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Présentation de mémoires sur le projet
de loi no 69
(Quinze heures onze minutes)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la protection de l'environnement se
réunit afin de recevoir les mémoires suite au projet de loi
69.
Les membres de cette commission sont: M. Beauséjour (Iberville),
M. Brassard (Lac-Saint-Jean); M. Caron (Verdun) remplacé par M. Picotte
(Maskinongé); M. Cordeau (Saint-Hyacinthe); M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes) remplacé par M. Proulx (Saint-Jean); M. Goldbloom
(D'Arcy McGee), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M.
Mercier (Berthier).
Comme intervenants, il y a M. Baril (Arthabaska), M. Dubois
(Huntingdon), M. Grégoire (Frontenac), M. Léonard
(Laurentides-Labelle), M. Léonard Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Marquis (Matapédia), M. Roy
(Beauce-Sud), M. Saindon (Argenteuil), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M.
Verreault (Shefford).
J'aimerais qu'on me désigne un rapporteur, s'il vous
plaît.
M. Goldbloom: Le député de Saint-Jean, M. le
Président, ferait bien cela.
M. Proulx: M. Beauséjour, d'Iberville. M.Laplante: M. Beauséjour, Iberville.
M. Goldbloom: Ah! Quelle déception!
Le Président (M. Laplante): Maintenant, les
mémoires qui seront entendus aujourd'hui. Comme organismes, vous aurez
la Chambre de commerce de la province de Québec, General Motors du
Canada Limitée, Institut canadien des textiles, l'Association des
manufacturiers canadiens, Mme Bernice Goldsmith à titre personnel, le
Comité antipollution des citoyens de Saint-Michel, le Conseil de
l'environnement du Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau.
Il y a des règles qui ont été établies avant
l'étude des mémoires; c'est que les travaux se feront tous les
soirs jusqu'à onze heures et il y aura une heure consacrée
à chaque mémoire, soit vingt minutes pour la lecture et 40
minutes pour les questions. C'est la limite qui sera accordée.
Maintenant, je prends bonne note aussi que le troisième qui
serait entendu, l'Institut canadien des textiles, a demandé à
déposer son document et qu'il soit inscrit au journal des Débats
comme s'ils avaient été témoins. Je demande la permission
aux membres de cette commission pour accorder à l'Institut canadien des
textiles ce privilège.
M. Goldbloom: Consentement, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Merci. (voir annexe).
Maintenant, la parole est à M. le ministre.
Exposé préliminaire du ministre
délégué à l'Environnement
M. Marcel Léger
M. Léger: M. le Président, mesdames et messieurs,
en ouvrant aujourd'hui les délibérations de la commission
parlementaire sur la loi 69, j'aimerais remercier tous ceux qui ont
daigné nous présenter un mémoire ou qui sont
présents ici aujourd'hui. Leur participation à cette commission
témoigne de leur souci de la chose publique et je les en remercie.
J'aimerais également en profiter pour rappeler brièvement les
axes qui m'ont guidé dans la mise au point de l'actuel projet de loi. Je
vous les rappelle parce que j'entends que ces axes demeurent les
critères de jugement dans l'interprétation des interventions qui
viendront. Ils sont pour moi comme deux principes politiques fondamentaux de
l'environnement. (15 h 15)
II s'agit, premièrement, du concept de l'équilibre dans la
notion d'environnement et du concept de participation du citoyen. Ce projet de
loi témoigne d'ailleurs de l'importance que le gouvernement accorde au
citoyen ordinaire dans le combat que notre société doit livrer
pour assurer à ses membres et à nos enfants un environnement sain
ce qui, selon nous, doit aller de pair avec le progrès
économique, le progrès social, le progrès culturel de
notre société. Depuis que je suis ministre
délégué à l'Environnement, j'ai constaté que
plusieurs individus et entreprises ont fait des efforts louables pour
régler le problème de l'environnement. Il y a cependant
énormément à faire. Trop d'agents destructeurs ou
perturbateurs de l'environnement négligent d'assumer leur
responsabilité face à la nature et à l'environnement.
La conscience de l'environnement de plusieurs individus et entreprises a
besoin d'être secouée car ceux-ci refusent encore de
reconnaître pleinement leurs responsabilités dans ce domaine. Trop
de personnes se déclarent d'accord en principe pour protéger
l'environnement, mais refusent d'admettre entre autres la
nécessité de lois sévères et efficaces qui feront
en sorte que la protection de l'environnement ne demeure pas un concept vide de
sens. Je pense qu'il est temps de passer de la parole aux actes.
Le premier principe pour le premier axe que je veux développer
avant d'entendre les mémoires, c'est l'axe du concept d'équilibre
et d'harmonie dans la notion de l'environnement. Quand nous parlons
d'environnement, nous parlons d'harmonie et d'équilibre, parce que la
terre est un tout organique et organisé. Il y a une relation directe
entre les éléments physiques, entre les hommes et les
éléments physiques et entre les hommes eux-mêmes. On
pourrait préciser le vocabulaire en parlant d'environnement physique,
d'environnement humain et d'environnement social.
La nature a ses lois, la nature a son organisation et la nature a ses
structures. Essayer de comprendre l'environnement uniquement à
l'intérieur des intérêts de certains intervenants de
l'environnement, c'est fausser la conception globale de
l'environnement.
À les oublier, ces structures et ces lois, on va vers des
catastrophes: une eau polluée, un sol en érosion et des
espèces menacées. L'homme a ses lois de survie biologique. Il a
besoin d'une eau pure, d'un air sain et d'un contact vivifiant avec la nature.
S'il perd cela, il est directement attaqué dans sa vie même. C'est
d'ailleurs pourquoi nous en sommes réduits à parler d'un droit
à l'environnement, tellement cet environnement est bafoué par le
citoyen ordinaire.
J'aimerais parfois que les promoteurs de projets purement
économiques ou technologiques soient tenus de travailler, de vivre et de
prendre leurs vacances dans les conditions environnementales qu'ils imposent
aux autres, et peut-être qu'ils pourraient changer d'avis.
Enfin, on peut parler d'environnement humain. L'homme ne vit pas que de
pain. Je pense que l'homme a besoin de relations humaines et de vraies et
épanouissantes rencontres, de rapports de production humanisés,
de systèmes institutionnels de santé, de loisirs,
d'éducation, de famille, de besoins économiques, de vie politique
apte à permettre l'épanouissement de chacun et de la
collectivité.
L'environnement, c'est le rapport dynamique de ces différents
systèmes, qui va du biologique à l'humain, de l'humain au social
et c'est un rapport dynamique et un rapport statique. Il n'est pas donné
une fois pour toutes. Il évolue constamment et dépend à la
fois du niveau de conscience sociale, donc de la définition des droits
ainsi que du niveau de la technologie.
Nous pouvons maintenant contrôler les conséquences de
certaines activités technologiques et industrielles. Hier, nous ne
pouvions le faire et chacun prenait son mal en patience. Si maintenant nous
pouvons le faire, nous devons le faire. Nous ne pouvons pas nous enfermer dans
une ignorance crasse et feindre de ne pas voir les conséquences de nos
actes.
Quel héritage laisserons-nous à nos enfants si nous
détruisons l'environnement? À la longue, nous nous
détruirons nous-mêmes. Nous nous coupons de notre base biologique;
nous serions comme des naïfs qui scieraient patiemment l'arbre sur lequel
on est assis ou la branche d'arbre sur laquelle on est assis.
L'environnement repose sur l'équilibre et l'harmonie de
l'ensemble des systèmes physiques, biologiques et humains. C'est cette
notion qui nous permettra de juger des interventions. Je pense que les 32
intervenants possibles durant cette commission parlementaire devront repenser,
à l'intérieur de leurs interventions, le rôle qu'ils ont
à jouer pour garder cet équilibre et cette harmonie entre les
différents intervenants qui, chacun d'eux, viennent souvent en affirmant
que c'est pour les besoins de l'homme qu'ils doivent faire leur propre
production.
C'est cette notion qui permettra de juger des interventions que nous
aurons. Car il y a des économistes purs qui ne pensent qu'en termes de
rentabilité économique a court terme, sous prétexte qu'il
faut produire et consommer plus et tout de suite.
Il y en a qui ne voient dans l'environnement que le loisir et ne veulent
que l'accès immédiat à toute partie du territoire.
D'autres semblent souhaiter un retour à l'état sauvage, à
une nature qui exclut l'homme.
Je pense que la notion de l'environnement ne doit pas être une
notion qui dise qu'il faut s'opposer aveuglément au progrès, mais
on doit s'opposer au progrès aveugle.
Notre approche se veut "intégrative" de toutes les dimensions:
humaine, sociale, économique, physique, biologique. Gaspiller les
ressources non renouvelables, c'est dilapider un capital.
Exploiter inconsidérément la forêt, c'est la
détruire et l'exposer à de sérieux problèmes
économiques pour la génération qui vient. Perturber les
relations sociales d'une population, c'est porter atteinte à sa
santé physique et psychologique. D'où on voit arriver, si on ne
protège pas l'environnement, les notions de stress, de névrose et
de conflits sociaux.
Priver les citoyens des usages indispensables de l'eau, de la terre et
du sol, c'est attenter à la vie même des citoyens. Partout c'est
une question de mesure, une question d'équilibre, une question de
rapports harmonieux. Voilà pourquoi nous refusons de faire de
l'environnement un concept parmi tant d'autres, un concept à
côté des autres. La nouvelle loi ne confie pas au ministre de
l'Environnement un champ d'intervention qui viendrait après les autres
comme un appendice. Elle réfère, au contraire, le ministre au
Conseil des ministres pour que l'environnement soit soumis à l'arbitrage
de l'ensemble des besoins ou, mieux, pour qu'aucune dimension essentielle ne
soit oubliée.
Le deuxième point que je voudrais mentionner, c'est le concept de
participation des citoyens, qu'on va retrouver à l'intérieur de
la loi.
Au cours des nombreuses rencontres que j'ai vécues depuis des
années avec des milliers de concitoyens, j'ai pu constater un
désir intense des citoyens d'être consultés et d'être
impliqués dans le processus des décisions qui mènent
à la modification de l'environnement.
À l'heure actuelle, les citoyens sont, hélas, impuissants
face à l'environnement. Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est
d'écrire des lettres au ministre afin qu'il puisse régler tel et
tel problème. Le plus souvent, ils sont placés devant des faits
accomplis puisqu'ils ne possèdent aucune information préalable
sur les grands travaux ou sur les ouvrages qui perturberont leur milieu et
n'ont accès à aucun forum essentiel de consultation à ce
sujet.
Les citoyens ont notamment déploré avec
véhémence le fait que la Loi de la qualité de
l'environnement ne leur faisait aucune place, comme si le citoyen n'avait aucun
rôle à jouer dans la gestion de l'environnement. Il y a là
une anomalie fondamentale que le gouvernement s'est engagé à
corriger par la loi que nous présentons aujourd'hui.
Nous voulons, en effet, que désormais le citoyen soit un agent
actif et responsable de l'environnement et devienne un partenaire indispensable
dans le processus de prise de décisions susceptibles de déboucher
sur les modifications de la qualité du milieu.
Nous proposons donc aujourd'hui une série de modifications
majeures à la Loi de la qualité de l'environnement afin de faire
du citoyen un élément essentiel des mécanismes de
protection de l'environnement prévus dans notre législation.
Ces modifications auront pour effet de donner des droits au citoyen et
d'orienter résolument la loi vers le citoyen. Je pense que la loi que
nous présentons aujourd'hui est un complément à une bonne
loi qu'a présentée mon prédécesseur, qui est
maintenant député de l'Opposition, et qui a pris le siège
que j'avais déjà. Aujourd'hui, c'est un complément
à une loi qui était très importante et très utile
dans le passé. Je dois le féliciter pour le travail qu'il a fait
en présentant cette première loi.
Ces changements sont essentiellement les suivants:
Premièrement, création d'un bureau d'audiences publiques
sur l'environnement afin de permettre au ministre d'être mieux à
l'écoute de la population.
Deuxièmement, instauration d'une nouvelle procédure
d'étude d'impacts sur l'environnement qui garantit aux citoyens le droit
à une audience publique préalablement aux grands travaux et aux
grands aménagements susceptibles d'affecter l'environnement.
Troisièmement, reconnaissance aux citoyens du droit à la
qualité de l'environnement.
Quatrièmement, création d'un recours en injonction pour
faire respecter ce droit.
Cinquièmement, reconnaissance à tout citoyen du droit
d'intenter des poursuites pénales afin de faire respecter la loi et les
règlements.
Sixièmement, reconnaissance aux citoyens du droit d'intervenir
devant la commission municipale du Québec lors d'un appel.
Septièmement, augmentation des amendes et création de
recours administratifs et juridiques plus efficaces afin d'assurer le respect
de la loi et de la qualité de l'environnement.
Les modifications visent à doter le Québec d'une
véritable charte des droits de l'environnement. Elles ne sont
évidemment pas parfaites et seront suivies, je l'espère, d'autres
mesures conçues dans le même sens. Ces amendements auront,
cependant, pour effet de donner un statut juridique à l'environnement et
de lui accorder une protection légale qui ne dépendra plus de la
discrétion gouvernementale. C'est là où le principe de la
suprématie de la loi sera mis à contribution pour sauvegarder le
milieu ambiant.
Je tiens à souligner qu'il n'est pas question que le gouvernement
abandonne son leadership en matière de protection de l'environnement.
Nous sommes, en effet, résolus à maintenir et même
accroître notre leadership en la matière. Toutefois, c'est
maintenant avec les citoyens que nous remplirons notre mandat et non plus sans
eux. Le projet de loi que nous étudions aujourd'hui constitue un pari en
faveur des citoyens. Il a pour effet d'accroître la "responsabilisation"
de la population face aux défis environnementaux de notre
société et de rendre les entreprises privées et publiques
davantage responsables de leurs activités devant les citoyens du milieu
où elles se développent.
L'environnement est une valeur collective qu'il appartient à tous
et chacun de protéger. Nous voulons donner au simple citoyen des outils
efficaces à cette fin. Si les outils que nous proposons aujourd'hui ne
semblent pas assez efficaces aux yeux de certains, je les invite à en
proposer qui le soient encore plus. Une chose nous apparaît certaine,
c'est que les entreprises privées et publiques peuvent être
tellement colossales aujourd'hui et peuvent faire appel à des
technologies tellement destructives et dangereuses qu'il est nécessaire
d'inventer de nouveaux mécanismes démocratiques pour les
contrôler. Il importe que les citoyens puissent contrôler le
développement plutôt que l'inverse. Je pense que l'homme ne doit
pas être à la merci des machines, mais que les machines, les
systèmes doivent être au service de l'homme. C'est pour cela que
je répète: II est important que les citoyens puissent
contrôler le développement plutôt que le
développement contrôler les citoyens.
Il est donc temps que l'on donne une voie aux citoyens à la base,
qu'on lui donne les outils administratifs et juridiques pour défendre
adéquatement la qualité de l'environnement et que l'on implique
le grand public dans une chose qui l'intéresse au plus haut point: la
sauvegarde de son milieu de vie. Le temps des chasses gardées est
révolu. Le temps des attitudes responsables est maintenant
arrivé. Les changements juridiques que nous proposons visent
également à faire en sorte que les citoyens s'identifient
à leur environnement et en viennent à considérer
l'environnement comme la propriété collective des citoyens
québécois ou, tout au moins, comme une valeur collective avec
laquelle ils s'identifient. Il faut que chaque citoyen prenne conscience que
l'environnement lui appartient et qu'il constitue lui-même une partie
intégrante de l'environnement. (15 h 30)
La reconnaissance du droit du citoyen à la qualité de
l'environnement vise précisément à élargir nos
concepts juridiques traditionnels et à permettre aux citoyens de
s'identifier à un bien ou à une valeur collective et, par voie de
conséquence, de prendre fait et cause pour l'environnement et pour
l'utilisation rationnelle de ses richesses. Certes, ces changements convient
les citoyens et les administrateurs publics et privés à de
nouveaux défis et bousculeront l'attitude paternaliste et suffisante de
plusieurs face à leurs responsabilités environnementales et
sociales.
Il faudra donc inévitablement que plusieurs remettent en question
les idées préconçues et envisagent les problèmes
écologiques à la lumière des réalités
nouvelles de notre société en mutation. Je pense que, si cette
loi est adoptée, nous allons donner à la génération
future le plus beau cadeau qu'on puisse donner à nos enfants.
J'invite donc ceux qui interviendront devant
cette commission parlementaire à conserver à l'esprit
cette dimension de la problématique environnementale lorsqu'ils
discuteront des moyens à prendre pour redonner au citoyen le rôle
qui lui revient dans la gestion de son environnement, parce qu'aujourd'hui
admettons-le nous payons très cher le coût en
dépollution des erreurs passées et il ne faudrait pas
qu'aujourd'hui nous fassions les mêmes erreurs que nos
prédécesseurs ont faites il y a une génération.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre.
M. le député de D'Arcy McGee.
Remarques de l'Opposition M. Victor C.
Goldbloom
M. Goldbloom: M. le Président, je serai relativement bref,
d'autant plus que le ministre m'a désarçonné avec ses
félicitations, dont je le remercie sincèrement.
Nous partageons tous, autour de cette table et, sans doute, toutes les
personnes ici présentes mais celles qui se trouvent de l'autre
côté de la barre auront, tout à l'heure, l'occasion de
s'exprimer pour elles-mêmes nous partageons tous, dis-je, cette
préoccupation, cet engagement à l'égard de
l'environnement. La discussion qui se déroulera ne nous mettra
sûrement pas en concurrence l'un avec l'autre, quant à
l'intensité de cette préoccupation, quant à la
sincérité de cet engagement.
Nous étudions un projet de loi et, dans ses notes explicatives,
nous trouvons l'énoncé de ses objectifs. Les notes explicatives
ne sont évidemment pas le texte du projet de loi; elles constituent un
résumé, en quelque sorte, mais on trouve le but visé par
le gouvernement en présentant ce projet de loi clairement indiqué
dans ces notes. Je n'en cite que deux paragraphes.
Le paragraphe a) indique que le projet de loi a pour objet "de
reconnaître à toute personne le droit à la qualité
de l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y
habitent et de prévoir un recours civil en injonction afin d'assurer le
respect de ce droit." Le paragraphe i) se lit comme suit: "de permettre
à toute personne d'intenter des poursuites pénales en cas
d'infraction à la loi ou aux règlements."
M. le Président, quand on énonce un droit, on peut le
faire de deux façons. On peut l'énoncer comme principe, ou on
peut en faire un cadre nouveau d'action devant les tribunaux: on peut
créer un nouveau statut juridique pour ce droit que l'on a
énoncé. Si l'on crée un tel statut juridique, on doit
l'assortir de recours utiles. Les extraits que je viens de lire des notes
explicatives indiquent que c'est, effectivement, cette deuxième voie
qu'a choisi d'emprunter le gouvernement, c'est-à-dire la création
d'un nouveau statut juridique pour ce droit à l'environnement et
l'établissement de recours, recours qui seraient mis à la
disposition de tous les citoyens. Il y a donc lieu, au cours de ces trois
journées de discussions, d'exa- miner la façon avec laquelle ces
recours seraient exercés une fois le projet de loi adopté.
Quelle preuve serait nécessaire pour que les tribunaux accordent
ce droit en termes d'une action légale quelconque? Cette preuve serait
bâtie par qui et comment? C'est une question qui ne trouve pas sa
réponse, au moins pas sa réponse aussi claire que je crois que
nous avons besoin de la trouver dans les notes explicatives que j'ai
citées.
Il va sans dire qu'il est inutile d'aller devant les tribunaux si
ceux-ci finissent par rejeter toutes les plaintes; on n'aurait pas
créé grand-chose. Par contre, il faut aussi examiner les
conséquences des interventions qui, avec l'adoption d'une telle loi,
deviendraient individuelles et remplaceraient dans une certaine mesure, une
mesure à être déterminée, l'intervention
planifiée, ordonnée du ministre. Ce sont les implications que
nous, de l'Opposition officielle, décelons dans ce projet de loi. Ce
sont autant de préoccupations que nous avons au début de cette
série d'audiences publiques.
Je ne vais pas plus loin, M. le Président, et cela pour une
raison fondamentale que j'ai déjà eu l'occasion d'énoncer
au cours des 22 derniers mois: c'est que, quand il y a un projet de loi sur
lequel le public est invité à s'exprimer, le gouvernement par le
dépôt de ce projet de loi s'est engagé, s'est placé
dans une position connue et des membres de la population peuvent vouloir
réagir contre cette position. C'est le rôle de l'Opposition
d'écouter ces interventions et peut-être, suivant son bon
jugement, suivant le degré auquel ces interventions sont convaincantes,
de devenir l'avocat de ces opinions qui divergent de celles du gouvernement.
C'est pour cette raison qu'il incombe, à mon sens, à une
Opposition d'écouter et d'attendre la fin des audiences et l'analyse des
interventions pour prendre position définitivement sur le projet de loi
que présente le gouvernement.
Je voudrais terminer, M. le Président, non seulement en
remerciant le ministre, encore une fois, pour sa gentillesse à mon
égard, mais en lui disant que son désir d'améliorer la Loi
de la qualité de l'environnement et d'en faciliter l'application, de
rendre cette application plus efficace, est un désir que nous devons
tous partager. C'est donc dans un esprit extrêmement constructif que nous
abordons l'étude des mémoires qui ont été soumis
à cette commission parlementaire.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le
représentant de l'Opposition officielle. Le représentant de
l'Opposition de l'Union Nationale, M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Fabien Cordeau
M. Cordeau: M. le Président, M. le ministre, MM. les
membres de cette commission, en tant que député de l'Union
Nationale, j'aimerais remercier le secrétariat des commissions de nous
avoir fait bénéficier d'un temps raisonnable pour analyser
à sa juste valeur chacun des mémoires qui nous seront
présentés devant cette commission.
Je m'en voudrais aussi de passer sous silence le vif
intérêt suscité par cette commission parlementaire. Si l'on
en juge par le nombre d'intervenants, il est indéniable que la cause de
l'environnement affecte toutes les couches de la société
québécoise.
Pour cette raison et parce que le service que dirige le ministre
délégué à l'Environnement deviendra ni plus ni
moins le gestionnaire de la qualité de notre vie, il importe, au nom de
tous les citoyens du Québec, que l'on puisse apporter, dans le cadre de
cette commission, certains commentaires et critiques.
Après avoir lu attentivement le projet de loi 69 et les
mémoires qui seront présentés durant les jours à
venir, et également lu les commentaires reproduits dans plusieurs
journaux, je dois vous faire part de l'inquiétude que je ressens face
à l'improvisation dans laquelle baigne le projet de loi 69.
Nous sommes actuellement en présence de deux
réalités aux intérêts divergents. Le projet de loi
69 allié aux déclarations parfois gratuites du ministre
délégué à l'Environnement ne font qu'entretenir et
perpétuer la plus grande disparité entre les
intérêts sociaux et économiques de notre
société.
La tendance actuelle porte-t-elle à croire qu'il faille autant de
tracasseries administratives et juridiques pour protéger
l'environnement? Est-ce utopique de croire à un meilleur
équilibre entre les intérêts économiques et les
intérêts sociaux de notre société? Dans la cause de
l'environnement, peut-on se permettre d'agir avec discernement?
M. le Président, je demeure convaincu qu'avec un minimum de bonne
foi, il est possible d'en arriver à un sain équilibre entre les
besoins proprement économiques de notre population et le désir
légitime d'assurer à tous une meilleure qualité de
l'environnement. Déjà, depuis plusieurs années, je
m'intéresse de très près à la cause de
l'environnement, à la fois comme conseiller municipal et
député à l'Assemblée nationale. Néanmoins,
je suis conscient, à l'instar de mes collègues unionistes et
même de quelques députés péquistes avec qui j'ai eu
l'occasion d'en discuter, qu'il existe au sein de la population
québécoise une crainte réelle face aux mesures
préconisées par le gouvernement.
Nombreux sont ceux qui craignent des retombées économiques
néfastes et des coûts sociaux énormes. D'ailleurs,
plusieurs mémoires traitent de ce point, crucial à mon avis, et
je serais désireux de savoir si, conformément à l'esprit
de son projet de loi, le ministre a exigé une étude prospective
des coûts sociaux et économiques, rattachés directement aux
mesures mises de l'avant dans le projet de loi 69.
Par ailleurs, en m'attardant plus spécifiquement au contenu du
projet de loi, je me demande si l'instrument législatif saura jouer un
rôle valable car, malheureusement, je constate une omniprésence du
ministre.
À l'intérieur de ce projet de loi, comment se fait-il
qu'à l'heure où le gouvernement du Parti québécois
est à la phase de la décentralisation de nos institutions
administratives, vous nous arriviez avec un projet de loi où l'on
constate une centralisation excessive des pouvoirs et des décisions aux
mains d'un seul homme? La mainmise que vous avez sur le bureau d'audiences
publiques et sur le Conseil consultatif de l'environnement en est un exemple
flagrant. D'où vient la justification du morcellement du pouvoir du
Conseil consultatif de l'environnement? À quoi doit-on s'attendre d'une
telle centralisation? À des délais démesurément
longs, à des erreurs fréquentes, peut-être.
Le ministre a bureaucratisé son service, et qui dit bureaucratie
dit problèmes. Pourquoi alors n'avoir pas prévu un rôle
plus actif aux institutions régionales et locales? N'est-ce pas de ce
genre de démocratisation que se réclame le gouvernement du Parti
québécois? Ce sont des questions qui préoccupent la
population et auxquelles elle est en droit d'attendre des réponses. (15
h 45)
Par ailleurs, je constate également que, selon l'esprit du projet
de loi 69, le Québec sera doté de 6 millions d'inspecteurs. En un
mot, tous les Québécois seront inspecteurs des actions des
autres.
Mais n'aurait-il pas été aussi sage de rendre ces citoyens
également responsables de leurs propres actions? Le ministre
délégué à l'Environnement a-t-il pensé,
encore une fois, à la lourdeur administrative quand on aura une telle
vocation d'inspecteurs?
Si l'on désire avoir autant d'inspecteurs qu'il y a de
Québécois, il ne faudrait pas tout de même s'imaginer que
du jour au lendemain on en fera des citoyens émérites quant
à la protection et à la conservation de notre environnement.
Je constate donc que l'idée générale qui se
dégage de ce projet de loi est de transmettre une nouvelle
manière de vivre. Mais la difficulté majeure de ce projet de loi
reste et restera la transformation d'une mentalité indisciplinée
et irrespectueuse de son environnement. J'espère que le ministre
s'appuiera sur une base plus solide que des droits d'inspecteurs pour arriver
à ses fins.
Je constate également que rien n'est spécifié quant
à l'éducation de la population. C'est un petit point sur lequel
il aurait fallu insister davantage. Est-il possible d'implanter une nouvelle
manière de vivre sans prendre tous les moyens en vue de sensibiliser et,
disons-le, d'éduquer les Québécois en matière de
protection de l'environnement?
Bien sûr, depuis deux ans, il y a eu les projets
contrepublicité, auxquels j'ai eu le plaisir de travailler. Quelques-uns
de ces projets étaient et sont d'intérêt provincial, mais
la plupart n'ont rejoint que les citoyens d'une région donnée ou
d'une municipalité.
Je crois, M. le Président, qu'il est grandement temps que tous
les Québécois deviennent des apôtres de l'environnement et
qu'ils agissent en conséquence. Malgré vos déclarations
récentes qui indiquent la nécessité d'une éducation
de base en matière d'environnement, je constate, à la
lumière du projet de loi 69, que vous avez préféré
punir sévèrement plutôt que d'éduquer consciemment,
et cela m'inquiète.
L'innovation du projet de loi 69 est, sans aucun doute, l'introduction
de la notion d'études d'impact sur l'environnement et l'utilisation
d'audiences publiques pour consulter la population.
Ces nouvelles mesures soulèvent des inquié-
tudes dans plusieurs milieux. Le cas de General Motors me paraît
l'exemple le plus parfait du blocage économique que laissent planer les
études d'impact et les audiences publiques et je m'inquiète de la
multiplication possible d'un tel cas.
D'ailleurs, les déclarations ambiguës du ministre dans la
Presse de samedi dernier nous prouvent déjà, à ce stade
très préliminaire du projet de loi, dans quelles tracasseries
économiques et bureaucratiques nous nous acheminons.
Le ministre devrait se brancher une fois pour toutes et tenir un
discours plus clair. J'ai raison de croire que les efforts entrepris
actuellement pour relancer notre économie seront grandement compromis.
Je voudrais avoir l'assurance de votre part que ces appréhensions, si
vous ne les partagez pas, vous êtes tout de même en mesure de les
apaiser avec des arguments solides et réalistes.
Le gouvernement doit tenir compte de la réalité
québécoise et des différentes options que chevauche notre
société. Soyez assurés que j'y apporterai une attention
toute particulière.
Il y a un autre point sur lequel je voudrais attirer l'attention des
membres de cette commission. Je ne veux passer sous silence la volonté
du ministre à vouloir accorder à tout citoyen un recours en
injonction.
C'est tout de même étonnant, à un moment où
son collègue du Travail et de la Main-d'Oeuvre cherche par tous les
moyens à se débarrasser du recours de l'injonction comme moyen de
rétablir un certain équilibre dans le rapport des forces qui
s'affrontent au niveau des conventions collectives, que le ministre
délégué à l'Environnement nous propose cette
solution, dans le but manifeste d'atteindre plus ou moins les mêmes fins
dans son secteur d'activité.
N'est-il pas raisonnable de croire qu'avec le temps on aboutira à
une situation identique? Y a-ton au moins pensé avant de l'introduire
dans le projet de loi 69?
Encore une fois, force est de constater que ce projet de loi fait place
à l'improvisation, et je ne pense pas faire preuve d'exagération
en disant qu'on doit s'attendre à goûter à d'amères
déceptions.
On ne peut non plus passer sous silence qu'il est très difficile
de juger la portée de certains articles puisqu'ils sont encadrés
dans un projet de réglementation qui nous empêche d'évaluer
toute l'ampleur que prendra ce projet de loi.
J'espère que le ministre aura l'obligeance, avant l'adoption du
projet de loi, de déposer les projets de réglementation.
En terminant, j'aimerais souligner que je ne me réjouis
guère de l'attitude que le ministre a démontrée
dernièrement envers les agriculteurs du Québec. Vous avez fait
preuve d'un geste irraisonné, et ce n'est pas en ce sens que vous
parviendrez à inculquer à la population un changement d'attitude
relativement à la cause de l'environnement. Si la stratégie du
gouvernement est de doter le Québec d'une qualité de vie
exemplaire, qu'on arrête alors de faire de la démogagie...
M. Léger: De la démagogie.
M. Cordeau: ... - démagogie - et d'aliéner, aux
yeux de la population, un groupe pourtant très important dans le
fonctionnement de notre société.
C'est dans un esprit critique mais réaliste que j'entame le
début des travaux de cette commission. J'attends avec impatience les
observations et les recommandations qui nous seront faites et qui nous
permettront, je l'espère de bonifier et d'améliorer
considérablement ce projet de loi qui aura des conséquences
directes sur plusieurs secteurs de notre vie économique.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le
député. Avez-vous de courtes réponses à donner?
Réponse de M. le ministre
M. Léger: Je voudrais peut-être seulement
répondre à certaines questions, rapidement. Je pense bien qu'on
est plus ici pour écouter que pour exprimer des points de vue, sauf
peut-être quand il y a certains aspects de la loi qui seraient mal
compris.
D'abord, je voudrais féliciter les représentants de
l'Opposition, aussi bien le député de D'Arcy McGee que le
député de Saint-Hyacinthe de l'intérêt qu'ils y
mettent, et spécialement le tigre nouveau que je revois dans le
député de Saint-Hyacinthe; il a mis un peu plus de tigre.
Je voulais simplement dire pour répondre à une
première question du député de D'Arcy McGee, qui parlait
de la création d'un nouveau statut juridique dans lequel il faudrait
donner des recours... de la façon de permettre que les recours soient
exercés... Nécessairement, je pense qu'il y a deux aspects. Les
recours en injonction, entre autres, ne seront certes pas faciles à
exercer, comme peut-être certains mémoires le laissaient
présager, puisque, nécessairement, il va falloir que soit les
poursuites pénales ou les recours en injonction au niveau civil exigent
que le pollueur ou l'intervenant qu'on veut arrêter dans ses actions
polluantes, ait nécessairement causé un acte illégal,
c'est-à-dire qui est contre une loi, contre un règlement contre
un certificat ou un permis qui lui a été accordé; d'autant
plus que, par la suite, c'est celui qui devrait faire la preuve... Je ne dis
pas que, nécessairement, les citoyens auront tous les moyens aussi
facilement qu'une entreprise qui a des spécialistes, des techniciens ou
des avocats pour le faire, mais je pense que les moyens qu'on peut donner aux
citoyens peuvent se situer au niveau de l'aspect technique et aussi de l'aspect
d'un subpoena qui peut être envoyé à des
spécialistes pour qu'ils viennent témoigner pour défendre
le citoyen qui poursuit, mais c'est le citoyen qui aura à faire la
preuve quand même.
Un deuxième point, c'est que de toute façon, ce recours
possible va nécessairement avoir un effet dissuasif sur ceux qui
pourraient polluer facilement l'environnement, puisqu'il n'y aura pas
uniquement l'État qui pourra faire arrêter un pollueur
qui transgressera des lois, mais il y aura les citoyens qui pourront le
faire.
Pour revenir à une affirmation du député de
Saint-Hyacinthe, j'ai l'impression qu'il n'a pas lu le projet de loi dans son
entier ou d'une page à l'autre. Il affirme que c'est un projet qui va
centraliser davantage les pouvoirs entre les mains du ministre; c'est
l'inverse. C'est beaucoup plus pour décentraliser les pouvoirs puisqu'on
va jusqu'à la base et qu'on remet aux citoyens des
responsabilités qui n'étaient retenues que par les mains du
ministre auparavant. C'est donc dire que les six millions d'inspecteurs ne sont
pas des citoyens qui vont devenir des inspecteurs au nom du gouvernement. Ce
sont beaucoup plus des citoyens qui vont se sentir responsables chez eux
d'être des inspecteurs via leur milieu de vie. Plus les citoyens ont des
moyens d'être responsables, plus ils vont être capables
d'être des citoyens de plus en plus qualifiés et soucieux de la
protection par leurs propres actes eux-mêmes.
