors j'en ai, des affiches qui sont
disponibles, et vous pourriez les afficher dans vos bureaux de députés. Et on a
des dépliants aussi qui sont disponibles.
Mais,
aussi, ce que l'on peut très bien faire, c'est de référer les gens à notre site
Web. Notre site Web, il est bien fait. Le mandat d'inaptitude, je vous l'ai
dit, il est là, mais aussi vous pouvez obtenir beaucoup d'informations.
Prenez
comme… dernièrement aussi, on a publié une autre brochure, qui est Un de vos
proches devient inapte,alors
comment faire pour le protéger? Alors,
c'est écrit dans un langage simple, et ça permet aux gens, là, de se
familiariser avec qu'est-ce qu'on fait. Parce que, souvent, les gens sont
désemparés en raison, bien, de la mauvaise nouvelle, là, qui leur tombe sur la tête. Mais aussi des fois il
y a la surprise, là. C'est un accident, c'est un drame qui vient de se
passer, alors, souvent, les gens ne savent pas comment réagir. Alors, c'est une
brochure aussi que vous pouvez télécharger à partir du site Web du Curateur
public.
Mais, des posters,
des affiches, nous en avons qui sont disponibles. Et j'aimerais ça, là, que,
dans chacun des bureaux de députés qui est ici, qu'on retrouve cette
affiche-là. J'irai vérifier ça dans ma tournée.
Mme
Champagne :
On va se faire un devoir de garder ça. Est-ce que je peux poser une autre
petite question?
Le Président (M.
Picard) : Oui, il vous reste encore cinq minutes.
Mme
Champagne :
Dans un cas de figure où la personne serait bien prête à s'occuper de… parce
qu'elle a eu le mandat d'inaptitude,
tout à fait, mais, 20 ans plus tard, elle trouve que la tâche est trop lourde.
Puis vous savez très bien que la
personne va continuer à s'occuper de l'être aimé, là, homme ou femme; elle
demande quand même au Curateur public
de prendre en charge toute la gestion, qui est trop lourde pour elle. Bon. Ça
arrive. Parce que j'ai un cas en tête d'ailleurs
en passant. Alors, il y a des coûts à ça, et, des fois, ça rebute les gens.
Est-ce que c'est si dispendieux? Parce que,
dans l'esprit de la population, quand tu confies une tâche à quelqu'un, à un
avocat, à un notaire ou autre, ça coûte des sous. Et tantôt je vous ai entendu dire que, oui, vous avez compris que,
si tu paies pour des protections dans ta vie privée, si c'est avec le Curateur... devrais également payer
ta part. C'est évalué comment? À partir des revenus de l'autre personne?
Parce qu'il y en a qui ne peuvent pas
vouloir se désintéresser complètement, mais demander d'être accompagnés
pour toute la gestion, là, surtout quand la
personne a des biens et que c'est complexe au bout, là. Parce qu'il y a des
familles qui sont petites, vous en avez parlé tantôt. On n'est plus avec les
sept, huit, puis 10 enfants, là. Alors, ça pourrait vous arriver de plus en plus dans l'avenir. Alors,
c'est géré comment? Et est-ce que ces montants-là sont publics, les
montants d'accompagnement, les montants demandés pour la gestion des biens?
Le Président (M. Picard) : M.
Jutras.
M. Jutras (Normand) : Bien, d'abord,
dans un mandat d'inaptitude, c'est possible de prévoir un mandataire substitut. Alors, ça, déjà, si vous avez pris
cette précaution-là, ça peut simplifier énormément la tâche. Parfois, par
contre, il faut aller devant le tribunal, il
faut voir au remplacement, obtenir une ordonnance du tribunal pour obtenir le
remplacement de la personne. Vous me
demandez… Il y a deux possibilités. Si vous allez du côté de la pratique
privée, je vais vous dire, j'ai tout entendu. J'ai entendu parler d'honoraires
de 1 000 $, puis j'ai entendu parler d'honoraires de
5 000 $ puis de 8 000 $
pour le même travail. Alors, vous savez ce qui en est, là : souvent,
malheureusement, des honoraires, là, dans la pratique, là, on voit des
éventails qui sont très larges.
Par contre, si ça se fait chez nous, là, à ce
moment-là ce que je vous expliquais, c'est qu'on a une grille d'honoraires qui a été adoptée, là, qui a été
adoptée par règlement par le législateur parce que, comme je vous disais,
c'était une question d'équité, là. Il y a
des gens qui sont sous régime privé et, étant sous régime privé, bien, si on
parle d'une administration de
patrimoine qui est assez importante, ça peut vouloir dire que, par exemple,
l'épouse qui s'occupe de son mari va
avoir à engager un comptable, va peut-être avoir à engager aussi d'autres
personnes, un conseiller financier, etc., et elle va avoir à payer pour ça. Alors, on s'est dit, au Curateur
public : Pourquoi la personne qui est sous curatelle publique, qui a de l'argent, elle aussi, n'aurait pas à
payer? Je pense que c'est tout simplement une question d'équité. Ça rentrait aussi dans le plan d'action
gouvernemental, qui est, en quelque sorte — l'expression, on l'utilise
souvent — l'utilisateur-payeur. C'est la personne qui paie des services.
Et, notre grille tarifaire, on l'a établie en fonction du prix de revient,
combien ça nous coûte, au Curateur public, pour rendre ces services-là. Mais il
ne faut pas perdre de vue que les personnes qui sont démunies, qui sont
pauvres, ces personnes-là n'ont rien à payer. Alors, c'est le même principe,
là, qu'on retrouve un peu dans notre société, là.
Et, souvent,
aussi, la personne peut avoir un patrimoine qui n'est pas très élevé. Mais, à ce moment-là, on ne charge pas les honoraires tout de suite pour ne pas, des
fois, mettre la personne dans une situation précaire. Et ce qu'on fait, on
informe la famille, là. Il y aurait des honoraires de tant qui nous sont dus.
On leur dit annuellement. Et, quand vient le temps de la succession, bien, s'il
y a de l'argent, bien, là, à ce moment-là, on peut être remboursés pour le
travail qu'on a fait. Et par rapport à… Je sais qu'une requête en ouverture de
régime, depuis le 1er avril dernier, là, c'est 2 000 $ au
Curateur public. Alors, vous pouvez penser, donc, qu'en pratique privée, là,
ils vont certainement être au-dessus de ça.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Jutras. Nous allons passer maintenant à l'opposition officielle. Je
reconnais Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Merci beaucoup, M. le
Président. À mon tour de saluer mes collègues députés, de vous saluer,
M. le Curateur, ainsi que l'équipe qui vous
accompagne. Je dois vous dire d'entrée de jeu que nous avons été très — en tout cas, je suis certaine que mes compagnes partagent mon avis — heureuses de votre présentation, parce que
ça vient démystifier en quelque sorte
l'espèce de nuage qu'on peut avoir par rapport au Curateur public, cette chose
sans visage, sans tendresse, qui est là pour administrer des biens,
peut-être prendre nos biens, nous exploiter, nous enlever nos droits, parce que
c'est un peu la perception que le curateur a. Mais, dans votre présentation,
vous avez aussi fait la démonstration qu'il y
a eu une complexification du rôle du Curateur public au fil des ans, que c'est
beaucoup plus complexe. Entre autres, 49 % des nouveaux cas, dus au
vieillissement de la population et en particulier aux personnes atteintes de
maladies d'Alzheimer, de maladies apparentées dégénératives.
Donc, ça
change beaucoup. Ce n'est pas si évident que ça, tous les effectifs, parce que
vous devez répondre à plus de cas
aussi. Et, dans votre planification stratégique, vous parlez, entre autres, au
point 6 : «Encourager les familles et les proches à représenter les [familles] inaptes.» Et vous dites qu'à
compter d'avril 2013, là, donc c'était là, c'est la «mise en oeuvre de
nouvelles mesures pour susciter la participation des proches». M. le Curateur,
les proches ont déjà beaucoup de responsabilités, on le sait, manque de répit,
manque de temps, manque d'argent, manque de ressources. Est-ce que les proches
vous demandent justement cette complicité avec vous, ou si c'est en quelque
sorte le Curateur qui se dit : Bien, là, notre responsabilité, notre
charge est très lourde, il faut absolument aller sensibiliser la famille, les familles à travailler
de concert avec nous, parce que sinon on ne pourra pas y arriver avec tous les
appels, toutes les demandes qu'on a actuellement? Ce n'est pas une
question piège, là…
M. Jutras (Normand) : …pas comme ça.
Mme
Blais : …mais c'est
une question de comprendre la frontière finalement entre ce que vous demandez actuellement aux familles, qui sont parfois, là,
incapables d'être à la fois sur le marché du travail, de s'occuper de
leurs enfants puis s'occuper de leur famille vieillissante, malade et inapte.
Le Président (M. Picard) : M.
Jutras.
• (16 heures) •
M. Jutras
(Normand) : D'abord, la
première partie de votre intervention, là. Effectivement, quand vous
parlez de l'enlèvement des droits, c'est malheureusement la perception que
certaines personnes ont. Et c'est pour ça… En fait, ces gens-là, la situation dans laquelle ils se retrouvent, c'est que
c'est le Curateur public qui va exercer les droits de cette personne-là.
Elle ne perd pas ses droits, mais c'est quelqu'un d'autre qui l'exerce. Mais ça
montre quand même que c'est un geste grave.
Et c'est pour ça que, de plus en plus, ce que l'on dit aux intervenants du
réseau et ce que l'on dit aux familles
aussi, c'est un geste de dernier recours que de faire déclarer une personne
inapte et de faire en sorte que ce soit dorénavant le Curateur public
qui prenne charge de cette personne-là et qui exerce ses droits.
Par ailleurs, pour répondre plus précisément à votre question, Mme la députée, nous sommes convaincus que
les gens, les personnes inaptes vont être
mieux servies par quelqu'un de leur famille, pour la raison que je vous
mentionnais tantôt, à savoir qu'ils
connaissent cette personne-là et ils connaissent son histoire, ils connaissent
son vécu, ils connaissent ses besoins, ses goûts, sa personnalité, etc.
C'est vrai,
ce que vous dites aussi, que les gens sont de plus en plus occupés, courent à
droite, courent à gauche, des semaines lourdes de travail, et, quand
vous leur demandez de rajouter cette tâche-là, bien oui, des fois, les gens
vont vous dire : Bien non, moi, je n'ai
pas le temps, là, je ne suis pas capable de faire ça. Mais je vais vous dire
qu'à prime abord l'accueil que nous recevons des gens, c'est un accueil
favorable. Et les gens, oui, ils vont vous dire : J'ai une lourde tâche,
mais c'est ma mère, et je suis prêt à m'en occuper.
Mais il y a
justement ces problèmes-là de manque de connaissances. La personne se
dit : Bien, est-ce que j'ai les connaissances
pour m'occuper de ça? Le budget, c'est toujours mon mari qui l'a fait, et les
chèques, c'est toujours lui. Ça arrive,
ça, là, ce genre de situation là. Alors, en disant aux gens qu'on va les aider,
on va les informer, parce que souvent aussi
la perception que des gens avaient, c'était qu'on était là uniquement pour les
surveiller, et là ils se disent : Bien là, me faire surveiller, ça ne me tente pas. Alors, on leur dit : Oui,
mais ce n'est pas ça, le premier rôle qu'on veut accomplir auprès de vous. Ce que l'on veut, c'est qu'on veut
vous accompagner dans la tâche, on veut vous aider, de sorte que, ces gens-là,
en leur disant : En vous donnant de l'information, en vous accompagnant,
en répondant à vos questions, effectivement, là, ça donne plus de possibilités.
Et, tiens,
M. Lamarche, mon adjoint, me donne des exemples, tu sais, des appels de
soutien, des rencontres, des groupes
d'information, deux guides que nous avons publiés récemment, que je vous
montre, le Guide à l'usage
du tuteur datif à un mineur et du conseil de tutelle, alors, très bien fait, à l'intérieur,
avec un aide-mémoire, les sept étapes pour en venir à la
tutelle. Vous en avez un autre aussi, qu'on a publié également dernièrement, le
Guide à l'usage du tuteur légal à un mineur, avec encore là un
aide-mémoire et toutes les façons de procéder, les formulaires.
Mais il faut être conscient que,
et je vous l'ai dit d'ailleurs dans mon allocution d'ouverture, c'est les gens qui ont à s'occuper — et je sais que vous avez été proche de ce dossier-là — de personnes inaptes, ils trouvent cette tâche-là lourde. Et c'est pour ça que, nous, ce qu'on leur
offre de plus en plus, là, c'est de créer un réseau et de les aider le
plus possible. Parce que, dans le sondage qu'on avait fait, quand on leur
demandait : C'est quoi… On a fait des «focus groups» avec 45 personnes,
Montréal et Québec, et on leur demandait : Qu'est-ce qui vous fait hésiter
à accepter cette tâche-là? Alors, un des obstacles, c'est, entre autres, l'attitude
de la personne inapte, parce que souvent cette personne-là est devenue très
lourde pour la famille. Je pense à un cas, là, où un jeune, bon, déclaré
schizophrène, problèmes de consommation de
drogues, puis les père et mère disent : Bien là, nous autres, on ne veut
plus, là, s'en occuper, parce qu'il
vient nous voir à tout moment, puis c'est pour nous demander de l'argent, ou
c'est pour nous dire qu'il a perdu son logement parce qu'il n'avait pas
payé son loyer, ou c'est pour nous dire que son frigo est vide, alors on veut
une certaine vacance par rapport à ça. Alors, ça, ça peut être un obstacle.
Il y
a l'expertise, à savoir, la personne se dit : Bien, est-ce que j'ai les
connaissances pour ça? Mais ça, on les rassure en leur
disant : Oui, ça, on peut beaucoup vous aider, parce que c'est notre job,
on fait ça au quotidien puis on est capables d'aider les gens qui acceptent de
faire ça au quotidien.
Il y
a aussi, dans les conditions favorables, là, les gens nous disaient : Bien
oui, si on était informés, on accepterait la
responsabilité. Dites-nous comment faire et, oui, on va aller de l'avant.
Pouvoir compter aussi sur un réseau d'assistance,
de ressources, de facilitateurs
de service de parrainage humain puis faire partie d'un réseau. Puis, avec
les assemblées qu'on a organisées, jusqu'à maintenant, on en a fait quatre, et
ça a été vraiment un succès, puis les gens se sont sentis confortés dans le
mandat qu'ils venaient d'accepter.
Le Président (M. Picard) : Mme
la députée.
Mme
Blais : D'ailleurs, M. le Curateur, moi, je vous encourage à
poursuivre, là, vos conférences, vos rencontres parce que je trouve que
c'est une bonne façon de démystifier finalement le rôle du Curateur public.
Vous avez parlé d'abus, et
je sais que vous avez fait partie du plan gouvernemental des abus envers les
personnes aînées lancé en 2009. Et vous avez cinq enquêteurs; la Commission des
droits de la personne et des droits de la jeunesse a également une équipe
spécialisée en exploitation de la personne, chapeautée par la vice-présidente
de la Commission des droits de la personne. Est-ce que vous travaillez en
étroite collaboration ou si vous travaillez, tous les deux, dans des silos? Parce
que là je me rends compte qu'on commence à avoir des coordonnateurs à la
maltraitance, vous avez votre équipe, la commission a son équipe. Est-ce que
ça, ça a fait en sorte qu'il y a plus de gens qui dévoilent les cas d'abus, les
cas de maltraitance? Et est-ce que, pour vous, le fait d'avoir fait partie de
ce plan gouvernemental, c'est un plus pour le Curateur public?
M. Jutras
(Normand) : Absolument.
Effectivement, l'expérience a été enrichissante pour nous, mais
ça nous a permis là aussi d'établir des ponts et, entre autres, on a une
collaboration qui est très étroite avec la commission des droits et libertés de la personne, parce qu'il faut comprendre que nous, on peut
intervenir, mais pour les personnes sur lesquelles on a juridiction, à savoir les personnes qui sont déclarées
inaptes. Ça peut être une personne inapte, mais qui ne relève pas du Curateur public; on n'a pas
juridiction. Mais, si le cas nous est rapporté, on intervient de la façon
suivante : on communique, entre autres, avec la Commission des
droits et libertés, qui, elle, a juridiction et qui, elle, à ce moment-là, peut enquêter. Alors, si
la personne relève du Curateur public, on gère le cas nous-mêmes. Et, comme je
vous le disais tantôt, on a consolidé au Curateur public un service d'enquête,
on est rendus maintenant avec un service comme tel, on a cinq enquêteurs qui
sont là et qui font enquête, là, dans ces cas de signalement là.
