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Présentation de mémoires sur le projet
de loi no 69
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, mesdames et
messieurs! Si vous voulez reprendre vos sièges, s'il vous
plaît.
Reprise des travaux de la commission élue permanente de la
protection de l'environnement sur la loi 69 pour la réception des
mémoires.
Les membres de cette commission sont M. Beauséjour (Iberville),
M. Brassard (Lac-Saint-Jean) remplacé par M. Proulx (Saint-Jean), M.
Caron (Verdun) remplacé par M. Picotte (Maskinongé), M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe), M. de Belle-feuille (Deux-Montagnes), M. Goldbloom (D'Arcy
McGee), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Mercier
(Berthier), M. Baril (Arthabaska), M. Dubois (Huntingdon), M. Grégoire
(Frontenac), M. Léonard (Laurentides-Labelle) remplacé par M.
Desbiens (Dubuc), M. Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M.
Marquis (Matapédia), M. Roy (Beauce-Sud), M. Saindon (Argenteuil), M.
Samson (Rouyn-Noranda) et M. Verreault (Shefford).
Les mémoires qui seront entendus ce matin, je le
répète pour les gens qui sont dans la salle, seront dans l'ordre
dont j'en fais lecture: Mmes Elizabeth Hone-Bellemare et Marisol
Hone-Marti-nez, à titre personnel; le deuxième, les Clubs 4-H du
Québec et l'Association forestière québécoise Inc.;
le troisième, la Fédération des associations pour la
protection de l'environnement des lacs; le quatrième, le Conseil
régional de l'environnement de l'Est du Québec; le
cinquième, l'Union des producteurs agricoles; le sixième,
l'Association pétrolière du Québec; le septième, M.
Lorne Giroux, avocat, à titre personnel; le huitième, le Conseil
consultatif de l'environnement.
J'appelle Mmes Elizabeth Hone-Bellemare et Marisol Hone-Martinez.
Mesdames, si vous voulez, pour les fins du journal des Débats, vous
identifier et identifier les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Mmes Marisol Hone-Martinez et Elizabeth
Hone-Bellemare et M. Dominique
Bellemare
Mme Hone-Martinez (Marisol): À ma droite, Mme Elizabeth
Hone-Bellemare, M. Dominique Bellemare et moi-même, Marisol
Hone-Martinez.
Le Président (M. Laplante): Vous pouvez commencer,
madame.
Mme Hone-Martinez: Nous sommes des résidents de longue
date de Beauharnois et c'est à ce titre que nous nous présentons
ici. Nous représentons un groupe de huit familles, soit une trentaine de
personnes, tous résidents de la Pointe Saint-Louis, sans compter le camp
familial administré par les Soeurs du Bon Conseil qui peut, ou
plutôt qui pouvait accueillir environ 200 personnes chaque
été. Nous croyons aussi être les porte-parole d'une
certaine population de Beauharnois qui préfère rester anonyme car
il s'avère très risqué de s'attaquer aux
sociétés omniprésentes et omni-puissantes que sont Domtar,
Alcan, Stanchem, Chromasco et Union Carbide. Quant à nous, depuis
longtemps, nous subissons les effets désastreux de la pollution
causée par ces cinq grandes entreprises. La pollution est
diversifiée: pollution de l'air, de l'eau, du sol, pollution visuelle et
par le bruit. Nous sommes donc particulièrement sensibilisés par
les questions concernant l'environnement. Après avoir pris connaissance
du projet de loi 69 nous avons quelques commentaires et suggestions dont nous
voulons vous faire part aujourd'hui.
Toutefois, avant d'entrer dans le vif du sujet, nous désirons
vous exposer brièvement la situation scandaleuse qui existe à
Beauharnois. Ainsi, nous croyons que le sens de notre intervention sera
beaucoup mieux compris. Cela fait des années que nous subissons la
multipollution des cinq multinationales de Beauharnois. Comme il peut
être difficile de courir plusieurs lièvres à la fois, nous
nous sommes particulièrement penchés, depuis une dizaine
d'années, sur un seul aspect de cette situation, soit la pollution de
l'air par l'Union Carbide.
Dans un mémoire de six pages que nous avons fait parvenir
à cette commission, intitulé "La pollution à Beauharnois,
exposé d'un cas type", nous avons résumé le cas de cette
compagnie. Ce mémoire est accompagné de documents
photographiques, de quinze photos et d'une caricature qui illustrent assez bien
nos propos. Nous n'avons pas l'intention de reprendre ici la lecture de ce
mémoire ce matin. Qu'il nous suffise de vous en rappeler les grandes
lignes.
En 1978, l'Union Carbide continue toujours à polluer l'air. Cela
est d'autant plus inacceptable qu'elle a reçu l'autorisation de
construire sa plus récente usine en 1972, sur les bords du
Saint-Laurent, à la condition expresse que ces installations soient non
polluantes. Elle n'a jamais réussi, autrement que de façon
intermittente, à tenir ses engagements. Au cours des trois derniers mois
en particulier ce fut le comble. Elle s'est surpassée. Cette nouvelle
usine a pollué l'air plus que jamais. De plus, en octobre 1975, les
Services de protection de l'environnement ont émis à cette
compagnie une ordonnance sur mesure ayant pour but d'éliminer toute
pollution de l'air, ou presque, autant pour les nouvelles installations que
pour les anciennes. Les échéances sont largement
dépassées; les anciennes installations, comme les nouvelles,
polluent toujours l'air, et cela en énorme quantité.
La compagnie, quant à elle, invoque des difficultés
techniques ou des changements de production. Cela lui suffit.
Difficultés techniques! Voilà une formule magique qui a
très bien servi l'Union Carbide. À notre connaissance, les
amen-
des de $5000 à $10 000 prévues dans l'ordonnance ne lui
ont jamais été imposées. Quant à nous, citoyens,
nous avons fait toutes les démarches imaginables qui sont censées
être efficaces dans une société démocratique:
lettres, téléphones, télégrammes, visites, tout
cela auprès du ministre, comme des fonctionnaires, articles et lettres
aux journaux, émissions de télévision. Nous avons
même changé de gouvernement. Bilan: échec total. Tout le
monde est au courant de cette situation, mais la compagnie a toute la latitude
voulue pour continuer sa production polluante. Par contre, ne fait jamais le
poids le droit des citoyens à un environnement qui sauvegarde leur
bien-être, leur confort et leurs biens. Ce droit est mentionné en
toutes lettres dans l'ordonnance de 1975.
Si ce dossier, celui de la pollution de l'air d'Union Carbide, qui
avait, pourtant, toutes les chances d'aboutir a si lamentablement
échoué, quel espoir avons-nous d'une amélioration pour la
pollution par le bruit de cette même compagnie ou pour la pollution de
l'air et de l'eau par la Stanchem? Après une telle expérience
d'engagements non respectés, de promesses non tenues, d'ordonnances et
de lois jamais appliquées ou applicables, vous comprendrez que nous nous
méfions énormément des lueurs d'espoir que devrait nous
apporter le projet de loi 69. Nous sommes indignés et
exaspérés de cette situation scandaleuse et le projet de loi 69
ne nous laisse pas entrevoir clairement une solution à ces
problèmes. Qu'on cesse de se payer la tête des citoyens. Que les
élus du peuple, ceux du Québec, bien sûr, prennent leurs
responsabilités et cessent leurs belles promesses sans suite. Si on
souhaite vraiment la participation des citoyens, qu'on leur donne alors les
pouvoirs et les moyens d'agir. Sur ce, venons-en plus précisément
au projet de loi 69 et je cède la parole à ma
collègue.
M. Hone-Bellemare: M. le Président, M. le ministre, MM.
les membres de la commission, en annexe à notre petit mémoire,
nous vous présentons ici un court texte comprenant des recommandations
sur certains articles: l'article 1.6c, 4.19c, 41.119, 106 et 107 et
également quelques commentaires sur les articles 114a, 115a et 123a.
Nous allons commencer par les recommandations que nous avons mises par
écrit, la première concernant l'article 1.6c qui se lit comme
ceci dans ce qui est important pour nous: "Le bureau a pour fonctions
d'enquêter sur toute question relative à la qualité de
l'environnement que lui soumet le ministre, etc." Nous vous suggérons
d'ajouter: ou toute personne qui subit les inconvénients de la
pollution. Cette suggestion nous semble rejoindre l'esprit de la loi, tel que
l'expliquait M. Léger hier, alors qu'il indiquait à quel point on
voulait donner aux citoyens la possibilité de s'adresser au
gouvernement.
L'article 4."19c" se lit comme ceci dans ce qui nous intéresse:
"La requête visée dans l'article 19b peut être faite par
toute personne physique domiciliée au Québec qui fréquente
un lieu à l'égard duquel une contravention à la
présente loi ou aux règlements est alléguée ou le
voisinage immédiat de ce lieu". Cet article apporte une
amélioration considérable dont nous félicitons le
ministre. Comme suggestion, nous demandons de prévoir des
modalités de subventions pour dédommager le citoyen des frais
encourus par la requête, et de prévoir également que les
frais de linjonction soient déboursés par la compagnie polluante.
On devine que pour les citoyens, c'est un obstacle énorme: les frais
qu'ils ont à encourir face aux démarches à faire.
Autre suggestion à l'article 41."119": "Tout fonctionnaire
autorisé à cette fin par le ministre... peut
pénétrer sur un terrain, dans un édifice... afin de
prélever des échantillons... examiner les lieux pour fins de
l'application de la présente loi". Notre expérience de
Beauharnois nous amène à constater avec beaucoup de regret que,
actuellement, le fonctionnarisme est totalement inefficace. Comme nous l'avons
dit tout à l'heure, il y a des ordonnances claires qui ne sont tout de
même pas suivies par les compagnies. Il se passe même quelque
chose.
Nous suggérons de créer un comité de surveillance,
dans certaines régions désignées, par exemple,
Beauharnois. Ce comité serait composé de personnes
indépendantes, directement ou indirectement, des compagnies polluantes,
de telle sorte qu'elles ne soient pas en conflit d'intérêts. Ces
personnes devraient être rémunérées et
remboursées des frais reliés à leur travail de
surveillance. Ce comité aurait un droit de perquisition comme les
fonctionnaires autorisés, selon ce qui est prévu à
l'article 41."119". Ce comité aurait également droit aux services
techniques nécessaires à son travail, tels qu'ingénieurs,
photographes, analystes, actions, rapports, etc. Ce comité, bien
entendu, saurait tenir la confidentialité concernant certains dossiers.
Par exemple, je pense à des entreprises concurrentes.
En somme, il s'agit d'une modalité d'intégrer les citoyens
à la surveillance de l'environnement d'une façon qui semble
rejoindre, encore une fois, les commentaires que M. Léger faisait hier
sur l'esprit de cette présente loi.
Enfin, aux articles 106 et 107, nous les rejoignons pour ce qui est des
suggestions. L'article 106 se lit comme suit: Une personne physique qui
enfreint l'un ou l'autre des articles 20, 21, etc., est passible d'une amende.
Puis, l'article 107 se lit comme suit: Une personne physique qui néglige
ou refuse, etc., de se conformer à une ordonnance du ministre est
passible d'une amende.
Alors, nous sommes les témoins de premier plan. Nous savons que
l'ordonnance en question, par exemple, en ce qui concerne la Union Carbide,
n'est pas suivie. Nous savons que ce sont très souvent des
difficultés techniques qui sont invoquées à ce
moment-là. Nous répétons un élément de ce
qui a été lu tout à l'heure, c'est que dans le cas de la
Union Carbide, à notre connaissance, c'est premièrement un
changement de production qui a été invoqué pour justifier
que la pollution recommence.
La deuxième occasion qui s'est présentée
souvent, difficultés techniques. Par exemple, on nous
répond qu'un morceau manque dans le système antipollution, que le
morceau est commandé, qu'il va prendre trois mois à arriver et,
pendant ce temps-là, la pollution recommence. Cela semble tout à
fait admis.
Nous sommes face à des situations comme celles-là que nous
connaissons et également à la menace dont on a très
souvent entendu parler de mises à pied où la réalisation
de mises à pied invoquée par les compagnies face aux demandes
contre la pollution. Nous en avons eu des témoignages. Lorsque la
compagnie, par exemple, a installé son système antipollution il y
a quelques années, elle a mis à pied plusieurs ouvriers pendant
ce temps-là en disant qu'il n'y avait rien à faire.
C'était parce que, pendant ce temps-là, on installait le
système antipollution.
Devant cette situation que nous connaissons, nous suggérons de
prévoir qu'en cas de difficultés techniques la compagnie
interrompe sa production en continuant à payer le plein salaire à
tous ses employés.
Voici, M. le Président, les suggestions que nous vous faisons
face à notre mémoire. Nous vous répétons que nous
sommes des citoyens qui sont témoins, à Beauharnois, de cas types
qui représentent, croyons-nous, certaines situations qui, nous
l'espérons, ne sont pas nombreuses mais qui sont significatives comme
réalisation de ce qui pourrait se faire et qui ne se fait pas dans le
Québec d'aujourd'hui, qui ne se fait pas toujours autant qu'on le
promet, en tout cas.
Maintenant, nous allons vous présenter quelques commentaires. (10
h 30)
M. Bellemare (Dominique): Oui, nous allons uniquement faire deux
ou trois commentaires concernant des articles du nouveau projet de loi no 69,
soit 114a, 115a et 123a. Nous tenons à vous exprimer notre
entière satisfaction quant aux précisions apportées
à ces articles qui donneraient, dans le cas présent, quand la loi
sera adoptée, pleins pouvoirs au ministre pour intervenir
immédiatement dans un cas d'urgence, disons, comme on en parle à
l'article 114a.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre.
M. Léger: Je voudrais d'abord vous remercier pour
l'excellent mémoire et aussi l'esprit qui anime le mémoire ainsi
que vos performances passées. Vous êtes quand même des
personnes qui avez combattu depuisun bon bout de temps pour défendre les
droits des citoyens, non seulement au sujet de l'environnement, mais dans
d'autres domaines. Nous vous en félicitons. Cela me fait toujours
plaisir de voir que des citoyens peuvent prendre à coeur la chose
publique et qu'ils peuvent être un atout exceptionnel pour les
politiciens qui veulent faire avancer la cause.
Je voudrais quand même vous parler un peu du problème qu'on
vit à Beauharnois avec la situation de l'Union Carbide. Comme je sais
que vous êtes très intéressés à ce
problème, je voudrais vous poser des questions et vous demander ce que
vous feriez à la place du ministre. D'abord, vous savez que l'Union
Carbide a été l'objet de deux ordonnances l'obligeant à
s'équiper pour ne pas dépasser certaines normes comme je
ne suis pas un technicien, je ne sortirai pas les normes à telle
date. Elle s'est conformée graduellement à cela jusqu'à ce
qu'il y ait, à un moment donné, un accident, un incendie, le 21
juin, qui a provoqué un arrêt de la production et un blocage du
four no 18, celui qui pollue tellement.
La compagnie, qui avait eu l'autorisation de fonctionner avec les
éléments filtrants, les sacs filtrants, pour éviter
d'émettre trop de pollution, a quand même repris sa production
malgré que les éléments épurateurs ne soient pas
disponibles puisque l'incendie avait brûlé et la console de
contrôle et les sacs filtrants, ou du moins une bonne partie des sacs
filtrants. C'est donc dire qu'actuellement, cela pollue. Nous avons l'intention
de lui envoyer une mise en demeure, mais avant je veux consulter les citoyens.
Qu'est-ce que vous en pensez? Puisque vous vivez là-dedans, vous allez
vous mettre dans la peau du responsable pour réellement
déterminer ce qu'il faut faire.
Il y a trois actions qui peuvent être entreprises. Étant
donné qu'elle est l'objet d'une ordonnance et qu'elle viole
nécessairement la loi, le premier choix, c'est d'aller devant les
tribunaux, avec les délais, le temps que cela prend, l'attitude que la
compagnie prendrait; c'est une des positions. La deuxième, c'est la
fermeture de la section de l'usine, étant donné qu'ils ne peuvent
pas fonctionner sans polluer à cause justement de l'incendie qui a
brûlé les sacs filtrants et la console de contrôle. Nous
avons vérifié avec la compagnie d'une façon
sérieuse. La réalité, c'est que les morceaux particuliers
dont ils ont besoin pour faire fonctionner l'élément filtrant ne
seront disponibles et ne seront fabriqués... On ne trouve pas cela dans
un supermarché; il faut qu'ils soient fabriqués de façon
bien précise pour tel type d'industrie et ce ne sera prêt que dans
trois mois.
Durant ces trois mois, j'ai le choix de faire le Don Quichotte et de
dire: Nous ne voulons rien comprendre et vous fermez. Ceci enlève
peut-être 150 à 195 emplois sur les 400 ou 450 employés
là-bas. C'est l'occasion précise de confronter la
détermination de protéger l'environnement avec la
réalité de l'emploi. Ce n'est pas du chantage, parce qu'on le
sent quand une compagnie fait du chantage en disant: Je vais fermer mon usine,
vous êtes trop sévères. Quand on va à
l'intérieur, on s'aperçoit que dans 90% des cas, ce n'est que du
chantage et qu'on n'a qu'à continuer à être ferme et ils
vont se conformer.
Il y a parfois des cas bien précis comme celui-là. Ou bien
on va devant les tribunaux et cela prend autant de temps ou bien c'est une
fermeture d'usine tant qu'ils n'ont pas réparé cet
élément pour éviter la pollution extérieure.
Je vous pose la question, si vous étiez le ministre de
l'environnement, comme dans un programme de télévision, que
feriez-vous?
Mme Hone-Martinez: Vous avez mentionné le 21 juin. C'est
bien le 21 juin 1978, n'est-ce pas?
M. Léger: Oui.
Mme Hone-Martinez: Alors, vous citez un cas qui existe
actuellement. Je me réfère encore aux antécédents.
Je ne veux pas trop me répéter, mais la compagnie s'est bien
engagée à construire cette usine à condition qu'elle soit
non polluante et c'est à cette condition expresse qu'elle a obtenu
l'autorisation. Cela, c'est en 1972, puis l'ordonnance est de 1975. Avant le 21
juin 1978, il s'est passé bien d'autres cas où la compagnie a
éprouvé des difficultés techniques. On pourrait
écrire un roman là-dessus, ses difficultés techniques sont
innombrables. Aujourd'hui, on s'est particulièrement attaché
à la pollution de l'air, mais, dans notre mémoire, nous
référons aux autres types de cette pollution: les détritus
sur les berges, la pollution visuelle, le bruit, nuit et jour, et sept jours
par semaine parfois. Cette compagnie est tellement multipolluante et nous
doutons qu'elle soit de bonne foi après tant d'années.
Comme recommandation, nous l'avons déjà formulée,
qu'elle cesse sa production en continuant à payer le salaire de ses
employés. Ils ne paient pas d'amendes à la compagnie, mais avec
cet argent qu'elle pourrait payer en amendes, qu'elle continue à payer
ses employés.
M. Léger: ... la dernière partie, parce que j'ai
demandé une information...
Mme Hone-Martinez: Qu'elle cesse sa production. Nous avons
déjà répondu à cette question dans nos
recommandations, dans un cas comme cela. Étant donné les
antécédents, ce n'est pas la première fois, il y a
beaucoup d'antécédents, qu'elle cesse sa production et qu'elle
continue à payer ses employés.
M. Léger: Autrement dit, elle devrait fermer son four no
18 et payer les 150 employés pendant les prochains trois mois.
Mme Hone-Martinez: Oui.
M. Léger: C'est ce que vous feriez si vous étiez
des gens élus.
Mme Hone-Bellemare: Si nous étions, M. le ministre, des
gens élus habitant aux portes de l'Union Carbide et si vous voyiez ce
qui se passe. On comprend très bien que quand on est à
Québec, on ne vient pas voir l'Union Carbide tous les jours, on ne vient
pas la voir le dimanche matin, ni le soir à 20 heures, etc.
Mme Hone-Martinez: Ni à deux heures du matin.
Mme Hone-Bellemare: Ni à deux heures du matin. Or, nous
qui sommes là, nous savons que, par exemple, toute la fumée
possible sort des cheminées très souvent, alors que la compagnie
affirmait qu'elle se conformait à l'ordonnance. À un moment
donné, pendant une heure, toutes les cheminées fument. On le
voit, on ne téléphone pas toujours. Quand on
téléphone, c'est une difficulté technique, c'est un
morceau qui ne fonctionne pas, c'est un bouton qui est défectueux, on ne
peut pas énumérer la quantité de réponses du genre
qu'on a eues quand on prend la peine de téléphoner. À la
fin, on ne téléphone plus.
On vous parle, par exemple, du terrain de la compagnie qu'elle augmente
continuellement. Elle jette ses détritus au bord du lac, ce qui augmente
son terrain, elle empiète sur le lac. On sait bien que le ministre ne
vient pas se promener en chaloupe à côté, mais nous, on
constate que, par exemple, son terrain a augmenté de plusieurs pieds
depuis deux ou trois ans, et c'est facilement vérifiable, parce que
c'est un endroit où les strates sont très visibles, le long de la
berge, et on voit très bien les dimensions nouvelles que prend le
terrain de la compagnie.
Le bruit qui s'y fait la nuit est absolument intolérable, et ce
sont des choses nous l'avons vérifié qui pourraient
être facilement diminuées. Par exemple, il y a des sirènes
de camion qui pourraient être diminuées s'il y avait une autre
personne qui était employée, tout simplement. La compagnie ne
veut pas employer une personne supplémentaire et fait actionner les
sirènes du camion qui recule, par exemple, ou d'un petit train qui
traverse la voie ferrée.
Quand on est aux portes de compagnies comme cela, on ne croit plus
à la bonne volonté des multinationales.
M. Léger: D'autant plus que je pense que dans votre
région, il y a une autre compagnie compétitrice, la Chromasco,
qui, elle, semble avoir trouvé les moyens de résoudre ces
problèmes. Comme vous vivez avec les deux compagnies, pouvez-vous
comparer? Les deux sont dans la même compétition, sont dans la
même région, vous comme citoyens qui vivez avec ces deux
compagnies, expliquez-moi la façon ou l'importance que chacune a
donnée à la qualité de l'environnement là-bas?
Mme Hone-Martinez: Dans le cas de la compagnie Chromasco, il y a
eu, aussi, un système de dépollution. Nos observations permettent
de dire que dans le cas de la Chromasco, il semble que le résultat soit
meilleur. Ce n'est pas toujours parfait; parfois, il y a encore des
difficultés techniques, mais elles nous semblent moins nombreuses. Il
semble que Chromasco a un peux mieux réussi. Justement, peut-être
que la comparaison nous permet de dire que Chromasco fait un effort plus loyal
et nous croyons aussi qu'elle est moins multipolluante, c'est-à-dire
qu'à part l'air, elle est moins polluante à d'autres
égards que l'Union Carbide. Le fait que l'Union Carbide soit en plein
sur le bord du Saint-Laurent... On ne comprend pas encore comment elle a pu
obtenir cette autorisation en 1972 c'est relativement récent
alors qu'on parlait beaucoup de l'environnement à ce
moment-là. Cela ne remonte pas à 20 ans!
M. Léger: Maintenant, pour votre information, la
proposition que vous faisiez tantôt quand je vous consultais, vous avez
donné une solution où je n'ai que la moitié des pouvoirs.
Votre solution était quand même complète. D'un
côté, pour éviter la perte d'emplois, la compagnie devrait
payer le salaire et, d'un autre côté, pour éviter qu'elle
émette de la pollution dans l'air, qu'elle ferme son four tant qu'elle
n'a pas reçu ses morceaux et qu'elle puisse s'impliquer.
Légalement, je ne puis que faire fermer le four, mais je n'ai aucun
moyen légal pour l'obliger à payer des employés. À
ce moment-là, la solution que vous me donnez est une solution que vous
demandez à la compagnie, parce qu'elle a les pouvoirs des deux, et de
payer et de fermer son four. Je n'ai que le pouvoir de lui faire fermer le four
pour la période de trois mois. Si vous étiez à ma place et
que vous n'ayez pas le pouvoir de faire payer les employés pendant trois
mois, que feriez-vous à ce moment-là?
Mme Hone-Bellemare: C'est devant ce genre de situations qu'on a
des réactions simplistes, je pense, en tant que citoyens. On a
l'impression que, au lieu d'imposer une amende, à titre d'amende on
pourrait dire: Payez les employés pendant que vous cessez la production.
On a l'impression que le gouvernement devrait avoir ce pouvoir. Si, vraiment,
dans la réalité, le ministre ne l'a pas, personnellement, je ne
sais pas ce que je ferais. Je pense que je dirais, encore une fois...
M. Léger: Je vous trouve bien sympathique de comprendre
que j'ai des problèmes.
Mme Hone-Bellemare: C'est certain que, devant la menace de 150
emplois perdus, cela n'a pas de sens. Mais on sent très bien qu'ils
jouent avec cela. D'après nous, ils jouent avec cela. Ils utilisent cela
comme instrument.
M. Bellemare (Dominique): D'ailleurs, quand vous parlez du four
no 18, on se rend très bien compte que c'est "un" four. D'accord, il y a
peut-être une exception faite pour ce four. Mais, quand il s'agit de tous
les fours des deux usines, l'usine de silicium et celle de manganèse
et surtout cette dernière qui devait, à sa construction,
être munie de tous les moyens possibles ce n'est pas seulement une
exception.
M. Léger: Étant donné que le temps passe, je
vais quand même vous dire que, sur l'ensemble du dossier d'Union Carbide,
je vais me pencher d'une façon particulière et d'une façon
rapide. Sur la section du four no 18 où il y a des implications
immédiates, je vais prendre peut-être une journée de
réflexion, en ayant bien en mémoire ce que vous me disiez. Nous
allons les contacter aujourd'hui et nous allons prendre une décision
dans les jours qui viennent. Mais pour l'ensemble du dossier parce qu'il
n''y a pas uniquement le four no 18, comme vous dites, il y a beaucoup d'autres
choses je vais surveiller au peigne fin puisque c'est maintenant public.
Des citoyens de la région, des citoyens honorables comme vous ont soumis
cela. Vous n'êtes quand même pas des personnes qui voulez faire des
oppositions extravagantes, vous faites cela d'une façon sérieuse,
ordonnée. Je pense que les journaux vont quand même
démontrer jusqu'à quel point c'est un problème et que
l'Union Carbide devra faire quelque chose. De mon côté, je vais
surveiller le dossier, regarder tous les aspects au niveau des berges, au
niveau du problème de la pollution par le bruit, pollution visuelle,
pollution de l'eau, et je vais suivre cela de très près pour
prendre une décision de ce côté-là. Je pense que
l'Union Carbide va être obligée de faire de gros correctifs
bientôt.
Mme Hone-Bellemare: Un petit mot s'il vous plaît!
M. Bellemare (Dominique): La pollution de l'eau, on n'en a pas
parlé mais les soi-disant tuyaux qui servent à renvoyer les eaux
de refroidissement des fours entraînent néanmoins une eau
insalubre dans un rayon de peut-être 200 pieds des berges, un
demi-cercle, pour des eaux de refroidissement. Ce n'est pas dû au fait
que le fond soit remué parce que, autrefois, ces eaux de refroidissement
arrivaient et il n'y avait aucun problème.
M. Léger: Pour vous rassurer, je peux vous dire que la
pollution de l'eau fait partie de la zone dans laquelle nous allons investir
$144 millions pour les cinq grandes cibles de la grande région de
Montréal. Cette partie va être incluse dans les travaux
d'assainissement. Je vais terminer, avant de laisser la parole à mon
collègue, en vous félicitant d'agir comme vous le faites. Le
gouvernement a besoin de gens comme vous, parce que je pense que ce qui est le
plus important, ce sont des citoyens lucides, déterminés et
équilibrés, avec le préjugé pour l'environnement
d'abord. C'est derrière cela que nous pouvons nous appuyer pour
être capables de faire du Québec un Québec beaucoup plus
propre et plus sain. Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
(10 h 45)
M. Goldbloom: M. le Président, je trouve
particulièrement intéressante la suggestion que la loi soit ainsi
rédigée qu'une compagnie puisse être obligée
à payer ses employés dans une période d'interruption de
ses activités, période nécessaire pour corriger la
pollution dont elle serait responsable.
Le problème que je perçois dans cette suggestion, c'est
qu'à moins de créer une dictature dans un pays
démocratique, que nous voudrions garder démocratique, quand
même, ce ne serait jamais le ministre qui pourrait obliger une compagnie
à agir ainsi: ce serait un tribunal. C'est dans ce sens... Ce
commentaire pourrait, au premier abord, paraître négatif. Au
contraire, je voudrais demander au ministre de consulter ses conseillers
juridiques, et même le ministre de la Justice, parce qu'il me
semble qu'il y a là-dedans des germes d'idées possibles.
Je me demande si nos lois obligent, dans tous les cas, qu'une amende
soit payée à l'État. Je présume que oui, et Me
Piette me fait signe que oui. Mais cette notion d'obliger quelqu'un à
payer une amende à une personne autre que l'État, c'est une
idée qui mérite un examen philosophique et pratique pour voir si
c'est une chose qui peut être inscrite dans nos statuts. Cela serait une
forme de compensation. Pour obtenir une compensation, normalement, on doit
présenter au tribunal la preuve d'avoir été
lésé en quelque chose, d'avoir subi des pertes, des dommages et
ainsi avoir droit à une compensation. Là aussi, il y a une notion
qui me paraît mériter un examen attentif de la part de nos
juristes. Vous reconnaîtrez, M. le Président, que ce n'est pas un
homme de loi qui vous parle. En profane, comme Mme Martinez et Mme Belle-mare,
je peux avoir des idées mais trouver que notre système de lois ne
permet pas de réaliser l'objectif qui est visé.
M. le Président, nous nous trouvons ici devant une situation
où les observations des citoyens de Beauharnois ne concordent pas avec
l'impression que nous avons pu avoir de l'état réel du
fonctionnement de l'usine de l'Union Carbide. Nous devions vous l'avez
exposé assez clairement, mesdames avoir, dès le
début du fonctionnement du four no 18, sauf pour une brève
période de rodage, et l'engagement de la compagnie, si ma mémoire
est fidèle, était que cette période de rodage ne
dépasserait pas six semaines, je peux me tromper sur le chiffre, mais
c'est à peu près cela... Il y a eu si ma mémoire
est toujours fidèle un certain dépassement de cette
période de rodage, mais la compagnie a voulu manifester une bonne foi en
disant, comme vous l'avez souligné, qu'il y avait des difficultés
techniques, qu'il fallait un peu plus de temps, mais que la chose serait
réglée. Effectivement, il y a eu certaines améliorations,
il y a eu une diminution de l'émission de polluants et les choses
semblaient vouloir rentrer dans l'ordre. Je suis déçu maintenant
d'apprendre que vos constatations, avant le 21 juin 1978, indiquent que le
contrôle laisse beaucoup à désirer. Je pense que nous
devons demander au ministre, avec l'aide de son personnel
spécialisé, de nous indiquer, suivant les renseignements que
possèdent présentement les Services de protection de
l'environnement, quel est actuellement l'état de fonctionnement du four
no 18.
En ce qui concerne la vieille usine, le four no 17 devait avoir un
système de sacs filtrants et ce système a effectivement
été installé. Il y a eu de vrais problèmes
techniques; j'ai pu les constater de visu. Il y a eu, à cause d'une
légère différence entre le procédé
utilisé à Beauharnois et celui utilisé aux
États-Unis, une difficulté majeure à faire passer la
poussière récupérée par les tuyaux qui avaient
été installés entre le four et le bâtiment qui
abrite le système de sacs filtrants. Des tuyaux de trois pouces ont
été installés et se sont bouchés à
répétition malgré des efforts à les
déboucher. Les tuyaux de trois pouces ont été
remplacés par des tuyaux de six pouces et le système a
semblé fonctionner à partir de ce moment-là.
Pendant que l'on travaillait sur le système dépuration du
four no 17, la compagnie se penchait sur l'avenir du four no 16 et, si je
comprends bien, a pris la décision de fermer le four no 16. Cette
fermeture aurait dû avoir lieu vers la fin de 1976 ou le début de
1977. En même temps, de l'équipement devait être
installé pour les fours nos 15 et 14 qui, les deux ensemble, ne
représentaient que 15% de la pollution émise par la vieille
usine. J'étais informé, au moment où j'ai quitté le
ministère, que, effectivement, le four no 16 devait, peu de temps
après, être fermé et les fours nos 15 et 14 être
équipés de façon convenable. Là aussi, je pense que
nous devons demander au ministre un rapport technique sur les cinq fours
existants pour savoir si ce que le ministère connaît est en
concordance avec les observations que vous avez faites; sinon, nous avons une
situation qui nous oblige à revoir tout le système de
surveillance des équipements qui sont installés.
Je termine en disant ceci: Vous avez fait des commentaires qui vous
appartiennent sur la foi de la société Union Carbide. Vous l'avez
qualifiée de mauvaise. Effectivement, cette société, aux
États-Unis, avait acquis avant 1970 une très mauvaise
réputation et justement sur cette question de foi. La réputation
de la compagnie aux États-Unis en était une de mauvaise foi. Il y
a eu, si je comprends bien, des changements à la direction de la
compagnie et c'est à la suite de ces changements que la filiale
canadienne a pris l'initiative de venir voir le nouveau ministre de
l'environnement c'était vers le début de 1971, si ma
mémoire est fidèle pour proposer un programme de
dépollution. C'est ainsi que le premier de tous les programmes pour les
industries majeures du Québec a été mis en marche.
Nous avons eu, pendant une certaine période subséquente,
une impression que l'attitude de la compagnie avait effectivement changé
et que la foi, autrefois mauvaise, était devenue bonne. Aujourd'hui,
vous remettez en doute la bonne foi de cette compagnie. C'est une accusation
qui est grave, qui est grave pour tous les intéressés, grave pour
les citoyens d'abord, grave aussi pour les autorités qui doivent
fonctionner en vertu de leur évaluation de la foi d'une compagnie avec
laquelle elles transigent.
Je trouve que vous avez rendu un très grand service à la
collectivité, quel que soit le résultat de l'analyse que le
ministre vient de s'engager à faire de toute la situation. Or, la
question que j'ai voulu poser s'adresse effectivement au ministre. Je le prie,
avec les renseignements qui lui sont disponibles immédiatement, de nous
indiquer, selon les dossiers des Services de protection de l'environnement,
quel est précisément le portrait qu'il a de l'état des
fours de l'Union Carbide à Beauharnois.
M. Léger: Je dirais que c'est l'état d'un mala-
de qui s'en va graduellement vers la santé mais qui est quand
même dans une situation pas tellement belle actuellement; mais je suis
convaincu, avec ce que je vais vous donner comme exemple, qu'on est en train de
régler le problème. D'abord, je tiens à vous dire que ce
ne sont pas cinq fours, ce sont quatre fours parce que le four no 16 a
été fermé. Étant donné qu'il ne fonctionnait
pas, il a été fermé.
M. Goldbloom: Je m'excuse d'interrompre le ministre mais, je dois
lui poser la question suivante: À votre connaissance, le four
demeure-t-il fermé? Parce que ce four représentait 40% de la
pollution de la vieille usine et, pourtant, Mme Martinez et Mme Bellemare
indiquent que la vieille usine pollue énormément, de temps en
temps, au moins.
Mme Hone-Martinez: Oui Que cela sorte d'une cheminée ou de
l'autre, pour nous, peu importe mais cela sort.
M. Léger: ... le numéro du four...
M. Goldbloom: D'accord, mais il y a quand même...
Mme Hone-Martinez: Cela ne sort pas seulement des
cheminées, parfois, cela sort de partout. Même, pour être
capables d'identifier les cheminées, il faut que le ciel soit
relativement clair autour. Parfois, quand on est à un demi-mille, on
croit que l'usine a disparu parce qu'on ne voit que de la fumée. Cela
s'est produit il y a quelques jours. Ce n'est pas il y a quatre ans, cinq ans
ou dix ans. Il y a quelques jours, j'aurais été incapable de dire
si cela sortait du four 14, 15, 16 ou 17. Que de la fumée. De la brume.
Je pensais qu'elle avait disparu; j'ai cru au miracle.
M. Léger: Voici. Le four no 16 est maintenant
fermé, le four no 17 fonctionne parfaitement. Ce sont les fours no 14 et
no 15. Alors, en date du 17 avril 1978, une ordonnane a été
émise dernièrement, dans les quatre ou cinq derniers mois, une
ordonnance a été émise pour obliger la compagnie à
régler nécessairement dans le temps. Cela, ce sont des
équipements qu'elle doit changer et aussi fabriquer. L'ordonnance
l'oblige à épurer les gaz provenant des trous de coulée
des fours nos 14 et 15 et à obtenir l'autorisation prévue
à l'article 48 de la loi. Elle doit donner ces renseignements, le plan
global et tout cela pour le 31 mars 1979. Selon la loi, tout doit être en
marche pour corriger toutes les conséquences pour le 30 juin 1980. (11
heures)
Concernant l'autre aspect de la pollution, vous avez remarqué
qu'il est en dehors des fours. C'est celui d'un système
d'épuration des émissions fugitives provenant des espaces
annulaires autour des électrodes des fours 14 et 15, et eux aussi
doivent présenter leur plan définitif et être en
activité à la même date. Donc, comme je vous dis, ce sont
de gros équipements qu'ils sont en train de se donner et ils devront le
faire puisque l'ordonnance est là. Je peux vous assurer que les
ordonnances que j'ai émises vont être respectées et les
gens qui ne les respecteront pas vont être poursuivis. Je peux vous dire
une chose, c'est que les ordonnances qui sont dans le décor et qui ont
été faites avant, j'ai demandé un relevé parce
qu'il y en a qui étaient oubliées dans les tiroirs et on laissait
cela là. À un moment donné, j'ai dit: On va regarder tout
cela pour voir si les gens désobéissent ou non. Je devrai avoir
un rapport, je pense, au cours des quinze prochains jours sur tout ce qui n'est
pas dans la légalité suite aux ordonnances qui ont
été faites dans le passé.
Maintenant, je veux vous dire ceci sur la précédente
question du Dr Goldbloom, du député de D'Arcy McGee, sur le cas
que vous avez soulevé tantôt; j'avais commencé à
répondre là-dessus, c'est très intéressant.
Actuellement, on n'a pas les pouvoirs légaux d'obliger une compagnie
à payer ses employés pendant qu'elle est sous le coup d'une
ordonnance non respectée. Mais je pense que l'idée que vous avez
mise de l'avant est très intéressante. J'en ai parlé avec
mon conseiller juridique, à côté, qui m'a dit qu'on va voir
la possibilité de mettre dans la loi le fait qu'une amende ne soit pas
payée à l'État au cas où une compagnie ne
respecterait pas une ordonnance et devrait, pour la respecter, fermer
temporairement; son amende, pour ne pas avoir respecté l'ordonnance,
serait de payer les employés.
On verra comment on peut légalement le mettre dans la loi. C'est
une idée que je trouve pas mal révolutionnaire et extraordinaire
et qui va ajouter, je pense, de la qualité au projet de loi qui va
nécessairement, grâce aux citoyens, rendre les compagnies un peu
plus respectueuses. Vous avez dû entendre les représentants, hier
et avant-hier, qui sont venus, surtout les représentants de compagnies,
du patronat, etc. Ils nous ont dit craindre qu'on dérange
l'équilibre des forces qui règne actuellement en donnant des
outils aux citoyens à ce point qu'ils risquent de perturber et
inquiéter l'activité économique.
Je m'aperçois en tout cas que vous n'étiez pas tellement
forts dans le décor versus les compagnies et qu'on ne
déséquilibrera pas grand-chose en vous donnant des pouvoirs. J'ai
bien l'impression que la force était beaucoup plus seulement d'un
côté. Avec la présence des citoyens, je suis convaincu que
si cette loi était adoptée, au lieu de venir, vous seriez devant
les tribunaux actuellement vous-mêmes pour poursuivre Union Carbide pour
ne pas avoir respecté l'ordonnance, si vous aviez les pouvoirs. Je pense
que cela aurait peut-être permis à la compagnie de venir expliquer
devant le juge, avec vous autres, les raisons que nous connaissons. C'est un
exemple flagrant où les citoyens pourraient facilement aider
l'État en procédant directement par une injonction, quand une
compagnie ne respecte pas la loi.
L'exemple que vous donnez démontre que les citoyens sont
réellement démunis actuellement. Cela me confirme dans ma
volonté de donner des pouvoirs de recours au civil et au pénal
aux
citoyens. Je vous remercie infiniment de votre collaboration.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le Président, j'aimerais poser une question
à M. le ministre. Est-ce que les ordonnances que vous avez émises
concernant Union Carbide vont régler une fois pour toutes cette
fumée dont se plaignent les citoyens qui entourent l'usine?
M. Léger: L'ordonnance qui a été
émise va régler le problème. La raison de l'ordonnance et
les détails, parce que cela est compliqué, une ordonnance, c'est
technique...
M. Cordeau: Pas les détails. C'est le but.
M. Léger: Je vais vous l'expliquer, je vais vous le dire
en quelques mots. Les détails là-dedans sont pour permettre
à la compagnie qui doit observer une ordonnance d'avoir
l'échéancier voulu pour le faire. C'est pour cela que les
échéanciers sont très importants. Je ne peux pas arriver
pour dire: Vous polluez, fermez. Cela ne marche pas comme cela.
M. Cordeau: Ce n'est pas le but de ma question.
M. Léger: Ce qui est important, c'est que le
problème soit réglé et, pour le régler, cela peut
prendre un an, un an et demi parce que ce sont de gros équipements
qu'ils font installer. L'important est que la compagnie commence à avoir
l'équipement et qu'elle soit obligée de se conformer à la
loi. C'est l'objectif de l'ordonnance et vous pouvez être assuré
qu'elle va être observée.
M. Cordeau: Ma question était, pour rassurer les
intervenants, que les ordonnances que vous aviez émises avaient pour but
la non-pollution de l'air par l'usine.
M. Léger: Ma réponse est oui.
M. Cordeau: Bon. Maintenant, concernant les observations que ce
groupe de citoyens vous a faites, tantôt, l'empiètement des rives
du fleuve par la compagnie, est-ce que vous avez été
sensibilisé à ce problème?
M. Léger: J'ai dit tantôt que pour tous les autres
aspects de la pollution ou du non-respect des lois de l'environnement autres
que la pollution atmosphérique, je vais me faire apporter le dossier
complet pour évaluer quelle est la situation exacte et je vais
poursuivre.
Maintenant, il faut quand même admettre que chez nous, à
l'environnement, c'est divisé en différents secteurs. Le secteur
industriel en est un, le secteur des déchets dans la nature en est un
autre. Ce sont des personnes différentes dans mon ministère qui
s'occupent des différents aspects. Le bruit, c'est encore un autre
groupe. Donc, nécessairement, il faut que j'aie l'ensemble du dossier,
de tous les responsables chez nous de ces particularités.
M. Cordeau: Je tiens à vous féliciter pour votre
performance passée, comme l'a souligné le ministre, mais je
trouve un peu anormal que toutes les démarches que vous avez accomplies,
que vous avez faites, tel que mentionné à la page 4 de votre
mémoire, depuis dix ans: lettres, téléphones,
télégrammes, visites, ainsi de suite, que toutes ces
démarches n'aient pas eu plus d'impact sur le ministère de
l'environnement. Réellement, c'est une anomalie que des citoyens soient
obligés de venir à une commission parlementaire pour
peut-être faire grouiller, ou faire avancer un dossier.
Je vous félicite pour vos démarches et j'espère que
le ministre va porter une attention toute spéciale à votre
problème, car je crois que c'est un problème majeur.
Mme Hone-Martinez: Est-ce que je peux répondre à
cela?
M. Cordeau: Certainement.
Le Président (M. Laplante): Oui, très
brièvement, s'il vous plaît, parce qu'on a déjà
dépassé le temps de beaucoup et il y a un autre intervenant.
