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(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission du revenu se réunit aux fins d'entendre des
personnes et organismes en regard du livre vert sur la situation des
travailleurs au pourboire au Québec.
Sont membres de cette commission: M. Blais (Terrebonne); M. Blank
(Saint-Louis); M. Boucher (Rivière-du-Loup); M. Desbiens (Dubuc); M.
Johnson (Vaudreuil-Soulanges); M. Marcoux (Rimouski); M. LeBlanc
(Montmagny-L'Islet); M. Rocheleau (Hull); M. Martel (Richelieu) remplacé
par Mme Marois (La Peltrie); M. Ouellette (Beauce-Nord) remplacé par M.
Lachance (Bellechasse); M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce) remplacé
par M. Polak (Sainte-Anne).
Les intervenants sont: M. Houde (Berthier) remplacé par M. Assad
(Papineau); M. Lachance (Bellechasse) remplacé par M. Paré
(Shefford); M. Lafrenière (Ungava); M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata); M. Lincoln (Nelligan) remplacé par M.
French (Westmount); M. Maciocia (Viger); M. Paradis (Brome-Missisquoi)
remplacé par M. Bissonnet (Jeanne-Mance); M. Perron (Duplessis)
remplacé par M. Fréchette (Sherbrooke); M. Vaugeois
(Trois-Rivières) remplacé par Mme Juneau (Johnson).
À ce moment-ci, il faut un rapporteur pour faire rapport à
l'Assemblée nationale. M. le ministre?
M. Marcoux: Je proposerais Mme la députée de
Johnson.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Johnson sera rapporteur.
Pour les remarques préliminaires, M. le ministre.
Remarques préliminaires M. Alain
Marcoux
M. Marcoux: M. le Président, chers collègues,
mesdames et messieurs qui représentez différents groupes qui ont
accepté de présenter des mémoires à cette
commission du revenu, nous abordons trois jours de commission parlementaire
durant lesquels nous discuterons des problèmes et de la situation des
travailleurs et travailleuses au pourboire. Durant ces jours, nous examinerons
les points de vue des travailleurs et travailleuses au pourboire, ceux des
employeurs qui travaillent dans ce domaine et également le point de vue
du ministère du Revenu et des autres ministères qui peuvent
être impliqués par rapport au dossier qui concerne ces
travailleurs. En fait, je souhaiterais, au début de cette commission,
que nous soyons le plus ouverts possible tous ensemble pour écouter
attentivement les mémoires qui nous seront présentés.
Je peux assurer les membres de cette commission, ainsi que tous ceux qui
ont accepté de nous présenter des mémoires que mon
idée n'est pas faite quant à la solution qui devrait être
appliquée pour résoudre une partie des problèmes que je
décrirai davantage dans quelques minutes. Je peux dire d'emblée,
au début de cette commission, que la seule solution qui, à mon
point de vue, doit être éliminée clairement dès le
point de départ, c'est le statu quo. Pourquoi dire dès le point
de départ, que le statu quo doit être éliminé? C'est
parce que le statu quo maintiendrait l'inéquité sociale dont sont
l'objet, actuellement, les travailleurs et travailleuses au pourboire et,
d'autre part, maintiendrait également la situation
d'inéquité fiscale dont est l'objet l'ensemble des contribuables
du Québec par rapport aux travailleurs et travailleuses au
pourboire.
Comme le statu quo a créé ce type de problèmes
actuellement, il m'apparaît évident qu'il faut sortir de ce statu
quo. Vous allez dire: Cela paraît évident au point de
départ, si toute cette démarche a été entreprise
depuis la publication du livre vert, que vous n'avez pas l'intention de
maintenir le statu quo. Je vous mets en garde contre cette idée parce
qu'à la lecture des mémoires, à la suite des opinions que
nous entendrons aujourd'hui et durant les deux prochaines journées, il
arrive une situation telle à un moment donné que les forces
s'annulent. Quand les forces du changement rencontrent les forces du statu quo
et que, finalement, les solutions paraissent plus complexes que la situation
actuelle, il arrive un moment où on se dit: On serait donc bien dans le
statu quo, parce que tout le monde aurait son intérêt à ce
que cela ne bouge pas ou presque.
C'est pour cela que je pense nécessaire et pas inutile de
préciser dès le point de départ qu'en ce qui me concerne,
comme
ministre du Revenu, la seule hypothèse que j'élimine est
celle du statu quo et que je demeure entièrement ouvert à
l'écoute et à l'analyse de tous les avantages et
inconvénients des quatre hypothèses mentionnées dans le
livre vert, soit d'avoir des frais de service obligatoires, le pourboire
inscrit sur la facture, la déclaration périodique des pourboires
par l'employé et, enfin, considérer les pourboires comme un
revenu de travailleur autonome soit avec la formule de demande de retenue
supplémentaire ou soit par la formule de versements trimestriels.
Ces quatre hypothèses de solution, dans mon esprit,
n'éliminent aucunement d'autres hypothèses de solution qui
pourraient être ou qui seront présentées dans les
mémoires que nous aurons l'occasion de lire et dont nous pourrons
prendre connaissance au cours de ces trois journées.
Je peux vous assurer aussi que la perspective dans laquelle j'aborde
cette commission parlementaire, c'est une perspective que je veux la plus
globale possible. Il faut être bien clair et bien franc. Je pense que
c'est évident que c'est à partir d'une action du ministère
du Revenu du Québec et du ministère du Revenu d'Ottawa, au cours
des récentes années, concernant des avis de cotisation qui ont
été émis auprès des travailleurs et des
travailleuses au pourboire, c'est vraiment cette action qui a incité
à engager les travailleurs et les travailleuses au pourboire à se
regrouper en associations et à défendre leurs droits par rapport
à l'ensemble des autres travailleurs, par rapport à l'ensemble
des programmes ou avantages sociaux dont peuvent bénéficier les
autres travailleurs et dont ils ne bénéficient, souvent, qu'en
partie.
C'est évident que l'intérêt du ministère du
Revenu est directement impliqué en ce qui concerne la fuite
d'impôt ou l'équité fiscale, si on considère
l'aspect positif du même problème. Mais je peux vous assurer que
ce n'est pas mon intention de regarder simplement cet aspect de la
réalité des travailleurs et des travailleuses au pourboire. Le
livre vert, même si c'est probablement un des livres verts les plus brefs
qui aient jamais été publiés depuis plusieurs
années par le gouvernement, je pense, indique bien notre volonté
de tenir compte des aspects économiques de la situation de cette
industrie, des travailleurs qui y vivent et des aspects sociaux
également liés à toute décision qui pourrait
être prise.
Dans ce sens-là, j'ai souhaité la présence -
certains ont pu le faire - du ministre délégué au Travail,
du ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu, du
ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, de ma collègue, Mme
la ministre déléguée à la Condition
féminine, et différents collègues qui se joindront, dans
la mesure du possible, à nos travaux au cours de cette commission. Vous
comprendrez mon collègue de l'Industrie et du Commerce, en particulier,
de ne pas pouvoir être avec nous, compte tenu d'une autre commission
à laquelle il participera cette semaine. Je vais demander à
chacun de mes collègues d'assurer la présence permanente tout au
cours de cette commission d'un représentant de son ministère ou
de son cabinet pour faire en sorte que la ou les solutions auxquelles on
pourrait songer rejoignent les préoccupations vraiment polyvalentes ou
qui viennent de chacun des ministères impliqués. Voici un autre
point que je voudrais clarifier dès le départ: la solution ne
peut être que fiscale, elle doit tenir compte des facteurs
économiques, de la situation sociale, des avantages sociaux que les
travailleurs et les travailleuses au pourboire sont en droit de
revendiquer.
Dans le but d'être le plus bref possible et comme l'essentiel du
temps doit être consacré à entendre nos invités, je
n'ai pas l'intention de reprendre les caractéristiques, même si je
m'étais fait un résumé, de la population, des conditions
de travail des personnes au pourboire que l'on retrouve dans le livre vert. On
aura l'occasion, au cours de ces trois journées, de revenir sur
l'essentiel de ces éléments. Je voudrais rappeler qu'il est assez
récent que ces travailleurs soient représentés par des
associations ou par des syndicats. En fait, la première a
été l'association Pro-Restel qui a été
formée en 1979. Elle a été suivie de près par
l'Association des employés au pourboire de l'Estrie, celle de la
région de DrummondviJle puis celle de Trois-Rivières.
L'Association des gens au pourboire de Montréal a également
été mise sur pied. Ce sont toutes des associations
récentes qui ont commencé à regrouper les travailleurs de
ce secteur.
Je dois indiquer que je suis bien conscient du traitement
différent qu'ont reçu, par rapport aux régimes sociaux -
que ce soit l'assurance-accident ou la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, maintenant, la Régie de l'assurance
automobile du Québec, la Régie des rentes du Québec et
l'assurance-chômage, en ce qui concerne le gouvernement
fédéral - ces travailleurs qui représentent quand
même, si on prend l'ensemble des travailleurs et des travailleuses au
pourboire, environ 100 000 personnes, soit environ 70 000 dans le secteur de la
restauration et de l'hôtellerie et possiblement 30 000 dans l'ensemble
des autres secteurs, comme les coiffeurs, coiffeuses, cosmétologues,
chauffeurs de taxi, et autres, c'est quand même environ 100 000
travailleurs qui sont touchés qui rejoignent directement environ
peut-être 3 000 000, 4 000 000 de Québécois qui sont leurs
clients. Évidemment, même s'il y a d'autres
problèmes très graves dans notre société,
actuellement, qui nous préoccupent comme citoyens, je suis convaincu que
le sujet que nous abordons aujourd'hui rejoint une très large partie de
l'opinion publique et de nos concitoyens, soit en tant que travailleurs, soit
en tant que clients ou citoyens affectés qui accordent des
pourboires.
En fait, je ne veux pas être plus long, même si j'aurais
peut-être le goût de l'être, dans ces propos d'introduction.
Simplement comme point final, je dois vous dire que j'aborde cette commission
avec une volonté de manifester la plus grande ouverture d'esprit
possible aux différentes solutions qui nous seront indiquées.
Même si je suis conscient que c'est le passé qui nous mène
à cette commission, je voudrais qu'on passe au moins autant de temps,
sinon plus à parler de l'avenir par rapport aux problèmes que
nous étudions, que nous abordons aujourd'hui. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saint-Louis.
M. Harry Blank
M. Blank: Je pense que les dernières paroles du ministre
nous donnent la raison pour laquelle nous sommes ici. Il a parlé de
laisser de côté le passé pour parler de l'avenir.
M. Marcoux: Je n'ai pas dit cela.
M. Blank: De ne pas parler tellement de ce qui est passé,
mais de parler du futur. Mais c'est le passé qui a fait convoquer cette
commission. C'est l'attitude gouvernementale vis-à-vis des
employés pour la perception des cotisations déjà
perçues. Depuis environ cinq ans, le ministre du Revenu, a
essayé, par les différentes solutions qu'il propose, de faciliter
la perception de l'impôt sur les pourboires, au lieu de concentrer son
action sur la situation qui a motivé une telle évasion fiscale.
Le ministre parle d'équité fiscale et c'est bien, semble-t-il, la
seule chose qui l'intéresse dans ce dossier. En effet, si on regarde le
livre vert, cela parle de quoi? Cela parle d'évasion fiscale. C'est une
façon d'essayer de percevoir les taxes plus facilement pour le
gouvernement. Les effets sociaux et économiques, il n'en parle pas dans
ce livre vert.
Le ministre a dit qu'on avait le ministre du Travail. Peut-être
qu'il y a des représentants du ministère du Tourisme et
peut-être quelqu'un des Affaires sociales. Je ne le sais pas. Je ne vois
pas le ministre. Je suis heureux que le ministre du Travail soit ici, mais je
ne suis pas certain que le ministre du Travail serait venu ici s'il n'avait pas
commencé cette affaire lorsqu'il était ministre du Revenu.
M. Marcoux: Cela ne nuit pas.
M. Blank: Oui. J'aimerais mieux qu'on s'attaque aux vrais
problèmes de la restauration et des employés au pourboire dans
ces établissements plutôt que, pour des raisons politiques,
convoquer une commission avec un livre vert mince qui ne contient aucune
solution véritable sur les vrais problèmes. Il aurait
été préférable d'avoir une commission mixte des
affaires sociales, de l'industrie et du commerce, du travail et du revenu, pour
essayer de régler les vrais problèmes dans cette industrie. (10 h
30)
Le ministre a aussi parlé des 200 000 employés dans la
restauration et peut-être de quelque 30 000 autres employés au
pourboire, mais c'est une autre affaire. Dans ce livre vert, il n'y a aucune
donnée scientifique, aucun chiffre ou recherche dans cette affaire pour
nous donner les vrais chiffres dans tous les domaines. On parle d'environ 210
000 employés dans la restauration et le ministre parle de 30 000
personnes au pourboire dans l'est de la province, incluant les chauffeurs de
taxi, les coiffeurs, les barbiers, les chasseurs dans les hôtels et
partout. Mais, seulement dans la ville de Montréal, il y a plus de 7000
chauffeurs de taxi. Je veux dire qu'on parle peut-être d'environ 100 000
personnes en dehors de la restauration, mais dans le livre vert on ne parle
pratiquement que de la restauration. Qu'arrive-t-il aux autres 100 000
personnes? Le ministre a convoqué cette commission et fait sortir ce
livre vert pour couvrir les pressions qui viennent de tous les travailleurs du
Québec à qui on intentera des poursuites ici et là,
partout, pour des cotisations qui remontent à cinq ans, six ans et
même sept ans. Pour essayer de sauver la face vis-à-vis de ces
gens, il n'arrive pas avec une solution, mais il met sur la table un livre vert
qui ne contient absolument rien et qui n'est basé sur aucune recherche
scientifique, aucun chiffre donné, seulement des estimations, les
mêmes estimations qui ont pour but de percevoir de l'argent des pauvres
garçons de table en leur disant: Vous avez perçu 15% en
pourboires au cours de cette année, même si, au cours de cette
année, ce travailleur était en France. C'est de cette
façon que le ministre a travaillé dans ce domaine.
L'Opposition est ici pour entendre des témoins, afin de savoir ce
qu'ils pensent. Mais je suis certain qu'on va découvrir plus que des
questions d'évasion fiscale. L'évasion fiscale existe partout,
cela se pratique par bien d'autres gens que les employés au pourboire;
on dit que peut-être 15% du produit brut qui fait partie de
l'évasion fiscale. Qu'a-t-on ici? Environ 200 000 000 $, c'est beaucoup
d'argent.
Mais si on compare au total de l'évasion fiscale qui se fait dans
toute la province, ces 200 000 000 $ sont des "pinottes". Ils doivent se
couvrir parce que, pour des raisons politiques, ce qu'ils ont fait à de
pauvres petits travailleurs au pourboire dans toutes les provinces, avec leurs
cotisations, leurs poursuites, leurs saisies, toutes les choses qu'ils ont
adoptées les ont obligés à faire quelque chose. Mais ce
qu'ils ont fait, c'est la marque de commerce de ce gouvernement,
c'est-à-dire un livre vert qui ne veut rien dire.
Mes amis, nous sommes ici pour vous entendre et essayer de trouver une
solution à ce problème et pas seulement à ce
problème particulier des gens qui travaillent dans la restauration, mais
le problème des employés au pourboire dans toute la province.
C'est notre but et nous sommes ouverts à toute suggestion. Il y a
d'autres endroits qui avaient des problèmes similaires et qui les ont
résolus. Les Américains ont récemment passé une loi
sur des problèmes semblables et c'est peut-être un compromis entre
la polarisation qu'on voit dans les mémoires présentés
ici, mais personne n'a parlé jusqu'à maintenant de cette loi.
Washington n'est pas loin, même une sous-commission pourrait s'y rendre
pour voir comment on a réglé le cas pour 250 000 000 de
personnes. Si on peut régler pour 250 000 000 de personnes, c'est facile
de régler le cas pour 6 000 000 de personnes.
Nous sommes disposés à entendre vos mémoires,
discuter du problème et peut-être pourra-t-on arriver au vrai
problème, le problème des injustices sociales,
économiques, pas seulement fiscales. Le gouvernement peut prendre sa
responsabilité d'essayer de percevoir - il a assez d'ordinateurs, assez
d'inspecteurs - et il n'a pas nécessairement besoin de loi
spéciale pour l'aider. Une loi spéciale c'est une preuve de sa
faiblesse. Si on a besoin d'une loi d'exception pour des travailleurs au
pourboire, ça montre la vraie inefficacité et impuissance du
gouvernement. C'est tout ce que j'ai à dire pour le moment. Je
demanderais la permission que le député de Westmount fasse une
très courte déclaration.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Saint-Louis. M. le député de
Westmount.
M. Richard French
M. French: Je tiens, très brièvement, au
début de cette séance, à souligner la
nécessité de procéder dans ce dossier avec la plus grande
prudence. Il s'agit en effet d'un gouvernement à court d'argent qui
s'apprête à employer l'appareil du fisc pour en trouver
auprès d'un groupe de travailleurs extrêmement vulnérables
dans une industrie très fragile. Je devrais dire plutôt un groupe
de travailleuses, parce que ce sont majoritairement des femmes. Je suis
très content de constater la présence de Mme la ministre parmi
nous ce matin. Je pense que si les Québécoises veulent
s'entraider, leurs consoeurs de l'industrie de la restauration ont besoin de
leur appui dans ce dossier.
Connaissons-nous un groupe de travailleurs, dont le travail est aussi
précaire, dont les conditions de travail sont aussi difficiles et
assujetties au bon vouloir du patron, dont l'isolement par rapport à ces
derniers est aussi marqué? L'enjeu de cette commission parlementaire est
de taille. Il s'agit ni plus ni moins des emplois disponibles pour ces
personnes, pour ce bassin encore énorme de personnes, sans aucune
compétence particulière. Il s'agit également de leur
revenu net personnel. Voilà deux questions qu'il ne faut jamais oublier,
si l'on veut sortir du cadre fiscal et parler du cadre économique et
social. On touche au nombre d'emplois disponibles dans le secteur et on touche
au revenu personnel net des travailleuses et travailleurs de ce secteur.
Il s'agit du nombre d'emplois, parce que le gouvernement du
Québec s'apprête à extraire quelques centaines de millions
de dollars d'un secteur d'activité économique déjà
touché par la conjoncture. Qu'on ne s'imagine pas que cet argent
viendrait d'une autre source que celle du consommateur. Le consommateur
aurait-il les ressources additionnelles nécessaires ou choisirait-il
plutôt de fréquenter les entreprises de "fast-food", d'amener son
lunch dans un sac de papier brun ou de souper chez lui? En d'autres mots,
l'élasticité de la demande pour les services de la restauration
serait-elle grande ou restreinte? Dans les circonstances actuelles, il y a lieu
de penser que la taille de l'industrie diminuerait inévitablement si
l'on changeait radicalement les règles du jeu.
On se sensibilise soudainement à une pratique traditionnelle que
nous avons tolérée pendant des années. On a beau ne pas
vouloir parler du passé, on fait affaires avec une structure d'attente,
un sous-secteur économique qui existe depuis des années. Et
bousculer tout cela n'est pas une chose qu'il faut faire à la
légère. Les pratiques en question, la société
entière les a implicitement cautionnées, les ministres du Revenu
successifs, les premiers. Évidemment, la situation financière du
gouvernement n'est pas étrangère à cette prise de
conscience, mais du point de vue économique, le moins qu'on puisse dire,
c'est que c'est remarquablement saugrenu. La première constatation,
c'est que la taille de l'industrie et le niveau de l'emploi diminueraient
inévitablement, à la suite d'une tentative du gouvernement
d'extraire des sommes d'argent additionnelles. J'aimerais
beaucoup que nos intervenants nous indiquent leur attitude face à
cette constatation; si ce n'est pas le cas, cela me ferait plaisir de le
reconnaître. Il me semble que les travailleuses et les travailleurs en
subiraient les conséquences en premier lieu, soit par le chômage,
soit par une charge de travail accrue. Il s'agit aussi du niveau de revenu
personnel disponible pour ces travailleuses et travailleurs.
Nos amis sociaux-démocrates ont découvert une injustice
fiscale perpétuée par les travailleuses et travailleurs dont non
moins de 93% de ceux qui font une déclaration de revenu déclarent
un revenu imposable inférieur à 10 000 $. Non moins de 93% de
ceux qui font un rapport d'impôt déclarent un revenu imposable
inférieur à 10 000 $ par année! Peut-être que le
ministre croit que ce chiffre tiré du livre vert de son
prédécesseur ne représente pas la réalité,
c'est-à-dire qu'il sous-estime le revenu de ces gens. Si c'est le cas,
pourquoi le livre vert n'en fait-il pas mention? Lorsqu'on dit qu'il n'y a rien
dans le livre vert, on veut dire que les renseignements sont
présentés d'une façon squelettique, critique que cela
devient extrêmement difficile de tirer des conclusions utiles en dehors
du cadre fiscal que le ministre veut justement minimiser par son approche du
problème.
Si les chiffres quant au revenu des travailleurs, si l'échelle de
revenus dans le livre vert n'est pas correcte, si le revenu est
sous-estimé, est-ce qu'il s'agit d'une échelle de revenus
artificielle en soi, artificielle quant aux proportions de la population dans
les niveaux respectifs ou artificielle quant au niveau de revenus absolu?
Est-ce que l'échelle représente mal la distribution parmi les
catégories de revenus différentes ou est-ce que les
catégories de revenus différentes devraient tout simplement
être gonflées par un facteur quelconque pour indiquer le vrai
revenu des travailleurs dans ce secteur? Si oui, quelles sont les
évidences pour un tel diagnostic?
Jusqu'à ce que la preuve soit faite, le gouvernement poursuit une
croisade contre les travailleuses et travailleurs les moins payés, les
moins privilégiés, les moins protégés, les plus
marginaux et les plus démunis de la société. Il me semble
que la vraie injustice serait de changer les règles du jeu soudainement
au nom d'une égalité de traitement abstraite et, jusqu'à
ce que la preuve soit faite du contraire, fictive dans son application aux
travailleurs et travailleuses du taxi, aux coiffeurs et à d'autres
industries au pourboire, sans parler du travail noir, comme celui des femmes de
ménage, par exemple, dont on entend très peu parler.
Le gouvernement a choisi de parler d'injustice. Nous sommes ici pour
l'appuyer dans ses démarches qui visent la pleine application des
avantages sociaux à celles et ceux qui n'en ont pas
bénéficié dans le passé. Nous sommes
également ici pour nous assurer que la notion de l'injustice fiscale se
justifie sur les plans social et économique, avant qu'elle ne serve de
pierre d'assise pour les politiques qui risquent fort de perturber des emplois
aussi précaires qu'ils sont nécessaires à des milliers de
nos concitoyens et concitoyennes. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député.
M. le député de Terrebonne.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci, M. le Président. Je me suis
intéressé à ce dossier depuis plus d'un an. Il y a
beaucoup de gens qui viennent - je tiens à les saluer - pour la
première fois en commission parlementaire. C'est pour moi la
première commission parlementaire consultative que nous faisons. Je
trouve très curieux que l'Opposition, au départ, nous reproche de
consulter. Si on ne consultait pas, on nous en ferait des reproches un peu plus
cuisants, mais on consulte et on nous le reproche quand même. C'est tout
de même un secteur de la société qui représente un
chiffre d'affaires de 2 600 000 000 $. Je crois que c'est un domaine sur lequel
il est excessivement important de se pencher.
C'est bien sûr que, dans cette commission, on n'étudiera
pas tout l'éventail des gens qui travaillent au pourboire. Le secteur le
plus important dans ceux qui travaillent au pourboire, ce sont ceux qui
travaillent dans la restauration. Peut-être que ce serait de bonne guerre
de dire qu'on devrait envisager tous ceux qui travaillent au pourboire, mais
disons que, dans cette commission, je crois que nous nous attaquons à au
moins 80% à 85% des revenus au pourboire si on s'attaque à ce
secteur de la restauration. (10 h 45)
On nous reproche de le faire, mais sachez que de notre
côté, pour autant que je suis concerné, je vais participer
à cette commission avec du positif. Je n'attaquerai pas l'Opposition,
même si le gouvernement qui nous a précédés
était aussi social-démocrate, au moins de nom sinon de
pensée. Je vais y aller de façon constructive. Je ne dirai pas
non plus que cela fait depuis des temps immémoriaux qu'on marche au
pifomètre dans ce domaine et que, si un gouvernement prend sur lui de
vouloir établir des règles avec les gens concernés, je
pense que c'est à l'avantage des gens concernés et du
gouvernement lui-même.
Personnellement, je vais chercher avec mes confrères et notre
ministre responsable une solution positive en pensant beaucoup
aux travailleurs de ce milieu et en cherchant des moyens de ne pas
donner une autre charge fiscale au patronat dans le milieu. Des deux
côtés, je regarderai s'il y a de l'évasion fiscale et des
deux côtés, vu qu'on n'a pas de solutions, je veux proposer des
solutions pour que, d'un côté comme de l'autre, justice soit faite
et que ceux qui ont des impôts à payer et qui les paient
reçoivent les services que l'État doit donner à ces
employés. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député.
M. le député de Saint-Louis.
M. Blank: Je pense que le député de Terrebonne a
peut-être mal interprété ou mal compris. Je n'ai pas dit
que je suis contre les consultations, mais j'ai dit qu'à la base le
livre vert était une opération politique et non pas pour essayer
de régler un problème. Pour donner raison à mon
interprétation, on doit seulement lire la première partie du
premier mémoire qui, par hasard, vient de la région de
Sherbrooke, la région de l'ancien ministre du Revenu, le
député de Sherbrooke. La première page du mémoire
de ce groupe s'attaque aux cotisations, aux poursuites et tout ce qu'ils ont
fait à ces pauvres travailleurs au pourboire. Il dit: "Devant cette
attitude arbitraire, discriminatoire et incohérente, des employés
au pourboire de la région de l'Estrie ont formé une association
dont le but principal est de défendre les intérêts
économiques des gens au pourboire."
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Saint-Louis, justement ce mémoire est le premier
que l'on va entendre.
M. Blank: C'est cela, mais j'essaie de répondre à
ce que le député de Terrebonne a dit. Cela me prendra seulement
trente secondes. Le prochain paragraphe est intéressant; on y parle du
député de Sherbrooke. "C'est suite aux pressions de l'ADEPE
(Association des employés au pourboire de l'Estrie) que le ministre du
Revenu, alors M. Raynald Fréchette, s'est intéressé au
dossier et a mis en marche les procédures qui ont abouti à
l'apparition du livre vert sur la situation des travailleurs et travailleuses
au pourboire." Voilà la raison pour laquelle nous sommes ici. Ce sont
les effets de l'attaque par le gouvernement contre ces pauvres travailleurs au
pourboire.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Maintenant, j'inviterais
notre premier groupe invité, l'Association des employés au
pourboire de l'Estrie, à s'approcher à la table pour venir nous
livrer leur témoignage, leur mémoire.
Mme Madeleine Lavoie, vice-présidente. Je prierais Mme Lavoie de
nous présenter celles qui l'accompagnent.
Auditions
Association des employés au pourboire de
l'Estrie
Mme Lavoie (Madeleine): Notre porte-parole est la
présidente de l'Association des employés au pourboire à
l'Estrie, Mme Rita Baillargeon.
Mme Baillargeon (Rita): Bonjour'
Le Président (M. Gagnon): Oui. Mme Baillargeon.
Mme Baillargeon: M. le Président, M. le ministre, Mme la
ministre, Mme la député, MM. les députés, Mesdames
et Messieurs, je voudrais d'abord faire une petite mise au point. À la
suite d'un stage en France, j'aimerais, à la suite de notre dossier,
ajouter un petit résumé de ce qui s'est passé. Alors, si
vous le permettez... Depuis quelques années, les ministères du
Revenu fédéral et provincial ont commencé des
enquêtes au niveau des employés au pourboire de l'hôtellerie
et de la restauration. Les vérificateurs définissent que
d'après des critères connus d'eux seuls, dans tel ou tel
restaurant, selon sa classe, son chiffre d'affaires et toutes sortes d'autres
facteurs, les serveuses doivent faire 10%, 12% ou 15% du total de leurs ventes.
En plus de retourner trois ou même quatre ans en arrière, on
impose 25% de pénalité plus 16% d'intérêt à
ces employés qu'on considère comme des fraudeurs aux
ministères du Revenu. Alors que, selon la loi, un accusé est
reconnu innocent jusqu'à ce que soit reconnue sa culpabilité,
vis-à-vis de l'impôt c'est différent; l'employé est
reconnu coupable tant qu'il n'a pas prouvé le contraire.
L'employé doit payer les comptes reçus même si pour cela il
doit emprunter des sommes importantes aux taux d'intérêt qu'on
connaît. Il pourra ensuite dans les jours qui suivent remplir un avis de
contestation et il attendra en payant à la banque des versements
mensuels de son prêt-impôt. De plus, c'est à
l'employé à prouver, par un moyen quelconque, qu'il n'a pas
reçu les montants réclamés ou fixés par les
ministères du Revenu. Il faut dire que les travailleurs et travailleuses
au pourboire ne reçoivent des bénéfices sociaux qu'en
fonction des 3,28 $ et non en fonction de leurs pourboires.
Devant cette attitude arbitraire, discriminatoire et incohérente,
des employés au pourboire de la région de l'Estrie ont
formé une association dont le but principal est de défendre les
intérêts économiques des
employés au pourboire. Alors, comme on le disait tout à
l'heure, c'est à la suite de pressions des employés au pourboire
de l'Estrie que le ministre, M. Raynald Fréchette, s'est
intéressé au dossier et a mis en marche les procédures qui
ont abouti à l'apparition du livre vert sur la situation des
travailleurs et travailleuses au pourboire et à cette commission
parlementaire.
Il est important de savoir que la solution qui sera retenue devra
régler des problèmes précis. Premièrement: le
contrôle des pourboires par le ministère du Revenu;
deuxièmement: la perception des avantages sociaux sur les pourboires par
les employés concernés. Pour nous, c'est le point le plus
important. Un autre point qui est très important, aussi, c'est
l'indexation au coût de la vie du salaire global des employés
concernés. Car, il faut dire que présentement, les
employés au pourboire constatent que plus les factures augmentent, plus
le pourcentage du montant de la facture diminue.
Nous avons étudié à fond les hypothèses de
solution proposées par le livre vert. Voici donc les solutions, les
résultats de cette analyse, en prenant pour base l'objectif de
régler les problèmes cités plus haut.
On a commencé à critiquer le point 5.2 qui se trouve
à être le pourboire inscrit sur la facture par le client. On a
procédé comme suit: Dans une première partie, on a pris
chaque point du livre vert et on en a fait une critique.
Or, il est vrai que l'employeur pourra distribuer les pourboires
reçus...
M. Polak: Une question de règlement.
Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, peut-être que le ministre
aurait dû parler de la manière dont on procède, parce que
je vois -je respecte le contenu du mémoire que madame est en train de
lire - que nous avons là un mémoire de 18 pages, comme il y a
beaucoup de mémoires, est-ce que chacun va lire son mémoire ou si
on procède comme à d'autres commissions parlementaires, à
savoir à l'aide de résumé pour ensuite avoir plus de temps
aux débats?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, est-ce que vous
avez des questions?
M. Marcoux: Je n'ai pas de solution à imposer. Je pense
que c'est à nous de nous entendre sur la façon dont la commission
doit faire ses travaux. On a essayé de faire un horaire le plus
dégagé possible. Beaucoup de mémoires ont une, deux ou
trois pages, à peine; quelques mémoires sont plus denses. Comme
c'est le premier mémoire, pour entrer vraiment dans la matière -
c'est peut-être normal qu'on aille plus en profondeur -je n'aurais pas
d'objection, comme le mémoire résume ici les quatre solutions,
les critique, qu'on aille plus profondément. On a prévu un
horaire très dégagé pour la première journée
pour permettre d'aller plus en profondeur et pour faire en sorte que les
mémoires qui ont une page ou deux aient plus de temps pour le dialogue.
Vous êtes libre, Mme Baillargeon, de résumer des sections de votre
mémoire, le cas échéant, cela nous donne plus de temps
pour la discussion avec vous.
Le Président (M. Gagnon): Alors, continuez la lecture
comme vous l'entendez et, par la suite, si je comprends bien, les deux
côtés de la table, on pourra s'entendre sur un temps pour les
autres mémoires. Mme Baillargeon.
Mme Baillargeon: Je m'excuse, je croyais que selon la
procédure, je devais lire le mémoire. Remarquez que mon style
serait plutôt de le résumer.
Le Président (M. Gagnon): Vous pouvez le
résumer.
Mme Baillargeon: Je peux lire certaines parties et en
résumer d'autres.
M. Marcoux: Parfois, c'est inquiétant, il y a quelquefois
des résumés qui sont plus longs que les mémoires.
Mme Baillargeon: Cela dépend de ceux qui font les
résumés. Alors, il est vrai que dans le point 5.2, l'employeur
pourra distribuer les pourboires selon les conventions établies. Mais
nous, à l'ADEPE, on ne considère pas cela comme un avantage. Il y
a plusieurs endroits dans les restaurants où il y a une
répartition des pourboires qui est faite d'une façon très
injuste. Entre autres, on cite ici un exemple. Dans certains restaurants, il y
a des serveuses qui sont obligées de payer 2%, non pas de leurs
pourboires, mais de leur chiffre de vente, taxe incluse, à
l'hôtesse, même si elle n'est pas là. Ce sont des mesures
aberrantes comme celle-là que l'on retrouve et on considère que
ce n'est pas un avantage, comme le cite le livre vert.
Il est faux de dire que "les montants reçus à titre de
pourboires par chacun des employés sont connus." Ce qui va être
connu, c'est le montant que le client inscrira sur sa facture. Alors, qu'est-ce
qui nous assure que le client va inscrire son pourboire? Le client pourra bien
dire: Écoute, je ne te mets rien sur ta facture et je t'en mets un sur
la table et puis tu le garderas pour toi. On va se retrouver exactement dans la
même situation qu'on vit présentement, mais le
ministère du Revenu va venir nous dire: Ah, non, tu as fait plus
que cela, toi. Alors, on va se retrouver exactement avec le même
phénomène qu'on vit là; il va revenir des années en
arrière et ça va être à nous de prouver encore qu'on
n'a pas fait le montant que le ministère du Revenu nous réclame.
Avec cette solution, est-ce qu'on peut vraiment parler de contrôle
complet et global? Parce que cela, c'est une des solutions que recherche le
ministère du Revenu. À notre avis, on ne peut pas parler de
contrôle complet et global.
Maintenant, il y a un point très important que je veux soulever.
On parle de la liberté du client de pouvoir donner un pourboire selon
son évaluation du service rendu. Cela, je vais le lire parce que je
considère que c'est important. "Nous voudrions savoir pourquoi le client
devrait continuer à être libre d'évaluer un service.
L'évaluation du service est une chose très subjective. Quand le
steak est trop cuit, le pourboire s'en ressent; quand le client s'est
chicané avec sa femme, le pourboire s'en ressent. Et on pourrait donner
des dizaines d'exemples comme cela. Nous le vivons quotidiennement. Ensuite,
est-ce que la secrétaire, l'infirmière, la vendeuse ou tout autre
secteur de travail voient leur salaire évalué à l'acte et
augmenté ou diminué selon leur efficacité ou leur sourire?
Est-ce que les fonctionnaires comptent sur une marge de pourboire plus ou moins
élevée s'ils sont souriants et compétents? Point
d'interrogation. Nommez-nous un secteur de travail où les
employés sont rémunérés en fonction de leur bonne
humeur. C'est ce qu'on vit depuis des années."
Dans le point 5.3, on parle de la déclaration périodique
des pourboires par l'employé. Nous voudrions bien savoir en quoi cette
solution apporte des changements par rapport à ce qui se vit
actuellement au niveau du contrôle des pourboires par le ministère
du Revenu. Parce qu'on s'entend pour dire que c'est toujours important que le
ministère du Revenu finisse par contrôler ce qu'on fait. En quoi
cela change-t-il ce qu'on vit actuellement? L'employeur connaîtra non pas
les montants reçus à titre de pourboires, mais bien les montants
déclarés. Au niveau du ministère du Revenu, pour nous,
cela ne change rien. On a constaté aussi qu'une telle solution ne pourra
qu'encourager les travailleurs à essayer de frauder. On donne un
exemple: si quelqu'un prévoit un congé de maternité ou un
congé sans solde, il pourra, dans les semaines qui
précèdent, déclarer plus de pourboires dans le but de
recevoir plus de bénéfices sociaux. Évidemment, il y en a
qui vont s'essayer en pensant que cela va passer. Mais le ministère du
Revenu va s'en rendre compte et là les bons vont payer pour les
méchants, comme cela se passe actuellement. Le ministère du
Revenu va encore venir nous trouver, il va dire: Non, vous ne faites pas ce que
vous avez dit; vous faites plus à cause de telle et telle chose. Si vous
faites cela, les autres le font aussi. Alors, on va se retrouver encore dans la
même situation.
Voici plus d'une dizaine d'années que les travailleurs et
travailleuses au pourboire voient leur salaire global rester presque stable
alors que tout augmente. Quel espoir avons-nous de voir nos conditions
salariales s'améliorer alors que même l'écart entre le
salaire minimum des employés au pourboire et celui des autres
travailleurs ne cesse d'augmenter? Là, on donne un petit tableau qui est
très significatif, à notre avis. Je vais m'exempter de
l'expliquer étant donné que les gens l'ont sous les yeux. Mais on
voit que la différence entre le salaire minimum des employés au
pourboire et des autres employés augmente d'année en
année. Nous sommes à la recherche d'une solution qui règle
vraiment et à long terme les problèmes qui existent
actuellement.
On arrive au point 5.4 qui est Le pourboire, un revenu de travailleur
autonome. Notre position là-dessus, c'est que c'est la solution à
rejeter. Cette hypothèse pourrait laisser croire à
première vue qu'elle serait l'idéale et permettrait au
ministère du Revenu d'atteindre son objectif d'équité
sociale. C'est, d'ailleurs, sur cette hypothèse que le livre vert semble
s'attarder le plus. Alors, là-dessus, on est catégorique: on ne
veut pas de cette solution. D'abord, qu'en sera-t-il de l'application de la Loi
sur les normes (minimales) de travail pour ces travailleurs? Ensuite, aucun de
ces travailleurs ne sera intéressé à produire cinq
déclarations de revenu par année, surtout quand on songe aux
tracasseries et aux amendes qui surviennent dans un retard à produire un
rapport.
Il faut travailler dans le milieu pour savoir que les gens ne sont pas
aptes à passer leur temps à remplir des rapports. Il y a
même des gens qui ont reçu leurs premiers papiers du
ministère du Revenu et ils ont trouvé cela trop difficile de s'en
occuper. Ils les ont laissés de côté. Je ne m'imagine pas
que des gens pourraient, cinq fois par année, remplir des documents pour
les renvoyer à temps; sans cela, ils ont des amendes. (11 heures)
Le gouvernement ne pourra pas atteindre son objectif
d'équité fiscale parce que la déclaration demeurera libre
et les ministères du Revenu pourront continuer à poser les gestes
actuels avec les travailleurs en fixant eux-mêmes, de façon tout
aussi arbitraire, le revenu de ces derniers.
Le gouvernement parle d'équité sociale sans jamais parler
d'équité au niveau salarial avec les autres travailleurs en
maintenant un écart entre certains travailleurs
rémunérés
au salaire minimum. Finalement, nous ne serions des travailleurs
autonomes que de nom, car nous n'aurions ni la faculté de
déterminer nos heures de travail, ni le prix de nos services.
On arrive au numéro 5,1, cela se trouve un peu en dernier parce
que c'est le point qu'on privilégie, les frais de service
obligatoires.
Les avantages d'un tel système sont bien
énumérés dans le livre vert. Les avantages sociaux
tiennent compte des pourboires reçus par chacun des employés.
L'évasion fiscale observée dans ce domaine s'atténue
grâce à un meilleur contrôle des pourboires. Le travailleur
au pourboire bénéficie pleinement des différents
régimes sociaux. Le gouvernement identifie les employés au
pourboire et les renseigne sur leurs droits et leurs obligations.
Maintenant, nous aimerions parler d'un autre avantage primordial, c'est
l'indexation automatique des pourboires au coût de la vie. On a
nommé le problème tout à l'heure. En ayant un pourcentage
fixe ajouté sur les factures quand les prix inscrits au menu
augmenteront, les pourboires vont augmenter automatiquement. Nous ne
classerions pas comme "avantage" le fait que "le contrôle de la
perception et de la distribution d'un pourboire par l'employeur est complet".
Le système de "répartition des pourboires" n'est sûrement
pas une solution équitable pour tous, surtout dans le cas où un
pourcentage fixe de pourboire n'est pas assuré et où la serveuse
doit laisser un pourcentage fixe de sa caisse à la barmaid ou à
l'hôtel.
Nous ne comprenons pas pourquoi un employé devrait payer un autre
employé pour faire un travail donné, par exemple, le
commis-débarrasseur, le balayeur ou la placière.
Le problème devient plus compliqué lorsqu'il y a plusieurs
personnes qui font le service aux tables et pour nous ce sera des choses
à évaluer, des technicités à discuter.
En aucun cas nous ne considérons justifié que la serveuse
soit obligée de donner un pourcentage fixe de sa caisse à
l'hôtesse, même lorsque celle-ci est absente.
Le livre vert aborde quelques autres points qui sont
considérés comme des avantages d'une telle méthode et nous
voudrions étudier ces points. Le point important qu'on note tout le
temps quand on parle du service inclus, c'est la liberté du client.
C'est vrai que le client ne pourra plus laisser le montant de son choix, si le
service est inclus, c'est vrai que, même si le client est insatisfait de
la cuisson de son steak, il ne pourra pas pénaliser la serveuse en lui
laissant moins de pourboire. C'est vrai aussi que, si la facture coûte
plus cher qu'il s'y attendait, le client ne pourra pas se rattraper en laissant
moins de pourboire. C'est vrai que, si la serveuse est plus ou moins à
son goût physiquement, le client devra laisser le même pourcentage
qu'à celle qui est plus jolie. Nous ne nions pas non plus le fait que,
si le client reçoit un mauvais service, la serveuse aura le même
pourcentage, cela est clair.
Il faut travailler dans un restaurant pour se rendre compte à
quel point l'évaluation du service est une chose subjective. On en a
déjà parlé un petit peu tout à l'heure, je tiens,
c'est important, à en discuter un peu plus.
Il arrive tellement souvent, et tous les gens du métier peuvent
en témoigner, qu'on peut donner le meilleur service possible, traiter
les clients aux petits soins, avec sourire, gentilesse, patience, etc., et se
faire dire que le service est excellent, que c'était parfait, pour
n'avoir en pourboire que cent fois merci! Cent fois, cent fois ce n'est pas
beaucoup, comme dirait Georges d'Or. Pour notre part, on n'a jamais pu
évaluer combien cela en prenait pour faire un dollar. Et, surtout, les
vérificateurs des ministères du Revenu ne les acceptent pas comme
paiement; des mercis, cela ne compte pas.
Maintenant, imaginons la situation où le client est furieux: le
steak est trop cuit, les pommes de terre sont instantanées, une mouche
vient de tomber dans sa soupe et il gèle à cause de l'air
climatisé. À qui la faute? Je peux vous le dire.
Le Conseil régional de développement de l'Estrie a
effectué une recherche et a publié à ce sujet quelques
données intéressantes. Selon une étude faite aux
États-Unis, le pourcentage laissé en pourboire varie fortement
selon la taille du groupe servi. Si plusieurs personnes dînent ensemble,
le pourcentage laissé en pourcentage par personne est moindre que pour
ceux qui dînent seuls. Plus le groupe est important, plus le pourcentage
va être petit.
Une autre recherche de Johanne May démontre qu'une serveuse
attrayante sera évaluée plus positivement en regard des
pourboires. L'étude de Mme May affirme que les données
traditionnellement associées avec la vitesse et l'efficacité du
service n'ont pas d'impact significatif sur le pourboire. Chez les serveuses
étant évaluées comme donnant un très bon service,
celles qui étaient plus jolies recevaient un meilleur pourboire que
celles moins attrayantes. Chez celles ayant fourni un service médiocre,
le même phénomène se répète.
Les résultats suggèrent donc que, toutes choses
étant égales, les serveuses moins attrayantes rendant un
excellent service peuvent recevoir des pourboires inférieurs aux
serveuses très attrayantes rendant un service médiocre. Pour
nous, nous le vivons quotidiennement et nous trouvons inconcevable que cela
continue comme cela.
On veut que le consommateur reste libre de pouvoir évaluer notre
service.
Pensons-nous que nous aussi, les employés au pourboire, sommes
des consommateurs? Qu'en est-il de notre liberté d'évaluer la
qualité du service des autres secteurs de travail? Avons-nous la
liberté de payer moins cher de taxes quand nous sommes insatisfaits de
tel professeur, de tel médecin, de telle infirmière, de tel
postier ou de tel fonctionnaire? Ils ont le même salaire, même
s'ils nous "garrochent" - excusez l'expression. Ces travailleurs des autres
secteurs étant rémunérés le même salaire quel
que soit le service qu'ils donnent, veulent eux, se garder le droit
d'évaluer le service des travailleurs de la restauration et de payer
à l'acte, selon leur goût ou leur "feeling" du moment, le salaire
du serveur ou de la serveuse. Mais, est-ce que le client sait que nous sommes
payés en dessous du salaire minimum et que nous devons compter sur les
pourboires pour compléter notre salaire? Il y a beaucoup de gens qui
l'ignorent et en plus qui s'imaginent qu'on fait des salaires incroyables
là-dedans.
Où est-elle notre liberté avec le ministère du
Revenu? Nous sommes obligés de déclarer un montant de pourboires
jugé raisonnable par messieurs les vérificateurs. Ces derniers
sont très loin de connaître la réalité que vivent
les travailleurs au pourboire en 1982. Le fait que, d'année en
année, le pourcentage des factures laissé en pourboire diminue,
la répartition des pourboires, les pourcentages laissés par les
travailleurs pour l'administration des cartes de crédit, l'obligation de
payer des factures volées, tout cela semble les laisser bien
indifférents. Soit dit en passant, les fonctionnaires provinciaux dans
ce domaine peuvent être considérés comme beaucoup plus
inhumains et indifférents que les fonctionnaires fédéraux.
J'en parle en connaissance de cause, on a connu les deux.
La liberté est un beau mot, un beau principe, mais parlons-en
pour tout le monde. Si c'est impossible, acceptons quelques concessions de part
et d'autre pour permettre à chacun de vivre d'une façon
décente.
On nous parle d'un autre point qui semble "travailler" bien du monde: le
service qui est susceptible de se détériorer. Pour nous c'est une
chose inconcevable de parler de cela. On parle de travailleurs à
commission qui donneraient un mauvais service. Est-ce que c'est logique? Moi,
je n'ai jamais connu de travailleurs à commission qui donnaient un
mauvais service parce qu'on a intérêt à avoir de la
clientèle, à la garder et à vendre à cette
clientèle. Il est alors illogique de penser que je vais me "foutre" de
mon client. Mon intérêt sera de le garder et de le traiter aux
petits soins, d'avoir intérêt à ce qu'il revienne dans ma
section et qu'il m'aime. On considère alors qu'il est absolument
illogique de parler de diminution de qualité de service. En supposant
que le client reçoive un mauvais service - parce que partout dans
n'importe quel secteur de travail il peut y avoir de mauvais travailleurs, il y
en a chez les fonctionnaires, il y en a partout - alors s'il reçoit un
mauvais service, le client aura à faire comme il fait partout ailleurs:
jouer son rôle de consommateur averti. Il ira trouver le patron et dira
qu'il n'est pas satisfait du service de cette serveuse et le patron aura
à jouer son rôle de patron - et cela sera dans son
intérêt à lui, parce que s'il ne surveille pas la
qualité du service sa clientèle diminuera. Pour nous, le
problème de la qualité du service qui diminuerait avec le service
inclus, c'est une chose à laquelle il ne faut pas penser beaucoup pour
en parler.
Alors monsieur sera content, j'ai résumé de nombreux
points. Le consommateur - c'est une autre critique qu'il y a dans le livre vert
- peut contracter l'habitude de verser un pourboire additionnel en guise
d'appréciation du service rendu. Pour nous, c'est une autre chose qui
nous fait sourire, parce que, même maintenant, les clients ont
déjà de la misère à laisser un pourboire et il n'y
a pas de service inclus; alors s'ils savent que le service est inclus on
s'imagine très bien qu'ils seront très heureux de dire "le
service est inclus, je n'en laisse pas". En supposant que les gens en laissent,
cela veut dire: ce n'est pas si terrible que cela que le service soit inclus
puisqu'ils sont prêts à en débourser encore en plus. Soyons
logiques.
En quatrième point. Le prix des repas et des consommations dans
les hôtels subira une augmentation automatique. C'est vrai que le
coût des factures sera augmenté comme dans n'importe lequel autre
domaine. Si on considère que, selon le ministère du Revenu, la
majorité des clients nous laisse au moins 10% - parce qu'à les
entendre, c'est ce que nous avons - la différence entre 10% et 15% ce
n'est que 5%. D'ailleurs, cette différence sera encore amoindrie si le
gouvernement adopte notre recommandation de baisser la taxe de vente - qui est
actuellement de 10% - de la baisser à 5% et de la rendre applicable sur
tous les montants. De cette façon M. le ministre des Finances ne
perdrait pas beaucoup, car il pourrait récupérer la taxe qu'il ne
reçoit pas actuellement sur tous les montants de 3,25 $ et moins. Le
ministère du Revenu pourra contrer la fraude qui se fait par le
dédoublement des factures, qui évite la taxe aux clients. Je ne
sais pas si vous avez déjà vécu ça, mais je le vis
quotidiennement dans des restaurants où les prix des repas ne sont pas
très élevés. On nous fait cinq ou six factures pour nous
éviter la taxe. Il y a des restaurants qui ne peuvent pas se le
permettre parce que déjà le coût des repas est trop
élevé, mais cela fait des taxes que
le gouvernement ne perçoit pas.
Le client qui prend de petits repas, si on parle du point de vue des
consommateurs, ne subira pas une augmentation excessive, car 5% de taxe sur un
repas de 3 $ ne fait que 0,15 $. De plus, 15% sur une facture ne sera jamais
que 15%. Envisageons la possibilité qu'on demande un bon salaire. On
verra à ce moment-là le pourcentage que le restaurateur devra
ajouter à ses factures en comparaison des 15% de service inclus.
Déjà, si on demande un salaire de 4 $ - et il est fort peu
probable que des travailleurs et travailleuses dans la restauration acceptent
de travailler pour seulement 4 $ quand on sait ce que c'est que de travailler
dans un restaurant - en supposant qu'on ne parle que de 4 $, cela fait
déjà une augmentation de 21,9%. Le restaurateur n'ira pas dire:
Cette augmentation, je la perds. Il va l'ajouter à son menu et il va
s'arranger pour la reprendre comme ça.
Un cinquième point: Le Québec perdrait un avantage
touristique considérable. Cela aussi semble préoccuper beaucoup
de gens. Quand on parle de tourisme, si on pense aux Européens, il
serait surprenant que cela les empêche de venir parce que, en Europe,
c'est le système du service inclus. Quand des Français, des
Suisses ou des Belges - des Européens - viennent ici, il faut leur dire
que le service n'est pas inclus parce qu'ils pensent qu'il est inclus et ils ne
laissent pas de pourboire. Alors, pour eux, cela ne changera pas grand-chose.
Nous croyons aussi que si une personne a les moyens financiers de voyager et de
s'alimenter au restaurant, ce n'est pas le fait d'inclure le service à
la facture qui l'empêchera de visiter notre beau Québec.
Pour ce qui est de nos voisins du Sud, je puis vous dire que nous avons
un restaurant où il y a beaucoup de touristes américains, nous
avons parlé avec des gens qui reçoivent des touristes
américains et c'est la clientèle qui laisse le plus haut
pourcentage des factures. Alors, est-ce que cela va changer pour eux, si
déjà ils laissent un bon pourcentage des factures, plutôt
que de laisser le pourboire sur la table que celui-ci soit inclus dans le prix.
À notre avis, sur le plan touristique, un Américain va se
demander: Où est-ce que je vais en vacances? Il va regarder la carte et
il va dire: Tiens, je vais aller au Québec. Par la suite, il va dire:
Non, je ne vais pas au Québec, parce que le service est inclus sur la
facture. Nous trouvons cela ridicule, vraiment, de nous dire que cela va
empêcher les touristes de venir nous voir. Non, cela ne prend pas chez
nous.
Une discrimination envers tous les autres employés travaillant
dans les industries de service. Quels sont les employés dans les autres
secteurs de service qui reçoivent un salaire de base de 3,28 $ l'heure?
Quels sont les travailleurs dans les autres secteurs de service qui auraient
accepté les conditions salariales que vivent les employés au
pourboire actuellement?
La rémunération à l'acte, sans critère de
base stable. Un salaire de base qui n'augmente pas en fonction des hausses du
coût de la vie et dont l'écart ne cesse d'augmenter par rapport
à celui des employés sans pourboire. Le pourboire qui, loin
d'augmenter d'année en année, a tendance à diminuer quand
le coût des factures augmente.
Cessons de considérer les travailleurs et travailleuses au
pourboire comme des quémandeurs et commençons à penser
à eux en tant que consommateurs qui ont aussi une épicerie
à payer, des comptes d'électricité et de
téléphone et de chauffage, qui doivent s'habiller et qui aiment
bien de temps en temps se payer une petite sortie. Les employeurs apporteront
sûrement comme désavantage le fait de voir augmenter leur
contribution aux différents régimes sociaux et de devoir tenir
une comptabilité plus complexe.
Nous voulons faire remarquer que ces mêmes inconvénients se
retrouvent dans les autres points et que ce n'est qu'avec le point 5,4 que
l'employeur réussit à s'en laver les mains et que, de toute
façon, c'est la solution qui pénalise le plus les employés
au pourboire et qui est refusée de façon catégorique par
tous les travailleurs de ce secteur.
Nous voulons aussi faire remarquer que depuis le début de la
restauration au Québec, les travailleurs au pourboire ont
été sous-payés et que c'est un peu grâce à
eux si les profits ont été intéressants. Les restaurateurs
devraient aussi penser que la demande d'un salaire de base décent sans
pourboire occasionnerait pour eux une augmentation beaucoup plus
importante.
Si on en croit certaines personnes, le fait d'un pourboire obligatoire
pourrait acculer plusieurs restaurateurs à la faillite. Nous doutons
fort que cela ait de telles conséquences. De toute façon, n'y
a-t-il pas, selon l'Association des restaurateurs même une trop grande
quantité de restaurants au Québec? Autrement dit, ce serait dans
l'intérêt des restaurateurs que, de toute façon, il y ait
des restaurants qui s'éliminent. Même l'Association des
restaurateurs a demandé au gouvernement d'avoir des normes plus strictes
quand il s'agit d'ouvrir un restaurant.
Les restaurateurs sont en contradiction avec eux-mêmes quand ils
nous contestent. C'est ce point que nous voulons faire ressortir ici. (11 h
15)
L'ADEPE, ainsi que les autres associations d'employés au
pourboire du Québec ont travaillé avec acharnement
depuis deux ans à trouver une solution aux problèmes
d'impôt que vivent actuellement les travailleurs et travailleuses au
pourboire.
Après avoir échangé avec les employés au
pourboire des différentes régions du Québec, après
avoir parlé d'injustices de toutes sortes, de harcèlement sexuel,
de congédiements arbitraires sans recours, d'exploitation flagrante et
inconcevable de la part de plusieurs patrons, de non-respect des normes
minimales, les responsables de l'association ont considéré
primordial que le gouvernement s'occupe d'une façon positive de ce
secteur de travail. C'était un grand défi, car jamais un
gouvernement au Québec ne s'était occupé de quelque
façon que ce soit de cette masse importante de travailleurs.
L'aspect le plus urgent est celui de l'impôt. Nous avons
envisagé le problème sous toutes les facettes et nous croyons que
la solution que nous privilégions est la moins coûteuse pour le
patron et pour le consommateur, et la plus satisfaisante pour les
employés au pourboire.
Il est clair que nous n'accepterons pas une solution qui serait à
notre désavantage. Nous sommes également des consommateurs et
nous voulons bénéficier enfin de conditions salariales qui nous
permettent d'avoir un niveau de vie décent, sans crainte des poursuites
du fisc, avec la certitude de pouvoir bénéficier des avantages
sociaux en cas de besoin.
Si quelqu'un a une solution qui, vraiment, peut satisfaire tout le
monde, nous serions heureux de la connaître et de l'appuyer. Le
gouvernement a ici l'occasion de prouver qu'il prend vraiment les
intérêts du petit travailleur.
À propos du stage en France, le 3 novembre, plusieurs membres de
diverses associations d'employés au pourboire du Québec
revenaient d'un stage. On a eu l'occasion de rencontrer et d'échanger
avec des restaurateurs, des syndiqués, des non-syndiqués et
différentes organisations syndicales, des groupes de femmes et on
revient convaincus que ce que l'ADEPE avait envisagé comme
hypothèses de solution reste la façon la plus logique de
régler une fois pour toutes les problèmes que vivent actuellement
les travailleurs et travailleuses au pourboire du Québec.
Au dire même des restaurateurs français, ils ne comprennent
pas l'attitude réticente et négative des restaurateurs
québécois à propos du système "service inclus".
D'après eux, c'est peut-être simplement que ces derniers se
verraient alors dans l'obligation de déclarer tous leurs revenus, ce
qu'ils ne font pas actuellement parce que, dans le secteur de la restauration,
on vit quotidiennement la même facture "spécial du jour" à
3,25 $ qui passe au même client. En supposant qu'on parle de "service
inclus", les revenus des restaurateurs seront contrôlés. Si la
fille déclare un certain pourcentage de pourboires et que cela ne
correspond pas au chiffre d'affaires du patron, le patron sera pris pour
déclarer ce qu'il gagne exactement. C'est peut-être cela qui
déplaît tellement aux restaurateurs.
En conclusion, la solution la plus acceptable, selon l'ADEPE, reste
l'application du système "service inclus", c'est-à-dire que le
prix du repas engloberait le pourcentage de service. Nous proposons aussi que
la taxe de vente qui est actuellement de 10% soit ramenée à 5% et
soit applicable sur tous les montants et nous demandons aussi qu'un
comité soit formé pour étudier le problème de
répartition des pourboires. Actuellement, ce système est la
source de beaucoup d'injustices et il est temps d'envisager une
réglementation équitable pour tous.
Est-ce que cela a été trop long?
Une voix: Pas trop.
Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme Baillargeon. M. le
ministre.
M. Marcoux: Je remercie Mme Baillargeon et son groupe d'avoir eu
l'amabilité de préparer ce mémoire, d'autant plus - M. le
député de Saint-Louis a eu l'occasion de le souligner de
façon négative; moi je voudrais le souligner de façon
positive - que vous avez été le premier groupe à
présenter, l'an dernier, au gouvernement du Québec et au ministre
du Revenu un mémoire indiquant vos préoccupations par rapport
à la situation des travailleurs et travailleuses au pourboire.
Même si vous n'êtes pas le premier groupe inscrit
légalement comme représentant des travailleurs et travailleuses
au pourboire, vous avez été le premier à vous manifester
par un mémoire au gouvernement, ce qui a entraîné d'autres
groupes à le faire, y compris les associations de restaurateurs,
d'hôteliers, ce qui nous amène à cette commission.
Si on abordait toutes les questions aujourd'hui - puisque vous les
soulevez presque toutes dans votre mémoire - la discussion avec les
représentants des autres groupes deviendrait inutile. J'essaierai donc
de me résumer en abordant une première question qui
m'apparaît centrale et c'est la question des mentalités. Votre
mémoire repose, je dirais, sur l'affirmation explicite, mais des fois
sous-jacente qu'à partir du moment où il y aurait un pourboire
obligatoire ou des frais de service obligatoires, la mentalité du
consommateur québécois évoluerait de telle façon
que le pourboire disparaîtrait, d'une certaine façon.
Je voudrais que vous précisiez cette question. Qu'est-ce qui vous
donne cette conviction alors que, même si je n'ai pas eu
le plaisir de voyager à l'extérieur, que ce soit dans les
pays du Sud ou de l'Europe, ce qu'on m'indique, c'est que, dans les pays
où il existe déjà une mentalité de pourboire, il se
superpose aux frais de service obligatoires un pourboire peut-être moins
considérable au point de départ, mais qui est d'environ 10% ou
15% lui aussi? Ce qui revient à dire, à ce moment-là, que
les frais de service obligatoires de 15% deviennent un salaire, disons,
imposé, non négocié, que certains décrivent comme
étant une taxe. On pourrait le décrire de bien des façons.
Ce sur quoi j'aimerais entendre votre point de vue, c'est sur l'aspect des
mentalités que cela suppose, parce qu'on a déjà eu
l'occasion d'en discuter brièvement, et je suis convaincu que c'est le
point central qui fait achopper une solution par rapport à une
autre.
Mme Baillargeon: Je vois deux volets à votre question,
c'est-à-dire la mentalité en France et qu'est-ce qui ferait
qu'ici les gens ne donneraient pas un pourboire supplémentaire.
En France, il faudrait d'abord spécifier qu'il n'y a pas de
salaire de base. Les gens travaillent à pourcentage et cela constitue
leur salaire qui est mis dans un tronc. Alors, ils mettent tout l'argent dans
un "pot"; eux autres appellent cela un tronc. Ensuite, ils le
répartissent selon un système de points. Cela constitue leur
salaire et ils complètent leur salaire avec des pourboires. C'est le
système français. Quand on est revenu de France, on a dit aux
médias et à beaucoup de gens qu'on n'a pas l'intention de prendre
ce système et de l'implanter ici parce que, justement, on y voit
beaucoup de lacunes. C'est une question, à savoir: Un pourboire, est-ce
que j'en laisse un? Le service est inclus. Regarde donc! Lui, il en laisse. Je
me sens obligé d'en laisser un. On ne veut pas de ce
système-là. On veut que ce soit clair et net, que le client, en
partant, ne se sente pas coupable s'il ne laisse pas de pourboire. On a un
salaire qui est notre salaire de base plus le service inclus. Cela règle
la question: quand le client part, il n'a rien à laisser sur la
table.
En Suisse, ce n'est pas le même système. Ils ont un salaire
de base et ils ont un service inclus qui complète leur salaire de base.
En Suisse, le problème ne se pose pas; les gens ne laissent pas de
pourboire. C'est marqué dans les menus. Le service est inclus; pas de
pourboire.
En Belgique, c'est la même chose. La Belgique...
M. Marcoux: Je ne suis pas allé en Suisse, mais je vous
pose la question. Cela me fait un peu penser lorsqu'on va au centre commercial
et qu'on en ressort avec une commande. C'est marqué "pas de pourboire",
et tout le monde sait que c'est aussi une façon de faire penser d'en
laisser un.
Mme Baillargeon: Moi, je n'en laisse jamais.
Des voix: Ah!
Mme Baillargeon: Si c'est marqué "pas de pourboire", je
les crois et, s'ils en veulent, qu'ils me le disent. Je me dis que c'est une
mentalité. On a fini de parler de l'Europe, on va parler du
Québec et de ce que vous venez de me dire.
Ici, les restaurateurs vont avoir un rôle à jouer, le
gouvernement va avoir un rôle à jouer et les employés vont
avoir un rôle à jouer. Alors, le gouvernement, si une loi est
éventuellement adoptée, à savoir que le service est
inclus, aura peut-être son rôle à jouer dans la
publicité. Il dira: Écoutez! On a établi un système
pour les employés qui étaient anciennement au pourboire; ils sont
devenus des employés à pourcentage; le service est inclus dans
les repas; les gens n'ont plus à laisser de pourboire. Les restaurateurs
pourront, dans leur menu, écrire la même chose qui est
écrite en Suisse, c'est-à-dire que le service est inclus; pas de
pourboire. Ce sera une question d'éthique professionnelle de la part des
gens qui travaillent dans le secteur. Si un client n'est pas au courant, s'il
vient de l'Ontario -à remarquer que ce n'est pas eux autres qui donnent
le plus de pourboire - si ce sont des gens qui viennent des États-Unis
qui ne sont pas au courant et qu'ils laissent un pourboire, ce sera une
question d'éthique professionnelle de dire: Le service est inclus,
monsieur. Je ne vous dis pas qu'il n'en passera pas, mais c'est tellement...
Aujourd'hui, il n'y a pas de service inclus. Les gens ont de la
difficulté à sortir leurs cennes. Je ne parle même pas des
piastres; je parle des cennes. Si le service est inclus, vous allez me faire
croire que les gens vont vouloir en laisser en plus? Pour moi, ce n'est pas
être très logique de penser une telle chose.
Mme Vaillancourt (Manon): De toute façon, j'aimerais
aborder un point. On se faisait poser la question...
Le Président (M. Gagnon): Êtes-vous Mme
Vaillancourt?
Mme Vaillancourt: Oui.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Vaillancourt.
