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Présentation de mémoires
sur le projet de règlement relatif
aux exploitations de production animale
(Dix heures quatorze minutes)
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs! La
commission élue permanente de la protection de l'environnement est
réunie ce matin pour étudier ou entendre les mémoires
présentés par les organismes, personnes ou autres groupes.
concernant le projet de règlement relatif aux exploitations de
production animale.
Les membres de la commission sont M. Beau-séjour (Iberville), M.
Baril (Arthabaska) remplace M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M. Picotte
(Maskinongé) remplace M. Caron (Verdun); M. Cordeau (Saint-Hyacinthe),
M. Gagnon (Champlain) remplace M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes); M.
Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger
(Lafontaine), M. Mercier (Berthier).
Les intervenants sont M. Dubois (Huntingdon), M. Grégoire
(Frontenac), M. Léonard (Laurentides-Labelle), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Marquis (Matapédia), M. Roy
(Beauce-Sud), M. Caron (Verdun) remplace M. Saindon (Argenteuil), M. Samson
(Rouyn-Noranda), M. Verreault (Shefford).
Est-ce qu'il y aurait un rapporteur pour la commission?
Une Voix: Je proposerais M. Baril.
Le Président (M. Boucher): M. Baril (Arthabaska).
M. Roy: Je l'appuie, M. le Président. Vous avez besoin de
bien faire cela.
Le Président (M. Boucher): Pour la séance
d'aujourd'hui nous avons les organismes suivants: la Fédération
de l'UPA du Bas Saint-Laurent, le représentant est M. Jacques Cimon; MM.
Y. Martel et J. Zizka, à titre personnel; un groupe de chercheurs de
l'INRS-Eau, représenté par M. H.G. Jones; la
Fédération des producteurs de volailles du Québec,
représentée par M. Denis Jacob, secrétaire; M. Jean-Paul
Lasnier, à titre personnel; M. Lorenzo Grégoire, à titre
personnel; le Comité de citoyens du rang Jean-Guérin sud-ouest,
représenté par M. Jean Trudel et l'Association
québécoise des techniques de l'eau, représentée par
M. Raymond Larivée. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le Président, est-ce que nous allons
étudier les mémoires dans le même ordre que vous nous les
avez présentés.
Le Président (M. Boucher): J'ai
énuméré les mémoires dans cet ordre. C'est la liste
qu'on m'a remise ce matin. S'il y a des changements à apporter, je ne
crois pas que ce soit figé dans le ciment. Il faudrait quand même
accepter que les groupes qui sont prêts à venir...
M. Cordeau: Est-ce que nous pourrions avoir une copie de cette
liste?
Le Président (M. Boucher): De cette liste?
Compte tenu du temps alloué, compte tenu des nombreux
mémoires que nous avons à entendre aujourd'hui, je
suggérerais que l'on procède dans un délai quand
même assez restreint pour chacun des mémoires, c'est-à-dire
à peu près trois quarts d'heure par mémoire. Ce qui
voudrait dire qu'on donnerait à ceux qui présentent le
mémoire environ vingt minutes et, par la suite, les
députés de la commission se partageraient le reste du temps pour
les questions.
J'appelle immédiatement la fédération... Oui, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy: En ce qui me concerne, je suis bien prêt à
collaborer avec la présidence pour que nos travaux se déroulent
sans perte de temps, de façon que nos invités ne soient pas dans
l'obligation d'attendre et de perdre du temps en commission. Mais je pense
qu'étant donné que c'est la première fois, depuis
l'adoption de la loi 34, sanctionnée le 21 décembre 1972, que
nous étudions des règlements, compte tenu du fait que cette loi
comporte un pouvoir de réglementation énorme, je pense quand
même qu'il ne faudrait pas être trop contingentés, pour ne
pas brimer les droits des parlementaires.
Quand on arrive au partage du temps, je ne veux pas faire un
débat là-dessus, mais chaque fois que nous avons eu des
débats restreints, la présidence a toujours été
obligée de tenir compte du partage, c'est-à-dire une partie du
temps entre les représentants du côté gouvernemental et une
autre entre les représentants de l'Oppositionrll y a trois formations
politiques du côté de l'Opposition et il faudrait que mes
collègues et moi-même, de l'Opposition, puissions poser les
questions que nous estimons devoir être posées à nos
invités, de façon à nous donner le maximum
d'éclairage possible pour que, lorsque le temps viendra de faire nos
recommandations, nous puissions faire des recommandations pertinentes au
ministre et au gouvernement. Cela m'apparaît fondamental.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud, j'ai mentionné qu'on donnait vingt minutes à ceux qui
présentaient le mémoire et que le reste du temps pouvait
être partagé entre les différents partis autour de cette
table. Je tiens compte de vos remarques à ce sujet. Je pense que, dans
le passé, il y a eu, de la part de la présidence, une certaine
latitude pour permettre à chacun de s'exprimer.
M. Gagnon: M. le Président, lorsque vous mentionnez que le
reste du temps pourrait être partagé, suite à la question
du député de Beauce-Sud, il serait partagé comment?
Le Président (M. Boucher): Par expérience, on
essaie de demeurer à l'intérieur du temps qu'on se fixe. Ce n'est
quand même pas gelé dans le ciment. On peut essayer de
répartir les questions à peu près également, des
deux côtés de la table.
M. le député de Saint-Hyacinthe.
Motion pour que le ministre
de l'Agriculture soit invité à
l'audition
des témoins présents
M. Cordeau: M. le Président, j'aurais une motion à
faire. Je ne sais pas si elle est recevable. M. le Président, je fais
motion pour qu'on invite le ministre de l'Agriculture afin qu'il vienne
entendre les revendications des groupes concernés en milieu agricole. Il
est important que le ministre de l'Agriculture soit parmi nous car le
règlement et les mémoires s'y rapportant le touchent
indirectement et je sais pertinemment qu'il n'est pas en accord sur ce
règlement car il l'a manifesté quelques fois. Il est en
désaccord sur certains points de vue. Je ne dirai pas sur tous les
règlements...
M. Léger: Je suis heureux que vous fassiez des
nuances.
M. Cordeau: ... mais sur certains points de vue. Nous avons pu
constater que le ministre de l'Agriculture serait en désaccord ou
aimerait apporter des amendements.
M. Léger: M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre, sur la
recevabilité de la motion.
M. Léger: Etant donné que nous n'avons pas
commencé à discuter, je pense que normalement, la commission
aurait dû commencer par un mot d'ouverture de la part de chacun des
intervenants et on en est déjà rendus à des motions. Je
voudrais simplement faire remarquer au député de Saint-Hyacinthe
que ce n'est pas selon l'esprit de nos règlements de convoquer une
personne élue de la Chambre à une commission comme celle-ci. Les
personnes qui sont membres de l'Assemblée nationale ont toute
l'ouverture pour venir participer à des commissions parlementaires. De
toute façon, j'ai déjà rencontré le ministre de
l'Agriculture qui m'a assuré qu'il viendrait faire un tour à la
commission parlementaire. Il aura l'occasion, probablement, de dire aussi son
mot.
Je dois corriger le député de Saint-Hyacinthe qui disait
que le ministre de l'Agriculture n'était pas d'accord sur le
règlement, ou sur une partie du règlement. Je pense que c'est une
affirmation qui est fausse puisqu'il y a eu des consultations durant plusieurs
années avec le ministère de l'Agriculture et il y a eu plusieurs
rencontres avec le ministre de l'Agriculture à ce sujet. J'en profiterai
à l'ouverture, alors que je donnerai le point de vue du gouvernement au
début de cette commis- sion parlementaire, pour répondre
davantage à cette motion. Je pense, M. le Président, que cette
motion est irrecevable.
M. Goldbloom: M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Gooldbloom: Sur la recevabilité de la motion. Le
ministre a raison de dire que ce n'est pas dans nos habitudes de convoquer
formellement un membre de l'assemblée nationale devant une commission
parlementaire. Mais, l'habitude, c'est une chose et la recevabilité
d'une motion en est une autre; à mon sens, la motion comme telle est
parfaitement recevable. Je ne voudrais pas que le ministre aille trop loin en
nous donnant des directives quant à notre ligne de conduite, lui, qui,
dans l'Opposition, faisait une heure, une heure et demie de procédurite
avant le début de toute discussion utile aux commissions
parlementaires.
M. le Président, je ne sais si notre collègue de
Saint-Hyacinthe veut insister pour que nous prenions une décision
formelle sur sa motion, mais je voudrais soumettre à votre
considération bienveillante et intelligente l'opinion que c'est une
motion quand même recevable.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Hyacinthe, pour couper court à la discussion sur la
recevabilité, je constate que le libellé de la motion du
député de Saint-Hyacinthe mentionne que l'on invite. Compte tenu
que les membres de la commission ont le droit de faire les voeux pieux qu'ils
veulent bien faire, je considère la motion recevable. Si vous voulez
discuter sur le fond, allez-y.
M. Léger: M. le Président, je présume que le
ministre de l'Agriculture... Je ne voudrais pas faire de procédurite,
mais je ne pense pas qu'il faudrait qu'on consulte... Vous demandez l'article
du règlement, je ne l'aurai pas, mais je suis convaincu qu'on ne peut
pas formellement, à moins d'un problème bien particulier
il y a des nuances à mettre là-dedans obliger ou convoquer
une personnalité de l'Assemblée nationale, un élu ou un
membre du gouvernement à une commission parlementaire à moins de
cas bien particuliers.
Je ne voudrais pas procéder à un jeu de
procédurite, parce que je pense qu'on a autre chose à faire
aujourd'hui que de la procédure. On a à entendre des personnes
qui sont venues ici.
M. Goldbloom: Ah bon!
M. Léger: Je voudrais seulement vous dire que je suis
convaincu qu'au moment où on se parle, le ministre de l'Agriculture, qui
a des écouteurs, à son bureau, comme tous les ministres, est au
courant ou que quelqu'un de son cabinet lui dit ce qui se passe, mais, de toute
façon, comme je vous l'avais dit, le ministre m'a assuré qu'il
viendrait faire un tour à la commission
et que peut-être même quelques fois il s'assoirait avec nous
autres. Il pourra donner son point de vue et prouvera peut-être au
député de Saint-Hyacinthe qu'il est parfaitement d'accord avec
l'esprit du règlement.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Je vais ici simplement noter, un article du journal
La Presse, le 14 septembre 1978, où il est écrit:
"L'environnement. Enfin, le ministre croit on parle de M. Garon
que les services de protection de l'environnement devront réviser leurs
normes pour mieux s'ajuster au milieu agricole. Il est clair, selon lui, que le
projet de loi 69 sur l'environnement qui sera présenté par le
ministre, M. Marcel Léger, cet automne ne doit pas brimer le travail de
l'agriculteur. C'est simplement pour indiquer que tantôt, je disais que
le ministre de l'Agriculture diffère d'opinion sur certains points, pour
confirmer.
M. Léger: M. le Président...
M. Cordeau: Je ne sais pas si les paroles de M. le ministre ont
été bien rapportées dans la presse, mais c'est ce que j'ai
lu.
M. Léger: J'aimerais clarifier la situation une fois pour
toutes. J'attendais qu'on commence, selon l'habitude qui est dans l'ordre, soit
de faire l'ouverture avec le point de vue de chacun des membres de cette
commission, mais on est encore en procédurite. On aurait
évité cela si on avait commencé, selon l'habitude. Je dois
quand même vous dire ceci? Nous sommes appelés en commission
parlementaire pour étudier un projet de règlement qui a eu une
prépublication. Ce n'est pas la politique du gouvernement. Que le
député de Saint-Hyacinthe essaie de faire dire que le ministre de
l'Agriculture n'est pas d'accord avec le contenu, j'ai dit que le ministre de
l'Agriculture est d'accord avec le principe qui est le suivant. Il y a une
hypothèse de travail qui a été soumise à la
population, aux groupes intéressés, aux agriculteurs, aux
éleveurs, aux citoyens pour qu'ils puissent donner leur point de vue
pour qu'on ait un règlement qui corresponde à l'équilibre
qu'on veut avoir entre la protection de l'environnement et une aide aux
agriculteurs pour développer le commerce ou l'industrie de
l'élevage. Donc, on est ici ensemble pour trouver la solution. Je ne
voudrais pas qu'on se mette à faire des insinuations comme quoi on est
d'accord ou pas, il n'y a personne qui peut être d'accord parce qu'on
cherche la vérité, tout le monde ensemble. Moi-même, je
suis ici pour soumettre un document à l'opinion de personnalités
qui vont vivre avec ce règlement plus tard, et je leur dis: Comment
voulez-vous votre règlement? S'il n'est pas assez sévère,
je leur dirai: Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de le rendre un peu plus
sévère pour telle ou telle conséquence? Ceux qui vont
vouloir le rendre trop sévère, on va leur dire: Est-ce qu'on
pourrait le rendre moins sévère pour telle ou telle raison? On
est ici, ensemble, avec l'aide et les lumières des députés
de l'Opposition et ceux du gouvernement, puis des gens qui vont venir nous
rencontrer pour trouver une solution. Il y a un problème, et ce
problème, on le vit actuellement. Pour régler ce problème,
il y a un règlement qui doit être adopté. Quant au contenu
du règlement, je tiens à vous dire que tous les articles sont
sujets à discussions. A la fin, on prendra une décision
basée sur l'éclairage que nous aura donné cette
commission.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Le député de
Saint-Hyacinthe a proposé une motion invitant le ministre de
l'Agriculture. Il faudra bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'une convocation,
mais bien d'une invitation; ce qui est bien différent, à mon
avis. Pour ce qui me concerne, ce matin, je déplore le fait que le
ministre de l'Agriculture ne soit pas ici, parce que je conçois
très mal qu'au niveau de l'environnement, dans un règlement qui
concerne la classe agricole jusqu'à maintenant, le ministre de
l'Agriculture ne soit pas là et que les gens de l'Office du
crédit agricole ne soient pas là non plus.
J'aurais bien des cas, bien des exemples à donner au ministre
pour lui dire que, s'il veut avoir un règlement, et je le
félicite de son ouverture d'esprit ce matin, s'il veut que les services
de protection de l'environnement disposent d'un règlement
réaliste en ce qui concerne la classe agricole, il va falloir que les
services de protection de l'environnement travaillent avec le ministère
de l'Agriculture. Il y aurait lieu de former un comité qui regrouperait
des gens des deux parties et il devrait y avoir aussi des gens de l'Office du
crédit agricole. (10 h 30)
Dans le secteur agricole, on ne peut pas penser jusqu'à
maintenant que le ministère de l'environnement peut agir seul, peut agir
de façon inconsidérée parce que, si on se
réfère à la loi no 34, je dois dire, et je l'avais dit
à l'époque je pense que mon collègue, le
député de D'Arcy McGee s'en souviendra la loi 34 donne
autant de pouvoirs au directeur général et au ministre de
l'environnement que les ministres titulaires de certains ministères
peuvent en avoir.
Dans le domaine agricole actuellement, dans le domaine des pouvoirs dont
dispose l'Office de protection de l'environnement, le directeur
général de l'environnement, j'ai l'impression, à la
lumière d'énormément de dossiers non seulement de ma
région, mais de tout le Québec qui parviennent à nos
bureaux, que le ministre a plus de pouvoirs que le ministre de l'Agriculture
lui-même. Dans ce règlement, il y a beaucoup d'inquiétude
de la part de la classe agricole. Il faudrait penser que, si le
règlement devait être appliqué à la lettre, selon un
bref calcul que j'ai fait, il faudra au moins $100 millions d'investissements
de la part de la
classe agricole pour pouvoir l'appliquer, et je m'étonne de plus
que, dans ce secteur, on travaille surtout du côté de la classe
agricole comme s'il appartenait en premier lieu, presque en exclusivité,
à la classe agricole de corriger l'environnement au Québec.
M. Léger: M. le Président, est-ce que le
député me permettrait seulement...
M. Roy: Depuis 1972... Non, je m'excuse, je n'ai pas
terminé. Le ministre pourra faire des observations tout à
l'heure.
M. Léger: Je ne voudrais pas faire une question de
règlement parce que je veux simplement faire remarquer au
député que, dans quelques minutes, il aura l'occasion de faire
son intervention d'ouverture. Nous sommes uniquement sur la question de la
recevabilité.
M. Roy: Non, la recevabilité est acceptée.
M. Léger: On reçoit ou on ne reçoit pas,
mais on est en train de faire le procès de l'agriculture ou d'une
situation qu'on va pouvoir faire dans quelques minutes. Si le
député était d'accord, on commencerait
immédiatement la commission sur le contenu, de façon que chacun
des membres de cette commission et chaque partie puissent intervenir dans le
sens vers lequel se dirige le député de Beauce-Sud. C'est pour
cela, je pense, que son intervention qui était sur la
recevabilité de la motion...
M. Roy: Elle est reçue.
M. Léger: ... est déversée dans du
contenu.
M. Roy: La motion est reçue, premièrement.
C'étaient des arguments que j'apportais à l'appui de la motion,
parce que j'estime que le voeu qui est exprimé par le
député de Saint-Hyacinthe devrait être accepté. J'ai
tenté de démontrer aux membres de la commission je
terminerai là-dessus par quelques exemples et quelques faits,
l'importance qu'il y aurait, pour le ministre de l'Agriculture, de prendre part
à nos travaux, et à d'autres ministres aussi qui ont des
responsabilités gouvernementales dans le secteur de l'économie
agricole.
M. Picotte: M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, tout en reconnaissant le
bien-fondé de la motion du député de Saint-Hyacinthe, je
la trouve un peu inutile dans le sens suivant, c'est qu'il me semble que le
ministre de l'Agriculture devrait se faire un devoir d'être
présent à cette commission qui discute directement d'agriculture.
S'il ne peut pas être présent, il devrait au moins
déléguer un représentant. J'ai de bonnes raisons de croire
que les rencontres n'ont pas été nombreuses entre le ministre de
l'Agriculture et le ministre de l'environnement puisque, au mois de juin
dernier, je demandais au premier ministre la possibilité d'avoir une
rencontre entre certains députés et les deux ministres en
question. A ce moment, je plaidais la cause de d'autres députés
du gouvernement par exemple, celle du député de Champlain
avec qui j'avais discuté à un moment donné et qui avait
mentionné son intention d'être présent. A la suite d'une
lettre que j'ai expédiée au ministre de l'environnement, ce
dernier m'a fait part que dès qu'il y aurait une rencontre, on pourrait
y être invité; malheureusement, depuis le mois de juin dernier, on
n'a jamais été invité, alors, si les rencontres ont eu
lieu, elles n'ont pas été nombreuses ou elles ont
été clandestines.
M. Gagnon: M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: Je pense que si on continue à discuter comme
cela longtemps, cela va prendre du temps à étudier les
règlements de l'environnement, ce que j'ai, personnellement, hâte
de faire.
Il est bien évident que les règlements qu'on
s'apprête à étudier et, éventuellement, à
adopter, après modifications, je présume, regardent de
très près l'agriculture puisque cela touche ce secteur.
Adopter une motion pour inviter le ministre de l'Agriculture, alors
qu'il est déjà invité, je veux dire, l'invitation va de
soi; il est membre de l'Assemblée nationale. J'ai eu l'occasion de
travailler avec les deux ministres, autant le ministre de l'environnement que
le ministre de l'Agriculture et, la semaine passée encore, le ministre
de l'Agriculture m'a assuré qu'il y aurait ici, une présence du
ministère de l'Agriculture.
Vous avez, ici, du côté gouvernemental, quatre
députés agriculteurs et quatre députés qui
travaillent de très près avec les deux ministres. Alors, quand on
dit qu'il n'y a pas de représentant, nous avons autant de contact avec
le ministre de l'Agriculture qu'avec le ministre de l'environnement et vous
pouvez être certains que l'objectif qui est visé par le
député de Beauce-Sud ou le député de
Saint-Hyacinthe ou le député de Maskinongé est aussi le
nôtre.
J'aimerais que, compte tenu de l'importance de cette
réglementation, on arrête de faire de la procédurite et
qu'on commence à l'étudier. Il est certain que vous allez voir le
ministère de l'Agriculture présent au moment opportun.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je ne prolongerai ce
débat que de 60 secondes, approximativement. Je voudrais faire deux
commentaires. D'abord, le ministre de l'environnement nous dit: J'ai eu des
conversations avec mon collègue et il
n'y a pas entre nous de divergences de vues sur les principes qui
sous-tendent ce projet de règlement. Il y a, M. le Président,
à la lecture des mémoires, des gens qui ne sont pas d'accord avec
ce qui est proposé dans ce projet de règlement et, normalement,
ce serait le ministre de l'Agriculture qui devrait les écouter,
particulièrement parce que c'est le ministre de l'environnement qui est
l'auteur de ce projet de règlement et c'est donc lui qui s'en fait le
défenseur principal. S'il y a des divergence de vues, ce n'est pas
normalement lui qui se fera l'avocat de ces gens-là, c'est le ministre
de l'Agriculture qui devrait, normalement, jouer ce rôle.
Deuxièmement, quand le ministre nous dit que son collègue
de l'Agriculture écoute sûrement avec son perroquet les
débats ici en commission parlementaire, M. le Président, nous
sommes ici à temps complet, nous renonçons à toute autre
activité afin d'être en mesure d'accorder notre attention
complète aux intervenants et poursuivre un débat avec toutes les
nuances qui peuvent surgir au cours de cette discussion. Si le ministre de
l'Agriculture est à son bureau, c'est sûrement parce qu'il a en
même temps autre chose à faire. Ce n'est pas un blâme que je
fais à son endroit, ce n'est qu'une constatation. S'il n'est pas ici,
c'est parce qu'il a autre chose à faire, il lui est impossible de
consacrer toute son attention à ce qui se passe ici. Alors, j'ai
terminé, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député. M. le député d'Iberville.
M. Beauséjour: Je ne discuterai pas de la
recevabilité de la motion.
M. Roy: Elle est reçue. J'ai hâte qu'on note qu'elle
est reçue.
M. Beauséjour: Oui, elle est reçue, je le sais,
c'est pour cela que je dis que je n'en discuterai pas, mais il reste quand
même que, selon le règlement, n'importe quel député
peut venir ici et participer à la commission. J'ai l'impression que
c'est un peu un voeu pieux d'inviter ou de ne pas inviter quelqu'un, puisque
tous les députés sont invités. Je ferai remarquer quand
même que les quatre députés qui sont déjà
à la commission de l'agriculture peuvent aussi faire rapport au ministre
s'il y a des moments où il peut venir puisque le ministre de
l'environnement a indiqué que le ministre doit venir à la
commission. Je ne retarderai pas plus ces discussions puisque la
réglementation m'apparaît plus importante à étudier
pour qu'on passe tout de suite, si c'est nécessaire, au vote et qu'on
décide.
Le Président (M. Boucher): Merci. Est-ce qu'on est
prêt à disposer de la motion du député de
Saint-Hyacinthe voulant que l'on invite le ministre de l'Agriculture afin qu'il
vienne entendre les revendications des groupes intéressés au
milieu agricole?
M. Roy: Adopté.
Vote sur la motion
Le Président (M. Boucher): J'appelle les
députés. Vous indiquerez votre vote en disant pour ou contre. M.
Beauséjour (Iberville)?
M. Beauséjour: Abstention.
Le Président (M. Boucher): M. Baril (Arthabaska)?
M. Baril: Pour.
Le Président (M. Boucher): M. Picotte
(Maskinongé)?
M. Picotte: En faveur.
Le Président (M. Boucher): M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe)?
M. Cordeau: En faveur, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. Gagnon (Champlain)?
M. Gagnon: Pour.
Le Président (M. Boucher): M. Goldbloom (D'Arcy
McGee)?
M. Goldbloom: En faveur, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. Léger
(Lafontaine)?
M. Léger: D'accord.
Le Président (M. Boucher): M. Mercier (Berthier)?
M. Mercier: D'accord.
Le Président (M. Boucher): M. Brassard remplace M.
Lavigne. La motion du député de Saint-Hyacinthe est donc
acceptée.
M. Léger: M. le Président, si vous voulez me
permettre...
Le Président (M. Boucher): M. le ministre.
Exposé préliminaire du ministre
M. Marcel Léger
M. Léger: On commence cette commission, je voudrais
profiter de l'occasion pour remercier tous ceux qui, dans un très court
laps de temps, ont manifesté le désir de venir nous faire
connaître leur point de vue et, ensuite, situer nécessairement
dans quel contexte doit être discuté le projet
de règlement sur lequel nous nous informerons mutuellement au
cours des trois prochains jours.
Depuis décembre 1972, il existe au Québec la Loi de la
qualité de l'environnement. Depuis deux ans, à titre de ministre
délégué à l'environnement, je suis responsable de
l'administration de cette loi. L'article 22 de cette loi, premier
alinéa, se lit comme suit: "Nul ne peut ériger ou modifier une
construction, entreprendre l'exploitation d'une industrie quelconque,
l'exercice d'une activité ou l'utilisation d'un procédé
industriel, ni augmenter la production d'un bien ou d'un service, s'il est
susceptible d'en résulter une émission, un dépôt, un
dégagement ou un rejet de contaminant dans l'environnement, ou une
modification de la qualité de l'environnement, à moins d'obtenir
du directeur un certificat d'autorisation."
Un peu plus loin, à l'article 24, il est dit: "Le directeur doit,
avant de donner son approbation à une demande faite en vertu de
l'article 22, s'assurer que l'émission, le dépôt, le
dégagement ou le rejet de contaminant dans l'environnement sera conforme
à la loi et au règlement. Il peut, à cette fin, exiger
toute modification du plan ou du projet que lui soumet celui qui demande un
permis. '
Un autre article de la loi, l'article 20, précise qu'en l'absence
de règlement, nul ne doit émettre, déposer, dégager
ou rejeter un contaminant qui est susceptible de porter atteinte à la
vie, à la santé, à la sécurité, au
bien-être ou au confort de l'être humain, de causer du dommage ou
de porter autrement préjudice à la qualité du sol,
à la végétation, à la faune ou aux biens." La loi
définit un contaminant de la façon suivante: "Une matière
solide, liquide ou gazeuse, un microorganisme, un son, une vibration, un
rayonnement, une chaleur, une odeur, une radiation ou toute combinaison de l'un
ou de l'autre susceptible d'altérer de quelque manière la
qualité de l'environnement. '
Ce ne sont pas les seules indications qu'il faudra se rappeler en
entendant les mémoires sur le présent projet de règlement.
Il faudrait également tenir compte des faits suivants: les exploitations
de production animale sont l'objet, bon an, mal an, de plusieurs milliers de
plaintes par année. Au cours des douze derniers mois, environ 2000 de
ces plaintes ont été vérifiées par nos inspecteurs
et se sont avérées fondées. Des études sur nos
cours d'eau et sur les eaux souterraines ont permis de constater à
plusieurs endroits des dommages importants et quelquefois
irréparables.
Les problèmes que nous vivons, avec cette augmentation du nombre
d'éleveurs de porcs en particulier, sont nombreux. Il faut
réaliser qu'il y a cinq ans à peine, nous avions à peine
200 demandes de permis, soit pour des porcheries, pour des porcs, des truies ou
des bovins. Nous sommes maintenant rendus à une demande qui va
dépasser en 1978 les 2500 demandes de porcheries et de bovins.
L'année dernière, il y en avait eu 2000. L'année n'est pas
encore terminée. L'année dernière, il y avait eu 722
demandes pour les porcs, près de 700 pour les truies, près de 400
pour les bovins et quelques-unes dans d'autres domaines. C'était pour
l'année dernière. Cette année, on va atteindre 2500
demandes.
Ce rythme amène des conséquences. La technologie de
l'élevage s'est beaucoup améliorée, s'est beaucoup
perfectionnée, à un point tel que nous produisons au-delà
de 140% de la consommation interne dans le domaine des porcs. C'est donc dire
que cette industrie est en pleine expansion. Je tiens à faire remarquer,
pour ceux qui voyaient dans le règlement actuel un danger à
l'exploitation, que si on est rendu à 2500 demandes de permis cette
année, 2000 l'année dernière et que ces demandes ont
été faites avec, comme guide, le projet de règlement qu'on
met sur pied aujourd'hui, qu'on présente à la population
aujourd'hui, cela veut dire que cela n'a certainement pas diminué
l'ampleur de l'industrie de l'élevage du porc. Ceux qui essaient de
faire peur en disant que cela va diminuer j'ai même vu un article
quelque part où on disait que cela était pour diminuer de 50%
c'est absolument du charriage. Entre vous et moi, quand on passe de 250
demandes par année à 2500 par année, je ne pense pas qu'on
puisse dire que c'est une industrie qui s'en va en diminuant. Au contraire,
elle va en augmentant. (10 h 45)
Mais il y a une conséquence sur laquelle il faut se pencher.
C'est celle que si la technologie de l'élevage a progressé, la
technologie du contrôle des déchets et de la pollution provenant
des déchets, spécialement du porc, n'a pas été de
pair, au même rythme. Nous vivons un problème majeur au niveau des
conséquences sur l'environnement, spécifiquement sur les cours
d'eau.
Si on pouvait résumer quels sont les problèmes de l'eau
qu'on vit actuellement, c'est d'abord un problème d'entreposage de
fumier qui ne serait pas adéquat, c'est-à-dire qui ne serait pas
confiné dans des fosses étanches.
Le deuxième problème que nous vivons, c'est un
problème d'épandage sur un sol gelé. Cet épandage
va apporter un ruissellement jusqu'à la rivière et ce sont nos
cours d'eau qui reçoivent ce fumier, et en quantité de plus en
plus énorme.
Finalement, vous avez, comme troisième grand problème,
l'épandage en quantité plus forte que la quantité
utilisée ou susceptible d'être assimilée par les plantes.
Donc, où va la différence de cet épandage? Cela va dans la
nappe d'eau souterraine ou dans le cours d'eau. Comme conséquence, dans
les cours d'eau du Québec, dans les régions où il y a
cette concentration de volume de l'industrie de l'élevage, nous avons le
problème de la pollution des cours d'eau résultant du rejet des
fumiers qui vont dans les cours d'eau, enlèvent l'oxygène de
l'eau, font pousser des algues dans nos rivières et changent la
qualité de l'eau qui, souvent, est une source d'alimentation pour ceux
qui vivent à proximité, aussi bien dans les municipalités
que les petits villages et les grandes villes.
Il y a aussi, le danger de germe à la rivière, d'un germe
contaminé, problème de nitrates dans la nappe d'eau et
problème de phosphate dans les rivières. C'est donc dire que ces
problèmes que nous vivons actuellement sont des choses que nous devons
arrêter et, avec ceux qui gagnent leur
vie dans la production animale, avec les citoyens qui vivent en milieux
ruraux et qui vivent le problème, je désire, à l'occasion
de cette commission parlementaire, demander aux gens qui ont besoin de
produire, parce que c'est leur gagne-pain, d'une part, et à ceux qui
subissent un problème de pollution, qu'ensemble, on discute, on dialogue
pour que les députés de la commission parlementaire puissent
apporter des solutions. Venir uniquement critiquer tel ou tel article du
règlement, cela ne nous aidera pas, mais venir nous dire qu'on devrait
corriger tel article en l'amendant de telle façon, en disant le
pourquoi, je pense que cela pourrait éclairer la commission
parlementaire.
Je tiens aussi à souligner que le présent projet de
règlement vise essentiellement à remplacer le chapitre XV des
règlements provinciaux d'hygiène intitulé:
Règlements concernant les renardières domestiques, porcheries,
étables, écuries, cours et fumiers. Ce règlement
adopté en 1944 remarquez la date, 1944 n'est plus
approprié aux fortes concentrations qui ont remplacé les petites
unités dans les exploitations de production animale. Toutefois, ce
règlement précise, au sujet du site des porcheries, qu'aucune
porcherie ne peut être établie à moins de 150 pieds d'une
habitation et à moins de 100 pieds d'un puits ou d'une autre source
d'approvisionnement en eau. Donc, même l'éleveur ne peut pas
installer sa porcherie à moins de 150 pieds de sa propre maison.
La permission pour faire fonctionner une grande porcherie maintenant...
Il faut se rappeler qu'à l'époque, une porcherie devenait
grande... La grandeur de cela dépend des époques. Dans ce
temps-là, on disait que c'était une grande porcherie dès
que le propriétaire et sa famille ne consommaient pas toute la
production. Dès que les animaux étaient élevés pour
être vendus à des voisins, cela devenait une grande porcherie. Le
règlement précise qu'une telle porcherie ne doit pas constituer
une nuisance par des odeurs et les mouches qu'elle occasionne. Une grande
porcherie, à l'époque, c'était peut-être 20, 25 ou
30 porcs, parce que c'était plus qu'on pouvait consommer à la
maison. Mais, aujourd'hui, ce n'est pas rare de voir des porcheries qui ont
2000 têtes, 3000 têtes, 4000 têtes, 5000 têtes et
jusqu'à 10 000 têtes. 10 000 têtes dans une porcherie, cela
commence à être supergrand et cela amène des
supernuisances. Il est important de réaliser que, comme la moyenne des
porcheries se situe autour de 1200 têtes, on est loin de la
période où on avait 20 à 25 têtes de porcs dans la
porcherie. A ce moment-là, on disait: C'est une grande porcherie, il ne
faut pas qu'il y ait de nuisances. On subit aujourd'hui les nuisances et il
faut qu'on trouve une solution pour contrer les nuisances et permettre aux
agriculteurs de quand même gagner leur vie avec cela.
Une refonte de ce règlement est donc devenue nécessaire.
On y travaille depuis 1967. Depuis cinq ans, nos fonctionnaires étudient
les demandes de permis d'exploitation animale à l'aide, et je dis le mot
suivant, d'un guide interne constamment amélioré et dont les
normes ressemblent à celles du présent projet de règlement
présenté et soumis à la population.
Je tiens à souligner que de nombreuses consultations ont
précédé la présente commission parlementaire. J'ai
même eu deux séances, pour répondre au député
de Saint-Hyacinthe, de quatre heures avec mon collègue, le ministre de
l'Agriculture, et ses experts ainsi que les miens, en plus des consultations
entre les fonctionnaires de l'environnement et les fonctionnaires de
l'Agriculture. J'ai eu des consultations avec des représentants de
l'UPA; à quatre reprises, je les ai rencontrés. Donc, les
consultations qui ont précédé la présente
commission parlementaire... Nous sommes toujours à la recherche
je pense que c'est le mot central de l'objectif de cette commission
parlementaire d'un équilibre qui doit exister entre la
qualité de l'environnement et les besoins des producteurs.
Je veux être certain que toute personne qui suit cette commission
parlementaire, que les media d'information donnent bien le sens de cette
commission. Pour le ministre de l'environnement, cette commission est un
besoin, une recherche d'un équilibre qui doit exister entre la
qualité de l'environnement et les besoins des producteurs. Je suis
réceptif à toute suggestion. Ce n'est pas un règlement qui
est une politique du gouvernement, c'est une prépublication d'un projet
de règlement soumis à des citoyens, parce que nous étions
obligés de le faire. Je dois dire que c'est un peu à la suite de
la démarche du député de Beauce-Sud qui disait: Vous
donnez un permis ou vous refusez un permis à des citoyens et on ne sait
pas sur quel critère vous vous êtes basés pour l'accepter
ou le refuser. Cela peut être arbitraire. Je dois dire, en hommage au
député de Beauce-Sud, qu'il avait raison, que nous avions un
guide sur lequel nous étions obligés de nous pencher pour dire
oui ou non et ce n'était pas connu.
Donc, nous avons fait connaître aujourd'hui le projet de
règlement qui deviendra un règlement après qu'il aura subi
les amendements requis, qui servira par la suite pour le contrôle de la
qualité de l'environnement après que les personnes auront eu leur
permis. C'est pour cela qu'on l'a mis en public. Cela a été
demandé par l'UPA qui voulait qu'on rende public ce règlement. Il
est public aujourd'hui pour que les gens puissent, non pas "manger" à
tour de bras, mais venir nous dire comment ils voudraient qu'on le corrige.
J'aimerais bien que ce soit un appui positif ou une critique constructive, et
qu'on ne se serve pas de cette occasion uniquement pour détruire un
règlement ou se faire un certain capital qui n'apporterait pas
nécessairement des solutions. Ce que je veux, c'est une solution avec
l'aide des gens qui ont des choses à nous proposer.
C'est donc dire que c'est à la fin du mois d'août que le
projet de règlement a été rendu public. Il l'a
été, en partie, pour satisfaire une demande légitime qui
nous avait été faite, celle de rendre les règles du jeu
publiques. Le 30 août dernier, en présentant le projet de
règlement et en déclarant ouverte la période de
consultations
publiques prévue par la loi, je disais que les éleveurs
actuels ou futurs réclament de connaître précisément
leurs droits et leurs obligations, même si moins je pense que ces
chiffres sont importants d'une vingtaine de demandes ont
été rejetées depuis 1973, soit environ 0,3%, et que
seulement de 7% à 10% ont dû être modifiées à
la demande de nos fonctionnaires, ce qui veut dire environ 600 qui ont dû
être modifiées sur quelque 6000 demandes.
Il est intéressant de donner seulement quelques chiffres: sur
6616 demandes, il y en a eu 4290 qui ont été acceptées
immédiatement. Donc, le règlement n'était tout de
même pas si sévère que cela puisque 4290 demandes ont
été acceptées, c'est-à-dire que 65% des demandes
ont été acceptées; 821 demandes sont actuellement à
l'étude, c'est-à-dire 12%. De 821 demandes, il y en a 350 dont on
n'a pas encore ouvert le dossier et 439 sur lesquelles on se prépare
à émettre des permis.
Il y en a 654 qui ont essuyé un refus technique; ce sont les 10%
que je mentionnais tantôt, et de ces demandes, il y en a une bonne
proportion qui sont revenues avec des correctifs qui en ont justifié
l'acceptation. Il y en a 834 sur lesquelles nous avons demandé des
informations supplémentaires, puisque la demande était faite
d'une façon trop générale, on ne savait pas exactement les
objectifs de la demande. Il y en a donc 834 sur lesquelles nous avons
demandé des informations, ce qui équivaut à 13%.
C'est pour cette raison que nous pensons que la quantité de
demandes et les réponses favorables qui ont été
données démontrent jusqu'à quel point même le
règlement actuel qui n'est absolument pas adéquat, qui doit
être corrigé grâce aux lumières de ceux qui ont
l'expérience là-dedans, malgré cela, il n'a pas du tout
nui à l'économie de la production animale.
Au cours des trois prochains jours, nous aurons l'occasion, comme je le
disais tantôt, de nous informer mutuellement. Nous procéderons
à un échange de faits et de chiffres. Je tenais à ce que
les producteurs agricoles viennent affirmer des choses qui seront
étudiées et discutées par les gens qui subissent aussi le
problème de la pollution en provenance de la production, parce que, vous
savez, on a fait une affirmation à un moment donné où on
disait et cela est un petit peu charrié, dans un langage
très coloré que les producteurs agricoles de la campagne
n'ont pas à se faire dire par des citadins comment administrer et
comment vivre à la campagne, que les citoyens de la ville étaient
maîtres chez eux mais qu'à la campagne il fallait qu'ils subissent
ce qui se passait là, comme si les problèmes de la pollution de
l'environnement soit le problème des odeurs ou de l'eau ne
faisaient que nuire à des citadins qui venaient passer quelques jours de
vacances en campagne et qui avaient un petit nez fin.
Je tiens à dire que 80% des plaintes que nous avons reçues
elles se chiffrent autour de 6 000, dont 2 000 cette année
proviennent de citoyens qui vivent dans le milieu rural à longueur
d'année; il ne faut donc pas oublier qu'il n'y a pas uniquement des
agriculteurs à la campagne. Il y a environ, selon les derniers chiffres
que nous avons, une quarantaine de mille agriculteurs qui vivent du produit de
la ferme mais il y a au-delà d'un million et demi de citoyens qui vivent
dans un milieu rural, à temps plein, qui ne sont pas des producteurs,
mais qui vivent dans le milieu rural, et c'est d'eux que proviennent 80% des
plaintes que nous avons.
Je pense qu'il faut corriger ces affirmations gratuites qui sont faites
un peu d'une façon simpliste et qui doivent être ramenées
à des faits. Je pense que, avec la rencontre d'aujourd'hui, les
producteurs agricoles de production animale et les citoyens qui vivent à
la campagne d'une façon permanente vont corriger les uns et les autres,
les petites énormités que chacun, des deux côtés,
peut faire.
Je tiens toutefois à répéter que, durant ces trois
jours, nous allons nous informer mutuellement et que nous procéderons
à un échange de faits et de chiffres et également à
un échange d'opinions qui nous permettront d'atteindre
l'équilibre souhaité. S'il y a eu, depuis les deux ans que nous
sommes au pouvoir, une consultation qui est souhaitée, c'est bien
celle-là.
Cette commission parlementaire a pour objectif une consultation au plus
haut degré jamais atteint à une commission parlementaire. Je
tiens toutefois à préciser tout de suite certains points. Je
crois fermement que l'écologie et l'économie sont des notions
complémentaires et non pas contradictoires. Je fais partie d'un
gouvernement qui s'est donné comme objectif d'atteindre le plus possible
l'autosuffisance dans le domaine de la production alimentaire. Le mythe de
l'environnement qui tente de contingenter la production animale ne peut pas
s'appuyer sur une argumentation sérieuse. (11 heures)
II y a un autre mythe, qu'il va falloir corriger, qui veut prendre
naissance. On veut opposer le citadin au producteur, comme je le disais
tantôt; on laisse entendre que le premier veut imposer son mode de vie en
territoire agricole. Comme je le disais, la très grande majorité
des plaintes que nous recevons viennent du milieu rural. Il ne faut pas oublier
qu'un million et plus de Québécois vivent en dehors des villes,
que ces Québécois ne sont pas tous des éleveurs et que ces
Québécois ont droit, eux aussi, à un environnement de
qualité. Je dirais même qu'il y a des éleveurs qui
poursuivent d'autres éleveurs parce que cela sent mauvais à la
ferme voisine.
Je veux bien que l'on écarte le citadin du débat, mais je
ne suis pas certain que le Québécois, qui vit en région
agricole, ne soit pas d'accord avec un projet de règlement qui le
protège. Je ne suis pas certain, non plus, que les agriculteurs, les
éleveurs soient d'accord pour que l'industrialisation de
l'élevage se fasse n'importe comment. Il s'est fait du
développement sauvage dans les zones agricoles, j'en conviens. Nous
devrions sérieusement nous interroger sur des
notions comme celles des droits acquis et de la
réversibilité des distances.
Je reviens donc à la notion d'équilibre qui devrait
être l'objectif du règlement définitif. A ma
conférence de presse du 30 août, je déclarais:
L'unanimité, je peux le dire, est faite sur un point: La
nécessité absolue de protéger nos eaux de surface et nos
eaux souterraines qui vont servir d'alimentation future pour les
Québécois. La loi du zonage agricole permettra aussi de
régler certains autres détails essentiels, parce que, s'il est
évident qu'une porcherie n'a pas sa place en pleine ville, il faut
admettre qu'il faut mettre un terme aux plaintes de ceux qui veulent
transporter la ville à la campagne.
Ceux qui croient que le projet de règlement a été
conçu pour les citadins font fausse route. Les citadins subissent la
pollution industrielle, mais ce sont ceux qui vivent dans la zone agricole qui
subissent le plus de pollution agricole. Jouer la ville contre la campagne est
un faux débat, au même titre que l'opposition fictive entre le
progrès économique et la protection de l'environnement.
Quand le règlement 15 est entré en vigueur, j'étais
encore étudiant et, déjà, l'on précisait que, dans
les limites des cités et villes et des agglomérations dites de
villages, il était interdit de garder et d'élever des porcs ou
des volailles, à moins d'une permission écrite du médecin
hygiéniste du district dans lequel se trouve située la
municipalité et pourvu que l'endroit où l'on garde ces animaux
domestiques soit à une distance d'au moins 250 pieds de toute habitation
et que, de cet élevage, il ne découle aucune nuisance.
C'était il y a plusieurs années.
La notion de nuisance est importante, celle des distances à cause
des odeurs, aussi; c'est pourquoi le projet de règlement parle de
localisation. Nos producteurs ont un problème de stockage de fumier et
un problème d'élimination et d'utilisation; c'est pourquoi le
projet de règlement parle d'épandage. C'est pourquoi près
d'une vingtaine d'études se poursuivent actuellement, pour le compte du
gouvernement, sur la seule question du fumier de porc, qui est une richesse, en
soi, pourvu qu'on puisse l'utiliser. Parce que, je pense, avec les
études que nous avons en main, qui ne sont pas terminées, avec le
procédé Fusch que nous avons mis sur pied il y a quelque temps,
qui a fait ses preuves dans des pays d'Europe, et qui est tenté au
Québec, il y a moyen, au lieu de perdre ce fumier, qui s'en va dans les
cours d'eau et qui est une nuisance parce que cela fait perdre l'utilisation de
nos cours d'eau, cela a parfois, comme dans la rivière Etchemin, fait
mourir des milliers de poissons, plutôt que de le perdre dis-je, d'en
faire un engrais; il faut le transformer en un engrais naturel qui redonnerait
aux agriculteurs une possibilité, selon les chiffres actuels, de revenus
additionnels de près de $100 millions.
Bientôt, la gestion du fumier, quand toutes les recherches vont
être terminées, quand la mise en marché aura
été étudiée, quand il y aura un moyen de
contrôle du marketing, du transport et d'un marché pour vendre ce
fumier qui sera transformé en engrais animal, il y a une
possibilité de $100 millions de revenus pour les agriculteurs. C'est
donc intéressant. Mais il ne faut pas comparer la technologie que des
industries ont pour corriger la pollution avec la technologie connue dans le
domaine agricole; c'est plus récent. Je pense qu'en dedans d'un an, deux
ans au maximum, même en dedans d'un an, il y a moyen de transformer cette
perte en un revenu pour les agriculteurs. Je termine, M. le Président,
comme je le faisais le 30 août dernier, en disant ceci: A la suite de la
commission parlementaire, ce sera mes responsabilités et je la
prendrai de concilier tout ce qui aura été dit et de
mettre en vigueur un règlement qui devrait satisfaire les
éleveurs, d'une part, et les autres citoyens, d'autre part. Notre
gouvernement a la volonté de protéger à la fois
l'environnement, à la fois le sol arable et à la fois la classe
agricole. Nous y arriverons avec la collaboration de tous les groupes
intéressés et spécialement des membres de
l'Assemblée nationale qui font partie de la commission parlementaire
où, j'espère, j'aurai des propositions qui pourront permettre de
bonifier ce règlement.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre. M. le
député de D'Arcy McGee.
Remarques de l'Opposition
M. Victor C. Goldbloom
M. Goldbloom: M. le Président, nous abordons aujourd'hui
une des discussions les plus importantes de l'histoire des efforts du
Québec pour protéger son environnement et je suis
extrêmement heureux que cette occasion nous soit offerte. Je voudrais
dire amicalement, cordialement à mon collègue de Beauce-Sud que
ce n'est pas la première fois que nous avons l'occasion de faire une
telle séance sur un projet de règlement proposé en vertu
de la Loi de la qualité de l'environnement. Nous l'avons fait pendant
trois journées en 1976 sur le projet de règlement concernant la
pollution de l'air. Je pense que c'est une formule qui est très heureuse
et je voudrais, nonobstant les petits commentaires que nous avons pu faire au
début de la séance, remercier le ministre de nous avoir fourni
cette occasion d'examiner un aspect particulièrement important de la
protection de l'environnement.
Je ne peux m'empêcher un certain sourire en écoutant le
député de Beauce-Sud, comme d'autres aussi, faire la remarque que
la Loi de la qualité de l'environnement accorde au ministre et au
directeur des pouvoirs qui dépassent, dans bien des cas, ceux qui sont
accordés par la loi à des ministres en titre dans d'autres
secteurs de préoccupations gouvernementales. Mon sourire n'est pas
inspiré par ce commentaire du député de Beauce-Sud, mais
plutôt par les remarques de ceux qui disent que, depuis le début,
le ministre de l'environnement manque de pouvoirs et n'est pas capable
d'intervenir. Je trouve effectivement, et je l'ai toujours pensé, que la
loi offre au
ministre, au gouvernement, à la société un
instrument extrêmement important et passablement efficace. Voici que nous
avons à assortir la loi de nouveaux règlements et ces
règlements auront pour effet de renforcer la capacité
d'intervention du gouvernement à l'égard de ceux qui pourraient
être responsables de pollution de notre environnement.
M. le Président, le ministre a dit avec raison que notre
préoccupation environnementale et notre préoccupation
économique sont complémentaires plutôt que contradictoires.
Je suis tout à fait d'accord avec lui. Il y a quand même des choix
à faire, à tout le moins des accommodements. Il y a l'application
des mesures qui doit être faite sur un calendrier et avec une
compréhension qui permette à des gens bien intentionnés de
poursuivre leurs activités pour le bien de la collectivité et en
même temps arriver à bien protéger l'environnement.
Il est facile de dire que la protection de l'environnement est plus
importante que toute autre considération dans le monde moderne. Il est
vrai que c'est une de nos plus importantes préoccupations, il ne peut en
être autrement. M est facile d'aller dans les détails et dire: II
est plus important de protéger l'environnement que de faire de l'argent;
il est plus important de protéger l'environnement que de poursuivre un
développement industriel intense; il est plus important de
protéger l'environnement que d'encourager une société de
consommation, notamment avec cette notion des récentes décennies
de l'obsolescence planifiée des produits et d'une économie
basée sur cette obsolescence planifiée. Il est facile de dire
qu'il faut protéger l'environnement plutôt qu'encourager
l'automobile aux dépens du transport en commun. Il est même facile
de dire qu'il est plus important de protéger l'environnement que de
stimuler la consommation d'énergie, d'huile, de gaz,
d'électricité.
Tout cela est vrai, mais quand on arrive à l'activité
agricole, on n'est pas en mesure de dire: II est plus important de
protéger l'environnement que de favoriser la production de
denrées alimentaires, de favoriser notre autonomie agricole dans toute
la mesure du possible. Les 100% ne seront jamais atteints à cause de
notre climat, de notre courte saison de productivité agricole. Mais il
n'y a pas moyen de dire qu'il est plus important de protéger
l'environnement que de permettre aux cultivateurs de rendre le Québec et
le Canada aussi autonomes que possible en denrées alimentaires.
Les deux cas sont égaux en importance: ce sont, comme le ministre
l'a dit, deux préoccupations qui doivent être
complémentaires et qui doivent avoir, à mon sens, une importance
égale dans notre esprit. Ce qui a rendu plus massif et plus aigu le
problème de la pollution agricole est certainement notamment
parce que nous parlons d'un projet de règlement relatif aux
exploitations de production animale ce que l'on appelle l'élevage
sans sol, et les autres formes d'élevage intensifié par des
méthodes modernes d'alimenta- tion des animaux. Autrefois, quand on
n'avait que les méthodes naturelles, les animaux devaient, afin de
pouvoir brouter, avoir à leur disposition une superficie
considérable. Le résultat était que le fumier était
laissé un peu partout sur une superficie considérable.
Aujourd'hui, la concentration de l'élevage sur un territoire restreint
fait que nous sommes obligés de disposer, d'une manière ou d'une
autre, d'une quantité extraordinaire de fumier et d'autres
déchets.
Je suis, encore une fois, d'accord avec le ministre que le recyclage de
ces déchets, et notamment du fumier, est un objectif à atteindre
et un objectif à garder à l'esprit en discutant de ce projet de
règlement et des objections qui pourront être formulées par
les intervenants et aussi par les membres de cette commission.
M. le Président, je suis convaincu que nous passerons nos trois
journées à parler, pas de principes, mais de modalités
d'application du règlement, de moyens d'atteindre le but que nous visons
tous et c'est un but qui doit être double, celui de protéger
l'environnement par rapport à l'activité agricole et, en
même temps, favoriser cette activité agricole, parce que nous en
avons tous besoin.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee. M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Fabien Cordeau
M. Cordeau: M. le Président, mes commentaires seront
brefs, étant donné que j'ai peut-être employé
quelques minutes au début de cette séance sur un autre sujet. (11
h 15)
Concernant ce règlement, je tiens premièrement à
remercier le ministre de m'avoir donné l'occasion d'étudier ce
règlement et d'apporter des suggestions positives afin de le bonifier,
comme il l'a dit lui-même. Je crois bien que les participants apporteront
aussi des suggestions très valables.
Il y a un point sur lequel j'aimerais attirer l'attention du ministre.
Les citadins devraient aussi respecter les mêmes normes que celles que
l'on demande aux cultivateurs, concernant les distances. Aujourd'hui, le
règlement demande au cultivateur, à l'agriculteur, de respecter
des normes. Par contre, le citadin qui veut s'établir à la
campagne peut, je crois, construire sa maison où bon lui semble
actuellement, étant donné que le zonage agricole n'existe pas.
C'est bien beau de demander à l'agriculteur de respecter des normes,
mais, si le citadin qui veut aller vivre à la campagne n'a aucune norme
à respecter concernant la proximité des fermes ou le genre
d'exploitation agricole du cultivateur, je crois que c'est un point de vue bien
important à considérer dans l'étude de ce
règlement.
Egalement, je fais le voeu que le ministre ait plus de moyens
financiers, pour augmenter les recherches qui se font actuellement. Bien
sûr, il y
a un effort valable qui se fait, mais je crois qu'étant
donné la complexité du problème, le ministre devrait avoir
les moyens pour augmenter les recherches.
Je veux rendre un témoignage aux membres du personnel de
l'environnement qui font tout en leur possible je le sais parce que j'ai
eu à les consulter étant donné le grand nombre de
dossiers, ils ne peuvent pas faire l'impossible. Je me demande
réellement si votre personnel est suffisant, malgré sa
compétence, sa dextérité, à accomplir sa
tâche convenablement et dans des délais normaux, après
réception d'une demande de permis.
