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Version finale

32e législature, 3e session
(9 novembre 1981 au 10 mars 1983)

Le mardi 9 novembre 1982 - Vol. 26 N° 191

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes relativement au livre vert sur le statut des travailleurs au pourboire du Québec


Journal des débats

 

(Dix heures quatorze minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission du revenu se réunit aux fins d'entendre des personnes et organismes en regard du livre vert sur la situation des travailleurs au pourboire au Québec.

Sont membres de cette commission: M. Blais (Terrebonne); M. Blank (Saint-Louis); M. Boucher (Rivière-du-Loup); M. Desbiens (Dubuc); M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges); M. Marcoux (Rimouski); M. LeBlanc (Montmagny-L'Islet); M. Rocheleau (Hull); M. Martel (Richelieu) remplacé par Mme Marois (La Peltrie); M. Ouellette (Beauce-Nord) remplacé par M. Lachance (Bellechasse); M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé par M. Polak (Sainte-Anne).

Les intervenants sont: M. Houde (Berthier) remplacé par M. Assad (Papineau); M. Lachance (Bellechasse) remplacé par M. Paré (Shefford); M. Lafrenière (Ungava); M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata); M. Lincoln (Nelligan) remplacé par M. French (Westmount); M. Maciocia (Viger); M. Paradis (Brome-Missisquoi) remplacé par M. Bissonnet (Jeanne-Mance); M. Perron (Duplessis) remplacé par M. Fréchette (Sherbrooke); M. Vaugeois (Trois-Rivières) remplacé par Mme Juneau (Johnson).

À ce moment-ci, il faut un rapporteur pour faire rapport à l'Assemblée nationale. M. le ministre?

M. Marcoux: Je proposerais Mme la députée de Johnson.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Johnson sera rapporteur.

Pour les remarques préliminaires, M. le ministre.

Remarques préliminaires M. Alain Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, chers collègues, mesdames et messieurs qui représentez différents groupes qui ont accepté de présenter des mémoires à cette commission du revenu, nous abordons trois jours de commission parlementaire durant lesquels nous discuterons des problèmes et de la situation des travailleurs et travailleuses au pourboire. Durant ces jours, nous examinerons les points de vue des travailleurs et travailleuses au pourboire, ceux des employeurs qui travaillent dans ce domaine et également le point de vue du ministère du Revenu et des autres ministères qui peuvent être impliqués par rapport au dossier qui concerne ces travailleurs. En fait, je souhaiterais, au début de cette commission, que nous soyons le plus ouverts possible tous ensemble pour écouter attentivement les mémoires qui nous seront présentés.

Je peux assurer les membres de cette commission, ainsi que tous ceux qui ont accepté de nous présenter des mémoires que mon idée n'est pas faite quant à la solution qui devrait être appliquée pour résoudre une partie des problèmes que je décrirai davantage dans quelques minutes. Je peux dire d'emblée, au début de cette commission, que la seule solution qui, à mon point de vue, doit être éliminée clairement dès le point de départ, c'est le statu quo. Pourquoi dire dès le point de départ, que le statu quo doit être éliminé? C'est parce que le statu quo maintiendrait l'inéquité sociale dont sont l'objet, actuellement, les travailleurs et travailleuses au pourboire et, d'autre part, maintiendrait également la situation d'inéquité fiscale dont est l'objet l'ensemble des contribuables du Québec par rapport aux travailleurs et travailleuses au pourboire.

Comme le statu quo a créé ce type de problèmes actuellement, il m'apparaît évident qu'il faut sortir de ce statu quo. Vous allez dire: Cela paraît évident au point de départ, si toute cette démarche a été entreprise depuis la publication du livre vert, que vous n'avez pas l'intention de maintenir le statu quo. Je vous mets en garde contre cette idée parce qu'à la lecture des mémoires, à la suite des opinions que nous entendrons aujourd'hui et durant les deux prochaines journées, il arrive une situation telle à un moment donné que les forces s'annulent. Quand les forces du changement rencontrent les forces du statu quo et que, finalement, les solutions paraissent plus complexes que la situation actuelle, il arrive un moment où on se dit: On serait donc bien dans le statu quo, parce que tout le monde aurait son intérêt à ce que cela ne bouge pas ou presque.

C'est pour cela que je pense nécessaire et pas inutile de préciser dès le point de départ qu'en ce qui me concerne, comme

ministre du Revenu, la seule hypothèse que j'élimine est celle du statu quo et que je demeure entièrement ouvert à l'écoute et à l'analyse de tous les avantages et inconvénients des quatre hypothèses mentionnées dans le livre vert, soit d'avoir des frais de service obligatoires, le pourboire inscrit sur la facture, la déclaration périodique des pourboires par l'employé et, enfin, considérer les pourboires comme un revenu de travailleur autonome soit avec la formule de demande de retenue supplémentaire ou soit par la formule de versements trimestriels.

Ces quatre hypothèses de solution, dans mon esprit, n'éliminent aucunement d'autres hypothèses de solution qui pourraient être ou qui seront présentées dans les mémoires que nous aurons l'occasion de lire et dont nous pourrons prendre connaissance au cours de ces trois journées.

Je peux vous assurer aussi que la perspective dans laquelle j'aborde cette commission parlementaire, c'est une perspective que je veux la plus globale possible. Il faut être bien clair et bien franc. Je pense que c'est évident que c'est à partir d'une action du ministère du Revenu du Québec et du ministère du Revenu d'Ottawa, au cours des récentes années, concernant des avis de cotisation qui ont été émis auprès des travailleurs et des travailleuses au pourboire, c'est vraiment cette action qui a incité à engager les travailleurs et les travailleuses au pourboire à se regrouper en associations et à défendre leurs droits par rapport à l'ensemble des autres travailleurs, par rapport à l'ensemble des programmes ou avantages sociaux dont peuvent bénéficier les autres travailleurs et dont ils ne bénéficient, souvent, qu'en partie.

C'est évident que l'intérêt du ministère du Revenu est directement impliqué en ce qui concerne la fuite d'impôt ou l'équité fiscale, si on considère l'aspect positif du même problème. Mais je peux vous assurer que ce n'est pas mon intention de regarder simplement cet aspect de la réalité des travailleurs et des travailleuses au pourboire. Le livre vert, même si c'est probablement un des livres verts les plus brefs qui aient jamais été publiés depuis plusieurs années par le gouvernement, je pense, indique bien notre volonté de tenir compte des aspects économiques de la situation de cette industrie, des travailleurs qui y vivent et des aspects sociaux également liés à toute décision qui pourrait être prise.

Dans ce sens-là, j'ai souhaité la présence - certains ont pu le faire - du ministre délégué au Travail, du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, de ma collègue, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, et différents collègues qui se joindront, dans la mesure du possible, à nos travaux au cours de cette commission. Vous comprendrez mon collègue de l'Industrie et du Commerce, en particulier, de ne pas pouvoir être avec nous, compte tenu d'une autre commission à laquelle il participera cette semaine. Je vais demander à chacun de mes collègues d'assurer la présence permanente tout au cours de cette commission d'un représentant de son ministère ou de son cabinet pour faire en sorte que la ou les solutions auxquelles on pourrait songer rejoignent les préoccupations vraiment polyvalentes ou qui viennent de chacun des ministères impliqués. Voici un autre point que je voudrais clarifier dès le départ: la solution ne peut être que fiscale, elle doit tenir compte des facteurs économiques, de la situation sociale, des avantages sociaux que les travailleurs et les travailleuses au pourboire sont en droit de revendiquer.

Dans le but d'être le plus bref possible et comme l'essentiel du temps doit être consacré à entendre nos invités, je n'ai pas l'intention de reprendre les caractéristiques, même si je m'étais fait un résumé, de la population, des conditions de travail des personnes au pourboire que l'on retrouve dans le livre vert. On aura l'occasion, au cours de ces trois journées, de revenir sur l'essentiel de ces éléments. Je voudrais rappeler qu'il est assez récent que ces travailleurs soient représentés par des associations ou par des syndicats. En fait, la première a été l'association Pro-Restel qui a été formée en 1979. Elle a été suivie de près par l'Association des employés au pourboire de l'Estrie, celle de la région de DrummondviJle puis celle de Trois-Rivières. L'Association des gens au pourboire de Montréal a également été mise sur pied. Ce sont toutes des associations récentes qui ont commencé à regrouper les travailleurs de ce secteur.

Je dois indiquer que je suis bien conscient du traitement différent qu'ont reçu, par rapport aux régimes sociaux - que ce soit l'assurance-accident ou la Commission de la santé et de la sécurité du travail, maintenant, la Régie de l'assurance automobile du Québec, la Régie des rentes du Québec et l'assurance-chômage, en ce qui concerne le gouvernement fédéral - ces travailleurs qui représentent quand même, si on prend l'ensemble des travailleurs et des travailleuses au pourboire, environ 100 000 personnes, soit environ 70 000 dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie et possiblement 30 000 dans l'ensemble des autres secteurs, comme les coiffeurs, coiffeuses, cosmétologues, chauffeurs de taxi, et autres, c'est quand même environ 100 000 travailleurs qui sont touchés qui rejoignent directement environ peut-être 3 000 000, 4 000 000 de Québécois qui sont leurs clients. Évidemment, même s'il y a d'autres

problèmes très graves dans notre société, actuellement, qui nous préoccupent comme citoyens, je suis convaincu que le sujet que nous abordons aujourd'hui rejoint une très large partie de l'opinion publique et de nos concitoyens, soit en tant que travailleurs, soit en tant que clients ou citoyens affectés qui accordent des pourboires.

En fait, je ne veux pas être plus long, même si j'aurais peut-être le goût de l'être, dans ces propos d'introduction. Simplement comme point final, je dois vous dire que j'aborde cette commission avec une volonté de manifester la plus grande ouverture d'esprit possible aux différentes solutions qui nous seront indiquées. Même si je suis conscient que c'est le passé qui nous mène à cette commission, je voudrais qu'on passe au moins autant de temps, sinon plus à parler de l'avenir par rapport aux problèmes que nous étudions, que nous abordons aujourd'hui. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Louis.

M. Harry Blank

M. Blank: Je pense que les dernières paroles du ministre nous donnent la raison pour laquelle nous sommes ici. Il a parlé de laisser de côté le passé pour parler de l'avenir.

M. Marcoux: Je n'ai pas dit cela.

M. Blank: De ne pas parler tellement de ce qui est passé, mais de parler du futur. Mais c'est le passé qui a fait convoquer cette commission. C'est l'attitude gouvernementale vis-à-vis des employés pour la perception des cotisations déjà perçues. Depuis environ cinq ans, le ministre du Revenu, a essayé, par les différentes solutions qu'il propose, de faciliter la perception de l'impôt sur les pourboires, au lieu de concentrer son action sur la situation qui a motivé une telle évasion fiscale. Le ministre parle d'équité fiscale et c'est bien, semble-t-il, la seule chose qui l'intéresse dans ce dossier. En effet, si on regarde le livre vert, cela parle de quoi? Cela parle d'évasion fiscale. C'est une façon d'essayer de percevoir les taxes plus facilement pour le gouvernement. Les effets sociaux et économiques, il n'en parle pas dans ce livre vert.

Le ministre a dit qu'on avait le ministre du Travail. Peut-être qu'il y a des représentants du ministère du Tourisme et peut-être quelqu'un des Affaires sociales. Je ne le sais pas. Je ne vois pas le ministre. Je suis heureux que le ministre du Travail soit ici, mais je ne suis pas certain que le ministre du Travail serait venu ici s'il n'avait pas commencé cette affaire lorsqu'il était ministre du Revenu.

M. Marcoux: Cela ne nuit pas.

M. Blank: Oui. J'aimerais mieux qu'on s'attaque aux vrais problèmes de la restauration et des employés au pourboire dans ces établissements plutôt que, pour des raisons politiques, convoquer une commission avec un livre vert mince qui ne contient aucune solution véritable sur les vrais problèmes. Il aurait été préférable d'avoir une commission mixte des affaires sociales, de l'industrie et du commerce, du travail et du revenu, pour essayer de régler les vrais problèmes dans cette industrie. (10 h 30)

Le ministre a aussi parlé des 200 000 employés dans la restauration et peut-être de quelque 30 000 autres employés au pourboire, mais c'est une autre affaire. Dans ce livre vert, il n'y a aucune donnée scientifique, aucun chiffre ou recherche dans cette affaire pour nous donner les vrais chiffres dans tous les domaines. On parle d'environ 210 000 employés dans la restauration et le ministre parle de 30 000 personnes au pourboire dans l'est de la province, incluant les chauffeurs de taxi, les coiffeurs, les barbiers, les chasseurs dans les hôtels et partout. Mais, seulement dans la ville de Montréal, il y a plus de 7000 chauffeurs de taxi. Je veux dire qu'on parle peut-être d'environ 100 000 personnes en dehors de la restauration, mais dans le livre vert on ne parle pratiquement que de la restauration. Qu'arrive-t-il aux autres 100 000 personnes? Le ministre a convoqué cette commission et fait sortir ce livre vert pour couvrir les pressions qui viennent de tous les travailleurs du Québec à qui on intentera des poursuites ici et là, partout, pour des cotisations qui remontent à cinq ans, six ans et même sept ans. Pour essayer de sauver la face vis-à-vis de ces gens, il n'arrive pas avec une solution, mais il met sur la table un livre vert qui ne contient absolument rien et qui n'est basé sur aucune recherche scientifique, aucun chiffre donné, seulement des estimations, les mêmes estimations qui ont pour but de percevoir de l'argent des pauvres garçons de table en leur disant: Vous avez perçu 15% en pourboires au cours de cette année, même si, au cours de cette année, ce travailleur était en France. C'est de cette façon que le ministre a travaillé dans ce domaine.

L'Opposition est ici pour entendre des témoins, afin de savoir ce qu'ils pensent. Mais je suis certain qu'on va découvrir plus que des questions d'évasion fiscale. L'évasion fiscale existe partout, cela se pratique par bien d'autres gens que les employés au pourboire; on dit que peut-être 15% du produit brut qui fait partie de l'évasion fiscale. Qu'a-t-on ici? Environ 200 000 000 $, c'est beaucoup d'argent.

Mais si on compare au total de l'évasion fiscale qui se fait dans toute la province, ces 200 000 000 $ sont des "pinottes". Ils doivent se couvrir parce que, pour des raisons politiques, ce qu'ils ont fait à de pauvres petits travailleurs au pourboire dans toutes les provinces, avec leurs cotisations, leurs poursuites, leurs saisies, toutes les choses qu'ils ont adoptées les ont obligés à faire quelque chose. Mais ce qu'ils ont fait, c'est la marque de commerce de ce gouvernement, c'est-à-dire un livre vert qui ne veut rien dire.

Mes amis, nous sommes ici pour vous entendre et essayer de trouver une solution à ce problème et pas seulement à ce problème particulier des gens qui travaillent dans la restauration, mais le problème des employés au pourboire dans toute la province. C'est notre but et nous sommes ouverts à toute suggestion. Il y a d'autres endroits qui avaient des problèmes similaires et qui les ont résolus. Les Américains ont récemment passé une loi sur des problèmes semblables et c'est peut-être un compromis entre la polarisation qu'on voit dans les mémoires présentés ici, mais personne n'a parlé jusqu'à maintenant de cette loi. Washington n'est pas loin, même une sous-commission pourrait s'y rendre pour voir comment on a réglé le cas pour 250 000 000 de personnes. Si on peut régler pour 250 000 000 de personnes, c'est facile de régler le cas pour 6 000 000 de personnes.

Nous sommes disposés à entendre vos mémoires, discuter du problème et peut-être pourra-t-on arriver au vrai problème, le problème des injustices sociales, économiques, pas seulement fiscales. Le gouvernement peut prendre sa responsabilité d'essayer de percevoir - il a assez d'ordinateurs, assez d'inspecteurs - et il n'a pas nécessairement besoin de loi spéciale pour l'aider. Une loi spéciale c'est une preuve de sa faiblesse. Si on a besoin d'une loi d'exception pour des travailleurs au pourboire, ça montre la vraie inefficacité et impuissance du gouvernement. C'est tout ce que j'ai à dire pour le moment. Je demanderais la permission que le député de Westmount fasse une très courte déclaration.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Saint-Louis. M. le député de Westmount.

M. Richard French

M. French: Je tiens, très brièvement, au début de cette séance, à souligner la nécessité de procéder dans ce dossier avec la plus grande prudence. Il s'agit en effet d'un gouvernement à court d'argent qui s'apprête à employer l'appareil du fisc pour en trouver auprès d'un groupe de travailleurs extrêmement vulnérables dans une industrie très fragile. Je devrais dire plutôt un groupe de travailleuses, parce que ce sont majoritairement des femmes. Je suis très content de constater la présence de Mme la ministre parmi nous ce matin. Je pense que si les Québécoises veulent s'entraider, leurs consoeurs de l'industrie de la restauration ont besoin de leur appui dans ce dossier.

Connaissons-nous un groupe de travailleurs, dont le travail est aussi précaire, dont les conditions de travail sont aussi difficiles et assujetties au bon vouloir du patron, dont l'isolement par rapport à ces derniers est aussi marqué? L'enjeu de cette commission parlementaire est de taille. Il s'agit ni plus ni moins des emplois disponibles pour ces personnes, pour ce bassin encore énorme de personnes, sans aucune compétence particulière. Il s'agit également de leur revenu net personnel. Voilà deux questions qu'il ne faut jamais oublier, si l'on veut sortir du cadre fiscal et parler du cadre économique et social. On touche au nombre d'emplois disponibles dans le secteur et on touche au revenu personnel net des travailleuses et travailleurs de ce secteur.

Il s'agit du nombre d'emplois, parce que le gouvernement du Québec s'apprête à extraire quelques centaines de millions de dollars d'un secteur d'activité économique déjà touché par la conjoncture. Qu'on ne s'imagine pas que cet argent viendrait d'une autre source que celle du consommateur. Le consommateur aurait-il les ressources additionnelles nécessaires ou choisirait-il plutôt de fréquenter les entreprises de "fast-food", d'amener son lunch dans un sac de papier brun ou de souper chez lui? En d'autres mots, l'élasticité de la demande pour les services de la restauration serait-elle grande ou restreinte? Dans les circonstances actuelles, il y a lieu de penser que la taille de l'industrie diminuerait inévitablement si l'on changeait radicalement les règles du jeu.

On se sensibilise soudainement à une pratique traditionnelle que nous avons tolérée pendant des années. On a beau ne pas vouloir parler du passé, on fait affaires avec une structure d'attente, un sous-secteur économique qui existe depuis des années. Et bousculer tout cela n'est pas une chose qu'il faut faire à la légère. Les pratiques en question, la société entière les a implicitement cautionnées, les ministres du Revenu successifs, les premiers. Évidemment, la situation financière du gouvernement n'est pas étrangère à cette prise de conscience, mais du point de vue économique, le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est remarquablement saugrenu. La première constatation, c'est que la taille de l'industrie et le niveau de l'emploi diminueraient inévitablement, à la suite d'une tentative du gouvernement d'extraire des sommes d'argent additionnelles. J'aimerais

beaucoup que nos intervenants nous indiquent leur attitude face à cette constatation; si ce n'est pas le cas, cela me ferait plaisir de le reconnaître. Il me semble que les travailleuses et les travailleurs en subiraient les conséquences en premier lieu, soit par le chômage, soit par une charge de travail accrue. Il s'agit aussi du niveau de revenu personnel disponible pour ces travailleuses et travailleurs.

Nos amis sociaux-démocrates ont découvert une injustice fiscale perpétuée par les travailleuses et travailleurs dont non moins de 93% de ceux qui font une déclaration de revenu déclarent un revenu imposable inférieur à 10 000 $. Non moins de 93% de ceux qui font un rapport d'impôt déclarent un revenu imposable inférieur à 10 000 $ par année! Peut-être que le ministre croit que ce chiffre tiré du livre vert de son prédécesseur ne représente pas la réalité, c'est-à-dire qu'il sous-estime le revenu de ces gens. Si c'est le cas, pourquoi le livre vert n'en fait-il pas mention? Lorsqu'on dit qu'il n'y a rien dans le livre vert, on veut dire que les renseignements sont présentés d'une façon squelettique, critique que cela devient extrêmement difficile de tirer des conclusions utiles en dehors du cadre fiscal que le ministre veut justement minimiser par son approche du problème.

Si les chiffres quant au revenu des travailleurs, si l'échelle de revenus dans le livre vert n'est pas correcte, si le revenu est sous-estimé, est-ce qu'il s'agit d'une échelle de revenus artificielle en soi, artificielle quant aux proportions de la population dans les niveaux respectifs ou artificielle quant au niveau de revenus absolu? Est-ce que l'échelle représente mal la distribution parmi les catégories de revenus différentes ou est-ce que les catégories de revenus différentes devraient tout simplement être gonflées par un facteur quelconque pour indiquer le vrai revenu des travailleurs dans ce secteur? Si oui, quelles sont les évidences pour un tel diagnostic?

Jusqu'à ce que la preuve soit faite, le gouvernement poursuit une croisade contre les travailleuses et travailleurs les moins payés, les moins privilégiés, les moins protégés, les plus marginaux et les plus démunis de la société. Il me semble que la vraie injustice serait de changer les règles du jeu soudainement au nom d'une égalité de traitement abstraite et, jusqu'à ce que la preuve soit faite du contraire, fictive dans son application aux travailleurs et travailleuses du taxi, aux coiffeurs et à d'autres industries au pourboire, sans parler du travail noir, comme celui des femmes de ménage, par exemple, dont on entend très peu parler.

Le gouvernement a choisi de parler d'injustice. Nous sommes ici pour l'appuyer dans ses démarches qui visent la pleine application des avantages sociaux à celles et ceux qui n'en ont pas bénéficié dans le passé. Nous sommes également ici pour nous assurer que la notion de l'injustice fiscale se justifie sur les plans social et économique, avant qu'elle ne serve de pierre d'assise pour les politiques qui risquent fort de perturber des emplois aussi précaires qu'ils sont nécessaires à des milliers de nos concitoyens et concitoyennes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député.

M. le député de Terrebonne.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci, M. le Président. Je me suis intéressé à ce dossier depuis plus d'un an. Il y a beaucoup de gens qui viennent - je tiens à les saluer - pour la première fois en commission parlementaire. C'est pour moi la première commission parlementaire consultative que nous faisons. Je trouve très curieux que l'Opposition, au départ, nous reproche de consulter. Si on ne consultait pas, on nous en ferait des reproches un peu plus cuisants, mais on consulte et on nous le reproche quand même. C'est tout de même un secteur de la société qui représente un chiffre d'affaires de 2 600 000 000 $. Je crois que c'est un domaine sur lequel il est excessivement important de se pencher.

C'est bien sûr que, dans cette commission, on n'étudiera pas tout l'éventail des gens qui travaillent au pourboire. Le secteur le plus important dans ceux qui travaillent au pourboire, ce sont ceux qui travaillent dans la restauration. Peut-être que ce serait de bonne guerre de dire qu'on devrait envisager tous ceux qui travaillent au pourboire, mais disons que, dans cette commission, je crois que nous nous attaquons à au moins 80% à 85% des revenus au pourboire si on s'attaque à ce secteur de la restauration. (10 h 45)

On nous reproche de le faire, mais sachez que de notre côté, pour autant que je suis concerné, je vais participer à cette commission avec du positif. Je n'attaquerai pas l'Opposition, même si le gouvernement qui nous a précédés était aussi social-démocrate, au moins de nom sinon de pensée. Je vais y aller de façon constructive. Je ne dirai pas non plus que cela fait depuis des temps immémoriaux qu'on marche au pifomètre dans ce domaine et que, si un gouvernement prend sur lui de vouloir établir des règles avec les gens concernés, je pense que c'est à l'avantage des gens concernés et du gouvernement lui-même.

Personnellement, je vais chercher avec mes confrères et notre ministre responsable une solution positive en pensant beaucoup

aux travailleurs de ce milieu et en cherchant des moyens de ne pas donner une autre charge fiscale au patronat dans le milieu. Des deux côtés, je regarderai s'il y a de l'évasion fiscale et des deux côtés, vu qu'on n'a pas de solutions, je veux proposer des solutions pour que, d'un côté comme de l'autre, justice soit faite et que ceux qui ont des impôts à payer et qui les paient reçoivent les services que l'État doit donner à ces employés. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député.

M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Je pense que le député de Terrebonne a peut-être mal interprété ou mal compris. Je n'ai pas dit que je suis contre les consultations, mais j'ai dit qu'à la base le livre vert était une opération politique et non pas pour essayer de régler un problème. Pour donner raison à mon interprétation, on doit seulement lire la première partie du premier mémoire qui, par hasard, vient de la région de Sherbrooke, la région de l'ancien ministre du Revenu, le député de Sherbrooke. La première page du mémoire de ce groupe s'attaque aux cotisations, aux poursuites et tout ce qu'ils ont fait à ces pauvres travailleurs au pourboire. Il dit: "Devant cette attitude arbitraire, discriminatoire et incohérente, des employés au pourboire de la région de l'Estrie ont formé une association dont le but principal est de défendre les intérêts économiques des gens au pourboire."

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le député de Saint-Louis, justement ce mémoire est le premier que l'on va entendre.

M. Blank: C'est cela, mais j'essaie de répondre à ce que le député de Terrebonne a dit. Cela me prendra seulement trente secondes. Le prochain paragraphe est intéressant; on y parle du député de Sherbrooke. "C'est suite aux pressions de l'ADEPE (Association des employés au pourboire de l'Estrie) que le ministre du Revenu, alors M. Raynald Fréchette, s'est intéressé au dossier et a mis en marche les procédures qui ont abouti à l'apparition du livre vert sur la situation des travailleurs et travailleuses au pourboire." Voilà la raison pour laquelle nous sommes ici. Ce sont les effets de l'attaque par le gouvernement contre ces pauvres travailleurs au pourboire.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Maintenant, j'inviterais notre premier groupe invité, l'Association des employés au pourboire de l'Estrie, à s'approcher à la table pour venir nous livrer leur témoignage, leur mémoire.

Mme Madeleine Lavoie, vice-présidente. Je prierais Mme Lavoie de nous présenter celles qui l'accompagnent.

Auditions

Association des employés au pourboire de l'Estrie

Mme Lavoie (Madeleine): Notre porte-parole est la présidente de l'Association des employés au pourboire à l'Estrie, Mme Rita Baillargeon.

Mme Baillargeon (Rita): Bonjour'

Le Président (M. Gagnon): Oui. Mme Baillargeon.

Mme Baillargeon: M. le Président, M. le ministre, Mme la ministre, Mme la député, MM. les députés, Mesdames et Messieurs, je voudrais d'abord faire une petite mise au point. À la suite d'un stage en France, j'aimerais, à la suite de notre dossier, ajouter un petit résumé de ce qui s'est passé. Alors, si vous le permettez... Depuis quelques années, les ministères du Revenu fédéral et provincial ont commencé des enquêtes au niveau des employés au pourboire de l'hôtellerie et de la restauration. Les vérificateurs définissent que d'après des critères connus d'eux seuls, dans tel ou tel restaurant, selon sa classe, son chiffre d'affaires et toutes sortes d'autres facteurs, les serveuses doivent faire 10%, 12% ou 15% du total de leurs ventes. En plus de retourner trois ou même quatre ans en arrière, on impose 25% de pénalité plus 16% d'intérêt à ces employés qu'on considère comme des fraudeurs aux ministères du Revenu. Alors que, selon la loi, un accusé est reconnu innocent jusqu'à ce que soit reconnue sa culpabilité, vis-à-vis de l'impôt c'est différent; l'employé est reconnu coupable tant qu'il n'a pas prouvé le contraire. L'employé doit payer les comptes reçus même si pour cela il doit emprunter des sommes importantes aux taux d'intérêt qu'on connaît. Il pourra ensuite dans les jours qui suivent remplir un avis de contestation et il attendra en payant à la banque des versements mensuels de son prêt-impôt. De plus, c'est à l'employé à prouver, par un moyen quelconque, qu'il n'a pas reçu les montants réclamés ou fixés par les ministères du Revenu. Il faut dire que les travailleurs et travailleuses au pourboire ne reçoivent des bénéfices sociaux qu'en fonction des 3,28 $ et non en fonction de leurs pourboires.

Devant cette attitude arbitraire, discriminatoire et incohérente, des employés au pourboire de la région de l'Estrie ont formé une association dont le but principal est de défendre les intérêts économiques des

employés au pourboire. Alors, comme on le disait tout à l'heure, c'est à la suite de pressions des employés au pourboire de l'Estrie que le ministre, M. Raynald Fréchette, s'est intéressé au dossier et a mis en marche les procédures qui ont abouti à l'apparition du livre vert sur la situation des travailleurs et travailleuses au pourboire et à cette commission parlementaire.

Il est important de savoir que la solution qui sera retenue devra régler des problèmes précis. Premièrement: le contrôle des pourboires par le ministère du Revenu; deuxièmement: la perception des avantages sociaux sur les pourboires par les employés concernés. Pour nous, c'est le point le plus important. Un autre point qui est très important, aussi, c'est l'indexation au coût de la vie du salaire global des employés concernés. Car, il faut dire que présentement, les employés au pourboire constatent que plus les factures augmentent, plus le pourcentage du montant de la facture diminue.

Nous avons étudié à fond les hypothèses de solution proposées par le livre vert. Voici donc les solutions, les résultats de cette analyse, en prenant pour base l'objectif de régler les problèmes cités plus haut.

On a commencé à critiquer le point 5.2 qui se trouve à être le pourboire inscrit sur la facture par le client. On a procédé comme suit: Dans une première partie, on a pris chaque point du livre vert et on en a fait une critique.

Or, il est vrai que l'employeur pourra distribuer les pourboires reçus...

M. Polak: Une question de règlement.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, peut-être que le ministre aurait dû parler de la manière dont on procède, parce que je vois -je respecte le contenu du mémoire que madame est en train de lire - que nous avons là un mémoire de 18 pages, comme il y a beaucoup de mémoires, est-ce que chacun va lire son mémoire ou si on procède comme à d'autres commissions parlementaires, à savoir à l'aide de résumé pour ensuite avoir plus de temps aux débats?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, est-ce que vous avez des questions?

M. Marcoux: Je n'ai pas de solution à imposer. Je pense que c'est à nous de nous entendre sur la façon dont la commission doit faire ses travaux. On a essayé de faire un horaire le plus dégagé possible. Beaucoup de mémoires ont une, deux ou trois pages, à peine; quelques mémoires sont plus denses. Comme c'est le premier mémoire, pour entrer vraiment dans la matière - c'est peut-être normal qu'on aille plus en profondeur -je n'aurais pas d'objection, comme le mémoire résume ici les quatre solutions, les critique, qu'on aille plus profondément. On a prévu un horaire très dégagé pour la première journée pour permettre d'aller plus en profondeur et pour faire en sorte que les mémoires qui ont une page ou deux aient plus de temps pour le dialogue. Vous êtes libre, Mme Baillargeon, de résumer des sections de votre mémoire, le cas échéant, cela nous donne plus de temps pour la discussion avec vous.

Le Président (M. Gagnon): Alors, continuez la lecture comme vous l'entendez et, par la suite, si je comprends bien, les deux côtés de la table, on pourra s'entendre sur un temps pour les autres mémoires. Mme Baillargeon.

Mme Baillargeon: Je m'excuse, je croyais que selon la procédure, je devais lire le mémoire. Remarquez que mon style serait plutôt de le résumer.

Le Président (M. Gagnon): Vous pouvez le résumer.

Mme Baillargeon: Je peux lire certaines parties et en résumer d'autres.

M. Marcoux: Parfois, c'est inquiétant, il y a quelquefois des résumés qui sont plus longs que les mémoires.

Mme Baillargeon: Cela dépend de ceux qui font les résumés. Alors, il est vrai que dans le point 5.2, l'employeur pourra distribuer les pourboires selon les conventions établies. Mais nous, à l'ADEPE, on ne considère pas cela comme un avantage. Il y a plusieurs endroits dans les restaurants où il y a une répartition des pourboires qui est faite d'une façon très injuste. Entre autres, on cite ici un exemple. Dans certains restaurants, il y a des serveuses qui sont obligées de payer 2%, non pas de leurs pourboires, mais de leur chiffre de vente, taxe incluse, à l'hôtesse, même si elle n'est pas là. Ce sont des mesures aberrantes comme celle-là que l'on retrouve et on considère que ce n'est pas un avantage, comme le cite le livre vert.

Il est faux de dire que "les montants reçus à titre de pourboires par chacun des employés sont connus." Ce qui va être connu, c'est le montant que le client inscrira sur sa facture. Alors, qu'est-ce qui nous assure que le client va inscrire son pourboire? Le client pourra bien dire: Écoute, je ne te mets rien sur ta facture et je t'en mets un sur la table et puis tu le garderas pour toi. On va se retrouver exactement dans la même situation qu'on vit présentement, mais le

ministère du Revenu va venir nous dire: Ah, non, tu as fait plus que cela, toi. Alors, on va se retrouver exactement avec le même phénomène qu'on vit là; il va revenir des années en arrière et ça va être à nous de prouver encore qu'on n'a pas fait le montant que le ministère du Revenu nous réclame. Avec cette solution, est-ce qu'on peut vraiment parler de contrôle complet et global? Parce que cela, c'est une des solutions que recherche le ministère du Revenu. À notre avis, on ne peut pas parler de contrôle complet et global.

Maintenant, il y a un point très important que je veux soulever. On parle de la liberté du client de pouvoir donner un pourboire selon son évaluation du service rendu. Cela, je vais le lire parce que je considère que c'est important. "Nous voudrions savoir pourquoi le client devrait continuer à être libre d'évaluer un service. L'évaluation du service est une chose très subjective. Quand le steak est trop cuit, le pourboire s'en ressent; quand le client s'est chicané avec sa femme, le pourboire s'en ressent. Et on pourrait donner des dizaines d'exemples comme cela. Nous le vivons quotidiennement. Ensuite, est-ce que la secrétaire, l'infirmière, la vendeuse ou tout autre secteur de travail voient leur salaire évalué à l'acte et augmenté ou diminué selon leur efficacité ou leur sourire? Est-ce que les fonctionnaires comptent sur une marge de pourboire plus ou moins élevée s'ils sont souriants et compétents? Point d'interrogation. Nommez-nous un secteur de travail où les employés sont rémunérés en fonction de leur bonne humeur. C'est ce qu'on vit depuis des années."

Dans le point 5.3, on parle de la déclaration périodique des pourboires par l'employé. Nous voudrions bien savoir en quoi cette solution apporte des changements par rapport à ce qui se vit actuellement au niveau du contrôle des pourboires par le ministère du Revenu. Parce qu'on s'entend pour dire que c'est toujours important que le ministère du Revenu finisse par contrôler ce qu'on fait. En quoi cela change-t-il ce qu'on vit actuellement? L'employeur connaîtra non pas les montants reçus à titre de pourboires, mais bien les montants déclarés. Au niveau du ministère du Revenu, pour nous, cela ne change rien. On a constaté aussi qu'une telle solution ne pourra qu'encourager les travailleurs à essayer de frauder. On donne un exemple: si quelqu'un prévoit un congé de maternité ou un congé sans solde, il pourra, dans les semaines qui précèdent, déclarer plus de pourboires dans le but de recevoir plus de bénéfices sociaux. Évidemment, il y en a qui vont s'essayer en pensant que cela va passer. Mais le ministère du Revenu va s'en rendre compte et là les bons vont payer pour les méchants, comme cela se passe actuellement. Le ministère du Revenu va encore venir nous trouver, il va dire: Non, vous ne faites pas ce que vous avez dit; vous faites plus à cause de telle et telle chose. Si vous faites cela, les autres le font aussi. Alors, on va se retrouver encore dans la même situation.

Voici plus d'une dizaine d'années que les travailleurs et travailleuses au pourboire voient leur salaire global rester presque stable alors que tout augmente. Quel espoir avons-nous de voir nos conditions salariales s'améliorer alors que même l'écart entre le salaire minimum des employés au pourboire et celui des autres travailleurs ne cesse d'augmenter? Là, on donne un petit tableau qui est très significatif, à notre avis. Je vais m'exempter de l'expliquer étant donné que les gens l'ont sous les yeux. Mais on voit que la différence entre le salaire minimum des employés au pourboire et des autres employés augmente d'année en année. Nous sommes à la recherche d'une solution qui règle vraiment et à long terme les problèmes qui existent actuellement.

On arrive au point 5.4 qui est Le pourboire, un revenu de travailleur autonome. Notre position là-dessus, c'est que c'est la solution à rejeter. Cette hypothèse pourrait laisser croire à première vue qu'elle serait l'idéale et permettrait au ministère du Revenu d'atteindre son objectif d'équité sociale. C'est, d'ailleurs, sur cette hypothèse que le livre vert semble s'attarder le plus. Alors, là-dessus, on est catégorique: on ne veut pas de cette solution. D'abord, qu'en sera-t-il de l'application de la Loi sur les normes (minimales) de travail pour ces travailleurs? Ensuite, aucun de ces travailleurs ne sera intéressé à produire cinq déclarations de revenu par année, surtout quand on songe aux tracasseries et aux amendes qui surviennent dans un retard à produire un rapport.

Il faut travailler dans le milieu pour savoir que les gens ne sont pas aptes à passer leur temps à remplir des rapports. Il y a même des gens qui ont reçu leurs premiers papiers du ministère du Revenu et ils ont trouvé cela trop difficile de s'en occuper. Ils les ont laissés de côté. Je ne m'imagine pas que des gens pourraient, cinq fois par année, remplir des documents pour les renvoyer à temps; sans cela, ils ont des amendes. (11 heures)

Le gouvernement ne pourra pas atteindre son objectif d'équité fiscale parce que la déclaration demeurera libre et les ministères du Revenu pourront continuer à poser les gestes actuels avec les travailleurs en fixant eux-mêmes, de façon tout aussi arbitraire, le revenu de ces derniers.

Le gouvernement parle d'équité sociale sans jamais parler d'équité au niveau salarial avec les autres travailleurs en maintenant un écart entre certains travailleurs rémunérés

au salaire minimum. Finalement, nous ne serions des travailleurs autonomes que de nom, car nous n'aurions ni la faculté de déterminer nos heures de travail, ni le prix de nos services.

On arrive au numéro 5,1, cela se trouve un peu en dernier parce que c'est le point qu'on privilégie, les frais de service obligatoires.

Les avantages d'un tel système sont bien énumérés dans le livre vert. Les avantages sociaux tiennent compte des pourboires reçus par chacun des employés. L'évasion fiscale observée dans ce domaine s'atténue grâce à un meilleur contrôle des pourboires. Le travailleur au pourboire bénéficie pleinement des différents régimes sociaux. Le gouvernement identifie les employés au pourboire et les renseigne sur leurs droits et leurs obligations.

Maintenant, nous aimerions parler d'un autre avantage primordial, c'est l'indexation automatique des pourboires au coût de la vie. On a nommé le problème tout à l'heure. En ayant un pourcentage fixe ajouté sur les factures quand les prix inscrits au menu augmenteront, les pourboires vont augmenter automatiquement. Nous ne classerions pas comme "avantage" le fait que "le contrôle de la perception et de la distribution d'un pourboire par l'employeur est complet". Le système de "répartition des pourboires" n'est sûrement pas une solution équitable pour tous, surtout dans le cas où un pourcentage fixe de pourboire n'est pas assuré et où la serveuse doit laisser un pourcentage fixe de sa caisse à la barmaid ou à l'hôtel.

Nous ne comprenons pas pourquoi un employé devrait payer un autre employé pour faire un travail donné, par exemple, le commis-débarrasseur, le balayeur ou la placière.

Le problème devient plus compliqué lorsqu'il y a plusieurs personnes qui font le service aux tables et pour nous ce sera des choses à évaluer, des technicités à discuter.

En aucun cas nous ne considérons justifié que la serveuse soit obligée de donner un pourcentage fixe de sa caisse à l'hôtesse, même lorsque celle-ci est absente.

Le livre vert aborde quelques autres points qui sont considérés comme des avantages d'une telle méthode et nous voudrions étudier ces points. Le point important qu'on note tout le temps quand on parle du service inclus, c'est la liberté du client. C'est vrai que le client ne pourra plus laisser le montant de son choix, si le service est inclus, c'est vrai que, même si le client est insatisfait de la cuisson de son steak, il ne pourra pas pénaliser la serveuse en lui laissant moins de pourboire. C'est vrai aussi que, si la facture coûte plus cher qu'il s'y attendait, le client ne pourra pas se rattraper en laissant moins de pourboire. C'est vrai que, si la serveuse est plus ou moins à son goût physiquement, le client devra laisser le même pourcentage qu'à celle qui est plus jolie. Nous ne nions pas non plus le fait que, si le client reçoit un mauvais service, la serveuse aura le même pourcentage, cela est clair.

Il faut travailler dans un restaurant pour se rendre compte à quel point l'évaluation du service est une chose subjective. On en a déjà parlé un petit peu tout à l'heure, je tiens, c'est important, à en discuter un peu plus.

Il arrive tellement souvent, et tous les gens du métier peuvent en témoigner, qu'on peut donner le meilleur service possible, traiter les clients aux petits soins, avec sourire, gentilesse, patience, etc., et se faire dire que le service est excellent, que c'était parfait, pour n'avoir en pourboire que cent fois merci! Cent fois, cent fois ce n'est pas beaucoup, comme dirait Georges d'Or. Pour notre part, on n'a jamais pu évaluer combien cela en prenait pour faire un dollar. Et, surtout, les vérificateurs des ministères du Revenu ne les acceptent pas comme paiement; des mercis, cela ne compte pas.

Maintenant, imaginons la situation où le client est furieux: le steak est trop cuit, les pommes de terre sont instantanées, une mouche vient de tomber dans sa soupe et il gèle à cause de l'air climatisé. À qui la faute? Je peux vous le dire.

Le Conseil régional de développement de l'Estrie a effectué une recherche et a publié à ce sujet quelques données intéressantes. Selon une étude faite aux États-Unis, le pourcentage laissé en pourboire varie fortement selon la taille du groupe servi. Si plusieurs personnes dînent ensemble, le pourcentage laissé en pourcentage par personne est moindre que pour ceux qui dînent seuls. Plus le groupe est important, plus le pourcentage va être petit.

Une autre recherche de Johanne May démontre qu'une serveuse attrayante sera évaluée plus positivement en regard des pourboires. L'étude de Mme May affirme que les données traditionnellement associées avec la vitesse et l'efficacité du service n'ont pas d'impact significatif sur le pourboire. Chez les serveuses étant évaluées comme donnant un très bon service, celles qui étaient plus jolies recevaient un meilleur pourboire que celles moins attrayantes. Chez celles ayant fourni un service médiocre, le même phénomène se répète.

Les résultats suggèrent donc que, toutes choses étant égales, les serveuses moins attrayantes rendant un excellent service peuvent recevoir des pourboires inférieurs aux serveuses très attrayantes rendant un service médiocre. Pour nous, nous le vivons quotidiennement et nous trouvons inconcevable que cela continue comme cela.

On veut que le consommateur reste libre de pouvoir évaluer notre service.

Pensons-nous que nous aussi, les employés au pourboire, sommes des consommateurs? Qu'en est-il de notre liberté d'évaluer la qualité du service des autres secteurs de travail? Avons-nous la liberté de payer moins cher de taxes quand nous sommes insatisfaits de tel professeur, de tel médecin, de telle infirmière, de tel postier ou de tel fonctionnaire? Ils ont le même salaire, même s'ils nous "garrochent" - excusez l'expression. Ces travailleurs des autres secteurs étant rémunérés le même salaire quel que soit le service qu'ils donnent, veulent eux, se garder le droit d'évaluer le service des travailleurs de la restauration et de payer à l'acte, selon leur goût ou leur "feeling" du moment, le salaire du serveur ou de la serveuse. Mais, est-ce que le client sait que nous sommes payés en dessous du salaire minimum et que nous devons compter sur les pourboires pour compléter notre salaire? Il y a beaucoup de gens qui l'ignorent et en plus qui s'imaginent qu'on fait des salaires incroyables là-dedans.

Où est-elle notre liberté avec le ministère du Revenu? Nous sommes obligés de déclarer un montant de pourboires jugé raisonnable par messieurs les vérificateurs. Ces derniers sont très loin de connaître la réalité que vivent les travailleurs au pourboire en 1982. Le fait que, d'année en année, le pourcentage des factures laissé en pourboire diminue, la répartition des pourboires, les pourcentages laissés par les travailleurs pour l'administration des cartes de crédit, l'obligation de payer des factures volées, tout cela semble les laisser bien indifférents. Soit dit en passant, les fonctionnaires provinciaux dans ce domaine peuvent être considérés comme beaucoup plus inhumains et indifférents que les fonctionnaires fédéraux. J'en parle en connaissance de cause, on a connu les deux.

La liberté est un beau mot, un beau principe, mais parlons-en pour tout le monde. Si c'est impossible, acceptons quelques concessions de part et d'autre pour permettre à chacun de vivre d'une façon décente.

On nous parle d'un autre point qui semble "travailler" bien du monde: le service qui est susceptible de se détériorer. Pour nous c'est une chose inconcevable de parler de cela. On parle de travailleurs à commission qui donneraient un mauvais service. Est-ce que c'est logique? Moi, je n'ai jamais connu de travailleurs à commission qui donnaient un mauvais service parce qu'on a intérêt à avoir de la clientèle, à la garder et à vendre à cette clientèle. Il est alors illogique de penser que je vais me "foutre" de mon client. Mon intérêt sera de le garder et de le traiter aux petits soins, d'avoir intérêt à ce qu'il revienne dans ma section et qu'il m'aime. On considère alors qu'il est absolument illogique de parler de diminution de qualité de service. En supposant que le client reçoive un mauvais service - parce que partout dans n'importe quel secteur de travail il peut y avoir de mauvais travailleurs, il y en a chez les fonctionnaires, il y en a partout - alors s'il reçoit un mauvais service, le client aura à faire comme il fait partout ailleurs: jouer son rôle de consommateur averti. Il ira trouver le patron et dira qu'il n'est pas satisfait du service de cette serveuse et le patron aura à jouer son rôle de patron - et cela sera dans son intérêt à lui, parce que s'il ne surveille pas la qualité du service sa clientèle diminuera. Pour nous, le problème de la qualité du service qui diminuerait avec le service inclus, c'est une chose à laquelle il ne faut pas penser beaucoup pour en parler.

Alors monsieur sera content, j'ai résumé de nombreux points. Le consommateur - c'est une autre critique qu'il y a dans le livre vert - peut contracter l'habitude de verser un pourboire additionnel en guise d'appréciation du service rendu. Pour nous, c'est une autre chose qui nous fait sourire, parce que, même maintenant, les clients ont déjà de la misère à laisser un pourboire et il n'y a pas de service inclus; alors s'ils savent que le service est inclus on s'imagine très bien qu'ils seront très heureux de dire "le service est inclus, je n'en laisse pas". En supposant que les gens en laissent, cela veut dire: ce n'est pas si terrible que cela que le service soit inclus puisqu'ils sont prêts à en débourser encore en plus. Soyons logiques.

En quatrième point. Le prix des repas et des consommations dans les hôtels subira une augmentation automatique. C'est vrai que le coût des factures sera augmenté comme dans n'importe lequel autre domaine. Si on considère que, selon le ministère du Revenu, la majorité des clients nous laisse au moins 10% - parce qu'à les entendre, c'est ce que nous avons - la différence entre 10% et 15% ce n'est que 5%. D'ailleurs, cette différence sera encore amoindrie si le gouvernement adopte notre recommandation de baisser la taxe de vente - qui est actuellement de 10% - de la baisser à 5% et de la rendre applicable sur tous les montants. De cette façon M. le ministre des Finances ne perdrait pas beaucoup, car il pourrait récupérer la taxe qu'il ne reçoit pas actuellement sur tous les montants de 3,25 $ et moins. Le ministère du Revenu pourra contrer la fraude qui se fait par le dédoublement des factures, qui évite la taxe aux clients. Je ne sais pas si vous avez déjà vécu ça, mais je le vis quotidiennement dans des restaurants où les prix des repas ne sont pas très élevés. On nous fait cinq ou six factures pour nous éviter la taxe. Il y a des restaurants qui ne peuvent pas se le permettre parce que déjà le coût des repas est trop élevé, mais cela fait des taxes que

le gouvernement ne perçoit pas.

Le client qui prend de petits repas, si on parle du point de vue des consommateurs, ne subira pas une augmentation excessive, car 5% de taxe sur un repas de 3 $ ne fait que 0,15 $. De plus, 15% sur une facture ne sera jamais que 15%. Envisageons la possibilité qu'on demande un bon salaire. On verra à ce moment-là le pourcentage que le restaurateur devra ajouter à ses factures en comparaison des 15% de service inclus. Déjà, si on demande un salaire de 4 $ - et il est fort peu probable que des travailleurs et travailleuses dans la restauration acceptent de travailler pour seulement 4 $ quand on sait ce que c'est que de travailler dans un restaurant - en supposant qu'on ne parle que de 4 $, cela fait déjà une augmentation de 21,9%. Le restaurateur n'ira pas dire: Cette augmentation, je la perds. Il va l'ajouter à son menu et il va s'arranger pour la reprendre comme ça.

Un cinquième point: Le Québec perdrait un avantage touristique considérable. Cela aussi semble préoccuper beaucoup de gens. Quand on parle de tourisme, si on pense aux Européens, il serait surprenant que cela les empêche de venir parce que, en Europe, c'est le système du service inclus. Quand des Français, des Suisses ou des Belges - des Européens - viennent ici, il faut leur dire que le service n'est pas inclus parce qu'ils pensent qu'il est inclus et ils ne laissent pas de pourboire. Alors, pour eux, cela ne changera pas grand-chose. Nous croyons aussi que si une personne a les moyens financiers de voyager et de s'alimenter au restaurant, ce n'est pas le fait d'inclure le service à la facture qui l'empêchera de visiter notre beau Québec.

Pour ce qui est de nos voisins du Sud, je puis vous dire que nous avons un restaurant où il y a beaucoup de touristes américains, nous avons parlé avec des gens qui reçoivent des touristes américains et c'est la clientèle qui laisse le plus haut pourcentage des factures. Alors, est-ce que cela va changer pour eux, si déjà ils laissent un bon pourcentage des factures, plutôt que de laisser le pourboire sur la table que celui-ci soit inclus dans le prix. À notre avis, sur le plan touristique, un Américain va se demander: Où est-ce que je vais en vacances? Il va regarder la carte et il va dire: Tiens, je vais aller au Québec. Par la suite, il va dire: Non, je ne vais pas au Québec, parce que le service est inclus sur la facture. Nous trouvons cela ridicule, vraiment, de nous dire que cela va empêcher les touristes de venir nous voir. Non, cela ne prend pas chez nous.

Une discrimination envers tous les autres employés travaillant dans les industries de service. Quels sont les employés dans les autres secteurs de service qui reçoivent un salaire de base de 3,28 $ l'heure? Quels sont les travailleurs dans les autres secteurs de service qui auraient accepté les conditions salariales que vivent les employés au pourboire actuellement?

La rémunération à l'acte, sans critère de base stable. Un salaire de base qui n'augmente pas en fonction des hausses du coût de la vie et dont l'écart ne cesse d'augmenter par rapport à celui des employés sans pourboire. Le pourboire qui, loin d'augmenter d'année en année, a tendance à diminuer quand le coût des factures augmente.

Cessons de considérer les travailleurs et travailleuses au pourboire comme des quémandeurs et commençons à penser à eux en tant que consommateurs qui ont aussi une épicerie à payer, des comptes d'électricité et de téléphone et de chauffage, qui doivent s'habiller et qui aiment bien de temps en temps se payer une petite sortie. Les employeurs apporteront sûrement comme désavantage le fait de voir augmenter leur contribution aux différents régimes sociaux et de devoir tenir une comptabilité plus complexe.

Nous voulons faire remarquer que ces mêmes inconvénients se retrouvent dans les autres points et que ce n'est qu'avec le point 5,4 que l'employeur réussit à s'en laver les mains et que, de toute façon, c'est la solution qui pénalise le plus les employés au pourboire et qui est refusée de façon catégorique par tous les travailleurs de ce secteur.

Nous voulons aussi faire remarquer que depuis le début de la restauration au Québec, les travailleurs au pourboire ont été sous-payés et que c'est un peu grâce à eux si les profits ont été intéressants. Les restaurateurs devraient aussi penser que la demande d'un salaire de base décent sans pourboire occasionnerait pour eux une augmentation beaucoup plus importante.

Si on en croit certaines personnes, le fait d'un pourboire obligatoire pourrait acculer plusieurs restaurateurs à la faillite. Nous doutons fort que cela ait de telles conséquences. De toute façon, n'y a-t-il pas, selon l'Association des restaurateurs même une trop grande quantité de restaurants au Québec? Autrement dit, ce serait dans l'intérêt des restaurateurs que, de toute façon, il y ait des restaurants qui s'éliminent. Même l'Association des restaurateurs a demandé au gouvernement d'avoir des normes plus strictes quand il s'agit d'ouvrir un restaurant.

Les restaurateurs sont en contradiction avec eux-mêmes quand ils nous contestent. C'est ce point que nous voulons faire ressortir ici. (11 h 15)

L'ADEPE, ainsi que les autres associations d'employés au pourboire du Québec ont travaillé avec acharnement

depuis deux ans à trouver une solution aux problèmes d'impôt que vivent actuellement les travailleurs et travailleuses au pourboire.

Après avoir échangé avec les employés au pourboire des différentes régions du Québec, après avoir parlé d'injustices de toutes sortes, de harcèlement sexuel, de congédiements arbitraires sans recours, d'exploitation flagrante et inconcevable de la part de plusieurs patrons, de non-respect des normes minimales, les responsables de l'association ont considéré primordial que le gouvernement s'occupe d'une façon positive de ce secteur de travail. C'était un grand défi, car jamais un gouvernement au Québec ne s'était occupé de quelque façon que ce soit de cette masse importante de travailleurs.

L'aspect le plus urgent est celui de l'impôt. Nous avons envisagé le problème sous toutes les facettes et nous croyons que la solution que nous privilégions est la moins coûteuse pour le patron et pour le consommateur, et la plus satisfaisante pour les employés au pourboire.

Il est clair que nous n'accepterons pas une solution qui serait à notre désavantage. Nous sommes également des consommateurs et nous voulons bénéficier enfin de conditions salariales qui nous permettent d'avoir un niveau de vie décent, sans crainte des poursuites du fisc, avec la certitude de pouvoir bénéficier des avantages sociaux en cas de besoin.

Si quelqu'un a une solution qui, vraiment, peut satisfaire tout le monde, nous serions heureux de la connaître et de l'appuyer. Le gouvernement a ici l'occasion de prouver qu'il prend vraiment les intérêts du petit travailleur.

À propos du stage en France, le 3 novembre, plusieurs membres de diverses associations d'employés au pourboire du Québec revenaient d'un stage. On a eu l'occasion de rencontrer et d'échanger avec des restaurateurs, des syndiqués, des non-syndiqués et différentes organisations syndicales, des groupes de femmes et on revient convaincus que ce que l'ADEPE avait envisagé comme hypothèses de solution reste la façon la plus logique de régler une fois pour toutes les problèmes que vivent actuellement les travailleurs et travailleuses au pourboire du Québec.

Au dire même des restaurateurs français, ils ne comprennent pas l'attitude réticente et négative des restaurateurs québécois à propos du système "service inclus". D'après eux, c'est peut-être simplement que ces derniers se verraient alors dans l'obligation de déclarer tous leurs revenus, ce qu'ils ne font pas actuellement parce que, dans le secteur de la restauration, on vit quotidiennement la même facture "spécial du jour" à 3,25 $ qui passe au même client. En supposant qu'on parle de "service inclus", les revenus des restaurateurs seront contrôlés. Si la fille déclare un certain pourcentage de pourboires et que cela ne correspond pas au chiffre d'affaires du patron, le patron sera pris pour déclarer ce qu'il gagne exactement. C'est peut-être cela qui déplaît tellement aux restaurateurs.

En conclusion, la solution la plus acceptable, selon l'ADEPE, reste l'application du système "service inclus", c'est-à-dire que le prix du repas engloberait le pourcentage de service. Nous proposons aussi que la taxe de vente qui est actuellement de 10% soit ramenée à 5% et soit applicable sur tous les montants et nous demandons aussi qu'un comité soit formé pour étudier le problème de répartition des pourboires. Actuellement, ce système est la source de beaucoup d'injustices et il est temps d'envisager une réglementation équitable pour tous.

Est-ce que cela a été trop long?

Une voix: Pas trop.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Baillargeon. M. le ministre.

M. Marcoux: Je remercie Mme Baillargeon et son groupe d'avoir eu l'amabilité de préparer ce mémoire, d'autant plus - M. le député de Saint-Louis a eu l'occasion de le souligner de façon négative; moi je voudrais le souligner de façon positive - que vous avez été le premier groupe à présenter, l'an dernier, au gouvernement du Québec et au ministre du Revenu un mémoire indiquant vos préoccupations par rapport à la situation des travailleurs et travailleuses au pourboire.

Même si vous n'êtes pas le premier groupe inscrit légalement comme représentant des travailleurs et travailleuses au pourboire, vous avez été le premier à vous manifester par un mémoire au gouvernement, ce qui a entraîné d'autres groupes à le faire, y compris les associations de restaurateurs, d'hôteliers, ce qui nous amène à cette commission.

Si on abordait toutes les questions aujourd'hui - puisque vous les soulevez presque toutes dans votre mémoire - la discussion avec les représentants des autres groupes deviendrait inutile. J'essaierai donc de me résumer en abordant une première question qui m'apparaît centrale et c'est la question des mentalités. Votre mémoire repose, je dirais, sur l'affirmation explicite, mais des fois sous-jacente qu'à partir du moment où il y aurait un pourboire obligatoire ou des frais de service obligatoires, la mentalité du consommateur québécois évoluerait de telle façon que le pourboire disparaîtrait, d'une certaine façon.

Je voudrais que vous précisiez cette question. Qu'est-ce qui vous donne cette conviction alors que, même si je n'ai pas eu

le plaisir de voyager à l'extérieur, que ce soit dans les pays du Sud ou de l'Europe, ce qu'on m'indique, c'est que, dans les pays où il existe déjà une mentalité de pourboire, il se superpose aux frais de service obligatoires un pourboire peut-être moins considérable au point de départ, mais qui est d'environ 10% ou 15% lui aussi? Ce qui revient à dire, à ce moment-là, que les frais de service obligatoires de 15% deviennent un salaire, disons, imposé, non négocié, que certains décrivent comme étant une taxe. On pourrait le décrire de bien des façons. Ce sur quoi j'aimerais entendre votre point de vue, c'est sur l'aspect des mentalités que cela suppose, parce qu'on a déjà eu l'occasion d'en discuter brièvement, et je suis convaincu que c'est le point central qui fait achopper une solution par rapport à une autre.

Mme Baillargeon: Je vois deux volets à votre question, c'est-à-dire la mentalité en France et qu'est-ce qui ferait qu'ici les gens ne donneraient pas un pourboire supplémentaire.

En France, il faudrait d'abord spécifier qu'il n'y a pas de salaire de base. Les gens travaillent à pourcentage et cela constitue leur salaire qui est mis dans un tronc. Alors, ils mettent tout l'argent dans un "pot"; eux autres appellent cela un tronc. Ensuite, ils le répartissent selon un système de points. Cela constitue leur salaire et ils complètent leur salaire avec des pourboires. C'est le système français. Quand on est revenu de France, on a dit aux médias et à beaucoup de gens qu'on n'a pas l'intention de prendre ce système et de l'implanter ici parce que, justement, on y voit beaucoup de lacunes. C'est une question, à savoir: Un pourboire, est-ce que j'en laisse un? Le service est inclus. Regarde donc! Lui, il en laisse. Je me sens obligé d'en laisser un. On ne veut pas de ce système-là. On veut que ce soit clair et net, que le client, en partant, ne se sente pas coupable s'il ne laisse pas de pourboire. On a un salaire qui est notre salaire de base plus le service inclus. Cela règle la question: quand le client part, il n'a rien à laisser sur la table.

En Suisse, ce n'est pas le même système. Ils ont un salaire de base et ils ont un service inclus qui complète leur salaire de base. En Suisse, le problème ne se pose pas; les gens ne laissent pas de pourboire. C'est marqué dans les menus. Le service est inclus; pas de pourboire.

En Belgique, c'est la même chose. La Belgique...

M. Marcoux: Je ne suis pas allé en Suisse, mais je vous pose la question. Cela me fait un peu penser lorsqu'on va au centre commercial et qu'on en ressort avec une commande. C'est marqué "pas de pourboire", et tout le monde sait que c'est aussi une façon de faire penser d'en laisser un.

Mme Baillargeon: Moi, je n'en laisse jamais.

Des voix: Ah!

Mme Baillargeon: Si c'est marqué "pas de pourboire", je les crois et, s'ils en veulent, qu'ils me le disent. Je me dis que c'est une mentalité. On a fini de parler de l'Europe, on va parler du Québec et de ce que vous venez de me dire.

Ici, les restaurateurs vont avoir un rôle à jouer, le gouvernement va avoir un rôle à jouer et les employés vont avoir un rôle à jouer. Alors, le gouvernement, si une loi est éventuellement adoptée, à savoir que le service est inclus, aura peut-être son rôle à jouer dans la publicité. Il dira: Écoutez! On a établi un système pour les employés qui étaient anciennement au pourboire; ils sont devenus des employés à pourcentage; le service est inclus dans les repas; les gens n'ont plus à laisser de pourboire. Les restaurateurs pourront, dans leur menu, écrire la même chose qui est écrite en Suisse, c'est-à-dire que le service est inclus; pas de pourboire. Ce sera une question d'éthique professionnelle de la part des gens qui travaillent dans le secteur. Si un client n'est pas au courant, s'il vient de l'Ontario -à remarquer que ce n'est pas eux autres qui donnent le plus de pourboire - si ce sont des gens qui viennent des États-Unis qui ne sont pas au courant et qu'ils laissent un pourboire, ce sera une question d'éthique professionnelle de dire: Le service est inclus, monsieur. Je ne vous dis pas qu'il n'en passera pas, mais c'est tellement... Aujourd'hui, il n'y a pas de service inclus. Les gens ont de la difficulté à sortir leurs cennes. Je ne parle même pas des piastres; je parle des cennes. Si le service est inclus, vous allez me faire croire que les gens vont vouloir en laisser en plus? Pour moi, ce n'est pas être très logique de penser une telle chose.

Mme Vaillancourt (Manon): De toute façon, j'aimerais aborder un point. On se faisait poser la question...

Le Président (M. Gagnon): Êtes-vous Mme Vaillancourt?

Mme Vaillancourt: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Vaillancourt.