Mme Vaillancourt: Je m'excuse. On se faisait toujours poser la
question: Pourquoi demandez-vous 15%? Au début, quand on a
présenté notre mémoire à Raynald Fréchette,
on demandait un taux fixe. On n'avait pas
spécifié de taux. Dans les médias, il y a eu
confusion parce que les vérificateurs jugeaient que c'était 15%
et on a mêlé les choses. Les employés au pourboire veulent
15%. On s'est repenché là-dessus. On demande 15% parce qu'une
fois qu'on a fini de payer les avantages sociaux, l'assurance-chômage, le
Régime de rentes, l'assurance-salaire, etc., cela fait comme pour les
employés de la fonction publique: tu as 250 $ brut par semaine et il ne
te reste que 160 $ net. Ce serait la même chose pour les employés
au pourboire. Si on ne demandait que 5% ou 10%, il ne nous resterait que 5% ou
6% net. Alors, on paie nos avantages sociaux, on continue d'avoir un salaire
décent, on suit l'indexation au coût de la vie et on a même
calculé qu'avec cette hypothèse de solution le petit consommateur
n'est pas pénalisé. Si le gouvernement adopte la diminution de
5%, la personne qui dit actuellement laisser 15%, si la taxe de vente est de
5%, cela fait 20% et elle vient d'épargner 5%. Pour la personne qui
donne actuellement 10%, cela n'augmente absolument rien. Pour celle qui ne
laisse rien, il commence à être temps qu'elle soit assez
éduquée pour savoir que, si elle va manger dans un restaurant,
elle doit payer en fonction des services qu'elle reçoit.
De toute façon, ce n'est pas le petit consommateur qui ne laisse
pas ses 15%. Pour un spécial du jour à 3,25 $, on a toujours nos
15%; pour un café ou un hamburger, on a toujours 0,50 $, ce n'est pas
là le problème. Les gens qui viennent manger, qui prennent des
apéros, des vins, des entrées, des digestifs et tout ce que vous
voulez, ils te font un beau sourire -cela, je l'ai vu - et pour une facture de
95 $ ils te laissent 1,50 $ de pourboire avec un gros sourire, alors qu'ils
m'ont monopolisée trois heures. Tu te dis: Ces gens, s'ils ont les
moyens de dépenser 90 $ assis à une table, dans un restaurant,
ils ont les moyens de payer pour le service qu'ils reçoivent.
Mme Lavoie: J'aurais juste une chose à ajouter. Parmi les
objectifs de l'Association des employés au pourboire, il n'y a pas
seulement le règlement de l'impôt; un de nos objectifs est de
développer une éthique professionnelle. Nous nous sommes
engagés, et nous continuerons de le faire, à demander à
nos membres et à tous les employés au pourboire, si jamais il y a
un service inclus sur les factures, de dire aux clients: Monsieur ou madame, le
service est inclus sur la facture.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Saint-Louis.
M. Blank: J'aurais quelques questions. Je pense que c'est Mme
Vaillancourt qui a dit que cette suggestion ne toucherait pas les petits
consommateurs. Si j'ai bien compris, Mme Baillargeon, les 5% seront
appliqués à tous, même s'ils prennent un hot dog à
0,50 $.
Mme Vaillancourt: Oui, actuellement, il n'y a pas de taxe de 10%,
mais le petit consommateur qui va manger un hot dog et qui prend un café
dans un "snack bar" va peut-être laisser 30%. S'il prend un café
à 0,50 $, souvent, il va laisser 0,25 $; donc, il vient de donner 50%.
C'est dans ce sens que je disais qu'il ne sera pas pénalisé.
M. Blank: Oui, mais prenons les gens qui vont dans les
restaurants à service rapide, chez Burger King, McDonald's, etc., ils ne
laissent pas de pourboire.
Mme Vaillancourt: Non.
M. Blank: Ces gens seront taxés de 20% sur leur facture.
Les enfants qui vont s'acheter un "Big Mac" vont payer 20% de plus maintenant,
avec cette situation.
Mme Baillargeon: Quant aux restaurants comme les McDonald's ou
les Harvey's, on n'a pas encore eu de représentations; ils ne sont pas
au pourboire, ils n'ont pas eu de problèmes, mais on évaluera de
quelle façon on inclura un pourcentage sur les factures. Je ne vois pas
un pourcentage sur les factures dans un McDonald's. C'est à
évaluer.
M. Blank: Cela veut dire qu'il y aura une autre catégorie
de restaurants qui ne seront pas touchés par la loi des pourboires.
Mme Baillargeon: C'est une catégorie qui existe
déjà. Je ne vais pas créer une catégorie, elle
existe déjà. Est-ce que les gens du ministère du Revenu
vont voir les employés des McDonald's pour leur dire: Vous n'avez pas
déclaré vos pourboires? Ils n'en ont pas.
M. Blank: Je ne le sais pas, mais...
Mme Baillargeon: Je ne crée pas une catégorie, elle
existe déjà, monsieur.
M. Blank: C'est sûr que chez McDonald's, si la commande
dépasse 3,50 $, on paie la taxe, on est touché.
Mme Baillargeon: Je suis d'accord, mais je ne vois pas le
problème.
M. Blank: Maintenant, vous voulez que tous les montants soient
taxés de 20%.
Mme Baillargeon: Oui.
M. Blank: Pas 5%, mais 20%.
Mme Baillargeon: Oui, parce qu'on considère...
M. Blank: Et on ne touche pas les petits consommateurs?
Mme Baillargeon: ... qu'un consommateur qui aura une facture de 3
$, 5% de taxe, cela représente 0,15 $. À notre avis, cela ne
changera pas grand-chose à sa facture.
M. Blank: Mais, madame, pour un enfant de 10 ans, 0,15 $, c'est
beaucoup.
Mme Baillargeon: II va apprendre, monsieur, qu'il faut payer des
taxes, dans la vie, et qu'il faut payer les services qu'on reçoit.
M. Blank: C'est exactement cela, c'est une façon de
remplir les coffres du trésor provincial, c'est une façon de
percevoir une nouvelle taxe. Est-ce ce que vous voulez?
Mme Baillargeon: Moi, ce que je veux, monsieur, c'est
régler...
M. Blank: Voulez-vous vraiment changer la vie ou le sort des
travailleurs au pourboire ou si vous voulez remplir le trésor
provincial? (11 h 30)
Mme Baillargeon: Moi, ce que je veux, monsieur, c'est qu'au
début, on n'avait pas pensé à la question de la taxe parce
qu'on a été poigné par l'impôt, comme on dit. On a
reçu des comptes et il a fallu régler notre problème.
Alors, on a apporté des solutions et, quand on a apporté la
solution du service inclus, les gens disaient: Cela n'a pas de bon sens, il y a
déjà 10% de taxe sur les factures plus 15% de service, c'est
affreux. On a discuté pour essayer d'évaluer ce qui ne serait pas
difficile pour le consommateur, ce qui serait le plus facile à accepter.
On n'a pas pensé au ministère du Revenu particulièrement.
On a pensé au consommateur et on continue à penser au
consommateur, monsieur, parce que c'est lui qui va venir au restaurant. C'est
dans notre intérêt.
On constate, et Manon l'a dit, que le petit consommateur, celui qui va
prendre des petits repas à 3 $, ce n'est pas lui qui va nous
pénaliser et qui va nous laisser... Il y en a qui n'en laissent pas,
mais, la plupart du temps, les gens qui prennent des petits repas vont nous
laisser les 15% et même plus. Le problème se situe quand les
factures commencent à augmenter. La personne, premièrement, ne se
rend même pas compte qu'elle laisse un pourcentage de la facture. Il faut
connaître la mentalité du pourboire pour comprendre cela. La
personne qui laisse 0,50 $ pour une facture de 3 $ n'est pas consciente qu'elle
me laisse un pourcentage de facture. Elle me laisse ce qui lui revient comme
monnaie, elle me le met sur la table. Par hasard, cela s'adonne que c'est 0,50
$. Le gars qui va prendre une facture de 20 $, il va faire la même chose
que le petit qui va me laisser un petit pourcentage, qui va me laisser sa
monnaie. Il va me laisser sa monnaie lui aussi, sauf qu'en pourcentage de
facture, cela fait beaucoup moins.
Les gens ne pensent pas en fonction de laisser un pourcentage
actuellement. Ils pensent en fonction de laisser un "tip". Le "tip", c'est
quoi? C'est ce qui leur revient comme monnaie quand ils ont payé la
facture.
M. Blank: Cette information vient de votre expérience, ou
avez-vous fait des études sur ce problème? Moi, je pense le
contraire, mais cela fait longtemps que je n'ai pas travaillé dans la
restauration, depuis le temps que j'étais à l'université
où j'ai travaillé, pendant trois ou quatre étés,
comme "bus boy" et garçon de table, mais ça fait 30 ans de cela.
Peut-être que les gens ont changé de mentalité, mais moi,
je sais que j'étais payé au pourcentage.
Mme Baillargeon: Depuis 30 ans, les gens ont changé de
mentalité. En tout cas, à ce niveau, c'est sûr qu'ils ont
changé.
M. Blank: Dans votre mémoire, quand vous parlez d'une
réduction de 5% et des 15%, est-ce que quelqu'un a fait des
études pour savoir comment cela va affecter le trésor provincial?
Est-ce qu'il aura plus d'argent ou moins d'argent?
Mme Baillargeon: Nous autres, on a pensé, à un
moment donné, dans notre grandeur d'âme, à faire une
étude là-dessus. On s'est dit: On fait la "job" de qui? On n'a
pas fait d'étude là-dessus, monsieur.
M. Blank: Je demanderai au ministère, est-ce qu'on a
fait... Est-ce que le ministère a fait des études? Parce qu'on
trouve cela dans beaucoup de mémoires. Est-ce que quelqu'un a fait une
étude sur cela pour le savoir?
M. Marcoux: Ce n'est pas une étude très longue
à faire, en ce sens que, si vous réduisez de 10% à 5% en
gardant le plancher de 3,25 $, le pourcentage de la taxe de vente est
réduit, évidemment, de 10% divisé par 2, cela fait 5%.
M. Blank: Vous allez percevoir plus d'impôt sur les 15%
maintenant.
M. Marcoux: Disons que le calcul peut
être fait, mais je n'ai pas fait faire le calcul si on ajoutait
les 15% de frais de service et les conséquences au niveau des revenus de
la taxe de vente. Mais ce qu'on peut dire, et c'est peut-être important
pour tout le monde, c'est que, si on éliminait le plancher de 3,25 $ et
si on commençait à imputer la taxe à partir de 0,01 $
comme cela se fait en Ontario, on pourrait situer la taxe entre 8% et 8,5%
environ au lieu de 10% et avoir les mêmes revenus.
M. Blank: C'est-à-dire qu'à 5%, vous perdez de
l'argent.
M. Marcoux: À 5%, en gardant les 3,25 $, on perd la
moitié, c'est bien sûr et en tombant, mettons, à 8%, en la
mettant sur tous les repas, 8%, 8,5%, on garderait à peu près les
mêmes revenus qu'actuellement.
Mme Baillargeon: En mettant 5% et en ayant le service inclus,
vous viendriez nous chercher de l'impôt et vous ne perdriez rien.
M. Marcoux: Non, on perd.
Le Président (M. Gagnon): Mme Lavoie.
Mme Lavoie: De toute façon, on parle beaucoup
d'équité fiscale à l'égard des autres travailleurs.
Moi, je ne vois pas pourquoi... Tout le monde paierait sa part de taxe. Cela
serait de l'équité fiscale.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, est-ce que vous
avez quelque chose à ajouter? Je m'excuse, M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Oui, mademoiselle, je vous félicite pour votre
assurance. Vous défendez bien votre rapport. Je voudrais en profiter
pour vous poser des questions sur votre voyage en Europe, pour faire des
comparaisons, parce que j'ai peur qu'il n'y en ait pas d'autres qui soient
allés en Europe sauf vous, vous êtes la première.
Personnellement, je trouve de grandes forces et de grandes faiblesses
dans ce rapport. Vous nous parlez de la France, de la Belgique, de la Suisse ou
de l'Italie. On sait qu'en France, c'est 12% ou 15% selon la grosseur des
restaurants ou des hôtels. C'est très compliqué. Cependant,
ils ont 12% ou 15%. On sait qu'en Belgique, c'est 15%. On sait qu'en Italie,
c'est 12%. En Suisse, c'est 15%. On sait que même sur le prix des
chambres, qui est excessif, c'est ajouté aussi comme service et non
seulement sur les repas. J'espère qu'on ne demandera pas cela ici. On ne
le demande que sur les repas pour le moment. Cela augmente beaucoup le prix des
chambres. En plus, il y a une taxe. Ici, elle est de 10%. Vous demandez de la
diminuer à 5% et là-bas, elle est déjà de 18%.
Mme Baillargeon: En Belgique, elle est de 18%.
M. Blais: En France, elle est de 18%.
Mme Baillargeon: En France, il n'y a rien qui paraît comme
taxe. Tout est inclus.
M. Blais: Non, mais je crois que 18%, c'est le fondement.
Mme Baillargeon: Oui.
M. Blais: En Belgique aussi. 18%, c'est énorme. Ici, c'est
10%. On demande de la descendre à 5%. Je ne dis pas que ce n'est pas de
bonne guerre, mais vu que vous êtes allée faire une sorte
d'étude en Europe, on sait que la répartition des pourboires
là-bas est faite selon un pointage qui respecte la mentalité
européenne qui a le culte...
Mme Baillargeon: Maître d'hôtel...
M. Blais: ... médiéval de la hiérarchie. Je
suis persuadé que ce système de répartition des pourboires
ne vous plaît certainement pas. Avez-vous des suggestions si jamais le
gouvernement adoptait - parce qu'on ne peut pas présumer du
résultat de cette consultation - d'inclure le pourboire dans les prix?
Avez-vous une façon de le distribuer? Est-ce que ce serait au prorata
des ventes de chacun des vendeurs ou des vendeuses, des serveurs ou des
serveuses ou si vous avez une autre façon de faire la répartition
des pourboires qui serait intermédiaire entre l'étude que vous
avez faite en France et ce qu'on croirait normal de faire ici?
Le Président (M. Gagnon): Mme
Baillargeon.
Mme Baillargeon: Ce qu'on a connu en France, c'est une
répartition selon tout le système grand maître hôtel,
second maître d'hôtel, chef de rang, etc., et il y a un
système de pointage accordé à chaque titre. On a
trouvé cela souvent injuste, parce que la plupart du temps, les femmes
arrivent en tout dernier. Déjà là, en partant, cela nous a
révoltés. La femme n'a pas de place dans cette hiérarchie,
sauf en dernier. Je ne peux pas me permettre de répondre
personnellement. J'ai une opinion personnelle sur le système de...
M. Blais: C'est ce que j'aimerais savoir.
Mme Baillargeon: II faut bien savoir que c'est personnel et non
au nom de l'association, ce que je vais répondre. À mon avis, je
considère que ce n'est absolument
pas justifié qu'un employé soit obligé d'en payer
un autre pour travailler. Je considère -et je dis toujours "je", je ne
veux pas qu'on vienne me dire: elle a parlé au nom de l'association et
au nom de tout le monde, donc, c'est "je" - que je n'ai pas, en tant
qu'employée au service aux tables à payer un
commis-débarrasseur, une hôtesse, le plongeur, le cuisinier ou la
caissière.
M. Blais: Votre rapport dit cela. Vous parlez au nom de
l'association.
Mme Baillargeon: Oui, on le dit. Je parle au nom de
l'association, mais on n'a pas vraiment eu de consultation pour savoir ce qu'on
va faire avec le système de rémunération qui existe
déjà. On n'a pas pris une position. D'accord? Là où
le problème se pose, c'est lorsque plusieurs personnes font le service
aux tables, c'est-à-dire qu'une personne va porter l'apéritif,
l'autre va faire la flambée, l'autre va apporter les assiettes, l'autre
va... Là-dessus, personnellement, je crois qu'il pourrait y avoir une
répartition des pourboires, ou que ce sera ce qu'on va appeler "service
inclus". Personnellement, je crois qu'entre les personnes qui font directement
le service aux tables et qui ont un contact direct avec le client, il pourrait
y avoir une répartition, mais je n'ai pas à payer le plongeur ou
un pourcentage à...
M. Blais: J'aurais une petite sous-question à ce
sujet.
Mme Baillargeon: Oui.
M. Blais: Ce serait très difficile de faire une
répartition parmi ceux qui n'ont pas de pourboire et qui vous aident
à travailler. Comment pourrait-on concilier le fait qu'on vous
imposerait sur le total des pourboires et qu'il y ait une répartition
à ceux qui n'en reçoivent pas? Ce serait compliqué pour la
direction des restaurants.
Mme Baillargeon: Oui, c'est cela.
M. Blais: La solution la meilleure serait peut-être que
ceux qui reçoivent les pourboires les reçoivent. Un point c'est
tout. C'est compté comme salaire et ceux qui sont des
commis-débarrasseurs... J'appellais cela des desserveurs, je ne
connaissais pas le terme français...
Mme Baillargeon: Les "bus boys", comme on les appelle en
anglais.
M. Blais: Oui, on dit "bus boys". Je pensais à
commis-desserveurs...
Mme Baillargeon: Oui. M. Blais: ... mais vous dites
commis- débarrasseurs.
Mme Baillargeon: Oui, des commis-débarrasseurs.
M. Blais: L'expression est bonne.
Mme Baillargeon: Selon la loi 101, ce sont des
commis-débarrasseurs.
M. Blais: Oui, d'accord. Merci. Mais ces gens, je crois, ont un
salaire de 4 $ et non de 3,28 $ dans les restaurants.
Mme Baillargeon: Oui.
M. Blais: Je sais - parce que cela fait 30 ans que je suis dans
la restauration, M. le député - qu'il y a une répartition
des pourboires qui se fait. Il est convenu à peu près
généralement que 10% des pourboires de toutes les serveuses, qui
ont un commis-débarrasseur, vont à celui-ci. C'est comme
ça que ça marche à peu près partout...
Mme Baillargeon: C'est-à-dire que les méthodes
qu'on connaît sont beaucoup plus strictes que ça. Ce que je
connais et qu'on a connu, c'est que ce n'est pas 10% des pourboires, c'est 2%
ou 3% de la caisse, quels que soient les pourboires que les gens ont
reçus.
M. Blais: Où ça?
Mme Baillargeon: En moyenne...
Le Président (M. Gagnon): Mme Lavoie voulait ajouter
quelque chose, alors...
Mme Baillargeon: Je vais terminer rapidement.
Le Président (M. Gagnon): Oui.
Mme Baillargeon: C'est que les gens qu'on a eu à
contacter, autant au sujet de l'impôt... Parce que les gens venaient nous
trouver et nous disaient: J'ai reçu mon compte d'impôt, ils me
chargent ça, mais ils n'ont pas pensé que je donne 2% de ma
caisse à l'hôtesse, 2% à la barmaid et 6,75 $ par semaine
au balayeur. Mais on ne parle plus de 10% des pourboires reçus; il peut
bien arriver qu'une personne ait servi trois tables dans sa veillée -
parce que dans certains restaurants le service est très lent et
très élaboré - qu'elle n'ait pas eu beaucoup de
pourboires, mais qu'elle ait eu à donner 2% d'une caisse qui est
très élevée. Il arrive parfois que le pourcentage de 2%
qu'elle a à donner de sa caisse est plus élevé que le
pourboire qu'elle a reçu.
M. Blais: C'est ce que je voulais vous faire dire, parce qu'en
chargeant disons
13,65% - ce que Québec a adopté comme base du chiffre
d'affaires - c'est injuste, car une partie de cet argent qu'on veut maintenant
imposer a été donnée à ceux qui travaillent avec
vous et qui n'ont pas de pourboires.
Mme Baillargeon: C'est ça, sans reçus.
M. Blais: C'est une double injustice et c'est bon que ça
ressorte. Je m'excuse, Mme Lavoie, de vous avoir coupé la parole.
Le Président (M. Gagnon): Mme Lavoie, en réponse au
député de Terrebonne.
Mme Lavoie: On parle beaucoup de répartition des
pourboires, mais on sait que les chiffres qui ressortent sur les
employés au pourboire sont souvent ceux des établissements de 20
employés et plus. On oublie que ça représente à peu
près la moitié des employés au pourboire. Vous oubliez
qu'il y a tous les petits restaurants où il n'y a pas de
commis-débarrasseur, pas d'hôtesse; la serveuse fait l'accueil,
fait le service, débarrasse les tables, etc. Il n'y a pas de
répartition de pourboires à ce moment-là. Tous ces petits
restaurants représentent quand même à peu près la
moitié des employés au pourboire.
M. Blais: Oui. Il y a aussi le fait, Mme Baillargeon, que dans
beaucoup de cas le pourboire est déjà inclus - dans les salles de
réception, chez les traiteurs, pour les groupes - déjà sur
les factures dans les restaurants, quand on a un gros groupe, on le met
très souvent dans beaucoup d'endroits.
Mme Vaillancourt: J'ai quelque chose à vous dire
là-dessus. Je suis allée dans les Laurentides cet
été et j'ai interrogé des employés au pourboire
là-bas. Il y a des restaurants où c'est indiqué "frais de
service 15% inclus", mais la serveuse ne touche aucun cent de ça. Cela
se fait, ça se vit. De toute façon c'est un milieu où la
discrimination est chose courante. Soit qu'elle avait 0,50 $ par tête,
soit qu'elle n'avait aucun montant; c'était comme ça que
ça marchait.
J'aimerais apporter un autre point pour répondre au monsieur qui,
tout à l'heure, disait: Qu'est-ce que vous voulez? Vous voulez avoir vos
bénéfices sociaux et, en même temps, vous voulez le pauvre
petit monde qui va au Me Donald... Je vous avoue qu'actuellement je suis dans
une situation où je ne peux même plus aller manger au Me Donald.
Actuellement je gagne 59 $ par semaine de chômage - d'accord? - je vais
avoir 26 ans, je n'ai pas droit au bon d'emploi, je n'ai pas droit à
Chantier-Québec. Qu'est-ce que je fais? J'ai 238 $ par mois en 1982.
C'est la situation qu'on vit actuellement. Alors, quand on revient...
M. Blank: Mademoiselle, ne pensez-vous pas...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Madame va terminer et après je vous donnerai le droit de
parole.
Mme Vaillancourt: Qu'est-ce que vous faites avec 238 $? Moi, je
me considère vraiment moins que la personne qui va manger au Burger
King, parce que je ne peux même plus me permettre d'aller manger au
Burger King.
En plus de ça, on n'a aucun recours. Souvent il y a des
congédiements qui se vivent dans ce milieu, on n'a aucun recours
auprès de la Commission des normes minimales du travail; c'est vraiment
un milieu de conditions d'âge de pierre, comme je dis toujours. Il y a
trois ans, lorsque l'ADEPESTRIE a décidé de s'occuper de ce cas,
c'est qu'il n'y avait absolument rien. Depuis un an, il pleut des
études, on ne fournit plus d'en lire et c'est vraiment bien. Mais, il y
a trois ans, quand on a présenté le premier mémoire, on
est venu à Québec, à l'Université Laval, chercher
dans le paquet de livres qui s'y trouvent et on a trouvé quatre livres
qui parlaient du pourboire; dans chacun il y avait un paragraphe qui en parlait
et on n'a trouvé aucune statistique. Nous sommes allés fouiller
dans les journaux jusqu'en "dix-neuf-cent-tranquille"; il n'y avait absolument
rien de fait. (11 h 45)
Mme Baillargeon: C'est vrai.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Madame, c'est exactement ce que j'ai dit dans mes
remarques d'ouverture. Le problème, ce n'est pas la fiscalité; il
y a des problèmes sociaux qu'on ne touche pas dans cette commission et
dans le livre vert, c'est cela le gros problème. J'ai peur que des
solutions hâtives, de fiscalité, créent plus de
problèmes sociaux qu'elles n'en règlent. Par exemple,
brusquement, si on applique les 15% obligatoires - je suis certain que madame
sera d'accord avec moi - le chiffre d'affaires va tomber au moins pour un
certain temps. On va créer, plus de chômeurs qu'auparavant et vous
serez dans une situation pire que vous ne l'êtes actuellement, madame.
C'est de cela dont j'ai peur.
Personne n'a produit une étude pour prouver que je dis la
vérité ou que je fais erreur. Nous sommes venus ici avec le livre
vert qui ne dit rien, qui ne contient aucune étude scientifique,
peut-être ai-je tort quand je dis cela, peut-être avez-vous raison,
madame, mais je ne le sais pas. Nous, de
l'Opposition, n'avons pas les ressources pour faire des études
semblables, mais le ministre possède des études. Pourquoi, avant
de venir ici, n'avait-on pas ces études pour répondre aux
questions qui sont à la base de toute cette affaire? Est-ce que le
pourboire obligatoire affecterait la restauration et les affaires touristiques?
Est-ce qu'elles seront affectées? À première vue, c'est
mon idée que oui; selon votre opinion, c'est non. Est-ce que quelqu'un a
fait des études?
Le Président (M. Gagnon): Mme
Baillargeon et Mme Vaillancourt, ensuite.
Mme Baillargeon: Nous ne sommes pas d'accord quand vous dites que
le chiffre d'affaires va baisser. Mais on vous dit une chose, c'est qu'il y a
différentes façons de présenter aux gens notre
hypothèse de solution. On peut dire: Imaginez-vous donc que vous aurez
15% de plus à débourser pour payer les serveuses et les serveurs.
On peut dire cela comme cela et les gens vont s'arracher les cheveux. On peut
le dire d'une autre façon: Maintenant, quand vous irez dans les
restaurants, vous n'aurez plus de pourboire à laisser, le service est
inclus dans le prix des repas. Le repas sera majoré en fonction d'un
pourcentage. Le client va arriver, il va recevoir sa facture, il aura le
montant qui sera inscrit à la fin et l'augmentation ne sera pas si
énorme que cela, si l'on considère que déjà les
gens laissaient des pourboires. En plus de cela, si l'on accepte notre solution
de baisser la taxe, le consommateur n'aura pas vraiment à
débourser beaucoup.
Le restaurateur, on sait pourquoi il aura des choses à dire et
qu'il ne sera pas satisfait. Nous serons satisfaits parce qu'on aura nos
avantages sociaux en fonction de nos pourboires et qu'on paiera de
l'impôt, mais en fonction d'un pourcentage qu'on a vraiment
reçu.
Alors, sur la question de baisser le chiffre d'affaires, cela
dépend de la façon dont on présente la chose. Il faut
aussi devenir vendeur et si on est bon vendeur, il s'agit de bien expliquer aux
gens ce qui se passe. On ne leur dit pas: Vous allez avoir à payer 15%
en plus de tout ce que vous avez déjà à payer. On leur
dit: C'est maintenant inclus dans le prix des repas, vous n'avez plus de
pourboire à donner et cela donne une vision toute différente des
choses.
M. Blank: Madame, j'ai seulement une petite question.
J'ai mentionné, dans mon petit discours, la solution
américaine. Avez-vous étudié cela? Cela a l'air de donner
raison à vos demandes et aux demandes des propriétaires de
restaurants.
Mme Baillargeon: La solution américaine serait, si j'ai
bien compris, que les personnes fassent des déclarations
périodiques à leur employeur qui leur enlève les avantages
sociaux.
Actuellement, ce qui se vit dans la restauration depuis 1967,
l'exposition, c'est que d'une année à l'autre, nos pourboires
diminuent en fonction du pourcentage de la facture. Mon salaire diminue tout le
temps. On s'est dit: II y a trois choses qu'il faut régler en parlant du
problème des pourboires, entre autres, l'indexation au coût de la
vie. Je n'en ai plus d'indexation au coût de la vie depuis environ une
dizaine d'années, je reste au même salaire. Est-ce que vous
l'accepteriez? Non, vous n'accepteriez sûrement pas...
M. Blank: On n'en a pas, nous autres.
Mme Baillargeon: ... d'avoir le même salaire depuis dix
ans.
M. Blank: Nos salaires sont gelés.
Mme Baillargeon: Je vous donne la réponse; il n'y a pas
personne, monsieur, qui accepterait d'être toujours au même point
sans jamais voir son niveau de vie augmenter parce que les pourboires diminuent
toujours d'une année à l'autre.
Le Président (M. Gagnon): Mme
Vaillancourt.
Mme Vaillancourt: J'ai deux points. On va revenir au
problème mais, pour terminer sur ce que Mme Baillargeon disait, en plus,
il y a une différence de salaire minimum. Le Québec est la seule
province au Canada où il y a une différence entre le salaire
minimum des employés au pourboire et les autres salariés. En
Ontario, il y a une différence pour les édifices qui sont avec
permis de boisson. D'accord? Premièrement, on se pose la question:
Pourquoi le Québec? On est la seule province au Canada à avoir
une différence. Deuxièmement, le CRD, de toute façon, a
fait une étude en mai. Vous parlez d'étude; il y a eu une
étude qui a été faite par le Conseil régional de
développement de l'Estrie qui disait, entre autres, qu'en 1972, la
différence entre le salaire minimum et le salaire d'employés au
pourboire était de 0,30 $. En 1982, elle est rendue de 0,72 $. En plus
de perdre sur le salaire de base, il y a le facteur pourboire qui est... Mon
père a un restaurant, cela fait 20 ans. Je peux dire que je connais le
milieu de la restauration; j'ai appris à parler là-dedans et je
vous dis que la personne qui laissait un dollar il y a 10 ou 15 ans laisse
peut-être 0,50 $ aujourd'hui ou laisse encore le même dollar. Elle
ne fait pas la relation.
Pour en revenir au problème, c'est certain que c'est toute une
problématique
qu'on touche là, parce que le milieu de la restauration, c'est un
milieu fluctuant; c'est un milieu périodique. En octobre, tu fais des
salaires de 75 $ avec les pourboires parce que c'est creux; en
été, tu peux faire 250 $ parce qu'il y a les touristes. Cela joue
comme cela. Le restaurateur ne peut pas se fier; un soir, il va mettre six
serveuses sur le plancher pour prévoir, s'il y a du monde, et, à
un moment donné, il n'en vient pas, il y a une tempête de neige.
C'est tout cela. Il y a aussi le fait qu'il y a 12 000 restaurants au
Québec. Il y en a trop, il y en a "archiment" trop. Les restaurateurs
nous tapaient dessus en nous disant qu'on allait nuire à l'industrie
parce qu'on demandait 15%, mais, comme Rita le soulignait tout à
l'heure, il y a un illogisme, parce qu'il y a une sursaturation du
marché et c'est l'anarchie totale là-dedans.
C'est certain que le problème est très vaste. Il y a les
conditions de travail, les immigrés, le harcèlement sexuel; mais,
au moins, on est en train d'en sortir, on commence à en sortir
tranquillement; il y a trois ans, c'était encore pire que cela,
c'était zéro.
Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. Maintenant,
j'accepterai deux autres questions seulement, si vous êtes d'accord, pour
qu'on puisse passer à un autre mémoire. M. le
député de Sainte-Anne et le ministre du Revenu. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: Très rapidement, M. le Président. Mme
Baillargeon, combien de serveurs et de serveuses y a-t-il dans l'Estrie,
environ?
Mme Baillargeon: 2000 environ, mais c'est évalué
en... Je ne les ai vraiment jamais comptés. Je n'ai jamais vu de
statistiques quant à l'Estrie, mais je les évaluerais à
environ 2000.
M. Polak: 2000. Combien sont membres de votre organisation et
paient des cotisations?
Mme Baillargeon: Une centaine de membres.
M. Polak: Seulement un commentaire. À la page 11, je
voudrais parler du nouveau système. C'est un peu le ciel, quand vous
dites: Étant payé à pourcentage, plus les ventes seront
élevées, plus le revenu sera élevé; il sera donc
avantageux pour le serveur ou la serveuse d'être souriant et gentil comme
tout bon vendeur doit l'être.
En d'autres termes, vous décrivez la nouvelle situation: Tout le
monde est content. Ils paient les 15% et on aura un système merveilleux
et du bon service, parce que le service peut en souffrir, vous dites.
Maintenant, vous avez pris l'exemple de l'Europe. J'ai voyagé
assez régulièrement en Europe; d'ailleurs, je suis d'origine
hollandaise et je peux vous dire que, par exemple, dans les Pays-Bas - c'est
sans doute la même chose en Belgique et en Suisse - est-ce que vous
êtes au courant que, là-bas, pour avoir un bon service, il faut
donner en sus du montant inclus dans l'addition? Je vais vous donner un
exemple: Aux Pays-Bas, lorsqu'un autobus avec des Allemands arrive, ces gens
vont être servis avant tout le monde, parce que les Allemands donnent des
pourboires en sus, 5% ou 10%, et la population locale se plaint de cela.
Savez-vous, par exemple, qu'à une élection récente, en
Europe ou aux Pays-Bas, un programme d'un parti politique était
justement pour réviser le système et peut-être en revenir
au système nord-américain où on va payer ces gens, disons,
suivant la nature des services rendus? En tout cas, pour voir s'il y a d'autres
systèmes possibles que ce système imposé. Saviez-vous
cela?
Mme Baillargeon: Je sais qu'en Europe, les gens attendent encore
des pourboires dans certains pays. Quant à l'association, on veut que la
mendicité, tendre la main pour avoir plus, ça cesse. Ce n'est pas
seulement à nous de jouer un rôle là-dedans, monsieur. Ce
n'est pas seulement à nous de dire: On ne veut pas de pourboires. Le
gouvernement aura un rôle à jouer et les consommateurs auront un
rôle à jouer. J'ai compris, lorsque, je suis allée en
France, que le rôle des associations de consommateurs est moins
poussé qu'ici dans des situations comme celles-là. Ici, il y a
des associations de consommateurs qui se prononcent sur le problème des
travailleurs et des travailleuses au pourboire. Lorsqu'on a voulu rencontrer
des associations de consommateurs, on est resté tout surpris, il n'y
avait pas d'association de consommateurs qui s'étaient prononcée
là-dessus. Que les gens le fassent, qu'ils se réunissent et
qu'ils disent: Nous ne sommes plus pour le fait d'être obligés
d'en donner en plus. Si vous n'êtes pas satisfaits de la façon que
cela fonctionne, votre système, demandez qu'il soit changé, mais
en tant qu'association de consommateurs, en tant que consommateurs, on refuse
d'obéir à un système comme celui-là. N'allez pas
reprocher aux gens qui travaillent dans le secteur de bénéficier
d'un pourboire en supplémentaire. Ils font bien de le prendre si les
gens le donnent. C'est aux associations de consommateurs à réagir
à cela, c'est aux consommateurs à dire: Cela ne fonctionne plus.
Les consommateurs d'ici le feront.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: J'aurais beaucoup de
questions à poser, mais je veux donner une chance aux autres.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre du Revenu.
Excusez-moi, M. le ministre du Travail.
Mme Baillargeon: II est resté attaché au titre.
M. Marcoux: C'est vrai, vous avez raison, c'est la même
chose, parce que de ce côté, il y a une cohérence.
M. Polak: Le vrai ministre. M. Blank: Pas en
consultation.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Fréchette: M. le Président, je sais bien que le
fond même du mémoire, en tout cas, la question principale qui le
sous-tend est consacrée aux pourboires, impôts, programmes sociaux
et ainsi de suite. Vous avez également, à la page 18 de votre
mémoire, fait référence aux conditions de travail, mais
d'une façon fort limitée.
Mme Baillargeon: Cela sera un autre dossier.
M. Fréchette: Oui. Je me rappelle fort bien que lorsque
vous aviez, en première instance, présenté un
mémoire, vous aviez davantage précisé les conditions de
travail comme telles et vous les aviez décrites en détail. Je me
contenterai pour le moment d'une ou deux courtes questions fort simples:
Êtes-vous en mesure d'indiquer à la commission quelle est la
proportion de syndicalisation dans le secteur des travailleurs et travailleuses
au pourboire? Si vous êtes en mesure de le faire, êtes-vous en
mesure également de dégager la proportion par rapport à
ceux qui le seraient dans la restauration proprement dite et ceux qui le
seraient dans l'hôtellerie? Je ne sais pas si vous avez là-dessus
des indications que vous pourriez nous fournir, ne ce serait-ce qu'à
titre de renseignements pour le moment?
Mme Baillargeon: Au niveau des chiffres précis, je n'en ai
pas à donner. Je vais vous parler d'une façon globale,
c'est-à-dire qu'il y a très peu de syndicalisation dans le
secteur de l'hôtellerie et de la restauration. Il y en a plus dans
l'hôtellerie que dans la restauration. Ce sont des indications que je
peux donner en partant. Maintenant, au niveau des chiffres, il y a
peut-être de mes collègues qui vont en avoir à donner plus
en détail.
Mme Vaillancourt: II y avait une étude du CRD qui disait
qu'il y a moins de 3% de syndiqués au Québec dans le secteur.
Mme Baillargeon: Là-dessus, ce sont les grandes
chaînes qui le sont, par exemple, le Méridien, le Hilton.
M. Fréchette: Vous dites qu'il existe une étude,
que des gens se sont penchés sur le problème et qu'ils sont
arrivés à des chiffres.
Mme Vaillancourt: Le Conseil régional de
développement de l'Estrie de toute façon va sûrement
présenter un mémoire aussi.
M. Fréchette: II présente un mémoire, je
pense.
Mme Vaillancourt: Oui. Une étude a
révélé qu'il y a moins de 3%. Nous, on disait à peu
près 5% fictif, mais apparemment, il y a moins de 3% de
syndiqués. Dans ces 3%, ce sont les grandes chaînes. Donc, cela
veut dire que ce qui se vit au niveau des conditions de travail, souvent les
plus défavorables, ce sont dans les petits restaurants, ce qui
représente plus de la moitié du secteur de la restauration et de
l'hôtellerie. Donc, ce sont les trois quarts des gens qui sont
défavorisés, qui n'ont aucun impact pour négocier, qui se
retrouvent avec des congédiements arbitraires ou du harcèlement
sexuel et qui n'ont aucun moyen de négocier.
Mme Baillargeon: Pour compléter la réponse, dans le
domaine de la restauration et de l'hôtellerie, il y a un problème
de la qualité des syndicats. Je vais vous dire ce qui peut se produire.
Quand les patrons voient que c'est immanquable et que les employés ont
vraiment l'intention de se syndiquer, ils vont s'organiser pour faire passer un
syndicat plutôt de leur choix afin de pouvoir un peu plus contrôler
le système. Les gens se retrouvent syndiqués, mais comment? C'est
un autre problème qui se vit, en parallèle avec tout ce qui se
vit actuellement.
M. Fréchette: Cela va. Cela me suffit pour le moment.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. le député de Hull, compte tenu que le
député de Saint-Louis a pris votre place tantôt. Une
question.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Aujourd'hui, je suis
très heureux qu'on puisse entendre les associations ou les groupes
présenter des mémoires. De prime abord, nous tentons de
régler le problème du
ministre du Revenu, de récupérer des montants,
c'est-à-dire un montant d'environ 45 000 000 $ que le ministre, M.
Fréchette, alors qu'il était ministre du Revenu, tentait de
récupérer chez les travailleurs du service de l'hôtellerie.
Alors, nous sommes tous ici dans le but de régler le problème du
ministre du Revenu; malheureusement, pas nécessairement pour
améliorer le sort des serveurs et des serveuses au pourboire dans la
restauration. (12 heures)
Dans le mémoire que vous présentez -tantôt, on a
touché à certains points - il semble y avoir quelque peu
contradiction. On parle, entre autres, de libres-services, de
casse-croûte, de restaurants, de salles à manger, de salons-bars
où c'est très différent au plan de l'hôtellerie au
niveau du consommateur. Ce n'est pas le même consommateur. On parle de
restaurants qui sont ouverts de 8 h ou 10 h le matin à 23 h. Il y a des
restaurants qui sont ouverts 24 heures par jour; il y a des employés qui
bénéficient des heures de pointe, alors que d'autres
employés qui travaillent dans des périodes où la
clientèle est moins fréquente, parce qu'on attend après le
client, malheureusement, ne bénéficient pas d'un pourboire ou
d'un service comme tel.
Tantôt, on a mentionné des factures qui étaient de
90 $, dans un cas, où on a bénéficié d'un pourboire
de quelques dollars. À ce moment-là, s'il y a 15%
d'ajoutés, ne vient-on pas dans certains cas augmenter le prix au
consommateur de 15%, tenant compte du fait qu'actuellement le consommateur
n'est pas obligé de donner le pourboire? En somme, c'est
considéré comme une gratuité. Dans l'ensemble des cas,
c'est donné. Cela varie entre 0% et 15%; cela peut même
dépasser cela dans certains cas qui sont peut-être très
minimes. Il n'en demeure pas moins qu'on semble vouloir changer toute la
structure opérationnelle du service de l'hôtellerie au
Québec et adopter une nouvelle structure qui n'est pas
nécessairement acceptée tenant compte du fait que vous avez quand
même prouvé tantôt que, sur les factures qui
dépassent 20 $, on voit rarement apparaître 15%, mais beaucoup
plus 10% ou moins de 10%. Alors, à ce moment, on augmente au
consommateur le coût et on réduit par le fait même les
factures.
Je pense que tantôt vous avez mentionné que, depuis les dix
dernières années, votre salaire n'avait pas augmenté parce
que, effectivement, le coût de la facture a augmenté
progressivement et proportionnellement le pourboire a diminué, tenant
compte de l'augmentation de la facture. Alors, le consommateur a probablement
pénalisé le service. À cause d'un manque
d'équilibre, la restauration au Québec actuellement ne
connaît pas un succès des plus... tenant compte de
l'économie. Mademoiselle a mentionné tantôt qu'il y avait
probablement trop de restaurants ou trop d'entreprises dans la restauration.
Alors, si on coupait, on accentuerait le chômage et on créerait
probablement d'autres difficultés dans le domaine de la restauration,
alors que nous sommes ici aujourd'hui dans le but de favoriser sûrement
une possibilité de régler votre problème, parce que vous
êtes harcelés par le ministère du Revenu actuellement sur
des sommes gagnées antérieurement pour lesquelles on vous somme
de payer ou de faire la preuve que vous n'avez pas gagné ce que le
ministère vous réclame.
M. le Président, le ministère du Revenu actuellement ne
harcèle pas seulement les serveurs et les serveuses, mais l'ensemble des
travailleurs et travailleuses du Québec où on retourne dix ans en
arrière pour des impôts non perçus. Alors, c'est un peu de
la mauvaise gestion du gouvernement actuel. Par contre, lorsque vous mentionnez
qu'il pourrait y avoir 15% d'additionnés sur la facture automatiquement,
tenez-vous compte de l'aspect gestion de l'entreprise? On sait qu'au
Québec la majeure partie des restaurants conventionnels n'ont pas le
personnel approprié, c'est-à-dire secrétaire de bureau ou
même du personnel de gérance ou ainsi de suite. À ce
moment, si dans une salle à manger, disons, vous avez la serveuse ou le
serveur, vous avez le barman qui est allé à la table, vous avez
le maître d'hôtel qui a fait la flambée; de quelle
façon, au point de vue de la gestion, va-t-on répartir le 15% qui
est appliqué sur la facture? J'aimerais que vous puissiez me donner un
aperçu là-dessus. Si, dans un service, il y a plus d'une personne
qui a eu à s'occuper d'une table, de quelle façon la maison
va-t-elle faire la répartition du bénéfice de 15% et en
quelle proportion va-t-elle le répartir parmi les deux ou trois
personnes qui ont fait le service à une table?
Le Président (M. Gagnon): Madame, je m'excuse, je vous
demanderais une réponse assez brève compte tenu que vous avez
déjà répondu à cette question.
Mme Baillargeon: Exactement, c'est ce que j'allais dire, on a
déjà répondu, ou soit que la question est très
longue ou qu'il y a beaucoup de questions dans votre question. Vous avez
parlé de la qualité de service, on y a déjà
répondu. Là, en dernier, vous parlez du pauvre restaurateur qui
va être pris pour diviser et administrer tout cela. On a
déjà dit, aussi, dans notre dossier, que cela fait plusieurs
années, cela fait depuis les débuts de la restauration que c'est
grâce aux employés à pourboire qui sont sous-payés
que les restaurateurs arrivent à faire des profits. On arrive avec une
solution. On ne les oblige
pas à nous donner un bon salaire, on leur demande de nous
administrer un pourboire inclus; déjà là, on
considère que c'est une solution qui va faire plus leur affaire que de
nous donner un meilleur salaire. Toutes les fois que l'on demande à un
restaurateur: Est-ce que vous aimez mieux nous donner un bon salaire ou si vous
aimez mieux avoir un service inclus? Ne cherchez pas quelle réponse ils
nous donnent entre les deux. Ce qu'ils voudraient bien, c'est que rien ne
change. D'accord? Alors le statu quo, on s'entend tous là-dessus, on
n'en veut plus. Sauf pour les restaurateurs qui aimeraient bien cela le
garder.
Pour ce qui est de la question de la répartition des pourboires,
on l'a dit tout à l'heure, c'est qu'on a intérêt - on le
demande dans notre dossier - à ce qu'il y ait une commission
d'étude qui soit formée, parce que, déjà, on
considère qu'il y a des injustices à ce niveau. Au niveau de la
répartition des pourboires de la serveuse qui doit donner un pourboire
aux "bus-boys", aux plongeurs, aux cuisiniers, etc. D'accord?
Maintenant pour ce qui est de la question des gens qui vont servir aux
tables, comment cela va-t-il se diviser? Nous autres, on considère que
ce n'est pas cela qui va être difficile. Cela fait plusieurs
années que le système existe en France, ils divisent et il n'y a
pas de "taponnage" là-dessus. Il y a des choses qu'on ne veut pas
importer de France parce qu'on considère que cela ne correspond pas au
Québec. Mais il y en a d'autres où nous aurions peut-être
intérêt à aller voir ce qui se passe et prendre la
même façon.
Pour ce qui est de la question de répartir les pourboires, quand
viendra le temps, on s'organisera bien. De toute façon, avec une
commission d'étude qui serait là pour étudier et pour
approfondir la chose pour que cela soit équitable pour tous, on pense
trouver une solution. Je serais prête à travailler
là-dessus et à donner beaucoup de temps pour évaluer de
quelle façon cela serait le plus juste pour tout le monde.
Le Président (M. Gagnon): Sur ce, je remercie
l'Association... Oui, M. le ministre?
M. Marcoux: J'aimerais vous remercier d'avoir accepté de
participer aux travaux de cette commission. J'aimerais vous poser une question
très brève: Si la solution que vous proposez ne pouvait
être retenue, après analyse - vous éliminez
carrément la solution 5.4, c'est-à-dire la perception comme
travailleur autonome - s'il n'y avait pas d'autres solutions d'émises
lors de cette commission - mais on sait qu'il y en aura d'autres - entre la
solution où le client inscrit volontairement son pourboire sur la
facture et la révélation à certaines périodes,
mettons à chaque paie, des montants de pourboire, ce qui obligerait
l'employeur à payer sa part des avantages sociaux, quelle est la
solution que vous préféreriez? Je sais bien que vous ne pouvez
pas parler au nom de votre association, parce que votre association s'est
clairement prononcée pour le service obligatoire, mais entre les autres
solutions quelle est votre opinion personnelle, si c'était possible,
rapidement?
Mme Baillargeon: Mon opinion personnelle, c'est que vraiment,
honnêtement et sincèrement, je ne crois pas que ni l'une ni
l'autre puisse régler le problème des employés au
pourboire. Comme je l'ai dit tout à l'heure, on se retrouve avec le
même problème, il n'y a rien qui est contrôlé
vraiment, alors on a encore la preuve à fournir qu'on n'a pas fait ce
montant et on est encore dans le même problème qu'on vit
actuellement.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Sainte-Anne.
M. Polak: M. le Président, pendant l'absence temporaire du
député de Saint-Louis, je voudrais remercier Mme Baillargeon,
également, pour son mémoire, pour la façon dont
c'était présenté; je vois que vous n'avez aucune peur de
dire des choses, je suis très content de voir cela. Par ailleurs, je
dois vous dire, étant consommateur, je ne sais pas à quel
restaurant vous travaillez, mais, selon le vieux principe qui s'applique
actuellement, vous pouvez être certaine que, vu que je recevrais de vous
un excellent service, comme toujours, je donnerais entre 12% et 15%.
Mme Baillargeon: Vous viendrez me voir, monsieur, cela va me
faire plaisir.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je remercie l'Association
des employés au pourboire de l'Estrie de sa participation à cette
commission. Maintenant, j'invite l'Association des restaurateurs du
Québec.
Association des restaurateurs du Québec
J'inviterais M. Claude Blanche, le président à nous
présenter les gens qui l'accompagnent.
M. Blanche (Claude): J'aimerais vous présenter à
mon extrême droite, M. Beauquier, le restaurateur de l'année, M.
Lussier qui est un de nos directeurs, M. Claude Saint-Jean, le deuxième
vice-président, M. Michel Moreau, qui est le président de nos
affaires gouvernementales et qui va prendre la parole en notre nom et à
ma gauche, à l'extrême gauche, M. Larochelle,
qui est le troisième vice-président, M. Letellier qui est
un de nos directeurs, M. Michel D'Amour qui est notre trésorier et Mme
Gaudet qui est notre secrétaire exécutive. Mon nom est Claude
Blanche.
Le Président (M. Gagnon): Merci Monsieur.
M. Moreau (Michel): M. le Président, MM. les
députés ministériels, MM. les députés de
l'Opposition, mesdames, tout à l'heure, il semblait y avoir une
objection de la part de l'Opposition à l'effet qu'on souhaitait que
certains mémoires ne soient pas lus entièrement. Je vous demande,
en ce qui concerne l'Association des restaurateurs qui est quand même un
des principaux intervenants dans le dossier, d'avoir le privilège de
lire notre mémoire intégralement parce que chacun des mots qui y
sont inscrits est pesé, a des incidences énormes. Nous avons
traité tous les aspects du dossier d'une façon très
pondérée et j'aimerais, si c'était possible, de pouvoir
vous en faire une lecture intégrale.
M. Marcoux: Le porte-parole de l'Opposition vient de m'aviser
qu'il accepte que vous lisiez votre mémoire au complet.
M. Blank: À l'heure qu'il est.
Le Président (M. Gagnon): Avant qu'on entreprenne un
débat, vous avez le consentement de la commission.
M. Moreau: Ceci étant dit, messieurs, l'Association des
restaurateurs qui est devant vous représente 2000 membres dans tout le
Québec et chaque région y est représentée. Nos 2000
membres représentent plus que 2000 établissements parce que si je
prends mon président ici à droite, lui seul représente 20
permis, si je prends M. Letellier, qui est un de nos membres des
Marie-Antoinette, et qui est très bien connu, représente 14
membres, etc.
Notre association représente au-delà de 50% du chiffre
d'affaires de la restauration au Québec. Je pense que notre point de vue
a une importance primordiale. Dans "Bâtir le Québec", chapitre 16,
énoncés politiques et économiques à la page 395, on
retrouve cet avancé de première importance. De tous les secteurs
reliés aux ressources naturelles et aux avantages comparatifs du
Québec, le tourisme se situe au nombre de ceux qui offrent les
meilleures possibilités de développement de l'économie
à moyen et à court terme au Québec. L'Association des
restaurateurs du Québec, ARQ et, tous les autres intervenants de
l'industrie touristique québécoise sont d'accord avec cet
énoncé pour autant que les lois favoriseront notre industrie, en
allégeant les fardeaux fiscaux et administratifs qui nous laissent
présentement peu de marge de manoeuvre. Ce n'est pas en imposant
à notre industrie un autre carcan comme ce serait le cas avec un
pourboire obligatoire qu'on pourra espérer développer de
façon rationnelle l'industrie touristique québécoise.
De plus, il ne faudra jamais perdre de vue que l'industrie touristique
représente le deuxième générateur économique
d'importance au Québec, après les pâtes et papiers et les
mines; si l'on continue à fermer des mines comme c'est le cas
présentement, on représentera le premier générateur
économique au Québec. Cela dit, toute loi ou
réglementation qui changerait son statut devra faire l'examen de toutes
les conséquences économiques qui en résulteront. (12 h
15)
Tous les économistes sont unanimes à confirmer que d'ici
l'an 2000, à peine 17 ans, l'industrie touristique deviendra en ordre
d'importance le plus grand générateur économique au monde.
Dans le même ordre d'idées, les experts en tourisme reconnaissent
que la concurrence entre les divers pays, États et provinces, sera de
plus en plus forte pour accaparer ce marché fabuleux; que cette
stratégie de concurrence se dessine présentement pour gagner la
part du lion de ce marché qui se développera en majeure partie au
cours de la prochaine décennie. C'est pourquoi, nos législateurs
devront être très prudents pour ne pas défavoriser
l'industrie touristique québécoise et la rendre non
concurrentielle, car ce serait annihiler les efforts de promotion des
intervenants de notre industrie, ainsi que les montants de plus en plus
élevés que consacre la province à la promotion de notre
produit touristique. On doit se rappeler que nos concurrents touristiques se
sont servis de la loi no 101 pour dénigrer notre produit touristique. Il
pourrait en être ainsi avec des conséquences beaucoup plus graves
si on décrétait légalement l'imposition d'un pourboire
obligatoire.
Nous analyserons, dans un premier temps, toutes les conséquences
d'ordre économique qu'apporterait l'imposition d'une formule quelconque
de pourboire obligatoire.
Conséquence économique 1: Coût du produit.
L'imposition d'un pourboire obligatoire augmenterait le coût de
notre produit touristique et le rendrait de moins en moins compétitif.
Nous avons déjà, au Québec, une taxe sur les repas de 10%
qui se situe parmi les plus élevées au Canada et en
Amérique. Ajouter à cela une autre taxe de service de 15%, il y
aurait de quoi effrayer tous les touristes étrangers et en particulier
nos voisins du Sud. En effet, les Américains ont des taxes de repas
inférieures. De plus, les pourboires aux Etats-Unis et dans les autres
provinces canadiennes sont reconnus bien
moindres que les nôtres.
Les experts de notre industrie sont conscients que les plus fortes
perspectives de développement du marché touristique seront dans
l'avenir dans les diverses variétés des voyages de groupes, des
congrès et des voyages récompenses dits "motivation". Toute cette
gamme de voyages pour être compétitive avec nos autres concurrents
doit être organisée suivant la formule forfait et l'imposition
d'un pourboire obligatoire, peu importe le pourcentage, nous éliminera
du marché des soumissions qui prévaut dans tous ces cas.
Ce marché des soumissions intriguera certains observateurs non
familiers du marché touristique; c'est pourquoi il nous semble important
d'en fournir une brève explication. Ainsi quand un organisme
décide de faire une congrès majeur, soit national,
nord-américain, ou mondial, il s'adresse à différents
experts ou grossistes en voyages et demande des soumissions. Celles-ci
comprennent: logement, repas, transports aériens et terrestres, visite
de ville, activités culturelles ou sportives, etc. Ce même
procédé est suivi pour le marché fabuleux de 2 000 000 000
$ des voyages motivation et dans tous les cas, c'est presque toujours le plus
bas soumissionnaire qui l'emporte. L'imposition d'un pourboire obligatoire nous
éliminerait de ces marchés parce qu'elle nous enlèverait
toute flexibilité dans les soumissions. Si notre produit touristique
devient invendable, comment remplirons-nous et utiliserons-nous alors notre
super Centre des congrès de Montréal dans lequel nos
gouvernements investissent au-delà de 81 000 000 $? Enfin, toute
politique afférente à une imposition de pourboire aura pour effet
d'alourdir notre déficit touristique déjà alarmant.
Conséquence économique no 2: péril pour la
restauration québécoise. Comme deuxième conséquence
économique, l'imposition d'un pourboire obligatoire mettrait en
péril la bonne et traditionnelle restauration typique du Québec
qui est reconnue comme un atout majeur dans la vente de notre produit
touristique. En effet, une telle mesure favoriserait à nouveau les
multinationales du "fast-food" qui ont accaparé près de 30% du
marché de la restauration au Québec. Il est évident que la
clientèle de ces chaînes où le pourboire n'existe pas
accuserait une hausse, et c'est encore la petite entreprise
québécoise, la PME de la restauration qui y perdrait des plumes,
des clients et surtout de nombreux emplois.
On sait déjà que la taxe de 10% sur les repas, applicable
au Québec à compter de 3,26$, favorise de façon
discriminatoire l'industrie de la restauration contrôlée par les
multinationales et cela, au détriment de notre restauration
québécoise. Si on imposait à notre restauration
traditionnelle un service additionnel de 15%, cela équivaudrait à
nous imposer une facture de 25% supérieure à celle des
"fast-food". Ce serait alors sonner le glas de la restauration
québécoise qui est un des éléments parmi les plus
vendables de notre produit touristique.
On sait également que notre restauration joue un rôle de
plus en plus grand dans notre économie agro-alimentaire en employant des
produits de chez nous. Notre restauration offre des menus mieux
équilibrés et une alimentation plus saine que celle des
repas-minutes. Là aussi nous jouons un rôle économique de
première importance vis-à-vis des économies
apportées aux ministères à vocation alimentaire et
sociale.
Il est par conséquent évident que l'imposition d'un
pourboire obligatoire favoriserait de façon discriminatoire un secteur
de notre industrie au détriment d'un autre, qui est le nôtre. Dans
les mesures sociales, comme dans celles régissant la libre entreprise,
l'équité de la loi s'impose si l'on veut continuer de vivre dans
un pays démocratique et surtout si l'on veut que la petite entreprise
puisse continuer à survivre. Cette seule question en elle-même
justifie qu'on réfute l'idée même d'un pourboire
obligatoire.
Conséquence économique no 3: perte de clientèle
québécoise. Comme nous l'avons vu précédemment, la
perte de clientèle étrangère affecterait grandement notre
industrie touristique dans son ensemble et donnerait le coup de grâce aux
régions touristiques à caractère saisonnier. Le même
phénomène se produirait vis-à-vis de notre
clientèle québécoise si un pourboire de 15% ou même
de 10% devenait obligatoire.
À cause de nombreux facteurs, la restauration
québécoise est une des meilleures mais également une des
plus dispendieuses de toute l'Amérique du Nord. Notre industrie ne peut
plus augmenter fortement ses prix parce que notre clientèle va
simplement nous fuir. C'est une question fondamentale d'offre et de demande.
Déjà nos marges de profit sont si minimes que notre industrie ne
peut plus absorber d'autres coûts majeurs sans être en
sérieux péril. Notre clientèle ne se gêne pas pour
nous dire que l'imposition d'un pourboire obligatoire rendrait ses visites
moins fréquentes et, d'autre part, qu'elle irait à l'avenir dans
les chaînes multinationales où le pourboire n'existe pas.
Cette perte de clientèle locale et étrangère
forcerait nos établissements à réduire leur personnel non
assujetti au pourboire ainsi que ceux assujettis au pourboire. Le coût de
ces pertes d'emplois, avec tout ce qui s'ensuit, ainsi les pertes de taxes sur
les repas seraient bien supérieures à ce que le gouvernement
projette et espère recouvrer auprès des employés au
pourboire.
Depuis un an et demi, notre industrie a subi une baisse très
marquée dans l'achalandage de la clientèle
québécoise. Une autre baisse pourrait être
catastrophique.
Conséquence économique no 4: coût des charges
sociales. L'imposition d'un pourboire obligatoire qui deviendrait partie
intégrante du salaire des employés aurait pour effet d'augmenter
le coût de nos bénéfices marginaux d'une façon
disproportionnée et notre industrie ne pourrait l'absorber. En effet, en
supposant que le pourboire obligatoire ne serait que de 10%, cela aurait pour
effet d'augmenter le déboursé de nos charges sociales de 51%.
D'autre part, si on calcule ce pourboire à 15%, le fardeau des charges
sociales augmenterait de 76%. On prévoit, pour 1983, des hausses
substantielles pour les contributions aux régimes
d'assurance-chômage du Canada et de rentes du Québec.
Toutefois, ces augmentations phénoménales ont
été calculées avec les taux présentement en vigueur
de l'assurance-chômage, de la CSST, de la Commission des normes du
travail, du Régime d'assurance-maladie du Québec ainsi que du
Régime de rentes du Québec. Nous avons déjà de la
difficulté à faire face aux hausses actuelles de notre masse
salariale. Toute autre addition forcera une augmentation de prix que notre
clientèle n'est pas en mesure d'accepter. Cela aurait pour
conséquence de taxer le travailleur québécois d'une autre
façon dans un besoin essentiel qui est celui de s'alimenter en dehors du
foyer.
Conséquence économique no 5: frais administratifs
additionnels. Les diverses solutions hypothétiques apportées dans
le livre vert pour contrôler les pourboires imposeraient à notre
industrie des coûts additionnels hors de proportion.
Contrairement à d'autres entreprises de service, la facturation
en restauration comprend des dizaines de milliers, souvent des centaines de
milliers et, pour plusieurs, des millions de transactions de vente par
année. Généralement, ces ventes sont comptabilisées
globalement une fois par jour. S'il fallait tenir une comptabilité
parallèle quelconque pour les pourboires pour chacune de ces
transactions, cela deviendrait une tâche fastidieuse dont le coût
serait prohibitif. D'ailleurs, la majorité des petites entreprises de
restauration au Québec n'ont que des teneurs de livres à temps
partiel et n'ont pas les équipements de contrôle mécaniques
ou électroniques pour tenir une telle comptabilité des ventes et
des pourboires de leurs employés.
Changer ces équipements ou avoir des comptables à plein
temps pour tenir une comptabilité parallèle pour le gouvernement
entraînerait des coûts excessifs que notre industrie ne peut
absorber. D'ailleurs, ce n'est pas le rôle de l'entreprise privée
de se substituer au gouvernement pour la perception de ces impôts. Notre
industrie vit déjà une expérience en percevant pour
l'État la taxe sur les repas. Cette tâche est moins
onéreuse et plus facile, mais la somme de 500 $ accordée
annuellement en compensation, ne couvre pas les frais de la plupart de nos
établissements. Elle a en plus une forme de rémunération
bien arbitraire, car peu importe le montant que l'entreprise perçoit en
taxe, la rémunération est la même pour tous.
Pour résumer les conséquences économiques,
l'addition d'un pourboire obligatoire entraînerait tous les effets
négatifs suivants: Coût de notre produit touristique trop
élevé; diminution de la clientèle extérieure et
québécoise; augmentation du prix des repas en dehors du foyer;
augmentation du coût des bénéfices marginaux; augmentation
des frais administratifs; perte d'emplois et augmentation de l'inflation. L'un
ou l'autre de ces effets néfastes aboutira à des
conséquences catastrophiques pour notre industrie, pour nos
employés et pour l'État.
Dans un deuxième temps, nous étudierons les
conséquences sociales de l'imposition obligatoire d'un pourboire. Sauf
pour quelques pays européens où un frais de service est
imposé, le pourboire se donne de façon libre par le consommateur.
C'est un geste d'appréciation en réponse à une
qualité de service qui a été donné. D'autres le
définissent comme un signe tangible de reconnaissance exprimant la
satisfaction pour un service rendu. Ce sont les normes qui prévalent en
Amérique du Nord depuis des siècles et changer les règles
du jeu engendrerait de nombreux problèmes et injustices sociales.
Liberté du consommateur. La liberté du consommateur
était un droit qui n'était pas tellement reconnu en Europe
lorsqu'on a imposé ce frais de service. De plus, à cette
époque, les gens qui fréquentaient les restaurants étaient
les privilégiés de la société, alors
qu'aujourd'hui, manger à l'extérieur du foyer n'est plus un luxe,
mais une nécessité quotidienne pour un nombre de plus en plus
élevé de travailleurs.
Nous ne croyons pas que le consommateur québécois, qui est
déjà taxé de multiples façons, doive se faire
imposer un pourboire obligatoire pour s'alimenter en dehors du foyer.
Pénaliser l'ensemble de la population pour s'assurer qu'un petit groupe
de citoyens acquittent leurs impôts ne serait pas une loi
équitable.
L'octroi d'un pourboire obligatoire est un droit tellement personnel.
C'est une liberté si étendue et reconnue dans toutes les
sociétés que l'État ne devrait jamais y intervenir.
Autrement, nous le répétons, ce serait priver le citoyen d'une
liberté parce que le pourboire n'a jamais été une taxe
ou
une obligation, mais un geste tellement libre.
Deuxième mesure sociale. Le fait d'accorder à un groupe de
travailleurs le droit de taxer l'ensemble de la population serait
discriminatoire puisque d'autres groupes qui reçoivent
déjà des pourboires pourraient, en droit, réclamer le
même privilège pour des services rendus. Ici, nous pensons aux
coiffeurs pour hommes et dames, aux manucures, aux esthéticiennes, aux
chauffeurs de taxi, aux portiers, aux nombreux types de guides touristiques,
aux porteurs de bagages, aux livreurs d'épicerie, aux jeunes qui portent
vos paquets à l'auto dans les supermarchés, etc. En supposant
qu'on accepte le précédent pour les employés de la
restauration et de l'hôtellerie et qu'on accorde, par la suite,
l'imposition d'un pourboire obligatoire à d'autres secteurs, on
créera ainsi la plus belle spirale inflationniste jamais vue en
Amérique. (12 h 30)
Dans un deuxième temps, toutes sortes de métiers et
professions se découvriront des droits pour obtenir des pourboires
obligatoires; quant à y être, pourquoi pas les hôtesses de
l'air, les chauffeurs d'autobus, les facteurs, les mécaniciens, les
placiers du Grand Théâtre ou du Forum et tous les autres? On se
retrouvera dans une société comme en France où, pour aller
à la salle de bain, on se fait tendre la main pour le pourboire. Tout
cela semble bien ridicule, mais ce sont là des conséquences
sociales vers lesquelles notre société s'orienterait si on
ouvrait la porte au pourboire obligatoire.
Taxation de l'alimentation. Le gouvernement du Québec a
déjà reconnu le principe fondamental d'éviter de taxer
l'alimentation, un bien vital de première nécessité. C'est
d'ailleurs pourquoi il ne taxe les repas qu'à compter de 3,26 $,
même si ce montant n'est plus conforme à la réalité
d'aujourd'hui en raison de l'inflation des dernières années.