Mme Hone-Martinez: C'est simplement pour dire que nous avons
souvent eu des réponses à nos lettres, mais cela restait des
réponses. Je peux citer seulement trois lignes d'une lettre
écrite par M. Goldbloom en 1974: "La nouvelle usine, sur le bord de la
rivière, comme vous avez pu le constater, est bien équipée
et semble bien fonctionner." Au moment où il écrivait, il
n'était pas très bien renseigné, parce qu'elle ne
fonctionnait pas bien, à ce moment. Nous avons eu des réponses,
mais simplement des réponses. J'ai eu aussi des réponses du chef
de cabinet du ministre Léger qui nous disent qu'on va accorder la plus
grande attention... Il y a le mot "immédiatement" dans la lettre, puis
après on n'en entend plus jamais parler. Quand on
retéléphone pour faire le "follow-up", là, les personnes
à qui on s'adresse disent: On n'a jamais entendu parler du dossier. Il y
a eu des réponses et après, c'était fini.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Beauharnois.
M. Lavigne: M. le Président, d'abord en tant que
député du comté de Beauharnois et représentant de
la famille Hone, il me fait plaisir de vous entendre ici à la commission
parlementaire sur le projet de loi no 69. Je tiens à vous dire, dans un
premier temps, qu'à partir de ce matin, j'embarque avec vous dans le
dossier. Je vous prie de communiquer avec moi et je pense qu'ensemble on va
arriver à faire toutes les pressions nécessaires là
où il faudra les faire pour que la compagnie
Union Carbide soit effectivement moins polluante.
Le site sur lequel la compagnie Union Carbide est venue s'installer est
un site qui appartenait jadis à l'Hydro-Québec et qui
était fantastique comme paysage, comme verdure, comme plantation
d'arbres et tout cela. Je pense qu'on n'a pas le droit, quand on parle
d'harmonie, justement je sais que le ministre a parlé à
maintes reprises de l'harmonie qu'on doit avoir dans cette conservation de
l'environnement de venir briser ici une espèce d'harmonie qui
existait déjà, avant.
Bien sûr qu'une population, un comté, une
société ont besoin d'un lieu de travail pour leurs citoyens. Je
ne veux pas ici que mon intervention soit considérée comme
étant une intervention ne permettant plus aux compagnies de venir
s'installer chez nous à Beauharnois. Je pense que c'est quand même
nécessaire qu'on en ait, mais il faut que ces compagnies comprennent que
des règles du jeu doivent être établies au
préalable. Une fois que ces règles du jeu sont établies et
conformes, justement, à l'harmonie que chacun de nous souhaite, je pense
qu'il faut être respectueux de ces règles du jeu et de cette
harmonie. En ce qui concerne le non-respect de la part de certaines compagnies,
je pense qu'ensemble on va arriver à faire en sorte que tout cela
retourne dans l'ordre.
Je sais que ce n'est pas toujours facile parce que bien souvent on part
avec un idéal, avec des objectifs et, en cours de route, on
s'aperçoit que, sur le plan technique, nos idéaux ou nos
démarches sont freinés, sont ralentis. Là, on nous parle
de pièces difficiles à obtenir, on nous recule à trois
mois. C'est sûr que cela fait aussi partie de la réalité.
Il y a quand même moyen, en mettant la pression qu'il faut, de faire de
trois mois un mois et demi. Ils sont installés depuis 1972. Je me dis
que, s'il y avait eu, constamment, des pressions faites depuis ce temps, on ne
viendrait pas parler d'un problème comme celui-là en 1978. Je
pense qu'il y a peut-être eu.. Je ne veux pas accuser la compagnie
nécessairement de mauvaise foi, l'ancien gouvernement et l'ancien
ministre, de mauvaise foi, les citoyens ou l'ancien député de
Beauharnois, de mauvaise foi; je ne voudrais pas, ici, lancer des
flèches à qui que ce soit, mais je suis le député
qui constate avec vous que finalement, depuis 1972, une situation comme
celle-là existe et je suis certain qu'elle n'existe pas en
conformité avec l'harmonie dont parle le ministre. Sur ce point, je suis
prêt à l'appuyer à 100%.
On ne retournera pas en arrière, mais on va se diriger vers
l'avenir et on va faire en sorte qu'ensemble non seulement la compagnie Union
Carbide, mais toutes les compagnies du comté de Beauharnois plus
particulièrement et du Québec dans l'ensemble puissent se
conformer. Je pense que la loi 69 sera dans l'avenir un outil qui permettra aux
citoyens, aux différents groupements et aux gouvernements d'intervenir
quand on aura à faire face à des gens trop rébarbatifs. Je
vous offre mon appui; ne vous gênez pas pour communiquer avec moi. Je
pourrai faire le trait d'union entre vous et le ministre et je pense
qu'ensemble on arrivera à trouver des bonnes solutions.
Le Président (M. Laplante): Une dernière
intervention très courte, monsieur.
M. Corbeau: Oui, très courte. Je suis très heureux
de constater que le député de Beauharnois vient de s'apercevoir
qu'il y a un problème là, après deux ans de pouvoir, et
qu'il est prêt à apporter son appui au comité de
citoyens.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Lavigne: Je trouve votre remarque un peu désobligeante.
J'étais bien au courant, M. le député de Saint-Hyacinthe,
que ce problème existait. On n'avait pas l'outil nécessaire;
là, on se donne un outil...
Le Président (M. Laplante): Je ne voudrais pas que cela
engendre un débat politique. M. le député de D'Arcy
McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je voudrais faire un
dernier commentaire. Je voudrais dire, particulièrement à Mme
Martinez, qu'il n'y a pas eu seulement des réponses; il y a
également eu des actions. Notamment, quand j'ai demandé à
une équipe universitaire de se pencher sur les rapports possibles entre
la pollution atmosphérique et les maladies respiratoires, j'ai
insisté pour que ces études se pousuivent à Beauharnois
il y en a eu à d'autres endroits dans la province
notamment et particulièrement chez les enfants. Les résultats ont
été rassurants; cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas
d'inquiétudes à avoir; mais il y en aurait eu, et de graves
inquiétudes, si ces résultats avaient été mauvais.
Heureusement, ils ne l'ont pas été.
À cause de la situation que vous connaissez et que vous mettez
encore une fois en évidence, pour ma part, j'ai toujours voulu accorder
une attention particulière à Beauharnois. J'espère que
maintenant les mesures que le ministre a indiquées vont finir par
régler définitivement le problème. Il n'y a pas d'autre
solution acceptable.
Le Président (M. Laplante): Merci. Merci, Mme
Hone-Bellemare, Mme Hone-Martinez et M. Bellemare, de l'apport que vous avez
bien voulu fournir à cette commission.
J'appelle maintenant les Clubs 4-H du Québec et l'Association
forestière québécoise Inc. (11 h 15)
Si vous voulez identifier votre groupe pour les fins du journal des
Débats, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît!
Clubs 4-H du Québec et Association
forestière québécoise Inc.
M. Grenier (Louis): Nous représentons ici les Clubs 4-H du
Québec et l'Association québécoise Inc. Je suis
accompagné de M. Gilles Frisque, M. Eric Rey-Lescure, M. Robert
Daigneault. Mon nom est Louis Grenier.
M. le Président, avant de nous engager...
Le Président (M. Laplante): M. Daigneault est-il le
président des Clubs 4-H?
M. Grenier (Louis): Nos fonctions respectives... M. Daigneault
est directeur des programmes à l'Association forestière
québécoise, MM. Frisque et Rey-Lescure sont des
personnes-ressources du mouvement, et ma fonction est la direction
générale des deux organismes précités.
Si vous nous le permettez, avant de nous engager dans la discussion et
quelques commentaires sur le mémoire que nous avons soumis à
cette commission, j'inviterais M. Daigneault à vous remettre et à
vous livrer quelque 100 000 signatures que nous avons recueillies dans le cadre
d'une campagne de sensibilisation dont le thème était "Si
l'environnement pouvait parler". Ce sont des signatures que nous avons
recueillies le printemps dernier dans le cadre d'une campagne qui portait sur
l'utilisation abusive de certains contenants non retournables et sur lattitude
pour le moins polluante de certains de nos concitoyens automobilistes.
Le Président (M. Laplante): C'est accepté,
monsieur. Avant de commencer votre rapport, je voudrais vous souhaiter tout
particulièrement la bienvenue, surtout aux membres des clubs 4-H, que
j'aurais aimé voir un peu plus nombreux ici ce matin, vu que c'est un
mouvement de jeunesse dont je suis un des premiers membres fondateurs. Le
premier club a été à Val-Brillant, Cabano a suivi. Le
premier congrès a eu lieu à Rimouski, le deuxième à
Duchesnay. C'est tout un honneur pour moi. À ce moment-là, je
n'aurais jamais pensé présider une commission parlementaire
devant les clubs 4-H. La devise des clubs 4-H est honneur, habileté,
humanité et honnêteté. C'est une devise que, je crois, tous
les jeunes ont conservée au Québec. Bonne chance à tous
ces clubs.
M. Grenier (Louis): Merci, M. le Président. Nous devons
vous remercier aussi de l'occasion qui nous est offerte de venir ici vous
porter quelques réflexions et quelques commentaires sur un projet de loi
visant à modifier la loi existante sur la qualité de
l'environnement.
Je pense qu'il serait opportun de situer ces quelques réflexions
dans le cadre de notre action. Nous sommes essentiellement des mouvements
d'éducation, autant chez les clubs 4-H qu'à l'association
forestière. Notre préoccupation, bien sûr, porte sur le
citoyen. La participation du citoyen à la qualité de son milieu
est un des premiers volets que nous aborderons dans ce mémoire. La
préservation d'espaces verts disponibles et accessibles en certains
milieux urbains pourrait être le deuxième volet, et enfin une
préoccupation toute particulière sur la protection et la
conservation du milieu forestier.
Si vous me le permettez, M. le Président, je ferai la lecture
commentée de quelques pages de notre mémoire.
La participation du citoyen à la qualité de son milieu. Le
projet de loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement permet
à tout citoyen un recours légal lui permettant de faire respecter
son environnement et de s'assurer ainsi d'une meilleure qualité de vie.
Interrogeons-nous sur les démarches que chaque citoyen devra accomplir.
Tout d'abord, il doit être en mesure de déterminer ce que
représente, pour lui, son environnement. Par la suite, il doit
connaître, comprendre et déterminer ce que signifie une bonne
qualité de vie. Il doit pouvoir juger sans émotion et de
façon objective. S'il y a lieu de porter plainte, il devra donc
posséder une certaine technique afin d'établir clairement l'objet
et les raisons de son recours. Malheureusement, le citoyen n'est pas toujours
préparé pour accomplir cette tâche. Le projet de loi lui
procure un très bon outil dont il risque de ne pouvoir se servir
pleinement. Au contraire, les étapes à franchir et la
méconnaissance des concepts fondamentaux de la qualité de
l'environnement le rebuteront et le décourageront à utiliser ce
droit pourtant si fondamental. Nous recommandons, comme première
étape, qui est l'assise même de toute démarche conduisant
à la qualité de l'environnement, d'éduquer et de
préparer le citoyen. Il faut lui apprendre à connaître,
comprendre, apprécier, respecter, utiliser sainement et sauvegarder
l'arbre, le patrimoine naturel, le milieu forestier et tout son
environnement.
Pour ce faire, nous devons utiliser les institutions scolaires,
culturelles et sociales, les lieux privilégiés déjà
existants tels que les centres écologiques privés et
gouvernementaux, les parcs et tous les organismes oeuvrant dans ce domaine.
Nous devons instaurer des programmes et des activités visant à
atteindre ces objectifs.
Nous souhaiterions que soient prévues, au sein de ce projet, les
modalités favorisant limplan-tation de programmes de formation,
d'éducation et de sensibilisation ainsi que des mesures incitatives
à l'endroit des organismes déjà actifs en ce domaine.
Une législation appropriée éviterait
d'interminables négociations avec le Conseil du trésor lorsque de
tels projets pourraient être développés par le service
d'éducation à l'environnement ou lorsque celui-ci désire
faire appel à des organismes privés.
La préservation d'espaces verts disponibles et accessibles. La
qualité d'un environnement aura des répercussions
indéniables sur la qualité de vie par rapport à cet
environnement. En milieu urbain, milieu privilégié pour et par
les communications, il nous apparaît essentiel de développer et de
maintenir des espaces qui, tout en offrant un couvert végétal
nécessaire à la qualité de l'air, favoriseraient ces
relations communautaires. Différents types d'espaces peuvent être
aménagés sous forme de parcs, de jardins communautaires, de
sentiers, etc. Notre expérience en ce domaine nous permet d'affirmer la
présence d'espaces encore disponibles, mais qui risquent d'être
détruits par le développement de nos municipalités. Nous
croyons qu'il est possible de développer de tels espaces sans nuire au
développement éco-
nomique d'une région et d'une municipalité donnée.
À titre d'exemple, sous le réseau des lignes de
l'Hydro-Québec, corridor vert à la grandeur du Québec, ne
serait-il pas possible de développer certains espaces à vocation
communautaire?
Nous vous suggérons de prévoir, par voie
législative, des zones dites de préservation ou espaces verts. La
loi devrait prévoir des mécanismes incitant les petites
municipalités à faible taux de population à créer
une ou plusieurs zones selon leurs possibilités. Par contre, elle
devrait obliger les municipalités possédant un taux plus
élevé de population, par exemple, celles ayant plus de 10 000
habitants, à aménager une ou plusieurs zones.
L'établissement, le développement et la surveillance de
ces espaces pourraient être confiés au Conseil consultatif de
l'environnement. Celui-ci, par l'intermédiaire des Services de
protection de l'environnement ou d'organismes privés, pourrait offrir
l'assistance nécessaire au moment où les municipalités se
dotent d'un plan de zonage tant sur le plan technique qu'écologique.
Cette préoccupation, tout comme la précédente, pourrait
être confiée à un ou des ministères en relation soit
avec les municipalités ou le milieu scolaire, mais nous croyons qu'il
revient à "l'environnement" de garantir à tout citoyen une
excellente qualité de vie ne serait-ce que par son environnement.
Nous y voyons quelques avantages dont celui de développer une
conscience collective en opposition à certains intérêts
individuels, de développer ainsi un sentiment d'appartenance, tout en
assurant une qualité d'air, des espaces propices à la formation,
etc.
Protection et conservation du milieu forestier. Nous y abordons deux
aspects. Milieu dont l'importance économique et sociale n'est plus
à démontrer, mais dont l'équilibre et la qualité en
sont continuellement menacés. Nous ne pouvons qu'insister sur la
pertinence et l'importance de maintenir et d'appliquer scrupuleusement les
articles du projet de loi no 69 sur l'assujettissement des projets industriels
à l'acceptation du ministre, leur mode de construction, leur gestion et
leur fonctionnement global. Les études d'impact sur de tels projets, de
même que les pénalités encourues lors du non-respect de la
loi sont d'excellents moyens de contrôle et permettront sans aucun doute
d'obtenir une meilleure qualité de l'environnement.
Nous croyons que le maintien et l'application de certaines normes et
certaines pénalités devraient s'appliquer à tous ceux qui
interviennent sur le milieu forestier. Mais nous croyons aussi que cette action
devrait être appuyée d'une action de formation et de
sensibilisation.
Le dilemme auquel sont et seront toujours confrontés les Services
de protection de l'environnement, ou tout organisme intervenant sur ce milieu,
demeure celui des impératifs économiques à court et
à moyen termes, en regard de la portée d'un projet sur la
qualité de l'environnement.
Une législation hésitante en matière de
qualité d'environnement et des moyens rudimentaires favoriseront
toujours les impératifs économiques et/ou
pseudo-économiques, car il est toujours possible de démontrer la
rentabilité d'une intervention pourvu que l'on sache s'y prendre.
Nous recommandons qu'il soit reconnu par cette loi que des
comités ou conseils soient composés et qu'ils puissent se donner
les moyens pour s'adjoindre des personnes ou des organismes ressources qui ont
démontré et qui ont comme vocation l'intérêt du
public et de l'environnement.
Le conseil consultatif est une première approche qui pourrait,
par secteur de l'activité économique, se donner des ramifications
ou comités sectoriels permanents lui assurant une connaissance exacte
des projets et de leur portée économique et sociale. Ici, nous
préconisons une approche régionale, de constituer ou favoriser la
constitution de groupes supports aux Services de protection de l'environnement
au niveau de chaque région multipliant ainsi les possibilités
d'accueil et d'étude de différents projets.
Nous recommandons ces comités parce qu'ils ont d'abord une
connaissance plus approfondie du milieu, parce qu'ils deviennent d'autant des
multiplicateurs de la capacité d'accueil et d'étude et, enfin,
constituent une augmentation d'agents d'information et de sensibilisation,
d'où une meilleure information et une meilleure compréhension de
l'utilisateur et, enfin, probablement moins de recours devant les tribunaux ou
autres mécanismes.
À titre de conclusion, nous étions conviés, M. le
ministre, M. le Président, à vous faire part de quelques-uns de
nos commentaires. Notre action se situant surtout sur le plan de
l'éducation, nous souhaitons la mise en place de mesures favorisant des
programmes d'éducation et de formation, programmes auxquels toute notre
collaboration vous est acquise.
Nous sommes aussi convaincus que la qualité du milieu est affaire
d'économie à moyen et long termes et qu'une telle approche
devrait faire l'objet d'une programmation auprès des principaux agents
socio-économiques du Québec. Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Léger: M. le Président, je veux d'abord
féliciter le groupe, comme je le disais tantôt au groupe
précédent, non seulement pour l'excellence de votre
mémoire, mais aussi pour toute l'action que vous menez à travers
le Québec, autant vous que ceux qui vous ont
précédés. Quand on parle des clubs 4-H, c'est bien
important de réaliser que ce n'est pas quatre haches pour couper des
arbres davantage, mais c'est plutôt 4-H qui représentent des
thèmes très positifs, c'est-à-dire honneur,
habileté, humanité et honnêteté. Ce sont ces quatre
qualités des 4-H qui déterminent jusqu'à quel point les
options positives que vous menez ont un but de planification, de
prévention, de conscientisation des citoyens, en commençant par
les jeunes. Je pense que c'est quand on
commence par les jeunes qu'on s'assure pour plus tard une population un
peu plus dynamique, un peu plus ouverte et ayant compris un peu le cycle de
l'environnement et du milieu de vie.
Vous savez, j'ai fait un voyage en Suède il y a environ un an.
J'ai vu beaucoup de mesures et d'importants budgets à l'environnement,
et que les eaux y étaient traitées à 95%. J'ai
demandé comment il se faisait qu'ils avaient pu passer des mesures aussi
sévères et avec autant de crédits pour réaliser la
protection de l'environnement. On m'a dit cela m'a ouvert une
lumière que j'ai essayé de garder ouverte depuis ce
temps-là que là-bas il y avait une éducation qui
avait été faite auprès des jeunes depuis 25 et 30 ans. Ces
jeunes-là, qui ont reçu une éducation, une formation dans
le sens de la protection du milieu de vie, on les retrouve aujourd'hui dans des
postes de commande, aux endroits où les décisions se prennent,
aussi bien aux niveaux gouvernementaux, des industries, des syndicats
qu'à tous les niveaux de la société. Quand on
présente des projets de loi par la suite, ce n'est pas un tollé
de la part de gens qui veulent s'opposer au progrès écologique,
mais on a beaucoup de gens qui sont conscients de cela et les mesures passent
beaucoup mieux. Alors, je pense que c'est une des raisons pour lesquelles il va
falloir qu'on mette de l'avant c'est ce qui est commencé chez
nous aussi des mesures bien précises de formation des citoyens
dans le domaine de l'environnement. (11 h 30)
Nous avons créé un module de l'éducation a
l'environnement. Des spécialistes vont essayer, avec les commissions
scolaires, les professeurs, et en collaboration, en même temps, avec le
ministère de l'Éducation de situer l'éducation à
l'environnement à sa juste place. L'éducation à
l'environnement, ce n'est pas une matière après les autres, ce
n'est pas une matière à côté des autres, c'est une
matière qui englobe toutes les autres. Puisqu'on a enseigné aux
enfants que le cycle de l'eau existait, il faut maintenant éduquer la
jeunesse à comprendre le cycle de la vie. Ce que je disais à
l'ouverture de cette commission parlementaire, c'est l'importance de
connaître l'interrelation entre les différents intervenants d'un
milieu de vie dont l'homme doit être le personnage central, pas l'homme
consommateur parce qu'il se fait toujours organiser, il consomme des affaires
dont il n'a pas besoin, mais l'homme qui est le centre des
préoccupations de tous les intervenants qui ne sont pas plus importants
les uns que les autres, mais qui constituent un équilibre. Pour cela, il
faut nécessairement, par l'éducation et par les cours qui se
donneront dans les écoles, faire comprendre qu'il ne s'agit pas
uniquement de faire sortir les enfants et de les amener voir les arbres
à la campagne; on doit leur faire comprendre que toutes les
interventions doivent se situer à l'intérieur d'une
préoccupation globale d'un milieu de vie équilibré et de
rapports harmonieux entre les différents intervenants à
l'intérieur d'une politique de développement d'un
État.
Je pense que vous jouez un rôle fondamental de ce
côté et je peux vous assurer de notre collaboration et de
l'utilisation de toutes vos forces dynamiques.
Le deuxième point que je veux soulever, c'est que vous avez
souligné dans votre mémoire, l'importance des comités de
citoyens. Je suis d'autant plus d'accord que nous dépassons 300 à
400 associations de citoyens au Québec qui sont issues de la base. Ce
n'est pas nous, au niveau gouvernemental, qui devons imposer des groupes de
citoyens et leur dire quoi faire. Ce sont les groupes de citoyens qui doivent
se créer dans tous les milieux de la société, capables
d'être ceux qui influencent leur milieu, capables d'être un groupe
suffisamment éveillé et suffisamment issu des gens pour implanter
un peu dans tous les milieux une préoccupation de la qualité de
l'environnement.
Depuis quelques années, je pense que l'environnement devient de
plus en plus important. On le voit par la quantité de mémoires
qui sont présentés aujourd'hui. Une loi comme celle-ci, qui
aurait été présentée il y a peut-être cinq
ans, n'aurait jamais eu autant d'intervenants en faveur de l'écologie
qu'on peut le voir aujourd'hui. On s'aperçoit que peut-être les
deux tiers des mémoires proviennent de gens qui vivent
l'expérience d'une qualité de vie, qui défendent
l'écologie et qui vont nécessairement permettre à un
projet de loi de cette importance, qui est un projet de loi novateur,
d'être adopté et d'avoir ses lettres de noblesse.
Je pense que des interventions comme la vôtre sont très
importantes. J'attends beaucoup des groupes de citoyens et je serai toujours
là pour les aider. Même si les chèques arrivent en retard,
ils vont arriver. Quant aux subventions je peux vous assurer que les groupes de
citoyens qui démontrent le sérieux et l'à-propos de leurs
interventions vont être aidés par le ministère de
l'environnement.
Maintenant, je pourrais aussi vous dire que les espaces verts sont aussi
un aspect très important. Une politique est en train de
s'élaborer chez nous, un travail de coordination doit être fait.
Vous savez qu'au niveau des espaces verts le haut-commissariat dit: J'ai des
choses à dire là-dessus, le ministère du Tourisme, de la
Chasse et de la Pêche dit: J'ai des choses à dire sur les parcs;
le ministère des Affaires municipales dit: J'ai des choses à dire
si c'est à l'intérieur d'un territoire urbain. Dans tout cela,
par exemple, chaque fois qu'il y a un problème d'espace vert, c'est
l'environnement qu'on appelle. Donc, naturellement, c'est de l'environnement
que les gens veulent avoir une politique des espaces verts.
Nécessairement, le ministère de l'environnement ne sera
pas un ministère aménageur. Ce n'est pas à nous de
déterminer des vocations. Notre rôle, je pense, c'est de
prévenir, c'est-à-dire d'empêcher d'abord la disparition
des espaces verts, d'avoir une politique permettant à des groupes de
citoyens d'obliger leurs élus municipaux à penser en termes
d'espaces verts dans le
développement domiciliaire ou le développement d'une
municipalité. Donc, au préalable, cela prend une politique de
l'environnement pour la protection des espaces verts et aussi, je dirais, la
gestion du milieu ambiant pour que, par la suite, les ministères
développeurs, comme haut-commissariat, Tourisme, Chasse et Pêche,
Richesses naturelles ou Affaires municipales, puissent déterminer les
vocations et l'administration de ces espaces verts. Je peux vous dire que cette
coordination est en train de se faire au niveau du COMPA et que la
collaboration avec des groupes comme les vôtres sont très
importants.
Vous dites, un peu plus loin, que le Conseil consultatif de
l'environnement devrait continuer à avoir des relations directes avec la
population. Je peux vous assurer que l'objectif, pour nous, c'est que le
Conseil consulatif de l'environnement ait aussi régulièrement la
possibilité d'aller rencontrer les citoyens, obtenir leur point de vue,
et informer le ministre du pouls que nous obtenons devant nos projets de
règlement, nos projets de loi, nos politiques à venir, afin de
savoir ce que les citoyens en pensent.
Maintenant, je vais vous poser quelques questions. Vous dites, dans
votre mémoire, que l'injonction permet d'éviter le pire ou
l'irréparable dans l'immédiat. Comme de raison, il y a eu
quelques intervenants, non les moindres, qui disaient craindre qu'il y ait des
abus, que ce soit dangereux pour les industries et les compagnies. Comment
voyez-vous cet équilibre dans la participation des citoyens à
pouvoir poursuivre des pollueurs ou des entreprises qui ne respectent pas la
loi? Voyez-vous réellement que cela peut être dangereux pour les
industries et les compagnies? Quel est votre point de vue là-dessus?
M. Rey-Lescure: Je pense que cela ne peut pas être
nécessairement très dangereux. On pense particulièrement
que l'article 4 ne va peut-être pas assez loin. Ce n'est pas une remarque
qui est contenue dans le mémoire parce que nous n'avons pas eu beaucoup
de temps pour le préparer. Mais l'article 4 dit: qu'il n'y a pas
d'injonction pour les projets ou activités à la suite
d'études d'impact. On fait une étude d'impact sur un projet, on
s'entend sur l'impact prévu et on dit: À partir de ce moment, il
n'y a plus d'injonction. Cette restriction pourrait s'avérer dangereuse
dans deux situations à long terme qui sont fort plausibles.
Le premier: Le cas où l'étude d'impact, à cause de
l'état de la science actuellement, n'a pas prévu un impact
donné, tel dans telle chaîne alimentaire, cela insère un
composé chimique qui peut arriver jusqu'à l'homme, par exemple:
Donc, il est dangereux pour l'équilibre écologique. C'est la
première situation.
La deuxième situation, c'est le cas où de nouveaux
progrès technologiques diminueraient fortement l'impact de ce projet. Il
ne devrait alors pas y avoir de recours à la notion de droits acquis
pour la création d'impacts négatifs sur l'environnement. De dire:
Moi, j'ai eu la permission en 1978, vous m'amenez cette nouvelle technologie en
1982, mais vous n'avez pas le droit de recourir à l'injonction parce que
nous avons déjà des droits acquis dans le domaine.
M. Léger: Je pense que ce qui est important, c'est que
dans le projet de loi, il y a deux aspects. L'étude d'impact est un
outil préventif. Nécessairement qu'il est limité à
la connaissance de la technologie actuelle, mais c'est quand même un
outil préventif pour éviter l'irréparable. Tandis que
l'injonction est un outil curatif dans l'immédiat pour arrêter une
détérioration immédiate qui est en train de se faire.
Donc, c'est la raison pour laquelle, d'après moi on a essayé de
tenir compte de ce qu'il faut prévoir et de ce qu'il faut
arrêter.
Maintenant, que pensez-vous de l'article 109b concernant les amendes.
Vous dites: II devrait y avoir des sanctions sévères, des amendes
sévères qui s'imposent. Dans l'article 109b, on dit, entre
autres, que l'amende devrait être proportionnelle aux revenus du
contrevenant. Est-ce que vous pensez que c'est trop sévère de
demander au juge d'avoir cette considération, ou si vous pensez que
c'est une façon de s'assurer que les gros pollueurs se sentent quand
même impliqués puisqu'une petite amende ne correspondant pas
à leurs capacités pourrait peut-être ne pas les inciter
à arrêter, à avoir un ferme propos de ne pas recommencer?
Comment voyez-vous cela?
M. Daigneault: Je pense qu'à ce sujet, il y aurait tout de
suite un exemple assez concret qui répondrait à la question, le
cas de Bécancour où cela coûtait beaucoup plus cher
à l'entrepreneur d'arrêter les travaux que de payer les amendes et
continuer le dragage. Je pense que l'élargissement des limites des
amendes va permettre au juge d'éviter que le fardeau soit si
léger pour le contrevenant que ce soit pour lui la meilleure
façon de continuer. C'est le problème de la rentabilité,
disons, des contraventions à la Loi de la qualité de
l'environnement.
Je pense qu'à cela on peut aussi apporter un autre volet qui est
celui de la rentabilité à long terme de la protection de
l'environnement.
Actuellement le problème qui se pose au niveau de la
régénération forestière est un autre exemple
concret où, si par le passé on avait évité de raser
les forêts avec une trop grande envergure, on n'aurait pas le
problème actuellement du coût de l'approvisionnement en bois pour
les usines du Québec.
La rentabilité à court terme est intéressante,
lorsqu'on contrevient à la qualité de l'environnement, mais
à long terme c'est l'inverse qui se produit.
M. Léger: C'est la raison pour laquelle on trouvait
inacceptable que les amendes prévues auparavant n'empêchaient pas
les gens de faire des gestes aussi agressifs envers l'environnement. C'est pour
cela qu'on a ajouté que l'amende minimale d'une corporation coupable
d'une infraction serait trois fois plus élevée et qu'elle aurait
une
amende maximale six fois plus élevée que celle
prévue auparavant, ce qui veut dire que ce qui était $10 000
avant est maintenant $60 000. De cette façon, nous pensons être
beaucoup plus dis-suasifs vis-à-vis des contrevenants à la
loi.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je voudrais
féliciter d'une façon toute particulière les auteurs de ce
mémoire. Étant plus jeune que vous, M. le Président, je
n'ai pas eu l'avantage d'être parmi les fondateurs des clubs 4-H en
1890.
Le Président (M. Laplante): Vous remarquerez que je n'ai
pas dit l'année où j'ai appartenu aux clubs 4-H.
M. Goldbloom: Je l'ai deviné.
Le Président (M. Laplante): II y avait des dames dans la
salle.
M. Goldbloom: M. le Président, j'ai eu, de la part des
clubs 4-H une collaboration tout à fait extraordinaire. J'ai
été ministre de l'environnement pendant six années. Je ne
voudrais pas diminuer la valeur de la contribution de tout autre organisme,
notamment de celle de la Fédération des jeunes chambres du Canada
français, qui a collaboré avec le ministère vers la
réalisation de la semaine et éventuellement du mois de
l'environnement, mais il n'y a aucun organisme qui a fourni une collaboration
d'une qualité supérieure et d'une utilité plus grande que
les clubs 4-H. Je saisis cette occasion de leur rendre, encore une fois, ce
témoignage.
Leur mémoire est le prolongement de laction des clubs 4-H et de
l'association forestière. Je remarque particulièrement les
dernières pages, à partir de la page 14, où des lacunes
sont soulignées. Il est évident que l'économie de nos lois
ne permettra pas d'intégrer au projet de loi no 69 tous les
éléments qui y sont soulignés, mais les
préoccupations sont profondément valides et nous devrons chercher
dans cette loi, et dans d'autres, les moyens de tenir compte de ce que vous des
4-H soulignez avec tant de justesse.
À la page 12, vous indiquez la nécessité d'amener
les municipalités à poser des gestes, à aménager
leur territoire de façon à en conserver des
éléments importants, ce qui n'a pas toujours été
leur principale préoccupation. Je ne veux pas faire une condamnation
générale des municipalités, mais j'ai déjà
dit, hier, je pense, que nous souffrons collectivement du fait que tant de nos
municipalités manquent encore de plan directeur d'urbanisme et donc de
notion de l'usage auquel chaque parcelle de territoire devrait être
consacrée.
Il y a un autre commentaire que je voudrais faire. À la page 11,
vous exprimez l'espoir que des sommes d'argent puissent être facilement
débloquées à des fins tout à fait valables, sans
d'interminables négociations avec le Conseil du trésor.
Je comprends facilement le voeu que vous exprimez. Il faut quand
même que le Conseil du trésor assume ses responsabilités,
et il y a des règles que nous devons suivre quand nous sommes
responsables de l'administration publique. Il y a des montants relativement
petits que le ministre peut dépenser sans avoir l'autorisation du
Conseil du trésor, mais il y a un seuil au-delà duquel
l'approbation du Conseil du trésor est nécessaire. Quand on
dépasse $1 million, c'est le Conseil des ministres qui doit approuver la
dépense. Le fait que des crédits aient été
adoptés par l'Assemblée nationale au début de chaque
année financière ne permet quand même pas à chaque
ministre de dépenser cet argent à sa guise sans autorisation. (11
h 45)
Je n'ai vraiment pas de question à vous poser; ce fait est le
reflet de la qualité de votre mémoire.
J'ai un dernier commentaire. J'ai été impressionné
par une expression que vous utilisez au deuxième alinéa de la
page 10. Vous vous interrogez sur les démarches que chaque citoyen doit
accomplir. Vous terminez cet alinéa en disant ceci. "Il doit pouvoir
juger sans émotion et de façon objective." M. le
Président, c'est précisément la façon dont les
clubs 4-H ont toujours travaillé. Je les encourage à continuer de
la même façon et à continuer à nous donner l'exemple
qu'ils nous donnent depuis si longtemps.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. À mon tour, je
tiens à vous féliciter sincèrement pour votre
participation active à cette commission et surtout d'avoir
souligné au ministère de l'environnement qu'une de ses
préoccupations devrait être l'éducation du citoyen face
à l'environnement. D'ailleurs, dans les remarques que nous avons faites
au début de cette commission, nous l'avions souligné amplement.
Cela rejoint une de nos préoccupations concernant ce projet de loi.
Également, je voudrais vous féliciter pour le magnifique
travail que vous avez fait l'an passé dans le cadre des projets de
contre-publicité. Je crois que vous avez réellement atteint le
but visé par ces projets. C'est pourquoi je crois que le comité
de sélection, cette année, vous a encore accordé un
projet. Il vous a également accordé le plus fort montant jamais
accordé à un organisme. Je tiens à vous féliciter
et à vous encourager à continuer l'excellent travail que vous
accomplissez.
J'aurais une simple question à vous poser, c'est celle-ci: Est-ce
que les explications fournies par le ministre concernant votre
préoccupation au sujet de l'éducation des citoyens vous a
rassurés et vous a donné satisfaction? Avez-vous des suggestions
à faire au ministre concernant votre préoccupation de
l'éducation des citoyens?
M. Grenier (Louis): M. le Président, bien sûr, nous
allons probablement découvrir, au cours des prochaines semaines, des
prochains mois, les
modalités d'application de la loi, mais ce que nous souhaitons
grandement, c'est que soient incluses dans ce projet de loi des mesures
favorisant la préparation du citoyen à jouer son rôle de
gardien de l'environnement, mais à le jouer, comme le disait M.
Goldbloom, d'une façon très objective.
À ce stade-ci, il est prématuré pour nous
d'anticiper les résultats de cette préoccupation que peut avoir
M. Léger, mais je pense que, de toute façon, depuis
déjà quelques années que nous fonctionnons avec les
services de l'environnement, nous sommes très confiants. Je dirais que
nous sommes très très confiants. Je voudrais aussi profiter de
cette occasion pour remercier toutes les autorités gouvernementales de
l'appui qu'elles nous ont sans cesse donné. Ce sont treize mille jeunes
à diriger, à former, à aiguiller, treize mille futurs
citoyens que nous formons annuellement. Je pense qu'aujourd'hui notre ratio est
d'avoir préparé ou développé quelque 400 000
citoyens préoccupés d'une façon toute particulière
par l'environnement. C'est grâce à l'harmonie des relations que
nous avons avec à peu près tous les organismes publics et
privés que nous pouvons préparer la société de
demain. Encore une fois, merci, messieurs.
M. Léger: M. le Président, je voudrais seulement
faire une petite correction, si vous me le permettez. Comme de raison, tout ce
qui se dit ici est enregistré au journal des Débats et ce qui est
important, ce n'est pas ce qu'on veut dire, mais ce qu'on dit. Le
député de Saint-Hyacinthe a semblé dire tantôt que
le ministre délégué à l'environnement avait
pratiquement attendu que les gens lui proposent une préoccupation
d'éducation à l'environnement. Je veux dire que c'est dans la
machine chez nous depuis un an déjà et que ce module
d'éducation existe déjà depuis un bon bout de temps. Il y
a des choses qu'on apprend par ce que les citoyens nous disent, mais il y en a
d'autres qu'on entreprend nous-mêmes. Je voudrais bien qu'on enregistre
au journal des Débats que je n'ai pas attendu qu'on me le dise
là-dessus. Cela fait un bout de temps qu'on a mis sur pied un
système d'éducation, de formation et de sensibilisation des
citoyens.
M. Beauséjour: M. le Président, je tiens à
féliciter l'organisme et surtout ce qui me plaît le plus à
la page 10, c'est l'aspect de l'éducation dont l'organisme...
Le Président (M. Laplante): C'est M. le
député d'Iberville.
M. Beauséjour: ... fait mention dans son mémoire,
parce que je crois que le citoyen, s'il est bien renseigné et s'il a une
éducation à l'environnement, peut faire beaucoup. L'autre aspect,
c'est la responsabilité au niveau des municipalités. On attend
peut-être que Québec fasse des plans d'urbanisme et de zonage,
mais je crois que, si les municipalités se préoccupent plus de
leur environnement, déjà il y aura un grand pas de fait.
Cependant, à la page 12, vous signalez qu'il serait
peut-être possible d'aménager des espaces sous les lignes de
l'Hydro-Québec. Êtes-vous un peu au courant de certains dangers
qui peuvent exister, surtout sous les lignes à haute tension? Pour ce
qui est des personnes, il y a certaines études qui ont été
faites, à savoir que cela peut influencer le système nerveux ou
des choses comme cela. Que voyez-vous comme idée à ce
sujet-là?
M. Grenier (Louis): Le danger de travailler ou d'être sous
les lignes de l'Hydro, émotivement parlant ou nerveusement parlant, est
à peu près le même qu'être en ligne droite avec une
piste d'atterrissage où les avions passent à une fréquence
de trois ou quatre minutes. Ce que nous essayons de voir, c'est, bien
sûr, que sous les lignes de 750, de 300 ou de 1 million de kilowatts,
cela présente des dangers. Mais il y a sûrement des endroits.
Souvent, les lignes de l'Hydro, ne serait-ce que dans la ville de
Québec, passent dans des sites assez privilégiés. Il y a
peut-être des activités à développer et je pense que
les autorités de l'Hydro-Québec ont sûrement la
connaissance pour ne serait-ce que vérifier ou étudier la
possibilité d'y aménager quelques espaces, des espaces, bien
sûr, qui ne pourraient pas nécessairement être aussi
achalandés qu'un parc ou quelque chose comme cela. On a dans la ville de
Sainte-Foy des jardins communautaires sous le réseau des lignes de
l'Hydro, pas nécessairement au pied du pylône, mais dans un
environnement assez immédiat. Cela ne semble pas présenter de
dangers excessifs. Il est aussi dangereux probablement de se promener dans la
rue aujourd'hui que de se promener sous les lignes de l'Hydro. Je veux dire
qu'il y a quand même une limite à tous les dangers. C'est un
exemple qu'on souhaite voir étudier. Bien sûr, on ne
possède ni la science, ni la connaissance pour vérifier tous les
détails techniques ou tous les dangers liés à
l'utilisation de ces espaces, ne serait-ce que les arrosages que fait l'Hydro
pour détruire la végétation qui risque de monter
auprès de ses lignes. Je pense qu'il y aurait lieu de vérifier
certaines possibilités, parce que c'est, à travers le
Québec, un corridor qu'on pourrait qualifier de corridor vert. Il y a
peut-être un type d'activité communautaire, sur neige, sur sol ou
je ne sais pas. À la quantité de pistes de motoneige qui sont
dans le voisinage de tours de l'Hydro, il y a quand même un degré
de tolérance. Il y aurait à vérifier jusqu'où c'est
dangereux.
M. Beauséjour: À quel niveau de gouvernement une
étude comme cela pourrait-elle être faite?
M. Grenier: Régulièrement, l'Hydro a un service
d'entretien, un service de vérification. Je pense que tous ces
organismes publics possèdent les spécialistes pour,
effectivement, vérifier cela, pour voir quel pourrait être
l'impact de la venue du public sous les lignes de l'Hydro, mais, encore
là, pas nécessairement partout et peut-être contingenter
l'accès. Mais là, on parle d'un cas en
particulier. Il y a énormément d'autres cas ou d'autres
espaces disponibles, accessibles qui vaudraient la peine d'être
vérifiés. Encore là, je pense que et les Services de
protection de l'environnement et les organismes municipaux ou les entreprises
de l'État ont la connaissance et les qualifications pour vérifier
l'opportunité d'y faire accéder le public. Bien sûr,
lorsqu'on entre le public dans un endroit, on l'entre avec les contraintes que
le public représente. Et, souvent, cela aussi entre dans le poids.
M. Rey-Lescure: En fait, les lignes hydroélectriques,
c'est un exemple seulement. On pourrait parler des parcs des communautés
religieuses à Montréal. Ce sont des parcs immédiatement
disponibles, mais qui sont, pour l'instant, fermés à
l'accès du public. Le député de Lafontaine, M. le
ministre, vous connaissez la chapelle de la Réparation, vous êtes
en négociation éventuellement pour l'acheter, disons, le
gouvernement, mais un article du journal nous disait qu'on ne savait même
pas quel ministère allait s'en charger, parce qu'il manquait une loi
là-dessus. Nous répétons que dans cette
préoccupation des espaces verts, on peut parler des lignes
hydro-électriques, on pourrait parler des parcs des communautés
religieuses, on pourrait parler, éventuellement, de certains
cimetières qui sont très bien tenus, qui se prêtent
à un certain type d'activités, de promenade, de relaxation. Cela
s'est déjà fait, cela se fait ailleurs en Amérique du Nord
et je pense que, sous certaines conditions, on serait surpris du nombre
d'espaces potentiellement disponibles, sans avoir besoin nécessairement
de créer des parcs qui coûtent cher à l'achat et autres:
seulement utiliser les ressources déjà existantes.
M. Léger: M. le Président, je voudrais, quand
même, ne pas passer sous silence le geste que vous avez posé au
début de votre entrée quand vous m'avez présenté
100 000 signatures de citoyens. Je vois que vous avez remarqué les
objectifs: l'environnement c'est à tout le monde. Vous parlez des
mécanismes qu'on devrait mettre en application pour qu'il y ait des
règlements interdisant aux citoyens de jeter des déchets le long
des routes. Et plus bas, vous répétez une citation que j'avais
déjà dite: La conservation du milieu deviendra une
priorité du gouvernement seulement le jour où elle le sera dans
l'esprit des Québécois. En répétant cela, cela veut
dire que si vous avez 100 000 signatures aujourd'hui, cela commence à
être une préoccupation des Québécois. C'est donc
dire que le gouvernement va l'avoir, et je vais essayer, en tout cas, de
l'implanter partout au Québec et l'assurer de ma participation.
Dans cette pétition, vous avez 100 000 signatures de
Québécois. Vous parlez des déchets le long des routes du
Québec, ce qu'on appelle les déchets sauvages. Vous êtes
sans doute au courant, et je pense que c'est important de le
répéter, que nous avons lancé une campagne cet
été, là-dessus, d'ailleurs avec votre collaboration.
C'était, d'abord, une campagne de sensibilisation auprès de la
population. Deuxièmement, les amendes ont été
augmentées, elles sont rendues maintenant à $200 au lieu de $50
qu'elles étaient avant, pour des gens qui déversent des
déchets le long des routes, ou des déchets sauvages.