Lorsqu'un agriculteur veut se construire une porcherie, que ce soit pour
un jeune qui va acheter une ferme, qui veut ajouter la production porcine
à sa ferme, il doit avoir un permis d'environnement et, si cela prend
deux mois et demi ou trois mois... Actuellement, peut-être que les
dossiers sont deux mois et demi en retard, c'est-à-dire qu'entre la date
de réception du dossier et la date de l'étude, il y a environ
deux mois et demi qui s'écoulent.
J'ai eu connaissance qu'il y a des jeunes qui voulaient avoir un
prêt agricole et le tout a été retardé, étant
donné le nombre toujours grandissant de demandes auxquelles ont à
faire face les employés du ministère. Ce n'est pas une critique,
parce que je tiens à les féliciter encore une fois de l'excellent
travail qu'ils font. Par contre, quand on est un certain nombre pour faire le
travail et qu'il y a du travail pour le double de personnel, bien sûr que
l'efficacité s'en ressent.
M. Léger: Ils travaillent comme des cochons.
M. Cordeau: Je ne dirais pas cela, mais ils travaillent fort.
Tantôt, vous avez mentionné que ce ne devrait pas
être une guerre entre les citadins et les agriculteurs c'est vrai
mais que tous devraient travailler main dans la main afin de pouvoir
trouver les moyens pour que tout le monde vive dans l'harmonie. Mais il est
difficile de concilier les vues de ceux qui s'occupent de l'écologie ou
de l'économique, lorsqu'on peut lire dans un rapport: II nous semble
fondamental de légiférer avec force sur l'ensemble des facteurs
polluants et cela, même s'il faut le faire au détriment
d'intérêts économiques.
Vous savez, lorsqu'une affirmation est aussi catégorique, c'est
assez facile de concilier l'économique et l'écologie. Bien
sûr, il faut faire la part des choses, mais cela nous rend songeurs un
peu lorsque des gens affirment des choses semblables. Ils s'occupent
d'écologie, bien sûr, mais peut-être pas
d'économique. De toute façon, c'est leur point de vue.
Je crois que cette réglementation devrait venir de pair avec le
zonage agricole. Réellement, sans zonage agricole, cette
réglementation sera assez difficile d'application, parce que rien
n'empêche aujourd'hui l'urbanisation sauvage, comme je l'appelle, soit
que des gens de la ville achètent un boisé et, à un moment
donné, s'établissent en plein milieu d'un secteur agricole et
après, c'est une hypothèque qui est créée contre
tout l'environnement, A ce moment-là, les cultivateurs des fermes
environnantes sont obligés d'aller à des distances
considérables.
Également, un autre point de vue, M. le ministre, c'est
d'accorder, dans des boisés, des permis d'exploitation de restaurants ou
de salles à dîner. A un moment donné, on demande un permis
pour des banquets durant le temps des sucres. On fait des agrandissements pour
des réceptions. Ensuite, on a un permis de bar, etc., là, c'est
une hypothèque sur des milliers et des milliers de pieds, parce que les
cultivateurs ne peuvent pas obtenir des permis de l'environnement, étant
donné qu'il y a, dans les environs, un établissement de
restauration. Je crois qu'il fau-frait être parcimonieux dans d'autres
services avant d'accorder des permis de bar, etc., dans des zones
agricoles.
M. le ministre, tantôt, vous avez fait mention de certaines
statistiques. Serait-ce possible de nous en faire des copies et de nous les
remettre afin que nous soyons mieux sensibilisés au travail qui se fait
à votre ministère. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Saint-Hyacinthe. M. le député de
Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Merci, M. le Président. Comme plusieurs points ont
été soulevés par mes collègues, je ne les
reprendrai pas. Je veux être bref de façon à permettre
à nos invités de se faire entendre.
Cependant, M. le Président, j'aimerais bien dire mon
appréciation, ce matin, du fait qu'il y a une commission parlementaire
de convoquée pour étudier un projet de règlement. Comme je
l'ai dit tout à l'heure, la loi a été votée en
1972. Les règlements ont été mis en application,
c'est-à-dire qu'on a appliqué certains règlements qui
étaient inconnus du public alors qu'on sait très bien que toute
législation adoptée par l'Assemblée nationale est
sanctionnée lorsque cette loi est mise en application et que des
règlements découlant de l'application de la loi doivent
être déposés et publiés dans la Gazette officielle
afin que la population puisse en être informée, parce que les
règlements ont la même portée, comportent les mêmes
obligations que la loi elle-même.
Nous sommes bien conscients que ce problème, le problème
de la pollution est un problème extrêmement sérieux et qui
nécessite des solutions, mais des solutions réalistes, des
solutions justes et, ce qu'il ne faudrait surtout pas oublier, M. le ministre,
des solutions applicables.
Pour ce qui me concerne, je ne crois pas à une solution globale.
Il y a déjà eu 160 000 agriculteurs au Québec, il n'y a
pas tellement d'années, je pense que c'est il y a environ 25 ans. Le
nombre aujourd'hui est de moins de 40 000. Ce n'est pas une question de nombre,
ce n'est pas une ques-
tion du nombre de fermes. Le problème de la pollution est venu
avec la concentration des animaux dans des espaces, dans des territoires
extrêmement restreints, mais pas tous les animaux. Il faudrait se
demander quelles sont les causes de cette concentration, si on veut
réellement apporter des solutions valables et des solutions les moins
coûteuses possible pour la société et pour les gens
impliqués.
Cette concentration d'animaux est venue d'une façon presque
normale dans un certain sens, parce qu'il y a eu une évolution de
l'économie agricole, non seulement au Québec, mais ailleurs dans
le monde. Mais il y a eu aussi au Québec, et particulièrement au
Québec, depuis quelques années, une surspécialisation qui
a été poussée. Il faut avoir travaillé dans les
milieux agricoles, il faut avoir vécu dans les milieux agricoles pour se
rendre compte combien d'agriculteurs ont été forcés de se
surspécialiser pour pouvoir bénéficier des politiques
gouvernementales et pour pouvoir aussi être en mesure d'avoir les
prêts agricoles.
Il faut se dire que, dans le domaine des porcheries j'attire
l'attention du ministre à ce moment-ci lorsqu'un agriculteur fait
une demande d'emprunt à l'Office du crédit agricole pour une
porcherie, l'office l'oblige à augmenter sa production, l'oblige
à une plus grande concentration d'animaux je parle en
connaissance de cause sinon, il n'a pas de prêt. C'est la raison
pour laquelle j'aurais aimé ce matin je ne reprendrai pas les
débats là-dessus, mais je vous en fais une remarque, parce que je
pense que mes remarques peuvent être prises en considération
que les gens de l'Office du crédit agricole soient ici. J'ai eu
à travailler à certains dossiers. Je déplore actuellement
le fait que l'Office du crédit agricole du Québec force les
agriculteurs à une concentration encore plus grande qu'ils ne sont
intéressés à en faire eux-mêmes et qui, de ce fait,
sous prétexte de rentabilité, comporte des risques
énormes. C'est qu'étant donné qu'il n'y a pas de
protection dans les prix et qu'il n'y a pas de plan conjoint pour garantir des
prix minimaux dans l'industrie du porc et qu'actuellement, on produit 140% de
notre consommation domestique, et on risque d'avoir demain des problèmes
qui feront mal à l'économie rurale. Il va falloir un ensemble de
politiques. Sur ce plan et naturellement sur le plan de la concentration des
animaux, je dis qu'il n'y a pas de solution globale et je ne crois pas en un
règlement unique. On nous présente ce matin un règlement,
unique s'appliquant à toutes les productions animales. Je dis à
l'attention du ministre qu'il devrait y avoir un règlement distinct pour
les porcheries. Cela m'apparaît absolument important si on veut que le
règlement soit applicable et que le règlement qui s'applique aux
porcheries ne soit pas obligatoire pour ceux qui sont dans l'industrie
laitière, pour ceux qui sont dans d'autres productions animales, comme
les bovins laitiers. Parce que la production de porcs se fait uniquement dans
des bâtisses, ne nécessite pas de territoire comme tel, il n'y a
pas d'étendue de terrain, puisque la nourriture, l'alimentation provient
de céréales. Ces céréales viennent d'ailleurs. Il
n'est pas nécessaire d'avoir une étendue de terrain pour pouvoir
garder 1500, 2000, 3000 et même 5000 porcs, alors que, dans la production
de bovins de boucherie, c'est complètement différent, et il en
est de même dans l'industrie laitière.
A mon avis, il faudrait absolument qu'il y ait un règlement
distinct, un règlement sévère pour ce qui a trait à
la production de porcs, pour ce qui a trait à l'établissement de
porcheries au Québec. En ce qui concerne les débats dont on a
parlé tout à l'heure entre citadins et ruraux, j'aimerais attirer
l'attention du ministre sur un point qui est fondamental, parce que j'estime
qu'il devrait y avoir quelque chose, un principe qui devrait être reconnu
et admis dans l'élaboration de nos règlements. C'est d'abord le
droit du premier occupant. Actuellement, il y a des cultivateurs qui exploitent
la ferme ancestrale depuis des générations. Sous prétexte
que les taxes sont moins élevées dans les municipalités
rurales que dans les municipalités de villages, vous avez des gens qui
vont s'installer, qui vont s'acheter des emplacements, des fermes
abandonnées, s'installent près des fermes qui sont en
exploitation. Ces gens, évidemment, qui veulent bénéficier
du grand air, qui veulent bénéficier d'un meilleur coût
pour leurs frais d'habitation, deviennent, en quelque sorte, l'un ou l'autre
des six millions d'inspecteurs dont le ministre a parlé, qui font des
rapports et qui font des plaintes. C'est bien beau d'avoir six millions
d'inspecteurs, comme le disait le ministre, je n'ai rien contre cela, mais il y
en a qui se font spécialistes pour porter des plaintes et pour
créer des embêtements au voisinage. L'économie rurale a ses
besoins, a ses caractères particuliers, a ses exigences
particulières, et il va falloir que le gouvernement en tienne
compte.
En terminant, je veux attirer aussi l'attention du ministre, en disant
qu'il n'y a pas que les agriculteurs qui polluent les cours d'eau au
Québec. Quand je vois les règlements sévères qu'on
tente de faire appliquer à des agriculteurs qui sont dans l'industrie
laitière et qui sont obligés d'avoir un permis pour pouvoir
agrandir l'étable, parce que cela pourrait polluer je ne dis pas
que cela pollue alors qu'un cours d'eau est situé à 300
pieds et que, quand nous descendons deux milles plus bas, il y a une
municipalité ou une ville de 5000 âmes qui n'a aucune usine
d'épuration et qui déverse ses égouts directement dans les
cours d'eau, je suis bien d'accord pour qu'on fasse quelque chose au niveau de
l'environnement. Je veux qu'on fasse quelque chose pour corriger et
améliorer la qualité de l'eau au Québec, c'est un
problème extrêmement sérieux. Il ne faudrait cependant pas
qu'on concentre nos efforts uniquement pour obliger la classe agricole à
respecter tous les règlements, à en faire les frais, alors que
à cause des implications budgétaires et des budgets publics que
cela implique, les municipalités, les cités et villes, et
même certaines industries, continueront à polluer les cours d'eau
comme elles le font à l'heure actuelle, sans trop
d'embêtements.
On émet bien une ordonnance. Je connais des municipalités
qui ont des ordonnances depuis cinq ans, mais il ne s'est encore rien fait. Le
ministre a des dossiers de lacs et de rivières extrêmement
pollués, pour lesquels des représentations ont été
faites. Des rencontres ont eu lieu avec le ministère, mais il n'y a
encore rien de fait. A ce moment, les cours d'eau sont pollués, les lacs
sont pollués, les rivières sont polluées, et ce n'est pas
la faute des agriculteurs. J'aimerais faire une suggestion au ministre: qu'on
ait une autre commission parlementaire et qu'on étudie à ce
moment-là la possibilité d'un règlement concernant les
règlements, les exigences qui devraient s'appliquer aux
municipalités et villes du Québec. (11 h 30)
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Beauce-Sud. M. le ministre.
Réponse du ministre
M. Léger: M. le Président, j'aimerais
répondre à certaines questions qui ont été
soulevées. Je remercie d'abord le député de D'Arcy McGee
et le député de Saint-Hyacinthe, qui ont apporté une
contribution très importante et qui situe le débat dans sa juste
dimension.
Au député de Beauce-Sud, j'aimerais donner certaines
réponses à trois préoccupations qu'il a. La
première, c'est celle des ordonnances qui ne sont pas respectées.
Je tiens à vous dire que c'est exact qu'il y a eu des ordonnances qui
n'étaient pas respectées et je tiens aussi à dire que j'ai
demandé à mon service du contentieux de me rapporter toutes les
ordonnances qui ne sont actuellement pas respectées. Je suis à
faire une vérification pour voir si l'ordonnance était trop
sévère, si elle ne l'était pas, pour, dans les deux cas,
apporter une correction, soit pour la faire respecter par une poursuite, si
elle devait être respectée, soit pour corriger cette ordonnance,
si elle allait peut-être au-delà des possibilités ou de la
situation réelle.
Un deuxième point est celui que vous avez mentionné, qu'il
y a d'autres types de pollueurs qui déversent dans les rivières
des matières polluantes et qu'on semble s'attaquer très fort
à la partie de la pollution qui est agricole. Je voudrais quand
même dire que c'est le seizième règlement qui est
publié dans la Gazette officielle qui touche tous les autres aspects de
tous les autres types de pollution. Ce n'est donc pas le premier
règlement. Nécessairement il ne s'agit pas que chacun soit poli
au point de dire: On va laisser passer les autres avant d'être
touché; il faut toucher à tout et, aussi bien pour la pollution
atmosphérique que la pollution des cours d'eau, nous avons émis
plusieurs poursuites contre des municipalités et des industries pour le
non-respect d'ordonnances entres autres. Actuellement, nous avons
décidé de mettre sur pied un immense programme d'épuration
et d'assainissement des cours d'eau au Québec. La philosophie en sera la
suivante, c'est qu'au lieu d'épurer toutes les rivières un peu en
même temps et qu'il n'y en ait aucune qui soit récupérable
pour les usages des citoyens, nous avons choisi des cibles. Dans ces
cibles-là, c'est-à-dire, dans des bassins bien identifiés,
tous les pollueurs sont touchés en même temps, aussi bien le
pollueur industriel, le pollueur municipal que le pollueur agricole.
Ce qu'on veut, c'est que le cours d'eau soit redonné aux citoyens
de façon complète et totale. La seule façon de le faire
est d'attaquer en même temps les trois sources de pollution, qui sont le
municipal, l'industriel et l'agriculture. A ce moment-là, on aura une
chance d'avoir un cours d'eau qui sera remis aux citoyens. Autrement, comme je
le disais à la dernière commission parlementaire, si on ne fait
pas cela, si on ne fait que toucher à un des pollueurs, c'est un peu
comme dans notre cuisine, c'est de mettre un peu d'eau propre dans l'eau de
vaisselle sale, cela fait de l'eau de vaisselle un peu moins sale, mais elle
est encore sale. Ce qu'on veut avoir, ce sont des cours d'eau
complètement nettoyés.
Le troisième point est celui où le député de
Beauce-Sud parle d'avoir des règlements séparés pour les
divers types d'élevage, de ne pas avoir un seul règlement. Le
règlement actuel n'est pas un règlement unique, c'est un
règlement où il y a des subdivisions qui touchent les types
d'élevage; il y a donc des normes différentes pour les types
d'élevage et il y est aussi question de normes différentes pour
la dimension. Une porcherie de 50 têtes et une porcherie de 5000 n'ont
pas les mêmes dimensions, ce ne sont pas les mêmes distances et les
mêmes obligations au niveau de la mise sur pied de cette industrie.
Il y a aussi des normes pour l'épandage, l'entreposage et la
localisation, et aussi des normes différentes concernant une nouvelle
installation ou un agrandissement qui est un autre type de normes, pour le
remplacement d'un type d'élevage par un autre type d'élevage, et
aussi pour une augmentation du nombre dans le même type
d'élevage.
C'est donc dire que, même si ce ne sont pas des règlements
différents, même si ce ne sont pas des chapitres bien distincts,
les normes sont différentes pour les types d'élevage et pour les
types d'intervention qu'il y a à faire.
Ce sont les quelques remarques que je voulais faire. Peut-être que
d'autres députés de la commission voudraient adresser la
parole?
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril: Pour mon information, est-ce que cette commission est
la dernière ou s'il y en aura une autre où on étudiera les
règlements article par article? Comment cela va-t-il fonctionner?
M. Léger: Normalement, c'est quand même une des
rares fois où nous faisons une commission parlementaire pour des
règlements. Cela n'arrive pas souvent, je crois que c'est arrivé
une fois à l'occasion du règlement sur la qualité de
l'atmosphère. C'est une des rares fois que cela ar-
rive, mais je pense que c'est une bonne politique parce que cela permet
à tout le monde de bonifier un projet. On est tous ici pour jouer notre
rôle, aussi bien l'Opposition que le gouvernement, et je pense que c'est
une bonne politique. Mais, dans le cas actuel, comme c'est une
prépublication, nécessairement, il aurait pu ne pas y avoir de
commission parlementaire. Une prépublication aurait permis à des
gens de s'exprimer en nous envoyant des mémoires qui n'auraient pas
été tellement connus ou qui l'auraient été
uniquement par une conférence de presse par le groupe qui fait la
commission parlementaire, mais ces affirmations auraient paru dans les journaux
sans avoir une critique de certains autres. Je tenais à ce que les gens
qui viennent faire des affirmations puissent être aussi critiqués
par d'autres groupes de citoyens. Ce n'aurait pas été le cas s'il
n'y avait pas eu de commission parlementaire. Normalement, c'est 60 jours
après qu'un projet de règlement a été publié
dans la Gazette officielle que le ministre peut prendre une décision.
Dans le cas d'un règlement, cela prend deux parutions; donc, il y en a
eu une première. Là, il y a une commission parlementaire et,
après la commission parlementaire, nous allons apporter les correctifs
et amender le projet de loi pour essayer d'atteindre les objectifs
d'équilibre que je voulais entre le producteur et la qualité
d'environnement. Il sera publié une deuxième fois dans la Gazette
officielle; après une période de 60 jours, il sera en
vigueur.
M. Baril: Si vous permettez, M. le Président, je n'ai pas
fini.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Champlain.
Autres interventions M. Jacques Baril
M. Baril: Après avoir obtenu l'information qui me
satisfait, je suis bien heureux de voir que, dans l'avenir, l'agriculteur sera
en mesure de constater sur quel règlement se base un inspecteur qui
viendra soit lui faire fermer son entreprise, soit la lui faire
réaménager ou améliorer. Ici, je tiens tout de suite
à dire mon opinion face au règlement, tel qu'il est inscrit
actuellement. Il y a certains changements qui devront être
apportés pour laisser vivre certains agriculteurs.
Dans le passé, au niveau de l'industrie laitière, le
bureau d'hygiène faisait un travail qui était assez louable. Il
pénalisait l'agriculteur qui ne se conformait pas aux normes existantes,
mais ne pénalisait pas celui je vais dire un mot, pour qu'on se
comprenne qui se lavait; celui qui ne nettoyait pas l'entourage de sa
ferme, qui laissait le fumier se répandre un peu partout était
pénalisé et même on lui coupait sa paie pour une semaine ou
quinze jours et même on a déjà vu jusqu'à un mois,
mais le voisin qui se conformait, respectait son environnement, n'était
pas désavantagé.
Actuellement, avec les normes qu'on veut appliquer, on met tout le monde
sur le même pied. Le ministre a dit tout à l'heure que les
plaintes avaient augmenté de beaucoup; il a donné des chiffres.
C'est certain qu'on n'en doute pas. mais il faut bien se rappeler que, si on
recule de 20 ans. quand un cultivateur se levait à six heures du matin,
avec une petite Ford grise à essence, cela ne menait pas de bruit, les
voisins ne l'entendaient même pas. Aujourd'hui, l'agriculture est
mécanisée, l'agriculteur travaille avec des tracteurs de plus de
100 forces qui font plus de bruit. Je suis certain que la plupart des
députés qui sont autour de cette table ont eu connaissance de cas
où des gens sont venus s'établir à la campagne à
environ 150 ou 200 pieds d'un tas de fumier; pourtant, le tas de fumier
était là quand ils sont arrivés, mais cela sentait bon
quand même. Après deux ou trois ans, les senteurs changent et
là, on veut arrêter l'agriculteur de produire, de travailler et
souvent, ce personnage qui a fait une plainte ne travaille même pas. il
est sur les bras du gouvernement. Cela est déplorable; il a le droit de
l'être, mais il faudrait quand même avoir un juste milieu.
C'est pour cela que je m'informais, tout à l'heure, de la
façon de procéder. Il y a certains changements que je trouve
nécessaire d'apporter à certains règlements, comme quand
on parle de la direction des vents; est-ce qu'une usine de pâte à
papier est obligée d'arrêter de fonctionner parce que le vent ne
souffle pas du bon côté? Est-ce qu'on demande à une telle
usine de déménager parce qu'il s'est construit une
agglomération de maisons autour d'elle et qu'elle pollue? Ce sont toutes
des questions qu'on peut se poser et j'aimerais bien que, au cours de cette
commission, on ait la chance d'en discuter. Je ne suis pas habitué au
fonctionnement d'une telle commission, mais j'essaierai, au fur et à
mesure, d'intervenir pour expliciter davantage une certaine opposition à
certains articles du règlement.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député d'Arthabaska. M. le député de Champlain.
M. Marcel Gagnon
M. Gagnon: Seulement quelques mots pour dire que, comme les
autres intervenants, je suis très heureux que pour une fois, on discute
sur la place publique les fameux règlements qui font I objet de
critiques assez fréquentes depuis 1973 environ qu'ils sont
appliqués. Je pense qu'on rejoint l'unanimité, comme a
déjà dit le ministre de l'environnement, sur les principes, sur
l'objectif. J'ai fortement l'impression qu'on n'aura pas de discordance
d'opinions pour ce qui concerne l'objectif. Etant un député
agriculteur, un peu comme le député d'Arthabaska, et ayant
passé ma vie, jusqu'à maintenant, à travailler avec les
agriculteurs comme représentant de commerce et ainsi de suite, je vois
dans le règlement actuel certains points qui nous empêcheraient
peut-être d atteindre notre objectif, celui d'abord je crois que
c'est urgent d'arrêter la pollution dans les cours d eau. De ce
côté, je pense que le règlement
doit être sévère, mais en même temps qu'on
veut arrêter ce genre de pollution, il faudrait peut-être penser
que si on met des balises, des normes assez sévères du
côté de l'épandage des fumiers, si on empêche un
agriculteur d'épandre des fumiers durant la saison estivale, même
si on lui demande de se construire une fosse de 200 jours, qu'est-ce qui
arrivera à cet agriculteur si le printemps et l'automne sont trop
pluvieux et s'il n'a pu épandre ses fumiers au cours de
l'été? A un moment donné, les 200 jours vont être
dépassés et il va falloir déverser quelque part ou
arrêter la production.
Les points que j'apporterai, pour essayer de modifier ou de bonifier le
règlement, c'est surtout dans le domaine le député
d'Arthabaska a souligné un autre point des vents dominants, les
dates d'épandage. Il y a aussi un autre point auquel il faudra penser,
c'est qu'au fur et à mesure qu'on va exiger de l'agriculteur de se
conformer à des normes, se construire des fosses, qui pourraient
être assez dispendieuses dans certains cas, il va falloir le conseiller
ou l'aider financièrement. Si moi, comme agriculteur, je suis dans une
situation financière telle que mon comptable me demande, pour deux ou
trois ans, de ne pas réinvestir c'est le cas de plusieurs
agriculteurs qui commencent et si durant cette période le
ministère de l'environnement vient me donner une ordonnance et me donne
six mois ou un an pour me construire une fosse de $20 000, j'ai fortement
l'impression que je vais être obligé de faire quelque chose, soit
ne pas respecter les normes de l'environnement et risquer d'être
poursuivi, ou me mettre dans une situation financière telle que je ne
pourrai pas continuer l'exploitation que j'ai commencée. Je veux dire
par là que des normes comme celles-là, pour être
respectées, devront être accompagnées d'un système
financier, d'une aide financière quelconque pour que, en même
temps qu'on demande à l'agriculteur de s'organiser pour arrêter de
polluer surtout les cours d'eau, il puisse réellement satisfaire
à ces normes-là par une aide financière quelconque.
Les interventions que je vais faire seront à peu près dans
ce sens. Je ne voudrais pas qu'on pense que je suis opposé, au
contraire, à ce règlement de l'environnement. Personnellement,
j'ai eu l'occasion de l'appliquer même avant qu'on le pense. Je me
souviens, lorsque j'étais dans le commerce, avoir refusé du
financement à un producteur qui aurait pollué une rivière
dans notre coin. Cela ne me regardait pas, mais on avait refusé le
financement tout simplement parce qu'il allait à l'encontre de ce qui
était la logique même de la protection de l'écologie, la
protection de l'environnement. Je suis réellement sensibilisé
à ce problème. J'ai déjà, d'ailleurs,
commencé à faire un travail en région où on a
formé un comité de citoyens je vois, ici dans
l'assistance, une dame qui fait partie de ce comité de citoyens
pour essayer de trouver des solutions pratiques. Mais pour arriver à
appliquer ces normes, il va falloir tomber dans la pratique et faire en sorte
qu'on puisse réellement les appliquer sans nuire à
l'éleveur et en proté- geant notre environnement, comme on veut
le faire. Alors, je pense qu'on va rejoindre l'unanimité.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Iberville. (11 h 45)
M. Jacques Beauséjour
M. Beauséjour: M. le Président, seulement quelques
points, avant de partir, que je trouve importants de ne pas oublier, tout au
cours des échanges qu'on aura. On peut remarquer déjà que
ce qui est revenu souvent, c'est le problème de la production porcine et
les problèmes que cela entraîne au niveau de l'environnement. Mais
il faudrait aussi être capable de faire la distinction avec les autres
productions qui ne polluent pas de la même façon; on est
peut-être aussi en retard au niveau des recherches pour transformer le
purin en engrais utilisable.
Un autre point sur lequel je trouve qu'il est important que le projet de
règlement soit bien clair, c'est la question du droit au premier
occupant. Avec le développement qui a eu lieu, un peu dans toutes les
régions du Québec, c'est souvent un terrain de golf
installé près d'une porcherie qui aura la priorité
c est un citoyen de la ville qui est venu s'installer dans un milieu
rural. Est-ce que les producteurs, que ce soit de l'industrie laitière
ou autre, pourront encore agrandir leur production, la développer?
Je crois que c'est très important que les règlements
tiennent compte du premier occupant en place. Un autre aspect, quand je vois la
dépollution de la Yamaska, je crois que c'est $8 millions, $80
millions?
M. Léger: $30 millions immédiatement et $120
millions plus tard.
M. Beauséjour: En tout, $8 millions?
M. Léger: $30 millions dans la première partie du
projet, mais $120 millions en tout.
M. Beauséjour: $120 millions en tout qui sont
donnés pour aider les municipalités à dépolluer la
rivière. Je dirais, dans un sens, que cela aide aussi au niveau des
industries, parce que souvent, les industries déversent leurs eaux dans
le système d'aqueduc et, de telle façon, c est la
municipalité qui va, avec des subventions, aider à
dépolluer. Si, au niveau des municipalités, des industries, il y
a de l'aide financière, pour ce qui est de l'industrie agricole, je
crois aussi qu'il devrait y avoir un programme d'aide financière pour
développer I industrie agricole d'une façon saine pour
l'environnement.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député d'Iberville. M. le député de
Maskinongé, s'il vous plaît, le plus rapidement possible, parce
que je vois dans la salle des gens qui ont I'air inquiet. Ils se demandent
s'ils sont venus vous entendre ou si on pourra les entendre.
M. Picotte: C'est ce que j'allais vous demander. J'ai hâte
d'entendre du monde qui connaît ça. J'aimerais que vous appeliez
la Fédération de I'UPA du Bas-Saint-Laurent.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. le
député de Maskinongé. J'appelle donc les
représentants de la Fédération de l'UPA du
Bas-Saint-Laurent, s'ils veulent bien s'approcher à la table centrale et
nous faire part de leur mémoire.
M. Jacques Cimon, si vous voulez bien vous identifier et identifier ceux
qui vous accompagnent.
Fédération de l'UPA du
Bas-Saint-Laurent
M. Cimon (Jacques): Jacques Cimon, permanent à la
Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent.
Le Président (M. Boucher): Si vous voulez rapprocher vos
micros, s'il vous plaît.
M. Michaud (Réal): Réal Michaud,
vice-président de la Fédération de l'UPA du
Bas-Saint-Laurent.
M. Bélanger (Rémi): Rémi Bélanger,
administration de la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent et
aussi président du comité qui a travaillé à des
questions sur l'environnement.
Le Président (M. Boucher): M. Cimon, vous avez la
parole.
M. Cimon: On vous remercie de nous laisser l'occasion de
présenter un mémoire. Je vous en fais la lecture
immédiatement. On commence par la situation de l'agriculture dans le
territoire de la Fédération de l'UPA du Bas-Saint-Laurent.
L agriculture dans les territoires de la Fédération de
I'UPA du Bas-Saint-Laurent est constituée en majorité de
producteurs laitiers. C'est là l'effet, en partie, de la
stabilité des prix dans cette production, de la coutume, de la vocation
herbagère des sols, du climat et de l'éloignement des
marchés pour les autres productions.
Le nombre de producteurs se situe à un peu plus de 3000 et ces
derniers sont dispersés sur un territoire couvrant approximativement les
comtés de Rivière-du-Loup, Témiscouata, Rimouski, Matane
et une partie du comté de Kamouraska, soit un territoire de 6000 milles
carrés approximativement.
Sauf pour ce qui concerne les villes de Rivière-du-Loup, Rimouski
et Matane, on ne retrouve que de petites agglomérations souvent
inférieures à 1000 habitants. Nous comptons dans notre
région 2000 producteurs de lait, dont 375 ont moins de 20 unités
animales. 750 autres ont moins de 35 unités animales, 525 ont moins de
50 unités animales et le reste, soit 300, ont de 50 à 125
unités animales.
Au niveau de la production de porc, nous comptons 300 producteurs de
porcs de 100 a 200 porcs, et nous comptons 500 producteurs de bovins de 20
à 50 unités animales. Finalement, nous comptons 17 producteurs
d'oeufs de consommation qui possèdent des troupeaux moyens de 3200
poules, soit une moyenne de 25 unités animales.
Nous connaissons dans notre région une culture assez extensive,
on n'a qu'à remarquer la grandeur des entreprises (une moyenne de 175
acres en culture) pour constater que la concentration de la population et des
entreprises y est très peu dense. Nous pouvons aussi remarquer sur
presque toutes les propriétés des parcelles importantes de
boisés qui contribuent à maintenir une concentration très
faible.
Située au sud-est de la province, notre région
connaît un climat assez difficile et les possibilités de cultures
sont assez réduites. Avec une moyenne d'environ 120 jours sans gel et
des précipitations ordinairement abondantes en début et en fin de
période, on peut affirmer que les travaux dans les champs doivent
être effectués dans de très brefs délais.
Une autre difficulté que l'on rencontre assez souvent dans cette
région est la topographie assez mauvaise en plusieurs endroits. Ceci
implique que les bâtisses sont souvent difficilement implantables
à des endroits prescrits.
Pollution au niveau agricole dans la région. Nous pouvons
affirmer, compte tenu de la grosseur des entreprises et du respect de
l'environnement de la part de la très grande majorité des
producteurs de la région, que la pollution n'est pas un problème.
Ceci est surtout dû au fait de la non-concentration des entreprises et de
la faible quantité de polluants qu'elles dégagent. A notre
connaissance, aucune municipalité, ni autres organismes concernés
n'ont porté plainte contre des producteurs suite à des actes de
pollution par ceux-ci et. toujours selon notre connaissance, aucune plainte n'a
été portée devant les tribunaux pour des cours d'eau qui
auraient été pollués par des producteurs dans notre
région.
Compte tenu des faibles possibilités de croissance de l'industrie
agricole dans notre région et de la faible volonté des
gouvernements, tant fédéral que provincial, de vouloir agir en ce
sens, nous pouvons nous poser des questions sérieuses sur la
volonté du gouvernement à imposer des réglementations qui
pourraient entraver encore plus le développement de l'agriculture et,
certainement, amener la disparition de plusieurs entreprises.
Projet de règlement relatif aux exploitations de productions
animales.
Nous croyons qu'un règlement relatif aux exploitations de
production animale devrait, s'il existe, être assorti de plusieurs
conditions préalables telles que zonage agricole, fardeau de la preuve
au législateur, droit acquis, programme de recherche, droit d'appel,
pouvoir de présenter une requête et caractère non
rétroactif de la loi.
Zonage agricole. Les citadins sont régis par des
règlements et des lois mais ces contraintes sont contrebalancées
par des lois de zonage leur donnant priorité sur leur territoire. Nous
croyons
qu'il est illogique d'exiger du producteur agricole d'être
contraint à des règlements sans savoir si au préalable
ceux-ci auront un droit exclusif dans leur territoire. La loi de zonage
agricole, tel que promis depuis longtemps par le gouvernement, devrait
être appliquée préalablement à une loi sur la
qualité de l'environnement.
Fardeau de la preuve au législateur. Nous croyons qu'il est
très facile pour un législateur d'établir des normes
strictes et rigides dans un texte de loi et de les fane appliquer. Nous
croyons, cependant, qu'il serait beaucoup plus juste et équitable de
traiter chaque cas à son mérite au niveau d'une
réglementation sur l'environnement. Le législateur doit, en fait,
juger si un cas en particulier est un pollueur. Nous croyons aussi que trop de
facteurs entrent en ligne de compte pour établir si un agriculteur est
un pollueur et les solutions peuvent être aussi nombreuses que les cas de
pollution.
Droits acquis. Par négligence, par manque de surveillance ou
autrement, on a laissé s'installer des producteurs sur un immense
territoire de n'importe quelle façon. Il serait peut-être injuste
aujourd'hui d'essayer de les déloger pour respecter des lois qui ne leur
étaient pas connues ou qui n'étaient même pas
prévisibles à l'époque. Il est donc essentiel de
reconnaître un droit que l'on peut qualifier de droit de premier
occupant.
Programme de recherche. La recherche sur la gestion des fumiers n'a
jamais été très approfondie, dû surtout au fait que
l'on n'a jamais ressenti auparavant la nécessité d'aller plus
loin que la méthode traditionnelle stokage-épandage. La
présente réglementation nous apporte des solutions toutes
prêtes. Nous croyons que d'autres solutions que les plates-formes en
béton devraient être envisagées tout en étant plus
avantageuses et surtout plus économiques, suite à des recherches
sur le sujet. Ces recherches ne peuvent être entreprises par les
agriculteurs qui n'ont pas les ressources financières pour le faire.
Droit d'appel. Nous croyons qu'il doit y avoir dans toute loi une
possibilité d'appeler d'une décision qui pourrait avoir
été appliquée de façon trop draconienne. Ce droit
d'appel devrait être confié majoritairement à des
agriculteurs et tenir compte d'une représentation agricole
régionale pour les dossiers concernés.
Pouvoir de présenter une requête. Si l'on permet, selon
l'article 19b du bill 69, à chaque citoyen de présenter une
requête contre son semblable, on s'expose, en plus d'une application
discriminatoire de la loi, à des poursuites innombrables et surtout
injustifiées. Nous ne croyons pas que tout le peuple puisse agir comme
"police ". Comme dans toute autre loi et règlement, des personnes
compétentes et autorisées devraient être mises en place
pour en faire l'application.
Caractère non rétroactif de la loi. La
réglementation dont il est question ici fait référence
à une application au niveau de l'accroissement du nombre d'unités
animales depuis l'année 1972. Ce caractère rétroactif des
règlements nous amène à conclure que de nombreux
agriculteurs de notre région seront dans l'illégalité
suite à l'adoption des règlements. Compte tenu que les lois
n'étaient pas ou très peu connues par les agriculteurs et
qu'aucun règlement officiel n'avait été
édicté à cette date pour mettre en application cette loi,
nous croyons qu'il est injustifié d'appliquer les normes à partir
de situations existantes. Il n'y a aucune loi dans notre pays qui soit
rétroactive.
Changements à apporter aux règlements. En plus des
changements de principe, tels que mentionnés précédemment,
nous aimerions que certains autres changements soient effectués dans les
règlements au niveau: 1) de la définition d'immeuble
protégé; 2) du zonage; 3) des vents dominants; 4) des
plates-formes étanches; 5) de l'épan-dage du fumier.
Définition d'un immeuble protégé. La
définition d'un immeuble protégé, tel que contenu dans le
projet de règlement, est beaucoup trop large et, selon nous, elle
devrait se résumer à la protection des établissements de
santé.
Zonage. La section III des règlements devient inutile si une
loi-cadre de zonage est votée. On devrait enlever les exigences qui
concernent les limites à l'intérieur des
municipalités.
Vents dominants. La définition de vents dominants est trop large
et on considère de plus qu'il ne devrait pas y avoir de restriction
versus la direction des vents, puisqu'il ne s'agit que de pollution par les
odeurs. Nous n'avons jamais constaté de perte de vie, de maladie
pulmonaire ou autre due à ce genre de "pollution ", dans notre
région en tout cas.
Plates-formes à fumier. Nous considérons qu'il sera
difficile pour les producteurs de transporter leur fumier lorsque celui-ci sera
entreposé dans une plate-forme étanche avec mur et, probablement
que pour ramasser le purin et les eaux contaminées, on devra faire appel
à des appareils de pompage et d'épandage identiques à ceux
dont on se sert pour le fumier liquide; donc, investissements
supplémentaires. De plus, lorsque le sol est imperméable,
(exemple; les sols argileux) on ne devrait pas exiger de plates-formes
étanches. Finalement, si des plates-formes étanches sont
exigées, on ne devrait pas exiger en plus des distances très
grandes d'un point d'eau. Pourquoi deux exigences pour régler un
problème, le ruissellement des purins?
Epandage du fumier. Il devrait y avoir un élargissement des
normes sur l'épandage du fumier liquide et semi-solide en tenant compte
des climats régionaux. Dans la région du Bas-Saint-Laurent,
certaines années il est' très difficile d'avoir accès aux
champs avant le 15 juin et après le 15 septembre.
Conclusion. En résumé, on peut dire que les agriculteurs
sont d'accord pour protéger leur environnement. On tient cependant
à mentionner que la pollution par les odeurs est beaucoup plus
folklorique que réelle, dans notre région en tout cas. Ceci est
dû à la faible concentration des entreprises et à leur
grosseur, tel que mentionné précédemment. Nous croyons que
la pollution des eaux est la seule pollution qui puisse exister au niveau
agricole.
Nous voulons en dernier lieu vous signaler que la définition de
"polluant" dans la Loi de la qualité de l'environnement (chapitre 19,
article 6) nous dit que celui-ci est "un contaminant ou un mélange de
plusieurs contaminants présents dans l'environnement en concentration ou
quantité supérieure au seuil permissible déterminé
par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil". La quantité
permise dans les règlements qui sont mentionnés ici
considère comme polluantes des entreprises aussi petites que celles
d'une unité animale. Nous considérons ces règles comme
tout à fait irréalistes. Le meilleur exemple que l'on peut
apporter est bien celui des producteurs laitiers de notre région.
Ceux-ci sont requis de faire examiner l'eau de leur puits près de leur
exploitation et, lorsque ces puits sont situés à des distances de
cinquante pieds et plus de l'amas de fumier, il n'y a
généralement aucun problème de pollution.
Pourquoi ces entreprises dégageraient-elles des "polluants", si
elles ne polluent même pas le puits situé à
proximité?
Dans la lutte pour combattre la pollution, nous pourrions être
puristes à l'extrême, ce qui serait l'idéal, mais
allons-nous empêcher les usines de fonctionner, les automobiles de
circuler ou les gens de fumer, parce qu'il y a rejet de polluants? Nous croyons
qu'il devrait y avoir dans tout règlement un esprit
d'équité pour tous les citoyens. Nous n'avons qu'à penser
aux citadins qui rejettent en majorité leurs polluants ' directement
dans nos cours d'eau (fleuve et rivières).
Finalement, nous considérons que des entreprises de petites
tailles, une moyenne de 25 unités animales, tel qu'il en existe dans
notre région, ne devraient pas être soumises à des
règles aussi strictes que le règlement l'exige, ceci, compte tenu
de leur grosseur et surtout de leur faible concentration. (12 heures)
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Cimon.
M. le ministre.
M. Léger: M. le Président, je vous remercie de
votre mémoire qui est très constructif et qui apporte des
suggestions. J'aurai quand même certaines questions suite à la
réflexion que vous nous imposez. D'abord, votre groupe vient d'une
région qui est très étendue, le Bas-Saint-Laurent. Votre
mode d'agriculture, surtout l'élevage, est très
intégré à l'environnement et à la nature. C'est un
peu différent d'autres régions où il y a plus de
conséquences sur l'environnement. Comme vous le soulignez dans votre
mémoire, il y a peu de problèmes, voire moins de risques de
pollution, étant donné le peu de concentration et la grosseur
réduite des troupeaux.
Votre région n'a pas encore connu l'industrialisation de
l'élevage, comme c'est le cas dans trois ou quatre autres régions
du Québec. C'est pour cela que vous pouvez affirmer que la population
agricole, due à l'élevage, n'est pas encore un problème
chez vous. A partir de cette constatation, vous vous demandez pourquoi le
gouvernement veut imposer des réglementations. La question que je me
pose, c'est: Est-ce qu'il faut attendre de se retrouver dans une situation
avancée de pollution, comme c'est le cas dans d'autres régions,
pour établir des normes et obliger à des équipements
antipollution? Est-ce qu'il ne vaut pas mieux prévenir et être
vigilants? D'ailleurs, vous le soulignez vous-même, car à la page
6 de votre mémoire, vous dites: "Par négligence et par manque de
surveillance et autrement, on a laissé s'installer des producteurs sur
un immense territoire de n'importe quelle façon. " Le gouvernement veut,
par ce règlement, établir des normes claires, des règles
du jeu qui soient connues de tout le monde. C'est le but du règlement
qu'on est en train d'étudier.
J'ai pris connaissance de votre mémoire et certaines questions me
viennent à l'esprit. A la page 4 de votre mémoire, vous dites que
"le règlement va certainement amener la disparition de plusieurs
entreprises." J'aimerais que vous me disiez comment. Expliquez-moi pourquoi
vous dites cela.
M. Cimon: Quand on parle de la disparition de l'entreprise, c'est
que, comme on le mentionne au début du mémoire, en introduction,
plusieurs entreprises sont très petites. On parle des entreprises de
bovins laitiers. Si vous arrivez et si vous imposez l'installation de
plates-formes à fumier qui vont coûter peut-être $5000 ou
$10 000... Ces plates-formes à fumier peuvent subir le même sort
que les fosses à béton. Les fosses en bloc de béton
étaient considérées comme étanches et, aujourd'hui,
elles ne le sont plus. Cela veut dire que pour les plates-formes en
béton que vous exigez aujourd'hui, dans quatre ou cinq ans il y aura
peut-être autre chose d'exigé. Si vous demandez en plus un
investissement de $5000 à $10 000 à ces petites entreprises,
probablement, et on peut l'affirmer, qu'il y a plusieurs entreprises qui ne
seront pas capables de faire cet investissement, comme cela a été
mentionné tantôt. Il y a des petites entreprises qui ont un
capital de $25 000 ou de $30 000 et qui fonctionnent avec cela. C'est leur
capital. Si vous exigez des investissements de $5000 et de $10 000 de ces
entreprises, elles ne pourront pas survivre. Elles vont être
obligées de fermer.
M. Léger: Pour la petite entreprise, c'est combien de
bovins?
M. Cimon: On parle d'environ 25 à 30 unités
animales. Quand vous disiez tantôt qu'il faudrait être vigilants,
il y a peut-être un facteur qui est important à ce sujet. Si on
n'a pas été vigilants jusqu'à maintenant, qu'on a
laissé faire les entreprises et qu'on n'a pas de problème de
pollution, je ne vois pas pourquoi on irait imposer des normes encore plus
sévères. Dans la région du Bas-Saint-Laurent et dans
d'autres régions, qu'on dit périphériques, je ne pense pas
que l'agriculture se développe plus qu'elle ne l'est à l'heure
actuelle. Il va y avoir des consolidations d'entreprises, mais il n'y aura pas
d'augmentation effarante du
nombre d'unités animales dans la région. Dans d'autres
régions, il y a de grosses concentrations, mais dans la région,
il n'y a pas de concentrations qui sont prévues, à moins que le
ministre de l'Agriculture ne nous annonce un programme d'investissement
agricole de $200 millions dans la région, mais on n'attend pas cela pour
demain matin.
M. Léger: Quand vous dites que cela coûte cher pour
25 vaches, est-ce que vous avez une idée du revenu annuel d'un
éleveur qui a à peu près 40 vaches?
M. Cimon: On pourrait laisser répondre un producteur.
Le Président (M. Boucher): M. Michaud.
M. Michaud (Réal): Je pense, M. le ministre, qu'il est
reconnu qu'une ferme rentable en industrie laitière, cela prend environ
310 000 livres de lait. Alors, 310 000 livres de lait, c'est 35 à 40
vaches en moyenne. Cela est une ferme rentable.
Dans le Bas-Saint-Laurent, on a environ le tiers des fermes rentables en
industrie laitière. On sait que l'épine dorsale pour le
Bas-Saint-Laurent, c'est l'industrie laitière, en agriculture. De ce
côté, on considère qu'il y a un rattrapage
considérable à faire pour amener le plus grand nombre
d'unités rentables dans le Bas-Saint-Laurent. C'est pourquoi M. Cimon a
fait allusion à ceci: si, à un moment donné, on veut
développer l'agriculture, il y a du rattrapage à faire si on
compare avec les autres régions. Cependant, on considère
qu'à l'heure actuelle il y a un équilibre qui semble parfait: on
a 3000 agriculteurs sur un territoire extrêmement grand; on a une
quantité de forêts qui constituent, peut-être pas un
antipolluant, mais un peu cela, et environ 900 000 acres en agriculture. Il en
faut à peu près 500 000 ou 600 000 pour l'industrie
laitière.
M. Léger: Quand vous dites rentable, 310 000 livres de
lait équivalent à peu près à 35 ou 40 vaches?
M. Michaud (Réal): Oui.
M. Léger: Quel est le revenu annuel pour cela?
M. Michaud (Réal): Cela peut faire un revenu brut
d'environ $35 à $40 000.
M. Léger: Pour $35 à $40 000 de revenus annuels, le
coût social que devrait payer n'importe quelle industrie, que ce soit une
petite industrie comme une entreprise de vaches ou une autre industrie, devrait
être nécessairement inclus dans le prix et il devrait y avoir une
considération. Est-ce que vous considérez que pour 35 à 40
vaches, un investissement une fois de $5000 ou $6000 pour
l'équipement dont on parlait tantôt... Si quelqu'un fait $35 000
à $40 000, ne pensez- vous pas que cela pourrait être
réparti sur plusieurs années et que c'est un coût qui n'est
quand même pas si élevé que cela?
M. Michaud (Réal): M. le ministre, ce n'est pas
celui-là qui a atteint à la rentabilité. Je pense qu'il
est capable de prendre à sa charge sa responsabilité de pollueur
de l'environnement, mais, dans notre territoire, les deux tiers n'ont pas
atteint à cette rentabilité. C est pourquoi l'impact sur
l'agriculture serait considérable si on mettait en application un
règlement très sévère. Nous considérons que
la pollution n'est pas un problème à l'heure actuelle. Si cela
devient un problème, si on a un programme agricole qui se
développe et qu'on veut développer l'industrie porcine avec des
1000 et 2000 porcheries, là, on y verra. Mais, pour le moment, ce n'est
pas un problème.
M. Léger: Vous êtes quand même au courant que
le règlement ne serait pas en application pour le type d'élevage
dont on parle avant 1982, pour la fosse exigée.
M. Michaud (Réal): Oui.
M. Léger: Cela donne quand même le temps. D'un autre
côté, j'admets qu'il faudrait une aide pour les deux tiers qui ont
de la misère à rejoindre le taux de rentabilité, mais il
faut quand même tenir compte qu'un entrepreneur, de quelque métier
qu'il soit, parce qu'il n'a pas encore atteint le taux de rentabilité,
aura le droit de polluer ses voisins. Il faut quand même qu'à
l'intérieur des coûts, il tienne compte de cela.
Nécessairement, il peut y avoir une aide; je suis d'accord
là-dessus. Il ne faut pas penser quand même, que, parce que son
industrie n'est pas encore rentable, cela lui enlève toute
responsabilité de tenir compte de ses voisins.
M. Michaud (Réal): Non, mais si avant de donner la chance
d'atteindre la rentabilité, on exige de lui un règlement
très sévère, cela va en décourager une
quantité considérable. Autrement dit, en bon cultivateur, c'est
mettre la charrue devant les boeufs. On est mieux de développer
l'agriculture tout en respectant l'environnement; je pense qu'on peut faire
d'une pierre deux coups.
M. Léger: D'accord, si on le fait en même temps, pas
de problème. Deuxième question...
Le Président (M. Boucher): Un instant, M. le ministre,
monsieur a quelque chose à ajouter.
M. Bélanger: Si vous le permettez, M. le ministre,
j'aimerais intervenir à ce sujet. Lorsqu'on parle d'amener une
entreprise à la rentabilité, cela veut dire que,
nécessairement, on parle d'agrandissement. Cela veut dire que les normes
s'appliquent immédiatement. A ce moment-là, le gars va être
obligé de demander un permis, s'il veut atteindre la rentabilité
qu'on lui suppose, ce qui veut
dire que pour atteindre la rentabilité, il doit faire son
investissement immédiatement.
M. Léger: C'est là qu'il a besoin d'aide.
M. Bélanger: Oui, c'est là qu'il devra
sûrement avoir de l'aide. Une autre chose qu'on souligne un peu dans le
mémoire a rapport aux plates-formes, qui vont quand même nous
toucher beaucoup. La plate-forme, dans mon cas, je ne la considère pas
comme un moyen efficace de combattre la pollution. Même si vous mettez un
mur de trois pieds autour de la plate-forme, nécessairement, les eaux
accumulées par la neige et la pluie vont déborder à un
moment donné; ce qui veut dire qu'à côté de la
plate-forme qui peut coûter environ $6000, il va falloir une fosse qui va
recevoir les purins de la plate-forme. A ce moment, on ne parle plus de $6000,
on va parler d'un équipement beaucoup plus considérable.
M. Léger: C'est que vous tenez pour acquis et je
pense que c'est faussement compris, pas seulement par vous, mais par d'autres
aussi que cela prend absolument une plate-forme en béton. Ce
n'est pas ce que le règlement dit; le règlement dit:
"étanche". S'il y a une autre façon que du béton pour la
rendre étanche, peut-être qu'il y a moyen de trouver une autre
solution.
M. Bélanger: C'est que, M. le ministre, les autres
façons...
M. Léger: II y a de nouvelles études qui ont
démontré aux Etats-Unis, entre autres que le
béton n'est pas essentiel et qu'il y a d'autres façons
d'atteindre le même objectif.
M. Cimon: Je pense que cela n'a pas encore été
accepté ici par les Services de protection de l'environnement, ce qu'on
appelle les lagunes; cela n'a pas encore été accepté ici
au Québec.
M. Léger: C'est-à-dire que, sur le plan technique,
il y a des discussions, mais ce qui compte, c'est que ce soit étanche.
Si la langue est devenue étanche et que c'est prouvé avec le
climat, etc., cela va permettre que ce soit accepté.
Il y aurait un autre point important; vous dites que la loi du zonage
agricole devrait être appliquée préalablement à la
loi de la qualité de l'environnement. Je suis d'accord qu'elle devrait
être appliquée le plus rapidement possible et le gouvernement s'en
vient avec la loi du zonage agricole, mais, en attendant que la loi du zonage
agricole s'applique, que suggérez-vous que le gouvernement fasse?
Comment allons-nous décider de donner ou de refuser un permis
d'autorisation pour de nouvelles exploitations? Pensez-vous qu'on peut
permettre à n'importe qui de s'installer n'importe comment, tant que la
loi du zonage agricole ne sera pas acceptée?
M. Cimon: Je pense que ce n'est pas un problème parce que
le ministre de l'Agriculture a promis la loi de zonage agricole pour cet
hiver.
M. Léger: Comme vous le dites, cela s'en vient, mais si,
par hasard, dans les trois prochains mois, avant que ce soit adopté,
etc. Il faut faire quelque chose; il faut donner des permis ou les refuser; sur
quoi va-t-on se baser?
M. Cimon: Vous avez la loi de 1972, vous ferez comme vous avez
fait depuis 1972, avec le pouvoir du ministre...
M. Léger: C'est ce qu'on faisait, c'est ce guide-là
qu'on avait.
M. Cimon: C'est cela.
M. Bélanger: M. le ministre, là-dessus...
M. Léger: Quand vous affirmez, un peu plus loin, que cela
peut permettre la fermeture de... Selon les chiffres que je donnais au
début, quand on en est rendu à donner des permis au nombre de
2000 et 2500 par année, cela ne fait pas fermer, au contraire. Le
principe n'est pas de fermer des fermes, c'est qu'elles soient
installées adéquatement, quand on établit de nouveaux
projets, pour s'assurer qu'elles fonctionnent comme il faut.