Trois provinces canadiennes ne taxent d'aucune façon les repas en dehors
du foyer; la majorité des autres ont une taxe sur les repas
inférieure à celle du Québec. C'est également le
cas dans les différents États américains. C'est donc un
principe d'équité sociale à travers l'Amérique que
d'éviter de taxer l'alimentation parce que l'évolution
socio-économique oblige la population à s'alimenter de plus en
plus fréquemment en dehors du foyer. C'est pourquoi l'imposition d'un
pourboire obligatoire serait une mesure antisociale qui équivaudrait
à une nouvelle taxe sur l'alimentation. Un tel geste serait aussi
illogique socialement que si l'on décidait de taxer demain le panier
d'épicerie.
Incidence sur les autres employés de notre industrie. Nous avons
vu précédemment qu'une telle mesure créerait des
licenciements en grand nombre dans notre industrie. Non seulement des
employés au pourboire devraient être congédiés, mais
de nombreux employés spécialisés de nos cuisines, tels que
cuisiniers, sauciers, pâtissiers, techniciens, personnel de bureau et
administratif. Les employés au pourboire ne représentent
qu'environ 30% des 200 000 personnes de notre main-d'oeuvre et ils n'ont pas le
droit de mettre en jeu l'existence de tant d'employés
spécialisés. C'est là une responsabilité sociale
que nous, employeurs, que l'État et que les employés au pourboire
ne doivent pas ignorer. De plus, à quoi bon servirait l'Institut
d'hôtellerie du Québec et notre réseau hautement
spécialisé d'écoles culinaires s'il n'y avait plus de
débouchés pour ces élèves?
Incidence sur la qualité du service. Le Québec, en plus de
sa réputation de bonne table, a toujours eu comme atout cette
qualité du service et de l'accueil. Notre personnel est reconnu comme
chaleureux, courtois, affable et dévoué vis-à-vis de la
clientèle. Le pourboire n'est pas une cause étrangère
à toutes ces qualités qui caractérisent notre
main-d'oeuvre de service. Le pourboire est une incitation qui motive les
employés à agir de la sorte et cela n'enlève rien à
leurs autres qualités professionnelles qui font que ce personnel est
hautement qualifié au Québec, qu'il est parmi les plus
compétents du monde et nous ne pouvons cacher que nous, de l'industrie,
en sommes bien fiers. Cependant, partout, en Europe et dans d'autres
destinations touristiques du Sud où le système a
été implanté, nous avons décelé une
détérioration du service de façon marquée. Les
employés ne sont plus empressés, efficaces, courtois et la
chaleur du service qui va de pair avec un bon repas n'existe plus.
La formule d'un service obligatoire a été établie
en Europe dans un contexte tout à fait différent de celui qui
prévaut actuellement chez nous. En effet, ces employés n'avaient
aucun salaire de base ou salaire minimum qui leur était versé,
leur seule source de revenu était les pourboires qui leur étaient
consentis. En plus, il était fréquent que, pour obtenir ces
emplois, il fallait acheter un poste. Tous savent les incidences
néfastes que cela a eu sur la qualité du service et qu'un
système de pourboire parallèle s'est développé pour
les gens qui avaient les moyens de s'acheter une certaine qualité de
service. Opter pour cette formule nous placerait de façon
désavantageuse, car nous serions les seuls en Amérique du Nord
à imposer un service obligatoire, ce qui nous ferait perdre cette marque
de commerce "chaleur et accueil du Québec" qui nous a toujours
caractérisés.
Conclusion. Sujet: livre vert, article 5.1. Nous rejetons
complètement l'idée de frais de service obligatoires parce que
trop de raisons d'ordre économique et social nous permettent de
prévoir que les effets et
répercussions mettraient en danger la survie et même la
restauration traditionnelle québécoise.
Voir livre vert, article 5.2. L'hypothèse du pourboire inscrit
sur la facture par le client n'est pas, non plus une solution à laquelle
notre industrie peut souscrire. Elle nous apporte pratiquement les mêmes
problèmes que dans le cas du pourboire obligatoire, en plus de susciter
d'autres inquiétudes dans son application. Il suffit de penser qu'il
faudrait modifier la loi no 101 pour pouvoir produire les factures en plusieurs
langues afin que les touristes étrangers puissent s'y comprendre. Le
client pourrait devenir complice d'évasion fiscale en divulguant de faux
montants. Cela obligerait tous nos établissements à comptabiliser
et vérifier des centaines de milliers d'opérations qui ne peuvent
relever de notre administration, parce que l'application en serait trop
onéreuse.
Voir livre vert, article 5.3. La troisième proposition qui
consiste en la déclaration périodique des pourboires par
l'employé est également rejetée par l'ARQ, parce qu'elle
n'est pas une garantie de véracité. De plus, cette formule
consacre également la reconnaissance du pourboire comme salaire et elle
aurait pour effet d'augmenter les coûts de tous les avantages sociaux qui
sont rattachés à notre enveloppe salariale. Nous l'avons
déjà expliqué: Notre industrie ne pourrait faire face
à ces coûts sans reporter complètement cette charge au
consommateur. Cette hausse de prix serait si marquée, que les
employés au pourboire seraient les premiers à en subir les
conséquences par la perte de ventes, et on taxerait alors le
consommateur sur un besoin vital.
Voir livre vert, article 5.4. Cette hypothèse de
considérer la partie des revenus des pourboires comme faisant partie du
statut de celui d'un travailleur autonome nous semble la solution la plus
logique. Son application nous enlèverait le rôle qu'on voulait
nous imposer à titre de contrôleurs d'un revenu qui ne nous
appartient pas et qui est la propriété exclusive de la personne
qui le reçoit. De plus, ce rôle de policier aurait
détérioré la qualité des bonnes relations entre
employé et employeur qui existent au sein de notre industrie.
Dans cette formule de travailleur autonome, l'employé peut se
prévaloir de deux options: L'une, demander à son employeur
d'augmenter à chaque paie ses retenues d'impôt à la source;
l'autre, se prévaloir de la formule des versements trimestriels.
Nous convenons que la retenue d'impôt à la source serait
plus laborieuse pour l'employeur, mais notre industrie est prête à
accepter cette solution pour faciliter la tâche à notre personnel
et lui assurer notre esprit de solidarité et de coopération. Nous
voulons également par là assurer l'État de notre appui,
lorsque c'est dans les normes du possible. Nous optons donc pour la
première option, car cela pourrait être compliqué pour
certains employés que de se servir de l'option à versements
trimestriels. Dans ce dernier cas, le danger de retarder les paiements, pour ne
pas avoir accumulé les montants nécessaires, causerait des
délais et des frais additionnels pour nos employés. Pour en
arriver à cette solution, le gouvernement pourrait
légiférer pour rendre obligatoires les déductions à
la source pour les employés autonomes touchant des pourboires. La
majoration des déductions pourrait être basée suivant les
types de restaurants, les secteurs géographiques, le nombre d'heures de
travail, les horaires de jour et de soir, etc.
Le ministère du Revenu a suivi de tellement près ces
travailleurs récemment, qu'il doit posséder d'autres
critères d'évaluation, qui permettraient d'évaluer de
façon pondérée et juste, les revenus de pourboires. Ainsi,
chaque restaurateur et hôtelier recevrait du ministère, une table
correspondante à sa classification, aurait l'avantage d'uniformiser les
déductions et obligerait l'employé à se créer une
réserve pour le paiement de ses impôts. En fin d'année,
l'employé ferait sa déclaration d'impôt et contribuerait ou
réclamerait la différence entre le montant à payer et le
montant versé. Le ministère du Revenu pourrait établir un
barème comparatif; enquêter et pénaliser les contribuables
fautifs, de la même façon qu'il le fait pour l'ensemble. De plus,
ayant déjà les sommes prélevées, le
ministère aura le loisir de retenir le remboursement des sommes qui
statistiquement lui paraissent injustifiées.
Il ne reste alors qu'à corriger ce que le livre vert nomme une
injustice sociale vis-à-vis des travailleurs au pourboire, à la
page 13. Tout d'abord, la loi no 126, article 50 des normes du travail stipule:
Le pourboire versé directement ou indirectement par un client à
un salarié appartient en propre à ce dernier et ne fait pas
partie du salaire qui lui est par ailleurs, dû. L'employeur
perçoit le pourboire et le remet aux employés. Le mot pourboire
comprend les frais de services ajoutés à la note du client. Le
gouvernement sépare donc bien la notion du salaire sujet à
déductions de cotisations de diverses sortes et la notion de revenus
taxables. Ce principe étant clairement établi, le travailleur
autonome au pourboire qui, sur la partie de ses revenus au pourboire
déclarés, veut jouir du privilège que lui accorde le
Régime de rentes du Québec, ne sera plus pénalisé.
Cependant, il bénéficiera de ces avantages à la condition
qu'il paie la cotisation de l'employé autonome en plus de la sienne.
Là encore, nous croyons qu'un mécanisme
pourrait être développé avec le gouvernement
à la satisfaction de toutes les parties. Notre industrie est prête
à faire sa part pour les cotisations retenues à la source. Que
l'employé autonome paie entièrement les privilèges qu'il
veut obtenir éventuellement sur un bénéfice social est
tout à fait courant et normal dans notre société.
Le même principe s'applique aussi pour les employés non
autonomes qui veulent obtenir des bénéfices sociaux plus
complets. À titre d'exemple pratique, nous avons en vigueur, dans
plusieurs établissements de restauration et d'hôtellerie, des
programmes d'assurance collective pour nos employés. L'employeur paie
les cotisations pour les bénéfices suivants: assurance-vie de
l'employé, assurance mort accidentelle et mutilation, assurance
santé complémentaire, assurance-vie et santé des personnes
à charge et assurance dentaire dans certains cas. L'employé de
son côté paie toujours la partie de l'assurance-salaire dans tous
ses plans d'assurance collective et là encore, l'employé au
pourboire déclare ses revenus de pourboires pour
bénéficier pleinement de ces avantages. Nous devons donc convenir
que lorsqu'un employé au pourboire veut jouir de son revenu total en cas
d'assurance-salaire, il paie sa contribution sur un salaire presque
entièrement déclaré. Cela confirme donc que cela ne sera
pas un précédent que de voir l'employé au pourboire payer
pour un avantage additionnel qu'il veut obtenir.
Il reste donc, à notre avis, un seul désavantage majeur
à corriger, soit celui de l'assurance accident administrée par la
Commission de la santé et de la sécurité du travail. Nous
acceptons le principe qu'il y ait là, en tant qu'employeur, une
responsabilité sociale que nous avons vis-à-vis de nos
employés. Contrairement aux autres avantages sociaux que l'employeur
autonome veut obtenir en fonction d'une expectative de vie meilleure, nous
sommes d'avis que si l'employé se blesse au travail, cela devient un
problème immédiat pour lequel nous avons une
responsabilité également immédiate. C'est pourquoi nous
sommes d'accord à payer et à couvrir la totalité de ses
frais additionnels à la condition expresse que la CSST crée une
classe à part des employés au pourboire où les accidents
sont moins fréquents que dans les autres secteurs de notre
industrie.
Il nous semble donc que les mesures que le RQ préconise tendent
vers les objectifs visés par chacune des parties: 1- le paiement des
impôts dus à l'État; 2- la non intervention administrative
de l'employeur dans la déclaration; 3- la possibilité pour
l'employé d'accumuler des fonds pour le règlement de ses
impôts; 4- la possibilité pour le gouvernement d'intervenir
pendant qu'il a encore des fonds; 5- le rajustement pour l'employé au
pourboire vis-à-vis de l'employé sans pourboire au sujet des
cotisations et des prestations du régime de rentes et des accidents du
travail.
M. le ministre, messieurs, ceci résume la réponse au livre
vert. Nous avons traité très peu de la situation comme telle des
employés au pourboire parce que, avant tout, il fallait répondre
de façon pondérée et apporter les arguments
économiques. Nous sommes conscients que les employés au pourboire
ont des problèmes. Nous comprenons que, dans le contexte
économique actuel, ces employés au pourboire servent
malheureusement de cobayes. Lors d'une rencontre avec l'ancien ministre du
Revenu, M. Fréchette, ce dernier nous confiait bien humblement que les
gouvernements se sont faits un peu complices de cette situation, de cette
tolérance. C'est un fait indéniable qu'on les a
tolérés. Cela ne les excuse pas complètement, mais cela
n'excuse pas non plus les gouvernements de leur inertie des années
antérieures. (12 h 45)
Nous croyons également, nous, de l'ARQ, que Revenu Canada et
Revenu Québec s'acharnent de façon souvent arbitraire sur ces
employés sans tenir compte de nombreuses dépenses
inhérentes à leurs fonctions et qui devraient être
déductibles de leur revenu. On pense au pourcentage que ces
employés cèdent aux commis-desserveurs, comme on le disait tout
à l'heure. Ici, je fais une parenthèse à la demoiselle qui
disait qu'elle n'avait pas d'affaire à payer des frais ou des salaires
aux commis - débarrasseurs. Mais il y a une chose qu'elle comprend mal,
c'est que lorsqu'il y a des commis-débarrasseurs, une serveuse, au lieu
d'être capable de servir 20 clients, elle est capable d'en servir 40,
donc, si elle fait 30 $ de pourboire de plus et si elle en donne 10% au
commis-débarrasseur, il lui reste 27 $. C'est une chose qu'il ne
faudrait pas perdre de vue.
Je reviens sur ce que les différents ministères du Revenu
oublient...
Le Président (M. Gagnon): M. Moreau. M. Moreau:
Oui.
Le Président (M. Gagnon): Si vous me permettez, on a
dépassé l'heure où on devait suspendre ou ajourner nos
travaux. Est-ce que vous pourriez reprendre les commentaires que vous avez
là cet après-midi, parce que cela ne fait pas partie du
mémoire, si je comprends bien.
M. Moreau: Non. Mais vous savez, nous ne sommes pas contre les
employés au pourboire et nous avons des choses à dire
également en leur faveur...
Le Président (M. Gagnon): Cet après-
midi, vous allez revenir, à l'ouverture de la commission
parlementaire, après la période de questions, vers 15 heures ou
15 h 30... Pardon? 15 heures? Espérons que ce sera 15 heures.
M. Moreau: Alors, on est tous ici à 15 heures?
Le Président (M. Gagnon): La commission du revenu suspend
ses travaux jusqu'à cet après-midi, après la
période de questions à l'Assemblée nationale.
(Suspension de la séance à 12 h 47)
(Reprise de la séance à 15 h 27)
Le Président (M. Blais): À l'ordre s'il vous
plaît! La commission permanente du revenu sur la situation des
travailleurs au pourboire reprend ses travaux. Comme il se doit, je renomme les
membres: MM. Blais (Terrebonne); Blank (Saint-Louis); Boucher
(Rivière-du-Loup); Desbiens (Dubuc); Johnson (Vaudreuil-Soulanges)
remplace Dubois
(Huntingdon); Marcoux (Rimouski); LeBlanc (Montmagny-L'Islet); Rocheleau
(Hull); Mme Marois (La Peltrie); MM. Lachance (Bellechasse); Polak
(Sainte-Anne).
Les intervenants sont: MM. Assad (Papineau); Paré (Shefford);
Lafrenière (Ungava); Lévesque (Kamouraska-
Témiscouata); French (Westmount); Maciocia (Viger); Bissonnet
(Jeanne-Mance); Fréchette (Sherbrooke); et Mme Juneau (Johnson).
Lorsque nous avons arrêté, le mémoire venait
d'être lu par l'Association des restaurateurs. Nous tombions à la
période des questions.
Une voix: Le président est arrivé.
Le Président (M. Blais): Je vais lui céder la
place.
M. Marcoux: Je vous remercie beaucoup, M. Moreau, de la
présentation du mémoire de l'Association des restaurateurs du
Québec.
M. Blank: Je pense que M. Moreau avait d'autres commentaires
à faire avant qu'on passe aux questions.
Le Président (M. Gagnon): Lorsqu'on a arrêté
les travaux, M. Moreau était en train de faire des commentaires.
M. Moreau: Si vous le permettez, j'aimerais les continuer.
M. le ministre, messieurs et mesdames du comité, après un
bon repas au Parlementaire, où nous avons dû laisser 20% de
pourboire parce que les prix sont nettement inférieurs à ceux du
marché... c'était très bon. Le service était
excellent. Maintenant, si vous n'augmentez pas vos prix, le déficit du
Parlementaire va encore augmenter cette année.
Je disais donc, tout à l'heure, que notre industrie est loin
d'être contre les employés au pourboire et loin de vouloir les
combattre. On comprend très bien leur prix et je disais que les
gouvernements, aux deux paliers, se sont fait un peu complices de cette
situation. Il est certain que les ventes de repas en dehors du foyer sont
passées, de 1970 à 1980, de 500 000 000 $ de repas pris en dehors
du foyer à au-delà de 2 000 000 000 $ en 1980. Une chose est
certaine, c'est qu'il y a eu l'inflation dans cela. Il y a eu tous les
phénomènes socio-économiques qui ont fait que le
Québécois s'alimentait de plus en plus souvent en dehors du
foyer. Et je crois que, malheureusement, le gouvernement, tant
fédéral que provincial, s'est réveillé trop tard
pour s'occuper du problème des employés au pourboire.
Maintenant, je reviens au livre vert, M. le ministre, dans lequel on dit
qu'il y a 210 000 employés dans l'industrie de la restauration. Les
enquêtes qui ont été faites par l'Association des
restaurateurs et l'Association des hôteliers de la province de
Québec disent que dans la restauration, 40% des employés sont des
employés au pourboire et 25% des employés de l'hôtellerie
sont des employés au pourboire. Dans l'hôtellerie, les
statistiques ne sont pas entièrement compilées, mais on croit que
c'est inférieur à cela. Cela nous fait dire que la moyenne des
210 000 employés de l'hôtellerie et de la restauration
représente environ 30%, ce qui veut dire que les employés au
pourboire de la province de Québec dans notre industrie de
l'hôtellerie et de la restauration seraient d'environ 60 000. De ces 60
000, il faut tout de même enlever les gens qui travaillent dans les
cafétérias, les gens qui travaillent dans les succursales de
"fast-food" qui ne touchent pas de pourboire. Cela nous amène à
conclure qu'environ 40 000 employés seraient touchés directement
par les pourboires. Quand on dit dans le livre vert qu'il y a seulement 14 000
employés dans le livre vert qui ont déclaré des
pourboires, c'est loin des statistiques qu'ont fait refléter certains
mémoires où l'on dit qu'un nombre inférieur à 7%
des employés au pourboire ont déclaré des revenus de
pourboires au gouvernement du Québec. Nos chiffres seraient plutôt
qu'au moins 28% des employés au pourboire en ont déclaré.
Tout cela nous fait croire que les pertes de revenu dont parle le
ministère du Revenu peuvent être discutables.
C'est pourquoi nous, les gens de l'industrie, dans le contexte
économique que nous traversons, nous pensons sérieusement que
les gouvernements devraient alléger très fortement les
poursuites prises actuellement contre les employés au pourboire de notre
industrie parce que cela met en jeu l'équilibre fondamental de notre
industrie. Ces gens, d'un côté, réclament des choses qui
nous semblent insensées. Vous pourrez poser vos questions tout à
l'heure, comment cela peut influencer nos prix de vente, etc. Vous allez voir
que, si l'on consentait à une telle chose, cela serait dramatique pour
l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration au Québec.
Le Président (M. Gagnon): Merci.
M. Moreau: M. le ministre, tout à l'heure, j'ai
donné à un de vos sous-ministres une étude qui a
été faite par des consultants que nous avons engagés
à l'Association des restaurateurs. C'est une étude qui pourra
servir aux décisions et aux applications que nous recommandons pour
essayer de résoudre cette chose. C'est une étude que
l'Association des restaurateurs du Québec a payée;
j'espère que les employés du ministère du Revenu pourront
y puiser des choses intéressantes qui pourront les aider à
trouver une solution dans l'intérêt de tout le monde, tant des
employés que des employeurs.
M. Blank: Est-ce que l'Opposition peut en avoir une copie?
M. Moreau: Avec plaisir, j'en ai une ici.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: Avant de poser ma première question sur votre
mémoire, je voudrais indiquer qu'en ce qui concerne les prix - je fais
allusion à la parenthèse que vous avez faite sur les prix du
Parlementaire - nous sommes tous conscients que ces prix ne se comparent aux
prix du marché. C'est un choix volontaire de l'Assemblée
nationale afin d'éviter que le restaurant Le Parlementaire où
l'ensemble de la population du Québec est bienvenu, ne soit accessible
qu'aux personnes ayant des revenus très élevés. C'est vrai
que nous supportons une large partie du déficit du restaurant Le
Parlementaire, mais nous le faisons consciemment et non inconsciemment.
Quant au livre vert, vous avez parlé d'une erreur qui a
été décélée dans des mémoires
concernant la quantité de travailleurs et travailleuses au pourboire. Je
dois dire que c'est une erreur qui se trouve dans le livre vert lui-même.
Lorsqu'on compile les statistiques on dit qu'il y avait 210 000 emplois environ
en 1979 et, pour cela, on se base sur le fichier des entrepreneurs que nous
avons au ministère du
Revenu; 210 000 emplois créés par les entreprises dans ce
secteur. Nous disons qu'il y a eu 14 000 personnes en 1979 qui ont
révélé des revenus de pourboires. En fait, on fait une
erreur lorsqu'on dit 14 000 personnes et qu'on compare ce chiffre à 210
000 personnes, c'est sûr que cela fait environ 7%. On devrait
plutôt le situer par rapport aux 60 000 ou 70 000 travailleurs au
pourboire dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie. Je dois
reconnaître bien clairement que c'est une erreur dans le livre vert, dans
la présentation du pourcentage; ce qui fait qu'il y a peut-être
autour de 20% des travailleurs au pourboire qui révèlent des
revenus de pourboires. Souvent, ces revenus de pourboires sont
révélés en partie seulement.
Je pourrais revenir, au moment de la discussion, sur la perte des
revenus évaluée à ce moment-là. On ne tire pas les
mêmes conclusions que vous. Pour revenir à l'essentiel du contenu
de votre mémoire, je dois d'emblée dire que votre mémoire
malgré certaines apparences négatives, aborde fondamentalement la
question dans plusieurs secteurs de façon, à mon avis, positive
dans le sens suivant. On aurait pu s'attendre - je le pense honnêtement -
à ce que l'ensemble des restaurateurs, des hôteliers
préfère le statu quo et que vous défendiez clairement et
uniquement le statu quo parce qu'évidemment le statu quo a des avantages
pour plusieurs, comme il a des inconvénients. Mais, au lieu de
défendre le statu quo, vous défendez, en fait, une position qui,
sur le principe, arrive à reconnaître les travailleurs au
pourboire comme ayant le statut de travailleurs autonomes, mais en ajoutant
qu'en ce qui concerne les accidents, la santé et la
sécurité du travail, vous seriez prêts à ce que la
part de l'employeur soit payée sur l'ensemble des revenus des
travailleurs au pourboire, à la fois le revenu basé sur le
salaire minimum et le revenu de pourboires.
Cela m'amène à ma première question. Vous
reconnaissez, en somme, la responsabilité de l'employeur à une
participation au coût des avantages sociaux reliés à la
santé et à la sécurité du travail. Ce qui fait que,
pour cette partie-là, même si vous souhaitez que le travailleur au
pourboire soit considéré comme un travailleur autonome, vous
dites: On est prêts à le considérer comme étant un
salarié et on est prêts à payer notre part ou la
totalité du coût, puisque c'est l'employeur qui assume la
totalité du coût pour la CSST, la Commission de la santé et
de la sécurité du travail. La question qui me vient
spontanément, je pense qu'elle ne vous surprendra pas: Pourquoi
n'appliquez-vous pas le même type de raisonnement pour les autres
avantages sociaux dont bénéficie le reste des travailleurs dans
l'ensemble du Québec?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, juste avant que
vous poursuiviez, je demanderais aux personnes dans l'assistance de ne pas
manifester, s'il vous plaît! M. le ministre.
M. Marcoux: Alors, je reviens à cette question. Vous avez
sûrement discuté avec les membres de votre association la
possibilité d'appliquer le même raisonnement ou la même
attitude positive, je pense, fondamentalement face aux autres avantages sociaux
qui sont, en résumé, l'assurrance-chômage et le
Régime de rentes du Québec. Essentiellement, ce sont deux autres
régimes sociaux.
M. Moreau: M. le ministre, notre raisonnement s'appuie tout
simplement sur une question de logique. Premièrement, après une
analyse approfondie, on s'est dit: Vis-à-vis de la CSST, si un
employé se blesse au travail, s'il lui arrive quelque chose à un
moment précis où il est à notre service, on va faire une
concession, on va prouver notre bonne volonté parce que c'est un
coût que, malgré tout, on peut absorber. C'est quand même
une somme à débourser et on pourrait le faire. On a voulu prouver
par cela de la bonne foi. Mais je reviens à l'argument que je vous
disais tout à l'heure: Lorsqu'on a des plans d'assurance collective chez
nous, l'employé au pourboire qui veut s'assurer dans l'avenir d'une
meilleure expectative de vie, advenant une maladie ou autre chose, consent
à payer sur ses pourboires le prix de cette assurance-salaire.
Si, dans un premier temps, on vous fait cette concession, c'est par
égard pour nos employés et pour prouver que, lorsque notre
association, les professionnels de la restauration au Québec, peut
donner quelque chose, on y va selon nos moyens. Est-ce que cela répond
bien à votre question?
M. Marcoux: Si je comprends bien ce que vous indiquez, c'est que,
sur le principe, vous reconnaissez la responsabilité, je dirais, sociale
de vos entreprises par rapport au secteur des accidents de travail. Ce qui fait
que vous n'appliquez pas la même logique, le même raisonnement ou
la même attitude aux deux autres secteurs que j'ai mentionnés: la
Régie des rentes du Québec et l'assurance-châmage, c'est
fondamentalement une question de coûts impliqués ou de la
capacité de payer. Ce pourquoi j'en tirais cette conclusion, c'est que
vous dites: Si un accident de travail survient sur notre lieu de travail, c'est
évidemment dans la logique que nous participions comme entreprise. En
tout cas, notre logique sociale, c'est que l'entreprise paie les coûts
des accidents de travail au Québec. Mais il ne faut pas oublier qu'avec
la Régie des rentes du Québec, c'est en somme un fonds de
retraite qui est lié au type de gains admissibles, au salaire et
à la rémunération. Sur les coûts que la Régie
des rentes du Québec implique, c'est une participation égale,
normalement, sauf pour les travailleurs autonomes, de l'employeur et de
l'employé.
Pour l'assurance-chômage, c'est le même type de raisonnement
qui est fait; même si c'est de juridiction fédérale, je
pense qu'il faut la regarder globalement. Je sais bien que l'effet
économique que vous aurez apporté sera global. Je n'envisage pas
sérieusement que vous deviez payer votre quote-part à la
Régie des rentes du Québec pour les pourboires, pour les
accidents de travail et que, d'autre part, il n'y ait pas d'ajustements
analogues du côté de l'assurance-chômage. Quant à
moi, il m'apparaît évident que cela suivrait. Je ne comprends pas
votre logique, parce qu'il y avait un accord de principe sur le fait de votre
participation sociale.
Le Président (M. Gagnon): M. Moreau.
M. Moreau: M. le ministre, il y a une chose que vous ne comprenez
pas, je pense, c'est que nous, de l'Association des restaurateurs du
Québec, n'avons jamais dit que le pourboire était sous notre
responsabilité. Le pourboire appartient à 100% à
l'employé. Il ne faut pas déplacer l'ordre des choses; nous
payons des salaires et, tout à l'heure, on parlera des salaires au
Québec comparés à ceux aux États-Unis, dans les
États américains limitrophes au Québec, on parlera des
autres salaires des provinces. Nos employés au pourboire qui touchent
des salaires sont loin d'être dépourvus, malgré ce qu'on
pense. Sur ces salaires que nous versons, nous payons, quand même, des
pourcentages et tous les avantages sociaux dont nous vous avons parlé
tantôt et qui sont parmi les plus dispendieux.
Quand on fait une concession sur les accidents du travail, c'est parce
que - je le répète bien - on se dit que, s'il arrive un accident
au travail, on est prêts à faire une concession. Cela ne veut pas
dire que l'on accepte le principe qu'on doit payer des avantages sociaux sur
tous les autres services; si l'employé veut se prévaloir de ces
services, le pourboire lui appartient; jusqu'à ce jour, on n'a pas
légiféré encore et on n'a aucune responsabilité
sociale quant à payer les services sociaux sur quelque chose qui ne nous
appartient en aucune manière. Je pense que c'est clair.
M. Marcoux: Je crois qu'il y a quand même une nuance. Il y
a une question que je voudrais vous poser sur ce que vous avez dit tantôt
concernant les avantages sociaux. Pour ne pas étendre la couverture des
avantages sociaux dont bénéficie l'ensemble des travailleurs du
Québec aux employés au
pourboire, pour le secteur pourboire, vous avez invoqué le fait
qu'il y a dans vos entreprises des plans d'assurance-maladie ou des plans
d'avantages sociaux auxquels les employés peuvent contribuer. Ma
question est la suivante: Quelle est la proportion de vos entreprises qui offre
ce type d'avantages sociaux dont les employés peuvent
bénéficier en y participant financièrement, en termes
d'entreprises, mais aussi en termes de quantité de population?
Je vais vous poser tout de suite une autre question, parce que je veux
être le plus bref possible pour permettre à mes collègues
d'en poser d'autres. Concernant les 3,25 $, je voudrais que vous me
précisiez vraiment l'attitude de votre association face à la
possibilité - quels avantages ou inconvénients y voyez-vous? - de
diminuer à 0,01 $ le montant à partir duquel on ferait payer la
taxe de vente sur les repas, en diminuant en conséquence
proportionnellement la taxe de vente. (15 h 45)
II y a une chose que je voudrais indiquer avant que vous
répondiez à mes deux questions; c'est qu'il y a un autre aspect
positif de votre mémoire, que j'ai oublié de relever et qui
m'apparaît très important. En plus de la possibilité de
cotiser à la CSST, c'est le fait que vous accepteriez les tâches
administratives qu'implique la retenue à la source sur les pourboires
déclarés par les travailleurs au pourboire. Je pense qu'il s'agit
d'un élément positif, quelle que soit la solution retenue pour
finalement rejoindre les objectifs dont je parlais ce matin. Je voudrais
souligner que cette ouverture que vous faites, cette acceptation de principe,
cet avis que vous avez donné, cet accord est un point positif important
dans la mise en oeuvre de n'importe quelle solution qui pourrait être
trouvée.
Le Président (M. Gagnon): M. Moreau.
M. Moreau: M. le ministre, pour répondre à votre
première question concernant les établissements qui offrent
à leurs employés un régime d'assurance collective, je dois
vous répondre qu'environ 5% des établissements de restauration au
Québec, qui sont de l'ordre de 8000 à 9000, font des profits
supérieurs à 3% à 7%; c'est la moyenne. Donc, ceux qui
sont capables de se payer le luxe d'offrir à leurs employés ce
régime d'assurance collective se situent parmi ces 5% de restaurants
capables de réaliser un profit à peu près normal dans le
contexte économique actuel. Dans ces 5%, vous pouvez peut-être
trouver une centaine d'établissements qui sont en mesure d'offrir cela;
une centaine d'établisements avec une moyenne de cinquante
employés parce que ce sont de gros établissements. Alors, cela
répond à la première question.
Maintenant quelle est notre attitude sur la taxe des repas? Depuis des
années, nous avons produit des mémoires. À deux reprises,
nous avons produit des mémoires à M. Parizeau où l'on
réclamait la taxe universelle à compter d'un sou. De plus, on ne
s'entend pas avec les employés de votre ministère concernant le
pourcentage des repas qui ne sont pas taxables. À votre
ministère, on dit qu'il faudrait penser à une taxe universelle de
7% ou 8%; d'après nos études, d'après nos
différentes expertises, on croit que la taxe sur les repas pourrait, si
elle devenait universelle, être inférieure à 7% ou 8%.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Tenant compte des
différentes hypothèses qu'on a pu examiner jusqu'à
maintenant, je ne sais pas si l'association a des chiffres qui pourraient
démontrer que le fait de mettre 15% obligatoires sur la facture - tenant
compte de l'augmentation de la partie à laquelle l'employeur doit
contribuer dans les primes, telles que le Régime de rentes,
l'assurance-maladie, l'assurance-chômage pourrait apporter une
différence entre le prix actuel du produit ou du menu. L'augmentation
que cela pourrait apporter pour en tenir compte dans le contexte actuel?
M. Moreau: C'est une question à laquelle je m'attendais.
Je vous félicite de votre clairvoyance. Prenons un petit restaurant,
à titre d'exemple, pour situer les gens - ceux qui sont forts en
mathématiques peuvent prendre des crayons - qui ferait 300 000 $ de
ventes par année. Si on figure le pourboire obligatoire à 15%, ce
qui veut dire 45 000 $ de salaires additionnels qui seraient sujets à
tous les bénéfices sociaux qui nous coûtent actuellement un
minimum de 13% - notre fondation vient d'avoir une étude, c'est
supérieur à cela; cela répond un peu à la question
du ministre du Revenu, tout à l'heure - cela coûterait à un
petit restaurant 5850 $ de bénéfices marginaux additionnels.
Conséquence d'une hausse comme cela: il faudrait que le restaurateur qui
fait 300 000 $ de chiffre d'affaires augmente ses prix d'au moins 25% pour
produire une chiffre d'affaires de 375 000 $. Quand on sait que, dans la
restauration, actuellement très bien administrée, ces 75 000 $ de
ventes additionnelles qui seraient produites par ces 25% d'augmentation des
prix du menu donneraient au restaurateur 5250 $ de profit additionnel pour
couvrir ces frais de 5850 $, si on était obligé de payer les
avantages sociaux pour les employés au pourboire, augmenter nos prix de
25% ne couvrirait même pas cette
hausse.
J'ai pu lire tous les mémoires qui sont présentés
ici; c'était mon devoir et mon rôle. Vous verrez tout à
l'heure, dans le mémoire que vous présentera une chaîne
dont on ne peut pas douter des chiffres que Me Donald a fait des recherches qui
révèlent que chaque fois qu'elle augmente ces prix de 1%, il y a
une baisse de clientèle, d'achalandage équivalente. S'il fallait
que la restauration québécoise augmente ses prix de 25%,
verriez-vous la baisse de clientèle, la différence
d'élasticité, que vous connaissez tous, parce que je sais que
vous en parlez souvent en Chambre. À ce moment-là, même si
ce restaurateur augmentait ses prix de 25%, en pensant augmenter ses ventes
à 375 D00 $, c'est faux. Les charges sociales qu'on lui créerait,
il serait obligé de les débourser de sa poche.
Déjà, dans la restauration québécoise, je
peux vous donner des chiffres. C'est une étude qui vient de sortir de
notre fondation. Elle va être publiée d'ici la fin de
l'année. Actuellement, au Québec, 5% des restaurants font un
profit net entre 3% et 7% - 30%, c'est le "break even point",
c'est-à-dire le seuil de non-rentabilité et non-perte - et 65%
font des déficits plus ou moins gros. C'est pourquoi il va se fermer
cette année au Québec au-dessus de 2000 restaurants. Si on
imposait un pourboire obligatoire, on peut évaluer le nombre de
fermetures nettement supérieur à cela. On peut multiplier par
trois, 6000 restaurants qui fermeront au Québec, avec une moyenne de 15
000 employés. Évaluez la perte d'emplois au Québec et le
nombre de chômeurs additionnels. Est-ce que cela répond à
votre question, monsieur?
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: Maintenant, une deuxième question. On a
mentionné, dans le mémoire qu'on a entendu ce matin, qu'il y
avait peut-être trop de restaurants au Québec actuellement. On
sait que c'est l'entreprise privée, on obtient un permis, on ouvre un
restaurant.
Est-ce que l'Association des restaurateurs du Québec confirme le
fait qu'il semble y avoir trop de restaurants pour le volume de ventes
possible? Si c'est le cas, cela voudrait dire des fermetures de quel ordre? Je
pense que vous avez situé tantôt une possibilité, cette
année, de 2000, ne tenant pas compte du pourboire obligatoire.
M. Moreau: C'est un fait qu'au Québec, si on regarde les
statistiques du service d'hôtellerie, on émet 14 000 permis en
saison touristique, en période de pointe, et 12 000 en temps normal. Si
on divise cela par les 6 500 000 habitants qu'on a au
Québec, cela fait à peu près un restaurant par 500
habitants, alors qu'en Ontario, c'est un restaurant par 1000 habitants. On
reconnaît qu'au Québec il y a un nombre record de restaurants per
capita.
Une chose est certaine, c'est que la concurrence est très
très forte. D'ailleurs, nous profitons de cette occasion, nous de
l'Association des restaurateurs, pour vous dire que si les employés au
pourboire ont réussi à obtenir une commission parlementaire,
nous, on demande une commission parlementaire sur l'industrie touristique au
Québec pour vous faire part de tous nos problèmes. J'en profite
pour faire cette demande officiellement d'avoir, d'ici le printemps, une
commission parlementaire, sur l'industrie touristique, qui est quand même
le premier générateur économique par ordre d'importance au
Québec. Cela permettrait à tous les intervenants, d'ici
là, d'arriver pas avec des à-peu-près, mais des chiffres
précis et on pourrait réellement donner, chacun de nous, toutes
les informations voulues pour prendre les décisions importantes qui
doivent se prendre.
Effectivement, on ne peut pas nier ce que les employés ont dit ce
matin. Il y a vraiment un trop grand nombre de restaurants. Je ne comprends pas
qu'un restaurant par 500 habitants puisse faire des profits. C'est ce qui
explique, d'ailleurs, que tant de restaurants au Québec ne fassent pas
de profits à l'heure actuelle.
M. Rocheleau: Maintenant, une autre question, M. le
Président. Tenant compte que votre association regroupe un nombre assez
important de restaurateurs ou d'entreprises du Québec, pour bâtir
vos données, vos statistiques, est-ce que vous avez assez de latitude
pour prendre connaissance des états financiers des entreprises qui vous
permettent de faire l'analyse, compte tenu des données que vous nous
apportez actuellement?
M. Moreau: Exactement. D'ailleurs, la fondation de l'Association
des restaurateurs recommandait à une firme très
réputée de faire ces analyses. Les chiffres que nous
avançons sont le résultat d'au moins un an de recherche à
ce jour, et je pense que ce nous avançons peut être
confirmé par le ministère du Revenu; si l'on regarde les rapports
des restaurateurs, vous allez voir que ce que nous avançons comme
chiffres est tout à fait véridique.
M. Rocheleau: M. le Président, est-ce qu'on pourrait
demander au ministre s'il y a une possibilité, dans l'industrie de la
restauration au Québec, d'avoir un rapport sur les états
financiers, les impôts payés ou les revenus de la restauration au
Québec? Le
ministère du Revenu a sûrement des données assez
précises sur la santé de la restauration au Québec.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: On pourrait peut-être au cours de la commission
repréciser une série de questions du type de celles que vous me
proposez. Une indication que je peux donner, c'est que l'an dernier le chiffre
d'affaires de l'ensemble de l'industrie de la restauration était de 2
654 000 000 $ d'après nos données au ministère du Revenu.
En 1982, ce chiffre augmenterait d'à peine 50 000 000 $ pour atteindre 2
706 000 000 $. Selon les données révisées - ce
n'était pas ce qu'on prévoyait il y a quelques mois - le chiffre
d'affaires augmenterait d'à peine 2%. Si je fais les calculs rapidement,
cela passerait de 2 654 000 000 $ à 2 706 000 000 $ cette année.
Évidemment, cela est le chiffre d'affaires global qui comprend les
succursales de "fast-food", tout ce qui régit les restaurants où
il y a des travailleurs au pourboire et les restaurants où il n'y a pas
de travailleurs au pourboire; c'est l'ensemble du chiffre d'affaires. Sur ce
chiffre d'affaires, on évalue que c'est environ 600 000 000 $ à
700 000 000 $ qu'il n'y a pas de pourboire versé, ce qui vous donne un
ordre de grandeur quand même. C'est évident que tous ces chiffres
peuvent être détaillés, ce qui vous donne des ordres de
grandeur de la situation.
M. Rocheleau: Dans une autre question que je pourrais poser
à M. Moreau, tenant compte...
M. Marcoux: Par rapport à la question que vous avez
posée à M. Moreau, sur l'état de la dispersion, vu la
très grande quantité d'entreprises dans le secteur, c'est
évident que le chiffre d'affaires est très
disséminé. La marge bénéficiaire de ces entreprises
est beaucoup plus limitée que dans des entreprises beaucoup plus
concentrées, c'est évident.
M. Rocheleau: M. le Président, je m'adresse à M.
Moreau. Si l'on tient compte du facteur inflationniste au cours des trois
dernières années, on a connu des augmentations de 10% à
12%. Tenant compte de l'augmentation des menus aussi - il est bien
évident que les prix des menus augmentent - est-ce que le chiffre
d'affaires de la restauration s'est maintenu au niveau de l'inflation ou est-ce
qu'il a connu une diminution proportionnellement au prix de vente des produits?
(16 heures)
M. Moreau: En dollars réels, tenant compte de l'inflation,
comme vous le dites, nous avons une baisse d'au moins 10% dans la restauration
et même dans le domaine du "fast-food". Alors qu'actuellement aux
États-Unis où, dans les petites récessions, l'industrie du
"fast-food" était favorisée à cause de ses bas prix,
même le "fast-food" actuellement en prend pour son rhume. C'est une
situation qui est quand même tragique. Il y a une baisse dans la
restauration. Malheureusement, je n'ai pas avec moi les tableaux; je pourrai
vous les faire parvenir à la commission tout à l'heure. On a cela
dans notre dernier mémoire et on pourra vous faire parvenir, justement,
ces chiffres comparatifs des dernières années.
Assurément, depuis deux ans, il y a une baisse du volume
d'affaires dans la restauration au Québec.
M. Rocheleau: Cela veut dire, M. le Président...
M. Marcoux: Pour 1980, c'était 2 477 000 000 $. Alors, 2
477 000 000 $, 2 654 000 000 $ et 2 700 000 000 $, ce qui indique que, de 1980
à 1981, il n'y a pas eu d'augmentation de 10%. Si on évalue que
l'inflation était peut-être à 11% ou 12%, il y a eu une
augmentation du chiffre d'affaires moindre que l'inflation. Cette année,
on prévoit que l'augmentation est marginale, 50 000 000 $ sur 2 650 000
000 $.
M. Rocheleau: Alors, en d'autres mots, M. le Président,
cela veut dire que, si l'industrie de la restauration est très
affectée, les employés qui travaillent dans la restauration - les
serveurs et les serveuses -n'ont pas connu des augmentations tenant compte de
l'inflation au cours des dernières années. Si on tient compte
proportionnellement du nombre d'employés dans le domaine de la
restauration, un employé qui gagnait hypothétiquement 10 000 $ il
y a trois ans ne gagne pas tellement plus que 10 000 $ aujourd'hui, tenant
compte de l'inflation.
M. Moreau: Certainement, si vous regardez la question de cette
façon-là. Étant donné qu'il y a eu,
particulièrement cette année, une baisse réelle des
ventes, forcément, il y a une légère baisse pour ces
employés.
Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je pense que mon
collègue d'en face a souligné que ma présence se
justifiait et s'expliquait très bien. Je ne reprendrai pas cette
intervention qui a été faite à ma place, c'est très
bien.
J'aimerais, cependant, soulever une question ou deux auprès de
l'association.
J'aimerais revenir sur votre objection très dure et très
fondamentale - pour vous, il n'en est absolument pas question - à ce
pourboire obligatoire. Vous dites: Péril pour la restauration
québécoise; et je pense que, dans l'ensemble de votre
mémoire, cela revient assez régulièrement. Maintenant,
j'aimerais qu'on regarde cela un peu. Vous-même, tout à l'heure,
mentionniez que vous évaluez environ à 40 000 les personnes qui
reçoivent actuellement des pourboires. Nous, d'autre part, on a aussi
des petits problèmes d'évaluation; je pense que le ministre du
Revenu en a fait part tout à l'heure. Mais déjà,
cependant, on "impose" ces gens-là en disant: Ils reçoivent
à peu près 10% de pourboires et - le gouvernement
fédéral en fait autant - on va rechercher les ressources fiscales
à partir d'une déclaration de 10%. J'aimerais cela que vous
m'expliquiez pourquoi ce péril venant de la différence, par
exemple, entre 10% et 12%. On reconnaît déjà qu'il existe
un pourboire qui est réellement payé; en tout cas, le Revenu le
reconnaît et vous le reconnaissez vous-même dans votre
intervention. À ce moment-là, j'ai un peu de difficulté
à évaluer où est le péril pour le client qui vient
et qui le paie déjà.
Je comprends les chiffres dont vous avez fait état et je pense
que la discussion soulevée par mon collègue, le
député de Hull, est extrêmement intéressante. Je
pense que lui-même soulevait la question: Est-ce qu'il n'y a pas d'autres
types de problèmes qui existent et qui sont dus au nombre trop grand
d'établissements dans le secteur? Donc, une épuration, à
la limite, ne serait pas malsaine pour l'entreprise ou pour l'industrie
touristique. Au contraire, si je comprends vos propos, cela serait même
très sain.
M. Moreau: Je pense que le gouvernement québécois,
peu importent ses allégeances politiques, a toujours eu comme objectif
de protéger la petite et moyenne entreprise, qui constitue quand
même le plus grand employeur au Québec. Supposez demain que, par
un décret ou par une loi quelconque, vous déclariez le pourboire
obligatoire, à ce moment-là, est-ce que les grandes chaînes
multinationales seront exemptées de ce pourboire? Je ne pense pas que
vous puissiez le faire, du jour au lendemain, alors que ça n'existe
nulle part dans le monde. Me Donald a des restaurants partout dans le monde et
je ne pense pas qu'il y ait un gouvernement, à ce jour, qui leur ait
imposé un pourboire obligatoire. Donc, le petit casse-croûte du
coin de la rue, qui vend lui aussi des hot dogs et des hamburgers, vous allez y
manger et ça vous coûte tout de suite 15% de plus et, comme le
pourboire est obligatoire, l'industrie de la restauration est obligée de
payer les frais marginaux. Cela nous coûterait, à 10%, 50% de
frais additionnels, de frais marginaux; à 15%, au-delà de 70%, et
j'ai expliqué tout à l'heure très clairement que ça
nous obligerait à augmenter nos prix de 25%. En plus!
Je pense que, le gouvernement du Québec a quand même une
responsabilité sociale envers le consommateur québécois
qui doit s'alimenter en dehors du foyer. On parlait, dans notre mémoire,
de ne pas taxer le panier d'épicerie, mais quand on dit que 30% du
budget alimentaire des Canadiens et des Québécois sont pris en
dehors du foyer, il ne faut pas oublier cet aspect très social.
Mme Marois: J'aimerais faire juste un commentaire sur votre
intervention. Comme gouvernement, je pense qu'on s'est fait le défenseur
de la petite et de la moyenne entreprise, mais aussi de l'équité
à l'endroit des travailleurs et les travailleuses. Je pense qu'on a
à reconnaître l'ensemble des groupes de notre
société, à faire en sorte que ces groupes y trouvent leur
place; que vous y trouviez votre place comme entrepreneur, mais aussi que les
personnes qui travaillent dans vos entreprises soient traitées
équitablement. Comme gouvernement, on a aussi ça comme
responsabilité.
D'autre part, dans votre intervention, vous semblez dire: Le pourboire -
et vous partez de là, évidemment, comme c'est aussi dans le livre
vert, quand même, très succinctement placé comme
proposition - de 15% est rendu obligatoire pour toutes les entreprises de la
restauration. Or, j'ai regardé un peu la loi américaine dont on a
fait état ce matin. Il est possible - ça existe, d'ailleurs, dans
certaines catégories d'établissements - de faire en sorte que
certains établissements aient un pourboire obligatoire, le service
compris dans la note, et, dans d'autres, qu'il n'y en ait pas compte tenu
qu'ils offrent, soit un service rapide ou un service de cafétéria
où, de toute façon, les gens se servent eux-mêmes.
M. Moreau: Je comprends très mal qu'on pense importer
d'Europe une formule qui n'est appliquée nulle part en Amérique
du Nord. Vous savez qu'en Europe il y a de vieux systèmes et ils ne sont
pas tous bons. Les travailleurs québécois, si une telle mesure
nous obligeait par la force des choses à mettre 50 000 ou 60 000
employés de l'industrie de la restauration sur le marché du
travail, seraient pas mal plus heureux de conserver leur emploi dans le
contexte actuel.
Je puis vous dire une chose, madame, c'est qu'on oublie trop souvent le
consommateur dans ça. La Fédération canadienne de
l'entreprise indépendante a fait, l'an dernier, une enquête
auprès de 64 000 membres, dont 12 000 au Québec. On demandait
d'une façon bien claire et bien précise dans le bulletin-mandat
si on était
pour ou contre le pourboire. Là, ce n'est pas moi qui parle,
c'est le consommateur canadien. 84% étaient contre l'imposition d'un
pourboire obligatoire. Je pense honnêtement que les employés au
pourboire -40 000, 50 000 ou 60 000 employés au pourboire - pour
régler un problème, n'ont pas le droit d'imposer aux citoyens une
chose qui est fondamentalement un geste libre de donner ce qu'ils veulent.
N'oubliez pas une chose: les employés au pourboire ne sont pas
aussi dépourvus que ça dans la société. Ecoutez une
minute. Il reste quand même un fait, c'est qu'il faut penser à ce
qui se donne en salaires en Amérique du Nord. Chez nos voisins de
l'Ontario, l'employé au pourboire a 3 $ l'heure. Ici, au Québec,
il a quand même 3,28 $ l'heure. Dans les États américains,
qui sont nos voisins également, qui sont nos concurrents touristiques,
le Maine, le New Hampshire et le Vermont, le salaire minimum est de 3,35 $
l'heure et la différence va jusqu'à 50%, c'est-à-dire que
ces employés au pourboire gagnent 1,67 $. Il faut quand même
être conscients de ces réalités économiques
Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre.
Mme Marois: Si l'on parle aussi de réalités
économiques, il faut être conscient que ces travailleurs et
travailleuses oeuvrent dans une société québécoise
où le salaire minimum est fixé, par exemple, à 4 $. Il
faut aussi remettre cela dans le contexte. Pour moi, il m'apparaît
important de le resouligner.
Une dernière chose. Puisque vous l'avez abordé - je
n'avais pas l'intention de le resoulever - vous mentionnez et vous venez de le
faire: N'importons pas de systèmes de ces pays où cela ne va
peut-être pas si bien que cela. On dit, dans votre mémoire,
textuellement: "Les employés ne sont plus empressés, efficaces,
courtois et la chaleur du service qui va de pair avec un bon repas n'existe
plus." Est-ce que vous avez des statistiques à cet effet ou des
analyses, des études qui viennent appuyer cette affirmation que vous
faites dans votre mémoire, évaluant donc ce qui se passe dans
d'autres milieux et même dans d'autres continents?
M. Moreau: Écoutez, c'est connu de tout le monde, ce que
vous posez comme question. Demandez-le aux gens qui vous entourent; ce n'est
pas moi qui l'ai inventé.
Mme Marois: Je ne vous agresse pas, monsieur, je vous pose
simplement la question.
M. Moreau: Non, mais, d'une façon ou d'une autre, les gens
qui ont le moindrement voyagé, les gens de l'industrie touristique, les
spécialistes de l'industrie touristique, les grossistes en voyages, les
détaillants en voyages, les gens qui nous entourent, pour être
allés en Europe, pour être allés dans des destinations
comme les îles où le pourboire est rendu obligatoire pour toute la
durée du séjour ont pu constater que l'empressement et toute la
courtoisie qu'on retrouve actuellement chez nos employés au pourboire au
Québec ne se retrouvent pas dans ces endroits. Ce n'est pas moi qui ai
inventé cela. Je pense qu'on pourrait faire une enquête publique.
Ce que nous avançons s'est dit sur les lignes ouvertes, cela s'est dit
de bien des façons.
Mme Marois: Enfin, c'est donc une observation
générale à partir de "feedback" que vous avez d'un certain
nombre de personnes et d'organismes qui vous fait affirmer cela, mais il n'y a
pas de relevé systématique. D'accord.
M. Moreau: Non. Tous les gens qui voyagent en Europe nous disent
que, pour avoir un service qui a du bon sens, il faut donner un autre pourboire
en sus du service obligatoire.
Mme Marois: Je ne vous raconterai pas mes expériences
personnelles. Cela va, merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je m'excuse. Tout
à l'heure, j'étais un peu loin du microphone, il y en a qui ne
m'ont pas compris; je demanderais aux gens de l'assistance de ne pas
manifester, s'il vous plaît!
M. le député de Viger.
M. Maciocia: Ce que vous venez d'affirmer, M. Moreau, est vrai
parce que, moi aussi, j'ai l'occasion assez souvent, probablement à
cause de mon agence de voyages, de voyager un peu partout en Europe et il vrai
que, pour avoir un service de meilleure qualité, même si le
pourboire est déjà inclus dans la facture, il faut donner un
autre pourboire après qu'on a été servi.
Actuellement, je me demande si le gouvernement ou même
l'association a fait des analyses. Je comprends Mme la ministre qui disait
tantôt vouloir protéger les travailleurs et travailleuses au
pourboire; je suis pleinement d'accord sur cet aspect. Est-ce qu'on a fait une
analyse pour savoir combien de ces personnes seront mises à pied
à cause justement de l'augmentation qui serait automatique sur la
facture du consommateur, avec le pourboire obligatoire? J'ai une
deuxième question; je ne sais pas qui peut me répondre. Je crois
qu'actuellement personne ne se préoccupe, même au gouvernement, de
l'industrie
touristique ici, au Québec. On sait - je ne sais pas si mes
chiffres sont vrais ou faux -qu'en 1981 on a reçu au Québec 3 200
000 visiteurs américains, tandis qu'en Ontario on a reçu 27 000
000 de touristes américains. On ne peut pas le savoir; c'est une autre
chose que je voulais demander au ministre du Revenu ou au ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme - puisqu'on n'a pas de données
à l'intérieur de ce ministère pour se baser vraiment sur
des chiffres réels. Je vous pose la question: Est-ce que vraiment on a
l'intention de promouvoir l'industrie touristique au Québec. (16 h
15)
Depuis seulement 15 ou 16 mois que je suis ici, à
l'Assemblée nationale par toutes les lois ou projets de loi qui ont
été présentés par le gouvernement, comme la surtaxe
sur l'essence> par la documentation dans les différents kiosques
d'information, et maintenant avec la possibilité du pourboire
obligatoire, on a l'impression que le gouvernement s'obstine à vouloir
tuer l'industrie touristique au Québec. Il faudrait que j'aie des
données plus précises dans la restauration, et pas seulement dans
la restauration. Je crois que, dans les six premiers mois, 400 restaurants ont
été fermés à cause d'un manque de clientèle,
d'un manque de touristes en réalité. Aussi, le nombre de
nuitées de chambres dans l'hôtellerie, a baissé de
quasiment 7% ou 8% en comparaison avec l'année dernière. Je me
demande si vraiment le gouvernement veut faire quelque chose pour relancer
l'industrie touristique. Je ne crois pas qu'en allant dans le sens du pourboire
obligatoire cela puisse aider cette industrie que je considère - le
ministre est aussi au courant de cela -comme une des plus rentables pour
n'importe quel pays au monde. Il y a des pays en Europe - je souligne le cas de
l'Italie ou d'autres pays comme la Suisse, la France, l'Espagne, le Portugal -
qui vivent uniquement de l'industrie touristique. Je ne sais pas s'il y a des
réponses à ces questions très inquiétantes
concernant le domaine touristique ici, au Québec. Ce sont des questions
qu'il faut se poser.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: Je ne sais pas si vous préférez que je
donne certaines indications le plus rapidement possible, parce que je crois
qu'on est d'abord là pour permettre à nos invités de
s'exprimer.
M. Moreau, tantôt, semblait nous reprocher - ce n'est pas tout
à fait cela, mais en tout cas - de tenir une commission parlementaire
sur le problème des travailleurs et travailleuses au pourboire. Quant
à notre préoccupation concernant le tourisme je peux dire qu'il y
a déjà eu, il y a quatre ans, un sommet - je pense que comme
importance, c'est tout aussi important, pour employer un euphémisme -sur
le tourisme qui regroupait l'ensemble des intervenants (travailleurs,
industriels, entrepreneurs, gouvernements) de tous les milieux impliqués
dans le développement touristique. C'est dire que notre
préoccupation en ce qui a trait au développement du tourisme
n'est pas d'aujourd'hui.
Quant à la question précise que le député de
Viger posait, les chiffres varient selon les ministères. Il n'y a
personne qui conteste maintenant qu'on a un déficit commercial, une
balance déficitaire importante quant au tourisme au Québec qui
était, peut-être, de l'ordre de 5 000 000 $ ou 6 000 000 $ il y a
quatre ou cinq ans, qui est probablement de l'ordre maintenant de quelques
centaines de millions, probablement autour du demi-milliard. Lorsque l'on
regarde l'historique de cette baisse, le point tournant a été la
crise de l'énergie à partir de 1973-1974 et l'augmentation des
coûts de l'énergie pas seulement pour les Québécois,
mais pour l'ensemble des Nord-Américains. Cela a eu pour effet de
diminuer considérablement le nombre de visiteurs au Québec, les
utilisateurs d'automobiles en particulier. Il faut dire aussi que la hausse des
coûts de l'énergie a eu des influences sur les autres modes de
transport. Cela ne veut pas dire que c'est la seule cause - loin de moi
l'idée de prétendre que c'est la seule cause - mais vraiment cela
a été un point tournant. Évidemment, les autres facteurs,
comme la hausse de taxe de 20% à 40%, ce n'est certainement pas pour
aider, mais elle s'applique depuis novembre dernier; elle ne s'applique pas
depuis cinq, six ans ou sept ans, alors qu'on note la différence.
Concernant ces données, on pourra y revenir de façon
générale tantôt - vous pouvez être certain que ce
sont des données dont il faut tenir compte dans l'analyse d'une solution
possible.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Merci, M. le Président. Seulement 30 secondes.
Les chiffres sur le tourisme qui importent plus ou moins pour la commission
qu'on fait, 3 600 000 $ et 27 000 000 $, je me souviens de les avoir vus il y a
quelque temps aussi, mais cela correspondait aux visiteurs de moins de 24
heures. Étant donné qu'à Windsor, Niagara et proche de
l'Ontario, il y a des visiteurs de moins de 24 heures qui se promènent,
c'est comme si on comptait les visiteurs de Hull ou d'Ottawa qui traversent la
rivière comme des visiteurs. Lorsqu'on tient compte des visiteurs
séjournant plus de trois jours,
on est presque égal, il n'y a pas de problème. C'est
seulement une petite remarque en passant. Pardon!
M. Rocheleau: Ils traversent beaucoup moins.
M. Blais: Oui, d'accord, mais, sans vouloir faire une
argumentation, ce sont les chiffres pour un séjour de moins de 24 heures
et cela n'est pas bon comme analyse.
M. Maciocia: On va revenir sur cela tantôt.
M. Blais: Je ne voudrais pas faire une polémique
là-dessus, si cela ne vous fait rien.
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le
député de Terrebonne.
M. Blais: J'ai déjà rencontré ces gens,
j'avais vu le rapport et je leur ai dit que je le trouvais moins conservateur
que prévu; je le trouve excessivement conservateur quand même,
mais moins que prévu. Je tiens à souligner une chose: Je suis
heureux que vous constatiez que, à cause de l'inflation, à cause
de beaucoup de choses, à cause de la différence qu'il y a entre
les employés à 3,28 $ et ceux à 4 $, les gens, vos
employés dans la restauration, n'ont peut-être pas le salaire
qu'ils devraient avoir. Je vous félicite de l'avoir reconnu. Je ne peux
pas, non plus, mettre en doute vos chiffres. Vous dites que 5% des restaurants
font un profit de 3% à 7%, que 65% sont plus ou moins en déficit
et qu'il y aurait une fermeture d'au moins 2000. Cela veut donc dire par
déduction -vous ne l'avez pas dit - que 30% font entre 0% et 3% de
profits. S'il y a seulement 5% des restaurants qui font plus de 3% de profits,
vous êtes probablement l'association bénévole la plus large
que le Québec ait connue. Je vous félicite de nourrir le
Québec à si peu de frais.
Cependant, quoi qu'on dise et quoi qu'on pense, fondé ou pas, on
serait porté à mettre en doute certains chiffres qui sont
énoncés. Vous avez une association de plus de 2000 membres et
vous nous dites dans votre mémoire que vous auriez une perte qui ne
compenserait pas la perte en taxes qu'encourrait le gouvernement si on incluait
directement le pourboire. Je suis persuadé que cela se base sur une
étude. Si c'était possible de l'avoir, j'aimerais beaucoup que
vous nous la transmettiez parce qu'il est dit à la page 4 - et je peux
vous rappeler le texte si vous le désirez: - "Cette perte de
clientèle locale et étrangère forcerait les
établissements à réduire leur personnel non assujetti aux
pourboires", etc., et le drame s'ensuivrait, amen. Je doute beaucoup de cet
énoncé et je suis persuadé à cause de la force de
votre association que ce n'est pas lâché comme cela: vous avez
certainement une étude aussi poussée pour prouver cela que celle
que vous avez faite pour pousser le gouvernement à mieux comprendre
votre position de travailleur autonome.
Vous nous donnez aussi un autre chiffre que je ne peux pas me permettre
de remettre en doute, mais cela ne clique pas à mon oreille. Vous dites
qu'un petit restaurant qui vend 300 000 $ par année, si jamais vous vous
sentiez obligés de mettre 15% de pourboire - quand vous dites 15% de
pourboire, vous présumez le maximum; cela peut être un autre
chiffre qui soit décidé, si jamais décision il y a sur ce
sujet - devrait augmenter ses prix de 25%. Je présume que cela inclut
les 15%. C'est donc dire que vous augmenteriez vos prix de 10% pour payer 5250
$ de frais supplémentaires pour que vos employés aient les
services sociaux généraux que les Québécois ont
dans tous les autres domaines. Cela ferait 5200 $ sur 300 000 $ que vous faites
actuellement qui seraient poussés, en mettant 15%, à 345 000 $.
Augmenter de 10% un chiffre d'affaires qui, à ce moment, fait 345 000 $
pour des dépenses supplémentaires déductibles directes
d'impôts de 5250 $; j'ai un peu de difficulté à le
comprendre. Vu qu'on est dans la restauration, je suis peut-être dans les
légumes ou dans les patates, mais j'ai de la misère à le
croire. J'ai plutôt l'impression que, fondé ou pas, et je
répète bien: fondé ou pas...
Vous dites à la page 10: "Le ministère du Revenu pourrait
établir un barème comparatif, enquêter et pénaliser
les contribuables fautifs - ceux qui ne déclareraient pas leurs
pourboires - de la même façon qu'il le fait pour l'ensemble." J'ai
l'impression que c'est l'ensemble des contribuables que vous voulez dire. Il
vole dans l'air un canard assez évident dans le domaine de la
restauration que, si les employés au pourboire n'ont pas
été de bons citoyens en ne déclarant pas tous leurs
revenus en pourboires - et cela, tout le monde le reconnaît et on le voit
par le rapport, s'il y en a 14 000 sur 40 000 ou 50 000 qui déclarent un
pourboire que tout le monde dit inférieur à celui
réellement reçu - si le pourboire était inclus dans la
facture obligatoirement, ne fût-ce que 10% ou même 1%, le principe
lui-même étant accepté - je ne dis pas que c'est le cas -
le chiffre réel d'affaires de la restauration paraîtrait. Vous
n'avez pas le droit d'applaudir. Sur ce sujet, je ne dis pas que je pense que
les restaurateurs ne déclarent pas tout leur chiffre d'affaires. On me
dit que cela se passait il y a une quinzaine d'années, que cela ne se
fait plus aujourd'hui. J'aimerais avoir une explication. C'est ma
première question, s'il vous plaît!
M. Moreau: M. Blais, votre question est très pertinente.
Est-ce que je peux vous en poser une à mon tour?
M. Blais: Si vous voulez, oui.
M. Moreau: La dernière fois où l'on s'est
rencontré, vous n'aviez pas lu le livre vert. Est-ce que vous l'avez lu
depuis?
M. Blais: Je l'ai vu quand même. J'ai dit que je ne l'avais
pas lu, parce qu'il n'y aucune des solutions qui étaient dedans qui
m'intéressaient.
M. Moreau: Je vous ai entendu dire tantôt que vous ne
l'aviez pas encore lu; il serait peut-être temps que vous le lisiez.
D'autre part, je dois vous dire qu'on n'est pas allé à la
même école, vous et moi, parce que les chiffres que j'avance, je
peux les prouver. Vous avez déformé complètement le
raisonnement et les chiffres que j'ai donnés. Si vous voulez prendre un
bout de crayon et du papier, je vais vous expliquer exactement le raisonnement.
Vous mêlez deux choses, vous mêlez des pommes et des bananes et
vous essayez de compter le nombre de pommes...
M. Blais: Ne vous fâchez pas, on va faire une belle salade
ensemble.
Le Président (M. Gagnon): Excusez. Jusqu'à
maintenant, la commission va très bien; on n'ira pas sur ce ton.