Deuxièmement, nous avons fait appel à la Sûreté du
Québec afin que la surveillance soit beaucoup plus sévère
et qu'on sensibilise les gens à ne pas faire ce geste, puisqu'il y a une
amende de $200. Des panneaux-réclame ont été
installés le long des routes et ils vont être installés le
long des petites routes maintenant, de façon que, partout au
Québec, les gens voient la possibilité d'une amende très
forte. Nous avons aussi adopté un règlement, en mai 1978, sur les
déchets solides. Aussi, nous avons entrepris une étude sur les
types de déchets qu'on retrouve dans les déchets sauvages, et une
analyse, aussi, du pourcentage de canettes là-dedans. J'attends un
rapport de cette étude pour être capable de conseiller au ministre
des Finances la façon dont nous devrons fonctionner et présenter
le prochain budget concernant la taxe sur les canettes. Donc, suivant cette
étude et les résultats de cette campagne sur les déchets,
nous serons peut-être capables d'établir une politique
bientôt dans ce domaine.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, juste avant de
terminer, on a beaucoup parlé des Clubs 4-H. Vous avez parlé des
400 000 citoyens formés. Je voudrais rendre hommage, aujourd'hui,
à un monsieur qui en a été le fondateur, un
ingénieur forestier: M. Bédard. On me dit aujourd'hui qu'il est
décédé. Il a été le premier maître des
Clubs 4-H du Québec. C'est un hommage tout à fait particulier que
je voudrais lui rendre maintenant. Je vous remercie de la coopération
que vous avez pu apporter à cette commission.
M. Grenier (Louis): Merci. (12 heures)
Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant la
Fédération des associations pour la protection de l'environnement
des lacs. Je vous demanderais d'identifier votre groupe pour les fins du
journal des Débats et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Fédération des associations pour la
protection de l'environnement des lacs
M. Thibault (Jean-Claude): D'abord, M. le Président, nous
désirons adresser nos remerciements à vous-même, à
M. le ministre délégué à l'environnement, M.
Léger, MM. les députés et aux autres membres de la
commission pour nous offrir l'occasion aujourd'hui de présenter nos vues
sur le projet de loi de la qualité de l'environnement.
Mon nom est Jean-Claude Thibault et j'aurai l'insigne honneur de vous
présenter les points les plus importants du mémoire
préparé à votre intention par le comité technique
et juridique de FAPEL.
Pour compléter la représentation de cet organisme, je
désire vous présenter à ma droite M.
Gordon Koh. vice-president au conseil général de FAPEL,
et, à ma gauche, Mme Louise Lepage, directrice générale de
FAPEL depuis sa fondation. Cette dernière personne est d'ailleurs
certainement la mieux placée pour vous rappeler brièvement ce
qu'est FAPEL.
Mme Lepage (Louise): Merci. Les membres de la commission me
permettront de rappeler que FAPEL est un organisme bénévole et
autonome. Au moment de notre fondation en 1975, nous regroupions 80
associations. Aujourd'hui, nous en comptons 480 totalisant approximativement
100 000 villégiateurs. Ce ne sont pas les mêmes 100 000 des 4-H;
ce sont 100 000 qu'on peut ajouter.
Toutes ces associations travaillent bénévolement à
la protection de l'environnement et de la nature. C'est pourquoi la loi 69 est,
pour nous, un besoin très urgent pour autant que le ministre
Léger veillera scrupuleusement à la compléter selon nos
exigences et nos recommandations. Je vous remercie.
M. Thibault: M. le Président, on m'a signifié votre
désir de nous voir abréger au maximum la présentation du
mémoire. Ce que nous désirons vous suggérer comme formule,
c'est de présenter la toute première partie du mémoire,
où se retrouve le message essentiel de notre communication. Alors, si
vous permettez, nous regarderons attentivement les six premières pages,
laissant la suite du dossier à la disponibilité de vos questions.
D'accord?
Le Président (M. Laplante): Vous désirez aussi que
votre mémoire complet soit inscrit au journal des Débats.
M. Thibault: D'accord.
Le Président (M. Laplante): C'est votre voeu.
M. Thibault: C'est bien.
Le Président (M. Laplante): II vient d'être
accordé. (Voir annexe A)
M. Thibault: Vous êtes bien aimable.
Alors, pour situer nos commentaires sur le projet de loi 69 dans leur
véritable contexte, nous croyons nécessaire de rappeler les
grandes étapes qui ont mené à la Loi de la qualité
de l'environnement.
À l'origine, le ministère de la Santé était
seul à s'occuper des problèmes de l'environnement à partir
de la Loi de l'hygiène publique. Les responsabilités, à
l'époque, couvraient: la pollution des eaux, les eaux de consommation,
les déchets solides, la pollution par le bruit, la salubrité
publique, l'hygiène industrielle et la pollution par la
radioactivité.
La protection de la santé publique était l'unique
préoccupation du ministère de la santé. La loi et les
règlements ne touchaient donc que des problèmes de contamination
et de nuisances. Rien sur l'écologie, rien sur la nature.
Au début des années soixante, on crée la
Régie d'épuration des eaux, remplacée en 1964 par la
Régie des eaux du Québec. C'est l'époque de la chaise
musicale alors que les responsabilités du ministère de la
Santé, en matière de pollution des eaux et de contrôle des
eaux de consommation, glissent une à une vers un nouvel organisme. Mais,
fondamentalement, rien de changé! La préoccupation
première reste la contamination et la pollution. Rien encore sur
l'écologie, rien sur la nature.
En 1972, le jeu de la chaise musicale se termine en faveur de
l'environnement. Toutes les responsabilités, y compris celles sous
l'autorité du ministre des Affaires sociales, soit le bruit, la
radioactivité, les déchets solides, sont intégrées
à un nouveau cadre juridique, les Services de protection de
l'environnement dotés d'une nouvelle loi, la Loi de la qualité de
l'environnement. Plus moderne, mieux adaptée au contexte social, la Loi
de la qualité de l'environnement n'en demeure pas moins une loi qui
touche avant tout et presque exclusivement aux problèmes de pollution et
de contamination. Il s'agit, en quelque sorte, d'une loi d'origine publique
indexée. Très peu de référence, encore, à
l'écologie, aucune à la nature. On constate donc que de la loi de
l'hygiène publique à celle de la qualité de
l'environnement, toujours en vigueur, le législateur s'est surtout
attardé à contrôler la contamination, la pollution de
l'eau, de l'air et du sol. Et encore! la plus dangereuse et la plus importante
source de contamination, les pesticides, échappe totalement à son
autorité.
Dans ce contexte, le projet de loi no 69 offre à la fois beaucoup
et trop peu. Beaucoup, puisque par le biais de la section concernant les
audiences publiques et la section concernant le droit à la
qualité de l'environnement, il vient enfin consacrer le rôle
très important que les citoyens, groupements, comités et
associations ont toujours joué dans le mouvement pour la protection de
l'environnement. Beaucoup, parce qu'il consacre officiellement des droits
fondamentaux et fournit enfin aux citoyens des mécanismes officiels de
participation. Ainsi, les Québécois auront-ils un peu moins
l'impression de lutter contre leur propre gouvernement pour obtenir que
l'environnement soit respecté. Beaucoup, encore, puisqu'il
institutionnalise les études d'impact sur l'environnement, donnant ainsi
à la loi de l'environnement, par le biais de la section IV A concernant
les études d'impact, sa première tête de pont officielle
dans le domaine de l'écologie. Mais aussi trop peu parce qu'il ne tient
aucunement compte de l'évolution des Québécois depuis les
années soixante dans le domaine de l'environnement.
Si le mouvement d'opinion publique issu des préoccupations des
citoyens s'est attardé à défendre l'environnement contre
toute forme de pollution et de contamination, il a parallèlement et
clairement manifesté un intérêt croissant pour tout ce qui
touche l'écologie et la nature. On n'a qu'à lire les journaux
pour constater jusqu'à quel point
la dégradation de la nature est devenue une des plus importantes
préoccupations des comités de citoyens.
Vous me permettrez d'ailleurs, à ce titre, d'ouvrir une courte
parenthèse. Nous avons compilé tous les travaux que le Conseil
consultatif de l'environnement a réalisés depuis 1976,
c'est-à-dire depuis sa création. En classant les études
portant sur la pollution dans son sens classique, l'étude de
contaminants; d'autre part, en classant les études sur le bloc
protection de la nature ou protection d'un écosystème et,
finalement, sur le troisième bloc, sensibilisation du public, nous
réalisons que parmi les 39 études majeures que ce Conseil
consultatif de l'environnement a produites ou est en train de produire, 26%
seulement des travaux portent spécifiquement sur des sujets de
contamination ou de pollution alors que 53% des études portent
plutôt sur des problèmes de protection d'un
écosystème, protection d'un élément naturel ou
protection de sites naturels, le reste portant, dans l'ordre de 21%, sur des
problèmes d'information et de sensibilisation du public.
Le projet de loi no 69 ignore presque complètement ces
préoccupations. Il restreint les interventions futures au cadre actuel
de la Loi de la qualité de l'environnement où la
définition du mot "environnement" est tellement lourde et confuse qu'il
faudra, comme par le passé, imaginer des tours de force juridiques et
linguistiques pour arriver à protéger efficacement la nature. Le
terme "environnement" et l'expression "qualité de l'environnement ",
à cause de leur généralité et de leur association
traditionnelle et inévitable avec les problèmes de contamination,
ne suffisent pas à décrire la véritable vocation des
Services de protection de l'environnement, soit de protéger à la
fois la qualité de l'environnement et celle de la nature. Je vous donne
ici quelques exemples.
La destruction de l'équilibre d'un milieu naturel n'implique que
rarement ou encore que très vaguement le rejet d'un contaminant dans la
nature. Il s'agit alors d'un cas de dégradation de la nature. Les
remblais qui détruisent les rives et le lit des lacs et des cours d'eau
ne sont pas en soi des situations de contamination. Il s'agit pourtant de
dégradation systématique de la nature. La disparition graduelle
des sites naturels d'une région à cause du développement
et de la spéculation ne constitue pas une situation de contamination.
C'est malgré tout une atteinte à l'intégrité de la
nature. L'inondation de territoires immenses derrière les barrages
hydroélectriques n'est pas en soi une situation de contamination. Il
s'agit d'un déséquilibre écologique. La destruction des
paysages naturels rongés par les gravières et les
sablières n'est pas en soi une situation de contamination. On parle
plutôt ici de dégradation de la nature.
La destruction des battures de Beauport, les menaces qui pèsent
sur le boisé de la chapelle de la Réparation ne peuvent, non
plus, être considérées comme des situations de
contamination. Il est donc urgent que la protection de la nature soit
insérée en toutes lettres dans une loi qui consa- crerait au
moins une section aux problèmes de la nature et c'est ce nouveau volet
que nous attendions anxieusement depuis deux ans. J'aimerais signaler ici
à la commission l'atmosphère dans laquelle nous nous
présentons ici et pourquoi nous soulevons spécifiquement ce
problème.
Depuis deux ans, l'environnement au Québec commence à
prendre une dimension qui élargit de beaucoup la fonction de chien de
garde qu'on vouait traditionnellement aux Services de protection de
l'environnement. Je vous rappellerai que même le premier ministre avait
signalé publiquement, lors de l'inauguration de l'Assemblée
nationale en 1977, qu'il voyait les SPE élargir leur tâche
à d'autre chose que de faire appliquer des normes et de s'occuper
principalement de faire prendre conscience et de sensibiliser les citoyens de
façon plus claire à la question de l'environnement. Nous avons eu
aussi, depuis l'arrivée de M. Léger à l'environnement, un
genre de bouffée d'air pur pour tous les gens désireux de
s'occuper de la protection du patrimoine naturel, surtout dans un aspect
beaucoup plus préventif, ce qui fait que le mot nature est apparu
beaucoup plus que le mot pollution, surtout au début du mandat de M.
Léger.
Au summum de nos espoirs, nous avons eu la création de la
Direction générale de la nature, service qui,
théoriquement, existe actuellement dans les Services de protection de
l'environnement. Vous comprendrez de quelle hauteur de marche nous tombons
lorsque nous réalisons que, de fait, le projet de loi no 69 semble
oublier totalement tout ce volet essentiel à une vision vraiment plus
globale de l'environnement. Ici, je ferme la parenthèse. Avec la
meilleure volonté du monde, comment peut-on espérer une action
efficace et permanente de la part d'une direction générale qui ne
possède à peu près aucune assise juridique. C'est ce qui
nous justifie de dire que le projet de loi offre trop peu. Tous les avantages
s'appliquent au cadre actuel de la Loi de la qualité de l'environnement.
Il sera possible, par exemple, pour des citoyens de faire valoir leur droit
à un environnement non contaminé, mais comment feront-ils valoir
leur droit à l'intégrité de la nature? Nous croyons donc
que le projet de loi no 69 devrait retourner sur la table à dessin pour
être étoffé de façon à couvrir les
problèmes de l'environnement et de la nature.
Il devrait répondre aux aspirations légitimes des
Québécois qui luttent depuis tant d'années pour la
protection de leur patrimoine naturel. Les nouveaux pouvoirs de
réglementation devraient permettre d'assurer, dans une approche plus
prospective que corrective, les points suivants: 1- la protection des
territoires fragiles, tels l'encadrement forestier des lacs et des cours d'eau,
les marécages, les terres humides; 2- l'intégrité du
littoral des lacs et des cours d'eau; 3- la protection du couvert
végétal des rives des lacs et des cours d'eau; 4- le
contrôle de l'érosion; 5- l'intégrité des paysages
naturels; 6- la protection des arbres, des boisés, des espaces verts,
des sites géologiques et autres sites naturels; 7- la protection des
aires de
nidification, frayères et autres habitats naturels; 8- la
protection des espèces menacées tant animales que
végétales. (12 h 15)
En résumé, le projet de loi no 69 devrait, en plus
d'ouvrir un volet qui consacre la participation des citoyens, nous donner une
véritable loi concernant la protection de l'environnement et de la
nature en présentant une section autonome consacrée exclusivement
aux problèmes de la nature, et modifiant tous les articles
concernés du projet de loi et de la Loi de la qualité de
l'environnement dans le même esprit.
M. Pouliot vous a probablement distribué un addendum concernant
la création d'un véritable ministère de l'environnement,
mais nous n'insistons pas ici sur ce fait que nous réclamons maintenant
depuis trois ans. Je pense que le texte ne sert ici qu'à expliciter,
encore une fois, les éléments majeurs que nous aimerions trouver
à l'intérieur d'un tel ministère.
Quant aux commentaires spécifiques, étant donné
l'heure, étant donné les délais, nous vous
suggérons simplement de conserver en mémoire ces
éléments dont vous avez probablement pris connaissance et nous
les laissons à votre disposition pour des questions, si vous en avez,
relativement à chacun de ces points. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le ministre.
M. Léger: M. le Président, je voudrais remercier
votre organisme qui joue un rôle fondamental et qui a fait, dans le
passé, un travail exceptionnel de sensibilisation, et je dirais, de
regroupement de citoyens qui avaient les mêmes préoccupations au
niveau des lacs et des rivières. D'ailleurs, vous savez fort bien que
c'est grâce un peu à l'expérience que vous avez
vécue et au dynamisme que vous avez démontré que j'ai
transposé la philosophie derrière le fonctionnement de vos
associations pour le reste des autres préoccupations de l'environnement,
spécialement dans la politique de l'assainissement des cours d'eau du
Québec.
Vous avez, au niveau de votre association et avec la Direction
générale de la nature, chez nous, un petit manuel, genre de
vade-mecum, des étapes que les citoyens doivent franchir pour
réaliser un assainissement total et complet d'un lac, avec les
étapes, que vous connaissez fort bien, de sensibilisation,
d'évaluation, de plans correctifs, d'encadrement, etc. Toutes ces
terminologies qui sont dans un petit vade-mecum vont me servir aussi de base.
Alors, il n'y a pas d'erreur, vous devez toujours être en avant du
gouvernement et jamais en arrière de nous autres. C'est pour cela qu'il
ne faut pas vous en faire si on ne va pas toujours aussi vite que vous le
voudriez. On a besoin que vous soyez en avant. La minute qu'on vous
dépassera, vous devriez être inquiets. Il faut que vous ayez des
mesures plus en avant que nous autres.
On va se servir de cette technique et la présenter aux
associations de citoyens qui vont se former, qui sont en train de se former
autour des rivières et du fleuve, dans le but d'assainir leur bassin.
Comme notre politique d'assainissement touche les bassins,
nécessairement, je ne ferai pas l'assainissement des bassins sans avoir
avec moi et même devant moi les associations de citoyens qui devront,
elles aussi, connaître quelles sont les étapes et quels sont les
outils à utiliser pour faire avancer l'assainissement des cours d'eau
avec l'État.
C'est donc dire que, très bientôt, peut-être dans
deux ou trois semaines, j'aurai un petit manuel que je pourrai distribuer dans
tout le Québec expliquant aux associations de citoyens ou aux citoyens
qui veulent se regrouper, comment le faire, quel sera leur rôle
déterminant dans le choix de leur bassin comme cible d'intervention;
deuxièmement, un rôle de pression auprès des pollueurs de
leur région et un rôle de pression auprès des citoyens,
pour que tout le monde sente que l'assainissement d'un bassin ça
concerne tous les gens qui vivent autour des bassins, aussi bien les pollueurs
que les gens qui sont pollués.
Je voudrais aussi enlever peut-être une fausse impression que vous
avez, selon votre mémoire, quand vous semblez croire que la nature n'a
pas sa place dans la ioi qui est présentée. Comme vous le savez,
le concept de l'environnement est un concept qui doit être facilement
acceptable et compris et praticable pour les juges qui auront à
interpréter la loi On ne peut pas mettre tellement de termes dans une
définition de l'environnement, à un point tel que ce soit
difficile de l'interpréter et d'apporter des jugements de la part des
juges, dans des causes ou l'environnement et le milieu qu'on doit
protéger. C'est pour cela que le concept d'environnement, de la
qualité du milieu ambiant est suffisamment large pour y inclure les
préoccupations de la nature. Pour vous le prouver, je tiens à
dire que nous avons eu beaucoup de poursuites devant les tribunaux concernant
uniquement la nature et, via les articles 20 et 22, il n'y a pas une seule fois
que notre définition actuelle de l'environnement a permis au juge de
débouter une cause de la nature. Donc, c'est déjà inclus
à l'intérieur de la définition actuelle.
Chaque fois qu'on a eu à poursuivre des pollueurs qui
dégradaient la nature et que la poursuite était en vue de
protéger la nature, les espèces vivantes, etc., nous n'avons
jamais été déboutés par les juges. C'est donc dire
que l'appareil judiciaire a déjà inclus, dans la
définition de l'environnement, la nature. Cependant, je vais
peut-être voir s'il y a moyen d'ajouter certains articles à la loi
qui toucheraient des aspects particuliers où, nécessairement,
vous ne verriez pas cette préoccupation de la nature dans la loi. Au
moins dans la définition et dans la possibilité d'avoir des
actions légales entreprises pour la protection de la nature, cela y est
déjà dans le concept de l'environnement.
D'ailleurs, je tiens à vous dire ici que bientôt, à
Victoria, il. y aura une conférence des ministres de l'environnement de
toutes les provinces du Cana-
da où l'objectif est de discuter de l'aménagement des
zones riveraines. Pour vous faire plaisir encore, parce que j'aime bien vous
faire plaisir c'est un organisme des plus dynamiques qu'il y a au
Québec je tiens à vous dire que les expériences que
vous avez vécues depuis plusieurs années vont servir de base pour
montrer aux autres provinces, encore une fois, que le Québec est en
avance dans le domaine de la protection des zones riveraines. Les étapes
que vous avez franchies avec beaucoup de difficultés, beaucoup de
persévérance et de soucis vous permettront d'avoir vos heures de
gloire à Victoria, bientôt.
Je pourrais aussi ajouter votre expérience de regrouper des
associations de villégiateurs pour la protection de l'environnement des
lacs; vous les avez regroupées dans votre fédération. Je
voudrais en profiter pour dire à tous les groupes de citoyens qui
désirent faire quelque chose pour l'environnement, si c'est à
propos d'un lac, de se former une association et de vous contacter, de
façon que vous puissiez regrouper l'ensemble de ce qui pourrait exister
au Québec. Actuellement, vous avez la grande majorité, mais il y
a quand même des gens qui ne savent pas les services que vous pouvez leur
rendre. Je veux aussi en profiter pour donner l'exemple: Si, pour vous, cela
vous a permis de faire avancer beaucoup la cause de l'environnement, il y a
nécessairement la possibilité de dire à d'autres
associations de citoyens, pour d'autres préoccupations que les lacs, de
ne pas hésiter à se regrouper de façon qu'on
représente un groupe solide face aux promoteurs économiques pour
qu'ensemble, au lieu d'être face à face, on aille tous les deux
dans la même direction comme un couple regardant l'avenir ensemble et non
pas en s'affrontant l'un l'autre.
Je voudrais vous féliciter et vous remercier de la proposition
que vous faites, laquelle rejoint d'autres préoccupations, celle de la
création d'un ministère. Je pense que tout le monde a compris
l'importance que la création d'un ministère de l'Environnement
peut donner à la cause de l'environnement au Québec. Le dernier
geste que nous avons posé est, justement, la signature d'une entente
entre les ministres des Richesses naturelles, des Terres et Forêts et de
l'environnement pour présenter un mémoire très
bientôt, dans les semaines qui viennent, et qui se transformera en une
loi pour créer un ministère; possiblement que cette loi sera au
moins déposée avant Noël et nécessairement
adoptée dans les plus brefs délais, ce qui donnera la place au
soleil à l'environnement au Québec.
En gros, c'est pas mal tout ce que j'avais à vous donner comme
préoccupations. Je n'ai pas tellement de questions à vous poser,
je vais plutôt laisser les députés de l'Opposition vous en
poser. Je n'ai que des félicitations, de l'encouragement et je veux vous
assurer de mon entière collaboration.
Le Président (M. Laplante): Merci M. le ministre. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, j'étais
présent à la naissance de FAPEL, je n'étais pas son
obstétricien, mais je suis devenu son pédiatre; maintenant, il
est adulte elle, parce que c'est une fédération et
je suis fier du travail accompli. Je sais que vous-mêmes, tout en
éprouvant une certaine satisfaction, vous n'êtes pas
complètement satisfaits des moyens mis à votre disposition, des
résultats obtenus. Il y a encore énormément à
faire. Je vous encourage à continuer.
M. le Président, j'ai remarqué des choses, dans ce
mémoire, qui me paraissent importantes et que je voudrais mentionner
brièvement. À la dernière page, il y a la recommandation
que les effets nocifs que la pollution peut causer à la faune et
à la flore devraient être reconnus dans la loi. Je trouve que
c'est important. D'autres l'ont mentionné, et le ministre et ses
conseillers juridiques se penchent sur la phraséologie pour que la loi
puisse tenir compte de ce qui peut être infligé à des
espèces autres que la nôtre.
Dans vos commentaires sur l'article 31h, à la page 10, vous nous
placez devant des dilemmes importants du monde moderne, du monde industriel. Il
y a cette vieille tradition que la concurrence entre compagnies qui oeuvrent
dans le même domaine doit permettre à chacune de tenir
confidentielle la nature même de ses procédés. Les secrets
industriels peuvent représenter des avantages concurrentiels importants
pour une compagnie.
Je comprends cela. Mais ce que vous soulignez et je vous en
remercie c'est que cela peut valoir pour le domaine industriel, mais ne
peut pas valoir pour la santé humaine. Il y a aujourd'hui trop de cas
où nous sommes obligés de soupçonner
éventuellement de prouver, ou de ne pas prouver que des produits
chimiques ont des effets sur la santé, ou éventuellement de les
disculper par la recherche scientifique. Mais il me semble que nous ne pouvons
plus tout simplement dire, si c'est un procédé industriel,
breveté ou non, que nous devons en respecter le secret pour ne pas
porter atteinte à la position concurrentielle de la compagnie. Il faut
des raisons plus profondes, plus importantes que celle-là pour taire les
effets possibles d'un produit chimique. Encore une fois, je vous remercie
d'avoir porté cela à notre attention.
À la page 8, vous recommandez que la loi soit explicite en ce qui
concerne le réaménagement des carrières et
sablières existantes. Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je
pense que nous avons accordé à ces exploitants une période
de grâce assez longue, maintenant. Au début, il était
difficile d'intervenir là où des permis avaient
déjà été accordés, où des
exploitations se poursuivaient; il était cependant facile de viser les
nouvelles exploitations et, en accordant un permis, d'exiger un plan de
reaménagement. Mais on voit toujours et ce sont notamment les
députés de la région métropolitaine qui sont en
mesure de les constater des plaies d'une laideur effarante sur le flanc
du mont Saint-Hilaire et sur le flanc du mont Saint-Bruno. Je pense que nous
devons assumer collectivement nos responsabilités et dire que cela
ne
continuera plus. Le permis étant toujours là, nous ne
pouvons pas, jusqu'à maintenant, mettre fin à ces
activités, mais il faudra que nous soyons en mesure d'assurer un
réaménagement convenable à la fin une fin que nous
espérons prochaine de ces activités. (12 h 30)
M. le Président, je n'ai pas de questions. Je me permets
toutefois un dernier commentaire qui ne s'adresse pas à la FAPEL. J'ai
lu ce matin dans un journal un reportage sur les travaux d'hier de cette
commission parlementaire. Le journaliste semblait déçu que
l'Opposition soit largement d'accord avec le gouvernement sur le projet de loi
no 69. Je trouve cela aberrant!
Il y a peut-être des divergences de vues. Il y a un sujet
litigieux que nous n'avons pas encore abordé; nous allons l'aborder cet
après-midi. Je ne prends pas position au nom de l'Opposition officielle;
je ne sais pas quelle sera la décision de l'ensemble des
députés de l'Opposition officielle quant au vote qu'ils donneront
en deuxième lecture et en troisième lecture; cela viendra dans le
temps. Ces personnes ne se sont pas encore réunies pour en discuter.
Peut-être que ce sujet litigieux de cet après-midi pourra amener
l'Opposition officielle à être en désaccord avec le
gouvernement sur un aspect important du projet de loi; c'est possible. Mais je
trouve inconcevable qu'un journaliste soit déçu que l'Opposition
n'attaque pas le gouvernement sur un tel projet de loi.
Nous pouvons et je l'ai dit à répétition au
cours de nos discussions discuter de moyens et ne pas être
parfaitement d'accord sur des moyens, sur des aspects techniques de la loi;
mais sur l'objectif visé, sur la nature même du projet de loi,
nous nous devons d'être d'accord.
C'est ainsi que nous n'avons pas, de ce côté-ci de la
table, chaque fois qu'il y a un mémoire surtout un excellent
mémoire, étoffé, objectif des questions à
poser. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le Président, j'aimerais ajouter quelques
mots suite aux propos que vient de tenir le député de D'Arcy
McGee. Moi-même, j'ai lu ces commentaires. Par contre, lorsque les
mémoires sont présentés, le ministre semble
procéder avec une ouverture d'esprit assez large et il accepte souvent,
presque la majorité du temps, les recommandations des mémoires.
Il dit que c'est très bien, qu'il va en prendre connaissance, qu'il va
les appliquer probablement dans la loi, qu'il va apporter des modifications
à la loi ou que ces recommandations vont lui servir pour rédiger
des règlements. Alors, nous, de l'Opposition, lorsque le ministre
accepte les recommandations des mémoires et qu'on trouve ces
recommandations valables, on est dans une mauvaise posture pour critiquer,
parce que le ministre dit qu'il va accepter les recommandations. Nous allons
voir de quelle façon il va procéder après. Est-ce qu'il va
nous présenter une nouvelle rédaction de projet de loi? À
quel moment va-t-il nous présenter ces amendements à son projet
de loi? Je crois qu'à ce moment nous serons plus en mesure de juger le
projet de loi à sa juste valeur.
M. Léger: M. le Président, je voudrais, quand
même, dire quelques mots là-dessus. Je pense que les
députés de l'Opposition je l'ai été pendant
plusieurs années ont un rôle à jouer qui n'est pas
nécessairement de s'opposer continuellement, mais d'accepter quand il y
a des aspects qui leur conviennent et de s'opposer quand cela ne leur convient
pas. Il se peut, comme je le vois et les deux députés de
l'Opposition le disent, qu'ils soient d'accord sur le principe, mais que, sur
les modalités ou sur les moyens, ils aient des oppositions à
faire. Je trouve que c'est très sain; ce n'est pas le rôle de
l'Opposition d'être toujours contre. Je me rappelle que j'ai
été souvent contre le député de D'Arcy McGee quand
il était ministre, mais que je l'ai appuyé souvent. Je me
rappelle même que je l'ai appuyé...
M. Goldbloom: Pas assez souvent!
M. Léger: Pas assez souvent. Je l'ai appuyé souvent
quand il voulait contrôler les dépenses olympiques et
j'étais derrière lui, parfois en avant de lui, parfois en
arrière de lui. Mais, quand on voit qu'un projet de loi atteint les
objectifs qui conviennent à l'Opposition, l'Opposition n'est pas
nécessairement obligée de continuellement s'opposer.
Peut-être que cet après-midi, il y aura des points sur lesquels on
ne s'entendra pas, mais je pense que c'est un bon rôle que l'Opposition a
à jouer, celui de proposer des choses meilleures, et ne pas s'opposer
parce qu'il faut s'opposer
Le Président (M. Laplante): Merci. Sur ce, M. Thibault,
Mme Lepage...
M. Cordeau: Me permettriez-vous une petite question ou un
commentaire?
Le Président (M. Laplante): Oui, d'accord, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: À la page 2, vous mentionnez: "L'une des plus
dangereuses et des plus importantes sources de contamination, les pesticides,
échappe totalement à l'autorité du ministère ".
Pourriez-vous expliquer votre point de vue ou apporter vos suggestions que vous
aimeriez voir inclure dans le projet de loi ou la réglementation?
M. Thibault: D'une part, je pense qu'on va essayer de
résumer la situation au sujet des pesticides. On est conscient
actuellement qu'au provincial nous n'avons aucun contrôle
systématique, ni sur la vente, ni sur l'utilisation des pesticides,
herbicides et autres produits. Cela relève, en général,
d'une certaine section au fédéral: c'est, je crois, le
ministère de l'Agriculture.
Or, les pesticides principalement dans le cas, chez nous, qui
nous intéresse le plus: le
désherbage des routes, et dans l'autre cas classique, bien que
fort malheureux, de l'arrosage pour la tordeuse du bourgeon de
l'épinette sont fréquemment utilisés au
Québec dans des cas d'usage non essentiels. Je prends le cas du
désherbage des routes. Malgré les effets extrêmement nocifs
et connus des herbicides qui sont utilisés en général par
le gouvernement pour désherber les routes, on pourrait fort bien penser
retourner aux bonnes vieilles coutumes de désherbage manuel, ce qui
serait d'ailleurs fort utile au niveau de la relance économique, et qui
protégerait d'autant plus l'environnement vis-à-vis d'un usage
que nous considérons comme non essentiel. Combien d'étudiants,
combien de chômeurs pourraient trouver là un emploi et protecteur
de l'environnement et utile à l'économie du Québec.
Alors, dans le cas des pesticides, nous considérons qu'il faut
absolument que les Services de protection de l'environnement intègrent
cet élément extrêmement dommageable à
l'intérieur de la loi.
M. le Président, si vous êtes satisfait de notre
réponse, M. le député, nous est-il possible de relever une
question auprès du ministre?
Le Président (M. Laplante): Bien sûr.
M. Thibault: Écoutez! Je suis d'accord avec l'idée
qu'a soumise M. Léger, ministre délégué à
l'environnement, sur le fait que la définition de l'environnement, le
concept de l'environnement est fort bien exprimé dès le
début du projet 69. Mais le fait que nous avons relevé, à
la lecture attentive du document, c'est que la notion de l'environnement reste,
malgré tout, réduite. Nous n'avons pas soumis à la
commission aujourd'hui tous les détails article par article où
nous considérons que le mot environnement se rattache beaucoup plus
souvent à l'idée traditionnelle de soit un contaminant, soit un
élément destructeur classique, et que très souvent cela ne
rejoint pas de façon explicite les problèmes que nous avons
signalés à la page 6, c'est-à-dire huit points
particuliers de sites naturels ou d'éléments naturels que nous
aimerions voir explicités clairement dans la loi.
Nous ne voulons pas attaquer ici la bonne volonté, reconnue
d'ailleurs, du ministre et l'enthousiasme avec lequel il s'est engagé
à défendre la nature. Ce que nous voulons souligner, c'est
l'écart important entre cet enthousiasme, avoué verbalement, et
les oublis nombreux, la négligence totale de retrouver ces termes de
façon explicite dans le texte de la loi.
Nous aimerions savoir de la part du ministre si vraiment il a
l'intention d'intégrer au texte de la loi les huit points que nous
suggérons à la page 6 du mémoire.
Merci, M. le ministre.
M. Léger: Voici. Je voudrais quand même
répondre à deux ou trois questions qui ont été
posées par la suite. À la page 6 de votre mémoire, en ce
qui concerne les pouvoirs de réglementation dont vous soulignez les
points qui devraient être inclus, je peux dire que vous avez raison. Il y
a certains points qui demanderaient des amendements législatifs et
réglementaires pour les inclure. Entre autres, je pense au thème
V, intégrité des paysages naturels, au thème VI.
protection des arbres, des boisés et des espaces verts, au thème
VIII, protection des espèces menacées. Ce sont des choses qui
demanderaient nécessairement un ajout. Alors, j'ai demandé qu'on
en prenne note pour voir s'il y a possibilité d'inclure cela dans le
projet final. Les autres, en général, à moins d'oubli,
sont déjà inclus dans les concepts d'environnement. À
moins d'erreur, je vais encore vérifier. Je pense qu'il est important
d'y apporter la notion de nature et les différentes
préoccupations amenées par votre mémoire pour quelles
soient incluses dedans.
J'aimerais aussi parler de l'autre question qui a été
posée auparavant concernant l'usage des produits comme les herbicides et
les pesticides. Je tiens à vous dire que le BEST, qui est le Bureau
d'étude sur les substances toxiques, est en train de faire l'inventaire
de l'ensemble des usages ainsi que des usagers des pesticides et des
herbicides. Cela nous apportera ainsi, grâce au Conseil consultatif de
l'environnement qui a le mandat de le faire, une politique de contrôle de
ces pesticides et de ces herbicides. À ce moment-là, nous serons
capables d'avoir un projet de loi qui amènera le contrôle global
de l'ensemble de cette préoccupation et non seulement envoyer un petit
règlement qui dirait: On va empêcher de faire tel geste, et le
retrouver ailleurs.
Donc, je pense que cela va être complet et va correspondre aux
besoins que vous réclamez.
M. Thibault: Vous allez intégrer effectivement ce voeu
dans le texte de loi?
M. Léger: Non. Ce dont je parle dans les pesticides, ce
n'est pas dans cette loi parce que, celle-là, il faut qu'elle soit vite
adoptée, mais dans une autre loi qui s'en vient. Je voudrais aussi en
profiter pour vous remercier puisque le temps passe et qu'il y a d'autres
mémoires. Je veux vous dire, comme de raison, que j'apprécie
beaucoup le travail que la FAPEL fait. Je voudrais en profiter pour rendre
particulièrement hommage à Mme Lepage qui est, je pense, le coeur
du mouvement. Même si son mari est cardiologue, elle est le coeur du
mouvement, et non seulement le coeur mais aussi l'âme. Quand je dis le
mot "âme", je pense toujours aux trois lettres a - m - e. Elle a toujours
une attitude mentale environnementale.
Le Président (M. Laplante): Mme Lepage, M. Thibault, M.
Kohl, merci de votre participation. Merci bien. J'appelle maintenant le Conseil
régional de l'environnement de l'Est du Québec. Pour les fins du
journal des Débats, voulez-vous s'il vous plaît identifier votre
organisme et les personnes qui vous accompagnent?
Conseil régional de l'environnement de l'Est du
Québec
M. Arsenault (Doris): J'ai, à ma gauche, Alain
La-chapelle, et je suis Doris Arsenault, du Conseil régional de
l'environnement de l'Est du Québec, à Rimouski.
M. Lachapelle (Alain): Dans un premier temps, je vais vous
présenter brièvement ce qu'est le Conseil régional de
l'environnement de l'Est du Québec. Le Conseil régional de
l'environnement de l'Est du Québec est un organisme qui a
été mis sur pied au printemps 1977 par des individus provenant
des diverses parties de la région 01, région qui s'étend
de Kamouraska à Gaspé, incluant les Îles-de-la-Madeleine.
Le conseil s'est donné pour principale mission l'éducation et la
sensibilisation à l'environnement. De plus, de par ses membres, le
conseil veut être le chien de garde de l'environnement dans notre
région. Nous présentons aujourd'hui un mémoire en
commission parlementaire sur le projet de loi no 69 qui, à notre avis,
est un projet de loi important. (12 h 45)
On nous a demandé d'abréger la présentation de ce
mémoire, ce qu'on va tenter de faire, mais on aimerait que le
mémoire soit inscrit au complet dans la Gazette officielle.
Le Président (M. Laplante): Ce sera au journal des
Débats. Pas à la Gazette officielle.
M. Lachapelle: D'accord. Au journal des Débats.
Le Président (M. Laplante): Accordé, monsieur.
(Voir annexe B).
M. Lachapelle: Peut-être une remarque, en passant. On
demande aux citoyens de couper sur la présentation des mémoires,
mais on ne demande pas aux députés de couper sur la politique qui
peut se faire alentour de la table.
M. Arsenault: Je vais commencer tout de suite la lecture du
mémoire, en vous faisant grâce de l'introduction et en relevant
les sept points majeurs qui sont contenus dans le mémoire.
Premièrement, on parle de la création du bureau
d'audiences publiques. Notre organisme se réjouit au départ de la
création de ce bureau qui, face aux problèmes qui ont surgi au
Québec depuis plusieurs années, répond à un besoin
et pourra apporter d'excellents correctifs à bien des points de vue.
Mais il est évident que vu les responsabilités qui seront
confiées à ce bureau, il devra jouir d'une plus grande autonomie.
À bien des égards, le bureau est dépendant de la
décision du ministre; par exemple, dans le choix des requêtes
soumises par les citoyens.
Dans le projet de loi no 69, c'est le ministre qui choisit les
requêtes qui doivent être soumises au bureau pour enquête ou
pour audience. Nous croyons que le bureau devrait avoir le droit de faire
lui-même la sélection des requêtes provenant des citoyens.
Il devrait avoir la possibilité et les ressources nécessaires
pour effectuer cette sélection. Ce bureau étant moins
préoccupé que le ministre par des questions politiques, son
intérêt premier serait donc le point de vue environnemental; il
pourrait ainsi choisir en toute objectivité quelle requête
justifie une enquête ou une audience publique. Le bureau ne doit pas non
plus n'être qu'un auditeur face aux problèmes qu'il aura à
traiter. Il est illogique de confier à un tel organisme des
enquêtes et des audiences publiques sans que celui-ci puisse donner son
opinion au ministre et faire les recommandations sur la décision qui
sera prise.
Dans le présent projet de loi, le bureau ne fait que des
constatations au ministre, selon les articles 6c et 31c. Nous pensons
qu'investir des ressources importantes dans un organisme qui n'a pour
rôle que de faire des constatations serait inutile. Ce bureau sera sans
doute l'organisme qui sera le plus habilité à conseiller le
ministre et orienter sa décision au sujet d'un problème soumis.
Il devrait, à cet effet, quand l'enquête ou les audiences sont
terminées, présenter au ministre une analyse de la situation, des
commentaires et ses recommandations en vue de la décision finale.
Pour ce qui est du point de vue du droit du public à
l'information, un des points les plus importants, qui tient à coeur du
Conseil régional de l'environnement de l'Est du Québec le CREQ,
dans ce projet de loi, c'est le droit du public à l'information.
Tous les articles de ce projet de loi touchent directement la
qualité de vie de chaque citoyen du Québec. À ce titre, la
population doit savoir tout ce qui la concerne, elle, sa région et sa
province. Dans bien des cas, c'est la population qui aura à donner son
avis par le biais de consultation ou d'audiences. C'est
précisément pour cette raison qu'elle doit avoir le plus
d'information disponible pour être bon juge. À cet effet, toute
demande de permis pour un projet, toute ordonnance et toute décision
prise par le ministre ou le Bureau d'audiences publiques devraient être
rendues publiques non seulement dans la Gazette officielle, mais dans tous les
quotidiens de la province et dans les hebdomadaires de la région
d'où relève le problème. De plus, tous les documents
relatifs aux études d'impacts faites par le promoteur du projet, ainsi
que les résultats d'enquêtes ou d'audiences faites par le bureau
devraient être disponibles à la population par le biais des
bureaux locaux des Services de protection de l'environnement et par le
secrétariat des municipalités.
En concordance avec le paragraphe précédent, information
doit être synonyme de consultation. Par consultation, on entend
présentation et explication dans la population de tous les aspects que
comporte un projet d'envergure. Face à l'importance des projets qui vont
être soumis à l'attention du public, il semble très
pertinent qu'une consultation soit faite après l'étude d'impact
préliminaire et après l'étude d'impact
détaillée et que cette consultation soit régie par des
règlements de l'Assemblée nationale, afin d'obliger les
promoteurs de projets à faire des consultations qui soient valables et
non pas des campagnes de publicité en faveur d'un projet.
Le troisième point, c'est le droit de tout citoyen à la
qualité de l'environnemet. Le projet de loi no 69 fait un sérieux
pas en avant au sujet de la possibilité d'intervention qu'a chaque
citoyen pour protéger son environnement. La population dispose d'outils
nouveaux pour jouer plus efficacement son rôle de protecteur de
l'environnement. Ce qui, cependant nous semble diluer quelque peu cette partie
du projet de loi, ce sont les complications inutiles qui y sont assujetties,
par exemple le fait de ne pas pouvoir passer directement sa requête au
Bureau d'audiences publiques ou au conseil consultatif. Le citoyen ordinaire
n'a pas l'habitude des procédures compliquées, des attentes
nébuleuses ou des requêtes qui jouent au kangourou d'un bureau
à l'autre. Ce qu'il veut, c'est formuler sa plainte à un seul
bureau où il puisse communiquer pour savoir le suivi de son dossier.
Le Bureau d'audiences publiques et le Conseil consultatif de
l'environnement doivent être perçus dans la population comme des
outils qui lui sont privilégiés, accessibles et disponibles et
non pas comme un organisme bureaucratique et souffrant de structurite
aiguë. Ces nouveaux moyens que l'on veut mettre à la disposition
des Québécois devraient être à l'image d'un
ombudsman à l'intérieur du ministère de l'environnement et
du gouvernement, un lien direct et efficace entre la population et les
instances gouvernementales.
Dans un autre ordre d'idées, bien des projets qui ne sont pas
considérés comme étant d'envergure peuvent créer
autant d'impacts négatifs dans un environnement donné que des
projets majeurs. Par exemple, les constructions qui créent un impact
visuel et inesthétique: affiches le long des routes touristiques,
constructions hôtelières ou autres qui empêchent les
autochtones de voir le paysage. Il y a aussi la destruction ou la
non-protection des espaces verts en milieu urbain. Beaucoup d'autres exemples
peuvent ici se greffer pour prouver cette affirmation.
Dans ces cas précis, quels sont les recours du citoyen? Il ne
faut pas ici faire l'erreur de ne surveiller que les cas majeurs et de laisser
tomber les cas comme ceux précités, car par leur nombre, ils sont
aussi importants que les grands projets.
Il faut, à cet effet, prévoir des mécanismes et
donner la possibilité au bureau ou au conseil consultatif
d'étudier un certain nombre de ces requêtes.
En quatrième point, nous parlons de la souplesse de la loi pour
s'adapter au changement.
Comme on a pu s'en rendre compte ici, une loi devient souvent
désuète au cours des années parce qu'elle n'a pas su
s'adapter aux situations nouvelles qui sont survenues.
Le projet de loi no 69 dit que toute personne peut intervenir pour
protéger son environnement, mais, selon l'article 19a, "dans la mesure
prévue par la présente loi et les règlements ". Il y a
donc là un sens nettement restrictif; la loi et les règle- ments
ne peuvent prévoir que le prévisible et non
l'imprévisible.