Mais,
si la personne ne relève pas de nous, on réfère à la Commission des droits de
la personne, mais, aussi, ça peut être… On a un devoir d'agir,
tu sais, et, si la personne n'est pas de notre juridiction, soit la commission
des droits et libertés de la personne, ou ça peut être le service de police, ou
ça peut être le centre hospitalier où est cette personne, où la ressource, elle est là, on intervient. Oui. Mais ça a été effectivement une heureuse
expérience pour le Curateur public et
ça a permis encore là d'éviter de travailler en silo et de faire en sorte que
les ponts et les communications se fassent bien.
Le Président (M. Picard) : Mme
la députée de Hull, maintenant.
• (16 h 10) •
Mme
Gaudreault : Merci
beaucoup, M. le Président. Alors, je salue mes collègues qui, en cette belle journée, allons profiter de votre présence puisque je crois que c'est depuis l'année 2000 qu'on
n'a pas eu l'occasion de rencontrer le Curateur public et
son équipe pour jaser des nouvelles réalités. Vous l'avez mentionné, lorsque
vous êtes venu en Outaouais, que le Curateur public vit des transformations de
par sa clientèle, et c'est un privilège pour nous autres de pouvoir vous
questionner puis en apprendre beaucoup plus.
Je
dois vous dire que vous amenez un visage très humain au rôle de Curateur public.
Ma collègue l'a mentionné tout à l'heure : ce n'est
pas tout le monde qui connaît le rôle et aussi tout l'accompagnement qui est
proposé par le Curateur public. Quand on n'a
jamais eu affaire au curateur, on ne connaît pas ça, on ne connaît pas ça, mais,
une fois qu'on évolue dans le temps, bien là, il y a de plus en
plus de chances qu'on doive conjuguer peut-être avec un proche qui va devoir
nécessiter vos services, et tout ça.
Alors, vous
avez mentionné, lors de votre passage en Outaouais, que vous, vous gériez
le quotidien de 400 personnes, alors c'est beaucoup de monde, c'est des
gens qui ont des familles, qui ont des proches. Et puis je vous félicite pour
votre nomination aussi, M. Jutras, en passant, je trouve que c'est une très
belle initiative que vous avez prise de
faire le tour du Québec. Je ne suis pas certaine qu'il y en a eu régulièrement, là, et, pour moi, c'est… Vous avez un rôle justement pour démystifier vos
fonctions et aussi comment vous pouvez aider encore plus nos populations.
Vous avez
parlé de dernier recours, tout à l'heure, Curateur public. Et, moi, ça fait 13 ans que je suis au bureau du
député de Hull à titre de conseillère politique
et ensuite à titre de députée. Je peux vous dire que pendant ces 13
années là on a eu très, très
peu de cas de gens qui sont venus nous voir avec des problématiques qui
touchent les services du Curateur public. Parce
que le vrai dernier recours, c'est
nous autres. Quand ça ne va pas bien avec l'appareil gouvernemental, vous le savez, c'est le député, là, qui... On a un petit
drapeau rouge qui se lève. Alors, c'est ça, pour moi, c'est très positif.
Vous avez aussi valorisé tout à l'heure d'entrée
de jeu, là, l'importance de compléter un mandat d'inaptitude. Ma collègue de Champlain y a fait référence, on a
été toutes les deux membres de la Commission spéciale sur la question de
mourir dans la dignité, et les mandats d'inaptitude ont été très souvent
questionnés, remis à l'avant-plan. D'ailleurs, c'est une de nos recommandations unanimes de justement favoriser une
meilleure promotion, inviter le plus grand nombre de citoyens à
compléter ce fameux formulaire. Alors, le projet de loi n° 52 est déposé.
Probablement que vous allez être mis à profit lorsque cette recommandation sera
actualisée, qu'elle aura force de loi.
Et je voudrais vous demander... Vous avez fait
quelques affirmations lors de votre préambule, vous avez dit : Les gens
nous arrivent plus âgés. Alors, je voudrais savoir pourquoi, en 2013, les gens
se tournent plus tard dans leur cheminement de vie, là, vers le Curateur
public. C'est quoi qui fait que vous pouvez faire de telles affirmations?
M. Jutras (Normand) : Bien, c'est
pour la simple et bonne raison du vieillissement de la population, et ça,
évidemment, ce n'est pas juste en 2013, là, c'est une tendance que l'on
remarque, là, au cours des dernières années : vieillissement de la
population, donc plus de personnes susceptibles de devenir inaptes, et, à ce
moment-là, bien, ces gens-là se retrouvent
donc sous un régime de protection, qu'il soit privé ou public. Et les chiffres,
là... Cette tendance-là, elle est là,
comme je vous dis, là, depuis quelques années. Entre autres, voyez-vous, au
Curateur public, 20 % des gens dont on s'occupe, là, ont plus de 75
ans. Alors, ça vous montre même le vieillissement de notre clientèle.
Et,
quand je vous parle aussi du vieillissement des personnes dont on s'occupe,
c'est le cas aussi des personnes déficientes intellectuelles. L'espérance
de vie des personnes déficientes intellectuelles, c'est incroyable, ce qui s'est
passé au cours des
dernières années. Quand vous dites que, dans les années 1930, une personne
trisomique, son espérance de vie
était de neuf ans; elle est aujourd'hui de 60 ans. On parle, pour nous, là, de
79 et 80, là, pour hommes et femmes, là, mais, dans le cas d'une personne trisomique, c'est passé de neuf ans à
60 ans, et, dans le cas d'une personne déficiente intellectuelle, c'est
passé de... C'est quoi, l'espérance de vie pour les personnes déficientes
intellectuelles, là?
M. Leblanc
(Raynald) : C'est passé de 20 à 70 ans.
M. Jutras (Normand) : De 20 à 70 ans, toujours dans ces mêmes années là, de sorte qu'elles font partie des gens dont
on s'occupe, mais on constate que ces personnes-là sont plus âgées. Et ce que
l'on constate aussi, c'est que ces personnes-là,
donc, vieillissent et font partie des personnes dont on s'occupe, mais avec
leurs problèmes de déficience intellectuelle s'ajoutent maintenant leurs
problèmes de vieillissement, et on sait aussi que le réseau de la santé et des
services sociaux doit réagir par rapport à ça. Et ce que l'on voit aussi de
plus en plus, c'est qu'il y a des familles qui ont accepté de prendre charge d'un enfant qui arrivait déficient
intellectuel, mais ça, ce couple-là a vieilli et ce couple-là est rendu à 75, 80 ans — je me souviens d'un cas que j'avais eu, là,
alors que j'étais député — et, en l'espace de six mois, le père et la mère décèdent, puis la personne déficiente intellectuelle a
50 ans, et elle vivait dans la famille avec le père et la mère
jusque-là. Puis là, la fratrie, bien, ne veut pas prendre charge de la
personne, et il se retrouve donc chez nous, au Curateur public.
Vous
avez parlé, bon, du rôle du député. Je sais bien ce qu'il en est, mais je
profite de l'occasion pour vous dire, parce que je sais que le bureau de
député aussi, c'est souvent le dernier recours… mais, quand vous avez des cas
de Curateur public, n'hésitez pas à communiquer avec nous. Ça va nous
faire plaisir de répondre à votre questionnement. Des fois, les gens ne comprennent pas notre décision
et, quand ça… et c'est souvent le rôle du député d'expliquer, lui aussi,
à la personne concernée, là, pourquoi cette décision-là a été prise. Alors, ça,
je vous le dis, là, n'hésitez pas.
Vous
avez parlé aussi d'un autre élément que je veux porter à l'attention des
membres de la commission, c'est que, sur note site Web, vous avez
même, par région, le nombre de personnes qui sont sous curatelle publique.
Alors, vous pouvez aller voir ça, là, sur
notre site Web. J'avais donné ces chiffres-là, justement, quand je suis allé
dans l'Outaouais. Alors, ce sont des données qui sont disponibles, là,
qui sont publiques.
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée.
Mme
Gaudreault : Oui, merci, M. le Président. Alors, là, vous répondez à ma question :
quand vous dites qu'elles arrivent plus âgées, vous voulez dire que
votre proportion de personnes âgées augmente avec les années.
M. Jutras
(Normand) : Oui. En plus.
Mme
Gaudreault : C'est
un peu ça que vous êtes en train de nous dire. Parce qu'avec les données qu'on entend, les statistiques, les
projections aussi du profil de santé des populations, on dit qu'une personne
sur trois va souffrir de la maladie
d'Alzheimer. Alors, c'est certain qu'on conjugue le vieillissement de la
population, de plus en plus de personnes qui risquent d'être atteintes
de la maladie d'Alzheimer, des familles avec moins d'enfants alors, ça, ça veut
dire plus d'ouvrage pour le Curateur public.
Alors, est-ce que vous, vous avez des projections dans le temps? Alors, quelles
sont les estimations de votre clientèle?
Parce que, si on regarde vos données, elles sont assez stables d'année en
année. On peut voir qu'il n'y a pas d'augmentation drastique. Mais
est-ce que vous, vous voyez, sur votre écran radar, qu'il y aura une
augmentation fulgurante des demandes qui vont être faites au Curateur public?
Le Président (M.
Picard) : Vous avez trois minutes, M. Jutras.
M. Jutras
(Normand) : Trois minutes?
Le Président (M.
Picard) : Oui.
M. Jutras (Normand) : Bon, bien, écoutez, ce qu'on a constaté, là, pour aller dans le sens de
ce que vous dites, Mme la députée, l'augmentation, entre autres, depuis
2008, là, si on parle de 2008-2013, on a une augmentation des régimes publics
qui est de l'ordre de 2,2 % par année, et, pour les régimes privés, c'est
de 2,6 %. Alors, on a quand même
commencé à constater, là, avec ce que j'ai appelé notre virage famille, une
certaine augmentation du nombre de régimes
privés, de sorte qu'on se dit, en insistant encore davantage par rapport à ça…
Bien, on espère, là, faire en sorte que cette augmentation-là, là, ne soit pas constamment sur notre dos, puis
là ça va nous mener où? Alors, c'est pour ça qu'on demande donc, là, aux familles, le plus possible,
de prendre en charge ces personnes-là. On le sait que c'est ne pas
facile, c'est pour ça que le défi est d'autant plus grand pour nous.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Il vous reste une minute. On l'additionne tout
à l'heure ou…
Mme
Gaudreault :
Oui, on l'additionne. Je reviendrai tout à l'heure. Merci.
Le Président (M.
Picard) : Je cède maintenant la parole à Mme la députée d'Arthabaska
pour 16 min 40 s.
Mme
Roy (Arthabaska) : Merci, M. le Président. C'est la première
fois que je siège sous votre présidence. Je vous félicite de votre nomination à
ce poste. Je voudrais remercier l'équipe qui travaille avec vous, les collègues
et M. le Curateur et son équipe également.
Moi,
je voulais continuer sur ce qu'elle vient de dire. J'ai l'impression, de façon
intuitive, là, que la courbe ne sera pas linéaire, là. Ça va être une
hyperbole, le nombre de cas que vous allez avoir à traiter si… compte tenu que
la cohorte des baby-boomers sont encore au travail à l'heure actuelle, mais que
le début de la cohorte est maintenant à la
retraite. Donc, comme l'espérance de vie a augmenté, ce n'est pas
nécessairement tout de suite que vous allez vivre ces effets-là, mais
peut-être dans cinq ans, dans huit ans. Avez-vous fait une projection sur plus
que… sur une dizaine d'années? Parce que vous savez maintenant combien il y a
de personnes qui sont nées à… et qui sont au Québec dans cette cohorte-là.
Le Président (M.
Picard) : M. Jutras.
M. Jutras (Normand) : Oui, on a fait des projections — j'ai vu ça à un moment donné — où effectivement, là, notre courbe
allait, là…
Une voix :
Jusqu'en 2030.
M. Jutras (Normand) : …jusqu'en 2030, là, qu'on avait fait cette projection-là, et
effectivement, là, ça s'en allait en augmentant, puis je vous ai dit, j'ai
parlé d'augmentation de 2,6 % par année. Bien, ça vous donne…
Mme Roy
(Arthabaska) : C'est cumulatif.
M. Jutras
(Normand) : Oui, oui. C'est 2,6 %...
Mme Roy
(Arthabaska) : À partir de l'an un, la première année, c'est
2 500.
• (16 h 20) •
M. Jutras
(Normand) : 2,6 % en 2012, rajoutez un autre 2,6 % en 2013,
alors ça vous donne une idée de la tendance
que ça prend, de la tangente que ça prend. Alors, c'est pour ça qu'on a voulu
adopter de nouvelles mesures, puis il n'y a pas 56 solutions, là, qui s'offrent
à nous, là. C'est le Curateur public qui se retrouve avec ces personnes-là, où on se dit : Bien, on partage la tâche avec
d'autres personnes, et les personnes qui peuvent le plus l'accepter, cette
tâche-là, ce sont les proches de la famille.
En
France, ils tentent une expérience, eux, il y a des gens qui
deviennent, en quelque sorte, dans le privé, là, des tuteurs ou des
curateurs et qui prennent charge de ces personnes-là. Ça devient une job, ça
devient une profession. Tu sais, vous êtes
curateur privé et, par exemple, vous, vous occupez d'une dizaine de personnes,
gérez leurs biens et… s'occuper de ces personnes-là aussi. C'est quelque
chose qu'on… On s'est penchés là-dessus, là, et il n'y a pas eu de dispositions, jusqu'à maintenant, qui ont été prises, mais, en tout cas, ça… On examine ce qui se passe ailleurs aussi, on examine ce qui se passe dans les autres provinces,
mais on peut difficilement comparer
avec les autres provinces parce qu'ici, au Québec, on a système, là, qui
est beaucoup plus organisé que dans les autres provinces. On a vu qu'en France
ils tentaient cette expérience-là, peut-être que c'est quelque chose qu'on
pourrait aussi essayer chez nous.
Et
c'est pour ça qu'entre autres on avait déposé, du temps du gouvernement
précédent, le projet de loi n° 45, là, qui permet, là, de prendre davantage ce virage famille là. Le projet de loi
allait bon train, mais il y a eu des élections. Mais le nouveau
gouvernement aussi — de
ce que j'ai su parce que j'ai rencontré le ministre — est
favorable à ce projet de loi là, alors ça
pourrait donc nous aider. Ça simplifierait les démarches, là, pour ce qui est
de l'ouverture des régimes, mais ça permettrait aussi, ce nouveau projet
de loi là, qui portait le n° 45, là, du temps du gouvernement précédent,
de mieux faire face à la musique. Mais on
est conscients qu'on a là un obstacle devant nous, là… c'est-à-dire, un
obstacle… qu'il faut faire face à ce défi-là.
Mme Roy
(Arthabaska) : Bien, compte tenu, comme vous nous l'avez dit,
que le patrimoine des nouvelles personnes
inaptes qui rentrent à l'heure
actuelle sous la curatelle est plus important
que celui que vous avez historiquement géré,
avez-vous évalué à quel nombre de personnes ou de patrimoines à gérer ça devient
le point de rupture? Vous ne serez pas
capables… pas en mesure, avec les effectifs que vous avez, de… À où vous allez
saturer, là, en termes… Avez-vous
évalué ça?
M. Jutras (Normand) : Bien, pour le moment, ce que je peux vous dire, c'est que la situation,
elle est difficile. Nous étions en
attente d'une décision du Conseil du trésor quand… dans nos ETC, là, nos
employés temps complet, parce qu'il y a, chez nous comme ailleurs, les
départs à la retraite, et les départs qui sont comblés à raison d'une personne sur deux. Par contre, jusqu'à maintenant, là, on a
toujours eu une oreille attentive de la part du gouvernement. Et on
vient d'avoir une bonne nouvelle, là. On était en attente d'une augmentation de
25 ETC, et fin août, là, le Conseil du trésor nous faisait savoir, là, qu'il
nous accordait ces personnes-là, 20 pour le régime en cours et cinq, là, pour l'année
2014-2015. Alors, ça nous permet donc de
répondre à la situation, de répondre à l'augmentation de notre travail.
Mais je vous répète, par contre, que, déjà, les mesures qu'on a adoptées nous
permettent de voir une augmentation des régimes privés. Alors, ça nous permet,
là, de mieux nous tenir en équilibre.