M. Cimon: Je pense qu'au niveau des permis, les statistiques
faussent peut-être un peu la réalité. Je pense qu'au niveau
régional en tout cas, les services de protection de l'environnement ont
dit à plusieurs producteurs de bovins laitiers, entre 1972 et 1978,
qu'ils n'avaient pas besoin de permis pour agrandir et, aujourd'hui, depuis
1977-1978, chaque fois qu'il y a un prêt de l'Office du crédit
agricole, l'Office dit à l'agriculteur: II faut que tu te procures un
permis. Mais, avant ces dates, il y en a plusieurs qui ont fonctionné
sans permis, parce que, bien souvent, les services de la protection de
l'environnement ont dit: Vous n'avez pas besoin de permis ou, tout simplement,
l'agriculteur ne savait pas qu'il existait des règlements et des lois
dans ce temps-là.
M. Léger: Vous, de l'UPA, depuis quand êtes-vous au
courant que la Loi de la qualité de l'environnement de 1972 oblige
à détenir un certificat d'autorisation, dans les cas de nouvelles
exploitations ou de modifications?
M. Cimon: Je suis entré à l'UPA en 1974, mais je
suis au courant depuis 1976, cela m'a pris deux ans avant de le savoir; il n'y
a pas eu beaucoup de publicité de ce côté-là.
M. Léger: Savez-vous qu'il faut un certificat, depuis
juillet 1973, pour les porcs; qu'il faut un certificat, depuis juillet 1974,
pour les autres et que l'Office du crédit agricole exige ce certificat
pour faire des prêts? C'est donc dire qu'on ne peut plaider le fait que
les gens ne le savaient pas. Ceux qui ont été obligés de
passer par l'Office du crédit agricole et l'UPA même si ce
n était pas vous autres qui étiez là, votre oganisme
étaient au courant depuis ce temps. Effectivement, s il fallait
un certificat à ceux qui ne l'ont pas fait, ils
sont dans l'illégalité, mais cela n'a rien à voir
avec la question de la loi rétroactive comme vous dites plus loin dans
votre mémoire. Nécessairement, depuis 1973 et depuis 1974 pour
les autres types d'élevage, cela prenait un certificat
d'autorisation.
M. Cimon: Je pense que la loi n'était sûrement pas
connue. Je ne sais pas comment il se fait qu'elle n'était pas connue,
mais elle n'était pas connue. Aujourd'hui, il y a encore une foule
d'agriculteurs qui ne la connaissent pas. Je ne sais pas ce qui s'est
passé. L'information ne s'est pas rendue au producteur. C'est entendu
que ce serait facile de nous dire: Vous ne pouvez pas plaider l'ignorance, mais
les faits sont là, la loi n'est pas connue. On est devant ce fait, il y
a des agriculteurs qui ont fait des agrandissements et on est pris avec cela.
(12 h 15)
M. Léger: Mais le rôle de l'UPA est quand même
d'être des représentants, des gens élus de votre milieu
agricole. Je pense que vous pourriez facilement donner des renseignements
à vos gens. Il y a d'autres organismes de l'UPA qui ont donné
d'autres renseignements on l'a vu dernièrement dans les journaux
qui n'étaient pas adéquats, mais vous pourriez
peut-être donner de vrais renseignements à vos gens en leur disant
justement qu'ils peuvent se conformer facilement à la loi, surtout ceux
qui font de l'élevage de bovins, parce que, dans 99% des cas, les
producteurs de lait vont avoir leur certificat comme cela, sans
problème. Ils pourraient se conformer immédiatement et il suffit
de leur dire. Il n'y a pas de problème de ce
côté-là.
M. Cimon: Je pense qu'il y avait un autre problème,
à partir de 1972, c'est qu il n'y avait pas de règlement officiel
qui avait été édicté. C'était resté
un pouvoir discrétionnaire du ministre. A l'instant où il y a eu
un projet de règlement qui a été public, il a
été présenté immédiatement dans le journal
La terre de chez nous, le 30 août dernier. Je pense que, du
côté de l'UPA, l'information a circulé aussi vite que celle
qui provenait du ministère.
M. Léger: Peut-être mieux même. M. Cimon:
Peut-être mieux. M. Léger: Maintenant...
Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous
plaît.
M. Bélanger: Si vous le permettez. Qu est-ce que vous
pensez, à ce moment-là, des permis qui sont laissés en
suspens? J'ai eu connaissance et je suis même un de ceux qui ont
demandé un permis à l'environnement, parce qu'ils étaient
passés par l'office pour faire une nouvelle installation, mais sans
augmentation d'unités animales. A ce moment-là, les SPE
n'accordent pas de permis. Ils ne donnent, ni plus ni moins, qu'une autorisa-
tion de s'installer, mais ils n'accordent pas de permis. Vous dites
aujourd'hui: Demandez les permis. Je suis un de ceux qui sont passés par
I'office, à un moment donné; j'ai demandé les permis et
j'ai fait une plate-forme en conséquence; pourtant, je n'ai jamais eu de
permis. On a dit: Etant donné qu'il n'y a pas augmentation du cheptel,
vous n'avez pas besoin de permis. Qu'est-ce qu'on fait, dans ce
temps-là?
M. Léger: Quand vous n'avez pas d'augmentation de
quantité de contaminants, vous n'avez pas besoin de permis. La loi 22 ne
s'applique pas à ce moment-là. Donc, cela veut dire que vous
auriez dû avoir, de l'Office du crédit agricole, ce que vous avez
demandé, parce que la loi 22 ne s'applique pas.
M. Bélanger: Ce qui veut dire que je vais demeurer un
producteur en suspens tout le temps, sans autorisation légale de
produire.
M. Léger: Vous n'en avez pas besoin. C est très
bien, c est légal.
Un peu plus loin, vous dites dans votre mémoire qu'il serait plus
équitable de traiter chaque cas à son mérite. C'est
entendu que, s'il fallait qu'on règle chaque cas à son
mérite, chacun serait peut-être mieux traité, mais
avez-vous pensé combien de fonctionnaires cela prendrait pour aller voir
chaque cas plutôt que d'avoir une réglementation
générale? Il y a des assouplissements, comme vous avez dû
voir, dans le règlement, dans certains cas, à cause de la
situation géographique, à cause de la qualité du sol,
à cause de différents facteurs qui font qu'un producteur pourrait
respecter l'esprit du règlement et on n'est pas aussi
sévère dans son cas à cause de la qualité du sol.
Dans le règlement, on a dit qu'un certificat venant d'un agronome de la
région, d'un professionnel, pourrait permettre d'avoir un permis
particulier qui ne serait pas tout à fait comme la norme
générale pour pallier des cas particuliers. Cependant, il faut
quand même réaliser que ça prendrait une armée de
fonctionnaires pour aller voir chaque personne; c'est pour cela que ça
prend des normes. Vous savez qu'en France et en Angleterre, si quelqu'un
demande un certificat, soit pour une augmentation ou pour une nouvelle
implantation de 450 porcs, il y a une audience publique qui permet à
tous les gens de s'exprimer, à savoir s'il devrait avoir son permis ou
non.
Si on les compare à d'autres pays, ces normes ne sont pas
tellement sévères. Vous dites plus loin qu'il y a des
problèmes, parce qu'il y a des producteurs installés n'importe
où. Vous parlez de la loi du premier occupant. Est-ce que ce droit,
d'après vous, est illimité et absolu? Est-ce qu'un agriculteur
qui avait, en 1972, 25 vaches peut avoir 100 vaches le lendemain ou remplacer
ses 25 vaches par 500 porcs dans les mêmes conditions de localisation
qu'avant? Pensez-vous qu'il peut se permettre de dire: J'ai un droit acquis, je
suis installé là, je transforme mon installation de 25 vaches en
500 porcs et je n'ai pas besoin de
permis, parce que les conséquences ne sont pas différentes
dans les deux cas?
M. Cimon: Non, nous, ce qu'on veut dire par là, c'est que
le type peut rester là, il ne devrait pas être
délogé par les citadins qui sont venus s'installer près de
lui. Il y a des plaintes...
M. Léger: Le cas des citadins va être
réglé par la loi du zonage agricole.
M. Cimon: II reste que cela existe. Il y a des citadins qui sont
installés près des agriculteurs, qui essaient par toutes sortes
de moyens de déloger l'agriculteur. Je pense qu'on devrait
permettre...
M. Léger: C'est l'agriculteur qui a vendu la terre
à ces gens.
M. Cimon: Oui. C'est un problème et par la loi du zonage,
on va essayer de corriger ça.
M. Léger: II aurait dû mettre dans son contrat de ne
pas critiquer son élevage.
M. Michaud (Réal): Pour atteindre sa
rentabilité.
M. Cimon: On devrait au moins permettre à l'agriculteur
d'agrandir un peu son exploitation pour qu'elle soit rentable; c'est ce qu'on
veut dire.
M. Léger: Quel degré d'augmentation seriez-vous
prêts à accepter? Lequel serait correct, d'après vous?
M. Cimon: On n'a pas de degré, mais je pense qu'il
faudrait que la ferme suive une évolution normale, celle qui se produit
dans révolution normale de l'agriculture.
M. Léger: Normale, pour vous autres, c'est quoi? A un
moment donné, il nous faut écrire ce chiffre quelque part.
M. Cimon: C'est difficile à déterminer. Par
exemple, tout à l'heure, on parlait de modèle...
M. Léger: Je suis content que vous sympathisiez avec
moi.
M. Cimon: On parle d'un modèle de 300 000 livres de lait
pour une organisation de bovins laitiers. On devrait au moins la laisser se
rendre au seuil de rentabilité. Si on la laisse à 10 vaches ou
à 15 vaches...
M. Léger: Quand vous parlez de droits acquis, est-ce que
vous parlez aussi des immeubles qui étaient là avant
l'agriculteur? Est-ce qu'il devrait y avoir des droits acquis pour l'immeuble
qui était là avant l'agriculteur?
M. Cimon: On parle des immeubles qui se sont installés
postérieurement au producteur.
M. Léger: Je parle de l'inverse. Est-ce que vous voulez
avoir un droit acquis parce que vous vous êtes installé avant? Si,
avant que le producteur agricole ne s'installe, il y avait des immeubles qui
étaient déjà là, est-ce que ces immeubles devraient
avoir le même droit acquis que vous?
M. Cimon: Quand vous parlez d'immeubles voulez-vous
définir lesquels?
M. Léger: Je ne sais pas, ça peut être une
école, un restaurant, une église, un équipement de
santé quelconque. Est-ce qu'il y a un droit acquis à cet immeuble
avant que l'autre agriculteur ne vienne s'installer? Est-ce que vous l'exigez
de votre côté, en disant: II y a des citadins ou un rural qui
veulent venir s'installer chez nous, l'agriculteur a des droits acquis. Mais si
c'est l'inverse, est-ce que vous accepteriez qu'il y ait des droits acquis pour
ceux qui sont installés avant que le producteur ne soit là?
M. Roy: Avant qu'on réponde, j'aimerais dire au ministre
que ces cas-là sont extrêmement rares. On ne peut pas faire de
parallèle valable sur cette question.
M. Léger: Une église et une école, cela fait
un bout de temps que c'est là.
M. Roy: Avant que l'église se construise. L'église
s'est construite dans des endroits où c'était habité.
M. Picotte: II y avait du monde.
M. Roy: II y avait déjà du monde. Et les fermes
près des villages, on sait très bien ce qui se passe à
l'heure actuelle dans la quasi-totalité du Québec. L'agriculture
s'éloigne du village de plus en plus et les gens qui sont près du
village abandonnent l'agriculture à un moment donné.
Je ne voudrais pas venir indûment à la rescousse de nos
collègues, parce au'ils sont en mesure de se défendre, mais je
pense qu'on ne peut pas faire un parallèle valable.
M. Gagnon: Cela existe pareil. M. Roy: C'est très
rare.
M. Léger: Le député de Beauce-Sud devrait
comprendre le problème. A un moment donné, il faut mettre des
chiffres, et il faut les identifier. Quand on dit qu'on devrait avoir un droit
acquis pour quelque chose, il y a quand même des gens qui veulent
installer une porcherie plus près que les normes citées dans le
règlement.
On se dit: Est-ce que des installations autres que l'agriculture, qui
sont là depuis un bout de temps, jusqu'à quel degré un
éleveur pourrait se permettre d'aller, jusqu'à quelle
proximité d'un édifice installé depuis longtemps?
M. Cimon: Si vous êtes prêt à admettre les
droits de premier occupant pour les agriculteurs, il n'y aura pas de
problème. Nous autres, on va
admettre les droits de premier occupant et les autres qui vont
être alentour. Il n'y aura aucun problème. Je pense que c'est un
point majeur. Si vous êtes capable d'admettre les droits de premier
occupant pour les agriculteurs, il n'y aura pas de problème. On va
admettre que les autres qui se sont installés avant nous ont des droits
de premier occupant. Il n'y a aucun problème avec cela.
M. Léger: Je suis bien content de vous l'entendre dire,
parce que vous savez que c'est écrit au journal des Débats et que
pour nous, c'est important de voir que vous acceptez des choses-là.
Il me reste deux petites questions. Quand vous parlez des vents
dominants, dans votre région, dans combien de cas pouvez-vous être
affectés par cela?
M. Cimon: On dit qu'il y a 200 petits producteurs de porcs et
qu'il y a 17 producteurs d'oeufs de consommation. Cela veut dire que les cas de
pollution par les odeurs sont très minimes. Les producteurs de porcs, ce
sont des producteurs de 100 à 200 porcs. Les poulaillers ont une moyenne
de 3000 poules. Cela veut dire qu'il n'y a pas trop de problèmes.
Généralement, ces poulaillers et ces entreprises de porcs ne sont
pas situés à priximité des villages. Cela veut dire, pour
nous, que ce n'est pas un problème.
M. Léger: Cela ne vous affecte pas tellement; parfait.
Mais quand même, un producteur de porcs, quand il cherche à situer
son bâtiment, pensez-vous qu'il tient compte du sens des vents? Admettons
que près de chez vous, votre voisin voudrait venir s'installer sans
tenir compte que, la plupart du temps, le vent est dans votre direction,
trouveriez-vous que ce soit normal qu'il s'installe là? Il pourrait
s'installer dans une autre direction, pour éviter que vous ne receviez,
la majorité du temps, les vents dominants de cette odeur.
Si vous étiez installé, non comme producteur, et qu'un
producteur de porcs dise: Je m'en viens m'installer et que le vent dominant
soit directement sur votre maison. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait qu'il se
tasse un peu plus à droite ou à gauche, ou à 100 pieds
plus loin, quelque chose comme cela?
M. Cimon: Je peux vous répondre par un exemple. Il y avait
un gros poulailler qui était situé à Sayabec.
L'agriculteur l'a installé, pour éviter que les vents dominants
ne viennent sur le village de Sayabec, du côté est. Les vents
dominants sembleraient venir du côté ouest. On n'a pas de
spécialiste pour déterminer cela.
M. Léger: Cela a une importance, les vents dominants.
M. Cimon: Cela a une importance, mais je pense que, chez nous,
selon la grosseur des entreprises, il n'y a pas de problème de ce
côté-là.
M. Bélanger: M. le ministre, pour les nouvelles
exploitations, je pense qu'il n'y a pas tellement de problèmes pour
reconnaître les vents dominants, mais ce qui est là, c'est pour
les exploitations qui sont actuellement en place. Si on commence à
établir des normes pour les vents dominants, pour les exploitations qui
sont déjà en place, c'est là que le problème
commence. C'est entendu que, pour une nouvelle exploitation, je pense que
l'agriculteur peut se conformer assez facilement en se disant qu'il fait son
exploitation pour ne pas envoyer ses odeurs chez le voisin à cause des
vents dominants. Mais lorsqu'on parle de vents dominants, on parle aussi des
exploitations qui sont actuellement en place. Je pense que cela peut leur
causer drôlement des problèmes.
M. Léger: Je ne pense pas qu'on déplace, par le
règlement, des gens qui sont en place, à moins qu'ils veuillent
passer d'environ 300 à 2000 porcs.
M. Bélanger: Mais les normes, à ce
moment-là, sont plus sévères, la fosse doit être
recouverte et toute la patente.
M. Léger: C'est cela.
M. Cimon: M. le Président, dans le règlement tel
qu'il existe, les vents dominants sont définis beaucoup trop largement.
On définit les vents dominants comme des vents qui soufflent à
plus de 25% dans une direction. A ce moment-là, on peut se ramasser avec
trois vents dominants. Au lieu d'avoir un corridor de cent mètres, on va
avoir un entonnoir qui sera assez large...
M. Léger: Vous êtes sûr de cela?
M. Cimon: Par exemple, dans la région, il peut y avoir des
vents de l'ouest, des vents du sud-ouest et des vents du nord-ouest.
M. Léger: 25% chacun?
M. Cimon: II peut y avoir cela, cela peut arriver.
M. Michaud (Réal): On parle de la topographie du
terrain.
M. Léger: Ce ne serait pas 30% ou 40% du temps
plutôt, pour que le vent dominant soit le plus important? Ça
n'existe pas.
M. Cimon: En principe, cela peut exister, qu'il y ait trois vents
dominants. Disons qu'au lieu de faire un corridor de 100 mètres de
large, où l'immeuble peut être exposé, il va y avoir un
corridor qui va être beaucoup plus large, qui va peut-être avoir
1000 mètres de large. Il faudrait peut-être essayer de restreindre
la définition de vents dominants, de dire que le vent dominant, c'est le
principal vent.
M. Léger: D'accord.
M. Roy: II y a quatre points cardinaux et ça fait 25%
chacun.
M. Léger: Ce n'est pas si précis que ça. On
s'est aperçu, d'après les études faites, que 25%, c'est le
plus gros vent dominant qu'il y avait habituellement, parce que le reste se
divisait en secteurs plus petits que ça.
Si le voisin d'un agriculteur spécialisé en bovins
laitiers veut changer sa grange et veut passer à 500 porcs, à 50
pieds du producteur laitier, est-ce que le producteur laitier serait heureux
que son voisin change tout à coup, sans nouvelles conditions, pour
installer 500 porcs à côté de ses vaches? La question est
difficile, hein? C'est la réalité.
M. Cimon: Je pense, M. le ministre, que vous voyez trop de
grosses entreprises de porcs. Il y a aussi de petites entreprises qui existent.
Dans notre région, les grosses entreprises qui s'installent ne s
installeront pas dans des granges-étables existantes, ce n'est pas vrai.
Faire entrer 500 porcs où il est entré 20 vaches, ce n'est pas
possible. Il faut voir aussi les petites entreprises, il ne faut pas trop voir
les gros méchants et celui qui a déversé ses égouts
dans la rivière. Il faut voir les 99,999% qui ne font pas de pollution
et qui ne semblent pas en faire. Nous autres, nous ne sommes pas des
spécialistes pour dire: Ecoutez, l'eau de ruissellement, il n'y en va
pas une petite goutte dans le ruisseau situé à quatre milles plus
loin. On considère que dans notre région, pour la pollution, il
n'y a pas de problème. On n'en voit pas de problème. S il y a des
grosses entreprises...
M. Léger: Pour votre région, non. Je vous donnais
le problème général. Dans votre région, je pense
que ce n'est pas le même problème, ce ne sont pas les mêmes
quantités. D'ailleurs, vous m avez donné des chiffres au
début qui démontrent bien que vous avez à peine 300
producteurs de 100 à 200 porcs. Mettons l'exemple à 200 porcs
dans ce cas.
M. Cimon: Dans la province de Québec, il y a
peut-être près de 15 000 producteurs qui font moins de 200 000
livres de lait. 15 000 sur 40 000, c'est déjà une grosse
proportion. Il ne faudrait peut-être pas juger à partir des plus
gros. Il faudrait peut-être regarder les petits et dire: Ceux-là,
ils ne font pas trop de pollution. On devrait peut-être regarder, comme
on dit dans le mémoire, de quelle façon on pourrait traiter
individuellement ces gens. S'ils ne font pas de pollution, s'il y a un petit
amas de fumier situé à l'arrière de la grange, pourquoi ne
les laisserait-on pas tranquilles?
M. Léger: Vous savez qu'il n'y a pas de vent dominant pour
les vaches?
M. Cimon: Non, je ne parle pas des vents dominants, je parle de
la pollution par le ruissellement. Est-ce que c'est vrai qu'un amas de fumier
de 10 ou 15 unités animales dans les bovins laitiers, cela va faire une
grosse pollution au niveau du ruissellement? On se pose sérieusement la
question. On n'est pas des spécialistes pour y répondre, mais on
se pose sérieusement la question. C est ce qu'on veut dire.
M. Michaud (Réal): A comparer avec une ville de 32 000
habitants, on se pose la question.
M. Léger: D'accord. Je vous remercie infiniment pour votre
mémoire qui est très intéressant et qui démontre
quand même un développement important chez vous où on peut
déceler des correctifs qui peuvent être apportés. Mais
j'espère avoir un peu calmé vos craintes en vous donnant quand
même la date, 1982, et le fait que c'est une fosse étanche, et non
pas nécessairement une fosse en béton, et le fait aussi qu'il y a
plusieurs choses qui sont beaucoup moins dures que vous ne pouviez
prévoir.
Le Président (M. Boucher): Messieurs, vous devrez revenir
probablement cet après-midi, après la période des
questions, pour continuer les questions de la part des autres membres de la
commission. Etant donné l'heure, nous devons ajourner nos travaux sine
die, en attendant I ordre de la Chambre cet après-midi, qui va
être donné après la période des questions.
Merci.
Fin de la séance à 12 h 31
Reprise de la séance à 15 h 45
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission de la protection de l'environnement est de nouveau
réunie pour entendre les mémoires des organismes et des personnes
convoqués, concernant le projet de règlement relatif aux
exploitations de production animale.
Les membres de la commission, cet après-midi, sont: M.
Beauséjour (Iberville), M. Baril (Arthabaska) remplace M. Brassard (Lac
Saint-Jean); M. Picotte (Maskinongé) remplace M. Caron (Verdun); M.
Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Gagnon (Champlain), M. Goldbloom (D'Arcy McGee),
M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Mercier
(Berthier).
Les intervenants sont: M. Dubois (Huntingdon), M. Grégoire
(Frontenac), M. Léonard (Laurentides-Labelle), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Marquis (Matapédia), M. Roy
(Beauce-Sud), M. Caron (Verdun) remplace M. Saindon (Argenteuil); M. Samson
(Rouyn-Noranda), M. Verreault (Shefford).
A l'ajournement, à midi, nous en étions aux questions du
député de D'Arcy McGee et je lui cède la parole
immédiatement.
M. Goldbloom: M. le Président, avant de poser mes deux
questions et faire mon seul commentaire, je voudrais vous faire remarquer que
nous
nous trouvons dans une situation un peu difficile, si nous voulons
respecter le voeu que vous avez exprimé au tout début de nos
travaux.
Vous avez suggéré que nous accordions à
l'étude de chaque mémoire une période de 45 minutes. Si ma
mémoire est fidèle l'Union des producteurs agricoles du
Bas-Saint-Laurent a commencé à 11 h 50 à présenter
son mémoire, a pris à peu près quinze minutes pour le
faire, et après le ministre a fait des commentaires et posé des
questions. On pourrait même dire qu'il était, pendant 25 minutes,
le vent dominant.
Si nous voulons suivre votre directive, M. le Président, il
resterait cinq minutes pour celui qui vous parle, pour les
députés de Maskinongé, de Saint-Hyacinthe, de Beauce-Sud
et même pour les députés ministériels qui pourraient
vouloir intervenir.
M. le Président, de deux choses l'une, ou bien vous assouplissez
votre directive, ou bien le ministre raccourcit ses interventions.
J'espère, M. le Président, que ce sera le deuxième cas qui
arrivera.
M. Léger: M. le Président, je remercie le
député de D'Arcy McGee d'avoir pris cinq minutes pour nous dire
qu'il restait cinq minutes de discussion. Mais je n'ai pas d'objection à
ce qu'on soit suffisamment souple pour que certains mémoires puissent
exiger plus de temps que d'autres, il se peut qu'il y ait moins de questions.
On peut garder quand même la norme de 45 minutes en s'assurant qu'on soit
assez souple selon les circonstances. Jusqu'ici, je pense que la collaboration
semble être évidente des deux côtés de cette table.
Je n'ai pas d'objection à ce qu'on continue encore pendant le temps que
le député de l'Opposition voudra bien utiliser.
Le Président (M. Boucher): Si je comprends bien, les
membres sont d'accord pour que la période des questions tienne compte
quand même d'un certain laps de temps, compte tenu de l'importance des
mémoires qui sont présentés.
M. Goldbloom: Absolument d'accord, M. le Président. Je
remercie le ministre et je lui dis que nous allons surveiller quand même
les vents dominants.
M. Léger: C'est surtout les odeurs qu'il faudrait
surveiller.
M. Goldbloom: Le ministre vient d'ouvrir une porte dangereuse, M.
le Président.
J'aimerais m'adresser à M. Cimon et à ses
collègues. Ma question porte sur votre recommandation en ce qui concerne
le zonage agricole. Vous indiquez dans votre mémoire qu'il vous
paraît illogique d'exiger des producteurs agricoles d'être
contraints à des règlements sans savoir au préalable s'ils
vont avoir un droit exclusif sur leur territoire. Vous ajoutez que
l'éventuelle loi sur le zonage agricole devrait, à votre sens,
être en vigueur et en application avant l'entrée en vigueur de ce
règlement qui affecterait les exploitations animales.
J'aimerais vous amener à expliquer un peu plus en détail
comment, à votre avis, le zonage agricole fonctionnerait pour facilier
et rationaliser I application du règlement éventuel qui sera
adopté en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement.
Le Président (M. Boucher): M. Cimon.
M. Cimon: Oui. Si une loi sur le zonage agricole est
adoptée, l'agriculteur qui sera installé dans une zone agricole
aura l'exclusivité de son territoire. A ce moment-là, il ne sera
plus question, pour l'agriculteur, d'être contraint à des plaintes
des citadins qui pourraient être installés dans son voisinage,
parce que le territoire lui sera réservé. En tout cas, dans notre
esprit, c'est clair. Le territoire zoné agricole est
réservé aux agriculteurs.
M. Goldbloom: M. le Président, j'ai une très courte
question que j'aimerais, avec votre permission, adresser au ministre. C'est une
vérification. L'UPA du Bas-Saint-Laurent recommande qu'il y ait un droit
d'appel. Si ma mémoire est fidèle, il existe dans la Loi de la
qualité de l'environnement certains droits d'appel. On peut en appeler
devant la Commission municipale du Québec avec laquelle l'ancienne
Régie des eaux du Québec a été fusionnée il
y a plusieurs années. J'aimerais que le ministre puisse nous indiquer,
je pense que cette réponse serait intéressante pour les membres
de l'UPA du Bas-Saint-Laurent, de quelle façon le droit d'appel pourrait
s'exercer par rapport à l'application de ce projet de
règlement.
M. Léger: Je pense que la commission municipale pourrait
répondre à cette préoccupation, mais je me
réserverai peut-être une réponse plus
détaillée dans quelques minutes. Le conseiller juridique ou le
responsable du contentieux, chez nous, n'étant pas encore arrivé,
j'aime autant attendre son retour pour m'assurer que je ne donnerai pas une
réponse inexacte.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président.
M. Léger: Me permettez-vous? Un point que le
député a mentionné, quant à la question du zonage
agricole, vous disiez qu'il y aurait l'exclusivité à
l'agriculture. C'est un fait qu'il y aurait une exclusivité à
l'agriculture, mais cela ne veut pas dire qu'un éleveur de porcs, entre
autres, dans un territoire zoné agricole, aurait le droit d'empester un
autre agriculteur à côté, qu'un éleveur de bovins,
comme on disait ce matin, qui verrait n'importe qui, encore dans l'agriculture,
s'installer à 150 pieds ou 100 pieds de sa maison pour une porcherie de
2000 têtes... il faut nécessairement respecter des normes qui vont
être beaucoup moins sévères dans un territoire agricole,
mais il faut quand même protéger l'environnement des gens à
l'intérieur de l'agriculture. La nuance qu'il y a, c'est que
ce ne sera pas des normes aussi sévères, étant
donné que la vocation à l'agriculture est prioritaire, mais il
faudrait quand même protéger l'environnement.
M. Goldbloom: M. le Président, je termine par un
commentaire qui a trait à une autre recommandation de l'UPA du
Bas-Saint-Laurent, celle qui propose un programme de recherches sur le
recyclage ou la réutilisation du fumier, notamment. J'aimerais que le
ministre attache une importance considérable à cette
recommandation, parce que justement, il y a là de la matière
organique qui n'est pas utilisée. Je n'ai pas besoin d'en convaincre le
ministre, je sais qu'il est sensible à cette question. Je voudrais
seulement lui rappeler ce que les porte-parole de l'UPA du Bas-Saint-Laurent
savent sûrement, c'est que le fumier, notamment, quand il est
concentré en forte quantité sur un territoire restreint, est
nettement trop fort pour application directe et utile sur le sol. Aussi, on a
pu, par des recherches déjà faites il faudra
sûrement en faire davantage déterminer que le fumier a une
teneur trop faible en carbone pour être complètement utile et
c'est pour cela qu'aux Etats-Unis notamment, et dans d'autres pays aussi, on a
fait une espèce de compostage en ajoutant au fumier un
élément qui fournit du carbone comme, par exemple, des
résidus de bois, des résidus ligneux. Là où je
voudrais en venir, c'est que, dans les déchets domestiques, il y a quand
même une proportion assez importante de papier, de choses de cette nature
et l'on n'est pas toujours en mesure d'aller récupérer le papier
comme tel pour le recycler, mais on s'en sert comme combustible et l'on peut
s'en servir à d'autres fins. Quand on fait le compostage avec les
déchets domestiques seuls, on n'a pas un produit qui est vraiment
valable en agriculture. C'est un produit qui a une certaine utilité,
mais qui ne peut quand même pas remplacer les engrais chimiques dont on
voudrait diminuer l'utilisation.
Je pense que nous devons remercier particulièrement les
porte-parole de l'UPA du Bas-Saint-Laurent de nous avoir rappelé cette
préoccupation, qui est importante à l'échelle de tout le
Québec, et je voudrais encourager le ministre à prendre cette
recommandation, à la traduire en un programme de recherche ou à
trouver un tel programme déjà en cours dans une de nos
universités, par exemple; mais le sujet est d'une importance
capitale.
Je voudrais, en terminant, remercier les membres de l'UPA du
Bas-Saint-Laurent pour un mémoire bien fait et très utile.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. le député de Saint-Hyacinthe?
M. Cordeau: A la page 4 de votre mémoire, vous mentionnez:
"Compte tenu des faibles possibilités de croissance de l'industrie
agricole dans notre région et de la faible volonté des
gouvernements, tant fédéral que provincial, de vouloir agir...
je vais continuer en ce sens, nous pouvons nous poser des
questions sérieuses sur la volonté du gouvernement à
vouloir imposer des réglementations qui pourraient entraver encore plus
le développement de l'agriculture..."
Est-ce que vous auriez des suggestions à faire au gouvernement
afin de développer davantage le secteur agricole dans votre
région?
M. Michaud: Comme je l'ai dit ce matin, l'environnement, dans
notre territoire, semble é-quilibré. On parlait du fumier, tout
à l'heure; il est reconnu qu'à l'intérieur de notre
région, le sol peut encore absorber du fumier, parce que, comme je l'ai
dit, il y a 900 000 acres en culture et il en faut 600 000 pour le cheptel
laitier qu'il y a à l'intérieur de la région, le sol peut
donc absorber une quantité de fumier assez considérable parce
que, d'après nos agronomes et nos experts, on en manquerait de ce
côté; il faut ajouter du fertilisant. Mais je pense que ce qui est
important, comme je l'ai dit ce matin, c'est qu'il faut peut-être
s'occuper de l'environnement, mais il faut aussi s'occuper de l'agriculteur qui
environne le milieu rural. Cela est important; on a parlé du zonage,
tout à l'heure; le zonage ne consiste pas seulement à tirer
quatre lignes, quatre poteaux et à ce que la responsabilité de la
municipalité s'arrête là, passé tel rang, c'est
uniquement de l'agriculture, mais si on s'occupe du zonage agricole, il va
falloir s'occuper des gens qu'il va y avoir à l'intérieur de ce
zonage. C'est pourquoi, dans notre mémoire, on dit que nos gouvernements
ne semblent pas trop intéressés à développer
l'agriculture. Nous, dans notre territoire, nous avons un plan agricole
régional qui est déposé et qui a été
travaillé en collaboration avec l'équipe régionale du
ministère de l'Agriculture. Justement, à l'heure actuelle, on ne
sait pas si ce dossier va déboucher oui ou non. Il semblerait que cela
va venir à déboucher, mais on a un plan agricole régional
qui prend en considération tous les programmes nouveaux, en vue de
développer l'agriculture régionale. C'est pourquoi c'est toujours
notre but de viser la rentabilité et d'augmenter le plus grand nombre de
fermes agricoles rentables; c'est là notre objectif, parce qu'il ne faut
jamais oublier que, dans le Bas-Saint-Laurent, il y a seulement 3000
agriculteurs et, pour maintenir une région agricole, cela prend un
minimum de 3000 agriculteurs.
Avec la réglementation très sévère
concernant l'environnement ou le zonage agricole, c'est bien de valeur, mais il
va peut-être y avoir 50% des agriculteurs qui ne pourront pas faire face
aux nouvelles exigences et, en même temps, on va peut-être
protéger l'environnement au détriment de l'agriculteur
lui-même. C'est là en partie notre mémoire.
M. Cordeau: A quelle date votre plan régional a-t-il
été complété et déposé?
M. Michaud: Le plan régional agricole a été
déposé au cours du mois d'avril.
Le Président (M. Boucher): Je crois qu'on
n'est pas à la commission de l'agriculture, on est à la
commission de l'environnement et...
M. Cordeau: Mais c'est le contenu... Excusez, M. le
Président, mais j'ai fait allusion à un paragraphe contenu dans
le mémoire de l'UPA. C'est seulement une date que je demande, c'est
tout.
Le Président (M. Boucher): II faudrait quand même
s'en tenir au cadre que nous avons actuellement; c'est le règlement sur
l'environnement. (16 heures)
M. Cordeau: Justement, pour développer l'agriculture,
est-ce que la réglementation que nous sommes à étudier,
aujourd'hui, vient à l'encontre un peu de leur développement?
Cela se rapproche. Parce que s'ils ne peuvent pas se développer à
cause d'une réglementation trop stricte, je pense que cela va de
pair.
Le Président (M. Boucher): D'accord. Maintenant...
M. Cordeau: Mais j'ai seulement demandé la date. Sur cette
question, je n'ai demandé que la date du dépôt du plan
régional qui était terminé.
M. Michaud (Réal): Le rapport des recommandations a
été déposé au cours du mois d'avril dernier, je
pense, et les délégués des producteurs l'ont appuyé
à 100% le 5 mai en assemblée générale
spéciale, ce printemps. Par la suite, ils nous ont demandé de
faire des priorités parmi les priorités, etc.
M. Cordeau: Une autre question. Vous avez fait mention aussi du
droit acquis. Cela me semble un point primordial dans votre rapport. Je crois
que M. le ministre en a parlé aussi un peu; mais quelles sont vos
intentions, M. le ministre, sur les droits acquis? Est-ce que vous avez
l'intention de prendre cette demande en considération dans la
rédaction du règlement futur?
M. Léger: C'est sûr que déjà on
reconnaît, pour les exploitations existantes, des normes beaucoup plus
souples. Il y a une différence entre ceux qui s'agrandissent
modérément, où les normes sont beaucoup plus souples, et
ceux qui s'agrandissent beaucoup. Mais les droits existants... On n'a pas de
droit existant à polluer, mais on a un droit existant dans le sens que
dans le territoire qui sera zoné agricole, la vocation étant
agricole, nécessairement les normes vont être beaucoup plus
souples et on ne pourra pas interpréter les normes comme étant un
avantage pour le citadin qui vient s'y installer, puisque la vocation
donnée étant agricole, les normes seront moins
sévères. Je pense que de ce côté-là, c'est ce
qui donnerait un genre de droit acquis à la vocation agricole de la
région, alors que dans une région non zonée agricole,
nécessairement les normes vont être plus
sévères.
M. Cordeau: D'accord. J'ai une autre observation. Quant au
caractère rétroactif de la loi, vous avez fait mention, M. le
ministre, ce matin, que toutes les installations, soit d'agrandissement ou de
nouvelles constructions, datant soit de 1974 ou 1975, devraient obtenir un
permis du ministère de l'environnement afin de régulariser leur
situation. Vous les avez assurés que cette régularisation se
ferait assez vite. Lorsqu'un cultivateur demandera de rectifier sa situation
parce qu'il a agrandi son étable ou qu'il a changé sa production,
avant de lui accorder son permis, est-ce que vous allez lui demander de
construire tout de suite les fosses requises selon les productions animales
qu'il a?
M. Léger: Tout ce que je peux dire pour le moment, c'est
qu'il faudrait étudier chaque cas en particulier. Tout ce que je peux
dire, c'est que pour une nouvelle exploitation ou une modification majeure
à une exploitation existante, c'est depuis juillet 1973 qu'on devait
avoir un permis pour les porcs, et depuis juillet 1974 pour les autres, dont
les bovins. A ce moment-là, ce que je disais, c'est que pour les bovins,
en tout cas, c'est très facile, il n'y a pas tellement de complications
et, dans 99% des cas, comme je le disais ce matin, ils font la demande de
permis et ils l'ont immédiatement.
M. Cordeau: Oui, mais avant d'émettre le permis, est-ce
que vous allez exiger qu'ils aient leur fosse à purin ou à fumier
selon la réglementation qui sera en vigueur à ce
moment-là?
M. Léger: La réglementation, actuellement, c'est un
guide pour déterminer si on donne un permis ou non. Mais si je dis
qu'à 99%, il n'y aura pas de problème, c'est qu'au niveau du
permis pour les éleveurs de bovins, nous ne voyons pas de
problème de ce côté du tout. Du côté des
porcs, nécessairement, il y a beaucoup de demandes en suspens
actuellement, parce qu'il y en a trop pour la capacité d'absorption de
nos services et c'est pour ça que ça prend un certain temps.
On ne peut pas dire, ça dépendrait de ce qu'on va
demander. Le règlement actuel est celui qui a permis de donner 4290
permis. Alors, les gens qui nous demanderaient un permis pour être
à jour, ce seraient les mêmes normes pour eux que pour ceux qui
les ont eus avant. On ne peut pas être injuste pour les nouveaux comme
pour les anciens.
M. Cordeau: Cela peut prendre un peu plus de temps pour
l'émission.
M. Léger: Cela dépend de chacun des cas.
M. Cordeau: C'est parce que le type devra respecter la
réglementation, soit avoir une fosse à fumier avant de recevoir
son permis pour rectifier son agrandissement qui a eu lieu il y a
déjà deux ou trois ans.
M. Léger: Nécessairement, cela dépend de
chacun des cas. On procédera de la même façon que
pour les autres qui ont eu leur permis. Il n'y a pas de complication
supplémentaire, c'était le guide dont on se servait depuis
déjà six ans, même avant le gouvernement actuel, ce n'est
pas nouveau, cela existait même en 1972.
M. Cordeau: C'est parce qu'il y a des cultivateurs qui ont
agrandi; supposons qu'ils avaient 20 vaches, ils ont augmenté à
40 vaches, ils ont agrandi leur étable mais selon la
réglementation actuelle, ils auraient dû demander un permis, ils
ne l'ont pas fait et, à un moment donné, ils vont vouloir
rectifier leur situation, demander un permis parce que autrement, ils sont hors
la loi et il pourrait y avoir une injonction.
M. Léger: Pour rassurer le député, l'exemple
que vous venez de donner, ce sont les mêmes normes pour 25 ou 40
vaches.
M. Cordeau: Oui.
M. Léger: C'est le chapitre 44 de la Loi
d'hygiène.
M. Cordeau: Alors, le type qui va demander de rectifier sa
situation, il va falloir qu'il envoie avec sa demande de permis un plan de sa
plate-forme, pour le fumier de bovins.
M. Léger: Ce sont les mêmes normes qu'il devait
respecter depuis 1944. Il n'y a rien de nouveau.
M. Cordeau: Mais, dans ce temps-là, il n'y en avait pas
pour le fumier de bovins, de ces plates-formes?
M. Léger: Oui, il y en avait.
M. Cordeau: II y en avait depuis 1974?
M. Léger: Depuis 1944.
M. Cordeau: Une plate-forme?
M. Léger: Cela dépend du type de plate-forme qu'il
fallait. C'est un système d'entreposage.
M. Cordeau: Oui.
Le Président (M. Boucher): M. Cimon.
M. Cimon: La position de l'UPA là-dessus, c'est qu'on
devrait ignorer les agrandissements qui ont été faits de 1972
à 1978, parce que, malheureusement, la loi n'a pas été
diffusée de façon adéquate.
M. Léger: Je vais vous poser une question
là-dessus. Est-ce qu'il serait juste pour ceux qui se sont
conformés à la loi, que les voisins ne respectent pas la loi
à laquelle ils se sont conformés, qui leur a amené des
dépenses?
M. Cimon: Je ne sais pas en quel nombre ils se sont
conformés, mais, dans notre région, au niveau des producteurs de
bovins laitiers, j'ai l'impression que tout le monde a pas mal
fonctionné du même pied.
M. Léger: D'après nos connaissances, la
majorité des gens se sont conformés, mais il y en a beaucoup qui
ne l'ont pas fait. Mais c'est quand même une minorité par rapport
à l'ensemble. On trouve que ce serait injuste de ne pas voir à ce
que tout le monde se conforme à la loi, puisqu'il y en a qui ont fait
des dépenses pour se conformer à la loi. Ce ne serait pas juste
pour eux qu'on permette à d'autres de ne pas se doter des mêmes
équipements. Mais, comme je vous le dis, il ne faut pas dramatiser,
puisque, dans 99% des cas, la demande de permis pourrait avoir une acceptation
très rapide.
Le Président (M. Boucher): Oui.
M. Bélanger: M. le ministre, il y a une chose que
j'aimerais savoir. On sait que vous avez alloué aux SPE des permis pour
la construction de fosses en blocs. Cela aurait l'air, aujourd'hui, que les
fosses en blocs ne sont plus reconnues comme étant étanches. Ces
gens-là ont quand même des permis dans leur poche pour dire qu'ils
sont autorisés à un taux de production avec un nombre requis
d'unités animales.
A ce moment-là, est-ce que ces permis vont être
prolongés? Ou est-ce que vous allez revenir en arrière et leur
dire: Avec la nouvelle réglementation, les fosses en blocs ne sont plus
permises? Est-ce que vous allez revenir sur le permis que vous avez
déjà alloué?
M. Léger: Non.
M. Bélanger: Non, d'accord.
M. Léger: Si cela peut vous rassurer, non.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, en lisant le mémoire
de l'UPA, il y a deux constatations que j'aimerais faire. Quand on parle de
zonage agricole, j'ai l'impression que, dans ce projet de règlement,
même si c'est pour fins d'étude et qu'on sait que, dans un temps
plus ou moins rapproché, il sera probablement effectif et que les
agriculteurs devront s'y conformer, même s'il y a eu des modifications,
j'ai l'impression qu'on aurait dû procéder auparavant au zonage
agricole. Le zonage agricole viendrait donner des droits aux agriculteurs et
pourrait peut-être leur permettre certaines choses, et les mêmes
exigences deviendront obligatoires à la suite de l'adoption des
règlements. Cela sera peut-être à ce moment-là d'une
sévérité additionnelle que les agriculteurs
eux-mêmes ne pourront pas se permettre.
En ce qui concerne les droits acquis, je dois
vous dire que je suis parfaitement d'accord, parce que j'imagine qu'il
n'y a pas un citoyen au Québec qui ne sait pas ce que peut sentir une
porcherie. Cela a l'air curieux à dire, mais, même si les citoyens
savent que cela peut sentir mauvais, même si cela ne semble pas nocif
à la santé dans la majorité des cas, il y a toujours des
gens de l'extérieur, des citadins surtout, qui viennent s'installer
proches pour ensuite faire des plaintes à l'environnement, ce qui cause
évidemment énormément de problèmes à
l'agriculteur.
Quand vous parlez, à un moment donné c'est
là le sens de ma question des plates-formes étanches, vous
mentionnez, à l'intérieur de votre mémoire, que, dans
certains cas, il serait préférable que ces plates-formes ne
soient pas étanches, en parlant des sols argileux. A votre niveau ou au
niveau de l'UPA en général, y a-t-il eu des études de
faites concernant les différentes sortes de plates-formes qui pourraient
être exigées? En principe, y a-t-il eu des études qui
pourraient nous guider, nous de la commission?
M. Michaud (Réal): Non, nous de la
Fédération de l'UPA n'avons pas fait d'étude en
profondeur, mais l'expérience des agriculteurs démontre qu'un sol
argileux est très étanche. Le ministre a dit ce matin qu'il n'est
pas toujours nécessaire d'avoir une plate-forme en béton, qu'il
peut y avoir d'autres substances qui peuvent garder... Je pense que l'argile
peut être une substance, je ne le sais pas. L'étude serait
peut-être à faire de ce côté-là. Mais il y
aurait peut-être un point que j'aimerais préciser. Tout à
l'heure, on a dit: II y a des cultivateurs qui ont fait des plates-formes en
béton, depuis dix ans et quinze ans, depuis 1944. Mais l'ont-ils fait
vraiment dans l'intention de protéger l'environnement ou bien pour se
donner le loisir de transporter le fumier à leur aise? Ce sont deux
choses. Je pense qu'il y en a plusieurs qui l'ont fait, peut-être dans
l'intention de conserver leur fumier, d'accord, mais surtout pour que le
transport et l'épandage, surtout le chargement, se fassent
peut-être plus à leur aise. De ce côté, je pense
qu'il y a des cultivateurs qui ont peut-être semblé s'y conformer,
mais peut-être aussi que c'était surtout pour faciliter
l'épandage.
Du côté des études qui ont été faites,
je pense que ce serait bon l'UPA serait réceptive à cela
d'étudier certains sols ou des systèmes de sable, par
exemple, parce qu'on sait que le sable est un élément filtreur.
Je ne verrais pas pourquoi il n'y aurait pas des expériences qui
pourraient se faire de ce côté-là, parce qu'on m'a toujours
dit que l'huile pouvait être facilement filtrée à travers
le sable. On enlève tous les résidus. Pourquoi ne ferait-on pas
la même chose pour le fumier?
M. Picotte: Peut-être une dernière question,
celle-là s'adresse au ministre. Lorsqu'il a été question
de dépotoir régional, à un moment donné, le
ministre a fait de nombreuses études. Dans quelques dépotoirs qui
fonctionnent présentement, il semblerait que ces études donnent
des résultats positifs. Il ne semble pas que cela cause de pro-
blème dans certaines régions, entre autres dans ma région.
Le ministre disait ce matin que ce n'était pas nécessairement des
plates-formes en béton qui pouvaient exister, qu'il y en avait d'autres
sortes. Y a-t-il quand même une étude assez poussée de la
part des spécialistes de votre ministère concernant les
différentes sortes de plates-formes qui pourraient être
exigées, concernant les sols et concernant aussi diverses
régions, parce que j'imagine que les régions ne sont pas toutes
semblables?
M. Léger: II n'y a pas eu d'étude puisque
l'objectif pour nous, c'est de nous assurer que la personne qui devra
procéder à une exploitation ait un système étanche.
Le règlement est fait de façon que ce soit à nous à
prouver que ce n'est pas étanche. Pour obtenir un permis, il faut que la
personne s'engage à avoir une fosse étanche, une plateforme
étanche. Par la suite, c'est à nous à prouver qu'elle
n'est pas étanche, s'il y a un problème, et non pas à elle
à nous prouver qu'elle est étanche pour avoir son permis.
M. Picotte: N'y aurait-il pas possibilité, à la
suite d'une étude par exemple, que, dans les normes, le ministère
de l'environnement puisse dire à l'agriculteur: Voici, tu pourrais
t'organiser de telle, telle ou telle façon. Il y aurait trois, quatre,
cinq ou six façons de s'organiser dans ce domaine. A ce
moment-là, il pourrait exiger, selon la possibilité des sols ou
autres, que l'agriculteur se conforme à cela. Là, on semble
demander à l'agriculteur de faire une étude, de faire des
recherches, d'engager peut-être des spécialistes qui vont
coûter X mille dollars, on ne sait pas, mais qui peuvent coûter des
milliers de dollars à l'agriculteur pour qu'il vienne dire: Voici, ce
serait étanche. (16 h 15
J'imagine que si les services de recherche du ministère de
l'environnement avaient fait une étude, cela pourrait être pas mal
moins dispendieux chez les agriculteurs et plus facile aussi pour eux
d'application. Je pense bien qu'il ne serait pas question que le
ministère prouve que ce n'est pas étanche ou moins étanche
ou que l'agriculteur soit obligé de prouver que c'est étanche. Je
pense que c'est une question de normes auxquelles ces gens seraient prêts
à se plier, mais à condition qu'on arrive et qu'on leur donne une
norme quand même assez précise avec des possibilités.
M. Léger: Si vous me permettez, je vais corriger ce que
j'ai dit tantôt. Il y avait la moitié de vrai et la moitié
de faux. Donc, je vais corriger. Je ne suis pas un spécialiste dans le
domaine des techniques de contrôle de l'environnement. Disons donc que
pour les installations déjà en place, ce que j'ai dit
tantôt, s'applique. C'est à nous à prouver que ce n'est pas
étanche, s'il faut qu'il y ait une poursuite de ce côté.
Dans celles qui sont à venir, ceux qui demandent un permis doivent nous
prouver que le projet va être étanche, mais quel que soit le
moyen, quel que soit le type de
fosse ou de plate-forme. Je ne pense pas que ce soit, selon la Loi de la
qualité de l'environnement, une responsabilité du
ministère de déterminer et de faire des études de
recherches sur des projets semblables. C'est au producteur ou c'est à
l'industrie elle-même à s'assurer, pour ne pas émettre de
contaminant, qu'elle a les moyens pour le faire. Ce n'est pas au service de la
protection de l'environnement à faire des études pour
déterminer quel type cela prend.
Parfois, par exemple, du côté de l'utilisation quand
même je vais répondre en même temps à la
question de tantôt du député de D'Arcy McGee pour
déterminer des moyens peut-être de rendre rentable l'utilisation
de la gestion des fumiers, il y a nécessairement le
procédé où nous avons fait une étude et une
expérience avec le procédé Fuchs, qui utilise justement,
comme le disait le député de D'Arcy McGee, la tourbe comme
deuxième étape du procédé Fuchs pour ajouter le
carbone nécessaire, de façon que l'engrais animal corresponde
à une bonne rentabilité, à un bon usage. Quant à la
deuxième réponse que je pourrais donner aussi en même temps
au député de D'Arcy McGee, concernant la commission d'appel,
c'est vrai que la commission municipale est un organisme qui peut
répondre aux préoccupations de décisions qui seraient
données par le directeur du service de la protection de
l'environnement.
M. Picotte: Je suis un peu d'accord avec le ministre, à
savoir que ce n'est peut-être pas à l'environnement à faire
des études là-dessus. Mais en tout cas, j'ose comprendre que ce
serait possiblement en fonction du ministère de l'Agriculture, et
peut-être que dans les nombreuses rencontres qui vont avoir lieu
sûrement à ce sujet entre le ministère de l'Agriculture et
l'environnement, ce serait peut-être une excellente suggestion à
faire au ministère de l'Agriculture, de votre part, d'essayer d'en venir
à quelque chose qui pourrait rendre service aux agriculteurs comme
tels.
M. Léger: Pour vous rassurer, et en même temps,
répondre à des préoccupations de ce matin, nous avons dans
la salle, aujourd'hui, des représentants du ministère de
l'Agriculture, dont le sous-ministre adjoint, et du personnel qualifié
qui écoutent régulièrement et attentivement le
débat pour être capables de donner suite à des
préoccupations.
M. Picotte: Vous voyez, M. le ministre, nos vingt minutes de ce
matin n'ont pas été du temps perdu. Cela a porté des
fruits.
M. Cordeau: Nos invités...
Le Président (M. Boucher): Compte tenu du temps qui
s'écoule rapidement et du nombre d'invités que nous avons
aujourd'hui, je dois malheureusement mettre fin à ce débat, en
remerciant les représentants de la Fédération de l'UPA du
Bas-Saint-Laurent d'avoir bien voulu présenter leur mémoire, au
nom de tous les membres de la commission.
M. Cimon: Nous autres aussi, on vous remercie. Franchement, on
aime donner notre opinion. Comme dernier argument, je voudrais peut-être
dire à M. le ministre Léger que quand je roule à 100
milles à l'heure sur l'autoroute, ce n'est pas à moi à
prouver que je vais à 100 milles à l'heure, c'est à la
police.
M. Léger: Bien d'accord. Pour avoir mon permis de
conduire, il faut que je prouve quand même que je suis capable de
chauffer.
Le Président (M. Boucher): Merci. J'appellerais maintenant
MM. Martel et Zizka, qui ont un mémoire personnel à
présenter. Messieurs, si vous voulez vous présenter.
MM. Yvon Martel et Jean Zizka
M. Martel (Yvon): Yvon Martel.
M. Zizka (Jean): Jean Zizka, agronomes, Agriculture Canada
à Sainte-Foy.
M. Martel (Yvon): M. le Président... Le
Président (M. Boucher): Allez-y!
M. Martel (Yvon): ... M. le ministre, messieurs les
députés et membres de cette commission, nous sommes deux
chercheurs en agriculture pour Agriculture Canada, qui travaillons en
laboratoire à Sainte-Foy, ici, sur le boulevard Hochelaga, et c'est un
mémoire un peu technique, peut-être, que nous voulons vous
présenter mais, quand même, qui a une implication très
pratique.
Nous allons vous lire le mémoire pour commencer, en se divisant
la tâche tous les deux.
Ceci fait partie d'un projet sur lequel nous travaillons en
équipe, Jean Zizka et moi-même, concernant le rôle de la
matière organique sur la productivité des sols du
Québec.
Or, les fumiers sont considérés comme un amendement
organique et c'est la raison pour laquelle ils constituent ici le sujet de nos
recherches.