D'abord, M. Blais, c'est le député de Terrebonne. Vous pouvez
répondre à ses questions ou même refuser d'y
répondre. Le député de Terrebonne vous a posé des
questions; il ne faudrait pas commencer ce genre de dialogue qui serait
possible pour les membres de notre commission.
M. Moreau: Je vous remercie de votre intervention. J'enverrai au
ministre du Revenu et à ses employés, à ses
collègues, les calculs que nous avons faits. On va se faire un plaisir
de les envoyer. D'ailleurs, le ministère du Revenu sait à quel
point nous sommes ouverts pour travailler avec lui et collaborer avec lui. On
l'assure encore de notre position. Maintenant, M. Blais, vous avez
laissé entendre qu'on ne déclarait pas tous nos revenus ou toutes
nos ventes. Je peux vous dire une chose, on l'a dit au ministère du
Revenu et je le dis officiellement ici: Nous, les restaurateurs sérieux,
les professionnels, ceux qu'on représente, nous, ce sont en
majorité des professionnels de la restauration. On en profite pour le
dire ici et on l'a demandé au ministère du Revenu
dernièrement: On veut limiter l'émission des permis de
restauration, parce qu'il y en a trop. Justement, pour vous assurer que le
ministère du Revenu obtienne des restaurateurs du Québec toutes
les taxes sur les repas qui lui sont dues, on demande pour ces nouveaux
restaurateurs, même pour nous, un "bound". Notre association a
négocié avec des compagnies pour "bounder" nos membres en ce qui
concerne la remise de taxe de repas sur les restaurants. On est prêt
à travailler en tout temps avec le ministère du Revenu pour lui
donner toutes les possibilités d'agir. S'il y a des restaurateurs qui ne
déclarent pas toutes leurs ventes, on est là pour l'aider; on lui
a fait des suggestions et on en a même pointé. On lui a même
dit comment attraper ceux qui sont malhonnêtes, s'il y en a. Notre
collaboration est toute là. Je pense qu'il ne faudrait pas taxer, pour
quelques mauvais restaurateurs, l'ensemble de la restauration professionelle
québécoise.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Cela répond à ma première
question. Mais sachez que ce n'était pas une accusation, j'ai dit: On
dit, il y a canard qui vole qui dit que... Je vous demandais une explication
et, de la manière dont vous avez réagi, j'ai pensé que
c'était vrai.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Terrebonne.
M. Moreau: Je réponds à M. Blais.
Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez continuer
de poser des questions?
M. Blais: Avec plaisir, M. le Président.
M. Moreau: M. Blais, permettez-vous que je vous réponde?
Non seulement nous demandons un cautionnement obligatoire, mais, si c'est
possible, on réclame et on exige que le gouvernement prenne des mesures
immédiates pour y arriver. S'il y a des évasions de taxe sur les
repas, on est là pour collaborer à 100% avec vous, le
gouvernement du Québec.
M. Blais: Je vous remercie de la réponse. C'est cette
réponse que j'attendais. Je suis dans la restauration
moi-même.
M. Bissonnet: On va aller vérifier.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À
l'ordre!
M. Blais: Pardon? Non, ce n'était pas une attaque,
c'était une question. Le mémoire qui a
précédé le vôtre, d'ailleurs, le premier qui a
été lu disait cette chose. On n'en avait pas parlé et je
croyais que c'était à l'Association des restaurateurs que je
devais poser de façon directe la question. La
réponse est venue aussi directement que la question et je vous en
remercie. En sous-question, si dans la part de pourboire qui serait incluse
dans une facture, les employés avaient à payer la totalité
de la responsabilité sociale sur cette partie, serait-il envisageable,
comme situation médiane, de l'inclure sur la feuille de paie à ce
moment-là? (16 h 30)
Le Président (M. Gagnon): M. Moreau.
M. Moreau: C'est une question embêtante. C'est une question
qui mérite réflexion à ce stade-ci, M. Blais. Mais une
chose est certaine: je pense qu'il y a d'autres solutions qu'on a
envisagées. On a proposé que le gouvernement établisse des
tables et on serait prêt, à ce moment, à faire des
déductions suivant les tables qui ont été faites de
façon logique. Je pense que ce n'est pas à nous, les
restaurateurs du Québec, de jouer le rôle de policiers et
d'établir quelle est la répartition des pourboires au sein de nos
employés. Ce matin, on soulevait différentes choses qui se
produisent en Europe. Il a l'air très beau, ce système de points,
etc., mais les employés au pourboire devraient s'informer davantage et
voir que, parfois, les plus travaillants, les plus jeunes, travaillent
doublement fort pour celui qui est dans son coin et qui a deux tables, parce
que lui a pris une semi-retraite et ce sont les autres qui travaillent pour
lui. Ce n'est pas aussi rose qu'on le pense en Europe.
Écoutez, je pense qu'avant qu'on prenne des décisions sur
cela il faudra se rasseoir à la table et étudier toutes les
implications. Nous, nous sommes prêts non seulement à nous asseoir
à nouveau avec le gouvernement, mais aussi à nous asseoir avec
les employés au pourboire pour essayer de trouver une solution. Une
chose est cependant certaine: vous ne nous transmettrez pas, vous du
gouvernement, le rôle de faire le travail du ministère du Revenu.
Je pense qu'aucune industrie ou entreprise libre n'a un tel devoir. On a des
devoirs sociaux, je suis d'accord, mais nous aussi, on paie nos taxes et nos
impôts et je pense que nous faire faire le travail de l'État,
c'est beaucoup demander.
Surtout avec le nombre d'employés qu'il y a au gouvernement, il y
a moyen d'établir des systèmes. Un qu'on retient et qu'on vous
propose, c'est un peu ce qui a été décrété
aux États-Unis dernièrement, que le gouvernement, entre autres,
puisse décréter un montant logique de 7% ou 8% des ventes de
chaque employé. À ce moment, nécessairement, vous n'irez
peut-être pas chercher le chiffre idéal de 15%, chose que vous ne
serez jamais capables d'aller chercher d'une façon ou de l'autre, avec
les meilleurs systèmes. Mais si vous preniez un chiffre logique et
considériez d'imposer l'employé au pourboire à 7% et 8% de
ses ventes, tenant compte que cet employé a quand même des frais
inhérents à sa fonction, je pense que ce serait une mesure
équitable pour tout le monde.
M. Blais: En tout cas, j'espère que vous n'avez pas
trouvé mes questions trop vexatoires. Ce n'était pas mon but; je
voulais les faire directes pour vider la question. Vous avez très bien
répondu et je vous en remercie.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: J'ai deux questions, M. le Président. Je suis
toujours content d'avoir la parole après le député de
Terrebonne parce qu'au moins, je peux m'excuser auprès de nos
intervenants de temps en temps pour son comportement, que je ne
considère pas parlementaire, car, vraiment, je crois qu'on n'est pas ici
pour faire le procès des intervenants. On est ici pour écouter
tout le monde et je pense vraiment à la manière dont il a
traité notre intervenant.
M. Blais: M. le Président...
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Je m'excuse, le temps passe très rapidement. Veuillez en
venir aux questions que vous désirez poser aux intervenants, s'il vous
plaît!
M. Polak: Ayant fait cette remarque préliminaire, M. le
Président, j'ai seulement deux questions à poser à M.
Moreau. M. Moreau, à part le fait que le ministère du Revenu
cherche des revenus ou à récupérer les sommes qu'il aurait
dû percevoir, avez-vous l'impression, comme membre de l'Association des
restaurateurs du Québec, qu'il y a un énorme mouvement de tous
ces employés pour avoir un changement? Est-ce qu'il y a des
problèmes parmi les employés partout dans le secteur, pour qu'ils
réclament que cela change tout de suite, qu'il faut que les
restaurateurs leur paient des avantages sociaux, etc., ou n'est-ce pas
plutôt un petit groupe? Je me demande sérieusement quel est le
pourcentage de tous ces travailleurs du Québec qui sont syndiqués
ou appartiennent à des mouvements qui ont, évidemment, un
intérêt tout à fait légitime à faire le
point, même de façon un peu partisans.
M. Moreau: II est certain, comme je le lisais dans un rapport du
syndicat des restaurants Marie-Antoinette, qu'obtenir pour ce syndicat 15% de
pourboire obligatoire, cela leur donne un produit beaucoup plus vendable. C'est
officiel. D'autre part, nous
n'avons aucun indice qui nous permette de penser que c'est la
majorité des employés au pourboire qui veut le pourboire
obligatoire. Même pour badiner, en haut, au Parlementaire, on demandait
à quelques-unes des employées: Êtes-vous pour le pourboire
obligatoire? Elles nous ont dit non. Je peux vous dire une chose: Dans nos
établissements, dans les bons établissements de la province de
Québec, je serais curieux qu'on fasse un référendum. Si
l'on obtenait 80% des votes pour le pourboire obligatoire, cela serait à
notre plus grande surprise et tous mes confrères peuvent vous dire la
même chose.
On a fait des sondages auprès de nos membres et ce n'est pas un
besoin qui se décèle de façon bien marquée. C'est
certain que les employés qui ont été attrapés par
le fisc sont dans le désarroi. Je ne les blâme pas de demander le
pourboire obligatoire, parce que c'est leur planche de salut, d'une
façon de demander une telle chose. Mais c'est la planche de salut de ces
gens, cela va tuer l'industrie et ils ne seront pas plus avancés.
Pour répondre à une question qu'on posait tout à
l'heure un peu à tout le monde, je dis que le minimum qu'un pourboire
obligatoire causerait en pertes d'emplois au Québec, c'est 40 000
employés en général, au moins 40 000 employés.
Une voix: Comment faites-vous la moyenne?
M. Moreau: 3000 restaurants à 15 employés.
M. Polak: Votre réponse confirme un peu une impression
personnelle, parce que je parle comme consommateur. Je fréquente, tout
de même, plusieurs restaurants dans les régions de Montréal
et de Québec. Depuis qu'on a su que cette commission serait
convoquée, j'ai parlé avec les gens et je n'en ai pas encore
trouvé un, dans tous ces restaurants, qui a dit pourquoi c'était
nécessaire. Apparemment, il ne semble pas exister de problème
chez ces employés.
J'ai une deuxième et dernière question. Vu que vous
expliquez qu'il s'agit vraiment dans la restauration d'une opération
qu'on peut appeler marginale au mieux, si j'ai bien compris la conclusion de
votre intervention, si le gouvernement commence à jouer en profondeur
dans le système, cela va bouleverser tout le système et on va
prendre le risque énorme d'avoir des problèmes que personne ne
veut avoir. Demain, une commission commence sur SIDBEC, tout le monde doit
être au courant. Il y a aussi Québecair. Demain, on aura une
grève presque totale de la fonction publique et on ne veut pas avoir
d'autres problèmes dans la restauration. Ai-je bien compris?
M. Moreau: C'est un fait que cela bouleversait tout
l'équilibre déjà établi dans la restauration au
Québec et en Amérique du Nord. Admettons une chose - et je le dis
à tous les membres du gouvernement - si l'on imposait le pourboire
obligatoire demain matin, ces 15% que nous, comme employeurs, serions
obligés de contrôler, pourquoi le plongeur, pourquoi les
cuisiniers, pourquoi tous ne les partageraient-ils pas, comme c'est le cas en
Europe? C'est cela qu'on oublie de vous dire aussi. Ils veulent 15%, mais ils
les veulent à eux tout seuls et cela est bien dangereux. Comme je
l'expliquais ce matin, il y a une chose qu'il ne faut pas oublier: dans la
restauration, il n'y a pas de robotique, il n'y a pas d'informatique pour
servir les clients et notre main-d'oeuvre n'a pas augmenté sa
productivité. On a bien découvert quelques petits moyens, comme
les commis-débarrasseurs. Comme on l'expliquait ce matin, un
commis-débarrasseur, si vous lui donnez 10% de vos pourboires, vous
pouvez servir 15 et 20 clients de plus. C'est à l'avantage du serveur ou
de la serveuse, c'est prouvé hors de tout doute. Tous les
employés de la restauration, chez moi et chez mes confrères,
quand on veut leur enlever les "bus boys", ils veulent nous tuer. Dans les
restaurants bien organisés, cela marche selon un bon système. Je
ne vous dis pas que c'est nécessaire partout, des
commis-débarrasseurs mais, à certains endroits, je suis d'accord.
Si mademoiselle me disait ce matin qu'elle obligée de payer 2 $ pour le
balayeur, qu'elle fasse des plaintes à la Commission des normes du
travail. C'est certain qu'il y a des abus dans notre domaine, mais on ne peut
pas tout contrôler, nous, c'est comme le gouvernement. S'il y a des abus,
rapportez-les. On ne demande pas mieux, si les employés au pourboire ou
les employés de notre industrie constatent des abus, qu'ils les
rapportent. Ils peuvent les rapporter à notre association, elle a un
code d'éthique. Nos membres qui violeront les normes permises dans notre
industrie, on va les bannir et on va les dénoncer, nous aussi.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Juste pour me situer, M. Moreau, je suis de ce
côté, mais je ne suis pas avec eux; cela vous place un peu. C'est
juste pour le faire savoir.
M. Polak: Le parti des travailleurs! Le Président (M.
Gagnon): À l'ordre!
M. Bisaillon: Vous conviendrez avec moi, je crois, que le livre
vert que le ministère du Revenu a publié a soulevé une
couverture qui démontre des problèmes de nature
différente. Il me semble que, dans votre mémoire, vous
présentez un problème, en essayant de cacher des solutions
éventuelles aux autres. Je ne dis pas que c'est la solution que vous
avez choisie; je dis que vous présentez votre problème. Mais le
livre vert a fait surgir, a démontré l'existence d'autres types
de problèmes. Si l'on cherche des solutions, il va falloir que ce soient
des solutions globales. Le livre vert, en fait, commence par une analyse, dans
les premières pages, de la situation des travailleurs de cette
entreprise, ce qui va m'amener à vous poser une première question
sur les pratiques, parce que je pense que c'est incomplet, ce qu'on a pu
trouver. Curieusement, dans les solutions qui sont apportées, on ne
retrouve plus des préoccupations qui correspondent à l'analyse
qui était faite de la situation des travailleurs de ce type
d'entreprises. J'ai remarqué, en réponse à plusieurs
questions qui vous ont été posées, que, lorsque vous
parlez, par exemple, des coûts, de l'impact d'une mesure par rapport
à une autre, vous vous référez toujours à des types
de restaurants qui pourraient ne pas être inclus dans une solution
éventuelle. Quand vous donniez l'exemple des restaurants Me Donald - je
pense que là-dessus vous n'avez pas répondu, en tous les cas
à ma satisfaction, j'aimerais que vous complétiez cela - à
la ministre déléguée à la Condition féminine
tantôt, est-ce qu'il serait envisageable que seulement une
catégorie d'employés ou de restaurants soit assujettie à
une mesure comme celle-là? C'est une question que je pose parce que,
lorsqu'on vous pose des questions en fonction d'un type de restaurants, d'un
type d'organisation de restaurants, vous nous répondez par des exemples
pris à l'intérieur de restaurants qui ne s'appliquent pas. Je ne
pense pas qu'on puisse comparer le restaurant de mon bon ami André avec
un Me Donald. Pour y être allé manger souvent, je sais que cela ne
se compare pas. J'aimerais que vous preniez des exemples qui soient valables,
pour que cela soit représentatif de la situation qu'on analyse-Il y a un
certain nombre de conditions de travail qui sont analysées dans le livre
vert, mais, dans les pratiques, est-ce qu'il est exact, à votre
connaissance, qu'il y a toute une série de pratiques secondaires qui, en
fait, diminuent le revenu global des travailleurs de ce secteur? Je prends le
revenu, le salaire minimum que vous payez, plus les pourboires qu'ils vont
chercher, est-ce qu'il n'y a pas effectivement un certain nombre de mesures ou
de pratiques qui visent à diminuer ce revenu global? Par exemple,
l'achat d'uniformes et l'entretien, le paiement ou le partage de gains, les
ristournes. Est-ce que c'est possible que cela existe, des ristournes?
C'est-à-dire que je paie le salaire minimum mais, en contrepartie,
l'employé reverse une certaine somme à l'employeur, ce qui s'est
fait à une certaine époque, on s'en souviendra - je pense que
tout le monde le sait - dans les bars, par exemple, est-ce que c'est exact que
cela pourrait aussi se reproduire dans certains restaurants, toutes ces
pratiques qui finalement diminuent le revenu global? Comment peut-on trouver
une solution pour les empêcher?
La situation de ces travailleurs fait aussi qu'il y a un taux de
roulement assez élevé. Est-ce que vous avez des chiffres? Je
voudrais savoir si vous avez des chiffres sur le taux de roulement du personnel
dans la catégorie supérieure de restaurants, dans le genre de
restaurants dont on parle. Avez-vous des chiffres quant au taux de roulement du
personnel à pourboire?
Le ministère du Revenu, lorsqu'il a intenté des poursuites
- dont on vous parlera peut-être un jour - à certains
employés, a pris comme base de calcul 15%, en disant: Normalement,
compte tenu du chiffre d'affaires du restaurant, si on prend 15% de ce chiffre
d'affaires et qu'on le partage entre les employés, devrait être
cela que vous auriez dû déclarer. Est-ce qu'il est exact, selon
vous et à votre connaissance, que, dans ce milieu-là, compte tenu
des périodes difficiles qui sont vécues actuellement, le
pourboire diminue? Si le pourboire diminue, est-ce que vous trouvez correct le
mode de calcul qui est actuellement utilisé par le ministère du
Revenu? Cela est à partir des données que vous avez, vous autres.
Je ne peux pas demander cela à d'autres personnes, je ne peux pas
demander cela au ministère du Revenu, mais seulement à vous
autres, qui le voyez tous les jours. Si vous en voyez une partie, vous devez
voir l'autre, c'est pour cela que je vous pose cette question.
La dernière partie de mes questions est quant à l'approche
vis-à-vis des conditions de travail. Vous nous présentez votre
situation d'entrepreneurs. Vous dites: c'est difficile, notre situation
actuellement. Que vous ayez besoin d'aide ou que le secteur de la restauration
ait besoin d'aide, c'est une chose. Mais est-ce que cela doit être
entretenu uniquement par les employés de ce secteur-là? Autrement
dit, est-ce que l'aide que l'entreprise de la restauration doit recevoir doit
venir des employés eux-mêmes ou si cela ne pourrait pas être
partagé d'une autre façon? Est-ce que vous n'envisagez pas
d'autres formes? (16 h 45)
Je vais donner un exemple de ce que je veux dire. Quand le gouvernement
adopte un décret pour fixer le salaire de plombiers, c'est sûr
que, comme consommateur, je vais m'en ressentir. Quand je fais venir un
plombier, il arrive avec ses outils comme vos
employés arrivent avec leur ouvre-bouteille, leur uniforme et
leur coutellerie bien souvent, mais ils n'ont pas le même salaire. Je
paie le salaire du plombier, parce qu'il y a eu un décret. Dans votre
secteur, ça n'existe pas. Est-ce que ce n'est pas une subvention
déguisée? Autrement dit, est-ce qu'on n'essaie pas de
pénaliser uniquement les travailleurs de cette entreprise sans chercher
de solutions qui pourraient à la fois vous impliquer et obtenir l'aide
d'un autre niveau que de vous uniquement?
M. Moreau: M. le député de Sainte-Marie...
Le Président (M. Gagnon): M. Moreau.
M. Moreau: M. le député de Sainte-Marie, c'est un
très bel exposé. Cela prouve que, justement - tous les
problèmes que vous avez soulevés - quand je réclame une
commission parlementaire » au plus tard le printemps prochain sur
l'industrie touristique, c'est pour répondre à toutes ces
questions. Je pourrais vous faire une envolée oratoire sur tous les
problèmes de la restauration, en commençant par la
Société des alcools, qui est notre monopole d'État, qui
nous vend les boissons aux prix les plus élevés, etc. On a aussi
les coûts les plus élevés pour l'achat de denrées en
Amérique du Nord. Je pourrais vous entretenir pendant une heure de tous
les problèmes auxquels notre industrie doit faire face.
Je vais répondre à vos questions: Peut-on envisager les
différents types de restaurants? Oui, on dénote une dizaine de
types différents de restaurants au Québec et partout en
Amérique du Nord. Il est certain que du "fast-food" au restaurant
gastronomique, il y a tout un éventail de services et de produits
différents. C'est pourquoi vous avez posé une question
très pertinente; c'est pourquoi on ne peut pas établir de
façon arbitraire 15% pour tout le monde. Ce soir, vous allez au
restaurant avec un copain - vous êtes en commission parlementaire - et
vous vous payez un bouteille de vin à 10 $, vous payez 15% de service -
il est obligatoire - c'est 1,50 $. Demain soir, c'est l'anniversaire de votre
épouse ou c'est l'anniversaire de l'épouse de votre voisin. Mais,
parce que c'est l'anniversaire de son épouse, il veut lui faire plaisir
et il lui paie une bouteille de vin de 30 $. À 15%, ça fait 4,50
$ de service. 3 $ de plus que vous. Pensez-vous que c'est normal?
L'employé n'a pas travaillé plus fort.
Alors, quand vous me demandez de disséquer les différents
types de services qu'il y a dans la restauration au Québec, ça va
jusqu'aux cafétérias, ça va jusqu'aux endroits où
l'on se sert, etc. C'est pourquoi établir un chiffre arbitraire de 15%,
quel que soit le service que vous avez pour vous alimenter, c'est ridicule et
c'est inacceptable socialement et, également, au point de vue du travail
de l'employé. Je pense que j'ai répondu à votre
question.
M. Bisaillon: Oui, sauf que ma question ne portait tant pas sur
le pourcentage que sur l'obligation pour une certaine catégorie par
rapport à d'autres.
M. Moreau: Bien, je pense que je l'ai quand même
décrit un peu.
M. Bisaillon: Oui, mais ce n'était pas que sur le
pourcentage. Vous n'avez répondu que sur le pourcentage. Autrement dit,
vous avez parlé tantôt du "snack bar" du coin, mais on a juste
à ne pas toucher au "snack bar" du coin. L'exemple que vous avez
donné, c'était ça? C'était le "snack bar" par
rapport au Me Donald?
M. Moreau: Cela va encore devenir une loi d'exception qui ne sera
pas administrable. S'il faut encore par une loi créer 200 nouveaux
postes de fonctionnaires pour vérifier la loi; un tel est taxable,
l'autre n'est pas taxable, etc.
Une voix: Écoutez...
M. Bisaillon: Non, non, c'est à lui que je pose des
questions. Quand je voudrai vous en poser, je vous en poserai.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Sainte-Marie, vous avez la parole.
M. Moreau: Votre deuxième question: Quelles sont les
pratiques de partage et les frais inhérents? C'est un fait que, je
pense, le ministère du Revenu doit considérer que
l'employée qui travaille au service doit laver son uniforme tous les
jours, doit le blanchir tous les jours, doit dépenser pour des soins de
maquillage des sommes supérieures à d'autres types
d'employées, doit être coiffée régulièrement.
Il y a beaucoup de dépenses inhérentes à sa fonction.
Là où le costume n'est pas obligatoire, elle doit quand
même s'acheter des blouses blanches, des jupes noires ou du moins quelque
chose sur quoi il y a consensus. Assurément, l'employée de
service, dans nos établissements, a des frais inhérents à
sa fonction. Le taux de roulement des employés au pourboire dans les
établissements de luxe est très très bas. Cela
dépend des types de restaurants. Je sais bien que, si je parle pour les
miens, il n'y a presque pas de roulement. On a une liste d'attente. Il y a des
établissements qui réussissent mieux en affaires, alors,
forcément, il n'y a ni hausse ni baisse. Je suis donc d'accord...
M. Bisaillon: Est-ce que vous avez des chiffres sur l'ensemble
des restaurants?
M. Moreau: Non, nous n'avons pas de chiffres sur ça, je
regrette.
M. Bisaillon: Non? D'accord. Est-il exact que les pourboires
diminuent actuellement?
M. Moreau: Forcément. Il y a une baisse dans le volume. Il
y a une baisse de nos employés au pourboire; il y a une baisse des
pourboires.
M. Bisaillon: Je vais corriger. Est-ce qu'il est exact que le
pourboire diminue, peu importe le montant de la facture? Autrement dit,
actuellement, que quelqu'un mange pour 10 $ ou qu'il mange pour 50 $, il
donnera moins de pourboire qu'il n'en donnait auparavant, peu importe le
montant de la facture? Je ne calcule pas cela en termes de pourcentage. Je
n'essaie pas de calculer le revenu.
M. Moreau: Écoutez, il faudrait demander cela aux
employés au pourboire. Je ne sais pas toutes les statistiques.
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre!
M. Moreau: C'est un fait, je ne suis pas en mesure de
répondre. Je suis en mesure de vous dire que les gens font plus
attention, qu'ils prennent moins d'apéritifs, moins de desserts, qu'ils
viennent aussi souvent dans certains restaurants, mais que l'addition est plus
basse, donc, comme je le confirmais tout à l'heure, il y a une baisse de
nos ventes et, forcément, les employés travaillent moins
d'heures, vendent moins, parce que nos employés sont avant tout des
vendeurs, donc, leurs pourboires, de ce temps-ci ont baissé. Comme tout
le monde, si nos revenus ont baissé, si nos ventes ont baissé,
nos profits ont baissé et les leurs également, j'en suis
convaincu.
M. Bisaillon: J'avais une dernière question que je vous ai
posée et qui était: Est-ce que vous ne pensez pas qu'il y a un
certain nombre de mesures, ou bien que vous refusez d'accepter ou encore que
vous endurez, que vous tolérez actuellement, qui sont de l'ordre de la
subvention qui viendrait de l'employé plutôt que d'un autre
palier? Est-ce qu'il ne serait pas préférable de demander de
l'aide, pour l'ensemble des entreprises de ce secteur, à l'État
directement ou à ceux qui ont un intérêt plus global
plutôt que seulement aux employés? Je vais terminer avec une
dernière phrase, vous y répondrez en même temps: j'ai
toujours pensé que le meilleur système aurait été
l'abolition totale du pourboire, des salaires décents et des conditions
de travail décentes pour des travailleurs. Qu'est-ce que vous en
pensez?
M. Moreau: C'est une opinion personnelle: je ne pense pas que les
employés à pourboire partagent votre opinion. Je pense que
l'incitation que le pourboire a sur nos employés, c'est un
phénomène qui existe. Apporter dans une industrie des changements
radicaux comme celui que vous suggérez pourrait être très
dangereux et je ne pense pas que les employés au pourboire acceptent
votre point de vue.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. Marcoux: M. Moreau, d'abord quelques questions d'information
avant de faire quelques commentaires supplémentaires. Vous avez
parlé d'une augmentation de 13%; selon les données que je
possède, c'était plutôt une augmentation d'à peu
près 9%, 10% ou 9,12 % du pourboire révélé. En
fait, si l'on se pose la question de ce qu'est le coût
supplémentaire à l'employeur, si un employé
révèle 100 $ de pourboire et si on additionne le coût de
l'assurance-accident: 1 $ les 100 $; le régime de rentes: 1,80 $; le
régime d'assurance-maladie: 3 $; le taux d'assurance-chômage au 31
janvier 1983 - le prochain taux est de 3,32 $ - cela nous faisait 9,12 $. En
somme, chaque fois qu'un employé à pourboire
révélerait 100 $ de pourboires, cela impliquerait pour vous des
dépenses supplémentaires de la part de l'employeur de 9,12 $ et
de 4,10 $ pour l'employé qui, lui, assumerait 1,80 $ pour le
régime de rentes et 2,30 $ pour l'assurance-chômage, si on inclut
le portrait, ce qui fait que, globalement, cela monte à 13,22 $, pour la
part de l'employé et celle de l'employeur. Je voudrais comprendre
où vous avez pris les 13%.
M. Moreau: Les 13%...
M. Marcoux: C'était plutôt de l'ordre de 9% ou
10%.
M. Moreau: ... sont le coût de nos avantages sociaux; on
peut vous les mentionner: l'assurance-chômage: 1,93% - le coût en
rapport avec le total des salaires versés; la CSST: 0,85%; la Commission
des normes du travail: 0,12%; le régime d'assurance-maladie du
Québec: 2,67%; le régime des rentes: 1,15%; le coût des
jours fériés: 1,4%; les vacances: 4% - parce que lorsqu'on parle
d'avantages sociaux, on les prend tous - ce qui fait 13,2%, M. le ministre.
M. Marcoux: D'accord. Je peux retrouver ces données, parce
que je vois que
les éléments qui me manquaient, c'était par exemple
la question des jours fériés, les 4% de vacances. En tout cas,
j'aimerais que vous me transmettiez ces données. Cela s'ajoute à
ce qui a été mentionné.
Il y a un débat qui a été abordé et qui sera
l'un des autres éléments clés du travail de notre
commission, comme la décision que le gouvernement aura à prendre
par la suite. Ce matin, je posais une question sur les mentalités, en
somme, pour savoir où on en est quant à nos concitoyens par
rapport aux mentalités, s'il y a des frais de service obligatoires,
est-ce qu'il ne se développerait pas en plus ou non un pourboire
supplémentaire et que le problème s'y pose de la même
façon, en tout cas en ce qui nous concerne comme ministère du
Revenu.
L'autre question fondamentale que vous abordez, c'est la question de la
perte d'emplois ou toute la question, je dirais, économique. J'ai
assuré ce matin que, pour moi, toute solution, pour être retenue,
devrait clairement satisfaire à trois principes: la question de
l'équité fiscale, celle de l'équité sociale et
celle également de permettre ou d'assurer l'essor de l'industrie
touristique qu'on peut interpréter dans un sens large; on pourrait
ajouter un quatrième principe, qui est de faire en sorte de ne pas
saboter, pour employer un gros mot, l'ensemble de l'industrie de la
restauration, de l'hôtellerie ou de l'industrie touristique plus
spécifiquement. Je peux vous assurer que, même si je n'ai pas
toutes les données actuellement - je commence à en avoir, parce
que j'ai commencé à poser des questions depuis quelques semaines;
j'ai commencé à fouiller le dossier; j'ai commencé
à demander des informations, entre autres au ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, parce qu'il existe des modèles
économiques et des modèles économétriques qui nous
permettent de voir les conséquences. Si on fait un geste fiscal
quelconque, cela a des conséquences à un moment donné; il
y a moyen de prévoir certaines de ces conséquences.
Une chose m'avait toujours frappé comme député,
car, à ce moment-là, je n'étais pas ministre, mais,
lorsqu'on avait supprimé la taxe de vente de 8% sur les vêtements,
les chaussures, etc., durant un an, nous, on prétendait que
c'était plus efficace comme possibilité de création
d'emplois que supprimer la taxe de 2% sur l'ensemble des produits, etc. Le
Bureau de la statistique du Québec nous avait
énuméré les conséquences qu'on pouvait
prévoir et un an, un an et demi après, il s'est confirmé
que les données prévues, en tout cas les ordres de grandeur,
c'était exactement cela. Maintenant, la science économique - ou
économétrique - est assez avancée pour voir les
conséquences de gestes qu'on peut poser concernant le niveau fiscal ou
concernant la taxation et les conséquences que cela peut avoir.
L'assurance que je voudrais vous donner aujourd'hui, c'est qu'avant
toute recommandation que je pourrais faire au gouvernement, au Conseil des
ministres, et je suis convaincu que ce sera l'attitude de l'ensemble de mes
collègues, je vais exiger d'avoir des données certaines ou les
plus fiables possibles sur n'importe quelle conséquence qui pourrait
arriver sur les décisions ou la solution qui pourraient être
envisagées. C'est pour cela qu'il est important de connaître la
situation de l'ensemble de votre industrie actuellement, la situation des
revenus de votre industrie et les conséquences des frais
supplémentaires que toute décision pourra impliquer. Je peux vous
en donner l'assurance, sans oublier les deux autres principes, que j'indiquais
tantôt, d'équité fiscale et d'équité sociale,
en précisant, comme je l'ai fait ce matin, que la seule hypothèse
que j'éliminais, c'était le statu quo. J'ai indiqué
tantôt qu'on considérait comme positif le fait que vous indiquez
dans votre mémoire que, vous aussi, vous étiez prêts
à faire autre chose que le statu quo et qu'au moins pour un secteur,
vous étiez prêts à assumer votre part des avantages sociaux
je le prends comme un fait important.
Je peux vous assurer, parce qu'il n'y a pas lieu d'exposer tous les
chiffres possibles ou impossibles, que l'étude des conséquences
économiques de toutes les décisions sera pesée au maximum.
Évidemment, on aboutira, parce qu'il n'y aura pas de consensus, il peut
y avoir des désaccords et des accords sur certains points à juger
de la balance des inconvénients dans cela. Quelques mémoires
soulignent que ce ne serait pas nécessairement mauvais qu'un certain
nombre d'entreprises de restauration et d'hôtellerie disparaissent du
décor. Vous semblez soutenir ce point de vue. Vous semblez soutenir le
fait que, si on se compare à l'Ontario et aux États-Unis, il y a
beaucoup trop d'entreprises ici dans ce secteur. J'ai l'impression qu'à
ce moment-là, évidemment, vous parlez pour le secteur de notre
industrie de restauration et d'hôtellerie qui est le mieux
développé, qui est le plus regroupé, comme dans les autres
groupes qui peuvent être intéressés vont parler pour les
secteurs qui sont organisés. (17 heures)
Lorsque vous indiquiez tantôt, je veux le confirmer à tous
les membres de la commission, que l'association aide ou veut aider le
ministère du Revenu à éliminer les fraudeurs ou ceux qui
font de l'évasion fiscale dans ces secteurs et que vous avez
proposé pour ce moyen le cautionnement, je peux témoigner que
c'est vrai. Là aussi, il a fallu, au niveau du gouvernement, peser la
balance des inconvénients et se demander les conséquences que
pourrait avoir le fait d'imposer à l'ensemble de ceux qui
demandent un permis de restauration ou d'hôtellerie le fait
d'avoir un cautionnement; ce qui aurait eu pour désavantage de diminuer
la concurrence et d'empêcher des gens d'entrer dans le circuit de la
restauration parce que, comme dans la restauration il n'y a presque pas
d'équipements ou que les équipements appartiennent souvent
à des sous-compagnies, le cautionnement est marginal.
Je ne veux pas être trop long, mais je peux vous assurer que votre
point de vue sur la question d'assurer la solidité financière en
ce qui concerne le revenu des gens que vous représentez et de faire en
sorte que, par la méthode de cautionnement ou toute autre, on
élimine les évasions fiscales ou qu'on les contrôle
davantage, la collaboration ou ce que vous souhaitez, nous l'examinons le plus
attentivement possible. Tantôt, vous avez parlé de la loi
américaine. On n'en a pas encore parlé à cette commission;
le mémoire qui suit va la développer davantage, mais
pourriez-vous m'indiquer une chose de façon peut-être plus
précise? Si j'ai bien compris, vous seriez d'accord pour appliquer,
peut-être pas à la lettre en tout cas, l'esprit et la
démarche de la loi américaine qui entrera en vigueur le 1er
janvier 1983. Ai-je bien interprété les propos que vous avez
tenus?
M. Moreau: C'est exact. C'est une possibilité qu'on
entrevoit. Nécessairement, comme on le disait tout à l'heure,
tenant compte des dépenses inhérentes des employés au
pourboire, même si on a imposé 8% aux États-Unis, ici, cela
pourrait être 7% parce que, aux États-Unis, cela n'est pas comme
ici. Aux États-Unis, le salaire minimum des employés à
pourboire est inférieur, etc. Je pense qu'on devrait tenir compte de
toutes les incidences du problème. C'est une avenue qu'on est prêt
à étudier avec le ministère et avec les
intéressés. On pense que cela n'est peut-être pas la
solution idéale encore, mais il n'y a pas de solution idéale et
cela peut être une avenue intéressante.
M. Marcoux: Ma dernière question revient peut-être
à une des questions centrales, le pourboire obligatoire. Il y a une
idée dans les mémoires que j'ai lus qui m'a séduit. C'est
lorsque les mémoires indiquaient que s'il y a un pourboire obligatoire,
c'est un peu comme une commission; si l'employé a un pourboire
obligatoire, à pourcentage, il va être intéressé
à donner un meilleur service, il va insister, il va dire aux clients:
Voulez-vous un apéritif?, voulez-vous un digestif? Voulez-vous
quelqu'autre chose? Il va être intéressé à donner un
bon service pour que la facture du client soit plus élevée et
donc, sa propre rémunération plus élevée. Je vous
dirai que c'est un argument que je trouve séduisant, parce qu'il va
contre un autre argument, mais c'est difficile de trouver où est la
vérité dans tout cela, argument qui veut et j'ai eu plusieurs
témoignages à ce sujet, de gens qui disent que là
où il y a pourboire obligatoire, les frais de service obligatoires, sont
qu'il s'est développé parallèlement un pourboire
supplémentaire; ce qui fait que cet argument ne s'appliquerait pas dans
la réalité. Si on revient à l'argumentation principale,
par rapport à la qualité du travail de l'employé, parce
que le service obligatoire, vu qu'il est à pourcentage, c'est comme une
commission, n'est-ce pas vrai, à votre point de vue, que cela pourrait
développer un service de qualité, en ce sens que, plus le client
augmente la valeur de son repas, plus l'employé voit son salaire
augmenter?
M. Moreau: Cela peut être exact, M. le ministre, pour
certains types de repas ou certains établissements, mais pas pour
l'ensemble de la restauration. Je vous assure que l'employée au
pourboire qui vendrait un café 0,60 $ et qui serait assurée
d'avoir seulement 15%, n'aurait pas le sourire qu'elle a aujourd'hui avec
souvent bien davantage. À 0,60 $, à 15%, cela fait 0,09 $, je ne
pense pas qu'elle serait emballée d'avoir 15% et que cela la stimulerait
à vous vendre un autre café. Cela peut être vrai pour
certains établissements, mais je ne pense pas que cela soit une
motivation suffisante pour employer un tel système.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Westmount.
M. French: M. le Président, très brièvement,
le ministre nous a parlé tantôt de sa découverte des
méthodes économétriques. Il nous a assuré qu'il
va...
M. Marcoux: Ouf! Franchement...
M. French: Je m'excuse auprès du ministre, s'il n'a pas
aimé la façon dont...
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le
député.
M. French: ... j'ai parlé de son usage de ces
méthodes. Il nous a assurés...
M. Marcoux: De l'existence, de l'existence.
M. French: En tout cas...
Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole, M. le
député.
M. French: M. le Président, je voudrais demander au
ministre qui vient de nous assurer de son intérêt pour l'impact
économique de toute démarche qu'il va entreprendre, s'il rendrait
publique, au
moment où il déposera sa loi ou d'autres propositions
concrètes dans ce domaine, une étude de l'impact
économique de chacune des options, du moins de celle qu'il a
adoptée. Est-ce que cela serait possible pour les gens ici, les
restaurateurs, les employés au pourboire, de connaître la
proposition officielle pour qu'on puisse tous utiliser les fruits de ces
méthodes qu'il entend lui-même utiliser pour évaluer le
dossier?
M. Marcoux: Si cela est d'intérêt public, cela me
fera plaisir de le rendre public.
M. Blank: Mais c'est exactement ce dont je me plains depuis le
début de cette commission.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Louis, vous aviez demandé la parole?
M. Blank: Oui. J'ai dit, quand j'ai commencé, que le livre
vert était tellement vide de statistiques, d'études, de
recherches qu'on n'a rien qu'on travaille dans le brouillard, ici. On nous
arrive avec des hypothèses, des théories et on ne sait pas ou on
va. Je pense que, quand on a publié ce livre vert, toutes ces
recherches, toutes ces données auraient dû être remises
avant. On ne peut étudier un problème qu'avec des chiffres
à l'appui de toutes les données. Aujourd'hui, on a des opinions
personnelles. Moi, je pense. L'autre dit: Moi, je pense. Personne ne sait rien
exactement. Après cette commission, après avoir entendu toutes
les opinions, le ministre va avoir ces chiffres. Nous autres, pour quelle
raison sommes-nous ici, si vous n'avez pas des chiffres en main pour savoir
où on va?
Le Président (M. Gagnon): Je remercie l'Association des
restaurateurs du Québec et son président. M. Blanche.
M. le député de Viger.
M. Maciocia: Je voudrais remercier, de la part de l'Opposition
officielle, M. Moreau pour son mémoire. Une chose dont vous pouvez
être assuré, c'est qu'on va collaborer avec le gouvernement, s'il
a de bonnes intentions, comme l'a dit tantôt le ministre. Une autre chose
dont vous pouvez être assuré, c'est qu'on va travailler de la
manière la plus dégagée dans l'intérêt de
l'industrie touristique et dans l'intérêt aussi des
employés au pourboire. Je considère que c'est une question qu'il
faut régler, mais il faut la régler aussi en pensant, comme je
l'ai dit tantôt dans mon intervention, non seulement pour la population
du Québec, mais pour le gouvernement, à la relance de l'industrie
touristique, qui est primordiale, j'irais même jusqu'à dire pour
le ministère du Revenu. Vous pourrez être assuré de la
collaboration de l'Opposition; on est à votre disposition à
n'importe quel moment.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: Je veux vous remercier aussi, au nom du parti
ministériel, d'avoir bien voulu nous présenter ce mémoire
qui, je pense, exprime très clairement votre opinion. Je suis heureux du
fait - je l'ai indiqué, mais je pense que c'est important de le
souligner de nouveau - que vous ayez, jusqu'à un certain point,
refusé le statu quo et manifesté une ouverture d'esprit face
à certaines solutions. Je peux vous assurer que, quelles que soient la
ou les solutions que nous devions retenir, nous ferons en sorte que tous les
milieux concernés, y compris vous particulièrement qui êtes
les maîtres d'oeuvre de l'essentiel de cette industrie, soient
impliqués et consultés dans les hypothèses que nous
pourrions retenir. Dans mon esprit, l'important c'est que, même si on ne
peut pas arriver à une solution qui fasse consensus, tous aient la
conviction que la ou les solutions retenues satisfassent aux exigences
minimales de chacun des groupes impliqués. Bien sûr, si on peut
atteindre l'idéal, on va essayer de l'atteindre, mais, dans la
réalité, quelquefois, on ne peut pas atteindre l'idéal. On
va essayer d'avoir des solutions qui satisferont au moins aux exigences
minimales de chacun des groupes impliqués. Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Merci au
président, M. Blanche, à M. Moreau et à tous ceux qui vous
ont accompagnés pour la lecture de ce mémoire.
J'appellerais maintenant l'Alliance des travailleurs du Québec
à venir prendre place. M. Côté, voulez-vous nous
présenter ceux qui vous accompagnent? À l'ordre, s'il vous
plaît!
Alliance des travailleurs du Québec
Vous pourriez vous asseoir, vous seriez plus près du micro.
M. Côté (Jean-J.): C'était pour
présenter mon monde. M. le Président, Mme la ministre, M. le
ministre, Mme la députée, MM. les députés,
l'Alliance des travailleurs du Québec est une association qui compte
parmi ses membres 1700 salariés qui sont groupés sous 20
accréditations émises par le ministère du Travail et qui
sont des employés au pourboire. Nous avons également des membres
dans certains hôtels, soit dans trois hôtels. Nous avons
également des membres dans le "fast-food", particulièrement
les
villas du poulet, et l'ensemble de nos membres au pourboire se groupe
à l'intérieur des restaurants Marie-Antoinette, qui comptent sur
nos 1700 membres environ 1100 salariés syndiqués et nous sommes
syndiqués à cet endroit depuis dix ans.
L'expérience que nous avons acquise durant cette période
est réelle. Ce ne sont pas des livres, des histoires, des voyages, c'est
réel.
M. Marcoux: La répartition territoriale de vos
syndiqués, Québec, Montréal et le reste de la province,
qu'est-ce que c'est?
M. Côté: C'est particulièrement
Québec, Montréal, très peu et le reste du
Québec.
Maintenant, si vous me le permettez, je vais lire la première
partie du mémoire.
Le Président (M. Gagnon): Juste avant, M.
Côté, voulez-vous nous présenter les gens qui vous
accompagnent?
M. Côté: Je m'excuse. J'aimerais vous
présenter M. Gilles Guay, qui est le président du syndicat, un
serveur de 20 ans d'expérience, Mme Larramée, une serveuse de dix
ans d'expérience; Mme Ferland, qui a à peu près 16 ou 17
ans d'expérience; M. Bob Carryer, qui a 25 ans d'expérience et
qui a mal tourné parce qu'il est maintenant représentant syndical
depuis quelque temps pour éviter la question des pourboires, parce que
c'en est un qui a été pris par le fisc.
Je dois vous dire aussi qu'au point de vue expérience nous avons
reçu mandat d'au-delà de 500 salariés au pourboire que
nous défendons devant les ministères du Revenu du Canada et de
Québec. Nous avons un minimum de 2000 $ au provincial et 2000 $ au
fédéral en réclamations. Je vous dis que, dans tous les
cas, presque sans exception, les percepteurs d'impôt nous menacent
à tel point qu'on se penserait pris avec des "shylocks" et cela, c'est
grave. On nous menace de saisie, on nous menace de tout ce que vous voudrez. On
fait à la sauvette des rendez-vous avec nos membres pour leur faire
signer des documents qu'ils ne comprennent souvent même pas. Je trouve la
situation vraiment dégueulasse. On voit le gouvernement américain
aux prises avec le même problème qu'au Québec, le
même problème qu'au Canada, qui décide de passer une loi,
mais qui ne revient pas en arrière au niveau des cotisations, de
l'impôt. On dit: À partir de 1983, mes amis, vous serez
obligés de tenir une comptabilité et vous serez cotisés
comme les autres travailleurs, au même titre, mais on ne va pas quatre
ans et cinq ans en arrière, ce qui est un non-sens, ce qui est d'une
rudesse incroyable pour les salariés au pourboire. (17 h 15)
J'ai vu des situations épouvantables. Non seulement cela va
jusque-là, mais on est rendu, au provincial, qu'on part après les
maris parce qu'ils ont déclaré leur femme sur leur rapport
d'impôt. Cela va loin, cette affaire. Je vous dis que cela n'a aucun
sens. Nous essayons de passer à la cour parce que nous croyons que nous
avons raison; on nous retarde, on nous remet.
Ce n'est pas votre faute; je ne parle pas du Québec. À
Ottawa, nous avons une équipe d'avocats, nous avons une équipe de
comptables agrées sur place et nous sommes prêts à aller en
Cour suprême, s'il le faut. On nous retarde, cela fait presque un an. On
ne nous embarque pas dans le système pour faire valoir nos droits. Je
trouve cela dégueulasse.
Je pourrais commencer peut-être à la page 2 du
mémoire, où je dis que c'est une grave injustice. Le livre vert
sur la situation des travailleurs et travailleuses au pourboire reproduit au
tableau no 1, page 7, qu'il y a 210 976 emplois dans le secteur de
l'hôtellerie et de la restauration au Québec. Seulement 14 000
contribuables ont déclaré des montants reçus en pourboires
en 1979, tant au gouvernement provincial que fédéral.
Il est remarquable de constater que la presque-totalité, sinon la
totalité des employés au pourboire qui ont fait un rapport
d'impôt pour les années 1978-1979 n'ont pas déclaré
leurs pourboires reçus comme tels, mais ont plutôt
déclaré avoir reçu en pourboires entre 10% et 15% de leur
salaire de base. Cette façon de procéder pour les employés
au pourboire le fut toujours à la connaissance et souvent avec l'accord
tacite des percepteurs d'impôt, tant au provincial qu'au
fédéral. C'était devenu pratique courante.
Nous notons, selon les informations officielles et publiques, que les
employés au pourboire des restaurants Marie-Antoinette
représentent environ 40% de tous les employés au pourboire
canadiens qui ont reçu des avis de cotisation d'impôt ou des
poursuites judiciaires déposés pour les années 1978 et
1979 par le ministère du Revenu fédéral. Je trouve que
cela est un pourcentage royalement fort.
Nous savons que le gouvernement provincial a déjà
emboîté le pas contre ce groupe spécifique
d'employés au pourboire, celui des travailleurs et des travailleuses des
restaurants Marie-Antoinette Inc., ce qui, pour nous, est une grave injustice,
inacceptable sur le plan social et humain et cela, c'est l'évidence
même. Pourquoi eux et pourquoi pas d'autres au Québec ou au
Canada? Quant aux moyens utilisés par les percepteurs de l'impôt
présumément dû, dans bien des cas, le langage et la
façon d'agir de certains d'entre eux ressemblent parfois, pour ne pas
dire souvent, aux méthodes fortes utilisées par des
shylocks en quête de
recouvrer sans délai les sommes dues par leurs clients: "Payez
dans les 30 jours, allez emprunter à la banque ou ailleurs, ou bien on
vous saisit". Voici une phrase type utilisée dans nombre de cas par les
percepteurs d'impôt. Cela est inacceptable, surtout lorsqu'on sait que
les sommes réclamées de chaque employé au pourboire
victime du fisc se situent aux environs de 2000 $. Vous pouvez vous imaginer la
panique qu'une réclamation entraîne chez celui ou celle qui en
fait l'objet. D'autant plus que l'autre palier de gouvernement réclamera
aussi son dû, on le sait et on l'appréhende, dans la plupart des
cas, avec désespoir. Il faut savoir que Revenu Canada et Revenu
Québec marchent main dans la main. Si c'était partout pareil,
cela serait royalement intéressant pour la population du Québec,
je crois. Il est temps qu'on fasse quelque chose de ce côté.
Où sont donc l'équité sociale et
l'équité fiscale dans le dossier des restaurants Marie-Antoinette
et des autres salariés au pourboire visés par le fisc? Où
donc est passée l'humanisation des relations entre les contribuables et
le ministère du Revenu, objectif de l'honorable Alain Marcoux? Je vous
cite exactement. Vous avez prononcé cette phrase, cela a
été reproduit dans les journaux, dans le Soleil. Vous l'avez dit
à Rimouski la semaine dernière. Je ne trouve pas cela trop trop
conciliable dans le moment, tant qu'il n'y aura pas une humanisation de nos
relations. Pourquoi donc ne pas passer à l'action immédiatement
et humaniser les fonctionnaires, dans le bon sens, dans le dossier
Marie-Antoinette et les quelques autres dossiers? N'est-ce pas que cela serait
un pas dans la bonne direction?
Les solutions. Les frais de service obligatoires. Depuis le matin qu'on
en entend parler. Le pourboire est une pratique qui existe depuis toujours.
Pour obtenir un petit avantage personnel, l'homme a une tendance naturelle
à verser un don, un pourboire, non compris dans le prix fixé,
pour les services rendus, à celui qui donne le service. Cette coutume
s'applique à la restauration comme à d'autres secteurs
d'activités. Quels que soient les frais de service établis, 10%,
15% ou 20%, peu importe, qui pourraient être ajoutés sur
l'addition pour un repas par exemple, le client ajoutera tout de même, en
général après un certain temps, son pourboire, comme c'est
le cas en Europe, pour obtenir un meilleur service. C'est le cas partout
d'ailleurs. Nous constatons que quelques années après avoir
établi des frais de service fixes, les Français et les
Américains, pour ne nommer que ceux-là, doivent revenir à
la source et modifier le système de frais fixes par un système de
pourboires contrôlés pour des raisons d'équité
sociale et fiscale.
Les Américains ont particulièrement réagi dans ce
sens et leurs législateurs ont adopté une loi, sanctionnée
par le président Reagan, au cours du mois de septembre 1982, connue sous
le nom de "Tax Equity and Fiscal Responsibility, Act of 1982, Conference
Report, U.S. Government".
Les informations que j'ai obtenues, je dois en remercier le
ministère du Revenu parce qu'elles m'ont été d'une grande
utilité. M. Fréchette n'est pas ici. Il a communiqué avec
les différents bureaux du Québec aux États-Unis. On m'a
sorti la législation de plusieurs États, de même que la
législation américaine que nous avons en notre possession et qui
nous a permis d'en arriver aux conclusions contenues dans ce mémoire.
Nous avons obtenu également, pour environ 15 $ ou 20 $, du gouvernement
français, la loi Godard et nous avons obtenu également du
gouvernement belge, pour quelques dollars, par téléphone tout
simplement, des informations sur une loi qu'il y a là-bas, ce qui n'a
rien coûté au gouvernement. Je pense que c'est important dans le
contexte, vu ce qu'on lit dans les journaux aujourd'hui. On peut vous dire que
cela n'a pas coûté cher au gouvernement, ce mémoire-ci,
dans ses dépenses. Je vous en remercie parce que vraiment cela a
été d'une grande utilité.
Nous reviendrons un peu plus tard sur cette nouvelle loi qui prendra
effet le 1er janvier 1983. Elle est importante, car notre façon de vivre
s'approche beaucoup de celle des Américains qui ont vécu le
problème des pourboires que nous vivons présentement.
Quant aux avantages et désavantages décrits à
l'article 5.1 du livre vert, qui traite des frais de service fixes, nous
croyons qu'ils sont bien identifiés et que cette formule pourrait
profiter, à première vue, à un certain groupe
d'employés au pourboire, particulièrement à ceux qui
offrent un service à la clientèle peut-être moins courtois
et moins efficace, soit à cause de l'entreprise où ils
travaillent ou de leurs qualités personnelles.
Les 15% réclamés à titre de frais de service,
ajoutés à l'addition, à être remis au serveur ou
à la serveuse, qu'ils soient comptabilisés à partir d'une
réduction de 5% de la taxe de vente transférée sur les
frais de service, quelle que soit la formule, nous ne croyons pas que ce soit
la meilleure solution. D'abord, le service n'est pas le même dans tous
les restaurants. Dès lors, il faudrait classifier les restaurants en
sept ou huit classes et peut-être plus, avec un taux différent de
frais de service. Vous ne pouvez pas, dans un Woolco où le service est
"garroché", si vous voulez, exiger des frais de service de 15% par
rapport à l'Auberge des gouverneurs - bien elle est en faillite, elle,
on n'en parlera pas - ou par rapport au Deauville. Cela n'a pas de sens et je
prétends que ces 15% ne sont qu'une entrée en matière,
parce que la CSN parle
aujourd'hui d'indexation. Est-ce qu'on va indexer les 15%? On nous parle
d'indexation aujourd'hui. Demain, par rapport à l'employé de
Woolco - je mentionne cela pour en mentionner un - l'employé du
Deauville et du Château Bonne Entente, à cause d'un service bien
meilleur, bien plus professionnel, va-t-il demander 20% et 25%? Alors, il n'y
aura plus de fin.
Je ne pense pas que ce soit une formule valable. C'est une formule
intéressante, remarquez bien, mais cela ne peut pas passer la
première étude sérieuse. Remarquez bien que, dans les
Marie-Antoinette et dans un paquet d'autres restaurants, si vous arrivez demain
matin et que vous me dites: 15% sur les factures, on va applaudir parce qu'on a
à peu près 7% ou 8%, nous, sur les factures. Si vous me dites
demain matin: Vous allez avoir 15%, à moins d'être malade, c'est
clair que je vais être heureux d'avoir 15% sur les factures parce que
notre monde va augmenter ses revenus, de toute évidence. Je ne peux pas
être contre les 15%.
Mais il faut être prudent. Que va-t-il arriver demain? Ce n'est
pas que je sois d'accord avec l'Association des restaurateurs, mais il y a une
chose qui demeure, c'est que, si vous augmentez trop vos coûts de
restauration, bien sûr, cela va créer des problèmes
à un paquet de restaurants. Si cela cause des problèmes aux
patrons, bien sûr que cela nous causera des problèmes. On veut
être extrêmement prudent et c'est pourquoi nous avons voulu que
notre mémoire soit le plus objectif possible. Il aurait
été très simple pour nous, si on avait un
intérêt à faire de la promotion syndicale, de dire: 15%?
Non, pas 15%, 17%. Et tout le monde aurait applaudi. Je pense que ce n'est pas
l'objectif que nous avons ici. Il y a un problème de pourboire; on veut
le résoudre, comme vous autres, bien plus que vous autres en fait.
À partir de là, je pense qu'il faut être prudents dans
l'évaluation des 15% "flat", comme on dit, parce que ce n'est pas
réaliste, ça ne se tient pas, à mon sens, car on ne pourra
pas le vivre. On ne le vit pas en Europe et on ne le vit nulle part. D'abord,
le service n'est pas le même dans tous les restaurants.
Il est vrai que, comme Mme Baillargeon l'a dit, il y a des coûts
cachés dans les frais de service, des coûts qui incombent à
l'employeur, que ce soit l'emplacement, le lieu du restaurant, que ce soit la
table, la nourriture. Il y a un paquet de facteurs qui jouent dans ça.
À ce moment-là, l'employeur va se retourner et dire:
Écoutez, pour mes frais à moi, parce j'ai un maître
d'hôtel, j'ai un plongeur de plus et tout le reste, sur les 15% de frais
de service, ça m'en prend 5%, parce que j'ai des coûts de 5%. En
fin de compte, qu'est-ce qui va nous arriver? On ne sera pas mieux, on va
être pire. Je pense que c'est la réalité des choses.
Remarquez bien qu'aux États-Unis on a étudié ce
système. Si vous faites une petite enquête, ils étaient
à peu près 200 à la commission qui a étudié
pendant deux ans pour en arriver à une conclusion. Parce que c'est
drôlement important. Cela représente des milliards de dollars. Ils
ne se sont pas arrêtés à cette solution. Remarquez bien que
je ne connais pas tous les détails, mais je pense que ça vaudrait
peut-être la peine de regarder cela et de le regarder
sérieusement, parce que les problèmes sont les mêmes
qu'ici. Il y a deux paliers de gouvernement, comme ici. On est aux prises avec
le fédéral, on est aux prises avec la Loi sur
l'assurance-chômage, d'une part, on est aux prises avec la CSST au
provincial. Comme aux États-Unis, les avantages sociaux, c'est à
l'État que la perception en incombe. Quant au revenu, c'est au
gouvernement fédéral, c'est à Washington de l'imposer et
de le percevoir. On est un peu dans la même situation par rapport
à la situation que nous vivons présentement et aux
problèmes que nous avons.
Je pense que je n'apporte pas de solutions. Je ne suis pas un savant.
J'apporte tout simplement et bien modestement une expérience de dix ans
dans la restauration non pas comme serveur, mais aux prises avec des
conventions collectives, avec les problèmes de tous les jours et surtout
avec le fisc présentement.
Le pourboire inscrit sur la facture par le client. Il y en a qui l'ont
essayé il y a quelque temps à Montréal dans certains
restaurants Saint-Hubert et c'est un fiasco total. Cela n'a pas marché
du tout. Nous croyons que cette formule est déjà mieux, -c'est
mieux que rien, - que les frais de service obligatoires, parce qu'elle laisse
au client la liberté de déterminer le pourboire en fonction du
service reçu. Toutefois, il faut admettre que des expériences de
cette façon de procéder confirment les dires du livre vert
à savoir qu'elle risque de créer un système
parallèle. C'est bien sûr. En effet, dans les restaurants
où les additions sont payées en argent, avec ce système
d'inscrire le pourboire sur l'addition, les chances sont que les pourboires, en
entier ou en partie, ne soient pas inscrits sur l'addition, mais remis
plutôt en menue monnaie au serveur ou à la serveuse, surtout
lorsqu'il s'agit d'un client régulier. Nous croyons que ce n'est pas une
bonne formule, bien que cette formule soit préférable à la
formule des frais de service obligatoires ou au statu quo. Si on institue
ça, il est bien clair qu'on ouvre la porte à un système
parallèle, soyez bien sûrs de ça.
La déclaration périodique des pourboires par
l'employé. C'est la formule qu'on préconise, qui est basée
sur le système américain. Je vais vous le donner en
français très rapidement. Nous basant sur les trois
principaux critères que la loi proposée pour les
employés au pourboire doit contenir, l'équité sociale,
l'équité fiscale et l'assurance que l'industrie du tourisme ne
soit pas mise en danger, nous croyons que cette formule est celle qui
répond le mieux aux trois objectifs recherchés. Je parle toujours
en fonction du livre vert. Je ne parle pas en fonction du fait qu'il aurait
dû y avoir autre chose dans le livre vert. Je parle de ce que j'ai lu et
de ce que j'ai vu et je suis vraiment d'accord avec les objectifs du ministre:
les trois obligations premières que nous avons, c'est une
équité fiscale, c'est une équité sociale et c'est
aussi de s'assurer que l'industrie du tourisme et de la restauration ne soit
pas mise en danger.
L'équité sociale. Une telle loi reconnaîtra aux
travailleurs et travailleuses au pourboire un statut de salariés au sens
du Code du travail par rapport à un statut de travailleurs autonomes, ce
qui leur permettrait d'avoir accès et de participer à part
entière aux avantages des programmes suivants: l'assurance accident,
l'assurance-automobile, l'assurance-accident (CSST), le Régime de
rentes, l'assurance-chômage, les normes du travail et les autres
programmes dont les avantages sont actuellement comptabilisés à
partir du salaire de base du salarié. (17 h 30)
Notre position est très ferme là-dessus. Je ne vois pas
pourquoi les salariés, parce qu'ils recevraient des pourboires, ne
seraient pas considérés comme des salariés tout court. Je
ne vois pas le qualificatif qui les met dans une position drôlement
inférieure par rapport aux avantages sociaux. Je ne vois pas pourquoi
une entreprise de restauration ne ferait pas honneur à ses obligations
sociales vis-à-vis de ses employés. Si on ne peut pas vivre comme
cela, en payant la part sociale, bien, batêche! que ceux qui ne le
peuvent pas ferment leurs portes. Cela donnera une chance aux autres de
continuer. On ne sera pas tellement affecté. Qu'on ne nous fasse pas
croire qu'on va perdre nos "jobs" pour cela parce que la restauration est un
secteur où
Il y a énormément de mobilité. Si vous avez un
volume de 2 600 000 000 $, qu'il soit réparti entre 14 000 restaurants
ou entre 12 000 ou 10 000 restaurants, vous aurez le même volume qui
nécessitera le même service. Chaque restaurant qui survivra aura
plus d'employés parce qu'il y aura plus de volume. Je n'ai absolument
pas peur d'une perte d'emploi à cause des 15%, si vous les rendez
obligatoires, ou d'une formule qui exige des employeurs le paiement des
avantages sociaux pour les montants que perçoivent en pourboires les
salariés. Le fait d'être considéré comme
salarié, bien sûr, ouvre la porte à un paquet de choses,
comme les normes du travail, l'assurance- chômage et tous ces
avantages.
On paierait les impôts, c'est sûr, on nous dit de payer des
impôts. Bien sûr, payons des impôts, mais qu'on en profite.
Tous ceux qui sont ici et qui ne sont pas des salariés au pourboire
paient des impôts et profitent de leurs impôts. Qui, dans la salle
ici, ne perçoit pas d'avantages sociaux pour ce qu'il doit payer au
fisc? Les employés au pourboire. On les impose sur 3,25 $ l'heure et on
les paie 3,25 $. Depuis 1978, on leur dit: Mon ami, tu ne gagnes pas 3,26 $
l'heure, tu gagnes 10 $ l'heure et tu dois payer des impôts. Si je paie
des impôts, parce que vous me cotisez et que vous m'y obligez, à
10 $ l'heure, donnez-moi les avantages sociaux en conséquence avec les
limites qu'il y a. Je pense que c'est cela l'équité sociale,
c'est cela l'équité fiscale. Je conçois vraiment mal qu'on
soit rendu où on en est actuellement; et d'une façon
rétroactive en plus de cela quant aux poursuites qu'on a.
Il est normal qu'un citoyen du Québec, qui retire un revenu de
son travail, prenne ses responsabilités vis-à-vis de
l'État et lui paie sa part d'impôts comme tous les autres citoyens
doivent le faire. Personne ne tique parmi les employés au pourboire
là-dessus; personne ne s'oppose à cela. Les travailleurs et
travailleuses au pourboire reconnaissent cette obligation qui est la leur, tout
comme ils exigent en retour le droit aux divers avantages que leurs
impôts doivent leur procurer, comme tous les autres citoyens du
Québec. Il en est de même pour le restaurateur employeur qui,
comme tous les autres employeurs du Québec, doit assumer envers ses
employés ses responsabilités d'employeur dans l'exercice de ses
fonctions et attributions normales. Les frais encourus doivent faire partie de
ses frais d'exploitation normaux. Les responsabilités de l'employeur
sont doubles pour nous: l'employeur doit comptabiliser le total des revenus de
son employé, soit le taux horaire payé, les frais de service
individuels, les frais de service en pourboires, les pourboires
rapportés périodiquement par un employé et les pourboires
sur les charges. J'apprenais tout à l'heure - et j'en suis très
heureux -que l'Association des restaurateurs ne voit pas de problème
à s'occuper de cette partie, et cela prend sa coopération.
L'employeur doit acquitter à l'État sa part entière
des frais encourus pour les différents programmes d'avantages sociaux
à l'intention de ses employés, lesquels sont
généralement plafonnés. Il doit aussi payer à ses
employés, selon les revenus réels et rapportés qui leur
reviennent, incluant les pourboires, les avantages des différents
programmes sociaux accordés par la Loi sur les normes du travail, par
exemple. Inutile de dire que l'État devra également s'assurer que
les différents régimes sociaux, tels la
CSST, l'assurance automobile, etc., reconnaîtraient les revenus
réels incluant les pourboires rapportés pour établir les
indemnités et les avantages auxquels les travailleurs au pourboire
auraient droit. Voilà, pour nous, les règles du jeu qui
établissent une équité fiscale: X revenu égale X
impôt égale X avantages pour le salarié au pourboire.