Je voudrais aussi faire remarquer que la décentralisation se voit
aussi dans la régionalisation qu'on veut permettre au niveau des
Services de l'environnement et que, de plus en plus, c'est une situation de
décentralisation beaucoup plus qu'un objectif de centralisation. De
toute façon, on y reviendra tantôt. Je revoyais dans les
affirmations du député de Saint-Hyacinthe des détails ou
des affirmations qui étaient vues dans les mémoires. On aura
l'occasion d'entendre les intervenants qui vont nous apporter ces sujets sur
lesquels nous pourrons répondre tantôt.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. le ministre. Avant
de faire appel au premier groupe, j'aimerais aussi aviser les membres de cette
commission qu'après l'Association des manufacturiers canadiens il y a
Fer et titane que j'ai oublié de mentionner tout à l'heure.
J'appelle maintenant la Chambre de commerce de la province de
Québec. Êtes-vous présents? On me signale que M. Louis
Boudreau est responsable de la délégation. Si vous voulez, M.
Boudreau, identifier votre groupe et identifier aussi les personnes qui vous
accompagnent. Merci. (16 heures)
Mémoires
La Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Boudreau (Louis): M. le Président, M. le ministre,
messieurs les membres de la commission, mon nom est Louis Boudreau, de
Québec. Je suis membre du bureau exécutif de la Chambre de
commerce de la province de Québec. J'ai l'honneur de piloter la
délégation de cet organisme qui vient aujourd'hui vous soumettre
son mémoire sur le projet de loi 69 sur la qualité de
l'environnement.
M'accompagnent dans cette démarche M. Louis Morel, administrateur
de notre organisme et président de la Chambre de commerce de Sainte-
Foy, M. Otto Gubeli, docteur en chimie, professeur à
l'Université Laval et président du Comité de la protection
de l'environnement de la Chambre de commerce de Sainte-Foy, Me Francine
Charbonneau, directeur du contentieux de notre organisme, M. Jean-Paul
Létourneau, vice-président exécutif de la chambre.
Permettez-moi de vous souligner que la chambre, fédération
regroupant environ 200 chambres de commerce actives au Québec,
représente ainsi plus de 35 000 membres qui sont des hommes d'affaires,
ainsi que 2500 entreprises commerciales et industrielles, lesquelles
adhèrent directement à la chambre du Québec et l'appuient
dans ses objectifs et son action. La chambre, constituée par une loi
spéciale du Parlement fédéral, a pour objectif de
favoriser le progrès économique, civique et social au
Québec. Ses objectifs vastes à souhait permettent de situer
l'intervention de la chambre devant vous ce jour.
Notre chambre se préoccupe de façon active de la
qualité de l'environnement depuis une vingtaine d'années. Nous
avons reçu avec plaisir votre projet de loi et nous sommes en
général d'accord avec le principe de ces propositions. Nous
déplorons, cependant, qu'encore une fois il ne soit pas
accompagné d'un projet de règlement qui nous permettrait
d'évaluer la portée réelle des intentions du
législateur. Dans certains cas, par exemple les études d'impact,
les règlements, lorsqu'ils seront présentés, constitueront
en quelque sorte de la législation déléguée. Ceci
n'est pas, à notre avis, une façon transparente et limpide de
légiférer. De plus, il ne nous semble pas équitable que le
gouvernement impose à l'industrie des normes et des délais
sévères pour éliminer la pollution alors que
lui-même ne consacre même pas assez de ressources à
éliminer la pollution là où il est responsable pour
rattraper le progrès du mal.
M. le Président, avec votre permission, je demanderai à
notre vice-président exécutif, M. Jean-Paul Létourneau, de
vous présenter notre mémoire avec beaucoup plus de
détails.
M. Létourneau (Jean-Paul): M. le Président, M. le
ministre, messieurs les membres de la commission. Étant donné que
notre document est relativement court, je vais en faire une lecture rapide. Je
vous reporte à la page 2, paragraphe B.
La chambre situe son intervention à deux niveaux précis:
la problématique qui devrait sous-tendre une législation visant
à assurer une certaine qualité de l'environnement au
Québec; et, deuxièmement, certains aspects techniques du projet
de loi.
Définir et appliquer une politique d'assainissement et de
protection de l'environnement constitue de nos jours un impératif et une
des tâches prioritaires entreprises par la plupart des gouvernements.
Il ne s'agit certes pas d'une tâche facile. Mais c'est une
tâche primordiale pour toute société qui reconnaît la
nécessité de protéger son patrimoine et de le transmettre
dans le meilleur état possible à la postérité.
Le gouvernement du Québec, comme tant d'autres, se penche
actuellement sur la question de l'environnement et se préoccupe
d'établir une politique générale de protection de
l'environnement.
Les préoccupations du gouvernement se traduisent factuellement
par le projet de loi 69.
Il est évident que la chambre ne peut qu'applaudir cette
initiative du gouvernement.
Qui plus est, la chambre s'inscrit en accord complet avec le principe
sous-jacent au projet de loi 69, soit protéger l'environnement et en
maximiser la qualité.
Cependant, la chambre croit qu'il n'est pas suffisant d'adopter sans
plan directeur et à l'improviste de l'empirisme quelques stipulations
relatives à la protection de l'environnement. L'importance de
l'environnement appelle et exige beaucoup plus que cela.
Le Québec doit se doter d'une politique de l'environnement qui
accomplira un rôle double: assainir et protéger.
Cette politique doit présenter certaines caractéristiques
précises: elle doit être complète, structurée,
générale, planifiée sur le plan économique par la
réalisation d'une analyse coûts-bénéfices, munie
d'échéanciers permettant de parer au début aux situations
d'urgence (ainsi la dépollution des réserves d'eau potable) pour
évoluer par la suite vers les autres cas moins urgents, mais tout aussi
problématiques, et prévoyant les normes à rencontrer en
matière de pollution.
En fait, le gouvernement se doit d'élaborer et de rendre publique
la politique québécoise en matière de protection et
d'assainissement de l'environnement; il se doit, au sein de cette politique,
d'expliciter tout particulièrement les grandes orientations, le contenu
des principaux programmes ainsi que les échéanciers, les
coûts et les modalités de financement.
Au niveau des structures, le gouvernement se doit également de
mettre sur pied, dans le cadre d'une entente
fédérale-provinciale, un mécanisme fonctionnel permettant
de maintenir en application des normes d'amélioration de l'environnement
et de répartir les coûts d'application de ces normes entre les
deux niveaux de gouvernement. Ce mécanisme pourrait être semblable
à celui qui était en vigueur en matière de
rénovation urbaine.
Le gouvernement devrait également conclure des ententes avec le
gouvernement des États-Unis pour l'application de programmes pour
combattre la pollution de l'environnement.
Le gouvernement se devrait également d'adopter des normes
minimales que tous devraient respecter en matière de protection de
l'environnement. Il y aurait évidemment lieu d'adopter des normes
reconnues tant au Canada que dans l'Amérique du Nord afin de simplifier
au maximum l'application de ces normes. Cependant, ces normes ne doivent pas
être supérieures aux normes existantes dans nos régions
concurrentes.
Au niveau des moyens, le gouvernement doit coordonner et partager la
responsabilité des gouvernements fédéral, provincial et
municipal pour le financement des programmes de protection et d'assainissement
de l'environnement dans le cadre de l'entente
fédérale-provinciale précitée.
Le gouvernement doit aussi fournir aux services de la protection de
l'environnement des ressources beaucoup plus substantielles tant sur le plan
humain que financier, afin de leur permettre d'accomplir leur tâche
adéquatement.
Le législateur doit également prévoir la perception
de nouveaux revenus liés à l'utilisation proportionnelle des
services d'aqueduc et d'égout par les municipalités, les
industries et les commerces afin de faciliter l'établissement de
services municipaux adéquats. La perception de ces nouveaux revenus doit
respecter un principe spécifique. Le fardeau des coûts sur
l'entreprise ne doit pas être supérieur au fardeau des coûts
imposés dans nos régions concurrentes, sinon des coûts
ajoutés en conséquence sur nos produits les rendraient non
concurrentiels.
Au niveau de l'application de la politique d'assainissement et de
protection de l'environnement, il y aurait lieu d'utiliser les pouvoirs des
Services de protection de l'environnement pour assurer le respect des
ordonnances émises, sous peine de sanctions assez importantes pour
inciter les usagers à observer ces ordonnances.
En matière d'assainissement des eaux, il serait opportun
d'établir immédiatement des normes minimales d'épuration,
compte tenu des conditions locales et régionales. Il faudrait charger
les Services de protection de l'environnement d'effectuer des
prélèvements périodiques dans toutes les
municipalités et d'en rendre publics les résultats; il faudrait
de plus prendre les mesures nécessaires afin d'améliorer le
traitement des eaux dans les municipalités où le besoin s'en fait
sentir.
En matière d'assainissement du milieu, il serait opportun
d'adopter des dispositions qui régissent l'exploitation des
sablières, des gravières et des carrières afin de
préserver les droits des citoyens et de protéger le milieu
où ces exploitations existent. Il serait également opportun de
nettoyer les abords des lacs et des rivières situés dans le
voisinage des grandes routes.
Finalement, il y aurait lieu d'adopter des mesures incitant les villes
et les municipalités à se regrouper pour traiter de la
disposition des déchets. De plus, il serait opportun d'appliquer
strictement les lois de la santé et les règlements concernant les
dépotoirs.
Voilà, en ses grandes lignes, les différentes mesures
qu'il y aurait lieu de prévoir au sein d'une politique globale
d'assainissement et de protection de l'environnement. Il s'agit là, M.
le Président, M. le ministre, d'une série de recommandations qui
ont été adoptées par nos assemblées
générales, au cours des ans, en matière d'environnement
depuis plusieurs années.
Malheureusement, on ne retrouve pas toutes ces mesures au sein du projet
de loi. Parmi les dispositions qu'on y retrouve, la chambre est d'accord au
niveau du principe avec la création du Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement et la création du droit à la qualité de
l'environnement et à
la sauvegarde des espèces vivantes. De plus, ce projet de loi
porte des stipulations relatives aux sablières et aux carrières
qui pourraient permettre de protéger les droits des citoyens et
d'assainir le milieu environnant (article 6) avec lesquelles nous sommes
évidemment d'accord.
Ce projet de loi comporte également une disposition permettant
aux municipal tés de se regrouper pour traiter de la question de la
gestion des déchets (article 21), disposition qui a notre appui.
Il comporte de plus de nombreuses stipulations visant à
protéger l'environnement pour l'avenir (exemple, articles 8, 9, 10 du
projet).
Mais il ne comporte pas tellement de dispositions visant à
assainir l'environnement et à réparer les dégâts
déjà causés à l'eau, au sol, à l'air,
à la faune et à la flore.
Il semble lui manquer une vision d'ensemble avec une planification des
programmes, échéanciers, coûts qui permettront à
tous d'entreprendre une démarche concertée pour assainir
l'environnement.
Il ne traite pas de normes que les Québécois devraient
respecter pour éviter la pollution de l'environnement. En fait, il
avance des idées valables mais il est partiel.
Il ne prévoit pas de politique d'ensemble, de structures, de
moyens de financement de l'assainissement et de la protection de
l'environnement. Il n'aborde pas les mesures à adopter et à
mettre en vigueur pour parer à certaines situations d'urgence: ainsi,
l'approvisionnement en eau potable.
Cette loi, en résumé, est partielle et incomplète,
et la chambre déplore cet état de fait.
La chambre entend résumer très brièvement ses
commentaires face aux dispositions mêmes du projet de loi en ce qui
concerne ses aspects techniques.
L'article 9 (31a et 31 i de la loi) du projet de loi nous amène
à réitérer une de nos suggestions à l'effet que
tout projet de réglementation s'oit déposé avant
l'adoption du projet de loi. Cette suggestion nous semble se justifier à
sa face même. Il est très difficile pour qui que ce soit
d'apprécier la portée de certains articles d'un projet de loi, si
le législateur entend les expliciter au sein d'une réglementation
dont personne ne possède copie.
Ici, M. le Président, nous désirons introduire un petit
amendement à notre texte, en y ajoutant le paragraphe qui suit:
La possibilité créée par l'article 39 qu'a ce
projet de loi de permettre à toute personne d'intenter des poursuites
pénales pourrait entraîner du harcèlement et des poursuites
frivoles, par exemple en milieu agricole comme en bien d'autres cas.
Finalement, la rédaction de ce projet de loi est claire et
précise, ce dont nous félicitons les rédacteurs.
En conclusion, la chambre ne désire que réitérer
ses préoccupations face à la nécessité d'adopter au
Québec une politique globale d'assainissement et de protection de
l'environnement, et de prévoir et de consacrer l'ensemble des fonds
nécessaires et de la mettre en vigueur le plus rapidement possible.
Déjà la pollution a gagné beaucoup de terrain au
Québec. Il nous faut l'enrayer alors qu'il en est encore temps. Demain,
ce sera plus pénible et plus cher car on ne doit pas se leurrer; tout ce
mémoire traite d'une législation visant à améliorer
l'environnement et des modalités d'administration d'un problème,
soit la pollution de l'environnement. Mais la pollution comme problème
grandit constamment de jour en jour.
En effet, seulement dans le domaine des eaux usées municipales,
la somme totale qu'on se devait de dépenser pour assurer
l'épuration des eaux était de l'ordre de $3 milliards en 1977.
Ici, il y a une note au bas de la page. Je suggère qu'on corrige la
référence à l'organisme auquel on fait allusion sous le
sigle AQTE: c'est l'Association québécoise des techniques de
l'eau. Le gouvernement du Québec annonce cette année la
création d'un programme d'assainissement des eaux usées
municipales, grâce auquel les gouvernements provincial et
fédéral verseront conjointement aux municipalités la somme
de $144 millions. Cette somme défraiera 90% des coûts de
construction, de réfection, d'amélioration et d'assainissement
des équipements de traitement et de 60% à 90% des coûts de
réfection des réseaux d'égouts et de construction
d'intercepteurs domestiques, selon les coûts d'épuration et de
l'évaluation totale normalisée. Soyons généreux, et
présumons que ces $144 millions pourront servir à exécuter
des travaux d'une valeur globale de $200 millions, compte tenu que ces $144
millions iront à des travaux subventionnés à 90% ou
à 60%.
Lorsqu'on a dépensé $200 millions par année sur un
programme qui s'évalue au minimum à $3 milliards, on n'a
même pas rattrapé l'augmentation du coût du problème
due seulement à l'inflation, sans parler de l'augmentation du coût
de résolution du problème due à l'augmentation naturelle
de la population. Et ces chiffres ne concernent que l'épuration des eaux
usées municipales. On ne tient pas compte du secteur industriel. De
plus, on n'a pas encore considéré les sommes requises pour
enrayer et faire face à la pollution de l'air et du sol tant dans les
secteurs municipal qu'industriel. Lorsque nous soulevons ce cas
spécifique, M. le Président, M. le ministre, c'est pour illustrer
comment même le gouvernement qui dit exercer un rôle de leadership
en matière d'élimination de la pollution a des difficultés
à trouver les ressources nécessaires pour faire face au
problème.
Si c'est difficile comme cela pour le gouvernement qui exerce ce
leadership, imaginez-vous comment cela peut l'être pour les gens qui sont
dans le secteur privé. C'est aussi difficile. Nous comprenons ces
difficultés, nous savons la dimension très considérable du
problème. Nous ne l'avons mesuré à ce moment-ci que dans
le domaine de l'élimination de la pollution en ce qui concerne les
eaux-vannes municipales, mais ce n'est qu'un aspect. Si on fait le tour au
complet, il
y a sans doute d'autres milliards de dollars qui vont s'ajouter. Ce
n'est donc pas un petit problème. C'est un très grand
problème. Essayer de trouver toutes les ressources financières
nécessaires n'est pas facile et nous voyons comment le gouvernement
lui-même a de la difficulté à le faire. Si on veut
régler le problème de la pollution, le gouvernement doit
consacrer tout de suite les sommes requises pour arrêter la croissance du
problème et gagner du terrain sur ce problème année
après année. Ce n'est pas ce qui se passe actuellement. Toute
autre façon de procéder: législation, programmes partiels
à budget insuffisant ne seront que des écrans de fumée.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, je voudrais dire combien
j'ai été satisfait et heureux de l'attitude si positive qu'on
voit dans votre mémoire avec des recommandations des plus
adéquates. Je voudrais vous remercier de cet apport extrêmement
important de cette contribution à la commission parlementaire. (16 h
15)
Je pense que le rôle ou l'objectif d'une commission parlementaire
est justement d'aller chercher le plus d'idées ou de lumières
auprès des gens qui vivent quotidiennement les problèmes et,
à la lumière des renseignements que nous pourrons recueillir
à cette commission parlementaire, nous pourrons améliorer ce
projet de loi.
Je dois dire également que j'ai apprécié
énormément l'appui que la chambre de commerce a
présenté au ministère de l'Environnement, en lui
suggérant d'avoir une augmentation d'effectif et une augmentation de
budget. Je dois quand même vous faire remarquer qu'en deux ans nous avons
augmenté de beaucoup le budget. Ce n'est pas encore suffisant. Nous
avons aussi augmenté le personnel. Mais vous pouvez être certain
que j'apporterai votre mémoire dans cette série d'arguments que
je présenterai au Conseil du trésor et au Conseil des ministres
pour aller chercher des budgets et du personnel supplémentaire.
Vous avez mentionné aussi plus loin de prendre une attitude plus
exigeante pour trouver des revenus provenant des usagers, soit des industries,
des commerces, des individus qui utilisent les services de l'eau, et d'avoir
des revenus de ce côté-là.
Je voudrais répondre à cette préoccupation en
répondant en même temps à une autre de vos
préoccupations qui est celle du coût de l'assainissement des cours
d'eau et de la dépollution des cours d'eau. Vous mentionnez que le
coût total que nous avions mis de l'avant il y a un an concernant
l'épuration des cours d'eau municipaux, cela se chiffrait aux alentours
de $3 milliards. Je peux même dire que cela pourrait aller à $4
milliards si nous avions continué à envisager l'épuration
des cours d'eau dans la même optique que les services de protection de
l'environnement avaient évalué les solutions il y a quelques
années.
Nous avons changé notre vision et nous avons plutôt
axé les travaux de l'assainissement au Québec non pas sur de
l'épuration comme telle, mais sur l'assainissement du cours d'eau
réceptif, en termes d'usages à retrouver et à ce
moment-là, en mettant une politique d'assainissement des cours d'eau par
les bassins, et en tenant compte des pollueurs dans leur entier,
c'est-à-dire autant le pollueur municipal, industriel que de l'agricole,
en mettant l'accent sur les trois pollueurs en même temps dans un cours
d'eau. En situant aussi les interventions dans des tronçons de bassins
bien définis, comme étant les sources d'une charge polluante
très importante, nous pouvons peut-être permettre une certaine
liberté dans d'autres secteurs, dans d'autres tronçons du bassin,
pour utiliser la force autorégénératrice du cours d'eau en
enlevant les parties les plus polluantes pour s'assurer de faire des
interventions directes et permettre aux cours d'eau de se
régénérer par eux-mêmes et diminuer de beaucoup les
conséquences polluantes.
Je m'explique. Auparavant, on n'attaquait la pollution et la
dépollution municipale qu'à un endroit donné et, à
ce moment-là, on diminuait la charge polluante du cours d'eau, mais on
ne redonnait pas le cours d'eau comme tel aux citoyens. Mais en attaquant le
problème au niveau des usages et en faisant intervenir les citoyens, en
définissant les usages qu'ils veulent retrouver du cours d'eau, aussi
bien un besoin de prise d'eau comme alimentation ou un besoin de baignade, de
pêche ou de port de plaisance, de terrain de camping, ou simplement en
redonnant à des sites biologiques importants la qualité
nécessaire, on atteint des objectifs qui sont peut-être
différents, complémentaires, mais qui déterminent le type
de traitement qu'il faut donner. Ainsi, si nous attaquons dans un
tronçon donné les trois pollueurs, à ce moment-là,
ce qui est en aval va bénéficier de cette épuration que
nous faisons en amont et le cours d'eau ayant une charge polluante moins forte,
pourra, de lui-même, en aval de la place où nous sommes
intervenus, redonner un cours d'eau qui retrouvera sa forme initiale.
Autrement, en ne diminuant qu'une partie des charges polluantes
déversées par un des pollueurs, on ne faisait un peu pour
vous donner une image -comme dans une cuisine, à savoir que permettre de
donner un peu d'eau plus propre dans un bassin d'eau de vaisselle qui est
encore sale, cela ne fait que de l'eau de vaisselle un peu moins sale, mais on
ne peut pas retrouver l'usage du cours d'eau.
Et c'est pour cela que les sommes d'argent que nous avons mises de
l'avant, dernièrement, dans les projets que nous avons annoncés,
qui se chiffrent à $144 000 000 pour la grande région de
Montréal, je tiens à vous dire qu'on va atteindre, comme objectif
et comme usage pour les citoyens, des résultats qui
équivaudraient peut-être à dix fois plus que les sommes
d'argent qu'on aurait mises aux mêmes endroits si on avait attaqué
le problème uniquement en terme municipal. Pour répondre à
la partie des sommes d'argent qui devraient être en revenus, nous sommes
en train d'étudier, au niveau du ministère de l'Environnement, la
possibilité d'un système de
redevances, de façon que tous les pollueurs, qu'ils soient
industriels, agricoles, individuels ou municipaux, aient à
défrayer un coût basé sur un degré de pollution
qu'ils émettent, un coût de dépollution, ce qu'on appelle
une redevance, qui n'est pas une taxe, puisqu'une taxe est tout simplement un
montant d'argent que tout le monde doit payer, alors qu'un système de
redevances, c'est uniquement les pollueurs qui le défraient, en fonction
de la charge polluante ou du taux de pollution dont ils sont responsables.
Ces sommes d'argent nous permettront d'intervenir dans les bassins et de
subventionner en même temps les pollueurs qui désireront
dépolluer, et le grand principe, c'est que le pollueur doit payer mais
que le dépollueur doit être aidé. On pourrait ainsi
subventionner aussi bien les municipalités que les industries et les
pollueurs agricoles, parce que dans un bassin donné, il ne faut pas
créer ce que vous avez dit dans votre mémoire un peu plus
tôt, et sur lequel je suis d'accord, il ne faut pas pénaliser la
cible que nous avons choisie, les gens ou les industries qui sont à
l'intérieur d'une cible, en comparaison avec leurs concurrents qui sont
dans une autre région du Québec où on ne peut intervenir
immédiatement, puisqu'on ne peut pas tout dépolluer en même
temps.
Donc, en aidant et en subventionnant ceux qui sont à
l'intérieur d'une cible, on permet de créer un équilibre
envers les concurrents qui sont situés ailleurs et à qui on ne
demande pas de faire un effort immédiatement. Mais comme tous les
pollueurs ont à payer, cela créera un certain
équilibre.
Or, c'est là-dessus que nous allons bientôt
présenter un projet, d'ici quelques mois en tout cas, au Conseil du
trésor du gouvernement, pour s'assurer que ces normes-là
tiendront compte de toutes les implications au niveau de la concurrence
économique.
Je voulais aussi vous féliciter sur le point suivant, quand vous
parlez de donner beaucoup plus d'information aux citoyens, concernant les
politiques du gouvernement ainsi que l'état de la pollution au
Québec. Je voudrais aussi vous faire remarquer que, sur certains points,
vous demandez qu'il y ait des règlements concernant les carrières
et les sablières et concernant aussi le problème des
dépotoirs ou des sites d'enfouissement sanitaire. Il y a
déjà des règlements qui ne se retrouvent pas dans cette
loi-là mais qui ont été publiés il y a quelques
mois et qui sont appliqués actuellement, et il n'y a qu'un aspect qui
est touché dans la loi actuelle concernant les carrières, c'est
pour permettre au gouvernement d'exiger de ceux qui exploitaient une
carrière de la remettre dans un meilleur état, un meilleur
aménagement, pour que les gens qui ont subi des inconvénients
pendant l'utilisation d'une carrière sachent que lorsque les exploitants
d'une carrière ont terminé leurs travaux, ils la remettent en
état pour le bien-être des citoyens qui ont eu des
inconvénients, pour qu'ils puissent au moins dire: Plus tard, il va y
avoir un aménagement très utile pour les citoyens.
Concernant aussi un autre aspect que vous avez mentionné, soit
celui des règlements qui selon votre suggestion, devraient être
étudiés pratiquement en même temps, ou du moins publies
avant l'adoption de la loi, je dois vous dire que c'est une chose qui est assez
difficile puisque c'est justement en étant à l'écoute,
pendant une commission parlementaire sur une loi, qu'on obtient exactement le
pouls des citoyens pour nous permettre de mettre dans les règlements qui
sont quand même des applications pratiques des principes qu'on
présente dans une loi ; il faut nécessairement entendre ce que
les gens ont à dire avant de mettre dans un règlement l'aspect un
peu plus pratique des moyens pour réaliser en détail les
principes que la loi met de l'avant.
Il faut dire aussi qu'on ne tient pas à ce que le débat
dévie, pendant la commission parlementaire, sur l'aspect de certaines
dispositions du règlement, alors que ce que l'on veut régler,
c'est la question des principes qu'on voit dans la loi.
Il y a aussi le fait que les règlements, quand même, vont
être publiés dans la Gazette officielle et que tous les groupes
intéressés, incluant le vôtre, auront l'occasion de nous
faire valoir leur point de vue sur ces règlements, dès qu'ils
seront publiés dans la Gazette, parce qu'un règlement doit
être publié deux fois, une fois pour obtenir des mémoires
des citoyens, et la deuxième, pour déterminer exactement la
décision précise du gouvernement concernant ce
règlement-là. Je pense que ces règlements nous
permettront, puisqu'ils sont publiés, d'avoir la réaction du
public autant que des organismes.
Je vais terminer, en tout cas, en ce qui me concerne, en vous
félicitant de la qualité de votre mémoire, et je pense que
je ne peux faire autrement qu'être très heureux et
profondément satisfait devant le degré de conscience de la
chambre de commerce vis-à-vis de l'environnement et votre
compréhension du problème.
Je vous remercie encore.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, le ministre a
échappé un mot tantôt et mon attachement à la langue
française m'oblige à lui poser une question. Est-ce qu'il a
interviewé les cours d'eau pour savoir s'ils étaient
réceptifs?
M. le Président, sérieusement, je voudrais, à mon
tour, remercier la Chambre de commerce de la province de Québec et la
féliciter de la qualité de son mémoire.
La question que j'aimerais poser, M. Létourneau, porte sur le
paragraphe que vous avez ajouté et qui ne paraît pas dans le texte
imprimé. Vous avez exprimé, au nom de la chambre, une certaine
inquiétude quant à la multiplication possible des recours
exercés devant les tribunaux. La question que j'aimerais vous poser est
la suivante: Si une compagnie propriétaire d'une usine, disons
parce que c'est à ce genre de pollution que l'on a tendance à
penser quand on envisage de telles interventions devant les tribunaux
respecte les normes qui sont décrétées dans la loi et les
règlements et a donc respecté le calendrier imposé pour
arriver en conformité avec ces normes, il me semble que tout ce que l'on
aurait à craindre se-
rait des tracasseries, n'est-ce pas, une perte de temps, peut-être
certains coûts parce qu'il faudrait avoir un conseiller juridique
pour défendre les intérêts de la compagnie mais si,
effectivement, la compagnie se trouvait en conformité avec les exigences
de la loi et des règlements, y aurait-il d'autres inquiétudes que
la chambre aurait devant cette perspective de l'élargissement de
l'accès aux tribunaux, élargissement pour rendre cet accès
disponible à tous les citoyens?
M. Létourneau: M. le Président, il n'y a pas que
les projets nouveaux en voie d'être achevés ou d'être
exécutés, il y a aussi les opérations courantes qui
existent. Il y a les opérations qui existent et qui polluent. Nous
reconnaissons qu'il y en a. Le ministre lui-même reconnaît qu'il
n'est pas possible d'éliminer toute la pollution du jour au lendemain.
Ceci doit être fait par étapes, et dès qu'il y a pollution,
et Dieu sait si c'est facile de montrer qu'il y a pollution, parce qu'un homme,
où qu'il soit, pollue son environnement. Alors, à partir de
ça, il est facile de montrer qu'il y a pollution, à plus forte
raison pour une entreprise; lorsqu'il y a une entreprise de fabrication, etc.,
à ce moment-là, il est facile de démontrer qu'il y a
pollution et peut-être qu'on pourrait beaucoup plus facilement, avec ce
projet de loi, intervenir et intenter des poursuites pour des choses qui
existent et qui se conforment peut-être à un calendrier qui a
été imposé par le gouvernement ou ne s'y conforment pas
encore parce qu'il n'y a pas encore eu de réglementation ou de sanction
gouvernementale pour dire qu'on doit diminuer le taux de pollution que
crée cette activité. Alors, il sera, à notre avis, plus
facile pour tout citoyen d'intervenir. (16 h 30)
Maintenant, il y a encore là des impondérables, compte
tenu du fait que les règlements ne sont pas déposés, nous
ne pouvons pas tout à fait juger jusqu'où ce sera possible. Nous
craignons cependant beaucoup et je reviens sur un point essentiel de
notre mémoire un déséquilibre. Le ministre a
parlé beaucoup d'équilibre dans sa présentation. Nous
craignons un déséquilibre entre les exigences que le gouvernement
aura par rapport à lui-même, c'est-à-dire dans les domaines
où il est responsable de l'élimination de la population... de la
pollution excusez-moi, ce n'était pas intentionnel; M. le
ministre, cela m'a échappé et ces exigences qu'il a pour
le secteur privé. Nous craignons voir poindre là un
déséquilibre, c'est-à-dire deux poids, deux mesures;
exiger plus rapidement et être plus exigeant pour le secteur privé
qu'on ne l'est dans les domaines où on est soi-même responsable,
le gouvernement.
M. le Président, peut-être que notre conseiller, notre
avocate pourrait ajouter à cette réponse qui devrait être
plus juridique que celle que je viens de donner.
Mme Charbonneau (Francine): M. le Président, la question
du représentant de l'Opposition visait le paragraphe qu'on a
ajouté à notre mémoire et qui traite strictement des
poursuites pénales. Comme vous avez remarqué, on n'a pas du tout
traité la question des injonctions. Je pense que cela vise un but
très précis. Lorsqu'on parle de l'injonction au civil, on trouve
que c'est normal que tous les citoyens puissent s'en prévaloir
puisqu'ils subissent un préjudice et ils ont droit aux
réparations à ce moment. Les poursuites pénales, cela fait
un petit peu double emploi, dans la mesure où, au civil, on a
déjà réparé le préjudice subi. Au
pénal, dans le fond, on fait strictement pénaliser l'entreprise
pour une attitude répréhensible. Or, au pénal, pour faire
émettre une sommation, il s'agit d'avoir une déclaration
assermentée, il s'agit que le juge de paix constate qu'à sa face
même, c'est bien fondé sur la foi de l'affidavit donné.
Bien des sommations ont été émises alors qu'elles
étaient frivoles, parce que le contrôle n'est pas suffisant. Or,
effectivement, cela peut causer des tracasseries parce que cela demande les
services d'un conseiller juridique, parce que cela fait perdre du temps et de
l'argent, mais aussi, cela peut faire une fort mauvaise réputation
à une entreprise parce que, normalement, on rend publique,
l'émission de la sommation, mais on ne le fait pas si l'entreprise ou le
défendeur a été acquitté.
M. Goldbloom: M. le Président, je suis heureux d'avoir
posé la question, parce que les réponses ont fourni une
lumière intéressante sur un aspect du projet de loi qui me
paraît assez fondamental. J'aimerais poursuivre là-dessus pendant
quelques instants seulement.
La chambre de commerce fait une distinction entre le recours à
l'injonction et la poursuite pénale. Je pense que cette distinction est
très utile, parce que, comme vous l'avez dit, si un citoyen se croit
lésé et croit avoir la preuve d'avoir été
lésé quant à ses droits, quant à sa santé,
quant à ses biens, ce citoyen devrait avoir des recours comme citoyen.
Quand on tombe dans le domaine pénal, il ne me semble pas
exagéré de comparer la remise entre les mains de chaque citoyen
individuellement d'un droit d'intervention à ce que les
Américains appellent un "citizen's arrest ", l'arrestation par un
citoyen.
Il me semble qu'en matière pénale, il y a je
m'excuse d'une expression qui ne tombera pas avec bonheur dans les oreilles du
ministre la couronne agit.
Une voix: Quelle couronne?
M. Goldbloom: C'est là où il me semble que nous
devrons tirer quelque chose au clair au début de l'examen de ce projet
de loi. De deux choses l'une, ou bien une usine, une source possible de
pollution est en conformité avec les exigences de la loi et des
règlements ou elle ne l'est pas. Si elle l'est, comme je l'ai
indiqué dans ma question tout à l'heure, elle n'a à
craindre que des tracasseries et possiblement une atteinte à sa
réputation. D'accord. Si elle n'est pas en conformité, on arrive
de nouveau devant un choix entre deux options: ou bien le gouvernement
intervient ou bien il n'intervient pas.
M. le Président, je sais que vous n'aimeriez pas que nous
passions les trois jours à poser des
questions au ministre, mais il me semble que celle-ci a une importance
si fondamentale que je vous prie de me permettre de la poser. Si le
gouvernement intervient, établit des exigences, les établit sur
un calendrier, à l'intérieur de cette période de temps,
sera-t-il permis ou non à un citoyen d'intervenir de son propre
chef?
Le Président (M. Laplante): M. le ministre.
M. Léger: Je pense que la question est très
pertinente parce qu'il va falloir qu'on le clarifie; aussi bien le clarifier
tout de suite. Nous avions l'intention de clarifier le point suivant. Tenons
pour acquis qu'une entreprise est en conformité avec la loi. Il n'y a
aucun problème; il n'y aura ni poursuite du gouvernement, ni poursuite
d'un citoyen possible. Cela est clair. Si l'entreprise n'est pas en
conformité avec la loi, il peut y avoir une poursuite soit du
gouvernement, soit du citoyen. Le fait que le citoyen puisse le faire, c'est
une aide très importante pour obliger les entreprises ou même
d'autres citoyens à corriger rapidement leur situation. Mais, si c'est
une entreprise qui est en train de corriger son système qui pollue et
qui a un calendrier avec un échéancier pour le réaliser en
dedans de tant de temps, dans la loi nous apporterons les amendements, si cela
n'est pas assez clair, pour qu'il n'y ait pas de possibilité de
poursuite par des citoyens contre une entreprise qui est en train de
réaliser son programme ou de s'installer un équipement qui
permettra de respecter le règlement à la date qui a
été prévue dans l'entente. Je pense que cela clarifie ce
point-là.