M. Zizka: C'est à titre personnel et dans le cadre de
travaux que nous accomplissons dans notre discipline de la fertilité des
sols ainsi que de l'analyse des fumiers que nous voulons soumettre ce
mémoire. Permettez-nous, tout d'abord, de vous féliciter, M. le
ministre, ainsi que votre ministère pour attaquer, tant sur le plan
technique que politique, un problème d'une telle envergure. C'est dans
l'espoir de vous voir réussir que nous prenons le temps de vous exposer
notre point de vue.
Le point précis que nous voulons soulever concerne la section VI,
article 48, sur les superficies d'épandage pour l'élimination des
fumiers. Bien que l'idée générale soit très
satisfaisante et
que vous laissiez la porte ouverte aux exceptions, sur
présentation d'une étude technique faite et "signée par un
professionnel dûment habilité à cette fin par la loi de
l'ordre professionnel auquel il appartient", nous croyons que l'utilisation de
la relation directe de l'unité animale avec la superficie de terrain
pour baser les recommandations de fumier causera de nombreuses
difficultés, en particulier pour les producteurs de porcs.
Les difficultés proviennent des variations qu'on obtient dans les
éléments fertilisants contenus dans le fumier et des pertes de
ceux-ci à l'air durant l'entreposage et l'épandage. Ces
problèmes, s'ils ne sont pas considérés, causeront des
différences dans les recommandations entre le point de vue de
l'environnement et celui de l'agriculture.
M. Martel (Yvon): Nous croyons donc que les recommandations
d'application de fumier sur les sols doivent tenir compte de trois types
d'information: 1. Les quantités d'éléments nutritifs
contenus dans les fumiers au temps de l'épandage. Ceci constitue la base
de la recommandation. Il n'y a pas de système établi au
Québec pour faire analyser les fumiers sur une base de routine.
Toutefois, à partir de la littérature et des travaux que nous
faisons en laboratoire, nous constatons que dans des conditions
également bonnes, le système liquide d'entreposage,
utilisé par les producteurs de porcs, cause des pertes d'azote à
l'air plus élevées que le système d'entreposage solide
communément retrouvé avec les bovins laitiers. Ainsi, nos
résultats permettent d'évaluer que les pertes nettes d'azote dans
un entreposage liquide de fumier de porc sont de l'ordre de 50% alors qu'elles
ne sont que de 15% pour le fumier de bovins entreposé en tas. 2. Les
recommandations de fumier doivent aussi tenir compte des quantités
d'éléments minéralisables (rendues assimilables à
la plante) au cours de la première saison de végétation.
Les éléments contenus dans le fumier ne sont pas tous
minéralisables la première année. Ils ne peuvent donc pas
tous servir à la plante ou polluer l'environnement à la
première saison de végétation. Nous estimons, à
partir de travaux faits aux Etats-Unis et dans l'Est du Canada, qu'environ 50%
de l'azote, 20% du phosphore et 50% du potassium sont minéralisés
au cours de la première année de végétation et
peut-être 15% la seconde année. De plus, puisque l'azote est
l'élément qui répond le mieux sur les sols du
Québec et que c'est lui, par contre, qui se perd le plus facilement dans
les eaux de drainage, comparé au phosphore et au potassium qui sont
mieux retenus dans les sols, nous croyons que l'azote devrait servir de base
pour recommander les doses de fumier à appliquer. 3. Les recommandations
de fumier doivent tenir compte des besoins des plantes en
éléments nutritifs. Ceci est aussi un facteur important, car il
ne serait pas logique de limiter les doses d'azote sous forme de fumier sur une
surface donnée, pour des raisons de protection de l'environne- ment, et
d'ajouter de l'azote sous forme d'engrais chimique sur le même sol la
même année, pour répondre aux normes de fertilisation
établies par le CPVQ, sauf, bien sûr, s'il s'agit d'une culture
hautement spécialisée exigeant des temps d'application
très précis.
En tenant compte de ces trois principes, le tableau 1, que vous avez
à la page 3, nous donne les doses de fumier frais requises pour
différentes cultures. Ce tableau, en fait, est un tableau que nous avons
soumis et qui a été adopté par le CPVQ, par le
ministère de l'Agriculture du Québec, en vue des recommandations
de fumier, au point de vue agronomique, dans la province de Québec. Pour
tenir compte des pertes de l'azote à l'air, il faut augmenter ces doses
de 15%, pour le fumier solide, et de 100% vous avez peut-être 50%
sur votre manuscrit, c'est à corriger pour le fumier liquide. Si
du fumier a été épandu l'année
précédente, on devrait diminuer les doses de 15%. Cette approche
agronomique nous conduit à recommander des doses de fumier plus
élevées que vous ne le permettez à votre ministère;
surtout pour le fumier de porc.
A partir de ces faits, par exemple, nous croyons que les doses de fumier
de porc devraient être de 57 tonnes pour un hectare de maïs-grain et
pourraient atteindre 114 tonnes à l'hectare, s'il est entreposé
sous forme liquide et épandu sur le sol n'ayant pas reçu de
fumier l'année précédente.
D'après vos recommandations, le producteur agricole ne devrait
pas dépasser 23 tonnes à l'hectare; or, cette dose est 4,5 fois
plus faible que ce que nous pourrions recommander au point de vue agronomique.
En retour, ceci peut avoir une importance capitale pour calculer la
concentration de porcheries selon la surface de terrains disponibles pour
disposer des fumiers au Québec.
M. Zizka: Devant ces différences, nous voudrions faire les
recommandations suivantes: Que les recommandations de fumier soient
basées sur la quantité d'azote qu'un producteur agricole peut
utiliser à l'hectare, selon la plante en culture.
Que des équivalences d'unités animales soient faites en
relation avec les quantités d'azote contenues dans les fumiers et
disponibles aux plantes, selon l'espèce animale et la forme
d'entreposage du fumier.
Ces recommandations sont dans la ligne de pensée du
présent projet. Au lieu de relier l'unité animale directement
à la superficie de terrain, elle la relie à
l'élément azote, qui devient le critère de base pour
l'utilisation des fumiers.
Le Président (M. Boucher): Merci, messieurs. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, je vous remercie de
l'intérêt que vous avez porté à ce problème.
Habituellement, quand on parle de chercheurs, la première question que
je leur pose est: Avez-vous trouvé? Parce qu'on a beaucoup de
chercheurs, au Québec, mais il n'y en a pas beaucoup qui trouvent les
solutions aux problèmes, parce qu'il y a
plus de problèmes que de solutions. Mais, quand même, je
pense que vous avez apporté un point très important qui
n'était pas connu et vous nous apprenez qu'il y a une perte importante
d'un élément fertilisant, lors de l'entreposage du fumier.
Pensez-vous qu'il soit possible d'appliquer cette nouvelle connaissance
à l'intérieur d'un règlement qui soit uniforme?
M. Martel (Yvon): Oui, et d'ailleurs il y a une tentative de le
faire; vous êtes un peu dans l'obligation d'impliquer des normes
d'application de fumier à l'acre et à l'hectare. L'article 47,
par exemple, mentionne une unité animale par trois dixièmes
d'hectare, à l'acre, en fait, plus ou moins. Lorsque l'on vient, dans la
pratique, pour faire des calculs et faire des recommandations, on se pose la
question: Qu'est-ce qu'une unité animale? Cela peut varier; aux
Etats-Unis, il y a des gens qui parlent de l'unité animale avec 117
kilogrammes d'azote; au Québec, ce n'est pas mentionné dans le
rapport, mais on parle souvent de 80 kilogrammes d'azote. C'est un peu plus
sophistiqué, mais je crois que si vous voulez faire des recommandations
d'épandage de fumier sur des surfaces données, il faut être
un peu plus sophistiqué et il faudra peut-être renouveler les
recommandations à la lumière des recherches qui se feront
d'année en année. Je dois vous dire que je ne suis pas au
ministère provincial de l'Agriculture au ministère de
l'Agriculture, les recommandations sont révisées chaque
année, à la lumière des nouvelles recherches. Comme dans
tout domaine de science, les recommandations sont aussi renouvelées
d'année en année ou de cinq ans en cinq ans; je pense que, dans
ce domaine, où c est peu connu jusqu'à maintenant, vous allez
aussi être obligés de les réviser à l'occasion. (16
h 30)
M. Léger: Pour répondre à votre
préoccupation c'était dans la Gazette officielle
à l'intérieur du règlement, il y a une définition
de cette unité animale, à la page 5697 du projet de
règlement, où on indique: "Lorsqu'un poids est indiqué
à la présente annexe, il s'agit du poids de l'animal prévu
à la fin de l'élevage" et pour chaque type d'animaux, vous avez,
par exemple une vache laitière et son veau de l'année, cela
équivaut à une unité animale. Alors, cela prend cinq porcs
d'élevage d'un poids de 20 à 100 kilogrammes chacun pour
déterminer une unité animale. Alors, cela est déjà
défini dans le règlement, la définition de l'unité
animale.
Il y a un autre aspect, dans votre mémoire, qui est
intéressant. Avez-vous, quand même, une suggestion d'un
mécanisme quelconque de contrôle dans la pratique? Autrement dit,
comment peut-on vérifier que l'agriculteur va épandre en
respectant les doses maximales de fumier que vous suggérez?
M. Martel (Yvon): Là-dessus, M. le ministre, vous devez
lui faire confiance presque à 100% à moins d'avoir un agent par
ferme pour surveiller. Je vais vous dire pourquoi. C'est dans son
intérêt d'utiliser les doses les plus recommandables possible. Il
est le premier à nous téléphoner et à poser des
questions de semaine en semaine, surtout depuis que le ministère de
l'environnement fait de la publicité pour les fumiers, si on peut le
prendre dans ce sens-là.
M. Léger: Le règlement est en train de rendre le
fumier populaire.
M. Martel (Yvon): Oui, si vous voulez, jusqu'à un certain
point et les producteurs d'animaux, les fermiers, en fait, sont les premiers
à se poser des questions et sont les premiers intéressés
et ne demandent pas mieux que d'avoir des recommandations valables. Si on est
capable d'expliquer les recommandations et de les rendre valables, ils vont
être les premiers à les respecter. Il y a toujours des abus
à quelques endroits, mais règle générale, je crois
qu'on peut leur faire confiance à condition de leur proposer des
recommandations qui rapporteront des rendements valables et qui seront, dans
leur esprit aussi, logiques. Est-ce que je peux revenir sur l'unité
animale?
M. Léger: Oui.
M. Martel (Yvon): C'est vrai qu'elle est définie, mais
c'est peut-être un peu technique ici, mais certainement avec vos
fonctionnaires, cela nous ferait plaisir de vous aider après cette
présentation. Ce n'est pas très clair pour nous. Comme j'ai dit,
l'unité animale plus un veau de l'année, quand vous êtes au
niveau de la ferme, c'est combien de temps? Est-ce que c'est deux mois? Est-ce
que c'est cinq mois? Est-ce que c'est un an? Lorsque vous faites des calculs
pour représenter les fumiers, combien de temps est-ce un veau de
l'année? Une vache laitière, comme je vous dis, aux Etats-Unis,
on parle souvent de l'équivalent de 117 kilogrammes, en Ontario on parle
de 80 kilogrammes. Je vais vous donner un exemple démontrant pourquoi on
a de la difficulté. Vous dites: Une vache laitière. Je suppose
que vous avez calculé cela sur une base d'azote. C'est ce qu'on propose
dans notre recommandation et j'espère que cela va être
adopté ou que vous allez faire les recommandations sur une base
d'azote.
M. Léger: C'est le cas.
M. Martel (Yvon): C'est le cas. Alors, il s'agirait
peut-être de le mentionner de façon un peu plus
sophistiquée. L'exemple que je veux vous apporter est pour cette raison.
Une vache laitière plus son veau de l'année, je l'accepte
à 80 kilogrammes d'azote, ça produit cela. Je ne suis pas certain
de ce que vous voulez dire par un veau de l'année, en combien de temps,
mais admettons que c'est un détail. Lorsque vous arrivez au porc
d'élevage. Vous dites: Cinq porcs correspondent à une
unité animale. Je dois vous dire qu'avec les travaux que nous faisons,
cela n'entre pas dans nos calculs. On a vérifié l'Ontario.
L'Ontario parle de 15 porcs pour une unité animale. Au Québec
on
parle ici de cinq porcs. Dans nos calculs, avec les analyses qu'on a
faites, il y a des pertes d'azote qui sont un peu plus élevées
parce que l'entreposage du fumier dure plus longtemps ici qu'en Ontario,
l'unité animale correspondrait plus à 18 porcs. Cela commence
à faire des différences assez grandes, entre cinq porcs et 18
porcs. Je pense qu'à un moment donné ou l'autre, il faudra faire
des tableaux un peu plus précis pour être capable de passer
à travers et que les agronomes et les cultivateurs soient capables
d'interpréter ces données au champ.
M. Léger: C'est parce que la façon dont l'Ontario
détermine ou explicite son règlement, c'est que pour eux, c'est
quinze porcs de mis sur le marché dans une année. Tandis qu'au
Québec, nous parlons d'un espace qui peut contenir cinq porcs. Cela se
reproduit 2,3 fois le nombre de porcs dans un espace et au bout de
l'année, cela revient à peu près au même chiffre
puisque 2,3 fois ou même trois fois cela équivaut à peu
près à la quantité de l'Ontario,, un basé sur
l'espace et l'autre sur le nombre de porcs qui est mis sur le marché
pendant un an.
M. Martel (Yvon): D'accord. Ce n'est sans doute pas clair, par
exemple. Le cultivateur et nous qui faisons les calculs, on voit 5 porcs,
est-ce que ça veut dire qu'une porcherie de 5000 porcs équivaut
à 1000 unités animales, 1000 unités animales à
trois dixièmes d'hectares chacune, ça fait à peu
près 300 acres...
M. Léger: C'est ça, 1000 unités animales
pour 5000.
M. Martel (Yvon): Pour 5000, oui. Mais comme je vous dis,
déjà ça porte... C'est pour cette raison que la
recommandation, si elle était faite sur l'azote plus
précisément, je suis certain que les calculs doivent se rejoindre
quelque part là-dessus. Parce que c'est probablement pris aux
mêmes sources, c'est une façon de les interpréter, de les
calculer. Mais l'azote est certainement l'élément de base qui
vous intéresse et qui intéresse la pollution, qui
intéresse l'agriculture, premièrement et les doses à
appliquer sont importantes là-dedans.
M. Léger: D'accord.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je serai très bref
et je répéterai quelque chose que j'ai déjà dit
lors de séances de commissions parlementaires. Souvent, ce n'est pas le
mémoire qui ne provoque pas beaucoup de questions qui est le moins
important, au contraire. Quand un mémoire est clair et fait des
recommandations qui sont facilement compréhensibles, on n'a pas besoin
de poursuivre toute une série de questions afin de comprendre ce que les
auteurs veulent dire.
Je pense que nous n'avons pas eu assez sou- vent des chercheurs comme
vous, M. Martel et M. Zizka qui sont venus devant les diverses commissions
parlementaires et notamment devant celle de l'environnement. J'ai
été particulièrement impressionné par le
mémoire que vous présentez. Il est, comme vous l'avez
avoué, un peu technique; ce n'est pas une faute. C'est loin d'être
un défaut du mémoire, au contraire. Il me semble que le ministre
a déjà indiqué sa volonté de revoir les normes et
les exigences de l'éventuel règlement sur les exploitations
animales, à la lumière des précisions d'ordre
scientifique, basées sur des recherches et des données
scientifiques que vous avez incluses dans votre mémoire.
Je suis convaincu que vous aurez apporté une contribution
exceptionnelle à notre travail, en présentant ce mémoire.
Je pense que je n'ai pas besoin de demander au ministre si, effectivement, il
va revoir les aspects techniques du projet de règlement, à la
lumière des recommandations qui sont contenues dans ce mémoire.
Il me semble que le point fondamental fondamental pour moi dans le sens
pratique de l'application d'un règlement sur la protection de
l'environnement par rapport aux exploitations animales c'est lorsque
vous dites: Si l'on ne fournit pas, avec du fumier, avec des produits à
même le fumier, les quantités nécessaires d'azote et
d'autres éléments, il faudra les ajouter d'une autre
façon, avec des engrais chimiques, afin d'obtenir le résultat
voulu, le rendement voulu de la terre en question.
Il me semble donc que vous avez posé un défi. Ce
défi est le suivant: II faudra trouver une façon d'atteindre, par
des moyens naturels autant que possible, les quantités, les
concentrations nécessaires d'azote et d'autres éléments
nutritifs afin d'obtenir le rendement que l'on veut du sol. Si on n'est pas
capable de le faire à l'intérieur d'un règlement
adopté en vertu de la Loi de la qualité de l'environnement, il
faudra se poser des questions, parce qu'il y aurait, dans ce cas-là, en
même temps, un autre risque de pollution présenté par
l'utilisation des engrais chimiques. Donc, il faudra voir les deux en
même temps pour voir quel est le total de la charge imposée
à l'environnement.
Vous avez rendu un fier service à cette commission parlementaire.
Je n'ai pas de question. J'ai voulu faire ce commentaire pour vous remercier et
vous féliciter de ce mémoire.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee. M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: J'aurais une question à ceux qui ont
présenté le mémoire. Vous êtes des agronomes
chercheurs. Dans vos fonctions, est-ce que vous faites des recherches sur la
manière d'employer le purin, les modes d'emploi du purin ou si ce ne
sont que des recherches scientifiques que vous faites?
M. Martel (Yvon): Oui, il y a des aspects plus fondamentaux que
d'autres, mais nous avons des essais pratiques sur les analyses de fumiers
tels
qu'ils se présentent au temps de l'épandage sur la ferme,
et l'utilisation de ces fumiers sur des sols précis, pour essayer de
vérifier combien d'éléments fertilisants, contenus dans le
fumier au temps de l'épandage, peut servir à la croissance des
plantes et produire de bons rendements.
Donc, oui, nous avons des essais. Nous n'en avons pas autant que nous le
voudrions mais nous avons des essais pour vérifier les hypothèses
de base de travail, peut-être pas pour faire des recommandations sur tous
les sols et dans toutes les régions de la province. Nous devons
extrapoler. Ce serait dispendieux. Mais j'espère qu'à long terme,
cela pourrait être fait. Nous essayons de vérifier les
données de base qu'on vous a soumises aujourd'hui, qui ont
été vérifiées dans nos conditions, peut-être
un peu artificielles, mais quand même avec des sols du Québec et
du fumier du Québec, par des chercheurs du Québec.
M. Cordeau: J'ai pu déceler dans vos recommandations que
le purin de porc doit être épandu selon les cultures que le
cultivateur fera l'année suivante. Il y a peut-être des cultures
qui demandent plus ou moins d'azote.
M. Martel (Yvon): Exactement. Dans le tableau j'ai
passé vite sur le tableau vous avez des cultures de
maïs-grain qui demandent 170 kilogrammes d'azote à l'hectare par
année. Vous avez une culture d'avoine qui demande 45 kilogrammes d'azote
l'hectare. Il faut, pour être logique, appliquer plus de fumier dans un
champ où il y a du maïs-grain que dans un champ où il y a de
l'avoine. C'est un degré de sophistication un peu plus avancé,
mais je l'espère, pas trop. Il faut en tenir compte. C'est tout
simplement la pratique qui le demande. Autrement, vous allez avoir des
problèmes de récolte, de surrendements et de verses dans le cas
de l'avoine ou de sous-rendements de maïs.
M. Cordeau: Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci. Je veux vous féliciter à mon tour
pour la qualité de votre mémoire. J'aurais une question à
vous poser. Est-ce que vous croyez possible, compte tenu des recherches que
vous avez faites, de préciser, dans une réglementation qui peut
s'appliquer partout, des données qui tiennent compte en même temps
des cultures, et non seulement des cultures, mais qui tiennent compte aussi des
sols, parce que les sols n'ont pas tous les mêmes besoins, selon les
régions. Même à l'intérieur des régions, vous
avez des sols qui ont besoin de telle sorte d'engrais plutôt que telle
autre, et telle sorte de fertilisant plutôt que telle autre.
Pensez-vous que, compte tenu des études que vous avez faites, il
soit possible d'inclure tout cela dans un règlement,
premièrement, et, deuxièmement, de l'appliquer par la suite?
M. Martel (Yvon): Peut-être que cela vous semble
compliqué, mais laissez-moi vous assurer que c'est très simple.
Les cultivateurs travaillent avec des grilles de fertilisation. Pour chaque
récolte, ils vont dans une grille de fertilisation pour regarder, pour
les engrais chimiques; il s'agit de faire des grilles semblables pour les
fumiers. Les cultivateurs sont déjà habitués à
travailler avec cette approche. Je crois que, pour eux, ce serait très
simple.
Ce n'est peut-être pas aussi facile pour nous de faire les grilles
que cela l'est pour les engrais chimiques, qui ont eu l'avantage d'avoir des
recherches depuis les années quarante et surtout depuis les
années soixante-dix, de façon intensive, au Québec. Mais
on peut se servir de ces recherches pour faire une adaptation pour les fumiers
et les inclure dans des grilles de recommandations pour les cultivateurs. (16 h
45)
Je crois que, dans vos règlements, c'est peut-être
difficile d'aller au niveau du cultivateur. Vous devez maintenir des principes
de base. Je crois que si vous acceptez, comme il semble que vous l'ayez fait,
la base de l'azote pour les recommandations de fumier, il s'agit, comme on vous
le recommande, ou une recommandation près de celle-ci, de recommander
des doses de fumier selon les plantes en culture, selon les besoins des sols
aussi et de laisser les doses au ministère de l'Agriculture
peut-être. Peut-être que vous voulez vous aventurer aussi dans ces
doses, mais le règlement devra spécifier la base des
recommandations.
M. Roy: M. le Président, je vous remercie. C'est justement
pour cela que les cultivateurs, les agriculteurs exercent des grilles de
fertilisation sur leur ferme, premièrement, en faisant analyser leur
sol, deuxièmement, en tenant compte des spécialisations, en
tenant compte des choix de cultures qu'ils ont faits. Dans des régions,
la nature du sol peut varier et les cultures peuvent également varier.
Il faut tenir compte de cela. C'est ce qui m'apparaît extrêmement
difficile dans une réglementation, parce que je fais une distinction
entre des recommandations qui pourraient être faites par les services de
protection de l'environnement, à la suite des études qui sont
faites, et une réglementation qui a la même portée que la
loi et qui doit s'appliquer.
Il ne faudrait pas, je pense, à ce moment-ci c'est une
observation que je fais s'enfermer dans des normes extrêmement
rigides qui viseraient à faire en sorte de restreindre la marge de
manoeuvre dont l'agriculteur a besoin sur sa ferme, parce qu'il y a une
tentation qui existe actuellement, on ne s'en cache pas, et ce n'est pas un
reproche que je fais à l'actuel ministre, nous avons eu une
conférence des parlementaires du Commonwealth, la semaine
dernière, pour étudier le parlementarisme britannique. Cela a
fait l'objet de plusieurs séances d'études, par exemple sur la
réglementation, la tendance à trop réglementer. J'aimerais
attirer l'attention du ministre ici sur
l'excellence du mémoire qui a été
présenté par nos chercheurs et l'inviter à tenir compte
des faits sur lesquels je veux attirer son attention à ce moment-ci,
parce que le gouvernement ne se rendraft pas service et on ne rendrait pas
service à la classe agricole non plus.
M. Léger: M. le Président, je pense, si vous voulez
me permettre, pour répondre à la préoccupation des
intervenants ainsi que des députés, que, nécessairement,
il y a une différence entre les préoccupations de l'agriculteur
qui a intérêt à ne pas détériorer sa terre en
épandant plus qu'il ne faut, celles de l'agriculteur à qui il
faut faire confiance, et celles de l'éleveur sans sol qui peut avoir
beaucoup plus de fumier à épandre et qui, ne l'épandant
pas sur sa terre ou répandant sur la terre d'un autre, à un
moment donné, en aura mis plus que requis par la quantité de
terre sur laquelle il peut l'épandre et c'est là le
problème, le surplus qu'on a.
Je voulais vous demander ainsi qu'au député de Beauce-Sud
en même temps si l'article 48 correspond à votre
préoccupation, pour éviter d'avoir une norme très
générale, qui dispenserait de s'adapter à des
particularités. Si on lit bien l'article 48, on a essayé de tenir
compte de particularités locales, aussi bien de la qualité du sol
que de la préoccupation très différente ou exceptionnelle
d'un milieu. L'article 48 se lit comme suit: "Superficie d'épandage: Le
fumier épandu sur des terres en culture, selon l'article 48, doit
être épandu uniformément en respectant une superficie
minimale de 0,3 hectare par unité animale contenue dans l'exploitation
de production animale, à moins là, je pense que c'est le
point important que nous avons ajouté que la nature des cultures
ne permette un taux d'épandage supérieur, tel qu'attesté
par une étude technique signée par un professionnel dûment
habilité à cette fin par la Loi de l'ordre professionnel auquel
il appartient ".
Autrement dit, dans une région, la norme étant plus
sévère que ce que le sol peut accepter, c'est-à-dire que
le sol pourrait accepter plus que la norme générale, et un
spécialiste de la région, un agronome peut dire: D'accord, on est
capable de certifier que votre terre à vous est capable d'en prendre
plus. C'est un cas, c'est rendre une règle générale plus
particulièrement acceptable à des différences locales.
Est-ce que ce type d'article pourrait correspondre un peu à votre
préoccupation?
M. Martel (Yvon): Sans doute qu'il va falloir trouver une
solution simple. Je comprends votre point de vue dans le règlement. Dans
le cas particulier d'une unité animale par 0,3 hectare, je peux vous
assurer que, dans le cas du porc, à 99% des cas, ce seront des
exceptions. Ce n'est peut-être pas le but visé non plus en faisant
une règle générale d'être obligé d'avoir des
recommandations signées à 98%, 99% pour les raisons que je vous
ai mentionnées. Peut-être qu'en ajoutant une ou deux lignes...
Vous permettez les exceptions.
Je vois votre point de réglementer... ou contre le point de faire
confiance. Si vous disiez: Ne devrait pas dépasser les quantités
d'azote nécessaires aux plantes, telles qu'elles ont toutes
été relevées par le CPVQ, le Conseil de protection
végétale du Québec, en vue des recommandations des engrais
chimiques. C'est tout fait, oui, ces grilles. Peut-être que cela serait
un peu plus précis et que cela éviterait beaucoup
d'exception.
M. Léger: Cela correspond à la norme d'azote, parce
que le 0,3 hectare par unité animale, c'est la conséquence de la
quantité d'azote que l'unité animale va produire. Alors, votre 80
et quelque chose de tantôt, c'est 0,3 hectare par unité animale
qui correspond à la quantité d'azote acceptable ou assimilable
dans le sol.
M. Martel (Yvon): Oui. Alors, 80...
M. Léger: Vous avez sorti un chiffre tantôt de 80 et
quelque chose...
M. Martel (Yvon): Oui. Pour le maïs-grain, par exemple, vous
êtes à 80. J'ai avancé la valeur de 80 kilogrammes qu'on
utilise, mais je ne suis pas capable de le calculer avec les données des
annexes. Si c'est 80, par exemple, donc une récolte de maïs-grain
demande 170 kilogrammes à l'hectare. Trois dixièmes d'hectare,
cela veut dire, multiplié par trois plus ou moins, que le fumier
à l'hectare peut contenir 240 kilogrammes. Il y a des pertes
là-dedans. Il y a un pourcentage de minéralisation de l'azote qui
n'est pas disponible la première année, parce que c'est sous
forme organique. Ce n'est pas disponible la première année,
même pas la deuxième année. Cela ne peut pas polluer non
plus. Cela ne peut pas servir aux plantes non plus. Si on tient compte du
calcul des pertes et de la minéralisation, les normes sont quand
même, à mon point de vue, même pour le fumier de bovins
laitiers, peut-être de 40% trop faibles. Peut-être qu'en
élevant cette valeur aussi et en permettant les exceptions, sans doute
que vous voulez une valeur minimum pour être certain que dans le cas de
l'avoine qui demande le moins d'azote, par exemple, personne ne va le
dépasser. Je pense que cela pourrait être un peu plus
sophistiqué, en fait.
M. Léger: ... par le maïs.
M. Martel (Yvon): Oui. Je crois que c'est pas mal trop bas, et
pour les porcs, et pour les bovins laitiers. A 80 kilogrammes, on parle de 240
kilogrammes de besoin.
M. Léger: De toute façon, tout ce qui a
été dit à cette commission, surtout sur des points
techniques...
M. Martel (Yvon): Oui.
M. Léger: ... je ne suis pas nécessairement le plus
habilité à répondre sur les points techniques,
mais c'est bien enregistré. Mes spécialistes vont
étudier davantage et analyser les recommandations, surtout avec ce que
vous avez apporté dans votre excellent mémoire, pour qu'on puisse
peut-être apporter des correctifs voulus.
M. Roy: Je pense quand même que les remarques qui viennent
d'être faites nous illustrent une situation qui mérite, au niveau
de cette commission parlementaire, qu'on détermine exactement les buts
que nous cherchons à atteindre par la Loi de la protection de
l'environnement. On a parlé de combattre la pollution. On est rendu
très loin, parce qu'on est rendu à fixer les normes d'engrais des
sois, alors que c'est un secteur qui, jusqu'à maintenant, a
été réservé à l'agronomie. Je comprends
qu'il y a des responsabilités. Je comprends qu'au niveau, par exemple,
des purins et des fumiers qui proviennent des porcheries, il va falloir que le
gouvernement soit extrêmement prudent. J'aurais de sérieuses
réserves, pour ce qui me concerne, à ce qu'une loi de la
protection de l'environnement aille aussi loin que de fixer les degrés
d'engrais pour telle ou telle plante ou telle ou telle catégorie de
sols. Là-dessus, je pense qu'il faut penser que si nous mettons cela
dans un règlement, il va falloir que le règlement s'applique, il
va falloir qu'il y ait des permis, il y aura des inspecteurs, il y aura du
contrôle, mais il faudra qu'il y ait également des mesures pour
obliger les gens à respecter ces règlements, donc des
contraintes. Je pense qu'il y a place, évidemment, dans une loi de
protection de l'environnement, à toucher tous les secteurs dans tous les
domaines, parce que nous touchons à l'environnement dans nos
activités. Même quelqu'un qui fume une pipe, pipée de bon
tabac, affecte la qualité de l'environnement. On peut aller jusque
là, mais jusqu'où peut-on aller, jusqu'où doit-on aller?
Là, c'est la question. J'aimerais bien que le ministre... je ne veux pas
dire cela parce qu'il fume la pipe, c'est un exemple que je voulais lui
signaler. On peut aller très loin, mais jusqu'où doit-on aller?
Si j'avais une recommandation à faire au ministre à ce moment, on
doit voir à faire en sorte de respecter l'environnement et
d'éviter la pollution, combattre la pollution, mais faisons attention de
ne pas succomber à la tentation d'aller trop loin et de créer des
carcans, des cadres trop rigides qui viseraient à exiger d'abord une
bureaucratie épouvantable pour l'appliquer, et deuxièmement, qui
viserait à décourager l'agriculteur, à le
considérer en quelque sorte comme étant une personne non
compétente, devant faire affaires avec des spécialistes, des
agronomes ou des chercheurs pour être capable d'étudier son cas
particulier en tenant compte de son sol, de ses cultures, de ses besoins et de
la région qu'il habite.
M. Léger: II ne faut pas oublier, M. le Président
et je pense que c'est bien important pour répondre à la
question du député de Beauce-Sud que les normes sont
faites pour éviter les abus et spécialement pour éviter la
contamination, quant à l'épandage, de la nappe d'eau
phréa- tique. Le sol peut absorber une certaine quantité de
contaminants qui existent dans le fumier, mais qu'au-delà d'une certaine
quantité, la nappe phréatique peut recevoir et, à ce
moment-là, être complètement contaminée. Comme on
sait que, dans l'avenir, les sources d'alimentation vont probablement provenir
de la nappe d'eau souterraine, c'est ça qu'il faut éviter.
Nous avons même vu des cas où, s'il n'y avait pas un
contrôle quelconque qu'il faut mettre en quelque part il faut
mettre les limites en quelque part le fumier de 8000 porcs était
épandu sur 40 acres de terrain. A ce moment-là, ce qui arrive,
c'est que la personne qui veut se débarrasser de son fumier en met et en
met, et comme elle n'a pas la grandeur de territoire qui correspond à la
quantité de fumier qu'elle a à épandre, elle a la
tentation, souvent, de l'envoyer directement dans le cours d'eau. Vous savez
que dans les normes qui existent en Allemagne et même en France, on ne
donne pas de permis pour l'élevage de porcs à un éleveur
qui n'aurait pas la possibilité d'épandre tout son fumier sur son
terrain à lui.
M. Roy: Là, vous touchez un point, M. le ministre, parce
que lorsque vous parlez de la nappe d'eau phréatique, elle est atteinte
à certains endroits, et les gens ont eu des permis. Je pourrais nommer
des endroits. Je ne veux pas faire tort à qui que ce soit à ce
moment-ci, mais c'est un fait. Cela existe à l'heure actuelle, et
ça, c'est inquiétant. C'est pour ça que je dis et
je ne voudrais pas qu'on pense que, par mes interventions, j'ai des
réserves au fait que le gouvernement s'en occupe je l'ai dit
depuis le début, le gouvernement doit s'en occuper, doit agir, mais il
devra faire en sorte de protéger l'environnement et d'éviter la
pollution. Je dis quand même qu'il y a une certaine limite
jusqu'où on peut aller et jusqu'où on doit aller pour en faire un
règlement applicable.
M. Léger: C'est ça. Il ne faut pas oublier qu'il y
a des gens qui peuvent avoir un permis, mais qui, après avoir obtenu le
permis, peuvent épandre leur fumier en quantité inacceptable. Ils
ont un permis parce qu'ils sont bien localisés, qu'ils correspondent aux
normes en ce sens-là, mais les gestes qu'ils posent après peuvent
aller au-delà de ce que le règlement permettrait.
M. Goldbloom: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauharnois avait demandé la parole.
M. Lavigne: Je vous remercie, M. le Président, de m'avoir
reconnu et de me donner l'occasion de prendre la parole à cette
commission.
Je voudrais tout d'abord poser une question aux deux intervenants. Je
sais qu'ils ont parlé d'azote. Ils ont parlé de quantité.
C'est surtout là-dessus, je pense, que repose leur mémoire, que
je trouve des plus intéressants, et je suis sûr que le ministre et
ses coéquipiers vont sûrement en tenir compte lors de la
réglementation.
II y a un point sur lequel, je crois, vous n'êtes pas intervenus
dans votre mémoire, c'est à savoir s'il y a des
différences, au niveau de la rentabilité des fumiers, en ce qui a
trait aux dates de l'é-pandage. Est-ce que d'épandre le fumier le
printemps, l'hiver, l'automne ou l'été est aussi rentable ou...
de façon indifférente?
C'est là que se situe ma question et j'aimerais savoir si vous
êtes en mesure de commenter ça.
M. Martel (Yvon): Oui, c'est un niveau de recherche technique que
nous n'avons pas. Nous estimons, d'après les recherches faites en
Ontario et aux Etats-Unis, qu'un fumier qui est enterré
immédiatement par un labour ou un coup de roulette, qu'on appelle, peut
perdre moins de 5% de son azote. Un fumier qui est laissé sur le sol
pendant deux semaines peut perdre jusqu'à 30% de l'azote. Les
recommandations agronomiques sont d'enfouir le fumier le plus tôt
possible après l'avoir épandu.
M. Lavigne: Mais, indépendamment de la saison, en autant
qu'il est enterré immédiatement?
M. Martel (Yvon): Oui. Si vous étendez un fumier le
printemps et que vous faites une jachère d'été, il y aura
une minéralisation normale durant l'été; s'il n'y a pas de
plantes pour le prendre, ça pourra aller dans les eaux de drainage. Si
vous l'appliquez l'automne, la saison d'automne, la saison d'hiver est assez
tranquille aussi pour la biologie du sol. Il peut y avoir des pertes, mais on
parle toujours de l'ordre de 10%, 15%, même de 30% de variation. Dans cet
ordre, on garde à peu près les mêmes recommandations. Cela
varie beaucoup d'une année à l'autre. C'est pour ça qu'il
faut garder des chiffres assez généraux.
M. Lavigne: Je vous remercie. (17 heures)
Le Président (M. Boucher): M. le député de
D'Arcy McGee.
M.Goldbloom: M. le Président, je reviens à la
charge, parce que je trouve que la discussion est d'une importance absolument
capitale.
Nous avons, dans ce mémoire, à la dernière page, ce
qui est une divergence de vues quant à des chiffres. La situation qui se
présente est la suivante: celui qui a comme principale
préoccupation la protection de l'environnement établit un chiffre
de 23 tonnes l'hectare. Celui qui a comme principale préoccupation la
fourniture d'azote et d'autres éléments nutritifs à une
culture dit: Ce n'est pas assez, on peut devoir aller jusqu'à 104
tonnes, donc plus de quatre fois et demie la quantité prévue dans
le règlement.
Le ministre répond à cela en disant essentiellement ceci:
On doit être prudent en établissant une norme
générale, parce que l'on ne sait pas, au départ, où
se situe la nappe phréatique et quel est le risque de sa contamination.
Il faut donc que l'on étudie le cas particulier, si la recommandation
est d'aller au-delà des 23 tonnes l'hectare. Mais, puisque
l'écart est assez grand, quand même, je dois vous poser la
question, M. Martel et M. Zizka: En établissant votre recommandation de
permettre jusqu'à 104 tonnes, avez-vous pris en considération
cette préoccupation nécessaire du ministre de l'environnement, la
charge qui pourrait être imposée à la nappe
phréatique, si elle est près de la surface, si elle est
vulnérable, disons. Comment c'est peut-être la question que
j'aimerais vous poser pouvons-nous concilier ces deux
préoccupations, sans utiliser le genre de mécanisme que le
ministre propose, c'est-à-dire un seuil pour tout le monde, pour toutes
les activités agricoles, et un dépassement de cette norme dans le
cas où l'on aurait pu démontrer que c'est en
sécurité pour la nappe phréatique que l'on peut se
permettre ce dépassement? J'aimerais avoir vos commentaires sur ce qui
me semble une question clef dans toute la discussion.
M. Martel (Yvon): M. le ministre, vous avez l'honneur... sur le
plan technique, peut-être que sur le plan philosophique vous
pourriez l'approcher après les recommandations de 114 tonnes qui
sont en fait deux fois 57 tonnes je pense que c'est marqué 104,
sur votre document à ce niveau, nous pouvons vous affirmer que,
sur une moyenne de dix ans de culture au Québec, les risques de
pollution de la nappe phréatique sont presque nuls. Plus ou moins quoi,
presque nuls. On vous dit: Presque nuls; on travaille avec des chiffres de 20%
de variation, d'une année à l'autre, en plein champ. Donc, ces
recommandations sont des recommandations qui, pour la pollution, ne devraient
pas vous causer de problème. D'ailleurs, si vous ne le mettez pas, comme
vous l'avez dit et comme nous le mentionnons dans le rapport, on va être
obligé de mettre des engrais chimiques pour rendre le rendement
rentable. Alors, que l'azote vienne sous forme de fumier ou sous forme
d'engrais chimique pour être capable d'avoir du maïs rentable
à l'acre et que le type soit pris avec sa porcherie pleine de fumier, je
pense que 104 tonnes, c'est valable, selon les connaissances actuelles, cela
peut progresser.
Maintenant, le point qui diffère et sur lequel vous avez raison
est le suivant: Est-ce que le ministère de l'environnement devrait
mettre la norme au minimum et permettre des exceptions signées partout
ou s'il devrait permettre un maximum, en se fiant aux recommandations pour
l'atténuer, si c'est de l'avoine ou d'autres récoltes? C'est une
bonne question. Moi, j'aimerais mieux aller au maximum, je pense que je
ne connais pas tous les pays aux Etats-Unis et en Ontario, on a tendance
à aller au maximum, parce que le cultivateur n'a pas
intérêt à dépasser les normes, le cultivateur a
intérêt à mettre les normes exactes. Mais c'est une
question qui, je pense, vaut d'être posée; Devons-nous aller au
maximum ou au minimum?
M. Goldbloom: M. le Président, je me permets un petit
commentaire que je ne voudrais pas du tout désobligeant, mais je
voudrais souligner l'im-
portance de l'invitation que nous avons accepté de lancer
à l'endroit du ministre de l'Agriculture. Le ministre de l'environnement
nous a rassurés en disant que des fonctionnaires du ministère de
l'Agriculture assistent et suivent de près toute la discussion et vont
sûrement faire part au ministre de leurs conclusions et des opinions qui
ont été exprimées. La seule différence, c'est que
ces fonctionnaires ne sont pas en mesure de participer aux débats et, si
le ministre de l'Agriculture était parmi nous, il serait en mesure, avec
les conseils de ses fonctionnaires, d'apporter une contribution très
utile à ce débat.
Le Président (M. Boucher): Avec l'accord des membres de la
commission, M. le député de Bellechasse voudrait prendre la
parole.
M. Goulet: M. le Président, je demanderais le consentement
des membres de cette commission pour poser quelques questions aux
intervenants.
Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a consentement?
Oui.
M. Léger: D'accord.
Le Président (M. Boucher): II y a accord, M. le
député de Bellechasse. Allez-y.
M. Goulet: M. le Président, je vous remercie. Vous
comprendrez que le fumier de porc m'intéresse particulièrement
parce que... Non, c'est parce que, vous le savez, M. le Président, dans
les comtés de Bellechasse, Dorchester et peut-être quelques
comtés avoisinants, on produit tout près de la moitié du
porc produit au Québec et nous avons d'énormes problèmes
avec les résidus ou, si vous voulez, avec le fumier de porc. C'est avec
regret, M. le Président, je vous le souligne, que je ne participe pas
à cette commission régulièrement parce que je suis retenu
ailleurs, parce que je peux vous dire que c'est un problème qui touche
à peu près tout le monde dans le comté. C'est pour cela
que je voulais poser quelques questions aux gens qui sont ici. Nous avons
actuellement dans le comté beaucoup de chicanes qui émanent
justement de l'élevage du porc. Depuis deux ou trois mois, au moins
quatre municipalités j'en ai déjà parlé au
ministre ont dû voter des règlements même si,
d'après le contentieux, ces règlements sont ultra vires, pour
défendre l'élevage du porc, alors qu'on en vit chez nous. 90%
à 95% de l'économie est basée sur l'agriculture et un bon
pourcentage sur l'élevage du porc. Nous avons des organisations de tout
près de $1 million à $2 millions, des types qui ont des
organisations, des porcheries, des investissements de $1 million à $2
millions; cela commence à être considérable. Le
problème chez nous, vous ne l'avez pas touché dans votre rapport;
j'en ai pris connaissance rapidement, vous parlez surtout d'étendre le
fumier par acre de terre, la quantité maximale, de façon à
ne pas dépasser le seuil et à ne pas polluer la nappe d'eau. Chez
nous, le problème est que nous n'avons pas assez de terrain ou d'acres
de terre pour étendre ce fameux fumier. Il faut penser à autre
chose. C'est dépassé déjà chez nous. Il faut penser
à le commercialiser ou à le transporter à
l'extérieur du comté, ce qui devient tout à fait hors de
l'ordinaire, si vous voulez, à cause des coûts que cela peut
demander.
J'aimerais savoir, des gens qui sont ici, si vous avez des études
concernant le surplus. Je ne parle pas du seuil, vous en avez parlé
tantôt, mais du surplus de fumier. J'ai personnellement discuté
avec des gens qui font de la recherche où on parle de commercialisation.
J'aimerais savoir si vous avez des chiffres là-dessus. La
commercialisation parce qu'en Europe, on appelle le fumier de porc ou
même le fumier l'or brun. Alors, pourquoi est-ce que ce ne serait pas de
l'or pour nous aussi? A peu près toutes les sources de pollution dans le
comté... Oui, c'est malheureux que je n'aie pas l'article ici, je ne
m'attendais pas d'intervenir cet après-midi. Est-ce que vous avez des
données sur des recherches concernant le fumier de porc, de façon
qu'on puisse le composter, qu'on puisse le faire fermenter et, au bout de deux
jours, par exemple, il n'y ait plus aucun danger pour la pollution de la nappe
d'eau, il n'y ait plus aucun danger, aucune senteur qui se dégage. C'est
le gros problème chez nous, c'est qu'on doit fermer les fenêtres
dans les villages parce qu'il y a telle ou telle porcherie, ce qui est la
source des chicanes que j'ai mentionnées tout à l'heure. Alors,
avec toutes les sources de pollution, surtout dans un comté comme
Bellechasse, où on a beaucoup de fumier de porc, où on a beaucoup
de bran de scie, où on a beaucoup de lait, parce qu'également
l'industrie laitière est très importante chez nous, des feuilles
à cause des érablières, avec tout cela, on ferait ce qu'on
appelle un compost. Aux Etats-Unis, ce produit se vend extrêmement cher,
environ $2 pour un petit sac d'une livre, une livre et demie. Est-ce que vous
avez des recherches là-dessus? Chez nous, on a déjà
dépassé ce dont vous parlez dans votre rapport, parce qu'on a un
surplus. Même si on voulait aller au seuil, à la limite permise
dans vos recommandations, on a déjà dépassé cela
parce qu'on a des producteurs de porcs très importants. On est rendu au
niveau de la commercialisation, du transport à l'extérieur du
comté. Est-ce que vous avez des données des recherches faites
là-dessus?
M. Martel (Yvon): On en a indirectement, oui. C'est moi qui
prends la parole, parce que les questions tombent dans mon domaine...
Le Président (M. Boucher): Allez-y.
M. Martel (Yvon): Jean s'occupe de l'aspect fertilisation des
plantes et il est même peut-être plus agronomique, malgré
que nous avons tous les deux ce style. Peut-être que vous devriez
c'est une suggestion, parce que j'ai écouté des
conférences de fonctionnaires et de chercheurs
réévaluer la base de production de fumier de Dor-
Chester, aussi de Bagot, à la lumière des données
qu'on vous suggère ici et ce sont des recherches qu'on a faites
exactement dans ce but.
Si vraiment, on a pris seize porcheries typiques au Québec
combien est-ce qu'il y en a de porcheries typiques on a essayé
d'avoir un échantillon représentatif. Cela peut être
matière à argument, cela va être rajusté. Mais avec
les valeurs que nous obtenons et si c'est vrai qu'il y a 4,5 fois plus de sols
où, en fait, la valeur fertilisante du fumier baissant 4,5 fois plus, on
arrive à peu près aux valeurs égales, je pense qu'il a
été évalué quatre fois trop de fumier pour le sol
que vous aviez dans votre coin.
Donc, c'est important qu'on fasse l'analyse du fumier, mais ça ne
règle pas le problème pour l'avenir. Disons qu'on est
d'égal à égal. On est chanceux pour tout de suite, le
fumier perd de l'azote à l'air, parce qu'il est conservé de
façon biologique, de telle sorte que ça se transforme et
ça se perd, à l'air, au brassage. Pour l'avenir, on a
établi des prix basés sur l'analyse du fumier lui-même. On
calcule aujourd'hui que le fumier de porc se vend à peu près
$0.01 le gallon et est rentable pour le type qui l'achète, en tant que
fertilisant. Cela vaut plus que ça, théoriquement, mais en NPK,
les éléments fertilisants majeurs, dans l'industrie, à
$0.01 de $0.07 à $0.014 le gallon, une moyenne de $0.01 le gallon, cela
s'équivaut.
Il semble bien que $0.01 le gallon, c'est ce que ça coûte
pour le manoeuvrer. Il y a des gens ici ce matin qui disaient que, pour $5 les
200 gallons, ils seraient bien heureux. On parle de $20 les 2000 gallons, un
réservoir complet, donc, à $0.01 le gallon, c'est la valeur
minimale du fumier, mais quand même, dans le commerce, l'offre et la
demande réelles, le prix minimum auquel un cultivateur pourrait acheter
le fumier. C'est peut-être le coût de manipulation, peut-être
pas.
Les pays d'Europe que vous avez mentionnés c'est
très vrai la Hollande principalement, ont une banque de fumier,
sans doute que les fonctionnaires ici le savent bien, vous avez du fumier de
porc, vous téléphonez à la banque nationale et ils
viennent avec des camions le chercher, ils mettent ça dans de grands
réservoirs et vous avez besoin de fumier de porc, vous
téléphonez à la même banque et un autre camion vient
vous en porter.
Au Québec, le problème, c'est l'hiver. Il faut entreposer
dans des réservoirs étanches et dans de grands réservoirs.
Ces applications de l'Europe, les applications américaines des lagoons
dont on a parlé ce matin, ne se font pas au Québec. L'hiver est
trop rigoureux, trop long. Il faut l'entreposer dans des petits
réservoirs et l'utiliser. S'il y a trop de porcheries dans une
région, je pense qu'il va falloir penser à limiter le nombre de
ces porcheries. Autrement, les coûts d'exploitation vont être trop
élevés.
Pour le compostage et ces choses-là, pour les quantités du
Québec, je pense que ce n'est pas un choix valable. C'est un choix
valable pour un producteur privé qui peut traiter son fumier et avoir un
marché restreint pour le vendre. Il va faire de l'argent. Mais de
là à dire qu'on va résoudre le problème du fumier
en faisant des compostages et en le vendant en sacs pour les fleurs en ville,
je pense qu'il y a beaucoup trop de fumier. Dire qu'on va résoudre le
problème du fumier en le recyclant aux animaux, par exemple le fumier de
volaille aux boeufs, ça ne règle pas le problème. Ce sont
des utilisations de recyclage, mais ça ne réglera pas le
problème du fumier.
Donc, la solution du compostage, au point de vue technique, c'est
très bien connu, très facile à faire. Le marché,
c'est plus difficile. Il y a beaucoup de concurrence vous faites un petit sac
que vous vendrez $0.88, mais ça prend plusieurs sacs pour payer votre
machinerie. La compagnie de Laval, s'il faut en nommer une, est capable de vous
composter du fumier liquide dont la senteur va disparaître au bout d'une
journée et demie ou deux jours à $35 000. Vous pouvez avoir
d'autres systèmes de compostage à $30 000, $35 000, $50 000.
Dans le contexte actuel, ce n'est pas dans les proportions que le
cultivateur peut se permettre.
C'est peut-être un peu long, je ne sais pas si ça
répond à votre question.
Le Président (M. Boucher): Brièvement, compte tenu
du temps, M. le député de Bellechasse.
M. Goulet: Oui. Monsieur nous a dit que le compostage n'est pas
rentable, mais il nous parle d'équipement de $35 000 à $40 000.
Le problème qu'on a actuellement avec le fumier, c'est la senteur
d'abord et, deuxièmement, le contrôle de l'eau qui fait que
ça peut s'égoutter ou s'infiltrer dans la nappe d'eau. (17 h
15)
Si on composte le fumier, sans machine je veux savoir si c'est le
cas qui coûtent $35 000 ou $40 000, c'est le même principe
qu'une tasserie de foin, qui est humide, au bout de deux ou trois jours, elle
chauffe tellement qu'elle peut mettre le feu à la grande. C'est le
même principe, sans mécanique.
Au bout de deux jours, la senteur est partie. Deuxièmement, pour
le contrôle de l'eau, il s'agirait simplement d'un abri, de façon
que s'il vient une grosse pluie, une averse, le liquide du fumier ne s'en aille
pas dans la terre, ne coule pas sur la terre.
Les chiffres qu'on m'a donnés, ce ne sont pas les mêmes que
les vôtres. D'abord, on n'a pas besoin de mécanique, sauf un
tracteur pour charroyer cela. Deuxièmement, la senteur, au bout de deux
jours, est atténuée. Et troisièmement, le contrôle
de l'eau parce qu'il faut l'arroser de temps en temps c'est tout
simplement un polythène ou un genre de revêtement
métallique sur quatre poteaux, pour empêcher qu'une averse
délaye le tas de fumier, si on veut se comprendre.
A ce moment-là, si on peut avoir un abri en polythene qui est
très peu dispendieux et si on a les endroits pour le placer
chaque cultivateur a
des endroits qui ne sont pas cultivés, à
l'intérieur d'érablières ou des choses comme cela
ne croyez-vous pas que ce serait peut-être rentable de commercialiser
notre fumier?
On enlève la senteur qui est la première source de
pollution et la première source de chicane. Je passe tous les lundis
dans mon bureau de comté. C'est incroyable. Les municipalités
sont obligées de légiférer. Et le contrôle de l'eau,
c'est très facile de le faire avec un polythene. Ce n'est pas l'eau qui
vient des côtés, c'est l'eau qui vient du dessus. L'hiver, cela ne
dérange absolument rien, parce qu'il n'y a pas de senteur. Mais c'est
l'été. Lorsque la neige fond, s'il n'y a pas eu de neige sur le
tas de fumier, celle-ci ne délaye pas le tas de fumier en fondant.
Je n'ai pas parlé de machines de $35 000 ou $40 000. J'aimerais
simplement savoir si, d'après vos recherches, vous avez essayé le
genre de solutions que d'autres personnes ont préconisées. Je ne
dis pas que je les ai essayées, mais j'ai trouvé cela tout
à fait valable. Il y a des gens qui sont allés en Europe pour
étudier cela et ils me l'ont suggéré.
M. Martel (Yvon): Je suis parfaitement d'accord avec vous. Je
pense qu'on se rejoint. Vous mentionnez l'Europe pour finir. Vous avez
exactement raison. Ce sont des systèmes plus petits que les
systèmes pouvant régler le problème des fumiers de la
Beauce. Le fait que le fumier soit solide ou liquide, lorsqu'on parle de la
pluie qui tombe sur les tas de fumier solide, cela peut entraîner le
liquide. Il y a des différences.