En troisième partie, je pense que l'assurance que l'industrie du
tourisme ne soit pas mise en danger, ce n'est pas tellement à moi de le
mentionner, mais, tout de même, j'aimerais vous dire que c'est
sûrement un critère que nous, de l'Union des employés de
restauration du Québec, n'ignorons pas, car le vieux cliché
utilisé à toutes les sauces: s'il n'y a pas d'entreprise, il n'y
a pas de "boss" et il n'y a pas de "job", se retrouve aussi dans la bouche des
nombreux restaurateurs employeurs.
Au Québec, nous sommes particulièrement choyés, car
on nous rapporte 17 594 établissements de restauration, soit un
restaurant par 500 citoyens par rapport à un restaurant par 1000
citoyens en Ontario et à un restaurant par 1200 citoyens canadiens.
C'est la première fois, je crois, qu'on s'entend avec l'employeur sur
des chiffres; cela n'arrive pas souvent, croyez-moi. De l'avis
général, il y aurait probablement trop de restaurants au
Québec, ce qui entraîne automatiquement une concurrence trop
grande qui force les restaurateurs professionnels, les vrais, à ajuster
leur prix à la clientèle à la baisse, avec, comme
conséquence, un profit justifié moindre; trop de concurrence.
Bien sûr, normalement, ce seraient les entreprises de restauration les
moins bien administrées qui subiraient les premiers coups à la
suite d'une hausse du coût de leur part aux avantages sociaux normaux de
leurs salariés, ainsi que l'addition de frais, même minimes,
d'administration d'une loi exigeant "la déclaration périodique
des pourboires par l'employé".
Est-ce que ce serait si désastreux pour l'ensemble des
restaurateurs et pour la population, si un millier de restaurants au
Québec, par exemple, devaient fermer leurs portes demain? Le volume
d'affaires en restauration ne serait pas diminué pour autant et les
emplois, qui sont toujours en fonction du volume d'affaires, ne subiraient
à peu près pas, pour autant, une baisse. Le seul contretemps
serait que les salariés au pourboire seraient déplacés
d'un restaurant à l'autre.
Quant à l'industrie du tourisme, nous croyons qu'elle en
bénéficierait, car l'élimination possible, disons, d'un
millier de restaurants forcerait chaque restaurateur québécois
à améliorer la qualité de sa nourriture, de son service,
etc. La disparition du marché d'un certain nombre de restaurateurs
entraînerait automatiquement une augmentation du volume d'affaires pour
ceux qui continueraient leurs opérations, leur permettant d'acquitter
plus facilement leurs obligations sociales.
Par exemple, nous de l'Union des employés de restauration du
Québec, avons syndiqué en 1972 les employés des
restaurants Marie-Antoinette. Cette entreprise, qui fonctionne avec un contrat
de travail depuis cette date, a ajouté à ses actifs depuis dix
ans huit autres établissements, pour un total, aujourd'hui, de 15
établissements en opération et de 1000 salariés au
travail, au lieu des 400 du début.
Ce qu'il est important de retenir, c'est que cette entreprise de
restauration s'est développée rapidement, malgré une
convention collective de travail qui accorde à ses employés,
entre autres avantages sociaux - je n'ai pas tellement parlé
d'assurance; oui, j'ai parlé d'assurance, mais c'est un coût
vraiment minime dans le fonctionnement - onze congés statutaires
payés par année; pleine indexation des salaires au coût de
la vie pour les employés des cuisines; six jours de
congés-maladie par année; des congés sociaux
spéciaux; 25 000 $ d'assurance-vie; un régime de quatre semaines
de vacances à 8% des gains après dix ans de service, etc.
Malgré cette charge financière que peu de restaurateurs ont
à assumer au Québec - je pense que c'est le seul, s'il y en a -
cette entreprise s'est développée à un rythme rapide, ce
qui nous fait nous demander, en conclusion si les restaurants Marie-Antoinette
ont réussi, malgré les frais de leur convention collective,
à poursuivre leur croissance, pourquoi les autres restaurateurs ne
pourraient pas en faire autant, à moins qu'ils ne soient trop avides de
profits et peu soucieux de leurs responsabilités d'employeurs.
Pour ces raisons et pour d'autres encore, ce n'est ni l'industrie
touristique, ni les employeurs qui pourraient prétendre souffrir d'une
loi qui établirait la déclaration périodique des
pourboires par les employés. Bien au contraire, elle raffermirait et
professionnaliserait leurs opérations. Malgré les coûts de
fonctionnement additionnels qu'une telle loi pourrait apporter, ces
prétendus désavantages pourraient être largement
compensés par un accroissement de la clientèle, à la suite
d'une diminution de la compétition.
La déclaration périodique des pourboires par
l'employé, pour nous, tient entièrement compte des trois
éléments primordiaux retenus par l'honorable ministre Marcoux
pour le dépôt d'une loi sur les pourboires qu'il projette, soit
l'équité sociale, l'équité fiscale et l'assurance
que l'industrie touristique ne sera pas mise en danger. Nous ajoutons à
ceci que la capacité financière
des bons restaurateurs ne sera pas mise en péril par le
coût des avantages sociaux accrus.
Je dois dire que, malgré tout cela, nous avons des relations de
travail qui sont cordiales, malgré une grève de 30 jours. Nous
avons obtenu cela, disons, de façon vraiment civilisée et je ne
crois pas, en tout cas, que le fonctionnement des Marie-Antoinette soit en
danger parce qu'il y a une convention collective de travail et qu'il y a des
avantages sociaux et des salaires plus élevés que la moyenne qui
se paie à ces salariés. Si les restaurants Marie-Antoinette
peuvent survivre et faire des profits, je me demande pourquoi les autres ne le
pourraient pas.
Le pourboire, un revenu de travailleur autonome. Prétendre que le
salarié au pourboire est un salarié autonome, par
conséquent pas comme les autres, ne correspond pas à la
réalité. Je pense que si on pose comme principe que le
salarié au pourboire est un travailleur autonome, il faut changer toute
la conception de notre affaire. Personnellement, je crois qu'on ne devrait pas
faire de discrimination et qu'on devrait considérer le salarié au
pourboire comme un salarié ordinaire. Ce n'est pas un salarié
à la commission qui se déplace à droite et à gauche
pour vendre des automobiles ou d'autres produits. C'est peut-être
considéré comme un employé à la pièce, comme
dans le textile qui sont des salariés au sens du code, qui travaillent
dans un emplacement. Je pense que ce serait les considérer
différemment des salariés ordinaires que de les considérer
comme des salariés autonomes parce que, en fait, ce ne sont pas des
salariés autonomes et on n'a pas le droit de leur imposer une double
taxation pour les avantages sociaux auxquels ils ont droit.
Recommandations. Nous avons pris connaissance de la loi
américaine "Tax Equity and Fiscal Responsability", laquelle loi prendra
effet le 1er janvier 1983 sous l'autorité du gouvernement des
États-Unis. Nous retenons quelques éléments de cette loi
qui semblent valables, pouvant dans leur ensemble s'appliquer au Québec,
tenant compte de nos obligations fiscales envers les gouvernements
fédéral et provincial.
Déclarations des pourboires. Chaque salarié
américain - là, on parle de la loi qui va exister en 1983,
prenant effet à cette date - qui reçoit, dans l'exercice de ses
fonctions pour un employeur, des pourboires en monnaie dépassant 20 $ ou
plus au cours d'un mois de calendrier doit rapporter tels pourboires sur une ou
plusieurs déclarations à cet effet à son employeur. Vous
avez une formule dont la distribution est déjà commencée
au restaurant. Vous avez cela à la fin du mémoire, à U-1
que je viens d'identifier. C'est la formule qu'on a identifiée comme
étant "Employee's Daily
Record of Tips". Il y a deux colonnes. Il y a la colonne des "tips" qui
sont directement reçus en argent et la colonne des cartes de
crédit ou d'autres façons.
Contenu de la déclaration de pourboires. Un salarié qui
reçoit au cours d'un mois de calendrier 20 $ ou plus de pourboires en
monnaie doit remettre à son employeur une déclaration
écrite, inscrivant son nom, son adresse, son numéro d'assurance
sociale, etc., ainsi que le total des pourboires reçus quotidiennement.
Sa déclaration doit être remise le ou à une date
précédant le dixième jour du mois suivant le mois pour
lequel la déclaration doit être faite. En d'autres termes, chaque
restaurateur doit remettre au Secrétaire du Revenu des
États-Unis, avec son rapport mensuel, le rapport des pourboires
perçus par les employés à son service. L'employeur peut
exiger plus d'un rapport par mois, par exemple, un rapport pour chaque
période de paie, mais aucune déclaration ne doit dépasser
une période de plus d'un mois.
Contenu de la déclaration de l'employeur. Les employeurs doivent
remettre au Secrétaire du Revenu, accompagnant leurs rapports
trimestriels d'impôt sur le revenu et de taxes d'assurance sociale sur
les salaires, une liste du total des pourboires en monnaie rapportés par
leurs employés. De plus, l'employeur doit inclure avec sa remise
trimestrielle la déclaration de pourboires qu'il a reçue de
chacun de ses employés. Un employé qui a un revenu de pourboires
doit recevoir de son employeur une formule préparée par le
gouvernement qu'il doit compléter et remettre à son employeur en
indiquant qu'il est à jour ou pas avec le fisc à la date de son
rapport.
Les obligations de l'employeur pour les pourboires "chargés". Les
pourboires perçus sur une carte de crédit ou le résultat
de frais de service individuels ou collectifs, ainsi que le salaire payé
au un salarié à pourboire doivent être rapportés au
Secrétaire du Revenu par le restaurateur.
Les exigences requises pour certains établissements importants
servant de la nourriture ou de la boisson. Rapport au secrétaire. Dans
le cas des établissements importants servant de la nourriture ou de la
boisson, chaque employeur doit rapporter au secrétaire, pour la
période et à la manière qu'il l'exige par
règlement, l'information suivante, en rapport avec chaque année
de calendrier. Les reçus bruts d'un tel établissement, provenant
de la nourriture et de la boisson; le montant accumulé des reçus
(autres que les reçus non alloués) inscrits sur une "charge" au
client; le montant accumulé des pourboires inscrits sur de telles
"charges" au client; la somme du montant accumulé rapporté par
les employés à leur employeur et du montant que l'employeur doit
rapporter sur les pourboires perçus sur les "charges" de
moins de 10%. En rapport avec chaque salarié, le montant
alloué selon le paragraphe c.
Rapport à chaque salarié au pourboire. Chaque employeur
décrit au paragraphe A doit fournir, de la manière dont le
secrétaire peut l'établir par règlement, à chaque
employé d'un important établissement un relevé pour chaque
année de calendrier détaillant l'information suivante: le nom et
l'adresse de l'employeur; le nom et l'adresse de l'employé; le montant
alloué à chaque employé pour les périodes de paye
se terminant avec l'année de calendrier. Chaque relevé doit
être remis à l'employé durant le moins de janvier suivant
l'année de calendrier précédente, pour lequel ce
relevé a été fait, comme tous les employeurs le font,
d'ailleurs.
Allocation de l'employé de 8% des recettes brutes. On va
définir un peu plus loin un important établissement. Pour les
Américains, un important établissement, c'est un
établissement qui compte dix personnes à son emploi. C'est ce
qu'on appelle un important établissement aux États-Unis.
L'employeur d'un important établissement pour la consommation de repas
ou de boisson doit allouer, comme pourboires aux fins de satisfaire aux
exigences de cette sous-section, parmi les employés exécutant des
services durant une période de paye, qui normalement reçoivent
des pourboires comme revenu, un montant égal à l'excédent
de 8% des reçus bruts, autres que les reçus non alloués,
d'un tel établissement, une fois la période de paye
terminée; le montant accumulé rapporté par de tels
employés, pour une telle période. (17 h 45)
Méthode d'allocation. L'employeur doit allouer le montant
prévu au sous-paragraphe a): sur la base d'une entente de bonne foi
entre l'employeur et les employés; à défaut d'une entente,
de la manière déterminée par règlement
formulé par le secrétaire. Le secrétaire peut
réduire le pourcentage requis à être alloué. Le
secrétaire peut réduire, mais pas plus bas que 5%, le pourcentage
des reçus bruts requis, à être alloués au
sous-paragraphe a), alors qu'il détermine que le pourcentage des
reçus bruts constituant les pourboires est de moins de 8%.
Pour les fins de cette sous-section, le terme "établissement
important pour la consommation d'aliments ou de boisson", désigne tout
commerce ou maison d'affaires ou partie d'icelle: qui procure des repas ou de
la boisson; en rapport desquels la remise de pourboires, à des
salariés servant des repas ou de la boisson, par les clients est
d'usage; lequel, normalement, emploie plus de dix salariés lors d'une
journée normale de travail au cours de l'année de calendrier
précédente. Évidemment, l'employeur n'est pas tenu
responsable pour des allocations erronées des salariés. On
exclut, par exemple, des reçus non alloués. Aux fins de cette
sous-section, le terme "reçus non alloués" doit être
interprété comme étant des ventes à
l'extérieur et des services pour lesquels des frais de service de 10% ou
plus sont ajoutés.
Conclusion. Il y a un problème certain qu'affrontent
présentement les employés au pourboire, le ministère du
Revenu et les employeurs-restaurateurs. La solution, c'est une loi dans
laquelle chacun des trois partenaires trouvera son compte. Elle ne sera pas
parfaite, c'est bien sûr, mais elle devra être réaliste et
comprendre les trois éléments principaux: équité
sociale, équité fiscale et la protection de l'industrie du
tourisme. Nous, de l'Union des employés de restauration du
Québec, croyons que le système américain favorise la
protection de ces trois principaux éléments. Les erreurs de
parcours qui pourraient survenir pourraient être rapidement
corrigées par une réglementation facile à modifier
rapidement. Pour les salariés au pourboire, le système
américain leur permettra d'atteindre deux objectifs principaux: ils
paieront périodiquement leur impôt sur le revenu imposable. Leurs
pourboires seront inclus. C'est donc à la source, comme tous les autres
travailleurs le font, sur leur salaire et autres revenus qu'ils paieront leur
impôt. Ils seront des salariés à part entière. Ils
bénéficieront comme tels des avantages sociaux que
différents programmes gouvernementaux accordent à ces citoyens.
Comme dans les entreprises autres que la restauration, les salariés
profiteront des contributions des employeurs qui n'assumeront rien d'autre que
leurs responsabilités d'employeurs.
Si vous regardez à la fin, il y a différentes formules que
j'ai indiquées. Également, j'ai indiqué un texte en
anglais que je n'ai pas traduit, qui vient du journal de l'Association des
restaurateurs et qui indique la position de l'Association des restaurateurs
américains qui est contre la loi Reagan et qui a fait un gros lobby de
ce côté. Elle est contre parce qu'évidemment cette
association voulait le statu quo. J'ai pensé à l'indiquer pour
donner des arguments à ceux qui croient qu'il y a des
désavantages marqués dans cette loi. En fonction de notre mandat,
nous préconisons ce service. En terminant, je voudrais tout simplement
ajouter qu'au cours des douze assemblées que nous avons tenues au cours
des dix derniers jours avec des employés au pourboire, à
l'exception de quelques salariés à Sherbrooke qui n'ont pas voulu
se prononcer, c'est à l'unanimité que les employés au
pourboire appuient ce mémoire et sont contre le programme des 15%
obligatoires pour tout le monde sur la facture.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: Je vous remercie, M. Côté, de la
présentation de votre mémoire. Comme je me suis entendu avec mes
collègues pour qu'on prépare ensemble cette commission et pour
profiter de leurs conseils, de leurs critiques, de leurs suggestions à
cette commission, je me suis entendu pour que le député de
Bellechasse vous pose les premières questions, s'il vous
plaît;
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Bellechasse.
M. Lachance: Oui, M. le Président. J'ai lu avec beaucoup
d'intérêt le mémoire qui vient de nous être
présenté et, même si M. Côté vient d'y faire
allusion, j'aimerais avoir un peu plus de précisions sur la façon
dont vos membres ont été consultés pour finalement opter
pour la solution que vous préconisez. Si j'ai bien compris, c'est la
solution qui est dans le livre vert, à l'article 5.3.
M. Côté: Oui.
M. Lachance: La forme de consultation?
M. Côté: Nous avons appelé nos membres en
assemblée générale. Il faut comprendre que nous avons
surtout des employés des restaurants Marie-Antoinette. Nous avons
convoqué tous nos membres des restaurants Marie-Antoinette, d'abord, par
des assemblées à Québec et par des assemblées dans
les différentes régions où il y a des restaurants
Marie-Antoinette. Il y a également Curly Joe, par exemple, où
nous avons plusieurs membres. C'est la façon dont nous avons
consulté nos membres. Nous avons parlé des 15% et il ne semble
pas, en tout cas, parmi nos membres - il n'y a pas d'erreur - qu'ils
préconisent cette formule de 15% obligatoires sur les pourboires.
Maintenant, j'ajouterai que nous représentons beaucoup plus
d'employés au pourboire que ceux dont nous parlons, que nous
défendons au niveau du fisc. Je vous avoue qu'après des
consultations personnelles et beaucoup de discussions, la presque
totalité au pourboire qui traitent avec nous - parce qu'on leur donne
vraiment ce que nous pensons; ce n'est pas à des fins de propagande - ne
veut pas des 15% obligatoires sur les factures.
M. Lachance: Donc, si je me fie à vos propos, M.
Côté, il y a bel et bien consensus de votre groupe sur la solution
que vous préconisez.
M. Côté: II y a un consensus de presque 100%.
M. Lachance: Merci, sur cela. Vous avez, dans votre
mémoire, fait allusion à un problème dont on a beaucoup
entendu parler au cours des derniers mois, une espèce de
harcèlement dont sont victimes, entre guillemets les employés des
Marie-Antoinette d'une façon toute particulière. Est-ce que vous
avez cherché à identifier les causes de cette attitude de la part
du ministère du Revenu, d'abord, Revenu Canada et, par la suite, Revenu
Québec?
M. Côté: La recherche était fort simple. Les
restaurants Marie-Antoinette groupent tout de même près de 700
employés au pourboire, c'est déjà un groupe important. Il
y a très peu de groupes de cette nature en restauration où il y a
tant de gens regroupés à l'intérieur d'une même
activité. Il est fort facile pour les ministères du Revenu du
Canada ou de Québec, comme l'a fait, d'ailleurs, le ministère du
Revenu du Canada, de se présenter chez Marie-Antoinette et de saisir les
factures pour les années 1978 et 1979. Les serveurs et les serveuses y
sont identifiés. On a calculé les ventes des serveurs et des
serveuses. Nous en sommes arrivés à la conclusion que certains
devaient 10%, certains 11%, certains 9% en se basant principalement sur les
cartes de crédit que les employés avaient reçues pour le
paiement de repas ou de boisson et en diminuant de 2%, parce que ce n'est pas
une carte de crédit, le reste des pourboires qu'ils ont reçus en
argent.
Ce qu'il y a d'aberrant, c'est que, dans des succursales comme les
restaurants Marie-Antoinette ou Curly Joe, par exemple, pour ne nommer que
ceux-là, il n'y a pas tellement de frais de repas qui sont payés
avec des cartes de crédit parce que les montants ne sont pas aussi
substantiels que dans d'autres restaurants où il y a un service
élaboré. On est parti, par exemple, de serveurs qui avaient
peut-être six ou sept cartes de crédit dans un mois, dont les
pourboires étaient de 13% ou de 14% et on a dit: Ma fille, tu vas payer
11% parce que tu as perçu 13% sur tes cartes de crédit; c'est ta
moyenne et on te facture 11%. On n'a tenu compte d'aucun autre facteur,
absolument pas; c'est la façon dont on a procédé. Que le
restaurant soit situé à Saint-Hilaire ou qu'il soit situé
à Rimouski ou à Sainte-Anne-de-Beaupré - on
espérait qu'il y aurait des miracles dans ce coin, mais on n'en a pas eu
- c'est toujours la même chose et c'est la façon dont a
procédé le fisc.
M. Lachance: Est-ce que vous connaissez des cas qui s'apparentent
ou qui sont un peu comparables à la poursuite que le ministère du
Revenu a intentée à l'égard des succursales de restaurants
Marie-Antoinette?
M. Côté: Est-ce que vous me parlez du provincial ou
du fédéral?
M. Lachance: C'est difficile, je crois bien, de faire la
distinction.
M. Côté: Non, c'est facile pour nous. M.
Lachance: Oui, allez-y.
M. Côté: Oui, c'est facile pour nous, parce qu'en ce
qui concerne le fédéral c'est vraiment lui qui est le fer de
lance, à toutes fins utiles; c'est lui qui va de l'avant et qui fait les
enquêtes, à cause de l'entente qu'il y a avec le gouvernement
provincial, nous dit-on. Le gouvernement provincial est entré dans le
paquet et nous réclame en fonction de ce qui est payé au
fédéral. C'est la façon dont on procède dans le
moment.
M. Lachance: Mais, M. Côté, est-ce que vous
connaissez à l'égard d'autres chaînes de restauration une
attitude comparable?
M. Côté: Non, aucune. Aucune au Canada. Je peux vous
assurer que j'ai vérifié mon affaire et je vous dis que nous
sommes la seule chaîne qui soit affectée d'une façon aussi
brutale par le fisc canadien. Je vous dis que dans l'Ouest il n'y a presque
rien. Pendant quelques années en Saskatchewan, Ottawa, a commencé
à taper, mais ce n'est pas sur des chaînes, c'est sur des
restaurants individuels qu'on tape.
M. Lachance: Vous avez droit à un traitement de
faveur.
M. Côté: On a vraiment droit à un traitement
de faveur.
M. Lachance: À la page 13 de votre mémoire, vous
semblez reconnaître qu'il pourrait y avoir des effets assez importants
sur les restaurateurs si certaines mesures étaient prises pour aller
dans le sens de vos revendications. Vous mentionnez même le chiffre de
1000 restaurants au Québec. Vous demandez si cela serait si
désastreux si ces restaurants devaient fermer leurs portes. Je ne sais
pas si vous avez pensé à ce moment-là, M.
Côté et votre groupe, aux petites municipalités. Parce que
des Marie-Antoinette, il n'y en a pas dans toutes les municipalités du
Québec. Moi, je peux vous dire que, dans le comté que je
représente, il n'y en a pas, de Marie-Antoinette. C'est dans Bellechasse
et une municipalité de 2000 habitants chez nous, c'est gros. Alors, si
on serre trop fort le cou d'un grand nombre de restaurateurs, est-ce qu'il y
aura des restaurants qui seront capables de subsister dans mon coin? C'est la
question que je me pose.
M. Côté: Ecoutez, je ne connais pas les restaurants
chez vous d'une façon plus particulière. Je ne peux pas vous
répondre vraiment en connaissance de cause dans un cas comme
celui-là. Je vous dis que, même s'il y avait un millier de
restaurants qui fermaient leurs portes à cause d'une charge accrue
causée par les avantages sociaux, les frais que cela entraîne,
cela ne serait pas tragique tant que cela au niveau du Québec, au niveau
de l'industrie touristique et au niveau des salariés dans l'ensemble. Je
présume que dans Bellechasse les restaurateurs doivent être de
bons restaurateurs et, si vous ne le croyez pas, n'hésitez pas à
me le dire.
M. Lachance: Pas de problème de ce
côté-là, M. Côté, ça va bien, sauf
qu'on aimerait bien garder ceux qu'on a. Cela cause déjà des
problèmes présentement à ce niveau-là.
Vous avez un point important dans votre mémoire, vous y insistez
très longuement et personnellement j'ai trouvé cela
extrêmement intéressant. Vous vous attardez à la nouvelle
loi américaine qui a été sanctionnée il y a deux
mois par le président Reagan. Est-ce que vous savez si l'application de
cette loi à partir du 1er janvier 1983 aux États-Unis va
entraîner une réduction de la taxe sur les repas aux
États-Unis?
M. Côté: Bien, de la taxe sur les repas?
M. Lachance: Oui.
M. Côté: C'est une très bonne question, mais
la réponse est impossible à donner parce que la taxe sur les
repas n'est pas du domaine fédéral aux États-Unis. C'est
du domaine de l'État, comme au Canada. Le gouvernement canadien n'a rien
à voir avec nos taxes. Peut-être qu'il essaie, je ne sais pas,
parce qu'il essaie quelque chose de nouveau tous les jours. Mais, dans ce
cas-là, il n'essaie pas à ce moment-ci. Alors, je peux vous dire
que j'imagine que ça va entraîner des effets. Au niveau de la
taxe? Bien, ça, c'est une autre paire de manches. Ce sont les
États. Vous prenez le New Hampshire, par exemple, pour ne mentionner que
celui-là, il n'y a pas de taxe de vente. Cela n'entraînera pas une
augmentation de taxe à moins qu'il n'en impose une, si c'est ça
que vous me demandez.
M. Lachance: Ce que je voulais savoir, c'est s'il y a eu une
sorte d'entente entre les gouvernements des États où il y a
imposition d'une taxe sur les repas et le gouvernement fédéral de
Washington.
M. Côté: Oui, il y a une entente au
niveau des formules. Par exemple, les formules que vous voyez dans le
mémoire sont des formules qui sont employées tant au niveau du
fédéral qu'au niveau des États, parce que les avantages
sociaux sont acquittés par les États. Quant au gouvernement
fédéral, sa part ne touche que l'impôt sur le revenu des
salariés au pourboire. On se comprend? (18 heures)
M. Lachance: D'accord.
M. Côté: Quant aux États, c'est selon les
États. Si vous allez en Californie, par exemple, vous avez des avantages
sociaux qui sont intéressants. Vous avez un régime de retraite
qui est dispendieux, mais qui est très intéressant. À ce
moment-là, il est bien sûr que les frais - on n'a rien pour rien
-sont élevés. La partie de l'employeur-restaurateur de Californie
pour ce secteur, bien sûr qu'elle augmente parce que, à partir de
1983, il va être obligé de payer sa part de responsabilité
comme employeur: 50-50 comme ici ou à peu près. Cela commence
à varier un peu, mais, de toute façon, sa partie va lui
coûter cher.
M. Lachance: Je vous remercie, M. Côté.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le
député de Bellechasse. M. le député de Saint-Louis,
avant de vous donner la parole, ça me prend la permission de la
commission pour qu'on puisse continuer parce qu'il est six heures. Est-ce qu'on
continue ou si on revient avec les témoins?
Une voix: On finit le mémoire.
Le Président (M. Gagnon): On va finir ce
mémoire-là?
Une voix: Oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: M. Côté, je trouve votre mémoire
très intéressant. L'application de la loi américaine
m'intéresse beaucoup parce que je pense que ce serait un compromis et,
de plus, ça vient d'une concertation entre les employés et les
patrons.
Une voix: Oui.
M. Blank: Parce que c'est le résultat, comme je l'ai dit
ce matin, d'un compromis. Au lieu de couper le "business man lunch" de trois
martinis à un martini et demi, ce qui affecterait beaucoup le chiffre
d'affaires, fermerait beaucoup de restaurants et entraînerait des pertes
d'emplois, des employés de restaurants au pourboire ont
décidé de faire cette concertation avec le patron, de payer de
l'impôt sur les pourboires et on en est venu à cette loi. Pour
moi, c'est un compromis et cela ne touche pas la question du pourboire
obligatoire; c'est encore volontaire. Mais le fisc a une façon d'avoir
l'équité fiscale et cela ne touche pas tellement à
l'équité.
Une voix: Sociale?
M. Blank: Non, cela y touche, parce que cela a des effets, c'est
garanti, sur l'équité sociale, et du côté
économique, cela ne touche pas le client.
Une voix: C'est cela.
M. Blank: Les Américains ont décidé
d'exempter les "fast-foods" et le "takeout" de leur loi et ils exemptent aussi
tous les établissements de moins de dix employés. Ici, au
Québec, comme l'Association des restaurateurs l'a dit cet
après-midi, il y a beaucoup de restaurants qui ont moins de dix
employés. Pensez-vous qu'ici au Québec on doive avoir cette loi
pour tous les restaurants, sauf pour le "takeout" et les "fast-foods".
M. Côté: D'abord, la question des "fast-foods". Au
point de vue des frais de service, il n'y en a pas, il n'y a pas de serveurs au
pourboire. Alors, il n'y a vraiment pas de service, mais il y a une chose, par
exemple, que je retiens et qui, pour nous, semble extrêmement importante,
et on en a des effets directs. C'est que là où on a des
restaurants qui sont à côté des "fast-foods", on a beaucoup
de problèmes avec la clientèle à cause du privilège
qu'on accorde à Me Donald, par exemple, et à tous ces
"fast-foods" qui ne sont pas imposés. Cela nous cause vraiment des
problèmes. On a vraiment des effets. Prenons le Marie-Antoinette - on
est parti sur le Marie-Antoinette. À côté -prenez à
Charlesbourg - vous avez un Me Donald qui vient d'ouvrir. Immédiatement,
on aura un effet parce que le consommateur épargne ses 10% s'il va au Me
Donald, le Marie-Antoinette étant obligé d'imposer 10% sur la
facture. Pour 3,26 $, ce n'est pas beaucoup. Si vous payez 3,26 $ dans un Me
Donald, vous n'avez pas de taxe; au Marie-Antoinette, vous avez une taxe
à payer. Quant à moi, cela nous crée
énormément de problèmes et je pense que tout le monde
devrait être imposé.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Montmagny-L'Islet.
M. LeBlanc: Une observation très courte, suivie d'une
question. Vous avez fait allusion, M. Côté, plusieurs fois aux
restaurants Marie-Antoinette, à la chaîne des
restaurants Marie-Antoinette...
M. Côté: Ce sont les seules syndiqués.
M. LeBlanc: Je me demande s'il y a, dans la région de
l'Estrie, par exemple, des restaurants Marie-Antoinette. Je me demande si vous
réussirez à convaincre les représentants que nous avons
entendus dans le premier mémoire, les employés au pourboire de
l'Estrie, d'accepter votre formule, parce que la vôtre est nettement
favorable à une déclaration périodique des pourboires,
tandis que celle préconisée par les représentants de
l'Estrie était plutôt celle du pourboire obligatoire.
M. Côté: Oui.
M. LeBlanc: Quelle est votre position par rapport à cela?
Voilà deux groupes d'employés au pourboire qui adoptent une
position complètement opposée. Est-ce que vous pourrez, soit un
groupe ou l'autre, vice versa, vous convaincre l'un et l'autre d'accepter la
même formule?
M. Côté: II faudrait connaître les choses
telles qu'elles sont. Vous avez cinq ou six groupes de Pro-Restel, qui est
l'antichambre de la CSN à tout événement. Il n'y a rien de
mal là-dedans; c'est de bonne guerre. C'est l'antichambre de la CSN. Que
vous présentiez un mémoire CSN, cela va être un
mémoire CSN, qui s'oppose à nous autres, et ce ne sera pas la
première fois, on est en guerre souvent; je n'ai pas de problème
avec cela. Remarquez bien que je vous dis sans risque de me tromper: Si ce
Parlement, cette Assemblée nationale, nous donne 15% de pourboire
obligatoires, dans un premier temps, c'est certain que je vais applaudir. Je
vous ai dit tout à l'heure pourquoi. C'est parce que, si vous nous
donnez 15% sur le pourboire, indexé pardessus le marché, et puis
autre chose à part cela, et un voyage en France, c'est certain que je
vais être d'accord. Je vais en vendre, on va en syndiquer des gens dans
le secteur, c'est peut-être un bon moyen d'en syndiquer. J'admire la CSN
pour cela, c'est un coup de maître qu'elle a fait, mais j'espère
que tout le monde va savoir les choses telles qu'elles sont. Je vous le dis et
je vous le répète: Donnez-moi 15% sur les factures et je vais
voter pour vous autres; ça prend cela, par exemple.
M. LeBlanc: Je pense que c'est une explication qui s'imposait
pour clarifier la position de deux groupes de travailleurs...
M. Côté: Non, c'est clair, on a une opposition.
M. LeBlanc: ... qui réclament, qui choisissent des
formules différentes.
M. Côté: On voit le groupe CSN qui est allé
en Europe; il nous revient, et il nous dit: En France, cela ne marche pas trop,
on veut changer; d'ailleurs, la loi Godard est établie depuis 1937.
Là-dedans, il y a du salaire, parce qu'à certains endroits, c'est
du salaire. Il y a également le pourboire obligatoire pour certains
hôteliers et il y a le pourboire tout simplement. Si vous allez en
Belgique, c'est un autre système. Il y a le fameux tronc; là,
c'est une autre affaire. C'est rendu que tout le monde veut changer cela parce
que le tronc, en fin de compte, ce n'est pas le serveur qui en profite; c'est
tout le monde autour de lui: maître d'hôtel, "bus boy", enfin tout
le "kit".
M. LeBlanc: La formule hiérarchique.
M. Côté: Oui, ils veulent changer. Je peux vous dire
qu'il y a un an je suis allé à Nassau où il y a le service
obligatoire, et j'y étais en pleine période électorale. Je
vous dis que j'ai rencontré plusieurs syndicats qui représentent
les employés au pourboire et, là aussi, on veut changer parce que
cela ne marche pas. Depuis que l'homme est homme qu'il y a des pourboires; cela
existe depuis toujours. Regardez le programme, M. le ministre, vous allez voir
qu'il y en a un qui a pris 150 000 $; c'est un pourboire. Cela existe partout.
Alors, comment peut-on aller à l'encontre d'un désir humain? On
est tous pareils. On a tous tendance à sortir 0,10 $ ou 1 $ ou n'importe
quoi. C'est cela, la vie. Et on va nous arriver avec une loi et on va nous
dire: Vous avez 15% et vous n'avez plus rien? Bien jamais! Vous allez avec des
amis, vous allez vouloir impressionner un électeur et vous allez donner
un pourboire au maître d'hôtel parce que vous voulez être
bien reçu. C'est normal et personne ne vous en voudra. Vous ne pourrez
pas empêcher cela.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Sainte-Anne.
M. Polak: Seulement une question, M. Côté. J'ai bien
épluché le contenu de votre mémoire et dans votre
avant-propos vous parlez d'un problème grave avec les ministères
du Revenu, que vous appelez une aberration. Vu que nous sommes ici et que le
ministre est présent, j'aimerais le pousser un peu pour essayer de
régler ce problème. Cela ne vous affecte pas seulement, cela
affecte beaucoup de travailleurs dans ce secteur. Avez-vous eu des rencontres
avec le ministère concernant ce traitement qu'on peut qualifier
d'inhumain? Cela n'est même pas une poursuite, c'est une affaire
incroyable. Peut-on demander au ministre, avant que vous partiez, de donner une
réponse directe devant ceux qui sont
vraiment affectés?
M. Côté: Monsieur, on s'est mis à genoux pour
qu'il nous lâche la paix. Il y a à peu près trois semaines,
on a reçu un appel d'un fonctionnaire pour nous informer qu'il
était après nous autres. Là, il partait après les
employés des Marie-Antoinette. Je ne sais pas ce qui s'est passé,
mais cela a tempéré. Au fédéral, ce ne sont pas vos
affaires, mais batêche qu'ils sont difficiles. C'est difficile. On est
pris avec à peu près 700 employés au pourboire du
Québec que nos avocats représentent, qu'ils représentent
sans frais, remarquez bien, sans frais. On a des avocats qui croient en une
cause et qui sont bien payés par nous autres avec les cotisations des
membres, c'est évident. On a un bureau de comptables, on a des
fiscalistes. Bonjour, M. Bisaillon.
M. Bisaillon: Vous ne leur donnez pas de pourboires?
M. Côté: On ne leur donne pas de pourboires, qu'on
se le dise.
M. Polak: Je ne voudrais pas trop forcer le ministre, mais vu que
ces gens sont venus ici, M. le ministre, et vu que le problème est connu
de tout le monde, vu que nous avons un nouveau ministre, pourriez-vous donner
une indication à ces gens? Ils avaient la paix depuis trois semaines
sans doute parce qu'ils sont venus aujourd'hui dans le calme, mais qu'est-ce
qui arrivera demain quand ils seront partis? Pourriez-vous leur donner de
bonnes nouvelles ou pas?
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: On va laisser la parole à votre
collègue. J'ai un droit de parole par la suite et je répondrai
à votre question.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Viger.
M. Maciocia: Je voulais seulement éclaircir un point. Vous
avez dit tantôt que, pour une facture de 3,26 $ chez Marie-Antoinette, on
est obligé de faire payer 10% et que, pour la même facture
chez
McDonald, on n'est pas obligé de faire payer 10%. Cela me semble
un peu étrange. Pourriez-vous...
M. Côté: C'est un "fast-food", ils sont
populaires.
M. Maciocia: S'il y a une facture de 3.26 $ chez McDonald, on
n'est pas obligé de...
M. Côté: C'est parce que ce n'est pas tout à
fait la même situation. Vous allez chez McDonald, de toute
évidence, cela ne vous coûtera pas 3,26 $, parce que vous prenez
un hamburger, un coke et une patate.
M. Maciocia: Non, je vous comprends, mais, tantôt, vous
avez dit...
M. Côté: Un Big Mac coûte 1,90 $.
M. Maciocia: Je ne voudrais pas que les gens se sentent mal
informés, car vous avez donné l'exemple exact: Pour 3,26 $, chez
Marie-Antoinette, on facture 10%; pour 3,26 $, chez McDonald, on ne le fait
pas.
M. Côté: Oui, on fait payer la taxe. Oui, oui.
M. Maciocia: On est obligé? D'accord.
M. Côté: Sauf que je ne connais pas les
pourcentages, je ne suis pas dans le secret des dieux de McDonald.
M. Maciocia: Je vous comprends.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre? M. le
député de Hull?
M. Rocheleau: Sur la même question, vous dites que, chez
McDonald, à 3,26 $, il n'y a pas de taxe, mais si c'est une commande
familiale qui monte à 10 $ ou 12 $, il n'y a pas de taxe non plus?
M. Côté: On paie une taxe.
M. Rocheleau: Là, on paie une taxe.
M. Côté: Oui.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, vous avez
la parole. S'il vous plaît! M. le ministre.
M. Marcoux: M. Côté, lorsque vous parlez à
Revenu Québec et aussi que vous parlez à Revenu Canada, puisque
je pense qu'on est dans le même bain, je peux vous dire qu'il y a des
oreilles pour vous écouter, parce que, depuis le début de la
commission, il y a M. Robertson, de Revenu Canada, qui est le directeur
général de la vérification qui assiste attentivement
à tous nos travaux avec ses collègues et qui, je pense, veut lui
aussi profiter du contenu des mémoires. C'est l'occasion de lui
souhaiter la bienvenue. On ne peut pas l'identifier parce que vous allez nous
soupçonner de faire une liste à ce moment. C'est
préférable que monsieur reste inconnu. Je ne voudrais pas faire
la première page du Montreal Star.
M. Blank: M. le ministre, je suis déjà sur deux
listes et j'en suis très fier. Je suis
sur la liste des péquistes et je suis sur la liste du KGB. J'en
suis très heureux.
Le Président (M. Gagnon): Allez, M. le ministre.
M. Marcoux: Pour revenir à la question que vous avez
soulevée au tout début de votre mémoire et que d'autres
mémoires ont soulevée aujourd'hui concernant ce qui s'est
passé depuis 1979 où il y a eu des avis de cotisation
d'émis à l'endroit d'un certain nombre de travailleurs et
travailleuses au pourboire, je voudrais faire les quelques remarques suivantes.
Sans diminuer la gravité de la situation, je crois pouvoir dire qu'en ce
qui concerne Revenu Québec, il n'y a pas eu ce qu'on pourrait appeler -
je vais m'exprimer aussi clairement que possible -de chasse aux travailleurs et
travailleuses au pourboire. Par là je veux dire que jusqu'à
maintenant, de 1979 à 1982, nous avons émis environ 800 ou 900
avis de cotisation par l'intermédiaire des services du bureau de Revenu
Québec. Évidemment, en plus, il y a eu environ 1350 ou 1500 avis
de cotisation émis à la suite d'échanges d'informations
qu'il y a automatiquement entre Revenu Canada et Revenu Québec. Sur
environ 70 000 ou 60 000 travailleurs, et on connaît la mobilité,
en ce qui concerne Revenu Québec, on parle de 900 avis de cotisation,
plus les 1350 provenant d'informations reçues de Revenu Canada; je pense
qu'on ne peut pas parler de chasse systématique dans ce sens. Je pense
que c'est important de le dire et je pense qu'on peut le dire honnêtement
sans partisanerie aucune ou sectarisme politique au niveau du Québec.
À Revenu Canada, il y a une attitude qui a été
développée, qui est de prendre des secteurs de la population; par
exemple, on pourrait choisir les ouvriers de la construction, ou d'autres
secteurs, ou d'autres catégories de la population. Depuis quelques
années, à Revenu Canada, on a pris le secteur des travailleurs et
travailleuses au pourboire et on a fait de l'investigation plus poussée
en commençant, comme vous l'avez dit, au Québec. (18 h 15)
Au niveau de Revenu Québec, quand je parle des avis de cotisation
que nous avons émis, ce n'est pas parce que nous avons commencé
une opération spéciale auprès des travailleurs et
travailleuses au pourboire. C'est à l'occasion, lorsque nous sommes
appelés, à cause des déductions à la source que
nous devons surveiller dans les entreprises de restauration, d'hôtellerie
ou d'hébergement, ou d'autres vérifications que nous devons faire
comme ministère du Revenu dans des entreprises. À ce moment, si
nous constatons qu'entre le chiffre d'affaires de telle entreprise et les
revenus de pouboires déclarés et cotisés, il y a une
différence, nous émettons ces avis de cotisation. Je peux assurer
qu'il n'y a pas eu de volonté et de politique d'action
systématique auprès de l'ensemble des travailleurs et des
travailleuses au pourboire. Cela ne diminue en rien la gravité de la
situation humaine que vous avez décrite rapidement et que d'autres m'ont
décrite plus longuement depuis un ou deux mois que j'occupe cette
fonction.
En fait, lorsque certaines personnes demandent de mettre fin, de
suspendre ou d'annuler des avis de cotisation déjà émis,
je pense que je dois être absolument clair. Notre principe de
fiscalité au Québec et dans l'ensemble du Canada, c'est le
principe qui se résume en un mot et qu'on appelle l'autocotisation,
c'est-à-dire que chaque citoyen est chargé lui-même de
révéler l'ensemble de ses revenus au ministère du Revenu.
Lorsqu'un ministère dit: J'ai reçu votre déclaration
d'impôt, je vous retourne tant, si je vous dois tant, ou je vous en
réclame tant, ce n'est pas le ministère du Revenu qui a la charge
de tout trouver et le devoir de révéler ou d'informer un citoyen
ou un contribuable de tous les revenus qu'il a eus durant l'année et de
lui révéler ses propres revenus. Notre principe fiscal de base
est que chaque citoyen a la responsabilité de révéler
l'ensemble de ses revenus.
En ce qui concerne les travailleurs et les travailleuses au pourboire,
comme d'autres travailleurs à bas salaire, dans l'ensemble, il y a
environ 600 000 travailleurs qui sont au salaire minimum au Québec, ils
doivent eux aussi révéler l'ensemble de leurs revenus. En ce
sens, les avis de cotisation ont été émis et, pas plus que
je ne peux, comme ministre du Revenu, annuler des avis de cotisation
émis dans d'autres cas par rapport à d'autres types de
travailleurs qui vivent aussi des situations difficiles au plan
économique actuellement, au plan salarial ou au plan humain, je ne
pourrais, comme ministre du Revenu, suspendre ces avis de cotisation.
Là où je crois qu'une bonne partie et même la
totalité de vos critiques se justifie, c'est peut-être sur la
façon dont on fait ce recouvrement ou sur la façon dont on arrive
aux ententes de remboursement au ministère du Revenu. J'entends
actuellement des choses qui peuvent me porter à penser qu'on n'utilise
pas, en tout cas, les méthodes les plus humaines qui soient. Ce n'est
pas déjà drôle de payer de l'impôt; je pense que le
minimum auquel on peut s'attendre de la part des fonctionnaires qui sont
chargés de percevoir cet impôt - pour eux, ce n'est pas
nécessairement une tâche facile non plus -c'est qu'ils le fassent
dans le plus grand respect et dans l'attitude la plus respectueuse des citoyens
dont ils sont chargés de percevoir les impôts. Je suis
convaincu que la réponse que je viens de donner ne peut
être à votre satisfaction, mais je ne vois pas actuellement
comment elle pourrait être autre.
En ce qui concerne les autres aspects de votre mémoire, je vais
être très bref parce qu'on dépasse déjà le
temps d'une vingtaine de minutes. Je peux vous dire que j'ai trouvé
rafraîchissante la lecture du mémoire parce qu'il apporte une
nouvelle perspective. On voit, dans les trois premiers mémoires, trois
perspectives différentes qui sont présentées
jusqu'à maintenant. Je crois qu'il faisait appel à une autre
expérience étrangère pour arriver à trouver notre
voie, notre façon. C'est important de réfléchir sur ce qui
se passe en Europe, dans ces différents pays, sur ce qui se passe chez
nos voisins américains, dans le reste du Canada comme dans les pays
où on va peut-être passer souvent l'hiver, en tout cas certains
Québécois, les États-Unis du Sud ou d'autres pays du Sud.
Je pense que ces réflexions sur ce qui se passe dans les autres
sociétés nous seront utiles. En ce sens, je pense que le point de
vue que vous avez amené sur la loi américaine est
intéressant et pertinent pour nos débats.
J'aimerais vous poser une question que vous allez peut-être
trouver pernicieuse, mais j'aime autant la poser directement, puisque, ce
matin, il y a eu des allusions concernant le fait que certains syndicats qui
représentent des employés, des travailleurs au pourboire sont ce
qu'on pourrait appeler des syndicats de boutique. Même si le mot n'a pas
été dit, c'est cela que cela voulait dire dans le langage
populaire. Je savais que les employés des Marie-Antoinette
étaient syndiqués, mais je n'ai pas de connaissance historique de
votre association syndicale, de votre regroupement de syndicats. Par rapport
à cette question du syndicalisme des gens que vous représentez,
vous êtes, si j'ai bien compris, une association indépendante,
c'est-à-dire que vous regroupez...
Une voix: Comme M. Bisaillon.
M. Marcoux: ... une trentaine ou une vingtaine de syndicats de
base... C'est cela... depuis une dizaine d'années, en somme.
Une voix: C'est cela.
M. Marcoux: C'est sûr que des syndicats de boutique
existent dans certains secteurs industriels. Je voudrais voir dans quelle
mesure cette affirmation qu'on aurait pu faire à votre endroit - en
fait, on n'a visé directement personne - pourrait vous viser. Je vais
vous poser une autre question; vous répondrez aux deux en même
temps. Vos gens sont syndiqués depuis quelques années. Quels sont
les avantages pour les travailleurs et travailleuses au pourboire?
Vous avez parlé des avantages pour ceux qui travaillent aux
cuisines, les autres employés que vous syndiquez, mais pour les
travailleurs et travailleuses au pourboire, serveurs ou serveuses, quelle est
la situation quant au salaire, par exemple? Est-ce le même salaire
minimum? Quels sont les autres avantages qu'ont ces employés qu'ils
n'auraient pas s'ils n'étaient pas syndiqués?
Le Président (M. Gagnon): M. Côté.
M. Côté: Quant à la question concernant les
syndicats de boutique, c'est vraiment drôle de constater que la personne
qui a mentionné ce fait, Rita Baillargeon, est précisément
celle qui est venue nous chercher pour représenter les employés
des Marie-Antoinette à Sherbrooke. C'est la première des choses.
Nous ne sommes pas un syndicat de boutique. Effectivement, nous sommes partie
contractante et la seule partie contractante pour 17 000 agents de
sécurité au Québec. Nous sommes le seul syndicat qui ait
osé touché à cela, parce que c'est trop compliqué
de toucher à la restauration. On ne va pas dans le secteur secondaire;
on ne va pas dans le secteur primaire; nous nous tenons là où
personne ne veut aller. C'est bien sûr que, quand vous essayez de
négocier des conventions collectives dans le secteur tertiaire, c'est
drôlement plus difficile dans un secteur vierge que dans le secteur
secondaire ou dans le secteur primaire.
Qui plus est - vous recevrez bientôt la FTQ - je dois vous dire
que nous sommes liés par un contrat de services avec la FTQ, que nous
n'avons pas de maraudage et que nous avons quatre permanents de la FTQ qui
travaillent à temps plein chez nous et qui sont des métallos,
ceux qui sont mis à pied, incidemment, à cause des fermetures.
Nous ne sommes pas un syndicat de boutique. La CSN, par contre, parce que
Pro-Restel - je vous le dis, ce n'est pas une farce - c'est l'antichambre de la
CSN. Parce que les employés au pourboire ne veulent pas de la CSN tout
de suite comme cela, ils passent par Pro-Restel. C'est l'argument de base tout
le temps, tous les jours, de la CSN de dire: L'alliance, c'est un syndicat de
boutique, comme elle le dit d'autres organisations. Il n'y a pas de
problème, cela fait partie des règles du jeu. Cela nous rentre
par une oreille et cela nous sort par l'autre. C'est vrai que cela fait dix ans
qu'on regroupe les Marie-Antoinette. On sort d'une grève de trente
jours. Peut-être qu'on est un syndicat de boutique, mais on a
couché dehors, en tout cas, si on a couché avec le patron, parce
qu'un syndicat de boutique, c'est quelque chose comme cela. Il faisait froid
à part cela, et il y a eu des dommages et des problèmes. On a une
convention collective.
M. Marcoux: Quels sont les avantages pour les travailleurs et
travailleuses au pourboire qui sont syndiqués par rapport aux autres
travailleurs?
M. Côté: J'ai particulièrement
spécifié les avantages d'ordre pécuniaire dans le
mémoire.
M. Marcoux: Je vais regarder.
Le Président (M. Gagnon): D'accord.
M. Côté: Je peux ajouter aussi passablement
d'avantages.
Le Président (M. Gagnon): Je remercie M.
Côté. Merci à l'Alliance des travailleurs du Québec
de son mémoire.
À la reprise de nos travaux à 20 heures, nous entendrons
l'Association des hôteliers de la province de Québec et les
associations locales de Montréal, de Québec et des
Laurentides.
M. Blank: M. Côté, au nom de l'Opposition, je vous
remercie beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): La commission permanente du
revenu suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 25)
(Reprise de la séance à 20 h 04)
Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous
plaît! Nous accueillons ce soir l'Association des hôteliers de la
province de Québec et les associations locales de Montréal, de
Québec et des Laurentides. J'inviterais M. François Drapeau,
président de l'Association des hôteliers de la province de
Québec, à prendre place et à nous présenter ses
invités. M. Drapeau.
Association des hôoteliers de la province de
Québec
M. Drapeau (François): Bonsoir, M. le ministre. Il me fait
plaisir de vous présenter, à mon extrême droite, M. Michel
Bélanger, qui est le président de l'Association des
hôteliers du district de Québec; à ma droite, M. Jean-Louis
Rameau, qui est le directeur général de l'Association des
hôteliers de la province de Québec et également le
vice-président exécutif de l'Association des hôtels de
Montréal métropolitain; à mon extrême gauche, Mme
Charlotte Hovington, qui est propriétaire de l'hôtel Jean-Dequen,
à Jonquière, et, à ma gauche, M. Jean-Pierre Prud'homme,
président de l'Association des hôtels du grand
Montréal.
Après la prise de connaissance des différents
mémoires qui vous ont été présentés au cours
de la journée, nous avons décidé tous ensemble de vous
présenter un bref mémoire afin d'éviter une reprise de
tous les propos qui ont été exposés ici aujourd'hui. Bref,
la problématique est la suivante: l'employé au pourboire ne veut
pas payer l'impôt sur les pourboires mais désire
bénéficier des avantages que confèrent
l'assurance-chômage, l'assurance-maladie, la Régie des rentes, et
j'en passe.
Les principes fondamentaux à reconnaître sont les suivants:
les lois et règlements de l'impôt sur le revenu doivent
s'appliquer à tous les contribuables de façon identique. Le
pourboire est un acte libre, posé par les clients et un privilège
accordé aux employés au pourboire. La non-perception des
impôts dus ne doit pas être imputée aux clients
consommateurs. Les employés au pourboire ont un droit légitime
aux avantages sociaux disponibles aux autres travailleurs dans la mesure
où ils participent financièrement au coût de ces
régimes. Lorsque nous avons fait des consultations régionales au
cours des derniers six mois, et plus principalement lorsque nous avons tenu
notre congrès semi-annuel à Drummondville, au cours du mois de
septembre 1982, nous avons discuté avec l'ensemble des membres
présents de l'Association des hôteliers de la province de
Québec différentes options qui pourraient être
apportées.
La première, bien entendu, est le pourboire obligatoire. Nous
croyons que ce mode de rémunération n'est pas équitable
parce qu'il va à l'encontre des principes ci-haut mentionnés et
plus principalement du principe de l'acte libre posé par le client
envers un employé qui lui a rendu un service. Deuxièmement, parce
qu'il constituera une augmentation très évidente pour le
consommateur. Troisièmement, parce que le pourboire, selon sa
définition, est toujours offert en fonction d'un service rendu à
un client et il n'est pas nécessairement toujours justifié parce
qu'il supprime le service personnalisé et détruit en même
temps la motivation des employés qui travaillent dans ce secteur
particulier, parce qu'il est discriminatoire envers les autres employés
du même service d'un même établissement et parce qu'il
causera certainement un ralentissement important de l'économie
québécoise.
Deuxièmement, nous avons étudié la
possibilité d'un pourboire facultatif inscrit sur la facture par le
client, selon la coutume que nous connaissons présentement. Nous croyons
que cette solution est valable dans le cadre des prémisses ci-haut
mentionnées.
Troisièmement, nous avons étudié la
possibilité d'une déclaration périodique des pourboires
par l'employé. Nous considérons cette solution comme valable pour
autant que la procédure administrative pour la
comptabilisation desdits pourboires ne soit pas une charge trop lourde
pour le patronat.
Quatrièmement, nous avons considéré le pourboire
comme un revenu de travailleurs autonomes. Les employés assument donc
toutes les responsabilités vis-à-vis du gouvernement et la
décision leur appartient.
Bref, l'Association des hôteliers de la province de Québec
recommande que la déclaration périodique des pourboires par les
employés soit la solution retenue et telle est la conclusion des
périodes de recherche que nous avons faites au cours des derniers mois.
Nous avons préféré présenter un mémoire
sobre, court, précis, afin de donner à chacun d'entre vous la
liberté de nous poser des questions. Nous réalisons fort bien
qu'aujourd'hui vous avez discuté d'un paquet de problèmes et d'un
paquet de solutions en même temps, mais nous réalisons
également que c'est la première fois ou presque que le monde de
l'hôtellerie en soi sera interrogé sur ce sujet bien particulier.
Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Drapeau. M. le
député de Montmagny-L'Islet. M. le ministre, est-ce que vous
prenez la parole au début?
M. Marcoux: Je voudrais vous remercier, M. Drapeau. Je reviendrai
tantôt avec quelques questions, mais, comme je l'ai indiqué cet
après-midi, dans le but d'associer mes collègues à
l'ensemble de cette réflexion, je vais demander au député
de Montmagny-L'Islet de vous poser les premières questions ou de faire
les premiers commentaires.
M. LeBlanc: Merci, M. le Président. Je vous salue,
messieurs les représentants des hôteliers du Québec. Je
remarque tout d'abord que la première constatation que l'on peut faire
de votre rapport, c'est qu'il est, sur papier, très court. Cela nous
laisse la possibilité de poser et cela provoquera aussi de nombreuses
questions, que ne manqueront pas de vous poser mes collègues autour de
cette table. Je suis tout de même convaincu que l'étude de la
question a été approfondie dans un sens inversement proportionnel
à l'épaisseur de votre dossier.
Vous êtes un employeur important de travailleurs au pourboire et
je voudrais d'abord vous demander combien il y a de membres dans votre
organisation, dans votre association d'hôteliers. Compte tenu que vous
avez éliminé, à toutes fins utiles une des quatre
hypothèses suggérées, qui est celle du pourboire
obligatoire, sur lequel vous apportez de l'argumentation, les trois autres
hypothèses, par contre, vous les qualifiez de valables et je crois
comprendre que vous en privilégiez une. J'aimerais que vous
élaboriez un petit peu plus le jugement que vous avez porté sur
les trois autres en les qualifiant de solutions valables en ce qui a trait
à celle des déclarations périodiques, de même qu'au
pourboire facultatif inscrit sur la facture. Quelle est votre position par
rapport à toutes les complications qui ont été
évoquées aujourd'hui relativement à l'une ou l'autre de
ces hypothèses, relativement au surplus, entre autres, du fardeau
administratif que cela vous impose, je crois, dans le même sens
qu'à l'Association des restaurateurs, qui a comparu cet
après-midi? J'aimerais vous entendre nous expliquer un peu plus les
points qui vous font favoriser une option, une hypothèse plus que
l'autre?
M. Drapeau: Pour répondre à votre première
question, au Québec, il existe approximativement 300
établissements hôteliers, établissements reconnus par le
service de l'hôtellerie de la province de Québec. Ces 300
établissements hôteliers au Québec ont un membership - vous
me permettrez cet anglicisme - de 255 participants pour l'année
1981-1982. Au moment même où on se rencontre ce soir, nous avons
atteint un taux d'accomplissement de l'ordre de 65% au niveau des cotisations
envoyées pour l'année 1982-1983. De ces 300
établissements, il existe à Montréal, entre autres, par
l'entremise du regroupement de Jean-Pierre, l'Association des hôteliers
de Montréal métropolitain qui, elle, regroupe environ 36 membres
représentant 11 000 chambres. Je mentionne le secteur de Montréal
et je mentionnerai le secteur de Québec également parce que vous
comprendrez bien que les établissements hôteliers de la
région de Montréal tout aussi bien que les établissements
hôteliers de la région de Québec constituent quand
même un facteur très important au Québec puisqu'il s'agit
de la masse des chambres d'hôtel disponibles dans la province de
Québec.
Dans la ville de Québec, vous avez 64 membres. C'est une
association qui a pris naissance il y a quelques années
déjà et, après quelques années d'existence, on
retrouve un certain regroupement, une solidarité exceptionnelle pour la
région de Québec.
Alors, au Québec, on parle de 255 établissements
hôteliers, grosso modo, qui ont adhéré, selon les
règles et les normes de la cotisation, à l'Association des
hôteliers de la province de Québec.
M. Marcoux: Sur un potentiel de combien?
M. Drapeau: 300 environ, qui est le potentiel exprimé par
le biais du service de l'hôtellerie du Québec. Pour qu'un
établissement hôtelier au Québec puisse être reconnu
comme tel, il faut, bien entendu, que cet établissement réponde
à certaines normes de sécurité quant au service du
bar,
au service de la restauration et au service des chambres. (20 h 15)
Le Président (M. Gagnon): M. le député
de...
M. Drapeau: Cela répond à votre première
question. Quant à la deuxième question, si vous me le permettez.
Vous savez sans doute que le pourboire, et je pense que des gens l'ont
très bien exprimé au cours de la journée, cela a des
effets directs. Cela a comme effet d'augmenter fondamentalement le taux de
l'ordre de 15%. Je pense que c'est clair. Il s'agit d'une majoration de masse
de l'ordre de 15%. L'expérience que certains pays européens ont
connue n'a pas pour autant atténué les frais de service ou la
forme de pourboire, bien entendu, pour un service donné. Alors, nous
croyons que le pourboire aura pour effet, du moins dans le monde de
l'hôtellerie, d'augmenter d'une façon globale le coût des
ventes présentement de l'ordre de 15%. Or, vous savez sans doute qu'au
Québec, présentement, la situation du tourisme n'est pas
reluisante, et pour toutes sortes de raisons. Une raison fondamentale, c'est
qu'il en coûte présentement très cher de se loger au
Québec, de bouffer au Québec, pour toutes sortes de causes que
vous connaissez sans doute également. Nous croyons qu'il n'est point
opportun, à ce moment-ci, de majorer de 15%, un marché en perte
de vitesse. Nous pensons qu'il s'agit là d'une décision qui n'est
absolument pas sage. Si nous remarquons le coût de séjour au
Québec dans des établissements hôteliers par rapport au
coût de séjour dans de pareils établissements, dans
d'autres provinces canadiennes ou encore aux États-Unis, je pense qu'il
n'y a pas lieu d'augmenter davantage la facture. S'il y a des frais de l'ordre
de 15% qui sont majorés, nous avons l'impression que c'est le
consommateur qui, finalement, devra payer pour ces frais. Au niveau du
pourboire obligatoire, il nous apparaît tout à fait évident
que cela aura pour effet direct de nous placer hors marché. Or, vous
savez sans doute qu'une ville, par exemple, comme Québec, est munie d'un
centre de congrès qui ne fonctionne certainement pas, en termes
d'occupation, selon les estimations originales. Présentement,
Montréal est en train de compléter son centre des congrès
et je pense qu'il serait peu sage, à ce moment-ci, de surtaxer des
congressistes qui viennent tenir des congrès dans la région de
Montréal en faisant payer à chacun de ces congressistes 15% de
plus sur la facture. Telles sont les raisons qui, à notre sens, sont
majeures. Encore une fois, nous croyons que, présentement, faire du
tourisme au Québec, cela coûte énormément cher et
qu'il n'y a pas lieu d'en augmenter le prix. C'est la principale raison pour
laquelle nous n'avons point retenu la première possibilité.
Quant à la deuxième possibilité, qui est le
pourboire facultatif inscrit sur la facture par le client, nous croyons que ce
mode de rémunération est valable puisqu'il permet
fondamentalement au client de remercier d'une façon tangible un
employé pour un service qu'il a rendu. Bien entendu, on nous dit
très souvent qu'en Europe, cela existe et que les gens sont maintenant
habitués à cela. C'est vrai, sauf que j'aimerais bien qu'on
compare le salaire d'un garçon de table ou d'une serveuse de table d'un
établissement hôtelier européen au salaire du même
garçon ou de la même fille de table d'un établissement
hôtelier au Québec, en incluant, bien entendu, tous les avantages
sociaux qui viennent s'y greffer par le biais des négociations
collectives ou par le biais d'ententes particulières qui existent entre
des patrons et des employés non syndiqués.
Passons à l'élément 4. Il est bien entendu que
considérer le pourboire comme le revenu d'un travailleur autonome, c'est
dire à un employé: Bonhomme, on t'a donné, par le biais de
certaines lois, la possibilité de faire un revenu intéressant.
Vous savez sans doute qu'il y a certains directeurs généraux dans
certains, et je dirais même la plupart des établissements
hôteliers au Québec, qui doivent voir à l'administration de
l'hôtel, à sa bonne gestion, aux relations avec les
employés, aux achats, à la comptabilité, enfin, à
l'administration globale d'un hôtel. Le même directeur
général, c'est une question de choix, bien entendu, gagne bien
souvent moins cher présentement qu'un employé au pourboire au
Québec.
L'autre élément que nous trouvons valable, puisqu'on vit
dans une société qui évolue et qu'il faut, à
l'occasion, essayer d'éliminer le statu quo, c'est que nous croyons que,
s'il y a moyen de comptabiliser d'une façon efficace le pourboire
versé à des employés, nous sommes très
réceptifs à des changements de ce côté, mais il ne
faudrait pas que la responsabilité totale en incombe à
l'employeur. Il demeure qu'on peut facilement vérifier, par le biais des
cartes de crédit, par le biais des comptes de cartes maison ou des
crédits maison ou par le biais des factures banquet ou des factures
mariage, la partie des pourboires qui revient à un employé
donné pour une fonction donnée ou même pour une section
donnée ou une table donnée. Malheureusement, il nous sera fort
difficile de comptabiliser le pourboire de 5 $ qui est donné au portier,
le pourboire de 5 $ qui est donné au chasseur ou le pourboire de 5 $ qui
est donné à un employé de main à main.
Malheureusement, dans un établissement hôtelier, nous avons
une certaine quantité de nos employés qui sont au pourboire et
nous avons également certains de nos employés
qui ne le sont pas, qui sont ce qu'on appelle communément des
employés à caractère de production. Quand je pense
à la production, je crois que le pâtissier qui est dans la cuisine
en train de préparer un banquet a certainement autant de mérite
que l'employé qui le sert dans la salle. Il existe des disparités
de ce côté et nous sommes tout à fait convaincus que venir
renchérir ces disparités aurait nettement des effets
négatifs sur l'ensemble de l'opération d'un établissement
hôtelier. Grosso modo, ce sont les raisons qui nous ont incités
à rejeter les trois options que vous m'avez demandé de vous
expliquer.
M. LeBlanc: Je reviens sur la première que vous rejetez la
plus carrément, le pourboire obligatoire. Vous mentionnez que vous allez
devoir majorer vos prix de 15%. La répercussion chez votre client n'est
pas nécessairement de 15% par rapport à ce qu'il
déboursait auparavant. Si ce client laissait déjà un
pourboire de 15%, pour lui, c'est la même chose, mais si, auparavant, il
ne laissait pas 15% de pourboire ou 8% ou 10%, pour lui, c'est une
augmentation, mais, pour le client qui laissait déjà 15%, c'est
la même chose. Votre prix est majoré, mais cela comprend tout.