Mme Roy (Arthabaska) :
Maintenant, sur un autre sujet. Comme ma collègue, elle a travaillé dans un
bureau de député depuis 17 ans et est
devenue députée par la suite, moi, je suis… je vais trahir mon âge, je suis le
Barreau 1988. Donc, comme avocate,
j'ai eu quelques cas, quelques cas, pas beaucoup, avec la curatelle depuis
toute ma pratique, puis quelques cas,
je peux… je les recomptais tantôt, c'est à peu près cinq cas, ce n'est quand
même pas beaucoup par rapport aux milliers de dossiers que j'ai vus. Il
y aurait quelque chose qui m'interpelle, puis ça, c'est très juridique, là, j'en
confesse tout de suite. Lorsqu'une personne qui est inapte…
M. Jutras
(Normand) : Vous n'avez pas à confesser ça.
Mme
Roy (Arthabaska) : Non, mais c'est parce que je sais qu'il y a…
certains de mes collègues vont peut-être trouver ça trop technique, mais en tout cas. J'ai eu l'occasion,
peut-être, de solutionner ça… Je n'ai pas trouvé la réponse,
probablement, là, en ce moment. Lorsqu'une personne vient me voir, me dit qu'elle
est inapte, je vérifie au registre qu'elle
est inapte. Elle est là — donc, souvent, il y a des noms qui nous permettent de faire le
lien — et puis
là elle me dit qu'elle a un problème
soit... avec la curatelle. Mais elle ne peut pas me confier un mandat parce
qu'elle est inapte. Ou, lorsque,
comme députée, ils viennent... Puis, je vous rassure, tous les cas qui sont
venus, on a réglé ça autrement, sans qu'on m'invoque ça, très facilement et en quelques jours. C'était souvent des
erreurs humaines ou, bon, des incompréhensions, mais ça a toujours très
bien fonctionné. Sauf qu'elle ne peut pas me signer non plus une procuration.
Je suis toujours intervenue dans ces dossiers-là, mais sans avoir un vrai
mandat parce que, cette personne-là, une procuration ou un mandat, c'est un
contrat, puis elle ne peut pas tester ni faire de contrat.
M. Jutras
(Normand) : Oui. Alors, écoutez, dans un cas comme ça...
Mme Roy
(Arthabaska) : C'est une colle, hein?
M. Jutras (Normand) : Non. Oui, ça va. Je pense que je vais pouvoir répondre à votre question.
Alors, dans un cas comme ça, ce que
vous pouvez faire, c'est vous adresser comme tel au Curateur public et de venir vérifier auprès
de nous, là, ce qui en est des
allégations et on va pouvoir vous répondre. Et la plupart du temps, là, ça va
régler le problème. O.K.?
Mais je pense — je
vais me tourner vers ma directrice, ma directrice des affaires juridiques — qu'à
ce moment-là il y aurait possibilité de faire nommer un curateur ad hoc?
Mme Filion
(Nicole) : Il y a un article dans le Code de procédure civile, qui est
l'article…
Le
Président (M. Picard) : M. Jutras, on va demander à madame de
venir. C'est parce qu'on ne l'entend... Elle ne sera pas dans les
galées, là. Je vous demanderais de vous présenter et après de répondre à...
Mme Filion (Nicole) : Alors, mon nom est Nicole Filion. Je suis directrice générale des
affaires juridiques au bureau du
Curateur public. Alors, je comprends, de votre question, que la personne n'est
pas encore déclarée inapte par le...
Des voix :
…
Mme Filion (Nicole) : Elle l'est? Alors, très bien. Alors, dans ce cas-là, si elle est
représentée par le Curateur public, on donne des mandatements à l'aide
juridique ou bien si la personne évidemment est éligible au programme d'aide juridique ou à des avocats de pratique
privée, selon un tarif gouvernemental, là, qui est convenu par
règlement. Alors, on procède à des mandatements. C'est le Curateur public qui
donne les contrats de services professionnels aux avocats, à titre de tuteur ou
curateur à la personne que vous serez susceptible de représenter à ce
moment-là.
M. Jutras
(Normand) : Donc, ça veut dire que le mandat va vous venir du Curateur
public...
Mme Roy
(Arthabaska) : Comme avocate, oui.
M. Jutras
(Normand) : Oui. C'est un peu spécial. On représente cette personne-là.
Mais disons qu'il y a une contestation qui se soulève : on donne le mandat
à l'avocat, qui pourra somme toute poursuivre le Curateur public, prendre des
procédures contre le Curateur public, si, par exemple, cette personne-là
prétend qu'il y a une mauvaise administration
qui est faite par le Curateur public. Et c'est un mandat qui est... L'avocat
donc s'occupe de représenter cette personne-là.
Mais
on ne peut pas procéder autrement parce que cette personne-là n'a pas
l'exercice de ses droits. Alors, il faut forcément que le mandat vienne
du Curateur public.
Mme
Roy (Arthabaska) : Bien, c'est ça. Moi aussi, j'en arrivais au
même cul-de-sac. Mais, par contre, on n'a jamais eu à prendre cette
procédure-là parce que... Ce que j'ai apprécié du Curateur, c'est qu'il ne s'en
est pas tenu à une interprétation stricte, il a eu une certaine souplesse puis,
sans m'émettre de renseignements confidentiels, il pouvait entendre ce que je
disais et procéder aux corrections.
Donc,
j'espère que vous allez garder cette même attitude-là parce que ça facilite de
beaucoup les rapports entre... Puis
ça fait aussi que je pense qu'il n'y a pas eu beaucoup de dossiers... On n'a
pas beaucoup de dossiers ou d'interventions à faire dans cette
matière-là. Je vous en remercie puis je le souligne.
M. Jutras
(Normand) : Alors, cette ouverture-là, je peux vous assurer qu'on va
la garder.
Mme Roy
(Arthabaska) : Merci. Vous avez parlé de dépliants, Un de
vos proches devient inapte. Où vous le distribuez, ce dépliant-là?
Le Président (M. Picard) : M.
Jutras.
M. Jutras (Normand) : Où est-ce qu'on
l'a distribué?
M. Loiselle
(François) : Sur demande, mais, principalement, c'est un document qui…
Le Président (M. Picard) : Je
vous demanderais que...
M. Jutras
(Normand) : Bon. Vous pouvez
vous avancer. Alors, c'est M. François Loiselle, qui est directeur des
communications. Mais, principalement, là où vous pouvez vous le procurer, c'est
sur notre site Web; vous pouvez le télécharger. Mais peut-être que M. Loiselle
peut rajouter autre chose.
Le Président (M. Picard) : M.
Loiselle.
M. Loiselle (François) : Oui.
François Loiselle, directeur des communications. C'est un document qui est distribué, la plupart du temps, dans les salons et
événements publics, où on est présents avec un stand, parce que c'est un
document justement qui passe de A à Z qu'est-ce qu'on doit faire lorsqu'un de
nos proches devient inapte et jusqu'au Curateur
public à la fin en dernier recours. Et il est disponible sur le site Web et
c'est un des documents les plus téléchargés sur le site, avec le mandat,
évidemment.
Mme Roy (Arthabaska) : Il m'en
reste encore un peu?
Le Président (M. Picard) :
Oui, il vous reste cinq minutes.
• (16 h 30) •
Mme Roy
(Arthabaska) : Bien, moi,
je vous ferais la suggestion de l'envoyer aux bureaux de députés parce qu'on est souvent le dernier recours.
Moi, j'ai une formation juridique, mais ce n'est pas le cas pour tout le monde,
puis ça peut… c'est parce que c'est…
Finalement, en bout de course, là, quand on a cogné aux mauvaises portes, on se
ramasse souvent chez le député — vous en avez l'expérience, M. le
Curateur — hé bien,
ça serait peut-être… que notre personnel ait ce dépliant-là… Ce serait peut-être utile de l'avoir, parce qu'on
n'est pas toujours là, nous autres, là. On a écouté ce que vous avez
dit, mais on n'est pas toujours au bureau, vous le savez.
M.
Loiselle (François)
: Excusez-moi. Le hasard faisant bien les choses,
c'est prévu dans les prochaines semaines. Vous allez recevoir ce
document-là, Le Curateur public : son rôle, sa mission, qui décrit
le rôle et la mission du Curateur public, ainsi que le merveilleux poster avec
des photos de…
M. Jutras (Normand) : …une des
personnes qu'il y a sur le poster.
M.
Loiselle (François) : Bien,
ça ne sera pas avec ma photo, je suis humble quand même. Mais ce sera avec
la photo de ma belle-mère, qui va être…
Mme Roy
(Arthabaska) : Je vous remercie. La dernière question que je
voulais vous poser, et je suis consciente que vous n'avez pas beaucoup de temps pour lui répondre, vous avez… On a
eu un document de travail concernant ce qu'on peut appeler le
cafouillage ou les problèmes au niveau de la gestion de votre informatique. Là,
vous dites que c'est sous contrôle. Vous avez pris quelles mesures?
Le Président (M. Picard) : M.
Jutras.
M. Jutras (Normand) : Beaucoup de
mesures, beaucoup de mesures. Le programme, il est parti en 2002, d'accord? Et on a eu une première phase,
2002-2006, là, où on a suivi, à ce moment-là, au Curateur public, la
tendance qu'il y avait au gouvernement d'utiliser des progiciels et de les
adapter à la réalité de l'organisation. Cependant, la tâche du Curateur public est tellement diversifiée et
elle est tellement ample que l'adaptation ne pouvait pas se faire. Alors,
ça, cette étape-là, ça a duré quatre ans, et
effectivement ça a coûté 13 millions. Et, d'ailleurs, à l'époque, la
Curatrice publique, qui était Mme Nicole Malo, est venue s'expliquer
ici, devant la commission parlementaire — j'ai même relu les galées, là, ça s'est passé en 2006, là — et elle a dû donner des explications
concernant ce qui s'était passé. Par la suite, on est donc rentrés dans
une deuxième phase, qui est partie en 2006, avec une échéance en 2011, mais,
là, quand on… avec… pour une partie. Et là
on s'est aperçu qu'il y avait certains problèmes, ça a été retardé d'une année,
mais il y a donc une partie qui a été implantée.
Mais là on a
une échéance pour juin 2014. Et ce qui se passe, c'est qu'on… maintenant, il y
a une surveillance du Secrétariat du
Conseil du trésor concernant l'évolution de notre dossier. Il y a une personne
qui est en charge, au Conseil du trésor, de surveiller l'évolution de ce
dossier-là avec nous. On a dû nommer quelqu'un en charge, chez nousspécifiquement, qui est Pierre Lamarche, qui est
administrateur d'État… surveiller l'évolution du dossier. Et je peux
vous dire qu'avec cette collaboration — et je peux même dire surveillance, c'est de
l'accompagnement et c'est de la surveillance très étroite, là, de la
part du Conseil du trésor — que
présentement, là, le dossier est passé de la cote rouge à la cote jaune, et nous sommes confiants, là, que, pour
juin 2014, là, on devrait rencontrer notre échéance, l'échéance qui a
été fixée avec le Conseil du trésor, et on fait tout, là, pour rentrer dans la
cible. Peut-être, M. Lamarche, vous voudriez rajouter d'autre chose, ou j'ai
dit ce qui en était correctement?
M. Lamarche (Pierre) : Bien, je
pense que ça trace un portrait assez clair, en fait. Ce à quoi M. Jutras
faisait allusion, c'est qu'on a quand même
réussi, dans la dernière année, une implantation majeure, donc toute l'infrastructure
technologique a été implantée, fonctionne. On numérise des documents. La
numérisation étant en lien avec notre système
mission. On a rehaussé notre système mission. Vous posiez la question :
Qu'est-ce qui a changé? On est allés chercher
les compétences dont on avait besoin dans l'organisation, et puis on s'est
concentrés sur une chose, c'est-à-dire le budget qui nous était alloué,
et on reste concentrés sur cette cible-là.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
M. Jutras
(Normand) : On s'est organisés
aussi, et je pense que c'est bien important… on s'est organisés pour
être moins dépendants des ressources
externes, avoir à l'interne les compétences pour pouvoir mener le dossier et
bien le gérer.
Le Président (M. Picard) :
Merci, M. Jutras. Je cède maintenant la parole, là, à la partie
gouvernementale, Mme la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin :
Bonjour, M. le Curateur et toute l'équipe, mes collègues de l'Assemblée, alors,
très heureuse de pouvoir vous entendre et d'approfondir mes connaissances quant
au mandat du Curateur public.
Pour aller un
peu dans le même sens, vous nous avez parlé des défis qui vous guettent
avec le vieillissement de la population et vous avez aussi parlé tout à l'heure du défi des ressources humaines. Et je voyais que, dans votre Plan
stratégique 2011-2016 du Curateur public, il y avait un objectif qui avait
été intégré dans ce plan-là, c'est : «Attirer
et retenir un personnel qualifié.» Vous avez dit tantôt : D'attirer des
gens parmi votre équipe aussi, à
l'intérieur, avec des compétences, pour être
en mesure d'être moins dépendant des services externes. Alors, pourriez-vous
nous en parler un peu plus de façon… Et puis aussi on voyait que tout à l'heure, là, vous nous avez dit que le gouvernement
venait de vous allouer 25 ETC de plus, pour être capable de répondre à la
demande, ce qui est une bonne nouvelle en soi. Mais le défi qu'on voyait dans le plan stratégique, c'est :
«Attirer et retenir un personnel qualifié.» Je pense que c'est le défi de plusieurs organisations présentement. Alors,
pouvez-vous nous en parler, est-ce
que c'est sur la bonne voie, c'est
réussi ou… un peu de ce défi-là? Parce qu'on peut vouloir rendre des services, mais,
quand on n'a pas l'équipe derrière nous pour le faire, c'est plus
difficile.
Le Président (M. Picard) : M.
Jutras.
M. Jutras (Normand) : Oui, on a
regardé ce qui se passait, là, au sein de notre organisation et on a constaté entre autres qu'on avait ce qu'on appelle des
postes vulnérables et qui pouvaient compliquer, là, l'accomplissement de
notre mission dans le sens suivant :
c'est que souvent ces postes vulnérables, ça va être le poste qui est occupé
par une seule personne, avec son
expérience à elle, avec son expertise, et elle est seule à faire cette job-là.
Et les conséquences qu'on avait auxquelles
on était confrontés, c'est que cette personne-là partait, et là le service
était, somme toute, en quelque sorte, comme
désorganisé. Et aussi, au curateur public, on fonctionne beaucoup avec des
petites équipes. Comme, par exemple, aux
communications, à la réception, à un moment donné, bien, on a trois personnes
qui sont aux appels et qui répondent aux appels et aux courriels, puis là tout d'un coup il y a une personne,
bon, qui prend sa retraite et on a une autre personne qui s'en va dans un autre ministère. Alors, vous
comprenez. Puis c'est pour ça, là, quand vous regardez le temps d'attente,
là, à un moment donné, des réponses, là,
c'est passé de 30 secondes à 47 secondes, parce qu'il a fallu qu'on
rappelle quelqu'un qui était à la
retraite pour venir former deux autres personnes qu'on a dû engager, et il y a
eu une certaine déstabilisation du service.
Alors, on a
donc identifié des postes vulnérables et on s'est dit : Bon, bien,
qu'est-ce qu'on peut faire par rapport à ça? Et ça nous a permis… Somme toute, ce qui est important, c'est de
faire en sorte qu'il n'y ait pas une seule personne qui ait l'expertise
et aussi de favoriser une certaine transition, de sorte que, si cette
personne-là s'en va, bien le service peut continuer pratiquement à la même
vitesse. Alors, c'est une des mesures qu'on a adoptées.
Par ailleurs, on se posait des questions, à
savoir, concernant le taux de roulement des employés au curateur public, le taux de départs, parce qu'effectivement
on a parlé tantôt des baby-boomers, et il y a une vague de retraites,
là, qui se prennent, là, dans les différents
organismes et ministères. Mais on s'est aperçu qu'on avait un taux de départs
qui est même en deçà, là, de ce que
l'on retrouve ailleurs. Parce que, si vous regardez, par exemple, le taux moyen
de départs dans la fonction publique en 2011‑2012, c'était 7,03, puis au
Curateur public, c'est 6,01.
Alors, tiens,
je vous disais par rapport… C'est à ces postes-là, que l'on considérait comme
étant vulnérables… Alors, ce qu'on a
voulu, c'est — je vous
en ai parlé — de
faciliter la transition entre le départ et l'arrivée d'un nouvel employé, assurer la continuité des opérations sans
difficulté, favoriser un apprentissage plus rapide aussi de l'organisation
et de ses pratiques, puis permettre une
meilleure compréhension du mandat par rapport à la personne, là, qui est
titulaire de ce
poste-là. Alors, ça s'est inscrit, ça, dans un programme de gestion, là, de
main-d'oeuvre, et effectivement, là, on constate que les résultats sont
là.
