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Présentation de mémoires sur le projet
de loi no 69
(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Reprise des travaux de la commission parlementaire permanente de la
protection de l'environnement, pour recevoir les mémoires en vue de
l'étude du projet de loi 69.
Les membres de cette commission sont M. Beauséjour (Iberville),
M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Caron (Verdun) remplacé par M. Picotte
(Maskinongé); M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), M. Goldbloom (D'Arcy McGee), M. Lavigne (Beauharnois)
remplacé par M. Proulx (Saint-Jean); M. Léger (Lafontaine), M.
Mercier (Berthier).
Les intervenants sont M. Baril (Arthabaska), M. Dubois (Huntingdon)
remplacé par M. Brochu (Richmond); M. Grégoire (Frontenac), M.
Léonard (Laurentides-Labelle), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Marquis (Matapédia), M. Roy
(Beauce-Sud), M. Saindon (Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Verreault
(Shefford).
Ce matin, pour toute la journée, je vais donner les noms des
organismes que nous allons entendre jusqu'à 23 heures. Ces organismes
sont l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la
baie James, le Comité de citoyens de Saint-Jean-de-Matha, l'Association
québécoise des techniques de l'eau je les appelle par
ordre l'Association des mines de métaux du Québec,
l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, Society to
Overcome Pollution (STOP), le Conseil du patronat du Québec,
l'Association des biologistes du Québec, un groupe de chercheurs de
l'INRS-Eau, un groupe de protection de l'environnement.
J'appelle maintenant l'Hydro-Québec et la Société
d'énergie de la baie James. Pour les groupes qui n'y étaient pas
hier, je rappelle que chaque groupe a un maximum d'une heure pour la
présentation du mémoire et les questions. Autant que possible,
nous demandons aux groupes de prendre le moins de temps possible, vu que les
mémoires ont été lus; expliquez seulement en gros votre
mémoire pour que les membres de la commission puissent vous questionner
sur votre mémoire.
Monsieur, si vous voulez identifier votre groupe pour les fins du
journal des Débats, ainsi que les personnes qui vous accompagnent, s'il
vous plaît!
Hydro-Québec et Société
d'énergie de la baie James
M. de Broux (Michel): Mon nom est Michel de Broux, avocat au
contentieux de l'Hydro-Québec. Immédiatement à ma gauche,
Me Jean Boulanger, directeur du contentieux de l'Hydro-Québec, à
ma droite, M. Armand Couture, membre du comité de gérance et
responsable du secteur de l'environnement à la Société
d'énergie de la baie James. Également à ma droite, M.
Gaston Galibois, directeur de l'environnement à l'Hydro-Québec et
enfin, à mon extrême droite, M. Alain Soucy, responsable du
service environnement à la Société d'énergie de la
baie James.
M. le Président, M. le ministre délégué
à l'environnement, MM. les membres de la commission permanente de la
protection de la qualité de l'environnement, l'objectif de la
comparution de l'Hydro-Québec et de la Société
d'énergie de la baie James, ce matin, est de faire ressortir les faits
saillants du mémoire conjoint qu'elles ont déposé le 16
août 1978.
En guise de remarque introductive, permettez-moi de vous rappeler que,
selon un plan opérationnel de l'Hydro-Québec pour les
années 1979 à 1983, il est prévu que l'Hydro-Québec
aura à construire quelque douze centrales, plusieurs centaines de
kilomètres de lignes de transport d'énergie électrique,
dont celle de la baie James, des dizaines de nouveaux postes de transformation,
des centaines de modifications à des postes de transformation existants,
quelques réseaux routiers, des édifices administratifs, des
aéroports et autres installations logistiques, des dépôts
de matériaux et de nombreux travaux reliés à la
distribution de l'énergie électrique à travers le
territoire du Québec. Tous ces travaux sont, évidemment, en plus
des travaux d'envergure qui sont bien connus sur la rivière La Grande et
qui sont exécutés par la Société d'énergie
de la baie James.
L'Hydro-Québec et la SEBJ se préoccupent grandement de la
question de la qualité et de la protection de la qualité de
l'environnement et de minimiser l'impact sur l'environnement de leurs projets
majeurs. Cette préoccupation des deux entreprises que nous
représentons existe dans le cadre du mandat de chacune d'elles: fournir
aux Québécois l'électricité dont ils ont besoin, et
ce, d'une façon rationnellle, responsable et économique.
D'ailleurs, dès 1973, l'Hydro-Québec et la Société
d'énergie entreprenaient des études d'impact sur l'environnement
de leurs projets majeurs. À cette fin, toutes deux ont retenu les
services de nombreux professionnels de l'environnement et ont même
suscité, dans certains cas, la création de firmes conseils dans
le domaine de la protection de l'environnement. Toutes deux ont
également contribué à la mise au point de nouvelles
techniques et de nouvelles méthodologies visant la protection de
l'environnement. Enfin, l'Hydro-Québec s'est engagée, depuis
quelques années, dans un processus de consultation des publics
affectés par certains de ses projets majeurs.
L'Hydro-Québec et la Société d'énergie sont
favorables à certains aspects du projet de loi 69, tels que la
nécessité de préparer et de soumettre des études
d'impact sur l'environnement de certains projets. Nous sommes également
favorables
au besoin, dans certains cas, de procéder à une
consultation publique.
Le projet de loi comporte, cependant, certains aspects qui, si on n'y
remédie pas, pourraient imposer de lourdes contraintes à la
réalisation des travaux de l'Hydro-Québec et de la
Société d'énergie, des aspects qui pourraient même
risquer de compromettre l'exécution de certains travaux ou même de
paralyser complètement certains travaux.
Le livre blanc sur la politique québécoise de
l'énergie, qui a été déposé cet
été, a, parmi ses objectifs, celui d'accroître l'autonomie
énergétique du Québec en doublant d'ici 1990,
c'est-à-dire d'ici à douze ans, la présence des sources
d'énergie québécoises dans le bilan
énergétique du Québec. La part actuelle de
l'électricité dans ce bilan est d'environ 20%. L'objectif du
livre blanc est donc de faire passer cette part de l'électricité
à 41% en 1990. (10 h 15)
On vous a exposé tantôt les activités qui devront
être menées par l'Hydro-Québec dans la période
1979-1983. Si le livre blanc et cet objectif que l'on vient d'énoncer
est mis en vigueur, l'activité sera accrue au niveau des projets que
l'Hydro-Québec et la Société d'énergie auront
à réaliser. C'est pourquoi, si le projet de loi 69 est
adopté dans sa forme actuelle, l'Hydro-Québec et la
Société d'énergie de la baie James doutent fort de pouvoir
réaliser cet objectif du livre blanc, et ce, principalement parce que le
projet de loi accorde à toute personne le droit individuel à la
qualité de son environnement.
En matière de protection de l'environnement, il faut chercher un
juste équilibre entre les besoins légitimes de la
société, dont les besoins énergétiques, et la
protection de la qualité de l'environnement. Le mémoire que nous
présentons aujourd'hui se veut à la fois positif et constructif
et c'est dans cet esprit que nous aimerions résumer les faits saillants
de ce mémoire tout en ajoutant cependant au préalable que,
n'ayant pas eu le privilège d'étudier les règlements
d'application qui suivront nécessairement ce projet de loi, il peut
arriver que certains des points ou des questions que l'on soulève soient
réglés par ces règlements, ou même que ces
règlements suscitent de notre part des commentaires additionnels, sur
quoi on réserve la possibilité de le faire à une date
ultérieure.
Le premier fait saillant que l'on désire souligner est le Bureau
d'audiences publiques sur l'environnement. L'Hydro-Québec et la
Société d'énergie sont favorables à la
création d'un tel organisme afin que les personnes
intéressées par la protection de l'environnement et les personnes
concernées par un projet donné puissent faire valoir leur point
de vue de façon publique à un organisme consultatif.
Il est également important, par contre, que ce processus de
consultation se fasse selon des règles précises, des
règles qui traiteraient du déroulement des audiences, de la
durée des audiences, des règles qui traiteraient également
des méthodes d'intervention aux audiences, de la nécessité
pour un intervenant de produire un mémoire énonçant les
motifs de son intervention, des règles qui toucheraient également
le droit à l'interrogatoire et au contre-interrogatoire des
témoins et qui fixeraient un délai au Bureau d'audiences
publiques pour produire son rapport au ministre. Ces règles sont
nécessaires afin que l'échéancier des travaux soit
respecté pour assurer la meilleure exécution du mandat respectif
de l'Hydro-Québec et de la Société d'énergie de la
baie James.
Quant au mandat ou à l'étendue du mandat du Bureau
d'audiences, nous aimerions souligner que pour ce qui est du territoire de la
baie James, il existe, dans la convention de la baie James et du nord
québécois, des mécanismes pour traiter des questions
touchant la protection de la qualité de l'environnement. Pour
éviter un double emploi entre ces mécanismes prévus dans
la convention et les mécanismes prévus dans le projet de loi, il
est nécessaire, selon nous, de prévoir une réserve quant
à l'application des dispositions du projet de loi 69 au territoire de la
baie James.
Pour les projets majeurs nécessitant des études d'impact
sur l'environnement ceux visés par les articles 31a et suivants, nous
croyons que la composition du bureau d'audiences devrait être de trois
membres et ce pour assurer, premièrement, une meilleure
compréhension des problèmes importants qui vont
nécessairement être soulevés lors de ces audiences, pour
assurer également un apport plus grand à la solution de ces
problèmes et, enfin, dans le but d'assurer que tous les aspects de la
question seront considérés. Ces aspects sont non seulement les
aspects environnementaux, mais également les aspects économiques
et les aspects techniques d'un projet donné. La composition du bureau
d'audiences devrait donc permettre que tous ces aspects soient pris en
considération face à un projet donné.
Nous allons maintenant vous entretenir quelques minutes sur ce qui est,
à toutes fins utiles, la partie la plus importante de notre
mémoire, et cela traite des articles 19a à 19f du projet de loi
qui revêtent une importance capitale pour l'Hydro-Québec et la
Société d'énergie de la baie James. On parle
évidemment des articles qui consacrent le droit individuel à la
qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces
vivantes. La protection de l'environnement est sans aucun doute un objectif
important de toute société. L'Hydro-Québec et la
Société d'énergie sont conscientes de l'importance de cet
objectif.
Cependant, la poursuite de cet objectif doit être compatible avec
la poursuite des autres objectifs de la société tels que le
développement économique et le bien-être de l'ensemble de
la population. Elle doit également être compatible avec la
poursuite des objectifs de l'Hydro-Québec et de la Société
d'énergie de la baie James qui sont de fournir
l'électricité dont les Québécois ont besoin de
façon économique, rationnelle et responsable. Le concept de
qualité de l'environnement doit être défini objectivement,
c'est-à-dire en
rapport ou en relation avec des lois et des règlements de
l'État. Ce concept ne peut être défini subjectivement, ce
qui risque de se produire si on confère aux droits à la
qualité de l'environnement le statut de droits individuels.
Le droit à l'environnement doit demeurer un droit collectif et
l'État doit exercer ce droit collectif en assurant le respect de ses
lois et de ses règlements.
Les intérêts des individus ne sont pas
nécessairement les intérêts de la collectivité. Les
intérêts collectifs doivent, à bon droit, tenir compte de
plusieurs facteurs tels que l'environnement, le développement
économique et social, le droit à la propriété, le
bien commun et, enfin, également, les besoins
énergétiques. Si le droit à la qualité de
l'environnement est un droit individuel, ces facteurs, tous aussi importants
l'un que l'autre, ne seront pas considérés de la même
façon que si ce droit est collectif. Il est même possible et
probable que, dans certains cas, certains de ces facteurs ne soient pas
considérés du tout si on confère au droit à
l'environnement le statut de droit individuel, car on ne peut demander à
l'individu de prendre en considération des facteurs dont il n'est
souvent pas en mesure d'apprécier toute la portée. Seule la
collectivité, par l'entremise de l'État, est en mesure
d'apprécier tous ces facteurs.
La philosophie qui sous-tend la loi actuelle est de protéger la
qualité de l'environnement en édictant des normes qui doivent
obligatoirement être suivies dans la réalisation de tout projet.
Doit-on en plus donner à tout groupe ou à tout individu le droit
de prendre une injonction pour protéger son environnement? Ou doit-on
plutôt assurer le protection de la qualité de l'environnement
envisagé de façon globale? N'est-on pas en train de créer,
par ce droit individuel à l'injonction, une incertitude dans la
réalisation de tout projet, dont ceux de l'Hydro-Québec et de la
Société d'énergie de la baie James?
Même si le projet de loi prévoit que le recours à
l'injonction n'est pas permis à l'encontre d'un projet
déjà autorisé ou en voie de l'être, le droit
individuel à la qualité de l'environnement existe
indépendamment du recours à l'injonction. Une action au
mérite en dommages, par exemple, demeure possible en plus du recours
à l'injonction.
L'article 19a du projet de loi se lit comme suit: "Toute personne a
droit à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde
des espèces vivantes qui y habitent dans la mesure prévue par la
présente loi et les règlements." Or, la loi ne précise pas
de mesure ou de balise aux droits individuels. La loi actuelle et le projet de
loi ne sont pas conçus pour définir ou pour mesurer le droit
individuel à la qualité de l'environnement, mais plutôt
pour édicter les règles et les normes devant être
respectées par le promoteur de tout projet désirant obtenir un
certificat d'autorisation.
Le droit à l'injonction est limité dans le projet de loi.
En effet, il ne peut être exercé contre un projet
déjà autorisé ou en voie de l'être suivant les
articles 31a à 31i du projet de loi. Ici, j'aimerais ouvrir une
parenthèse, parce qu'il faudrait aussi prévoir à l'article
19f que le droit à l'injonction n'existe pas lorsqu'un projet est
autorisé ou est en voie de l'être en vertu de l'article 22 et pas
seulement en vertu des articles 31a et suivants. Je disais donc que le droit
à l'injonction est limité par le projet de loi, mais le droit
individuel à la qualité de l'environnement créé par
l'article 19a existera indépendamment et en plus du droit individuel
à l'injonction. La loi et les règlements n'apportent pas de
mesure ou de limite à ce droit. Ce droit individuel pourrait, selon un
tribunal, être atteint même si les règlements ont
été respectés.
Si le but du législateur est de créer un droit individuel
à la qualité de l'environnement seulement lorsque les
règlements ne sont pas respectés, à ce moment, ce n'est
pas un droit individuel à la qualité de l'environnement qu'il
faut donner, c'est un droit à tout individu de voir à ce que les
règlements soient respectés. Je pense que ce droit existe de
toute façon. De plus, le respect des lois et des règlements,
c'est le pouvoir judiciaire qui doit voir à l'exercer et non pas
nécessairement les individus.
Il faut donc assurer aux générations actuelles et futures
de Québécois une certaine qualité de l'environnement. Il
faut aussi réaliser des projets pour assurer à ces mêmes
générations de Québécois une qualité de vie
adéquate dans son sens large. Or, on sait que tout projet altère
inévitablement la qualité de l'environnement à un
degré ou à un autre. Ce choix entre protéger
l'environnement et réaliser des projets pour le bien commun revient
à la société dans son ensemble et ce choix ne peut
être sujet au subjectivisme des intérêts individuels. De
plus, en ajoutant le recours à l'injonction aux recours actuels
prévus dans la loi, l'on ajoute un palier de décision
supplémentaire car la loi actuelle et le projet de loi 69 créent
déjà trois paliers de décision: celui du directeur des
Services de protection de l'environnement, en vertu de l'article 22, celui du
ministre de l'Environnement, en vertu des articles 31a et suivants, et celui,
enfin, du lieutenant-gouverneur en conseil. Et par le recours à
l'injonction, on ajoute le pouvoir judiciaire comme palier de décision,
ce qui ne fait, en dernière analyse, qu'ajouter à la
possibilité de décisions conflictuelles sur un même
projet.
Quelle est la solution alternative, selon nous? Elle est de consacrer le
droit individuel d'intervention dans le processus de décision touchant
les questions de protection de l'environnement. Elle est d'assurer le droit
collectif à l'injonction dans certains cas. Ce droit collectif à
l'injonction serait alors exercé en tenant compte de tous les facteurs
que nous avons énoncés précédemment. Cette solution
est également de préciser et de circonscrire
l'intérêt requis de toute personne désirant intervenir dans
le processus de décision, et enfin d'édicter des règles
claires et précises pour l'exercice de ce droit à
l'intervention.
Pour ce qui est de la question des études d'impact sur
l'environnement de certains projets, c'est-à-dire les articles 31a et
suivants du projet de
loi, nous désirons souligner que, de façon
générale, nous sommes favorables à ce que des
études d'impact soient requises pour certains projets majeurs.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous l'intention de tout
lire?
M. de Broux: M. le Président, j'en ai pour à peu
près trois ou quatre minutes.
Le Président (M. Laplante): Merci. (10 h 30)
M. de Broux: Je disais donc que pour ce qui est des études
d'impact sur l'environnement, l'Hydro-Québec et la Société
d'énergie sont favorables à ce que des études soient
requises dans certains cas. Nous faisons déjà de telles
études depuis plusieurs années, mais il est également
souhaitable que des règles claires déterminent le contenu de ces
études. Lorsque la loi et les règlements entreront en vigueur,
l'Hydro-Québec et la Société d'énergie auront
sûrement des projets en cours de réalisation. Il faut
éviter, selon nous, que la loi ait un effet rétroactif quant
à la nécessité des études d'impact. L'article 31a
énonce que nul ne peut entreprendre la réalisation d'un projet
sans préparer une étude d'impact et sans demander un certificat
d'autorisation. Pour nous, la réalisation d'un projet commence avec des
études préliminaires d'avant-projet. À ce stade, il n'est
pas toujours possible de préparer une étude d'impact, de demander
un certificat d'autorisation, parce que le projet embryonnaire, il peut
être abandonné pour des raisons techniques, économiques ou
environnementales et, enfin, on n'est pas alors en possession des informations
requises pour préparer une étude d'impact et demander un
certificat d'autorisation.
Nous croyons plutôt que l'article 31a devrait utiliser le concept
que nul ne peut entreprendre la construction d'un projet sans préparer
une étude d'impact et demander un certificat d'autorisation.
Il faut se rappeler que l'article 31b énonce que tout promoteur
d'un projet doit aviser le ministre de son intention d'entreprendre la
réalisation d'un projet. Le ministre serait donc informé
dès les premières étapes d'un projet et pourrait alors
indiquer si, à une date ultérieure, une étude
préliminaire ou détaillée serait requise. Pour ce qui est,
encore une fois, du territoire de la baie James, on pense que l'on devrait
exclure ce territoire de l'application de ces articles 31a et suivants dans la
mesure, encore une fois, où la Convention de la baie James et du Nord
québécois prévoit un régime spécial traitant
de la nécessité, dans certains cas, de préparer des
études d'impact. Le projet de loi stipule également que deux
types d'études peuvent être demandés, soit des
études préliminaires ou des études
détaillées. L'étude préliminaire étant
nécessairement sommaire par rapport à l'étude
détaillée, qui, elle, est plus approfondie, nous croyons que pour
assurer une information complète du public et pour éviter que le
promoteur d'un projet ait à défendre une étude
préliminaire, donc nécessairement sommaire, les audiences
publiques ne devraient avoir lieu que pour étudier ou prendre en
considération une étude d'impact détaillée.
Un mot seulement sur la question des délais, qui devraient selon
nous se retrouver dans le projet de loi ou dans les règlements pour
assurer une bonne planification des projets. Nous croyons qu'il est
nécessaire d'inclure un tel échéancier au processus
décisionnel. C'est pourquoi nous avons suggéré, dans le
mémoire, certains délais pour le déroulement du processus
décisionnel quant aux études d'impact et l'octroi du certificat
d'autorisation.
Sur la question de la décontamination, l'article 114a, introduit
par le projet de loi, prévoit que toute personne, ce qui peut vouloir
dire une personne autre que le responsable de la contamination, peut en cas
d'urgence recevoir l'ordre de décontaminer. L'Hydro-Québec et la
Société d'énergie souscrivent au principe que le pollueur
doit décontaminer à ses frais et qu'on devrait lui permettre de
le faire conformément à la loi et aux règlements en
vigueur et sous la surveillance des autorités compétentes. Si le
pollueur refuse de décontaminer et ne le fait pas conformément
aux règles, à ce moment, les Services de protection de
l'environnement devraient le faire aux frais du pollueur.
En conclusion, donc, l'esprit dans lequel nos commentaires vous ont
été formulés est qu'une telle loi peut occasionner des
coûts supplémentaires. Ces coûts supplémentaires
doivent être comparés aux avantages pour la collectivité
découlant de ces contrôles accrus. Il faut se rappeler qu'en
dernière analyse cela sera cette même collectivité qui aura
à défrayer ces coûts additionnels. La Loi de la
qualité de l'environnement doit assurer un équilibre entre les
bénéfices résultant de normes plus restrictives, un
équilibre avec les conséquences économiques qui en
résultent et les intérêts globaux de la collectivité
québécoise. Le but de ce mémoire était de vous
sensibiliser à la nécessité de rendre compatibles la
protection de l'environnement, l'atteinte des objectifs globaux de la
société québécoise et, de façon plus
particulière, l'atteinte de l'objectif propre à
l'Hydro-Québec et la Société d'énergie de la baie
James qui est de fournir aux Québécois
l'électricité dont ils ont besoin dans le cadre du mandat qui
leur est actuellement donné, ou qui leur sera donné suite aux
dispositions du livre blanc sur la politique québécoise de
l'énergie. Merci de votre attention.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Léger: Je veux d'abord remercier les
représentants de l'Hydro-Québec d'être venus nous
rencontrer à la commission parlementaire et, en même temps, les
remercier de leur appui aux dispositions et aux principes de la loi. Je dois
dire aussi que je dois les féliciter chaleureusement du souci
grandissant que l'Hydro-Québec manifeste envers la protection de
l'environnement. Je
pense qu'il est très intéressant et pour les autres
sociétés privées ou paragouvernementales de voir
qu'il est possible, quand on manipule des grands capitaux, comme
l'Hydro-Québec le fait actuellement avec ses projets de la baie James et
un peu partout au Québec, d'avoir un souci de l'environnement de mettre
des moyens à la disposition des citoyens pour qu'ils puissent se faire
entendre et de procéder à l'élaboration de grands projets
après une consultation populaire. Je pense que cela n'a peut-être
pas été assez mis en évidence devant la population et que
l'Hydro-Québec peut servir d'exemple à beaucoup d'entreprises
puisque, avec des gros capitaux, cela ne veut pas dire que, parce que ce sont
des gros projets, on oublie le citoyen. Je pense que l'Hydro-Québec
mérite de grandes félicitations à ce sujet. Maintenant, il
y a certains points que j'aimerais clarifier concernant les procédures
d'audiences qui se tiendraient sur le territoire de la baie James. On est
d'accord avec votre recommandation sur le fait que, plutôt que de faire
double emploi, étant donné que sera bientôt
déposée à l'Assemblée nationale une loi... Vous
protestez silencieusement... Je reviens à ce que je disais. C'est que,
sur le territoire de la baie James, je ne pense pas qu'il soit
nécessaire de doubler les mécanismes d'audiences et de
consultation populaire. La prochaine loi que je déposerai en Chambre
concernant justement la protection de l'environnement à
l'intérieur de la baie James permettra de soustraire à
l'Hydro-Québec la responsabilité sur le territoire de la baie
James. Cela ne l'enlèvera pas, cependant, sur le reste du territoire du
Québec où on devra nécessairement continuer à
procéder avec les conclusions ou, du moins, avec la loi quand elle aura
été adoptée.
Vous avez demandé aussi un peu plus loin que le bureau
d'audiences siège avec plus d'un membre à la fois. Une chose est
certaine, c'est que pour les grands projets de l'envergure de
l'Hydro-Québec, il y aurait nécessairement un minimum de trois
membres qui siégeraient; cela veut dire qu'on leur donnerait
l'importance voulue à cause des conséquences des projets que vous
mettez de l'avant.
Concernant maintenant les délais possibles ou
appréhendés dans le processus d'un mécanisme d'audiences
après étude d'impact, je pense qu'on ne peut pas s'attendre qu'il
y ait des interrogatoires ou des contre-interrogatoires comme cela a pu
être le cas dans le passé, puisque l'objectif du bureau
d'audiences est tout simplement d'être un organisme qui est l'oreille du
ministre de l'environnement auprès de la population et qu'il n'a pas de
pouvoir de recommandation. Il n'est pas là pour essayer d'obtenir une
sorte de contre-interrogatoire de chacun des intervenants, mais il va chercher
seulement l'information, l'opinion des citoyens et des organismes qui sont
impliqués dans ce développement pour ramener cela au ministre
qui, lui, avec ces informations, recommandera au Conseil des ministres
l'approbation du projet ou certains correctifs à apporter.
Un peu plus loin, je vois que vous avez suggéré qu'il n'y
ait pas uniquement les implications environnementales dans la décision
et qu'on devrait y inclure un ensemble de préoccupations
socioéconomiques. Le but du projet en même temps, cela va
me permettre de corriger une affirmation qui a été faite dans
certains journaux ce matin ce ne sont pas les impacts écologiques
qui vont être arbitrés au Conseil des ministres, ce sont les
impacts globaux. Le point de vue du ministre de l'environnement sera
présenté au Conseil des ministres avec les résultats des
renseignements qu'il a obtenus auprès de la population et auprès
de l'organisme concerné pour amener au Conseil des ministres la
responsabilité environnementale, le point de vue environnemental. Mais
l'arbitrage au Conseil des ministres se fera sur l'ensemble des autres
données au niveau de l'importance, au niveau du court terme, de
l'urgence. Toutes les dimensions autres que l'environnement seront
arbitrées avec le Conseil des ministres, d'où la
possibilité d'un meilleur équilibre devant une décision
fondamentale, puisque l'ensemble des ministres est responsable de l'ensemble
des préoccupations de la société et pas uniquement de
l'environnement.
Maintenant, j'ai trouvé un peu curieux que, comme
société d'État, vous apportiez des arguments qui vont un
peu à l'encontre de la politique du ministre de l'énergie
concernant un droit qui ne peut être que collectif. Si on regarde la
politique du ministre de l'énergie, il est bien indiqué je
lis certains passages que "le développement des activités
énergétiques et notamment la mise en place des grands projets au
secteur de l'énergie ont des implications directes sur l'environnement.
Il apparaît donc essentiel que les particuliers directement
touchés par ces projets aient la possibilité de faire entendre
leur avis avant toute décision définitive." Plus loin, on dit:
"Jusqu'à présent, le gouvernement a laissé à
l'Hydro-Québec la responsabilité d'organiser la consultation de
la population en cause, mais l'implication des citoyens dans la mise en place
de la politique énergétique correspond à un souci
général du gouvernement qui souhaite que les citoyens participent
dans toute la mesure du possible à l'élaboration des grandes
orientations gouvernementales. Le public est, au niveau de la demande, l'acteur
principal. Une politique énergétique ne prévoyant pas de
mécanismes d'information et de consultation de la population serait
sérieusement compromise dès le départ."
Plus loin, le ministre de l'énergie dit: "Certains des
mécanismes que le gouvernement entend mettre en place pour
accroître la protection du consommateur et la participation du citoyen
à la sauvegarde de l'environnement impliquent, on l'a vu, une
intervention directe du citoyen avant certaines décisions
gouvernementales fondamentales. La consultation systématique que sont
sur le point de mettre en place les Services de protection de l'environnement
va permettre une participation accrue du citoyen à l'administration du
secteur
énergétique." D'où, je pense, l'importance de bien
réaliser que, même si l'environnement est un bien collectif, ce
doit être nécessairement l'individu qui doit être capable
d'intervenir. Pour nous, l'individu, en tant que membre de la
collectivité, a l'intérêt requis pour faire respecter
l'environnement et il doit pouvoir défendre la collectivité et
non seulement défendre sa propriété. Je pense que c'est un
peu une façon d'aller plus loin dans l'association du citoyen au
processus de décision. Dans une société de consommation,
les citoyens qui veulent consommer davantage à cause du système
se voient de plus en plus relégués à une réaction
un peu égoïste. Je défends mon bien, mais qui défend
le bien de la collectivité? Est-ce uniquement l'État qui doit le
faire ou ne faut-il pas y associer le citoyen qui vit quotidiennement ces
problèmes d'agression à un bien collectif?
Si on ne donne pas des droits précis à des citoyens de
défendre le bien collectif, on verra ce qu'on commence de plus en plus
à voir: un accident sur la route et les gens n'arrêtent pas. Ce
n'est pas leur affaire. Cela ne leur appartient pas. Deux personnes sont en
train de battre une troisième personne et on ne se mêle pas de
cela. C'est le droit des autres. Moi, je m'occupe de mon affaire. Je deviens
égoïste, je défends mon petit lopin de terre, et ce qui se
passe à côté, cela ne m'appartient pas. Ce n'est pas cela.
Ce n'est pas l'avenir d'une société. (10 h 45)
Si on veut faire une société de membres qui ont de plus en
plus de maturité, il faut leur donner l'occasion de se sentir
responsables de ce qui se passe autour d'eux. Pour cela, il faut leur donner
non seulement le droit en principe, mais le droit aussi précis avec des
moyens de le défendre, d'où la responsabilité du citoyen.
Il peut dire: Si on ne me permet pas de défendre un lac, si on ne me
permet pas de défendre une forêt parce que cela appartient
à d'autres, je deviens un citoyen égoïste qui s'attend que
les autres prennent les responsabilités à ma place. Un peuple qui
devient responsable comprend les individus qui se sentent impliqués dans
la défense des droits collectifs et ne remettent pas toujours à
l'État cette responsabilité. C'est l'objectif que nous voulons
viser avec le projet de loi que nous mettons de l'avant: donner à des
citoyens l'occasion de se sentir responsables et de plus en plus respectueux de
leur environnement parce qu'ils ont les pouvoirs de le faire.
Vous le voyez, je suis pas mal en désaccord avec ceux qui ne
veulent pas accorder des droits nouveaux aux citoyens. Je suis au contraire
d'avis qu'il est sain et normal que les citoyens aient des droits. Nous avons
conçu ces nouveaux droits dans le cadre d'une politique globale
destinée à impliquer davantage les citoyens dans la protection de
l'environnement. Les moyens qu'on a mis de l'avant, je vais les résumer
pour qu'on voie bien le tableau clair du projet de loi no 69.
D'abord, la création d'un bureau d'audiences publiques pour
être mieux à l'écoute de la population.
Deuxièmement, une reconnaissance au ci- toyen du droit à un
audience publique. Donc, c'est un droit à l'information, dans le cas
d'un projet soumis à une étude d'impact sur l'environnement.
Donc, il faut que le citoyen connaisse le contenu des conséquences
écologiques pour son milieu d'un projet de développement.
Reconnaissance du droit à la qualité de l'environnement mais dans
la mesure prévue par le règlement et la loi de façon qu'on
s'assure qu'il y ait certaines balises pour éviter, au départ du
moins, des abus qui pourraient être désastreux. Création
d'un recours en injonction pour faire respecter ce droit, et reconnaissance du
droit d'intenter des poursuites pénales, et reconnaissance au citoyen de
droit d'intervenir devant la commission municipale en cas d'appel pour le
directeur.
Je pense que tout citoyen doit avoir des droits dans une matière
qui intéresse tous les citoyens, c'est-à-dire, la sauvegarde de
la qualité de l'environnement selon des règlements et des normes
édictés par l'État. Cela ne veut pas dire que
l'État perd ses responsabilités. Cela ne veut pas dire que
l'État va laisser à d'autres son leadership. L'État doit
établir une politique, mais doit donner au citoyen les moyens
d'être associé aux pouvoirs de l'État. Tout cela vise
à faire en sorte que ceux qui affectent l'environnement le fassent en
suivant des règles qui ont été édictées afin
d'assurer ce fameux équilibre dont je parlais au début de la
commission hier. La notion d'environnement, c'est une notion
d'équilibre, c'est une notion d'harmonie. Souvent, on fait l'erreur de
dire: Ce n'est pas un individu qui veut défendre sa
propriété contre un intervenant style société
gouvernementale, paragouvernementale ou privée, ce n'est pas un individu
comme tel qui pense à sa propriété, c'est tout simplement
l'homme, citoyen, qui est nombreux mais qui subit continuellement l'agression
de ceux qui veulent lui donner les services.
Que ce soient des autoroutes, que ce soit du travail, que ce soit du
linge, que ce soit de l'aliment, que ce soient des loisirs, que ce soit
n'importe quel besoin, tous ceux qui sont des intervenants pour lui donner ces
services, ce sont des gens qui amènent certaines agressions dans
l'environnement. Et cet équilibre entre tous ceux qui veulent fournir
des besoins à l'homme comme tel, l'individu, qui représente la
collectivité, amène un déséquilibre s'il n'y a pas
au préalable une préoccupation où chacun des intervenants
doit se sentir comme faisant partie de l'ensemble de l'équilibre et non
pas étant supérieur à l'équilibre parce que,
souvent, le développeur économique se dit: Je suis indispensable,
donc, je peux me permettre n'importe quoi.
Le développeur économique n'est qu'un des intervenants et
il doit aussi respecter l'équilibre des forces au service de l'homme.
C'est pour cela que je disais hier: II ne faut pas que l'homme dépende
du développement, mais que le développement dépende de
l'homme. Quand on parle de l'homme, c'est l'homme qui représente la
collectivité. C'est dans ce sens, je pense, qu'il faut bien comprendre
l'objectif du projet de loi qui est d'associer le citoyen à son
développement en lui
donnant la possibilité non pas d'être un policier, mais
d'être toujours responsable, non seulement de sa petite
propriété privée, ce droit on l'a depuis bien
longtemps.
Dans notre mémoire, je vois que vous parlez du droit d'informer.
Je pense qu'on l'a déjà eu depuis bien longtemps. Le droit de
s'exprimer, le citoyen l'a eu depuis toujours. Cela ne veut pas dire que cela a
changé grand-chose. Il faudrait qu'ils soient bien nombreux pour que
l'État ou que les organismes bougent. Le droit à l'information,
le droit de donner son opinion, cela fait longtemps qu'il l'a. Le droit de
défendre sa propriété, cela fait longtemps que le citoyen
l'a. Mais le droit d'être responsable pour défendre la
collectivité, cela, il ne l'a pas tellement eu. C'est pour cela qu'on a
eu souvent des sociétés de gens qui ne se sentent pas
responsables, où dans les villes on voit des gens qui ne se connaissent
pas, qui ne se parlent pas, parce qu'on s'occupe chacun de ses affaires.
Je vais vous donner un exemple que j'ai vécu dernièrement.
Une personne me disait: J'ai vu un camionneur venir déverser des
déchets dans le lac. Je lui ai dit: Ne faites pas cela. Il m'a dit: Ce
n'est pas de vos affaires. Elle a dit: Je me suis fermée, ce
n'était pas de mes affaires. J'ai dit: Non, madame, c'était de
votre affaire, parce que le lac appartient à tout le monde. Donc, tous
les gens qui peuvent utiliser un lac et qui ont droit au lac se doivent de le
défendre contre l'intrus qui, lui, ce n'était pas de ses affaires
de déverser les déchets de son camion dans le lac. Mais sa
préoccupation, sa première réaction a été de
dire: C'est vrai, ce n'est pas de mes affaires, il m'a dit de me mêler de
mes affaires.
C'est cette mentalité qu'il faut changer. Au Québec, il
faut que chaque citoyen se sente responsable de l'ensemble des besoins de la
collectivité.
J'ai peut-être parlé un peu longtemps sur ce sujet, mais
cela me frappe quand je vois que dans des mémoires on oublie que la
collectivité, c'est toujours l'affaire des autres. Tant que ce ne sera
pas l'affaire des autres, il n'y a pas grand-chose qui va être
réglé dans la collectivité, ce seront uniquement ceux qui
s'occuperont des affaires des autres qui vont réellement amener des
changements. Je ne suis pas sûr que si l'on ne donne pas au citoyen
l'occasion de s'exprimer cela va être fait en fonction et pour le bien du
citoyen.
Je voulais peut-être aussi vous demander... Vous affirmez aussi,
un peu plus loin, la possibilité qu'un organisme qui aurait eu un
permis, un certificat de fonctionnement pourrait être poursuivi en cas
d'infraction de la loi. Je pense que, dans le processus de l'obtention d'un
permis, il ne peut pas y avoir de poursuite au pénal ou d'injonction.
Dans le cas d'un organisme qui aurait obtenu un certificat d'autorisation,
après qu'il aurait obtenu son certificat d'autorisation, s'il ne
respecte pas la loi et les règlements, là, il pourrait être
poursuivi uniquement s'il ne respecte pas la loi et le certificat qu'il a
obtenu. Mais, à l'intérieur du processus d'obtention du
certificat, il n'y aurait pas de poursuite possible. La même chose
s'appli- que pour un organisme ou une compagnie ou une industrie qui signe un
protocole d'entente avec le gouvernement ou le ministère de
l'environnement, dans le but de corriger son système de pollution, de
façon qu'il puisse dépolluer davantage et s'équiper de ce
dont il a besoin pour corriger sa façon de laisser aller ses
déchets. Pendant ce processus, à l'intérieur de
l'échéancier, il ne pourrait pas y avoir de poursuites venant
d'un tiers ou d'une personne par injonction quelconque, puisque ceci va
être réinscrit dans la loi. Ce n'est pas tel quel, actuellement,
mais l'esprit était là et nous allons l'ajouter, de façon
qu'on soit certain que ceux qui sont respectueux de la loi, respectueux
d'ententes avec le ministère de l'environnement, en voie de corriger une
situation, ne pourront pas être poursuivis en justice.
Vous dites entre autres qu'il ne faudrait pas mêler... Vous dites
que les besoins énergétiques sont de première importance,
et je suis d'accord avec vous là-dessus. Cependant, je pense qu'il faut
accorder en même temps autant d'importance aux besoins
énergétiques des individus qu'aux besoins d'approvisionnement en
eau, en santé ou en bien-être des personnes. C'est pour cela que
le processus, le mécanisme mis de l'avant permet de tenir compte autant
de ces besoins fondamentaux que de celui de la protection des besoins
énergétiques.
Pour le moment, je n'ai pas d'autres remarques à faire. Je pense
que dans l'ensemble, sauf les quelques points que je vous ai mentionnés,
votre mémoire est un atout et est un exemple pour beaucoup
d'entreprises. Je vous en félicite à nouveau. Peut-être que
tantôt j'aurai d'autres questions après que les
députés de l'Opposition auront...
Le Président (M. Laplante): Oui, monsieur, vous avez une
réponse?
M. de Broux: Oui, M. le Président, juste une brève
réplique, premièrement, pour vous remercier, M. le ministre, de
l'appréciation que vous avez apportée à notre
mémoire.
Vous avez souligné que vous étiez surpris du fait qu'il
semble avoir, selon vous, une divergence entre les vues exposées dans
notre mémoire et les vues exposées dans le livre blanc sur
l'énergie. Il est vrai que, dans un livre blanc sur l'énergie, on
mentionne que les particuliers doivent pouvoir participer à la
protection de l'environnement. Nous avons, je pense, dit la même chose
dans notre mémoire, dans la mesure où on s'est
déclarés favorables à la création d'un bureau
d'audiences publiques, favorables à l'idée de la consultation
publique.
La seule chose sur laquelle nous ne sommes pas d'accord, c'est
d'accorder à l'individu le droit, non seulement de participer, mais le
droit, possiblement, d'arrêter les travaux pour protéger son
environnement à lui. Je me demande dans quelle mesure l'individu va,
lorsqu'il va vouloir protéger son environnement, penser à la
collectivité; il va plutôt être, d'après moi,
porté à penser à ce qui le touche de près.
Espérons que par l'éducation de la population un jour, la
collectivité dans son ensemble sera consciente de la
nécessité de protéger l'environnement. Peut-être
devrions-nous mettre un peu plus l'accent sur l'éducation de la
population que sur la création de droits individuels à
protéger par l'injonction ou par les poursuites pénales et
l'accumulation des amendes, protéger l'environnement de cette
façon.
Je voulais tout simplement souligner qu'on ne voudrait pas que notre
mémoire soit interprété comme étant une divergence
de vues avec le ministre délégué à
l'énergie.
M. Léger: Je suis heureux de voir que vous êtes du
même avis que votre ministre. Je veux quand même vous faire
remarquer que la philosophie politique de notre gouvernement est de gouverner
le plus démocratiquement possible, c'est-à-dire en permettant aux
citoyens de participer à la gestion de leur environnement.
L'environnement étant un bien collectif, c'est pourquoi on pense que
chacun peut le protéger en ayant les pouvoirs voulus. L'Hydro et la
Société d'énergie de la baie James se disent très
soucieuses de la qualité de l'environnement, et je les crois. Il faut
donc que vous agissiez en conséquence, en étant logiques avec
votre affirmation de principe en acceptant que le citoyen puisse avoir les
moyens de le protéger.
Quand vous affirmez que le danger est que le citoyen ne voudra que
protéger son petit environnement autour de lui, c'est sûr que
jusqu'à présent les législations précédentes
ont toujours limité le citoyen à la préoccupation de son
petit bien collectif. On veut, par cette loi, élargir les horizons des
citoyens, élargir leur champ de responsabilités de façon
qu'ils deviennent de plus en plus des citoyens responsables en ayant les
pouvoirs d'aller plus loin. La preuve, je pense que vous allez l'avoir parce
que j'ai vu beaucoup d'autres mémoires qui s'en viennent de groupes de
citoyens qui ont démontré jusqu'à quel point les horizons
sont pas mal élargis depuis quelque cinq à dix ans sur la
participation et le désir d'avoir une responsabilité plus grande
que le droit privé et personnel uniquement.
Je pense que cette loi va faire avancer davantage la maturation d'un
peuple en lui donnant plus de responsabilités, et je prends le pari sur
le peuple.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président. J'aimerais poser des
questions sur deux sujets.
Me de Broux, vous avez décrit, d'une façon
nécessairement un peu sommaire, le processus décisionnel, la
gestation d'un projet, et vous avez indiqué qu'au début, à
l'étape avant-projet, l'Hydro-Québec et la Société
d'énergie ne sont pas nécessairement en mesure d'apprécier
elles-mêmes toutes les implications, encore moins de fournir aux
autorités compétentes un rapport qui prévoit l'impact de
ce projet sur l'environnement.
Vous avez également indiqué qu'en ce qui concerne les
projets déjà en marche, vous craindriez au nom des organismes que
vous représentez, un effet rétroactif d'une éventuelle loi
parce qu'il y a un processus qui est en marche et qui vise la fourniture
d'électricité suivant des besoins déterminés. (11
heures)
Si je prends ces deux considérations et que je les mets ensemble,
je me dis ceci: Dans l'évolution d'un projet, il y a un moment où
il devient définitif. La décision est prise, on va de l'avant.
À partir de ce moment-là, on doit pouvoir répondre aux
questions qui sont posées: Quels seront les effets de ce projet? Il y a
un autre moment dans l'évolution d'un projet où il devient
irréversible.
Il me semble et c'est la nature de la question que je voudrais
vous poser que le moment où un projet devient définitif ne
doit pas coïncider avec le moment où il devient
irréversible. Autrement, ni les autorités, encore moins la
population n'auraient la possibilité de s'exprimer de façon
valable et utile sur ce projet. La question que j'aimerais vous poser est donc
la suivante: Pour que nous ayons un ordre de grandeur je ne veux pas que
vous me donniez un chiffre qui serait un engagement absolu au nom de
l'Hydro-Québec j'aimerais savoir, dans le cas d'un projet assez
important, quel est normalement l'intervalle entre le moment où le
projet devient définitif et le moment où il devient
irréversible et où toutes les audiences publiques du monde
n'amèneraient pas l'Hydro-Québec à changer son projet; sa
réponse serait: II est trop tard.
M. de Broux: Je vais demander à M. Galibois de
répondre à cette question, si vous me le permettez.
M. Galibois (Gaston): Les projets majeurs de
l'Hydro-Québec, disons les projets de production de l'énergie se
réalisent en différentes étapes. La première
étape en est une d'étude préliminaire; la seconde
étape en est une d'avant-projet préliminaire et, finalement, il y
a l'étape d'avant-projet définitif. Or, on prévoit que les
études d'impact et les rapports d'impact seront complétés
à l'étape de lavant-projet définitif. C'est à ce
moment-là, à la fin de cette étape, que
l'Hydro-Québec prend une décision de réaliser ou de mettre
de côté le projet. Normalement, les études
environnementales ont commencé dès le début, dès
l'amorce du projet et se poursuivent, pour des projets d'envergure, pendant une
période de deux, trois ou quatre ans et, finalement, au moment de la
prise de décision, généralement, on dispose
d'études d'impact et de rapports assez détaillés et assez
complets.
M. de Broux: M. Couture voudrait ajouter quelques
commentaires.
M. Couture (Armand): M. le Président, nous essayons de
prévoir, dans tous nos projets futurs, une étape d'approbation
entre les études et le rapport d'impact, et le début de la
construction. Un
projet devient irréversible, pour répondre
spécifiquement à votre question, au moment où sa
construction est commencée ou au moment où la planification ne
peut pas être changée. Alors, pour éviter tout conflit et
pouvoir bien répondre aux objectifs de la Loi de la qualité de
l'environnement, nous prévoyons maintenant des études beaucoup
plus tôt pour les grands projets. Nous faisons les études à
un moment où il est encore possible de faire un choix alternatif et nous
allouons une période de plusieurs mois pour être capables
d'obtenir les approbations requises. Pendant cette période de plusieurs
mois, nous devons avoir une réponse, oui ou non. Une fois que la
construction est commencée, nous considérons le projet comme
irréversible et, à ce moment-là, nous voudrions que le
projet soit protégé contre des actions de qui que ce soit pour
l'empêcher de se construire.
M. Goldbloom: Merci. J'aimerais poursuivre en prenant comme
exemple une autre sorte de projet...
M. Léger: Ici, je me permettrais, étant
donné que vous changez de question...
M. Goldbloom: Certainement, oui.
M. Léger: Est-ce que vous pourriez me dire, dans le projet
de lignes de transport c'était la question que le
député de D'Arcy McGee vous posait tantôt à
quel moment préférez-vous puisqu'il n'y aura qu'une seule
audience avoir cette audience? Au moment où vous avez
déterminé votre alternative, avant de déterminer votre
alternative de routes, ou une fois que l'alternative est choisie, sur les
détails à donner. Il ne faut pas oublier que si le choix est fait
pour les citoyens qui voudraient s'exprimer sur votre choix il est trop tard.
Si vous le faites après sur des modalités, ce sont seulement des
petits correctifs. À quel moment puisqu'il n'y aurait qu'une
procédure d'audience dans des constructions de corridors ou des
lignes de transport, verriez-vous l'audience?
M. Galibois: Je pense que l'audience devrait se situer au moment
où l'on fait la demande de certificat, donc, au moment où l'on
dépose le rapport. Il faut admettre qu'encore là le processus de
consultation que l'Hydro-Québec suit, présentement, permet quand
même un "input" des citoyens, des organismes et des milieux
gouvernementaux dès l'amorce du projet.
M. Léger: Je ne comprends pas.
M. Galibois: En fait, on rencontre tous ceux qui ont un
intérêt dans un projet en matière d'aménagement de
territoire ou de protection de l'environnement. Au niveau des inventaires, par
exemple, on peut savoir quelles sont les ressources importantes qui doivent
être respectées et, par la suite, il y a consultation sur des
variantes. Ce processus se fait, évidemment, en dehors des audiences
publiques.
M. Léger: Mais vous ne verriez pas l'audience au moment
où vous faites la demande au ministère de l'Environnement pour un
certificat. Parce que c'est là qu'on vous demande de faire
l'étude d'impact. Il faut, quand même, qu'une étude
sommaire d'impact soit faite...
M. Galibois: Oui.
M. Léger: ... pour les orientations ou les choix,
mais...
M. Galibois: Généralement, on...
M. Léger: ... vous les feriez s'exprimer à quel
moment?
M. Galibois: Ce serait au moment où on fait la demande
d'un certificat, parce qu'à ce moment-là les études sont
complétées, l'Hydro-Québec, généralement,
propose une solution. Je crois que c'est là-dessus que devrait
porter...
M. Léger: Mais, c'est avant ou après l'étude
détaillée?
M. Galibois: C'est après l'étude
détaillée.
Le Président (M. Laplante): Maintenant, MM. les membres de
la commission, l'heure est écoulée. Vu qu'il y avait eu une
entente pour la réception des mémoires et que c'était une
heure pour tout le monde, au maximum, que faites-vous?
M. Goldbloom: M. le Président, je pense qu'il y a une
entente auxiliaire qui nous permettrait de continuer encore quelques minutes
et, effectivement, j'en ai pour quelques minutes seulement, le ministre ayant
posé la question que je voulais poser.
Le Président (M. Laplante): On s'entend pour dix minutes
encore?
M. Goldbloom: Oui, à peu près, M. le
Président.
Le Président (M. Laplante): Merci, Messieurs. On est
d'accord?
M. Goldbloom: Si je peux poursuivre, je voulais avoir une
idée plus précise parce que la première
série de réponses a rendu claire une espèce de
vérité de La Palice, c'est que si l'on commence à
construire un barrage, il est trop tard pour changer, mais dans le cas des
lignes de transmission, (je me rappelle des événements,
notamment, en ce qui concerne l'anneau que l'Hydro est en train de
compléter autour de la région métropolitaine de
Montréal, la question de la localisation du poste Châteauguay, la
ligne dans
le coin du canal de Beauharnois, le comté de Vaudreuil-Soulanges,
la traverse du Lac des Deux Montagnes et tout cela; il y a d'autres projets
dont nous entendrons parler au cours de la journée, je pense bien)
je voulais avoir une idée plus précise, dis-je, du
mécanisme qui permettrait à des gens de s'exprimer
là-dessus, parce que justement il y a des options, il y a des choix
à faire. J'aimerais poser une avant-dernière question. Dans le
mémoire, vers le début, l'Hydro-Québec expose ses projets
pour les quatre ou cinq prochaines années, des chiffres impressionnants
en nombre de projets à être réalisés. Vous avez
indiqué dans votre présentation et dans vos réponses que
ce n'est pas du jour au lendemain qu'une telle décision se prend.
Très simplement, ayant vécu six années au ministère
et ayant connu certaines difficultés je m'excuse de le dire aussi
brutalement . J'aimerais savoir si, au cours des 22 derniers mois,
l'Hydro-Québec a effectivement soumis à l'attention du
gouvernement, du ministre de l'environnement, toute cette série de
projets. Est-ce que l'on a effectivement maintenant que l'on demande
qu'il n'y ait pas d'effets rétroactifs au préalable soumis
ce programme qui commencera à se réaliser l'an prochain? Est-ce
que l'on a effectivement soumis cela à l'attention du ministre?
M. Couture (Armand): M. le Président,
l'Hydro-Québec et la SEBJ ont soumis un certain nombre d'études
d'impact au ministère continuellement depuis les dernières
années et nous avons ainsi que nous l'appelons
déclenché le processus d'évaluation pour des projets
futurs. Alors, concernant les projets qui viendront au cours des prochaines
années, au fur et à mesure que les études
préliminaires avancent, nous en informons le ministère et nous
informons aussi les intervenants ou le public intéressé et les
avisons des différentes étapes par lesquelles nous allons passer,
si vous voulez, pour en arriver à un processus de décision
finale. Le problème, c'est que nous travaillons dans un contexte
où le processus décisionnel varie. Alors, il n'y a pas de
problème à discuter des projets futurs. Le problème, c'est
lorsqu'un projet a déjà débuté et que la loi vient
changer le processus décisionnel en cours de route. Cela est un
problème particulier à court terme dont nous n'avons pas besoin,
je pense, de discuter.
M. Goldbloom: M. le Président, j'ai une dernière
question; elle est un peu technique peut-être, mais quand même pas
tellement. À part la localisation des lignes de transmission, s'il y a
une activité de l'Hydro-Québec qui a provoqué et provoque
toujours sans doute des plaintes de la part de la population, c'est le
dégagement de ces mêmes lignes de transmission, pour fins de
sécurité évidemment, pour fins d'accessibilité en
cas de bris ou pour assurer un bon entretien. Ce dégagement se faisait
probablement se fait-il toujours par moyen de l'arrosage
d'herbicides. Il y a eu des constatations faites par diverses person- nes que
ces produits chimiques ont eu fatalement fatalement est le bon mot, je
crois des effets sur la flore et la faune surtout je m'excuse,
j'allais plutôt dire la faune.
Quelle est l'évolution de cette pratique qui, à un moment
donné, paraissait aux yeux de certains être un peu trop
généreuse? L'Hydro a essayé de restreindre cet arrosage,
restreindre l'étendue, l'intensité, le volume de l'application de
ces produits. J'aimerais savoir où nous en sommes présentement et
si, effectivement, à cause d'une évolution de cette politique, de
cette pratique, il y a maintenant une diminution des plaintes reçues par
l'Hydro au sujet de ce que je viens de mentionner. (11 h 15)
M. Galibois: Je n'ai pas vérifié
dernièrement les statistiques concernant les plaintes, mais c'est un
fait qu'on utilise des volumes d'herbicides qui sont moindres que ce qu'on
utilisait, par exemple, il y a cinq ans ou dix ans. Les herbicides qu'on
utilise sont du même type que ceux qui sont utilisés pour des fins
agricoles. Je crois que les plaintes sont plutôt du point de vue de
l'esthétique. Je ne crois pas qu'il y a eu tellement de plaintes qui
aient été portées à notre attention sur d'autres
considérations que des considérations esthétiques.
M. Goldbloom: M. Galibois, j'ai une petite sous-question. Depuis
un certain temps, des effets nocifs sur la santé humaine sont
attribués à certains produits chimiques utilisés comme
herbicides. Pouvez-vous nous assurer que le choix fait par l'Hydro évite
les produits qui sont présentement soupçonnés d'avoir des
effets sur les êtres humains et même plus particulièrement
sur le foetus?
M. Galibois: Comme je l'ai mentionné, je crois qu'il y a
eu une étude qui a été effectuée dans les
années 1970 et 1971 pour éliminer les produits et les herbicides
qui pouvaient présenter des dangers. Vous avez parlé, je crois,
des PCB. Les PCB sont de moins en moins utilisés. On ne les utilise plus
dans les transformateurs. On doit encore les utiliser dans les condensateurs
mais, présentement, on envisage d'utiliser d'autres produits.
Par contre, on a des normes et des directives très
sévères visant au contrôle et à l'élimination
des PCB.
M. Goldbloom: Je tiens pour acquis que vous suivez de près
la recherche médicale qui se fait dans ce domaine. Merci, M. le
président.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le Président, j'aurais deux questions
à poser, des sous-questions concernant les questions que M. le
député de D'Arcy McGee vous a posées. Tantôt, vous
avez mentionné que vous aviez présenté au ministère
de l'Environnement plusieurs études d'impact concernant des
projets futurs de l'Hydro-Québec. Est-ce que, à la suite
de la présentation de ces études d'impact, vous avez reçu
du ministère de l'environnement certaines recommandations afin de
continuer vos études d'impact, ou si vos études d'impact ont
été acceptées telles quelles?
M. Couture (Armand): M. le Président, dans certains cas,
nous avons reçu des demandes de précisions à fournir et
nous avons fourni les précisions. Eventuellement, nous avons obtenu le
permis de construire.
M. Cordeau: Vous n'avez pas de problèmes avec le
ministère de l'environnement? Cela va très bien?
M. Couture (Armand): Nous nous entendons très bien. Nous
nous faisons poser des questions et nous répondons aux questions. Je
pense que jusqu'à maintenant, tout au moins, le dialogue a
été très heureux.
M. Léger: On règle les problèmes à
mesure...
Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions,
M. le député?
M. Cordeau: Oui, j'en aurais une autre concernant les
pesticides.
M. Léger: Les quoi?
M. Cordeau: Les pesticides.
M. Léger: Les pesticides.
M. Cordeau: Tantôt, M. Goldbloom a fait allusion à
ces produits qui sont déposés à certains endroits pour
contrôler les mauvaises herbes, etc. Dans la Presse du 8 septembre 1978,
on peut lire: "Malgré les opposants, l'épandage de pesticides
continuera aux abords des routes provinciales." C'étaient des citoyens
qui s'étaient plaints de cela. Est-ce que votre projet de loi va donner
l'occasion ou le pouvoir aux citoyens de faire valoir leurs droits concernant
ces épandages de pesticides?
M. Léger: En gros, il ne faut pas oublier que les
pesticides et les herbicides amènent un problème majeur et qu'on
ne peut pas légiférer uniquement sur l'obligation de ne pas les
utiliser comme tels. Il y a une question de gestion dans ce domaine. J'ai
demandé à mon Conseil consultatif de l'environnement, qui a une
vocation maintenant par la loi de prospective, de me préparer une
politique globale de gestion de ces herbicides et de ces pesticides. Suite
à leurs recommandations que je devrais recevoir dans les prochaines
semaines, je pense parce qu'ils sont dans la salle et ils
m'écoutent, j'attends ces rapports bientôt j'aurai, je
pense, la possibilité de présenter bientôt à
l'Assemblée nationale un projet qui amènerait une solution, je
pense bien, globale et définitive à ce problème.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, M. de Broux, M.
Boulanger, M. Couture, M. Galibois, M. Soucy, les membres de cette commission
vous remercient pour votre participation.
M. de Broux: Merci infiniment.
Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant le
comité de citoyens de Saint-Jean-de-Matha. On distribue aux membres de
cette commission et aux journalistes, un mémoire sur le rejet du projet
de lignes électriques de la région de Saint-Jean-de-Matha. Cela
ne fait pas partie de la commission. C'est seulement de l'information. M.
Ouimet, si vous voulez, s'il vous plaît, vous identifier et identifier
votre organisme pour les fins du journal des Débats.
Comité de citoyens de
Saint-Jean-de-Matha
M. Ouimet: Luc Ouimet et Paul Perron, représentant le
comité de citoyens de Saint-Jean-de-Matha.
Le Président (M. Laplante): Vous pouvez commencer,
monsieur.
M. Ouimet: Étant donné l'heure tardive et l'espace
non seulement physique, mais le temps qu'a pris l'Hydro-Québec,
étant donné également l'importance de notre
mémoire, nous demanderions à la commission, si c'était
possible, de le déposer intégralement au journal des
Débats et, pour les fins de la commission, nous essaierions
d'abréger la lecture de ce contenu. Nous allons faire une brève
présentation et nous pourrions en lire les extraits qui nous
apparaissent les plus importants ou pertinents. Pour éviter,
peut-être, la monotonie de la lecture, nous allons alterner la lecture,
si vous le permettez.
Le Président (M. Laplante): Je ne crois pas qu'il y ait
d'opposition chez les membres de la commission. Accordé, monsieur. (Voir
annexe A)
M. Goldbloom: Oui, certainement, M. le Président, mais
simplement pour information, est-ce que c'est ce document-ci ou celui-ci?
M. Ouimet: Le petit blanc, c'est celui-là.
M. Goldbloom: Qui serait consacré à la
postérité au journal des Débats. Parfait.
M. Ouimet: Dr Goldbloom, la raison pour laquelle on a
déposé l'autre document, c'est qu'il y a un certain nombre de
textes en annexe qui appuient des affirmations que l'on fait ici et, en
même temps, qui tiennent compte d'une expérience vécue.