Mais je suis d'accord avec vous que le compostage peut être une
solution. C'est difficile de voir le compostage comme la production de
méthane pour l'énergie, par exemple, régler le
problème des fumiers au niveau de pollution que vous discutez ici. Le
compostage est très valable. C'est vrai que la senteur disparaît
rapidement et que le matériel, après être composté,
peut être mis sur un marché et produire un humus très
valable pour les producteurs horticoles. Je suis parfaitement d'accord avec
vous.
Est-ce que c'est une alternative au point de vue pollution pour
régler cela au niveau du Québec? J'ai des doutes.
M. Goulet: M. le Président, ma dernière question
s'adresse au ministre. J'avais personnellement, lors d'une courte
conférence de presse, abordé ce sujet, il y a deux semaines. Nous
avions parlé d'un institut intégré, c'est-à-dire
montrer aux gens comment disposer des résidus. J'espère que
j'aurai l'appui du ministre de l'environnement là-dessus, lorsque ce
sera le temps de présenter mon dossier au ministère de
l'Education.
M. Léger: Une chose est certaine, c'est que nous sommes
ouverts à toute bonne proposition. J'écoutais avec beaucoup
d'intérêt les suggestions que le député a
apportées aujourd'hui et qui nous ont fourni un éclairage, des
explications très pratiques à des problèmes qu'on vit
quotidienne- ment. Les suggestions du député vont sûrement
être très bien retenues.
M. Goulet: Merci.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je remercie M. Martel et M. Zizka.
Je demanderais maintenant à un groupe de chercheurs de
l'INRS-Eau, représenté par M. Jones, de bien vouloir
s'approcher.
Groupe de chercheurs de l'INRS-Eau
M. Jones (H.G.): Bonjour, M. le Président. Je suis M.
Jones de l'INRS-Eau.
M. Couillard (Denis): Denis Couillard, de l'INRS-Eau.
M. Demard (Hubert): Hubert Demard, de l'INRS-Eau.
M. Jones: A priori, j'aimerais demander que le mémoire
comme tel soit déposé, parce que je vais retirer du
mémoire certains passages qui ont déjà été
discutés aujourd'hui. Je vais parler seulement de quelques
éléments essentiels.
Le Président (M. Boucher): Alors, allez-y.
M. Jones: Je présente ce mémoire au nom de mes
trois collègues M. Campbell n'est pas ici cet après-midi
et moi-même, de l'INRS-Eau. On va essayer, dans la lecture qui
suit, de faire une adéquation entre la réglementation
proposée et la problématique de la pollution de l'eau, dans les
régions agricoles.
Bien que le concept traditionnel de la société
québécoise associe la vie agricole à un environnement sain
et souhaitable, il faut ici souligner que les changements d'après-guerre
dans la pratique agricole dégradent cet environnement comme d'autres
secteurs socio-économiques.
La problématique de la pollution des eaux par les diverses
activités agricoles est complexe. Citons brièvement qu'un taux
élevé d'érosion des terres par certaines pratiques
agricoles est responsable des charges excessives en sédiments
rapportées dans plusieurs rivières. De plus, la présence
de divers composés chimiques dans les eaux reflètent
l'utilisation accrue d'engrais chimiques, de pesticides et d'herbicides sur les
terres en culture. L'installation des réseaux de drainage modifie le
comportement et la composition des eaux. Enfin, l'évolution des
pratiques d'élevage intensif des animaux risque d'acheminer de plus en
plus de rejets de fumier vers les cours d'eau. C'est ainsi que plusieurs
rivières du Québec, également dégradées par
les rejets en provenance des centres urbains et des industries
manufacturières, subissent des impacts des pratiques agricoles dans un
milieu souvent perçu par la société comme un lieu de
récupération des eaux.
Toutefois, on ne doit pas aborder le problème
de pollution des eaux par l'activité agricole dans la même
optique que la problématique de la pollution due à l'industrie
manufacturière. Les activités du secteur agricole font tellement
partie de l'environnement physique que l'adéquation classique entre
production et pollution du secteur industriel est difficilement applicable au
secteur agricole. Le degré de pollution dû à ce dernier
n'est pas seulement une fonction de la qualité de production et de la
biophysique des eaux réceptrices, mais dépend aussi des
interrelations entre le lieu de production et les eaux. Ainsi, la nature de la
source de pollution agricole est souvent diffuse, contrairement aux sources
ponctuelles des centres urbains et des usines de production industrielle.
L'incorporation des aliments nutritifs en provenance du fumier dans les
plantes des eaux de surface (les algues et les macrophytes) entraîne la
rapide croissance de cette végétation et les effets de la
dégradation subséquente de la matière produite rendent ces
eaux, d'une part, inutilisables, comme telles, pour d'autres usages
(alimentation, récréation, etc.) et, d'autre part, peu propices
comme milieu de vie pour les organismes supérieurs. Une accumulation
élevée de l'azote dans la nappe souterraine peut causer
d'ailleurs des problèmes d'alimentation en eau potable par puits. Des
pertes de ces éléments vers les eaux peuvent se produire au cours
des deux opérations majeures de la disposition du fumier,
c'est-à-dire le stockage et l'épandage. Des pertes massives d'une
unité de stockage vers les cours d'eau peuvent être
considérées comme une source ponctuelle de pollution tandis que
l'épandage du fumier sur les terres donne lieu à une source de
pollution de nature surtout diffuse. C'est le no 3, no 2, excusez-moi.
On exprime souvent la pollution potentielle de l'élevage des
animaux en être humains équivalents, c'est-à-dire ayant des
rejets du même ordre pour un élément donné.
Cependant, les solutions retenues par la société pour les deux
types de pollution ne sont pas les mêmes. En effet, on vise
principalement, pour les rejets urbains, à produire d'abord un effluent
acceptable quitte à se débarrasser des résidus qui
auraient pourtant un fort potentiel de fertilisation. Par contre, l'orientation
prise dans le cas des rejets d'élevage est telle que la priorité
est mise sur la récupération du potentiel de fertilisation. Cette
récupération comprend deux orientations majeures; la
première est le recyclage naturel des éléments nutritifs
par l'épandage sur la terre tandis que la seconde vise la mise en
marché du fumier, soit comme engrais commercialisé pour
l'horticulture, soit transformé en matière végétale
destinée à l'alimentation animale ou à la matière
combustible.
La première orientation est souhaitable. D'une part, elle affiche
un bilan énergétique beaucoup plus favorable que l'autre et,
d'autre part, elle rend possible le remplacement des éléments
nutritifs en provenance des engrais chimiques. Toutefois, il faut rappeler que
l'épandage du fumier en vue d'un recyclage et des récoltes des
éléments nutri- tifs pourrait demander des ajouts
supplémentaires. Nous avons fait allusion aux facteurs du ruissellement,
du lessivage et des percolations qui peuvent contrôler le transfert des
éléments nutritifs vers les eaux, suite à
l'épandage du fumier. Il est évident qu'un taux de transfert
élevé de ces éléments vers les eaux diminue
considérablement l'efficacité de récupération de
ceux-ci par la récolte. Ainsi, le drainage, l'épandage d'engrais
chimiques, le type de récolte, la structure du sol, les
opérations de préparation du sol pour la semence, la topographie
du milieu, etc., vont influencer l'efficacité de
récupération des aliments nutritifs par le recyclage biologique.
En effet, l'efficacité d'incorporation des éléments
nutritifs du fumier dans la récolte constitue la limite
d'épandage.
On reconnaît donc qu'il y a une limite à lépandage
du fumier sur les terres et que cette limite doit être définie
surtout à partir de la biophysique du milieu d'épandage et de la
qualité des eaux environnantes, plutôt qu'à partir d'une
norme unique pour tous les milieux, c'est-à-dire 0,3 hectare par animal
équivalent.
Nous envisageons donc les difficultés d'assurer une
qualité "acceptable" des eaux par l'application d'un règlement
comportant une norme universelle dans les milieux tellement différents
les uns des autres. Nous préférerions un règlement
flexible pouvant s'adapter plus convenablement à !a nature biophysique
et à la dynamique de chaque milieu d'épandage en particulier.
Quelle que soit la méthode permettant de définir une limite
spatiale d'épandage de fumier, celle-ci sera atteinte dans plusieurs
milieux. Il reste alors les possibilités d'augmenter l'efficacité
de l'épandage et de la récupération naturelle des
éléments nutritifs ou de transporter le fumier pour
l'épandage ailleurs. Ainsi, doit-on reconnaître que le milieu
donné possède une limite permissible d'exploitation agricole,
cette limite ayant été établie en grande partie pa la
biophysique du milieu. Si oui, on doit élaborer une stratégie
globale de protection des eaux en milieu agricole. Autrement, on risque de se
trouver dans plusieurs cas avec beaucoup d'investissements dans le stockage et
l'épandage du fumier qui n'auront que peu d'influence sur
l'amélioration de la qualité des eaux du milieu.
Enfin, la deuxième grande orientation dans la disposition du
fumier, c'est-à-dire la transformation en produits
énergétiques ou de consommation animale, ne semble pas être
actuellement favorisée par le marché. On doit toujours se
rappeler que cette orientation pourrait devenir nécessaire dans la
situation où la superficie de l'épandage n'est disponible
qu'à coût élevé. Il sera donc opportun que les
services de protection de l'environnement du Québec et le
ministère de l'Agriculture favorisent des développements dans ce
domaine.
Compte tenu des principes énoncés ci-dessus, nous
déposons quelques commentaires sur le règlement tel que
présenté.
En fonction de l'objectif recyclage, la volonté exprimée
par le règlement d'en arriver à un
stockage rationnel nous satisfait. Les clauses visant à la
protection de l'eau, des lacs, des cours d'eau et de la nappe, par entreposage
sur plateforme ou dans un abri, nous satisfont également.
Nous nous interrogeons cependant sur les clauses concernant le fumier
solide amassé dans un champ, article 40, surtout dans le cas d'un amas
de fumier exposé à la précipitation et situé soit
sur les sols imperméables à proximité de l'eau de surface,
soit sur les sols perméables en présence d'une nappe.
L'épandage soulève encore plus d'interrogations de notre
part; nous aimerions savoir, par exemple, la définition de terre en
culture, article 47. De plus, est-ce qu'il ne serait pas possible de
spécifier des pentes et des natures de sols, article 48, ainsi que les
distances vis-à-vis des fossés, article 50? L'article 49
concernant l'enfouissement du fumier dans le sol gelé est très
imprécis et sujet à plusieurs interprétations dont les
conséquences pourraient avoir une grande influence sur la qualité
des eaux. Nous sommes toutefois heureux de constater que le règlement
possède une certaine souplesse dans le cas où un professionnel
peut prouver que la nature des cultures permet un taux d'épandage
supérieur à celui décrit dans l'article 49.
En conclusion, nos interrogations portent surtout sur la disposition des
fumiers. En effet, pour les régions, les bassins d'intense
élevage, une limite à la pratique d'épandage du fumier
sera atteinte. Cette limite doit être définie en fonction de la
qualité des cours d'eau. Elle deviendra donc sujet à l'influence
de plusieurs facteurs biophysiques et d'autres activités du milieu.
Dans le cas où les opérations de stockage et
d'épandage locales de fumiers ne peuvent suffire à recycler cette
matière fertilisante, on devra nécessairement exporter des
quantités de fumier. Le transport de cette matière comprendra
nécessairement des coûts additionnels pour les producteurs
agricoles. Doit-on subventionner une telle opération ou, par contre,
rationaliser le développement agricole régional? (17 h 30)
En ce qui concerne les technologies de transformation de fumiers, nous
aimerions apporter à l'attention de la commission qu'on devrait en
surveiller le développement et l'implantation, ceci en vue de s'assurer
qu'elles seront adaptées aux problèmes et caractéristiques
spécifiques du Québec.
Pour finir, il nous apparaît important d'insister sur
l'information, voire l'éducation des agriculteurs. En effet, si on se
base sur le milieu spécialisé, il semble évident qu'il
existe un profond doute sur les effets réels de la pollution
créée par l'élevage sur les cours d'eau.
Les SPE devront s'efforcer de ne pas limiter les interventions au seul
niveau réglementaire, mais s'impliquer beaucoup plus dans le milieu en
vue d'augmenter la sensibilisation des agriculteurs aux pratiques le moins
dommageables pour l'environnement.
Sans la compréhension et la collaboration de ces derniers, la
stratégie globale de protection des eaux en milieu agricole peut
être perçue surtout comme une contrainte à un mode
particulier de vie, plutôt que comme un réel effort
d'améliorer la qualité de l'environnement pour tous les
Québécois.
Je vous remercie. C'est la fin.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Jones. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, je veux remercier les
gens de l'INRS-Eau pour leur mémoire des plus intéressants,
étant donné que vous êtes l'organisme à peu
près le plus intéressé, un de ceux, en tout cas, les plus
intéressés à la qualité de l'eau. Je pense que vous
situez très bien le problème que nous essayons ensemble de
résoudre, c'est-à-dire la coexistence harmonieuse entre
l'activité agricole et les autres types d'activités.
Je pense qu'on peut dire que vous êtes des experts dans la
connaissance de l'eau. D'ailleurs, en page 2 de votre mémoire, vous
dites justement que la problématique spécifique de la
dégradation des eaux par l'élevage intensif porte essentiellement
sur le transfert, de plus en plus important des éléments
nutritifs comme l'azote et le phosphore contenus dans le fumier vers le milieu
aquatique.
Est-ce que vous pourriez expliciter votre pensée, pas seulement
pour le ministre et les députés ici, mais pour les autres
organismes qui vont venir pendant les trois jours de la commission
parlementaire et qui auront l'occasion d'avoir, notamment par la voie des media
d'information qui les répètent ou qui vont les donner aux
citoyens, le contenu des travaux de cette commission, pour que les autres
groupes qui doivent venir soient au courant des conséquences? Est-ce que
vous pourriez nous dire quels genres de problèmes, ce que vous venez de
dire concernant les éléments nutritifs qui s'en vont vers le
milieu aquatique, comment cela peut entraîner, au niveau des usages de
l'eau en milieu rural, les conséquences et les problèmes qu'on y
verrait?
M. Jones: Tout d'abord, je vais expliquer très
brièvement le problème. C'est parce que les plantes aquatiques
accumulent les éléments nutritifs et, dans les cours d'eau, vous
avez une croissance très rapide, vous avez les grandes fleurs d'eau, les
grandes masses de macrophites qui s'établissent dans les cours d'eau et
dans les lacs.
C'est après la mort et la dégradation de cette
matière qu'on commence à avoir des problèmes de goût
et d'odeur dans l'alimentation de l'eau. Aussi, dans certains cas, la mort et
la dégradation de cette matière qui a été produite
par la photosynthèse, par les plantes, peut aussi être
toxique.
Au niveau du problème récréatif dans le milieu
rural, les lacs et les rivières deviennent extrêmement verts. Le
niveau de chlorophylle, qui est la matière première de cette
plante pour faire la photosynthèse, donne un aspect non
esthétique à
l'eau. C'est difficile, par exemple, d'aller à côté
de l'eau, de se baigner dans l'eau quand le niveau de chlorophylle
dépasse, par exemple, dix parties par milliard. Souvent, dans les
rivières et les lacs agricoles, la quantité de chlorophylle doit
se trouver dans les 50, 100 ou 150 parties par milliard, et les rend donc
inutilisables pour la récréation et l'alimentation en eau.
M. Léger: Au départ, vous dites qu'il y a un
problème pour la santé humaine au niveau des conséquences
de l'utilisation d'une eau qui aurait subi les conséquences d'un
déversement?
M. Jones: On pourrait avoir des problèmes plus
spécifiques de santé, M. le ministre, par exemple, dans le taux
élevé de nitrate dans les eaux. Cela peut causer des
problèmes surtout pour les jeunes enfants, l'alimentation de l'eau
potable pour les jeunes enfants. Aussi, le fait qu'il y a beaucoup de
matières organiques produites dans les eaux encourage la croissance des
bactéries et virus pathogéniques.
M. Léger: D'ailleurs, je pense que j'ai vu à
travers votre mémoire une crainte que notre règlement ne soit pas
assez sévère pour garantir efficacement la protection des eaux de
surface ainsi que, nécessairement, souterraines.
Vous dites, en page 6, que vous préférez un
règlement flexible, pouvant s'adapter à la nature biophysique et
à la dynamique de chaque milieu d'épandage. Pouvez-vous nous dire
de quelle façon on pourrait mettre cela en pratique, sur le plan de
l'application et du contrôle?
M. Jones: D'abord, pour un législateur et pour un
administrateur, une norme universelle est, évidemment, la meilleure
façon de procéder, parce que cela rend la tâche de
l'administrateur relativement simple. L'universalité signifie des
procédures administratives plus simples. Quand on commence à
avoir des règles souples et flexibles, à quel niveau de
flexibilité ou de souplesse devrait-on aller? Je ne demande pas ou ne
suggère pas, dans le mémoire, que, par exemple, sur chaque ferme,
dans chaque champ il y ait un inspecteur des Services de protection de
l'environnement qui regarde le sol et dise au fermier comment faire. A priori,
non, tout ce que je dis, c'est qu'on devrait dégrossir la
problématique; on devrait, par exemple... Vous avez, dans certaines
régions, des sols bien connus, des cartes pédologiques, on
pourrait dégrossir le problème au niveau des bassins. Le but
ultime serait d'avoir un système d'où un cultivateur ou un
producteur de porcs individuel pourrait bénéficier de
l'expertise, soit du ministère de l'Agriculture et des SPE ou d'une
autre personne compétente, pour lui définir un processus de
disposition de ses fumiers; c'est là la biophysique de sa ferme, de sa
terre, de son milieu.
M. Léger: C'est quand même assez compliqué
mais je comprends votre point de vue.
Vous mentionnez aussi qu'un milieu donné possède une
limite permise d'exploitation agricole, établie surtout à partir
de la biophysique du milieu. Cela m'intéresse beaucoup; maintenant,
comment peut-on, d'après vous, appliquer ces limites et, surtout, qui
pourrait les déterminer et les appliquer? Je vous donne un exemple.
Supposons qu'il y ait 20 000 porcs, répartis le long d'un
tronçon, d'un bassin de rivière d'un mille de long, cela pourrait
être risqué pour les eaux. Si c'est cela que vous voulez dire;
qu'est-ce que les SPE pourraient faire? Est-ce qu'il faudrait refuser toute
demande additionnelle d'exploitation et bloquer ainsi l'expansion
déjà existante, à cause de ce milieu? Est-ce que cela
pourrait aller jusque-là?
M. Jones: Oui, je pense que cela pourrait aller jusque-là.
La problématique qu'on a posée est celle-ci. Il y a
évidemment une limite. On parle d'une limite, mais c'est un terme
subjectif, dans le sens que la biophysique du milieu définit la limite,
mais quelle est la limite? Pour un groupe de producteurs agricoles, la limite
est de prendre toute la terre et l'utiliser pour faire la culture; cela est la
limite biophysique du milieu de produire. Il y a d'autres limites du milieu, ce
sont les limites qui sont établies par la collectivité et ces
limites établies par les collectivités dépendent, à
notre point de vue, de la qualité des cours d'eau. Cela veut dire que la
limite, pour l'épandage de fumier, pour l'activité agricole dans
un certain milieu, dans un bassin donné, doit avoir comme point de
repère, doit se référer à la qualité des
cours d'eau. C'est la qualité des cours d'eau qui devrait définir
la limite d'épandage. Etant donné que la qualité des cours
d'eau dépend de tous les facteurs où il y a percolation, à
ce moment il faut qu'il y ait une expertise pour déterminer la limite
et, à ce moment, la limite, étant donné qu'elle est
définie par le cours d'eau, est différente pour chaque milieu,
pour chaque bassin.
M. Léger: D'accord. Vous soulevez, à la page 8, la
question du fumier amassé dans un champ. Y voyez-vous des
inconvénients, en général?
M. Jones: Oui, la question est le no 40, je pense, M. le
ministre?
M. Léger: Page 8...
M. Jones: No 39; la question est que ce fumier peut être
amassé entre le temps permis pour l'épandage, mais, contrairement
au sous-article no 3 de l'article 39, il n'y a pas de mention de toit. Cela
veut dire que, pendant la période de fortes précipitations, vous
auriez un lessivage du fumier et évidemment une percolation dans le sol
et une perte vers les cours d'eau, à cause de la précipitation.
On doit au moins avoir un toit et cela doit être protégé
dans ce sens. Ce n'est pas spécifié dans cet article.
M. Léger: Pourriez-vous préciser votre
pensée sur un autre aspect? Vous dites qu'il faudrait être
prudent à la page 9 de votre mémoire en ce
qui concerne les technologies de transformation du fumier. Qu'est-ce que vous
voulez dire par cela?
M. Jones: Quelle était la question spécifique, M.
le ministre? Excusez-moi, je n'ai pas compris.
M. Léger: Quand vous dites qu'on devrait être
prudent concernant les technologies de transformation du fumier, qu'est-ce que
vous voulez dire par là?
M. Jones: En ce qui concerne la technologie... On devrait
être prudent? Je n'ai pas utilisé le mot "prudent", à ma
connaissance. Est-ce que j'ai utilisé le mot "prudent "?
M. Léger: C'est un peu comme cela; qu'est-ce que...
M. Jones: J'ai utilisé les mots "devrait surveiller le
développement et l'implantation". Cela peut impliquer, par exemple, la
prudence, mais dans le sens général. Ce que j'ai voulu dire en
fin de compte dans ce paragraphe, c'est qu'on devrait essayer de suivre
l'évolution de la technologie en fonction du contexte
québécois.
M. Léger: Oui, d'accord. En ce qui concerne... Oui, M.
Demard.
M. Demard: L'idée, c'était d'éviter les
problèmes comme il peut y en avoir dans le domaine de l'urbain où
les technologies qui sont utilisées ne sont pas toujours adaptées
aux problèmes. Alors, il faut faire attention au niveau de l'importation
d'un certain nombre de technologies, vérifier leur adaptation. C'est
seulement cela.
M. Léger: D'accord. Je vous remercie. En ce qui me
concerne, vous avez apporté beaucoup de renseignements qui sont
déjà enregistrés au journal des Débats et qui vont
servir, je pense, à toutes les personnes qui auront à apporter
des correctifs à ce règlement. Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je ne sais pas si le
numérotage des mémoires est le fruit du hasard ou d'une
intention, mais je trouve que la séquence du débat est
extrêmement intéressante. Nous passons d'une facette à une
autre d'un problème qui est de plus en plus cerné par les
discussions que nous pouvons avoir avec les divers intervenants et je trouve
que c'est extrêmement intéressant sur le plan intellectuel et sur
le plan pratique aussi.
M. Jones, messieurs, j'aimerais vous demander ceci. Vous indiquez
qu'à votre point de vue, une réglementation uniforme
présente certaines difficultés d'application et vous invoquez un
certain nombre de facteurs à l'appui de votre recommandation pour que le
règlement soit souple. Il y a une chose qui m'embête un peu. Je
comprends, sur le plan intellectuel, la recommandation que vous faites, mais
j'essaie de voir, comme le ministre l'a fait il y a quelques instants, comment,
dans l'application pratique, dans l'administration d'un tel règlement,
nous pourrions arriver à être justes, parce qu'il me semble que,
si l'on applique un régime de souplesse, on arrivera devant des cas
où il faudra intervenir et prendre des précautions très
serrées et, dans un autre cas, on dirait: Ces précautions ne sont
pas tellement nécessaires. Celui qui serait dans le deuxième cas
serait exempté des dépenses que le premier cultivateur serait
obligé d'assumer. Comment arriver à une justice raisonnable dans
une application souple de ce règlement?
M. Jones: C'est une question qui est toujours posée, M. le
ministre, excusez, M. Goldbloom. La meilleure façon...
M. Goldbloom: Ne protestez pas trop.
M. Jones: C'est une question qu'on pose toujours, dans toute
collectivité, dans toute activité, disons, administrative ou
politique. C'est comme pour une municipalité. Je fais partie d'une
municipalité et je subis les contraintes d'une municipalité qui a
certains règlements qu'une autre n'a pas. Il faut réaliser
qu'aujourd'hui, on se trouve face à une crise d'environnement et c'est
vrai. A ce moment-là, la politique d'égalité pour tous,
même si c'est vrai dans le sens philosophique et dans nos aspirations
personnelles, est valable et souhaitable, mais je trouve qu'au niveau des
opérations, dans la crise d'environnement qu'on connaît, on
devrait adopter la voie de la souplesse. (17 h 45)
Vraiment, à ce moment-là, cela implique, par
surcroît, qu'il y a d'autres personnes qui ne pourraient pas
bénéficier d'avantages vis-à-vis d'autres, qui seraient
plus punies. C'est la seule réponse que j'ai à cette
question.
M. Goldbloom: Comme d'autres personnes avant vous, vous avez
souligné le fait que le nombre de surveillants, d'inspecteurs, devrait
être assez élevé si l'on voulait appliquer avec souplesse
un tel règlement. Il me semble que le fait que vous invoquiez un certain
nombre de facteurs qui influencent les conditions d'application de fumier sur
le sol, disons vous avez mentionné le problème de
l'érosion qui peut affecter une ferme beaucoup plus
sévèrement qu'une autre, vous avez parlé de
différences en ruissellement... Il y a un facteur que vous avez
mentionné, mais sans en discuter en détail et c'est l'objet de ma
question qui est double. Je voudrais vous poser des questions sur le drainage
agricole.
Il me semble que ce que vous proposez devrait nous mener à la
conclusion qu'une évaluation presque annuelle de chaque ferme serait
nécessaire, parce que les conditions pourraient être
différentes, d'année en année, la précipitation est
différente d'année en année, mais surtout s'il y a
eu un drainage agricole qui a été effectué au cours
de l'année. Est-ce votre conclusion qu'il faudrait, suite à un
tel drainage, réévaluer la terre en question? La deuxième
partie de cette même question: Avez-vous une opinion quelconque à
exprimer sur le drainage agricole qui se pratique à une échelle
assez importante à travers le Québec, chaque année? On dit
que le drainage agricole est nécessaire par rapport au rendement des
fermes, mais sur l'autre plan, celui de la protection de l'environnement,
est-ce que vous constatez, dans le drainage agricole, un problème, un
fardeau additionnel, une complication en ce qui concerne la protection de
l'environnement?
M. Jones: En réponse à la première partie de
votre question, il est vrai qu'à la limite, on peut toujours imaginer
que, chaque année, un inspecteur des services de protection de
l'environnement va passer chez un cultivateur. Ce n'est pas l'esprit de mon
intervention. L'esprit de mon intervention, c'est que le cultivateur
bénéficie de l'expertise, soit gouvernementale, soit
privée, pour définir le processus d'épandage de fumier sur
son sol.
En fin de compte, c'est déjà indiqué dans la
réglementation, à l'article 48, je pense. On définit qu'un
cultivateur peut se prévaloir des services d'un professionnel qui, selon
la nature de la récolte, pourrait réévaluer le taux
d'épandage. Etant donné que ce principe est déjà
énoncé dans la loi, il se trouve que tous les cultivateurs
pourraient se prévaloir de cela, mais pas seulement en fonction de leur
récolte comme telle, mais une expertise globale qui implique le drainage
agricole et toutes les activités qui pourraient influencer le taux de
transfert vers les cours d'eau.
La deuxième question concerne mon opinion sur le drainage
agricole. Le problème avec le drainage agricole, surtout l'agricole
souterrain, c'est qu'il comprime le cru et il diminue le débit des eaux
en période d'étayage en été, ce qui pourrait avoir
une influence sur l'écologie des cours d'eau.
Mais la question est, en fin de compte, qu'il faut regarder la surface
du bassin où il y a un réseau de drainage, le pourcentage et le
nombre de jours de gel et de dégel, et la fonte des neiges. Ce n'est pas
si facile que cela. Tout à l'heure, quelqu'un avait dit que
l'interprétation, de ces écosystèmes en fin de compte,
était relativement facile. Mais c'est extrêmement complexe, c'est
un problème extrêmement complexe et il faut que les services de
protection de l'environnement se rendent compte qu'ils font face à un
système qui est très complexe et qu'il ne faut pas l'approcher
avec un concept d'ingénierie.
Dans un concept d'ingénierie, quand il y a un problème
dont on connaît les techniques, on applique les normes. L'environnement
n'est pas comme cela. C'est extrêmement complexe. Pour appliquer des
normes universelles à court terme, peut-être que cela va nous
aider à arrêter une certaine dégradation de
l'environnement. Mais il faut absolument réévaluer ce processus
à long terme, pour finalement avoir un certain but, et le but, j'ai dit
que c'était une stratégie globale pour le Québec.
M. Goldbloom: M. le Président, j'ai un dernier
commentaire. Je voudrais féliciter les chercheurs de l'INRS-Eau pour
leur mémoire extrêmement utile et je voudrais les remercier
d'avoir souligné un aspect qui est implicite dans plusieurs
mémoires, mais explicite dans le leur, c'est la nécessité
d'une éducation continue pour le cultivateur. Je pense que ce que nous
examinons ici n'est pas simplement une considération théorique ou
idéaliste pour protéger l'environnement, c'est beaucoup plus que
cela. Nous voulons une agriculture rentable et, comme tout le monde l'a dit, il
est impossible de faire autrement que de faire confiance aux cultivateurs.
Il faudra leur fournir tous les renseignements utiles dans une forme
assimilable afin d'atteindre les buts visés. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député. M. le député de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. Je tiens moi aussi, au
nom de l'Union Nationale, à vous remercier pour votre participation
à cette commission, surtout votre participation active et positive. Il y
a un domaine en particulier sur lequel j'aimerais attirer l'attention des
membres de cette commission, c'est que vous avez souligné aussi, comme
d'autres mémoires, que le service de recherche du ministère de
l'Environnement devrait apporter peut-être une attention spéciale
ou une collaboration en vue de la transformation du surplus de fumier qui
existe. Là, on parle de la conservation de la nappe d'eau.
Peut-être qu'il y a des cultivateurs qui peuvent épandre du fumier
en trop grande quantité, mais, étant donné que, parfois,
ils ont une étendue de terre un peu restreinte, ils ne peuvent pas
mettre le fumier en cannettes. Il faut qu'ils l'étendent quelque
part.
Je crois que vous avez souligné le fait qu'on devrait apporter
une attention spéciale à la transformation du fumier, surtout du
surplus de fumier dont disposent les cultivateurs. Je crois que c'est un apport
bien spécial. Je demande au ministre d'apporter une attention
spéciale à ce détail, d'insister ou d'apporter une aide
quelconque aux "transformeurs ", à un moment donné.
M. Léger: II y a actuellement, pour l'information du
député de Saint-Hyacinthe, un comité
interministériel, comprenant des représentants du
ministère de l'Industrie et du Commerce, du ministère de
l'Agriculture, du ministère de l'Environnement et de l'OPDQ, qui
étudie la formule de l'utilisation du fumier au niveau de la
transformation avec le procédé qu'on étudie actuellement
à partir des couches, aussi bien que d'autres problèmes qui
viennent en ligne de compte. Comme il faut que ce fumier qui va provenir, en
grande partie, de régions où il y a une intensité
d'élevage qui amène un surplus d'engrais animal pour la
région, cela demande une étude sur la possibilité de le
transporter ailleurs et, en le transportant, d'en conserver la qualité
nécessaire à l'objectif qu'on veut atteindre et
nécessairement, de le rendre intéressant pour la vente et
l'achat. Donc,
le marketing, la transformation, le transport, ce sont des aspects qui
sont étudiés par le comité interministériel et qui
permettraient peut-être d'apporter, justement ce que je disais ce matin,
une possibilité de revenus aux agriculteurs qui se chiffraient à
pas loin de $100 millions.
M. Cordeau: A quelle date ce comité
interministériel a-t-il été formé ou vers quelle
date?
M. Léger: Cela fait à peu près trois mois
qu'on en a discuté et ces gens ont déjà commencé
à se réunir.
M. Cordeau: Ils ont commencé à se réunir. Il
y avait un autre point de vue aussi, c'est surtout l'éducation des
cultivateurs. Peut-être que le ministère a négligé
ou n'a pas fait des efforts assez importants pour sensibiliser les agriculteurs
à l'environnement. C'est dans le dernier paragraphe de votre
mémoire.
M. Léger: Vous trouvez qu'on l'a faite un peu trop
raide.
M. Cordeau: Oui, peut-être.
M. Jones: Est-ce que je pourrais interrompre?
M. Cordeau: Oui.
M. Jones: Peut-être que ce n'est pas une question d'efforts
pour transmettre l'information. C'est la façon dont l'information est
véhiculée. Il y a une différence de perception entre, par
exemple, un agriculteur qui pense en tonnes d'engrais chimiques par acre et le
fait qu'un cours d'eau est complètement inutilisable, quand il y a
seulement 150 particules de phosphore par billion dans le cours d'eau. Il y a
un énorme écart entre la perception de son
égosystème terrestre et le cours d'eau. Cela prend tellement de
grosses quantités d'engrais pour que cela produise, mais cela prend
tellement peu dans un cours d'eau pour qu'il devienne inutilisable.
L'information devrait être véhiculée dans ce sens pour que
les cultivateurs le réalisent.
M. Cordeau: Je vous remercie de vos spécifications.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, devant tous ces
mémoires qui nous sont présentés, et celui dont on discute
présentement, que je trouve assez extraordinaire comme approche, comme
philosophie, devant aussi le mémoire précédent des
agronomes qui ont fait les études sur la rentabilisation des fumiers et
les dangers qu'ils peuvent comporter pour l'environnement, j'ai quand
même une certaine inquiétude. Cela ne veut pas
nécessairement dire, parce qu'on est inquiet, qu'on ne doit pas
travailler à trouver des solutions aux problè- mes, mais il n'en
reste pas moins qu'il y a tellement de points qui viennent d'être
soulevés que, devant un projet de loi ou devant une
réglementation qui devra venir incessamment, je me demande comment on
arrivera à considérer les points suivants qu'on a
énumérés dans les différents mémoires, soit
la nappe d'eau qui peut être plus ou moins profonde. Ce que je veux avoir
comme approche ou indiquer comme approche, c'est la disparité des cas
qu'on aura à évaluer et comment on devra le faire pour se
garantir ou se protéger contre l'épandage des fumiers ou la
façon dont on devra engraisser nos terres avec du fumier.
Bien sur, on ne peut pas, à mon avis, généraliser
dans le sens suivant. Vous avez, d'une région à une autre, une
nappe qui va être plus ou moins près de la surface. Vous avez
aussi des terres qui vont être plus ou moins près de
différents cours d'eau, soit de lacs ou de rivières. Vous avez
aussi des sols de nature différente. Vous allez avoir des sols plus
sablonneux à travers lesquels vont s'infiltrer plus rapidement les
purins ou les fumiers. Vous allez avoir d'autres sols qui vont être plus
argileux, sur lesquels les fumiers vont être plus portés à
s'égoutter vers les cours d'eau. Vous avez aussi un autre
élément qui doit être considéré, c'est
l'aspect géographique du terrain. Vous allez avoir des terres, à
un moment donné, qui sont plus planches, d'autres terres qui vont
être plus vallonnées ou plus accentuées, sur lesquelles
terres, bien sûr, ces jus de fumiers seront plus susceptibles de
s'écouler vers les cours d'eau, les lacs et les rivières.
Vous avez aussi les différents types de cultures qui vont
nécessiter un épandage plus accentué que d'autres. On
disait, dans le mémoire précédent, que le maïs-grain,
par exemple, nécessitait un épandage de fumier beaucoup plus
considérable que pour celui de l'avoine ou du blé. Donc, encore
là, c'est une considération qu'il faudrait apporter. Il y a aussi
un autre élément que le "ministre" de D'Arcy McGee a
soulevé immédiatement avant moi... (18 heures)
M. Giasson: Ce ne sera pas long. Cela ne prendra pas de
temps.
M. Lavigne: Le député de D'Arcy McGee... M.
Goldbloom: Cela reviendra.
M. Lavigne: ... soit le facteur du drainage des terres. Il est
sûr que si vous avez une terre qui est drainée avec des tuyaux
à tant de pieds régulièrement et à peu près
à deux ou trois pieds de profondeur dans le sol, cette terre est
susceptible de recevoir les résidus du fumier qui seront amenés
par les pluies et les fontes de neige. Il est bien sûr que ces drains
s'égouttent quelque part. Ils s'égouttent soit dans le cours
d'eau le plus près qui, lui, s'égoutte finalement dans une autre
rivière.
Donc, j'énumère tous ces points-là, et c'est
à partir de ces points-là que je me dis, un peu
inquiet, quant à la réglementation qui devra venir, est-ce
qu'on devra traiter tous ces fermiers sur un plan égal ou si on ne devra
pas traiter ces fermiers en tenant compte d'autant de facteurs que ceux que je
viens d'énumérer? S'il fallait le faire, je pense que ça
va prendre presque un fonctionnaire par ferme. J'espère, en tout cas,
qu'avec l'aide qu'on aura de la part de nos spécialistes, on arrivera
à trouver la réglementation et le projet de loi qui devra
convenir à tous ces agriculteurs, sans, pour autant, minimiser
l'importance qu'on doit apporter à l'agriculture et permettre la
rentabilité et aussi la maximisation de l'agriculture au Québec,
tout en sauvant, bien sûr, notre environnement. Mais je manifeste quand
même, à ce moment ici, devant autant de considérations, un
peu d'inquiétude. Je ne sais pas si vous voulez commenter mes remarques,
cela me ferait plaisir.
M. Jones: Je veux juste ajouter un commentaire...
Le Président (M. Boucher): Brièvement, s'il vous
plaît, étant donné que nous sommes à l'heure de la
suspension de la séance.
M. Jones: Est-ce que je peux commencer?
Le Président (M. Boucher): Allez-y assez
brièvement, étant donné qu'il est déjà 18
heures.
M. Jones: D'accord. Juste un dernier commentaire; c'est vrai que
c'est complexe. Vous avez évoqué toute une série
d'activités sectorielles, je l'avais dit, mais on devrait, face à
un tel défi, être stimulé pour trouver les moyens
d'attaquer un tel problème. L'un des moyens, par exemple, est de
réunir tous les éléments sectoriels ensemble pour essayer
d'avoir une expertise pour les cultivateurs, dans certaines régions,
pour avoir des équipes multidisciplinaires. C'est un moyen que SPEC
pourrait utiliser dans ce sens, de petites équipes multidisciplinaires
qui, par exemple, sont expertes dans les secteurs les plus importants, qu'elles
jugent les plus importants dans certaines régions: pédologie,
topographie, couverture de récoltes, couverture forestière. C'est
une approche, mais je ne peux pas aller plus loin que cela.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Jones, ainsi que vos
collaborateurs. Compte tenu de l'heure, nous devons suspendre nos travaux
jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 18 h 3
Reprise de la séance à 20 h 13
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît! A la suspension de 18 heures, nous avions terminé avec le
groupe de chercheurs de l'INRS-Eau. J'inviterais maintenant l'Association
québécoise des techniques de l'eau, représentée par
M. Raymond Larivée, directeur général. Il semblerait que
les représentants de cette association ne sont pas arrivés. Nous
allons donc passer au Comité de citoyens du rang Jean-Guérin
sud-ouest, représenté par M. Jean Trudel. M. Trudel, s'il vous
plaît. Allez-y. Si vous voulez identifier ceux qui sont avec vous, s'il
vous plaît.
Comité de citoyens du rang Jean-Guérin
sud-ouest de Saint-Henri-de-Lévis
M. Trudel (Jean): II s'agit de M. Bernard Couët, qui est un
des résidents du rang Jean-Guérin sud-ouest, entre autres un de
mes voisins, et de Mme Charles Allan, une autre résidente du rang
Jean-Guérin sud-ouest.
Le Président (M. Boucher): Merci. Vous pouvez y aller.
M. Trudel: Le comité de citoyens du rang
Jean-Guérin sud-ouest de Saint-Henri-de-Lévis, soucieux de
l'impact que peut provoquer à l'égard de son groupe d'individus
l'adoption du règlement sous étude, tient à formuler
certaines remarques à son sujet.
Sensibilisé aux problèmes de pollution et plus
particulièrement aux problèmes de pollution de l'air, notre
comité, fort de son expérience passée avec de gros
éleveurs, se permet de porter à votre attention certaines lacunes
du règlement qui demanderaient à être comblées, afin
de prévenir dans des secteurs déterminés de
l'élevage des problèmes de pollution aberrants pour le
voisinage.
Il ne s'agit pas ici de contester le projet de règlement en son
entier, ni de faire édicter des normes si sévères qu'elles
auraient pour effet de rendre quasi impossible l'implantation
d'élevages, mais bien de voir à enrayer cette pollution
inacceptable engendrée par certaines industries de l'élevage.
Il apparaît de toute évidence que le présent projet
ne va pas assez loin si l'on considère que le but d'un règlement
concernant les exploitations de production animale devrait être de
prescrire des mesures préventives et curatives, permettant de contrer
les atteintes portées à ce jour, à la qualité de
l'environnement par certains secteurs de l'élevage.
A l'article 1, dans la section I, on constate que la définition
du terme agglomération de cet article est trop restrictive et
inadéquate, étant donné la situation réelle de
certaines régions. A l'alinéa I, on limite la qualification
d'agglomération au cas où une ou plusieurs habitations
concernées seraient occupées par un producteur agricole. Notre
expérience en milieu rural ne nous permet pas de
conclure que les agriculteurs, qui ne sont pas eux-mêmes des
éleveurs, soient prêts à accepter la pollution de l'air
émise dans leur voisinage par un de ces éleveurs peu scrupuleux
de leurs droits.
A cet effet, nous croyons que l'article 1a i) du règlement ne
devrait exclure de l'applicabilité de certaines normes que les
agglomérations où on retrouve un éleveur parmi les
propriétaires des cinq habitations mentionnées.
A l'alinéa 2 du même article, il est question d'un
diamètre de 150 mètres dans lequel devraient se situer les cinq
habitations. Cette restriction de 150 mètres nous semble
irréaliste puisqu'il faudrait, à toutes fins pratiques, que les
lots sur lesquels seraient situées lesdites habitations
n'excèdent pas 30 mètres de longueur, ce qui correspond presque
uniquement aux moyennes de longueur dans les limites d'une municipalité.
Nous croyons donc qu'à cet effet, la limite de 150 mètres devrait
être portée au moins à 500 mètres mais disons
qu'on rectifierait pour300 mètres, ce serait peut-être plus
réaliste ce qui serait plus conforme au problème
réel qui se pose aux services de protection de l'environnement en
1978.
A l'alinéa 3 de l'article 1a i), il est fait état du
zonage dans lequel devraient se retrouver les cinq habitations. Comme vous le
savez, M. le ministre, messieurs, un règlement du zonage agricole
à l'échelle provinciale, nécessaire à la
préservation des terres arables, se fait toujours attendre. L'absence
d'une réglementation stricte à cet égard a eu pour effet
de permettre à certains citadins et à certains promoteurs
immobiliers d'accéder à la propriété à
l'extérieur des zones résidentielles. Cet exode d'une partie de
la population vers les zones rurales s'est effectué depuis environ une
décennie et il apparaît aujourd'hui que les zones agricoles
situées dans le rayon des grandes villes sont partiellement
occupées par ces ex-citadins qui sont maintenant aux prises avec des
problèmes de pollution engendrés par des exploitations de
production animale.
Est-ce à dire que l'on doit négliger, sinon écarter
ces personnes du présent projet de règlement parce que les
gouvernements antérieurs et les municipalités ont
négligé d'élaborer une politique cohérente de
protection des zones agricoles?
Un projet de règlement comme celui sous étude
présentement doit composer avec les réalités existantes et
ne devrait d'aucune manière mettre à l'écart les
résidences situées à l'intérieur d'un territoire
zoné à des fins agricoles. Ceci, pour des raisons de justice
sociale et de droits acquis à un environnement sain auquel chaque
citoyen devrait pouvoir prétendre.
Cependant, cet alinéa 3 de l'article 1a i) pourrait s'appliquer
aux résidences qui ont été acquises dans une zone agricole
après l'entrée en vigueur du règlement.
De plus, il serait souhaitable d'adjoindre à cette section I une
définition relative aux exploitations de production animale de type
industriel. Cette définition serait utile à l'application d'un
régime particulier pour ces industriels de l'élevage ne
résidant habituellement pas sur le site d'exploi- tation de l'entreprise
et ne pratiquant pas le métier d'agriculteur, qui se soucient peu des
préjudices qui peuvent être causés à leur voisinage
par des concentrations souvent importantes d'animaux.
Des exploitations industrielles de ce genre existent en maints endroits
au Québec, notamment dans des régions côtoyant le cours des
rivières Etchemin et Yamaska. Il ne s'agit pas de pénaliser par
des normes exorbitantes l'agriculteur-éleveur moyen; son exploitation
constitue en effet un danger d'atteinte à l'environnement moins
sérieux que celui que constituent les exploitations de ces industriels.
Ces derniers arrivent à concentrer l'élevage d'un nombre imposant
de bêtes sur une superficie de terrain plutôt restreinte, eu
égard aux terres que possèdent en général les
agriculteurs de notre province.
Conséquemment, on retrouve, dans les secteurs environnants de
telles concentrations d'animaux, des problèmes alarmants de pollution
attri-buables au fort taux d'émission de contaminants dans l'air. Ces
émissions de contaminants atteignent souvent une densité si forte
au mètre cube qu'elles portent inévitablement conséquence
à l'air ambiant des lots contigus à ceux de telles exploitations.
On a même observé dans des secteurs comme celui de
Saint-Henri-de-Lévis et de Saint-Bernard-de-Dorchester que l'odeur
répugnante dégagée par ce genre d'entreprise peut voyager
sur une distance de plusieurs kilomètres.
A l'examen du projet de règlement, on constate qu'aucune
disposition n'a été prévue pour prévenir
l'implantation de telles concentrations, et il semblerait nécessaire,
à notre avis, de prendre des mesures pour améliorer le sort des
populations affectées par des problèmes aussi aigus. Il
apparaîtrait à tout le moins essentiel de munir les services de
protection de l'environnement d'outils adéquats afin que ses
fonctionnaires puissent prévenir la répétition de
situations aussi déplorables.
On devrait combler ces lacunes en suppléant à cette
définition de production animale de type industriel une série de
normes s'appliquant en particulier à ces dernières.
Par exemple, à l'article 1j, on définit une zone
exposée comme étant: "la zone située à
l'intérieur de l'aire formée par deux lignes droites
parallèles imaginaires prenant naissance à 100 mètres des
extrémités d'une exploitation de production animale. "
Selon des constatations effectuées dans la région de la
rivière Etchemin, la distance de 100 mètres est nettement
insuffisante si l'on considère qu'il s'agit d'une norme propre à
régir toutes les exploitations de production animale. Il serait plus
approprié de distinguer les exploitations selon l'importance du nombre
de bêtes à y être élevées et de prévoir
des distances plus grandes lorsqu'il s'agit d'exploitations de grande
envergure.
Dans ce contexte, on devrait, en rapport avec l'article 1t,
considérer un territoire avec son ensemble d'exploitations de production
animale. Selon cet article: "si un ensemble de bâtiments utilisés
à l'élevage est situé à plus de 150
mètres
de l'ensemble le plus rapproché, II sera considéré
comme une unité indépendante du premier ensemble ".
Le libellé de cet article ne conduirait à l'application de
certaines normes que dans le cas où la distance entre des ensembles de
bâtiments serait inférieure à 150 mètres; ceci
laisserait donc la possibilité d'établir plusieurs exploitations
de semblable importance aussitôt qu'elles sont distancées de 150
mètres les unes des autres, et ceci sans aucune limite. On n'a donc pas
prévu le cas de concentrations d'unités animales dans une
même région. Il serait inacceptable que le règlement, une
fois adopté, ne tienne pas compte de ce facteur dans ses normes. Il
faudrait, à notre avis, prévoir un nombre total maximum d'une
même espèce d'animaux à être élevés sur
un même territoire, c'est-à-dire de soumettre les éleveurs
à une limite de bêtes permises au mètre carré de
territoire affecté à l'élevage. Les conditions pitoyables
qui affligent les résidents des zones sursaturées de certains
types d'exploitation de production animale devraient servir d'exemple à
éviter et c'est pourquoi nous suggérons l'adoption de normes
sévèrement restrictives susceptibles de prévenir la
répétition dans d'autres régions de ce qui existe
aujourd'hui dans certaines zones identifiées du Québec.
L'article 1p du règlement traitant de l'habitation du
propriétaire d'une exploitation de production animale devrait être
amendé aussi, de façon à appliquer une norme de distance
moins grande que lorsque l'habitation du propriétaire est occupée
par ce dernier. De cette façon, si l'habitation est occupée par
un locataire, on pourrait exiger le même privilège de distance de
l'exploitation que s'il s'agissait de la première habitation
voisine.
L'article 1v ii) interprété en relation avec l'article 3
du projet de règlement accorde une dispense d'autorisation au cas
où l'exploitation de production animale n'a pas servi depuis moins de
quatre ans. A notre avis, cette dispense ne devrait pas exister puisque la
rapidité avec laquelle on construit les maisons de nos jours, une
agglomération au sens du règlement pourrait facilement
s'être établie, dans le voisinage de cet ex-éleveur,
pendant une période beaucoup plus courte que les quatre années
prescrites. A cet effet, l'exploitation inutilisée devrait à tout
moment être considérée comme une nouvelle exploitation au
cas où l'on voudrait procéder à sa réouverture.
Article 4, alinéa 2: A l'alinéa 2 de l'article 4, il est
fait état d'une dispense de fournir une évaluation
détaillée de la quantité ou concentration de contaminants
à être émis, déposés, dégagés
ou rejetés par l'effet d'une activité projetée. Nous
comprenons ma! les motifs qui ont poussé les rédacteurs du projet
de règlement, à y inclure une telle dispense. Il faudrait, au
contraire, qu'une évaluation de la sorte soit fournie au service de
protection de l'environnement aussitôt que l'activité
projetée reflète une certaine envergure risquant d'avoir un
impact sur le voisinage. De plus, on devrait soumettre l'autorisation à
la règle "audi alteram partem" et par là, consulter les
résidents du voisinage qui risquent de voir leur qualité de vie
détériorée par le projet.
Article 9: L'article 9, traitant de la teneur de tout certificat
d'autorisation délivré selon l'article 3, précise qu'une
mention doit apparaître à l'effet que le certificat d'autorisation
permet la mise en oeuvre du projet décrit dans la demande
d'autorisation, à condition que celui-ci soit conforme, au moment de son
exécution, aux données et renseignements qui y sont
énoncés.
Cette motion est primordiale car, trop souvent, les certificats
d'autorisation sont émis par les services de protection de
l'environnement et les requérants, forts de leur obtention, ne se
conforment pas aux exigences qui y sont rattachées. Il est donc
important de maintenir l'alinéa 2 de l'article 9 en son entier et de
voir à fournir aux responsables du service, l'opportunité de le
faire respecter.
Article 31b: A l'alinéa b de l'article 31, dans lequel on aborde
la question de l'étanchéité des fosses de rétention
du fumier liquide ou semi-solide, on éliminerait beaucoup de
problèmes d'odeur en exigeant, qu'en plus d'être étanches,
ces fosses de rétention soient couvertes à l'aide d'un couvercle
assez hermétique pour retenir l'odeur qui s'en dégage
habituellement.
Article 51 : Au sujet de l'épandage du fumier liquide, l'article
51 du règlement, tel que rédigé, laisse la liberté
à la personne affectée à cette tâche d'y
procéder à plus de 300 mètres d'une habitation voisine
entre le 15 juin et le 15 septembre. A cause de l'imprécision de cet
article, un agriculteur pourrait, selon son bon vouloir, épandre le
fumier à l'intérieur de ces dates à 300 mètres de
la première habitation d'une municipalité, ce qui aurait alors
pour effet d'affecter toute sa population. Si l'on veut éviter une
situation aussi absurde, il faudrait prévoir des distances plus grandes
entre le lieu d'épandage et une municipalité ou une
agglomération, car la distance de 300 mètres
édictée dans cet article est nettement insuffisante, selon notre
expérience. Il apparaîtrait plus réaliste de prévoir
une distance d'au moins 1000 mètres dans ce cas.
Voilà, M. le ministre, les brefs commentaires que nous avions
à formuler à l'égard du projet de règlement sous
étude. Croyez bien que le comité de citoyens que je
représente devant vous croit bien fondée la requête ultime
qu'il vous adresse par le présent mémoire et déclare
solennellement que les remarques qui y sont formulées sont basées
sur des observations réelles qui ne laissent aucun doute sur le fait que
l'environnement de son territoire soit gravement atteint par des pollueurs qui
ne sont astreints à aucune norme assez coercitive permettant de contrer
leurs agissements ou leurs négligences. Merci.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. Trudel. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, je voudrais vous
remercier de votre participation, parce que, dans
la rédaction d'un règlement, comme on l'a dit, on veut
quand même mettre ensemble deux groupes de citoyens qui peuvent apporter
des perceptions différentes de la situation. Vous commencez justement en
nous expliquant les problèmes d'odeur que vous avez vécus dans
votre région. Souvent, on a eu comme réaction, de la part
d'organismes comme l'UPA, que les odeurs de porcs ou de bovins en campagne,
c'est normal. J'ai même lu un article de journal où on disait: Une
vache sentira toujours la vache. Nécessairement, un porc sentira
toujours le porc. Vous autres qui avez vécu le problème, est-ce
que, pour vous, c'est normal qu'il y ait une senteur de cette envergure et
est-ce normal que des agriculteurs non éleveurs ou d'ex-citadins qui
sont installés en campagne vivent avec, dans leur environnement, une
senteur de cette envergure? Comment réagi riez-vous si vous étiez
à la place du ministre, ayant vécu le problème pour
répondre à des organismes qui disent: C'est normal, en campagne,
cela ne sent pas comme la ville, il faut accepter cela.