Et on a fait aussi, auprès de notre personnel,
là, un sondage pour savoir, là, qu'est-ce qu'il en était de leur satisfaction
par rapport à leur travail et qu'est-ce qu'on pouvait améliorer comme
conditions de travail. Et, entre autres, là, c'est quelque chose qui avait
ressorti, mais qui touche à ça, c'est à savoir la valorisation des compétences,
c'est-à-dire que les personnes acquièrent, chez nous, une compétence, mais, quand
vient le temps des promotions, bien, il y a lieu d'en tenir compte davantage.
Alors, c'est
un sondage qui avait été fait, là, à l'hiver, qui a été fait l'hiver dernier,
et… Alors, ça nous a permis entre autres d'effectuer un diagnostic, là,
à l'égard du développement des compétences au Curateur public, favoriser la mobilité interne en rendant disponibles des
outils d'aide à la gestion de la carrière et à la préparation des entrevues
de sélection puis à encourager la
reconnaissance aussi. Parce que les employés parlaient de ça. Ils voulaient que
davantage la reconnaissance soit reconnue au sein du Curateur public, et ce, à
tous les paliers. Et on voulait aussi… Ce que les employés demandaient, c'était de transmettre l'information sur les
différents processus en lien avec l'attribution des bonis et des
promotions parce que, là, encore là, il y avait un questionnement :
Comment ça fonctionnait pour les bonis? C'est sûr que, quand un employé le
touche, puis l'autre ne le touche pas, il y en a un qui va sentir assez
aisément une injustice. Alors, il fallait
donc améliorer le processus par rapport à l'attribution des bonis et par
rapport aussi à l'attribution des promotions.
• (16 h 40) •
Le Président (M. Picard) : Mme
la députée de Masson.
Mme
Gadoury-Hamelin : Alors, si
je comprends bien, vous avez pris des
moyens concrets pour vous assurer que votre… qu'il était possible de
retenir le personnel et de valoriser votre personnel, ce qui est bien.
J'avais une
autre question, M. le Curateur. J'ai lu, dans vos documents,
dans les documents qui vous concernent, qu'il y a
11 points de service, et dont quatre sont dans des… vous en avez quatre dans
des établissements. Mon questionnementétait :
Les quatre qui sont dans des établissements, est-ce
que j'ai bien compris la façon dont
c'est organisé? Puis comment ça se
fait? Où vous choisissez d'être dans des établissements? Quels sont les
critères, dans le fond, là, qui font que vous vous établissez à
un endroit plutôt qu'à un autre?
M. Jutras
(Normand) : Bien, en fait,
là où on s'est retrouvés dans les établissements, c'était ce qu'on appelle des établissements
majeurs, puis, entre autres, en l'occurrence, des établissements de santé
mentale. Alors, je pense, ici, à Québec, il y a
un nouveau nom, là, ce qu'on appelait auparavant Robert-Giffard, maintenant, c'est l'institut
de santé mentale de Québec. Je pense que c'est ça, le nom?
Une voix : Institut
universitaire, oui.
M. Jutras
(Normand) : Institut
universitaire de santé mentale de Québec, et la même chose à
Louis-H.-Lafontaine.
Mais, en
fait, on a quatre directions territoriales, là, et 11 points de service. Il y
en a, comme vous l'avez mentionné, dans
des établissements, mais, aussi, on a des bureaux, comme, quand je suis allé
dans l'Outaouais, bien, ça me permettait de visiter… de rencontrer des personnes que je représente. Ça me
permettait de voir dans quels milieux ces personnes-là vivent. Ça me
permettait d'échanger avec elles.
Et moi, je
vais vous dire, là, une des conclusions que j'en tire : Il y a beaucoup de
critique sur ladésinstitutionnalisation…
sur la désins, pour parler plus simplement, là, ça va être… je buterais moins
sur le mot, si vous me permettez.
Mais, en tout cas, je voyais, là, quand je suis allé dans l'Outaouais, là,
c'était une ressource intermédiaire en matière de santé mentale, des
gens qui ont des problèmes de santé mentale, mais qui ont chacun… Chacune de
ces personnes-là a son petit appartement, et
c'est bien organisé : salon, cuisine, salle à manger, la salle de bain. Et
ça permet donc à ces personnes-là d'avoir une vie plus normale plutôt
que d'être dans une institution. Ça leur permet d'avoir une vie plus normale, plus autonome aussi — et je vous répète que c'est toujours un des
buts qu'on doit poursuivre en vertu
du Code civil, la sauvegarde de l'autonomie de la personne — mais il y a une supervision qui se fait, de
sorte que… Tu sais, la personne me
racontait, la personne qui était en charge me racontait… Si elle constate, oup,
Untel, là, ça fait… je trouve qu'il
va drôle, là, il a un comportement un peu bizarre. Ça doit être sa médication
qu'il a arrêtée, parce que c'est souvent le problème de ces gens-là.
Alors, telle me racontait qu'elle intervient auprès de cette personne-là et
elle lui dit : Bon, bien, là, je vais
prendre le contrôle de ta médication pour les prochains jours, O.K.? Tes
médicaments, maintenant, tu vas venir
les chercher quotidiennement, tu vas venir les chercher auprès de moi. Et ça
permet donc à la personne de se rétablir,
en quelque sorte, là, et de revenir au niveau où elle était pour
lui permettre de mener une vie qui est plus digne, là, et ça lui permet
de mieux fonctionner. Comme quand je suis allée à Victoriaville aussi, dans le
comté d'Arthabaska…
Une voix : …
M. Jutras (Normand) : Oui. Alors, là aussi, il y
avait une ressource intermédiaire
pour… Il y avait, entre
autres, des déficients intellectuels qui étaient là, mais qui peuvent, eux
aussi, là, vivre dans un petit logement, mais avec une supervision. Et, tu sais, au lieu, ces gens-là, de se retrouver dans une
chambre dans un CHSLD, bien là, en étant dans un appartement, et, tout
dépendant… Pour certaines clientèles, c'est le CHSLD avec la chambre avec les
soins continus, mais il y a
d'autres personnes qui sont plus autonomes et qui peuvent vivre dans un
logement. Et une jeune femme que je rencontrais et qui me racontait à
quel point ça avait changé sa vie parce qu'elle est passée d'une chambre, là, à
un appartement, de
sorte que ça lui permettait de recevoir ses enfants... Et, comme à Noël, bien,
même ses enfants avaient pu coucher
chez elle. Alors, ça lui permettait donc de vivre une fête de Noël plus
familiale, plus normale que quand vous êtes confinés à une seule
chambre. Mais ça dépend de la clientèle, hein? À un moment donné, il y a des
personnes, c'est le CHSLD, puis, pour
d'autres personnes, bien quand il y a ces logements supervisés là, moi, je trouve
que c'est excellent.Et, pour ceux
qui critiquent la désins, il faudrait
qu'ils aillent visiter ce genre de ressources là et ils s'apercevraient à
quel point, au contraire, la désins, là, ça
a permis d'améliorer le mieux-être de ces personnes-là, puis ça a permis qu'ils
vivent davantage dans la dignité et de façon plus correcte.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Madame?
Mme
Gadoury-Hamelin :
Écoutez, je voudrais juste terminer en vous disant que vous faites preuve d'une
grande humanité. C'est très intéressant de vous entendre sur le sujet. Puis je
pense que, comme ma collègue qui l'a mentionné tout à l'heure, on a une
méconnaissance du Curateur public. Alors, je vous invite à poursuivre votre
volet informatif, je pense que c'est gagnant.
M. Jutras
(Normand) : Merci.
Le Président (M.
Picard) : Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Sainte-Rose.
Mme
Proulx : Merci, M. le Président. Bonjour, M. Jutras. Bonjour
aussi à toutes les personnes de votre équipe qui vous accompagnent. Alors, moi aussi, je suis vraiment impressionnée
de l'ampleur de la tâche, de l'ampleur du travail que vous faites, qui n'est
pas tout à fait assez connu dans la population, je pense. Et vraiment c'est
extrêmement important, là, de protéger les plus vulnérables, comme vous et
votre équipe le faites.
Vous
avez, M. Jutras, dans votre allocution, fait référence aux changements dans
votre clientèle, et ma collègue en a parlé,
le vieillissement de la population, ce qu'il y a comme impacts, notamment,
entre autres, que vous rencontrez plus de personnes avec des maladies
dégénératives. J'aimerais ça que vous nous parliez un peu comment, qu'est-ce
que vous mettez en place pour faire face à ce nouveau défi là, comment vous
préparez vos équipes.
Et
là je regardais un petit peu votre rapport d'activité, et on constate quand
même quelque chose — et
j'aimerais ça que vous nous expliquiez : entre les années 2008 et 2010,
une assez grosse baisse d'investissement en formation de votre main-d'oeuvre. Donc, on est passés de
990 000 $, somme investie en 2007-2008, à 336 000 $, donc,
c'est une baisse quand même assez
drastique. Je ne sais pas si vous pouvez nous expliquer : Pourquoi cet
écart-là entre les années dans l'investissement en formation? Et est-ce
que vous utilisez cette formation continue? Est-ce que ça fait partie de vos priorités? Est-ce que, pour vous, c'est une façon
de développer, de poursuivre le développement des compétences pour faire
en sorte que les personnes qui travaillent
avec vous soient toujours les mieux outillées possible, notamment pour
faire face aux changements, là, qu'on constate dans votre clientèle?
Le Président (M.
Picard) : M. Jutras.
M. Jutras (Normand) : Bien, effectivement, au Curateur public, là, nous sommes soumis, là, à
la règle du 1 % de formation de
la main-d'oeuvre, là, de la Loi favorisant le développement et la
reconnaissance des compétences de la main-d'oeuvre. En fait, il y a
toujours eu, au cours des dernières années, une augmentation de notre budget de
main-d'oeuvre. Peut-être qu'à un moment
donné il peut y apparaître… y avoir moins d'argent, mais c'est parce que ce
sont des formations qui se sont plus données à l'interne et qui ont donc
coûté moins cher.
Mais,
quand je regarde, là, effectivement là, voyez-vous, comme, en 2009, il y avait
eu un taux d'investissement qui était de 1,54 %; en 2010‑2011, ça a
été 1,2 %; en 2011‑2012, 1,2 % aussi; et, cette année, là, ça a été
1,87 %. Alors, quand vous avez vu cette
baisse-là, par rapport à la masse salariale, comme je vous ai dit, c'est plus
de la formation qui s'est donnée à l'interne et beaucoup de formation
qui s'est donnée — et
je le dis entre autres, là, en réponse à la députée
d'Arthabaska, qui m'a posé la question tantôt — par rapport aux technologies de
l'information. Il s'est donné — vu qu'on implante, là, notre
réseau — beaucoup,
beaucoup, beaucoup de formation par rapport aux technologies de l'information,
ce qui peut expliquer, là, cette baisse, là, de 1,54 % à 1,2 %. Mais,
comme je vous dis, déjà, en 2012‑2013, c'est 1,87 %. Alors, c'est déjà une
augmentation.
• (16 h 50) •
Une voix :...
M. Jutras
(Normand) : O.K. Et M. Lamarche porte à mon attention qu'en moyenne,
là, c'est quatre jours de formation par personne. Puis, quand on regarde les
budgets bruts, bien, ça a été 523 000 $ en 2010‑2011; 2011‑2012, 576 000 $; et, en 2012‑2013, c'est
767 000 $. Alors, vous l'avez mentionné aussi dans votre question,
madame, on n'a pas le choix, hein?
Avec notre changement de clientèle, on n'a pas le choix que, si on veut faire
face au défi correctement, bien, il faut donner de la formation à notre
monde. Mais, vu les difficultés qu'on a eues par rapport aux technologies de l'information,
il nous a fallu donner plus de formation à nos gens par rapport à ça pour,
comme je le disais à Mme la députée
d'Arthabaska il y a quelques minutes, nous rendre moins dépendants par rapport
aux ressources externes et pouvoir plus cheminer à l'intérieur avec nos
propres compétences au sein du Curateur public.
Mme Proulx :
Merci. J'aurais une autre question. Vous avez aussi, dans votre présentation,
tantôt, fait référence à des sondages que vous avez faits auprès des
représentants. J'aimerais ça que vous élaboriez un petit peu plus sur qu'est-ce qui vous a
amené à faire ces sondages-là. Est-ce que vous aviez un défi particulier? Est-ce
que vous aviez des préoccupations
particulières? Et comment vous allez traiter l'information que vous avez
recueillie suite à ces enquêtes et sondages que vous avez faits?
M. Jutras
(Normand) : O.K. Bien,
c'était dans le cadre des moyens que l'on prenait, que l'on voulait
prendre par rapport à cette augmentation constante de notre clientèle. Et on se
disait : Bien, une des solutions, c'est que les familles prennent
davantage charge de leurs proches, de leurs personnes inaptes. Et ce que l'on
constatait, c'est que, souvent, les familles
procédaient assez rapidement à dire non. Et on se disait : Bien, est-ce
qu'il y a... certaines familles, j'entends,
là. Et, plutôt que de se buter à un non, on se disait : Bien, est-ce qu'il
n'y a pas moyen de renverser la tendance et de faire en sorte que ces
personnes-à acceptent la charge?
Il faut
comprendre que, bon, effectivement, là, on est en relation avec des humains.
Souvent, quand la situation se présente, tu sais, les gens viennent de
vivre un drame. Ça peut être, là, un ACV soudain et terrifiant et foudroyant,
ça peut être, bon, la personne... la mère ou
le père qui est... bon, qui commence l'alzheimer. Alors, souvent, les gens
sont déstabilisés et ils se disent :
Ah! Bien là! Déjà, là, ça va être beaucoup, là, d'aller la voir ou d'aller le
voir, prendre en charge, en plus, cette administration-là, c'est trop.
Et on s'est
donc dit : Comment on peut renverser cette tendance-là? Puis on s'est
dit : On va aller consulter. Et, comme je vous ai mentionné tantôt,
on a organisé des «focus groups» : Montréal, Québec, 45 personnes. Et on
leur posait la question : Qu'est-ce qui
vous fait hésiter à prendre charge d'un proche que vous connaissez? Et je parle
toujours père et mère, mais ça peut être un ami aussi et, évidemment, le
conjoint. Alors, qu'est-ce qui vous fait hésiter? Puis vous ne voulez pas prendre la charge, mais qu'est-ce qui ferait en sorte
que, peut-être, là, vous changeriez d'idée? Alors, c'est de cette
façon-là qu'on a travaillé avec ces personnes-là.
Et, comme je
vous disais, là, ce qui les faisait hésiter, c'était l'attitude de la personne
inapte. Ça, par contre, on a plus ou moins d'emprise là-dessus, hein; le
cas que je vous donnais, là, du jeune schizophrène qui est toujours rendu chez
ses parents à demander de l'argent ou demander de la nourriture...
Mais, par
contre, en disant aux gens :
Vous prétendez ne peut-être pas avoir les compétences, mais on a des
gens compétents au Curateur public, on a des comptables, on a des travailleurs
sociaux, on a des gens qui peuvent vous donner des conseils, qui peuvent vous
accompagner… Et les personnes, effectivement, généralement, ça revenait tout le temps, ça, là : Si on était mieux informés, si on pouvait compter sur un
réseau, si on pouvait faire partie d'un réseau, ça nous aiderait.
Alors, on a
donc travaillé justement à renforcer le sentiment de compétence des gens pour
qu'ils se sentent… Ce n'est pas vrai,
que vous n'êtes pas capable, madame. Vous pouvez le faire. Puis on comprend
que, peut-être, présentement,
vous êtes dans une situation difficile, mais ça va se replacer, ça, le choc va
s'amenuiser, et on va être là pour vous accompagner, on va être là pour vous
aider.
Et là, bien, évidemment,
les gens commencent une réflexion. Alors qu'auparavant on avait peut-être
un réflexe rapide de dire non, bien
là on crée un sentiment d'hésitation, et, finalement, bien souvent, ces gens-là
en arrivent à dire oui. Et on
s'aperçoit des effets, là, chez nous. On commence à remarquer qu'il y a
plus de régimes privés qui s'ouvrent, là. Alors, on pense que c'est
effectivement, là, avec ces méthodes-là qu'on a utilisées.