M. Goldbloom: D'accord.
M. Ouimet: C'était pour l'information à la fois
des membres de la commission et de la presse. Une des choses qu'on
voudrait dire au tout début, parce que cela pourrait prêter
à interprétation, c'est de penser que les gens qui sont
préoccupés de la participation des citoyens et de la protection
de l'environnement ne sont pas également des gens
préoccupés du développement économique à la
fois des industries et du Québec. Je pense que, s'il y avait des
interprétations comme cela, il faudrait qu'elles soient effacées
parce que, comme Québécois, nous sommes autant
préoccupés du développement économique, de
l'utilisation rationnelle de nos ressources qu'on l'est de la protection de
l'environnement.
Dans ce sens, nous souhaiterions que les gens qui se préoccupent
principalement du développement économique soient, comme nous,
autant préoccupés de la protection de l'environnement et de la
participation des citoyens. Dans ce sens, également pour enlever
peut-être toute équivoque concernant, par exemple,
l'Hydro-Québec qui nous a précédés, c'est une des
entreprises québécoises dont on peut être fier de par ses
réalisations techniques, de par son importance dans l'aménagement
des ressources. Nous, ce que nous disions, c'est qu'on voudrait aussi en
être complètement fiers, concernant la participation des citoyens
à la protection de l'environnement.
Nous avons vécu de façon profonde nous ne l'avons
pas choisie l'expérience de Saint-Jean-de-Matha. À travers
cette expérience, nous avons pu vivre ce qu'est la pratique de la
participation des citoyens dans un cas qui peut être un prototype. Nous
avions, comme d'autres Québécois, lu les documents officiels
concernant la participation des citoyens, aussi bien la citation que nous
faisait le ministre Léger du livre blanc sur la politique de
l'énergie où on insiste sur la participation des citoyens, aussi
bien que dans le document officiel du Parti québécois que dans
d'autres documents précédents. On parlait du rapport Castonguay
sur la participation des citoyens, et dans tous les cas, au niveau du discours,
c'est assez intéressant, c'est très prometteur. Mais entre ce que
l'on dit et les moyens qui sont effectivement offerts aux citoyens, nous avons
pu mesurer l'écart. Nous avons évalué le projet de loi 69
dans cet effort de restreindre cet écart et de donner vraiment aux
citoyens les moyens de participation.
Peut-être que l'expression que nous allons prendre ici va vous
apparaître un peu pompeuse. Nous allons être un peu la voix des
gens sans voix, dans le sens suivant: il n'y a pas énormément, il
n'y a pas une file de comités de citoyens qui viennent ici en commission
parlementaire ou qui peuvent le faire. Nous avons souligné les
difficultés à cet égard. Tout l'appareillage technique
d'une commission parlementaire est déjà un facteur qui ne
facilite pas en tous les cas l'expression spontanée de beaucoup de
citoyens, compte tenu du fait que, dans bien des cas, le citoyen n'avait pas le
minimum d'informations pour être capable de participer. Tantôt, le
Dr Goldbloom soulignait que même, des fois, le ministère de
l'environnement n'avait pas toutes les informations nécessaires.
À plus forte raison lorsqu'il s'agit de citoyens. Dans ce sens, on
voudrait indiquer que les suggestions que l'on fait sont peut-être encore
plus profondément ressenties par des citoyens qui n'ont peut-être
pas les mêmes chances que celles que nous avons.
Nous allons lire, à partir de maintenant, quelques extraits du
mémoire. Nous allons à la page 8: La démocratie de
participation veut donc pallier le contrôle technocratique, mais
également les dangers d'arbitraire politique et de la loi du plus fort
ou de certains groupes d'intérêt. Elle ne peut s'implanter sans
volonté politique d'assurer sa vitalité et sans moyens efficaces
pour la soutenir.
Plusieurs déplorent le peu de participation des citoyens, leur
manque d'intérêt aux élections scolaires, par exemple. De
leur côté, la grande majorité des citoyens ne veulent pas
participer parce qu'à notre avis ils n'ont pas confiance dans ces
processus pour influencer réellement la décision. Ils sont battus
d'avance, croient que tout est arrangé par les puissants entre eux et
estiment les moyens actuels inadéquats. Cela, on se l'est fait dire dans
le cas de lignes électriques: cela ne sert à rien,
l'Hydro-Québec va aller là où elle veut.
Peut-on leur donner tort? Nous pourrions donner de multiples exemples
où les citoyens ont vu s'implanter des équipements collectifs
(arénas, écoles), se modifier des règlements de zonage,
s'établir des usines, se construire des routes et des lignes
électriques avec un sentiment total d'impuissance pour influencer
l'ordre des choses.
Sans moyens efficaces, on reste au niveau du discours, à la
limite du simulacre et parfois de la fumisterie. Le citoyen s'en
aperçoit vite. Il s'en aperçoit, il réclame du solide: des
élections certainement, c'est un processus de participation, mais aussi
des référendums on a vu, ces derniers temps, que
l'utilisation des référendums concernant les emprunts dans les
municipalités ont presque tous été rejetés, mais
c'est une forme négative de participation, pour empêcher certains
types de dépenses des recours collectifs, des droits de
poursuite, des audiences publiques dans le processus de décision, des
consultations obligatoires institutionnalisées, un accès
réel à l'information, l'assistance technique pour décoder
les jargons juridiques, scientifiques, techniques, etc. C'est seulement lorsque
ces moyens seront présents et expérimentés qu'on pourra
juger de la qualité du civisme des gens. (11 h 30)
M. Perron (Paul): Maintenant, j'aimerais vous
référer à la page 10, pour faire un peu le bilan de
l'expérience Saint-Jean-de-Matha.
Chacun d'entre nous peut examiner les possibilités de
participation qui lui sont offertes dans son milieu ou dans divers secteurs,
portant sur des questions générales et permanentes ou sur des
problèmes ponctuels. La situation est semblable dans la plupart des
milieux et des secteurs d'activité.
Nous voulons témoigner ici de l'expérience vécue
lors du projet d'implantation de la ligne
hydroélectrique à 735 kV. Plusieurs d'entre nous avions
déjà des expériences professionnelles, soit de gestion,
soit d'animation, dans des structures de participation, ou rédigé
des rapports sur le même sujet. Nous avions de l'information, une
connaissance des appareils, une certaine mobilité au travail. Tout au
cours de notre expérience, nous songions aux obstacles plus grands que
ressentent les citoyens qui n'ont pas ces avantages, qui travaillent à
horaires fixes (seulement le midi ou le soir pour téléphoner au
gouvernement ou rencontrer la presse) qui ne peuvent se payer des comptes
élevés de téléphone dirigés à
Québec ou des secrétaires pour taper des documents.
Nous tenons à souligner quelques-uns des obstacles que nous avons
rencontrés et que nous avons réussi à surmonter
grâce à l'aide que nous avons obtenue du ministère de
l'environnement. a) Une grande difficulté à connaître et
à obtenir l'information juridique et technique pertinente, ainsi que les
règles usuelles du jeu (les lois, les réglementations, les
autorisations, les mécanismes d'approbation et d'évaluation, les
critères et leur application). b) Une certaine difficulté
à comprendre les jargons, à juger de la valeur technique des
procédés, à obtenir une contre-expertise par manque de
temps, mais surtout d'argent et d'un quasi-monopole en faveur du promoteur.
Nous pourrions donner des exemples où même des commissions
parlementaires ont rencontré les mêmes difficultés. Que
l'on songe aux commissions qui se sont tenues avant les Jeux olympiques. c)
Difficulté de savoir quoi faire avec l'information, à qui
s'adresser, où sont les centres et les divers mécanismes de
décision, ministères, comités, Conseil des ministres... d)
Difficulté d'intéresser les media (la cause est-elle
légitime, ne défendent-ils pas leurs petits intérêts
mesquins, sont-ils d'affreux contestataires?). Au départ, le service des
relations publiques de l'Hydro-Québec avait plusieurs longueurs d'avance
sur nous. Nous avons senti son efficacité à plusieurs reprises et
nous n'avons pu pénétrer certains media. e) Difficulté de
faire disparaître le défaitisme chez nos concitoyens: "L'Hydro va
faire ce qu'elle veut, comme elle veut, vous perdez votre temps". Nous en avons
entendu sur tous les registres. f) Difficulté d'accepter les refus, les
irritations de certains fonctionnaires, parfois leur incompétence, avec
un sentiment d'en déranger certains pour qui les choses seraient plus
simples s'il n'y avait pas de citoyens pour intervenir dans les services
publics, "ils n'en mouraient pas tous"... Heureusement qu'il y a des secteurs
entiers, comme à la direction générale de la nature,
où le citoyen est bienvenu. g) La difficulté d'espérer,
alors que nous n'avions aucun droit légal réel (absence de
mécanisme obligatoire) sinon le droit moral, celui de tout citoyen
d'essayer de faire triompher le bon sens et d'en convaincre le gouvernement. h)
Enfin, la difficulté de garder sa sérénité
malgré les angoisses, l'insécurité sur ce qui va survenir,
le stress venant du travail supplémentaire occasionné par tous
les efforts de la participation et la nécessité de garder le
même rendement au travail et dans son milieu. Quand on entre dans cette
galère, on ne sait pas dans quel port on va aboutir ni dans combien de
temps. La guerre d'usure est plus facile à supporter par les appareils
qui "marchent tout seuls".
L'expérience vécue nous permet d'affirmer qu'il serait
dangereux de sous-estimer l'importance de ces obstacles existant à
divers niveaux. S'ils ne sont pas levés ou contrés, la
participation est illusoire.
M. Ouimet: Nous allons à la page 13, cependant en faisant
sauter des paragraphes. Il y en a peut-être un qu'il était
important de mentionner, étant donné le caractère toujours
public de cette information. Nous tenons de façon particulière
à le lire, c'est celui qui est à la page 10 où on parle de
l'information publique et où on dit: "À ce chapitre, on doit
constater que le ministre responsable de l'environnement l'a sûrement
compris, car il est un des ministres les plus "transparents" et le plus
présent sur la place publique. Nous sommes entièrement d'accord
avec cette pratique, car elle court-circuite à l'avance l'utilisation
exagérée de circuits plus discrets." Cela pourra revenir dans
l'évaluation des processus publics.
Est-ce que le projet de loi 69 apporte des réponses
adéquates? Cela représente, d'après nous, une étape
importante, amorce un mouvement intéressant vers la réalisation
des engagements dont nous avons pris connaissance précédemment,
et pour répondre aux attentes exprimées par les citoyens
préoccupés à la fois de la protection de l'environnement,
de la rationalisation du développement et de la participation efficace
des citoyens concernés.
Ce grand pas franchi prend la forme d'une déclaration du droit
à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des
espèces vivantes qui y habitent, assorti d'un recours civil en
injonction (limité cependant à certaines catégories de
personnes), le droit d'appel à la Commission municipale du Québec
élargi à toute personne ou municipalité, et surtout la
création d'un bureau d'audiences publiques pour entendre les
représentations des gens concernés sur toute question relative
à l'environnement que lui soumet le ministre.
Malgré son intérêt, nous devons déclarer
qu'à notre avis, il s'agit d'une symphonie inachevée et d'un
arbre qui ne produira pas les fruits attendus, ou qui pourrait ne pas les
produire, parce que ses racines ne sont peut-être pas assez solides et
les engrais peut-être pas assez riches. Nous allons tenter, dans la
présentation du document, de vous indiquer un certain nombre de ces
éléments manquants. Nous sautons par-dessus un certain
nombre.
Nous allons à la page 16, Pouvoirs de la commission.
Il s'agit là d'une question vitale. L'édifice entier
risque de s'écrouler si ses fondements ne
sont pas assez solides. Comme pour la santé de l'économie,
il faut que les agents économiques aient confiance. C'est toujours cela
qu'on nous a appris. Si les agents économiques n'ont pas confiance,
l'économie ne va pas bien. Pour que les audiences publiques soient
viables, il faut que les groupes concernés y croient et leur fassent
confiance., "sentent" qu'elles sont un rouage essentiel intégré
à la prise de décision, en un mot, qu'elles soient utiles. Sinon,
cela ne fonctionne pas ou cela risque de ne pas fonctionner.
Si les citoyens, comme les promoteurs, estimaient que le vrai endroit
où il faut aller pour influencer la décision c'est au bureau du
ministre ou au Conseil des ministres, les représentations se feraient
à ce niveau. Nous serions alors loin des fondements de la
démocratie de la participation.
La commission d'audiences a besoin d'obtenir les conditions qui lui
confèrent toute l'autorité et la crédibilité
nécessaires pour assumer son rôle.
Nous allons à la page 17 qui fait suite à cela.
Si la commission n'était qu'une courroie de transmission de
certaines données recueillies au moment des auditions, le jeu n'en
vaudrait peut-être pas la chandelle et sans doute les participants
potentiels se convaincraient-ils de son inutilité. En tout cas, c'est
une hypothèse sérieuse.
Il faudrait, pour que les représentations lors des audiences
soient intégrées vraiment dans le processus de décision,
que la commission ait un pouvoir décisionnel, comme certaines
commissions et régies fédérales ou
québécoises. Nous disons, dans le cas où la conjoncture
spécifique à l'environnement ne permettrait pas cette chose,
qu'il faudrait, tout au moins, s'attendre que la commission analyse les
données, arrive à des conclusions et fasse part au ministre de
ses recommandations qui devraient être rendues publiques.
Nous allons passer à la page 18. La question de l'étude
d'impact préliminaire et détaillée et la participation du
public.
La participation du public durant l'élaboration d'un projet et
avant son autorisation est essentielle, rappelons-le, pour minimiser les
impacts négatifs et maximiser les impacts positifs, lorsqu'il y en a, et
tenir compte des valeurs et des priorités des populations. Comme le
précisait le programme du Parti québécois à ce
chapitre, il est important que cette participation commence dès les
premières phases du projet. Consultations comme audiences publiques
doivent avoir lieu à l'étape de l'étude d'impact
préliminaire. C'est à ce moment que les corrections de tir sont
le plus nécessaires.
Nous pouvons évoquer de nouveau le cas de Saint-Jean-de-Matha.
Nous avons obtenu une audience publique après une étude d'impact
détaillée sur le choix d'une variante où nous avons fait
part de nos points de vue sur un tronçon de 18 milles. La direction des
Services de protection de l'environnement a refusé le certificat
à l'Hydro-Québec. Neuf mois de travail venaient d'être
couronnés. Mais, au cours de nos études, nous avons
découvert que les raisons qui justifiaient les 150 milles du corridor
étaient inacceptables quant à l'environnement. Cette question
aurait dû être abordée au moment d'une étude d'impact
préliminaire et aurait évité le gaspillage de beaucoup
d'énergie.
Je sauterai maintenant à la page 20: La commission et les
services au public. On pense, ici, que certains aspects devraient être
inscrits dans le projet de loi. Le projet de loi est trop discret sur l'aide
qu'il faut apporter aux citoyens et, dans certains cas, aux petites et moyennes
entreprises en vue des audiences publiques. Nous suggérons que le texte
de loi lui fasse obligation d'offrir cette assistance afin que la participation
soit équitable et valable.
Information sur le rôle de la commission d'enquête. Le
secrétariat de la commission doit pouvoir informer les citoyens qui en
font la demande sur le rôle de la commission, ses rouages, ses modes de
fonctionnement, sur la loi et les règlements qui la régissent,
sur les expériences antérieures, sur les conditions pour la tenue
d'audiences, sur les droits des personnes.
Il devra parfois fournir une documentation de base sur les projets en
cause, aider à décoder les jargons afin que les groupes jugent de
la pertinence de demander une audience publique. On pourrait supposer que ces
sessions privées seraient suffisantes dans un certain nombre de cas.
Une fois la demande d'audience publique acceptée, le
secrétariat de la commission devrait fournir aux groupes l'assistance
technique de base nécessaire à une participation
équitable: documentation, services élémentaires de
secrétariat. Les citoyens qui ne peuvent pas se les donner devraient
pouvoir retenir les services d'experts, à la manière de
l'assistance juridique dans le cas de questions légales. Nous voulons,
ici, poser le principe de cette forme d'assistance. Les moyens d'y
répondre pourraient être diversifiés et sont matière
à options.
Le secrétariat de la commission. Comme nous venons de le
suggérer, la commission, par son secrétariat, sera de
façon permanente en liaison avec le public et à son service.
L'article 6h nous laisse entendre que le secrétariat de la commission
sera dans le territoire de la Communauté urbaine de Québec. Nous
comprenons les motifs de cette situation, eu égard au fait que le
siège du gouvernement se trouve dans la ville de Québec. Mais,
comme montréalais, nous savons que plus de la moitié de la
population du Québec préférerait des bureaux situés
dans le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Il nous
apparaît donc important qu'il y ait au moins une annexe du
secrétariat à Montréal. À moins que ce ne soit
l'inverse.
Compte tenu du désir de faciliter l'accès à
l'information, à la documentation, à l'assistance technique et
aux séances de consultation privées pour tous les citoyens, nous
suggérons fortement que le texte de loi indique une présence
effective de la commission d'audiences dans la région de
Montréal. Nous serions sûrs de gagner une élection portant
sur cette proposition. De façon plus sérieuse, nous sommes
convaincus que cette
disposition est essentielle à la pratique de la démocratie
en réduisant un certain nombre d'obstacles.
Consultation des documents relatifs à une demande de certificat
d'autorisation. Le projet de loi n'est pas explicite quant aux modalités
d'accès aux documents préparés par les promoteurs pour la
consultation publique. Ne devraient-ils pas être disponibles dans les
divers bureaux des Services de protection de l'environnement du Québec,
tout au moins à Montréal et à Québec? Dans tous les
cas, on devrait prévoir le service de décoder les jargons pour
que les citoyens puissent évaluer la teneur et l'impact du projet. Il
faudra éviter la situation qui prévaut dans le cas des
amendements aux règlements de zonage. Il faut être
spécialiste et en possession de tous les documents de
référence pour comprendre de quoi il s'agit. Cet
hermétisme est voulu pour décourager le simple citoyen de
s'occuper vraiment de ses affaires.
M. Ouimet: À la page 24, on arrive au moment des
conclusions. M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, le projet de loi no 69 apporte des amendements à la loi 49
pour la bonifier et en faire une véritable charte de l'environnement.
À notre avis, pour atteindre cet objectif, il faudra y incorporer des
suggestions que d'autres groupes et le nôtre vous auront
présentées. Il est important que la réforme que vous
proposez soit véritable tout en étant raisonnable. Il est
important de ne pas décevoir, de ne pas la manquer, car un échec
ajouterait au peu de confiance que les citoyens accordent actuellement à
la valeur des moyens de consultation et justifierait les technocrates qui ne
souhaitent pas la participation de penser que ces mécanismes sont
inutiles et inefficaces. (11 h 45)
Ce qui, fondamentalement, est le plus important et n'apparaîtra
toujours qu'indirectement dans un texte de loi, c'est la volonté
politique réelle de l'appliquer. C'est surtout le souci permanent non
seulement du développement économique de nos ressources et de la
protection de l'environnement naturel et habité, mais du citoyen. Voir
à ce qu'il se sente vraiment écouté et qu'il le soit.
Comme pour le civisme, c'est par "une foule de petites choses" que ce souci
apparaîtra et convaincra le citoyen.
Il est essentiel que la commission d'audiences et tous ses moyens
d'appui aient un caractère humain et ne représentent pas qu'une
machine de plus. D'autres groupes d'intérêt vous auront fait part
de leurs points de vue. Les citoyens attendent du législateur la
clairvoyance devant leurs besoins et le courage de prendre les mesures pour y
répondre, sans compter que ces moyens qui apparaissent dans la loi 69 se
situent par rapport à un ensemble d'autres moyens, et il y a des effets
d'interaction les uns sur les autres.
Nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer, de
communiquer nos expériences, nos réflexions et nos
suggestions.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, je veux d'abord non
seulement vous remercier d'être venus, mais féliciter votre
comité qui, je pense, constitue un exemple de ce que les citoyens
responsables peuvent faire pour défendre la qualité de
l'environnement. D'ailleurs, le projet de loi va reconnaître formellement
le rôle et l'utilité de telles initiatives à la base. Je
pense qu'il va créer un genre de forum et de mécanismes
obligatoires pour que la participation de la population joue un rôle
utile dans le processus de certificat d'autorisation ainsi que
d'émission.
Votre comité a agi pas mal comme pionnier en matière de
participation des citoyens, et je pense que cela mérite pas mal
d'admiration de tout le monde.
Vous avez dû quand même remarquer que c'était pas mal
difficile et que c'était pas mal exigeant pour un citoyen qui devient
responsable. Je pense que vous avez fait face à des embûches,
parce que je sais fort bien qu'un citoyen, qui est un individu, qui fait face
à des gros, à des organismes qui ont de l'argent, qui ont des
techniciens, qui ont des spécialistes, qui possèdent
déjà le courant de pensée de I'"establishment" de financer
le développement de n'importe quelle région, semble un peu
démuni. Si on ne donne pas des droits au citoyen, il ne pourra jamais se
défendre. L'équilibre doit être fait par une aide qu'on
donne au citoyen, par un mécanisme dans la loi pour éviter que le
citoyen qui essaie de s'exprimer se sente "bulldozé".
Si vous avez trouvé cela difficile, il faut quand même
admettre qu'il y a aussi des conséquences au niveau de l'État.
Exemple: Vous demandez si le bureau d'audiences devrait faire des
recommandations plutôt qu'informer le ministre uniquement. Il ne faut pas
oublier une chose: l'objectif de ce bureau d'audiences n'est pas de faire des
recommandations, en ce qui nous concerne, parce que nous, il y aurait un danger
de distorsion face aux opinions exprimées en audiences publiques. Ce
qu'on veut, au niveau du ministère de l'Environnement, c'est l'opinion
des citoyens et non pas la distorsion et l'opinion de spécialistes,
sinon ils prendraient ni plus ni moins la place et du ministre et du Conseil
des ministres en nous faisant une recommandation qui risquerait d'aller dans
les objectifs peut-être inconscients ou subconscients des personnes qui
sont à l'écoute.
Ce dont nous avons besoin, c'est de savoir ce que les citoyens pensent
et de le savoir intégralement de façon qu'on puisse, par la
suite, apporter au Conseil des ministres une proposition. Lui prend la
décision totale et globale, qui a des implications pour le
Québec. Il doit être capable d'avoir un point de vue
précis. Un gouvernement, qu'on le veuille ou non, de quelque parti qu'il
soit, se doit de prendre les meilleures décisions possible qui aident le
plus possible la population. Le pouls de la population est un
élément très important, et cela permettra, je pense, au
gouver-
nement de prendre les décisions les plus éclairées
puisqu'il est le seul responsable les seuls qui sont élus
et qu'il doit rendre compte de son mandat.
Donc, pour nous, le bureau est un organisme qui doit être un
organisme d'écoute des citoyens, spécialisé pour la
compréhension de ce que les citoyens veulent dire, parce que souvent les
citoyens qui ont des sentiments à exprimer, qui ont des droits à
faire respecter, n'ont souvent pas les moyens techniques ou la capacité
de tous les exprimer avec toute la facilité technocratique que les hauts
fonctionnaires d'un gouvernement puissent posséder.
Je vous pose la question suivante: Qu'est-ce que vous pensez, avec
l'expérience que vous avez, de la notion d'un fonctionnaire neutre qui
serait dans un bureau d'audiences, d'un fonctionnaire arbitre ou d'un
fonctionnaire ayant un parti pris pour l'environnement qui s'en va
écouter les citoyens? Lequel de ces trois types de fonctionnaires
devrait aller écouter ces citoyens? Est-ce plutôt un fonctionnaire
qui a un parti pris, qui est neutre ou qui s'en va arbitrer les choses?
M. Ouimet: Si vous me le permettez, je pense que ce n'est ni l'un
ni l'autre. Ce que l'on essaie de suggérer ici, dans le sens de l'esprit
de la loi, c'est un mécanisme plutôt qu'une personne. C'est un
mécanisme qui intervient dans un processus de décision entre des
gens qui veulent faire un projet avec toutes sortes de données et qui
peut avoir des conséquences sur l'environnement naturel et
habité. Un mécanisme qui permet à des gens autres que le
promoteur le promoteur également, évidemment de
faire valoir leur point de vue et de participer à la décision,
d'apporter des éclairages. Qu'il y ait une interaction de l'ensemble des
données avant que le certificat ou l'autorisation de procéder
soit donnée.
Dans ce sens, c'est un mécanisme, comme vous le dites, qui ne
doit pas se substituer à la décision du ministre ou du Conseil
des ministres, qui ne peut prendre toute sa valeur, toute son importance. Cela
ne veut pas dire qu'il n'y en aurait pas autrement. C'est une question de
degré on est dans le gris mais qui ne pourrait prendre
vraiment sa valeur que dans la mesure où les faits qui sont
déposés là sont analysés les uns par rapport aux
autres et qu'il y a un certain nombre d'éléments ou de lignes
directrices, de recommandations publiques qui sont formulés au ministre.
Le Conseil des ministres reste libre de prendre, dans le cas, des
décisions en fonction d'autres valeurs ou en fonction d'autres
données qui viendraient en ligne de compte. Sinon, si ce n'est qu'une
transmission de bandes magnétiques que le ministre devra
réécouter pour savoir ce qu'il faut dégager de ces lignes
de force; on pense que cela ne donnerait peut-être pas toute l'importance
qu'on veut donner à ce mécanisme.
M. Léger: Maintenant... M. Ouimet: Pardon!
M. Léger: L'autre partie de votre question, vous disiez:
Quelle sorte de préjugés?
M. Ouimet: Dans le cas, je pense bien que c'est la Loi de la
qualité de l'environnement qui est le fondement de l'intervention dans
un processus de développement de gens. Ce qui doit préoccuper
tout le monde, y compris la commission d'audiences, c'est de voir effectivement
si, dans l'ensemble de projets, on tient compte de la protection de la
qualité de l'environnement naturel et habité, si on essaye de
minimiser les impacts négatifs de cet environnement ou de favoriser
l'harmonie d'un projet par rapport aux citoyens qui sont là et à
l'environnement. Cela, je pense bien que c'est d'avoir un préjugé
non seulement favorable mais c'est le sens même de la loi.
M. Léger: Pour avoir une sorte d'unité d'action
d'un gouvernement qui aurait à la fois des fonctionnaires qui aideraient
à promouvoir des projets de développement et, en même
temps, d'autres fonctionnaires qui pourraient aider des citoyens à
s'opposer à ces projets ou à corriger ces projets, vous voyez
quand même une difficulté d'homogénéité de
fonctionnement d'un gouvernement?
M. Ouimet: Non. Je pense que le gouvernement établit des
mécanismes dont les attributions sont prévues. Je pense bien que
c'est la même chose dans le cas des cours. Parfois, c'est le gouvernement
qui poursuit. Parfois, il y a l'assistance juridique qui aide les citoyens.
Pour autant que les mécanismes sont clairement identifiés et que
les règles du jeu sont clairement précisées, il y a des
mécanismes qui sont décisionnels, il y en a d'autres qui sont
faits pour faire le développement et d'autres qui sont là pour
faire participer les gens dans un processus de développement. Dans ce
sens, si les choses sont claires, il n'y a pas de difficulté.
M. Léger: Concernant l'information dont les citoyens ont
besoin, peut-être pourriez-vous me donner quelques exemples des
difficultés que vous avez pu avoir pour avoir réellement
l'information requise pour que le comité des citoyens puisse faire
valoir son point de vue en ayant les données pour répondre aux
affirmations du promoteur qui, lui, a des données que les citoyens
n'auraient pas. Avez-vous eu des problèmes de ce côté?
Comment voyez-vous une solution de ce côté?
M. Ouimet: Dans le cas spécifique, les difficultés
sont considérables. Je reviens à une question que le Dr Goldbloom
posait tantôt aux gens de l'Hydro-Québec pour savoir s'ils ont
déjà déposé de la documentation sur leurs projets
pour les cinq prochaines années. Nous aussi, nous avons commencé
par apprendre le problème de la boucle métropolitaine et, comme
le disait le livre blanc, si on veut participer aux politiques
énergétiques et s'exprimer, il faut au moins qu'on voie les
solutions de rechange. Est-ce que les besoins sont là, quels sont
les besoins, quels sont les moyens qu'on a pris pour répondre à
ces besoins? Parce que c'est de cela dont on va se servir pour justifier qu'on
prend telle décision et qu'on s'en va dans tel endroit. Il y a donc
toute une information préalable, soi dit en passant, qui ne semble
exister nulle part, même pas aux services de protection de
l'environnement.
La difficulté première qu'on a eue, c'est que quand il y a
eu une demande qui a été déposée aux services de
protection de l'environnement, ceux qui ont déjà vu ce que c'est
qu'un dépôt de documentation par l'Hydro-Québec pour un
tronçon savent que c'est à peu près épais comme
cela, plus des cartes et des références à d'autres
documents. Cela d'épais et, au départ, je pense que vous
êtes témoins qu'il a fallu tordre des bras, cogner à des
portes et dire: Y a-t-il moyen au moins de pouvoir lire, avoir au moins une
copie de cette documentation pour que les gens de Saint-Jean-de-Matha ne soient
pas obligés de venir à Québec pour la lire, mais en avoir
une copie.
Déjà, simplement avoir cette documentation, cela a
été des problèmes considérables. Quand on lit cela,
on s'aperçoit qu'il y a des parties qui sont présentes, il y en a
d'autres qui ne sont pas là, et il faut un temps considérable. On
n'aurait pas pu passer à travers si on n'avait pas eu l'assistance
technique, par exemple, en particulier du Conseil consultatif de
l'environnement qui avait fait un document qui s'appelait: Localisation des
corridors de transport, qui nous a guidés un petit peu à nous
débrouiller dans cette documentation. Dans ce sens, c'est
considérable parce qu'on est aux prises avec une masse de documents et,
évidemment, c'est la technique du rouleau compresseur,
c'est-à-dire qu'on vous dépose un ensemble de documents. Au
départ, vous ne pouvez pas ne pas avoir raison quand vous avez autant de
documents et que c'est aussi épais que cela.
L'une des premières questions qu'on a posées aux Services
de protection de l'environnement, c'est: Est-ce que vous avez beaucoup de
spécialistes pour nous aider à évaluer cette chose? On
n'en a pas beaucoup, mais ils sont bons, et c'est vrai. On l'a
vérifié, ils étaient bons. Je sais qu'il y en a qui sont
ici, alors, je ne suis pas pour dire le contraire. À ce moment, l'autre
difficulté qu'on a connue, c'était de savoir quelles
étaient les firmes qui pouvaient nous dire... Vous savez, dans la
protection de l'environnement, quand vous voulez faire des études, des
contre-expertises, où est-ce que vous vous adressez? Dans un cas comme
celui-là, on s'adresse aux firmes qui sont habituellement
employées par l'Hydro-Québec. À ce moment, on est dans une
situation complètement difficile.
Obtenir la documentation, l'évaluer, être capable de
cheminer là-dedans sans assistance, c'est impossible. Un citoyen est
fait au départ.
M. Léger: Pour vous rassurer, dans le projet de
règlement qui s'en vient, il va y avoir l'obligation pour celui qui est
promoteur du projet sur lequel il y aura une étude d'impact obligatoire
de déposer, dans la localité où aura lieu le projet, tous
les dossiers pertinents à ce projet. Pour répondre aussi en
même temps à une autre question que vous posiez tantôt,
quand vous disiez que Montréal est un grand bassin et que si on faisait
voter les gens pour voir s'ils veulent le bureau à Montréal ou
à Québec, il y a plus de chances de l'avoir à
Montréal, il y a de grosses chances, c'est entendu, mais je peux vous
dire qu'il y aura un local d'information et à Montréal et
à Québec, avec tous les documents, ainsi qu'une assistance de
base et à Montréal et à Québec.
Maintenant, en plus de cela, le bureau d'audiences publiques va faire
lui-même de l'information sur son rôle pour que les citoyens soient
bien au courant de l'implication de ce bureau, de ses objectifs, de sa
composition. Il y aurait aussi quand même une autre question à
vous poser. À un moment donné, vous avez parlé de
l'aménagement et de l'environnement. Comment voyez-vous la
différence entre une responsabilité environnementale et la
portion de la responsabilité de l'environnement pour s'assurer un
aménagement, puisque l'aménagement est quand même un autre
type de responsabilité au niveau d'une vocation qu'il doit lui donner?
Comment voyez-vous la distinction entre l'aménagement et
l'environnement?
M. Ouimet: Comme vous voyez, on a abordé cette question
dans le mémoire parce qu'on sait que c'est une difficulté,
justement, de jonction. Le gouvernement va procéder, évidemment,
à un aménagement du territoire du Québec pour que
s'harmonisent les différentes vocations et fonctions. On le voit
actuellement. Il y a le zonage agricole. Il y aura toute la question des
périmètres urbains. Il y a les problèmes de
l'environnement, mais il peut y avoir ceux qui veulent développer
d'autres types d'industries, soit des industries récréatives ou
des industries qui utilisent, font l'extraction et l'exploitation des
ressources naturelles. (12 heures)
Dans ce sens, l'aménagement est un plan de base, là
également fait avec les citoyens, pour déterminer les principales
valeurs et voir comment peut s'harmoniser l'ensemble du développement.
Cela devient un guide d'aménagement du territoire. Mais, lorsqu'arrive
un cas spécifique d'un projet donné, cela ne remplacera jamais
les études spécifiques qu'il faut faire dans ce projet. Ce n'est
pas parce que vous avez un règlement de zonage dans une
municipalité que cela vous dispense de faire l'étude
spécifique lorsqu'il y a une demande de permis pour l'implantation de
telle usine. Même, pour prendre un cas qui n'a pas nécessairement
d'aspect négatif sur l'environnement, pour l'implantation d'un
réseau scolaire, on peut faire en sorte d'exiger une consultation pour
voir s'il n'y aurait pas moyen de faire de la concertation avec les ressources
municipales et scolaires. Pourtant, il peut y avoir eu un règlement de
zonage, puis un projet d'aménagement. Or, les questions
d'aménagement et les questions d'études ponctuelles sur
un projet donné pour voir les impacts sur l'environnement et le
milieu habité, ce sont deux choses différentes. Il est bien
évident que dans ce cas, s'il y a eu au préalable des
schémas d'aménagement ou des propositions d'aménagement
dans le coin, cela aidera comme références pour l'étude
d'un projet particulier. Cela aidera encore plus, j'imagine, aussi les
promoteurs pour essayer de voir dans quelle zone ou selon quelles
priorités ils peuvent aller.
Il y a interrelation, mais il n'y a pas opposition. Je pense que le
secteur d'aménagement ne pourra jamais se substituer au rôle qui
est dévolu actuellement dans ce projet de loi à
l'environnement.
M. Léger: Une dernière question. Concernant le fait
qu'il n'y a qu'une seule audience publique, est-ce que vous la voyez... Vous
vous remarqué quand même une flexibilité dans le texte de
loi pour que l'audience puisse avoir lieu avant, c'est-à-dire au moment
des études préliminaires, ou après les études
déterminées. Pour vous, comment voyez-vous la place où
devrait être cette audience publique?
M. Ouimet: On est un petit peu embêté avec les deux
mots "préliminaire" et "détaillée" et, je pense,
également par une question qui a été posée par le
Dr Goldbloom à l'Hydro-Québec tantôt, à savoir:
À quel moment le processus est-il irréversible? Est-ce
qu'à ce moment on l'appelle préliminaire ou
détaillée? Là, peut-être que les deux mots ne sont
pas suffisants pour rendre compte de la réalité. Ce qu'on dit qui
est important, c'est qu'au moment où se prennent les décisions
majeures, qui engagent, c'est là que la participation des citoyens doit
venir d'une part, mais c'est là également que la
préoccupation sur l'environnement doit être prise en
considération. Prenons le cas qui est encore en suspens, de
Saint-Jean-de-Matha. On a décidé, d'après les
données que nous avons vues au moment des études, de tracer un
corridor de 150 milles entre le poste de La Vérendrye et Duvernay
à Montréal, en faisant un détour pour des
considérations économiques. Semble-t-il, selon tous les
témoignages qu'on a eus à ce moment, l'information visible et
publique, il n'y a pas eu d'autres considérations. Mais après on
a décidé de faire des variantes pour dire: Comment est-ce qu'on
minimiserait l'impact sur l'environnement? On n'en a pas tenu compte au moment
du choix du corridor. On ne préjuge pas des conclusions, mais si
à ce moment on avait tenu compte à la fois des aspects
environnementaux, selon les deux aspects, le milieu naturel et le milieu
habité, possiblement qu'on aurait évité de faire des
études d'impact et des batailles à ce niveau. C'est dans ce sens
qu'on dit: Cela devrait être assez tôt dans le processus, pas trop
tôt parce qu'on n'a pas assez de données, mais c'est au moment
où les décisions engagent l'avenir que la participation devrait
se faire.
La définition à ce moment, de préliminaire sera
peut-être à préciser par règlement, c'est
peut-être là la difficulté, mais il nous paraît,
à première vue, préférable de faire commencer le
processus dès ce moment.
M. Léger: Je voudrais vous remercier encore et, en
regardant le travail que votre comité a fait, ainsi que d'autres
comités qui ont travaillé dans le domaine de la protection de
l'environnement, de la planification et de la prévention, je pense que,
malgré les difficultés et les embûches que les citoyens ont
dans le projet, le pari dont je parlais pour les citoyens, c'est un pari qu'il
faut tenir; puisqu'on est une société en devenir au
Québec, il faut nécessairement donner le plus possible aux
citoyens l'occasion de se sentir responsables. C'est l'objectif du projet de
loi et je vous félicite du travail que vous avez fait.
M. Ouimet: M. le ministre, juste une chose. Vous avez
mentionné tantôt qu'il y avait telle ou telle intention de la part
des Services de protection de l'environnement du ministère de
créer tel service ou tel autre. Ce qu'on souhaite, c'est que ce soit
indiqué dans la loi qu'il y aura un service d'assistance aux citoyens et
qu'il y aura également une présence sur les différentes
parties du territoire.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Perron (Paul): Si je peux ajouter seulement un petit dicton
sur la dernière question par rapport à avant ou après les
études détaillées, disons qu'il vaut mieux prévenir
que guérir.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, c'est une heureuse
juxtaposition de mémoires que nous venons de recevoir. Il faut que
quelqu'un soit le premier et l'autre le deuxième. Si l'ordre avait
été inversé, nous aurions eu, peut-être, des
questions additionnelles à poser à l'Hydro-Québec.
Le témoignage que nous avons entendu de la part du Comité
des citoyens de Saint-Jean-de-Matha est important, est instructif, parce que ce
n'est pas la première fois que nous entendons le récit d'une
expérience de cette nature. Nous pouvons espérer que, par ce
genre d'aération qui se fait, ce sera la dernière fois, que les
mécanismes de consultation seront améliorés et deviendront
satisfaisants de part et d'autre. En attendant, peut-être, si vous
m'excusez, une petite blague, puisque votre cause est toujours en suspens
vous venez de le dire nous pourrions tous adresser quelques
prières à Sainte-Émilie-de-l'Énergie.
M. le Président, je n'ai pas vraiment de questions à poser
parce que le mémoire, la documentation d'appui et notamment les
réponses aux questions du ministre ont été
extrêmement claires. J'en ai quand même une que j'aimerais poser
plutôt au ministre parce que nous avons tout ce problème du choix
des corridors. Je me permets
une parenthèse: le mémoire, à un moment
donné, a encensé indûment un gouvernement qui n'en
méritait pas autant, mais je me suis senti encensé un peu aussi
quand, M. Ouimet, vous avez parlé du document publié par le
Conseil consultatif de l'environnement justement sur la détermination
des meilleurs corridors pour les lignes de transmission.
Avant d'avoir reçu ce document, nous avions étudié
un rapport publié par une université américaine,
l'université du Wisconsin, si ma mémoire est fidèle. Les
hommes de science à cette université avaient conçu une
méthode d'évaluation du territoire en divisant la carte en petits
rectangles et en évaluant, pour chacun, par une série de
critères, la vocation: vocation agricole, vocation
récréative, toutes les fonctions que peuvent représenter
des parcelles de territoire pour les citoyens habitant la région. Un
système a été développé qui permet
d'attribuer des couleurs ou des intensités de couleurs à chaque
rectangle, ce qui donne, par un choix judicieux de couleurs, un moyen d'avoir
un portrait j'allais prononcer un pléonasme: "de voir
visuellement", mais il n'y a pas d'autre moyen de voir de tracer
visuellement le meilleur corridor.
Il me semble, M. le Président, qu'il y a plus que les audiences
publiques qui sont importantes ici. Il y a également l'approche
scientifique qui évolue. J'aimerais que le ministre nous indique si,
effectivement, avec le rapport du conseil consultatif en main et avec les
autres éléments de documentation, s'il y a du progrès qui
se fait pour que nous puissions, en quelque sorte, réduire cette pile de
documentation à une carte qui permettrait à tous les
intéressés de regarder ensemble et de voir la situation et de
dire: On ne doit pas faire passer la ligne de transmission de ce
côté-là parce que l'agriculture est importante, on ne doit
pas détruire les accès à la récréation qu'a
la population de l'autre côté; il y a des habitations à tel
endroit et ainsi de suite. Il me semble qu'il serait plus facile de s'entendre,
de se comprendre sur des tracés si l'on avait une présentation
visuelle de cette nature. J'espère qu'il y a du travail qui se fait et
de toute façon, puisque s'il se fait il n'a pas encore abouti à
un produit fini, j'aimerais encourager le ministre à poursuivre ce
processus de raisonnement et d'analyse scientifique.
M. Léger: Tout ce que je peux répondre, c'est que
la proposition est certainement intéressante de voir à
résumer, sur un tableau ou une carte, les objectifs ou les vocations du
territoire sur lequel pourraient passer des lignes. Je pense qu'on pourrait
peut-être, à l'occasion du règlement, émettre
certaines directives pour que les documents puissent se résumer avec un
document visuel d'une situation. Nécessairement, il ne faut pas oublier
que cela demanderait au préalable qu'il y ait eu aussi une loi de
l'aménagement qui ait été adoptée permettant de
déterminer quelle est la vocation de chacune des régions. C'est
pour cela qu'on disait en Chambre qu'il faudrait qu'il y ait quatre lois qui
s'en viennent pratiquement en même temps, mais quatre lois très
difficiles à mettre de l'avant, qui sont la loi de l'aménagement,
la loi du zonage agricole, la loi de l'urbanisme et la loi sur la
spéculation foncière; c'est un tout. Mais, comme dans chacune de
ces lois il faut impliquer les citoyens, vous comprenez le temps que cela peut
prendre avant d'avoir quelque chose qui soit conforme aux objectifs des
citoyens dans leur région, en déterminant, au niveau de conseils
de comté ou autres, quels devraient être la vocation et
l'aménagement qu'ils veulent de ce côté-là. Mais,
quand même, l'idée est intéressante au niveau d'une image
plutôt visuelle, pour faire le même pléonasme, de l'ensemble
des documents. Nous allons penser, de ce côté-là, pour voir
s'il y a possibilité d'avoir des directives pour que cela soit plus
facile d'accès et de compréhension pour la population.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Tantôt, vous avez mentionné que les
comités de citoyens avaient de la difficulté pour se faire
entendre devant les commissions parlementaires concernant certains coûts.
Par contre, j'ai vu votre mémoire je ne sais pas à combien
d'exemplaires il a été imprimé, cela doit avoir
coûté passablement cher avez-vous reçu de l'aide
pour l'impression de ce document qui a certainement rendu service à
plusieurs?
M. Ouimet: Oui, nous avons reçu de l'aide des Services de
protection de l'environnement via différentes directions et en
particulier la direction générale de la nature. Nous l'avons
indiqué, nous avons reçu de l'aide des différents
mécanismes. En fait, nous avons créé des
précédents. Nous avons reçu de l'aide du Conseil
consultatif de l'environnement, nous avons pu, pour une première fois,
avoir de l'information publique, nous avons pu aussi recevoir l'aide de la
direction générale de la nature et nous avons pu, grâce
à une petite subvention, engager des experts de l'Université de
Montréal pour nous aider à compléter nos études.
Tous ces éléments-là ont été fort
importants. Remarquez bien que $2500 comparativement aux $600 000 qu'on nous a
dit qu'on avait consacrés aux études d'impact, c'est quand
même raisonnable. Mais, oui, nous avons reçu de l'aide.
M. Cordeau: Je ne suis pas contre l'aide que vous avez
reçue du ministère de l'environnement, mais c'était pour
vous faire spécifier que des coûts, pour l'impression, d'un volume
semblable... Vous avez reçu de l'aide.
M. Ouimet: Mais remarquez que c'est encore bien mince
comparé à la pile de l'Hydro-Québec!
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe. Autre question?
M. Cordeau: Seulement une. À la page 17 de votre
mémoire, tantôt, vous mentionniez qu'il fau-
drait, pour que les représentations lors des audiences soient
intégrées vraiment dans le processus de décision, que la
commission ait un pouvoir décisionnel. C'est un de vos souhaits.
J'aimerais connaître l'opinion du ministre. (12 h 15)
M. Léger: J'ai eu quelques secondes de distraction.
Voulez-vous répéter?
M. Cordeau: On dit: II faudrait, pour que les
représentations, lors des audiences, soient intégrées
vraiment dans le processus de décision, que la commission ait un pouvoir
décisionnel, comme certaines commissions et régies
fédérales ou québécoises.
M. Léger: Je pense quand même avoir répondu
tantôt, dans mon intervention, ou peut-être que c'était
à votre tour d'être distrait quand je l'ai dit; maintenant, c'est
à mon tour. Mais j'ai dit tantôt que, nécessairement, on ne
voulait pas donner au bureau d'audiences un pouvoir de recommandation, parce
que selon nous la vocation du bureau c'est une vocation d'être à
l'écoute des citoyens, de permettre aux gens de s'exprimer et de nous
apporter leur opinion, et non pas une opinion qui pourrait être
"distorsionnée" par la spécialité des fonctionnaires
prenant la place de ceux qui ont les décisions à prendre, qui
sont les ministres ou le Conseil des ministres. C'est beaucoup plus un
rôle d'écoute des citoyens, favorisant les mécanismes nous
permettant de prendre une décision au niveau gouvernemental qui provient
de ceux qui sont élus.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, M. Ouimet et M.
Perron, les membres de cette commission vous remercient de votre participation.
Un dernier mot, M. Ouimet?
M. Ouimet: Cela va être très rapide. En fonction de
cela, je voudrais quand même faire une distinction entre le pouvoir
décisionnel qui serait possible, comme dans le cas du CRTC, mais ici, on
dit ce n'est pas votre option. Le pouvoir de recommandation, c'est qu'on fait
plus que simplement transmettre les bandes magnétiques; on fait une
certaine analyse, on fait une analyse des données qui ont
été présentées dans le sens de l'esprit de la loi
de l'environnement et on donne, à ce moment-là, au ministre des
outils objectifs pour prendre sa décision. C'est lui qui la prend. Nous,
ce que l'on souhaite, ce n'est pas que l'impression soit qu'on n'est
préoccupé que par des lignes hydro-électriques dans la
participation des citoyens. C'est le cas pour bien d'autres questions et on
souhaiterait que vous preniez en sérieuse considération les
suggestions qu'on vous a formulées de façon à les inscrire
dans un projet de loi pour donner aux citoyens, non seulement, l'idée
qu'ils puissent participer, mais les moyens réels pour qu'ils puissent
participer.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Ouimet. M.
Léger: Juste cinq secondes. Le bureau pourrait faire, quand
même, des synthèses des tendances perçues lors des
rencontres. C'est donc dire que cela ne sera pas la même pile de
documents. Cela serait, ni plus, ni moins, l'ensemble des préoccupations
des gens qui serait synthétisé et qui serait remis au
ministre.
Le Président (M. Laplante): J'appelle, maintenant,
l'Association québécoise des techniques de l'eau. Messieurs, si
vous voulez identifier votre organisme et les personnes qui vous accompagnent
pour les fins du journal des Débats.
Association québécoise des techniques de
l'eau
M. Marcil (Gaston): Notre association, c'est l'Association
québécoise des techniques de l'eau, qui regroupe plus de 1100
membres, tous des ingénieurs, techniciens et spécialistes
oeuvrant dans leur activité quotidienne dans le domaine de l'eau et de
l'environnement. À ma droite, M. André Perreault,
vice-président de l'association; à ma gauche, M. Jean-Daniel
Massicotte, directeur du comité de l'environnement. Mon nom est Gaston
Marcil, président de l'association. M. le Président, M. le
ministre de l'environnement, MM. les membres de la commission permanente de
l'environnement, notre intervention ne sera pas très longue pour vous
permettre de rattraper un peu le temps. Le 28 août dernier, nous vous
avons fait parvenir le mémoire de notre association contenant nos
commentaires sur certains points précis du projet de loi 69. Avant de
discuter ces points, permettez-moi de vous souligner l'appréciation
générale de notre association sur ce projet de loi.
Tout d'abord ce projet de Loi modifiant la Loi de la qualité de
l'environnement est à notre sens une modification bien mineure au regard
de l'imbroglio des responsabilités des différents
ministères et organismes gouvernementaux ayant un mot à dire dans
l'administration de l'eau, de l'air, de la terre et de l'environnement en
général. Notre mémoire, intitulé Réforme
dans le domaine de l'eau au Québec, présenté au premier
ministre en février 1977, préconisait la formation d'organismes
de gestion de toutes les ressources, contrebalancés par un organisme de
protection de toutes les ressources qui pourrait être, à notre
avis, un vrai ministère de l'environnement, avec un ministre à
plein temps. Nous osons espérer que le présent projet de loi
n'est que le début d'une réforme en profondeur.
Concernant le Conseil consultatif de l'environnement, nous
déplorons le fait qu'avec les modifications proposées dans le
projet de loi le Conseil consultatif de l'environnement perd
énormément de pouvoirs en n'ayant plus la possibilité
d'entendre des requêtes et suggestions des citoyens à moins d'une
demande du ministre. Cette amputation de ses pouvoirs, jointe à son
légendaire manque de personnel et de moyens financiers,
l'empêchera de jouer son rôle de chien de garde d'un gouvernement
toujours préoccupé par le court terme des problèmes alors
que les problèmes environnementaux doivent être envisagés
à
long terme. Nous recommandons donc que des pouvoirs plus étendus
soient accordés au Conseil consultatif de l'environnement,
supportés par le personnel nécessaire et les crédits
appropriés.
Pour ce qui est de la participation du public, notre association a, par
expérience, acquis la certitude que le développement de la
province et la protection de son environnement ne pourront se faire sans la
participation active du public en général. Cette participation
devra cependant être orientée de façon que la population
soit non seulement consciente de l'agression des autres sur l'environnement,
mais aussi de sa propre agression sur l'environnement. Nous déplorons
souvent le fait que les politiciens aient tendance à
déculpabiliser les électeurs sur ces problèmes.
Notre association s'est préoccupée dès 1976 de
l'impact des projets sur l'environnement. Elle en a fait le thème de son
congrès et toute une série de conférences ont
été prononcées sur le sujet. Nous nous permettons de vous
donner une copie des textes de ces conférences qui vous feront
connaître les aspects politiques, juridiques et techniques des
études d'impact.
Nous vous rappelons que, lors de ce congrès, notre association
s'est prononcée en faveur des études d'impact, même
consciente du fait que cette procédure d'évaluation des impacts
et de consultation du public alourdira le processus décisionnel des
projets. Nous ne pouvons cependant que répéter le souhait que ces
études fassent ressortir les solutions les plus positives possible et
que les normes qui définiront le contenu des études dans les
futurs règlements soient suffisamment claires pour qu'il soit possible
d'arriver rapidement à une solution de rejet ou de
réalisation.
Je vais passer maintenant aux quelques commentaires qui ont
été faits ou aux quelques remarques qui ont été
faites sur le projet de loi lui-même.
Concernant le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le
bureau est composé d'au plus cinq membres nommés par le
lieutenant-gouverneur en conseil et a pour fonction d'enquêter sur toutes
les questions d'environnement que lui soumet le ministre, alors que le Conseil
consultatif de l'environnement est composé de onze membres nommés
par le lieutenant-gouverneur en conseil et doit donner son avis au ministre
à sa demande ou de sa propre initiative.
Puisque la qualité de la vie, la qualité de
l'environnement et l'économie en général sont dans une
même balance et afin d'éviter les rapports biaisés ou
l'excès de zèle, il est recommandé que: a) la composition
du Conseil consultatif de l'environnement soit révisée pour
inclure des représentants du travail, de l'industrie et du commerce
(article 10 de la loi); b) la composition du Bureau d'audiences publiques soit
révisée pour inclure un représentant du conseil
consultatif; et c) les audiences publiques soient conduites par au moins trois
membres du bureau.
Concernant l'article 6b, l'article 11 de la présente loi fixe la
durée du mandat du président du conseil consultatif à cinq
ans et celle des autres membres à deux ans avec la restriction que les
mandats ne peuvent être renouvelés qu'une seule fois
consécutivement. L'article 6b spécifie la composition, le
traitement et les allocations des membres du bureau, mais ne spécifie
pas la durée du mandat.
Il est donc recommandé que l'article 6b soit modifié pour
rendre applicable l'article 11 de la loi au Bureau d'audiences publiques.
Concernant l'article 19b, cet article permet à un juge de la Cour
supérieure d'accorder une injonction à la requête de toute
personne physique pour empêcher tout acte ou toute opération qui
porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte à l'exercice du
droit à la qualité de l'environnement.
L'expression de la susceptibilité dans cet article est un
élément d'extrême confusion pouvant mener à une
contradiction, car, d'une certaine façon, toute personne peut être
susceptible de contrevenir à la loi ou aux règlements. Les mots
"... ou est susceptible de porter atteinte" devraient être
supprimés et remplacés par "ou portera atteinte".
L'article 19d. Dans le cas d'une injonction interlocutoire, le
cautionnement maximum est fixé à $500. Puisque l'importance des
requêtes et des contraventions peut permettre des proportions tellement
variées, la décision sur le montant du cautionnement devrait
être entièrement laissée aux juges.
L'addition du paragraphe m) à l'article 31 se confond avec le
paragraphe f) qui se lisent comme suit: m) déterminer les
modalités selon lesquelles doit être faite toute demande de
permis, certificat, autorisation, approbation ou permission prévues en
vertu de la présente loi; f) déterminer les modalités
selon lesquelles une demande de certificat d'autorisation de plans et devis ou
de projet doit être faite en vertu des articles 22 et 24, etc.
Sur la question de l'évaluation des impacts sur l'environnement
de certains projets, selon l'article 31a, nul ne peut entreprendre la
réalisation d'une construction, d'une industrie, d'un plan, d'un
programme, d'un projet ou d'une activité faisant partie d'une
catégorie déterminée par règlement sans
préparer une étude d'impact sur l'environnement et obtenir un
certificat d'autorisation.
Il existe actuellement le règlement 75-430 relatif à
l'administration de la loi, AC37891-75 qui définit les limites à
l'application de certains articles de la loi concernant les certificats
d'autorisation en y excluant certains projets, lequel peut s'appliquer selon
l'article 31c, paragraphe a).
Il est recommandé que ce règlement soit modifié
avant l'entrée en vigueur du projet de loi, car il deviendra
nécessaire de faire une étude d'impact pour tous les projets qui
ne sont pas exclus par ce règlement.
L'article 109b. Dans la détermination du montant de l'amende, le
tribunal tient compte notamment, dans l'ordre suivant, le dernier: e) des
revenus annuels du contrevenant. Les revenus an-
nuels du contrevenant ne devraient pas être un critère dans
la détermination d'une amende et devraient être enlevés de
cet article.
Finalement l'article 115a. Cet article permet au ministre de
réclamer tous les frais directs et indirects afférents aux
mesures prises par le ministre pour éviter ou diminuer un risque de
dommage à l'environnement de toute personne ou corporation responsable,
que celle-ci ait été ou non poursuivie pour infraction à
la présente loi. Dans les circonstances où il n'y a pas de
poursuite, cet article devrait être modifié pour prévoir un
mécanisme qui établit la responsabilité avant qu'ait lieu
la réclamation. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Léger: Seulement trois courtes questions. D'abord, je
vous remercie de votre participation et de l'intérêt que vous
portez à l'environnement. Je ferai remarquer que votre association,
depuis quelques années, a pris une orientation qui est des plus
bénéfiques pour l'environnement et je vous félicite.
La première question, c'est que vous semblez affirmer, à
la page 2 de votre mémoire, que le rôle d'un conseil consultatif
de l'environnement, c'est d'être le chien de garde du gouvernement. Je
pense qu'il faudrait corriger cette image, ce n'est pas le rôle de chien
de garde. Le rôle de chien de garde, c'est l'opposition, c'est la
population qui peuvent, eux, continuellement surveiller et voir les erreurs ou
les correctifs auxquels le gouvernement ne penserait pas. Pour bonifier un
projet de loi, pour bonifier les décisions, l'opposition est là
pour jouer ce rôle. Je l'ai appris pendant cette année. C'est un
rôle important qu'il faut jouer. Je pense que le rôle du conseil
consultatif est beaucoup plus d'être un conseiller du ministre
délégué à l'environnement dans ses
responsabilités, et conseiller au point de vue de ce que la population
va dire à ses représentants des différentes régions
et des différentes couches de la société qui sont au
conseil consultatif de l'environnement et qui doivent donner des avis, prendre
le pouls de la population sur des politiques à long terme du
gouvernement, entre autres.
Le deuxième point que je veux soulever, c'est quand vous parlez
de remplacer les mots "susceptible de porter atteinte" par "portera atteinte"
pour déterminer la possibilité d'une injonction. D'une part, je
pense qu'il y a une grosse nuance légale et que le fardeau serait
très lourd pour le citoyen de dire que cela va porter atteinte alors que
ce qu'il y a plus que de porter atteinte, c'est le danger qu'il faut
prévenir. On préfère le mot "susceptible". C'est beaucoup
plus permissible à quelqu'un qui veut arrêter une opération
qui peut être dangereuse que de prouver que cela va lui porter atteinte.
(12 h 30)
Quand vous dites que le montant du cautionnement ne devrait pas
être plafonné à $500, il faut revenir à ce que je
disais tantôt, à l'occasion de la présentation de l'autre
groupe. Je disais que c'est tellement difficile pour un citoyen de remplir son
rôle de responsable du milieu de l'environnement que des sommes de $500
et plus, cela devient un obstacle très difficile pour quelqu'un de faire
une action dans ce sens. Il faut penser que ce sont quand même des
petites gens, des personnes individuellement qui doivent porter le coût
de ces $500. On pense que, s'il fallait augmenter le montant de $500, cela
pourrait même réduire les possibilités de recourir à
l'injonction.
Finalement, vous parlez aussi des revenus annuels du contrevenant. Je
vais vous poser une question. Le gros pollueur, une grosse industrie ou une
personne qui est très bien financièrement placée qui
pollue, pensez-vous que l'amende va pouvoir être dissuasive si elle n'est
pas en proportion de la possibilité de payer de celui qui a un
contrevenu? Cela peut être un montant dérisoire pour lui, à
ce moment; c'est ce que nous craignons. Je vous pose la question: Ne
craignez-vous pas qu'on continue à préférer payer une
amende quand on est gros que de respecter l'environnement? Ce critère
avait comme objectif de dissuader le gros pollueur.
Que pensez-vous de cet article qui dit qu'il faut quand même tenir
compte de la capacité de payer?