Mme Vaillancourt: Je m'excuse. On se faisait toujours poser la question: Pourquoi demandez-vous 15%? Au début, quand on a présenté notre mémoire à Raynald Fréchette, on demandait un taux fixe. On n'avait pas

spécifié de taux. Dans les médias, il y a eu confusion parce que les vérificateurs jugeaient que c'était 15% et on a mêlé les choses. Les employés au pourboire veulent 15%. On s'est repenché là-dessus. On demande 15% parce qu'une fois qu'on a fini de payer les avantages sociaux, l'assurance-chômage, le Régime de rentes, l'assurance-salaire, etc., cela fait comme pour les employés de la fonction publique: tu as 250 $ brut par semaine et il ne te reste que 160 $ net. Ce serait la même chose pour les employés au pourboire. Si on ne demandait que 5% ou 10%, il ne nous resterait que 5% ou 6% net. Alors, on paie nos avantages sociaux, on continue d'avoir un salaire décent, on suit l'indexation au coût de la vie et on a même calculé qu'avec cette hypothèse de solution le petit consommateur n'est pas pénalisé. Si le gouvernement adopte la diminution de 5%, la personne qui dit actuellement laisser 15%, si la taxe de vente est de 5%, cela fait 20% et elle vient d'épargner 5%. Pour la personne qui donne actuellement 10%, cela n'augmente absolument rien. Pour celle qui ne laisse rien, il commence à être temps qu'elle soit assez éduquée pour savoir que, si elle va manger dans un restaurant, elle doit payer en fonction des services qu'elle reçoit.

De toute façon, ce n'est pas le petit consommateur qui ne laisse pas ses 15%. Pour un spécial du jour à 3,25 $, on a toujours nos 15%; pour un café ou un hamburger, on a toujours 0,50 $, ce n'est pas là le problème. Les gens qui viennent manger, qui prennent des apéros, des vins, des entrées, des digestifs et tout ce que vous voulez, ils te font un beau sourire -cela, je l'ai vu - et pour une facture de 95 $ ils te laissent 1,50 $ de pourboire avec un gros sourire, alors qu'ils m'ont monopolisée trois heures. Tu te dis: Ces gens, s'ils ont les moyens de dépenser 90 $ assis à une table, dans un restaurant, ils ont les moyens de payer pour le service qu'ils reçoivent.

Mme Lavoie: J'aurais juste une chose à ajouter. Parmi les objectifs de l'Association des employés au pourboire, il n'y a pas seulement le règlement de l'impôt; un de nos objectifs est de développer une éthique professionnelle. Nous nous sommes engagés, et nous continuerons de le faire, à demander à nos membres et à tous les employés au pourboire, si jamais il y a un service inclus sur les factures, de dire aux clients: Monsieur ou madame, le service est inclus sur la facture.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: J'aurais quelques questions. Je pense que c'est Mme Vaillancourt qui a dit que cette suggestion ne toucherait pas les petits consommateurs. Si j'ai bien compris, Mme Baillargeon, les 5% seront appliqués à tous, même s'ils prennent un hot dog à 0,50 $.

Mme Vaillancourt: Oui, actuellement, il n'y a pas de taxe de 10%, mais le petit consommateur qui va manger un hot dog et qui prend un café dans un "snack bar" va peut-être laisser 30%. S'il prend un café à 0,50 $, souvent, il va laisser 0,25 $; donc, il vient de donner 50%. C'est dans ce sens que je disais qu'il ne sera pas pénalisé.

M. Blank: Oui, mais prenons les gens qui vont dans les restaurants à service rapide, chez Burger King, McDonald's, etc., ils ne laissent pas de pourboire.

Mme Vaillancourt: Non.

M. Blank: Ces gens seront taxés de 20% sur leur facture. Les enfants qui vont s'acheter un "Big Mac" vont payer 20% de plus maintenant, avec cette situation.

Mme Baillargeon: Quant aux restaurants comme les McDonald's ou les Harvey's, on n'a pas encore eu de représentations; ils ne sont pas au pourboire, ils n'ont pas eu de problèmes, mais on évaluera de quelle façon on inclura un pourcentage sur les factures. Je ne vois pas un pourcentage sur les factures dans un McDonald's. C'est à évaluer.

M. Blank: Cela veut dire qu'il y aura une autre catégorie de restaurants qui ne seront pas touchés par la loi des pourboires.

Mme Baillargeon: C'est une catégorie qui existe déjà. Je ne vais pas créer une catégorie, elle existe déjà. Est-ce que les gens du ministère du Revenu vont voir les employés des McDonald's pour leur dire: Vous n'avez pas déclaré vos pourboires? Ils n'en ont pas.

M. Blank: Je ne le sais pas, mais...

Mme Baillargeon: Je ne crée pas une catégorie, elle existe déjà, monsieur.

M. Blank: C'est sûr que chez McDonald's, si la commande dépasse 3,50 $, on paie la taxe, on est touché.

Mme Baillargeon: Je suis d'accord, mais je ne vois pas le problème.

M. Blank: Maintenant, vous voulez que tous les montants soient taxés de 20%.

Mme Baillargeon: Oui.

M. Blank: Pas 5%, mais 20%.

Mme Baillargeon: Oui, parce qu'on considère...

M. Blank: Et on ne touche pas les petits consommateurs?

Mme Baillargeon: ... qu'un consommateur qui aura une facture de 3 $, 5% de taxe, cela représente 0,15 $. À notre avis, cela ne changera pas grand-chose à sa facture.

M. Blank: Mais, madame, pour un enfant de 10 ans, 0,15 $, c'est beaucoup.

Mme Baillargeon: II va apprendre, monsieur, qu'il faut payer des taxes, dans la vie, et qu'il faut payer les services qu'on reçoit.

M. Blank: C'est exactement cela, c'est une façon de remplir les coffres du trésor provincial, c'est une façon de percevoir une nouvelle taxe. Est-ce ce que vous voulez?

Mme Baillargeon: Moi, ce que je veux, monsieur, c'est régler...

M. Blank: Voulez-vous vraiment changer la vie ou le sort des travailleurs au pourboire ou si vous voulez remplir le trésor provincial? (11 h 30)

Mme Baillargeon: Moi, ce que je veux, monsieur, c'est qu'au début, on n'avait pas pensé à la question de la taxe parce qu'on a été poigné par l'impôt, comme on dit. On a reçu des comptes et il a fallu régler notre problème. Alors, on a apporté des solutions et, quand on a apporté la solution du service inclus, les gens disaient: Cela n'a pas de bon sens, il y a déjà 10% de taxe sur les factures plus 15% de service, c'est affreux. On a discuté pour essayer d'évaluer ce qui ne serait pas difficile pour le consommateur, ce qui serait le plus facile à accepter. On n'a pas pensé au ministère du Revenu particulièrement. On a pensé au consommateur et on continue à penser au consommateur, monsieur, parce que c'est lui qui va venir au restaurant. C'est dans notre intérêt.

On constate, et Manon l'a dit, que le petit consommateur, celui qui va prendre des petits repas à 3 $, ce n'est pas lui qui va nous pénaliser et qui va nous laisser... Il y en a qui n'en laissent pas, mais, la plupart du temps, les gens qui prennent des petits repas vont nous laisser les 15% et même plus. Le problème se situe quand les factures commencent à augmenter. La personne, premièrement, ne se rend même pas compte qu'elle laisse un pourcentage de la facture. Il faut connaître la mentalité du pourboire pour comprendre cela. La personne qui laisse 0,50 $ pour une facture de 3 $ n'est pas consciente qu'elle me laisse un pourcentage de facture. Elle me laisse ce qui lui revient comme monnaie, elle me le met sur la table. Par hasard, cela s'adonne que c'est 0,50 $. Le gars qui va prendre une facture de 20 $, il va faire la même chose que le petit qui va me laisser un petit pourcentage, qui va me laisser sa monnaie. Il va me laisser sa monnaie lui aussi, sauf qu'en pourcentage de facture, cela fait beaucoup moins.

Les gens ne pensent pas en fonction de laisser un pourcentage actuellement. Ils pensent en fonction de laisser un "tip". Le "tip", c'est quoi? C'est ce qui leur revient comme monnaie quand ils ont payé la facture.

M. Blank: Cette information vient de votre expérience, ou avez-vous fait des études sur ce problème? Moi, je pense le contraire, mais cela fait longtemps que je n'ai pas travaillé dans la restauration, depuis le temps que j'étais à l'université où j'ai travaillé, pendant trois ou quatre étés, comme "bus boy" et garçon de table, mais ça fait 30 ans de cela. Peut-être que les gens ont changé de mentalité, mais moi, je sais que j'étais payé au pourcentage.

Mme Baillargeon: Depuis 30 ans, les gens ont changé de mentalité. En tout cas, à ce niveau, c'est sûr qu'ils ont changé.

M. Blank: Dans votre mémoire, quand vous parlez d'une réduction de 5% et des 15%, est-ce que quelqu'un a fait des études pour savoir comment cela va affecter le trésor provincial? Est-ce qu'il aura plus d'argent ou moins d'argent?

Mme Baillargeon: Nous autres, on a pensé, à un moment donné, dans notre grandeur d'âme, à faire une étude là-dessus. On s'est dit: On fait la "job" de qui? On n'a pas fait d'étude là-dessus, monsieur.

M. Blank: Je demanderai au ministère, est-ce qu'on a fait... Est-ce que le ministère a fait des études? Parce qu'on trouve cela dans beaucoup de mémoires. Est-ce que quelqu'un a fait une étude sur cela pour le savoir?

M. Marcoux: Ce n'est pas une étude très longue à faire, en ce sens que, si vous réduisez de 10% à 5% en gardant le plancher de 3,25 $, le pourcentage de la taxe de vente est réduit, évidemment, de 10% divisé par 2, cela fait 5%.

M. Blank: Vous allez percevoir plus d'impôt sur les 15% maintenant.

M. Marcoux: Disons que le calcul peut

être fait, mais je n'ai pas fait faire le calcul si on ajoutait les 15% de frais de service et les conséquences au niveau des revenus de la taxe de vente. Mais ce qu'on peut dire, et c'est peut-être important pour tout le monde, c'est que, si on éliminait le plancher de 3,25 $ et si on commençait à imputer la taxe à partir de 0,01 $ comme cela se fait en Ontario, on pourrait situer la taxe entre 8% et 8,5% environ au lieu de 10% et avoir les mêmes revenus.

M. Blank: C'est-à-dire qu'à 5%, vous perdez de l'argent.

M. Marcoux: À 5%, en gardant les 3,25 $, on perd la moitié, c'est bien sûr et en tombant, mettons, à 8%, en la mettant sur tous les repas, 8%, 8,5%, on garderait à peu près les mêmes revenus qu'actuellement.

Mme Baillargeon: En mettant 5% et en ayant le service inclus, vous viendriez nous chercher de l'impôt et vous ne perdriez rien.

M. Marcoux: Non, on perd.

Le Président (M. Gagnon): Mme Lavoie.

Mme Lavoie: De toute façon, on parle beaucoup d'équité fiscale à l'égard des autres travailleurs. Moi, je ne vois pas pourquoi... Tout le monde paierait sa part de taxe. Cela serait de l'équité fiscale.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter? Je m'excuse, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Oui, mademoiselle, je vous félicite pour votre assurance. Vous défendez bien votre rapport. Je voudrais en profiter pour vous poser des questions sur votre voyage en Europe, pour faire des comparaisons, parce que j'ai peur qu'il n'y en ait pas d'autres qui soient allés en Europe sauf vous, vous êtes la première.

Personnellement, je trouve de grandes forces et de grandes faiblesses dans ce rapport. Vous nous parlez de la France, de la Belgique, de la Suisse ou de l'Italie. On sait qu'en France, c'est 12% ou 15% selon la grosseur des restaurants ou des hôtels. C'est très compliqué. Cependant, ils ont 12% ou 15%. On sait qu'en Belgique, c'est 15%. On sait qu'en Italie, c'est 12%. En Suisse, c'est 15%. On sait que même sur le prix des chambres, qui est excessif, c'est ajouté aussi comme service et non seulement sur les repas. J'espère qu'on ne demandera pas cela ici. On ne le demande que sur les repas pour le moment. Cela augmente beaucoup le prix des chambres. En plus, il y a une taxe. Ici, elle est de 10%. Vous demandez de la diminuer à 5% et là-bas, elle est déjà de 18%.

Mme Baillargeon: En Belgique, elle est de 18%.

M. Blais: En France, elle est de 18%.

Mme Baillargeon: En France, il n'y a rien qui paraît comme taxe. Tout est inclus.

M. Blais: Non, mais je crois que 18%, c'est le fondement.

Mme Baillargeon: Oui.

M. Blais: En Belgique aussi. 18%, c'est énorme. Ici, c'est 10%. On demande de la descendre à 5%. Je ne dis pas que ce n'est pas de bonne guerre, mais vu que vous êtes allée faire une sorte d'étude en Europe, on sait que la répartition des pourboires là-bas est faite selon un pointage qui respecte la mentalité européenne qui a le culte...

Mme Baillargeon: Maître d'hôtel...

M. Blais: ... médiéval de la hiérarchie. Je suis persuadé que ce système de répartition des pourboires ne vous plaît certainement pas. Avez-vous des suggestions si jamais le gouvernement adoptait - parce qu'on ne peut pas présumer du résultat de cette consultation - d'inclure le pourboire dans les prix? Avez-vous une façon de le distribuer? Est-ce que ce serait au prorata des ventes de chacun des vendeurs ou des vendeuses, des serveurs ou des serveuses ou si vous avez une autre façon de faire la répartition des pourboires qui serait intermédiaire entre l'étude que vous avez faite en France et ce qu'on croirait normal de faire ici?

Le Président (M. Gagnon): Mme

Baillargeon.

Mme Baillargeon: Ce qu'on a connu en France, c'est une répartition selon tout le système grand maître hôtel, second maître d'hôtel, chef de rang, etc., et il y a un système de pointage accordé à chaque titre. On a trouvé cela souvent injuste, parce que la plupart du temps, les femmes arrivent en tout dernier. Déjà là, en partant, cela nous a révoltés. La femme n'a pas de place dans cette hiérarchie, sauf en dernier. Je ne peux pas me permettre de répondre personnellement. J'ai une opinion personnelle sur le système de...

M. Blais: C'est ce que j'aimerais savoir.

Mme Baillargeon: II faut bien savoir que c'est personnel et non au nom de l'association, ce que je vais répondre. À mon avis, je considère que ce n'est absolument

pas justifié qu'un employé soit obligé d'en payer un autre pour travailler. Je considère -et je dis toujours "je", je ne veux pas qu'on vienne me dire: elle a parlé au nom de l'association et au nom de tout le monde, donc, c'est "je" - que je n'ai pas, en tant qu'employée au service aux tables à payer un commis-débarrasseur, une hôtesse, le plongeur, le cuisinier ou la caissière.

M. Blais: Votre rapport dit cela. Vous parlez au nom de l'association.

Mme Baillargeon: Oui, on le dit. Je parle au nom de l'association, mais on n'a pas vraiment eu de consultation pour savoir ce qu'on va faire avec le système de rémunération qui existe déjà. On n'a pas pris une position. D'accord? Là où le problème se pose, c'est lorsque plusieurs personnes font le service aux tables, c'est-à-dire qu'une personne va porter l'apéritif, l'autre va faire la flambée, l'autre va apporter les assiettes, l'autre va... Là-dessus, personnellement, je crois qu'il pourrait y avoir une répartition des pourboires, ou que ce sera ce qu'on va appeler "service inclus". Personnellement, je crois qu'entre les personnes qui font directement le service aux tables et qui ont un contact direct avec le client, il pourrait y avoir une répartition, mais je n'ai pas à payer le plongeur ou un pourcentage à...

M. Blais: J'aurais une petite sous-question à ce sujet.

Mme Baillargeon: Oui.

M. Blais: Ce serait très difficile de faire une répartition parmi ceux qui n'ont pas de pourboire et qui vous aident à travailler. Comment pourrait-on concilier le fait qu'on vous imposerait sur le total des pourboires et qu'il y ait une répartition à ceux qui n'en reçoivent pas? Ce serait compliqué pour la direction des restaurants.

Mme Baillargeon: Oui, c'est cela.

M. Blais: La solution la meilleure serait peut-être que ceux qui reçoivent les pourboires les reçoivent. Un point c'est tout. C'est compté comme salaire et ceux qui sont des commis-débarrasseurs... J'appellais cela des desserveurs, je ne connaissais pas le terme français...

Mme Baillargeon: Les "bus boys", comme on les appelle en anglais.

M. Blais: Oui, on dit "bus boys". Je pensais à commis-desserveurs...

Mme Baillargeon: Oui. M. Blais: ... mais vous dites commis- débarrasseurs.

Mme Baillargeon: Oui, des commis-débarrasseurs.

M. Blais: L'expression est bonne.

Mme Baillargeon: Selon la loi 101, ce sont des commis-débarrasseurs.

M. Blais: Oui, d'accord. Merci. Mais ces gens, je crois, ont un salaire de 4 $ et non de 3,28 $ dans les restaurants.

Mme Baillargeon: Oui.

M. Blais: Je sais - parce que cela fait 30 ans que je suis dans la restauration, M. le député - qu'il y a une répartition des pourboires qui se fait. Il est convenu à peu près généralement que 10% des pourboires de toutes les serveuses, qui ont un commis-débarrasseur, vont à celui-ci. C'est comme ça que ça marche à peu près partout...

Mme Baillargeon: C'est-à-dire que les méthodes qu'on connaît sont beaucoup plus strictes que ça. Ce que je connais et qu'on a connu, c'est que ce n'est pas 10% des pourboires, c'est 2% ou 3% de la caisse, quels que soient les pourboires que les gens ont reçus.

M. Blais: Où ça?

Mme Baillargeon: En moyenne...

Le Président (M. Gagnon): Mme Lavoie voulait ajouter quelque chose, alors...

Mme Baillargeon: Je vais terminer rapidement.

Le Président (M. Gagnon): Oui.

Mme Baillargeon: C'est que les gens qu'on a eu à contacter, autant au sujet de l'impôt... Parce que les gens venaient nous trouver et nous disaient: J'ai reçu mon compte d'impôt, ils me chargent ça, mais ils n'ont pas pensé que je donne 2% de ma caisse à l'hôtesse, 2% à la barmaid et 6,75 $ par semaine au balayeur. Mais on ne parle plus de 10% des pourboires reçus; il peut bien arriver qu'une personne ait servi trois tables dans sa veillée - parce que dans certains restaurants le service est très lent et très élaboré - qu'elle n'ait pas eu beaucoup de pourboires, mais qu'elle ait eu à donner 2% d'une caisse qui est très élevée. Il arrive parfois que le pourcentage de 2% qu'elle a à donner de sa caisse est plus élevé que le pourboire qu'elle a reçu.

M. Blais: C'est ce que je voulais vous faire dire, parce qu'en chargeant disons

13,65% - ce que Québec a adopté comme base du chiffre d'affaires - c'est injuste, car une partie de cet argent qu'on veut maintenant imposer a été donnée à ceux qui travaillent avec vous et qui n'ont pas de pourboires.

Mme Baillargeon: C'est ça, sans reçus.

M. Blais: C'est une double injustice et c'est bon que ça ressorte. Je m'excuse, Mme Lavoie, de vous avoir coupé la parole.

Le Président (M. Gagnon): Mme Lavoie, en réponse au député de Terrebonne.

Mme Lavoie: On parle beaucoup de répartition des pourboires, mais on sait que les chiffres qui ressortent sur les employés au pourboire sont souvent ceux des établissements de 20 employés et plus. On oublie que ça représente à peu près la moitié des employés au pourboire. Vous oubliez qu'il y a tous les petits restaurants où il n'y a pas de commis-débarrasseur, pas d'hôtesse; la serveuse fait l'accueil, fait le service, débarrasse les tables, etc. Il n'y a pas de répartition de pourboires à ce moment-là. Tous ces petits restaurants représentent quand même à peu près la moitié des employés au pourboire.

M. Blais: Oui. Il y a aussi le fait, Mme Baillargeon, que dans beaucoup de cas le pourboire est déjà inclus - dans les salles de réception, chez les traiteurs, pour les groupes - déjà sur les factures dans les restaurants, quand on a un gros groupe, on le met très souvent dans beaucoup d'endroits.

Mme Vaillancourt: J'ai quelque chose à vous dire là-dessus. Je suis allée dans les Laurentides cet été et j'ai interrogé des employés au pourboire là-bas. Il y a des restaurants où c'est indiqué "frais de service 15% inclus", mais la serveuse ne touche aucun cent de ça. Cela se fait, ça se vit. De toute façon c'est un milieu où la discrimination est chose courante. Soit qu'elle avait 0,50 $ par tête, soit qu'elle n'avait aucun montant; c'était comme ça que ça marchait.

J'aimerais apporter un autre point pour répondre au monsieur qui, tout à l'heure, disait: Qu'est-ce que vous voulez? Vous voulez avoir vos bénéfices sociaux et, en même temps, vous voulez le pauvre petit monde qui va au Me Donald... Je vous avoue qu'actuellement je suis dans une situation où je ne peux même plus aller manger au Me Donald. Actuellement je gagne 59 $ par semaine de chômage - d'accord? - je vais avoir 26 ans, je n'ai pas droit au bon d'emploi, je n'ai pas droit à Chantier-Québec. Qu'est-ce que je fais? J'ai 238 $ par mois en 1982. C'est la situation qu'on vit actuellement. Alors, quand on revient...

M. Blank: Mademoiselle, ne pensez-vous pas...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! Madame va terminer et après je vous donnerai le droit de parole.

Mme Vaillancourt: Qu'est-ce que vous faites avec 238 $? Moi, je me considère vraiment moins que la personne qui va manger au Burger King, parce que je ne peux même plus me permettre d'aller manger au Burger King.

En plus de ça, on n'a aucun recours. Souvent il y a des congédiements qui se vivent dans ce milieu, on n'a aucun recours auprès de la Commission des normes minimales du travail; c'est vraiment un milieu de conditions d'âge de pierre, comme je dis toujours. Il y a trois ans, lorsque l'ADEPESTRIE a décidé de s'occuper de ce cas, c'est qu'il n'y avait absolument rien. Depuis un an, il pleut des études, on ne fournit plus d'en lire et c'est vraiment bien. Mais, il y a trois ans, quand on a présenté le premier mémoire, on est venu à Québec, à l'Université Laval, chercher dans le paquet de livres qui s'y trouvent et on a trouvé quatre livres qui parlaient du pourboire; dans chacun il y avait un paragraphe qui en parlait et on n'a trouvé aucune statistique. Nous sommes allés fouiller dans les journaux jusqu'en "dix-neuf-cent-tranquille"; il n'y avait absolument rien de fait. (11 h 45)

Mme Baillargeon: C'est vrai.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Madame, c'est exactement ce que j'ai dit dans mes remarques d'ouverture. Le problème, ce n'est pas la fiscalité; il y a des problèmes sociaux qu'on ne touche pas dans cette commission et dans le livre vert, c'est cela le gros problème. J'ai peur que des solutions hâtives, de fiscalité, créent plus de problèmes sociaux qu'elles n'en règlent. Par exemple, brusquement, si on applique les 15% obligatoires - je suis certain que madame sera d'accord avec moi - le chiffre d'affaires va tomber au moins pour un certain temps. On va créer, plus de chômeurs qu'auparavant et vous serez dans une situation pire que vous ne l'êtes actuellement, madame. C'est de cela dont j'ai peur.

Personne n'a produit une étude pour prouver que je dis la vérité ou que je fais erreur. Nous sommes venus ici avec le livre vert qui ne dit rien, qui ne contient aucune étude scientifique, peut-être ai-je tort quand je dis cela, peut-être avez-vous raison, madame, mais je ne le sais pas. Nous, de

l'Opposition, n'avons pas les ressources pour faire des études semblables, mais le ministre possède des études. Pourquoi, avant de venir ici, n'avait-on pas ces études pour répondre aux questions qui sont à la base de toute cette affaire? Est-ce que le pourboire obligatoire affecterait la restauration et les affaires touristiques? Est-ce qu'elles seront affectées? À première vue, c'est mon idée que oui; selon votre opinion, c'est non. Est-ce que quelqu'un a fait des études?

Le Président (M. Gagnon): Mme

Baillargeon et Mme Vaillancourt, ensuite.

Mme Baillargeon: Nous ne sommes pas d'accord quand vous dites que le chiffre d'affaires va baisser. Mais on vous dit une chose, c'est qu'il y a différentes façons de présenter aux gens notre hypothèse de solution. On peut dire: Imaginez-vous donc que vous aurez 15% de plus à débourser pour payer les serveuses et les serveurs. On peut dire cela comme cela et les gens vont s'arracher les cheveux. On peut le dire d'une autre façon: Maintenant, quand vous irez dans les restaurants, vous n'aurez plus de pourboire à laisser, le service est inclus dans le prix des repas. Le repas sera majoré en fonction d'un pourcentage. Le client va arriver, il va recevoir sa facture, il aura le montant qui sera inscrit à la fin et l'augmentation ne sera pas si énorme que cela, si l'on considère que déjà les gens laissaient des pourboires. En plus de cela, si l'on accepte notre solution de baisser la taxe, le consommateur n'aura pas vraiment à débourser beaucoup.

Le restaurateur, on sait pourquoi il aura des choses à dire et qu'il ne sera pas satisfait. Nous serons satisfaits parce qu'on aura nos avantages sociaux en fonction de nos pourboires et qu'on paiera de l'impôt, mais en fonction d'un pourcentage qu'on a vraiment reçu.

Alors, sur la question de baisser le chiffre d'affaires, cela dépend de la façon dont on présente la chose. Il faut aussi devenir vendeur et si on est bon vendeur, il s'agit de bien expliquer aux gens ce qui se passe. On ne leur dit pas: Vous allez avoir à payer 15% en plus de tout ce que vous avez déjà à payer. On leur dit: C'est maintenant inclus dans le prix des repas, vous n'avez plus de pourboire à donner et cela donne une vision toute différente des choses.

M. Blank: Madame, j'ai seulement une petite question.

J'ai mentionné, dans mon petit discours, la solution américaine. Avez-vous étudié cela? Cela a l'air de donner raison à vos demandes et aux demandes des propriétaires de restaurants.

Mme Baillargeon: La solution américaine serait, si j'ai bien compris, que les personnes fassent des déclarations périodiques à leur employeur qui leur enlève les avantages sociaux.

Actuellement, ce qui se vit dans la restauration depuis 1967, l'exposition, c'est que d'une année à l'autre, nos pourboires diminuent en fonction du pourcentage de la facture. Mon salaire diminue tout le temps. On s'est dit: II y a trois choses qu'il faut régler en parlant du problème des pourboires, entre autres, l'indexation au coût de la vie. Je n'en ai plus d'indexation au coût de la vie depuis environ une dizaine d'années, je reste au même salaire. Est-ce que vous l'accepteriez? Non, vous n'accepteriez sûrement pas...

M. Blank: On n'en a pas, nous autres.

Mme Baillargeon: ... d'avoir le même salaire depuis dix ans.

M. Blank: Nos salaires sont gelés.

Mme Baillargeon: Je vous donne la réponse; il n'y a pas personne, monsieur, qui accepterait d'être toujours au même point sans jamais voir son niveau de vie augmenter parce que les pourboires diminuent toujours d'une année à l'autre.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Vaillancourt.

Mme Vaillancourt: J'ai deux points. On va revenir au problème mais, pour terminer sur ce que Mme Baillargeon disait, en plus, il y a une différence de salaire minimum. Le Québec est la seule province au Canada où il y a une différence entre le salaire minimum des employés au pourboire et les autres salariés. En Ontario, il y a une différence pour les édifices qui sont avec permis de boisson. D'accord? Premièrement, on se pose la question: Pourquoi le Québec? On est la seule province au Canada à avoir une différence. Deuxièmement, le CRD, de toute façon, a fait une étude en mai. Vous parlez d'étude; il y a eu une étude qui a été faite par le Conseil régional de développement de l'Estrie qui disait, entre autres, qu'en 1972, la différence entre le salaire minimum et le salaire d'employés au pourboire était de 0,30 $. En 1982, elle est rendue de 0,72 $. En plus de perdre sur le salaire de base, il y a le facteur pourboire qui est... Mon père a un restaurant, cela fait 20 ans. Je peux dire que je connais le milieu de la restauration; j'ai appris à parler là-dedans et je vous dis que la personne qui laissait un dollar il y a 10 ou 15 ans laisse peut-être 0,50 $ aujourd'hui ou laisse encore le même dollar. Elle ne fait pas la relation.

Pour en revenir au problème, c'est certain que c'est toute une problématique

qu'on touche là, parce que le milieu de la restauration, c'est un milieu fluctuant; c'est un milieu périodique. En octobre, tu fais des salaires de 75 $ avec les pourboires parce que c'est creux; en été, tu peux faire 250 $ parce qu'il y a les touristes. Cela joue comme cela. Le restaurateur ne peut pas se fier; un soir, il va mettre six serveuses sur le plancher pour prévoir, s'il y a du monde, et, à un moment donné, il n'en vient pas, il y a une tempête de neige. C'est tout cela. Il y a aussi le fait qu'il y a 12 000 restaurants au Québec. Il y en a trop, il y en a "archiment" trop. Les restaurateurs nous tapaient dessus en nous disant qu'on allait nuire à l'industrie parce qu'on demandait 15%, mais, comme Rita le soulignait tout à l'heure, il y a un illogisme, parce qu'il y a une sursaturation du marché et c'est l'anarchie totale là-dedans.

C'est certain que le problème est très vaste. Il y a les conditions de travail, les immigrés, le harcèlement sexuel; mais, au moins, on est en train d'en sortir, on commence à en sortir tranquillement; il y a trois ans, c'était encore pire que cela, c'était zéro.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. Maintenant, j'accepterai deux autres questions seulement, si vous êtes d'accord, pour qu'on puisse passer à un autre mémoire. M. le député de Sainte-Anne et le ministre du Revenu. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Très rapidement, M. le Président. Mme Baillargeon, combien de serveurs et de serveuses y a-t-il dans l'Estrie, environ?

Mme Baillargeon: 2000 environ, mais c'est évalué en... Je ne les ai vraiment jamais comptés. Je n'ai jamais vu de statistiques quant à l'Estrie, mais je les évaluerais à environ 2000.

M. Polak: 2000. Combien sont membres de votre organisation et paient des cotisations?

Mme Baillargeon: Une centaine de membres.

M. Polak: Seulement un commentaire. À la page 11, je voudrais parler du nouveau système. C'est un peu le ciel, quand vous dites: Étant payé à pourcentage, plus les ventes seront élevées, plus le revenu sera élevé; il sera donc avantageux pour le serveur ou la serveuse d'être souriant et gentil comme tout bon vendeur doit l'être.

En d'autres termes, vous décrivez la nouvelle situation: Tout le monde est content. Ils paient les 15% et on aura un système merveilleux et du bon service, parce que le service peut en souffrir, vous dites.

Maintenant, vous avez pris l'exemple de l'Europe. J'ai voyagé assez régulièrement en Europe; d'ailleurs, je suis d'origine hollandaise et je peux vous dire que, par exemple, dans les Pays-Bas - c'est sans doute la même chose en Belgique et en Suisse - est-ce que vous êtes au courant que, là-bas, pour avoir un bon service, il faut donner en sus du montant inclus dans l'addition? Je vais vous donner un exemple: Aux Pays-Bas, lorsqu'un autobus avec des Allemands arrive, ces gens vont être servis avant tout le monde, parce que les Allemands donnent des pourboires en sus, 5% ou 10%, et la population locale se plaint de cela. Savez-vous, par exemple, qu'à une élection récente, en Europe ou aux Pays-Bas, un programme d'un parti politique était justement pour réviser le système et peut-être en revenir au système nord-américain où on va payer ces gens, disons, suivant la nature des services rendus? En tout cas, pour voir s'il y a d'autres systèmes possibles que ce système imposé. Saviez-vous cela?

Mme Baillargeon: Je sais qu'en Europe, les gens attendent encore des pourboires dans certains pays. Quant à l'association, on veut que la mendicité, tendre la main pour avoir plus, ça cesse. Ce n'est pas seulement à nous de jouer un rôle là-dedans, monsieur. Ce n'est pas seulement à nous de dire: On ne veut pas de pourboires. Le gouvernement aura un rôle à jouer et les consommateurs auront un rôle à jouer. J'ai compris, lorsque, je suis allée en France, que le rôle des associations de consommateurs est moins poussé qu'ici dans des situations comme celles-là. Ici, il y a des associations de consommateurs qui se prononcent sur le problème des travailleurs et des travailleuses au pourboire. Lorsqu'on a voulu rencontrer des associations de consommateurs, on est resté tout surpris, il n'y avait pas d'association de consommateurs qui s'étaient prononcée là-dessus. Que les gens le fassent, qu'ils se réunissent et qu'ils disent: Nous ne sommes plus pour le fait d'être obligés d'en donner en plus. Si vous n'êtes pas satisfaits de la façon que cela fonctionne, votre système, demandez qu'il soit changé, mais en tant qu'association de consommateurs, en tant que consommateurs, on refuse d'obéir à un système comme celui-là. N'allez pas reprocher aux gens qui travaillent dans le secteur de bénéficier d'un pourboire en supplémentaire. Ils font bien de le prendre si les gens le donnent. C'est aux associations de consommateurs à réagir à cela, c'est aux consommateurs à dire: Cela ne fonctionne plus. Les consommateurs d'ici le feront.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: J'aurais beaucoup de

questions à poser, mais je veux donner une chance aux autres.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre du Revenu. Excusez-moi, M. le ministre du Travail.

Mme Baillargeon: II est resté attaché au titre.

M. Marcoux: C'est vrai, vous avez raison, c'est la même chose, parce que de ce côté, il y a une cohérence.

M. Polak: Le vrai ministre. M. Blank: Pas en consultation.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Fréchette: M. le Président, je sais bien que le fond même du mémoire, en tout cas, la question principale qui le sous-tend est consacrée aux pourboires, impôts, programmes sociaux et ainsi de suite. Vous avez également, à la page 18 de votre mémoire, fait référence aux conditions de travail, mais d'une façon fort limitée.

Mme Baillargeon: Cela sera un autre dossier.

M. Fréchette: Oui. Je me rappelle fort bien que lorsque vous aviez, en première instance, présenté un mémoire, vous aviez davantage précisé les conditions de travail comme telles et vous les aviez décrites en détail. Je me contenterai pour le moment d'une ou deux courtes questions fort simples: Êtes-vous en mesure d'indiquer à la commission quelle est la proportion de syndicalisation dans le secteur des travailleurs et travailleuses au pourboire? Si vous êtes en mesure de le faire, êtes-vous en mesure également de dégager la proportion par rapport à ceux qui le seraient dans la restauration proprement dite et ceux qui le seraient dans l'hôtellerie? Je ne sais pas si vous avez là-dessus des indications que vous pourriez nous fournir, ne ce serait-ce qu'à titre de renseignements pour le moment?

Mme Baillargeon: Au niveau des chiffres précis, je n'en ai pas à donner. Je vais vous parler d'une façon globale, c'est-à-dire qu'il y a très peu de syndicalisation dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration. Il y en a plus dans l'hôtellerie que dans la restauration. Ce sont des indications que je peux donner en partant. Maintenant, au niveau des chiffres, il y a peut-être de mes collègues qui vont en avoir à donner plus en détail.

Mme Vaillancourt: II y avait une étude du CRD qui disait qu'il y a moins de 3% de syndiqués au Québec dans le secteur.

Mme Baillargeon: Là-dessus, ce sont les grandes chaînes qui le sont, par exemple, le Méridien, le Hilton.

M. Fréchette: Vous dites qu'il existe une étude, que des gens se sont penchés sur le problème et qu'ils sont arrivés à des chiffres.

Mme Vaillancourt: Le Conseil régional de développement de l'Estrie de toute façon va sûrement présenter un mémoire aussi.

M. Fréchette: II présente un mémoire, je pense.

Mme Vaillancourt: Oui. Une étude a révélé qu'il y a moins de 3%. Nous, on disait à peu près 5% fictif, mais apparemment, il y a moins de 3% de syndiqués. Dans ces 3%, ce sont les grandes chaînes. Donc, cela veut dire que ce qui se vit au niveau des conditions de travail, souvent les plus défavorables, ce sont dans les petits restaurants, ce qui représente plus de la moitié du secteur de la restauration et de l'hôtellerie. Donc, ce sont les trois quarts des gens qui sont défavorisés, qui n'ont aucun impact pour négocier, qui se retrouvent avec des congédiements arbitraires ou du harcèlement sexuel et qui n'ont aucun moyen de négocier.

Mme Baillargeon: Pour compléter la réponse, dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie, il y a un problème de la qualité des syndicats. Je vais vous dire ce qui peut se produire. Quand les patrons voient que c'est immanquable et que les employés ont vraiment l'intention de se syndiquer, ils vont s'organiser pour faire passer un syndicat plutôt de leur choix afin de pouvoir un peu plus contrôler le système. Les gens se retrouvent syndiqués, mais comment? C'est un autre problème qui se vit, en parallèle avec tout ce qui se vit actuellement.

M. Fréchette: Cela va. Cela me suffit pour le moment.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

M. le député de Hull, compte tenu que le député de Saint-Louis a pris votre place tantôt. Une question.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Aujourd'hui, je suis très heureux qu'on puisse entendre les associations ou les groupes présenter des mémoires. De prime abord, nous tentons de régler le problème du

ministre du Revenu, de récupérer des montants, c'est-à-dire un montant d'environ 45 000 000 $ que le ministre, M. Fréchette, alors qu'il était ministre du Revenu, tentait de récupérer chez les travailleurs du service de l'hôtellerie. Alors, nous sommes tous ici dans le but de régler le problème du ministre du Revenu; malheureusement, pas nécessairement pour améliorer le sort des serveurs et des serveuses au pourboire dans la restauration. (12 heures)

Dans le mémoire que vous présentez -tantôt, on a touché à certains points - il semble y avoir quelque peu contradiction. On parle, entre autres, de libres-services, de casse-croûte, de restaurants, de salles à manger, de salons-bars où c'est très différent au plan de l'hôtellerie au niveau du consommateur. Ce n'est pas le même consommateur. On parle de restaurants qui sont ouverts de 8 h ou 10 h le matin à 23 h. Il y a des restaurants qui sont ouverts 24 heures par jour; il y a des employés qui bénéficient des heures de pointe, alors que d'autres employés qui travaillent dans des périodes où la clientèle est moins fréquente, parce qu'on attend après le client, malheureusement, ne bénéficient pas d'un pourboire ou d'un service comme tel.

Tantôt, on a mentionné des factures qui étaient de 90 $, dans un cas, où on a bénéficié d'un pourboire de quelques dollars. À ce moment-là, s'il y a 15% d'ajoutés, ne vient-on pas dans certains cas augmenter le prix au consommateur de 15%, tenant compte du fait qu'actuellement le consommateur n'est pas obligé de donner le pourboire? En somme, c'est considéré comme une gratuité. Dans l'ensemble des cas, c'est donné. Cela varie entre 0% et 15%; cela peut même dépasser cela dans certains cas qui sont peut-être très minimes. Il n'en demeure pas moins qu'on semble vouloir changer toute la structure opérationnelle du service de l'hôtellerie au Québec et adopter une nouvelle structure qui n'est pas nécessairement acceptée tenant compte du fait que vous avez quand même prouvé tantôt que, sur les factures qui dépassent 20 $, on voit rarement apparaître 15%, mais beaucoup plus 10% ou moins de 10%. Alors, à ce moment, on augmente au consommateur le coût et on réduit par le fait même les factures.

Je pense que tantôt vous avez mentionné que, depuis les dix dernières années, votre salaire n'avait pas augmenté parce que, effectivement, le coût de la facture a augmenté progressivement et proportionnellement le pourboire a diminué, tenant compte de l'augmentation de la facture. Alors, le consommateur a probablement pénalisé le service. À cause d'un manque d'équilibre, la restauration au Québec actuellement ne connaît pas un succès des plus... tenant compte de l'économie. Mademoiselle a mentionné tantôt qu'il y avait probablement trop de restaurants ou trop d'entreprises dans la restauration. Alors, si on coupait, on accentuerait le chômage et on créerait probablement d'autres difficultés dans le domaine de la restauration, alors que nous sommes ici aujourd'hui dans le but de favoriser sûrement une possibilité de régler votre problème, parce que vous êtes harcelés par le ministère du Revenu actuellement sur des sommes gagnées antérieurement pour lesquelles on vous somme de payer ou de faire la preuve que vous n'avez pas gagné ce que le ministère vous réclame.

M. le Président, le ministère du Revenu actuellement ne harcèle pas seulement les serveurs et les serveuses, mais l'ensemble des travailleurs et travailleuses du Québec où on retourne dix ans en arrière pour des impôts non perçus. Alors, c'est un peu de la mauvaise gestion du gouvernement actuel. Par contre, lorsque vous mentionnez qu'il pourrait y avoir 15% d'additionnés sur la facture automatiquement, tenez-vous compte de l'aspect gestion de l'entreprise? On sait qu'au Québec la majeure partie des restaurants conventionnels n'ont pas le personnel approprié, c'est-à-dire secrétaire de bureau ou même du personnel de gérance ou ainsi de suite. À ce moment, si dans une salle à manger, disons, vous avez la serveuse ou le serveur, vous avez le barman qui est allé à la table, vous avez le maître d'hôtel qui a fait la flambée; de quelle façon, au point de vue de la gestion, va-t-on répartir le 15% qui est appliqué sur la facture? J'aimerais que vous puissiez me donner un aperçu là-dessus. Si, dans un service, il y a plus d'une personne qui a eu à s'occuper d'une table, de quelle façon la maison va-t-elle faire la répartition du bénéfice de 15% et en quelle proportion va-t-elle le répartir parmi les deux ou trois personnes qui ont fait le service à une table?

Le Président (M. Gagnon): Madame, je m'excuse, je vous demanderais une réponse assez brève compte tenu que vous avez déjà répondu à cette question.

Mme Baillargeon: Exactement, c'est ce que j'allais dire, on a déjà répondu, ou soit que la question est très longue ou qu'il y a beaucoup de questions dans votre question. Vous avez parlé de la qualité de service, on y a déjà répondu. Là, en dernier, vous parlez du pauvre restaurateur qui va être pris pour diviser et administrer tout cela. On a déjà dit, aussi, dans notre dossier, que cela fait plusieurs années, cela fait depuis les débuts de la restauration que c'est grâce aux employés à pourboire qui sont sous-payés que les restaurateurs arrivent à faire des profits. On arrive avec une solution. On ne les oblige

pas à nous donner un bon salaire, on leur demande de nous administrer un pourboire inclus; déjà là, on considère que c'est une solution qui va faire plus leur affaire que de nous donner un meilleur salaire. Toutes les fois que l'on demande à un restaurateur: Est-ce que vous aimez mieux nous donner un bon salaire ou si vous aimez mieux avoir un service inclus? Ne cherchez pas quelle réponse ils nous donnent entre les deux. Ce qu'ils voudraient bien, c'est que rien ne change. D'accord? Alors le statu quo, on s'entend tous là-dessus, on n'en veut plus. Sauf pour les restaurateurs qui aimeraient bien cela le garder.

Pour ce qui est de la question de la répartition des pourboires, on l'a dit tout à l'heure, c'est qu'on a intérêt - on le demande dans notre dossier - à ce qu'il y ait une commission d'étude qui soit formée, parce que, déjà, on considère qu'il y a des injustices à ce niveau. Au niveau de la répartition des pourboires de la serveuse qui doit donner un pourboire aux "bus-boys", aux plongeurs, aux cuisiniers, etc. D'accord?

Maintenant pour ce qui est de la question des gens qui vont servir aux tables, comment cela va-t-il se diviser? Nous autres, on considère que ce n'est pas cela qui va être difficile. Cela fait plusieurs années que le système existe en France, ils divisent et il n'y a pas de "taponnage" là-dessus. Il y a des choses qu'on ne veut pas importer de France parce qu'on considère que cela ne correspond pas au Québec. Mais il y en a d'autres où nous aurions peut-être intérêt à aller voir ce qui se passe et prendre la même façon.

Pour ce qui est de la question de répartir les pourboires, quand viendra le temps, on s'organisera bien. De toute façon, avec une commission d'étude qui serait là pour étudier et pour approfondir la chose pour que cela soit équitable pour tous, on pense trouver une solution. Je serais prête à travailler là-dessus et à donner beaucoup de temps pour évaluer de quelle façon cela serait le plus juste pour tout le monde.

Le Président (M. Gagnon): Sur ce, je remercie l'Association... Oui, M. le ministre?

M. Marcoux: J'aimerais vous remercier d'avoir accepté de participer aux travaux de cette commission. J'aimerais vous poser une question très brève: Si la solution que vous proposez ne pouvait être retenue, après analyse - vous éliminez carrément la solution 5.4, c'est-à-dire la perception comme travailleur autonome - s'il n'y avait pas d'autres solutions d'émises lors de cette commission - mais on sait qu'il y en aura d'autres - entre la solution où le client inscrit volontairement son pourboire sur la facture et la révélation à certaines périodes, mettons à chaque paie, des montants de pourboire, ce qui obligerait l'employeur à payer sa part des avantages sociaux, quelle est la solution que vous préféreriez? Je sais bien que vous ne pouvez pas parler au nom de votre association, parce que votre association s'est clairement prononcée pour le service obligatoire, mais entre les autres solutions quelle est votre opinion personnelle, si c'était possible, rapidement?

Mme Baillargeon: Mon opinion personnelle, c'est que vraiment, honnêtement et sincèrement, je ne crois pas que ni l'une ni l'autre puisse régler le problème des employés au pourboire. Comme je l'ai dit tout à l'heure, on se retrouve avec le même problème, il n'y a rien qui est contrôlé vraiment, alors on a encore la preuve à fournir qu'on n'a pas fait ce montant et on est encore dans le même problème qu'on vit actuellement.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: M. le Président, pendant l'absence temporaire du député de Saint-Louis, je voudrais remercier Mme Baillargeon, également, pour son mémoire, pour la façon dont c'était présenté; je vois que vous n'avez aucune peur de dire des choses, je suis très content de voir cela. Par ailleurs, je dois vous dire, étant consommateur, je ne sais pas à quel restaurant vous travaillez, mais, selon le vieux principe qui s'applique actuellement, vous pouvez être certaine que, vu que je recevrais de vous un excellent service, comme toujours, je donnerais entre 12% et 15%.

Mme Baillargeon: Vous viendrez me voir, monsieur, cela va me faire plaisir.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je remercie l'Association des employés au pourboire de l'Estrie de sa participation à cette commission. Maintenant, j'invite l'Association des restaurateurs du Québec.

Association des restaurateurs du Québec

J'inviterais M. Claude Blanche, le président à nous présenter les gens qui l'accompagnent.

M. Blanche (Claude): J'aimerais vous présenter à mon extrême droite, M. Beauquier, le restaurateur de l'année, M. Lussier qui est un de nos directeurs, M. Claude Saint-Jean, le deuxième vice-président, M. Michel Moreau, qui est le président de nos affaires gouvernementales et qui va prendre la parole en notre nom et à ma gauche, à l'extrême gauche, M. Larochelle,

qui est le troisième vice-président, M. Letellier qui est un de nos directeurs, M. Michel D'Amour qui est notre trésorier et Mme Gaudet qui est notre secrétaire exécutive. Mon nom est Claude Blanche.

Le Président (M. Gagnon): Merci Monsieur.

M. Moreau (Michel): M. le Président, MM. les députés ministériels, MM. les députés de l'Opposition, mesdames, tout à l'heure, il semblait y avoir une objection de la part de l'Opposition à l'effet qu'on souhaitait que certains mémoires ne soient pas lus entièrement. Je vous demande, en ce qui concerne l'Association des restaurateurs qui est quand même un des principaux intervenants dans le dossier, d'avoir le privilège de lire notre mémoire intégralement parce que chacun des mots qui y sont inscrits est pesé, a des incidences énormes. Nous avons traité tous les aspects du dossier d'une façon très pondérée et j'aimerais, si c'était possible, de pouvoir vous en faire une lecture intégrale.

M. Marcoux: Le porte-parole de l'Opposition vient de m'aviser qu'il accepte que vous lisiez votre mémoire au complet.

M. Blank: À l'heure qu'il est.

Le Président (M. Gagnon): Avant qu'on entreprenne un débat, vous avez le consentement de la commission.

M. Moreau: Ceci étant dit, messieurs, l'Association des restaurateurs qui est devant vous représente 2000 membres dans tout le Québec et chaque région y est représentée. Nos 2000 membres représentent plus que 2000 établissements parce que si je prends mon président ici à droite, lui seul représente 20 permis, si je prends M. Letellier, qui est un de nos membres des Marie-Antoinette, et qui est très bien connu, représente 14 membres, etc.

Notre association représente au-delà de 50% du chiffre d'affaires de la restauration au Québec. Je pense que notre point de vue a une importance primordiale. Dans "Bâtir le Québec", chapitre 16, énoncés politiques et économiques à la page 395, on retrouve cet avancé de première importance. De tous les secteurs reliés aux ressources naturelles et aux avantages comparatifs du Québec, le tourisme se situe au nombre de ceux qui offrent les meilleures possibilités de développement de l'économie à moyen et à court terme au Québec. L'Association des restaurateurs du Québec, ARQ et, tous les autres intervenants de l'industrie touristique québécoise sont d'accord avec cet énoncé pour autant que les lois favoriseront notre industrie, en allégeant les fardeaux fiscaux et administratifs qui nous laissent présentement peu de marge de manoeuvre. Ce n'est pas en imposant à notre industrie un autre carcan comme ce serait le cas avec un pourboire obligatoire qu'on pourra espérer développer de façon rationnelle l'industrie touristique québécoise.

De plus, il ne faudra jamais perdre de vue que l'industrie touristique représente le deuxième générateur économique d'importance au Québec, après les pâtes et papiers et les mines; si l'on continue à fermer des mines comme c'est le cas présentement, on représentera le premier générateur économique au Québec. Cela dit, toute loi ou réglementation qui changerait son statut devra faire l'examen de toutes les conséquences économiques qui en résulteront. (12 h 15)

Tous les économistes sont unanimes à confirmer que d'ici l'an 2000, à peine 17 ans, l'industrie touristique deviendra en ordre d'importance le plus grand générateur économique au monde. Dans le même ordre d'idées, les experts en tourisme reconnaissent que la concurrence entre les divers pays, États et provinces, sera de plus en plus forte pour accaparer ce marché fabuleux; que cette stratégie de concurrence se dessine présentement pour gagner la part du lion de ce marché qui se développera en majeure partie au cours de la prochaine décennie. C'est pourquoi, nos législateurs devront être très prudents pour ne pas défavoriser l'industrie touristique québécoise et la rendre non concurrentielle, car ce serait annihiler les efforts de promotion des intervenants de notre industrie, ainsi que les montants de plus en plus élevés que consacre la province à la promotion de notre produit touristique. On doit se rappeler que nos concurrents touristiques se sont servis de la loi no 101 pour dénigrer notre produit touristique. Il pourrait en être ainsi avec des conséquences beaucoup plus graves si on décrétait légalement l'imposition d'un pourboire obligatoire.

Nous analyserons, dans un premier temps, toutes les conséquences d'ordre économique qu'apporterait l'imposition d'une formule quelconque de pourboire obligatoire.

Conséquence économique 1: Coût du produit.

L'imposition d'un pourboire obligatoire augmenterait le coût de notre produit touristique et le rendrait de moins en moins compétitif. Nous avons déjà, au Québec, une taxe sur les repas de 10% qui se situe parmi les plus élevées au Canada et en Amérique. Ajouter à cela une autre taxe de service de 15%, il y aurait de quoi effrayer tous les touristes étrangers et en particulier nos voisins du Sud. En effet, les Américains ont des taxes de repas inférieures. De plus, les pourboires aux Etats-Unis et dans les autres provinces canadiennes sont reconnus bien

moindres que les nôtres.

Les experts de notre industrie sont conscients que les plus fortes perspectives de développement du marché touristique seront dans l'avenir dans les diverses variétés des voyages de groupes, des congrès et des voyages récompenses dits "motivation". Toute cette gamme de voyages pour être compétitive avec nos autres concurrents doit être organisée suivant la formule forfait et l'imposition d'un pourboire obligatoire, peu importe le pourcentage, nous éliminera du marché des soumissions qui prévaut dans tous ces cas.

Ce marché des soumissions intriguera certains observateurs non familiers du marché touristique; c'est pourquoi il nous semble important d'en fournir une brève explication. Ainsi quand un organisme décide de faire une congrès majeur, soit national, nord-américain, ou mondial, il s'adresse à différents experts ou grossistes en voyages et demande des soumissions. Celles-ci comprennent: logement, repas, transports aériens et terrestres, visite de ville, activités culturelles ou sportives, etc. Ce même procédé est suivi pour le marché fabuleux de 2 000 000 000 $ des voyages motivation et dans tous les cas, c'est presque toujours le plus bas soumissionnaire qui l'emporte. L'imposition d'un pourboire obligatoire nous éliminerait de ces marchés parce qu'elle nous enlèverait toute flexibilité dans les soumissions. Si notre produit touristique devient invendable, comment remplirons-nous et utiliserons-nous alors notre super Centre des congrès de Montréal dans lequel nos gouvernements investissent au-delà de 81 000 000 $? Enfin, toute politique afférente à une imposition de pourboire aura pour effet d'alourdir notre déficit touristique déjà alarmant.

Conséquence économique no 2: péril pour la restauration québécoise. Comme deuxième conséquence économique, l'imposition d'un pourboire obligatoire mettrait en péril la bonne et traditionnelle restauration typique du Québec qui est reconnue comme un atout majeur dans la vente de notre produit touristique. En effet, une telle mesure favoriserait à nouveau les multinationales du "fast-food" qui ont accaparé près de 30% du marché de la restauration au Québec. Il est évident que la clientèle de ces chaînes où le pourboire n'existe pas accuserait une hausse, et c'est encore la petite entreprise québécoise, la PME de la restauration qui y perdrait des plumes, des clients et surtout de nombreux emplois.

On sait déjà que la taxe de 10% sur les repas, applicable au Québec à compter de 3,26$, favorise de façon discriminatoire l'industrie de la restauration contrôlée par les multinationales et cela, au détriment de notre restauration québécoise. Si on imposait à notre restauration traditionnelle un service additionnel de 15%, cela équivaudrait à nous imposer une facture de 25% supérieure à celle des "fast-food". Ce serait alors sonner le glas de la restauration québécoise qui est un des éléments parmi les plus vendables de notre produit touristique.

On sait également que notre restauration joue un rôle de plus en plus grand dans notre économie agro-alimentaire en employant des produits de chez nous. Notre restauration offre des menus mieux équilibrés et une alimentation plus saine que celle des repas-minutes. Là aussi nous jouons un rôle économique de première importance vis-à-vis des économies apportées aux ministères à vocation alimentaire et sociale.

Il est par conséquent évident que l'imposition d'un pourboire obligatoire favoriserait de façon discriminatoire un secteur de notre industrie au détriment d'un autre, qui est le nôtre. Dans les mesures sociales, comme dans celles régissant la libre entreprise, l'équité de la loi s'impose si l'on veut continuer de vivre dans un pays démocratique et surtout si l'on veut que la petite entreprise puisse continuer à survivre. Cette seule question en elle-même justifie qu'on réfute l'idée même d'un pourboire obligatoire.

Conséquence économique no 3: perte de clientèle québécoise. Comme nous l'avons vu précédemment, la perte de clientèle étrangère affecterait grandement notre industrie touristique dans son ensemble et donnerait le coup de grâce aux régions touristiques à caractère saisonnier. Le même phénomène se produirait vis-à-vis de notre clientèle québécoise si un pourboire de 15% ou même de 10% devenait obligatoire.

À cause de nombreux facteurs, la restauration québécoise est une des meilleures mais également une des plus dispendieuses de toute l'Amérique du Nord. Notre industrie ne peut plus augmenter fortement ses prix parce que notre clientèle va simplement nous fuir. C'est une question fondamentale d'offre et de demande. Déjà nos marges de profit sont si minimes que notre industrie ne peut plus absorber d'autres coûts majeurs sans être en sérieux péril. Notre clientèle ne se gêne pas pour nous dire que l'imposition d'un pourboire obligatoire rendrait ses visites moins fréquentes et, d'autre part, qu'elle irait à l'avenir dans les chaînes multinationales où le pourboire n'existe pas.

Cette perte de clientèle locale et étrangère forcerait nos établissements à réduire leur personnel non assujetti au pourboire ainsi que ceux assujettis au pourboire. Le coût de ces pertes d'emplois, avec tout ce qui s'ensuit, ainsi les pertes de taxes sur les repas seraient bien supérieures à ce que le gouvernement projette et espère recouvrer auprès des employés au pourboire.

Depuis un an et demi, notre industrie a subi une baisse très marquée dans l'achalandage de la clientèle québécoise. Une autre baisse pourrait être catastrophique.

Conséquence économique no 4: coût des charges sociales. L'imposition d'un pourboire obligatoire qui deviendrait partie intégrante du salaire des employés aurait pour effet d'augmenter le coût de nos bénéfices marginaux d'une façon disproportionnée et notre industrie ne pourrait l'absorber. En effet, en supposant que le pourboire obligatoire ne serait que de 10%, cela aurait pour effet d'augmenter le déboursé de nos charges sociales de 51%. D'autre part, si on calcule ce pourboire à 15%, le fardeau des charges sociales augmenterait de 76%. On prévoit, pour 1983, des hausses substantielles pour les contributions aux régimes d'assurance-chômage du Canada et de rentes du Québec.

Toutefois, ces augmentations phénoménales ont été calculées avec les taux présentement en vigueur de l'assurance-chômage, de la CSST, de la Commission des normes du travail, du Régime d'assurance-maladie du Québec ainsi que du Régime de rentes du Québec. Nous avons déjà de la difficulté à faire face aux hausses actuelles de notre masse salariale. Toute autre addition forcera une augmentation de prix que notre clientèle n'est pas en mesure d'accepter. Cela aurait pour conséquence de taxer le travailleur québécois d'une autre façon dans un besoin essentiel qui est celui de s'alimenter en dehors du foyer.

Conséquence économique no 5: frais administratifs additionnels. Les diverses solutions hypothétiques apportées dans le livre vert pour contrôler les pourboires imposeraient à notre industrie des coûts additionnels hors de proportion.

Contrairement à d'autres entreprises de service, la facturation en restauration comprend des dizaines de milliers, souvent des centaines de milliers et, pour plusieurs, des millions de transactions de vente par année. Généralement, ces ventes sont comptabilisées globalement une fois par jour. S'il fallait tenir une comptabilité parallèle quelconque pour les pourboires pour chacune de ces transactions, cela deviendrait une tâche fastidieuse dont le coût serait prohibitif. D'ailleurs, la majorité des petites entreprises de restauration au Québec n'ont que des teneurs de livres à temps partiel et n'ont pas les équipements de contrôle mécaniques ou électroniques pour tenir une telle comptabilité des ventes et des pourboires de leurs employés.

Changer ces équipements ou avoir des comptables à plein temps pour tenir une comptabilité parallèle pour le gouvernement entraînerait des coûts excessifs que notre industrie ne peut absorber. D'ailleurs, ce n'est pas le rôle de l'entreprise privée de se substituer au gouvernement pour la perception de ces impôts. Notre industrie vit déjà une expérience en percevant pour l'État la taxe sur les repas. Cette tâche est moins onéreuse et plus facile, mais la somme de 500 $ accordée annuellement en compensation, ne couvre pas les frais de la plupart de nos établissements. Elle a en plus une forme de rémunération bien arbitraire, car peu importe le montant que l'entreprise perçoit en taxe, la rémunération est la même pour tous.

Pour résumer les conséquences économiques, l'addition d'un pourboire obligatoire entraînerait tous les effets négatifs suivants: Coût de notre produit touristique trop élevé; diminution de la clientèle extérieure et québécoise; augmentation du prix des repas en dehors du foyer; augmentation du coût des bénéfices marginaux; augmentation des frais administratifs; perte d'emplois et augmentation de l'inflation. L'un ou l'autre de ces effets néfastes aboutira à des conséquences catastrophiques pour notre industrie, pour nos employés et pour l'État.

Dans un deuxième temps, nous étudierons les conséquences sociales de l'imposition obligatoire d'un pourboire. Sauf pour quelques pays européens où un frais de service est imposé, le pourboire se donne de façon libre par le consommateur. C'est un geste d'appréciation en réponse à une qualité de service qui a été donné. D'autres le définissent comme un signe tangible de reconnaissance exprimant la satisfaction pour un service rendu. Ce sont les normes qui prévalent en Amérique du Nord depuis des siècles et changer les règles du jeu engendrerait de nombreux problèmes et injustices sociales.

Liberté du consommateur. La liberté du consommateur était un droit qui n'était pas tellement reconnu en Europe lorsqu'on a imposé ce frais de service. De plus, à cette époque, les gens qui fréquentaient les restaurants étaient les privilégiés de la société, alors qu'aujourd'hui, manger à l'extérieur du foyer n'est plus un luxe, mais une nécessité quotidienne pour un nombre de plus en plus élevé de travailleurs.

Nous ne croyons pas que le consommateur québécois, qui est déjà taxé de multiples façons, doive se faire imposer un pourboire obligatoire pour s'alimenter en dehors du foyer. Pénaliser l'ensemble de la population pour s'assurer qu'un petit groupe de citoyens acquittent leurs impôts ne serait pas une loi équitable.

L'octroi d'un pourboire obligatoire est un droit tellement personnel. C'est une liberté si étendue et reconnue dans toutes les sociétés que l'État ne devrait jamais y intervenir. Autrement, nous le répétons, ce serait priver le citoyen d'une liberté parce que le pourboire n'a jamais été une taxe ou

une obligation, mais un geste tellement libre.

Deuxième mesure sociale. Le fait d'accorder à un groupe de travailleurs le droit de taxer l'ensemble de la population serait discriminatoire puisque d'autres groupes qui reçoivent déjà des pourboires pourraient, en droit, réclamer le même privilège pour des services rendus. Ici, nous pensons aux coiffeurs pour hommes et dames, aux manucures, aux esthéticiennes, aux chauffeurs de taxi, aux portiers, aux nombreux types de guides touristiques, aux porteurs de bagages, aux livreurs d'épicerie, aux jeunes qui portent vos paquets à l'auto dans les supermarchés, etc. En supposant qu'on accepte le précédent pour les employés de la restauration et de l'hôtellerie et qu'on accorde, par la suite, l'imposition d'un pourboire obligatoire à d'autres secteurs, on créera ainsi la plus belle spirale inflationniste jamais vue en Amérique. (12 h 30)

Dans un deuxième temps, toutes sortes de métiers et professions se découvriront des droits pour obtenir des pourboires obligatoires; quant à y être, pourquoi pas les hôtesses de l'air, les chauffeurs d'autobus, les facteurs, les mécaniciens, les placiers du Grand Théâtre ou du Forum et tous les autres? On se retrouvera dans une société comme en France où, pour aller à la salle de bain, on se fait tendre la main pour le pourboire. Tout cela semble bien ridicule, mais ce sont là des conséquences sociales vers lesquelles notre société s'orienterait si on ouvrait la porte au pourboire obligatoire.