M. Drapeau: Je n'ai le goût de faire la leçon
à personne, sauf qu'en hôtellerie il existe deux frais
fondamentaux: le premier est un frais fixe, il est là; le
deuxième est un frais variable. Là, où, pour un
hôtelier, cela devient très difficile de contrôler notre
opération en perte de vitesse, c'est au moment de contrôler nos
frais fixes, parce qu'ils sont là. Un frais variable, c'est un
employé "banquet", comme on l'appelle. Tu prends le
téléphone, et tu lui dis: "Bonhomme, viens-t-en, on a un banquet
ce soir à la dernière heure; tu te présentes, pas de
problème". Cela ne crée pas de problème pour un
hôtelier parce qu'on t'impose un frais au moment où tu as du
volume. Le problème qui existe dans un hôtel, contrairement
à plusieurs entreprises que je connais, c'est que, malheureusement, si
un hôtelier a 150 chambres et sait que, les six prochains mois, il va en
avoir 62 d'occupées, il ne peut pas dire: Je vais jouer avec mon
inventaire de chambres, et je vais en libérer une cinquantaine, je vais
mettre cela de côté, parce que je n'en ai pas de besoin pour les
six prochains mois. L'hôtelier doit, de par ce qu'est un hôtel,
absorber des frais fixes considérables. Nous considérons que si
le pourboire, de quelque façon que ce soit, devait renchérir le
salaire qui est déjà payé au Québec à un
employé au pourboire il reste que les employés au pourboire de la
province de Québec ne sont pas nécessairement les employés
les moins payés au Canada. On peut, bien entendu, inclure les
États-Unis, parce que le tarif est nettement inférieur aux
États-Unis à ce qu'il est dans bien des provinces canadiennes. Si
donc on admet au départ que le pourboire est un acte libre, que c'est un
acte qui intervient entre un client et une personne, oublions la notion de
l'employé et parlons de la personne, parce que si le pourboire existe
pour des employés à service, cela existe également pour
tout un autre groupe de personnes dans le monde qui ne sont pas
nécessairement des "waiters" ou bien des "waitresses". Un pourboire est
donc une façon personnelle de reconnaître un service qui nous a
été rendu et là on parle des employés
d'hôtels et de restaurants. Mais si on en vient à tirer une ligne,
on dit: Maintenant, cela coûte 20 $ pour manger, mais ça ne
coûte pas 20 $ pour manger, parce que ça coûte 23 $ pour
manger. La réaction de l'employé, c'est qu'on vient de lui
permettre de faire 3 $. Parfait. Mais on ne supprime pas pour autant le geste.
On a connu cela, principalement au niveau des banquets. Si, par exemple, un
d'entre vous mariait sa fille dans un établissement hôtelier, on
vous chargeait 15% pour le service - cela a été discuté
aujourd'hui - mais qu'est-ce que cela a eu comme effet? Cela n'a pas eu l'effet
d'améliorer la qualité du service dans les salles de banquet,
cela a eu pour effet qu'au lieu d'avoir du bon café, vous avez
maintenant du Moka Mate et, au lieu d'avoir du jus frais, vous avez maintenant
du jus en conserve. C'est ça le résultat, mais cela n'a pas
amélioré pour autant le service particulier offert au niveau
d'une salle de banquet.
M. LeBlanc: Vous avez fait allusion tantôt, M. Drapeau, au
marché des congrès, congrès internationaux, congrès
mondiaux, enfin tous les congrès à votre portée. Je pense
que, dans ce domaine, il y a beaucoup de soumissions. Laquelle des quatre
options, par exemple, a le plus d'influence sur le processus des soumissions
pour ces groupes imposants de congrès?
M. Drapeau: C'est que...
M. LeBlanc: C'est parce que vous faites un prix à forfait,
qui comprend la chambre...
M. Drapeau: Si on pense à un directeur d'association, par
exemple, des États-Unis -heureusement, le bon Dieu a été
bon pour nous autres, on a enlevé la loi 121 ou 721 qui venait nuire
énormément aux congrès au Québec - suivons le
processus de ce directeur d'une association américaine qui doit prendre
une décision fondamentale. Premièrement, est-ce que son
congrès il le garde aux États-Unis, parce que lui aussi est aux
prises avec un certain sentiment nationaliste? Il est aux prises avec cette
décision. Deuxièmement, il va devoir prouver à son
exécutif qu'il est préférable d'aller au Québec -
parce qu'on parle du Québec. Il va devoir arriver avec des arguments
autres que l'hospitalité québécoise, autres que le charme
de la ville de Québec ou de la ville de Montréal. Il va falloir
que le bonhomme puisse faire faire un exercice mathématique à son
directeur d'association et lui dise: Écoutez, on va là, cela
coûte tant. En plus de cela, on bénéficie de la
dévaluation de l'argent, cela nous coûte tant, cela nous avantage
d'aller dans la province de Québec.
Mais si, en ce qui concerne les marchés du congrès, on
vient renchérir les frais tout d'un coup de 15%, c'est comme si on
acceptait bêtement de dire: Cela coûte tant, cela coûte 100 $
par jour, mais, à partir de la semaine prochaine, cela coûtera 115
$ par jour. Il doit donc se justifier devant son directeur d'association.
Je ne veux pas que vous perdiez l'idée que tenir un
congrès au Québec coûte excessivement cher; c'est
d'ailleurs un des gros problèmes qu'on vit dans la province de
Québec présentement. On a des coûts d'exploitation
nettement élevés pour toutes sortes de raisons que vous
connaissez aussi bien que moi. On doit se battre contre cela et on doit se
battre aussi contre des frais de transport aérien qui, aujourd'hui,
viennent se greffer quand même à un marché de
congrès. (20 h 30)
Si le bonhomme tient un congrès avec des associations
américaines et que cela a lieu à Québec, c'est bien
évident que tout le monde arrivera à Québec en avion. Vous
êtes certainement allés aux États-Unis dernièrement;
cela coûte plus cher de Québec à Chicago que de
Québec à Paris.
Vous allez me dire que cela n'a rien à voir avec
l'hôtellerie, mais cela a tout à voir avec l'hôtellerie,
parce que cela fait partie d'un monde qui s'appelle le voyage et cela fait
partie d'un monde qui s'appelle le tourisme, et comme le pourboire en fait
partie cela fait partie des coûts inhérents à cette
fonction.
M. LeBlanc: Comme éventuel plus bas soumissionnaire, comme
hôtelier - un d'entre vous - dans le plus bas prix que vous faites dans
votre soumission, c'est évident que le service n'est pas compris et le
client le sait?
M. Drapeau: C'est exact.
Le Président (M. Gagnon): M. Drapeau, avant de vous
redonner la parole, serait-il possible de vous demander de raccourcir un peu
vos réponses de façon que d'autres aient aussi le loisir de vous
poser des questions? M. Drapeau.
M. Drapeau: Ce sont de petits mémoires, mais de longues
réponses.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: M. Drapeau, quand vous avez préparé votre
mémoire sur les employés au pourboire, avez-vous pensé
à tous les employés au pourboire dans nos hôtels,
c'est-à-dire les chasseurs, les portiers, les filles de chambre ou
seulement aux garçons et aux filles de table?
M. Drapeau: Dans un hôtel - prenons un hôtel disons
de congrès - de 300 chambres et plus, on peut vous confirmer
qu'au-delà de 45% des employés sont des employés au
pourboire. Cela veut dire que si vous affectez le tarif de 15%, vous venez
d'affecter la masse salariale d'autant.
M. Blank: Ici, dans votre mémoire, il semble que vous
favorisez la troisième solution plus que les autres. Vous dites ici:
"Pour autant que la procédure administrative ne devient pas un fardeau
excessif pour les patrons". Je comprends cela. Si vous vous souvenez, quand
l'Association des restaurateurs est venue ici, elle a parlé elle aussi
de la contribution du patron aux avantages sociaux. Est-ce inclus dans vos
procédés administratifs ou si vous calculez que vous ne faites
aucune contribution ou que vous faites votre contribution?
M. Drapeau: Si je comprends bien le sens de votre question, vous
me demandez, si le pourboire est déclaré sur une base de trois
mois, par exemple, quelle serait la participation de l'employeur aux avantages
sociaux? Est-ce exact?
M. Blank: C'est cela.
M. Drapeau: Cela ne change en rien la participation de
l'employeur, parce qu'on part du principe que l'employé a des
responsabilités sociales qu'il doit lui-même assumer; comme
employeurs, nous l'assumons dans les faits présentement.
M. Blank: Vous déduirez une partie de la taxe que doit
payer l'employé, mais vous n'ajouterez pas des bénéfices
sociaux?
M. Drapeau: Selon ce qui avait été
décidé à l'époque par l'entremise du
ministère du Revenu, mais, selon nous, il ne s'agit pas de cotiser
l'employé, il s'agit de donner - si le ministère du Revenu
l'exige -des informations pertinentes...
M. Blank: Enfin, c'est seulement l'information que vous donnerez.
Vous ne faites aucune autre chose. C'est seulement l'information que vous
donnerez.
M. Drapeau: Exactement.
M. Blank: C'est la solution dont vous parlez, ce n'est pas la
solution américaine dont on a parlé ici aujourd'hui?
M. Drapeau: Non.
M. Blank: Est-ce que, si on impose la solution américaine
en disant: Est-ce que cela va augmenter vos prix? vous aurez le même
problème avec les touristes et les congrès?
M. Drapeau: Le problème du touriste, c'est facile à
évaluer. Plus cela va coûter cher, plus il va aller ailleurs. On
le vit d'ailleurs présentement, il ne faut pas se leurrer, on le
vit.
M. Blank: Je le sais. Je représente le comté de
Montréal qui a le plus d'hôtels et de restaurants de tout le
Québec, le centre-ville, ils sont tous là. Je sais que,
l'année dernière, on a eu de la difficulté avec des
hôtels, ce n'était pas nécessairement les meilleurs au
monde. Si on y ajoute d'autres problèmes, il y avait des hôtels du
centre-ville de Montréal qui n'avaient pas plus à
l'été que 62% d'occupation.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M. le Président. M.
Drapeau, j'ai essayé de comprendre, dans votre présentation,
pourquoi vous évoquez le rapport de l'employé permanent et de
l'employé au pourboire dans un hôtel. Êtes-vous en train
d'exprimer la crainte que, sur la facture de l'hôtel, le pourboire
obligatoire va être imposé? Êtes-vous en train de nous dire
que cela va être compliqué à administrer ou que cela va
être injuste, que ce sont simplement les serveurs du restaurant de
l'hôtel qui vont bénéficier de cela, pendant que, d'autre
part, je ne sais pas quel pourcentage de vos employés au pourboire n'en
bénéficieront pas? J'essaie de voir pourquoi vous soulevez cela.
Comment, dans l'hôtellerie, avec les frais fixes que vous avez,
voyez-vous que cela est un système qui vous défavorise
particulièrement?
M. Drapeau: C'est que, dans un hôtel, comme dans n'importe
quel autre établissement, il existe une structure de salaires. Cette
structure des salaires est généralement établie selon les
responsabilités des individus. Si, demain matin, par exemple, on
acceptait d'offrir 15% de pourboire... Je vais vous donner très vite un
scénario, si vous permettez, 15% de pourboire à un "waiter" dans
une salle à manger, il est évident que le cuisinier en
arrière va dire: Patron, qu'est-ce que vous me donnez? Je ne peux rien
te donner. Il va dire: Si tu ne peux rien me donner, je ne peux pas produire,
parce que j'ai étudié; je suis passé par l'ITHQ, je suis
allé me spécialiser; je travaille dans un environnement
difficile, parce que, dans une cuisine, on sait qu'il fait chaud, ce n'est pas
facile, la production est là et c'est stressant.
L'employeur l'a engagé de bonne foi. Il va dire: Si un "waiter",
dans la salle à manger gagne le salaire acquis, tant d'argent comme
salaire de base, plus tant d'argent comme pourboires, moi, comme
pâtissier, pourquoi me farcirais-je la graisse, quand je gagnerais moins
que je ne gagnais avant que cela arrive? Cela va donc avoir l'effet direct
d'augmenter les employés au pourboire et cela va avoir l'effet indirect,
comme réaction à la chaîne, d'augmenter les employés
qui ne sont pas au pourboire. Si j'étais pâtissier, je dirais:
C'est de valeur, mais il faudrait que vous m'ajustiez parce que je faisais plus
avant, pourquoi j'en ferais moins aujourd'hui?
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Pour vous suivre jusqu'au bout,
vous me permettrez, si on parle d'un hôtel, d'un établissement
hôtelier, cela n'est pas exactement la même clientèle que le
petit restaurant du coin, en partant. C'est plutôt une clientèle
d'affaires, une clientèle de voyage, etc. Je ne vois pas non plus
comment le pâtissier ou qui que ce soit dans la cuisine est
affecté par le fait que les 15% sont maintenant imposés en vertu
d'un système plutôt qu'empochés par le garçon de
table qui, de toute façon, perçoit un pourboire aujourd'hui.
C'est ce que je ne vois pas.
M. Drapeau: C'est parce que c'est le salaire quasi garanti. La
différence est là. L'employé aujourd'hui qui ne fait pas
d'effort pour être aimable, affable, il fait son salaire et de temps en
temps il fait des pourboires s'il est aimable. S'il n'est pas aimable, il en
fait moins. Si on lui dit comme cela bêtement: Ton salaire de base, mon
homme, c'est tant l'heure multiplié par tant d'heures
travaillées. On t'informe que s'il entre tant de revenus dans la
journée dans ta caisse, multiplie cela par 0,15% et c'est à toi.
Alors, il va y avoir deux modes de rémunération. Le premier va
être son salaire de base; le deuxième va être des
pourboires. Alors, cela devient du salaire garanti.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Mais c'est surtout parce que
cela va être perçu par le personnel de tout l'hôtel comme
ayant été une augmentation de salaire. Ce qu'on est en train de
dire, c'est que dans l'hôtellerie les serveurs aux tables font pas mal
moins que 15% l'heure, au moment où on se parle évidemment. C'est
ce dont ils se
plaignent aussi.
M. Drapeau: Oui, mais le personnel qui n'a pas de pourboire, qui
travaille à la production, a autant de mérite. Une femme de
chambre, dans mon esprit, si vous me le permettez, a autant de mérite
qu'un chasseur à gagner sa vie. Alors, c'est pourquoi la femme de
chambre qui, présentement, gagne le salaire Y, va dire: Hé! moi,
je fais les chambres, l'autre se promène avec un beau petit chariot et
les paquets et il fait tant par semaine. Moi, aujourd'hui, je n'aurais pas le
droit d'avoir autant? C'est évident que la réaction va
arriver.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Alors, d'après vous,
c'est surtout à l'intérieur des 45% d'employés au
pourboire qu'existe la discrimination.
M. Drapeau: Oui, c'est cela.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): II y a les serveurs aux tables
et les autres.
M. Drapeau: Oui. C'est cela.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans un hôtel, qu'est-ce
que cela représente par groupes d'employés dans ce cas-là?
Pour les serveurs aux tables, par exemple, dans l'hôtel de 300 chambres
dont vous parliez tout à l'heure?
M. Drapeau: Comme je vous le disais, l'ensemble des
employés au pourboire représente 45%. Combien cela peut
représenter dans un hôtel de 300 chambres... Disons que pour un
hôtel de 300 chambres, la règle d'or, c'est à peu
près un employé par chambre au Québec, ce qui veut dire
300 employés. Alors, si vous avez, par exemple, un restaurant de 150
places, ce qui veut dire qu'incluant les banquets, vous auriez probablement un
ensemble de 150 personnes au pourboire et de 150 personnes ne recevant pas de
pourboire dans un hôtel qui respecterait l'ordre de un pour un.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Vous me dites qu'au point de
vue pratique il y a seulement les serveurs à l'intérieur des 150
employés qui, évidemment, auraient les 15%. Les autres ne les
auraient pas et cela cause des problèmes de gestion en ressources
humaines. C'est ce que vous me dites.
M. Drapeau: Les conventions collectives.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Dans le cas de ceux qui sont
syndiqués, c'est sûr. La plupart dans votre cas.
M. Drapeau: On est obligé d'admettre qu'en ce qui a trait
aux hôtels du Québec, la majorité des établissements
hôteliers du Québec, par rapport au nombre de chambres
disponibles, est syndiquée.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Hull.
M. Rocheleau: Merci, M. le Président. Dans certains
groupes hôteliers du Québec, actuellement, je prends un exemple
les Laurentides, il y a plusieurs endroits où il y a un service de 15%
sur la facture de l'hôtel. Par contre, cela n'a pas semblé
éliminer pour autant le pourboire au bar ou au service des tables; dans
quelle proportion et de quelle façon sont redistribués les 15%,
quand on se fait dire que cela est redistribué parmi tous les
employés, autant les chasseurs que les plongeurs, que les portiers, les
serveuses et serveurs et ainsi de suite? Il n'en demeure pas moins que, pour le
service additionnel, il semble que le pourboire soit encore de mise.
Maintenant, de quelle façon semble-t-on redistribuer...
M. Drapeau: Permettez-moi de faire une distinction.
Premièrement, lorsque vous parlez de certains hôtels des
Laurentides, on pourrait tout aussi bien parler du Manoir Richelieu; ce sont
des hôtels à caractère saisonnier, ce sont des hôtels
qui ont une vocation différente de par leur type de fonctionnement. Ce
sont des hôtels qui vont vendre - si vous me permettez l'expression -un
congrès, mais selon la formule du plan américain modifié,
c'est-à-dire que, là où il y a des frais
intégrés au coût, il y a des frais pour le déjeuner,
il y a des frais pour le dîner et il y a des frais pour le souper;
à cela, on ajoute, bien entendu, la portion service. Cela est bien
particulier et c'est facilement identifiable au Québec.
Maintenant, à qui est distribué le pourboire? Le pourboire
doit être distribué fondamentalement aux employés qui ont
participé au travail pendant cette période. De mémoire et
d'expérience, d'ailleurs, je sais très bien que le pourboire est
redistribué aux employés qui ont travaillé à tel
moment. Par exemple, si le barreau de la province de Québec
décidait de tenir son congrès au Manoir Richelieu, les
employés qui participeraient à la distribution du pourboire,
selon un plan américain modifié, seraient les employés qui
ont participé à l'événement. C'est la façon
dont cela se fait présentement. Par contre, ce n'est pas le même
type, parce que, pour l'hôtelier, à ce moment-là, c'est
très intéressant. C'est intéressant, parce qu'il garde sa
clientèle captive, ce qui est difficile pour un hôtelier de ville.
Je ne pense pas à Montréal et à Québec, mais je
pense à Chicoutimi, à Trois-Rivières, à Sherbrooke
ou à Hull. C'est intéressant d'avoir un congrès qui entre
dans
ton hôtel: petit dejeuner, dîner, souper, cocktails, tout a
lieu dans l'hôtel. À ce moment-là, il vient
d'améliorer ses frais fixes dont je vous parlais tantôt, mais ses
frais variables sont pour autant diminués. Alors, il y a une distinction
majeure entre un hôtel de type saisonnier et un hôtel de type de
villégiature. (20 h 45)
Des hôtels de congrès ou des hôtels de villes de
moindre importance au Québec, à savoir les villes moyennes, sans
insulter personne, comme à Trois-Rivières, s'il y a un
congrès, les gens vont arriver là, ils vont avoir un cocktail,
une réception. Le deuxième soir, les gens voudront aller manger
dans les restaurants. Quand tu es dans un endroit comme, par exemple, les
Laurentides, les gens sont plus captifs, l'auditoire est plus captif. C'est ce
qui permet à l'hôtelier d'abaisser ses frais parce qu'il y a une
masse d'argent qui est là, qui est disponible pour un nombre de jours et
tout a lieu là; cela veut dire qu'il vient de baisser ses coûts
d'opération pour autant. Est-ce que cela répond à votre
question?
M. Rocheleau: Oui, mais dans plusieurs cas, par constatation,
pour autant, cela n'élimine pas le pourboire dans l'hôtel
même.
M. Drapeau: Cela n'élimine pas le pourboire pour une
bière, mais cela élimine le pourboire à la table. Si je
m'en vais au congrès au Manoir Richelieu et que je suis
conférencier pour le Barreau du Québec, c'est bien évident
que si cela me coûte 150 $ par jour, y compris mon pourboire, je vais me
lever de table, je vais regarder la petite fille et lui dire: Merci beaucoup,
à demain matin, et je ne laisserai pas de pourboire, parce qu'on sait
que cela fait partie, c'est là, cela fait partie du pourboire.
Mais quand vous allez à une réception au Québec
Hilton - je ne veux pas faire de publicité pour personne - mais si vous
allez à une réception au Québec Hilton et que vous avez
une réception cocktail, vous ne penserez pas à donner, à
moins que je me trompe, mais dans la généralité des cas
vous ne penserez pas à donner 1,50 $, 2 $ ou 3 $ de pourboire à
l'employé qui vous a servi à titre gracieux, parce que vous
étiez invité, deux ou trois scotchs pendant le cocktail. Et
l'employé ne le demande pas parce que c'est encadré dans ce qu'on
appelle une fonction banquet et, de toute façon, il l'a son pourboire
parce que ce pourboire est demandé au client.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Marcoux: Quelques commentaires et une ou deux questions
rapides. Dans votre mémoire, le premier paragraphe me paraît, je
vais le dire bien franchement, faux. Je vais le relire: "Les employés au
pourboire ne veulent pas payer d'impôt sur les pourboires, mais
désirent bénéficier des avantages que leur
confèrent l'assurance-chômage, l'assurance-maladie et la
Régie des rentes."
J'en ai rencontré des employés au pourboire depuis un
mois, un mois et demi surtout. J'en connaissais avant mais surtout depuis que
je suis responsable de ce dossier. J'ai lu tous les mémoires qui ont
été présentés et je peux dire qu'aucun des
mémoires et aucune des personnes que j'ai rencontrées ne m'ont
dit qu'elles étaient contre le fait de payer leur impôt;
cependant, elles veulent profiter des avantages sociaux. Ce qu'elles ont dit
toutes: Si vous nous obligez à payer nos impôts sur les
pourboires, ayez la logique de nous faire profiter dans la même
proportion que les autres travailleurs de l'ensemble des avantages sociaux. En
ce sens, je pense que la position du problème demanderait à
être corrigée.
Le deuxième point, vous avez affirmé tantôt que,
s'il y avait un pourboire obligatoire de 15%, cela pourrait désavantager
de façon importante les congrès internationaux, les
congrès qui viennent de l'extérieur. Je pense que vous êtes
tombé sur le mauvais exemple. S'il y a un exemple où c'est
déjà compris dans le forfait, les frais de service sont
déjà inclus lorsqu'un congrès décide de venir ici
et qu'il réserve des chambres d'hôtel, le repas, tout est compris.
Ordinairement, cela inclut à ma connaissance - vous pourrez me corriger
- mais à ma connaissance, normalement, cela inclut les frais de service,
c'est-à-dire que le congressiste qui vient ici ne laisse pas 5%, 10% ou
15% à chaque repas qu'il prend. Dans son esprit, c'est inclus dans la
globalité du voyage dont il a assumé le coût d'une
façon complète. Cela ne veut pas dire que les frais de pourboire
obligatoire n'auraient pas d'autres inconvénients ou des avantages dans
d'autres secteurs, mais je pense que l'exemple que vous avez choisi, à
moins que je sois mal informé, ce n'est précisément pas
celui qu'il faut prendre pour justifier le fait de ne pas faire de frais de
pourboire obligatoire.
Il y a quelque chose que je n'ai pas compris. Dans votre mémoire,
vous indiquez à la solution 3 qui est proposée dans le livre vert
que c'est une solution valable, avec laquelle j'avais compris que vous
acceptiez de collaborer si elle était retenue. Mais vous
préférez peut-être la solution 4, la solution du
travailleur autonome. Tantôt, dans une réponse à la
question du député de Saint-Louis, vous avez clairement
indiqué, si j'ai bien compris - c'est finalement cela que j'ai de la
difficulté à percevoir - si j'entends bien ce que vous avez dit,
que vous favorisez le statu quo. Or, ce que vous avez
écrit me donnait l'impression qu'entre les solutions no 3 et no
4, vous aviez des ouvertures possibles. La question que j'allais vous poser,
avant que le député de Saint-Louis nous pose la sienne, est de
savoir si vous vous ralliez à ce que l'Association des restaurateurs
nous a dit aujourd'hui, qui se résumait à peu près
à ceci: On favorise la solution no 4 mais on est prêt à
payer les avantages de la CSST, les avantages supplémentaires qui
correspondent aux pourboires révélés et, de plus, on est
prêt à percevoir chaque mois ou chaque quinzaine la proportion des
impôts que doivent payer les travailleurs au pourboire sur leurs
pourboires. Plus loin, j'ai posé la question, à la fin de la
présentation; ils sont allés beaucoup plus loin, je pense, en
indiquant qu'ils accepteraient de collaborer si le gouvernement décidait
de transposer l'esprit de la loi américaine au Québec. J'ai de la
difficulté à concilier tout cela, je sais que la question est
longue et complexe mais j'aimerais que vous me resituiez rapidement par rapport
à l'ensemble du débat.
Je n'aurai pas d'autres questions, je vous écoute et je vous
remercie déjà.
Le Président (M. Gagnon): Le plus rapidement possible, M.
Drapeau.
M. Drapeau: Premièrement, je vais répondre à
votre question no 2, en ce qui concerne les prix. Quand vous me parlez des
congrès, je crois que, sur cela, on ne se comprend pas. D'une
part...
M. Marcoux: Vous avez dit: Cela va nous désavantager
d'obtenir la venue de congrès de l'étranger, si l'on met les
frais de service obligatoires au Québec. S'il y a un secteur où
c'est déjà inclus dans le forfait, c'est bien
celui-là.
M. Drapeau: À moins que je ne me trompe, on tient pour
acquis que si le pourboire devenait obligatoire au Québec, il
deviendrait obligatoire pour tout le monde. Est-ce précis quand je dis
cela?
M. Marcoux: Oui.
M. Drapeau: Non pas seulement pour les hôtels, ce serait
obligatoire dans les brasseries, ce serait obligatoire dans les
restaurants.
M. Marcoux: D'accord, on se comprend. Les autres secteurs, vous
avez peut-être raison de dire que cela va les affecter mais cela
n'affecterait pas, le secteur des congrès comme vous le dites.
M. Drapeau: Non, non, cela va l'affecter. Si vous me le
permettez, M. le ministre, quand vous négociez un congrès avec un
hôtel, quel qu'il soit, vous négociez un ensemble
d'événements spéciaux; cela peut être de petits
déjeuners, cela peut être des déjeuners, cela peut
être des soupers, mais vous n'êtes pas obligé de tout
négocier avec le même hôtel. Si par exemple, vous
négociez seulement les soupers, cela veut dire que pour le petit
déjeuner et le dîner, cela devient libre et libre dans le cas de
la date d'aujourd'hui, et cela coûte ce que ça coûte, plus
une certaine rémunération pour un employé qui a bien fait
son travail, alors que, si on le fait sur une ligne continue, à partir
de ce moment, c'est la facture qui augmente.
Quant à notre position, je vais la reconfirmer, parce qu'il
semble que cela n'est pas clair. Il est bien entendu que la solution no 4, on
l'a complètement rejetée. Notre position...
M. Marcoux: Pour bien nous comprendre, la solution no 4, c'est le
revenu de travailleur autonome, vous l'avez complètement rejetée.
Donc vous êtes pour la solution no 3, qui est que l'employé
révèle ses revenus, et vous les cotisez au nom du
ministère du Revenu?
M. Drapeau: Selon les spécifications du
ministère.
Le Président (M. Gagnon): Je remercie l'Association des
hôteliers de la province de Québec, M. Drapeau et ceux qui sont
venus témoigner avec lui.
J'inviterais la Confédération des syndicats nationaux
à prendre place à la table. C'est le mémoire no 5 M.
Christophe Auger.
Confédération des syndicats
nationaux
M. Auger (Christophe): Oui.
Le Président (M. Gagnon): Veuillez nous présenter
les gens qui vous accompagnent.
M. Auger (Christophe): J'aimerais vous présenter une
partie de la délégation qui m'accompagne. En commençant
par ma gauche: M. Jean-Yves Beaulieu, représentant de la
Fédération du commerce à la CSN; ensuite, il y a M. Mario
Chabot, représentant du secteur de l'hôtellerie à la CSN,
région ouest de la province, qui est un travailleur de l'hôtel
à Sheraton Saint-Laurent. Il y a ensuite M. Marcel-Guy Pepin, conseiller
syndical à la CSN au service de la recherche; M. Pierre Petit, à
ma droite, conseiller syndical au service d'action politique; Mme Nicole
Demers, travailleuse au Méridien et, enfin M. Claude-Gilles
Gagné, représentant du secteur de l'hôtellerie et de la
restauration pour l'est de la
province, la région de Québec et tout l'Est, travailleur
au Hilton à Québec.
J'aimerais également vous signaler peut-être que le
président en a eu connaissance à quelques reprises aujourd'hui
-la présence d'un bon nombre de travailleurs et de travailleuses au
pourboire affiliés à la CSN, venant de la région de
Montréal et de Québec, qui se sont joints à nous. Nous
étions plus nombreux avant l'heure du souper, mais, déjà
il y en a une partie qui a dû regagner Montréal, compte tenu qu'on
avait prévu passer un peu plus tôt dans le courant de la
journée. Cela fait des journées un peu longues et pour plusieurs
le travail reprend demain matin de bonne heure.
Avant d'entreprendre la lecture du mémoire, M. le
Président, M. le ministre, je voudrais souligner que nous sommes heureux
à la CSN d'être présents à cette commission et de
souligner également la présence d'autres ministères que le
ministère du Revenu: Mme la ministre Pauline Marois et M. le ministre du
Travail qui s'est joint à nous cet avant-midi, mais on aurait
aimé qu'il soit ici ce soir.
J'aimerais dire que la CSN regroupe actuellement au-delà de 6000
membres dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, dont plus
ou moins 2000 membres sont des travailleurs et des travailleuses au pourboire.
Une autre mise au point m'apparaît importante, compte tenu de choses qui
se sont dites cet après-midi; sans trop insister, mais il y des faits
qui, je pense, doivent être corrigés. Nous sommes une organisation
syndicale - qu'on n'a pas besoin de décrire dans le détail, elle
est assez connue, je crois, au Québec et ici même en commission
parlementaire, on a déjà eu l'occasion de se voir à
quelques reprises - qui se préoccupe bien sûr de défendre
les intérêts de ses membres, mais qui se préoccupe
également de défendre les intérêts des gens qu'on
peut appeler les plus défavorisés, ceux qui sont un peu les
laissés-pour-compte dans la société. Ce qui nous
amène à avoir des liens - dans certains cas permanents, dans
d'autres cas occasionnels -avec bon nombre de groupes populaires, avec bon
nombre d'autres groupes syndicaux. Je souligne particulièrement la
région de Montréal où on a travaillé comme CSN et
comme conseil central de Montréal à la mise sur pied de ce qu'on
appelle le sommet populaire de Montréal. On est en contact avec
au-delà de 160 groupes populaires. Parmi ces 160 groupes populaires, il
y a l'Association des gens au pourboire de la région de Montréal.
On est en contact également avec d'autres associations de travailleurs
ou de travailleuses au pourboire, que ce soit dans la région de
l'Estrie, dans la région de Québec, dans la région de
Trois-Rivières ou de Drummondville. Ce n'est pas par paternalisme ni par
hégémonisme qu'on est en contact avec eux. C'est carrément
pour partager des intérêts communs, quand cela est possible et,
lorsque ce n'est pas possible, on se dit les choses telles qu'on a à se
les dire. C'est ce qui nous a amenés, entre autres, dès le
printemps dernier, au moment où se lançait la campagne de
récupération d'impôts par le gouvernement
fédéral et le gouvernement provincial, à dénoncer
cette mesure. On est intervenu en conférence de presse, en mai,
conjointement avec les associations de travailleurs et de travailleuses au
pourboire sur cette question. Et on pense qu'on va continuer à le faire
que ce soit à ce chapitre... et probablement avec d'autres groupes
populaires sur d'autres sujets qui relèvent à notre avis
d'actions que la CSN doit faire et qu'elle partage avec d'autres groupes. (21
heures)
Une deuxième mise au point m'apparaît également
importante. On a parlé d'un stage de l'Office
franco-québécois qui s'est tenu récemment. J'aimerais
fournir à la commission parlementaire ici les renseignements suivants:
II y a eu un stage de l'Office franco-québécois
d'organisé, conformément à la procédure qui est
suivie par cet organisme, vous la connaissez peut-être aussi bien, sinon
mieux que moi. À l'intérieur de ce stage, il y avait trois
membres de syndicats de la CSN. Un salarié de la CSN et douze membres,
des travailleurs et travailleuses au pourboire, de différents
hôtels, de différents milieux, de différentes fonctions
où des travailleurs de la restauration ont participé à ce
stage. Ils sont allés en France, ils ont examiné des choses et
nous avons travaillé avec nos travailleurs affiliés à la
CSN qui sont revenus de cet endroit. On a regardé un peu ce qu'ils
avaient vécu là-bas pour voir comment cela pouvait nous aider
à définir nos positions. Encore une fois, il me semble important
de vous livrer ces messages, mais, enfin, je dirais, pour reprendre un peu ce
qui s'est souvent dit ce matin et cet après-midi, qu'on voudrait vous
présenter avec toute la chaleur et le sourire des travailleurs et des
travailleuses au pourboire et la qualité du service le mémoire
qu'ils tentent de vous offrir.
On pense que c'est non seulement une caractéristique des
travailleurs et travailleuses au pourboire, bien qu'ils la possèdent,
à mon avis, effectivement bien, c'est une caractéristique du
mouvement syndical, c'est aussi une caractéristique de l'ensemble du
peuple québécois. Il y a un fait culturel et je pense que, tous
ensemble, on ne le niera pas ce soir.
Dans le livre vert sur la situation au Québec des travailleurs et
travailleuses au pourboire, il est enfin reconnu qu'une injustice sociale
existe à l'égard de ces travailleurs et travailleuses aussi bien
sur le
plan des avantages sociaux que des conditions de travail. On
soulève aussi qu'il existe une injustice fiscale à l'égard
des autres contribuables du fait de la situation non régulière
face à l'impôt des travailleurs et travailleuses au pourboire. Le
but de la consultation en cours vise au redressement de ces injustices.
Pourtant, dans un cas, vous agissez pour le passé, en
récupérant les impôts des années dernières
et, dans l'autre, vous n'entendez agir que pour le futur. Nous croyons qu'en
agissant ainsi, vous créez une nouvelle injustice. Nous soumettons
à nouveau à votre attention que la situation qui prévalait
auparavant était acceptée tacitement par toutes les parties, avec
les avantages et les désavantages qui en découlaient pour toutes
les parties.
L'opération récupération d'impôt,
actuellement en cours, doit cesser. Cela ne serait qu'agir de façon
concordante avec les affirmations faites dans le livre vert. Les travailleuses
et travailleurs déjà cotisés doivent être
remboursés ou obtenir des crédits d'impôt. C'est un premier
bloc de revendications. Je me permets de vous signaler que cela
m'apparaît comme l'un des blocs très importants. On renviendra
peut-être tantôt, dans des questions et réponses, sur ces
sujets avec un certain nombre d'exemples de conditions tout à fait
injustes qui sont faites à ces travailleurs et travailleuses. Il nous
semble que l'entente tacite qui prévalait auparavant ne peut pas
être rompue par une des parties comme cela, d'autant plus qu'on ne peut
pas rétroagir sur les autres mesures que l'on va exiger dans l'avenir.
On tient à le signaler devant cette commission: de notre
côté, à la CSN, avec tous nos travailleurs et travailleuses
affiliés, on va faire une bataille en règle sur cette question
pour qu'on arrête d'aller récupérer ou tenter de
récupérer des sommes chez les travailleurs et travailleuses au
pourboire, compte tenu que les règles qui prévalent dans ces
sortes de récupération sont tout à fait injustes et
variables d'un endroit à l'autre.
Nous vous présentons ici quelques remarques sur d'autres parties
du livre vert ainsi que notre analyse de la situation des travailleurs et des
travailleuses au pourboire dans les industries de l'hébergement et de la
restauration. Nous soulèverons aussi un problème qu'il nous
apparaît important de régler et dont il n'est pas question dans le
livre vert: l'évasion fiscale pratiquée par bon nombre
d'employeurs de ces secteurs. Nous étudierons enfin les
hypothèses de solutions présentées dans le livre vert en
visant le règlement de l'ensemble des problèmes auxquels nous
sommes confrontés.
Il n'est certes pas facile d'établir un portrait très
précis de ces industries pour le Québec comme pour le Canada. Les
données ne sont pas toutes disponibles et il faut se
référer à des études qui se font déjà
anciennes. Toutefois, il nous semble que les données qui sont fournies
dans le livre vert soient particulièrement éloignées de la
réalité et ce, surtout pour le nombre d'emplois mais aussi pour
le nombre d'établissements.
Vous avez, M. le ministre, indiqué qu'il y avait
déjà une correction à apporter dans le livre vert,
comparativement à ce qui était cité. Pour notre part, on a
fait une recherche, parce qu'on trouvait qu'il y avait des problèmes
dans l'analyse, si l'on faisait état des statistiques canadiennes par
rapport à ce qui a été fourni par le Québec. Donc,
considérant la relative constance des données fournies par
Statistique Canada, celles-ci nous apparaissent nettement plus fiables. Quant
au nombre d'établissements d'hébergement, le chiffre de 3434
concorde avec les autres sources disponibles.
Concernant l'emploi, pour l'hôtellerie, le Bureau de la
statistique du Québec nous indique qu'en 1980 il y avait 30 518 emplois
dans 2418 établissements qui incluent les hôtels, motels et
chambres pour touristes, mais excluent les campings et les camps de chasse et
pêche. Nous notons ainsi une différence de 18 000 emplois avec
données du livre vert; il serait plutôt étonnant que les
emplois dans les campings et les camps de chasse et pêche expliquent un
tel écart.
Dans la restauration, les statistiques visant expressément ce
secteur sont rares. Statistique Canada regroupe généralement
l'hôtellerie et la restauration. Certains chiffres sont tout de
même révélateurs. Dans une enquête
réalisée en 1971-1972 malheureusement, il n'y en avait pas de
plus récente on dénombrait pour les deux secteurs au
Québec 75 777 emplois sur un total de 288 701 pour le Canada. Ils se
répartissaient comme suit: 39 997 dans les établissements de 20
employés et plus et 40 780 pour les établissements de 20
employés et moins.
Plus récemment n'étaient disponibles que les
données pour les établissements où on retrouve 20
employés et plus. En février 1982, on retrouvait 51 400 emplois
dans cette catégorie, soit une augmentation de 46,9% par rapport
à 1972.
En appliquant ce même taux d'accroissement pour les
établissements de 20 employés et moins, on obtient 59 906
emplois; au total, cela donne donc 111 306. Si on soustrait les trente et
quelques mille emplois de l'hôtellerie, on obtient environ 80 000 emplois
dans la restauration.
Vous citiez cet après-midi entre 60 000 et 70 000; c'est la
correction qu'on a pu faire, on est prêt, avec des statistiques plus
précises, à analyser cette situation de façon plus
particulière et plus précise. On est donc bien loin des 210 000
emplois que l'on retrouve dans le livre vert.
Sans posséder de chiffres à cet effet, il
est bien clair que les travailleurs et travailleuses au pourboire ne
sont pas susceptibles de recevoir des pourboires dans tous ces emplois, loin de
là. L'association qu'on fait dans le livre vert entre les 14 000
contribuables qui déclarent des pourboires comme revenus et les
supposés 210 000 emplois dans ce secteur n'en est que doublement
tendancieuse. Souhaitons que le ministère ne fasse pas le même
genre d'erreur lorsqu'il préparera ses avis de cotisation.
Les revenus des travailleurs et travailleuses au pourboire. Les auteurs
du livre vert semblent étonnés par le fait que la grande
majorité des travailleurs et travailleuses au pourboire ait
déclaré moins de 10 000 $ de revenu imposable pour l'année
1979. Le nombre moyen d'heures travaillées par semaine s'élevait
dans le secteur des hôtels et des restaurants à 26,9 en
février 1982. Considérant le salaire minimum de 3,28 $ et une
hypothèse fixant à 150% du taux de base le niveau des pourboires,
on obtient un revenu brut d'à peine plus de Il 000 $ et un revenu
imposable d'environ 7000 $, ceci en 1982 et non en 1979, comme l'indique le
tableau qui nous est présenté.
Encore une fois, pour février 1982, la rémunération
hebdomadaire moyenne de ces secteurs s'élevait à 159,14 $, soit
8275 $ bruts par année, soit un revenu imposable inférieur
à 4000 $. Tout contribuable qui gagne un revenu brut de moins de 14 000
$ se trouve automatiquement sous la barre des 10 000 $ de revenu imposable et
ce, sans tenir compte des dépendants, des frais de scolarité ou
autres dont l'effet est de faire diminuer le revenu imposable.
Ceci implique que tout travailleur et toute travailleuse doit recevoir
au moins 2 $ de pourboire pour chaque dollar de revenu de base. Il n'est dans
ce contexte guère étonnant que la très grande
majorité se retrouve avec un revenu imposable de moins de 10 000 $. Ces
données ne prouvent donc en aucune façon qu'il y ait
évasion fiscale de la part de ces contribuables.
De plus, ces dernières années, la situation des
travailleurs et travailleuses au pourboire n'a cessé de se
détériorer. Il existe deux sous-salaires minimaux un pour les
travailleurs et travailleuses au pourboire et un pour les travailleuses et
travailleurs âgés de 16 à 18 ans. Tel que décrit
dans le livre vert, il a été établi en 1940 des taux de
salaires et des heures de travail applicables à chaque zone et à
chaque catégorie d'industrie. Progressivement, toutefois, ces pratiques
ont été abandonnées. Il ne reste plus aujourd'hui comme
catégories spécifiques que celles applicables aux travailleurs et
travailleuses au pourboire et aux personnes âgées de moins de 18
ans.
En instituant et en préservant ce taux réduit,
l'État décrétait que le pourboire n'était pas
simplement un revenu d'appoint ou une simple appréciation du service
mais faisait partie intégrante du salaire. On a
décrété que le client ne faisait pas qu'apprécier
le service mais qu'il devait payer une part du salaire de ces travailleurs et
travailleuses. Depuis votre venue au pouvoir, tous les taux de salaire minimum
sont à la baisse et celui applicable aux travailleurs et travailleuses
au pourboire encore plus que le salaire minimum qu'on dit normal.
Sans parler d'amélioration du niveau de vie, d'enrichissement,
ces taux auraient dû être aujourd'hui de 3,88 $ et de 4,46 $
uniquement pour que le salaire brut suive l'augmentation des prix, et vous
n'êtes pas sans connaître l'effet de l'impôt sur le revenu
dans une telle situation.
La perte ainsi subie par les travailleurs et travailleuses
s'élève à des milliers de dollars par tête. Il n'y a
que les travailleurs et travailleuses qui ont réussi à se
syndiquer qui ont pu éviter des pertes aussi énormes. Le tableau
qui suit vous l'indique assez clairement, l'écart est de 42,9% pour les
moins de 18 ans entre l'augmentation réelle du salaire minimum pour ces
personnes et de 47% pour les travailleurs et travailleuses au pourboire.
À cette diminution drastique du pouvoir d'achat du salaire
minimum que vous imposez aux travailleurs et travailleuses au pourboire
s'ajoutent les compressions qu'effectuent les clients sur les pourcentages de
pourboire. Dans les dépenses qu'effectue la population en restauration,
c'est en effet la seule qui soit sous son contrôle et, devant la
montée de tous les prix, la réaction
généralisée consiste à diminuer les pourcentages de
pourboire. Les revenus des travailleurs et travailleuses au pourboire en sont
donc doublement affectés.
Il faut enfin soulever une pratique commune dans les succursales de
restaurants dits "fast-foods" où le service se fait au comptoir. On
embauche systématiquement des jeunes de 16 à 18 ans qui ne
reçoivent alors que ce qu'on pourrait appeler le sous-salaire minimum et
dont pourtant la possibilité de recevoir des pourboires est infime,
sinon -là, on voudrait peut-être apporter une nuance à
notre sous-paragraphe - que, dans certaines succursales, selon les
vérifications qu'on a pu faire, il n'existe aucune forme de pourboire,
mais, peu importe la situation, les travailleurs et travailleuses au pourboire
ont déjà un salaire très bas.
M. Marcoux: Avez-vous un exemple de succursales des "fast-foods"
où des pourboires sont versés?
M. Auger (Christophe): Cela mériterait une
vérification attentive, mais un des
exemples où il y aurait, même au comptoir, des pourboires,
c'est dans des succursales Harveys par exemple ou certaines autres comme
celles-là; il y aurait une certaine forme de pourboire qui est
laissée, alors que, chez McDonald, c'est même
systématiquement refusé, à ma connaissance. Dans d'autres
chaînes, la politique est beaucoup moins rigide. C'est pour cela qu'on
veut nuancer ce paragraphe; on n'a pas pu scruter à fond cet aspect.
M. Marcoux: Des choses comme le poulet frit peut-être, des
choses comme cela aussi?
M. Auger (Christophe): Oui. Un cas qu'on me donne ici, est celui
du casse-croûte du Centre municipal des congrès, qui est un
comptoir et des pourboires y sont laissés à des employés.
Donc, il y a des variations. C'est pour cela qu'on veut seulement ajouter cette
nuance dans la présentation de notre texte. Cela nous avait
échappé lors de la rédaction finale.
Il faut bien savoir que ce sous-salaire minimum a un impact encore plus
considérable qu'il n'y paraît. Des pourboires, ce n'est
perçu que lorsque vous êtes au travail et avec des clients.
Pour le reste, les travailleurs et travailleuses au pourboire ont leurs
congés payés au taux de base, le plus souvent 3,28 $, ont leurs
vacances payées au taux de base, ont leurs absences pour maladie ou
autres payées au taux de base, s'ils réussissent à
échapper à la norme qui veut qu'elles ne soient pas payées
du tout.
Dans l'hôtellerie et la restauration, plus qu'ailleurs, les
travailleurs et travailleuses ont intérêt à ne pas
être malades. Dans ce secteur plus qu'ailleurs, ce n'est certainement pas
avec 4% de leur salaire horaire que ces travailleurs et travailleuses peuvent
se payer des vacances.
Aucune des hypothèses que vous présentez dans le livre
vert ne règle la question des avantages sociaux. Les auteurs du livre
vert semblent confondre avantages sociaux et sécurité sociale.
Nous appelons avantages sociaux les avantages payés directement par
l'employeur aux employés et sécurité sociale les divers
régimes administrés par l'État pour la retraite, les
accidents, le chômage, etc. Nous croyons juste que ces travailleurs et
travailleuses bénéficient d'avantages sociaux calculés sur
leur revenu réel et non sur la moitié ou le tiers de
celui-ci.
En conséquence, nous exigeons que la Loi sur les normes minimales
de travail soit amendée pour obliger les employeurs à payer les
avantages sociaux sur la base des revenus réels des travailleurs et
travailleuses. Le principal argument contre ce paiement des avantages sociaux
ajustés au revenu réel nous vient des employeurs qui nous disent
qu'ils n'ont pas à verser des avantages sociaux sur des salaires qu'ils
ne versent même pas. Ces employeurs sont déjà dans une
situation exceptionnellement privilégiée de ne pas avoir à
payer une bonne partie du salaire. Même en payant intégralement
les avantages sociaux, ils continueront à bénéficier de
cette situation particulièrement avantageuse pour eux. Nous ne pouvons
donc retenir cet argument.
Il ne faut pas croire que tous les pourboires finissent dans la poche de
celui ou celle qui vous a servi. Sur les cartes de crédit, il est de
pratique courante que le patron conserve un pourcentage pour payer les frais
d'administration du système de crédit. Partout, il faut laisser
un pourcentage au commis-débarrasseur et très souvent au
maître d'hôtel. Dans les hôtels, les travailleurs et
travailleuses affectés au service des banquets ne reçoivent
jamais plus que 9% à 11% sur les 15% de service chargé par
l'employeur au client. Dans combien d'endroits les travailleurs et
travailleuses doivent-ils remettre au patron le chèque de paie qu'ils
viennent de signer et se contenter de leurs pourboires? (21 h 15)
De plus, de nombreux travaux sont imposés à ces
travailleurs et travailleuses sans qu'ils aient alors la possibilité de
recevoir des pourboires; ils sont quand même payés au taux de
base. À ces revenus amoindris s'ajoutent des dépenses qu'impose
le patron. Combien de travailleurs et de travailleuses au pourboire doivent
payer leurs uniformes? Ce qui est quasi expressément permis par la Loi
sur les normes du travail. Encore plus nombreux sont ceux et celles qui doivent
l'entretenir. Cela a d'ailleurs été confirmé par des
intervenants précédents.
Combien doivent payer des taxis, parce que les heures de travail
dépendent du dernier client et du plancher à laver ensuite? Les
travailleurs et travailleuses au pourboire sont, en règle
générale, ceux et celles qui travaillent pendant que les autres
se reposent. Ils travaillent le soir, les fins de semaine, les jours de
congé, les longues fins de semaine, à Pâques et à
Noël, etc. Bien sûr qu'ils peuvent aussi prendre de telles
journées, mais surtout lorsque tous les autres, amis et familles,
travaillent ou sont à l'école, leur vie sociale est ainsi
sérieusement affectée.
Pour chacun des régimes existants, les travailleurs et
travailleuses au pourboire sont traités injustement.
L'assurance-chômage considère leur revenu en pourboires comme non
assurable et ils ne peuvent donc en bénéficier que d'après
leur revenu de base; au lieu de 60% de leur revenu, c'est de 20% à 25%
dont ils doivent se contenter et, surtout, avec lesquels ils doivent tenter de
survivre. S'ils peuvent bénéficier du congé de
maternité, tous les calculs sont encore effectués à
partir de leur revenu de base. S'ils veulent bénéficier
pleinement du Régime de rentes du Québec, ils doivent payer leurs
cotisations d'après leur salaire de base et une double cotisation pour
leurs revenus en pourboires, sous prétexte que ce sont des revenus
autonomes. On leur impose ici un double statut: statut de salarié,
travailleur salarié pour leur revenu de base et travailleur autonome
pour leurs revenus en pourboires.
La Commission de la santé et de la sécurité du
travail ne les compenserait au-delà du salaire de base que sur
présentation de la déclaration d'impôt sur le revenu ou
d'une attestation de l'employeur sur des revenus en pourboires. L'employeur, en
règle générale, refuse cette attestation de peur de voir
augmenter ses contributions. C'est le seul régime qui profite pleinement
aux travailleurs et aux travailleuses au pourboire, s'ils déclarent
entièrement leurs revenus. Pour tous les autres régimes, revenus
déclarés ou pas, ils ne peuvent en profiter pleinement pour la
même cotisation que les autres travailleurs et travailleuses. Nous
croyons, comme vous, que cette injustice doit cesser et il est d'ores et
déjà clair pour nous qu'il faudra abolir pour cela le statut de
travailleur autonome.
La place des femmes dans l'hôtellerie et la restauration. Les
femmes occupent près de 50% des emplois de ces secteurs. Elles se
retrouvent majoritaires dans les petits établissements, ceux de 20
personnes et moins, et minoritaires dans les grands. Elles occupent
respectivement 55,7%, des emplois pour les établissements de 20
employés et 41,3% des emplois pour les établissements de plus de
20 employés. Ceci veut dire qu'on les retrouve plus nombreuses dans les
petits établissements de tout genre où les chiffres d'affaires et
les pourboires sont moins élevés et elles sont moins nombreuses
dans les établissements plus importants où les revenus et
pourboires sont plus élevés. Dans les services en
général, l'écart des revenus en faveur des hommes
s'élève à 46,1%. De plus, il ne fait aucun doute que c'est
dans ces petits établissements que sont le moins respectées les
normes de travail concernant les heures de travail, le temps
supplémentaire et les taux de salaire. Mais il ne s'agit pas que des
revenus et des conditions de travail. Les femmes sont l'objet, dans cette
industrie, de harcèlement sexuel constant de la part des clients, bien
sûr, mais les employeurs, dans beaucoup de cas, occupent leur large part
de responsabilités, car ils ont en main un instrument de chantage
perpétuel: l'emploi. Les femmes subissent donc encore une fois les
conditions les plus dures et l'action actuelle du gouvernement n'est pas pour
améliorer cette situation.
Dans ce dossier de la restauration et de l'impôt, il est important
de ne pas se limiter aux revenus des travailleurs et travailleuses au
pourboire. Il faut examiner aussi certaines pratiques de certains employeurs
qui expliquent certains comportements. Il est de pratique courante dans
certains restaurants d'utiliser les coins de napperon ou autre papier pour
établir le montant de l'addition. Dans ce cas, deux possibilités
se présentent: le restaurateur n'exige pas du client la taxe de 10% et
alors le client économise ce montant. Le restaurateur ne déclare
pas le revenu de l'addition et le ministère du Revenu perd le tout de
vue. Dans l'autre cas, le restaurateur exige la taxe du client, la met dans ses
poches et ne déclare pas le revenu non plus, et le ministère n'y
voit toujours rien.
Une autre pratique de certains restaurateurs consiste à se faire
imprimer deux séries de factures portant le même numéro,
une seule de ces séries se rendra au ministère, l'autre
série permettra au restaurateur d'escamoter la taxe de vente et le
revenu qu'il tire de ses ventes. Le ministère ne perçoit rien.
Bien évidemment, les restaurateurs utilisant de telles pratiques ne sont
pas du tout intéressés à ce que les pourboires soient
entièrement déclarés au fisc, car ce dernier pourrait
alors effectuer l'opération inverse de celle qu'il effectue aujourd'hui,
et tenter d'évaluer le chiffre d'affaires réel de
l'établissement. Ces pratiques expliquent aussi, à tout le moins
en partie, le refus de donner des attestations aux employés, concernant
leurs revenus réels en pourboire lorsqu'ils sont aux prises avec la
Commission de la santé et de la sécurité du travail. Ces
attestations pourraient éventuellement servir à établir le
chiffre d'affaires réel du restaurant.
Nous supposons que le ministère met en oeuvre quelques moyens
pour contrer ces pratiques et possiblement d'autres utilisées par un
certain nombre d'employeurs du secteur. Il est probable qu'il y ait là
plus de revenus perdus par le ministère que par les cas qui nous
concernent actuellement. Nous revendiquons donc l'adoption d'une facture
uniforme qui sera utilisée par tous les restaurants. Ceux qui voudront
continuer à dissimuler les revenus et taxes devront contrefaire ces
factures pour pouvoir fonctionner ainsi.
Concernant ces hypothèses, l'objectif que nous poursuivons
consiste à assurer aux travailleurs et travailleuses au pourboire
l'accès aux différents régimes de sécurité
sociale en fonction de leur revenu réel et au même coût que
les autres travailleurs et travailleuses.
Nous cherchons aussi à régulariser leur situation par
rapport à la Loi sur les impôts. Les solutions
préconisées doivent pouvoir s'appliquer à tous et à
toutes et, par rapport
à l'impôt, elles doivent permettre une perception et une
vérification la plus simple possible.
Nous sommes également préoccupés du respect de la
loi par un certain nombre d'employeurs. C'est dans le cadre de ces objectifs et
contraintes que nous examinons les hypothèses que vous avez soumises
à notre étude.
Le pourboire, un revenu du travailleur autonome. Cette solution ne
représente rien d'autre que le statu quo. Les travailleurs et
travailleuses au pourboire pourraient faire prélever plus d'impôts
sur leur salaire de base pour couvrir les revenus de pourboire ou encore
effectuer des versements trimestriels ou encore payer en fin d'année.
Les travailleurs et travailleuses doivent toujours payer le double de la
cotisation habituelle au Régime de rentes du Québec et leurs
revenus de pourboire ne sont toujours pas assurables pour
l'assurance-chômage du Canada. Ces revenus de pourboire ne sont toujours
pas reconnus en cas d'accident. Ces travailleurs et travailleuses n'ont
toujours pas droit aux avantages sociaux calculés sur leurs revenus
réels. Enfin, cette solution ne change strictement rien par rapport
à la capacité des services de l'impôt de vérifier
l'état des revenus des travailleurs et des employeurs.
Toutes les possibilités existantes demeurent et la situation que
nous connaissons actuellement continuera à prévaloir. Cette
solution n'en est pas une, ni pour vous, ni pour nous. Elle doit être
rejetée.
Le pourboire inscrit sur la facture par le client. Cette solution
présente à nos yeux des désavantages. D'abord, nous
l'avons vu, il est reconnu depuis longtemps que le pourboire tient lieu de
salaire et n'est pas simplement une appréciation du service. Une telle
formule nie donc le droit à un revenu plus stable pour les travailleurs
et travailleuses. En second lieu, cette formule exclut tous les travailleurs et
travailleuses des établissements où un ruban de caisse est
utilisé créant du même coup deux catégories de
travailleurs et travailleuses au pourboire. Enfin, le client peut toujours
refuser d'inscrire sur la facture ce qu'il laisse comme pourboire ou encore
inscrire moins que ce qu'il laisse. Il peut, de plus, inscrire un montant et
comme cela arrive fréquemment, quitter sans payer. L'employé en
plus d'avoir à acquitter une partie ou la totalité de la facture
se retrouve avec un revenu qu'il n'a jamais reçu. Pour ces motifs, nous
croyons que cette hypothèse doit être rejetée.
Dans cette hypothèse, vous soulevez la question de la
propriété du pourboire. Nous croyons pour notre part que les
pourboires doivent être entièrement redistribués aux
employés. Nous revendiquons donc un amendement à la loi des
normes minimales du travail pour assurer cette redistribution. À cet
effet, nous comprenons mal votre objection. Vous considérez comme un
désavantage d'avoir à amender cette loi. Nous sommes surpris, il
nous semble vous avoir déjà vu plus alerte que cela pour adopter
ou amender une loi.
La déclaration périodique des pourboires par
l'employé. Cette hypothèse ferait en sorte que les travailleurs
et travailleuses devraient déclarer périodiquement à
l'employeur les montants des pourboires reçus de main à main afin
que l'employeur effectue les déductions correctes autant pour
l'impôt que pour les différents régimes de
sécurité sociale. Une telle formule ne peut avoir que deux
effets: soit que la guerre s'installe entre employeur et employé sur les
montants réellement reçus, l'employeur refusant de
reconnaître une partie des montants et lui évitant de payer ainsi
ses propres cotisations aux différents régimes et dans plusieurs
cas, lui permettant aussi de soustraire plus de revenus au fisc et de frauder
sur la taxe de vente; soit d'autre part, qu'employeurs et employés
s'entendent pour ne pas les déclarer, les employés perdant la
sécurité sociale mais ne payant pas d'impôt, les employeurs
diminuant leurs cotisations et pouvant encore une fois, pour plusieurs,
soustraire taxes et revenus aux yeux des services du gouvernement.
Une telle solution causerait plus de problèmes qu'elle n'en
réglerait et les injustices que nous connaissons actuellement ne
seraient certainement pas réglées. Elle est donc à
rejeter.
Les frais de service ajoutés automatiquement sur la facture.
Cette solution équivaut à ce qu'on appelle les 15 % obligatoires.
Elle implique l'ajout automatique d'un pourcentage donné sur toute
facture. Ce pourcentage est calculé sur le montant total avant taxe et
est ensuite ajouté au total. L'ensemble des pourboires passe alors par
la caisse de l'employeur pour redistribution entre les employés
concernés. L'employeur tient une comptabilité par employé
et effectue les déductions nécessaires, autant pour l'impôt
que pour les différents régimes de sécurité
sociale. Il s'agit de gratifications contrôlées, ce qui implique
qu'elles sont assurables en vertu de la Loi sur l'assurance-chomâge,
qu'elles sont considérées comme du salaire pour le Régime
de rentes du Québec et les autres régimes. L'employé paie
donc sa part et l'employeur paie la sienne.
La vérification des impôts à payer par les
travailleurs et les travailleuses au pourboire ne pose plus de problèmes
et ils peuvent bénéficier pleinement de tous les régimes.
La vérification des revenus des employeurs devient aussi plus simple en
passant si nécessaire par les déclarations des revenus des
employés pour calculer leur chiffre d'affaires.
Cette solution est simple, elle permet de régler l'ensemble des
problèmes et injustices et elle s'applique à tous.
Nous revendiquons donc son application avec un niveau de frais de
service fixés à 15%. On ne les a pas inventés la semaine
dernière, les 15%, cela fait déjà un bon bout de temps
qu'ils circulaient, c'était devenu une pratique tacite et qui a a
été confirmée d'ailleurs. Ce n'est pas une invention de la
CSN pour la présente commission parlementaire.
Les désavantages de cette formule sont soulignés dans le
livre vert. Le livre vert soulève des objections à la formule des
frais de service ajoutés automatiquement sur la facture, ce qu'on
appelle les désavantages. Arrêtons-nous à chacun de ces
désavantages.
Le premier: Le client perd sa liberté d'apprécier à
sa juste valeur la qualité du service rendu. Il est clair que, par un
tel système, le client perd le pouvoir, la liberté de laisser ou
non un pourboire. Il nous semble essentiel maintenant de tenter de cerner ce
que le client apprécie lorsqu'il laisse un pourboire. Je ne fais pas
lecture du paragraphe suivant. Dans un premier mémoire qui vous a
été présenté ce matin, on y référait
et cela démontrait clairement les contradictions qui sont sous-tendues
par une telle application de liberté.
L'étude de Mme May concluait que les deux variables qui
influençaient le plus les pourboires étaient le mode de paiement
et la taille du groupe. Les clients qui acquittent leur facture avec une carte
de crédit laissent plus que ceux qui paient comptant. Les gros groupes
laissent moins de pourboires que les petits groupes ou les clients qui mangent
seuls.
Trois autres études citées par le CRDE de l'Estrie font
état, pour diverses causes, du fait que le pourboire laissé par
les groupes est plus faible en pourcentage que celui laissé par les
clients seuls. Il faudrait aussi se demander dans quelle mesure les clients
apprécient la qualité de la nourriture qui leur est servie
plutôt que le service lorsqu'ils calculent le pourboire. Bon nombre de
clients tiennent certainement compte de la qualité du service au moment
de prendre leur décision.
Nous venons de voir que bon nombre d'entre eux jouent sur le niveau de
revenu des travailleurs et des travailleuses au pourboire sur la base de
considérations totalement étrangères à la
qualité du service.
Autres désavantages, qui ont été cités,
à cette pratique d'inclusion de pourboire automatique de 15%, c'est que
le service est suceptible de se détériorer. La qualité du
service est une responsabilité qui incombe d'abord et avant tout
à l'employeur. C'est l'employeur qui décide du type
d'établissement qu'il désire mener avec le service établi
en conséquence. C'est l'employeur qui décide du nombre de
travailleurs et de travailleuses par nombre de couverts à servir, avec
tout l'impact qu'une telle décision peut avoir sur la qualité du
service. C'est l'employeur qui est responsable de la formation à donner
aux employés ou du niveau de qualification qu'il exige, avec toutes les
conséquences que cela a sur la qualité du service. Dans l'immense
majorité des cas, l'employeur décide unilatéralement de
l'ensemble des conditions de travail auxquelles sont assujettis travailleurs et
travailleuses, avec tout l'impact que cela peut avoir sur la satisfaction des
employés et la qualité du service. C'est en fin de compte toute
l'organisation du travail à l'intérieur d'un établissement
qui prévaut, de façon majoritaire.
L'attrait du pourboire n'est qu'une variable parmi beaucoup d'autres
dont certaines sont autrement plus déterminantes sur la qualité
du service. Ne lui donnons donc pas plus de place qu'il ne le faut. (21 h
30)
Autre désavantage: Le consommateur peut contracter l'habitude de
verser un pourboire additionnel en guise d'appréciation du service
rendu. Il nous apparaît, qu'advenant l'imposition de frais de service
ajoutés automatiquement sur la facture, cela risque de prendre un
certain temps avant que le consommateur ne contracte une telle habitude.
À moins qu'il ne le fasse, encore une fois, pour des
considérations tout à fait étrangères au service
rendu. Si jamais le consommateur prend une telle habitude, que peut-on y faire?
À quoi cela correspond-il? À un désavantage. Le
consommateur, une fois au courant des conventions telles qu'elles existent,
devrait être capable de prendre lui-même sa décision.
Autre désavantage: le prix des repas et des consommations dans
les hôtels, les restaurants subissent une augmentation automatique. C'est
vrai, mais uniquement dans la mesure de l'augmentation des coûts de
l'employeur et dans une autre mesure, celle où le consommateur aurait
antérieurement eu l'habitude de laisser un pourboire moindre que ce qui
est prescrit. Dans l'hypothèse des frais de service fixés
à 15% du prix du repas, le consommateur qui n'a jamais laissé
plus de 5%, 8% ou 10% subira effectivement une hausse. Celui qui respectait la
convention établie du 15% ne subira aucune hausse à ce chapitre.
Les coûts de l'employeur n'augmenteront que dans la mesure des
cotisations haussées ou de nouvelles cotisations qu'il aura à
verser aux différents régimes et dans la mesure des
dépenses plus élevées en avantages sociaux auxquels il
aurait à faire face lors de la mise en oeuvre de nos revendications
à ce sujet. Pour autant que les injustices concernant les régimes
de sécurité sociale et
les avantages sociaux soient réparées, il ne pourrait y
avoir augmentation de prix plus élevée avec cette
hypothèse que dans les autres hypothèses. Cette affirmation doit
donc être modulée.
Le Québec perdrait un avantage touristique considérable.