M. Marcil: Oui, en fait, on reconnaît qu'il faut... Par
contre, ce qu'on voulait faire ressortir, c'est que, si l'infraction est
grande, l'article précédent permet de donner une amende qui est
grasse. Mais la capacité de payer n'a rien à voir avec
l'infraction elle-même. Si l'infraction est grande, l'amende est grande.
Si l'usine en question est en difficultés financières, sa
capacité de payer est faible. Mais, si l'infraction est grande,
l'infraction est grande. C'est ce qu'on voulait souligner.
M. Léger: Mais c'est le dernier critère qu'on a
mis. Les quatre autres...
M. Marcil: Oui, les quatre autres, on n'a pas rien dessus.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je voudrais d'abord appuyer
le ministre en ce qui concerne la rédaction de l'article 19b. Notre
système juridique est fondé sur la notion de doute raisonnable
et, si l'on demande à quelqu'un de prouver hors de tout doute
raisonnable que quelque chose portera atteinte à l'environnement, ce
sera extrêmement difficile de le faire; il est plus facile de prouver que
quelque chose lui a déjà porté atteinte, car il y a des
preuves scientifiques qui peuvent être fournies. Il me semble que
l'article doit demander aux tribunaux de juger s'il y a un doute raisonnable
quant à la susceptibilité de l'environnement à un produit
qui serait émis ou déversé là-dedans.
J'ai une question, elle se rapporte à la deuxième page du
mémoire auxiliaire dont vous avez
fait lecture au début de votre présentation. En bas de la
page, sous le sous-titre Participation du public, vous dites ce qui suit:
"Cette participation devra cependant être orientée de façon
que la population soit non seulement consciente de l'agression des autres sur
l'environnement, mais aussi de sa propre agression sur l'environnement". Aussi,
la phrase suivante: "Nous déplorons le fait que les politiciens aient
tendance à déculpabiliser les électeurs sur ces
problèmes".
Je demeure perplexe devant cette expression. Je ne voudrais pas
être désobligeant, désagréable. J'avoue qu'il y a un
certain nombre d'années, avant d'être un homme politique
moi-même, j'avais une tendance à regarder agir les politiciens et,
des hauteurs de ma perfection et de la pureté de ma motivation, je les
critiquais à gauche et à droite. Je faisais cette
généralité: Les politiciens, ils font telle chose, telle
chose. Maintenant, après douze années et demie, je constate et je
dis que les politiciens je fais abstraction de ma personne, je regarde
mes collègues actuels et anciens sont en forte majorité
des hommes et des femmes qui veulent bien faire, qui ont les mêmes
faiblesses humaines que, sans doute, les membres de l'Association
québécoise des techniques de l'eau, qui sont sujets, donc,
à ne pas faire parfaitement ce que l'opinion publique, et surtout un
secteur de l'opinion publique, voudrait qu'ils fassent.
Ayant dit tout cela, à part cette généralité
au sujet des politiciens, il demeure quelque chose que je ne comprends pas
exactement. De quelle façon trouvez-vous que les politiciens
déculpabilisent les électeurs quant à leur propre
agression sur l'environnement? Il me semble que depuis l'existence des Services
de protection de l'environnement, depuis la nomination au gouvernement du
Québec d'un ministre de l'environnement, il y a justement un effort
soutenu, aidé par l'Association québécoise des techniques
de l'eau et par beaucoup d'autres organismes, à amener la population
à se rendre compte de sa propre responsabilité. C'est ainsi que
le ministre a commencé l'étude de ce projet de loi, hier, dans
son laïus d'ouverture.
Si, malgré cette volonté, nous avons quand même une
tendance à déculpabiliser les électeurs, surtout que quand
vous dites les électeurs, vous ne dites pas la population en
général les électeurs par rapport aux politiciens,
c'est un rapport assez spécial j'aimerais avoir des explications
sur cette phrase.
M. Marcil: II ne s'agit pas de blâmer qui que ce soit. Je
pense qu'on s'est rendu compte, à l'Association québécoise
des techniques de l'eau, que depuis 30 ans l'épuration des eaux, par
exemple, et la pollution des eaux se sont aggravées à un rythme
effarant, à notre sens, puis la population en général
s'est sentie agressée, a senti qu'il y avait quelqu'un quelque part qui
polluait et que c'étaient des gros méchants, comme on dit. Mais
elle n'a pas dit au gouvernement: Écoutez, moi, ma pollution, vous allez
vous en occuper, vous allez mettre les budgets qu'il faut puis vous allez
empêcher que mes égouts se rendent jusqu'à la
rivière ou au fleuve sans traitement. Elle ne se sentait pas
responsable. On a même, par expérience, rencontré des gens
dans l'industrie qui déversaient des choses dans les cours d'eau et qui
n'étaient pas conscients de la pollution qu'ils pouvaient causer, des
dommages à l'environnement que cela pouvait causer. Des agriculteurs...
En fait, souvent on parle à la population comme étant des
inspecteurs, alors que la population, de par les activités urbaines
modernes c'est tous des pollueurs. On a vu souvent des gens le long des routes
ce n'est peut-être pas la pollution de l'eau, mais c'est la
pollution en général qui jettent toutes sortes de choses.
Là-dessus, on rejoint le ministre de l'environnement dans ce sens que ce
qu'on voulait faire ressortir, c'est que la population a besoin
d'éducation et de comprendre l'envergure des problèmes. C'est un
rôle qu'on s'est donné, de sensibilisation du public à ces
agressions sur l'environnement.
M. Goldbloom: M. Marcil, je vous remercie de cette amplification
et je suis heureux qu'elle puisse être reproduite au journal des
Débats pour ne pas laisser toute nue la phrase que vous aviez mise en
bas de la page 2 de votre mémoire auxiliaire.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. À la page 1 de
votre mémoire, en bas, clause 1, article 6b, vous avez manifesté
l'intention que les membres du bureau soient nommés pour un mandat
spécifique. Vous faisiez allusion à cela. M. le ministre pourrait
peut-être expliciter sa pensée, car, si ce sont des
fonctionnaires, ils sont permanents.
M. Léger: Oui, c'est cela. Les fonctionnaires, ayant une
expérience de l'écoute des citoyens, connaissant le domaine de
l'environnement, vont être les mieux habilités à comprendre
ce que les citoyens vont donner.
Je vais en profiter en même temps pour répondre à la
préoccupation dans le domaine de l'éducation. Je pense que, de
plus en plus, il va falloir qu'on mette de l'avant des méthodes ou des
possibilités d'éducation des citoyens. On a justement mis,
à l'environnement, un module d'éducation qui s'occupe
d'être disponible autant pour le ministère de l'Éducation
dans ses programmes sur l'environnement que pour aider les groupes, les
initiatives dans les commissions scolaires pour donner des cours sur
l'environnement soit à l'élémentaire ou au secondaire,
même au cégep et à l'université, et même
auprès des comités de citoyens pour qu'ils puissent avoir de plus
en plus de données et être ensuite capables d'être
contagieux dans leur région dans le bon sens, des bons microbes
pour s'assurer que de plus en plus les citoyens comprennent ce que sont
leurs responsabilités.
Je pense que la formule d'éducation est une...
Je disais dernièrement dans une conférence que, pour
combattre la pollution, nous sommes en retard, pour protéger
l'environnement, nous sommes exactement à l'heure, mais pour
éduquer une population, nous sommes à l'avant-garde.
Le Président (M. Laplante): MM. Marcil, Perreault,
Massicotte, les membres de cette commission vous remercient pour votre
participation. Merci, messieurs.
Maintenant, nous serons obligés de suspendre les travaux
jusqu'à 15 heures, mais, avant de suspendre, je ferais appel à
l'Association des mines de métaux du Québec Inc., qui commencera
à 15 heures. D'accord?
Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 43)
(Reprise de la séance à 15 h 15)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
Reprise des travaux de la commission permanente de la protection de
l'environnement concernant le projet de loi 69. Réception des
mémoires.
L'Association des mines de métaux du Québec, M. Langlois,
si vous voulez vous identifier et identifier votre groupe et les personnes qui
vous accompagnent, s'il vous plaît.
Association des mines de métaux du
Québec
M. Langlois (Gonzague): Mon nom est Gonzague Langlois. Je suis le
directeur général de l'Association des mines de métaux du
Québec. J'ai à mes côtés M. Guy Pelletier, qui est
le président du comité de l'environnement, et le Dr Claude
Drouin, qui est le directeur des services techniques à
l'association.
M. le Président, M. le ministre délégué
à l'environnement, MM. les membres de la commission de l'environnement,
tout d'abord quelques mots pour vous expliquer ce qu'est l'Association des
mines de métaux du Québec et ce qu'elle regroupe. Cette
association regroupe en fait les producteurs de métaux ferreux et non
ferreux ainsi que deux producteurs de minéraux industriels. Les mines
d'amiante ne sont pas membres de notre organisme. Les mines de métaux
sont situées dans le Nord-Ouest québécois sur la
Côte Nord et en Gaspésie, tandis que les producteurs de
minéraux industriels sont dans la région de Montréal, sur
la rive nord du fleuve.
Notre association a donc pris connaissance du projet de loi 69 modifiant
la Loi sur la qualité de l'environnement, et elle tient à
souligner les problèmes qui sont susceptibles de porter atteinte
à l'exercice des activités de ses membres.
Le projet de loi est analogue au National Environment Policy Act
américain en ce sens qu'il établit un bureau d'audiences, qu'il
donne aux individus le droit d'intervenir devant les tribunaux au sujet d'un
projet donné, qu'il restreint les activités du conseil
consultatif de l'environnement au niveau des politiques, qu'il oblige les
promoteurs de projets à préparer des études d'impact afin
d'éclairer le ministre et la population sur le bien-fondé du
projet et de ses bienfaits sur la société
québécoise.
Bien qu'il soit impossible de s'opposer à la philosophie
générale qui sous-tend cet ensemble de mesures en soi très
considérables, nous nous interrogeons sérieusement sur les moyens
donnés aux intervenants qui pourraient s'opposer à la mise en
marche d'un projet.
Nous nous proposons de considérer l'impact d'une telle loi sur
l'industrie minière et nous vous serions reconnaissants de bien vouloir
tenir compte de nos commentaires à cette audience et possiblement
d'incorporer dans votre projet les formules de rechange qui s'imposent, selon
nous, afin que cette loi soit réellement un outil bienfaisant pour tous
les membres de la société québécoise.
Tout d'abord, nous voulons traiter des études d'impact. Le nouvel
article 31a de la loi stipule que nul ne peut entreprendre la
réalisation d'un projet sans procéder à une étude
d'impact.
Il est essentiel de connaître les catégories
d'activités pour lesquelles cet article est applicable afin d'en faire
une critique logique et nous croyons que cette liste doit apparaître dans
la loi afin d'en permettre une évaluation au niveau de
l'Assemblée nationale.
Quant au domaine minier, nous ne croyons pas qu'il y a lieu de faire des
études d'impact pour toutes les activités. L'étude
d'impact n'est certainement pas nécessaire pour la poursuite des
activités d'explorations géologiques, géochimiques et
géophysiques; dans ces cas, les seules autorisations du ministère
des Richesses naturelles nous apparaissent suffisantes.
Lorsque l'exploration s'est avérée plus prometteuse, avant
de procéder à des excavations, ou au fonçage de puits
d'exploration, ou à l'érection d'usines pilotes, il y aurait lieu
de demander un certificat d'autorisation en accompagnant la demande d'une
étude préliminaire d'impact.
La loi parle d'étude préliminaire et d'étude
détaillée à l'article 31b, mais elle ne les définit
pas. Nous croyons qu'une étude préliminaire consiste
essentiellement à faire l'inventaire des sources potentielles
d'impact.
Enfin, lorsque l'entreprise considère la possibilité
d'aller en production, l'étude d'impact devrait accompagner
l'étude de rentabilité. Toutefois, l'État devrait fournir
à l'industrie les données scientifiques de base relatives au
milieu, car, selon nous, il n'appartient pas à une seule entreprise de
faire toutes les études écologiques régionales. Tout comme
le ministère des Richesses naturelles procède continuellement
à l'acquisition des connaissances de la géologie du
Québec, les Services de protection de l'environnement pourraient
compiler les connaissances environnementales du ter-
ritoire et procéder aux recherches scientifiques de base afin de
faciliter les études d'impact. Le rôle des Services de protection
de l'environnement ne devrait pas se limiter à un rôle de pure
surveillance, mais aussi à celui d'un centre d'informations de base pour
les aspects environnementaux dans l'élaboration des projets.
Les audiences publiques, bien que désirables dans un
schéma de participation du public dans la prise de décision,
amènent, en pratique, la contribution d'une quantité
considérable d'agents hostiles, soit parce qu'il y a conflits
d'intérêts ou encore affrontements idéologiques. Il semble
donc qu'il y aurait lieu de prévoir dans la loi, ou dans les
règlements, un mécanisme pour freiner la dominance des
contributions strictement négatives. Par exemple, la soumission des
mémoires un certain nombre de jours avant l'audience, comme dans le cas
de cette commission parlementaire, peut être une mesure efficace de
filtration. Il faut éviter que les audiences publiques deviennent une
forme de défoulement collectif aux dépens des promoteurs de
projets.
En second lieu, nous nous interrogeons sérieusement sur la
constitution du bureau d'audiences. Nous recommandons qu'une audience soit
tenue par au moins trois personnes dont au moins une viendrait du milieu
industriel concerné.
Il est très difficile pour un individu d'entendre seul toutes les
diverses opinions au sujet d'un projet et de pouvoir juger la situation
correctement. Ainsi, en Ontario, le quorum est de trois personnes qui peuvent
s'adjoindre des experts conseils.
En troisième lieu, il faut se demander si tous les projets,
miniers ou autres, doivent être soumis aux audiences publiques. Nous
croyons que la loi devrait prévoir un mécanisme défini
pour déterminer la nécessité de tenir des audiences.
Alors, s'il y a lieu, les audiences ne seront tenues qu'après la
présentation de l'étude préliminaire d'impact.
L'ensemble des procédures environnementales prévues ne
devrait s'appliquer qu'à partir du moment où les promoteurs
miniers considèrent la mise en valeur d'un gisement.
Il serait dangereux de soumettre le projet à la consultation
populaire, à la consultation publique prématurément, car
la spéculation sur les propriétés concernées et les
propriétés avoisinantes qui en découlerait pourrait
s'avérer désastreuse pour de nombreux citoyens et l'entreprise
elle-même.
Aussi, la loi devrait définir clairement les procédures
d'audiences et prévoir que les bureaux d'audiences puissent faire des
recommandations et soumettre leur rapport dans des délais
précis.
Enfin, les pouvoirs et l'immunité conférés aux
commissaires sont inquiétants! Pourrait-on exiger qu'une entreprise
divulgue de l'information confidentielle de valeur technique ou
économique acquise à grand prix, information possiblement sans
importance première pour l'environnement?
Le projet de loi 69 prévoit pour le conseil consultatif de
l'environnement le seul rôle de conseiller du ministre sur les questions
d'intérêt général. Nous croyons réellement
que ce n'est pas le rôle du conseil de s'arrêter aux cas
particuliers et alors, nous endossons cette modification. Toutefois, une telle
modification suppose que le conseil sera formé presque exclusivement
d'experts bien informés dans les disciplines impliquées, dans les
législations et les règlements relatifs à l'environnement
et leurs impacts économiques. La représentation des profanes au
Conseil consultatif de l'environnement n'a plus la même signification
dans ce contexte, car ces derniers auront toutes les occasions de se faire
entendre lors des audiences publiques.
Le Conseil consultatif de l'environnement doit, à notre avis,
être majoritairement un véritable conseil d'experts,
supportés par une équipe scientifique compétente et, pour
ce faire, il doit jouir d'un budget qui lui permette d'agir efficacement.
Enfin, puisque le CCE se prononce strictement sur des principes, il
devrait pouvoir automatiquement rendre ses avis publics après les avoir
remis au ministre. Le CCE est impuissant et inefficace s'il est totalement
lié par la volonté du ministre.
L'article 19a proposé déclare que le droit à la
qualité de l'environnement est un droit personnel et, en vertu de ce
droit, la personne décrite à l'article 19c peut obtenir une
injonction de la cour, conformément aux articles 19b et 19d, lorsque ce
droit est présumément lésé ou est susceptible de
l'être. Nous sommes ici en présence de quatre articles des plus
lourds de conséquences, car il y aura toujours des individus qui
s'opposeront de façon systématique aux activités
minières ou industrielles, même à celles qui s'efforcent
d'atteindre un équilibre entre les conditions d'un environnement
acceptable et les impératifs socio-économiques du milieu.
Si on donne aux mécontents des pouvoirs facilement accessibles
et, en même temps, qu'on inscrit des termes de références
vagues dans les textes de lois, nous aurons alors mis en place tous les moyens
pour geler ou, à tout le moins, ralentir l'activité
économique.
Nous acceptons certainement le fait que les projets doivent
répondre à un besoin de la société et qu'ils soient
réellement bienfaisants pour elle, mais il est impossible de
prévoir un projet qui fera l'unanimité de la population. En fait,
un projet doit répondre aux désirs d'une majorité de la
population. C'est là l'essence même de la démocratie.
Par exemple, lorsque le gouvernement vote une loi, il y a toujours des
opposants et, pourtant, le gouvernement ne donne pas un droit de veto
automatique aux adversaires. C'est le bien commun qui prime et non le bien
particulier.
Ainsi, le projet de loi, dans sa forme actuelle, pourrait permettre
à un individu de tenter d'obtenir une injonction pour une
opération autorisée par le directeur des services de
l'environnement même après que celui-ci aurait reçu toute
l'information pertinente.
Nous nous opposons donc au concept du droit individuel en matière
d'environnement. De plus, nous nous opposons au recours en justice pour les
individus en vue de l'obtention d'une
injonction. Lorsque certaines personnes se croient lésées
dans leurs droits, c'est aux Services de protection de l'environnement qu'elles
doivent se référer. Le directeur a déjà tous les
pouvoirs voulus pour prendre une action efficace, si elle est justifiée
et justifiable.
Le projet de loi donne au directeur l'autorité de demander tous
les renseignements qu'il juge nécessaires (article 5 modifiant l'article
22 de la loi). De plus, le ministre acquiert les mêmes pouvoirs, du moins
pour certains projets, au nouvel article 31d. En général,
l'article 31 laisse planer l'incertitude sur l'étendue des exigences et
laisse présager des coûts et des délais
considérables. La façon de corriger cette situation qui finira
par engendrer des conditions intolérables est de publier les
règlements au moment même de l'adoption de la loi et de
spécifier le contenu des études désirées. Il y a
suffisamment de lois, de règlements et d'expériences à ce
moment de l'histoire pour que le gouvernement inscrive des précisions
dans les textes proposés.
L'article 8 du projet de loi modifie l'article 31 de la Loi de la
qualité de l'environnement en y ajoutant le paragraphe k) qui
spécifie qu'un certificat d'autorisation ne sera valide que pour une
période dont la durée peut varier au gré d'une
décision gouvernementale. Il n'y a pas lieu d'obtenir un certificat des
SPE pour les travaux d'exploration car le ministère des Richesses
naturelles couvre déjà cette phase d'activité. Nous
acceptons le principe d'un certificat d'étapes durant la phase de mise
en valeur, mais nous le rejetons dans le cas des exploitations proprement
dites.
Un certificat d'autorisation devrait garantir en principe une
sécurité d'existence pour une opération en autant qu'elle
se conforme aux normes et obligations auxquelles elle s'est engagée.
Ceci implique de prévoir un mécanisme de révision par
lequel on pourrait redéfinir, s'il y a lieu, de nouvelles exigences,
suite à un changement de conditions ou au développement de
problèmes imprévus.
Enfin, il est important de mentionner l'article 45 du projet de loi no
69 qui introduit le nouveau article 123a. Au deuxième alinéa, on
dit qu'une personne qui a obtenu une autorisation doit respecter ses
engagements, même si ses estimations sont plus contraignantes que les
normes. Cet article comporte une exigence exagérée et forcerait
l'industrie à faire preuve de prudence à outrance dans les
renseignements fournis au gouvernement, nécessitant des études
détaillées et coûteuses.
Lorsque le projet concerné prévoit utiliser une
technologie conventionnelle, les prévisions peuvent être
relativement précises, mais dans le cas d'une nouvelle technologie, les
résultats obtenus peuvent s'écarter considérablement des
résultats prévus. Il nous semble donc impensable d'accepter cet
article.
La loi prévoit des amendes extrêmement lourdes aux nouveaux
articles 106 et 107, tandis qu'elle donne le pouvoir au lieutenant-gouverneur
en conseil d'établir des amendes encore plus for- tes dans les
règlements. Toutefois, l'aspect le plus tragique de cet ensemble de
provisions, c'est le nouvel article 109b qui institutionnalise l'arbitraire.
Une infraction doit être évaluée strictement en fonction du
préjudice, les revenus et les bénéfices du contrevenant
étant des éléments étrangers au problème en
question.
Le projet de loi accorde soit au ministre, soit au Conseil des
ministres, soit au directeur des pouvoirs discrétionnaires
extraordinaires qu'il y a lieu de souligner. Par exemple, à l'article
6c, le ministre décide s'il doit y avoir des audiences. À
l'article 31b, le ministre indique la nature et l'étendue de
l'étude d'impact. À 31d, le ministre demande toutes les
informations dont il estime avoir besoin. À l'article 31h, le ministre
décide quels sont les renseignements fournis par les promoteurs qui sont
de nature confidentielle. À l'article 104, le ministre est soustrait aux
modalités et barèmes prévus par règlement du
lieutenant-gouverneur en conseil pour distribuer des subventions et des
prêts. À l'article 114a, le ministre estime qu'il y a urgence de
prendre des actions et il prend les mesures requises. À l'article 115a,
le ministre est autorisé à prendre toutes les mesures qu'il
indique pour nettoyer, recueillir ou contenir des contaminants émis,
déposés, dégagés ou rejetés ou susceptibles
de l'être. Au dernier alinéa de l'article 115a, le ministre peut
réclamer des frais sans passer par la cour et, à l'article 116a,
les analyses faites par ou pour les Services de protection de l'environnement
reçoivent la facture de l'infaillibilité. Tous ces articles et de
nombreux autres sont suffisants pour démontrer l'inquiétude de
l'industrie minière face à tous ces pouvoirs
discrétionnaires. La seule recommandation que nous puissions faire en ce
moment est d'inscrire des précisions dans le texte de loi à
chacun de ces articles et, s'il est réellement impossible de
circonscrire le problème, les pouvoirs discrétionnaires devraient
être dans les mains du Conseil des ministres.
Le projet de loi 69 est destiné à protéger
l'environnement, mais a-t-on considéré à quel coût?
Les pouvoirs d'injonction, la possibilité infinie des demandes
d'études et d'informations de toutes sortes, les pouvoirs
discrétionnaires du ministre, du directeur et des fonctionnaires, les
délais causés par les demandes d'autorisation, les
qualités, les difficultés à surmonter pour survivre aux
audiences, etc. La société québécoise peut-elle se
payer de telles exigences? L'industrie minière est consciente des
problèmes environnementaux reliés à ses activités
et a déjà mis de nombreux programmes en place. Il est
évident qu'à l'avenir les mines devront respecter des normes
toujours plus rigoureuses et c'est heureux, mais il faudra toujours vivre
à l'intérieur de la réalité des contraintes
économiques.
Nous terminons notre mémoire en citant le président actuel
du Conseil consultatif de l'environnement, M. Réal L'Heureux. Ce dernier
déclara, le 3 mai 1976: "Autant il était regrettable dans le
passé de ne pas prendre en considération la protection de
l'environnement, autant il serait peu
sage de ne pas tenir compte des implications socioéconomiques et
techniques". Merci, monsieur.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, je voudrais remercier
l'association et ses représentants de leur mémoire et de leur
apport au débat. J'aurais quelques petites questions à leur
poser.
Vous dites, à un moment donné, dans votre mémoire,
que le projet ne définit pas "études préliminaires" et
"études détaillées". Est-ce que votre association aurait
des définitions à proposer ou est-ce que vous suggéreriez
qu'on attende qu'un projet soit le plus complet possible avant qu'une
décision soit prise ou qu'une audience publique se tienne? À quel
moment voyez-vous cela?
M. Drouin: M. le ministre, je crois que nous avons dit un petit
mot là-dedans sur les études détaillées,
l'étude préliminaire, en disant que ce devait être un
inventaire des ressources qu'on suggère au lieu des études
détaillées.
M. Léger: Qui se verrait à quel moment?
M. Drouin: Nous le saurons mieux à la page 3: "Nous
croyons qu'une étude préliminaire consiste essentiellement
à faire l'inventaire des sources potentielles d'impact." C'est une
phase, en d'autres mots, une étude d'impact qu'on vous propose.
M. Léger: Plus loin, vous dites que les audiences
publiques, bien que désirables, je vois que vous avez un voeu de
ce côté-là, mais vous reculez un petit peu ensuite
amènent en pratique la contribution d'une quantité
considérable d'agents hostiles. Pourquoi cette méfiance envers le
public qui, nécessairement, de plus en plus, est composé de gens
qui subissent des problèmes d'environnement et qui ont l'occasion de
s'exprimer? Pourquoi devrait-on considérer que les intérêts
du promoteur, quels qu'ils soient, ne sont pas sur le même pied que les
intérêts des citoyens devant s'exprimer sur un projet qui
amènera une contribution du développeur mais aussi des
conséquences? Pourquoi cette méfiance de penser que,
nécessairement, il va y avoir du charriage lors des audiences,
même si cela peut être l'exception?
M. Drouin: Je crois qu'on pourra seulement se
référer aux expériences vécues, qui sont assez
simples, tout de même. On pourrait commencer simplement par un rapport
qui est ici, qui a été présenté à une
conférence sur les études d'impact d'environnement au Canada vers
1973, dans laquelle on rapporte le comportement des populations qui intentaient
des poursuites, aux États-Unis, en 1973, après l'Act du NEPA. On
disait que les représentations des citoyens étaient telles que,
premièrement, soit qu'on refusait... On disait qu'il n'y avait pas eu
d'études d'impact ou, deuxièmement, si elles avaient eu lieu, les
citoyens disaient qu'elles étaient incomplètes et insuffisantes,
et lorsqu'elles étaient complètes et suffisantes, on disait: On a
tiré les mauvaises conclusions. Alors, on est toujours perdant du
côté de la participation des citoyens. Nous ne sommes pas contre
le principe de la participation, mais j'écoutais ce matin les gens de
Saint-Jean-de-Matha, qui disaient eux-mêmes qu'ils n'ont pas toujours ni
les ressources, ni les compétences pour étudier tous ces
problèmes. Quiconque s'attaque à un problème sans en
connaître toutes les grandeurs automatiquement a des jugements qui ne
sont pas précis, et ce manque de précision dans son jugement
comporte nécessairement des difficultés. Ce n'est pas sur le
principe que nous ne sommes pas d'accord; c'est seulement la
réalité que nous avons vécue. J'ai d'ailleurs
participé moi-même aux audiences des Îles-de-la-Madeleine
à deux reprises et on voit bien que tout n'était pas
nécessairement extrêmement assis du côté fondamental
et objectif dans les déclarations des citoyens.
M. Léger: Donc, c'est un manque d'information qui pourrait
amener des comportements un peu exagérés?
M. Drouin: Je ne dirais pas que c'est un manque d'information.
Vous avez dit le mot tout à l'heure. C'est un manque de connaissance de
toutes les données et, qu'on le veuille ou non, les citoyens sont dans
une position où ils ne peuvent jamais avoir toutes les connaissance des
données, soit qu'ils n'aient pas la compétence pour pouvoir les
comprendre ou parce qu'à un moment donné il y a des choses qui ne
sont pas toutes bonnes à dire au point de vue du commerce, au point de
vue de la protection ou de n'importe quoi; il y a des secrets, il y a des
complots un peu partout.
M. Léger: Mais est-ce que cela veut dire que la
vérité va être cachée aux citoyens? Si elle n'est
pas cachée, ne pensez-vous pas que, s'ils ont des expertises au niveau
de l'audience, s'ils ont la connaissance technique fournie par des experts qui
les aideraient, avec la connaissance de l'étude d'impact, il y aurait de
grosses chances qu'en général j'admets les exceptions
les citoyens, ayant la même chance de connaître les
données via des experts qui seraient au service des citoyens, puissent
avoir un bon jugement?
M. Drouin: Sur le jugement, je suis d'accord avec vous, M. le
ministre. Mais ce n'est pas le jugement qui va manquer, c'est la
compétence. Pour parler avec un type, par exemple, qui est
écologiste, la seule personne qui est capable de parler sur un pied
d'égalité avec un écologiste, c'est un autre
écologiste. Et peut-être pas tout le temps, d'ailleurs. On voit un
peu toutes sortes de jugements là-dedans. C'est impossible que la
population ait la même compétence que les promoteurs ou que les
autres personnes. Ce n'est pas de la mauvaise volonté. On croit que
c'est impossible
M. Léger: Est-ce que vous êtes en train de me dire
qu'il y a seulement les spécialistes qui peuvent parler ensemble de
l'environnement?
M. Drouin: Je ne crois pas qu'il y ait seulement les
spécialistes, mais ce qu'on veut dire, c'est que la population devrait
s'exprimer par un certain canal, mais qu'on ne devrait pas s'attendre aux
audiences publiques qu'on tienne compte aussi des conséquences
socio-économiques.
M. Léger: Je pense qu'il faut mettre cela bien clair. Le
bureau d'audiences a comme objectif bien précis d'aller écouter
les citoyens qui voient venir un projet qui peut avoir les plus grands
mérites possible, mais qui peut perturber leur milieu de vie. Ils
viennent s'exprimer; ce n'est pas nécessaire qu'ils s'expriment en
grands termes, ni qu'ils viennent "perler", mais ils peuvent quand même
venir exprimer leurs appréhensions avec leur langage peu
spécialisé. C'est beaucoup plus leur état d'âme.
À ce moment-là, le bureau d'audiences est là pour
connaître les réactions des citoyens. Et ce n'est pas là
que le débat va se faire sur le plan de la décision à
prendre concernant l'implication socio-économique. C'est au niveau du
Conseil des ministres. Ce bureau d'audiences a pour but d'écouter les
implications environnementales du projet, avec aussi les réponses,
nécessairement, du promoteur. À la suite de cela, le ministre va
faire une recommandation au Conseil des ministres où se trouvent
d'autres spécialistes de la voix du peuple, c'est-à-dire d'autres
personnes élues, qui, elles, auront à combattre ou à faire
l'arbitrage des données socio-économiques et de l'urgence et de
l'importance, en plus de la notion environnementale.
M. Langlois: On n'est pas contre un bureau d'audiences. Tout ce
qu'on dit, c'est que le bureau d'audiences devrait siéger avec trois
membres au lieu de cinq.
M. Léger: Là-dessus, on est d'accord que sur les
gros projets, ce sera probablement trois membres.
M. Langlois: Sur les gros projets, entre autres, je pense que le
bureau d'audiences a sa place...
M. Léger: II y aura aussi des commissaires ad hoc pour des
cas spéciaux dans les régions éloignées.
M. Langlois: Si vous avez remarqué, on est contre
l'injonction en cour, mais on n'est pas contre le bureau d'audiences.
M. Léger: D'accord. J'aurais une autre question à
vous poser. Vous êtes sans doute au courant que lorsqu'on a fait une
sorte de statistique des déchets dans l'environnement, on a appris que
18% des déchets solides au Québec sont de source agricole, que 2%
sont de source industrielle, que 4% sont de source commerciale ou domestique et
que 75% proviennent des déchets solides provenant des mines. Qu'est-ce
que vous avez trouvé jusqu'à maintenant pour essayer d'apporter
un commencement de solution à ce problème? Vous avez, les mines,
les plus grosses proportions de déchets qui existent et, aussi, dans
lesquels il y a une partie qui est toxique donc, très dangereuse. Je ne
sais pas à quoi vous avez pensé de ce côté pour
essayer d'apporter des correctifs.
M. Drouin: Alors, les correctifs précis, ce serait,
l'idéal, de miner du minerai qui serait à 100% de minerai avec
aucune espèce de gangue dedans et nous serions très heureux de le
faire. On minerait du minerai de fer à 100% de fer, du cuivre à
100% de cuivre, ce serait très intéressant. Malheureusement, la
nature a placé le minerai à une proportion, peut-être, de
2% de cuivre dans un minerai et dont 98% ne sont pas du minerai. Et si on veut
avoir du cuivre, du zinc ou du fer ou du plomb ou de l'acier, il faut le
prendre quelque part, à un moment donné. La nature des
déchets miniers n'est pas la même que celle d'un tas de
déchets biologiques. Une tonne de roches cassées, ce n'est pas un
volume grand comme la chambre, c'est plus petit, pas plus qu'une tonne de
plumes. C'est 12 pieds cubes, pour une tonne de roches cassées. Dans la
quantité des déchets qui sont accumulés ce qu'on
appelle chez nous des déchets c'est un mot péjoratif, c'est
plutôt des résidus miniers il y a trois sortes de
résidus miniers chez nous. Il y a le mort-terrain d'abord qui est la
sorte de déchets que l'on prend sur le dessus du dépôt, qui
est, en fait, égal à la même composition que le terrain du
lieu. Et les stériles, qui sont des gros matériaux qui ne
contiennent généralement pas de sulfure, aucune trace de
pollution avec eux, qui sont vraiment des tas de roches. Ces matériaux
trouvent généralement une utilisation supplémentaire dans
la production, la construction des routes, ces choses-là. Cela ne
constitue pas de problème, sauf dans les régions où il n'y
a pas de route, par exemple, où il n'y a pas de chemin pour s'en servir.
La troisième sorte de déchets; ce sont les résidus
miniers, qui sont des particules très fines de broyage, qui sont tout de
même empilées sur des lieux très précis, très
confinés. Quand on regarde la superficie, la quantité de terrain
qui est couverte par l'industrie minière dans la province de
Québec, nous avons fait un inventaire en 1972, nous avons mesuré
la quantité totale de surface qui est couverte par les activités
minières, cela faisait 25 milles carrés. Et en disant qu'il y a
probablement des mines fermées, et même en sachant que les plus
grosses mines sont encore existantes, supposons que l'industrie minière
a couvert une majorité de surface d'environ 50 milles carrés dans
toute la province dans son existence. 50 milles carrés, c'est une
surface qui est égale au dixième de la surface du lac Saint-Jean.
C'est une pollution...
M. Léger: Qu'est-ce que vous faites avec le mercure des
mines d'or fermées qui voyage? Il dépasse les 50 milles
carrés sur lesquels vous étiez.
M. Drouin: Le mercure, oui, on peut en parler. Tout le monde en
parle.
M. Léger: Le columbium à Oka? M. Drouin:
Oui.
M. Léger: Ce sont quand même des résidus de
mines qui amènent comme problème une possibilité de
radio-activité.
M. Drouin: Tout de même, vous avez émis la dimension
de ce problème dans vos déclarations. Il y a une
différence entre la dimension de la radioactivité et la dimension
du problème que vous avez décrit vous-même, dans vos
déclarations. (15 h 45)
M. Léger: Je suis d'accord que j'ai été
obligé de mettre la dimension pour exactement situer les
conséquences, mais je parle de ce pourcentage important de
résidus miniers qui provient de vos opérations, et je fais le
lien avec ce que vous avez dit tantôt concernant les poursuites ou les
injonctions ou la participation des citoyens là-dedans en disant que
pratiquement uniquement des spécialistes, ou à peu près,
peuvent se comprendre là-dedans. Mais je pense au fait que plusieurs de
vos activités ont beaucoup d'impact sur la santé des gens et de
leur environnement. Malgré cela, les gens n'ont pas grand-chose à
dire. Je trouve un peu curieux que vous trouviez que les citoyens ne puissent
pas s'exprimer en audiences alors que définitivement il y aura des
conséquences sur leur santé. Ils ne peuvent peut-être pas
s'exprimer clairement en termes techniques, mais ils ont quand même la
possibilité d'exprimer le danger possible pour eux.
Devant les problèmes occasionnés par la quantité de
déchets que vous avez, les conséquences des produits toxiques qui
se promènent dans le décor, ne pensez-vous pas que les citoyens
devraient nécessairement avoir la possibilité de s'exprimer et de
défendre leur santé contre les conséquences de
l'environnement via les procédures contre ceux, uniquement ceux qui
violeraient les lois? Parce qu'il y en a qui peuvent empoisonner
légalement. Mais je dis illégalement. Ne pourraient-ils pas avoir
la possibilité de s'exprimer?
M. Langlois: Écoutez! En principe, on est bien d'accord.
D'ailleurs, ils l'ont la possibilité de s'exprimer. Présentement,
il y a une cause devant les tribunaux au sujet du mercure, comme vous le savez
très bien; je pense qu'il y a quatre ou cinq compagnies qui sont
poursuivies, et la cause est devant les tribunaux au sujet du mercure
justement. Dans le cas des parcs à déchets, on devrait ajouter
aussi que la plupart des parcs à déchets présentement sont
ensemencés. La majorité des parcs à déchets qui ne
sont plus actifs sont ensemencés. Je ne sais pas si Claude a quelque
chose à ajouter.
M. Léger: Prenons les mines d'or qui ont été
fermées et qui sont, d'après les recherches, une des causes
possibles je dis bien possibles parce que le BEST, le Bureau
d'étude sur les substances toxiques, est en train d'évaluer les
causes humaines ou les causes naturelles du cycle du mercure. De quelle
façon votre association peut-elle s'assurer qu'une fois que la mine a
terminé son exploitation il y ait une protection de façon qu'il
n'y ait pas de conséquences environnementales qui ne seraient plus
contrôlées?
M. Langlois: Au niveau des mines d'or, M. le ministre, on
n'emploie plus de mercure; on l'a employé dans les tout débuts,
dans les procédés d'amalgamation. Mais on se sert des
procédés de flottation, présentement pour recouvrer l'or.
On n'emploie plus de mercure dans le cas des mines d'or.
Donc, il peut y avoir certaines traces de mercure dans les parcs
à déchets qui ont été entraînés dans
l'environnement, mais depuis au moins dix à quinze ans, à ma
connaissance, on n'emploie plus de mercure dans le procédé de
concentration. Je ne sais pas si Claude...
M. Drouin: Non, je ne reviens pas sur le mercure, M. le ministre,
mais j'aimerais faire remarquer un aspect qu'on a dit, au point de vue de la
participation des citoyens, dans notre mémoire à la page 4. Nous
ne nous opposons pas au principe de participation aux audiences. Nous disons
que la question des audiences devrait se faire strictement au moment où
on considère la possibilité de mise en valeur. En d'autres mots,
pour faire l'exploration géologique, on ne veut pas faire d'audiences
parce que, même à ce niveau-là, il y a beaucoup de
concurrence entre les différents chercheurs. Au niveau de l'exploration
élémentaire, nous disons: Demandons un certificat d'exploration
et accompagnons cette demande-là d'une étude d'impact
préliminaire. Lorsque nous parlons d'aller en étude
préliminaire, on dit: Faisons la procédure complète, mais
mettons dans la loi un processus de filtration pour empêcher le
défoulement collectif au détriment, aux dépens du
producteur. C'est tout ce qu'on dit. On n'est pas contre. On veut un
contrôle pour limiter ce défoulement-là.
Le Président (M. Laplante): D'autres questions, M. le
ministre?
M. Léger: II ne faut pas oublier, je pense bien, que les
citoyens vont nécessairement réviser leur jugement quand ils
auront toute l'information; l'importance de renseigner la population ne devrait
pas être oubliée. C'est pour cela que nous tenons à cette
dimension dans la commission d'audiences.
Je veux seulement vous assurer que je suis d'accord avec ce que vous
venez de dire concernant le moment de l'audience, c'est-à-dire non pas
au moment de la prospection, mais au moment où vous avez les travaux
à mettre en activité.
Une dernière question. Vous semblez dire à la
page 11 de votre mémoire que le ministre, le sous-ministre, le
directeur et le Conseil des ministres décident, décident et
indiquent... Mais qui sait si ce ne sont pas des gens élus qui doivent
prendre une décision à un moment donné? Qui va rendre
cette décision-là?
M. Drouin: Je suis tout à fait d'accord avec vous, M. le
ministre. On ne vous dit pas qu'il n'est pas question qu'ils la prennent. En
page 12, on vous dit que toutes ces choses, ces éléments qui sont
discrétionnaires, ce sont tous des éléments tout à
fait impondérables. Quand vient le temps de faire une étude de
rentabilité, de quelle façon va-t-on prévoir le coût
d'une opération avec une série de... Nous n'avons nommé
ici que douze articles. II y a une quantité d'impondérables
là-dedans. Si on ajoute à cela les possibilités de
l'article 22 de la loi, on n'est plus capables de faire de
prévisions.
Financièrement, on n'est plus capables de s'asseoir pour faire un
budget parce qu'on ne sait pas à quand cela va aller et quelle
application on va en faire. On vous demande de le préciser au maximum,
pour nous permettre de calculer un budget dans ces entreprises.
M. Langlois: Surtout dans le cas de l'industrie
minière...
M. Léger: On peut vous assurer que c'est au niveau du
règlement que l'échéancier va être
précisé de façon que vous ayez l'occasion de le voir
d'abord, avant qu'il soit adopté. Les réponses à vos
préoccupations vont être incluses dans le règlement qui va
être publié dans la Gazette officielle. Vous aurez le temps de le
regarder et de nous faire part de vos commentaires.
M. Drouin: D'accord.
M. Léger: Alors, on vous remercie. C'est en se parlant
qu'on s'informe et qu'on se comprend.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, j'ai deux sujets que
j'aimerais aborder avec les représentants de l'Association des mines de
métaux. M. Langlois, dans les commentaires de l'association qui portent
spécifiquement sur des articles du projet de loi, il y a, à la
page 9 de votre mémoire, des remarques sur le nouvel article 123a qui
est proposé.
Si je comprends bien l'opinion que vous exprimez au nom de
l'association, d'une part, le gouvernement, en vertu de la loi, édicte
des normes et les impose; d'autre part, ce même gouvernement, transigeant
avec les compagnies qui exploitent nos ressources minières, cherchant
donc à établir un programme particulier pour chaque compagnie et
chaque exploitation, concluent une entente. Il est prévu, dans cet
article, que l'entente pourrait différer, quant à ses exigences,
des normes générales édictées par
règlement.
Si je comprends bien votre point de vue, la loi devrait être
uniforme, devrait s'appliquer également et équitablement à
tout le monde. Et s'il y a des normes, ces normes devraient s'appliquer.
Point.
J'aimerais d'abord que vous me disiez si j'ai bien compris l'objection
que vous exprimez à l'article 123a qui est proposé par le
gouvernement. Après cela, j'aimerais que le ministre nous explique dans
quelles circonstances et pour quelles raisons des exigences différentes
seraient imposées par entente à des compagnies quand il y a un
règlement qui a été publié et qui devrait
s'appliquer à tout le monde.
M. Langlois: M. Pelletier pourrait peut-être
répondre à cette question.
M. Pelletier (Guy): M. le député, on peut
peut-être répondre à cela par un exemple. Supposons qu'un
gisement de cuivre est exploité et qu'après une analyse on
détermine que, dans l'effluent final, il y aurait environ 0,1% de zinc.
Aujourd'hui, les normes usuelles sont de 0,5%. Alors si, en cours de route, en
cours de production, à cause d'un changement dans le gisement, on
produisait 0,2% de zinc, ce qui est encore en deçà des normes
mais une étude du début avait dit environ 0,1% on
ne voudrait pas être tenus à retourner à 0,1% lorsque 0,2%
est satisfaisant. C'est dans ce sens qu'on dit qu'on suppose à l'article
123 qui, pour nous, est une exigence non nécessaire.
M. Goldbloom: C'est une illustration qui est très claire.
Je me tourne maintenant vers le ministre, M. le Président, pour qu'il
nous explique, lui aussi, le sens pratique de l'article 123a.
M. Léger: C'est qu'il ne faut pas mêler les
objectifs qu'on veut atteindre par cet article qui est quand même
présenté ici en vue d'obtenir votre point de vue. S'il y a des
correctifs à apporter, on les apportera. C'est beaucoup plus dans le
sens d'obtenir de ceux qui demandent un certificat d'exploitation des
informations qui sont suffisamment sérieuses, qui correspondent aux
données qu'ils nous ont soumises. Si les informations qui nous sont
données concernant l'analyse de notre part de la possibilité de
donner un certificat ne sont pas suffisamment explicites pour nous confirmer le
sérieux de ces données, il peut y avoir des demandes
supplémentaires d'information.
C'est au niveau de l'information et non pas au niveau de mesures plus
strictes de respect d'un règlement au niveau des données que vous
avez données tantôt. Ce n'est pas dans ce sens. Ce sont les
informations pour nous permettre de savoir si les affirmations que vous nous
donnez nous permettent de décider si le certificat peut être
émis et si les informations données étaient suffisamment
sérieuses pour qu'on puisse se baser là-dessus.
M. Pelletier: La seule chose que je veux souli-
gner, M. le ministre, c'est qu'un gisement minier est une chose qui peut
varier. Une information fournie en toute bonne foi pourrait se
révéler plus tard ne plus être exacte, parce qu'il y a eu
un changement en cours de route. C'est là qu'on dit que ce serait
peut-être serrer les choses d'un petit peu trop de près en nous
forçant à atteindre une chose parce qu'on a mentionné,
à un moment donné, que c'était la composition de la
mine.
M. Goldbloom: M. le Président, je soutiens
respectueusement et amicalement à l'endroit du ministre que ce qu'il
vient de dire n'est pas ce que dit le deuxième alinéa de
l'article 123a. J'en fais lecture: "Toute personne qui a soumis certains
renseignements ou qui a prétendu être en mesure de respecter
certaines normes en vue d'obtenir un certificat d'autorisation est tenue de
respecter ses engagements si un certificat d'autorisation a été
émis, même si les représentions du requérant sont
plus exigeantes que celles prescrites par tout règlement du
lieutenant-gouverneur en conseil". Alors, ce n'est pas seulement pour
information, M. le Président, c'est contraignant; et je pense que c'est
le mot "normes", qui ensuite est confirmé par le mot "règlement"
à la dernière ligne, qui crée une situation qui ne me
semble pas au premier abord parfaitement normale.
Si le désir du ministre est d'imposer à des exploitants de
gisements miniers parce que c'est de cela que nous parlons, mais
l'article est général la définition de certains
objectifs qui ne sont pas couverts par des règlements publiés,
édictés en vertu de la Loi de la qualité de
l'environnement et s'il dit dans de telles circonstances: Celui qui s'engage
devra respecter son engagement, d'accord, mais il me semble que, quand le
gouvernement publie, édicte un règlement en vertu de la loi, ce
fait rend ce règlement obligatoire, exécutoire et crée une
obligation pour tous ceux qui veulent agir de façon à exploiter
nos ressources naturelles. C'est là que je trouve que les objections de
l'Association des mines de métaux méritent une réponse
encore plus précise et peut-être, de la part du ministre, un
engagement à revoir le texte de l'alinéa en question. (16
heures)
M. Léger: M. le Président, je suis quand même
prêt à reconsidérer l'article, mais il faut bien comprendre
les objectifs qu'il y a derrière cela. Peut-être que le
libellé pourrait être corrigé. Mais les objectifs
là-dedans étaient d'abord une question de renseignements. Je suis
d'accord avec le député de D'Arcy McGee qu'il y avait aussi une
question de certaines normes. Ce qui est important, c'est que,
premièrement, au niveau des renseignements, si les renseignements qui
nous ont été donnés nous permettent de donner un
certificat, il n'y a pas de problème, mais si les renseignements ne sont
pas suffisamment, selon nous, pertinents à la question qu'on posait et
n'étaient pas suffisamment sûrs, on veut s'assurer de demander
plus de renseignements.
Sur la question des normes, supposons que le règlement permet, je
donne des normes en l'air, de 0,5 de n'importe quel procédé. Le
règlement dit 0,5 et la compagnie pourra obtenir son certificat si elle
dit qu'elle est capable d'obtenir la norme de 0,2. Le certificat est
donné. Si, par la suite, le certificat est donné pour le 0,2,
même si le règlement était de 0,5, si les conditions ont
changé et que ce n'est plus 0,2 mais 0,3, même si c'est un
règlement à l'intérieur du règlement, on veut
être averti de ces nouvelles transformations. C'est dans cet esprit.
M. Goldbloom: M. le Président, je comprends bien que le
ministre veuille en être informé, mais je reviens à ce que
je disais. Ce n'est pas ce que prévoit le texte de l'alinéa en
question. Je me pose une question un peu bête. Pourquoi quelqu'un qui a
la tête solidement sise sur ses épaules s'engagerait-il à
respecter des exigences plus sévères que celles
énoncées par les règlements?
M. Léger: Elle n'est pas bête, la question. Ce que
je peux vous dire, c'est que les règlements veulent protéger un
environnement qui ne sera jamais parfaitement propre, parfaitement pur, et la
qualité légale de l'environnement est basée sur la
technologie connue. Si, par hasard, une entreprise a découvert un
procédé qui lui permet d'aller beaucoup plus loin dans le
résultat d'une qualité d'environnement, eh bien! si elle change,
ce n'est pas parce que le règlement lui permettait d'aller à 0,5.
Si elle est capable, avec une technologie nouvelle, d'arriver à 0,2,
c'est normal. Elle n'a pas absolument à dire: Je vais en mettre plus
dans l'atmosphère, parce qu'on me donne la permission. Je peux mettre
moins. Tant mieux! Mais pour nous, le certificat a été
donné pour un chiffre précis, et en vertu du règlement, il
faut qu'on soit averti qu'il y a un changement.
M. Goldbloom: II me semble, M. le Président, que s'il y a
un but à cet article, s'il y a une application pratique qui peut
découler de l'adoption éventuelle de cet article, d'après
les explications que vient de fournir le ministre qui, pour la première
fois, je pense, portent sur la question véritable, ce serait pour
couvrir une période intérimaire, la période entre le
développement d'une nouvelle technologie qui permettrait de faire mieux,
de mieux protéger l'environnement, de réduire
considérablement, en deçà des normes existantes, les
émissions vers cet environnement, et le moment où le ministre,
reconnaissant l'existence de cette nouvelle technologie, publierait et
édicterait un nouveau règlement.
Or, si le ministre me dit que c'est cela, d'accord. Je prétends
que non seulement un exploitant de gisement minier serait mal inspiré
je ne plaide pas pour lui plus qu'il ne le faut et surtout pas dans le
sens de vouloir ajouter indûment à la charge que doit supporter
l'environnement, tel n'est point mon but je suggère que celui qui
veut proposer une exploitation n'aurait pas de raison de s'engager à
aller plus loin que le règlement publié par le gouvernement, et
que le ministre à moins que je ne me trompe n'aurait pas,
en
vertu de la loi, le pouvoir d'exiger qu'il aille plus loin autrement que
par la publication d'un nouveau règlement plus exigeant.
M. Léger: Mais le député sait fort bien
qu'il y a des normes ou des règlements qui ne sont pas en vigueur parce
que cela toucherait l'ensemble du territoire alors que certains types
d'entreprises ne pourraient pas respecter les normes, je dirais, nationales.
Tout de même, vu que chacune des industries est appelée à
signer un protocole d'entente avec un échéancier pour
réaliser certains objectifs, il se peut fort bien que tel type
d'entreprise puisse respecter des normes en deçà, d'un
règlement futur pour l'ensemble du territoire. Dans ce temps-là,
ce qui compte, c'est la technologie connue, qui nous permet d'aller
jusqu'où? Un certificat a été donné parce qu'il y a
eu entente entre l'entreprise et le gouvernement et, à ce
moment-là, le respect de ce certificat doit être la base. Mais
s'il y a un changement pour d'autres implications qui ne sont connues ni du
gouvernement ni de l'entreprise, mais que le changement existe, on doit
être avertis. Dans l'ensemble, je ne pense pas que ce soit un traquenard.
Nous allons regarder à nouveau ce paragraphe pour voir s'il peut
être amélioré pour atteindre les mêmes objectifs sans
créer de problèmes particuliers.
M. Goldbloom: M. le Président, je termine, si mon
collègue de Saint-Hyacinthe me le permet, par un commentaire et une
dernière petite question.
Nous partageons et je l'ai dit au tout début de notre
séance d'hier le même objectif, celui de réduire au
maximum possible, ou peut-être devrais-je dire au minimum possible
on peut l'exprimer des deux façons autant que possible les
émissions de polluants vers l'environnement. Ce dont je parle ne diminue
en rien l'engagement que j'ai depuis longtemps d'ailleurs
à cet égard, c'est seulement une réflexion sur un texte de
loi et sur l'application pratique de ce texte de loi.
Ma dernière question porte sur une déclaration en bas de
la page 11 du mémoire, le tout dernier alinéa qui se lit comme
suit: "À l'article 116a, les analyses faites par ou pour les Services de
protection de l'environnement reçoivent la facture de
l'infaillibilité." Je suis obligé de poser une question
superposable à celle que le ministre a formulée, il y a quelques
minutes, il faut qu'au bout de la ligne il y ait une décision
exécutoire; il faut qu'au bout de la ligne il y ait des résultats
d'analyses qui reçoivent l'assentiment de tout le monde ou bien qui font
l'objet de l'application de la loi et des règlements, parce qu'il faut
que la loi et les règlements soient respectés.
Si ce ne sont pas les analyses des Services de protection de
l'environnement, les analyses de qui seraient jugées
définitives?
M. Pelletier: M. le député, ce à quoi on
s'oppose, c'est au fait qu'un analyste qui travaille pour les SPE ne peut pas
faire d'erreur. Je trouve ceci un petit peu singulier; la même personne
pourrait travailler aujourd'hui pour une compagnie et demain pour les SPE, et
sa compétence n'aurait pas tellement augmenté en dedans de 24
heures. Ce à quoi on veut en venir, dans ces cas, je crois que
l'approche la plus logique est que, s'il y a différence d'opinions par
rapport, disons, à un niveau de polluants, on fasse appel à une
troisième partie qui détermine, qui arbitre entre les deux. Mais
que la personne qui fait le travail pour les Services de protection de
l'environnement ait automatiquement raison, on trouve cela difficile à
concevoir.
M. Goldbloom: Je suis d'accord avec vous. Il faut arrêter
à un moment donné et accepter des résultats s'il y a
espérons-le un degré significatif de concordance
entre ceux qui ont été obtenus; mais, s'il y a des divergences
importantes, il me semble que vous avez raison, on devrait faire intervenir une
troisième partie pour essayer de régler la question.
M. Pelletier: J'aimerais ajouter ceci, M. le
député. Dans nos relations avec les Services de protection de
l'environnement, d'habitude, nos différends se règlent d'une
façon scientifique. On regarde nos méthodes d'analyse, on discute
des résultats et, la plupart du temps, on se met d'accord. Ce qu'on
n'aime pas, c'est que la loi consacre une infaillibilité.
M. Goldbloom: D'accord, merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Léger: On n'a pas un pape dans tous les
gouvernements!
M. Cordeau: M. le Président, j'aimerais poser une question
à M. le ministre pour clarifier les deux premiers paragraphes de la page
8 du mémoire. Est-il exact que ce projet de loi, dans sa forme actuelle,
permet à un individu d'obtenir une injonction pour une opération
autorisée par le directeur des Services de protection de
l'environnement, même après que celui-ci aurait reçu toute
l'information pertinente, si cet individu se croit lésé dans ses
droits?
M. Léger: Je pense avoir un peu répondu à
cela ce matin quand je disais que, quand un permis a été
donné, si l'exploitation se conforme aux lois et aux règlements,
il ne peut pas y avoir de poursuite au niveau d'une injonction. Ce sont deux
choses. Pendant l'obtention du certificat et la procédure normale de
demande de permis, il ne peut pas y avoir de poursuite. Après que le
permis a été donné, durant l'exploitation, s'il n'y a pas
respect de la loi, il peut y avoir une poursuite, mais s'il y a respect de la
loi, il n'y a pas possibilité d'avoir injonction de ce
côté-là.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, MM. Lan-
glois, Pelletier et Drouin, les membres de cette commission vous
remercient pour la coopération que vous avez bien voulu donner, surtout
par votre participation. Merci.
M. Langlois: M. le Président, est-ce qu'on pourrait faire
une dernière remarque, s'il vous plaît? Trois secondes. On
aimerait rappeler une des recommandations que l'on considère les plus
positives dans notre mémoire, à la page 3, à savoir que
les Services de protection de l'environnement devraient non seulement se
résigner à un rôle de chien de garde, si on veut, mais
aussi faire des études positives, des études
générales, des études écologiques, de la même
manière que le ministère des Richesses naturelles procède
continuellement à l'acquisition de données de la géologie
du Québec. Merci infiniment de nous avoir écoutés.
M. Léger: Je pourrais peut-être donner une petite
information qui va correspondre à une question que vous avez
posée au début. Pour faciliter les études d'impact, les
Services de protection de l'environnement vont mettre sur pied une banque
bibliographique des données environnementales qui sera disponible pour
les auteurs de projets. C'est donc dire que les promoteurs pourront avoir
accès à cette banque bibliographique de données. Cela
pourrait être une contribution du service, autant pour les
spécialistes que pour le simple citoyen.
M. Langlois: Merci infiniment.
Le Président (M. Laplante): Merci. J'appelle maintenant
l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques.
Si vous voulez, pour les fins du journal des Débats, identifier
votre organisme et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît!
Association canadienne des fabricants de produits
chimiques
M. Lemieux (Laurent): Mon nom est Laurent Lemieux, directeur
général à l'exploitation, CIL, région de
Québec. Je suis ici à la place de M. Macdonald dont le nom
apparaît sur le mémoire que vous avez reçu. Avec moi j'ai,
à ma gauche, M. Lederer, directeur technique et du contrôle de
l'environnement de Tioxide du Canada Limitée, M. Robert Murray,
assistant au directeur général de Canadian Titanium Pigments
Limited, et M. John Prinsen, directeur de la technologie, Union Carbide of
Canada Limited. À ma droite, le Dr John Mclrvine, chef ingénieur
chimiste, service de l'ingénierie de Canadian Industries Limited.
À mon extrême droite, M. William Neff, officier de la technologie
à l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques.
M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la
commission, j'aimerais, à travers l'exposé en trois parties, cet
après-midi, d'abord, en avant-propos, traiter de points
généraux et ensuite finir par une série de suggestions
apportées au projet de loi 69. (16 h 15)
Je ne lirai pas nécessairement tout le mémoire qu'on vous
a envoyé. L'association représente quelque 62 compagnies de
produits chimiques qui oeuvrent au Canada, dont 42 dans la province de
Québec; au-delà de 70% de ces compagnies exploitent des usines au
Québec. Vous en avez la liste en appendice A de notre
mémoire.
L'industrie est vaste et apporte une contribution importante au niveau
de vie élevé et au bien-être économique des
Canadiens. En tout, $1 milliard ont été investis au Québec
et, d'ici 1980, des investissements de quelque $150 millions additionnels
auront lieu. L'industrie emploie au Québec quelque 10 000 personnes en
emplois directs et elle veut remplir efficacement toutes ses obligations. Pour
ce, il lui faut une liberté d'action maximale dans la poursuite de ses
objectifs économiques légitimes, tout en assumant ses
responsabilités envers ses employés, ses clients et le grand
public.