M. Trudel: II apparaît qu'à ce niveau, il faudrait
distinguer certains types d'élevage. Il y en a qui causent moins de
préjudice finalement aux gens qui demeurent dans les environs, entre
autres l'élevage des bovins. J'ai personnellement résidé
dans une région où j'étais collé, si l'on veut,
à une distance de 50 pieds, d'un très gros élevage de
bovins, de 150 bêtes. Je n'ai jamais été, d'aucune
façon, embêté par ledit élevage. Maintenant, dans le
cas de notre problème à nous, il réside dans le fait qu'on
a vraiment une concentration substantielle d'animaux et il n'y a pas de mesures
qui ont été prises par les promoteurs ou, si on veut, les
contremaîtres de ces entreprises afin de minimiser les risques. Il
m'apparaît que ce n'est pas normal, parce qu'avec les expériences
que j'ai pu avoir avec certains agriculteurs qui ne sont pas éleveurs de
porcs, entre autres, si on veut prendre l'élevage du porc comme exemple,
ces gens-là n'acceptent pas que certaines productions de porcs
s'installent dans leur environnement. Je pense que l'argument de l'UPA selon
lequel ce ne sont que les ex-citadins qui sont embêtés par ce
problème est faux. En réalité, beaucoup de gens,
même des résidents de la municipalité de Saint-Henri, sont
aux prises avec ce problème. Ils ne sont pas eux-mêmes des
agriculteurs, ils ne sont pas des ex-citadins et je pense qu'on déplace
un peu le problème en laissant supposer que c'est seulement le fait
qu'on puisse venir d'une municipalité ou d'une ville
antérieurement qui puisse causer ce problème.
M. Léger: Dans votre région, comment avez-vous
évalué les risques environnementaux de telles concentrations
d'animaux? D'ailleurs, combien y a-t-il de bêtes dans votre coin?
M. Trudel: Disons que, sur une superficie d'environ un mille
carré, on retrouve présentement 19 000 bêtes.
M. Léger: Une superficie de combien?
M. Trudel: D'un mille carré.
M. Léger: Un mille carré, 19 000 bêtes.
M. Trudel: 19 000 bêtes. Cela veut dire trois
producteurs.
M. Léger: Ce sont des porcs?
M. Trudel: Ce sont des porcs, entre autres, et il est
prévu d'ailleurs une addition de 3500 nouveaux porcs d'ici à peu
de temps, parce que le permis a été émis par vos services
le 2 octobre 1978.
M. Léger: Quels sont les problèmes qui ont
été causés selon vous à la rivière Etchemin?
Vous avez des milliers de poissons qui n'ont pas survécu à
ça.
M. Trudel: Disons que moi, je demeure assez près de la
rivière, mais quand même pas assez pour avoir pu observer ce
phénomène. J'en ai quand même beaucoup entendu parler. J'ai
un de mes amis qui a observé lui-même une écume, un certain
samedi matin, le samedi matin de la fin de semaine dont vous avez
sûrement entendu parler, qui aurait pu être attribuable,
évidemment, à un purin de cochons. La preuve reste à
faire. Moi, personnellement, je n'ai pas fait la preuve. (20 h 30)
Cependant, il y a eu d'autres observations qui ont été
faites et vérifiées par les services de protection de
l'environnement en rapport avec deux éleveurs, entre autres, que je
mentionnais, c'est-à-dire... De toute façon, je pense qu'il est
peu important de mentionner le nom. Des observations concrètes ont
été faites et des analyses de laboratoires ont prouvé
qu'il y avait eu des émissions de contaminants dans l'eau.
M. Léger: Mais, diriez-vous que, dans votre région,
le problème qui est le plus ressenti, c est un problème d'odeur
ou si c'est le problème des cours d'eau?
M. Trudel: C'est à peu près sous les deux
aspects.
M. Léger: Pourriez-vous dire quel pourcentage du temps
cela sentait, d'une façon...
M. Trudel: Moi qui préside, je ne veux pas prendre mon cas
personnellement, mais je suis quand même assez bien placé, je suis
assez loin pour faire un cas d'espèce, je demeure environ à 2000
pieds de l'exploitation, de 1800 à 2000 pieds, et je dirais que 66% de
tous les jours compris entre le 1er juin et le 1er septembre, il y avait une
odeur nauséabonde chez nous, jusque dans la maison; cela est clair.
M. Léger: Est-ce que les gens de la région
semblaient s'opposer à cela ou s'il y en avait une partie qui
s'accommodait de cela?
M. Trudel: Qui s'opposaient à quoi?
M. Léger: Qui s'opposaient à cette odeur. Est-ce
qu'il y avait des plaintes? Est-ce que les gens acceptaient cela ou si, en
général, ils étaient tous opposés à cette
odeur?
M. Trudel: Si on prend le cas du Comité de citoyens du
rang Jean-Guérin sud-ouest, pour l'appeler par son nom, on a
déjà émis plusieurs pétitions à vos services
à cet effet, ce qui démontre que les gens ne sont sûrement
pas d'accord avec cette idée et même qu'ils réprouvent
beaucoup cet état de fait. On voit mal, d'ailleurs, comment on pourra en
arriver à sauver notre région de ce problème parce qu'il
est vraiment envahissant, dans le moment, et il est toujours en
progression.
M. Léger: Au niveau des concentrations, la norme de 0.3
hectare par unité animale, à l'article 48, comme superficie
minimale visée, pensez-vous que c'est une norme qui peut empêcher
les grosses concentrations ou si c'est une norme qui peut simplement amener
à minimiser, mais pas nécessairement arrêter cette
concentration?
M. Trudel: Vous avez dit à l'article 48?
M. Léger: Oui, l'article 48. On dit que la norme si
je lisais l'article est de 0.3 hectare par unité animale
nécessaire pour faire de l'épandage.
M. Trudel: A ce niveau, je pense que je ne pourrais pas
émettre d'opinion en tant que telle. Je présume que cette norme a
dû être calculée par des gens qui étaient plus
compétents que moi en la matière. La norme... C'est plutôt
au niveau du nombre de bêtes par mètre carré que cela nous
intéresse. On a des problèmes à cause de l'épandage
du fumier, forcément, mais ils sont minimes si on considère que
ce sont plutôt les systèmes de ventilation desdites entreprises
qui nous nuisent, les systèmes de ventilation qui projettent l'air
vicié de l'intérieur de la porcherie vers l'extérieur.
M. Léger: Est-ce que les senteurs provenaient,
d'après vous, plus des bâtiments que de l'épandage?
M. Trudel: On pourrait facilement affirmer que pour les 66% du
temps pendant lequel j'ai été affecté cet
été, il y a au moins 50% de cette période où le
problème provenait de la ventilation des bâtiments parce qu'on
peut vous dire qu'on a même remarqué qu'il y avait une
différence d'odeur entre une odeur d'épandage et une odeur de
ventilation. Je ne vous expliquerai pas les détails, mais c'est quand
même quelque chose de différent.
M. Léger: Qu'est-ce que vous penseriez de l'idée
qui semble ressortir dans votre mémoire, pour permettre, comme cela se
fait un peu en Europe, à quelqu'un d'avoir une installation, un nombre
assez élevé de têtes de porcs, d'avoir une audience
publique pour tout projet de grosse porcherie.
M. Trudel: Nous serions entièrement d'accord sur cette
mesure et, de plus, on le demande à vos services depuis fort
longtemps.
M. Léger: A combien de têtes calculeriez-vous que
c'est une grosse porcherie?
M. Trudel: II m'apparaît qu'à partir de 1000
têtes on sort des cadres du petit éleveur moyen.
M. Léger: De 1000 têtes.
M. Trudel: A partir de 1000 têtes, il me semble que cela
peut avoir un impact assez sérieux.
M. Léger: D'après votre expérience, quelle
pourrait être la distance minimale raisonnable entre deux grosses
exploitations de 2000 porcs, par exemple, à cause des
conséquences des odeurs? On nous disait, à certains endroits, que
cela sentait tout le temps, tout l'été, parce que s'il y avait
trop de permis d'exploitation dans la même région, des grosses
porcheries, nécessairement, il y en avait un qui faisait de
l'épandage une journée, le lendemain, c'était l'autre, et
l'autre journée après, c'était un autre, et l'autre encore
recommençait. A un moment donné, il y en avait tous les jours.
Avez-vous une idée de la distance qu'il devrait y avoir entre deux
grosses industries de 1000 ou 2000 têtes?
M. Trudel: De toute façon, il faudrait tenir compte,
à ce moment-là, des vents dominants, ce que vous faites
déjà, dans une certaine mesure, parce qu'il ne faut quand
même pas perdre de vue que l'odeur s'additionne sur le parcours que suit
le vent. S'il y a trois porcheries qui sont situées en ligne, avec le
vent dominant, forcément, on va avoir à peu près l'odeur
des trois additionnées pour le logement qui va être situé
sous ces vents dominants. On en a un exemple flagrant chez nous. Prenons le cas
de Mme Allen, qui demeure à un mille de chez nous. Les porcheries sont
situées à mi-chemin entre chez elle et chez moi. Quand le vent du
sud-ouest souffle vers chez nous, il n'y a jamais rien qui se passe vers chez
elle, alors que quand il s'agit d'épandage avec un vent du nord,
à ce moment-là, c'est Mme Allen qui se trouve à avoir le
problème. Pour la distance entre les deux porcheries, je ne sais pas,
parce qu'on a toujours été soumis à un problème qui
allait en augmentant. Lorsque je suis arrivé là il y a deux ans,
il y avait 4000 porcs. A 4000 porcs, qui étaient à environ 1800
pieds de chez nous, j'avais des problèmes, mais disons que
c'était acceptable et on se disait que, compte tenu d'une bonne
gestion
des bâtiments et d'une bonne gestion des fumiers, on aurait
dû normalement arriver à régler ce
problème-là en grosse partie. Jusqu'à maintenant, on n'a
pas pu finir par trouver une norme, parce que cela évolue sans
cesse.
M. Léger: Vous ne parlez pas dans votre mémoire de
vents dominants, et là vous venez de parler de vents dominants.
D'après vous, ce serait une question qui soulève beaucoup
d'opposition de la part des agriculteurs, les vents dominants. Qu'est-ce que
vous en pensez comme norme d'installation de bâtiments en tenant compte
d'un vent dominant qui est plus...
M. Trudel: En tenir compte est sûrement une bonne chose,
parce qu'actuellement le vent dominant, on considère que c'est le vent
de beau temps, finalement, c'est le sud-ouest dans notre cas, et c'est
sûr qu'on ne peut pas faire autrement qu'en tenir compte. De toute
façon, dans notre cas, qu'il y ait vent dominant ou pas de vent du tout,
on a l'inconvénient de toute façon. Il ne faut pas se dire que le
simple fait que ce n'est pas situé sous les vents dominants, cela va
contribuer à enlever tout le problème. Aussitôt qu'on parle
d'une grosse exploitation de production animale, à une distance de 1800
pieds, je veux vous dire que l'odeur est là, omniprésente.
M. Léger: Vous parlez aussi de dates d'épan-dage.
Les agriculteurs nous disent souvent là je vous soumets le
problème qu'on a que nécessairement il se peut qu'il y ait
un printemps ou un début d'été très maussade,
très mauvais, donc qu'on ne peut pas, à un moment où il
pleut, alors que le sol est humide faire de l'épandage. Et c'est la
même chose à l'automne. Il reste seulement l'été
où ils ont le plus de chances.
La période d'été, c'est la période où
on voulait limiter, en quantité et en sorte de fumier
d'épan-dage; d'après vous, est-ce qu'il devrait y avoir le
maintien de dates pour éviter lépandage durant cette
période, du 1er juin ou du 15 juin au 1er septembre ou au 15
septembre?
M. Trudel: Ce serait sûrement essentiel si on
considère que, finalement, les gens qui vivent à la campagne
aiment bien vivre à l'extérieur. Ces périodes sont celles
où on peut exploiter le plus le fait qu'on puisse vivre dehors. C'est
sûr que, s'il se produit de lépandage comme il s'en est produit
cette année, dans notre cas, tout l'été, on restreint
presque complètement la jouissance de la vie à
l'extérieur.
De toute façon, il n'a pas été prouvé non
plus que lépandage ne pouvait pas se faire en période de pluie.
Mais ça ne change absolument rien. Prenons notre cas à nous, ce
sont des camions-citernes du type camion d'huile qui sont affectés
à ça et ils ne sont pas dérangés du tout par le
fait qu'il pleuve. De toute façon, la pluie est une bonne chose parce
que ça dissout le purin en question et ça lui permet de
pénétrer plus rapidement dans le sol. Alors...
M. Léger: Une dernière question, étant
donné que vous avez vécu toutes sortes de problèmes.
D'après vous, la distance d'une agglomération, nous avions
diminué ça à 300 mètres; au début, on avait
pensé à 1000 mètres; est-ce que vous pensez que 300
mètres d'une agglomération, seraient suffisants pour
l'épandage ou si 1000 mètres, d'après vous, est un chiffre
absolument essentiel?
M. Trudel: En fait, si on pense qu'on veut arriver à une
norme qui va couvrir à peu près tous les cas, que ce soit sous
vents dominants ou pas, le plus possible de jours dans l'année, on
considère que 300 mètres, c'est nettement insuffisant. C'est
clair. 1000 mètres, il m'apparaît que ça pourrait
être une norme qui pourrait avantager certaines personnes à
certaines périodes de l'année, et puis encore. Comme on disait,
c'est qu'il ne s'agit pas d'empêcher complètement l'élevage
et la culture. Il faut que ça puisse se faire. Il s'agirait de minimiser
les problèmes qui sont causés par ça.
Il reste quand même une grande période entre les mois
d'avril et juin, du 15 septembre jusqu'en novembre, pour procéder
à ça. De toute façon, dans notre région, il s'est
fait beaucoup d'épanda-ge cette année parce que les porcheries
sont trop grosses et les fosses à purin sont prévues seulement
pour un certain nombre de bêtes, mais en considérant qu'on va
pouvoir épandre toute l'année. C'est sûr que ça ne
fera pas l'affaire de certains éleveurs si on leur dit: "Vous ne pouvez
épandre entre telle et telle date"; à ce moment-là, ils
vont être obligés de donner des contrats pour le faire plus
rapidement.
Evidemment, en période d'été, il faudrait trouver
le moyen de restreindre un peu.
M. Léger: Le problème de l'odeur, d'après
vous, est-il suffisamment important pour incommoder suffisamment les gens des
environs, à l'intérieur d'un territoire qui serait zoné
agricole? Supposons que la vocation première d'un territoire zoné
agricole, comparativement à d'autres territoires qui ne seraient pas
zonés agricoles... A l'intérieur d'un territoire zoné
agricole, est-ce que le problème de l'odeur est suffisamment important
pour indisposer des gens qui vivraient de l'agriculture, qui ne seraient pas
nécessairement des éleveurs de porcs, d'autres types
d'éleveurs ou d'autres citoyens qui vivent à la campagne, des
ruraux, même à l'intérieur d'une zone agricole où
les éleveurs voudraient avoir une sorte de priorité ou
d'exclusivité dans ce domaine? Est-ce que les conséquences de
l'odeur sont suffisamment importantes pour avoir des mesures
sévères à l'intérieur d'un territoire zoné
agricole?
M. Trudel: Nous croyons pouvoir affirmer facilement que oui. Un
exemple assez simple qui me vient à l'esprit, c'est que j'ai un de mes
amis qui s'est installé en zone agricole, qui est un ex-citadin. Il
avait dans ses projets d'installer une porcherie; il a eu des
représentations de la part de ses voisins de ne pas procéder
à l'installation de ladite porcherie, parce qu'il semble que ça
ne leur convenait pas. J'ai eu d'autres témoignages d autres
cultivateurs, dans des zones plus proches de notre zone, qui ne tiennent pas du
tout à voir
arriver dans leur région le type d'élevage qu'on a chez
nous. Je pense que cela peut être assez important... Cela nuit au
bien-être, il n'y a pas d'erreur.
M. Léger: Je voudrais là-dessus. Je vous remercie
d'être venu. Mais je voudrais quand même savoir une chose. Souvent,
des groupes de représentants d'agriculteurs comme l'UPA ou des
organismes qui ont à coeur l'intérêt des agriculteurs, nous
disent que ceux qui se plaignent, ce sont souvent et même très
souvent des citadins ou des villégiateurs qui viennent passer
l'été à la campagne et qui ont le nez un peu trop fin, que
ce n'est pas leur milieu.
Votre comité est composé de quel type de personnes?
M. Trudel: Le comité est formé de 18 personnes dans
le moment. Sur les 18 personnes, il y en a six qui sont des ex-citadins. Les
douze autres sont, soit des ex-agriculteurs ou des retraités maintenant.
Entre autres, le mari de Mme Allen était agriculteur et habitait la
maison que j'habite présentement. Il demeure maintenant un peu plus bas,
comme je vous l'expliquais tantôt. Il ne me semble pas que Mme Allen soit
une personne prête à subir le contrecoup de ce type de...
M. Léger: Donc, d'après-vous, les deux tiers du
comité sont des personnes qui vivent dans le monde rural, ce sont des
personnes qui ont toujours vécu dans ce milieu. Quant à cette
odeur, ce n'est pas une odeur normale à accepter à cause de la
densité, des inconvénients et des nuisances? Ce n'est pas une
odeur normale de la campagne?
M. Trudel: Non, que ce soit pour les agriculteurs ou pour les
ex-citadins, on en vient à une constante à ce niveau. Ce n'est
pas plus acceptable pour l'un que pour l'autre.
M. Léger: Je vous remercie infiniment. Votre
témoignage aura été important. Il y a d'autres membres de
la commission qui vont vous poser certainement des questions.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président. M. Trudel, vous avez
donné des réponses assez détaillées aux questions
du ministre. Je n'ai donc pas besoin de refaire tout le même cheminement.
Je voulais justement vous demander ce que le ministre vous a demandé
à la fin, soit le nombre de membres de votre comité. Vous avez
indiqué qu'il y a 18 personnes qui en font partie, à peu
près.
M. Trudel: Oui.
M. Goldbloom: J'aimerais vous demander si le comité de
citoyens a été fondé à cause des problèmes
que vous venez exposer ici ce soir.
M. Trudel: C'est exact. Le comité a été
formé à la suite de demandes de porcheries qui ont
été accordées par les Services de protection de
l'environnement, le 28 avril 1977. A ce moment-là, il y avait plusieurs
demandes qui étaient pendantes et plusieurs qui avaient
été accordées. On a cru alors qu'il était
nécessaire de nous lier pour essayer d'endiguer ce problème. On
n'a pas tellement bien réussi, je dois vous dire. (20 h 45)
M. Goldbloom: Vous avez indiqué la composition de votre
comité. La population du rang Jean-Guérin Sud-Ouest est à
peu près de combien?
M. Trudel: Le rang Jean-Guérin Sud-Ouest est quand
même assez long finalement, parce qu'il joint Saint-Henri et
Saint-Anselme. On pourrait diviser le rang. Il est zoné d'une
façon agricole, je m'excuse de déborder un peu, mais je voudrais
donner certaines précisions.
M. Goldbloom: Allez-y.
M. Trudel: La première partie du rang, soit celle que nous
habitons, est complètement habitée par des non-agriculteurs, soit
des ex-citadins, on des ex-agriculteurs, qui sont maintenant au travail dans
des industries, ou soit par des retraités.
Mais à partir de ce mille, la population agricole commence.
Combien peut-il y avoir de gens dans ce rang-là, ce serait difficile de
mettre un chiffre, mais il me semble qu'il y a une trentaine de familles pour
la partie qui s'appelle Jean-Guérin sud-ouest, à tout le moins.
De toute façon, il y a, dans d'autres parties du rang qui
dépassent le mille en question, d'autres éleveurs de porcs, entre
autres, qui ne causent pas de préjudice à leurs voisins
jusqu'à date. Ce sont des agriculteurs qui exploitent ces
élevages. Ce qui nous intéresse ici, ce sont vraiment les
industries.
M. Goldbloom: Je voudrais que le but de mes questions soit clair.
Je ne veux pas jouer avec les mots. Vous avez parlé des 18 personnes qui
sont actives comme membres de votre comité et vous avez indiqué
que le comité a été créé à cause des
problèmes de pollution agricole. Il y a d'autres personnes qui habitent
le même secteur, qui ne sont pas membres de votre comité. C'est ce
que je voulais faire ressortir. Est-ce que vous avez une représentation
importante en proportion de la population totale qui pourrait être
affectée de la même façon que vous, que Mme Allen, que les
autres membres de votre comité?
M. Trudel: Non, il me semble que les 18 personnes formant le
comité de citoyens sont les personnes qui sont touchées
essentiellement. On n'a pas cherché à étendre les limites
du comité de citoyens à autre chose que le but que l'on
cherchait, c'est-à-dire essayer d'enrayer ce problème de
pollution. On n'a pas cherché à toucher des gens qui
étaient agriculteurs, qui étaient à l'extérieur de
cela.
D'ailleurs, il y avait une bonne raison à cela, c'est que le
comité de citoyens, au début, a essayé de faire modifier
le zonage de cette partie-là du rang, en un zonage résidentiel
qui aurait été conforme finalement, puisqu'en
réalité, il n'y avait que des résidents.
M. Goldbloom: Alors, à l'intérieur du territoire
représenté par les propriétés des 18 membres de
votre comité, avez-vous à peu près tout le monde comme
membre de votre comité ou y a-t-il d'autres personnes qui ont
refusé de devenir membres du comité, qui ont dit: Non, nous
sommes indifférents, cela ne nous dérange pas?
M. Trudel: Une personne, entre autres. M. Goldbloom: Une
seule.
M. Trudel: Une seule personne, quoique, quand même, on n'a
pas débordé non plus, parce que je vous parlais
tantôt d'une distance d'environ un mille carré sur laquelle
pouvaient se situer plusieurs exploitations il y a des gens qui sont
touchés ailleurs, c'est-à-dire dans notre voisinage, qu'on n'a
pas approchés, c'est-à-dire qu'on n'a pas cru nécessaire
de liguer tous ces gens-là dans le même but, finalement. On s'est
dit: On va essayer d'agir avec rapidité et depuis ce temps-là, on
n'a pas grossi le comité de citoyens, mais on peut dire facilement qu'il
y a d'autres personnes que celles du comité de citoyens, dans la
même région, qui ont des problèmes avec cela, cela pourrait
faire, à ce moment-là, une cinquantaine de personnes qui sont des
résidents aussi et pas nécessairement des ex-citadins non
plus.
M. Goldbloom: M. le Président, je remercie M. Trudel de
ces précisions qui éclairent notre lanterne et je termine par un
commentaire. Nous avons, en examinant le problème de la pollution
industrielle industrielle dans le sens classique du mot
parlé souvent du problème de la concentration des industries sur
un territoire restreint. Le ministre nous a parlé lui-même assez
souvent du problème causé par la concentration des raffineries de
pétrole dans l'Est de l'Ile de Montréal. Il est très
évident que s'il n'y en avait qu'une seule là et les six autres
étaient éparpillées sur le territoire
québécois, le comté de Lafontaine ne serait pas
pollué autrement que par la présence de son député,
mais cela est une autre chose. Cela est méchant. Je retire mes
paroles.
M. Léger: C'est parce que le comté est très
pollué qu'ils ont élu le député pour s'en
occuper.
M. Goldbloom: C'est cela! je retire mes paroles, M. le
Président. Je n'ai pas été méchant, je ne voudrais
pas commencer à l'être.
Aussi, il y a un phénomène qui affecte le coin que
représente le ministre; c'est justement la tendance des vents dominants.
S'il n'y avait pas ces vents venant généralement de l'ouest, il
n'y aurait pas le problème à l'est des carrières que l'on
connaît, à l'est des raffineries. Justement, quand on voit le
développement des villes, c'est généralement un
développement qui va dans le sens inverse des vents dominants, parce que
les gens qui deviennent, avec le temps, un peu mieux nantis essaient de se
déplacer en amont, si je peux m'exprimer comme cela, des industries et
des autres sources de pollution.
Voici un mémoire qui nous place devant le problème
analogue qui se présente dans le domaine agricole. La concentration des
activités agricoles crée un problème qui n'existe pas avec
leur éparpillement et le jeu des vents dominants devient donc important.
Je pense qu'encore une fois, nous avons eu à étudier un
mémoire instructif et utile et que nous devons remercier M. Trudel et
ses collègues d'avoir porté ces importantes considérations
à notre attention.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de D'Arcy McGee. M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. Trudel, vous nous avez informés
tantôt que vous demeuriez dans ce rang depuis environ deux ans.
M. Trudel: Oui, monsieur.
M. Cordeau: Est-ce qu'il y avait des porcheries
déjà construites lorsque vous avez décidé d'aller
demeurer dans ce rang?
M. Trudel: Oui, monsieur. Il y avait deux porcheries contenant
4000 porcs, à ce moment.
M. Cordeau: Vous n'avez pas craint, à un moment
donné, que ce soit pour vous un handicap d'aller vous établir en
campagne, dans un rang, dans un secteur agricole où il y avait des
porcheries?
M. Trudel: Disons qu'ayant résidé depuis plusieurs
années en campagne, cela fait quand même huit ans que je
réside en campagne, je n'avais jamais observé de tels
problèmes. La présence de ces deux petites porcheries, si on peut
s'exprimer ainsi, ne semblait pas un gros risque puisqu'on pouvait constater
qu'il y avait une mauvaise gestion autour des bâtiments et qu'on pouvait
facilement prévoir qu'à l'aide des Services de protection de
l'environnement et des règlements qui étaient existants à
ce moment, on pourrait probablement endiguer ce problème. Evidemment, on
ne pouvait pas prévoir la prolifération de cela.
M. Cordeau: En allant s'établir en campagne comme citadin,
c'est toujours un risque.
M. Trudel: De toute façon, je ne me considère plus
comme un citadin. Je me considérais, à ce moment, comme une
personne qui voulait se porter acquéreur d'une ferme et qui n'a pas
été capable de le faire, si vous voulez, à cause des prix
élevés. J'ai quand même acheté une portion
de ferme, si on veut, avec le but de cultiver, si possible.
M. Cordeau: Est-ce que les autres membres de votre comité
sont dans votre situation ou si ce sont des citadins qui sont allés
s'établir dans un rang rural où il y avait des exploitations
agricoles?
M. Trudel: Disons qu'à cet effet, comme je le disais
tantôt, il y a peut-être six personnes en tout je m'inclus
dans ces personnes qui sont des ex-citadins. Les autres personnes sont
soit des exagriculteurs ou des gens à la retraite qui ont toujours
résidé dans ce rang, c'est très important, et qui ont
d'ailleurs tenté en 1969, lors de l'implantation de la première
des deux porcheries, existantes au moment où je suis arrivé, d'en
empêcher l'implantation, soit en achetant le lot qui était
à vendre, qui a été acquis à ce moment par
l'industriel, et qui n'ont pas réussi encore, pour des questions
d'argent, si vous voulez.
M. Cordeau: Est-ce que les exploitations agricoles, les
porcheries que vous avez là, sont exploitées par des
intégrateurs ou par des cultivateurs indépendants?
M. Trudel: Je suis bien content de votre question. C'est
exploité uniquement... Il y a trois grosses industries dans le moment
qui sont exploitées par les fermes Porcbec, une filiale des Salaisons
Brochu, par la meunerie Longchamps et Fils et par M. Patrick Buteau, un
producteur industriel aussi, qui ne vivent de l'agriculture d'aucune
façon. L'un est administrateur, l'autre est négociant en grains
et le troisième est administrateur aussi.
M. Cordeau: Est-ce que, dans le rang Jean-Guérin
sud-ouest, ce sont des fermes facilement exploitables ou si ce sont des lots de
bois ou des choses comme cela? Est-ce que ce sont des fermes à sol
arable?
M. Trudel: Ce sont des fermes à sol arable. D'ailleurs,
elles ont déjà été cultivées. Les endroits
dont vous parlez, qui sont occupés présentement par les
industries du porc?
M. Cordeau: Votre rang, oui.
M. Trudel: Ce sont des terres arables qui sont cultivées.
D'ailleurs, les terres qui sont à côté de mon terrain sont
exploitées par des cultivateurs.
M. Cordeau: Tantôt vous avez dit aussi que vous aviez fait
des démarches pour rendre ce rang zone résidentielle.
M. Trudel: Pas le rang au complet, simplement une partie...
M. Cordeau: Une partie, mais, par contre... M. Trudel: ...
pour faire un découpage.
M. Cordeau: ... de chaque côté, ce sont des fermes
avec sol arable.
M. Trudel: Oui.
M. Cordeau: Je pense qu'il y a peut-être une anomalie de
vouloir rendre un rang résidentiel lorsqu'il y a des sols arables de
chaque côté. Cela est tout à fait contraire au futur projet
de loi de zonage agricole.
M. Trudel: Avec lequel on est entièrement d'accord,
d'ailleurs. Mais, en fait, non, il ne s'agissait pas de
généraliser pour toutes les terres arables, les sols arables de
ce rang-là. Le premier mille, il nous appartient. On est tous des
résidents. On peut faire ce qu'on veut. Si mon voisin désire
louer sa terre à un agriculteur pour qu'il vienne y ramasser le foin,
c'est son droit, mais il est quand même propriétaire du sol. On
est tous propriétaires de notre sol. On se disait qu'on avait quand
même le droit, étant donné qu'on était
résidents et non pas destinés à être agriculteur...
De toute façon, il ne faut quand même pas perdre de vue que le
seul but de faire modifier le zonage était d'arriver à faire
respecter une norme de 3000 pieds pour rétablissement d'une porcherie.
C'était le but, en fait, pour faire indirectement ce qu'on ne pouvait
pas faire directement.
M. Léger: Est-ce que le député de
Saint-Hyacinthe...
M. Cordeau: Je crois que la réglementation actuelle...
Oui, excusez, M. le ministre.
M. Léger: Je voulais simplement ouvrir une petite
parenthèse, étant donné que vous avez posé une
question qui soulève un problème, à savoir si les
résidents étaient allés s'installer après ou avant
que les porcheries existent. La question qui me vient à l'esprit, si
vous me permettez, est la suivante. Les propriétaires de porcs qui sont
installés dans votre région, est-ce qu'ils résident
à la campagne ou ailleurs?
M. Trudel: Deux d'entre eux demeurent dans la municipalité
de Saint-Henri même. Ils ont des maisons assez bien situées. Quant
au troisième, il est mon voisin. Toutefois, il est quand même
chanceux, parce qu'il demeure dans une dénivellation, il demeure dans un
trou, comme on pourrait dire, qui fait que ça passe au-dessus.
M. Léger: Ma question n'était pas...
M. Trudel: Je m'excuse de la précision, mais c'est quand
même vrai.
M. Léger: Mais ma question n'était pas au sujet de
ceux qui élèvent les porcs. Je parlais de ceux... Est-ce que ce
sont les intégrateurs qui louent leurs porcs à ceux qui les
élèvent pour les reprendre par la suite ou s'ils sont les
propriétaires eux-mêmes de leurs porcs?
M. Trudel: Les gens dont je parle sont propriétaires.
M. Cordeau: Avez-vous d'autres questions, M. le ministre?
M. Léger: Non, c'est simplement parce que c'est
arrivé...
M. Cordeau: Alors, je vais continuer.
Je tiens à vous féliciter pour votre mémoire, parce
que vous avez attiré notre attention sur les exploitations dites
industrielles. Je crois que c'est la première fois que c'est
souligné dans les mémoires que nous étudions.
M. le ministre, avez-vous l'intention d'inclure dans la
réglementation une disposition dans le but de contrôler
l'implantation de telles concentrations, telles que mentionnées dans le
mémoire?
M. Léger: C'est une question qui est très
intéressante, mais jusqu'à quel point aujourd'hui, au moment
où on se parle, je peux me prononcer, j'écoute ce que les gens
nous disent. C'est sûr que si le problème, c'est un
problème de concentration et que la qualité de l'eau, mettons,
comme richesse d'une région, ne peut pas supporter plus qu'un certain
nombre d'agresseurs, que ce soient des éleveurs ou autres, est-ce qu'il
faudrait penser en termes de limiter les permis à un certain nombre?
C'est un peu comme quand on accorde, dans les municipalités, un permis
de bière, vous n'en avez pas plus que tant dans une région pour
qu'il n'y ait pas de concurrence inutile. A ce moment-là, c'est
uniquement au niveau de la concurrence, ou, dans le temps des tavernes, pas
plus que tant de tavernes dans une municipalité, parce qu'il ne fallait
pas aller trop loin de ce côté-là.
Est-ce qu'on peut faire la même chose? Est-ce qu'il y aurait
injustice vis-à-vis de ceux qui arriveraient en troisième ou en
quatrième lieu? Ce sont des questions qu'il faut se poser. Mais
là, c'est placé en face d'une ressource importante à
protéger, soit la ressource eau, c'est placé aussi pour le
bien-être des citoyens. Le fameux équilibre entre les
agriculteurs-développeurs qui ont droit de vivre et la qualité de
vie des gens autour d'eux et la qualité des ressources, est-ce qu'il
faut s'en aller dans cette direction? Je pense qu'après les trois jours
d'écoute des citoyens et des groupes, c'est une hypothèse qu'il
vaudra la peine d'examiner au niveau de cette commission. Je pense que cela
fait partie du débat; j'aimerais avoir l'opinion des gens de la
région ainsi que celle du député. (21 heures)
M. Cordeau: Est-ce que cela ne pourrait pas être
contrôlé selon la superficie des sols et le nombre d'unités
animales?
M. Léger: Ce que vous dites là, c'est l'article
48.
M. Cordeau: Dans un secteur donné... M. Léger:
Plus grand.
M. Cordeau: Dans un secteur donné, si vous avez X hectares
de terre, sur cela il ne devrait y avoir que X unités animales. Cela
pourrait être contrôlé de cette façon parce
qu'à un moment donné, qu'on le veuille ou non, les autorisations
pour l'épandage du fumier semblent être obtenues assez facilement.
Jusqu'où...
M. Léger: Je pense que c'est une excellente suggestion, M.
le député de Saint-Hyacinthe; on pourrait peut-être
continuer le débat devant l'UPA quand elle viendra ici afin de savoir
comment elle voit le problème, comment elle voit aussi, les implications
pour les membres de l'association. C'est une bonne suggestion qui, en tout cas,
m'intéresse. J'aimerais voir la réaction des gens de l'UPA et
même du groupe, ici, savoir ce qu'ils pensent de cette limitation dans
une concentration donnée.
M. Trudel: Ce serait sûrement adéquat, comme on
pourrait dire, si on considère que pour certains industriels comme,
entre autres, les nôtres, ils sont possesseurs, finalement, d'une bande
de terre qui est restreinte, qu'on appelle une terre standard, de trois arpents
de large. Ces personnes sont en train de s'en aller en ligne avec la longueur
de la terre et à chaque 150 mètres, elles nous arrivent avec 3000
à 4000 porcs et cela monte indéfiniment jusqu'à la limite
de la terre. Ces personnes ont même, d'ailleurs, fermé certaines
autres entreprises qui n'étaient pas centralisées à cet
endroit afin de les centraliser près des abattoirs parce que les
abattoirs sont voisins, si on veut, de notre région. C'est sûr que
cela apparaîtrait nécessaire, essentiel.
M. Léger: Que font-ils avec le fumier étant
donné qu'ils n'ont pas assez de terre pour l'épan-dre?
M. Trudel: Evidemment, i! y a eu toutes sortes de solutions. On
sait qu'au printemps à tous les printemps, mais à ce
printemps-ci, on peut le prouver hors de tout doute i! y a eu un
déversement massif dans la rivière Etchemin de la part des deux
gros éleveurs qui sont sous ma fenêtre, que je peux observer assez
facilement. Pour le reste, on a conclu des contrats d'épan-dage avec
certains cultivateurs, qui sont difficiles à obtenir à cause de
la grande concentration des porcs et au grand volume de purin, on a de la
difficulté à l'épandre. Il arrive qu'on fasse des choses
comme en épandre trois fois au même endroit pendant la même
semaine. C'est une autre chose qui n'est pas nécessairement bonne pour
le sol arable. Je pense que le problème est assez vaste, finalement,
parce qu'on ne peut pas toujours surveiller ces personnes.
M. Léger: D'accord.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Hyacinthe, vous avez terminé?
M. Cordeau: Je n'ai qu'une remarque. Tantôt vous disiez
qu'au printemps, même par un temps
pluvieux, les cultivateurs pouvaient épandre leur fumier.
Peut-être que les terres sont drainées; quand les terres ne sont
pas drainées... Je sais que chez nous, c'est assez difficile
d'épandre du fumier s'il a plu pendant une semaine.
M. Trudel: Oui.
M. Cordeau: Je ne sais pas si vous rencontrez cela... le ne sais
pas quels sont les sols dans votre rang.
M. Trudel: Dans notre rang, les sols sont bien drainés par
un sous-sol de gravier et de sable. Chez nous, cela va assez bien à ce
niveau; en dedans de 24 heures, les sols sont relativement assez durs pour
circuler dessus.
M. Cordeau: Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Maskinongé.
M. Picotte: M. le Président, j'aurais à peu
près deux questions. Vous avez bien parlé, tantôt, de trois
producteurs, environ, qui totaliseraient 19 000 têtes.
M. Trudel: Oui, monsieur.
M. Picotte: A ce moment-là, ce ne sont pas des
producteurs, ce sont des industriels. Si Mme Allen n'a pas d'objection, je
voudrais lui poser deux questions, possiblement. Puisqu'on a mentionné,
tantôt, que votre époux était lui-même agriculteur,
producteur, est-ce que vous avez pu remarquer depuis dix ans, à votre
connaissance, s'il y a eu une diminution ou une augmentation des producteurs
agricoles dans le rang qu'on appelle Jean-Guérin sud-ouest?
Mme Allen: Ils ont diminué.
M. Picotte: Il y a eu une diminution.
Mme Allen: Oui, ils ont diminué. D'autres cultivateurs,
les gros cultivateurs ont acheté des morceaux ailleurs. Cela a
diminué.
M. Picotte: Est-ce qu'il y a eu un changement...
M. Léger: Pourriez-vous rapprocher votre micro afin qu'on
puisse vous entendre?
M. Picotte: Est-ce qu'il y a eu un changement toujours
à votre connaissance de vocation du côté des gens
qui ont acheté d'autres terres agricoles, par exemple? Est-ce qu'il y a
eu transformation? Est-ce que quelques-uns sont passés d'éleveurs
laitiers, par exemple, à éleveurs...
Mme Allen: Oui. Nous-mêmes étions cultivateurs et on
a laissé notre terre...
M. Picotte: Est-ce que vous avez vendu votre terre...
Mme Allen: On a vendu notre terre à notre garçon et
il l'a revendue. C'est M. Trudel qui s'est trouvé à acheter la
maison, mais la terre, ce sont d'autres cultivateurs plus haut qui viennent la
cultiver.
M. Picotte: Est-ce qu'ils font le même élevage que
vous faisiez?
Mme Allen: Ce sont les animaux et aussi ils ont la porcherie. Il
y en a qui ont des porcheries sur leurs terres plus haut que cela.
M. Picotte: II y aurait eu augmentation du nombre de têtes
de bétail même s'il y a eu une diminution de producteurs.
Mme Allen: Je ne crois pas qu'il y ait eu d'augmentation. Je
crois même que, pour le bétail... Pour les porcheries, oui, ce
sont des porcs, mais pour les vaches à lait, cela est resté pas
mal la même chose. Ce sont d'autres qui sont venus et qui font pacager
les animaux sur ce terrain.
M. Picotte: J'ai une dernière question, M. le
Président, à M. Trudel. Quand vous êtes arrivé
là, vous avez mentionné qu'il y a deux ans environ il y avait
deux porcheries d'environ 2000 têtes de bétail chacune. Vous
disiez tantôt qu'il vous semblait que 1000 têtes, c'était
déjà beaucoup dans cet élevage. A ce moment-là,
est-ce que vous subissiez les mêmes préjudices concernant l'odeur
que ce que vous subissez présentement? S'il y avait une
différence, est-ce que c'était moins fort?
M. Trudel: C'était beaucoup moins élevé,
cela va de soi. A ce moment-là, on pouvait peut-être observer une
odeur persistante sur 30% des jours de l'été, mais, encore, comme
je le spécifiais, tantôt, c'est qu'il y avait une mauvaise gestion
des bâtiments parce qu'il y avait des mares croupissantes de purin sur le
bord du rang. On pouvait dire: Cela doit être probablement à cause
de cette mauvaise gestion, mais on ne pouvait pas identifier exactement le
problème, et dire: Cette odeur provient de la ventilation, cette autre
odeur provient de l'épandage. C'était une masse de 4000 porcs sur
un petit terrain avec une mare croupissante qui sentait mauvais, à ce
moment-là, mais évidemment pas aussi mauvais que cela, pas aussi
mauvais que le problème qu'on a aujourd'hui même.
M. Picotte: Merci, cela répond à mes questions.
M. Léger: II y en a aujourd'hui, vous avez dit, 19
000?
M. Trudel: Là, il y en a environ 19 000, dans à peu
près trois mois on va en avoir 24 000, plus de 23 000.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Arthabaska.
M. Baril: M. Trudel, je dois vous féliciter d'abord pour
l'audace que vous avez eue de présenter ce mémoire parce qu'il
est extrêmement dur pour les agriculteurs. Entre autres, quand on regarde
à la page 3, vous souhaiteriez qu'on tienne compte de l'agrandissement
du diamètre de 150 mètres à 300 mètres dans lequel
devrait être située une agglomération, ou cinq maisons. Par
contre, à la fin, vous souhaiteriez qu'on rapetisse la zone
d'épandage, si on peut dire, ou qu'on limite la zone d'épandage
à 1000 mètres de la première résidence d'une
municipalité, qu'on passe de 300 à 1000 mètres la limite
d'épandage de la première maison d'habitation de la
municipalité. Quand on regarde cela, 1000 mètres, cela ferait
trois quarts de mille ou un kilomètre et quart à peu
près.
M. Trudel: Oui, monsieur.
M. Baril: Si on regarde la composition actuelle de nos campagnes,
qui ont un rang à peu près à tous les milles, où
prétendez-vous que les agriculteurs vont épandre leur fumier?
M. Trudel: Vous venez de spécifier qu'on parle d'un rang
à la campagne, donc on suppose qu'on n'a pas d'agglomération, tel
que vous venez de présenter le problème. Il n'y a pas
d'agglomération, donc, j'imagine que la norme de 300 mètres doit
être suffisante. Je parle du cas d'une agglomération, parce qu'on
a constaté qu'un mille, ce n'est même pas beaucoup pour
l'épandage sous les vents dominants. C'est ce que j'entends par cela. Je
parle de distance de la première habitation. C'est parce qu'à
Saint-Henri-de-Lévis, dans la municipalité même, c'est un
problème pendant l'été, c'est un réel
problème.
M. Baril: Vous parlez bien de 300 mètres de la
première habitation d'une municipalité. Vous dites que c'est
absurde d'y penser, que ce serait plus réaliste de mettre cela à
1000 mètres.
M. Trudel: Dans ce cas-là, dans le cas d'une
agglomération ou d'une municipalité, j'entends bien. Je m'excuse
si je n'ai pas été précis.
M. Baril: Oui, je comprends. Si on regarde, comme je l'ai dit, la
composition des campagnes, le type peut être construit dans un rang plus
haut ou plus bas, selon ce qu'on voit des choses, et il peut facilement y avoir
une agglomération. Des agglomérations aujourd'hui, dans les
campagnes, il y en a partout, surtout que vous augmentez vous-mêmes
à 1500 mètres le diamètre d'une agglomération.
M. Trudel: Pas à 1500 mètres. J'avais marqué
500 mètres et il me semble que ce n'est pas réaliste. Je pense
que si on arrivait à 300 mètres, ce serait raisonnable. De toute
façon, à 150 mètres de diamètre, il y a deux
agglomérations qu'on pourrait facilement représenter, nous, et
qui n'existent plus. Évidemment, cela nous soumettait tout de suite
à un régime plus difficile que celui auquel on est soumis
présentement. Parce que, malgré que ces règlements ne
soient pas en vigueur, il faut dire que les fonctionnaires des Services de
protection de l'environnement essaient de se guider là-dessus,
lorsqu'ils émettent un permis, pour ne pas avoir un impact trop grand
sur l'environnement, à l'avenir, si jamais ces normes entrent en
vigueur.
Là, on voyait notre situation se détériorer encore
plus qu'elle peut se détériorer maintenant. Je pense que, de
toute façon, le problème n'est pas si aigu que ça, parce
qu'on pourrait faire l'épandage dans ces zones à
l'intérieur des 1000 pieds de l'agglomération de la
municipalité, qu'on le fasse au mois de mai, qu'on le fasse aux mois
d'octobre, novembre, qu'on le fasse ces jours-ci, il me semble qu'il y a une
planification qui peut se faire à ce niveau, il s'agit d'y penser.
M. Baril: Je vais vous poser une question bien simple, assez
directe, est-ce que vous avez déjà conduit un camion, dans un
champ, le lendemain matin d'une pluie? Disons...
M. Trudel: Oui, ça...
M. Baril: ... qu'il a plu toute la journée, seulement une
journée, dans la nuit, le lendemain matin, il fait beau soleil, est-ce
que vous avez déjà conduit un camion dans le champ?
M. Trudel: Je sais un peu à quel problème vous
faites allusion. Il s'agit du problème de porter des roues sur le sol,
cela peut représenter un certain problème, mais il n'est pas
nécessaire de le faire le lendemain d'une pluie. Je présume que,
durant tous les mois d'avril, mai, octobre et novembre, même septembre,
il peut sûrement se trouver des jours où le champ est assez sec.
C'est une question de planification finalement. Encore, c'est toujours le gros
industriel qui a le problème, parce qu'il doit épandre tout
l'été s'il veut arriver à se débarrasser de tout le
purin qu'il a emmagasiné pendant son hiver. L'agriculteur qui a un
élevage de 600 ou 1000 porcs peut arriver, en dedans de deux ou trois
jours, à procéder à cet épandage.
M. Baril: D'accord...
Le Président (M. Boucher): Je regrette, mais il reste
quand même qu'il y a encore quatre mémoires à
présenter. Il ne faudrait pas éterniser les questions. Je pense
qu'on va être obligé de s'en tenir aux trois quarts d'heure par
mémoire qu'on avait établi au début, parce qu'autrement,
on n'en sortira pas ce soir.
M. Baril: Parfait, M. le Président. Les
députés ministériels, on ne parlera pas, encore une fois.
Je me soumets à votre décision.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. Trudel, au nom des
membres de la commission, je vous remercie pour votre mémoire.
J'inviterais maintenant, je ne sais pas s'ils sont
dans la salle, l'Association québécoise des techniques de
l'eau. Messieurs, si vous voulez vous identifier.
Association québécoise des techniques de
l'eau
M. Marcil (Gaston): M. le Président, M. le ministre, MM.
les députés et membres de la commission permanente de
l'environnement, j'aimerais présenter notre délégation. A
mon extrême gauche, le Dr Jacques Talbot, médecin, conseiller
médical de notre comité, qui a travaillé à la
préparation du mémoire et membre de notre association; à
ma gauche, M. André Perrault, ingénieur, vice-président de
l'Association québécoise des techniques de l'eau; à mon
extrême droite, Me Charles Veilleux, avocat, notre conseiller juridique
pour la rédaction de ce mémoire et membre de notre association;
à ma droite, M. Raymond Larivée, notre directeur
général, et moi-même, Gaston Marcil, président de
l'association.
Le Président (M. Boucher): M. Marcil, est-ce que vous avez
l'intention de lire au complet le mémoire ou d'en faire un
résumé? Etant donné que tous les députés de
la commission en ont reçu copie au préalable et ont eu le temps
de le lire, s'il y avait possibilité de le résumer, pour
permettre, par la suite, d'aller plus vite aux questions.
M. Marcil: On va essayer...
Le Président (M. Boucher): Vous n'avez pas de
résumé préparé? Non?
M. Marcil: On n'a pas préparé de
résumé, parce que, finalement, ce sont des points importants
qu'on voulait soulever.
Le Président (M. Boucher): Etant donné...
M. Marcil: On va essayer de faire vite. On va lire l'essentiel,
on va sauter des bouts qu'on pense que les députés...
Le Président (M. Boucher): D'accord, allez-y, M.
Marcil.
M. Marcil: On va essayer de se répartir la tâche
pour aller plus vite. Je vous présente immédiatement
l'Association québécoise des techniques de l'eau. C'est une
corporation incorporée en vertu des lois du Québec dont les deux
principaux objectifs sont de favoriser les échanges techniques et
scientifiques entre ses membres en vue d'une amélioration de la
qualité de l'eau et d'éduquer le public en général
sur les moyens rationnels de conservation et d'utilisation de l'eau. (21 h
15)
L'AQTE regroupe plus de 1100 membres de diverses professions oeuvrant
tant dans le domaine privé que public de notre société,
lesquels partagent tous un intérêt particulier pour la protection
de l'eau sous toutes ses formes.
Dans la poursuite de ses objectifs, l'AQTE a régulièrement
soumis au gouvernement du Québec des mémoires sur les divers
problèmes relatifs à la gestion de l'eau.
On va passer directement au mémoire maintenant. L'AQTE remercie
le gouvernement du Québec de lui avoir donné l'occasion de venir
exposer, à cette commission parlementaire de la protection de
l'environnement, son point de vue sur ce projet de règlement qu'elle
juge essentiel pour la protection de l'eau au Québec.
L'AQTE accueille avec joie ce projet de règlement puisqu'il
semble constituer une amorce sérieuse à l'attaque d'un
problème qui a pris une très grande envergure au cours des
dernières décennies.
La détérioration constante et
accélérée de la qualité de l'eau au Québec
n'est pas un secret pour personne mais il faut admettre que la plupart des
individus et des organismes refusent de croire à cette triste
réalité.
Tout Québécois rêve avec fierté à nos
grandes ressources d'eau douce, se laissant souvent bercer par l'illusion trop
souvent véhiculée par le gouvernement du Québec ou ses
organismes qu'il s'agit là d'une richesse quasi inépuisable
couvrant une partie si grande du territoire du Québec que son abondance
est unique au monde.
Cependant, la réalité est que 90% des
Québécois vivent à l'intérieur d'un corridor
étroit contenu dans la plaine du Saint-Laurent où l'eau potable
devient à chaque jour davantage un souvenir d'antan et presque un objet
de luxe.
La détérioration constante de l'eau douce dans la partie
habitée du Québec a plusieurs causes dont l'une des principales
est l'exploitation de production animale.
En un sens, la nécessité de l'introduction de ce
présent projet de règlement nous consterne puisqu'elle illustre
à quel point nous avons pu rapidement dilapider, de façon
totalement irresponsable, cette ressource naturelle dont personne ne doutait de
la qualité il y a à peine quelques décennies.
De toute façon, cette dégradation a correspondu à
une industrialisation accélérée, à une urbanisation
poussée ainsi qu'à une révolution dans l'exploitation
agricole.
C'est ainsi que le producteur agricole est devenu pollueur malgré
lui. En effet, il y a à peine cinquante ans, le Québec
était peuplé de cultivateurs vivant à la fois d'une
production animale marginale ainsi que de grandes et de petites cultures.
Les développements économiques et technologiques ont
forcé ces cultivateurs à se transformer en producteurs agricoles
organisés sur une base industrielle.
Ainsi, l'évolution de l'élevage est brusquement sortie du
niveau artisanal pour arriver à un stade industriel où il est
essentiel d'assurer d'abord une rentabilité économique.
A court terme, cette rentabilité économique s'est
concrétisée par une accélération des cycles de
reproduction ainsi que par une grande concen-
tration du nombre d'animaux dans des espaces proportionnellement plus
restreints.
Parallèlement, les producteurs agricoles ont dû accepter
une augmentation vertigineuse de leurs investissements.
Il était donc prévisible et compréhensible que,
poussés brutalement dans de tels changements, les producteurs ne se
soient pas préoccupés de la seule richesse qu'ils croyaient
acquise, soit celle de leur environnement, et qu'ils aient eu une vue à
court terme, tant comme producteurs que comme citoyens, en ne voyant pas les
conséquences économiques de la dégradation du milieu et
particulièrement de la ressource eau, ceci tant au niveau
économique qu'au niveau de leur bien-être physique et
matériel.
M. Perrault (André): L'intérêt de l'AQTE se
situe au niveau de l'eau. L'AQTE ne veut jeter en aucun cas la pierre aux
producteurs agricoles, puisque la pollution de l'eau venant des exploitations
de production animale s'est souvent faite avec le consentement tacite de la
société.
L'AQTE tient à exprimer son estime aux producteurs agricoles dont
l'activité est quand même essentielle à notre
société.
Cependant, cette pollution ne saurait continuer sans mettre en
péril cette même société.
L'AQTE est heureuse de la présentation de ce projet de
règlement qui couvre les divers aspects du problème de la
pollution de l'eau résultant de ces productions.
Cependant, par son expertise et ses préoccupations principales,
l'AQTE désire limiter ici son intervention aux aspects du présent
règlement touchant à la protection de la ressource eau et
laissant à d'autres organismes ainsi qu'aux spécialistes de
l'Etat le soin d'approfondir le problème de la pollution par les
odeurs.
Nous voulons exposer ici la problématique de la pollution
causée par l'élevage. Il nous apparaît important de
définir la pollution, dans le cadre du présent mémoire, et
de délaisser peut-être la définition strictement
légale. La pollution de l'eau, c'est l'introduction de matières
ou de corps étrangers dans le milieu aquatique qui change les
propriétés et les composantes de telle sorte que l'eau devient
inutilisable pour les usages auxquels elle est destinée.
De façon plus spécifique, on peut dire que l'eau
naturelle, dans un cours d'eau, contient l'oxygène dissous
nécessaire à la vie de la faune aquatique.
