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Commission permanente de la Présidence du
conseil
Bill 23
Loi du ministère de la Fonction publique
Séance du 20 août 1969
(Dix heures)
M. BERTRAND (président de la commission permanente de la
Présidence du conseil): A l'ordre, messieurs!
Nous ouvrons cette séance de la commission de la
Présidence du conseil pour l'examen du bill 23: Loi du ministère
de la Fonction publique. J'aimerais connaître, au départ, quels
sont les organismes présents et qui les représente.
J'ai ici cinq groupes ou cinq noms. Le premier, Me René Letarte,
représente qui?
M. LETARTE: Je représente la Corporation des psychologues.
M. LE PRESIDENT: La Corporation...? M. LETARTE: Des psychologues.
M. LE PRESIDENT; Des psychologues. J'ai également le Barreau du
Québec, représenté par qui?
M. GAGNON: M. le premier ministre, je représente le Barreau du
Québec en compagnie du bâtonnier Vineberg, de Montréal, et
je représente en même temps le Conseil interprofessionnel du
Québec.
M. LE PRESIDENT: Le Conseil...?
M. GAGNON: Interprofessionnel duQuébec.
M. LE PRESIDENT: La CSN est représentée par qui?
M. DALPE: Par le vice-président, Paul Dalpé, de même
que par le président du Syndicat des fonctionnaires provinciaux,
Jean-Paul Breuleux.
M. LE PRESIDENT: La FTQ?
M. DUVAL: Louis Duval, M. le Président.
M. LE PRESIDENT: Duval?
M. DUVAL: Louis Duval.
M. LE PRESIDENT: Louis Duval.
Me Pothier Ferland représente quel groupe? Est-il présent?
Son nom a été remis au secrétaire de la commission.
Oui, M. Flynn?
M. FLYNN: M. le premier ministre, je représente l'Association des
comptables agréés.
M. LE PRESIDENT: Comptables agréés. Est-ce qu'il y en a
d'autres? Oui?
M. KENNY: M. le premier ministre, je représente la Corporation
des conseillers d'orientation professionnelle.
M. LE PRESIDENT: Votre nom? M. KENNY: Bernard Kenny.
M. LE PRESIDENT: Bernard Kenny. Oui, madame?
MME CHAMPOUX: M. le premier ministre, Jeannine Champoux. Je
représente la Corporation des diététistes du
Québec.
M. LE PRESIDENT: D'autres?
M. GAREAU: M. le premier ministre, Claude Gareau, registraire du
Collège des optométristes.
M. LE PRESIDENT: Du collège des...? M. GAREAU:
Optométristes.
M. LE PRESIDENT: Optométristes. Quel est le nom?
M. CHOQUETTE: Claude Gareau.
M. LE PRESIDENT: M. Gareau. D'autres?
Alors voici comment nous allons procéder.
M. Masse, qui est ministre délégué à la
Fonction publique, va prononcer un texte exposant les principes et les
objectifs de ce projet de loi que nous considérons comme très
important.
Deuxièmement, M. Richard Mineau fera une présentation du
mandat de l'étude des structures gouvernementales. Sans aucun doute,
cela sera de nature à occuper la matinée.
Cet après-midi, deux autres personnes vont faire des
exposés. M. Robert De Coster, Introduction du projet de modernisation de
la gestion du personnel. Ensuite, M. Jacques Drouin, Présentation des
concepts et de l'organisation du projet de modernisation de la gestion du
person-
nel. M. Roch Bolduc fera un résumé de ce travail.
Voici pourquoi. Le gouvernement présente un projet de loi. Je
crois qu'il est important pour le public, deuxièmement, pour tous les
députés et, troisièmement, pour les représentants
des différents organismes qui sont ici que l'on sache exactement le ou
les buts poursuivis, les objectifs à atteindre et de quelle façon
nous entendons les atteindre. Autrement dit, il faut que la thèse
gouvernementale vous soit bien présentée et que vous en ayez une
vue d'ensemble, pour orienter d'une manière plus précise vos
représentations.
Alors, messieurs les membres de la commission, la parole est à M.
Masse.
M. Marcel Masse
M. MASSE: M. le Président, la fonction publique peut être
considérée comme l'ensemble des emplois et des fonctions relevant
du gouvernement. Cependant, le terme de fonction publique peut également
s'appliquer à l'ensemble des hommes et des femmes qui exercent ces
emplois au sein du gouvernement, d'où deux sortes de problèmes
à considérer: ceux relatifs aux activités mêmes de
l'administration et ceux concernant son personnel.
La première partie de cet exposé permettra une analyse de
la fonction publique entendue dans le premier sens. Viendra, en second lieu, le
problème spécifique de la gestion du personnel. Depuis quelques
années, des études et des enquêtes ont été
menées sur plusieurs secteurs de l'activité gouvernementale. Il y
eut successivement des enquêtes sur les problèmes
constitutionnels, sur l'assistance publique, sur l'enseignement technique et
professionnel, sur l'éducation des adultes, sur l'enseignement en
général et sur la fiscalité. Mentionnons aussi les
rapports sur l'urbanisme, celui du BAEQ et, enfin, plusieurs documents
importants préparés par le Conseil d'Orientation
économique, dont un mémoire sur le chômage saisonnier et un
autre sur la régionalisation administrative.
Des commissions d'enquête sont en cours sur la santé et la
sécurité sociale, sur l'expropriation, sur
l'intégrité du territoire, la justice, l'agriculture, les
institutions financières, les eaux et la constitution.
D'autres secteurs ont aussi fait l'objet d'examen en comité, dont
les relations de travail, la fonction publique, etc. Enfin, depuis une douzaine
d'années, presque tous les champs d'intervention de l'Etat, presque tous
les domaines d'activité publique ont fait l'objet d'enquêtes.
A la suite de ces études en profondeur, diver- ses lois ont
été adoptées, diverses décisions ont
été prises, telles que la création des ministères
des Affaires culturelles, des Affaires intergouvernementales, de l'Education,
de l'Immigration, des Institutions financières et du Tourisme.
D'autres mesures ont regroupé l'ancien département des
mines et celui des ressources hydrauliques, ont scindé celui des
Finances pour créer celui du Revenu, ont redéfini les rôles
du Secrétariat, du ministère du Conseil exécutif, du
ministère de la Famille et de celui de la Voirie. Durant la même
période, d'autres organismes ont vu le jour: Régie des eaux,
Société d'habitation du Québec, Office d'information.
Régie des rentes, Office du crédit industriel, Régie de
l'assurance-récolte, Université duQuébec, pour n'en nommer
que quelques-uns. L'Hydro-Québec, pour sa part, a pris une nouvelle
dimension. Des directions générales ont été
créées dans plusieurs ministères non seulement pour
regrouper des services, mais pour donner un accent particulier à des
questions importantes: diffusion de la culture, relations
fédérales-provinciales, enseignement supérieur,
Nouveau-Québec, assurance-maladie, main-d'oeuvre, relations de travail,
etc.
Des ministères et organismes sont actuellement en voie de
transformation: Affaires municipales, Agriculture, Travail, Travaux publics.
D'autres sont en train de mettre sur pied leurs structures internes: Office de
planification et de développement, l'Immigration, par exemple.
Bref, l'une des caractéristiques fondamentales du gouvernement du
Québec depuis ces dernières années est la croissance
rapide de ses différents services administratifs. Le Québec
compte aujourd'hui cent onze (111) organismes statutaires. Je dis bien cent
onze organismes distincts, dont vingt-deux (22) ministères, cinq (5)
bureaux, treize (13) comités, vingt-cinq (25) commissions, douze (12)
conseils, dix (10) offices, onze (11) régies, quatre (4)
sociétés et neuf (9) autres corporations publiques.
Je déposerai la liste de ces organismes que nous avons
groupés de diverses façons: une classification par titre, une
seconde par ministre responsable, une troisième par nature de
rôle, administratif ou consultatif.
Sans vouloir pousser plus loin l'analyse de ces documents, on peut se
permettre ici quelques remarques: a) La première, c'est que notre
terminologie juridique n'est pas standardisée. Il y ades commissions
à caractère consultatif, d'autres à caractère
administratif; certains organismes s'appellent régies, mais ont des
pouvoirs analogues à d'autres appelés offices. Les appella-
tions utilisées nous laissent donc en pleine confusion sur le
rôle des organismes, dont au moins trente-trois (33) ont comme fonction
de conseiller, tandis que quarante-deux (42) autres ont fonction de
réglementer ou de procéder à des adjudications; b) Tous
les ministres, sauf celui des Affaires intergouvernementales, celui du Revenu
et celui des Travaux publics, rendent compte de l'activité de certains
organismes en plus de leur ministère.
Six ministres sont responsables de plus de six organismes chacun. Le
ministre des Affaires culturelles, le ministre des Affaires municipales, le
ministre de l'Agriculture et de la Colonisation, celui de l'Education, celui
des Finances et celui du Travail.
Dans ces circonstances, le rôle des autorités
administratives ne peut qu'être extrêmement complexe.
Chaque organisme est le résultat d'un geste qu'a dû poser
le Parlement pour faire face à une situation donnée, dans le
temps, de sorte qu'on chercherait en vain une quelconque standardisation des
régimes administratifs. Pourtant, il serait intéressant
d'élaborer une loi de l'administration financière comportant des
critères quant à la détermination du degré
d'autonomie administrative laissée aux divers types d'organismes, soit
en matière de gestion financière ou budgétaire, soit en
gestion de personnel. Ces normes seraient très importantes, si l'on
visait à institutionnaliser d'une façon plus efficace les
relations entre le gouvernement et ses organismes.
Plus le nombre d'organismes est considérable, plus complexe est
le problème du partage des rôles, et par conséquent, plus
est difficile la coordination des activités gouvernementales. En effet,
l'organisation administrative du gouvernement est ainsi structurée
qu'elle favorise l'autonomie des organismes axés chacun sur un secteur
d'intervention.
Un pouvoir administratif aussi diversifié augmente de
façon considérable les cadres supérieurs de l'Etat, qui se
chiffrent déjà à plus de 450, sans compter les
sous-ministres, les présidents et membres de commissions, offices et
régies. Or, cette fonction publique est elle-même polarisée
dans chaque ministère autour d'une profession dominante avec tout ce que
cela implique de spécialisation du personnel, de langage technique et de
traditions particulières.
Il faut bien reconnaître qu'à chaque fois que l'on
crée un organisme statutaire en dehors des ministères, l'on
rétrécit d'autant la sphère de responsabilité
ministérielle effective sur les gestes des fonctionnaires.
Force nous est de constater qu'il naît plus d'organismes qu'il en
meurt, si bien que le problème administratif va sans cesse croissant et
qu'il est de plus en plus difficile de tenir ou de définir des
instruments de mesure uniformes d'efficacité administrative applicables
à ces organismes qui, par définition, ne sont pas sujets aux lois
du marché.
La règle impitoyable des prix/des coûts et des profits ne
joue pas ici pour déterminer si une administration peut continuer
à fonctionner en même temps qu'un instrument précieux au
service d'une collectivité ou si elle doit être
supprimée.
A cette prolifération d'organismes qui fait de l'Etat moderne une
lourde machine administrative s'ajoutent d'autres problèmes qui rendent
la situation encore plus complexe.
Le premier de ces problèmes est celui des structures mêmes
de l'administration. L'absence de spécialisation des tâches au
niveau du Cabinet, sauf en ce qui concerne le travail de législation et
celui de Trésorerie, en constitue un exemple concret.
Il est évident qu'il faudra en venir à travailler en
comité. Mais cela n'est possible que si le support administratif est
disponible. Une amélioration est cependant prévisible dans ce
domaine grâce à l'établissement de secrétariat
général du conseil exécutif et à la création
de l'Office de planification et de développement du Québec. Au
sein de cet office et à la suggestion de la Commission
interministérielle de planification, elle-même formée de
sous-ministres, le gouvernement a groupé un certain nombre de hauts
fonctionnaires appartenant à divers ministères. Les tendances
centrifuges d'un ministère qu'explique une longue tradition d'autonomie
seront ainsi contrebalancées par la perception des conséquences
interministérielles des programmes que préparera l'Office de
planification et de développement du Québec.
Autre phénomène d'organisation: la déconcentration
régionale de l'administration. Pour être efficace, tout organisme
administratif doit non seulement bien connaître la population et en
comprendre les besoins, il doit également la rejoindre par
l'intermédiaire des bureaux installés dans les divers milieux
à desservir. C'est l'effort que tentent présentement une douzaine
de ministères dont les politiques ont une incidence particulière
sur le territoire: Agriculture, Famille, Travail, Education, etc.
Ce phénomène de régionalisation administrative
oblige en même temps à repenser la plupart des structures
centrales des ministères et la coordination interministérielle au
plan régional.
A ces exigences, s'en ajoutent deux autres
très importantes. Premièrement, il s'agit, d'une part des
relations à entretenir avec le reste du monde par l'intermédiaire
de bureaux à l'étranger et de la participation aux grandes
réunions internationales.
Deuxièmement, d'autre part, de la participation des groupes
à l'élaboration des décisions gouvernementales qui les
concernent. Cela entraîne la création de quelques douzaines
d'organismes consultatifs auprès des divers ministères.
Au plan des structures, on pourrait croire la question vidée, ce
n'est pas le cas. Tout le secteur décentralisé de notre
régime administratif doit également retenir notre attention:
Partage des rôles entre le gouvernement et les administrations locales,
municipalités, commissions scolaires; définition des territoires
et des clientèles; nature et normes; distribution des services;
financement et fiscalité correspondante; regroupement; zone
métropolitaine; régionalisation scolaire. Voilà autant de
questions d'organisation administrative qui sont à l'étude.
Aux situations énumérées et qui décrivent la
complexité de l'appareil administratif s'ajoutent les problèmes
de gestion de cette vaste organisation. Les modes et le style de gestion sont
en effet trop souvent de type familial ou artisanal, et ici je pense à
chacun des secteurs de la gestion administrative: gestion du personnel, gestion
budgétaire, gestion de l'équipement, gestion de
l'approvisionnement, gestion des documents, processus de décision et
mode de délégation des pouvoirs et responsabilités.
L'extension des rôles de l'Etat et la croissance correspondante
des activités gouvernementales se traduisent par un certain nombre
d'indices très précis. Premièrement, la croissance du
budget. En 1945, le budget du Québec était d'environ $100
millions; en 1955, dix ans plus tard, il n'atteignait pas encore $500 millions;
en 1960, moins de $l,750,000,000; en l965, moins de $2 milliards; et en 1969,
près de $3 milliards.
La croissance des effectifs qui émargent au budget de l'Etat en
1969: Près de 50,000 personnes travaillent dans la Fonction publique,
même en excluant l'Hydro-Québec qui compte 18,000 personnes.
Environ 100,000 personnes dans le monde de l'Education. Environ 120,000
personnes dans le monde de la Santé et des services sociaux. En
pourcentage, plus de 12% de la main-d'oeuvre du Québec oeuvrent dans le
secteur public et parapublic. La part des salaires du secteur public, dans le
budget: 50% du budget total, soit environ $1,250,000,000.
Devant des données statistiques comme celles-là, chacun se
pose le même genre de ques- tions. Se peut-il que 111 organismes
coordonnent vraiment leur action? Que dire de leur effet au plan local ou au
niveau de chaque citoyen? Quant aux $3 milliards, leur rentabilité
est-elle maximale? Et les 275,000 employés, quel est leur rendement?
Leur nombre n'est-il pas trop élevé par rapport aux besoins
réels de l'Etat? Quand on pense que le gouvernement à lui seul
emploie 3,500 professionnels de toute discipline, l'on est tenté de se
demander si toute cette science est bien utilisée. Et que dire des
cadres, aussi bien dans la Fonction publique que dans le secteur hospitalier et
dans celui de l'enseignement? Une telle fresque nous fait vite réaliser,
je pense, l'ordre des problèmes.
Premièrement: spécialisation des taches, partage des
rôles, coordination des activités.
Deuxièmement: efficacité des secteurs de gestion.
Troisièmement: rentabilité des investissements.
Quatrièmement: productivité du personnel.
Autrement dit, nous avons commencé à prendre la mesure de
notre taille et nous nous sommes regardés marcher. Nous y avons
découvert des problèmes de planification, des problèmes
d'organisation administrative, des problèmes de gestion proprement dite.
La conclusion, je pense, s'impose: une réforme administrative est
nécessaire dont l'objectif est d'apporter, dans toute la mesure du
possible, les solutions appropriées.
Ce besoin, bien sûr, était ressenti depuis quelques
années, et effectivement des gestes ont déjà
été posées pour améliorer la situation. Il n'est
pas question de laisser entendre ici qu'il faille faire table rase de toutes
les structures administratives existantes pour reconstruire à neuf. Mais
il est impérieux, pour l'avenir du Québec, que nous nous donnions
une Fonction publique qui réponde pleinement aux exigences de notre
société. L'utilisation maximale des ressources humaines et
financières doit devenir une préoccupation de tous les
instants.
Maintenant que les droits syndicaux sont acquis aux employés du
secteur public et que leurs conditions de travail peuvent se comparer à
celles du secteur privé, on est en droit de s'attendre à une
efficacité et à une productivité comparables dans les deux
secteurs.
Les phénomènes que nous avons décrits jusqu'ici ne
sont d'ailleurs pas propres au Québec. D'autres pays ont dû faire
face à des situations semblables à celle que nous connaissons au
Québec dans la fonction publique. Les rapports Hoover aux Etats-Unis,
Glassco au Canada, Plowden et Fulton en Angleterre et, en France, celui du
comité central d'enquête sur le coût
et le rendement des services publics en témoignent.
Au Québec, nous nous sommes mis à la tâche il y a
plus d'un an. Je dois dire que les organismes et leurs responsables dans
l'administration n'ont pas fait obstacle £ nos travaux, bien au
contraire. Ils étaient aussi désireux que nous d'améliorer
la situation et ils collaborent étroitement à la bonne marche des
projets qu'ils ont eux-mêmes d'ailleurs travaillés et
suggérés.
En effet, dès l'automne 1966, mon collègue le ministre des
Finances et moi-même recevions d'un groupe de hauts fonctionnaires un
mémoire concernant une étude des structures et pratiques
administratives du gouvernement. Les objectifs et les champs de l'étude
suggérée sont exactement ceux qui ont été
décrits précédemment. Les négociations qui
débutèrent à ce mo-ment-là nous amenèrent
à définir d'une façon précise la politique du
gouvernement à l'égard des conditions de travail dans la fonction
publique.
Faute de procéder à une étude d'ensemble dès
1967, nous retenions les services de firmes de conseillers en gestion pour
faire un premier diagnostic précis de la situation dans un secteur
spécifique: celui de la gestion du personnel. J'ai fait état des
principales constatations qui nous furent soulignées. Disons, en
résumé, qu'elles justifiaient pleinement une étude plus
poussée du secteur.
A cette fin des mandats furent donnés à deux groupes:
Urwick-Currie et SEMA. Le second groupe s'attaqua aux problèmes de la
prévision et de l'analyse des besoins de personnel, c'est-à-dire
la question très importante des effectifs de la fonction publique, le
premier groupe abordant les autres problèmes d'administration du
personnel, à l'exception de quelques-uns que se réservaient les
services en place. Je vous réfère ici aux mandats
approuvés par le Conseil de la trésorerie.
Etant donné, croyons-nous, l'intérêt exceptionnel
que revêtent ces études, j'ai demandé aux responsables de
se mettre à la disposition des membres de la commission afin qu'ils nous
informent eux-mêmes des objectifs visés, des principes mis de
l'avant, des équipes de travail à l'oeuvre, des étapes
envisagées, des résultats escomptés et des progrès
déjà réalisés.
Avant d'entreprendre la partie de l'exposé qui tentera de situer
le projet de loi numéro 23 dans le contexte de cette réforme et
d'en expliquer les principes, on peut souligner que les études et les
améliorations en cours dans le secteur de la gestion du personnel
s'ajoutent à celles qui ont déjà été
entreprises dans le secteur de l'approvisionnement. Elles vont de pair
égale- ment avec celles de la firme SGI sur la mécanisation des
services comptables et avec les travaux que dirige M. Richard Mineau sur les
structures gouvernementales et la gestion administrative en
général. Cette dernière étude, dont M. Dozois avait
fait état dans son budget de 1969 et dont le mandat est très
vaste, comprend elle aussi plusieurs équipes de travail, dont une qui
examine la question de l'informatique au gouvernement et une autre qui fouille
à fond le problème de la budgétisation par programme et le
contrôle budgétaire.
J'ai demandé aussi à ces messieurs de se tenir à la
disposition de la commission pour expliquer leur mandat, les recherches qu'ils
mènent et ce qu'ils comptent réaliser en collaboration avec nos
fonctionnaires.
Nous tenons à ce que les équipes de travail groupent
à la fois des fonctionnaires et des conseillers de l'extérieur,
pour plusieurs raisons: la participation externe nous paraît
désirable pour assurer aux études en cours un caractère
d'impartialité aussi parfait que possible et la participation interne
pour permettre la coopération des responsables à la formulation
et à la mise en application des recommandations.
En second lieu, cela nous semble nécessaire que ceux qui ont une
expérience dans l'administration publique puissent souligner aux experts
extérieurs les exigences propres à ce milieu particulier.
Parmi les fonctionnaires qui collaborent à ces travaux certains
appartiennent à des organismes centraux et d'autres viennent des
ministères, car on sait que les philosophies administratives peuvent
diverger selon qu'elles s'inspirent du principe de l'autonomie
départementale ou de celui de normes applicables à l'ensemble des
organismes gouvernementaux. L'équilibre entre la responsabilité
du gestionnaire et l'uniformité administrative demande une attention
continue.
Mais quels que soient les perspectives et les champs d'étude, les
objectifs de cette réforme administrative sont clairs: planification et
contrôle de l'action administrative, coordination
interministérielle, réductions des coûts,
amélioration du rendement.
Au-delà de tout cela, cependant, la réforme
administrative, comme la réforme de toute institution, vise à
adapter l'administration au Québec de 1969.
Bien sûr, les carences administratives varient selon les secteurs,
et ce qui caractérise aujourd'hui l'administration budgétaire se
compare difficilement à la situation qui prévaut au niveau de
l'organisation gouvernementale, de la gestion du personnel ou des
procédés administratifs. Chaque champ d'étude devra
comporter
ses solutions propres, mais toutes les solutions devront avoir comme but
de favoriser l'existence d'une administration publique outillée pour
voir clair dans la réalité complexe de 1969 et pour y faire face.
Pour cela, le gouvernement ne doit pas se contenter d'opérer des
services, mais il doit les orienter vers la réalisation des objectifs
essentiels que se donne notre collectivité.
Ces objectifs sont aussi nombreux et aussi variés que
l'accès des Québéquois à la gestion des
entreprises, la reconversion agricole, la qualité de la vie urbaine,
l'adaptation de la main-d'oeuvre aux tâches d'aujourd'hui, la revision de
la sécurité sociale, l'habitation, la salubrité des eaux,
la participation au développement scientifique et technologique.
On a souvent reproché aux Québéquois d'avoir
négligé d'exercer et d'employer les pouvoirs de leur Etat.
N'a-t-on pas Jadis parlé de l'anti étatisme des Canadiens
français? Les temps ont bien changé. Aujourd'hui le citoyen exige
de plus en plus de l'Etat. Il appartient en effet à celui-ci de veiller
au progrès des sciences et des arts, d'assurer l'équilibre
social, d'organiser le territoire, de réglementer, protéger et
animer l'économie, en somme de veiller au mieux-être
collectif.
C'est dans une optique aussi largement humaniste qu'il faut envisager la
réforme administrative : établir et maintenir un heureux
compromis, entre, d'une part, l'efficacité
économico-administrative des allocations budgétaires, et, d'autre
part, les exigences et les responsabilités d'un Etat moderne.
C'est dans ce cadre de réforme que se place le projet de loi
numéro 23 portant création du ministère de la Fonction
publique. Nous nous situons ici plus particulièrement dans la seconde
dimension de la fonction publique que Je mentionnais au début de cette
intervention: celle de la gestion même du personnel.
Nous allons ici expliquer pourquoi il faut un ministère, et quels
sont les rôles que nous lui proposons. Nous discuterons donc des
problèmes d'organisation, c'est-à-dire des structures de la
gestion, des problèmes de prévisions des besoins de main-d'oeuvre
et d'analyse des effectifs, des problèmes de conditions de travail
(politique salariale, etc...) des relations de travail, de formation des cadres
(l'Ecole nationale d'administration publique), de procédures et
d'utilisation de l'informatique dans la gestion.
Afin d'aider à la compréhension du projet dont le
caractère technique peut paraître complexe à bien des
esprits, il nous a semblé opportun de rappeler, à larges traits,
les principaux événements qui ont marqué la fonction
publique au cours des dernières années.
La naissance officielle du syndicalisme dans la fonction publique et la
nouvelle loi de la fonction publique se situent en 1965. Les droits et les
obligations des fonctionnaires, le régime syndical qui leur était
applicable et les structures d'administration des programmes de gestion du
personnel furent définis à cette époque.
En 1966, débutèrent les premières
négociations dans la fonction publique. C'est également à
partir de cette année-là que le recrutement par concours publics
des agents de l'Etat fut organisé de façon systématique.
1967 fut marqué par une nouvelle classification des fonctionnaires et
par une systématisation des concours d'avancement.
En 1968, une nouvelle ronde de négociations débute tandis
que sont entreprises les études dont il était fait mention sur
les divers secteurs de gestion.
Durant ces dernières années, dans les secteurs parapublics
de l'Education, du Bien-Etre, de la Santé et de l'Hydro, des
négociations de grande envergure ont amené le gouvernement
à définir une politique salariale qui assure autant de
cohérence que possible dans les niveaux de rémunération
des agents de l'Etat. J'ai déjà eu l'occasion, à diverses
reprises, d'exposer les différents principes qui constituent le
fondement de cette politique salariale.
Où allons-nous? Quels objectifs doit-on viser? Quelles
améliorations recherche-t-on? Quels résultats escomptons-nous
atteindre? En somme, pourquoi un ministère de la Fonction publique?
Premièrement, la fonction publique, chacun le comprend
parfaitement, est un secteur important de notre société; d'une
part, un capital humain extraordinaire: 45,000 employés dont 4,000
professionnels, constituent une ressource exceptionnelle qui doit être
bien gérée; d'autre part, une dépense annuelle de $250
millions en salaires environ pour ceux qui oeuvrent directement dans les
ministères du gouvernement.
Deuxièmement, la Fonction publique représente 1/5 du
secteur public et sa gestion influence et est influencée par les autres
4/5 qui sont constitués par les corporations comme
l'Hydro-Québec, le monde de l'enseignement et celui de la Santé
et du Bien-Etre.
Au total, nous avons à faire en effet à plus de 250,000
personnes, dont les salaires s'élèvent à environ
$1,250,000,000. J'y reviendrai tout à l'heure plus en détail.
Sans une résieuse coordination des négociations dans tout
le secteur public, sous la responsabilité immédiate d'un
ministre, une surenchère risque de s'établir entre des groupes
qui ont comme caractéristique de tous émarger directement ou
indirectement au budget de l'Etat.
Il est donc nécessaire, pour assurer une saine gestion des
finances publiques et pour garantir à l'ensemble de la population la
qualité des services auxquels elle a droit, de coordonner les
échelles de salaires et les conditions de travail dans la fonction
publique, les agences du gouvernement et les institutions du service public
subventionnées par l'Etat.
Troisièmement, dans un contexte de syndicalisme organisé,
il est devenu nécessaire qu'un membre du cabinet se fasse le
porte-parole du gouvernement face à des syndicats qui, eux, coordonnent
leur action. La présence du syndicalisme dans la fonction publique
oblige le gouvernement à se définir comme employeur d'une
façon claire. Dans notre système de cabinet responsable,
l'employeur doit être identifié dans la personne d'un ministre et
ce ministre doit avoir, dans les matières d'administration du personnel,
des responsabilités d'initiative, de leadership, de coordination et
d'inspection.
Avec le syndicalisme, la gestion du personnel devient une matière
politique. Non seulement de politique administrative, mais de politique tout
court, car le gouvernement est appelé à rendre compte
publiquement de l'action administrative centrale, ministérielle ou
régionale.
Par conséquent, la politique de gestion du personnel est
l'affaire du ministre et non d'une commission indépendante du
gouvernement. Cette dernière devient un service spécialisé
dans les examens et elle certifie l'admissibilité des candidats à
la fonction publique.
Par politique de gestion du personnel, on entend ici les rôles
suivants:
Etude de l'organisation administrative du gouvernement;
Etude des besoins quantitatifs de personnel (effectifs»;
Détermination des besoins qualificatifs en personnel
(classification);
Analyse des conditions de travail (recherche);
Définition des conditions de travail (négociations);
Recrutement et déroulement de la carrière;
Perfectionnement du personnel;
Ethique et discipline;
Finalement, inspection de la gestion du personnel.
Bien sûr, notre projet ne va pas aussi loin que cela. Il faut
tenir compte du milieu. Nous ne sommes pas en Angleterre. Là-bas, le
rapport Fulton a recommandé que tous ces rôles soient
désormais exercés sous la direction du ministre de la Fonction
publique.
Quatrièmement, dans une perspective d'efficacité
administrative, il est devenu nécessaire d'affecter des administrateurs,
sous la direction d'un ministre, à la tâche essentielle
de définir une politique de gestion qui assure l'allocation
maximale des ressources humaines de l'Etat, étant donné les
masses d'employés en cause et le fait qu'une part importante du budget y
passe.
Et, il est administrativement sain que ce groupe Isoit distinct du
ministère des Finances.
Cinquiêmement, la dispersion actuelle entre dix ou[ onze
autorités distinctes ne peut pas rendre possible une politique
cohérente de gestion du personnel, laquelle est nécessaire si
l'on veut ure fonction publique efficace, compétente et
dévouée au service de l'Etat, lui-même au service de toute
une population.
En effet, plusieurs organismes se partagent actuellement les rôles
de gestion du personnel dans la fonction publique : a) Le Conseil
exécutif approuve les règlements de la Commission de la fonction
publique, nomme les fonctionnaires permanents, décrête les
révocations de nomination ou les destitutions, peut autoriser un
ministre à signer une convention collective; b) Le Conseil de la
trésorerie agit comme comité du Conseil exécutif en ce qui
concerne les estimations budgétaires, les engagements financiers, la
nomination et la rémunération des fonctionnaires et
employés; c) La Commission de la fonction publique s'occupe du
recrutement et de la sélection préliminaire à
l'établissement des liste d'éligibilité et, à cette
fin, doit réglementer tout ce qui porte sur les examens et les
périodes de stages, est responsable de l'établissement de la
classification, doit diriger les programmes de perfectionnement, recommander au
cabinet des plans dî salaire du personnel de la gérance et tenir
dos enquêtes sur les demandes de révocation ou de destitution; d)
La Direction générale des relations de travail, rattachée
au Conseil exécutif, doit négocier avec les diverses
unités syndicales et coordonner l'administration des conventions
collectives ; e) La Direction de l'analyse des effectifs, rattachée au
Conseil de la trésorerie, examine les demandes d'effectifs contenues
dans les propositions budgétaires des ministères et fait rapport
de ses constatations au sous-ministre adjoint «Ses Finances, responsable
du budget; f) La Direction de l'analyse des conditions de travail fait les
recherches et études préliminaires aux négociations ou
décisions du gouvernement concernant les conditions de travail dans les
services publics émargeant au budget de l'Etat.
L'administration du fonds de pension des fonctionnaires et
employés relève d'une division du ministère des Finances.
Depuis avril
1966, l'agent du contrôleur de la Trésorerie, dans chaque
ministère, vérifie avant engagement la régularité
des propositions d'engagement du ministère en matière de
personnel.
Dans chaque ministère, il y a un bureau de personnel qui doit
conseiller le sous-ministre dans la gestion courante du personnel,
c'est-à-dire les prévisions des besoins de personnel, le choix
parmi les candidats déclarés éligibles par la Commission
de la fonction publique, les affectations des employés, leur classement,
les mesures disciplinaires et l'administration des conventions collectives.
Enfin le vérificateur des comptes, comme son nom l'indique,
vérifie les dépenses en matière de personnel.
Nous avons donc une dizaine d'unités administratives qui se
trouvent à participer actuellement à l'administration du
personnel dans la fonction publique. Nous proposons, par conséquent,
comme première étape que les rôles majeurs exercés
par le Conseil de la trésorerie, ceux exercés par la direction
générales des relations de travail, ceux exercés par la
direction de l'analyse des effectifs ainsi que de l'analyse des conditions de
travail soient intégrés au ministère de la Fonction
publique de même que le perfectionnement.
Enfin, nous avons vu, dans la première partie de cet
exposé, la complexité de l'organisation gouvernementale. Nous
croyons qu'elle est telle qu'il y a lieu de confier à une
autorité le soin d'en étudier et d'en reviser constamment les
problèmes de structure et de gestion administrative de façon
à améliorer le rendement et la productivité. Si on a
besoin, depuis longtemps, d'un vérificateur des comptes, on a
aujourd'hui autant besoin d'un inspecteur d'administration, d'un «
auditeur administratif », si je puis me permettre l'expression.
Maintenant que nous avons exposé les raisons qui ont amené
le gouvernement à vouloir créer un ministère de la
Fonction publique, je poursuis en expliquant sommairement les rôles qu'il
serait appelé à jouer et les principes que nous mettons de
l'avant dans le projet qui est soumis pour étude.
Une demi-douzaine de mandats sont précisés dans la loi et
au sujet desquels le ministre devra répondre devant la Chambre. Le
premier de ces devoirs sera de proposer au gouvernement des mesures visant
à accroître l'efficacité du personnel. Une administration
publique, c'est d'abord un service et, comme tel, son coût dépend
de la productivité des ressources humaines dont dispose ce service. Il
appartiendra donc au ministre de la Fonction publique d'être le moteur de
l'innovation dans la tech- nologie administrative. De ce point de vue, des
études et des recherches devront être entreprises dans toute
l'administration de façon que certaines analyses statistiques
comparées, par exemple, puissent permettre au gouvernement de
déterminer des critères de mesure de l'efficacité de son
action. Ces critères serviront à mesurer la performance et le
rendement des services là où les lois du marché sont
inapplicables. De ce point de vue, des études actuellement entreprises
par les conseillers et les fonctionnaires constituent de bons laboratoires
d'entraînement des équipes ministérielles et centrales
appelées à revoir de façon continue les modes de gestion
du gouvernement.