L'industrie chimique canadienne s'est engagée à prendre
toutes les précautions pratiques pour assurer que ses activités,
ainsi que l'utilisation et la destination finale de ses produits ne
présentent pas de risques inacceptables pour ses employés, ses
clients et le public. Elle appuie l'élaboration de normes
équitables, pratiques et réalisables, et considère que la
meilleure manière de protéger la santé et le
bien-être des Canadiens et de leur environnement, c'est de contribuer
à deux points: d'abord, à ce que les directives et
règlements établis par les gouvernements quant aux dangers dus
aux produits chimiques soient fondés sur des données à
base scientifique et représentent une prise en compte réaliste
des relations entre avantages et coûts pour la société; et,
deuxièmement, à ce que soit respecté le caractère
confidentiel justifié des secrets industriels.
Dans ses efforts pour assurer que son activité ne constitue pas
de risques inacceptables, l'industrie chimique canadienne s'est engagée
à élaborer et à mettre en place des plans, des programmes
et des échanges d'information à l'intérieur de l'industrie
et avec les gouvernements, les agences régulatrices, les autres groupes
de ressource et les parties en cause. Nous saisissons donc cette occasion de
donner une présentation formelle de notre point de vue sur ce projet de
loi.
Les commentaires présentés dans ce mémoire ont
été préparés par le Comité sur la
qualité de l'environnement de l'Association canadienne des fabricants de
produits chimiques et nous avons pour but, cet après-midi, d'apporter
une contribution positive par les suggestions qui viendront dans la
troisième partie. Les membres qui sont avec moi, ici, cet
après-midi, font partie de ce comité et M. Lederer en est le
président.
Il y a quatre grands points qu'on veut toucher pour ensuite passer aux
commentaires spécifiques. Nous reconnaissons que le but du projet de loi
est de reconnaître à toute personne le droit à
un environnement sain et salubre et de sauvegarder les espèces
vivantes. Toutefois, le projet de loi ne propose aucune définition de la
qualité de l'environnement à laquelle une personne a droit,
quoique le projet permet d'accorder une injonction lorsqu'un acte est
susceptible de porter atteinte à ce droit. Alors, on a une
inquiétude de ce côté et nous croyons que les droits de
l'individu ne doivent pas être en conflit avec les droits de la
collectivité. Je crois que cela a déjà été
mentionné encore aujourd'hui dans plusieurs présentations. Nous
soumettons que la qualité de l'environnement doit être
définie et que les critères pour toute action judiciaire doivent
être basés sur les règlements émis sous la Loi de la
qualité de l'environnement. Le premier point, c'est la question de
définir. Le deuxième point, c'est l'élaboration des
règlements.
Étant donné que le projet de loi 69 est une loi-cadre, la
méthode d'élaboration de règlements acquiert une
importance primordiale. Par conséquent, nous espérons que, dans
l'avenir, il nous sera possible d'établir une communication directe avec
toutes les parties en cause dès l'étape initiale du processus
d'élaboration des règlements de manière à produire
des normes pratiques et efficaces. Les membres de l'Association canadienne des
fabricants de produits chimiques désirent affirmer publiquement qu'ils
sont prêts à offrir leurs connaissances et leur expertise pour
participer d'une manière constructive à la formation de
règlements valables. Alors le deuxième point principal, c'est la
participation, disons, que nous souhaitons.
Le troisième point, c'est une question de délai dans
l'approbation des projets. Nous appuyons le besoin d'évaluer l'impact
sur l'environnement d'un projet avant sa réalisation. Cependant, il nous
semble inquiétant que les modifications proposées à la loi
auront comme effet d'accroître les délais. L'obtention d'un
certificat d'autorisation constitue déjà un sérieux
problème administratif étant donné que les délais
avant l'approbation peuvent être considérables. Le processus de
décisions, tel que proposé aux articles 31b, c, d et e, sera pour
nous la cause de délais additionnels. Alors, nous tentons d'offrir, dans
nos commentaires spécifiques, des suggestions qui aideraient à
rendre la planification des projets plus efficace.
Un quatrième point que nous voulons soulever, c'est la
confidentialité de l'information qui serait donnée durant ces
examens. Nos membres sont inquiets que les renseignements, les documents
confidentiels soumis ne soient dévoilés au public et
particulièrement à leurs concurrents industriels. Quand on se
retrouve avec une gamme de compagnies, dont plusieurs sont en concurrence l'une
avec l'autre, il y a des fois des informations qui seraient demandées et
nous préférerions, les uns les autres, les garder pour nous.
Alors, nonobstant les prévisions de l'article 31h, ce projet de
loi peut exiger la soumission de renseignements de nature confidentielle sans
que le requérant ait aucune assurance qu'ifs ne seront pas
divulgués lors d'une audience publique.
Nous proposons, dans les commentaires spécifiques, des variantes
au projet, que nous croyons des variantes positives, pour rectifier ces quatre
grands points qui nous inquiètent.
Je vais passer, M. le Président, aux commentaires
spécifiques. On les a à la suite, en fonction du projet, tel
qu'il est préparé. L'article 1, section IIA du projet, vous
réfère à l'article 6b: Nous recommandons que quelqu'un
capable de représenter l'industrie soit nommé comme membre du
bureau. À l'article 6b, on explique que le bureau est composé de
cinq membres dont un président, un vice-président, etc. Alors,
nous suggérons qu'un membre qui représentait l'industrie soit
nommé.
À l'article 6f, nous recommandons qu'avant que soient
adoptées les règles de procédure relatives au
déroulement des audiences publiques, il y ait possibilité de les
commenter, selon l'article 124 de la Loi de la qualité de
l'environnement, comme c'est le cas présentement. Ceci est d'une
importance capitale pour nos membres qui sont inquiets de la divulgation de
renseignements confidentiels soumis par eux.
Je passe à l'article 8. Au troisième paragraphe, nous
recommandons d'enlever la phrase "a la demande du ministre". Je lis l'article 8
en question: "Le Conseil doit donner son avis au ministre sur toute question
que celui-ci lui soumet relativement aux sujets visés par la
présente loi. Il peut aussi, de sa propre initiative, formuler un avis
sur toute question relative à la qualité de l'environnement. Il
peut, à la demande du ministre, recevoir et entendre les requêtes
et suggestions des individus et des groupes sur toute question visée par
la présente loi." Nous suggérons que "à la demande du
ministre" soit biffé. Ceci ramène l'article tel qu'il est dans la
présente loi.
À l'article 4, qui modifie l'article 19, nous vous
référons à nos commentaires d'ordre général
concernant les définitions. En somme, toute personne a droit à la
qualité de l'environnement, je l'ai mentionné tantôt.
Alors, nous vous référons ici à la définition que
nous croyons nécessaire quant à la signification de la
qualité de l'environnement.
L'article 19b. L'article actuel se lit comme suit: "Un juge de la Cour
supérieure peut, sur requête, accorder une injonction pour
empêcher tout acte ou toute opération qui porte atteinte ou est
susceptible de porter atteinte à l'exercice d'un droit
conféré par l'article 19a." Nous recommandons de modifier cet
article comme suit: Un juge de la Cour supérieure peut, sur
requête, et après avoir entendu les représentations du
répondant, accorder une injonction...
Remarquez bien qu'on préférerait ce que d'autres
mémoires ont déjà soumis. Le projet offre un grand nombre
de possibilités d'avoir des injonctions. On préférerait
que ce ne soit pas comme cela. Par contre, nous suggérons ici, dans le
texte, que nos représentants soient entendus.
Article 4. Nous recommandons l'addition d'un nouvel article 19g. La
qualité de l'environnement et la sauvegarde des espèces
visées dans l'article 19a seront telles que définies par les
règlements émis sous la présente loi. Effectivement, ceci
don-
ne, par le fait même, une définition à ce qu'est la
qualité de l'environnement. Effectivement, s'il y a infraction, ce
paragraphe devrait contribuer à définir.
L'article 5 se réfère à l'article 22. Nous nous
référons encore une fois à nos commentaires
généraux au sujet de la confidentialité. Nous recommandons
d'ajouter un alinéa additionnel à l'article 22, comme suit: "Sur
demande de la part du requérant, le directeur maintiendra confidentiels
tout renseignement et document soumis et désignés comme tels par
le requérant". Encore une fois, ce n'est pas la question de ne pas
vouloir informer le public mais surtout de protéger les données
commerciales qui peuvent être reliées d'une industrie à
l'autre, de ne pas les exposer à la concurrence.
Article 9. Nous recommandons d'ajouter, encore une fois, un
deuxième alinéa à l'article 31b, comme suit: "Lorsque le
ministre demande une étude d'impact, il établira une
cédule pour les différentes étapes de l'étude, et
la décision finale." Encore une fois, c'est la question des
délais. C'est déjà assez long d'obtenir des autorisations,
des permis, des certificats. Alors, nous demandons qu'une cédule ou un
échéancier soit établi à l'article 31b.
À l'article 31e, l'article se lit comme suit: "Lorsque
l'étude d'impact est jugée satisfaisante par le ministre, elle
est soumise, avec la demande d'autorisation, au lieutenant-gouverneur en
conseil. Ce dernier peut délivrer un certificat d'autorisation pour la
réalisation du projet avec ou sans modification et aux conditions qu'il
détermine ou refuser de délivrer le certificat d'autorisation.
Cette décision peut être prise par tout comité de ministres
dont fait partie le ministre et auquel le lieutenant-gouverneur en conseil
délègue ce pouvoir."
Nous recommandons de modifier la première phrase de l'article 31a
comme suit: "Lorsque l'étude d'impact est jugée satisfaisante par
le ministre, elle est soumise, avec la demande d'autorisation, au
lieutenant-gouverneur en conseil, selon la cédule établie
à l'article 31b". Encore une fois, c'est une question de parer aux
délais.
À l'article 31h, nous vous référons de nouveau
à nos commentaires généraux au sujet de la
confidentialité. Nous recommandons d'ajouter à l'article 31h un
deuxième alinéa, comme suit: "Le ministre ne doit, sans avoir
reçu l'approbation écrite du requérant, divulguer les
renseignements soumis par un requérant lorsque ce dernier a
stipulé que les renseignements sont confidentiels et les a
désignés comme tels."
L'article no 36, qui se réfère à 114a du projet, se
lit comme suit: "Lorsqu'il estime qu'il y a urgence, le ministre peut ordonner
à toute personne ou municipalité de ramasser ou d'enlever tout
contaminant déversé, émis, dégagé ou
rejeté, etc." Nous recommandons une version modifiée, comme suit:
"Lorsqu'il estime qu'il y a urgence, le ministre peut ordonner à toute
personne expérimentée dans ce genre d'activité..." Ici, le
point, c'est que toute personne, cela peut être quelqu'un d'autre que
celui qui a déversé. On juge que cela peut être dangereux
avec certains produits. Alors, on demande que le mot
"expérimentée" soit ajouté. (16 h 30)
Article 116a du projet: "Dans toute poursuite civile ou pénale
intentée pour l'application de la présente loi et dans tout appel
interjeté selon la section XI, etc." je ne le lirai pas au
complet nous demandons dans le texte, nous recommandons que le premier
alinéa de l'article soit modifié comme suit: "Dans toute
poursuite civile ou pénale intentée pour l'application de la
présente loi et dans tout appel interjeté... un certificat
relatif à l'analyse d'un contaminant ou de toute autre substance et
signé par un membre de l'Ordre des chimistes du Québec, qui a agi
à la demande des Services de protection de l'environnement, etc.".
Nous avons introduit là "par un membre de l'Ordre des chimistes
du Québec" pour bien s'assurer que l'analyse est faite par une personne
jugée compétente.
Article 119 du projet. Nous nous référons encore une fois
à nos commentaires généraux sur la confidentialité.
L'article proposé accorde à tout fonctionnaire une
autorité qui n'est pas nécessaire pour l'application de la loi,
et il n'y a aucune prévision pour maintenir confidentiels les
renseignements obtenus. Ici, on se réfère à l'addition de
l'examen des registres, qui n'était pas dans la loi actuelle.
L'article 45 se réfère à l'article 123a du projet.
Nous recommandons que le second alinéa de l'article 123a soit
remplacé par le texte suivant: "Nonobstant un règlement
passé en vertu de l'article 31, une autorisation, un permis, un
certificat d'autorisation, un ordre ou un certificat délivré par
le directeur ou le lieutenant-gouverneur en conseil en vertu de la
présente loi s'appliquera. "En ce cas, ladite autorisation, ledit
permis, etc., sera considéré comme règlement dans le
contexte de cette loi".
En somme, ce paragraphe remplace celui qui a été
discuté dans la soumission précédente, comme
première discussion. Nous avons suggéré une nouvelle
rédaction de ce paragraphe. M. le Président, je vous remercie.
C'étaient les commentaires que nous voulions apporter.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, je vous remercie
d'être venu nous rencontrer et nous présenter votre point de vue.
Je pense qu'il y a plusieurs points que vous avez soulevés qui ont
déjà eu réponse. Je ne voudrais pas prolonger le
débat inutilement. Je vais plutôt me référer au
point principal de votre mémoire. Je pense que c'est la question de la
confidentialité. Je pense qu'il n'est pas question, en tout cas, en ce
qui nous concerne, de laisser le promoteur décider seul de ce qui peut
ou ne peut pas être rendu public. Ce qui est
important, je pense, que le projet de loi ne parle que de cela, c'est le
secret des procédés industriels. On est convaincu qu'il est
important que ce soit secret. Est-ce que c'est un genre de protocole quelconque
qui nous lierait, le gouvernement, à ne pas donner les détails
d'un projet ou des mesures prises pour assurer la protection de l'environnement
ou les impacts possibles des activités de vos membres? Est-ce que c'est
aussi cela que vous voulez garder secret ou si c'est uniquement le secret du
procédé industriel?
M. Lemieux: C'est surtout la question... Il n'est pas question de
cacher en somme ce qui doit être connu. C'est surtout le secret
industriel qui peut toucher à des procédés ou à des
méthodes qui sont la propriété des compagnies
affectées. Est-ce que M. Lederer a quelque chose à ajouter?
M. Lederer: Non, je ne crois pas, c'est très bien
exprimé comme cela.
M. Lemieux: C'est plutôt cela, monsieur.
M. Léger: Vous n'avez pas dans votre préoccupation
l'idée de ne pas donner le détail des précautions que vous
prenez.
M. Lemieux: Non, il n'est pas question de cacher quoi que ce soit
au point de vue des précautions. C'est tout ce qui est relié
à la question commerciale, disons, entre compagnies. Il y a certaines
informations où on ne veut pas... C'est normal, d'ailleurs.
M. Léger: Le contenu des procédés
industriels, on est d'accord, on s'entend bien là-dessus.
Mais nécessairement, si dans les procédés que vous
avez il y a certains produits chimiques très dangereux qui auraient des
conséquences sur l'environnement, vous ne voulez pas dire par là
que ces procédés qui pourraient être utilisés et qui
pourraient avoir des conséquences sur l'environnement, vous ne voudriez
pas que le public le sache?
M. Lemieux: Non, il n'est pas question de cacher quoi que ce soit
de ce côté-là.
M. Léger: Êtes-vous d'accord pour que le
gouvernement ou le ministère de l'environnement rende publics les
rapports de la pollution dont vous seriez la cause?
M. Lederer: Je ne crois pas qu'on ait déjà fait
objection à cela, M. le ministre.
M. Léger: D'accord. Je pense qu'on va s'estimer mieux
maintenant. Je vois dans l'article que vous dites: "Le ministre ne doit sans
avoir reçu l'approbation écrite du requérant, divulguer
les renseignements soumis par un requérant lorsque ce dernier a
stipulé que les renseignements sont confidentiels et les a
désignés comme tels." On ne peut pas, nous autres, comme
représentants de la population, dire que c'est la compagnie qui
détermine ce qui doit être caché et ce qui doit être
divulgué. C'est là-dedans que je voyais quand même un jeu
mais vous m'avez rassuré de ce côté-là.
Je voudrais juste poser une question, entre autres. Je voyais dans un
article de journal aujourd'hui qu'un des premiers syndicats à avoir
appuyé la clause de sécurité santé sur la
possibilité d'abandonner le travail en cas de danger celui que la
compagnie Union Carbide à Beauharnois, est en train de vouloir
renégocier. C'est quand même une clause importante pour la
santé des travailleurs. Le fait qu'un travailleur puisse vouloir avoir
le droit d'arrêter sans préjudice contre lui, c'est un
problème qui peut devenir grave, d'autant plus que le projet de loi qui
s'en vient sur la santé et la sécurité des travailleurs
doit plutôt donner, justement, cette possibilité aux citoyens ou
aux travailleurs de s'opposer à tel travail s'il est jugé
dangereux. Est-ce que, dans un problème comme celui-là où
il y a des conséquences sur la santé des travailleurs, le contenu
chimique de votre produit doit être rendu public pour que, justement, le
travailleur sache vers quel danger il peut aller s'il n'y a pas certaines
mesures qui sont prises pour le protéger?
M. Lemieux: Exactement. Il faut tout expliquer à ce
moment-là et divulguer. Il n'est pas question de cacher quoi que ce soit
de ce côté-là, M. le ministre.
M. Prinsen (John): Je suis John Prinsen, représentant de
la compagnie Union Carbide. J'aimerais bien répondre à deux ou
trois choses. D'abord, je veux rectifier une chose. L'usine de Beauharnois
n'est pas une usine chimique. Alors, je ne parle par pour l'usine de
Beauharnois. C'est une autre division. Cela ne veut pas dire qu'on n'a pas de
responsabilités, mais à cette commission, on ne représente
pas l'usine de Beauharnois. La deuxième chose que j'aimerais ajouter,
c'est qu'à Beauharnois on a connaissance qu'il y a possiblement un
problème de santé. Actuellement, on a appliqué un
programme de contrôle en coopération avec le syndicat qui est
très actif. C'est un des meilleurs exemples, je pense, même au
Canada, d'hygiène industrielle. La troisième chose, pour
répondre à votre question et je parle encore uniquement de
Union Carbide c'est la politique de coopération dans tout le
monde; si on découvre que tel produit chimique pose un danger pour les
travailleurs, les autorités aux États-Unis et, par
conséquent, aussi au Canada sont avisées de ce danger et les
syndicats, par conséquent, sont informés. Comme exemple, je peux
vous dire qu'on a découvert que dans certains de nos produits, la
projection d'éthylène sur la peau peut être
cancérigène. On n'a pas caché cela du tout. On a dit cela
directement à l'EPA et, par conséquent, tout le monde le
sait.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, il y a plusieurs points
dans ce mémoire que je voudrais relever rapidement. Le premier a pour
moi un caractère fondamental; je suis convaincu que le ministre et ses
conseillers y ont pensé très sérieusement avant de
rédiger le projet de loi. Cela concerne la définition d'un droit;
ici, il s'agit du droit à un environnement de qualité
acceptable.
C'est une chose de faire un discours à titre de ministre,
d'écrire un article à titre de journaliste ou
d'éditorialiste et de définir, dans un tel texte, la
qualité de l'environnement qui doit être à la disposition
de tout le monde. C'est une autre chose d'écrire cela dans une loi,
parce qu'une loi est à la disposition des citoyens et entre les mains
des tribunaux pour application.
Donc, quand on définit un droit dans une loi, on doit en
même temps prévoir, aussi clairement que possible, de quelle
façon ce droit sera exercé et quels seront les recours et
les répercussions de l'exercice de ces recours qui seront
à la disposition des citoyens. Je vous remercie de nous avoir
amenés, encore une fois parce que d'autres l'ont fait depuis hier
à penser très objectivement à cette
considération qui, encore une fois, me paraît fondamentale.
J'ai une question assez précise qui concerne une
inquiétude que vous exprimez. À la page 5 du mémoire, vous
parlez des délais d'approbation. J'aimerais vous demander tout
simplement de nous dire, avec la même objectivité avec laquelle
vous avez présenté tout le mémoire, si les délais
actuels, à votre avis, à l'avis des compagnies que vous
représentez, sont déjà trop longs ou s'ils vous semblent
raisonnables, avec les procédures qu'il y a à suivre?
M. Lemieux: Cela devient assez difficile de répondre parce
que c'est relatif, M. le député, mais c'est déjà
long, dans notre optique. En somme, au moment où on amorce un projet,
qu'on en fait l'étude préliminaire, il faut commencer, si c'est
nécessaire, à travailler avec les Services de protection de
l'environnement pour divulguer et présenter; alors c'est
déjà long. De la manière dont l'article est écrit,
il ne spécifie pas de date finale. Ce qu'on suggère c'est qu'un
échéancier soit donné après la déposition,
par exemple, de l'information requise, que dans X jours, par exemple, une
décision soit rendue. C'est ce que nous demandons pour ne pas que cela
soit sans fin.
M. Goldbloom: Ma question et votre réponse nous
ramènent en quelque sorte au débat que nous avons poursuivi plus
tôt dans la journée avec les porte-parole de
l'Hydro-Québec, parce que nous avons essayé de déterminer
si la demande d'approbation est formulée au bon moment, ou si l'on
attend trop tard avant de déposer la demande pour pouvoir obtenir
rapidement une approbation. Je fais ce commentaire simplement parce que si les
délais sont longs, il y a deux causes possibles. Les délais
peuvent se prolonger à un bout ou à l'autre, c'est-à-dire
un délai trop long, au départ, avant le dépôt de la
demande ou un délai trop long à l'autre bout pour l'analyse du
dossier.
À la page 7, vous suggérez, au bas de la page, que le juge
de la Cour supérieure soit tenu d'entendre les représentations du
répondant avant de rendre son verdict quant à l'octroi, à
l'émission d'une injonction. Je ne suis pas un avocat, mais il me
semble, d'après mon expérience personnelle, qu'il y a des cas
où des injonctions sont émises sans que le répondant ne
soit présent. Il me semble, effectivement, que si la loi exigeait que le
juge écoute le répondant avant d'accorder l'injonction, tout ce
que le répondant aurait à faire serait de ne pas se
présenter et le juge serait paralysé quant à
l'émission d'une injonction. (16 h 45)
Je ne sais pas s'il y a dans nos statuts des précédents
pour ce que vous suggérez. Vous avez peut-être eu l'appui de vos
conseillers juridiques qui vous ont indiqué qu'il y a, effectivement,
des précédents pour cette recommandation, mais il me semble que
le processus risquerait d'être paralysé si le juge était
obligé, par la loi, d'écouter le répondant avant de rendre
son verdict.
Deux brefs commentaires. Non, je m'excuse, j'allais ajouter quelque
chose à ce dernier sujet avant de le quitter. C'est un commentaire
général parce que, à d'autres moments et nous avons
parlé du nouvel article 119b, si ma mémoire est fidèle, en
ces termes de votre côté vous voudriez donner ici des
directives au juge et imposer des contraintes au juge. Le ministre, par son
projet de loi, voudrait faire de même. Il me semble et c'est un
commentaire personnel que je fais que, quand on nomme quelqu'un juge,
c'est parce que l'on croit qu'il a la qualité de jugement; et quand on
le nomme juge, normalement, on lui permet de juger selon son meilleur
jugement.
Mes deux derniers commentaires se feront rapidement. En bas de la page
10 vous suggérez que, pour le nettoyage d'un contaminant, le ministre
soit tenu de faire appel à une personne expérimentée. Je
pense que, là aussi, il y a un facteur de jugement qui doit intervenir.
Ecrire dans un texte de loi que l'on doit faire appel à une personne
expérimentée oblige le législateur à
définir, en même temps, qu'est-ce qu'une personne
expérimentée, quelles sont les qualités,
l'expérience, et tout cela. Il me semble que votre voeu est important,
mais l'écrire dans un texte de loi pourrait être difficile.
Finalement, j'aimerais mettre en relief votre recommandation, à
la page 11, que les certificats relatifs à l'analyse d'un contaminant ou
de toute autre substance soient signés par un membre de l'Ordre des
chimistes du Québec. Je ne me sens pas en mesure d'exprimer un avis sur
cette recommandation. Je trouve cependant qu'elle mérite une
évaluation sérieuse. J'aimerais demander au ministre il ne
m'écoute pas dans le moment, mais il lira le journal des Débats
de bien vouloir soumettre cette question à son collègue
responsable des professions, parce qu'il y a des attributions qui sont
reconnues à des professions et il faut les respecter. Je pense que c'est
important que vous nous ameniez à nous pencher sur cette question: Y
a-t-il lieu ou n'y a-t-il pas lieu de
définir, dans la loi, la qualité de la personne qui signe
le certificat comme étant membre de l'Ordre des chimistes du
Québec? Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Merci, MM. Lemieux, Lederer,
Murray, Prinsen, Neff, McIrvine, de votre participation.
M. Lemieux: Merci de nous avoir entendus.
Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant la
Society to Overcome Pollution (STOP).
Pour les fins du journal des Débats, identifiez vous-même
les personnes qui vous accompagnent et votre organisme.
Society to Overcome Pollution (STOP)
M. Walker (Bruce): M. le Président, je m'appelle Bruce
Walker et je voudrais présenter M. Georges Wardosh, membre du conseil
d'administration de STOP. STOP est un organisme formé de citoyens, sans
but lucratif, incorporé au Québec en 1970. Nous ne l'avons pas
mentionné dans notre mémoire officiel; je voudrais le mentionner
maintenant. Je voudrais savoir si les membres de la commission ont reçu
la copie française de notre mémoire.
Le Président (M. Laplante): Oui, on vous en remercie,
monsieur. Vous pouvez lire celle que vous voulez.
M. Walker: STOP appuie fortement l'idée d'une injonction.
Nous avons de l'expérience dans ce domaine et je voudrais vous raconter
une petite histoire. En 1972, STOP et trois propriétaires de la ville de
Pierrefonds ont poursuivi en Cour supérieure du Québec la ville
de Pierrefonds, la Communauté urbaine de Montréal et le
gouvernement du Québec. Ces trois propriétaires demeuraient sur
la côte sud de la rivière des Prairies. L'égout municipal,
qui est une usine de traitement primaire, a causé des effets
néfastes, incluant des odeurs nauséabondes. STOP et ces trois
propriétaires ont demandé une injonction, premièrement;
deuxièmement, des dommages. Le jugement a été rendu en mai
1974. Le juge a trouvé la ville de Pierrefonds seule coupable et lui a
dit de payer des dommages d'environ $20 000 et de garder la rive propre. Le
gouvernement du Québec n'était pas coupable, parce que, selon le
juge, il n'avait qu'un rôle administratif dans cette affaire. Je voudrais
ajouter que l'égout municipal de Pierrefonds cela venait d'une usine de
traitement primaire, mais selon les témoignages cette usine était
en réalité seulement une station de pompage, avec un traitement
d'une efficacité d'environ 3%, ou 5%, c'est tout. Cette action
légale nous a coûté plusieurs milliers de dollars. Par
exemple, nous avons engagé les services de Me Claude-Armand
Sheppard.
Évidemment, les 6 millions d'inspecteurs au Québec ont
besoin du droit à l'injonction préconisé dans ce projet de
loi.
STOP appuie fortement aussi le processus d'évaluation des impacts
sur l'environnement de certains projets. S'il faut justifier ce processus, et
selon certains témoignages, ici, il faut justifier ce processus, on
pourrait tout simplement lire quelques rapports du Conseil consultatif de
l'environnement. Je donne trois exemples: L'Hydro-Québec au mont Rigaud;
deuxièmement, les Services de protection de l'environnement à la
Baie James, avec le 1.5 inspecteur, et finalement la SOQUEM aux
Îles-de-la-Madeleine.
STOP s'oppose fortement à certains amendements à la loi de
la qualité de l'environnement concernant le Conseil consultatif de
l'environnement. Cela se trouve à la première page de notre
mémoire.
Le prédécesseur de M. Marcel Léger a pendant
plusieurs mois retardé la publication d'un document du conseil
intitulé "Rapport sur le tracé hydroélectrique
Chénier-Châteauguay ". Le ministre délégué
à l'environnement lui-même a retardé durant plus d'un an la
publication d'un rapport en provenance du conseil, intitulé "Politique
gouvernementale sur la qualité du papier et le recyclage ". Le conseil
avait entrepris cette étude après avoir reçu une lettre de
STOP en juillet 1976. STOP croit que le conseil devrait garder toute sa
liberté pour lancer des enquêtes et publier ensuite les
résultats. Évidemment, c'est au conseil à choisir ses
propres priorités, pas au ministre.
Au bas de la page 1, vous pouvez lire nos amendements
suggérés, surtout à l'article 8, troisième
paragraphe. Le projet de loi no 69 préconise que le conseil peut,
à la demande du ministre, recevoir et entendre les requêtes et
suggestions des individus et des groupes sur toute question visée par la
présente loi. STOP suggère que l'on élimine seulement la
phrase "à la demande du ministre ". La loi actuelle dit: "II peut,
le conseil évidemment de sa propre initiative, recevoir et
entendre les requêtes et suggestions des individus et des groupes,
etc.".
Au deuxième paragraphe de l'article 9, le projet de loi dit: "Le
ministre est tenu de rendre publics les avis du conseil." STOP suggère:
Le ministre est tenu de rendre publics les avis et les études du conseil
dans les soixante jours de leur réception. Par exemple, le bureau a la
même période de soixante jours pour publier le rapport.
Je voudrais maintenant aborder le sujet de la confidentialité ou
le droit de savoir. STOP est tout à fait d'accord avec l'affirmation que
"toute personne a droit à la qualité de l'environnement et
à la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent" (article
19a). Cependant, nous croyons que ce texte est lettre morte si le public n'a
pas un droit d'accès à l'information ayant trait à
l'environnement, information vitale pour défendre ce droit devant les
tribunaux. STOP demande donc au gouvernement d'inscrire ce droit à
l'information dans la loi. C'est ainsi que le règlement relatif aux
effluents liquides des raffineries de pétrole stipule que les
raffineries doivent analyser leurs eaux usées et envoyer mensuellement
un rapport à leur sujet aux SPE.
Maintenant, je voudrais lire quelques passages d'une correspondance.
J'ai personnellement écrit, le 23 janvier dernier, au ministre
délégué à l'environnement en ce qui concerne
annexe A de ce règlement le rapport mensuel sur les eaux
usées d'une raffinerie de pétrole. J'ai dit: "Est-ce qu'un
individu a le droit de consulter ce rapport au bureau des Services de
protection de l'environnement (au siège social à Sainte-Foy et/ou
au bureau régional à Montréal)? Est-ce qu'un individu a le
droit de demander de faire photocopier ces rapports? J'ai reçu une
réponse datée du 8 février signée par M. Gilles
Jolicoeur, le directeur: "En ce qui concerne le rapport mensuel sur les eaux
usées d'une raffinerie de pétrole, il s'agit d'un document
d'ordre administratif pour l'utilisation de nos services. Pour obtenir des
détails de ces résultats, je considère qu'il serait
préférable, au préalable, de communiquer avec le
responsable des raffineries de pétrole de façon à
maintenir de bons liens de communication."
STOP trouve cela tout simplement incroyable. Les lois en vigueur aux
États-Unis, notamment le Clean Air Act et le Water Pollution Control
Act, stipulent que toute information doit être mise à la
disposition du public. Le ministre délégué à
l'environnement ne cesse de répéter à qui veut l'entendre
qu'il lui faut l'aide de la population pour faire respecter les lois de
l'environnement. Mais ceci est extrêmement difficile alors que des
données importantes sont gardées secrètes. STOP n'est pas
du tout d'accord avec le gouvernement qui prétend que les citoyens
devraient s'adresser aux pollueurs concernés afin d'obtenir les
renseignements pertinents. Les corporations n'ont des comptes à rendre
qu'à leurs actionnaires et au gouvernement, mais le gouvernement doit
rendre compte au public. Les procédures proposées pour
l'évaluation des impacts sur l'environnement semblent très
compliquées et coûteuses. STOP et les autres groupes
intéressés seront grandement handicapés si le droit
à l'information n'est pas garanti par la loi.
Je voudrais simplement ajouter que ce que nous proposons, ce n'est pas
ce qu'on appelle "a freedom of information access"; c'est un simple amendement
à la Loi de la qualité de l'environnement, comme cela se trouve
aux États-Unis dans le "Clean Air Act" et le "Water Pollution Control
ACT". Tous les citoyens ont le droit de regarder, de consulter gratuitement et
de payer $0.15 par photocopie pour des rapports d'effluents et des
émissions des industries. Évidemment, cela n'inclut pas des
rapports techniques sur les procédés des industries. Mais, pour
ma part, il n'y a aucune question de confidentialité dans le taux
d'émission de tel ou tel pollueur.
Évidemment, le projet de loi 69 n'est pas une vraie charte des
droits de l'environnement. Selon nous, il n'y a aucune raison logique de garder
ces rapports secrets; il n'y a aucune raison technique, il n'y a aucune raison
légale. Peut-être il y a une raison politique de garder ces
rapports secrets. (17 heures)
Je voudrais maintenant passer à la page 4, projets de
règlements. Nous tenons à souligner que nous apprécions
à leur juste valeur le travail accompli par le ministre
délégué à l'Environnement, M. Marcel Léger.
Il reste cependant beaucoup de pain sur la planche. Nous donnons la liste des
projets de règlements qui n'ont pas encore été
adoptés: 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7. Deux des sept datent du mois de
septembre 1974, une étude de quatre années. On aimerait voir
aboutir ces projets de règlements au plus tôt. L'efficacité
de la loi de la qualité de l'environnement est grandement réduite
à cause du nombre de règlements en suspens.
À la page 5, les véhicules à moteur et la
Communauté urbaine de Montréal. En admettant que la pollution de
l'air à Montréal est un problème majeur causé par
l'automobile et que le gouvernement du Québec ne semble pas vouloir agir
dans ce domaine, par exemple, on pourrait simplement citer le projet de
règlement relatif aux émissions des véhicules automobiles
daté du 25 septembre 1974. Plus de quatre années et il n'est pas
encore adopté. Évidemment, ce n'est pas une priorité pour
le gouvernement du Québec.
STOP recommande qu'on donne à la Communauté urbaine de
Montréal les pouvoirs légaux pour réglementer la pollution
de l'air par les véhicules à moteur. Il faudra tout simplement
amender la loi de la Communauté urbaine de Montréal.
Évidemment, c'est surtout la responsabilité du ministre des
Affaires municipales et du ministre des Transports. Par exemple, on peut lire,
dans la version française de la loi de la Communauté urbaine de
Montréal: La communauté peut introduire et réglementer
l'utilisation et la possession de toute substance, appareil, machine, ouvrage
ou installation dont l'usage peut causer l'émission, etc. Nous
suggérons simplement d'ajouter le mot "véhicule". On peut noter
que la version anglaise de cette même loi inclut le mot "vehicle".
Autre mesure importante, c'est simplement la question des rapports
annuels. Pour notre part, le plus récent rapport annuel disponible des
Services de protection de l'environnement date de 1975-1976. On pose la
question: Pourquoi pas un rapport annuel tous les ans? Ce serait
peut-être seulement un autre exemple de ce qui n'existe pas au
Québec, un vrai ministère de l'environnement. De plus, au sujet
des rapports annuels, nous suggérons qu'à l'avenir on ajoute,
dans tous les rapports annuels, une liste de toutes les ordonnances
émises, premièrement, par le ministre et, deuxièmement,
par le directeur, aux municipalités, corporations et individus. Comme
exemple, je cite l'ancien rapport annuel de la Régie des eaux du
Québec qui liste toutes les ordonnances émises, année par
année. Il y a aussi certaines mesures non législatives qui, selon
nous, sont importantes, en ce qui concerne surtout l'évaluation des
impacts sur l'environnement.
Outre les textes légaux pour encourager la participation du
public, le gouvernement du Québec devrait faire un effort pour informer
les citoyens des procédures à suivre, des projets à
l'étude ou en chantier. STOP recommande que le
Québec ait une publication similaire à: a) Registre des
projets et bulletin, en provenance du Bureau fédéral d'examen des
évaluations environnementales, d'Environnement Canada, et b)
Environmental Assessment Update, a digest for people interested in
environmental assessment, du ministère de l'Environnement de l'Ontario.
Ces deux périodiques sont gratuits pour tout le monde qui en fait la
demande.
À part cela, je voudrais lire un court passage d'un rapport de la
commission des évaluations environnementales, d'Environnement Canada. Le
rapport s'intitule "Rapport de la commission environnementale sur le projet de
raffinerie d'uranium de l'Eldorado Nucléaire Limitée à
Port Granby, Ontario, publié par le ministère des
Approvisionnements et services, Canada, 1968. Je lis la page 49,
recommandations, le paragraphe 6,3: financement. C'est très
intéressant. Ce n'est pas long, monsieur. En dépit des bonnes
intentions et de la somme considérable de travail des particuliers et
des groupes de pression au cours des deux séances d'audience publique,
la participation a été rendue inopérante à cause du
manque de ressources financières pour accomplir le travail. Cela
était particulièrement vrai pour les personnes et les groupes des
niveaux local et régional les plus directement concernés par le
projet. En conséquence, la commission recommande que le Bureau
fédéral d'examen et d'évaluation en matière
d'environnement ébauche une proposition en vue de trouver des fonds ou
d'autres formes d'aide pour que la population participe aux études de la
commission.
La proposition devra définir quels groupes et individus
pourraient être financés, les méthodes de financement
possible, l'analyse raisonnée de ces recommandations et le
critère d'allocation et de contrôle des fonds. C'est seulement
l'exemple d'un processus d'évaluation des impacts sur l'environnement
existant. On pourrait noter aussi que tous les membres de cette commission
étaient des fonctionnaires fédéraux, sauf pour un
sociologue du milieu universitaire. Merci.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, j'apprécie
énormément la participation de STOP, qui est un mot maintenant
reconnu dans la langue française. J'apprécie l'effort que vous
avez fait d'exprimer votre mémoire en français. Je dois vous dire
qu'il y a beaucoup de recommandations là-dedans sur lesquelles nous
sommes d'accord et des remarques sur lesquelles nous admettons une certaine
responsabilité. Des citoyens nous disent: Vous devriez faire ceci. Vous
n'avez pas fait cela. Quand on ne l'a pas fait, on va l'admettre. On l'admet et
je suis prêt à plaider partiellement coupable là-dessus. Je
voudrais d'abord vous faire remarquer que, concernant les règlements,
nous avons passé quatre règlements dernièrement, depuis au
moins un an, un an et demi à peu près, sur les carrières
et sablières, les piscines et les pataugeoires, règle- ment sur
les rejets des raffineries de pétrole, déchets liquides,
c'est-à-dire, ainsi qu'un règlement sur les déchets
solides pour la disparition des dépotoirs. Quatre règlements qui
sont maintenant en vigueur.
Nous avons aussi présenté en première lecture des
règlements que le public connaît maintenant et je suis en train
d'étudier celui des productions animales, pour lequel il y aura une
commission parlementaire les 17, 18 et 19 octobre prochain. Nous avons aussi
amené le règlement des bétons bitumineux modifié
parce qu'il avait été adopté une fois et il a fallu faire
des corrections. Nous avons aussi présenté un règlement
sur les carcasses d'automobiles qui a eu une première
présentation; donc, nous attendons les conclusions des mémoires
pour le présenter d'une façon définitive. Les
règlements dont vous avez dit que vous attendez leur
présentation, il faut tenir compte que le règlement relatif aux
émissions des véhicules automobiles, que vous réclamez,
devait suivre la loi que nous présentons aujourd'hui parce qu'il y a une
relation entre les deux.
Nécessairement, nous attendons que la loi soit adoptée
pour présenter ce règlement. Le règlement relatif à
la qualité du milieu de travail devrait sortir très
bientôt, sous peu. Le règlement relatif aux effluents de
déchets des fabriques de pâtes et papiers, ce règlement va
sortir en même temps que nous allons compléter l'entente au niveau
de la modernisation des entreprises de pâtes et papiers. Il inclut en
même temps un investissement très fort du gouvernement envers les
compagnies de pâtes et papiers pour les aider à se moderniser et
en même temps respecter les normes de l'environnement qui sont dans ce
règlement. Donc, les deux doivent se faire de pair. On ne pourra pas le
sortir tout seul. Il faudrait nécessairement qu'il y ait une politique
d'ensemble incluant la modernisation et le respect des normes
d'environnement.
D'ailleurs, je tiens à vous dire que c'est le règlement
qui est la locomotive devant le projet de modernisation des entreprises de
pâtes et papiers. C'est parce que les entreprises voient la
volonté gouvernementale d'apporter des correctifs à la situation
de la pollution provenant des pâtes et papiers. Comme nous avions un
règlement qui était ferme là-dessus, cela a aidé
toutes les mesures et les ententes que le gouvernement devait signer avec les
compagnies de pâtes et papiers. Le règlement relatif à la
qualité de l'atmosphère, vous êtes sans doute au courant
que, concernant la Communauté urbaine de Montréal, j'ai
rapidement exprimé aux représentants, aux élus de la ville
de Montréal qu'on était d'accord pour leur règlement
puisqu'il est nécessairement plus sévère que le
règlement provincial. Il est confiné à des endroits aussi
denses que la ville de Montréal et, nécessairement, nous
l'acceptions. Même si le règlement provincial est, sous certains
aspects, moins sévère, cela ne veut pas dire que nous rejetons le
règlement de Montréal, au contraire. La décision est
maintenant entre les mains des élus municipaux que nous appuyons et
que
nous pressons encore, une troisième fois, de l'adopter, puisque
au niveau provincial, nous l'acceptons, ce règlement.
Il y a les autres points sur lesquels vous avez apporté des
précisions. Vous recommandez que le Québec crée une
publication semblable aux bulletins provenant du bureau d'examen des
évaluations environnementales du Canada. C'est une bonne recommandation;
nous allons regarder positivement cette possibilité-là. Vous
dites aussi que les SPE devraient publier une ou deux fois par an une liste de
toutes les ordonnances envoyées aux municipalités, corporations
et individus. Je pense que c'est une bonne suggestion que nous allons
probablement suivre. De toute façon, nous la recevons très
positivement. Vous avez parlé aussi du rapport annuel des SPE don le
dernier était en 1975. Je dois vous dire que celui de 1976-1977 vient de
sortir chez nous et je vais le présenter très bientôt pour
être publié. Le prochain n'est pas encore fait, mais 1977-78, on
est dedans. Il devrait être publié très rapidement.
Je dois dire que, dans l'ensemble, nous sommes très heureux de
votre préoccupation. Vous suggérez que le Conseil consultatif de
l'environnement devrait rendre publics ses avis. Vous devez remarquer quand
même que le projet de loi a pour objectif de créer deux organismes
avec des objectifs différents: un qui est public, qui est à
l'intérieur des opérations administratives, comme le bureau des
audiences publiques. Cela va être public. Tout le monde va être au
courant de ce qui se passe à l'intérieur. L'autre rôle
qu'on veut donner au Conseil consultatif de l'environnement est beaucoup plus
celui d'un organisme qui est composé de personnes provenant de toutes
les régions du Québec et qui ont une certaine compétence
dans le domaine environnemental ou para-environnemental, ce qui en ferait un
peu le représentant, du moins du mode de pensée, des citoyens des
régions. Pour moi, c'est un outil extraordinaire pour penser et
préparer des politiques à long terme au ministère de
l'environnement et aussi pour donner des avis au gouvernement. C'est pour cela
que nous avons donné deux vocations différentes à ces deux
organismes pour aider davantage le ministre de l'environnement à
réaliser davantage dans ces deux aspects, aspect opérationnel et
aspect avis, conseils du ministre, mais conseils provenant des citoyens.
Je voudrais vous remercier et vous féliciter de votre
mémoire. Peut-être que tantôt vous aurez des questions. Les
députés de l'Opposition ont peut-être des choses plus
précises à dire avant d'aller à des questions. Oui?
M. Walker: Dans votre dernier point, M. le ministre, il y a de
moyennes différences entre le conseil et le bureau. Mais il y a bien des
cas au Québec où des citoyens cherchent quelque chose, une sorte
de commission où ils peuvent faire diverses plaintes. On parle surtout
de la pollution existante. Le bureau discute seulement de la pollution de
l'avenir, mais la pollution existe maintenant au Québec. Il y a des
citoyens ici qui s'oc- cupent des problèmes de diverses sources. Selon
nous, le Conseil consultatif de l'environnement doit maintenir son
indépendance et sa liberté de choisir ses propres
priorités. S'il veut entendre un groupe de citoyens du quartier
Saint-Michel ou de votre comté de Lafontaine ou de telle ou telle partie
du Québec, selon nous, ce serait son choix. De toute façon, s'il
y a d'autres cas, par exemple, les politiques à long terme, les
politiques économiques ou tel type de réglementation etc., selon
nous, tous ces rapports doivent être publics sans délai, ou avec
un délai de 60 jours.
Le Président (M. Laplante): Merci. M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, le mémoire est
très clair. D'ailleurs, STOP n'a jamais eu l'habitude de mâcher
ses mots. Je ne trouve donc pas de questions à poser pour avoir des
éclaircissements additionnels. Mais je voudrais faire un commentaire.
(17 h 15)
Depuis sa fondation et STOP est parmi les plus anciens des
organismes qui se préoccupent de la qualité de l'environnement
cet organisme agit comme conscience des hommes publics, des
gouvernements pour les amener à mieux faire, à être plus
efficaces, plus exigeants, plus rapides. Je pense, M. le Président, que
nous ne ferons jamais assez, et nous n'agirons jamais assez rapidement, pour
satisfaire pleinement l'opinion de STOP et d'autres organismes, mais il est bon
qu'il en soit ainsi.
Pour moi, l'élément clef de ce mémoire, c'est
l'appel lancé à la liberté en ce qui concerne
l'accès à l'information. Nous avons beaucoup évolué
dans ce domaine, mais les porte-parole de STOP nous indiquent avec
raison, je crois que nous devons, encore une fois, repenser la
façon dont nous rendons l'information accessible ou dont nous gardons
cette information confidentielle pour des raisons qui peuvent paraître
valables aux yeux de certaines personnes et qui, de toute évidence, ne
paraissent pas valables aux yeux d'autres personnes.
Je voudrais dire simplement ceci: S'il est prévisible que vous ne
serez jamais totalement satisfaits de l'action des autorités publiques,
cela n'a pas été dans le passé, cela n'est pas aujourd'hui
et cela ne sera pas dans l'avenir à cause des imperfections personnelles
de ceux qui ont été, sont ou seront en place. Ce sera surtout
à cause des imperfections de la société tout
entière. Donc, l'oeuvre que vous poursuivez depuis longtemps, l'oeuvre
d'éducation auprès de la population tout entière, est une
oeuvre très importante.
Les gouvernements successifs ont travaillé pour conscientiser la
population. Le ministre actuel et cela lui fait honneur a fait un
effort particulier à cet égard. Alors, vous nous rendez un
service, vous rendez un service à la collectivité en
éveillant notre conscience, en essayant d'être notre conscience
parce qu'il y a toujours énormément à faire, il y aura
toujours énormément à faire
et je vous félicite bien sincèrement du mémoire que
vous avez présenté.
Le Président (M. Laplante): D'autres questions? Oui,
monsieur.
M. Léger: Je veux seulement dire que je suis passablement
d'accord et qu'on va aussi voir de quelle façon on pourrait le faire
puisque la question que vous posez avait été posée
inversement au groupe précédent. Il s'agissait de rendre
publiques toutes les données de la pollution causée par une
compagnie polluante. Dans votre mémoire, vous faisiez allusion au fait
qu'on vous avait dit d'aller voir la compagnie elle-même pour avoir les
renseignements et des données sur la pollution. Je pense que votre
mémoire demande que les données concernant la pollution
causée par une compagnie puissent être accessibles aux citoyens.
En gros, je pense que nous sommes d'accord là-dessus aussi.
Le Président (M. Laplante): M. Walker, merci beaucoup pour
la participation que vous avez bien voulu donner à cette commission.
M. Walker: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): J'appelle maintenant le
Conseil du patronat du Québec.
Voulez-vous identifier votre organisme, vous identifier ainsi que les
membres qui vous accompagnent, pour les fins du journal des Débats.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): Mon nom est Ghislain Dufour, du Conseil du
patronat. Je suis accompagné, à ma gauche, par Me Micheline
Laliberté, conseiller juridique à l'Association des constructeurs
de grandes routes et de grands travaux. Le Dr Claude Drouin, qui est avec
l'Association des mines de métaux, qui a été le
délégué du Conseil du patronat pendant plusieurs
années au conseil consultatif de l'environnement. À ma droite, M.
Raymond Chaperon, qui est directeur de la préservation du milieu chez
Shell Canada, et Me Bérangère Gaudette qui est conseiller
juridique au Conseil du patronat.
M. le Président, M. le ministre, MM. les députés,
nous avons remis ce matin à M. Pouliot un résumé de notre
mémoire. Il fait 24 pages, naturellement on en retirera simplement les
grandes orientations. Le mémoire que nous avons déposé
auprès de la commission reflète l'opinion exprimée par nos
associations membres au cours d'une consultation organisée
spécifiquement sur ce sujet, le 8 août dernier. Là-dessus
on doit remercier le ministre d'avoir changé, à un moment
donné, son échéancier pour nous permettre, justement, ce
type de consultation. Bon nombre des hommes d'affaires qui ont participé
à cette consultation sont des cadres affectés à temps
plein aux problèmes de l'environnement au sein de leur entreprise ou
industrie, et qui possèdent donc une expérience concrète
de ces problèmes. Il va de soi que le Conseil du patronat a
analysé le projet de loi 69 en tenant compte, bien sûr, des
intérêts de ses membres, mais aussi, en même temps, de
l'intérêt de l'ensemble de la collectivité, les deux
étant, dans les questions fondamentales, complémentaires.
Rappelons d'abord nos positions de principe. Le CPQ est d'accord
aujourd'hui, comme il l'a été dans le passé, sur la
nécessité de veiller, en toutes nos actions, à
protéger et à améliorer la qualité de notre
environnement et il reconnaît que c'est une responsabilité de
l'État moderne que d'édicter et de faire respecter les
règles nécessaires à cette fin. Nous le rappelons
clairement dans le mémoire que nous avons déposé devant
votre commission, comme nous l'avions affirmé lors de l'adoption de la
Loi sur la qualité de l'environnement en 1972. Et, pour bien montrer que
nos propos ne sont pas purement un "discours de circonstance", je rappelle le
texte de novembre 1972: Nous sommes "d'accord avec le principe d'une
législation visant à la conservation et à
l'amélioration de l'environnement (...). Il appartient à
l'État, plus qu'à tout autre groupe de la société,
de prendre les grandes initiatives à l'égard de ces questions,
d'imaginer les grands programmes qui devront être mis sur pied et d'en
surveiller l'application".
Or, le projet de loi 69 n'est pas une refonte complète mais
seulement un amendement de la loi de 1972. Dans la mesure, donc, où le
projet de loi 69 poursuit les objectifs de la loi actuelle, nous n'avons rien
à changer à cet accord de principe.
Cela dit, et sans limiter d'aucune façon la portée de ce
qui précède, nous sommes ici pour discuter les points à
propos desquels il y a, selon nous, des corrections à apporter au projet
d'amendement. Exprimer un accord de principe sur un objectif aussi large que la
qualité de l'environnement ne suffit pas. Il faut encore s'astreindre
à la tâche difficile de choisir les moyens concrets d'atteindre
cet objectif, de mesurer le coût de ces moyens et de tenir compte des
effets négatifs que peut avoir l'action en ce domaine vis-à-vis
d'autres objectifs sociaux, tout aussi légitimes, qu'il faut poursuivre
en même temps.
C'est donc dans cette perspective que nous voulons commenter le projet
de loi 69 et à ce moment-ci nos remarques porteront essentiellement sur
trois points: Premièrement, le recours en injonction, la
procédure relative aux études d'impact et l'aspect
administratif.
On a beaucoup parlé de l'article 4 du projet de loi 69 qui
propose l'addition à la loi de la section NIA qui accorderait à
tout citoyen le pouvoir de s'adresser directement aux tribunaux pour faire
cesser toute activité qu'il juge préjudiciable à
l'environnement. Selon les mots utilisés par le ministre, il s'agit de
faire des six millions de citoyens québécois autant d'inspecteurs
de l'environnement. Pour justifier ce pouvoir, le projet de loi formule
l'idée générale du droit de tous à la
qualité de l'environnement.
D'une part, nous trouvons cette notion du droit à la
qualité de l'environnement trop vague et
trop imprécise eu égard au rôle qu'on veut lui faire
jouer dans la loi et, d'autre part, l'injonction prévue à
l'article 19b nous paraît inacceptable, parce qu'elle correspond à
une dangereuse conception des rapports du citoyen avec l'administration de la
justice.
Le CPQ n'a évidemment pas été le seul à
souligner que la notion de qualité de l'environnement n'est
définie nulle part dans le projet de loi. Nous sommes d'accord pour
reconnaître qu'un tel droit existe, qu'il est même manifestement le
fondement philosophique de la Loi de la qualité de l'environnement et
que l'on pourrait fort bien utiliser cette formule dans le préambule du
texte de la loi. Mais, cette proposition est trop vague pour être une
disposition particulière de la loi susceptible d'une application
concrète. La généralité même d'une telle
formule conduirait à des interprétations diverses et
subjectives.
Nous estimons, par conséquent, que l'article 19a est trop
général et trop imprécis pour servir de fondement au
pouvoir accordé à chaque citoyen par l'article 19b.
En ce qui concerne, maintenant, l'injonction. L'idée de confier
à six millions d'inspecteurs la responsabilité de faire appliquer
la loi nous paraît, pour le moins, discutable. De la même
façon que le citoyen en tant que tel n'a pas à se faire policier,
puis accusateur, nous croyons que le citoyen n'a pas à devenir un
inspecteur mandaté par la loi pour la protection de l'environnement.
Nous comprenons que l'intention du gouvernement est de favoriser l'action
directe des citoyens dans les situations d'urgence. Mais, la loi actuelle donne
justement au directeur des SPE le pouvoir de faire cesser toute activité
qu'il estime préjudiciable à la qualité de
l'environnement, et cela, sans préavis, dans les cas d'urgence. Si un
citoyen estime qu'une entreprise ou un de ses concitoyens porte atteinte
à la qualité de l'environnement, il doit porter plainte
auprès de l'autorité compétente, en l'occurrence les SPE,
qui devront normalement faire enquête avant de donner suite à
cette plainte, mais qui ont aussi le pouvoir d'agir rapidement et sans
préavis dans le cas d'urgence.
De plus, les problèmes relatifs à l'environnement sont
complexes. Pour l'examen objectif de ces problèmes, on doit faire appel
à des connaissances scientifiques et à des analyses techniques.
Même bien intentionné, le citoyen ordinaire ne possède
sûrement pas une pareille expertise, et c'est se leurrer beaucoup que de
croire qu'il puisse devenir du jour au lendemain un inspecteur judicieux. Ce
sont, quant à nous, les SPE qui, parce qu'ils possèdent les
ressources techniques et scientifiques nécessaires, sont le mieux en
mesure de faire ces analyses et de porter un jugement, pas
nécessairement infaillible, bien sûr, mais certes plus rigoureux
que celui du profane. Et, de toute façon, les tribunaux saisis d'une
demande d'injonction devront avoir recours à l'expertise de ces
services. Enfin, le recours en l'injonction nous paraît dangereux, parce
qu'un tel pouvoir sera inévitablement utilisé, à
l'occasion, par certains groupes, comme un instrument de luttes sociales, sans
égard au bien commun.
C'est pourquoi nous demandons que le moyen pour les citoyens de faire
cesser une activité quelconque à cause des risques apparents pour
l'environnement soit normalement les ordonnances du directeur des SPE et non
pas le recours en injonction. Si, toutefois, notre recommandation
n'était pas acceptée, notre préoccupation demeure de
limiter le plus possible les dangers d'abus, et alors le recours en injonction
devrait à tout le moins être mieux encadré. Cela peut se
faire, premièrement, en stipulant que le citoyen ou la
municipalité qui réclame une injonction devra démontrer
qu'il possède un intérêt suffisant, relié
directement aux faits allégués; deuxièmement, en amendant
l'article 19d relatif au cautionnement pour s'en tenir à la règle
de l'article 755 du Code de procédure civile et laisser au juge la
discrétion d'établir le montant du cautionnement en tenant
compte, notamment, des dommages qui peuvent être causés à
l'autre partie.
La procédure relative aux études d'impact. Le projet de
loi aurait pour effet, entre autres, de remanier la procédure
administrative afférente aux études d'impact et aux demandes
d'autorisation. C'est là un aspect de la réforme que nous
trouvons positif, dans la mesure où l'on se trouve à clarifier ou
à préciser les étapes de cette procédure. Nous ne
sommes pas opposés aux études d'impact et nous admettons fort
bien qu'il y a certains types de projets ou d'opérations pour lesquels
de telles études sont justifiées. Nous tenons à souligner
cependant deux problèmes: les délais et les coûts
qu'entraînent ces études, et à demander que les moyens
soient recherchés pour en limiter les conséquences. (17 h 30)
D'abord, la question des délais, on en a beaucoup parlé.
Le fait que les délais qui doivent s'écouler entre deux
étapes de la procédure soient indéterminés
représente, bien sûr, une source d'embarras sérieux pour
les entreprises. Nous recommandons donc que les articles 31a à 31h
comportent des délais précis, selon un échéancier
réaliste, et de façon à ne pas pénaliser
indûment les requérants.
Les coûts. Le coût d'une étude d'impact peut
être considérable. Il faut que le législateur s'assure que
seuls les projets d'envergure, dont le coût justifie celui d'une
étude d'impact, feront partie de la catégorie assujettie à
cette exigence.
Concernant le bureau d'audiences publiques, nous sommes d'accord avec
l'idée que des audiences publiques sont parfois utiles pour
évaluer des projets susceptibles d'affecter de façon sensible le
cadre de vie ou la manière de vivre d'un groupe de citoyens. Mais nous
ne croyons quand même pas que l'utilité des audiences publiques
soit la règle générale. C'est pourquoi nous ne croyons pas
à la nécessité de créer un bureau permanent. Une
commission ad hoc pourra jouer correctement ce rôle au besoin.
Par ailleurs, il y a un risque que les audiences publiques servent des
objectifs tout autres que ceux poursuivis par le gouvernement en créant
le bureau. Il est facile, sur des questions reliées à
l'environnement, de faire de la démagogie et de
mettre une entreprise au pilori, sans que celle-ci ne puisse se
défendre adéquatement. Il suffirait, dans certains cas, de rendre
un projet impopulaire pour le rendre pratiquement irréalisable.
Pour prévenir ce genre d'abus, nous estimons que le droit
d'intervention des citoyens devrait être mieux balisé. Nous
recommandons, par conséquent, "que le projet de loi cerne de plus
près le type de projets ou de programmes qui peuvent faire l'objet de
discussions en audiences publiques, en les limitant, par exemple, aux projets
qui peuvent soulever des questions d'intérêt
général". De plus, comme nous l'avons recommandé dans le
cas de l'injonction, il faudrait que l'article 31c prévoie "que toute
personne ou municipalité qui requiert la tenue d'une audience publique
soit tenue de prouver un intérêt suffisant en relation avec le
projet, le programme ou l'activité en question".
Enfin et rapidement, soulignons certains passages du projet de loi
où deux autorités peuvent intervenir dans une décision
administrative. Dans notre mémoire, nous citons au moins trois exemples
de chevauchement. Là-dessus, nous demandons une clarification de ces
dispositions, afin que le texte de loi établisse de façon plus
précise dans quelles circonstances il faut l'autorisation du Conseil des
ministres, et dans quels cas c'est celle du directeur qui est requise, ou
même, s'il y a des cas où les deux autorisations sont requises,
quand et pour qui elles le sont.