Taxation de l'alimentation. Le gouvernement du Québec a déjà reconnu le principe fondamental d'éviter de taxer l'alimentation, un bien vital de première nécessité. C'est d'ailleurs pourquoi il ne taxe les repas qu'à compter de 3,26 $, même si ce montant n'est plus conforme à la réalité d'aujourd'hui en raison de l'inflation des dernières années. Trois provinces canadiennes ne taxent d'aucune façon les repas en dehors du foyer; la majorité des autres ont une taxe sur les repas inférieure à celle du Québec. C'est également le cas dans les différents États américains. C'est donc un principe d'équité sociale à travers l'Amérique que d'éviter de taxer l'alimentation parce que l'évolution socio-économique oblige la population à s'alimenter de plus en plus fréquemment en dehors du foyer. C'est pourquoi l'imposition d'un pourboire obligatoire serait une mesure antisociale qui équivaudrait à une nouvelle taxe sur l'alimentation. Un tel geste serait aussi illogique socialement que si l'on décidait de taxer demain le panier d'épicerie.

Incidence sur les autres employés de notre industrie. Nous avons vu précédemment qu'une telle mesure créerait des licenciements en grand nombre dans notre industrie. Non seulement des employés au pourboire devraient être congédiés, mais de nombreux employés spécialisés de nos cuisines, tels que cuisiniers, sauciers, pâtissiers, techniciens, personnel de bureau et administratif. Les employés au pourboire ne représentent qu'environ 30% des 200 000 personnes de notre main-d'oeuvre et ils n'ont pas le droit de mettre en jeu l'existence de tant d'employés spécialisés. C'est là une responsabilité sociale que nous, employeurs, que l'État et que les employés au pourboire ne doivent pas ignorer. De plus, à quoi bon servirait l'Institut d'hôtellerie du Québec et notre réseau hautement spécialisé d'écoles culinaires s'il n'y avait plus de débouchés pour ces élèves?

Incidence sur la qualité du service. Le Québec, en plus de sa réputation de bonne table, a toujours eu comme atout cette qualité du service et de l'accueil. Notre personnel est reconnu comme chaleureux, courtois, affable et dévoué vis-à-vis de la clientèle. Le pourboire n'est pas une cause étrangère à toutes ces qualités qui caractérisent notre main-d'oeuvre de service. Le pourboire est une incitation qui motive les employés à agir de la sorte et cela n'enlève rien à leurs autres qualités professionnelles qui font que ce personnel est hautement qualifié au Québec, qu'il est parmi les plus compétents du monde et nous ne pouvons cacher que nous, de l'industrie, en sommes bien fiers. Cependant, partout, en Europe et dans d'autres destinations touristiques du Sud où le système a été implanté, nous avons décelé une détérioration du service de façon marquée. Les employés ne sont plus empressés, efficaces, courtois et la chaleur du service qui va de pair avec un bon repas n'existe plus.

La formule d'un service obligatoire a été établie en Europe dans un contexte tout à fait différent de celui qui prévaut actuellement chez nous. En effet, ces employés n'avaient aucun salaire de base ou salaire minimum qui leur était versé, leur seule source de revenu était les pourboires qui leur étaient consentis. En plus, il était fréquent que, pour obtenir ces emplois, il fallait acheter un poste. Tous savent les incidences néfastes que cela a eu sur la qualité du service et qu'un système de pourboire parallèle s'est développé pour les gens qui avaient les moyens de s'acheter une certaine qualité de service. Opter pour cette formule nous placerait de façon désavantageuse, car nous serions les seuls en Amérique du Nord à imposer un service obligatoire, ce qui nous ferait perdre cette marque de commerce "chaleur et accueil du Québec" qui nous a toujours caractérisés.

Conclusion. Sujet: livre vert, article 5.1. Nous rejetons complètement l'idée de frais de service obligatoires parce que trop de raisons d'ordre économique et social nous permettent de prévoir que les effets et

répercussions mettraient en danger la survie et même la restauration traditionnelle québécoise.

Voir livre vert, article 5.2. L'hypothèse du pourboire inscrit sur la facture par le client n'est pas, non plus une solution à laquelle notre industrie peut souscrire. Elle nous apporte pratiquement les mêmes problèmes que dans le cas du pourboire obligatoire, en plus de susciter d'autres inquiétudes dans son application. Il suffit de penser qu'il faudrait modifier la loi no 101 pour pouvoir produire les factures en plusieurs langues afin que les touristes étrangers puissent s'y comprendre. Le client pourrait devenir complice d'évasion fiscale en divulguant de faux montants. Cela obligerait tous nos établissements à comptabiliser et vérifier des centaines de milliers d'opérations qui ne peuvent relever de notre administration, parce que l'application en serait trop onéreuse.

Voir livre vert, article 5.3. La troisième proposition qui consiste en la déclaration périodique des pourboires par l'employé est également rejetée par l'ARQ, parce qu'elle n'est pas une garantie de véracité. De plus, cette formule consacre également la reconnaissance du pourboire comme salaire et elle aurait pour effet d'augmenter les coûts de tous les avantages sociaux qui sont rattachés à notre enveloppe salariale. Nous l'avons déjà expliqué: Notre industrie ne pourrait faire face à ces coûts sans reporter complètement cette charge au consommateur. Cette hausse de prix serait si marquée, que les employés au pourboire seraient les premiers à en subir les conséquences par la perte de ventes, et on taxerait alors le consommateur sur un besoin vital.

Voir livre vert, article 5.4. Cette hypothèse de considérer la partie des revenus des pourboires comme faisant partie du statut de celui d'un travailleur autonome nous semble la solution la plus logique. Son application nous enlèverait le rôle qu'on voulait nous imposer à titre de contrôleurs d'un revenu qui ne nous appartient pas et qui est la propriété exclusive de la personne qui le reçoit. De plus, ce rôle de policier aurait détérioré la qualité des bonnes relations entre employé et employeur qui existent au sein de notre industrie.

Dans cette formule de travailleur autonome, l'employé peut se prévaloir de deux options: L'une, demander à son employeur d'augmenter à chaque paie ses retenues d'impôt à la source; l'autre, se prévaloir de la formule des versements trimestriels.

Nous convenons que la retenue d'impôt à la source serait plus laborieuse pour l'employeur, mais notre industrie est prête à accepter cette solution pour faciliter la tâche à notre personnel et lui assurer notre esprit de solidarité et de coopération. Nous voulons également par là assurer l'État de notre appui, lorsque c'est dans les normes du possible. Nous optons donc pour la première option, car cela pourrait être compliqué pour certains employés que de se servir de l'option à versements trimestriels. Dans ce dernier cas, le danger de retarder les paiements, pour ne pas avoir accumulé les montants nécessaires, causerait des délais et des frais additionnels pour nos employés. Pour en arriver à cette solution, le gouvernement pourrait légiférer pour rendre obligatoires les déductions à la source pour les employés autonomes touchant des pourboires. La majoration des déductions pourrait être basée suivant les types de restaurants, les secteurs géographiques, le nombre d'heures de travail, les horaires de jour et de soir, etc.

Le ministère du Revenu a suivi de tellement près ces travailleurs récemment, qu'il doit posséder d'autres critères d'évaluation, qui permettraient d'évaluer de façon pondérée et juste, les revenus de pourboires. Ainsi, chaque restaurateur et hôtelier recevrait du ministère, une table correspondante à sa classification, aurait l'avantage d'uniformiser les déductions et obligerait l'employé à se créer une réserve pour le paiement de ses impôts. En fin d'année, l'employé ferait sa déclaration d'impôt et contribuerait ou réclamerait la différence entre le montant à payer et le montant versé. Le ministère du Revenu pourrait établir un barème comparatif; enquêter et pénaliser les contribuables fautifs, de la même façon qu'il le fait pour l'ensemble. De plus, ayant déjà les sommes prélevées, le ministère aura le loisir de retenir le remboursement des sommes qui statistiquement lui paraissent injustifiées.

Il ne reste alors qu'à corriger ce que le livre vert nomme une injustice sociale vis-à-vis des travailleurs au pourboire, à la page 13. Tout d'abord, la loi no 126, article 50 des normes du travail stipule: Le pourboire versé directement ou indirectement par un client à un salarié appartient en propre à ce dernier et ne fait pas partie du salaire qui lui est par ailleurs, dû. L'employeur perçoit le pourboire et le remet aux employés. Le mot pourboire comprend les frais de services ajoutés à la note du client. Le gouvernement sépare donc bien la notion du salaire sujet à déductions de cotisations de diverses sortes et la notion de revenus taxables. Ce principe étant clairement établi, le travailleur autonome au pourboire qui, sur la partie de ses revenus au pourboire déclarés, veut jouir du privilège que lui accorde le Régime de rentes du Québec, ne sera plus pénalisé. Cependant, il bénéficiera de ces avantages à la condition qu'il paie la cotisation de l'employé autonome en plus de la sienne. Là encore, nous croyons qu'un mécanisme

pourrait être développé avec le gouvernement à la satisfaction de toutes les parties. Notre industrie est prête à faire sa part pour les cotisations retenues à la source. Que l'employé autonome paie entièrement les privilèges qu'il veut obtenir éventuellement sur un bénéfice social est tout à fait courant et normal dans notre société.

Le même principe s'applique aussi pour les employés non autonomes qui veulent obtenir des bénéfices sociaux plus complets. À titre d'exemple pratique, nous avons en vigueur, dans plusieurs établissements de restauration et d'hôtellerie, des programmes d'assurance collective pour nos employés. L'employeur paie les cotisations pour les bénéfices suivants: assurance-vie de l'employé, assurance mort accidentelle et mutilation, assurance santé complémentaire, assurance-vie et santé des personnes à charge et assurance dentaire dans certains cas. L'employé de son côté paie toujours la partie de l'assurance-salaire dans tous ses plans d'assurance collective et là encore, l'employé au pourboire déclare ses revenus de pourboires pour bénéficier pleinement de ces avantages. Nous devons donc convenir que lorsqu'un employé au pourboire veut jouir de son revenu total en cas d'assurance-salaire, il paie sa contribution sur un salaire presque entièrement déclaré. Cela confirme donc que cela ne sera pas un précédent que de voir l'employé au pourboire payer pour un avantage additionnel qu'il veut obtenir.

Il reste donc, à notre avis, un seul désavantage majeur à corriger, soit celui de l'assurance accident administrée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Nous acceptons le principe qu'il y ait là, en tant qu'employeur, une responsabilité sociale que nous avons vis-à-vis de nos employés. Contrairement aux autres avantages sociaux que l'employeur autonome veut obtenir en fonction d'une expectative de vie meilleure, nous sommes d'avis que si l'employé se blesse au travail, cela devient un problème immédiat pour lequel nous avons une responsabilité également immédiate. C'est pourquoi nous sommes d'accord à payer et à couvrir la totalité de ses frais additionnels à la condition expresse que la CSST crée une classe à part des employés au pourboire où les accidents sont moins fréquents que dans les autres secteurs de notre industrie.

Il nous semble donc que les mesures que le RQ préconise tendent vers les objectifs visés par chacune des parties: 1- le paiement des impôts dus à l'État; 2- la non intervention administrative de l'employeur dans la déclaration; 3- la possibilité pour l'employé d'accumuler des fonds pour le règlement de ses impôts; 4- la possibilité pour le gouvernement d'intervenir pendant qu'il a encore des fonds; 5- le rajustement pour l'employé au pourboire vis-à-vis de l'employé sans pourboire au sujet des cotisations et des prestations du régime de rentes et des accidents du travail.

M. le ministre, messieurs, ceci résume la réponse au livre vert. Nous avons traité très peu de la situation comme telle des employés au pourboire parce que, avant tout, il fallait répondre de façon pondérée et apporter les arguments économiques. Nous sommes conscients que les employés au pourboire ont des problèmes. Nous comprenons que, dans le contexte économique actuel, ces employés au pourboire servent malheureusement de cobayes. Lors d'une rencontre avec l'ancien ministre du Revenu, M. Fréchette, ce dernier nous confiait bien humblement que les gouvernements se sont faits un peu complices de cette situation, de cette tolérance. C'est un fait indéniable qu'on les a tolérés. Cela ne les excuse pas complètement, mais cela n'excuse pas non plus les gouvernements de leur inertie des années antérieures. (12 h 45)

Nous croyons également, nous, de l'ARQ, que Revenu Canada et Revenu Québec s'acharnent de façon souvent arbitraire sur ces employés sans tenir compte de nombreuses dépenses inhérentes à leurs fonctions et qui devraient être déductibles de leur revenu. On pense au pourcentage que ces employés cèdent aux commis-desserveurs, comme on le disait tout à l'heure. Ici, je fais une parenthèse à la demoiselle qui disait qu'elle n'avait pas d'affaire à payer des frais ou des salaires aux commis - débarrasseurs. Mais il y a une chose qu'elle comprend mal, c'est que lorsqu'il y a des commis-débarrasseurs, une serveuse, au lieu d'être capable de servir 20 clients, elle est capable d'en servir 40, donc, si elle fait 30 $ de pourboire de plus et si elle en donne 10% au commis-débarrasseur, il lui reste 27 $. C'est une chose qu'il ne faudrait pas perdre de vue.

Je reviens sur ce que les différents ministères du Revenu oublient...

Le Président (M. Gagnon): M. Moreau. M. Moreau: Oui.

Le Président (M. Gagnon): Si vous me permettez, on a dépassé l'heure où on devait suspendre ou ajourner nos travaux. Est-ce que vous pourriez reprendre les commentaires que vous avez là cet après-midi, parce que cela ne fait pas partie du mémoire, si je comprends bien.

M. Moreau: Non. Mais vous savez, nous ne sommes pas contre les employés au pourboire et nous avons des choses à dire également en leur faveur...

Le Président (M. Gagnon): Cet après-

midi, vous allez revenir, à l'ouverture de la commission parlementaire, après la période de questions, vers 15 heures ou 15 h 30... Pardon? 15 heures? Espérons que ce sera 15 heures.

M. Moreau: Alors, on est tous ici à 15 heures?

Le Président (M. Gagnon): La commission du revenu suspend ses travaux jusqu'à cet après-midi, après la période de questions à l'Assemblée nationale.

(Suspension de la séance à 12 h 47)

(Reprise de la séance à 15 h 27)

Le Président (M. Blais): À l'ordre s'il vous plaît! La commission permanente du revenu sur la situation des travailleurs au pourboire reprend ses travaux. Comme il se doit, je renomme les membres: MM. Blais (Terrebonne); Blank (Saint-Louis); Boucher (Rivière-du-Loup); Desbiens (Dubuc); Johnson (Vaudreuil-Soulanges) remplace Dubois

(Huntingdon); Marcoux (Rimouski); LeBlanc (Montmagny-L'Islet); Rocheleau (Hull); Mme Marois (La Peltrie); MM. Lachance (Bellechasse); Polak (Sainte-Anne).

Les intervenants sont: MM. Assad (Papineau); Paré (Shefford); Lafrenière (Ungava); Lévesque (Kamouraska-

Témiscouata); French (Westmount); Maciocia (Viger); Bissonnet (Jeanne-Mance); Fréchette (Sherbrooke); et Mme Juneau (Johnson).

Lorsque nous avons arrêté, le mémoire venait d'être lu par l'Association des restaurateurs. Nous tombions à la période des questions.

Une voix: Le président est arrivé.

Le Président (M. Blais): Je vais lui céder la place.

M. Marcoux: Je vous remercie beaucoup, M. Moreau, de la présentation du mémoire de l'Association des restaurateurs du Québec.

M. Blank: Je pense que M. Moreau avait d'autres commentaires à faire avant qu'on passe aux questions.

Le Président (M. Gagnon): Lorsqu'on a arrêté les travaux, M. Moreau était en train de faire des commentaires.

M. Moreau: Si vous le permettez, j'aimerais les continuer.

M. le ministre, messieurs et mesdames du comité, après un bon repas au Parlementaire, où nous avons dû laisser 20% de pourboire parce que les prix sont nettement inférieurs à ceux du marché... c'était très bon. Le service était excellent. Maintenant, si vous n'augmentez pas vos prix, le déficit du Parlementaire va encore augmenter cette année.

Je disais donc, tout à l'heure, que notre industrie est loin d'être contre les employés au pourboire et loin de vouloir les combattre. On comprend très bien leur prix et je disais que les gouvernements, aux deux paliers, se sont fait un peu complices de cette situation. Il est certain que les ventes de repas en dehors du foyer sont passées, de 1970 à 1980, de 500 000 000 $ de repas pris en dehors du foyer à au-delà de 2 000 000 000 $ en 1980. Une chose est certaine, c'est qu'il y a eu l'inflation dans cela. Il y a eu tous les phénomènes socio-économiques qui ont fait que le Québécois s'alimentait de plus en plus souvent en dehors du foyer. Et je crois que, malheureusement, le gouvernement, tant fédéral que provincial, s'est réveillé trop tard pour s'occuper du problème des employés au pourboire.

Maintenant, je reviens au livre vert, M. le ministre, dans lequel on dit qu'il y a 210 000 employés dans l'industrie de la restauration. Les enquêtes qui ont été faites par l'Association des restaurateurs et l'Association des hôteliers de la province de Québec disent que dans la restauration, 40% des employés sont des employés au pourboire et 25% des employés de l'hôtellerie sont des employés au pourboire. Dans l'hôtellerie, les statistiques ne sont pas entièrement compilées, mais on croit que c'est inférieur à cela. Cela nous fait dire que la moyenne des 210 000 employés de l'hôtellerie et de la restauration représente environ 30%, ce qui veut dire que les employés au pourboire de la province de Québec dans notre industrie de l'hôtellerie et de la restauration seraient d'environ 60 000. De ces 60 000, il faut tout de même enlever les gens qui travaillent dans les cafétérias, les gens qui travaillent dans les succursales de "fast-food" qui ne touchent pas de pourboire. Cela nous amène à conclure qu'environ 40 000 employés seraient touchés directement par les pourboires. Quand on dit dans le livre vert qu'il y a seulement 14 000 employés dans le livre vert qui ont déclaré des pourboires, c'est loin des statistiques qu'ont fait refléter certains mémoires où l'on dit qu'un nombre inférieur à 7% des employés au pourboire ont déclaré des revenus de pourboires au gouvernement du Québec. Nos chiffres seraient plutôt qu'au moins 28% des employés au pourboire en ont déclaré. Tout cela nous fait croire que les pertes de revenu dont parle le ministère du Revenu peuvent être discutables.

C'est pourquoi nous, les gens de l'industrie, dans le contexte économique que nous traversons, nous pensons sérieusement que

les gouvernements devraient alléger très fortement les poursuites prises actuellement contre les employés au pourboire de notre industrie parce que cela met en jeu l'équilibre fondamental de notre industrie. Ces gens, d'un côté, réclament des choses qui nous semblent insensées. Vous pourrez poser vos questions tout à l'heure, comment cela peut influencer nos prix de vente, etc. Vous allez voir que, si l'on consentait à une telle chose, cela serait dramatique pour l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration au Québec.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Moreau: M. le ministre, tout à l'heure, j'ai donné à un de vos sous-ministres une étude qui a été faite par des consultants que nous avons engagés à l'Association des restaurateurs. C'est une étude qui pourra servir aux décisions et aux applications que nous recommandons pour essayer de résoudre cette chose. C'est une étude que l'Association des restaurateurs du Québec a payée; j'espère que les employés du ministère du Revenu pourront y puiser des choses intéressantes qui pourront les aider à trouver une solution dans l'intérêt de tout le monde, tant des employés que des employeurs.

M. Blank: Est-ce que l'Opposition peut en avoir une copie?

M. Moreau: Avec plaisir, j'en ai une ici.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: Avant de poser ma première question sur votre mémoire, je voudrais indiquer qu'en ce qui concerne les prix - je fais allusion à la parenthèse que vous avez faite sur les prix du Parlementaire - nous sommes tous conscients que ces prix ne se comparent aux prix du marché. C'est un choix volontaire de l'Assemblée nationale afin d'éviter que le restaurant Le Parlementaire où l'ensemble de la population du Québec est bienvenu, ne soit accessible qu'aux personnes ayant des revenus très élevés. C'est vrai que nous supportons une large partie du déficit du restaurant Le Parlementaire, mais nous le faisons consciemment et non inconsciemment.

Quant au livre vert, vous avez parlé d'une erreur qui a été décélée dans des mémoires concernant la quantité de travailleurs et travailleuses au pourboire. Je dois dire que c'est une erreur qui se trouve dans le livre vert lui-même. Lorsqu'on compile les statistiques on dit qu'il y avait 210 000 emplois environ en 1979 et, pour cela, on se base sur le fichier des entrepreneurs que nous avons au ministère du

Revenu; 210 000 emplois créés par les entreprises dans ce secteur. Nous disons qu'il y a eu 14 000 personnes en 1979 qui ont révélé des revenus de pourboires. En fait, on fait une erreur lorsqu'on dit 14 000 personnes et qu'on compare ce chiffre à 210 000 personnes, c'est sûr que cela fait environ 7%. On devrait plutôt le situer par rapport aux 60 000 ou 70 000 travailleurs au pourboire dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie. Je dois reconnaître bien clairement que c'est une erreur dans le livre vert, dans la présentation du pourcentage; ce qui fait qu'il y a peut-être autour de 20% des travailleurs au pourboire qui révèlent des revenus de pourboires. Souvent, ces revenus de pourboires sont révélés en partie seulement.

Je pourrais revenir, au moment de la discussion, sur la perte des revenus évaluée à ce moment-là. On ne tire pas les mêmes conclusions que vous. Pour revenir à l'essentiel du contenu de votre mémoire, je dois d'emblée dire que votre mémoire malgré certaines apparences négatives, aborde fondamentalement la question dans plusieurs secteurs de façon, à mon avis, positive dans le sens suivant. On aurait pu s'attendre - je le pense honnêtement - à ce que l'ensemble des restaurateurs, des hôteliers préfère le statu quo et que vous défendiez clairement et uniquement le statu quo parce qu'évidemment le statu quo a des avantages pour plusieurs, comme il a des inconvénients. Mais, au lieu de défendre le statu quo, vous défendez, en fait, une position qui, sur le principe, arrive à reconnaître les travailleurs au pourboire comme ayant le statut de travailleurs autonomes, mais en ajoutant qu'en ce qui concerne les accidents, la santé et la sécurité du travail, vous seriez prêts à ce que la part de l'employeur soit payée sur l'ensemble des revenus des travailleurs au pourboire, à la fois le revenu basé sur le salaire minimum et le revenu de pourboires.

Cela m'amène à ma première question. Vous reconnaissez, en somme, la responsabilité de l'employeur à une participation au coût des avantages sociaux reliés à la santé et à la sécurité du travail. Ce qui fait que, pour cette partie-là, même si vous souhaitez que le travailleur au pourboire soit considéré comme un travailleur autonome, vous dites: On est prêts à le considérer comme étant un salarié et on est prêts à payer notre part ou la totalité du coût, puisque c'est l'employeur qui assume la totalité du coût pour la CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du travail. La question qui me vient spontanément, je pense qu'elle ne vous surprendra pas: Pourquoi n'appliquez-vous pas le même type de raisonnement pour les autres avantages sociaux dont bénéficie le reste des travailleurs dans l'ensemble du Québec?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, juste avant que vous poursuiviez, je demanderais aux personnes dans l'assistance de ne pas manifester, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Marcoux: Alors, je reviens à cette question. Vous avez sûrement discuté avec les membres de votre association la possibilité d'appliquer le même raisonnement ou la même attitude positive, je pense, fondamentalement face aux autres avantages sociaux qui sont, en résumé, l'assurrance-chômage et le Régime de rentes du Québec. Essentiellement, ce sont deux autres régimes sociaux.

M. Moreau: M. le ministre, notre raisonnement s'appuie tout simplement sur une question de logique. Premièrement, après une analyse approfondie, on s'est dit: Vis-à-vis de la CSST, si un employé se blesse au travail, s'il lui arrive quelque chose à un moment précis où il est à notre service, on va faire une concession, on va prouver notre bonne volonté parce que c'est un coût que, malgré tout, on peut absorber. C'est quand même une somme à débourser et on pourrait le faire. On a voulu prouver par cela de la bonne foi. Mais je reviens à l'argument que je vous disais tout à l'heure: Lorsqu'on a des plans d'assurance collective chez nous, l'employé au pourboire qui veut s'assurer dans l'avenir d'une meilleure expectative de vie, advenant une maladie ou autre chose, consent à payer sur ses pourboires le prix de cette assurance-salaire.

Si, dans un premier temps, on vous fait cette concession, c'est par égard pour nos employés et pour prouver que, lorsque notre association, les professionnels de la restauration au Québec, peut donner quelque chose, on y va selon nos moyens. Est-ce que cela répond bien à votre question?

M. Marcoux: Si je comprends bien ce que vous indiquez, c'est que, sur le principe, vous reconnaissez la responsabilité, je dirais, sociale de vos entreprises par rapport au secteur des accidents de travail. Ce qui fait que vous n'appliquez pas la même logique, le même raisonnement ou la même attitude aux deux autres secteurs que j'ai mentionnés: la Régie des rentes du Québec et l'assurance-châmage, c'est fondamentalement une question de coûts impliqués ou de la capacité de payer. Ce pourquoi j'en tirais cette conclusion, c'est que vous dites: Si un accident de travail survient sur notre lieu de travail, c'est évidemment dans la logique que nous participions comme entreprise. En tout cas, notre logique sociale, c'est que l'entreprise paie les coûts des accidents de travail au Québec. Mais il ne faut pas oublier qu'avec la Régie des rentes du Québec, c'est en somme un fonds de retraite qui est lié au type de gains admissibles, au salaire et à la rémunération. Sur les coûts que la Régie des rentes du Québec implique, c'est une participation égale, normalement, sauf pour les travailleurs autonomes, de l'employeur et de l'employé.

Pour l'assurance-chômage, c'est le même type de raisonnement qui est fait; même si c'est de juridiction fédérale, je pense qu'il faut la regarder globalement. Je sais bien que l'effet économique que vous aurez apporté sera global. Je n'envisage pas sérieusement que vous deviez payer votre quote-part à la Régie des rentes du Québec pour les pourboires, pour les accidents de travail et que, d'autre part, il n'y ait pas d'ajustements analogues du côté de l'assurance-chômage. Quant à moi, il m'apparaît évident que cela suivrait. Je ne comprends pas votre logique, parce qu'il y avait un accord de principe sur le fait de votre participation sociale.

Le Président (M. Gagnon): M. Moreau.

M. Moreau: M. le ministre, il y a une chose que vous ne comprenez pas, je pense, c'est que nous, de l'Association des restaurateurs du Québec, n'avons jamais dit que le pourboire était sous notre responsabilité. Le pourboire appartient à 100% à l'employé. Il ne faut pas déplacer l'ordre des choses; nous payons des salaires et, tout à l'heure, on parlera des salaires au Québec comparés à ceux aux États-Unis, dans les États américains limitrophes au Québec, on parlera des autres salaires des provinces. Nos employés au pourboire qui touchent des salaires sont loin d'être dépourvus, malgré ce qu'on pense. Sur ces salaires que nous versons, nous payons, quand même, des pourcentages et tous les avantages sociaux dont nous vous avons parlé tantôt et qui sont parmi les plus dispendieux.

Quand on fait une concession sur les accidents du travail, c'est parce que - je le répète bien - on se dit que, s'il arrive un accident au travail, on est prêts à faire une concession. Cela ne veut pas dire que l'on accepte le principe qu'on doit payer des avantages sociaux sur tous les autres services; si l'employé veut se prévaloir de ces services, le pourboire lui appartient; jusqu'à ce jour, on n'a pas légiféré encore et on n'a aucune responsabilité sociale quant à payer les services sociaux sur quelque chose qui ne nous appartient en aucune manière. Je pense que c'est clair.

M. Marcoux: Je crois qu'il y a quand même une nuance. Il y a une question que je voudrais vous poser sur ce que vous avez dit tantôt concernant les avantages sociaux. Pour ne pas étendre la couverture des avantages sociaux dont bénéficie l'ensemble des travailleurs du Québec aux employés au

pourboire, pour le secteur pourboire, vous avez invoqué le fait qu'il y a dans vos entreprises des plans d'assurance-maladie ou des plans d'avantages sociaux auxquels les employés peuvent contribuer. Ma question est la suivante: Quelle est la proportion de vos entreprises qui offre ce type d'avantages sociaux dont les employés peuvent bénéficier en y participant financièrement, en termes d'entreprises, mais aussi en termes de quantité de population?

Je vais vous poser tout de suite une autre question, parce que je veux être le plus bref possible pour permettre à mes collègues d'en poser d'autres. Concernant les 3,25 $, je voudrais que vous me précisiez vraiment l'attitude de votre association face à la possibilité - quels avantages ou inconvénients y voyez-vous? - de diminuer à 0,01 $ le montant à partir duquel on ferait payer la taxe de vente sur les repas, en diminuant en conséquence proportionnellement la taxe de vente. (15 h 45)

II y a une chose que je voudrais indiquer avant que vous répondiez à mes deux questions; c'est qu'il y a un autre aspect positif de votre mémoire, que j'ai oublié de relever et qui m'apparaît très important. En plus de la possibilité de cotiser à la CSST, c'est le fait que vous accepteriez les tâches administratives qu'implique la retenue à la source sur les pourboires déclarés par les travailleurs au pourboire. Je pense qu'il s'agit d'un élément positif, quelle que soit la solution retenue pour finalement rejoindre les objectifs dont je parlais ce matin. Je voudrais souligner que cette ouverture que vous faites, cette acceptation de principe, cet avis que vous avez donné, cet accord est un point positif important dans la mise en oeuvre de n'importe quelle solution qui pourrait être trouvée.

Le Président (M. Gagnon): M. Moreau.

M. Moreau: M. le ministre, pour répondre à votre première question concernant les établissements qui offrent à leurs employés un régime d'assurance collective, je dois vous répondre qu'environ 5% des établissements de restauration au Québec, qui sont de l'ordre de 8000 à 9000, font des profits supérieurs à 3% à 7%; c'est la moyenne. Donc, ceux qui sont capables de se payer le luxe d'offrir à leurs employés ce régime d'assurance collective se situent parmi ces 5% de restaurants capables de réaliser un profit à peu près normal dans le contexte économique actuel. Dans ces 5%, vous pouvez peut-être trouver une centaine d'établissements qui sont en mesure d'offrir cela; une centaine d'établisements avec une moyenne de cinquante employés parce que ce sont de gros établissements. Alors, cela répond à la première question.

Maintenant quelle est notre attitude sur la taxe des repas? Depuis des années, nous avons produit des mémoires. À deux reprises, nous avons produit des mémoires à M. Parizeau où l'on réclamait la taxe universelle à compter d'un sou. De plus, on ne s'entend pas avec les employés de votre ministère concernant le pourcentage des repas qui ne sont pas taxables. À votre ministère, on dit qu'il faudrait penser à une taxe universelle de 7% ou 8%; d'après nos études, d'après nos différentes expertises, on croit que la taxe sur les repas pourrait, si elle devenait universelle, être inférieure à 7% ou 8%.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Tenant compte des différentes hypothèses qu'on a pu examiner jusqu'à maintenant, je ne sais pas si l'association a des chiffres qui pourraient démontrer que le fait de mettre 15% obligatoires sur la facture - tenant compte de l'augmentation de la partie à laquelle l'employeur doit contribuer dans les primes, telles que le Régime de rentes, l'assurance-maladie, l'assurance-chômage pourrait apporter une différence entre le prix actuel du produit ou du menu. L'augmentation que cela pourrait apporter pour en tenir compte dans le contexte actuel?

M. Moreau: C'est une question à laquelle je m'attendais. Je vous félicite de votre clairvoyance. Prenons un petit restaurant, à titre d'exemple, pour situer les gens - ceux qui sont forts en mathématiques peuvent prendre des crayons - qui ferait 300 000 $ de ventes par année. Si on figure le pourboire obligatoire à 15%, ce qui veut dire 45 000 $ de salaires additionnels qui seraient sujets à tous les bénéfices sociaux qui nous coûtent actuellement un minimum de 13% - notre fondation vient d'avoir une étude, c'est supérieur à cela; cela répond un peu à la question du ministre du Revenu, tout à l'heure - cela coûterait à un petit restaurant 5850 $ de bénéfices marginaux additionnels. Conséquence d'une hausse comme cela: il faudrait que le restaurateur qui fait 300 000 $ de chiffre d'affaires augmente ses prix d'au moins 25% pour produire une chiffre d'affaires de 375 000 $. Quand on sait que, dans la restauration, actuellement très bien administrée, ces 75 000 $ de ventes additionnelles qui seraient produites par ces 25% d'augmentation des prix du menu donneraient au restaurateur 5250 $ de profit additionnel pour couvrir ces frais de 5850 $, si on était obligé de payer les avantages sociaux pour les employés au pourboire, augmenter nos prix de 25% ne couvrirait même pas cette

hausse.

J'ai pu lire tous les mémoires qui sont présentés ici; c'était mon devoir et mon rôle. Vous verrez tout à l'heure, dans le mémoire que vous présentera une chaîne dont on ne peut pas douter des chiffres que Me Donald a fait des recherches qui révèlent que chaque fois qu'elle augmente ces prix de 1%, il y a une baisse de clientèle, d'achalandage équivalente. S'il fallait que la restauration québécoise augmente ses prix de 25%, verriez-vous la baisse de clientèle, la différence d'élasticité, que vous connaissez tous, parce que je sais que vous en parlez souvent en Chambre. À ce moment-là, même si ce restaurateur augmentait ses prix de 25%, en pensant augmenter ses ventes à 375 D00 $, c'est faux. Les charges sociales qu'on lui créerait, il serait obligé de les débourser de sa poche.

Déjà, dans la restauration québécoise, je peux vous donner des chiffres. C'est une étude qui vient de sortir de notre fondation. Elle va être publiée d'ici la fin de l'année. Actuellement, au Québec, 5% des restaurants font un profit net entre 3% et 7% - 30%, c'est le "break even point", c'est-à-dire le seuil de non-rentabilité et non-perte - et 65% font des déficits plus ou moins gros. C'est pourquoi il va se fermer cette année au Québec au-dessus de 2000 restaurants. Si on imposait un pourboire obligatoire, on peut évaluer le nombre de fermetures nettement supérieur à cela. On peut multiplier par trois, 6000 restaurants qui fermeront au Québec, avec une moyenne de 15 000 employés. Évaluez la perte d'emplois au Québec et le nombre de chômeurs additionnels. Est-ce que cela répond à votre question, monsieur?

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Maintenant, une deuxième question. On a mentionné, dans le mémoire qu'on a entendu ce matin, qu'il y avait peut-être trop de restaurants au Québec actuellement. On sait que c'est l'entreprise privée, on obtient un permis, on ouvre un restaurant.

Est-ce que l'Association des restaurateurs du Québec confirme le fait qu'il semble y avoir trop de restaurants pour le volume de ventes possible? Si c'est le cas, cela voudrait dire des fermetures de quel ordre? Je pense que vous avez situé tantôt une possibilité, cette année, de 2000, ne tenant pas compte du pourboire obligatoire.

M. Moreau: C'est un fait qu'au Québec, si on regarde les statistiques du service d'hôtellerie, on émet 14 000 permis en saison touristique, en période de pointe, et 12 000 en temps normal. Si on divise cela par les 6 500 000 habitants qu'on a au

Québec, cela fait à peu près un restaurant par 500 habitants, alors qu'en Ontario, c'est un restaurant par 1000 habitants. On reconnaît qu'au Québec il y a un nombre record de restaurants per capita.

Une chose est certaine, c'est que la concurrence est très très forte. D'ailleurs, nous profitons de cette occasion, nous de l'Association des restaurateurs, pour vous dire que si les employés au pourboire ont réussi à obtenir une commission parlementaire, nous, on demande une commission parlementaire sur l'industrie touristique au Québec pour vous faire part de tous nos problèmes. J'en profite pour faire cette demande officiellement d'avoir, d'ici le printemps, une commission parlementaire, sur l'industrie touristique, qui est quand même le premier générateur économique par ordre d'importance au Québec. Cela permettrait à tous les intervenants, d'ici là, d'arriver pas avec des à-peu-près, mais des chiffres précis et on pourrait réellement donner, chacun de nous, toutes les informations voulues pour prendre les décisions importantes qui doivent se prendre.

Effectivement, on ne peut pas nier ce que les employés ont dit ce matin. Il y a vraiment un trop grand nombre de restaurants. Je ne comprends pas qu'un restaurant par 500 habitants puisse faire des profits. C'est ce qui explique, d'ailleurs, que tant de restaurants au Québec ne fassent pas de profits à l'heure actuelle.

M. Rocheleau: Maintenant, une autre question, M. le Président. Tenant compte que votre association regroupe un nombre assez important de restaurateurs ou d'entreprises du Québec, pour bâtir vos données, vos statistiques, est-ce que vous avez assez de latitude pour prendre connaissance des états financiers des entreprises qui vous permettent de faire l'analyse, compte tenu des données que vous nous apportez actuellement?

M. Moreau: Exactement. D'ailleurs, la fondation de l'Association des restaurateurs recommandait à une firme très réputée de faire ces analyses. Les chiffres que nous avançons sont le résultat d'au moins un an de recherche à ce jour, et je pense que ce nous avançons peut être confirmé par le ministère du Revenu; si l'on regarde les rapports des restaurateurs, vous allez voir que ce que nous avançons comme chiffres est tout à fait véridique.

M. Rocheleau: M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander au ministre s'il y a une possibilité, dans l'industrie de la restauration au Québec, d'avoir un rapport sur les états financiers, les impôts payés ou les revenus de la restauration au Québec? Le

ministère du Revenu a sûrement des données assez précises sur la santé de la restauration au Québec.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: On pourrait peut-être au cours de la commission repréciser une série de questions du type de celles que vous me proposez. Une indication que je peux donner, c'est que l'an dernier le chiffre d'affaires de l'ensemble de l'industrie de la restauration était de 2 654 000 000 $ d'après nos données au ministère du Revenu. En 1982, ce chiffre augmenterait d'à peine 50 000 000 $ pour atteindre 2 706 000 000 $. Selon les données révisées - ce n'était pas ce qu'on prévoyait il y a quelques mois - le chiffre d'affaires augmenterait d'à peine 2%. Si je fais les calculs rapidement, cela passerait de 2 654 000 000 $ à 2 706 000 000 $ cette année. Évidemment, cela est le chiffre d'affaires global qui comprend les succursales de "fast-food", tout ce qui régit les restaurants où il y a des travailleurs au pourboire et les restaurants où il n'y a pas de travailleurs au pourboire; c'est l'ensemble du chiffre d'affaires. Sur ce chiffre d'affaires, on évalue que c'est environ 600 000 000 $ à 700 000 000 $ qu'il n'y a pas de pourboire versé, ce qui vous donne un ordre de grandeur quand même. C'est évident que tous ces chiffres peuvent être détaillés, ce qui vous donne des ordres de grandeur de la situation.

M. Rocheleau: Dans une autre question que je pourrais poser à M. Moreau, tenant compte...

M. Marcoux: Par rapport à la question que vous avez posée à M. Moreau, sur l'état de la dispersion, vu la très grande quantité d'entreprises dans le secteur, c'est évident que le chiffre d'affaires est très disséminé. La marge bénéficiaire de ces entreprises est beaucoup plus limitée que dans des entreprises beaucoup plus concentrées, c'est évident.

M. Rocheleau: M. le Président, je m'adresse à M. Moreau. Si l'on tient compte du facteur inflationniste au cours des trois dernières années, on a connu des augmentations de 10% à 12%. Tenant compte de l'augmentation des menus aussi - il est bien évident que les prix des menus augmentent - est-ce que le chiffre d'affaires de la restauration s'est maintenu au niveau de l'inflation ou est-ce qu'il a connu une diminution proportionnellement au prix de vente des produits? (16 heures)

M. Moreau: En dollars réels, tenant compte de l'inflation, comme vous le dites, nous avons une baisse d'au moins 10% dans la restauration et même dans le domaine du "fast-food". Alors qu'actuellement aux États-Unis où, dans les petites récessions, l'industrie du "fast-food" était favorisée à cause de ses bas prix, même le "fast-food" actuellement en prend pour son rhume. C'est une situation qui est quand même tragique. Il y a une baisse dans la restauration. Malheureusement, je n'ai pas avec moi les tableaux; je pourrai vous les faire parvenir à la commission tout à l'heure. On a cela dans notre dernier mémoire et on pourra vous faire parvenir, justement, ces chiffres comparatifs des dernières années.

Assurément, depuis deux ans, il y a une baisse du volume d'affaires dans la restauration au Québec.

M. Rocheleau: Cela veut dire, M. le Président...

M. Marcoux: Pour 1980, c'était 2 477 000 000 $. Alors, 2 477 000 000 $, 2 654 000 000 $ et 2 700 000 000 $, ce qui indique que, de 1980 à 1981, il n'y a pas eu d'augmentation de 10%. Si on évalue que l'inflation était peut-être à 11% ou 12%, il y a eu une augmentation du chiffre d'affaires moindre que l'inflation. Cette année, on prévoit que l'augmentation est marginale, 50 000 000 $ sur 2 650 000 000 $.

M. Rocheleau: Alors, en d'autres mots, M. le Président, cela veut dire que, si l'industrie de la restauration est très affectée, les employés qui travaillent dans la restauration - les serveurs et les serveuses -n'ont pas connu des augmentations tenant compte de l'inflation au cours des dernières années. Si on tient compte proportionnellement du nombre d'employés dans le domaine de la restauration, un employé qui gagnait hypothétiquement 10 000 $ il y a trois ans ne gagne pas tellement plus que 10 000 $ aujourd'hui, tenant compte de l'inflation.

M. Moreau: Certainement, si vous regardez la question de cette façon-là. Étant donné qu'il y a eu, particulièrement cette année, une baisse réelle des ventes, forcément, il y a une légère baisse pour ces employés.

Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je pense que mon collègue d'en face a souligné que ma présence se justifiait et s'expliquait très bien. Je ne reprendrai pas cette intervention qui a été faite à ma place, c'est très bien.

J'aimerais, cependant, soulever une question ou deux auprès de l'association.

J'aimerais revenir sur votre objection très dure et très fondamentale - pour vous, il n'en est absolument pas question - à ce pourboire obligatoire. Vous dites: Péril pour la restauration québécoise; et je pense que, dans l'ensemble de votre mémoire, cela revient assez régulièrement. Maintenant, j'aimerais qu'on regarde cela un peu. Vous-même, tout à l'heure, mentionniez que vous évaluez environ à 40 000 les personnes qui reçoivent actuellement des pourboires. Nous, d'autre part, on a aussi des petits problèmes d'évaluation; je pense que le ministre du Revenu en a fait part tout à l'heure. Mais déjà, cependant, on "impose" ces gens-là en disant: Ils reçoivent à peu près 10% de pourboires et - le gouvernement fédéral en fait autant - on va rechercher les ressources fiscales à partir d'une déclaration de 10%. J'aimerais cela que vous m'expliquiez pourquoi ce péril venant de la différence, par exemple, entre 10% et 12%. On reconnaît déjà qu'il existe un pourboire qui est réellement payé; en tout cas, le Revenu le reconnaît et vous le reconnaissez vous-même dans votre intervention. À ce moment-là, j'ai un peu de difficulté à évaluer où est le péril pour le client qui vient et qui le paie déjà.

Je comprends les chiffres dont vous avez fait état et je pense que la discussion soulevée par mon collègue, le député de Hull, est extrêmement intéressante. Je pense que lui-même soulevait la question: Est-ce qu'il n'y a pas d'autres types de problèmes qui existent et qui sont dus au nombre trop grand d'établissements dans le secteur? Donc, une épuration, à la limite, ne serait pas malsaine pour l'entreprise ou pour l'industrie touristique. Au contraire, si je comprends vos propos, cela serait même très sain.

M. Moreau: Je pense que le gouvernement québécois, peu importent ses allégeances politiques, a toujours eu comme objectif de protéger la petite et moyenne entreprise, qui constitue quand même le plus grand employeur au Québec. Supposez demain que, par un décret ou par une loi quelconque, vous déclariez le pourboire obligatoire, à ce moment-là, est-ce que les grandes chaînes multinationales seront exemptées de ce pourboire? Je ne pense pas que vous puissiez le faire, du jour au lendemain, alors que ça n'existe nulle part dans le monde. Me Donald a des restaurants partout dans le monde et je ne pense pas qu'il y ait un gouvernement, à ce jour, qui leur ait imposé un pourboire obligatoire. Donc, le petit casse-croûte du coin de la rue, qui vend lui aussi des hot dogs et des hamburgers, vous allez y manger et ça vous coûte tout de suite 15% de plus et, comme le pourboire est obligatoire, l'industrie de la restauration est obligée de payer les frais marginaux. Cela nous coûterait, à 10%, 50% de frais additionnels, de frais marginaux; à 15%, au-delà de 70%, et j'ai expliqué tout à l'heure très clairement que ça nous obligerait à augmenter nos prix de 25%. En plus!

Je pense que, le gouvernement du Québec a quand même une responsabilité sociale envers le consommateur québécois qui doit s'alimenter en dehors du foyer. On parlait, dans notre mémoire, de ne pas taxer le panier d'épicerie, mais quand on dit que 30% du budget alimentaire des Canadiens et des Québécois sont pris en dehors du foyer, il ne faut pas oublier cet aspect très social.

Mme Marois: J'aimerais faire juste un commentaire sur votre intervention. Comme gouvernement, je pense qu'on s'est fait le défenseur de la petite et de la moyenne entreprise, mais aussi de l'équité à l'endroit des travailleurs et les travailleuses. Je pense qu'on a à reconnaître l'ensemble des groupes de notre société, à faire en sorte que ces groupes y trouvent leur place; que vous y trouviez votre place comme entrepreneur, mais aussi que les personnes qui travaillent dans vos entreprises soient traitées équitablement. Comme gouvernement, on a aussi ça comme responsabilité.

D'autre part, dans votre intervention, vous semblez dire: Le pourboire - et vous partez de là, évidemment, comme c'est aussi dans le livre vert, quand même, très succinctement placé comme proposition - de 15% est rendu obligatoire pour toutes les entreprises de la restauration. Or, j'ai regardé un peu la loi américaine dont on a fait état ce matin. Il est possible - ça existe, d'ailleurs, dans certaines catégories d'établissements - de faire en sorte que certains établissements aient un pourboire obligatoire, le service compris dans la note, et, dans d'autres, qu'il n'y en ait pas compte tenu qu'ils offrent, soit un service rapide ou un service de cafétéria où, de toute façon, les gens se servent eux-mêmes.

M. Moreau: Je comprends très mal qu'on pense importer d'Europe une formule qui n'est appliquée nulle part en Amérique du Nord. Vous savez qu'en Europe il y a de vieux systèmes et ils ne sont pas tous bons. Les travailleurs québécois, si une telle mesure nous obligeait par la force des choses à mettre 50 000 ou 60 000 employés de l'industrie de la restauration sur le marché du travail, seraient pas mal plus heureux de conserver leur emploi dans le contexte actuel.

Je puis vous dire une chose, madame, c'est qu'on oublie trop souvent le consommateur dans ça. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a fait, l'an dernier, une enquête auprès de 64 000 membres, dont 12 000 au Québec. On demandait d'une façon bien claire et bien précise dans le bulletin-mandat si on était

pour ou contre le pourboire. Là, ce n'est pas moi qui parle, c'est le consommateur canadien. 84% étaient contre l'imposition d'un pourboire obligatoire. Je pense honnêtement que les employés au pourboire -40 000, 50 000 ou 60 000 employés au pourboire - pour régler un problème, n'ont pas le droit d'imposer aux citoyens une chose qui est fondamentalement un geste libre de donner ce qu'ils veulent.

N'oubliez pas une chose: les employés au pourboire ne sont pas aussi dépourvus que ça dans la société. Ecoutez une minute. Il reste quand même un fait, c'est qu'il faut penser à ce qui se donne en salaires en Amérique du Nord. Chez nos voisins de l'Ontario, l'employé au pourboire a 3 $ l'heure. Ici, au Québec, il a quand même 3,28 $ l'heure. Dans les États américains, qui sont nos voisins également, qui sont nos concurrents touristiques, le Maine, le New Hampshire et le Vermont, le salaire minimum est de 3,35 $ l'heure et la différence va jusqu'à 50%, c'est-à-dire que ces employés au pourboire gagnent 1,67 $. Il faut quand même être conscients de ces réalités économiques

Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre.

Mme Marois: Si l'on parle aussi de réalités économiques, il faut être conscient que ces travailleurs et travailleuses oeuvrent dans une société québécoise où le salaire minimum est fixé, par exemple, à 4 $. Il faut aussi remettre cela dans le contexte. Pour moi, il m'apparaît important de le resouligner.

Une dernière chose. Puisque vous l'avez abordé - je n'avais pas l'intention de le resoulever - vous mentionnez et vous venez de le faire: N'importons pas de systèmes de ces pays où cela ne va peut-être pas si bien que cela. On dit, dans votre mémoire, textuellement: "Les employés ne sont plus empressés, efficaces, courtois et la chaleur du service qui va de pair avec un bon repas n'existe plus." Est-ce que vous avez des statistiques à cet effet ou des analyses, des études qui viennent appuyer cette affirmation que vous faites dans votre mémoire, évaluant donc ce qui se passe dans d'autres milieux et même dans d'autres continents?

M. Moreau: Écoutez, c'est connu de tout le monde, ce que vous posez comme question. Demandez-le aux gens qui vous entourent; ce n'est pas moi qui l'ai inventé.

Mme Marois: Je ne vous agresse pas, monsieur, je vous pose simplement la question.

M. Moreau: Non, mais, d'une façon ou d'une autre, les gens qui ont le moindrement voyagé, les gens de l'industrie touristique, les spécialistes de l'industrie touristique, les grossistes en voyages, les détaillants en voyages, les gens qui nous entourent, pour être allés en Europe, pour être allés dans des destinations comme les îles où le pourboire est rendu obligatoire pour toute la durée du séjour ont pu constater que l'empressement et toute la courtoisie qu'on retrouve actuellement chez nos employés au pourboire au Québec ne se retrouvent pas dans ces endroits. Ce n'est pas moi qui ai inventé cela. Je pense qu'on pourrait faire une enquête publique. Ce que nous avançons s'est dit sur les lignes ouvertes, cela s'est dit de bien des façons.

Mme Marois: Enfin, c'est donc une observation générale à partir de "feedback" que vous avez d'un certain nombre de personnes et d'organismes qui vous fait affirmer cela, mais il n'y a pas de relevé systématique. D'accord.

M. Moreau: Non. Tous les gens qui voyagent en Europe nous disent que, pour avoir un service qui a du bon sens, il faut donner un autre pourboire en sus du service obligatoire.

Mme Marois: Je ne vous raconterai pas mes expériences personnelles. Cela va, merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je m'excuse. Tout à l'heure, j'étais un peu loin du microphone, il y en a qui ne m'ont pas compris; je demanderais aux gens de l'assistance de ne pas manifester, s'il vous plaît!

M. le député de Viger.

M. Maciocia: Ce que vous venez d'affirmer, M. Moreau, est vrai parce que, moi aussi, j'ai l'occasion assez souvent, probablement à cause de mon agence de voyages, de voyager un peu partout en Europe et il vrai que, pour avoir un service de meilleure qualité, même si le pourboire est déjà inclus dans la facture, il faut donner un autre pourboire après qu'on a été servi.

Actuellement, je me demande si le gouvernement ou même l'association a fait des analyses. Je comprends Mme la ministre qui disait tantôt vouloir protéger les travailleurs et travailleuses au pourboire; je suis pleinement d'accord sur cet aspect. Est-ce qu'on a fait une analyse pour savoir combien de ces personnes seront mises à pied à cause justement de l'augmentation qui serait automatique sur la facture du consommateur, avec le pourboire obligatoire? J'ai une deuxième question; je ne sais pas qui peut me répondre. Je crois qu'actuellement personne ne se préoccupe, même au gouvernement, de l'industrie

touristique ici, au Québec. On sait - je ne sais pas si mes chiffres sont vrais ou faux -qu'en 1981 on a reçu au Québec 3 200 000 visiteurs américains, tandis qu'en Ontario on a reçu 27 000 000 de touristes américains. On ne peut pas le savoir; c'est une autre chose que je voulais demander au ministre du Revenu ou au ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme - puisqu'on n'a pas de données à l'intérieur de ce ministère pour se baser vraiment sur des chiffres réels. Je vous pose la question: Est-ce que vraiment on a l'intention de promouvoir l'industrie touristique au Québec. (16 h 15)

Depuis seulement 15 ou 16 mois que je suis ici, à l'Assemblée nationale par toutes les lois ou projets de loi qui ont été présentés par le gouvernement, comme la surtaxe sur l'essence> par la documentation dans les différents kiosques d'information, et maintenant avec la possibilité du pourboire obligatoire, on a l'impression que le gouvernement s'obstine à vouloir tuer l'industrie touristique au Québec. Il faudrait que j'aie des données plus précises dans la restauration, et pas seulement dans la restauration. Je crois que, dans les six premiers mois, 400 restaurants ont été fermés à cause d'un manque de clientèle, d'un manque de touristes en réalité. Aussi, le nombre de nuitées de chambres dans l'hôtellerie, a baissé de quasiment 7% ou 8% en comparaison avec l'année dernière. Je me demande si vraiment le gouvernement veut faire quelque chose pour relancer l'industrie touristique. Je ne crois pas qu'en allant dans le sens du pourboire obligatoire cela puisse aider cette industrie que je considère - le ministre est aussi au courant de cela -comme une des plus rentables pour n'importe quel pays au monde. Il y a des pays en Europe - je souligne le cas de l'Italie ou d'autres pays comme la Suisse, la France, l'Espagne, le Portugal - qui vivent uniquement de l'industrie touristique. Je ne sais pas s'il y a des réponses à ces questions très inquiétantes concernant le domaine touristique ici, au Québec. Ce sont des questions qu'il faut se poser.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: Je ne sais pas si vous préférez que je donne certaines indications le plus rapidement possible, parce que je crois qu'on est d'abord là pour permettre à nos invités de s'exprimer.

M. Moreau, tantôt, semblait nous reprocher - ce n'est pas tout à fait cela, mais en tout cas - de tenir une commission parlementaire sur le problème des travailleurs et travailleuses au pourboire. Quant à notre préoccupation concernant le tourisme je peux dire qu'il y a déjà eu, il y a quatre ans, un sommet - je pense que comme importance, c'est tout aussi important, pour employer un euphémisme -sur le tourisme qui regroupait l'ensemble des intervenants (travailleurs, industriels, entrepreneurs, gouvernements) de tous les milieux impliqués dans le développement touristique. C'est dire que notre préoccupation en ce qui a trait au développement du tourisme n'est pas d'aujourd'hui.

Quant à la question précise que le député de Viger posait, les chiffres varient selon les ministères. Il n'y a personne qui conteste maintenant qu'on a un déficit commercial, une balance déficitaire importante quant au tourisme au Québec qui était, peut-être, de l'ordre de 5 000 000 $ ou 6 000 000 $ il y a quatre ou cinq ans, qui est probablement de l'ordre maintenant de quelques centaines de millions, probablement autour du demi-milliard. Lorsque l'on regarde l'historique de cette baisse, le point tournant a été la crise de l'énergie à partir de 1973-1974 et l'augmentation des coûts de l'énergie pas seulement pour les Québécois, mais pour l'ensemble des Nord-Américains. Cela a eu pour effet de diminuer considérablement le nombre de visiteurs au Québec, les utilisateurs d'automobiles en particulier. Il faut dire aussi que la hausse des coûts de l'énergie a eu des influences sur les autres modes de transport. Cela ne veut pas dire que c'est la seule cause - loin de moi l'idée de prétendre que c'est la seule cause - mais vraiment cela a été un point tournant. Évidemment, les autres facteurs, comme la hausse de taxe de 20% à 40%, ce n'est certainement pas pour aider, mais elle s'applique depuis novembre dernier; elle ne s'applique pas depuis cinq, six ans ou sept ans, alors qu'on note la différence. Concernant ces données, on pourra y revenir de façon générale tantôt - vous pouvez être certain que ce sont des données dont il faut tenir compte dans l'analyse d'une solution possible.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Merci, M. le Président. Seulement 30 secondes. Les chiffres sur le tourisme qui importent plus ou moins pour la commission qu'on fait, 3 600 000 $ et 27 000 000 $, je me souviens de les avoir vus il y a quelque temps aussi, mais cela correspondait aux visiteurs de moins de 24 heures. Étant donné qu'à Windsor, Niagara et proche de l'Ontario, il y a des visiteurs de moins de 24 heures qui se promènent, c'est comme si on comptait les visiteurs de Hull ou d'Ottawa qui traversent la rivière comme des visiteurs. Lorsqu'on tient compte des visiteurs séjournant plus de trois jours,

on est presque égal, il n'y a pas de problème. C'est seulement une petite remarque en passant. Pardon!

M. Rocheleau: Ils traversent beaucoup moins.

M. Blais: Oui, d'accord, mais, sans vouloir faire une argumentation, ce sont les chiffres pour un séjour de moins de 24 heures et cela n'est pas bon comme analyse.

M. Maciocia: On va revenir sur cela tantôt.

M. Blais: Je ne voudrais pas faire une polémique là-dessus, si cela ne vous fait rien.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le député de Terrebonne.

M. Blais: J'ai déjà rencontré ces gens, j'avais vu le rapport et je leur ai dit que je le trouvais moins conservateur que prévu; je le trouve excessivement conservateur quand même, mais moins que prévu. Je tiens à souligner une chose: Je suis heureux que vous constatiez que, à cause de l'inflation, à cause de beaucoup de choses, à cause de la différence qu'il y a entre les employés à 3,28 $ et ceux à 4 $, les gens, vos employés dans la restauration, n'ont peut-être pas le salaire qu'ils devraient avoir. Je vous félicite de l'avoir reconnu. Je ne peux pas, non plus, mettre en doute vos chiffres. Vous dites que 5% des restaurants font un profit de 3% à 7%, que 65% sont plus ou moins en déficit et qu'il y aurait une fermeture d'au moins 2000. Cela veut donc dire par déduction -vous ne l'avez pas dit - que 30% font entre 0% et 3% de profits. S'il y a seulement 5% des restaurants qui font plus de 3% de profits, vous êtes probablement l'association bénévole la plus large que le Québec ait connue. Je vous félicite de nourrir le Québec à si peu de frais.

Cependant, quoi qu'on dise et quoi qu'on pense, fondé ou pas, on serait porté à mettre en doute certains chiffres qui sont énoncés. Vous avez une association de plus de 2000 membres et vous nous dites dans votre mémoire que vous auriez une perte qui ne compenserait pas la perte en taxes qu'encourrait le gouvernement si on incluait directement le pourboire. Je suis persuadé que cela se base sur une étude. Si c'était possible de l'avoir, j'aimerais beaucoup que vous nous la transmettiez parce qu'il est dit à la page 4 - et je peux vous rappeler le texte si vous le désirez: - "Cette perte de clientèle locale et étrangère forcerait les établissements à réduire leur personnel non assujetti aux pourboires", etc., et le drame s'ensuivrait, amen. Je doute beaucoup de cet énoncé et je suis persuadé à cause de la force de votre association que ce n'est pas lâché comme cela: vous avez certainement une étude aussi poussée pour prouver cela que celle que vous avez faite pour pousser le gouvernement à mieux comprendre votre position de travailleur autonome.

Vous nous donnez aussi un autre chiffre que je ne peux pas me permettre de remettre en doute, mais cela ne clique pas à mon oreille. Vous dites qu'un petit restaurant qui vend 300 000 $ par année, si jamais vous vous sentiez obligés de mettre 15% de pourboire - quand vous dites 15% de pourboire, vous présumez le maximum; cela peut être un autre chiffre qui soit décidé, si jamais décision il y a sur ce sujet - devrait augmenter ses prix de 25%. Je présume que cela inclut les 15%. C'est donc dire que vous augmenteriez vos prix de 10% pour payer 5250 $ de frais supplémentaires pour que vos employés aient les services sociaux généraux que les Québécois ont dans tous les autres domaines. Cela ferait 5200 $ sur 300 000 $ que vous faites actuellement qui seraient poussés, en mettant 15%, à 345 000 $. Augmenter de 10% un chiffre d'affaires qui, à ce moment, fait 345 000 $ pour des dépenses supplémentaires déductibles directes d'impôts de 5250 $; j'ai un peu de difficulté à le comprendre. Vu qu'on est dans la restauration, je suis peut-être dans les légumes ou dans les patates, mais j'ai de la misère à le croire. J'ai plutôt l'impression que, fondé ou pas, et je répète bien: fondé ou pas...

Vous dites à la page 10: "Le ministère du Revenu pourrait établir un barème comparatif, enquêter et pénaliser les contribuables fautifs - ceux qui ne déclareraient pas leurs pourboires - de la même façon qu'il le fait pour l'ensemble." J'ai l'impression que c'est l'ensemble des contribuables que vous voulez dire. Il vole dans l'air un canard assez évident dans le domaine de la restauration que, si les employés au pourboire n'ont pas été de bons citoyens en ne déclarant pas tous leurs revenus en pourboires - et cela, tout le monde le reconnaît et on le voit par le rapport, s'il y en a 14 000 sur 40 000 ou 50 000 qui déclarent un pourboire que tout le monde dit inférieur à celui réellement reçu - si le pourboire était inclus dans la facture obligatoirement, ne fût-ce que 10% ou même 1%, le principe lui-même étant accepté - je ne dis pas que c'est le cas - le chiffre réel d'affaires de la restauration paraîtrait. Vous n'avez pas le droit d'applaudir. Sur ce sujet, je ne dis pas que je pense que les restaurateurs ne déclarent pas tout leur chiffre d'affaires. On me dit que cela se passait il y a une quinzaine d'années, que cela ne se fait plus aujourd'hui. J'aimerais avoir une explication. C'est ma première question, s'il vous plaît!

M. Moreau: M. Blais, votre question est très pertinente. Est-ce que je peux vous en poser une à mon tour?

M. Blais: Si vous voulez, oui.

M. Moreau: La dernière fois où l'on s'est rencontré, vous n'aviez pas lu le livre vert. Est-ce que vous l'avez lu depuis?

M. Blais: Je l'ai vu quand même. J'ai dit que je ne l'avais pas lu, parce qu'il n'y aucune des solutions qui étaient dedans qui m'intéressaient.

M. Moreau: Je vous ai entendu dire tantôt que vous ne l'aviez pas encore lu; il serait peut-être temps que vous le lisiez. D'autre part, je dois vous dire qu'on n'est pas allé à la même école, vous et moi, parce que les chiffres que j'avance, je peux les prouver. Vous avez déformé complètement le raisonnement et les chiffres que j'ai donnés. Si vous voulez prendre un bout de crayon et du papier, je vais vous expliquer exactement le raisonnement. Vous mêlez deux choses, vous mêlez des pommes et des bananes et vous essayez de compter le nombre de pommes...