Seconde fonction du ministre: Conseiller le gouvernement sur les
conditions de travail du personnel du secteur public, tel que décrit
dans le tableau statistique que nous déposerons qui, incidemment,
indique, au surplus, les structures de négociations.
Nous avons déjà des équipes préposées
à l'analyse des traitements et des autres conditions de travail du
personnel: heures, vacances, frais de déplacement, primes, pension,
assurances, congés, etc...
Le ministre doit avoir juridiction sur ce bureau d'étude des
traitements qui est à la fois le fichier central des salaires
payés, des conditions de travail et des bénéfices
marginaux, en même temps que l'unité de recherches qui compare ce
qui est négocié dans le secteur public du Québec avec ce
qui est négocié dans d'autres secteurs publics du Québec
ou dans d'autres secteurs publics analogues par l'Ontario ou par le
gouvernement du Canada, par exemple, de même que par le secteur
privé. De la qualité du travail de cet organisme dépendent
essentiellement les offres qui sont faites à l'occasion des
négociations et l'orientation de la politique salariale dont on sait
l'influence sur toute l'économie du Québec.
Troisième responsabilité du ministre: Négocier, au
nom du gouvernement, des conventions collectives régissant les
conditions de travail des personnes qui occupent des emplois relevant du
gouvernement et d'en coordonner l'application. C'est là le rôle de
la direction générale des relations de travail qui, loin de
disparaître comme on l'a cru en certains milieux, prendra toute la place
qui lui revient dans le nouveau ministère.
Autre rôle du ministre: Prévoir les besoins de
main-d'oeuvre des organismes gouvernementaux et analyser les effectifs requis
ainsi que la répartition et l'utilisation de ces effectifs. Cest
là une tâche d'analyse et de planification essentielle à la
mise en application d'une
véritable politique de main-d'uvre. Il est normal que le
plus gros employeur du Québec, et dont, au surplus, le personnel
émarge aux fonds publics, se soucie en permanence de la façon
dont ce personnel est utilisé.
Cela conduit, d'une part à revoir les modes d'organisation du
travail dans l'administration, et en second lieu, à évaluer le
potentiel du personnel lui-même. Cette logique nous a conduits à
dégager la Commission de la fonction publique de certaines
responsabilités pour les remettre au ministre qui est appelé
à représenter la direction du personnel gouvernemental: c'est
ainsi que les programmes de perfectionnement et la gestion des « pools
» de personnel excédentaire seront désormais assumés
par le ministre. J'aurais aimé ici vous parler de la création de
l'Ecole nationale d'administration publique (ENAP) et de nos activités
en matière de coopération avec les pays francophones. Nous y
reviendrons peut-être au cours de la discussion.
Je m'empresse ici d'apporter une précision en ce qui concerne les
rôles de la Commission de la fonction publique qui conservera ses
pouvoirs actuels en ce qui a trait à l'admissibilité dans la
fonction publique, la classification et la promotion du personnel qui en fait
partie.
Dans les pays occidentaux, la formule mise au point depuis 75 ans, pour
enrayer le « patronage, » a été de constituer une
commission indépendante du pouvoir exécutif pour établir
l'admissibilité des candidats à la fonction publique. C'est
là l'origine des commissions dites du « service civil. » Peu
à peu, l'idéologie dominante a obscurci la distinction pourtant
élémentaire entre le « principe, » toujours valable,
du mérite et le « système » du mérite
institutionnalisé par ces commissions quasi indépendantes.
En Amérique du Nord, on a ajouté à ces commissions
d'autres rôles concernant la gestion du personnel, si bien qu'il y a un
partage de ces rôles entre les commissions et les ministères.
Puis, à mesure de la croissance du nombre des employés dans la
fonction publique, les ministères des Finances se sont mis à
examiner plus sérieusement les demandes budgétaires d'effectifs
si bien que le partage des rôles s'est fait, depuis quelques
années, entre ces trois types d'organismes.
De nombreuses commissions d'étude sur l'organisation
gouvernementale ont étudié ce problème et toutes sont
unanimes pour dire qu'il y a lieu de distinguer entre un travail de
coordination (des normes) qui peut être imparti à un organisme
central et un travail d'application ou de gestion quotidienne qui doit demeurer
dans les mains de la gérance immédiate, c'est-à-dire les
ministères.
Essentiellement, ce que nous proposons ici, c'est de faire du
ministère de la Fonction publique, l'organisme central. Mais nous ne
mettons pas de côté pour autant la Commission de la fonction
publique qui conservera donc les rôles perçus dans notre milieu
comme nécessaires au maintien du régime de mérite lors de
l'entrée et de l'avancement dans le service.
Au chapitre des nominations, nous avons décidé de
dégager le conseil des ministres de la routine administrative en ne lui
réservant que les nominations aux postes supérieurs. Même
principe au niveau des ministères où le ministre pourra
déléguer son pouvoir de nomination à ses
fonctionnaires.
En ce qui concerne l'éthique et la discipline, il appartiendrait
au ministre de recommander au gouvernement des règlements applicables au
personnel de la fonction publique. Cela nous paraît tout à fait
normal que l'employeur exerce ses droits de gérance, mais il devra le
faire par règlement de sorte que les normes seront connues de tous.
Jusqu'ici, les obligations des fonctionnaires étalent
limitées à l'accomplissement du service et au respect des
serments. Nous introduisons en plus des règles de discrétion et
d'impartialité déjà comprises dans ces serments, une
interdiction de nature à sauvegarder l'intégrité du
personnel: personne ne devra avoir un intérêt personnel entre sa
fonction et ses intérêts.
Autre règle: le service exclusif des professionnels au service de
l'Etat. Ce principe est déjà inscrit dans la convention
collective des professionnels.
Les suspensions et destitutions des employés régis par une
convention collective de travail ne seront plus de la juridiction de la
Commission de la fonction publique; les conventions pourvoient aux arbitrages.
La Commission de la fonction publique garde sa juridiction, toutefois, quant au
personnel non syndicable.
Enfin, un nouveau régime administratif est prévu en ce qui
concerne le personnel des cabinets de ministres. Désormais, les
personnes nommées à l'un de ces postes devront le quitter trente
jours après la date à laquelle la personne qui les a
nommées a cessé d'occuper la fonction qui l'autorisait à
les nommer. Toutefois, si une telle personne est alors fonctionnaire ou avait
antérieurement établi qu'elle possédait les
qualités requises pour devenir fonctionnaire, elle aura droit, dans
l'année qui suivra, d'être nommée à tout emploi dans
la fonction publique auquel elle a été déclarée
admissible et, dans l'intervalle, elle sera in-
tégrée au ministère de la Fonction publique et y
sera rémunérée.
Voilà, M. le Président, ce que je voulais souligner comme
introduction à l'étude de ce projet de loi, première et
modeste étape d'une vaste réforme administrative dont les
objectifs ont été décrits précédemment,
objectifs qui, s'ils sont réalisés, devraient faire de notre
administration une institution efficace au service de toute la
collectivité québécoise.
M. le Président, nous avons, au cours de l'exposé,
expliqué que nous avions demandé à certaines personnes de
venir à cette commission témoigner du travail qu'ils
accomplissent à l'intérieur de l'orientation
générale de la réforme de l'administration publique.
J'aimerais, avec votre permission, inviter M. Richard Mi-neau à
présenter l'étude des structures gouvernementales, mandat qui lui
a été confié par le ministère des Finances.
M. LE PRESIDENT: M. Richard Mineau, si mes collègues le veulent,
pourra témoigner immédiatement et faire sa présentation.
M. Mineau.
M. Richard Mineau
M. MINEAU: M. le Président, MM. les membres de la commission,
l'étude des rouages administratifs, que le gouvernement m'a
chargé de mener, s'effectue en vertu d'un mandat qui est défini
dans un procès-verbal du Conseil de la trésorerie et dans un
arrêté ministériel.
Il y a lieu cependant, je crois, de s'arrêter une minute pour voir
un peu la description de ce mandat. Voici, sommairement, ce qu'il comporte:
Premièrement, l'analyse et l'évaluation objectives des
rouages administratifs du gouvernement et de ses divers ministères,
offices et autres organismes.
Deuxièmement, la formulation de recommandations quant aux
améliorations à apporter et quant à la façon
d'implanter ces recommandations.
Troisièmement, la direction ou la coordination de l'implantation
graduelle des recommandations acceptées par le gouvernement.
Quatrièmement, la coordination des autres études et
travaux en cours afin d'éviter la dispersion des efforts et un manque de
cohésion dans les objectifs visés.
Parmi ces autres études et travaux en cours, je me permets de
vous référer brièvement au discours du budget,
prononcé le 29 avril 1969, dans lequel le ministre des Finances citait
les principaux travaux en cours. Un travail impor- tant est en cours depuis mal
1967 au ministère de la Famille et du Bien-Etre social. C'est un travail
qui est sous la direction de la firme Samson, Bélalr, Riddel Stead.
Il y a aussi un travail de première importance confié, par
le ministère du Revenu, au bureau d'information et de recherches
opérationnelles de la firme BIRO. Ce travail a trait à la mise en
place d'un système intégré d'informatique.
M. le ministre a fait allusion, tantôt, au mandat confié
à la firme Urwick-Currie et à la firme SEMA en rapport avec la
gestion du personnel.
Enfin, un mandat a été confié à la
Société générale d'informatique qui a trait
à la mécanisation des opérations de contrôle et de
comptabilité budgétaire.
Quels sont les objectifs de cette étude des rouages
administratifs?
UNE VOIX: Puis-je vous demander à quelle date remonte votre
mandat? Votre mandat vous a été donné quand, en quelle
année?
M. MINEAU: En janvier 1969; Les travaux ont effectivement
commencé en février 1969.
UNE VOIX: Très bien.
M. MINEAU: Les objectifs de cette étude des rouages
administratifs sont, évidemment, d'améliorer les rouages
administratifs de la province en les rendant plus modernes, plus à jour,
mieux coordonnés et systématisés et, partant, plus
économiques et efficaces.
Ces objectifs généraux comportent plusieurs
sous-objectifs. Encore une fois, je me permets de vous référer
brièvement au dernier discours du budget. Voici le sommaire qui en est
donné dans ce document:
Améliorer la coordination interministérielle afin de
supprimer le dédoublement ou le chevauchement des services et fusionner
les activités similaires lorsqu'il y a lieu et supprimer le travail
inutile ou non économique; augmenter le rendement et réaliser des
réductions de coûts par la centralisation de certaines
activités et la décentralisation de certains autres.
Instaurer des pratiques de planification, de gestion et de
contrôle financier de nature à favoriser un meilleur rendement et
la réalisation d'économies. Déterminer la
répartition des responsabilités entre les divers
ministères et offices et entre ceux-ci et les organismes centraux de
régie la plus apte à assurer une efficacité plus grande
et, encore une fois, la réalisation d'économies. Améliorer
les pratiques de
gestion des ministères, offices et organismes centraux de
régie.
Voyons maintenant quel est le champ de l'étude à effectuer
pour remplir ce mandat et atteindre les objectifs visés. Cette
étude de l'appareil administratif du gouvernement, pour atteindre les
buts qu'on se propose, doit comprendre les secteurs suivants:
Premièrement, les moyens dont dispose le gouvernement en ce qui a
trait à la planification et à la prise de décision quant
à ses programmes et activités, c'est-à-dire les
mécanismes de recherche des besoins, la « conceptualisation
» et l'évaluation des différentes solutions
envisagées pour répondre à ces besoins. Enfin,
l'élaboration d'une solution choisie en termes d'objectifs particuliers,
de modalités de réalisation, de critères
d'évaluation, de normes de rendement, d'implications financières
pour un certain nombre d'années à venir, de tâches à
accomplir, de ressources matérielles et humaines requises, etc.
Deuxièmement, dans le champ de l'étude à effectuer,
il y a, évidemment, la question de l'organisation et des structures de
l'appareil administratif, c'est-à-dire la répartition des
responsabilités ou compétences entre les divers organes de
l'appareil administratif: d'abord, le Conseil exécutif et le personnel
dont il est entouré, le Conseil de la trésorerie, les organismes
centraux de planification ou de régie, les ministères, les
directions générales, etc. Ensuite, les structures
hiérarchiques, le style de gestion, les questions de centralisation, de
décentralisation, de déconcentration, de régionalisation;
la délégation d'autorité et, enfin, la coordination des
activités.
Le troisième grand secteur du champ de l'étude à
effectuer vise les procédés administratifs d'application
générale, tels que ceux relatifs à la gestion
financière, à la gestion du personnel, aux achats, à la
gestion immobilière et mobilière, aux communications, à
l'informatique, etc.
Quatrièmement, les procédés de contrôle et
d'évaluation des programmes du gouvernement.
Cinquièmement, les modes opératoires des divers
ministères, offices et autres organismes faisant partie de l'appareil
administratif du gouvernement, et sixièmement, les méthodes et le
travail de bureau, c'est-à-dire la « paperasserie »
gouvernementale.
Cette simple énumération, M. le Président,
démontre que ce mandat est très vaste, comme le disait
tantôt M. le ministre, et ce, même si l'on tient compte des autres
études qui, Dieu merci, sont déjà en cours et auxquelles
J'ai référé tantôt.
Parlons maintenant de la façon dont nous procédons pour
effectuer cette étude. Je voudrais d'abord mentionner les structures de
l'équipe qui est à l'oeuvre ici. Nous avons, d'abord, un
comité consultatif que le gouvernement a formé et qui est
composé de hauts fonctionnaires. Ce comité, présidé
par M. Marcel Cazavan, le sous-ministre des Finances. Il comprend
également Me Julien Chouinard, le secrétaire
général du Conseil exécutif; MeRoch Bolduc, membre de la
Commission de la fonction publique; M. Robert Després, autrefois,
sous-ministre du Revenu et maintenant président de la Régie
d'assurance-santé, et M. Gilles-D. Bergeron, sous-ministre adjoint pour
l'administration au ministère de la Famille et du Bien-Etre social et au
ministère de la Santé.
Le secrétaire de ce comité est M. Gérard Grondin,'
sous-ministre adjoint au ministère des Finances.
Nous avons aussi un agent de liaison en la personne de M. Gilles
Guérin, le contrôleur de la Trésorerie. Les équipes
de travail elles-mêmes sont composées de conseillers en
administration et de fonctionnaires, comme le mentionnait M. le ministre
tantôt. A l'heure actuelle, les conseillers en administration sont plus
nombreux que les fonctionnaires. Au fur et à mesure que les travaux
avanceront, cependant, le besoin de participation des fonctionnaires
augmentera. Nous prévoyons que d'ici la fin de l'année courante,
nous aurons quelque 40 fonctionnaires à l'oeuvre dans cette
équipe.
J'ai la responsabilité personnelle de la direction de ce travail,
responsabilité que Je partage avec un de mes associés, M. Claude
Allard. Quant à notre méthode de travail, nous procédons
par voie d'entrevues avec les hauts fonctionnaires et les hommes politiques
concernés. Nous procédons par voie d'étude de toute
documentation interne susceptible de nous éclairer sur les
problèmes que nous étudions. Nous tirons, évidemment,
grand avantage de ce qui a été fait ailleurs. M. le ministre a
mentionné tantôt un certain nombre de commissions royales
d'enquête sur l'organisation gouvernementale qui ont fait des travaux
ici, au Canada, aux Etats-Unis et ailleurs. Nous tirons donc profit de ce qui
est déjà fait dans ce domaine.
En outre, nous avons fait quelques visites: à Toronto, pour voir
se qui se passe au niveau du gouvernement de l'Ontario; à Ottawa, pour
faire la même chose au niveau du gouvernement fédéral;
à Boston où nous avons consulté les gens du Commonwealth
du Massachusetts, etc., de façon à constater de visu ce que l'on
fait et ce qu'on a fait en pratique avec les recommandations soumises par les
différentes commissions d'enquête ou comités
d'étude.
J'ai mentionné tantôt que le mandat qui nous
a été confié est très vaste. Des le
début, tous ceux qui ont pris part à la « conceptualisation
» et à la mise en marche de cette étude ont convenu qu'il
faudrait procéder par priorités.
En voulant déterminer quelles seraient les priorités, nous
avons d'abord tâché de voir quelles étaient les trois
sortes de fonctions dans l'organe exécutif du gouvernement. Nous avons
convenu qu'il y avait les fonctions de direction générale
en somme, la responsabilité de la tête de l'organe
exécutif qu'il y avait, deuxièmement, des fonctions dont le
rôle est de rendre des services directs à la population et, enfin,
troisièmement, des fonctions de soutien ou auxiliaires, dont le
rôle est de fournir aux fonctions sus-mentionnées certains
services dont elles ont besoin.
En collaboration avec le comité consultatif dont je parlais
tantôt, certains secteurs prioritaires ont été
identifiés. Ge comité consultatif, M. le Président, a un
double rôle: celui de nous aider à identifier les secteurs
prioritaires et, ensuite, celui de discuter et de commenter les recommandations
que nous formulerons au fur et à mesure que nos études
progresseront
En conformité avec ce rôle du comité consultatif,
nous avons d'abord discuté avec les membres du comité ce que
devraient être les priorités, les secteurs prioritaires et nous
avons convenu des priorités suivantes.
Premièrement, les fonctions de direction gér
nérale, y compris les problèmes relatifs à la gestion
financière, la gestion du personnel, comme vous le savez, ayant
déjà été reconnue, il y a près de deux ans
maintenant, comme prioritaire pour le gouvernement.
Deuxièmement, en ce qui concerne les fonctions dont le rôle
est de rendre des services directs à la population, les priorités
que nous avons établies au point de vue du travail ont été
établies suivant l'importance relative du budget des ministères
concernés.
Suivant cette méthode, nous avons donc convenu qu'il fallait
d'abord procéder avec le ministère de l'Education, ensuite avec
les ministères de la Santé, de la Famille et du Bien-Etre social
et de la Voirie.
En ce qui concerne les fonctions de soutien ou auxiliaires le
troisième groupe de fonctions que je mentionnais tantôt
nous avons convenu que les secteurs prioritaires incluaient l'informatique,
ensuite la gestion immobilière et mobilière, la gestion de
certains autres services, la question des achats et la question des
télécommunications.
Maintenant, voyons où nous en sommes avec ce travail après
six ou sept mois. Quelles sont les études en cours?
En ce qui concerne les rouages administratifs du gouvernement au niveau
supérieur, au niveau de la direction générale, deux
études sont en cours; la première traite des fonctions de
direction et de coordination centrales. Cette étude couvre les aspects
suivants; le processus de planification, de prise de décisions, de
coordination et de contrôle au niveau supérieur de l'organe
exécutif du gouvernement; la répartition des
responsabilités entre les divers organismes centraux de régies ou
de coordination, et entre ceux-ci et les ministères; les structures
générales des fonctions de direction centrale et de coordination,
et, enfin, le style général de gestion du gouvernement,
c'est-à-dire la délégation d'autorité,
centralisation, décentralisation, régionalisation, etc. Suivant
le cheminement critique que nous avons préparé pour cette
étude, nos conclusions devraient être produites d'ici deux ou
trois mois, c'est-à-dire d'ici le 15 novembre. La seconde étude
en cours, dans ce secteur des responsabilités de direction
générale, a trait à la répartition des
responsabilités entre les ministères, offices, régies et
autres organismes. Elles visent à éliminer, comme je disais
tantôt, les dédoublements possibles de responsabilités et
les chevauchements, les épar-pillements inutiles, etc., et elles visent
à atteindre un regroupement aussi logique, aussi rationnel que possible
des activités gouvernementales.
Cette étude se fait à partir d'une analyse
détaillée des responsabilités et des activités de
chacun des ministères et autres organismes faisant partie de l'appareil
administratif. Elle est amorcée et là aussi, d'ici quelques mois,
les conclusions préliminaires devraient être disponibles.
En ce qui concerne la gestion financière, nous avons deux grands
projets en cours. Une première étude considère le
problème de l'organisation de la gestion financière,
c'est-à-dire les questions de structures de la gestion
financière, les questions relatives à la répartition des
responsabilités entre différentes unités administratives
qui jouent un rôle actuellement dans la gestion financière, et la
question du style de gestion et du style de contrôle.
La deuxième étude en cours dans le secteur de la gestion
financière a trait aux processus de budgétisation. Et là
notre étude est en rapport avec la budgétisation par programme,
ce que nos amis américains ont identifié il y a plusieurs
années comme étant le PPBS. Là, nous sommes à
considérer deux aspects de la budgétisation par programme.
D'abord, l'opportunité pour le gouvernement du Québec de
budgétiser de cette
façon et, deuxièmement, la méthose d'application
d'une telle formule de budgétisation qui pourrait s'appliquer ici dans
les circonstances qui sont les nôtres.
Une équipe est à l'oeuvre dans ce secteur, elle est
dirigée par mon associé M. Claude Allard, et est composée
d'un fonctionnaire du service du budget dans le ministère des Finances,
d'un fonctionnaire du bureau du contrôleur de la Trésorerie, d'un
fonctionnaire de l'Office de planification et de développement
économique, d'un ancien professeur de l'université Laval,
maintenant à l'Ecole d'administration publique du Québec, et d'un
conseiller en administration.
Nous avons entouré cette équipe d'un comité
consultatif spécial sur le processus de budgétisation. Ce
comité est composé de hauts fonctionnaires et de conseillers de
l'extérieur. Son rôle est de nous aider à concevoir et
formuler des recommandations et des systèmes qui permettront au
gouvernement de prendre une décision éclairée sur
l'opportunité d'une budgétisation par programme. Ce comité
est composé du contrôleur de la Trésorerie, d'un
sous-ministre adjoint au ministère des Finances, responsable de la
budgétisation à l'heure actuelle, de Me Roch Bolduc, de M. Arthur
Tremblay, de M. Michel Bélanger, de M. Roland Parenteau, de M. Jacques
Charland, du ministère de la Voirie et de M. Marcel Bélanger.
L'équipe de travail que je mentionnais tantôt et le
comité consultatif dont je viens de parler sont à
considérer deux projets en ce qui concerne la budgétisation par
programme. Un premier projet vise à modifier le processus actuel
d'allocation des ressources financières dont dispose le gouvernement
entre les grandes divisions de l'activité gouvernementale. Le
deuxième projet vise à donner aux ministères un outil
pratique de gestion avec lequel ils pourraient, planifier leurs
activités en terme de programmes reliés aux objectifs poursuivis
par le gouvernement.
En ce qui concerne le secteur des fonctions qui rendent des services
directs à la population, comme je l'ai dit tantôt il y a un
secteur hautement prioritaire, celui dé l'Education. Comme à la
Santé, il y a à l'Education une très large part du budget
constituée de subventions, de subsides versés à des
organismes autonomes dont l'administration n'est pas intégrée
à celle du gouvernement. Pour cette raison, nous avons voulu dès
le départ concentrer nos efforts sur: a) le processus de planification
et de prise de décisions qui engagent les ressources financières
du gouvernement et conduisent sub- séquemment à une
dépense qu'on est forcé d'Inclure au budget. b) les
contrôles exarcés par le gouvernement sur ces organismes autonomes
qui dépensent l'argent que le gouvernement met à leur
disposition.
Il nous a semblé qu'il y aurait probablement deux sortes de
problèmes dans ces ministères dont la majeure partie du budget
est constituée de montants versés en subventions. D'abord, les
problèmes immédiats demandant une solution intérimaire
mais immédiate et, deuxièmement, les problèmes
fondamentaux demandant des solutions à long terme .
Afin de procéder avec ordre et méthode dans ces grands
ministères, nous avons voulu faire d'abord un bref examen
préliminaire de la situation dans la perspective de ce que je viens
d'énoncer. Un tel examen préliminaire a pour but
premièrement, l'identification précise des problèmes, de
leurs causes et de leur envergure; deuxièmement, la détermination
de la portée, de la nature et de l'étendue des travaux à
faire en vue de remédier aux problèmes ainsi identifiés;
troisièmement, la définition des résultats
anticipés en termes concrets; quatrièmement, la
détermination de la façon d'aborder les travaux et,
cinquièmement, un programme de travail pour s'y attaquer.
Au ministère de l'Education, M. le Président, l'examen
préliminaire est terminé. Nos constatations seront
discutées le plus tôt possible, d'abord avec le sous-ministre
concerné, ensuite avec le ministre, ensuite avec le comité
consultatif. Nous serons alors en mesure de former les équipes
nécessaires pour entreprendre les études en profondeur
jugées prioritaires.
Dans le domaine de la Santé, nous avons suivi le même
processus que pour l'Education, et pour les mêmes raisons. Là
aussi, nous avons concentré sur le planning et les contrôles
exercés par le ministère sur les organimes autonomes.
Et ce, vu la très grande importance, du point de vue
budgétaire, de l'assurance-hospitalisation et du secteur des soins
psychiatriques.
Là aussi, notre étude préliminaire est
terminée. Nous avons commencé à discuter nos constatations
avec le sous-ministre concerné, nous le ferons le plus tôt
possible avec le ministre et, là encore une fois, avec le comité
consultatif.
En ce qui concerne la santé, il y a une distinction importante
par rapport à l'éducation. C'est qu'il y a une commission royale
d'enquête sur les problèmes de la santé et du
bien-être qui travaille depuis une couple d'années et qui
doit terminer ses travaux à l'automne, à ce qu'on me dit.
Afin d'éviter de faire double emploi avec les travaux
exécutés par ou pour cette commission, je me suis entendu avec
son président, M. Castonguay, pour qu'une fois notre étude
préliminaire terminée, je puisse passer en revue avec lui ce que
serait notre programme de travail si la commission Castonguay n'existait pas,
de façon qu'il puisse me souligner les choses dont nous n'avons pas
besoin de nous tracasser, parce que son équipe y a vu, et par
conséquent, son rapport contiendra des recommandations sur le sujet, et
de façon qu'il puisse également identifier les secteurs dans
lesquels son équipe n'a pas travaillé.
Dans le domaine des services de soutien ou de support, comme je le
mentionnais tout à l'heure, nous avons des études en cours dans
le domaine de l'informatique. Nous avons, en fait, deux projets en cours dans
ce domaine. Une première étude vise à la
détermination d'une politique à long terme en ce qui concerne
l'Informatique. Une première étape est amorcée. Il s'agit
d'un inventaire des ressources humaines et matérielles dont dispose le
gouvernement dans le domaine de l'informatique, un inventaire des applications
actuelles, c'est-à-dire des différents travaux actuellement
confiés aux ordinateurs du gouvernement, et aussi un inventaire des
applications prévisibles pour les prochains cinq ans.
Selon l'acheminement critique pour cette étude
particulière, nos conclusions devraient être prêtes le 31
octobre.
La deuxième étude en cours dans le domaine de
l'informatique vise à la détermination de l'organisation requise
pour mettre cette politique en application une fois qu'elle sera
déterminée.
Il s'agit de questions de structures, d'outils de travail,
c'est-à-dire qu'il faudra mettre à la disposition des
responsables de la coordination des activités mécanographiques du
gouvernement des outils de travail tels que lignes de conduite
générale, normes, devis, standards, etc., qui leur permettront de
s'acquitter de leurs responsabilités.
Ce deuxième aspect de l'étude dans le domaine de
l'informatique devrait normalement se terminer le 13 novembre.
Il y a, comme vous le savez, dans le domaine de l'informatique, un
comité consultatif de coordination des activités
mécanographiques que le gouvernement a constitué
l'été dernier et que préside M. Gérard Grondin,
sous-ministre adjoint aux Finances. Ce comité est composé, outre
M. Grondin, des directeurs des différents centres des traitements des
données du gouvernement. Nous travaillons en étroite
collaboration avec ce comité et ses membres, et nous sommes très
heureux de leur coopération.
Il y a eu, aussi, dans le domaine de l'informatique, des travaux qui ont
été faits au niveau de la coordination centrale des
activités mécanographiques, travaux qui ont été
faits il y a quelques années; nous en prenons plein avantage, et notre
travail en somme consiste à mettre à jour ce qui avait
été amorcé dans le temps.
L'équipe qui est à l'oeuvre dans le domaine de
l'informatique compte déjà un certain nombre de fonctionnaires,
d'analystes du gouvernement dans ce domaine.
La sixième étude en cours est celle qui a trait aux
responsabilités du ministère des Travaux publics,
c'est-à-dire aux responsabilités de la gestion immobilière
du gouvernement et de certains services que donne le ministère des
Travaux publics aux autres ministères. Notre étude
préliminaire dans ce domaine est actuellement en cours et elle devrait
normalement, selon notre cheminement critique, se terminer à la fin de
ce mois.
M. le Président, voici une vue rapide et à vol d'oiseau de
ce qu'on nous a demandé de faire, de la façon dont nous
procédons pour remplir notre mandat, de ce que nous avons accompli
à ce jour et, enfin, de ce que nous anticipons faire au cours des
prochains mois.
M. LE PRESIDENT: Merci, M. Mineau. Est-ce que les collègues ont
des questions à poser à M. Mineau?
M. LESAGE: J'aurais voulu, peut-être, demander à M. Mineau
de nous donner un peu plus de détails sur le travail déjà
effectué et les résultats obtenus, s'il y en a, par
l'équipe d'étude dont il nous a parlé en ce qui touche la
préparation du budget par programme et l'étude de la
rentabilité de chacun des programmes.
M. MINEAU: M. le Président, dans ce domaine, l'équipe que
j'ai mentionnée tantôt, composée de fonctionnaires et d'un
conseiller en administration a concentré ses efforts, vers la
détermination de ce qui pourrait être une formule applicable en
pratique pour la budgétisation par programme. Nous avons, je
considère, fait des progrès assez substantiels dans ce domaine.
Il y a eu, la semaine dernière, une réunion du comité
consultatif spécial sur le processus de budgétisation, au cours
de laquelle mon collègue, M. Allard, a fait part au comité de la
formule qui était mise de l'avant par l'équipe de travail, et le
comité est actuellement à y songer, à l'examiner...
M. LESAGE: A la digérer.
M. MINE AU: ... à la digérer. Il y aura sous peu une autre
réunion où nous aurons les commentaires, les réactions du
comité, et là, nous verrons ce que nous pouvons faire. A ce
stade-ci, nous en sommes au niveau des fonctionnaires. Nous travaillons avec
les fonctionnaires du ministère des Finances, de la Trésorerie,
de l'Office de planification économique et l'Ecole nationale
d'administration publique.
M. LESAGE: Comment définissez-vous les programmes? Donnez-moi un
exemple ou deux.
M. MINEAU: Ce mot programme est un des mots qui, je crois, portent le
plus à confusion.
M. LESAGE: De là ma question!
M. MINE AU: Parce que, si on regarde les différents niveaux de
l'activité gouvernementale, on pourrait dire que l'activité
gouvernementale se situe dans quatre ou cinq grands domaines.
M. LESAGE: On peut le diviser comme on veut, c'est pour cela que je vous
pose la question.
M. MINEAU: On peut commencer par les grandes missions du gouvernement,
les domaines; on peut avoir des secteurs importants, ensuite les
activités de chacun des ministères. Quant on parle de programmes,
on peut avoir un programme d'activité dans un ministère, on peut
avoir un programme gouvernemental, c'est-à-dire au niveau
supérieur, au niveau des grandes missions, des grands domaines
d'activité. C'est pour cela que le programme est un terme qui porte
énormément à confusion, et malgré que le
système s'appelle « budgétisation par programme »,
nous essayons, dans la mesure du possible, pour qu'on se comprenne dans le
processus, d'éviter d'employer le mot programme comme tel.
M. LESAGE: Bon.
Alors, ce que vous étudiez présentement, ce que
l'équipe de travail est en train de digérer, pour me servir de
l'expression utilisée tout à l'heure il faut bien que
j'emploie le mot programme, que voulez-vous? est-ce que l'équipe
étudie des programmes qui chevauchent ou qui débordent les cadres
d'un ministère, par exemple?
Comment se fait cette étude?
M. MINEAU: Oui.
M. LESAGE: Est-ce que vous avez l'intention de budgéter pour des
programmes qui dépassent les cadres d'un ministère, par
exemple?
M. MINEAU: Peut-être que M. Lesage devance un peu notre
étude dans ce domaine lorsqu'il parle de la budgétisation de
notre programme.
M. LESAGE: Vous n'êtes pas rendus là?
M. MINEAU: Non. Nous n'en sommes pas au stade des détails. A
l'heure actuelle, nous travaillons à une formule qui permettrait au
gouvernement je parle du gouvernement au niveau supérieur
de faire une allocation des ressources financières dont il dispose en
termes des produits qu'il veut que son activité produise.
M. LESAGE: En termes de rentabilité?
M. MINEAU: Oui. En termes de ce qu'il veut accomplir plutôt que,
suivant la formule actuelle, en termes de ce qu'il veut dépenser.
M. LESAGE: De besoins des ministères?
M. MINEAU: C'est ça. Alors, nous en sommes là. C'est un
projet qui, en somme, regarde l'activité gouvernementale
supérieure et voit dans quelle grande mission, dans quel grand domaine
d'activité, dans quel secteur elle se situe.
M. CHOQUETTE: Oui, mais M. Mineau, à ce niveau-là,
n'êtes vous pas en pleine politique? Le choix des priorités
budgétaires, c'est une décision politique; ce n'est pas, à
proprement parler, du PPBS.
M. MINEAU: Non, vous avez parfaitement raison. Je vous assure que nous
ne sommes pas dans ce domaine du choix politique de ce que doit être
l'activité gouvernementale. Actuellement, nous tentons de définir
des mécanismes qui permettraient au gouvernement de prendre les
décisions politiques qui relèvent de lui.
M. CHOQUETTE: De prendre la décision le plus rationnellement
possible et de clarifier, en somme, les domaines dans lesquels il va
intervenir. Mais, au fond, pour revenir à ce que disait M. Lesage,
n'êtes-vous pas, à l'heure actuelle, en train d'examiner
l'opportunité d'appliquer le PPBS plutôt que...
M. MINEAU: Nous sommes en...
M. CHOQUETTE: Vous êtes entrain de l'appliquer?
M. MINEAU: Nous ne sommes pas en train de l'appliquer, non. Mais, c'est
assez difficile de faire une ligne de démarcation claire et nette entre
l'étude de l'opportunité et, ensuite, l'étude d'une
méthode. En effet, si l'on étudie l'opportunité à
partir des textes, vous allez trouver nombre de textes qui vont être
fortement en faveur de la budgétisation par programme et vous allez en
trouver d'autres qui ne le seront pas. Alors, cela ne sert à rien de
faire une étude purement académique, à partir de textes.