Un mot sur le caractère de loi-cadre. Comme la loi actuelle de la
qualité de l'environnement, le projet de loi 69 est une loi-cadre. Bien
que le C.P.Q. admette, dans certains cas, l'opportunité d'une loi-cadre,
par exemple, lorsqu'il s'agit de mesures à caractère technique
qui ne pourraient pas se discuter de façon valable à
l'Assemblée nationale nous avons en tête, par exemple, la
Loi sur les mécanismes de machines fixes de façon
générale, il n'est pas favorable aux lois-cadres, parce que,
d'une part, elles laissent subsister trop d'incertitude quant à la
portée réelle de la loi et, d'autre part, parce qu'il est
pratiquement impossible aux intéressés d'intervenir avant
l'adoption des règlements pour faire des représentations. Le
projet de loi 69 n'échappe pas à cette critique, en particulier
en ce qui concerne le pouvoir de réglementation de l'article 31i.
À ce sujet, nous réitérons les suggestions
déjà faites dans nos mémoires antérieurs à
propos de la pré-publication des projets de règlements:
premièrement, discussion préalable des projets de
règlements avec le conseil consultatif et, s'il y a lieu, avec un
comité ad hoc créé par le conseil consultatif;
deuxièmement, publication des projets de règlements dans la
Gazette officielle avec un délai d'au moins 60 jours pour permettre aux
intéressés de proposer des corrections.
En terminant, M. le Président, je tiens à
réaffirmer que le patronat souscrit aux objectifs de la Loi sur la
protection de l'environnement, même lorsque celle-ci représente
toutes sortes de contraintes pour les entreprises.
Cependant, malgré ses aspects positifs, le projet de loi 69
comporte, à notre avis, des dispositions dangereuses qui risquent
d'être utilisées de façon abusive. Nous souhaitons que les
travaux de cette commission aideront le législateur à faire un
choix judicieux des moyens de protéger et d'améliorer
l'environnement en tenant compte des autres objectifs sociaux qu'il faut
poursuivre en même temps.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, je remercie l'organisme
qui est venu nous rencontrer et qui a nécessairement suscité le
débat, puisque c'est le mémoire qui nous a été
présenté qui correspond le plus à des oppositions au
projet de tous les mémoires que nous avons eus. Alors, cela va nous
permettre de discuter des choses en profondeur, malgré qu'il reste peu
de temps.
Au départ, j'aimerais faire réaliser que votre association
a nécessairement l'objectif de défendre dans la
société les intérêts de vos membres. Je pense que
vous le faites fort bien. Le ministre délégué à
l'environnement a, comme objectif, devant un organisme comme le vôtre
je ferais l'inverse pour un autre organisme de défendre
l'intérêt du petit, l'intérêt du citoyen
démuni qui veut savoir ce qui se passe, qui n'a pas les moyens de se
défendre face à la grosse machine de ceux qui ont les moyens
financiers et techniques de protéger leurs intérêts.
L'objectif du ministre, dans ce projet de loi, c'est de donner des droits aux
citoyens, c'est d'essayer d'associer le citoyen à la gestion de son
environnement.
Tout le long du projet de loi, l'objectif est bien précis. C'est
de permettre que le citoyen ait le droit à l'information, le droit
d'intervenir, le droit d'exprimer son point de vue et le droit de faire changer
des choses qui contribuent à détériorer son milieu de vie.
C'est la raison pour laquelle, je pense que, tout en ayant les mêmes
objectifs, les moyens ne sont peut-être pas les mêmes que ceux que
vous nous proposez dans votre mémoire.
J'aimerais relever certains points. Au départ, vous parlez
nécessairement en hommes d'affaires en disant: Est-ce que nous avons les
moyens? Est-ce qu'un État comme le nôtre doit défendre des
objectifs qui ne correspondent pas à nos moyens? Je pense qu'il faudrait
plutôt et c'est la politique de mon ministère de
l'environnement avoir une politique qui corresponde à nos
besoins, mais l'appliquer progressivement selon nos moyens. J'inverserais un
peu les objectifs de façon que, s'il y a des besoins criants, il va
falloir qu'objectivement on trouve les moyens de réaliser cela non pas
en retardant les besoins à corriger, mais en mettant davantage
l'élan ou le focus sur le besoin et en étalant progressivement
dans le temps les étapes, selon les moyens de l'État.
Vous dites que l'injonction est inacceptable cela m'a bien
frappé parce qu'elle correspond à une dangereuse
conception des citoyens. L'exemple typique de ce qu'on disait dans le discours
d'ouverture, c'est que le CPQ
considère que l'environnement, c'est l'affaire du gouvernement et
des promoteurs. Autrement dit, le gouvernement devrait être celui qui
équilibre les choses avec les promoteurs qui ont des objectifs de
développement. Je pense que l'environnement, c'est une
propriété collective. Donc, c'est l'affaire de tous. La chambre
de commerce l'a compris puisqu'elle nous disait cela à l'ouverture de la
commission. Aussi, je pense que permettre à chacun de surveiller
l'application d'une loi, ce n'est pas nouveau. Dans sept provinces du Canada,
dont l'Ontario, les citoyens peuvent intenter des poursuites pénales aux
contrevenants de la loi. Il en a été de même au
Québec jusqu'en 1972 et nous voulons maintenant redonner aux citoyens un
droit qu'ils avaient et que l'État bureaucratique a un jour
décidé de monopoliser.
Quant au droit à la qualité de l'environnement et au
pouvoir de recours en injonction, ceci est nouveau au Canada, mais cela existe
aux États-Unis, dans quatorze États dont le Michigan, le
Minnesota, le Massachusetts, la Floride, New York, la Californie, le Rhode
Island, etc. C'est une arme que les citoyens ont eue et ils s'en sont servi
à l'occasion. Les avalanches de poursuites que vous craignez de voir
venir, cela ne s'est pas passé. On a les statistiques au Michigan
où, de 1970 à 1976, avec une loi comme celle-ci, seulement 122
poursuites au civil en six ans dans un État de 8 millions d'habitants
ont été présentées. Là-dessus, le bilan a
été de 47 réussites; 22 ont été
rejetées, 11 ont été abandonnées et 41 sont encore
pendantes. Les tribunaux ont accordé 30 injonctions. La plupart ont eu
pour effet d'apporter des modifications dans la poursuite de projets afin de
tenir compte des objectifs environnementaux et non pas arrêter les
projets. La Chambre des représentants du Michigan concluait, en 1975,
qu'il n'y avait eu aucune preuve que la Loi de l'environnement ait
entraîné la perte de pouvoirs ou la fermeture d'industries.
Le droit à la qualité de l'environnement. Vous dites qu'il
est vague et imprécis et inutile. Je concède que ce droit est
nouveau et peut être défini différemment selon les
personnes. Pour éviter ce risque de trop grandes variations, nous avons
précisé qu'il s'appliquera dans la mesure prévue par la
loi et les règlements. Donc, c'est quand même limité
à cela ni plus ni moins. Le droit à l'environnement doit
être limité à la connaissance ou aux implications
légales de la qualité de l'environnement et non pas à une
définition tout simplement que nous voyons déjà dans la
loi 49 que nous avons actuellement où on dit que l'environnement, c'est
l'eau, l'atmosphère, le sol ou toute combinaison de l'un ou l'autre ou,
d'une manière générale, le milieu ambiant avec lequel les
espèces vivantes entretiennent des relations dynamiques.
C'est la définition actuelle et nous y avons donné une
définition un peu plus précise, mais quand même qui est
limitée au niveau du degré de qualité environnement
légale qui est celui de la loi et des règlements. Je pense que
ceci devrait inciter les citoyens et tous ceux qui posent des gestes ayant des
conséquences sur l'environnement à être plus responsables
et respectueux de la loi.
Un peu plus loin, vous dites qu'il y a six millions d'inspecteurs au
service de l'État. Je vais simplement corriger cette affirmation. J'ai
parlé de six millions d'inspecteurs au Québec, non pas des
inspecteurs au service de l'État, qui pourraient être des
délateurs pour qui cela rapporterait quelque chose d'être un
défenseur de l'environnement sur le plan mercantile, mais beaucoup plus
des inspecteurs de l'environnement au service d'eux-mêmes et de la
collectivité, de façon qu'ils se sentent impliqués parce
qu'ils ont les possibilités de leurs objectifs.
Donc, si on veut responsabiliser les individus, il faut aussi leur
donner des moyens. On ne peut pas donner à des gens uniquement une
responsabilité, si on ne leur donne pas aussi une certaine
autorité. Quand il s'agit de défendre la propriété
privée, un individu a beaucoup de droits et de pouvoirs et il peut
recourir à l'injonction, mais la défense unique de la
propriété privée amène une attitude un peu
égoïste du citoyen et de je-m'en-foutisme sur la chose
générale, la chose sociale, la chose de l'État. C'est pour
cela qu'en voulant agrandir les horizons des citoyens en leur permettant de
réaliser que si le citoyen fait partie de la collectivité, cela
lui donne le droit strict aussi de défendre le bien de la
collectivité et l'intérêt de la collectivité, ceci,
je pense, va agrandir les horizons et enlever ce je-m'en-foutisme trop souvent
reconnu des citoyens qui ne s'occupent pas d'autre chose que de leur propre
petite personne. On veut qu'il en soit de même pour défendre le
droit à l'environnement que cela peut l'être pour le droit
à l'entreprise privée ou le droit de la propriété
privée.
Vous parlez aussi de l'augmentation des effectifs pour être plus
efficace. Là-dessus, nous sommes bien d'accord avec vous. Le pouvoir
accordé aux citoyens, vous dites, nous paraît inutile, nuisible et
dangereux. Je dois vous dire que l'Association des hommes d'affaires du
Michigan avait dit la même chose avant la loi en 1970. Maintenant, je
pense qu'ils ne seraient pas d'accord pour enlever cette loi, puisqu'elle n'a
pas apporté les effets dramatiques qui avaient été
prévus par les hommes d'affaires qui, nécessairement, craignent
toujours l'inconnu, craignent toujours des changements. C'est normal.
Je pense qu'il faut faire un pari pour une société qui
veut devenir adulte, un pari pour les citoyens en balisant au départ les
possibilités d'exagération. Je pense que la loi, actuellement,
limite quand même le droit à l'injonction du citoyen à un
acte illégal, et cela ne toucherait pas une industrie ou une compagnie
qui serait en train de demander un permis. Cela ne permettra pas non plus une
poursuite à quelqu'un qui est en train d'accepter un
échéancier et une procédure d'implantation
d'équipement antipollution chez lui. Donc, cela met à l'abri
toute entreprise qui respecte les lois, les règlements et les
certificats d'autorisation. Je pense qu'on n'a pas à craindre
le pouvoir accordé aux citoyens et que c'est une soupape de
sûreté placée dans la loi, qui est très importante.
Cela permet peut-être à toutes les entreprises qui pourraient
indécemment ou insouciamment vouloir poser des gestes qui contreviennent
à l'environnement de savoir qu'il y a des citoyens autour qui ont
l'intention de voir à ce que ces lois soient respectées. (17 h
45)
Vous parlez des études d'impact et des audiences publiques qui
entraîneront des délais et des coûts. Je dois vous dire
qu'on vise surtout la planification écologique, c'est-à-dire une
qualification qui tienne compte, non seulement des considérations
économiques, mais aussi écologiques. On veut, de plus en plus,
éviter qu'on oppose le développement économique au
développement écologique, qu'on oppose des emplois à la
question d'une qualité de vie et qu'on n'arrive pas avec des
affirmations un peu farfelues qu'on doit avoir un choix entre un travailleur
malade ou un chômeur en santé. Je pense qu'il y a une grande
différence entre ces deux objectifs. Il faut qu'on mette ensemble un
développement écologique et économique qui ne s'opposent
pas l'un contre l'autre et qu'on soit assuré que le fait de
protéger l'environnement n'amène pas des coûts
improductifs. Bien sûr, les études d'impact vont coûter
quelque chose, mais on estime le coût des études d'impact à
un maximum de 1% et même moins que cela. D'autres études
amènent jusqu'à 0,7% du coût total des investissements du
projet. Donc, je pense que le coût des études d'impact ne devrait
pas entrer en ligne de compte, puisque ce coût, qui devrait être
assumé par celui qui peut détériorer l'environnement, va
peut-être permettre d'éviter des coûts dix fois plus
élevés à la collectivité qui devra payer, sous
forme de taxes, toute l'agression qu'il y a eu contre l'environnement et qui
devra payer, sous forme de taxes, plus tard, un coût de
dépollution qui provient d'un oubli ou d'une insouciance des
générations passées.
Vous parlez des études de coûts-bénéfices. Je
pense qu'il ne faut pas oublier qu'on parle souvent du produit national brut.
De plus en plus, on parle aussi du bonheur national brut. Les citoyens ne sont
pas là uniquement en vue de faire des profits. Il faut qu'ils soient
capables de jouir de ces profits et d'avoir un environnement dans lequel il
sera plaisant pour eux d'avoir fait des profits et les dépenser à
bon escient avec la nature qui restera autour. Les coûts pour la
santé sont des choses importantes dont il faut tenir compte au niveau du
coût des études d'impact et de la protection de l'environnement.
Les scientifiques s'entendent pour attribuer à l'environnement la cause
d'environ 80% des cancers, sans parler des maladies industrielles. On pourrait
aussi mentionner une grande partie des maladies respiratoires.
On doit parler aussi des coûts de traitement ou de
dépollution pour des ressources naturelles indispensables à
l'homme; par exemple, l'eau potable. Il faut des investissements exceptionnels,
exorbitants dans des usines de traitement et d'ap- provisionnement, parce qu'on
n'a pas eu, dans le passé, la responsabilité de prédire
les détériorations que nous vivons aujourd'hui, les coûts
pour nettoyer l'environnement, en récupérer les usages. Exemples:
les mines qui ont été abandonnées avec des montagnes de
résidus toxiques, les lacs et les rivières qui ont
été pollués et saccagés avec des déchets et
des résidus industriels. Ce sont des coûts que la
société québécoise devra payer plus tard et dont on
devrait aussi tenir compte quand on parle de coûts sociaux.
La perte de nos richesses naturelles est encore un aspect bien
important. L'homme, aujourd'hui, a la capacité de détruire en
quelques jours ce que la nature a mis des centaines d'années à
faire. Du côté des coûts, bien sûr que cela
entraînera des dépenses très élevées, mais
quand on parle des coûts pour les industriels, par exemple, il est faux
de ne parler que de coûts improductifs. D'abord, cela suppose souvent la
modernisation des équipements. Dans l'augmentation de la
productivité, par exemple, dans le secteur des pâtes et papiers,
il y a là un investissement de près de $450 millions de dollars
qui ont été prévus sur un total de $1 200 000 000 pour des
équipements antipollution, mais cela contribuera à la
modernisation des équipements. Donc, en même temps, cela
ramènera des revenus et des profits aux entreprises, mais on aura
réglé un problème d'environnement qui a des
conséquences sur des gens qui subissent les désavantages du
développement économique.
Ensuite, je pense que cela va souvent permettre la réutilisation
et le recyclage de déchets ou résidus qui étaient purement
et simplement jetés dans la nature. Ce type d'activité commence
d'ailleurs à devenir de plus en plus rentable et la concurrence est
très forte entre les récupérateurs.
Aux États-Unis, on a diminué de 0,4% le taux de
chômage à cause des mesures environnementales puisque la
préoccupation et l'industrie des matières antipollution ou des
équipements antipollution ont créé 400 000 emplois. Il
arrive souvent, aussi, que les dépenses qu'on va faire dans ce domaine
prolongent la vie des équipements. Exemple: l'industrie qui
s'approvisionne en eau a tout intérêt à ce que cette eau ne
soit pas trop corrosive parce que son équipement pour aller chercher son
eau potable ou l'eau pour l'industrie peut lui coûter plus cher du fait
que l'eau qui aurait été polluée
détériorerait complètement les tuyaux qui lui
amèneraient cette eau.
Ajoutons aussi la création d'emplois par des activités
reliées à la qualité de l'environnement. Je pense, par
exemple, que pour chaque million investi dans la dépollution des eaux,
on crée 13 emplois directs et environ 21 emplois indirects. On a
commencé à dire que l'environnement peut devenir une mesure
intéressante et productive au niveau des emplois. Vous parlez souvent du
fait que les compagnies ont investi des sommes considérables pour se
conformer aux exigences de la loi actuelle. Les chiffres que vous citez sont
probablement exacts, et pourtant, malgré les dépenses faites par
les industries, on estime que la
grande majorité des industries du Québec ne se conforment
pas à nos normes et que des programmes d'envergure devront être
entrepris pour y arriver. Si les coûts sont élevés pour les
industries, c'est qu'elles jouent un rôle important dans la
pollution.
La pollution de l'air. À l'heure actuelle, les
procédés industriels émettent 72% des matières
particulées et 70% de l'anhydride sulfureux. Dans la majorité des
grandes villes industrielles du Québec, les problèmes de la
qualité de l'air ambiant sont reliés à des sources
industrielles. Exemples: Montréal-Est, un comté que je connais
fort bien, avec ses raffineries de pétrole, ses carrières et ses
industries chimiques et pétrochimiques; Shawinigan avec ses alumineries
et ses industries chimiques; Sorel, Tracy et Contrecoeur avec leurs fonderies
et leurs aciéries.
Le domaine de la pollution de l'eau. Les activités industrielles
sont responsables en quasi-totalité de la pollution chimique. Au niveau
de la pollution organique, des matières en suspension, la DBO, en
matière nutritive, même si les citoyens contribuent pour beaucoup,
l'industrie reste encore la principale cause. Exemple: les usines de
pâtes et papiers polluent pour l'équivalent d'une population de 18
millions d'habitants alors que les productions animales, au niveau seulement
des matières organiques, polluent pour 35 millions, les industries
laitières pour 2 500 000. Le Saint-Laurent, l'Outaouais, le
Saint-François, la Chaudière sont des cours d'eau
spécialement affectés par les activités industrielles.
La pollution du sol. 75% des déchets solides, comme je le disais
tantôt, proviennent des activités minières, alors que 18%
proviennent de source agricole et 2% d'autres activités industrielles.
Les industries font donc largement leur part du côté du volume des
déchets; de plus, ils contiennent souvent des substances toxiques dont
l'effet est durable. Tous ces chiffres, j'espère, justifient notre
prétention qu'il est normal que les industries assument leurs
responsabilités environnementales. Ajoutons que l'industrie peut
bénéficier de l'aide gouvernementale quand elle investit dans des
équipements antipollution et que les mesures fédérales
d'incitation fiscale représentent 25% des dépenses. Le
gouvernement du Québec a, lui aussi, des mesures par des programmes
spéciaux à l'intérieur de différents
ministères; au ministère des Transports du Québec, les
usines de béton bitumineux; au ministère des Terres et
Forêts, les usines de pâtes et papiers. Les coûts sont donc
récupérables en partie par l'aide gouvernementale. Les industries
peuvent même, à l'intérieur des coûts
d'équipement antipollution, retirer, dans les deux années qui
suivent les investissements, à l'intérieur de leurs profits, des
sommes d'argent au moins pour la moitié des coûts que pourraient
leur occasionner des équipements antipollution.
Je pense qu'il faut aussi retenir les objectifs du Bureau d'audiences
publiques sur l'environnement qui n'est pas un tribunal populaire.
L'expérience a montré qu'il est facile de l'utiliser à des
fins autres qu'environnementales, comme vous dites, mais je pense que le Bureau
d'audiences publiques n'est ni un tribunal, ni une régie. Il n'a pas de
pouvoir décisionnel, ni même de pouvoir de recommandation. La
chambre de commerce se dit heureuse de cette mesure, mais le Conseil du
patronat lui-même se dit d'accord avec le principe de tenir des audiences
publiques. Alors, quels sont ces pays équipés d'un bureau
d'audiences publiques sur l'environnement qui se transforme en tribunaux
populaires? Je me pose la question. Je pense que les mesures que nous avons
mises là ont pour objectif de rendre le citoyen participant à la
gestion de son environnement. Nous avons mis des balises pour éviter
qu'il n'y ait des exagérations et je pense que vous devriez, comme nous,
faire le pari que pourvu qu'on informe le citoyen, qu'on lui donne les moyens
de décoder les mesures techniques ou les discussions ou les affirmations
des spécialistes les décoder pour comprendre ce qu'elles veulent
dire qu'on lui permette aussi de s'exprimer, de recoder cela pour que les
spécialistes comprennent son point de vue, peut-être que les deux
groupes pourront se comprendre au niveau d'une audience publique.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous des remarques?
M. Dufour: Les remarques seront très brèves parce
que, finalement, on reprendrait l'argumentation à l'inverse. Une des
premières constatations qu'a faites le ministre a été de
dire que l'objectif du gouvernement était de protéger le petit.
Ce n'est pas tout à fait notre conception du gouvernement. Le
gouvernement est là pour essayer de jouer avec les différents
objectifs que se donnent les différents groupes dans la
société. Il a à pondérer tout cela et à
présenter une législation qui tient compte des
préoccupations de l'ensemble des citoyens.
M. Léger: Je dois quand même corriger. J'ai dit: le
ministre de l'Environnement a cette préoccupation, parce que les autres
ministres ont l'ensemble des préoccupations des gouvernants.
M. Dufour: Oui, mais le ministre fait partie d'un Conseil des
ministres et exprime une politique gouvernementale. De toute façon, je
pense qu'il y a une réaction assez négative de la part du
ministre à notre mémoire. Je ne sais pas si c'est une certaine
forme de conditionnement, mais en ce qui concerne le Bureau d'audiences
publiques et les études d'impact, je pense qu'on est beaucoup plus
positif que le ministre le laisse voir. On accepte des principes, on tente de
baliser, justement, l'affaire pour en arriver à éliminer certains
des coûts, dont vous-même, M. le ministre, vous parlez.
Il y a peut-être deux ou trois corrections que je voudrais
apporter aussi. Quand vous dites: D'autres groupes patronaux ont accepté
l'idée des poursuites pénales, bien, vous ne retrouvez pas dans
notre mémoire qu'on s'oppose à cette dispo-
sition de la loi. Et on est au fait, aussi, qu'il y a d'autres provinces
où c'est déjà prévu. Il y a ce genre de
vérifications qu'il faudrait sûrement faire, purement au niveau
des faits, dans notre mémoire.
Mais, notre problème le plus important dans tout le débat,
c'est la question de l'injonction, et cela, je pense qu'on ne peut pas passer
à côté. L'injonction, vous ne l'inventez pas, dans le
projet de loi 69, cela existe. Il ne s'agit pas de remettre en cause le
principe de l'injonction, cela existe déjà dans le Code de
procédure civile. Il s'agit tout simplement de savoir quelle instance va
prendre un tel type d'injonction. Quant à nous, au moment où,
dans d'autres ministères gouvernementaux, notamment au ministère
du Travail, on s'interroge, justement, sur la valeur des injonctions dans
d'autres domaines, on peut, au moins, nous permettre de nous interroger, ici,
sur une nouvelle orientation.
L'autre question et là on pourrait l'adresser au ministre
c'est qu'aujourd'hui on a un droit qui nous est, semble-t-il,
donné par cette loi, un droit fondamental à la qualité de
l'environnement. Pour faire appliquer ce droit fondamental, on a une ouverture
à l'injonction. Est-ce qu'on peut dire que demain, dans d'autres
domaines où il y a des droits aussi fondamentaux, tous ceux qui sont
couverts par la Charte des droits et libertés de la personne, par
exemple, notamment le droit à la santé, on peut escompter que les
citoyens, la population auront un recours possible en injonction? Finalement,
dans quelle société on s'oriente au moment où, au niveau
d'un droit, on donne ce type de recours?
Le Président (M. Laplante): M. le député
D'Arcy McGee. Maintenant, est-ce que les membres de la commission sont d'accord
pour continuer quelques minutes, parce que M. Dufour m'a signalé qu'il
ne pouvait pas être ici passé 6 heures.
M. Goldbloom: M. le Président, je n'ai certainement pas
d'objection, mais quant à moi, je n'en ai que pour deux minutes, de
toute façon.
Je voudrais attirer votre attention, M. Dufour, à la page 8 de
votre mémoire. En haut de la page, il y a deux recommandations que fait
le Conseil du patronat et la première se lit comme suit: "Que le projet
de loi cerne de plus près le type de projets ou de programmes qui
peuvent faire l'objet de discussions en audiences publiques". Pourriez-vous
brièvement me donner une idée des projets que vous trouveriez
convenables et des autres qui, à votre point de vue, au point de vue du
Conseil du patronat, devraient être exemptés du processus
d'audiences publiques?
M. Dufour: M. Drouin.
M. Drouin (Claude): Je crois, M. le Président et M. le
député, que là-dessus il faudrait se limiter à des
projets en fonction de l'investissement qui est concerné et aussi en
fonction des effets qui résultent de l'investissement. Faire une liste
exhaustive de tout ce qui peut rentrer là-dedans, évidemment en
parlant de mon secteur, c'est que nous avons déjà dit que nous
sommes d'accord avec les études d'impact pour nos projets miniers en
général. Nous sommes d'accord avec cela.
Dans toute grosse industrie sidérurgique où il y aurait
peut-être des émissions atmosphériques qui peuvent
s'étendre assez loin, c'est encore la même chose. Je ne sais pas
si réellement c'est à nous de vous donner une liste
complète de tout ce qui rentre là-dedans vous me prenez un
peu au dépourvu pour faire une liste de ce genre. Je vous
suggérerais que vous dressiez une liste. Justement, dans vos cas de
révisions de projets de règlements, on vous dira si cela
convient. Les peintures tout à l'heure, on a dit qu'on était
d'accord avec ce genre d'études d'impact. Je suis convaincu que les
corridors de transport, question des routes, il n'y a pas de problème
à ce sujet; il n'y aura pas d'objection à s'embarquer dans ce
genre de projet. Mais dans les petits projets, par exemple, une scierie, je me
demande s'il y a lieu de faire une étude d'impact pour une scierie. Une
carrière: évidemment, cela dépend où elle est
située; ce n'est pas le même genre d'étude d'impact qu'on
va faire si elle est faite le long de la route de la baie James ou si c'est
fait en plein centre de Montréal. Il y a des dimensions à
reconsidérer dans tout cela.
Je ne sais pas si j'ai le droit de prétendre pouvoir vous donner
une réponse complète à votre question, M. le
député, actuellement. (18 heures)
M. Dufour: Je peux peut-être ajouter à cela, M. le
député, que, quand on a préparé notre
mémoire, c'était au mois d'août au moment où on
n'avait aucune connaissance du contenu éventuel de l'article 31a. Il
faut dire que depuis, en fin de semaine, le ministre Léger a
commencé à baliser l'article 31a. Là, on sent tout de
suite qu'il y a certains secteurs qui ne sont pas concernés par les
études d'impact. Notamment, cette affirmation est faite devant GM hier
après-midi. Il reste, par ailleurs, que même dans le projet de
règlement qui a été un peu dévoilé samedi,
les mots sont encore très généraux quand on parle de
construction ou quand on parle de mines et qu'à l'intérieur de
cela, nous, notre principe, c'est la recherche de l'intérêt
général.
M. Goldbloom: M. Dufour et M. Drouin, ce n'est pas dans mon
esprit de vous demander de fournir une liste. Par contre, il faut avoir des
critères. Si vous demandez au législateur de faire en sorte que
la loi cerne de plus près le type de projet, il faut rédiger un
article de loi qui atteint cet objectif. Ce n'est pas une critique
désobligeante que je fais en suggérant que souvent des opinants
qui viennent devant une commission parlementaire proposent un texte alternatif
pour un article du projet de loi.
Je suis convaincu que si vous arriviez la semaine prochaine avec une
proposition quant à un nouveau texte qui répondrait à
votre objectif, le ministre ne refuserait pas de le regarder et de
l'étudier avec ses conseillers juridiques.
Mon autre question concerne la dernière partie de ce même
alinéa où le Conseil du patronat demande que toute personne ou
municipalité qui requiert la tenue d'une audience publique soit
obligée de prouver un intérêt suffisant. Vous savez, dans
la loi, on voit souvent le mot "peut". Le ministre peut décréter
la tenue d'audiences publiques. Le ministre peut procéder à une
enquête, ayant reçu une demande en ce sens. Souvent, des opinants
disent: Au lieu de "peut", on devrait écrire "doit". Quand on
écrit "doit", on place le ministre à la merci de toute personne
qui peut être de mauvaise foi, être un illuminé ou n'importe
quoi. Il faut laisser une certaine discrétion, et cette
discrétion me paraît être exprimée dans le texte de
loi tel que rédigé.
J'aimerais vous demander, là aussi, si vous pouvez me donner une
ébauche de définition d'"intérêt suffisant". Quel
serait un intérêt suffisant qui justifierait que le ministre
accorde la tenue d'une audience publique et quel serait un intérêt
insuffisant qui devrait mener le ministre à rejeter la
requête?
M. Dufour: Sur la distinction que vous faites entre peut et doit
dans la loi, je pense que nous sommes d'accord là-dessus. Il s'agit tout
simplement d'incorporer dans cet article du projet de loi où on dit que
le ministre "peut" l'idée d'intérêt suffisant. C'est
déjà une notion de droit qui est connue et qui est
affichée, qui d'ailleurs est un des points d'appui lorsqu'on demande
justement une injonction. C'est parce qu'on a parlé jusqu'à un
certain point cet après-midi, à deux occasions dans des
mémoires, du pouvoir discrétionnaire du ministre. Dans ce cas-ci,
c'est peut-être un des pouvoirs discrétionnaires du ministre qui
s'accepte. Mais il faudrait que lui aussi soit cerné et justement que
dans la loi on ajoute la notion d'intérêt suffisant. Et, pour les
juristes, je pense que c'est clair.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. Une simple remarque,
d'abord, au point de départ, en ce qui concerne certains propos tenus
par M. Dufour. Je pense que vous avez touché un principe assez
fondamental, celui du recours direct du citoyen dans les circonstances
prévues par la loi-cadre. Vous avez tracé une analogie possible
avec le même principe qui pourrait ou devrait prévaloir en ce qui
concerne le citoyen touché d'une façon ou l'autre à
quelque autre niveau que ce soit de la vie d'une collectivité. Vous avez
donné l'exemple du citoyen par rapport à la santé. Est-ce
qu'on ne devrait pas, par la même occasion, reconnaître ce recours
direct au citoyen qui se voit lésé dans sa demande de soins de
santé, par exemple? Est-ce que c'est moins vital que d'être
lésé au niveau de l'environnement lorsqu'il y a une
mésentente avec un voisin pour une façon d'organiser son
arrière-cour?
Je caricature un peu, mais vous avez quand même touché un
point fondamental qui mériterait peut-être d'être
discuté beaucoup plus en profondeur ici. C'est pour cela que je fais
simplement rappeler, souligner l'intérêt que personnellement je
porterais à ce point particulier. La discussion pourrait être fort
longue à ce sujet et on aura d'ailleurs à revenir, je pense, sur
le bien-fondé de l'ensemble de cette question. J'aurai simplement,
à ce stade-ci, une question que j'adresserai au ministre en me
référant au document qui a été
présenté par le Conseil du patronat du Québec, à la
page 8, où, dans l'aspect administratif, on indique un chevauchement
possible en ce qui concerne les autorisations à donner, par exemple, au
niveau de l'autorisation du Conseil des ministres ou du côté du
directeur, où cela peut être requis de l'un ou l'autre ou des
deux, dans certains cas. J'ai vérifié dans le mémoire plus
complet présenté également par le Conseil du patronat et
on ne semble pas assuré que, dans le libellé de la loi, ce soit
directement inclus, mais on craint qu'à certaines occasions, la loi ne
soit pas suffisamment claire, de sorte qu'on puisse arriver, à un moment
donné, à des situations ambiguës où on doive avoir
recours aux deux autorités pour avoir l'autorisation. Est-ce que le
ministre peut faire le point sur ce point particulier qui a été
soulevé et nous indiquer, en même temps, quelle est son intention
en ce qui concerne ce point?
M. Léger: En général, la décision
concernant les certificats sera une recommandation du ministre au Conseil des
ministres, de façon qu'on puisse avoir l'arbitrage de tous les
responsables de tous les aspects du développement d'un État.
Donc, non seulement l'environnement qui, lui, sera présenté par
le ministre de l'environnement, mais les autres ministres qui ont aussi
à voir à d'autres préoccupations qui sont
économiques ou d'autres types qui vont faire l'arbitrage. Il s'agira
parfois, par exemple ce sera précisé par règlement
de cas où la décision du Conseil des ministres devra
être vérifiée par le directeur pour s'assurer que la
réalisation du projet est conforme à la décision du
Conseil des ministres. Ce sera une surveillance par la suite. Je voudrais en
profiter peut-être, puisqu'on me pose une question, pour répondre
à une autre question qui m'a été posée en
même temps.
Le Président (M. Laplante): Êtes-vous capable de
faire cela en 30 secondes, M. le ministre, s'il vous plaît?
M. Léger: En 30 secondes, à peu près, oui.
La loi que nous présentons, contrairement à la loi
américaine, sera beaucoup plus précise et beaucoup plus
sécuritaire pour les investisseurs. Dans la loi américaine, on
prévoyait qu'il y aurait des études d'impact pour tous les grands
projets, projets majeurs qui n'étaient pas définis, alors que
nous, dans le règlement, il y aura une définition précise,
directe et bien déterminée des types de projets qui seront
susceptibles de nécessiter une étude d'impact au
préalable. Comme ces projets
seront expliqués à l'intérieur du règlement,
il y aura quand même une période de 60 jours pour permettre
à des organismes comme le vôtre de regarder cela et de nous
apporter votre éclairage pour qu'on soit certain que le règlement
qui sera en vigueur correspond autant aux préoccupations du domaine de
développement économique que de la protection de
l'environnement.
Je voudrais terminer en vous disant... il me reste encore quinze
secondes, à ce qu'il paraît?
Le Président (M. Laplante): C'est passé.
M. Léger: Je suis très heureux des dernières
remarques de M. Dufour, parce que la collaboration entre votre organisme et le
ministère de l'environnement est essentielle. Quand je disais
tantôt que le ministre responsable de l'environnement devait s'occuper de
celui qui semblait démuni, le citoyen, c'était justement parce
que je situe le citoyen comme le centre qui subit les avantages et les
désanvatages d'un environnement sain ou d'un environnement qui a
été agressé. Donc, je me dois de l'aider mais en
collaboration avec ceux qui ont, aussi, une préoccupation du
développement économique.
Je veux qu'on termine en s'assurant que la collaboration sera pour le
meilleur intérêt du Québec, aussi bien pour son
progrès économique qu'écologique.
Le Président (M. Laplante): II me reste, Mme
Laliberté, M. Drouin, Mme Chaperon, M. Gaudette, M. Dufour, à
vous remercier pour votre participation à cette commission. Les travaux
sont suspendus à ce soir, vingt heures, avec comme premier groupe
l'Association des biologistes du Québec.
(Suspension de la séance à 18 h 11)
(Reprise de la séance à 20 h 15)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît! Regagnez vos sièges, s'il vous plaît. Est-ce que ce
monsieur est un député?
Association des biologistes du Québec
Maintenant, j'appelle l'Association des biologistes du Québec.
Monsieur, identifiez votre organisme vous-même et les membres qui vous
accompagnent pour les fins du journal des Débats.
M. Dupont (Michel): Messieurs les membres de la commission,
l'Association des biologistes du Québec regroupe quelque 500
professionnels de la biologie, tous préoccupés, dans un domaine
ou dans un autre, de la protection de la qualité de l'environnement.
J'agis moi-même comme procureur de l'association; mon nom est Michel
Dupont. J'ai avec moi, ce soir, à mon extrême droite, le
président de l'association, M. Jean Burton, de même que le
vice-président de l'association, M. Michel Cantin.
L'Association des biologistes tient d'abord à faire part de sa
satisfaction en regard des modifications proposées par le projet de loi
69 et considère qu'il s'agit là d'une étape importante
dans le processus visant à assurer la qualité de l'environnement.
Beaucoup d'autres problèmes demeurent cependant sans solution et nous
osons, en conséquence, espérer que ce projet de loi sera
bientôt suivi par d'autres.
L'Association seconde particulièrement le ministre lorsqu'il
propose la reconnaissance officielle du droit à la qualité de
l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes. Elle est
également heureuse de constater qu'on fait franchir à cette
déclaration de principe le stade de voeu pieux en mettant à la
disposition du citoyen le recours en injonction et la possibilité
d'entamer les procédures civiles et pénales.
La section prévoyant la création du bureau d'audiences
publiques vient renforcer ce souci de rendre la recherche de la qualité
de l'environnement accessible au citoyen en lui permettant non seulement de
faire valoir ses droits devant les tribunaux, mais surtout d'exprimer
régulièrement son opinion auprès du ministre chargé
d'appliquer cette loi. Enfin, nous approuvons les contrôles additionnels
dont le projet de loi fait mention, dont, et de façon non limitative, la
nécessité de procéder à une étude d'impact
dans les cas qui seront fixés par règlement et l'augmentation du
montant des amendes en cas de contravention.
Nous avons cependant noté un certain nombre de lacunes dans le
projet de loi et croyons également que cette occasion devrait être
utilisée pour corriger quelques autres déficiences dans la
législation actuelle. Comme nos commentaires sous cette rubrique
apparaissent de façon détaillée dans la seconde partie de
ce mémoire, nous nous contenterons d'en souligner les
éléments les plus importants, lesquels ont été
regroupés sous quatre titres.
Premièrement, quant aux définitions, deux termes, ceux de
"environnement" et de "polluant" nous sont apparus incomplets dans la
signification que leur donne la loi et doivent, à notre point de vue,
être modifiés dès maintenant. On réalise en effet,
que la définition de "environnement" ne rencontre ni le sens
scientifique, ni même le sens populaire car n'y sont pas incluses les
espèces végétales et animales. Puisque la loi vise
clairement à assurer la qualité tant du milieu physique que des
organismes qui y vivent, le terme "environnement" devrait recevoir tout le sens
qu'on lui reconnaît. Un tel amendement, en plus d'éviter de
traiter sur deux plans des éléments qui n'en font qu'un,
permettra de corriger des lacunes graves. Il en est ainsi des certificats
d'autorisation qui, avec la définition actuelle, ne seraient pas
nécessaires si la modification à l'environnement ne portait que
sur des organismes vivants.
Quant à l'expression "polluant" ou "pollution", elle fait
abstraction de toutes ces interventions physiques qui n'ont d'autre trait
commun avec les contaminants que celui de résulter en une
dégradation de l'environnement aussi importante qu'irréparable.
Aussi, est-il urgent qu'on vienne
procurer à ceux qui ont la responsabilité de la
qualité de l'environnement les moyens de contrôler et d'enrayer
non pas quelques sources de pollution, mais toutes.
Deuxième commentaire, sur le Bureau d'audiences publiques.
À l'examen, ce bureau se révèle bien plus un organisme
d'enquête que d'audiences publiques. Or, nous comprenons mal que le
rôle du bureau soit limité à livrer ses constatations. Nous
estimons que, sur les sujets qui lui seront confiés, le bureau devrait
avoir le pouvoir de soumettre des recommandations.
L'association s'interroge également sur les relations
qu'entretiendront le Bureau d'audiences publiques et le Conseil consultatif de
l'environnement et soumet que le projet de loi devrait apporter les
précisions nécessaires sur leurs sphères
d'activités respectives.
Troisième point, les recours des citoyens. Puisque l'on
reconnaît à toute personne le droit à la qualité de
l'environnement, l'association ne s'explique pas comment on peut en limiter
l'exercice aux seuls individus et, qui plus est, à ceux-là seuls
qui se qualifieront en fonction du critère de résidence
énoncé dans le projet de loi.
Nous considérons injustifiables ces restrictions qui viennent
empêcher le citoyen de s'assurer aujourd'hui de l'intégrité
d'un endroit que lui-même ou ses enfants occuperont peut-être
demain, qui viennent soustraire au recours en injonction ces territoires du
nord encore peu ou pas habités et éliminer également la
participation de toutes ces organisations dont la majorité
s'intéresse souvent plus que le citoyen pris individuellement au
maintien de la qualité de l'environnement.
Quatrième point, sur les études d'impact. En tant que
directement impliqués dans ces études, les biologistes ne
s'expliquent pas la discrétion qui est laissée au ministre quant
au choix d'une étude préliminaire ou détaillée.
Comme principe, l'association soumet qu'aucune autorisation ne devrait
être accordée à un projet qui n'a pas fait l'objet d'une
étude d'impact rigoureuse et qu'en aucun cas on ne devrait se contenter
de ce que le projet de loi appelle l'étude préliminaire. Nous
n'admettons pas non plus qu'on puisse, en cours d'application, soustraire
à l'étude d'impact des projets que, par règlement, on aura
à l'origine considérés comme nécessitant une telle
étude. Aucun pouvoir discrétionnaire ne devrait être
conféré sur cette question, pas plus qu'il n'est justifiable de
permettre que certains contaminants soient soustraits des exigences
posées par la réglementation.
Enfin, nous croyons que la section sur les études d'impact risque
d'être inapplicable aux projets de moyenne et grande envergure qui seront
mis en oeuvre dans les prochaines années. Les critères de
planification et de conception proposés à l'article 31f sont
beaucoup trop élastiques et permissifs et devraient plutôt
être remplacés par la notion de réalisation physique.
En conclusion, l'association se permet d'insister pour que les
dispositions du projet de loi 69 ne demeurent pas lettre morte faute de
réglementation appropriée et espère que le ministre fera
diligence pour que soient adoptés dans les meilleurs délais les
règlements qui viendront se greffer à la loi, dont celui relatif
aux études d'impact.
De façon plus générale, nous soumettons que les
objectifs poursuivis par la Loi de la qualité de l'environnement ne
peuvent être efficacement rencontrés que par la centralisation des
responsabilités en matière de protection des ressources. Ce
processus, d'abord applicable à des domaines particuliers tels les
espaces verts, devrait déboucher sur la création d'un
véritable ministère de l'environnement qui, nous
l'espérons, fera l'objet du prochain projet de loi.
J'aimerais aussi, messieurs les membres de la commission, demander que
la deuxième partie du mémoire soit reproduite dans le journal des
Débats.
Le Président (M. Laplante): Je ne crois pas qu'il y ait
d'objection de la part des membres pour la reproduction de la deuxième
partie du mémoire. Chose acceptée, monsieur. (Voir annexe B). M.
le ministre, avez-vous des commentaires ou des questions?
M. Léger: Je veux vous remercier d'abord de votre
mémoire ainsi que du sérieux et de l'intérêt que
votre association porte à tous les projets et toutes les batailles de
l'environnement. Je sais que vous avez été d'une utilité
extraordinaire dans une bataille qui semblait un peu perdue à l'occasion
de la préservation de la ouananiche du lac Saint-Jean. Les
données que vous avez fournies ont certainement aidé à
comprendre l'importance de ce qu'il fallait sauver là-bas. Je profite de
cette première occasion pour vous le dire.
Le rapport que vous présentez amène quand même
certaines questions de ma part. Vous parlez de la définition de
l'environnement qui devrait inclure les espèces végétales
et animales. Quand on parle d'espèces vivantes, selon vous, cela ne
comprendrait pas les espèces végétales et animales?
M. Dupont: Non, je pense que la question n'est pas là.
Selon la définition même d'environnement, on donne, comme
définition d'environnement, l'eau, l'atmosphère et le sol ou
toute combinaison de l'un ou de l'autre ou, d'une manière
générale, le milieu ambiant avec lequel les espèces
vivantes entretiennent des relations dynamiques. Alors, ce n'est pas le milieu
physique avec lequel les espèces vivantes ont un lien mais cela comprend
également les espèces vivantes elles-mêmes, substances
vivantes s'appliquant aux espèces animales et
végétales.
M. Léger: Dans l'article 19a, étant donné
qu'on redéfinit un peu, on dit que toute personne a droit à la
qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces
vivantes qui l'habitent. Même là, cela ne suffirait pas. Vous
voulez l'avoir dans la définition du début de la loi comme
telle.
M. Cantin: On voudrait que ce soit repris dans
la définition de l'environnement parce qu'on s'est rendu compte,
à la lecture du projet de loi 69, que le législateur se sentait
obligé de répondre à cette déficience en ajoutant,
à plusieurs reprises: "... et des espèces vivantes", à
deux ou trois reprises. Plutôt que d'amener cette notion d'espèces
vivantes à deux ou trois endroits et la négliger à
d'autres endroits, on voudrait que ce soit tout simplement inclus dans la
définition d'environnement.
M. Léger: D'accord. Un peu plus loin, vous dites que le
bureau d'auditions devrait avoir des pouvoirs de recommandation. Comme je l'ai
répété plusieurs fois aujourd'hui vous étiez
probablement présents notre objectif, c'est de faire de ce bureau
des enquêteurs qui vont être l'oreille du ministre, capables de
rapporter le plus fidèlement possible les impressions des citoyens. On
ne voudrait pas qu'il arrive une sorte de pouvoir dans le pouvoir qui apporte
des recommandations qui ne correspondraient pas nécessairement à
l'opinion des citoyens. Cela pourrait devenir un genre de petit tribunal qui
ferait que le ministre, par la suite, pourrait publier des recommandations qui
ne tiendraient pas compte des implications politiques, financières et
autres dont le bureau n'a pas la préoccupation et la connaissance
administrative. Comme c'est lui qui est élu, il doit rendre compte de
son administration; c'est l'élu, le ministre du Conseil des ministres.
On préfère que ce soit plutôt un organisme qui nous apporte
le plus fidèlement possible, d'une façon synthétique,
l'opinion réelle des citoyens sans la distorsion possible d'une opinion
générale de l'organisme.
Toutefois, on n'est pas fermés à l'idée de cette
éventualité, mais je pense qu'au moins une expérience doit
être vécue afin de permettre aux différents acteurs sociaux
de se familiariser avec la nouvelle procédure. Peut-être qu'on
pourrait corriger cela, à la longue, voyant les avantages et les
inconvénients de la formule mise de l'avant. D'un côté, il
y a une différence avec le Conseil consultatif, où nous voulons
qu'on évite le dédoublement des responsabilités en se
mêlant à des dossiers opérationnels.
Étant jusqu'à un certain point représentatif de la
population, il est très avantageux que le Conseil consultatif, où
siègent des personnes qui représentent des couches de la
société de régions différentes et de disciplines
personnelles différentes, puisse donner, de son initiative ou sur
demande, des avis au ministre en matière d'environnement. On veut
surtout qu'il s'habitue à préparer une perspective de politique
globale à long terme, qu'il développe ainsi cette habitude de
conseiller le ministre sur les grandes politiques de l'environnement. Il est
aussi question qu'il devienne un interlocuteur privilégié en
matière réglementation sur l'environnement, de façon
qu'avant même qu'un règlement soit présenté dans la
Gazette officielle, on puisse, grâce au Conseil consultatif de
l'environnement, vérifier auprès des gens qui vont être
impliqués leur opinion grâce à cet organisme qui est
paragouvememental.
En gros, c'est un peu ce qu'on veut mettre de l'avant. Vous dites quand
même que l'article 31f ne devrait s'appliquer que pour les projets ou
activités déjà en cours de réalisation physique. Je
pense en effet que votre demande pourrait être retenue, sinon il y a
peut-être un risque qu'on exclue un très grand nombre de projets
de l'article 31. Je pense que vous nous avez apporté un éclairage
intéressant là-dessus. Vous dites que le règlement et les
études d'impact devraient être adoptés avec diligence. On
est d'accord là-dessus. On est pratiquement prêt, sauf qu'on
voulait voir les implications et les réactions des citoyens sur les
principes de la loi, et, nous basant dessus, apporter les correctifs voulus
dans le règlement.
Il y a une question que j'aimerais vous poser. Vous êtes d'accord,
d'après votre mémoire, mais vous avez quand même eu
l'occasion d'entendre des organismes qui défendent des
intérêts économiques ou d'autres sortes
d'intérêts dans la société et dont certains
s'opposaient à la procédure d'injonction, au droit d'injonction,
ou manifestaient surtout des réticences par rapport aux études
d'impact et à la consultation publique. Autrement dit, comme c'est
nouveau de donner un pouvoir réel à des citoyens, il est normal
que certains organismes qui sont habitués de jouer dans ce domaine
facilement parce qu'ils en ont la possibilité financière et
technique, étant au centre des connaissances de ce milieu, craignent un
peu que les citoyens ne soient peut-être pas aussi à la hauteur.
Qu'est-ce que vous pensez des réactions de certains organismes qui
parlaient de cette crainte que cela ne dégénère un peu de
façon anarchique et qui disaient qu'il pourrait y avoir des
exagérations de la part des citoyens si on leur donne des pouvoirs?
M. Burton (Jean): Je pense que c'est tout à fait normal
disons, les promoteurs, ou les gens qui jusqu'à maintenant ont
fait fi d'une façon régulière des objections pouvant venir
des citoyens ou de groupes représentatifs oeuvrant dans le domaine de
l'environnement, ces promoteurs, appelons-les sous ce vocable, ont raison
à ce stade-ci de craindre que des pouvoirs accrus mis dans les mains des
citoyens puissent dégénérer dans des procédures qui
causeraient des retards. (20 h 30)
Dans leur esprit, c'est normal qu'on s'attende à cette
réaction. Mais, pour nous, nous avons bien précisé dans
notre mémoire que non seulement nous sommes d'accord pour que ce soit
les citoyens de la municipalité ou les citoyens résidents qui
puissent disposer de ce pouvoir, non seulement eux, mais tous les citoyens du
Québec et pas uniquement les personnes physiques, mais aussi les groupes
préoccupés par l'environnement. Si on confie à la
conscience populaire, si vous voulez, la protection de l'environnement, je ne
pense pas qu'on aboutisse à un tollé général et
à l'encombrement des cours de justice pour des causes de pollution ou de
contraventions à la loi de l'environnement. Les gens craignent. C'est
normal. L'appréhension vient peut-être du fait
qu'on n'a pas encore de règlements. C'est une loi-cadre. On n'a
pas suffisamment défini les mécanismes. On peut s'attendre qu'il
y ait des appréhensions au niveau des promoteurs. Pour notre part, nous
sommes conscients que ce pas, de confier aux citoyens la protection de
l'environnement, c'est un pas énorme et c'est une lourde
responsabilité qu'on leur confie. Comme vous avez pu le voir dans notre
mémoire, on insiste sur le fait que le critère de
résidence ne soit pas retenu et que ce ne soit pas, non plus, que les
personnes physiques qui puissent jouir de ce droit à la qualité
de l'environnement, mais aussi les associations et les personnes morales.
M. Léger: Je pense bien manifester une certaine ouverture
vis-à-vis des personnes morales. On va voir comment on peut l'inclure.
J'aimerais vous poser une question bien pratique concernant l'application de
cette loi, si elle était en vigueur, à un problème que
nous avons devant nous. Je parle des battures de Beauport. Vous savez comme moi
qu'on a dit au début de la commission parlementaire que la notion
d'environnement est une notion d'équilibre et d'harmonie entre les
différents intervenants qui influent sur la qualité du milieu,
chacun dans l'intention d'apporter un bien-être au citoyen, l'homme qui
reçoit tous ces avantages de routes, de loisirs, d'habitations,
d'industries, de travail, et de tout ce que vous voulez. Tous ces gens sont des
intervenants, mais, s'ils le font d'une façon un peu trop forte, venant
d'un seul intervenant, cela peut avoir des conséquences sur
l'environnement. Je dirais peut-être que, quand on parle trop pour
protéger un arbre, on oublie toute la forêt. Mais quand on est
rendu au niveau où les gens réclament des travaux comme
l'autoroute de Beauport, est-il encore temps de penser en termes
d'équilibre, alors qu'il y a des besoins très précis,
très criants pour un des intervenants, celui qui donne des "jobs" et qui
va construire l'autoroute? Est-ce que pour la compréhension des
citoyens, à ce niveau, il n'est pas trop tard pour voir l'ensemble des
équilibres qui aurait dû être planifié avant, mais
qu'en ce moment précis, on essaie de retarder les derniers
dégâts pour une bêtise qui a été
décidée il y a plusieurs années. Est-il encore possible de
faire comprendre aux gens qui vivent le problème très proche que
cet équilibre dans l'environnement a été rompu et qu'il
faudrait y apporter un correctif? Comment voyez-vous cela, comme biologistes,
vous qui êtes responsables? Il y en a qui ont dit que les "oiseaulogues",
ce n'était pas important, qu'il fallait donner du pain et du manger aux
citoyens. Comment voyez-vous ce combat qui semble un peu inégal à
ce moment-là?
M. Cantin: Nous sommes très conscients de ce
problème parce que nous y sommes impliqués depuis
déjà un bon moment. Le cas des battures de Beauport montre
justement un cas où on avait déjà un règlement qui
s'appliquait et où on demandait l'étude d'impact
préliminaire; on demandait l'étude d'impact avant les travaux
où on demandait l'autorisation pour faire la route. Tout ceci ne s'est
pas fait et si, vraiment, on avait fait une étude d'impact
sérieuse avant de faire les travaux, très probablement que
même le ministère des Transports n'aurait pas persisté
à poursuivre ce projet.
Lorsqu'on parle de créer de l'emploi, lorsqu'on parle de donner
à manger aux citoyens, nous sommes parfaitement d'accord. Nous aussi
devons utiliser les routes pour nous déplacer; nous aussi, il nous faut
du papier pour écrire, mais le point sur lequel on se base est qu'on ne
veut pas que ce développement se fasse au détriment de
l'environnement. Il me semble que le territoire du Québec est
suffisamment grand pour qu'on puisse faire des routes ailleurs que dans un
cours d'eau. Cela est encore réalisable.
M. Léger: J'aurais une autre question à vous poser.
Avant que le projet soit réalisé, c'est plus facile, parce que
les intervenants ne sont pas aussi viscéralement impliqués, et
c'est facile de comprendre cet équilibre. Mais au moment où on
est rendus, où l'autoroute est quasiment terminée et que la
bataille devient des oiseaux à protéger ou des sites biologiques
importants à protéger contre des emplois, est-ce que vous ne
croyez pas qu'il est un peu trop tard pour essayer de faire comprendre cela?
Est-ce qu'il est actuellement encore possible de défendre
l'environnement à ce niveau-là, quand c'est aussi proche, faire
une bataille des oiseaux contre des citoyens à nourrir?
M. Cantin: Je pense que jusqu'à présent on n'a pas
fait la preuve qu'il y avait d'autres hypothèses de travail. On a
toujours présenté un projet qui était, soi-disant,
décidé à l'avance; on donne des contrats et, après
cela, on fait une étude d'impact. Je pense que c'est procéder
à l'envers. Lorsqu'on décide de bâtir un centre d'achats ou
une industrie, on regarde la rentabilité avant de commencer. Lorsqu'on
choisit un site, on devrait considérer les valeurs de l'environnement au
même titre que les valeurs économiques. De là à dire
que maintenant le projet est suffisamment avancé, il y a un pas, parce
que tout ce qu'on a actuellement, c'est une digue. Entre une digue et une
autoroute à quatre ou six voies, il y a une marge. C'est justement pour
cela que nous insistons sur le fait qu'on demande l'avis de la population sur
ce sujet parce que nous considérons que c'est très important, ce
développement de la région de Québec, et que c'est
absolument nécessaire de le faire. Personnellement, nous avons confiance
en l'éveil de la population et nous ne considérons pas que
déjà il est trop tard; nous considérons qu'il est encore
temps d'agir.
M. Léger: Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: Merci, M. le Président. J'ai
été particulièrement heureux de prendre connaissance du
mémoire de l'Association des biologistes du
Québec, parce que c'est une profession qui, pendant trop
longtemps, n'a pas eu toute la reconnaissance qu'elle méritait, surtout
en ce qui concerne le travail collectif pour la protection de l'environnement.
C'est une profession qui a une importante contribution à apporter et
cette contribution ne lui a pas été demandée assez
souvent. Il est vrai que nous n'avons pas toujours eu assez de biologistes
compétents pour répondre aux demandes. Je pense que cette
situation je l'espère, du moins est en train de
s'améliorer.
Maintenant, M. le Président, j'ai deux questions. Je voudrais
dire que l'on ne doit pas s'offusquer si les questions ne sont pas plus
nombreuses; ce sont les mémoires les moins convaincants qui suscitent le
plus grand nombre de questions. J'en ai seulement deux.
Dans un commentaire, à la page 2, repris à la page 7 dans
la deuxième partie de votre mémoire, vous exprimez l'avis que la
définition des mots "polluant" et "pollution" n'est pas suffisamment
large. Si je comprends bien, vous trouvez que la loi actuelle, qui
évolue avec le projet de loi 69 que nous avons à étudier
maintenant, donne une définition qui est surtout de nature chimique, si
je peux m'exprimer de cette façon, biologique aussi, mais qu'il y a des
changements physiques qui peuvent être infligés à
l'environnement, qui ne sont pas suffisamment reconnus dans la
définition que fournit la loi pour que celle-ci puisse être
utilisée pour une intervention utile.
Il me semble que vous avez sûrement raison quant à cette
définition, mais j'aimerais vous demander, et peut-être demander
au ministre en même temps, de réfléchir sur ceci: Avez-vous
regardé les autres lois du Québec, notamment celles qui sont de
la responsabilité du ministre des Richesses naturelles? Il y a la Loi du
régime des eaux qui ne permet certainement pas à n'importe qui de
faire n'importe quoi sur le lit d'une rivière, d'un cours d'eau. Le
ministre nous promet depuis un certain temps une certaine fusion des services
qui sont actuellement sous l'autorité du ministre des Richesses
naturelles avec ceux qui sont sous son autorité. Si tel était le
cas, il y aurait peut-être lieu de fusionner les lois de façon
à fournir une définition plus complète. Mais en vous
posant la question, j'ai plutôt le désir de vous rassurer un peu,
parce que je crois qu'il y a quand même, dans d'autres lois du
Québec, une protection qui devrait être utilisée.
Je reconnais en disant cela que les recours qui sont offerts aux
citoyens par le projet de loi no 69 ne s'appliquent qu'à la Loi de la
qualité de l'environnement et ne s'appliquent pas à la Loi du
régime des eaux. C'est plutôt un commentaire, mais si vous en avez
en retour, je serais très heureux de les entendre.
M. Burton: La raison pour laquelle nous sommes intervenus
à ce niveau, c'était que pour nous la notion de pollution,
lorsqu'on l'appose uniquement à un élément qui est dans
l'environnement en contravention à une norme, comme dans la
définition de "polluant" où on disait que c'était un
contaminant ou un mélange de plusieurs contaminants présents dans
l'environnement en concentration en quantité supérieure au seuil
permissible déterminé par règlement du
lieutenant-gouverneur en conseil... Alors, on s'est dit: La pollution ou un
polluant, cela dépasse très nettement ce que le
lieutenant-gouverneur en conseil peut déterminer comme étant une
norme à ne pas dépasser. Il y a beaucoup d'autres choses qui
peuvent être considérées comme étant de la pollution
qui ne font pas encore l'objet de normes et qui, peut-être, vont mettre
énormément de temps à apparaître sous forme de
normes, pour la bonne raison qu'il faut faire des recherches avant
d'établir des normes. On ne fait pas cela très rapidement. Donc,
la définition d'un polluant et de la pollution, nous apparaissait tout
à fait incomplète. S'il y a d'autres ministères et
d'autres lois qui assurent la protection particulière, entre autres la
Loi du régime des eaux, cela n'empêche pas, dans le cas d'une loi
aussi générale que la loi-cadre sur l'environnement, d'inclure la
définition la plus complète possible de la pollution ou d'un
polluant.