Dans la région des Laurentides, grand nombre d'auberges, parfois
d'importance, ont institué les frais de service obligatoires. Cette
région a-t-elle pour autant perdu un avantage touristique
considérable? Dans le dossier le l'augmentation du péage sur les
autoroutes, le ministre Michel Clair a affirmé en septembre que la
saison touristique de l'été 1982 dans les Laurentides avait
été, malgré tout, la meilleure depuis 20 ans. Ce qui est
vrai dans le dossier du transport devrait l'être dans le dossier des
pourboires. Les dépenses en alimentation sont évidemment
considérées lors de l'évaluation des dépenses
à effectuer pour un voyage et donc dans le choix de la destination. Il
ne faut pas perdre de vue que le niveau du pourboire, même obligatoire,
n'est pas un facteur de détermination des prix. Il ne faut pas oublier,
encore une fois, qu'on ne part pas de zéro pour se rendre à 15%,
que l'alimentation ne représente qu'une partie des dépenses et
que nombre d'autres facteurs déterminent l'achalandage touristique tels
les routes, les lieux d'hébergement, les activités disponibles,
bref toute l'infrastructure, l'attrait des lieux naturels et de la vie
culturelle. Dire que le Québec perdrait un avantage touristique
considérable nous paraît nettement exagéré. Qui donc
a déjà pensé sérieusement à ne pas se rendre
en France à cause spécifiquement des frais de service
exigés de façon très répandue?
Une discrimination envers tous les autres employés travaillant
dans les industries de service. Vous êtes dans cet énoncé
peu explicites. Voulez-vous nous signaler que, du fait que les travailleurs et
travailleuses de restaurants et hôtels ne recevant plus un pourboire mais
un pourcentage de vente et donc un revenu un peu plus stable,
s'établirait alors une discrimination envers les autres employés
qui reçoivent des pourboires dans d'autres industries. Devrions-nous
alors penser qu'il existe aujourd'hui une discrimination entre les travailleurs
et travailleuses au pourboire par rapport aux travailleurs et travailleuses de
la Société des alcools du Québec, pour lesquels, du fait
de leur meilleur salaire aujourd'hui, vous avez aboli le pourboire. Doit-on
penser qu'il y a discrimination par rapport aux mécaniciens et aux
mécaniciennes, aux caissiers et aux caissières qui jouissent de
revenus plus stables dont la clientèle ne peut apprécier le
service? Nous vous laissons méditer sur ces quelques
considérations et questions.
En conclusion, nous venons de le voir, le problème des
pourboires, de l'impôt, des taxes, des conditions de travail
présente de multiples facettes. Il n'est pas facile de faire face
à toutes les contraintes qui surgissent, mais nous croyons fermement que
la seule solution qui réponde réellement à tous ces
problèmes est celle du 15% de frais de service ajoutés
automatiquement aux factures. Nous croyons que cette solution,
accompagnée des autres revendications présentées,
répond au principe exposé dans la conclusion du livre vert quant
au redressement des injustices faites aux travailleurs et aux travailleuses au
pourboire ainsi qu'aux contribuables. De plus, nous ne croyons pas que cette
solution risque de nuire à l'essor de l'industrie touristique
québécoise. La situation de concurrence entre les
établissements demeure identique, les frais de service s'appliquent
à tous, les coûts supplémentaires pour la
sécurité sociale et les avantages sociaux s'appliquent à
tous, les augmentations de coûts pour les employeurs concernant la
sécurité sociale et les avantages sociaux apparaîtront
d'ailleurs, quelle que soit la solution adoptée, pour autant que le
problème soit réellement réglé. Nous l'avons vu
plutôt, les frais de service obligatoires sont loin d'être en
tête de liste des facteurs influant sur l'achalandage touristique. En
conséquence, nous croyons sans plus de délai que vous devriez
mettre en oeuvre nos revendications.
En terminant, je voudrais demander à M. Marcel Pepin de donner
une information sur l'impact du 15% en regard de chiffres qui nous ont
été donnés ce matin, cet avant-midi ou au commencement de
l'après-midi par l'Association des restaurateurs.
M. Pepin (Marcel-Guy): Voilà. Il nous apparaît
important de compléter cette présentation par une estimation un
peu de ce que cela peut représenter, quel effet cela peut avoir que les
employeurs aient à payer les avantages sociaux sur ces revenus de
pourboire et d'avoir à payer pour les différents régimes
de sécurité sociale sur ces différents régimes.
La première partie, sur la question des consommateurs, on en a
déjà traité dans le texte du mémoire, il est clair
qu'on ne part pas de zéro pour se rendre à 15% tout d'un coup. On
est déjà à un certain niveau quelque part entre le 0% et
15% pour tout le monde, à tout le moins. La moyenne varie aussi selon
à peu près tous les types d'établissements: souvent, on
peut retrouver 9% ou 10% de moyenne, cela peut représenter effectivement
une augmentation de 5% pour les consommateurs.
Pour l'employeur, reprenons un peu l'exemple qui nous était
présenté cet après-midi. C'est un exercice un peu
mathématique, mais je pense que cela vaut la peine, cela a
été fait un peu rapidement
à mon avis cet après-midi: Prenons un restaurant dont le
chiffre d'affaires est de 300 000 $. Admettons qu'on y ajoute les 15% de
service; on se retrouve donc avec 45 000 $ de service qui sont versés
non par l'employeur, mais par le client; bien entendu, ce n'est pas un
coût pour l'employeur. Prenons les différents régimes de
sécurité sociale et les avantages sociaux. Je reprends les
chiffres que vous nous présentiez cet après-midi, M. le ministre:
la CSST: 1%, l'assurance maladie: 3%, le Régime de rentes du
Québec: 1,80%, l'assurance chômage: 3,32%, pour un total de 9,12%.
Ajoutons-y les 4% de vacances et j'y ajoute un deuxième 4% pour les
congés ou des choses comme celles-là; cela représente deux
autres semaines de salaire: 4%, pour un total de 17,12%. Admettons que ce soit
le pourcentage qu'aurait à payer en avantages sociaux et
sécurité sociale l'employeur sur ces 45 000 $.
M. Marcoux: Pardon. Les restaurateurs disaient 13%.
M. Pepin: Oui, mais allons-y généreusement pour
voir un peu ce que cela peut donner.
M. Marcoux: Allez-y, oui, oui, continuez...
M. Pepin: On verra que le résultat diffère un peu
de ce que les restaurateurs nous présentaient. 17,12% de 45 000 $ -parce
que c'est de cela qu'il s'agit - cela nous donne 7704 $ de charges sociales
supplémentaires qu'aurait à défrayer l'employeur.
Supposons que ces coûts totaux pour ces 300 000 $ de ventes
étaient de 290 000 $, c'est-à-dire qu'il restait 10 000 $ de
profit. Ces coûts augmentés de 7704 $ se retrouvent à 297
000 $. En quoi le restaurateur aurait-il à augmenter ses prix de 25%?
c'est-à-dire 25% sur 300 000 $, cela fait 75 000 $. Cet
après-midi, il semblait nous indiquer qu'il était absolument
nécessaire d'augmenter de 25% ses prix pour combler l'augmentation des
charges sociales. S'il ne fait qu'augmenter ses prix de 25%, il n'y a pas
d'augmentation de ses coûts, à part les 7000 $, il n'a pas de
nouvelle augmentation de ses coûts. On a donc 75 000 $ de plus de revenus
pour le restaurateur et une dépense supplémentaire de 7704 $. Il
nous apparaît qu'il y a eu exagération de ce côté; on
nous a présenté une version un peu apocalyptique de la
situation.
M. Marcoux: Pouvez-vous reprendre, à partir des 45 000 $
plus 7000 $... Non, je leur ai demandé de m'envoyer leurs chiffres et je
suis convaincu qu'ils vont me les envoyer.
M. Pepin: Ce serait bien intéressant de voir le
calcul.
M. Marcoux: Pour les 300 000 $, on s'entend: 45 000 $ de plus
pour les frais de service...
M. Pepin: On a 45 000 $, on prend l'hypothèse de
17%...
M. Marcoux: ... 7700 $ de...
M. Pepin: ... charges sociales supplémentaires...
M. Marcoux: ... de charges sociales supplémentaires.
M. Pepin: C'est son coût supplémentaire, nous en
convenons...
M. Marcoux: D'accord.
M. Pepin: ... qui est entraîné par les 15%
obligatoires et le fait d'avoir à payer la sécurité
sociale et les avantages sociaux sur ces 45 000 $. Cela est le coût
supplémentaire, c'est le seul coût qui s'ajoute; on en convient,
il n'y a pas d'autres coûts que celui-là. Ils nous disent: II faut
augmenter les prix de 25% pour couvrir cela. Si j'ai 300 000 $ de revenus, donc
300 000 $ de ventes, j'augmente mes prix de 25%, je retirerai donc, pour le
même niveau de vente, 375 000 $ et j'aurai, si je retiens mon
hypothèse de 290 000 $ de coûts du commencement, 297 704 $ de
coût et 375 000 $ de revenu. Son profit sera passé de 10 000 $
à quelque 77 000 $.
M. Marcoux: Non, mais il y a une chose, il y a un petit oubli, je
n'ai pas ma calculatrice, je ne suis pas comme un de mes collègues, mais
vous oubliez les 45 000 $ entre les deux, c'est-à-dire...
M. Pepin: Les 45 000 $ sont payés par le client et non pas
par le restaurateur.
M. Marcoux: D'accord. Il y a 7000 $ de payé par
l'employeur, mais le total... Son chiffre d'affaires, au lieu d'être 300
000 $, il devient 345 000 $ plus 7000 $, donc, 352 000 $, et c'est dans ce sens
qu'il disait, mettons, on arrive au 375 000 $ ou 372 000 $ ou quelque chose du
genre pour maintenir la même chose, parce qu'il faut tenir compte...
M. Pepin: À ce moment-là, ce n'est pas une
augmentation de 25% que vous me présentez.
M. Marcoux: C'est l'augmentation de 15% plus le 7000 $ sur 2% ou
3% de 7000 $ sur 300 000 $, si vous voulez; alors, c'est
une affaire comme 18% ou 19%.
M. Pepin: Séparons les choses. Il est clair que le
15%...
M. Marcoux: Je peux le réexaminer, mais c'est cela que
j'ai compris.
M. Pepin: II est clair que le 15% est payé par le client
et non par le restaurateur.
M. Marcoux: Oui, mais ce qu'ils nous ont dit cet
après-midi: Si, le client ne diminue pas, augmente son budget en
conséquence ou ne diminue pas la consommation globale, soit en termes
alimentaire ou de boisson, le coût que je vais charger au client, ce
n'est plus 300 000 $, c'est 345 000 $ plus 7000 $, c'est autour de 352 000 $,
plus un profit, mettons de 10 000 $ ou 15 000 $, soit 368 000 $ ou 370 000 $.
Il dit: En somme, le chiffre d'affaires ou ce qui va passer dans mes caisses,
ce n'est plus 300 000 $, c'est 370 000 $. Il y a un 70 000 $ de plus qui va
passer dans ses caisses, dont 7000 $ qui sont dans ses frais pour
bénéfices sociaux de plus, mais pour le client, il y a quand les
70 000 $ de plus.
M. Pepin: Même pas pour le client, parce qu'il a au moins,
si on prend la moyenne de 10%, par exemple, qui est versée actuellement
en pourboires...
M. Marcoux: D'accord.
M. Pepin: C'est un 30 000 $ sur 45 000 $ qui est
déjà versé.
M. Marcoux: Cela ne change rien; le reste de votre raisonnement
se tient, sauf qu'il n'y a pas un écart de 50 000 $ entre ce que je
disais et ce que vous disiez.
M. Pepin: II y a un écart considérable à
tout le moins.
M. Blank: ... à arriver au chiffre des...
M. Marcoux: C'est important de s'entendre sur cela, sinon, on ne
se comprend plus du tout: ou j'erre ou vous errez, un des deux. Mais est-ce
qu'on s'entend que leur raisonnement, c'était 300 000 $, plus le 15%,
plus les frais; ce qui fait à peu près 352 000 $ ou 355 000 $;
si, on maintient, mettons, un taux de profit de 10 000 $ ou 12 000 $ ou quelque
chose du genre, c'est autour de 360 000 $ ou 370 000 $ ou 365 000 $.
M. Pepin: D'accord, mais à ce moment-là, on ne
partait pas de 300 000 $, on partait de 330 000 $, parce que le pourboire de
15% n'est pas tout nouveau, tout frais; on n'est pas parti de zéro pour
se rendre à 15%.
M. Marcoux: Sauf que dans le chiffre d'affaires du restaurant,
l'autre 30 000 $ n'a jamais été comptabilisé; il ne l'a
jamais chargé directement au client.
M. Pepin: Oui, mais ce n'est pas parce que cela parle de son
chiffre d'affaires que c'est un coût, par exemple.
M. Marcoux: D'accord, non, d'abord qu'on se comprend sur les
articulations.
M. Blank: Mais, il y a une façon plus facile de calculer
cela. Disons, que c'est 300 000 $ de chiffre d'affaires et, disons, qu'il y a
un profit net de 10% qui est plus haut que ce qu'ils ont dit; aujourd'hui, on
parlait de 5% ou 7%, disons, 10% pour arriver à un profit net de 7000 $
pour payer cette taxe. Il doit y avoir 70 000 $ de plus à faire; cela
veut dire une augmentation de 25%.
M. Pepin: II est clair qu'il n'aura pas, à notre avis, un
nouveau 70 000 $ à payer; il y en a déjà un montant qui
est actuellement payé par le consommateur, et...
M. Blank: Non, pas du tout. Le pourboire, actuellement, ne va pas
dans les mains du propriétaire; il fait son chiffre d'affaires de 300
000 $, c'est le chiffre d'affaires pour les repas. Les pourboires ne sont pas
là du tout. Si on lui ajoute une autre dépense de 7750 $, il doit
trouver cet argent quelque part. S'il travaille sur un profit net de 10%, il
doit faire des ventes de 77 000 $ de plus.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: Pour qu'on s'entende, il y avait peut-être une
erreur dans la façon de comptabiliser. Il y a une chose que je dois
apporter comme précision à ce que je crois être une erreur
dans ce qui était affirmé cet après-midi. On disait: Pour
payer mon 7000 $ de bénéfices sociaux supplémentaires, je
dois faire 70 000 $ de ventes de plus pour faire un 10% de profit sur cela. Il
y a une erreur de raisonnement évidente.
M. Pepin: D'environ 50%, à tout le moins. On s'entend, pas
besoin d'y avoir 25% d'augmentation des prix pour...
M. Marcoux: Non, ne tirons pas la couverte; je crois qu'on
s'entend sur...
M. Pepin: Je vais vous donner seulement un dernier exemple.
Actuellement, lorsqu'un client paie avec une carte de
credit, l'argent qui est versé en pourboire par le client s'en
va, va finir par passer par la caisse de l'employeur d'une façon ou
d'une autre, c'est-à-dire qu'il n'est pas donné de main à
main aux travailleurs ou aux travailleuses au pourboire. Le fait qu'il soit
inscrit directement sur la facture, fait un peu le même
phénomène, c'est-à-dire qu'il passe par la caisse de
l'employeur. La différence avec le régime actuel, c'est qu'il
aura à payer sur cet argent qui passe par sa caisse, la
sécurité sociale et les avantages sociaux. Les nouveaux
coûts pour l'employeur sont ceux-là. (21 h 45)
Une voix: Quel est le pourcentage...
M. Marcoux: Si vous permettez, je vais inviter ma collègue
de la Condition féminine à poser les premières questions
et à faire les premiers commentaires pour engager le dialogue.
Le Président (M. Gagnon): Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vous remercie pour
votre mémoire qui a l'avantage d'être très clair, avec les
petits ajouts qu'on finit par éclaircir à la toute fin et sur
lesquels certains de mes collègues pourront revenir. J'aimerais aussi
souligner le fait que vous faites ressortir quand même assez clairement
le problème vécu par les femmes dans le secteur de la
restauration et de l'hôtellerie. Si on était susceptible de penser
qu'on est à 50%, pour une fois, égal en nombre, on se rend compte
que, malheureusement, là encore, il y a des discriminations qui font en
sorte que le revenu moyen des femmes qui s'y trouvent est encore
inférieur à celui des hommes qui s'y trouvent. D'autre part, si
on regarde cela par rapport à d'autres secteurs, il reste que, dans la
population active, les femmes participent à 42%. C'est différent
par rapport aux autres secteurs d'activité.
Ce que je vais faire pour ne pas allonger les débats, parce que
je sens qu'on commence à être un peu fatigué et plus
impatient...
Une voix: Pas de projection.
Mme Marois: Non, je ne fais pas de projection, c'est vous qui en
faites, chers collègues d'en face. J'ai prévu mes questions de
telle sorte que vous pourrez y répondre et d'autres collègues
pourront reprendre certains éléments avec lesquels ils ne
seraient pas d'accord ou quoi que ce soit.
Une suggestion a été faite par certains groupes de
consommateurs dans d'autres mémoires déposés à la
commission en ce sens que les travailleurs et les travailleuses au pourboire
soient considérés comme des travailleurs et des travailleuses
à part entière, mais à salaire fixe, ce qui aurait pour
effet d'abolir - d'ailleurs, je pense qu'un collègue, cet
après-midi, a aussi posé cette question - de faire
disparaître cette notion de pourboire. J'aimerais avoir votre
réflexion sur cette question.
D'autre part, c'est évident, on voit la solution que vous retenez
avec tous ses avantages et je pense que vous reprenez aussi la critique des
désavantages que nous pouvions avoir notés; c'était
correct pour nous de le faire comme ce l'était pour vous de
procéder de la même façon. Avez-vous envisagé
d'autres hypothèses, en dehors du pourboire obligatoire sur chaque
facture, parce que c'est un autre des problèmes que vous soulevez et que
nous soulevons aussi comme gouvernement, pour en arriver à
déterminer de façon objective quel est le revenu réel des
travailleurs et des travailleuses au pourboire?
Ma dernière question est ramassée un peu dans votre
mémoire. Vous faites état justement de cette situation
très difficile des femmes dans l'industrie de la restauration et de
l'hôtellerie, soit l'importance du revenu, soit le respect des normes
minimales de travail ou le harcèlement sexuel. On est en train de
corriger un peu notre charte des droits; le harcèlement devrait
être compris dedans, mais quelles seraient, selon vous, les interventions
qu'on devrait être amené à faire, les gestes qu'on devrait
être amené à poser pour corriger ces situations? Car il
reste que ce sont des problèmes auxquels on fait face comme
société, et les moyens pour les résoudre ne sont pas
nécessairement très faciles à trouver. Je ne sais pas si,
chez vous, une réflexion a été faite autour de ces
questions et j'aimerais que vous nous l'apportiez, si c'est le cas. Cela va
faire le point, M. le ministre.
Le Président (M. Gagnon): M. Auger.
M. Auger (Christophe): Si vous permettez, je vais répondre
à votre première question et je demanderai à Nicole de
répondre au deuxième volet. On pourra compléter
éventuellement. Avons-nous envisagé d'autres solutions? Au moment
où on se parle, actuellement, ce pourquoi on a retenu cette solution et
qu'on n'en a pas proposé d'autres, c'est qu'elle nous paraît la
meilleure et non pas qu'on veuille rejeter, éviter ou combattre
l'établissement d'un salaire fixe à taux raisonnable. On a,
à l'intérieur de la centrale, on a effleuré ce sujet; on
doit continuer à le regarder. On a parlé, ce matin, de la
question de mentalités qui ne changent pas du jour au lendemain; on a
parlé de l'évolution. On partage cela et les travailleurs et
travailleuses au pourboire avec qui on travaille le partagent également,
sauf qu'un problème majeur se pose quand on
parle de salaire fixe, si on décidait de l'appliquer dans le
contexte actuel. Le taux de syndicalisation - cela a été
posé comme question ce matin - chez les travailleurs et travailleuses au
pourboire doit être de l'ordre de 2% ou 3%. Si, du jour au lendemain, on
établissait un salaire fixe, cela voudrait dire, à toutes fins
utiles, que ces travailleurs et travailleuses se retrouveraient au salaire
minimum: 4 $ l'heure. Cela voudrait dire, pour la totalité ou la
très grande majorité d'entre eux et d'entre elles, une diminution
de salaire. Une ouverture sur un salaire, pour nous, ne peut s'appliquer que
dans la mesure où véritablement l'accès à la
syndicalisation pour la très large part des travailleurs et
travailleuses au pourboire serait permis. Ce qu'on constate, non pas
théoriquement, mais pratiquement, pour avoir tenté à
maintes reprises la syndicalisation dans la restauration, dans les petites
entreprises -même dans d'autres secteurs, je parle dans de petites
entreprises - c'est qu'il est impossible de réaliser, selon le Code du
travail actuel, la syndicalisation des travailleurs et travailleuses au
pourboire dans des établissements comptant moins de 20 personnes, par
exemple, bien moins que cela pour une grande majorité
d'établissements. On a déjà formulé au
ministère du Travail, au présent gouvernement, la demande
d'instaurer l'accréditation multipatronale qui permettrait
l'instauration, effectivement, d'une syndicalisation plus large et de la
défense des droits des établissements par négociation de
conventions collectives, établissement de normes salariales et de
conditions de travail générales davantage respectables pour les
travailleurs et travailleuses.
On ne peut pas voir cela la semaine prochaine pour les raisons que j'ai
mentionnées. Il y a deux types de raisons: il y a le Code du travail et
il y a aussi la réflexion qu'on doit poursuivre avec les travailleurs et
travailleuses affiliés à la CSN. Il nous semble que cela devrait
être un but recherché dans un laps de temps le plus court
possible, parce que cela ne touchera pas seulement les travailleurs et
travailleuses au pourboire, mais cela va rejoindre aussi d'autres
catégories de travailleurs, malgré la reconnaissance, je dis
toujours un peu théorique, d'un droit à la syndicalisation qui ne
peut pas s'appliquer pour une trop grande majorité de travailleurs au
Québec. Sur la deuxième question, peut-être que
Nicole...
Mme Demers (Nicole): Sur le harcèlement sexuel?
Mme Marois: Vous me dites donc que l'accréditation
multipatronale serait une forme de solution qui ferait en sorte qu'on
éviterait d'en arriver à proposer des choses comme celles que
vous proposez pour résoudre le problème particulier des
travailleurs et des travailleuses au pourboire.
M. Auger (Christophe): À notre avis, il est clair
qu'à partir du moment où il y aura un taux de syndicalisation
plus élevé, cela nous situerait dans une autre perspective par
rapport à ces situations. Là où les travailleurs et
travailleuses sont syndiqués à la CSN, on a réussi
à aller chercher des taux de salaire, à négocier des
conditions de travail générales qui sont supérieures
à celles qu'on retrouve généralement à
l'extérieur, là où c'est non syndiqué ou
syndiqué pour d'autres affaires. Nicole?
Mme Demers: Pour les conditions de travail pour les femmes dans
l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration, ce qui se produit le
plus souvent, malheureusement, comme mon confrère l'indiquait, c'est
qu'il y a une grande partie de non-syndiquées qui subissent, bien
souvent de la part des patrons, le harcèlement sexuel et les conditions
de travail pénibles, parce qu'elles ne sont pas protégées,
même par les conditions des normes minimales du travail auxquelles on
fait appel. C'est un processus sans fin qui ne protège pas vraiment les
travailleurs et les travailleuses au pourboire, à cause de la grande
fréquence de changements de travailleurs dans l'industrie.
Pour les gens syndiqués, c'est un peu différent. À
la condition féminine, à la CSN, on travaille présentement
sur un dossier, justement, sur le harcèlement sexuel. C'est très
important pour nous, parce qu'on se rend compte que, de plus en plus, les gens
n'osent pas venir avec leurs problèmes parce qu'ils ont peur de perdre
leur emploi, surtout les non-syndiqués, qui sont vraiment
obsédés par cela, parce que c'est le patron et le client. Elles
doivent le subir du patron pour garder leur job, elles doivent le subir du
client pour avoir le pourboire. C'est très difficile pour elles d'aller
admettre qu'elles ont un problème de harcèlement sexuel. Je vois
que vous êtes entourée d'hommes qui ne semblent pas vous harceler,
vous ne semblez pas stressée par cela, mais, dans l'hôtellerie,
c'est grave. C'est vraiment terrible. Alors, on travaille sur le dossier, on
étudie plusieurs possibilités présentement. Il y a
sûrement beaucoup de solutions. Pour le moment, les solutions sont
multiples; cependant, le problème est complexe et on doit en
étudier toutes les dimensions. Alors, je ne peux pas arriver ce soir
avec des solutions précises.
Mme Marois: Est-ce que vous avez déjà essayé
de poursuivre, dans des cas particuliers?
Mme Demers: Dans des cas spécifiques, il y a plusieurs
poursuites qui se sont faites.
Malheureusement, le patron, dans la plupart des cas, a le beau
rôle parce qu'il peut dire à la personne qui est impliquée:
Écoute, si tu me poursuis, tu es foutue à la porte. La plupart du
temps, ce sont des femmes qui sont soutien de famille, qui sont de famille
monoparentale et qui n'osent pas poursuivre la personne qui les harcèle.
C'est impossible pour elles car elles perdraient leur emploi. Il n'y a pas
d'emploi présentement, on le sait. On subit le chômage dans le
Québec à un rythme effarant. Alors, les personnes ne poursuivent
pas, elles subissent leur condition, elles continuent de travailler dans des
conditions pénibles, des heures non payées, des congés
fériés non payés, des heures supplémentaires
à faire du travail qui ne fait pas partie du tout du travail de serveuse
qui est quand même payé à 3,28 $ l'heure et elles n'osent
pas faire de revendications à ce sujet parce qu'elles savent fort bien
qu'elles n'auront plus d'emploi demain matin.
Nous, comme syndiqués, on a quand même des recours. On
essaie de contourner cela par nos conventions collectives. On a même des
problèmes avec cela parce que, même à ce niveau, les
patrons ne veulent pas reconnaître nos droits, même dans les
conventions collectives, comme travailleurs au pourboire. On leur dit: Le
ministère du Revenu nous demande de déclarer des revenus. On vous
demande de nous payer au moins les salaires de vacances sur les revenus
déclarés. On nous le refuse carrément. On nous dit: Ce
n'est pas à nous de vous payer cela. Écoutez, si on le paie, on
ne voit pas pourquoi on ne devrait pas être payé pour cela. C'est
très difficile et c'est très complexe comme problème.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Westmount.
M. French: M. le Président, je voudrais soulever la
question du niveau d'emploi dans le secteur. Je pense que nous partageons tous
les préoccupations de ne pas, surtout à ce moment-ci, augmenter
le chômage. Je voudrais poser la question dans l'hypothèse qu'on
adopte des frais de service obligatoires de 10% ou 15%. Est-ce qu'il est
possible que les structures de la demande dans le secteur changent en
réagissant à ces frais de service obligatoires? Si oui, est-ce
que cet ajustement est susceptible de baisser le nombre d'établissements
et le niveau d'emplois dans le secteur? On a entendu cet après-midi,
vous comme nous, qu'essentiellement il fallait manger au Québec et que
le nombre d'établissements peut changer. Il peut y avoir des morts
quelque part sur le champ de bataille mais, enfin, un travailleur trouverait
toujours un niveau donné d'emploi. Je vous avoue que je ne suis pas
convaincu que c'est le cas, surtout si on pense à réduire le
nombre d'établissements. Évidemment, les économies
d'échelle sont assez importantes pour un établissement
donné qui bénéficie de la disparition des
établissements autour.
Tout cela pour vous demander votre analyse; les établissements de
"fast-food", les sacs de lunch au bureau, ces phénomènes sont-ils
susceptibles de venir suite à un tel changement?
M. Auger (Christophe): Je pense qu'on l'a dit dans le
mémoire. Il est clair que la proposition qu'on formule,
l'intégration des 15%, va comporter une certaine hausse de coût.
On ne le nie pas. Cette hausse du coût, quel effet cela va-t-il avoir sur
la structure de restauration et d'hôtellerie actuellement au
Québec? Il est malheureusement possible qu'un certain nombre de ces
établissements ferment, que ces établissements n'arrivent pas.
Sauf que, moi, j'aimerais qu'on pondère cela énormément.
On n'a pas actuellement les 15% inclus sur la facture et, que je sache, on a un
paquet de fermetures dans ce secteur comme dans d'autres qui sont
inadmissibles.
Donc, l'ajout des 15%, à partir de quand cela va-t-il faire
renverser une partie des entreprises de restauration et d'hôtellerie? Je
ne suis pas capable de fournir d'estimation mais je peux vous dire
qu'effectivement il peut y avoir ces conséquences, liées à
un ensemble d'autres causes. Deuxième problème, c'est qu'on doit
reconnaître que, dans ce secteur comme dans bien d'autres, on peut dire
qu'il y a un développement à peu près totalement
anarchique. Cela a été souligné par d'autres. Les
restaurants naissent, disparaissent. Cela voyage beaucoup. On ne peut pas
mettre cela sur le dos d'une revendication des travailleurs et travailleuses et
dire: Si on augmentait réellement dans le fond les 5% qui apparaissent
au client et qui ont un léger impact sur l'employeur, cela va
entièrement changer les choses et déstructurer
complètement la situation dans l'hôtellerie et la restauration.
(22 heures)
Troisième chose que j'aimerais dire là-dessus, c'est qu'on
a entrepris à la CSN depuis le printemps dernier avec un peu plus
d'intensité cet automne - il y avait une rencontre aujourd'hui avec le
premier ministre du Québec et des représentants de la CSN - une
campagne dans le but de forcer, comme centrale syndicale, le gouvernement
à adopter ce qu'on appelle une politique de plein emploi, qui s'appuie
sur le développement des secteurs. Encore une fois, on est très
conscient qu'on ne développera pas le secteur de l'hôtellerie pour
le plaisir de le développer; on va nécessairement plafonner,
à un moment donné, le nombre de
touristes qui viennent au Québec pour alimenter la structure
touristique. Il y a quelque part un plafonnement. Le reste du soutien de
l'hôtellerie et de la restauration passe par le développement de
l'ensemble des autres secteurs.
Ce qu'essaient d'avancer, de formuler et de débattre les
ministères responsables et le gouvernement, c'est effectivement, dans
plusieurs secteurs, que ce soient les pêcheries, que ce soit la
métallurgie, que ce soit la forêt, des projets de création
d'emplois faisant en sorte que nécessairement, l'économie et
l'ensemble de la conjoncture se plaçant mieux, on ait moins d'impacts
négatifs même de hausses relatives dans l'hôtellerie et dans
la restauration. Il faut voir cela dans un ensemble. On ne peut pas isoler cela
pour dire: Votre proposition ajoute des frais supplémentaires; quel
impact cela aura-t-il sur l'hôtellerie? Est-ce que cela fera renverser
5%, 10%, 15% ou 20%? Je ne suis pas capable de vous le dire. On sait que cela
occasionne une hausse de coûts, mais cette hausse, si on l'isole, en
elle-même, elle m'apparaît peu significative.
Les établissements qui tomberaient à cause de cela, ils
avaient déjà très mal aux jambes, leur vie était
déjà très menacée, sauf que cela ne nie pas, au
contraire, la nécessité pour nous de pouvoir avancer sur d'autres
secteurs pour renforcer l'ensemble. C'est ce qu'on a entrepris comme
démarche à la CSN et c'est ce qu'on va pousser auprès du
gouvernement, auprès des ministères concernés, celui de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme et d'autres, dans le but de forcer la
reprise de l'emploi dans l'ensemble des secteurs. Je suis sûr qu'on va
s'entendre, que cela aura un impact très positif sur la restauration et
sur l'hôtellerie, comme cela aura un impact très positif sur
l'ensemble de la remise au travail des travailleurs et des travailleuses qui
sont actuellement en chômage.
Le Président (M. Gagnon): Avant de vous redonner la
parole, M. le député de Westmount, à ce moment-ci, comme
l'ordre de la Chambre était de siéger jusqu'à 22 heures et
qu'il est maintenant 22 heures, cela me prend l'assentiment de la commission
pour qu'on puisse poursuivre nos travaux. Est-ce que vous êtes d'accord
pour qu'on poursuive nos travaux?
M. French: Oui.
Le Président (M. Gagnon): II nous restera, après la
CSN, deux autres mémoires à entendre.
Deuxièmement, juste au cas où il y en aurait qui seraient
tentés de quitter à ce moment-ci, je vais vous dire que demain
nous siégerons à la salle 81-A au lieu de cette salle-ci. Un
autre petit point, j'ai besoin de l'accord de la commission pour que Mme la
députée de L'Acadie puisse prendre la parole à la place du
député de Papineau.
M. Marcoux: Consentement accordé avec plaisir.
Le Président (M. Gagnon): Vous êtes d'accord. M. le
député de Westmount.
M. French: M. le Président, pour enchaîner, j'avais
soulevé la question des "fast-foods"; je pense qu'on ne peut pas
l'ignorer dans le contexte. On peut penser toutes sortes de choses, à la
suite de ce qu'on a entendu cet après-midi et ce matin des
différents intervenants, mais une chose m'a frappé, c'est que les
propriétaires de ces chaînes sont surtout de l'extérieur de
la province et même de l'extérieur du pays. Je présume que
les 15% ou les frais de service obligatoires ne s'appliqueraient pas à
eux. Je me trompe peut-être, mais les autres intervenants n'ont pas
manifesté le désir, le souhait d'étendre cette exigence de
frais de service obligatoires aux établissements de "fast-food". Vous
revendiquez peut-être cela, mais je voudrais vous entendre sur cela et
sur son application. Si vous ne voulez pas que cela s'applique à ce
secteur, quelle est votre réaction quant à la menace possible que
ces établissements viennent siphonner la clientèle, à la
suite des frais de service obligatoires?
M. Auger (Christophe): Dans notre mémoire, on ne dispense
pas les chaînes de "fast-food" des 15% même si, dans certains cas,
je le disais tantôt, cela ne s'applique pas du tout. Dans d'autres cas,
cela s'applique avec des nuances. On n'a, cependant, pas pu expliciter dans le
présent mémoire suffisamment pour voir exactement comment on en
arriverait à imposer ces 15%. Cela va effectivement créer des
ajustements qui ne sont pas les mêmes que dans la restauration où
c'est déjà en application. Il y a un certain nombre de
problèmes. On n'a pas été capable de pousser notre
réflexion assez loin. Ce qu'on voudrait vous dire là-dessus,
c'est que nous, à la CSN, d'une part, on va continuer à y
réfléchir et, d'autre part, on serait heureux, à partir du
moment où on aurait un énoncé de politique qui rejoindrait
nos préoccupations, de revenir débattre avec vous de ces
moyens-là. On s'engage, pour notre part, à continuer notre
réflexion sur cette question-là. Mais, au départ, on dit
qu'ils devraient être inclus. Parce que, s'ils ne sont pas inclus,
effectivement, l'autre moyen d'y arriver, c'est par une réglementation
gouvernementale qui fera en sorte qu'ils seraient, je dirais, imposés
d'une autre façon pour que cela ne vienne pas saper
complètement tout ce qui se fait dans la structure de la
restauration et de l'hôtellerie plus traditionnellement
québéboises. C'est actuellement notre point de vue sur cette
question.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Westmount.
M. French: Sur une autre question, vous avez, je pense,
accepté le principe de la répartition des pourboires parmi les
employés qui ne sont pas les serveurs et les serveuses
nécessairement. Est-ce que cela devrait être négocié
ou est-ce que cela devrait être réglementé par le
gouvernement?
M. Auger (Christophe): La répartition, effectivement, on
dit que cela ne doit pas nécessairement s'appliquer juste à ceux
et celles qui sont directement touchés. Ce qu'on dit - bien sûr,
pour nous autres, là où on a des syndicats - c'est qu'on peut
négocier parce que cela fait partie, finalement, de l'ensemble de
l'économie d'une convention collective et de l'organisation du travail.
Dans le cas où il n'y aurait pas de négociation ou de convention
collective en vigueur, il nous semble qu'il faudrait qu'il y ait au minimum une
clause qui permettrait que ces débats puissent se faire à propos
de l'organisation du travail, parce que la répartition des pourboires
touche un aspect de l'ensemble de l'organisation du travail. Il faudrait qu'on
puisse trouver une façon pour en débattre. On maintient, quant
à nous, que la meilleure solution, c'est que les travailleurs et
travailleuses soient organisés en syndicat et échangent avec
l'employeur. C'est malheureusement trop faiblement le cas. Là où
cela n'existe pas, il faudrait voir comment cela peut s'aménager. On n'a
pas, non plus, de solution immédiate, mais le principe qu'on met de
l'avant, on doit s'assurer de son application la plus intégrale
possible, la plus conforme possible.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Johnson.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Dans votre
mémoire, sur vos revenus réels, à la page 10, vous dites
qu'il y a plusieurs travailleurs ou travailleuses qui doivent "remettre au
patron le chèque de paie qu'ils viennent de signer et se contenter de
leurs pourboires." Dans ce cas-là, est-ce qu'ils n'ont pas un syndicat
pour les défendre, est-ce qu'ils n'ont pas des moyens de recours ou de
revendication possibles?
M. Auger (Christophe): Je ne pense pas que cela se produise dans
nos syndicats; on me corrigera, mais je ne pense pas que cela se produise dans
nos syndicats. Cela se produit où c'est non syndiqué. En vertu de
la
Loi sur les normes de travail, l'employeur doit verser un salaire
minimum de 3,28$, mais, compte tenu que, dans certains endroits, les gains par
pourboires sont importants, il y a cet échange-là qui se produit.
Ce qu'on veut, c'est que cela ne se produise plus du tout.
Mme Juneau: Mais les recours possibles, s'il n'y a pas de
syndicat, c'est quoi?
M. Auger (Christophe): II n'y a pas, malheureusement, beaucoup de
recours, parce que - et là, je rejoins ce que Nicole disait tantôt
- si la travailleuse ou le travailleur -et cela s'est produit dans les quelques
exemples dont j'ai eu connaissance et peut-être que Mario ou d'autres
pourront compléter là-dessus; ils sont dans le milieu pour donner
d'autres exemples - conteste l'employeur, quand tu n'as pas de syndicat et que
tu n'es pas organisé, tu te fais foutre dehors et là, on ira
prouver devant la Loi sur les normes de travail qu'on a raison. Certains ont
déjà eu gain de cause, effectivement, après quelques mois
d'attente sans emploi. Et par la suite, à la première anicroche,
étant donné qu'il n'y a pas de syndicat, c'est à nouveau
la porte. C'est malheureusement la situation devant laquelle on se trouve.
Il y a deux écueils importants. D'une part, les délais
longs que le travailleur ou la travailleuse doit affronter quand il est en
recours devant la Loi sur les normes de travail et, d'autre part, le fait que
l'employeur l'a maintenant à l'oeil et dit: Au prochain faux geste - je
vais le dire entre nous; on sait bien que, dans quelque fonction qu'on occupe,
il nous arrive de commettre un geste ou l'autre - compte tenu qu'il n'y a pas
de critères et n'ayant pas de syndicat, la travailleuse ou le
travailleur se retrouve à la porte à nouveau.
Mme Juneau: II y a une autre chose que je voudrais vous demander.
Vous dites aussi sur les conditions de vie: "Ils et elles travaillent le soir,
les fins de semaine, les jours de congé, les longues fins de semaine,
à Pâques et à Noël". Dans un paragraphe plus loin,
à la page 11, quand vous parlez de la place des femmes dans
l'hôtellerie, vous dites: "De plus, il ne fait aucun doute que c'est dans
ces petits établissements que sont le moins respectées les normes
de travail concernant les heures de travail, le temps supplémentaire."
Qu'est-ce que vous appelez "le temps supplémentaire" quand vous
mentionnez qu'ils travaillent à Noël, à Pâques, toutes
les longues heures de la fin de semaine? Qu'est-ce que vous appelez le temps
supplémentaire?
M. Auger (Christophe): Oui, peut-être Marcel, Gilles, Mario
ou d'autres.
M. Pepin: Bon. Le temps supplémentaire est prévu
dans la Loi sur les normes de travail. Je ne me rappelle pas exactement le
nombre d'heures; je pense que cela a été baissé à
44 heures lors de la dernière modification. Au-delà de 44 heures
de travail dans une semaine, il est prévu à la Loi sur les normes
minimales de travail que le travail doit être
rémunéré à temps supplémentaire,
c'est-à-dire une fois et demie le taux normal du salaire. Il n'est pas
évident, parce qu'une personne travaille à Noël, que c'est
du travail supplémentaire. Il se peut fort bien que cela fasse partie
des 26 heures de la semaine en question.
Une voix: C'est cela.
Mme Juneau: II n'y a pas d'égard, comme cela, du tout si
c'est une fête.
M. Pepin: Pour certaines fêtes, il y en a qui sont
traitées par la Loi sur les normes de travail. Je ne me rappelle pas
précisément, non plus, ce qui arrive dans ce cas, si une
majoration du salaire est prévue, mais c'est le cas de quelques
journées dans une année; au-delà de cela, le temps
supplémentaire s'appliquera en sus des 44 heures, s'il y a lieu.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Pourriez-vous me dire le pourcentage de
personnes employées dans la restauration qui sont syndiquées?
Vous estimez à 80 000 le nombre d'emplois dans la restauration, quel est
le nombre de syndiqués?
M. Auger (Christophe): On peut avancer un chiffre, mais c'est
vraiment sous réserve, pour les travailleurs au pourboire.
Mme Lavoie-Roux: Oui, oui.
M. Auger (Christophe): On peut le chiffrer autour de 2% à
3%. Donnons-nous une grande marge de manoeuvre, 5% ou 6% peut-être.
M. French: Vous en avez 2000. M. Auger (Christophe):
Pardon? M. French: Vous en avez 2000.
M. Auger (Christophe): On en a environ 2000.
M. French: Mais alors, 2000 pour vous et 2000 pour M.
Côté, cela fait déjà plus de 4%.
M. Auger (Christophe): Excusez. Ce chiffre de 2000, c'est
l'hôtellerie et la restauration. Pour la restauration, je n'ai
malheureusement pas avec moi les chiffres.
Mme Lavoie-Roux: En tout cas, c'est un nombre assez infime.
M. Auger (Christophe): C'est très faible. Entendons-nous
là-dessus, on ne se lancera pas dans une bataille de chiffres.
Mme Lavoie-Roux: Maintenant, on a beaucoup parlé des
conditions difficiles pour les serveurs et serveuses dans la restauration;
est-ce que vous avez des statistiques sur la persévérance dans
l'emploi?
M. Auger: Je ne sais pas, Nicole ou Mario.
M. Chabot (Mario): Quand ce n'est pas syndiqué, aux
quelques endroits où j'ai travaillé, c'est deux fois dans une
année qu'il y a un changement de personnel sur le plancher dans les
restaurants plus ou moins touristiques.
Mme Deniers: II y a une incidence encore plus grande parce qu'il
y a aussi des employés non syndiqués dans la restauration et
l'hôtellerie qui se doivent de travailler au noir, en dessous de la
table, parce que ce sont des conditions de travail que l'employeur exige de ses
employés. Alors, on n'est pas au courant du nombre exact de ces
employés; c'est aussi un nombre assez important. Maintenant, dans
plusieurs établissements, on parlait tantôt de personnes qui
doivent signer leur chèque de paie et le remettre à l'employeur.
Il y a des cas spécifiques, comme présentement à
Trois-Rivières, où il y a un établissement où les
employés travaillent sans salaire, sans aucun salaire, même pas le
minimum. Ils l'ont fait d'accord avec le patron, parce qu'autrement le patron
les foutait à la porte et même la Commission des normes du travail
a été d'accord avec cela. Ils ont dit: Écoutez, si vous ne
faites pas de revendication là-dessus, nous ne pouvons rien faire.
Alors, on se demande vraiment ce que cette commission apporte dans le cas des
employés qui ne sont pas syndiqués.
Mme Lavoie-Roux: C'était ma question suivante. La Loi sur
les normes de travail a été adoptée avec l'objectif
principal de protéger surtout les plus faibles des travailleurs; dans
quelle mesure ceci protège-t-il les travailleurs? Peut-être qu'une
façon de l'évaluer serait de savoir si la CSN a relevé
auprès de la commission le nombre de plaintes, par exemple, qui
proviendraient de personnes non syndiquées et de personnes
syndiquées, pour faire le partage touchant la
non-observation de la Loi sur les normes de travail.
(22 h 15)
Mme Demers: Justement, alors que M. Marois était encore au
ministère du Travail, nous avons rencontré un de ses adjoints et
on a soulevé ce point. Les normes minimales de travail ont
été invoquées pour la plupart des travailleurs non
syndiqués.
Malheureusement, cela n'a pas été fait pour les
employés au pourboire, les serveurs et les serveuses qui sont une autre
catégorie de travailleurs. Ils ne sont pas touchés par ces normes
à cause justement du grand changement des travailleurs dans
différents établissements. Alors que, selon les normes minimales
de travail, habituellement pour avoir un recours, pour pouvoir retourner dans
ton endroit de travail, tu dois avoir un minimum de cinq ans de travail dans
cet établissement, pour les serveurs et les serveuses, comme on l'a dit
tantôt, c'est une fréquence de six mois dans les
établissements non syndiqués. Ils n'ont aucun recours
là-dedans. Lorsqu'ils ont recours aux normes minimales de travail,
malheureusement, l'employeur le sait aussitôt, parce que, s'il y a une
employée qui se plaint, l'enquêteur va sur les lieux. L'employeur
sait bien quelle employée est mécontente; alors, elle est foutue
à la porte ou harcelée. On ne lui donne pas de client, on lui
donne une section où il n'y a absolument personne, on la fait travailler
des heures impossibles, on ne la paie pas. Elle s'en va d'elle-même;
alors, elle n'a aucun recours dans ce cas.
Mme Lavoie-Roux: Vis-à-vis des autres dispositions de la
Loi sur les normes de travail, touchant l'observation d'un certain nombre de
jours fériés - je pense que c'est sept par année - et
d'autres dispositions, est-ce que les employeurs sont maintenant un peu plus
sensibilisés ou si c'est presque oublié?
Mme Demers: Les employeurs sont sensibilisés, mais,
malheureusement, ils ne sont pas d'accord pour les payer. Ce qui se produit la
plupart du temps, c'est que ces personnes travaillent les jours
fériés et qu'elles ne sont pas payées, même si elles
doivent effectuer du travail supplémentaire. Ces mêmes
journées, elles vont travailler de 8 heures à 23 heures, parce
que c'est une période très occupée, comme à
Pâques ou à Noël, alors qu'il y a des repas de famille et
tout cela. Elles ne sont même pas payées pour le temps
supplémentaire, encore moins pour les jours fériés.
Mme Lavoie-Roux: À votre connaissance, dans quelle mesure
la commission, par le truchement de ses inspecteurs, exerce-t-elle une
surveillance dans les endroits non syndiqués?
Mme Demers: II n'y a pas suffisamment d'inspecteurs,
premièrement; alors, ils ne peuvent pas faire le tour de tous les
établissements à une fréquence
régulière.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'ils le font quand même,
même s'ils sont obligés de le faire rarement?
Mme Demers: Seulement lorsqu'ils ont des plaintes.
Mme Lavoie-Roux: Seulement s'ils ont des plaintes.
Mme Demers: Comme les plaintes ne sont pas très
fréquentes, alors, les inspecteurs ne visitent pas les
établissements.
Le Président (M. Gagnon): M. Auger.
M. Auger (Christophe): D'une part, ils y vont sur plainte. Le
deuxième problème, lorsqu'il y a plainte, il y a perte d'emploi.
C'est un cercle vicieux. Les travailleurs et travailleuses n'osent pas faire
des plaintes parce qu'ils ne veulent pas perdre leur emploi. Alors, on tourne
un peu en rond dans cette question.
Mme Lavoie-Roux: À votre connaissance, il n'y a jamais
d'inspecteur qui va se...
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
L'Acadie, je m'en excuse, mais je vous invite à aller un peu plus
rapidement.
Mme Lavoie-Roux: II me semble que mes questions sont courtes, M.
le Président.
Le Président (M. Gagnon): J'ai encore quatre intervenants
qui veulent poser des questions et on a encore deux autres mémoires
à entendre par la suite. Je vous redonne la parole.
Mme Lavoie-Roux: Je vais me soumettre, M. le Président,
mais il me semblait que mes questions étaient courtes. Elles sont
nombreuses, mais elles sont courtes.
Le Président (M. Gagnon): Elles sont nombreuses, par
exemple. C'est vrai qu'elles étaient courtes, mais elles sont
nombreuses.
Mme Lavoie-Roux: C'est quand même important, M. le
Président, c'est peut-être un des premiers champs
d'activité où on a l'occasion d'examiner le fonctionnement de la
Commission des normes du travail en fonction des personnes pour qui cette loi a
été particulièrement adoptée.
Le Président (M. Gagnon): Je suis
d'accord avec vous, mais je sentais le besoin de vous dire qu'il y a
encore quatre intervenants et deux autres groupes à entendre.
Mme Lavoie-Roux: Je vais poser une dernière question,
alors. Eu égard au congé de maternité, dans quelle mesure
est-il accordé à la travailleuse dans la restauration?
Mme Demers: La travailleuse syndiquée obtient le
congé de maternité; la travailleuse non syndiquée, c'est
négatif; elle est enceinte, elle a son bébé et elle perd
son emploi, tout simplement. Elle doit rechercher un emploi par la suite, si
elle décide de quitter le foyer pour retravailler, mais elle ne retourne
pas au lieu d'emploi qu'elle avait précédemment.
Mme Lavoie-Roux: Même si elle a payé ses cotisations
à l'assurance-chômage.
Mme Demers: Ses cotisations à l'assurance-chômage se
basent sur son salaire de base. Donc, ce qu'elle reçoit pendant qu'elle
est en congé de maternité, c'est tellement minime qu'elle ne peut
pas se permettre d'être en congé de maternité pendant dix
ou dix-huit semaines. Elle reçoit environ 45 $ ou 47 $ par semaine de
prestations d'assurance-chômage; ce n'est pas beaucoup.
Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Bellechasse.
M. Lachance: M. Auger, vous avez fait allusion tout à
l'heure à un stage en France. J'aimerais savoir si, à la table,
il y a quelqu'un qui a participé à ce stage. Un chroniqueur bien
connu écrit, dans un journal de ce matin, que 38 membres de la CSN se
sont rendus en France - ils sont revenus samedi - pour scruter le
problème du pourboire. Alors, je me pose des questions, comme bien du
monde, à ce sujet-là.
M. Auger (Christophe): J'ai donné l'information
tantôt, au début. Je vais seulement la répéter
rapidement et peut-être que Mario pourra ajouter quelques
éléments là-dessus.
M. Chabot: J'ai été en France dans le cadre de
l'Office franco-québécois de la jeunesse.
M. Lachance: Étiez-vous 38 membres de la CSN?
M. Chabot: Non. On était quatre de la CSN, trois
syndiqués dans différents hôtels,
Holiday Inn, Quatre Saisons et Sheraton Saint-Laurent, ainsi qu'un
conseiller syndical du Conseil central de Montréal.
Contrairement à ce qui a été dit aussi ici, on n'a
pas reçu un chèque de 1000 $ pour aller là-bas; cela nous
a coûté les pleins prix, de ma poche ou de la poche des personnes
qui y sont allées dans le cadre de l'Office
franco-québécois. Tout le monde peut se présenter à
un de ces stages. Cela cadrait avec les buts du stage de voir une position
syndicale au problème, d'aller voir comment la syndicalisation se
faisait.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Terrebonne.
M. Blais: Une question très courte, parce qu'il est
très tard. J'espère que la réponse sera aussi courte.
Premièrement, ne craignez-vous pas, comme chef syndical, que, si jamais
on appliquait une règle de pourboire obligatoire, cela vous rendrait la
tâche plus difficile pour la syndicalisation dans vos restaurants
à la grandeur du Québec? Deuxièmement, vous parlez
toujours et tout le monde parle de 15%; si jamais on décidait d'imposer
un pourboire obligatoire, s'il était moindre que 15%, quelle serait
votre réaction?
M. Auger (Christophe): Pour la deuxième question, on
appréciera au moment où on le connaîtra. Pour l'instant, il
me semble que la pratique a institutionnalisé les 15% et on pense
qu'elle doit être respectée.
À la première question, oui. On en est très
conscient et c'est conforme aux orientations et aux pratiques de la CSN de dire
qu'on va défendre nos membres, mais on va défendre d'autres gens
en même temps; cela a toujours été cela du temps de la CTCC
(la Confédération des travailleurs catholiques du Canada) et
à partir de 1960, de la CSN. J'espère qu'on va continuer comme
cela. Quant à moi, on va continuer comme cela.
Le Président (M. Gagnon): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Seulement une question. Le député de
Westmount a soulevé la question des "fast-foods". Vous voulez qu'on
impose les 15% aussi à ces gens. Le Big Mac va augmenter de 15%. Je veux
vous citer un extrait du mémoire qu'on va présenter après
le vôtre. Je veux avoir votre commentaire: "Advenant la mise en vigueur
de frais de service obligatoires de 15%, tel que préconisé par le
livre vert, les clients de nos restaurants, les "fast-foods", seraient
arbitrairement forcés de verser environ 10 140 000 $ annuellement pour
lesquels ils ne recevraient absolument aucune valeur ou service dont ils ne
jouissent présentement."
Sur quelle base voulez-vous imposer aux plus démunis et aux
jeunes qui fréquentent ces restaurants un montant annuel de 10 000 000
$?
M. Auger (Christophe): Vous vous référez aux
chaînes strictement québécoises, pour avancer ces
chiffres?
M. Blank: Ce n'est pas moi, c'est celui qui va présenter
le prochain mémoire. C'est seulement la chaîne McDonald, cela ne
touche pas les autres. Cela veut dire que cela peut être 20 000 000
$.
M. Auger (Christophe): Je pense, là-dessus, à la
réponse suivante: notre principe est qu'on doit l'appliquer dans
l'ensemble. On a dit tout à l'heure qu'on était prêt
à regarder de quelle façon cela pouvait se faire. On est
conscient qu'il y a un problème particulier là; il est de deux
ordres. Il se situe pour faire en sorte que les "fast-foods" n'aient pas un pas
d'avance sur l'ensemble de l'industrie hôtelière et de la
restauration, d'une part. D'autre part, quand vous dites les plus
démunis, les enfants et tout cela, moi, j'aurais davantage tendance
à vous apporter une réponse, je dirais, à connotation
culturelle plus qu'autre chose, à savoir qu'un Big Mac, cela peut
être bon, mais j'oserais dire que, si on était capable de
développer quelque chose de plus conforme, de plus sain, cela serait
encore mieux. On aurait donc moins à payer sur le 10 000 000 $.
M. Blank: Cela va être aussi un "fast-food", cela va
être la même chose.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: Rapidement, je ne reviendrai pas sur la question des
"fast-foods", parce que M. le député de Saint-Louis l'a
soulignée. J'aimerais simplement que vous réfléchissiez
à une chose et, si vous avez des commentaires à nous faire
parvenir, cela nous serait utile. Dans l'hypothèse où on dit
qu'actuellement il n'y a pas de pourboire dans les "fast-foods", si on
étendait la taxe de vente dont on a parlé aujourd'hui - vous y
avez assisté, alors je ne reprendrai pas toute la discussion - en la
réduisant à 8% ou quelque chose comme cela, quelle que soit la
mesure ou la solution qu'on adopte concernant l'ensemble de la restauration et
de l'hôtellerie, c'est sûrement un poids financier de plus par
rapport à l'ensemble du secteur de la restauration et de
l'hôtellerie. Or, actuellement, le secteur du "fast-food" n'a pas, parce
que les repas sont souvent en bas de 3,25 $, de taxe de vente. Je me demande
s'il n'y aurait pas une articulation. Je ne voudrais pas expliciter davantage;
je pense que vous voyez peut-être la perspective d'une certaine
équité, jusqu'à un certain point. Si tu allèges les
charges d'un secteur pour équilibrer, à ce moment-là, tu
peux demander une participation aux avantages sociaux dans les secteurs
où il y a des travailleurs au pourboire. En tout cas, si vous avez des
réflexions sur cela à un moment donné - nous n'aurons
peut-être pas le temps ce soir - vous nous les ferez parvenir. J'aimerais
cela avoir vos commentaires.
Sur le nombre d'emplois que vous identifiez, encore là on va
relire votre mémoire. Je l'ai eu seulement hier; alors, je n'ai eu le
temps de vérifier les données à partir desquelles vous
êtes arrivés à vos chiffres concernant le nombre d'emplois.
Normalement, les fonctionnaires qui travaillent au ministère vont
probablement vous contacter pour vérifier nos données avec les
vôtres, comment vous avez pu arriver à ce type de données.
Concernant la page 13, vous parlez de l'évasion fiscale des entreprises.
Ce dont je peux vous assurer, c'est que tout ce que vous citez là, le
ministère en est parfaitement informé et qu'il déploie
beaucoup plus d'énergie depuis des années à contrer
continuellement cette évasion fiscale. Ce qu'il faut voir, c'est qu'il y
a des choses difficiles. Par exemple, cet après-midi, on proposait
d'imposer un cautionnement obligatoire pour tout nouveau détenteur de
permis de restauration, ce qui restreindrait la concurrence, assurerait la
solvabilité. Ce qui arrive, c'est que dans la situation
économique actuelle, il y en a qui veulent se créer un emploi
pour vivre et, avec peu d'argent de leurs parents, de leurs amis, etc., ils
s'ouvrent un restaurant ou quelque chose du genre, une crémerie, un
comptoir à crème glacée. Ils mettent toutes leurs
économies dans cela et, s'ils n'arrivent pas ou comme ils sont à
la marge, à un moment donné, ils ne payent pas leurs DAS, leurs
déductions à la source pour leurs employés ou autre chose
du genre; là, il y a des problèmes. Je peux vous assurer qu'on a
toute une équipe qui travaille sur cela et tous les trucs dont vous
parlez, on les connaît bien. Sauf que l'évasion fiscale, cela n'a
jamais de limite, jusqu'à un certain point. Même si on essayait de
courir après, on ne les rattrape pas toujours.
Ma seule question concerne la page 10 où vous indiquez dans un
paragraphe: "L'assurance-chômage considère leurs revenus de
pourboires comme non assurables; ils ne peuvent donc en
bénéficier que sur leur revenu de base" (3,28 $). Au lieu de 60%
de leur revenu, cela revient "à 25% dont ils doivent se contenter et,
surtout, avec lesquels ils doivent tenter de survivre." J'aimerais savoir,
à partir de ce paragraphe, à combien vous évaluez le
salaire réel des employés au pourboire.
M. Pepin: II faudrait que je refasse les calculs pour vous dire
lequel j'ai utilisé dans ce cas. Mais, les revenus des travailleurs au
pourboire varient énormément, dépendant du style
d'établissement, dépendant des heures qui sont
travaillées. Il y a des établissements où le salaire
horaire, finalement, avec les pourboires, va être assez respectable; il y
en a d'autres où cela va demeurer un salaire parfois assez
médiocre.
M. Marcoux: En tout cas, si vous pouviez nous transmettre les
données à partir desquelles vous êtes arrivé
à cette conclusion, cela nous serait utile. Je vous remercie beaucoup et
je dois dire que je considère que vous avez présenté un
mémoire d'une très grande qualité.
M. Blank: Au nom de l'Opposition, je vous remercie pour un
mémoire très intéressant et des opinions encore plus
intéressantes. (22 h 30)
Le Président (M- Gagnon): Mesdames et messieurs, merci aux
gens de la CSN pour ce mémoire. Maintenant, j'inviterais M. J.-E.
Baribeau, au nom de 32 hommes d'affaires québécois.
M. Baribeau, si vous voulez nous présenter la personne qui est
avec vous.
M. Jacques Baribeau
M. Baribeau (Jacques): Mon collègue est Jacques Auger qui,
comme moi-même, est propriétaire de restaurants McDonald.
M. le Président, mesdames et messieurs les membres de la
commission, mesdames et messieurs, mon nom est Jacques Baribeau et je suis
propriétaire de restaurants McDonald depuis bientôt dix ans.
Présentement, je possède et dirige quatre restaurants
situés à Boucherville, Greenfield-Park et Longueuil. J'ai
dû travailler d'arrache-pied pour bâtir mon entreprise qui compte
maintenant quelque 400 employés.
Je présente ce mémoire au nom de 32 hommes d'affaires
québécois qui, comme moi, sont propriétaires d'un ou de
plusieurs restaurants McDonald, soit un nombre de 52 au total. Vu de
l'extérieur, souvent les restaurants McDonald sont perçus comme
un groupe monolithique. Cette perception est très différente de
la réalité. Mon collègue, M. Jacques Auger, est aussi
propriétaire de restaurants McDonald; les siens sont situés
à Sainte-Foy et à Lévis. Nous ne représentons la
firme McDonald d'aucune manière et les opinions et statistiques que nous
citerons sont exclusivement celles des propriétaires
québécois.
Collectivement, nous, les propriétaires indépendants,
employons quelque 5200 personnes réparties sur tout le territoire du
Québec. Notre réussite est attribuable en grande partie à
la loyauté de nos clients. Indirectement, M. Auger et moi-même les
représentons, car nous croyons que la loyauté n'est pas une
affaire à sens unique. Historiquement, notre clientèle n'a jamais
payé de pourboire dans nos établissements. Advenant la mise en
vigueur de frais de service obligatoires de 15%, tel que
préconisé par le livre vert, les clients de nos restaurants
seraient arbitrairement forcés de verser environ 10 140 000 $
annuellement pour lesquels ils ne recevraient absolument aucune valeur ou
service dont ils ne jouissent présentement. Ils se sentiraient
lésés et le seraient en fait.
En page 5 du livre vert sur la situation des travailleurs et des
travailleuses au pourboire, nous constatons que cette consultation populaire
fait suite à la recommandation de "décréter des frais de
service obligatoires de 15% sur toute facture de consommation émise dans
l'industrie de l'hôtellerie et de la restauration". Plus loin, toujours
dans le livre vert, on parle "d'équité fiscale" et
"d'équité sociale". Alors, qu'advient-il des travailleurs du
taxi, des travailleurs des salons de beauté, des préposés
aux parcs de stationnement, etc? D'un côté, la
réglementation suggérée exclut les travailleurs au
pourboire légitime précités et, du même coup, elle
fait payer arbitrairement des frais de service à des personnes qui,
historiquement, ni en Amérique, ni en Europe, ni en Asie - parce qu'il y
a des restaurants McDonald à Hong Kong et à Tokyo - n'en ont
jamais payé, à savoir la clientèle des
cafétérias et des restaurants à service rapide comme les
nôtres.
Nous aimerions souligner aux membres de la commission qu'un individu qui
a les moyens d'inviter une personne à partager un repas de 60 $ ou 80 $
trouve raisonnable de payer un pourboire d'environ 15%. Si le service est
adéquat et raffiné, c'est justifié. Dans un sens, c'est
une forme de récréation coûteuse. Toutefois, la
clientèle que nous desservons dans nos restaurants à service
rapide y vient par nécessité et pour nos bas prix. Notre
clientèle se compose d'employés de bureau, de travailleurs
d'usine, de travailleurs de la construction, d'enfants dont les deux parents
travaillent à l'extérieur ou, la fin de semaine, de gens qui font
leurs emplettes. La clientèle des cafétérias est semblable
à la nôtre, surtout lorsqu'on la retrouve dans les écoles,
les cégeps, les universités, les hôpitaux, les usines ou
édifices à bureau. Traditionnellement, nos clients ne paient pas
de pourboire parce qu'ils ne reçoivent pas des services ou des
attentions particulières. Les préposés à la
clientèle des restaurants à service rapide et des
cafétérias agissent uniquement comme préposés aux
caisses. Les clients s'autoservent. Donc, pas de service, pas de
pourboire.
Nous croyons que cette commission est consciente de l'impact
économique que sa décision aura sur notre industrie et nos
entreprises. Nous avons aussi confiance qu'elle réalise qu'une
économie saine et vigoureuse produit plus de revenus pour l'État
que les solutions bureaucratiques qui visent à faciliter la perception
efficace des impôts. Permettez qu'on explique comment cette politique de
frais de service obligatoires peut affecter nos entreprises et nos
employés. Du 1er janvier 1982 au 30 septembre 1982, la
fréquentation de nos restaurants a diminué de 6%, en dépit
du fait que nous ayons augmenté nos dépenses promotionnelles et
publicitaires d'environ 39,8%, comparativement à la même
période de l'année précédente. Le nombre d'emplois
disponibles a lui aussi diminué.
Dans la présente conjoncture économique et dans l'avenir,
l'imposition de frais de service de 15% aux restaurants à service rapide
et aux cafétérias provoquerait une baisse de clientèle
sensible et permanente. Veuillez croire qu'il ne s'agit pas ici d'une
réaction pessimiste ou ombrageuse de notre part. Ce qui
précède est basé sur le fait qu'à chacune des
augmentations des prix de détail que nous avons dû faire, si
minime soit telle, (0,05 $ sur un Big Mac, par exemple), la réaction
immédiate a été une baisse sensible des visites de notre
clientèle. Nos clients mangent chez eux ou apportent leurs sandwichs au
travail; ils ne vont pas chez le voisin. Une augmentation subite de 15% de
frais de service provoquerait une dimunition marquée des visites des
clients et nous forcerait à faire des mises à pied.
Vers le 23 septembre, un membre du Conseil des ministres, l'honorable
Yves Bérubé, déclarait à la
télévision que l'exemption de la taxe sur les repas de moins de
3,25 $ pourrait être abolie dans un avenir prochain. Si nous ajoutons ces
10% aux frais de service de 15% proposés, nos clients feraient face
à une augmentation subite de 25%. Cela ressemble étrangement
à une taxe arbitraire et injuste dont les victimes seraient un groupe de
consommateurs qui sont situés à un palier économique
inférieur à la moyenne.