Il faut commencer à travailler le matériel pour voir ce que cela
donnerait en pratique et voir comment on pourrait travailler avec un tel
outil.
M. LESAGE: Mais, est-ce que cela n'a pas été
appliqué aux Etats-Unis, par exemple, est-ce qu'on n'a pas
commencé à l'appliquer en France?
M. MINEAU: Le système lui-même, comme vous le savez sans
doute, a pris naissance aux Etats-Unis.
M. LESAGE: C'est M. McNamara qui l'avait appliqué au
ministère de la Défense, aux Etats-Unis.
M. MINEAU: C'est ça. Depuis l'an dernier, je crois, tous les
ministères américains sont forcés par le bureau du budget
de présenter un budget par programme. Seulement, le fait qu'ils
présentent un budget par programme, cela ne veut pas dire qu'ils
contrôlent leurs dépenses administratives suivant cette formule de
budget-programme. Cela peut être deux choses bien différentes.
Dans certains ministères, on peut exercer un contrôle suivant la
budgétisation par programme. Dans d'autres, cela ne peut pas
fonctionner. Il faut que le contrôle se fasse suivant les unités
administratives, surtout là, où il y a éparpillement
d'unités administratives en termes de régionalisation.
M. LESAGE: Mais, est-ce que des gens de l'équipe ont
étudié sur place, aux Etats-Unis, le fonctionnement de ce
système?
M. MINEAU: Oui, parmi les fonctionnaires, il y en a qui sont
allés voir le système au « Budget Bureau » à
Washington. Les gens de mon équipe sont allés voir le
système qui est en train d'être mis sur pied pour l'Etat du
Massachusetts. Le contrôleur de la Trésorerie aussi, je crois, est
allé voir ce qui se fait dans Iowa.
Nous avons eu ici quatre ou cinq fonctionnaires du gouvernement
fédéral qui sont venus nous parler de l'implantation du budget
par programme au gouvernement fédéral, des problèmes que
cela a comporté en pratique. Egalement, nous avons rencontré les
gens du gouvernement de l'Ontario pour voir où ils en étaient
rendus avec leur projet d'implantation du budget par programme. Nous avons fait
beaucoup de sondages. Nous sommes sortis des textes et des théories pour
aller voir en pratique comment cela peut se réaliser pour éviter,
dans la mesure du possible, que nous commettions ici les erreurs qui ont
été commises ailleurs, pour prendre avantage des erreurs faites
ailleurs et pour essayer de faire plus vite qu'on pourrait le faire
autrement.
M. LESAGE: Considérez-vous comme normal la programmation du
développement économique d'une région donnée
je ne parle pas du BAEQ, je ne parle pas de la région du Bas-du-Fleuve
comme les Alleghanys ou le Nord-Ouest québécois
pour faire plaisir à M. Cliche et que le gouvernement
décide de mettre sur pied un programme de développement
économique, développement des ressources, amélioration ou
création de communications, développement des ressources
humaines, utilisation la plus pleine possible? Evidemment, un tel programme
chevauche les ministères. Est-ce que c'est dans ce sens-là que
vous entrevoyez la programmation, est-ce un cas que vous entrevoyez?
M. MINEAU: Dans un cas comme celui-là, le fait qu'un tel
programme chevauche plusieurs ministères, au sein de chacun des
ministères il y aurait un ou des programmes qui viseraient ce
développement régional et particulier. Mais quand la
consolidation des budgets de chacun des ministères,
préparés par programme, serait faite à partir d'une
codification qui permettrait que ça s'imbrique les uns dans les autres,
là, le programme au niveau supérieur comportera tout ce que le
gouvernement dépense dans ce secteur particulier.
M. LESAGE: Est-ce que le contrôle, à ce moment-là,
ne devrait pas être un contrôle d'ensemble du vaste programme
dépassant les cadres d'un ministère donné?
M. MINEAU: Je crois qu'il a aussi dans ce domaine le problème du
style de gestion du gouvernement Si vous voulez accorder aux ministères
une autorité qui corresponde un peu à la responsabilité
que vous leur confiez, il faut qu'ils aient une certaine latitude dans la
gestion des ressources que vous mettez à leur dis-
position. Avec ce style de gestion-là, il n'est pas possible
d'exercer un contrôle administratif de ces budgets à partir d'une
autorité centrale qui est en haut et qui tient tous les cordons.
Cependant le gouvernement, lui, quand vient le temps de décider à
quoi il veut consacrer les ressources financières additionnelles dont il
dispose à quoi il veut les consacrer l'an prochain, dans deux ou
trois ans là le gouvernement, par le système que nous
sommes en train d'essayer de concevoir, est en mesure de prendre une
décision qui englobe toute l'activité gouvernementale dans un
secteur particulier. Il y a deux niveaux dans la budgétisation par
programme. Il y a la grande question de l'allocation des ressources
financières dont le gouvernement dispose, et cette responsabilité
appartient au gouvernement du moment. Il y a, par en bas, dans les
ministères, la planification de leurs activités à eux en
conformité des objectifs et des grands programmes que le gouvernement a
décidé de poursuivre.
M. LESAGE: Cela devient moins de la planification à ce
moment-là, au sein des ministères, que de l'administration.
M. MINEAU: Oui, mais...
M. CHOQUETTE: M. Mineau, est-ce que l'originalité du
système PPBS n'est pas de donner des critères de
références quant à la rentabilité des
dépenses gouvernementales?
Je veux dire ce que l'on va dépenser dans tel secteur
plutôt que dans tel autre parce que cela a des conséquences, c'est
cela, l'originalité réelle du système. Ce n'est pas
simplement, au fond, de clarifier l'administration, malgré que je ne
méprise pas cet aspect-là des choses, qui est certainement
très important, c'est-à-dire de savoir si, par exemple, tel
ministère accomplit une fonction qui est connexe ou qui chevauche avec
tel autre ministère, et si on ne doit pas, pour des fins
budgétaires, grouper les dépenses des deux ministères.
Cela a sans doute son importance, mais la véritable
originalité du système, c'est comme système de
référence, pour savoir si la dépense est mieux
placée dans tel domaine ou dans tel autre. Est-ce exact?
M. MINEAU: Oui, ce à quoi vous faites référence,
c'est ce qui s'appelle dans le langage du PPBS l'analyse des coûts
bénéfices. Cela, c'est le raffinement ultime de la
budgétisation par programme. Mais, croyez-moi, même au
fédéral, où on est dans le budget programme depuis cinq ou
six ans, on est loin, très loin de l'analyse des coûts
bénéfices. En Ontario, où on est dans le budget par
programme depuis deux ans, on n'y est pas du tout et même aux
Etats-Unis...
M. CHOQUETTE: Aux Etats-Unis, on y est certainement dans certains
ministères.
M. MINEAU: Dans certains ministères, comme le ministère de
la Défense, où M. McNamara, je crois, en 1958, a commencé
ce travail, mais je vous assure que c'est beaucoup plus simple d'en parler que
de faire quelque chose.
M. LESAGE: D'ailleurs, cela dépend quel rendement on attend d'un
ministère de la Défense. C'est cela.
M. CHOQUETTE: Non, mais on compare, par exemple, le rendement du
ministère de la Défense par rapport à celui de la
Santé. Il vaut mieux investir dans des canons plutôt que dans la
recherche sur le cancer. Enfin, c'est caricatural, ce que je dis là,
mais cela se passe passablement à ce niveau-là.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on a d'autres questions à poser
à M. Mineau? Sinon, nous pourrions entendre M. Robert de Coster. Merci,
M. Mineau.
M. MASSE: M. le Président, dans l'exposé de base, il y
avait donc deux secteurs au terme de fonction publique, le secteur de la
structure, et nous avons entendu M. Mineau nous exposer le travail qui se fait
dans ce domaine. Nous avions le deuxième secteur proprement dit de
gestion du personnel.
Le gouvernement a mis sur pied un comité directeur de
réformes dans ce secteur et M. Robert de Coster, qui a des
responsabilités au régime des rentes, a bien voulu accepter notre
demande d'assumer la direction ou la présidence de cette commission.
Nous lui avons demandé d'être à votre disposition pour
faire un exposé du travail de cette commission, de sa
responsabilité et également de répondre S toutes les
questions des membres de la commission.
M. LE PRESIDENT: M. de Coster.
M. Robert de Coster
M. DE COSTER: Merci, M. le Président. Come vous l'a
souligné, il y a quelques minutes, l'honorable M. Masse, le
gouvernement
instituait le 22 juin 1967 une étude préliminaire de la
gestion du personnel au gouvernement du Québec. Cette étude
cadrait fort bien d'ailleurs avec les recommandations contenues dans un
mémoire qu'adressait à l'honorable ministre des Finances et
à l'honorable M. Masse un groupe de hauts fonctionnaires qui
s'étaient individuellement et collectivement intéressés
à la gestion de la machine gouvernementale et qui avaient
recommandé entre autres l'institution d'une étude sur les
structures et pratiques administratives du gouvernement. L'étude
préliminaire de 1967 constituait donc une première étape
importante.
La responsabilité du travail fut confiée à la firme
Urwick Currie. Le mandat peut être résumé de la
façon suivante:
Tout d'abord, inventorier les méthodes et les procédures
utilisées dans la gestion du personnel et en identifier les
déficiences.
Deuxièmement, examiner les programmes de la gestion du personnel
et identifier les déficiences qui résultent de politiques ou de
procédures inefficaces.
Troisièmement, déterminer les besoins de renseignements
pour fin de direction et de décision dans les activités de
gestion de personnel, compte tenu des aspects financiers.
Quatrièmement, préparer à partir des constatations
un plan d'amélioration qui tienne compte des exigences immédiates
et futures pour fins de négociation et des perspectives à long
terme d'efficacité administrative.
Le rapport déposé le 15 décembre 1967 faisait tout
d'abord le diagnostic des malaises dont souffre l'administration du personnel
et explicitait six constatations et commentaires sur la situation
présente.
Ils faisaient ensuite état d'un plan d'amélioration en
deux parties pour en arriver à des recommandations spécifiques.
Il est intéressant d'examiner chacune des constatations car elles
servent de base à l'étude présente.
La première constatation: Il existe une variété de
textes régissant la gestion du personnel qui sont mal
communiqués, méconnus, incomplets et cause de conflits. A titre
d'exemple, les textes régissant la gestion du personnel comprenait, en
1967, cinq lois différentes, des arrêtés
ministériels, des procès-verbaux du Conseil de la
trésorerie, des règlements et des résolutions de la
Commission de la fonction publique, onze conventions collectives, des
directives de la DGRT, des mémos du bureau du contrôleur de la
Trésorerie, des décisions arbitrales de la Commission de la
fonction publique ou autres arbitres et, finalement, des directives propres
à chaque ministère.
Ces décrets étaient émis par sept autorités
différentes. Aucun organisme administratif n'est chargé de la
coordination finale de ces directives non plus que de l'exécution, de
l'interprétation et de l'exercice d'une surveillance dans leur
application. Il devient, évidemment, ainsi difficile d'acquérir
une bonne connaissance des directives. Il se soulève de nombreuses
difficultés d'interprétation. Il se crée des lacunes
importantes dans le développement de politiques et directives. Il y a de
nombreuses disparités et inégalités dans le traitement des
individus et finalement des disparités entre ministères.
En conclusion, il existe donc un besoin urgent d'un manuel explicatif
englobant toutes les politiques et directives sur la gestion du personnel.
La deuxième constatation: Les procédures d'embauche, de
mouvement de personnel et de paie sont lourdes, complexes et ne sont pas
appliquées uniformément. A titre d'exemple encore, il y a cinq
organismes différents impliqués dans la procédure
d'embauche et 33 étapes distinctes. Il en est de même de la
procédure de paie. Ceci a pour effet d'alourdir et de compliquer
inutilement les procédures et pratiques de la gestion du personnel. Nous
ferons état, un peu plus tard, d'exemples des lourdeurs et délais
dans l'embauche, de la difficulté de planification et de certaines
difficultés qu'occasionnent les délais par rapport à la
perte de candidats inscrits aux concours.
En ce qui a trait aux mouvements de personnel, on y note des lourdeurs,
des manques d'uniformité, des manques d'intégration avec les
autres procédures. Quant à la pale, il y avait une grande
diversité de procédures et de systèmes, et des faiblesses,
des lourdeurs de délai et d'inflexibilité et des conceptions
inadéquates.
En résumé les procédures d'embauche, le mouvement
du personnel et de pale ont besoin d'être simplifiés et rendus
plus rapides et d'être uniformisés, intégrés et
mieux connus de tous les usagers.
La troisième constatation: La multiplicité des organismes
compromet l'efficacité administrative. Qu'il nous suffise de noter qu'il
y a neuf organismes à l'heure actuelle impliqués dans
l'administration de la gestion du personnel. En conclusion, il est
nécessaire de développer un moyen plus efficace de planification
et de coordination.
La quatrième constatation: Les besoins d'information sur le
personnel et sur les activités de gestion de personnel sont nombreux,
variés et urgents. Les ministères et organismes ont
besoin d'Informations pour planifier et contrôler les
activités dans la gestion du personnel ainsi que pour des fins de
direction de leur personnel. Les négociations et l'administration des
conventions collectives exigent des informations sur des sujets tels que
l'analyse détaillée de la composition de la fonction publique,
par âge et par durée de service, le nombre et l'identité
des personnes exclues des syndicats, etc. En l'absence d'une approche
unifiée pour la production des renseignements requis, les
ministères et organismes ont développé des systèmes
ad hoc afin de générer une information dont ils croient avoir
besoin, ce qui a résulté dans la création d'un nombre de
fichiers superposés, ce qui a contribué à rendre difficile
l'accès à l'information et qui a rendu quasi inexistante
l'information de base dont les ministères et les organismes avaient
besoin.
En conclusion, dans ce secteur il est évident qu'il y a un besoin
considérable d'informations nombreuses, variées, portant sur des
activités de gestion de personnel et sur le personnel
lui-même.
La cinquième constatation: Le contrôle avant le fait est
une cause d'inefficacité et de perte de contrôle. Les
procédures actuelles d'embauche, de mouvement de personnel et de paye
comportent des vérifications multiples avant la nomination, la mutation,
etc. Plusieurs autres processus, tels que l'avancement et la révocation,
comportent également des vérifications avant que les
décisions prises ne puissent être exécutées dans les
faits. En l'absence de politiques unifiées, claires et bien comprises,
et de renseignements précis et fiables concernant l'application des
politiques, l'examen des cas individuels par les autorités centrales est
devenu le seul mécanisme de surveillance. Ces contrôles avant le
fait, en plus de réduire l'autorité et les moyens
d'exécution des cadres des ministères, présentent des
faiblesses importantes.
En conclusion, il est donc nécessaire de développer des
méthodes qui permettront de révéler les déviations
et de prendre des mesures correctives dès que celles-là
apparaissent et avant qu'elles ne dégénèrent en une
situation difficile et parfois insoluble.
La sixième constatation: Les pratiques orientées vers les
motivations et l'encouragement des individus ainsi que le développement
de l'habileté de gérance sont déficientes. Dans les
conditions idéales, le meilleur rendement serait obtenu du personnel, au
gouvernement comme ailleurs, lorsque les éléments suivants
seraient appliqués: Chaque individu devrait connaître clairement
les tâches particulières qu'il a à accom- plir, ainsi que
les résultats espérés et les critères
d'évaluation qui seront utilisés. Il devrait lui être
donné l'opportunité de faire son travail sans restriction. Son
rendement de travail devrait être évalué en fonction des
résultats espérés et des résultats obtenus qui sont
discutés avec lui afin de déterminer l'assistance et la formation
dont il a besoin. Chaque individu doit recevoir l'aide et la formation dont il
a besoin et chaque individu, enfin, doit être promu et payé selon
ses accomplissements et selon ses contributions à l'administration
provinciale.
En conclusion, encore ici, il est nécessaire de développer
des usages et des méthodes de direction de personnel qui soient propices
à la motivation des individus et rencontrent les besoins des organismes
ou ministères. La correction de ces déficiences constitue une
responsabilité considérable. Il est nécessaire de
procéder d'une façon ordonnée et progressive. Ceci exige
un programme énergique d'améliorations dont nous donnons ici un
bref sommaire. Le rapport suggère donc un plan d'amélioration en
deux parties: La première partie constitue la revision des
procédures d'embauche, de mouvement de personnel et de paye afin de les
incorporer à un seul système pour fins de planification, de
coordination et de contrôle de ces activités. Il faut de plus
combiner la production des formations dans le personnel de la Fonction publique
au système intégré de procédures. Enfin, il faut
assembler, coordonner, rédiger et communiquer à tous les membres
des cadres les personnels et directives portant sur la gestion du
personnel.
Quant à la deuxième partie, le rapport recommande de
donner aux cadres des ministères et aux officiers des agences centrales
le degré d'autorité requis pour l'exercice de leurs fonctions et
d'introduire des pratiques essentiellement orientées vers
l'encouragement du personnel à la réalisation des objectifs des
ministères et du gouvernement.
Si nous faisons le sommaire des recommandations, nous voyons, dans la
première partie, qu'il s'agit d'une revision complète et d'une
intégration des procédures de gestion du personnel et des
systèmes administratifs qui s'y rattachent.
Deuxièmement, la conception et la mise en marche d'un
système d'information et, troisièmement, la coordination, la
clarification et la communication des politiques et des pratiques à tous
les cadres de gérance. Comme deuxième partie des recommandations,
la mise en place d'un organisme central et unique de gestion de personnel et la
mise au point du partage des responsabilités et autorités entre
les ministères et
l'organisme central. Et, finalement, la mise en vigueur, sous forme de
projet pilote, de politiques et de pratiques nécessaires à
l'encouragement des individus.
Cette étude préliminaire de 1967 faisait donc ressortir
clairement le besoin de changements radicaux dans la gestion du personnel de la
fonction publique.
Le rapport, en plus de faire le diagnostic des malaises, a
souligné la nécessité de politiques, de pratiques, de
systèmes nouveaux, axés, d'une part, sur une détermination
précise des besoins en effectifs et sur leur utilisation maximale et,
d'autre part, sur la motivation à l'initiative individuelle.
Le rapport proposait enfin des mesures correctives à court et
à long terme.
Ce rapport, comme je vous le soulignais, a été
déposé en décembre 1967. Dos avril 1968, le gouvernement
autorisait le projet de modernisation de la gestion du personnel de la fonction
publique. Il mandatait, en même temps, les mêmes consultants pour
effectuer le travail et adjoignait à l'honorable ministre
délégué à la fonction publique un comité
directeur chargé de coordonner le travail. Ce comité, que j'ai
l'honneur de présider, est composé en plus de MM. Després,
Bol-duc, Dugas, Grondin et Mineau.
Le projet a un double but, soit, tout d'abord, de concevoir, de mettre
au point et de formuler des politiques, des concepts de base et des
procédés en matière de gestion de personnel, et, comme
deuxième étape, d'intégrer les changements dans la
pratique quotidienne, par la mise en application de procédés
intégrés, d'un manuel de procédés et d'un
système d'information.
La première étape, soit celle de la conception, est
maintenant complétée. Nous entreprenons la deuxième, soit
celle de l'implantation. Nous avons même déjà entrepris des
améliorations immédiates dans certains domaines comme la paie,
l'information sur les cadres, l'annotation, etc.
Le projet est certes considérable. Il comprend de très
nombreux éléments, touche à un très grand nombre de
secteurs d'activités et comprend une infinité de détails.
L'envergure de l'opération a suscité l'adoption d'une
méthode de travail qui procode du général vers le
détail. Nous avons tout d'abord défini l'objectif
général de la gestion du personnel dans l'administration
gouvernementale, soit l'efficacité administrative et la justice.
Nous avons ensuite tenté de dégager une philosophie
générale nouvelle de gestion de personnel. Ici, trois concepts
nouveaux importants ont été identifiés:
Premièrement, un organisme central doit être chargé
de formuler, de coordonner et de communiquer les politiques du
gouvernement.
Deuxièmement, l'autorité et la responsabilité de la
gestion quotidienne doivent être déléguées au niveau
le plus près possible de l'exécution et doivent être
supportées par des pratiques de gestion appropriées.
Troisièmement, cette délégation doit être
accompagnée de mécanismes de surveillance et de contrôle
pour assurer que les plans sont suivis, que les politiques sont
appliquées et que l'information nécessaire à la revision
des politiques est disponible.
Après avoir constaté la nécessité d'une
intervention législative, nous en sommes venus à énoncer
plus spécifiquement les objectifs de la gestion du personnel, les
concepts de gestion intégrée, les politiques de gestion, les
pratiques de gestion, le fonctionnement des systèmes et les
modalités de surveillance et de contrôle.
D'une façon générale, nous visons,
premièrement, une meilleure utilisation des ressources humaines, compte
tenu des priorités du gouvernement.
Deuxièmement, un développement du potentiel humain
disponible.
Troisièmement, la création d'une motivation profonde chez
le fonctionnaire.
Quatrièmement, la participation active de chaque administrateur
à la gérance du personnel dont il a la charge par une
délégation d'autorité et un déplacement rationnel
du niveau des décisions.
Cinquièmement, la cohésion dans les activités de
gestion du personnel et du traitement des employés.
Sixièmement, l'efficacité et la rapidité des
processus et le respect des politiques administratives du gouvernement.
Septièmement, la répartition des responsabilités et
des autorités.
Huitièmement, la création d'une banque de
renseignements.
Neuvièmement, l'utilisation des outils modernes de gestion, et
plus particulièrement de l'informatique.
Pour ce faire, il nous faut assembler, examiner et reconcevoir les
politiques de gestion de personnel, rédiger ces politiques et en assurer
la compréhension par tous les cadres. Examiner et reconcevoir la
distribution des responsabilités entre les ministères et les
organismes centraux, pour assurer que le personnel des cadres ait le
degré d'autorité requis pour la gestion de leur personnel. Fixer
le principe que la délégation de l'autorité pour la
gestion quotidienne se fasse jusqu'au niveau le plus près possible de
celui qui est responsable de la sur-
reillance et de l'exécution du travail. Garantir que cette
délégation est accompagnée d'un mécanisme de
surveillance adéquat pour assurer une application correcte des
politiques et des normes.
Troisièmement, introduire des pratiques essentiellement
orientées vers la mise en valeur et une meilleure utilisation du
personnel.
Quatrièmement, reviser les procédés d'embauche, de
mouvement de personnel et de paie, et les incorporer à un seul
système intégré pour améliorer leur
efficacité et leur validité..
Cinquièmement, enfin, organiser un système d'information
sur le personnel de la Fonction publique pour fins de planification, de gestion
et de contrôle des activités de gestion du personnel et
intégrer ce système aux procédés de gestion.
Nous prévoyons que ce travail devrait durer trois ans et il met
à contribution un bon nombre de fonctionnaires qui nous ont, à ce
jour, effectué des travaux dont nous pouvons dire que nous sommes fiers.
M. Jacques Drouin vous expliquera plus en détail certains des aspects
techniques de l'étude.
M. LE PRESIDENT: M. de Coster, je pense que les membres de la commission
auraient des questions à vous poser. Si vous voulez rester à
notre disposition.
M. LESAGE: J'en aurais quelques-unes et ce sera assez bref, M. de
Coster. Vous nous avez dit que le rapport de 1967 de la maison Urwick Currie
mentionnait qu'il y avait trop de vérifications avant le fait dans
l'embauche. Je crois que c'était la même chose pour la paie. Pour
ne pas chevaucher, je vais prendre le cas de l'embauche. Il faut quand
même un certain nombre de vérifications. On peut simplifier, parce
que moi-même j'ai toujours trouvé cela très lourd.
Mais une chose est certaine, c'est qu'il faut vérifier qu'un
poste est libre, il faut vérifier que le salaire est bien établi,
il faut vérifier que le poste est prévu au budget cela est
essentiel et il faut, avant l'embauche, que la Commission de la fonction
publique donne un certificat à l'effet que la personne est
qualifiée. Ce sont des vérifications essentielles, avant le fait,
qui me semblent bien essentielles. Maintenant, je ne veux pas dire qu'il est
nécessaire que ce soit fait comme c'est fait actuellement par le Conseil
de la trésorerie. Je trouve que cela alourdit énormément
le travail au Conseil de la trésorerie. Cette vérification, avant
le fait, au sujet du salaire, du fait que le poste est libre et qu'il est
prévu au budget, je pense que cela pourrait se faire au niveau du bureau
du contrôleur de la Trésorerie, sans avoir à passer par le
Conseil, me semble-t-il. C'est la Commission de la fonction publique qui
pourrait vérifier les qualifications. Vous ne trouvez pas que c'est
essentiel? Ce sont des choses qui sont essentielles.
M. DE COSTER: Evidemment, il y a un certain nombre d'étapes qu'il
faut franchir, mais le nombre des étapes nous paraît excessif. M.
Drouin vous en fera état un peu plus tard. Mais, dans le domaine de
l'embauche, que vous avez mentionné, il y a 33 centres de
responsabilités.
M. LESAGE: C'est trop.
M. DE COSTER: Dans ce cheminement, les mêmes informations se
recopient...
M. LESAGE: C'est trop.
M. DE COSTER: ... dixfoisetla même transaction traverse neuf fois
le bureau du directeur du personnel.
M. LESAGE: C'est avant d'arriver au bureau du Conseil de la
trésorerie.
M. DE COSTER: C'est cela.
M. LESAGE: C'est cela. Mais cela, je n'en ai pas eu connaissance.
M. MASSE: C'est cela qui prend deux ou trois mois.
M. LESAGE: C'est au sein de chaque ministère que c'est si long
à faire, ces vérifications avant l'embauche.
M. MASSE: C'est long.
M. DE COSTER: C'est le processus qui le demande. La multiplication des
organismes d'abord, et puis la multiplication des contrôles avant que le
fait se fasse. Ce que nous voulons tendre à faire, c'est de restreindre
le nombre des organismes et créer des normes qui devraient être
subséquemment vérifiées de façon que la
vérification et la surveillance se fassent dans le processus
intégré, en déterminant, par le moyen des critères
et des normes, si les politiques gouvernementales sont suivies, si les
directives sont suivies, et en faisant sortir uniquement les exceptions
plutôt que d'imposer une vérification à chaque cas.
M. LESAGE: Comment se faît-il que le dossier doive aller si
souvent chez le directeur du personnel d'un ministère ayant de prendre
le chemin du Conseil de la trésorie?
M. DE COSTER: C'est à cause de ces vérifications
nombreuses, à cause des vérifications qu'exige le
procédé à l'heure actuelle. Pour vous donner une
idée des délais que cela peut encourir...
M. LESAGE: Oui.
M. DE COSTER: ... un échantillon qui a été fait,
indiquait que le résultat des étapes exigeait, en moyenne, 100
jours entre une demande de personnel et l'entrée en fonction de
l'employé lui-même, que le candidat lui-même devait attendre
108 jours entre son inscription au concours et son entrée en fonction,
sans compter le délai de 42 jours pour l'obtention finale de son
chèque.
Alors, tout cela vient d'une série de lourdeurs qui proviennent
en partie de la multiplicité des organismes et en partie des processus
de contrôle et de surveillance. C'est cela qu'il faut, à un moment
donné, essayer de corriger.
M. LESAGE: Lorsqu'une liste d'éligibilité a
été émise par la Commission de la fonction publique, par
exemple pour des commis ou pour des sténographes... Le ministère
a besoin d'une sténographe; disons qu'il y a une liste
d'éligibilité. Alors, le directeur du personnel convoque une
personne dont le nom apparaît sur la liste d'éligibilité.
Il y a une entrevue mais après, il me semble qu'on n'a pas besoin de
multiplier les procédures.
M. DE COSTER: Cela paraît simple, M. Le-sage, mais il y a
certaines...
M. LESAGE: Mais, on n'a pas besoin de multiplier les
procédures.
M. DE COSTER: C'est ce qu'il me semble aussi. Cest la raison pour
laquelle nous essayons de trouver des mécanismes qui nous permettent
d'en arriver à ce que vous suggérez. Mais, à l'heure
actuelle, le système exige cette multiplicité de
procédures.
M. LESAGE: Mais que font-ils en plus, lorsqu'il y a une liste
d'éligibilité?
M. DE COSTER: Bien, là, il y a le rôle...
M. MASSE: C'est ce que nous verrons cet après-midi.
M. LESAGE: Mais, une fois que la liste est établie par la
Commission de la fonction publique, est-ce qu'on a besoin de tellement de
procédures, sauf de faire une entrevue et de vérifier si le poste
est libre?
M. DE COSTER: II y a la vérification des effectifs...
M. BOLDUC: II s'agit d'étapes.
M. DE COSTER: ... la vérification de l'auditeur, la
vérification du Conseil de la trésorerie...
M. LESAGE: Oui, c'est cela. C'est pour cela que je disais que le Conseil
de la trésorerie, on pourrait bien...
M. MASSE: C'est ce que nous allons préconiser.
M. LESAGE: Parce que cela alourdit terriblement.
M. CHOQUETTE: Entre-temps, la fonction est abolie.
M. BERTRAND: C'est cela. C'est envoyé sur le carreau.
M. LESAGE: Ce qu'il y a de pire, d'après l'expérience que
j'ai eue, c'est que la lourdeur de la procédure nous a fait perdre
d'excellents candidats.
M. BERTRAND: ... L'avenir semble meilleur.
M. PICARD (Dorchester): Une période de 150 jours, c'est...
M. LESAGE: Cela nous fait perdre d'excellents candidats.
M. BERTRAND: Messieurs les membres...
M. CHOQUETTE: M. De Coster, à partir des carences qui ont
été constatées dans l'administration gouvernementale,
jusqu'à quel point votre comité a-t-il fait des recommandations
précises pour remédier à cet état de choses?
M. DE COSTER: Nous avons, à l'heure actuelle,
complété la première phase qui est celle de la conception
des politiques, des pratiques et des processus. Non seulement nous faisons des
recommandations, mais, à compter de maintenant, c'est le
procédé de l'implantation qui com-
mence. Il y aura des recommandations spécifiques lorsqu'une
décision gouvernementale devra être prise, lorsqu'une mesure
législative devra être adoptée, mais nous commençons
dès maintenant l'implantation d'une série
d'améliorations.
M. CHOQUETTE: De quel ordre sont les recommandations qui seront
implantées?
M. DE COSTER: II y a une amélioration immédiate en ce qui
concerne la paie, en ce qui a trait à la notation du personnel et
à l'information sur les cadres supérieurs. Ce sont des projets
immédiats qui peuvent être mis en pratique maintenant, sans
préjuger des décisions gouvernementales.
M. CHOQUETTE: Je présume que l'objet de la notation du personnel
c'est d'apprécier les qualités du fonctionnaire pour des
promotions futures, n'est-ce pas?
M. DE COSTER: Oui, c'est d'évaluer le fonctionnaire
lui-même par la comparaison des résultats espérés
qui lui auront été communiqués avec les résultats
obtenus, discutés avec lui.
La base, c'est l'appréciation non seulement pour une
question de promotion, non seulement pour une question de salaire d'un
individu au cours de sa carrière comme fonctionnaire.
M. CHOQUETTE: Quelle formule spécifique recommandez-vous pour
l'appréciation des fonctionnaires au plan individuel?
M. DE COSTER: II y a une formule de notation qui, à l'heure
actuelle, est élaborée, qui est passée par un
système de consultation et qui doit être mise en vigueur
prochainement.
M. CHOQUETTE: Mais, qui va noter les fonctionnaires? Ce sont leurs
supérieurs dans chacun des ministères suivant leur...
M. DE COSTER: Son supérieur immédiat.
M. CHOQUETTE: Son supérieur immédiat ou un comité
de supérieurs?
M. DE COSTER: Tout d'abord, son supérieur immédiat,
après une entrevue avec l'individu lui-même. Cela ne se fait pas
en vase clos; cela se fait par le supérieur immédiat avec son
subalterne.
M. CHOQUETTE: Mais, est-ce que le systè- me de notation que vous
préconisez est un système de notation à période
fixe, je veux dire, par exemple, à tous les trois mois, à tous
les six mois?
M. DE COSTER: A période fixe.
M. CHOQUETTE: Je crois que, dans ce domaine, il est
particulièrement important de faire en sorte qu'il y n'ait aucun
arbitraire dans le domaine de la notation.
M. DE COSTER: C'est ce que nous essayons de faire.
M. CHOQUETTE: Quelle précaution prenez-vous dans le
système pour éviter justement l'arbitraire?
M. DE COSTER: Les précautions que nous prenons sont les
suivantes: d'abord, nous voulons que l'individu connaisse très bien les
modalités de sa tâche et les résultats que nous
espérons de lui.
En somme, il s'agit de lui communiquer ces objectifs, de lui communiquer
les résultats espérés. C'est la première
étape.
La deuxième est de comparer avec lui les résultats qui
auront été obtenus dans une discussion, une entrevue
bilatérale. Cette entrevue est consignée dans un questionnaire ou
dans une formule prédéterminée et non seulement
l'annotateur, mais l'Individu noté lui-même indique ses
réactions à la notation. Si, évidemment, il y a communion
d'idées, à ce moment cela n'ira pas plus loin; mais s'il y a
divergence d'opinions, cela suivra l'échelle normale du supérieur
jusqu'au sous-chef.
M. CHOQUETTE: M. De Coster, je ne comprends pas. Supposons qu'à
tous les trois mois, les fonctionnaires du Québec seront notés au
point de vue de l'assiduité, de l'efficacité au travail, je ne
connais pas les catégories de la notation, vous ne nous les avez pas
dites.
M. DE COSTER: Non. M. CHOQUETTE: Enfin...
M. DE COSTER: Pour vous dire franchement, je ne les connais pas par
coeur moi-même.
M. CHOQUETTE: Mais nous pouvons dire que ce sera sans doute
l'assiduité.
M. BOLDUC: C'est un ensemble de qualités qui sont reliées
au rendement.
M. CHOQUETTE: Oui, justement.
M. BOLDUC: Mais il ne faut pas oublier une chose: la notation se produit
à un moment donné dans le temps. Nous l'Inscrivons sur une fiche,
mais nous notons tout le temps, en fait. Ce sont des jugements de valeur...
M. CHOQUETTE: Non...
M. BOLDUC: ... qui sont portés à un moment donné
dans le temps sur les personnes.