Ce qui arrive, c'est que la décomposition de la matière
organique déversée dans les cours d'eau a pour effet de consommer
l'oxygène dissous et de conduire à l'asphyxie de la faune
aquatique.
Des cas précis de mortalité massive de poissons sont
nombreux au Québec et on peut les attribuer, dans bien des cas, à
des pollutions massives dans les régions agricoles.
Comme les matières organiques contiennent, en plus ou moins
grande quantité, les éléments nutritifs servant à
la fertilisation, la pollution des eaux provoque très souvent une pousse
excessive d'algues aquatiques, laquelle a pour conséquences
d'accélérer le vieillissement des cours d'eau, qu'on nomme
eutrophisation.
La pollution rend donc l'eau inutilisable à des fins de loisirs,
à un grand nombre de fins industrielles et à des fins
d'utilisation comme eau potable, ce qui est très grave.
De plus, la pollution d'un cours d'eau s'accompagne de la
présence d'un taux élevé de bactéries coliformes et
de d'autres bactéries dont un grand nombre sont pathogènes,
c'est-à-dire susceptibles de transporter ou de transmettre des
maladies.
Dans le présent mémoire, nous ne voulons pas
négliger l'aspect de la pollution des eaux due à la
présence de matières toxiques, tels les insecticides, les
herbicides, et les métaux lourds. Ces matières toxiques sont des
éléments importants de pollution de cours d'eau, mais nous
désirons nous attarder sur la pollution résultant de
l'exploitation de la production animale, laquelle transmet au point d'eau une
très forte pollution sous la forme de matières organiques, les
fumiers et le purin, ainsi que des éléments nutritifs qui y sont
contenus.
M. Larivée: L'élevage et l'eau: II existe au
Québec plusieurs rivières dont le bassin est très peu
urbanisé et où très peu d'industries sont
localisées, mais qui sont fortement polluées par les
activités agricoles.
Nous voulons, devant cette commission, lancer un signal d'alarme pour
sauver de la mort des rivières qui sont dans un état d'agonie
accélérée depuis plusieurs années. Nous voulons
nommer, entre autres, les rivières suivantes: la rivière
L'Assomption, la rivière de l'Achigan et la rivière Saint-Esprit,
la rivière Etchemin, la rivière Yamaska, la rivière
Saint-François.
Un très grand nombre d'autres rivières et leurs affluents
sont aussi victimes de pollution plus ou moins avancée. Combien d'autres
rivières viendront s'ajouter à la liste présentée
plus haut si nous ne prenons pas maintenant nos responsabilités?
Plusieurs rapports d'études effectuées sur ces
rivières ont démontré la pollution causée par
l'agriculture et les élevages intensifs. Notre association soumet ici
respectueusement que ces rapports devraient être diffusés plus
adéquatement dans le public pour permettre une discussion en
profondeur.
Parlons maintenant des conséquences de cette pollution. Le
premier constat de la pollution d'un cours d'eau se fait d'abord par la
présence de poissons morts, d'odeurs nauséabondes, de la couleur
dans l'eau, etc.
Généralement, nos média d'information se
préoccupent fortement de la mort des poissons et de la perte aquatique
et matérielle qui en découle. Or, il est important de souligner
que la mort des poissons, au-delà de la perte écologique, est
d'abord un indice des problèmes que véhiculent de tels cours
d'eau et qui sont susceptibles d'affecter les humains comme les animaux.
A titre d'exemple, nous nous permettons de souligner à cette
commission que la méthode pour vérifier la toxicité d'un
effluent industriel s'opère en laboratoire par des bancs d'essais sur
des poissons vivants.
Ceci dit, nous désirons rappeler que les cours d'eau faisant
l'objet de rejet de résidus provenant des productions animales sont fort
souvent la source d'alimentation en eau potable des municipalités
implantées le long de leur cours.
Bien que cette eau soit généralement traitée dans
des centres de traitement d'eau potable modernes, il serait illusoire de
croire, et nous le soulignons, que de tels équipements protègent
totalement la population dans tous les cas de pollution de cours d'eau. Notre
association a le devoir de mettre en garde le gouvernement dans le cas de cours
d'eau fortement pollués. Les méthodes de traitement actuellement
développées ne permettent pas d'éliminer toutes les
matières toxiques et souvent ne permettent pas de redonner à
l'eau des propriétés acceptables pour des fins de consommation
humaine.
En fait, si le traitement d'une eau fort polluée donne une eau
claire, limpide et même stérile, on doit se souvenir que celle-ci
peut encore contenir des matières toxiques, des matières
organiques indésirables, etc.
Dans le cas de rivières polluées par les
déversements provenant de l'élevage intensif d'animaux, les
matières organiques peuvent réagir avec l'utilisation du chlore,
causant la création de composés chloré-organiques et de
chloramines, composés responsables de sérieux problèmes de
goûts et d'odeurs.
La technique a donc des limites et il est essentiel de réduire,
dans une optique d'élimination totale, la pollution de nos cours
d'eau.
L'AQTE désire insister devant cette commission sur le fait qu'il
est primordial que notre société prenne immédiatement les
mesures nécessaires pour mettre fin à la pollution des points
d'eau puisque cette dernière provoque actuellement des pertes humaines
et matérielles dont la seule énumération nous fait
frémir.
Nous allons expliquer plus clairement ce que nous entendons par perte
humaine, en vous parlant des conséquences humaines de la pollution.
M. Talbot (Jacques): Je vous prie de prendre note qu'une partie
du texte a été remaniée.
On ne peut douter du coût de la conservation de la santé
que notre société supporte à cause de l'ingestion d'eau
polluée, filtrée ou non. Ces coûts se manifestent par des
consultations multiples dans les établissements de santé, la
perte de jours ouvrables et une déchéance économique dans
le cas de régions à vocation touristique, victimes
d'épidémie. L'on ne peut pas, par ailleurs, passer sous silence
les souffrances engendrées par les épidémies estivales
d'otite, de conjonctivite, de gastro-entérite. Au surplus, les cas de
mortalité, de morbidité directement imputables aux intoxications
ou aux infections transmises par l'eau, sont sous-estimés, en raison du
nombre restreint de cas rapportés, sauf lorsqu'il y a
épidémie, de la fragmentation des juridictions entre les
différents ministères si le problème relève
d'une contamination par les aliments, cela relève de l'Agriculture; s'il
s'agit d'un problème d'eau, ce sont les services de protection de
l'environnement; s'il s'agit d'une épidémie, c'est le domaine de
la santé troisièmement, de l'absence d'expertise
épi-démiologique, établissement des relations de cause
à effet entre les polluants et certaines entités
pathologiques.
Une autre facette du problème réside dans le fait qu'en
raison des méthodes actuelles d'élevage, les animaux ingurgitent
des quantités importantes de substances bactéricides. Cette
pratique a pour conséquence, lorsque les déjections d'animaux
atteignent les cours d'eau et lorsque cette eau est consommée par les
humains, de favoriser l'émergence de réactions allergiques chez
les personnes sensibles, et surtout d'amener l'émergence de
bactéries résistantes qui, lorsque pathogènes pour
l'homme, nécessitent des antibiotiques et des antibactériens,
toujours de plus en plus toxiques.
M. Marcil: Maintenant, parlons des pertes matérielles dues
à la pollution. Si les pertes physiques sont incalculables, et que la
valeur de celles-ci sont inestimables, nous pourrions sans doute arriver
à établir le coût économique de la pollution des
cours d'eau dans l'ensemble des opérations physiques de notre
société. Le calcul de tels coûts impliquerait des
recherches approfondies et elles-mêmes dispendieuses. C'est pourquoi nous
nous contenterons, dans le présent mémoire, de nous limiter
à une brève description de ces pertes.
Nous mentionnions précédemment que les centrales de
traitement d'eau ne pouvaient, dans l'état actuel de la science et des
moyens techniques et financiers mis à la disposition des corps publics,
toujours assurer une production d'eau dite potable.
C'est pourquoi la présence d'une pollution de plus en plus forte
dans les cours d'eau a amené notre société à
développer des équipements des plus sophistiqués pour
tenter de protéger la société.
Le développement de tels équipements, de même que la
construction de centrales de traitement d'eau entraînent des
dépenses exorbitantes pour l'ensemble de la société, et
particulièrement, pour le contribuable moyen.
A titre d'exemple, la plupart des centrales de traitement d'eau potable
situées le long des rivières polluées, telle la
rivière L'Assomption, fabrique et utilise sur place de l'ozone pour
détruire les goûts et les odeurs de l'eau et doivent utiliser une
gamme de produits chimiques dans le but de donner à l'eau des
caractéristiques acceptables.
Il nous semble inacceptable que cette liste de produits chimiques qui
est dans le rapport continue de s'allonger sans limite devant des pollutions
toujours plus complexes à contrer. Il faudrait
éviter que la population perde un jour confiance en ce produit
vital qu'est l'eau potable, alors qu'il n'y a pas si longtemps, l'eau
était puisée dans des réservoirs naturels et
distribuée telle quelle. (21 h 30)
II faut maintenant s'inquiéter du présent et de l'avenir
et agir immédiatement pour éviter que l'eau potable ne s'obtienne
que par l'utilisation de procédés longs, coûteux et dont
l'efficacité pourrait être mise en doute.
A un autre égard, on peut se demander, dans le cadre de la
pollution de l'eau due à l'élevage, quelle est l'importance
économique réelle de la pollution de l'eau sur l'agriculture et I
élevage lui-même, puisque les premiers consommateurs de cette eau
polluée sont fort souvent les animaux eux-mêmes qui s'abreuvent le
long des ruisseaux et des rivières qui transportent une quantité
importante de purin et de fumier.
M. Perrault: Le point de vue de notre association sur le
présent projet de règlement est le suivant: L'AQTE
réitère son appui au gouvernement pour ce présent projet
de règlement dont les normes constituent une amélioration
marquée sur la situation existante et qui va dans le sens de la
protection de notre ressource eau.
Notre association a jugé préférable de ne porter
aucune critique quant au contenu des différentes normes qui y sont
proposées, non pas que ces dernières soient indiscutables, mais
plutôt parce qu elles constituent un ensemble de mesures sérieuses
et assez réalistes dont lapplication est essentielle pour assurer
l'arrêt de la détérioration de la qualité de l'eau,
ce qui, à notre avis, est primordial.
Ainsi, la position de I'AQTE, quant au contenu même du projet de
règlement, est d'abord et essentiellement un appui global de même
qu'une demande formelle au gouvernement du Québec de maintenir comme
minimales des normes qui sont proposées dans ce projet de
règlement.
L enjeu est, pour nous, plus qu'une question de poissons, plus qu'une
question de loisirs, plus qu une question de bien-être ou une question
économique. C'est incontestablement et avant tout la santé
publique qui est en jeu.
Si notre association applaudit à la présentation de ce
projet de règlement et crie son appui à son adoption
intégrale, elle s'interroge cependant sur son application. L'AQTE est
bien consciente qu'avec l'application des règlements antérieurs,
il aurait peut-être été possible d'empêcher la
dégradation de l'environnement et d'empêcher la pollution de l'eau
telle qu'on la connaît dans les rivières qu'on a nommées
précédemment. Dans ce sens, l'Association
québécoise des techniques de I'eau, même si elle applaudit
à la présentation de ce projet de règlement, reste
toujours sceptique devant les intentions réelles du gouvernement du
Québec.
On peut dire que ce dernier, au cours des 35 dernières
années, a accompli assez peu pour empêcher, dans les faits, la
détérioration de l'eau au Québec.
En résumé, notre association considère que le
présent projet de règlement, lorsqu'il sera en vigueur, pourra
constituer un bon outil pour améliorer la qualité de I'eau et de
l'environnement. Cependant, ce règlement deviendra-t-il simplement un
bon outil pour émettre des permis ou sera-t-il un instrument efficace
pour combattre la pollution?
Enfin, comment le gouvernement du Québec entend-il faire pour
faire respecter ce règlement?
M. Larivée: Pour ce qui est du contrôle
administratif, notre première question est: Combien d'inspecteurs sont
prévus? Le gouvernement du Québec croit-il sérieusement
pouvoir ajouter à la charge déjà trop lourde des
inspecteurs en territoire la responsabilité de faire respecter le
règlement lorsque celui-ci sera en vigueur?
Si tel était le cas, le présent projet de règlement
ne serait vraiment qu'un remplacement du chapitre XV des règlements
provinciaux d'hygiène de 1944.
Quant à la division industrielle des services de la protection de
I'environnement du Québec, elle a sous son contrôle à peu
près une demi-douzaine d'inspecteurs. Dans combien de temps ces derniers
seront-ils ensevelis par des formules de demandes de permis? Et qui fera les
inspections?
A cet effet, nous avons eu d'ailleurs, ce matin, de la part de M. le
ministre, des statistiques fort éloquentes quant à la
quantité assez importante de demandes de permis. L'AQTE s oppose donc
à ce que ce projet de règlement ait comme principal avantage, sur
le chapitre XV des règlements provinciaux d hygiène de 1944,
celui de permettre une augmentation de notre bureaucratie et qu'il ne devienne,
dans son application, simplement une recette pour faciliter et justifier
I'émission de permis et ce, même en utilisant les ordinateurs.
De plus, de quelle autorité jouira I'inspecteur en territoire
pour faire respecter ce projet de règlement?
A notre avis, I'application pratique et rigoureuse de ce projet de
règlement semble impossible sans la volonté inébranlable
du gouvernement de donner aux services de la protection de I'environnement du
Québec les disponibilités humaines et financières pour
veiller à son application. Or, même avec 200 inspecteurs en
territoire occupés à temps plein à la seule application de
ce règlement, nous doutons qu il soit possible de surveiller
lépandage de plus de 35 000 exploitations de production animale durant
la période de prohibition et particulièrement durant la courte
période où cet épandage est techniquement et
légalement permis.
En fait, l'AQTE croit que 200 inspecteurs en territoire, occupés
strictement et à temps plein à l'application du présent
règlement, ne parviendraient à visiter qu'une seule fois par
année chacun des producteurs opérant au Québec.
En conséquence, l'AQTE, face au palmarès historique du
gouvernement du Québec en matière de protection de
l'environnement, voudrait au moins pouvoir être mois incrédule
quant aux
intentions véritables du gouvernement et s'inquiète
profondément du sort réservé, en pratique, à ce
projet de règlement, particulièrement dans son application
administrative quotidienne.
Le contrôle judiciaire, Si l'AQTE s'interroge sérieusement
et s'inquiète profondément du contrôle administratif que
réserve l'État à ce projet de règlement lorsqu'il
entrera en vigueur, notre association se préoccupe aussi du
contrôle judiciaire qui, malheureusement, est essentiel à sa mise
en application. Cet aspect de l'application de la réglementation
soulève encore une fois le problème de l'accessibilité
à la justice. Or, ce problème revêt une importance d'autant
plus grande dans le cas du présent projet que les territoires
concernés sont souvent dans des zones mal desservies par l'appareil
judiciaire, tant à cause de l'éloignement des cours de justice
qu'à cause des coûts prohibitifs du mécanisme judiciaire
imputable à cet éloignement.
Nous désirons souligner que la présence d'inspecteurs en
territoire en nombre suffisant apparaît comme une condition essentielle
à l'efficacité du contrôle judiciaire. En effet, la
présence d'inspecteurs en territoire qualifiés permettra une
diminution des actes nocifs à la qualité de l'eau et des
infractions au règlement à venir. D'autre part, ces inspecteurs
constitueront une équipe d'aide à l'appareil judiciaire
particulièrement nécessaire en matière de preuve et
d'expertise.
Enfin, l'AQTE réitère son appui au gouvernement du
Québec en ce qui a trait, particulièrement, à l'article 4
du projet de loi no 69 intitulé "Loi modifiant la Loi de la
qualité de l'environnement". Cependant, notre association est aussi
consciente que si la multiplication des policiers sur les routes serait de
nature à diminuer le nombre des excès de vitesse et d'accidents,
elle ne pourrait, à elle seule, en assurer une élimination
totale. De même, dans le domaine de l'environnement, les meilleurs
mécanismes administratifs et judiciaires ne pourront empêcher
toute pollution de l'eau.
C'est pourquoi l'AQTE considère qu'il est essentiel que les
producteurs agricoles et la population tout entière soient
informés de façon plus sérieuse sur le problème de
la pollution de l'eau et de ses conséquences vitales sur notre
société.
M. Marcil: Si les accidents de la route et les excès de
vitesse ne peuvent être évités sans la collaboration du
conducteur, aucune épuration des eaux ne peut se faire sans la
collaboration des pollueurs. L'AQTE insiste donc pour que l'ensemble des
mesures ci-haut énoncées soit complété par un
programme intensif d'éducation populaire. Cette éducation
populaire requiert, dans notre opinion, la collaboration franche et totale des
fonctionnaires de l'État, des associations professionnelles telles que
l'UPA, de l'ensemble des organismes se préoccupant de
l'intérêt public et de tous les media d'information.
En dernier lieu, l'AQTE se demande quel rôle le gouvernement
entend réserver aux corporations municipales ainsi qu'aux conseils de
comté dans l'application de cette réglementation. Elle se demande
aussi si un transfert de pouvoirs et de budgets appropriés n'assurerait
pas un complément au pouvoir réglementaire des corporations
municipales en matière de zonage, de contrôle des nuisances, une
application locale de cette réglementation pouvant très bien
s'insérer à l'intérieur de la politique de
décentralisation de l'État.
En conclusion, l'AQTE demande avec insistance au gouvernement de ne
céder devant aucune demande ni aucune pression aux fins de diminuer les
normes contenues à ce projet de règlement puisque celles-ci
doivent être considérées comme des normes minimales. Il
s'agit là d'une question de santé publique et même de
survie.
Messieurs, je vous remercie.
Le Président: Merci, messieurs, M. le ministre, vous avez
la parole.
M. Léger: M. le Président, je voudrais d'abord vous
remercier non seulement pour votre mémoire et pour la qualité de
votre mémoire, mais aussi pour le travail fantastique que vous faites
depuis quelques années pour sensibiliser la population au
problème de la qualité de l'eau. Votre association, je pense,
mérite l'appui des citoyens, du gouvernement et de tous ceux qui sont
intéressés à l'environnement puisque votre rôle est
réellement, un rôle d'éveilleurs de conscience
publique.
Je dirais même, en regardant le contenu de votre mémoire,
que si on regarde les deux ou trois dernière années, la
participation de plus en plus intense, de plus en plus accrue des citoyens et
des groupes de personnes intéressés à la qualité du
milieu de vie a nécessairement changé l'allure du débat
environnemental au Québec et a amené nécessairement les
citoyens à être de plus en plus conscients d'une ressource
essentielle à protéger. Je dirais même que vous avez mis
les producteurs de n'importe quelle catégorie que ce soit, les
développeurs un peu sur la défensive en réalisant qu'ils
devront maintenant faire face à des citoyens vigilants qui veulent
défendre les richesses naturelles qui appartiennent à tout le
monde. Donc, je pense que vous êtes un des groupes qui ont joué un
rôle important depuis les dernières années et je voudrais
vous féliciter à ce sujet.
M. Marcil: Merci.
M. Léger: Dans votre mémoire, vous touchez des
points qui sont très importants. Je n'aurai pas tellement des questions
parce que le mémoire, comme tel, est un vibrant hommage à la
protection d'une ressource essentielle comme l'eau, mais j'aurais quand
même des questions un peu plus précises à poser à
votre organisme, spécialement au Dr Talbot, sur un point qui me frappe,
c'est le rapport que vous mettez entre la santé des citoyens et la
production animale. Est-ce que vous pouvez mettre une relation directe entre le
fumier ou les résidus des fumiers qui vont dans les eaux et la
santé des citoyens?
M. Talbot: Si vous voulez, préalablement, avant de
répondre...
M. Léger: Si vous permettez, j'aurais voulu tantôt
bien cerner si c'était la pollution en général que vous
touchiez ou si la pollution provenant d'un manque de gestion des déchets
était la cause, une des causes importantes des problèmes de
santé que vous avez mentionnés.
M. Talbot: Lorsqu'on s'adresse à des agriculteurs, on nous
dit souvent que le fumier, c'est de santé. Dans mon esprit, c'est
peut-être de santé pour les plantes, mais je ne suis pas convaincu
que ce soit de santé pour les humains. Habitant dans une région
intensément agricole, à savoir le comté de L'Assomption,
où on dénombre tout près de 100 000 têtes de porcs
sur un petit territoire, avec une rivière à faible débit,
je parle de la rivière de l'Achigan, qui compte sûrement parmi les
rivières les plus polluées de la province de Québec,
j'entends par pollution autant la pollution bactérienne, virale, les
matières organiques et possiblement les substances toxiques tel qu'en
témoigne une étude qu'ont publiée les services de
protection de l'environnement, j'ai été appelé à me
poser beaucoup de questions sur l'interrelation entre la santé publique
et la déjection de fumier de porc. Il y a un folklore qui circule
beaucoup dans la région, c'est qu'il y a 20 ans la rivière de
l'Achigan était une rivière où on pouvait se baigner et,
progressivement, on ne pouvait plus se baigner parce qu'un enfant qui allait se
baigner dans l'eau, et, au lieu de frapper un rocher, c'était un porc
mort qu'il frappait. Ensuite, au printemps, tranquillement, on voyait
déambuler des carcasses sur les tessons de glace. Une fois de temps en
temps, dans l'usine de filtration, il y avait un porc mort qui se ramassait.
C'est un problème de pollution secondaire, le problème de la
récupération des carcasses animales. Disons qu'actuellement ce
problème est disparu.
Le deuxième problème, c'est le problème de la
pollution organique, comme on l'a cité plus haut. La charge de purin est
devenue tellement importante qu'à un moment donné on a
observé des accidents écologiques. Je parle de la rivière
de L'Achigan, que je connais très bien. L'hiver, il y a deux ans,
à un moment donné, la teneur en oxygène de l'eau
était devenue tellement basse et la couche de glace était
tellement épaisse que deux pieds de poissons se sont ramassés
dans le bassin d'entrée de l'usine de filtration. En fait, sur le plan
santé, encore, ce ne sont pas des accidents qui ont eu une grande
importance.
Là où je me pose le plus de questions, c'est compte tenu
de la pollution bactérienne et virale de la rivière de l'Achigan
ou de ses tributaires, de la rivière L'Assomption où on
dénombre trois usines de filtration, à savoir à
L'Epiphanie, à L'Assomption et à Repentigny, quel danger est-ce
que ça peut représenter? Est-ce que l'usine de filtration est un
bon tamis? Ces trois usines sont nanties du système le plus
perfectionné, à savoir le traitement à l'ozone. L'ozone a
comme propriété d'être virucide.
Par ailleurs, j'ai déjà observé certains accrocs
où, par exemple, une municipalité, pour des raisons
d'économie, a décidé de suspendre le traitement à
l'ozone ou, lors de la question du traitement à l'ozone, les
manipulateurs d'usines de filtration n'aiment pas trop ça, parce que
ça comporte certains dangers, avec la résultante qu'on devient
protégé par les autres mesures de filtration, à savoir la
précipitation à l'alun, la filtration au sable, la chlorination.
(21 h 45)
Par ailleurs, si la charge polluante devient beaucoup plus
élevée, s'il y a une grande quantité de matière
organique, on sait que le chlore agit beaucoup moins, avec la résultante
qu'il y a des substances virales qui peuvent passer et contaminer le
réseau. Ces substances virales peuvent donner quoi? Sûrement
engendrer des gastro-entérites. Qu'est-ce qui se passe quand une grande
quantité de gastro-entérites surviennent dans une région?
S'il y en a juste une et que ça ne comporte pas de fièvre ou de
diarrhée, on la laisse tranquille, mais, s'il y a une
épidémie, on se pose des questions. Cela peut avoir des...
Des gastro-entérites, en quoi c'est dangereux; ça peut
être dangereux surtout pour les extrêmes de la vie, les vieillards
et les jeunes enfants.
Une autre question que j'ai été amené à me
poser et qui m'inquiète beaucoup plus, c'est la question des
contaminations par une eau polluée, contamination qui peut se
transmettre directement à un consommateur. Je m'explique par des cas
d'espèces; je pense que ce sera beaucoup plus clair. Je connais certains
producteurs de tomates, de même que certains producteurs de fraises, de
même qu'un petit producteur de bovins. Les premiers arrosent leurs
plantes directement avec de l'eau et le deuxième nourrit ses bêtes
directement avec de l'eau brute. J'ai l'impression que c'est une pratique
agricole qui est plus ou moins acceptable, étant donné le pouvoir
pathogène, c'est-à-dire le pouvoir très grand d'une
particule virale d'engendrer une maladie.
Ce type de pratique est sûrement susceptible, c'est un exemple
pour montrer que la proximité d'une rivière polluée est
susceptible d'engendrer des problèmes de santé publique. Par
ailleurs, pour répondre à l'argumentation, est-ce que ce
problème est facilement détecté? Je dois vous
répondre un peu comme tantôt, il est détecté dans la
mesure où il devient épidémique. S'il s'agit de cas
isolés, non; s'il devient épidémique, oui, en raison du
problème des déclarations des maladies obligatoires qui sont
faites d'une façon plus ou moins erratique.
J'ai fait allusion à la pollution bactérienne, à la
pollution virale. Maintenant, il y a d'autres types de pollution qui n'ont
jamais été inventoriés dont on a parlé dans
le mémoire à savoir la pollution par les pesticides. Un
autre type de pollution, c'est l'effet du traitement du chlore sur des eaux
usées. Je pense que mes confrères pourraient expliquer
un peu plus la situation; c'est qu'il y aurait formation d'autres
substances qui pourraient possiblement être dangereuses. On parle de
chloramine, certaines études ont été publiées, on
parle possiblement de tétrachlorure de carbone.
Maintenant, faire une relation de cause à effet entre ces
substances et des problèmes de santé, d'abord c'est très
long pour prouver l'effet carci-nogène, c'est-à-dire
cancérigène, tétratogène, c'est-à-dire
pouvant engendrer des malformations congénitales. Ce sont des
études très longues, qui restent à faire et qui prennent
des années à faire.
Une autre facette maintenant, la dernière facette que je voudrais
souligner, sur le plan de la santé publique et eau polluée, c'est
le problème des substances toxiques. Je pense que ce problème n'a
pas été inventorié non plus. Dans les porcheries, on se
sert de -plusieurs substances pour nettoyer les porcheries. Je pense au sulfate
de cuivre, je pense à l'acide chloridrique. Ces substances sont aussi
déversées dans l'eau, peuvent possiblement passer au niveau des
usines. Mais en fait, c'est une inconnue.
Le dernier problème qui, peut-être, aurait un peu plus
d'importance, c'est la question de la résistance bactérienne. Les
porcs, en raison des conditions d'élevage, reçoivent des
quantités fort importantes de substances antibactériennes. Je
pense au sulfa et à la pénicilline. Ces substances
antibactériennes, au contact de la flore, des animaux, rendent les
bactéries de plus en plus résistantes, tant et si bien que ces
bactéries, une fois rendues dans l'eau et une fois
ingérées accidentellement par certains humains, vont transmettre
ce facteur de résistance, tant et si bien que lorsque, en pathologie
humaine, on est aux prises avec une bactérie résistante, on doit
utiliser des substances antibactériennes de plus en plus toxiques.
M. Léger: Je ne sais pas si j'exagérerais en
parlant d'un certain cycle qui existerait en partant de l'eau polluée,
par le fumier entre autres. L'eau étant polluée, les animaux qui
boivent de cette eau deviennent malades, il faut leur donner des
médicaments; ces médicaments, on les retrouve dans les fumiers
qui retournent dans l'eau polluée, avec un surplus de matières
toxiques, d'éléments toxiques dangereux pour la santé pour
ceux qui, par la suite, auront à la réutiliser.
M. Talbot: Dire que les substances antibactériennes, on
les retrouve dans l'eau, possiblement, pourraient donner des problèmes,
je ne pense pas que ce soit les substances antibactériennes. Ce qui est
plutôt agaçant, c'est le problème des bactéries qui
sont pathogènes, qui sont excrétées par les animaux, qui
deviennent résistants aux substances antibactériennes. C'est un
problème qui est inquiétant. En fait, ces bactéries, on ne
les ingurgite pas, parce qu'elles sont tamisées par les usines de
filtration. Mais il existe, comme je vous ai cité tantôt, des cas
de contamination secondaire. Je vous ai parlé du planteur de fraises, du
planteur de tomates, qui peuvent, finalement, nous faire entrer ces
bactéries dans le cycle de l'alimentation humaine.
M. Léger: De toute façon, je pense que c'est
excessivement intéressant ce que vous apportez. Je pense que c'est une
des rares fois qu'un médecin est venu témoigner à une
commission parlementaire, en sonnant une certaine cloche d'alarme concernant
les conséquences sur la santé, des problèmes
environnementaux.
Je pense que c'est un pas très important et ce qui est
enregistré au journal des Débats va nécessairement
permettre à beaucoup de gens de réfléchir davantage sur
les conséquences d'une sorte d'insouciance concernant l'eau qui nous
entoure comme si l'eau était quelque chose qu'on pouvait s'assurer
posséder indéfiniment.
Vous avez parlé dans votre mémoire, à la page neuf,
en haut, du commencement de l'agonie accélérée de
certaines rivières: rivière L'Assomption, rivière de
l'Achigan, rivière Saint-Esprit, rivière Etchemin, rivière
Yamaska, rivière Saint-François, qui, selon vous, subissent une
agression très forte qui peut peut-être dépasser, si on ne
fait pas attention, le point de non-retour, provenant justement de cette
insouciance qu'on a à protéger ces cours d'eau et devant le
laisser-aller qu'il y avait de la part des producteurs agricoles qui,
individuellement, pensent que ce n'est pas tellement grave, ce que chacun fait,
mais une concentration et l'ensemble des gestes un peu insouciants de
l'ensemble des producteurs, cela peut amener une conséquence aussi grave
que non seulement l'agonie, mais peut-être la fin de certaines de ces
rivières. Est-ce que vous pourriez aller jusque là?
M. Marcil: En fait, on constate de plus en plus dans les usines
de traitement d'eau potable, parce qu'il y a beaucoup de nos membres qui
travaillent dans ces domaines, que sur ces rivières très
fortement polluées, qui ne sont pas tellement urbanisées, par
exemple la rivière L'Assomption, à l'amont, ce n'est pas
tellement urbanisé, il n'y a pas d'industrie, que, si elles sont
fortement polluées, c'est dû aux industries de production animale.
Dans ces usines, on a de gros problèmes de goût. On a même
des cas où, après s'être lavés, les gens sentent
encore le purin. Même le linge, après avoir été
nettoyé, sent mauvais.
Il y a des problèmes de plus en plus graves sur ces
rivières. On ne pourra plus faire de l'eau potable. Les techniques
comme on l'a mentionné dans le rapport connues, les
techniques de filtration, laissent passer des toxiques. Le fait d'utiliser le
chlore pouf stériliser l'eau c'est indispensable, autrement, il y aurait
des maladies. Mais, en fait, avant l'utilisation du chlore dans l'eau potable,
on dénotait des épidémies de typhoïde. Le chlore
réagit avec ces produits et forme des composés qui sont de plus
en plus remis en question. Cela est grave.
M. Léger: Je ne voudrais pas prolonger le débat
parce qu'il y a encore trois autres mémoires, mais pourriez-vous dire
qu'à l'heure actuelle, si on
ne prend pas des mesures assez énergiques, le coût de la
dépollution pourrait être très élevé et que,
même on n'obtiendrait pas tous les résultats voulus, même
avec une dépollution sophistiquée de nos cours d'eau, et que le
coût social est très important, qu'on doit tenir compte de cet
aspect ou si, que cela soit pollué par du purin animal ou par une autre
source de pollution, il y aurait quand même des coûts à peu
près identiques? Y a-t-il un danger que cela coûte beaucoup plus
cher bientôt à cause de ce type de pollution?
M. Marcil: Evidemment, on n'a qu'à penser à
l'inflation pour penser à l'augmentation des coûts, mais il faut
penser que, du fait de déverser des quantités importantes de
nutriants, d'éléments majeurs qui servent comme l'azote et le
phospore dans l'eau, il se produit une eutrophisation. On a parlé
d'eutrophisation dans le rapport. C'est le phénomène de
vieillissement. Ce sont des algues qui se mettent à pousser en grande
quantité, meurent à l'automne, se déposent au fond et
repoussent au printemps, parce que cela a fait de la matière organique.
Un vieillissement accéléré se fait. Plus on attend, plus
c'est grave.
M. Léger: Je vous remercie. Je vais laisser la chance
à d'autres pour ne pas prolonger le débat.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Je voudrais,
à mon tour, m'adresser notamment au Dr Talbot, parce qu'il y a des
considérations extrêmement importantes qui sont soulevées
par le mémoire de l'Association québécoise des techniques
de l'eau. Une chose qui me frappe, c'est l'insistance que vous placez sur la
nécessité d'éviter de présenter aux usines de
filtration d'eau potable une charge excessive de polluants.
Cela me rappelle l'époque de la médecine où l'on ne
prenait pas beaucoup de précautions pour éviter la contamination
et où l'on se servait d'antiseptiques par après pour essayer de
décontaminer les plaies chirurgicales. On a appris que cela ne suffisait
pas et qu'il fallait procéder par asepsie, c'est-à-dire en
évitant, dès le départ, la contamination, plutôt que
d'essayer d'arriver par après et la tuer.
Nous sommes effectivement dans cette situation en ce qui concerne les
cours d'eau dans lesquels nous puisons notre eau potable. Dr Talbot, vous
rendez un important service à la collectivité en nous rappelant
cela. Vous avez fait une déclaration qui ne peut que nous
inquiéter. Je voudrais restreindre la considération aux
exploitations animales, parce que c'est la préoccupation ici. Que vous
disiez que des éléments toxiques échappent à la
purification dans les usines de filtration, cela est possible, mais il faudra,
pour les fins de ce débat, lier ce problème aux exploitations
animales. Que des microbes deviennent résistants à des
antibiotiques à cause de leur exposition à de tels
médicaments dans le cours de l'élevage, cela aussi arrive, c'est
connu.
La question que je veux vous poser est la suivante: Avez-vous
effectivement des cas où des maladies humaines ont pu être
retracées à des exploitations animales et notamment où la
résistance de microbes contre des antibiotiques a pu être
retracée au traitement de ces mêmes microbes avec des
antibiotiques dans le processus de l'élevage des animaux.
M. Talbot: Comme je le soulignais un peu plus tôt, je crois
qu'il y a un gros problème de carence sur le plan expertise. Si je me
réfère au problème des virus, par exemple, vous savez, je
crois, aussi bien que moi qu'il y a très peu d'analyses biologiques qui
sont faites dans les cours d'eau dans la province de Québec. Que je
sache, il y a M. Paiement, de l'Institut de microbiologie à
Montréal, qui, en fait, en a fait récemment sur la rivière
des Prairies, mais il y a une grosse carence sur ce plan-là.
Deuxièmement, sur le problème de la résistance des
antibiotiques, je crois qu'il n'y a qu'à observer le comportement des
bactéries au cours des dix dernières années. Si je prends
les conformes, en particulier les salmonelles, on constate qu'elles deviennent
de plus en plus résistantes, qu'on doit se servir d'antibiotiques un peu
plus spéciaux.
Si je pousse encore plus votre question pour essayer de distinguer ce
qui provient de la contamination humaine par rapport à la contamination
animale, parce qu'en fait, il y a les deux là-dedans, on sait que le
purin de porc peut être vecteur de certaines bactéries qui peuvent
être pathogènes pour l'homme et de certains virus, on pense en
particulier à des rotavirus ou à d'autres virus inconnus.
L'association-contamination par purin de porc des humains est très
plausible. Je crois qu'il n'y a nul doute là-dessus.
Maintenant, si vous me demandez de citer une expertise précise,
je crois qu'il y a une grosse carence sur ce plan-là. (22 heures)
Le Président (M. Boucher): Vous m'excuserez. Compte tenu
que nous sommes à l'heure de l'ajournement, je demanderais le
consentement des membres pour continuer.
M. Goldbloom: M. le Président, je pense que nous n'avons
pas le choix. Nous avons invité des témoins. Il en reste
même trois à comparaître. Je ne ferai pas de critique
désobligeante à l'égard de qui que ce soit. Je constate
tout simplement que nous nous trouvons, à 22 heures, avec trois
mémoires à recevoir. Il nous sera passablement difficile
d'accorder à ces mémoires autant d'attention que nous avons
accordée à ceux que nous avons entendus au cours de la
journée.
M. le Président, le consentement quant à l'Opposition
officielle et j'ai cru comprendre que le député de
Saint-Hyacinthe est d'accord est facilement donné. Je termine
assez rapidement les questions que je voulais poser.
Je suis très sensible à ce que l'AQTE souligne et aux
explications fournies notamment par le Dr Talbot. C'est un autre cas, parmi
beaucoup d'autres, où le fardeau de la preuve repose sur les
épaules de celui qui veut dire qu'il n'y a pas de danger. Il
reste quand même que, si l'on prend l'ensemble des bactéries,
notamment, nous avons toujours reçu l'enseignement que la
majorité est spécifique quant à l'espèce,
c'est-à-dire que la transmission de bactéries de l'espèce
animale à l'espèce humaine ne se fait pas dans la majorité
des cas. Je pense qu'il est important que le journal des Débats
transcrive également ce fait pour qu'il n'y ait pas une panique à
l'échelle de tout le Québec et du monde entier, même, que
demain matin on pourra avoir des épidémies partout à cause
de bactéries de provenance animale. Le problème est là,
vous l'avez décrit, mais ce n'est quand même pas la
majorité des microbes que l'on peut retrouver chez les animaux qui
risque d'infecter les humains.
Il me reste une question que j'adresse à M. Marcil et c'est une
question qui s'adresse plus particulièrement aux nombreux
ingénieurs qui sont membres de l'AQTE. Quand on regarde le
problème de la pollution et de la dépollution, on peut
établir une échelle avec, en haut de l'échelle, le niveau
de pollution qui existe et en bas de l'échelle, le niveau zéro.
Entre les deux niveaux, il y a une marge considérable et il y a,
notamment, un facteur coût-bénéfice à
établir.
On peut généralement réduire
considérablement le niveau de pollution avec une dépense
relativement restreinte, mais quand on veut aller plus loin, progressivement,
on doit payer de plus en plus cher des diminutions de plus en plus petites, de
plus en plus faibles de la pollution.
En ce qui concerne la pollution agricole, il y a un niveau qui est
élevé. Il y a un niveau idéal qui est très loin,
notamment parce que, comme nous le constatons en faisant le débat sur le
projet de règlement, il n'y a pas encore eu assez d'attention et les
interventions n'ont pas encore été assez vigoureuses et assez
généralisées. Mais si l'on veut vraiment faire une
différence, il faudra faire plus que tout simplement donner des conseils
aux cultivateurs du Québec quant à l'emplacement du tas de fumier
et quant à la construction du silo dans lequel on va mettre le purin. Il
faudra des dépenses et des dépenses considérables, et nous
avons entendu, de la part du milieu agricole, des inquiétudes quant
à cela. J'aimerais vous poser la question suivante. Je ne mets pas en
doute la nécessité de payer. Je vous demande, dans votre esprit,
qui doit payer. Dans quelle mesure la classe agricole doit-elle payer et dans
quelle mesure la collectivité doit-elle croire et accepter que c'est de
sa responsabilité de payer le coût de la dépollution des
activités agricoles?
M. Marcil: Je pense qu'il faut distinguer entre l'agriculteur et
l'industriel, surtout le gros éleveur, quand on parlait de 19 000 porcs
dans une région. Ce sont des industriels qui vendent leur production
totale à des multinationales, qui vendent cela sur le marché; ce
n'est pas pour la nécessité du Québec, ils vendent cela
sur le marché international, aux Etats-Unis, au Japon. Alors, il ne
faudrait pas que ce soient les multinationales qui se cachent derrière
les agriculteurs pour déverser et minimiser leurs devoirs envers
l'environnement.
Pour ce qui est de la protection des coûts, il y a beaucoup de
travail ou de protection qui peuvent être faits seulement en
améliorant la manipulation et en prévenant les
déversements. On sait que souvent les cas problèmes qu'on a
cités, la rivière Etchemin, etc., ont été des
pompages de nuit de purin dans la rivière, etc.
Du côté de la manipulation, il y a une partie qui ne
coûte rien, souvent, ou qui ne coûte pas grand-chose. Evidemment,
dans le cas des producteurs qui oeuvrent dans des productions marginales,
j'imagine qu'il n'y aura pas d'objection à ce qu'ils soient
aidés. Ce que nous visons, c'est la protection des cours d'eau. Alors,
que les producteurs soient aidés, on le conçoit facilement et on
ne verrait pas pourquoi une certaine partie du budget ne serait pas
consacrée à cela, comme les municipalités devront
être aidées pour procéder à l'épuration de
leurs eaux usées.
M. Goldbloom: M. Marcil, votre réponse m'inspire une autre
petite question. Puisque vous établissez, dans votre esprit, un certain
lien entre l'importance de l'exploitation et le degré de
responsabilité que devrait porter l'agriculteur, pense-riez-vous en
termes d'une taxe par tête de bétail?
M. Marcil: On entre dans des domaines de taxation, on devrait
plutôt en parler à M. Parizeau. Nous, en fait, on ne connaît
pas assez l'industrie pour dire: Ils sont capables de payer une taxe par
tête de bétail. On connaît l'eau, les problèmes de
l'eau; alors, c'est difficile pour nous de dire... Mais il semble que
d'après le nombre de permis que ça demande, la-croissance de la
production, il semble que ça ne doit pas être parce qu'ils perdent
de l'argent.
M. Goldbloom: Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Une chance que j'ai un bon moral, parce que je viens
d'apprendre ce soir que la rivière Yamaska est dans un état
d'agonie accélérée depuis plusieurs années. Etant
donné que je bois de cette eau...
M. Léger: Je vous voyais faiblir.
M. Cordeau: ... depuis presque ma naissance... c'est probablement
causé par la qualité des eaux usinées à notre usine
de filtration, à Saint-Hyacinthe, probablement.
Maintenant, j'aimerais que le ministre réponde à la
première question de l'AQTE qui spécifie, concernant le
contrôle administratif, combien d'inspecteurs sont prévus. Page
17, M. le ministre, concernant le contrôle de cette
réglementation.
M. Léger: Nécessairement, c'est une tâche qui
relèverait de tous les inspecteurs, pas uniquement
de ceux de Québec. En réalité, ce sont tous les
inspecteurs du territoire qui devraient être responsables de la
surveillance et du contrôle de cette qualité et du respect des
règlements. C'est la raison pour laquelle, depuis que je suis
arrivé au ministère, j'ai mis de l'avant cette image de 6
millions d'inspecteurs. C'est parce que le problème de la pollution,
aussi bien de l'air que de l'eau, est tellement vaste que quelqu'un qui veut
s'y attaquer uniquement avec des fonctionnaires ne pourrait pas atteindre
l'objectif. C'est la raison pour laquelle on a mis de l'avant un système
ou une technique de sensibilisation de la population, qu'on a
présenté la loi 69 qui permet de donner au citoyen l'occasion
d'être armé, en ayant des pouvoirs juridiques et une aide
technique de mon ministère pour que chaque citoyen se sente responsable
de son milieu de vie.
C'est pour cela que, comme on limite les interventions de poursuites
pénales ou civiles à des citoyens uniquement limités
à des actes illégaux, nous pourrons avoir une aide très
forte de la part des citoyens qui deviendront de plus en plus consciencieux.
Donc, il y a au moins une centaine d'inspecteurs actuellement dans le
Québec, qui s'occupent de toutes les régions du Québec,
mais ce n'est certainement pas suffisant. Je pense que, comme c'est une
richesse naturelle, en donnant à chaque citoyen, du fait qu'il fait
partie de la collectivité, la possibilité juridique de pouvoir
poursuivre, parce que le bien collectif devient important pour chaque citoyen,
en ayant le pouvoir de défendre ce bien collectif, je pense qu'on vient
de décupler la possibilité de surveiller ce qui se passe au
Québec.
M. Cordeau: Je vous félicite pour la présentation
de votre mémoire, pour plusieurs lumières rouges que vous avez
allumées, certaines jaunes, mais plusieurs rouges. Je tiens à
souligner le troisième paragraphe de la page 22, dans lequel vous
mentionnez: "C'est pourquoi l'AQTE considère qu'il est essentiel que les
producteurs agricoles et la population tout entière soient
informés de façon plus sérieuse sur le problème de
la pollution de l'eau et de ses conséquences vitales sur notre
société."
Le Président (M. Boucher): Merci. Au nom des membres de la
commission, je remercie l'Association québécoise des techniques
de l'eau pour le mémoire qu'elle a présenté. J'inviterais
maintenant M. Lorenzo Grégoire qui a un mémoire à titre
personnel à présenter.
On va attendre la petite mise en scène.
M. Grégoire, vous pouvez y aller. (22 h 15)
M. Lorenzo Grégoire
M. Grégoire (Lorenzo): Je vous ai apporté une carte
sur laquelle il y a eu un certain travail de préparé cet
été par des étudiants oeuvrant à un projet Jeunesse
Canada au travail. Le titre de cette recherche était: L'inventaire de
notre environnement. Nous avions une carte en main à laquelle nous avons
fait des décorations, suite à ces recherches. Le but était
de se connaître, tous ce que nous sommes, la population de Saint-Bernard.
D'abord, on voulait savoir si on était propres ou si on l'était
plus ou moins, si on sentait trop fort ou si c'était passable.
Je pense que je vais faire mon exposé et à la suite de
cela je pourrai répondre aux questions qui me seront posées
concernant la carte et je pourrai expliciter davantage.
Le Président (M. Boucher): Allez-y.
M. Grégoire (Lorenzo): C'est avec une certaine
satisfaction et un grand intérêt que nous avons pris connaissance
de votre projet de règlement concernant la loi de la qualité de
l'environnement. Je ne crois pas qu'il faille s'éterniser longuement sur
les droits fondamentaux qui sont le droit pour la population tout
entière à une qualité exceptionnelle d'eau et d'air pur. A
partir de ce principe, il va sans dire qu'une municipalité un tant soit
peu responsable ne fera qu'appuyer tout effort tentant de minimiser les dangers
pour la santé en mettant sur pied des outils permettant un
contrôle plus sévère des agents de
détérioration.
Ayant à Saint-Bernard une population relativement importante de
résidents d'été, permettez-nous, M. le ministre, de vous
présenter en première partie du présent mémoire, un
court exposé rédigé par M. Denis Lemelin, résident
d'été, qui, nous en sommes assurés, rejoint l'idée
générale de tous les autres résidents dits
d'été.
En seconde partie du mémoire, vous trouverez une brève
critique de certains articles; la municipalité de la paroisse de
Saint-Bernard a soulevé certains doutes quant à la portée
de ces articles.
Finalement, vous nous permettrez bien humblement, M. le ministre, de
faire quelques suggestions sur certains points non mentionnés dans notre
projet et qui, nous semble-t-il, auraient dû l'être.
Ayant lu votre projet de règlement concernant la loi de la
qualité de l'environnement, je vous félicite des mesures que vous
désirez prendre afin de passer une loi qui réponde au
mieux-être des Québécois.
Permettez-moi de vous faire la demande suivante, au nom d'un fort groupe
de propriétaires de chalets, maisons d'été, dans la
municipalité de Saint-Bernard, Beauce-Nord paroisse, situés la
plupart le long de la Rivière Chaudière.
Dans la section i, à l'article "Interprétation ", je vous
demande d'ajouter dans la liste des définitions, iii, un groupe d'au
moins trois habitations saisonnières appelées chalets ou maisons
d'été, 1. dont aucune n'est habitée par un producteur
agricole, 2. qui sont situées à l'intérieur d'un
diamètre de 300 mètres, 3. qui sont toutes situées
à l'intérieur des limites territoriales d'une municipalité
de village, de paroisse, de ville ou de cité et 4. qui sont
placées au bord d'un lac ou d'une rivière, espace vert où
l'on retrouve habituellement la plupart de ces habitations
saisonnières.
D'après les relevés dont j'ai pris connaissance
dernièrement, plus de 140 chalets sont bâtis à
Saint-Bernard; les propriétaires ainsi que leur famille souffrent
beaucoup de la piètre qualité de l'environnement dans cette
municipalité. Avant même que les producteurs de porcs et de
volaille se lancent sur une haute échelle, la plupart de ces
résidences étaient déjà construites.
Depuis quelques années, il y a des exagérations
très nettes qui sont devenues intolérables dans cette
municipalité. La senteur est suffocante durant les mois
d'été et l'eau, même celle des sources, risque fort de
devenir impropre à boire si elle n'est pas déjà
polluée.
Il y a donc lieu, M. le ministre de l'environnement, de
considérer la présence des propriétaires de chalets
situés au bord d'un lac ou d'une rivière, que ce soit ou non
zoné à des fins agricoles. Considérez leur présence
dans la loi de la qualité de l'environnement et veuillez en tenir compte
au même titre que les autres habitations décrites
antérieurement dans votre projet, dans les distances minimales qui
apparaîtront dans votre loi.
Enfin la distance minimale de toute source qui fournit l'eau potable
à tout être humain devrait être d au moins 150
mètres. C'est une modification suggérée et qui devrait
apparaître en plus, dans une colonne, à l'annexe B. Il y a une
différence très nette entre un ruisseau et une source qui
alimente, entre un lac et une source qui alimente une habitation.
M. le ministre, je vous remercie de lattention que vous porterez
à ce mémoire et soyez assuré que nous ceux que je
représente, et ils sont nombreux comptons beaucoup sur vous pour
protéger notre santé et améliorer notre joie de vivre dans
un environnement qui sera à la fois sain et gai.
La troisième partie critique certains articles du
règlement.
Article 4: A notre avis, contrairement à l'essence du
deuxième paragraphe du présent article, le requérant
devrait justement soumettre les plans et devis de construction, de même
que fournir une évaluation détaillée de la qualité
ou de la concentration des contaminants à être émis ou
déposés. Ceci, dans le but d'effectuer un meilleur contrôle
des projets du requérant. Il nous semble que le règlement fait
beaucoup trop confiance à la bonne volonté de se soumettre audit
règlement. Non pas que nous ne fassions pas confiance à la
population; nous doutons, toutefois, qu'une loi ou un règlement fasse
changer de vieilles habitudes du jour au lendemain.
Article 5; De même que dans le cas de l'article
précédent, il nous semble que la confiance règne. Le
règlement devrait prévoir, à notre avis, un
mécanisme permettant de vérifier si, effectivement, le fumier a
été épandu chez le tiers consentant. Il nous semble qu'il
serait un peu dupe de prétendre que l'entente avec un tiers ne sera pas,
à l'occasion, qu'un paravent ne servant qu'à obtenir le permis
demandé.
Article 19: En ce qui concerne la reconstruction pure et simple,
conformément à la loi, nous croyons qu'une mention
spéciale devrait être faite à ce sujet. Ainsi, lorsqu'il
est question de reconstruction, il n'est, la plupart du temps, pas plus
dispendieux pour le producteur de reconstruire à un endroit
différent de l'ancienne construction que de construire sur les anciennes
fondations. Pour cette raison, nous croyons donc que, lors d'une reconstruction
complète, le producteur devrait se soumettre en toute conformité
à la loi en vigueur au moment de ladite reconstruction.
Nous pourrions même aller plus loin en demandant qu'il en soit de
même pour les rénovations où très souvent ces
dernières seront aussi dispendieuses sinon plus qu'une reconstruction
pure et simple. Ainsi, il pourrait être prévu que pour une
rénovation où le coût serait égal à une
reconstruction ou plus grand, le producteur devrait reconstruire en se
soumettant à la loi en vigueur au moment de ladite
rénovation.
De fait, très souvent, on se sert du couvert d'une
rénovation ou d'une reconstruction pour effectivement modifier
substantiellement la construction précédente ou les plans de
rénovation. Nous ne croyons pas qu'il nous appartienne ici de soulever
l'épineuse question des "droits acquis ".
Articles 20 à 27: En ce qui concerne la section IV,
réglementant les normes générales de gestion des fumiers,
il nous fait plaisir d'affirmer notre entière satisfaction.
Articles 47 et 48: Nous voyons d'un très bon oeil que le ministre
oblige l'épandage du fumier au moins une fois l'an. Toutefois, la norme
de 0,3 hectare par unité animale nous semble beaucoup plus un voeu pieux
qu'une norme minimale à respecter. La vérification du respect
d'une telle norme nous semble d'une nécessité absolue. D'autant
plus que le respect de celle-ci serait sans doute tout à l'avantage du
producteur, trop de fumier étant parfois un handicap plus qu'un
avantage.
Nous aimerions, à ce stade-ci, mentionner ce sont des
suggestions quelques points omis dans notre projet, qui auraient
dû faire I objet de réglementation.
En premier lieu, nous déplorons l'absence de
réglementation concernant les vents dominants. Bien qu'il en soit fait
mention dans l'article des définitions, nous n'en retrouvons aucune
trace en aucun autre endroit. La présence des vents dominants est un
facteur non négligeable relativement aux odeurs polluantes. Il devrait
donc en être fait mention et en être tenu compte dans la
présente réglementation.
En second lieu, signalons qu'il n'est fait aucune mention des
producteurs ne résidant pas sur les terres cultivées. Ainsi, le
producteur résidant dans un village, par exemple, et exploitant une ou
des fermes dans une municipalité de paroisse, tiendra beaucoup moins
compte des dangers causés à ses voisins de ferme. La
réglementation devrait donc considérer cet état de choses
qui, dans certaines municipalités, devient de plus en plus chose
courante.
J'ai ajouté quelque chose ici. Nous croyons qu'un éleveur
sans sol, ne résidant pas sur sa
ferme, ne devrait pas être détenteur d'un permis ou
admissible à une subvention dont les vrais de vrais agriculteurs sont
les bénéficiaires, car eux, ils vivent et font vivre leur famille
des revenus de la ferme... Pas plus qu'on ne nous permet de rendre les services
d'un professionnel de toute profession libérale.