Le conseil régional pense qu'il y a lieu d'ajouter un
deuxième alinéa qui irait dans le sens suivant: si des cas
particuliers se présentent et qu'ils débordent la présente
loi et ses règlements, ce qui doit guider ceux qui auront à
prendre des décisions doit être: la santé publique, la
protection de l'environnement et le droit de tout citoyen à la
qualité de la vie. De cette façon, les questions
pécuniaires, de création d'emplois ou autres ne seront pas
considérées en premier lieu et le tout respectera l'esprit
général de la loi.
Le cinquième point, modification du mode de procédure lors
d'une demande de permis. La façon de procéder pour autoriser un
projet de construction tel que proposé par le projet de loi 69, ne nous
semble pas assez exigeante, compte tenu de l'envergure des projets qui vont
être traités. Nous proposons, à cet effet, que l'article
31b soit modifié afin de permettre que chaque étape
précédant l'émission d'un permis de construction soit
connue non pas seulement par le ministre, mais par la population en
général.
Dans un premier temps, la population doit savoir la nature
générale du projet, prendre connaissance de l'étude
d'impact préliminaire faite par l'initiateur du projet ainsi que le plan
général de ce qui va être analysé lors de
l'étude d'impact détaillée. Cette information devrait
être obligatoirement suivie d'une consultation où la population
pourrait donner son avis sur cette première étape.
Après cette démarche faite et acceptée par la
population et le ministre, l'étude d'impact détaillée
devra être faite conformément au plan préalablement
accepté. Cette étape devra être, elle aussi, suivie
obligatoirement d'une consultation populaire.
Les requêtes d'audiences devraient être acceptées
autant pour la première étape que pour la seconde. Ainsi, la
population aura le loisir de diriger les études d'impact en accord avec
ses besoins et à sa satisfaction. Il est aussi important de rappeler que
l'initiateur du projet devrait présenter à la population un devis
ou plan de l'étude d'impact détaillé, afin que celle-ci
puisse donner son avis sur le genre d'étude qui sera entrepris et pourra
voir à ce que tous les aspects qu'elle juge importants soient bel et
bien étudiés.
Le sixième point: éviter les articles donnant lieu
à de l'interprétation. Une loi se doit d'être la plus
précise possible afin d'éviter qu'un individu ou qu'un organisme
puisse s'y soustraire "légalement ". Dans le projet de loi qui nous
concerne, nous pensons que plusieurs articles devraient être plus
précis afin d'éviter toute ambiguïté. Par exemple,
les articles 31f et 118c peuvent être interprétés de
façon différente et peuvent donner libre cours à un jeu
d'influence. Dans l'article 31f, on parle de soustraire certains projets
à l'obligation de présenter une étude d'impact si l'un des
trois points suivants a été commencé, soit: la
planification, la conception ou la démarche de réalisation.
Nous sommes tous conscients que les compagnies d'envergure planifient
leur expansion sur des périodes qui peuvent aller jusqu'à 25 ans
et que concevoir un projet ne signifie pas le réaliser. On peut
commencer à réaliser un projet en disant qu'il a
été conçu il y a 50 ans. Il y a donc, dans cet article, un
moyen évident de contourner la loi.
L'article 118c donne le pouvoir au Conseil des ministres de soustraire
certaines municipalités à l'application de quelques articles de
la présente loi, à la condition que la municipalité ait
conclu des ententes avec le ministre. Il est facile de voir, ici, que les corps
municipaux les plus influents vont user de toute leur énergie pour se
soustraire à certains règlements qui comporteraient des
dépenses importantes.
Nous croyons qu'il faut que tous les articles prévus dans le
projet de loi 69 soient appliqués sans réserve et sans
possibilité de conclure de petits accords officieux. De plus, cette loi
doit être appliquée envers tous ceux qui, par leurs actions,
détériorent la qualité de l'environnement à
laquelle chaque citoyen a droit. Donc, ces deux articles en particulier
devraient être sinon enlevés du moins rectifiés de
façon à les rendre moins susceptibles d'être
interprétés.
Un dernier point, ce sont les outils institutionnels. La création
du Bureau d'audiences publiques est un élément important dans ce
projet de loi. Mais c'est, en réalité, le seul organisme nouveau.
Il est évident que le gouvernement du Québec ne possède
actuellement pas les outils institutionnels adéquats pour mener
efficacement une politique sur l'environnement. Face au manque de ressources et
de personnel qualifié dans les bureaux régionaux des Services de
protection de l'environnement et face au manque d'organismes d'information sur
l'environnement dans toutes les régions du Québec, nous proposons
deux éléments qui, selon nous, auraient dû faire partie du
présent projet de loi. C'est-à-dire la création du
ministère de l'Environnement et de conseils régionaux de
l'environnement. Depuis bientôt deux ans qu'on nous promet la
création du ministère de l'environnement et rien n'est encore
fait. Nous sommes très déçus de ne pas retrouver dans le
projet de loi un article créant officiellement ce ministère.
Devant l'importance et l'urgence que prennent les questions environnementales
à travers le monde, il est inexplicable que le Québec ne se soit
pas encore doté d'outils institutionnels valables en matière
d'environnement. Nous sommes déjà très en retard sur
plusieurs pays indus-tiralisés en ce qui a trait à la protection
de l'environnement. Et, tant que le ministère de l'environnement ne sera
pas créé, nous continuerons à accentuer ce retard. Il faut
donner à l'environnement l'importance et les outils dont il a besoin
pour protéger efficacement notre milieu de vie
québécois.
En deuxième lieu, nous proposons la mise sur pied des conseils
régionaux de l'environnement dans toutes les régions
administratives du Québec. Devant les changements qui se produisent et
qui se produiront sans doute de façon plus intense au Québec en
termes de lois et de mesures sur l'environnement, il faut prévoir des
organismes d'information et d'éducation le plus près possible de
chaque citoyen. Il est inutile de penser vouloir atteindre un but de
conscientisation populaire à la protection de l'environnement si,
à la base, un travail d'information et d'éducation n'est pas
efficacement fait. Il est illogique, par exemple, de dépolluer une
rivière si les gens ne voient pas les bénéfices de cette
action et s'ils ne font pas leur effort pour que ce cours d'eau, une fois
assaini, ne redevienne pas comme avant. C'est là un rôle
très important qu'auraient à jouer les conseils régionaux
dans chacune de leur région.
Les programmes nationaux n'ont de valeur et d'effet que s'ils sont
expliqués à la base. Quelles que soient les mesures ou les
techniques qui seront prises à Québec et à Montréal
pour informer les régions éloignées, il existe toujours le
problème du niveau de discussion qui n'est pas le même d'une
région à l'autre et de l'interprétation de l'information
selon les régions. Chaque région est différente de l'autre
au Québec et pour cette raison on doit prévoir des
mécanismes qui soient adaptés à chacune de ces
régions en matière d'environnement.
D'après notre expérience dans l'Est du Québec, les
conseils régionaux de l'environnement ont un rôle très
important à jouer qui se situe entre le côté pratique des
SPE régionaux et le côté politique et
institutionnalisé du futur ministère de l'environnement. Face
à d'autres conseils régionaux qui ont eu pour mission de
développer le loisir ou la culture, nous croyons que l'environnement a
besoin autant, sinon davantage, que ce secteur, d'être
décentralisé.
Nous demandons donc que soient entreprises immédiatement les
procédures afin que le Québec se dote d'outils institutionnels
adéquats pour mettre sur pied une véritable politique de
l'environnement à long terme.
On peut dire, en conclusion, que toutes les bonnes intentions
exprimées dans ce projet de loi doivent être basées sur le
besoin d'information et la nécessaire participation des citoyens du
Québec.
Pour atteindre cet objectif, le gouvernement doit mettre en place des
mécanismes accessibles et efficaces dans les mains de la population et
se doter d'outils de réalisation adéquats pour assurer une
politique de l'environnement à long terme et non pas une politique qui
serait révisée à tous les quatre ans.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, êtes-vous
capables de revenir à 15 heures?
M. Arsenault: Oui.
Le Président (M. Laplante): Les travaux sont suspendus
jusqu'à 15 heures.
Suspension de la séance à 12 h 59
Reprise de la séance à 15 h 10
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Reprise de la séance de la commission permanente de la protection
de l'environnement pour la réception des mémoires sur le projet
de loi 69. Nous en étions au Conseil régional de l'environnement
de l'Est et la parole était au ministre. M. le ministre.
M. Léger: D'abord, je tiens à vous dire que,
malgré le fait que j'ai dû m'absenter quelques minutes pendant la
lecture de votre mémoire, je l'avais déjà lu avant et que
j'avais déjà eu l'occasion d'analyser les recommandations que
vous nous faites. Donc, je m'excuse pour mon absence tantôt, mais ce
n'est pas parce que le mémoire n'était pas intéressant; au
contraire et loin de là. D'ailleurs, les remarques que je vais vous
faire vont vous démontrer jusqu'à quel point nous avons
apprécié le contenu des recommandations de votre
mémoire.
Je pourrais quand même vous dire que les recommandations que vous
faites nous obligeraient à aller plus loin que ce que la loi 69 nous
propose. Je pense que c'est de bonne guerre pour le ministère de
l'environnement d'utiliser plusieurs de vos arguments pour convaincre tous les
groupes et tous les autres intervenants qui ont leur mot à dire
quand nous présentons un projet de loi... Je pourrai m'appuyer un peu
sur des recommandations faites par votre groupe pour, peut-être, d'ici la
présentation en Chambre du projet de loi définitif, qu'il y ait
certains correctifs et certains amendements apportés.
Aussi, on peut dire que le CREEQ, le Conseil régional de
l'environnement de l'Est du Québec, joue un rôle fondamental dans
votre région. Je peux dire que nous avons nécessairement besoin
d'organismes comme le vôtre, parce qu'il n'y a que deux, si je ne
m'abuse, conseils régionaux de l'environnement. On doit s'appuyer pas
mal sur vous pour expliquer au reste de la société de votre
région, en particulier les industriels, qu'il faut prendre soin de
l'environnement et que chacun doit devenir responsable, autant le
développeur que l'individu, et doit modifier son comportement qui
agresse la nature et l'environnement régulièrement.
Maintenant, vous avez mentionné dans votre mémoire que le
Bureau d'audiences publiques devrait avoir des relations
privilégiées avec les citoyens et que vous pensez qu'il devrait
nous faire des recommandations. Plusieurs groupes demandent cette
responsabilité-là au BAP, mais je ne pense pas encore,
malgré tout ce qui a été mis de l'avant, qu'on doive
commencer par lui donner déjà un mandat de faire des
recommandations. Je pense qu'il va falloir essayer au moins une première
expérience, mais en donnant, bien sûr, un mandat précis
à ces fonctionnaires qui vont être des spécialistes et de
l'environnement et de l'écoute des citoyens à transmettre au
ministre, parce qu'ils travaillent à temps plein, les désirs de
la population, les suggestions de la population lors des audiences publiques
et, surtout, les recommandations de la population.
La raison pour laquelle on ne veut pas avoir les recommandations du BAP,
c'est qu'on ne veut pas qu'il y ait, au début, du moins, une erreur
entre les recommandations des citoyens et les recommandations de
fonctionnaires. Ce n'est pas long que, nos désirs, on les fait passer
aux autres qui nous suggèrent des choses. Parfois, par des questions
indirectes, on peut facilement obtenir des gens les réponses qu'on veut.
Moi, ce que je voudrais de ces fonctionnaires, c'est qu'ils soient des
spécialistes de l'écoute, des "radioristes environnementaux" de
l'écoute.
Je pense que la décision de refuser une audience doit être
réservée au ministre qui est quand même le personnage
élu, qu'il porte ou non l'odieux de l'avoir acceptée. Dans un
contexte comme celui-là, avec les citoyens, c'est une décision
politique. Si on refuse une audience publique, il faut en porter la
responsabilité, et si on accorde une audience publique farfelue à
une personne qui n'aurait pas réellement évalué toute
l'importance de cela, c'est encore à l'élu de le faire. C'est
pour cela qu'on calcule qu'il serait préférable que ce soit
réellement le ministre qui décide ou pas de la tenue de ces
audiences.
Concernant l'information, vous avez soulevé des points qui m'ont
bien frappé. Quand vous parlez des projets réglementés,
à l'article 31, des mesures d'information publique, je pense que vous
réalisez qu'ils sont garantis. Dans le cas de plus petits projets, c'est
plutôt grâce à l'article 22 que nous pourrons prendre des
mesures. Votre suggestion de rendre publiques toutes les demandes de permis,
toutes les décisions du directeur et toutes les ordonnances, il y a les
journaux locaux et les hôtels de ville, c'est très valable. Je
pense que je vais essayer de mettre en branle tous les mécanismes pour
permettre le plus d'information possible. Je pense qu'une personne
informée, qu'une personne libre pose de bons gestes. Une personne qui
n'est pas libre est peut-être un peu plus extrémiste. Plus une
personne est libre, plus une personne a des chances d'être un citoyen
avec de la maturité, capable de concevoir les conséquences de ses
gestes. (15 h 15)
Donc, plus on permettra de l'information aux citoyens, plus on permettra
cette liberté de décision et de prise en charge de leurs
responsabilités de protecteurs de leur milieu de vie. Là-dessus,
je pense que votre mémoire apporte des mesures très
intéressantes et je vais essayer de voir comment on pourra y donner
suite. Je dirais même que oui, on va y donner suite. Maintenant, il
s'agit de savoir comment on va le faire.
Vous avez mentionné aussi comment les citoyens pourront, tout en
ayant droit à la qualité de l'environnement, surveiller ce que
vous autres vous appelez les autres cas qui ne sont pas majeurs.
Évidemment, les études d'environnement, études d'impact,
sont faites pour les cas majeurs, pour les gros cas, comme j'ai
mentionné, qui sont
nommés par règlement. Ces gros cas qui vont être
énumérés dans le règlement, cela permet d'une
façon automatique un mécanisme d'audiences publiques et de
renseigner les citoyens.
Les autres cas qui ne sont pas aussi gros, on dit que même nous,
les cas qui existent, les SPE ne sont pas au courant. D'où, je pense,
l'importance que vous-mêmes vous puissiez, les groupes comme les
vôtres, renseigner les SPE et en même temps, nous aussi, rendre les
renseignements sur ces cas le plus publiquement possible. Maintenant, vous avez
parlé et là, c'est une question que j'aimerais vous poser
de la responsabilité du Bureau d'audiences publiques, qui est un
organisme de prolongement du ministre, qui est un peu le thermomètre que
le ministre plonge dans la population vis-à-vis de tel projet pour
connaître le degré de chaleur ou de froid de la population sur tel
projet. Pour savoir cela, le bureau est un organisme de citoyens-fonctionnaires
à temps plein qui a un mandat bien précis, c'est de donner au
ministre les renseignements concernant le pouls de la population sur tel
projet.
Le Conseil consultatif de l'environnement, on veut lui donner un
rôle différent, un rôle de réflexion, un rôle
de prospective à long terme des politiques gouvernementales, un
rôle d'analyse. Il donnera au ministre des avis provenant de gens qu'on a
nommés là parce qu'ils sont issus des différentes
régions du Québec, qu'ils sont issus de différentes
disciplines et, en même temps, de différentes mentalités.
Cela nous permettra d'avoir une idée, vu qu'ils représentent pas
mal ce que les citoyens pensent. Le Conseil consultatif aura aussi
nécessairement la possibilité de rencontrer les citoyens pour
donner au ministre des avis sur les sujets où on a besoin
réellement de renseignements pour fonctionner.
Comment voyez-vous la différence entre les deux organismes?
Spécialement du fait qu'il y en a un des deux qui est présent qui
fait partie de ce conseil, quelle est votre expérience à ce jour?
J'aimerais avoir votre opinion sur la différence de
responsabilité entre les deux organismes.
M. Arsenault: Nous pensons que le Conseil consultatif de
l'environnement devrait être l'outil privilégié du ministre
et le ministre pourrait lui confier certaines enquêtes directement. Il
pourrait faire des recommandations directement au ministre, tandis que le
Bureau d'audiences publiques pourrait être l'outil
privilégié des citoyens. C'est là la différence
fondamentale qu'on ferait. Parce que le conseil consultatif, étant un
organisme spécialisé, peut se pencher sur des problèmes
particuliers que le ministre veut voir élucider ou prendre une
décision politique sur tel point particulier, tandis que le bureau
d'audiences publiques pourrait être il s'agira de le
définir plus près des citoyens et plus accessible aux
citoyens.
On parle d'outil privilégié. Le citoyen va directement au
bureau d'audiences publiques, porte sa plainte et peut faire le suivi de sa
plainte directement au bureau des audiences publiques, tandis que le Conseil
consultatif de l'environnement serait directement l'organisme conseil du
ministre. C'est en fait la grosse différence que j'y ferais. Il
s'agirait peut-être de préciser un peu plus là-dessus.
M. Léger: Est-ce que vous voyez le conseil consultatif se
mêler, auprès de la population, des dossiers
opérationnels?
M. Lachapelle: Pour compléter l'idée, le bureau
d'audiences publiques, comme vous dites, ce serait surtout des questions
opérationnelles qu'il s'occuperait, tandis que le conseil consultatif
s'occuperait, lui, de politiques ou de nouvelles réglementations, de
nouveaux projets de loi ou de n'importe quel conseil que le ministre
demanderait. Le bureau d'audiences, lui, ce serait concernant les questions
opérationnelles qui sont incluses dans la loi.
M. Léger: Parfait. Maintenant, une dernière
question. De plus en plus, parmi les groupes qui sont venus nous rencontrer, on
s'aperçoit que la grande majorité est d'accord sur le principe du
projet de loi, mais il y en a quelques-uns quand même qui ont
mentionné le danger qu'une étude d'impact peut entraîner
des délais et des coûts qui risquent de faire que certains projets
ne se réalisent pas. Quelle est votre façon de percevoir les
affirmations de ces groupes?
M. Arsenault: À notre avis, au contraire, au lieu
d'entraîner des coûts plus importants, cela va minimiser les
coûts, dans le sens que si on prend les mesures nécessaires pour
éviter les erreurs, choisir les meilleurs sites possible, choisir la
meilleure méthode d'opération, choisir et peut-être
même intégrer les ressources, c'est-à-dire que si on
produit tel déchet, au bout, prendre ce déchet et en faire autre
chose, intégrer tout ce circuit, autrement dit, éviter les
erreurs, de cette façon, on fera des économies énormes. Je
ne sais pas si cela répond à votre question. *
M. Léger: Parfait, c'est exactement ce que je voulais
entendre dire des gens qui s'occupent de l'environnement. Je pense que
quelqu'un qui a au préalable la lunette de l'environnement ne peut pas
voir autre chose que cela. Pour quelqu'un qui a la lunette uniquement du
développement économique, bien, l'environnement prend le bord.
Nécessairement, je pense que c'est une vision et je pense que par cette
loi et cette commission parlementaire, on est en train d'essayer d'obtenir une
sorte de rapprochement entre la perception d'un développement uniquement
économique du Québec, alors qu'il faut tenir compte des
développements. On n'a pas encore trouvé le mot, mais il devrait
y avoir un mot qui se forge autour de "économo-écologique",
quelque chose comme cela. Il faut que ce soit la même chose; qu'on ne
pense pas gagner des sous en faisant des dépenses qui vont
détruire l'environnement. On appauvrit une collectivité
simplement sous prétexté de faire certains profits
immédiats pour un petit
groupe de citoyens. La préoccupation de l'écologie et de
l'économie devrait être non seulement parallèle, mais sur
la même ligne.
Je suis bien d'accord avec les affirmations que vous avez faites et je
voudrais terminer en vous remerciant d'abord de votre mémoire et aussi
pour le travail que vous faites dans la région de l'Est du
Québec, lequel est très important.
M. Lachapelle: J'aurais une question à vous poser, si vous
le permettez, concernant les études d'impact et la procédure
qu'on suggérait, c'est-à-dire qu'il y ait automatiquement
présentation de la nature du projet, ensuite étude d'impact
préliminaire, présentation des devis sur l'étude d'impact
détaillée, consultation auprès de la population,
élaboration de l'étude d'impact détaillée,
consultation auprès de la population. Est-ce cette structure que vous
prévoyez mettre de l'avant ou, comme vous le dites dans la loi, selon
les cas, faire l'étude préliminaire ou faire l'étude
détaillée, etc?
M. Léger: Cela dépend de la nature de chaque
projet, mais nécessairement une audience publique aura lieu soit
après les études préliminaires, soit après les
études détaillées, dépendant des implications.
Hier, on a parlé du point de non-retour d'un projet. Il faut que
l'audience ait lieu avant le point de non-retour. Souvent, le point de
non-retour, c'est à l'étude préliminaire. À ce
moment-là, si on dit que le corridor s'en va dans cette direction, il
s'agit de savoir pourquoi. Si ce n'est pas l'endroit où doit aller le
corridor, c'est avant les études préliminaires.
Dans d'autres circonstances, le contenu du procédé ou du
projet est intéressant, mais cela dépend de l'endroit. Donc,
c'est après les études détaillées. Les audiences
dépendront du projet, mais auront lieu soit après l'étude
préliminaire, soit après l'étude
détaillée.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, est-ce que le ministre
acceptera de soumettre ses néologismes à un comité
indépendant de linguistes?
J'avais lu ce mémoire attentivement avant le début des
séances de la commission. Je voudrais faire un commentaire et, en le
faisant, appuyer une recommandation du mémoire. Le ministre y a fait
allusion il y a quelques instants. Vous recommandez, messieurs, que les
demandes soient rendues publiques et notamment dans la région
concernée. Je pense que c'est une chose non seulement logique, mais tout
à fait désirable. On publie dans les journaux les demandes de
l'ouverture d'une taverne ou de l'autorisation à un épicier de
vendre de la bière. Je pense que les considérations qui sont
traitées ici sont d'une importance énormément plus grande.
Il me semble tout à fait logique qu'une procédure semblable
à celle que l'on utilise pour les permis de la Société des
alcools soit appliquée à l'évaluation des projets qui
peuvent affecter l'environnement.
Je n'ai vraiment pas d'autres commentaires ni d'autres questions. Je
trouve que le mémoire est une contribution utile à nos
discussions.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le ministre, je ne sais pas si vous avez fait
allusion dans vos commentaires je m'excuse, j'étais ici avant
mais j'ai dû m'absen-ter au paragraphe qui est au bas de la page
5, concernant l'article 31f. Je vais lire le texte des intervenants: "On parle
de soustraire certains projets à l'obligation de présenter une
étude d'impact si l'un des trois points suivants a déjà
été commencé: la planification, la conception ou la
démarche de réalisation. Nous sommes tous conscients que les
compagnies d'envergure planifient leur expansion sur des périodes qui
peuvent aller jusqu'à 25 ans et que concevoir un projet ne signifie pas
le réaliser. On peut commencer à réaliser un projet en
disant qu'il a été conçu il y a 50 ans. Il y a donc dans
cet article un moyen évident de contourner la loi. " Pouvez-vous donner
votre point de vue sur ce commentaire des intervenants?
M. Léger: Je voudrais tout simplement dire que vous avez
raison sur ce point. C'est pas mal trop ouvert. Il va falloir qu'on
réajuste un peu le libellé de cet article. Un bon point
encore.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, merci messieurs de la
coopération que vous avez bien voulu apporter à cette
commission.
Je fais maintenant appel à l'Union des producteurs agricoles.
M. Cordeau: M. le Président, en attendant qu'ils prennent
leur fauteuil, que la délégation prenne place, j'aimerais faire
une mise au point sur des commentaires qui ont été faits ce matin
autour de cette table. Durant l'étude du mémoire
présenté par Mme Elizabeth Bellemare et Mme Marisol Martinez
concernant la pollution à Beauharnois, le député de
Beauharnois a fait une intervention disant aux intervenants qu'à compter
de ce jour ils pouvaient compter sur son dévouement et ainsi de suite.
Je n'ai pas le texte, mais c'était à peu près le contenu
de son intervention, son dévouement et ainsi de suite. À la suite
de cela, j'ai ajouté que j'étais surpris de voir que le
député, après deux ans, venait de se rendre compte qu'il y
avait un problème de pollution à Beauharnois.
Après les explications que M. le député de
Beauharnois m'a données, il m'a assuré, et je le crois, qu'il est
dans ce dossier depuis plusieurs mois, enfin, depuis qu'il est
député. Alors, j'accepte ses explications et, les avoir sues
auparavant, je ne serais pas intervenu de la façon dont je suis
intervenu. Merci, M. le Président.
M. Lavigne: Merci, M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Goldbloom: M. le Président, nous sommes tous des amis
de La vigne même si nous ne voulons pas toujours embrasser le
député de Beauharnois!
Le Président (M. Laplante): Messieurs, si vous voulez
identifer, pour fins du journal des Débats, votre groupe et les
personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.
Union des producteurs agricoles
M. Duval (Bernard): Bernard Duval, président du
Comité environnement à l'UPA, François Côté,
responsable du même comité et Jacques Proulx, représentant
de la confédération. M. le Président, nous
désirons, par ce court mémoire que nous vous présentons,
porter à votre attention quelques remarques et aussi points
d'interrogation face à la loi 69. Comme vous le remarquerez, M. le
Président, nous sommes peut-être, nous producteurs agricoles, les
citoyens qui seront les plus touchés par certains articles de la loi 69.
Vous comprendrez, messieurs de cette commission, que dans certains
mémoires qui ont passé aujourd'hui, dans certaines remarques qui
sont souvent portées au public, on semble souvent vouloir nous dire
qu'on est de grands pollueurs avec des possibilités immenses. C'est
peut-être face à ces différentes choses que nous sommes
craintifs, face à cette loi et surtout à certains de ses
articles. Nous avons peur d'être les boucs émissaires, surtout au
début de l'application de cette loi. Si vous permettez, M. le
Président, maintenant je vais demander à François de vous
lire le document.
M. Côté (François): M. le ministre, MM. les
députés, comme vous le savez sans doute, l'Union des producteurs
agricoles regroupe tous les agriculteurs du Québec. Vous savez sans
doute aussi que l'économie agricole du Québec est fortement
axée sur les productions animales. Parmi les 49 000 agriculteurs, on
compte ainsi 24 000 producteurs de lait, 6000 producteurs de porc, 3000
producteurs de veau et de boeuf de boucherie, 1100 producteurs de divers types
de volaille, 350 producteurs d'oeufs. Toutes ces exploitations,
c'est-à-dire un total d'environ 34 500, à cause du fumier et des
odeurs qu'elles produisent, sont directement concernées par la Loi de la
qualité de l'environnement et par tout amendement qu'on pourrait lui
faire subir. D'ailleurs l'agriculture est certainement un des secteurs
où les Services de protection de l'environnement sont intervenus le plus
fréquemment depuis leur création. (15 h 30)
Nous aurons, à l'occasion d'une commission parlementaire qui se
tiendra en octobre sur le projet de règlement des SPE concernant les
exploitations animales, l'occasion d'exprimer notre opinion sur l'action des
SPE en agriculture. Disons simplement ici que nous reconnaissons la
nécessité de prendre des mesures pour enrayer la pollution de
l'eau. Nous croyons, cependant, que le gouvernement devrait prévoir une
assistance financière pour atteindre ce but.
Nous avons aussi plusieurs réserves à exprimer sur
certaines modalités techniques d'application du règlement. Par
ailleurs, nous croyons que les odeurs provenant des exploitations agricoles,
même si elles peuvent ennuyer certaines personnes, sont une
conséquence inévitable et aucunement nuisible à la
santé d'une activité essentielle à la
société, et elles ne sauraient être
considérées comme étant de la pollution. Cela nous
amènera à exprimer de sérieuses réserves sur les
sections du projet de règlement qui sont dictées par des
considérations sur les odeurs, entre autres sur les distances de
construction et les restrictions à l'épandage de certains
fumiers.
De plus, nous soumettrons à cette commission parlementaire une
proposition visant à constituer un comité consultatif de
l'environnement en agriculture qui pourra servir de mécanisme d'appel
des décisions concernant les permis et des décisions concernant
l'entreprosage et l'épandage des fumiers.
Le projet de loi 69. Les opinions que nous présentons ici ne sont
pas le résultat d'une analyse minutieuse par des légistes
avertis. Elles sont le résultat d'une étude faite par des
non-instruits de toutes lès subtilités du droit.
Cependant, notre expérience nous enseigne que la portée
des textes de loi doit être recherchée en imaginant les pires
situations, les cas les plus extrêmes, car ces situations finissent
toujours par se produire et c'est à ce moment qu'on a recours à
la loi et qu'on doit la faire interpréter par un juge.
Dans cette perspective, nous devons avouer que certains articles du
projet de loi 69 nous font peur, même si, à travers le texte, on
peut discerner les intentions louables de ceux qui l'ont conçu.
Les articles 19a à 19f. Ces articles, notamment les articles 19a,
19b et 19c, sont visiblement les articles clés du projet et ils nous
semblent pouvoir avoir des conséquences importantes et néfastes
en agriculture.
L'article 19a en lui-même n'est pas clair. Il laisse entrevoir la
possibilité que chaque citoyen et chaque juge vont devenir les
interprètes de la Loi de la qualité de l'environnement.
Qu'adviendra-t-il si un citoyen convainc un juge qu'un règlement
édicté par les SPE et respecté par un agriculteur est
contraire à l'esprit de la loi? Jusqu'à ce jour, nous croyions
que les règlements des SPE constituaient une contrainte, mais aussi une
protection, en ce sens que si on s'y soumettait, on se mettait
définitivement à l'abri de poursuites. Avec les articles 19a et
suivants, on semble perdre cette protection.
Et même si les règlements édictés par les SPE
constituaient aux yeux des juges une protection pour les agriculteurs, il
demeure qu'il y a, en agriculture, une possibilité théorique de
34 000 procès différents de citoyens qui se diraient
brimés dans leur droit à une nature pure. Or, la plupart des
fermes sont des unités de production familiale. Ces procès
représentent, pour le simple citoyen qu'est l'agriculteur, une source de
stress difficile à comprendre par des gens comme ceux qui sont
réunis ici. De plus, c'est une source de perte de temps
considérable pour un petit entre-
preneur qui n'a pas de contentieux pour s'occuper de ce genre de
choses.
Du strict point de vue légal et c'est ainsi que les juges
doivent voir les choses tous les agriculteurs doivent, depuis l'adoption
en 1972 de la Loi de la qualité de l'environnement, obtenir un permis
des SPE pour agrandir leurs exploitations.
Or, pour toutes sortes de raisons que nous énumérons plus
bas, un très grand nombre d'agriculteurs se sont agrandis sans obtenir
de tels permis. Ils sont donc hors-la-loi et pourraient subir une injonction
interlocutoire d'un juge de la Cour supérieure avec la loi 69.
Les raisons. Dans le cas des producteurs laitiers, il est certain que la
très grande majorité ont considérablement augmenté
leur production depuis 1972. Les SPE, peu organisés et
préoccupés en premier lieu par la production du porc, ont
eux-mêmes incité les producteurs laitiers qui les consultaient
à s'agrandir sans permis. Or, un juge ne peut évidemment
sanctionner une illégalité, même si elle a
été commise à la demande de l'organisme administratif
chargé de faire appliquer la loi.
Deuxièmement, un très grand nombre de petits et moyens
agriculteurs, peu informés de cette nouvelle loi, ont pu agrandir leur
exploitation sans savoir qu'un permis était requis. Quoique nul n'est
censé ignorer la loi, on peut imaginer, en pratique, que ceux qui
administrent une loi aussi révolutionnaire que la Loi de la
qualité de l'environnement peuvent procéder à une mise en
application souple et graduelle de cette loi, ce que l'on ne peut exiger des
juges.
Donc, d'une façon générale, la possibilité
pour tout citoyen d'intenter une poursuite en Cour supérieure quand il
considère que son droit à la qualité de l'environnement et
à la sauvegarde des espèces vivantes est brimé peut
représenter pour les agriculteurs une source d'embêtements
sérieux.
De plus, nous avons le sentiment qu'en ce qui concerne l'agriculture
cette démarche est prématurée. Elle survient au moment
même où les agriculteurs sont à réaliser les
adaptations déjà très importantes requises par les
Services de protection de l'environnement. À notre avis, les Services de
protection de l'environnement représentent un outil suffisamment
puissant dans les circonstances actuelles. Ils sont en mesure de concevoir et
de mettre en application les mesures destinées aux agriculteurs et
requises pour protéger l'environnement. Ils sont également en
mesure de donner suite aux plaintes des citoyens qui se sentent
lésés et, en même temps c'est l'avantage du
système actuel de ne pas donner suite aux plaintes non
justifiées et, aussi, de procéder avec souplesse dans les cas
délicats.
Voilà les remarques que nous voulions vous communiquer sur le
projet de loi no 69. Nous espérons que vous saurez en tenir compte dans
la rédaction finale de la loi. Merci.
Le Président (M. Picotte): M. le ministre de
l'environnement.
M. Léger: M. le Président, je veux tout d'abord
remercier l'Union des producteurs agricoles de son mémoire. Je dois
aussi vous féliciter pour l'intérêt que l'Union des
producteurs agricoles porte à la protection de l'environnement. Je sais
que vous faites un gros effort de ce côté pour sensibiliser les
gens et les agriculteurs membres de votre organisme. Je voudrais aussi vous
faire savoir que votre collaboration va être essentielle pour la mise en
oeuvre d'une politique de protection de l'environnement qui va impliquer tous
et chacun des citoyens québécois, qu'ils soient agriculteurs,
qu'ils soient industriels ou qu'ils soient de simples travailleurs dans une
industrie. Il va falloir que chacun collabore à faire du Québec
un Québec beaucoup plus sain et où chacun se sent
responsable.
Je voudrais vous signaler qu'il y a beaucoup d'agriculteurs qui ont fait
des efforts valables, peut-être parce que nous avons, au début, en
présentant notre règlement, démontré des
conséquences graves d'une pollution agricole. Cela a produit un grand
éclat dans l'opinion publique en comparant à celle de 35 millions
ou 36 millions de citoyens la quantité de pollution dans les cours
d'eau, mais c'est uniquement une pollution bactériologique et non pas
une pollution chimique ou toxique. C'est à ce niveau. Ce n'est pas autre
chose qu'une quantité dans des régions bien
particulières.
Nécessairement, aujourd'hui, on n'est pas ici pour parler du
règlement sur l'élevage animal et spécialement sur le
porc, parce qu'il y a une commission parlementaire, les 17, 18 et 19 octobre,
qui nous permettra d'aller au fond des choses de ce côté. Je
voudrais que vous sachiez que l'objectif de la présentation ou de la
publication du règlement, c'était, premièrement, de donner
publiquement aux citoyens un document de base permettant à ceux qui ont
des choses à dire non pas uniquement de le critiquer, mais de venir nous
proposer des solutions de rechange à certaines sections de ce
règlement qui pourraient porter préjudice à certains
groupes de cultivateurs.
Donc, ce n'est pas une décision finale. Au contraire, c'est un
document de travail.
J'ai voulu associer les agriculteurs et les citoyens qui vivent des
problèmes de qualité de l'environnement, ainsi que des organismes
comme le vôtre pour venir nous dire ce que vous voulez qu'on mette dans
ce règlement. J'aurais préféré, comme de raison,
qu'on apporte toujours des solutions de rechange. Malheureusement, j'ai vu
parfois uniquement des critiques et je trouve que ce n'est pas constructif
parce que ce n'est pas un document final. Ce n'est pas un projet de loi sur le
point d'être adopté. C'est une première prélecture.
J'aurais beaucoup plus apprécié qu'on vienne nous dire: Sur tel
règlement ou sur tel aspect, on trouve que vous demandez des normes trop
fortes; on vous suggérerait autre chose. J'attends des suggestions. Il
va falloir qu'on prenne une décision quelque part.
Si on ne fait que des critiques sans apporter de solutions de rechange,
cela ne me donne pas
des solutions de rechange. Moi, je vous dis: Je suis là, ouvert
à des solutions de rechange qui donneront une meilleure qualité
de l'environnement et qui permettront à chaque agriculteur de bien vivre
et de sentir que l'agriculture, c'est une chose que le gouvernement du
Québec est très intéressé à aider.
Donc, au départ, ne prenons pas cela comme un règlement
qui va attaquer les agriculteurs, comme certains l'ont peut-être dit dans
une envolée oratoire ou plutôt une envolée aratoire
parce que ce n'était pas du tout l'objectif du règlement.
Nous voulons obtenir les suggestions de ceux qui vivent les objectifs et qui
vivent aussi les problèmes. Je vais vous dire que la qualité de
l'environnement devrait être protégée à la condition
que les citoyens ordinaires et ceux qui affectent l'environnement collaborent
d'une façon loyale à identifier les normes susceptibles de
protéger adéquatement la qualité du milieu. Donc, ces
normes, je veux les faire avec vous autres et je voudrais bien qu'on
évite de les critiquer uniquement sans apporter une solution. Puisqu'on
est tous les deux déterminés à protéger
l'environnement, amenons chacun de notre bord les moyens et les normes qui vont
permettre de réaliser cet objectif.
Je suis donc prêt à accepter vos suggestions car vous avez
une connaissance très intime du problème et j'ai du respect pour
la connaissance que vous avez là-dedans. Mais en tant que gouvernement,
je voudrais que ces règlements et ces lois permettent à
l'agriculture de vivre honorablement et très bien et même de
prospérer, comme elle l'a fait depuis quelques années. Notamment,
dans le domaine de l'élevage, il semble que cela va très bien de
ce côté. Toutes les suggestions que vous allez nous apporter, nous
allons les recevoir avec beaucoup d'ouverture d'esprit, en tenant compte du
contexte administratif, technique et juridique à l'intérieur
duquel nous devons manoeuvrer. Il faut tenir compte de cela.
En ce qui concerne les odeurs, notre expérience nous
démontre qu'il y a là un problème réel. On n'a pas
la finesse, je dirais, de l'odorat placée de la même
manière partout au Québec, mais quand quelque chose sent mauvais,
cela sent mauvais quand même, que ce soit d'une façon
différente à la campagne et à la ville. Cela sent mauvais
et quand cela sent mauvais, on a beau dire que ce n'est pas dangereux pour la
santé, tout est dans le degré d'intensité de l'odeur, et
aussi de la fréquence de l'odeur. Donc, l'important, il faut
réglementer cela et ce n'est pas facile. On a besoin de votre
expérience et de vos suggestions. Il ne faut pas dire: L'odeur, ce n'est
pas grave; à la campagne, cela sent comme cela. Cela finit là. Ce
n'est pas grave. Il y a des gens de la campagne qui trouvent qu'en ville cela
ne sent pas bon, et quand ils retournent à la campagne, ils disent: On
va retourner sentir le bon air de la campagne. Mais ce n'est pas assuré
que quand ils passent à côté d'une porcherie de 5000
têtes, ils trouvent que c'est la bonne odeur de la campagne.
Nécessairement, il y a des endroits où il faut donner des
droits acquis, et je vous ai dit que j'étais d'accord là-dessus.
C'est la raison pour laquelle ce qui sera zoné agricole dans le projet
qui s'en vient en dedans du prochain mois, va donner certains droits acquis aux
agriculteurs sur le territoire zoné agricole. Pas un droit acquis
à polluer, mais un droit acquis à des normes beaucoup moins
sévères. C'est un territoire pour le développement
agricole, donc, on doit d'abord tenir compte de la préoccupation
agricole dans ce territoire.
C'est pour cela qu'il est impossible d'ignorer ou de balayer sous le
tapis ces préoccupations. Les citoyens du Québec sont
préoccupés par le problème et je pense que le gouvernement
ne peut feindre de ne pas s'en occuper. Notre approche, compte tenu de ce que
je viens de dire, doit aussi tenir compte des préoccupations autant de
ceux qui subissent le problème des odeurs, que de ceux qui vivent quand
même d'une industrie importante au Québec. Je pense que c'est une
question d'équilibre, et l'équilibre, je pense bien que, ce n'est
pas nous tous seuls qui l'avons et que ce n'est pas vous tous seuls qui l'avez.
C'est quelque part entre nous deux. Mais c'est entendu que chacun va vouloir
l'avoir le plus proche d'un bord que de l'autre. On va essayer de trouver une
façon d'avoir un équilibre qui permettra à tout le monde
d'être heureux là-dedans. Je pense qu'il va falloir qu'on trouve
cet équilibre entre la qualité de l'environnement et les autres
impératifs, économique et social, de la
société.
Une chose est certaine, je pense qu'on est d'accord sur la
qualité de l'eau. Je voudrais vous rassurer tout de suite concernant un
point que vous avez mis de l'avant, à cause d'un article de la loi qui
confère à des citoyens le droit de poursuite en injonction contre
un pollueur. Je peux vous assurer que toute personne, qu'elle soit agriculteur
ou qu'elle ait une autre tâche dans la société
québécoise, toute personne ou toute industrie, toute entreprise
ou tout agriculteur qui sera respectueux de la loi, des règlements et
des certificats ne pourra jamais être poursuivi, soit sur le plan
pénal ou sur le plan civil ou recevoir une injonction. (15 h 45)
Donc, les agriculteurs qui respecteront les lois et les
règlements peuvent dormir en paix, ils sont à l'abri. Plus que
cela. Vous dites: Un agriculteur pourrait être poursuivi par quelqu'un
devant un juge parce qu'on aura prouvé que, même s'il respecte le
règlement, il n'est pas selon l'esprit de la loi. Je peux vous dire
qu'il faudrait peut-être nous faire un peu confiance; on ne fera pas un
règlement qui ne serait pas selon l'esprit de la loi, le
règlement va nécessairement être selon l'esprit de la loi.
Quelqu'un qui respecte le règlement ou qui respecte la loi ne pourra pas
être poursuivi.
Maintenant, j'aimerais peut-être avoir de vous certaines
réponses. Est-ce que je vous ai rassuré complètement sur
le plan de l'injonction pour celui qui va respecter la loi ou s'il y a encore
des petites ouvertures de ce côté, sans parler du projet de
règlement sur la production animale? C'est
uniquement à cet article, parce qu'on aura l'occasion à la
commission parlementaire du 17 octobre de parler du projet de loi.
M. Duval: M. le Président, pour faire une remarque
peut-être au ministre, on aimerait souligner la prépublication du
règlement présentement. Il est appliqué au moins depuis
1972, en septième ou huitième version, présentement. C'est
une remarque en passant. Si on regarde l'article 19 comme tel, si on regarde le
dernier mot de l'article 19 où il est question de règlements,
présentement, dans la publication, il y est question des odeurs. Vous ne
m'avez nullement rassuré quand vous me dites qu'un producteur ne pourra
pas être poursuivi en cours pour les odeurs. Vous avez mentionné
qu'une porcherie de 5000 porcs dégage certaines odeurs;
nécessairement le porc ça sent le porc, comme la vache sent la
vache et le poulet aussi. Mais les porcheries de 5000 porcs, habituellement,
dans la grande majorité des cas ont obtenu des permis des SPE qui
permettent une certaine concentration des odeurs qui ne sont pas tellement
compatibles à certains nez non aiguisés du consommateur dans le
milieu rural. Je pense qu'en vertu de l'article 19, si on maintient la notion
des odeurs dans le futur règlement, chaque citoyen ira devant un juge et
il dira que la concentration d'odeur est plus grande que sa nature personnelle
est capable d'absorber. Ce sera au juge de déterminer. C'est là
qu'est notre gros point d'interrogation qui dit que ce n'est pas incompatible,
mais ce n'est pas inscrit dans le règlement, l'unité de
concentration d'odeurs que l'agriculture a le droit de dégager dans
l'environnement.
Je pense qu'on est assez d'accord au sujet de la protection de l'eau,
surtout, en l'occurrence, en vertu de cela, excepté les odeurs. Il y a
les dates d'épandage qui sont contenues dans cela. Pour rester
près d'une autoroute moi-même, je n'ai qu'à écouter
un peu les radios CB qui circulent sur les routes et on dit: On n'a pas besoin
de savoir exactement où les citadins qui circulent en milieu
touristique, en passant par la zone verte, sont situés sur la route
comme telle quand ils longent certaines porcheries. Ces mêmes porcheries
détiennent des permis de votre service. Donc quelqu'un qui s'en va le
vendredi soir à son chalet pourra dire tout d'un coup: II y a une
concentration un peu exagérée. Le producteur, ça
gèle complètement son entreprise pour savoir les
conséquences d'une implication judiciaire. C'est pourquoi nous avons un
point d'interrogation.