M. CHOQUETTE: Je suis d'accord, mais...
M. BOLDUC: C'est le résultat d'un jugement continu.
M. CHOQUETTE: Non, non. Je suis d'accord qu'évidemment un
supérieur volt son subalterne S la tâche tous les jours. lise
forme un jugement sur lui, soit sur son assiduité, soit sur son
rendement, etc. sur ses qualités de collaboration avec ses
supérieurs, par exemple...
M. BOLDUC: Ses qualités de chef.
M. CHOQUETTE: ... ou avec ceux qui travaillent avec lui. Mais à
un moment donné il s'agit de faire la notation,
précisément, et là Je veux savoir quels sont les
mécanismes que vous prévoyez pour éviter l'arbitraire dans
la notation des fonctionnaires.
M. BOLDUC: Qu'entendez-vous par l'arbitraire?
M. CHOQUETTE: Je veux dire: Est-ce que ce sera M. Untel qui notera M.
Untel, exclusivement? Ou est-ce qu'un consensus d'opinion se formera quant
à la notation du fonctionnaire X par ses supérieurs, et non
seulement par un supérieur?
M. BOLDUC: Le système prévoit que c'est, en principe, le
supérieur de l'individu qui le note et qu'il y a révision par le
second supérieur.
M. DE COSTER: Il y a révision s'il y a divergence d'opinions.
M. BOLDUC: Une sorte de pondération se fait. Mais cela reste tout
de même des jugements de valeur, en partie.
M. CHOQUETTE: Oui, mais il ne faut pas oublier que de cette notation
dépendra tout l'avenir du fonctionnaire en question parce que pour des
promotions éventuelles, on tiendra compte de toutes ces notations
périodiques. Il est donc particulièrement important de faire en
sorte que le système soit le plus juste possible.
M. BOLDUC: C'est pour cela que nous lui avons apporté tant
d'attention avec un comité qui étudie spécialement ce
problème.
M. LE PRESIDENT: Si je comprends bien, M. Masse m'indique que cet
après-midi M. Drouin pourra entrer dans ces détails...
M. MASSE: Les détails de chacun des points.
M. LE PRESIDENT: Cet après-midi, nous pourrons donc
entendre...
M. LESAGE: Est-ce que j'ai bien compris tout à l'heure, M. De
Coster, lorsque vous avez dit que celui qui est l'objet de la notation
collabore à sa préparation immédiate?
M. DE COSTER: Non seulement cela, M. Lesage, mais il collabore d'abord
dans la détermination des modalités de sa fonction et ensuite au
moment de sa notation, celle-ci se fait sur une base d'entrevue. Le
fonctionnaire noté doit lui-même indiquer ses réactions
s'il y a la moindre divergence d'opinions. Evidemment, cette notation est une
notation... S'il y a divergence d'opinions, cela suivra le processus du
supérieur jusqu'au sous-chef.
M. LESAGE: La notation ne se fait pas dans le dos de celui qui en fait
l'objet.
M. DE COSTER: Non, non. C'est la première chose que nous voulons
éviter, et je crois que c'est là la meilleure sauvegarde contre
l'arbitraire. Subséquemment, lors d'un concours ou lors de promotions,
quand le Jury examine l'individu, les jurés ont le dossier.
M. CHOQUETTE: Ils ont le dossier du fonctionnaire.
M. DE COSTER: II y a aussi l'individu qui est là pour le
commenter.
M. LESAGE: Est-ce que l'individu a accès à son
dossier?
M. DE COSTER: L'individu a accès à sa notation au moment
où la notation se fait. L'annotateur doit lui indiquer tous les
éléments de sa notation.
M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on a d'autres questions? Sinon, nous
pourrions ajourner à cet après-midi, deux heures trente, et
entendre M. Jacques Drouin. Je regrette, avec la permission des membres de la
commission, cet après-midi M. Masse pourrait présider car je
présiderai une séance du conseil des ministres.
(Fin de la séance: 12 h 5)
Reprise de la séance à 14 h 37
M. MASSE (président de la commission permanente de la
Présidence du conseil): A l'ordre, messieurs!
Nous avons voulu analyser, ce matin, l'ensemble de la situation afin de
situer un instrument nécessaire de cette réforme
envisagée, soit le ministère de la Fonction publique. M. de
Coster, en fin de matinée, a présenté le système du
projet de modernisation de la gestion du personnel. M. Jacques Drouin,
maintenant, nous exposera la nature du travail, partant, tout d'abord, à
l'aide d'exemples, de la constatation de la situation actuelle, puis tentera
d'analyser d'où viennent ces faiblesses du système actuel pour
enfin nous faire voir les concepts qui régiront cette réforme de
la gestion du personnel.
Nous entendrons ensuite les différentes personnes ou les
différents groupements qui ont demandé à être
entendus à cette commission. M. Drouin.
M. Jacques Drouin
M. DROUIN: Pour faire suite aux propos de M. de Coster sur les origines
du projet de modernisation de la gestion du personnel, et pour situer la nature
des travaux qui ont été entrepris au sein de ce projet,
j'aimerais revenir au point de départ et illustrer une des constatations
qui a été discutée ce matin en choisissant un rouage
administratif typique dans le contexte actuel.
Prenons, comme nous en avons discuté ce matin, le rouage du
processus d'embauche, comme exemple type des différents processus qui
sont en oeuvre dans le contexte actuel de l'administration.
On a illustré le processus d'embauche à l'aide d'une
espèce de labyrinthe dans lequel un individu s'engage pour être
embauché au gouvernement.
Evidemment, on a fe.it état des faiblesses de rouages semblables
en discutant ce matin de la multitude des organismes impliqués, de la
lourdeur des 33 étapes à franchir, des 108 jours d'attente pour
le candidat, des 100 jours d'attente pour son patron, des 42 jours d'attente
pour obtenir le premier chèque de paie.
Je n'ai pas l'intention de revenir plus en détail sur ces
différents aspects puisqu'ils ont été discutés ce
matin, mais je voulais quand même ramener cet exemple comme un rappel de
la situation actuelle puisque ce processus illustre bien l'ensemble des
méthodes qui ont actuellement cours dans la fonction publique.
Ce processus fait bien ressortir l'origine ou
les causes des faiblesses qui existent et qui tiennent, à notre
sens, au concept actuel de gestion qui prévaut dans la fonction
publique.
Ce concept actuel de gestion peut être illustré à
l'aide du schéma suivant où on observe dans différents
casiers plus ou moins bien cloisonnés, les politiques
générales du gouvernement, les conventions collectives,
l'organisation, la formation et le perfectionnement, le budget, le
contrôle, la paie, la retraite, la planification des effectifs, les
mouvements de per-sonnel. Ces cloisonnements sont dus au fait que ces secteurs
d'activité relèvent de différentes autorités ou
encore qu'on ait confié à différentes autorités le
contrôle de certaines portions de ces activités. C'est cette
dernière raison qui fait que bien souvent, on accorde une importance
indue au contrôle, cas par cas, du déroulement dans chacun de ces
secteurs, faute d'une compréhension du processus global.
Dans un contexte comme celui-là, il est également
impossible, par exemple si on parle en termes de planification d'effectifs, de
concevoir une planification qui réunirait dans un tout le budget
d'effectifs, l'embauche, les mouvements et la formation du personnel. Or, un
processus de planification rationnel devrait d'abord partir des besoins de
l'administration en terme d'effectifs et, à partir de cette analyse des
besoins, développer les meilleurs moyens de combler ces besoins. Or, les
alternatives sont diverses. On peut ou bien développer le personnel en
place, on peut le réaffecter, ou on peut recruter de l'extérieur.
Il est évident qu'un processus de planification qui n'incluerait pas ces
trois aspects serait déficient.
Pour remédier à cet état de choses, nous avons
proposé un nouveau concept que nous avons appelé un concept de
gestion intégrée du personnel. Ce concept, illustré dans
notre schéma, indique tout au haut les politiques
générales du gouvernement, ses programmes, ses priorités,
ses objectifs, les conventions, la réglementation, les structures, la
classification, comme l'ensemble des politiques ou des intentions
gouvernementales qui gouvernent les activités de gestion de
personnel.
A gauche, on observe ce que nous avons appelé les pratiques de
gestion de personnel et que nous avons regroupé sous cinq têtes de
chapitres principaux: la planification des effectifs d'abord; l'embauche;
l'évaluation du rendement ou la notation; les mouvements de personnel;
la formation et le perfectionnement. Ce sont les pratiques de gestion de
personnel.
Au centre, nous avons voulu montrer les outils ou les systèmes de
gestion de personnel. Nous avons montré ici le système de
surveil- lance et d'information, le système de paie, le système
de mise à la retraite.
Dans un cadre tel qu'il est exposé, un organisme unique devrait
planifier et établir la politique dans chacun des secteurs des pratiques
de gestion, à savoir la planification, l'embauche, la notation, les
mouvements, la formation. Le même organisme devrait utiliser le
système de surveillance qui est un outil de travail pour surveiller
l'application de ces politiques dans différents secteurs, application
qui serait faite par les ministères, évidemment.
Dans un tel cadre, les décisions quotidiennes à
l'intérieur des politiques définies par l'organisme central
reviennent au gestionnaire, à l'administrateur en place. L'organisme
central devrait obtenir une rétroaction sur les décisions
quotidiennes qui ont été prises, une analyse à partir du
système d'information qui devrait revenir à l'organisme central
et aux agences de contrôle financier pour fins de surveillance de
l'application, de la refonte, de la revision des politiques existantes ou des
corrections des situations normales.
Il est à remarquer qu'au niveau des outils de gestion, ou des
systèmes, une administration de la dimension de celle qui nous
intéresse justifie l'utilisation de l'informatique et d'ordinateurs pour
mécaniser les contrôles et fournir l'information tant à
l'organisme central qu'aux ministères respectifs.
Maintenant, l'implantation d'un tel schéma devra requérir
trois choses:
Premièrement, que la philosophie de gestion qui prévaut
actuellement soit revisée, d'abord en remplaçant la multitude des
organismes par un seul, et en donnant à celui-ci un rôle de
planification et de surveillance au lieu d'un rôle d'opération ou
de contrôle au jour le jour.
Deuxièmement, en augmentant le pouvoir de décision de
l'administrateur dans le cadre des politiques centrales établies.
En deuxième lieu, il faudrait que de nouvelles pratiques de
gestion du personnel soient établies pour répondre à cette
philosophie-là. Donc, de nouvelles pratiques dans les cinq secteurs que
nous avons mentionnés. Troisièmement, il faut que des
systèmes modernes qui répondent aux besoins soient conçus
et mis en oeuvre pour améliorer l'efficacité du processus.
Pour faire référence aux propos de M. de Coster qui
parlait, ce matin, du projet de modernisation, c'est précisément
pour en arriver à la conception de nouvelles pratiques en accord avec
cette philosophie et à de nouveaux systèmes pour répondre
aux besoins que le projet de modernisation de la gestion du personnel a
été mis sur pied. Le comité directeur a été
formé
et un certain nombre d'équipes de professionnels de la fonction
publique ont été mises au travail pour concevoir les nouvelles
pratiques et les nouveaux systèmes. Ces équipes comptent,
à l'heure actuelle, quelque 40 professionnels à plein temps, qui
oeuvrent sous la surveillance du comité directeur que nous avons
mentionné. Ces différentes équipes ont entrepris les
actions suivantes, dans les différents secteurs que nous venons de
mentionner.
D'abord, au niveau de la planification des effectifs, il a
été admis que les effectifs requis par l'administration tant en
quantité qu'en qualité ne peuvent être établis sans
une planification rationnelle des activités gouvernementales. Une
méthode basée sur l'établissement d'objectifs
gouvernementaux a été proposée comme solution aux
problèmes de planification. Ces modalités particulières
sont présentement développées pour combler les besoins
spécifiques de l'administration en matière d'effectifs.
Essentiellement, la méthode repose sur l'établissement
d'objectifs et de priorités pour les programmes gouvernementaux, sur la
détermination de normes d'évaluation des besoins de personnel
pour les différents types d'activités et sur l'évaluation
des volumes d'activités prévues, à partir desquelles les
besoins de personnel et leur organisation peuvent être établis.
Cette méthode aura pour avantage de rationaliser les décisions
gouvernementales dans l'allocation des ressources aux divers programmes,
d'affecter à leur exécution les ressources requises en
quantité et qualité et d'assurer que ces décisions seront
respectées. Le tout se soldant par des économies substantielles,
par une meilleure utilisation de ces ressources et par une réalisation
plus efficace des programmes.
Ces propos recoupent ceux tenus par M. Mi-neau quant à la
budgétisation par programme. Dans le domaine des effectifs, il est
évident que la méthode idéale serait de relier les
effectifs et leur organisation à un budget par programme.
Maintenant, nous avons cru bon de définir tout le processus
à partir de l'établissement des programmes jusqu'au plan de
recrutement et de mouvement de personnel. Cependant, il ne serait pas
nécessaire d'attendre que tout ce processus soit mis en branle pour en
implanter dès maintenant certaines portions, notamment, quant à
l'évaluation des effectifs, quant à l'équation qu'on peut
faire entre les volumes et les types d'activités, la quantité et
la qualité d'effectifs dont on a besoin.
C'est précisément dans ce but-là que le groupe
SEMA, qui est un autre groupe de travail ayant une interrelation avec nous, a
été mis sur pied, a fait un premier travail d'analyse des
effectifs dans les différents ministères et il travaille
parallèlement à l'établissement de méthodes
d'évaluation des effectifs pour accomplir les différents types
d'activités.
Alors, c'est le premier secteur où du travail a été
accompli. Nous en sommes maintenant à avoir une méthode
complètement documentée à partir des programmes jusqu'aux
plans spécifiques annuels de personnel. Nous en sommes, cette
année, à choisir un certain nombre de ministères pilotes
pour implanter certaines portions de ce processus-là.
Au niveau de la décentralisation de l'autorité, toutes les
activités de la gestion du personnel sont en voie d'être
restructurées en vue de traduire, dans les faits, la nouvelle
philosophie de gestion adoptée. Les politiques pour les
différents secteurs de la gestion du personnel sont établies de
façon à permettre graduellement de donner aux gestionnaires
l'autorité sur les décisions au jour le jour. Ceci pourra se
faire au fur et à mesure que les nouvelles normes seront
appliquées et que les nouveaux mécanismes de surveillance seront
utilisés et rodés. Le nouvel organisme central pourra
éventuellement jouer pleinement son rôle normatif et de
surveillance dans les diverses procédures telles que l'embauche, les
mouvements de personnel, etc.
Au niveau de la motivation et du rendement, la planification des
opérations, en apportant des objectifs de rendement, la
décentralisation d'autorité, en donnant l'autorité au
gestionnaire de prendre des décisions sur ses subalternes, vont
constituer les deux pivots de l'amélioration de la motivation et du
rendement.
Ces deux conditions vont être complétées par la mise
en place d'un nouveau processus d'évaluation du rendement, basé
sur les résultats anticipés et sur l'autorité du
gestionnaire de prendre action. Ces mesures seront complétées par
des nouvelles politiques d'affectation, de rémunération et de
formation.
Des actions ont également été entreprises au niveau
de la simplification des procédures: le remplacement des
autorités multiples ayant présentement affaire aux
procédés de gestion du personnel par une seule autorité,
la décentralisation de l'autorité quotidienne le plus près
possible du niveau de l'exécution et la mise en place de systèmes
informatiques modernes pour traiter les transactions vont permettre de
simplifier grandement les procédures actuelles, d'éliminer la
paperasse et les délais tout en favorisant un traitement rapide,
efficace et uniforme de tous les individus.
Par exemple, le procédé d'embauche va être
réduit de 100 à 14 jours; celui de la rémunéra-
tion, de 42 à 7 jours; l'évaluation durendement et la
promotion seront contrôlées rigoureusement pour avoir lieu
régulièrement à la date anniversaire de l'entrée en
fonction. Tous les secteurs d'activités seront contrôlés
pour être conformes aux plans d'effectifs.
Finalement, au niveau de la mise en place d'outils modernes de gestion,
la gestion des quelque 50,000 employés de l'Etat implique des volumes
d'activité considérables et une grande complexité. La
planification, la gestion et la surveillance de toutes ces activités,
tant au niveau de l'organisme central qu'au niveau des ministères
individuels, vont être facilitées par la mise en place de
systèmes informatiques de grande envergure et qui feront usage des
dernières techniques du traitement de l'information.
Sera mis sur pied le système d'information de la direction sur
toutes les activités de gestion qui sera destiné X combler les
besoins de l'organisme central et des ministères. Ce système
reposera sur la constitution de dossiers sans trop de personnel et sur
l'automatisation des contrôles d'activités, tels que les
contrôles des respects du budget, des effectifs, etc.
Il sera complété par un système d'extraction
sélective d'informations contenues dans la banque centrale. Ce
système sera intégré à des systèmes
automatisés, destinés à mettre à jour les dossiers
du personnel, 2 rémunérer les individus et à
préparer la mise à la retraite.
Pour situer ce travail dans le temps, mentionnons que les équipes
sont à l'oeuvre depuis un an à peu près. La phase
d'élaboration des concepts fondamentaux est complétée; de
ces concepts est ressortie la nécessité d'implanter quelque 52
mesures distinctes. De ce nombre, cinq sont en voie de mise en oeuvre, dix
autres le seront pour le 1er avril prochain et les autres le seront d'ici un an
et demi à deux ans.
Ce bref exposé complète la présentation que Je
voulais faire de la nature du travail entrepris au sein du projet de
modernisation de la gestion du personnel, projet qui vise, quelles que soient
les structures, àaméliorer l'efficacité et
l'équité dans l'administration du personnel de l'Etat.
M. MASSE: Y a-t-il des membres de la commission qui auraient des
questions à poser à M. Drouin?
Au nom des membres de la commission, je remercie M. Drouin des
explications concernant ce projet de modernisation de la gestion du
personnel.
Je demanderais maintenant à Me René Le-tarte, qui est le
premier sur la liste des gens qui ont demandé la parole, de venir
exposer son point de vue. Celui qui va demander la parole devra identifier
clairement le groupe au nom duquel il prend la parole.
M. LETARTE: M. le Président, messieurs les membres de la
commission, je représente la Corporation des psychologues qui est
incorporée en vertu du chapitre 110 des Statuts du Québec. Les
observations que nous avons à faire au nom de l'Association des
psychologues concernent en particulier l'article 56-B relatif au travail que
peuvent faire les fonctionnaires ou certains diplômés sur le temps
qui leur appartient, c'est-à-dire en dehors des heures normales de
travail.
Les représentations qui seront faites éventuellement par
le comité interprofessionnel du Québec qui groupe
l'ensemble des chambres professionnelles du Québec sur l'article
56-C, c'est-à-dire sur l'appartenance nécessaire à un code
d'éthique de chaque chambre professionnelle, sont endossées
à 100% par l'Association des psychologues que je représente.
C'est à partir de ces représentations, que d'avance nous faisons
nôtres, que nous voulons en faire nous-mêmes sur l'article
56-B.
Tel qu'il est conçu, l'article 56-B, qui a pour effet de limiter
la pratique professionnelle à un seul employeur, dans l'optique des
psychologues va à la fois un peu trop loin peut-être, parce qu'il
brime la liberté des individus, et pas assez loin de par son texte.
Si l'on examine d'ailleurs les dispositions de 56-B, l'on y voit que
seule l'activité professionnelle des individus est susceptible d'une
certaine prohibition. Et si j'ai bien compris les exposés que nous avons
eus ce matin, et plus particulièrement celui de monsieur le
président, le but recherché est un but d'efficacité et de
justice, c'est-à-dire que l'employé fonctionnaire puisse faire
bénéficier entièrement la société qui
l'emploie, donc le gouvernement, de ses talents et de son initiative.
Or, si l'on veut réellement rejoindre une certaine
efficacité, disons que ce n'est pas uniquement en fonction de la
dualité d'intérêts ou de conflit possible
d'intérêts qu'il faille envisager la situation, mais aussi en
fonction de la disponibilité de l'individu. En somme, que ce soit comme
psychologue, médecin, avocat, notaire, ingénieur ou à
quelque raison que ce soit, que je fasse un travail professionnel ou un autre,
si ce travail a pour effet de me rendre moins disponible pour la
société qui m'emploie, je considère qu'à ce
moment-là, je ne suis pas employé à temps complet du
gouvernement ou de la fonction publique. C'est dans ce sens-là
d'ailleurs que je soumets respectueusement que l'article ne va probablement pas
assez loin, qu'il ne fait que
s'objecter à une catégorie bien particulière
d'activité.
Si, étant psychologue, je fais du travail de recherche le soir en
psychologie, soit pour l'université ou un autre organisme qui n'est pas
gouvernemental, ou si je suis barman, chauffeur de taxi ou quoi que ce soit, le
résultat le lendemain pourra être le même au point de vue de
la rentabilité de mon travail, de l'efficacité de mes
fonctions.
Par contre, je dis que cet article va beaucoup trop loin et cela
précisément dans l'optique des psychologues, parce qu'il a
principalement pour effet d'empêcher la liberté de l'individu
d'occuper ses loisirs. Evidemment il n'est pas question, et là-dessus,
nous sommes tous d'accord, je pense, d'accepter qu'un individu fasse du travail
personnel sur ses heures de travail, évidemment non. Pas question non
plus de le placer dans une situation qui pourrait amener un conflit
d'intérêts. Personnellement je ne croirais pas acceptable ou
admissible qu'un comptable affecté à la perception des
impôts rédige, durant ses loisirs, des déclarations
d'impôt pour des particuliers. Il y a là une dualité
d'occupations qui n'est pas admissible en administration normale.
Mais d'un autre côté, et parlant encore davantage pour les
psychologues, compte tenu de la situation qui existe actuellement au
Québec, compte tenu du fait que, sur un effectif d'environ 500 membres,
un pourcentage de peut-être 20% est affecté directement à
la fonction publique et indirectement par les autres secteurs (et par autres
secteurs j'entends médecine, enfin santé, éducation,
bien-être) cela veut dire que le secteur privé se trouve
jusqu'à un certain point presque entièrement démuni. Si
l'on accepte l'article 56-B tel qu'il est rédigé, on se trouve,
dans le secteur privé, presque complètement démuni des
services des psychologues durant des heures que je crois leur appartenir.
Je pense que ce serait une erreur que de limiter le travail des
psychologues ou des autres professionnels à un travail pour un seul
employeur, pour autant qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre le
travail qu'ils effectuent le soir ou enfin dans leurs heures de loisirs et
celui qu'ils effectuent aux heures qui appartiennent à l'Etat. Dans cet
esprit, nous avons cru devoir suggérer un texte un peu différent
à l'article 56-B qui tienne compte de deux origines différentes
de cette prohibition du travail à l'extérieur. D'abord, parce que
cela existe dans le cas de certaines chambres professionnelles, il faut tenir
compte de la réglementation interne, réglementation qui, de par
la loi, est le voeu et la décision du lieutenant-gouverneur en
conseil.
Alors, il faut tenir compte, en premier lieu, de cette
réglementation qui existe, qu'il s'agisse du Barreau ou de la
Coorporation des psychologues ou d'autres. Deuxièmement, il faut tenir
compte d'abord et avant tout et presque uniquement, si vous voulez
de l'incompatibilité des fonctions.
Sans doute, me direz-vous, il s'agit là d'une question de fait,
susceptible d'engendrer un certain nombre de conflits. Je suis,
évidemment, d'accord, mais je pense que, par la même occasion, il
serait tris facile de prévoir un mécanisme d'arbitrage
exécutoire, obligatoire je ne croirais certainement pas,
personnellement, aux grèves dans ce genre de décisions-là
ou bien un simple recours aux tribunaux afin de déterminer si,
dans telle situation, il existe, oui ou non, une incompatibilité
quelconque.
Nous suggérerions donc que l'article 56-B se lise plutôt
comme suit, en ajoutant, au début du paragraphe, les mots suivants:
« En sus des règlements pertinents de la corporation
professionnelle intéressée. » Cela afin de tenir compte des
réalités qui existent à l'intérieur de chacune des
chambres professionnelles. Qu'on continue le texte tel qu'il est, mais qu'on
dise à la fin: « D'assumer une activité professionnelle ou
autre.»D'après les exposés que nous avons entendus ce matin
et cet après-midi, c'est l'efficacité que l'on
recherche.Cependant, d'autres activités que les activités
professionnelles peuvent nuire énormément à
l'activité du fonctionnaire à ses heures de travail. On parle
donc d'une activité professionnelle ou autre qui est incompatible avec
les fonctions exercées pour le compte du gouvernement ou de l'organisme
dont il est sous-chef ou fonctionnaire.
Le dernier paragraphe de l'exposé de M. le Président, ce
matin, nous parle d'une première étape vers un plus vaste projet.
On peut, jusqu'à un certain point, sans, évidemment,
préjuger des intentions des législateurs, prévoir le
moment où cette loi ou des dispositions analogues pourront s'appliquer
à ce que j'appellerais le secteur secondaire de l'administration
publique, si vous voulez. Ce secteur recouvre les régimes hospitaliers,
le régime d'éducation ou de bien-être. Je crois qu'il n'est
pas illogique de s'imaginer que, dans un avenir plus ou moins rapproché,
ces dispositions s'appliqueront aussi aux autres employeurs paragouvernementaux
dont nous avons parlé ce matin.
Alors, dans cette optique, la Corporation des psychologues est d'avis
qu'il serait utile, pour les fins de la société en
général, de permettre l'exercice de l'initiative, même
professionnelle, d'un individu pour autant qu'il n'existe pas de conflit.
Un autre argument, d'ailleurs, sans ouvrir des plaies, je pense qu'il
est juste d'admettre que, dans certains cas, on se plaint du fait que certains
professionnels, à partir du moment qu'ils accèdent à la
fonction publique, cessent précisément d'être en relation
avec la pratique quotidienne, avec la pratique privée qui,
jusqu'à un certain point, peut donner beaucoup. Nous voyons des
médecins, par exemple, qui ont été médecins toute
leur vie jusqu'au moment où ils deviennent fonctionnaires, donc
administrateurs, et qui cessent d'envisager les problèmes
médicaux en fonction de la médecine ou en fonction du patient,
inondés qu'ils sont par les problèmes de l'administration.
Or, dans le cas des psychologues, cette affirmation-là est encore
plus vraie. C'est que si presque tous les psychologues sont engagés dans
le secteur public et que, par une décision du législateur, ils
sont complètement enlevés du secteur privé, en fait, de ce
contact quotidien ou hebdomadaire, si vous voulez, avec une science, qui, tout
de même, évolue rapidement en 1969, à ce moment-là,
on établit une caste ou un groupe de ce que j'appellerais
peut-être des demi-professionnels, c'est-à-dire des
professionnels, des psychologues qui sont complètement coupés de
la réalité, de la science qui est la leur.
Je pense, d'ailleurs, à cette déclaration que nous
entendions ce matin où, dans l'étude des problèmes qui ont
amené des rapports comme ceux que nous avons entendus, nous avons vu le
souci du gouvernement de s'associer non seulement des gens de
l'Intérieur, mais aussi des gens de l'extérieur. C'est une des
choses, disons, qui m'avaient frappé ce matin, et j'y ai vu à ce
moment-là le souci du gouvernement de voir des experts des milieux tant
pratiques que théoriques ou des milieux de la pratique tant
privée que publique se réunir ensemble, dans le but d'essayer de
résoudre un certain nombre de problèmes d'actualité. Et
reportant cette décision qui a été prise à ce
moment-là par le gouvernement dans le contexte actuel, je me dis que si
l'on prend des psychologues, des professionnels, et qu'on les sort
complètement du milieu dans lequel ils doivent garder et conserver leur
même discipline, leur discipline intellectuelle, à ce
moment-là, on en fait des professionnels à part, des
professionnels complètement sevrés des sources d'alimentation et
des sources de perfectionnement qui sont nécessaires.
Je pense, d'ailleurs, à celui des psychologues qui serait
engagé dans le secteur de la santé, par exemple, et qui se
verrait couper de la même façon la possibilité
d'éducation. Pourquoi? Parce que l'article, tel que libellé,
l'em- pêche de faire toute autre chose que son travail pour le
gouvernement. Et je crois que, surtout dans le domaine des psychologues, cela
serait se priver réellement des avantages que peuvent amener le
perfectionnement, l'initiative et un contact quotidien avec des
réalités pratiques. Je vous remercie, M. le Président.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Me Letarte, je vous remercie. Je crois
maintenant qu'un porte-parole du Barreau du Québec a demandé
à être entendu.
M. GAGNON: M. le Président, mon nom est Claude Gagnon. Je
représente cet après-midi le Conseil interprofessionnel du
Québec. Je suis aussi bâtonnier du Québec, mais je tiens
à faire remarquer que les représentations que nous
désirons vous faire sont faites collectivement au nom du Conseil
interprofessionnel du Québec.
Je désire souligner ici la présence à mes
côtés de plusieurs représentants des corporations membres
de ce conseil. Je ne voudrais pas les nommer, de peur d'en oublier. Je voudrais
simplement dire que nous présentons ce mémoire après
étude au niveau interprofessionnel, au nom des corporations qui sont
membres du conseil. On vous remet à l'instant une feuille
séparée qui donne la liste des vingt chambres professionnelles
membres du conseil ainsi qu'un mémoire. Et vous pourrez constater
à la lecture de cette première page, sans qu'il me soit
nécessaire de les énumérer, quelles sont les chambres
professionnelles qui font partie de ce conseil.
Qu'il me suffise de rappeler que le conseil représente 20
chambres professionnelles groupant pris de 30,000 professionnels. On mot,
simplement, sur ce qu'est le conseil interprofessionnel. Eh bien, c'est une
corporation qui a été constituée en 1965 et dont le but
est d'assurer d'abord la liaison entre ses membres, et aussi d'assurer la
représentation commune sur des problèmes d'intérêt
public ou qui concernent le bien du monde professionnel. Le but de notre
intervention, M. le Président, c'est de vous faire des
représentations, de vous faire des suggestions relatives à
l'article 31 du bill 23, et particulièrement à cette partie de
l'article 31 qui a pour but d'inclure dans la loi de la Fonction publique un
nouvel article, le 56-C. C'est l'article auquel Me Letarte
référait il y a un instant et qui a pour objet de soustraire les
professionnels fonctionnaires à la juridiction disciplinaire des
chambres professionnelles. Vous me permettrez d'abord de faire très
rapidement un exposé de la situation actuelle.
D'abord, les chambres professionnelles sont assez nombreuses. On en
retrouve les lois constitutives aux statuts refondus de 1964 et
particulièrement aux chapitres 246 à 270. Le conseil que je
représente ne compte pas parmi ces membres toutes ces corporations mais,
tout de même, je crois qu'il faut examiner le problème dans son
ensemble. J'ai fait la revision de ces statuts et j'ai constaté que la
très grande majorité des chambres professionnelles ont le pouvoir
d'adopter des règlements pour le maintien de l'honneur et de la
dignité de la profession et de ses membres. Certaines lois sont plus
précises et, en plus de ces pouvoirs d'ordre général, les
lois accordent de façon spécifique le pouvoir d'établir un
code d'éthique ou des règles d'éthique
professionnelle.
Une particularité qu'il est sans doute utile de noter, c'est que,
dans un grand nombre de cas, et particulièrement quand cela regarde les
professions dont le nombre des membres est le plus considérable, ces
règles ou ces codes d'éthique sont soumis à l'approbation
du lieutenant-gouverneur en conseil. En d'autres mots, la valeur
législative de ces règles émane du lieutenant-gouverneur
en conseil. Dans un cas particulier c'est le cas de l'Institut des
comptables agréés eh bien, le législateur a
adopté une formule différente. Au lieu d'exiger l'approbation des
règles d'éthique, le législateur a réservé
au lieutenant-gouverneur en conseil un droit de désaveu. Dans la plupart
de ces cas les cas dont je viens de mentionner il y a, comme
formalité additionnelle à la validité des règles
d'éthique, la publication dans la Gazette officielle. Les lois
constitutives dont j'ai parlé donnent, dans la majorité des cas,
juridiction soit au conseil de la profession, soit à un organisme
disciplinaire qui est spécialement constitué à ces
fins.
Dans certains cas, comme, par exemple, dans le cas des dentistes, dans
le cas des optométristes et dans le cas du notariat, la loi
prévoit que l'organisme dirigeant pourra nommer des inspecteurs dont la
fonction sera d'assurer, de vérifier l'observance non seulement des
règlements de la corporation professionnelle, mais aussi l'observance du
code d'éthique en question.
En plus, dans d'autres professions, la loi crée la fonction de
syndic. C'est le cas, par exemple, des arpenteurs, des notaires et du Barreau.
C'est là, dans les grandes lignes et résumée de
façon générale, la situation actuelle dans l'ordre de
l'éthique professionnelle et de l'administration de la discipline au
sein des corporations professionnelles.
Maintenant, il faut peut-être noter, au début et ce
serait là notre première observation que,
nécessairement, par la nature même des fonctions qui appartiennent
à l'une ou l'autre des professions, les codes d'éthique varient.
Nous croyons qu'il n'est pas possible d'écrire ou de rédiger un
seul code qui pourrait convenir à toutes et chacune des professions.
Les codes d'éthique sont basés, dans le cas des
corporations professionnelles, non seulement sur l'expérience
accumulée des professionnels dans leur domaine particulier, mais aussi
sur la nécessité et sur le désir d'établir des
règles de comportement qui sont plus sévères que les lois
générales et qui correspondent aux besoins du milieu dans lequel
les professionnels exercent et de l'acte professionnel qu'ils sont
appelés à poser.
Je crois que l'on se méprendrait fortement si, dans ce domaine de
la discipline, on parlait de privilèges. Au contraire, je soumets, M. le
Président, que les règles d'éthique des professions
s'ajoutent aux principes généraux de la loi et qu'elles sont
imposées afin d'assurer, dans l'exercice d'une profession, le meilleur
standard d'intégrité possible.
Je dirais aussi, dans le même ordre d'idées, qu'à
notre humble avis, l'existence de ces codes d'éthique est dans une large
mesure la raison d'être ou l'une des raisons d'être les plus
importantes des professions. En fin de compte, s'il n'y avait pas de codes
d'éthique auxquels nos membres étaient assujettis, nous croyons
que nous nous exposerions à une détérioration de la valeur
du professionnel.
Maintenant, en tenant pour acquis que les fonctionnaires professionnels
étaient soustraits à la juridiction de leur chambre
professionnelle, nous nous posons bien des questions, M. le Président.