Troisièmement, nous aimerions suggérer au gouvernement,
par l'entremise du ministère de l'environnement ou de l'Agriculture,
selon le cas, que celui-ci voit à faciliter l'amélioration des
établissements déjà en place, afin qu'ils satisfassent aux
exigences de cette loi. Ainsi, le gouvernement pourrait mettre à la
disposition des producteurs, une certaine aide, soit sous forme de techniciens,
de conseils ou de subventions leur permettant de se soumettre
adéquatement à la loi.
Le quatrième point concerne les distances entre le lieu
d'entreposage du fumier et la ligne de l'eau. En se référant au
tableau en annexe, nous constatons que la distance minimale entre le lieu
d'entreposage que ce soit pour une citerne ou pour un fumier solide
et la ligne de l'eau n'est que de six mètres.
Nous considérons que cette distance est beaucoup trop courte. Une
distance de 30 mètres entre ces deux points assurerait le producteur
voisin contre tout risque de débordement et ainsi minimiserait au
maximum tout risque de dommage à un voisin.
En terminant, mentionnons qu'une plus grande collaboration entre les
différents services offerts aux producteurs serait un service immense
rendu à ces derniers. A titre d'exemple, mentionnons le surplus
d'efficacité qu'apporterait une meilleure collaboration entre les
inspecteurs de l'environnement du Québec et les inspecteurs municipaux
de l'environnement.
Conclusion: Tel que dit précédemment, au tout début
de ce document, nous ne pouvons qu'appuyer toute tentative ayant pour but
d'améliorer la qualité de la vie des Québécois et
nous en félicitons les auteurs. Toutefois, nous ne pouvons terminer ce
court exposé sans nous demander très sérieusement de
quelle façon le gouvernement va s'assurer le respect d'une telle loi. Il
n'est de mystère pour personne que la présente loi fait depuis
longtemps l'objet de grandes difficultés de contrôle et
d'application. Nous osons espérer que le ministère saura se
doter, dans les plus brefs délais, d'une équipe qualifiée
et des plus efficaces.
Bien qu'un effort de dépollution et de précaution de
celle-ci soit fort louable, mentionnons, en terminant, qu'un effort encore plus
grand devrait être entrepris afin d'éduquer la population sur les
sources et les problèmes de la pollution sous toutes ses formes. Un tel
effort, disons-nous, devrait être entrepris dans les plus brefs
délais et ce, pour le plus grand bien de la population
québécoise.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Grégoire.
M. le ministre.
M. Léger: M. le Président, je remercie M. le maire
et de son mémoire et de sa présence et aussi des efforts qu'il
fait pour sauver les gens de sa région et de sa municipalité en
présentant un vibrant plaidoyer avec un exemple aussi frappant que cette
carte.
M. le maire, je ne sais pas si vous pourriez nous donner un petit peu
d'explication sur votre carte. Est-ce que vous pouvez me dire quelle est la
grandeur du territoire couvert par cette carte? Combien de citoyens vivent dans
la région indiquée sur cette carte? Combien y a-t-il de
porcheries? Cela équivaut à combien de bêtes, tout
ça? Les couleurs vertes représentent, je présume, des
porcheries?
M. Grégoire (Lorenzo): Les couleurs vertes
représentent les porcheries; les ronds, c'est la zone d'influence de
senteur quand il n'y a aucun vent; la grosseur des ronds va selon l'importance
du nombre de têtes dans la construction; la langue qui continue, pour
ainsi dire, ce sont les vents dominants. C'est la direction des vents
dominants.
On a pensé que si quelqu'un voulait acheter un emplacement dans
les parages, en regardant la carte, il verrait où aller s'installer. (22
h 30)
M. Léger: II y a une constante dans les vents
dominants.
M. Grégoire (Lorenzo): La population de notre paroisse est
de 2000 personnes; on a environ 49 ou 50 milles de route. C'est un territoire,
j'imagine, de huit milles carrés je ne sais pas trop, on l'a
entendu dire, mais je ne l'ai pas exactement c'est une paroisse agricole
dans la force du mot, c'est facile à voir. On a beaucoup de demandes de
permis en cours et parmi les agriculteurs qui vivent de cela, il y a des
spécialistes, des gars qui sont industriels sur une grande
échelle et qui briment certains endroits où le producteur qui en
a besoin pour vivre est empêché d'avoir son permis étant
donnée l'affluence qu'il y a par le nombre de têtes.
Les étudiants ont fait le tour de la paroisse et ont
préparé un questionnaire dont nous avons transmis les grandes
lignes à M. le ministre de l'environnement, à M. le ministre de
l'Agriculture; on l'a envoyé à d'autres également,
à l'UPA, à certains autres ministres dont le nom m'échappe
ce n'est pas moi qui les ai mis à la poste et à qui
on a pensé que cela pourrait être utile. D'après moi, on ne
pouvait choisir un travail, pour les étudiants, plus important que
celui-là chez nous. Le but, comme je le disais tout à l'heure,
était de permettre de se connaître, de savoir si on en a trop
à certains endroits et je crois que ce travail a atteint son but.
Il y a encore du travail à faire pour convaincre tous les gens de
l'efficacité du travail parfois on trouve que cela est trop fort
mais je crois que c'est une recherche qui n'est pas terminée, il
faudra continuer à travailler sur cette carte pour, d'un
coup d'oeil, voir notre paroisse ou voir ce qu'on peut faire de plus et
où on peut faire d'autres constructions.
M. Léger: Vous n'avez pas dit combien cela
représentait de têtes de bêtes...
M. Grégoire (Lorenzo): D'après l'étude qui a
été faite cet été, il y a de 86 000 à 90 000
porcs; il y a 900 000 volailles; il y a entre 6000 et 7000 bêtes à
cornes.
M. Léger: Pour une population de 2000 personnes dans la
région.
M. Grégoire (Lorenzo): C'est cela. Le travail avait
été fait par un homme, l'hiver dernier, qui en était
arrivé à peu près à la même conclusion quant
au nombre de têtes. On disait toujours: On reste dans une paroisse
agricole, et si quelqu'un nous demandait: Combien avez-vous de porcs chez vous?
On ne le sait pas. Combien avez-vous de vaches? On ne le sait pas. On avait un
type qui travaillait pour Canada au travail, on lui a demandé de faire
un travail de recherche; il a été dans toutes les maisons, il a
eu la collaboration des gens. Dans le travail des étudiants, quatre
cultivateurs n'ont pas voulu répondre aux questions, donner le nombre de
têtes et dire la grandeur de terrain dont ils disposaient. D'après
le travail, à Saint-Bernard, actuellement, pour épandre les
engrais produits, il nous manque 4118.7 acres pour disposer du fumier qu'on a
chez nous.
Il semblerait que certains ont leur porcherie et n'en ont jamais
épandu.
M. Léger: Où ce fumier va, d'après vous?
M. Grégoire (Lorenzo): II va dans les cours d'eau; on a
des plaintes des producteurs laitiers voulant que leur lait perde sa bonne
qualité parce que les vaches sont obligées de boire dans les
cours d'eau; d'autres ont clôturé de chaque côté leur
fossé, ce qui est presque impensable pour des producteurs laitiers.
M. Léger: Est-ce que les producteurs de bovins qui voient
leurs vaches produire une qualité de lait inférieure se plaignent
de cette situation?
M. Grégoire (Lorenzo): II y a quelques plaintes
assermentées reçues par le contentieux depuis le printemps. Cela
prend du temps à se classer, à avoir des nouvelles de cela; on en
a un peu, mais c'est assez long. Il semble qu'il y a beaucoup de travail au
contentieux et à l'environnement, énormément.
M. Léger: Pourriez-vous dire que l'éleveur qui ne
vit pas sur sa ferme... Vous semblez dire dans votre mémoire, plusieurs
nous l'ont dit, il faudra peut-être poser la question, tantôt, aux
députés de l'Opposition quand vous aurez l'occasion de donner
votre opinion là-dessus... est-ce que vous pensez que le gouvernement
devrait ne donner des permis qu'à ceux qui vivent sur leur ferme ou si
un intégrateur ou un éleveur qui ne vivait pas sur sa ferme
devrait aussi avoir un permis tel que le propose le mémoire. Je vous
soumets cela. J'aimerais avoir l'opinion de l'Opposition là-dessus.
Dans votre mémoire, M. le maire, vous parlez du droit de tous
à l'eau et à l'air, aussi bien les citadins que les
villégiateurs que les ruraux qui vivent là d'une façon
permanente, vous dites que tous ont droit à l'eau et à l'air.
D'autres nous ont dit, à d'autres occasions, qu'à la campagne, il
faut s'attendre à des odeurs et que réclamer de l'air pur est de
l'utopie. Est-ce que vous pensez qu'en région rurale même
zonée agricole c'est normal qu'une vache sente la vache et qu'un porc
sente le porc?
M. Grégoire (Lorenzo): C'est peut-être normal, mais
il y a eu un manque de précaution de la part des éleveurs,
peut-être aussi d'information. Il y a quelques années, on avait eu
un mois de juillet où il n'avait pas plu du mois et où on a
étendu, par exemple, pendant une semaine, dans quinze à vingt
arpents de champs, une épaisseur énorme de fumier liquide. Il y a
des gens qui vont s'appliquer à étendre un voyage ou deux tous
les soirs. Imaginez-vous qu'ils empoisonnent quand ils sont du
côté du vent dominant et qu'il y a là des résidences
d'été ou le village, qu'il y a un manque de planification dans
leur travail. S'il y a des plaintes, c'est qu'on n'a pas pris les
précautions nécessaires. Il faudrait absolument les rappeler
à l'ordre, parce qu'il y a des gens dans des chalets. Celui qui a
écrit le mémoire, cela fait 18 ans qu'il est construit là,
mais il n'y avait pas alors la production qu'il y a aujourd'hui. Aujourd'hui,
il est un peu brimé. Ils sont prêts à en endurer, mais ils
voudraient qu'il y ait un peu d'ordre. D'autres en laissent tomber dans le
chemin énormément. On a eu des plaintes au sujet du chemin du
Roy. On l'a fait gratter un peu, mais il en reste plus qu'on en ramasse,
évidemment. Donc, il y a un peu de négligence de la part de
certains producteurs, ce qui fait qu'on va avoir des lois qui vont brimer les
vrais bons producteurs.
M. Léger: A quelle quantité de têtes
pourriez-vous définir que c'est un éleveur industriel? Est-ce que
vous pensez qu'avant de donner un permis à ceux qui le demandent, une
fois dépassé un certain nombre, un niveau où on jugerait
que c'est un éleveur industriel, que ce n'est pas nécessairement
un agriculteur, il devrait y avoir une étude d'impact ou même une
audience publique avant de donner un permis à des gens qui demandent un
permis pour une quantité qui dépasserait ce qu'on appelle le
niveau de l'agriculteur et qui deviendrait plutôt un niveau de producteur
industriel?
M. Grégoire (Lorenzo): Je reconnaîtrais
l'agriculteur comme étant un gars qui vit et qui fait vivre sa famille
de sa ferme et qui veut leur donner le confort dont ils ont besoin. Donc, avec
le coût de
la vie qui augmente, il faut qu'il soit capable d'augmenter sa
production. Quel nombre cela prend-il pour en vivre? Cela dépend des
périodes, du prix de la marchandise à vendre. Si c'est du porc,
à ce temps-ci, il vivrait peut-être pas avec un nombre excessif de
têtes, mais, en d'autre temps, cela lui en prend plusieurs. Quand est-ce
industriel? Cela dépend s'il fait son élevage, s'il a sa
maternité pour faire son élevage; s'il achète ses porcs,
cela va lui en prendre plus. Je ne voudrais pas m'aventurer à vous
donner des normes fixes dans ces choses, c'est peut-être un peu
dangereux.
M. Léger: Est-ce que 2000 porcs, c'est industriel,
d'après vous?
M. Grégoire (Lorenzo): On a plusieurs industries, si 2000
porcs, c'est industriel, parce qu'on en a plusieurs qui en ont 2000 chez
nous.
M. Léger: Est-ce que vous pensez que le promoteur devrait
être propriétaire du sol d'épan-dage?
M. Grégoire (Lorenzo): Pour chez nous, je dirais oui. On
n'a plus de place pour des gars qui ne sont pas propriétaires du sol et
qui ne restent pas à l'endroit ou sur une de ces fermes, nettement.
M. Léger: En gros, c'est tellement évident, ce que
vous dites là. Je vais laisser plutôt la chance aux
députés de l'Opposition de vous poser des questions et
peut-être me répondre, s'ils le désirent, s'ils pensent
qu'une personne devrait vivre sur sa terre pour avoir un permis.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président. Je me permettrai de
ne pas répondre à brûle-pourpoint à cette question
qui me paraît importante, notamment parce que mon collègue de
Maskinongé, qui a du domaine agricole une expérience que je n'ai
pas, a été obligé de s'absenter pour un bref moment.
M. le maire, votre mémoire est éloquent et votre carte
encore davantage. Je la soupçonne d'avoir été faite par un
Irlandais, le 17 mars. Vous soulevez, encore une fois, le problème qui
me paraît important et je m'adresse autant au ministre qu'à vous
même. Je profite de cette présentation visuelle très
éloquente pour souligner que nous avons, depuis quelques années,
l'habitude de penser à un lac, par exemple, en termes de la population
qu'il peut supporter, du nombre de maisons ou de chalets, du nombre de
visiteurs, du nombre d'embarcations motirisées, et le reste.
Je me demande si l'on ne doit pas penser dans les mêmes termes en
ce qui concerne une région agricole. Il y a sûrement une
capacité quelconque qui peut être déterminée. Il y a
plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte, comme vous les avez
soulignés, M. le maire. Vous avez exprimé le voeu que le
règlement soit plus précis sur la question des vents dominants.
Là aussi, votre carte indique l'influence des vents dominants sur la
qualité de vie des gens qui habitent votre coin.
Aux Etats-Unis, on entend parler de l'Etat du Vermont comme étant
celui et le seul où il y a plus de vaches que d'être humains.
Aujourd'hui, nous avons eu au moins deux démonstrations d'une situation,
au Québec, où le nombre de têtes de bêtes
dépasse de beaucoup la population. Là aussi, il y a
peut-être un rapport mathématique, assorti de certaines autres
considérations, que nous pourrions établir.
M. le Président, je ne voudrais pas que le maire soit
offusqué si je ne pose pas de questions. J'ai trouvé que sa
présentation a été extrêmement claire et
extrêmement utile. Je voudrais l'en remercier.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le maire, pourriez-vous nous indiquer dans quelle
direction sont situés vos chalets?
M. Grégoire (Lorenzo): Le point droit, en haut. C'est la
rivière Chaudière, les chalets ne sont pas indiqués.
M. Cordeau: Je sais, mais...
M. Grégoire (Lorenzo): Sur le bord de la rivière
Chaudière.
M. Cordeau: ... à peu près, en bas, en haut, je ne
sais pas.
Comme c'est là, ce n'est pas dans le centre, c'est certain.
M. Grégoire (Lorenzo): Non...
M. Cordeau: Ils sont dans les vents dominants.
M. Grégoire (Lorenzo): C'est ça.
M. Cordeau: M. le ministre, M. le maire a un problème de
manque de terre pour l'épandage du fumier. Je pense qu'il manque
d'étendue... Pour avoir un contrôle sur les autorisations
d'épandage, étant donné que vous vous servez d'un
ordinateur et que le cultivateur doit donner son numéro de lot lorsqu'il
donne son autorisation, il serait peut-être bon de contrôler
l'autorisation par les numéros de lots. Alors, à ce
moment-là, vous décèleriez que le même cultivateur a
peut-être donné dix ou quinze autorisations à un moment
donné. Ce serait peut-être une façon de contrôler les
autorisations, surtout dans des paroisses où on semble manquer
d'espace.
M. Grégoire (Lorenzo): Cela a été
constaté par l'étude. Même, il y a des...
M. Cordeau: Actuellement, visuellement, il n'y a pas un
inspecteur qui est capable, si vous n'avez pas un contrôle
"ordiné", il n'y a pas de possibilité.
M. Léger: Ni "ordiné", ni ordinaire.
M. Cordeau: C'est un contrôle "ordiné".
M. Léger: Avant de répondre à la question du
député de Saint-Hyacinthe, j'aimerais qu'il réponde
à ma question.
M. Cordeau: Je suis prêt. Ce n'est pas
nécessairement parce que le père peut être
propriétaire de la ferme et son garçon rester à la maison
paternelle, parce qu'il va s'occuper de la ferme et lui, il peut aller rester
au village. C'est tout de suite un exemple où le propriétaire de
l'exploitation ne doit pas nécessairement demeurer sur la ferme, parce
qu'il peut y avoir son fils ou quelque chose comme ça; mais lui, aller
demeurer ailleurs tout en restant propriétaire de la ferme. (22 h
45)
M. Léger: Est-ce que cela veut dire que s'il n'y a pas de
relation de famille père-fils, de parenté directe, la question se
pose autrement? Est-ce qu'on devrait ne pas donner de permis à des gens
qui ne vivent pas sur la terre? Autrement dit, les gens qui ne vivent pas les
inconvénients, mais qui retirent un profit en causant des
inconvénients à tous les gens qui vivent autour?
M. Cordeau: Etant donné que nous allons avoir d'autres
mémoires de la part de gens bien intéressés, on va
certainement entendre d'autres sons de cloche. J'aimerais réserver ma
décision après avoir entendu tous les mémoires.
M. Léger: Je reviendrai avec ma question plus tard.
M. Cordeau: Certainement. M. le maire, est-ce que tous les
chalets qui sont sur le bord de la rivière Chaudière ont des
fosses septiques?
M. Grégoire (Lorenzo): Je ne le crois pas.
M. Cordeau: Cela pollue aussi.
M. Grégoire (Lorenzo): Je ne le crois pas.
M. Cordeau: Bien sûr, c'est une partie de la pollution.
C'est minime, si vous voulez, mais je pense qu'à un moment donné,
pour la dépollution des fermes, il va falloir que les résidences
se plient à certaines normes, autant les producteurs agricoles que les
gens des résidences privées.
M. Grégoire (Lorenzo): Je suis d'accord. C'est normal.
M. Cordeau: Je vous félicite, M. le maire, de
l'intérêt que vous portez à vos concitoyens et
espérons qu'avec le temps les choses s'améliorent.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-François.
M. Cordeau: II y a autre chose. Je voudrais rassurer M. le maire.
Tantôt, il a fait allusion au contentieux. Il peut être
assuré que ses paroles ne sont pas tombées dans des oreilles de
sourds ce soir.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-François.
M. Rancourt: Merci, M. le Président. M. le maire,
j'aimerais savoir, pour mon propre éclairage, étant donné
que je ne connais pas votre municipalité, si votre municipalité
possède un réseau d'égouts et d'aqueduc.
M. Grégoire (Lorenzo): Oui.
M. Rancourt: Est-ce qu'il est construit d'une façon
linéaire ou autrement?
M. Grégoire (Lorenzo): Passablement linéaire.
M. Rancourt: Ceci veut dire, si je ne m'abuse, qu'en
étendant votre réseau d'aqueduc, automatiquement, vous rejoignez
la plupart des producteurs agricoles de votre région, c'est plus facile.
Vous n'augmentez pas de densité, vous allez en étendue, tout
simplement. Est-ce exact?
M. Grégoire (Lorenzo): La longueur du réseau est
d'au moins un mille, comme la longueur de la rue principale. Cela ne va pas
tellement loin de chaque côté, parce que le territoire du village
est de 300 pieds de chaque côté.
M. Rancourt: Ceci veut dire, dans ce cas-là,
qu'automatiquement, vous êtes sûr qu'il y a des fermes qui ne sont
pas très éloignées de votre réseau d'aqueduc.
M. Grégoire (Lorenzo): Il y a des fermes qui n'en sont pas
très éloignées, sûrement.
M. Rancourt: D'accord. Deuxièmement, lorsque vous
émettez un permis de construction... comme municipalité, vous
émettez des permis de construction, j'imagine? C'est normal.
M. Grégoire (Lorenzo): C'est cela.
M. Rancourt: Est-ce que vous avisez les gens qu'ils sont dans un
secteur où il y a production agricole?
M. Grégoire (Lorenzo): Oui. Dans notre règlement,
on a même prévu qu'il ne devait pas se former
d'agglomération. Ceux qui sont déjà en place, il faut
travailler avec, mais pour les nouvelles constructions, on ne veut pas donner
de permis qui vont faire des agglomérations de trois maisons et plus,
sur des distances...
M. Rancourt: Je comprends mal, M. le maire. Si votre
réseau d'aqueduc a un mille de long et
que vous donnez des permis de construction le long de votre
réseau d'aqueduc, au minimum, cela fait que vous faites une
agglomération linéaire.
M. Grégoire (Lorenzo): Oui. On a réparti le
territoire en zone industrielle et en zone résidentielle. La zone
résidentielle est plus longue, elle déborde les limites du
village. Il y a une route qui sort du village, qui a un mille de long, qui
était au tiers construite, peut-être un peu plus.
M. Rancourt: Donc, pour vous, c'est tout à fait normal que
les gens se construisent le long d'une route, n'importe où.
M. Grégoire (Lorenzo): Dans le temps, on n'avait pas de
plan, quand cela a commencé. Cela a commencé au bout de la route,
on s'est construit en s'en allant, de chaque côté, et on est pris
avec le problème. Cela a été déclaré zone
résidentielle. Du côté des vents dominants, il y a 2000
pieds où on ne doit pas construire de porcherie à l'avenir. Du
côté des vents non dominants, on a gardé 1000 pieds.
M. Rancourt: D'accord, je reviendrai sur d'autres questions.
Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: Je vous félicite pour votre mémoire,
c'est appréciable. Il y a une question que je voudrais vous poser. Vous
avez des endroits qui sont identifiés, sur votre plan, en vert, et, si
je ne m'abuse, je vois aussi du jaune.
M. Grégoire (Lorenzo): Le jaune, c est les volailles.
M. Lavigne: C'est les volailles! Ah bon! Je ne voudrais pas ici
donner la bénédiction à tous les agriculteurs qui polluent
plus ou moins. C'est bien sûr qu'il y a deux types d'agriculteurs. Je
pense qu'on possède encore au Québec plusieurs fermes dites
entreprises familiales et viennent se greffer ou s'ajouter dans les milieux
agricoles du Québec des exploitations dites plutôt industrielles,
à grand déploiement. C'est sûr que si, effectivement, il y
a de ces cultivateurs qui vont déverser du purin à plein camion
dans les rivières, je ne suis pas prêt à leur donner la
bénédiction. C'est bien évident.
Par contre, si j'étais un producteur moyen avec une ferme
familiale, je m'inquiéterais un peu du fait suivant: Les gros
producteurs, les industriels, risquent de sensibiliser la population à
un tel point qu'on en vienne à des règlements
sévères qui puniraient peut-être... Finalement le petit
paierait pour le gros, ou celui qui fait moins de dommage paierait pour celui
qui en fait beaucoup plus.
Dans toutes les revendications qui sont faites par les gens qui
demeurent dans les chalets d'été, on a souvent dit que lorsqu'on
va à la campagne, l'air pur, même si cela sent un peu le fumier,
c'est de santé. Par contre, il ne faut pas en abuser non plus. Est-ce
que ces gens sont conscients aussi que lorsqu'ils quittent leur chalet
d'été pour s'en aller demeurer en ville, à
Montréal, etc, il y a un "smog", continuellement, à longueur
d'année, et chaque jour, dans les bulletins de nouvelles, on parle de la
mesure qu'il ne faut pas dépasser au niveau de la pollution de
l'air?
Je suis un peu pris en sandwich et un peu inquiet pour l'agriculteur,
parce qu'il y a énormément de revendications qui sont faites
présentement; je suis d'accord qu'on intervienne, bien sûr, au
niveau de la dépollution de l'air et de l'eau et de toutes les
dépollutions.
Quant on pense aussi aux gens qui vont près des lacs,
l'été, est-ce que ces gens pensent à la pollution qu'ils
font avec les embarcations motorisées? Le député de
Saint-Hyacinthe soulignait tout à I heure qu'il y a beaucoup de ces
chalets dont les égouts se déversent directement dans les lacs et
les rivières. Est-ce qu'ils sont sensibles aux canettes de bière
qu'ils jettent quand ils vont à la pêche ou à la chasse? Je
pense qu'avant de critiquer, finalement... Je dis qu'une critique constructive
a toujours sa place, mais il faudrait aussi que chacun de ceux qui critiquent
se regarde et voit à quel point, lui aussi, est impliqué dans la
dépollution ou l'environnement. Un mal, bien sûr, n'enraye pas
nécessairement l'autre, mais je dis que I agriculteur, ce n'est pas un
luxe, c'est nécessaire; on doit le protéger jusqu'à un
certain point.
Il y aurait une question que j'aimerais vous poser pour terminer. Est-ce
qu'on ne serait pas mieux, plutôt que de dépailler ou d'agrandir
le territoire en ce qui a trait à l'élevage du porc... On dit
déconcentrer parce que, au moment où ce sont de grosses
industries, cela pue davantage autour et si on met une infinité de
petites industries éparses sur le territoire agricole, est-ce qu'il n'y
aura pas plus de gens, finalement, qui vont sentir? S'il y a une
agglomération, une concentration, les touristes ou les gens de
villégiature s'en éloigneront et laisseront produire dans des
coins bien spécifiques, les porcs, et s'en iront ailleurs sur le
territoire du Québec, à d'autres places, pour passer
l'été. C'est une question que je me pose et je ne sais pas si
vous, vous avez une réponse.
M. Grégoire (Lorenzo): Je ne crois pas que les gens qui
ont un chalet et il y en a depuis quarante ans qui sont installés
là veuillent arrêter la production agricole; il faut avoir
un peu d'ordre. Quand ils arrivaient au mois de juillet, encore une fois, et
qu'ils disaient: cette semaine, trois ou quatre cultivateurs épandent,
ce n'est pas gai! J allais, un jour ou l'autre, au bureau, à
Lévis, où je vais de temps en temps. J'ai dit: Ne venez pas chez
nous de ce temps-là. Cette nuit, en me tournant de bord, il sortait de
la poussière de dessous les couvertures; tu ne pouvais pas dormir,
c'était suffocant dans la maison; cela ne pouvait pas sortir,
c'était pire dans la maison que dehors et tu ne pouvais pas dormir
dehors, ce n'est pas la place, on n'est pas habitué à cela! C est
qu'il y a
eu des abus à des temps; en contrôlant le temps,
probablement que cela va contrôler bien des choses. Si c'est pour avoir
de l'ordre, je pense que le règlement qui s'en vient, s'il tient un peu
à l'ordre, qu'on l'applique et que les municipalités aident
l'environnement, l'environnement aide la municipalité, ensemble, on va
faire quelque chose qui aura de l'allure et on pourra continuer à
vivre.
Le Président (M. Boucher): Je regrette, M. le
député d'Iberville.
M. Beauséjour: C'est une petite question qui
découle seulement de...
Le Président (M. Boucher): Je vous ferai remarquer qu'il
reste deux mémoires à entendre, et, qu'après minuit, on
n'a pas le droit de siéger.
M. Grégoire (Lorenzo): Ah non!
Le Président (M. Boucher): II faudrait quand même
donner la chance aux autres qui attendent depuis ce matin de se faire entendre.
Je regrette, le temps est épuisé pour ce mémoire. M.
Grégoire, je vous remercie au nom de tous les membres de la
commission.
M. Grégoire (Lorenzo): Je vous remercie, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Vous reviendrez, M. le
député d'Iberville.
M. Cordeau: ... des autres.
Le Président (M. Boucher): J'appelle maintenant M.
Jean-Paul Lasnier.
M. Cordeau: Un homme patient.
M. Jean-Paul Lasnier
M. Lasnier (Jean-Paul): M. le Président, M. le ministre,
MM. les législateurs, c'est assez difficile, après la
journée que j'ai vécue ici aujourd'hui, de m'identifier comme
agriculteur, mais vous connaissez les agriculteurs du Québec, ce sont
des gens persévérants. Je n'ai aucune hésitation à
me présenter comme agriculteur qui a, de plus, su inculquer à sa
famille ses onze enfants la volonté de s'impliquer
directement en agriculture.
N'eût été la générosité que
vous nous avez faite, il y a quelques instants, de ne pas nous renvoyer
bredouilles après une journée d'attente, vers dix heures, quand
on m'a averti que je devais m'en aller, j'ai presque eu envie de vous dire: Mes
amis, on va lâcher l'agriculture. Tous ces gens qui ont parlé
aujourd'hui mangeront ce qui pollue, pensent-ils, nos cours d'eau. Quand ils en
auront mangé assez, ils penseront que les agriculteurs devront avoir une
place de choix dans une société bien organisée.
J'ai l'impression très nette qu'on n'a pas fait, aujourd'hui,
seulement la part des agriculteurs du
Québec. Je reviens à mon mémoire, qui est
très court. M. le ministre, je dois vous féliciter d'avoir le
désir d'améliorer la qualité de l'environnement. Je crois
que le temps est révolu où un individu, cultivateur par
surcroît, ou un gouvernement pouvait faire n'importe quoi. Par exemple,
un éleveur qui se débarrasse de son fumier en le déversant
dans un cours d'eau, cela s'est vu; un ministère qui détruit des
fermes, des boisés, des cours d'eau, etc., sous n'importe quel
prétexte. M. le ministre, je crois que ce temps est révolu sous
votre gouvernement et je vous en félicite.
Ceci dit, M. le ministre, vous ne devez pas verser dans un excès
contraire. A mon point de vue et la journée d'aujord'hui le
confirme votre projet de loi a pour but de protéger le citadin
qui veut avoir le droit de se dépolluer en sortant des grands centres
urbains. Là, il y en a de la pollution! Vouloir imposer aux ruraux une
protection de l'air qu'on ne rencontre nulle part ailleurs frise l'utopie!
Certains articles de vos règlements doivent être
biffés. Une loi de zonage des terres agricoles doit
précéder plusieurs autres articles de votre projet de loi. Dans
vos règlements, vous parlez d'agglomération et vous faites une
distinction entre une habitation occupée par un producteur agricole et
une autre occupée par un producteur non agricole. Pourquoi un citadin
aurait-il droit à plus de confort que nos producteurs agricoles qui se
spécialisent dans tout autre chose que l'élevage au
Québec? C'est vouloir faire des producteurs agricoles une classe de gens
inférieurs.
Etre producteurs agricoles dans nos milieux ruraux depuis cinq ou six
générations et être soumis à des législations
semblables n'est pas acceptable. Que votre projet de loi fixe un minimun et des
maximuns de qualité de l'air et de l'eau, j'en suis, mais que votre
projet de loi vienne me dire quand et quelle quantité de fumier je dois
utiliser à ma ferme, ces directives devraient venir des agronomes du
ministère de l'Agriculture qui sont spécialistes en ce domaine.
(23 heures)
La première étape devrait être franchie par votre
collègue, M. Garon, qui se doit de rendre publique la valeur des fumiers
de ferme. Pendant plusieurs années, les ministères de
l'Agriculture ou le ministère de l'Agriculture et les ministres qui se
sont succédé ont subventionné l'emploi d'engrais chimiques
qui ont été fréquemment plus néfastes à
l'environnement que le fumier de ferme. Les expériences concernant
l'entreposage et la disposition du fumier de porc que nous effectuons à
nos fermes, mes fils et moi, nous prouvent que vos critères seront
dépassés dans un an ou deux.
Nous avons aussi l'intention, si possible, de réduire de la
moitié ou du tiers nos achats d'engrais chimiques, qui sont
présentement de l'ordre de $35 000 annuellement, en utilisant au maximum
le fumier de porc à la condition que vos exigences ne nous obligent pas
à déplacer nos fermes ou à déplacer le village. Si
nous apprenions à conserver nos richesses, notre situation
économique se porterait beaucoup mieux. Le
fumier de ferme constitue une de nos richesses.
M. le ministre, j'espère que vous direz oui à mes
doléances. Comme vous le disiez à Richelieu, l'autre jour: dans
les années à venir, le oui va avoir beaucoup plus d'importance
que le non. Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lasnier. M. le
ministre.
M. Léger: M. Lasnier, je vous remercie de votre
mémoire et de votre patience. Je tiens à vous dire que les jours
vont se suivre, mais ne se ressembleront peut-être pas, puisque, une
autre journée, ce seront beaucoup plus les producteurs qui vont
s'exprimer, alors qu'aujourd'hui il y avait beaucoup plus de gens qui
manifestaient leur opposition aux conséquences, provenant, justement,
d'une mauvaise gestion des fumiers.
Je veux d'abord vous féliciter pour l'intention que vous
mentionnez dans votre lettre de réduire, si possible, de la
moitié ou du tiers vos achats d'engrais chimique qui représentent
au-delà de $35 000. Je pense que si vous êtes un producteur de
porcs, vous avez certainement ce qu'il faut pour les remplacer. Je voudrais
quand même, pour ne pas prolonger le débat, étant
donné que votre explication était assez éloquente, vous
poser seulement deux petites questions. La première, c'est que vous
sembliez dire, à un moment donné, qu'à la campagne, en
milieu rural, protéger la qualité de l'air et de l'eau serait une
chose qui ne serait qu'une préoccupation pour aider le citadin. Est-ce
que vous n'évaluez pas qu'à part les producteurs et à part
les citadins, il y a une clientèle résidente, à plein
temps, qui est importante en milieu rural et qui aurait besoin, aussi,
d'être protégée?
M. Lasnier: Je dois expliquer mon point de vue, M. le ministre.
Je crois sincèrement... D'ailleurs, pour éclaircir la discussion,
nous ne sommes pas des éleveurs. Chez nous, nous sommes des producteurs
de maïs en grains et l'utilisation qu'on veut faire, c'est justement
d'acheter les résidus de nos collègues, de nos amis en
agriculture, parce qu'on voit, d'un côté, un montant important
dans nos dépenses annuelles d'engrais chimique, et de l'autre
côté, on voit nos voisins qui polluent les cours d'eau. C'est une
situation intenable.
C'est ce que je vous dis quand vous me posez la question. Croyez-vous
que dans nos milieux ruraux, on n'a pas le nez assez fin pour savoir quand cela
pue ou quand ça ne pue pas. Si vous avez des normes à
établir vis-à-vis de la société, elles doivent
être établies en fonction de nos cultivateurs, mais les
cultivateurs doivent avoir la même protection qu'un citadin. C'est
impensable qu'un agriculteur qui possède une serre et qui cultive des
fleurs soit obligé, par votre loi, d'accepter des inconvénients
de son voisin quand son ami qui n'est pas un producteur agricole a des
avantages. Je vous dis que si vous avez constaté qu'un producteur
agricole pollue l'environnement à un tel point qu'il peut nuire à
son voisin, arrêtez-le, qu'il soit producteur agricole ou non.
On ne doit pas faire discernement, en disant que, si vous êtes
producteur agricole dans d'autres domaines que l'élevage du porc, vous
devez sentir votre voisin et que, les agglomérations où il n'y a
pas de producteurs agricoles, elles, on va les protéger.
A ce point de vue-là, M. le ministre, je suis prêt à
combattre votre projet de loi, parce qu'il serait discriminatoire pour la
classe agricole. La désertion de nos jeunes vis-à-vis de
l'engagement agricole aujourd'hui mérite plus que cela... Nos jeunes qui
veulent s'intégrer en agriculture méritent une loi aussi
restrictive pour eux que pour les autres habitants qui ne sont pas producteurs
agricoles...
M. Léger: Je suis bien d'accord avec vous; vous avez un
bon point, là. D'ailleurs, vous reconnaissez aussi, un peu plus loin
dans votre mémoire, la valeur fertilisante du fumier et je trouve
excellent que vous mentionniez que c'est une richesse et qu'elle ne doit pas
aller dans les cours d'eau, mais qu'elle doit être utilisée
à l'endroit où elle peut rapporter le plus aux agriculteurs,
c'est-à-dire comme matière fertilisante.
Juste pour terminer, vous avez fait allusion à des
expériences que vous faites avec vos fils. Est-ce que vous pouvez me
donner autre chose que ce que vous m'avez dit déjà ou est-ce que
vous avez d'autres exemples d'expériences concernant les
problèmes que vous voulez éviter pour les cours d'eau?
M. Lasnier: C'est évident que les recherches que nous
faisons actuellement vont minimiser énormément l'importance de la
pollution. Les champs d'épuration sur une ferme, qui pourraient
constituer le fumier liquide en fumier solide, seraient un grand pas vers le
progrès. Quand vous dites aux agriculteurs qu'ils polluent les cours
d'eau, ces affirmations-là sont bien vraies, mais vous proposez dans
votre réglementation d'obliger l'épandage des fumiers de ferme
à des périodes où le terrain est saturé d'eau. Cela
aurait pour conséquence de ne pas faire pénétrer le fumier
et, au moindre petit orage, on polluerait nos cours d'eau. La période la
plus propice pour le sol à recevoir l'engrais de ferme à son
état naturel, c'est justement la période où le sol est le
plus sec, où la culture est la plus intense, pour protéger...
Vos règlements viennent en contradiction avec des faits; vous
obligez l'agriculteur, par votre règlement, en fixant des dates qui ne
sont pas propices à la pénétration du purin dans le sol,
à un lavage qui va polluer les cours d'eau. De par vos
règlements, vous allez à l'encontre de l'objectif de la Loi sur
l'environnement. C'est là-dessus que je dis que vous devriez, en tant
que ministère de l'environnement, limiter vos critères et laisser
au ministre de l'Agriculture le choix de diriger les agriculteurs aux
périodes les plus propices pour l'utilisation des fumiers.
M. Léger: Si vous remarquez bien, dans le
règlement, cela concerne l'épandage à des moments propices
ou à des dates limites, pour le fumier liquide et ceci, à une
distance de 300 mètres d'une prochaine maison. Mais dans le cas que vous
venez de mentionner, vous en avez fait avec du fumier solide. A ce
moment-là, il n'y a pas de problème de date d'épandage,
puisque la date limite ou la période non permise pour l'épandage
concerne le fumier liquide à une distance de 300 mètres.
Est-ce que vous jugez qu'un fumier liquide pourrait être
acceptable si on l'épandait à moins de 300 mètres d'une
maison?
M. Lasnier: C'est évident que d'aller trop près des
demeures, c'est un inconvénient. Il y a des procédés
d'enfouissement, aujourd'hui, au moment de l'épandage. On pourra, en
discutant et en appliquant des règlements avec des autorités du
ministère de l'Agriculture, trouver des solutions. Mais je crois qu'il
serait un peu prématuré, par votre loi, d'y aller
carrément à ce stage-ci. J'ai reçu, le lendemain de mon
mémoire, justement, et je pourrais vous le fournir au dossier
un feuillet du ministère de l'Agriculture qui parle encore de
subventions pour les engrais chimiques. Au point de vue recherche, au point de
vue publicité, notre ministère de l'Agriculture a toujours
attaché beaucoup plus d'importance à favoriser la vente d'engrais
chimiques que celle d'engrais de ferme.
Par votre projet de loi, vous avez sensibilisé les producteurs
agricoles et je suis heureux de participer... Je suis convaincu que dans notre
région, l'élevage de porcs se fait sur une échelle
intensive. J'ai des voisins qui ont 4000 porcs et j'en ai d'autres un peu plus
loin qui en ont 10 000. Le problème est facile à solutionner en
impliquant, par des lois compréhensives et non pas trop rigides et des
lois qui seront à la mesure du besoin... Quand vous nous dites, M. le
ministre, que vous nous empêchez de conserver notre fumier de ferme plus
d'un an, je vous dirais, à titre d'expérience agricole, que le
fumier c'est comme le bon vin, après trois ou quatre ans, c'est à
ce moment-là qu'il ne sent plus du tout.
Vous nous le faites étendre à une période où
la fermentation est la plus intense et que ça pue le plus. Vous nous
obligez à le faire.
M. Léger: Pensez-vous qu'il y a encore des fertilisants,
dans ce fumier, après trois ou quatre ans?
M. Lasnier: C'est évident!
M. Léger: Ce matin, certaines autres personnes semblaient
nous dire que cela s'évaporait.
M. Cordeau: Pas le fumier d'ici.
M. Lasnier: Ecoutez! Il y a une certaine partie du fumier qui va
s'évaporer dans des conditions d'épandage à ciel ouvert,
soumises à l'action du soleil. Si vous accumulez un tas de fumier
en bon cultivateur, en bon québécois quand il est bien
pourri, après trois ou quatre ans, je vous dis que cela fait pousser de
bonnes patates et j'ai déjà dit à un de vos
collègues: Mangez un peu plus de produits agricoles, produits avec de
l'engrais naturel, et vous allez avoir plus de couleurs dans le visage que vous
n'en avez avec des engrais chimiques.
M. Léger: Quand même, vous avez dû remarquer
qu'il n'y a pas de restriction, pour l'épandage enfoui, au niveau des
distances. Est-ce que cela ne répond pas un peu à la
préoccupation que vous aviez?
M. Lasnier: Au point de vue des distances, non, mais au point de
vue des quantités... Si on a besoin d'une quantité d'azote
donnée pour produire un arpent de maïs en grains dont on veut
atteindre un rendement de trois à quatre tonnes l'acre, il nous faut
inclure dans le sol une quantité d'azote et d'engrais convenables
à ce que la plante peut absorber.
Mais si, par l'épandage restreint, vous nous obligez à
faire deux opérations, une en fumier et l'autre en engrais chimique,
cela doublera le coût d'opération. Je ne peux pas concevoir, quand
on peut remplacer les engrais chimiques par les engrais naturels, qu'on doive
être limité dans la quantité des engrais naturels et qu'on
ne le soit pas dans les engrais chimiques. Là, je me perds en
conjectures.
M. Léger: Vous avez quand même remarqué, au
cours de la journée, que nous avons répété
plusieurs fois que l'article 48 permettait, justement, de s'adapter à la
condition du sol. Même si le règlement est plus
sévère, si un sol particulier est capable d'absorber d'une
façon plus intense que ne le permet la règle, et qu'un agronome
spécialisé émet un certificat, la personne pourra
dépasser les normes du règlement. Ne pensez-vous pas que c'est
une bonne mesure d'assurance pour s'adapter localement? Ne pensez-vous pas que
cette norme n'est pas absolument irréductible partout? (23 h 15)
M. Lasnier: A ce point de vue-là, M. le ministre, je n'en
ferais pas un obstacle extraordinaire.
Je crois qu'un cultivateur qui investit en fosses pour entreposage, de
$15 000 à $20 000 et qui a de 500 à 600 acres de maïs en
grains, ce cultivateur n'est certainement pas un cultivateur qui est
intéressé à ouvrir son puisard pour en envoyer le contenu
dans le cours d'eau. Le problème actuel c'est que le ministre de
l'Agriculture doit faire de la publicité pour l'utilisation des fumiers;
en agriculture, cela doit être utilisé par le producteur. Cela ne
doit pas être le problème de l'éleveur de porcs; on l'a
résolu chez nous, dans notre région. L'éleveur de porcs
paie aux agriculteurs $0.75 par tête de porc pour se débarrasser
de son fumier en le vendant aux producteurs
agricoles. Là est la solution. L'éleveur, c'est un
embarras pour lui, mais le jour où cela deviendra la
propriété du producteur, ce ne sera plus un embarras, ce sera une
économie de plusieurs milliers de dollars en agriculture qui
dépendra d'une politique ordonnée et vulgarisée.
M. Léger: Je suis bien d'accord avec vous, je vous
remercie de votre intervention.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président. M. Lasnier, à
mon tour je voudrais vous remercier très sincèrement de votre
patience et vous féliciter de votre franc-parler. Vous nous avez dit ce
que vous avez vécu, ce que vous vivez quotidiennement. Souvent ce
n'est pas une critique désobligeante que je fais à l'endroit de
qui que ce soit quand on prépare un projet de loi ou de
règlement, on a une tendance à le faire sur le plan
théorique et à ne pas penser suffisamment à consulter ceux
qui vivent au jour le jour l'application de ces mesures et qui sont donc
capables de dire: Cela paraît être une bonne chose, cela
paraît être une chose utile et respectueuse de la protection de
l'environnement, mais vous qui n'avez pas vécu cela comme je l'ai
vécu, vous n'êtes pas en mesure de comprendre que l'application
n'est pas si simple que cela et qu'il y a d'autres problèmes auxquels
vous n'avez pas pensé. C'est essentiellement ce que vous nous avez dit
et je vous en remercie.
Je ne voudrais pas vous retenir longtemps parce que je sais que vous
voulez retourner à Sainte-Brigitte-d'Iberville ce soir et je vous prie
de conduire prudemment parce qu'il commence à se faire tard. Je me
limite à une question qui est un peu générale. Il est
évident que si la classe agricole est méfiante devant ce genre de
projet de règlement, il y a un facteur qui saute aux yeux, c'est le
facteur coût. Vous avez indiqué, sans le dire en autant de mots,
que l'application de ces mesures pourrait coûter cher aux agriculteurs et
pourrait faire la différence entre la rentabilité et la
non-rentabilité d'une exploitation agricole. Cela pourrait alors
affecter l'intérêt que pourraient avoir des fils comme les
vôtres, et des filles, à poursuivre une carrière dans
l'agriculture, dans l'avenir, au détriment du bien commun de nous
tous.
Vous avez souligné des points pratiques. Vous avez
échangé avec le ministre, des propos sur la conservation du
fumier. Le ministre propose une limite de temps et vous dites: Ce n'est pas
réaliste, il serait plus logique de permettre qu'on le conserve plus
longtemps. Vous avez échangé avec lui des propos sur la
période de l'année qui peut être propice à
l'épandage. Vous avez aussi mis le doigt sur un problème qui me
frappe personnellement depuis plusieurs années, c'est que les politiques
économiques du gouvernement, les politiques de subventions du
gouvernement ont leur influence sur le comportement des citoyens. S'il y a une
subvention importante pour l'engrais chimique et s'il n'y en a pas pour
l'engrais naturel, il n'y a pas d'incitation à chercher à
remplacer l'engrais chimique par l'engrais naturel.
Alors, je voudrais vous demander, à la fin de tout cela,
d'indiquer si vous avez remarqué, dans le projet de règlement,
d'autres problèmes pratiques comme ceux que vous avez soulignés,
qui devraient nous inspirer une certaine prudence et peut-être une
révision de certains éléments du règlement.
Avez-vous remarqué d'autres problèmes pratiques dont vous croyez
que nous devrions prendre connaissance?
M. Lasnier: M. le député, je crois
sincèrement que, le jour où on aura rendu publics les avantages
de l'utilisation du fumier naturel sous toutes ses formes et qu'on aura
augmenté, pas diminué, le nombre de nos agriculteurs... Vous
connaissez le problème de l'horticulture, on ne produit que 6% de notre
consommation. Le jour où on aura atteint l'autosuffisance pour les
besoins québécois, on va manquer d'engrais naturel.
Il y a un autre problème important qu'on doit toucher, que nos
cultivateurs ont touché cet après-midi. Vous avez dans notre
région, et surtout plus près de Montréal, le
décapage des terres, parce que les gens ont besoin de "top soil",
excusez-moi l'expression, mais le fumier de ferme, mélangé avec
du terreau, de la terre noire et du sable, serait justement
l'élément qui compenserait le marché de construction de
parterres et de jardins dans nos milieux urbains. Le jour où on pensera
de l'utiliser à des fins économiques, on n'aura pas trop de
fumier, on va en manquer énormément. C'est mon point de vue, M.
le député.
M. Goldbloom: Merci, M. Lasnier, et je vous félicite
encore une fois pour votre mémoire.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. A mon tour, M.
Lasnier, je tiens à vous féliciter, vous et votre famille, pour
l'excellent travail que vous accomplissez. Je crois qu'on peut vous
considérer comme une vraie famille terrienne. Je vous remercie pour
votre franc parler et pour les recommandations pratiques que vous nous avez
faites.
Dans votre mémoire, on lit que certains articles devraient
être biffés. Je ne sais pas si vous vous souvenez des articles
auxquels vous faites allusion; si vous les avez en mémoire, vous
pourriez nous les donner sommairement.
M. Lasnier: J'en ai donné quelques-uns tout à
l'heure: si on fait de l'horticulture, il faut épandre le fumier au mois
de juillet, mais il y en a un autre d'importance extraordinaire. Vous avez ici
des représentants, je vous en félicite, de votre
ministère.
Vous avez des distances absolument aberrantes. J'ai construit, pour
recevoir le fumier de porc d'un producteur agricole pour nos fermes, une fosse
de dimension telle qu'on soit capable de
l'accumuler pendant un an. Le producteur de maïs-grains doit mener
le plus vite possible au printemps pour être capable de récolter
l'automne. Cette production nous permet l'épandage de fumier à ce
temps-ci, au moment des récoltes et, pour arriver à accumuler une
réserve de fumier de cette importance, cela prend une quantité de
pieds cubes extraordinaires. Vous exigez jusqu'à deux milles et demi du
village, sans même tenir compte des vents dominants. Bien, imaginez-vous!
Voulez-vous qu'il s'en aille dans le cours d'eau ou est-ce que vous voulez
qu'on le récupère, le fumier? Prenez un peu vos distances! Quand
personne n'est incommodé en plein milieu d'un boisé qui est
à un mille et demi d'un village, en sens contraire des vents dominants,
la seule personne qui se plaint, c'est votre projet de règlement qui,
à mon sens, est absolument contraire aux besoins d'une région,
parce que ce n'est certainement pas au moment de l'accumulation dans une fosse
que cela sent énormément, c'est au moment de l'épandage.
Au moment de l'épandage, quand on aura conservé ou
appliqué les solutions que nous avons dans le moment, je pense qu'on
aura minimisé à 90% le problème d'incompréhension
entre nos ruraux et nos urbains dans une société où on
doit vivre collectivement, de manière à nuire le moins possible
à l'un et à l'autre des groupes de profession
différente.
Au nom de la classe agricole, je dois rassurer nos amis les urbains du
Québec en disant que nous n'avons pas comme objectif de polluer les
urbains, mais nous avons l'objectif de les nourrir avec les aliments les plus
sains possible pour le bien de leur santé. Merci.
M. Cordeau: J'aurais une autre observation. Je suis tout à
fait d'accord avec vous concernant le zonage agricole qui devrait être
fait le plus tôt possible, parce que sans zonage agricole, les citadins
pourront encore s'établir à la campagne et être une source
de complications pour les agriculteurs. Ne croyez-vous pas, M. Lasnier,
étant donné que vous devez respecter certaines distances
concernant les maisons les plus proches ou les habitations, qu'il devrait y
avoir une réglementation aussi pour empêcher les citadins de
s'établir à des distances non moindres des fermes parce que les
cultivateurs, eux, sont obligés de respecter des distances et les
citadins, actuellement, peuvent s'établir et ne respectent pas les
distances des établissements déjà construits, des fermes,
et cela empêche le producteur agricole de développer son
exploitation?
M. Lasnier: A ce point de vue, M. le député, j'ai
appris, au moment où j'ai suivi mon cours moyen en agriculture, à
Saint-Césaire... Par surcroît, nous étions confrères
des élèves du cours commercial. Lorsque nous allions visiter la
ferme et que nous revenions au cours, plusieurs de nos confrères
disaient: Les types du cours d'agriculture sentent l'étable. On a
solutionné ce problème. Savez-vous comment? En les invitant
à participer à nos visites dans nos étables. Quand nos
citadins auront, dans nos milieux ruraux, des résidences, on les
invitera à élever deux ou trois porcs; quand ils seront
impliqués dans cela, je pense qu'on aura résolu le
problème.
Le Président (M. Boucher): Alors, pour... M. Cordeau:
... Bon voyage de retour!
Le Président (M. Boucher): Pour être juste envers le
député d'Iberville, je ne permettrai qu'une seule question du
côté ministériel et une très courte question, s'il
vous plaît.
M. Beauséjour: Oui, M. le Président, vous
êtes très gentil, en fin de soirée, de me permettre une
question.
M. Lasnier, vous avez laissé entendre que certains aspects du
règlement pourraient être plutôt de la juridiction du
ministère de l'Agriculture. Pourriez-vous préciser un peu cet
aspect?
M. Lasnier: C'est encore le même monde, mais je crois que
M. le ministre de l'environnement doit établir des critères de
minimum et de maximum. A un moment donné, si un cultivateur a un maximum
de pollution de l'eau, on lui dit: Oh! Tu devras payer une amende si tu
dépasses cela. Pour suivre ce critère de minimum et de maximum de
la loi du ministre de l'environnement, je crois que le ministre de
l'Agriculture, avec ses techniciens, devrait s'impliquer dans les directives de
nos producteurs agricoles pour savoir où, quand, comment protéger
l'environnement et comment utiliser l'engrais chimique. J'ai bien du respect
pour le ministre de l'environnement, je l'ai félicité au
début de mon mémoire, je le félicite encore, mais le
travail du ministre de l'environnement n'est pas le travail du ministre de
l'Agriculture. Faites votre boulot et laissez votre collègue faire le
reste.
M. Beauséjour: je suis bien d'accord avec vous et
j'espère que le ministre de l'Agriculture va lire votre intervention
dans le journal des Débats.
M. Cordeau: Je crois qu'il aurait été plus
avantageux pour lui s'il avait été ici ce soir.
M. Goldbloom: N'est-ce pas?
M. Léger: Ses représentants sont ici.
Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la
commission, M. Lasnier, je vous remercie.
(22 h 30)
J'appellerais maintenant les représentants de la
Fédération des producteurs de volailles du Québec.
Une Voix: Ils ne sont plus ici, ils se sont envolés!
Le Président (M. Boucher): Compte tenu de l'heure, je
crois que la commission doit suspendre ses travaux jusqu'à dix heures
demain matin.
Fin de la séance à 23 h 31