Je vous mentionnais aussi, là, les guides qu'on
a publiés, et qui sont rédigés en des termes simples, et qui sont bien faits, avec, comme je vous disais, un
aide-mémoire. Alors, ça aussi, les gens, ça les conforte beaucoup. Mais on ne se contente pas de
ça : on les réunit, on leur parle, on leur explique le guide et on leur
dit : Notre porte vous est toujours ouverte, et, effectivement, chez nous,
là, on a un service de réponse qui est rapide, et on est en mesure, là, effectivement, de bien conseiller les gens. Parce que
souvent, pour les gens, ça peut leur apparaître une montagne, mais des fois la montagne n'est pas si haute que ça,
là. Puis, même si la personne s'est plus ou moins occupée de l'administration
des biens, ça s'apprend. C'est toujours
ce que je me suis dit, dans la vie, là, tout s'apprend. Et il y a
moyen de faire en sorte que les gens se sentent plus en confiance et de
leur dire : Bien oui, vous pouvez l'apprendre, et on va être avec vous de
toute façon.
Le Président (M. Picard) : Il
vous reste 30 secondes.
Une voix : …
Le Président (M. Picard) : Je
vais céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais : Merci beaucoup, M. le
Président. M. le Curateur, une
question qui peut sembler délicate, mais… La députée d'Arthabaska parlait tout à l'heure de vision, en quelque sorte, de vision prospective. Elle a même
mentionné un point de rupture par rapport à vos effectifs et à la charge de
travail que vous avez.
Qu'est-ce qu'un gouvernement — je ne parle pas du gouvernement — qu'est-ce qu'un gouvernement pourrait
faire de plus pour vous accompagner dans votre responsabilité, dans votre
tâche, eu égard au fait que votre mission se voit en quelque sorte bouleversée par le vieillissement de la population et
par la complexité? Quand vous parlez que vous êtes rendus à gérer une
ferme laitière, quand vous êtes rendus à dire que les gens ont plus d'argent,
donc le patrimoine est plus grand, donc une plus grande gestion…
Vous avez aussi
mentionné tout à l'heure, et très, très brièvement, que vous étiez en train de
penser à faire peut-être des tuteurs
privés. Donc, comment, d'un point de vue prospectif, vous pourriez vous
redéfinir autrement, toujours dans une continuité de service à la
population? Et comment un gouvernement pourrait vous soutenir dans votre
mission?
Le Président (M.
Picard) : M. Jutras.
• (17 heures) •
M. Jutras (Normand) : Effectivement,
le soutien qu'on a eu du gouvernement au cours des dernières années, là… Parce que vous allez vous rappeler
qu'en 1998-1999 il y avait eu une crise majeure au Curateur public. Moi,
à l'époque, j'étais à l'Assemblée nationale,
là, il y avait eu un rapport du Vérificateur général qui avait été
dévastateur et il y avait eu un rapport
aussi du Protecteur du citoyen qui était lui aussi dévastateur. Parce que, pour
vous donner juste un exemple, là, le
Curateur public avait des personnes sous son régime, là, il ne savait même pas
où ces personnes-là étaient rendues. Et donc comment pouvez-vous vous
occuper de ces personnes-là si vous ne savez pas où ces personnes-là sont
rendues? Et autant le Protecteur du citoyen, à l'époque… Et moi, je me souviens
de cette crise-là, là, parce qu'il y en
avait été beaucoup question avec ces deux rapports-là qui étaient arrivés. Et
les deux rapports allaient dans le même sens, de dire : Bien, il faut que l'encadrement au Curateur public
soit mieux organisé que ça, mais aussi il faut augmenter de beaucoup les effectifs, de sorte que… Alors que,
si on se reporte à ces années-là, 1998, 1999, les effectifs au Curateur public
étaient d'environ 200 personnes, bien, avec les différents gouvernements les
uns après les autres, on est passés de 200 employés à 650 employés. Et on n'avait
pas le choix, là, parce que, et de un, il fallait qu'un coup de barre important
soit donné à l'époque, mais, aussi, il fallait donner un meilleur service à ces
gens-là.
Alors, bon,
ça, c'en est une, façon, que le gouvernement peut nous aider, puis on était
contents de la nouvelle qu'on a eue dernièrement. On espérait, là… Parce
qu'on sait que les finances publiques, c'est serré. Alors, on espérait avoir
une réponse positive et on était bien contents de la réponse qu'on a reçue. Et,
effectivement, c'est encore le soutien qu'on va attendre du gouvernement.
Mais on se
pose la question aussi : Est-ce qu'on va toujours gonfler le Curateur
public, là, et rajouter des employés et rajouter des employés? Et c'est
pour ça que, devant ce questionnement-là… parce qu'on… Ma prédécesseure, Mme Lavallée, avec son comité de direction, s'est
penchée là-dessus. Et c'est là que les nouvelles mesures ont été
adoptées, là, au cours des dernières années,
de prendre le virage famille. C'est une des solutions qu'on a retenues. Mais ça
a été un changement de culture, là, au sein du Curateur public, à savoir
qu'au lieu de prendre peut-être trop facilement en charge des personnes et de faire en sorte qu'on organise la vie de cette
personne-là au Curateur public est-ce qu'on ne peut pas plutôt renverser
complètement la tendance et faire en sorte d'organiser la vie de cette
personne-là dans un régime de protection
privée? Alors, ça a été un changement de culture. Il y a eu de la formation qui
a dû être donnée, et on voit les résultats. Mais à court terme et moyen
terme, c'est vraiment ce vers quoi on s'enligne.
Je sais que
ça a été discuté, là, de l'expérience que je vous ai parlé en France. Ça s'est
passé avant moi. Est-ce que ça a été retenu ou c'est encore sur la table
de travail?
M. Lamarche (Pierre) : Il y a, dans
le…
Le Président (M. Picard) :
Veuillez vous identifier, s'il vous plaît.
M.
Lamarche (Pierre) : Pierre
Lamarche, directeur général des services aux personnes. Dans le projet de loi
qui avait été déposé, projet de loi qu'on a
appelé projet de loi n° 45, il y a une disposition qui permet d'autoriser
des projets pilotes. L'objectif est
de — peut-être,
éventuellement, quand on aura le pouvoir juridique de le faire — commencer à tester cette méthode dont
vous avez parlé, c'est-à-dire celle qui est expérimentée en France
actuellement, de confier à des tuteurs privés certaines responsabilités. Mais
pour l'instant cette possibilité-là n'existe pas, elle est liée à l'avenir,
dans le fond, du projet de loi n° 45.
Le Président (M. Picard) :
Merci.
M. Jutras
(Normand) : Voyez-vous, pour
compléter la réponse, là, de M. Lamarche, là, bon, il y a eu ce projet
de loi là, là, qui a été déposé du temps du gouvernement précédent, que le
gouvernement actuel, les informations que j'ai,
il veut reprendre. Et, finalement, la réflexion qui s'était faite au Curateur
public, c'était, entre autres, de dire que la famille et les proches constituent l'élément clé de la représentation
des personnes inaptes. Et en fait, aussi, ça avait été un chantier important de réflexion. Le Curateur
public, à ce moment-là, a rencontré les acteurs gouvernementaux,
ministère de la Justice, la famille, les
aînés, santé et services sociaux, Emploi et Solidarité sociale, Secrétariat du
Conseil du trésor, forcément, les
organismes communautaires, pour voir comment on pouvait envisager l'avenir chez
nous. Et, effectivement, là, ce qu'on se disait, bon, bien, c'est :
La famille et les proches constituent l'élément clé. Le mandat en prévision de l'inaptitude, alors, si on peut faire en sorte que
plus de Québécois s'en prévalent et que ça rentre vraiment, là, dans
toutes les familles, ça ne peut être que bénéfique, là. Ça peut faire en sorte
que moins de gens nous arrivent, et, encore là, que ce soient les familles qui
s'en occupent.
Puis, par
ailleurs, bien, dans ce projet de loi là, il y a d'autres dispositions qui sont
là pour simplifier, là, mais là je vais
tomber plus dans le juridique, là… pour simplifier les méthodes d'ouverture,
minimiser les frais aussi pour les familles.
Mme
Blais : Donc, c'est votre
vision prospective, et, un peu comme un proche aidant, ça vous donnerait un
peu de répit, ça vous permettrait peut-être de continuer.
Moi, j'aurais
d'autres questions, mais je vais laisser ma collègue, M. le Président, si vous
le permettez, puis je reviendrai s'il me reste du temps.
Le Président (M. Picard) :
Mme la députée de Hull, s'il vous plaît.
Mme
Gaudreault : Merci, M. le Président. Bon. Alors, on continue à évoluer dans la
meilleure connaissance, là, de vos responsabilités, puis les souhaits aussi que vous émettez, là, en venant ici devant
nous. Vous parlez beaucoup du virage familial, beaucoup, beaucoup.
Et, encore, hier, à mon bureau de comté, trois familles sont venues me voir,
des parents de jeunes déficients intellectuels qui sont encore à l'école,
qui ont 20 ans. Puis, à l'âge de 21 ans, le ministère de l'Éducation n'est plus
dans le décor. Et là ces parents-là sont inquiets.
Vous avez parlé du logement supervisé, ça, c'est
merveilleux. Si on pouvait en faire pousser comme des champignons partout au Québec, ce serait une solution, j'imagine, qui empêcherait
des gens de se retrouver chez vous comme clientèle, puisque le milieu
serait adapté à leurs besoins, puis ils y seraient plus heureux.
J'ai plusieurs questions par rapport à cette
clientèle-là. Ma collègue me disait tout à l'heure : On parle des jeunes. Disons qu'un jeune qui est déficient… qui a
une déficience mentale, qui a un problème de santé
mentale, ses parents ne
peuvent pas s'occuper de lui. Il vous est confié à partir de 21 ans, mais il va
vivre longtemps, il va vivre peut-être 30
ans, 40 ans, 50 ans, sous votre gouverne. Mais est-ce qu'il arrive que vous vous rendez compte qu'une personne
est malheureuse dans son milieu? Et comment
est-ce qu'on peut trouver une solution pour la changer de milieu? Si elle
est dans CHSLD, est-ce qu'elle ne serait pas mieux dans un appartement? Est-ce
que vous avez le temps de gérer cette dimension-là du bonheur de vos petits
protégés, ou, malheureusement, il y a certaines personnes qui font en sorte qu'ils arrivent dans un milieu où la famille ne peut
pas s'occuper d'eux, très tôt dans leur vie, ils sont confiés à l'État?
M. Jutras (Normand) : Bien, là…
Mme
Gaudreault : Les
réponses fusent.
M. Jutras
(Normand) : Oui, écoutez,
on a, au Curateur public, ce qu'on appelle des curateurs délégués,
alors ce sont des personnes à qui je délègue
des pouvoirs pour s'occuper, là, de ces personnes-là sur le terrain. Et ces
curateurs délégués se retrouvent un peu
partout sur le territoire du Québec dans nos points de service, comme il y en a justement, là, à Gatineau. Et ces
gens-là sont en contact avec la clientèle, les rencontrent et voient ce qui en
est. J'ai moi-même, dans ma tournée, jusqu'à maintenant, assisté à ces rencontres-là, tu sais. Et le but de la rencontre, c'est
de voir comment fonctionne cette personne-là, est-ce qu'elle est
heureuse dans son milieu, est-ce qu'elle a besoin de choses. Et c'est une rencontre, là, qui va assez loin, avec un
questionnement du curateur ou de la curatrice déléguée, qui va assez loin
aussi, là. On se retrouve avec la personne
seule et sans la présence des dirigeants de l'organisation. Ça permet donc un
contact plus libre et, on espère, plus franc. Et on interroge la personne, on
la questionne, on voit ce qui en est, on vérifie… J'assistais à ça, je me sentais un peu trop curieux jusqu'à un certain
point, mais ça fait partie du travail, que la curatrice déléguée allait voir dans les garde-robes si tout
est là, si… L'hiver s'en vient :
Est-ce que la personne a des vêtements pour l'hiver? Elle lui posait la
question : Je vois que vous n'avez pas de bottes, là, est-ce que vous avez
des bottes pour cet hiver? Puis là, la
personne disait : Ah, bien oui, c'est vrai, je voulais vous en parler,
j'ai besoin de bottes. Et on regardait aussi… La curatrice déléguée
regardait dans chacun des tiroirs et voyait, là, dans quel état c'était.
Alors, déjà
ça, ça vous donne un bon indice. Il y a des personnes, effectivement, les
rencontrer, c'est plutôt… ça ne donne
pas grand-chose quand la personne était en maladie d'Alzheimer avancée, puis
que même c'est plus perturbant pour
elle de se retrouver en face d'étrangers, bien, effectivement, dans ces cas-là,
on y va moins souvent, surtout quand on est en confiance par rapport à l'institution
où est cette personne-là. Mais, par exemple, comme dans les ressources
intermédiaires, on rencontre les dirigeants de la ressource intermédiaire; je
vous donnais, tantôt, là, l'exemple, là, Pierre-Janet. C'était ça, hein, l'institution
où on est allés, là?
Mme
Gaudreault : Oui, tout
à fait.
• (17 h 10) •
M. Jutras (Normand) : Alors, ça nous
permettait de voir, là, comment ces gens-là fonctionnent. Alors, on rencontre
donc les responsables de la ressource, mais on rencontre aussi la personne, là,
puis il y a un questionnaire qui va assez
loin. Mais on rencontre aussi les intervenants sociaux, on rencontre les
travailleurs sociaux. Si la personne est dans un CHSLD, on rencontre les infirmières, les infirmiers. Alors, dans
mes tournées que je fais jusqu'à maintenant, là, parce que, je vous disais, je suis allé… Victoriaville, Plessisville,
Gatineau. Je suis allé à Trois-Rivières. J'en ai une, là, une visite qui s'organise, là, présentement dans
Charlevoix. Puis je vais aller aussi du côté de Rimouski. Alors, c'est
donc de voir les conditions de vie de ces gens-là. Et, effectivement, là… Vous
allez trouver que ma réponse est longue. Mais, parfois, on peut en venir à la conclusion qu'effectivement cette
personne-là n'est pas à la bonne place. Et là on va en parler à la famille. Si la famille est impliquée, alors on
en parle avec la famille. Mais on va en parler avec les gens de la
ressource. Et, effectivement, on peut en venir à la conclusion que, oui, il y
aurait lieu, cette personne-là, de la changer de place.
Parce que ce
que la loi nous oblige, au Curateur public, c'est de rester en contact avec ces
gens-là, de les rencontrer. Alors,
moi, je fais ma tournée. Vous comprendrez que je ne pourrai pas rencontrer en
une année les 13 000 personnes. Vous ne me demandez pas ça, toujours? Mais, par contre, nos curateurs
délégués, qui sont des personnes dévouées, là, je les vois aller, je les rencontre, je dirais que c'est des
gens qui ont la vocation, parce que beaucoup de ces personnes-là, ce n'est
pas nécessairement facile, là, le contact,
là. Il y a un endroit où je suis allé, où c'étaient des déficients
intellectuels profonds, là, avancés, là, sévères, là. Je vais vous dire
que c'est plus difficile à vivre que, par exemple, des gens, là, que, bon, là, ils ont des problèmes de santé mentale, mais avec
qui vous pouvez jusqu'à un certain point engager une conversation puis
vérifier à quel point cette personne-là est heureuse dans le milieu où elle
est.
Mais, toujours au
centre Pierre-Janet, là, tu sais, c'était bien équipé. Il y avait un monsieur
qui était là, on voyait que, tu sais, de la
façon qu'il était bâti, là, qu'il s'entraînait. Alors, effectivement, il y
avait un centre d'entraînement qui était là sur place. Puis il y en avait un
autre qui, lui, aimait faire la popote, alors, qui était au barbecue. Mais, tu
sais, vous voyez toutes les possibilités
finalement qu'on offre à ces gens-là. Et ça leur permet de vivre une vie qui
est plus digne.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Mme la députée, il vous reste huit minutes.
Mme
Gaudreault : Oui. Bon, alors, merveilleux. C'est une bonne
nouvelle. Alors là, je vais vous parler d'une autre situation, la
situation d'une personne qui est inapte, qui a des problèmes de handicap
physique, aussi déficience intellectuelle,
qui est rendue à l'âge de 21 ans. Donc, les services diminuent, hein? Il y a
beaucoup plus de services pour les
très jeunes. Quand ils deviennent adultes, là, c'est plus compliqué; les
parents doivent intervenir plus directement avec le quotidien de la personne. Mais, étant donné que cette… Moi, j'ai un
cas très particulier en tête, là. Cette personne-là a besoin de plusieurs heures-soins, et sa mère avait
un emploi précaire, ne pouvait pas payer ces services-là. Donc, elle a laissé son emploi. Alors, cette personne-là, pour
adhérer à votre virage famille, elle a dû devenir une prestataire de l'aide
sociale pour s'occuper de son enfant, pour ne pas le confier à une famille d'accueil.