M. Cantin: Si je peux me permettre... M. Goldbloom: Oui,
certainement.
M. Cantin:... une autre remarque, au sujet de l'exemple que vous
avez cité tout à l'heure au sujet de Loi du régime des
eaux, il existe quand même des cas où la loi ne s'applique pas.
Si, on prend l'exemple qu'a soulevé tout à l'heure le ministre
Léger, un ministère n'est pas soumis à la Loi du
régime des eaux. Le gouvernement n'est pas soumis à la Loi du
régime des eaux, alors on pourrait déverser un
altérogène physique qui ne conviendrait pas à la Loi du
régime des eaux, mais comme c'est le gouvernement qui le fait
lui-même, cela ne contredit pas la Loi du régime des eaux. On
voudrait que cette notion de physique, puisse être incluse dans le
polluant.
M. Goldbloom: Ce sont des points importants que vous soulignez et
je vous en remercie. Je vous pose ma deuxième question qui se rapporte
à la page 4 de votre mémoire. (20 h 45)
Le premier alinéa de la partie qui traite des études
d'impact exprime l'avis, au nom de votre association, qu'aucune autorisation ne
devrait être accordée à un projet qui n'a pas fait l'objet
d'une étude d'impact rigoureuse.
Il me semble que, si nous parlons de définitions, et nous en
avons parlé tout à l'heure, il faudra, pour donner un sens
législatif à la recommandation que vous faites, définir le
mot "projet". Qu'est-ce qu'un projet? Dans le sens strict du terme, n'importe
quelle construction est un projet. Si j'ai une maison qui a été
construite sans garage et si je veux ajouter un garage, c'est certainement un
projet. Ce projet peut même avoir un certain impact sur l'environnement
autour de chez moi, surtout si, par exempte, je me sers de ce garage pour
recevoir des voitures qui ont besoin de
petites réparations. Si je lance un tel commerce, et fais des
tests de fonctionnement des moteurs, je peux certainement polluer.
Mais dans quelle mesure pouvons-nous dire que tout projet doit
être précédé d'une étude rigoureuse de
l'impact de l'environnement?
M. Dupont: Si je peux me permettre de répondre à M.
le député, ce n'est pas de façon aussi
générale que le commentaire a été formulé,
mais plutôt en regard des deux définitions ou des deux notions
qu'on a introduites dans le projet de loi, qui sont celles d'étude
préliminaire et d'étude détaillée.
Ce que l'association a voulu exprimer, c'est que, dans les cas où
par règlement on viendra créer la nécessité d'une
étude d'impact, des cas, je présume, qu'on aura jugés au
point de départ importants, on ne voudrait pas que, relativement
à ces cas-là, on se contente d'une étude d'impact qui ne
sera pas rigoureuse dans tous les sens du terme. Ce qu'on veut éviter,
c'est qu'on vienne créer deux catégories d'études: l'une
qu'on pourrait appeler "écourtichée" et l'autre complète,
qu'on pourrait appeler préliminaire et l'autre détaillée,
et que, dans certains cas, on autorise des projets en se contentant d'une
étude qui n'aura pas été réalisée de
façon adéquate. C'est là-dessus qu'on demande que le
principe à suivre soit, dans tous les cas fixés par
règlement: Faisons une étude en bonne et due forme avant
d'autoriser quelque projet que ce soit.
M. Goldbloom: C'est une clarification très utile et je
vous en remercie. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. D'abord, je veux
remercier l'association qui est devant nous des remarques pertinentes qu'elle
porte à l'attention de la commission ce soir. Je voudrais lui indiquer
en même temps que, dans ses conclusions, elle a sûrement fait
grandement plaisir au ministre en soulignant l'importance de la création
d'un véritable ministère de l'environnement. J'ai l'impression de
me retrouver, à ce moment-là, dans une commission qui m'est plus
familière, celle de l'énergie, où de temps à autre
on reformule également ce voeu de voir la création d'un
véritable ministère de l'énergie. Évidemment, c'est
à souhaiter, je pense, dans ce cheminement dans lequel on est
engagé de gré ou de force parce qu'il est appuyé sur la
réalité, que dans ce processus-là on débouche
inévitablement sur la création de ce ministère. Je tiens
à souligner que c'est une remarque fort appréciable.
Maintenant, lorsque je regarde votre mémoire, au bas de la page
3, vous indiquez, en ce qui concerne le recours du citoyen, que certaines
restrictions et je cite viennent soustraire au recours en
injonction des territoires précis, soit les territoires du nord encore
peu ou pas habités, et éliminer également la participation
de toutes ces organisations. Quelle importance, dans l'ensemble du
mémoire, accordez-vous à cet aspect particulier? De quelle
façon, de votre point de vue, devrait-on corriger le cadre
législatif qui est devant nous actuellement pour éviter ce
problème que vous soulignez avec pertinence, je crois? D'autre part,
iriez-vous jusqu'à dire dans cette évaluation que vous faites que
le fait de mettre à part tout un territoire de la province de
Québec équivaudrait en quelque sorte à replacer ce
territoire-là dans le cadre des situations où était
l'ensemble du Québec il y a plusieurs années, c'est-à-dire
dans une situation de grande permission où on n'a pas tellement de
recours, à toutes fins utiles? Autrement dit à permettre que la
situation se détériore beaucoup avant qu'on ouvre la porte
à une action directe. Est-ce dans ce sens que vous soulignez cela?
Quelle importance y accordez-vous et de quelle façon aimeriez-vous que
le cadre législatif soit modifié pour atteindre cet objectif?
M. Cantin: D'abord, il y a deux volets dans notre remarque. On
veut, d'une part, étendre la notion de personne justifiée
à demander un recours en injonction à la personne morale. Ceci
est un point. Lorsqu'on s'engage dans des procédures judiciaires, c'est
souvent difficile pour une personne isolée, qui est peu familière
avec les questions judiciaires, de commencer toute une procédure. On
craint, nous personnellement, en tout cas, que les groupes qui sont
impliqués depuis bon nombre d'années et qui montrent un
intérêt à la conservation de l'environnement n'aient pas la
chance de s'exprimer.
Le deuxième volet, c'est que nous trouvons une faiblesse dans le
projet de loi tel qu'exprimé actuellement, en ce qui a trait à la
fréquentation d'un lieu. Actuellement, on ne donne le droit de recours
en injonction qu'aux personnes qui fréquentent un lieu. Alors, pour
nous, ceci pose des problèmes parce qu'il y a des endroits qui sont peu
ou pas fréquentés, comme nous l'avons mentionné, et les
personnes qui sont assises sur le problème souvent ne le voient pas.
C'est à cet égard que nous voulons absolument que les citoyens du
Québec, en général, aient droit de mettre le doigt sur un
problème, peut importe où il se situe. Nous ne voulons pas une
loi pour la vallée du Saint-Laurent et une absence d'intervention sur le
reste du territoire.
M. Brochu: En termes pratiques, pour donner un exemple, si un
groupe quelconque d'individus ou un individu cause des dommages à la
faune dans le nord de la province de Québec de quelque façon que
ce soit, vous voudriez que l'Association des biologistes du Québec soit
habilitée, dans le cadre de la loi, et dise: Nous, on se sert du recours
prévu pour porter à l'attention du gouvernement qu'il y a une
situation anormale qui détériore l'environnement dans ce
secteur.
M. Cantin: Exactement.
M. Léger: M. le Président, si vous me le permettez,
avant que vous n'alliez trop loin dans cette direction, j'ai un renseignement
qui va
répondre à vos préoccupations. Ce matin, j'ai dit,
pendant que votre collègue était présent, qu'on avait
exclu le territoire de la baie James de cette loi parce qu'il y a une entente
qui a été signée avec les autochtones qui s'appelle la
Convention de la baie James et qui demande une loi spéciale que nous
allons présenter ces jours-ci. La loi va s'appeler Loi qui modifie la
qualité de l'environnement de la baie James dans le nord-ouest
québécois, à la suite de l'entente qui a été
signée avec les Indiens et les Inuit là-bas. C'est donc dire que
les implications des autochtones dans le processus de décision et dans
des audiences pour que les autochtones puissent déterminer la
qualité d'évaluation des impacts vont être directement
incluses dans le projet de loi, ce qui veut dire que le même
procédé qu'il y aura ici sera inclus dans le territoire de la
baie James sous une autre loi parce qu'elle fait suite à la Convention
de la baie James.
M. Brochu: J'aurais une question additionnelle à poser au
ministre. À toutes fins utiles, est-ce que cela veut dire que le
même recours et le même droit fondamental qu'on reconnaît ici
à d'autres citoyens du Québec seront, par d'autres
mécanismes à l'intérieur de cette entente, clairement
identifiés? Est-ce un droit équivalent ou tout simplement un
droit similaire qui se fera sentir au niveau des décisions d'ordre
général?
M. Léger: Non. C'est dans le même mécanisme
qui donnera aux Indiens et aux Inuit qui ont signé la Convention de la
baie James la possibilité d'embarquer à l'intérieur du
processus qui est le même pour les citoyens dans le reste du
Québec.
M. Brochu: Ah, bon! Cela fait partie de la même
série d'ententes générales avec les autochtones où
on vote des lois dites particulières pour le nord du Québec.
Le Président (M. Laplante): Y a-t-il d'autres questions,
M. le député de Richmond?
M. Brochu: Non. Cela va pour le moment, M. le Président.
Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): Sur cela, M. le
député...
M. Léger: Je n'aurais qu'une explication, M. le
Président, si vous me le permettez, concernant l'expression "les
polluants". Vous pensiez qu'ils n'incluaient pas les interventions physiques
qui dégradent l'environnement. Cela pourrait être vrai mais cela
ne veut pas dire que les interventions physiques sont exclues de l'application
de notre loi. À l'article 22 de la loi, actuellement, il est
précisé que nul ne peut, par exemple, entreprendre l'exercice
d'une activité s'il est susceptible d'en résulter une
modification de la qualité de l'environnement. Donc, par l'article 22,
on rejoint l'objectif que vous mentionnez en parlant du projet de loi qui est
sur la table actuellement.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, MM.
Dupont, Burton, Cantin...
M. Brochu: M. le Président, si vous me permettez juste une
petite question adressée au ministre avant qu'on termine avec ce
mémoire. Qu'en est-il de la position du ministre à ce stade-ci en
ce qui concerne le recours possible attribué aux groupes et organismes
comme tels, le volet particulier qui a été rappelé dans la
réponse que les biologistes ont donnée à ma question
précédente? Est-ce qu'à ce moment-ci de la commission le
ministre a réévalué la position de son ministère en
ce qui concerne ce recours possible à donner à des groupes ou
à des personnes morales plutôt que simplement des individus?
M. Léger: Votre collègue pourrait confirmer ce que
je vais vous dire. C'est qu'hier on a justement expliqué qu'on
était ouvert à inclure la notion de groupes pour la
possibilité soit de demander une audience publique, soit aussi d'avoir
le recours à l'injonction.
Le Président (M. Laplante): Les membres de cette
commission vous remercient, messieurs, de votre participation. J'appelle
maintenant le Groupe de chercheurs de l'INRS-Eau. Veuillez vous identifier,
monsieur, pour les fins du journal des Débats et identifier votre
groupe, vous-même et les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Groupe de chercheurs de l'INRS-Eau
M. Leclerc (Michel): Mon nom est Michel Leclerc. Le groupe en
question est principalement composé de Denis Couillard, de l'INRS-Eau,
et de Hubert Demar. Denis Couillard devrait arriver prochainement.
Le Président (M. Laplante): M. Damase? M. Leclerc:
M. Demar.
Le Président (M. Laplante): Demar, DEMAR?
M. Leclerc: De l'INRS-Eau. M. le Président, le groupe que
je représente ici ce soir a une formation multidisciplinaire,
c'est-à-dire que nous travaillons ensemble depuis plusieurs
années et chacun d'entre nous provient de disciplines très
diversifiées allant du génie à la chimie, à la
biologie. Nous avons depuis huit ans dû développer un langage pour
apprendre à communiquer entre nous. Notre principale
préoccupation a été centrée,
particulièrement au cours des dernières années, vers une
gestion rationnelle des ressources du milieu naturel, particulièrement
l'eau, comme le nom de notre centre l'indique. Donc, de purement scientifique
et cloisonnée qu'était notre démarche au point de
départ, cette démarche a évolué vers une perception
multidisciplinaire des ressources naturelles et de plus en plus vers la
gestion. Comme la loi qui fait l'objet de cette commission porte
principalement sur des questions de gestion du milieu, nous nous sommes sentis
en devoir de venir exprimer notre opinion sur ce point.
Ainsi que l'exprimait l'ingénieur américain David Bella
et, cet après-midi, notre ministre, pour la première fois depuis
l'existence de l'humanité l'homme a atteint un stade de
l'évolution technologique tel que sa capacité d'intervenir dans
l'environnement est suffisante pour modifier ou rompre les grands
équilibres naturels comme le climat et les écosystèmes. Je
ne veux pas insister là-dessus, M. le Président, MM. les
commissaires, mais je voudrais ici, dès maintenant, formuler un premier
principe qui est à la base de la démarche de notre
mémoire. Les valeurs conservationnistes et respectueuses du milieu
naturel et la recherche d'une véritable qualité de vie doivent
rapidement prendre le pas sur les valeurs traditionnelles qui conduisent
à la croissance sauvage et à la destruction de la
biosphère.
D'autre part, il ne suffit pas de mentionner des principes comme
ceux-là. Je crois qu'évidemment c'est au niveau des moyens que
les véritables intentions de protection de l'environnement se
manifestent. Dans nos sociétés démocratiques
libérales, les normes d'appréciation de la qualité des
actions humaines relèvent en dernière analyse des valeurs et du
niveau de conscience de la population. C'est le processus politique et toute la
machine gouvernementale y est en principe soumise. (21 heures)
Considérons maintenant la question de l'environnement. On assiste
actuellement à un vaste mouvement de conscientisation vis-à-vis
des impacts de l'homme sur son milieu, ainsi que, par exemple, sur d'autres
questions comme la consommation, les loisirs, le logement, les droits de
l'homme, on assiste à la multiplication, actuellement, de groupes de
pression qui prennent en charge carrément ces questions.
Évidemment, c'est le cas pour la question de l'environnement.
C'est bon qu'il en soit comme cela, parce qu'on a peut-être trop
vécu dans le passé une période où l'environnement
était trop pris en charge uniquement au niveau des technocrates ou du
gouvernement et, finalement, la population ne se sentait pas tellement
impliquée à ce niveau. Comprenez bien que ce n'est pas un
reproche de notre part. C'était peut-être, à notre avis,
une amorce normale d'une politique de l'environnement. Un danger demeure,
cependant. On peut compter énormément sur la population pour
prendre en charge l'environnement, puisque l'environnement ne peut pas se
protéger lui-même. Mais il faut, d'autre part, éviter des
biais énormes au niveau de la perception du milieu naturel, car il est
bien sûr que la population verra, en premier lieu, les portions de
l'environnement qui la concernent directement, c'est-à-dire le bout de
rivière en face de chez elle ou la carrière de sable qui ouvre
à côté de chez elle. Finalement, on risque de perdre de vue
certaines question envi- ronnementales, telles que l'utilisation des substances
toxiques ou, par exemple, la réalisation de projets dans des
régions éloignées où des populations sont
absentes.
Donc, notre second principe serait le suivant: Pour assurer le respect
et la mise en valeur adéquate de l'environnement, celui-ci doit
être pris en charge par la population. D'autre part, l'État, en
plus de veiller à l'exercice traditionnel de ses responsabilités,
doit voir à ce que l'information favorise une conscientisation
adéquate et ainsi valorise le processus démocratique.
Maintenant, nous voudrions apporter quelques commentaires sur le projet
de loi 69 lui-même, à la lumière des principes que nous
venons de formuler. La question du bureau d'audiences. Concernant la mise sur
pied d'un bureau chargé d'enquêter, de tenir des audiences et de
faire rapport, nous tenons à exprimer notre satisfaction
générale, car, selon notre analyse, ce mécanisme devrait
favoriser l'émergence de groupes organisés, devrait permettre la
diffusion et la pénétration par les mass media des valeurs
environnementales, le renforcement du processus politique de décisions
et, finalement, le rapprochement des milieux technocratiques des
différentes couches de population.
À notre avis, le bureau devrait fonder sa démarche sur un
préjugé favorable à l'environnement et laisser aux
processus politiques le soin d'arbitrer la décision entre les
différentes tendances socioéconomiques. J'ai entendu plusieurs
fois M. le ministre, aujourd'hui, nous faire le compte rendu de son opinion.
Nous tenons quand même à notre opinion sur cette question, car il
y va de la crédibilité du bureau d'audiences vis-à-vis des
groupes populaires.
Deuxièmement, pour reprendre la question de l'information
auprès des groupes populaires et de l'assistance technique, il est bien
sûr que les Services de protection de l'environnement devront
prévoir une augmentation substantielle de leur personnel-ressource. Nous
aimerions ajouter, ayant vécu personnellement des situations où
l'animation était importante, que ce personnel qu'on verra à
engager pour assister les groupes populaires devra disposer d'une formation
dans les disciplines d'animation. Je crois que je n'ai pas à convaincre
M. le ministre de ces remarques. Quant au conseil consultatif, son rôle
spécifique nous est apparu quelque peu obscur, au premier abord, compte
tenu des interactions avec le bureau d'audiences. Nous voudrions simplement
mentionner notre souhait qu'un amendement à la loi permette une
meilleure diffusion des activités du conseil, soit par voie d'audiences
publiques, également en ajoutant un délai de publication de ses
avis et en assouplissant l'objet sur lequel il serait susceptible de se
pencher. Il semble, actuellement que le Conseil consultatif de l'environnement
n'aura à soumettre des avis que sur des questions concernant directement
la loi ou les règlements. Il serait intéressant que le Conseil
consultatif puisse émettre des avis sur des questions qui
débordent carrément le cadre de la loi.
Maintenant, nous aimerions aborder la question du droit à la
qualité de l'environnement et à la sauvegarde des espèces
vivantes. Là encore, l'association soulève évidemment la
définition du concept d'environnement. Nous ne voudrions pas nous
étendre trop longuement sur cette question. Nous voudrions simplement
mentionner notre souhait que les Services de protection de l'environnement
coordonnent leurs activités et leur procédure avec les autres
ministères ou organismes chargés de tenir compte d'aspects
patrimoniaux, par exemple le patrimoine historique ou naturel, ou d'aspects
sociaux ou des aspects liés à la condition de vie des
autochtones, car ces questions sont toutes finalement interreliées et
participent d'un concept global d'environnement.
Quant au mécanisme d'injonction prévue dans la loi pour
favoriser l'exercice du droit à l'environnement, il nous apparaît
un excellent choix dans la mesure où son usage sera simple, souple et
très rapide. Les questions qui seront éventuellement l'objet des
demandes d'injonction toucheront les situations où les autres
mécanismes de la loi sont impuissants à donner satisfaction aux
demandeurs.
Donc, ces situations devront être considérées par un
tribunal éventuel avec une diligence proportionnelle au degré
d'irréversibilité et d'intensité du dommage causé
à l'environnement. Nous pensons particulièrement à des
situations comme des empiétements rapides dans les lits des cours d'eau
aux lieux de frayères, à des cas de décapages de sols
précédés de coupes de bois précipitées en
vue de l'ouverture de carrières ou de sablières. Même si
ces questions sont prévues dans la loi, au niveau de certains articles,
il se peut très bien qu'à certains endroits des situations comme
celles-là se produisent de façon précipitée et le
mécanisme devra être souple et diligent.
Quant à l'évaluation des impacts, cette procédure
est sans contredit un des aspects de la nouvelle loi qui suscite chez nous
à la fois le plus de satisfaction et également le plus
d'interrogations. Disons que les interrogations et les inquiétudes
concernant l'application effective de cette procédure sont nombreuses et
interreliées. Elles touchent particulièrement l'évaluation
des impacts au stade supérieur de la planification et de
l'aménagement du territoire, les critères et les
procédures permettant d'atteindre un degré acceptable de
qualité d'évaluation ou ce qu'on pourrait appeler
l'éthique de l'évaluation et, enfin, la procédure de
consultation du public par le promoteur ou l'éthique de
l'information.
Permettez-nous, M. le Président, de lire textuellement les
quelques dernières pages, puisque c'est peut-être l'aspect le plus
important sur lequel nous voulons insister. Donc, au chapitre Planification,
aménagement du territoire et évaluation des impacts sur
l'environnement, page 15.
Ce point constitue notre interrogation la plus sérieuse. La loi
mentionne que tout projet faisant partie d'une catégorie
déterminée par règlement du lieutenant-gouverneur en
conseil soit soumise à la procédure d'évaluation d'impact,
à la deman- de d'autorisation et à la consultation. L'article
commence par le terme "nul", comme si un seul promoteur était
concerné par le terme "projet". Or, on sait très bien
qu'aujourd'hui plusieurs projets ont une envergure géographique ou
financière telle que plusieurs promoteurs peuvent participer au plan
d'ensemble par la réalisation de sous-projets. Ainsi, le projet des
battures de Beauport pris dans son ensemble et tel que formulé
originalement comprenait un réseau autoroutier, des installations
portuaires, des infrastructures de services, des industries diverses, une usine
d'épuration, etc. Si l'on se fie à la procédure
présentée dans le projet de loi, devra-t-on procéder
à des évaluations d'impact sous-projet par sous-projet, promoteur
par promoteur, sans souci pour le point de vue d'ensemble? Poursuivant dans la
même logique, il pourra très bien arriver que les premières
phases ou sous-projets d'un programme d'ensemble n'aient que peu d'impact sur
le milieu et qu'on autorise leur mise en oeuvre. La somme des premières
réalisations pourrait donner un momentum tel à l'ensemble du
programme qu'il serait devenu pratiquement impossible de stopper sa poursuite
même si les étapes subséquentes comportaient des risques
importants pour l'environnement.
Nous craignons, messieurs les commissaires, que la procédure
actuelle liée à la pertinence du règlement
définissant la nature du projet ne se limite à minimiser les
impacts d'un projet sur l'environnement sans recours réel pour
l'interdire si besoin se faisait sentir, ceci grâce à un
procédé bien connu de morcelage et de fragmentation des projets
d'ensemble en sous-projets plus faciles à accepter à la
pièce.
Nous souhaitons donc vivement que le futur règlement inclue dans
la définition de projet une possibilité de considérer la
planification d'ensemble même si plusieurs promoteurs sont
impliqués dans sa réalisation.
Au chapitre "Ethique de l'évaluation", cette section
relève de l'éthique scientifique qui sous-tend le processus. Sans
entrer dans le détail de cet aspect, mentionnons quelques points
fondamentaux à surveiller pour préserver la qualité des
études d'impact. Il y a d'abord la question des solutions alternatives.
Est-ce qu'on évalue, messieurs les commissaires, un projet uniquement
sur une solution finale ou sur un ensemble de solutions alternatives incluant
la non-réalisation? Cette question s'adresse également à
l'étape de la consultation.
Deuxièmement, les impacts secondaires et tertiaires d'un projet
relient soit sa réalisation, soit ses effets d'entraînement.
J'aimerais mentionner, par exemple, que dans le cas des battures de Beauport,
particulièrement, on tend un peu trop à oublier, par exemple,
l'ouverture systématique de carrières de sable dans un
périmètre éloigné du projet. Finalement, on n'est
pas porté à considérer cet impact comme faisant partie du
projet, et pourtant, il est directement relié à la
réalisation.
Troisièmement, il y a la question de l'échelle spatiale
des impacts. Comme exemple de cet
aspect, j'aimerais mentionner la question suivante: Est-ce que la
ouananiche du lac Saint-Jean appartient à la rivière
Chamouchouane et aux citoyens de Saint-Félicien ou si elle appartient au
lac Saint-Jean et à la population du Lac-Saint-Jean et, finalement, du
Québec globalement, puisque cela a contribué à son
patrimoine? Il y a toute la question de la définition du
périmètre géographique du projet.
Il y a aussi la question du contrôle des impacts à la suite
de la réalisation ou de la mise en oeuvre du projet; les critères
d'évaluation tels que I'irréversibilité ou
l'unicité; la nature des méthodes en fonction des objectifs
recherchés telle que la possibilité de communiquer
pédagogiquement au public ou de comparer des alternatives.
À ce chapitre, la littérature scientifique est
extrêmement abondante et les techniques sont nombreuses, d'autant plus
que l'expérience de l'évaluation des impacts est vécue
depuis déjà plusieurs années en Amérique du Nord.
Notre propos est surtout d'illustrer combien il peut être délicat
et complexe de prévoir une procédure technique aux fins
d'évaluation d'impact tout en respectant une éthique
scientifique.
Je crois que j'ai un peu dépassé mon temps. Sur la
question de la consultation du public par le promoteur, les risques sont
évidents et je crois qu'ils ont été suffisamment
mentionnés aujourd'hui par les gens qui ont vécu ce type
d'expériences. Merci beaucoup.
Le Président (M. Laplante): Merci monsieur. Vous m'aviez
demandé tout à l'heure d'inscrire votre mémoire au journal
des Débats. Je crois que ce sera accordé comme aux autres aussi.
Accordé, monsieur (Voir annexe c). M. le ministre.
M. Léger: M. le Président, je voudrais d'abord vous
remercier et vous féliciter parce que parmi tous les mémoires que
nous avons reçus, vous êtes quand même un de ceux qui sont
en avance dans la réflexion. Je vous félicite de répondre
un peu à votre titre de chercheurs et vous êtes allés pas
mal plus loin. En passant, la dernière remarque, quand vous parlez des
implications, dans les études d'impact, qui dépassent le
territoire même où il doit y avoir des travaux avec des
implications à l'extérieur, donc des problèmes de
sous-contractants ou de sous-projets ou d'un périmètre qui
dépasse de beaucoup le territoire prévu, je tiens à vous
dire que dans le règlement, les études demanderont aux
requérants d'identifier les conséquences d'entraînement de
leur projet. Par exemple, une autoroute qui amène nécessairement
la possibilité d'avoir un port et d'avoir aussi des effets secondaires
devra aussi être identifiée de façon qu'on puisse avoir une
idée globale et complète des conséquences sur
l'environnement. Donc ce que vous dites là, c'est en avant de votre
temps, mais c'est exactement ce qu'il faudra faire. Je vous félicite, je
ne ferai pas de remarques négatives, mais plutôt positives. Ce
sont des points qu'il faut nécessairement prévoir dans nos
règlements pour nous assurer qu'on va couvrir le plus de
possibilités possible.
Un peu plus loin, vous dites, dans les principes que vous mettez de
l'avant pour atteindre l'objectif de prise en charge de l'environnement par la
population, que l'État doit favoriser la conscientisation. Je pense que
vous êtes au courant on en a parlé un peu aujourd'hui
de ce que nous avons mis sur pied, un mini-module d'éducation,
aux Services de protection de l'environnement, de façon qu'on puisse
aider davantage tous ceux qui s'occupent d'éducation, les aider dans la
façon dont l'environnement peut être enseigné aux groupes
aussi bien étudiants qu'adultes. (21 h 15)
Vous dites, un peu plus loin, que le Bureau d'audiences devrait fonder
sa démarche sur un préjugé favorable à
l'environnement, et par conséquent, de tenir peut-être un pouvoir
de recommandation. Je ne reviendrai pas encore sur la partie recommandation,
mais, quand même, je tiens à vous dire que le
préjugé favorable à l'environnement, le Bureau d'audiences
va certainement l'avoir par sa fonction et par son mandat. Il se
développe de plus en plus, aux Services de protection de
l'environnement, cette préoccupation constante à tous les niveaux
chez tous les fonctionnaires, cette préoccupation environnementale dans
tous les gestes qu'ils posent, même les gestes les plus techniques. Je
pense que c'est avant tout une question d'attitude. On considère que la
crédibilité du bureau va se créer à partir de sa
fiabilité à rapporter exactement ce qu'il entendra, sa
capacité de favoriser l'expression surtout de la population lors des
audiences publiques. Je pense que vous vouliez me poser une question?
M. Leclerc: Oui, je voudrais mentionner ceci: Est-ce que le
bureau d'audiences pourrait s'accommoder d'un préjugé favorable
à l'environnement de la même façon que les
députés péquistes s'accommodent d'un préjugé
favorable aux travailleurs?
M. Léger: C'est, quand même, un bon exemple et
pour...
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee aimerait réentendre votre phrase. Vous pouvez la
répéter?
M. Leclerc: Je ne voudrais pas fournir des armes aux adversaires
du ministre. Je demandais si le Bureau d'audiences pouvait s'accommoder d'un
préjugé favorable à l'environnement de la même
façon que les députés du gouvernement s'accommodent d'un
préjugé favorable aux travailleurs.
M. Goldbloom: M. le Président, je pense que n'importe qui
peut s'accommoder facilement d'un préjugé favorable aux
travailleurs. Il y a une société fort complexe, aux exigences de
laquelle nous devons nous accommoder en même temps. C'est la seule chose
que je voudrais dire. Je pensais que nous étions ici pour parler du
projet de loi 69.
M. Léger: Je pense, M. le Président, que la
remarque, les deux sujets, c'était "synagogue". Un peu plus loin, vous
dites que le droit à la qualité de l'environnement aurait
dû inclure le droit au patrimoine paysager et historique,
l'intégrité du tissu social et, en bref, l'écologie
humaine. Comme votre mémoire le souligne, ces domaines ne sont pas de
nos compétences à l'environnement. Mais on essaie de coordonner
des activités avec les autres organismes chargés d'en tenir
compte. Les organismes d'autres ministères qui, éventuellement,
vont venir à l'environnement ont déjà commencé
à s'adapter aux fonctionnaires de l'environnement de façon que
des activités qui, souvent, étaient similaires et
parallèles vont maintenant se faire dans la même direction.
Vous parlez d'un mécanisme d'injonction qui est bien
apprécié par les chercheurs, vous citez des cas, comme
l'empiétement des cours d'eau, les décapages des sols, etc.
Est-ce que vous pourriez me donner un peu votre point de vue sur les
mécanismes d'injonction étant donné que d'autres
organismes m'ont plus tôt mentionné l'inverse quelques-uns,
du moins concernant les oppositions qu'ils avaient au mécanisme
d'injonction? Est-ce que vous pouvez me donner votre point de vue
là-dessus? Comment voyez-vous le mécanisme d'injonction?
M. Leclerc: Nous on a vu ce mécanisme comme pouvant
être efficace dans des situations de catastrophe, où le fait se
produit très rapidement. Lorsqu'on considère un projet
d'ensemble, les mécanismes prévus dans la loi, autres que celui
d'injonction, peuvent être suffisants. Il y a toute une procédure,
il y a des inspecteurs et tout cela. Mais on peut arriver sur des questions
comme celles que je vous ai mentionnées, et probablement qu'on pourrait
trouver des tas d'autres exemples, y compris un certain contrôle a
posteriori qui suit la réalisation des projets. Il y a un contrôle
a posteriori. Parfois les citoyens sont peut-être les mieux placés
pour voir vraiment si le promoteur respecte ses engagements vis-à-vis de
la population et peut-être remplacer, si vous voulez, ou pallier une
forme de désintéressement des inspecteurs du gouvernement. Je ne
sais pas, je me risque sur une certaine voie. Mais il y a une chose qui est
sûre, c'est que le mécanisme sera efficace dans la mesure
où il sera souple et rapide. Nous nous interrogeons actuellement sur la
possibilité de procéder rapidement à des injonctions.
Est-ce qu'il existe le personnel juridique pour satisfaire une telle demande
qui va se produire, qui ne tardera pas à venir d'ailleurs. J'en suis
sûr!
M. Léger: Justement, la procédure d'injonction est
nécessairement le mécanisme habituellement le plus rapide,
spécialement en ce qui concerne l'injonction interlocutoire, pour
permettre de s'adapter rapidement à une situation d'urgence. Exemple:
Les Agrégats d'Oka, où il a fallu agir rapidement. Il s'agissait
de bien indiquer dans la demande en injonction faite par le gouvernement qu'il
y avait des cas susceptibles de créer des dangers. À ce
moment-là, nous avons obtenu rapidement l'injonction interlocutoire.
M. Leclerc: Est-ce que je peux vous poser une question, M. le
ministre? Sur combien de jours peut-on compter, disons en termes
d'efficacité, pour ce mécanisme-là? Est-ce que c'est deux
jours, une semaine, quinze jours?
M. Léger: Ce sera nécessairement un peu plus long
que la consultation que je viens d'avoir. Comme je ne suis pas avocat, je suis
obligé de me fier à mon conseiller juridique sur ce
point-là.
M. Leclerc: Cela serait fameux si c'était plus court que
cela.
M. Léger: Mais je peux vous dire quand même qu'il
faut, selon l'importance du projet ou de l'acte illégal, ramasser des
preuves, préparer une procédure et nécessairement apporter
ce qu'il faut pour que le juge de la Cour supérieure accorde cette
injonction interlocutoire. Cela peut être une question de quelques jours
pour certains cas et cela peut être un peu plus long pour d'autres, selon
l'ampleur du projet et de la preuve à apporter.
Vous indiquez un peu plus loin que l'éthique de
l'évaluation devrait être surveillée étroitement.
D'abord, je dois vous remercier comme chercheur pour plusieurs propositions sur
des points à surveiller afin de préserver cette qualité de
l'étude d'impact. Je pense que le gouvernement va sûrement compter
étroitement sur votre aide à vous, chercheurs, et sur votre
vigilance pour mettre au point les techniques et les procédures
d'évaluation d'impact qui sont conformes à l'esprit de la loi 69
et aux exigences du règlement de même qu'aux moeurs propres au
Québec. Je pense que vous pourriez certainement nous apporter de bonnes
solutions ou de bonnes méthodes qui répondraient au besoin de la
situation.
Pour terminer, les mécanismes de consultation, d'après
vous, peuvent être le point le plus litigieux de la loi. Vous
appréhendez que l'information qui sera fournie par le promoteur
ressemble à de la propagande et que le promoteur ne consulte que ceux
qui feront bien son affaire. Je veux quand même vous rassurer en vous
disant que les mécanismes d'audiences publiques vont être conduits
par le bureau. Donc, c'est le Bureau d'audiences publiques qui va mettre
l'information à la disposition des gens; c'est lui qui va convoquer les
personnes pour les audiences publiques en plus, évidemment, de permettre
l'accès à tout citoyen désireux de s'exprimer ainsi que
l'accès à l'information aux endroits où elle est
disponible, c'est-à-dire proche, dans la municipalité où
le projet doit avoir lieu s'assurant ainsi que les gens qui ont des choses
à dire soient à proximité de l'information.
Je voudrais terminer en vous remerciant infiniment et laisser la parole
à mes collègues. Je crois que vous avez un mémoire des
plus intéressants parce que vous allez encore plus de l'avant, et c'est
ce qu'on cherche puisque notre loi n'est
quand même qu'un pas en avant. Nécessairement, avant de
courir, il faut apprendre à marcher. Mais la première
étape, je pense bien, est très importante et votre appui va nous
êtres très utile.
M. Leclerc: Nous avons cru utile, M. le ministre,
d'établir un contact entre certains milieux de la recherche et certains
milieux politiques bien que, évidemment, ce soit difficile et qu'on ne
puisse pas s'attendre toujours à la perfection. Je crois que c'est le
processus politique qui fonctionne. En ce qui nous concerne, nous ne sommes pas
restreints où contraints par le processus politique et nous pouvons
mener nos réflexions avec une relative liberté. D'ailleurs, c'est
le propre des chercheurs chez nous de jouir d'une liberté qu'on dit
académique.
M. Léger: Le politicien, c'est l'art du possible; le
chercheur, c'est l'art de l'impossible.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. Leclerc, mon préjugé favorable
à l'environnement m'oblige à exprimer une réaction
très favorable à votre mémoire.
M. Leclerc: II y a de l'encens des deux côtés.
M. Goldbloom: À l'instar du ministre, je remarque votre
recommandation fondamentale, à la page 6, à savoir que la
population doit prendre en charge son environnement. Vous faites allusion
à la conscientisation qui se fait et qui doit s'intensifier,
évidemment, et qui doit réussir.
Si nous avons peut-être je dis peut-être
quelques divergences de vues d'un côté de la table contre l'autre,
c'est sur les moyens, ce n'est pas sur les objectifs. Cela est évident
depuis le début de nos audiences.
Vous faites un commentaire, une recommandation même, en bas de la
page 11, que je trouve importante. Vous parlez de certains empiétements
sur l'environnement naturel et vous dites: "Ces situations devront être
considérées par le tribunal avec une diligence proportionnelle au
degré d'irréversibilité et d'intensité du dommage
causé à l'environnement." Nous avons déjà fait des
commentaires sur des articles du projet de loi et même sur des avis
exprimés par des opinants qui voulaient en quelque sorte dans le
cas du projet de loi très littéralement donner des
directives aux juges. Je n'englobe pas votre commentaire dans cela, parce que
vous ne cherchez pas vraiment à donner une directive aux juges, mais
plutôt, dans le sens de l'appréciation des problèmes
auxquels nous faisons face, indiquer que voilà un genre de
problème dont la sévérité, la gravité a
peut-être été sous-estimée jusqu'à
maintenant. C'est un appel très valable à notre
sensibilité, à ce genre de problème.
À la page 15, là où vous avez commencé
à lire intégralement votre texte, vous mentionnez l'article qui
commence par le mot "nul" et vous interprétez ce mot comme faisant
allusion à une seule personne morale, à un seul promoteur. Je
serais intéressé d'avoir l'avis des conseillers juridiques
là-dessus parce que ce n'est pas l'interprétation que moi, comme
profane, j'ai donnée à ce mot. J'ai toujours cru que le mot "nul"
est un mot presque absolu et que, si ce mot fait allusion à une seule
personne, il fait allusion en même temps à toutes les personnes
qui pourraient être impliquées.
Je soulève cela pour vous rassurer un peu, même si ce que
moi je peux faire pour vous rassurer ne vaut pas ce qu'un avocat
compétent pourrait faire. Vous avez une intervention que vous voudriez
faire?
M. Leclerc: Est-ce que le ministre veut consulter son conseiller
juridique? En ce qui nous concerne, ce qui est à retenir de la remarque
que nous avons voulu faire ici, c'est surtout l'aspect que, dans le cas de
certains grands projets, on va avoir affaire, éventuellement dans toute
la réalisation du programme, à un ensemble de promoteurs. Il faut
accorder autant d'importance à l'ensemble du processus qu'à
chacune des parties. C'est simplement l'essentiel de ce que nous avons voulu
exprimer ici.
Quant à la nuance de "nul", je note votre remarque. Je crois
qu'elle est pertinente.
C'est un "nul", je crois, qui signifie peut-être "personne",
personne pouvant vouloir signifier quelqu'un ou aucun
M. Goldbloom: II y a des personnes que nous appelons
nullités, mais cela c'est autre chose.
M. Leclerc: On ne les mentionne pas.
M. Goldbloom: Je termine en disant que votre mémoire est
lui-même un effort de conscientisation, mais adressé surtout aux
législateurs. À cet égard, je trouve les trois
dernières pages tout à fait remarquables. Je vous remercie
d'avoir éveillé notre réflexion sur des points très
précis dont nous devons tenir compte dans notre désir de trouver
la meilleure application possible de la loi. (21 h 30)
Je remarque, M. le Président, que nous sommes rendus à au
moins une quinzaine de mémoires, peut-être davantage. Nous aurions
pu avoir au début, en faisant une lecture rapide de la pile de
mémoires, l'impression qu'ils se divisaient en deux ou trois groupes et
qu'il y avait beaucoup de duplication et que, rendus vers la fin de la
deuxième journée, nous ne recevrions plus de nouvelles
idées, de nouveaux commentaires. Tel n'est évidemment pas le cas.
M. Leclerc, vous avez ajouté à nos réflexions des
éléments qui ne se sont pas trouvés dans les
mémoires précédents et je vous en remercie bien
sincèrement.
Le Président (M. Laplante): Merci. Pas d'autres questions?
MM. Leclerc et Demar, je vous remercie de votre contribution. Bonsoir.
J'appelle maintenant le Groupe de protection de l'environ-
nement, et j'attire votre attention, c'est un groupe du comté de
Lafontaine. Pointe-aux-Trembles, je pense que c'est bien cela? Je demanderais
de vous identifier et d'identifier votre groupe, monsieur.
M. Goldbloom: M. le Président, vous n'aviez sûrement
pas besoin de faire cela.
Le Président (M. Laplante): Non?
M. Goldbloom: Le ministre s'en serait chargé.
Groupe de protection de l'environnement
M. Mathieu (André): Mon nom est André Mathieu. Je
représente le Groupe de protection de l'environnement, qui oeuvre
principalement dans l'est de Montréal.
Le Président (M. Laplante): Est-ce que je peux leur dire
que vous faites partie de mon comté monsieur?
M. Mathieu: Je vous en prie.
M. Goldbloom: Les messages publicitaires se suivent mais ne se
ressemblent pas.
M. Léger: Un citoyen de Lafontaine est un
représentant de votre comté?
Le Président (M. Laplante): On s'occupe de
l'environnement, chez nous.
M. Mathieu: Le Groupe de protection de l'environnement se
félicite que soit enfin reconnu par les autorités
gouvernementales le besoin de rafraîchir et d'affermir la Loi de la
qualité de l'environnement. Déjà, en 1972, quand la loi
fut adoptée, il était évident que sa portée
restreinte ne permettait pas de stopper la plupart des agressions importantes
contre l'environnement. La voie alors choisie visait uniquement à
réduire la pollution causée par certaines activités
humaines et ne tenait pas compte des interrelations tant biophysiques que
psychologiques et sociologiques qui existent entre l'homme et son milieu de
vie.
Il n'était ainsi nulle part question de la protection des milieux
fragiles; on ne reconnaissait pas cette science fondamentale qu'est
l'écologie et encore plus, on limitait la portée du mot
environnement aux seuls concepts d'eau, d'air et de sol comme si la jouissance
de ces trois éléments pris séparément ou
interreliés pouvait garantir la totalité de la qualité du
milieu de vie. La Loi de la qualité de l'environnement ne permet pas de
protéger le sol, elle empêche seulement qu'on y déverse des
polluants. Elle ne protège pas non plus les espèces qui vivent
dans les milieux aquatiques, elle empêche seulement que soit
altérée la qualité de l'eau. Encore moins, elle ne
protège pas l'homme et son milieu de vie.
Malheureusement, le projet de loi no 69 suit les mêmes sentiers
battus et n'apporte que très peu de nouveau dans la philosophie de base
du combat québécois pour la protection de l'environnement. Il
s'agit, tout au plus, d'un simple réajustement permettant de
régler les problèmes particuliers les plus flagrants.
Encore plus grave, sur certains points, les modifications
proposées par le ministre délégué à
l'environnement affichent un net recul par rapport au texte original de la loi
49. Il en est ainsi de la création du Bureau des audiences publiques et
de l'article 109b, qui, à toutes fins pratiques, rendent
inopérant l'ensemble de la loi 49 en réduisant les amendes
imposées à leur valeur minimale.
Le bureau, quant à lui, restreint le rôle du public dans
les débats environnementaux en donnant au ministre et au Conseil des
ministres l'entier du mécanisme des débats publics. Auparavant,
un individu ou un groupe pouvait amorcer une discussion publique sur un
problème important par le biais du Conseil consultatif de
l'environnement. Cela ne pourra plus se faire; le conseil est muselé, et
pour obtenir une audience publique il faudra que le ministre ne juge pas la
demande frivole.
Par ailleurs, on donne aux citoyens un certain droit à la
qualité de l'environnement, droit qu'ils possèdent d'ailleurs
déjà en vertu du Code civil. On leur promet aussi un processus
imparfait d'évaluation des impacts, ce qui, encore une fois, existait
déjà dans la loi 49. On augmente la possibilité de hausser
par règlement le montant des amendes, ce qui reste théorique,
sans règlement ou sans changement à ceux déjà
adoptés. On donne aussi le privilège pour un individu pollueur
d'aller en prison, mais cette peine ne s'applique pas aux corporations
pollueuses. On oublie, par ailleurs, d'apporter une solution aux
problèmes les plus graves auxquels nous ayons à faire face, soit
la destruction des équilibres écologiques, la protection des
milieux fragiles, le manque d'espaces verts en milieu urbain et
l'amélioration de la qualité de la vie en général.
Malgré les amendements proposés, la Loi de la qualité de
l'environnement demeure toujours une loi antipollution et non une charte de
l'environnement, comme on serait en droit de s'y attendre. Le rôle du
public est quelque peu redéfini; on lui donne l'odieux de mener les
luttes antipollution, mais on lui enlève le recours de se faire entendre
en dehors de la volonté du ministre.
Somme toute, GPE porte un jugement sévère sur le projet de
loi 69, tout en reconnaissant que certains changements mineurs apportent des
améliorations certaines. Nous aurions aimé voir des changements
dans la portée de la loi par sa redéfinition du mot
environnement, par l'élargissement du recours par le citoyen qui est
limité à l'injonction et, enfin, nous sentons le besoin d'une
vraie politique d'espaces verts en milieu urbain.
Comme la plupart des groupes écologiques, GPE ne possède
ni les moyens ni l'expertise pour effectuer une étude sérieuse et
en profondeur du projet de loi 69. Nous espérons que le ministre
excusera l'imperfection de notre critique et qu'il
comprendra le sens profond de nos craintes et de nos objections.
Les commentaires particuliers qui suivent et que je tenterai de
résumer se limitent aux modifications proposées par le ministre,
en plus d'ajouter certains oublis que je souligne immédiatement. Afin de
transformer réellement la loi antipollution no 49 en une loi de la
protection de l'environnement, nous nous permettons d'ajouter quelques
articles. Entre autres, nous proposons un élargissement du sens du mot
environnement de la même façon que l'INRS-Eau. De plus, ce qui va
être désagréable à l'Association des mines de
métaux, nous croyons que les déchets miniers doivent être
considérés au même titre que tout autre déchet et
être soumis aux mêmes critères.
GPE considère que l'article 2 de la loi 69, en plus de
décrire les pouvoirs et fonctions du ministre, devrait également
préciser sa responsabilité. En effet, le ministre est responsable
de la qualité de l'environnement. Il est bien important de l'indiquer.
GPE croit que le ministère de l'environnement devrait pouvoir
construire, acquérir et exploiter les usines de traitement des eaux
potables, d'épuration ou de déchets. De plus, il devrait pouvoir
gérer les espaces verts en milieu urbain, à tout le moins.
Maintenant, je passerai rapidement sur les articles amendés par
le projet de loi 69. En ce qui concerne le Bureau d'audiences, nous comprenons
mal le besoin de créer ce bureau puisqu'il y a déjà le
Conseil consultatif qui joue ce rôle. On espère que la
création du bureau n'aura pas pour objet de museler le conseil, car les
amendements proposés nous incitent à penser en ce sens. Donc, GPE
s'oppose à la création de ce bureau et préférerait
plutôt que le Conseil consultatif de l'environnement garde sa forme
actuelle, en élargissant son pouvoir d'enquête, en augmentant ses
budgets de fonctionnement et en obligeant le ministre, évidemment,
à publier, dans un délai raisonnable, ses rapports et
recommandations. Nous sommes donc, de façon générale,
défavorables aux modifications de la section II. Pour résumer
notre pensée là-dessus, on voit le Bureau des audiences publiques
de la même façon qu'un puits où on lance de la monnaie en
disant un souhait et pensant être exaucé. Nous voyons le Bureau
d'audiences publiques comme une immense oreille ministérielle où
les gens vont parler, vont dire ce qu'ils en pensent. Étant donné
que le bureau ne fera ni résumé, ni constatation et encore moins
de recommandations au ministre, nous croyons que cela va limiter le pouvoir que
le peuple a de se faire entendre. Il va pouvoir aller parler mais le ministre
l'entendra s'il décide de se référer à ce qui a
été dit, d'écouter les bandes, etc.
De plus, le bureau ne peut faire enquête que sur la demande du
ministre. Le conseil perd ainsi son pouvoir de tenir des audiences publiques de
sa propre initiative ou à la demande du public, ce que nous
déplorons également.
À la section III, sur le droit à la qualité de
l'environnement et la sauvegarde des espèces vivantes, à
l'article 19a, nous croyons qu'il serait important de retrancher les quelques
mots à la fin de la définition, c'est-à-dire que l'article
devrait se lire: "Toute personne a droit à la qualité de
l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y
habitent". Car, en effet, il est très possible que des cas de pollution
légaux existent, mais s'ils ne sont pas couverts par un règlement
ou par la loi 49 elle-même, telle qu'amendée, et ce même
avec la meilleure volonté des législateurs, l'environnement
pourrait souffrir.
Aussi, nous croyons que l'article devrait conserver son maximum de
généralité afin de couvrir sans exception tous les cas
possibles.
Nous sommes en désaccord complet avec l'article 19b. En effet, si
quelqu'un commet un acte ou une opération qui porte atteinte ou est
susceptible de porter atteinte à un droit conféré à
l'article 19a, c'est au ministre de l'environnement et à ses
fonctionnaires de voir à interdire cet acte ou cette opération et
non aux citoyens. Cela tombe sous le sens. D'ailleurs, comment pense-t-on qu'un
citoyen réussira à avoir gain de cause si le ministre
lui-même n'en est pas capable? Ainsi, par exemple, le cas des
modifications des rives du fleuve actuellement en cours à
Bécancour, qui sont sous le coup d'une injonction, se poursuivent quand
même et on attend de voir ce qui se produira.
De plus, il faudrait que ce soit une cour provinciale qui accorde un
injonction, éventuellement, plutôt que la Cour suprême. Nous
ne croyons pas que la section NIA ajoute beaucoup de pouvoirs au citoyen, pas
plus qu'il n'en a actuellement dans la loi 49 ou que le Code civil ne lui en
donne. On a vu cet après-midi qu'en effet, le citoyen pouvait poursuivre
des compagnies ou des firmes. L'exemple de STOP et de la municipalité de
Pierrefonds, je crois, était précis là-dessus, et nous ne
voyons pas qu'est-ce que la section NIA peut ajouter. Cet article n'accorde que
la possibilité de stopper les travaux ou actions s'il y a contravention
à la loi et non s'il y a pollution ou dommage à l'environnement.
S'il y a pollution en cours, on peut obtenir une injonction, mais s'il y a eu
un épisode de pollution tel que l'émission de quelques tonnes de
chlore, par exemple, cela s'est produit dans l'espace de quelques minutes,
l'épisode est terminé, on ne peut pas demander d'injonction pour
arrêter quelque chose qui est déjà produit mais qui va
causer un tort irréparable à l'environnement.
Aussi, GPE, en résumé, recommande de remplacer ces six
courts articles par une vraie charte de l'environnement et également de
créer un tribunal de l'environnement.
Nous souscrivons également à ce que d'autres groupes ont
suggéré, c'est-à-dire que des groupes, associations ou
compagnies à but non lucratif puissent éventuellement tenter
d'obtenir une injonction. (21 h 45)
À la modification 6 concernant l'article 27a, nous aimerions que
soit précisé que toute carrière ou sablière doit
être réaménagée durant ou à la fin de son
exploitation. Il serait sans doute plus économique de le faire
progressivement. De mê-
me, nous demandons que toutes les carrières abandonnées
soient réaménagées de la même façon.
À la modification 8, nous sommes d'accord avec les ajouts du
ministre, mais nous en suggérons trois autres afin d'étendre la
juridiction sur les espaces verts et tout site écologique. Nous
insistons sur le fait que le ministre doit accaparer dès maintenant ce
champ vacant constitué par les espaces verts. En effet, tout le monde en
parle, mais personne ne veut réellement s'en occuper.
Les amendements 31a à 31i n'apportent rien de neuf à la
loi et ont pour effet d'atténuer et surtout d'alourdir un pouvoir qui
existait déjà de par l'article 22. Nous aurions plutôt
préféré qu'un règlement sur les études
d'impact soit édicté, et cela depuis longtemps. Toutefois, on
fait les commentaires suivants: Nous disons que c'est le ministre de
l'environnement qui doit avoir la main haute sur tout projet ayant un impact
écologique et sa décision ne doit pas être affectée
par des soucis provenant d'autres ministères. En effet, si le ministre
juge que l'environnement sera endommagé irrémédiablement
et que, par exemple, le ministre de l'Industrie et du Commerce prétend
créer des emplois, on constate tout de même que l'environnement
sera éventuellement détruit.
En rapport avec l'article 31b, il semble que le personnel des SPE ne
soit pas tellement familier avec les études d'impact. En effet, il y a
toujours étude préliminaire et, si elle est approuvée par
le ministre, ce dernier demande une étude détaillée avant
de savoir s'il doit émettre un certificat d'autorisation. Nous relevons,
au passage, une perle qui s'est sans doute glissée à l'article
31c. En effet, le ministre, après examen de l'étude d'impact,
demande à l'initiateur du projet d'entreprendre la consultation
publique. Aussi est-il automatique que quiconque s'intéresse à ce
projet endosse la demande du ministre et demande lui-même les audiences
publiques. La demande ne peut jamais être frivole à moins
que...
L'article 31e doit préciser que dans l'éventualité
de l'obtention d'un certificat d'autorisation, le promoteur du projet doit,
avant de commencer la réalisation du projet, obtenir tous les permis et
certificats requis par la loi et ses règlements. Dans tous les cas, le
ministre doit s'empresser de rendre sa décision publique.
L'article 31f nous inquiète particulièrement étant
donné qu'on semble vouloir enlever l'obligation d'entreprendre des
études d'impact sur les projets qui ont déjà
été planifiés. Tel qu'on l'a vu ce matin,
l'Hydro-Québec a avoué candidement que, depuis 1973, il y a une
douzaine de centrales qui sont déjà planifiées. Si, une
fois que la planification est établie, on ne peut plus demander
d'étude d'impact, il y a de nombreux projets qui ont été
planifiés il y a cinq ou six ans, des études d'autoroutes, des
études de corridors électriques, etc., qui vont être
éliminés par le fait même.
Nous croyons aussi que seulement lorsque les travaux seront
commencés... Est-ce que le ministre pourra dispenser le responsable de
l'obligation de fournir une étude d'impact? Encore, nous avons des
réserves.
L'article 31g j'espère que les conseillers juridiques se
pencheront sur le sujet semble illégal, car le directeur de
l'environnement fait respecter la loi, quoi qu'en pense le ministre, et ne peut
pas être lié par une décision contraire du ministre.
À l'article 31h, nous croyons que certains documents doivent
rester confidentiels. Toutefois, on aimerait savoir quels types de
renseignements on cache à la population. Si c'est la description
spécifique du procédé, je crois que le public serait
satisfait. En résumé, GPE croit qu'il devrait y avoir
étude d'impact préliminaire et détaillée dans tous
les cas prévus au règlement, automatiquement accompagnée
d'audiences publiques à chaque étape.
À la modification 10, nous relevons que les rédacteurs du
projet de règlement semblent avoir oublié, dans la
phraséologie des amendements, d'inclure les usines de traitement des
eaux potables et des eaux usées.
À la modification 23, nous aimerions préciser que la
commission municipale fixe les taux exigés par l'exploitant de tout lieu
d'élimination des déchets afin de permettre une concurrence libre
pour l'obtention des contrats. Il s'agirait que le taux soit fixe partout dans
la province.
À l'article 104, nous croyons que le texte original du paragraphe
introductif est supérieur à la modification proposée et
permet d'éviter l'arbitraire dans l'octroi des subventions. Nous
introduisons, également, une quatrième catégorie de
personnes pouvant avoir droit aux subventions, c'est-à-dire celles,
couvrant l'achat de terrains, immeubles ou autres dans le but de créer
des espaces verts et de les entretenir.
Nous arrivons, maintenant, à l'article 109a, où nous nous
déclarons en désaccord complet avec cet article, car on se
demande pourquoi un individu serait susceptible d'encourir une peine
d'emprisonnement et de payer une amende, alors qu'une corporation serait
exemptée de la prison. Du strict point de vue légal, cet article
devrait être corrigé, il nous semble.
À 109b, nous insistons fortement sur cet article qui, s'il est
adopté, rendra tout à fait minime l'importance du
ministère de l'environnement par rapport aux firmes et compagnies, car
après avoir fait la preuve qu'une compagnie est coupable de pollution,
on devra également déterminer les cinq points qui sont inclus
dans l'amendement afin de pouvoir déterminer le montant de l'amende. Et
étant donné que les très grosses compagnies
multinationales ont de vastes facilités de faire de l'évasion
fiscale, nous croyons que, dans tous les cas, le juge ne réussira pas
à donner une amende autre que minimum.
En dernier lieu, nous félicitons le ministre de l'amendement 118c
qui est une amorce de décentralisation. Toutefois, il faudrait que, dans
tous les cas, les régions soumises à cet amendement adoptent des
normes plus sévères que celles prescrites dans le
règlement général et non pas moins sévères.
Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, je vous remercie de
l'appui que vous nous donnez à l'article 118c. Je suis quand même
obligé de remarquer qu'un groupe pour la protection de l'environnement
et qui veut faire avancer la cause se doit d'être nécessairement
en avance et même, parfois, très en avance sur un gouvernement. Si
c'était l'inverse, si le gouvernement était en avance sur les
groupes de protection de l'environnement, cela commencerait à être
inquiétant. C'est donc dire que les mesures que vous recommandez peuvent
être ajoutées plus tard, et certaines remarques pourraient
être ajoutées immédiatement. Vous dites qu'il y avait des
lacunes dans la loi 49, que le projet de loi 69 n'a pas été assez
loin, vous parlez même d'un recul. À noter que le projet de loi 69
il ne faut pas oublier cela vise spécialement d'abord et
avant tout à permettre aux citoyens de participer à la protection
de l'environnement. C'est l'objectif premier. Ce n'était pas de corriger
toute l'autre loi en y apportant des amendements qui amèneraient la loi
de l'environnement à un degré tel d'avance qu'il n'y aurait
aucune province qui pourrait nous rejoindre. Nécessairement, il fallait
y aller au départ; comme je le disais tantôt, il faut apprendre un
peu à marcher avant de courir. Je ne suis pas du tout déçu
que vous nous disiez qu'il faudrait aller plus loin. C'est encourageant. C'est
donc dire qu'on est au moins dans la bonne direction.
Cependant, vous dites un peu plus haut que le bureau restreint le
rôle du public dans les débats environnementaux. Je pense que vous
allez peut-être un peu trop loin. Avec la loi actuelle, le public est
complètement absent tandis qu'avec la loi que nous apportons nous allons
quand même permettre aux citoyens de s'exprimer et d'avoir des pouvoirs
de poursuites au pénal ou en injonction pour arrêter des travaux
qui seraient dans l'illégalité.
Si l'accès au Conseil consultatif pouvait être un peu plus
facilité, je pense qu'on pourrait accepter l'idée, votre
désir de recevoir des requêtes du public. Je pense que cela est
déjà prévu dans les amendements que nous avons
apportés, même si vous jugez que c'est absolument insuffisant.
Maintenant, vous dites que les citoyens possèdent
déjà un certain droit à l'environnement, mais seulement au
niveau de la propriété privée. Le citoyen, actuellement,
n'a pas individuellement des droits à l'environnement et c'est ce que
nous donnons par le nouveau projet de loi, qui n'est pas uniquement la
défense de la propriété privée.