M. Blais: Ne vous fâchez pas, on va faire une belle salade ensemble.

Le Président (M. Gagnon): Excusez. Jusqu'à maintenant, la commission va très bien; on n'ira pas sur ce ton. D'abord, M. Blais, c'est le député de Terrebonne. Vous pouvez répondre à ses questions ou même refuser d'y répondre. Le député de Terrebonne vous a posé des questions; il ne faudrait pas commencer ce genre de dialogue qui serait possible pour les membres de notre commission.

M. Moreau: Je vous remercie de votre intervention. J'enverrai au ministre du Revenu et à ses employés, à ses collègues, les calculs que nous avons faits. On va se faire un plaisir de les envoyer. D'ailleurs, le ministère du Revenu sait à quel point nous sommes ouverts pour travailler avec lui et collaborer avec lui. On l'assure encore de notre position. Maintenant, M. Blais, vous avez laissé entendre qu'on ne déclarait pas tous nos revenus ou toutes nos ventes. Je peux vous dire une chose, on l'a dit au ministère du Revenu et je le dis officiellement ici: Nous, les restaurateurs sérieux, les professionnels, ceux qu'on représente, nous, ce sont en majorité des professionnels de la restauration. On en profite pour le dire ici et on l'a demandé au ministère du Revenu dernièrement: On veut limiter l'émission des permis de restauration, parce qu'il y en a trop. Justement, pour vous assurer que le ministère du Revenu obtienne des restaurateurs du Québec toutes les taxes sur les repas qui lui sont dues, on demande pour ces nouveaux restaurateurs, même pour nous, un "bound". Notre association a négocié avec des compagnies pour "bounder" nos membres en ce qui concerne la remise de taxe de repas sur les restaurants. On est prêt à travailler en tout temps avec le ministère du Revenu pour lui donner toutes les possibilités d'agir. S'il y a des restaurateurs qui ne déclarent pas toutes leurs ventes, on est là pour l'aider; on lui a fait des suggestions et on en a même pointé. On lui a même dit comment attraper ceux qui sont malhonnêtes, s'il y en a. Notre collaboration est toute là. Je pense qu'il ne faudrait pas taxer, pour quelques mauvais restaurateurs, l'ensemble de la restauration professionelle québécoise.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Cela répond à ma première question. Mais sachez que ce n'était pas une accusation, j'ai dit: On dit, il y a canard qui vole qui dit que... Je vous demandais une explication et, de la manière dont vous avez réagi, j'ai pensé que c'était vrai.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Terrebonne.

M. Moreau: Je réponds à M. Blais.

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez continuer de poser des questions?

M. Blais: Avec plaisir, M. le Président.

M. Moreau: M. Blais, permettez-vous que je vous réponde? Non seulement nous demandons un cautionnement obligatoire, mais, si c'est possible, on réclame et on exige que le gouvernement prenne des mesures immédiates pour y arriver. S'il y a des évasions de taxe sur les repas, on est là pour collaborer à 100% avec vous, le gouvernement du Québec.

M. Blais: Je vous remercie de la réponse. C'est cette réponse que j'attendais. Je suis dans la restauration moi-même.

M. Bissonnet: On va aller vérifier.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À l'ordre!

M. Blais: Pardon? Non, ce n'était pas une attaque, c'était une question. Le mémoire qui a précédé le vôtre, d'ailleurs, le premier qui a été lu disait cette chose. On n'en avait pas parlé et je croyais que c'était à l'Association des restaurateurs que je devais poser de façon directe la question. La

réponse est venue aussi directement que la question et je vous en remercie. En sous-question, si dans la part de pourboire qui serait incluse dans une facture, les employés avaient à payer la totalité de la responsabilité sociale sur cette partie, serait-il envisageable, comme situation médiane, de l'inclure sur la feuille de paie à ce moment-là? (16 h 30)

Le Président (M. Gagnon): M. Moreau.

M. Moreau: C'est une question embêtante. C'est une question qui mérite réflexion à ce stade-ci, M. Blais. Mais une chose est certaine: je pense qu'il y a d'autres solutions qu'on a envisagées. On a proposé que le gouvernement établisse des tables et on serait prêt, à ce moment, à faire des déductions suivant les tables qui ont été faites de façon logique. Je pense que ce n'est pas à nous, les restaurateurs du Québec, de jouer le rôle de policiers et d'établir quelle est la répartition des pourboires au sein de nos employés. Ce matin, on soulevait différentes choses qui se produisent en Europe. Il a l'air très beau, ce système de points, etc., mais les employés au pourboire devraient s'informer davantage et voir que, parfois, les plus travaillants, les plus jeunes, travaillent doublement fort pour celui qui est dans son coin et qui a deux tables, parce que lui a pris une semi-retraite et ce sont les autres qui travaillent pour lui. Ce n'est pas aussi rose qu'on le pense en Europe.

Écoutez, je pense qu'avant qu'on prenne des décisions sur cela il faudra se rasseoir à la table et étudier toutes les implications. Nous, nous sommes prêts non seulement à nous asseoir à nouveau avec le gouvernement, mais aussi à nous asseoir avec les employés au pourboire pour essayer de trouver une solution. Une chose est cependant certaine: vous ne nous transmettrez pas, vous du gouvernement, le rôle de faire le travail du ministère du Revenu. Je pense qu'aucune industrie ou entreprise libre n'a un tel devoir. On a des devoirs sociaux, je suis d'accord, mais nous aussi, on paie nos taxes et nos impôts et je pense que nous faire faire le travail de l'État, c'est beaucoup demander.

Surtout avec le nombre d'employés qu'il y a au gouvernement, il y a moyen d'établir des systèmes. Un qu'on retient et qu'on vous propose, c'est un peu ce qui a été décrété aux États-Unis dernièrement, que le gouvernement, entre autres, puisse décréter un montant logique de 7% ou 8% des ventes de chaque employé. À ce moment, nécessairement, vous n'irez peut-être pas chercher le chiffre idéal de 15%, chose que vous ne serez jamais capables d'aller chercher d'une façon ou de l'autre, avec les meilleurs systèmes. Mais si vous preniez un chiffre logique et considériez d'imposer l'employé au pourboire à 7% et 8% de ses ventes, tenant compte que cet employé a quand même des frais inhérents à sa fonction, je pense que ce serait une mesure équitable pour tout le monde.

M. Blais: En tout cas, j'espère que vous n'avez pas trouvé mes questions trop vexatoires. Ce n'était pas mon but; je voulais les faire directes pour vider la question. Vous avez très bien répondu et je vous en remercie.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: J'ai deux questions, M. le Président. Je suis toujours content d'avoir la parole après le député de Terrebonne parce qu'au moins, je peux m'excuser auprès de nos intervenants de temps en temps pour son comportement, que je ne considère pas parlementaire, car, vraiment, je crois qu'on n'est pas ici pour faire le procès des intervenants. On est ici pour écouter tout le monde et je pense vraiment à la manière dont il a traité notre intervenant.

M. Blais: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! Je m'excuse, le temps passe très rapidement. Veuillez en venir aux questions que vous désirez poser aux intervenants, s'il vous plaît!

M. Polak: Ayant fait cette remarque préliminaire, M. le Président, j'ai seulement deux questions à poser à M. Moreau. M. Moreau, à part le fait que le ministère du Revenu cherche des revenus ou à récupérer les sommes qu'il aurait dû percevoir, avez-vous l'impression, comme membre de l'Association des restaurateurs du Québec, qu'il y a un énorme mouvement de tous ces employés pour avoir un changement? Est-ce qu'il y a des problèmes parmi les employés partout dans le secteur, pour qu'ils réclament que cela change tout de suite, qu'il faut que les restaurateurs leur paient des avantages sociaux, etc., ou n'est-ce pas plutôt un petit groupe? Je me demande sérieusement quel est le pourcentage de tous ces travailleurs du Québec qui sont syndiqués ou appartiennent à des mouvements qui ont, évidemment, un intérêt tout à fait légitime à faire le point, même de façon un peu partisans.

M. Moreau: II est certain, comme je le lisais dans un rapport du syndicat des restaurants Marie-Antoinette, qu'obtenir pour ce syndicat 15% de pourboire obligatoire, cela leur donne un produit beaucoup plus vendable. C'est officiel. D'autre part, nous

n'avons aucun indice qui nous permette de penser que c'est la majorité des employés au pourboire qui veut le pourboire obligatoire. Même pour badiner, en haut, au Parlementaire, on demandait à quelques-unes des employées: Êtes-vous pour le pourboire obligatoire? Elles nous ont dit non. Je peux vous dire une chose: Dans nos établissements, dans les bons établissements de la province de Québec, je serais curieux qu'on fasse un référendum. Si l'on obtenait 80% des votes pour le pourboire obligatoire, cela serait à notre plus grande surprise et tous mes confrères peuvent vous dire la même chose.

On a fait des sondages auprès de nos membres et ce n'est pas un besoin qui se décèle de façon bien marquée. C'est certain que les employés qui ont été attrapés par le fisc sont dans le désarroi. Je ne les blâme pas de demander le pourboire obligatoire, parce que c'est leur planche de salut, d'une façon de demander une telle chose. Mais c'est la planche de salut de ces gens, cela va tuer l'industrie et ils ne seront pas plus avancés.

Pour répondre à une question qu'on posait tout à l'heure un peu à tout le monde, je dis que le minimum qu'un pourboire obligatoire causerait en pertes d'emplois au Québec, c'est 40 000 employés en général, au moins 40 000 employés.

Une voix: Comment faites-vous la moyenne?

M. Moreau: 3000 restaurants à 15 employés.

M. Polak: Votre réponse confirme un peu une impression personnelle, parce que je parle comme consommateur. Je fréquente, tout de même, plusieurs restaurants dans les régions de Montréal et de Québec. Depuis qu'on a su que cette commission serait convoquée, j'ai parlé avec les gens et je n'en ai pas encore trouvé un, dans tous ces restaurants, qui a dit pourquoi c'était nécessaire. Apparemment, il ne semble pas exister de problème chez ces employés.

J'ai une deuxième et dernière question. Vu que vous expliquez qu'il s'agit vraiment dans la restauration d'une opération qu'on peut appeler marginale au mieux, si j'ai bien compris la conclusion de votre intervention, si le gouvernement commence à jouer en profondeur dans le système, cela va bouleverser tout le système et on va prendre le risque énorme d'avoir des problèmes que personne ne veut avoir. Demain, une commission commence sur SIDBEC, tout le monde doit être au courant. Il y a aussi Québecair. Demain, on aura une grève presque totale de la fonction publique et on ne veut pas avoir d'autres problèmes dans la restauration. Ai-je bien compris?

M. Moreau: C'est un fait que cela bouleversait tout l'équilibre déjà établi dans la restauration au Québec et en Amérique du Nord. Admettons une chose - et je le dis à tous les membres du gouvernement - si l'on imposait le pourboire obligatoire demain matin, ces 15% que nous, comme employeurs, serions obligés de contrôler, pourquoi le plongeur, pourquoi les cuisiniers, pourquoi tous ne les partageraient-ils pas, comme c'est le cas en Europe? C'est cela qu'on oublie de vous dire aussi. Ils veulent 15%, mais ils les veulent à eux tout seuls et cela est bien dangereux. Comme je l'expliquais ce matin, il y a une chose qu'il ne faut pas oublier: dans la restauration, il n'y a pas de robotique, il n'y a pas d'informatique pour servir les clients et notre main-d'oeuvre n'a pas augmenté sa productivité. On a bien découvert quelques petits moyens, comme les commis-débarrasseurs. Comme on l'expliquait ce matin, un commis-débarrasseur, si vous lui donnez 10% de vos pourboires, vous pouvez servir 15 et 20 clients de plus. C'est à l'avantage du serveur ou de la serveuse, c'est prouvé hors de tout doute. Tous les employés de la restauration, chez moi et chez mes confrères, quand on veut leur enlever les "bus boys", ils veulent nous tuer. Dans les restaurants bien organisés, cela marche selon un bon système. Je ne vous dis pas que c'est nécessaire partout, des commis-débarrasseurs mais, à certains endroits, je suis d'accord. Si mademoiselle me disait ce matin qu'elle obligée de payer 2 $ pour le balayeur, qu'elle fasse des plaintes à la Commission des normes du travail. C'est certain qu'il y a des abus dans notre domaine, mais on ne peut pas tout contrôler, nous, c'est comme le gouvernement. S'il y a des abus, rapportez-les. On ne demande pas mieux, si les employés au pourboire ou les employés de notre industrie constatent des abus, qu'ils les rapportent. Ils peuvent les rapporter à notre association, elle a un code d'éthique. Nos membres qui violeront les normes permises dans notre industrie, on va les bannir et on va les dénoncer, nous aussi.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Juste pour me situer, M. Moreau, je suis de ce côté, mais je ne suis pas avec eux; cela vous place un peu. C'est juste pour le faire savoir.

M. Polak: Le parti des travailleurs! Le Président (M. Gagnon): À l'ordre!

M. Bisaillon: Vous conviendrez avec moi, je crois, que le livre vert que le ministère du Revenu a publié a soulevé une

couverture qui démontre des problèmes de nature différente. Il me semble que, dans votre mémoire, vous présentez un problème, en essayant de cacher des solutions éventuelles aux autres. Je ne dis pas que c'est la solution que vous avez choisie; je dis que vous présentez votre problème. Mais le livre vert a fait surgir, a démontré l'existence d'autres types de problèmes. Si l'on cherche des solutions, il va falloir que ce soient des solutions globales. Le livre vert, en fait, commence par une analyse, dans les premières pages, de la situation des travailleurs de cette entreprise, ce qui va m'amener à vous poser une première question sur les pratiques, parce que je pense que c'est incomplet, ce qu'on a pu trouver. Curieusement, dans les solutions qui sont apportées, on ne retrouve plus des préoccupations qui correspondent à l'analyse qui était faite de la situation des travailleurs de ce type d'entreprises. J'ai remarqué, en réponse à plusieurs questions qui vous ont été posées, que, lorsque vous parlez, par exemple, des coûts, de l'impact d'une mesure par rapport à une autre, vous vous référez toujours à des types de restaurants qui pourraient ne pas être inclus dans une solution éventuelle. Quand vous donniez l'exemple des restaurants Me Donald - je pense que là-dessus vous n'avez pas répondu, en tous les cas à ma satisfaction, j'aimerais que vous complétiez cela - à la ministre déléguée à la Condition féminine tantôt, est-ce qu'il serait envisageable que seulement une catégorie d'employés ou de restaurants soit assujettie à une mesure comme celle-là? C'est une question que je pose parce que, lorsqu'on vous pose des questions en fonction d'un type de restaurants, d'un type d'organisation de restaurants, vous nous répondez par des exemples pris à l'intérieur de restaurants qui ne s'appliquent pas. Je ne pense pas qu'on puisse comparer le restaurant de mon bon ami André avec un Me Donald. Pour y être allé manger souvent, je sais que cela ne se compare pas. J'aimerais que vous preniez des exemples qui soient valables, pour que cela soit représentatif de la situation qu'on analyse-Il y a un certain nombre de conditions de travail qui sont analysées dans le livre vert, mais, dans les pratiques, est-ce qu'il est exact, à votre connaissance, qu'il y a toute une série de pratiques secondaires qui, en fait, diminuent le revenu global des travailleurs de ce secteur? Je prends le revenu, le salaire minimum que vous payez, plus les pourboires qu'ils vont chercher, est-ce qu'il n'y a pas effectivement un certain nombre de mesures ou de pratiques qui visent à diminuer ce revenu global? Par exemple, l'achat d'uniformes et l'entretien, le paiement ou le partage de gains, les ristournes. Est-ce que c'est possible que cela existe, des ristournes? C'est-à-dire que je paie le salaire minimum mais, en contrepartie, l'employé reverse une certaine somme à l'employeur, ce qui s'est fait à une certaine époque, on s'en souviendra - je pense que tout le monde le sait - dans les bars, par exemple, est-ce que c'est exact que cela pourrait aussi se reproduire dans certains restaurants, toutes ces pratiques qui finalement diminuent le revenu global? Comment peut-on trouver une solution pour les empêcher?

La situation de ces travailleurs fait aussi qu'il y a un taux de roulement assez élevé. Est-ce que vous avez des chiffres? Je voudrais savoir si vous avez des chiffres sur le taux de roulement du personnel dans la catégorie supérieure de restaurants, dans le genre de restaurants dont on parle. Avez-vous des chiffres quant au taux de roulement du personnel à pourboire?

Le ministère du Revenu, lorsqu'il a intenté des poursuites - dont on vous parlera peut-être un jour - à certains employés, a pris comme base de calcul 15%, en disant: Normalement, compte tenu du chiffre d'affaires du restaurant, si on prend 15% de ce chiffre d'affaires et qu'on le partage entre les employés, devrait être cela que vous auriez dû déclarer. Est-ce qu'il est exact, selon vous et à votre connaissance, que, dans ce milieu-là, compte tenu des périodes difficiles qui sont vécues actuellement, le pourboire diminue? Si le pourboire diminue, est-ce que vous trouvez correct le mode de calcul qui est actuellement utilisé par le ministère du Revenu? Cela est à partir des données que vous avez, vous autres. Je ne peux pas demander cela à d'autres personnes, je ne peux pas demander cela au ministère du Revenu, mais seulement à vous autres, qui le voyez tous les jours. Si vous en voyez une partie, vous devez voir l'autre, c'est pour cela que je vous pose cette question.

La dernière partie de mes questions est quant à l'approche vis-à-vis des conditions de travail. Vous nous présentez votre situation d'entrepreneurs. Vous dites: c'est difficile, notre situation actuellement. Que vous ayez besoin d'aide ou que le secteur de la restauration ait besoin d'aide, c'est une chose. Mais est-ce que cela doit être entretenu uniquement par les employés de ce secteur-là? Autrement dit, est-ce que l'aide que l'entreprise de la restauration doit recevoir doit venir des employés eux-mêmes ou si cela ne pourrait pas être partagé d'une autre façon? Est-ce que vous n'envisagez pas d'autres formes? (16 h 45)

Je vais donner un exemple de ce que je veux dire. Quand le gouvernement adopte un décret pour fixer le salaire de plombiers, c'est sûr que, comme consommateur, je vais m'en ressentir. Quand je fais venir un plombier, il arrive avec ses outils comme vos

employés arrivent avec leur ouvre-bouteille, leur uniforme et leur coutellerie bien souvent, mais ils n'ont pas le même salaire. Je paie le salaire du plombier, parce qu'il y a eu un décret. Dans votre secteur, ça n'existe pas. Est-ce que ce n'est pas une subvention déguisée? Autrement dit, est-ce qu'on n'essaie pas de pénaliser uniquement les travailleurs de cette entreprise sans chercher de solutions qui pourraient à la fois vous impliquer et obtenir l'aide d'un autre niveau que de vous uniquement?

M. Moreau: M. le député de Sainte-Marie...

Le Président (M. Gagnon): M. Moreau.

M. Moreau: M. le député de Sainte-Marie, c'est un très bel exposé. Cela prouve que, justement - tous les problèmes que vous avez soulevés - quand je réclame une commission parlementaire » au plus tard le printemps prochain sur l'industrie touristique, c'est pour répondre à toutes ces questions. Je pourrais vous faire une envolée oratoire sur tous les problèmes de la restauration, en commençant par la Société des alcools, qui est notre monopole d'État, qui nous vend les boissons aux prix les plus élevés, etc. On a aussi les coûts les plus élevés pour l'achat de denrées en Amérique du Nord. Je pourrais vous entretenir pendant une heure de tous les problèmes auxquels notre industrie doit faire face.

Je vais répondre à vos questions: Peut-on envisager les différents types de restaurants? Oui, on dénote une dizaine de types différents de restaurants au Québec et partout en Amérique du Nord. Il est certain que du "fast-food" au restaurant gastronomique, il y a tout un éventail de services et de produits différents. C'est pourquoi vous avez posé une question très pertinente; c'est pourquoi on ne peut pas établir de façon arbitraire 15% pour tout le monde. Ce soir, vous allez au restaurant avec un copain - vous êtes en commission parlementaire - et vous vous payez un bouteille de vin à 10 $, vous payez 15% de service - il est obligatoire - c'est 1,50 $. Demain soir, c'est l'anniversaire de votre épouse ou c'est l'anniversaire de l'épouse de votre voisin. Mais, parce que c'est l'anniversaire de son épouse, il veut lui faire plaisir et il lui paie une bouteille de vin de 30 $. À 15%, ça fait 4,50 $ de service. 3 $ de plus que vous. Pensez-vous que c'est normal? L'employé n'a pas travaillé plus fort.

Alors, quand vous me demandez de disséquer les différents types de services qu'il y a dans la restauration au Québec, ça va jusqu'aux cafétérias, ça va jusqu'aux endroits où l'on se sert, etc. C'est pourquoi établir un chiffre arbitraire de 15%, quel que soit le service que vous avez pour vous alimenter, c'est ridicule et c'est inacceptable socialement et, également, au point de vue du travail de l'employé. Je pense que j'ai répondu à votre question.

M. Bisaillon: Oui, sauf que ma question ne portait tant pas sur le pourcentage que sur l'obligation pour une certaine catégorie par rapport à d'autres.

M. Moreau: Bien, je pense que je l'ai quand même décrit un peu.

M. Bisaillon: Oui, mais ce n'était pas que sur le pourcentage. Vous n'avez répondu que sur le pourcentage. Autrement dit, vous avez parlé tantôt du "snack bar" du coin, mais on a juste à ne pas toucher au "snack bar" du coin. L'exemple que vous avez donné, c'était ça? C'était le "snack bar" par rapport au Me Donald?

M. Moreau: Cela va encore devenir une loi d'exception qui ne sera pas administrable. S'il faut encore par une loi créer 200 nouveaux postes de fonctionnaires pour vérifier la loi; un tel est taxable, l'autre n'est pas taxable, etc.

Une voix: Écoutez...

M. Bisaillon: Non, non, c'est à lui que je pose des questions. Quand je voudrai vous en poser, je vous en poserai.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Sainte-Marie, vous avez la parole.

M. Moreau: Votre deuxième question: Quelles sont les pratiques de partage et les frais inhérents? C'est un fait que, je pense, le ministère du Revenu doit considérer que l'employée qui travaille au service doit laver son uniforme tous les jours, doit le blanchir tous les jours, doit dépenser pour des soins de maquillage des sommes supérieures à d'autres types d'employées, doit être coiffée régulièrement. Il y a beaucoup de dépenses inhérentes à sa fonction. Là où le costume n'est pas obligatoire, elle doit quand même s'acheter des blouses blanches, des jupes noires ou du moins quelque chose sur quoi il y a consensus. Assurément, l'employée de service, dans nos établissements, a des frais inhérents à sa fonction. Le taux de roulement des employés au pourboire dans les établissements de luxe est très très bas. Cela dépend des types de restaurants. Je sais bien que, si je parle pour les miens, il n'y a presque pas de roulement. On a une liste d'attente. Il y a des établissements qui réussissent mieux en affaires, alors, forcément, il n'y a ni hausse ni baisse. Je suis donc d'accord...

M. Bisaillon: Est-ce que vous avez des chiffres sur l'ensemble des restaurants?

M. Moreau: Non, nous n'avons pas de chiffres sur ça, je regrette.

M. Bisaillon: Non? D'accord. Est-il exact que les pourboires diminuent actuellement?

M. Moreau: Forcément. Il y a une baisse dans le volume. Il y a une baisse de nos employés au pourboire; il y a une baisse des pourboires.

M. Bisaillon: Je vais corriger. Est-ce qu'il est exact que le pourboire diminue, peu importe le montant de la facture? Autrement dit, actuellement, que quelqu'un mange pour 10 $ ou qu'il mange pour 50 $, il donnera moins de pourboire qu'il n'en donnait auparavant, peu importe le montant de la facture? Je ne calcule pas cela en termes de pourcentage. Je n'essaie pas de calculer le revenu.

M. Moreau: Écoutez, il faudrait demander cela aux employés au pourboire. Je ne sais pas toutes les statistiques.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre!

M. Moreau: C'est un fait, je ne suis pas en mesure de répondre. Je suis en mesure de vous dire que les gens font plus attention, qu'ils prennent moins d'apéritifs, moins de desserts, qu'ils viennent aussi souvent dans certains restaurants, mais que l'addition est plus basse, donc, comme je le confirmais tout à l'heure, il y a une baisse de nos ventes et, forcément, les employés travaillent moins d'heures, vendent moins, parce que nos employés sont avant tout des vendeurs, donc, leurs pourboires, de ce temps-ci ont baissé. Comme tout le monde, si nos revenus ont baissé, si nos ventes ont baissé, nos profits ont baissé et les leurs également, j'en suis convaincu.

M. Bisaillon: J'avais une dernière question que je vous ai posée et qui était: Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a un certain nombre de mesures, ou bien que vous refusez d'accepter ou encore que vous endurez, que vous tolérez actuellement, qui sont de l'ordre de la subvention qui viendrait de l'employé plutôt que d'un autre palier? Est-ce qu'il ne serait pas préférable de demander de l'aide, pour l'ensemble des entreprises de ce secteur, à l'État directement ou à ceux qui ont un intérêt plus global plutôt que seulement aux employés? Je vais terminer avec une dernière phrase, vous y répondrez en même temps: j'ai toujours pensé que le meilleur système aurait été l'abolition totale du pourboire, des salaires décents et des conditions de travail décentes pour des travailleurs. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Moreau: C'est une opinion personnelle: je ne pense pas que les employés à pourboire partagent votre opinion. Je pense que l'incitation que le pourboire a sur nos employés, c'est un phénomène qui existe. Apporter dans une industrie des changements radicaux comme celui que vous suggérez pourrait être très dangereux et je ne pense pas que les employés au pourboire acceptent votre point de vue.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

M. Marcoux: M. Moreau, d'abord quelques questions d'information avant de faire quelques commentaires supplémentaires. Vous avez parlé d'une augmentation de 13%; selon les données que je possède, c'était plutôt une augmentation d'à peu près 9%, 10% ou 9,12 % du pourboire révélé. En fait, si l'on se pose la question de ce qu'est le coût supplémentaire à l'employeur, si un employé révèle 100 $ de pourboire et si on additionne le coût de l'assurance-accident: 1 $ les 100 $; le régime de rentes: 1,80 $; le régime d'assurance-maladie: 3 $; le taux d'assurance-chômage au 31 janvier 1983 - le prochain taux est de 3,32 $ - cela nous faisait 9,12 $. En somme, chaque fois qu'un employé à pourboire révélerait 100 $ de pourboires, cela impliquerait pour vous des dépenses supplémentaires de la part de l'employeur de 9,12 $ et de 4,10 $ pour l'employé qui, lui, assumerait 1,80 $ pour le régime de rentes et 2,30 $ pour l'assurance-chômage, si on inclut le portrait, ce qui fait que, globalement, cela monte à 13,22 $, pour la part de l'employé et celle de l'employeur. Je voudrais comprendre où vous avez pris les 13%.

M. Moreau: Les 13%...

M. Marcoux: C'était plutôt de l'ordre de 9% ou 10%.

M. Moreau: ... sont le coût de nos avantages sociaux; on peut vous les mentionner: l'assurance-chômage: 1,93% - le coût en rapport avec le total des salaires versés; la CSST: 0,85%; la Commission des normes du travail: 0,12%; le régime d'assurance-maladie du Québec: 2,67%; le régime des rentes: 1,15%; le coût des jours fériés: 1,4%; les vacances: 4% - parce que lorsqu'on parle d'avantages sociaux, on les prend tous - ce qui fait 13,2%, M. le ministre.

M. Marcoux: D'accord. Je peux retrouver ces données, parce que je vois que

les éléments qui me manquaient, c'était par exemple la question des jours fériés, les 4% de vacances. En tout cas, j'aimerais que vous me transmettiez ces données. Cela s'ajoute à ce qui a été mentionné.

Il y a un débat qui a été abordé et qui sera l'un des autres éléments clés du travail de notre commission, comme la décision que le gouvernement aura à prendre par la suite. Ce matin, je posais une question sur les mentalités, en somme, pour savoir où on en est quant à nos concitoyens par rapport aux mentalités, s'il y a des frais de service obligatoires, est-ce qu'il ne se développerait pas en plus ou non un pourboire supplémentaire et que le problème s'y pose de la même façon, en tout cas en ce qui nous concerne comme ministère du Revenu.

L'autre question fondamentale que vous abordez, c'est la question de la perte d'emplois ou toute la question, je dirais, économique. J'ai assuré ce matin que, pour moi, toute solution, pour être retenue, devrait clairement satisfaire à trois principes: la question de l'équité fiscale, celle de l'équité sociale et celle également de permettre ou d'assurer l'essor de l'industrie touristique qu'on peut interpréter dans un sens large; on pourrait ajouter un quatrième principe, qui est de faire en sorte de ne pas saboter, pour employer un gros mot, l'ensemble de l'industrie de la restauration, de l'hôtellerie ou de l'industrie touristique plus spécifiquement. Je peux vous assurer que, même si je n'ai pas toutes les données actuellement - je commence à en avoir, parce que j'ai commencé à poser des questions depuis quelques semaines; j'ai commencé à fouiller le dossier; j'ai commencé à demander des informations, entre autres au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, parce qu'il existe des modèles économiques et des modèles économétriques qui nous permettent de voir les conséquences. Si on fait un geste fiscal quelconque, cela a des conséquences à un moment donné; il y a moyen de prévoir certaines de ces conséquences.

Une chose m'avait toujours frappé comme député, car, à ce moment-là, je n'étais pas ministre, mais, lorsqu'on avait supprimé la taxe de vente de 8% sur les vêtements, les chaussures, etc., durant un an, nous, on prétendait que c'était plus efficace comme possibilité de création d'emplois que supprimer la taxe de 2% sur l'ensemble des produits, etc. Le Bureau de la statistique du Québec nous avait énuméré les conséquences qu'on pouvait prévoir et un an, un an et demi après, il s'est confirmé que les données prévues, en tout cas les ordres de grandeur, c'était exactement cela. Maintenant, la science économique - ou économétrique - est assez avancée pour voir les conséquences de gestes qu'on peut poser concernant le niveau fiscal ou concernant la taxation et les conséquences que cela peut avoir.

L'assurance que je voudrais vous donner aujourd'hui, c'est qu'avant toute recommandation que je pourrais faire au gouvernement, au Conseil des ministres, et je suis convaincu que ce sera l'attitude de l'ensemble de mes collègues, je vais exiger d'avoir des données certaines ou les plus fiables possibles sur n'importe quelle conséquence qui pourrait arriver sur les décisions ou la solution qui pourraient être envisagées. C'est pour cela qu'il est important de connaître la situation de l'ensemble de votre industrie actuellement, la situation des revenus de votre industrie et les conséquences des frais supplémentaires que toute décision pourra impliquer. Je peux vous en donner l'assurance, sans oublier les deux autres principes, que j'indiquais tantôt, d'équité fiscale et d'équité sociale, en précisant, comme je l'ai fait ce matin, que la seule hypothèse que j'éliminais, c'était le statu quo. J'ai indiqué tantôt qu'on considérait comme positif le fait que vous indiquez dans votre mémoire que, vous aussi, vous étiez prêts à faire autre chose que le statu quo et qu'au moins pour un secteur, vous étiez prêts à assumer votre part des avantages sociaux je le prends comme un fait important.

Je peux vous assurer, parce qu'il n'y a pas lieu d'exposer tous les chiffres possibles ou impossibles, que l'étude des conséquences économiques de toutes les décisions sera pesée au maximum. Évidemment, on aboutira, parce qu'il n'y aura pas de consensus, il peut y avoir des désaccords et des accords sur certains points à juger de la balance des inconvénients dans cela. Quelques mémoires soulignent que ce ne serait pas nécessairement mauvais qu'un certain nombre d'entreprises de restauration et d'hôtellerie disparaissent du décor. Vous semblez soutenir ce point de vue. Vous semblez soutenir le fait que, si on se compare à l'Ontario et aux États-Unis, il y a beaucoup trop d'entreprises ici dans ce secteur. J'ai l'impression qu'à ce moment-là, évidemment, vous parlez pour le secteur de notre industrie de restauration et d'hôtellerie qui est le mieux développé, qui est le plus regroupé, comme dans les autres groupes qui peuvent être intéressés vont parler pour les secteurs qui sont organisés. (17 heures)

Lorsque vous indiquiez tantôt, je veux le confirmer à tous les membres de la commission, que l'association aide ou veut aider le ministère du Revenu à éliminer les fraudeurs ou ceux qui font de l'évasion fiscale dans ces secteurs et que vous avez proposé pour ce moyen le cautionnement, je peux témoigner que c'est vrai. Là aussi, il a fallu, au niveau du gouvernement, peser la balance des inconvénients et se demander les conséquences que pourrait avoir le fait d'imposer à l'ensemble de ceux qui

demandent un permis de restauration ou d'hôtellerie le fait d'avoir un cautionnement; ce qui aurait eu pour désavantage de diminuer la concurrence et d'empêcher des gens d'entrer dans le circuit de la restauration parce que, comme dans la restauration il n'y a presque pas d'équipements ou que les équipements appartiennent souvent à des sous-compagnies, le cautionnement est marginal.

Je ne veux pas être trop long, mais je peux vous assurer que votre point de vue sur la question d'assurer la solidité financière en ce qui concerne le revenu des gens que vous représentez et de faire en sorte que, par la méthode de cautionnement ou toute autre, on élimine les évasions fiscales ou qu'on les contrôle davantage, la collaboration ou ce que vous souhaitez, nous l'examinons le plus attentivement possible. Tantôt, vous avez parlé de la loi américaine. On n'en a pas encore parlé à cette commission; le mémoire qui suit va la développer davantage, mais pourriez-vous m'indiquer une chose de façon peut-être plus précise? Si j'ai bien compris, vous seriez d'accord pour appliquer, peut-être pas à la lettre en tout cas, l'esprit et la démarche de la loi américaine qui entrera en vigueur le 1er janvier 1983. Ai-je bien interprété les propos que vous avez tenus?

M. Moreau: C'est exact. C'est une possibilité qu'on entrevoit. Nécessairement, comme on le disait tout à l'heure, tenant compte des dépenses inhérentes des employés au pourboire, même si on a imposé 8% aux États-Unis, ici, cela pourrait être 7% parce que, aux États-Unis, cela n'est pas comme ici. Aux États-Unis, le salaire minimum des employés à pourboire est inférieur, etc. Je pense qu'on devrait tenir compte de toutes les incidences du problème. C'est une avenue qu'on est prêt à étudier avec le ministère et avec les intéressés. On pense que cela n'est peut-être pas la solution idéale encore, mais il n'y a pas de solution idéale et cela peut être une avenue intéressante.

M. Marcoux: Ma dernière question revient peut-être à une des questions centrales, le pourboire obligatoire. Il y a une idée dans les mémoires que j'ai lus qui m'a séduit. C'est lorsque les mémoires indiquaient que s'il y a un pourboire obligatoire, c'est un peu comme une commission; si l'employé a un pourboire obligatoire, à pourcentage, il va être intéressé à donner un meilleur service, il va insister, il va dire aux clients: Voulez-vous un apéritif?, voulez-vous un digestif? Voulez-vous quelqu'autre chose? Il va être intéressé à donner un bon service pour que la facture du client soit plus élevée et donc, sa propre rémunération plus élevée. Je vous dirai que c'est un argument que je trouve séduisant, parce qu'il va contre un autre argument, mais c'est difficile de trouver où est la vérité dans tout cela, argument qui veut et j'ai eu plusieurs témoignages à ce sujet, de gens qui disent que là où il y a pourboire obligatoire, les frais de service obligatoires, sont qu'il s'est développé parallèlement un pourboire supplémentaire; ce qui fait que cet argument ne s'appliquerait pas dans la réalité. Si on revient à l'argumentation principale, par rapport à la qualité du travail de l'employé, parce que le service obligatoire, vu qu'il est à pourcentage, c'est comme une commission, n'est-ce pas vrai, à votre point de vue, que cela pourrait développer un service de qualité, en ce sens que, plus le client augmente la valeur de son repas, plus l'employé voit son salaire augmenter?

M. Moreau: Cela peut être exact, M. le ministre, pour certains types de repas ou certains établissements, mais pas pour l'ensemble de la restauration. Je vous assure que l'employée au pourboire qui vendrait un café 0,60 $ et qui serait assurée d'avoir seulement 15%, n'aurait pas le sourire qu'elle a aujourd'hui avec souvent bien davantage. À 0,60 $, à 15%, cela fait 0,09 $, je ne pense pas qu'elle serait emballée d'avoir 15% et que cela la stimulerait à vous vendre un autre café. Cela peut être vrai pour certains établissements, mais je ne pense pas que cela soit une motivation suffisante pour employer un tel système.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, très brièvement, le ministre nous a parlé tantôt de sa découverte des méthodes économétriques. Il nous a assuré qu'il va...

M. Marcoux: Ouf! Franchement...

M. French: Je m'excuse auprès du ministre, s'il n'a pas aimé la façon dont...

Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le député.

M. French: ... j'ai parlé de son usage de ces méthodes. Il nous a assurés...

M. Marcoux: De l'existence, de l'existence.

M. French: En tout cas...

Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le député.

M. French: M. le Président, je voudrais demander au ministre qui vient de nous assurer de son intérêt pour l'impact économique de toute démarche qu'il va entreprendre, s'il rendrait publique, au

moment où il déposera sa loi ou d'autres propositions concrètes dans ce domaine, une étude de l'impact économique de chacune des options, du moins de celle qu'il a adoptée. Est-ce que cela serait possible pour les gens ici, les restaurateurs, les employés au pourboire, de connaître la proposition officielle pour qu'on puisse tous utiliser les fruits de ces méthodes qu'il entend lui-même utiliser pour évaluer le dossier?

M. Marcoux: Si cela est d'intérêt public, cela me fera plaisir de le rendre public.

M. Blank: Mais c'est exactement ce dont je me plains depuis le début de cette commission.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Louis, vous aviez demandé la parole?

M. Blank: Oui. J'ai dit, quand j'ai commencé, que le livre vert était tellement vide de statistiques, d'études, de recherches qu'on n'a rien qu'on travaille dans le brouillard, ici. On nous arrive avec des hypothèses, des théories et on ne sait pas ou on va. Je pense que, quand on a publié ce livre vert, toutes ces recherches, toutes ces données auraient dû être remises avant. On ne peut étudier un problème qu'avec des chiffres à l'appui de toutes les données. Aujourd'hui, on a des opinions personnelles. Moi, je pense. L'autre dit: Moi, je pense. Personne ne sait rien exactement. Après cette commission, après avoir entendu toutes les opinions, le ministre va avoir ces chiffres. Nous autres, pour quelle raison sommes-nous ici, si vous n'avez pas des chiffres en main pour savoir où on va?

Le Président (M. Gagnon): Je remercie l'Association des restaurateurs du Québec et son président. M. Blanche.

M. le député de Viger.

M. Maciocia: Je voudrais remercier, de la part de l'Opposition officielle, M. Moreau pour son mémoire. Une chose dont vous pouvez être assuré, c'est qu'on va collaborer avec le gouvernement, s'il a de bonnes intentions, comme l'a dit tantôt le ministre. Une autre chose dont vous pouvez être assuré, c'est qu'on va travailler de la manière la plus dégagée dans l'intérêt de l'industrie touristique et dans l'intérêt aussi des employés au pourboire. Je considère que c'est une question qu'il faut régler, mais il faut la régler aussi en pensant, comme je l'ai dit tantôt dans mon intervention, non seulement pour la population du Québec, mais pour le gouvernement, à la relance de l'industrie touristique, qui est primordiale, j'irais même jusqu'à dire pour le ministère du Revenu. Vous pourrez être assuré de la collaboration de l'Opposition; on est à votre disposition à n'importe quel moment.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: Je veux vous remercier aussi, au nom du parti ministériel, d'avoir bien voulu nous présenter ce mémoire qui, je pense, exprime très clairement votre opinion. Je suis heureux du fait - je l'ai indiqué, mais je pense que c'est important de le souligner de nouveau - que vous ayez, jusqu'à un certain point, refusé le statu quo et manifesté une ouverture d'esprit face à certaines solutions. Je peux vous assurer que, quelles que soient la ou les solutions que nous devions retenir, nous ferons en sorte que tous les milieux concernés, y compris vous particulièrement qui êtes les maîtres d'oeuvre de l'essentiel de cette industrie, soient impliqués et consultés dans les hypothèses que nous pourrions retenir. Dans mon esprit, l'important c'est que, même si on ne peut pas arriver à une solution qui fasse consensus, tous aient la conviction que la ou les solutions retenues satisfassent aux exigences minimales de chacun des groupes impliqués. Bien sûr, si on peut atteindre l'idéal, on va essayer de l'atteindre, mais, dans la réalité, quelquefois, on ne peut pas atteindre l'idéal. On va essayer d'avoir des solutions qui satisferont au moins aux exigences minimales de chacun des groupes impliqués. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Merci au président, M. Blanche, à M. Moreau et à tous ceux qui vous ont accompagnés pour la lecture de ce mémoire.

J'appellerais maintenant l'Alliance des travailleurs du Québec à venir prendre place. M. Côté, voulez-vous nous présenter ceux qui vous accompagnent? À l'ordre, s'il vous plaît!

Alliance des travailleurs du Québec

Vous pourriez vous asseoir, vous seriez plus près du micro.

M. Côté (Jean-J.): C'était pour présenter mon monde. M. le Président, Mme la ministre, M. le ministre, Mme la députée, MM. les députés, l'Alliance des travailleurs du Québec est une association qui compte parmi ses membres 1700 salariés qui sont groupés sous 20 accréditations émises par le ministère du Travail et qui sont des employés au pourboire. Nous avons également des membres dans certains hôtels, soit dans trois hôtels. Nous avons également des membres dans le "fast-food", particulièrement les

villas du poulet, et l'ensemble de nos membres au pourboire se groupe à l'intérieur des restaurants Marie-Antoinette, qui comptent sur nos 1700 membres environ 1100 salariés syndiqués et nous sommes syndiqués à cet endroit depuis dix ans.

L'expérience que nous avons acquise durant cette période est réelle. Ce ne sont pas des livres, des histoires, des voyages, c'est réel.

M. Marcoux: La répartition territoriale de vos syndiqués, Québec, Montréal et le reste de la province, qu'est-ce que c'est?

M. Côté: C'est particulièrement Québec, Montréal, très peu et le reste du Québec.

Maintenant, si vous me le permettez, je vais lire la première partie du mémoire.

Le Président (M. Gagnon): Juste avant, M. Côté, voulez-vous nous présenter les gens qui vous accompagnent?

M. Côté: Je m'excuse. J'aimerais vous présenter M. Gilles Guay, qui est le président du syndicat, un serveur de 20 ans d'expérience, Mme Larramée, une serveuse de dix ans d'expérience; Mme Ferland, qui a à peu près 16 ou 17 ans d'expérience; M. Bob Carryer, qui a 25 ans d'expérience et qui a mal tourné parce qu'il est maintenant représentant syndical depuis quelque temps pour éviter la question des pourboires, parce que c'en est un qui a été pris par le fisc.

Je dois vous dire aussi qu'au point de vue expérience nous avons reçu mandat d'au-delà de 500 salariés au pourboire que nous défendons devant les ministères du Revenu du Canada et de Québec. Nous avons un minimum de 2000 $ au provincial et 2000 $ au fédéral en réclamations. Je vous dis que, dans tous les cas, presque sans exception, les percepteurs d'impôt nous menacent à tel point qu'on se penserait pris avec des "shylocks" et cela, c'est grave. On nous menace de saisie, on nous menace de tout ce que vous voudrez. On fait à la sauvette des rendez-vous avec nos membres pour leur faire signer des documents qu'ils ne comprennent souvent même pas. Je trouve la situation vraiment dégueulasse. On voit le gouvernement américain aux prises avec le même problème qu'au Québec, le même problème qu'au Canada, qui décide de passer une loi, mais qui ne revient pas en arrière au niveau des cotisations, de l'impôt. On dit: À partir de 1983, mes amis, vous serez obligés de tenir une comptabilité et vous serez cotisés comme les autres travailleurs, au même titre, mais on ne va pas quatre ans et cinq ans en arrière, ce qui est un non-sens, ce qui est d'une rudesse incroyable pour les salariés au pourboire. (17 h 15)

J'ai vu des situations épouvantables. Non seulement cela va jusque-là, mais on est rendu, au provincial, qu'on part après les maris parce qu'ils ont déclaré leur femme sur leur rapport d'impôt. Cela va loin, cette affaire. Je vous dis que cela n'a aucun sens. Nous essayons de passer à la cour parce que nous croyons que nous avons raison; on nous retarde, on nous remet.

Ce n'est pas votre faute; je ne parle pas du Québec. À Ottawa, nous avons une équipe d'avocats, nous avons une équipe de comptables agrées sur place et nous sommes prêts à aller en Cour suprême, s'il le faut. On nous retarde, cela fait presque un an. On ne nous embarque pas dans le système pour faire valoir nos droits. Je trouve cela dégueulasse.

Je pourrais commencer peut-être à la page 2 du mémoire, où je dis que c'est une grave injustice. Le livre vert sur la situation des travailleurs et travailleuses au pourboire reproduit au tableau no 1, page 7, qu'il y a 210 976 emplois dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration au Québec. Seulement 14 000 contribuables ont déclaré des montants reçus en pourboires en 1979, tant au gouvernement provincial que fédéral.

Il est remarquable de constater que la presque-totalité, sinon la totalité des employés au pourboire qui ont fait un rapport d'impôt pour les années 1978-1979 n'ont pas déclaré leurs pourboires reçus comme tels, mais ont plutôt déclaré avoir reçu en pourboires entre 10% et 15% de leur salaire de base. Cette façon de procéder pour les employés au pourboire le fut toujours à la connaissance et souvent avec l'accord tacite des percepteurs d'impôt, tant au provincial qu'au fédéral. C'était devenu pratique courante.

Nous notons, selon les informations officielles et publiques, que les employés au pourboire des restaurants Marie-Antoinette représentent environ 40% de tous les employés au pourboire canadiens qui ont reçu des avis de cotisation d'impôt ou des poursuites judiciaires déposés pour les années 1978 et 1979 par le ministère du Revenu fédéral. Je trouve que cela est un pourcentage royalement fort.

Nous savons que le gouvernement provincial a déjà emboîté le pas contre ce groupe spécifique d'employés au pourboire, celui des travailleurs et des travailleuses des restaurants Marie-Antoinette Inc., ce qui, pour nous, est une grave injustice, inacceptable sur le plan social et humain et cela, c'est l'évidence même. Pourquoi eux et pourquoi pas d'autres au Québec ou au Canada? Quant aux moyens utilisés par les percepteurs de l'impôt présumément dû, dans bien des cas, le langage et la façon d'agir de certains d'entre eux ressemblent parfois, pour ne pas dire souvent, aux méthodes fortes utilisées par des shylocks en quête de

recouvrer sans délai les sommes dues par leurs clients: "Payez dans les 30 jours, allez emprunter à la banque ou ailleurs, ou bien on vous saisit". Voici une phrase type utilisée dans nombre de cas par les percepteurs d'impôt. Cela est inacceptable, surtout lorsqu'on sait que les sommes réclamées de chaque employé au pourboire victime du fisc se situent aux environs de 2000 $. Vous pouvez vous imaginer la panique qu'une réclamation entraîne chez celui ou celle qui en fait l'objet. D'autant plus que l'autre palier de gouvernement réclamera aussi son dû, on le sait et on l'appréhende, dans la plupart des cas, avec désespoir. Il faut savoir que Revenu Canada et Revenu Québec marchent main dans la main. Si c'était partout pareil, cela serait royalement intéressant pour la population du Québec, je crois. Il est temps qu'on fasse quelque chose de ce côté.

Où sont donc l'équité sociale et l'équité fiscale dans le dossier des restaurants Marie-Antoinette et des autres salariés au pourboire visés par le fisc? Où donc est passée l'humanisation des relations entre les contribuables et le ministère du Revenu, objectif de l'honorable Alain Marcoux? Je vous cite exactement. Vous avez prononcé cette phrase, cela a été reproduit dans les journaux, dans le Soleil. Vous l'avez dit à Rimouski la semaine dernière. Je ne trouve pas cela trop trop conciliable dans le moment, tant qu'il n'y aura pas une humanisation de nos relations. Pourquoi donc ne pas passer à l'action immédiatement et humaniser les fonctionnaires, dans le bon sens, dans le dossier Marie-Antoinette et les quelques autres dossiers? N'est-ce pas que cela serait un pas dans la bonne direction?

Les solutions. Les frais de service obligatoires. Depuis le matin qu'on en entend parler. Le pourboire est une pratique qui existe depuis toujours. Pour obtenir un petit avantage personnel, l'homme a une tendance naturelle à verser un don, un pourboire, non compris dans le prix fixé, pour les services rendus, à celui qui donne le service. Cette coutume s'applique à la restauration comme à d'autres secteurs d'activités. Quels que soient les frais de service établis, 10%, 15% ou 20%, peu importe, qui pourraient être ajoutés sur l'addition pour un repas par exemple, le client ajoutera tout de même, en général après un certain temps, son pourboire, comme c'est le cas en Europe, pour obtenir un meilleur service. C'est le cas partout d'ailleurs. Nous constatons que quelques années après avoir établi des frais de service fixes, les Français et les Américains, pour ne nommer que ceux-là, doivent revenir à la source et modifier le système de frais fixes par un système de pourboires contrôlés pour des raisons d'équité sociale et fiscale.

Les Américains ont particulièrement réagi dans ce sens et leurs législateurs ont adopté une loi, sanctionnée par le président Reagan, au cours du mois de septembre 1982, connue sous le nom de "Tax Equity and Fiscal Responsibility, Act of 1982, Conference Report, U.S. Government".

Les informations que j'ai obtenues, je dois en remercier le ministère du Revenu parce qu'elles m'ont été d'une grande utilité. M. Fréchette n'est pas ici. Il a communiqué avec les différents bureaux du Québec aux États-Unis. On m'a sorti la législation de plusieurs États, de même que la législation américaine que nous avons en notre possession et qui nous a permis d'en arriver aux conclusions contenues dans ce mémoire. Nous avons obtenu également, pour environ 15 $ ou 20 $, du gouvernement français, la loi Godard et nous avons obtenu également du gouvernement belge, pour quelques dollars, par téléphone tout simplement, des informations sur une loi qu'il y a là-bas, ce qui n'a rien coûté au gouvernement. Je pense que c'est important dans le contexte, vu ce qu'on lit dans les journaux aujourd'hui. On peut vous dire que cela n'a pas coûté cher au gouvernement, ce mémoire-ci, dans ses dépenses. Je vous en remercie parce que vraiment cela a été d'une grande utilité.

Nous reviendrons un peu plus tard sur cette nouvelle loi qui prendra effet le 1er janvier 1983. Elle est importante, car notre façon de vivre s'approche beaucoup de celle des Américains qui ont vécu le problème des pourboires que nous vivons présentement.

Quant aux avantages et désavantages décrits à l'article 5.1 du livre vert, qui traite des frais de service fixes, nous croyons qu'ils sont bien identifiés et que cette formule pourrait profiter, à première vue, à un certain groupe d'employés au pourboire, particulièrement à ceux qui offrent un service à la clientèle peut-être moins courtois et moins efficace, soit à cause de l'entreprise où ils travaillent ou de leurs qualités personnelles.

Les 15% réclamés à titre de frais de service, ajoutés à l'addition, à être remis au serveur ou à la serveuse, qu'ils soient comptabilisés à partir d'une réduction de 5% de la taxe de vente transférée sur les frais de service, quelle que soit la formule, nous ne croyons pas que ce soit la meilleure solution. D'abord, le service n'est pas le même dans tous les restaurants. Dès lors, il faudrait classifier les restaurants en sept ou huit classes et peut-être plus, avec un taux différent de frais de service. Vous ne pouvez pas, dans un Woolco où le service est "garroché", si vous voulez, exiger des frais de service de 15% par rapport à l'Auberge des gouverneurs - bien elle est en faillite, elle, on n'en parlera pas - ou par rapport au Deauville. Cela n'a pas de sens et je prétends que ces 15% ne sont qu'une entrée en matière, parce que la CSN parle

aujourd'hui d'indexation. Est-ce qu'on va indexer les 15%? On nous parle d'indexation aujourd'hui. Demain, par rapport à l'employé de Woolco - je mentionne cela pour en mentionner un - l'employé du Deauville et du Château Bonne Entente, à cause d'un service bien meilleur, bien plus professionnel, va-t-il demander 20% et 25%? Alors, il n'y aura plus de fin.

Je ne pense pas que ce soit une formule valable. C'est une formule intéressante, remarquez bien, mais cela ne peut pas passer la première étude sérieuse. Remarquez bien que, dans les Marie-Antoinette et dans un paquet d'autres restaurants, si vous arrivez demain matin et que vous me dites: 15% sur les factures, on va applaudir parce qu'on a à peu près 7% ou 8%, nous, sur les factures. Si vous me dites demain matin: Vous allez avoir 15%, à moins d'être malade, c'est clair que je vais être heureux d'avoir 15% sur les factures parce que notre monde va augmenter ses revenus, de toute évidence. Je ne peux pas être contre les 15%.

Mais il faut être prudent. Que va-t-il arriver demain? Ce n'est pas que je sois d'accord avec l'Association des restaurateurs, mais il y a une chose qui demeure, c'est que, si vous augmentez trop vos coûts de restauration, bien sûr, cela va créer des problèmes à un paquet de restaurants. Si cela cause des problèmes aux patrons, bien sûr que cela nous causera des problèmes. On veut être extrêmement prudent et c'est pourquoi nous avons voulu que notre mémoire soit le plus objectif possible. Il aurait été très simple pour nous, si on avait un intérêt à faire de la promotion syndicale, de dire: 15%? Non, pas 15%, 17%. Et tout le monde aurait applaudi. Je pense que ce n'est pas l'objectif que nous avons ici. Il y a un problème de pourboire; on veut le résoudre, comme vous autres, bien plus que vous autres en fait. À partir de là, je pense qu'il faut être prudents dans l'évaluation des 15% "flat", comme on dit, parce que ce n'est pas réaliste, ça ne se tient pas, à mon sens, car on ne pourra pas le vivre. On ne le vit pas en Europe et on ne le vit nulle part. D'abord, le service n'est pas le même dans tous les restaurants.

Il est vrai que, comme Mme Baillargeon l'a dit, il y a des coûts cachés dans les frais de service, des coûts qui incombent à l'employeur, que ce soit l'emplacement, le lieu du restaurant, que ce soit la table, la nourriture. Il y a un paquet de facteurs qui jouent dans ça. À ce moment-là, l'employeur va se retourner et dire: Écoutez, pour mes frais à moi, parce j'ai un maître d'hôtel, j'ai un plongeur de plus et tout le reste, sur les 15% de frais de service, ça m'en prend 5%, parce que j'ai des coûts de 5%. En fin de compte, qu'est-ce qui va nous arriver? On ne sera pas mieux, on va être pire. Je pense que c'est la réalité des choses.

Remarquez bien qu'aux États-Unis on a étudié ce système. Si vous faites une petite enquête, ils étaient à peu près 200 à la commission qui a étudié pendant deux ans pour en arriver à une conclusion. Parce que c'est drôlement important. Cela représente des milliards de dollars. Ils ne se sont pas arrêtés à cette solution. Remarquez bien que je ne connais pas tous les détails, mais je pense que ça vaudrait peut-être la peine de regarder cela et de le regarder sérieusement, parce que les problèmes sont les mêmes qu'ici. Il y a deux paliers de gouvernement, comme ici. On est aux prises avec le fédéral, on est aux prises avec la Loi sur l'assurance-chômage, d'une part, on est aux prises avec la CSST au provincial. Comme aux États-Unis, les avantages sociaux, c'est à l'État que la perception en incombe. Quant au revenu, c'est au gouvernement fédéral, c'est à Washington de l'imposer et de le percevoir. On est un peu dans la même situation par rapport à la situation que nous vivons présentement et aux problèmes que nous avons.

Je pense que je n'apporte pas de solutions. Je ne suis pas un savant. J'apporte tout simplement et bien modestement une expérience de dix ans dans la restauration non pas comme serveur, mais aux prises avec des conventions collectives, avec les problèmes de tous les jours et surtout avec le fisc présentement.

Le pourboire inscrit sur la facture par le client. Il y en a qui l'ont essayé il y a quelque temps à Montréal dans certains restaurants Saint-Hubert et c'est un fiasco total. Cela n'a pas marché du tout. Nous croyons que cette formule est déjà mieux, -c'est mieux que rien, - que les frais de service obligatoires, parce qu'elle laisse au client la liberté de déterminer le pourboire en fonction du service reçu. Toutefois, il faut admettre que des expériences de cette façon de procéder confirment les dires du livre vert à savoir qu'elle risque de créer un système parallèle. C'est bien sûr. En effet, dans les restaurants où les additions sont payées en argent, avec ce système d'inscrire le pourboire sur l'addition, les chances sont que les pourboires, en entier ou en partie, ne soient pas inscrits sur l'addition, mais remis plutôt en menue monnaie au serveur ou à la serveuse, surtout lorsqu'il s'agit d'un client régulier. Nous croyons que ce n'est pas une bonne formule, bien que cette formule soit préférable à la formule des frais de service obligatoires ou au statu quo. Si on institue ça, il est bien clair qu'on ouvre la porte à un système parallèle, soyez bien sûrs de ça.

La déclaration périodique des pourboires par l'employé. C'est la formule qu'on préconise, qui est basée sur le système américain. Je vais vous le donner en français très rapidement. Nous basant sur les trois

principaux critères que la loi proposée pour les employés au pourboire doit contenir, l'équité sociale, l'équité fiscale et l'assurance que l'industrie du tourisme ne soit pas mise en danger, nous croyons que cette formule est celle qui répond le mieux aux trois objectifs recherchés. Je parle toujours en fonction du livre vert. Je ne parle pas en fonction du fait qu'il aurait dû y avoir autre chose dans le livre vert. Je parle de ce que j'ai lu et de ce que j'ai vu et je suis vraiment d'accord avec les objectifs du ministre: les trois obligations premières que nous avons, c'est une équité fiscale, c'est une équité sociale et c'est aussi de s'assurer que l'industrie du tourisme et de la restauration ne soit pas mise en danger.

L'équité sociale. Une telle loi reconnaîtra aux travailleurs et travailleuses au pourboire un statut de salariés au sens du Code du travail par rapport à un statut de travailleurs autonomes, ce qui leur permettrait d'avoir accès et de participer à part entière aux avantages des programmes suivants: l'assurance accident, l'assurance-automobile, l'assurance-accident (CSST), le Régime de rentes, l'assurance-chômage, les normes du travail et les autres programmes dont les avantages sont actuellement comptabilisés à partir du salaire de base du salarié. (17 h 30)

Notre position est très ferme là-dessus. Je ne vois pas pourquoi les salariés, parce qu'ils recevraient des pourboires, ne seraient pas considérés comme des salariés tout court. Je ne vois pas le qualificatif qui les met dans une position drôlement inférieure par rapport aux avantages sociaux. Je ne vois pas pourquoi une entreprise de restauration ne ferait pas honneur à ses obligations sociales vis-à-vis de ses employés. Si on ne peut pas vivre comme cela, en payant la part sociale, bien, batêche! que ceux qui ne le peuvent pas ferment leurs portes. Cela donnera une chance aux autres de continuer. On ne sera pas tellement affecté. Qu'on ne nous fasse pas croire qu'on va perdre nos "jobs" pour cela parce que la restauration est un secteur où

Il y a énormément de mobilité. Si vous avez un volume de 2 600 000 000 $, qu'il soit réparti entre 14 000 restaurants ou entre 12 000 ou 10 000 restaurants, vous aurez le même volume qui nécessitera le même service. Chaque restaurant qui survivra aura plus d'employés parce qu'il y aura plus de volume. Je n'ai absolument pas peur d'une perte d'emploi à cause des 15%, si vous les rendez obligatoires, ou d'une formule qui exige des employeurs le paiement des avantages sociaux pour les montants que perçoivent en pourboires les salariés. Le fait d'être considéré comme salarié, bien sûr, ouvre la porte à un paquet de choses, comme les normes du travail, l'assurance- chômage et tous ces avantages.

On paierait les impôts, c'est sûr, on nous dit de payer des impôts. Bien sûr, payons des impôts, mais qu'on en profite. Tous ceux qui sont ici et qui ne sont pas des salariés au pourboire paient des impôts et profitent de leurs impôts. Qui, dans la salle ici, ne perçoit pas d'avantages sociaux pour ce qu'il doit payer au fisc? Les employés au pourboire. On les impose sur 3,25 $ l'heure et on les paie 3,25 $. Depuis 1978, on leur dit: Mon ami, tu ne gagnes pas 3,26 $ l'heure, tu gagnes 10 $ l'heure et tu dois payer des impôts. Si je paie des impôts, parce que vous me cotisez et que vous m'y obligez, à 10 $ l'heure, donnez-moi les avantages sociaux en conséquence avec les limites qu'il y a. Je pense que c'est cela l'équité sociale, c'est cela l'équité fiscale. Je conçois vraiment mal qu'on soit rendu où on en est actuellement; et d'une façon rétroactive en plus de cela quant aux poursuites qu'on a.

Il est normal qu'un citoyen du Québec, qui retire un revenu de son travail, prenne ses responsabilités vis-à-vis de l'État et lui paie sa part d'impôts comme tous les autres citoyens doivent le faire. Personne ne tique parmi les employés au pourboire là-dessus; personne ne s'oppose à cela. Les travailleurs et travailleuses au pourboire reconnaissent cette obligation qui est la leur, tout comme ils exigent en retour le droit aux divers avantages que leurs impôts doivent leur procurer, comme tous les autres citoyens du Québec. Il en est de même pour le restaurateur employeur qui, comme tous les autres employeurs du Québec, doit assumer envers ses employés ses responsabilités d'employeur dans l'exercice de ses fonctions et attributions normales. Les frais encourus doivent faire partie de ses frais d'exploitation normaux. Les responsabilités de l'employeur sont doubles pour nous: l'employeur doit comptabiliser le total des revenus de son employé, soit le taux horaire payé, les frais de service individuels, les frais de service en pourboires, les pourboires rapportés périodiquement par un employé et les pourboires sur les charges. J'apprenais tout à l'heure - et j'en suis très heureux -que l'Association des restaurateurs ne voit pas de problème à s'occuper de cette partie, et cela prend sa coopération.

L'employeur doit acquitter à l'État sa part entière des frais encourus pour les différents programmes d'avantages sociaux à l'intention de ses employés, lesquels sont généralement plafonnés. Il doit aussi payer à ses employés, selon les revenus réels et rapportés qui leur reviennent, incluant les pourboires, les avantages des différents programmes sociaux accordés par la Loi sur les normes du travail, par exemple. Inutile de dire que l'État devra également s'assurer que les différents régimes sociaux, tels la

CSST, l'assurance automobile, etc., reconnaîtraient les revenus réels incluant les pourboires rapportés pour établir les indemnités et les avantages auxquels les travailleurs au pourboire auraient droit. Voilà, pour nous, les règles du jeu qui établissent une équité fiscale: X revenu égale X impôt égale X avantages pour le salarié au pourboire.