Et
l'aberration dans tout ça, c'est que, si elle s'occupe de son enfant, puis il
bien plus heureux avec elle, elle reçoit un montant assez minime. Mais,
si elle le confiait à une famille d'accueil, ils recevraient trois plus d'argent,
les gens qui s'occuperaient de lui. Est-ce
qu'il y a moyen à quelque part de faire en sorte que ces situations-là soient
discutées? C'est transversal, hein, cette
situation-là. On parle de l'aide sociale, on parle du réseau de la santé, on
parle des familles d'accueil, services
sociaux. Il faudrait trouver une solution, parce qu'il y a plusieurs familles
qui se retrouvent dans cette situation-là.
D'ailleurs, cette
dame-là, je vais nomme son nom, Marie-France Beaudry, elle a fait la une du
journal LeDroit chez nous avec sa situation. Elle a aussi mené…
Elle a fait signer une pétition par des milliers de citoyens, qui va
être justement étudiée en commission parlementaire dès l'automne. Alors, cette
personne-là a une situation… Elle ne veut pas confier son fils à l'État, mais
elle veut recevoir une aide au même titre que si elle était une famille d'accueil.
Je
ne veux pas que vous me disiez quoi faire puis qu'est-ce que vous pensiez de
ça. Mais je pense qu'avec votre virage
famille il va falloir revoir aussi ces cas-là de personnes qui ne veulent pas
nécessairement confier leur enfant à l'État, mais qui n'ont pas les
moyens nécessairement d'avoir une bonne qualité de vie.
M. Jutras
(Normand) : Bien, écoutez, ce que vous mentionnez là, j'y adhère, là.
C'est vrai que c'est un problème que l'on a présentement dans notre société.
Vous parler d'un jeune qui a 21 ans puis qui est déficient intellectuel… Mais je vous parle aussi de la
réalité. Comme je le mentionnais tantôt, le déficient intellectuel qui a
vécu avec ses père et mère et qui est rendu
à l'âge de 50 ans, 55 ans — père et mère, qui ont 75, puis qui décèdent à
six mois d'intervalle — qu'est-ce qu'on en fait de cette
personne-là, où est-ce qu'on l'envoie? Puis, je me rappelle, c'était un
cas de comté, comme on dit, que j'avais eu à l'époque, là. Mais cette
réalité-là se présente de plus en plus.
Et les ressources
disponibles pour ces personnes-là, effectivement, là, c'est un nouveau défi
auquel on est confrontés. Parce que, bon,
ces gens-là étaient dans leurs familles, mais, quand il s'agit de les intégrer
dans le réseau, et de un, ils ont des
problèmes de déficience intellectuelle avec les conséquences que l'on connaît,
mais aussi ces personnes-là vieillissent. Alors, elles ont... Et se
joignent les problèmes du vieillissement. Alors, dans quelles ressources on
peut donc envoyer ces personnes-là? Je
pourrais vous dire : Bien là, à ce stade-là, la responsabilité appartient
surtout au réseau, mais on est
conscients de la difficulté, et nous, on est en relation permanente avec le
réseau partout à travers le Québec. C'est un sujet qui se discute,
effectivement, pour trouver plus d'opportunités pour ces personnes-là.
Parce
qu'on peut comprendre... Je pense à un autre cas, là, où la personne, bon, est
rendue dans une institution, mais
elle est tout à fait saine d'esprit. Et puis là elle se retrouve avec une
personne, là, qui est déficiente intellectuelle. Alors, elle se dit : Bien là, moi, il me semble qu'il y a
quelqu'un qui n'est pas à sa place, ici, là. Et il faudrait donc... Mais,
encore là, il y a des ressources intéressantes.
Quand je suis allé
dans Bordeaux‑Cartierville, toujours dans le cadre de ma tournée, là, parce que
je suis allé à Tétreaultville, dans l'est de
Montréal, et je suis allé à Bordeaux‑Cartierville et... où, là, c'étaient des
déficients intellectuels sévères, là. C'étaient des gens qui avaient été
désinstitutionnalisés. De quel hôpital, ça?
Une voix :
Rivière-des-Prairies.
M. Jutras
(Normand) : De Rivière-des-Prairies. Mais, au moins, tu sais, c'étaient
tous des déficients intellectuels sévères ensemble. Mais on voyait, là, que ces
personnes-là, c'était vraiment un centre bien adapté pour eux, qu'ils étaient bien organisés. Tu sais, je
pense à un déficient intellectuel que je voyais, qui était un peu toujours
comme en convulsions, tu sais, constamment, alors ils sont obligés de l'attacher.
Mais ils ont réussi... Quand ces gens-là sont arrivés de Rivière-des-Prairies à
cette institution-là, ils ont réussi à diminuer énormément les contentions.
Et,
entre autres, par rapport à ce jeune-là, parce que c'était un déficient
intellectuel qui avait peut-être quelque chose comme 28-30 ans, bien,
ils lui avaient fait faire une espèce de parc, de grand parc d'enfant, mais
avec... en caoutchouc tout le tour. Et ils le mettaient dans ce parc-là le
matin, dans l'avant-midi, pendant une heure et demie, deux heures, de sorte
que... Comme je vous disais, il est toujours en mouvement, il est toujours,
comme on dirait, comme en convulsions. Bien
là, ça lui permettait de bouger, et sans se faire mal et sans tomber. Il était
entouré, là, de murs de caoutchouc, si vous voulez. Et puis ils
faisaient la même chose dans l'après-midi.
Alors, ça, on voit
donc que, même si on a affaire à des personnes qui sont handicapées, très
handicapées puis déficientes — parce que, souvent, aussi, ça va
ensemble, là, hein, c'est des problématiques qui affectent cette même personne-là — bien, on voyait, en tout cas, que c'était un
centre qui était bien adapté et qui était en mesure de rendre des services, là, adéquats, à ces personnes-là, avec
des personnes avec le même genre de problématique. Ça, c'est la
situation idéale, puis c'est ce vers quoi, évidemment, il faut aller.
Le Président (M.
Picard) : Un petit peu plus...
M. Jutras (Normand) : Et je veux
revenir sur une question de tantôt, là. Est-ce que j'ai le temps, M. le
Président?
Le Président (M. Picard) : Il
reste une minute.
Mme
Gaudreault : On
est là pour ça.
M. Jutras
(Normand) : Oui. O.K. Vous
avez parlé de l'ouverture des régimes. La question, toujours, aussi, qu'il
faut se poser : Est-ce que c'est
nécessaire d'ouvrir un régime? La personne peut être rendue inapte, elle n'est
plus en mesure de prendre soin de son corps, elle n'est plus en mesure
de prendre soin de ses biens. Mais ce n'est pas vrai qu'il faut nécessairement
ouvrir un régime.
Si, par
exemple, c'est le père, là, qui a été victime d'un ACV, tout ça, si l'épouse
dit : Moi, je suis capable d'en prendre
soin, de mon mari… Bien, il va être à l'hôpital, là, il va être en centre
hospitalier, mais, par contre, l'administration des biens, je suis capable de prendre ça. C'était moi qui gérais le
budget, et je suis capable de prendre charge
de ça. Alors, dans un cas comme ça,
avec une procuration, ce n'est pas nécessaire d'ouvrir un régime. Et ça fait en sorte que... Et
ça, cette question-là, il faut toujours se la poser à la
base, en partant, puis ça fait partie de notre nouvelle politique
d'ouverture de régime, première question : Est-ce que c'est nécessaire
d'ouvrir un régime? Puis, même... Là, vous pourriez me dire : Oui, mais si
la personne a beaucoup de biens? Pas nécessairement, pas nécessairement…
• (17 h 20) •
Le Président (M. Picard) : En
conclusion.
M. Jutras (Normand) : Alors, je
dis : Pas nécessairement. Voici ma conclusion.
Le Président (M. Picard) : Je
cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe, et il reste un
bloc de 20 minutes.
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Merci, M. le Président. Bon, bien, je suis très heureux de revenir poser une question,
parce que je pense que j'ai appris beaucoup, cet après-midi, à votre contact et
aux questions des collègues. Je voudrais
vous poser une question. Je veux revenir sur la question
qu'a posée la députée de Hull concernant justement la déficience
intellectuelle. Parce que moi, j'étais porte-parole, justement, pour les
personnes souffrant de déficience, dans le
temps que j'étais dans l'opposition, et puis je sais qu'en 2011‑2012,
il y a eu quand même des décisions qui ont été prises par
certains CSSS — je
ne dirais pas tous les CSSS de toutes les provinces, de la province — mais
on a décidé que les 21 ans qui avaient accès
à des camps de jour ou des centres de jour, des centres pour la stimulation,
motricité et tout ça, bien, on a décidé de
les retourner dans leurs familles. On a dit aux familles : Bien, vous
allez maintenant vous en
occuper. Mais ces familles-là, souvent, il y avait des femmes monoparentales
qui avaient du travail, mais elles ont été obligées de laisser leur travail
pour garder leur enfant. C'est un exemple. Et il y avait d'autres personnes,
bien, il y en a une des deux qui a été obligée d'arrêter de travailler. Sauf
que c'était pour permettre justement l'accès à des personnes à plus de TED, des troubles envahissants du développement, qui sont de plus en plus nombreux et qui étaient diagnostiqués, alors il fallait les prendre en
charge. Alors, on a changé un petit
peu la mission. Et ça, je pense que
c'est plus… Ce n'était pas le Curateur
public qui était en cause, là, c'étaient plus les CSSS. Et on est pris avec ce
problème-là actuellement dans certaines régions. Et comment ça va se
régler? C'est sûr que ça pourrait se régler par l'établissement de
nouveaux centres de jour pour ces personnes-là, pour permettre justement aux
adultes, aux parents qui ont la charge de ces enfants-là de pouvoir continuer
de travailler puis de pouvoir continuer de vivre pleinement leur vie.
Je ne sais
pas si vous avez de l'influence là-dessus. Puis ça pourrait faire une bonne occasion de...
Quand vous dites que vous avez des liens avec le réseau santé puis
services sociaux, ça pourrait faire en sorte de faire accélérer ce
processus-là. Je voulais juste ouvrir cette parenthèse-là, parce que je trouve
que c'est important pour les gens qui ont des
personnes handicapées dans leur famille et puis qui ont vécu cette
décision-là de certains CSSS de retourner à la maison des personnes
handicapées. Là, ils perdent leurs acquis, ils perdent leur stimulation puis
ils perdent aussi la motricité qu'ils
développaient à chaque jour en allant dans ces centres-là. Puis ça permettait
aussi aux familles d'avoir du répit, ce qu'elles n'ont plus.
Je vais vous poser une question dans...
M. Jutras (Normand) : Est-ce que sur
ce point, M. le député de Saint-Hyacinthe, vous me permettez de dire quelque
chose?
M. Pelletier (Saint-Hyacinthe) :
Allez-y.
M. Jutras (Normand) : Vous me
demandez si j'ai de l'influence. Écoutez, l'influence que je peux avoir, c'est avec le réseau de la santé et des services
sociaux dans les tables, dans les liaisons qu'on établies et de leur faire
part de ce problème-là. Mais je veux vous retourner la balle en vous disant que
tous les députés ici autour de la table, vous en
avez beaucoup, d'influence, à ce niveau-là. Vous pouvez intervenir à ce
chapitre-là. Puis, moi, c'est un processus dans lequel je crois
beaucoup, là, le processus du caucus, puis le processus de faire des représentations,
puis de soulever des points puis de faire des
représentations auprès d'un ministre. Alors, je vous dis : Vous autres
aussi, là, vous avez beaucoup d'influence, ça fait partie de notre système
démocratique.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Merci. Mon intervention, c'était surtout pour faire en sorte que ces
gens-là ne se retrouvent pas sous la
curatelle dans... que vous soyez, vous… qui ayez en charge cette personne-là,
alors qu'on avait des moyens de s'en charger avant et puis que maintenant
les familles sont démunies.
M. Jutras (Normand) : Je comprends
bien, oui.
M.
Pelletier (Saint-Hyacinthe) : Dans votre rapport annuel de gestion 2011‑2012, on constate que le
Curateur public a des difficultés à réaliser les inventaires de sa clientèle dans
les délais. Pouvez-vous nous en dire
plus sur ce sujet-là? Puis, plus précisément : Qu'est-ce qui vous
cause le plus de difficultés? Et comment comptez-vous faire face à ces
difficultés dans le futur?
M. Jutras
(Normand) : Oui. C'est vrai
que c'est un problème auquel nous devons faire face, là. Je vous le
disais tantôt : Quand la personne nous
arrive, bon, il faut décider où elle va aller, mais il nous faut faire
l'inventaire de ses biens parce qu'on
a un devoir d'administration des biens de cette personne-là, et on a un devoir de reddition de comptes, là, en bout de piste, là. Les biens qu'on
va avoir reçus, il va falloir rendre compte de notre administration, qui aura
duré cinq ans, 10 ans, 15 ans, je ne sais
trop, et remettre les biens, là, à la succession. Alors, faire cet inventaire-là, c'est une
tâche qui est très difficile.
D'abord, je
dois vous dire qu'à tout le moins on n'atteint pas notre cible, là, mais, à
tout le moins, on a amélioré beaucoup.
On est passés de quelque chose comme 250 jours… 286 jours, on est rendus à 147,
mais on est encore au-delà de la cible. Mais il faut se rendre compte
que c'est vraiment… C'est quelque chose de fondamental puis qui doit être bien fait, parce que, je vous le disais tantôt,
nous autres, on a le Vérificateur général qui est chez nous quatre mois de
temps et qui vérifie tous les biens et tous
les patrimoines qu'on administre. Mais, surtout, quand on va rendre des
comptes, là, les gens de la
succession, la famille, là, bien, des fois, nous demandent, là : Woup! Tel
bien, où est-il rendu? Ce manteau-là, là, qu'est-ce qui est advenu de
ça? Ou, ce bijou-là, qu'est-ce qui s'est passé par rapport à ça? Alors, il nous
faut donc faire l'inventaire, bien le faire,
et il faut le faire aussi, ce qui est de beaucoup préférable, avec des gens de
la famille pour que l'inventaire des
biens, là, soit très bien fait et soit fait en présence de témoins. Alors, si
on veut nous reprocher, éventuellement, qu'il manque une broche, puis
qui vaudrait tant, bien, on l'a, la broche. Puis, si on ne l'a pas, bien, écoutez, les gens de la famille qui étaient là
n'ont jamais porté ça à notre attention. Et, de toute façon, aussi, on prend
des photos des inventaires que l'on fait, là, des biens.
Ça me fait
penser, dans les semaines qui ont suivi, là, je rencontrais les employés, là,
sur le terrain, mais ça me faisait bien réaliser la réalité du Curateur
public. Je voyais une dame qui avait une grosse boîte en fer-blanc devant elle, elle était dans un bureau, là, au Curateur
public, il y avait une grosse boîte en fer-blanc et puis avec plein de
bijoux, là, de colliers, puis de pendentifs,
puis de boucles d'oreilles, etc., j'avais l'impression qu'elle venait de
trouver le trésor d'Ali Baba, et je lui
demandais : Qu'est-ce que vous faites? Et elle me disait : Bien,
écoutez, on vient de prendre possession des biens d'une dame, et moi, je suis en train de faire l'inventaire des
bijoux, puis il y a des bijoux, évidemment, là-dedans, qui, à l'évidence,
n'ont pas beaucoup de valeur, mais par contre il y en a d'autres qu'on pense qu'ils
peuvent avoir plus de valeur. Et, quand je
vous parlais des patrimoines qui nous arrivent, qui sont plus diversifiés, plus
compliqués, il nous arrive des oeuvres
d'art, il nous arrive des tableaux. Alors, d'où l'importance, là, de bien faire
l'inventaire des biens qui nous arrivent en fonction de la reddition de
comptes qui va devoir se faire.
Mais la difficulté que l'on rencontre, c'est qu'on
a affaire souvent à une personne qui est déjà passablement désorganisée. Parce que la famille n'intervient
pas nécessairement tout de suite aux premiers symptômes. Ils se
disent : Bien, on va voir comment elle va aller. Puis la personne, là, se
désorganise de plus en plus, mais ça, ça prend quand même un certain temps. Puis bien des fois aussi la personne elle-même
nie son état de désorganisation. Elle se doute bien, là, que, peut-être, ses enfants vont la placer,
là, comme on dit, alors elle nie cette… Alors, de sorte que l'opération
est délicate, et on se retrouve souvent avec
une personne qui est déjà passablement désorganisée et qui n'est pas en mesure
de vous faire votre inventaire. Si, chacun d'entre nous, on fait notre
inventaire, ça va assez bien. Mais, quand on a affaire à une personne qui est
rendue, là… qui a de la difficulté à se situer dans le temps puis dans l'espace,
faire son inventaire, c'est plutôt difficile.