En gros, je vais vous dire que la définition de l'environnement
est assez facile à exprimer en dehors d'un texte de loi. Mais le concept
de l'environnement ne peut pas être un concept nébuleux ou
volatile ou pas tout à fait capable d'être circonscrit.
Nécessairement, pour qu'il soit facile d'être
interprété par les juges, il faut être capable d'y mettre
une délimitation au moins minimale. C'est un concept physique de milieu
de vie que nous avons voulu donner dans la définition de
l'environnement. Elle peut être encore corrigée, mais c'est quand
même la contrainte que nous avons. La définition de
l'environnement devait être quelque chose de facilement
compréhensible et praticable pour un juge qui aura à
émettre des décisions à la suite de situations qui lui
seront présentées.
Vous avez tantôt dit que vous trouviez qu'il y avait eu une
ordonnance d'émise dans la région de Bécancour pour des
travaux qui se font actuellement et qui pourraient être dans
l'illégalité. Je dois quand même vous corriger. Il n'y a
pas eu d'ordonnance pour les travaux qui se font à la
Société du parc industriel de Bécancour. Maintenant, je
suis d'accord avec vous pour affirmer... Il n'y a pas eu d'injonction non plus
contre eux. Je peux vous dire que du fait que la Société du parc
industriel de Bécancour empiète d'une façon
démesurée sur le fleuve il était nécessaire qu'il y
ait au préalable une demande de certificat et un permis de
l'environnement, choses qu'ils n'ont pas eues parce qu'ils ne nous ont pas
donné les renseignements voulus. C'est pour cela que nous avons,
dès hier, envoyé une mise en demeure de se conformer en nous
donnant aux Services de protection de l'environnement les
renseignements concernant les objectifs ou les orientations qu'ils veulent
donner à leurs travaux, spécialement concernant la disposition
des déblais; deuxièmement, un plan de la disposition des eaux
usées pour le parc industriel de Bécancour et, finalement,
déterminer si c'est possible de réduire les sédiments en
suspension. Cette mise en demeure devra les obliger dans les quelques heures
qui viendront à se conformer sinon nous allons tout simplement...
D'ailleurs, aujourd'hui nous avons été vérifier sur place
s'ils avaient accepté de se conformer à la mise en demeure. Si
demain il n'y a pas eu de changement, nous allons prendre action et ce n'est
pas parce que c'est une société para-gouvernementale qu'il y aura
des privilèges. Nous allons prendre action dès que la
période de la mise en demeure sera terminée. S'il n'y a pas eu
satisfaction à la demande, nous allons prendre action et je verrai,
à ce moment-là, à prendre la décision qu'il faut
pour faire respecter l'environnement.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre. M. le
député de D'Arcy McGee. (22 heures)
M. Goldbloom: M. Mathieu, dans vos commentaires, vous dites,
à plus d'une reprise, que la Loi de la qualité de
l'environnement, soit telle qu'elle est présentement
rédigée, soit telle qu'elle pourrait être modifiée
par le projet de loi no 69, demeure loin d'une charte de l'environnement.
Je suis d'accord avec vous que l'on pourrait certainement envisager un
jour une loi encore plus complète, encore plus globale, mais il n'y a
que deux façons de protéger l'environnement: ou bien on doit
faire l'éducation de tous les citoyens sans exception pour que personne
ne pose un geste dommageable à l'environnement si des gestes ne
sont pas posés, on n'a pas besoin d'intervenir ou bien il faut
avoir une loi et cette loi doit être une loi contre la pollution. S'il y
a pollution, il faut qu'il y ait une loi contre la pollution.
Mais quand il y a une loi nous ne vivons pas en dictature,
heureusement son application, sauf certains aspects administratifs, est
normalement confiée aux tribunaux. Devant les tribunaux, il faut porter
une accusation, fournir une preuve et espérer que le juge sera convaincu
par la preuve offerte. Mais c'est dans une situation contradictoire, n'est-ce
pas? Il y a un adversaire, l'intimé, qui ne laissera pas tout simplement
l'accusation être formulée sans réagir.
Je prends l'exemple que vous offrez, à la page 11 de votre
mémoire détaillé, par rapport à l'article 19b. Vous
parlez d'une compagnie d'engrais chimiques qui déverse une importante
quantité de fertilisants dans un lac. D'abord, il faut qu'il y ait un
témoin et il faut que ce témoin aille devant le tribunal.
L'accusé pourrait répondre: Ce n'étaient pas des engrais
chimiques, c'était simplement du sable, on m'a demandé de fournir
du sable pour faire une plage. Il faudrait alors une preuve quelque part pour
démontrer que c'étaient effectivement des engrais chimiques. Le
fait qu'il existerait un jour une charte de l'environnement ne changerait rien
à cela.
Je regarde, à la page précédente, votre exemple B,
l'ouverture d'une sablière dans une zone résidentielle sans
permis des Services de protection de l'environnement. Mais le fait que les
Services de protection de l'environnement n'avaient pas accordé un
permis voudrait dire, dans la forte majorité des cas, que les Services
de protection de l'environnement n'étaient même pas au courant de
l'ouverture de cette sablière; d'autant plus de raisons pour les
citoyens d'agir, d'agir soit par voie d'injonction c'est une option qui
leur serait offerte par le projet de loi no 69 soit en avertissant les
Services de protection de l'environnement. Il me semble, en lisant l'exemple
que vous exposez, qu'il n'y a pas moyen d'éviter la
nécessité d'une intervention qui saisirait soit les tribunaux,
soit les Services de protection de l'environnement de l'existence d'un
problème. Ce que vous avez décrit ici, c'est une situation
où, pendant deux mois, les Services de protection de l'environnement,
déjà avertis, n'auraient pas agi. Ce n'est pas acceptable qu'il
en soit ainsi et l'on essaie toujours de réagir aussi rapidement que
possible.
Mais ce n'est pas par une charte de l'environnement que l'on peut faire
agir plus rapidement les Services de protection de l'environnement. C'est un
facteur humain.
Je pense que vous nous avez rendu un service en nous obligeant à
repenser chacun des articles que vous avez mentionnés ici. Mais j'ai
voulu faire la démonstration de certains aspects pratiques de la
protection de l'environnement. Comme je l'ai dit en commentant un
mémoire précédent, l'objectif est essentiellement
identique des deux côtés de la table. Nous discutons de moyens et,
par votre mémoire, vous nous amenez à revérifier nos
opinions quant aux moyens à prendre. Nous voulons tous le même
résultat que vous, c'est-à-dire la protection intégrale de
l'environnement.
Le Président (M. Laplante): Pas d'autres questions? Sur
ce, M. Mathieu, je vous remercie de la coopération que vous avez bien
voulu donner à cette commission. Bonsoir.
Maintenant, pour demain, où il y aura ajournement à 22
heures, les organismes suivants... Maintenant, il y avait M. Michel Jurdant qui
avait un mémoire et qui veut seulement le déposer pour les fins
du journal des Débats. Est-ce accepté? Je sais qu'il ne pourra
pas venir. Il n'a pas pu. Seulement le déposer pour l'inscrire au
journal des Débats. Adopté. (Voir annexe D).
M. Goldbloom: M. le Président, il s'agit de quel
mémoire?
Le Président (M. Laplante): Le mémoire de Michel
Jurdant.
Une voix: Numéro?
Le Président (M. Laplante): 34.
M. Goldbloom: 34, je ne l'ai pas reçu.
Le Président (M. Laplante): Demain, les organismes
suivants se feront entendre: Mme Elizabeth Hone-Bellemare et Marisol
Hone-Martinez, à titre personnel, le mémoire no 19; les Clubs 4-H
du Québec et l'Association forestière québécoise
Inc., 31-M; Fédération des associations pour la protection de
l'environnement des lacs, 15; Conseil régional de l'environnement de
l'Est du Québec, 23-M et 23-Ma annexe; l'Union des producteurs
agricoles, 33; l'Association pétrolière du Québec, 8; M.
Lorne Giroux, avocat, à titre personnel, 22; le Conseil consultatif de
l'environnement, 9.
Sur ce, bonsoir. Ajournement à demain, 10 heures. Merci.
(Fin de la séance à 22 h 9)
ANNEXE A
Mémoire du Comité de Citoyens de
St-Jean-de-Matha
concernant le projet de loi no 69: Loi modifiant la
loi de la qualité de l'environnement
Présenté à la Commission
parlementaire de l'environnement
1.
Introduction
1.1
À quel titre sommes-nous ici?
C'est à titre de citoyens membres du comité de citoyens de
St-Jean-de-Matha que nous sommes ici. Notre comité s'est
constitué à l'occasion d'un projet de ligne de transport
d'électricité à 735 KV.
Parce que (précédent sur précédent) nous
obtenions l'information de base, l'assistance technique, la possibilité
d'obtenir la contre-expertise, des audiences publiques, nous avons fait
prévaloir le respect de l'environnement naturel et habité et
l'esprit de la loi 49. Nous avons alors remonté le courant contre les
vents de la consultation-bidon tenue par le CRD Lanaudière et les
marées des divers experts de l'Hydro.
Lors de la rédaction de notre mémoire à l'intention
du SPE, nous avons tenu à aborder certaines questions concernant les
études d'impact et la participation des citoyens sous le mode de la
consultation. (Des copies de ce mémoire sont déposées pour
les membres de cette commission parlementaire). Nous voulions contribuer
à éviter que d'autres citoyens du Québec soient dans
l'avenir victimes d'erreurs aussi grossières.
C'est pourquoi, avec le même sens civique et un grand plaisir,
nous venons témoigner sur le bien-fondé d'une "Charte de
l'environnement" qui devrait rencontrer les attentes de la population actuelle
avant même d'être "un cadeau pour les générations
futures".
1.2
Limites de notre travail
La commission parlementaire est un mode de participation et de
consultation avec des règles et des exigences (mémoire
dactylographié, 110 copies, présence à Québec)
qu'il est plus facile à des groupes d'intérêts et à
des institutions publiques de rencontrer qu'aux petits comités de
citoyens. Nous vous livrerons dans ce mémoire l'essentiel de nos propos
et nous nous tenons à votre disposition pour élaborer davantage
lors des séances de votre commission parlementaire.
1.3Notre point de vue en bref
Compte tenu de ces limites et du fait que certains aspects seront bien
couverts par d'autres participants, nous limiterons nos commentaires sur le
triptyque des études d'impact, des audiences publiques et de
l'assistance aux citoyens.
Nous allons d'abord situer le thème de la participation dans les
sociétés modernes technologiques et en évoquer le
discours, et le comparer à l'expérience vécue et aux
moyens concrets qui sont à la portée du citoyen, et qui en
constitue la pratique.
C'est dans ce contexte que nous essaierons d'évaluer le projet de
loi (qui constitue une étape très importante avec le droit au
citoyen de poursuivre, l'information sur les projets, les audiences publiques,
etc.), de souligner ses principales lacunes (le manque de pouvoirs du bureau et
le manque de crédibilité, l'importance d'audiences publiques lors
de l'étude d'impact préliminaire, la faiblesse des moyens de
consultation, l'inexistence de l'assistance aux citoyens), et enfin de
suggérer des moyens concrets pour renforcer l'atteinte des objectifs de
la réforme: la notion de l'environnement, le fonctionnement de la
commission, les mécanismes de la consultation, l'accès physique
aux services de la commission et l'assistance technique aux citoyens et aux
petites et moyennes entreprises.
2.
La participation des citoyens
2.1 Quelques fondements théoriques et
idéologiques
Nous pouvons trouver dans un certain nombre de travaux les fondements
théoriques de la participation dans les sociétés modernes.
Mentionnons:
FORTIN, Gérald, La société de demain, ses
impératifs, son organisation, Commission d'enquête sur la
santé et le bien-être social, gouvernement du Québec, sept.
1970, annexe 25.
GÉLINAS, André, Organismes autonomes et centraux, PUQ,
Montréal 1976, 346 p.
LANGROD, Georges & Al, La consultation dans l'administration
contemporaine, Cujas, Paris 1972, 971 p.
Référer à la version PDF page B-6592
Dans notre mémoire ci-haut mentionné, nous avons inclus
quelques extraits relatifs à la consultation (pp. 70 à 145).
Le Conseil consultatif de l'environnement, ainsi que divers groupes et
plusieurs individus, se préoccupent depuis quelques années de
cette question et ont accumulé une somme importante de documentation. On
peut y retrouver entre autres les mécanismes de participation du public
aux questions environnementales, suggérés ou adoptés dans
divers états européens, américains et canadiens.
2.1.1 Engageant les membres du présent
gouvernement
Si l'on veut convaincre les membres de la présente commission
parlementaire représentant le parti au pouvoir de la
nécessité d'une réforme complète et satisfaisante
en vue d'appuyer le ministre Léger dans cette entreprise, nous les
référons à quelques exemples tirés du programme
officiel du parti Québécois adopté au mois de mai
1977.
Référer à la version PDF page B-6593
Des engagements semblables ont été pris dans les Livres
verts sur l'éducation et le loisir, dans le Livre blanc du
développement culturel, dans les projets de décentralisation et
de réforme électorale municipale.
Il faut donc présumer que tous les ministres du gouvernement
actuel responsables de la vie économique aussi bien que responsables de
la vie sociale et culturelle reconnaîtront ces engagements et appuieront
sans réserve (ce qui n'exclut pas les nuances) les efforts du ministre
Léger dans son projet de créer des outils pour assurer la
participation effective des citoyens.
2.1.2 Engageant d'autres secteurs de la
société
Par manque de temps, nous n'avons pu examiner dans le détail les
engagements pris par d'autres formations politiques ou les études
commandées par eux sur ces questions. Nous tenons à souligner
cependant deux jalons importants dans l'établissement des fondements
idéologiques de la participation: Les travaux (rapport et
annexes) de la Commission d'enquête Castonguay-Neveu; Les travaux
(rapport et annexes) du groupe de travail sur l'urbanisation,
présidé par M. Claude Castonguay.
Tous reconnaîtront l'influence que ces rapports ont eu sur la
démocratisation de certains services et sur l'expérimentation de
formules de participation. Le travail sur l'urbanisation contient des
suggestions fort pertinentes pour améliorer la qualité de vie
démocratique dans les municipalités.
2.1.3
Quelques commentaires sur les
fondements
Les textes auxquels nous référons contiennent de
nombreuses précisions sur la "démocratie de participation".
Rappelons qu'il s'agit d'une réponse à la société
technologique et à la constitution d'une expertocratie pour
rétablir la démocratie et pour que les citoyens puissent
déterminer l'orientation de cette société. Si les
techniciens doivent nous fournir les réponses aux alternatives au niveau
des "possibles", il revient aux citoyens ordinaires (même les experts
d'une question sont citoyens ordinaires dans les centaines d'autres) de
définir les "souhaitables" du développement.
La démocratie de participation veut donc pallier au
contrôle technocratique, mais également aux dangers d'arbitraire
politique et de la loi du plus fort ou de certains groupes
d'intérêt. Elle ne peut s'implanter sans volonté politique
d'assurer sa vitalité et sans moyens efficaces pour la soutenir.
Plusieurs déplorent le peu de participation des citoyens, leur
manque d'intérêt aux élections scolaires par exemple. De
leur côté, la grande majorité des citoyens ne veulent pas
participer parce qu'ils n'ont pas confiance dans ces processus pour influencer
réellement la décision. Ils sont battus d'avance, croient que
tout est arrangé par les "puissants" entre eux et estiment les moyens
actuels inadéquats.
Peut-on leur donner tort? Nous pourrions donner de multiples exemples
où les citoyens ont vu s'implanter des équipements collectifs
(arénas, écoles), se modifier des règlements de zonage,
s'établir des usines, se construire des routes et des lignes
électriques avec un sentiment total d'impuissance pour influencer
l'ordre des choses.
Sans moyens efficaces, on reste au niveau du discours, à la
limite du simulacre et parfois de la fumisterie. Le citoyen s'en
aperçoit vite. Il réclame du solide: des élections
certainement, mais aussi des référendums, des recours collectifs,
des droits de poursuite, des audiences publiques dans le processus de
décision, des consultations obligatoires institutionnalisées, un
accès réel à l'information, l'assistance technique pour
décoder les jargons juridiques, scientifiques, techniques, etc. C'est
seulement lorsque ces moyens seront présents qu'on pourra juger de la
qualité du civisme.
2.1.4 L'utilisation des Mass Média
Les moyens de communication de masse (publics, privés ou
communautaires) constituent des relais essentiels entre les groupes et un
support indéniable à la démocratie, non seulement comme
lieu de l'expression libre et des échanges, comme organe d'information
et d'analyse des tendances générales de la société
et des gestes de la vie quotidienne, mais également comme le principal
code de jurisprudence de nos pratiques sociales mises à jour
régulièrement.
C'est par les média que l'on sait ce qui s'est passé dans
tel cas, à tel endroit et avec tels résultats. L'étude
publique d'un dossier permet aux promoteurs, aux groupes de citoyens, aux
techniciens et aux hommes politiques d'en tirer des leçons et d'orienter
leurs pratiques. Il faudra donc tenir compte de cet outil dans la mise en place
de mécanismes pour étayer la vie démocratique.
À ce chapitre, on doit constater que le ministre responsable de
l'environnement l'a sûrement compris, car il est un des ministres les
plus "transparents " et le plus présent sur la place publique. Nous
sommes entièrement d'accord avec cette pratique, car elle court-circuite
à l'avance l'utilisation exagérée de circuits plus
discrets. 2.2 L'expérience vécue 2.2.1 À
St-Jean-de-Matha
Chacun d'entre nous peut examiner les possibilités de
participation qui lui sont offertes dans son milieu ou dans divers secteurs,
portant sur des questions générales et permanentes ou sur des
problèmes ponctuels. La situation est semblable dans la plupart des
milieux et des secteurs d'activité.
Nous voulons témoigner ici de l'expérience vécue
lors du projet d'implantation de la ligne hydroélectrique à 735
KV. Plusieurs d'entre nous avions déjà des expériences
professionnelles, soit de gestion, soit d'animation, dans des structures de
participation, ou rédigé des rapports sur le même sujet.
Nous avions de l'information, une connaissance des appareils, une certaine
mobilité au travail. Tout au cours de notre expérience, nous
songions aux obstacles plus grands que ressentent les citoyens qui n'ont pas
ces avantages, qui travaillent à horaires fixes (seulement le midi ou le
soir pour téléphoner au gouvernement ou rencontrer la presse) qui
ne peuvent se payer des comptes élevés de téléphone
dirigés à Québec ou des secrétaires pour taper des
documents.
Nous tenons à souligner quelques-uns des obstacles que nous avons
rencontrés et que nous avons réussi à surmonter
grâce à l'aide que nous avons obtenue du ministère de
l'environnement. a) Une grande difficulté à connaître et
à obtenir l'information légale et technique pertinente, ainsi que
les règles usuelles du jeu (les lois, les réglementations, les
autorisations, les mécanismes d'approbation et d'évaluation, les
critères et leur application, etc.). b)Une certaine difficulté
à comprendre les jargons, à juger de la valeur technique des
procédés, à obtenir une contre-expertise par manque de
temps, mais surtout d'argent et d'un quasi-monopole en faveur du promoteur.
Nous pourrions donner des exemples où même des commissions
parlementaires ont rencontré des difficultés semblables. Que l'on
songe aux commissions qui se sont tenues avant les Jeux olympiques. c)
Difficulté de savoir quoi faire avec l'information, à qui
s'adresser, ou sont les centres et les divers mécanismes de
décision, ministères, comités, conseil des ministres...
d)Difficulté d'intéresser les média (la cause est-elle
légitime, ne défendent-ils pas leurs petits intérêts
mesquins, sont-ils d'affreux contestataires?) Au départ, les services de
relations publiques de l'Hydro-Québec avaient plusieurs longueurs
d'avance sur nous et nous avons senti leur efficacité à plusieurs
reprises et nous n'avons pu pénétrer certains média. e)
Difficulté de faire disparaître le défaitisme chez nos
concitoyens: "L'Hydro va faire ce qu'elle veut, comme elle veut, vous perdez
votre temps", nous en avons entendu sur tous les registres. f)
Difficulté d'accepter les refus, les irritations de certains
fonctionnaires, parfois leur incompétence, avec un sentiment d'en
déranger certains pour qui les choses seraient plus simples s'il n'y
avait pas de citoyens pour intervenir dans les services publics. "Ils n'en
mouraient pas tous"... Heureusement qu'il y a des secteurs entiers, comme
à la direction générale de la nature, où le citoyen
est bienvenu. g) La difficulté d'espérer alors que nous n'avons
aucun droit légal réel (absence de mécanisme obligatoire)
sinon le droit moral, celui de tout citoyen d'essayer de faire triompher le bon
sens et d'en convaincre le gouvernement.
h) La difficulté de garder sa sérénité
malgré les angoisses, l'insécurité sur ce qui va survenir,
le stress venant du travail supplémentaire occasionné par tous
les efforts de la participation et la nécessité de garder le
même rendement au travail et dans son milieu. Quand on entre dans cette
galère, on ne sait pas dans quel port on va aboutir ni dans combien de
temps. La guerre d'usure est plus facile à supporter par les appareils
qui "marchent tout seuls".
L'expérience vécue nous permet d'affirmer qu'il serait
dangereux de sous-estimer l'importance de ces obstacles existant à
divers niveaux. S'ils ne sont pas levés ou contrés, la
participation est illusoire.
2.2.2
Ailleurs où la participation a eu
des résultats
Dans tous les cas que nous avons pu vérifier où les
citoyens ont mené avec valeur et avec succès leurs interventions,
les mêmes ingrédients étaient présents: des
technocrates dans d'autres secteurs possédant de l'information, des
réseaux de connaissance pouvant s'appuyer sur les ressources et
l'expertise d'universités et/ou l'assistance technique d'organismes
privés ou para-publics.
2.2.3
Quelques commentaires sur
l'expérience vécue
Ce n'est pas demain que sans moyens ni assistance, les citoyens pourront
participer avec intérêt et avec efficacité à
"décider des questions qui les concernent".
Soyez rassurés également contre l'excès contraire
dans le cas où ces moyens seront présents car notre
expérience nous permet d'affirmer que malgré toute l'assistance
nécessaire, le travail qui attend le citoyen qui veut participer, la
quantité d'efforts qu'il doit fournir est considérable au plan
physique et moral. Il faudra encore du mérite pour participer. Ils ne
seront pas légion mais ils pourraient être beaucoup plus nombreux
que maintenant.
3. Le projet de loi no 69 apporte-t-il des
réponses adéquates?
Le projet de loi no 69 représente une étape importante,
amorce un mouvement intéressant vers la réalisation des
engagements dont nous avons pris connaissance précédemment et
pour répondre aux attentes exprimées par les citoyens
préoccupés à la fois de la protection de l'environnement,
de la rationalisation du développement et de la participation efficace
des citoyens concernés.
Ce grand pas de franchi prend la forme d'une déclaration du droit
à la qualité de l'environnement et à la sauvegarde des
espèces vivantes qui y habitent, assorti d'un recours civil en
injonction (limité cependant à certaines catégories de
personnes), le droit d'appel à la commission municipale du Québec
élargi à toute personne ou municipalité, et surtout la
création d'un bureau d'audiences publiques pour entendre les
représentations des gens concernés sur toute question relative
à l'environnement que lui soumet le ministre.
Malgré son intérêt, nous devons déclarer
qu'à notre avis, il s'agit d'une symphonie inachevée et d'un
arbre qui ne produira pas les fruits attendus, parce que ses racines ne sont
pas assez solides et les engrais pas assez riches. Nous allons tenter dans les
lignes qui suivent de vous indiquer un certain nombre de ces
éléments manquants.
3.1 La notion d'environnement
II est important que l'on précise mieux la notion d'environnement
afin que les "espèces vivantes " qui entretiennent des relations
dynamiques avec le milieu ambiant comprennent dans l'esprit et la lettre
l'espèce humaine.
Nous avons trouvé à l'article 109-b des indications qu'il
pourrait en être ainsi lorsque, parlant de l'évaluation d'une
amende, il est suggéré de considérer dans l'ordre suivant:
a)Tout préjudice physique, psychologique ou esthétique subi par
des êtres humains, la faune, la flore et la vie biologique. b)De tout
danger créé pour la santé humaine...
Nous sommes d'avis que réduire la protection de l'environnement
au milieu naturel sans y introduire l'homme, enlèverait toute
signification et support à cette loi. Les impacts d'un projet sont
susceptibles d'affecter non seulement la vie bio-physique, mais la vie
économique, sociale et culturelle. Toutes les dimensions sont tellement
imbriquées que chaque projet les atteindra toutes. Et toutes, elles
seront soulevées lors d'audiences publiques. Evitons donc dès
maintenant le risque d'un débat sur la tentation d'une
interprétation restrictive.
Votre collègue de l'aménagement craindra peut-être
que cette définition de l'environnement porte la commission d'audiences
publiques à entrer de plein pied dans les questions d'aménagement
du territoire. Nous ne le croyons pas, puisque l'établissement de
schémas et de plans d'aménagement établiront la
configuration idéale de l'utilisation du territoire. Ils
représentent des outils essentiels de gestion préalables aux
interventions ponctuelles.
Ce sont avant tout des interventions ponctuelles dont doit s'occuper la
commission d'audiences publiques. Un règlement de zonage n'enlève
pas la nécessité d'obtenir un permis respectant toutes les
normes, ni la nécessité d'évaluer un projet de
construction d'école en fonction des besoins actuels et des effets sur
l'ensemble des services. Nous croyons donc qu'il s'agit de mandats fort
différents, la réalisation de l'autre. Nous avons autant besoin
de politiques d'aménagement du territoire que de protection de
l'environnement.
Dans les cas où telles dimensions économiques et sociales
seraient importantes dans une étude d'impact et lors d'une audience
publique, il serait toujours possible au lieutenant-gouverneur en conseil de
nommer un ou deux commissaires ad hoc venant de ces milieux.
3.2 Pouvoirs de la commission
II s'agit là d'une question vitale. L'édifice entier
risque de s'écrouler si ses fondements ne sont pas assez solides. Comme
pour la santé de l'économie il faut que les agents
économiques aient confiance, pour que les audiences publiques soient
viables il faut que les groupes concernés y croient, lui fassent
confiance, "sentent" qu'elles sont un rouage essentiel intégré
à la prise de décision, en un mot, qu'elles soient utiles.
Si les citoyens comme les promoteurs estimaient que le vrai endroit
où il faut aller pour influencer la décision c'est au bureau du
ministre ou au Conseil des ministres, les représentations se feraient
à ce niveau. Nous serions alors loin des fondements de la
démocratie de la participation.
La commission d'audiences a besoin d'obtenir les conditions qui lui
confèrent toute l'autorité et la crédibilité
nécessaires pour assumer son rôle.
3.2.1
Bureau ou commission
Dans les milieux préoccupés de l'environnement, on parlait
du projet d'une commission d'audiences publiques. Certaines déclarations
ministérielles comportaient cette même appellation. En choisissant
maintenant le mot "bureau", veut-on marquer par là son caractère
partiel, réduire son importance, ou est-ce seulement un choix de mot
pour un organisme que l'on veut doter de pouvoirs adéquats?
3.2.2
Demande à la commission de la
tenue d'une audience publique
Dans le cas où la demande d'audience publique est reliée
à un projet soumis à l'obligation d'une étude d'impact et
de la consultation publique, nous croyons que la demande doit être
adressée à la commission, qui ne peut la refuser, à moins
"qu'elle ne la juge frivole".
La commission devrait également tenir des audiences publiques
dans tous les autres cas où le ministre le requiert.
3.2.3
Rapport de ses constatations ou de ses
recommandations
Si la commission n'étaient qu'une courroie de transmission de
certaines données recueillies au moment des auditions, le jeu n'en
vaudrait pas la chandelle et sans doute, les participants potentiels se
convaincraient-ils de son inutilité.
Il faudrait, pour que les représentations lors des audiences
soient intégrées vraiment dans le processus de décision,
que la commission ait un pouvoir décisionnel, comme certaines
commissions et régies fédérales ou
québécoises.
Dans le cas où la conjoncture spécifique à
l'environnement ne le permettrait pas, il faudrait tout au moins s'attendre
à ce que la commission analyse les données, arrive à des
conclusions et fasse part au ministre de ses recommandations, qui devraient
être rendues publiques.
Nous remarquons une absence importante à l'article 31-e.
L'article ne fait aucune allusion à ce qui a pu se passer aux audiences
publiques et laisse supposer que seule l'étude d'impact est prise en
considération. Dans le cas où la décision est prise au
conseil des ministres, il faudrait tout au moins transmettre en même
temps que l'étude d'impact, soit les constatations, soit les
recommandations selon l'option retenue.
3.2.4
Confusion possible avec le rôle du
Conseil
Lorsque l'article 6-c dit: "Le bureau a pour fonctions d'enquêter
sur toute question relative à la qualité de l'environnement que
lui soumet le ministre..., il doit tenir des audiences publiques dans les cas
où le ministre le requiert", et que l'article 8 précise "Le
Conseil peut, à la demande du ministre, recevoir et entendre les
requêtes et suggestions des individus et des groupes sur toute question
visée par la présente loi", nous croyons qu'il y a un risque de
confusion, de conflit. Les objets pour lesquels le bureau d'une part et le
conseil de l'autre peuvent entendre des représentations doivent
être clairement identifiés et être exclusifs.
3.3
L'étude d'impact préliminaire
et détaillée et la participation du public
La participation du public durant l'élaboration d'un projet et
avant son autorisation est essentielle, rappelons-le pour minimiser les impacts
négatifs et maximiser les impacts positifs (lorsqu'il y en a), tenir
compte des valeurs et des priorités des populations. Comme le
précisait le programme du Parti québécois à ce
chapitre, il est important que cette participation commence dès les
premières phases du projet. Consultation comme audiences publiques
doivent avoir lieu à l'étape de l'étude d'impact
préliminaire. C'est à ce moment que les corrections de tir sont
les plus nécessaires.
Nous pouvons évoquer de nouveau le cas de St-Jean-de-Matha. Nous
avons obtenu une audience publique après une étude d'impact
détaillée sur le choix d'une variante où nous avons fait
part de nos points de vue sur un tronçon de 18 milles. La direction des
SPE a refusé le certificat à l'Hydro. Neuf (9) mois de travail
venaient d'être couronnés. Mais au cours de nos études,
nous avons découvert que les raisons qui justifiaient les 150 milles du
corridor étaient inacceptables quant à l'environnement. Cette
question aurait dû être abordée au moment d'une étude
d'impact préliminaire et éviter le gaspillage de beaucoup
d'énergie.
Les mécanismes prévus actuellement par le projet de loi
n'existaient pas. Le législateur a maintenant l'occasion de combler des
lacunes dont on voit maintenant les désavantages.
S'il y avait à choisir (mais ce n'est pas nécessaire)
entre une audience publique lors de l'étude d'impact préliminaire
ou lors de l'étude d'impact détaillée, il faudrait sans
hésiter opter pour la première.
Certains de vos collègues estimeront peut-être que le
nombre d'audiences publiques risque d'être trop élevé avec
deux audiences possibles par projet dans chacune des catégories
prévues par règlement. Ce danger est réel. Il faudrait
à notre avis que la commission d'audiences ne devienne pas une
régie des loyers qui règle un nombre considérable de cas.
Elle perdrait alors toute signification. Il serait préférable
d'en réduire le nombre mais de leur accorder toute l'attention
nécessaire.
Nous suggérons la pédagogie suivante: choisir parmi les
demandes des cas-types, représentatifs de plusieurs autres projets, leur
donner au moment des audiences tout l'éclairage voulu, faire jouer tous
les mécanismes de la commission à plein et de façon
visible, sous le regard attentif des moyens de communication de masse et donc
du public. De cette manière, les promoteurs, les citoyens, les experts
engagés dans d'autres projets tirent des conclusions des
résultats de cette audience et l'appliquent à leur cas. Il ne
sera alors peut-être pas nécessaire de tenir des audiences
publiques dans tous les cas.
Nous croyons, monsieur le ministre, qu'il serait
préférable ou bien d'appliquer la formule des audiences publiques
d'abord aux projets les plus importants (selon des critères à
préciser), ou sur moins de catégories de projets pour
l'expérimenter avant de l'étendre. Quelle que soit l'option, il
est éminemment souhaitable de faire jouer les processus et les
mécanismes de participation au complet.
3.4
La commission et les services au
public
Le projet de loi est trop discret sur l'aide qu'il faut apporter aux
citoyens et dans certains cas aux petites et moyennes entreprises en vue des
audiences publiques. Nous suggérons que le texte de loi lui fasse
obligation d'offrir cette assistance afin que la participation soit
équitable et valable.
3.4.1
Information sur le rôle de la
commission d'enquête
Le secrétaire de la commission doit pouvoir informer les citoyens
qui en font la demande sur le rôle de la commission, ses rouages, ses
modes de fonctionnement, sur la loi et les règlements qui la
régissent, sur les expériences antérieures, sur les
conditions pour la tenue d'audiences, sur les droits des personnes.
Il devra parfois fournir une documentation de base sur les projets en
cause, aider à décoder les jargons afin que les groupes jugent de
la pertinence de demander une audience publique. On pourrait supposer que ces
sessions privées seraient suffisantes dans un certain nombre de cas.
Une fois la demande d'audience publique acceptée, le
secrétariat de la commission devrait fournir aux groupes l'assistance
technique de base nécessaire à une participation
équitable: documentation, services élémentaires de
secrétariat. Les citoyens qui ne peuvent se les donner devraient pouvoir
retenir les services d'experts, à la manière de l'assistance
juridique dans le cas de questions légales. Nous voulons ici poser le
principe de cette forme d'assistance. Les moyens d'y répondre pourraient
être diversifiés et sont matière à options.
3.4.2
Le secrétariat de la
commission
Comme nous venons de le suggérer, la commission, par son
secrétariat, sera de façon permanente en liaison avec le public
et à son service. L'article 6-h nous laisse entendre que "le
secrétariat de la commission sera dans le territoire de la
communauté urbaine de Québec".
Nous comprenons les motifs de cette situation, eu égard au fait
que le siège du gouvernement se trouve dans la ville de Québec.
Mais comme Montréalais, nous savons que plus de la moitié de la
population du Québec préférerait des bureaux situés
dans le territoire de la communauté urbaine de
Montréal. Il nous apparaît donc important qu'il y ait au
moins une annexe du secrétariat à Montréal. À moins
que ce ne soit l'inverse.
Compte tenu du désir de faciliter l'accès à
l'information, à la documentation, à l'assistance technique et
aux séances de consultation privées pour tous les citoyens, nous
suggérons fortement que le texte de loi indique une présence
effective de la commission d'audience dans la région de Montréal.
Nous serions sûrs de gagner une élection portant sur cette
proposition. De façon plus sérieuse, nous sommes convaincus que
cette disposition est essentielle à la pratique de la démocratie
en réduisant un certain nombre d'obstacles.
3.5
Consultation des documents relatifs à
une demande de certificat d'autorisation
Le projet de loi n'est pas explicite quant aux modalités
d'accès aux documents préparés par les promoteurs pour la
consultation publique. Ne devraient-ils pas être disponibles dans les
divers bureaux des SPE au Québec, tout au moins à Montréal
et à Québec? Dans tous les cas, on devrait prévoir le
service de décoder les jargons pour que les citoyens puissent
évaluer la teneur et l'impact du projet. ll faudra éviter la
situation qui prévaut dans le cas des amendements aux règlements
de zonage. Il faut être spécialiste et en possession de tous les
documents de référence pour comprendre de quoi il s'agit. Cet
hermétisme est voulu pour décourager le simple citoyen de
s'occuper vraiment de ses affaires.
3.6
Consultation des citoyens
Nous sommes conscients d'aborder ici une question difficile. Le
mémoire du comité de citoyens de St-Jean-de-Matha aux SPE en fait
largement état.
Si le législateur veut obliger les promoteurs à consulter
les populations afin que les opinions de la population fassent partie
intégrante des données qui conduiront au choix final du projet et
de ses modalités, il lui faudra être plus exigeant quant aux
mécanismes à utiliser.
Tout promoteur qui, sans obligation par la loi, veut connaître en
partie les opinions d'une population, peut utiliser diverses techniques, dont
la plus connue demeure le sondage, on veut influencer cette opinion pour
"vendre" un projet, saura utiliser les divers moyens de relations publiques, y
compris parfois des séances d'information et de consultation.
Une réelle consultation de la population avec toutes les
règles de l'art, y compris un traitement objectif des données,
suppose non seulement d'être réalisé avec toute l'expertise
nécessaire, mais également par un organisme dont la
neutralité et la crédibilité soient évidentes. Une
consultation des populations ne saurait être tenue par le promoteur du
projet sans rencontrer de grands dangers de manipulation du processus, des
données, des résultats, et de devenir partie intégrante
d'un exercice de relations publiques. Encore une fois, l'expérience
vécue à St-Jean-de-Matha illustre assez bien la
nécessité d'aborder cette question avec tout le sérieux
qu'elle mérite.
Si donc le législateur veut en faire une obligation, il devra en
prévoir les moyens par règlement adopté par le
lieutenant-gouverneur en conseil. La commission d'audiences ou autre
mécanisme neutre non responsable de la décision finale pourrait
se voir confier ce rôle.
En attendant, nous croyons qu'un groupe d'études devrait se
pencher plus attentivement sur la question, réunir les connaissances et
les expériences au Québec et à l'extérieur par
divers groupes et proposer au ministre une politique précise en ce
domaine. Nous croyons qu'il serait prématuré de s'engager dans
cette direction sans avoir réalisé cette étape.
4. Conclusions ou commentaires généraux
sur l'esprit de la Loi
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les
membres de la commission, le projet de loi no 69 apporte des amendements
à la loi 49 pour la bonifier et en faire une véritable charte de
l'environnement. À notre avis, pour atteindre cet objectif, il faudra y
incorporer des suggestions que d'autres groupes et le nôtre vous auront
présentées. Il est important que la réforme que vous
proposez soit véritable tout en étant raisonnable. Il est
important de ne pas décevoir, de ne pas la manquer, car un échec
ajouterait au peu de confiance que les citoyens accordent actuellement à
la valeur des moyens de consultation et justifierait les technocrates qui ne
souhaitent pas la participation de penser que ces mécanismes sont
inutiles et inefficaces.
Ce qui fondamentalement est le plus important n'apparaîtra
toujours qu'indirectement dans un texte de loi, c'est la volonté
politique réelle de l'appliquer. C'est surtout le souci permanent non
seulement du développement économique de nos ressources et de la
protection de l'environnement naturel et habité, mais du citoyen. Voir
à ce qu'il se sente vraiment écouté et qu'il le soit.
Comme pour le civisme, c'est par "une foule de petites choses" que ce souci
apparaîtra et convaincra le citoyen.
Il est essentiel que la commission d'audiences et tous ses moyens
d'appui aient un caractère humain et ne représentent pas qu'une
machine de plus. D'autres groupes d'intérêt vous auront fait part
de leurs points de vue. Les citoyens attendent du législateur la
clairvoyance devant leurs besoins et le courage de prendre les mesures pour y
répondre.
Nous vous remercions de nous avoir permis de nous exprimer, de
communiquer nos expériences, nos réflexions et nos suggestions.
Nous demeurons à l'entière disposition de la commission.
Le comité de citoyens de St-Jean-de-Matha Paul Perron Luc
Ouimet
ANNEXE B Seconde partie du mémoire de
l'Association des biologistes du Québec
Note explicative
Tel que précédemment mentionné, l'A.B.Q. entend
dans cette seconde partie non seulement apporter ses commentaires en regard de
certains articles du projet de loi 69, mais également suggérer
d'ajouter aux amendements déjà proposés de façon
que l'objectif de qualité de l'environnement qui a été
fixé soit mieux poursuivi.
Pour fins de compréhension il ne sera pas tenu compte des
numéros sous lesquels apparaissent les articles du projet de loi 69,
mais bien de la numération de la loi de la qualité de
l'environnement telle qu'elle se présenterait dans sa version globale,
tenant compte des modifications et additions contenues dans le projet de loi
69.
ARTICLE 1 (Environnement)
Le paragraphe 4 de l'article 1 de la loi actuelle limite la
définition du terme "environnement" au seul milieu physique (eau,
atmosphère, sol) et ne comprend par conséquent pas les organismes
vivants, tant végétaux qu'animaux.
Or, il ne fait pas de doute qu'une définition sérieuse de
l'environnement doit englober ces espèces vivantes et que cette optique
rencontre les principes de base énoncés dans la loi alors qu'on
vise spécifiquement à sauvegarder ces espèces (articles 19
A, 20 et autres).
Il serait en conséquence souhaitable d'introduire la notion
d'organisme vivant dans la définition actuelle du terme "environnement"
et de prévoir dans le projet de loi 69 un amendement en ce sens.
ARTICLE 1 (Polluant)
La définition du terme "polluant" telle qu'elle apparaît au
paragraphe 6 de l'article 1 de la loi limite la pollution à la seule
présence de contaminants, sans tenir compte des activités ou
interventions physiques de nature à affecter l'environnement.
Or, de nombreux exemples de dégradations physiques des
écosystèmes pourraient être apportés. Qu'il s'agisse
de la modification du lit d'un cours d'eau, de l'altération des berges
ou de la modification du régime hydrique, les conséquences en
seront toujours extrêmement importantes au point de vue de
l'environnement.
Il est donc recommandé d'étendre la définition du
terme "polluant" pour y inclure ces altérogènes physiques qui
mènent à une dégradation de l'environnement.
ARTICLE 6 A
En regard du rôle attribué au Bureau par l'article 6 C, cet
organisme apparaît principalement axé vers une fonction
d'enquêteur avec, accessoirement ou subséquemment, la
possibilité de tenir des audiences publiques.
Dans cette optique, le titre de Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement apparaît incomplet et devrait être
révisé pour correspondre plus exactement à l'article 6
C.
ARTICLE 6 B
II serait souhaitable que les cinq membres du Bureau dont il est
question au premier paragraphe de cet article soient nommés pour un
terme fixe pour assurer une certaine stabilité et continuité au
sein de l'organisme.
Par référence au terme prévu dans le cas du Conseil
consultatif de l'environnement et à l'expérience quotidienne, un
terme de cinq ans serait raisonnable.
ARTICLE 6 C
L'article tel que rédigé laisse entendre que le rapport
d'enquête que le Bureau sera appelé à préparer
devrait se limiter aux constatations qui auront été faites. Or,
une enquête complète et consciencieuse mène
irrémédiablement à la formulation de recommandations. Nous
présumons d'ailleurs qu'il n'était pas dans l'intention des
rédacteurs de ce projet de loi d'exclure des fonctions du Bureau ce
pouvoir de tirer des conclusions à partir des informations qui auront
été recueillies.
Ainsi, pour demeurer conséquent dans les attributs du Bureau et
éviter les problèmes qui résultent
régulièrement d'un manque de précision, la fonction de
recommandations devrait être spécifiquement mentionnée
à l'article 6 C.
ARTICLE 6 H
Puisque l'article 6 B introduit une certaine hiérarchie entre les
membres du Bureau, le rôle de président devrait être
défini en rendant applicable au Bureau l'article 13 de la loi, avec les
modifications qui peuvent s'imposer.
Le Bureau d'audiences publiques et le Conseil
consultatif de l'environnement
L'introduction de ce nouvel organisme avec pouvoir d'enquête et
incidemment de recommandations vient créer une certaine confusion
lorsqu'on réalise que ses attributions se rapprochent à plusieurs
points de vue de celles décernées au Conseil consultatif de
l'environnement.
Tous conviendront qu'il serait inadmissible qu'on maintienne deux
organisations pour remplir des fins identiques ou similaires et qu'au manque
d'efficacité rattaché à une telle situation vienne
s'ajouter un risque de concurrence.
Il est en conséquence du plus grand intérêt que les
sphères d'activités et les attributions du Conseil consultatif de
l'environnement et du Bureau d'audiences publiques soient clairement
définies dans la loi.
ARTICLE 8
Puisque l'article 8 autorise le Conseil à formuler, de sa propre
initiative, un avis sur toute question relative à la qualité de
l'environnement, il possède forcément un pouvoir ancillaire
d'enquêter et d'étudier tout sujet sur lequel il aura ainsi
décidé de se prononcer. L'exercice de ce pouvoir ne saurait
logiquement exclure la possibilité de recueillir l'opinion du public sur
les questions en cause.
Aussi, nous estimons que l'amendement proposé au paragraphe 3 de
l'article 8 n'ajoute rien aux droits déjà conférés
au ministre de s'adresser au Conseil pour obtenir son avis sur toute question
et risque plutôt d'être interprété comme limitant les
moyens mis à la disposition du Conseil et de nuire ainsi à son
efficacité.
ARTICLE 9
De la même façon que l'article 6 G vient prévoir la
publication des rapports du Bureau d'audiences publiques dans les soixante
jours de leur réception, un délai devrait être
mentionné pour rendre publics les avis du Conseil.
ARTICLE 19 B
Un examen de la procédure prévue par les articles 19 B et
19 D nous amène d'une part à réaliser que ce recours
diffère au point de vue pratique de l'action en injonction prévue
dans les articles 751 et suivants du Code de procédure civile et qu'une
certaine confusion risque d'être provoquée entre la requête
en injonction mentionnée à l'article 19 B et la requête
pour injonction interlocutoire à laquelle réfère l'article
19 D.
Pour éviter tout débat sur des questions de forme, il y
aurait intérêt à clarifier les règles de
procédure qui seront applicables au recours en injonction que se propose
de créer le projet de loi, en tenant compte du fait que ces
procédures devraient rencontrer des objectifs de
célérité et d'économie.
ARTICLE 19 C
Le projet de loi vient limiter l'exercice du recours en injonction aux
seules personnes physiques. Or, ce droit, aux termes de l'article 19 A,
était reconnu à toute personne, ce terme étant
défini par l'article 1 paragraphe 9 comme comprenant tout individu,
société, association coopérative ou corporation autre que
municipalité. Il apparaît inconcevable qu'une partie seulement des
personnes à qui ce droit est reconnu puisse effectivement l'exercer.
Aussi, aucun qualificatif ne devrait accompagner le mot "personne"
utilisé à l'article 19 C.
Cet article vient également limiter le recours aux seules
personnes qui fréquentent le lieu où le voisinage immédiat
du lieu à l'égard duquel une contravention est
alléguée. Une telle restriction ne saurait être
justifiée puisque fondamentalement tout résident
Québécois a droit à l'intégrité de tout le
territoire québécois. Sachant que bien souvent l'ignorance,
l'indifférence ou des contraintes de différents types font que la
population d'abord affectée par la contravention risque d'être la
dernière à se plaindre, il apparaît nécessaire
d'abandonner cette restriction. Ces considérations sont d'ailleurs
d'autant plus justes qu'avec la formule proposée, aucun recours en
injonction ne pourrait être exercé en regard des territoires
immenses qui continuent d'être inhabités dans le Nord
Québécois.
ARTICLE 19 F
Cet article vient soustraire du recours en injonction non seulement les
projets déjà autorisés, avec les restrictions qui
s'imposent, mais également tout cas pour lequel le processus
d'évaluation des impacts visés par les articles 31 A et suivants
aura été commencé.
Or, il n'y a aucune raison pour qu'une quelconque contravention à
la loi ou aux règlements soit soustraite du pouvoir de surveillance
accordé aux citoyens par le biais de ce recours en injonction,
simplement parce que la contravention en question est commise en regard d'un
cas pour lequel une étude d'impact est déjà
commencée.
C'est pourquoi la section suivante de l'article devrait être
complètement retranchée: "ou pour lequel la procédure
visée dans ces articles est commencée."
ARTICLE 20
Pour les raisons déjà fournies en rapport avec la
définition du terme "polluant" à l'article 1, la prohibition
créée par l'article 20 devrait toucher non seulement les
contaminants, mais également tout autre intervention physique que les
règlements auront au préalable qualifiée de
dégradante pour l'environnement.
ARTICLE 22
L'article tel que présentement rédigé ne commande
pas d'obtenir un certificat avant d'entreprendre une activité qui
porterait atteinte à la sauvegarde d'espèces
végétales ou animales. Aussi, à moins que la
définition du mot "environnement" ne soit modifiée dans le sens
déjà proposé, l'article 22 devrait spécifiquement
inclure le cas de modificatons à la qualité de vie des
espèces vivantes.
D'autre part, l'expérience démontre que le second
paragraphe de l'article 22 connaît de grandes difficultés
d'application du fait qu'il n'exige pas que soient indiquées la
qualité du milieu sujet à être perturbé de
même que la nature et l'importance des organismes vivants qui y habitent.
C'est à cette condition que le directeur des Services de protection de
l'environnement sera en mesure de prendre une décision
éclairée sur les réels effets dans l'environnement de
l'activité projetée alors que les informations qui sont
présentement exigées ne visent qu'à mesurer la
quantité ou la concentration de contaminants qui résulteront de
l'activité en cause, ce qui, comme nous l'avons déjà
mentionné, ne constitue qu'une forme de pollution.
Il serait au surplus souhaitable qu'une certaine publicité
entoure la procédure prévue par l'article 22. Ainsi, nous
suggérons que soit publiée, dans un journal local, à
intervalles rapprochés, la liste des nouvelles demandes de certificats
d'autorisation et des décisions récemment rendues en regard de
celles pendantes. Telle formule permettrait aux citoyens de faire les
représentations qu'ils pourront juger opportunes dans les circonstances
et de prendre plus amplement conscience du travail effectué par les
Services de protection de l'environnement.
ARTICLE 24
Comme suite aux remarques que nous avons soulevées à la
section précédente, nous croyons que les critères pour
justifier de l'émission d'un certificat d'autorisation ne doivent pas
être limités aux contaminants qui pourraient résulter du
projet étudié. Le directeur devrait également tenir
compte, comme le stipule d'ailleurs l'article 22, de toute modification
à la qualité de l'environnement que l'activité
projetée serait susceptible d'entraîner.
ARTICLES 25 et 26
Les pouvoirs conférés par ces articles au directeur ne
devraient pas être limités aux seuls contaminants mais inclure
également toute source de pollution affectant l'environnement, ces
termes de "polluant" et "d'environnement" étant ici utilisés en
tenant compte des modifications que nous avons déjà
proposées relativement à leur signification.
ARTICLE 30
La consultation prévue par l'article 30 nous porte à
conclure que dans le cas des municipalités, le directeur doit tenir
compte d'autres facteurs que ceux qui touchent purement la qualité de
l'environnement.
Un tel article vient soumettre le directeur à des pressions qui
risquent de le forcer à s'écarter du rôle qui lui a
été fixé par la loi.
De plus, cet article laisse planer un fort danger d'injustice si les
ordonnances visant à la protection de l'environnement deviennent
différentes dépendant qu'il s'agit de municipalités ou
d'autres personnes.
Aussi, il nous apparaît que l'article 30 dans sa formulation
actuelle devrait disparaître, quitte par contre à ce qu'aucune
ordonnance touchant une municipalité ne soit décernée sans
l'approbation préalable du ministre chargé de l'application de la
loi de la qualité de l'environnement.
ARTICLE 31 paragraphe B
Dans la mesure où le contaminant vient, au sens de l'article 1
paragraphe 5, altérer de quelque manière la qualité de
l'environnement, nous ne nous expliquons pas comment par règlements on
pourrait soustraire des contaminants et des sources de contamination à
l'application de la loi.
Un tel pouvoir réglementaire apparaît exorbitant et non
conforme aux buts visés par la loi.
ARTICLE 31 paragraphe F
Dans la mesure où l'article 22 couvre des projets d'où
peuvent résulter non seulement une émission de contaminants mais
également une modification de la qualité de l'environnement,
aucun pouvoir réglementaire pour soustraire certaines catégories
de projets de l'application de cet article ne devrait exister.
ARTICLE 31 paragraphe J
Considérant que l'article 21 oblige quiconque est responsable de
la présence accidentelle dans l'environnement d'un contaminant à
en aviser le directeur sans délai, nous ne voyons pas comment l'on
pourrait par règlement venir préciser des délais que la
loi n'autorise pas.
De toute façon, la présence dans l'environnement d'un des
contaminants visé par l'article 20 commande qu'on s'en occupe avec la
plus grande des célérités et il ne saurait être
question de permettre aux responsables d'aviser les autorités autrement
que sur le champ.
Article 31 B
Dans la mesure où l'étude d'impact tend de plus en plus
à s'affirmer comme un processus scientifique d'évaluation des
répercussions d'un projet sur l'environnement, elle doit, lorsqu'elle
est bien menée, rencontrer des critères de base que le ministre
ne devrait pas avoir le loisir de modifier en fonction d'un projet
particulier.
D'autre part, les notions d'étude préliminaire et
d'étude détaillée utilisées dans cet article ne
correspondent pour le moment à rien et ne sont pas non plus assimilables
à quelque pratique actuellement en cours. Toutefois, les termes
employés laissent entendre que l'impact d'un projet d'environnement ne
sera véritablement cerné qu'au niveau de l'étude
détaillée. Aussi, si une discrétion est laissée au
ministre de requérir soit une étude préliminaire, soit une
étude détaillée, soit les deux à la fois, la seule
étude préliminaire ne devrait cependant jamais, à elle
seule, permettre l'autorisation d'un projet.
ARTICLE 31 C
Puisque le ministre peut ou non faire droit à une requête
de la part d'un citoyen en vue de la tenue d'une audience publique, toute
décision ayant pour objet de rejeter une telle requête devrait
être motivée, rendue par écrit et adressée
directement à la personne en cause.
Il apparaîtrait également souhaitable qu'un délai
soit fixé au ministre pour prendre une décision, négative
ou affirmative, à la suite d'une demande d'audience publique.
ARTICLE 31 F
Sachant que la conception de certains projets remonte parfois à
plusieurs années et même à l'occasion à plus d'une
décennie, il y a lieu de craindre que l'article tel que proposé
ne vienne soustraire à l'obligation de procéder à une
étude d'impact, bon nombre des grands projets qui seront
réalisés dans les prochaines années.
Nous estimons que seuls les projets dont la réalisation physique
a été commencée avant une date donnée pourraient
ainsi passer outre à la loi. D'autre part, pour permettre de respecter
les droits acquis des projets dont la réalisation physique serait
commencée peu de temps après l'entrée en vigueur de la
loi, il est suggéré que la date dont nous faisions
précédemment mention soit fixée à un an
après l'entrée en vigueur de la loi.
ARTICLE 31 H
Dans le cas où des renseignements ou données seraient
soustraits en conformité de l'article 31 H, le dossier devrait faire
mention que des retraits ont ainsi été opérés.
D'autre part, on ne devrait jamais, sous le couvert de protéger un
procédé industriel, pouvoir soustraire à la consultation
publique l'identité des contaminants qui seraient émis dans
l'environnement advenant la réalisation du projet.
ARTICLE 96
Étant donné qu'on reconnaît à toute personne
le droit à la qualité de l'environnement, l'appel prévu
à l'article 96 devrait être ouvert non seulement à ceux
visés par une ordonnance ou qui se sont vus refuser un certificat
d'autorisation ou d'approbation, mais également à toute autre
personne qui, pour les motifs déjà exposés à
l'article 96, est en désaccord avec la décision ou l'ordonnance
qui a été rendue.
Si l'on admet le principe que le directeur peut commettre une erreur en
refusant l'émission d'un certificat et que cette erreur peut être
corrigée à l'occasion d'un appel devant la commission municipale
du Québec, il faut également admettre que le directeur n'est pas
infaillible lorsqu'il accorde un certificat et prévoir dans de tels cas
la possibilité d'un appel devant la commission municipale.
ARTICLE 116
Puisque les intentions annoncées au début de la loi sont
de permettre à toute personne d'entreprendre des poursuites, aussi bien
civiles que pénales, pour rendre cette loi applicable, les amendements
proposés à l'article 116 devraient faire plus que simplement
abolir le principe de l'autorisation préalable de la part du procureur
général. L'article 116 devrait à notre sens mentionner
spécifiquement la possibilité qu'auront dorénavant les
personnes résidant ou ayant une place d'affaires au Québec d'y
intenter des procédures civiles ou pénales en conformité
de la loi.
ARTICLE 117
L'article ne devrait pas être restreint aux seuls cas
d'émission de contaminants portant atteinte à la santé ou
aux biens d'une personne mais devrait être applicable à toute
pollution de l'environnement, ces termes étant encore ici entendus dans
le sens proposé à l'article 1.
D'autre part, pour des raisons analogues à celles fournies
à l'occasion de la discussion de l'article 19 C, toute personne ayant sa
résidence ou une place d'affaires dans la province de Québec
devrait pouvoir requérir une enquête, qu'elle soit ou non
directement affectée par le polluant en cause.
Enfin, un délai devrait être prévu pour que le
ministre rende une décision sur une requête
présentée conformément à l'article 117 et, dans les
cas où le ministre en viendra à la conclusion qu'il n'y a pas
lieu de donner suite à la requête, cette décision devra
être motivée, rendue par écrit et transmise directement au
requérant.
ARTICLE 118 C
Nous comprenons mal les raisons pour lesquelles il faudrait
spécifiquement soustraire une municipalité à l'application
de certains articles de la loi puisque tout protocole d'entente qui
prévoira des normes inférieures au seuil fixé serait
inacceptable et que d'autre part il n'est pas nécessaire d'être
"hors-la-loi" pour faire plus que le minimum exigé.
La seule utilité que nous voyons à cet article est celle
d'éviter, dans des cas particuliers, le processus d'un certificat
d'autorisation ou de permis lorsque le protocole d'entente fournit
déjà la garantie que les activités, constructions ou
autres, qui seront réalisées dans le cadre de ce qui est
prévu dans l'entente rencontreront les normes déjà en
place. Or, il s'agit là d'une approbation anticipée des projets
en cause dont une municipalité peut bénéficier sans qu'il
soit besoin de la soustraire à l'application de certaines parties de la
loi.
Aussi, l'article 118C nous apparaît-il injustifié.
ANNEXE C
Mémoire d'un groupe de chercheurs de l'INRS-Eau
Le 31 août 1978.
Messieurs les Membres de la Commission,
Monsieur le Président, avant d'aborder le contenu
spécifique de notre mémoire, nous aimerions nous situer
personnellement dans l'ensemble des participants à ce débat. Les
réflexions que vous allez entendre dans ce mémoire sont le fruit
d'une lente évolution scientifique qui s'est opérée depuis
huit (8) ans dans le cadre de l'Institut National de la Recherche Scientifique.
Au départ, encadrés dans des limites disciplinaires
étroites, les chercheurs du centre de l'eau de l'INRS ont appris
graduellement à déborder de leurs disciplines respectives pour
pouvoir communiquer entre eux. Ils ont également développé
une préoccupation commune pour une gestion rationnelle des ressources du
milieu naturel, particulièrement l'eau, comme le nom* de notre centre
l'indique.
De purement scientifique et cloisonné qu'il était au
départ, l'engagement des chercheurs chez nous a donc
évolué vers une perception multidisciplinaire des ressources
naturelles et de l'environnement, et une certaine vision de ce que devrait
être sa gestion rationnelle. Compte tenu du cadre dans lequel nous avons
évolué, notre présente réflexion est marquée
par la recherche méthodologique et s'adresse particulièrement aux
aspects du projet de loi 69, portant sur la participation du public aux
débats sur l'environnement, la vocation des organismes de consultation,
les études d'impacts et le droit à la qualité de
l'environnement.