Historiquement, dans nos restaurants, nous avons constaté qu'une
augmentation des prix de détail de 1% entraînerait une diminution
des visites de nos clients de 1%. Nous avons toujours comprimé nos
hausses de prix à moins de 3%: Autrement, nos efforts de
rentabilité via la hausse des prix devenaient négatifs. Advenant
une hausse de coût de 25%, soit 15% en frais de service plus
théoriquement 10% de taxe sur les repas, nous prévoyons une
baisse de visites d'approximativement 25%. Ipso facto 80% de nos
établissements deviendraient déficitaires.
Comme plusieurs sont déjà près du seuil de
rentabilité, il est à prévoir que plusieurs, à
brève échéance, feraient faillite.
Vraisemblablement de 25% à 40% des employés à notre
service seraient mis à pied. Et veuillez croire qu'il y a des
propriétaires de McDonald dans la province de Québec qui ont
dû remettre leurs clés et perdre leur capital parce qu'il y a des
problèmes là comme ailleurs. Il est raisonnable de conclure que
le fisc...
M. Marcoux: Je vous demanderais tout de suite dans combien de cas
cela a pu se produire. Combien actuellement sont sortis des affaires, comme
vous dites?
M. Baribeau: À ma connaissance, trois.
M. Marcoux: Sur?
M. Baribeau: Pardon?
M. Marcoux: Sur 80?
M. Baribeau: Sur 32 propriétaires.
M. Marcoux: 3 sur 32.
M. Baribeau: II est raisonnable de conclure que le fisc
québécois y perdrait une partie importante de l'impôt
corporatif que nous générons, une partie de la taxe sur les repas
que nous percevons, la partie de l'impôt personnel payée par nos
employés mis à pied, une partie des contributions au
Régime de rentes du Québec, à l'assurance-maladie,
à la Commission des accidents du travail, à
l'assurance-chômage, etc.
Attendu qu'historiquement les clients des restaurants à service
rapide et des cafétérias ne paient pas et n'ont jamais
payé de pourboires;
Attendu que les préposés aux caisses des restaurants
à service rapide et des cafétérias ne fournissent aucun
service personnel à la clientèle et que les clients de ces
établissements s'autoservent;
Attendu que les frais de service de 15% (ou peut-être 25% si
l'exemption sur les repas de moins de 3,25$ est abolie) provoqueraient une
baisse de visites qui, à son tour, résulterait en des mises
à pied d'employés importantes;
Attendu que la hausse des prix de 15% ou 25% aurait un effet
inflationniste important pour nos clients;
Attendu que la rentabilité et, dans plusieurs cas, la
viabilité des restaurants à service rapide seraient
sérieusement affectées et, dans plusieurs cas, seraient fatales
pour nos entreprises;
Attendu qu'à long terme le fisc québécois subirait
une perte de revenu;
Attendu que les mémoires soumis et les problèmes des
équités fiscale et sociale
soulevées par le livre vert ne visaient pas les employés
des restaurants à service rapide ni ceux des
cafétérias;
Nous demandons à la commission d'exclure les employés des
restaurants à service rapide et ceux des cafétérias, ainsi
que leurs employeurs de toute réglementation pertinente aux travailleurs
et travailleuses au pourboire.
Attendu qu'historiquement les travailleurs de l'industrie du taxi, de la
cosmétologie, des parcs de stationnement etc., sont des travailleurs au
pourboire légitimes, tout aussi bien que ceux de l'hôtellerie et
de la restauration;
Nous recommandons à la commission du revenu que tous les
travailleurs au pourboire soient traités sur un pied
d'égalité et que le fisc québécois les
considère tous comme travailleurs autonomes. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. Marcoux: Je vous remercie, M. Baribeau. Je demanderais
à ma collègue, la député de Johnson, de vous poser
des questions.
Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de
Johnson.
Mme Juneau: Merci, M. le ministre. Je lisais attentivement en
même temps que vous votre mémoire. J'ai été un petit
peu surprise que vous disiez tout le temps que votre réussite est
attribuable à la grande loyauté de vos clients. Nulle part dans
votre mémoire, vous ne parlez de la qualité de vos produits, de
la qualité de votre personnel et tout cela. Je serais bien malheureuse
d'être à votre emploi, de voir que vous dites simplement que votre
réussite est due à votre clientèle.
M. Baribeau: Notre clientèle est loyale, parce que nos
employés sont loyaux. Les employés sont loyaux parce que nous
leur offrons des conditions de travail favorables. D'abord, nous les employons
quand la plupart des employeurs disent: Bon, je regrette, tu n'as pas
d'expérience de travail et tu n'as pas de qualifications
professionnelles parce que tu as 16, 17, 18 ou 19 ans. Nous les employons; tout
ce qu'on leur demande, c'est la bonne volonté d'apprendre et la bonne
volonté de faire un effort. De plus, ils ont droit à une
série d'avantages sociaux que personne ne nous impose, comme, par
exemple, l'assurance de groupe. Nous fournissons gratuitement deux et, dans
certains cas, trois uniformes. Nous leur accordons une réduction de 50%
pour les repas qu'ils consomment dans notre établissement. Les
employés qui doivent travailler tard le soir, on les reconduit chez eux,
en voiture, gratuitement. Comme plusieurs de nos employés sont des
étudiants, l'un des attraits que nous avons à leur offrir, c'est
des horaires flexibles qui facilitent la présence à leurs cours.
Nous n'hésitons pas à les accommoder s'ils ont des examens, des
reprises ou des activités parascolaires. Nous leur donnons des
pauses-café gratuitement. Enfin, à tous les quatre mois, nous
avons un système de révision salariale pour chacun des
employés. (22 h 45)
Mme Juneau: Pourriez-vous me dire aussi quel est le taux de
roulement de vos employés? Est-ce que vous les gardez? Vous dites que ce
sont des étudiants; donc, ils retournent à leurs cours en
septembre ou octobre. Est-ce que vous les reprenez après la
première année ou si c'est une question d'âge? S'ils ont
atteint 19 ans, vous ne les engagez plus.
M. Baribeau: Très souvent, nous leur accordons un
congé prolongé sans paie et nous les réembauchons
l'année suivante. Ils reviendront travailler aux périodes de
pointe, comme à Noël, et durant la période des vacances
d'été.
Mme Juneau: Quel est le pourcentage de ceux que vous
réengagez? Est-il plus grand que celui représentant de ceux que
vous ne reprenez pas?
M. Baribeau: Franchement, c'est assez difficile de vous donner
une réponse précise parce que cela demanderait des calculs. Un
employé se présente à son gérant
d'établissement et lui dit: Je recommence mes études; je peux
travailler juste trois soirs par semaine, le vendredi, le samedi et le
dimanche, est-ce qu'il y aurait moyen d'organiser mes heures en
conséquence? La réponse est oui, parce qu'à
différentes périodes, nous leur demandons un horaire de
disponibilité. Si un employé nous dit: Je suis disponible lundi
et mardi, on s'arrange pour lui donner des heures le lundi et le mardi ou
pendant la fin de semaine, et il peut changer cela périodiquement.
Mme Juneau: Le jeune employé embauché chez vous,
gagne-t-il un salaire minimum et est-ce qu'il augmente selon
l'expérience?
M. Baribeau: Oui, exactement. Tout d'abord, aucun de nos
employés ne reçoit 3,28 $ l'heure; tous nos employés
reçoivent soit 4 $, s'ils ont 18 ans, ou 3,54 $. Ce sont les tarifs
minimaux prévus dans le cas des employés qui ne reçoivent
pas de pourboires. De plus tous les quatre mois, il y a une révision
salariale préparée à l'aide d'ordinateur; à tous
les quatre mois, les noms sortent et la révision se fait dans la
semaine suivante.
Mme Juneau: Voici une autre question que je voudrais vous poser.
Vous parlez des 3.25 $ sur lesquels vous pourriez payer de la taxe
éventuellement. Pourriez-vous me dire si le pourcentage de vos ventes
qui pourrait être rattaché à la perception de la taxe est
élevé ou bien si, plus souvent, c'est en bas de 3,25 $?
M. Baribeau: Voici, d'abord, il y a certaines erreurs dans la
perception et dans les explications qui sont ici. Lorsque le restaurant a
baissé à côté une facture de 3.26 $, le client paie
3,26 $ chez le voisin. Il paie aussi, mais il paie 10% de taxe sur les repas;
la même chose se produit chez nous, automatiquement, et cela dans la
plupart de nos restaurants. Nous avons des caisses électroniques, puis
c'est automatique, c'est prévu dans le programme. Cela est un point.
Deuxièmement, effectivement les repas de moins de 3,25 $ sont
exemptés de la taxe sur les repas, mais il y a des exceptions à
cela. Par exemple, si j'achète ou si quelqu'un achète un repas de
moins de 3,25 $ et que, dans sa commande, il y a une boisson gazeuse,
automatiquement, il va payer 10% sur la boisson gazeuse. Alors, si vous prenez
l'ensemble du chiffre de vente qu'on fait dans certains restaurants, nous
remettons au fisc québécois de 6,3% à 6,9% de taxe de
vente présentement basée sur le total de notre chiffre
d'affaires. En plus de cela, si un client se présente avec sa famille,
il a son épouse et un enfant, et commande trois repas de moins de 3,25
$, il paie la taxe sur le total. Si vous avez trois personnes qui paient trois
factures différemment, ils ne paieront pas la taxe, en autant que le
coût du repas est moindre que 3,25 $.
Mme Juneau: À la page 4 de votre mémoire, s'il y
avait une augmentation subite de 15% ou peut-être de 25%
éventuellement, à combien évaluez-vous la perte de la
clientèle, à la suite de frais comme ceux-là? Est-ce que
ce serait une perte juste temporaire, c'est-à-dire que les gens seraient
traumatisés un peu sur le coup, puis dans quelques jours, cela
reviendrait?
M. Baribeau: II y aurait certainement une réaction
immédiate qui serait forte, et probablement que la courbe ne
reviendrait, à notre sens, jamais normale, mais la courbe diminuerait.
Ici, je pourrais citer quelque chose qui est arrivé dans la province de
l'Ontario, puis qui n'a rien à faire avec nous. Dernièrement, ils
ont aboli le minimum d'exemption sur les repas de moins de 6 $. L'Association
des restaurateurs de la province de l'Ontario a soumis un rapport au
ministère concerné, en disant: Nous avons subi une perte de 18%.
Le gouvernement de l'Ontario a sorti un document - je l'ai ici -qui dit: Faux,
c'est 14% de perte que vous avez subi. Peut-être que cela répond
à votre question; j'ai le document ici.
Mme Juneau: Croyez-vous que si, éventuellement, on
enlevait tous les
McDonald ou tous les "fast-foods", l'établissement d'un taux pour
le service ou autre chose, vous ne pensez pas que ce serait un petit peu,
à mon point de vue, injuste envers les autres restaurateurs? Vous n'avez
pas un moyen qui dirait que ce serait plus...
M. Baribeau: Je voudrais peut-être faire une mise au point
ici. Le terme "fast-food" ou le terme "restaurant à service rapide",
cela inclut d'autres formes d'établissements que les restaurants
McDonald. Alors, lorsqu'on dit "fast-foods", par exemple, ou restaurants
à service rapide, cela inclut un nombre de restaurants qui offrent le
service aux tables et où il y a des travailleurs au pourboire. Mais dans
le cas des restaurants McDonald, de certaines autres succursales et de toutes
les cafétérias, le point est le suivant: Les clients se
présentent au comptoir et font eux-mêmes le service. Devrait-on
imposer arbitrairement, sans explication, sans donner rien au client, 15% du
soir au matin parce que des gens ont soumis des mémoires et que, tout
bonnement, on décrète que ce sont 15%? Il ont droit à la
justice, ce n'est pas toujours facile. Souvent, ce que quelques-uns appellent
la justice, pour d'autres, cela devient une injustice. Je pense qu'il y a une
différence sérieuse de ce côté.
M. Auger (Jacques): Parce que souvent on nous présente
comme de méchants étrangers alors que nous sommes des
Québécois comme vous tous, je pense.
M. Baribeau: En fait, je voulais vous soumettre ici, si je peux
trouver mon papier parce que j'en ai un peu. Des fois, des gens se servent de
l'hyperbole et ils voient les monstres des multinationales. Je vais vous nommer
quelques-uns des monstres: Jacques Auger, Daniel Bédard, Gilles
Bédard, Gyslain Blais, Jean-Marie Boisvert, Gaston Bradette, Jean
Capelli, Richard Cossette, Claude Dionne, Paul Dumas, André
Gérassimo, Pierre Giroux, Gérald Harvey et je pourrais continuer
la liste, n'est-ce pas? Ce sont des hommes d'affaires québécois
et ce n'est pas un phénomène particulier au Québec. Si
vous allez en Ontario, vous allez avoir la même chose. Si vous allez aux
États-Unis, vous allez trouver 2300 hommes d'affaires
indépendants qui sont propriétaires d'un, deux, trois, quatre,
cinq et dans certains cas, de dix restaurants.
Le Président (M. Gagnon): Merci. Je m'excuse de vous
presser un peu. C'est que l'heure avance. M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): M.
Baribeau, vous avez dit tout à l'heure que dans votre cas, si
l'imposition des frais de service obligatoires n'avait pas comme contre-partie
du service additionnel, cela n'est pas un argument de la part de ceux qui
veulent l'imposition du service obligatoire dans la mesure où ils
recherchent plutôt un salaire plus "décent" et certainement
stable. Dans ce sens-là, je pense que les effets de l'imposition des
frais de service obligatoires me paraissent de plus en plus reliés
à la structure de coûts de chaque entreprise. Ce que je veux dire
c'est qu'un hôtel, ce n'est pas un grand restaurant, ce n'est pas un
restaurant du coin et ce n'est pas un
McDonald. Manifestement, il m'apparaît que l'imposition de ce qui
est un salaire, à toutes fins utiles, le consommateur le paierait. Quand
on regarde la façon dont l'élasticité ou pas, selon les
établissements, de la demande a des répercussions assez
sensationnelles dans tous les cas. On se demande si, pour s'adresser aux
conditions de travail de ces travailleurs, il n'est pas mieux de prendre une
autre avenue, qui pourrait être l'augmentation du salaire ou du
sous-salaire minimum, comme le faisaient remarquer tout à l'heure les
délégués de la CSN. J'essayais de voir, dans votre cas
particulier - c'est ce qui a amené ma réflexion - quelle
était votre structure de coûts? Quelle différence y a-t-il
pour vous, disons, entre monter le salaire horaire de vos employés
derrière le comptoir de 15% ou de 20% et grever votre chiffre de vente
aux consommateurs, d'après le consommateur, de 15% pour fins de
redistribution?
M. Baribeau: Par le truchement des révisions salariales
qui ont lieu à tous les quatre mois, nous le faisons automatiquement. Il
n'y a pas de limite. Il y a chez nous, depuis trois ans, quatre ans, cinq ans,
le même système de révision salariale tous les quatre mois.
C'est automatique. Il faut faire quelque chose de bien pour être capable,
avec un système semblable à celui-là, d'avoir 7000
restaurants ou plus un peu partout dans le monde. On a beau être de gros
méchants, il n'est pas moins vrai que je peux vous montrer des listes
d'attente de gens qui sollicitent des emplois chez nous. Nos conditions ne
doivent pas être tellement désastreuses.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
Seriez-vous disposé à nous donner une idée de la
fourchette, du dernier rentré, au moins de celui qui gagne le moins?
M. Baribeau: Le dernier rentré commence au salaire
minimum, 4 $ l'heure.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges):
D'accord. Un bon employé, un étudiant qui est là
pour la quatrième année consécutive?
M. Baribeau: 6 $ dans quelques cas. Très souvent, ces gens
commencent comme étudiants et deviennent membres de la direction par la
suite. Je pourrais vous citer des cas de bonshommes qui ont commencé il
y a cinq ans à 500 $ par mois et, couramment, ils gagnent 27 000 $ par
année. Je pourrais en citer plus d'un. Il y a des possibilités
d'avancement pour quelqu'un qui veut oeuvrer dans ce domaine, mais
l'étudiant chez nous vient chercher de l'argent de poche, en partie. Il
vient chez nous aussi parce que personne d'autre ne veut de lui, les gens ne
l'embauchent pas parce qu'il n'a pas d'expérience. En plus de cela, les
étudiants viennent chez nous pour payer leurs frais de scolarité
ou leurs dépenses durant leur période d'études. Si ces
gens perdent un emploi, pour certains, cela peut être une perte d'emploi
mais, pour plusieurs des nôtres, en plus d'une perte d'emploi, c'est une
perte d'avenir aussi, parce que ces gens ont besoin de revenus qu'ils peuvent
aller chercher entre des heures de cours pour payer leurs frais de
scolarité et leurs dépenses pendant cette période.
Le Président (M. Gagnon): Avez-vous d'autres questions?
Merci. M. le ministre délégué au Travail.
M. Fréchette: M. Baribeau, c'est un peu dans la
foulée de ce que le député de Vaudreuil-Soulanges vient de
vous demander. J'ai bien compris que le travailleur ou la travailleuse qui
entrait chez vous et qui était âgé de plus de 16 ans avait
4 $ l'heure.
M. Baribeau: Âgé de 18 ans. Seize ans, c'est 3,54
$.
M. Fréchette: Je m'excuse. Vous représentez, si
j'ai bien entendu vos représentations, quelque 32
établissements.
M. Baribeau: 52.
M. Fréchette: 52. Bon, est-ce que vous pouvez, enfin, cela
pourrait être très relatif ou très approximatif,
établir la moyenne d'âge de vos employés?
M. Baribeau: Franchement, je vous invente un chiffre. Je peux
vous dire que le "range", je m'excuse pour la terminologie anglaise, est de 16
ans à environ 21 ou 22 ans; cela, c'est à 85%.
M. Fréchette: Et ma dernière question sera la
suivante. La moyenne de l'ancienneté de vos employés?
M. Baribeau: Je pourrais difficilement vous donner un chiffre
parce que cela varie beaucoup d'un établissement à l'autre.
M. Fréchette: Cela varie d'un établissement
à l'autre?
M. Baribeau: Oui.
M. Fréchette: Et vous n'êtes pas en mesure de
risquer un chiffre?
M. Auger (Jacques): Disons qu'on pourrait vous donner nos
chiffres personnels. Moi, je peux vous donner mes chiffres personnels. J'ai un
restaurant qui est tout près du ministère du Revenu, à
Sainte-Foy, près de l'Université Laval. Je pense que la moyenne
de mes employés est d'à peu près un an et demi. J'ai des
employés qui sont là depuis quatre ans, qui étudient dans
toutes les facultés de l'Université Laval et le taux de roulement
est très bas chez nous.
M. Fréchette: Et ma dernière question, M. le
Président. Vous avez bien indiqué qu'il y avait une augmentation
de salaire qui est, à toutes fins utiles, institutionnalisée,
tous les quatre mois. Dans quelle proportion se situe cette augmentation? (23
heures)
M. Baribeau: L'échelle est de 0,10 $ à 0,25 $
l'heure.
M. Fréchette: Aux quatre mois? M. Baribeau: C'est
cela.
M. Fréchette: Cela dépend de l'ancienneté,
cela dépend de l'âge...
M. Baribeau: Cela dépend en partie de l'ancienneté,
en partie du poste occupé; par exemple, un chef d'équipe aura
droit à 0,25 $. Cela dépend aussi en partie du mérite, des
efforts, de la disponibilité et de la collaboration de
l'employé.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Bellechasse.
M. Lachance: Je dois dire, en passant, que je suis de temps en
temps un client de M. Auger, puisque le plus proche de chez nous est à
Lévis. Il y a une chose qui m'a toujours frappé lorsque je me
rends dans un McDonald, c'est de voir à quel rythme les gens
travaillent. Je ne suis pas de ceux qui qualifient de gros méchants
capitalistes les multinationales, mais ce qui me frappe, c'est de voir le
rythme presque infernal avec lequel travaillent les employés qui sont
là.
J'aurais presque le goût de dire que, si j'avais à engager
une personne, cela m'intéresserait d'engager une personne qui a
duré, qui a "toffé" durant un an chez vous.
J'aurais seulement une question après ces observations: Est-il
exact - parce qu'il y a pas mal de mythologies au sujet des
McDonald et vous voyez bien notre curiosité, on en profite - que
l'entraînement qui est donné à votre personnel est fait
à partir d'une étude très précise de temps et de
mouvements?
M. Baribeau: Me permettez-vous de répondre? Il n'y a pas
d'études de temps et de mouvements. Ce que nous avons, par contre, c'est
que nous nous efforçons de faire de nos restaurants un endroit où
c'est le "fun" de travailler; cela, c'est l'expression des employés.
Nous en avons qui ont quitté l'emploi depuis un an, un an et demi, deux
ans et qui travaillent ailleurs. Ils sont venus me retrouver et m'ont dit: Je
suis allé là-bas, je gagne plus, mais ce n'est pas le "fun".
C'était le "fun", j'étais avec mes amis, cela bougeait
là-dedans, on avait des activités sociales. On jouait à
ceci. On était capable de parler au gérant, si on avait un
problème, il était toujours disponible pour nous conseiller, nous
aider et le reste. Quand les gens travaillent bien, c'est parce qu'ils sont
heureux. Notre truc, si vous voulez, c'est de les rendre heureux. On sait que,
quand les gens sont heureux, sont satisfaits, ils donnent le meilleur
d'eux-mêmes. Franchement, la formule, c'est cela.
M. Auger (Jacques): C'est vrai que c'est vite, mais ce sont tous
des jeunes et ils aiment à aller vite. Je pense que le rythme est
dû à cela.
M. Baribeau: On pourrait peut-être vous indiquer des
restaurants où c'est moins vite.
M. Lachance: II n'y a aucun doute là-dessus. Merci.
Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.
M. Marcoux: Je suis heureux d'apprendre l'information que vous
avez indiquée tantôt, qu'il y a environ deux tiers des repas qui
sont pris chez vous qui sont taxables, donc qui sont supérieurs à
3,25 $. C'est une information que je n'avais pas. J'aurais probablement pu
l'obtenir, mais j'étais parti avec l'idée que c'était
beaucoup moins que cela, sûrement. J'ai une seule question - vous
étiez là tantôt lorsque j'ai discuté avec les
représentants de la CSN -quelle serait votre réaction et la
réaction de votre clientèle si la taxe de vente s'appliquait
comme en Ontario? Je sais que dans les États de Nouvelle-Angleterre,
là où
il y a une taxe de vente, dans la plupart des États de
Nouvelle-Angleterre et en Ontario, elle s'applique à partir de 0,01 $
maintenant. Quelle serait votre réaction face à cette
possibilité?
Avant que vous ne répondiez, parce que je n'ai pas l'intention
d'être long, je veux vous faire un commentaire général sur
votre mémoire: Vous pouvez être assuré qu'on va le regarder
avec attention et je réfléchirai longtemps avant - supposons
qu'on choisisse la possibilité de frais de service obligatoires - de
l'appliquer au type de service ou de restaurant que vous représentez.
Quand on regarde ce qui se passe au niveau international dans votre
catégorie et le type de service qui existe actuellement, cela
m'apparaît assez différent des autres institutions où un
travailleur ou une travailleuse au pourboire fournit un autre type de service.
Vous pouvez être assuré qu'on le regardera avec attention avant
d'étendre une mesure semblable - si on l'appliquait aux autres secteurs
- à votre secteur. C'est tout. Je vous remercie d'avoir participé
aux travaux de notre commission. Je sais que vous représentez un secteur
d'activité important. Je voudrais revenir à ma question
concernant la taxe de vente.
M. Baribeau: La taxe de vente. Les propriétaires, nous
nous proposons de vous soumettre, dans un avenir assez rapproché, un
mémoire discutant cet aspect de votre problème et,
peut-être, de notre problème. Plutôt que de vous donner une
réaction personnelle, je pense que ce serait plus sérieux de
notre part de vous soumettre un mémoire.
M. Marcoux: J'ai l'impression que vous ne seriez presque pas
touchés finalement puisque vous avez déjà les deux-tiers
de vos repas qui sont taxés à 10%. Si cela tombait à 8%
environ. 8,5% sur l'ensemble finalement, par rapport au total de votre chiffre
d'affaires ou du coût au client, dans votre type de restaurant,
finalement, vous seriez beaucoup moins touché que je pensais que vous le
seriez, en tout cas, avant de venir ici ce soir.
M. Baribeau: C'est justement pour cela que votre question
m'embête. J'aime mieux y réfléchir avant d'y
répondre.
M. Marcoux: Je vous remercie. D'habitude, c'est nous qui avons
les questions embêtantes. C'est comme cela en commission
parlementaire.
M. Auger (Jacques): Ce serait peut-être comme taxer le
panier de provisions, je pense.
Le Président (M. Gagnon): M. Auger, M. Baribeau, merci de
votre mémoire à cette commission.
En nous excusant de vous avoir fait attendre jusqu'à une heure
aussi tardive, j'inviterais maintenant M. Nick Papirakis.
M. Blank: Avant que M. Papirakis arrive, au nom de l'Opposition
officielle, on doit vous remercier pour votre mémoire et vos
commentaires qu'on a trouvés très intéressants.
M. Baribeau: Je vous remercie d'avoir parlé des Big
Mac...
M. Marcoux: Si on a jugé bon de vous poser autant de
questions en une heure assez tardive, c'est qu'il y avait de la matière
dans votre mémoire. Merci.
M. et Mme Nick Papirakis
Le Président (M. Gagnon): M. Nick Papirakis.
M. Marcoux: Le député de Saint-Louis voudrait
savoir, M. Papirakis, si vous étiez sur la liste de M. Godin, ministre
des Communautés culturelles et quel était le pointage qui
était fait à votre sujet.
M. Papirakis (Nick): Je voulais faire le souhait après les
séances de cette commission que M. Beaubien ne prenne pas le soin de
m'écrire à sa prochaine audition. Merci.
Le Président (M. Gagnon): Nous vous écoutons. Vous
avez la parole.
M. Papirakis: Pour commencer, je vous présenterai ma femme
qui avec moi, mon frère et ma belle-soeur. Nous travaillons dans une
entreprise familiale et comme je vois aujourd'hui, c'est la seule personne qui
représente une entreprise familiale, une petite et moyenne entreprise
qui, je ne sais pas si vous le savez, est de celles qui sont en
difficultés ces temps-ci. Les autres qui fermaient quelques restaurants,
1000, 2000, 3000, 33%, en réalité, c'était nous qui
devions fermer.
Donc, M. le député, M. le ministre, je vais tout d'abord
vous dire que je suis très honoré de me présenter devant
cette commission et d'avoir l'occasion d'y exprimer mon point de vue. J'en suis
très fier et je vous remercie. Le gouvernement avait déjà
fait connaître son intention de légiférer en matière
de pourboire et de percevoir ainsi des impôts de plusieurs dizaines
millions de dollars. On ne peut contester au gouvernement son droit de
légiférer en ce sens. Mais je pense qu'on doit prendre en
considération l'opinion des gens qui, comme moi, sont directement
touchés par ces projets de loi et qui ont peut-être une
façon différente d'envisager les pourboires.
La signification, à première vue, du mot pourboire est le
montant d'argent qu'on
donne à quelqu'un qui nous a rendu un service pour qu'il prenne
une consommation. La définition du dictionnaire Larousse est:
premièrement, "somme d'argent donnée à un salarié
d'une entreprise par un client de cette dernière"; deuxièmement:
"dans certaines professions, le pourboire constitue légalement un
élément du salaire". Le deuxième volet de la
définition nous réfère probablement à une loi
française qui le considère ainsi. Au Québec, en l'absence
d'une loi similaire, on doit s'arrêter au premier volet de la
définition. Le pourboire est une somme d'argent donnée, c'est un
don. Cela, c'était la façon dont les employés
jusqu'à maintenant définissaient le pourboire. Même si la
loi considère que le pourboire est un revenu imposable, les
employés de la restauration l'ont toujours considéré comme
un don et ne l'ont pas toujours inclus dans leurs déclarations
d'impôt. Dans les faits, le gouvernement a toujours accepté cet
état de choses puisqu'il n'a jamais demandé aux employés
au pourboire pourquoi ceci n'était pas inclus dans leur
déclaration d'impôt. Cela veut dire que lorsque le gouvernement
recevait une déclaration d'impôt, qu'il y avait une
réclamation d'impôt et que les pourboires n'étaient pas
inclus, à côté ils inscrivaient "serveur". Personne n'a
jamais demandé au serveur pourquoi le pourboire n'était pas
inclus. En plus, on payait l'impôt payé en trop. Dès que le
gouvernement a eu l'intention d'appliquer la loi en question, il aurait
dû aviser préalablement les employés au pourboire de son
intention. Sans avis préalable, sans connaître la somme exacte
reçue par ses employés, le ministère du Revenu a
calculé les pourboires en multipliant le chiffre d'affaires de
l'entreprise par 14% et il a ensuite divisé cette somme entre les
employés de cette entreprise. Cela s'avère arbitraire dans tous
les cas.
Certains de ces employés, étant dans
l'impossibilité de payer les impôts réclamés, se
sont vu saisir leur salaire. Le devoir du législateur est d'accepter le
fait que les pourboires ne sont pas inclus dans les déclarations
d'impôt et, par conséquent, de cesser les poursuites et les
saisies de salaire, car, il est difficile de changer du jour au lendemain une
situation qui dure depuis longtemps. Je pense que le gouvernement devrait
légiférer avant d'entamer des poursuites; cela serait plus
humain.
Il y a aussi d'autres formes de pourboire qui devraient être
incluses dans le présent projet de loi. Le projet de loi à
l'étude doit viser tous les secteurs économiques où une
récompense est versée aux salariés ou aux gens d'affaires.
Par exemple, dîners d'affaires. Une personne qui offre à
dîner à un collaborateur, à un camarade de travail,
à un de ses employés, à un commis ou quelqu'un qui lui a
rendu un service, demande un reçu afin d'ajouter les montants de ce
repas à ses dépenses et ne pas payer d'impôt, tandis que
toute autre personne qui donne un pourboire dans un restaurant a
déjà été imposée pour cette somme. La
personne qui se voit offrir un dîner d'affaires doit être
considérée au même titre qu'un employé au pourboire
par ce projet de loi.
Je ne suis pas venu ici pour me plaindre de la situation
économique et surtout pas pour blâmer qui que ce soit. Je sais que
cette situation, nous l'avons créée tous ensemble. Je suis par
contre ici pour vous faire remarquer que le secteur de la restauration est le
secteur économique le plus durement touché par la
récession, car dans le domaine de la restauration, c'est la
récession, même si le gouvernement parle d'une période
économique très difficile.
Selon le chroniqueur Guy Pinard, dans un article paru dans la Presse, le
12 août 1982, et qui était basé sur une étude
exhaustive effectuée par la firme Bédard et Associés, pour
le compte de la Fondation des restaurateurs du Québec, 5% des
restaurateurs seulement ont enregistré des profits supérieurs
à 8% avant impôt; 60% ont enregistré des profits
inférieurs à 8% et enfin 35% des restaurateurs ont accusé
des pertes pour l'année financière 1981.
La situation est urgente. Le secteur de la restauration aurait besoin de
mesures stimulantes plutôt que du projet de loi à l'étude
pour traverser cette récession. La restauration n'a eu aucune aide du
gouvernement depuis 1976. Je comprends qu'en période de
prospérité pour la restauration, le gouvernement avait
haussé la taxe de vente de 8% à 10% tandis qu'il l'abolissait
dans l'industrie de la chaussure, du meuble et du vêtement pour la
stimuler.
Il faut maintenant comprendre que la période de
prospérité est terminée pour la restauration et qu'il faut
stimuler cette industrie, soit en abolissant la taxe de vente pour six mois, ou
en la diminuant à 5% pour un an ou davantage. Loin de nous aider, ce
projet de loi va accroître nos difficultés.
La première proposition du livre vert nous parle d'un pourboire
sous forme de pourcentage ajouté automatiquement à la facture.
J'ai même entendu parler d'un pourcentage de 15%, ce qui aurait, selon
moi, les conséquences suivantes: II va briser l'équation qui
jusqu'à présent préservait l'industrie de la restauration
québécoise des succursales de restaurants américains,
c'est-à-dire: pourboire égal à la qualité du
service. (23 h 15) 95% des restaurants, ceux qui ont enregistré des
profits inférieurs à 8% avant dépréciation, seront
dans la situation suivante: d'un côté, on aura les sept
employés au pourboire d'une entreprise ayant un chiffre d'affaires de
430 000 $ qui se
partageront, à 15%, une somme de 64 000 $, soit 9212 $ chacun.
D'un autre côté, les deux patrons qui, après un
investissement de 500 000 $, vont accuser des pertes de 6996 $ chacun. Quand je
parle de cette situation, c'est la mienne.
Cette solution créerait une forme d'association inacceptable
à moins d'abolir les salaires dans la restauration, comme c'est le cas
en France où le pourboire de l'employé est son salaire.
Troisièmement. Le client, sachant qu'il paiera, d'un
côté, le gouvernement avec la taxe de 10% et, de l'autre, le
pourboire de l'employé de 15% - ce qui veut dire ajouter 25% à
chaque dollar qu'il va dépenser - se limitera à une
dépense moins importante, ce que l'industrie de la restauration ne
pourra jamais supporter.
Une réduction du montant de la facture de 15 $, soit le prix
moyen d'une bouteille de vin supplémentaire, équivaudra pour le
gouvernement à une perte de 1,50 $ de taxe de vente, sans compter les
profits de la Société des alcools du Québec.
Le client se sentira frustré de ne pouvoir décider
lui-même du montant qu'il désire donner, selon son
appréciation et ses moyens financiers du moment.
Le service de livraison des restaurants est un secteur qui serait
très désavantagé si on devait opter pour le pourcentage du
pourboire ajouté à la facture. En effet, le pourcentage
ajouté à la facture pourrait inciter les clients à se
déplacer et à aller chercher leurs commandes au comptoir
où un escompte est déjà offert dans la majorité des
restaurants et où ils n'auraient pas à payer le pourboire du
livreur. Cela entraînerait la disparition du service de livraison et la
perte de leur emploi pour des centaines de livreurs qui se tourneraient vers
l'assurance-chômage et, plus tard, vers le bien-être social.
La solution du pourcentage, à mon avis, n'est pas acceptable. La
deuxième solution du livre vert serait que le client inscrirait
lui-même sur la facture le pourboire librement consenti. Et la
quatrième solution considère le pourboire comme le revenu d'un
travailleur autonome et exige des retenues à la source. Ces deux
solutions vont nous obliger à comptabiliser les pourboires des
employés.
Les pourboires comptabilisés par les propriétaires de
restaurants créeront des dépenses supplémentaires
difficilement prévisibles et que les propriétaires de restaurants
ne désirent pas assumer. Par exemple: la comptabilité
supplémentaire, les rubans de machines à calculer et des caisses
enregistreuses, les réparations de ces machines,
l'électricité, etc.
Si la loi retient la première, la deuxième ou la
quatrième solution du livre vert, le pourcentage mentionné par le
chroniqueur de la Presse serait encore plus catastrophique. Ce qui est injuste
parce que, selon la firme Bédard & Associés, l'industrie de
la restauration apporte au gouvernement, chaque année, la somme de 242
000 000 $.
La troisième solution est, à mon avis, la solution
à retenir. Une déclaration périodique de pourboires
pourrait obliger l'employé à déclarer ses pourboires.
Cette solution est celle que j'endosse et je crois que tous les restaurateurs
sont prêts à l'endosser aussi. Elle pourrait obliger les
employés à déclarer leurs pourboires sans occasionner des
dépenses aux propriétaires et surtout sans affecter l'industrie
de la restauration.
Le pourboire serait désormais un revenu imposable au même
titre que le salaire. Il faudrait cependant, en toute justice, tenir compte du
fait que les employés au pourboire doivent, pour exercer leur
métier, faire des dépenses liées à leur travail.
Par exemple: l'achat d'uniformes et de chaussures, différents dans
chaque restaurant; le soin de leur apparence, coiffure et salon de
beauté, est plus exigeant que la moyenne. Pour ne pas qu'ils soient
obligés de tenir une comptabilité détaillée de ces
dépenses, une partie de leurs pourboires devrait être exempte
d'impôt. On pourrait suggérer 25% des pourboires.
Ce que j'aurais à dire de plus, c'est qu'en entendant
l'Association des employés au pourboire de l'Estrie, en entendant
l'Association des restaurateurs du Québec ainsi que la CSN, tous ont
opté pour la fermeture du surplus de restaurants qui se trouve dans le
marché. Selon la firme Bédard, 33% des restaurants sont
près de la faillite. Si on accepte d'imposer un pourcentage de 15% on
éliminera 33% des restaurants. Selon le ministre du Revenu, il y a 70
000 employés au pourboire qui travaillent dans la restauration. Si on
élimine 33% des restaurants, ceci veut dire qu'il y a à peu
près 25 000 personnes qui perdront leur emploi.
Je pense que dans cette période d'austérité
où le gouvernement nous parle de programmes de création
d'emplois, comme par exemple les projets de construction... Si on veut
créer des emplois dans la construction, c'est 50 000 et on veut
dépenser des millions de dollars pour ça. Ici on a 25 000 emplois
qui sont en danger. Je pense que le projet de loi il ne faut pas le
présenter à ce moment précis, il faut attendre le moment
où la prospérité reviendra dans la restauration. Ce sera
le temps de présenter un projet de loi sans qu'il nous affecte.
A mon avis, je ne puis pas supporter une diminution de mon chiffre
d'affaires de 10%. Je suis déjà déficitaire et je
fermerai.
Maintenant, vous avez posé des questions, ce matin, à
l'Association des restaurateurs du Québec. Sur quoi se basent-
ils pour dire qu'on aura des pertes dans notre industrie? Je donnerai
des exemples. Le ministre des Finances avait opté pour une taxe d'accise
sur le gaz et, contre toutes ses prévisions, les ventes ont
baissé de 15%. Le ministre des Finances a opté pour
qu'Hydro-Québec paie des dividendes au gouvernement. Il a
augmenté de 18% le coût de l'électricité, ce qui a
eu pour effet que le pourcentage d'accroissement de la demande qui était
prévu par Hydro-Québec a baissé. Hydro-Québec se
trouve maintenant avec un surplus d'électricité. Elle a
même demandé d'acheter la distribution du gaz naturel pour ne pas
avoir de concurrence.
Donc, quand on a deux cas précis où il y a des baisses
dans les ventes contre toutes les prévisions du gouvernement, je pense,
que dans notre cas si on nous ajoute 15%, on ne pourra jamais supporter
ça. On aura nous aussi une baisse de 15% des ventes. Moi, je fermerai et
tous les petits propriétaires de restaurants. Ici, il y a des gens qui
nous ont parlé. Je sais que lorsque j'ai ouvert mon restaurant, j'ai
emprunté 400 000 $. J'ai 40 000 $ d'intérêts à
payer, plus 30 000 $ de capital. Je ne peux pas concurrencer l'autre qui a
payé son restaurant au comptant et je ne peux pas augmenter mes prix.
Donc, c'est nous qui sommes en difficulté. Et tout le monde, les
associations des services disent: Qu'ils ferment les surplus de restaurants. La
CSN dit: Les surplus de restaurants, qu'ils ferment. Mais, ils ne peuvent pas
me demander à moi, qui ai investi un montant énorme, de
fermer.
Si les associations des services et d'employés de restaurants
représentent les intérêts des employés des
restaurants qui sont dans de bonnes conditions économiques pour
supporter les 15% ajoutés à la facture, s'ils représentent
des restaurants où ils sont certains qu'ils ne perdront pas leur emploi,
je me demande qui va représenter des employés comme les miens ou
qui travaillent dans les 33% de restaurants où ils vont perdre leur
emploi. Il faut que quelqu'un les représente ici. Je pense que le
ministre du Travail devra prendre des mesures pour représenter ces
employés touchés par la demande de tous de fermer leur
entreprise. Il faut quelqu'un pour les représenter ici.
Je vous remercie de votre attention et je vous assure de ma gratitude
pour m'avoir permis d'exprimer mon opinion devant cette honorable
Assemblée.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
M. Marcoux: Je demanderais à mon collègue, le
député de Rivière-du-Loup, d'engager le dialogue avec
vous.
M. Boucher: Merci. M. Papirakis - je ne sais pas si j'ai la bonne
prononciation - je me contenterai simplement de quelques questions. D'abord, si
cela peut vous rassurer, nous n'en sommes pas à l'étude d'un
projet de loi, nous en sommes simplement à une consultation sur un livre
vert qui présente des hypothèses de solution au problème
du pourboire. Alors, la loi n'est pas pour demain matin, il s'agit tout
simplement de connaître votre opinion. Si j'ai bien compris, vous
êtes contre le pourboire obligatoire et vous prônez plutôt la
déclaration périodique des pourboires par l'employé.
J'aurais une question. Vous mentionnez dans votre mémoire que le
pourboire serait désormais un revenu imposable, au même titre
qu'un salaire. Il faudrait cependant, en toute justice, tenir compte du fait
que les employés au pourboire doivent, pour exercer leur métier,
faire des dépenses qui sont liées à leur travail, par
exemple, l'achat d'uniformes etc. Pour en arriver là, vous
suggérez qu'on déduise 25% des pourboires, comme non imposables.
Actuellement, dans les rapports d'impôt, pour les frais inhérents
au travail de quelqu'un, il y a une déduction de 500 $, je pense - 3%
des revenus ou 500 $ - est-ce que cette déduction vous apparaît
insuffisante ou s'il faudrait y aller...
M. Papirakis: Regardez, quant à moi...
M. Boucher: ... parce que cela pourrait créer quand
même une certaine discrimination par rapport à d'autres
employés qui ont aussi des frais inhérents à leur
emploi.
M. Papirakis: Je n'ai pas fait de calcul exact là-dessus,
j'ai fait une suggestion. C'est vrai que les autres ont des dépenses
supplémentaires. Par exemple, je fournis un uniforme à chaque
serveuse mais, si elle en veut un deuxième, elle le paie; ce n'est pas
moi qui lui ai demandé d'avoir un deuxième uniforme. Je lui en
offre un, elle le porte lorsqu'elle travaille; mais elle a le droit d'en avoir
un deuxième. Ce n'est pas seulement dans mon restaurant, c'est dans tous
les domaines ou tous les restaurants où le personnel de service a un
deuxième uniforme. J'ai proposé cela parce que je sais qu'elle
paie cet uniforme; il y a les souliers, comme elle marche toujours, les
souliers s'usent plus vite qu'un employé assis à un bureau, par
exemple. Elle marche du matin au soir, elle n'arrête pas, donc ses
souliers se brisent plus souvent. Si vous acceptez de payer la facture pour
l'achat de ses souliers, sur les 500 $, en présentant les factures,
c'est une autre solution.
M. Boucher: Mais la déduction qu'elle peut
présenter dans son rapport d'impôt...
M. Papirakis: Regardez, je n'ai jamais...
M. Boucher: ... de 300 $ ou 3% de son revenu, ce n'est pas...
M. Papirakis: ... calculé ces frais; cela ne m'est jamais
arrivé d'acheter des uniformes ou des souliers et de calculer si
vraiment cela vaut la peine ou si c'est suffisant; je ne l'ai jamais fait, j'ai
fait une suggestion tout simplement.
M. Boucher: Je vous remercie d'avoir mentionné que vous
aviez une entreprise familiale...
M. Papirakis: Oui.
M. Boucher: ... et il n'y en a pas beaucoup qui sont venus...
M. Papirakis: M. Vaugeois est l'un de mes meilleurs clients.
Quand il vient...
M. Boucher: Ah bon!
M. Papirakis: ... il me voit, je suis toujours habillé en
cuisinier et je travaille. Je travaille 70 à 80 heures par semaine. Je
suis toujours là quand il vient, il me voit. Je ne suis pas un patron
qui est assis en arrière de la caisse et qui fait "cling, cling", je
travaille.
M. Boucher: Vous avez vos...
M. Papirakis: Aussi vite, comme vous l'avez mentionné, que
les employés de
McDonald, on va plus vite que cela. Le Vérificateur
général - je ne sais pas si c'est le cas mais - prétend
que les fonctionnaires travaillent à 60%. Quand vous voyez un
fonctionnaire travailler à 60% de sa capacité et vous allez dans
un restaurant où l'on travaille à 100%, c'est normal que vous
constatiez qu'on travaille plus vite; c'est officiel.
M. Boucher: Avez-vous eu le temps de parler au
député de Trois-Rivières durant la période de la
campagne électorale en travaillant comme cela?
M. Papirakis: Ben...
Une voix: Avez-vous eu le temps d'aller voter?
M. Papirakis: Le député de Trois-Rivières,
même pendant la campagne électorale, est venu avec son
comité; ils ont mangé au restaurant, il vient souvent et c'est un
très bon client. Malheureusement, j'ai voté au
Cap-de-la-Madeleine, je ne pouvais pas voter...
M. Marcoux: Est-ce qu'il laisse les pourboires usuels ou
habituels? (23 h 30)
M. Papirakis: Je ne vérifie jamais les pourboires de
service chez nous. Quand le client laisse un pourboire, la serveuse va le
ramasser, c'est à elle; nous, on n'y touche pas. Le dimanche, c'est ma
femme ou ma belle-soeur qui fait le "bus boy", le débarrasseur. C'est la
même chose, on laisse le pourboire aux serveuses; ma femme ne demande pas
2%, c'est une entreprise familiale. Ma belle-soeur va débarrasser les
tables, elle ne demande pas 2%; tout le pourboire qui est laissé sur la
table est pour la serveuse, on n'y touche pas.
M. Boucher: Vous dites que le pourboire comptabilisé par
les propriétaires de restaurant créera des dépenses
supplémentaires difficilement prévisibles et que les
propriétaires de restaurant ne désirent pas assumer.
Actuellement, vous avez quand même un salaire de base à
comptabiliser, avec tout ce que cela comporte. Est-ce que le fait de
comptabiliser les pourboires, cela créerait un travail
extraordinaire?
M. Papirakis: Je vous dirai que la taxe de vente, c'est moi qui
la fais, personnellement. Donc, lorsqu'on parle d'un chiffre d'affaires de 430
000 $, c'est groupé en factures de 5 $ ou de 10 $, en moyenne; si vous
calculez le nombre de factures que j'ai à calculer pour la taxe de
vente, si je calcule les heures que j'ai faites et si le ministère
m'accorde 500 $, avec les 500 $, déjà mon temps n'est pas
payé; mais, les mêmes factures, il faudra les diviser en sept et
dire: Telle serveuse a fait cela. Je suis obligé d'engager une personne
pour faire cela. Mon problème, c'est qui va payer la personne? Moi.
Pourquoi? La serveuse, une solution; mais le ministère a aussi offert de
retirer des impôts là-dessus. On prétend qu'on a fait une
étude pour hausser le pourboire des serveuses à 15%. Le
ministère du Revenu a déjà établi - je ne sais pas
si c'est vrai ou si c'est faux - qu'ils font déjà 15% et qu'ils
paient les pourboires à 15%. Si le ministère croit que les
serveuses font 15%, pourquoi toute cette commission pour dire: II faut qu'on
mette 15% sur la facture? Les 15% sont là. Donc, le gouvernement a fait
cela juste pour des impôts, pas pour des raisons humanitaires. Voyons!
Les 15%, le ministère les réclame; ils ont les 15%. C'est cela
qu'il prétend. Si cela est faux, il faut arrêter les poursuites.
Si, ici, on prétend qu'ils ne font pas assez de pourboire et qu'il faut
accorder 15%, il faut que le ministère arrête de poursuivre. Si le
ministère dit: II faut 15%, on est ici seulement pour les impôts
que le gouvernement doit tirer de cette affaire, je pense.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: Vous m'avez envoyé quelques éloges
comme client de votre restaurant. Je vais être obligé de vous en
envoyer aussi.
M. Papirakis: M. Vaugeois, excusez-moi, vous êtes un ami
aussi, je l'oubliais.
M. Vaugeois: J'aurais deux questions à vous poser, mais,
auparavant, je dois vous dire que je suis très fier de la façon
que vous présentez votre mémoire et de la façon que vous
vous expliquez ainsi que des remarques fort pertinentes que vous avez
soulevées, qui ne sont pas nécessairement dans votre
mémoire, mais que vous avez ajoutées. Je crois qu'il y a
là des réflexions...
M. Papirakis: Ce n'était pas partisan. C'était
simplement pour montrer que n'importe quel gouvernement avec des fonctionnaires
et avec des machines informatiques, c'est trop, parce que cela m'arrive aussi
de me tromper. C'est trop. Si un gouvernement a 100 personnes qui pensent que
c'est trop, il y a une baisse. Je me suis basé tout simplement sur cela
pour dire qu'il y aura une baisse dans la restauration. Ce n'était pas
partisan du tout.
Le Président (M. Gagnon): M. le député.
M. Vaugeois: Je ne l'ai pas pris non plus sur une base partisane,
je pense qu'on est tous à même de constater le fondement des
observations que vous faites.
Vous soulignez, au début de votre mémoire - je ne veux pas
le reprendre -que, du point de vue d'un député... Et là,
je comprendrai que l'ancien ministre qui est à ma droite et le nouveau
ministre qui est à ma gauche ne peuvent pas nécessairement
adhérer à ce point de vue; mais je crois bien que plusieurs de
mes collègues qui sont ici, de la façon que cela s'est
passé, cela nous montre qu'il y a un aspect quand même humain qui
n'a pas pu être pris en compte et auquel nous, les députés,
on reste encore extrêmement sensibles. Vous arrivez avec une notion du
pourboire, qui est une tradition, apparemment, dans nos ministères du
Revenu, autant à Ottawa qu'à Québec, et on aurait voulu
qu'on l'oublie un peu; vous essayez de nous attraper à notre jeu en
suggérant que le don que peut constituer le repas offert devrait
être, à ce compte, aussi comptabibilisé que le pourboire
laissé sur la table. Je pense que votre remarque a pour but d'attirer
l'attention sur le phénomène qui se passe actuellement. Pour les
députés, moi, dans mon comté ç'a été
très important, vous le savez; j'ai beaucoup de femmes qui ont perdu un
mari, ou encore qui se sont séparées, qui ont des grands enfants
dont elles ont la garde. C'est clair que c'est extrêmement pénible
de vivre des situations comme celles qu'on a vécues ces temps derniers.
Je tenais à l'exprimer parce que j'ai beaucoup de cas qui sont pour moi
très importants et qui sont des situations très humaines. Vous
les évoquez à votre façon ce soir. Il y a d'autres
remarques dans votre mémoire qui, je pense, touchent des points
importants dont les représentants du gouvernement auront à tenir
compte. Maintenant, puisque vous êtes là, j'aimerais vous poser
deux questions concrètes.
La première, à partir de votre expérience, vous
dites que vous ne regardez pas les pourboires qui sont laissés sur la
table, mais vous en avez certainement une certaine idée. Moi, j'ai
plusieurs femmes dans mon comté qui ont été
imposées pour des montants importants sur la base d'une
évaluation; vous connaissez laquelle et je ne recommencerai pas ce soir;
mais, d'après votre expérience, y a-t-il une grande
différence entre le pourboire qui est calculé lorsqu'on paie avec
une carte de crédit et le pourboire qui est laissé sur la table
en argent lorsqu'on paie comptant? À partir de votre grande
expérience, quels seraient les montants en cause dans un cas comme dans
l'autre?
M. Papirakis: Moi, je n'ai jamais regardé le montant que
le client laisse sur la table. J'ai par exemple parlé avec les serveuses
dont le salaire est saisi. J'ai calculé la moyenne de mes propres
factures, des cartes Chargex et j'arrive à une moyenne, moi, de 8%. Cela
me tentait, à un moment donné, d'aller les trouver pour leur
dire: J'ai 8% dans mes factures. C'est vrai que les autres fonctionnaires, ce
n'est pas nécessairement le gouvernement. Il y a entre le gouvernement
et les citoyens une machine administrative. C'est vrai que les fonctionnaires
arrivent avec des tables et disent: "Cela, c'est cela. Tu l'as! Tu ne peux dire
rien d'autre, tu l'as." Vraiment tu n'as pas le choix. C'est arrivé la
même chose avec les filles. Ils disent: "Vous avez fait cela; on a
trouvé dans les cartes Chargex de tels restaurants." Moi, mes cartes
Chargex, je l'ai calculé, cela me prenait trop de temps de toutes les
calculer, mais celles que j'ai calculées, c'était 8%. Le
ministère se trompait de 6%; je l'ai constaté moi-même dans
mes propres cartes Chargex, donc, je trouvais que le ministère
exagérait.
M. Vaugeois: Une autre question, M. Papirakis. Tout à
l'heure, les gens qui sont impliqués dans les restaurants McDonald nous
signalaient ce que pourrait signifier une hausse de 1% ou, voire, de 15% ou
25%. Vous avez probablement entendu dans
d'autres mémoires qu'ailleurs dans d'autres pays, dans certains
cas, on a eu tendance à exempter d'une réglementation, soit des
restaurants à service rapide ou, encore, des restaurants à
caractère familial ou de plus petite entreprise. Comment
réagissez-vous à l'idée d'avoir une politique
différente pour des petits restaurants ou des restaurants du type
entreprise familiale? Comment pourriez-vous les définir? Par nombre
d'employés ou par importance? Quels seraient vos critères pour
définir ce type de restaurant?
M. Papirakis: Je vous donnerai un exemple. Supposons que je vais
chez
McDonald pour acheter trois Big Mac et que je dise à la
caissière: "Deux Big Mac, s'il vous plaît". Le prix est 3 $, ce
n'est pas taxable. Je veux en acheter trois, mais je lui dis "Deux Big Mac,
s'il vous plaît". Elle fait deux Big Mac; je les paie, mais c'est un
repas tellement vite; je lui dis: "Excusez-moi, mais voulez-vous m'en ajouter
un troisième?" Elle me dit qu'elle a déjà fait la
première transaction. Eux, ils n'ont pas de factures. Elle a
déjà fait la première transaction, mais elle m'apporte un
troisième Big Mac au prix de 1,50 $. J'ai acheté pour 4,50 $ et
je n'ai pas payé de taxes. Je l'ai fait moi-même pour constater si
cela se faisait. En plus, il y a les brasseries. Si on va manger à un
restaurant, on mange un repas du jour à 3,25 $ et on prend une
bière, elle est ajoutée automatiquement; cela nous fait 4,75 $,
plus la taxe. Maintenant, on va à une brasserie où il y a deux
services. Le premier service, d'un côté, il vient vous livrer une
bière, cela coûte 1,50 $ plus 0,15 $ de taxe. Il vient pour les
mêmes repas que je sers à côté, 3,25 $ s'il vous
plaît, pour le repas. Donc, la brasserie non plus ne paie pas de taxe.
Pour les mêmes repas chez nous, il y a la taxe. Dans la brasserie, il n'y
en a pas, il y en a seulement sur la bière, pourtant ils ont
mangé la même chose, parce qu'à la brasserie, je ne sais
pas si la loi s'applique, il y a le serveur pour la bière et il y a la
serveuse pour les repas. Donc, cela nous affecte, c'est normal que cela nous
affecte.
Mme Papirakis: Si vous permettez que je fasse aussi un
commentaire, parce que l'heure avance. C'est la première fois qu'on
vient à une commission parlementaire et je trouve un peu
déplorable que l'image des propriétaires de restaurant, comme
elle a été mentionnée, des "petits propriétaires de
restaurant" est celle de gens qui agressent leurs employés, qui
s'enrichissent honteusement sur le dos de leurs serveuses, en fait, une image
absolument épouvantable à laquelle on ne peut pas s'identifier,
nous, ni les restaurateurs qu'on connaît. On en connaît plusieurs;
quand on est dans le milieu, on connaît les concurrents, enfin ce sont
des amis, ce sont des gens qui ont une entreprise semblable à la
nôtre où le frère travaille avec la soeur et le
beau-frère, la belle-soeur; tout le monde met la main à la
pâte. Je trouve déplorable que cette image ait été
projetée ici. Je pense que le harcèlement sexuel est le fait de
cas isolés qui ne se produisent pas dans des établissements
sérieux et encore moins dans des entreprises familiales. Vous
comprendrez sûrement pourquoi. Les serveuses sont parfaitement...
M. Blank: ... de surveillance?
Mme Papirakis: Les serveuses sont parfaitement au fait, je le
sais pour en avoir discuté avec celles-ci qui nous disent: À tel
endroit, je ne veux plus jamais aller travailler là, parce que si tu vas
dans tel coin il arrive telle chose, bon. Je pense qu'il ne faut pas projeter
cette image des petits restaurants, parce que c'est une image faussée.
La réputation des gens, c'est quelque chose que je trouve important et
il ne faut pas galvauder les gens pour n'importe quoi. Il y a des gens, aussi,
qui sont respectables dans l'entreprise de la restauration, qui sont
propriétaires et qui ont le respect de leurs employés. C'est tout
ce que j'avais à dire, je vous remercie.
M. Papirakis: Je voulais ajouter aussi...
M. Vaugeois: M. le Président, j'aimerais...
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Trois-Rivières.
M. Vaugeois: II faudrait encore que j'aie une chance de dire
quelque chose, c'est plus gênant pour eux de le dire que pour moi, mais
ils ont un restaurant absolument exemplaire et l'investissement fait par ce
groupe familial est considérable. Vous avez parlé tout à
l'heure d'un montant, mais je peux vous dire que le restaurant lui-même
est un très beau restaurant et il y a un investissement de temps. Je
suis un couche-tard et c'est vrai que ce monsieur est à son restaurant
à toute heure du jour et de la nuit. Quand on veut donner l'image du
patron qui fait travailler les autres sans travailler, ce n'est certainement le
cas des petits restaurateurs, même de petits restaurateurs à la
tête de gros restaurants, de gros investissements, aussi.
M. Papirakis: Même l'Association des restaurateurs parle de
nous empêcher, nous, qui n'avons pas d'argent, d'ouvrir un restaurant en
prétendant que la plupart des nouveaux restaurateurs, tout simplement,
cachent leurs taxes, ne les paient pas. En prétendant qu'ils vont
devenir des
restaurateurs qui vont ouvrir des succursales de restaurants quand nous,
on ne peut pas faire partie de ce marché. Comme certains le
prétendaient tout à l'heure, il ne faut pas le laisser grandir.
Nous qui avons l'argent, on va vous garantir qu'on va vous payer vos taxes,
éliminez le petit. Je n'aurais jamais été capable d'ouvrir
un commerce s'il y avait eu l'élimination. Cela est inacceptable, je ne
peux pas le concevoir.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le
député de Saint-Louis. (23 h 45)
M. Blank: Franchement, je n'ai pas de question. Je veux vous
féliciter sur votre présentation. Je trouve que des
représentations de gens comme vous qui sont dans ce commerce à
plein temps, qui travaillent, vous-même avec votre femme, dans
l'établissement, tout cela donne un air vivant à cette commission
et on peut savoir ce qui se passe vraiment dans l'industrie. Recevoir des
associations qui représentent des membres permet d'apprendre des choses
par ouï-dire, c'est une chose; mais recevoir des gens qui nous parlent
directement de leur expérience personnelle, c'est autre chose.
Merci.
M. French: M. le Président, je voudrais ajouter un mot
à M. et à Mme Papirakis, d'abord, pour dire qu'on a eu droit de
part et d'autre à un certain véhiculage de
stéréotypes que vous ne devez pas prendre au sérieux. Je
comprends madame votre réaction. Elle est justifiée. Je vous
assure qu'il y a une certaine inflation de terminologie et de
stéréotype dans la vie que nous vivons et nous ne prenons pas
plus au sérieux qu'il le faut ce que nous avons entendu de part et
d'autre. Tout le monde travaille pour ses intérêts particuliers.
Je voudrais dire aussi que d'avoir votre témoignage, parce que c'est de
cela qu'il s'agit, dans la ligne de feu, c'est extrêmement utile pour
nous.
Ce que je voudrais retenir surtout, et on va probablement en discuter
demain ou après-demain, c'est qu'avec cette dernière
intervention, nous avons un autre cas qui n'a que très peu en commun
avec les autres que nous avons examinés au préalable. Je suis
obligé de dire qu'une solution monolithique ou une solution
généralisée va être très difficile à
trouver. Certainement, une solution de frais de service obligatoires risque
d'avoir des effets dramatiquement différents dans les
établissements de taille, de culture, je parle de la culture de
l'établissement, des coutumes. Vu
l'hétérogénéité de l'industrie, je pense que
cela va être extrêmement difficile d'identifier la solution,
surtout une solution qui apporte un changement dans la structure du coût
de l'entreprise. Enfin, je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.
M. Marcoux: Je veux vous remercier et souligner
spécialement le fait que vous avez bien voulu présenter un
mémoire. Je pense que c'est beaucoup plus facile pour des organismes ou
des associations qui ont des permanences à temps plein ou à temps
partiel, de présenter un mémoire. J'apprécie beaucoup le
fait que, comme propriétaire direct de votre entreprise, vous ayez pris
le temps de lire le livre vert, d'écrire le texte et de venir ici le
présenter. Dans le fond, je me fais un reproche. Quand on prépare
l'ordre du jour, on est toujours porté à placer - on l'a
vécu dans beaucoup d'autres commissions - des organismes, des
associations officielles, reconnues, parmi les premières
présentations; souvent, on reporte à la fin des individus ou ceux
qui représentent des groupes plus petits. J'aurais souhaité que
votre témoignage soit entendu par tous ceux qui ont participé
à la commission durant toute la journée.
Une chose est importante, vous avez remarqué que la plupart des
députés sont restés pour votre témoignage. Je suis
convaincu que votre témoignage va influencer le type de réflexion
que nous devrons faire par rapport aux solutions à trouver. Parce que
vous présentez vraiment un point de vue différent; je l'ai
remarqué moi aussi. Je faisais remarquer au sous-ministre, à la
fin de l'après-midi, à quel point les gros restaurants, les gros
hôtels et les milieux syndicaux s'entendaient globalement sur les moyens,
non pas sur les moyens, mais disons sur une démarche de fond, par
rapport à la conclusion qu'il y avait trop de restaurants et qu'il ne
serait pas nécessairement mauvais qu'il en disparaisse un certain
nombre. Votre témoignage est important; c'est celui de quelqu'un qui a
investi temps et argent considérablement par rapport aux
conséquences. Je ne vous dis pas qu'on va pouvoir sauver les meubles
dans n'importe quelle solution qu'on appliquera, mais vous pouvez être
assuré qu'on va tenir compte de ce que vous nous avez
indiqué.
J'aurais une question. Vous dites que vous préférez la
formule 5.3, c'est-à-dire la révélation des revenus. Vous
les cotisez, vous les transmettez au ministère du Revenu; c'est cela la
formule 5.3. Mais je voudrais qu'on soit bien clair, qu'on s'entende. Selon la
formule 5.3, pour nous, en tout cas, l'employeur payait les avantages sociaux
pour la part du pourboire. Est-ce que dans votre esprit, cela comprend ce
point? Est-ce que vous acceptez, par exemple, dans votre perspective, que la
cotisation de la CSST, de la Commission de santé de
sécurité du travail, de la Régie des rentes du
Québec et l'assurance-chômage, que la part supplémentaire
due aux pourboires révélés de
façon supplémentaire, cette part qu'on a
évaluée cet après-midi avec les autres avantages, soit
d'environ 13%?
M. Papirakis: Regardez, comme je l'ai dit au commencement, je
suis déficitaire. Vraiment c'est un coût, non que je ne veuille
pas supporter, mais que je ne peux pas supporter. J'arrive très
serré. Si demain matin, ma femme et moi, mon frère et sa femme
nous nous disons qu'on reste près de la caisse et qu'on engage quatre
personnes, on va fermer. Donc, on est très serré, on ne peut pas
supporter, vraiment on ne peut pas supporter des dépenses
supplémentaires. Je ne peux pas. Je n'ai pas dit je ne veux pas, je ne
peux pas, tout simplement.
M. Marcoux: Cela me permet de qualifier, en fait. Vous êtes
d'accord pour percevoir la part d'impôt sur les pourboires
révélés de façon supplémentaire, mais pour
être clair, dans votre perspective, en tout cas, même si vous le
vouliez, vous dites que vous ne pourriez pas supporter ces 13% de
bénéfices sociaux supplémentaires.
M. Papirakis: Vraiment, ce serait impossible.
M. Marcoux: Le sens de la proposition 5.3, que vous dites
appuyer, était directement dans ce sens.
M. Papirakis: Malheureusement, le livre vert n'était pas
disponible, quand j'ai écrit mon mémoire. Tous mes documents, je
les ai pris dans la Presse.
M. Marcoux: D'accord.
M. Papirakis: Vraiment ils n'étaient pas disponibles. J'ai
écrit, j'ai envoyé les chèques mais ils n'étaient
pas disponibles.
M. Marcoux: On pourra vous en donner un exemplaire, si vous ne
l'avez pas. J'aimerais que vous le relisiez. J'aimerais aussi que vous nous
écriviez, même si c'était juste une page, un commentaire
supplémentaire, parce qu'il n'y a rien de pire que des malentendus.
J'avais l'impression, d'après ce que vous disiez, que peut-être la
solution que vous proposiez n'était pas exactement ce qu'on disait dans
le livre vert, et que cela pouvait attirer un oui qui était un non, ou
un non qui était un oui.
Une voix: On a déjà vu cela.
Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.
Madame et M. Papirakis, on vous remercie infiniment de la
présentation de votre mémoire.
La commission du revenu ajourne ses travaux à demain, dix heures
à la salle 81-A.
(Fin de la séance à 23 h 50)