Nous nous demandons d'abord: Par quoi faudrait-il remplacer les codes
d'éthique qui existent, de façon que tel code d'éthique
au singulier ou au pluriel puisse se conformer aux règles
qui existent actuellement?
Nous nous demandons aussi, en toute déférence, si c'est le
gouvernement ou l'administration en général qui est le mieux
placé pour s'acquitter de cette tâche qui est extrêmement
difficile. De plus, est-il dans l'intérêt public que le
gouvernement, dans le désir tout à fait louable et tout à
fait légitime d'exercer ses droits de gérance en toute
plénitude, en vienne, par le truchement de ces règles
d'éthique, à un contrôle de l'acte professionnel?
Nous nous demandons aussi, dans l'éventualité d'un code
d'éthique établi pour la fonction publique, de quelle
façon on pourrait en assurer l'observance tout à fait objective.
Nous ne dou-
tons pas, encore une fois, de la bonne foi et du désir de
l'administrateur public de remplir, dans ce domaine comme dans les autres, tout
son devoir. Mais nous croyons qu'il pourrait arriver des cas où, par
exemple, on rencontrerait des conflits d'intérêts
sérieux.
Devant le projet qui nous est soumis, nous ne pouvons pas nous
empêcher, M. le Président, de nous demander quelles sont les
raisons qui ont motivé l'inclusion de cet article dans le projet de loi.
Si l'expérience passée a démontré des
problèmes particuliers, des problèmes précis qui, dans
l'opinion du gouvernement, n'ont pas été réglés
dans le meilleur intérêt public, eh bien, nous disons au nom du
Conseil interprofessionnel que nous sommes prêts à les examiner et
à étudier avec le gouvernement la possibilité, par une
discussion ouverte, d'une solution qui pourrait être moins draconienne
et, nous le croyons, plus conforme à l'intérêt public.
Comme je le disais tantôt, il n'est pas question pour nous de
contester les droits du gouvernement comme employeur. Nous reconnaissons qu'un
administrateur responsable doit exercer ses pouvoirs de gérance et nous
tenons pour acquis que le professionnel fonctionnaire, comme d'ailleurs tous
les autres fonctionnaires, sera assujetti, de toute façon, à une
procédure relative à ses griefs qui sera compatible avec le plein
exercice de ses droits. Mais nous soumettons que c'est faire une erreur que de
réduire la question de l'éthique professionnelle uniquement
à une considération ou à la relation
patron-employé.
Nous soumettons que cette question dépasse largement les cadres
de la simple gérance du personnel ou de la gestion du personnel. Vous me
permettrez peut-être, M. le Président, d'illustrer ma
pensée sur ce point par quelques exemples. Si le professionnel de la
fonction publique, à un moment donné, posait un acte qui serait
dérogatoire, selon l'expression consacrée, et si cet acte causait
préjudice à son employeur, il est tout à fait
légitime et tout à fait raisonnable que le gouvernement, en
l'occurrence, puisse prendre contre son employé les mesures
disciplinaires qu'il croit nécessaires. Ceci n'est aucunement
contesté. D'ailleurs, je serais fort surpris si l'on pouvait citer des
cas, porter à notre attention des cas où l'une ou l'autre chambre
professionnelle se serait immiscée dans un problème
d'éthique qui concernait exclusivement le gouvernement et
l'employé professionnel.
Mais il peut y avoir d'autres cas. Comme, par exemple, le médecin
qui exerce dans une unité sanitaire, qui traite un patient c'est-
à-dire un tiers et qui pourrait, à l'occasion de l'acte
professionnel médical, poser un acte contraire à l'éthique
à l'égard du patient. On pourrait aussi considérer le cas
du procureur de la Couronne qui violerait le code d'éthique relativement
à sa conduite à l'égard de l'accusé ou à
l'égard du tribunal. Nous soumettons que ce n'est plus strictement un
problème gouvernement-employé. A ce moment-là,
l'intérêt d'un tiers est en jeu et dans d'autres cas,
l'intérêt public peut aussi être en jeu.
Nous soumettons respectueusement, et en toute déférence,
qu'avec la meilleure volonté du monde, la personne responsable de
l'administration d'un code d'éthique au sein de la fonction publique
pourrait fort bien se trouver placée dans un conflit
d'Intérêts. Ainsi le médecin qui, dans une unité
sanitaire, commet un acte dérogatoire à l'égard d'un
patient peut exposer le gouvernement, par exemple, à une
réclamation en dommages. Dans d'autres cas, il peut y avoir des
problèmes où la personne contre qui la plainte est portée
a agi sur l'ordre d'un supérieur. Nous soumettons que dans ces cas, le
gouvernement pourrait ne pas être libre d'agir en toute
objectivité. Nous croyons que non seulement la profession ce qui
est bien secondaire parce que la profession ne peut avoir sa raison
d'être qu'en autant qu'elle sert le public mais aussi le
gouvernement pourrait avoir intérêt dans des cas de ce genre
à ce que la question soit départagée, à ce que le
problème soit jugé par quelqu'un qui n'est pas directement
impliqué dans le problème.
C'est pour ces raisons principales, M. le Président, que nous
désirons enregistrer notre opposition à l'article 56 du bill qui
est devant nous. Nous croyons qu'en définitive cette disposition
législative n'est pas de nature à servir les meilleurs
intérêts du gouvernement de la province.
Elle est de nature à créer nécessairement une
détérioration de la qualité du professionnel et de
créer, par exemple, comme disait, il y a un instant, Me Letarte, deux
catégories de professionnels, une qui est liée par un code
d'éthique, et une autre qui n'est pas liée par le même code
d'éthique. Nous croyons que, dans tel cas, l'intérêt public
serait mal desservi.
Je voudrais, avant de terminer, ajouter peut-être deux
considérations à ce problème. Il y a aussi un
problème additionnel. L'article 56c a pour effet de soustraire le
fonctionnaire professionnel à toute juridiction disciplinaire de sa
chambre. Cela veut dire, par voie d'implication, qu'à un moment
donné, le gouvernement pourrait destituer un de ses fonctionnaires pour
un acte grave dans l'exécution de ses fonctions
et qu'à ce moment-là, la chambre professionnelle, n'ayant
aucune juridiction en la matière, serait absolument incapable d'agir
à son endroit. Ce qui veut dire que, de la façon dont la loi est
actuellement rédigée, la personne en question serait
révoquée de la fonction publique et que, malgré cela, la
chambre professionnelle serait obligée de la garder dans ses rangs et
elle ne serait pas capable de sévir contre cette personne, en aucune
façon.
Il y a peut-être aussi un problème additionnel. Je ne sais
pas si, dans quelque mesure, ceci a pu jouer ou affecter, disons, les
considérations du gouvernement sur la question mais peut-être le
gouvernement, par exemple, s'inquiète-t-il de la confidentialité
de certains documents. Peut-être pourrait-on être porté
à s'inquiéter du fait que lors d'enquêtes disciplinaires
concernant les membres de la fonction publique, un comité
d'enquête ou un comité de discipline pourrait tenter, pour
examiner pleinement la question, de forcer un témoin,
représentant de l'Etat, à dévoiler certains écrits,
certains documents que, dans l'opinion du ministre, il n'est pas
d'intérêt public de divulguer.
Je soumets que, sur cette question, si réellement on s'interroge
ou on s'inquiète sur ce point, le code de procédure civile et
l'article 308, qui s'appliquent nécessairement en l'occurrence, couvrent
entièrement la question. Nous citons cet article dans notre
mémoire: Dans les cas où un fonctionnaire est appelé
à dévoiler certains faits, ou à déposer certains
documents, telle production peut être empêchée par
1'affidavit du ministre à l'effet qu'il n'est pas de
l'intérêt public de divulguer tel document ou tel fait.
Nous croyons donc que, même si les chambres professionnelles
gardent le contrôle qu'elles ont sur la discipline de leurs membres, le
gouvernement peut quand même, dans cette occurrence, protéger ce
qu'il croit être d'intérêt public.
Nous suggérons respectueusement que si l'article proposé
était amendé, le gouvernement serait le premier perdant et qu'en
fin de compte, les fonctions disciplinaires qu'exercent les chambres
professionnelles sont très onéreuses et très difficiles,
onéreuses à tout point de vue, non seulement au point de vue
financier. Les chambres professionnelles exercent leur discipline, non pas par
plaisir, mais parce qu'elles considèrent que c'est un devoir.
Nous soumettons respectueusement que, dans le contexte d'aujourd'hui,
c'est encore elles qui sont les mieux préparées et les mieux
placées pour agir objectivement dans ce domaine.
Je vous remercie, M. le Président.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie, Me Gagnon. Maintenant,
à moins que la CSN et la FTQ aient des objections, Je ferais la
suggestion d'entendre tous les organismes ou tous les porte-parole qui ont des
revendications à présenter concernant le même sujet,
c'est-à-dire les articles 56b et 56c et nous reviendrons pour d'autres
points.
Est-ce que tout le monde est d'accord?
M. DALPE: M. le Président, nous avons des commentaires à
faire au sujet de l'article 56.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Pour la CSN? Pour cet article
spécifique? Alors nous allons nous entendre immédiatement
là-dessus.
M. DALPE: Sur ce sujet précis nous allons demander au
confrère...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Est-ce que vous pourriez vous nommer?
M. DALPE: Paul Dalpé, vice-président de la CSN.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Merci.
M. DALPE: Pour les besoins de notre représentation, nous allons
demander à notre confrère Jean-Guy Rodrigue, qui est
président de la Fédération des ingénieurs des
cadres, de s'en charger.
M. RODRIGUE: M. le Président, je tiens à souligner d'abord
que la fédération que je représente, la
Fédération des ingénieurs des cadres du Québec,
affiliée à la CSN, regroupe 19 syndicats qui représentent,
en tout, environ 25 corps professionnels.
Nous avons examiné le projet de loi qui est devant nous
aujourd'hui et nous avons les remarques suivantes à faire.
Au sujet de l'article 56 b) qui, en fin de compte, exige
l'exclusivité du service des professionnels pour le gouvernement, nous
suggérons, dans un mémoire qui a été
présenté au premier ministre, d'ajouter, au début de
l'article, une phrase qui, à notre sens, lui donnerait plus de
souplesse. L'article tel que rédigé actuellement nous
apparaît beaucoup trop rigide. Nous sommes d'avis que le ministre
concerné devrait pouvoir autoriser un professionnel à exercer ses
fonctions à l'extérieur s'il juge que les raisons ou les motifs
invoqués sont suffisants.
Je vous donne un exemple: il y a un certain nombre de professionnels,
employés du gouver-
nement, qui donnent soit des cours du soir ou des cours de jour à
l'université, et cela avec l'accord des autorités
concernées.
Avec l'article tel qu'il est rédigé dans le bill 23, il
nous apparaît que même un ministre ou les autorités
supérieures du gouvernement ne seraient pas en mesure d'autoriser une
personne, à donner des cours, ou à exécuter d'autres
travaux qui peuvent être dans l'intérêt du gouvernement,
même s'ils ne sont pas exécutés pour lui d'une façon
directe.
Dans notre mémoire, nous suggérons d'ajouter les mots:
Sauf autorisation contraire de la part du ministre concerné, il est
interdit à tout sous-chef, fonctionnaire, etc., d'exercer ses fonctions
à l'extérieur. » Nous croyons que cela rendrait l'article
un peu plus souple et permettrait au gouvernement de tenir compte des cas
particuliers.
M. CLICHE: Avez-vous d'autres exemples à nous donner que le cas
de l'enseignement?
M. RODRIGUE: Non, je n'en ai pas à l'esprit.
M. CLICHE: Alors ça s'appliquerait aux enseignants?
M. RODRIGUE: Ce sont des professionnels qui travaillent pour le
gouvernement et qui donnent des cours soit à l'université ou des
cours du soir ailleurs.
M. CLICHE: Oui mais l'article dit: « Exercer sa profession
». Alors il faut qu'il ait la profession d'enseignant pour qu'on puisse
lui défendre, lui interdire d'enseigner.
M. RODRIGUE: Disons que c'est une nuance. Disons qu'à notre sens,
un ingénieur forestier qui donnerait des cours en génie forestier
exerce sa profession.
M. LESAGE: Non, je ne crois pas que l'on puisse dire ça. Je ne
crois pas que l'avocat qui donne un cours à l'université exerce
sa profession.
M. RODRIGUE : Mais en fin de compte l'exercise d'une profession, c'est
assez vaste, c'est polyvalent pas mal. Par exemple, un ingénieur civil
peut avoir diverses spécialités. Vous en trouvez un peu partout.
Alors c'est la même chose pour une foule de professionnels. Ce sont des
gens qui ont une formation et qui, après ça, prennent leur
expérience dans la pratique quotidienne.
Je vous cite un cas que je connais assez bien: des ingénieurs
à l'Hydro-Québec qui ont travaillé sur des lignes de
transport à 735KV ont été appelés par l'Ecole
polytechnique, entre autres, à donner des cours spécifiquement
sur ce point-là. C'étaient des spécialistes mondiaux, il y
a quelques années, dans ce domaine. Il pourrait se trouver que des
professionnels au gouvernement, qui ont eu à faire des recherches dans
un domaine bien précis, soient appelés par l'université
à aller faire part des connaissances acquises à d'autres
professionnels. Dans ce sens-là il m'apparaît qu'ils exercent leur
profession.
M. LESAGE: II est clair que ce que j'appellerai la sauvegarde que vous
suggérez d'ajouter éviterait bien des
ambiguïtés...
M. RODRIGUE: Y a-t-il d'autres questions?
M. LESAGE: ... comme celles qui se créent. La question est de
savoir si un avocat qui donne un cours à l'université aux
étudiants en droit exerce sa profession à ce moment-là?
J'ai vu le sénateur Flynn sourire, d'un sourire interrogatif, lorsque
j'ai affirmé que je ne croyais pas qu'il exerçait sa profession
à ce moment-là. Un hochement de tête significatif,
M. FLYNN : Disons que la tradition était que cela faisait partie
de l'exercice de la profession, puisque, régulièrement, les
professeurs sont des professeurs de carrière.
M. LESAGE: Oui, maintenant, ce sont des professeurs de
carrière.
M. FLYNN: Oui.
M. RODRIGUE: En fin de compte, de toute façon, le gouvernement
conserve toujours le contrôle, si on donne le pouvoir au ministre
d'exercer sa discrétion, et il nous apparaît que c'est plus souple
et plus réaliste de l'inscrire comme cela.
J'aimerais poursuivre sur l'article 56 c et vous dire que nous sommes
d'accord avec l'article tel qu'il est proposé par le projet de loi. On a
posé la question, tout à l'heure, à savoir par quoi allons
nous remplacer les codes d'éthique pour les professionnels
fonctionnaires. Ma réponse est par la Loi de la fonction publique et par
les conventions collectives.
Les corporations professionnelles, à mon sens, peuvent et doivent
exister pour les professionnels qui exercent leur profession en pratique
privée. Mais lorsque vous avez affaire à des professionnels
salariés, qui travaillent pour
un employeur qui, lui, a la responsabilité publique, à ce
moment-là, les codes d'éthique, d'après moi, ne
s'appliquent plus et n'ont aucun sens, parce que c'est l'employeur
lui-même qui, vis-à-vis du public, est responsable des produits
qu'il met sur le marché ou des services qu'il rend. Cela va
également pour le gouvernement et pour les services qu'il rend.
L'individu n'est pas responsable personnellement. Alors, les codes
d'éthique pour les professionnels salariés, à mon sens,
sont absolument inapplicables. C'est pour cela que nous sommes d'accord avec
l'article de loi tel qu'il est proposé.
M. CHOQUETTE: M. Rodrigue, pourrais-je vous poser une question? Vous
dites que la Loi de la fonction publique et les dispositions de la convention
collective remplaceraient les règles d'éthique de chaque
profession dans le cas des fonctionnaires employés du gouvernement. Par
conséquent, vous semblez admettre implicitement qu'on devrait incorporer
aux règlements gouvernementaux ou aux conventions collectives ces
règles d'éthique-là.
Croyez-vous que c'est réaliste de penser dans ces
termes-là?
M. RODRIGUE: Non, je ne pense pas qu'on doive incorporer les codes
d'éthique à la loi, sauf que, dans une administration comme le
gouvernement, vous n'avez pas, d'une part, un professionnel qui rend un service
et, en face de lui, un client qui n'est pas en mesure d'évaluer d'une
façon précise la valeur du service qui lui est rendu, sinon par
l'effet qu'il en subit. Mais, il n'est pas en mesure, d'une façon
concrète, de savoir si le service qui lui est rendu lui coûte trop
cher, s'il n'y aurait pas eu des solutions plus commodes, par exemple, des
solutions moins coûteuses. C'est pour cela que les codes d'éthique
existent, c'est pour protéger les personnes qui ne sont pas en mesure
d'évaluer la valeur du service qui leur est rendu, des clients
privés.
Mais au niveau du gouvernement ou d'une administration publique ou d'une
compagnie, vous avez toute une hiérarchie, et un ingénieur ou un
professionnel qui propose une solution à un proglème voit
immédiatement cette solution-là examinée, discutée
et critiquée par d'autres professionnels de son entourage. Finalement,
ce qui ressort de tout cela n'est pas un acte personnel, mais un acte
collectif. C'est pour cela que je dis que les codes d'éthique ne
s'appliquent pas dans les grandes entreprises.
M. CHOQUETTE: Que pensez-vous de l'argument qui a été
soulevé par Me Gagnon, que l'employeur est en mesure d'exercer une
sanction immédiate contre son employé professionnel qui a fait un
acte répréhensible, mais que, d'un autre côté, il ne
peut pas le suivre? L'employeur pourrait renvoyer un professionnel qui aurait
posé un acte répréhensible, mais ce
professionnel-là, automatiquement, retourne à la vie
privée. Par conséquent, la sanction de l'employeur ne suit pas
l'employé comme professionnel même vis-à-vis du public,
même si l'acte est très contraire aux règles de
l'éthique. Comment disposez-vous de cet article-là?
M. RODRIGUE: Je ne pense pas en cela que les professionnels devraient
être traités différemment des autres employés du
gouvernement.
Si un employé commet un acte répréhensible et est
démis de ses fonctions, congédié, il me semble que la
sentence est suffisamment sévère et que ça ne doit pas le
suivre toute sa vie.
M. LESAGE: Si c'était un acte dérogatoire par un
médecin, par exemple, un acte grave par un médecin ou par un
avocat, évidemment, c'est la suspension qui serait l'arme effective.
Mais elle n'est plus possible.
M. RODRIGUE: Je vous avoue que, dans le cas des médecins, il
m'apparaît qu'ils rendent un service qui est très personnel
à des clients ou à des individus. J'accepterais peut-être,
dans mon optique à moi, de faire une distinction. Evidemment, les cas
que j'ai à l'esprit sont surtout des cas où vous avez une
équipe d'ingénieurs, d'arpenteurs-géomètres,
d'ingénieurs forestiers, etc., qui ne rendent pas un service à
une personne donnée, mais plutôt à une collectivité
ou qui le rendent en groupe. L'acte du médecin est plutôt un acte
personnel. Disons que j'accepterais de faire une distinction assez facilement
dans ce cas-là.
M. LESAGE: Les notaires?
M. RODRIGUE: Peut-être. Médecins, notaires, avocats posent
des gestes à l'égard d'une personne, d'un individu.
M. LESAGE: Parfois. Pas toujours.
M. RODRIGUE: S'il n'y a rien d'autre sur l'article 56c, j'aimerais
poursuivre. Nous recommandons, dans le mémoire que nous avons soumis,
d'ajouter un article que nous pourrions nommer 56 d et qui, à mon sens,
serait la conséquence logique de ce qui est inscrit à l'article
56 c. Il aurait pour effet de soustraire les professionnels à l'emploi
du gouvernement de l'obli-
gation d'appartenir aux corporations professionnelles pour exercer leur
profession au sein du gouvernement. Je m'explique. Les professionnels, au
Québec, sont des diplômés d'universités ou
possèdent des diplômes, parfois d'universités de
l'extérieur, mais dans la plupart des cas des diplômes
d'universités québécoises qui sont sous l'autorité
du gouvernement, les corporations professionnelles ne leur apportent rien de
plus au plan des connaissances. Pourtant, pour exercer sa profession, il faut
appartenir à la corporation professionnelle, quel que soit le service
que celle-ci peut rendre. Ceci nous paraît être un peu abusif comme
pouvoirs des corporations vis-à-vis des professionnels qui sont des
salariés travaillant pour une entreprise ou pour le gouvernement. A ce
moment-là...
M. LESAGE: Vous ne concevez pas la corporation professionnelle comme
ayant un très grand rôle à jouer pour la protection du
public, à ce moment-là.
M. RODRIGUE: Pour les professionnels qui exercent leur profession dans
la pratique privée, oui. Pour ceux qui exercent leur profession en tant
que salariés d'une corporation publique ou privée, non.
M. LESAGE: Je vous avoue que l'article 56 d que vous suggérez me
fait craindre certains abus. Il va encore plus loin que ce que vous disiez
tantôt, parce que même si un fonctionnaire est renvoyé parce
qu'il a commis un acte dérogatoire, un acte qui serait
dérogatoire à la profession de toute façon, non seulement
n'est-il pas susceptible de recevoir des sanctions, comme la suspension, de la
part de son corps professionnel, mais son corps professionnel est obligé
de le réintégrer. Sa récompense, c'est de forcer le corps
professionnel à le réintégrer dans ses rangs.
M. CLICHE: L'admission automatique. M. RODRIGUE: Disons qu'à mon
sens... M. LESAGE: C'est ce que ça veut dire.
M. RODRIGUE: ... si les actes sont graves au point que l'admission
à la pratique de la profession ou au corps professionnel pourrait poser
des problèmes, nous ne verrions certainement pas d'objection à ce
que ça demeure sous le coup des codes d'éthique lors de la
réintégration.
M. LESAGE: Parce qu'il peut y avoir des actes dérogatoires graves
qui ne sont pas des actes criminels.
M. CHOQUETTE: Pour poursuivre votre raisonnement, M. Rodrigue, ne
devrions-nous pas dire que le principe que vous énoncez, vous
l'appliqueriez dans tous les cas où il y a une relation de maître
à employé professionnel? Je veux dire que le principe que vous
énoncez s'appliquerait au niveau du gouvernement, au niveau de tous les
corps publics et même au niveau où un professionnel est à
l'emploi permanent d'un individu ou d'une corporation. Vous comprenez ce que je
veux dire; je veux dire que vous subordonnez entièrement le rôle
professionnel à la relation d'employeur à employé.
Cela me semble aller assez loin.
M. RODRIGUE: En réalité, cela ne fait que répondre
à une situation de fait qui existe dans l'entreprise privée,
entre autres, sur une grande échelle- concernant les professionnels, les
professions à caractère technique, entre autres. Une foule de
personnes exercent des fonctions qui peuvent certainement être
assimilées à l'ingénierie ou à la pratique d'autres
professions à caractère technique dans les entreprises, et qui ne
sont pas tenues d'être membres des corporations professionnelles parce
que, justement, les corporations professionnelles ne sont pas en mesure de
prouver que ces gens-là font du travail qui leur est
réservé par la loi. C'est extrêmement difficile, dans le
domaine technique, de prouver qu'un travail donné est
réservé par la loi.
D'ailleurs, vous vous souvenez sans doute des représentations de
la Canadian Manufacturers Association en 1964, je crois, lorsqu'on a
étudié le bill 98, la Loi des ingénieurs. C'était
dans ce sens-là. Là-dessus, nous étions d'accord. Ce n'est
pas possible. En fin de compte, l'entreprise a la responsabilité
publique, ce n'est pas l'individu.
M. CHOQUETTE: Oui, mais je vais vous donner un autre exemple. Supposons
qu'un employeur voudrait inciter un professionnel à son emploi, soit un
médecin, un avocat ou un ingénieur comme vous, par exemple,
à poser un acte répréhensible d'après le code
d'éthique de la profession. Je pense que cet employé-là,
à ce moment-là, aurait parfaitement le droit et même le
devoir de refuser de poser l'acte en question. Si vous me dites que la seule
règle de conduite de l'employé est de dire: Je suis les ordres
qui me sont donnés par mon employeur, là vous tombez dans une
espèce de système où il n'y a presque plus
d'éthique parce que, là, l'employeur peut dicter sa
volonté à son employé.
Mais à partir du moment où vous êtes dans le domaine
professionnel, ce qui fait un professionnel, n'est-ce pas le fait qu'il peut se
refuser à poser cet acte-là même si on cherche à le
lui imposer, justement au nom de l'éthique de sa profession qui
l'empêche de poser cet acte répréhensible qu'on lui
demande?
M. RODRIGUE: L'expérience que j'ai de ces choses-là, pour
en avoir discuté avec de nombreux ingénieurs, autant au
gouvernement que dans les entreprises privées, est que c'est l'individu
qui fait que le code d'éthique s'applique ou non. S'il décide de
refuser de poser des gestes, c'est une décision qui, en fin de compte,
est personnelle et il aura beau avoir recours à sa corporation
professionnelle, il n'y a rien qui empêche la compagnie, le lendemain
matin, de le congédier. Cela devient une décision tout à
fait personnelle, et cela relève de la conscience professionnelle de
l'individu, comme de tout autre employé qui ne serait pas
professionnel.
M. CHOQUETTE: Je suis tout à fait de votre avis, mais c'est pour
cela qu'on a des règles d'éthique.
M. RODRIGUE: En fin de compte, dans les conventions collectives que nous
avons signées, nous avons justement inclus des clauses qui permettent
aux individus de se défendre sur ce plan-là. Mais je vous dis
que, là où il n'y a pas de convention collective qui permette aux
individus de se défendre sur ce plan-là, les codes
d'éthique ne sont d'aucun effet dans la grande entreprise
manufacturière, entre autres, pour en avoir discuté avec de
nombreux ingénieurs qui m'en ont fait part. II y a une distinction
très nette à iaire entre le secteur privé et le secteur
public
M. CHOQUETTE: Nous pourrions donner un exemple dans votre domaine, celui
du génie. On dit, par exemple, qu'il ya beaucoup d'espionnage
industriel, n'est-ce pas? On dit que c'est très répandu. Je
présume que c'est défendu par le code d'éthique et qu'on
ne peut pas faire cela. Mais supposons qu'un employeur veuille inciter un
ingénieur à le faire, c'est bien beau de dire: On va laisser
l'employeur disposer de l'ingénieur professionnel, le laisser lui dicter
sa conduite, mais cela ne règle pas le problème sur le plan de
l'éthique.
M. RODRIGUE: Mais l'existence du code de l'éthique, non plus, ne
règle pas le problème, parce que, si l'ingénieur refuse,
la première chose qui peut lui arriver c'est de se retrouver sur le
carreau le lendemain, code d'éthique ou pas.
M. CHOQUETTE: Non, je suis d'accord. Cela ne règle
peut-être pas le problème dans les faits, tout le temps, mais ce
n'est pas une raison suffisante pour dire qu'on n'aura pas de code
d'éthique.
M. RODRIGUE: D'après ce que j'en sais des réactions des
gens dans l'industrie, la présence du code d'éthique n'apporte
rien de plus pour l'exercice de la profession pour ceux qui sont des
employés d'entreprise.
M. LE PRESIDENT: M. Goldbloom.
M. GOLDBLOOM: M. Rodrigue, vous venez de faire une distinction entre le
secteur public et le secteur privé. Il me semble qu'à l'avenir,
en ce qui concerne la plupart de nos professions, le secteur public sera
appelé à connaître un élargissement et le secteur
privé peut-être un certain rétrécissement.
Je cherche à comprendre ce que vous essayez de nous dire. Est-ce
que vous cherchez à nous dire que le professionnel qui est à
l'emploi du gouvernement peut être gêné dans
l'accomplissement de son travail par le code d'éthique qui existe dans
sa profession ou par des règles qui existent dans le fonctionnement de
la corporation professionnelle à laquelle il devrait normalement
appartenir? Ou est-ce que vous allez plus loin que cela, et est-ce que vous
cherchez a nous dire que, vraiment, il y a des choses à accomplir dans
le secteur public qui ne seraient pas « permissibles » dans le
secteur privé, mais vu que la relation entre employeur et employé
dans le secteur public, ces choses-là devraient être «
permisibles »?
M. RODRIGUE: Je m'excuse de vous avoir lancés sur une fausse
piste, je me suis mal exprimé tout à l'heure, Je voulais
plutôt dire la pratique privée de la profession et la pratique en
tant que salarié. La pratique privée, c'est le fait d'avoir un
bureau d'étude par exemple, d'être ingénieur-conseil ou
médecin, d'avoir un bureau, etc., et de recevoir des clients, de leur
rendre un service personnel par opposition aux services que rendent les
professionnels qui travaillent pour une compagnie, pour le gouvernement ou pour
une autre entreprise.
M. GOLDBLOOM: Mais ce que vous nous proposez s'appliquerait & toutes
les professions
sans distinction. Donc, il faut que ça s'applique au
médecin, à l'avocat, au notaire, à celui qui rend des
services personnels, et cela dans le cadre du secteur public autant que dans le
cadre du secteur privé.
M. RODRIGUE: Enfin, comme Je l'ai mentionné 3 M. Lesage tout
à l'heure, il y a certainement quelques cas qu'il a soulevés qui
mériteraient peut-être de nuancer notre proposition, qui
exigeraient qu'on la nuance. Je dis que lorsque le service est rendu à
un individu qui n'est pas en mesure d'évaluer la valeur du service
rendu, 3 ce moment-là, je crois que les codes d'éthique doivent
s'appliquer, que les corporations professionnelles ont un rôle important
à jouer.
Par contre, lorsque l'individu travaille pour une entreprise qui, elle,
est responsable publiquement, 3 ce moment-là, les codes d'éthique
n'ont plus leur raison d'être.
M. GOLDBLOOM: Je vous soumets que le professionnel Jouit d'une formation
qu'il a acquise pendant de nombreuses années et qui comprend une
formation en matière d'éthique professionnelle, et que si ce
professionnel s'en va travailler dans le secteur public, pour le gouvernement
il n'est pas possible pour lui de nier ni pour le secteur public de lui
nier toute la formation qu'il a acquise au cours de ces années
précédentes.
M. RODRIGUE: Je crois qu'il y a des individus qui ne sont pas des
professionnels et qui ont une conscience professionnelle, et qu'il y a des
professionnels qui ne l'ont pas et...
M. GOLDBLOOM: D'accord.
M. RODRIGUE: ... et c'est une question de conscience personnelle, ce
n'est pas une question d'éducation ou de connaissances acquises à
l'université. A l'université, on acquiert des connaissances, on
acquiert une certaine formation qui nous permet de régler les
problèmes. En fin de compte, c'est toujours une question de conscience
personnelle, pour ce genre de choses, ce n'est pas la formation universitaire
qui fait qu'un individu sort de 13. avec...
M. CLICHE: Cela ne nuit pas. Cela ne doit pas nuire.
M. RODRIGUE: ... Je pense que ça n'ajoute rien.
M. GOLDBLOOM: Et la formation n'est pas uniquement universitaire.
M. RODRIGUE: Non. La famille a beaucoup plus 3 voir que
l'université.
M. GOLDBLOOM: II y a la formation postdiplômée qui est
très importante.
M. RODRIGUE: Oui, je crois que la formation, l'éducation
reçue à tout point de vue, ce n'est pas seulement le fait d'aller
à l'université qui fait qu'un individu va être au-dessus de
la masse et va avoir une conscience professionnelle hors d'atteinte.
M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Dalpé. Maintenant, est-ce que la
FTQ a des représentations concernant cet article 56?
M. DUVAL: M. le Président, il s'agit évidemment d'un
mémoire conjoint et nous faisons nôtres les représentations
qui ont été faites.
M. LE PRESIDENT: D'accord. Je crois maintenant que Me Pothier Ferland...
Si vous voulez vous rendre au bout, là.
ME FERLAND: M. le Président, mon mandat est celui de la
Corporation des ingénieurs du Québec. Cela représente
13,440 membres en ce moment.
Je tiens à le souligner parce que Je pense que, dans cette
ère industrielle et postindustrielle que nous vivons, c'est
sûrement un secteur professionnel à considérer.
Il y a déjà plusieus centaines d'ingénieurs
à l'emploi de l'Etat. Probablement qu'il en faudrait encore plus. Tout
en faisant nôtres les représentations contenues au mémoire
du comité interprofessionnel, nous voudrions ajouter une intervention au
sujet de l'article 30 qui amende l'article 54a, en vertu duquel le
lieutenant-gouverneur en conseil, sur la recommandation du ministre, peut faire
un ou des codes d'éthique en ce qui a trait aux fonctionnaires.
A mon sens, cela permet d'avoir un code d'éthique pour le groupe
de professionnels travaillant au ministère de la Santé, un code
d'éthique pour le groupe travaillant au ministère de la Justice
et ainsi de suite. Il y a déjà les codes d'éthique de la
corporation. Je crains que cela entraîne une certaine pagaille.
L'individu, en tout cas, qui est ou qui sera soumis aux deux, où est-ce
qu'il va donner de la tête tout à l'heure? Cela, on ne le sait pas
du tout. Il va être soumis, sur le plan de sa conscience et de sa
compétence professionnelle, à deux maîtres. Il va
être en état de conflit continuel.
Il faut bien se rendre compte que, sur le plan des professions Je
n'aime pas beaucoup
ce mot-là, mais c'est celui-là qu'il faut employer
c'est l'Etat qui a tous les pouvoirs. Ici, au Québec, contrairement
à ce qui se fait dans beaucoup d'autres Etats, l'Etat
délègue ses pouvoirs à des corporations
professionnelles.
De prime abord, cela peut avoir l'air vieux jeu, parce que le mot date
du Moyen Age, mais je dis, en même temps, que c'est une des meilleures
formules de participation qui soit. Ce rôle, qu'a l'Etat, de voir
à l'éthique professionnelle, ce sont des individus qui y
participent, qui de leurs poches et de leur temps remplissent cette fonction.
Je pense qu'on devrait être content d'avoir une participation, puisque
c'est un phénomène à la mode et qu'on ne devrait pas s'en
priver.