En troisième partie, je pense que l'assurance que l'industrie du tourisme ne soit pas mise en danger, ce n'est pas tellement à moi de le mentionner, mais, tout de même, j'aimerais vous dire que c'est sûrement un critère que nous, de l'Union des employés de restauration du Québec, n'ignorons pas, car le vieux cliché utilisé à toutes les sauces: s'il n'y a pas d'entreprise, il n'y a pas de "boss" et il n'y a pas de "job", se retrouve aussi dans la bouche des nombreux restaurateurs employeurs.

Au Québec, nous sommes particulièrement choyés, car on nous rapporte 17 594 établissements de restauration, soit un restaurant par 500 citoyens par rapport à un restaurant par 1000 citoyens en Ontario et à un restaurant par 1200 citoyens canadiens. C'est la première fois, je crois, qu'on s'entend avec l'employeur sur des chiffres; cela n'arrive pas souvent, croyez-moi. De l'avis général, il y aurait probablement trop de restaurants au Québec, ce qui entraîne automatiquement une concurrence trop grande qui force les restaurateurs professionnels, les vrais, à ajuster leur prix à la clientèle à la baisse, avec, comme conséquence, un profit justifié moindre; trop de concurrence. Bien sûr, normalement, ce seraient les entreprises de restauration les moins bien administrées qui subiraient les premiers coups à la suite d'une hausse du coût de leur part aux avantages sociaux normaux de leurs salariés, ainsi que l'addition de frais, même minimes, d'administration d'une loi exigeant "la déclaration périodique des pourboires par l'employé".

Est-ce que ce serait si désastreux pour l'ensemble des restaurateurs et pour la population, si un millier de restaurants au Québec, par exemple, devaient fermer leurs portes demain? Le volume d'affaires en restauration ne serait pas diminué pour autant et les emplois, qui sont toujours en fonction du volume d'affaires, ne subiraient à peu près pas, pour autant, une baisse. Le seul contretemps serait que les salariés au pourboire seraient déplacés d'un restaurant à l'autre.

Quant à l'industrie du tourisme, nous croyons qu'elle en bénéficierait, car l'élimination possible, disons, d'un millier de restaurants forcerait chaque restaurateur québécois à améliorer la qualité de sa nourriture, de son service, etc. La disparition du marché d'un certain nombre de restaurateurs entraînerait automatiquement une augmentation du volume d'affaires pour ceux qui continueraient leurs opérations, leur permettant d'acquitter plus facilement leurs obligations sociales.

Par exemple, nous de l'Union des employés de restauration du Québec, avons syndiqué en 1972 les employés des restaurants Marie-Antoinette. Cette entreprise, qui fonctionne avec un contrat de travail depuis cette date, a ajouté à ses actifs depuis dix ans huit autres établissements, pour un total, aujourd'hui, de 15 établissements en opération et de 1000 salariés au travail, au lieu des 400 du début.

Ce qu'il est important de retenir, c'est que cette entreprise de restauration s'est développée rapidement, malgré une convention collective de travail qui accorde à ses employés, entre autres avantages sociaux - je n'ai pas tellement parlé d'assurance; oui, j'ai parlé d'assurance, mais c'est un coût vraiment minime dans le fonctionnement - onze congés statutaires payés par année; pleine indexation des salaires au coût de la vie pour les employés des cuisines; six jours de congés-maladie par année; des congés sociaux spéciaux; 25 000 $ d'assurance-vie; un régime de quatre semaines de vacances à 8% des gains après dix ans de service, etc. Malgré cette charge financière que peu de restaurateurs ont à assumer au Québec - je pense que c'est le seul, s'il y en a - cette entreprise s'est développée à un rythme rapide, ce qui nous fait nous demander, en conclusion si les restaurants Marie-Antoinette ont réussi, malgré les frais de leur convention collective, à poursuivre leur croissance, pourquoi les autres restaurateurs ne pourraient pas en faire autant, à moins qu'ils ne soient trop avides de profits et peu soucieux de leurs responsabilités d'employeurs.

Pour ces raisons et pour d'autres encore, ce n'est ni l'industrie touristique, ni les employeurs qui pourraient prétendre souffrir d'une loi qui établirait la déclaration périodique des pourboires par les employés. Bien au contraire, elle raffermirait et professionnaliserait leurs opérations. Malgré les coûts de fonctionnement additionnels qu'une telle loi pourrait apporter, ces prétendus désavantages pourraient être largement compensés par un accroissement de la clientèle, à la suite d'une diminution de la compétition.

La déclaration périodique des pourboires par l'employé, pour nous, tient entièrement compte des trois éléments primordiaux retenus par l'honorable ministre Marcoux pour le dépôt d'une loi sur les pourboires qu'il projette, soit l'équité sociale, l'équité fiscale et l'assurance que l'industrie touristique ne sera pas mise en danger. Nous ajoutons à ceci que la capacité financière

des bons restaurateurs ne sera pas mise en péril par le coût des avantages sociaux accrus.

Je dois dire que, malgré tout cela, nous avons des relations de travail qui sont cordiales, malgré une grève de 30 jours. Nous avons obtenu cela, disons, de façon vraiment civilisée et je ne crois pas, en tout cas, que le fonctionnement des Marie-Antoinette soit en danger parce qu'il y a une convention collective de travail et qu'il y a des avantages sociaux et des salaires plus élevés que la moyenne qui se paie à ces salariés. Si les restaurants Marie-Antoinette peuvent survivre et faire des profits, je me demande pourquoi les autres ne le pourraient pas.

Le pourboire, un revenu de travailleur autonome. Prétendre que le salarié au pourboire est un salarié autonome, par conséquent pas comme les autres, ne correspond pas à la réalité. Je pense que si on pose comme principe que le salarié au pourboire est un travailleur autonome, il faut changer toute la conception de notre affaire. Personnellement, je crois qu'on ne devrait pas faire de discrimination et qu'on devrait considérer le salarié au pourboire comme un salarié ordinaire. Ce n'est pas un salarié à la commission qui se déplace à droite et à gauche pour vendre des automobiles ou d'autres produits. C'est peut-être considéré comme un employé à la pièce, comme dans le textile qui sont des salariés au sens du code, qui travaillent dans un emplacement. Je pense que ce serait les considérer différemment des salariés ordinaires que de les considérer comme des salariés autonomes parce que, en fait, ce ne sont pas des salariés autonomes et on n'a pas le droit de leur imposer une double taxation pour les avantages sociaux auxquels ils ont droit.

Recommandations. Nous avons pris connaissance de la loi américaine "Tax Equity and Fiscal Responsability", laquelle loi prendra effet le 1er janvier 1983 sous l'autorité du gouvernement des États-Unis. Nous retenons quelques éléments de cette loi qui semblent valables, pouvant dans leur ensemble s'appliquer au Québec, tenant compte de nos obligations fiscales envers les gouvernements fédéral et provincial.

Déclarations des pourboires. Chaque salarié américain - là, on parle de la loi qui va exister en 1983, prenant effet à cette date - qui reçoit, dans l'exercice de ses fonctions pour un employeur, des pourboires en monnaie dépassant 20 $ ou plus au cours d'un mois de calendrier doit rapporter tels pourboires sur une ou plusieurs déclarations à cet effet à son employeur. Vous avez une formule dont la distribution est déjà commencée au restaurant. Vous avez cela à la fin du mémoire, à U-1 que je viens d'identifier. C'est la formule qu'on a identifiée comme étant "Employee's Daily

Record of Tips". Il y a deux colonnes. Il y a la colonne des "tips" qui sont directement reçus en argent et la colonne des cartes de crédit ou d'autres façons.

Contenu de la déclaration de pourboires. Un salarié qui reçoit au cours d'un mois de calendrier 20 $ ou plus de pourboires en monnaie doit remettre à son employeur une déclaration écrite, inscrivant son nom, son adresse, son numéro d'assurance sociale, etc., ainsi que le total des pourboires reçus quotidiennement. Sa déclaration doit être remise le ou à une date précédant le dixième jour du mois suivant le mois pour lequel la déclaration doit être faite. En d'autres termes, chaque restaurateur doit remettre au Secrétaire du Revenu des États-Unis, avec son rapport mensuel, le rapport des pourboires perçus par les employés à son service. L'employeur peut exiger plus d'un rapport par mois, par exemple, un rapport pour chaque période de paie, mais aucune déclaration ne doit dépasser une période de plus d'un mois.

Contenu de la déclaration de l'employeur. Les employeurs doivent remettre au Secrétaire du Revenu, accompagnant leurs rapports trimestriels d'impôt sur le revenu et de taxes d'assurance sociale sur les salaires, une liste du total des pourboires en monnaie rapportés par leurs employés. De plus, l'employeur doit inclure avec sa remise trimestrielle la déclaration de pourboires qu'il a reçue de chacun de ses employés. Un employé qui a un revenu de pourboires doit recevoir de son employeur une formule préparée par le gouvernement qu'il doit compléter et remettre à son employeur en indiquant qu'il est à jour ou pas avec le fisc à la date de son rapport.

Les obligations de l'employeur pour les pourboires "chargés". Les pourboires perçus sur une carte de crédit ou le résultat de frais de service individuels ou collectifs, ainsi que le salaire payé au un salarié à pourboire doivent être rapportés au Secrétaire du Revenu par le restaurateur.

Les exigences requises pour certains établissements importants servant de la nourriture ou de la boisson. Rapport au secrétaire. Dans le cas des établissements importants servant de la nourriture ou de la boisson, chaque employeur doit rapporter au secrétaire, pour la période et à la manière qu'il l'exige par règlement, l'information suivante, en rapport avec chaque année de calendrier. Les reçus bruts d'un tel établissement, provenant de la nourriture et de la boisson; le montant accumulé des reçus (autres que les reçus non alloués) inscrits sur une "charge" au client; le montant accumulé des pourboires inscrits sur de telles "charges" au client; la somme du montant accumulé rapporté par les employés à leur employeur et du montant que l'employeur doit rapporter sur les pourboires perçus sur les "charges" de

moins de 10%. En rapport avec chaque salarié, le montant alloué selon le paragraphe c.

Rapport à chaque salarié au pourboire. Chaque employeur décrit au paragraphe A doit fournir, de la manière dont le secrétaire peut l'établir par règlement, à chaque employé d'un important établissement un relevé pour chaque année de calendrier détaillant l'information suivante: le nom et l'adresse de l'employeur; le nom et l'adresse de l'employé; le montant alloué à chaque employé pour les périodes de paye se terminant avec l'année de calendrier. Chaque relevé doit être remis à l'employé durant le moins de janvier suivant l'année de calendrier précédente, pour lequel ce relevé a été fait, comme tous les employeurs le font, d'ailleurs.

Allocation de l'employé de 8% des recettes brutes. On va définir un peu plus loin un important établissement. Pour les Américains, un important établissement, c'est un établissement qui compte dix personnes à son emploi. C'est ce qu'on appelle un important établissement aux États-Unis. L'employeur d'un important établissement pour la consommation de repas ou de boisson doit allouer, comme pourboires aux fins de satisfaire aux exigences de cette sous-section, parmi les employés exécutant des services durant une période de paye, qui normalement reçoivent des pourboires comme revenu, un montant égal à l'excédent de 8% des reçus bruts, autres que les reçus non alloués, d'un tel établissement, une fois la période de paye terminée; le montant accumulé rapporté par de tels employés, pour une telle période. (17 h 45)

Méthode d'allocation. L'employeur doit allouer le montant prévu au sous-paragraphe a): sur la base d'une entente de bonne foi entre l'employeur et les employés; à défaut d'une entente, de la manière déterminée par règlement formulé par le secrétaire. Le secrétaire peut réduire le pourcentage requis à être alloué. Le secrétaire peut réduire, mais pas plus bas que 5%, le pourcentage des reçus bruts requis, à être alloués au sous-paragraphe a), alors qu'il détermine que le pourcentage des reçus bruts constituant les pourboires est de moins de 8%.

Pour les fins de cette sous-section, le terme "établissement important pour la consommation d'aliments ou de boisson", désigne tout commerce ou maison d'affaires ou partie d'icelle: qui procure des repas ou de la boisson; en rapport desquels la remise de pourboires, à des salariés servant des repas ou de la boisson, par les clients est d'usage; lequel, normalement, emploie plus de dix salariés lors d'une journée normale de travail au cours de l'année de calendrier précédente. Évidemment, l'employeur n'est pas tenu responsable pour des allocations erronées des salariés. On exclut, par exemple, des reçus non alloués. Aux fins de cette sous-section, le terme "reçus non alloués" doit être interprété comme étant des ventes à l'extérieur et des services pour lesquels des frais de service de 10% ou plus sont ajoutés.

Conclusion. Il y a un problème certain qu'affrontent présentement les employés au pourboire, le ministère du Revenu et les employeurs-restaurateurs. La solution, c'est une loi dans laquelle chacun des trois partenaires trouvera son compte. Elle ne sera pas parfaite, c'est bien sûr, mais elle devra être réaliste et comprendre les trois éléments principaux: équité sociale, équité fiscale et la protection de l'industrie du tourisme. Nous, de l'Union des employés de restauration du Québec, croyons que le système américain favorise la protection de ces trois principaux éléments. Les erreurs de parcours qui pourraient survenir pourraient être rapidement corrigées par une réglementation facile à modifier rapidement. Pour les salariés au pourboire, le système américain leur permettra d'atteindre deux objectifs principaux: ils paieront périodiquement leur impôt sur le revenu imposable. Leurs pourboires seront inclus. C'est donc à la source, comme tous les autres travailleurs le font, sur leur salaire et autres revenus qu'ils paieront leur impôt. Ils seront des salariés à part entière. Ils bénéficieront comme tels des avantages sociaux que différents programmes gouvernementaux accordent à ces citoyens. Comme dans les entreprises autres que la restauration, les salariés profiteront des contributions des employeurs qui n'assumeront rien d'autre que leurs responsabilités d'employeurs.

Si vous regardez à la fin, il y a différentes formules que j'ai indiquées. Également, j'ai indiqué un texte en anglais que je n'ai pas traduit, qui vient du journal de l'Association des restaurateurs et qui indique la position de l'Association des restaurateurs américains qui est contre la loi Reagan et qui a fait un gros lobby de ce côté. Elle est contre parce qu'évidemment cette association voulait le statu quo. J'ai pensé à l'indiquer pour donner des arguments à ceux qui croient qu'il y a des désavantages marqués dans cette loi. En fonction de notre mandat, nous préconisons ce service. En terminant, je voudrais tout simplement ajouter qu'au cours des douze assemblées que nous avons tenues au cours des dix derniers jours avec des employés au pourboire, à l'exception de quelques salariés à Sherbrooke qui n'ont pas voulu se prononcer, c'est à l'unanimité que les employés au pourboire appuient ce mémoire et sont contre le programme des 15% obligatoires pour tout le monde sur la facture.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: Je vous remercie, M. Côté, de la présentation de votre mémoire. Comme je me suis entendu avec mes collègues pour qu'on prépare ensemble cette commission et pour profiter de leurs conseils, de leurs critiques, de leurs suggestions à cette commission, je me suis entendu pour que le député de Bellechasse vous pose les premières questions, s'il vous plaît;

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Oui, M. le Président. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le mémoire qui vient de nous être présenté et, même si M. Côté vient d'y faire allusion, j'aimerais avoir un peu plus de précisions sur la façon dont vos membres ont été consultés pour finalement opter pour la solution que vous préconisez. Si j'ai bien compris, c'est la solution qui est dans le livre vert, à l'article 5.3.

M. Côté: Oui.

M. Lachance: La forme de consultation?

M. Côté: Nous avons appelé nos membres en assemblée générale. Il faut comprendre que nous avons surtout des employés des restaurants Marie-Antoinette. Nous avons convoqué tous nos membres des restaurants Marie-Antoinette, d'abord, par des assemblées à Québec et par des assemblées dans les différentes régions où il y a des restaurants Marie-Antoinette. Il y a également Curly Joe, par exemple, où nous avons plusieurs membres. C'est la façon dont nous avons consulté nos membres. Nous avons parlé des 15% et il ne semble pas, en tout cas, parmi nos membres - il n'y a pas d'erreur - qu'ils préconisent cette formule de 15% obligatoires sur les pourboires. Maintenant, j'ajouterai que nous représentons beaucoup plus d'employés au pourboire que ceux dont nous parlons, que nous défendons au niveau du fisc. Je vous avoue qu'après des consultations personnelles et beaucoup de discussions, la presque totalité au pourboire qui traitent avec nous - parce qu'on leur donne vraiment ce que nous pensons; ce n'est pas à des fins de propagande - ne veut pas des 15% obligatoires sur les factures.

M. Lachance: Donc, si je me fie à vos propos, M. Côté, il y a bel et bien consensus de votre groupe sur la solution que vous préconisez.

M. Côté: II y a un consensus de presque 100%.

M. Lachance: Merci, sur cela. Vous avez, dans votre mémoire, fait allusion à un problème dont on a beaucoup entendu parler au cours des derniers mois, une espèce de harcèlement dont sont victimes, entre guillemets les employés des Marie-Antoinette d'une façon toute particulière. Est-ce que vous avez cherché à identifier les causes de cette attitude de la part du ministère du Revenu, d'abord, Revenu Canada et, par la suite, Revenu Québec?

M. Côté: La recherche était fort simple. Les restaurants Marie-Antoinette groupent tout de même près de 700 employés au pourboire, c'est déjà un groupe important. Il y a très peu de groupes de cette nature en restauration où il y a tant de gens regroupés à l'intérieur d'une même activité. Il est fort facile pour les ministères du Revenu du Canada ou de Québec, comme l'a fait, d'ailleurs, le ministère du Revenu du Canada, de se présenter chez Marie-Antoinette et de saisir les factures pour les années 1978 et 1979. Les serveurs et les serveuses y sont identifiés. On a calculé les ventes des serveurs et des serveuses. Nous en sommes arrivés à la conclusion que certains devaient 10%, certains 11%, certains 9% en se basant principalement sur les cartes de crédit que les employés avaient reçues pour le paiement de repas ou de boisson et en diminuant de 2%, parce que ce n'est pas une carte de crédit, le reste des pourboires qu'ils ont reçus en argent.

Ce qu'il y a d'aberrant, c'est que, dans des succursales comme les restaurants Marie-Antoinette ou Curly Joe, par exemple, pour ne nommer que ceux-là, il n'y a pas tellement de frais de repas qui sont payés avec des cartes de crédit parce que les montants ne sont pas aussi substantiels que dans d'autres restaurants où il y a un service élaboré. On est parti, par exemple, de serveurs qui avaient peut-être six ou sept cartes de crédit dans un mois, dont les pourboires étaient de 13% ou de 14% et on a dit: Ma fille, tu vas payer 11% parce que tu as perçu 13% sur tes cartes de crédit; c'est ta moyenne et on te facture 11%. On n'a tenu compte d'aucun autre facteur, absolument pas; c'est la façon dont on a procédé. Que le restaurant soit situé à Saint-Hilaire ou qu'il soit situé à Rimouski ou à Sainte-Anne-de-Beaupré - on espérait qu'il y aurait des miracles dans ce coin, mais on n'en a pas eu - c'est toujours la même chose et c'est la façon dont a procédé le fisc.

M. Lachance: Est-ce que vous connaissez des cas qui s'apparentent ou qui sont un peu comparables à la poursuite que le ministère du Revenu a intentée à l'égard des succursales de restaurants Marie-Antoinette?

M. Côté: Est-ce que vous me parlez du provincial ou du fédéral?

M. Lachance: C'est difficile, je crois bien, de faire la distinction.

M. Côté: Non, c'est facile pour nous. M. Lachance: Oui, allez-y.

M. Côté: Oui, c'est facile pour nous, parce qu'en ce qui concerne le fédéral c'est vraiment lui qui est le fer de lance, à toutes fins utiles; c'est lui qui va de l'avant et qui fait les enquêtes, à cause de l'entente qu'il y a avec le gouvernement provincial, nous dit-on. Le gouvernement provincial est entré dans le paquet et nous réclame en fonction de ce qui est payé au fédéral. C'est la façon dont on procède dans le moment.

M. Lachance: Mais, M. Côté, est-ce que vous connaissez à l'égard d'autres chaînes de restauration une attitude comparable?

M. Côté: Non, aucune. Aucune au Canada. Je peux vous assurer que j'ai vérifié mon affaire et je vous dis que nous sommes la seule chaîne qui soit affectée d'une façon aussi brutale par le fisc canadien. Je vous dis que dans l'Ouest il n'y a presque rien. Pendant quelques années en Saskatchewan, Ottawa, a commencé à taper, mais ce n'est pas sur des chaînes, c'est sur des restaurants individuels qu'on tape.

M. Lachance: Vous avez droit à un traitement de faveur.

M. Côté: On a vraiment droit à un traitement de faveur.

M. Lachance: À la page 13 de votre mémoire, vous semblez reconnaître qu'il pourrait y avoir des effets assez importants sur les restaurateurs si certaines mesures étaient prises pour aller dans le sens de vos revendications. Vous mentionnez même le chiffre de 1000 restaurants au Québec. Vous demandez si cela serait si désastreux si ces restaurants devaient fermer leurs portes. Je ne sais pas si vous avez pensé à ce moment-là, M. Côté et votre groupe, aux petites municipalités. Parce que des Marie-Antoinette, il n'y en a pas dans toutes les municipalités du Québec. Moi, je peux vous dire que, dans le comté que je représente, il n'y en a pas, de Marie-Antoinette. C'est dans Bellechasse et une municipalité de 2000 habitants chez nous, c'est gros. Alors, si on serre trop fort le cou d'un grand nombre de restaurateurs, est-ce qu'il y aura des restaurants qui seront capables de subsister dans mon coin? C'est la question que je me pose.

M. Côté: Ecoutez, je ne connais pas les restaurants chez vous d'une façon plus particulière. Je ne peux pas vous répondre vraiment en connaissance de cause dans un cas comme celui-là. Je vous dis que, même s'il y avait un millier de restaurants qui fermaient leurs portes à cause d'une charge accrue causée par les avantages sociaux, les frais que cela entraîne, cela ne serait pas tragique tant que cela au niveau du Québec, au niveau de l'industrie touristique et au niveau des salariés dans l'ensemble. Je présume que dans Bellechasse les restaurateurs doivent être de bons restaurateurs et, si vous ne le croyez pas, n'hésitez pas à me le dire.

M. Lachance: Pas de problème de ce côté-là, M. Côté, ça va bien, sauf qu'on aimerait bien garder ceux qu'on a. Cela cause déjà des problèmes présentement à ce niveau-là.

Vous avez un point important dans votre mémoire, vous y insistez très longuement et personnellement j'ai trouvé cela extrêmement intéressant. Vous vous attardez à la nouvelle loi américaine qui a été sanctionnée il y a deux mois par le président Reagan. Est-ce que vous savez si l'application de cette loi à partir du 1er janvier 1983 aux États-Unis va entraîner une réduction de la taxe sur les repas aux États-Unis?

M. Côté: Bien, de la taxe sur les repas?

M. Lachance: Oui.

M. Côté: C'est une très bonne question, mais la réponse est impossible à donner parce que la taxe sur les repas n'est pas du domaine fédéral aux États-Unis. C'est du domaine de l'État, comme au Canada. Le gouvernement canadien n'a rien à voir avec nos taxes. Peut-être qu'il essaie, je ne sais pas, parce qu'il essaie quelque chose de nouveau tous les jours. Mais, dans ce cas-là, il n'essaie pas à ce moment-ci. Alors, je peux vous dire que j'imagine que ça va entraîner des effets. Au niveau de la taxe? Bien, ça, c'est une autre paire de manches. Ce sont les États. Vous prenez le New Hampshire, par exemple, pour ne mentionner que celui-là, il n'y a pas de taxe de vente. Cela n'entraînera pas une augmentation de taxe à moins qu'il n'en impose une, si c'est ça que vous me demandez.

M. Lachance: Ce que je voulais savoir, c'est s'il y a eu une sorte d'entente entre les gouvernements des États où il y a imposition d'une taxe sur les repas et le gouvernement fédéral de Washington.

M. Côté: Oui, il y a une entente au

niveau des formules. Par exemple, les formules que vous voyez dans le mémoire sont des formules qui sont employées tant au niveau du fédéral qu'au niveau des États, parce que les avantages sociaux sont acquittés par les États. Quant au gouvernement fédéral, sa part ne touche que l'impôt sur le revenu des salariés au pourboire. On se comprend? (18 heures)

M. Lachance: D'accord.

M. Côté: Quant aux États, c'est selon les États. Si vous allez en Californie, par exemple, vous avez des avantages sociaux qui sont intéressants. Vous avez un régime de retraite qui est dispendieux, mais qui est très intéressant. À ce moment-là, il est bien sûr que les frais - on n'a rien pour rien -sont élevés. La partie de l'employeur-restaurateur de Californie pour ce secteur, bien sûr qu'elle augmente parce que, à partir de 1983, il va être obligé de payer sa part de responsabilité comme employeur: 50-50 comme ici ou à peu près. Cela commence à varier un peu, mais, de toute façon, sa partie va lui coûter cher.

M. Lachance: Je vous remercie, M. Côté.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Bellechasse. M. le député de Saint-Louis, avant de vous donner la parole, ça me prend la permission de la commission pour qu'on puisse continuer parce qu'il est six heures. Est-ce qu'on continue ou si on revient avec les témoins?

Une voix: On finit le mémoire.

Le Président (M. Gagnon): On va finir ce mémoire-là?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: M. Côté, je trouve votre mémoire très intéressant. L'application de la loi américaine m'intéresse beaucoup parce que je pense que ce serait un compromis et, de plus, ça vient d'une concertation entre les employés et les patrons.

Une voix: Oui.

M. Blank: Parce que c'est le résultat, comme je l'ai dit ce matin, d'un compromis. Au lieu de couper le "business man lunch" de trois martinis à un martini et demi, ce qui affecterait beaucoup le chiffre d'affaires, fermerait beaucoup de restaurants et entraînerait des pertes d'emplois, des employés de restaurants au pourboire ont décidé de faire cette concertation avec le patron, de payer de l'impôt sur les pourboires et on en est venu à cette loi. Pour moi, c'est un compromis et cela ne touche pas la question du pourboire obligatoire; c'est encore volontaire. Mais le fisc a une façon d'avoir l'équité fiscale et cela ne touche pas tellement à l'équité.

Une voix: Sociale?

M. Blank: Non, cela y touche, parce que cela a des effets, c'est garanti, sur l'équité sociale, et du côté économique, cela ne touche pas le client.

Une voix: C'est cela.

M. Blank: Les Américains ont décidé d'exempter les "fast-foods" et le "takeout" de leur loi et ils exemptent aussi tous les établissements de moins de dix employés. Ici, au Québec, comme l'Association des restaurateurs l'a dit cet après-midi, il y a beaucoup de restaurants qui ont moins de dix employés. Pensez-vous qu'ici au Québec on doive avoir cette loi pour tous les restaurants, sauf pour le "takeout" et les "fast-foods".

M. Côté: D'abord, la question des "fast-foods". Au point de vue des frais de service, il n'y en a pas, il n'y a pas de serveurs au pourboire. Alors, il n'y a vraiment pas de service, mais il y a une chose, par exemple, que je retiens et qui, pour nous, semble extrêmement importante, et on en a des effets directs. C'est que là où on a des restaurants qui sont à côté des "fast-foods", on a beaucoup de problèmes avec la clientèle à cause du privilège qu'on accorde à Me Donald, par exemple, et à tous ces "fast-foods" qui ne sont pas imposés. Cela nous cause vraiment des problèmes. On a vraiment des effets. Prenons le Marie-Antoinette - on est parti sur le Marie-Antoinette. À côté -prenez à Charlesbourg - vous avez un Me Donald qui vient d'ouvrir. Immédiatement, on aura un effet parce que le consommateur épargne ses 10% s'il va au Me Donald, le Marie-Antoinette étant obligé d'imposer 10% sur la facture. Pour 3,26 $, ce n'est pas beaucoup. Si vous payez 3,26 $ dans un Me Donald, vous n'avez pas de taxe; au Marie-Antoinette, vous avez une taxe à payer. Quant à moi, cela nous crée énormément de problèmes et je pense que tout le monde devrait être imposé.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. LeBlanc: Une observation très courte, suivie d'une question. Vous avez fait allusion, M. Côté, plusieurs fois aux restaurants Marie-Antoinette, à la chaîne des

restaurants Marie-Antoinette...

M. Côté: Ce sont les seules syndiqués.

M. LeBlanc: Je me demande s'il y a, dans la région de l'Estrie, par exemple, des restaurants Marie-Antoinette. Je me demande si vous réussirez à convaincre les représentants que nous avons entendus dans le premier mémoire, les employés au pourboire de l'Estrie, d'accepter votre formule, parce que la vôtre est nettement favorable à une déclaration périodique des pourboires, tandis que celle préconisée par les représentants de l'Estrie était plutôt celle du pourboire obligatoire.

M. Côté: Oui.

M. LeBlanc: Quelle est votre position par rapport à cela? Voilà deux groupes d'employés au pourboire qui adoptent une position complètement opposée. Est-ce que vous pourrez, soit un groupe ou l'autre, vice versa, vous convaincre l'un et l'autre d'accepter la même formule?

M. Côté: II faudrait connaître les choses telles qu'elles sont. Vous avez cinq ou six groupes de Pro-Restel, qui est l'antichambre de la CSN à tout événement. Il n'y a rien de mal là-dedans; c'est de bonne guerre. C'est l'antichambre de la CSN. Que vous présentiez un mémoire CSN, cela va être un mémoire CSN, qui s'oppose à nous autres, et ce ne sera pas la première fois, on est en guerre souvent; je n'ai pas de problème avec cela. Remarquez bien que je vous dis sans risque de me tromper: Si ce Parlement, cette Assemblée nationale, nous donne 15% de pourboire obligatoires, dans un premier temps, c'est certain que je vais applaudir. Je vous ai dit tout à l'heure pourquoi. C'est parce que, si vous nous donnez 15% sur le pourboire, indexé pardessus le marché, et puis autre chose à part cela, et un voyage en France, c'est certain que je vais être d'accord. Je vais en vendre, on va en syndiquer des gens dans le secteur, c'est peut-être un bon moyen d'en syndiquer. J'admire la CSN pour cela, c'est un coup de maître qu'elle a fait, mais j'espère que tout le monde va savoir les choses telles qu'elles sont. Je vous le dis et je vous le répète: Donnez-moi 15% sur les factures et je vais voter pour vous autres; ça prend cela, par exemple.

M. LeBlanc: Je pense que c'est une explication qui s'imposait pour clarifier la position de deux groupes de travailleurs...

M. Côté: Non, c'est clair, on a une opposition.

M. LeBlanc: ... qui réclament, qui choisissent des formules différentes.

M. Côté: On voit le groupe CSN qui est allé en Europe; il nous revient, et il nous dit: En France, cela ne marche pas trop, on veut changer; d'ailleurs, la loi Godard est établie depuis 1937. Là-dedans, il y a du salaire, parce qu'à certains endroits, c'est du salaire. Il y a également le pourboire obligatoire pour certains hôteliers et il y a le pourboire tout simplement. Si vous allez en Belgique, c'est un autre système. Il y a le fameux tronc; là, c'est une autre affaire. C'est rendu que tout le monde veut changer cela parce que le tronc, en fin de compte, ce n'est pas le serveur qui en profite; c'est tout le monde autour de lui: maître d'hôtel, "bus boy", enfin tout le "kit".

M. LeBlanc: La formule hiérarchique.

M. Côté: Oui, ils veulent changer. Je peux vous dire qu'il y a un an je suis allé à Nassau où il y a le service obligatoire, et j'y étais en pleine période électorale. Je vous dis que j'ai rencontré plusieurs syndicats qui représentent les employés au pourboire et, là aussi, on veut changer parce que cela ne marche pas. Depuis que l'homme est homme qu'il y a des pourboires; cela existe depuis toujours. Regardez le programme, M. le ministre, vous allez voir qu'il y en a un qui a pris 150 000 $; c'est un pourboire. Cela existe partout. Alors, comment peut-on aller à l'encontre d'un désir humain? On est tous pareils. On a tous tendance à sortir 0,10 $ ou 1 $ ou n'importe quoi. C'est cela, la vie. Et on va nous arriver avec une loi et on va nous dire: Vous avez 15% et vous n'avez plus rien? Bien jamais! Vous allez avec des amis, vous allez vouloir impressionner un électeur et vous allez donner un pourboire au maître d'hôtel parce que vous voulez être bien reçu. C'est normal et personne ne vous en voudra. Vous ne pourrez pas empêcher cela.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Sainte-Anne.

M. Polak: Seulement une question, M. Côté. J'ai bien épluché le contenu de votre mémoire et dans votre avant-propos vous parlez d'un problème grave avec les ministères du Revenu, que vous appelez une aberration. Vu que nous sommes ici et que le ministre est présent, j'aimerais le pousser un peu pour essayer de régler ce problème. Cela ne vous affecte pas seulement, cela affecte beaucoup de travailleurs dans ce secteur. Avez-vous eu des rencontres avec le ministère concernant ce traitement qu'on peut qualifier d'inhumain? Cela n'est même pas une poursuite, c'est une affaire incroyable. Peut-on demander au ministre, avant que vous partiez, de donner une réponse directe devant ceux qui sont

vraiment affectés?

M. Côté: Monsieur, on s'est mis à genoux pour qu'il nous lâche la paix. Il y a à peu près trois semaines, on a reçu un appel d'un fonctionnaire pour nous informer qu'il était après nous autres. Là, il partait après les employés des Marie-Antoinette. Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais cela a tempéré. Au fédéral, ce ne sont pas vos affaires, mais batêche qu'ils sont difficiles. C'est difficile. On est pris avec à peu près 700 employés au pourboire du Québec que nos avocats représentent, qu'ils représentent sans frais, remarquez bien, sans frais. On a des avocats qui croient en une cause et qui sont bien payés par nous autres avec les cotisations des membres, c'est évident. On a un bureau de comptables, on a des fiscalistes. Bonjour, M. Bisaillon.

M. Bisaillon: Vous ne leur donnez pas de pourboires?

M. Côté: On ne leur donne pas de pourboires, qu'on se le dise.

M. Polak: Je ne voudrais pas trop forcer le ministre, mais vu que ces gens sont venus ici, M. le ministre, et vu que le problème est connu de tout le monde, vu que nous avons un nouveau ministre, pourriez-vous donner une indication à ces gens? Ils avaient la paix depuis trois semaines sans doute parce qu'ils sont venus aujourd'hui dans le calme, mais qu'est-ce qui arrivera demain quand ils seront partis? Pourriez-vous leur donner de bonnes nouvelles ou pas?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: On va laisser la parole à votre collègue. J'ai un droit de parole par la suite et je répondrai à votre question.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Viger.

M. Maciocia: Je voulais seulement éclaircir un point. Vous avez dit tantôt que, pour une facture de 3,26 $ chez Marie-Antoinette, on est obligé de faire payer 10% et que, pour la même facture chez

McDonald, on n'est pas obligé de faire payer 10%. Cela me semble un peu étrange. Pourriez-vous...

M. Côté: C'est un "fast-food", ils sont populaires.

M. Maciocia: S'il y a une facture de 3.26 $ chez McDonald, on n'est pas obligé de...

M. Côté: C'est parce que ce n'est pas tout à fait la même situation. Vous allez chez McDonald, de toute évidence, cela ne vous coûtera pas 3,26 $, parce que vous prenez un hamburger, un coke et une patate.

M. Maciocia: Non, je vous comprends, mais, tantôt, vous avez dit...

M. Côté: Un Big Mac coûte 1,90 $.

M. Maciocia: Je ne voudrais pas que les gens se sentent mal informés, car vous avez donné l'exemple exact: Pour 3,26 $, chez Marie-Antoinette, on facture 10%; pour 3,26 $, chez McDonald, on ne le fait pas.

M. Côté: Oui, on fait payer la taxe. Oui, oui.

M. Maciocia: On est obligé? D'accord.

M. Côté: Sauf que je ne connais pas les pourcentages, je ne suis pas dans le secret des dieux de McDonald.

M. Maciocia: Je vous comprends.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre? M. le député de Hull?

M. Rocheleau: Sur la même question, vous dites que, chez McDonald, à 3,26 $, il n'y a pas de taxe, mais si c'est une commande familiale qui monte à 10 $ ou 12 $, il n'y a pas de taxe non plus?

M. Côté: On paie une taxe.

M. Rocheleau: Là, on paie une taxe.

M. Côté: Oui.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez la parole. S'il vous plaît! M. le ministre.

M. Marcoux: M. Côté, lorsque vous parlez à Revenu Québec et aussi que vous parlez à Revenu Canada, puisque je pense qu'on est dans le même bain, je peux vous dire qu'il y a des oreilles pour vous écouter, parce que, depuis le début de la commission, il y a M. Robertson, de Revenu Canada, qui est le directeur général de la vérification qui assiste attentivement à tous nos travaux avec ses collègues et qui, je pense, veut lui aussi profiter du contenu des mémoires. C'est l'occasion de lui souhaiter la bienvenue. On ne peut pas l'identifier parce que vous allez nous soupçonner de faire une liste à ce moment. C'est préférable que monsieur reste inconnu. Je ne voudrais pas faire la première page du Montreal Star.

M. Blank: M. le ministre, je suis déjà sur deux listes et j'en suis très fier. Je suis

sur la liste des péquistes et je suis sur la liste du KGB. J'en suis très heureux.

Le Président (M. Gagnon): Allez, M. le ministre.

M. Marcoux: Pour revenir à la question que vous avez soulevée au tout début de votre mémoire et que d'autres mémoires ont soulevée aujourd'hui concernant ce qui s'est passé depuis 1979 où il y a eu des avis de cotisation d'émis à l'endroit d'un certain nombre de travailleurs et travailleuses au pourboire, je voudrais faire les quelques remarques suivantes. Sans diminuer la gravité de la situation, je crois pouvoir dire qu'en ce qui concerne Revenu Québec, il n'y a pas eu ce qu'on pourrait appeler - je vais m'exprimer aussi clairement que possible -de chasse aux travailleurs et travailleuses au pourboire. Par là je veux dire que jusqu'à maintenant, de 1979 à 1982, nous avons émis environ 800 ou 900 avis de cotisation par l'intermédiaire des services du bureau de Revenu Québec. Évidemment, en plus, il y a eu environ 1350 ou 1500 avis de cotisation émis à la suite d'échanges d'informations qu'il y a automatiquement entre Revenu Canada et Revenu Québec. Sur environ 70 000 ou 60 000 travailleurs, et on connaît la mobilité, en ce qui concerne Revenu Québec, on parle de 900 avis de cotisation, plus les 1350 provenant d'informations reçues de Revenu Canada; je pense qu'on ne peut pas parler de chasse systématique dans ce sens. Je pense que c'est important de le dire et je pense qu'on peut le dire honnêtement sans partisanerie aucune ou sectarisme politique au niveau du Québec. À Revenu Canada, il y a une attitude qui a été développée, qui est de prendre des secteurs de la population; par exemple, on pourrait choisir les ouvriers de la construction, ou d'autres secteurs, ou d'autres catégories de la population. Depuis quelques années, à Revenu Canada, on a pris le secteur des travailleurs et travailleuses au pourboire et on a fait de l'investigation plus poussée en commençant, comme vous l'avez dit, au Québec. (18 h 15)

Au niveau de Revenu Québec, quand je parle des avis de cotisation que nous avons émis, ce n'est pas parce que nous avons commencé une opération spéciale auprès des travailleurs et travailleuses au pourboire. C'est à l'occasion, lorsque nous sommes appelés, à cause des déductions à la source que nous devons surveiller dans les entreprises de restauration, d'hôtellerie ou d'hébergement, ou d'autres vérifications que nous devons faire comme ministère du Revenu dans des entreprises. À ce moment, si nous constatons qu'entre le chiffre d'affaires de telle entreprise et les revenus de pouboires déclarés et cotisés, il y a une différence, nous émettons ces avis de cotisation. Je peux assurer qu'il n'y a pas eu de volonté et de politique d'action systématique auprès de l'ensemble des travailleurs et des travailleuses au pourboire. Cela ne diminue en rien la gravité de la situation humaine que vous avez décrite rapidement et que d'autres m'ont décrite plus longuement depuis un ou deux mois que j'occupe cette fonction.

En fait, lorsque certaines personnes demandent de mettre fin, de suspendre ou d'annuler des avis de cotisation déjà émis, je pense que je dois être absolument clair. Notre principe de fiscalité au Québec et dans l'ensemble du Canada, c'est le principe qui se résume en un mot et qu'on appelle l'autocotisation, c'est-à-dire que chaque citoyen est chargé lui-même de révéler l'ensemble de ses revenus au ministère du Revenu. Lorsqu'un ministère dit: J'ai reçu votre déclaration d'impôt, je vous retourne tant, si je vous dois tant, ou je vous en réclame tant, ce n'est pas le ministère du Revenu qui a la charge de tout trouver et le devoir de révéler ou d'informer un citoyen ou un contribuable de tous les revenus qu'il a eus durant l'année et de lui révéler ses propres revenus. Notre principe fiscal de base est que chaque citoyen a la responsabilité de révéler l'ensemble de ses revenus.

En ce qui concerne les travailleurs et les travailleuses au pourboire, comme d'autres travailleurs à bas salaire, dans l'ensemble, il y a environ 600 000 travailleurs qui sont au salaire minimum au Québec, ils doivent eux aussi révéler l'ensemble de leurs revenus. En ce sens, les avis de cotisation ont été émis et, pas plus que je ne peux, comme ministre du Revenu, annuler des avis de cotisation émis dans d'autres cas par rapport à d'autres types de travailleurs qui vivent aussi des situations difficiles au plan économique actuellement, au plan salarial ou au plan humain, je ne pourrais, comme ministre du Revenu, suspendre ces avis de cotisation.

Là où je crois qu'une bonne partie et même la totalité de vos critiques se justifie, c'est peut-être sur la façon dont on fait ce recouvrement ou sur la façon dont on arrive aux ententes de remboursement au ministère du Revenu. J'entends actuellement des choses qui peuvent me porter à penser qu'on n'utilise pas, en tout cas, les méthodes les plus humaines qui soient. Ce n'est pas déjà drôle de payer de l'impôt; je pense que le minimum auquel on peut s'attendre de la part des fonctionnaires qui sont chargés de percevoir cet impôt - pour eux, ce n'est pas nécessairement une tâche facile non plus -c'est qu'ils le fassent dans le plus grand respect et dans l'attitude la plus respectueuse des citoyens dont ils sont chargés de percevoir les impôts. Je suis

convaincu que la réponse que je viens de donner ne peut être à votre satisfaction, mais je ne vois pas actuellement comment elle pourrait être autre.

En ce qui concerne les autres aspects de votre mémoire, je vais être très bref parce qu'on dépasse déjà le temps d'une vingtaine de minutes. Je peux vous dire que j'ai trouvé rafraîchissante la lecture du mémoire parce qu'il apporte une nouvelle perspective. On voit, dans les trois premiers mémoires, trois perspectives différentes qui sont présentées jusqu'à maintenant. Je crois qu'il faisait appel à une autre expérience étrangère pour arriver à trouver notre voie, notre façon. C'est important de réfléchir sur ce qui se passe en Europe, dans ces différents pays, sur ce qui se passe chez nos voisins américains, dans le reste du Canada comme dans les pays où on va peut-être passer souvent l'hiver, en tout cas certains Québécois, les États-Unis du Sud ou d'autres pays du Sud. Je pense que ces réflexions sur ce qui se passe dans les autres sociétés nous seront utiles. En ce sens, je pense que le point de vue que vous avez amené sur la loi américaine est intéressant et pertinent pour nos débats.

J'aimerais vous poser une question que vous allez peut-être trouver pernicieuse, mais j'aime autant la poser directement, puisque, ce matin, il y a eu des allusions concernant le fait que certains syndicats qui représentent des employés, des travailleurs au pourboire sont ce qu'on pourrait appeler des syndicats de boutique. Même si le mot n'a pas été dit, c'est cela que cela voulait dire dans le langage populaire. Je savais que les employés des Marie-Antoinette étaient syndiqués, mais je n'ai pas de connaissance historique de votre association syndicale, de votre regroupement de syndicats. Par rapport à cette question du syndicalisme des gens que vous représentez, vous êtes, si j'ai bien compris, une association indépendante, c'est-à-dire que vous regroupez...

Une voix: Comme M. Bisaillon.

M. Marcoux: ... une trentaine ou une vingtaine de syndicats de base... C'est cela... depuis une dizaine d'années, en somme.

Une voix: C'est cela.

M. Marcoux: C'est sûr que des syndicats de boutique existent dans certains secteurs industriels. Je voudrais voir dans quelle mesure cette affirmation qu'on aurait pu faire à votre endroit - en fait, on n'a visé directement personne - pourrait vous viser. Je vais vous poser une autre question; vous répondrez aux deux en même temps. Vos gens sont syndiqués depuis quelques années. Quels sont les avantages pour les travailleurs et travailleuses au pourboire?

Vous avez parlé des avantages pour ceux qui travaillent aux cuisines, les autres employés que vous syndiquez, mais pour les travailleurs et travailleuses au pourboire, serveurs ou serveuses, quelle est la situation quant au salaire, par exemple? Est-ce le même salaire minimum? Quels sont les autres avantages qu'ont ces employés qu'ils n'auraient pas s'ils n'étaient pas syndiqués?

Le Président (M. Gagnon): M. Côté.

M. Côté: Quant à la question concernant les syndicats de boutique, c'est vraiment drôle de constater que la personne qui a mentionné ce fait, Rita Baillargeon, est précisément celle qui est venue nous chercher pour représenter les employés des Marie-Antoinette à Sherbrooke. C'est la première des choses. Nous ne sommes pas un syndicat de boutique. Effectivement, nous sommes partie contractante et la seule partie contractante pour 17 000 agents de sécurité au Québec. Nous sommes le seul syndicat qui ait osé touché à cela, parce que c'est trop compliqué de toucher à la restauration. On ne va pas dans le secteur secondaire; on ne va pas dans le secteur primaire; nous nous tenons là où personne ne veut aller. C'est bien sûr que, quand vous essayez de négocier des conventions collectives dans le secteur tertiaire, c'est drôlement plus difficile dans un secteur vierge que dans le secteur secondaire ou dans le secteur primaire.

Qui plus est - vous recevrez bientôt la FTQ - je dois vous dire que nous sommes liés par un contrat de services avec la FTQ, que nous n'avons pas de maraudage et que nous avons quatre permanents de la FTQ qui travaillent à temps plein chez nous et qui sont des métallos, ceux qui sont mis à pied, incidemment, à cause des fermetures. Nous ne sommes pas un syndicat de boutique. La CSN, par contre, parce que Pro-Restel - je vous le dis, ce n'est pas une farce - c'est l'antichambre de la CSN. Parce que les employés au pourboire ne veulent pas de la CSN tout de suite comme cela, ils passent par Pro-Restel. C'est l'argument de base tout le temps, tous les jours, de la CSN de dire: L'alliance, c'est un syndicat de boutique, comme elle le dit d'autres organisations. Il n'y a pas de problème, cela fait partie des règles du jeu. Cela nous rentre par une oreille et cela nous sort par l'autre. C'est vrai que cela fait dix ans qu'on regroupe les Marie-Antoinette. On sort d'une grève de trente jours. Peut-être qu'on est un syndicat de boutique, mais on a couché dehors, en tout cas, si on a couché avec le patron, parce qu'un syndicat de boutique, c'est quelque chose comme cela. Il faisait froid à part cela, et il y a eu des dommages et des problèmes. On a une convention collective.

M. Marcoux: Quels sont les avantages pour les travailleurs et travailleuses au pourboire qui sont syndiqués par rapport aux autres travailleurs?

M. Côté: J'ai particulièrement spécifié les avantages d'ordre pécuniaire dans le mémoire.

M. Marcoux: Je vais regarder.

Le Président (M. Gagnon): D'accord.

M. Côté: Je peux ajouter aussi passablement d'avantages.

Le Président (M. Gagnon): Je remercie M. Côté. Merci à l'Alliance des travailleurs du Québec de son mémoire.

À la reprise de nos travaux à 20 heures, nous entendrons l'Association des hôteliers de la province de Québec et les associations locales de Montréal, de Québec et des Laurentides.

M. Blank: M. Côté, au nom de l'Opposition, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): La commission permanente du revenu suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 25)

(Reprise de la séance à 20 h 04)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous accueillons ce soir l'Association des hôteliers de la province de Québec et les associations locales de Montréal, de Québec et des Laurentides. J'inviterais M. François Drapeau, président de l'Association des hôteliers de la province de Québec, à prendre place et à nous présenter ses invités. M. Drapeau.

Association des hôoteliers de la province de Québec

M. Drapeau (François): Bonsoir, M. le ministre. Il me fait plaisir de vous présenter, à mon extrême droite, M. Michel Bélanger, qui est le président de l'Association des hôteliers du district de Québec; à ma droite, M. Jean-Louis Rameau, qui est le directeur général de l'Association des hôteliers de la province de Québec et également le vice-président exécutif de l'Association des hôtels de Montréal métropolitain; à mon extrême gauche, Mme Charlotte Hovington, qui est propriétaire de l'hôtel Jean-Dequen, à Jonquière, et, à ma gauche, M. Jean-Pierre Prud'homme, président de l'Association des hôtels du grand Montréal.

Après la prise de connaissance des différents mémoires qui vous ont été présentés au cours de la journée, nous avons décidé tous ensemble de vous présenter un bref mémoire afin d'éviter une reprise de tous les propos qui ont été exposés ici aujourd'hui. Bref, la problématique est la suivante: l'employé au pourboire ne veut pas payer l'impôt sur les pourboires mais désire bénéficier des avantages que confèrent l'assurance-chômage, l'assurance-maladie, la Régie des rentes, et j'en passe.

Les principes fondamentaux à reconnaître sont les suivants: les lois et règlements de l'impôt sur le revenu doivent s'appliquer à tous les contribuables de façon identique. Le pourboire est un acte libre, posé par les clients et un privilège accordé aux employés au pourboire. La non-perception des impôts dus ne doit pas être imputée aux clients consommateurs. Les employés au pourboire ont un droit légitime aux avantages sociaux disponibles aux autres travailleurs dans la mesure où ils participent financièrement au coût de ces régimes. Lorsque nous avons fait des consultations régionales au cours des derniers six mois, et plus principalement lorsque nous avons tenu notre congrès semi-annuel à Drummondville, au cours du mois de septembre 1982, nous avons discuté avec l'ensemble des membres présents de l'Association des hôteliers de la province de Québec différentes options qui pourraient être apportées.

La première, bien entendu, est le pourboire obligatoire. Nous croyons que ce mode de rémunération n'est pas équitable parce qu'il va à l'encontre des principes ci-haut mentionnés et plus principalement du principe de l'acte libre posé par le client envers un employé qui lui a rendu un service. Deuxièmement, parce qu'il constituera une augmentation très évidente pour le consommateur. Troisièmement, parce que le pourboire, selon sa définition, est toujours offert en fonction d'un service rendu à un client et il n'est pas nécessairement toujours justifié parce qu'il supprime le service personnalisé et détruit en même temps la motivation des employés qui travaillent dans ce secteur particulier, parce qu'il est discriminatoire envers les autres employés du même service d'un même établissement et parce qu'il causera certainement un ralentissement important de l'économie québécoise.

Deuxièmement, nous avons étudié la possibilité d'un pourboire facultatif inscrit sur la facture par le client, selon la coutume que nous connaissons présentement. Nous croyons que cette solution est valable dans le cadre des prémisses ci-haut mentionnées.

Troisièmement, nous avons étudié la possibilité d'une déclaration périodique des pourboires par l'employé. Nous considérons cette solution comme valable pour autant que la procédure administrative pour la

comptabilisation desdits pourboires ne soit pas une charge trop lourde pour le patronat.

Quatrièmement, nous avons considéré le pourboire comme un revenu de travailleurs autonomes. Les employés assument donc toutes les responsabilités vis-à-vis du gouvernement et la décision leur appartient.

Bref, l'Association des hôteliers de la province de Québec recommande que la déclaration périodique des pourboires par les employés soit la solution retenue et telle est la conclusion des périodes de recherche que nous avons faites au cours des derniers mois. Nous avons préféré présenter un mémoire sobre, court, précis, afin de donner à chacun d'entre vous la liberté de nous poser des questions. Nous réalisons fort bien qu'aujourd'hui vous avez discuté d'un paquet de problèmes et d'un paquet de solutions en même temps, mais nous réalisons également que c'est la première fois ou presque que le monde de l'hôtellerie en soi sera interrogé sur ce sujet bien particulier. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Drapeau. M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le ministre, est-ce que vous prenez la parole au début?

M. Marcoux: Je voudrais vous remercier, M. Drapeau. Je reviendrai tantôt avec quelques questions, mais, comme je l'ai indiqué cet après-midi, dans le but d'associer mes collègues à l'ensemble de cette réflexion, je vais demander au député de Montmagny-L'Islet de vous poser les premières questions ou de faire les premiers commentaires.

M. LeBlanc: Merci, M. le Président. Je vous salue, messieurs les représentants des hôteliers du Québec. Je remarque tout d'abord que la première constatation que l'on peut faire de votre rapport, c'est qu'il est, sur papier, très court. Cela nous laisse la possibilité de poser et cela provoquera aussi de nombreuses questions, que ne manqueront pas de vous poser mes collègues autour de cette table. Je suis tout de même convaincu que l'étude de la question a été approfondie dans un sens inversement proportionnel à l'épaisseur de votre dossier.

Vous êtes un employeur important de travailleurs au pourboire et je voudrais d'abord vous demander combien il y a de membres dans votre organisation, dans votre association d'hôteliers. Compte tenu que vous avez éliminé, à toutes fins utiles une des quatre hypothèses suggérées, qui est celle du pourboire obligatoire, sur lequel vous apportez de l'argumentation, les trois autres hypothèses, par contre, vous les qualifiez de valables et je crois comprendre que vous en privilégiez une. J'aimerais que vous élaboriez un petit peu plus le jugement que vous avez porté sur les trois autres en les qualifiant de solutions valables en ce qui a trait à celle des déclarations périodiques, de même qu'au pourboire facultatif inscrit sur la facture. Quelle est votre position par rapport à toutes les complications qui ont été évoquées aujourd'hui relativement à l'une ou l'autre de ces hypothèses, relativement au surplus, entre autres, du fardeau administratif que cela vous impose, je crois, dans le même sens qu'à l'Association des restaurateurs, qui a comparu cet après-midi? J'aimerais vous entendre nous expliquer un peu plus les points qui vous font favoriser une option, une hypothèse plus que l'autre?

M. Drapeau: Pour répondre à votre première question, au Québec, il existe approximativement 300 établissements hôteliers, établissements reconnus par le service de l'hôtellerie de la province de Québec. Ces 300 établissements hôteliers au Québec ont un membership - vous me permettrez cet anglicisme - de 255 participants pour l'année 1981-1982. Au moment même où on se rencontre ce soir, nous avons atteint un taux d'accomplissement de l'ordre de 65% au niveau des cotisations envoyées pour l'année 1982-1983. De ces 300 établissements, il existe à Montréal, entre autres, par l'entremise du regroupement de Jean-Pierre, l'Association des hôteliers de Montréal métropolitain qui, elle, regroupe environ 36 membres représentant 11 000 chambres. Je mentionne le secteur de Montréal et je mentionnerai le secteur de Québec également parce que vous comprendrez bien que les établissements hôteliers de la région de Montréal tout aussi bien que les établissements hôteliers de la région de Québec constituent quand même un facteur très important au Québec puisqu'il s'agit de la masse des chambres d'hôtel disponibles dans la province de Québec.

Dans la ville de Québec, vous avez 64 membres. C'est une association qui a pris naissance il y a quelques années déjà et, après quelques années d'existence, on retrouve un certain regroupement, une solidarité exceptionnelle pour la région de Québec.

Alors, au Québec, on parle de 255 établissements hôteliers, grosso modo, qui ont adhéré, selon les règles et les normes de la cotisation, à l'Association des hôteliers de la province de Québec.

M. Marcoux: Sur un potentiel de combien?

M. Drapeau: 300 environ, qui est le potentiel exprimé par le biais du service de l'hôtellerie du Québec. Pour qu'un établissement hôtelier au Québec puisse être reconnu comme tel, il faut, bien entendu, que cet établissement réponde à certaines normes de sécurité quant au service du bar,

au service de la restauration et au service des chambres. (20 h 15)

Le Président (M. Gagnon): M. le député de...

M. Drapeau: Cela répond à votre première question. Quant à la deuxième question, si vous me le permettez. Vous savez sans doute que le pourboire, et je pense que des gens l'ont très bien exprimé au cours de la journée, cela a des effets directs. Cela a comme effet d'augmenter fondamentalement le taux de l'ordre de 15%. Je pense que c'est clair. Il s'agit d'une majoration de masse de l'ordre de 15%. L'expérience que certains pays européens ont connue n'a pas pour autant atténué les frais de service ou la forme de pourboire, bien entendu, pour un service donné. Alors, nous croyons que le pourboire aura pour effet, du moins dans le monde de l'hôtellerie, d'augmenter d'une façon globale le coût des ventes présentement de l'ordre de 15%. Or, vous savez sans doute qu'au Québec, présentement, la situation du tourisme n'est pas reluisante, et pour toutes sortes de raisons. Une raison fondamentale, c'est qu'il en coûte présentement très cher de se loger au Québec, de bouffer au Québec, pour toutes sortes de causes que vous connaissez sans doute également. Nous croyons qu'il n'est point opportun, à ce moment-ci, de majorer de 15%, un marché en perte de vitesse. Nous pensons qu'il s'agit là d'une décision qui n'est absolument pas sage. Si nous remarquons le coût de séjour au Québec dans des établissements hôteliers par rapport au coût de séjour dans de pareils établissements, dans d'autres provinces canadiennes ou encore aux États-Unis, je pense qu'il n'y a pas lieu d'augmenter davantage la facture. S'il y a des frais de l'ordre de 15% qui sont majorés, nous avons l'impression que c'est le consommateur qui, finalement, devra payer pour ces frais. Au niveau du pourboire obligatoire, il nous apparaît tout à fait évident que cela aura pour effet direct de nous placer hors marché. Or, vous savez sans doute qu'une ville, par exemple, comme Québec, est munie d'un centre de congrès qui ne fonctionne certainement pas, en termes d'occupation, selon les estimations originales. Présentement, Montréal est en train de compléter son centre des congrès et je pense qu'il serait peu sage, à ce moment-ci, de surtaxer des congressistes qui viennent tenir des congrès dans la région de Montréal en faisant payer à chacun de ces congressistes 15% de plus sur la facture. Telles sont les raisons qui, à notre sens, sont majeures. Encore une fois, nous croyons que, présentement, faire du tourisme au Québec, cela coûte énormément cher et qu'il n'y a pas lieu d'en augmenter le prix. C'est la principale raison pour laquelle nous n'avons point retenu la première possibilité.

Quant à la deuxième possibilité, qui est le pourboire facultatif inscrit sur la facture par le client, nous croyons que ce mode de rémunération est valable puisqu'il permet fondamentalement au client de remercier d'une façon tangible un employé pour un service qu'il a rendu. Bien entendu, on nous dit très souvent qu'en Europe, cela existe et que les gens sont maintenant habitués à cela. C'est vrai, sauf que j'aimerais bien qu'on compare le salaire d'un garçon de table ou d'une serveuse de table d'un établissement hôtelier européen au salaire du même garçon ou de la même fille de table d'un établissement hôtelier au Québec, en incluant, bien entendu, tous les avantages sociaux qui viennent s'y greffer par le biais des négociations collectives ou par le biais d'ententes particulières qui existent entre des patrons et des employés non syndiqués.

Passons à l'élément 4. Il est bien entendu que considérer le pourboire comme le revenu d'un travailleur autonome, c'est dire à un employé: Bonhomme, on t'a donné, par le biais de certaines lois, la possibilité de faire un revenu intéressant. Vous savez sans doute qu'il y a certains directeurs généraux dans certains, et je dirais même la plupart des établissements hôteliers au Québec, qui doivent voir à l'administration de l'hôtel, à sa bonne gestion, aux relations avec les employés, aux achats, à la comptabilité, enfin, à l'administration globale d'un hôtel. Le même directeur général, c'est une question de choix, bien entendu, gagne bien souvent moins cher présentement qu'un employé au pourboire au Québec.

L'autre élément que nous trouvons valable, puisqu'on vit dans une société qui évolue et qu'il faut, à l'occasion, essayer d'éliminer le statu quo, c'est que nous croyons que, s'il y a moyen de comptabiliser d'une façon efficace le pourboire versé à des employés, nous sommes très réceptifs à des changements de ce côté, mais il ne faudrait pas que la responsabilité totale en incombe à l'employeur. Il demeure qu'on peut facilement vérifier, par le biais des cartes de crédit, par le biais des comptes de cartes maison ou des crédits maison ou par le biais des factures banquet ou des factures mariage, la partie des pourboires qui revient à un employé donné pour une fonction donnée ou même pour une section donnée ou une table donnée. Malheureusement, il nous sera fort difficile de comptabiliser le pourboire de 5 $ qui est donné au portier, le pourboire de 5 $ qui est donné au chasseur ou le pourboire de 5 $ qui est donné à un employé de main à main.

Malheureusement, dans un établissement hôtelier, nous avons une certaine quantité de nos employés qui sont au pourboire et nous avons également certains de nos employés

qui ne le sont pas, qui sont ce qu'on appelle communément des employés à caractère de production. Quand je pense à la production, je crois que le pâtissier qui est dans la cuisine en train de préparer un banquet a certainement autant de mérite que l'employé qui le sert dans la salle. Il existe des disparités de ce côté et nous sommes tout à fait convaincus que venir renchérir ces disparités aurait nettement des effets négatifs sur l'ensemble de l'opération d'un établissement hôtelier. Grosso modo, ce sont les raisons qui nous ont incités à rejeter les trois options que vous m'avez demandé de vous expliquer.

M. LeBlanc: Je reviens sur la première que vous rejetez la plus carrément, le pourboire obligatoire. Vous mentionnez que vous allez devoir majorer vos prix de 15%. La répercussion chez votre client n'est pas nécessairement de 15% par rapport à ce qu'il déboursait auparavant. Si ce client laissait déjà un pourboire de 15%, pour lui, c'est la même chose, mais si, auparavant, il ne laissait pas 15% de pourboire ou 8% ou 10%, pour lui, c'est une augmentation, mais, pour le client qui laissait déjà 15%, c'est la même chose. Votre prix est majoré, mais cela comprend tout.