M. Léger: Je suis bien content que vous fassiez cette
proposition, parce que vous venez de me démontrer justement
jusqu'à quel point il peut y avoir eu une mauvaise
interprétation. Je disais, tantôt: Une personne ou un agriculteur,
un éleveur qui aura obtenu un permis. Cela ne veut pas dire que, parce
qu'il a un permis, il n'aura pas le droit d'émettre des odeurs. J'ai
parlé d'un degré, d'un équilibre là-dedans. S'il a
un permis, c'est parce que les distances permises par le règlement lui
permettent d'avoir son entreprise là. S'il respecte son permis,
c'est-à-dire les distances telles que voulues, même si cela sent,
il n'y a personne qui peut gagner une injonction contre lui. Il y en a
même des gens qui ont essayé cela et ont perdu, parce que ce qui
compte c'est qu'il respecte le règlement. Le règlement ne
détermine pas un odomètre là, ce n'est pas le bon
mot, parce que l'odomètre, ce n'est pas pour la même chose
mais un "odeur-mètre ", je ne sais pas, cela n'existe pas comme tel pour
déterminer la quantité de senteurs permises ou pas dans la loi.
Oublions la partie de concentration d'odeurs, à quel degré la loi
le permet ou pas, ce n'est pas cela. Pour contrôler l'odeur, on a pris
des mesures susceptibles de nous donner des distances, des grandeurs. Donc,
s'il a eu son permis, c'est parce qu'il est situé à une distance
acceptée par le gouvernement; à ce moment-là, personne ne
peut le poursuivre parce qu'il sent. Je ne sais pas si cela répond
à votre question, de ce côté-là.
M. Duval: On souhaite qu'aucun agriculteur... M. Léger:
Ou un "sentimètre ", oui...
M. Duval: On souhaite qu'aucun agriculteur ne soit brimé
dans ses droits d'exploitation durant quelques mois, quand on connaît
présentement la lenteur de l'appareil judiciaire et quand on sait que
dans une entreprise agricole... Une injonction sommant de comparaître en
cour dans quelques mois au sujet de certaines choses sera annulée par
cela et l'agriculture pourra progresser tout en protégeant la
nature...
M. Léger: Je vais répondre à une autre de
vos questions. D'abord, je veux vous rassurer là-dessus et
j'espère que vous le savez. Aucun citoyen agriculteur qui respecte le
règlement ou le permis qu'il a eu ne pourra être poursuivi en
injonction. Cela devrait être clair. Maintenant, vous devez comprendre
qu'il faut prendre des mesures parce que la technologie de l'élevage des
porcs a bien évolué au cours des dernières années.
Aujourd'hui, quand on a 10 000 porcs, cela fait changement avec le temps
où on élevait nos porcs, trois ou quatre, qu'on mettait autour de
la table et à qui on donnait les restes de la table. Arnold, à la
télévision, dans le programme des Arpents verts, c'est
passé de mode, il n'en a plus qu'un ou deux, et on est rendu dans les 10
000; cela fait longtemps que c'est passé.
Il faut aussi comprendre que cela crée des problèmes et
que les problèmes sont arrivés en pleine face des citoyens dans
les dernières années, alors que les éleveurs,
individuellement, se sont aperçus que c'était quelque chose de
rentable. On est rendu à 140% de production par rapport à la
consommation au Québec, c'est donc dire que c'est une industrie
importante. La technologie de contrôle de l'environnement n'a pas suivi
à la même vitesse que la technologie de l'élevage. C'est
pour cela qu'on a un problème, aujourd'hui, qu'il faut
résoudre.
Je réponds en même temps à votre première
question, quand vous disiez que depuis 1972, on utilisait ce règlement
ou les versions suivantes. Il faut quand même admettre que la loi disait
que quelqu'un susceptible d'entreprendre une exploitation pouvant amener de la
pollution devait obtenir un permis. Donc, la production animale,
spécialement celle du porc, a une conséquence de pollution aussi
bien de l'eau que par les odeurs. Nécessairement, il fallait des permis,
mais comme il n'y avait pas de moyen autre que se donner un guide pour
déterminer pourquoi nous devions refuser ou accorder un permis, il a
fallu se baser sur un règlement que nous avons commencé à
préparer pour être capable de dire: Oui, un permis à tel
éleveur ou non, en nous basant sur des normes. Là, votre
organisme, l'UPA, a eu raison d'exiger que le ministre de l'environnement rende
public l'outil sur lequel il se basait pour accepter ou refuser des permis
d'agriculteurs au niveau de l'élevage. Vous aviez raison.
À ce moment-là, nous avons présenté ce
règlement qui est un document de travail parce qu'il était utile
pour donner un permis, au départ, comme guide de
références, mais il va aussi devenir un règlement par la
suite pour ceux qui ont une exploitation pour voir si après qu'ils ont
eu leur permis, ils ont respecté continuellement ces normes. Donc, il
faut que cela devienne non seulement un guide pour attribuer un permis, mais
aussi un règlement que tout le monde connaît, pour le respecter
durant la période d'exploitation de cette industrie.
Donc, on est obligé de le publier et maintenant qu'il est
publié, on vous demande votre appui, votre collaboration, vos
suggestions, de façon positive, pour que ce règlement, on le
corrige, on lui apporte les amendements voulus pour qu'on atteigne en
même temps les deux objectifs, c'est-à-dire la qualité de
l'environnement et la possibilité que l'industrie de l'élevage
puisse devenir prospère. Je pense que ce règlement va devenir un
outil de protection des éleveurs.
M. Proulx (Jacques): M. le ministre, je reviens à la
première partie de la question que Bernard vous a posée tout
à l'heure. Vous y avez répondu en partie. Il reste que cela
demeure, pour nous, un point d'interrogation, cet article 19. On comprend
très bien que si on respecte les règlements, les normes, ainsi de
suite, on reste tout de même face à des citoyens qui, pour toutes
sortes de raisons, peuvent aller en cour et nous obliger à aller nous
défendre, ce qui entraîne, si on prend individuellement chaque
producteur...
Vous savez comme moi qu'il y a des petits, des moyens et des gros
producteurs. Ils n'auront pas tous les moyens d'aller se défendre. On
vous croit quand vous dites: Si tu as obtenu ton permis et ainsi de suite, tu
es à l'abri de cela. Mais tu es à l'abri jusqu'à un
certain point. Il reste que tu seras obligé d'aller te défendre
et que cela entraînera des procédures. C'est cette garantie qu'on
veut avoir, M. le ministre.
M. Léger: Je viens de vous la donner, mais vous avez quand
même joué sur les mots. Je viens de vous dire,
précisément, qu'un agriculteur qui a son permis, qui respecte la
loi et les règlements, est à l'abri des poursuites. Donc, il
n'aura pas à aller se défendre. Il va être à l'abri
des poursuites. Il n'y a pas un juge qui va accepter une poursuite en
injonction venant d'une tierce personne contre quelqu'un qui respecte la loi et
les règlements. Que puis-je vous dire de plus? Mais je sais fort bien
que ce n'est pas là-dessus que vous avez des préoccupations.
C'est sur d'autres choses. On va en parler à l'occasion de la commission
parlementaire. J'espère avoir une bonne réponse à vous
donner sur les autres choses dont vous n'osez pas me parler aujourd'hui.
D'accord?
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, le mémoire est
court, mais il est parmi les plus importants que nous ayons eu à
étudier. Il s'agit, effectivement, du problème litigieux auquel
j'ai fait allusion ce matin.
Je voudrais demander votre indulgence et celle des membres de la
commission pour quelques secondes seulement, parce que, sur cet important
sujet, je voudrais passer la parole au jeune, fougueux et brillant
député de Maskinongé que voici.
M. Cordeau: Une entrée triomphale!
Le Président (M. Laplante): Les acteurs ne sont pas tous
à Hollywood!
M. Picotte: M. le Président, M. le ministre, je pense que
les remarques que nous nous proposons de faire concernant ce projet de loi et
les réticences, en principe, que nous avions concernent surtout la
production agricole. L'autre fois, j'étais en train de relire bien
attentivement la transcription des rencontres que le ministre de l'Agriculture
tient présentement et je me suis rendu compte à cette lecture que
les agriculteurs mentionnent assez régulièrement avoir de
sérieux problèmes au niveau de l'environnement. Je pense que cela
relève du fait que, en termes de permis du côté de
l'agriculture, on a toujours su évaluer cela avec une question de
distance. On parlait des odeurs tantôt.
Quant à moi, je sais que dans mon comté les odeurs n'ont
pas l'air de fatiguer trop les citadins, puisque, dans bien des cas, on a
profité d'une situation donnée pour venir se bâtir des
chalets tout près de porcheries ou même d'un dépotoir dans
certains cas. Par la suite, les gens font des plaintes, ce qui est normal,
parce qu'ils trouvent, évidemment, qu'il y a de mauvaises odeurs, ils
trouvent que cela a des inconvénients spéciaux. Il reste que ces
gens sont venus s'installer sur le territoire agricole, dans le milieu agricole
et, par la suite, ils causent des problèmes aux agriculteurs.
Cela m'amène à mentionner justement ceci: il faudrait
absolument qu'à l'intérieur du projet de loi que nous discutons
présentement il y ait une distinction très nette au sujet de la
pollution. Nous convenons qu'à un moment donné, lorsqu'une
activité agricole pollue les cours d'eau, il est absolument important
que les normes soient assez rigides et soient respectées, mais nous
trouvons que c'est mettre une arme assez puissante dans les mains de chaque
citoyen que de lui donner l'occasion de se plaindre ou de demander une
injonction surtout au niveau des odeurs en particulier. (16 heures)
Pour être issu de la Mauricie, je sais que les services
d'environnement, entre autres, ont fait des procès à des
agriculteurs dans le passé, non sans raison dans certains cas. Je sais
que dans la Mauricie, entre autres, plus précisément dans mon
comté, plusieurs agriculteurs, quelques-uns, en tout cas, sont
amenés devant les tribunaux face à ces choses. Il est très
important, je pense, et c'est la considération que je voudrais donner au
ministre, de bien distinguer pollution d'odeurs et autres senteurs qui
proviennent d'une exploitation agricole. Il faudrait aussi, à mon avis,
être prudent et revoir les normes. On a parlé tantôt d'un
comité consultatif agricole, appelons-le agrico-écologie ou peu
importe. Ce serait extrêmement important qu'un comité soit
formé, comme il est mentionné dans le rapport de l'UPA, pour
revoir les normes afin d'être bien certains que ces normes ne serviront
pas à décourager la relève agricole et ne serviront pas,
non plus, à décourager l'exploitant agricole. Je pense qu'il est
possible, à l'intérieur d'un projet de loi donné, de faire
un aparté concernant les exploitants agricoles, et serait important, en
tout cas, que tout cela soit fait en collaboration très précieuse
évidemment, en collaboration très étroite avec les
dirigeants de l'UPA, l'UPA qui a sûrement des services et qui a
étudié cela avec beaucoup d'acuité.
J'écoutais, ce matin, un mémoire où on a
parlé, entre autres, d'une compagnie à Beauharnois qui polluait.
C'est une autre chose qu'il faudrait absolument distinguer. Il faudrait faire
une distinction entre les pollueurs qui exploitent une activité
industrielle, parce que la plupart du temps ce sont des multinationales, ce
sont des gens que nous ne connaissons même pas. Mais il ne faut pas
perdre de vue que l'exploitant agricole, lui, bien souvent est un individu et
c'est une famille. Je pense que cette distinction est importante à
faire. Je prierais les gens de l'UPA, que le ministre a invités
tantôt à collaborer avec les Services de l'environnement dans le
but d'établir les normes, je les prierais d'avoir des rencontres le plus
rapidement possible afin que ce projet de loi, comme on l'a mentionné,
et je pense que mon collègue de d'Arcy McGee l'a démontré
depuis le début de la commission, sur lequel nous sommes d'accord en
principe, que ce projet de loi soit suffisamment bonifié pour permettre
à la classe agricole de continuer d'exercer son activité
agricole. Tantôt on sera peut-être moins pollué, les odeurs
seront moins fortes, mais on ne sera peut-être plus capable de manger non
plus et on n'aura plus d'exploitants agricoles. C'est bien important que cela
soit fait.
M. Léger: M. le Président, je voudrais remercier le
député de Maskinongé de ses remarques. Je voudrais le
rassurer. Il nous demandait de faire une différence entre les odeurs et
la pollution. Je répète ce que je disais tantôt: Ce n'est
pas l'odeur ou le degré d'odeur qui est inscrit dans la loi et qui est
une norme sur laquelle on se base pour se dire qu'on a transgressé la
loi. C'est tout simplement une question de distance, c'est une question,
disons, de date, c'est une question d'une infinité de petits
détails qui fait qu'une personne respecte ou non la loi. Donc, je le
répète encore, au cas ou cela ne serait pas assez clair: il n'y a
pas un agriculteur qui peut être poursuivi par une injonction s'il a un
permis et s'il respecte les lois et les règlements. Il n'y a personne
qui peut le poursuivre. Il peut dormir en paix. Aussi, je peux vous dire que
s'il y a eu des poursuites dans le passé de la part des Services de
protection de l'environnement contre les agriculteurs, c'est à peine 18%
des poursuites. Le reste, c'était contre les entreprises et les
industries. Donc, 82% de ces poursuites étaient contre des industries,
alors que 18% étaient contre des éleveurs ou des agriculteurs. Et
même, je tiens à vous dire qu'avant qu'il y ait une poursuite
contre un agriculteur, il y a eu longtemps des discussions, des dialogues, des
possibilités de rencontre pour corriger les situations et c'est
seulement à la dernière limite qu'il y a eu des poursuites.
L'action des SPE n'a pas eu pour effet de brimer l'agriculture, parce
que jamais l'élevage n'a autant progressé au Québec depuis
six ans. Donc, l'environnement n'a pas retardé l'agriculture et n'a pas
l'intention de le faire. Tout simplement, il est important que tout le monde
soit saisi du fait que l'élevage du porc amène une nouvelle
technologie pour protéger l'environnement. Si on n'avait pas
affirmé ce que je viens de dire d'une façon aussi dramatique,
peut-être que ceux qui polluent les quelques-uns, ce n'est quand
même pas une majorité d'éleveurs qui polluent
n'auraient pas senti l'importance des conséquences des gestes qu'ils
posent. Donc, ils ont été saisis de l'ampleur du problème,
ils ont peut-être eu un peu plus peur qu'ils auraient dû.
Aujourd'hui on est en train d'apporter des correctifs à ces affirmations
pour qu'il n'y ait pas de peur et, deuxièmement, pour qu'il y ait des
mesures de prises dans leur cas. Nous allons aussi, à l'occasion de la
prochaine commission parce que je ne veux pas m'embarquer
là-dedans aujourd'hui apporter une aide quelconque pour permettre
aux agriculteurs, comme pour les industries et les municipalités,
d'avoir une aide pour respecter l'environnement.
Je pense qu'on doit considérer chaque citoyen, qu'il soit
agriculteur ou autre, comme faisant partie de la société
québécoise où chacun de nous peut être un pollueur
éventuel et qu'on se doit de faire des correctifs de ce
côté-là.
Je ne pense pas que l'environnement puisse nuire à l'agriculture;
il ne le fera pas à l'avenir non plus, sauf qu'il va falloir atteindre
un certain
équilibre entre des normes d'environnement très
sévères et une agriculture qui fonctionne bien.
Je pense que vous avez une question à me poser; je vous ai vu
lever la main.
M. Duval: Oui, M. le Président, j'avais une question
à poser; c'est peut-être une certaine remarque à faire au
sujet des agriculteurs. En tout cas, au niveau de l'union, on a
collaboré avec les Services de protection de l'environnement, depuis
1976, au niveau de l'adaptation du texte à un milieu agricole vivable.
Quand M. le ministre mentionne que les Services de protection de
l'environnement n'ont pas brimé certains agriculteurs ou l'agriculture
en général, je pense qu'on peut se référer à
des exemples très précis. Des agriculteurs ont été
obligés de fermer leur exploitation de production animale en
l'occurrence 23 bêtes de type laitier. En vertu du
règlement du chapitre 15, 1944, il y a présentement
possibilité, au niveau de la loi de 1972, article 22, pour
approximativement au moins 20 000 producteurs de faire de la production
animale, surtout dans la production laitière, sans permis où il y
a eu amélioration, construction. Les Services de protection de
l'environnement refusaient, tel qu'on le mentionne dans notre dossier,
l'émission d'un permis et on est devenu des hors-la-loi. Tout cela
ensemble crée l'inquiétude. On sait que présentement il y
a des cas au niveau du contentieux des Services de protection de
l'environnement. Un producteur est mis en demeure de fermer son exploitation
jusqu'au moment d'obtenir son permis. Pour une construction bâtie en
1973, il n'y avait aucune notion de vents dominants; présentement elle
existe. Ce producteur-là, en vertu des habitations voisines, devient un
hors-la-loi parce que nécessairement l'exploitation n'est pas sur des
roulettes, elle est à 600 pieds de l'habitation voisine. En vertu du
règlement qui est prévu, il va falloir qu'il se mette à
2000 pieds.
M. Léger: Est-ce que les vents dominants sont inclus pour
les bovins?
M. Duval: C'est une exploitation de production animale.
M. Léger: Oui, mais elle n'est pas du même type.
M. Duval: Ce sont des porcs.
M. Léger: Des porcs, ce n'est pas pareil.
M. Duval: Mais quand même...
M. Léger: II ne faut pas mêler les porcs avec les
vaches.
M. Duval: Habituellement, les services de la qualité, au
niveau des produits laitiers, refusent qu'on produise des porcs en même
temps que des vaches, au moins dans la même bâtisse.
M. Léger: Je puis vous rassurer après ce que vous
venez de dire. J'aimerais quand même vous dire que, depuis 1973, il n'y a
eu qu'une vingtaine de demandes qui ont été rejetées. Nous
avons eu 6616 demandes, 4290 ont été acceptées. Il y en a
eu 654 où on demandait des explications supplémentaires au niveau
de la façon dont ils pourraient se conformer à la loi. Ils ont eu
leur permis par la suite. À peine une vingtaine ont été
refusées. Nécessairement, il peut y avoir eu des délais si
elles n'étaient pas conformes à la demande du règlement.
Mais il y en a à peine une vingtaine qui ont été
refusées. Alors, je ne pense pas qu'il y ait de problèmes de ce
côté-là.
Vous avez fait une affirmation qui m'a surpris tantôt. Quand vous
affirmez que vous êtes à une vingtaine de milles d'un
éleveur de bovins qui, actuellement, n'aurait pas eu de permis, je pense
qu'un de vos rôles, comme membre de l'UPA, c'est d'informer vos membres
qu'ils doivent respecter les lois. Cela me surprend que vous affirmiez cela
aujourd'hui parce que je pense que, depuis ce temps-là, vous auriez
dû dire à vos gens, via l'information, la publicité que
vous faites, qu'ils devaient demander un permis et qu'ils auraient eu leur
permis chez nous. Si vous dites qu'il y en a 20 000 qui pourraient être
hors-la-loi et qui pourraient être poursuivis, je tiens à vous
dire qu'avant que le projet de loi no 69 dont on parle aujourd'hui ne soit
adopté, avant que le règlement ne soit adopté, il peut
quand même se passer un certain temps. Vous devriez nous aider à
faire de la publicité pour inviter tous ces gens à demander leur
permis au plus tôt et se mettre en loi. C'est là une bonne
collaboration, plutôt que de dire: N'adoptez pas de loi. On a des gens
qui ne sont pas dans la légalité actuellement. Donc, il ne faut
pas qu'ils soient poursuivis.
Je pense que le geste devrait être beaucoup plus positif de votre
part. Vous devriez dire à vos gens: Allez demander vos permis! Je vais
engager du personnel supplémentaire à l'environnement uniquement
pour écouter les demandes de vos gens, pour m'assurer qu'ils aient leur
permis à temps. Je m'engage à avoir le personnel pour leur donner
des permis si vous faites de la publicité de votre bord pour que vos
agriculteurs qui n'ont pas le permis puissent le demander. Tout cela va se
faire avant que la loi ne soit en vigueur.
M. Goldbloom: M. le Président, si vous me le permettez, il
y a une question assez importante que je voudrais poser au ministre en vertu de
ce qu'il vient de dire. En s'engageant à fournir le personnel
nécessaire pour étudier les demandes qui viendront
sûrement, est-il en même temps en train de donner l'engagement que
les infractions qui sont candidement mentionnées dans ce mémoire
ne feront pas l'objet de poursuites?
M. Léger: M. le Président, si vous vous rappelez,
hier, j'ai bien dit que les industries ou les pollueurs qui signeraient un
protocole d'entente avec un échéancier pour se conformer au
règle-
ment ne seraient pas poursuivis en injonction. C'est donc dire que les
agriculteurs qui demanderaient un permis pour s'équiper, pour être
en conformité avec la loi, seraient inclus parmi les gens qui ne
devraient pas être poursuivis, s'ils ont fait ce geste.
M. Goldbloom: Nonobstant le fait qu'ils auraient dû
demander un permis il y a certain temps, qu'ils ne l'ont pas demandé et
qu'il y a donc une période, dans le passé, qui pourrait avoir
comme résultat de les rendre passibles à des interventions
judiciaires?
M. Léger: Tout dépend du libellé de la loi
concernant des problèmes que nous voyons et que nous verrons à
corriger. Ce qui est important, c'est qu'il y ait justice pour tous les
citoyens devant la loi, que pour ceux qui ont des problèmes particuliers
on fournisse toute l'aide technique voulue, le personnel voulu chez nous pour
permettre aux gens d'obtenir le permis. À ce moment-là, si les
agriculteurs qui n'ont pas le permis actuellement demandent un
échéancier et signent un protocole d'entente avec le
ministère de l'environnement pour s'équiper en-deçà
du temps nécessaire, je pense qu'ils vont être à l'abri de
toute poursuite.
L'objectif de la loi, c'est de permettre aux citoyens d'être
responsables, autant celui qui est poursuivi que celui qui pourrait être
poursuivi.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le Président, sur le même sujet. Dans
le mémoire, à la page 4, on dit: "... où les SPE, peu
organisés et préoccupés en premier lieu par la production
de porc, ont eux-mêmes incité les producteurs laitiers qui les
consultaient à s'agrandir sans permis. ' Je ne sais pas si cette
allusion est véridique ou non. Par contre, il serait peut-être bon
d'inclure dans la loi un article nouveau donnant à ces agriculteurs qui
ne se sont pas conformés à la loi un délai plus long que
l'entrée en vigueur totale de la loi. Si on adopte la loi au
début de la session et qu'elle est en vigueur immédiatement, cet
article ne serait en vigueur que sur promulgation pour permettre à ces
agriculteurs qui ont déjà construit un délai d'un an ou
d'un an et demi. Pour ne pas, non plus, surcharger le ministère de
l'environnement dans un délai très court, on donnerait à
ces agriculteurs un délai plus long afin de se conformer à la loi
et on promulguerait cet article un peu plus tard. (16 h 15)
M. Léger: La dernière suggestion que vous venez de
faire, c'est une suggestion intéressante qu'on peut regarder. Comme je
l'ai dit, ce qui est important, c'est que tout le monde soit traité
justement.
M. Cordeau: Oui.
M. Léger: Donc, il ne faut pas qu'on pénalise ceux
qui ont respecté la loi avant en donnant trop d'ouvertures à ceux
qui ne l'avaient pas respectée, sauf que, pour éviter des
problèmes qui peuvent survenir, il y a des modalités que nous
sommes ouverts à regarder. Vous avez affirmé au début
le mémoire le mentionnait que l'environnement aurait dit
à des gens que ce n'était pas nécessaire de demander un
permis. C'est cela à peu près?
M. Cordeau: Oui. Je peux vous relire l'article.
M. Léger: Ce n'est pas le cas, sauf qu'en juillet 1973 il
y a eu une directive pour les éleveurs de porcs d'avoir à
demander un permis et, à partir de juillet 1974, cela été
pour les autres éleveurs de bovins. Donc, il n'y a pas eu de directive
disant aux gens: Ne demandez pas de permis. Ce n'est pas exact.
Le Président (M. Laplante): C'est tout, monsieur? D'autres
questions?
M. Cordeau: J'en aurais peut-être une autre, concernant la
qualité de l'environnement en campagne. Je crois que le zonage agricole
va apporter certainement des clarifications concernant certains points parce
qu'aujourd'hui, dans le comté de Saint-Hyacinthe comme dans d'autres
comtés, on voit des développements domiciliaires sauvages tout
près de fermes agricoles. Alors, ces gens se construisent dans des
boisés et,de chaque côté de ces boisés, il y a des
fermes agricoles. Entre autres, dans le comté chez nous, un producteur
de porcs est établi là depuis passablement longtemps. Le
boisé voisin a été acheté, il y a eu du
développement domiciliaire dans ce boisé et, aujourd'hui, le
producteur de porcs est obligé d'ailer à 3000 pieds sur sa ferme
pour une nouvelle construction bien qu'il ne soit pas dans les vents dominants,
à cause de la proximité des bâtisses, des nouvelles
constructions domiciliaires dans le boisé.
Je crois que le zonage agricole arrive à temps et que cela va
empêcher cette urbanisation sauvage, comme je l'appelle, en plein
territoire agricole.
M. Beauséjour: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): Oui, M. le
député d'Iberville.
M. Cordeau: II y a une autre chose aussi. Seulement un
commentaire. De toute façon, si à un moment donné
quelqu'un essaie de poursuivre un cultivateur concernant les odeurs, il va
être certainement très difficile pour ce poursuivant d'apporter
une preuve tangible à la cour. Je pense que cela va être assez
difficile concernant les odeurs d'apporter une preuve tangible à la
cour.
M. Beauséjour: M. le Président, j'aimerais
féliciter les membres de l'Union des producteurs agricoles de nous avoir
présenté certaines préoccupations touchant le monde
agricole. Mainte-
nant, je crois que les 17, 18 et 19 octobre où nous
étudierons spécialement la réglementation sur le sujet
sont de la plus grande importance. Il y a un aspect que vous avez certainement
remarqué, c'est qu'au niveau de la production des terres agricoles,
étant donné que c'est peut-être en retard depuis longtemps
et que la construction s'est faite dans nos milieux, souvent une production
agricole est arrêtée ou diminuée parce qu'il y a des
maisons qui sont construites tout près. Je suppose que, lorsque nous
aurons étudié le règlement, nous pourrons voir une
possibilité de donner une espèce de droit acquis au premier
occupant de telle façon que le producteur agricole ne soit pas
obligé de se transporter continuellement pour être capable
d'agrandir sa production.
À la page 1, vous indiquez: "Nous croyons cependant que le
gouvernement devait prévoir une assistance financière pour
atteindre ce but, "c'est-à-dire une aide pour toute application de
règlements touchant l'environnement. Est-ce que vous pourriez
préciser un peu dans quel sens? Est-ce que ce serait pour reprendre une
production ailleurs si cela cause des problèmes d'odeurs? Ou si c'est
pour l'installation de fosses pour l'élevage de porcs et le reste?
Est-ce que vous pourriez préciser sur ce sujet?
M. Côté: On va préciser en détail
à la commission parlementaire là-dessus, mais le fond de
l'affaire, c'est que pour se soumettre aux règlements, cela implique que
les producteurs de porcs doivent se construire des fosses étanches; cela
suppose et c'est une nouveauté que les producteurs de
lait, dorénavant, vont devoir emmagasiner les fumiers solides sur des
plates-formes étanches conçues de façon à retenir
le liquide. C'est le mot à mot du règlement. On n'a pas fini de
faire le tour du problème, mais calculé n'importe comment, c'est
un investissement énorme qui est demandé de l'agriculture.
Demandez à tous les producteurs laitiers du Québec de se
construire une plate-forme étanche conçue de façon
à retenir les liquides, mettons un chiffre qui tourne autour de $100
millions. C'est de cela qu'on parle. Même, on parle de cela pour
l'industrie des pâtes et papiers, ce serait déjà un montant
considérable, mais pour l'agriculture, c'est un montant encore plus
considérable en termes de capacité de payer. Cela va être
un changement qui va être extrêmement onéreux pour
l'agriculture. C'est de cela qu'on va parler.
M. Beauséjour: Étant donné que probablement
cela reviendra quand on étudiera les règlements, je suppose que
si vous avez d'autres suggestions qui seraient de nature à diminuer les
coûts ou bien d'autres formules que des plates-formes et qui seraient
aussi efficaces contre la pollution, vous pourrez nous les apporter, à
ce moment.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le
député de... juste quelques courtes questions, parce que le temps
est déjà dépassé.
M. Cordeau: M. Couture, président général de
l'UPA, commentant le projet de loi no 69, mentionnait ceci: "A l'accusation que
l'agriculture pollue davantage que les pâtes et papiers, M. Couture
réplique que si cette dernière industrie veut soustraire au fisc
les dépenses engendrées par l'installation d'équipements
antipollution, l'Etat n'accorde aucune assistance de cette nature aux
agriculteurs". Est-ce l'intention du gouvernement d'apporter une aide
financière aux agriculteurs concernant les dépenses qu'ils auront
à faire pour l'aménagement des équipements
nécessaires exigés par la nouvelle réglementation?
M. Léger: Je voudrais juste faire remarquer au
député de Saint-Hyacinthe qu'on est en dehors du projet de loi no
69, qu'il y aura une commission parlementaire qui va statuer là-dessus.
Maintenant, je peux vous dire que le ministère de l'environnement a une
vocation première qui est celle de la protection de l'environnement, et
que le ministère de l'Agriculture a la responsabilité d'aider au
développement de l'agriculture, et c'est lui qui devrait avoir les
programmes là-dessus.
Cependant, nous sommes en étroite collaboration, en
étroite discussion tous les deux. J'ai sensibilisé le ministre de
l'Agriculture en lui disant gentiment que la partie environnementale c'est ma
responsabilité et que lui devait s'occuper de la partie de l'aide aux
agriculteurs. C'est là qu'on s'est dit: Ne nous égarons pas et
trouvons les solutions pour aider les agriculteurs en même temps. Je suis
sûr qu'il y a quelque chose qui s'en vient, je travaille fort de ce
côté, le ministre Garon aussi. Et quand nous aurons passé
toutes les étapes, nous essaierons de voir ce qu'on peut faire de ce
côté. Mais je dirais que c'est très positif.
M. Goldbloom: C'est celui qu'on appelle "le gros
alimentaire"?
M. Léger: Le gros alimentaire.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
Vous aviez une question, je crois.
M. Duval: Pour reprendre les premières paroles de la
dernière intervention du ministre Léger, quand il rappelait
à son confrère qu'on était en dehors du texte du projet de
loi no 69, nous, à l'intérieur du dernier paragraphe qu'on
mentionne dans notre mémoire, on dit que la loi 69 serait
peut-être la loi où l'agriculture devrait être
exemptée, qu'on en avait assez de la loi 49, des articles 22 et 20 de la
loi 49. On voudrait se conformer au moins le plus possible à l'article
22 de la loi 49.
Pour répondre à certaines interrogations des membres ici
présents, ce qu'on a affirmé en page 4 comme quoi les SPE... Je
n'ai pas à aller chercher tellement loin un exemple très
précis. En 1974, lorsque mes bâtiments de ferme ont
brûlé, j'ai demandé aux Services de protection de
l'environnement un permis. L'inspecteur de ma région m'a
déclaré, à ce moment-là, que les permis, il en
émettait seulement pour les producteurs de porc. Admettons que
dans ma région il s'en fait beaucoup; peut-être que son temps
était occupé et il n'avait pas besoin de s'occuper des
producteurs laitiers. Donc, je suis moi-même un hors-la-loi parce que
j'ai rebâti, en 1974, une exploitation qui a presque doublé
comparativement à l'ancienne qui a brûlé. Tout cela mis
ensemble fait que je suis un hors-la-loi et il y en a quelque 1000 autres.
Regardons le personnel que M. Léger serait obligé de
demander à la fonction publique quand on voit qu'il y a 2500 demandes
par année et un délai de 2 à 3 mois pour l'obtention du
permis. Il y a autour de 20 000 demandes qui vont arriver en bloc suite
à des discussions qu'on a déjà eues avec des
hauts-fonctionnaires quand on négociait les droits acquis. On
négociait les droits acquis et on disait: La capacité maximum
qu'une exploitation de production animale devrait détenir devrait
être contenue dans l'émission du permis. On dit: On va inviter les
40 000 producteurs d'animaux à s'inscrire auprès des Services de
protection de l'environnement pour obtenir le permis maximum tenant compte des
habitations voisines et on dit: Tant et aussi longtemps que ce producteur dans
cette catégorie de production n'aura pas atteint son maximum, c'est son
droit acquis. Ils ont dit: Un instant! Un instant! le personnel ne nous le
permettrait pas, vous nous inonderez de demandes pour à peu près
cinq ans d'avance. On en est là.
Avec 20 000, avec 50%, on va mettre deux ans et demi. Je pense que
déjà la loi 69 est exclue de l'agriculture seulement pour faire
appliquer l'article 22 de la loi 49. C'est pourquoi on demande que
l'agriculture soit exclue de la loi 69 pour essayer au moins de commencer
à vivre et de tenter de vivre avec la loi 49.
M. Léger: Pour répondre, parce que vous avez fait
une affirmation; je veux vous dire que puisqu'on va collaborer ensemble
d'abord, on s'est rencontrés quelquefois en dehors des sessions
publiques pour analyser les possibilités de trouver des solutions au
problème de votre côté, occupez-vous de nous envoyer
des demandes de permis. De mon côté, je m'occuperai d'avoir le
personnel pour leur répondre et on va régler le problème;
il n'y a pas de problème de ce côté-là.
Ne pensez pas que le passé est garant de l'avenir. Quand je suis
arrivé au ministère, il n'y avait pas suffisamment de personnes
au service des permis pour les productions de porc. J'ai été
chercher le personnel voulu. Alors qu'on demandait 250 permis par année
voilà cinq ans, on est rendu maintenant à 2500. Comme on avait le
personnel pour 250 à 500 avant, c'est la raison pour laquelle cela
prenait trois mois. Maintenant qu'il y a du personnel supplémentaire,
l'année dernière, on a donné 2000 permis. On sait qu'on en
aura 2500 cette année. J'ai le personnel voulu pour répondre
à cela et j'en aurai d'autre si vous arrivez avec les 20 000 permis que
vous m'avez demandés tantôt. Soyez assuré de cela.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee, une courte intervention.
M. Goldbloom: Très courte, M. le Président. La
pollution agricole est une chose réelle, et personne ne peut demander
que les lois du Québec ne s'appliquent pas à la vraie pollution
agricole. Il y a, de l'autre côté, des aspects des exploitations
agricoles qui constituent plutôt des inconvénients. J'aimerais
encourager le ministre à essayer de faire aussi clairement que possible
la distinction entre les deux et à essayer, autant que possible, de
régler le deuxième cas, celui des inconvénients, par le
truchement du zonage agricole plutôt que par le truchement de la Loi de
la qualité de l'environnement.
Je voudrais en terminant, M. le Président, nier une rumeur selon
laquelle j'aurais passé la parole, sur ce dossier, au
député de Maskinongé, parce que je me trouvais dans une
situation délicate, coincé entre les producteurs de porc et mon
rabbin!
Le Président (M. Laplante): Sur ce, messieurs, les membres
de cette commission vous remercient de votre coopération. Merci
beaucoup.
M. Duval: Merci.
Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant
l'Association pétrolière du Québec.
Monsieur, pour les fins du journal des Débats, si vous voulez
identifier votre groupe et les personnes qui vous accompagnent. (16 h 30)
Association pétrolière du
Québec
M. Beauregard (Gaston): Je m'appelle Gaston Beauregard. Je suis
le directeur régional, pour l'Est du Canada, de Shell Canada
Limitée et président de l'Association pétrolière du
Québec. Je suis accompagné de M. Carl Lussier, assis à ma
gauche, conseiller en hygiène du milieu chez BP Canada Limitée
et, à ma droite, de Me Thomas Lavoie, conseiller juridique chez Texaco
Canada Inc. et pour notre association.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
mesdames et messieurs. Nous vous remercions pour l'occasion accordée par
la commission de vous présenter les commentaires de notre association
concernant le projet de loi 69.
L'Association pétrolière du Québec agit depuis
plusieurs années et regroupe dix entreprises pétrolières
membres faisant affaires au Québec. Parmi les objets qui touchent de
près ou de loin le secteur des produits pétroliers, elle s'occupe
spécialement des problèmes qui se rapportent à
l'environnement. Elle approuve l'effort d'adopter, par le présent projet
de loi, des mesures qui permettront de mieux adapter la loi aux besoins du
milieu québécois dans notre société complexe et
changeante.
Vous avez déjà en main une copie de notre mémoire.
Nous nous permettons aujourd'hui de
résumer et d'expliquer ce document. Je laisse la parole à
Me Lavoie.
M. Lavoie (Thomas): M. le ministre, MM. les
députés, nos commentaires toucheront les cinq points suivants: le
droit à l'injonction, l'étude d'impact et les audiences
publiques, les amendes, le nettoyage d'un contaminant et les poursuites
pénales.
Le droit à l'injonction. La loi veut reconnaître à
chaque citoyen, au procureur général et à une
municipalité le droit à l'injonction pour assurer le droit
à la qualité de l'environnement, entre autres par un recours
direct à la procédure d'injonction.. D'abord, on ne peut ignorer
le sens général des mots "qualité de l'environnement",
même si la loi permet de définir ces termes, plus tard, par des
normes fixées par réglementation. L'APQ reconnaît que cette
procédure vise la prévention plutôt que la correction. Elle
ne contredit pas le droit à l'injonction, mais elle croit que cette
procédure extraordinaire, telle qu'elle est formulée par rapport
aux individus, enlèvera au tribunal la discrétion qui lui permet
de juger chaque cas particulier selon les circonstances qui lui sont
présentées.
Il faut reconnaître que ce nouveau droit à l'injonction
existerait concurremment avec le droit à l'injonction qui existe
déjà en vertu du droit commun. Aussi, ce nouveau recours serait
basé sur des normes déterminées par règlement.
Jusqu'à présent, un tribunal avait le droit de juger si le
résultat c'est-à-dire une ordonnance de ne pas faire
quelque chose ou de détruire quelque construction était
disproportionné vis-à-vis du dommage causé ou du risque de
dommage. Si le projet de loi devenait en vigueur tel que rédigé,
un tribunal n'aurait plus la possibilité d'évaluer
l'intérêt du réclamant ni les conséquences de
l'injonction.
C'est pourquoi nous suggérons la formule suivante d'introduction
à l'instance. En résumé, une plainte
énumérant les faits, sous forme d'affi-davit ou de
déclaration solennelle par au moins six personnes, adressée au
procureur général de la province qui aurait la discrétion
de demander l'injonction si la plainte ne lui paraissait pas frivole. Cette
procédure n'est pas nouvelle. Elle existe en vertu d'autres lois
canadiennes. Les Services de protection de l'environnement sont
déjà familiers avec la procédure de plainte par voie
d'affidavit et en connaissent les avantages, entre autres pour éliminer
les plaintes mal fondées.
Nous croyons qu'une telle formule serait à l'avantage des
plaignants, puisque le procureur général possède plus
souvent l'expertise technique permettant de mieux évaluer l'exactitude
des faits et l'intérêt des parties. En résumé, cette
formule aurait un double objet: premièrement, assurer un
caractère sérieux à la plainte et limiter les abus
possibles; deuxièmement, ne pas imposer au plaignant le fardeau
économique et parfois technique de la procédure d'injonction.
Étude d'impacts et audiences publiques. Sans nous opposer aux
moyens d'évaluation reconnus autant en dehors du Québec pour
juger de la qualité de l'environnement, nous suggérons que la
législation projetée souligne la discrétion du ministre
plutôt que de rendre obligatoire l'addition d'une consultation publique
à une première étude d'impact, surtout si celle-ci est
suffisante en rapport avec le projet visé. Nous ouvrons ici une
parenthèse pour indiquer que nous croyons qu'il y a lieu de
reconnaître, en ce cas et dans tout autre cas où des informations
devront être fournies par les compagnies autant que par les individus en
vertu de cette loi, le droit à la protection d'informations
jugées être d'un caractère confidentiel, telles que les
procédés, les brevets et d'autres détails similaires.
Les amendes. Nous remarquons avec regret l'augmentation notable des
amendes applicables aux corporations. La loi existante sur la qualité de
l'environnement fixe une amende maximale applicable, sans distinction, aux
individus ou aux corporations. Les amendes maximales suggérées
par le projet de loi demeurent les mêmes pour les individus, mais sont
multipliées de façon notable pour les corporations avec, en plus,
des amendes minimales. Nous reconnaissons le désir du gouvernement de
dissuader les contrevenants par ces sanctions draconiennes. À tout le
moins, nous estimons qu'il serait plus juste et plus approprié de
simplement indiquer les amendes applicables aux corporations en chiffres comme
c'est le cas habituel pour les amendes en matière pénale
plutôt que d'appliquer un multiplicateur.
Les critères d'évaluation d'une amende. Il est facile de
voir à quels abus peuvent mener les critères établis par
l'article 109b dans la détermination du montant d'une amende.
Jusqu'à maintenant, la discrétion du tribunal pour fixer ses
propres critères lors de la détermination d'un montant d'une
amende a été reconnue. Nous nous opposons à ces
critères qui seront dans la plupart des cas très difficiles ou
impossibles à évaluer. Mais, s'il faut modifier ce principe et
imposer au tribunal des critères, nous recommandons qu'il soit au moins
tenu compte des autres facteurs importants, tels que le caractère
accidentel ou la force majeure, de même que les difficultés
techniques qui ont pu mener à la commission de l'infraction.
L'élimination ou le nettoyage des contaminants. Nous avons
souligné dans notre mémoire que les Services de protection de
l'environnement sont maintenant familiers avec l'expertise des membres de notre
association en matière de contrôle des déversements. Ces
programmes entrent dans le cadre de la prévention et de la protection du
milieu des compagnies membres. Nous reconnaissons que le ministère aura
recours à ces équipements en certains cas d'urgence, ce qui
équivaut quelque peu à une forme d'expropriation. Nous
recommandons que la loi prévoie une indemnité pour l'usage des
services et des équipements d'une personne ou d'une municipalité
lorsque requis par le ministre.
Sur les poursuites pénales, l'article 116. Le projet de loi
augmente les différents cas d'infrac-
tions, tout en remplaçant le procureur général
comme personne autorisée à intenter les poursuites
pénales. Maintenant, tout individu pourra intenter ces poursuites. Nous
avons déjà soulevé les problèmes relatifs à
un recours direct aux tribunaux dans un domaine aussi complexe que
l'environnement, lorsque nous avons parlé tantôt des injonctions.
Nous proposons le maintien du procureur général ou d'une personne
nommée par ce dernier comme personne autorisée à intenter
les poursuites pénales en vertu de la loi ou des règlements. Ceci
n'enlèverait pas au public le droit d'intenter la poursuite si le
procureur général lui accorde ce droit. Aussi, puisque le projet
de loi vise à augmenter l'incidence des poursuites civiles et
pénales, nous croyons encore que le tribunal devrait avoir
discrétion pour déterminer en quel cas et par qui les coûts
d'analyse devraient être payés.
Je laisse la parole à M. Beauregard pour la conclusion.
M. Beauregard (Gaston): En guise de conclusion, nous sommes
réticents face à l'augmentation de la législation
déléguée. Nous croyons que les problèmes d'une
telle législation seront, en partie, compensés par une
période plus longue pour la consultation avant la promulgation des
règlements qui seront rédigés en vertu de la loi. Nul
doute que ces règlements touchent un sujet complexe et que les
critères qui serviront à évaluer la qualité de
l'environnement seront souvent techniques.
Nous espérons que le gouvernement reconnaîtra
l'expérience de l'entreprise privée dans ce secteur et qu'il
permettra une période suffisante pour entendre et écouter les
commentaires préalables à toute nouvelle réglementation.