Je voudrais dire, tout de suite, que de l'éthique
professionnelle, cela ne se négocie pas. Je ne comprends pas, moi,
qu'une convention collective puisse établir que tel geste est bon cette
année et qu'il ne sera pas bon à la prochaine convention. Ce
n'est pas en négociation que l'on va établir ce qui est bon et ce
qui n'est pas bon, ce qui est moral et ce qui ne l'est pas. C'est par
l'étude des experts en la matière que vous allez établir
ces règles-là; c'est ce que vous avez fait. Par ailleurs, si
l'éthique est établie par le lieutenant-gouverneur en conseil,
avec tout le respect que j'ai pour lui, il va être obligé d'avoir
recours, s'il s'agit d'avocats à des avocats, s'il s'agit
d'ingénieurs, à des ingénieurs. Cela va revenir finalement
au même, mais avec le risque qu'il y ait des différences entre les
deux codes.
Je ne porte pas de jugement sur le système que nous connaissons
au Québec par rapport à celui qui existe ailleurs. Je le
répète, ailleurs, nous savons que l'Etat exerce lui-même
son pouvoir, quitte à confier à New York, on appelle cela
« The Board of Regents » ou l'autorité du ministre de
l'Education à un groupe de gens qu'il nomme lui-même le
soin de décider quelle est la formation nécessaire à
l'admission à une profession et, ensuite, de surveiller continuellement
l'acte professionnel. Que l'acte professionnel soit rendu pour le
bénéfice d'un individu ou pour le bénéfice d'un
Etat ou d'une société à but lucratif ou à but non
lucratif, anonyme ou connue, je pense que cela n'a pas d'importance. L'acte
professionnel doit toujours être posé avec la plus grande
compétence et la plus grande conscience possible. Or, le seul but
poursuivi par les codes d'éthique, c'est d'assurer la compétence
et la conscience professionnelles constamment, d'abord, au profit du public,
deuxièmement, ici de l'Etat, mais indirectement du public. C'est
ça le but poursuivi.
Si, comme ailleurs, cela est sous la juridiction directe de l'Etat, par
l'entremise d'une personne nommée, je pense que c'est moins
démocratique et que l'influence politique ou l'amitié personnelle
peut jouer plus dans les nominations etc. C'est moins démocratique que
lorsque ce pouvoir est exercé, de façon
déléguée, cependant, par un groupe d'individus qui ont
été élus je représente 13,400 membres
et qui assurent une participation dont vous ne bénéficierez pas
autrement.
J'ai voulu faire la distinction entre les deux systèmes pour
dire, en même temps, que je ne crois pas qu'un mélange des deux
soit bon. J'ai un peu peur que cela tende vers un mélange des deux. Il
me semble que cela serait malsain. En tout cas, nous avons déjà
commencé à connaître les inconvénients qui, à
l'occasion, peuvent résulter d'un tel système. Par exemple, le
gouvernement, par une loi professionnelle décrête que telle
organisation va avoir juridiction en la matière. Après cela, il
lui dit: Vous faites des règlements professionnels; nous,
lieutenant-gouverneur en conseil, nous allons les approuver. Même
après que ces règlements ont été votés par
l'ensemble des membres, comme dans toute association, d'ailleurs, il est
déjà arrivé des cas où ces
règlements-là ont été modifiés sans le
consentement de tous, c'est-à-dire sans avoir été
étudiés par tous. Ils n'ont été
étudiés que par deux ou trois personnes et c'est cela qui nous
fait peur.
Le ministre, ce matin, a parlé en termes d'efficacité.
Tous les travaux que j'ai entendus et qui m'ont fort intéressé,
m'indiquent qu'on a un souci d'efficacité. C'est très,
très louable. Nous sommes entièrement d'accord. Mais cela ne peut
pas se discuter en termes d'efficacité seulement; il faut garder
toujours présents à l'esprit les termes d'intégrité
professionnelle et ne pas sacrifier l'un à l'autre. Cependant, les deux
peuvent se combiner continuellement. On peut travailler au maintien de
l'intégrité professionnelle, sans du tout diminuer
l'efficacité. J'admets qu'un ministre ne peut pas passer sous silence,
à l'occasion, des agissements posés par un de ses fonctionnaires
professionnels, qui ne seraient pas dans la ligne ou dans la politique de son
ministère, alors même qu'ils conviendraient au code
d'éthique de sa profession. Cela peut arriver et cela va faire choc,
bien sûr.
Il nous semble qu'il y a moyen d'obvier à une telle situation par
différents moyens dont l'un serait le suivant: Pourquoi le ministre ou
son délégué ne serait-il pas présent au
comité de discipline de la profession? Il n'y a absolument rien qui
s'oppose à ce que, chaque fois qu'un professionnel fonctionnaire a
commis un acte de dé-
rogatoire, il soit jugé en même temps par ses
confrères de la profession et son patron. A ce moment-là, nous
avons beaucoup plus de chance de trouver entre ces deux pôles qui sont la
profession et l'Etat un commun dénominateur. On va travailler ensemble
plutôt que par le système que vous préconisez, qui ne
marcherait que sur des points de divergence et qui, à l'occasion,
mêlerait tout le monde.
C'est cela, notre proposition principale mais, toujours en ne perdant
pas de vue que Me Gagnon a dit tout à l'heure qu'il y avait à peu
près 30,000 professionnels faisant partie des 20 chambres au nom
desquelles il a parlé, notre chambre à nous compte 13,440
professionnels. Cela fait 43,000 individus qui en ce moment participent
directement et indirectement, pas parfaitement. Mais ce n'est pas en leur
disant: « Ne vous occupez plus de cela », qu'ils vont participer
mieux. Sûrement pas. Voilà les représentations des
ingénieurs.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Me Ferland, je vous remercie. Je crois qu'il
y aurait un porte-parole de l'Institut des comptables agrées. Oui, vous
avez des questions? Excusez, oui, allez, M. Goldbloom.
M. GOLDBLOOM: Me Ferland, M. FERLAND: Oui.
M. GOLDBLOOM: N'est-il pas vrai que, dans le cas de la majorité,
sinon la totalité des corporations professionnelles membres du Conseil
interprofessionnels du Québec, le code d'éthique ne devient
exécutoire, n'acquiert force de loi qu'avec l'approbation du
lieutenant-gouverneur en conseil?
M. FERLAND: Exactement, bien sûr.
M. GOLDBLOOM: Donc, n'est-il pas possible Je ne parle pas de la
phraséologie de l'article en question qu'un professionnel qui se
trouve à l'emploi du gouvernement, soit soumis non seulement au code
d'éthique de sa profession, mais également à certaines
exigences de la fonction publique qui découleraient peut-être de
l'expérience du Protecteur du citoyen, de l'Ombudsman? Il s'agirait
peut-être de refaire cet article, mais n'est-il pas possible qu'il y ait
des exigences de la part de la fonction publique à l'endroit d'un
professionnel qui ne touchent point à l'éthique professionnelle
qu'il doit respecter de toute façon?
M. FERLAND: Tout à fait d'accord. Je pen- se l'avoir dit, tout
à l'heure, pas bien comme vous venez de le faire, docteur, mais, lorsque
j'ai dit que, forcément, un ministre avait le droit d'exiger de son
employé des choses qui viendraient peut-être à l'encontre
de son code d'éthique. Dans ces cas-là, il y aurait
peut-être une autre suggestion à faire pour couvrir tout ceci, un
organisme consultatif, une espèce de conseil d'Etat qui pourrait juger
d'avance ou après coup ou les deux, n'est-ce pas, tous les cas où
ces fonctionnaires professionnels vont avoir le doigt entre l'écorce et
l'arbre. Parce qu'ils ont le maître et la profession. Il ne faut pas les
faire sortir de la profession, parce que vous n'aurez plus le droit, vous, le
gouvernement, de dire: « J'ai engagé un ingénieur et j'ai
engagé un avocat », s'il n'est pas membre de la profession. C'est
vous, qui, pour avoir leurs services, dites à la corporation: «
Désigne-moi qui aura le droit d'être ingénieur ou qui aura
le droit d'être médecin. » Alors, pour qu'il continue par la
suite à être médecin ou à être
ingénieur, c'est le conseil de la profession qui le suit dans ses
agissements. Alors, si c'est un tiers, vous, qui a le droit de dire; «
Bon, bien, tu as maintenant le droit de sortir de ton code d'éthique
», la profession va lui dire; « Tu n'es plus médecin, tu
n'es plus ingénieur. »
Vous n'avez plus le droit, vous, de l'appeler médecin ou
ingénieur. Il faut travailler ensemble et non chacun de son
côté. C'est la suggestion de la corporation.
M. GOLDBLOOM: Et quand il devient ministre?
M. FERLAND: Quand il devient ministre, ce n'est plus un fonctionnaire.
Je me permets de ne pas répondre pour cette raison.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Bien, est-ce qu'il y a un porte-parole de
l'Institut des comptables agréés de Québec?
M. FLYNN: Jacques Flynn. Je représente l'Institut des comptables
agréés. Je serai bref parce que l'institut que je
représente partage, d'une façon générale, les vues
exprimées par Me Claude Gagnon au nom du Conseil interprofessionnel du
Québec en ce qui regarde l'article 56c
Je dois, cependant, ajouter une note toute spéciale qui concerne
l'institut. C'est que son opposition au principe que pose cet article 56c, il
la fait nonobstant l'existence dans sa loi constitutive de l'article 24 qui
réglemente la pratique de la comptabilité et de la
vérification. Le
deuxième paragraphe de cet article 24 se lit comme suit: «
Les comptables et les vérificateurs à l'emploi du gouvernement de
la province dans l'exercice de leurs fonctions ne seront pas assujettis aux
prescriptions de la présente loi. »
Alors, je ne voudrais pas qu'on nous reprochât d'avoir
déjà accepté le principe, premièrement, parce que
je considère que ce qu'on avait dans l'idée au moment où
on a édicté cette prescription n'était pas exactement la
même chose que ce que l'on prévoit à l'article 56c.
Je pense que l'on avait surtout en vue de ne pas exiger que les
vérificateurs et les comptables à l'emploi du gouvernement soient
membres de l'institut. De toute façon, je crois que l'article 56c va
beaucoup plus loin, parce que, décidément, il soustrait les
comptables aux prescriptions du code d'éthique de l'institut. Comme l'a
souligné Me Gagnon, si un employé du gouvernement, un
fonctionnaire membre de l'institut, est destitué, cet article 56c
empêche que cette décision soit sanctionnée par l'institut
qui, comme nous l'avons souligné, serait dans une telle circonstance
obligé de le réintégrer dans ses rangs.
Je crois que le noeud de la question a été bien
noté à plusieurs reprises, c'est que le problème de
l'éthique professionnelle, pour autant que le gouvernement est
concerné, est quelque chose qui dépasse la relation d'employeur
et d'employé. Si l'article 56c ne concernait que la relation entre le
gouvernement et son employé, dans le domaine privé, si vous
voulez, de ces relations, il n'y aurait aucune objection. Si nous pouvions
dire: Vous êtes soustraits aux règlements de l'éthique de
votre profession quand le problème qui vous oppose à votre
employeur n'affecte pas un tiers et n'affecte pas l'intérêt
public, je dirais: Nous sommes d'accord.
M. Rodrigue a justement renforcé, tout à l'heure, ce
qu'avait dit Me Claude Gagnon à l'effet qu'il y a là un conflit
d'intérêts possible. Le gouvernement, comme employeur, peut
être placé dans un conflit d'intérêts, et nous
l'avons bien noté. L'employeur privé peut être
également placé dans cette même situation. M. Rodrigue a
justement cité le cas d'un ingénieur à qui son patron
donnerait l'instruction, par exemple, de faire de l'espionnage, ce qui est
contraire à l'éthique professionnelle. M. Rodrigue dit: Cela ne
regarde que le patron et l'ingénieur à son emploi. Pas du tout.
Cela regarde un tiers et le tiers, dans la situation que préconise M.
Rodrigue, ne serait pas en mesure de se plaindre de ce fait. Le gouvernement
pourrait être dans des situations analogues où il n'aurait pas
intérêt à permettre à un tiers de porter plainte ou
à permettre à la corporation professionnelle, qui a des
responsabilités vis-à-vis du public, d'intervenir.
En d'autres termes, si nous pouvions restreindre l'article 56c à
ce qui concerne les relations privées du gouvernement et de ses
fonctionnaires, il n'y aurait pas d'objection. Mais dès que le tiers,
dès que l'intérêt public, dès que la
responsabilité de la chambre professionnelle est en jeu, nous
considérons que le gouvernement ne doit pas soustraire son fonctionnaire
membre d'une chambre professionnelle aux sanctions du code d'éthique de
cette profession.
En somme, tout est là. Est-ce que l'on peut trouver cette
formule? Je crois qu'on doit certainement la rechercher parce qu'autrement les
conséquences qui ont été envisagées par M. Gagnon
et qui ont été illustrées, je dirais, par M. Rodrigue qui,
pourtant, prêchait de l'autre côté de la clôture, sont
des conséquences très graves qu'il faut à tout prix
éviter.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie, Me Flynn. A moins que la
commission ait objection, je crois que nous pourrions accepter que M. Pierre
Roy remplace M. Mario Beau-lieu comme membre de la commission. D'accord?
Maintenant, la Corporation des conseillers d'orientation
professionnelle.
M. KENNY: Bernard Kenny, pour la Corporation des conseillers
d'orientation professionnelle. M. le Président, la Corporation des
conseillers d'orientation professionnelle n'est pas d'accord avec l'article 56c
et 56b tel qu'il est rédigé. La Corporation des conseillers
d'orientation professionnelle endosse la position du Conseil interprofessionnel
du Québec concernant l'article 56c telle que l'a présentée
Me Gagnon, bâtonnier du Québec. En ce qui concerne l'article 56b,
la Corporation des conseillers d'orientation professionnelle endosse la
recommandation faite par Me Letarte, représentant de la Corporation des
psychologues.
J'ai assez peu de choses à ajouter. Nous croyons que cette
interdiction est trop générale; elle peut priver des organismes
et un nombreux public des services professionnels de personnes
compétentes en orientation professionnelle, personnes qui, tout en
respectant leur contrat de travail, pourraient, dans leur temps libre ou
après entente avec leur chef immédiat, rendre service à la
communauté. Ce que l'on souligne ici, c'est le manque de professionnels
et tout un secteur de population qui n'est pas desservi. Par exemple, en ce qui
concerne les conseillers
d'orientation professionnelle, ceux-ci se regroupent surtout dans les
centres de main-d'oeuvre du Québec ou du Canada, dans les institutions
publiques d'enseignement et dans quelques bureaux privés.
Notre but, en demandant l'amendement de cet article 56b, est de mieux
desservir la société et de répondre au public, dans les
institutions indépendantes, aux nombreux adultes ou encore pour palier
l'insuffisance de certains services publics d'orientation dont les budgets
sont, il va de soi, limités.
Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie. Le porte-parole de la
Corporation des diététistes.
MME CHAMPOUX: Je suis Jeannine Champoux, présidente de la
Corporation des diététistes du Québec. Je suis ici pour
appuyer ce qu'a si bien dit Me Gagnon et soutenu Me Flynn. Nous sommes tout
à fait d'accord.
Nos revendications ou nos représentations auprès du
gouvernement sont sensiblement les mêmes.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie, Mme Champoux. Maintenant,
le porte-parole des registraires, je crois.
M. GAREAU: Vous me permettrez, M. le Président, de
préciser que je ne suis pas le porte-parole des registraires, mais le
regis-traire du Collège des optométristes du Québec.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Bon, d'accord!
M. GAREAU: Souscrivant entièrement aux remarques qui ont
été faites par Me Claude Gagnon, au nom du conseil
interprofessionnel, remarques j'aimerais l'ajouter qui font suite
à des consultations poursuivies auprès des vingt corporations du
Québec, je n'ai aucune observation particulière à ajouter.
Merci.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Très bien. Maintenant, il y a, je
crois, le Collège des médecins et chirurgiens.
M. ROY: Le Collège des médecins et chirurgiens de la
province de Québec. Comme à peu près tout a
été dit sur le sujet, je serai très bref. Le
Collège des médecins endosse entièrement la position du
Conseil interprofessionnel du Québec qui a été
énoncée par Me Claude Gagnon, bâtonnier du
Québec.
En ce qui concerne l'article 56c qui a pour but de soustraire les
professionnels à l'autorité de leur corporation, le
Collège comprend mal l'action proposée par le législateur,
alors qu'il tente justement d'exercer une discipline accrue chez ses membres,
dans le but de protéger le public et de l'assurer d'une bonne
qualité de soins.
Dans le cas d'un médecin fonctionnaire, nous croyons qu'il est
important que les règles de discipline de la corporation s'appliquent
intégralement, car si un tel employé faisait un accroc grave
à ces règlements et était démis de ses fonctions
par le gouvernement ou s'il quittait volontairement, le Collège serait,
ensuite, obligé de l'accepter dans ses rangs sans avoir aucun mot
à dire. Nous ne croyons pas que c'est bien protéger le public que
d'agir ainsi.
Notre Collège n'a jamais abusé des pouvoirs qui lui ont
été confiés en matière de discipline. Si jamais,
hypothétiquement, une corporation abusait de ces pouvoirs, nous croyons
qu'il appartiendrait alors aux législateurs de s'en occuper par une
action énergique vis-à-vis de cette corporation, mais non pas en
généralisant vis-à-vis de toutes les corporations.
En résumé, nous estimons que les corporations qui sont, en
définitive, le prolongement du gouvernement et qui lui sont très
utiles, le gouvernement devrait donc non pas les affaiblir mais renforcer lours
pouvoirs.
Un mot de l'article 56b. Nous ne contestons pas les droits de
l'employeur. Mais nous croyons que cet article est trop rigoureux et qu'on
devrait laisser à un employé le soin ou la possibilité de
négocier son emploi du temps durant ses périodes de loisir. Bien
plus, il nous apparaît qu'il pourrait être essentiel pour un
médecin travaillant pour une unité sanitaire dans une
région défavorisée, d'exercer la médecine durant
son temps libre, le soir ou les fins de semaine. Je pense ici aux
Iles-de-la-Madeleine que M. le Président a visitées
récemment. Je pense que si les Iles-de-la-Madeleine pouvaient
dénicher un médecin hygiéniste, ce médecin devrait
pouvoir rendre service à la population en exerçant sa profession
en-dehors de son temps de travail pour le gouvernement.
Un mot très rapide sur l'article 54a. Nous croyons qu'il ne
serait pas logique que divers codes d'éthique s'appliquent à des
professionnels fonctionnaires, ce qui pourrait donner lieu à des
différences très difficiles à interpréter et qui
pourraient nuire au public, en définitive.
Ce sont là les remarques du Collège des médecins du
Québec, qui endosse totalement
celles du CEQ et des autres corporations qui se sont prononcées
avant nous. Merci.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie, Dr Roy. Nous pourrions
maintenant revenir à des commentaires sur d'autres points. Vous en avez
d'autres?
M. VINEBERG: M. le Président, est-ce que vous me permettez de
dire quelques mots à l'égard de l'article 56c? Mon nom est
Philippe Vineberg, le bâtonnier de Montréal...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): D'accord.
M. VINEBERG: ... et le vice-président du Conseil exécutif
du barreau de Québec. Le barreau est associé au Conseil
interprofessionnel et nous endossons complètement les opinions
exprimées par le bâtonnier, Me Gagnon, ce matin et cet
après-midi.
Si vous me permettez quelques mots additionnels. Etant donné la
relation entre le gouvernement et le professionnel qui travaille pour lui, on
aura besoin d'exigences particulières qui ne sont pas couvertes par le
code d'éthique professionnelle. Nous ne voyons pas d'objection à
ce que, dans l'avenir, à cause de cette situation particulière,
vous ayez certaines règles qui s'appliquent seulement au fonctionnaire
à l'emploi du gouvernement. Mais nous sommes loin de soustraire le
professionnel au code d'éthique appliqué par sa propre
profession. Ce n'est pas du tout la même chose, loin de là.
Après tout, dans quelles occasions peut-on référer au code
d'éthique? Il s'agit de questions de moralité,
d'intégrité, d'honnêteté, de loyauté et de
compétence.
Est-ce qu'on peut dire que quelque chose qui est malhonnête pour
un professionnel est honnête pour un fonctionnaire? Y a-t-il un standard
d'intégrité moins élevé pour un fonctionnaire que
pour un professionnel? Le gouvernement ac-ceptera-t-il, dans l'avenir, que des
fonctionnaires professionnels n'atteignent pas les mêmes normes de
compétence et de moralité que leurs confrères? Poser la
question, c'est vous donner la réponse, parce que je suis certain que le
gouvernement insistera sur un code d'éthique au moins semblable à
celui qui existe aujourd'hui.
Alors, vous avez un choix entre trois choses: d'abord, un code qui est
exactement la même chose. Pourquoi en avez-vous besoin d'un autre?
Pourquoi dédoubler le travail et tout recommencer dès le
début? Vous avez de longues traditions que vous voulez oublier pour
recom- mencer. Autrement, vous auriez un code d'éthique inférieur
et je ne crois pas que le gouvernement soit prêt à accepter
quelque chose qui soit inférieur. Ce ne serait pas juste ni envers le
gouvernement, ni envers le public.
Troisièmement, il y a la possibilité d'avoir un code
d'éthique supérieur. Rien n'empêche que vous gardiez le
code d'éthique tel qu'il est aujourd'hui et que vous lui ajoutiez ce qui
est nécessaire pour l'améliorer. Après tout, il y a un
code d'éthique et il y a la relation entre l'employeur et
l'employé, entre le client et l'avocat, entre le patient et le
médecin. Chaque personne peut exiger de son conseiller professionnel un
standard supérieur. Par exemple, le patron peut insister pour que son
employé travaille dès huit heures du matin, au lieu de commencer
à neuf heures; pour qu'il s'occupe d'une seule cause ou d'une seule
affaire pour deux semaines ou pour toute l'année, peu importe. Ce qui
relève des relations contractuelles échappe au code
d'éthique professionnelle. Je crois que vous pouvez facilement
sauvegarder ce qui existe aujourd'hui et chercher des améliorations,
s'il y a lieu en ajoutant ce qui est nécessaire en raison des relations
particulières.
Il y a une autre question de principe. J'avoue Immédiatement que
j'exagère, mais, parfois, la caricature est une méthode pour
faire un portrait.
Supposons que le gouvernement fédéral, demain, adopte une
loi disant qu'un fonctionnaire public fédéral ne sera pas sujet,
à l'avenir, au code criminel, quelle serait notre réaction? Je
crois que c'est fondamental qu'on sauvegarde la position que tout le monde, y
compris les fonctionnaires, est sujet à la loi générale.
Alors, la loi générale est imposée par le code
d'éthique dans le cas d'un non-professionnel, parce qu'il y a des
questions de subjectivité envers la responsabilité
professionnelle.
Un homme de profession a beaucoup plus de responsabilités,
d'obligations envers le client, le gouvernement, qu'une autre personne.
Imaginez-vous un médecin qui n'est pas responsable comme les autres
médecins; un ingénieur qui n'a pas le même degré de
responsabilité qu'un autre parce qu'il n'est pas sujet au code
d'éthique qui s'applique à tout le monde.
Je crois que nous ne sommes pas prêts à accepter, je
l'espère du moins, ni pour le gouvernement ni pour les fonctionnaires,
un standard de conduite ou de moralité de seconde classe.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie. Nous allons revenir aux
autres mémoires pour des points autres que l'article 56. Nous pourrions
donner la parole au représentant de la CSN.
M. DALPE: M. le Président, je serai bref, me contentant de
remarques générales puisque le président du Syndicat des
fonctionnaires provinciaux, le confrère Breuleux, est chargé de
faire au comité les représentations de la CSN sur les
différents articles que comporte le bill 23.
La mise en scène à laquelle nous assistons et qui est
assortie d'appels par le gouvernement à des experts pour faire la
démonstration de la nécessité de refaire, Jusqu'à
un certain point, certains rouages administratifs, est pour nous une certaine
satisfaction puisque déjà depuis de nombreuses années nous
avons demandé la création d'un ministère de la Fonction
publique.
Toutefois, en écoutant ce matin 1'énumération des
comités consultatifs qui ont été mis sur pied, nous avons
été quand même un peu choqués de constater que les
principaux intéressés, ceux qui devront subir cette
réglementation de la gestion du personnel, n'avaient même pas
été invités à participer de façon directe ou
indirecte à ces consultations.
Dans l'exposé du ministre délégué, on a fait
allusion à un moment donné au droit qu'avaient acquis les gens de
la fonction publique à la syn-dicalisation. Cet aspect nouveau comporte
pour les chargés de l'administration des responsabilités et des
complications dans l'exercice de leur mandat. C'est à partir d'une
constatation générale comme celle-là qu'on en vient
à convenir qu'il y a nécessité de centraliser quelque
part, dans les mains d'un représentant du gouvernement, d'un ministre,
certains pouvoirs, certaines fonctions, certains mandats. Mais vous comprendrez
qu'à ce moment-ci nous devons avoir certaines inquiétudes puisque
cette reconnaissance du droit qu'ont les gens de la fonction publique de se
syndiquer pourrait en fait n'avoir aucune signification si la loi instituant un
ministère de la Fonction publique devait perpétuer le sentiment
de frustration que connaissent actuellement les fonctionnaires provinciaux dans
l'application de leur convention collective de travail.
Nous avons également été un peu frappés ce
matin par cette admission qu'on a faite que pour arriver à l'embauchage
d'un employé au gouvernement il fallait 108 jours et qu'on pouvait le
congédier en deça de deux secondes.
Les revendications que nous voulons vous faire entendre ont trait
principalement aux droits que doivent avoir ceux qui, actuellement, ne sont pas
syndicables. Nous voulons également, par notre insistance, donner au
ministre de la Fonction publique des pouvoirs réels, tout en
étant conscients qu'il ne doit pas devenir un superministre, qui ne doit
pas non plus concentrer à lui seul une somme de pouvoir exorbitant, mais
qu'il doit être, jusqu'à un certain point, le terminus auquel nous
pouvons atteindre pour enfin connaître, de façon passablement
claire et suffisamment précise, quelle est la conception ou
l'interprétation du gouvernement sur certaines dispositions
contractuelles avec lesquelles nous avons à vivre quotidiennement.
Sans plus, M. le Président, avec votre permission, nous allons
demander au confrère Jean-Paul Breuleux de vous faire les
représentations que j'ai mentionnées.
M. BREULEUX: Je m'appelle Jean-Paul Breuleux. Je représente
28,985 fonctionnaires qui vont habiter une maison dont ils n'ont pas choisi
l'architecte, mais ce qui est pire, c'est que l'architecte ne les a jamais
consultés. Je me souviens que lors d'une entrevue que nous accordait
l'honorable Johnson, alors premier ministre, il nous avait annoncé pour
l'automne la venue au monde d'un bébé qui s'appellerait le
ministère de la Fonction publique. Il nous avait dit, à ce
moment-là, qu'il nous consulterait, parce que nous vivions justement ces
conditions de travail que le ministère était appelé
à modifier ou à changer.
Ces promesses, ainsi que d'autres promesses d'autres hommes politiques,
n'ont jamais été tenues. Ce qui est contenu et ce qui a
été dit par les divers représentants, les divers
comités, les nombreux comités, devrais-je ajouter, ce qui a
été dit ce matin a été dit d'une façon
beaucoup plus précise, d'une façon beaucoup plus intensive et
extensive lors des négociations que nous avons eues avec
l'Etat-employeur.
Cela aurait certainement coûté meilleur marché au
gouvernement d'en faire état que de recourir à d'autres services
pour trouver les mêmes faits, les mêmes disparités, le
même fouillis administratif. L'honorable ministre
délégué à la Fonction publique, M. Masse, a
brossé un tableau diplomatiquement détaillé de ce
fouillis, d'autres l'ont explicité. Nous vivons cela et nous souffrons
de cela. Nous réclamons depuis très longtemps, comme l'a dit M.
Dalpé, la formation d'un ministère qui ait certains pouvoirs et
non pas de combler certains désirs ou certaines ambitions qui se
concrétiseraient par la formation d'un ministère de plus. On a
créé énormément de ministères. A-t-on
créé des services, a-t-on fait quelque chose pour la population?
Je me le demande dans nombre de cas. C'est pour ça qu'à la suite
de la première lecture du bill, nous avons réuni les
représentants des différents syndicats, non seulement de notre
centrale, la CSN, mais aussi les représentants de
la CEQ, les représentants de la FTQ et d'autres personnes encore.
Nous avons ensemble examiné soigneusement ce bill, cette loi, et nous
avons tâché de faire de ce bébé qui n'avait pas
beaucoup de dents et qui avait dans ses veines un sang qui était un peu
mêlé, quelque chose de plus viable. C'est pour ça que vous
avez devant vous ce mémoire. Il n'est peut-être pas aussi fort que
nous le voudrions, mais comme nous visons avant tout l'efficacité, nous
avons pensé politiquement à des choses qui passeraient
politiquement.
Il est évident que si vous faites un amalgame de ce qui existe
actuellement et que vous en faites un ministère sans lui donner des
pouvoirs particuliers, cela ne nous sert à rien. Nous recherchons depuis
toujours un interlocuteur. Vous nous le donnez. Dans l'article 2 de la loi,
vous explicitez les fonctions du ministre de la Fonction publique. Au
début et à la fin de cet article, vous dites qu'il négocie
et qu'il coordonne l'application des différentes conventions collectives
ainsi négociées.
Comment est-ce qu'on coordonne quelqu'un? Je me le demande et d'autres,
avec moi, se le sont demandé. On a consulté différents
dictionnaires et nulle part on n'a trouvé de pouvoirs dans le mot
« coordonner ». C'est pour cela que nous avons ajouté,
à l'article 2, premièrement le pouvoir pour le ministère
d'interpréter, ce qui est un pouvoir normal. Etant donné qu'il
négocie, c'est lui qui doit interpréter.
Nous ne contestons pas le pouvoir suprême qu'est le cabinet des
ministres et nous ne contestons pas le fait que le ministère de la
Fonction publique soit redevable de ses actions envers le cabinet des
ministres. Mais une fois qu' il y a concensus général au sein du
cabinet des ministres, il nous semble que la délégation de
pouvoirs doit se faire et que le ministère de la Fonction publique doit
avoir le pouvoir de faire en sorte que tous les ministères se plient
à cette délégation de pouvoirs ou à ces pouvoirs.
C'est pour cela que nous avons ajouté ceci. Plus loin, nous ajoutons,
après le paragraphe f, un paragraphe g qui n'existait pas et qui se lit
de la façon suivante: « g) Que le ministre peut émettre, au
nom du gouvernement, des directives concernant l'interprétation et
l'application des différentes conventions collectives régissant
les conditions de travail des personnes qui occupent des emplois relevant du
gouvernement et en imposer l'exécution à des ministres ou
organismes. »
II est bien entendu qu'il ne s'agit pas de créer un
superministère. Encore une fois, je voudrais calmer cette grande peur
que je perçois parmi certains d'entre vous. Il est bien entendu que le
pouvoir d'imposer sera délégué par le pouvoir
suprême qu'est le cabinet des ministres. Mais nous sommes très
impatients de savoir à qui nous adresser pour faire en sorte que
quelqu'un qui ne veut pas se plier au concensus général doive le
faire. C'est pour cela que nous avons ajouté le paragraphe g à
l'article 2 de votre loi.
Maintenant, nous ajoutons aussi un paragraphe h. Nous disons: «
Seul le ministre peut, à titre de représentant de l'employeur,
établir les conditions de travail des employés de la fonction
publique qui ne sont pas soumis à des conventions collectives. »
Pourquoi cela? Je pense que c'est tout un problème de juridiction,
d'uniformisation et d'efficacité qui est en jeu à ce moment-ci.
Si vous donnez une juridiction particulière aux syndiqués et aux
non-syndiqués, comment pourra se continuer ou se parfaire le plan de
carrière que tous nous prônons, premièrement? Comment les
codes d'éthique pourront-ils s'appliquer à l'un et à
l'autre et de quelle façon? Nous pensons que le ministre, ou le
ministère par l'intermédiaire de certains de ses membres, ayant
négocié et ayant une connaissance pleine et entière des
différentes conventions collectives sera à même
d'établir les conditions de travail de tous les employés du
service public, qu'ils soient syndiqués ou non.
On ne pouvait pas imaginer qu'il y ait des conditions de travail qui
soient différentes pour l'un ou l'autre de ces groupes. S'ils sont
syndicables ou non-syndicables que ce soit parce qu'ils appartiennent
actuellement et nous espérons que ça cessera au
personnel des cadres supérieurs ou que ce soient des personnes
confidentielles.
Maintenant, à l'article 4, nous biffons: « ... et exerce
les autres pouvoirs qui lui sont assignés par le lieutenant-gouverneur
en conseil ». Ecoutez, pourquoi mettre ça dans la loi? Pourquoi
mettre ça dans la loi? On se le demande. On se le demande encore.
Je pense qu'il n'est pas nécessaire de faire d'un
ministère un dépotoir pour faire en sorte que le ministère
puisse faire toutes sortes d'affaires que les autres ministères ne
doivent pas, ne peuvent ou ne veulent pas faire. Nous avons
décidé de vous soumettre cette guillotine. Comme vous le voyez,
nous acceptons pas mal d'articles, ce qui est assez surprenant de notre
part.
Le paragraphe 11, je le laisserai au confrère Kenny qui m'a
demandé de le défendre lui-même parce que ça
l'intéresse particulièrement, étant donné que c'est
son domaine, la question des cadres. La syndicalisation des cadres est une
chose très importante, surtout pour les professionnels qui sont, de par
la nature même
de leur profession, des cadres. Je passerai donc la parole au
confrère Kenny, ou je continue et je la lui passerai ensuite.
Ensuite, vous voyez, c'est épouvantable! On arrive au paragraphe
15. Maintenant, évidemment, il faut faire la relation avec la loi, avec
les pouvoirs que nous donne le code du travail et le code civil. Je ne l'ai pas
dans la mémoire, mais Je peux vous citer en exemple. Quand un
fonctionnaire agit d'une façon qui est répréhensible, que
ça soit pour le public, que ça soit envers les fonctionnaires,
que ça soit envers n'importe qui, nous n'avons pas de recours. En
enlevant tous les recours prévus de 834 à 850, vous nous
ôtez les derniers recours que le code civil nous donnait pour les hauts
fonctionnaires. C'est-à-dire qu'on ne peut plus se défendre
contre les abus de pouvoir de certains hauts fonctionnaires et ceci, à
mon sens, est un déni de justice pour le fonctionnaire qui est en
cause.