Il y a un autre point quand même je veux en profiter
sur le même sujet concernant les exigences quant au
déséquilibre possible, selon ce que disait M. Létourneau
tantôt, entre ce que le gouvernement se permet de faire avec ses propres
intervenants des ministères comme les Transports,
l'Hydro-Québec ou des sociétés paragouvernementales
et les exigences demandées à une entreprise privée. La
meilleure façon de s'assurer qu'il y ait un équilibre
là-dedans, c'est que le citoyen peut être réellement celui
qui va s'assurer qu'autant le gouvernement que l'entreprise privée
respectent les normes de l'environnement. Puisqu'il est témoin, il ne
pourra pas y avoir de privilège que le gouvernement ferait à ses
propres services puisque le citoyen, lui aussi, pourrait poursuivre un
intervenant, qu'il soit privé ou public, qui n'agit pas selon la loi.
Donc, je pense que c'est quand même une façon de s'assurer qu'il y
aura un mécanisme qui va surveiller le gouvernement lui-même dans
ses agissements.
Finalement, le point où on parle des poursuites pénales.
Il ne faut pas oublier qu'il y a sept provinces au Canada où
déjà le droit a été conféré aux
citoyens d'entreprendre des poursuites pénales, dont l'Ontario. La peur
de poursuites frivoles, je pense que c'est absolument une peur très
très hypothétique puisque, en Ontario, ils ont ce même
procédé-là de poursuites pénales pour le citoyen,
et de 1971 à 1978, il y a eu à peine dix poursuites au niveau
privé. Plus que cela, je pense que le système même
britannique a donné depuis 500 ans le droit aux citoyens de poursuivre
au pénal, droit qui a été enlevé au Québec
en 1972 aux citoyens pour ne le donner qu'à l'État. Donc, c'est
tout simplement dans le courant des choses qui existent ailleurs que nous
permettons aux citoyens d'avoir le droit au recours pénal pour s'assurer
qu'aussi bien les entreprises privées que publiques respectent les
normes de la loi ou des règlements.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je termine par une courte
intervention. Le ministre a fait une déclaration qui clarifie beaucoup
la perspective d'application du projet de loi que nous avons devant les yeux et
je l'en remercie. Il reconnaîtra sûrement, en même temps, que
dans le cas où un pollueur n'est pas en conformité avec les
exigences de la loi et des règlements, et le gouvernement n'intervient
pas et un citoyen intervient, c'est une critique assez sévère
à l'endroit du gouvernement.
M. Léger: Oui, on est d'accord là-dessus puisqu'on
veut associer les citoyens à la protection de leur milieu de vie. On
sait que le gouvernement ou, tout simplement, le contentieux d'un
ministère qui a la responsabilité du respect de cette loi, ne
peut pas être partout à la fois et c'est pour cela qu'en associant
les citoyens on est certain d'un meilleur respect de la loi. Je ne pense pas
que ce soit un désaveu, c'est simplement qu'une machine gouvernementale
est quand même lourde et que le citoyen qui vit le problème
près de chez lui, qui voit que l'intervenant n'agit pas en
conformité avec la loi et qu'il en subit des préjudices est le
mieux placé pour le faire le plus rapidement possible.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: M. le Président, je dois également vous
féliciter, messieurs de la chambre, pour l'excellent mémoire que
vous avez présenté. J'aurais peut-être deux autres petites
questions à vous poser. À la page 4 de votre mémoire, au
deuxième paragraphe, vous dites: "Cependant, ces normes ne doivent pas
être supérieures aux normes existantes dans nos régions
concurrentes". Probablement que vous faites allusion aux provinces qui nous
entourent ou aux États-Unis. Est-ce que, dans votre esprit, les normes
ou le contenu du projet de loi actuel sont supérieurs à ceux des
autres provinces ou sont plus restrictifs?
M. Létourneau: M. le Président, il est difficile de
répondre à cette question avec le projet de loi seulement. Il
faudrait, à notre avis, avoir la réglementation pour être
en mesure de dire si cela va plus loin ou non que ce qui nous environne; c'est
assez difficile à ce moment-ci.
M. Cordeau: C'est pour cela que, tantôt, vous
mentionniez dans votre mémoire que vous auriez bien aimé
connaître un peu la réglementation future pour vous prononcer
davantage.
M. Létourneau: Justement, les articles 31a et i donnent
beaucoup de latitude. À la page 6 du projet de loi, vous voyez l'article
31a, et à la page 8, l'article 31i et, à la lecture de ces deux
articles, vous allez voir qu'il y a une très grande latitude permise;
c'est de la décision gouvernementale en matière de
réglementation que viendront les réponses à cette
question, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): D'autres questions, M. le
député de Saint-Hyacinthe?
M. Cordeau: Oui, une autre question. À la page 5, dernier
paragraphe, vous mentionnez que la chambre est d'accord, au niveau du principe,
avec la création du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et
la création du droit à la qualité de l'environnement et la
sauvegarde des espaces vivants. Étant donné que vous êtes
d'accord sur le principe, est-ce que vous auriez certaines réserves
quant aux pouvoirs accordés au bureau?
M. Létourneau: C'est fort possible. Encore une fois, tout
dépend du pouvoir qu'on donnera exactement et comment on permettra
l'utilisation de ce pouvoir. Me Charbonneau voudrait ajouter à cette
réponse, si vous le permettez, M. le Président.
Mme Charbonneau: En fait, j'ai beaucoup de choses à
ajouter et avant qu'on s'éloigne trop, je voudrais revenir à la
question des poursuites pénales pour préciser deux choses. Primo,
M. Léger nous dit qu'on n'a pas à craindre les plaintes frivoles
parce qu'il y a eu en Ontario, où l'on a l'expérience des
poursuites pénales intentées par les citoyens, seulement dix
poursuites pénales intentées par ceux-ci. Alors, je vous avoue
que j'en doute un petit peu parce que, s'il n'y a eu que dix poursuites
pénales, quelle est l'idée d'introduire cette disposition dans la
loi afin de mousser la participation du citoyen? (16 h 45)
Secundo, encore une fois, il y a une nuance entre l'injonction au civil
et la poursuite au pénal. Dans la mesure où la poursuite au
pénal est en fait un système de droit parallèle au
criminel où on tend à prohiber une attitude
répréhensible, je pense que cela appartient à la
collectivité de poursuivre et, donc, au gouvernement en tant que
représentant de cette collectivité et non pas aux citoyens.
Le Président (M. Laplante): Avant de donner la parole
à M. le ministre, j'aimerais faire remarquer à votre groupe,
à d'autres groupes qui sont dans la salle qu'il n'est pas coutume,
ordinairement, que les témoins posent des questions de cette nature au
ministre.
Mme Charbonneau: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): C'est surtout dans
l'information générale et à l'intérieur de votre
mémoire que ces choses peuvent être marquées, mais
j'aimerais, au préalable, laisser la liberté au ministre de
répondre à cette question. Je vous demande d'être
très prudent sur les questions que vous aurez à poser.
Mme Charbonneau: M. le Président...
Le Président (M. Laplante): En premier lieu, j'aimerais
que réponse soit donnée au député de
Saint-Hyacinthe pour ne pas faire du coq-à-l'âne.
Mme Charbonneau: Oui, au sujet des règlements, comme vous
pouvez constater, on ne peut jamais répondre à la question parce
qu'on n'a pas les règlements. Je pense que c'est important qu'on les ait
pour que la commission parlementaire puisse vraiment tâter le pouls des
gens qui comparaissent devant elle. Maintenant, M. le Président,
j'aimerais m'excuser pour la question. Si vous permettez, je fermerais avec un
point d'exclamation au bout de la phrase.
Le Président (M. Laplante): Mettons. Maintenant, M. le
député de Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Ma deuxième question, concernant la formation
du Bureau d'audiences publiques; en principe, vous êtes d'accord mais par
contre aviez-vous certaines réserves concernant la
réglementation? Vous voyez dans quelle position se trouvent les partis
d'Opposition souvent pour adopter des projets de loi. C'est qu'on nous
présente des projets de loi sans réglementation et on veut qu'on
les applique. On désire qu'on les applique. Vous voyez là dans
quelle position souvent nous sommes. Maintenant, vous avez fait allusion aussi
tantôt à l'aide à apporter peut-être à des
industries qui seraient déclarées polluantes. Peut-être que
le citoyen va, à l'aide de ce projet de loi, présenter... De
l'aide à apporter, je pense, aux commerces, de toute façon,
concernant la pollution. Peut-être qu'à l'aide de ce projet de loi
un citoyen va pouvoir poursuivre une industrie comme pollueur, tandis que le
gouvernement ne l'a pas fait; l'industrie est peut-être en
activité depuis 15 ou 20 ans et il ne s'est rien fait jusqu'à
présent, cela a été toléré, enfin...
À un moment donné, il va y avoir une plainte. Le manufacturier ou
l'industriel peut être déclaré pollueur et être
pénalisé. Ne trouvez-vous pas que le gouvernement, dans ces cas,
devrait par un projet de loi apporter son aide à ces industriels afin de
se soumettre à la loi, étant donné que pour la
création d'emplois on accorde des subventions?
Pour conserver ces emplois, ne trouvez-vous pas qu'il serait à
propos que le gouvernement aide également ces industriels à
pouvoir améliorer leurs installations concernant la pollution?
M. Létourneau: M. le Président, encore une fois il
nous est difficile de répondre par un oui ou par un non parce qu'il nous
faudra connaître les échéanciers et la
sévérité de la loi. Il se pourrait
que les demandes ou la réglementation ou la législation,
les normes qu'on impose à l'entreprise soient comparables à ce
qui se passe ailleurs et, à ce moment, je ne pense pas que nous
demanderions de l'aide. Il se pourrait qu'on impose à des entreprises
qui d'avance ont certaines difficultés dans le marché actuel des
fardeaux nouveaux par des échéanciers assez rapides pour
éliminer la pollution et, à ce moment, peut-être
faudrait-il, étant donné ce fardeau additionnel, que le
gouvernement intervienne par des mesures fiscales ou autres. Mais il ne nous
est pas permis à ce stade de l'examen du projet de loi de dire à
l'avance que nous en demanderons. C'est possible.
Le Président (M. Laplante): D'autres questions, M. le
député de Saint-Hyacinthe? M. le député de D'Arcy
McGee, d'autres questions?
M. Goldbloom: M. le Président, je voudrais d'abord vous
demander très respectueusement une directive. Pourriez-vous m'indiquer
quel est l'article de notre règlement qui empêche le témoin
de poser des questions au ministre?
Le Président (M. Laplante): Le but d'une commission
parlementaire, M. le député de D'Arcy McGee, vous en avez une
plus vaste expérience que moi, c'est de questionner des groupes ou des
individus, aujourd'hui, pour la loi 69, sur les propositions, le contenu d'une
loi. Actuellement, ils ont eu toute la latitude voulue, à
l'intérieur de ce projet de loi, de pouvoir s'interroger et de faire des
recommandations. C'est le but d'une commission parlementaire d'aller chercher
des recommandations, d'aller puiser de l'information dans le public.
Depuis deux ans que je préside des commissions parlementaires, et
suivant les directives que j'ai reçues des autorités au sujet des
coutumes d'une commission parlementaire, il n'y a pas de questions de cette
nature qui se posent ordinairement au ministre ou à un membre de
commission.
M. Goldbloom: M. le Président, il ne conviendrait point
que je conteste votre décision. J'aimerais tout simplement exprimer un
avis personnel quant à la théorie des commissions parlementaires.
Je voudrais simplement exprimer l'avis que les citoyens, et les organismes que
constituent ces citoyens, ont fort peu souvent l'occasion de rencontrer les
élus face à face. Il me semble que la théorie du
parlementarisme québécois implique un dialogue qui ne devrait pas
être à sens unique. J'aimerais, M. le Président, mes
paroles étant enregistrées au journal des Débats, que
l'Assemblée nationale puisse un jour en discuter. Je
répète que je ne conteste pas votre décision.
Il me semble que nous devons au moins profiter de la présentation
des mémoires pour exprimer à haute voix certaines questions que
nous avons à l'esprit. Un jour, le ministre finira par répondre.
Il répondra certainement à l'Opposition lors du débat sur
le projet de loi lui-même. Mais peut-être que l'Opposition n'aura
pas pensé à toutes les questions. J'ai dit, au tout début
de cette séance, que le rôle de l'Opposition c'est
d'écouter les in- tervenants et d'épouser leur cause dans la
mesure où elle juge qu'il convient de le faire, comme tout avocat pour
un client.
C'est dans ce sens que j'énonce une question hypothétique.
Pas hypothétique, non. C'est une question qui ne recevra peut-être
pas sa réponse immédiatement. Il me semble important de savoir du
ministre et, par son intermédiaire, des conseillers juridiques du
gouvernement, si, après la déclaration qu'a faite le ministre sur
le fait pour les Services de protection de l'environnement de conclure avec une
compagnie une entente sur un programme, un calendrier des objectifs à
atteindre, cela aura véritablement force de loi devant les tribunaux.
C'est très important que nous le sachions et c'est très
important, à mon sens, le ministre ayant fait la déclaration, que
le texte du projet de loi que nous allons revoir à la
lumière de la déclaration du ministre confirme, sans
l'ombre d'un doute, qu'effectivement une telle entente aura, devant les
tribunaux, force de loi pour empêcher des interventions qui pourraient
être frivoles.
M. Léger: M. le Président, sur le point de
règlement que soulevait le député de D'Arcy-McGee, je
pense qu'on se comprend fort bien, et c'est ce que vous avez expliqué
tantôt, c'est que les personnes qui viennent nous rencontrer ici ont
toute latitude de poser des questions concernant le projet de loi comme tel,
à l'intérieur du projet de loi, ainsi que les moyens qu'elles
suggèrent pour atteindre les mêmes objectifs que la loi, et je
pense qu'il n'y aura pas de discussion sur le fait qu'on ait
empêché les gens de s'exprimer et sur le contenu de la loi et sur
les moyens possibles pour les atteindre.
En ce qui me concerne, je n'ai pas objection à répondre
aux questions qui me sont posées, mais je pourrais quand même
clarifier le point dont vous venez de parler, c'est le fait que, dans la loi,
c'était bien clair qu'il ne fallait pas mêler la
possibilité de poursuite au pénal comme au civil, concernant les
projets d'implantation d'entreprises, projets de développement qui
requièrent un certificat et qui passeront par le processus
d'études d'impact, d'audiences publiques.
Pour tout projet ou toute entreprise, gouvernemental ou privé,
qui sera en train de passer à travers le processus d'études
d'impact et d'audiences publiques, dans le but d'obtenir un certificat, il ne
peut pas y avoir de poursuite au pénal par les citoyens
là-dessus. Cela était clair dans la Loi.
Ce qui n'était peut-être pas aussi clair, c'était le
fait, dans le cas d'une entreprise qui a déterminé ou
signé un protocole d'entente avec le gouvernement pour s'équiper
d'exigences ou d'équipement antipollution chez lui à
l'intérieur d'un échéancier nécessairement, si ce
n'est pas assez clair, de le remettre dans la loi pour s'assurer que ceux qui,
de bonne foi, sont en train de réaliser un programme de
dépollution de leur entreprise, ne pourront pas non plus être
poursuivis, puisque, justement, on est en train de régler le projet.
Finalement, pour répondre à une question qui
venait soit de Me Charbonneau ou de M. Létourneau, je ne sais pas
lequel des deux, on parle souvent de règlements qu'on ne connaît
pas, sur lesquels on peut s'appuyer.
Il n'y a pas que le règlement qui va déterminer les titres
de travaux qui nécessiteront le type d'études d'impact dont il
est parlé dans le règlement qui compte, il y a tous les autres
règlements qui sont en vigueur actuellement et qui doivent être
respectés, aussi bien concernant le règlement sur les eaux
embouteillées, les déchets liquides des entreprises de
pétrochimie, des usines de béton bitumineux, enfin la
série de huit ou neuf règlements qui existent déjà.
Ce sont des règlements que les entreprises doivent respecter, aussi bien
gouvernementaux que privés, et on peut dire que ces
règlements-là ne sont pas plus sévères que ceux qui
existent dans les autres provinces ou aux États-Unis et qui sont
respectés ailleurs; nécessairement, ces règlements doivent
être respectés et peuvent être assujettis à une
poursuite au pénal ou au civil par des citoyens comme par le
gouvernement.
Le Président (M. Laplante): Là-dessus, une courte
réponse, monsieur?
M. Létourneau: Une très courte intervention, M. le
Président. Suite à un échange entre le
député de D'Arcy-McGee et le ministre tantôt, concernant
cette histoire d'équilibre et de deux poids deux mesures que nous
craignons, M. le ministre a répondu que sa façon à lui
d'établir cet équilibre, ce serait la possibilité
d'intervention du citoyen.
Je regrette, mais je pense que ce n'est pas suffisant. Nous ne sommes
pas satisfaits de cette réponse, parce qu'il sera toujours possible au
gouvernement d'établir des échéanciers différents
pour les municipalités, pour les entreprises et pour le secteur
privé, pour ce qui est du secteur public et du secteur privé.
Par exemple, il serait possible au ministre, au gouvernement
d'étendre indéfiniment l'échéancier
d'assainissement des eaux-vannes de la ville de Montréal et d'exiger
très rapidement des entreprises qui jettent des eaux polluées
à proximité de régler leur problème. Il serait
possible au gouvernement de ne pas avoir d'exigences ou très peu pour un
hôpital, une université par exemple, comme l'Université
Laval, sur les émanations polluantes de la cheminée ici à
Québec et d'avoir des exigences plus grandes pour une industrie qui est
à proximité pour éliminer les mêmes
émanations.
Il serait possible au gouvernement d'avoir des exigences très
sévères pour une entreprise qui est à
Trois-Rivières et d'avoir des exigences beaucoup moins
sévères pour une entreprise qui est à Témiscamingue
par exemple, parce qu'à cet endroit, il aurait lui, le gouvernement, des
intérêts dans cette entreprise. (17 heures)
C'est ça que nous voulons dire, un équilibre. Quand on
parle d'équilibre, nous voudrions que le gouvernement se discipline,
tout au moins autant que le secteur privé, auquel il veut appliquer la
loi et qu'il montre justement le leadership dont il parle.
M. Léger: M. le Président, je peux vous rassurer
que la priorité dans les échéanciers de réalisation
de travaux antipollution ne sera pas basée sur qui est le pollueur, que
ce soit l'entreprise privée ou l'entreprise publique, mais ce sera la
récupération des usages qui sera la marque principale. Si
l'épuration des eaux de la ville de Montréal ne redonne pas des
usages et que tel autre type de traitement redonne des usages, c'est ça
qui aura priorité, et je peux vous dire quand même comme exemple
que, concernant l'incinérateur de la CUQ ici, nous avons
fonctionné le plus rapidement possible. Nous avons émis une
ordonnance, aussi bien à l'Université Laval qu'à la
Communauté urbaine de Québec, et je pourrais dire que, concernant
même la pollution atmosphérique, les règlements qui doivent
tenir de la Communauté urbaine de Montréal, nous allons mettre la
pression pour que les responsabilités publiques, comme
l'incinérateur de la Communauté urbaine de Montréal
je pense qu'il y avait peut-être ça derrière votre question
ne soient pas des obstacles à réaliser le projet parce
qu'il y aurait une entreprise qui ne pourrait pas se conformer. Je pense que
les entreprises publiques doivent se conformer aussi rapidement que les
entreprises privées, tant que je serai là.
Le Président (M. Laplante): ... très courte, le
temps est déjà dépassé.
M. Goldbloom: Très courte, M. le Président. Je
déclare que je m'engage à poser, lors du débat sur le
projet de loi no 69, la question suivante, qui est demeurée sans
réponse: S'il n'y a eu que dix poursuites en Ontario, pourquoi le projet
de loi est-il si important?
Le Président (M. Laplante): Sur ce, on vous
remercie...
M. Léger: M. le Président, étant
donné que...
Le Président (M. Laplante): ... M. Boudreau, M. Morel, M.
Guibeli, Mme Francine Charbonneau et M. Létourneau.
M. Boudreau: Vous me permettrez, M. le Président,
simplement de remercier les membres de la commission d'avoir entendu le
mémoire de la chambre et nous repartons convaincus que l'essentiel de
nos recommandations sera non seulement entendu, mais appliqué par le
gouvernement.
Le Président (M. Laplante): Merci. J'appelle maintenant le
groupe de General Motors du Canada Ltée, s'il vous plaît.
Maintenant, monsieur de la General Motors, si vous voulez identifier
votre groupe et identifier les intervenants, s'il vous plaît, pour les
fins du journal des Débats.
General Motors du Canada Ltée
M. Comtois (Pierre): J'aimerais d'abord vous présenter
Paulette Charbonneau, relationniste pour le Québec ici à notre
usine de Sainte-Thérèse, M. Jean-Pierre Décarie,
ingénieur senior, également de notre usine de
Sainte-Thérèse, Me Marie Mandeville, conseiller juridique pour la
province de Québec, et je suis Pierre Comtois, conseiller au
département des relations avec les gouvernements, de General Motors.
Avant de procéder, si vous le permettez, M. le Président,
à la présentation de notre mémoire comme tel, nous
désirerions préciser quelques points.
Nos commentaires n'ont pour but que de porter à l'attention du
gouvernement du Québec quelques aspects des amendements proposés
à la loi de la qualité de l'environnement qui ont soulevé
l'intérêt de General Motors. Selon nous, ces amendements
pourraient affecter tant l'opération de véhicules automobiles au
Québec que celle de nos usines également situées dans la
province.
General Motors étant membre de différentes associations,
telles que la chambre de commerce, le Conseil du patronat et l'Association
canadienne des manufacturiers, notre mémoire n'est, dans cette
perspective et dans une certaine mesure, que complémentaire aux
mémoires que ces différentes organisations ont soumis.
Les commentaires de General Motors ayant trait aux études
d'impact sur l'environnement sont basés sur notre expérience dans
d'autres juridictions où des lois similaires ont été
adoptées. Ils ne doivent pas être interprétés comme
étant un commentaire spécifique de General Motors sur les
intentions éventuelles d'investissements au Québec.
C'est dans cette seule perspective, M. le Président, M. le
ministre, que nous allons maintenant vous présenter notre
mémoire, et j'invite M. Jean-Pierre Décarie à le
faire.
M. Décarie (Jean-Pierre): Bonjour, M. le Président,
M. le ministre, MM. les membres de la commission, General Motors du Canada
Limitée est heureuse de pouvoir faire part à la commission de ses
vues sur les effets que pourrait entraîner le projet de loi no 69, Loi
modifiant la Loi de la qualité de l'environnement. General Motors
reconnaît et soutient le principe que toute personne a droit à la
qualité de l'environnement et que les espèces vivantes qui y
habitent ont le droit d'être protégées. Cependant, un tel
but doit être atteint par la mise en place de mesures appropriées.
Dans cette perspective, nous demanderions au gouvernement de garder à
l'esprit les mesures instituées par l'industrie pour protéger
l'environnement et d'envisager les répercussions que l'adoption et la
mise en application des lois relatives à l'environnement peuvent avoir
sur l'industrie et ses emplois au Québec.
Nous désirons donc faire part à la commission des
préoccupations suivantes relativement aux amendements projetés
à la Loi de la qualité de l'environnement. La loi accorde
à un juge de la Cour supérieure, sur requête, le pouvoir
d'émettre une injonction pour empêcher tout acte ou toute
opération qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte
à l'exercice du droit d'une personne à la qualité de
l'environnement et à la sauvegarde des espèces vivantes qui y
habitent.
Tout individu pourrait ainsi obtenir une intervention du tribunal
à chaque fois qu'il y a atteinte de quelque façon que ce soit
à son droit, et ce, sans tenir compte de l'intérêt ou
avantage que la collectivité peut ou pourrait retirer des
opérations d'une entreprise.
Ne serait-il pas possible de satisfaire les droits de chacun à la
qualité de l'environnement en permettant que des plaintes soient
déposées au bureau du ministre ou du Procureur
général tout en protégeant les droits de la
collectivité, en faisant appel au bon jugement du ministre quant
à savoir si le remède de l'injonction est la mesure qui
s'impose?
La loi soulève la nécessité de procéder
à une évaluation de l'impact sur l'environnement de certains
projets. Puisque les règlements ne sont pas encore disponibles, nous
réservons nos commentaires à ce sujet, sauf si ce n'est pour
souligner que l'exigence d'une étude d'impact détaillée
pourrait signifier que nous devons procéder à une
évaluation qui se poursuive pendant des mois ou des années. De
tels délais rendraient difficile l'accomplissement d'un investissement
au Québec dans un court laps de temps. En corollaire, nous croyons que
la disposition relative à la consultation publique telle que
proposée peut mener à un usage abusif du Bureau d'audiences
publiques et sans pour autant fournir des renseignements utiles ou pertinents.
C'est pourquoi nous sommes convaincus que le ministre a toute l'expertise
voulue pour décider seul s'il est satisfait de l'étude d'impact
et de la protection offerte à l'environnement. Si, toutefois, le
gouvernement croit nécessaire de prévoir la tenue d'audiences
publiques, nous vous suggérerions de les restreindre à des cas
extraordinaires. Pour autant que l'émission du certificat d'autorisation
est concernée, nous croyons que l'incertitude créée par
les pouvoirs étendus conférés par cet article au ministre
et au lieutenant-gouverneur devrait être contrebalancée par
l'adoption d'une procédure d'appel dans les cas où l'on refuse
l'émission du certificat.
Quant à l'émission des polluants par des véhicules
neufs, nous tenons à souligner à la commission que la
réglementation exige déjà la présence d'appareils
de contrôle d'émission des polluants sur nos véhicules.
L'uniformité au niveau national protège déjà
l'environnement en établissant des niveaux acceptables d'émission
tout en permettant de réaliser des économies de carburant
raisonnables et moyennant un coût acceptable au consommateur.
Si les exigences actuelles relatives aux appareils de contrôle
d'émission sur les véhicules vendus au Québec devaient
être augmentées, il pourrait en résulter un niveau de prix
comparativement plus élevé au Québec pour les
véhicules automobiles, ainsi qu'une plus grande consommation de
carburant.
Dans la loi, il est stipulé que dans la déter-
mination du montant de l'amende, le tribunal tient compte, entre autres,
des revenus que le contrevenant a retirés de la commission de
l'infraction et des revenus annuels du contrevenant. Il nous semble que
l'ampleur de l'atteinte à l'environnement n'est pas
nécessairement fonction de ces critères qui visent plutôt
à punir un contrevenant selon son importance socio-économique
plutôt que selon la gravité de son atteinte à
l'environnement ou son intention malicieuse à ne pas se conformer
à la loi.
C'est pourquoi nous suggérons à la commission de les
remplacer par les critères suivants: à savoir,
premièrement, les infractions dont le contrevenant a été
précédemment trouvé capable ainsi que les mesures prises
par le contrevenant pour réduire ou éliminer les
possibilités de répétition de la contravention.
En ce qui a trait à la création d'infractions de
responsabilité stricte, il nous semble que ces dispositions sont
injustifiées. L'intention devrait être un élément
essentiel de l'infraction. Par conséquent, cet article 109c pourrait
être amendé en y incluant le mot "sciemment" aux endroits
appropriés.
Les pouvoirs conférés au lieutenant-gouverneur en conseil
relativement à l'adoption du règlement sont étendus.
General Motors soutient qu'il est dans le meilleur intérêt du
gouvernement et du public québécois de réaliser pleinement
les effets que de tels règlements pourront avoir sur l'exploitation des
industries au Québec ainsi que sur le fonctionnement des
véhicules automobiles. À la suite d'une dernière analyse
de la loi actuelle, il nous est apparu que la publication de projet de
règlements autorisera une période de consultation minimale qui
nous semble des plus nécessaires.
General Motors du Canada Limitée remercie la commission de son
attention aux commentaires précédents et nous nous ferons un
plaisir de répondre aux questions que la commission voudrait poser.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. M. le
ministre.
M. Léger: M. le Président, je veux vous remercier
de l'intérêt que vous avez porté au projet de loi et de la
présentation de votre mémoire. J'admets nécessairement que
vous avez pu mal interpréter certains aspects de la loi puisque le
règlement n'était pas publié. C'est pour cela que je veux
en profiter aujourd'hui pour clarifier cette situation-là.
Premièrement, concernant les études d'impact
préalables à l'octroi d'un permis ou d'un certificat
d'autorisation permettant l'implantation d'une entreprise ou d'un projet de
développement, ce sont nécessairement des études d'impact
qui seront exigées pour des types d'entreprises qui vont amener des
conséquences très grandes sur l'environnement et cela touche
surtout des aspects tels que des digues, des barrages ou des contaminants
provenant de compagnies de pétro- chimie, etc. Je ne présenterai
pas l'ensemble des mesures, mais je veux vous assurer que le type d'entreprise
que vous avez ne sera pas inclus dans les entreprises qui
nécessiteraient une étude d'impact au préalable pour
obtenir un certificat d'implantation. Je pense que cela peut vous rassurer sur
ce côté-là.
L'autre aspect de votre mémoire, où vous parlez de la
poursuite en injonction ou au pénal... Je peux vous assurer, comme on
l'a dit tantôt à l'occasion de l'étude de l'autre
mémoire, que ce n'est que pour des actions illégales. Donc, ce
serait une entreprise qui ne respecterait pas soit une loi, soit un
règlement, soit un certificat d'autorisation du gouvernement, qui
pourrait être susceptible d'avoir une poursuite par des citoyens. Donc,
toute entreprise qui respecte les lois, les règlements et son certificat
d'entreprise ne peut avoir une poursuite d'un citoyen. Je veux en profiter pour
répondre à la question que le député de D'Arcy
McGee m'a posée tantôt puisqu'il va me la reposer
régulièrement d'ici la fin. Aussi bien lui répondre tout
de suite.
M. Goldbloom: C'est vrai.
M. Léger: Je tiens à vous dire que,
nécessairement... La question, c'était concernant la... S'il n'y
a eu que dix poursuites au privé, pourquoi faut-il donner quand
même ce droit-là aux citoyens? C'est le principe même d'une
soupape essentielle, permettant aux citoyens de le faire, qui est important. Le
citoyen pouvant le faire, nécessairement, cela va certainement donner
beaucoup plus de sagesse à ceux qui pourraient y contrevenir par des
actes illégaux. Je pense que le citoyen devient, à ce
moment-là, un gardien et c'est essentiel qu'on donne, derrière un
droit fondamental, la possibilité d'avoir un recours à cela.
Maintenant, j'aurais quand même une question à poser
à l'organisme qui est devant nous. Je pense que votre entreprise est
implantée à Détroit, si je ne me trompe pas. Vous avez
quand même une entreprise à Détroit?
Une voix: Oui, M. le ministre. (17 h 15)
M. Léger: Oui. Est-ce que, là-bas, vous avez eu des
problèmes avec la loi du Michigan qui est exactement la même que
la nôtre et qui donnait les mêmes droits aux citoyens et au
gouvernement pour s'assurer que les entreprises à l'intérieur du
Michigan respectent ces normes-là? Est-ce que vous avez eu des
problèmes avec cette même loi au Michigan?
M. Décarie: Personnellement, je ne suis pas au courant, M.
le ministre; peut-être que Me Comtois...
M. Comtois: En ce qui a trait à la situation de nos autres
usines aux États-Unis et actuellement en Ontario, nous n'avons pas de
problèmes majeurs, sauf que cela pose des problèmes au niveau des
délais. Plusieurs de nos entreprises étant ins-
tallées depuis fort longtemps, les aménagements
appropriés avaient déjà été accomplis
à l'époque et, dans ce sens, on n'a pas de problèmes
majeurs immédiats. En ce qui a trait, par exemple, à la province
de l'Ontario, nous avons les mêmes craintes que des délais majeurs
puissent être entraînés par des études d'impact et
c'est dans ce sens-là qu'on fait nos représentations aujourd'hui
même.
Naturellement, comme vous l'avez mentionné, la
réglementation n'étant pas là, il nous est très
difficile d'en juger, de prime abord, l'étendue. Les remarques de M. le
ministre au sujet de ses intentions ou de la portée des études
d'impact, naturellement, nous en prenons bonne note et nous en sommes fort
heureux.
M. Léger: Donc, le fait que votre type d'usine ne serait
pas inclus à l'intérieur du règlement qui demanderait que
le type d'étude d'impact soit plutôt axé vers d'autres
types que la vôtre, cela vous rassure de ce côté?
M. Comtois: Cela nous rassure... C'est l'étendue de
l'étude d'impact. Le fait qu'on ait ou pas à soumettre une
étude d'impact demeure quand même un fait mineur. S'il est besoin,
pour l'implantation d'une usine, d'évaluer les conséquences que
cela peut avoir sur l'environnement, je crois qu'il est de bon droit, en effet,
de procéder à une certaine étude. L'étendue de
cette étude est tout à fait essentielle et vitale.
M. Léger: Vous êtes sans doute au courant que votre
entreprise a rencontré les hauts fonctionnaires de mon ministère
et que les exigences, qui n'étaient pas les études d'impact comme
telles, mais des études sommaires sur les conséquences
environnementales, votre compagnie les avait trouvées très
satisfaisantes. Donc, de ce côté, puisqu'il n'y aura pas de
grosses études d'impact, cela ne crée pas pour vous un obstacle
supplémentaire.
M. Comtois: Comme j'en ai fait la remarque au point de
départ, nos commentaires sur les amendements proposés n'ont pas
trait à nos intentions éventuelles d'investissement au
Québec pour le moment: c'est dans un aspect plus général
de commentaires sur la législation qui est introduite au
Québec.