Nous rappelons que nos membres ont déjà fait des investissements
directs et indirects de plusieurs millions de dollars pour se conformer
à la loi et à ses règlements. Il est fort probable que les
nouvelles exigences créeront des coûts importants.
Nous sommes prêts, comme par le passé, à prendre
notre part des frais pour un environnement sain, mais il faut que les
résultats de ces coûts soient tangibles. Nous sommes
préoccupés de l'environnement d'une façon positive. Nous
espérons aussi que les moyens suggérés par ce projet de
loi soient humains, praticables et pos-sibies.
Nous vous remercions de votre attention.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, je remercie
l'Association pétrolière du Québec de son mémoire.
Comme de raison, étant donné qu'il y a tellement eu de
mémoires qui ont précédé celui de l'association,
j'ai déjà répondu plusieurs fois à certaines de vos
remarques. Je vais quand même dire quelques mots sur certaines demandes,
certaines affirmations contenues dans votre mémoire.
Vous mentionnez, entre autres, que le législateur a de nouveau
recours à la législation déléguée, qu'il
rend peut-être impossible de mesurer l'impact réel du projet de
loi. Je suis d'accord avec vous en ce sens que l'objectif de ce projet de loi
et d'une commission parlementaire, après la première lecture et
non pas après la deuxième, était de discuter du principe.
Grâce aux interventions qui sont venues de la part des
représentants des différentes associations, grâce aux
amendements proposés, aux suggestions amenées, nous pourrons,
dans la réglementation, apporter les correctifs voulus et les moyens
à prendre pour atteindre les objectifs présentés dans la
loi, et avoir le contenu voulu. Je vous rassure de nouveau en vous affirmant
que ce projet de règlement sera publié dans la Gazette
officielle, permettant à tous ceux qui ont des choses à ajouter
de s'exprimer sur ce règlement avant qu'il soit adopté d'une
façon définitive.
Vous mentionnez plus loin qu'au niveau du recours à l'injonction,
l'association voudrait qu'on parle des mots "portera atteinte " plutôt
que des mots susceptible de porter atteinte". En ce qui nous concerne, le mot
"susceptible" est bien important parce que la preuve est beaucoup plus
difficile à faire quand il s'agit de porter atteinte, alors que
l'objectif, c'est de prévenir le danger. Donc, c'est le mot
"susceptible" qui, pour nous, correspond beaucoup plus à l'intention du
législateur qui est celle de prévenir des problèmes et non
pas d'avoir à les prouver, alors qu'il se pourrait que l'atteinte soit
faite avant même qu'on ait pu le prouver.
Vous parlez de l'augmentation notable des amendes qui devraient
être des montants spécifiques. Nous avons
préféré donner au juge des critères
d'évaluation pour qu'il puisse tenir compte du dommage à
l'environnement, de la capacité de payer du pollueur et ainsi obtenir
l'objectif de dissuader. C'est pour cela que nous avons mis, à
l'intérieur de notre loi, ces critères-là. Il est
important d'atteindre au moins l'objectif suivant: que les amendes soient
suffisamment sévères pour tout type de pollueur pour les
dissuader, alors que, comme le disaient même les députés de
l'Opposition, très souvent, les industries préféraient
payer i'amende plutôt que de respecter la loi, parce que cela
coûtait moins cher. (16 h 45)
Vous parlez aussi du principe d'un critère reconnu. C'est celui
de distinguer entre une commission accidentelle et une autre volontaire. C'est
un critère qui me fait peur, parce que quelqu'un qui est
accidentellement responsable de quelque chose, il faut nécessairement
qu'il soit aussi tenu de dédommager; il faut tenir compte d'une action
qui a été faite, que ce soit volontaire ou accidentel. Le dommage
à l'environnement est là quand même. Je ne suis pas un
juriste. Je dois faire attention parce que, parfois, quand on fait des lois et
qu'on ne tient pas toujours compte des avis de nos conseillers juridiques, on
peut dire des énormités. Je tiens quand même à dire
que la commission accidentelle, pour moi, n'est pas un critère dont on
doit tenir compte. Peut-être dans l'importance des amendes... Je vais
quand même
prendre cela en bonne considération et en discuter avec les
responsables juridiques de mon ministère.
Quand vous dites que la poursuite en matière pénale
devrait être uniquement reconnue au procureur général, je
tiens à vous dire qu'il y a sept provinces du Canada qui ont cette
façon de poursuivre au niveau pénal en permettant aux citoyens de
le faire et non pas uniquement le procureur général; on
reviendrait à la situation d'avant 1972 en le faisant. Je pense que
c'est une façon, pour nous, d'atteindre l'objectif qui est de rendre
responsables et d'associer les citoyens à la défense du milieu de
vie en leur permettant d'avoir une poursuite et non pas uniquement les
"irresponsabiliser" en disant: Uniquement le procureur peut le faire.
Là-dessus, je pense qu'on ne pourra pas retourner en
arrière. L'objectif premier de notre loi, c'est de permettre aux
citoyens d'être associés à la protection de
l'environnement.
Concernant les renseignements à donner au public sur les
pollueurs, sur les actions des pollueurs et les contenants des matières
polluantes qui sont déversées par les pollueurs, je pense qu'on
peut s'entendre sur le fait qu'on doit tenir compte de la discrétion sur
les procédés industriels. On est d'accord avec vous
là-dessus mais je ne pense pas qu'on puisse uniquement se baser sur
l'industriel comme étant celui qui nous détermine ce qu'on peut
rendre public ou non. À ce moment-là, le pollueur ou
l'industriel, en l'occurrence, serait celui qui jugerait ce qui peut être
rendu public au citoyen ou non. Je pense que c'est une responsabilité du
gouvernement qui est élu par la population.
Je n'ai pas d'autres remarques à faire, à moins que vous
ayez des questions à me poser. Je cède la parole à mon
collègue de l'Opposition.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que vous avez des
remarques?
M. Beauregard: Je vais laisser répondre M. Lavoie.
M. Lavoie (Thomas): Je voulais tout simplement répondre
concernant le droit d'accorder au public les plaintes pénales. Je ne
crois pas que ce serait enlever la responsabilité sociale au public,
à un individu, que d'être obligé d'obtenir la permission du
procureur général avant d'intenter une poursuite contre un
pollueur ou un contrevenant. La raison pour laquelle je dis cela, c'est parce
que le procureur est peut-être mieux placé pour décider si
l'individu a un droit valable ou non plutôt que de laisser ce travail aux
tribunaux.
Je voudrais tout simplement citer le juge Estey, qui était juge
en chef de la Cour suprême de l'Ontario, qui avait déjà
mentionné que c'était mauvais d'encourager l'encombrement des
tribunaux. C'est pourquoi nous croyons que le procureur général
pourrait distinguer si une plainte est valable ou non et accorder la permission
à la personne faisant une demande de poursuite pénale.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Léger: Si vous voulez me permettre une question ou une
affirmation. Je voudrais quand même dire que l'expérience des
autres provinces a démontré que cela n'amenait pas un
encombrement des tribunaux. Si, par hasard, il y avait eu encombrement, c'est
parce qu'il y avait beaucoup plus de plaintes que le procureur n'aurait pu
entreprendre et c'est parce qu'il avait des problèmes à
régler. L'expérience des autres provinces a
démontré que cela n'encombrait pas les tribunaux et qu'au
contraire cela donnait une soupape de sécurité en ayant des
citoyens qui peuvent eux-mêmes aider le gouvernement à remplir des
responsabilités. Cela n'enlève pas le leadership du gouvernement.
Au contraire, cela permet aux citoyens de savoir qu'ils peuvent le faire, mais
à l'intérieur des balises que j'ai mentionnées lors
d'autres mémoires.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, j'ai une question et
j'aurai ensuite deux commentaires. Ma question concerne les amendes.
L'Association pétrolière exprime l'avis que les amendes qui
existent dans l'actuelle Loi de la qualité de l'environnement sont
suffisamment élevées. J'aimerais demander tout simplement s'il y
a des compagnies membres de l'association qui se sont vu imposer des amendes
très élevées qui ont fait mal, disons, aux compagnies en
question.
M. Lavoie (Raymond): Si je peux répondre, je crois qu'on
s'est peut-être fait mal comprendre. Nous n'avons pas
suggéré le maintien des amendes telles qu'elles étaient.
Nous avons reconnu qu'elles étaient élevées. Tout ce qu'on
déplorait, c'était l'aspect psychique de voir un multiplicateur
plutôt qu'un chiffre fixe pour une amende élevée. À
savoir si des compagnies membres ont eu des amendes qui leur ont fait mal, je
suis mal placé quant à moi pour les compagnies. Quant à la
compagnie que je représente, les amendes c'est surtout au niveau des
règlements municipaux que nous en avons eu.
M. Goldbloom: Avec les...
M. Beauregard: Dans le contexte d'aujourd'hui, une amende de $1
cela fait mal. Comme M. Lavoie l'a dit, c'est le multiplicateur qui nous fait
mal.
M. Goldbloom: Je n'avais pas compris parfaitement le point de vue
que vous aviez exprimé. Mes deux commentaires sont...
M. Beauregard: Je comprends la raison pour laquelle vous voulez
avoir une amende assez importante.
M. Goldbloom: M. le Président, mes deux commentaires sont
les suivants: Le premier porte
sur la page 5 du mémoire où, en bas de la page,
l'Association pétrolière demande que la loi prévoie un
avis à la partie responsable avant que le ministre ne prenne ses propres
mesures pour nettoyer des contaminants. Je présume que c'est l'esprit de
nos lois que s'il y a quelqu'un qui paraît être responsable de
quelque chose, on commence par une mise en demeure, un avis quelconque et
ensuite on intervient si cette personne n'offre pas la collaboration voulue. Je
voudrais simplement demander au ministre de bien vouloir vérifier que la
loi est rédigée de façon à être
véritablement juste.
M. Léger: Je pense que c'est la coutume, la pratique, ce
que vous venez de dire là, sauf qu'il peut y avoir des cas où il
peut y avoir une fuite de contaminants rapide, dans la nuit et qu'il faille
intervenir immédiatement. C'est plutôt l'exception.
M. Goldbloom: D'accord, M. le Président. Mon
deuxième commentaire est d'ordre général. Le projet de loi
no 69 s'inscrit dans la même foulée que la Loi sur le recours
collectif et cherche à impliquer davantage le public, la population, le
citoyen dans ce qu'on peut appeler l'administration de la justice et, dans ce
cas particulier, la protection de l'environnement.
Il y a peut-être deux ou trois ans je pourrais trouver la
référence précise un juge aux États-Unis a
rendu un jugement sur cette question du recours collectif que l'on appelle aux
États-Unis "class action", de façon à exiger des personnes
qui intentent de telles procédures une démonstration plus
serrée qu'auparavant de leur intérêt direct. Je mentionne
cela pour attirer l'attention du ministre et de ses conseillers juridiques sur
cette considération.
Il y a une philosophie de législation derrière tout cela.
J'aimerais que nous soyons certains que la loi soit en équilibre entre
les divers intérêts qui sont en jeu.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Une simple observation. Dans votre mémoire,
aux articles 9 et 10, en marge, vous suggérez au gouvernement de changer
les mots "indique" par "peut demander" et, au troisième paragraphe,
"requiert" par "peut requérir". Voulez-vous nous faire connaître
un peu votre point de vue sur les modifications que vous aimeriez apporter
à ces textes?
M. Lavoie (Thomas): La raison de ces deux suggestions
était que nous trouvions la phraséologie un peu trop
impérative et que cela ne laissait pas la discrétion au ministre
de demander ou d'indiquer soit que la consultation n'était pas requise,
soit que l'audience publique n'était pas requise. Alors, cela lui laisse
une plus grande discrétion.
Le Président (M. Laplante): Vous avez votre
réponse?
M. Cordeau: Peut-être que le ministre aurait d'autre chose
à dire. Le texte est rédigé comme cela: "Après
avoir reçu l'étude d'impact préliminaire ou l'étude
d'impact détaillée, selon le cas, le ministre indique... " Cela
veut dire que dans tous les cas il doit indiquer au promoteur du projet
d'entreprendre la consultation. Moi aussi, je me suis posé une question
à un moment donné: Si l'étude d'impact préliminaire
ou l'étude d'impact détaillée est complète et vous
donne satisfaction et qu'il n'y a aucun détail additionnel à
demander, est-ce que les requérants vont être obligés
d'aller à une consultation publique dans tous les cas? Comme c'est
rédigé, "indique", c'est un impératif.
M. Léger: Les études d'impact, qu'elles soient
détaillées ou qu'elles soient préliminaires, ne nous
donnent que les explications techniques qui peuvent être très
satisfaisantes sur le plan technique. Cependant, si on a voulu qu'il y ait une
audience possible, c'est que l'objectif premier il ne faut jamais
oublier le principe de la loi c'est un droit à l'information du
citoyen. Donc, ce qui est important, c'est que le citoyen soit informé.
Si l'étude d'impact sur le plan technique est parfaite, que ce soit la
préliminaire ou l'autre, et que c'est rendu public, les citoyens ont le
droit de la voir s'ils veulent s'exprimer là-dessus. Ils peuvent trouver
que c'est très bien sur le plan technique ou sur le plan pratique, sauf
que dans leur région cela peut amener certaines autres
conséquences et seuls les citoyens peuvent nous le dire. D'où
l'importance de donner une période de 30 jours permettant aux citoyens
de dire: On veut une audience publique ou pas. Nous, nous avons quand
même la possibilité de juger si la demande est frivole ou pas.
Le Président (M. Laplante): Vous avez votre
réponse, monsieur?
M. Cordeau: Est-ce que cela vous donne satisfaction?
M. Lavoie: J'ai une réponse.
Le Président (M. Laplante): C'est bien, messieurs. Les
membres de cette commission vous remercient, MM. Beauregard, Lussier et Lavoie,
pour la participation que vous avez bien voulu leur accorder. J'appelle M.
Lorne Giroux, avocat. M. Giroux, pour les fins du journal des Débats,
voulez-vous vous identifier, s'il vous plaît, et commencer.
M. Lorne Giroux
M. Giroux (Lorne): Mon nom est Lorne Giroux, je suis avocat et
professeur à la faculté de droit de l'Université Laval. Le
mémoire a été présenté en mon nom
personnel.
M. le Président, MM. les membres de la commission, comme vous
avez pu le constater, mon mémoire est très court. Je n'ai pas
l'intention de le lire devant la commission, mais, si la commission me le
permet, j'aimerais cependant insister sur certains des aspects qui me
paraissent
fondamentaux dans mon mémoire. Si la commission me le permet
également, à la fin, j'aimerais dire quelques mots relativement
à une des interventions qui ont été faites avant la
mienne, nommément celle de l'Union des producteurs agricoles, même
si ce n'est pas dans mon mémoire.
Le Président (M. Laplante): D'accord, monsieur. Je crois
que vous voulez que votre mémoire soit inscrit aussi au complet au
journal des Débats.
M. Giroux: Si la commission juge que cela peut être utile,
je l'apprécierais.
Le Président (M. Laplante): Accordé, monsieur.
(Voir annexe c).
M. Giroux: La première chose que j'ai fait ressortir dans
mon mémoire, c'est qu'il me paraît que les amendements
proposés par le projet de loi no 69 marquent un certain recul, notamment
par rapport à la possibilité pour les citoyens d'intervenir
directement dans les questions concernant l'environnement. (17 heures)
À mon avis, il y a un recul à deux niveaux: Recul,
d'abord, au niveau des pouvoirs accordés au Conseil consultatif de
l'environnement parce que le projet de loi, qu'on le veuille ou non, permet,
à toutes fins pratiques, d'enlever toute initiative au conseil
consultatif. Je dois déplorer, également, qu'à chaque fois
que les citoyens ont, d'après ce projet de loi, la possibilité
d'intervenir, soit en demandant une enquête au conseil consultatif, soit
en demandant une audition publique suite au dépôt d'une
étude d'impact, à chaque fois, dis-je, ils doivent, à
toutes fins pratiques, obtenir la permission d'un ministre.
Il m'apparaît, M. le Président, messieurs les membres de la
commission, que la philosophie de ce gouvernement, qui a été
publicisée à maintes reprises depuis quelques mois,
c'était d'inciter de plus en plus les citoyens à s'impliquer;
c'est le mot qui a été fréquemment employé. Il
m'apparaît, en conséquence, que si on demande aux citoyens de
s'impliquer, le moins qu'on puisse faire, c'est de leur faire confiance et de
ne pas contrôler ou permettre que soit contrôlée à
chaque fois l'intervention des citoyens.
Prenons l'hypothèse, si vous voulez, des études d'impact.
La formulation actuelle du projet de loi 69 me paraît malheureuse parce
que, d'une part, on dit: Les citoyens peuvent demander une audition publique
et, d'autre part, on dit: Le ministre, s'il juge la demande frivole, peut
empêcher la tenue d'une audition publique, il m'apparaît que c'est
un jugement trop important et qu'on ne doit pas le laisser au seul jugement
d'un ministre, sans aucun critère sinon que, lui, pense que la demande
est frivole. Comme je l'ai signalé dans mon rapport, cela pourrait
mettre le ministre dans des situations délicates. Si jamais le ministre
exerce ses pouvoirs pour refuser à un citoyen une audition publique
suite, par exemple, à une demande d'implantation d'une ligne de
transmission d'électricité par l'Hydro-Québec, il pourrait
être sujet à la critique publique à l'effet que le
gouvernement, dans ce problème, est juge et partie, que, d'un
côté, le gouvernement établit les règles du jeu en
déterminant la participation des citoyens lorsqu'on fait les
études d'impact et que, de l'autre côté, il se sert de
normes individuelles, de décisions individuelles d'un ministre pour
l'empêcher là où normalement elle pourrait être
faite.
Je tiens à préciser que ma remarque est de portée
générale. Je ne fais aucune remarque relativement à des
événements récents ou à des personnes, mais c'est
dans un projet de loi et cela a tendance à rester. À ce niveau,
il m'apparaît que si le gouvernement décide qu'il y a des
activités qui sont tellement importantes et qui ont possiblement un
impact tellement important sur l'environnement québécois, cela
justifie que des auditions publiques soient possibles dans tous les cas. Il ne
faut pas oublier que le dernier mot appartient au gouvernement. Or, vous avez
d'un côté le gouvernement qui est lui-même un des
intervenants en matière d'environnement et je pense, par exemple,
au ministère des Transports et de l'autre côté,
c'est celui qui fait les règles.
Je pense que le projet de loi serait meilleur, H viserait plus
l'objectif que le ministre a exposé à plusieurs reprises si cette
possibilité d'empêcher les auditions publiques était
enlevée.
En ce qui concerne les études d'impact, je déplore que la
loi ne soit pas plus précise. Actuellement, tout ce qu'il y a dans la
loi, c'est la possibilité pour le gouvernement d'adopter des
règlements déterminant les activités qui vont faire
l'objet d'études d'impact, ta possibilité pour le gouvernement
d'élaborer par règlement des procédures en vertu
desquelles seront évaluées les études d'impact, et la
possibilité pour le gouvernement, éventuellement, de
déterminer des règles d'auditions publiques.
C'est une question fondamentale et il m'apparaît que nous avons
manqué une bonne chance de la discuter parce que le gouvernement n'a pas
suffisamment précisé dans son projet de loi les questions qui
devaient faire l'objet d'une étude d'impact. Je lisais justement, lundi
matin, l'édition du samedi du Devoir, en page 3, où on rapportait
une déclaration du ministre qui indiquait certaines des activités
qui, semble-t-il, seraient contenues dans les règlements. Si on en est
rendu au point précis où on sait d'avance quelles sont les
activités qui vont faire l'objet d'une étude d'impact, pourquoi
ne les a-t-on pas mises dans la loi, dans les définitions, à tout
le moins, pour qu'on puisse en discuter en audition publique?
C'est la dernière recommandation qu'il y a dans mon
mémoire. J'ai trouvé curieux qu'on donne des auditions publiques
dans le cas d'un règlement qui va s'appliquer à l'UPA et qui va
toucher 40 000 producteurs agricoles et que les règlements concernant
les études d'impact qui intéressent 6 millions de citoyens du
Québec ne feront pas l'objet du moins, il n'y a rien qui
nous l'indique d'une audition publique en commission
parlementaire. Je trouve qu'on a manqué une belle occasion de faire une
discussion publique sur une question fondamentale.
En ce qui concerne l'article 19, je comprends la politique qui est
poursuivie par cet article et, dans un sens, c'est un pas en avant. Maintenant,
je me reporte à ce que nous avions déjà dit en 1972,
lorsque le premier projet de loi a été discuté. La
procédure de l'article 19 a le défaut de sa qualité,
c'est-à-dire qu'elle a le défaut d'intervenir à la fin
d'un long processus et, là, elle oblige le citoyen individuel à
prendre sur lui d'aller devant les tribunaux, d'encourir les délais,
d'assumer le fardeau de la preuve, d'assumer le fardeau financier, pour
peut-être se faire répondre au bout qu'il y avait un certificat,
parce que, actuellement, dans la loi, rien ne dit que les certificats qui ont
été émis doivent être publics. Il me paraît
que, si on avait suivi la procédure de la Colombie-Britannique, si on
avait permis aux citoyens d'intervenir avant que les certificats ne soient
rendus, ce serait plus valable. D'abord parce que l'"input" des citoyens se
ferait au niveau de l'aménagement de l'environnement et non seulement
pour corriger des abus. Maintenant, il semble que le ministre a promis un
amendement à l'article 19; tel que je lis le projet de loi 69, dans le
cas de l'article 19, si quelqu'un obtient un certificat il est à l'abri
de la procédure d'injonction. C'est comme cela que j'avais compris la
loi.
Maintenant, le ministre semble dire qu'il va y avoir des amendements
selons lesquels, si indépendamment du certificat il y a un protocole
d'entente signé entre une entreprise pour n'importe quelle
activité et les Services de protection de l'environnement, on sera
également à l'abri de la procédure d'injonction.
Il faut quand même noter que dans ce cas-là on accorde
moins que ce que le droit commun accorde actuellement. Parce que le droit
commun, actuellement, accorde le recours à l'injonction pour
empêcher la violation d'une loi. Dans l'hypothèse qui est
maintenant soulevée, si je la comprends bien, cela veut dire que
même si une entreprise ne respecte pas les normes, dans la mesure
où elle a signé un protocole d'entente, elle est à l'abri
de l'injonction. C'est un net recul par rapport au droit commun actuel, si
c'est l'interprétation qu'on doit donner, parce que je n'ai pas vu les
amendements qui ont été annoncés là-dessus.
Le dernier point que je voudrais soulever, M. le Président, c'est
que j'ai été quelque peu surpris, en tant que citoyen ordinaire,
par les interventions qui ont précédé, notamment celle de
l'Union des producteurs agricoles. Ce qu'on demandait au législateur, en
définitive, c'était de les mettre à l'abri des recours
judiciaires devant les tribunaux, point final. On ne voulait même pas que
les producteurs soient soumis, comme tous les citoyens du Québec,
à l'autorité des tribunaux. Deuxièmement, l'Union des
producteurs agricoles a semblé demander une certaine tolérance
à l'égard de certains de ses membres qui, actuellement, auraient
agrandi des activités en dérogation des règlements,
auraient commencé à exercer des activités en
dérogation des règlements, et on a donné une foule de
raisons. Je ne sais pas ce que l'Union des producteurs agricoles dirait si on
employait les mêmes arguments, maintenant, pour justifier des
lotissements ou des zonages défendus, une fois que la loi du zonage
agricole sera adoptée. Il y aurait peut-être là moins de
tolérance qu'on ne semble en montrer à l'égard des
règlements de l'environnement. Mais, sur un plan plus fondamental, la
position prise tend à soustraire ou tend à établir un
certain sectarisme entre différentes activités au Québec
qui sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement.
Si vous voulez le point de vue d'un simple citoyen ordinaire, c'est
injuste de soustraire une partie de la population des normes applicables
à l'ensemble de la population. Prenons un exemple. Actuellement, dans
des municipalités, il y a des injonctions qui se prennent contre des
individus parce qu'ils ont gardé un chambreur dans une maison
unirésidentielle, dans les zones familiales les plus exclusives de nos
municipalités. Il n'y a jamais personne qui a dit que c'était
épouvantable de demander une injonction contre une personne parce
qu'elle a gardé un chambreur près de l'université.
Pourtant, on vient nous dire ici que si possible on devrait soustraire 40 000
producteurs agricoles à la procédure de l'injonction. Je pense
qu'il y a une question de mesure ici et que rien ne justifie... Il est possible
que la fixation des normes demande certains assouplissements à
l'égard des producteurs agricoles mais, à mon avis, c'est
dangereux de déterminer une règle selon laquelle une
catégorie de la population échappe à l'application des
normes une fois qu'elle les a violées. Les citoyens ordinaires ne le
permettront pas et ne l'admettront pas.
Le Président (M. Laplante): Merci monsieur. M. le
ministre. Je pense que vous avez donné de la misère au
ministre.
M. Léger: Non, je trouve que vous avez apporté de
fameux bons arguments. J'essaie de voir jusqu'à quel point on peut les
inclure dans les corrections qu'on va apporter. D'abord, je tiens à vous
dire que vous avez apporté un argument qui est très
intéressant. C'est celui qu'un citoyen qui veut intenter une poursuite
en injonction et qui, après avoir fait des dépenses,
s'aperçoit au bout de la ligne que le présumé pollueur
avait déjà son certificat. Le fait de rendre les certificats
publics est une bonne mesure et je peux immédiatement vous dire que nous
allons voir à la possibilité d'inclure cela dans notre loi parmi
les règlements. C'est un point très important.
La façon dont vous avez répondu à l'argumentation
des représentants de l'UPA m'incite à vous dire que j'adorerais
que vous soyez présent à la commission parlementaire des 17 et 18
octobre pour répondre, un peu, aux arguments des agriculteurs. Ce sont
quand même des points importants. Tout ce que je peux vous dire
là-dessus... Il faut dire d'abord que je ne suis pas avocat et que
je
puis, dans mes explications les plus décodées des termes
légaux, peut-être, affirmer ici, des choses qui pourraient
être dites autrement, pour être toujours sous la balise d'une
expression qui est légale. Je voudrais aussi, vous dire, étant un
élu de la population, que je dois de tenir compte des situations.
Et au sujet de ce que je disais tantôt, pour les 20 000
producteurs d'animaux qui pourraient ne pas avoir le certificat ou le permis,
puisqu'ils auraient augmenté leur production, ce qui ne serait pas
conforme aux règlements, comme on ne connaît pas la
quantité 20 000, c'est le total des gens qui font de la
production animale autre que le porc, mais cela ne veut pas dire qu'ils sont
tous en état d'illégalité; il peut y en avoir quelques
milliers qu'on ne connaît pas au moment ou cette chose arriverait,
la situation serait la suivante. C'est qu'il y aurait trop de gens qui tout
à coup seraient dans l'illégalité, au moment ou on
l'apprend. Ma façon d'exprimer cela, c'est de dire, et mon conseiller
juridique va m'arrêter en plein milieu si je dis une
énormité qu'il faut trouver un moyen de rendre justice à
ceux qui ont respecté la loi avant et ne pas faire de cadeau à
ceux qui ne l'auraient pas respectée. Mais de faciliter, quand
même, par des moyens techniques et légaux, la possibilité
qu'ils reviennent dans la légalité. Comment faire cela? Je vais
consulter les autres et on verra à le présenter de façon
que tout le monde soit bien content, mais que tout le monde respecte
l'environnement en même temps, sans injustice pour l'ensemble des
citoyens.
Un autre point que vous avez soulevé, c'est le fait que le type
d'entreprises qui devraient être assujetties à des études
d'impact avant d'avoir un certificat, ces types d'entreprises vont être
incluses dans le règlement. Nécessairement, le règlement
va être publié et quand il sera publié, il y aura un
minimum de 60 jours pour entendre tous ceux qui ont des choses à dire
là-dessus, de façon que même s'il n'y a pas une audience,
tous ceux qui ont des choses à dire puissent s'exprimer pour que le
règlement puisse être corrigé de façon à
satisfaire la majorité des Québécois. (17 h 15)
Vous avez parlé aussi d'un protocole d'entente avec les
industries. Il faut tenir compte du fait que les industries devront respecter
des normes, ou des règlements ou une loi et que, pour le faire, quand
même, des dates doivent leur être données pour qu'elles
aient physiquement le temps d'installer leur équipement antipollution.
Ce qui est important pour nous, c'est que les entreprises soient en voie de se
donner ce qu'il faut pour le réaliser a l'intérieur d'un
échéancier. À ce moment-là, si elles sont en train
de le régler, ce qui est important pour nous, c'est qu'il y ait une
proposition ferme et, si elles sont en voie de le régler, elles
devraient être à l'abri de ceux qui peuvent les poursuivre. Sauf
que, dans la période pendant laquelle elles sont en train de se mettre
dans la légalité, il faut aussi qu'elles respectent l'entente. Si
elles ne respectaient pas l'entente, elles seraient sujettes à une
poursuite en injonc- tion puisque la seule chose qui les rend légales
dans la période où elles sont illégales, c'est le fait
qu'elles respectent l'échéancier et l'entente. À ce
moment-là, je pense que cela respecterait une justice pour tout le
monde. Je peux vous dire qu'aucun protocole d'entente n'aura pour effet de
soustraire une industrie à un règlement.
Je ne sais pas s'il y avait d'autres points. En tout cas, je vais
laisser les gens de l'Opposition parler. S'il y d'autres questions que vous
voulez me poser, il me fera plaisir de vous répondre.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, Me Giroux a
présenté un mémoire vigoureux et convaincu. Il a
souligné des points qui méritent notre attention. J'aurai un seul
commentaire à faire. Je suis d'accord avec lui qu'il n'y a pas lieu de
créer des cas d'exception dans la société. La loi doit
être rédigée d'une façon applicable et doit tenir
compte d'une certaine réalité.
M. le Président, entre parenthèses, je ne crois pas que
notre règlement se prononce de façon précise sur cette
considération, mais il y a une tradition qui fait que nous devons
essayer d'éviter les échanges entre les intervenants devant les
commissions parlementaires. Je crois qu'il aurait été
intéressant d'entendre une réaction de l'Union des producteurs
agricoles aux critiques formulées par Me Giroux.
Il me semble que ce que Me Giroux nous conseille est valide,
c'est-à-dire que l'assouplissement, s'il y en a un, devrait se situer
dans la loi et dans les règlements plutôt que dans une
espèce de passe-droit. Mais je pense que nous devons tenir compte du
fait que des lois rédigées avec le problème du gros
pollueur industriel à l'esprit peuvent en même temps être
rédigées de façon à s'appliquer à un
cultivateur qui essaie de peine et de misère de gagner sa vie et qui
travaille sept jours par semaine pour le faire.
Il faut, en rédigeant nos lois, se poser la question: Qui va
traire les vaches si le cultivateur doit passer trois jours devant un Bureau
d'audiences publiques?
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: II a été question tantôt de
rendre publics les noms de tous ceux qui détenaient des permis. Mais
peut-être serait-il plus simple, pour le citoyen qui désire
obtenir une injonction, de s'adresser d'abord au ministère de
l'environnement afin de savoir si celui qu'il veut poursuivre ou contre lequel
il veut obtenir une injonction a déjà un permis ou un protocole
d'entente avec le ministère. Ce serait peut-être une façon
d'éduquer les gens sur ce détail de leur dire qu'avant d'obtenir
une injonction il faut toujours s'adresser au ministère de
l'environnement pour se renseigner si, oui ou non, la personne... Parce que la
publication des noms de tous ceux qui ont des
permis, je vous assure que cela fera des listes à conserver dans
des dossiers, quelque part.
M. Léger: C'est sûr qu'il va falloir qu'on
établisse un mécanisme pour permettre aux gens d'être
renseignés d'une façon régulière. Même si
cela est publié une fois, par exemple dans un journal, cela ne veut pas
dire que les gens vont se le rappeler et qu'ils en ont pris note.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, y a-t-il d'autres
questions?
M. Léger: On me dit qu'en Ontario il y a un fichier public
accessible à tout le monde pour ces choses-là.
M. Cordeau: Évidemment, au ministère; c'est
parfait. Je tiens à féliciter Me Giroux pour la clarté de
son mémoire et de son expression. Réellement, il serait
peut-être bon, comme le député de D'Arcy McGee l'a
souligné, qu'il assiste à la commission qui étudiera les
règlements le ministre l'a également souligné
relatifs à l'environnement dans la production animale.
M. Goldbloom: M. le Président, je vous fais remarquer que
c'est le ministre qui a émis cette invitation.
Le Président (M. Laplante): Une dernière remarque,
M...
M. Giroux: Je suis d'accord avec le député de
D'Arcy McGee. Je partage son point de vue. Maintenant, ce que je dis, en
substance, c'est ceci : même si je comprends que, dans des cas
individuels, cela a toujours été la discrétion de celui
qui poursuit de décider que c'est mieux, pour une foule de raisons, de
ne pas poursuivre un cas individuel, c'était plus que cela qui
était demandé cet après-midi. À toutes fins
pratiques, c'était que l'on soustraie une grande partie de la population
qui produit au Québec de normes qui s'appliquent à l'ensemble des
citoyens. Je pense que c'est trop demander et c'est là-dessus que j'en
avais.
M. le ministre, il y a un point sur lequel peut-être que ma
mémoire n'est pas bonne je ne pense pas avoir eu de
réponse: pourquoi avez-vous empêché le droit d'initiative
du Conseil consultatif et pourquoi, également, ne donnez-vous pas le
droit aux audiences publiques, sur demande, pour les projets soumis à
une étude d'impact? En ce qui concerne le Conseil consultatif de
l'environnement, lorsque la première loi a été
adoptée, moi, j'étais avec d'autres, on avait des doutes sur le
Conseil consultatif parce qu'on se disait: On n'a pas mis dans la loi des
dispositions similaires à la Loi de la Colombie-Britannique qui
permettent l'intervention des citoyens. On a mis sur pied un conseil
consultatif. Cela peut noyer le poisson.
Or, l'expérience nous a donné tort. Il s'est
avéré que le Conseil consultatif de l'environnement a fait un
travail remarquable, de l'année 1972 à l'année 1978. Il a
surtout acquis auprès des citoyens une crédibilité
extrêmement importante dont le gouvernement même
bénéficie, par exemple, si on regarde le rapport. N'oublions pas
que le dernier rapport sur les Îles-de-la-Madeleine a été
fait à la demande des citoyens. C'est le conseil, de lui-même, qui
est intervenu dans ce dossier, à la demande des citoyens.
Je pense qu'il serait avantageux que ce rôle du conseil
consultatif soit maintenu. De plus, je pense que si le gouvernement ou la
population québécoise estime, par ses législateurs, qu'il
y a des activités qui nécessitent une étude d'impact, il
n'y a pas d'arguments, à mon avis, qui justifient que l'on puisse, dans
les cas individuels, refuser une audience publique.
M. Léger: M. le Président, il y a un point sur
lequel je voudrais répondre. D'abord, on veut éviter le
dédoublement des responsabilités. L'exemple que vous avez
donné démontrait qu'il aurait pu y avoir, tout à coup,
deux organismes qui seraient appelés en même temps puisque, aux
Îles-de-la-Madeleine, nécessairement, il y aurait eu étude
d'impact, donc suivie d'une audience publique par le bureau. Si, par hasard,
des citoyens n'étaient pas contents de ce qui s'est passé au
bureau, ils auraient pu demander que le conseil y aille une deuxième
fois. Alors, on veut éviter les dédoublements et ne pas amener le
conseil consultatif dans une intervention à l'intérieur des
dossiers opérationnels.
M. Giroux: Je pense que l'expérience actuelle a
démontré que le conseil lui-même a exercé une
retenue qui était fort louable, parce qu'il y a certainement eu plus de
demandes qu'il y a eu d'études, M. le ministre.
Deuxièmement, vous dites que, dans le cas de
Îles-de-la-Madeleine, par exemple, ce serait un dédoublement de
fonctions parce qu'il y aurait des audiences publiques sur les études
d'impact. La loi actuelle ne garantit pas que le citoyen ordinaire, dont je
suis, a droit à une audience publique dans tous les cas. La loi actuelle
vous permet, vous, par une décision unilatérale, de
décider que ma demande est frivole. J'estime que c'est un pouvoir
exorbitant qui devrait être ôté de la loi.
M. Léger: Je suis content que vous poussiez sur ce
côté. Remarquez bien, c'est avec des explications comme
celles-là qu'on peut améliorer une loi. Il ne faut quand
même pas oublier que l'audience publique, si elle est demandée par
un citoyen, aura lieu à moins que, et non pas l'inverse, et non pas une
permission du ministre pour le faire.
M. Giroux: Oui. À ce moment-là, il suffit d'une
décision d'un ministre et elle n'a pas lieu.
M. Léger: Quand on dit: À moins qu'il ne juge la
demande frivole, l'aspect "demande frivole ", c'est là que tout l'odieux
de la décision peut retomber sur celui qui la refuse. Il ne faut pas
oublier qu'un personnage qui est élu se doit de ne pas poser des
gestes qui ne seraient pas de portée plus générale, et que
la majorité des gens soit d'accord là-dessus. Il y a quand
même une grosse différence entre un directeur ou un fonctionnaire
qui lui est à l'abri de toutes les conséquences des gestes qu'il
pose alors qu'un élu aura toujours à rendre compte à la
population de ses gestes. Donc, la marge de manoeuvre de refuser la demande si
elle est frivole, elle est très très petite. C'est le contraire,
c'est que l'audience devra avoir lieu si on instruit la demande "à moins
que"... La marge est tellement petite qu'un ministre qui refuserait de la
donner porterait l'odieux de la situation.
M. Goldbloom: M. le Président, un dernier commentaire.
Peut-être que le mot "frivole " n'est pas le mot idéal. Je n'en
connais pas d'autre qui servirait. On devrait peut-être en chercher un.
Mais il y a des cas passablement tristes, par exemple, où une personne
va demander une enquête et des audiences publiques parce qu'elle est
certaine que le projet de l'industrie à côté de chez elle
est mené par des espions dirigés par une puissance
étrangère, et qu'il y a des ondes et des polluants qui
pénètrent dans sa maison et ainsi de suite. Il faut au moins,
pour de tels cas, permettre aux autorités de dire: Écoutez, ce
n'est pas si grave que cela. On n'a pas besoin de mobiliser tout l'appareil des
audiences publiques quand on voit que la demande n'est pas
justifiée.
M. Giroux: Deux remarques. Je suis sensible à cet
argument. Vous avez parfaitement raison. Il me semble que la décision
pour le gouvernement de décréter que certaines activités,
par exemple, le projet de la baie James, sont tellement importantes qu'elles
nécessitent une étude d'impact, à mon avis, justifie qu'il
se fasse une discussion publique, tenant compte du fait que le gouvernement a
toujours le dernier mot. Deuxièmement, je fais à la commission
une petite remarque dans mon mémoire vers la fin où je signale
qu'actuellement il y a possibilité que les gens qui vont être au
Bureau des audiences publiques soient eux-mêmes des fonctionnaires, parce
que la loi ne dit pas qu'ils sont à temps plein.
Ce serait curieux, M. le ministre, si on arrivait à la situation
où ce sont des fonctionnaires qui tiennent des audiences publiques sur
un projet présenté par d'autres fonctionnaires. Par exemple: Le
ministère des Transports. Je pense qu'il devrait y avoir des garanties
là-dessus.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, le temps est
déjà passé.
M. Cordeau: Je demanderais des explications sur l'interrogation
de l'intervenant. Il se demande si le Bureau des audiences publiques va
être formé de fonctionnaires. Vous avez déjà dit que
les membres du Bureau des audiences publiques seront des fonctionnaires.
M. Léger: C'est le cas. Des fonctionnaires à temps
plein qui auront le préjugé de l'environnement et qui devront
possiblement affronter, comme c'est le cas dans l'appareil gouvernemental,
d'autres fonctionnaires d'autres ministères qui ont d'autres
préoccupations que l'environnement.
M. Giroux: M. le ministre, je pense que dans ce cas la loi
devrait prévoir que si c'est un projet qui émane du gouvernement
peu importe le ministère, parce qu'il y a des canaux de
communications que nous du public n'avons pas à l'intérieur du
gouvernement si le projet émane du gouvernement, comme vous avez
la possibilité de nommer des commissaires ad hoc, dans ce cas, que ce
soit obligatoirement des commissaires ad hoc.
M. Léger: II ne faut pas oublier que l'objectif premier,
c'est que l'audience doit être l'oreille du ministre qui, lui, a une
décision à prendre. Donc, en réalité, le
fonctionnaire qui va là doit rapporter les désirs et les
recommandations des citoyens et non pas les siennes, et c'est son travail de le
faire comme tel. C'est pour cela que je ne vois pas quand même trop trop
un problème de ce côté, que ce soit des fonctionnaires
à l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Eux, leur vocation
est bien précise et on voit fort bien des ministères s'affronter
via leurs fonctionnaires parce que chacun a des objectifs bien
différents.
M. Giroux: C'est justement ce qui nous inquiète, M. le
Président, en tant que membre du public.
Le Président (M. Laplante): D'accord. Merci beaucoup, M.
Lorne Giroux, de votre participation.
M. Léger: M. le Président, est-ce que je peux me
permettre avant le prochain mémoire? Je viens de recevoir un
télégramme d'un groupe qui ne pourra pas venir à la
commission parlementaire. Il me demande simplement de vous mentionner ce qu'ils
ont dit. C'est la Coopérative des consommateurs de Montréal qui
nous fait part de son enthousiasme face à la commission parlementaire
sur l'environnement que nous venons de mettre sur pied, avec ses 18 000
membres, pas de la commission, mais les membres de la Coopérative des
consommateurs de Montréal. Elle soutient toute action visant à
lutter contre la pollution, à conscientiser des citoyens et à
éviter le gaspillage.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre, je fais appel
au Conseil consultatif de l'environnement.
Pour les fins du journal des Débats, voulez-vous identifier votre
organisme et les personnes qui vous accompagnent, monsieur. (17 h 30)
Conseil consultatif de l'environnement
M. L'Heureux (Réal): M. le Président, M. le
ministre, MM. les membres de la commission
parlementaire, je suis Réal L'Heureux, président du
Conseil consultatif de l'environnement. Je suis accompagné, cet
après-midi, de deux collègues, M. Laurent Tessier, à ma
gauche, le vice-président, et M. Réjean Brosseau, membre du
conseil.
M. le Président, on m'a informé tout à l'heure que
le temps courait rapidement et que, dans toute la mesure du possible, on me
demandait de résumer le document ou le mémoire que nous avons
déposé devant la commission. C'est ainsi que, effectivement, je
vais essayer d'identifier, à même notre mémoire, les
thèmes les plus importants.
Toutefois, avec votre permission, je voudrais demander que le
mémoire du conseil soit inscrit intégralement au journal des
Débats, si possible.
Le Président (M. Laplante): Accordé. (Voir annexe
D)
M. L'Heureux: Merci.
M. le Président, le conseil a étudié le projet de
loi no 69 en profondeur et, de cette réflexion, il en a
dégagé les principaux points que je vous résumerai le plus
possible dans les quelques minutes qui suivent.
Quelques mots sur la participation des citoyens. Le premier aspect que
je voudrais porter à votre attention concerne l'intervention directe des
citoyens. Le conseil souhaite et recommande que la population puisse, si elle
le désire, intervenir directement, tant auprès du bureau
d'audiences publiques que du Conseil consultatif de l'environnement, pour
soumettre ses requêtes et ses suggestions.
Le deuxième aspect concerne la délimitation des champs
d'intervention du bureau et du conseil. Le conseil juge très important
de bien délimiter le champ d'action du Conseil consultatif de
l'environnement de celui du bureau des audiences publiques. Selon le conseil,
le bureau devrait se pencher plus particulièrement sur les dossiers de
nature opérationnelle, alors que le conseil se verrait confier, quant
à lui, les autres types de dossiers, c'est-à-dire ceux du domaine
prospectif, de la législation, de la réglementation ou de
certains aspects ne faisant pas l'objet d'une autorisation gouvernementale.