Evidemment, nous sommes à votre disposition plus tard pour vous
fournir toutes les explications supplémentaires, mais je ne voudrais pas
m'étendre sur la relation qu'il y a entre le code civil et les
différents articles que nous voudrions voir maintenus dans la loi. C'est
simplement des recours contre les agissements de certains hauts
fonctionnaires.
Ensuite, nous passons à l'article 33. Lâ-dessus, presque
tout l'article est semblable à celui de la loi. Il se termine ainsi:
« ... fonctionnaires et ouvriers sont nommés par un écrit
du chef du ministère dont ils relèvent, lequel peut, par
écrit, déléguer ce pouvoir au sous-chef... » Dans
votre article vous dites que la délégation peut aller n'importe
où à n'importe quel fonctionnaire. Or, nous vivons
perpétuellement et journellement un problème qu'il ne faut pas se
cacher, le problème du patronage.
Je pense que si l'on délègue le pouvoir d'embauchage
à n'importe qui, en n'Importe quelle occasion, eh bien, on ouvre une
porte qu'on tente, avec très peu de succès, de refermer depuis
longtemps.
C'est pour cela que nous voudrions tout de même que cela monte aux
sous-chefs ou tout au moins aux cadres supérieurs de l'administration.
Cela assurera une certaine objectivité ou impartialité dans
l'embauchage ou dans le recrutement du personnel. Quand je pense au personnel,
je ne pense pas seulement au personnel normal, mais aussi à ce que, dans
les conventions collectives, nous appelons les surnuméraires.
Maintenant, il y a une chose qui nous apparaît comme essentielle
et peut-être que dans notre article il n'est pas tout à
fait complet encore. C'est ce que nous avons... Premiè- rement,
il y a un article que nous ne voulons pas voir dans le bill et qui n'a aucune
raison d'y être, parce qu'en fait, il nie et il peut nier, par voie
d'incidence, tout un paquet de choses qui sont acquises par les
différentes conventions hors du service public, pourquoi mettre dans une
loi « La nomination ou la promotion ne peut dépendre de
l'ancienneté, sauf que pour les ouvriers, etc. ». Cela, c'est de
la copie exacte d'une disposition de la première convention collective
signée par les fonctionnaires en 1966. Vous mettez cela dans une loi!
Cela nous paraît aberrant. C'est pour cela que l'on vous demande tout
simplement de l'ignorer. Cela peut se régler par voie de convention
collective, par voie de négociation ordinaire. Mais cela ne doit pas
être dans une loi, parce qu'à ce moment-là, cela nous
empêcherait de négocier des choses.
Quand on dit que la nomination ou la promotion ne peut dépendre
de l'ancienneté et que, d'autre part, l'on introduit la notion
d'ancienneté pour l'ouvrier, pourquoi est-ce que l'on ne la mettrait pas
dans le cas d'un professionnel, d'un cadre, d'un fonctionnaire ordinaire?
Pourquoi? S'il a la même compétence qu'un autre, pourquoi est-ce
que cette récompense ne s'appliquerait pas à lui? Ceci, ce sont
des questions qu'on aurait aimé pouvoir vous poser et que,
malheureusement, faute de dialogue, nous n'avons pas pu faire. C'est pour cela
que nous demandons de bien vouloir le biffer.
Ce que nous voulons rajouter, par ailleurs, et vous comprendrez
facilement les raisons qui nous poussent à faire introduire dans la loi
ce paragraphe, je n'ai pas mis le numéro dessus, mais ce serait 35:
« Un bureau d'enregistrement au ministère de la Fonction publique
détiendra, pour tout le personnel de la fonction publique, les avis de
nomination, de promotion, de permanence et les listes
d'éligibilité émises par la Commission de la fonction
publique. Il détiendra également les listes complètes et
à jour des fonctionnaires et ouvriers déclarés
surnuméraires en vertu de l'article 38. » Là-dessus, je
pense que tout le monde serait d'accord pour dire que ce sont tous les ouvriers
et fonctionnaires ainsi que les surnuméraires, en vertu de l'article 28,
parce que les surnuméraires, en vertu de l'article 28, en fait, ne sont
pas des surnuméraires au sens de la convention. Alors, là, il y a
une ambiguïté. Les surnuméraires, au sens de la convention,
ce sont des gens que l'on engage occasionnellement pour des travaux de
caractère occasionnel. Or, les surnuméraires, en vertu de
l'article 28, sont des gens qui, en raison de la sécurité
d'emploi, ne peuvent pas être placés à leur ouvrage
coutumier et sont mis dans le
réservoir, c'est-à-dire dans le dépotoir, pardon,
enfin au ministère de la Fonction publique.
C'est normal que tout le monde puisse consulter ces documents.
Je pense que le gouvernement n'a rien à cacher, du moins, je
l'espère. Et je pense que, quand il s'agit...
M. MASSE: Si vous le permettez, au point de vue des effectifs, il
faudrait que je vous dise qu'il est fortement question de transférer
tous ceux qui sont en congé pour fins syndicales au ministère de
la Fonction publique également.
M. BREULEUX: Je ne pourrais pas perdre grand-chose, parce que vous
connaissez tous le ministère auquel j'appartiens: c'est le
ministère de la Voirie. Sans vouloir offenser personne,
évidemment, et exceptant les personnes ici présentes.
Nous pensons que ces listes et tous les mouvements de personnel qui se
font à l'intérieur du gouvernement pourraient être
accessibles non seulement à nous-mêmes, mais à tout le
public. Nous savons qu'en période préélectorale que
cela soit pour l'un ou pour l'autre il y a des milliers et des dizaines
de milliers d'emplois qui se créent. L'honorable Johnson lui-même
je me souviens très bien de son image avait dit un jour
dans cette même salle et devant à peu près la même
assistance que, lors des élections de 1962, des gens étaient
obligés de peindre un pont d'une façon verticale parce qu'ils
n'avaient pas de place pour le faire horizontalement. C'est M. Johnson qui l'a
dit.
M. LESAGE: Ce n'est pas une parole d'Evangile.
M. ROY: Est-ce que c'est cette année-là que vous
êtes entré au ministère de la Voirie?
M. BREULEUX: Exactement.
M. LESAGE: M. Breuleux, croyez-vous qu'il faisait allusion, à ce
moment-là, à ce qui se passait dans le comté de
Missisquoi?
M. BREULEUX: Je ne pense pas, parce que je dois dire, en l'honneur de M.
Bertrand, que c'est un des comtés où il y a le moins de «
patronage ». C'est peut-être pour cela que je suis rentré
à ce moment-là.
M. ROY: Mais, ce n'est pas loin de Drummond?
M. BREULEUX: C'est assez loin; vous ne connaissez pas votre carte
géographique. Drummondville et Missisquoi, c'est fort
éloigné.
M. SIMARD: Pas tellement.
M. ROY: Tenant compte de l'étendue du Québec, c'est
relativement près.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Si vous voulez, nous allons revenir 3 la
fonction publique.
M. LESAGE: Nous allons retourner faire un petit voyage 3 Joliette.
M. ROY: Oui.
M. BREULEUX: Je pense que, si l'on veut embarquer sur ce
terrain-là, on n'en finirapas. Nous avons beaucoup de faits; je peux
sortir des dossiers, mais cela serait de nature à faire
dégénérer le débat et je ne pense pas que ce soit
utile de se lancer, de part et d'autre, des accusations précises.
Il n'en reste pas moins que tout le monde sait ces choses-là. Ce
n'est pas une accusation; ce sont des constatations. Tout le monde sait
vous-mêmes, vous le déclarez dans votre bill qu'il faut
uniformiser, qu'il faut adopter des critères d'efficacité, qu'il
faut coordonner, qu'il faut utiliser au maximum les garçons pu les
filles. Il faut absolument que l'appareil gouvernemental devienne efficace. On
comprend immédiatement qu'il est actuellement inefficace, puisqu'on le
dit. Ce n'est pas mol qui le dis: c'est vous, puisque vous prenez des
méthodes pour le rendre efficace.
Maintenant, à 45a, si vous voulez l'appeler comme cela, nous
ajoutons une chose qui va de soi, je pense, et sur laquelle vous n'aurez
probablement aucune objection: « Les surnuméraires ne peuvent
être transférés dans une autre partie de la fonction
publique que par nomination de la part du lieutenant-gouverneur en conseil
».
Nous pensons réellement que le mouvement du personnel doit
être contrôlé, et qu'il doit être
contrôlé d'une façon efficace, parce qu'il y a devant nous
et cela encore, je pourrais le justifier par de longs dossiers, ce
serait peut-être ennuyeux mais nous avons encore beaucoup
d'arbitraire dans le mouvement du personnel. Alors, nonobstant l'article 1-m,
paragraphe 3, du code du travail, les employés surnuméraires
ainsi mutés au ministère de la Fonction publique sont syndicables
et soumis à la juridiction du syndicat qui leur est pertinent.
Cela serait facile, évidemment, si l'on n'adop-
tait pas cet article-là, cela serait relativement facile pour le
ministère de la Fonction publique de ramener, de déclarer tous
les fonctionnaires du gouvernement comme surnuméraires et, par
conséquent, d'appliquer l'article du code et de les déclarer non
syndicables. Non, je ne pense pas que ce soit l'esprit de l'article. Je ne
pense pas que la loi veuille être antisyndicale à ce
point-là.
Nous passons à l'article 50-a. Dans le texte de la loi, il est
dit: « Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, sur la recommandation du
ministre de la Fonction publique, établir par règlement des
normes d'éthique et de discipline applicables aux personnes qui font
partie de la Fonction publique. Je pense,...
M. LESAGE: M. Breuleux, si le ministre Masse donnait suite à ce
qu'il vous a laissé entendre tantôt à l'effet que les
fonctionnaires en congé pour fins syndicales vont être
transférés au ministère de la Fonction publique, à
ce moment-là, avec le bill tel qu'il est, sans votre amendement, vous ne
seriez plus syndicables?
M. BREULEUX: Justement.
M. LESAGE: Il vous jouerait un joli tour.
M. BREULEUX: C'est peut-être quelque chose que l'honorable
ministre délégué à la Fonction publique avait
derrière la tête. C'est simplement une présomption, mais je
ne pense pas, parce que...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je pense qu'il faudrait apporter une
distinction entre le poste et l'homme qui occupe le poste. C'est le poste
budgétaire qui serait transféré à la Fonction
publique pour permettre au ministère d'engager quelqu'un pour occuper la
fonction.
M. BREULEUX: Alors, vous ne voyez aucune objection à ce qu'on
adopte ce qui est ajouté là, parce que cela enlève
l'ambiguïté qu'il pourrait y avoir quand même. Parce
qu'à ce moment-là, il pourrait y avoir d'autres personnes que
vous qui profiteraient de cet article, et vous savez que les avocats sont
très forts en interprétation.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): On fera une étude sur les
distinctions entre les postes et les hommes.
M. LESAGE: Vous savez, nous les avocats, ce sont des choses que nous
aimons bien nous dire entre nous, mais que nous n'aimons pas entendre des
autres.
M. BREULEUX: Je m'excuse, M. Lesage.
M. LESAGE: Cela va bien, mais voyez le ton sur lequel je vous dis
cela.
M. BREULEUX: Je ne visais pas les avocats ici présents, je sais
qu'ils sont fort peu nombreux.
M. LESAGE: Vous voyez le ton que j'emploie. Nous sommes habitués,
nous, les avocats à ce...
M. BREULEUX: Evidemment, c'est une profession qui est souvent
attaquée.
M. LESAGE: D'accord.
M. BREULEUX: Mais, à 56 le débat a été fait,
alors, je n'entrerai pas plus loin dans ces considérations. A 62:
« Toute nomination... ça, c'est la raison de l'ajouté,
enfin, je vais vous lire l'ajouté: « Toute nomination faite
à titre temporaire peut cependant être révoquée dans
la période prescrite par les articles 35 et 36 de la loi. »
C'est-î-dire qu'il faut un écrit du lieutenant-gouverneur en
conseil pour pouvoir révoquer un employé après cette
période de six mois. Je pense que l'article 62, tel qu'il est dans la
loi, actuellement, permettrait l'institutionnalisation du régime du
permanent temporaire, c'est long, hein?
Ce que je veux dire, c'est que si on adopte l'article ainsi qu'il est
écrit dans la loi, eh bien, au bout de six mois, trois semaines et
quatre jours, on révoque le gars et on le rengage le cinquième
jour.
Il peut rester éternellement temporaire. C'est une situation que
nous avons vécue pendant bien longtemps. Alors, je pense que nous ne
devons pas reculer sur ce que nous avons obtenu, sur ce qui existe actuellement
dans la loi de la fonction publique et il faut conserver ce que nous avions.
C'est par conséquent ce que nous voulons faire dans notre
ajouté.
M. CHOQUETTE: M. Breuleux, est-ce que vous pourriez nous parler de
l'état de choses actuel sous ce rapport? On m'a dit qu'il y avait
actuellement, au service du gouvernement, 3,000 ou 3,500 ouvriers qui sont
considérés comme temporaires, mais qui sont au service du
gouvernement depuis de nombreuses années, et par conséquent dont
le statut légal demeure toujours Incertain. Evidemment, cela cause des
problèmes considérables à ces personnes.
M. BREULEUX: Nous avons essayé de résoudre ce
problème par voie de négociations.
Nous n'avons pas été capables de le faire en raison
d'objections qui venaient particulièrement du ministère de la
Voirie. Et c'est particulièrement dans ce ministère que se
trouvent les cas que vous mentionnez, M. Choquette.
Il est certain que nous pouvions, en les qualifiant de
surnuméraires, encore engager des hommes pendant une période de
deux, trois mois, surtout maintenant, et dire que c'est pour du travail
occasionnel, les réengager ensuite et en faire des permanents qui ne
sont pas des permanents, etc. Cela existe actuellement pour les ouvriers.
M. CHOQUETTE: Est-ce que justement la technique employée, avant
qu'on arrive à la période de six mois, est de les renvoyer et de
les embaucher de nouveau?
M. BREULEUX: Pour les ouvriers, vous savez que la période de six
mois n'existe pas d'après la convention collective. Il existait
autrefois, dans la première convention collective deux statuts pour
l'ouvrier, celui de saisonnier et celui d'employé régulier; on
l'a appelé permanent, mais en fait il était simplement
régulier. Et dans la nouvelle convention collective, nous avons une
autre notion qui est celle du temporaire, c'est-à-dire celui qui occupe
un emploi qui a un caractère permanent et qui est dans une
période d'essai qui correspond à la période de six mois
des fonctionnaires mais qui, pour les ouvriers, est d'un an. Nous n'avons pas
pu obtenir que cette période soit de six mois, malgré toutes les
représentations que nous avons faites à ce sujet, parce qu'il
paraît qu'il faut plus de temps pour juger un journalier que pour juger
un fonctionnaire.
M. LESAGE: Est-ce que ce sont ceux que nous appelons les
occasionnels?
M. BREULEUX: Ceux que nous appelions les occasionnels, dans la
précédente...
M. LESAGE: Que nous appelions.
M. BREULEUX: ... sont devenus des surnuméraires dans la nouvelle
convention collective.
M. LESAGE: Ah bon!
M. BREULEUX: Alors, c'est pour cela qu'il y a une ambiguïté
en ce qui concerne l'article 28 de la loi qui nomme surnuméraires des
gens qui sont réellement des permanents.
M. CHOQUETTE: Mais à quelpoint...
M. LESAGE: Cela répond à une question que je me posais
tout à l'heure parce que j'interprétais le mot «
surnuméraire » comme voulant dire au-delà des
effectifs.
M. BREULEUX: Oui.
M. LESAGE: Mais en vertu de la convention collective des ouvriers, ceux
qu'on désignait comme occasionnels sont maintenant
désignés comme surnuméraires.
M. BREULEUX: C'est exact. M. LESAGE: Ah bon!
M. CHOQUETTE: M. Breuleux, à quel point en êtes-vous au
point de vue de la négociation pour régler le cas de ces
ouvriers? Est-ce que des négociations ont lieu actuellement entre le
syndicat et le gouvernement pour tenter de régler le cas de ces...
M. BREULEUX: Nous avons tenté par tous les moyens de faire en
sorte que soit respectée la loi, et nous n'avons jamais réussi.
Normalement, lorsque l'ouvrier est nommé temporaire, lorsqu'il est
engagé à titre temporaire, il devrait avoir sa nomination par
écrit du ministre, etc. comme quoi il est engagé à titre
temporaire. Et quand il est nommé régulier, il devrait avoir un
écrit du ministre.
Or, cela n'a jamais été fait. Cela ne se fait pas. Et nous
l'avons demandé à plusieurs reprises. Nous le demandons d'une
façon continue.
Cela devient lassant, peut-être, pour ceux qui nous entendent,
mais c'est aussi lassant pour ceux qui posent les mêmes questions d'une
façon aussi soutenue.
En fait, le respect de la loi n'est pas là. Les ouvriers sont
encore irrégulièrement nommés quoique, dans notre
convention, cela devienne presque automatique, la nomination. Dans certains
ministères, dans un ministère en particulier, la nomination ou
l'avis de nomination ne se fait pas, même si c'est automatique. On ne dit
pas à l'employé: Tu es temporaire. Au fond, on le
considère comme un occasionnel, même s'il est temporaire.
Le temporaire est un gars qui occupe une position de caractère
permanent, comme un mécanicien, par exemple, un menuisier ou un
plombier. Il y a un poste vacant et, par conséquent, pendant toute la
période d'un an, il est considéré comme temporaire, comme
à l'essai. Mais
il est couvert par la convention collective en vertu de la
négociation que nous avons eue. Et dans le ministère de la Voirie
en particulier, dans certaines divisions, on lui nie cette qualité
d'assujetti à la convention collective et on le traite d'occasionnel
jusqu'au moment où il aura son année de service. A ce
moment-là, on lui dit: Tu auras, rétroactivement, les
bénéfices auxquels tu aurais eu droit si tu avais
été nommé.
M. CHOQUETTE: Et comment acquiert-il le statut d'employé
régulier?
M. BREULEUX: Après un an de travail continu.
M. LES AGE: Après un maximum d'un an?
M. BREULEUX: Non, après un an au minimum.
M. LESAGE: Minimum?
M. BREULEUX: Minimum. Maximum! Ecoutez, dès qu'il a atteint son
année de service continu, il doit être nommé
régulier.
M. LESAGE: Mais il ne peut pas être nommé régulier,
si...
M. BREULEUX: Ah oui, si c'est une fonction permanente.
M. LESAGE: S'il occupe temporairement une fonction permanente, il peut
être nommé régulier avant l'expiration d'un an?
M. BREULEUX: Non, pas d'après notre convention collective.
M. LESAGE: Pas d'après la convention collective?
M. BREULEUX: On n'a pas réussi à obtenir cela.
M. LESAGE: Ah bon!
M. BREULEUX: Il faut absolument qu'il occupe...
M. LESAGE: Pour les fonctionnaires, la période de six mois
est-elle maintenant une période maximum?
M. BREULEUX: Non, c'est une période minimum...
M. LESAGE: Minimum?
M. BREULEUX: Oui parce que, dans certains cas, elle peut aller
jusqu'à un an.
M. LESAGE: Mais on ne peut pas nommer permanent un fonctionnaire
temporaire avant six mois...
M. BREULEUX: Avant qu'il ait six mois.
M. LESAGE: ... même s'il occupe une fonction de caractère
permanent prévue...
M. BREULEUX: Même s'il est sur une liste
d'éligibilité et qu'il a passé toutes les
formalités requises, les 33 formalités requises, il ne peut pas
être considéré comme permanent avant la période
d'essai de six mois. Nous estimons du reste que c'est normal qu'il y ait une
période d'essai, parce que même si le gars... Là-des-sus,
nous ne ferons pas de bataille nous-mêmes, parce que nous estimons qu'il
est normal qu'une période soit allouée à l'employeur pour
voir si le gars est capable de travailler avec ses compagnons de travail, est
assimilable ou est compétent. Peut-être quant à la
durée, quant au quantum de la durée, oui. Mais quant à la
période d'essai, nous estimons nous-mêmes qu'il est normal que
l'employé soit mis à l'essai pendant une certaine période
de temps.
M. MICHAUD: Mais est-ce que la coutume générale veut qu'on
fasse exception? Est-ce que la coutume générale veut qu'à
l'expiration du délai de six mois, le gouvernement renvoie les ouvriers
et qu'il les rengage par la suite?
M. BREULEUX: C'est-à-dire que ce n'est pas la coutume.
M. MICHAUD: Ce n'est pas une coutume générale.
M. BREULEUX: Non, ce n'est pas une coutume générale, pour
être honnête. Mais cela arrive et cela ne devrait pas arriver. Mais
ce n'est pas une coutume générale.
Alors là, nous passons au serment, 3 l'affirmation de
discrétion. Nous ne sommes pas contre le serment.
Je me souviens que M. Gaston Cholette nous disait qu'il y avait de bons
serments et de mauvais serments. Il y avait le serment d'allégeance
ordinaire qui n'était pas bon et il y en a un nouveau qui serait bon.
Alors là, on est en face du bon serment.
Mais tout de même, je pense qu'il faut, pour dissiper toute
ambiguïté et toute crainte dans l'esprit des fonctionnaires
même si je pense que le texte même de la loi prévoit que le
devoir
du citoyen prime le devoir du fonctionnaire dans certains cas je
pense, dis-je, qu'il faut l'écrire afin d'empêcher que, par
crainte de ses supérieurs, un employé ne divulgue des fautes, des
dérogations, des infractions graves qu'il a pu voir dans l'exercice de
ses fonctions.
Je pense qu'il est essentiel, pour le bien du public et pour le bien de
la nation québécoise, que nous puissions dénoncer les abus
quand nous les voyons. Si on se réfère au serment
d'allégeance proposé par votre loi, vous dites: « Je juge
ou j'affirme solennellement je pense que c'est pour les athées
de plus que je ne révélerai et ne ferai connaître,
sans y être dûment autorisé, quoi que ce soit dont f aurai
eu connaissance dans l'exercice de ma charge. »
Je peux constater de mes propres yeux un de mes supérieurs qui
vole, qui tue, qui viole et je serai obligé d'aller lui demander la
permission d'aller divulguer ce fait. Vous admettrez avec moi que c'est une
position difficilement défendable. C'est pour cela que nous disons;
« sauf en cas de présomption de fraude, injustice grave ou toute
autre situation contraire à l'ordre public. » Quand nous parlons
de présomption, il est évident que vous allez me répondre:
Présomption, on pourra dire n'importe quoi sous le couvert de la
présomption! Mais à ce moment-là, la présomption
peut devenir drôlement diffamatoire et sujette aux mesures
disciplinaires.
Si je présume et que f affirme que tel ou tel a commis un meurtre
ou un viol et que je dis que c'est une présomption, je pense que les
tribunaux sauront me juger à ce moment-là. Mais je pense que l'on
doit tout de même laisser au fonctionnaire qui est témoin d'abus
ou d'infractions graves le loisir de le divulguer de la façon dont il
voudra bien le faire. Parce que si un fonctionnaire, quel qu'il soit, quel que
soit son grade, commet ces abus, il est normal que le public en soit
informé. Il est normal aussi que le gouvernement en soit informé
afin qu'il puisse prendre les mesures voulues.
Je pense donc que c'est un additif qui s'impose de lui-même.
M. LESAGE: La disposition existe actuellement dans la loi. Le serment
est le même, n'est-ce pas?
M. BREULEUX: Oui, c'est le même.
M. LESAGE: Et, en pratique, cela n'a pas empêché...
M. BREULEUX: Non, cela n'a pas empêché... M. LESAGE: ...
les employés de répondre aux questions d'enquêteurs comme,
par exemple, dans les cas de fraude à l'Assistance sociale.
M. BREULEUX: Non, mais il est certain, M. Lesage, qu'il arrive souvent
que du fait de ce serment d'allégeance, des gens ne divulguent pas des
choses qu'il serait d'intérêt public de divulguer. Et même
si cela existe actuellement, ce n'est pas une raison pour ne pas...
M. LESAGE: Non, non. Mais je voulais vous rappeler que cela existe
maintenant...
M. BREULEUX: Oui.
M. LESAGE: ... et que, cependant, des fonctionnaires ont eu à
répondre à des questions des enquêteurs. Si je parle des
cas d'assistance sociale, c'est parce que ces cas ne sont plus devant les
tribunaux. Il y a eu condamnation. C'est pour ça que je ne veux pas
parler d'autre chose.
M. BREULEUX: Je suis d'accord avec vous, M. Lesage, mais il y a nombre
de choses que les fonctionnaires ne divulgent pas parce qu'ils prennent
à la lettre le serment. Il y a nombre de choses que le public aurait
intérêt à connaître... - M. LESAGE: Evidemment.
M. BREULEUX: ... et que le gouvernement aurait intérêt
à connaître également.
M. LESAGE: Cela, vous le savez mieux que nous à cause des
contacts avec vos collègues, vos confrères.
M. BREULEUX: C'est évident. On a conscience de cette peur, de
cette crainte beaucoup plus que vous, puisqu'ils ne viennent pas le dire!
M. LESAGE: Ils ne viendront pas nous le dire, mais ils iront vous le
dire, cependant.
M. BREULEUX: Par conséquent, c'est nous qui sommes chargés
du fardeau de le dire. Nous voudrions que les gens qui sont témoins de
fraude ou d'injustice ou de dérogation quelconque aux différents
codes d'éthique des professionnels, avocats, médecins ou
notaires, puissent le dire, parce que le public a un droit essentiel à
être informé de la conduite de ceux qui le gouvernent. Je pense
que ceux qui nous gouvernent ont des responsabilités beaucoup plus
grandes que ceux qui sont gouvernés. C'est dans cette opti-que-là
que nous voudrions que ce soit appliqué.
M. MICHAUD: M. le Président, je voudrais
poser une question aux auteurs du comité rédactionnel.
Quelle est la philosophie qui a inspiré la rédaction de
l'affirmation solennelle? Je veux dire par là: Pourquoi créer
deux ordres de principes moraux? Je ne sache pas que nous vivions dans un Etat
théiste. Le fonctionnaire qui préférera faire
l'affirmation solennelle au lieu du serment, pourra éventuellement
être accusé d'être un incroyant, alors qu'il ne voulait pas
engager sa foi, mais simplement sa conscience de citoyen. Je me demande
pourquoi il y a deux serments: un serment sur la foi chrétienne,
protestante ou autre et une affirmation solennelle. N'y a-t-il pas là un
risque d'interprétation et un risque de discrimination dans un Etat,
quand même, qui postule la séparation de l'Eglise et de l'Etat?
Quels sont les principes moraux qui ont inspiré la rédaction de
cet article qui pourrait éventuellement prêter à des
interprétations abusives de la part de celui qui choisira de
préférence l'affirmation solennelle à la prestation du
serment? Peut-on m'éclairer là-dessus?
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Nous pourrions prendre en note la question
et l'étudier, mais, au départ, certaines réponses peuvent
être données. Premièrement, on peut difficilement parler de
discrimination, parce qu'il y a un choix et liberté de choix.
M. MICHAUD: Mais, en effectuant ce choix, n'y a-t-il pas risque de
discrimination?
M. MASSE: Je pense que certains de vos collègues aimeraient me
voir poser la question: Laquelle des deux formules choisiriez-vous?
M. MICHAUD: Ne faites pas de... Je choisirais l'affirmation solennelle,
parce que je considère que les affaires que nous traitons ici sont de
notre monde et non pas d'un autre.
M. MASSE: C'est pour vous permettre de faire ce choix-là que nous
amendons la loi actuelle avec une formule nouvelle.
M. MICHAUD: Mais, pourquoi laisser les deux? Cest une question
pertinente, puisqu'elle regarde la liberté civile.
M. MASSE: Pour laisser le choix à celui qui veut choisir l'une ou
l'autre des formules.
M. MICHAUD: Mais, les auteurs du rapport, parlent-ils du postulat et de
l'a priori que nous vivons dans un Etat théiste?
M. MASSE: Jusqu'à il y a quelques années, la formule
employée était celle qui apparaît au chapitre 14 de la Loi
de la fonction publique, en annexe B.
C'est la formule qui revenait pour l'ensemble des organismes du
gouvernement, lorsqu'il y avait prestation de serment dans ce
domaine-là. Depuis quelques années je crois que la
première loi est une loi qui relevait du ministère de la Justice
a été greffée à cela une formule où
l'on affirme solennellement la chose. Nous continuons dans cette tradition de
deux formules pour permettre à l'individu d'opter pour l'une ou l'autre
formule sans pour autant être discrétionnaire en l'obligeant
à ce geste.
M. MICHAUD: Oui, mais je soulève le cas, cela me semble à
bon escient, parce qu'il m'a été dit que dans des tribunaux, dans
des cours de justice régulières que le fait, pour
l'accusé, de choisir l'affirmation solennelle de
préférence au serment pouvait porter, dans certains cas,
préjudice à sa cause.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Alors, nous prenons bonne note de vos
commentaires. M. Breuleux, à vous la parole.
M. BREULEUX: J'ai dit: D'accord avec les deux serments.
M. MICHAUD: De rien.
M. BREULEUX: Je pense que le gars qui est athée et qui jure sur
la Bible commet un faux serment, parce que, pour lui, cela n'en est pas un.
Alors, nous passons à l'article 18. Le texte de la loi se lit de
la façon suivante: « Le sous-chef de chaque ministère ou
organisme surveille et dirige les employés de son ministère ou
organisme. » Là, nous reprenons les mêmes termes et nous
disons: « Sauf dans le cas du sous-chef du ministère de la
Fonction publique, selon nos modifications à l'article 4 du bill 23.
» Je demanderais à quelqu'un de plus compétent que moi,
parce que je ne comprends pas très bien l'article moi-même. Je
n'étais pas présent lors de la... Est-ce que le président
de la CEQ ou...
Alors, je pense que je vais l'oublier complètement, parce que je
ne vois pas très bien moi-même la justification de cet
ajouté-là.
Ah oui, c'est juste. C'est relié à l'article 4 qui dit que
seul le ministre peut... c'est notre amendement à nous.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): A l'article 4 du projet de loi actuel?
M. BREULEUX: Non, de notre amendement. L'article 2 qui dit que seul le
ministre... Ce n'est pas l'article 4, c'est pour cela que j'étais un peu
mélangé dans mes affaires. C'est à h qui dit que seul le
ministre peut, à titre de représentant de l'employeur,
établir les conditions de travail des employés de la fonction
publique. A-lors, en concordance avec cet ajouté-là, on a
ajouté la fin de l'article 18 parce qu'autrement, cela n'aurait pas de
sens évidemment.
Maintenant, nous passons à l'article 52...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Excusez-moi, je suis un peu comme vous tout
à l'heure, je ne comprends pas exactement.
M. BREULEUX: Moi, je ne retrouvais pas l'article 4, c'est pour cela que
j'étais...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Mais avez-vous retrouvé
l'explication?
M. BREULEUX: Alors, vous avez l'article h du paragraphe 2...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est cela.
M. BREULEUX:... page 23-3, qui dit que seul le ministre de la Fonction
publique peut, à titre de représentant de l'employeur,
établir les conditions de travail des employés de la fonction
publique qui ne sont pas soumis à des conventions collectives. Alors,
nous, nous disons... nous reprenons vos textes en disant: Le sous-chef de
chaque ministère, mais nous exceptons le ministère de la Fonction
publique de cela.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Vous, vous voudriez que le sous-chef du
ministère de la Fonction publique ait le pouvoir de surveiller et de
diriger les employés d'autres organismes et ministères?
M. BREULEUX: Les non-syndicables.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Les non-syndicables, cela veut dire que le
sous-ministre de la Fonction publique aurait un droit...
M. BREULEUX: Parce que l'article h dit: « Les gens qui ne sont pas
soumis à des conventions collectives. »
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Le sous-ministre de la Fonction publique
aura le droit de surveiller et de diriger les employés non syndicables
dans les autres ministères que le sien?
M. BREULEUX: Non, dans son ministère, mais non syndicables.
Les conditions de travail des employés.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est l'article 18 de la loi actuelle. Il
lui donne ce pouvoir dans son ministère.
M. BREULEUX: Dans l'article h, seul le ministre peut, à titre de
représentant, établir les conditions de travail des
employés de la Fonction publique qui ne sont pas soumis à des
conventions collectives.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est ça. Expliquez nous donc
ça.
M. BREULEUX: A ce moment on dit que, pour les employés non
syndicables, c'est le sous-ministre du ministère de la Fonction publique
qui doit établir les conditions de travail de tous les autres
ministères.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est ça, le ministre.
M. BREULEUX: Enfin, le sous-ministre par délégation de
pouvoirs, probablement.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Ah! non parce que l'article h dit: seul le
ministre. Il ne dit pas seuls le ministre et le sous-ministre.
M. BREULEUX: Bon, c'est le ministre.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Nous pourrions peut-être poser la
question à un expert en la matière.
M. RODRIGUE: C'est parce qu'il y aurait contradiction entre deux
articles de la loi. A l'article 4, dans votre première phrase, vous
dites: « ... que sous la direction du ministre, le sous-ministre a la
surveillance des fonctionnaires et employés du ministère et il en
administre les affaires courantes. » Alors, c'est le sous-ministre.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est ça. Alors, c'est l'article 18
de la loi actuelle qui est employée sous une certaine forme.
M. RODRIGUE: A l'article 18, là vous transférez ça
au sous-chef, en fait. Vous venez de dire que c'est le sous-ministre qui a le
pouvoir, et par contre, à l'article 18, vous dites que le sous-chef de
chaque ministère ou- organisme surveille et dirige les
employés.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est la même personne, le sous-chef
et le sous-mi-nistre, c'est la même chose. Sauf que dans certains
organismes du gouvernement, il n'y a pas de sous-ministre mais il y a un
sous-chef. Alors, c'est pour ça que dans certains articles de la loi, le
mot sous-chef apparaît et désigne en plus des sous-ministres, des
sous-chefs dans certaines régies ou certaines commissions.
M. RODRIGUE: Bon, je pense que l'éclaircissement...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Alors, nous laisserions tomber. Nous
annulerions ça.
M.RODRIGUE: Oui.
M. BREULEUX: Alors, à l'article 52 on demande que soit
biffé le préalable a et b où sont fixées par
règlement de la commission ou par conventions collectives les heures de
travail, la durée des congés, etc. Nous avons dit ailleurs que
c'est le ministère de la Fonction publique qui déterminait les
conditions de travail. Alors, nous estimons que ceci appartient aux conditions
de travail, ça se négocie par conséquent, et que c'est le
ministère de la Fonction publique qui a la compétence requise
pour le faire. Nous ne voyons pas pourquoi, pour les non-syndicables, ce serait
la commission, par exemple, qui le ferait.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est quand même objet de
négociations, je pense, actuellement.