M. Léger: Vous êtes quand même au courant que
votre entreprise à Détroit, au Michigan, a vécu depuis
1970 avec une loi qui permettait un recours en injonction, sans être
limitée par des règlements, donc, aucune limite. Cela me ferait
peut-être plaisir de vous citer ce que le gouverneur de l'État du
Michigan a dit concernant justement les implications de cette loi qui existe
depuis 1970 et je cite: "II n'y a eu aucune preuve que la loi de protection de
l'environnement du Michigan ait entraîné la perte d'emplois au
Michigan et jamais un établissement industriel n'a été
forcé de fermer ou de déménager du Michigan suite à
une poursuite intentée en vertu de cette loi." Et plus loin, le
gouverneur Milliken de cet État industriel, de 8 millions d'habitants,
affirmait ceci il y a un an et demi: "Je dois vous avouer
catégoriquement que je ne tolérerai aucune tentative d'abroger
notre loi de protection de l'environnement ou d'en compromettre les objectifs
fondamentaux, parce que l'abrogation de cette loi constituerait, en effet, un
recul en arrière dans la grande noirceur de l'irresponsabilité
face à l'environnement. Notre loi de protection de l'environnement,
comme le répète M. Milliken, gouverneur de l'État du
Michigan, n'était pas une loi adoptée, comme certains auraient pu
le penser au début, en réponse à une hystérie
environnementale. Cette loi représente, en effet, une charte des droits
de l'environnement pour les citoyens du Michigan. Lorsqu'elle a
été adoptée, elle devint aussitôt le point de mire
de la nation américaine, puisqu'en soi elle ravivait le feu même
de la liberté en donnant à nos citoyens le droit de contester
eux-mêmes devant les tribunaux toutes les formes de pollution de
l'environnement".
Il terminait sur la phrase suivante: "La loi de protection de
l'environnement est un cadeau précieux que cette
génération a donné aux générations
futures."
C'est donc dire que cette loi-là semble bien
appréciée dans la région. Vous avez une grosse entreprise
là-bas et, du fait que cela ne vous a pas nui, comme notre loi s'en
vient de ce côté-là, je voudrais vous assurer que vous
allez avoir un territoire qui va être bien accueillant pour une
entreprise comme la vôtre.
M. Comtois: Merci, M. le ministre.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, j'ai rencontré le
gouverneur Milliken au moins trois fois; il a toujours bien caché le
fait qu'il parlait si bien le français.
J'ai une seule question, M. le Président. Elle se situe sur le
plan légal, juridique. Comment les autorités de la compagnie
voient-elles la responsabilité de General Motors dans le cas où
un citoyen intenterait une poursuite contre un autre citoyen alléguant
que la voiture de ce dernier était une source de pollution? Je
m'explique. La compagnie fabrique la voiture, l'envoie de son usine vers un
lieu où elle est mise en vente. Quelqu'un l'achète. Il y a une
responsabilité qui incombe à l'acheteur quant à
l'entretien de la voiture, mais il y a aussi des cas où des actions ont
été entreprises contre des compagnies fabricantes de voitures
avec l'accusation que cette fabrication était entachée de
certaines imperfections.
Le fait qu'une telle loi, si adoptée, pourrait permettre à
un citoyen d'intenter une poursuite contre un autre parce que la voiture de ce
dernier semblait être une source de pollution, est-ce que cette
éventuelle situation pourrait créer pour la compagnie un
problème majeur? Est-ce une chose que craint la compagnie?
Mme Mandeville (Marie): M. le député, je me permets
de répondre à cette question. Je pense qu'il y a peut-être
deux points à regarder. Premièrement, si jamais l'appareil
antipollution sur la voiture s'avérait défectueux, je pense que,
d'après notre droit on pourrait tout simplement procéder
en mettant en cause la compagnie, ce qui se fait normalement dans le moment.
Deuxièmement, si jamais la personne poursuit tout simplement parce
qu'elle allègue qu'il y a pollution dans l'atmosphère, à
ce moment, on pourra tout de suite se référer aux
règlements qui vont sortir, et si on est conforme avec les
règlements, je ne vois pas comment il pourrait y avoir un
problème.
M. Goldbloom: Je parle sur le plan hypothétique
évidemment. Mais je me pose des questions. Une voiture est
fabriquée munie d'un convertisseur catalytique, disons, et l'entretien
de ce convertisseur catalytique exige que l'essence sans plomb soit
utilisée. Il me semble que l'on pourrait avoir un joli problème,
à savoir établir une preuve si le convertisseur était de
qualité défectueuse à la sortie de l'usine ou si le
propriétaire avait effectivement utilisé quelquefois de l'essence
contenant du plomb. Quand nous avons un tel projet de loi j'exprime un
commentaire un peu général, M. le Président il me
semble que nous ne devons pas avoir toujours à l'esprit la grosse usine
qui peut polluer énormément. Il y a aussi les petits
problèmes quotidiens qui peuvent se présenter et qui peuvent
créer des difficultés quant à l'administration de la
justice. C'est dans ce sens que je pose cette question.
Mme Mandeville: Je pense que nous serons prêts à
aller témoigner comme experts si jamais cela devait se présenter
sur le point de vue strictement légal.
M. Goldbloom: Vous ne m'étonnez point.
Mme Mandeville: Cela me fait plaisir. D'ailleurs, au point de vue
ingénierie, je pense que vous pourriez répondre.
M. Décarie: Si tel était le cas, il serait assez
facile en laboratoire d'analyser le catalyseur et de déterminer si le
propriétaire avait utilisé de l'essence qui contenait du
plomb.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président. Tantôt, la
question que le ministre vous a posée était à savoir si
vous aviez rencontré les hauts fonctionnaires de son ministère.
Cela explique certainement la différence entre le mémoire que la
commission nous a remis et ce que vous nous avez présenté
aujourd'hui. Vous aviez certainement beaucoup plus de restrictions dans le
mémoire que nous avons actuellement en main que dans le mémoire
que vous avez présenté à cette commission. Peut-être
avez-vous voulu en faire un résu- mé. J'avais l'impression que
les autorités du ministère avaient répondu à vos
objections.
J'ai une question à poser concernant les exigences actuelles
relatives aux appareils de contrôle d'émission des
véhicules vendus au Québec, qui devaient être
augmentées. Est-ce que, lors de votre rencontre avec les
autorités supérieures du ministère, on vous a
assurés que les exigences ne seraient pas augmentées, ou, sinon,
seraient comparables aux exigences des provinces nous environnant ou aux
exigences des États-Unis?
M. Comtois: J'aimerais d'abord préciser quelques points,
M. le député, M. le Président. Il n'y a pas eu, depuis la
soumission de notre mémoire à la commission parlementaire, de
rencontres avec les autorités compétentes et notre
présentation de ce jour n'est pas tellement différente. Nous
précisons que c'était notre intention première, que
c'était relié aux amendements proposés à la
législation et que ce n'était pas relié
spécifiquement à des projets d'investissements au Québec.
Notre perspective était là.
En ce qui a trait maintenant aux questions si oui ou non le gouvernement
a l'intention de modifier, de faire des normes plus sévères que
celles qui existent actuellement au Canada ou aux États-Unis sur
rémission de polluant par les véhicules, à ce
moment-là, la question devrait être adressée au
gouvernement. Nous nous la posons également.
Est-ce que cela va entraîner un coût additionnel? Un
État américain en particulier l'a fait et cela a
entraîné un coût additionnel pour les consommateurs. La
raison fondamentale de l'État de la Californie d'avoir
procédé, c'était probablement que son environnement
requérait ce genre de mesures draconiennes. J'espère que je
réponds à votre question.
Le Président (M. Laplante): D'autres questions, M. le
député de Saint-Hyacinthe?
M. Cordeau: J'aimerais que le ministre puisse expliciter sa
pensée concernant ces exigences futures.
M. Léger: Je peux quand même faire une nuance, avant
de répondre à votre question, concernant une affirmation que vous
avez faite au début. Vous avez peut-être mal
interprété ce que je disais tantôt. Je n'ai pas dit que
j'avais rencontré ou que mon ministère avait rencontré les
gens de la compagnie General Motors dernièrement. Si vous avez lu les
journaux hier ou avant-hier, on mentionnait que la compagnie avait
déjà rencontré mon ministère en date des mois de
février et mars 1978. C'est à ce moment-là qu'ils avaient
obtenu l'assurance concernant les études d'impact, de même que
d'autres aspects des exigences environnementales. Cela fait donc
déjà un certain temps et nous ne les avons pas rencontrés
depuis ce temps.
Concernant la question du véhicule neuf et des appareils
antipollution qui sont installés lors de la fabrication d'automobiles,
c'est une exigen-
ce fédérale qui oblige le fabricant à doter une
voiture d'un appareil antipollution. Le problème que nous avons au
niveau provincial c'est le fait que très souvent des citoyens,
d'eux-mêmes, décident d'enlever l'appareil de leur voiture ou que
des vendeurs, simplement, l'enlèvent. À ce moment-là, on
voulait tout simplement s'assurer que, du fait qu'un citoyen paie pour une
voiture avec un appareil antipollution, il se doit, par la suite, de le
conserver. Pour éviter qu'il ne l'enlève, nous faisons, par un
règlement provincial et par cette loi, aux articles 50 et 51,
l'obligation, autant à celui qui vend la voiture qu'à celui qui
possède une voiture, de continuer à garder cet appareil, mais de
la façon dont c'est formulé, c'est nécessairement
basé sur les normes d'émanation de pollution possible par la
voiture. Cela va être par un règlement. Je puis vous assurer que
le règlement provincial va être en conformité avec le
règlement fédéral, même si nous trouvons que le
gouvernement fédéral lui-même aurait dû mettre des
normes aussi sévères au Canada que celles qui existent aux
États-Unis. Si le gouvernement fédéral décide de ne
pas le faire, je ne suis pas, au niveau du gouvernement du Québec, pour
pénaliser l'État du Québec avec des mesures plus
sévères que pour le reste du Canada et ainsi défavoriser
le Québec concernant ce domaine-là. (17 h 30)
Un autre point, je pense, qui est bien important je n'ai pas
répondu tantôt à une préoccupation des personnes qui
nous rencontrent c'est la procédure d'appel contre une
décision du Conseil des ministres concernant un certificat faisant suite
au processus d'une demande de certification pour faire l'implantation d'une
entreprise ou un projet de développement quelconque.
Nécessairement, on a dit que le ministre de l'environnement
voulait, par cette procédure, obtenir tous les renseignements concernant
les implications de n'importe quelle entreprise sur les conséquences
environnementales de ce développement qu'elle veut faire, avec une
audience publique pour que les citoyens donnent leur point de vue, et, à
la suite de cela, le ministre de l'environnement va soumettre au Conseil des
ministres le point de vue environnemental, mais c'est l'ensemble du Conseil des
ministres qui va faire l'arbitrage entre les autres préoccupations
sociales du Québec, en plus de celles de l'environnement, pour donner le
certificat.
C'est donc dire qu'une procédure d'appel contre le Conseil des
ministres, il y en a toujours une à tous les quatre ans, c'est celle
d'une élection, mais je ne pense pas qu'il soit possible d'avoir
auprès d'un Conseil des ministres une procédure d'appel sur le
plan légal.
Comme je vous assure, c'est simplement l'ensemble du Conseil des
ministres qui prend la décision finale sur un certificat provenant de
l'étude d'impact dans les gros projets et non pas dans les projets qui
n'amènent pas autant de contribution dans le domaine de la pollution
qu'une entreprise comme la vôtre.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Beauharnois...
M. Lavigne: M. le Président, il me fait
particulièrement plaisir, lors de cette commission parlementaire,
d'avoir la chance de rencontrer les représentants de la compagnie GM.
Même si ces représentants viennent de nous dire qu'ils ne sont pas
ici pour nous parler de futurs investissements au Québec, il n'en reste
pas moins que je suis très sensible et très attentif quand
même à tous les mouvements que la compagnie GM peut faire dans ce
sens-là, parce qu'il semblerait que le comté de Beauharnois, si
toutefois il y avait investissement, serait peut-être un comté
choyé dans ce sens-là.
Moi aussi j'ai lu, bien sûr, avec toute l'attention que je devais
y apporter, votre document, et j'ai été à première
vue heureusement surpris. Je pensais que vous étiez pour nous en
demander plus. Quand on le regarde finalement attentivement, vos
inquiétudes peuvent être, à mon avis, estompées
assez rapidement, dans le sens que pour les études d'impact, comme le
ministre vous l'a dit tout à l'heure, je pense que le projet de loi 69
ne vous encombrera pas tellement dans le sens que le type d'industrie que vous
seriez susceptible d'installer, soit ici ou ailleurs, ne serait pas
touché par le projet de loi 69, dans le sens que ce n'est pas un type
d'industrie qui pollue.
Dieu merci, je suis sensible aussi à cela, parce que vous
êtes sans doute au courant que le comté de Beauharnois est un
comté très industrialisé. On a chez nous des industries
qui polluent beaucoup, et je pense que l'harmonie qui doit exister entre les
usines, les municipalités et tous ceux qui ont à vivre dans une
région ou dans un pays, tout cela doit être fait
harmonieusement.
Je vous invite chaleureusement à venir vous installer. Je suis
sûr qu'on pourra faire cela harmonieusement et je vous
répète encore une fois que les études d'impact, je pense
que dans votre cas ce n'est pas un problème. Je terminerais mon
intervention dans le sens suivant. Est-ce que vous pouvez me donner la
différence de temps qui existe entre une étude d'impact en
Ontario, car vous êtes déjà implantés en Ontario, et
des études d'impact aux États-Unis? Y a-t-il un écart
considérable entre les deux?
M. Comtois: II est très difficile de répondre
à cette question-là de façon à donner une
expression de jour, de date ou d'année. En Ontario, c'est encore une loi
assez nouvelle et les projets varient énormément; alors on ne
peut pas comparer les projets et donner des années ou des chiffres
spécifiques là-dessus.
Le Président (M. Laplante): Monsieur, vous avez une
question complémentaire?
M. Décarie: Je voudrais ajouter une vérification
faite avec l'ingénieur qui est responsable de l'environnement en
Ontario, qui nous a dit que
jusqu'à maintenant, il y a une loi existante mais qu'on n'a eu
aucune étude à faire. Absolument pas, cela n'a pas
été appliqué.
Le Président (M. Laplante): M. le député
D'Arcy McGee...
M. Goldbloom: M. le Président, j'ai la tentation de vous
demander s'il y a un article de notre règlement qui porte sur la
propagande de comté. J'allais aussi remercier le ministre d'avoir
déclaré qu'il ne voulait pas que l'État du Québec
soit davantage pénalisé, nous sommes déjà assez
pénalisés avec le gouvernement que nous avons.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe?
M. Cordeau: ... je n'ai plus de questions.
Le Président (M. Laplante): Vous n'avez plus de
questions.
M. Cordeau: Non.
Le Président (M. Laplante): Vu qu'il n'y a plus d'autres
questions, ça termine... Vous aviez un mot à ajouter avant, M. le
ministre?
M. Léger: Oui, je voudrais quand même qu'on clarifie
un point bien important. Je pense bien que tout le monde est au courant que la
compagnie General Motors, vit très bien au Michigan, et que c'est quand
même l'État où sont les plus grosses usines de la compagnie
General Motors. C'est pourtant là où l'on trouve le recours en
injonction le plus large au monde pour les citoyens, en matière
d'environnement. C'est donc dire que ce ne sera certainement pas
l'environnement qui pourrait être un obstacle à n'importe quelle
implantation d'une usine de votre entreprise au Québec.
Le Président (M. Laplante): Sur ce...
M. Cordeau: M. le Président, j'ai une très petite
question, est-ce que je peux la poser? Est-ce que je peux revenir sur ma
décision?
Le Président (M. Laplante): Oui, on va vous permettre, M.
le député.
M. Cordeau: Tantôt, vous avez mentionné que vous
étiez à faire des études d'impact en Ontario. Est-ce que
vous êtes actuellement à en faire au Québec?
M. Comtois: Je me suis peut-être mal exprimé. En
Ontario, il y a de nouvelles législations qui sont également
là et on a des usines qui y fonctionnent. Il n'y a rien... Cela affecte
nos usines actuelles.
Le Président (M. Laplante): Sur ce, merci, Mme
Charbonneau, M. Décarie, Mme Mandeville et M. Comtois. Merci de votre...
Pardon?
M. Décarie: J'aurais eu peut-être une petite
précision à faire...
Le Président (M. Laplante): Allez-y donc, M.
Décarie!
M. Décarie: ... au ministre Léger, relativement
à l'importance de l'État du Michigan. Sur environ 165 usines
existantes en Amérique du Nord, il n'y en a qu'environ une trentaine
dans le Michigan, donc, c'est réparti.
M. Léger: Ce sont quand même de grosses usines que
vous avez là. La ville de l'automobile, ce n'est pas pour rien qu'on
appelle ainsi Détroit.
Le Président (M. Laplante): Je vous remercie. Maintenant,
j'appelle l'Association des manufacturiers canadiens.
M. Léger: Je peux vous dire qu'on est prêt à
en prendre 30 ici, au Québec, aussi.
M. Cordeau: Une dans le comté de Saint-Hyacinthe.
Association des manufacturiers canadiens
Le Président (M. Laplante): Pour les fins du journal des
Débats, si vous voulez identifier votre organisme et identifier les
personnes qui vous entourent? J'imagine que c'est M. Massé qui est le
représentant du groupe.
M. Massé (Maurice): Je vous présente M.
Hutten-Czapski...
Le Président (M. Laplante): Pardon?
M. Massé: M. Hutten-Czapski. Je vais l'épeler pour
le journal des Débats. C'est H-u-t-t-e-n-C-z-a-p-s-k-i. Cela va?
En passant, M. Hutten-Czapski est aussi président de notre
comité sur l'environnement de l'association, division du
Québec.
Ensuite, je vous présente M. Guy Hurtubise, qui est un permanent
de l'association à Montréal, et le colonel Berthiaume, qui est un
représentant de la section de la Mauricie de l'association.
M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la
commission, en présentant ce mémoire, la division du
Québec de l'Association des manufacturiers canadiens reconnaît
l'importance de la protection de l'environnement pour l'ensemble de la
population même si, comme ce peut être souvent le cas, une
législation à cet égard crée des contraintes
additionnelles pour l'entreprise privée. Cependant, nous croyons que les
mesures qu'on peut envisager pour protéger l'environnement ne peuvent
être considérées en les isolant de leurs
conséquences sociales et économiques. Il est évident qu'il
ne faudrait pas poursuivre un projet de mesures législatives concernant
l'environnement s'il comporte assez de conséquences sociales ou
économiques néfastes
pour que, somme toute, son application aille à l'encontre de
l'intérêt global du public.
Les commentaires que nous formulons au sujet de ce projet de loi visent
à assurer que la loi et les décisions en matière
d'environnement ne découlent pas de considérations uniquement
centrées sur les questions d'environnement. C'est plutôt
l'intérêt global de la population qui doit les inspirer.
L'environnement et l'économie jouent un rôle important dans la
qualité de la vie et on ne saurait considérer l'un sans
l'autre.
Ainsi, il faut veiller à ce que la composition du Bureau
d'audiences publiques sur l'environnement reflète les divers
intérêts en jeu. Il faudrait stipuler que le quorum de cet
organisme soit d'au moins trois membres.
Dans cette optique, nous soumettons les observations suivantes à
votre attention et nous essaierons de faire le point surtout sur une base de
synthèse de notre mémoire. Je demanderais encore à M.
Hutten-Czapski de faire sa présentation.
M. Hutten-Czapski: M. le Président, MM. les membres de la
commission, l'Association des manufacturiers canadiens est tout à fait
en accord avec les propositions de votre extension de la loi sur la
qualité de l'environnement. Nous pensons que cette proposition est une
extension logique de la loi et une modernisation en vue du développement
dans le monde. Il y a quelques principes que nous voulons discuter et il y a
quelques sujets particuliers que nous voulons vous faire connaître. En
accord avec les principes de cette loi, nous pensons que c'est
nécessaire qu'il y ait un règlement à savoir que ce soient
seulement les actions vraiment nécessaires qui soient poursuivies. Que
veut dire nécessaires? C'est de démontrer qu'il y a
nécessité pour faire quelque chose ou quand il y a une grande
probabilité de dommages. C'est seulement dans ces cas qu'il y a un
règlement à faire. Le règlement doit être fait
après une étude d'impact financier, social et
général. Cela veut dire qu'il faut qu'il y ait un
équilibre des avantages et des désavantages pour chaque
décision réglementaire. Il n'est pas possible de faire des
règlements pour chaque cas, chaque industrie.
Il faut aussi ajouter qu'il y a une possibilité de faire des
négociations temporaires avant que les standards ne soient émis.
Nous voudrions aussi faire le point sur le coût de ces études,
lesquelles sont un bien grand fardeau pour les industries pour faire le
meilleur choix de la solution technique. Ce sont les principes. Aussi, il y a
un grand point sur lequel nous voudrions attirer votre attention, c'est la
régionalisation des provinces. Il y a quelques endroits où la
pollution ne laisse de désavantage, ne laisse de dommage. Il y en a
d'autres dans lesquels il y a un grand dommage par une petite pollution. Pour
cette raison et pour les raisons économiques, il faut que dans les
régions où il n'y a pas de dommage, les règlements soient
plus faciles que dans les régions où il y a des dommages. Ce sont
les principes.
Pour les choses particulières, nous voudrions discuter des
possibilités d'injonction par une personne sans tenir compte des
conséquences sociales et économiques. C'est un point de grande
importance parce que, dans chaque société, il y a plusieurs
personnes qui voudraient être les ondes. Pour cette raison, il est peu
possible qu'il y ait un grand dommage social pour les actions par une personne
qui voudrait être un impact personnel. Nous pensons qu'il est mieux que
cette action puisse être faite par les municipalités. C'est pour
cela que les municipalités, groupant plusieurs personnes, sont mieux
placées pour faire une injonction. (17 h 45)
Nous pensons que les droits de cette injonction pourraient être
limités au cas où l'intérêt public global n'en
souffrirait pas. Nous recommandons donc une nouvelle rédaction de
l'article 19c comme suit: "La requête visée dans l'article 19b
peut être faite par le procureur général ou tout conseil
municipal, soit de leur propre initiative ou en réponse à une
plainte de toute personne physique domiciliée au Québec qui
fréquente un lieu à l'égard duquel une contravention est
alléguée ou le voisinage immédiat de ce lieu".
Dans l'autre point, nous voudrions que la composition du Bureau
d'audiences publiques sur l'environnement reflète les divers
intérêts en jeu. C'est pour cela qu'il doit être
composé de représentants, pas seulement de l'environnement, mais
aussi des industries, des commerces, de toutes les forces sociales qui sont en
jeu particulièrement à la situation.
Aussi, il faut ajouter une certaine souplesse dans l'utilisation de ce
mécanisme. On serait mal avisé de rechercher
l'universalité dans ce domaine très complexe à cause des
nombreuses variables que peuvent remporter les divers projets. Nous
recommandons donc ce qui suit: Les deuxième et troisième
alinéas de l'article 31c devraient être rédigés
à nouveau afin que le pouvoir discrétionnaire du ministre de
tenir ou de ne pas tenir une audience publique soit illimité.
De notre point, nous voudrions un service, que la protection des
caractères confidentiels, des procédés, des chimies, des
"trades", soit effectuée pour pouvoir être concurrents parce qu'il
y a des choses que la compagnie ne veut pas divulguer pour des raisons
financières.
Aussi, que la décision effective d'un projet soit prise par un
comité des ministres et non exclusivement par les ministres
délégués à l'environnement, pour faire un bon
équilibre des avantages sociaux, des avantages de l'environnement.
Un autre point que nous voudrions soulever, c'est que la loi
désignée ne prévoit pas le remboursement de la personne ou
de la municipalité que le gouvernement aura désignée pour
enlever les contaminants déversés.
Nous recommandons l'addition de deux alinéas à l'article
114a. Le premier devrait prévoir le rembousement immédiat, par le
gouvernement, de la personne ou de la municipalité ainsi
désignée.
Le second habiliterait le gouvernement à percevoir, de la
personne ou de la municipalité éventuellement trouvée
responsable dudit déversement, la somme dépensée afin de
rembourser ladite personne ou municipalité qui aura effectué ce
travail.
Cependant, plusieurs industries sont mieux équipées que le
gouvernement ne l'est actuellement pour nettoyer les déversements
nuisibles à l'environnement. L'article 115a devrait donc stipuler que le
ministre ne devrait pas prendre de mesures pour faire effectuer le nettoyage si
une telle action a déjà été entreprise de
façon satisfaisante par le responsable de l'incident.
Aussi, dans la clause 43, nous pensons que le fonctionnaire
habilité à saisir un produit lorsqu'il a raison de croire ",
c'est dangereux dans le cas des denrées périssables. Cela doit
être rédigé à nouveau.
Ce sont les points majeurs, les principes, les points majeurs
particuliers que nous voudrions soumettre à votre
considération.
En finissant, nous pensons que ce projet de loi est nécessaire et
doit être utilisé avec quelques améliorations mineures.
Le Président (M. Laplante): Merci, M. Hutten-Czapski. M.
le ministre...
M. Léger: M. le Président, je voulais d'abord
remercier l'organisme, l'Association des manufacturiers, de son mémoire
et de son implication dans ce dossier. Je voudrais quand même poser
quelques questions, émettre quelques petits commentaires.
Vous semblez mettre un peu en opposition une préoccupation
environnementale avec le fait qu'il y a d'autres intérêts publics
dont on doit tenir compte. Comment définissez-vous cette affirmation
où vous dites qu'il ne faut pas avoir uniquement un comportement qui
touche l'environnement? Vous dites, entre autres: "Les décisions en
matière d'environnement ne découlent pas de considérations
uniquement centrées sur les questions d'environnement". Que voulez-vous
dire par là? Puisqu'un projet de loi environnemental touche
l'environnement.
M. Hutten-Czapski: C'est un point de philosophie. À notre
avis, l'environnement, c'est tout ce qui est autour de nous. Ce n'est pas
seulement l'air pur, l'eau pure ou le bruit ou les radiations. C'est aussi
notre bien-être. Je peux vous donner un exemple. Dans le pays d'où
je suis venu, dans quelques régions de la Pologne, il y a une bonne
pollution de l'air. Chaque printemps, on enlève des trottoirs quelques
pouces de poussière, mais, dans cette région, la vie moyenne est
de quinze années plus longue pour les personnes dans le luxe que pour
celles qui n'ont rien à manger. C'est un point. Il y a une balance. Nous
pouvons obtenir l'air pur, mais il faut payer pour cela. De temps en temps, il
faut payer par la vie. C'est pour cela que nous pensons que l'environnement,
c'est un complexe dans lequel il y a des choix à faire, les choix les
plus logiques, les plus acceptables de la population.
Si vous demandez à la population de Silésie si elle veut
obtenir un air pur pour le coût de diminuer la vie de quinze ans, la
réponse est bien connue.
M. Léger: Mais, quand vous parlez des coûts
économiques possibles pour une dépense environnementale, vous
avez quand même à tenir compte du coût social que la
collectivité devra payer si l'entreprise qui veut intervenir n'a pas
cette préoccupation et s'il n'y a pas une loi qui l'oblige à
tenir compte, dans le produit fini qu'elle a à vendre ou à donner
ou à distribuer, du coût social causé par elle et non pas
que la population ait à payer à même ses taxes le
coût de la dépollution par la suite. Je pourrais peut-être
vous renseigner sur un aspect qui m'a bien intéressé aux
États-Unis où on s'aperçoit de plus en plus que les
avantages économiques d'une politique environnementale amènent
des dépenses qui se transforment en emplois. Dans une étude qui a
été faite aux États-Unis, on a même calculé
que le taux de chômage, en 1976, était de 0,4% plus bas
grâce à des programmes environnementaux qui avaient
embauché 400 000 personnes aux États-Unis. Donc, une
préoccupation environnementale peut apporter beaucoup d'emplois,
diminuer de beaucoup le coût social que la collectivité devrait
payer pour que ce coût soit payé par celui qui, en retirant un
profit plus tard pour son entreprise, a inclus dans le coût de sa
production le coût de la protection de l'environnement qui devait
être le sien.
M. Hutten-Czapski: M. le ministre, je suis tout à fait
d'accord sur le principe du nettoyage de l'atmosphère et du nettoyage de
l'eau. Mais il faut obtenir un bon équilibre. Les petits points font une
grande différence. Je vais vous donner un exemple. Je travaille sur le
problème de l'environnement dans le domaine de l'aciérie. Il y a
un système de nettoyage. Vous dépensez $7 millions et vous
obtenez une efficacité de 90%. Si vous voulez obtenir une
efficacité de 97%, vous devrez ajouter encore $15 millions. Et
après, lorsque vous ajoutez $15 millions, vous obtenez une situation
dans laquelle, pour tourner les moteurs des ventilateurs, vous devrez utiliser
l'énergie électrique. Cette énergie électrique, si
elle est faite dans une usine qui brûle le charbon, doit polluer plus que
vous gagnez ici.
C'est un point qui vous montre qu'il y a une petite balance; un point de
demandes fait une grande différence. C'est pour cela que nous pensons
qu'il faut, dans chaque règlement, une profonde étude pour
obtenir la meilleure efficacité sociale de chaque règlement.
M. Léger: J'espère que ma réponse va vous
satisfaire. L'équilibre entre la préoccupation environnementale
et les autres considérations économiques,
énergétiques, comme vous avez mentionné tantôt, va
se faire au niveau du Conseil des ministres, qui regroupe les ministres
concernés
par toutes les préoccupations d'un État, aussi bien
économiques qu'énergétiques ou autres.
Donc, l'aspect environnemental va être apporté par la
proposition du ministre de l'environnement au Conseil des ministres et les
autres préoccupations vont être retenues par les ministres qui ont
une vocation économique. Sur ce même aspect, vous mentionnez, dans
votre rapport, la composition du bureau d'audiences publiques, où vous
dites qu'il devrait y avoir des représentants du domaine
économique.
Il faut quand même réaliser que l'objectif de la
création du Bureau d'audiences est d'avoir un organisme qui va
être à l'écoute des citoyens, aussi bien le promoteur ou
l'entreprise que les citoyens qui vont être entendus lors de l'audience
publique. Ainsi, l'arbitrage se fera parce qu'il y aura des spécialistes
de l'écoute des citoyens et des entreprises, qui sont des
fonctionnaires, et dont la tâche précise est justement d'aller
voir les avantages et les désavantages, écouter les citoyens qui
vont s'exprimer, comme l'entreprise qui va amener des arguments que vous avez
donnés tantôt, d'où l'importance d'un Bureau d'audiences,
de spécialistes à temps plein qui seront continuellement
disponibles pour toutes les études qui seront nécessaires.
Je terminerais en vous disant quand même que vous voulez donner au
ministre une sorte de pouvoir discrétionnaire de refuser ou d'accepter
les études ou les audiences qui sont demandées. Moi je pense
qu'on a mis l'accent sur l'aspect frivole d'une demande où le ministre
peut la rejeter, mais il faut tenir compte que, comme les demandes d'audiences
publiques vont être faites surtout parce qu'elles proviennent du secteur
public, il faut donc les soumettre à des règles bien claires et
définies, qui ne soient pas à la discrétion du ministre,
mais que les gens sachent fort bien qu'ils peuvent le faire ou non,
dépendant des normes qui sont clairement définies. Sinon, le
gouvernement deviendrait juge et partie à ce moment-là et on ne
pourrait pas entendre les préoccupations de gens qui vont subir cette
déformation de leur milieu environnemental, d'où l'importance que
le ministre n'ait pas ce pouvoir discrétionnaire. C'est la raison pour
laquelle on a préféré mettre des normes claires et
précises pour que tout le monde soit entendu.
Vous avez un dernier aspect, c'est la question de la
confidentialité des rapports que les... Pardon?
M. Hutten-Czapski: ...
M. Léger: Des procédés vous voulez dire?
M. Hutten-Czapski: ... et aussi donnent des marchandises.
M. Léger: Là-dessus, c'est entendu qu'on n'est pas
pour fournir des données publiques très très
confidentielles, concernant un procédé particulier à une
entreprise. On ne peut pas laisser la liberté à l'entreprise
elle-même de dire des rensei- gnements qui seraient requis pour que la
population sache les conséquences environnementales. C'est l'entreprise
qui décidera si elle les donne ou pas.
M. Hutten-Czapski: M. le ministre, ce sont mes
interprétations. Je pense que les renseignements doivent être
donnés par l'entreprise, mais ils doivent être tenus
confidentiels. Ils ne doivent pas être divulgués sans approbation.
(18 heures)
Le Président (M. Laplante): Messieurs, il est 6 heures;
est-ce que votre groupe serait prêt à revenir ce soir à 8
heures pour continuer?
M. Massé: Je ne crois pas qu'on ait grand-chose, à
moins que les autres membres de la commission aient des questions à
poser, sauf peut-être une remarque à faire, et je m'adresse en
partie au député de Beauharnois et en partie au ministre.
Tout à l'heure, M. le député de Beauharnois disait
qu'il y avait beaucoup de pollueurs dans son comté, mais...
Le Président (M. Laplante): Écoutez un peu, c'est
parce qu'on est pris avec le règlement ici.
M. Massé: Très bien.
Le Président (M. Laplante): Cela prend un accord unanime
des membres de la commission. Le ministre m'a informé qu'il a un
rendez-vous à 18 heures piles. Est-ce que, si le ministre s'en va, vous
êtes prêts à continuer cinq minutes pour libérer le
groupe?
M. Léger: Si ce n'est que pour cinq minutes, je n'ai pas
d'objection. Ce n'est pas moi qui dois partir, c'est la salle qui doit
être disponible pour...
Le Président (M. Laplante): Bon! D'accord! Cinq
minutes.
M. Massé: Je peux continuer ma remarque?
Le Président (M. Laplante): Oui, très courte, s'il
vous plaît, monsieur.
M. Massé: Très courte. Tout à l'heure, le
député de Beauharnois disait qu'il y avait beaucoup de pollueurs,
sauf que dans l'entreprise privée, parfois, il y en a qui posent des
gestes sans avoir de pression gouvernementale. Si je me souviens bien, à
grands coups de frais, il y a eu $9 millions pour enlever une cheminée
qui envoyait des émanations, par contre...
Le Président (M. Laplante): Je vous demanderais, monsieur,
d'aller aux questions.
M. Massé: Oui.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee, vous avez une courte question aussi?
M. Goldbloom: Oui, très brièvement, M. le
Président. Je suis heureux que le ministre ait abordé la question
du caractère confidentiel de certains renseignements, parce que,
même s'il y a, dans l'opinion publique, un certain désir de tout
connaître, il me semble que nous avons un régime qui existe depuis
très longtemps quant au caractère confidentiel de certaines
données, de certains procédés dans le domaine industriel
et que nous ne pouvons chambarder tout ce régime existant sans en
examiner, en grand détail, les conséquences.