• (17 h 30) •
Quand la
personne n'est pas en mesure de nous dire où elle a des placements, c'est
difficile. Et à ce moment-là on est
obligés de fouiller dans les papiers de la personne, mais, des fois, là, les
papiers de la personne, là, c'est mal organisé, il y a plusieurs
enveloppes du ministère du Revenu, mais qui n'ont même pas été ouvertes. Alors,
il nous faut faire l'inventaire de ces biens-là puis essayer de trouver les
placements. Puis, des fois, bien, on est obligés d'attendre le courrier, tu sais, parce que, tout à… Parce que
vous savez, souvent, nos placements — REER, tout ça — aux six mois, on nous envoie un état, bien, au bout de six mois,
ah, on reçoit un document, regarde donc, elle a des REER au fonds FTQ,
bon. Alors, ça nous donne une piste. Alors, de sorte que, tu sais, ce que je
vous dis, c'est : La personne elle-même est plus ou moins souvent en mesure
de collaborer. Des fois, son état de désorganisation est commencé depuis un
certain temps. Alors, on se retrouve avec
des rapports d'impôt qui ne sont pas faits depuis deux, trois ans, et
on se retrouve avec, des fois, des
cartes de crédit qui sont surchargées, et, des fois aussi, c'est la cause de la
dépression, là. Je pense à un cas, là, où les cartes de crédit sont complètement éclatées d'une façon incroyable. Alors, vous
réalisez la difficulté de faire l'inventaire de ces biens-là avec ces
personnes.
Et
puis aussi il faut toujours y aller avec beaucoup de prudence parce qu'il y a toujours
la crainte des abus financiers. Là, il y a
des gens de la famille qui peuvent vous dire : Oui, mais là notre père,
là, il a plus de biens que ça, là. Il
faudrait que vous vérifiiez ça davantage, là. Il avait des placements à telle
place, telle place, puis on ne retrouve pas ça, là. Bien, là, O.K. On
dit : On va vérifier. Vous nous dites qu'il avait des placements à telle
caisse populaire, on va aller vérifier.
Mais
vous comprenez que ça prend du temps. Et on est en relation avec des humains,
alors on ne peut pas, là, nous autres, donner d'ultimatum ou d'envoyer
une mise en demeure en disant : Bien là, ça me prend votre réponse d'ici une semaine, là. Ce n'est pas de même que ça
marche. Et surtout qu'on a affaire souvent à une personne qui est
malade. Alors, il faut
donc y aller avec doigté, puis il
faut y aller avec précaution, puis…
C'est effectivement… On se penche là-dessus, là, au Curateur public, on s'est dit : On s'est peut-être fixé une cible trop difficile à atteindre, qui
n'est peut-être pas réaliste.
Dans certains cas, ça
se fait très bien, quand la personne a juste son chèque de sécurité du revenu,
puis elle demeure dans un petit deux et demie, puis elle a ses quelques
meubles, ça va bien. Mais, quand vous vous retrouvez, comme dans certains cas, avec une personne, là, atteinte du syndrome de
Diogène, qu'on appelle, là… Vous savez, la personne qui accumule des
biens, là, puis vous rentrez chez elle, là, puis il y a des biens partout, là,
puis elle a gardé ses boîtes de Rôtisseries
St-Hubert, puis elle a tout gardé, là, elle a tout gardé les pamphlets, elle a
tout gardé les dépliants. Mais ça, ça
fait partie de la réalité du curateur délégué quand il rentre chez quelqu'un
comme ça et puis que, là, il
faut que vous fassiez l'inventaire d'une personne, là, qui se retrouve dans un
tel état de détresse. Parce qu'il y a souvent ça aussi, ce sont des gens qui
sont en état de détresse aussi, souvent.
Alors,
vous comprenez que, je le répète, on est en relation avec des humains, des
humains qui sont souvent malades, souvent qui ont de la difficulté à se
placer dans le temps et dans l'espace, qui vont des fois nier la nécessité d'un
régime. Alors, ça demande beaucoup
de doigté et ça demande beaucoup de finesse et ça demande aussi souvent plus
de temps qu'on aurait voulu.
Le Président (M.
Picard) : Mme la députée de Champlain.
Mme
Champagne : Oui.
Je vais continuer dans le même sens sur les cas dont vous nous parlez, les
13 100 cas publics, là, parce que c'est de ceux-là, je pense, dont
on parle. Il y a peu de références familiales, ou… Peu importent les raisons,
je ne veux pas porter de jugement, là, mais il m'arrive des fois d'avoir des
réactions très fortes en disant : S'il y a un fils qui arrive puis qu'il
vous dit : Écoutez, là, je le sais, qu'il a des placements ailleurs, je me
suis dit : T'es-tu occupé de ton père un jour, toi, là, tu sais, pour
faire ce genre de commande là? Mais là c'est un commentaire qui me fait du
bien.
Par contre, il reste
que, sur les 13 100 cas que vous avez, qui sont des gens qui sont confiés,
certains pour des raisons importantes parce qu'il n'y a pas personne qui se
sent la capacité de cette lourde tâche, là, il y a combien de curateurs… Chaque curateur délégué a combien de
clients à s'occuper? Est-ce que ça va à la lourdeur du client? Parce qu'il y en a que c'est tellement léger, vous
l'avez dit, un petit deux et demie, puis tu as juste ta petite personne, ton
petit chèque de sécurité du revenu. Ce n'est
pas inquiétant de faire un relevé de ça. Par contre, 13 100 personnes…
Puis que les autres, j'en parle moins parce qu'il y a la famille mêlée à
ça, là, mais, dans ceux-là, je ne sais pas… Ils ont combien de clients, vos
curateurs délégués?
M. Jutras (Normand) : On a, sur le terrain, 105 curateurs délégués et qui sont en charge…
chacun d'eux, là, en moyenne, là, ils sont en charge de 160 cas. Alors,
ça vous donne une idée…
Mme
Champagne :
C'est énorme.
M. Jutras
(Normand) : …de la charge qu'ils ont. Des cas qui ne demandent pas
beaucoup de travail, mais d'autres, par contre, entre autres les gens qui ont
des problèmes de santé mentale, tu sais, on dit de ces gens-là qu'ils sont souvent dans la porte tournante des hôpitaux,
mais ils sont souvent aussi dans la porte tournante du Curateur public,
tu sais, et qui vont souvent voir leur
curateur délégué, puis souvent pour répéter la même chose, ou souvent pour
demander la même chose, ou pour se plaindre, par exemple, qu'ils n'ont pas
suffisamment d'argent. Mais oui, mais là tes revenus, c'est la sécurité du
revenu, ça te donne tel montant par mois, et, nous, c'est avec ça que tu dois t'arranger.
Quand je vous parlais
tantôt, je reviens là-dessus, là, M. Lamarche portait ça à mon attention,
quand on parle de l'inventaire à faire, tu
sais, c'est… Je vous énumère juste rapidement, mais ça va vous permettre de
voir l'ampleur de la tâche. Tu sais,
il faut voir qu'est-ce qui en est des
avoirs liquides, quelles institutions financières, est-ce qu'il y a des
coffrets, l'inventaire de ces coffrets-là, les placements, les prêts, est-ce qu'il
y a des dettes, des créances à recevoir, comptes
courants, des créances à payer, des hypothèques à payer, quelles sont toutes
les sources de revenus, régime des rentes, la CARRA, etc., peut-être des
fois aussi un fonds d'assurance privé, vérifier justement les assurances,
quelles sortes de… assurance vie, assurance
accident, assurance biens, assurance médicale. Alors, tu sais, ça vous donne
une idée.
Puis des fois, aussi,
vérifier la propriété d'un immeuble, ça se fait bien, vous allez au registre
foncier puis vous avez votre réponse immédiatement. Vérifier qui est
propriétaire d'un véhicule, ça aussi, ça va bien, ça se vérifie aisément. Mais,
parfois, pour d'autres biens, c'est plus difficile. Est-ce que les biens qu'on
a trouvés là, ça appartient à cette
personne-là? Là, vous avez un des enfants qui dit : Non, ça m'appartient à
moi. Bien là, comment ça se fait que c'était chez votre mère, ça, là? Tu
sais, puis là, des fois, ça demande une enquête.
Puis aussi, quand on
communique avec des institutions, on parlait tantôt de la méconnaissance, de la
part des gens, du Curateur public. On appelle des fois des institutions
financières, des banques, puis : Bon, en quel honneur vous voulez savoir ça, là? Non, mais c'est vrai,
là. Puis on est obligés de leur donner un cours, puis de leur dire :
Bien, voici, le Curateur public, cette
personne-là maintenant est sous notre responsabilité. Bon, bien, écoutez, je
vais en parler à mon supérieur, je
vais vous rappeler. Puis là, bien, le supérieur, probablement… Des fois, c'est
le supérieur qui rappelle pour savoir qu'est-ce que c'est au juste, le
Curateur public. Mais alors vous voyez tous les délais que ça entraîne et la
difficulté donc de faire des inventaires.
Mme
Champagne : Je
suis surprise de voir que… Je
comprends que, c'est-à-dire, sur 160 cas par curateur public délégué, il y en a des plus légers, on s'entend, parce que
sinon, je vais vous dire franchement, présentez-moi vos curateurs
publics délégués, je vais les admirer en personne, là.
M. Jutras
(Normand) : …je les admire déjà, oui.
Mme
Champagne : Vous
les admirez, hein? Bon. Par contre… Puis je suis certaine qu'ils sont plus pris par
région, selon les régions qui sont desservies, pour qu'il y ait un meilleur
service puis une meilleure connaissance aussi du réseau en place, là.
Mais
je suis surprise de voir que tu as des gens qui sont reconnus comme inaptes qui
ont encore une maison, qui ont encore une auto, qui sont encore à la
maison. Je me dis : Mais, ma foi Dieu, ces gens-là sont en danger! Parce
que moi, pour moi, dans ma tête, être
reconnu inapte, tu n'as vraiment plus moyen de t'occuper de toi-même, tu n'es
pas juste en dépression temporaire. Je veux vous entendre là-dessus.
Ça ressemble à quoi,
là, dans la réalité, quelqu'un qui est reconnu inapte? On ne peut pas faire
reconnaître demain matin quelqu'un
qui est inapte parce qu'il est dans un état dépressif temporaire. J'espère
que, si on le met dans les mains de
la curatelle, c'est parce qu'il y a eu un signalement, il y a
eu quelque chose d'important
de fait, là. Alors, si la personne a
une maison, a une auto, puis elle est inapte à s'occuper d'elle-même, quand
elle prend sa voiture, ça m'inquiète.
M. Jutras
(Normand) : Bien, écoutez, la…
Le Président (M.
Picard) : En deux minutes, s'il vous plaît.
M. Jutras (Normand) : En deux minutes. La réalité que l'on retrouve souvent, c'est le
conjoint qui commence la maladie
d'Alzheimer, et l'épouse dit : Je vais m'en occuper, de mon mari, puis il
va continuer à vivre avec moi dans la maison. Il est prodigue, il donne
son argent à qui veut bien, alors je prends le contrôle, moi, là, de l'argent,
mais on reste dans la maison.
Et, nous, encore là,
c'est une évaluation qu'on a toujours à faire, tenant compte des revenus de la
personne. Est-ce que la personne a les
moyens de continuer à rester dans sa maison ou il faut envisager effectivement
de l'envoyer dans une institution puis qu'on vende la maison? Ça fait
partie, ça aussi, du processus d'inventaire, là, tu sais, de voir les revenus de la personne, puis ses dettes, et ses
actifs, puis est-ce qu'elle a les
moyens de rester là ou il faut plutôt procéder à la vente de la maison?
Mme
Champagne :
Merci.
Le Président (M.
Picard) : 1 min 30 s.
Une voix :
Une minute?
Mme
Champagne :
Ah! Une minute. Vas-y, vas-y.
Mme
Gadoury-Hamelin :
O.K., dans votre… M. le Curateur, rapidement…
Des voix :
…
Le Président (M.
Picard) : …O.K.
M. Jutras (Normand) : Non, mais vous disiez tantôt, Mme la députée de Champlain : T'en
es-tu occupé, de ton père? On ne peut pas dire ça, nous autres.
Mme
Champagne :
…on peut le penser…
Mme
Gadoury-Hamelin : O.K. M. le Curateur, dans votre exposé de
départ, vous avez abordé la modernisation du système informatique. Vous nous avez dit qu'au début il y avait eu
certains ratés, que vous avez dû… bien, en tout cas, que le dossier a dû être réajusté. Pouvez-vous, en
une minute ou moins, nous rassurer là-dessus? Parce que l'informatique,
c'est un dossier coûteux mais combien utile, surtout particulièrement dans un
contexte que vous vous retrouvez où vous avez des ressources quand même pas
inépuisables. Alors, pouvez-vous nous rassurer là-dessus?
• (17 h 40) •
M. Jutras (Normand) : Oui. Alors, on n'avait pas le choix, nous aussi, là, de procéder à de
nouvelles technologies de l'information si on veut que le Curateur
public demeure une institution moderne. Alors, la façon avec laquelle je peux vous rassurer : Pierre Lamarche, qui est ici,
à ma gauche immédiate, qui est administrateur d'état, qui est en charge du dossier, il le suit au jour le jour et
il m'en parle, écoutez, je ne sais pas combien de fois, là, par semaine,
par deux semaines. Alors, ça, c'est une chose. Mais c'est une autre… Et c'est l'autre
élément aussi, c'est la collaboration avec
le Conseil du trésor. On est sous surveillance, mais — je
reprends les mots du Curateur
public — on est
accompagnés par le Conseil du trésor, qui suit le dossier. Et finalement, là,
effectivement il y a un échéancier qui est serré…
Le Président (M.
Picard) : M. Jutras.
M. Jutras
(Normand) : …mais qui est suivi, et on est confiants de livrer pour
juin 2014.
Le Président (M.
Picard) : Merci. Je cède maintenant la parole, pour le dernier
bloc, à Mme la députée de Saint-Henri—Sainte-Anne.
Mme
Blais :
Avant de poser la question, une réflexion suite évidemment à la question de ma
collègue de Champlain concernant le nombre de personnes sous un curateur
délégué. Et là ça m'amène vraiment à la réflexion, puis je ne veux pas
nécessairement de réponse, là, mais qu'on va devoir trouver une solution parce
que je comprends qu'une de vos solutions, c'est de confier plus de
responsabilités aux familles. Mais là, moi, il va falloir trouver des solutions
pour soutenir les familles dans leurs responsabilités de prise en charge des
personnes qui sont inaptes parce que, sinon,
je vous le dis, ça va craquer de partout, parce que, là, ça ne sera pas possible.
Il va falloir trouver une solution très,
très rapidement à ça, là. Je le vois, je le sens, je le sens de l'intérieur,
là. C'est beau confier aux familles, mais, à un moment donné, même quand
une personne… Vous avez dit, M. le Curateur, que le mari peut être atteint de
maladie d'Alzheimer, mais il se peut fort bien que sa conjointe développe aussi
la maladie d'Alzheimer, ou une autre maladie dégénérative,
ou quoi que ce soit, et là on est pris avec deux problèmes. Ça fait que
parfois… Et je le sais que les proches aidants
sont souvent des personnes vieillissantes. Je ne vous demande pas de répondre à
ça. Mais moi, je vais poursuivre ma réflexion, puis, si vous voulez
répondre, vous pouvez le faire.
Il
arrive évidemment que des gens vous déposent des plaintes, des plaintes, entre
autres, qui sont non fondées, puis évidemment des plaintes qui sont
fondées. Mais il arrive aussi qu'il y a des gens qui se plaignent de vous. Vous
en avez, des plaintes, et ça a été dans La Presse
entre autres en 2009 : 11 personnes qui poursuivent le Curateur
public pour négligence. Comment vous réagissez en tant que curateur quand vous
avez des gens qui veulent vous poursuivre par rapport à de la négligence, et
que vous êtes pris un peu entre l'arbre et l'écorce, et que c'est vous qui êtes
visé par une plainte plutôt que le contraire?