M. BREULEUX: Non, pour les non-syndi-cables ce n'est pas objet de
négociation. Alors, pour établir toujours la concordance avec les
pouvoirs...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): En pratique, si nous avons à
négocier les heures d'été, décider si on termine
à quatre heures trente plutôt qu'à cinq heures, J'ai
l'impression que les autres partent en même temps.
M. BREULEUX: Oui, alors c'est pour ça que nous voulons le voir
inscrit dans la loi pour permettre justement que l'état de fait soit
vraiment fixé et que le droit obtenu pour les uns le soit aussi pour les
autres. Même s'ils ne sont pas soumis aux conventions collectives, nous
désirerions que même les ministres puissent jouir, par
exemple...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Dans l'état de fait, on
négocie ça avec le premier ministre et je vous dit que c'est
dur.L'état de fait, ce n'est pas suffisant, ça prendrait
l'état de droit.
M. BREULEUX: C'est un état de droit puisqu'on crée une
loi; il faudrait tout de même introduire cette notion dans la loi.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Vous négocieriez pour les ministres
aussi?
M. BREULEUX: Si vous me chargez du mandat, je ne demanderai pas
mieux...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je n'ai pas d'objection.
M. BREULEUX: Je vous assure que l'échelle des salaires serait
peut-être diminuée, mais je négocierais pareil.
M. LE PRESIDENT (M. Masse); A la condition qu'on ait d'autres
avantages.
M. BREULEUX: Bien, on vous mettrait dans le ministère de la
Fonction publique.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Onpourrait discuter de cela à la
prochaine rencontre. La sécurité d'emploi et toute chose qu'on
pourrait négocier.
M. BREULEUX: A ce moment-là, je me mettrais dans votre
unité de négociation, mol aussi.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Une diminution de traitement contre la
sécurité d'emploi.
M. BREULEUX: Alors, nous conservons l'article 52 tel quel. Seuls les
dimanches et les jours de fête fixés par la loi sont les jours
fériés observés dans la Fonction publique. Vous vous
rendez compte à quel point cela peut diminuer ou léser les droits
que nous obtenons par convention collective. Je pense que c'est impensable pour
les syndicats de conserver cela. Par ailleurs, il y a d'autres choses aussi. Il
y a des transferts de jours fériés qui se font, mais c'est
plutôt accidentel.
De toute façon, si, de par la loi, on décide de supprimer
les jours fériés que nous avons obtenus par la convention,
qu'adviendra-t-il de tout cela? Nous avons obtenu certains jours
fériés par la voie de la convention collective; si nous adoptons
cet article de loi tel qu'il est écrit là, en fait cela en vient
à nous les supprimer. « Advenant qu'un fonctionnaire ou un ouvrier
s'absente du service sans permission, il doit être fait une
déduction proportionnelle sur son salaire pour chaque jour d'absence
sans préjudice de toute autre sanction. » Cela vous appa-
raît-il relever des prérogatives normales du
supérieur immédiat d'imposer la mesure disciplinaire
adéquate? Parce qu'ici, cela laisse la discrétion totale au
supérieur d'une façon officielle dans une loi. Cela dépend
strictement des conditions de travail des employés.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Alors, cette fois-ci l'état de fait
suffirait?
M. BREULEUX: Bien, quand c'est logique, c'est logique.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): D'accord.
M. BREULEUX: Bon! « Le droit d'affiliation sera reconnu à
toute association de salariés de la Fonction publique à la
condition que sa constitution lui interdise de faire de la politique partisane
ou de participer au financement d'un parti politique et qu'elle ne puisse
s'affilier à une association qui ne respecte pas ces interdictions
». Cela va au-delà... ce n'est pas parce que Je veux quitter la
CSN que je dis cela...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): C'est parce que vous voulez cotiser à
l'Union Nationale.
M. BREULEUX: Bien, il y a peut-être de nos membres qui cotisent
à l'Union Nationale, je ne sais pas combien et je ne sais pas combien de
temps cela durera, mais de toute façon...
M. PICARD (Dorchester): Vous voulez...
M. BREULEUX: Nous avons cotisé au congres, nous avons
acheté notre carte contrairement à un de nos gars qui s'est fait
$40 en passant de comité en comité. Enfin, en passant! Nous avons
tout de même cotisé à l'Union Nationale $10 chacun, trois
personnes, dans l'Exécutif.
Nous pensons que c'est vraiment une chose qui ne devrait pas exister
dans la loi. « II doit être fait une déduction
proportionnelle sur son salaire pour chaque jour d'absence sans
préjudice de toute autre sanction. » Là vous intervenez
dans le jeu normal de la convention collective. Si, par exemple, le gars a des
journées d'absence pour lesquelles il peut fournir des explications; si
vous prenez la loi, on doit lui retenir son salaire, n'est-ce pas? même
s'il peut fournir des explications, soit que sa femme soit tombée malade
ou enfin d'autres choses. Il devrait avoir le droit de s'expliquer et
d'invoquer des raisons. Evidemment, l'employeur évoque ces raisons pour
lui infliger telle mesure disciplinaire qui pourrait comprendre évi-
demment, et qui comprend toujours, la déduction du salaire normalement
gagné pendant un jour d'absence. Pourquoi l'inscrire d'une façon
aussi radicale dans la loi, nous ne le comprenons pas.
Le droit d'affiliation: Je pense que j'ai dit pourquoi.
Les articles 74 et 75 concernent évidemment les agents de la paix
pour lesquels le droit d'association est interdit. Je pense que si l'on est
réaliste, on se doit de biffer cette chose-là, parce que cet
état de fait de l'affiliation des agents de la paix, que ce soit
à la CSN ou que ce soit à quelque autre centrale, bien, elle est
là. Là, je parle encore de l'état de fait, n'essayez pas
de me remettre...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): On va prendre M. Lacoste, il va nous
expliquer cela.
M. BREULEUX: Alors, je laisserai les agents de la paix, tout à
l'heure, s'expliquer là-dessus. Pour le moment, j'ai fini. Il est
évident que ces explications sont très superficielles. Le temps
me manque pour en faire une étude plus approfondie, mais nous avons des
dossiers qui pourraient peut-être éclairer la commission sur les
raisons qui nous ont poussés, en tant que comité conjoint,
à faire ces représentations-là. Il est bien évident
que des personnes nommées ou désignées seront à
votre disposition pour tous les renseignements qui pourraient vous être
utiles. Nous pensons que cela s'appelle de la consultation et que la
consultation ne se limite pas simplement à un exposé d'une
longueur qui est mesurée très exactement. Alors, nous pensons
qu'il est nécessaire que, pour une loi qui nous intéresse, qui
intéresse à toutes fins utiles plusieurs centaines de milliers de
personnes, directement ou indirectement, l'on procède à des
consultations et à des revisions très sérieuses et
très approfondies. C'est dans cet espoir-là que je vous remercie,
M. le Président.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): M. Breuleux, je vous remercie. Je crois que
maintenant, le représentant de la FTQ, Me Duval...
M. DUVAL: Mes représentations seront très courtes, M. le
Président, parce qu'il s'agit d'une représentation conjointe. Je
veux simplement appuyer la représentation du confrère Breuleux
concernant l'article 73, puisqu'il s'agit d'une question de principe qui a
été souvent exposée par la FTQ, c'est-à-dire une
restriction qui serait mentionnée dans la loi concernant le droit de
l'affiliation et qui découle du droit d'associa-
tion. J'ai l'impression qu'il faudrait que ce soit indiqué que la
FTQ s'oppose à la restriction des droits d'affiliation. De toute
façon, pour l'avenir, on verra ce que ça réserve.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Merci. Vous voulez parler au nom de la
CSN?
M. RODRIGUE: Oui, sur l'article 11, parce qu'on a passé
par-dessus. L'article 11...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): L'article 11.
M. RODRIGUE: ... de la loi. C'est dans notre mémoire, à la
troisième ou quatrième page. Le texte actuel proposé dit
tout simplement: « Le lieutenant-gouverneur en conseil peut autoriser le
ministre à signer, suivant le code du travail, des conventions
collectives avec toute association accréditée de salariés
de la fonction publique. » Ce que nous proposons, c'est évidemment
d'autoriser le lieutenant-gouverneur en conseil à signer une convention
collective avec les associations mentionnées dans l'article actuel, mais
également avec toute association représentant majoritairement le
personnel des cadres supérieurs, avec toute association
représentant majoritairement le personnel des cadres
intermédiaires ici on dit non-professionnels, enfin
là-dessus, il n'y a pas de problème majeur et
également avec toute association représentant majoritairement le
personnel de maîtrise des ouvriers et fonctionnaires, mais, par contre,
chacune de ces associations formant une unité distincte, pour les fins
de la négociation et de l'application de la convention collective.
Actuellement, il y a une situation pour les professionnels. La
Commission de la fonction publique dit dans son rapport annuel de 1967, ou elle
définit ce que sont les cadres supérieurs, intermédiaires
et la maîtrise, et je vous cite ici le rapport: « Le niveau
intermédiaire de gestion a posé à la Commission un
problème assez complexe puisque, par définition, c'est là
le rôle de la majorité de nos professionnels. Nous avions
prévu dans la classification des 26 corps de professionnels, etc.
» Alors, il est évident que les 2,650 professionnels actuellement
syndiqués au gouvernement du Québec forment les cadres
intermédiaires. Dans les cadres intermédiaires, il reste environ
250 à 300 employés non professionnels parce que n'ayant pas seize
années ou plus de scolarité.
Et, par contre, en dessous de ces personnes syndiquées ayant une
convention collective de- puis 1966, vous avez tout le groupe des agents de
maîtrise qui, eux, n'ont pas accès à la syn-dicalisation.
Ce qui nous apparaît absolument normal. Alors, ce que nous vous
proposons, c'est en fait de permettre l'accès à la
syndica-lisation aux agents de mafirise, aux corps intermédiaires des
250 qui restent et également aux cadres supérieurs, s'ils le
jugent à propos, tout en formant des unités distinctes, de
façon à éviter qu'à l'intérieur d'une
même unité il y ait des conflits d'intérêts. Par
exemple, il est sûr qu'un ingénieur divisionnaire ne pourrait pas
être dans la même unité que les contremaîtres de la
voirie, etc. Alors, il faut que ce soit dans des unités distinctes.
Cette façon de définir les unités de
négociation, en fait, nous a été inspirée par la
Loi fédérale des relations publiques, justement, dont le
mécanisme d'accréditation découpe les groupes en tranches
comme cela. Egalement, je vous signale que le rapport Woods sur les relations
de travail pour les entreprises relevant du gouvernement fédéral
recommande justement l'ouverture à la syndicalisatlon des cadres
intermédiaires et de la mafirise. Alors, nous pensons que le
gouvernement du Québec irait dans le sens indiqué par les
universitaires qui ont travaillé sur ce mémoire et leurs
recommandations.
Je vous signale également que, parmi les agents de
maîtrise, actuellement, il y a une association qui regroupe la
majorité d'entre eux et qui, éventuellement, va certainement
demander au gouvernement de signer avec elle une convention collective de
travail. Cela serait se placer dans une situation assez cocasse de ne pas
prévoir cette chose-là dans le bill 23. C'était ce que
j'avais à dire là-dessus.
M. CHOQUETTE: Est-ce que je pourrais vous poser une question? Vous dites
qu'actuellement la syndicalisation n'est pas permise aux agents de
maftrise.
M. RODRIGUE: C'est exact.
M. CHOQUETTE: C'est en vertu de quoi?
M. RODRIGUE: En vertu du projet de loi, le bill 23.
M. CHOQUETTE: En vertu de la loi actuelle de la fonction publique?
M. RODRIGUE: Ce n'est pas permis non plus. Actuellement, seuls des
salariés au sens du code du travail, en vertu de la Loi de la fonction
publique, ont accès à la syndicalisation.
M. CHOQUETTE: Mais, est-ce que la syndicalisation est Interdite
spécifiquement aux cadres intermédiaires ou aux agents de
maîtrise comme vous l'avez dit? Dans quel article de la Loi de la
fonction publique?
M. RODRIGUE: C'est-à-dire que ces personnes-là
n'étant pas des salariés au sens du code du travail, le
gouvernement ne peut pas les accréditer en vertu de la loi, et ne peut
pas signer de convention collective avec eux. Evidemment, il arrive parfois que
nous faisons du droit nouveau par la porte d'à-côté, mais
nous tentons ici de régulariser une situation...
M. CHOQUETTE: Vous pourriez citer le précédent aussi, ce
qui se passe en France, je veux dire les cadres qui sont syndiqués dans
leur propre syndicat en France.
M. RODRIGUE: Le syndicalisme de cadres existe en France, en Angleterre,
en Suède et partout dans le monde, dans les pays européens en
particulier. C'est une chose acquise depuis longtemps. Ce n'est qu'ici en
Amérique du Nord, je pense, où la syndicalisation des cadres est
défendue par les lois, autant les codes du travail que la Loi de la
fonction publique.
Il nous apparaît que c'est un non-sens. Je pense que le droit
d'association est un droit fondamental et qui devrait être reconnu
à tous.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Voilà, très bien, merci.
J'inviterais maintenant le porte-parole du syndicat des agents de la paix.
M. LAcASSE: Noël Lacasse, syndicat des agents de la paix de la
fonction publique. J'ai été fortement intéressé ce
matin par l'élaboration d'un gros programme d'action. J'espère
que le ministre est un jeune plein de santé, susceptible de vivre
jusqu'à 100 ans, parce qu'il va y avoir bien des obstacles sur sa route
et cela ne viendra pas nécessairement des syndicats. Tout à
l'heure, il y a eu une question de posée concernant les occasionnels.
Chez nous, les agents de la paix, nous avons 32 saisonniers qui sont au service
du gouvernement depuis trois ou quatre ans consécutivement, qui ne sont
pas encore réguliers et qui ne seront probablement jamais nommés
permanents, et probablement que dans dix ans, la situation sera encore la
même.
En ce qui concerne le droit d'affiliation, actuellement la loi
prévoit que nous n'avons pas le droit d'être affiliés
à une centrale syndicale. Nous disons que le droit d'appartenir à
un syndicat devrait aussi sous-entendre le droit d'être affilié
à une centrale syndicale. Il y a eu plusieurs conventions du Bureau
International du travail dans ce sens-là et je ne pense pas que l'Etat
du Québec soit exempté d'appliquer certaines conventions du
Bureau International du travail.
Actuellement, la loi le bill 55, loi de la fonction publique
ne prévoit pas le droit de grève en ce qui concerne les
agents de la paix. Nous ne demandons pas non plus le droit de grève,
mais, en retour, actuellement, dans la loi, il n'y a absolument rien qui nous
garantisse un minimum d'efficacité au moment de la négociation de
la convention collective de travail. Aussi, nous avons fait au gouvernement,
à l'occasion d'un dernier congrès où l'honorable Masse
était présent, une suggestion à l'effet que nous soyons
assujettis à la section 2 du code du travail, qui nous placerait sur le
même pied que les policiers dans les cadres des cités et villes
où l'arbitrage est exécutoire. Il y a un danger qui
s'élève ici, et nécessairement, nous ne sommes pas sans le
savoir. Cest que si on ne s'entend pas sur le choix du président du
tribunal d'arbitrage, le ministre du Travail ou le ministre de la Fonction
publique le nommera et on sera nécessairement en face du même
dilemme. Une suggestion peut-être ironique pourrait être faite. On
pourrait peut-être faire nommer le président d'un tribunal
d'arbitrage par le parti de l'Opposition. A ce moment-là,
peut-être aurait-on certaines garanties au moment de la
négociation.
Il y a la question de la période temporaire. Chez nous, la
période temporaire est de 12 mois. Nous sommes assujettis à
l'article 36 de la Loi de la fonction publique et en ce qui concerne les agents
de la paix de la Fonction publique, cette période est de douze mois, ce
qui laisse sous-entendre que l'on est beaucoup plus exigeant pour les agents de
la paix que l'on peut l'être pour les autres emplois dans la fonction
publique.
Nous aimerions aussi qu'il soit ajouté à cette loi que
seuls les agents de la paix qui auraient été nommés par la
fonction publique puissent effectivement faire des travaux qui relèvent
des agents de la paix, conformément aux classifications. Je pense que je
n'ai point besoin de faire de dessin ici, pour vous dire que nous voulons
éliminer ce que l'honorable Loubier a amené comme gardes-chasse
auxiliaires surnuméraires sans paye nommés par les clubs de
chasse et pêche. Deuxièmement, nous voudrions aussi
éliminer toutes les agences privées en ce qui concerne le travail
d'agent de la paix. Actuellement, il y a une tendance qui est en train de se
dessiner au gouvernement dans ce
sens, et nous voulons que toutes les fonctions qui sont prévues
dans la classification des agents de la paix soient effectivement remplies par
des agents de la paix nommés par la Commission de la fonction publique.
J'ai été bref, c'est ce que f avais à dire.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je vous remercie. Est-ce qu'il y a des
questions des membres de la commission? Nous ajournons à 8 h 15 ce soir
pour entendre les parties dans le secteur de l'enseignement.
M. CHOQUETTE: M. le Président, avant d'ajourner est-ce que cette
commission a terminé ses travaux, est-ce que, la semaine prochaine, nous
continuerons d'étudier...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Nous avons entendu aujourd'hui tous ceux qui
avalent signalé qu'ils désiraient se faire entendre par cette
commission. Je crois que nous devrions terminer l'étude de ce projet de
loi en commission aujourd'hui. De toute façon, nous siégerons de
nouveau à 8 h 15. Cette commission siège pour l'autre question,
et il y aura lieu d'en discuter. Mais à première vue, je ne crois
pas que ce soit nécessaire. Tous ceux qui ont manifesté le
désir de se faire entendre étaient présents
aujourd'hui.
M. CHOQUETTE: Nous pourrons donc prendre ce soir la décision
quant à savoir s'il y aura lieu de tenir une autre séance sur
l'étude de ce projet de loi.
M. BREULEUX: M. le Président, est-ce que cela veut dire que la
demande que j'ai formulée, ou que l'offre que j'avais formulée
tout à l'heure de justifier plus amplement nos allégations...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Oui, j'ai compris.
M. BREULEUX: ... est refusée?
M. LE PRESIDENT (M. Masse): J'ai compris de votre offre que ce
n'était pas nécessairement à cette commission.
M. BREULEUX: Non, non, pas nécessairement. Mais cela veut dire
qu'il est possible que, d'une façon ou d'une autre, nous soyons entendus
par les personnes qui sont chargées...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): II est, en droit, possible...
M. BREULEUX: En droit, possible. M. LE PRESIDENT (M. Masse): Oui.
M. CHOQUETTE: Il y a une chose que je dois dire au nom de l'Opposition,
c'est qu'il ne faudrait tout de même pas que ces consultations aient lieu
exclusivement entre M. Breuleux, ceux qu'il représente et le
gouvernement. L'Opposition voudrait bien être...
M. BREULEUX: Nous sommes en présence d'une commission
parlementaire formée par les membres de l'Opposition et du pouvoir, et
je pense qu'il est normal que nous fassions ces représentations devant
les parties. Personnellement, je pense qu'il est normal que tout le monde soit
au courant. C'est une loi qui intéresse tout le monde.
M. CHOQUETTE: En somme, M. Breuleux, vous demandez une autre
séance où vous pourriez apporter des arguments ou faire un
exposé additionnel?
M. BREULEUX: Il est évident que si la commission décide de
prendre tout ce qu'il y a dans nos représentations et de les adopter
telles quelles, je ne demanderai pas d'autre réunion. Mais si sur
certains points, vous avez besoin d'éclaircissements, vous avez besoin
d'autres arguments, il est entendu que je serai à votre disposition, ou
que d'autres personnes seront à votre disposition, comme vous le
désirerez, pour répondre à vos questions, aux questions de
l'Opposition, aux questions du gouvernement. Mais nous désirerions tout
de même que les choses soient vraiment approfondies, parce que, dans
l'espace de temps qui m'a été réservé, il est
sûr que je n'ai pas pu expliquer les choses à fond.
M. CHOQUETTE: M. Breuleux, pour autant que l'Opposition est
concernée, je pense que nous sommes à votre disposition pour une
séance ultérieure si vous jugez que vous n'avez pas pu faire les
représentations complètes que vous auriez aimé faire sur
ce projet de loi. Je pense bien que le gouvernement aura la même
position.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Nous sommes prêts à les
entendre immédiatement.
M. BREULEUX: D'accord, mais je pense qu'à la suite du document
que je vous ai donné, vous aurez vous-même des études
à faire, vous aurez peut-être des questions à poser. C'est
à ce moment que Je voudrais non seu-
lement moi, il y a des représentants d'autres centrales, d'autres
syndicats qui seraient intéressés à le faire venir
vous rencontrer, au moment où vous mettrez la touche finale au projet de
loi. C'est cela que je voudrais; ce n'est pas fixer immédiatement une
date déterminée pour une nouvelle rencontre de la commission.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Disons que si, à l'étude de
votre document, le gouvernement comme tel, qui a la responsabilité de la
préparation et du dépôt de ce projet de loi, a besoin
d'explications supplémentaires, il s'informera auprès des
corporations que nous avons entendues ou du syndicat que vous
représentez, pour des détails supplémentaires. D'autre
part, les membres de cette commission ont toujours la possibilité de se
concerter, de la convoquer pour entendre des parties.
Il est également vrai que le syndicat que vous représentez
a le droit de demander à se faire entendre par les responsables du
gouvernement. D'ailleurs, vous le faites régulièrement. Vous avez
aussi le droit de rencontrer l'Opposition et l'Opposition a le droit de vous
rencontrer pour discuter plus en profondeur ce projet de loi.
M. BREULEUX: Entre le droit et la réalité, M. Masse, il y
a beaucoup d'espace. J'ai le droit de vous demander une rencontre. Je vous l'ai
demandée, mais je ne l'ai pas eue.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Moi, j'ai le plaisir de vous recevoir.
M. BREULEUX: Alors quand, M. Masse?
M. CHOQUETTE: Une chose est certaine, je ne pense pas que nous
aimerions, nous, de l'Opposition, être obligés de faire une
bataille de procédure pour obtenir que la commission se réunisse
de nouveau pour entendre M. Breuleux. Je pense que le ministre comprendra et
que, si nous considérons qu'il y a des questions additionnelles à
poser au Syndicat des fonctionnaires, il convoquera de nouveau la commission
pour que nous ayons le loisir de l'entendre et d'entendre les autres parties
qui pourraient avoir d'autres représentations à faire.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Voilà pourquoi la commission
siège de nouveau ce soir et, s'il y a lieu d'ajourner à une date
X pour entendre des parties concernant le projet de loi portant sur la
création du ministère de la Fonction publique, nous n'avons
aucune espèce d'objection.
M. BREULEUX: La réponse...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Nous sommes même prêts à
le faire immédiatement. Il reste 15 minutes avant 6 heures.
M. BREULEUX: Immédiatement, je ne sais pas. Je pense que vous
avez une étude superficielle du projet. Vous avez besoin, tout de
même, vous-mêmes, de trouver des arguments contre. Ce n'est pas
immédiatement après ce que je vous ai dit qu'on pourra
approfondir la question. Je pense que votre commission est une commission
sérieuse qui examinera nos demandes et qui détruira ou acceptera
nos arguments. C'est à ce moment-là que je voudrais être
présent ou que d'autres personnes voudraient être
présentes. Ce n'est pas immédiatement, parce
qu'immédiatement on ne fera rien de plus que de se
répéter.
On voudrait que vous étudiiez nos demandes, si c'était
normal et si c'était possible de le faire, et que vous nous donniez vos
conclusions. Après ces conclusions, on pourrait ajouter...
M. CHOQUETTE: M. Breuleux, j'ai très bien compris votre
exposé. Je crois que vous avez raison de revendiquer le droit
d'être entendu par cette commission, si vous jugez que vous n'avez pas eu
aujourd'hui le loisir d'exposer complètement votre position. Je dois
prendre acte de la bonne volonté exprimée par le ministre, il y a
quelques instants, qui a dit que, si les membres de la commission
exprimaient...
M. LE PRESIDENT (M. Masse): S'il y a lieu, la commission...
M. CHOQUETTE: ... le désir de se réunir de nouveau, la
commission pourrait être convoquée dans le courant du mois de
septembre. Pour le moment, j'aimerais vous poser une question que j'avais dans
la tête et qui m'est venue au cours de votre exposé. Vous
êtes peut-être en mesure d'y répondre.
J'ai eu l'impression, dans votre exposé et dans le texte
écrit que vous nous avez soumis que l'un des principaux motifs de
reproches que vous adressez au texte de loi, c'est le fait que vous trouvez que
le ministère de la Fonction publique, tel qu'il sera constitué
par le projet de loi, n'a pas de pouvoirs exécutifs suffisants pour
imposer des décisions au niveau de la gestion du personnel, dans tous
les ministères du gouvernement. Je veux dire que votre principale
critique me paraît être que vous trouvez que le rôle quelque
peu flou qu'on lui attribue dans le projet de loi fait que le ministère
est,
en quelque sorte, démuni de pouvoirs réels de même
que le ministre pour imposer une politique de gestion du personnel dans tous
les secteurs du gouvernement. Par conséquent, ceci peut vous causer des
problèmes, comme représentant des employés de l'Etat, dans
la discussion avec le ministre et ses représentants au ministère,
dans la conclusion d'accords ou la négociation des points en litige qui
peuvent survenir soit à l'occasion de la convention collective, soit
durant la vie de la convention collective. C'est-à-dire que vous
n'auriez pas en somme, avec le bill 23, un interlocuteur valable dans la
personne du ministre de la Fonction publique ou de ses fonctionnaires. Vous
seriez encore, en quelque sorte, devant un employeur dispersé dans tous
les ministères quoiqu'on veuille créer un ministère de la
Fonction publique qui, en apparence, aurait les pouvoirs d'un ministère
mais qui, en somme, ne serait qu'un groupe d'étude ou un groupe de
coordination. Est-ce que c'est le principal grief que vous avez à
formuler à l'égard de ce projet de loi?
M. BREULEUX: Vous avez parfaitement compris et vous l'avez parfaitement
bien exprimé. Mais je pourrais utiliser une image, c'est un gars qui
n'en a pas!!! Je ne sais pas si vous pensez la même chose que moi...
C'est un homme qui n'en a pas!...
UNE VOIX: Je ne comprends pas...
M. BREULEUX: Bien, il n'a pas de « gosses »!!! Excusez-moi,
mesdames. Je veux dire qu'il n'y a pas de dents, il n'y a pas de force, il n'y
a rien là-dedans. C'est un agglomérat de pouvoirs qui existaient
autrefois et qui sont rassemblés je l'ai dit et je le pense
dans un but plus politique que d'efficacité. Maintenant, au
niveau de l'intention, de la bonne volonté, je suis tout à fait
d'accord qu'il y en a. Mais si ce ministère n'a pas des pouvoirs
réels d'exécution, bien, à ce moment-là, on se
retrouvera dans la même situation de fait dans laquelle on surnage depuis
trois ans.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Il ne faut pas oublier, M. Breuleux, qu'il
n'y a rien dans la loi qui interdit que le ministre soit une femme...
M. BREULEUX: Vous savez très bien qu'une femme qui n'en a pas, ce
n'est pas une femme non plus!
M. CHOQUETTE: Alors, cette critique, M. Breuleux, vous la formulez
à la lumière de l'expérience passée et vécue
avec les représentants de votre employeur, n'est-ce pas?
M. BREULEUX: C'est évident C'est à l'examen, c'est
après avoir vécu des difficultés sans nombre au cours des
trois années que nous vivons sous le régime conventionnel que
nous avons formulé ces revendications. Cela n'abolit absolument pas le
ministère, ça le renforce, ça n'en fait pas un
superministère, nous n'en voulons pas de superministère. Nous
voulons simplement que quand le cabinet des ministres, quel qu'il soit, prend
une décision, qu'il délègue son pouvoir à ce
ministère-là, qu'il puisse imposer la décision inscrite,
qu'il ait le droit d'imposer à tous les ministères une
décision qui concerne strictement l'interprétation ou les
directives qui originent de l'interprétation de la convention collective
et, évidemment, de la négociation collective proprement dite.
M. CHOQUETTE: Auriez-vous des cas spécifiques à signaler
où, disons donc, vous auriez conclu des accords avec la direction
générale des relations de travail et que, malgré ces
accords conclus avec cet organisme, la directive, une fois passée dans
le ministère, n'aurait pas été observée à
cause de la politique autonome de gestion du personnel à
l'intérieur de chaque ministère?
M. BREULEUX: Oui, j'ai de nombreux exemples. Malheureusement, ils sont
toujours dirigés ça devient un leitmotiv chez moi et je
n'aime pas beaucoup en parler Je vais prendre quelque chose d'autre pour
me ménager moi-même et ménager d'autres personnes.
Prenez, par exemple, l'arrêté ministériel 1002, qui
concerne les frais de voyage. Tous les ministères ont une
interprétation commune là-dessus à l'effet que la
fourniture du véhicule automobile par les itinérants n'est pas un
pré-requis d'emploi, n'est pas une condition d'emploi. Par
conséquent, les itinérants qui ont refusé de fournir leurs
véhicules aux différents ministères ne se sont pas vu
menacer, ni poursuivre, ni suspendre ou quoique ce soit Les ministères
ont pris des mesures pour leur fournir des véhicules. Ils leur ont dit:
Allez à pied, prenez l'autobus ou des taxis. Mais il y a un
ministère qui, lui, a dit: C'est une condition d'emploi et, par
conséquent, il a suspendu des gars pour commencer et, ensuite, il a
menacé de les congédier simplement parce que ces
employés-là ont dit: Nous ne pouvons pas fournir nos
véhicules à ces conditions-là. Ce ministère a
établi, de sa propre responsabilité, une chose qui était
dédaignée par l'ensemble des mi-
nistères. C'est cette situation qui, pour nous, est
intolérable.
M. CHOQUETTE: En somme, vous craignez que cette situation-là ne
soit simplement que perpétuée par le bill 25?
M. BREULEUX: Elle n'apporte pas d'amélioration notable à
cet état de fait. Au niveau de la bonne intention, au niveau des
personnes, des individus, je ne critique absolument rien mais je sais ce que
ça donne, l'imprécision des pouvoirs, je sais ce que ça
donne. Je sais ce que ça donne d'avoir devant nous un employeur
insaississable.
UNE VOIX: Prouvez-le.
M. BREULEUX: Des demandes de rencontre, des demandes de dialogue, des
demandes qui restent à l'état de demandes tout le temps, cela
équivaut pour nous à une négation parfaite de la
syndicalisation de la fonction publique. Cela équivaut à dire:
Nous n'existons pas. Par conséquent, cela nous pousse, nous autres
syndiqués, à poser des gestes qui nous répugnent parfois.
Je pense qu'il est nécessaire qu'il y ait un ministère de la
Fonction publique qui dispose de pouvoirs assez étendus pour pouvoir
réprimer des gens qui ne veulent pas se soumettre. C'est cela que je
pense.
Je pense aussi que c'est dans l'intérêt public et non
seulement dans notre intérêt à nous parce que les
directives émises par ce ministère de la Fonction publique
peuvent nous être contraires, mais nous voulons qu'elles soient
imposées à tous les ministères et à tout le monde.
Si on trouve qu'elles ne sont pas conformes à nos conventions
collectives, nous recourrons à ce moment-là à l'arbitre.
Si le ministère trouve qu'elles sont abusives pour eux, ils peuvent
toujours recourir au cabinet des ministres ou au lieutenant-gouverneur en
conseil qui est l'autorité suprême.
En attendant, on voudrait pouvoir dialoguer avec une personne qui soit
dûment mandatée pour prendre des décisions. C'est cela
qu'on voudrait et c'est cela qu'on ne retrouve pas dans le bill.
M. CHOQUETTE: M. Breuleux, sur cette question qui est très
fondamentale, à l'occasion de ce projet de loi, est-ce qu'il serait
possible pour votre groupe de préparer un mémoire pour la
commission, appuyé sur la pratique dans d'autres pays ou sous d'autres
gouvernements?
M. BREULEUX: C'est évident qu'on peut vous produire cela.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): ... préparer un discours pour le
député?
M. CHOQUETTE: Non, je n'ai pas besoin de M. Breuleux pour
préparer mes discours.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Pourquoi rejeter le dialogue comme cela?
Pourquoi? Pourquoi rejeter des ordres?
M. CHOQUETTE: Non, mais j'ai fait cette demande-là pour tous les
membres de la commission et surtout pour le ministre d'Etat à la
Fonction publique parce qu'au fond, je pense que ce que vous demandez, M.
Breuleux, n'enlève rien au ministre d'Etat, au ministre de la Fonction
publique en vertu de ce projet de loi.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Je ne sais pas si ce sera l'honorable...
M. CHOQUETTE: Je ne sais pas si M. Masse a compris exactement.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): J'ai compris. Personnellement, je ne peux
pas critiquer, j'écoute.
M. BREULEUX: Bien, j'aimerais que vous écoutassiez, bien entendu.
J'aimerais aussi que cela se traduise par des faits. Je voudrais aussi que cela
se traduise par des connaissances, parce que tout de même il y a des
choses que nous connaissons et que vous ne connaissez pas. Il y a des choses,
bien entendu, que vous connaissez et que nous ne connaissons pas non plus.
M. CHOQUETTE: M. Breuleux, si je peux continuer la suggestion que je
vous faisais, si vous prépariez un document de ce genre-là pour
l'usage des membres de la commission, tous les membres de cette commission
seraient éclairés sur votre position.
Si, à ce moment-là, nous considérons qu'il y a des
questions ultérieures à vous poser, il est sûr que nous, de
l'Opposition, serions parfaitement d'accord pour demander au président
de convoquer la commission de nouveau et vous entendre pour avoir des
éclaircissements.
M. BREULEUX: Vous pouvez être assurés que nous, nous
communiquerons avec vous sous la forme d'un mémoire. Nous ferons le
mémoire dans le plus bref délai possible et nous le ferons
parvenir à tous les membres de la commission, au pouvoir et à
l'Opposition.
M. LE PRESIDENT (M. Masse): Ajourne à huit heures quinze ce
soir.
(Fin de la séance: 12 h 57)