M. Drapeau: Je n'ai le goût de faire la leçon à personne, sauf qu'en hôtellerie il existe deux frais fondamentaux: le premier est un frais fixe, il est là; le deuxième est un frais variable. Là, où, pour un hôtelier, cela devient très difficile de contrôler notre opération en perte de vitesse, c'est au moment de contrôler nos frais fixes, parce qu'ils sont là. Un frais variable, c'est un employé "banquet", comme on l'appelle. Tu prends le téléphone, et tu lui dis: "Bonhomme, viens-t-en, on a un banquet ce soir à la dernière heure; tu te présentes, pas de problème". Cela ne crée pas de problème pour un hôtelier parce qu'on t'impose un frais au moment où tu as du volume. Le problème qui existe dans un hôtel, contrairement à plusieurs entreprises que je connais, c'est que, malheureusement, si un hôtelier a 150 chambres et sait que, les six prochains mois, il va en avoir 62 d'occupées, il ne peut pas dire: Je vais jouer avec mon inventaire de chambres, et je vais en libérer une cinquantaine, je vais mettre cela de côté, parce que je n'en ai pas de besoin pour les six prochains mois. L'hôtelier doit, de par ce qu'est un hôtel, absorber des frais fixes considérables. Nous considérons que si le pourboire, de quelque façon que ce soit, devait renchérir le salaire qui est déjà payé au Québec à un employé au pourboire il reste que les employés au pourboire de la province de Québec ne sont pas nécessairement les employés les moins payés au Canada. On peut, bien entendu, inclure les États-Unis, parce que le tarif est nettement inférieur aux États-Unis à ce qu'il est dans bien des provinces canadiennes. Si donc on admet au départ que le pourboire est un acte libre, que c'est un acte qui intervient entre un client et une personne, oublions la notion de l'employé et parlons de la personne, parce que si le pourboire existe pour des employés à service, cela existe également pour tout un autre groupe de personnes dans le monde qui ne sont pas nécessairement des "waiters" ou bien des "waitresses". Un pourboire est donc une façon personnelle de reconnaître un service qui nous a été rendu et là on parle des employés d'hôtels et de restaurants. Mais si on en vient à tirer une ligne, on dit: Maintenant, cela coûte 20 $ pour manger, mais ça ne coûte pas 20 $ pour manger, parce que ça coûte 23 $ pour manger. La réaction de l'employé, c'est qu'on vient de lui permettre de faire 3 $. Parfait. Mais on ne supprime pas pour autant le geste. On a connu cela, principalement au niveau des banquets. Si, par exemple, un d'entre vous mariait sa fille dans un établissement hôtelier, on vous chargeait 15% pour le service - cela a été discuté aujourd'hui - mais qu'est-ce que cela a eu comme effet? Cela n'a pas eu l'effet d'améliorer la qualité du service dans les salles de banquet, cela a eu pour effet qu'au lieu d'avoir du bon café, vous avez maintenant du Moka Mate et, au lieu d'avoir du jus frais, vous avez maintenant du jus en conserve. C'est ça le résultat, mais cela n'a pas amélioré pour autant le service particulier offert au niveau d'une salle de banquet.

M. LeBlanc: Vous avez fait allusion tantôt, M. Drapeau, au marché des congrès, congrès internationaux, congrès mondiaux, enfin tous les congrès à votre portée. Je pense que, dans ce domaine, il y a beaucoup de soumissions. Laquelle des quatre options, par exemple, a le plus d'influence sur le processus des soumissions pour ces groupes imposants de congrès?

M. Drapeau: C'est que...

M. LeBlanc: C'est parce que vous faites un prix à forfait, qui comprend la chambre...

M. Drapeau: Si on pense à un directeur d'association, par exemple, des États-Unis -heureusement, le bon Dieu a été bon pour nous autres, on a enlevé la loi 121 ou 721 qui venait nuire énormément aux congrès au Québec - suivons le processus de ce directeur d'une association américaine qui doit prendre une décision fondamentale. Premièrement, est-ce que son congrès il le garde aux États-Unis, parce que lui aussi est aux prises avec un certain sentiment nationaliste? Il est aux prises avec cette

décision. Deuxièmement, il va devoir prouver à son exécutif qu'il est préférable d'aller au Québec - parce qu'on parle du Québec. Il va devoir arriver avec des arguments autres que l'hospitalité québécoise, autres que le charme de la ville de Québec ou de la ville de Montréal. Il va falloir que le bonhomme puisse faire faire un exercice mathématique à son directeur d'association et lui dise: Écoutez, on va là, cela coûte tant. En plus de cela, on bénéficie de la dévaluation de l'argent, cela nous coûte tant, cela nous avantage d'aller dans la province de Québec.

Mais si, en ce qui concerne les marchés du congrès, on vient renchérir les frais tout d'un coup de 15%, c'est comme si on acceptait bêtement de dire: Cela coûte tant, cela coûte 100 $ par jour, mais, à partir de la semaine prochaine, cela coûtera 115 $ par jour. Il doit donc se justifier devant son directeur d'association.

Je ne veux pas que vous perdiez l'idée que tenir un congrès au Québec coûte excessivement cher; c'est d'ailleurs un des gros problèmes qu'on vit dans la province de Québec présentement. On a des coûts d'exploitation nettement élevés pour toutes sortes de raisons que vous connaissez aussi bien que moi. On doit se battre contre cela et on doit se battre aussi contre des frais de transport aérien qui, aujourd'hui, viennent se greffer quand même à un marché de congrès. (20 h 30)

Si le bonhomme tient un congrès avec des associations américaines et que cela a lieu à Québec, c'est bien évident que tout le monde arrivera à Québec en avion. Vous êtes certainement allés aux États-Unis dernièrement; cela coûte plus cher de Québec à Chicago que de Québec à Paris.

Vous allez me dire que cela n'a rien à voir avec l'hôtellerie, mais cela a tout à voir avec l'hôtellerie, parce que cela fait partie d'un monde qui s'appelle le voyage et cela fait partie d'un monde qui s'appelle le tourisme, et comme le pourboire en fait partie cela fait partie des coûts inhérents à cette fonction.

M. LeBlanc: Comme éventuel plus bas soumissionnaire, comme hôtelier - un d'entre vous - dans le plus bas prix que vous faites dans votre soumission, c'est évident que le service n'est pas compris et le client le sait?

M. Drapeau: C'est exact.

Le Président (M. Gagnon): M. Drapeau, avant de vous redonner la parole, serait-il possible de vous demander de raccourcir un peu vos réponses de façon que d'autres aient aussi le loisir de vous poser des questions? M. Drapeau.

M. Drapeau: Ce sont de petits mémoires, mais de longues réponses.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: M. Drapeau, quand vous avez préparé votre mémoire sur les employés au pourboire, avez-vous pensé à tous les employés au pourboire dans nos hôtels, c'est-à-dire les chasseurs, les portiers, les filles de chambre ou seulement aux garçons et aux filles de table?

M. Drapeau: Dans un hôtel - prenons un hôtel disons de congrès - de 300 chambres et plus, on peut vous confirmer qu'au-delà de 45% des employés sont des employés au pourboire. Cela veut dire que si vous affectez le tarif de 15%, vous venez d'affecter la masse salariale d'autant.

M. Blank: Ici, dans votre mémoire, il semble que vous favorisez la troisième solution plus que les autres. Vous dites ici: "Pour autant que la procédure administrative ne devient pas un fardeau excessif pour les patrons". Je comprends cela. Si vous vous souvenez, quand l'Association des restaurateurs est venue ici, elle a parlé elle aussi de la contribution du patron aux avantages sociaux. Est-ce inclus dans vos procédés administratifs ou si vous calculez que vous ne faites aucune contribution ou que vous faites votre contribution?

M. Drapeau: Si je comprends bien le sens de votre question, vous me demandez, si le pourboire est déclaré sur une base de trois mois, par exemple, quelle serait la participation de l'employeur aux avantages sociaux? Est-ce exact?

M. Blank: C'est cela.

M. Drapeau: Cela ne change en rien la participation de l'employeur, parce qu'on part du principe que l'employé a des responsabilités sociales qu'il doit lui-même assumer; comme employeurs, nous l'assumons dans les faits présentement.

M. Blank: Vous déduirez une partie de la taxe que doit payer l'employé, mais vous n'ajouterez pas des bénéfices sociaux?

M. Drapeau: Selon ce qui avait été décidé à l'époque par l'entremise du ministère du Revenu, mais, selon nous, il ne s'agit pas de cotiser l'employé, il s'agit de donner - si le ministère du Revenu l'exige -des informations pertinentes...

M. Blank: Enfin, c'est seulement l'information que vous donnerez. Vous ne faites aucune autre chose. C'est seulement l'information que vous donnerez.

M. Drapeau: Exactement.

M. Blank: C'est la solution dont vous parlez, ce n'est pas la solution américaine dont on a parlé ici aujourd'hui?

M. Drapeau: Non.

M. Blank: Est-ce que, si on impose la solution américaine en disant: Est-ce que cela va augmenter vos prix? vous aurez le même problème avec les touristes et les congrès?

M. Drapeau: Le problème du touriste, c'est facile à évaluer. Plus cela va coûter cher, plus il va aller ailleurs. On le vit d'ailleurs présentement, il ne faut pas se leurrer, on le vit.

M. Blank: Je le sais. Je représente le comté de Montréal qui a le plus d'hôtels et de restaurants de tout le Québec, le centre-ville, ils sont tous là. Je sais que, l'année dernière, on a eu de la difficulté avec des hôtels, ce n'était pas nécessairement les meilleurs au monde. Si on y ajoute d'autres problèmes, il y avait des hôtels du centre-ville de Montréal qui n'avaient pas plus à l'été que 62% d'occupation.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président. M. Drapeau, j'ai essayé de comprendre, dans votre présentation, pourquoi vous évoquez le rapport de l'employé permanent et de l'employé au pourboire dans un hôtel. Êtes-vous en train d'exprimer la crainte que, sur la facture de l'hôtel, le pourboire obligatoire va être imposé? Êtes-vous en train de nous dire que cela va être compliqué à administrer ou que cela va être injuste, que ce sont simplement les serveurs du restaurant de l'hôtel qui vont bénéficier de cela, pendant que, d'autre part, je ne sais pas quel pourcentage de vos employés au pourboire n'en bénéficieront pas? J'essaie de voir pourquoi vous soulevez cela. Comment, dans l'hôtellerie, avec les frais fixes que vous avez, voyez-vous que cela est un système qui vous défavorise particulièrement?

M. Drapeau: C'est que, dans un hôtel, comme dans n'importe quel autre établissement, il existe une structure de salaires. Cette structure des salaires est généralement établie selon les responsabilités des individus. Si, demain matin, par exemple, on acceptait d'offrir 15% de pourboire... Je vais vous donner très vite un scénario, si vous permettez, 15% de pourboire à un "waiter" dans une salle à manger, il est évident que le cuisinier en arrière va dire: Patron, qu'est-ce que vous me donnez? Je ne peux rien te donner. Il va dire: Si tu ne peux rien me donner, je ne peux pas produire, parce que j'ai étudié; je suis passé par l'ITHQ, je suis allé me spécialiser; je travaille dans un environnement difficile, parce que, dans une cuisine, on sait qu'il fait chaud, ce n'est pas facile, la production est là et c'est stressant.

L'employeur l'a engagé de bonne foi. Il va dire: Si un "waiter", dans la salle à manger gagne le salaire acquis, tant d'argent comme salaire de base, plus tant d'argent comme pourboires, moi, comme pâtissier, pourquoi me farcirais-je la graisse, quand je gagnerais moins que je ne gagnais avant que cela arrive? Cela va donc avoir l'effet direct d'augmenter les employés au pourboire et cela va avoir l'effet indirect, comme réaction à la chaîne, d'augmenter les employés qui ne sont pas au pourboire. Si j'étais pâtissier, je dirais: C'est de valeur, mais il faudrait que vous m'ajustiez parce que je faisais plus avant, pourquoi j'en ferais moins aujourd'hui?

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pour vous suivre jusqu'au bout, vous me permettrez, si on parle d'un hôtel, d'un établissement hôtelier, cela n'est pas exactement la même clientèle que le petit restaurant du coin, en partant. C'est plutôt une clientèle d'affaires, une clientèle de voyage, etc. Je ne vois pas non plus comment le pâtissier ou qui que ce soit dans la cuisine est affecté par le fait que les 15% sont maintenant imposés en vertu d'un système plutôt qu'empochés par le garçon de table qui, de toute façon, perçoit un pourboire aujourd'hui. C'est ce que je ne vois pas.

M. Drapeau: C'est parce que c'est le salaire quasi garanti. La différence est là. L'employé aujourd'hui qui ne fait pas d'effort pour être aimable, affable, il fait son salaire et de temps en temps il fait des pourboires s'il est aimable. S'il n'est pas aimable, il en fait moins. Si on lui dit comme cela bêtement: Ton salaire de base, mon homme, c'est tant l'heure multiplié par tant d'heures travaillées. On t'informe que s'il entre tant de revenus dans la journée dans ta caisse, multiplie cela par 0,15% et c'est à toi. Alors, il va y avoir deux modes de rémunération. Le premier va être son salaire de base; le deuxième va être des pourboires. Alors, cela devient du salaire garanti.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Mais c'est surtout parce que cela va être perçu par le personnel de tout l'hôtel comme ayant été une augmentation de salaire. Ce qu'on est en train de dire, c'est que dans l'hôtellerie les serveurs aux tables font pas mal moins que 15% l'heure, au moment où on se parle évidemment. C'est ce dont ils se

plaignent aussi.

M. Drapeau: Oui, mais le personnel qui n'a pas de pourboire, qui travaille à la production, a autant de mérite. Une femme de chambre, dans mon esprit, si vous me le permettez, a autant de mérite qu'un chasseur à gagner sa vie. Alors, c'est pourquoi la femme de chambre qui, présentement, gagne le salaire Y, va dire: Hé! moi, je fais les chambres, l'autre se promène avec un beau petit chariot et les paquets et il fait tant par semaine. Moi, aujourd'hui, je n'aurais pas le droit d'avoir autant? C'est évident que la réaction va arriver.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Alors, d'après vous, c'est surtout à l'intérieur des 45% d'employés au pourboire qu'existe la discrimination.

M. Drapeau: Oui, c'est cela.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a les serveurs aux tables et les autres.

M. Drapeau: Oui. C'est cela.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans un hôtel, qu'est-ce que cela représente par groupes d'employés dans ce cas-là? Pour les serveurs aux tables, par exemple, dans l'hôtel de 300 chambres dont vous parliez tout à l'heure?

M. Drapeau: Comme je vous le disais, l'ensemble des employés au pourboire représente 45%. Combien cela peut représenter dans un hôtel de 300 chambres... Disons que pour un hôtel de 300 chambres, la règle d'or, c'est à peu près un employé par chambre au Québec, ce qui veut dire 300 employés. Alors, si vous avez, par exemple, un restaurant de 150 places, ce qui veut dire qu'incluant les banquets, vous auriez probablement un ensemble de 150 personnes au pourboire et de 150 personnes ne recevant pas de pourboire dans un hôtel qui respecterait l'ordre de un pour un.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous me dites qu'au point de vue pratique il y a seulement les serveurs à l'intérieur des 150 employés qui, évidemment, auraient les 15%. Les autres ne les auraient pas et cela cause des problèmes de gestion en ressources humaines. C'est ce que vous me dites.

M. Drapeau: Les conventions collectives.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans le cas de ceux qui sont syndiqués, c'est sûr. La plupart dans votre cas.

M. Drapeau: On est obligé d'admettre qu'en ce qui a trait aux hôtels du Québec, la majorité des établissements hôteliers du Québec, par rapport au nombre de chambres disponibles, est syndiquée.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Hull.

M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Dans certains groupes hôteliers du Québec, actuellement, je prends un exemple les Laurentides, il y a plusieurs endroits où il y a un service de 15% sur la facture de l'hôtel. Par contre, cela n'a pas semblé éliminer pour autant le pourboire au bar ou au service des tables; dans quelle proportion et de quelle façon sont redistribués les 15%, quand on se fait dire que cela est redistribué parmi tous les employés, autant les chasseurs que les plongeurs, que les portiers, les serveuses et serveurs et ainsi de suite? Il n'en demeure pas moins que, pour le service additionnel, il semble que le pourboire soit encore de mise. Maintenant, de quelle façon semble-t-on redistribuer...

M. Drapeau: Permettez-moi de faire une distinction. Premièrement, lorsque vous parlez de certains hôtels des Laurentides, on pourrait tout aussi bien parler du Manoir Richelieu; ce sont des hôtels à caractère saisonnier, ce sont des hôtels qui ont une vocation différente de par leur type de fonctionnement. Ce sont des hôtels qui vont vendre - si vous me permettez l'expression -un congrès, mais selon la formule du plan américain modifié, c'est-à-dire que, là où il y a des frais intégrés au coût, il y a des frais pour le déjeuner, il y a des frais pour le dîner et il y a des frais pour le souper; à cela, on ajoute, bien entendu, la portion service. Cela est bien particulier et c'est facilement identifiable au Québec.

Maintenant, à qui est distribué le pourboire? Le pourboire doit être distribué fondamentalement aux employés qui ont participé au travail pendant cette période. De mémoire et d'expérience, d'ailleurs, je sais très bien que le pourboire est redistribué aux employés qui ont travaillé à tel moment. Par exemple, si le barreau de la province de Québec décidait de tenir son congrès au Manoir Richelieu, les employés qui participeraient à la distribution du pourboire, selon un plan américain modifié, seraient les employés qui ont participé à l'événement. C'est la façon dont cela se fait présentement. Par contre, ce n'est pas le même type, parce que, pour l'hôtelier, à ce moment-là, c'est très intéressant. C'est intéressant, parce qu'il garde sa clientèle captive, ce qui est difficile pour un hôtelier de ville. Je ne pense pas à Montréal et à Québec, mais je pense à Chicoutimi, à Trois-Rivières, à Sherbrooke ou à Hull. C'est intéressant d'avoir un congrès qui entre dans

ton hôtel: petit dejeuner, dîner, souper, cocktails, tout a lieu dans l'hôtel. À ce moment-là, il vient d'améliorer ses frais fixes dont je vous parlais tantôt, mais ses frais variables sont pour autant diminués. Alors, il y a une distinction majeure entre un hôtel de type saisonnier et un hôtel de type de villégiature. (20 h 45)

Des hôtels de congrès ou des hôtels de villes de moindre importance au Québec, à savoir les villes moyennes, sans insulter personne, comme à Trois-Rivières, s'il y a un congrès, les gens vont arriver là, ils vont avoir un cocktail, une réception. Le deuxième soir, les gens voudront aller manger dans les restaurants. Quand tu es dans un endroit comme, par exemple, les Laurentides, les gens sont plus captifs, l'auditoire est plus captif. C'est ce qui permet à l'hôtelier d'abaisser ses frais parce qu'il y a une masse d'argent qui est là, qui est disponible pour un nombre de jours et tout a lieu là; cela veut dire qu'il vient de baisser ses coûts d'opération pour autant. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Rocheleau: Oui, mais dans plusieurs cas, par constatation, pour autant, cela n'élimine pas le pourboire dans l'hôtel même.

M. Drapeau: Cela n'élimine pas le pourboire pour une bière, mais cela élimine le pourboire à la table. Si je m'en vais au congrès au Manoir Richelieu et que je suis conférencier pour le Barreau du Québec, c'est bien évident que si cela me coûte 150 $ par jour, y compris mon pourboire, je vais me lever de table, je vais regarder la petite fille et lui dire: Merci beaucoup, à demain matin, et je ne laisserai pas de pourboire, parce qu'on sait que cela fait partie, c'est là, cela fait partie du pourboire.

Mais quand vous allez à une réception au Québec Hilton - je ne veux pas faire de publicité pour personne - mais si vous allez à une réception au Québec Hilton et que vous avez une réception cocktail, vous ne penserez pas à donner, à moins que je me trompe, mais dans la généralité des cas vous ne penserez pas à donner 1,50 $, 2 $ ou 3 $ de pourboire à l'employé qui vous a servi à titre gracieux, parce que vous étiez invité, deux ou trois scotchs pendant le cocktail. Et l'employé ne le demande pas parce que c'est encadré dans ce qu'on appelle une fonction banquet et, de toute façon, il l'a son pourboire parce que ce pourboire est demandé au client.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Marcoux: Quelques commentaires et une ou deux questions rapides. Dans votre mémoire, le premier paragraphe me paraît, je vais le dire bien franchement, faux. Je vais le relire: "Les employés au pourboire ne veulent pas payer d'impôt sur les pourboires, mais désirent bénéficier des avantages que leur confèrent l'assurance-chômage, l'assurance-maladie et la Régie des rentes."

J'en ai rencontré des employés au pourboire depuis un mois, un mois et demi surtout. J'en connaissais avant mais surtout depuis que je suis responsable de ce dossier. J'ai lu tous les mémoires qui ont été présentés et je peux dire qu'aucun des mémoires et aucune des personnes que j'ai rencontrées ne m'ont dit qu'elles étaient contre le fait de payer leur impôt; cependant, elles veulent profiter des avantages sociaux. Ce qu'elles ont dit toutes: Si vous nous obligez à payer nos impôts sur les pourboires, ayez la logique de nous faire profiter dans la même proportion que les autres travailleurs de l'ensemble des avantages sociaux. En ce sens, je pense que la position du problème demanderait à être corrigée.

Le deuxième point, vous avez affirmé tantôt que, s'il y avait un pourboire obligatoire de 15%, cela pourrait désavantager de façon importante les congrès internationaux, les congrès qui viennent de l'extérieur. Je pense que vous êtes tombé sur le mauvais exemple. S'il y a un exemple où c'est déjà compris dans le forfait, les frais de service sont déjà inclus lorsqu'un congrès décide de venir ici et qu'il réserve des chambres d'hôtel, le repas, tout est compris. Ordinairement, cela inclut à ma connaissance - vous pourrez me corriger - mais à ma connaissance, normalement, cela inclut les frais de service, c'est-à-dire que le congressiste qui vient ici ne laisse pas 5%, 10% ou 15% à chaque repas qu'il prend. Dans son esprit, c'est inclus dans la globalité du voyage dont il a assumé le coût d'une façon complète. Cela ne veut pas dire que les frais de pourboire obligatoire n'auraient pas d'autres inconvénients ou des avantages dans d'autres secteurs, mais je pense que l'exemple que vous avez choisi, à moins que je sois mal informé, ce n'est précisément pas celui qu'il faut prendre pour justifier le fait de ne pas faire de frais de pourboire obligatoire.

Il y a quelque chose que je n'ai pas compris. Dans votre mémoire, vous indiquez à la solution 3 qui est proposée dans le livre vert que c'est une solution valable, avec laquelle j'avais compris que vous acceptiez de collaborer si elle était retenue. Mais vous préférez peut-être la solution 4, la solution du travailleur autonome. Tantôt, dans une réponse à la question du député de Saint-Louis, vous avez clairement indiqué, si j'ai bien compris - c'est finalement cela que j'ai de la difficulté à percevoir - si j'entends bien ce que vous avez dit, que vous favorisez le statu quo. Or, ce que vous avez

écrit me donnait l'impression qu'entre les solutions no 3 et no 4, vous aviez des ouvertures possibles. La question que j'allais vous poser, avant que le député de Saint-Louis nous pose la sienne, est de savoir si vous vous ralliez à ce que l'Association des restaurateurs nous a dit aujourd'hui, qui se résumait à peu près à ceci: On favorise la solution no 4 mais on est prêt à payer les avantages de la CSST, les avantages supplémentaires qui correspondent aux pourboires révélés et, de plus, on est prêt à percevoir chaque mois ou chaque quinzaine la proportion des impôts que doivent payer les travailleurs au pourboire sur leurs pourboires. Plus loin, j'ai posé la question, à la fin de la présentation; ils sont allés beaucoup plus loin, je pense, en indiquant qu'ils accepteraient de collaborer si le gouvernement décidait de transposer l'esprit de la loi américaine au Québec. J'ai de la difficulté à concilier tout cela, je sais que la question est longue et complexe mais j'aimerais que vous me resituiez rapidement par rapport à l'ensemble du débat.

Je n'aurai pas d'autres questions, je vous écoute et je vous remercie déjà.

Le Président (M. Gagnon): Le plus rapidement possible, M. Drapeau.

M. Drapeau: Premièrement, je vais répondre à votre question no 2, en ce qui concerne les prix. Quand vous me parlez des congrès, je crois que, sur cela, on ne se comprend pas. D'une part...

M. Marcoux: Vous avez dit: Cela va nous désavantager d'obtenir la venue de congrès de l'étranger, si l'on met les frais de service obligatoires au Québec. S'il y a un secteur où c'est déjà inclus dans le forfait, c'est bien celui-là.

M. Drapeau: À moins que je ne me trompe, on tient pour acquis que si le pourboire devenait obligatoire au Québec, il deviendrait obligatoire pour tout le monde. Est-ce précis quand je dis cela?

M. Marcoux: Oui.

M. Drapeau: Non pas seulement pour les hôtels, ce serait obligatoire dans les brasseries, ce serait obligatoire dans les restaurants.

M. Marcoux: D'accord, on se comprend. Les autres secteurs, vous avez peut-être raison de dire que cela va les affecter mais cela n'affecterait pas, le secteur des congrès comme vous le dites.

M. Drapeau: Non, non, cela va l'affecter. Si vous me le permettez, M. le ministre, quand vous négociez un congrès avec un hôtel, quel qu'il soit, vous négociez un ensemble d'événements spéciaux; cela peut être de petits déjeuners, cela peut être des déjeuners, cela peut être des soupers, mais vous n'êtes pas obligé de tout négocier avec le même hôtel. Si par exemple, vous négociez seulement les soupers, cela veut dire que pour le petit déjeuner et le dîner, cela devient libre et libre dans le cas de la date d'aujourd'hui, et cela coûte ce que ça coûte, plus une certaine rémunération pour un employé qui a bien fait son travail, alors que, si on le fait sur une ligne continue, à partir de ce moment, c'est la facture qui augmente.

Quant à notre position, je vais la reconfirmer, parce qu'il semble que cela n'est pas clair. Il est bien entendu que la solution no 4, on l'a complètement rejetée. Notre position...

M. Marcoux: Pour bien nous comprendre, la solution no 4, c'est le revenu de travailleur autonome, vous l'avez complètement rejetée. Donc vous êtes pour la solution no 3, qui est que l'employé révèle ses revenus, et vous les cotisez au nom du ministère du Revenu?

M. Drapeau: Selon les spécifications du ministère.

Le Président (M. Gagnon): Je remercie l'Association des hôteliers de la province de Québec, M. Drapeau et ceux qui sont venus témoigner avec lui.

J'inviterais la Confédération des syndicats nationaux à prendre place à la table. C'est le mémoire no 5 M. Christophe Auger.

Confédération des syndicats nationaux

M. Auger (Christophe): Oui.

Le Président (M. Gagnon): Veuillez nous présenter les gens qui vous accompagnent.

M. Auger (Christophe): J'aimerais vous présenter une partie de la délégation qui m'accompagne. En commençant par ma gauche: M. Jean-Yves Beaulieu, représentant de la Fédération du commerce à la CSN; ensuite, il y a M. Mario Chabot, représentant du secteur de l'hôtellerie à la CSN, région ouest de la province, qui est un travailleur de l'hôtel à Sheraton Saint-Laurent. Il y a ensuite M. Marcel-Guy Pepin, conseiller syndical à la CSN au service de la recherche; M. Pierre Petit, à ma droite, conseiller syndical au service d'action politique; Mme Nicole Demers, travailleuse au Méridien et, enfin M. Claude-Gilles Gagné, représentant du secteur de l'hôtellerie et de la restauration pour l'est de la

province, la région de Québec et tout l'Est, travailleur au Hilton à Québec.

J'aimerais également vous signaler peut-être que le président en a eu connaissance à quelques reprises aujourd'hui -la présence d'un bon nombre de travailleurs et de travailleuses au pourboire affiliés à la CSN, venant de la région de Montréal et de Québec, qui se sont joints à nous. Nous étions plus nombreux avant l'heure du souper, mais, déjà il y en a une partie qui a dû regagner Montréal, compte tenu qu'on avait prévu passer un peu plus tôt dans le courant de la journée. Cela fait des journées un peu longues et pour plusieurs le travail reprend demain matin de bonne heure.

Avant d'entreprendre la lecture du mémoire, M. le Président, M. le ministre, je voudrais souligner que nous sommes heureux à la CSN d'être présents à cette commission et de souligner également la présence d'autres ministères que le ministère du Revenu: Mme la ministre Pauline Marois et M. le ministre du Travail qui s'est joint à nous cet avant-midi, mais on aurait aimé qu'il soit ici ce soir.

J'aimerais dire que la CSN regroupe actuellement au-delà de 6000 membres dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, dont plus ou moins 2000 membres sont des travailleurs et des travailleuses au pourboire. Une autre mise au point m'apparaît importante, compte tenu de choses qui se sont dites cet après-midi; sans trop insister, mais il y des faits qui, je pense, doivent être corrigés. Nous sommes une organisation syndicale - qu'on n'a pas besoin de décrire dans le détail, elle est assez connue, je crois, au Québec et ici même en commission parlementaire, on a déjà eu l'occasion de se voir à quelques reprises - qui se préoccupe bien sûr de défendre les intérêts de ses membres, mais qui se préoccupe également de défendre les intérêts des gens qu'on peut appeler les plus défavorisés, ceux qui sont un peu les laissés-pour-compte dans la société. Ce qui nous amène à avoir des liens - dans certains cas permanents, dans d'autres cas occasionnels -avec bon nombre de groupes populaires, avec bon nombre d'autres groupes syndicaux. Je souligne particulièrement la région de Montréal où on a travaillé comme CSN et comme conseil central de Montréal à la mise sur pied de ce qu'on appelle le sommet populaire de Montréal. On est en contact avec au-delà de 160 groupes populaires. Parmi ces 160 groupes populaires, il y a l'Association des gens au pourboire de la région de Montréal. On est en contact également avec d'autres associations de travailleurs ou de travailleuses au pourboire, que ce soit dans la région de l'Estrie, dans la région de Québec, dans la région de Trois-Rivières ou de Drummondville. Ce n'est pas par paternalisme ni par hégémonisme qu'on est en contact avec eux. C'est carrément pour partager des intérêts communs, quand cela est possible et, lorsque ce n'est pas possible, on se dit les choses telles qu'on a à se les dire. C'est ce qui nous a amenés, entre autres, dès le printemps dernier, au moment où se lançait la campagne de récupération d'impôts par le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, à dénoncer cette mesure. On est intervenu en conférence de presse, en mai, conjointement avec les associations de travailleurs et de travailleuses au pourboire sur cette question. Et on pense qu'on va continuer à le faire que ce soit à ce chapitre... et probablement avec d'autres groupes populaires sur d'autres sujets qui relèvent à notre avis d'actions que la CSN doit faire et qu'elle partage avec d'autres groupes. (21 heures)

Une deuxième mise au point m'apparaît également importante. On a parlé d'un stage de l'Office franco-québécois qui s'est tenu récemment. J'aimerais fournir à la commission parlementaire ici les renseignements suivants: II y a eu un stage de l'Office franco-québécois d'organisé, conformément à la procédure qui est suivie par cet organisme, vous la connaissez peut-être aussi bien, sinon mieux que moi. À l'intérieur de ce stage, il y avait trois membres de syndicats de la CSN. Un salarié de la CSN et douze membres, des travailleurs et travailleuses au pourboire, de différents hôtels, de différents milieux, de différentes fonctions où des travailleurs de la restauration ont participé à ce stage. Ils sont allés en France, ils ont examiné des choses et nous avons travaillé avec nos travailleurs affiliés à la CSN qui sont revenus de cet endroit. On a regardé un peu ce qu'ils avaient vécu là-bas pour voir comment cela pouvait nous aider à définir nos positions. Encore une fois, il me semble important de vous livrer ces messages, mais, enfin, je dirais, pour reprendre un peu ce qui s'est souvent dit ce matin et cet après-midi, qu'on voudrait vous présenter avec toute la chaleur et le sourire des travailleurs et des travailleuses au pourboire et la qualité du service le mémoire qu'ils tentent de vous offrir.

On pense que c'est non seulement une caractéristique des travailleurs et travailleuses au pourboire, bien qu'ils la possèdent, à mon avis, effectivement bien, c'est une caractéristique du mouvement syndical, c'est aussi une caractéristique de l'ensemble du peuple québécois. Il y a un fait culturel et je pense que, tous ensemble, on ne le niera pas ce soir.

Dans le livre vert sur la situation au Québec des travailleurs et travailleuses au pourboire, il est enfin reconnu qu'une injustice sociale existe à l'égard de ces travailleurs et travailleuses aussi bien sur le

plan des avantages sociaux que des conditions de travail. On soulève aussi qu'il existe une injustice fiscale à l'égard des autres contribuables du fait de la situation non régulière face à l'impôt des travailleurs et travailleuses au pourboire. Le but de la consultation en cours vise au redressement de ces injustices. Pourtant, dans un cas, vous agissez pour le passé, en récupérant les impôts des années dernières et, dans l'autre, vous n'entendez agir que pour le futur. Nous croyons qu'en agissant ainsi, vous créez une nouvelle injustice. Nous soumettons à nouveau à votre attention que la situation qui prévalait auparavant était acceptée tacitement par toutes les parties, avec les avantages et les désavantages qui en découlaient pour toutes les parties.

L'opération récupération d'impôt, actuellement en cours, doit cesser. Cela ne serait qu'agir de façon concordante avec les affirmations faites dans le livre vert. Les travailleuses et travailleurs déjà cotisés doivent être remboursés ou obtenir des crédits d'impôt. C'est un premier bloc de revendications. Je me permets de vous signaler que cela m'apparaît comme l'un des blocs très importants. On renviendra peut-être tantôt, dans des questions et réponses, sur ces sujets avec un certain nombre d'exemples de conditions tout à fait injustes qui sont faites à ces travailleurs et travailleuses. Il nous semble que l'entente tacite qui prévalait auparavant ne peut pas être rompue par une des parties comme cela, d'autant plus qu'on ne peut pas rétroagir sur les autres mesures que l'on va exiger dans l'avenir. On tient à le signaler devant cette commission: de notre côté, à la CSN, avec tous nos travailleurs et travailleuses affiliés, on va faire une bataille en règle sur cette question pour qu'on arrête d'aller récupérer ou tenter de récupérer des sommes chez les travailleurs et travailleuses au pourboire, compte tenu que les règles qui prévalent dans ces sortes de récupération sont tout à fait injustes et variables d'un endroit à l'autre.

Nous vous présentons ici quelques remarques sur d'autres parties du livre vert ainsi que notre analyse de la situation des travailleurs et des travailleuses au pourboire dans les industries de l'hébergement et de la restauration. Nous soulèverons aussi un problème qu'il nous apparaît important de régler et dont il n'est pas question dans le livre vert: l'évasion fiscale pratiquée par bon nombre d'employeurs de ces secteurs. Nous étudierons enfin les hypothèses de solutions présentées dans le livre vert en visant le règlement de l'ensemble des problèmes auxquels nous sommes confrontés.

Il n'est certes pas facile d'établir un portrait très précis de ces industries pour le Québec comme pour le Canada. Les données ne sont pas toutes disponibles et il faut se référer à des études qui se font déjà anciennes. Toutefois, il nous semble que les données qui sont fournies dans le livre vert soient particulièrement éloignées de la réalité et ce, surtout pour le nombre d'emplois mais aussi pour le nombre d'établissements.

Vous avez, M. le ministre, indiqué qu'il y avait déjà une correction à apporter dans le livre vert, comparativement à ce qui était cité. Pour notre part, on a fait une recherche, parce qu'on trouvait qu'il y avait des problèmes dans l'analyse, si l'on faisait état des statistiques canadiennes par rapport à ce qui a été fourni par le Québec. Donc, considérant la relative constance des données fournies par Statistique Canada, celles-ci nous apparaissent nettement plus fiables. Quant au nombre d'établissements d'hébergement, le chiffre de 3434 concorde avec les autres sources disponibles.

Concernant l'emploi, pour l'hôtellerie, le Bureau de la statistique du Québec nous indique qu'en 1980 il y avait 30 518 emplois dans 2418 établissements qui incluent les hôtels, motels et chambres pour touristes, mais excluent les campings et les camps de chasse et pêche. Nous notons ainsi une différence de 18 000 emplois avec données du livre vert; il serait plutôt étonnant que les emplois dans les campings et les camps de chasse et pêche expliquent un tel écart.

Dans la restauration, les statistiques visant expressément ce secteur sont rares. Statistique Canada regroupe généralement l'hôtellerie et la restauration. Certains chiffres sont tout de même révélateurs. Dans une enquête réalisée en 1971-1972 malheureusement, il n'y en avait pas de plus récente on dénombrait pour les deux secteurs au Québec 75 777 emplois sur un total de 288 701 pour le Canada. Ils se répartissaient comme suit: 39 997 dans les établissements de 20 employés et plus et 40 780 pour les établissements de 20 employés et moins.

Plus récemment n'étaient disponibles que les données pour les établissements où on retrouve 20 employés et plus. En février 1982, on retrouvait 51 400 emplois dans cette catégorie, soit une augmentation de 46,9% par rapport à 1972.

En appliquant ce même taux d'accroissement pour les établissements de 20 employés et moins, on obtient 59 906 emplois; au total, cela donne donc 111 306. Si on soustrait les trente et quelques mille emplois de l'hôtellerie, on obtient environ 80 000 emplois dans la restauration.

Vous citiez cet après-midi entre 60 000 et 70 000; c'est la correction qu'on a pu faire, on est prêt, avec des statistiques plus précises, à analyser cette situation de façon plus particulière et plus précise. On est donc bien loin des 210 000 emplois que l'on retrouve dans le livre vert.

Sans posséder de chiffres à cet effet, il

est bien clair que les travailleurs et travailleuses au pourboire ne sont pas susceptibles de recevoir des pourboires dans tous ces emplois, loin de là. L'association qu'on fait dans le livre vert entre les 14 000 contribuables qui déclarent des pourboires comme revenus et les supposés 210 000 emplois dans ce secteur n'en est que doublement tendancieuse. Souhaitons que le ministère ne fasse pas le même genre d'erreur lorsqu'il préparera ses avis de cotisation.

Les revenus des travailleurs et travailleuses au pourboire. Les auteurs du livre vert semblent étonnés par le fait que la grande majorité des travailleurs et travailleuses au pourboire ait déclaré moins de 10 000 $ de revenu imposable pour l'année 1979. Le nombre moyen d'heures travaillées par semaine s'élevait dans le secteur des hôtels et des restaurants à 26,9 en février 1982. Considérant le salaire minimum de 3,28 $ et une hypothèse fixant à 150% du taux de base le niveau des pourboires, on obtient un revenu brut d'à peine plus de Il 000 $ et un revenu imposable d'environ 7000 $, ceci en 1982 et non en 1979, comme l'indique le tableau qui nous est présenté.

Encore une fois, pour février 1982, la rémunération hebdomadaire moyenne de ces secteurs s'élevait à 159,14 $, soit 8275 $ bruts par année, soit un revenu imposable inférieur à 4000 $. Tout contribuable qui gagne un revenu brut de moins de 14 000 $ se trouve automatiquement sous la barre des 10 000 $ de revenu imposable et ce, sans tenir compte des dépendants, des frais de scolarité ou autres dont l'effet est de faire diminuer le revenu imposable.

Ceci implique que tout travailleur et toute travailleuse doit recevoir au moins 2 $ de pourboire pour chaque dollar de revenu de base. Il n'est dans ce contexte guère étonnant que la très grande majorité se retrouve avec un revenu imposable de moins de 10 000 $. Ces données ne prouvent donc en aucune façon qu'il y ait évasion fiscale de la part de ces contribuables.

De plus, ces dernières années, la situation des travailleurs et travailleuses au pourboire n'a cessé de se détériorer. Il existe deux sous-salaires minimaux un pour les travailleurs et travailleuses au pourboire et un pour les travailleuses et travailleurs âgés de 16 à 18 ans. Tel que décrit dans le livre vert, il a été établi en 1940 des taux de salaires et des heures de travail applicables à chaque zone et à chaque catégorie d'industrie. Progressivement, toutefois, ces pratiques ont été abandonnées. Il ne reste plus aujourd'hui comme catégories spécifiques que celles applicables aux travailleurs et travailleuses au pourboire et aux personnes âgées de moins de 18 ans.

En instituant et en préservant ce taux réduit, l'État décrétait que le pourboire n'était pas simplement un revenu d'appoint ou une simple appréciation du service mais faisait partie intégrante du salaire. On a décrété que le client ne faisait pas qu'apprécier le service mais qu'il devait payer une part du salaire de ces travailleurs et travailleuses. Depuis votre venue au pouvoir, tous les taux de salaire minimum sont à la baisse et celui applicable aux travailleurs et travailleuses au pourboire encore plus que le salaire minimum qu'on dit normal.

Sans parler d'amélioration du niveau de vie, d'enrichissement, ces taux auraient dû être aujourd'hui de 3,88 $ et de 4,46 $ uniquement pour que le salaire brut suive l'augmentation des prix, et vous n'êtes pas sans connaître l'effet de l'impôt sur le revenu dans une telle situation.

La perte ainsi subie par les travailleurs et travailleuses s'élève à des milliers de dollars par tête. Il n'y a que les travailleurs et travailleuses qui ont réussi à se syndiquer qui ont pu éviter des pertes aussi énormes. Le tableau qui suit vous l'indique assez clairement, l'écart est de 42,9% pour les moins de 18 ans entre l'augmentation réelle du salaire minimum pour ces personnes et de 47% pour les travailleurs et travailleuses au pourboire.

À cette diminution drastique du pouvoir d'achat du salaire minimum que vous imposez aux travailleurs et travailleuses au pourboire s'ajoutent les compressions qu'effectuent les clients sur les pourcentages de pourboire. Dans les dépenses qu'effectue la population en restauration, c'est en effet la seule qui soit sous son contrôle et, devant la montée de tous les prix, la réaction généralisée consiste à diminuer les pourcentages de pourboire. Les revenus des travailleurs et travailleuses au pourboire en sont donc doublement affectés.

Il faut enfin soulever une pratique commune dans les succursales de restaurants dits "fast-foods" où le service se fait au comptoir. On embauche systématiquement des jeunes de 16 à 18 ans qui ne reçoivent alors que ce qu'on pourrait appeler le sous-salaire minimum et dont pourtant la possibilité de recevoir des pourboires est infime, sinon -là, on voudrait peut-être apporter une nuance à notre sous-paragraphe - que, dans certaines succursales, selon les vérifications qu'on a pu faire, il n'existe aucune forme de pourboire, mais, peu importe la situation, les travailleurs et travailleuses au pourboire ont déjà un salaire très bas.

M. Marcoux: Avez-vous un exemple de succursales des "fast-foods" où des pourboires sont versés?

M. Auger (Christophe): Cela mériterait une vérification attentive, mais un des

exemples où il y aurait, même au comptoir, des pourboires, c'est dans des succursales Harveys par exemple ou certaines autres comme celles-là; il y aurait une certaine forme de pourboire qui est laissée, alors que, chez McDonald, c'est même systématiquement refusé, à ma connaissance. Dans d'autres chaînes, la politique est beaucoup moins rigide. C'est pour cela qu'on veut nuancer ce paragraphe; on n'a pas pu scruter à fond cet aspect.

M. Marcoux: Des choses comme le poulet frit peut-être, des choses comme cela aussi?

M. Auger (Christophe): Oui. Un cas qu'on me donne ici, est celui du casse-croûte du Centre municipal des congrès, qui est un comptoir et des pourboires y sont laissés à des employés. Donc, il y a des variations. C'est pour cela qu'on veut seulement ajouter cette nuance dans la présentation de notre texte. Cela nous avait échappé lors de la rédaction finale.

Il faut bien savoir que ce sous-salaire minimum a un impact encore plus considérable qu'il n'y paraît. Des pourboires, ce n'est perçu que lorsque vous êtes au travail et avec des clients.

Pour le reste, les travailleurs et travailleuses au pourboire ont leurs congés payés au taux de base, le plus souvent 3,28 $, ont leurs vacances payées au taux de base, ont leurs absences pour maladie ou autres payées au taux de base, s'ils réussissent à échapper à la norme qui veut qu'elles ne soient pas payées du tout.

Dans l'hôtellerie et la restauration, plus qu'ailleurs, les travailleurs et travailleuses ont intérêt à ne pas être malades. Dans ce secteur plus qu'ailleurs, ce n'est certainement pas avec 4% de leur salaire horaire que ces travailleurs et travailleuses peuvent se payer des vacances.

Aucune des hypothèses que vous présentez dans le livre vert ne règle la question des avantages sociaux. Les auteurs du livre vert semblent confondre avantages sociaux et sécurité sociale. Nous appelons avantages sociaux les avantages payés directement par l'employeur aux employés et sécurité sociale les divers régimes administrés par l'État pour la retraite, les accidents, le chômage, etc. Nous croyons juste que ces travailleurs et travailleuses bénéficient d'avantages sociaux calculés sur leur revenu réel et non sur la moitié ou le tiers de celui-ci.

En conséquence, nous exigeons que la Loi sur les normes minimales de travail soit amendée pour obliger les employeurs à payer les avantages sociaux sur la base des revenus réels des travailleurs et travailleuses. Le principal argument contre ce paiement des avantages sociaux ajustés au revenu réel nous vient des employeurs qui nous disent qu'ils n'ont pas à verser des avantages sociaux sur des salaires qu'ils ne versent même pas. Ces employeurs sont déjà dans une situation exceptionnellement privilégiée de ne pas avoir à payer une bonne partie du salaire. Même en payant intégralement les avantages sociaux, ils continueront à bénéficier de cette situation particulièrement avantageuse pour eux. Nous ne pouvons donc retenir cet argument.

Il ne faut pas croire que tous les pourboires finissent dans la poche de celui ou celle qui vous a servi. Sur les cartes de crédit, il est de pratique courante que le patron conserve un pourcentage pour payer les frais d'administration du système de crédit. Partout, il faut laisser un pourcentage au commis-débarrasseur et très souvent au maître d'hôtel. Dans les hôtels, les travailleurs et travailleuses affectés au service des banquets ne reçoivent jamais plus que 9% à 11% sur les 15% de service chargé par l'employeur au client. Dans combien d'endroits les travailleurs et travailleuses doivent-ils remettre au patron le chèque de paie qu'ils viennent de signer et se contenter de leurs pourboires? (21 h 15)

De plus, de nombreux travaux sont imposés à ces travailleurs et travailleuses sans qu'ils aient alors la possibilité de recevoir des pourboires; ils sont quand même payés au taux de base. À ces revenus amoindris s'ajoutent des dépenses qu'impose le patron. Combien de travailleurs et de travailleuses au pourboire doivent payer leurs uniformes? Ce qui est quasi expressément permis par la Loi sur les normes du travail. Encore plus nombreux sont ceux et celles qui doivent l'entretenir. Cela a d'ailleurs été confirmé par des intervenants précédents.

Combien doivent payer des taxis, parce que les heures de travail dépendent du dernier client et du plancher à laver ensuite? Les travailleurs et travailleuses au pourboire sont, en règle générale, ceux et celles qui travaillent pendant que les autres se reposent. Ils travaillent le soir, les fins de semaine, les jours de congé, les longues fins de semaine, à Pâques et à Noël, etc. Bien sûr qu'ils peuvent aussi prendre de telles journées, mais surtout lorsque tous les autres, amis et familles, travaillent ou sont à l'école, leur vie sociale est ainsi sérieusement affectée.

Pour chacun des régimes existants, les travailleurs et travailleuses au pourboire sont traités injustement. L'assurance-chômage considère leur revenu en pourboires comme non assurable et ils ne peuvent donc en bénéficier que d'après leur revenu de base; au lieu de 60% de leur revenu, c'est de 20% à 25% dont ils doivent se contenter et, surtout, avec lesquels ils doivent tenter de survivre. S'ils peuvent bénéficier du congé de

maternité, tous les calculs sont encore effectués à partir de leur revenu de base. S'ils veulent bénéficier pleinement du Régime de rentes du Québec, ils doivent payer leurs cotisations d'après leur salaire de base et une double cotisation pour leurs revenus en pourboires, sous prétexte que ce sont des revenus autonomes. On leur impose ici un double statut: statut de salarié, travailleur salarié pour leur revenu de base et travailleur autonome pour leurs revenus en pourboires.

La Commission de la santé et de la sécurité du travail ne les compenserait au-delà du salaire de base que sur présentation de la déclaration d'impôt sur le revenu ou d'une attestation de l'employeur sur des revenus en pourboires. L'employeur, en règle générale, refuse cette attestation de peur de voir augmenter ses contributions. C'est le seul régime qui profite pleinement aux travailleurs et aux travailleuses au pourboire, s'ils déclarent entièrement leurs revenus. Pour tous les autres régimes, revenus déclarés ou pas, ils ne peuvent en profiter pleinement pour la même cotisation que les autres travailleurs et travailleuses. Nous croyons, comme vous, que cette injustice doit cesser et il est d'ores et déjà clair pour nous qu'il faudra abolir pour cela le statut de travailleur autonome.

La place des femmes dans l'hôtellerie et la restauration. Les femmes occupent près de 50% des emplois de ces secteurs. Elles se retrouvent majoritaires dans les petits établissements, ceux de 20 personnes et moins, et minoritaires dans les grands. Elles occupent respectivement 55,7%, des emplois pour les établissements de 20 employés et 41,3% des emplois pour les établissements de plus de 20 employés. Ceci veut dire qu'on les retrouve plus nombreuses dans les petits établissements de tout genre où les chiffres d'affaires et les pourboires sont moins élevés et elles sont moins nombreuses dans les établissements plus importants où les revenus et pourboires sont plus élevés. Dans les services en général, l'écart des revenus en faveur des hommes s'élève à 46,1%. De plus, il ne fait aucun doute que c'est dans ces petits établissements que sont le moins respectées les normes de travail concernant les heures de travail, le temps supplémentaire et les taux de salaire. Mais il ne s'agit pas que des revenus et des conditions de travail. Les femmes sont l'objet, dans cette industrie, de harcèlement sexuel constant de la part des clients, bien sûr, mais les employeurs, dans beaucoup de cas, occupent leur large part de responsabilités, car ils ont en main un instrument de chantage perpétuel: l'emploi. Les femmes subissent donc encore une fois les conditions les plus dures et l'action actuelle du gouvernement n'est pas pour améliorer cette situation.

Dans ce dossier de la restauration et de l'impôt, il est important de ne pas se limiter aux revenus des travailleurs et travailleuses au pourboire. Il faut examiner aussi certaines pratiques de certains employeurs qui expliquent certains comportements. Il est de pratique courante dans certains restaurants d'utiliser les coins de napperon ou autre papier pour établir le montant de l'addition. Dans ce cas, deux possibilités se présentent: le restaurateur n'exige pas du client la taxe de 10% et alors le client économise ce montant. Le restaurateur ne déclare pas le revenu de l'addition et le ministère du Revenu perd le tout de vue. Dans l'autre cas, le restaurateur exige la taxe du client, la met dans ses poches et ne déclare pas le revenu non plus, et le ministère n'y voit toujours rien.

Une autre pratique de certains restaurateurs consiste à se faire imprimer deux séries de factures portant le même numéro, une seule de ces séries se rendra au ministère, l'autre série permettra au restaurateur d'escamoter la taxe de vente et le revenu qu'il tire de ses ventes. Le ministère ne perçoit rien. Bien évidemment, les restaurateurs utilisant de telles pratiques ne sont pas du tout intéressés à ce que les pourboires soient entièrement déclarés au fisc, car ce dernier pourrait alors effectuer l'opération inverse de celle qu'il effectue aujourd'hui, et tenter d'évaluer le chiffre d'affaires réel de l'établissement. Ces pratiques expliquent aussi, à tout le moins en partie, le refus de donner des attestations aux employés, concernant leurs revenus réels en pourboire lorsqu'ils sont aux prises avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Ces attestations pourraient éventuellement servir à établir le chiffre d'affaires réel du restaurant.

Nous supposons que le ministère met en oeuvre quelques moyens pour contrer ces pratiques et possiblement d'autres utilisées par un certain nombre d'employeurs du secteur. Il est probable qu'il y ait là plus de revenus perdus par le ministère que par les cas qui nous concernent actuellement. Nous revendiquons donc l'adoption d'une facture uniforme qui sera utilisée par tous les restaurants. Ceux qui voudront continuer à dissimuler les revenus et taxes devront contrefaire ces factures pour pouvoir fonctionner ainsi.

Concernant ces hypothèses, l'objectif que nous poursuivons consiste à assurer aux travailleurs et travailleuses au pourboire l'accès aux différents régimes de sécurité sociale en fonction de leur revenu réel et au même coût que les autres travailleurs et travailleuses.

Nous cherchons aussi à régulariser leur situation par rapport à la Loi sur les impôts. Les solutions préconisées doivent pouvoir s'appliquer à tous et à toutes et, par rapport

à l'impôt, elles doivent permettre une perception et une vérification la plus simple possible.

Nous sommes également préoccupés du respect de la loi par un certain nombre d'employeurs. C'est dans le cadre de ces objectifs et contraintes que nous examinons les hypothèses que vous avez soumises à notre étude.

Le pourboire, un revenu du travailleur autonome. Cette solution ne représente rien d'autre que le statu quo. Les travailleurs et travailleuses au pourboire pourraient faire prélever plus d'impôts sur leur salaire de base pour couvrir les revenus de pourboire ou encore effectuer des versements trimestriels ou encore payer en fin d'année. Les travailleurs et travailleuses doivent toujours payer le double de la cotisation habituelle au Régime de rentes du Québec et leurs revenus de pourboire ne sont toujours pas assurables pour l'assurance-chômage du Canada. Ces revenus de pourboire ne sont toujours pas reconnus en cas d'accident. Ces travailleurs et travailleuses n'ont toujours pas droit aux avantages sociaux calculés sur leurs revenus réels. Enfin, cette solution ne change strictement rien par rapport à la capacité des services de l'impôt de vérifier l'état des revenus des travailleurs et des employeurs.

Toutes les possibilités existantes demeurent et la situation que nous connaissons actuellement continuera à prévaloir. Cette solution n'en est pas une, ni pour vous, ni pour nous. Elle doit être rejetée.

Le pourboire inscrit sur la facture par le client. Cette solution présente à nos yeux des désavantages. D'abord, nous l'avons vu, il est reconnu depuis longtemps que le pourboire tient lieu de salaire et n'est pas simplement une appréciation du service. Une telle formule nie donc le droit à un revenu plus stable pour les travailleurs et travailleuses. En second lieu, cette formule exclut tous les travailleurs et travailleuses des établissements où un ruban de caisse est utilisé créant du même coup deux catégories de travailleurs et travailleuses au pourboire. Enfin, le client peut toujours refuser d'inscrire sur la facture ce qu'il laisse comme pourboire ou encore inscrire moins que ce qu'il laisse. Il peut, de plus, inscrire un montant et comme cela arrive fréquemment, quitter sans payer. L'employé en plus d'avoir à acquitter une partie ou la totalité de la facture se retrouve avec un revenu qu'il n'a jamais reçu. Pour ces motifs, nous croyons que cette hypothèse doit être rejetée.

Dans cette hypothèse, vous soulevez la question de la propriété du pourboire. Nous croyons pour notre part que les pourboires doivent être entièrement redistribués aux employés. Nous revendiquons donc un amendement à la loi des normes minimales du travail pour assurer cette redistribution. À cet effet, nous comprenons mal votre objection. Vous considérez comme un désavantage d'avoir à amender cette loi. Nous sommes surpris, il nous semble vous avoir déjà vu plus alerte que cela pour adopter ou amender une loi.

La déclaration périodique des pourboires par l'employé. Cette hypothèse ferait en sorte que les travailleurs et travailleuses devraient déclarer périodiquement à l'employeur les montants des pourboires reçus de main à main afin que l'employeur effectue les déductions correctes autant pour l'impôt que pour les différents régimes de sécurité sociale. Une telle formule ne peut avoir que deux effets: soit que la guerre s'installe entre employeur et employé sur les montants réellement reçus, l'employeur refusant de reconnaître une partie des montants et lui évitant de payer ainsi ses propres cotisations aux différents régimes et dans plusieurs cas, lui permettant aussi de soustraire plus de revenus au fisc et de frauder sur la taxe de vente; soit d'autre part, qu'employeurs et employés s'entendent pour ne pas les déclarer, les employés perdant la sécurité sociale mais ne payant pas d'impôt, les employeurs diminuant leurs cotisations et pouvant encore une fois, pour plusieurs, soustraire taxes et revenus aux yeux des services du gouvernement.

Une telle solution causerait plus de problèmes qu'elle n'en réglerait et les injustices que nous connaissons actuellement ne seraient certainement pas réglées. Elle est donc à rejeter.

Les frais de service ajoutés automatiquement sur la facture. Cette solution équivaut à ce qu'on appelle les 15 % obligatoires. Elle implique l'ajout automatique d'un pourcentage donné sur toute facture. Ce pourcentage est calculé sur le montant total avant taxe et est ensuite ajouté au total. L'ensemble des pourboires passe alors par la caisse de l'employeur pour redistribution entre les employés concernés. L'employeur tient une comptabilité par employé et effectue les déductions nécessaires, autant pour l'impôt que pour les différents régimes de sécurité sociale. Il s'agit de gratifications contrôlées, ce qui implique qu'elles sont assurables en vertu de la Loi sur l'assurance-chomâge, qu'elles sont considérées comme du salaire pour le Régime de rentes du Québec et les autres régimes. L'employé paie donc sa part et l'employeur paie la sienne.

La vérification des impôts à payer par les travailleurs et les travailleuses au pourboire ne pose plus de problèmes et ils peuvent bénéficier pleinement de tous les régimes. La vérification des revenus des employeurs devient aussi plus simple en passant si nécessaire par les déclarations des revenus des employés pour calculer leur chiffre d'affaires.

Cette solution est simple, elle permet de régler l'ensemble des problèmes et injustices et elle s'applique à tous.

Nous revendiquons donc son application avec un niveau de frais de service fixés à 15%. On ne les a pas inventés la semaine dernière, les 15%, cela fait déjà un bon bout de temps qu'ils circulaient, c'était devenu une pratique tacite et qui a a été confirmée d'ailleurs. Ce n'est pas une invention de la CSN pour la présente commission parlementaire.

Les désavantages de cette formule sont soulignés dans le livre vert. Le livre vert soulève des objections à la formule des frais de service ajoutés automatiquement sur la facture, ce qu'on appelle les désavantages. Arrêtons-nous à chacun de ces désavantages.

Le premier: Le client perd sa liberté d'apprécier à sa juste valeur la qualité du service rendu. Il est clair que, par un tel système, le client perd le pouvoir, la liberté de laisser ou non un pourboire. Il nous semble essentiel maintenant de tenter de cerner ce que le client apprécie lorsqu'il laisse un pourboire. Je ne fais pas lecture du paragraphe suivant. Dans un premier mémoire qui vous a été présenté ce matin, on y référait et cela démontrait clairement les contradictions qui sont sous-tendues par une telle application de liberté.

L'étude de Mme May concluait que les deux variables qui influençaient le plus les pourboires étaient le mode de paiement et la taille du groupe. Les clients qui acquittent leur facture avec une carte de crédit laissent plus que ceux qui paient comptant. Les gros groupes laissent moins de pourboires que les petits groupes ou les clients qui mangent seuls.

Trois autres études citées par le CRDE de l'Estrie font état, pour diverses causes, du fait que le pourboire laissé par les groupes est plus faible en pourcentage que celui laissé par les clients seuls. Il faudrait aussi se demander dans quelle mesure les clients apprécient la qualité de la nourriture qui leur est servie plutôt que le service lorsqu'ils calculent le pourboire. Bon nombre de clients tiennent certainement compte de la qualité du service au moment de prendre leur décision.

Nous venons de voir que bon nombre d'entre eux jouent sur le niveau de revenu des travailleurs et des travailleuses au pourboire sur la base de considérations totalement étrangères à la qualité du service.

Autres désavantages, qui ont été cités, à cette pratique d'inclusion de pourboire automatique de 15%, c'est que le service est suceptible de se détériorer. La qualité du service est une responsabilité qui incombe d'abord et avant tout à l'employeur. C'est l'employeur qui décide du type d'établissement qu'il désire mener avec le service établi en conséquence. C'est l'employeur qui décide du nombre de travailleurs et de travailleuses par nombre de couverts à servir, avec tout l'impact qu'une telle décision peut avoir sur la qualité du service. C'est l'employeur qui est responsable de la formation à donner aux employés ou du niveau de qualification qu'il exige, avec toutes les conséquences que cela a sur la qualité du service. Dans l'immense majorité des cas, l'employeur décide unilatéralement de l'ensemble des conditions de travail auxquelles sont assujettis travailleurs et travailleuses, avec tout l'impact que cela peut avoir sur la satisfaction des employés et la qualité du service. C'est en fin de compte toute l'organisation du travail à l'intérieur d'un établissement qui prévaut, de façon majoritaire.

L'attrait du pourboire n'est qu'une variable parmi beaucoup d'autres dont certaines sont autrement plus déterminantes sur la qualité du service. Ne lui donnons donc pas plus de place qu'il ne le faut. (21 h 30)

Autre désavantage: Le consommateur peut contracter l'habitude de verser un pourboire additionnel en guise d'appréciation du service rendu. Il nous apparaît, qu'advenant l'imposition de frais de service ajoutés automatiquement sur la facture, cela risque de prendre un certain temps avant que le consommateur ne contracte une telle habitude. À moins qu'il ne le fasse, encore une fois, pour des considérations tout à fait étrangères au service rendu. Si jamais le consommateur prend une telle habitude, que peut-on y faire? À quoi cela correspond-il? À un désavantage. Le consommateur, une fois au courant des conventions telles qu'elles existent, devrait être capable de prendre lui-même sa décision.

Autre désavantage: le prix des repas et des consommations dans les hôtels, les restaurants subissent une augmentation automatique. C'est vrai, mais uniquement dans la mesure de l'augmentation des coûts de l'employeur et dans une autre mesure, celle où le consommateur aurait antérieurement eu l'habitude de laisser un pourboire moindre que ce qui est prescrit. Dans l'hypothèse des frais de service fixés à 15% du prix du repas, le consommateur qui n'a jamais laissé plus de 5%, 8% ou 10% subira effectivement une hausse. Celui qui respectait la convention établie du 15% ne subira aucune hausse à ce chapitre. Les coûts de l'employeur n'augmenteront que dans la mesure des cotisations haussées ou de nouvelles cotisations qu'il aura à verser aux différents régimes et dans la mesure des dépenses plus élevées en avantages sociaux auxquels il aurait à faire face lors de la mise en oeuvre de nos revendications à ce sujet. Pour autant que les injustices concernant les régimes de sécurité sociale et

les avantages sociaux soient réparées, il ne pourrait y avoir augmentation de prix plus élevée avec cette hypothèse que dans les autres hypothèses. Cette affirmation doit donc être modulée.