L'autre chose sur laquelle j'avais l'intention de poser une question a
trait aux remarques que vous faites sur les articles 120a et 120d qui
concernent la saisie de produits soupçonnés d'être la cause
d'une contamination possible. Si je comprends bien, ce que vous proposez est
surtout une rédaction plus précise. Comme dans le cas de
l'article 120a, au lieu de parler d'un produit, vous aimeriez que la loi parle
de l'échantillon d'un produit, pour que ce soit clair. Alors, je n'ai
pas besoin de poser d'autres questions.
M. Massé: Oui, c'était exactement ça.
Le Président (M. Laplante): Le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: Merci, M. le Président.
À la page 4 de votre mémoire, concernant la clause 9,
l'évaluation des impacts sur l'environnement de certains projets, vous
avez écrit: "Toutefois, afin d'éviter les pièges auxquels
a donné lieu une législation analogue ailleurs, on devrait tenir
compte de ce qui suit:..." Pourriez-vous nous indiquer de quelle loi il s'agit
et à quel endroit? L'avant-dernier paragraphe, à la fin du
paragraphe.
M. Hutten-Czapski: Je dois lire la loi premièrement. Je ne
peux pas vous donner la réponse tout de suite, je vais vous
répondre ensuite. D'accord?
M. Cordeau: D'accord.
Le Président (M. Laplante): D'accord. M. le
député de Beauharnois.
M. Lavigne: Si vous me le permettez, M. le Président, je
ne voudrais pas me substituer à vous, mais je laisserais la parole
à M. l'intervenant qui voulait me parler tout à l'heure de mon
comté. Il n'y a rien que j'aime mieux que cela.
Le Président (M. Laplante): Vous avez trente secondes,
monsieur.
M. Massé: Trente secondes. Je vous ai expliqué tout
à l'heure que vous faisiez état du fait que l'entreprise
privée dans votre comté n'avait peut-être pas prévu
des dépenses assez substantielles pour enrayer la pollution. Par contre,
il y a une entreprise dans votre comté qui a fait cela, qui a fait
disparaître une des cheminées à un coût de $9
millions, et à la fin, sans peu de retour financier. Si je me souviens
bien, M. le ministre, à l'inauguration de ce système de
dépollution, avait certainement encouragé l'entreprise
privée à y aller peut-être avant qu'il n'y ait une loi.
C'était simplement pour faire une petite correction à ce que vous
disiez.
M. Lavigne: M. le Président, vous me permettez de passer
quelques réflexions sur ce que monsieur vient de souligner.
Effectivement, je sais à quelle usine ou compagnie vous faites allusion.
Il s'agit de la compagnie Chromasco, cela me fait plaisir de la mentionner ici
qui est vraiment attentive à l'environnement et qui a
donné un effort financier, comme vous le dites, de $9 millions pour
remplacer une cheminée qui polluait d'une façon
épouvantable la région de Beauharnois par un système
antipollution qui aujourd'hui récupère trente tonnes de
poussière par jour. J'en suis fier et je souhaite que, dans le plus
court laps de temps possible, les autres compagnies du comté de
Beauharnois et de tout le Québec, et même du monde entier, pensent
de la même façon et arrivent à substituer à leur
pollution des systèmes antipolluants.
Le Président (M. Laplante): Sur ce...
M. Goldbloom: M. le Président, il faudra que vous me
permettiez de partager la satisfaction du député de Beauharnois,
parce que je suis celui qui a lancé le processus qui a mené
à la dépollution de cette usine.
Le Président (M. Laplante): II me reste à remercier
M. Hutten-Czapski, M. Hurtubise, M. Berthiaume et M. Massé. Je m'excuse
de pousser un petit peu.
Sur ce, les travaux sont ajournés à huit heures, mais on
change de salle à huit heures. On sera à la salle 81-A en bas,
à la droite de la porte du sauvage.
(Suspension de la séance à 18 h 8)
(Reprise de la séance à 20 h 12)
Le Président (M. Laplante): À l'ordre, s'il vous
plaît!
On ne peut pas inscrire les rires dans le journal des Débats.
Reprise des travaux de la commission de la protection de l'environnement
pour la réception des mémoires sur le projet de loi 69.
J'appelle maintenant le groupe Fer et titane. Bonjour, messieurs. Si
vous voulez identifier votre organisme et les personnes qui vous accompagnent,
s'il vous plaît.
Fer et titane du Québec
M. Duchesneau: M. le Président, mon nom est Jules
Duchesneau, avocat à Montréal. Je suis
associé au bureau de Courtois et Associés et je
représente ici Fer et titane du Québec. Je suis
accompagné, ayant l'honneur de les représenter aujourd'hui devant
votre commission, de M. Richard Geren, ingénieur préposé
à l'environnement chez Fer et titane, ainsi que de son adjoint, M.
Roland Courtemanche, ingénieur des projets affectant l'environnement
chez Fer et titane.
M. le Président, M. le ministre, messieurs les
députés, nous avons déjà produit un mémoire
dont vous avez sans doute pris connaissance. Vous allez sans doute le lire
attentivement et prendre bonne note des remarques qui y sont contenues; je
voudrais que vous sachiez qu'elles ont été portées,
pensées et couchées de façon constructive et
j'espère que vous saurez les apprécier dans ce
sens-là.
Par contre, je serais malvenu, M. le Président, de vous lire tout
simplement le mémoire; cela serait trop facile. Ce que je voudrais bien
faire, c'est vous présenter mes remarques sur trois volets; le premier
volet, les délais indus, croyons-nous, qui résulteraient de
l'application de certaines dispositions de la loi; deuxième volet, les
injonctions et, enfin, une question, si cela nous est permis après les
remarques de cet après-midi, traitant d'un aspect un peu cocasse et
particulier des engagements préalables à un certificat
d'autorisation. Nous y arriverons tout à l'heure.
D'abord, qui est Fer et titane? Ma cliente exploite une mine
d'ilménite à Tio, c'est près de Havre-Saint-Pierre; elle
embauche là-bas environ 350 employés. Une fois le minerai
extrait, il est expédié par bateau à Tracy, près de
Sorel, que tout le monde connaît, et là, à son usine, elle
transforme ceci en fonte, en scories et en poudre de métal. Ceci, depuis
1949, M. le Président. Alors, on sait tous que, vers les années
1949/50/51 et après, il n'y avait aucune législation qui existait
traitant de l'environnement et de la pollution. Alors, on ne peut pas
blâmer ma cliente si, dans le passé, elle aurait pu polluer. Elle
le reconnaît. D'ailleurs, elle le reconnaît tellement que depuis
1972, avec les pressions et surtout les bons offices du Service de protection
de l'environnement, compte tenu des compétences que nous reconnaissons
à ce service à tous les points de vue, au point de vue
ingénierie et au point de vue compétence légale
d'ailleurs, nous connaissons bien les gens de ce service nous avons
réussi, par le passé, à pouvoir mutuellement tirer profit
de nos discussions à un point tel, M. le Président, que depuis
les derniers six ans, depuis que les lois ont été
adoptées, même avant l'adoption des règlements que vous
allez sous peu nous révéler, ma cliente a dépensé,
pour remédier à la situation qui était incontrôlable
quant à elle, tout près de $20 millions.
Ce ne sont pas des sommes sans importance. Je peux vous dire que lorsque
nous nous présentons devant vous aujourd'hui, vu qu'on parle pollution,
c'est avec des mains très nettes. D'ailleurs, on parlera de mains nettes
en parlant d'injonction. Ceci étant dit, notre première remarque,
avons-nous dit, traiterait des délais indus pouvant résul- ter
des dispositions dont traite le projet de loi. Sans entrer dans les
détails, il y a deux aspects particuliers. D'abord, la création
d'un bureau des audiences publiques avec, M. le Président, tout ce qui
pourrait en découler. Je peux facilement concevoir que lors d'un projet
d'une certaine envergure et lorsque le bureau siégerait sur l'avis du
ministre, à ce moment, on peut entrevoir toutes sortes d'organismes plus
ou moins intéressés, M. le Président, qui formuleraient
des interventions, et de cette façon, les débats
traîneraient éternellement.
Cela épuiserait un temps incalculable, et à quel profit?
Nous avons déjà, M. le Président, le Service de protection
de l'environnement qui existe. Ce service fonctionne et c'est pour cela que
j'ai mentionné tout à l'heure, que nous avons fonctionné
très bien, Fer et Titane, avec le service, par le passé, pour
établir des normes, établir des façons de procéder,
remédier à des situations qui s'avéraient
intolérables. Ce que nous voulons tout simplement dire, c'est que les
mécanismes existants avec la loi existante, avec les pouvoirs qui sont
accordés au directeur et à ses adjoints, avec les
compétences qu'on reconnaît et qui sont reconnues à ce
service sont, selon nous, plus que suffisants pour répondre aux besoins,
encore là, qui sont évidents dans notre société
contemporaine, de contrôler, de surveiller l'environnement. Je crois, M.
le Président, que les moyens que nous avons là suffisent.
Parlons maintenant, si vous voulez, d'études d'impact sur
l'environnement automatique. Ce que nous entrevoyons, c'est lors de projets
d'envergure qui ne sont pas encore définis, parce que le
règlement n'existe pas, lors de ces études d'impact... Encore
là, M. le Président, l'expérience d'ailleurs
démontre que cela prend un temps incalculable. Cela ne finit jamais. Une
entreprise qui veut s'améliorer ou prendre de l'expansion, ou encore
s'installer, ou faire de nouvelles installations, comment voulez-vous qu'elle
puisse sérieusement envisager aujourd'hui, en 1978 ou 1979, ou par
après, de venir au Québec?
L'expérience nous démontre que toute cette accumulation,
toute cette multiplication, cette multiplicité de séquences ne
font que retarder et, malheureusement, empêcher des réalisations.
Lorsqu'une entreprise, comme ma cliente, veut s'installer elle
s'installe ailleurs aujourd'hui, par la force des marchés et tout
qu'elle veut effectuer une installation très importante, une nouvelle
installation au Québec, croyez-moi, M. le ministre, elle a plusieurs
considérations à examiner.
Premièrement, son financement. Lorsqu'on parle de dizaines et de
centaines de millions de dollars d'investissement, l'investisseur doit,
évidemment, aller chercher de l'argent sur les marchés de
l'argent. Il doit savoir quel intérêt il va payer, le délai
avant que soit implantée l'entreprise, le délai entre la
pensée et l'exploitation de l'entreprise. Cela prend habituellement deux
ou trois ans. Mais s'il s'avère que des délais indus et
incalculables c'est là que j'insiste, sur le mot incalculable
vont arriver, l'entreprise va y penser
deux fois. Il se pourrait, M. le Président, qu'avant que ne
soient arrivés les délais de la mise en activité de la
nouvelle entreprise ou de l'entreprise améliorée le marché
soit déjà parti chez un concurrent, dans un autre endroit.
Nous ne voulons pas prétendre ce serait ridicule
qu'on ne doit pas respecter les normes de l'environnement, mais nous
répétons que les mécanismes existants, qu'on connaît
très bien et avec lesquels nous avons su vivre de façon
honnête, en tant que bons citoyens, sont suffisants.
Nous ne voulons tout simplement en avoir les mains nettes. On ne vient
pas ici tenter d'obtenir une situation privilégiée ou
favorisée. Nous avons notre expérience, ici au Québec et
ailleurs, ma cliente étant une filiale d'une entreprise de grande
importance aux États-Unis, une internationale, c'est un mot qui
existe.
À ce moment-là je puis vous dire que dans d'autres
États la situation au point de vue des délais d'obtention
d'autorisations et de permis, devient intolérable pour ces
entreprises-là.
J'ai remis à M. le Président, avant l'ouverture des
débats, un extrait tiré du Business Week du 11 septembre 1978,
n'est-ce pas M. le président? J'ai demandé de le distribuer
à vos collègues ici en commission et vous allez voir, messieurs,
à la page il faut que je mette mes lunettes, M. le
président 55, à gauche, qu'on parle de "one-stop permit to
woo new industry". Malheureusement M. le ministre, je n'ai pas vos
facilités de traduction instantanée, alors je dois traduire de
façon très libérale. Mais on s'aperçoit, à
la lecture de ce document ce n'était pas voulu, M. le
Président...
M. Proulx: Soyez guidé par la main de Dieu... Une voix:
C'est à vous d'être prudent...
M. Duchesneau: ... Alors on dit ici "one-stop permit to woo new
industry"; on continue à la page 166, "one-stop to do at all". On
s'aperçoit à la lecture du document qu'aux États-Unis, il
existe aujourd'hui une concurrence entre États américains pour
s'enlever la future clientèle des industries en tant que nouveaux
citoyens investisseurs.
On voit que l'État de la Géorgie, par exemple, fait tout
ce qu'il peut pour ramasser dans un seul organisme tout ce
phénomène de multiplicité d'obtention de permis et de tout
ce que vous voulez.
On voit qu'en Californie, par exemple, des compagnies, la Dow Chemical
et La Standard Oil, ont dû annuler des investissements de plusieurs
milliards parce que cela faisait deux ans et demi que cela traînait
devant les différents organismes qui sont l'équivalent de ceux
qu'on voudrait proposer aujourd'hui. Elles ont annulé leurs
investissements et leurs réalisations à cause de ces
délais-là.
On voit aussi qu'en Californie, vu ces délais indus qui sont
imposés, la Législature a adopté une loi fixant à
18 mois les émissions d'autorisations. Si, pour une raison ou pour une
autre, les émissions ne sont pas complétées dans ce
délai automatiquement les permis sont émis.
On s'aperçoit donc qu'il commence à y avoir, dans d'autres
États qui ont déjà adopté des législations
semblables, un genre de recul. Les gens réalisent peut-être que
c'est très bien d'avoir imposé, mis sur pied toutes sortes de
mécanismes, mais est-ce fonctionnel? C'est le message, M. le ministre et
M. le président, qu'on veut vous transmettre sur ces deux
points-là. C'est l'impact économique que peuvent avoir ces
études d'impact sur l'écologie ou les audiences publiques.
J'ai terminé, M. le Président, mes remarques sur cet
aspect. J'arrive maintenant à l'aspect des injonctions.
M. le ministre, dans son éloquence proverbiale, nous disait
aujourd'hui: "Les citoyens ont notamment déploré avec
véhémence le fait que la Loi de la qualité de
l'environnement ne leur faisait aucune place, comme si le citoyen n'avait aucun
rôle à jouer dans la gestion de l'environnement. Il y a là
une anomalie fondamentale que le gouvernement s'est engagé à
corriger."
Je suis tout à fait d'accord, M. le Président. Certes, le
citoyen a un rôle à jouer dans et pour son propre environnement.
Mais encore une fois c'est redondant et je me répète
M. le Président, le mécanisme existe. Vous avez sur pied
le SPE, un organisme compétent et fonctionnel. Nous croyons que, si le
citoyen sent ou voit qu'il y a des abus, des violations de la loi ou des
règlements, à ce moment-là, il n'a qu'à
dénoncer le pollueur ou le "violenteur" de la loi et des
règlements auprès d'un service approprié et
compétent, une autorité compétente, afin que cette
autorité-là puisse agir. En passant, M. le Président,
j'aimerais souligner tout simplement que le droit à l'injonction, qu'on
voudrait accorder au citoyen par une loi de droit statutaire, existe
déjà en droit commun.
En effet, M. le Président, je voudrais vous souligner qu'en droit
commun, selon les critères du bon voisinage, selon les critères
de l'abus de droit et de la faute selon les dispositions du Code civil, un
citoyen qui est lésé peut s'adresser aux tribunaux. Lorsque le
mal, le dommage causé par le voisin est tel que c'est un abus de droit
vraiment exagéré, abusif, alors, là, les tribunaux ont
déjà, par le passé, émis des injonctions pour
arrêter ces entreprises. Là, je ne parle pas de décisions
prises voilà quelques semaines ou quelques mois; on parle de
décisions au début du siècle, la fameuse affaire de Brown
et Canada Paper, par exemple, où on avait arrêté une
entreprise de papier dans un contexte de pollution.
Déjà, le citoyen, M. le Président, a ce droit. Il
peut avoir recours à l'injonction. Je dirais peut-être, M. le
Président, et je m'adresse aussi en même temps au ministre, que ce
serait rendre un mauvais service au citoyen que de lui accorder un tel droit
dans une loi statutaire. Voici pourquoi: vous pouvez vous imaginer comment
réagiraient les entreprises face à une demande d'injonction: des
batteries d'avocats devant les tribunaux. Cela prend du temps, croyez-moi.
Comment le simple citoyen, avec ses moyens financiers plutôt
limités, pourrait-il faire face à des moyens financiers
peut-être un peu plus abondants auprès de ceux qui
voudraient contester les demandes d'injonction effectuées par le
simple citoyen? Je crois que c'est peut-être avoir recours au
portefeuille du citoyen, alors qu'il pourrait peut-être s'en servir
ailleurs.
Sur cette question de l'injonction, encore une fois je suggère
et je parle toujours pour Fer et titane que si un citoyen croit
qu'il y a violation de la loi et des règlements, il peut s'adresser
auprès du SPE, lequel, par le passé, a pris des injonctions
contre des personnes physiques ou morales qui ont violé la loi ou les
règlements.
En passant, si, pour une raison ou pour une autre, on devait
concrétiser dans la loi un tel droit au citoyen, qu'on pose des
conditions assez difficiles pour qu'il puisse l'exercer, pour qu'il n'y ait pas
d'abus non plus. Je parle d'autorisation par la Cour supérieure, je
parle de cautionnement assez élevé pour décourager des
demandes frivoles.
Enfin, sur une question qu'on peut peut-être poser, qu'on s'est
posée c'est peut-être une cocasserie de rédaction
dans l'article 123a du projet de loi, on voudrait je vais me
référer à mes notes punir, si vous voulez, les
personnes qui ne respectent pas les normes fixées par la loi ou les
règlements. Je suis tout à fait d'accord avec cela. On va un peu
plus loin. On dit qu'une personne qui ne respecte pas ses propres normes,
quoiqu'elle puisse respecter les normes fixées par la loi ou les
règlements, soit aussi punie. Là, je trouve étrange que
si, pour une raison ou pour une autre, une personne vous connaissez les
ingénieurs, ils tentent de respecter les lois et les règlements
partout si un ingénieur comme il se doit d'ailleurs, pour
avoir un coussin, comme on dit, un genre de tampon, c'est normal dans
l'ingénierie se fixe un tampon de tant pour être sûr
de répondre aux normes, et si, pour une raison ou pour une autre, il y a
une faille quelconque dans la norme qu'il s'est fixée, quoique
l'état de la situation soit telle qu'il ne satisfasse pas aux normes
qu'il s'est fixées lui-même, mais qu'il satisfasse aux normes
fixées par le règlement, qu'on punisse ensuite l'entreprise, cela
me semble un peu cocasse. Alors, je me pose la question, on s'est posé
la question; il y a sans doute une réponse, mais on ne la connaît
pas. (20 h 30)
Ceci étant dit, M. le Président, j'ai terminé mes
remarques d'ordre général. J'espère que je n'ai pas
été trop long et j'inviterais les membres de la commission
à poser quelques questions.
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. Il vous
restait encore du temps. M. le ministre.
M. Léger: M. le Président, je veux remercier les
représentants d'être venus nous exposer leur point de vue. Ce sont
les questions ou les perceptions de différents groupes de la
société qui peuvent nous permettre de corriger un projet de loi
ou d'expliciter certains aspects qui pourraient ne pas avoir été
complètement saisis.
D'abord, concernant les études d'impact, je voudrais quand
même expliquer l'importance de procéder à des études
d'impact avant l'implantation de gros projets. Ce ne sont pas
nécessairement des études d'impact qui vont être requises
pour tous les projets d'implantation. Le règlement va déterminer
les types d'entreprises ou de projets qui nécessiteront l'étude
d'impact. Donc, cela prend des gros projets. Parmi les raisons pour lesquelles
nous calculons qu'il faut des études d'impact, il faut quand même
réaliser que l'environnement, c'est l'affaire de tout le monde et que
trop souvent on donne l'impression que les citoyens n'ont pas tellement de
choses à dire. Ils peuvent crier, ils peuvent faire des manifestations,
mais on ne semble pas réaliser jusqu'à quel point il est
important, dans le processus d'évaluation de projets qui peuvent
affecter l'environnement des citoyens, de leur permettre d'avoir un mot
à dire à l'intérieur d'un processus officiel que tout le
monde connaît.
Cela est l'objectif de ce projet de loi de permettre aux citoyens
d'avoir d'abord un droit à l'information de ces projets qui s'en
viennent et qui peuvent changer leur milieu de vie; deuxièmement, de
leur permettre de s'exprimer. Donc, s'il faut qu'ils s'expriment, il faut
qu'ils s'expriment sur quelque chose de connu; d'où l'importance d'avoir
une étude d'impact sur les conséquences écologiques d'un
projet qui s'en vient, soumis à la population qu'il va directement
impliquer pour qu'elle puisse en faire l'analyse et apporter, par la suite, son
point de vue dans ce processus-là.
Donc, l'importance des études d'impact comporte cinq points, cinq
objectifs. Premièrement, c'est de rendre les coûts
environnementaux à l'intérieur du projet. Une entreprise qui
décide d'utiliser des ressources naturelles ou de saccager des
ressources naturelles pour la réalisation de son objectif doit
nécessairement tenir compte que, si elle détériore un
environnement qui appartient à tout le monde, elle se doit d'inclure
à l'intérieur de son projet une part de responsabilité sur
le plan financier. C'est ce qu'on appelle le coût social de leur
entreprise. Ce n'est pas à la collectivité de payer plus tard un
prix cinq à dix fois plus élevé pour dépolluer ou
corriger une situation quand c'était encore possible. Notre
première raison, c'est de rendre, je dirais "internaliser" les
coûts de l'environnemental dans la planification des projets. Le
deuxième objectif des études d'impact, c'est d'éviter de
créer des coûts sociaux qui devraient être assumés
par l'ensemble de la société, parce que, nécessairement,
les profits vont aller à l'entreprise comme telle. Il y aura
certainement des emplois de créés, mais quelle est la valeur des
emplois temporaires ou partiels correspondant à l'ensemble des
coûts sociaux que la société, à même ses
taxes, devra payer pour corriger une situation qui n'aura pas été
prévue?
Troisièmement, c'est pour faire apparaître aussi des
solutions de rechange à un projet. Quand une entreprise décide de
s'implanter à un certain endroit, elle a ses projets, mais s'ils
affectent le milieu, il est grand temps que l'étude d'impact lui
permette de réaliser qu'elle pourrait atteindre les mêmes
objectifs en tenant compte des considérations écologiques qu'elle
avait ou-
bliées et, à ce moment-là, d'apporter des solutions
de rechange qui n'auraient pas été prévues s'il n'y avait
pas eu une étude d'impact, parce que je ne pense pas que les entreprises
s'implantent en disant: Nous autres, on veut protéger l'environnement
comme objectif premier. C'est toujours un objectif qu'on a par la bande parce
que nécessairement on va déplaire à bien du monde, et,
nécessairement, il faut tenir compte de cela. Donc, les études
d'impact vont faire apparaître des solutions de rechange à un
projet donné. Il y a la création, aussi, de nouveaux
mécanismes de communication et de participation du public au processus
décisionnel susceptibles de modifier la qualité de
l'environnement. On l'a dit au début, il ne faut pas oublier que le
projet a pour objectif d'impliquer les citoyens et non pas simplement de leur
faire réaliser, quand les grues sont dans la cour derrière chez
eux, qu'il y a un gros projet qui s'en vient. Peut-être cela aurait-il pu
passer à côté, et peut-être qu'on aurait pu faire
autrement. Donc, il est important que le citoyen soit inclus dans ce
procédé de façon que le développement soit fait
pour les citoyens et non pas que les citoyens subissent un développement
qui est contraire à leurs besoins.
Et, finalement, je pense, c'est surtout dans le but de modifier les
modes de planification et de décision de sorte qu'on y intègre
l'évaluation des coûts et des bénéfices
environnementaux au départ. Ceci permettra peut-être de planifier
le projet. Je vais essayer de répondre, en même temps, à
votre autre crainte qui est celle des "délais indus". Une entreprise,
quand elle décide de s'implanter quelque part, doit tenir compte, dans
tout le processus de réalisation de son projet, d'un paquet de
contraintes qui souvent, ne touchent pas l'environnement mais qui l'obligent
à tenir compte d'un échéancier précis, sachant que,
pour atteindre son objectif, il va falloir qu'elle tienne compte des
différents facteurs de production, de matériel, de permis, etc.
Ainsi, elle peut savoir d'avance combien cela prendra de temps pour implanter
un projet.
Si les règles du jeu touchant l'environnement sont
déjà connues implicitement dans l'esprit des
"développeurs", ils vont être obligés d'inclure en plus
cette préoccupation qui, souvent, n'amènera aucun délai
supplémentaire parce que ces travaux, ces études étant
faits au début, cela va nécessairement éviter des
délais. Très souvent, cela arrive même avec des projets
gouvernementaux où, n'ayant pas prévu des délais, n'ayant
pas prévu qu'il y avait un permis à aller chercher, il y a des
ministères dans un gouvernement qui décident de faire un projet
et quand ils sont à la veille de commencer les travaux, ils disent: Cela
prend peut-être un permis de l'environnement. Là, ils nous le
demandent et ils sont tous en maudit de voir que cela prend un mois de plus,
mais s'ils l'avaient su au début de leur projet, ils auraient inclus ce
mois à l'intérieur de l'échéancier et seraient
probablement arrivés en même temps.
Donc, je pense que pour les délais, il ne faut pas dramatiser,
parce que je pense que, dans la plupart des États américains qui
ont ces projets, c'est par exception qu'il y a eu des grands délais. Je
voyais dans votre article tantôt que cela prenait 700 "environmental and
construction permits".
Comme de raison, il peut y avoir des abus ou des gens qui sont
tombés sur la tête quelque part, mais je pense bien que c'est
l'exception. Je pense qu'au Québec on n'a pas l'intention en tout
cas, je peux vous le dire de multiplier les permis. Le processus ou les
règles du jeu étant définis au départ, les gens
vont savoir d'avance les délais et s'assurer de réaliser leurs
projets dans les mêmes délais qu'ils peuvent prévoir au
départ. Sur un autre point, vous semblez dire, au sujet de l'injonction,
que les citoyens ont déjà les mécanismes actuels. Il faut
quand même faire une différence. On est loin, en tout cas dans ce
qu'on propose dans la loi actuelle, du droit traditionnel de défense de
la propriété.
Là, on veut aller plus loin que cela; on veut donner un droit
à la qualité de l'environnement aux citoyens, leur permettant de
la défendre à partir de chez eux, autrement dit d'être des
partenaires de l'État là-dedans. Je ne pense pas que
l'environnement appartienne uniquement aux entreprises et au gouvernement.
L'environnement, cela appartient à ceux qui vivent continuellement les
avantages ou les désavantages qu'ils subissent par les contraintes des
pollueurs ou des agresseurs dans leur milieu de vie. Donc, je pense qu'avec ce
droit il n'est pas exagéré de dire que le citoyen va maintenant
se sentir participant. Cela va peut-être redonner au citoyen une nouvelle
approche, je dirais un changement de comportement sachant qu'on a non seulement
un droit théorique, mais une possibilité pratique de le
défendre.
Je pense qu'on peut dire que le citoyen, sachant qu'il a maintenant des
pouvoirs supplémentaires, va maintenant se sentir responsable et aura
lui-même un changement de comportement envers son propre environnement,
dans la façon dont il va agir face à son environnement. Je me
demande encore et cela me surprend dans votre mémoire pour
quelle raison vous avez tellement peur que des citoyens abusent de ce droit
à l'injonction. Pourquoi des citoyens seraient-ils plus bêtes que
des entreprises ou des organismes qui, eux, utilisent
régulièrement la procédure d'injonction pour retarder des
choses qui peuvent avoir des conséquences graves? Pourquoi des citoyens
n'auraient-ils pas aussi la même faculté d'avoir un jugement
valable pour réellement utiliser ce droit à bon escient sans en
faire des abus? Cela me surprend que vous ayez semblé dire cela.
M. Duchesneau: Si vous le permettez, M. le Président, je
vais répondre à M. le ministre en disant ceci: II y a l'aspect
pratique de la question. Vous voulez faire participer les citoyens à un
processus de police, si vous voulez, d'une loi ou des règlements. Le
citoyen, je crois, a le droit, par les services de son gouvernement, qu'on
puisse lui donner la protection voulue. Je crois que c'est
lui rendre un mauvais service de lui dire: Quand tu verras une situation
qui va contre une loi ou un règlement, je te donne pleine liberté
de prendre des injonctions. Il y a une question financière qui se pose,
M. le Président, importante et je crois que c'est déplacer un
fardeau important.
En soi, que ce soit le ministère public ou que ce soit un citoyen
qui prenne une injonction, la personne qui serait l'intimé va prendre
les moyens pour se défendre, n'est-ce pas? À ce moment, il y a
une question de coût importante. Je n'ai pas peur des citoyens du tout.
Ce n'est pas une crainte qu'on a. C'est tout simplement que nous croyons
sincèrement que les services du ministère, les Services de
protection de l'environnement existent et qu'on peut en faire usage. C'est une
question d'éducation, M. le Président. Si les gens se sentent
lésés aujourd'hui pour telle ou telle raison, ils vont voir la
police s'ils pensent que quelqu'un a commis un crime contre eux. Dans ce
cas-ci, s'ils pensent que quelqu'un viole la loi ou les règlements
traitant de l'environnement, qu'ils aillent voir le SPE. Les mécanismes
sont là. Je crois que c'est peut-être imposer un trop lourd
fardeau aux citoyens. La participation, c'est excellent à tous les
points de vue, mais à quel prix? C'est la question qu'on se pose.
M. Léger: M. le Président, je voudrais quand
même corriger certaines impressions que peut vous laisser ce projet de
loi. Ce n'est pas un rôle de policier qu'on veut donner au citoyen. C'est
un rôle de responsabilité, c'est-à-dire de se sentir
réellement responsable du milieu dans lequel il vit. Je pense que c'est
beaucoup plus un rôle de participant à la planification du
développement de son milieu qu'un rôle de policier.
Mais de toute façon, le rôle de policier, cela ne veut pas
dire que tous les policiers qui se promènent sur une route, quand les
automobiles font de la vitesse, doivent arrêter tout le monde. Mais juste
la présence de la petite cerise rouge qui se promène, cela rend
les gens un peu plus vigilants.
Je pense que les entreprises qui savent qu'elles doivent respecter les
lois, sachant que les citoyens qui vivent dans leur environnement peuvent
s'assurer que tout le monde respecte bien les lois, n'ont pas à craindre
si elles corrigent une situation qui n'est pas légale de la part des
compagnies. Si elles les corrigent, les citoyens n'auront pas la
possibilité de faire une injonction. C'est uniquement s'il y a des
gestes illégaux qui se poursuivent.
Donc, que ce soient le gouvernement ou les citoyens, ce ne sont
uniquement que des gestes illégaux que le citoyen pourra arrêter
par une injonction. Je pense que cela n'empêche pas le gouvernement et
les Services de protection de l'environnement de continuer leur leadership en
ce sens. Mais le fait que les citoyens ont ce pouvoir, c'est une sorte de
soupape de sécurité pour s'assurer que ce qui doit être
fait dans la légalité doit continuer à se faire dans ce
sens-là. Et les gens qui vont s'impliquer davantage, ce ne sera pas
uniquement l'environnement qui est très loin.
Je me rappelle l'été dernier, où il y avait le
problème d'implantation de carrière d'une façon
illégale. Les inspecteurs du ministère de l'environnement
devaient prendre des gens sur le fait de poser des gestes illégaux. Les
inspecteurs allaient là une journée, les entrepreneurs qui
agissaient d'une façon illégale arrêtaient les travaux.
Lorsque les inspecteurs étaient partis, ils continuaient à
travailler. C'est quand on a permis à des citoyens d'avoir des formules
d'affidavit pour s'assurer que les gestes illégaux avaient des
témoins qu'ils ont fait le geste. Mais cela a amené, au niveau du
ministère de l'environnement, un engorgement pour régler le
problème chez nous, alors que chaque citoyen aurait pu régler la
cause beaucoup plus rapidement s'il avait eu la possibilité
d'émettre une injonction contre quelqu'un qui agit illégalement
chez lui. Autrement dit, cela va activer la chose et même, cela va
prévenir des gestes illégaux. Il y aura beaucoup moins de
poursuites devant les tribunaux du fait qu'il y aura suffisamment de gens
impliqués dans la région, pour s'assurer que les personnes, comme
si elles voyaient une police passer, vont peut-être décider de
respecter l'environnement, puisque les citoyens qui en subissent les premiers
les conséquences vont être les premiers à avoir le droit de
nous arrêter de le faire.
M. Duchesneau: M. le Président, je pense que le ministre a
répondu à ma question lui-même puisque l'exemple qu'il nous
a cité est très éloquent. Les citoyens voyaient des gens
commettre des actes illégaux et, lorsque les enquêteurs allaient
en prendre note, les entrepreneurs, insouciants, arrêtaient les
travaux.
Mais voilà, c'est une question de mécanique dont on parle,
M. le Président. Que ce soit le service de l'environnement ou que ce
soit le citoyen qui prenne les procédures appropriées, cela n'a
vraiment aucune importance, du moment que quelqu'un fait quelque chose.
Ce que nous proposons ici, c'est d'accorder au citoyen un droit aussi
facile d'apparence et donner au citoyen un droit qui pourrait être
abusif. Je crois que c'est vraiment le rôle de l'État d'agir et
non celui du citoyen. Le citoyen a le devoir de dénoncer, mais c'est
à l'État d'agir. On parle de mécanisme, de forme, et non
pas de substance. On s'entend très bien, M. le ministre. (20 h 45)
M. Léger: La deuxième partie de ma remarque
était la suivante: C'est que le citoyen qui a signé un affidavit
était souvent déçu de voir que les Services de protection
de l'environnement, via le contentieux, ne pouvaient toujours donner suite
à sa demande, alors qu'il ne se sentait pas responsable. Il disait: Le
gouvernement va poursuivre. C'est pour cela que le système d'affidavit
n'était qu'une faible possibilité qu'on donnait au citoyen. Ce
qui est important, c'est qu'il se sente responsable, capable d'aller au bout de
sa poursuite, de façon à s'assurer qu'il n'y aura pas de
tempori-
sation, de lourdeur administrative du gouvernement et que lui peut faire
le travail chez lui.