M. Jutras (Normand) : Oui. Alors, on a un bureau des plaintes au Curateur public qui relève
de la responsabilité de
Mme Hallé, et effectivement, après être entré en fonction, j'ai voulu
savoir comment ça fonctionnait, le système des plaintes. Et je peux vous
dire que j'ai été impressionné et je voyais les réponses entre autres qu'on
donnait aux gens qui se plaignaient chez
nous, et je peux vous dire, là, que ça se fait avec des gants blancs. Et je
lisais les lettres; peut-être que, moi, avec ma formation juridique, je
serais allé avec des gants moins blancs, là, des gants propres quand même. Mais, par contre, je peux vous dire qu'on fait ça
avec énormément de délicatesse et même… parce que, dans un cas, là, tu
sais, la plainte m'apparaissait tellement farfelue, mais on répondait quand
même à la personne, là, avec beaucoup de sollicitude.
Et même, à la fin, on lui dit, et on le fait tout le temps, ça : Si vous
n'êtes satisfait de la réponse qu'on vient de vous donner, vous pouvez
vous adresser au Protecteur du citoyen, et le Protecteur du citoyen pourra
intervenir auprès de nous, si besoin est.
Mme
Blais :
Et, quand on se plaint de vous, quand on se plaint de vous puis que ça arrive
dans les médias qu'on se plaint du Curateur public parce que le Curateur
a été négligeant, par exemple, dans un héritage — je ne veux pas nommer de nom en particulier — quand ça arrive, comment vous réagissez, et
qu'est-ce que vous faites, et comment vous pouvez vous protéger? Puis,
je veux dire, est-ce que, des fois, la personne a raison? Je veux dire,
parlez-moi de ces situations-là qui surviennent. Si c'est arrivé en 2009, bien,
ça peut arriver en 2013, ça peut… C'est déjà arrivé aussi, probablement,
précédemment.
M. Jutras (Normand) : O.K., le cas que vous soulevez, là, madame qui a été
dans les journaux, on porte à mon attention que ça concernait…
Mme
Blais :
C'est 11 personnes qui poursuivaient le Curateur public, là…
M. Jutras
(Normand) : Oui, mais que ça concernait…
Mme
Blais :
…c'est le 21 janvier 2009, là, c'est La Presse canadienne.
M. Jutras
(Normand) : Alors, ça concernait les biens non réclamés, et les biens
non réclamés ne sont plus de la juridiction
du Curateur public depuis 2006. Mais je dois vous dire que, dans
tous les appels qu'on reçoit au Curateur public, il y a encore… 10 %
de tous les appels qu'on reçoit, c'est des gens qui veulent des informations
concernant les biens non réclamés. On leur dit : Ça a été transféré à l'Agence
du revenu.
Mais, oui, écoutez, il peut arriver qu'une
plainte soit fondée. On reçoit environ entre 375 et 400 plaintes par année et la proportion des plaintes qui sont
fondées à notre égard sont… que l'on reconnaît fondées, là, nous, là, c'est
de l'ordre de
17,8 % des plaintes qu'on reçoit. Et on adopte des mesures correctives par
rapport à cet endroit-là. Ça peut être la présentation d'excuses, comme,
par exemple, de rétablir le contact, de rétablir la confiance avec la personne.
Mais ça peut être aussi : on a oublié
de faire une réclamation auprès de la sécurité du revenu et la personne a perdu
un certain montant d'argent. Alors, ça arrive, cela, et on a, justement,
dans tout le budget du Curateur public, un montant de 200 000 $ par
année qui est alloué pour ce genre de situations là qui peuvent se produire.
Au cours de
la dernière année, 2012‑2013, je pense, c'est 89 000 $ qu'on a eu à
payer. On reconnaissait notre erreur. C'est un oubli qu'on avait fait et
on est plutôt… On ne dit pas : Non, poursuivez-nous. Si on a fait une
erreur, on la reconnaît et on indemnise la personne, et ça…
Mme
Blais : …dans la
dentelle.
M. Jutras (Normand) : Pardon?
Mme
Blais : Vous
travaillez dans de la fine dentelle.
M. Jutras (Normand) : Oui. Oui,
mais…
Mme
Blais : Votre
travail est un travail délicat, hein?
M. Jutras
(Normand) : Oui, c'est ça.
On n'a pas le choix. On a affaire à des personnes qui sont vulnérables,
qui sont inaptes. Alors, on ne peut pas traiter ces gens-là à coup d'ultimatum
ou de mise en demeure ou de réponse, là, tu sais :
Va te faire voir. Non, on étudie chacun des cas. Mais je dois vous dire quand
même que, par rapport aux plaintes, 17,8 %, on est quand même assez
contents de ça. C'est sûr qu'une plainte qui est justifiée, c'est une plainte
de trop, mais on y fait face.
Et je veux
rajouter aussi que, par rapport aux plaintes, le Protecteur du citoyen, qui
surveille un organisme comme le nôtre,
qui surveille aussi les autres organismes, disait, dans un de ses rapports, que
la moyenne des plaintes fondées, là, auprès du Protecteur du citoyen
pour la majorité des organismes qui relèvent de lui, c'est l'ordre de
25 %. Et nous, les plaintes fondées au Curateur public chez le Protecteur
du citoyen, c'est neuf…
Une voix : 9,4 %.
M. Jutras
(Normand) : 9,4 %.
Alors, comme je vous dis, là, on s'occupe de notre monde, mais ça peut
arriver que l'on fasse une erreur. Et on a
ce qu'on appelle un budget de réparation, et, si c'est le cas, bien, on
indemnise la personne.
Mme
Blais : Avant de
céder la parole, M. le Président, à ma collègue, question très personnelle.
Vous avez été nommé au mois de mars.
Qu'est-ce qui vous passionne le plus dans ce que vous faites actuellement?
C'est quoi, la passion, le feu qui
vous anime? Je vous écoute, là, depuis que vous êtes assis ici et, je veux
dire… C'est quoi, cette passion? Qu'est-ce
qui vous plaît le plus dans votre mission de Curateur public quand, au départ,
je me demandais, personnellement, hormis le rapport, hormis la
planification stratégique, comment on fait pour toucher au Curateur public,
toucher dans le sens de connaître, s'approcher… connaître les services vraiment
pour que la population sente le rôle du Curateur. Vous, qu'est-ce qui vous
passionne là-dedans?
• (17 h 50) •
M. Jutras
(Normand) : Bien, moi, quand
j'ai été nommé, je me disais : Bon, le Curateur public, c'est du
droit; je suis avocat. C'est de l'administration; j'ai été à l'Assemblée
nationale longtemps, j'ai été ministre, je connais ce qui en est. J'ai été dans le privé aussi, parce que
j'ai travaillé dans le privé en Inde pendant cinq ans. Alors, je me disais,
avec l'administration et la tâche de
s'occuper de personnes, là, je pense que… comme celles dont je m'occupe, je
pense que c'est, entre autres, le
travail de député qui m'a beaucoup préparé à ça. Parce que, quand vous êtes un
député de terrain — et
je le dis humblement, je pense que j'en
étais un — quand on
va rencontrer les gens dans leur milieu, dans les ressources, quand on va dans les milieux de déficience
intellectuelle, quand on va dans les CHSLD — et ça,
je le faisais, moi — je considère que ça m'a beaucoup préparé à
cette tâche-là. Parce que, vous le savez, le travail de député, c'est un
travail d'ombudsman, c'est un travail d'agent de développement, mais c'est un
travailleur social aussi. Et je considère que ces trois éléments-là, je le dis
modestement, me préparaient bien à cette tâche-là.
Ce qui me passionne le plus? Je suis content de
la façon que j'ai commencé mon travail. Je l'ai commencé en... Plutôt que de réunir les employés par
groupes de 100 ou de 50 puis de leur parler, je les rencontrais
individuellement à leur poste de travail et je leur demandais : Qu'est-ce
que vous êtes en train de faire? Et là la personne me disait : Bien, je
suis en train d'organiser un salon funéraire. Mais là ça me faisait réaliser c'était
quoi, la réalité du Curateur public. Bien oui, on a à organiser des
funérailles, puis, si la personne a dit : Moi, je veux être exposé deux
jours, dans mon testament — elle a prévu ça — puis je veux tel genre de tombe, bien, nous,
il nous faut respecter ça. Il n'y aura peut-être personne au salon funéraire pendant deux jours, mais on organise
les funérailles selon les volontés de la personne. Alors, le fait de s'occuper de personnes qui sont
aussi... Alors, de sorte que ça m'a permis de bien comprendre la
réalité, et je me suis dit : Bien, c'est le genre de job qui m'intéresse
en grand.
Mais, aussi, le fait des tournées que j'ai
faites, d'aller rencontrer de ces personnes-là dans leurs milieux, ça aussi, ça m'a permis, là, de voir à quel point
c'est une mission qui est enthousiasmante, c'est une mission qui est
parmi les plus nobles. Et ces gens-là sont tellement dépendants... Vous savez,
ils ne sont même pas capables, là, dans la plupart des cas, de remplir un formulaire pour accéder à
la sécurité du revenu ou de toucher leurs chèques de pension de
vieillesse. Et là vous venez en aide à ces personnes-là et vous dites :
Bien, on va vous aider.
Mme
Blais : Je vous souhaite la
meilleure des chances, M. le Curateur, pour le mandat qui vous est confié,
puis, si vous le permettez...
Le Président (M. Picard) :
Mme la députée de Hull, il vous reste neuf minutes.
Mme
Gaudreault :
Oui. Ce serait une très belle façon de terminer notre mandat, avec les propos
de M. le Curateur et tout ça. Mais j'ai quand même encore quelques
questions.
Vous avez
parlé de façon élogieuse de vos employés, des employés de l'État. On entend
beaucoup parler d'eux ces temps-ci. Alors, je voudrais revenir... D'ailleurs,
à titre de porte-parole pour la condition féminine, j'ai regardé votre programme d'accès à l'égalité et j'ai vu que
vous avez embauché en 2011‑2012 182 employés. 71 % de ces employés
étaient des femmes. Alors, c'est merveilleux. Maintenant, on note dans votre...
Puis je pense que la relation d'aide et tout ça
que vous mentionnez depuis tout à l'heure, les qualités humaines qu'une personne qui travaille au Curateur devrait avoir, là,
pour vraiment arriver au maximum de ses compétences, je pense que ce
pourcentage-là démontre bien la raison pourquoi il y a tant de femmes qui se
tournent vers le Curateur.
Mais on dit
aussi dans votre rapport que la proportion de membres de groupes cibles dans
l'effectif régulier du curateur est passée de 7,4 % en 2006-2007 à
15,6 % en 2011‑2012. Est-ce que vous pouvez nous parler c'est quoi, les
groupes cibles? C'est plus technique, là, mais...
M. Jutras
(Normand) : Oui, oui. Non,
je peux vous répondre. En fait, le gouvernement nous demande, là, au
sein de notre personnel, d'avoir des gens qui, entre autres, sont issus, là,
des communautés culturelles. Alors, entre autres, les groupes cibles, c'est les
gens issus des communautés culturelles, les autochtones, les anglophones et les
personnes handicapées. Et c'est une chose qui m'a frappé, ça, quand je suis
arrivé au Curateur public à Montréal, au siège
social à Montréal, j'ai remarqué qu'il y avait passablement de gens issus des
communautés culturelles. Mais il faut dire qu'étant à Montréal ça nous
est peut-être plus facile d'atteindre cet objectif-là que, par exemple, à
Québec ou des organismes, là, qui sont en région. Les communautés culturelles,
tranquillement, se déplacent, là, mais on le sait, qu'elles sont beaucoup plus
présentes à Montréal. Alors, c'est ce qu'il en est, et, effectivement, là,
notre objectif est atteint à cet égard-là.
Puis,
effectivement aussi, c'est vrai qu'il y a beaucoup de femmes au Curateur
public. C'est quelque chose que j'ai
remarqué également quand je suis arrivé. Entre autres, une des raisons, je
pense que c'est un organisme à vocation sociale, et, tu sais, les
chiffres le démontrent, les femmes sont plus présentes dans les organismes à
vocation sociale.
Mme
Gaudreault : Ça
doit être pour...
Le Président (M. Picard) :
Mme la députée.
Mme
Gaudreault :
Oui. Ça doit être pour ça que ça fonctionne très, très bien au Curateur public.
C'est un petit commentaire un petit peu coquin, là, tu sais. C'était
juste une blague.
Dernière question pour moi, M. le Président.
Vous avez mentionné, dans votre introduction, que vous donnez 9 000
consentements aux soins par année, à peu près, en moyenne. Et justement quelles
sont les qualités des personnes qui
consentent aux soins de leurs personnes, de leurs clients, de leurs
bénéficiaires? Est-ce que ça demande des compétences particulières ou
vous avez des formations spéciales aux membres de votre personnel pour… On
parle vraiment, là, du consentement aux soins, là, c'est vraiment intimement
lié avec la santé puis avec la dignité que vous avez parlé tout à l'heure, là, de
vos bénéficiaires.
Le Président (M. Picard) : M.
Jutras.
M. Jutras
(Normand) : Oui, c'est 9 000 consentements aux soins qui sont donnés.
Au Curateur public, nous avons une équipe médicale, on a trois médecins
qui travaillent chez nous et on a… C'est trois infirmiers aussi?
Une voix : …
M. Jutras
(Normand) : Trois infirmiers. Alors donc, ces personnes-là sont
formées et sont en relation aussi avec le
réseau médical. Alors, quand rentre une demande de consentement aux soins…
Parce qu'on a un service de garde en plus au Curateur public, on répond
24 heures sur 24, sept jours par semaine. Alors, quand un médecin est confronté
avec une situation, il y a une opération d'importance à faire, la personne ne
réalise pas l'ampleur, les conséquences, les risques,
etc. Il communique avec la personne qui est de garde chez nous et souvent la
discussion va se faire, l'explication va se faire et là on consent aux
soins.
Mais, par contre, encore là, nos médecins chez
nous ont été en relation avec les médecins, là, qui sont dans le réseau un peu partout pour leur faire réaliser que
le consentement aux soins, ce n'est pas nécessaire que ce soit toujours
le Curateur public qui le donne, qu'on peut être déclaré inapte, mais on peut
quand même être apte à donner un consentement.
On peut quand même être en mesure de réaliser c'est quoi, le traitement qu'on
veut me donner, quelles sont les conséquences,
quels sont les risques, est-ce qu'il y a un danger, quels sont les bienfaits qu'on
va en tirer. Alors, c'est ce qui fait qu'à
un moment donné, là, si vous regardez à travers les années, on a eu une baisse
de consentement aux soins parce qu'on
a fait réaliser aux médecins que ce n'était pas nécessaire de toujours
communiquer avec nous, que la personne…
puis surtout, quand la personne en plus est proche de sa famille, bien, que le
consentement pouvait se donner là.
M. Lamarche me donnait un exemple dernièrement,
là, qui fait bien réaliser ce qui se passe. Tu sais, il y avait une demande de
consentement aux soins, il s'agissait de savoir si on consentait à l'amputation
de la jambe d'une dame, O.K.? Alors donc,
souvent, nous autres, c'est une personne qu'on n'a jamais vue, hein, à qui même
on n'a jamais parlé; on est appelés à consentir. Mais, dans le rapport,
dans le rapport, on disait : Le fils de la dame est en route vers l'hôpital. Il me semble, il me semble que ça
appartient plus à ce fils-là d'être consulté et de donner ce consentement-là
aux soins pour sa mère que le médecin ou l'infirmier ou notre personnel, là,
qui est au 600, René-Lévesque Ouest, qui n'a jamais vu la personne. Tu sais, c'est
pour ça, je reviens encore à la question du dernier recours. Nous sommes le
dernier recours. Mais est-ce qu'il y a possibilité avant que ce consentement-là
aux soins soit donné par la personne elle-même ou soit donné par quelqu'un de
sa famille qui s'en occupe, qui en est proche?
Le
Président (M. Picard) : Mme la députée, il resterait deux minutes, mais j'aurais besoin
d'un consentement pour qu'on outrepasse le 18 heures si tous les
collègues sont d'accord.
Des voix : Consentement.
Le Président (M. Picard) : Consentement.
Deux minutes.
Mme
Gaudreault : Juste un dernier commentaire, M. le Président, je veux vous remercier de vous être déplacé aujourd'hui. Puis j'espère
qu'il y a un très grand nombre de Québécois, Québécoises qui ont entendu nos
échanges parce que vous nous avez vraiment fait connaître un peu
plus, mais beaucoup plus le rôle du Curateur public. Alors,
ce sont mes derniers commentaires, M. le Président.
Le
Président (M. Picard) :
Merci. Ça va pour tout
le monde. Donc, M. Jutras, je vous remercie, vous et votre équipe, pour votre participation aujourd'hui.
La commission
suspend ses travaux quelques minutes avant de se réunir en séance de travail.
Merci beaucoup.
(Fin de la séance à 17 h 59)