Le Québec perdrait un avantage touristique considérable. Dans la région des Laurentides, grand nombre d'auberges, parfois d'importance, ont institué les frais de service obligatoires. Cette région a-t-elle pour autant perdu un avantage touristique considérable? Dans le dossier le l'augmentation du péage sur les autoroutes, le ministre Michel Clair a affirmé en septembre que la saison touristique de l'été 1982 dans les Laurentides avait été, malgré tout, la meilleure depuis 20 ans. Ce qui est vrai dans le dossier du transport devrait l'être dans le dossier des pourboires. Les dépenses en alimentation sont évidemment considérées lors de l'évaluation des dépenses à effectuer pour un voyage et donc dans le choix de la destination. Il ne faut pas perdre de vue que le niveau du pourboire, même obligatoire, n'est pas un facteur de détermination des prix. Il ne faut pas oublier, encore une fois, qu'on ne part pas de zéro pour se rendre à 15%, que l'alimentation ne représente qu'une partie des dépenses et que nombre d'autres facteurs déterminent l'achalandage touristique tels les routes, les lieux d'hébergement, les activités disponibles, bref toute l'infrastructure, l'attrait des lieux naturels et de la vie culturelle. Dire que le Québec perdrait un avantage touristique considérable nous paraît nettement exagéré. Qui donc a déjà pensé sérieusement à ne pas se rendre en France à cause spécifiquement des frais de service exigés de façon très répandue?

Une discrimination envers tous les autres employés travaillant dans les industries de service. Vous êtes dans cet énoncé peu explicites. Voulez-vous nous signaler que, du fait que les travailleurs et travailleuses de restaurants et hôtels ne recevant plus un pourboire mais un pourcentage de vente et donc un revenu un peu plus stable, s'établirait alors une discrimination envers les autres employés qui reçoivent des pourboires dans d'autres industries. Devrions-nous alors penser qu'il existe aujourd'hui une discrimination entre les travailleurs et travailleuses au pourboire par rapport aux travailleurs et travailleuses de la Société des alcools du Québec, pour lesquels, du fait de leur meilleur salaire aujourd'hui, vous avez aboli le pourboire. Doit-on penser qu'il y a discrimination par rapport aux mécaniciens et aux mécaniciennes, aux caissiers et aux caissières qui jouissent de revenus plus stables dont la clientèle ne peut apprécier le service? Nous vous laissons méditer sur ces quelques considérations et questions.

En conclusion, nous venons de le voir, le problème des pourboires, de l'impôt, des taxes, des conditions de travail présente de multiples facettes. Il n'est pas facile de faire face à toutes les contraintes qui surgissent, mais nous croyons fermement que la seule solution qui réponde réellement à tous ces problèmes est celle du 15% de frais de service ajoutés automatiquement aux factures. Nous croyons que cette solution, accompagnée des autres revendications présentées, répond au principe exposé dans la conclusion du livre vert quant au redressement des injustices faites aux travailleurs et aux travailleuses au pourboire ainsi qu'aux contribuables. De plus, nous ne croyons pas que cette solution risque de nuire à l'essor de l'industrie touristique québécoise. La situation de concurrence entre les établissements demeure identique, les frais de service s'appliquent à tous, les coûts supplémentaires pour la sécurité sociale et les avantages sociaux s'appliquent à tous, les augmentations de coûts pour les employeurs concernant la sécurité sociale et les avantages sociaux apparaîtront d'ailleurs, quelle que soit la solution adoptée, pour autant que le problème soit réellement réglé. Nous l'avons vu plutôt, les frais de service obligatoires sont loin d'être en tête de liste des facteurs influant sur l'achalandage touristique. En conséquence, nous croyons sans plus de délai que vous devriez mettre en oeuvre nos revendications.

En terminant, je voudrais demander à M. Marcel Pepin de donner une information sur l'impact du 15% en regard de chiffres qui nous ont été donnés ce matin, cet avant-midi ou au commencement de l'après-midi par l'Association des restaurateurs.

M. Pepin (Marcel-Guy): Voilà. Il nous apparaît important de compléter cette présentation par une estimation un peu de ce que cela peut représenter, quel effet cela peut avoir que les employeurs aient à payer les avantages sociaux sur ces revenus de pourboire et d'avoir à payer pour les différents régimes de sécurité sociale sur ces différents régimes.

La première partie, sur la question des consommateurs, on en a déjà traité dans le texte du mémoire, il est clair qu'on ne part pas de zéro pour se rendre à 15% tout d'un coup. On est déjà à un certain niveau quelque part entre le 0% et 15% pour tout le monde, à tout le moins. La moyenne varie aussi selon à peu près tous les types d'établissements: souvent, on peut retrouver 9% ou 10% de moyenne, cela peut représenter effectivement une augmentation de 5% pour les consommateurs.

Pour l'employeur, reprenons un peu l'exemple qui nous était présenté cet après-midi. C'est un exercice un peu mathématique, mais je pense que cela vaut la peine, cela a été fait un peu rapidement

à mon avis cet après-midi: Prenons un restaurant dont le chiffre d'affaires est de 300 000 $. Admettons qu'on y ajoute les 15% de service; on se retrouve donc avec 45 000 $ de service qui sont versés non par l'employeur, mais par le client; bien entendu, ce n'est pas un coût pour l'employeur. Prenons les différents régimes de sécurité sociale et les avantages sociaux. Je reprends les chiffres que vous nous présentiez cet après-midi, M. le ministre: la CSST: 1%, l'assurance maladie: 3%, le Régime de rentes du Québec: 1,80%, l'assurance chômage: 3,32%, pour un total de 9,12%. Ajoutons-y les 4% de vacances et j'y ajoute un deuxième 4% pour les congés ou des choses comme celles-là; cela représente deux autres semaines de salaire: 4%, pour un total de 17,12%. Admettons que ce soit le pourcentage qu'aurait à payer en avantages sociaux et sécurité sociale l'employeur sur ces 45 000 $.

M. Marcoux: Pardon. Les restaurateurs disaient 13%.

M. Pepin: Oui, mais allons-y généreusement pour voir un peu ce que cela peut donner.

M. Marcoux: Allez-y, oui, oui, continuez...

M. Pepin: On verra que le résultat diffère un peu de ce que les restaurateurs nous présentaient. 17,12% de 45 000 $ -parce que c'est de cela qu'il s'agit - cela nous donne 7704 $ de charges sociales supplémentaires qu'aurait à défrayer l'employeur. Supposons que ces coûts totaux pour ces 300 000 $ de ventes étaient de 290 000 $, c'est-à-dire qu'il restait 10 000 $ de profit. Ces coûts augmentés de 7704 $ se retrouvent à 297 000 $. En quoi le restaurateur aurait-il à augmenter ses prix de 25%? c'est-à-dire 25% sur 300 000 $, cela fait 75 000 $. Cet après-midi, il semblait nous indiquer qu'il était absolument nécessaire d'augmenter de 25% ses prix pour combler l'augmentation des charges sociales. S'il ne fait qu'augmenter ses prix de 25%, il n'y a pas d'augmentation de ses coûts, à part les 7000 $, il n'a pas de nouvelle augmentation de ses coûts. On a donc 75 000 $ de plus de revenus pour le restaurateur et une dépense supplémentaire de 7704 $. Il nous apparaît qu'il y a eu exagération de ce côté; on nous a présenté une version un peu apocalyptique de la situation.

M. Marcoux: Pouvez-vous reprendre, à partir des 45 000 $ plus 7000 $... Non, je leur ai demandé de m'envoyer leurs chiffres et je suis convaincu qu'ils vont me les envoyer.

M. Pepin: Ce serait bien intéressant de voir le calcul.

M. Marcoux: Pour les 300 000 $, on s'entend: 45 000 $ de plus pour les frais de service...

M. Pepin: On a 45 000 $, on prend l'hypothèse de 17%...

M. Marcoux: ... 7700 $ de...

M. Pepin: ... charges sociales supplémentaires...

M. Marcoux: ... de charges sociales supplémentaires.

M. Pepin: C'est son coût supplémentaire, nous en convenons...

M. Marcoux: D'accord.

M. Pepin: ... qui est entraîné par les 15% obligatoires et le fait d'avoir à payer la sécurité sociale et les avantages sociaux sur ces 45 000 $. Cela est le coût supplémentaire, c'est le seul coût qui s'ajoute; on en convient, il n'y a pas d'autres coûts que celui-là. Ils nous disent: II faut augmenter les prix de 25% pour couvrir cela. Si j'ai 300 000 $ de revenus, donc 300 000 $ de ventes, j'augmente mes prix de 25%, je retirerai donc, pour le même niveau de vente, 375 000 $ et j'aurai, si je retiens mon hypothèse de 290 000 $ de coûts du commencement, 297 704 $ de coût et 375 000 $ de revenu. Son profit sera passé de 10 000 $ à quelque 77 000 $.

M. Marcoux: Non, mais il y a une chose, il y a un petit oubli, je n'ai pas ma calculatrice, je ne suis pas comme un de mes collègues, mais vous oubliez les 45 000 $ entre les deux, c'est-à-dire...

M. Pepin: Les 45 000 $ sont payés par le client et non pas par le restaurateur.

M. Marcoux: D'accord. Il y a 7000 $ de payé par l'employeur, mais le total... Son chiffre d'affaires, au lieu d'être 300 000 $, il devient 345 000 $ plus 7000 $, donc, 352 000 $, et c'est dans ce sens qu'il disait, mettons, on arrive au 375 000 $ ou 372 000 $ ou quelque chose du genre pour maintenir la même chose, parce qu'il faut tenir compte...

M. Pepin: À ce moment-là, ce n'est pas une augmentation de 25% que vous me présentez.

M. Marcoux: C'est l'augmentation de 15% plus le 7000 $ sur 2% ou 3% de 7000 $ sur 300 000 $, si vous voulez; alors, c'est

une affaire comme 18% ou 19%.

M. Pepin: Séparons les choses. Il est clair que le 15%...

M. Marcoux: Je peux le réexaminer, mais c'est cela que j'ai compris.

M. Pepin: II est clair que le 15% est payé par le client et non par le restaurateur.

M. Marcoux: Oui, mais ce qu'ils nous ont dit cet après-midi: Si, le client ne diminue pas, augmente son budget en conséquence ou ne diminue pas la consommation globale, soit en termes alimentaire ou de boisson, le coût que je vais charger au client, ce n'est plus 300 000 $, c'est 345 000 $ plus 7000 $, c'est autour de 352 000 $, plus un profit, mettons de 10 000 $ ou 15 000 $, soit 368 000 $ ou 370 000 $. Il dit: En somme, le chiffre d'affaires ou ce qui va passer dans mes caisses, ce n'est plus 300 000 $, c'est 370 000 $. Il y a un 70 000 $ de plus qui va passer dans ses caisses, dont 7000 $ qui sont dans ses frais pour bénéfices sociaux de plus, mais pour le client, il y a quand les 70 000 $ de plus.

M. Pepin: Même pas pour le client, parce qu'il a au moins, si on prend la moyenne de 10%, par exemple, qui est versée actuellement en pourboires...

M. Marcoux: D'accord.

M. Pepin: C'est un 30 000 $ sur 45 000 $ qui est déjà versé.

M. Marcoux: Cela ne change rien; le reste de votre raisonnement se tient, sauf qu'il n'y a pas un écart de 50 000 $ entre ce que je disais et ce que vous disiez.

M. Pepin: II y a un écart considérable à tout le moins.

M. Blank: ... à arriver au chiffre des...

M. Marcoux: C'est important de s'entendre sur cela, sinon, on ne se comprend plus du tout: ou j'erre ou vous errez, un des deux. Mais est-ce qu'on s'entend que leur raisonnement, c'était 300 000 $, plus le 15%, plus les frais; ce qui fait à peu près 352 000 $ ou 355 000 $; si, on maintient, mettons, un taux de profit de 10 000 $ ou 12 000 $ ou quelque chose du genre, c'est autour de 360 000 $ ou 370 000 $ ou 365 000 $.

M. Pepin: D'accord, mais à ce moment-là, on ne partait pas de 300 000 $, on partait de 330 000 $, parce que le pourboire de 15% n'est pas tout nouveau, tout frais; on n'est pas parti de zéro pour se rendre à 15%.

M. Marcoux: Sauf que dans le chiffre d'affaires du restaurant, l'autre 30 000 $ n'a jamais été comptabilisé; il ne l'a jamais chargé directement au client.

M. Pepin: Oui, mais ce n'est pas parce que cela parle de son chiffre d'affaires que c'est un coût, par exemple.

M. Marcoux: D'accord, non, d'abord qu'on se comprend sur les articulations.

M. Blank: Mais, il y a une façon plus facile de calculer cela. Disons, que c'est 300 000 $ de chiffre d'affaires et, disons, qu'il y a un profit net de 10% qui est plus haut que ce qu'ils ont dit; aujourd'hui, on parlait de 5% ou 7%, disons, 10% pour arriver à un profit net de 7000 $ pour payer cette taxe. Il doit y avoir 70 000 $ de plus à faire; cela veut dire une augmentation de 25%.

M. Pepin: II est clair qu'il n'aura pas, à notre avis, un nouveau 70 000 $ à payer; il y en a déjà un montant qui est actuellement payé par le consommateur, et...

M. Blank: Non, pas du tout. Le pourboire, actuellement, ne va pas dans les mains du propriétaire; il fait son chiffre d'affaires de 300 000 $, c'est le chiffre d'affaires pour les repas. Les pourboires ne sont pas là du tout. Si on lui ajoute une autre dépense de 7750 $, il doit trouver cet argent quelque part. S'il travaille sur un profit net de 10%, il doit faire des ventes de 77 000 $ de plus.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: Pour qu'on s'entende, il y avait peut-être une erreur dans la façon de comptabiliser. Il y a une chose que je dois apporter comme précision à ce que je crois être une erreur dans ce qui était affirmé cet après-midi. On disait: Pour payer mon 7000 $ de bénéfices sociaux supplémentaires, je dois faire 70 000 $ de ventes de plus pour faire un 10% de profit sur cela. Il y a une erreur de raisonnement évidente.

M. Pepin: D'environ 50%, à tout le moins. On s'entend, pas besoin d'y avoir 25% d'augmentation des prix pour...

M. Marcoux: Non, ne tirons pas la couverte; je crois qu'on s'entend sur...

M. Pepin: Je vais vous donner seulement un dernier exemple. Actuellement, lorsqu'un client paie avec une carte de

credit, l'argent qui est versé en pourboire par le client s'en va, va finir par passer par la caisse de l'employeur d'une façon ou d'une autre, c'est-à-dire qu'il n'est pas donné de main à main aux travailleurs ou aux travailleuses au pourboire. Le fait qu'il soit inscrit directement sur la facture, fait un peu le même phénomène, c'est-à-dire qu'il passe par la caisse de l'employeur. La différence avec le régime actuel, c'est qu'il aura à payer sur cet argent qui passe par sa caisse, la sécurité sociale et les avantages sociaux. Les nouveaux coûts pour l'employeur sont ceux-là. (21 h 45)

Une voix: Quel est le pourcentage...

M. Marcoux: Si vous permettez, je vais inviter ma collègue de la Condition féminine à poser les premières questions et à faire les premiers commentaires pour engager le dialogue.

Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vous remercie pour votre mémoire qui a l'avantage d'être très clair, avec les petits ajouts qu'on finit par éclaircir à la toute fin et sur lesquels certains de mes collègues pourront revenir. J'aimerais aussi souligner le fait que vous faites ressortir quand même assez clairement le problème vécu par les femmes dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie. Si on était susceptible de penser qu'on est à 50%, pour une fois, égal en nombre, on se rend compte que, malheureusement, là encore, il y a des discriminations qui font en sorte que le revenu moyen des femmes qui s'y trouvent est encore inférieur à celui des hommes qui s'y trouvent. D'autre part, si on regarde cela par rapport à d'autres secteurs, il reste que, dans la population active, les femmes participent à 42%. C'est différent par rapport aux autres secteurs d'activité.

Ce que je vais faire pour ne pas allonger les débats, parce que je sens qu'on commence à être un peu fatigué et plus impatient...

Une voix: Pas de projection.

Mme Marois: Non, je ne fais pas de projection, c'est vous qui en faites, chers collègues d'en face. J'ai prévu mes questions de telle sorte que vous pourrez y répondre et d'autres collègues pourront reprendre certains éléments avec lesquels ils ne seraient pas d'accord ou quoi que ce soit.

Une suggestion a été faite par certains groupes de consommateurs dans d'autres mémoires déposés à la commission en ce sens que les travailleurs et les travailleuses au pourboire soient considérés comme des travailleurs et des travailleuses à part entière, mais à salaire fixe, ce qui aurait pour effet d'abolir - d'ailleurs, je pense qu'un collègue, cet après-midi, a aussi posé cette question - de faire disparaître cette notion de pourboire. J'aimerais avoir votre réflexion sur cette question.

D'autre part, c'est évident, on voit la solution que vous retenez avec tous ses avantages et je pense que vous reprenez aussi la critique des désavantages que nous pouvions avoir notés; c'était correct pour nous de le faire comme ce l'était pour vous de procéder de la même façon. Avez-vous envisagé d'autres hypothèses, en dehors du pourboire obligatoire sur chaque facture, parce que c'est un autre des problèmes que vous soulevez et que nous soulevons aussi comme gouvernement, pour en arriver à déterminer de façon objective quel est le revenu réel des travailleurs et des travailleuses au pourboire?

Ma dernière question est ramassée un peu dans votre mémoire. Vous faites état justement de cette situation très difficile des femmes dans l'industrie de la restauration et de l'hôtellerie, soit l'importance du revenu, soit le respect des normes minimales de travail ou le harcèlement sexuel. On est en train de corriger un peu notre charte des droits; le harcèlement devrait être compris dedans, mais quelles seraient, selon vous, les interventions qu'on devrait être amené à faire, les gestes qu'on devrait être amené à poser pour corriger ces situations? Car il reste que ce sont des problèmes auxquels on fait face comme société, et les moyens pour les résoudre ne sont pas nécessairement très faciles à trouver. Je ne sais pas si, chez vous, une réflexion a été faite autour de ces questions et j'aimerais que vous nous l'apportiez, si c'est le cas. Cela va faire le point, M. le ministre.

Le Président (M. Gagnon): M. Auger.

M. Auger (Christophe): Si vous permettez, je vais répondre à votre première question et je demanderai à Nicole de répondre au deuxième volet. On pourra compléter éventuellement. Avons-nous envisagé d'autres solutions? Au moment où on se parle, actuellement, ce pourquoi on a retenu cette solution et qu'on n'en a pas proposé d'autres, c'est qu'elle nous paraît la meilleure et non pas qu'on veuille rejeter, éviter ou combattre l'établissement d'un salaire fixe à taux raisonnable. On a, à l'intérieur de la centrale, on a effleuré ce sujet; on doit continuer à le regarder. On a parlé, ce matin, de la question de mentalités qui ne changent pas du jour au lendemain; on a parlé de l'évolution. On partage cela et les travailleurs et travailleuses au pourboire avec qui on travaille le partagent également, sauf qu'un problème majeur se pose quand on

parle de salaire fixe, si on décidait de l'appliquer dans le contexte actuel. Le taux de syndicalisation - cela a été posé comme question ce matin - chez les travailleurs et travailleuses au pourboire doit être de l'ordre de 2% ou 3%. Si, du jour au lendemain, on établissait un salaire fixe, cela voudrait dire, à toutes fins utiles, que ces travailleurs et travailleuses se retrouveraient au salaire minimum: 4 $ l'heure. Cela voudrait dire, pour la totalité ou la très grande majorité d'entre eux et d'entre elles, une diminution de salaire. Une ouverture sur un salaire, pour nous, ne peut s'appliquer que dans la mesure où véritablement l'accès à la syndicalisation pour la très large part des travailleurs et travailleuses au pourboire serait permis. Ce qu'on constate, non pas théoriquement, mais pratiquement, pour avoir tenté à maintes reprises la syndicalisation dans la restauration, dans les petites entreprises -même dans d'autres secteurs, je parle dans de petites entreprises - c'est qu'il est impossible de réaliser, selon le Code du travail actuel, la syndicalisation des travailleurs et travailleuses au pourboire dans des établissements comptant moins de 20 personnes, par exemple, bien moins que cela pour une grande majorité d'établissements. On a déjà formulé au ministère du Travail, au présent gouvernement, la demande d'instaurer l'accréditation multipatronale qui permettrait l'instauration, effectivement, d'une syndicalisation plus large et de la défense des droits des établissements par négociation de conventions collectives, établissement de normes salariales et de conditions de travail générales davantage respectables pour les travailleurs et travailleuses.

On ne peut pas voir cela la semaine prochaine pour les raisons que j'ai mentionnées. Il y a deux types de raisons: il y a le Code du travail et il y a aussi la réflexion qu'on doit poursuivre avec les travailleurs et travailleuses affiliés à la CSN. Il nous semble que cela devrait être un but recherché dans un laps de temps le plus court possible, parce que cela ne touchera pas seulement les travailleurs et travailleuses au pourboire, mais cela va rejoindre aussi d'autres catégories de travailleurs, malgré la reconnaissance, je dis toujours un peu théorique, d'un droit à la syndicalisation qui ne peut pas s'appliquer pour une trop grande majorité de travailleurs au Québec. Sur la deuxième question, peut-être que Nicole...

Mme Demers (Nicole): Sur le harcèlement sexuel?

Mme Marois: Vous me dites donc que l'accréditation multipatronale serait une forme de solution qui ferait en sorte qu'on éviterait d'en arriver à proposer des choses comme celles que vous proposez pour résoudre le problème particulier des travailleurs et des travailleuses au pourboire.

M. Auger (Christophe): À notre avis, il est clair qu'à partir du moment où il y aura un taux de syndicalisation plus élevé, cela nous situerait dans une autre perspective par rapport à ces situations. Là où les travailleurs et travailleuses sont syndiqués à la CSN, on a réussi à aller chercher des taux de salaire, à négocier des conditions de travail générales qui sont supérieures à celles qu'on retrouve généralement à l'extérieur, là où c'est non syndiqué ou syndiqué pour d'autres affaires. Nicole?

Mme Demers: Pour les conditions de travail pour les femmes dans l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration, ce qui se produit le plus souvent, malheureusement, comme mon confrère l'indiquait, c'est qu'il y a une grande partie de non-syndiquées qui subissent, bien souvent de la part des patrons, le harcèlement sexuel et les conditions de travail pénibles, parce qu'elles ne sont pas protégées, même par les conditions des normes minimales du travail auxquelles on fait appel. C'est un processus sans fin qui ne protège pas vraiment les travailleurs et les travailleuses au pourboire, à cause de la grande fréquence de changements de travailleurs dans l'industrie.

Pour les gens syndiqués, c'est un peu différent. À la condition féminine, à la CSN, on travaille présentement sur un dossier, justement, sur le harcèlement sexuel. C'est très important pour nous, parce qu'on se rend compte que, de plus en plus, les gens n'osent pas venir avec leurs problèmes parce qu'ils ont peur de perdre leur emploi, surtout les non-syndiqués, qui sont vraiment obsédés par cela, parce que c'est le patron et le client. Elles doivent le subir du patron pour garder leur job, elles doivent le subir du client pour avoir le pourboire. C'est très difficile pour elles d'aller admettre qu'elles ont un problème de harcèlement sexuel. Je vois que vous êtes entourée d'hommes qui ne semblent pas vous harceler, vous ne semblez pas stressée par cela, mais, dans l'hôtellerie, c'est grave. C'est vraiment terrible. Alors, on travaille sur le dossier, on étudie plusieurs possibilités présentement. Il y a sûrement beaucoup de solutions. Pour le moment, les solutions sont multiples; cependant, le problème est complexe et on doit en étudier toutes les dimensions. Alors, je ne peux pas arriver ce soir avec des solutions précises.

Mme Marois: Est-ce que vous avez déjà essayé de poursuivre, dans des cas particuliers?

Mme Demers: Dans des cas spécifiques, il y a plusieurs poursuites qui se sont faites.

Malheureusement, le patron, dans la plupart des cas, a le beau rôle parce qu'il peut dire à la personne qui est impliquée: Écoute, si tu me poursuis, tu es foutue à la porte. La plupart du temps, ce sont des femmes qui sont soutien de famille, qui sont de famille monoparentale et qui n'osent pas poursuivre la personne qui les harcèle. C'est impossible pour elles car elles perdraient leur emploi. Il n'y a pas d'emploi présentement, on le sait. On subit le chômage dans le Québec à un rythme effarant. Alors, les personnes ne poursuivent pas, elles subissent leur condition, elles continuent de travailler dans des conditions pénibles, des heures non payées, des congés fériés non payés, des heures supplémentaires à faire du travail qui ne fait pas partie du tout du travail de serveuse qui est quand même payé à 3,28 $ l'heure et elles n'osent pas faire de revendications à ce sujet parce qu'elles savent fort bien qu'elles n'auront plus d'emploi demain matin.

Nous, comme syndiqués, on a quand même des recours. On essaie de contourner cela par nos conventions collectives. On a même des problèmes avec cela parce que, même à ce niveau, les patrons ne veulent pas reconnaître nos droits, même dans les conventions collectives, comme travailleurs au pourboire. On leur dit: Le ministère du Revenu nous demande de déclarer des revenus. On vous demande de nous payer au moins les salaires de vacances sur les revenus déclarés. On nous le refuse carrément. On nous dit: Ce n'est pas à nous de vous payer cela. Écoutez, si on le paie, on ne voit pas pourquoi on ne devrait pas être payé pour cela. C'est très difficile et c'est très complexe comme problème.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, je voudrais soulever la question du niveau d'emploi dans le secteur. Je pense que nous partageons tous les préoccupations de ne pas, surtout à ce moment-ci, augmenter le chômage. Je voudrais poser la question dans l'hypothèse qu'on adopte des frais de service obligatoires de 10% ou 15%. Est-ce qu'il est possible que les structures de la demande dans le secteur changent en réagissant à ces frais de service obligatoires? Si oui, est-ce que cet ajustement est susceptible de baisser le nombre d'établissements et le niveau d'emplois dans le secteur? On a entendu cet après-midi, vous comme nous, qu'essentiellement il fallait manger au Québec et que le nombre d'établissements peut changer. Il peut y avoir des morts quelque part sur le champ de bataille mais, enfin, un travailleur trouverait toujours un niveau donné d'emploi. Je vous avoue que je ne suis pas convaincu que c'est le cas, surtout si on pense à réduire le nombre d'établissements. Évidemment, les économies d'échelle sont assez importantes pour un établissement donné qui bénéficie de la disparition des établissements autour.

Tout cela pour vous demander votre analyse; les établissements de "fast-food", les sacs de lunch au bureau, ces phénomènes sont-ils susceptibles de venir suite à un tel changement?

M. Auger (Christophe): Je pense qu'on l'a dit dans le mémoire. Il est clair que la proposition qu'on formule, l'intégration des 15%, va comporter une certaine hausse de coût. On ne le nie pas. Cette hausse du coût, quel effet cela va-t-il avoir sur la structure de restauration et d'hôtellerie actuellement au Québec? Il est malheureusement possible qu'un certain nombre de ces établissements ferment, que ces établissements n'arrivent pas. Sauf que, moi, j'aimerais qu'on pondère cela énormément. On n'a pas actuellement les 15% inclus sur la facture et, que je sache, on a un paquet de fermetures dans ce secteur comme dans d'autres qui sont inadmissibles.

Donc, l'ajout des 15%, à partir de quand cela va-t-il faire renverser une partie des entreprises de restauration et d'hôtellerie? Je ne suis pas capable de fournir d'estimation mais je peux vous dire qu'effectivement il peut y avoir ces conséquences, liées à un ensemble d'autres causes. Deuxième problème, c'est qu'on doit reconnaître que, dans ce secteur comme dans bien d'autres, on peut dire qu'il y a un développement à peu près totalement anarchique. Cela a été souligné par d'autres. Les restaurants naissent, disparaissent. Cela voyage beaucoup. On ne peut pas mettre cela sur le dos d'une revendication des travailleurs et travailleuses et dire: Si on augmentait réellement dans le fond les 5% qui apparaissent au client et qui ont un léger impact sur l'employeur, cela va entièrement changer les choses et déstructurer complètement la situation dans l'hôtellerie et la restauration. (22 heures)

Troisième chose que j'aimerais dire là-dessus, c'est qu'on a entrepris à la CSN depuis le printemps dernier avec un peu plus d'intensité cet automne - il y avait une rencontre aujourd'hui avec le premier ministre du Québec et des représentants de la CSN - une campagne dans le but de forcer, comme centrale syndicale, le gouvernement à adopter ce qu'on appelle une politique de plein emploi, qui s'appuie sur le développement des secteurs. Encore une fois, on est très conscient qu'on ne développera pas le secteur de l'hôtellerie pour le plaisir de le développer; on va nécessairement plafonner, à un moment donné, le nombre de

touristes qui viennent au Québec pour alimenter la structure touristique. Il y a quelque part un plafonnement. Le reste du soutien de l'hôtellerie et de la restauration passe par le développement de l'ensemble des autres secteurs.

Ce qu'essaient d'avancer, de formuler et de débattre les ministères responsables et le gouvernement, c'est effectivement, dans plusieurs secteurs, que ce soient les pêcheries, que ce soit la métallurgie, que ce soit la forêt, des projets de création d'emplois faisant en sorte que nécessairement, l'économie et l'ensemble de la conjoncture se plaçant mieux, on ait moins d'impacts négatifs même de hausses relatives dans l'hôtellerie et dans la restauration. Il faut voir cela dans un ensemble. On ne peut pas isoler cela pour dire: Votre proposition ajoute des frais supplémentaires; quel impact cela aura-t-il sur l'hôtellerie? Est-ce que cela fera renverser 5%, 10%, 15% ou 20%? Je ne suis pas capable de vous le dire. On sait que cela occasionne une hausse de coûts, mais cette hausse, si on l'isole, en elle-même, elle m'apparaît peu significative.

Les établissements qui tomberaient à cause de cela, ils avaient déjà très mal aux jambes, leur vie était déjà très menacée, sauf que cela ne nie pas, au contraire, la nécessité pour nous de pouvoir avancer sur d'autres secteurs pour renforcer l'ensemble. C'est ce qu'on a entrepris comme démarche à la CSN et c'est ce qu'on va pousser auprès du gouvernement, auprès des ministères concernés, celui de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et d'autres, dans le but de forcer la reprise de l'emploi dans l'ensemble des secteurs. Je suis sûr qu'on va s'entendre, que cela aura un impact très positif sur la restauration et sur l'hôtellerie, comme cela aura un impact très positif sur l'ensemble de la remise au travail des travailleurs et des travailleuses qui sont actuellement en chômage.

Le Président (M. Gagnon): Avant de vous redonner la parole, M. le député de Westmount, à ce moment-ci, comme l'ordre de la Chambre était de siéger jusqu'à 22 heures et qu'il est maintenant 22 heures, cela me prend l'assentiment de la commission pour qu'on puisse poursuivre nos travaux. Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'on poursuive nos travaux?

M. French: Oui.

Le Président (M. Gagnon): II nous restera, après la CSN, deux autres mémoires à entendre.

Deuxièmement, juste au cas où il y en aurait qui seraient tentés de quitter à ce moment-ci, je vais vous dire que demain nous siégerons à la salle 81-A au lieu de cette salle-ci. Un autre petit point, j'ai besoin de l'accord de la commission pour que Mme la députée de L'Acadie puisse prendre la parole à la place du député de Papineau.

M. Marcoux: Consentement accordé avec plaisir.

Le Président (M. Gagnon): Vous êtes d'accord. M. le député de Westmount.

M. French: M. le Président, pour enchaîner, j'avais soulevé la question des "fast-foods"; je pense qu'on ne peut pas l'ignorer dans le contexte. On peut penser toutes sortes de choses, à la suite de ce qu'on a entendu cet après-midi et ce matin des différents intervenants, mais une chose m'a frappé, c'est que les propriétaires de ces chaînes sont surtout de l'extérieur de la province et même de l'extérieur du pays. Je présume que les 15% ou les frais de service obligatoires ne s'appliqueraient pas à eux. Je me trompe peut-être, mais les autres intervenants n'ont pas manifesté le désir, le souhait d'étendre cette exigence de frais de service obligatoires aux établissements de "fast-food". Vous revendiquez peut-être cela, mais je voudrais vous entendre sur cela et sur son application. Si vous ne voulez pas que cela s'applique à ce secteur, quelle est votre réaction quant à la menace possible que ces établissements viennent siphonner la clientèle, à la suite des frais de service obligatoires?

M. Auger (Christophe): Dans notre mémoire, on ne dispense pas les chaînes de "fast-food" des 15% même si, dans certains cas, je le disais tantôt, cela ne s'applique pas du tout. Dans d'autres cas, cela s'applique avec des nuances. On n'a, cependant, pas pu expliciter dans le présent mémoire suffisamment pour voir exactement comment on en arriverait à imposer ces 15%. Cela va effectivement créer des ajustements qui ne sont pas les mêmes que dans la restauration où c'est déjà en application. Il y a un certain nombre de problèmes. On n'a pas été capable de pousser notre réflexion assez loin. Ce qu'on voudrait vous dire là-dessus, c'est que nous, à la CSN, d'une part, on va continuer à y réfléchir et, d'autre part, on serait heureux, à partir du moment où on aurait un énoncé de politique qui rejoindrait nos préoccupations, de revenir débattre avec vous de ces moyens-là. On s'engage, pour notre part, à continuer notre réflexion sur cette question-là. Mais, au départ, on dit qu'ils devraient être inclus. Parce que, s'ils ne sont pas inclus, effectivement, l'autre moyen d'y arriver, c'est par une réglementation gouvernementale qui fera en sorte qu'ils seraient, je dirais, imposés d'une autre façon pour que cela ne vienne pas saper

complètement tout ce qui se fait dans la structure de la restauration et de l'hôtellerie plus traditionnellement québéboises. C'est actuellement notre point de vue sur cette question.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Westmount.

M. French: Sur une autre question, vous avez, je pense, accepté le principe de la répartition des pourboires parmi les employés qui ne sont pas les serveurs et les serveuses nécessairement. Est-ce que cela devrait être négocié ou est-ce que cela devrait être réglementé par le gouvernement?

M. Auger (Christophe): La répartition, effectivement, on dit que cela ne doit pas nécessairement s'appliquer juste à ceux et celles qui sont directement touchés. Ce qu'on dit - bien sûr, pour nous autres, là où on a des syndicats - c'est qu'on peut négocier parce que cela fait partie, finalement, de l'ensemble de l'économie d'une convention collective et de l'organisation du travail. Dans le cas où il n'y aurait pas de négociation ou de convention collective en vigueur, il nous semble qu'il faudrait qu'il y ait au minimum une clause qui permettrait que ces débats puissent se faire à propos de l'organisation du travail, parce que la répartition des pourboires touche un aspect de l'ensemble de l'organisation du travail. Il faudrait qu'on puisse trouver une façon pour en débattre. On maintient, quant à nous, que la meilleure solution, c'est que les travailleurs et travailleuses soient organisés en syndicat et échangent avec l'employeur. C'est malheureusement trop faiblement le cas. Là où cela n'existe pas, il faudrait voir comment cela peut s'aménager. On n'a pas, non plus, de solution immédiate, mais le principe qu'on met de l'avant, on doit s'assurer de son application la plus intégrale possible, la plus conforme possible.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, sur vos revenus réels, à la page 10, vous dites qu'il y a plusieurs travailleurs ou travailleuses qui doivent "remettre au patron le chèque de paie qu'ils viennent de signer et se contenter de leurs pourboires." Dans ce cas-là, est-ce qu'ils n'ont pas un syndicat pour les défendre, est-ce qu'ils n'ont pas des moyens de recours ou de revendication possibles?

M. Auger (Christophe): Je ne pense pas que cela se produise dans nos syndicats; on me corrigera, mais je ne pense pas que cela se produise dans nos syndicats. Cela se produit où c'est non syndiqué. En vertu de la

Loi sur les normes de travail, l'employeur doit verser un salaire minimum de 3,28$, mais, compte tenu que, dans certains endroits, les gains par pourboires sont importants, il y a cet échange-là qui se produit. Ce qu'on veut, c'est que cela ne se produise plus du tout.

Mme Juneau: Mais les recours possibles, s'il n'y a pas de syndicat, c'est quoi?

M. Auger (Christophe): II n'y a pas, malheureusement, beaucoup de recours, parce que - et là, je rejoins ce que Nicole disait tantôt - si la travailleuse ou le travailleur -et cela s'est produit dans les quelques exemples dont j'ai eu connaissance et peut-être que Mario ou d'autres pourront compléter là-dessus; ils sont dans le milieu pour donner d'autres exemples - conteste l'employeur, quand tu n'as pas de syndicat et que tu n'es pas organisé, tu te fais foutre dehors et là, on ira prouver devant la Loi sur les normes de travail qu'on a raison. Certains ont déjà eu gain de cause, effectivement, après quelques mois d'attente sans emploi. Et par la suite, à la première anicroche, étant donné qu'il n'y a pas de syndicat, c'est à nouveau la porte. C'est malheureusement la situation devant laquelle on se trouve.

Il y a deux écueils importants. D'une part, les délais longs que le travailleur ou la travailleuse doit affronter quand il est en recours devant la Loi sur les normes de travail et, d'autre part, le fait que l'employeur l'a maintenant à l'oeil et dit: Au prochain faux geste - je vais le dire entre nous; on sait bien que, dans quelque fonction qu'on occupe, il nous arrive de commettre un geste ou l'autre - compte tenu qu'il n'y a pas de critères et n'ayant pas de syndicat, la travailleuse ou le travailleur se retrouve à la porte à nouveau.

Mme Juneau: II y a une autre chose que je voudrais vous demander. Vous dites aussi sur les conditions de vie: "Ils et elles travaillent le soir, les fins de semaine, les jours de congé, les longues fins de semaine, à Pâques et à Noël". Dans un paragraphe plus loin, à la page 11, quand vous parlez de la place des femmes dans l'hôtellerie, vous dites: "De plus, il ne fait aucun doute que c'est dans ces petits établissements que sont le moins respectées les normes de travail concernant les heures de travail, le temps supplémentaire." Qu'est-ce que vous appelez "le temps supplémentaire" quand vous mentionnez qu'ils travaillent à Noël, à Pâques, toutes les longues heures de la fin de semaine? Qu'est-ce que vous appelez le temps supplémentaire?

M. Auger (Christophe): Oui, peut-être Marcel, Gilles, Mario ou d'autres.

M. Pepin: Bon. Le temps supplémentaire est prévu dans la Loi sur les normes de travail. Je ne me rappelle pas exactement le nombre d'heures; je pense que cela a été baissé à 44 heures lors de la dernière modification. Au-delà de 44 heures de travail dans une semaine, il est prévu à la Loi sur les normes minimales de travail que le travail doit être rémunéré à temps supplémentaire, c'est-à-dire une fois et demie le taux normal du salaire. Il n'est pas évident, parce qu'une personne travaille à Noël, que c'est du travail supplémentaire. Il se peut fort bien que cela fasse partie des 26 heures de la semaine en question.

Une voix: C'est cela.

Mme Juneau: II n'y a pas d'égard, comme cela, du tout si c'est une fête.

M. Pepin: Pour certaines fêtes, il y en a qui sont traitées par la Loi sur les normes de travail. Je ne me rappelle pas précisément, non plus, ce qui arrive dans ce cas, si une majoration du salaire est prévue, mais c'est le cas de quelques journées dans une année; au-delà de cela, le temps supplémentaire s'appliquera en sus des 44 heures, s'il y a lieu.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Pourriez-vous me dire le pourcentage de personnes employées dans la restauration qui sont syndiquées? Vous estimez à 80 000 le nombre d'emplois dans la restauration, quel est le nombre de syndiqués?

M. Auger (Christophe): On peut avancer un chiffre, mais c'est vraiment sous réserve, pour les travailleurs au pourboire.

Mme Lavoie-Roux: Oui, oui.

M. Auger (Christophe): On peut le chiffrer autour de 2% à 3%. Donnons-nous une grande marge de manoeuvre, 5% ou 6% peut-être.

M. French: Vous en avez 2000. M. Auger (Christophe): Pardon? M. French: Vous en avez 2000.

M. Auger (Christophe): On en a environ 2000.

M. French: Mais alors, 2000 pour vous et 2000 pour M. Côté, cela fait déjà plus de 4%.

M. Auger (Christophe): Excusez. Ce chiffre de 2000, c'est l'hôtellerie et la restauration. Pour la restauration, je n'ai malheureusement pas avec moi les chiffres.

Mme Lavoie-Roux: En tout cas, c'est un nombre assez infime.

M. Auger (Christophe): C'est très faible. Entendons-nous là-dessus, on ne se lancera pas dans une bataille de chiffres.

Mme Lavoie-Roux: Maintenant, on a beaucoup parlé des conditions difficiles pour les serveurs et serveuses dans la restauration; est-ce que vous avez des statistiques sur la persévérance dans l'emploi?

M. Auger: Je ne sais pas, Nicole ou Mario.

M. Chabot (Mario): Quand ce n'est pas syndiqué, aux quelques endroits où j'ai travaillé, c'est deux fois dans une année qu'il y a un changement de personnel sur le plancher dans les restaurants plus ou moins touristiques.

Mme Deniers: II y a une incidence encore plus grande parce qu'il y a aussi des employés non syndiqués dans la restauration et l'hôtellerie qui se doivent de travailler au noir, en dessous de la table, parce que ce sont des conditions de travail que l'employeur exige de ses employés. Alors, on n'est pas au courant du nombre exact de ces employés; c'est aussi un nombre assez important. Maintenant, dans plusieurs établissements, on parlait tantôt de personnes qui doivent signer leur chèque de paie et le remettre à l'employeur. Il y a des cas spécifiques, comme présentement à Trois-Rivières, où il y a un établissement où les employés travaillent sans salaire, sans aucun salaire, même pas le minimum. Ils l'ont fait d'accord avec le patron, parce qu'autrement le patron les foutait à la porte et même la Commission des normes du travail a été d'accord avec cela. Ils ont dit: Écoutez, si vous ne faites pas de revendication là-dessus, nous ne pouvons rien faire. Alors, on se demande vraiment ce que cette commission apporte dans le cas des employés qui ne sont pas syndiqués.

Mme Lavoie-Roux: C'était ma question suivante. La Loi sur les normes de travail a été adoptée avec l'objectif principal de protéger surtout les plus faibles des travailleurs; dans quelle mesure ceci protège-t-il les travailleurs? Peut-être qu'une façon de l'évaluer serait de savoir si la CSN a relevé auprès de la commission le nombre de plaintes, par exemple, qui proviendraient de personnes non syndiquées et de personnes syndiquées, pour faire le partage touchant la

non-observation de la Loi sur les normes de travail.

(22 h 15)

Mme Demers: Justement, alors que M. Marois était encore au ministère du Travail, nous avons rencontré un de ses adjoints et on a soulevé ce point. Les normes minimales de travail ont été invoquées pour la plupart des travailleurs non syndiqués.

Malheureusement, cela n'a pas été fait pour les employés au pourboire, les serveurs et les serveuses qui sont une autre catégorie de travailleurs. Ils ne sont pas touchés par ces normes à cause justement du grand changement des travailleurs dans différents établissements. Alors que, selon les normes minimales de travail, habituellement pour avoir un recours, pour pouvoir retourner dans ton endroit de travail, tu dois avoir un minimum de cinq ans de travail dans cet établissement, pour les serveurs et les serveuses, comme on l'a dit tantôt, c'est une fréquence de six mois dans les établissements non syndiqués. Ils n'ont aucun recours là-dedans. Lorsqu'ils ont recours aux normes minimales de travail, malheureusement, l'employeur le sait aussitôt, parce que, s'il y a une employée qui se plaint, l'enquêteur va sur les lieux. L'employeur sait bien quelle employée est mécontente; alors, elle est foutue à la porte ou harcelée. On ne lui donne pas de client, on lui donne une section où il n'y a absolument personne, on la fait travailler des heures impossibles, on ne la paie pas. Elle s'en va d'elle-même; alors, elle n'a aucun recours dans ce cas.

Mme Lavoie-Roux: Vis-à-vis des autres dispositions de la Loi sur les normes de travail, touchant l'observation d'un certain nombre de jours fériés - je pense que c'est sept par année - et d'autres dispositions, est-ce que les employeurs sont maintenant un peu plus sensibilisés ou si c'est presque oublié?

Mme Demers: Les employeurs sont sensibilisés, mais, malheureusement, ils ne sont pas d'accord pour les payer. Ce qui se produit la plupart du temps, c'est que ces personnes travaillent les jours fériés et qu'elles ne sont pas payées, même si elles doivent effectuer du travail supplémentaire. Ces mêmes journées, elles vont travailler de 8 heures à 23 heures, parce que c'est une période très occupée, comme à Pâques ou à Noël, alors qu'il y a des repas de famille et tout cela. Elles ne sont même pas payées pour le temps supplémentaire, encore moins pour les jours fériés.

Mme Lavoie-Roux: À votre connaissance, dans quelle mesure la commission, par le truchement de ses inspecteurs, exerce-t-elle une surveillance dans les endroits non syndiqués?

Mme Demers: II n'y a pas suffisamment d'inspecteurs, premièrement; alors, ils ne peuvent pas faire le tour de tous les établissements à une fréquence régulière.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'ils le font quand même, même s'ils sont obligés de le faire rarement?

Mme Demers: Seulement lorsqu'ils ont des plaintes.

Mme Lavoie-Roux: Seulement s'ils ont des plaintes.

Mme Demers: Comme les plaintes ne sont pas très fréquentes, alors, les inspecteurs ne visitent pas les établissements.

Le Président (M. Gagnon): M. Auger.

M. Auger (Christophe): D'une part, ils y vont sur plainte. Le deuxième problème, lorsqu'il y a plainte, il y a perte d'emploi. C'est un cercle vicieux. Les travailleurs et travailleuses n'osent pas faire des plaintes parce qu'ils ne veulent pas perdre leur emploi. Alors, on tourne un peu en rond dans cette question.

Mme Lavoie-Roux: À votre connaissance, il n'y a jamais d'inspecteur qui va se...

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de L'Acadie, je m'en excuse, mais je vous invite à aller un peu plus rapidement.

Mme Lavoie-Roux: II me semble que mes questions sont courtes, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): J'ai encore quatre intervenants qui veulent poser des questions et on a encore deux autres mémoires à entendre par la suite. Je vous redonne la parole.

Mme Lavoie-Roux: Je vais me soumettre, M. le Président, mais il me semblait que mes questions étaient courtes. Elles sont nombreuses, mais elles sont courtes.

Le Président (M. Gagnon): Elles sont nombreuses, par exemple. C'est vrai qu'elles étaient courtes, mais elles sont nombreuses.

Mme Lavoie-Roux: C'est quand même important, M. le Président, c'est peut-être un des premiers champs d'activité où on a l'occasion d'examiner le fonctionnement de la Commission des normes du travail en fonction des personnes pour qui cette loi a été particulièrement adoptée.

Le Président (M. Gagnon): Je suis

d'accord avec vous, mais je sentais le besoin de vous dire qu'il y a encore quatre intervenants et deux autres groupes à entendre.

Mme Lavoie-Roux: Je vais poser une dernière question, alors. Eu égard au congé de maternité, dans quelle mesure est-il accordé à la travailleuse dans la restauration?

Mme Demers: La travailleuse syndiquée obtient le congé de maternité; la travailleuse non syndiquée, c'est négatif; elle est enceinte, elle a son bébé et elle perd son emploi, tout simplement. Elle doit rechercher un emploi par la suite, si elle décide de quitter le foyer pour retravailler, mais elle ne retourne pas au lieu d'emploi qu'elle avait précédemment.

Mme Lavoie-Roux: Même si elle a payé ses cotisations à l'assurance-chômage.

Mme Demers: Ses cotisations à l'assurance-chômage se basent sur son salaire de base. Donc, ce qu'elle reçoit pendant qu'elle est en congé de maternité, c'est tellement minime qu'elle ne peut pas se permettre d'être en congé de maternité pendant dix ou dix-huit semaines. Elle reçoit environ 45 $ ou 47 $ par semaine de prestations d'assurance-chômage; ce n'est pas beaucoup.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: M. Auger, vous avez fait allusion tout à l'heure à un stage en France. J'aimerais savoir si, à la table, il y a quelqu'un qui a participé à ce stage. Un chroniqueur bien connu écrit, dans un journal de ce matin, que 38 membres de la CSN se sont rendus en France - ils sont revenus samedi - pour scruter le problème du pourboire. Alors, je me pose des questions, comme bien du monde, à ce sujet-là.

M. Auger (Christophe): J'ai donné l'information tantôt, au début. Je vais seulement la répéter rapidement et peut-être que Mario pourra ajouter quelques éléments là-dessus.

M. Chabot: J'ai été en France dans le cadre de l'Office franco-québécois de la jeunesse.

M. Lachance: Étiez-vous 38 membres de la CSN?

M. Chabot: Non. On était quatre de la CSN, trois syndiqués dans différents hôtels,

Holiday Inn, Quatre Saisons et Sheraton Saint-Laurent, ainsi qu'un conseiller syndical du Conseil central de Montréal.

Contrairement à ce qui a été dit aussi ici, on n'a pas reçu un chèque de 1000 $ pour aller là-bas; cela nous a coûté les pleins prix, de ma poche ou de la poche des personnes qui y sont allées dans le cadre de l'Office franco-québécois. Tout le monde peut se présenter à un de ces stages. Cela cadrait avec les buts du stage de voir une position syndicale au problème, d'aller voir comment la syndicalisation se faisait.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Terrebonne.

M. Blais: Une question très courte, parce qu'il est très tard. J'espère que la réponse sera aussi courte. Premièrement, ne craignez-vous pas, comme chef syndical, que, si jamais on appliquait une règle de pourboire obligatoire, cela vous rendrait la tâche plus difficile pour la syndicalisation dans vos restaurants à la grandeur du Québec? Deuxièmement, vous parlez toujours et tout le monde parle de 15%; si jamais on décidait d'imposer un pourboire obligatoire, s'il était moindre que 15%, quelle serait votre réaction?

M. Auger (Christophe): Pour la deuxième question, on appréciera au moment où on le connaîtra. Pour l'instant, il me semble que la pratique a institutionnalisé les 15% et on pense qu'elle doit être respectée.

À la première question, oui. On en est très conscient et c'est conforme aux orientations et aux pratiques de la CSN de dire qu'on va défendre nos membres, mais on va défendre d'autres gens en même temps; cela a toujours été cela du temps de la CTCC (la Confédération des travailleurs catholiques du Canada) et à partir de 1960, de la CSN. J'espère qu'on va continuer comme cela. Quant à moi, on va continuer comme cela.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: Seulement une question. Le député de Westmount a soulevé la question des "fast-foods". Vous voulez qu'on impose les 15% aussi à ces gens. Le Big Mac va augmenter de 15%. Je veux vous citer un extrait du mémoire qu'on va présenter après le vôtre. Je veux avoir votre commentaire: "Advenant la mise en vigueur de frais de service obligatoires de 15%, tel que préconisé par le livre vert, les clients de nos restaurants, les "fast-foods", seraient arbitrairement forcés de verser environ 10 140 000 $ annuellement pour lesquels ils ne recevraient absolument aucune valeur ou service dont ils ne jouissent présentement."

Sur quelle base voulez-vous imposer aux plus démunis et aux jeunes qui fréquentent ces restaurants un montant annuel de 10 000 000 $?

M. Auger (Christophe): Vous vous référez aux chaînes strictement québécoises, pour avancer ces chiffres?

M. Blank: Ce n'est pas moi, c'est celui qui va présenter le prochain mémoire. C'est seulement la chaîne McDonald, cela ne touche pas les autres. Cela veut dire que cela peut être 20 000 000 $.

M. Auger (Christophe): Je pense, là-dessus, à la réponse suivante: notre principe est qu'on doit l'appliquer dans l'ensemble. On a dit tout à l'heure qu'on était prêt à regarder de quelle façon cela pouvait se faire. On est conscient qu'il y a un problème particulier là; il est de deux ordres. Il se situe pour faire en sorte que les "fast-foods" n'aient pas un pas d'avance sur l'ensemble de l'industrie hôtelière et de la restauration, d'une part. D'autre part, quand vous dites les plus démunis, les enfants et tout cela, moi, j'aurais davantage tendance à vous apporter une réponse, je dirais, à connotation culturelle plus qu'autre chose, à savoir qu'un Big Mac, cela peut être bon, mais j'oserais dire que, si on était capable de développer quelque chose de plus conforme, de plus sain, cela serait encore mieux. On aurait donc moins à payer sur le 10 000 000 $.

M. Blank: Cela va être aussi un "fast-food", cela va être la même chose.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: Rapidement, je ne reviendrai pas sur la question des "fast-foods", parce que M. le député de Saint-Louis l'a soulignée. J'aimerais simplement que vous réfléchissiez à une chose et, si vous avez des commentaires à nous faire parvenir, cela nous serait utile. Dans l'hypothèse où on dit qu'actuellement il n'y a pas de pourboire dans les "fast-foods", si on étendait la taxe de vente dont on a parlé aujourd'hui - vous y avez assisté, alors je ne reprendrai pas toute la discussion - en la réduisant à 8% ou quelque chose comme cela, quelle que soit la mesure ou la solution qu'on adopte concernant l'ensemble de la restauration et de l'hôtellerie, c'est sûrement un poids financier de plus par rapport à l'ensemble du secteur de la restauration et de l'hôtellerie. Or, actuellement, le secteur du "fast-food" n'a pas, parce que les repas sont souvent en bas de 3,25 $, de taxe de vente. Je me demande s'il n'y aurait pas une articulation. Je ne voudrais pas expliciter davantage; je pense que vous voyez peut-être la perspective d'une certaine équité, jusqu'à un certain point. Si tu allèges les charges d'un secteur pour équilibrer, à ce moment-là, tu peux demander une participation aux avantages sociaux dans les secteurs où il y a des travailleurs au pourboire. En tout cas, si vous avez des réflexions sur cela à un moment donné - nous n'aurons peut-être pas le temps ce soir - vous nous les ferez parvenir. J'aimerais cela avoir vos commentaires.

Sur le nombre d'emplois que vous identifiez, encore là on va relire votre mémoire. Je l'ai eu seulement hier; alors, je n'ai eu le temps de vérifier les données à partir desquelles vous êtes arrivés à vos chiffres concernant le nombre d'emplois. Normalement, les fonctionnaires qui travaillent au ministère vont probablement vous contacter pour vérifier nos données avec les vôtres, comment vous avez pu arriver à ce type de données. Concernant la page 13, vous parlez de l'évasion fiscale des entreprises. Ce dont je peux vous assurer, c'est que tout ce que vous citez là, le ministère en est parfaitement informé et qu'il déploie beaucoup plus d'énergie depuis des années à contrer continuellement cette évasion fiscale. Ce qu'il faut voir, c'est qu'il y a des choses difficiles. Par exemple, cet après-midi, on proposait d'imposer un cautionnement obligatoire pour tout nouveau détenteur de permis de restauration, ce qui restreindrait la concurrence, assurerait la solvabilité. Ce qui arrive, c'est que dans la situation économique actuelle, il y en a qui veulent se créer un emploi pour vivre et, avec peu d'argent de leurs parents, de leurs amis, etc., ils s'ouvrent un restaurant ou quelque chose du genre, une crémerie, un comptoir à crème glacée. Ils mettent toutes leurs économies dans cela et, s'ils n'arrivent pas ou comme ils sont à la marge, à un moment donné, ils ne payent pas leurs DAS, leurs déductions à la source pour leurs employés ou autre chose du genre; là, il y a des problèmes. Je peux vous assurer qu'on a toute une équipe qui travaille sur cela et tous les trucs dont vous parlez, on les connaît bien. Sauf que l'évasion fiscale, cela n'a jamais de limite, jusqu'à un certain point. Même si on essayait de courir après, on ne les rattrape pas toujours.

Ma seule question concerne la page 10 où vous indiquez dans un paragraphe: "L'assurance-chômage considère leurs revenus de pourboires comme non assurables; ils ne peuvent donc en bénéficier que sur leur revenu de base" (3,28 $). Au lieu de 60% de leur revenu, cela revient "à 25% dont ils doivent se contenter et, surtout, avec lesquels ils doivent tenter de survivre." J'aimerais savoir, à partir de ce paragraphe, à combien vous évaluez le salaire réel des employés au pourboire.

M. Pepin: II faudrait que je refasse les calculs pour vous dire lequel j'ai utilisé dans ce cas. Mais, les revenus des travailleurs au pourboire varient énormément, dépendant du style d'établissement, dépendant des heures qui sont travaillées. Il y a des établissements où le salaire horaire, finalement, avec les pourboires, va être assez respectable; il y en a d'autres où cela va demeurer un salaire parfois assez médiocre.

M. Marcoux: En tout cas, si vous pouviez nous transmettre les données à partir desquelles vous êtes arrivé à cette conclusion, cela nous serait utile. Je vous remercie beaucoup et je dois dire que je considère que vous avez présenté un mémoire d'une très grande qualité.

M. Blank: Au nom de l'Opposition, je vous remercie pour un mémoire très intéressant et des opinions encore plus intéressantes. (22 h 30)

Le Président (M- Gagnon): Mesdames et messieurs, merci aux gens de la CSN pour ce mémoire. Maintenant, j'inviterais M. J.-E. Baribeau, au nom de 32 hommes d'affaires québécois.

M. Baribeau, si vous voulez nous présenter la personne qui est avec vous.

M. Jacques Baribeau

M. Baribeau (Jacques): Mon collègue est Jacques Auger qui, comme moi-même, est propriétaire de restaurants McDonald.

M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la commission, mesdames et messieurs, mon nom est Jacques Baribeau et je suis propriétaire de restaurants McDonald depuis bientôt dix ans. Présentement, je possède et dirige quatre restaurants situés à Boucherville, Greenfield-Park et Longueuil. J'ai dû travailler d'arrache-pied pour bâtir mon entreprise qui compte maintenant quelque 400 employés.

Je présente ce mémoire au nom de 32 hommes d'affaires québécois qui, comme moi, sont propriétaires d'un ou de plusieurs restaurants McDonald, soit un nombre de 52 au total. Vu de l'extérieur, souvent les restaurants McDonald sont perçus comme un groupe monolithique. Cette perception est très différente de la réalité. Mon collègue, M. Jacques Auger, est aussi propriétaire de restaurants McDonald; les siens sont situés à Sainte-Foy et à Lévis. Nous ne représentons la firme McDonald d'aucune manière et les opinions et statistiques que nous citerons sont exclusivement celles des propriétaires québécois.

Collectivement, nous, les propriétaires indépendants, employons quelque 5200 personnes réparties sur tout le territoire du Québec. Notre réussite est attribuable en grande partie à la loyauté de nos clients. Indirectement, M. Auger et moi-même les représentons, car nous croyons que la loyauté n'est pas une affaire à sens unique. Historiquement, notre clientèle n'a jamais payé de pourboire dans nos établissements. Advenant la mise en vigueur de frais de service obligatoires de 15%, tel que préconisé par le livre vert, les clients de nos restaurants seraient arbitrairement forcés de verser environ 10 140 000 $ annuellement pour lesquels ils ne recevraient absolument aucune valeur ou service dont ils ne jouissent présentement. Ils se sentiraient lésés et le seraient en fait.

En page 5 du livre vert sur la situation des travailleurs et des travailleuses au pourboire, nous constatons que cette consultation populaire fait suite à la recommandation de "décréter des frais de service obligatoires de 15% sur toute facture de consommation émise dans l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration". Plus loin, toujours dans le livre vert, on parle "d'équité fiscale" et "d'équité sociale". Alors, qu'advient-il des travailleurs du taxi, des travailleurs des salons de beauté, des préposés aux parcs de stationnement, etc? D'un côté, la réglementation suggérée exclut les travailleurs au pourboire légitime précités et, du même coup, elle fait payer arbitrairement des frais de service à des personnes qui, historiquement, ni en Amérique, ni en Europe, ni en Asie - parce qu'il y a des restaurants McDonald à Hong Kong et à Tokyo - n'en ont jamais payé, à savoir la clientèle des cafétérias et des restaurants à service rapide comme les nôtres.

Nous aimerions souligner aux membres de la commission qu'un individu qui a les moyens d'inviter une personne à partager un repas de 60 $ ou 80 $ trouve raisonnable de payer un pourboire d'environ 15%. Si le service est adéquat et raffiné, c'est justifié. Dans un sens, c'est une forme de récréation coûteuse. Toutefois, la clientèle que nous desservons dans nos restaurants à service rapide y vient par nécessité et pour nos bas prix. Notre clientèle se compose d'employés de bureau, de travailleurs d'usine, de travailleurs de la construction, d'enfants dont les deux parents travaillent à l'extérieur ou, la fin de semaine, de gens qui font leurs emplettes. La clientèle des cafétérias est semblable à la nôtre, surtout lorsqu'on la retrouve dans les écoles, les cégeps, les universités, les hôpitaux, les usines ou édifices à bureau. Traditionnellement, nos clients ne paient pas de pourboire parce qu'ils ne reçoivent pas des services ou des attentions particulières. Les préposés à la clientèle des restaurants à service rapide et des cafétérias agissent uniquement comme préposés aux caisses. Les clients s'autoservent. Donc, pas de service, pas de

pourboire.

Nous croyons que cette commission est consciente de l'impact économique que sa décision aura sur notre industrie et nos entreprises. Nous avons aussi confiance qu'elle réalise qu'une économie saine et vigoureuse produit plus de revenus pour l'État que les solutions bureaucratiques qui visent à faciliter la perception efficace des impôts. Permettez qu'on explique comment cette politique de frais de service obligatoires peut affecter nos entreprises et nos employés. Du 1er janvier 1982 au 30 septembre 1982, la fréquentation de nos restaurants a diminué de 6%, en dépit du fait que nous ayons augmenté nos dépenses promotionnelles et publicitaires d'environ 39,8%, comparativement à la même période de l'année précédente. Le nombre d'emplois disponibles a lui aussi diminué.

Dans la présente conjoncture économique et dans l'avenir, l'imposition de frais de service de 15% aux restaurants à service rapide et aux cafétérias provoquerait une baisse de clientèle sensible et permanente. Veuillez croire qu'il ne s'agit pas ici d'une réaction pessimiste ou ombrageuse de notre part. Ce qui précède est basé sur le fait qu'à chacune des augmentations des prix de détail que nous avons dû faire, si minime soit telle, (0,05 $ sur un Big Mac, par exemple), la réaction immédiate a été une baisse sensible des visites de notre clientèle. Nos clients mangent chez eux ou apportent leurs sandwichs au travail; ils ne vont pas chez le voisin. Une augmentation subite de 15% de frais de service provoquerait une dimunition marquée des visites des clients et nous forcerait à faire des mises à pied.

Vers le 23 septembre, un membre du Conseil des ministres, l'honorable Yves Bérubé, déclarait à la télévision que l'exemption de la taxe sur les repas de moins de 3,25 $ pourrait être abolie dans un avenir prochain. Si nous ajoutons ces 10% aux frais de service de 15% proposés, nos clients feraient face à une augmentation subite de 25%. Cela ressemble étrangement à une taxe arbitraire et injuste dont les victimes seraient un groupe de consommateurs qui sont situés à un palier économique inférieur à la moyenne.