Chez la raison pour laquelle nous pensons qu'associer le citoyen
à la protection de son milieu de vie ne peut pas se faire uniquement
théoriquement, il faut qu'il ait le pouvoir de le faire. C'est la raison
pour laquelle on a mis ce pouvoir dans la loi, pour permettre ainsi que les
citoyens, en ayant un pouvoir, soient de plus en plus des personnes qui vont
aider à l'amélioration de leur milieu de vie, en ne
dépendant pas toujours du grand frère au niveau du gouvernement,
qui, lui, va poursuivre, mais à l'intérieur de la lourdeur
administrative.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: Si le ministre a terminé! M.
Léger: Oui.
M. Goldloom: M. le Président, le ministre nous a
livré une longue homélie, après la présentation du
mémoire. Je me permettrai de parler brièvement dans le même
sens.
Le ministre, pour illustrer la pensée qui anime le gouvernement
en présentant ce projet de loi, a parlé de la grande route et de
l'attention, de l'autosurveillance que vont s'imposer les citoyens s'ils voient
ici et là, de temps en temps, une voiture de police qui se
promène sans que le policier n'arrête nécessairement chacun
des contrevenants.
Je voudrais lui faire remarquer, M. le Président, que, s'il veut
se servir de cette analogie, ce qu'il est en train de nous proposer, c'est que
chaque citoyen puisse s'adresser à un bureau quelconque, quelque part,
pour obtenir une cerise rouge pour sa voiture et se promener ainsi sur la
route. Or, ce n'est pas du tout la même chose.
M. le Président, le ministre et je suis parfaitement
d'accord avec lui quant à la philosophie fondamentale nous dit:
II faudra que tous les citoyens partagent la responsabilité de la
protection de l'environnement. M. le Président, il y a quand même
une différence entre une société au sein de laquelle
chaque citoyen sent la responsabilité de se surveiller, de respecter ce
qu'il fait, et une société au sein de laquelle la loi dit: Vous
êtes, chacun de vous, chacun des citoyens, un inspecteur, un informateur,
un dénonciateur.
M. le Président, regardons très objectivement ce que nous
faisons avec ce projet de loi. J'aimerais que le ministre nous assure que le
genre de société que je viens de décrire n'est pas celui
qu'il veut créer.
Maintenant, je m'adresse à Me Duchesneau. Je remarque à la
page 13 de votre mémoire, que la société Fer et titane du
Québec entre parenthèses, c'est une usine que je connais
et je sais pertinemment que c'est une société qui fait face
à des difficultés techniques qui sont importantes, à cause
de la nature de ses produits, ses sous-produits et ses résidus et
je suis favorablement impressionné par un chiffre que je remarque
à la deuxième ligne du deuxième alinéa, un chiffre
de $20 000 000. Ce n'est pas une somme négligeable. J'aimerais vous
demander, Me Duchesneau, de m'indiquer d'abord si la majeure partie de cette
somme a été dépensée ou investie, selon le cas.
J'aimerais que vous fassiez la distinction parce que vous indiquez ici que
c'est une somme investie, il y a donc un pourcentage sur ce montant qui a
déjà été dépensé.
Il nous serait intéressant de savoir combien a déjà
été dépensé. Mais j'aimerais savoir d'abord si la
majeure partie de cette somme a été dépensée
à Havre-Saint-Pierre ou à Sorel, et, ensuite, dans un cas comme
dans l'autre, de quelle façon l'argent a été
utilisé, à quelles fins, qu'est-ce que l'on a réussi par
cet investissement.
M. Duchesneau: Très bien, M. le Président, je vais
répondre aux questions de M. le député.
Sur les quelque $20 millions à investir, déjà $15
millions ont été dépensés. La plupart des
dépenses ont été effectuées à Tracy-Sorel
pour la construction d'équipement et la mise en place
d'équipement antipollution, à savoir pour dépolluer
d'abord l'intérieur de l'usine et l'atmosphère. C'est un peu
complexe. Il s'agit de grosses boîtes qui aspirent la poussière et
qui jettent ça dans des sacs, lesquels sont brassés et on jette
la poussière. C'est aussi simple que ça, mais cela a
coûté $15 millions.
Quant au Havre-Saint-Pierre, à la mine de Tio, il s'agit d'une
mine à ciel ouvert. Là, ce n'est pas le même genre de
pollution, si vous voulez. C'est plutôt le fait qu'on a creusé un
gros trou et, éventuellement, il va falloir faire quelque chose avec.
Mais il n'y a pas vraiment de problème de pollution à
Havre-Saint-Pierre dans le sens qu'on discute ce soir.
On peut dire que le problème s'est posé je dis bien
s'est posé à Tracy-Sorel.
M. Goldbloom: Me Duchesneau, à l'usine de Sorel ou Tracy,
de quelle façon les effluents liquides sont-ils traités
présentement? Y a-t-il un traitement qui est pratiqué?
M. Duchesneau: Non, il n'y a pas de traitement, puisque
l'effluent liquide, c'est seulement une matière inorganique qui sort. Il
y a un problème dans le moment qui est en train d'être
étudié, c'est à l'étude, c'est un aspect important.
On peut considérer que dans les prochaines années quelque $25
millions vont être investis sur ce point.
M. Goldbloom: Sur ce point-là. M. Duchesneau: Sur
ce point-là. M. Goldbloom: Merci.
M. Duchesneau: Mais ça, c'est encore à
l'étude à cause de son importance. Cela ne pollue pas dans le
sens que cela affecte le fleuve Saint-
Laurent. C'est une matière inorganique, c'est de la
poussière qui est jetée là.
M. Goldbloom: Et vous affirmez que le fleuve n'est pas
endommagé à cause du déversement de ce résidu?
M. Duchesneau: Ce que je peux répondre, c'est que c'est
non toxique.
M. Léger: C'est non quoi? M. Duchesneau: Non
toxique. M. Goldbloom: Non toxique.
M. Duchesneau: Non toxique, à ce qu'on me dit.
M. Léger: Ah bon! Voilà, c'est mieux. Parce que le
journal des Débats enregistre tout ça.
M. Duchesneau: Je le sais. C'est pour ça que je l'ai dit,
M. le Président.
M. Goldbloom: Bon! Nous allons vivre d'espoir.
Me Duchesneau, à la page 11, au nom de la société
Fer et titane, vous faites des commentaires sur les amendes actuelles et celles
qui sont proposées dans le projet de loi. Vous trouvez que les amendes
actuelles sont suffisantes et l'augmentation, dans une proportion de trois
à six fois, vous paraît exagérée.
Pourriez-vous m'indiquer, me citer des cas où les tribunaux ont
imposé des amendes tellement élevées, en vertu de la loi
existante, qu'il ne serait pas nécessaire, à votre avis, de
l'avis de la compagnie, d'augmenter le maximum?
M. Duchesneau: M. le Président, je n'ai pas de cas qui me
viennent à la pensée, mais peut-être Me Piette, qui est
assis à la table et qui est beaucoup plus connaissant que moi dans ces
matières, pourrait-il répondre à la question. Je ne le
sais vraiment pas.
M. Léger: Est-ce que vous voulez que je
réponde?
M. Goldbloom: Vous vous improvisez avocat?
M. Duchesneau: D'ailleurs, Me Piette est une des personnes
compétentes auxquelles je me référais tout à
l'heure.
M. Léger: Voilà! Disons donc que je pense qu'il est
de notoriété publique que les amendes prévues dans le
premier projet de loi étaient quand même insuffisantes pour
être dissuasives auprès des entreprises et qu'il y a même
des entreprises qui n'opposaient pas de défense, plaidaient coupables et
continuaient à polluer, tout simplement parce que ça
coûtait moins cher de payer l'amende et de continuer à polluer.
Donc, sur l'aspect d'une augmentation trop élevée des amendes, je
ne pense pas qu'on ait atteint l'objectif qu'on voulait avec
l'expérience des six dernières années. On nous a
plutôt reproché que la loi n'avait pas suffisamment de dents.
C'est pour cela que nous les avons augmentées que nous avons fait une
différence, quand même, entre les amendes contre une personne et
contre une entreprise parce que le degré de dissuasion était
beaucoup moins fort du côté de l'entreprise que vis-à-vis
de l'individu et les dommages étaient souvent beaucoup plus forts dans
l'environnement venant des entreprises que des individus.
M. Cordeau: Sur le même sujet.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau : Également, à la page 11, vous dites :
"Toutefois, l'aspect le plus sérieux de l'amendement 33 est le nouvel
article 109b. Nous croyons qu'une infraction doit être
évaluée en fonction du préjudice causé et non
d'après les revenus et bénéfices du contrevenant."
Pouvez-vous nous expliciter votre point de vue sur les amendes?
M. Duchesneau: Vous allez me permettre de
référer...
M. Cordeau: Oui.
M. Duchesneau: M. le député, on veut aller à
des amendes allant jusqu'à $100 000. On doit reconnaître que c'est
beaucoup d'argent. Je pense bien que l'important ici, c'est que le contrevenant
soit reconnu coupable, une première fois et une deuxième fois. On
parle aussi d'emprisonnement. C'est un peu comme les coalitions, par exemple,
si on fait une comparaison. L'élément le plus fort, à un
moment donné, ce n'est pas l'amende qu'on impose à ceux qui sont
des conspirateurs. L'élément le plus fort, c'est la menace par
voie d'injonction ou d'ordonnance contre les dirigeants des entreprises que, si
les situations perdurent et se perpétuent, ils vont être
emprisonnés. D'après moi, cela a beaucoup plus de force que des
amendes, croyez-moi par expérience.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, pour terminer sur le sujet
des amendes, vous comprendrez sûrement que cela me déchire
d'être obligé d'être d'accord avec le député
de Lafontaine, ministre de l'environnement, mais, effectivement, je crois qu'il
faut faire une distinction entre les chiffres qui sont inscrits dans la loi et
les montants qui sont décrétés par les tribunaux comme
amende. Mon souvenir est que les montants imposés ont été
passablement faibles par comparaison aux maximums prévus dans la loi
actuelle. Donc, j'ai de la difficulté à m'opposer à cette
augmentation.
M. Duchesneau, vous indiquez je voudrais enchaîner avec mon
collègue de Saint-Hyacinthe
qu'à votre point de vue l'imposition d'une amende qui tiendrait
compte de la richesse du contrevenant je ne veux pas vous prêter
des paroles, mais j'en ai eu l'impression serait de la mauvaise
législation. Y a-t-il, à votre connaissance et je poserai
la même question au ministre, qui a son savant conseiller juridique
à côté de lui des précédents dans la
législation, dans les statuts du Québec, y a-t-il des lois
où l'on donne une directive au juge pour lui indiquer de quoi il doit
tenir compte? Plus spécifiquement, y a-t-il des précédents
où l'on donne à un juge la directive de tenir compte des revenus
annuels du contrevenant?
M. Duchesneau: Lorsqu'un juge rend une décision et trouve
un inculpé coupable, si la loi ne fixe pas de minimum le minimum,
c'est $1 et s'il y a un maximum, il peut aller jusqu'au maximum. Alors,
il n'y a pas de directive de fixée dans les lois imposant à un
juge l'obligation d'imposer telle ou telle amende. Tout ce qu'il peut faire,
c'est imposer le minimum prévu par la loi. S'il n'y en a pas, cela peut
aller jusqu'à $1, j'ai dit, ou encore le maximum prévu par la
loi. Il y a toujours un maximum de prévu. Alors, il n'y a pas
d'antécédent; c'est laissé purement à la
discrétion des juges. (21 heures)
M. Goldbloom: Je présume, sans être un homme de loi,
que dans certains cas notamment du côté civil un
juge tiendra quand même compte de la situation financière de la
personne qu'il s'apprête à condamner. Je pense, par exemple,
à des pensions alimentaires qu'il pourra peut-être calculer en
fonction du revenu disponible de celui qui doit payer la pension.
M. Duchesneau: La capacité de payer et le besoin de la
personne qui reçoit la pension.
M. Goldbloom: Je crois comprendre le but visé par le
sous-paragraphe e) du nouvel article 109b proposé dans le projet de loi.
Je crois que c'est en quelque sorte le pendant des autres articles qui font une
distinction entre une personne physique et une personne morale, une
corporation. Mais j'aimerais, M. le Président, avec votre permission,
demander si le ministre peut nous fournir un peu de lumière sur cette
considération. Outre la différence qui existe quant au montant de
l'amende, le gouvernement demanderait à l'Assemblée nationale
d'obliger les juges à tenir compte des revenus annuels des
contrevenants.
M. Léger: Pour répondre à la question du
député de D'Arcy McGee, je dois dire que cet article-là
est quand même très novateur. Auparavant, les possibilités
de sanctions en amendes sur lesquelles le juge pouvait se baser étaient
très limitées. Il y avait un minimum et un maximum. Ce qui est
novateur dans le projet, c'est que maintenant, on a mis des critères
obligatoires permettant au juge d'évaluer, dans la situation
donnée, des implications du geste illégal qui a été
posé. C'est pour cela qu'il y a cinq critères, par ordre, qui
permettent d'évaluer la sanction qu'il devrait donner à la
gravité de la situation, avec l'objectif de redonner un ferme propos de
ne plus recommencer à la personne pour qu'il n'y ait pas de
récidive. Alors, ayant les critères de préjudice physique,
de danger créé pour la santé, d'altération
temporaire ou permanente de la qualité de l'environnement, donc
l'ampleur du désastre qui a été causé, les revenus
du contrevenant de façon que ce soit pour lui aussi une occasion de ne
pas recommencer parce que vous savez qu'il y a des pollueurs, avec des
sommes dérisoires qu'il y avait auparavant, qui
préféraient payer l'amende et continuer à polluer et ne
pas respecter la loi donc, devant ces critères-là, cela va
permettre au juge d'avoir un minimum et un maximum. Il y aura aussi, par
règlement, la détermination d'après cinq types de
possibilités. Certains seront par règlement, d'autres directement
d'après le type d'intervention qui aura eu lieu. À ce
moment-là, quelque chose permettra au juge de dire non pas: J'aurais
bien aimé mettre plus que cela; vous mériteriez bien plus que
cela, mais la loi ne me le permet pas. Là le juge, en évaluant la
situation, aura toutes les panoplies, les possibilités de sanctions
permettant de s'assurer qu'il n'y ait pas une récidive.
M. Duchesneau: Avec tout le respect sincère que je dois
à M. le ministre, je crois que c'est l'inverse qui pourrait se produire,
M. le Président, parce qu'un juge verrait je le suggère
très respectueusement d'un très mauvais oeil de telles
directives dans une loi. D'abord, cela l'encarcane dans sa décision et
cela le limite. En plus de cela, si vous fixez des normes, cela facilite de
beaucoup les appels parce que là, le juge dans sa décision, doit
motiver, n'est-ce pas, le pourquoi de ceci et de cela.
Si, pour une raison ou pour une autre, il commet des erreurs de jugement
dans l'application de sa décision, relativement à ces
critères-là, vous ouvrez la porte à ce que des
procédures interminables s'ensuivent par voie d'appel. Je pense qu'on
doit laisser une discrétion aux tribunaux pour pouvoir agir selon leur
jugement à eux.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je ne voudrais pas
être désobligeant à l'endroit de qui que ce soit, surtout
pas à l'endroit du Barreau et encore moins à l'endroit de la
magistrature. Mais, quand j'ai pris connaissance de ce projet de loi et,
notamment, de l'article 33 qui prévoit les nouveaux articles 109a et
109b, je me suis dit dans mon for intérieur: Sûrement que le
Barreau, au nom de la profession qu'il gouverne, et le juge en chef, au nom de
la magistrature, feront des commentaires là-dessus. J'espère
qu'il n'est pas trop tard, et je voudrais faire publiquement appel au Barreau
et, notamment, à la magistrature pour que nous ayons, avant le
débat sur le projet de loi no 69, les commentaires des hommes de loi, de
l'institution et de notre système judiciaire sur l'article 109b,
notamment.
Que le législateur dise aux tribunaux: II y aura un minimum et un
maximum, cela s'est déjà vu et il me semble que c'est une chose
acceptable. Mais je me pose la question suivante: Si un juge, en essayant
d'évaluer la cause qui lui est présentée, en essayant de
déterminer l'amende qu'il imposera à une personne disons
une personne morale qu'il s'apprête à juger coupable, si ce
juge, dis-je, ne tient pas compte de tout préjudice physique,
psychologique ou esthétique subi par des êtres humains, la faune,
la flore et la vie biologique par suite de l'infraction, de tout danger
créé pour la santé humaine par l'infraction, de toute
altération temporaire ou permanente de la qualité de
l'environnement causée par l'infraction et des revenus que le
contrevenant a pu retirer de la commission de l'infraction, je me demande de
quoi il va tenir compte en arrivant à son verdict.
Mais vous avez remarqué, M. le Président, que j'ai
laissé tomber le sous-paragraphe e, les revenus annuels du contrevenant;
je trouve que c'est une innovation qui va passablement loin. Je reviens aux
quatre premiers sous-paragraphes pour dire au ministre et c'est le sens
de ce que je viens de dire que si l'on est obligé de donner de
telles directives aux magistrats pour qu'ils s'acquittent de leurs fonctions,
je me demande ce que notre magistrature fait depuis son origine. Il me semble,
avec tout le respect que je dois au ministre et à ceux qui l'ont
aidé à rédiger cet article, que l'on peut se demander si
c'est de la législation acceptable dans le respect normal de
l'équilibre qui doit exister entre le pouvoir législatif et le
pouvoir judiciaire.
Le Président (M. Laplante): Une dernière question
de M. le député d'Iberville.
M. Beauséjour: M. le Président, je suis
resté avec une certaine interrogation; je prendrais la page 13, je ne
sais pas si Me Duchesneau pourrait me répondre. On a indiqué
qu'on aura investi quelque $20 millions et j'ai cru comprendre qu'actuellement
il y avait environ $15 millions investis; est-ce que cela vous serait possible
de nous indiquer quel est le chiffre d'affaires annuel de cette compagnie?
M. Duchesneau: Ce ne sont pas tellement les chiffres annuels que
les profits qui sont importants.
M. Beauséjour: Oui, ou bien de voir, peut-être, le
pourcentage du montant qui a été investi, supposons $15 millions
par rapport aux bénéfices nets.
M. Duchesneau: Le chiffre de ventes est d'environ $160 millions
par année mais les profits se chiffrent par environ $15 millions, M. le
Président. 8% à 10%.
M. Beauséjour: Je vous remercie.
Le Président (M. Laplante): M. Duchesneau,
M. Geren, M. Courtemanche, les membres de la commission vous remercient
de votre mémoire.
M. Duchesneau: À notre tour, M. le Président, je
voudrais remercier les membres de la commission de leur attention tout à
fait exceptionnelle et, en mon nom et en celui de mes collègues, puis-je
dire que nous avons apprécié votre réception et votre
cordialité.
Le Président (M. Laplante): Merci.
M. Léger: M. le Président, je voudrais terminer en
disant que j'ai bien apprécié les questions que vous nous avez
posées, et spécialement concernant cet article parce que, pour
nous, on est bien conscient que c'est un article innovateur. On regrette
même, comme le député de D'Arcy McGee le disait, qu'il n'y
ait pas eu de mémoire provenant du Barreau pour qu'on puisse voir quelle
est la façon, comment ces gens entrevoient cet article et c'est avec des
points de vue différents qui vont nous être amenés à
mesure qu'on avance dans le projet de règlement qu'on pourra
peut-être corriger, améliorer cet article qui est quand même
du droit nouveau. Pour faire du droit nouveau, il faut l'appliquer ou il faut
le frotter aux opinions des gens qui le vivent quotidiennement.
M. Duchesneau: M. le Président, il s'agit de communiquer
avec le Barreau pour lui faire part de vos questions.
M. Léger: Certainement.
M. Duchesneau: C'est ce que j'ai cru comprendre.
M. Léger: Vous avez le mandat.
Le Président (M. Laplante): J'appelle Mme Bernice
Goldsmith. Mme Goldsmith, est-ce que vous venez à titre personnel ou
pour Concordia University?
Mme Goldsmith: Personal.
Le Président (M. Laplante): Personnel. Si vous voulez vous
identifier, s'il vous plaît.
Mme Bernice Goldsmith
Mme Goldsmith: Mr President, the Honorable Mr Léger, Dr
Goldbloom, Members of Parliament, it gives me great pleasure to be here today
presenting my brief to the parliamentary commission. First, to introduce
myself, l am Bernice Goldsmith, whose full-time job is that of wife and mother.
On a part-time basis, l am a student at Concordia University and, also on a
part-time basis, at that university l coordinate and teach a course for social
aspects of engineering to undergraduate engineers on environmental impact
assessment which explains my appearance before you today. Second, my brief will
attempt to cover three
things: l will make a general statement. l will explain the need for
clarifications of some of the terms of the Environment Quality Act of bill 69
and the need to include some terms that are not in the act. And finally, my
comments and criticisms of the act and bill.
The assessment of environmental damage before a project is undertaken
has long been a noble goal. It is at last been legislated by the Quebec
government as one of the first jurisdictions in Canada to consider
implementation of environmental impact assessment legislation. At the same
time, to affirm the need for a high degree of public participation in the
process, the Quebec government is to be congratulated. However, for these very
reasons, it is important that those who will follow Quebec's action have for a
precedent legislation which offers to the public the proper access to the
assessment process. This will be the best means of insuring that the quality of
the environment will be stabilized and maintained.
In order for the above to be realized, there are a number of amendments
to the Environment Quality Act and Bill 69 that must be brought about:
Definitions that need clarification. The following words need expanding and
clarification: "Environment ". The meaning is too restricted to properly
implement EIA process. Its meaning must be brought in to include the social,
cultural, physical environment and economic criteria. "Person ' and "natural
person": The meanings are also unclear. They need clarification to enable
further analysis of these terms within the act. Perhaps natural persons should
be changed to physical persons. "Proper quality" needs further clarification.
How do you measure quality? What is the quality in the environment? Does the
government only consider a quality in the environment the removal of toxic
substances or does it consider a quality of the environment to include good and
pleasant surroundings with all its inherent criteria. (21 h 15)
Frequenting needs further clarification. l will discuss this in section
C-19. Definitions that are not included in the Bill or the Act, and that should
be: Environmental impact assessment means that part of the process consisting
of studies by which construction, industry, plan, program, project or other
activity, forming part or a class, determined by regulation, are subject to
varying degrees of identification, description and evaluation, in order to
determine the beneficial and averse effects of such projects and their
alternatives on the environment and the people. Environment impact statement or
statement means the report prepared by the proponent in accordance with the
Act.
The amendments in Bill 69 have given extensive powers to the minister,
but left a great deal of important details out, which are to be worked out by
him and his civil servants, with little input by the public.
The carrying out of these amendments, with some major alterations and
the implementation of regulations depends a great deal on the budget allotted
to the Environment Department. Without a sufficient budget, the programs and
regulatory process to carry out the goals of the Act will not be possible.
In my next part of the presentation, l will go through the Act, section
by section.
Section 6b. Appointees to the Bureau should be experts, competent in
their field to fulfill the role of 6-1 and 6-2, and should hold office on the
basis of good conduct because if the government does not approve of what the
Bureau members do, they could easily be removed.
Section 6c. Minister may make too many political decisions, therefore
hearing decisions should be made by an independent board. The creation of an
independent powerful environmental review board is a prerequisite to public
confidence in the new procedures. The powerful and independent review board
which would set at all times, invested like a Court, would give clear substance
to the often expressed view regarding the importance of environmental concerns.
A mechanism which would still make the board responsible to the elected
representatives would also be available through the legislature.
Section 6d. Public hearings should be heard anywhere in the Province of
Quebec, specifically in the community, municipality or town where the people
will be most affected by the action. This would allow the citizens to
participate without incurring any expenses for travelling, hotels, meals, loss
of time from work. Or the Minister should set up an expense allowance for
citizens wishing to present briefs before the government. This latter also
applies to parliamentary hearings.
Section 6f. What impact will the Bureau's bylaws have on public input?
If guidelines are to be drawn up, public opinion should be sought, so that
unforeseen complications do not arise after the Bureau is functioning.
Section 8. This whole section locks out the citizen from direct access
to the advisory Council, except at the discretion of the Environment Minister
and since the function of the Bureau will be a hearing board for EIS, there is
no mechanism set up for dealing with important presentative issues of
environmental concerns. Environmental impact assessment requires analysis of
conflicting values. It requires that the general public must have an effect on
the assessment process.
Section 9. "The minister must make public the opinions of the Council".
"Opinions" must be changed back to "studies", as opinions can be outlined in a
letter or press release, which would not give the public access to information
contained in the studies done by the Council. There should also be a time limit
of 60 days and then the study must be released to the public.
Section 19, a and b, are good provisions. However, until the regulations
are passed and the definition of "proper quality" is defined, the government's
policy on a proper quality of the environment will not be known.
Section 19c. The term frequenting, needs clarification. What does
frequently mean with respect to a number of visits that are occasioning the
vicinity.
I question this term for two reasons: 1- Although I do not frequent or
occasion a place or a vicinity, there may be in that place a polluting company
or person that is affecting my air or water 50 or 60 miles away, therefore
causing me to seek recourse for this inconvenience. Since I do not frequent the
place or immediate vicinity, I would be denied from seeking this recourse if
this provision remains as it is. 2- I would also suffer physical, psychological
and aesthetic injury if certain areas of our province were to be damaged due to
an act or operation. Even if I did not frequent the area, I feel it is my
obligation to intervene upon this act or action. I, as a citizen of
Québec, have no voice in this development or any other area of my own,
which is totally unacceptable to those of us who feel that there are natural
entities to be given a human voice.
I speak here today for the inanimate environment, that part which cannot
speak for it self.
The second problem with this provision is that even if a person were
able to obtain an injonction to take the case to court, he would be unable to
go to court because of the cost that might be charged against him. This factor
is a very serious problem for individuals and groups wishing to use the court
as a recourse to their environmental problems.
Section 19f. This section contains many excellent interventions, but
accomplishes the opposite. The problems areas are:
No recourse to the Minister's decisions.
If environmental approvals are weak, it will end up negatif sections 19a
and 19b. What are the monitoring provisions? Who will be responsible for the
inspections of the recommendations made in the Certificate of Authorization?
How will the public be kept informed if the project is going as planned?
There is a confusion in these amendments with the concept of obtaining a
certificate of authorization with respect to effluents standards, air pollution
levels, and the concept of EIA which is based on whether the project should
proceed, regardless if the standards or levels can be met. The question is
whether the project is needed. Need can only be fully established through the
process of comparison and evaluation of the advantages and disadvantages of the
available alternatives.
Section 22 (3). These studies should be made public, for the same
reasons mentioned in this provision, that is to understand the consequences the
project will have on the environment.
Division IV A, section 31a. This provision says a great deal, however it
will remain to be seen what and how soon these regulations will be instituted
and how effective these amendments and the act will be. Regulating programmes
will also serve a secondary and important function for Québec and
Quebeckers in that it will offer a great opportunity to develop jobs, jobs that
will add to the quality of Québec's environment.
A firm timetable must be established for implementation of legislation
in both the public and private sectors. The dates for such a time phasing
should be determined at public hearings, with basic phase periods appearing in
legislation, not in regulations.
All project, public or private, must be required to comply with this
time-table where it is determined that they will have a environmental
impact.
This deal does not give any substantive terms in dealing with
environmental impact assessment, because the deal does not discuss EIA; it only
discusses IAS, which are the statement, not the assessment. (21 h 30)
There is, in effect, no criteria laid out for valuing the assessment of
projects, just for the procedural processes of the statements. Since the act's
purpose is not clearly defined, it therefore seems that EIS will be nothing
more than an information document that will make sure the technical aspects of
actions are being met. No other considerations are being contemplated, such as
the social, cultural, economic, aesthetic impacts of an undertaking.
The law must require social and environmental assessment statements, a
cost-benefit analysis prior to project development approval for projects likely
to have significant environmental impact.
The law must clearly state that no matter what other approvals are
obtained, no project likely to have an effect may be started without
environmental impact assessment. Also, there is no specific mention in the
amendments that EIS's are to be made public documents and how they are to be
made public documents. Without access to these documents, how will the public
be able to participate? This must be clearly stated in the act or it will cause
a great deal of problems for those wanting to examine the EIS.
What is not specified in the act would be left to the discretion of the
proponents, which must not be the intention of this act. 31b. It is at this
point in the procedure that the public should be advised of the contemplation
of a project, which would give them enough time to (a) initiate their own
preliminary assessment and inquire into the undertaking and, if necessary, (b)
apply for private or public financial assistance in preparing their submission,
which would be made available to objectors acting in the public interest; (d)
line up their experts to help them with their projects. All of these aspects
take a great deal of time, and if the public is to play a meaningful role in
this process, then mechanisms should be set in motion that would make this
possible. 31c. As long as there are no regulations, there will be no public
consultation. What if the promoter disagrees with the Minister's decision? What
if the promoter takes too long in notifying the public, since he is paying the
bills? No mention is made of how or when the EIS will be made available to the
public.
Early notice of a proposed project must reach all those interested and
likely to be affected. In order to alert any person who might object to a
proposed undertaking, notice should be given whenever a project
proponent files his assessment document or application for exemption from
assessment with the minister or the board. Such notice would be given by
publication in the Gazette officielle du Québec, by advertising in local
and provincial media and by registered mail so as to reach all individuals and
groups who are interested or likely to be affected.
Section 31c (2). The question here is: Are municipalities' projects
bound by EIS? 31c (3). Who decides if the application is frivolous? It is
important to have an appeal heard by the board from this provision. Also, a
public notice explaining the reasons for considering this application frivolous
should be published. 31d. This information must be made public, for the reasons
stated in this provision, that is for the public to be able to fully evaluate
the consequences of the proposed project on the environment. 31e. In effect,
this provision allows the minister to bypass the whole process including
initiating the public consultation and public view of EIS together with the
application for authorization. What if the EIS is not considered satisfactory
by others than the minister? What recourse will they have?
Any person should be able to require the board to consider whether a
proposed project needs an environmental impact assessment or if an assessment
has been filed, whether it adequately explains expected environmental effects.
There is a large grey area of projects where discretionary power must be
examined in determining the need for such a document. However, a discretionary
screening mechanism that ignores the cumulative effects on the environment of
many small projects would delude the public into thinking that pollution and
environmental degradation are being stopped. In many instances, the public is
the best defender of the public interest and must, therefore, not be locked out
of the reviewing process. (21 h 30) 31e (2). This is a good provision. However,
the decisions should be made public and not only transmitted to the promoter of
the project and to the person having representation. 31f. The term "begun"
needs more detailed explanation and clarification. This provision will be
abused by most proponents, unless a time-limit and criteria for exemptions is
specified in the act, and then regulated. The public should have the
opportunity to review all exemptions so that the process does not become a
sham. 31h. Public access to all information about proposed project must be
guaranteed. The public must have the right to have made available all the facts
to which the project proponent is party. Where industrial trade secrets or
processes might be exposed, the board should have the right in closed session
to review this aspect of the information to determine whether or not it would
be made public. Also, adequate legislation must be amended, so that civil
servants may comment publicly on Government and private projects without fear
of jeopardizing their career. 31i (b). This section should read: Determine the
minimum and maximum of an environmental impact statement by developing
guidelines which would define the meanings of a draft impact statement and
final impact statement. It is also important to regulate the size of the
statement. It has been found in the United States that much extremist
documentation was included in the statements, and they have presently regulated
the contents of the EIS. It would be advantageous for the Québec
Government to streamline the process as much as possible, in that, I would say,
valuable time and money. 104. (a) This section of the Act must be broadened to
include more than environmental protection of air, water, land and solid waste.
Grants subsidies for studies, research and programmes in social, cultural and
economic concerns toward the environment must also be included, that is if the
environment quality Act is to provide "a person's right to a proper quality of
the environment and to the protection of the living species inhabiting it".
109. (a) This is a very good provision, however it is interesting to note that
such criteria are being taken into consideration when an injury due to
pollution has been inflicted on human beings, the fauna, the flora and
biological life, as a result of the offence, then the criteria of physical,
psychological or aesthetic injury are being taken into consideration. However,
nowhere in the Act or the Bill is the Minister obliged to take into
consideration these criteria. The EIA and the EIS would be the logical place,
as it would provide a much needed, preventive measure to society.
The legislation of EIA concept is an important step toward in
Québec environmental policy. However, legislating a concept without too
much substance is futile. As Bill 69 now stands, there is not much substance.
Consequently, there is much work to be done before the Bill can be considered
acceptable as a piece of workable legislation. That is if the policies of the
Environment Minister and the Québec Government are to be implemented in
a positive way. The task is a great one for all of us, Government, industry,
and business, and certainly citizens too.
To comment on the fact that some of the former interveners claim that
the ESP is or should be responsible for policing the environment concerns of
the people, that the price of having citizens to have a say in a project is too
expensive and too complicated, my comment is that ESP cannot do it alone. Like
the police department, they depend on the public involvement to catch those who
break the law. No one can act alone, we must act together to achieve the
intentions of this Bill, but with willingness, cooperation and understanding,
we can do the job and do it well for all Quebecers who wish to live dans la
vraie belle province de Québec.
Le Président (M. Laplante): Merci, madame. M. le
ministre.
M. Léger: I would say that your brief is so
interesting that l hope many other interveners will listen closely to
what you have just said.
First, l would say that we will take into account many of your remarks;
l would say most of them, because they were judicious, helpful and adequate
remarks which we will certainly take into account. l would say that many of
them will probably be seen in the regulation that will follow this law. l hope
that when this new regulation will be published in the Official Gazette, we
will have a chance to receive your comments on this regulation, because you are
touching lots of good and important points. So, l thank you very much for those
things.
We will not talk very longly about all the details that you have said,
but l have a few remarks on a few items at least. First, l would like to talk
about the definition of the word "environment". Regarding certain definitions,
l think we must consider the other side of the matter, because the word
"environment" is a word still in the course of development. It seems advisable,
in the matter to exercise foresight and not risk giving this term a too
restrictive meaning by overly specific definition now, maybe too soon. It would
seem, besides, that this manner of proceeding is more likely to bring about
decisions favourable to environmentalists in the courts and the jurisprudence
in coming years. So, I think this word will be more developed in the near
future and we should not take the chance of developing right now the word
"environment".
With regard to the word "person", we are prepared to consider the
possibility of recognizing individuals on the same footing as citizens groups
or corporate bodies (artificial persons). We will, if necessary, see to it that
the bill is made more precise on this point, to ensure that it is as
all-embracing as possible.
You also talked about large budgets. We agree on that, absolutely.