Vous comprendrez, Monsieur le Président, que notre intervention,
tout en se voulant objective et apolitique, ne peut éviter de situer
l'environnement comme valeur centrale. Par ailleurs, compte tenu de notre
manque d'expérience au niveau des mécanismes administratifs ou
des formulations juridiques notre mémoire se situera donc à un
niveau relativement global, particulièrement au niveau des principes,
des objectifs et des fonctions reconnus par le projet de loi, en vous laissant
juges de la qualité des outils et des moyens.
1.
L'homme et sa technologie vs
l'environnement
Ainsi que l'exprimait l'ingénieur américain David Bella,
pour la première fois depuis l'existence de l'humanité, l'homme a
atteint un stade d'évolution technologique tel que sa capacité
d'intervenir dans l'environnement est suffisante pour modifier ou rompre les
grands équilibres naturels comme le climat, les
écosystèmes, etc. À la limite, et poussé par une
folie aveugle, il pourrait détruire la planète elle-même
par les armes atomiques. Bella poursuit cette réflexion apocalyptique en
affirmant que la capacité de l'homme d'intervenir dans l'environnement
s'accroît plus rapidement que sa conscience des impacts qui en
résultent, et, à plus forte raison, sa capacité d'en tenir
compte.
Sans vouloir statuer sur le bien-fondé de tels
énoncés, nous les croyons pertinents au débat actuel.
À venir jusqu'à une époque récente, nos
sociétés dites "développées" ont usé de
cette force technologique à des fins, il faut bien l'admettre, parfois
inconsidérées: soit pour accroître un
bien-être matériel fondé sur un credo d'abondance des
ressources et identifié à la recherche d'une soi-disant
"qualité de vie"; soit pour maintenir artificiellement un
momentum d'activité économique créatrice d'emploi;
soit encore pour permettre la poursuite d'objectifs de profit.
La résultante de telles pratiques conduit inévitablement
vers une croissance aveugle et incontrôlée qui peut certes
recouper la trajectoire d'un développement social adéquat mais
qui demeure trop souvent à la merci du hasard ou d'une pseudologique
économique.
Nous voulons donc ici formuler un premier principe:
Les valeurs conservationnistes et respectueuses du milieu naturel et la
recherche d'une véritable qualité de vie doivent rapidement
prendre le pas sur les valeurs traditionnelles conduisant à la
croissance sauvage et la destruction de la biosphère.
2.
Démocratie et conscience
environnementale
Dans nos sociétés démocratiques libérales,
les normes d'appréciation de la qualité des actions humaines
relèvent en dernière analyse des valeurs et du niveau de
conscience de la population. C'est le processus politique, et toute la machine
gouvernementale y est, en principe, soumise. Considérons maintenant la
question de l'environnement. On assiste actuellement à un vaste
mouvement de conscientisation vis-à-vis des impacts de l'homme sur le
milieu. La pollution, les débats écologiques, l'épuisement
des ressources sont présents quotidiennement dans les media. À
l'instar de domaines tels *INRS-Eau
la consommation, le loisir, les droits de l'homme et ainsi de suite,
l'environnement est l'objet d'une vaste prise en charge par la population de
son respect. Ainsi, la création de groupes organisés autour de
ces questions a la réputation d'avoir un rythme de doublement
d'effectifs quinquennal. Ce mouvement de prise en charge populaire est sans
doute attribuable à une crise de confiance vis-à-vis des
institutions gouvernementales desquelles on a eu le tort de tout attendre.
C'est une réalité salutaire dont le gouvernement doit tenir
compte et dont il pourra éventuellement se servir pour accroître
le momentum et la qualité de ses politiques environnementales.
Un danger demeure cependant: faute d'information adéquate, la
perception du milieu naturel court le risque d'être biaisée par
les limites du champ de perception de la population. Certaines questions
environnementales telles l'utilisation de substances toxiques, ou la
réalisation de projets dans des régions éloignées
des populations peuvent ainsi échapper à la prise en charge de la
population, et, conséquemment, au processus politique. On verrait donc
une multiplication de préoccupations très localisées au
détriment de questions moins apparentes mais pouvant comporter des
risques environnementaux très supérieurs.
Le second principe que nous voulons énoncer est donc suivant:
Pour assurer le respect et la mise en valeur adéquate de
l'environnement, celui-ci doit être pris en charge par la population.
D'autre part, l'État doit veiller à ce que l'information favorise
une conscientisation adéquate et ainsi valorise le processus
démocratique.
3. Le projet de loi 69
C'est à la lumière de ces deux principes
généraux que nous voulons considérer certains des
éléments constitutifs du présent projet de loi.
3.1
Le bureau d'audience
Concernant la mise sur pied d'un bureau chargé d'enquêter,
de tenir des audiences et de faire rapport, nous tenons à exprimer notre
satisfaction générale car, selon notre analyse, ce
mécanisme devrait permettre ou favoriser: l'émergence de
groupes organisés, constituant ainsi, peu à peu, le tissu de base
de la conscience collective environnementale; la diffusion et la
pénétration par les mass media des valeurs environnementales;
le renforcement du processus politique de décision puisque
fondé sur un jugement bien éclairé, à la fois par
des points de vue locaux ou sectoriels, mais également par des
informations ou données obtenues en vertu des pouvoirs d'une commission;
le rapprochement des milieux technocratiques de l'environnement des
différentes couches de population.
Nous désirons cependant formuler certaines réserves
concernant ce mécanisme. Nous voulons surtout déplorer le fait
que le Bureau ne transmet pas officiellement d'avis ou de recommandations
laissant ainsi l'entière responsabilité de la décision aux
instances politiques. Ses rapports ne devront finalement représenter que
des images fidèles des mémoires entendus, ce qui risque, à
moyen terme, de diminuer sa crédibilité vis-à-vis des
groupes populaires. À notre avis, le Bureau devrait fonder sa
démarche sur un préjugé favorable à l'environnement
et laisser au processus politique le soin d'arbitrer la décision entre
les différentes tendances.
Enfin, il est évident que la formation de groupes intervenant
avec des mémoires lors des éventuelles audiences est
étroitement liée à la disponibilité de ressources
scientifiques et techniques d'appui. Nous savons que de telles ressources
existent actuellement aux SPE; il faudrait certainement prévoir une
augmentation éventuelle de ce personnel, ajouté à une
formation spéciale dans les disciplines d'animation, pour éviter
une prise en charge envahissante des futurs groupes.
3.2
Le Conseil Consultatif
Quant au Conseil Consultatif, son rôle spécifique nous est
apparu quelque peu obscur au premier abord. Nous constatons que cet organisme
jouit d'une autonomie supérieure au Bureau d'audience au plan de
l'initiative d'enquêter et du pouvoir de recommander.
Il cède cependant cette autonomie au plan de l'objet
autorisé d'enquête et des moyens. Cet organisme, dont nous
attendions des prérogatives d'ordre stratégique concernant les
débats sur les grandes questions d'environnement, est voué,
à moins d'une fausse perception de votre part, à jouer un
rôle relativement effacé. D'autant plus qu'il ne semble pas
détenir le pouvoir de tenir des audiences publiques, et ses avis ne sont
pas soumis à des délais de publication.
Ce mécanisme pourra certainement continuer à jouer un
rôle positif concernant la pertinence et le bien-fondé des
modifications à la loi ou aux règlements. Nous déplorons
seulement que sa fonction ne contribue pas plus au débat public sur
l'environnement, particulièrement au niveau des grandes questions
stratégiques, comme le débat énergétique par
exemple.
À la lumière de cette analyse, nous souhaitons donc un
amendement à la loi permettant une meilleure diffusion des
activités du Conseil (par voie d'audiences publiques) en ajoutant un
délai de publication de ses avis et en assouplissant l'objet sur lequel
il serait susceptible de se pencher. Faute de tels amendements, nous souhaitons
que le Bureau d'audience n'oublie pas d'inscrire à son agenda ces
questions d'ordre stratégique, au risque de recouper les débats
d'aménagement du territoire.
3.3. Droit à la qualité de
l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes
Nous sommes heureux de constater ici que l'objet de ce droit
déborde le concept traditionnel d'environnement,
généralement plus centré sur le milieu de vie de l'homme
et des ressources naturelles qu'il utilise que sur l'intégrité
des écosystèmes naturels. Ce droit reconnaît l'inaptitude
de certains écosystèmes à assurer par leurs seuls propres
moyens leur pérennité et associe parallèlement au pouvoir
de l'homme de perturber la biosphère un devoir de prise en charge et de
protection du milieu naturel. Quant au droit à un milieu de vie pour
l'homme, il est difficile pour nous d'émettre un avis ou une critique
puisque ce droit s'inscrit dans un contexte plus global où d'autres
règlements ou pratiques recherchent également la protection du
milieu de vie. Pensons à l'hygiène industrielle, par exemple.
Quant à l'objet de ce droit, mentionnons qu'il omet d'inclure certains
aspects géographiques ou sociaux tels le patrimoine paysager et
historique, l'intégrité du tissu social de communautés
urbaines ou autochtones qui constituent, au sens large, le concept
d'environnement dans lequel les activités humaines viennent s'inscrire.
Ces éléments d'environnement, bien que ne relevant pas toujours
de la compétence des Services de protection de l'environnement, sont en
filiation étroite à son activité courante ou prévue
dans le projet de loi. On peut donc souhaiter que les Services coordonnent
leurs activités et leur procédure avec les autres
ministères ou organismes environnementaux chargés de tenir compte
de ces aspects patrimoniaux et sociaux.
Le mécanisme d'injonction prévu dans la loi pour favoriser
l'exercice du droit à l'environnement nous apparaît un excellent
choix dans la mesure où son usage sera simple, souple et très
rapide. Les questions qui seront éventuellement l'objet des demandes
d'injonction toucheront les situations pour lesquelles les autres
mécanismes de la loi sont impuissants pour donner satisfaction aux
demandeurs. Nous pensons particulièrement aux cas d'empiètement
dans les cours d'eau aux lieux de frayères, les décapages de sol
précédés de coupe de bois précipitée en vue
de l'ouverture illégale de carrières et sablières. Ces
situations devront être considérées par le Tribunal avec
une diligence proportionnelle au degré d'irréversibilité
et d'intensité du dommage causé à l'environnement.
3.4 L'évaluation des impacts
Cette procédure est sans contredit un des aspects de la nouvelle
loi qui suscite chez nous à la fois le plus de satisfaction et
également le plus d'interrogations. Adoptées depuis des
périodes variables dans la plupart des pays industrialisés, des
lois similaires commencent d'ores et déjà à porter leurs
fruits. D'autant plus que cette pratique est en filiation étroite avec
les mécanismes de participation du public aux audiences publiques sur
les impacts puisqu'il en constitue le contenu d'information.
De façon générale et à moyen terme, le
développement du mécanisme de la prévision des impacts
devrait permettre: de mieux situer l'influence de l'homme et de sa
technologie dans le cadre limité de la biosphère; de
décloisonner progressivement les connaissances actuelles trop souvent
monodisciplinaires et les resituer dans une perspective respectant
l'intégrité des systèmes naturels; identifier les
systèmes naturels dont on ignore le comportement et corriger ainsi
l'effort d'acquisition de données et de connaissances; de
valoriser l'information scientifique trop souvent aride et inaccessible
à l'usage des groupes populaires et donc développer une culture
populaire de l'environnement.
Il ne faut pas attendre de cette pratique qu'elle élimine tous
les impacts des activités humaines sur l'environnement. Cet objectif est
trop lié à la conjoncture économique et politique et au
degré de conscientisation du public pour que l'arbitrage
décisionnel penche toujours vers l'environnement. Par ailleurs, bien que
le principe de ce projet d'article corresponde parfaitement aux principes que
nous avons énoncés au début de notre mémoire, son
application efficace demeure problématique et dépend de
l'imagination des promoteurs qui sauront bien exploiter ses faiblesses, le
contourner ou minimiser ses effets. Car il ne faut pas se bercer d'illusions,
cette obligation pour les promoteurs privés ou publics d'évaluer
les impacts de leurs projets sur l'environnement, de consulter une ou deux fois
le public sur ces questions et de se soumettre aux délais administratifs
des pouvoirs publics pour obtenir des autorisations aura certainement pour
effet de rallonger le délai entre la planification et la
réalisation. C'est d'ailleurs ce qui a été constaté
aux États-Unis pour les projets du Corps des Ingénieurs.
Cependant, c'est à notre avis le prix à payer pour
améliorer la pertinence et les modalités environnementales des
interventions de toutes sortes sur le milieu et de reprendre ainsi bien en main
les leviers de contrôle de la machine technologique
débridée et aveugle.
Les interrogations et les inquiétudes concernant l'application
effective de cette procédure sont nombreuses et interreliées et
nous allons tenter de vous les résumer rapidement. Elles touchent:
l'évaluation des impacts aux stades supérieurs de la
planification et de l'aménagement du territoire; les
critères et les procédures permettant d'atteindre un degré
acceptable de qualité d'évaluation ou l'éthique de
l'évaluation; la procédure de consultation du public par
le promoteur et l'éthique de l'information.
Bien que d'autres points puissent faire l'objet de discussion nous
voudrions nous en tenir à ceux que nous venons de vous mentionner.
3.4.1
Planification, aménagement du
territoire et évaluation des impacts sur l'environnement
Ce point constitue, sans contredit, notre interrogation la plus
sérieuse. La loi mentionne que tout projet faisant partie d'une
catégorie déterminée par règlement du
lieutenant-gouverneur en conseil soit soumise à la procédure
d'évaluation d'impact, à la demande d'autorisation et à la
consultation. L'article commence par le terme "nul" comme si un seul promoteur
était concerné par le terme projet. Or, on sait très bien
qu'aujourd'hui, plusieurs projets ont une envergure géographique ou
financière telle que plusieurs promoteurs peuvent participer au plan
d'ensemble par la réalisation de plusieurs sous-projets. Ainsi, le
projet des "battures de Beauport" pris dans son ensemble et tel que
formulé originalement comprenait un réseau autoroutier, des
installations portuaires, des industries diverses, une usine
d'épuration, etc... Si l'on se fie à la procédure
présentée dans le projet de loi, devra-t-on procéder
à des évaluations d'impact sous-projet par sous-projet, promoteur
par promoteur sans souci pour le point de vue d'ensemble? Poursuivant dans la
même logique, il pourrait très bien arriver que les
premières phases ou sous-projets du programme d'ensemble n'aient que peu
d'impact sur le milieu et qu'on autorise leur mise en oeuvre. La somme des
premières réalisations pourrait donner un momentum tel à
l'ensemble du programme qu'il serait devenu pratiquement impossible de stopper
la poursuite du programme même si les étapes subséquentes
comportaient des risques importants pour l'environnement.
Nous craignons, messieurs les commissaires, que la procédure
actuelle liée à la pertinence du règlement
définissant la nature d'un projet, ne se limite qu'à minimiser
les impacts d'un projet sur l'environnement sans recours réel pour
l'interdire si besoin se faisait sentir. Ceci grâce à un
procédé de morcelage des projets d'ensemble en sous-projets plus
facile à accepter à la pièce.
Nous souhaitons donc vivement que le futur règlement à
venir inclut dans la définition de projet une possibilité de
considérer les plans d'ensemble faisant appel à plusieurs
promoteurs identifiés pour réaliser des portions de plan.
D'ailleurs, il nous apparaîtrait souhaitable que cette liste de
catégories de projet prenne place directement dans la loi avec une
disposition supplémentaire autorisant le législateur à
ajouter au besoin d'autres catégories par voie de règlement.
3.4.2
L'éthique de
l'évaluation
Cette question relève de l'éthique scientifique qui
sous-tend le processus. Sans entrer dans le détail de cet aspect,
mentionnons quelques points fondamentaux à surveiller pour
préserver la qualité des études d'impacts: La
question des solutions alternatives; Les impacts secondaire et tertiaire
d'un projet relié soit à sa réalisation, soit à ses
effets d'entraînement; L'échelle spatiale des impacts;
Leur aspect dynamique; Le contrôle en région
d'exploitation; Les critères d'évaluation tels
l'irréversibilité ou l'unicité; La nature des
méthodes en fonction des objectifs recherchés tel la
possibilité de communiquer pédagogiquement au public ou de
comparer des alternatives, etc..
À ce chapitre, la littérature scientifique est
extrêmement abondante et les techniques sont nombreuses. D'autant plus
que l'expérience de l'évaluation des impacts est vécue
depuis déjà plusieurs années en Amérique du Nord,
particulièrement aux États-Unis. Notre propos est surtout
d'illustrer ici combien il peut être délicat et complexe de
prévoir une procédure technique aux fins d'évaluation
d'impacts tout en respectant une éthique scientifique.
3.4.3
L'éthique de la consultation par
le promoteur
La loi 69 prévoit un mécanisme de consultation du public
par le promoteur. Celui-ci est soit simple: à l'une des deux
étapes de l'évaluation, soit double: aux deux étapes de
l'étude préliminaire et de l'étude
détaillée. C'est certainement le point le plus litigieux
de la loi. Ici encore nous n'entrerons pas dans les détails. Les
interrogations les plus graves concernent: L'éthique de
l'information transmise par le promoteur aux personnes consultées; cette
information court un grand risque de ressembler à de la propagande et
ainsi, tout le processus de consultation pourrait ressembler à une
campagne d'opinion publique; La définition des personnes
susceptible d'être l'objet de consultation. Qui, en effet pourra
empêcher le promoteur de ne consulter que ceux dont les
intérêts sont les mieux servis par le projet? La
crédibilité du promoteur vis-à-vis du consulté peut
par ailleurs limiter grandement la participation du public à un
débat et justifier ainsi le promoteur d'ignorer les
préoccupations de ce public.
Espérons qu'à cet égard nos craintes
s'avéreront non fondées et que l'expérience
démontrera que nous avions tort.
Merci, monsieur le Président et messieurs les membres de la
Commission.
ANNEXE D
Mémoire présenté à la
Commission Parlementaire sur l'Environnement
par: Michel Jurdant
1, écologiste
septembre 1978 "La révolution passera par vélo
camarade ah la bicyclette elle te permet d'aller cinq fois plus vite que le
piéton tu dépenses cinq fois moins d'énergie et tu vas
cinq fois plus loin en vérité je te le dis camarade la
révolution passera par le vélo"
Julos Beaucarne 2
Cela se passait à Sainte-Foy le printemps dernier. Il faisait un
temps superbe ce dimanche là et toute la nature nous invitait par son
débordement de vie si caractéristique à cette
époque de l'année. Le gigantesque centre d'achats de Place
Laurier était cependant ouvert car il s'y passait un
événement qui attirait cet après-midi là une foule
cosmopolite et anxieuse. Le spectacle n'en valait-il pas la peine? Six
personnes entourant un véhicule automobile qu'elles n'avaient pas
cessé de toucher depuis plus de soixante heures dans l'espoir de devenir
la dernière à le "lâcher" et gagner ainsi cet objet qu'ils
convoitaient ainsi que la dizaine d'autres personnes qui avaient
commencé cette compétition à la suite d'un tirage au sort
parmi plus d'une centaine de candidats. L'automobile, symbole de la
réussite et du bonheur, mais aussi vache sacrée de la
société industrielle dont elle est devenue en quelque sorte la
caricature! Autrefois, objet de luxe, elle est aujourd'hui un besoin qui
conditionne nos moeurs, nos valeurs, notre mode de vie, l'organisation de
l'habitat, les relations sociales et le développement économique.
C'est cela la libération de l'homme des contraintes de la nature! C'est
cela le progrès!
En première page du journal "Le Devoir" le 1er mars 1978, deux
manchettes n'ayant en apparence aucun lien entre elles. D'une part, l'annonce
de nouvelles augmentations du prix des produits pétroliers servant de
toile de fond pour justifier les inquiétudes concernant la poursuite de
la croissance économique. D'autre part les résultats d'une
analyse scientifique démontrant qu'au cours des cinquante
dernières années, les disparités sociales et
économiques n'ont pas cessé d'augmenter au Québec. Notre
société se débat pour poursuivre une croissance
matérielle au nom d'objectifs visant au bonheur de l'homme alors qu'elle
n'est même pas en mesure de réduire les injustices sociales.
L'éveil d'une conscience
écologique
Mai 1968 à Paris, c'est le premier événement
d'envergure qui remet en cause les valeurs et les résultats des
sociétés industrielles. C'est le point de départ d'une
prise de conscience collective basée
VAdresse: 254, rue des Chênes, Loretteville, Québec. G2A
2K1
V "Julos Beaucarne écrit pour vous", 1975, p. 76. Ed. Duculot,
Gembloux.
sur une critique honnête et sérieuse de la
société de consommation, sur le refus de la poursuite d'une
croissance qui ne peut se réaliser qu'en accentuant les
disparités entre les riches et les pauvres, entre les pays nantis et le
tiers monde et qui s'accompagne de déséquilibres
écologiques mettant en péril non seulement les espèces
végétales et animales mais l'homme lui-même. Le mythe de la
technologie libératrice est condamné par tous ceux qui
réalisent la nécessité et l'urgence d'organiser notre
avenir en tenant compte des avertissements de l'écologie, science qui
étudie les rapports des êtres vivants entre eux et avec leur
milieu naturel.
On ne change pas la société sans changer la vie, mais on
ne change pas la vie sans changer la société. L'écologisme
est né. "Se battre contre le triste état du milieu naturel exige
autre chose que d'en souffrir... Il faut pour cela visualiser un rapport
très clair entre la nature, la technologie, les pouvoirs
économiques et le pouvoir politique."
Jean-François Revel
Nous savons aujourd'hui qu'il existe une limite au gaspillage de la
nature, un seuil que l'on ne peut dépasser sans perturber
irréversiblement les mécanismes de la vie. Cette constatation,
clairement établie lors de la conférence mondiale sur
l'environnement en 1971 à Stockholm, amène les pays
industrialisés à se doter de mécanismes pour pallier au
plus pressé, pour tenter de corriger les dégâts les plus
visibles de la société industrielle. C'est ainsi que le
Québec se dote en fin 1972 d'une Loi de la Qualité de
l'Environnement.
En 1972, il y a le cri d'alarme du Club de Rome qui met en
lumière l'épuisement rapide des ressources naturelles non
renouvelables de la terre. Ensuite c'est, le 6 octobre 1973, la guerre du
Kippour. Cet événement constitue un tournant décisif dans
l'histoire car cette crise politique du pétrole révèle
durement au monde entier la possibilité d'une évolution
catastrophique de l'humanité. La surface limitée de la
planète et le caractère limité des sources
d'énergie et de matières premières constituent la base de
la problématique de l'environnement. Ignorer ces faits est non seulement
de l'inconscience mais également une injustice criante alors que le
cinquième de la population mondiale (dont nous, québécois,
faisons partie) utilise, ou plutôt gaspille, plus de
quatre-cinquième des ressources de la terre.
Au Québec, la crise de l'environnement est d'abord perçue
par son côté le plus classique et le plus perceptible. C'est par
la lutte contre les nuisances industrielles et la pollution que la plupart des
citoyens sont amenés à tenir compte de l'écologie. En
1973, il y a la contestation publique autour des projets d'aménagement
hydro-électrique à la Baie James. C'est à cette occasion
qu'un vaste courant d'opinions commence à réaliser l'ampleur des
dégâts à la nature créés par nos besoins
collectifs de confort et de bien-être matériel. À peu
près en même temps sont mis de l'avant d'énormes projets de
centrales électronucléaires dans la plaine du St-Laurent. C'est
ce qui déclenche la naissance d'un courant de pensée
écologique pour faire face à ce qui constitue la pointe de
l'iceberg d'une société hyperindustrielle en pleine folie, elle
qui n'hésite pas à envisager l'utilisation d'une technologie
dangereuse pour la survie de l'espèce humaine et qui, sans aucune mesure
par rapport aux technologies qui la précèdent, affermit la
dépendance de l'homme à la technique, à la matière
et à l'argent. Un peu partout au Québec il se crée des
mouvements, des comités, des groupes d'action pour défendre les
véritables valeurs de notre société. La protection des
paysages, la sauvegarde des quartiers populaires, la protection des terres
agricoles, la recherche d'une plus grande autonomie régionale, la
promotion de la bicyclette et du transport en commun, la libération des
femmes, l'autogestion communautaire, la promotion de l'alimentation naturelle
ou d'une agriculture biologique sont aujourd'hui des sujets de
préoccupation et de lutte s'intégrant dans la recherche d'une
plus grande harmonie de l'homme avec la nature. Même inconsciemment,
l'écologie est ainsi à la base de revendications pour un grand
nombre de Québécois pour qui le progrès culturel, social
et esthétique est plus important que le progrès matériel
économique.
En février 1977 ont lieu les séances de la commission
parlementaire sur la politique énergétique du Québec au
cours desquelles plusieurs groupes écologiques préconisent le
rejet de la filière électronucléaire. Leurs revendications
ne sont que partiellement satisfaites par la décision du gouvernement de
limiter, du moins provisoirement, le programme électro-nucléaire
à la construction d'une seule centrale additionnelle. Les espoirs des
écologistes sont cependant ravivés lors de la parution du livre
blanc sur la politique énergétique. Entre temps, il y a la
manifestation anti-nucléaire de Gentilly, le 22 octobre 1977, au cours
de laquelle 750 personnes expriment publiquement leur refus d'une
société hyperindustrielle productiviste et leur désir de
promouvoir l'avènement d'une société écologique.
C'est le départ de l'écologisme québécois et depuis
le colloque des écologistes au Lac Saint-Joseph en juin dernier le
mouvement est officiellement lancé.
La tenue d'une commission parlementaire sur la politique de
l'environnement suscite chez les écologistes l'espoir que le
Québec se dotera enfin d'un outil efficace d'aménagement, de
gestion et de protection du milieu et du mode de vie des
Québécois.
Progrès économique ou progrès
écologique
Le Conseil du Patronat du Québec se dit d'accord avec la
nécessité de protéger l'environnement mais suggère
de ne pas oublier en même temps le développement économique
qui, dit-il,1/ "est voulu par la société dans son
ensemble, et pas seulement par les hommes d'affaire". Cette position illustre
admirablement l'enjeu du débat concernant l'avenir de notre
société. D'un côté il y a les productivistes,
partisans de la croissance à tout prix, pour lesquels il existe une
conviction profonde que le progrès économique et le bonheur son
indissociables; pour eux, le bonheur est lié à la possession de
biens matériels, au profit, à l'argent. D'autre part il y a les
écologistes, partisans d'une croissance réduite, ou bien
adversaires de la croissance; ils sont convaincus qu'il est possible de faire
plus (et surtout mieux) avec autant (et même avec moins); ils croient que
les valeurs immatérielles de la vie sont aussi sinon plus importantes
que les valeurs matérielles, ils croient que les valeurs sociales
actuelles (consommation, croissance, richesse matérielle, pouvoir,
ordre, profit, individualisme) peuvent être remplacés
avantageusement et à un bien moindre coût par de nouvelles
valeurs: qualité de vie, justice, paix, harmonie, tendresse,
convivialité, interdépendance.
L'enjeu est important pour l'avenir d'une politique de l'environnement
car il faut réaliser la gratuite de l'affirmation du Conseil du Patronat
du Québec prétendant que la population désire avant tout
le progrès économique. En effet, elle ne prend pas en
considération le fait que les personnes défavorisées
pourraient voir leur situation matérielle améliorée par
une meilleure distribution de la richesse collective sans qu'il y ait
augmentation de celle-ci. De plus cette affirmation est tendancieuse car elle
présuppose que nous vivons actuellement dans une ère de
progrès.
Parlons-en du progrès économique et de ses bienfaits!
Peut-on considérer comme progressiste une société
acculée à inventer sans cesse non pour satisfaire des besoins
mais pour nourrir la machine économique? C'est ainsi que nous sommes
voués à fabriquer n'importe quel produit, pourvu qu'il soit
nouveau, faute de quoi notre système est ainsi fait qu'il
s'écroulera à la moindre faiblesse. L'inflation que nous
subissons en est le signe le plus évident.
Comment se fait-il que ce sont les sociétés les plus
riches (et donc d'après les productivistes, les plus heureuses) qui
recherchent avec le plus d'ardeur une augmentation de leur croissance
économique?
Et que dire de l'efficacité du système industriel? Peut-on
dire que les américains qui consomment trois fois plus que les
européens sont également trois fois plus heureux? ... qu'ils ont
trois fois plus de culture?... Bien sûr, ils sont arrivés à
marcher sur la lune, mais ils ne peuvent plus se promener en
sécurité dans leurs grandes villes!
En principe on pourrait croire qu'une société à
haute technologie possède d'immenses possibilités de
libération humaine. Or on constate que le surcroît de richesses et
l'augmentation de la productivité par l'automation ont pour effet, sauf
pour une minorité, de déposséder l'homme au travail de son
pouvoir de décision et de création. L'homme est devenu un outil,
un moyen de production, beaucoup plus facilement remplaçable que la
machine. Bref, l'abondance matérielle de la civilisation industrielle
est à l'origine de l'appauvrissement intellectuel et moral de
l'homme.
Une société de croissance ne peut se concevoir autrement
qu'au travers d'une augmentation de la taille et de la complexité des
entreprises et des institutions. C'est l'ère hyper-industrielle (les
hypermarchés, l'avion supersonique Concorde, les centrales
électro-nucléaires de 1000 mégawatts, etc...) Ce
gigantisme s'accompagne inévitablement d'une concentration accrue du
savoir et du pouvoir et nous entrons alors dans un monde où l'homme
comprend de moins en moins ce qui se passe. Nous devons tout accepter car tout
est trop complexe, trop gigantesque,... et nous entrons graduellement dans "le
meilleur des mondes" d'Aldous Huxley où nous serons "programmés"
en individus alpha et omega!
Le cas de l'industrie de l'énergie est particulièrement
frappant car elle tend à devenir un monstre autosuffisant; en effet elle
finira peut-être par consommer autant d'énergie qu'elle en
produira (déjà aujourd'hui, la construction d'une centrale
électro-nucléaire requiert la production d'une autre centrale de
même taille durant cinq ans alors que sa durée de vie n'est que de
15 ans!). Évidemment l'économiste sera satisfait car il y aura
augmentation du P.N.B. et le politicien sera content car il y aura augmentation
du nombre d'emplois!
Il y a tout lieu de penser que bien des Québécois sont
prêts à sacrifier leurs brosses à dent électriques,
leur "TV dinners", leur publicité commerciale, les quatre-vingts pages
de leur journal du dimanche, leurs gâteaux chimiques et même leur
automobile de luxe si la société pouvait leur offrir un
modèle de progrès plus conforme à leurs aspirations
fondamentales.
Jusqu'à un certain point, le Conseil du Patronat du Québec
n'a pas tout à fait tort de proclamer que les citoyens
privilégient le développement économique puisque c'est la
seule voie qui leur est offerte. Espérons qu'Environnement-Québec
prendra à coeur de relever le défi et de promouvoir les
alternatives valables sur le plan de la sauvegarde des équilibres de la
nature. Ce n'est que lorsque nous aurons choisi de prendre le chemin de
l'écologisme que nous pourrons espérer atteindre un
résultat pendant qu'il est encore temps.
V article du journal Le Devoir, 13 septembre 1978, p. 2 par Gilles
Provost intitulé "CPQ: le pouvoir d'injonction est inutile, nuisible et
dangereux ".
Le temps presse cependant car, comme nous le dit Philippe Lebreton
1) à la fin de son livre sur l'écologisme: "Les
chances à notre portée sont encore nombreuses, et si notre
société redistribuait astucieusement ses richesses et ses
possibilités, le monde entier pourrait connaître le bonheur dans
un univers respecté, où il ferait bon vivre; tout simplement.
Mais si nous ne tenons pas dès maintenant les changements
nécessaires, une autre génération que la nôtre en
aura-t-elle encore la possibilité?"
Écologisme et
écosociété
L'écologisme est une attitude, une idéologie, une action
qui a pour but l'établissement d'une société en
équilibre avec la nature (écosociété) et soucieuse
de l'intégrité de l'espèce humaine.
Quant à l'écosociété, c'est un nouveau
modèle de société, une société
d'équilibre dynamique, traduisant dans la vie quotidienne et sur les
terrains économique, social et politique, les observations et les
avertissements de l'écologie. Elle a pour but la préservation de
la vie nécessitant l'intégration et l'harmonisation des
activités humaines au milieu naturel. Elle s'oppose à la
société industrielle qui est productiviste et basée sur
une croissance indifférenciée.
Lorsque le patronat du Québec réclame du gouvernement de
procéder à des analyses "coûts-bénéfices "
face aux divers projets ou programmes il a raison mais ne serait-il pas temps
dans ces analyses de ne pas comptabiliser que les coûts et
bénéfices économiques (au sens classique et
"monétaire") et de considérer également les coûts et
bénéfices sociaux, les coûts et bénéfices
écologiques, les coûts et bénéfices
esthétiques.
Par exemple, Philippe Saint-Marc2/ dénonce l'industrie
automobile française qui, en 1972, s'est inscrite pour $9 milliards
à la production, pour $6 milliards au niveau des accidents et pour $500
millions quant à la pollution. Participation au Produit National Brut
(PNB): 9+6+0.5=$15.5 milliards Participation au Bonheur National Brut (BNB):
9+6+0.6=$2.5 milliards
L'économie traditionnelle introduit ici un facteur de distortion
proche de 6 par rapport à une comptabilité écologique.
Non, l'écosociété n'est pas un retour à la
bougie, à la caverne ou vers un mode de vie bucolique. C'est au
contraire prendre un autre chemin pour aller plus loin. Bien sûr elle
implique une remise en question des tendances lourdes qui prédominent
actuellement. Nous réalisons qu'il est impossible, du simple point de
vue de la quantité des ressources disponibles, d'étendre notre
niveau de vie nord-américaine à toute la planète mais par
contre nous reconnaissons la nécessité d'organiser la mise en
valeur des ressources de manière à satisfaire les besoins
fondamentaux de tous les hommes. Dans une telle optique, la production n'est
plus érigée comme une fin en soi mais comme un moyen pour
permettre l'instauration d'un style de vie conçu pour durer en
permanence. Gandhi disait: "La terre produit assez pour satisfaire les besoins
de chacun mais non pour satisfaire sa cupidité". Comme on le voit, c'est
une question de dignité et de sagesse: il faut pouvoir
autocontrôler nos besoins, refuser de nous soumettre à la tyrannie
des besoins et savoir répondre à la question "Combien est
assez?"
Il est donc grand temps de reconnaître avec Ignacy
Sachs3/ que "L'enjeu, c'est de trouver des modalités et des
usages de la croissance qui rendent compatibles le progrès social et la
gestion saine des ressources du milieu".
Écologisme et emploi
Le développement économique est devenu une
véritable mystique. Qu'il suffise de voir la frénésie avec
laquelle nos hommes d'affaires s'efforcent de relancer la machine
économique, quitte à nous inonder de nouveaux gadgets encore plus
inutiles et plus éphémères que ceux que nous connaissons
déjà. Comme si cela constituait la seule planche de salut pour
résoudre nos problèmes de chômage!
Quand donc reconnaîtra-t-on clairement que la cause principale de
la crise de l'emploi réside dans l'augmentation de la
productivité individuelle permise entre autre par l'expansion
énergétique? Réalise-t-on bien par exemple que le
coût de création d'un emploi dans l'industrie
électronucléaire se chiffre par plusieurs millions de dollars?
(Une centrale de 1000 mégawatts coûte environ $1 milliard et
fournit de
V Philippe Lebreton, 1978. L'ex-croissance Les chemins de
l'écologisme. Éd. Denoël. 346 p.
Vtiré de Ph. Lebreton, op. cit. p. 137 3/ Ignacy
Sachs, 1978. Environnement et Développement. Nouveaux concepts pour la
formulation de politiques nationales et de stratégies de
coopération internationale. Min. Approv. et Services Canada N°cat.
En21-24/1978F.
l'emploi à 3000 ouvriers durant sa période de construction
de 5 ans, et 150 emplois durant sa période de production qui est de 15
à 20 ans). Ceci nous amène à dire avec Ph. Lebreton qu'une
technicité croissante doit être interprétée comme
une forme de débauchage. De là à dire que la croissance
est génératrice de sous-emploi, il n'y a qu'un pas.
Les industries de l'aluminium et de plastique sont toutes deux
très énergivores, gaspilleuses de matières
premières non renouvelables et non autochtones (la bauxite et le
pétrole), leurs produits sont non biodégradables, les usines sont
extrêmement polluantes et les coûts de création des emplois
sont relativement élevés en raison de la haute technicité
de ce type d'industrie. Sont-elles justifiables? Combien de petites industries
et d'ateliers artisanaux ont-elles déplacé? Combien d'emplois
seraient-ils créés si on remplaçait ces produits par
d'autres plus authentiquement québécois et dérivés
de nos propres ressources naturelles: bois, silice, pierre, fer, cuivre,
argile, laine. Voilà un exemple où l'on pourrait ajouter les
coûts-bénéfices économiques aux
coûts-bénéfices sociaux, écologiques et
esthétiques.
Au nom de la création d'emplois, nous devons même subir le
conditionnement créé par la publicité dans nos journaux
pour la construction d'avions militaires. En arriverons-nous à faire la
guerre pour lutter contre le chômage?
Que propose l'écologisme face à la crise de l'emploi? Les
solutions suivantes sont audacieuses et pourront sembler utopiques surtout pour
les partisans de la croissance à outrance mais elles pourraient sans
doute susciter un débat d'où sortirait une plus grande
harmonie:
(1)La réduction du temps de travail. L'alternative pourrait bien
être la suivante: continuer de travailler 40 heures par semaine et
disposer dans 20 ans de 8 fois plus de biens de consommation ou bien travailler
20 heures par semaine et disposer de 4 fois plus de biens de consommation.
(2)La réduction de l'amplitude des revenus. L'objectif à
long terme pourrait être de fournir à chacun selon ses besoins. En
fait c'est la notion même d'emploi qui est révisée et qui
ne devrait plus être associée à un travail
rémunérateur.
(3) L'élimination ou la réduction des emplois à
haute technicité grâce à des mesures comme: une
augmentation du nombre d'emplois artisanaux, le retour à
l'utilisation de matériaux naturels: pierre, bois, laine, etc...,
le remplacement des technologies dures par des technologies douces et
alternatives, l'accent sur l'utilisation des sources d'énergie
renouvelables.
(4) La déconcentration des entreprises et des institutions
grâce à des mesures comme: la décentralisation des
pouvoirs et des administrations, l'autogestion communautaire des
entreprises, l'arrêt du développement des
mégalopoles, la municipalisation des forêts publiques,
l'intensification de l'agriculture et le retour à la polyculture,
la promotion de l'agriculture biologique, la promotion de petites
unités de production, la poursuite d'une autosuffisance locale,
régionale et nationale.
(5) La création d'emplois visant à augmenter la
qualité de la vie grâce à des mesures comme: la lutte
contre toutes les formes de pollution, le recyclage des matériaux
et de l'énergie, la promotion d'une industrie agroalimentaire
naturelle, la reconstruction de villes plus humaines,
l'embellissement de l'habitat, l'aménagement des paysages,
la protection des écosystèmes fragiles, la promotion
du transport en commun, l'aménagement de l'espace pour les
piétons et cyclistes, la promotion de la production d'objets
biodégradables et recyclables, la socialisation de la nature.
L'environnement: un bien collectif
Dans les lignes qui précèdent, j'ai tenté
d'expliquer que notre société se trouve à un carrefour et
que le débat qui s'engage est capital pour sa survie. La dimension
écologique de notre avenir doit être analysée le plus
honnêtement possible.
J'ai tenté d'apporter certains éléments de jugement
selon un éclairage bien particulier mais qui semble rejoindre les
préoccupations d'une faction importante de notre société,
surtout parmi les jeunes. La désaffectation grandissante du public face
à des événements et à des structures de plus en
plus inhumaines, dures, gigantesques et complexes est inquiétante. Bien
souvent ce sont les êtres les plus
généreux, les plus sensibles et les plus clairvoyants qui
décident de tout lâcher... ces "drop-outs" constituent des
avertissements. Savons-nous les écouter? Savons-nous comprendre leur
dégoût face à une société qui accorde 25 fois
plus de "valeur" à une personne pour courir après une rondelle
sur une patinoire (salaire de $100 000/ année pour un joueur de hockey)
qu'à un artiste (revenu de $4 000/année pour un assisté
social)?
Le goût d'un retour aux vraies valeurs, le goût de vivre en
harmonie avec la nature, le goût de retrouver les racines de la morale
paysane: dignité, austérité, frugalité, le
goût de redonner aux choses leur valeur d'usage plutôt qu'une
valeur d'échange, tous ces goûts impliquent une nouvelle
éthique, une éthique de tendresse et d'équilibre, une
éthique qui nous rend responsable de notre planète.
Bien sûr, la résistance est et sera grande, principalement
parce qu'un tel programme bouleverse des habitudes de vie basées sur la
recherche du plus-être et des privilèges. Mais il faut
prévoir et dire la vérité: on n'a plus le droit de cacher
à l'humanité qu'elle se trouve au bord de la faillite, faillite
technologique et sociologique, mais aussi faillite économique!
C'est précisément pour éviter cette faillite que
nous pouvons nous donner un instrument d'action à travers une politique
véritablement écologique de l'environnement. Une politique de
l'environnement ne sera cependant écologique que si elle reconnaît
clairement et sans aucune restriction que l'environnement est un bien
collectif. Le Québec est à la veille de se doter de moyens pour
faire valoir l'importance des valeurs autres que les valeurs
économiques. Essayons donc de ne pas manquer le bateau. C'est dans cette
optique que les propositions suivantes sont formulées.
Un ministère de l'écologie
Nous avons un ministère de l'économie qui a pour objet de
veiller au développement économique du Québec. Pourquoi
pas un ministère de l'écologie pour veiller au
développement écologique du Québec? Cette proposition est
donc beaucoup plus globalisante que celle de créer un ministère
de l'environnement. Il s'agit en effet de créer un ministère dont
les attributions seraient telles que toute intervention ou toute intention
d'intervention des pouvoirs technologiques, économiques, politiques,
industriels ou autres seraient analysées, interprétées et
évaluées quant à leurs incidences à court et
à long terme sur les relations des êtres vivants entre eux et avec
leur milieu au Québec. Comme on le voit, on est loin de la simple
protection de l'air, de l'eau et du sol des lois actuelles. L'écologie,
c'est l'économie de la nature. Un ministère de l'écologie
serait ainsi le gestionnaire de la nature.
Une définition écologique de
l'environnement
Dans l'avant-propos d'un récent texte d'Ignacy Sachs V sur
l'environnement et le développement Ch. A. Jeanneret et H.F. Fletcher
dénotent ce qui suit: "Parler d'environnement, il y a dix ans,
c'était évoquer un univers de pollution de l'air, de l'eau et du
sol. Aujourd'hui, notre conception de ('"environnement" s'est élargie
pour englober presque toutes les activités de l'homme aussi bien que les
valeurs humaines et les cadres institutionnels."
Malheureusement notre loi de la qualité de l'environnement
définit encore celui-ci comme: "l'eau, l'atmosphère et le sol ou
toute combinaison de l'un ou l'autre ou, d'une manière
générale, le milieu ambiant avec lequel les espèces
vivantes entretiennent des relations dynamiques".
Il est évident qu'avec une telle définition, il soit
difficile de considérer comme une question relevant de la qualité
de l'environnement, la destruction d'un quartier populaire de Québec et
l'expulsion de plusieurs centaines de citoyens pour la construction de
l'autoroute Dufferin-Montmorency alors que la destruction de sites pour les
oiseaux migrateurs par cette même autoroute autorise une intervention
sans aucune difficulté. En tant qu'écologiste je ne puis
qu'être révolté de voir qu'une outarde est mieux
protégée par une loi sur la qualité de l'environnement
qu'une personne humaine.
Dans le but de donner une dimension plus écologique à la
loi, je propose donc la définition suivante pour "L'environnement":
portion de la biosphère composée d'êtres vivants: hommes,
animaux et végétaux, et d'éléments inertes:
atmosphère, sol, eau; tous ces éléments entretiennent
entre eux des relations dynamiques fonctionnelles régies par les lois de
l'écologie."
Par cette définition, "l'environnement" se superpose à la
notion d'"écosystème". Dans un ouvrage traitant de l'inventaire
du Capital-Nature2/ nous avons considéré
l'environnement comme étant "l'ensemble des composantes bio-physiques,
socio-économiques, socio-culturelles et politiques qui
définissent l'espace-habitat de l'homme et influence quotidiennement son
mode de vie individuel et collectif. Par mode de vie, nous entendons tous les
comportements par lesquels l'homme vise à satisfaire tous ses besoins
fondamentaux, aussi bien physiques, physiologiques que psychiques et
spirituels". 7 Ignacy Sachs op. cit. piii. 7 M. Jurdant, J.L. Bélair, V.
Gerardin et J.P. Ducruc, 1977. L'inventaire du Capital-Nature. Service des
Etudes Ecologiques Régionales, Pêches et Environnement Canada,
Québec. Min. Approv. et Services Canada , N° cat. En 73-3/2F, 202
p.
Aménagement, gestion et protection de
l'environnement
Telle qu'elle se présente aujourd'hui, la loi sur la
qualité de l'environnement concerne presque exclusivement la lutte
contre les nuisances industrielles et la pollution. Il ne faut donc
guère se surprendre si la protection de l'environnement est de plus en
plus perçue dans le public comme une vaste opération
quasi-policière, coûteuse et sommes toutes néfaste (parce
que partielle) à la promotion d'une vision véritablement
écologique de la société. Sans sous-estimer l'importance
de la lutte contre les pollutions, il est grand temps que la dimension
écologique du développement soit défendue au niveau de
l'État. Celle-ci doit être fondée sur une saine utilisation
des ressources, du point de vue environnemental pour la satisfaction des
besoins actuels et futurs de la société
québécoise.
C'est la notion de protection qu'il faut élargir jusqu'à
englober celle de développement, ou mieux
d'écodéveloppement. Tel que formulée par la
déclaration de Cocoyoc1/, cela implique la
nécessité d'aider les populations à s'éduquer et
à s'organiser en vue de la mise en valeur des ressources
spécifiques de chaque écosystème pour la satisfaction de
leurs besoins fondamentaux.
À la lumière de ce qui précède, je propose
donc que l'article 2 de la loi sur la qualité de l'environnement se lise
comme suit: "Le ministre a pour fonction d'élaborer et de proposer au
gouvernement une politique d'aménagement et de gestion écologique
de l'environnement, de mettre cette politique en oeuvre et d'en coordonner
l'exécution ".
Évidemment cette proposition élargit
considérablement la portée de la loi et elle explique la
proposition de la création d'un ministère de l'écologie.
Elle est cependant essentielle si l'État veut se doter d'outils pour
promouvoir le progrès écologique et pour contrer cette
idée de progrès défendue par les tenants de la croissance
à tout prix et que Eric Fromm2/ voit comme "conçu dans
le sens d'un constant accroissement de la production, de la consommation, de
l'efficience, du profit, de la rentabilité de toutes les
activités économiques sans se préoccuper des
conséquences possibles sur la vie et le développement de
l'homme".
Le bureau d'audiences publiques sur
l'environnement
La proposition dans le projet de loi n° 69 d'instituer un bureau
d'audiences publiques sur l'environnement constitue un progrès
énorme dans la direction d'une plus large participation des citoyens
à la gestion de son milieu et de son mode de vie. Cette proposition est
courageuse car elle ne manquera pas de susciter des réactions
négatives en provenance des catégories privilégiées
de la population qui verront là un outil mettant en péril leurs
privilèges. Il ne se trompe pas, Ivan Illich3/, lorsqu'il dit
que "jouir de la nature est en train de devenir le privilège des
privilégiés". La reconnaissance par l'État
Québécois que la nature est un bien collectif permettrait de
remettre en cause de nombreux privilèges abusifs et de les
débattre au sein du bureau d'audiences publiques.
Une telle démarche s'inscrit parfaitement dans la pensée
de l'écologisme, qui préconise entre autres l'instauration d'une
structure socioéconomique favorisant une meilleure distribution des
ressources entre les individus et les pays, l'autogestion communautaire et une
justice sociale plus grande.
Le droit à la nature
La section III A sur "le droit à la qualité de
l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes"
constitue un grand pas dans la voie de la reconnaissance d'un droit fondamental
qui est celui du droit à la nature. Celui-ci devrait cependant
être plus large que celui prévu par le projet de loi 69 et
reconnaître beaucoup plus explicitement le fait que la nature
(l'environnement) est un bien collectif. Il faudrait que ce droit puisse
permettre une lutte efficace contre la commercialisation de la nature, contre
la privatisation des plus beaux sites du Québec (quel pourcentage des
rives de nos lacs et rivières est-il accessible au grand public?), pour
la préservation de l'intégrité des paysages, pour la
promotion d'une alimentation saine, pour la création d'espaces pour les
piétons et les cyclistes, pour la promotion d'une agriculture
biologique, etc., bref pour la défense des équilibres
homme-nature.
Il faudrait cependant faire attention à ne pas faire de chaque
Québécois un délateur en donnant à chaque citoyen
le droit de faire une requête en injonction. Dans le même esprit de
socialisation de la nature, une telle requête pourrait être
accordée à tout citoyen qui aura recueilli au moins une
cinquantaine d'adhésions.
La protection de l'environnement
La section IV de la loi sur la qualité de l'environnement devrait
plutôt être intitulée "la lutte contre les pollutions", car
c'est bien de cela que traitent les articles concernés. Il est
regrettable en effet de constater que dans l'esprit de la plupart des citoyens
la protection de l'environnement soit limitée à
l'élimination des diverses formes de pollution. Cette vue étroite
de la protection de l'environnement est très préjudiciable
à l'instauration d'attitudes véritablement positives face
à une nature qui, même non polluée, pourrait bien quand
même ne pas être vivable pour l'homme. Il faut éviter de
laisser croire à la
VVoir la déclaration de Cocoyoc, adoptée par les
participants au Symposium sur les modèles d'utilisation des ressources:
stratégies pour l'environnement et le développement,
organisé par le PNUE et la CNUCED, Cocoyoc Morelos, Mexique, 1974.
VFromm, E., 1971. Introduction à "Libérer l'avenir " par
Ivan Illich. Ed. du Seuil, pp. 7-10
VIvan Illich, 1973. La convivialité. Ed. du Seuil, 158 p.
population que le contrôle de la qualité de l'environnement
est possible par les seuls moyens technologiques. La protection de
l'environnement est associée à une lutte contre les pollutions,
particulièrement dans les classes moyennes et aisées de notre
société, lesquelles sont les dernières à
reconnaître que le gaspillage des ressources et les nuisances spatiales
(éloignement de la nature, privatisation de la nature, banalisation et
uniformisation du milieu de vie) sont responsables de toutes les formes de
pollution que nous connaissons aujourd'hui.
Evaluation des impacts sur l'environnement de certains
projets
Enfin l'État se décide à se doter de moyens
législatifs lui permettant de juger du bien-fondé de projets de
développement par l'instauration d'une procédure
d'évaluation des impacts sur l'environnement. Outre le fait que ces
impacts sur l'environnement devraient être évalués dans
l'optique des recommandations qui précèdent, je dois
déplorer qu'il ne soit pas prévu d'analyse écologique
encore plus tôt dans le processus décisionnel. C'est ce qui fait
l'objet de la proposition suivante:
Evaluation des alternatives écologiques de
certains projets
Alors que le processus d'évaluation d'impact prévu dans la
section IV A qui précède analyse des projets déjà
dans leurs phases d'étude, ce qui est proposé ici est
l'établissement d'une procédure d'évaluation des
alternatives au moment des pré-études, au niveau des grandes
orientations. Ce qui est demandé, c'est que l'on tienne compte des
équilibres écologiques dès le moment où l'on
commence à envisager certains types de développement. Au lieu de
concentrer les efforts vers la réponse à la question "quel est
l'impact du projet proposé?", ce processus d'évaluation viserait
à répondre à une question plus rationnelle: "où,
dans le territoire, le projet proposé doit-il être
réalisé afin de minimiser l'impact négatif et de maximiser
l'impact positif sur l'environnement?". Des exemples d'études de ce
genre existent déjà et mériteraient d'être suivis,
il s'agit d'une étude de corridor routier pour relier LG-2 à
Poste à la Baleine 1/ et d'une étude
réalisée par l'Hydro-Québec concernant les voies
d'accès au complexe Grande Baleine.2/
Le processus d'évaluation des alternatives écologiques
devrait encore aller plus loin et se situer au niveau de l'opportunité
même de certaines décisions collectives. Je pense en particulier
à des grandes décisions comme l'opportunité du zonage
agricole, l'adoption de la filière électronucléaire,
l'opportunité de se doter d'une nouvelle aluminerie ou la planification
d'un développement urbain.
La planification écologique
La loi de la qualité de l'environnement devrait prévoir la
prise en considération de l'écologie au niveau de la
planification.
La planification a pour objet la formulation d'alternatives de
développement. La poursuite d'objectifs quantitatifs
(matérialisés par l'indice classique du Produit National Brut)
détermine toujours, chez nous, l'ensemble du processus. De fait, nous
avons fondé beaucoup d'espoir sur la planification "économique"
avec la conviction sincère mais naïve que le bonheur de l'homme est
lié quasi-exclusivement à son bien-être
matériel.
Nous sommes forcés aujourd'hui de constater l'inefficacité
des plans de développement basés uniquement sur la planification
économique. L'extension suburbaine démesurée, anarchique,
et dévoreuse des terres agricoles, la désertification des
régions rurales, la banalisation de l'habitat et des centres
commerciaux, la destruction des paysages par les infrastructures, la
privatisation des plus beaux espaces naturels, ne sont que quelques-uns des
aspects d'une crise de l'environnement qui débouche, elle aussi, comme
toute autre crise, sur un renforcement des ségrégations sociales
et une augmentation des disparités économiques. La planification
économique a pour objectif principal de "rentabiliser", mais oublie de
prendre en compte les "externalités". Ces "externalités"
surviennent lorsqu'une transaction entre A et B entraîne une série
de conséquences indirectes qui affectent le bien-être de C, D et E
sans que ceux-ci soient à même d'intervenir et de faire des
propositions compétitives. Ce qui est grave c'est que nous avons peu
à peu considéré la nature comme une marchandise pour
arriver à ne plus voir que sa valeur monétaire. Dans certaines
conditions, on est même arrivé au point où la valeur d'un
terrain est directement proportionnelle au droit qu'on a d'y détruire la
nature. L'interdépendance des hommes entre eux, des hommes et des autres
êtres vivants, des êtres vivants avec leur milieu, telle est la loi
fondamentale de l'écologie dont nous devons tenir compte dans le
processus de planification.
On ne peut plus aujourd'hui concevoir les changements
socioéconomiques sans analyser les rapports qui s'instaurent entre
l'économie de la nature (l'écologie) et l'économie de
société. Comment aménager le territoire en adaptant les
activités humaines aux milieux naturels? Telle est la question qui se
pose aux planificateurs d'aujourd'hui.
La planification écologique de l'espace est une planification
où l'espace n'a pas seulement une valeur économique, mais
également une valeur biologique, esthétique, culturelle et
sociale, une
VSociété d'Energie de la Baie James, 1977. Complexe Grande
Baleine. Étude de Corridors: route LG2-GB.
VHydro-Québec, 1978. Etudes générales
d'accès au Complexe Grande Baleine. Document de Consultation.
planification qui saura donner une valeur aux biens immatériels.
La planification écologique est donc tout simplement une planification
qui, en plus des critères économiques et sociaux, tient compte
des critères écologiques. L'environnement ne constitue, dans
cette optique, qu'une dimension supplémentaire.
Le contrôle des dépenses publiques sur
l'environnement
II semble qu'on peut estimer qu'au moins 350 millions de dollars auront
été dépensés en études et travaux
d'environnement sur le Complexe La Grande à la Baie James lorsque les
chantiers fermeront en 19731/. Sans être unique, cet exemple
démontre on ne peut plus clairement qu'il y a de la place pour un
aménagement des dépenses publiques et je pense qu'un
ministère de l'écologie devrait pouvoir effectuer ce
contrôle de manière à ce que ces dépenses soient
effectuées de manière véritablement écologique.
D'autres parcs Lafontaine dans nos grandes villes ou aménagement des
réservoirs pour la sauvegarde de quelques populations de castors?...
Pour une commission écologique du
Québec
II va falloir que les Québécois définissent
eux-mêmes le type de société qu'ils désirent.
Comment pourraient-ils y arriver s'ils ne sont pas dotés d'un outil
permettant à toutes les couches de la population de s'exprimer? Nous
commençons tous à sentir, même si c'est encore confus, que
la société actuelle doit changer, que la civilisation est
à un tournant décisif. Nous sentons aussi qu'il ne faut pas
laisser dans les mains des seuls technocrates, intellectuels, scientifiques et
politiciens, les rênes de notre destin collectif. L'enjeu dépasse
largement la simple décision de savoir si oui ou non on "se paie" des
installations olympiques, si oui ou non on construit une centrale
nucléaire! L'enjeu est celui de savoir si oui ou non nous allons
continuer à être les esclaves de la technologie. Ou bien nous
dirons "oui" et nous accepterons l'éventualité d'une catastrophe
écologique et économique,... ou bien nous dirons "non" et alors
il faudra nous retrousser les manches et définir clairement ce que sera
notre écosociété Québécoise.
Pour cela il va falloir créer un "Forum" ou une "Commission
Ecologique du Québec" dont le mandat serait de:
(1) définir une politique écologique pour le
Québec,
(2) déterminer des scénarios
d'écodéveloppement,
(3) proposer les mesures à court, moyen et long terme en vue de
l'établissement de l'écosociété.
Cette Commission Ecologique devrait être composée de
représentants élus du peuple, de représentants des
mouvements écologiques et de personnes-ressources. Son travail devrait
être constamment à l'écoute des préoccupations
régionales et locales. Ceci pourrait être réalisé
par une structure souple permettant à des Commissions régionales,
locales et même à des Commissions de quartier de siéger de
manière informelle dans n'importe quelle circonstance. En fait, la
Commission Ecologique du Québec devrait être un outil entre les
mains des citoyens et du gouvernement: outil d'analyse et de recherche, outil
d'information et de sensibilisation, outil de participation populaire.
Conclusion
Nous savons aujourd'hui que c'est la rapidité
phénoménale de la croissance industrielle, économique et
technologique qui est à l'origine de ce que l'on nomme aujourd'hui la
"crise écologique" qui est constituée en fait de crises
nombreuses: crise de l'alimentation, crise de l'énergie,
épuisement des matières premières, pollution, violence et
terrorisme, pillage du tiers-monde, chômage et inflation des pays riches,
misère des pays pauvres.
Puissions-nous chercher une voie pour libérer notre avenir et
nous inspirer de ce message du Club de Rome en conclusion du rapport du
Massachusetts Institute of Technology sur les limites à la croissance.
"Nous avons la conviction que la prise de conscience des limites
matérielles de l'environnement mondial et des conséquences
tragiques d'une exploitation irraisonnée des ressources terrestres est
indispensable à l'émergence de nouveaux modes de pensée
qui conduiront à une révision fondamentale, à la fois du
comportement des hommes, et, par la suite, de la structure de la
société actuelle dans son ensemble". 1/ d'après
l'article de Michel Gauquelin, 1978. La Baie James pour le meilleur et pour le
pire. La technologie s'installe et l'écologie répare.
Québec Science. Vol. 17, n°1, pp. 15-26.
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