Historiquement, dans nos restaurants, nous avons constaté qu'une augmentation des prix de détail de 1% entraînerait une diminution des visites de nos clients de 1%. Nous avons toujours comprimé nos hausses de prix à moins de 3%: Autrement, nos efforts de rentabilité via la hausse des prix devenaient négatifs. Advenant une hausse de coût de 25%, soit 15% en frais de service plus théoriquement 10% de taxe sur les repas, nous prévoyons une baisse de visites d'approximativement 25%. Ipso facto 80% de nos établissements deviendraient déficitaires.

Comme plusieurs sont déjà près du seuil de rentabilité, il est à prévoir que plusieurs, à brève échéance, feraient faillite.

Vraisemblablement de 25% à 40% des employés à notre service seraient mis à pied. Et veuillez croire qu'il y a des propriétaires de McDonald dans la province de Québec qui ont dû remettre leurs clés et perdre leur capital parce qu'il y a des problèmes là comme ailleurs. Il est raisonnable de conclure que le fisc...

M. Marcoux: Je vous demanderais tout de suite dans combien de cas cela a pu se produire. Combien actuellement sont sortis des affaires, comme vous dites?

M. Baribeau: À ma connaissance, trois.

M. Marcoux: Sur?

M. Baribeau: Pardon?

M. Marcoux: Sur 80?

M. Baribeau: Sur 32 propriétaires.

M. Marcoux: 3 sur 32.

M. Baribeau: II est raisonnable de conclure que le fisc québécois y perdrait une partie importante de l'impôt corporatif que nous générons, une partie de la taxe sur les repas que nous percevons, la partie de l'impôt personnel payée par nos employés mis à pied, une partie des contributions au Régime de rentes du Québec, à l'assurance-maladie, à la Commission des accidents du travail, à l'assurance-chômage, etc.

Attendu qu'historiquement les clients des restaurants à service rapide et des cafétérias ne paient pas et n'ont jamais payé de pourboires;

Attendu que les préposés aux caisses des restaurants à service rapide et des cafétérias ne fournissent aucun service personnel à la clientèle et que les clients de ces établissements s'autoservent;

Attendu que les frais de service de 15% (ou peut-être 25% si l'exemption sur les repas de moins de 3,25$ est abolie) provoqueraient une baisse de visites qui, à son tour, résulterait en des mises à pied d'employés importantes;

Attendu que la hausse des prix de 15% ou 25% aurait un effet inflationniste important pour nos clients;

Attendu que la rentabilité et, dans plusieurs cas, la viabilité des restaurants à service rapide seraient sérieusement affectées et, dans plusieurs cas, seraient fatales pour nos entreprises;

Attendu qu'à long terme le fisc québécois subirait une perte de revenu;

Attendu que les mémoires soumis et les problèmes des équités fiscale et sociale

soulevées par le livre vert ne visaient pas les employés des restaurants à service rapide ni ceux des cafétérias;

Nous demandons à la commission d'exclure les employés des restaurants à service rapide et ceux des cafétérias, ainsi que leurs employeurs de toute réglementation pertinente aux travailleurs et travailleuses au pourboire.

Attendu qu'historiquement les travailleurs de l'industrie du taxi, de la cosmétologie, des parcs de stationnement etc., sont des travailleurs au pourboire légitimes, tout aussi bien que ceux de l'hôtellerie et de la restauration;

Nous recommandons à la commission du revenu que tous les travailleurs au pourboire soient traités sur un pied d'égalité et que le fisc québécois les considère tous comme travailleurs autonomes. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

M. Marcoux: Je vous remercie, M. Baribeau. Je demanderais à ma collègue, la député de Johnson, de vous poser des questions.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci, M. le ministre. Je lisais attentivement en même temps que vous votre mémoire. J'ai été un petit peu surprise que vous disiez tout le temps que votre réussite est attribuable à la grande loyauté de vos clients. Nulle part dans votre mémoire, vous ne parlez de la qualité de vos produits, de la qualité de votre personnel et tout cela. Je serais bien malheureuse d'être à votre emploi, de voir que vous dites simplement que votre réussite est due à votre clientèle.

M. Baribeau: Notre clientèle est loyale, parce que nos employés sont loyaux. Les employés sont loyaux parce que nous leur offrons des conditions de travail favorables. D'abord, nous les employons quand la plupart des employeurs disent: Bon, je regrette, tu n'as pas d'expérience de travail et tu n'as pas de qualifications professionnelles parce que tu as 16, 17, 18 ou 19 ans. Nous les employons; tout ce qu'on leur demande, c'est la bonne volonté d'apprendre et la bonne volonté de faire un effort. De plus, ils ont droit à une série d'avantages sociaux que personne ne nous impose, comme, par exemple, l'assurance de groupe. Nous fournissons gratuitement deux et, dans certains cas, trois uniformes. Nous leur accordons une réduction de 50% pour les repas qu'ils consomment dans notre établissement. Les employés qui doivent travailler tard le soir, on les reconduit chez eux, en voiture, gratuitement. Comme plusieurs de nos employés sont des étudiants, l'un des attraits que nous avons à leur offrir, c'est des horaires flexibles qui facilitent la présence à leurs cours. Nous n'hésitons pas à les accommoder s'ils ont des examens, des reprises ou des activités parascolaires. Nous leur donnons des pauses-café gratuitement. Enfin, à tous les quatre mois, nous avons un système de révision salariale pour chacun des employés. (22 h 45)

Mme Juneau: Pourriez-vous me dire aussi quel est le taux de roulement de vos employés? Est-ce que vous les gardez? Vous dites que ce sont des étudiants; donc, ils retournent à leurs cours en septembre ou octobre. Est-ce que vous les reprenez après la première année ou si c'est une question d'âge? S'ils ont atteint 19 ans, vous ne les engagez plus.

M. Baribeau: Très souvent, nous leur accordons un congé prolongé sans paie et nous les réembauchons l'année suivante. Ils reviendront travailler aux périodes de pointe, comme à Noël, et durant la période des vacances d'été.

Mme Juneau: Quel est le pourcentage de ceux que vous réengagez? Est-il plus grand que celui représentant de ceux que vous ne reprenez pas?

M. Baribeau: Franchement, c'est assez difficile de vous donner une réponse précise parce que cela demanderait des calculs. Un employé se présente à son gérant d'établissement et lui dit: Je recommence mes études; je peux travailler juste trois soirs par semaine, le vendredi, le samedi et le dimanche, est-ce qu'il y aurait moyen d'organiser mes heures en conséquence? La réponse est oui, parce qu'à différentes périodes, nous leur demandons un horaire de disponibilité. Si un employé nous dit: Je suis disponible lundi et mardi, on s'arrange pour lui donner des heures le lundi et le mardi ou pendant la fin de semaine, et il peut changer cela périodiquement.

Mme Juneau: Le jeune employé embauché chez vous, gagne-t-il un salaire minimum et est-ce qu'il augmente selon l'expérience?

M. Baribeau: Oui, exactement. Tout d'abord, aucun de nos employés ne reçoit 3,28 $ l'heure; tous nos employés reçoivent soit 4 $, s'ils ont 18 ans, ou 3,54 $. Ce sont les tarifs minimaux prévus dans le cas des employés qui ne reçoivent pas de pourboires. De plus tous les quatre mois, il y a une révision salariale préparée à l'aide d'ordinateur; à tous les quatre mois, les noms sortent et la révision se fait dans la

semaine suivante.

Mme Juneau: Voici une autre question que je voudrais vous poser. Vous parlez des 3.25 $ sur lesquels vous pourriez payer de la taxe éventuellement. Pourriez-vous me dire si le pourcentage de vos ventes qui pourrait être rattaché à la perception de la taxe est élevé ou bien si, plus souvent, c'est en bas de 3,25 $?

M. Baribeau: Voici, d'abord, il y a certaines erreurs dans la perception et dans les explications qui sont ici. Lorsque le restaurant a baissé à côté une facture de 3.26 $, le client paie 3,26 $ chez le voisin. Il paie aussi, mais il paie 10% de taxe sur les repas; la même chose se produit chez nous, automatiquement, et cela dans la plupart de nos restaurants. Nous avons des caisses électroniques, puis c'est automatique, c'est prévu dans le programme. Cela est un point.

Deuxièmement, effectivement les repas de moins de 3,25 $ sont exemptés de la taxe sur les repas, mais il y a des exceptions à cela. Par exemple, si j'achète ou si quelqu'un achète un repas de moins de 3,25 $ et que, dans sa commande, il y a une boisson gazeuse, automatiquement, il va payer 10% sur la boisson gazeuse. Alors, si vous prenez l'ensemble du chiffre de vente qu'on fait dans certains restaurants, nous remettons au fisc québécois de 6,3% à 6,9% de taxe de vente présentement basée sur le total de notre chiffre d'affaires. En plus de cela, si un client se présente avec sa famille, il a son épouse et un enfant, et commande trois repas de moins de 3,25 $, il paie la taxe sur le total. Si vous avez trois personnes qui paient trois factures différemment, ils ne paieront pas la taxe, en autant que le coût du repas est moindre que 3,25 $.

Mme Juneau: À la page 4 de votre mémoire, s'il y avait une augmentation subite de 15% ou peut-être de 25% éventuellement, à combien évaluez-vous la perte de la clientèle, à la suite de frais comme ceux-là? Est-ce que ce serait une perte juste temporaire, c'est-à-dire que les gens seraient traumatisés un peu sur le coup, puis dans quelques jours, cela reviendrait?

M. Baribeau: II y aurait certainement une réaction immédiate qui serait forte, et probablement que la courbe ne reviendrait, à notre sens, jamais normale, mais la courbe diminuerait. Ici, je pourrais citer quelque chose qui est arrivé dans la province de l'Ontario, puis qui n'a rien à faire avec nous. Dernièrement, ils ont aboli le minimum d'exemption sur les repas de moins de 6 $. L'Association des restaurateurs de la province de l'Ontario a soumis un rapport au ministère concerné, en disant: Nous avons subi une perte de 18%. Le gouvernement de l'Ontario a sorti un document - je l'ai ici -qui dit: Faux, c'est 14% de perte que vous avez subi. Peut-être que cela répond à votre question; j'ai le document ici.

Mme Juneau: Croyez-vous que si, éventuellement, on enlevait tous les

McDonald ou tous les "fast-foods", l'établissement d'un taux pour le service ou autre chose, vous ne pensez pas que ce serait un petit peu, à mon point de vue, injuste envers les autres restaurateurs? Vous n'avez pas un moyen qui dirait que ce serait plus...

M. Baribeau: Je voudrais peut-être faire une mise au point ici. Le terme "fast-food" ou le terme "restaurant à service rapide", cela inclut d'autres formes d'établissements que les restaurants McDonald. Alors, lorsqu'on dit "fast-foods", par exemple, ou restaurants à service rapide, cela inclut un nombre de restaurants qui offrent le service aux tables et où il y a des travailleurs au pourboire. Mais dans le cas des restaurants McDonald, de certaines autres succursales et de toutes les cafétérias, le point est le suivant: Les clients se présentent au comptoir et font eux-mêmes le service. Devrait-on imposer arbitrairement, sans explication, sans donner rien au client, 15% du soir au matin parce que des gens ont soumis des mémoires et que, tout bonnement, on décrète que ce sont 15%? Il ont droit à la justice, ce n'est pas toujours facile. Souvent, ce que quelques-uns appellent la justice, pour d'autres, cela devient une injustice. Je pense qu'il y a une différence sérieuse de ce côté.

M. Auger (Jacques): Parce que souvent on nous présente comme de méchants étrangers alors que nous sommes des Québécois comme vous tous, je pense.

M. Baribeau: En fait, je voulais vous soumettre ici, si je peux trouver mon papier parce que j'en ai un peu. Des fois, des gens se servent de l'hyperbole et ils voient les monstres des multinationales. Je vais vous nommer quelques-uns des monstres: Jacques Auger, Daniel Bédard, Gilles Bédard, Gyslain Blais, Jean-Marie Boisvert, Gaston Bradette, Jean Capelli, Richard Cossette, Claude Dionne, Paul Dumas, André Gérassimo, Pierre Giroux, Gérald Harvey et je pourrais continuer la liste, n'est-ce pas? Ce sont des hommes d'affaires québécois et ce n'est pas un phénomène particulier au Québec. Si vous allez en Ontario, vous allez avoir la même chose. Si vous allez aux États-Unis, vous allez trouver 2300 hommes d'affaires indépendants qui sont propriétaires d'un, deux, trois, quatre, cinq et dans certains cas, de dix restaurants.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je m'excuse de vous presser un peu. C'est que l'heure avance. M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M.

Baribeau, vous avez dit tout à l'heure que dans votre cas, si l'imposition des frais de service obligatoires n'avait pas comme contre-partie du service additionnel, cela n'est pas un argument de la part de ceux qui veulent l'imposition du service obligatoire dans la mesure où ils recherchent plutôt un salaire plus "décent" et certainement stable. Dans ce sens-là, je pense que les effets de l'imposition des frais de service obligatoires me paraissent de plus en plus reliés à la structure de coûts de chaque entreprise. Ce que je veux dire c'est qu'un hôtel, ce n'est pas un grand restaurant, ce n'est pas un restaurant du coin et ce n'est pas un

McDonald. Manifestement, il m'apparaît que l'imposition de ce qui est un salaire, à toutes fins utiles, le consommateur le paierait. Quand on regarde la façon dont l'élasticité ou pas, selon les établissements, de la demande a des répercussions assez sensationnelles dans tous les cas. On se demande si, pour s'adresser aux conditions de travail de ces travailleurs, il n'est pas mieux de prendre une autre avenue, qui pourrait être l'augmentation du salaire ou du sous-salaire minimum, comme le faisaient remarquer tout à l'heure les délégués de la CSN. J'essayais de voir, dans votre cas particulier - c'est ce qui a amené ma réflexion - quelle était votre structure de coûts? Quelle différence y a-t-il pour vous, disons, entre monter le salaire horaire de vos employés derrière le comptoir de 15% ou de 20% et grever votre chiffre de vente aux consommateurs, d'après le consommateur, de 15% pour fins de redistribution?

M. Baribeau: Par le truchement des révisions salariales qui ont lieu à tous les quatre mois, nous le faisons automatiquement. Il n'y a pas de limite. Il y a chez nous, depuis trois ans, quatre ans, cinq ans, le même système de révision salariale tous les quatre mois. C'est automatique. Il faut faire quelque chose de bien pour être capable, avec un système semblable à celui-là, d'avoir 7000 restaurants ou plus un peu partout dans le monde. On a beau être de gros méchants, il n'est pas moins vrai que je peux vous montrer des listes d'attente de gens qui sollicitent des emplois chez nous. Nos conditions ne doivent pas être tellement désastreuses.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

Seriez-vous disposé à nous donner une idée de la fourchette, du dernier rentré, au moins de celui qui gagne le moins?

M. Baribeau: Le dernier rentré commence au salaire minimum, 4 $ l'heure.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):

D'accord. Un bon employé, un étudiant qui est là pour la quatrième année consécutive?

M. Baribeau: 6 $ dans quelques cas. Très souvent, ces gens commencent comme étudiants et deviennent membres de la direction par la suite. Je pourrais vous citer des cas de bonshommes qui ont commencé il y a cinq ans à 500 $ par mois et, couramment, ils gagnent 27 000 $ par année. Je pourrais en citer plus d'un. Il y a des possibilités d'avancement pour quelqu'un qui veut oeuvrer dans ce domaine, mais l'étudiant chez nous vient chercher de l'argent de poche, en partie. Il vient chez nous aussi parce que personne d'autre ne veut de lui, les gens ne l'embauchent pas parce qu'il n'a pas d'expérience. En plus de cela, les étudiants viennent chez nous pour payer leurs frais de scolarité ou leurs dépenses durant leur période d'études. Si ces gens perdent un emploi, pour certains, cela peut être une perte d'emploi mais, pour plusieurs des nôtres, en plus d'une perte d'emploi, c'est une perte d'avenir aussi, parce que ces gens ont besoin de revenus qu'ils peuvent aller chercher entre des heures de cours pour payer leurs frais de scolarité et leurs dépenses pendant cette période.

Le Président (M. Gagnon): Avez-vous d'autres questions? Merci. M. le ministre délégué au Travail.

M. Fréchette: M. Baribeau, c'est un peu dans la foulée de ce que le député de Vaudreuil-Soulanges vient de vous demander. J'ai bien compris que le travailleur ou la travailleuse qui entrait chez vous et qui était âgé de plus de 16 ans avait 4 $ l'heure.

M. Baribeau: Âgé de 18 ans. Seize ans, c'est 3,54 $.

M. Fréchette: Je m'excuse. Vous représentez, si j'ai bien entendu vos représentations, quelque 32 établissements.

M. Baribeau: 52.

M. Fréchette: 52. Bon, est-ce que vous pouvez, enfin, cela pourrait être très relatif ou très approximatif, établir la moyenne d'âge de vos employés?

M. Baribeau: Franchement, je vous invente un chiffre. Je peux vous dire que le "range", je m'excuse pour la terminologie anglaise, est de 16 ans à environ 21 ou 22 ans; cela, c'est à 85%.

M. Fréchette: Et ma dernière question sera la suivante. La moyenne de l'ancienneté de vos employés?

M. Baribeau: Je pourrais difficilement vous donner un chiffre parce que cela varie beaucoup d'un établissement à l'autre.

M. Fréchette: Cela varie d'un établissement à l'autre?

M. Baribeau: Oui.

M. Fréchette: Et vous n'êtes pas en mesure de risquer un chiffre?

M. Auger (Jacques): Disons qu'on pourrait vous donner nos chiffres personnels. Moi, je peux vous donner mes chiffres personnels. J'ai un restaurant qui est tout près du ministère du Revenu, à Sainte-Foy, près de l'Université Laval. Je pense que la moyenne de mes employés est d'à peu près un an et demi. J'ai des employés qui sont là depuis quatre ans, qui étudient dans toutes les facultés de l'Université Laval et le taux de roulement est très bas chez nous.

M. Fréchette: Et ma dernière question, M. le Président. Vous avez bien indiqué qu'il y avait une augmentation de salaire qui est, à toutes fins utiles, institutionnalisée, tous les quatre mois. Dans quelle proportion se situe cette augmentation? (23 heures)

M. Baribeau: L'échelle est de 0,10 $ à 0,25 $ l'heure.

M. Fréchette: Aux quatre mois? M. Baribeau: C'est cela.

M. Fréchette: Cela dépend de l'ancienneté, cela dépend de l'âge...

M. Baribeau: Cela dépend en partie de l'ancienneté, en partie du poste occupé; par exemple, un chef d'équipe aura droit à 0,25 $. Cela dépend aussi en partie du mérite, des efforts, de la disponibilité et de la collaboration de l'employé.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Je dois dire, en passant, que je suis de temps en temps un client de M. Auger, puisque le plus proche de chez nous est à Lévis. Il y a une chose qui m'a toujours frappé lorsque je me rends dans un McDonald, c'est de voir à quel rythme les gens travaillent. Je ne suis pas de ceux qui qualifient de gros méchants capitalistes les multinationales, mais ce qui me frappe, c'est de voir le rythme presque infernal avec lequel travaillent les employés qui sont là.

J'aurais presque le goût de dire que, si j'avais à engager une personne, cela m'intéresserait d'engager une personne qui a duré, qui a "toffé" durant un an chez vous.

J'aurais seulement une question après ces observations: Est-il exact - parce qu'il y a pas mal de mythologies au sujet des

McDonald et vous voyez bien notre curiosité, on en profite - que l'entraînement qui est donné à votre personnel est fait à partir d'une étude très précise de temps et de mouvements?

M. Baribeau: Me permettez-vous de répondre? Il n'y a pas d'études de temps et de mouvements. Ce que nous avons, par contre, c'est que nous nous efforçons de faire de nos restaurants un endroit où c'est le "fun" de travailler; cela, c'est l'expression des employés. Nous en avons qui ont quitté l'emploi depuis un an, un an et demi, deux ans et qui travaillent ailleurs. Ils sont venus me retrouver et m'ont dit: Je suis allé là-bas, je gagne plus, mais ce n'est pas le "fun". C'était le "fun", j'étais avec mes amis, cela bougeait là-dedans, on avait des activités sociales. On jouait à ceci. On était capable de parler au gérant, si on avait un problème, il était toujours disponible pour nous conseiller, nous aider et le reste. Quand les gens travaillent bien, c'est parce qu'ils sont heureux. Notre truc, si vous voulez, c'est de les rendre heureux. On sait que, quand les gens sont heureux, sont satisfaits, ils donnent le meilleur d'eux-mêmes. Franchement, la formule, c'est cela.

M. Auger (Jacques): C'est vrai que c'est vite, mais ce sont tous des jeunes et ils aiment à aller vite. Je pense que le rythme est dû à cela.

M. Baribeau: On pourrait peut-être vous indiquer des restaurants où c'est moins vite.

M. Lachance: II n'y a aucun doute là-dessus. Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Marcoux: Je suis heureux d'apprendre l'information que vous avez indiquée tantôt, qu'il y a environ deux tiers des repas qui sont pris chez vous qui sont taxables, donc qui sont supérieurs à 3,25 $. C'est une information que je n'avais pas. J'aurais probablement pu l'obtenir, mais j'étais parti avec l'idée que c'était beaucoup moins que cela, sûrement. J'ai une seule question - vous étiez là tantôt lorsque j'ai discuté avec les représentants de la CSN -quelle serait votre réaction et la réaction de votre clientèle si la taxe de vente s'appliquait comme en Ontario? Je sais que dans les États de Nouvelle-Angleterre, là où

il y a une taxe de vente, dans la plupart des États de Nouvelle-Angleterre et en Ontario, elle s'applique à partir de 0,01 $ maintenant. Quelle serait votre réaction face à cette possibilité?

Avant que vous ne répondiez, parce que je n'ai pas l'intention d'être long, je veux vous faire un commentaire général sur votre mémoire: Vous pouvez être assuré qu'on va le regarder avec attention et je réfléchirai longtemps avant - supposons qu'on choisisse la possibilité de frais de service obligatoires - de l'appliquer au type de service ou de restaurant que vous représentez. Quand on regarde ce qui se passe au niveau international dans votre catégorie et le type de service qui existe actuellement, cela m'apparaît assez différent des autres institutions où un travailleur ou une travailleuse au pourboire fournit un autre type de service. Vous pouvez être assuré qu'on le regardera avec attention avant d'étendre une mesure semblable - si on l'appliquait aux autres secteurs - à votre secteur. C'est tout. Je vous remercie d'avoir participé aux travaux de notre commission. Je sais que vous représentez un secteur d'activité important. Je voudrais revenir à ma question concernant la taxe de vente.

M. Baribeau: La taxe de vente. Les propriétaires, nous nous proposons de vous soumettre, dans un avenir assez rapproché, un mémoire discutant cet aspect de votre problème et, peut-être, de notre problème. Plutôt que de vous donner une réaction personnelle, je pense que ce serait plus sérieux de notre part de vous soumettre un mémoire.

M. Marcoux: J'ai l'impression que vous ne seriez presque pas touchés finalement puisque vous avez déjà les deux-tiers de vos repas qui sont taxés à 10%. Si cela tombait à 8% environ. 8,5% sur l'ensemble finalement, par rapport au total de votre chiffre d'affaires ou du coût au client, dans votre type de restaurant, finalement, vous seriez beaucoup moins touché que je pensais que vous le seriez, en tout cas, avant de venir ici ce soir.

M. Baribeau: C'est justement pour cela que votre question m'embête. J'aime mieux y réfléchir avant d'y répondre.

M. Marcoux: Je vous remercie. D'habitude, c'est nous qui avons les questions embêtantes. C'est comme cela en commission parlementaire.

M. Auger (Jacques): Ce serait peut-être comme taxer le panier de provisions, je pense.

Le Président (M. Gagnon): M. Auger, M. Baribeau, merci de votre mémoire à cette commission.

En nous excusant de vous avoir fait attendre jusqu'à une heure aussi tardive, j'inviterais maintenant M. Nick Papirakis.

M. Blank: Avant que M. Papirakis arrive, au nom de l'Opposition officielle, on doit vous remercier pour votre mémoire et vos commentaires qu'on a trouvés très intéressants.

M. Baribeau: Je vous remercie d'avoir parlé des Big Mac...

M. Marcoux: Si on a jugé bon de vous poser autant de questions en une heure assez tardive, c'est qu'il y avait de la matière dans votre mémoire. Merci.

M. et Mme Nick Papirakis

Le Président (M. Gagnon): M. Nick Papirakis.

M. Marcoux: Le député de Saint-Louis voudrait savoir, M. Papirakis, si vous étiez sur la liste de M. Godin, ministre des Communautés culturelles et quel était le pointage qui était fait à votre sujet.

M. Papirakis (Nick): Je voulais faire le souhait après les séances de cette commission que M. Beaubien ne prenne pas le soin de m'écrire à sa prochaine audition. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Nous vous écoutons. Vous avez la parole.

M. Papirakis: Pour commencer, je vous présenterai ma femme qui avec moi, mon frère et ma belle-soeur. Nous travaillons dans une entreprise familiale et comme je vois aujourd'hui, c'est la seule personne qui représente une entreprise familiale, une petite et moyenne entreprise qui, je ne sais pas si vous le savez, est de celles qui sont en difficultés ces temps-ci. Les autres qui fermaient quelques restaurants, 1000, 2000, 3000, 33%, en réalité, c'était nous qui devions fermer.

Donc, M. le député, M. le ministre, je vais tout d'abord vous dire que je suis très honoré de me présenter devant cette commission et d'avoir l'occasion d'y exprimer mon point de vue. J'en suis très fier et je vous remercie. Le gouvernement avait déjà fait connaître son intention de légiférer en matière de pourboire et de percevoir ainsi des impôts de plusieurs dizaines millions de dollars. On ne peut contester au gouvernement son droit de légiférer en ce sens. Mais je pense qu'on doit prendre en considération l'opinion des gens qui, comme moi, sont directement touchés par ces projets de loi et qui ont peut-être une façon différente d'envisager les pourboires.

La signification, à première vue, du mot pourboire est le montant d'argent qu'on

donne à quelqu'un qui nous a rendu un service pour qu'il prenne une consommation. La définition du dictionnaire Larousse est: premièrement, "somme d'argent donnée à un salarié d'une entreprise par un client de cette dernière"; deuxièmement: "dans certaines professions, le pourboire constitue légalement un élément du salaire". Le deuxième volet de la définition nous réfère probablement à une loi française qui le considère ainsi. Au Québec, en l'absence d'une loi similaire, on doit s'arrêter au premier volet de la définition. Le pourboire est une somme d'argent donnée, c'est un don. Cela, c'était la façon dont les employés jusqu'à maintenant définissaient le pourboire. Même si la loi considère que le pourboire est un revenu imposable, les employés de la restauration l'ont toujours considéré comme un don et ne l'ont pas toujours inclus dans leurs déclarations d'impôt. Dans les faits, le gouvernement a toujours accepté cet état de choses puisqu'il n'a jamais demandé aux employés au pourboire pourquoi ceci n'était pas inclus dans leur déclaration d'impôt. Cela veut dire que lorsque le gouvernement recevait une déclaration d'impôt, qu'il y avait une réclamation d'impôt et que les pourboires n'étaient pas inclus, à côté ils inscrivaient "serveur". Personne n'a jamais demandé au serveur pourquoi le pourboire n'était pas inclus. En plus, on payait l'impôt payé en trop. Dès que le gouvernement a eu l'intention d'appliquer la loi en question, il aurait dû aviser préalablement les employés au pourboire de son intention. Sans avis préalable, sans connaître la somme exacte reçue par ses employés, le ministère du Revenu a calculé les pourboires en multipliant le chiffre d'affaires de l'entreprise par 14% et il a ensuite divisé cette somme entre les employés de cette entreprise. Cela s'avère arbitraire dans tous les cas.

Certains de ces employés, étant dans l'impossibilité de payer les impôts réclamés, se sont vu saisir leur salaire. Le devoir du législateur est d'accepter le fait que les pourboires ne sont pas inclus dans les déclarations d'impôt et, par conséquent, de cesser les poursuites et les saisies de salaire, car, il est difficile de changer du jour au lendemain une situation qui dure depuis longtemps. Je pense que le gouvernement devrait légiférer avant d'entamer des poursuites; cela serait plus humain.

Il y a aussi d'autres formes de pourboire qui devraient être incluses dans le présent projet de loi. Le projet de loi à l'étude doit viser tous les secteurs économiques où une récompense est versée aux salariés ou aux gens d'affaires. Par exemple, dîners d'affaires. Une personne qui offre à dîner à un collaborateur, à un camarade de travail, à un de ses employés, à un commis ou quelqu'un qui lui a rendu un service, demande un reçu afin d'ajouter les montants de ce repas à ses dépenses et ne pas payer d'impôt, tandis que toute autre personne qui donne un pourboire dans un restaurant a déjà été imposée pour cette somme. La personne qui se voit offrir un dîner d'affaires doit être considérée au même titre qu'un employé au pourboire par ce projet de loi.

Je ne suis pas venu ici pour me plaindre de la situation économique et surtout pas pour blâmer qui que ce soit. Je sais que cette situation, nous l'avons créée tous ensemble. Je suis par contre ici pour vous faire remarquer que le secteur de la restauration est le secteur économique le plus durement touché par la récession, car dans le domaine de la restauration, c'est la récession, même si le gouvernement parle d'une période économique très difficile.

Selon le chroniqueur Guy Pinard, dans un article paru dans la Presse, le 12 août 1982, et qui était basé sur une étude exhaustive effectuée par la firme Bédard et Associés, pour le compte de la Fondation des restaurateurs du Québec, 5% des restaurateurs seulement ont enregistré des profits supérieurs à 8% avant impôt; 60% ont enregistré des profits inférieurs à 8% et enfin 35% des restaurateurs ont accusé des pertes pour l'année financière 1981.

La situation est urgente. Le secteur de la restauration aurait besoin de mesures stimulantes plutôt que du projet de loi à l'étude pour traverser cette récession. La restauration n'a eu aucune aide du gouvernement depuis 1976. Je comprends qu'en période de prospérité pour la restauration, le gouvernement avait haussé la taxe de vente de 8% à 10% tandis qu'il l'abolissait dans l'industrie de la chaussure, du meuble et du vêtement pour la stimuler.

Il faut maintenant comprendre que la période de prospérité est terminée pour la restauration et qu'il faut stimuler cette industrie, soit en abolissant la taxe de vente pour six mois, ou en la diminuant à 5% pour un an ou davantage. Loin de nous aider, ce projet de loi va accroître nos difficultés.

La première proposition du livre vert nous parle d'un pourboire sous forme de pourcentage ajouté automatiquement à la facture. J'ai même entendu parler d'un pourcentage de 15%, ce qui aurait, selon moi, les conséquences suivantes: II va briser l'équation qui jusqu'à présent préservait l'industrie de la restauration québécoise des succursales de restaurants américains, c'est-à-dire: pourboire égal à la qualité du service. (23 h 15) 95% des restaurants, ceux qui ont enregistré des profits inférieurs à 8% avant dépréciation, seront dans la situation suivante: d'un côté, on aura les sept employés au pourboire d'une entreprise ayant un chiffre d'affaires de 430 000 $ qui se

partageront, à 15%, une somme de 64 000 $, soit 9212 $ chacun. D'un autre côté, les deux patrons qui, après un investissement de 500 000 $, vont accuser des pertes de 6996 $ chacun. Quand je parle de cette situation, c'est la mienne.

Cette solution créerait une forme d'association inacceptable à moins d'abolir les salaires dans la restauration, comme c'est le cas en France où le pourboire de l'employé est son salaire.

Troisièmement. Le client, sachant qu'il paiera, d'un côté, le gouvernement avec la taxe de 10% et, de l'autre, le pourboire de l'employé de 15% - ce qui veut dire ajouter 25% à chaque dollar qu'il va dépenser - se limitera à une dépense moins importante, ce que l'industrie de la restauration ne pourra jamais supporter.

Une réduction du montant de la facture de 15 $, soit le prix moyen d'une bouteille de vin supplémentaire, équivaudra pour le gouvernement à une perte de 1,50 $ de taxe de vente, sans compter les profits de la Société des alcools du Québec.

Le client se sentira frustré de ne pouvoir décider lui-même du montant qu'il désire donner, selon son appréciation et ses moyens financiers du moment.

Le service de livraison des restaurants est un secteur qui serait très désavantagé si on devait opter pour le pourcentage du pourboire ajouté à la facture. En effet, le pourcentage ajouté à la facture pourrait inciter les clients à se déplacer et à aller chercher leurs commandes au comptoir où un escompte est déjà offert dans la majorité des restaurants et où ils n'auraient pas à payer le pourboire du livreur. Cela entraînerait la disparition du service de livraison et la perte de leur emploi pour des centaines de livreurs qui se tourneraient vers l'assurance-chômage et, plus tard, vers le bien-être social.

La solution du pourcentage, à mon avis, n'est pas acceptable. La deuxième solution du livre vert serait que le client inscrirait lui-même sur la facture le pourboire librement consenti. Et la quatrième solution considère le pourboire comme le revenu d'un travailleur autonome et exige des retenues à la source. Ces deux solutions vont nous obliger à comptabiliser les pourboires des employés.

Les pourboires comptabilisés par les propriétaires de restaurants créeront des dépenses supplémentaires difficilement prévisibles et que les propriétaires de restaurants ne désirent pas assumer. Par exemple: la comptabilité supplémentaire, les rubans de machines à calculer et des caisses enregistreuses, les réparations de ces machines, l'électricité, etc.

Si la loi retient la première, la deuxième ou la quatrième solution du livre vert, le pourcentage mentionné par le chroniqueur de la Presse serait encore plus catastrophique. Ce qui est injuste parce que, selon la firme Bédard & Associés, l'industrie de la restauration apporte au gouvernement, chaque année, la somme de 242 000 000 $.

La troisième solution est, à mon avis, la solution à retenir. Une déclaration périodique de pourboires pourrait obliger l'employé à déclarer ses pourboires. Cette solution est celle que j'endosse et je crois que tous les restaurateurs sont prêts à l'endosser aussi. Elle pourrait obliger les employés à déclarer leurs pourboires sans occasionner des dépenses aux propriétaires et surtout sans affecter l'industrie de la restauration.

Le pourboire serait désormais un revenu imposable au même titre que le salaire. Il faudrait cependant, en toute justice, tenir compte du fait que les employés au pourboire doivent, pour exercer leur métier, faire des dépenses liées à leur travail. Par exemple: l'achat d'uniformes et de chaussures, différents dans chaque restaurant; le soin de leur apparence, coiffure et salon de beauté, est plus exigeant que la moyenne. Pour ne pas qu'ils soient obligés de tenir une comptabilité détaillée de ces dépenses, une partie de leurs pourboires devrait être exempte d'impôt. On pourrait suggérer 25% des pourboires.

Ce que j'aurais à dire de plus, c'est qu'en entendant l'Association des employés au pourboire de l'Estrie, en entendant l'Association des restaurateurs du Québec ainsi que la CSN, tous ont opté pour la fermeture du surplus de restaurants qui se trouve dans le marché. Selon la firme Bédard, 33% des restaurants sont près de la faillite. Si on accepte d'imposer un pourcentage de 15% on éliminera 33% des restaurants. Selon le ministre du Revenu, il y a 70 000 employés au pourboire qui travaillent dans la restauration. Si on élimine 33% des restaurants, ceci veut dire qu'il y a à peu près 25 000 personnes qui perdront leur emploi.

Je pense que dans cette période d'austérité où le gouvernement nous parle de programmes de création d'emplois, comme par exemple les projets de construction... Si on veut créer des emplois dans la construction, c'est 50 000 et on veut dépenser des millions de dollars pour ça. Ici on a 25 000 emplois qui sont en danger. Je pense que le projet de loi il ne faut pas le présenter à ce moment précis, il faut attendre le moment où la prospérité reviendra dans la restauration. Ce sera le temps de présenter un projet de loi sans qu'il nous affecte.

A mon avis, je ne puis pas supporter une diminution de mon chiffre d'affaires de 10%. Je suis déjà déficitaire et je fermerai.

Maintenant, vous avez posé des questions, ce matin, à l'Association des restaurateurs du Québec. Sur quoi se basent-

ils pour dire qu'on aura des pertes dans notre industrie? Je donnerai des exemples. Le ministre des Finances avait opté pour une taxe d'accise sur le gaz et, contre toutes ses prévisions, les ventes ont baissé de 15%. Le ministre des Finances a opté pour qu'Hydro-Québec paie des dividendes au gouvernement. Il a augmenté de 18% le coût de l'électricité, ce qui a eu pour effet que le pourcentage d'accroissement de la demande qui était prévu par Hydro-Québec a baissé. Hydro-Québec se trouve maintenant avec un surplus d'électricité. Elle a même demandé d'acheter la distribution du gaz naturel pour ne pas avoir de concurrence.

Donc, quand on a deux cas précis où il y a des baisses dans les ventes contre toutes les prévisions du gouvernement, je pense, que dans notre cas si on nous ajoute 15%, on ne pourra jamais supporter ça. On aura nous aussi une baisse de 15% des ventes. Moi, je fermerai et tous les petits propriétaires de restaurants. Ici, il y a des gens qui nous ont parlé. Je sais que lorsque j'ai ouvert mon restaurant, j'ai emprunté 400 000 $. J'ai 40 000 $ d'intérêts à payer, plus 30 000 $ de capital. Je ne peux pas concurrencer l'autre qui a payé son restaurant au comptant et je ne peux pas augmenter mes prix. Donc, c'est nous qui sommes en difficulté. Et tout le monde, les associations des services disent: Qu'ils ferment les surplus de restaurants. La CSN dit: Les surplus de restaurants, qu'ils ferment. Mais, ils ne peuvent pas me demander à moi, qui ai investi un montant énorme, de fermer.

Si les associations des services et d'employés de restaurants représentent les intérêts des employés des restaurants qui sont dans de bonnes conditions économiques pour supporter les 15% ajoutés à la facture, s'ils représentent des restaurants où ils sont certains qu'ils ne perdront pas leur emploi, je me demande qui va représenter des employés comme les miens ou qui travaillent dans les 33% de restaurants où ils vont perdre leur emploi. Il faut que quelqu'un les représente ici. Je pense que le ministre du Travail devra prendre des mesures pour représenter ces employés touchés par la demande de tous de fermer leur entreprise. Il faut quelqu'un pour les représenter ici.

Je vous remercie de votre attention et je vous assure de ma gratitude pour m'avoir permis d'exprimer mon opinion devant cette honorable Assemblée.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

M. Marcoux: Je demanderais à mon collègue, le député de Rivière-du-Loup, d'engager le dialogue avec vous.

M. Boucher: Merci. M. Papirakis - je ne sais pas si j'ai la bonne prononciation - je me contenterai simplement de quelques questions. D'abord, si cela peut vous rassurer, nous n'en sommes pas à l'étude d'un projet de loi, nous en sommes simplement à une consultation sur un livre vert qui présente des hypothèses de solution au problème du pourboire. Alors, la loi n'est pas pour demain matin, il s'agit tout simplement de connaître votre opinion. Si j'ai bien compris, vous êtes contre le pourboire obligatoire et vous prônez plutôt la déclaration périodique des pourboires par l'employé.

J'aurais une question. Vous mentionnez dans votre mémoire que le pourboire serait désormais un revenu imposable, au même titre qu'un salaire. Il faudrait cependant, en toute justice, tenir compte du fait que les employés au pourboire doivent, pour exercer leur métier, faire des dépenses qui sont liées à leur travail, par exemple, l'achat d'uniformes etc. Pour en arriver là, vous suggérez qu'on déduise 25% des pourboires, comme non imposables. Actuellement, dans les rapports d'impôt, pour les frais inhérents au travail de quelqu'un, il y a une déduction de 500 $, je pense - 3% des revenus ou 500 $ - est-ce que cette déduction vous apparaît insuffisante ou s'il faudrait y aller...

M. Papirakis: Regardez, quant à moi...

M. Boucher: ... parce que cela pourrait créer quand même une certaine discrimination par rapport à d'autres employés qui ont aussi des frais inhérents à leur emploi.

M. Papirakis: Je n'ai pas fait de calcul exact là-dessus, j'ai fait une suggestion. C'est vrai que les autres ont des dépenses supplémentaires. Par exemple, je fournis un uniforme à chaque serveuse mais, si elle en veut un deuxième, elle le paie; ce n'est pas moi qui lui ai demandé d'avoir un deuxième uniforme. Je lui en offre un, elle le porte lorsqu'elle travaille; mais elle a le droit d'en avoir un deuxième. Ce n'est pas seulement dans mon restaurant, c'est dans tous les domaines ou tous les restaurants où le personnel de service a un deuxième uniforme. J'ai proposé cela parce que je sais qu'elle paie cet uniforme; il y a les souliers, comme elle marche toujours, les souliers s'usent plus vite qu'un employé assis à un bureau, par exemple. Elle marche du matin au soir, elle n'arrête pas, donc ses souliers se brisent plus souvent. Si vous acceptez de payer la facture pour l'achat de ses souliers, sur les 500 $, en présentant les factures, c'est une autre solution.

M. Boucher: Mais la déduction qu'elle peut présenter dans son rapport d'impôt...

M. Papirakis: Regardez, je n'ai jamais...

M. Boucher: ... de 300 $ ou 3% de son revenu, ce n'est pas...

M. Papirakis: ... calculé ces frais; cela ne m'est jamais arrivé d'acheter des uniformes ou des souliers et de calculer si vraiment cela vaut la peine ou si c'est suffisant; je ne l'ai jamais fait, j'ai fait une suggestion tout simplement.

M. Boucher: Je vous remercie d'avoir mentionné que vous aviez une entreprise familiale...

M. Papirakis: Oui.

M. Boucher: ... et il n'y en a pas beaucoup qui sont venus...

M. Papirakis: M. Vaugeois est l'un de mes meilleurs clients. Quand il vient...

M. Boucher: Ah bon!

M. Papirakis: ... il me voit, je suis toujours habillé en cuisinier et je travaille. Je travaille 70 à 80 heures par semaine. Je suis toujours là quand il vient, il me voit. Je ne suis pas un patron qui est assis en arrière de la caisse et qui fait "cling, cling", je travaille.

M. Boucher: Vous avez vos...

M. Papirakis: Aussi vite, comme vous l'avez mentionné, que les employés de

McDonald, on va plus vite que cela. Le Vérificateur général - je ne sais pas si c'est le cas mais - prétend que les fonctionnaires travaillent à 60%. Quand vous voyez un fonctionnaire travailler à 60% de sa capacité et vous allez dans un restaurant où l'on travaille à 100%, c'est normal que vous constatiez qu'on travaille plus vite; c'est officiel.

M. Boucher: Avez-vous eu le temps de parler au député de Trois-Rivières durant la période de la campagne électorale en travaillant comme cela?

M. Papirakis: Ben...

Une voix: Avez-vous eu le temps d'aller voter?

M. Papirakis: Le député de Trois-Rivières, même pendant la campagne électorale, est venu avec son comité; ils ont mangé au restaurant, il vient souvent et c'est un très bon client. Malheureusement, j'ai voté au Cap-de-la-Madeleine, je ne pouvais pas voter...

M. Marcoux: Est-ce qu'il laisse les pourboires usuels ou habituels? (23 h 30)

M. Papirakis: Je ne vérifie jamais les pourboires de service chez nous. Quand le client laisse un pourboire, la serveuse va le ramasser, c'est à elle; nous, on n'y touche pas. Le dimanche, c'est ma femme ou ma belle-soeur qui fait le "bus boy", le débarrasseur. C'est la même chose, on laisse le pourboire aux serveuses; ma femme ne demande pas 2%, c'est une entreprise familiale. Ma belle-soeur va débarrasser les tables, elle ne demande pas 2%; tout le pourboire qui est laissé sur la table est pour la serveuse, on n'y touche pas.

M. Boucher: Vous dites que le pourboire comptabilisé par les propriétaires de restaurant créera des dépenses supplémentaires difficilement prévisibles et que les propriétaires de restaurant ne désirent pas assumer. Actuellement, vous avez quand même un salaire de base à comptabiliser, avec tout ce que cela comporte. Est-ce que le fait de comptabiliser les pourboires, cela créerait un travail extraordinaire?

M. Papirakis: Je vous dirai que la taxe de vente, c'est moi qui la fais, personnellement. Donc, lorsqu'on parle d'un chiffre d'affaires de 430 000 $, c'est groupé en factures de 5 $ ou de 10 $, en moyenne; si vous calculez le nombre de factures que j'ai à calculer pour la taxe de vente, si je calcule les heures que j'ai faites et si le ministère m'accorde 500 $, avec les 500 $, déjà mon temps n'est pas payé; mais, les mêmes factures, il faudra les diviser en sept et dire: Telle serveuse a fait cela. Je suis obligé d'engager une personne pour faire cela. Mon problème, c'est qui va payer la personne? Moi. Pourquoi? La serveuse, une solution; mais le ministère a aussi offert de retirer des impôts là-dessus. On prétend qu'on a fait une étude pour hausser le pourboire des serveuses à 15%. Le ministère du Revenu a déjà établi - je ne sais pas si c'est vrai ou si c'est faux - qu'ils font déjà 15% et qu'ils paient les pourboires à 15%. Si le ministère croit que les serveuses font 15%, pourquoi toute cette commission pour dire: II faut qu'on mette 15% sur la facture? Les 15% sont là. Donc, le gouvernement a fait cela juste pour des impôts, pas pour des raisons humanitaires. Voyons! Les 15%, le ministère les réclame; ils ont les 15%. C'est cela qu'il prétend. Si cela est faux, il faut arrêter les poursuites. Si, ici, on prétend qu'ils ne font pas assez de pourboire et qu'il faut accorder 15%, il faut que le ministère arrête de poursuivre. Si le ministère dit: II faut 15%, on est ici seulement pour les impôts que le gouvernement doit tirer de cette affaire, je pense.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: Vous m'avez envoyé quelques éloges comme client de votre restaurant. Je vais être obligé de vous en envoyer aussi.

M. Papirakis: M. Vaugeois, excusez-moi, vous êtes un ami aussi, je l'oubliais.

M. Vaugeois: J'aurais deux questions à vous poser, mais, auparavant, je dois vous dire que je suis très fier de la façon que vous présentez votre mémoire et de la façon que vous vous expliquez ainsi que des remarques fort pertinentes que vous avez soulevées, qui ne sont pas nécessairement dans votre mémoire, mais que vous avez ajoutées. Je crois qu'il y a là des réflexions...

M. Papirakis: Ce n'était pas partisan. C'était simplement pour montrer que n'importe quel gouvernement avec des fonctionnaires et avec des machines informatiques, c'est trop, parce que cela m'arrive aussi de me tromper. C'est trop. Si un gouvernement a 100 personnes qui pensent que c'est trop, il y a une baisse. Je me suis basé tout simplement sur cela pour dire qu'il y aura une baisse dans la restauration. Ce n'était pas partisan du tout.

Le Président (M. Gagnon): M. le député.

M. Vaugeois: Je ne l'ai pas pris non plus sur une base partisane, je pense qu'on est tous à même de constater le fondement des observations que vous faites.

Vous soulignez, au début de votre mémoire - je ne veux pas le reprendre -que, du point de vue d'un député... Et là, je comprendrai que l'ancien ministre qui est à ma droite et le nouveau ministre qui est à ma gauche ne peuvent pas nécessairement adhérer à ce point de vue; mais je crois bien que plusieurs de mes collègues qui sont ici, de la façon que cela s'est passé, cela nous montre qu'il y a un aspect quand même humain qui n'a pas pu être pris en compte et auquel nous, les députés, on reste encore extrêmement sensibles. Vous arrivez avec une notion du pourboire, qui est une tradition, apparemment, dans nos ministères du Revenu, autant à Ottawa qu'à Québec, et on aurait voulu qu'on l'oublie un peu; vous essayez de nous attraper à notre jeu en suggérant que le don que peut constituer le repas offert devrait être, à ce compte, aussi comptabibilisé que le pourboire laissé sur la table. Je pense que votre remarque a pour but d'attirer l'attention sur le phénomène qui se passe actuellement. Pour les députés, moi, dans mon comté ç'a été très important, vous le savez; j'ai beaucoup de femmes qui ont perdu un mari, ou encore qui se sont séparées, qui ont des grands enfants dont elles ont la garde. C'est clair que c'est extrêmement pénible de vivre des situations comme celles qu'on a vécues ces temps derniers. Je tenais à l'exprimer parce que j'ai beaucoup de cas qui sont pour moi très importants et qui sont des situations très humaines. Vous les évoquez à votre façon ce soir. Il y a d'autres remarques dans votre mémoire qui, je pense, touchent des points importants dont les représentants du gouvernement auront à tenir compte. Maintenant, puisque vous êtes là, j'aimerais vous poser deux questions concrètes.

La première, à partir de votre expérience, vous dites que vous ne regardez pas les pourboires qui sont laissés sur la table, mais vous en avez certainement une certaine idée. Moi, j'ai plusieurs femmes dans mon comté qui ont été imposées pour des montants importants sur la base d'une évaluation; vous connaissez laquelle et je ne recommencerai pas ce soir; mais, d'après votre expérience, y a-t-il une grande différence entre le pourboire qui est calculé lorsqu'on paie avec une carte de crédit et le pourboire qui est laissé sur la table en argent lorsqu'on paie comptant? À partir de votre grande expérience, quels seraient les montants en cause dans un cas comme dans l'autre?

M. Papirakis: Moi, je n'ai jamais regardé le montant que le client laisse sur la table. J'ai par exemple parlé avec les serveuses dont le salaire est saisi. J'ai calculé la moyenne de mes propres factures, des cartes Chargex et j'arrive à une moyenne, moi, de 8%. Cela me tentait, à un moment donné, d'aller les trouver pour leur dire: J'ai 8% dans mes factures. C'est vrai que les autres fonctionnaires, ce n'est pas nécessairement le gouvernement. Il y a entre le gouvernement et les citoyens une machine administrative. C'est vrai que les fonctionnaires arrivent avec des tables et disent: "Cela, c'est cela. Tu l'as! Tu ne peux dire rien d'autre, tu l'as." Vraiment tu n'as pas le choix. C'est arrivé la même chose avec les filles. Ils disent: "Vous avez fait cela; on a trouvé dans les cartes Chargex de tels restaurants." Moi, mes cartes Chargex, je l'ai calculé, cela me prenait trop de temps de toutes les calculer, mais celles que j'ai calculées, c'était 8%. Le ministère se trompait de 6%; je l'ai constaté moi-même dans mes propres cartes Chargex, donc, je trouvais que le ministère exagérait.

M. Vaugeois: Une autre question, M. Papirakis. Tout à l'heure, les gens qui sont impliqués dans les restaurants McDonald nous signalaient ce que pourrait signifier une hausse de 1% ou, voire, de 15% ou 25%. Vous avez probablement entendu dans

d'autres mémoires qu'ailleurs dans d'autres pays, dans certains cas, on a eu tendance à exempter d'une réglementation, soit des restaurants à service rapide ou, encore, des restaurants à caractère familial ou de plus petite entreprise. Comment réagissez-vous à l'idée d'avoir une politique différente pour des petits restaurants ou des restaurants du type entreprise familiale? Comment pourriez-vous les définir? Par nombre d'employés ou par importance? Quels seraient vos critères pour définir ce type de restaurant?

M. Papirakis: Je vous donnerai un exemple. Supposons que je vais chez

McDonald pour acheter trois Big Mac et que je dise à la caissière: "Deux Big Mac, s'il vous plaît". Le prix est 3 $, ce n'est pas taxable. Je veux en acheter trois, mais je lui dis "Deux Big Mac, s'il vous plaît". Elle fait deux Big Mac; je les paie, mais c'est un repas tellement vite; je lui dis: "Excusez-moi, mais voulez-vous m'en ajouter un troisième?" Elle me dit qu'elle a déjà fait la première transaction. Eux, ils n'ont pas de factures. Elle a déjà fait la première transaction, mais elle m'apporte un troisième Big Mac au prix de 1,50 $. J'ai acheté pour 4,50 $ et je n'ai pas payé de taxes. Je l'ai fait moi-même pour constater si cela se faisait. En plus, il y a les brasseries. Si on va manger à un restaurant, on mange un repas du jour à 3,25 $ et on prend une bière, elle est ajoutée automatiquement; cela nous fait 4,75 $, plus la taxe. Maintenant, on va à une brasserie où il y a deux services. Le premier service, d'un côté, il vient vous livrer une bière, cela coûte 1,50 $ plus 0,15 $ de taxe. Il vient pour les mêmes repas que je sers à côté, 3,25 $ s'il vous plaît, pour le repas. Donc, la brasserie non plus ne paie pas de taxe. Pour les mêmes repas chez nous, il y a la taxe. Dans la brasserie, il n'y en a pas, il y en a seulement sur la bière, pourtant ils ont mangé la même chose, parce qu'à la brasserie, je ne sais pas si la loi s'applique, il y a le serveur pour la bière et il y a la serveuse pour les repas. Donc, cela nous affecte, c'est normal que cela nous affecte.

Mme Papirakis: Si vous permettez que je fasse aussi un commentaire, parce que l'heure avance. C'est la première fois qu'on vient à une commission parlementaire et je trouve un peu déplorable que l'image des propriétaires de restaurant, comme elle a été mentionnée, des "petits propriétaires de restaurant" est celle de gens qui agressent leurs employés, qui s'enrichissent honteusement sur le dos de leurs serveuses, en fait, une image absolument épouvantable à laquelle on ne peut pas s'identifier, nous, ni les restaurateurs qu'on connaît. On en connaît plusieurs; quand on est dans le milieu, on connaît les concurrents, enfin ce sont des amis, ce sont des gens qui ont une entreprise semblable à la nôtre où le frère travaille avec la soeur et le beau-frère, la belle-soeur; tout le monde met la main à la pâte. Je trouve déplorable que cette image ait été projetée ici. Je pense que le harcèlement sexuel est le fait de cas isolés qui ne se produisent pas dans des établissements sérieux et encore moins dans des entreprises familiales. Vous comprendrez sûrement pourquoi. Les serveuses sont parfaitement...

M. Blank: ... de surveillance?

Mme Papirakis: Les serveuses sont parfaitement au fait, je le sais pour en avoir discuté avec celles-ci qui nous disent: À tel endroit, je ne veux plus jamais aller travailler là, parce que si tu vas dans tel coin il arrive telle chose, bon. Je pense qu'il ne faut pas projeter cette image des petits restaurants, parce que c'est une image faussée. La réputation des gens, c'est quelque chose que je trouve important et il ne faut pas galvauder les gens pour n'importe quoi. Il y a des gens, aussi, qui sont respectables dans l'entreprise de la restauration, qui sont propriétaires et qui ont le respect de leurs employés. C'est tout ce que j'avais à dire, je vous remercie.

M. Papirakis: Je voulais ajouter aussi...

M. Vaugeois: M. le Président, j'aimerais...

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Trois-Rivières.

M. Vaugeois: II faudrait encore que j'aie une chance de dire quelque chose, c'est plus gênant pour eux de le dire que pour moi, mais ils ont un restaurant absolument exemplaire et l'investissement fait par ce groupe familial est considérable. Vous avez parlé tout à l'heure d'un montant, mais je peux vous dire que le restaurant lui-même est un très beau restaurant et il y a un investissement de temps. Je suis un couche-tard et c'est vrai que ce monsieur est à son restaurant à toute heure du jour et de la nuit. Quand on veut donner l'image du patron qui fait travailler les autres sans travailler, ce n'est certainement le cas des petits restaurateurs, même de petits restaurateurs à la tête de gros restaurants, de gros investissements, aussi.

M. Papirakis: Même l'Association des restaurateurs parle de nous empêcher, nous, qui n'avons pas d'argent, d'ouvrir un restaurant en prétendant que la plupart des nouveaux restaurateurs, tout simplement, cachent leurs taxes, ne les paient pas. En prétendant qu'ils vont devenir des

restaurateurs qui vont ouvrir des succursales de restaurants quand nous, on ne peut pas faire partie de ce marché. Comme certains le prétendaient tout à l'heure, il ne faut pas le laisser grandir. Nous qui avons l'argent, on va vous garantir qu'on va vous payer vos taxes, éliminez le petit. Je n'aurais jamais été capable d'ouvrir un commerce s'il y avait eu l'élimination. Cela est inacceptable, je ne peux pas le concevoir.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Saint-Louis. (23 h 45)

M. Blank: Franchement, je n'ai pas de question. Je veux vous féliciter sur votre présentation. Je trouve que des représentations de gens comme vous qui sont dans ce commerce à plein temps, qui travaillent, vous-même avec votre femme, dans l'établissement, tout cela donne un air vivant à cette commission et on peut savoir ce qui se passe vraiment dans l'industrie. Recevoir des associations qui représentent des membres permet d'apprendre des choses par ouï-dire, c'est une chose; mais recevoir des gens qui nous parlent directement de leur expérience personnelle, c'est autre chose. Merci.

M. French: M. le Président, je voudrais ajouter un mot à M. et à Mme Papirakis, d'abord, pour dire qu'on a eu droit de part et d'autre à un certain véhiculage de stéréotypes que vous ne devez pas prendre au sérieux. Je comprends madame votre réaction. Elle est justifiée. Je vous assure qu'il y a une certaine inflation de terminologie et de stéréotype dans la vie que nous vivons et nous ne prenons pas plus au sérieux qu'il le faut ce que nous avons entendu de part et d'autre. Tout le monde travaille pour ses intérêts particuliers. Je voudrais dire aussi que d'avoir votre témoignage, parce que c'est de cela qu'il s'agit, dans la ligne de feu, c'est extrêmement utile pour nous.

Ce que je voudrais retenir surtout, et on va probablement en discuter demain ou après-demain, c'est qu'avec cette dernière intervention, nous avons un autre cas qui n'a que très peu en commun avec les autres que nous avons examinés au préalable. Je suis obligé de dire qu'une solution monolithique ou une solution généralisée va être très difficile à trouver. Certainement, une solution de frais de service obligatoires risque d'avoir des effets dramatiquement différents dans les établissements de taille, de culture, je parle de la culture de l'établissement, des coutumes. Vu l'hétérogénéité de l'industrie, je pense que cela va être extrêmement difficile d'identifier la solution, surtout une solution qui apporte un changement dans la structure du coût de l'entreprise. Enfin, je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Marcoux: Je veux vous remercier et souligner spécialement le fait que vous avez bien voulu présenter un mémoire. Je pense que c'est beaucoup plus facile pour des organismes ou des associations qui ont des permanences à temps plein ou à temps partiel, de présenter un mémoire. J'apprécie beaucoup le fait que, comme propriétaire direct de votre entreprise, vous ayez pris le temps de lire le livre vert, d'écrire le texte et de venir ici le présenter. Dans le fond, je me fais un reproche. Quand on prépare l'ordre du jour, on est toujours porté à placer - on l'a vécu dans beaucoup d'autres commissions - des organismes, des associations officielles, reconnues, parmi les premières présentations; souvent, on reporte à la fin des individus ou ceux qui représentent des groupes plus petits. J'aurais souhaité que votre témoignage soit entendu par tous ceux qui ont participé à la commission durant toute la journée.

Une chose est importante, vous avez remarqué que la plupart des députés sont restés pour votre témoignage. Je suis convaincu que votre témoignage va influencer le type de réflexion que nous devrons faire par rapport aux solutions à trouver. Parce que vous présentez vraiment un point de vue différent; je l'ai remarqué moi aussi. Je faisais remarquer au sous-ministre, à la fin de l'après-midi, à quel point les gros restaurants, les gros hôtels et les milieux syndicaux s'entendaient globalement sur les moyens, non pas sur les moyens, mais disons sur une démarche de fond, par rapport à la conclusion qu'il y avait trop de restaurants et qu'il ne serait pas nécessairement mauvais qu'il en disparaisse un certain nombre. Votre témoignage est important; c'est celui de quelqu'un qui a investi temps et argent considérablement par rapport aux conséquences. Je ne vous dis pas qu'on va pouvoir sauver les meubles dans n'importe quelle solution qu'on appliquera, mais vous pouvez être assuré qu'on va tenir compte de ce que vous nous avez indiqué.

J'aurais une question. Vous dites que vous préférez la formule 5.3, c'est-à-dire la révélation des revenus. Vous les cotisez, vous les transmettez au ministère du Revenu; c'est cela la formule 5.3. Mais je voudrais qu'on soit bien clair, qu'on s'entende. Selon la formule 5.3, pour nous, en tout cas, l'employeur payait les avantages sociaux pour la part du pourboire. Est-ce que dans votre esprit, cela comprend ce point? Est-ce que vous acceptez, par exemple, dans votre perspective, que la cotisation de la CSST, de la Commission de santé de sécurité du travail, de la Régie des rentes du Québec et l'assurance-chômage, que la part supplémentaire due aux pourboires révélés de

façon supplémentaire, cette part qu'on a évaluée cet après-midi avec les autres avantages, soit d'environ 13%?

M. Papirakis: Regardez, comme je l'ai dit au commencement, je suis déficitaire. Vraiment c'est un coût, non que je ne veuille pas supporter, mais que je ne peux pas supporter. J'arrive très serré. Si demain matin, ma femme et moi, mon frère et sa femme nous nous disons qu'on reste près de la caisse et qu'on engage quatre personnes, on va fermer. Donc, on est très serré, on ne peut pas supporter, vraiment on ne peut pas supporter des dépenses supplémentaires. Je ne peux pas. Je n'ai pas dit je ne veux pas, je ne peux pas, tout simplement.

M. Marcoux: Cela me permet de qualifier, en fait. Vous êtes d'accord pour percevoir la part d'impôt sur les pourboires révélés de façon supplémentaire, mais pour être clair, dans votre perspective, en tout cas, même si vous le vouliez, vous dites que vous ne pourriez pas supporter ces 13% de bénéfices sociaux supplémentaires.

M. Papirakis: Vraiment, ce serait impossible.

M. Marcoux: Le sens de la proposition 5.3, que vous dites appuyer, était directement dans ce sens.

M. Papirakis: Malheureusement, le livre vert n'était pas disponible, quand j'ai écrit mon mémoire. Tous mes documents, je les ai pris dans la Presse.

M. Marcoux: D'accord.

M. Papirakis: Vraiment ils n'étaient pas disponibles. J'ai écrit, j'ai envoyé les chèques mais ils n'étaient pas disponibles.

M. Marcoux: On pourra vous en donner un exemplaire, si vous ne l'avez pas. J'aimerais que vous le relisiez. J'aimerais aussi que vous nous écriviez, même si c'était juste une page, un commentaire supplémentaire, parce qu'il n'y a rien de pire que des malentendus. J'avais l'impression, d'après ce que vous disiez, que peut-être la solution que vous proposiez n'était pas exactement ce qu'on disait dans le livre vert, et que cela pouvait attirer un oui qui était un non, ou un non qui était un oui.

Une voix: On a déjà vu cela.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

Madame et M. Papirakis, on vous remercie infiniment de la présentation de votre mémoire.

La commission du revenu ajourne ses travaux à demain, dix heures à la salle 81-A.

(Fin de la séance à 23 h 50)

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