Le troisième aspect, M. le Président, concerne le droit
à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des
espèces vivantes. Le conseil est satisfait que la proposition du
ministre confirmera le droit du citoyen québécois d'intervenir
par injonction pour s'assurer que la loi, ses règlements et les
autorisations gouvernementales émises seront respectés.
Le conseil est également d'accord pour que l'on protège et
préserve les espèces vivantes animales et
végétales. Il a toutefois des doutes quant à la
proposition du droit à la sauvegarde des espèces vivantes, si
l'on tient compte de la définition même de l'environnement
prévue dans la loi qui, à notre avis, concerne davantage le
milieu physique que le milieu biologique.
Le conseil croit opportun de suggérer qu'en matière
d'espèces vivantes ou concernant le problème des espèces
vivantes, étant donné que de très nombreux
ministères touchent à ces aspects, il serait opportun d'avoir une
analyse interministérielle appropriée, afin, d'une part, de
définir quelles sont les lacunes actuelles et aussi de bien
préciser quelles sont les responsabilités de chacun des
ministères. En conséquence, le conseil propose de s'en tenir,
pour le moment, au droit de recours des citoyens pour protéger la
qualité de l'environnement nécessaire à la santé et
au bien-être de l'homme et à la sauvegarde des espèces
vivantes.
Quelques mots, maintenant, sur l'analyse et l'évaluation des
impacts environnementaux. Le conseil ne pense pas que le projet de loi tel
qu'actuellement rédigé permet d'atteindre adéquatement les
trois objectifs normalement reliés au processus des études
d'impact. Il s'agit, selon notre avis, du choix d'un site ou d'un corridor, de
la minimisation des impacts au site choisi et, comme troisième objectif,
de la participation de la population. À la base de la réflexion
du conseil se trouve le principe suivant: il lui apparaît essentiel
d'instituer, dès le départ, le meilleur processus possible
dévaluation et de révision des études d'impact.
Cette position s'appuie sur un certain nombre de considérations.
La première considération, c'est qu'il s'agit de projets
très importants, au point que le ministre suggère avec raison que
la décision soit portée au niveau du Conseil des ministres.
Deuxièmement, il est important que l'étude d'impact vise à
obtenir le meilleur choix d'un site et qu'une fois ce choix effectué on
minimise le plus possible les répercussions environnementales au site
choisi. Le troisième objectif très important est la participation
du public: si on la veut vraiment positive, il faut qu'on lui permette une
intervention lors de la sélection de l'option, suite à
l'étude préliminaire des solutions de rechange, et lors de la
décision d'autoriser le projet suite à l'étude
détaillée dont l'objectif est de minimiser les impacts
négatifs de l'option retenue.
En conséquence, le conseil désire donc proposer que soit
établi un processus d'études d'impact en deux étapes
obligatoires: l'une portant sur un choix de sites, de procédés ou
d'activités, que nous appelons "étude préliminaire", et
l'autre visant à minimiser les impacts négatifs et à
maximiser les répercussions positives de l'option retenue suite à
l'étude d'impact préliminaire; c'est ce que les gens appellent
l'étude d'impact détaillée.
Le conseil croit fermement qu'il est important qu'à chacune de
ces étapes une consultation publique par le Bureau d'audiences publiques
puisse avoir lieu, selon le désir de la population.
Le conseil a proposé une section qui s'appelle L'approche
légaliste de la protection de l'environnement. Dans un premier temps,
nous avons noté une influence de plus en plus forte des juges et des
avocats dans le secteur de l'environnement, mais je voudrais surtout attirer
votre attention sur l'article 109 qui concerne les amendes basées
sur
les critères où le projet de loi propose d'obliger le
tribunal à tenir compte de certains critères. Le conseil
recommande, quant à lui, qu'un tel article soit retiré
étant donné qu'il aurait, à notre avis, comme
conséquence d'amener une lourdeur administrative considérable au
niveau de la justice et tout cela pour la seule raison d'établir un
montant d'amende. On ne croit pas que ce soit justifiable d'aller aussi loin
que cela. Si la raison d'être de l'article était de
peut-être amener les juges à mieux décider des montants,
nous croyons qu'il vaudrait mieux s'appuyer sur un meilleur processus
d'information et d'éducation que sur des critères inscrits dans
la loi.
Nous avons également traité de la flexibilité des
normes établies par règlement. Si on tient compte du droit
à la qualité de l'environnement que propose de donner le ministre
au public, c'est-à-dire le droit de recours du citoyen lorsqu'il y a une
infraction à la loi et à ses règlements, il faudrait
parallèlement éviter que les normes gouvernementales ne soient
d'une sévérité telle qu'un responsable d'une
activité se retrouve fréquemment en infraction, même s'il
agit selon les règles de l'art. C'est une réflexion qui nous est
venue suite au fait que nous constatons que, dans la préparation de la
réglementation, on tente très souvent d'établir les normes
en se basant sur le rendement optimal obtenu dans les meilleures conditions
possibles des équipements antipollution. C'est ce qui peut amener
très souvent des infractions si on prend les normes d'une façon
trop élevée ou trop théorique.
Un point que je voudrais également porter à votre
attention, c'est ce que le conseil identifie comme des absences de certaines
modifications à la loi. Nous avons, dans cette section, traité de
l'aspect des pesticides. Le conseil est d'avis que le ministre devrait profiter
des présentes modifications à la loi de la qualité de
l'environnement pour insérer une section traitant du contrôle, de
la vente et de l'utilisation des pesticides. De toute façon, le conseil
recommande fortement de légiférer sur cet aspect dans les
meilleurs délais, et si possible, à l'occasion des
présents amendements à la loi.
Le conseil a tenu également à toucher le problème
des espaces verts en milieu urbain. En vertu de l'article 29 de la loi
actuelle, le conseil croit qu'il est possible au ministre d'intervenir pour
forcer une municipalité à utiliser son pouvoir de réserves
à des fins publiques, et subséquemment son pouvoir
d'expropriation pour préserver un espace vert, boisé ou non, en
le constituant en parc. Comme certains juristes pensent que cet article
pourrait être interprété dans un sens restrictif ne
permettant pas d'intervenir au niveau des espaces verts, le conseil
suggère de le préciser pour que le ministre puisse utiliser
convenablement son pouvoir à l'égard des autorités
municipales et régionales, s'il était jugé dans
l'intérêt public d'acquérir un espace vert urbain à
des fins de parc.
Définition du mot "environnement". Le conseil a constaté,
comme plusieurs, que la définition du mot "environnement" était
plutôt limitative aux éléments physiques de
l'environnement. Il juge toutefois essentiel que l'environnement puisse
inclure, pour les fins des études d'impact, qui est une section
très importante des amendements à la loi, il juge donc essentiel
que les éléments biologiques des écosystèmes,
l'utilisation du territoire ainsi que les considérations
esthétiques et socioculturelles soient introduits dans la notion des
études d'impact. En conséquence, le conseil recommande qu'une
deuxième définition élargie du mot "environnement" soit
prévue dans la loi pour l'application des articles relatifs aux
études d'impact sur l'environnement.
Le mémoire du conseil soumis à votre attention comporte
une annexe dans laquelle nous commentons plusieurs des articles du projet de
loi 69. Afin de préciser notre point de vue, nos commentaires sont
généralement accompagnés de propositions alternatives au
texte du projet de loi 69. Sans entrer dans les détails, vous me
permettrez d'attirer l'attention des membres de cette commission sur certains
aspects de cette partie du mémoire du conseil qui n'ont pas
été traités spécifiquement dans le texte
principal.
À la section IIA concernant le Bureau d'audiences publiques, vous
constaterez que le conseil propose la création d'un organisme plus fort
que celui défini dans le projet de loi. En ce qui concerne la section
III relative au Conseil consultatif de l'environnement, vous n'avez sans doute
pas été surpris d'apprendre que nous suggérons de
maintenir la possibilité actuellement permise par la loi pour que le
conseil puisse, directement, recevoir et entendre les requêtes et les
suggestions des individus et des groupes.
À la section NIA concernant le droit à la qualité
de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes,
j'attire votre attention sur la position du conseil relative à la
requête d'injonction. Les modifications que nous proposons à la
section IVA relativement à l'évaluation des impacts sur
l'environnement s'inspirent de notre conviction que les deux étapes
d'études préliminaires et d'études
détaillées sont essentielles lorsqu'il est question de projets
majeurs susceptibles d'impact important sur l'environnement. Vous avez certes
constaté que nous proposons un niveau décisionnel
différent à l'étape de l'étude préliminaire
et à celle de l'étude détaillée. Le conseil est
pleinement d'accord qu'à l'étape de l'étude
préliminaire, c'est-à-dire à celle de l'étude
sommaire conduisant au choix de l'option à retenir parmi d'autres
options possibles, ce soit le Conseil des ministres qui assume la
décision. Il s'agit, dans ce cas, de la recherche des meilleurs
intérêts de la population et toutes les considérations,
tant environnementales, techniques, économiques que socioculturelles,
entrent en ligne de compte. (17 h 45)
Pour ce qui concerne la deuxième étape, soit celle de
l'étude d'impact détaillée, c'est-à-dire
approfondie, nous proposons que la décision devrait être prise par
le ministre délégué à l'environnement plutôt
que par le Conseil des ministres.
Cette étude ayant essentiellement comme objectif de minimiser les
répercussions négatives sur l'environnement, nous estimons qu'il
appartient davantage au ministre responsable de la Loi de la qualité de
l'environnement de prendre les décisions. Voilà, M. le
Président, l'essentiel du message du Conseil consultatif de
l'environnement et nous vous remercions d'avoir accepté de nous
entendre.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, je voudrais en profiter
pour remercier le Conseil consultatif de l'environnement pour le dynamisme avec
lequel il a rempli ses fonctions depuis qu'il y a un nouveau conseil. Cela ne
veut rien dire au niveau de l'ancien, mais je parle du nouveau qui est devant
moi. Je voudrais, quand même, vous faire remarquer que les objectifs que
vous voulez atteindre dans la loi que nous présentons sont les
mêmes que ceux que nous avons mis de l'avant et je suis heureux de voir
que vous êtes d'accord sur l'ensemble des mesures. Je voudrais vous poser
certaines questions et en passant vous faire une petite remarque quand vous
dites qu'il devrait y avoir dans la loi actuelle un passage qui touche les
pesticides. Je pourrais vous assurer qu'il y aurait des grosses chances que
cela soit dans cette loi, si j'avais le rapport avant la présentation de
cette loi en Chambre. Cela vous permet, peut-être, de hâter vos
conclusions pour qu'on ait le temps de le mettre dans la loi.
Vous avez parlé des deux étapes où il devrait y
avoir des audiences publiques, aussi bien au niveau des études
préliminaires que des études plus détaillées.
Comment voyez-vous les inconvénients que cela peut apporter concernant
les entreprises privées? S'il y a une audience publique au moment
où la compagnie a l'intention de s'implanter, quelles
conséquences cela peut-il amener sur les risques de spéculations
puisque l'entreprise privée n'a pas la possibilité de faire une
expropriation et ainsi courir le risque voulant s'installer à un certain
endroit avant même qu'elle ait la possibilité d'avoir
réglé certains problèmes, d'une hausse des prix. À
ce moment-là, cela peut être préjudiciable pour
l'entreprise privée alors que le gouvernement a le pouvoir
d'expropriation. Du côté de l'entreprise gouvernementale, s'il y
avait également deux audiences publiques, il pourrait y avoir des
longueurs peut-être un peu trop dangereuses pour la réalisation
des objectifs.
Comment conciliez-vous cela au niveau de deux étapes?
M. L'Heureux: M. le Président, vous me permettrez
d'amorcer la réponse. Mes collègues pourront peut-être
ajouter d'autre chose. C'est sûrement un point sur lequel nous avons
discuté assez longuement au conseil cette notion de la double
possibilité d'audiences publiques. Il n'y a pas eu tellement de
difficulté à s'entendre sur les projets de nature publique ou les
projets gouvernementaux ou paragouvernementaux. Je pense qu'on a fait assez
l'unanimité que le gouverne- ment ne devrait pas éviter l'une ou
l'autre des étapes, et sans doute... Quand je dis le gouvernement, je
parle des organismes détenant des pouvoirs d'expropriation; cela peut
aussi être des organismes paragouvernementaux.
En ce qui concerne l'entreprise privée, il est évident
que, pour une entreprise, avoir à dévoiler certaines
possibilités de sites alternatifs lors des études
préliminaires comporte certains risques et, en particulier, le risque de
la spéculation sur les terrains. Certaines personnes trouvent que ce
serait dramatique, d'autres ne semblent pas être aussi effrayées.
Il arrive, évidemment, souvent que les entreprises privées
procèdent en maintenant des options d'achat sur un certain nombre de
possibilités de sites d'installation. Cela se fait, je pense. C'est
peut-être une chose qui pourrait continuer à se faire. Mais nous
sommes tout à fait conscients que l'étape de la consultation
publique au niveau des études d'impact préliminaires pour des
projets d'entreprises privées entraîne la difficulté de la
possibilité d'une spéculation sur les terrains.
M. Léger: J'aurais une autre question.
M. Brosseau (Réjean): M. le ministre, je pense qu'il ne
faut pas oublier qu'au niveau de l'audience publique, l'étude d'impact
préliminaire a déjà été
déposée devant les fonctionnaires ou devant le ministre et que la
compagnie a déjà une certaine perception de ses chances de
succès, disons. L'audience publique arrive par la suite. De toute
façon, il est très rare, quand l'étude préliminaire
est bien faite peut-être pas automatiquement qu'on doive
revenir sur un autre site. Ce qui est important, c'est l'obligation de faire
l'étude, de forcer le développeur ou la compagnie à se
pencher sur la possibilité d'évaluer certaines solutions de
rechange. Une bonne étude d'impact devrait conduire à la
meilleure solution et l'audience publique aussi devrait conclure la même
chose.
M. Léger: Mais si l'audience publique conclut que
l'endroit où on devrait aller n'est pas acceptable et qu'on a
déjà fait l'acquisition du terrain, ou si l'inverse... Si on n'a
pas fait l'acquisition du terrain et que l'audience publique prouve qu'il n'y a
pas de problème là, avant d'aller à la deuxième
étape, il y aurait peut-être une possibilité de
spéculation. Dans les deux cas, il y a danger de spéculation.
M. Brosseau: C'est-à-dire que les compagnies responsables
vont prendre des options d'achat qui ne coûtent pas tellement cher,
à ce moment-là, sur plusieurs terrains.
M. Léger: D'accord.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Léger: J'en avais une dernière. Vous avez bien
fait la distinction entre les deux organismes, le BAP, Bureau d'audiences
publiques sur l'envi-
ronnement, et le CCE dont l'un s'occupe de dossiers opérationnels
et l'autre a une responsabilité de prospective, d'avis au ministre,
d'études de la législation et de la réglementation et
s'occupe des questions qui n'ont pas besoin d'autorisation. Je pense que vos
objectifs rejoignent pas mal les intentions que nous avions. Je pense que, dans
ce style, il n'y aurait pas nécessairement de dédoublement des
deux organismes. Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je n'ai pas de questions.
Je n'ai que des félicitations à exprimer. Je voudrais d'abord
profiter de cette occasion pour féliciter M. Réal L'Heureux de sa
nomination à la présidence du Conseil consultatif de
l'environnement. M. L'Heureux a déjà à son crédit
une carrière distinguée dans le domaine de la protection de
l'environnement. C'est un couronnement, une reconnaissance de grands services
rendus. Je lui souhaite beaucoup de succès et de productivité
à la tête du conseil.
Je voudrais féliciter le conseil lui-même pour un
mémoire qui est étoffé et pondéré. Je ferai
un commentaire spécifique sur le chapitre 4 qui s'intitule Approche
légaliste de la protection de l'environnement. Il ne comporte que deux
pages, mais je trouve qu'il est un bijou et je remercie le conseil d'avoir
exprimé beaucoup mieux que moi j'ai essayé de le faire
avec moins de succès un point de vue sur ce problème de
l'approche légaliste.
Dans le paragraphe 4.2, le conseil traite des directives qui sont
données aux juges dans le projet de loi. J'ai déjà
exprimé une objection à cela. Je suis heureux de trouver cette
objection renforcée par l'avis du conseil.
En terminant, M. le Président, j'ai été
particulièrement heureux d'entendre l'intervenant
précédent, Me Lorne Giroux, exprimer un avis si positif à
l'égard du conseil. On a dit des fois que le conseil était le
parent pauvre, en quelque sorte, du ministère et qu'il était
privé de moyens de faire un travail utile. J'étais convaincu que
le contraire était vrai et j'ai été très fier des
grands documents qui ont été produits: celui sur
l'aménagement des berges et celui sur les couloirs de transmission. Je
conserve un excellent souvenir de ce que le conseil a pu faire. Le passé
est sûrement garant de l'avenir.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Brièvement. Si j'ai bien compris le
début de votre exposé, vous aimeriez peut-être que les
rôles du conseil consultatif et du Bureau d'audiences publiques soient
mieux définis. Je crois que c'était votre premier souhait au
début de votre mémoire. Est-ce que vous pourriez expliquer votre
point de vue concernant...
M. L'Heureux: Voici, M. le Président, en réponse
à la question du député de Saint-Hyacinthe, oui, le
conseil trouve des plus importants de voir à clarifier dans la loi les
responsabilités qui sont peut-être souvent difficiles à
tracer. Nous souhaitons qu'on puisse tracer une démarcation entre le
mandat éventuel du bureau et le mandat qui sera la responsabilité
du conseil. Le texte, tel qu'il était rédigé, pouvait
laisser croire que les deux pouvaient, à l'occasion, se retrouver sur
les mêmes dossiers. Pour nous, c'était un peu embêtant parce
que la population est tout à fait confuse et ne sait pas vraiment
où aller. Il y a nécessité, pour l'efficacité,
d'abord, d'avoir une démarcation la plus claire possible, et
deuxièmement, aussi, pour que les gens qui, nous le souhaitons, pourront
avoir accès directement au conseil puissent le faire avec assez de
confiance et sachent qu'ils sont à la bonne porte.
Le Président (M. Laplante): MM. L'Heureux.
Tessier, Brosseau, je vous remercie, au nom de mes collègues, du
mémoire que vous avez bien voulu nous faire parvenir. Merci.
M. le ministre délégué à
l'environnement.
M. Léger: M. le Président, étant
donné que la commission doit terminer ses travaux, je voudrais en
profiter pour remercier tous les intervenants, tous les organismes qui ont eu
l'obligeance de venir présenter des mémoires. Étant
donné que nous n'avions que trois jours pour les présenter,
malheureusement, il y a quelques mémoires qui n'ont pu être
entendus. Cependant, nous les avons quand même conservés pour
être capables d'en extirper les bonnes suggestions qui peuvent nous
être apportées.
Ce qui m'a fait plaisir aussi, cela a été de voir la
qualité des interventions. J'en profite pour remercier aussi
l'Opposition de son travail positif, spécialement les
députés de D'Arcy McGee et de Saint-Hyacinthe, qui ont
apporté une contribution des plus positives et des plus
intéressantes et qui ont certainement fait avancer le débat. Je
souligne l'arrivée avec pompes, présentée par le
député de D'Arcy McGee, du député de
Maskinongé, qui a fait une intervention qui a été sentie
par les gens de l'UPA.
Je voudrais conclure. En ce qui nous concerne, nous avons
été très heureux de voir qu'il s'est
développé un genre de consensus quasi total sur les principes que
nous voulons atteindre avec cette loi. Il reste maintenant certaines
modalités qui seront perfectionnées grâce aux conseils qui
nous ont été présentés, aussi bien de la table que
des invités. Je pense que l'objectif qui était de bonifier la loi
va être atteint et que très bientôt nous pourrons
présenter, en deuxième lecture en Chambre, un projet de loi avec
les améliorations les plus susceptibles de la rendre la plus apte
à donner aux citoyens du Québec une charte du droit à
l'environnement et la possibilité d'associer les Québécois
à la défense de leur milieu de vie et ce, grâce à
l'intervention de ceux qui ont contribué à cette loi.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee. (18 heures)
M. Goldbloom: M. le Président, je suis d'accord avec le
ministre sur la qualité des mémoires que nous avons entendus.
Nous avons été stimulés par les interventions. Nous avons,
à d'autres occasions, assisté à des débats
même houleux sur des sujets où il y avait des divergences de vues
assez marquées entre les deux côtés de la table, mais il ne
pouvait en être ainsi de ce projet de loi.
Nous avons appris bien des choses par les interventions
réfléchies que nous avons reçues; nous allons tirer de
part et d'autre nos conclusions. Peut-être que cela nous mènera
à un débat vigoureux en commission parlementaire, quand nous
étudierons le projet de loi article par article et que nous nous
pencherons sur la rédaction précise de chaque article. Dans
l'ensemble cependant, nous ne pouvons qu'être d'accord sur la
nécessité d'améliorer, de bonifier une loi qui, comme l'a
dit le ministre lundi, a rendu un fier service à la collectivité
mais qui, avec l'expérience vécue maintenant de presque six
années, a besoin d'être rajeunie un peu, a besoin d'être
adaptée à certaines réalités d'aujourd'hui.
Nous allons, de ce côté de la table, réserver nos
ultimes commentaires sur les modalités pour l'occasion qui nous sera
fournie quand nous reviendrons en commission parlementaire pour l'étude
du projet de loi; mais je pense que le ministre a senti qu'il avait, sur le
principe, un appui de ce côté de la table. Je pense que les
intervenants, en écoutant les échanges, ont pu constater qu'il y
a, quant à cet objectif, une unanimité très
nécessaire, nécessaire parce que nous devons tous faire notre
part pour protéger l'environnement et aider nos concitoyens à
nous aider à le faire.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. J'ai été
content d'apporter ma modeste contribution à l'étude des
mémoires qui nous ont été présentés. Je
remercie ceux qui les ont présentés. J'ai beaucoup appris en
écoutant ces mémoires aujourd'hui, surtout en voyant
l'intérêt que porte la grande majorité des
Québécois à l'environnement. J'espère que M. le
ministre nous apportera tous les amendements qu'il a retenus de tous les
mémoires, parce qu'il a promis beaucoup à bien des gens, et je
crois qu'avec tous ces amendements, nous allons avoir une loi exemplaire.
Le Président (M. Laplante): Messieurs, il me reste
à vous remercier de votre pleine coopération. J'ajourne les
travaux de cette commission sine die. Merci.
(Fin de la séance à 18 h 4)
ANNEXE A
Mémoire de la Fédération des
associations
pour la protection de l'environnement des lacs
(FAPEL)
Concernant le projet de loi no 69 modifiant la loi de
la qualité de l'environnement
Le 28 août 1978
l'COMMENTAIRES GÉNÉRAUX
Pour situer nos commentaires sur le projet de Loi no 69 dans leur
véritable contexte, nous croyons utile de rappeler les grandes
étapes qui ont mené à la Loi de la qualité de
l'environnement.
À l'origine, le ministère de la Santé était
seul à s'occuper des problèmes de l'environnement à partir
de la Loi de l'hygiène publique. Les responsabilités, à
l'époque, couvraient: -la pollution des eaux -les eaux de consommation
-les déchets solides -la pollution par le bruit -la salubrité
publique -l'hygiène industrielle -la pollution par la
radioactivité
La protection de la santé publique était l'unique
préoccupation du ministère de la Santé. La loi et les
règlements ne touchaient donc que les problèmes de contamination
et de nuisances. Rien sur l'écologie, rien sur la nature.
Au début des années '60, on crée la Régie
d'épuration des eaux, remplacée en 1964 par la Régie des
eaux du Québec. C'est l'époque de la chaise musicale alors que
les responsabilités du ministère de la Santé en
matière de pollution des eaux et de contrôle des eaux de
consommation glissent une à une vers un nouvel organisme. Mais
fondamentalement, rien de changé! La préoccupation
première reste la contamination et la pollution. Rien sur
l'écologie, rien sur la nature.
En 1972, le jeu de la chaise musicale se termine en faveur de
"l'environnement". Toutes les responsabilités y compris celles encore
sous l'autorité du ministère de la Santé le bruit,
la radioactivité, les déchets solides, etc. sont
intégrées à un nouveau cadre juridique, les Services de
protection de l'environnement dotés d'une nouvelle loi, la Loi de la
qualité de l'environnement. Plus moderne, mieux adaptée au
contexte social, la Loi de la qualité de l'environnement n'en demeure
pas moins une loi qui touche avant tout et presque exclusivement aux
problèmes de pollution et de contamination. Il s'agit en quelque sorte
d'une loi de l'hygiène publique indexée. Très peu de
référence à l'écologie, aucune à la
nature.
On constate donc que la Loi de l'hygiène publique à celle
de la qualité de l'environnement, toujours en force, le
législateur s'est surtout attardé à contrôler la
contamination, la pollution de l'eau, de l'air et du sol. Et encore! L'une des
plus dangereuses et des plus importantes sources de contamination, les
pesticides, échappe totalement à son autorité.
Tous ces efforts pour enrayer la pollution et prévenir la
contamination du milieu répondaient et répondent toujours aux
attentes des citoyens.
Dans ce contexte, le projet de loi no 69 offre à la fois beaucoup
et trop peu.
Beaucoup puisque par le biais de la section IIa concernant les audiences
publiques et la section IIIa, concernant le droit à la qualité de
l'environnement, il vient consacrer le rôle très important que les
citoyens, groupements, comités et associations ont toujours joué
dans le mouvement pour la protection de l'environnement.
Beaucoup parce qu'il consacre officiellement des droits fondamentaux et
fournit aux citoyens "des mécanismes officiels " de participation.
Ainsi, les québécois auront-ils un peu moins l'impression de
lutter contre leur propre gouvernement pour obtenir que l'environnement soit
respecté.
Beaucoup puisqu'il institutionnalise les études d'impact sur
l'environnement, donnant ainsi à la Loi de l'environnement par le biais
de la section IVa concernant les études d'impact, sa première
tête de pont officielle dans le domaine de l'écologie.
Trop peu parce qu'il ne tient aucun compte de l'évolution des
québécois depuis les années '60 dans le domaine de
l'environnement. Si le mouvement d'opinion publique, issu des
préoccupations des citoyens s'est attardé à
défendre l'environnement contre toutes formes de pollution et de
contamination, il a parallèlement et clairement manifesté un
intérêt croissant pour tout ce qui touche l'écologie et la
nature. On n'a qu'à lire les journaux pour constater jusqu'à quel
point la dégradation de la nature est devenue une des plus importantes
préoccupations des comités de citoyens.
Le projet de loi no 69 ignore presque complètement ces
préoccupations. Il restreint les interventions futures au cadre actuel
de la Loi de la qualité de l'environnement ou la définition du
mot "environnement" est tellement lourde et confuse qu'il faudra, comme par le
passé, imaginer des tours de force juridiques et linguistiques pour
arriver à protéger efficacement la nature.
Le terme "environnement" et l'expression "qualité de
l'environnement" à cause de leur généralité et de
leur association traditionnelle et inévitable avec les problèmes
de contamination ne suffisent pas à décrire la véritable
vocation des Services de protection de l'environnement: protéger
à la fois la qualité de l'environnement et la nature.
La destruction de l'équilibre d'un milieu naturel n'implique que
rarement et encore que très vaguement le rejet d'un contaminant dans
l'environnement. Il s'agit de dégradation de la nature.
Les remblais qui détruisent les rives et le lit des lacs et des
cours d'eau ne sont pas, en soi, des situations de contamination. Il s'agit de
dégradation de la nature.
La disparition graduelle des sites naturels d'une région à
cause du développement et de la spéculation ne constitue pas une
situation de "contamination". C'est une atteinte à
l'intégrité de la nature.
L'inondation de territoires immenses derrière les barrages
hydroélectriques n'est pas, en soi, une situation de "contamination'. Il
s'agit d'un déséquilibre écologique.
La destruction de paysages naturels rongés par des
gravières et des sablières n'est pas, en soi, une situation de
"contamination". On parle plutôt de dégradation de la nature.
La destruction des battures de Beauport, les menaces qui pèsent
sur le boisé de la Chapelle de la Réparation ne peuvent non plus
être considérées comme des situations de
"contamination".
Il est donc urgent que la protection de la nature soit
insérée en toutes lettres dans une loi qui consacrerait au moins
une section aux problèmes de la nature et c'est ce nouveau volet que
nous attendions anxieusement depuis deux ans. Nous sommes d'autant plus
désappointés que déjà au sein des Services de
protection de l'environnement, existe une Direction générale de
la nature. Le projet de loi no 69 l'oublie totalement. Avec la meilleure
volonté du monde, comment peut-on espérer une action efficace et
permanente de la part d'une Direction générale qui ne
possède à peu près aucune assise juridique.
C'est ce qui nous justifie de dire que le Projet de loi 69 offre trop
peu. Tous les avantages s'appliquent au cadre actuel de la Loi de la
qualité de l'environnement. Il sera possible, par exemple,
pour des citoyens de faire valoir leur droit à un environnement
non contaminé mais comment feront-ils valoir leur droit à
l'intégrité de la nature?
Nous croyons donc que le projet de loi no 69 devrait retourner sur la
table à dessin pour être étoffé de façon
à couvrir les problèmes de l'environnement et de la nature. Il
devrait répondre aux aspirations légitimes des
québécois qui luttent depuis tant d'années pour la
protection de leur patrimoine naturel.
Les nouveaux pouvoirs de réglementation devraient permettre
d'assurer: 1)la protection des territoires fragiles tels l'encadrement
forestier des lacs et des cours d'eau, les marécages et les terres
humides; 2)l'intégrité du littoral des lacs et des cours d'eau;
3)la protection du couvert végétal des rives des lacs et cours
d'eau; 4)le contrôle de l'érosion; 5)l'intégrité des
paysages naturels; 6)la protection des arbres, des boisés, des espaces
verts, des sites géologiques et autres sites naturels; 7)la protection
des aires de nidifications, frayères et autres habitats naturels; 8)la
protection des espèces menacées tant animales que
végétales.
En résumé, le projet de loi no 69 devrait, en plus
d'ouvrir un volet qui consacre la participation des citoyens, nous donner une
véritable loi concernant la protection de l'environnement et de la
nature en présentant une section autonome consacrée exclusivement
aux problèmes de la nature et en modifiant tous les articles
concernés du projet de loi et de la Loi de la qualité de
l'environnement dans le même esprit.
COMMENTAIRES SPECIFIQUES
Section IIa
Article 3 modifiant l'article 9 de
la Loi de la qualité de l'environnement
Article 3 L'article 9 de ladite loi est modifié par le
remplacement du deuxième alinéa par le suivant: "Le ministre est
tenu de rendre publics les avis du Conseil".
Modification: un délai raisonnable de 30 jours devrait être
spécifié pour la publication des avis du Conseil.
Section Illa
Article 6 modifiant l'article 27
de la Loi de la qualité de l'environnement
Article 6 Ladite loi est modifiée par l'insertion après
l'article 27 du suivant: 27a. Le Directeur peut ordonner à l'exploitant
de toute carrière ou sablière déjà en exploitation
de préparer et de mettre en oeuvre un plan de
réaménagement du terrain selon les conditions qu'il indique.
Cette ordonnance doit être précédée de l'avis
préalable prévu à l'article 25.
Modification: les exploitants de carrières ou de sablières
déjà en exploitation devraient être dans l'obligation de
préparer et de mettre en oeuvre un plan de réaménagement
du terrain.
Section IVa Articles 31a, 31b, 31c, 31d et 31e.
31a. Nul ne peut entreprendre la réalisation d'une construction
d'une industrie, d'un plan d'un programme, d'un projet ou d'une activité
faisant partie d'une catégorie déterminée par
règlement du lieutenant-gouverneur en conseil sans préparer une
étude d'impact sur l'environnement et obtenir un certificat
d'autorisation du lieutenant-gouverneur en conseil. 31b. Celui qui a
l'intention d'entreprendre la réalisation d'un projet visé
à l'article 31a doit déposer un avis écrit au ministre
décrivant la nature générale du projet. Le ministre
indique alors à l'initiateur du projet la nature et l'étendue de
l'étude d'impact que celui-ci doit préparer. Il lui indique
également si cette étude d'impact doit être une
étude préliminaire ou détaillée ou s'il doit
préparer les deux. 31c. Après avoir reçu l'étude
d'impact préliminaire ou l'étude d'impact
détaillée, selon le cas, le ministre indique l'initiateur du
projet d'entreprendre la consultation publique prévue par
règlement du lieutenant-gouverneur en conseil.
Toute personne ou municipalité peut, dans le délai
prescrit par règlement du lieutenant-gouverneur en conseil, demander au
ministre la tenue d'une audience publique relativement à ce projet.
À moins qu'il ne juge la demande frivole, le ministre requiert le
Bureau de tenir une audience publique et de lui faire rapport de ses
constatations.
31d. Le ministre peut demander à l'initiateur du projet de
fournir tout renseignement ou d'entreprendre toute recherche dont il estime
avoir besoin afin d'évaluer complètement les conséquences
sur l'environnement du projet proposé. 31e. Lorsque l'étude
d'impact est jugée satisfaisante par le ministre, elle est soumise, avec
la demande d'autorisation, au lieutenant-gouverneur en conseil. Ce dernier peut
délivrer un certificat d'autorisation pour la réalisation du
projet avec ou sans modification et aux conditions qu'il détermine ou
refuser de délivrer le certificat d'autorisation. Cette décision
peut être prise par tout comité de ministres dont fait partie le
ministre et auquel le lieutenant-gouverneur en conseil délègue ce
pouvoir.
Cette décision est communiquée à l'initiateur du
projet et à ceux qui ont soumis des représentations.
Modification: l'article 31a s'applique aux constructions, industries,
plan, programme, projet ou activité.
Les articles 31b, 31c et 31e ne s'appliquent, selon le texte, qu'aux
projets.
Il y aurait lieu pour chacun de ces derniers articles de
répéter l'énumération de l'article 31a.
Section IVa
Article 31f 31f. Le lieutenant-gouverneur en
conseil peut soustraire en tout ou en partie de l'obligation de préparer
une étude d'impact sur l'environnement, certaines constructions,
industries, plans, programmes, projets ou activités visés
à l'article 31a et dont la planification, la conception ou la
démarche de réalisation est commencée lors de
l'entrée en vigueur du présent article.
Avis de cette décision est publié dans la Gazette
officielle du Québec.
Modification: seules les activités dont la réalisation est
déjà commencée devraient être soustraites à
l'obligation de préparer une étude d'impact.
Section IVa Article 31h
31h. Le ministre peut soustraire à une consultation publique des
renseignements ou données concernant des procédés
industriels et prolonger, dans le cas d'un projet particulier, la
période minimale de consultation publique prévue par
règlement du lieutenant-gouverneur en conseil.
Modification: la première partie de cet article concernant les
procédés industriels est inacceptable. Ces pouvoirs
entraîneraient autant d'abus que les pouvoirs accordés au nom de
la "sécurité nationale".
Section IVa
Article 33, modifiant l'article 33
de la Loi de la qualité de l'environnement
L'article 33 de ladite loi est remplacé par le suivant: 33. Nul
ne peut aménager ni exploiter un terrain d'amusement, de camping, de
roulottes, une colonie de vacance ou une plage publique à moins qu'ils
ne soient desservis par un système d'aqueduc et un système
d'égout autorisés par le Directeur selon l'article 32 ou qu'il ne
détienne un permis délivré en vertu de l'article 32a ou
que le Directeur n'ait autorisé, selon les modalités
déterminées par règlement du lieutenant-gouverneur en
conseil un autre mode d'alimentation en eau et d'évacuation des eaux
usées.
Modification: l'énumération du début de l'article
est trop restrictive. Il faut ajouter les hôtels, motels, centres de
plein air ou autres établissements publics.
À "système d'égout" il faut ajouter ... et
d'épuration ... autorisés par le Directeur.
Section IVa
Article 26 modifiant l'article 86
de la Loi de la qualité de l'environnement
26. L'article 86 de ladite loi est remplacé par le suivant: 36.
Sans restreindre les pouvoirs du ministre et du Directeur à cet
égard, il est du devoir des municipalités d'exécuter et de
faire exécuter tout règlement du lieu-
tenant-gouverneur en conseil adopté en vertu de la
présente loi qui édicte que tel règlement ou certains
articles de ce règlement sont appliqués par toutes les
municipalités, par une certaine catégorie de municipalités
ou par une ou plusieurs municipalités, sauf si un règlement
municipal portant sur les matières visées dans les
règlements susmentionnés a été approuvé
conformément à l'article 124. Aucun permis de construction, de
réparation ou d'agrandissement ne peut être émis par une
municipalité si le projet de construction, de réparation ou
d'agrandissement n'est pas en tous points conforme à tels
règlements.
Modification: selon le nouvel article 86, les règlements
provinciaux priment sur les règlements municipaux à moins que ces
derniers aient été préalablement approuvés par le
ministre.
Pour éviter que dans l'avenir des municipalités conservent
des règlements "préalablement approuvés par le ministre "
mais dont les dispositions seraient moins sévères que celles du
règlement provincial, il y aurait lieu de modifier l'article 86 comme
suit:
Sans restreindre les pouvoirs du ministre et du directeur... sauf si un
règlement municipal portant sur les matières visées dans
les règlements susmentionnés a été approuvé
conformément à l'article 124 et à condition que ledit
règlement ne possède pas de dispositions qui soient moins
sévères que celles du règlement provincial.
Section IVa
Article 27 modifiant l'article 87 de la Loi de la
qualité de l'environnement 27. L'article 87 de ladite loi est
modifié par le remplacement du paragraphe c par le suivant: c) pour
réglementer, à l'égard de l'ensemble ou de toute partie du
territoire du Québec, la construction, l'utilisation des
matériaux, la localisation, la relocalisation et l'entretien des
installations septiques et des lieux d'aisance individuels et communs, des
égouts privés, drains et puisards et autres installations
destinées à recevoir ou éliminer les eaux usées,
pour interdire la construction de certaines catégories de
bâtiments si la superficie de terrain ne permet pas de respecter les
normes établies ou si le bâtiment n'est pas desservi par certaines
catégories de systèmes d'évacuation et de traitement des
eaux usées et pour prohiber les équipements non conformes.
Modification: Le début de l'article devrait se lire comme suit:
pour réglementer ou prohiber, à l'égard de l'ensemble ou
de toute partie du territoire, etc., le pouvoir de prohiber permettra de
préserver les secteurs, projets, de la dégradation.
Cet article interdit la construction de certaines catégories de
bâtiments si la superficie de terrain ne permet pas de respecter les
normes établies... La superficie n'est qu'une des contraintes. La nature
du sol, la topographie, le niveau du roc, des eaux souterraines ou de toute
couche imperméable sont des facteurs aussi contraignants. Il vaudrait
donc mieux lire "pour interdire la construction de certaines catégories
de bâtiments si le terrain ne permet pas de respecter les normes
établies..."
Section IVa
Article 109b 109b. Dans la
détermination du montant de l'amende, le tribunal tient compte
notamment, dans l'ordre suivant: a)de tout préjudice physique,
psychologique ou esthétique subi par des êtres humains, la faune,
la flore et la vie biologique par suite de l'infraction: b)de tout danger
créé pour la santé humaine par l'infraction; c)de toute
altération temporaire ou permanente de la qualité de
l'environnement causée par l'infraction; d)des revenus que le
contrevenant a retirés de la commission de l'infraction;
Modification: "de tout danger créé pour la santé
humaine " devrait être changé pour comprendre les dangers pour la
faune et la flore.
ANNEXE B
Mémoire sur le projet de Loi 69 (Loi modifiant
la Loi de la qualité de l'environnement)
Présenté à la Commission
Parlementaire chargée de l'étude du projet de Loi 69
par le Conseil Régional de l'Environnement de
l'Est du Québec
Rimouski, août 1978
Introduction
En présentant le projet de loi 69, le présent gouvernement
a fait un pas en avant vers une reconnaissance du besoin de protéger
l'environnement. Les modifications qui sont contenues dans ce projet de loi
représentent à bien des égards, la mise à jour
d'une loi qui était, sous bien des angles, difficile d'application et ne
donnait pas suffisamment de recours contre les agresseurs de notre
environnement.
Suite à cet important projet de loi, le Conseil Régional
de l'Environnement de l'Est du Québec, en se basant sur
l'expérience qu'il a acquise depuis sa fondation et sur les
problèmes qui lui semblent éminents dans l'avenir, a tenu
à exprimer ses commentaires par le dépôt de ce
mémoire.
Voici donc ce que pense de ce projet de loi, un organisme qui
représente les intérêts du Bas St-Laurent, de la
Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine.
1.
Le Bureau d'Audiences Publiques.
Notre organisme se réjouit au départ de la création
de ce Bureau qui, face aux problèmes qui ont surgi au Québec
depuis plusieurs années, répond à un besoin et pourra
apporter d'excellents correctifs à bien des points de vue.
Mais il est évident que devant les responsabilités qui
seront confiées à ce Bureau, il devra jouir d'une plus grande
autonomie. À bien des égards, le Bureau est dépendant de
la décision du Ministre. Par exemple, dans le choix des requêtes
soumises par les citoyens. Dans le projet de loi 69, c'est le ministre qui
choisit les requêtes qui doivent être soumises au Bureau pour
enquête ou audience publique. Nous croyons que le Bureau devrait avoir le
droit de faire lui-même la sélection des requêtes provenant
des citoyens. Il devrait avoir la possibilité et les ressources
nécessaires pour effectuer cette sélection. Ce Bureau
étant moins préoccupé que le ministre par des questions
politiques, son intérêt premier sera donc le point de vue
environnemental et il pourra ainsi choisir en toute objectivité quelles
requêtes justifient une enquête ou une audience publique.
Le Bureau ne doit pas non plus n'être qu'un auditeur face aux
problèmes qu'il aura à traiter. Il est illogique de confier
à un tel organisme des enquêtes et des audiences publiques, sans
que celui-ci puisse donner son opinion au ministre et faire des recommandations
sur la décision qui sera prise.
Dans le présent projet de loi, le Bureau ne fait que des
constatations au ministre (réf.: 6.c)
Nous pensons qu'investir des ressources importantes dans un organisme
qui n'a pour rôle que de faire des "constatations ", serait inutile. Ce
Bureau sera sans doute l'organisme qui sera le plus habilité à
conseiller le ministre et à orienter sa décision, suite à
un problème soumis. Il devrait à cet effet, quand l'enquête
ou les audiences sont terminés, présenter au ministre, une
analyse de la situation, des commentaires et ses recommandations en vue de la
décision finale.
2.
Droit du public à
l'information
Un des points le plus important qui tient à coeur du CREEQ dans
cet important projet de loi, c'est le droit du public à
l'information.
Tous les articles de ce document touchent directement la qualité
de la vie de chaque citoyen du Québec. À ce titre, la population
doit savoir tout ce qui la concerne elle, sa région et sa province.
Dans bien des cas, c'est la population qui aura à donner son avis
par le biais de consultations ou d'audiences; c'est précisément
pour cette raison qu'elle doit avoir le plus d'informations disponibles pour
être le bon juge.
À cet effet, toute demande de permis pour un projet, toute
ordonnance et toute décision prise par le ministre ou le Bureau, doivent
être rendues publiques non seulement dans la "Gazette officielle" mais
dans tous les quotidiens écrits de la Province et dans au moins un
hebdomadaire de la région d'où relève le problème.
De plus, tous les documents relatifs aux études d'impacts faits par les
promoteurs du projet ainsi que les résultats d'enquête ou
d'audience faits par le Bureau, devraient être disponibles dans la
population par le biais des bureaux locaux des S.P.E. et/ou par le
secrétariat des municipalités.
En concordance avec le paragraphe précédent, "information"
doit être synonyme de "consultation". Par consultation, on entend
présentation et explication dans la population de tous les aspects que
comporte un projet d'envergure. Face à l'importance des projets qui vont
être soumis à l'attention du public, il semble très
pertinent qu'une consultation soit faite après l'étude d'impact
préliminaire et après l'étude détaillée, et
que cette consultation soit régie par des règlements de
l'Assemblée nationale, afin d'obliger les promoteurs de projet à
faire des consultations qui soient valables et non des campagnes de
publicité en faveur d'un projet.
3.