Larger budgets to foster better information and participation by the general
population will, in accordance with the objectives of our Department, preclude
sky-high budgets to repair the damage from badly conceived projects or to find
or restore uses for resources vandalized by unconscious developers.
We would also like to talk about the point of the independence of the
bureau of EIS. The point has been missed here. The role of the bureau is to
assist the Minister and the government to make enlightened decisions, but the
government does not intend to abdicate its responsibilities. It has been
elected to make decisions. The experts have another role to play. Those who
know what should be done are not those who can do it, nor necessarily those who
are willing to do it. So, that is why we think that the two bodies have
different approach and different objectives.
You also talked about hearings anywhere or everywhere to avoid useless
expenses for the population. We intend to hold hearings at the places where the
problems arise. So that investigation hearings were set up nearly in three
different places where the problems occurred. It was in Valleyfield,
Saint-Jean-de-Matha and Beauport, where we have seen problems. People were
expecting to be here. So, we have, we will have and we had also the hearings
very near the people, where the people live, where the people want to express
themselves.
You are talking about the "conseil consultatif", that it is no longer to
the public. I would like you to develop more this question because it will be
certainly raised before the bill is finally approved, because opinions are
divided and one more point of view can do no harm about this matter.
You are talking about the publication of the opinion of the "conseil"
within 60 days; this raises a question. Who should publicize these opinions,
would it be the minister or the "conseil"? If it is the minister, I think we
should have sufficient time to consider it and to decide how it should be
implemented; 60 days are rather restrictive and could well be too short. We
would like to have the "conseil" make longer range projections, we want the
"conseil" to think about projections, policies that we want to forecast. What
do you think about this way of operating with the "conseil"? Do you think the
minister has to publicize everything the "conseil" writes in reply to his
questions? How do you see the role of the "conseil consultatif" with the new
arrival of the "bureau", which has another objective?
Maybe you have a few answers about some of those remarks I just
made?
Mme Goldsmith: With respect to the "bureau", it is the "bureau'"s
role as an audience for public EIS, that role stands as it is and I find that
satisfactory. What I find now that is missing, basically missing, is that the
interventions that the public wants to make that have nothing to do with any
EIS's, these are other environmental concerns that would be maybe looking more
into areas that could possibly cause problems. There are very many questions
that have not got a specific immediate role that need to be looked into and
right now, as the bill stands, we do not see any way that we could... Unless, I
must be honest, we present these things to you personally and they are sent
back down into the advisory council which, according to the bill, has got quite
a load of work to do. They are going to be advisory to you, they are going to
be, perhaps, some kind of a hearing board if they have time and the third
one... I know that they have three roles to perform and I find that quite a
heavy load for them to be able to, what is their budget, how much of a staff
are they going to have, what is going to be their support staff? Before I can
answer your questions, I need answers to other questions too, but I do feel
that there must be some avenue for citizens to be able to go directly to
somebody it does not necessarily has to be a council, maybe the "bureau"
could expand their role but somebody so that they could make
representation to them on their concerns but it does not necessarily has to be
on EIS, it could be on other questions that deal with environmental
concerns.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous autre chose à
ajouter, M. le ministre?
M. Léger: There is also another question that I have asked
you.
Mme Goldsmith: You asked about the 60 days and when they should
be... The reason for the...
M. Léger: Yes, and who should put it public?
Mme Goldsmith: Actually, I feel that it should be the "conseil",
if they are the ones that are doing the studying, then, they are the ones that
should make it public. I am sure that there is no question that you would
oversee what they are doing. The reason for wanting the 60 days is that if you
leave it too broadly open, then, it presents a problem of when. There has to be
some kind of time delay at least to get an idea of when the studies are going
to be done. Obviously, your point is well taken in the sense that certain
studies of course take longer and have to be refined, but there has to be a cut
off date and then there should be, at some point, a publication. The public
should know that they are going to be able to get access to it within a certain
time, 60 days, 120 days, but, at least, they have some idea of when, after a
certain point of time, these are going to be available to them and not
something that can sit on your desk for a year or two, and they know that the
studies are being done but, for whatever reasons, they just cannot get to
them.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee. (21 h 45)
M. Goldbloom: Mrs. Goldsmith, you have a number of firsts to your
credit in coming before the parliamentary committee. You are the first
individual as distinct from a company or an organization to express your view;
you are the first person to speak in English, and you are the first person to
take the basic viewpoint that the bill does not go quite far enough. Those who
spoke before you felt that it probably went a little too far.
I think that we all share the objective that you set out in your first
remark, that is to say, that the definition of the word "environment" should be
as broad and as all encompassing as possible. Virtually everything that
contributes to the quality of our life forms part of the environment in which
we live, by the very fact that we live in it and that we relate to those things
and beings which surround us.
I am sure you recognize, however, that the purpose of a law not
the only purpose, but in setting standards, in setting limits and restrictions
and forbidding certain things, one of the practical purposes of a law is
to allow someone, the government or someone else, to take somebody else to
court and to gain redress for something which has been done. Therefore, it
seems to me that the definition of the word "environment" has to be
sufficiently pragmatic in terms of what can be brought before a court,
supported by evidence, in order to bring about a judgment which provides
redress for something which is done.
I think that is the basic reason why the definition of the word
"environment" which, incidentally, back in 1972, in the debate which
went on at that time, was considered by many people to be much too broad, and
some of the articles of the bill (20 and 22, as I remember) were criticized as
giving such broad powers as virtually to be unapplicable I think we have
come a long way since then, and I think that we have as our common objective
the definition of the word "environment" in as broad a way as possible, in
terms of the law, so as to allow people to ensure, through such action as the
law makes available to them the recovery of their rights with respect to the
environment.
Now, having said that, there are just two or three points that I would
like to raise with you. You refer, in your brief, to article 6b which sets
forth the procedure for naming members of the council. Your comment, if I
understood it correctly, was that the law should specify that those named to
such a council should be, by requirement imposed on the government that names
them, recognized experts in their field. I think you can appreciate that when a
law says that someone should be named to fulfill a certain function, it is
implicite in that statement that the person should have competence in the field
for which he or she is being asked to act. I would like to ask you though,
because you make such a specific point of asking that the article be modified
in order to specify that those people must be recognized experts I am
not asking you to embarrass anyone, including yourself but have there
been people named to assume functions on behalf of the environment who, in your
view, have not been adequately competent, have not been recognizably expert in
the field, or is it a general comment that you are making?
Mme Goldsmith: It is a general comment. I just want to be best
assured that the people who are going in the position to hear, in the Bureau
are competent in what they have to analyse, and this is extremely important. It
is a general comment; it has no reflexion on anybody in the past. It is a
general comment that certainly anybody who is nominated should be of the
highest calibre obtainable.
M. Goldbloom: That reassures me, and I am sure it reassures the
present Minister. My concern, as you can, I am sure, understand, would not be
that the people that the Minister would name would not be competent. My problem
would be that they would all be "péquistes". That is another story.
M. Léger: Cela va ensemble. M. Goldbloom: Si
c'était vrai!
There is really only one other question that I would like to put to you
and it relates to your comments about article 6c, in which you refer to the
question of the independence of the Board. You say, in effect: "A Minister has
political pressures which are exerted upon him or her, and an independent Board
would be free of such pressures and would, in that regard, be better able to
express the public viewpoint in more absolute terms of the requirement of
protecting the environment. "
The same kind of feeling comes through to me when you make what is, I
must say and this is the only place at which I will make this comment
a rather unusual recommendation, a counter traditional recommendation,
when you say that civil servants should be freed from the constraints which
presently exist upon them and should be allowed to speak out, whether they
agree with their Minister of their Government or not. It seems to me that if
that were adopted as a policy, it would become rather difficult for any
Government to govern. Anyone who works within a government has to consider
himself or herself a part of a team.
The question that I want to ask you, in relation to both of these things
is: You seem to make an assumption that a political person, an elected person
would be likely not to say the kinds of things that you would like to hear them
say, would be likely not to take the kind of position that you would like them
to take, would be likely to be influenced by influences that you would not
consider good, proper, pro-environment influences.
The implication is that the independent board, or the civil servants,
would be almost certain to say the right things in your view, to say the
proenvironment things and to be free of influences.
What I would like to ask you is: What would you do if it were the other
way around, if the independent Board, contrary to the minister, said something
that you did no feel was proenvironment? What if the civil servants said
something that you did not feel was the right thing, a pro-environment
position? In particular, if there are influences that are exerted on anybody,
is it not true that the elected person has to act out in the full light of
public opinion, and that the person who sits on a board, or who occupies a
position which is not elected, does not have quite that same spotlight put on
them? How would you change those people, if they did something or if they were
subjected to and responded to influences that you thought were bad influences?
At least when an election comes around, you can change the elected people.
Mme Goldsmith: Well, first of all, I think that perhaps the
impression you got was that everybody has to agree with me, which is not
true.
M. Goldbloom: No, but we all share the objective of doing the
right thing about the environment.
Mme Goldsmith: Whatever that is and if the board or an
independent board gave an opinion that perhaps I did not agree with, it did not
necessarily mean that their opinion is incorrect. It is their opinion, as long
as they were an independent board and made an independent decision. That is the
only point I am making.
The other point is that, often times, there are civil servants that
could, out of their jobs, you know, as civil servants, be witnesses at various
hearings and because of the fact that they are civil servants and they have
valuable information to give and they find themselves hampered in the fact that
they cannot appear before these hearings because of that fact. I think that
there is room for improvement on that point. I do not think that even if an
opinion contrary to what I think is right is given, it is not a good
opinion.
M. Goldbloom: No, I was not suggesting that you were putting
forward your own opinion as being absolutely right and the only one that was
right.
I would like to say, in closing, that I hope some day you will be
elected to public office and I hope you will become a minister. Then I would
like to ask you the same questions again.
Mme Goldsmith: Thank you very much, but I do not think I would
accept... Thank you, Mr President.
M. Léger: Mr President, I would just like to ask one
question to the member of Saint-Hyacinthe. I would just like to know if he has
any comment about the brief.
M. Cordeau: I just want to thank you, Mrs Goldsmith, for your
active participation...
Mme Goldsmith: ...you're very welcome.
M. Cordeau: ...to this commission and I hope that our Minister
will take into serious consideration all your comments when he will prepare the
regulations regarding this Bill.
M. Léger: Thank you...
Mme Goldsmith: Thank you very much.
M. Goldbloom: Mr Chairman, never underestimate your
adversary!
Le Président (M. Laplante): Mme Goldsmith, les membres de
cette commission vous disent merci. The members of this commission say thanks
for your participation.
Mme Goldsmith: Thank you for listening to me.
Le Président (M. Laplante): J'appelle le Comité
antipollution de Saint-Michel. Si vous voulez identifier votre groupe et les
personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît, M. Lauzon.
Comité antipollution des citoyens de
Saint-Michel
M. Lauzon (Daniel): Je m'appelle Daniel Lauzon, MSc. Je
représente le Comité antipollution des
citoyens de Saint-Michel. Avec moi, il y a mon père, qui
s'appelle Roméo Lauzon, qui n'est pas comme tel un membre du
comité antipollution, mais qui reste à Saint-Michel depuis 27 ans
et qui peut rendre témoignage.
M. le Président, je ne viens pas ici, évidemment, avec mon
avocat, mon président, mon vice-président et mon directeur de
marketing, parce que nous autres, le Comité antipollution des citoyens
de Saint-Michel, sommes un groupe de travailleurs des classes plutôt
inférieures de la population. Cependant, c'est un peu pour nous qu'on
édicte peut-être une charte de l'environnement. Alors, on a cru
bon de déléguer quelqu'un.
Il a été dit à quelques reprises, même
aujourd'hui, que les comités de citoyens pouvaient être frivoles.
Avant de lire mon mémoire, je voudrais expliquer un peu ce qu'est le
Comité antipollution des citoyens de Saint-Michel et montrer qu'on n'est
peut-être pas aussi frivoles que cela. Le Comité antipollution des
citoyens de Saint-Michel a été créé à la fin
de 1975, et c'est M. Renaud qui l'a parti; c'est un type qui demeurait
près de la carrière de Francon et, à un moment
donné, la compagnie Francon a fait partir une mine qui a envoyé
une roche par-dessus les maisons, et, à deux rues de là, il a
reçu la roche dans sa maison; cela a défoncé ses murs et
cela aurait pu mettre sa vie en danger, en un sens, la vie de sa famille. Le
gars voulait fermer les carrières dans Saint-Michel, non seulement
à cause de la roche, mais pour d'autres raisons, les mines, la pollution
par la poussière, etc. Il y a eu d'ailleurs une pétition qui a
été passée par le comité qui réclamait la
fermeture de la carrière et qui a recueilli la quasi-totalité des
noms sollicités sur le boulevard Saint-Michel. (22 heures)
Ceci dit, il y avait des raisons graves, on trouvait, à cette
époque, pour réclamer la fermeture des carrières, mais,
d'un autre côté, on se rendait compte aussi que c'était
peut-être une demande qui pouvait être acceptée seulement
avec réticence. Nous-mêmes, on la faisait avec
hésitation.
Donc, ce qu'on réclamait, d'une façon un peu plus subtile,
c'était une commission d'enquête sur les coûts sociaux de la
pollution dans Saint-Michel qui pouvaient être comparés aux
coûts économiques et on se disait: Si l'enquête prouvait
qu'il n'y avait pas moyen de faire autrement, qu'il n'y avait pas moyen, pour
les compagnies, de respecter des normes antipollution, là, on disait: II
faudrait peut-être envisager la fermeture de la carrière, d'autant
plus qu'une carrière, de toute façon, ça doit être
fermé quand on a fini de l'exploiter, et là, on sait que c'est
dans dix ans ou dans quinze ans, mais, à l'époque, on
n'était pas trop sûr. De toute façon, peut-être qu'un
grand trou comme ça, en plein milieu de la ville, il ne faut pas le
laisser creuser jusqu'à perpétuité, mais il faudrait
peut-être l'arrêter de creuser, à un moment donné,
pour pouvoir le réaménager. Donc, ce n'était pas une
demande vraiment irresponsable, mais cela heurtait les intérêts
vitaux des citoyens, qui pouvaient mettre leur vie même en danger en
restant à Saint-Michel. D'ailleurs, M. Renaud a réglé son
problème en déménageant, en laissant son problème
à celui qui a acheté sa maison.
D'un autre côté, le comité, après ça,
s'est rendu compte, parce qu'on a appris des choses qu'on ne savait pas, que
les compagnies qui étaient à Saint-Michel n'avaient pas
simplement des droits acquis à faire de la pollution ou à faire
des dommages à l'environnement, mais que, entre autres, de 1969 à
1975, leur production de ciment a doublé. Cela, ce n'est vraiment pas un
droit acquis. Elles ont doublé leur production. C'est un droit plus
qu'acquis. Ce n'est même pas un droit, à notre avis, et on s'est
dit: Si on fait des règlements antipollution et, en même temps, si
on laisse les compagnies produire autant qu'elles veulent, c'est tout à
fait une bouffonnerie ridicule, à ce moment-là.
Pour le moment, notre revendication consiste plutôt c'est
le sens du mémoire à demander le plafonnement des niveaux
de production de compagnies telles que celles-là. Il y a d'autres
problèmes à Saint-Michel évidemment, c'est la
proximité des carrières. Mais si, au moins, on pouvait obtenir le
plafonnement des niveaux de production à un niveau raisonnable et en
tenant compte du fait qu'il y a d'autres équipements antipollution qui
s'installent continuellement, peut-être que cela réglerait le
problème d'une façon acceptable, en bonne partie, jusqu'à
ce que les carrières ferment.
Alors, le sens du mémoire, c'est de justifier cette demande.
C'est une demande, d'ailleurs, qu'on avait fait passer dans les amendements
qu'on avait proposés dans le cadre du fonds de défense du projet
de règlement de l'assainissement de l'air de la Communauté
urbaine de Montréal l'an passé, projet de règlement qui
n'est toujours pas adopté d'ailleurs, au conseil, et on a fait adopter
une partie de ces idées dans le cadre du programme administratif du
Rassemblement des citoyens de Montréal.
Je vais lire le mémoire. Le Comité antipollution des
citoyens de Saint-Michel a reçu l'offre aimable du gouvernement de lui
soumettre un mémoire appréciatif sur le projet de loi no 69 qu'il
présente à l'Assemblée nationale du pays.
Nous en sommes très honorés et nous tenons à
souligner la considération qu'on a pour nous dans un gouvernement
progressiste à Québec actuellement, alors que les politiciens
conservateurs du passé ne nous témoignaient que trop de
mépris parce que nous étions les porte-parole de classes de la
population trop modestes pour régler avec eux les affaires du pays,
semblaient-ils croire.
Cela ne vise pas seulement les gouvernements provinciaux, mais
plutôt encore plus les municipaux.
La grave question de la politique antipollution nationale est l'objet de
notre attention depuis plusieurs années déjà. C'est un
problème qui est abordé surtout sous l'angle abstrait de la
justice, parce que tout ce que le citoyen demande, c'est justice, mais,
à vrai dire, une analyse sociale-démocrate correcte du
phénomène fait poser la question plutôt sur le plan de
l'économie politi-
que, c'est-à-dire la lutte des gens qui ne contrôlent pas
la production polluante, contre les politiques sans conscience sociale de ceux
qui possèdent ou contrôlent les moyens de production
polluants.
Nous sommes heureux de penser qu'un État social-démocrate
cherche à combattre le mépris des pollueurs contre les
travailleurs qu'ils emploient et la population qui avoisine leurs
activités. Malheureusement, ni la constitution, ni la culture politique
actuelle de ce pays ne permettent encore une planification économique
vraiment efficace éliminant ces problèmes. Ce mémoire
expose nos idées en la matière: Une stratégie dont le
souci n'est pas bêtement d'opposer la prospérité
économique à la qualité de la vie comme on le fait
souvent mais plutôt de les lier l'un à l'autre.
Le projet de loi no 69 reçoit notre appui dans cette
perspective.
Principe d'action: Voici, dans le contexte actuel, une proposition de
stratégie sociale-démocrate correcte de lutte contre les effets
polluants du capitalisme et de défense de la santé et de la
propriété des travailleurs.
Étant donné que dans un régime capitaliste les
contrats pour des produits, dont le traitement est polluant, peuvent être
donnés de façon à avantager certaines compagnies aux
dépens d'autres compagnies concurrentes, là réside le
point stratégique d'intervention publique contre les pratiques
polluantes.
Trois éléments sont à prendre en
considération: On privilégiera aux dépens de leurs
concurrentes les compagnies installées à une distance suffisante
de toute habitation ou bâtiment utilitaire pour ne pas constituer une
nuisance à la population. Par exemple, pour une carrière de
ciment, environ 600 mètres sont requis pour ne pas nuire, selon le
règlement actuel du Québec.
Deuxièmement, on privilégiera de même les compagnies
qui n'ont pas un niveau de production excessif, surtout en milieu
peuplé. Par exemple, une entreprise cimentifère avec une
capacité d'un million de tonnes par an est inacceptable en milieu
urbain. Ceci revient à dire qu'on doit favoriser la
déconcentration des industries les plus polluantes et lutter contre la
monopolisation. Ceci permet en même temps de protéger ou de
créer des emplois dans les moyennes entreprises, tandis que la
monopolisation élimine ce genre d'emplois industriels, comme chacun le
sait.
On privilégiera encore les compagnies polluantes qui ne sont pas
concentrées l'une près de l'autre, de sorte que leurs
émissions de matières polluantes ne s'additionnent pas. Par
exemple, si une raffinerie et une cimenterie sont à quelques milles
l'une de l'autre, il faut les avantager par rapport à une raffinerie et
une cimenterie collées l'une sur l'autre.
Ces trois principes stratégiques visent à limiter la
production des compagnies polluantes et faire monter, au contraire, la
production et l'emploi des compagnies moins malsaines. L'objectif antipollution
coïncide alors avec l'objectif de la protection de l'emploi.
Pour atteindre ces objectifs, les tactiques employées doivent
consister à hausser les coûts de production des compagnies
polluantes pour que leur monopole soit privé de son avantage comparatif
par rapport aux autres compagnies. Ce résultat peut être obtenu
par les moyens suivants: fortes amendes particulièrement
élevées contre les très gros pollueurs; obligation
d'installer des équipements antipollution suffisamment efficaces pour
que l'air d'un quartier demeure sain; taxes spéciales sur les sources
polluantes pour payer les frais du nettoyage de l'environnement. Par exemple,
en ce qui concerne les réseaux d'égouts, les utilisateurs
pourraient peut-être se voir exiger une taxe; limitation pure et simple
de la capacité de production des nouvelles industries et des anciennes
et limitation du niveau de production des industries existantes si le
système juridique le permet.
Il est évident que ces moyens tactiques favorisant la
déconcentration industrielle et luttant contre les monopoles frappent
tous les prix à la consommation, puisque les monopoles produisent
à meilleur marché. Cependant, ces tactiques ont l'avantage
d'éliminer les coûts de la pollution causée par ces
dégâts et protègent nos emplois. Par ailleurs, un tarif
douanier est nécessaire pour protéger nos propres industries
contre les pays qui favorisent les monopoles chez eux. Il y a une autre
possibilité aussi, c'est de signer des traités d'entente
transnationaux sur la question de la protection de l'environnement.
La seule alternative qu'on peut proposer à cette stratégie
est de subventionner les compagnies monopolistiques avec des taxes
répartissant alors les coûts de la pollution sur tout un
État, plutôt que sur un seul quartier. On avance cette idée
pour abaisser les coûts de production au profit des consommateurs locaux,
ce qui aurait un effet monopolistique néfaste sur l'emploi, cependant,
ou au profit des consommateurs étrangers qui sont ainsi fort
privilégiés. Ceci protège les emplois si l'industrie est
exportatrice, quoique l'effet monopolistique sera encore néfaste pour
l'emploi. En ce cas, nous subventionnons le développement à bon
marché de nos partenaires commerciaux.
Nous mettons fortement en garde qu'une stratégie pensant
favoriser l'économie doit éviter d'être monopolistique,
servilement capitaliste, attaquer le bien-être et la santé des
citoyens livrés sans défense à la pollution, et enfin,
éliminer des emplois, parce que le libre jeu du marché
capitaliste aboutit, à notre avis, à ces résultats.
Pour donner une idée de la réalité,
c'est-à-dire la nécessité de la lutte antipollution,
supposons un instant que dans le quartier Saint-Michel, on ne tente pas
d'enrayer la pollution actuelle par les industries cimentifères. En
1977, ces industries, rapprochées à moins de 40 pieds des
habitations (dans un quartier de 90 000 habitants) et groupées (2
carrières, 1 cimenterie, 7 bétonnières et 4 usines de
mélange asphaltique sur moins d'un mille carré) produisent une
atmosphère dans I quartier polluée à 150% de la norme
permise. S dans l'ensemble, les appareils antipollution filtrer
à 98% les émissions, il est facile de calculer que
l'absence de ces filtreurs multiplierait par 50 le niveau des émissions
nettes (qui seraient alors égales aux émissions brutes), de sorte
qu'on aurait là un niveau de pollution à 7500% de la norme
permise, bien que le niveau actuel de la pollution à Saint-Michel soit
le plus bas depuis qu'on a commencé à mesurer les taux (la
production de ciment a baissé après les Olympiques). La
santé et la propriété de la population seraient alors si
affectées que des déménagements massifs devraient
être ordonnés pour évacuer les habitants à des
coûts sociaux considérables.
Il est évident que le problème de la pollution
industrielle est causé par la propriété privée des
moyens de production dont les activités sont sans contrôle social
(de même pour les entreprises publiques dans un État qui ne
tiendrait pas compte des intérêts des citoyens). Le Comité
antipollution des citoyens de Saint-Michel réclame une politique de
lutte des classes pour contrôler directement la pollution et la
production au profit des travailleurs.
Le projet de loi 69. Nous mentionnions plus haut un
élément essentiel d'une planification économique digne de
ce nom: au lieu de laisser les lois d'une économie de marché
massacrer sauvagement l'environnement et l'emploi, il faut tenter "la
limitation pure et simple de la capacité de production... et du niveau
de production des industries existantes, si le système juridique le
permet", ou les deux autres stratégies dont j'ai parlé.
Le projet de loi 69 apporte d'excellentes mesures quant aux moyens
tactiques que nous proposons. Notamment, le recours civil en injonction devrait
permettre (espérons-nous) d'interdire aux compagnies de hausser leur
production polluante dans un environnement où les normes de
qualité de l'air sont dépassées. Si cette mesure est
efficace, il ne sera pas nécessaire de recourir à des moyens plus
radicaux (comme ordonner le réaménagement des carrières et
sablières).
Pour protéger les intérêts vitaux des citoyens, la
sévérité des tribunaux ne devrait être requise que
pour abaisser la production par tous les moyens, pécuniaires ou
injonctifs. La fermeture devrait plutôt être
considérée comme un échec de la planification
économique. Les travailleurs québécois doivent rechercher
le contrôle de leur économie, non en provoquer l'arrêt.
Mise en garde. Le projet de loi pouvant soulever des controverses dans
le pays, nous pensons devoir souligner pour sa défense le sens profond
des articles 19f et 109b. Ce qu'on y appelle un "préjudice physique,
psychologique ou esthétique" est qualifié de l'expression "par
suite de l'infraction". De même, le "droit à la qualité de
l'environnement" est restreint par la locution adverbiale "dans la mesure
prévue par la présente loi et les règlements".
Donc, nulle injonction ni amende ne pourra être imposée
sans infraction. Ce n'est pas le simple avis subjectif des citoyens et des
juges qui décidera, mais la politique de planification économique
du gouvernement.
En fait, nous pensons que le côté "psychologique ou
esthétique" ne doit pas être trop aveuglément
recherché. Quelques arbres peuvent efficacement masquer une usine
hideuse et, si le niveau de production de celle-ci ne met pas en danger la
santé de la population avoisinante, sa laideur ne sera sûrement
pas intolérable (nous pensons aux fumées et poussières
qui, en somme, sont surtout laides si elles sont dangereuses).
Ainsi donc, nous pouvons créer un environnement sain par des
filtreurs ou des limitations de production ou des règlements de zonage.
Dès lors, nous espérons que notre petit mémoire
contribuera à démystifier la propagande des têtes de mule
capitalistes contre la défense des intérêts des
travailleurs québécois, qui forment la majorité de la
population.
Je voudrais faire un petit ajout, M. le Président. C'est à
propos de la dimension du secret qui a été abordé un peu
aujourd'hui par d'autres intervenants. J'en discutais justement hier soir avec
quelqu'un du fonds de défense du projet de règlement de
l'assainissement de l'air de la CUM. C'est une chose que j'avais oublié
de mettre dans mon mémoire. C'est que, effectivement, le secret qui est
souvent pratiqué par le gouvernement... Par exemple, il ne nous avait
pas dit qu'il permettait à la compagnie Miron de doubler sa production
en six ans. Ce sont des choses que les citoyens ne savent pas. À partir
du moment où les politiciens s'acharnent à ne pas informer la
population et à faire toutes sortes de choses en coulisse, il est
entendu que, finalement, le droit à l'environnement, la charte du droit
à l'environnement devient une bouffonnerie. Parce qu'on ne peut pas
compter tellement sur la bonne foi des conseillers municipaux et, en ce qui
concerne les conseillers municipaux, ma foi, on peut donner des exemples qui
prouvent qu'ils sont souvent complices des compagnies. (22 h 15)
De toute façon, nous à Montréal... Cela a
été avancé quelques X fois aujourd'hui que,
peut-être, ce serait la municipalité qui devrait aller en cour
pour protéger les citoyens. Nous ne voulons pas laisser cela à la
municipalité parce qu'à Montréal nous avons un
problème; nous avons une administration qui aime le secret, la
dictature, qui ne veut rien savoir de la participation populaire, qui est
antidémocrate, antipopulaire, qui se préoccupe plutôt de
mettre $8 millions de béton dans le sol en dessous du vélodrome
olympique et qui en met autant dans nos poumons, mais qui ne se
préoccupe pas du tout de la qualité de la vie. Donc, si on
laissait cela à la municipalité, comme on l'a laissé en
bonne partie depuis 1970, cela resterait tout à fait inefficace comme
lutte antipollution.
La dernière fois où j'ai posé une question publique
au maire sur le projet de règlement d'assainissement de l'air de 1977,
il m'a dit que celui de 1970 était meilleur; alors, c'était pour
cela qu'il ne présentait pas celui de 1977.
Il y a un autre exemple de mauvaise foi de la part de la
Communauté urbaine de Montréal qui peut être donné.
Cet été, on s'est réuni dans un
bureau attenant à celui du député de Bourassa et il
y avait un représentant de la Communauté urbaine qui était
là, du Service d'assainissement de l'air. Je lui ai posé la
question: Vous avez écrit dans votre rapport de 1975 que la cimenterie
Miron avait doublé sa production de 1969 à 1975. Je lui demandais
si c'était une augmentation seulement de la production ou si
c'était une augmentation de la capacité de production. Le type
m'a dit: II n'y a pas eu d'augmentation de la capacité de production sur
les installations de Miron depuis un bon moment.
Or, seulement une semaine après, dans le Journal de
Montréal du 15 juin et ensuite du 20 juin, il y a eu un grand article:
Miron dépense $3 millions pour faire une nouvelle
bétonnière, une nouvelle usine de blocs de béton qui est
une des plus modernes et des plus vastes du genre au Québec et
même au pays, entièrement automatisée, qui peut produire 12
millions d'unités par année. C'est le genre de
déclarations qu'on nous fait souvent à la
municipalité.
Ceci pour dire que la dimension du secret, à ce moment-là,
est considérée comme très importante par les groupes de
citoyens et nous ne pouvons tolérer qu'on laisse simplement à la
municipalité le soin de protéger les citoyens. C'est ridicule.
Merci!
Le Président (M. Laplante): Merci, monsieur. Est-ce que
les membres de cette commission me permettraient de souhaiter la bienvenue
à deux électeurs du comté de Bourassa, faisant partie d'un
groupement antipollution? Je crois que cela fait au moins cinq ans qu'ils
luttent actuellement pour essayer de conserver un milieu décent à
Saint-Michel. C'est une des seules villes où il n'y a ni parc, ni
verdure pour la population qui est d'à peu près 90 000. Le
député de Bourassa ne se cache pas de travailler activement avec
eux et même le ministre pourra annoncer certaines solutions, certaines
approches qui se font actuellement pour le comté de Bourassa. Je tiens
énormément à vous remercier de votre venue ici. Continuez
votre action, on en a besoin.
M. le ministre.
M. Léger: M. le Président, je pense que, dans
l'environnement, même si on sauvait "Laplante", cela serait
déjà un gros avancement.
Je veux simplement, peut-être, vous féliciter pour l'aspect
positif du mémoire. C'est normal. On s'aperçoit que vous vivez
une préoccupation constante dans votre milieu et vous n'avez
touché du projet de loi que l'aspect qui touchait les carrières.
J'aimerais seulement poser une question. L'article 27 que nous amenons comme
amendement oblige les propriétaires d'une carrière ou un
exploiteur de carrière à faire un projet de
réaménagement une fois que cela est terminé. Est-ce que
vous pensez que c'est une mesure qui peut aider à dédommager, du
moins à un moment donné, peut-être dans quelque temps,
quand même les citoyens qui ont vécu tous les inconvénients
de cette carrière? Est-ce que vous pensez que cet amen- dement est une
chose positive et qui est acceptable?
M. Lauzon: Oui. Nous insistons beaucoup. D'ailleurs, on avait
critiqué l'autre projet de règlement, celui qui concerne
seulement les nouvelles carrières et sablières, parce qu'on
trouvait que dans cela vous aviez mis que justement les nouvelles
carrières et sablières devaient être
réaménagées. Pour les anciennes nous sommes
poignés avec des anciennes on est intéressé
à ce qu'elles soient réaménagées à un moment
donné, d'autant plus que ce sont des grands trous.
Évidemment, là, ce n'est pas une question de pollution;
c'est une question de planification urbaine. C'est que ces deux grands trous,
cela coupe en deux, même en trois tout le quartier. Vous avez une partie
de Saint-Michel qui est sur Pie IX, une autre partie qui est sur Saint-Michel
et tout cela est coupé du reste de la ville. Du moins, dans le sens
nord-sud. Alors, vraiment cela cause des problèmes de transport, de
planification urbaine assez importants.
M. Léger: Est-ce que vous pensez qu'avant d'émettre
une ordonnance pour faire appliquer l'article 27a obligeant à un plan de
réaménagement du terrain les citoyens soient consultés sur
le type de réaménagement qu'ils souhaiteraient dans leur
milieu?
M. Lauzon: Oui.
M. Léger: Maintenant, je dois dire aussi que,
nécessairement, le rôle des comités de citoyens est
très important. Quand vous avez commencé votre intervention en
mentionnant que les comités de citoyens ne sont pas des comités
frivoles, je pense bien que je suis d'accord avec vous puisque les
comités de citoyens ont justement une obligation et une
responsabilité, c'est celle de défendre les intérêts
des citoyens du milieu. Je pense que le travail que vous avez fait chez vous a
certainement amené à sensibiliser les compagnies Francon et
Miron, puisqu'à une visite que j'ai faite là-bas, cela s'est
soldé par une acceptation, de la part de la compagnie Miron, de
dialoguer avec les représentants du milieu, du comité de
citoyens, les relations futures, le correctif à apporter selon les
besoins du milieu. Aussi, j'ai appris que la compagnie Francon avait
accepté de commencer, au début de l'année 1979, à
rencontrer les citoyens du milieu.
C'est donc dire que le travail que vous avez fait a permis de
sensibiliser les gens de là aux inconvénients qu'ils causaient et
à la possibilité d'essayer de les minimiser en participant
à un dialogue avec le comité de citoyens. Je veux vous
féliciter sur ce côté. Je n'ai pas d'autres questions.
Étant donné que le temps avance, je ne veux pas prolonger
puisqu'il y a un autre groupe qui est ici et on est déjà à
22 h 20. Je vais laisser la parole aux députés de
l'Opposition.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je pense je le dis
amicalement au ministre, par votre intermédiaire que le temps que
l'on prend pour les questions doit être déterminé selon la
valeur du mémoire et pas selon l'heure qui avance.
Je me demande, M. le Président, pourquoi le ministre est
tellement pressé de cesser ces interventions. Est-ce parce qu'avant le
15 novembre 1976, il suffisait que le Parti québécois arrive au
pouvoir pour que tous ces problèmes soient réglés
immédiatement? On est 22 mois plus tard maintenant, on écoute les
doléances des citoyens de Saint-Michel et l'on constate que le
problème n'est pas encore réglé et que tout ce que le
ministre a pu réussir, c'est d'obtenir l'acceptation du dialogue de la
part des dirigeants de la compagnie Miron. Ce n'est pas mirobolant comme
succès.