Droit de tout citoyen à la
qualité de l'environnement
Le projet de loi 69 fait un sérieux pas en avant au sujet de la
possibilité d'intervention qu'a chaque citoyen de protéger son
environnement. La population dispose d'outils nouveaux pour jouer plus
efficacement son rôle de protecteur de l'environnement.
Ce qui cependant nous semble diluer quelque peu cette partie du projet
de loi, ce sont les complications inutiles qui y sont assujetties. Comme par
exemple, le fait de ne pas pouvoir passer directement sa requête au
Bureau d'audience publique ou au Conseil consultatif.
Le citoyen ordinaire n'a pas l'habitude des procédures
compliquées, des attentes nébuleuses et des requêtes qui
jouent au kangourou d'un bureau à l'autre. Ce qu'il veut, c'est formuler
sa plainte à un seul bureau où il puisse communiquer pour savoir
le suivi de son dossier. Le Bureau d'audiences publique et le Conseil
(consultatif de l'environnement) doivent être perçus dans la
population comme des outils qui lui sont privilégiés, accessibles
et disponibles, et non pas comme un organisme bureaucratique et souffrant de
"structurites".
Ces nouveaux moyens que l'on veut mettre à la disposition des
Québécois devraient être à l'image d'un ombudsman
à l'intérieur du Ministère de l'Environnement et du
Gouvernement; un lieu direct et efficace entre la population et les instances
gouvernementales.
Dans un autre ordre d'idées, bien des projets qui ne sont pas
considérés comme étant d'envergure, peuvent créer
autant d'impacts négatifs dans un environnement donné que des
projets majeurs. Par exemple, les constructions qui créent un impact
visuel ou inesthétique; affiches le long des routes touristiques,
constructions hôtellières ou autres qui empêchent les
autochtones de voir le paysage. Il y a aussi la destruction ou la non
protection des espaces verts en milieu urbain. Beaucoup d'autres exemples
peuvent ici se greffer pour prouver cette affirmation.
Dans ces cas précis, quels sont les recours du citoyen? Il ne
faut pas ici faire l'erreur de surveiller que les cas majeurs et de laisser
tomber les cas comme ceux précités, car de leur nombre, ils sont
aussi importants que les grands projets.
Il faut à cet effet, prévoir des mécanismes et
donner la possibilité au Bureau ou au Conseil de pouvoir étudier
un certain nombre de ces requêtes.
4.
Souplesse de la loi pour s'adapter au
changement
Comme on a pu s'en rendre compte ici, une loi devient souvent
désuète au cours des années parce qu'elle n'a su s'adapter
aux situations nouvelles qui sont survenues.
Le projet de loi 69 dit que toute personne peut intervenir pour
protéger son environnement, mais selon l'article 19a: "Dans la mesure
prévue par la présente loi et les règlements"; il y a donc
là un sens nettement restrictif; la loi et les règlements ne
peuvent prévoir que le prévisible et non
l'imprévisible.
Le Conseil régional pense qu'il y a lieu d'ajouter un
deuxième alinéa qui irait dans le sens suivant: si des cas
particuliers se présentent, et qu'ils débordent la
présente loi et ses règlements, ce qui doit guider ceux qui
auront à prendre des décisions, doit être: la santé
publique, la protection de l'environnement et le droit de tout citoyen à
la qualité de la vie. De cette façon, les questions
pécuniaires, de création d'emploi ou autres ne seront pas
considérées en premier lieu et le tout respectera l'esprit
général de la loi.
5.
Modification du mode de procédure lors
d'une demande de permis
La façon de procéder pour autoriser un projet de
construction, tel que proposé par le projet de loi 69, ne nous semble
pas assez exigeante, compte tenu de l'envergure de projets qui vont être
traités.
Nous proposons à cet effet, que l'article 31.b soit
modifié afin de permettre que chaque étape
précédant l'émission du permis de construction soit connue
non pas seulement par le ministre, mais par la population en
général.
Dans un premier temps, la population doit savoir la nature
générale du projet, prendre connaissance de l'étude
d'impact préliminaire faite par l'initiateur du projet ainsi que le plan
général de ce qui va être analysé lors de
l'étude d'impact détaillée. Cette information devrait
être obligatoirement suivie d'une consultation où la population
pourrait donner son avis sur cette première étape.
Après cette démarche faite et acceptée par la
population et le ministre, l'étude d'impact détaillée
devra être faite conformément au plan préalablement
accepté. Cette étape devra être elle aussi suivie d'une
consultation populaire.
Les requêtes d'audience devraient être acceptées
autant pour la première étape que pour la seconde.
Ainsi, la population aura le loisir de diriger les études
d'impact en accord avec ses besoins et à sa satisfaction.
Il est aussi important de rappeler que l'initiateur du projet devrait
présenter à la population les devis (ou plans) de l'étude
d'impact détaillée, afin que celle-ci puisse donner son avis sur
le genre d'étude qui sera entreprise et pourra voir à ce que tous
les aspects qu'elle juge importants, soient bel et bien
étudiés.
6.
Éviter les articles donnant lieu
à de l'interprétation
Une loi se doit d'être la plus précise possible afin
d'éviter qu'un individu ou un organisme puisse s'y soustraire
"légalement".
Dans le projet de loi qui nous concerne, nous pensons que plusieurs
articles devraient être plus précis afin d'éviter toute
ambiguïté.
Par exemple, les articles 31.f et 118.c peuvent être
interprétés de différentes façons et peuvent donner
libre cours à un jeu d'influence.
Dans l'article 31.f, on parle de soustraire certains projets à
l'obligation de présenter une étude d'impact si l'un des trois
points suivants a déjà été commencé: la
planification, la conception ou la démarche de réalisation. Nous
sommes tous conscients que les compagnies d'envergure planifient leur expansion
sur des périodes qui peuvent aller jusqu'à 25 ans et que
concevoir un projet ne signifie pas le réaliser; on peut commencer
à réaliser un projet en disant qu'il a été
conçu il y a cinquante ans. Il y a donc dans cet article, un moyen
évident de contourner la loi.
L'article 118.c donne le pouvoir au Conseil des ministres de soustraire
certaines municipalités à l'application de quelques articles de
la présente loi, à la condition que les municipalités
aient conclu des ententes avec le ministre. Il est facile de voir ici que les
corps municipaux les plus influents vont user de toute leur énergie pour
se soustraire à certains règlements qui comporteraient des
dépenses importantes.
Nous croyons qu'il faut que tous les articles prévus dans le
projet 69 soient appliqués sans réserve et sans
possibilité de conclure des petits accords officieux. De plus, cette loi
doit être appliquée envers tous ceux qui par leurs actions
détériorent la qualité de la vie à laquelle chaque
citoyen du Québec a droit.
Donc, ces deux articles en particulier devraient être sinon
enlevés, du moins rectifiés, de façon à les rendre
moins susceptibles d'être interprétés.
7.
Les outils institutionnels
La création du Bureau d'audiences publiques est un
élément important dans ce projet de loi, mais c'est en
réalité le seul organisme nouveau. Il est évident que le
gouvernement du Québec ne possède pas actuellement les outils
institutionnels adéquats pour mener efficacement une politique sur
l'environnement.
Face au manque de ressources et de personnel qualifié dans les
bureaux régionaux des S.P.E. et face au manque d'organismes
d'information sur l'environnement dans toutes les régions, nous
proposons deux éléments qui, selon nous, auraient du faire partie
du présent projet de loi, c'est-à-dire la création du
ministère de l'environnement et des conseils régionaux de
l'environnement.
Depuis bientôt deux ans que l'on nous promet la création
d'un ministère de l'environnement et rien n'est encore fait. Nous sommes
très déçus de ne pas retrouver dans le présent
projet de loi, un article créant officiellement le ministère.
Devant l'importance et l'urgence que prennent les questions environnementales
à travers le monde, il est inexplicable que le Québec ne se soit
pas encore doté d'outils institutionnels valables en matière
d'environnement. Nous sommes déjà très en retard sur
plusieurs pays industrialisés en ce qui regarde la protection de notre
environnement et tant que le ministère de l'environnement ne sera pas
créé, nous contribuons à accentuer ce retard. Il faut
donner à l'environnement l'importance et les outils qu'il a besoin pour
protéger efficacement notre milieu de vie québécois.
En deuxième lieu, nous proposons la mise sur pied de conseils
régionaux de l'environnement dans toutes les régions
administratives du Québec. Devant les changements qui se produisent et
qui se produiront sans doute de façon plus dense au Québec en
terme de loi et de mesure sur l'environnement, il faut prévoir des
organismes d'information et d'éducation le plus près possible de
chaque citoyen. Il est inutile de penser vouloir atteindre un but de
conscientisation populaire à la protection de l'environnement, si
à la base un travail d'information et d'éducation n'est pas fait
efficacement. Il est illogique, par exemple, de dépolluer une
rivière, si les gens ne voient pas les bénéfices de cette
action et s'ils ne font pas leur effort pour que ce cours d'eau une fois
assaini ne redevienne pas comme avant. C'est là un rôle
très important qu'auraient à jouer les conseils dans chacune de
leur région.
Les programmes nationaux n'ont de valeur et d'effet que s'ils sont
expliqués à la base. Quelles que soient les mesures ou les
techniques qui sont prises à Québec ou à Montréal
pour informer les régions
éloignées, il existe toujours le problème de niveau
de discussion qui n'est pas le même d'une région à l'autre
et d'interprétation de l'information selon les régions. Chaque
région est différente l'une de l'autre au Québec et pour
cette raison, on doit prévoir des mécanismes qui soient
adaptés à chacune de ces régions en matière
d'environnement.
D'après notre expérience dans l'Est du Québec, les
CRE (Conseils régionaux de l'environnement) ont un rôle
très important à jouer qui se situe entre le côté
pratique des S.P.E. régionaux et le côté politique et
institutionnalisé du futur ministère de l'environnement.
Face à d'autre conseils régionaux qui ont pour mission de
développer le loisir ou la culture, nous croyons que l'environnement a
besoin autant sinon davantage que ces secteurs, d'être
décentralisé.
Nous demandons donc que soient entreprises immédiatement les
procédures afin que le Québec se dote d'outils institutionnels
adéquats pour mettre sur pied une véritable politique de
l'environnement à long terme.
Conclusion
On peut dire en conclusion, que toutes les bonnes intentions
exprimées dans ce projet de loi doivent être basées sur le
besoin d'information et la nécessaire participation des citoyens du
Québec.
Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement doit mettre en place des
mécanismes accessibles et efficaces dans les mains de la population et
se doter d'outils de réalisation adéquats pour assurer une
politique sur l'environnement à long terme et non pas une politique
revisible à tous les quatre ans.
ANNEXE C
Mémoire à la Commission parlementaire de
la protection de l'Environnement sur la Loi modifiant la Loi de la
qualité de l'environnement. (P.L. no 69)
par Lorne Giroux, avocat Professeur
agrégé, Faculté de Droit, Université Laval.
Introduction
Le présent mémoire porte sur deux aspects principaux du
Projet de Loi 69: le régime de participation des citoyens qu'il
préconise et le régime d'études d'impact sur
l'environnement dont il prévoit l'établissement.
l'La participation des citoyens
A) Le rôle du Conseil consultatif de
l'Environnement
Les nouveaux articles 7 et 8 édictés par l'article 2 du
Projet de Loi marquent, à notre avis, un net recul sur les dispositions
actuelles. En effet, elles ont pour effet de mettre le Conseil sous la tutelle
directe du ministre responsable et de lui enlever toute initiative
d'entreprendre de lui-même une étude sur un sujet donné. Si
ces articles sont adoptés, le ministre pourrait museler le Conseil et
même lui enlever tout rôle actif en ne lui demandant des avis que
sur les questions qu'il aurait lui-même déterminées.
Enlever tout pouvoir d'étude et d'initiative au Conseil c'est lui
enlever tout le dynamisme de la crédibilité acquise
jusqu'à ce jour.
Bien plus, la formulation actuelle de l'alinéa 3 de l'article 8,
tel que proposé, aurait pour effet de forcer le Conseil à
demander au ministre une autorisation avant de recevoir les requêtes et
les suggestions des citoyens! Rien ne justifie l'octroi d'un tel pouvoir
à un seul ministre car il a pour effet de lui permettre de tuer toute
participation directe des citoyens, ce qui va à l'encontre des objectifs
que le ministre a lui-même déclarés vouloir poursuivre.
Le Conseil consultatif a acquis une grande réputation et une
grande crédibilité justement parce qu'il a pu entreprendre des
études à la demande même des citoyens
préoccupés par les problèmes de l'environnement. Le
Conseil appartient à l'ensemble des citoyens, il ne doit pas devenir
l'affaire exclusive d'un ministre tel que le veut le Projet de Loi 69.
Sur un plan plus juridique, l'obligation faite au ministre de rendre
publics les avis du Conseil devrait être assortie d'un délai pour
éviter que ne se répète la situation déjà
vue où un juge de la Cour supérieure a refusé une demande
d'injonction pour le motif qu'il n'appartenait pas à la Cour
d'intervenir dans l'exercice de la discrétion du ministre quant au
délai de publication.
B)
Le recours des citoyens selon les articles
19a et suivants
Les articles 19a et suivants visent à donner aux citoyens
l'accès direct aux tribunaux pour assurer la protection de
l'environnement. Cette initiative est louable mais elle a le défaut
d'être une mesure ex post facto qui n'intervient qu'une fois le dommage
causé. De plus, elle oblige les citoyens à assumer les frais et
les délais d'un recours judiciaire.
Il nous apparaît qu'il aurait été plus efficace et
plus utile de faciliter plutôt la participation des citoyens avant que
l'atteinte à l'environnement n'ait été causée. En
effet, lorsque le Directeur est saisi d'une demande d'autorisation en vertu de
l'article 22, la Loi de la qualité de l'environnement n'exige aucune
mesure de publicité de telle sorte que le public et les opposants
éventuels n'en auront connaissance qu'une fois l'autorisation
accordée. Dans d'autres législations du même type, en
particulier en Colombie-Britannique, l'affichage d'un avis approprié sur
le site qui fait l'objet de la demande ainsi que sa publication dans la Gazette
Officielle et dans un journal local sont exigés. Les objections doivent
être prises en considération et l'organisme qui les reçoit
peut même tenir une audition. Au Québec, même si des tiers
peuvent avoir connaissance d'une demande de certificat d'autorisation, la loi
ne prévoit aucun droit pour les opposants d'être entendus par le
Directeur.
À notre avis, le législateur devrait faciliter
l'accès des citoyens au début du processus décisionnel
avant de leur permettre d'engager un débat judiciaire une fois le
dommage causé.
De plus, même dans le cas des articles 19a) et 19b), le droit
à la qualité de l'environnement n'existe que "dans la mesure
prévue par la présente loi et les règlements". En
conséquence, puisqu'il n'y a aucune publicité ni registre
officiel des demandes et des certificats d'autorisation émis selon la
Loi, plusieurs des recours intentés en vertu de cet article risquent
d'être rejetés occasionnant par le fait même des
déboursés inutiles au requérant. Pour éviter cette
situation, la Loi devrait faire obligation à celui qui demande un
certificat d'autorisation d'afficher une copie de la demande sur le site qui en
fait l'objet et elle devrait de plus prévoir l'établissement d'un
registre public de toutes les décisions du Directeur dans l'exerice des
compétences que la loi lui confère.
C)
Le nouvel article 100
Le nouvel article 100 tel qu'amendé par l'article 29 du Projet de
Loi permet à toute personne ou à toute municipalité
d'intervenir devant la commission municipale dans le cas d'un appel
interjeté en vertu de l'article 96. Il s'agit d'une amélioration
par rapport à la situation actuelle puisque cet article modifie la
politique actuelle de la Commission municipale qui refuse d'entendre qui que ce
soit d'autre que les parties qui étaient devant le Directeur.
Cependant, la portée de cette disposition reste réduite
puisque seul celui qui est visé par une ordonnance du Directeur peut
porter sa décision en appel pour la faire casser ou modifier. Il n'y a
pas de droit d'appel dans le cas où, le Directeur ayant émis le
certificat d'autorisation, un tiers ou un membre du public désirerait le
faire casser ou modifier.
De plus, comment le citoyen pourra-t-il intervenir devant la Commission
s'il ne sait pas qu'une demande de certificat d'autorisation a
été fait et encore moins qu'un appel a été
logé auprès de la Commission? C'est pourquoi, pour rendre
l'article 100 efficace, le Projet de Loi no 69 devrait prévoir des
mesures de publicité des demandes de certificat, des décisions du
Directeur et des requêtes d'appel de l'article 98.
Il Les études d'impact sur
l'environnement.
Les articles 31a à 31 i de la Loi de la qualité de
L'environnement ajoutés par l'article 9 du Projet de Loi 69
prévoient l'établissement d'une procédure d'étude
d'impact sur l'environnement pouvant être requise pour les
activités et projets faisant partie d'une catégorie
déterminée par règlement du lieutenant gouverneur en
conseil.
En réalité, ces articles ne font que prévoir le
cadre général de cette procédure puisqu'ils laissent la
détermination de toutes les questions importantes entre les mains du
gouvernement par l'exercice du pouvoir réglementaire.
Il nous apparaît, quant à nous, que les questions les plus
importantes devraient être déterminées par le
législateur lui-même et ne devraient pas être
reléguées au pouvoir réglementaire de
l'exécutif.
En particulier, la loi elle-même devrait préciser à
tout le moins les activités gouvernementales pour lesquelles une
étude d'impact est requise afin d'éviter que le gouvernement ne
paraisse se soustraire lui-même à une procédure qu'il
impose au secteur privé. Ainsi par exemple, l'article 7 alinéa 2
de l'actuel Règlement général relatif à
l'administration de la Loi de la qualité de l'environnement (1975)
G.O.Q., Partie 2, Vol. 107, p. 4801) exige qu'une étude d'impact
accompagne une demande de certificat lorsqu'il s'agit de projets de
construction de lignes de transport d'énergie électrique d'une
tension de plus de 315Kv, de chemins de fer, d'oléoduc ou de gazoduc
alors qu'une telle étude n'est pas requise pour les projets de route
à quatre voies ou plus, même si ces projets de route
nécessitent l'obtention d'un certificat selon l'article 22. La
nécessité d'une détermination législative
apparaît encore plus évidente si l'on réalise que
l'approbation d'une activité par le gouvernement, suite à la
procédure d'impact, prive les
citoyens du recours accordé à l'article 19b, sauf s'il
s'agit d'une activité non conforme au certificat d'autorisation
accordé.
Il en est de même pour la procédure. La loi elle-même
devrait déterminer le contenu d'une étude d'impact ainsi que les
grandes étapes de la procédure. À notre avis, il ne
devrait pas appartenir au ministre d'indiquer à l'initiateur du projet
d'entreprendre la consultation publique prévue par règlement
comme le veut l'article 31c. Une fois qu'il a été
décidé qu'un projet est susceptible d'avoir sur l'environnement
un impact tel qu'une étude préalable est requise, la
procédure de publication d'avis, la teneur des avis, le délai
pour permettre aux personnes et aux municipalités de faire des
représentations et l'audience publique devraient être
prévus par le législateur lui-même et rendus statutairement
obligatoires.
La formulation actuelle de l'article 31c qui permet au ministre de
requérir une audience publique "à moins qu'il ne juge la demande
frivole" est malheureuse à cet égard. D'une part, elle laisse
planer un doute sérieux sur la confiance que le législateur
accorde à la participation des citoyens et d'autre part, elle pourrait
placer le ministre lui-même dans une position inconfortable advenant le
cas où cette discrétion absolue était exercée pour
l'étude d'un projet émanant du gouvernement ou de l'un de ses
mandataires. Enfin pour les motifs déjà exposés au
paragraphe précédent, il nous semble qu'il serait de meilleure
politique de rendre les auditions publiques obligatoires dans tous les cas
plutôt que de donner une discrétion absolue à un ministre
pour décider dans chaque cas individuel.
Les audiences publiques pouvant être tenues dans le cadre de la
procédure d'étude d'impact le sont par un organisme, le "Bureau
d'audiences publiques sur l'environnement" créé
spécialement à cette fin.
On remarque, qu'en plus des fonctions du bureau dans le cadre d'une
procédure d'étude d'impact, celui-ci peut enquêter sur
toute question que lui soumet le ministre et lui faire rapport. Il doit, de
plus, tenir des audiences publiques lorsque le ministre le requiert. (art. 6c
ajoute par l'article 1 du Projet de loi 69). L'article 6c permet un
dédoublement des fonctions du Bureau. Dans le cadre de l'article 6c il
ne peut jamais enquêter, ni encore moins tenir des audiences publiques de
sa propre initiative ou à la requête de citoyens.
À notre avis, le dédoublement de fonctions du Bureau selon
les articles 6c et 31c devrait être évité. Le rôle du
Bureau devrait être limité aux audiences tenues dans le cadre
d'une procédure d'étude d'impact, ceci afin d'éviter que
le Bureau ne soit saisi, dans le cadre de l'article 31c, d'une question pour
laquelle le ministre aurait déjà demandé un avis selon
l'article 6c. Si, comme nous le recommandons plus haut, le Conseil consultatif
conserve son rôle actuel, l'article 6c devient inutile.
De plus, le Projet de Loi no 69 ne précise pas si les membres du
Bureau sont à plein temps. En conséquence, il est possible que
certains des membres du Bureau soient des employés ou des cadres
à l'emploi du gouvernement ou ses mandataires ou d'anciens cadres. Pour
éviter que les membres du Bureau qui sont des fonctionnaires ou
d'anciens fonctionnaires n'aient à conduire des audiences publiques sur
des projets émanant du secteur public, le Projet de Loi no 69 devrait
spécifier de façon précise que, dans le cas de projets
soumis par le gouvernement ou un de ses mandataires, aucun membre du Bureau qui
est un officier ou employé du gouvernement ou d'un de ses mandataires ou
qui l'a été dans les 5 années précédant la
date de la demande ne peut tenir une audience publique sur un tel projet.
Enfin, si le législateur estime que la détermination des
projets et activités pour lesquelles une étude d'impact est
requise ainsi que la procédure doivent être laissées au
pouvoir réglementaire de l'exécutif, l'importance des
décisions en cause et la nécessité pour le gouvernement de
dissiper tout doute quant à sa position ambiguë de juge et partie
requièrent, à notre avis, l'obligation pour le gouvernement de
soumettre tout projet de règlement adopté en vertu des articles
31f et 31i à la discussion publique en commission parlementaire.
août 1978
Lome Giroux avocat
ANNEXE D
Commentaires sur le projet d'amendements à la
Loi de la Qualité de l'Environnement
(Projet de loi 69)
soumis à la Commission parlementaire
chargée de l'étude du projet de Loi 69
par le Conseil consultatif de l'Environnement
Commission parlementaire de la protection de
l'Environnement
Monsieur le président,
Le Conseil consultatif de l'environnement a été
créé en décembre 1972 en vertu de la section III de la Loi
de la qualité de l'environnement, laquelle est l'objet d'amendements par
le présent projet référé à la Commission
parlementaire.
Conformément à la Loi, le Conseil doit normalement
adresser ses avis au ministre délégué à
l'Environnement. Tenant compte de l'importance de ce projet de loi pour le
Conseil, le ministre délégué à l'Environnement nous
a autorisé à présenter directement à la Commission
parlementaire notre position sur le sujet. Le Conseil lui en est des plus
reconnaissants et le remercie d'avoir accepté notre intervention directe
à cette Commission.
Le Conseil est constitué de dix membres non fonctionnaires et
d'un président à plein temps tous nommés par le
lieutenant-gouverneur en conseil.
Il représente dans une certaine mesure une certaine opinion de la
population.
À titre de président du Conseil, j'ai donc l'honneur de
vous présenter notre réflexion sur le projet de loi 69 en
espérant que nos commentaires permettront au législateur
d'améliorer la Loi de la qualité de l'environnement pour assurer
une meilleure qualité du milieu de vie et la préservation des
ressources biosphériques nécessaires à la protection et
à la survie des organismes vivants.
En vous remerciant de l'intérêt que vous porterez à
notre mémoire, je vous prie d'agréer, monsieur le
président, l'expression de mes sentiments distingués.
Le Président, P. Réal L'Heureux Québec, le 29
août 1978
Chapitre 1
Commentaires généraux sur le projet de
loi 69 (Projet de Loi modifiant la Loi de la Qualité de
l'Environnement)
1.
Introduction
Le présent projet de loi représente à plusieurs
points de vue des modifications importantes à la loi actuelle de la
qualité de l'environnement. Nous n'avons qu'à penser aux sections
traitant du "Bureau des audiences publiques sur l'environnement", à
celle sur le "Droit à la qualité de l'environnement et à
la sauvegarde des espèces vivantes" et à celle sur les
"Évaluations environnementales " pour en être vite convaincus.
Devant l'importance de telles modifications, le Conseil a tenu à
présenter ses commentaires à la commission parlementaire
chargée d'étudier ce projet de loi et au ministre
délégué à l'Environnement.
Le document du Conseil est divisé en deux parties. La
première comprend les chapitres 1 à 6 inclusivement. Il s'agit
d'une réflexion sur les points les plus importants dégagés
lors de l'analyse du projet d'amendements à la loi. Ainsi, le Conseil
s'attache à l'intervention directe de la population dans le processus de
participation du public, à la nécessité d'un processus
d'évaluation des impacts conforme avec les objectifs qu'il est important
d'atteindre pour la société, à l'approche légaliste
de la loi, à la flexibilité des normes et à des
propositions d'amendements non prévus.
Pour sa part, la deuxième partie constituée des annexes 1
et 2 comprend respectivement des commentaires spécifiques et des
propositions d'amendements sur les points qui ont retenu l'attention du Conseil
dans ce projet de loi et sur des propositions d'amendements du Conseil non
contenues dans le projet de loi 69.
Chapitre 2
2.
Participation des citoyens
2.1
Intervention directe des citoyens
Le Conseil constate avec satisfaction que le projet de loi 69 consacre
davantage le droit du public à participer au maintien de la
qualité de son environnement que ne le faisait l'actuelle Loi de la
qualité de l'environnement. La section sur "le Bureau d'audiences
publiques sur l'environnement" et celle sur le droit à la qualité
de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes " en
sont des exemples et constituent des moyens nouveaux et importants mis à
la disposition des citoyens.
Par ailleurs, le Conseil remarque que la participation du public serait
assujettie à la discrétion du ministre en ce qui a trait aux
requêtes et suggestions des citoyens. De l'avis du Conseil, cela
constitue une certaine faiblesse qu'il faudrait voir à corriger.
L'expérience acquise par le Conseil depuis cinq ans
démontre que le public apprécie et souhaite grandement cette
possibilité d'en appeler directement à un organisme dont le
mandat est d'enquêter et de présenter des avis et des
recommandations au ministre.
En conséquence, le Conseil souhaite et recommande que la
population puisse, si elle le désire, intervenir directement tant
auprès du Bureau d'audiences publiques que du Conseil consultatif de
l'environnement pour soumettre ses requêtes et ses suggestions. Cette
proposition, nous tenons à le signaler, n'implique nullement qu'un
citoyen ne pourrait pas adresser sa requête au ministre si tel
était son désir.
2.2
Délimitation des champs
d'intervention du Bureau et du Conseil
Le Conseil juge très important de bien délimiter le champ
des activités du Conseil consultatif de l'environnement de celui du
Bureau des audiences publiques. En effet, le projet de loi actuel laisse
supposer que ces deux organismes pourraient, dans certains cas, exercer les
mêmes fonctions.
Une telle situation ne serait ni saine, ni souhaitable. Il importe donc,
de l'avis du Conseil, que des modifications soient apportées au projet
de loi 69 afin de mieux définir les responsabilités du Bureau par
rapport à celles du Conseil. C'est ainsi que le Conseil croit,
étant donné les rôles respectifs de ces deux organismes,
que le Bureau devrait se pencher uniquement sur des dossiers de nature
opérationnelle, notamment sur ceux qui font l'objet d'autorisation
gouvernementale ou de permis. Quant au Conseil, il pourrait se voir confier les
autres types de dossiers (domaine prospectif, législation et
réglementation, aspects ne faisant pas l'objet d'une autorisation
gouvernementale). Le Conseil souhaite par conséquent que le texte final
du projet de loi puisse contenir de telles précisions.
2.3 Droit à la qualité de
l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes
Le conseil est satisfait que la proposition du ministre confirmera le
droit du citoyen québécois d'intervenir par injonction pour
s'assurer que la loi, ses règlements et les autorisations
gouvernementales émises seront respectés.
Il s'agit certes d'un bon pas dans la voie du droit des citoyens
à une meilleure qualité de son environnement laquelle implique un
milieu sain et écologiquement équilibré.
En ce qui concerne la proposition du droit à la sauvegarde des
espèces vivantes, le Conseil se trouve en situation de dilemme. En
effet, le Conseil est tout à fait d'accord pour que l'on protège
et préserve les espèces vivantes animales et
végétales mais il a l'impression que la Loi de la qualité
de l'environnement ne prévoit pas la compétence directe du
ministre sur les espèces vivantes comme telles. L'opinion du Conseil
s'appuie sur la définition légale du mot "environnement",
laquelle réfère davantage au milieu physique (eau, air, sol,
milieu ambiant) qu'au milieu biologique.
Considérant l'importance de protéger et de sauvegarder les
espèces vivantes;
Considérant que plusieurs ministères ont des
responsabilités en cette matière;
Considérant que certaines espèces vivantes animales et
végétales ne sont pas protégées présentement
et que certaines autres le sont surtout en vue d'assurer une exploitation de la
ressource faunique et végétale;
Le Conseil est d'avis que cette question devrait faire l'objet d'une
analyse interministérielle appropriée afin d'identifier les
lacunes et d'établir les responsabilités de chacun.
En attendant le résultat d'une telle étude, le Conseil
propose de s'en tenir pour le moment au droit de recours des citoyens pour
protéger la qualité de l'environnement nécessaire à
la santé et au bien-être de l'homme et à la sauvegarde des
autres espèces vivantes.
Chapitre 3
3. Analyse et évaluation des impacts
environnementaux
3.1
Objectifs de la nouvelle
législation
Cette section du projet de loi revêt, selon le Conseil, un
très grand intérêt. En effet, elle va permettre d'exercer,
à l'égard de l'environnement, une "médecine
préventive ". L'application de cette nouvelle section de la loi aidera
grandement à éviter bien des atteintes inutiles à la
qualité de notre milieu de vie ainsi qu'à minimiser les
correctifs après coup, lesquels s'avèrent souvent très
coûteux. En obligeant l'initiateur de grands projets à soumettre
à l'avance une étude évaluant les répercussions de
son projet, il sera alors possible aux autorités gouvernementales
d'exercer un meilleur contrôle du développement en respect avec le
maintien de la qualité de l'environnement.
3.2
Lacunes de cette section du projet de
loi
Cependant, le Conseil ne pense pas que le projet de loi, tel
qu'actuellement rédigé, permet d'atteindre adéquatement
les objectifs normalement reliés au processus des études d'impact
(choix de sites, minimisation des impacts au site choisi, participation de la
population). En effet, la procédure d'évaluation des impacts,
telle que proposée, comporte des faiblesses importantes: rôle
discrétionnaire du ministre, possibilité d'escamoter le processus
d'évaluation des impacts et de participation de la population en
permettant un choix du type d'études d'impact à réaliser,
selon les projets envisagés.
À la base de la réflexion du Conseil se trouve le principe
suivant: il lui apparaît essentiel d'instituer dès le
départ le meilleur processus possible d'évaluation et de
révision des études d'impact. Cette position du Conseil s'appuie
sur les considérations suivantes: a) Les projets, dont il est question,
sont d'une telle importance que le ministre propose que la décision soit
portée au niveau du lieutenant-gouverneur en conseil.
Le Conseil prend pour acquis que les projets suceptibles de faire
l'objet de la procédure d'impact prévue au chapitre IVA du projet
de loi 69 seront majeurs et/ou susceptibles de causer des impacts significatifs
à l'environnement.
Parmi ces projets, le Conseil pense, à titre d'exemple, qu'il
pourrait y avoir: les aéroports, certaines catégories
de digues et de barrages, certains travaux de drainage, la
construction de quais ou de ports pour des navires autres que de plaisance,
les autoroutes, les routes provinciales et régionales,
certaines catégories de pipelines, certaines lignes de
transport et de distribution d'énergie électrique,
l'ouverture de mines, l'implantation de parcs industriels,
les projets industriels majeurs tels que: les complexes
pétrochimiques, les usines de pâtes et papier, les
alumineries...
b)II importe de mettre sur pied une procédure qui puisse
valoriser les études d'impact. De ce fait, l'étude d'impact doit
pouvoir se réaliser en vue de répondre aux questions
posées tant par le public que par les autorités gouvernementales.
c) L'étude d'impact doit viser à obtenir le meilleur choix de
sites, de procédures ou d'activités, puis, une fois ce choix
effectué, tenter de minimiser le plus possible les répercussions
environnementales négatives au site choisi. Dès lors, il
apparaît essentiel d'exiger de l'initiateur d'un projet faisant l'objet
d'une telle étude, de passer obligatoirement par ces deux étapes.
Trop d'exemples récents nous montrent qu'escamoter l'une de ces
étapes essentielles entraîne des conséquences importantes
sur le milieu et qu'il s'avère coûteux de les corriger ou de les
minimiser. d)La participation du public, si elle est recherchée d'une
façon positive, doit lui permettre d'intervenir aux deux étapes
clefs du processus décisionnel soient: a) lors de la sélection de
l'option suite à létude préliminaire des "alternatives ";
b) lors de la décision d'autoriser le projet suite à
l'étude détaillée dont l'objectif est de minimiser les
impacts négatifs de l'option retenue. L'expérience des
dernières années au Québec indique clairement que le
public veut avoir son mot à dire à l'étape du choix d'un
site (exemples: vallée de la Jacques-Cartier, autoroute 73, aluminerie
à St-Augustin, centrales nucléaires, tracés
hydro-électriques de Châteauguay-Chénier et de
Saint-Jean-de-Matha. projet minéralo-portuaire aux
Îles-de-la-Madeleine...).
C'est pourquoi, le Conseil considère que la procédure
suggérée par le projet de loi 69 est faible et insuffisante pour
protéger l'environnement sur cet aspect. En effet, elle laisse au
ministre le soin d'exiger soit une étude préliminaire, soit une
étude détaillée, soit les deux. Or, l'expérience
démontre que pour des projets de cette envergure, il est très
important que les deux études soient faites. Comment, en effet,
pourrait-on s'assurer qu'il s'agisse du meilleur projet si des alternatives ne
sont pas analysées? De même, comment pourrait-on s'assurer de
minimiser les impacts négatifs et de maximiser les
bénéfices d'un projet si une étude détaillée
de l'option retenue n'était pas réalisée?
Enfin, il est souhaitable de permettre à la population de se
prononcer sur un projet d'envergure. Or, les publics sont très
différents et leurs intérêts le sont également dans
le cadre d'une étude d'impact préliminaire (cadre d'étude
élargi) par rapport à une étude d'impact
détaillée (cadre d'étude restreint). Accorder au ministre
une discrétion dans le choix de la catégorie de l'étude
d'impact à réaliser implique qu'il détermine
également l'étape à laquelle il permet au public de faire
valoir ses opinions. Pour sa part, le Conseil croit que si la population ne
peut se prononcer qu'à l'étape de l'étude
détaillée, l'on risque d'entraîner immédiatement de
l'opposition et de la contestation, la population n'ayant pu se prononcer sur
les critères des études et sur les sites possibles d'un projet,
ce qui constitue le plus souvent l'objet des litiges que l'on observe
actuellement.
3.3 Propositions
Le Conseil désire donc proposer que soit établi un
processus d'études d'impact en deux étapes obligatoires: l'une
portant sur un choix de sites, de procédés ou d'activités
(étude préliminaire) et l'autre visant à minimiser les
impacts négatifs et de maximiser les répercussions positives de
l'option retenue suite à l'étude préliminaire
(étude détaillée).
De plus, le Conseil croit fermement qu'il est important qu'à
chacune de ces étapes, une consultation publique par le Bureau
d'audiences publiques puisse avoir lieu selon le désir de la
population.
Chapitre 4
4. Approche légaliste de la protection de l'environnement
4.1 Rôle accru des juges et des avocats
Le présent projet de loi est teinté d'une plus grande
attitude légaliste envers la protection de l'environnement. En effet, le
Conseil, tout en reconnaissant le rôle essentiel des juges et des avocats
en ce domaine, constate cependant qu'on veuille accentuer leur présence
dans l'application de la Loi de la qualité de l'environnement. Cette
opinion découle plus particulièrement des propositions contenues
dans les articles 19a à 19f et 109. À notre avis, une juste
mesure doit exister entre les spécialistes du droit, les administrateurs
et les scientifiques dans un secteur aussi complexe que la qualité de
l'environnement. En effet, le Conseil croit important de signaler qu'il ne
faudrait pas que les aspects légaux de l'environnement prennent une
place plus importante que les aspects scientifiques de l'environnement lorsque
l'on aborde les questions de la qualité du milieu.
De plus, s'il fallait que l'application de la Loi de la qualité
de l'environnement se fasse trop souvent en présence des tribunaux, le
Conseil pense que cela ne serait pas de nature à inciter la
participation du public. En effet, ce dernier espère travailler dans un
cadre plus flexible et moins formel.
Enfin, le Conseil est d'avis qu'il faudrait éviter de tomber dans
une situation analogue à celle que l'on observe actuellement aux
États-Unis où toute discussion environnementale se fait en
présence d'avocats et où tout différend se règle
finalement devant les tribunaux sur des critères souvent plus
légaux qu'environnementaux.
À propos des tribunaux, le Conseil croit qu'il serait
peut-être souhaitable de mettre sur pied un tribunal
spécialisé pour entendre les causes de nature environnementale vu
la complexité technique et scientifique des problèmes en cause et
leur spécificité.
4.2
Amende basée sur des
critères
Par ailleurs, à l'article 109b, le projet de loi propose
d'obliger le tribunal à tenir compte, dans la détermination de
l'amende, de critères souvent très difficiles à
évaluer du moins sur une courte période de temps. De plus, la
preuve pourrait s'avérer très coûteuse par rapport aux
amendes que l'on pourrait imposer et le processus judiciaire pourrait s'en
trouver grandement alourdi. Le Conseil pense qu'il faudrait plutôt s'en
tenir, pour fixer le montant de l'amende, au respect ou non de la loi et au
jugement du tribunal et demande à ce que cet article soit
retiré.
Pour sa part, le Conseil estime que la meilleure façon de mieux
sensibiliser les juges à l'importance des valeurs environnementales est
reliée au processus de l'information et de l'éducation
plutôt qu'à des critères inscrits dans une loi.
4.3
Poursuites sommaires
Le Conseil note qu'à certaines occasions, le projet de loi 69
fait mention de poursuites sommaires qui peuvent être intentées.
Le Conseil considère qu'il s'agit là d'un aspect
intéressant et positif du projet de loi. En effet, les poursuites
sommaires vont permettre une plus grande efficacité des Services de
protection de l'environnement et une rapidité d'intervention
légale de leur part dans les cas d'infractions mineures.
Chapitre 5 5. Flexibilité des normes
établies par règlements
5.1
Fixation des normes avec prudence
Si l'on tient compte du droit à la qualité de
l'environnement que propose de donner le ministre au public,
c'est-à-dire le droit de recours du citoyen lorsqu'il y a une infraction
à la loi et à ses règlements, il faudrait
parallèlement éviter que les normes gouvernementales soient d'une
sévérité telle qu'un responsable d'une activité se
retrouve fréquemment en infraction même s'il opère selon
les règles de l'art. La tendance actuelle de la réglementation
semble consister à établir les normes en se basant sur le
rendement optimal obtenu dans les meilleures conditions possibles
d'opération. Il serait, de l'avis du Conseil, important de
généraliser la notion d'objectifs de la qualité du milieu
et d'adopter par la suite des normes pour s'assurer de l'atteinte de ces
objectifs. La flexibilité des normes serait rencontrée en
continuant la pratique de les établir sur une moyenne mensuelle, sur une
journée et pour une heure selon le cas.
Cette réflexion du Conseil découle de la proposition
d'amendement à l'article 123a dans laquelle il est dit entre autres,
qu'il est interdit de poursuivre l'utilisation ou l'exploitation d'un ouvrage
sans que les équipements antipollution fonctionnent.
5.2
Procédure d'exception en cas
d'urgence
De plus, le Conseil est d'opinion que le directeur des Services de
protection de l'environnement du Québec devrait avoir le pouvoir
d'accorder, dans des cas d'urgence, une tolérance par rapport aux normes
en vigueur en cas de force majeure, de bris d'équipements...
Chapitre 6
6. Absence de certaines modifications apportées
à la loi de la qualité de l'environnement 6.1 Pesticides
Le Conseil est d'avis que le ministre devrait profiter des
présentes modifications à la Loi de la qualité de
l'environnement pour insérer une section traitant du contrôle de
la vente et de l'utilisation des pesticides.
Les substances toxiques étant aujourd'hui
considérées comme l'un des importants problèmes dans
l'environnement québécois, le Conseil recommande fortement de
légiférer sur cet aspect dans les meilleurs délais et, si
possible, à l'occasion des présents amendements à la
loi.
6.2
Espaces verts en milieu urbain
En vertu de l'article 29 de la loi actuelle, le Conseil croit qu'il est
possible au ministre d'intervenir pour forcer une municipalité à
utiliser son pouvoir de réserve à des fins publiques et
subséquemment son pouvoir d'expropriation pour préserver un
espace vert (boisé ou non) en le constituant en parc de conservation, de
récréation ou autre. Comme certains juristes pensent que cet
article pourrait être interprété dans un sens restrictif ne
permettant pas d'intervenir au niveau des espaces verts, le Conseil
suggère de le préciser pour que le ministre puisse utiliser
convenablement ce pouvoir à l'égard des autorités
municipales et régionales, s'il était jugé dans
l'intérêt public d'acquérir un espace vert urbain à
des fins de parc.
6.3
Définition du mot
"environnement"
Le Conseil constate que la Loi de la qualité de l'environnement
définit le mot "environnement" et que cette définition
légale est trop restrictive dans le cas des études d'impact. En
effet, elle concerne surtout les éléments physiques de
l'environnement (l'eau, l'atmosphère, le sol et d'une manière
générale, le milieu ambiant).
Le Conseil juge essentiel que l'environnement puisse inclure, pour les
fins des études d'impact, les éléments biologiques des
écosystèmes, l'utilisation du territoire ainsi que les
considérations esthétiques et socio-culturelles.
En conséquence, outre la définition actuelle, le Conseil
recommande qu'une deuxième définition élargie du mot
"environnement" soit prévue dans la Loi de la qualité de
l'environnement pour l'application des articles relatifs aux études
d'impact sur l'environnement.
6.4
Définition du mot
"déchet"
La définition actuelle donnée au mot "déchet" dans
la Loi de la qualité de l'environnement exclut les résidus
miniers.
Le Conseil recommande que l'on révise la définition de
l'expression "déchet" en y insérant les résidus miniers vu
leur grande importance. En effet, une étude effectuée par le
gouvernement du Québec en 1972, indiquait que les deux tiers des
déchets solides produits au Québec étaient de sources
minières.
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Québec, 16 p. Anonyme, 1977g. Commentaires du Conseil consultatif de
l'environnement sur le document intitulé: "Pour une politique de
participation du public à la protection de la qualité de
l'environnement du Québec
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technologique. La Recherche 6: 239-244.
Liste des membres et des professionnels permanents du
secrétariat du Conseil consultatif de l'environnement
Membres du Conseil
Monsieur P. Réal L'Heureux, président. Mademoiselle
Lorraine Bois Monsieur Jean-Pierre Bonhomme Monsieur Régent Brosseau
Monsieur Jacques Dunnigan Monsieur Clément Godbout Monsieur Alain
Lachapelle Madame Annie Luttgen Mademoiselle Gloria Ménard Monsieur
Laurent Tessier, vice-président Monsieur Claude Vallée
Professionnels de secrétariat
Monsieur Léopold Gaudreau, conseiller scientifique Monsieur
Benoît Gauthier, conseiller scientifique Monsieur Camille Rousseau,
secrétaire.