M. le Président, je passe sous silence des éléments
de ce mémoire, sauf que je dois dire que, pendant douze années et
demie de vie publique, j'ai essayé d'éviter d'avoir du
mépris à l'endroit de qui que ce soit. Je passe sous silence les
épithètes désobligeantes à l'endroit de diverses
personnes.
Ce mémoire nous indique que la solution à ce
problème, et sans doute à beaucoup d'autres, se situe dans la
lutte des classes. M. le Président, je pense que ce que nous devons
réussir ici, c'est la rédaction d'un projet de loi, d'une
éventuelle loi qui permettra des interventions de la part du
gouvernement, des interventions de la part des citoyens selon les faits, selon
ce qui peut être prouvé, parce que nous avons quand même un
régime où la loi doit être respectée et le respect
de la loi doit être assuré par les tribunaux.
La situation dans le quartier qui est affligé par les
difficultés que l'on connaît, c'est une situation qui n'a pas pris
naissance hier. Effectivement, j'ai été intéressé
par une des recommandations, celle qui propose que le gouvernement
privilégie les carrières de ciment qui sont à une distance
d'au moins 600 mètres des habitations. Je me permets de croire qu'il y
avait une époque, je ne saurais l'affirmer en ayant mesuré les
distances, mais il me semble qu'il y avait une époque où il y
avait effectivement une distance de 600 mètres entre la carrière
Miron, la carrière Francon et la plupart des habitations du voisinage.
Je me demande, encore aujourd'hui, comment il se fait que des permis de
construction aient été émis pour construire sur cette
lisière.
Mais le fait est que c'est jusqu'au bord du cratère que l'on a
construit. C'est absolument regrettable que cela ait été fait.
Aujourd'hui, nous nous trouvons devant une situation extrêmement
complexe, complexe non seulement à cause de cette chronologie du
développement du quartier, mais complexe aussi et je ne voudrais
pas que vous preniez mes paroles comme étant un appui aux exploitants
des carrières, ce n'est pas du tout mon but mais regardez le
problème social que nous avons.
Malgré le développement dont je viens de parler et
d'autres développements dans la région métropolitaine, il
y a eu aussi énormément de démolitions, une autre
tragédie de notre histoire, et les démolitions ont souvent
dépassé en nombre, en une année donnée, les
constructions. Les familles, les personnes à faible revenu ont
été expulsées du centre-ville et des frais de transport
ont été ajoutés aux frais inhérents à leur
habitation.
Aujourd'hui on parle, peut-être un peu moins depuis quelques mois,
mais l'on parle toujours d'une crise du logement. S'il y a une crise du
logement, il est évident que, pour certains groupes, certaines familles,
certaines personnes, il y a des subventions qui sont disponibles. Mais il y a
la masse de la population qui ne pourra jamais être subventionnée,
qui devra toujours s'adresser au marché pour trouver un logement
convenable. Si nous éloignons les carrières des centres de
population, nous ajoutons des frais de transport au coût de l'habitation.
Il faut quand même se servir du ciment pour les solages et tout cela. Si
l'on doit aller à 50 milles de Montréal pour chercher ce ciment,
la maison va coûter plus cher. Et c'est un problème social qui est
très grave.
Je pense qu'il serait irresponsable de ma part d'essayer de dire qu'il y
a une solution facile à tout cela. Il n'y en a pas. Mais l'effort se
fait depuis plusieurs années et se continue. J'ai lancé des
flèches dans la direction du ministre tout à l'heure, mais
c'était avec un certain sourire, parce que sérieusement je suis
aussi conscient que lui de la difficulté qui existe face aux
problèmes que vous avez si bien décrits. Et vous avez bien
décrit ces problèmes. Je laisse de côté une certaine
phraséologie que vous avez bien voulu utiliser; en dessous de cette
phraséologie, il y a un problème humain qui est très
réel, un problème d'environnement qui est très
réel. Je pense qu'il s'impose que nous vous remercions d'avoir
attiré encore une fois ce problème à l'attention non
seulement des élus, mais de la collectivité. Cela nous servira
comme incitation à une vigueur plus intense pour trouver une
solution.
Je sais qu'il y a des gens qui sont à la fois des affligés
de la pollution et des travailleurs des usines en question. Voilà un
autre problème social qui est fort complexe. Parce que l'on peut faire
beaucoup de théorie, mais le fait est que le gagne-pain de la famille
doit pouvoir travailler afin de faire vivre sa famille, son épouse et
ses enfants. (22 h 30)
II y a une limite à ce que l'on peut faire pour compenser des
pertes d'emplois. Si nous faisions perdre les emplois de tous les travailleurs
qui oeuvrent actuellement dans des industries polluantes, le bien-être
social ne serait jamais capable de suffire aux besoins. La richesse collective
du Québec ne suffirait pas pour répondre à ce besoin. Il
faut donc échelonner une intervention à l'égard de chacun
des pollueurs. Même si l'on est tenté souvent, je dirais, à
être un peu partisan et faire peut-être des blagues, parce que la
vie doit avoir un peu de piquant de temps en temps, sérieusement, il y a
une unanimité des deux côtés de la table devant le cri
d'alarme que vous lancez, et une volonté, des deux côtés de
la table, de faire quelque chose, de faire le mieux possible.
Sans avoir des questions, c'est ce que j'ai voulu exprimer parce que je
su is passé par là moi aussi et je connais les
difficultés. J'ai confiance que le gouvernement, même si sa
couleur politique n'est pas celle que je préfère, cela est dans
le jeu normal de la
démocratie, ces choses changeront un jour... Je connais le
député de Lafontaine depuis longtemps et malgré tout ce
que je pourrais dire à son sujet qui serait un peu désobligeant,
je ne le taxerai jamais d'un manque de sincérité en ce qui
concerne la protection de l'environnement et en ce qui concerne la protection
de la santé des gens qui sont exposés à des contaminants
de toutes sortes. Alors, je le prie, en votre nom, de continuer son travail et
de réussir aussi rapidement que possible.
Le Président (M. Laplante): Monsieur...
M. Lauzon: Je le prie moi aussi de continuer. Je voudrais vous
faire remarquer que, comme je l'ai dit dans le mémoire, l'industrie,
qu'elle soit capitaliste ou socialiste, en effet, va polluer autant s'il n'y a
pas de planification économique. Quand je dis que c'est une politique de
lutte des classes, ce que je veux dire, c'est que de toute façon nous
autres, les travailleurs de Saint-Michel, on ne possède pas la compagnie
Miron.
Cette compagnie je parle de Miron, mais on pourrait parler de
Francon aussi est possédée par des capitalistes belges et
canadiens. On n'a pas de contrôle là-dessus. Et le
problème, c'est que c'est une grosse multinationale qu'on a
laissé grossir et c'est une industrie trop grosse en milieu urbain.
Donc, même si on ne la fermait pas complètement, cela ne me
dérangerait pas, du moment qu'elle serait moins grosse.
D'autre part, vous avez parlé des coûts de l'habitation.
Franchement, quand on vient d'investir un milliard dans les Olympiques, je
trouve que le coût de l'habitation a bien des raisons d'augmenter et le
fait d'abaisser un peu la production de quelques grosses industries en plein
milieu de la ville, ce n'est pas là la grosse catastrophe. Ce sont
d'autres bouffonneries qui se font en dehors de cela.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe, vous avez une question?
M. Cordeau: Oui. Tout d'abord je voudrais me situer parce que
j'aurais peut-être des questions à poser. Alors, je suis un
travailleur, j'ai toujours été un travailleur tout le temps de ma
vie et je suis encore un travailleur au service de ma province et de mes
concitoyens.
Ceci dit, vous mentionnez à la page 4: Le comité
antipollution des citoyens de Saint-Michel réclame une politique de
lutte des classes pour contrôler directement la pollution et la
production au profit des travailleurs.
Croyez-vous sincèrement que si les travailleurs
possédaient les carrières actuellement, il y aurait moins de
pollution?
M. Lauzon: Comme je vous l'ai dit, s'il n'y a pas de
planification économique, le problème pourrait être aussi
grave. C'est une question d'avoir un adversaire de moins avec qui parler.
M. Cordeau: Comment, un adversaire? Qu'entendez-vous par
"adversaire"?
M. Lauzon: Si vous avez une compagnie dont les possédants
sont en Europe et qui se fichent pas mal peut-être de ce qui se passe
dans un quartier perdu de Montréal, évidemment, ce n'est
peut-être pas l'ami du coin de la rue à qui vous donnez une tape
sur l'épaule et vous arrangez ça en un clin d'oeil.
M. Cordeau: Tantôt, vous avez parlé de capitalistes
polluants. Croyez-vous qu'il n'y a que des capitalistes polluants et qu'il n'y
a pas des individus polluants?
M. Lauzon: C'est-à-dire qu'actuellement on vit dans un
système capitaliste. Comme j'ai dit, les industries socialistes sont
aussi polluantes, s'il n'y a pas de planification. Quant à savoir s'il y
a des individus polluants, les principaux, les plus gros, ce sont les
capitalistes, tout de même.
M. Cordeau: Mais seulement, plusieurs petits en forment un gros,
ils peuvent égaliser un gros.
M. Lauzon: Mais ça, il ne faut pas se lancer
là-dessus et dire aux citoyens: Ah! si vous n'étiez pas plusieurs
petits polluants, vos problèmes...
M. Cordeau: Non...
M. Lauzon: ... d'environnement seraient réglés. Ce
n'est pas vrai.
M. Cordeau:... mais je pense qu'il ne faut pas garrocher les
roches seulement aux gros capitalistes.
M. Lauzon: Non.
M. Cordeau: II faut être un peu positifs dans vos
revendications. Je pense que c'est une éducation de toute la population
que même les comités de citoyens devraient prôner et non la
lutte entre les classes...
M. Lauzon: C'est un aspect du problème.
M. Cordeau: ... comme vous le présentez, d'ailleurs, dans
votre mémoire. Je l'ai lu. Je crois que ce serait bon que vous soyez un
peu plus positif, et moins négatif...
M. Lauzon: Je trouve qu'on l'a été pas mal.
M. Cordeau: ... de ce côté-là.
Aussi tantôt, vous avez visé beaucoup de gens dans la
province de Québec lorsque vous avez affirmé que les conseillers
municipaux étaient de mauvaise foi. Je dois vous avouer humblement que
je suis un conseiller municipal...
M. Lauzon: À Montréal.
M. Cordeau: ... et qu'à l'ouverture du congrès de
l'Union des municipalités du Québec, je dois m'inscrire en faux
contre une telle affirmation gratuite et mensongère. Je ne sais pas
quels sont les conseillers que vous fréquentez, vous pouvez
peut-être porter des jugements sur des conseillers, soit à
Montréal, parce que vous n'en connaissez peut-être pas d'autres,
mais je dois vous assurer qu'ici, je m'inscris en faux contre vos affirmations
et cela, je ne le fais pas à mon égard, parce que les citoyens de
Saint-Hyacinthe m'ont déjà jugé, mais, par contre, parce
que j'ai été réélu par acclamation la
dernière fois, contre ce que vous avez affirmé lorsque vous avez
donné vos explications, car je me dois ici de défendre un peu les
conseillers municipaux qui, pour plusieurs, travaillent quasiment pour des
prières.
Alors, je crois que ces gens-là méritent
considération et que la population doit leur savoir gré de leur
désintéressement et leur bonne foi.
M. Lauzon: Je suis content que vous disiez ça, parce que,
moi-même, vu que je trouve qu'il y en a quelques-uns qui ne sont pas de
bonne foi, je suis décidé de me présenter comme conseiller
municipal.
M. Cordeau: Vous vous embarquez dans une méchante
galère. Vous ne savez pas qui vous allez fréquenter.
Le Président (M. Laplante): Au nom des membres de cette
commission, je tiens à vous dire merci.
M. Lauzon: Merci, M. le Président et merci à tous
les membres de la commission de nous avoir entendus.
M. Cordeau: Je vous remercie, par contre, de votre
mémoire. Étant donné qu'on vit dans un pays
démocratique, vous avez encore le droit. J'espère que cela durera
longtemps...
M. Lauzon: Moi aussi.
M. Cordeau:... parce que si on en vient à vivre dans un
pays peut-être que vous aimeriez, que certaines politiques prônent
ici, je crois que vous n'auriez pas eu l'occasion de présenter un tel
mémoire.
M. Lauzon: Je n'irai pas jusqu'à être dans ces
pays-là.
Le Président (M. Laplante): J'appelle le Conseil de
l'environnement du Saguenay. Vous avez deux mémoires, un concernant le
ministère de l'environnement et l'autre sur le projet de loi no 69.
M. Bouchard (Philippe-Auguste): C'est un ajout à...
Le Président (M. Laplante): C'est une suite.
M. Bouchard (Philippe-Auguste): Oui.
Le Président (M. Laplante): C'est une annexe seulement,
d'accord. Si vous voulez vous identifier et identifier votre groupe et les
personnes qui vous entourent, s'il vous plaît!
Conseil de l'environnement
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau Inc.
M. Bouchard (Philippe-Auguste): Conseil de l'environnement
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau Inc. Philippe-Auguste Bouchard,
président; Julien Tremblay, administrateur, Louis Coulombe,
vice-président, Louise Accolas, secrétaire, et Gérard
Claveau, administrateur.
Le Président (M. Laplante): Excusez-moi, les deux derniers
sont...?
M. Bouchard: Louise Accolas...
Le Président (M. Laplante): Accolas?
M. Bouchard: Accolas.
Le Président (M. Laplante): Et le dernier?
M. Bouchard: Gérard Claveau.
Le Président (M. Laplante): Claveau. Merci. On
débute?
M. Bouchard: Oui. M. le Président, messieurs les membres
de la commission parlementaire, le Conseil de l'environnement
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau Inc. est un organisme à but non
lucratif qui rassemble des personnes et des associations concernées par
les questions de l'environnement. Il se veut un agent de coordination et de
consultation de tous les groupes et personnes du milieu. Le conseil est
constitué en corporation selon la Loi des compagnies du Québec,
troisième partie, et selon les lettres patentes octroyées par Son
Excellence le lieutenant-gouverneur de la province de Québec le 1er
novembre 1973. Le conseil, afin de réaliser le plein
épanouissement de l'individu dans un environnement sain, se fixe comme
objectifs de promouvoir l'utilisation rationnelle de l'environnement, de
favoriser la participation et réaliser la consultation de tous, de
participer à l'éducation et à l'information de ses
concitoyens, d'analyser les problèmes et d'étudier la solution en
toute matière touchant la protection et la sauvegarde de
l'environnement. Le Conseil de l'environnement
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau Inc. compte présentement 215 membres
répartis comme suit: 177 membres individuels, 15 corporations
municipales, 19 associations bénévoles ou organismes, 3 maisons
d'enseignement ou institutions scolaires, une corporation privée.
M. le Président, c'est avec une grande satisfaction que nous
venons devant vous exprimer nos vues sur un sujet qui nous tient à
coeur, soit
celui de l'environnement. Si le débat écologique est
déjà vieux de plusieurs années, cette rencontre constitue
pour nous la confirmation qu'un pas important a été accompli.
Loin de nous asseoir sur cette première victoire, c'est avec toute la
ruse du carcajou et l'oeil perçant de l'aigle pêcheur que nous
avons scruté le projet de loi 69 soumis à notre critique. Nous
vous livrons donc nos constatations avec toute la franchise des gens conscients
de la justesse de leur démarche.
Le Président (M. Laplante): Monsieur, je ne voudrais pas
vous brimer dans vos droits, c'est vous qui allez le juger, mais vu l'heure
tardive est-ce que vous seriez capable de faire un résumé du
mémoire pour que les membres de cette commission puissent vous
questionner?
M. Bouchard: M. le Président, je suis bien d'accord. J'ai
à peu près 20 minutes de texte à lire.
Le Président (M. Laplante): C'est justement...
M. Bouchard: On a fait 150 milles ce matin. On a
été convoqué pour 15 heures cet après-midi. Nous
allons faire encore 150 milles pour retourner. Je crois qu'on mérite
qu'on soit entendu jusqu'à la fin, qu'on réponde correctement
à nos questions et qu'on réponde aussi à vos
questions.
M. Cordeau: D'accord.
Le Président (M. Laplante): Vous êtes d'accord pour
passer 23 heures? Tout le monde est d'accord.
M. Léger: Si tout le monde est d'accord...
Le Président (M. Laplante): C'est le voeu unanime des
membres de cette commission.
M. Bouchard: Je vous remercie beaucoup, M. le Président,
et les membres de la commission.
Dès la première lecture du projet de loi 69, nous avons
vivement apprécié la volonté exprimée de donner une
vie légale, de reconnaître à toute personne et à
toute espèce vivante le droit à la qualité de
l'environnement, de donner aux citoyens du Québec les outils
nécessaires à l'exercice effectif de ce droit. Cette
reconnaissance représente l'aboutissement de longues années de
lutte, d'un lent travail de conscientisation nécessaire à la
réalisation de chaque étape du processus d'évolution
humaine. Dans la même ligne de pensée, le projet de loi 69 soumis
à notre jugement constitue une amélioration certaine de la Loi 34
de 1972.
La création d'un bureau d'audiences publiques favorisera la prise
en charge par la population de la qualité de son habitat. Non seulement
des débats publics offriront à chacun la possibilité
d'exprimer ses vues sur les différentes facettes de la pollution et
l'impact des projets industriels ou autres sur l'équilibre naturel de sa
région, mais le simple fait de débattre sur la place publique ce
genre de sujet aura des conséquences plus que bénéfiques
pour l'ensemble des citoyens impliqués.
Enfin, les dossiers écologiques sortiront des chapelles que
représentent les universités pour rendre cet aspect de notre
réalité aussi quotidien et vivant que l'économie, la
santé publique et l'éducation. (22 h 45)
Sur la place publique, l'écologie ne restera plus une science
ésotérique, mais un débat normal et naturel, qui sait,
peut-être aussi populaire que les finales de hockey. Nous voyons
là une occasion de créer une parole d'homme libre, d'homme qui se
respecte et s'estime, puisqu'il s'agira à chaque fois de définir
globalement, cas par cas, et dans le détail, la qualité de la
vie.
Débattre de la qualité de la vie, c'est définir la
qualité et aussi définir la vie. C'est une recherche de nuances,
de limites et de frontières; c'est explorer à rebours les racines
humaines les plus profondes, les plus secrètes; c'est reposer
définitivement à la collectivité la question de
l'homme.
Cette question de l'homme nous incite à définir le minimum
de laideur tolérable, le minimum de santé tolérable pour
l'espèce humaine et celles qui partagent son habitat. Parler de minimum,
c'est parler de limite, c'est valoriser chaque espèce, quantifier
l'importance objective et subjective de chacune d'elles, c'est ne plus pouvoir
considérer l'homme comme couronnement de la création, mais comme
le gestionnaire d'un patrimoine duquel il tire sa subsistance, mais aussi face
auquel il a des devoirs de protection. Ces devoirs ne sont pas seulement des
devoirs moraux, des devoirs comme ceux que le fils a envers son père,
mais des devoirs vitaux, des devoirs de l'ordre de ceux qu'un père
contracte envers ses enfants.
Débattre publiquement l'environnement, poser collectivement la
question de l'homme, c'est poser publiquement la question de la valeur de nos
enfants. Leur léguerons-nous en héritage un habitat sain,
productif et viable, ou un minable désert de cochonneries improductif,
une planète dégénérée sur laquelle ils
n'auront d'autre possibilité que de se crever à cultiver dans le
gravier pour arracher leur subsistance.
Ces considérations donnent à l'avance l'échelle
dans laquelle nous situons notre intervention, l'importance que nous attachons
à nos démarches, et affirment que dorénavant, nous
exigerons de tous le respect de ce territoire qui ne nous appartient pas tout
à fait.
Ce que nous demandons d'une loi sur la qualité de
l'environnement, c'est un outil tranchant bien affûté, une arme
efficace pour la défense des frontières de notre dignité
d'homme. Ce que nous exigeons, c'est le moyen d'imposer à qui que ce
soit le respect de notre vie en symbiose avec notre pays et du patrimoine que
nous léguerons à nos enfants.
La première faille que nous avons remarquée dans le projet
de loi 69 concerne l'article 1, paragraphe 6.
Nous éprouvons quelques malaises à constater le manque de
représentativité de nos concitoyens au sein du bureau d'audiences
publiques. Nous demandons une représentativité garantie par la
loi de la population au sein de ce bureau et ce, par le biais des conseils
régionaux d'environnement.
Nous souffrons difficilement de renoncer à notre droit de regard
et de parole après les audiences publiques, ne serait-ce que pour
ramener les spécialistes à des conclusions et des
résolutions qui ne noieraient pas dans des textes inaccessibles et
incompréhensibles l'opinion de nos représentants lors de ces
mêmes audiences.
De toute façon, nous considérons que le débat sur
l'environnement étant un débat fondamental, il nous appartient
directement et, quel que soit l'échelon où il se situe, nous ne
voulons pas le perdre de vue.
Le deuxième trou, et il est de taille, que nous rencontrons
à la lecture du projet de loi 69 concerne l'article 4, paragraphe 19c.
La politique étant ce qu'elle est, nous craignons le danger qu'un
conflit d'intérêts entre différents champs
d'activités des divers niveaux de gouvernements ne relègue au
second rang ce que nous considérons comme une priorité. Il nous
apparaît même probable qu'une municipalité, prise entre son
besoin d'expansion et de développement et son service d'environnement,
dans un calcul que nous n'admettons pas, opte pour son développement et
laisse tomber les considérations environnementales. Le gouvernement du
Québec, les exemples ne manquent pas, n'est pas lui non plus à
l'abri de telles tractations.
C'est pourquoi nous considérons indispensable que les conseils
régionaux d'environnement, sollicités par n'importe quel citoyen,
soient eux aussi mandatés par la loi à pouvoir requérir
une injonction contre quiconque entreprend une opération qui porte
atteinte ou est susceptible de porter atteinte à notre droit à la
qualité de l'environnement. Cet ajout représenterait, pour la
population, une espèce de recours collectif souvent nécessaire
face à des personnes trop puissantes ou face à des délits
mineurs multipliés à l'infini.
Nous réexprimons que nous voulons, par la loi 69, nous donner un
outil efficace pour la protection de notre patrimoine et que la moindre
possibilité qu'un individu ou une autre personne puisse passer outre
soit écartée. Dans ce cas, notre seule garantie, c'est de pouvoir
directement, par un organisme qui nous appartient, recourir à la justice
pour nous faire respecter. Donc, nous demandons que l'article 19c
spécifie que les conseils régionaux de l'environnement puissent
requérir en injonction, au même titre que le procureur
général du Québec, les municipalités, un citoyen ou
une autre personne physique.
Dans le même ordre d'idées, nous demandons que l'article 9,
paragraphe 31c, spécifie explicitement que toute personne,
municipalité ou CRE, puisse demander au lieutenant-gouverneur en conseil
la tenue d'une audience publique. Une troisième faille du projet de loi
69, qui nous a frappés et que nous jugeons très grave, concerne
l'article 9, paragraphe 31f. Il est absolument inadmissible qu'une personne ou
qu'une industrie puisse être soustraite à quelque prescription de
la loi en matière d'environnement. Nous ne sommes plus en 1900. Les
études sur les problèmes d'environnement sont amorcées
depuis déjà assez longtemps pour que personne puisse feindre
l'ignorance de ces problèmes lors de l'élaboration d'un projet.
Nous considérons que, quelle que soit la nature du projet, le fait de
n'avoir pas sérieusement inclus dans son élaboration une
étude d'impact sur l'environnement constitue une faute grave, au moins
d'ignorance crasse, sinon carrément de mauvaise foi évidente. En
conséquence, nous voulons voir rayer complètement du projet de
loi 69 l'article 31f, de façon à soustraire à toute
possibilité de tractation politique, à tout jeu de coulisse,
à toute notion d'arbitraire le respect de l'intégrité de
notre terre.
Nous soutenons que nul ne doit avoir la possibilité de spolier
notre environnement, de franchir les frontières de notre dignité
d'homme, sous quelque considération que ce soit. Il n'est que justice
que ceux qui ont négligé d'y songer par le passé soient
obligés aujourd'hui de justifier leurs actes, de réparer les
torts causés à la propriété collective et soient
ainsi contraints de s'amender et de régulariser leur situation. Nous
avons rencontré plus loin dans le projet de loi 69 quelques
imprécisions et abstentions qui laissent encore trop de latitude aux
gens qui auront à appliquer la loi sur la protection de
l'environnement.
Nous voudrions voir préciser à l'article 10 que tout
système d'égouts ne puisse dorénavant être construit
sans un système de traitement des eaux usées. Ce système
devra assurer le rejet d'une eau absolument compatible avec les normes
établies par les services de protection de l'environnement, quels que
soient les coûts encourus par le procédé nécessaire
au traitement de ces eaux. L'eau doit être chimiquement et biologiquement
propre.
Pour assurer que cette loi soit appliquée avec toute la rigueur
nécessaire, nous demandons de plus la suppression pure et simple du
paragraphe p) de l'article 17 de la loi 69. Nous considérons que cet
article laisse trop de passe-droits. Il nous apparaît nécessaire
de rappeler encore que nous ne souffrirons aucune possibilité pour qui
que ce soit de passer outre à cette loi qui doit protéger notre
habitat. Finalement, pour nous assurer d'abord la participation affective de la
population, et aussi multiplier presque à l'infini le nombre des agents
de la protection de l'environnement, nous demandons que l'article 119 de la loi
34 élargisse la notion de mandataire des services au simple citoyen de
façon que, chaque fois que deux personnes sont témoins directs
d'une infraction, elles puissent, après une simple formalité
d'assermentation, procéder à la mise en accusation du ou des
contrevenants.
La notion d'infraction devra elle aussi couvrir explicitement les
délits mineurs ou considérés
comme tels. Le simple fait de jeter par la fenêtre d'une auto un
emballage, un papier, un contenant ou autre objet, devrait, comme cela est fait
dans différents États américains et certaines provinces
canadiennes, encourir des amendes allant jusqu'à $500 et ce sur simple
sommation par n'importe quel des agents de la paix, gardes forestiers,
officiers d'environnement, policiers municipaux ou la Sûreté du
Québec. La protection de l'environnement englobe toutes les formes de
l'activité humaine et ce n'est qu'au prix d'une vigilance et d'une
attitude inflexibles que nous arriverons à conserver, parfois même
à redonner au territoire québécois toutes les
qualités d'un pays riche, prospère et sauvagement magnifique.
Les premières photographies par satellite nous ont jeté
à la tête une réalité que nous avions toujours
ignorée ou feint d'ignorer. La terre n'est ni plus ni moins qu'un
gigantesque vaisseau spatial aux ressources limitées. La prise de
conscience de cette réalité s'est faite par étapes
rapides, plus ou moins violentes et pressantes, selon les régions et les
groupes humains. Il n'en demeure pas moins que l'homme du 20e siècle est
désormais confronté avec le caractère fini de sa
planète. Du coup, chacun s'est posé la question de sa survie.
Notre vaisseau transporte-t-il une cargaison suffisante de tout ce qui est
nécessaire à la vie de tous? On s'est vite rendu compte qu'il ne
s'agissait pas de cargaison, mais bien d'un système
intégré, infiniment interdépendant, d'une fragilité
relative comparable à sa complexité.
Les chercheurs se sont mis à l'oeuvre pour aboutir à un
immense acte d'humilité. L'homme n'est pas le but de l'univers, mais un
chaînon essentiel éminemment dépendant de son
écosystème. Les débats se sont donc succédé
enflammés. Qu'il nous suffise de mentionner la vigueur et parfois
même la violence déployée par les mouvements
européens et américains et il faut se rendre à
l'évidence de plus en plus de gens qui considèrent que la
protection de l'environnement doit devenir une préoccupation des
sociétés humaines aussi importante que l'économie ou la
recherche de solutions aux problèmes sociaux. Qui plus est, à
étudier l'écosystème, les chercheurs ont clairement fait
ressortir que l'écologie n'était pas un champ d'étude
restreint, mais bien qu'elle embrassait toute activité humaine, physique
ou sociale, que le processus de vieillissement des territoires et des
systèmes écologiques était toujours directement
accéléré par les activités sociales,
économiques et culturelles des hommes qui l'habitent.
L'écologie et la protection de l'environnement ne peuvent plus
être considérées comme un à-côté ou une
activité secondaire, mais comme la seule discipline capable d'assurer
aux hommes avec lesquels nous vivons et à ceux qui nous suivront une vie
décente dans un milieu sain et agréable.
Il est nettement inadmissible que l'on mette tant d'énergie
à exploiter à tout prix les ressources d'un pays, en
considérant les gens préoccupés de la qualité de
leur habitat comme des gêneurs, des empêcheurs et des braillards.
Il est grand temps de donner à la protection de l'environnement ses
titres, sa raison sociale et politique. Il est beau et normal de
protéger les vieux objets et les vieilles pierres, mais il serait aussi
important de protéger notre bien le plus précieux: une vie saine
et heureuse.
Nous faisons donc la proposition ferme au gouvernement du Québec
de créer immédiatement le ministère de l'environnement et
de le doter de tous les moyens, outils et pouvoirs nécessaires à
l'accomplissement d'une tâche aussi vaste et fondamentale que celle de
sauvegarder notre héritage et notre patrimoine environnemental. Notre
plus cher désir est que les historiens de l'an 2100 puissent qualifier
la huitième décennie du XXe siècle l'ère du
ministère québécois de l'environnement.
Lorsque, en 1976, le chef du gouvernement québécois, M.
René Lévesque, proposa la création de quatre
superministères ou ministères d'État, il innovait cette
espèce de dichotomie qui régnait entre certains ministères
à vocation connexe ou tout au moins semblable. De plus, sans vraiment
créer un ministère de l'environnement, le gouvernement
québécois a fait preuve de volonté en dégageant,
à temps plein, un ministre, pour que ce dernier s'occupe des questions
propres à l'environnement. Déjà un pas venait d'être
franchi.
Mais voilà, il ne faut pas s'arrêter là, il faut
aller de l'avant. Nous savons que même les gouvernements municipaux,
provinciaux et fédéral, par le biais de leurs activités
dans différents ministères, sont peut-être les plus grand
pollueurs et qu'ils ne respectent pas toujours l'écologie. Pensons
seulement aux quelques ministères suivants: Transports, Agriculture,
Terres et Forêts Affaires sociales, Richesses naturelles, Tourisme,
Chasse et Pêche, etc.
Il faut que les préoccupations pour l'environnement soient
regroupées sous la responsabilité du même titulaire si nous
voulons une action efficace, cohérente et concertée dans toutes
les sphères de l'activité humaine.
Le Québec a connu sa révolution tranquille, l'ère
de l'éducation; nous sommes à la fin de l'époque des
loisirs et des sports; les sommes investies dans ce domaine furent
énormes et profitables. Cependant, ce qui se dessine à l'horizon
ressemble étrangement à l'ère de l'écologie et de
l'environnement. Nos légataires ne nous pardonneront jamais d'avoir
manqué de perspicacité et d'avoir omis de leur assurer un avenir
agréable dans un environnement sain.
Nous croyons que dans l'avenir il faudra investir des milliards de
dollars dans le redressement de certaines situations en matière
d'environnement. En même temps, nous devrons nous donner les instruments
d'épuration nécessaires à la conservation et à
l'amélioration de notre territoire. En ce sens, le Conseil de
l'environnement du Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau Inc. recommande au
gouvernement québécois la création immédiate d'un
super ministère ou ministère d'État à
l'environnement.
Le domaine de la protection de l'environne-
ment regroupant toutes les activités humaines et industrielles de
notre société, nous croyons qu'un ministère d'État
à l'environnement représente une solution rationnelle et logique
face à la présente situation.
L'individu, les gouvernements et l'industrie peuvent être
qualifiés de plus gros pollueurs. En ce sens, il s'avère
important que notre structure parlementaire témoigne d'assez de
souplesse pour permettre au ministre de l'environnement d'agir et d'intervenir
rapidement dans tous les cas de préjudices causés à
l'environnement, et ce, sans égard aux pollueurs.
À notre avis, notre attitude face à l'environnement, devra
devenir celle d'un peuple conscient que son milieu de vie est une richesse
naturelle. Les pétrodollars s'épuisent, bientôt nous
négocierons en hydrodollars et en touridollars. Pour en tirer tous les
avantages, il nous faut un Québec propre, propre, propre.
C'est pourquoi nous croyons que le futur ministère d'État
à l'environnement devrait non seulement orienter son action vers une
présence concrète dans le milieu (dépollution), mais se
donner aussi une vocation de recherches.
Afin d'éviter dédoublements, pertes d'énergie et
coûts astronomiques, le ministère de l'environnement devrait
obtenir les outils de travail suivants: laboratoire de recherche, centre de
formation, personnel suffisant dans les régions, mise sur pied des
conseils régionaux de l'environnement, formation, aide technique et
financière aux groupes de pression.
De plus, nous suggérons que le ministère de
l'environnement se voit confier les mandats suivants: Recherches, formation,
surveillance, légiférer, contrôle et droit de
pénalisation.
Nous insistons sur le fait que le ministère de l'environnement
travaille en priorité sur les points suivants: réglementation de
tous les pesticides, herbicides, engrais chimiques, etc., réglementation
des normes de pollution de l'air par les acides, les hydrocarbures,
réglementation sur le contrôle des sols et des nappes
phréatiques, réglementation sur le traitement des eaux primaires,
secondaires et tertiaires.
Finalement, le Conseil de l'environnement
Saguenay-Lac-Saint-Jean-Chibougamau Inc. recommande au gouvernement
québécois que des négociations soient entreprises avec le
gouvernement fédéral, afin que le Québec rapatrie la
totalité des pouvoirs en ce qui a trait à la protection de
l'environnement et à l'intégrité de son territoire.
Le Québec doit être le maître-d'oeuvre de son
patrimoine environnemental. Merci. (23 heures)
Le Président (M. Laplante): Bon lecteur! M. le
ministre.
M. Léger: M. le président, je dois féliciter
les représentants de la région du Saguenay-Lac
Saint-Jean-Chibougamau pour le ton positif de leur mémoire, le dynamisme
des propositions qu'ils ont faites, le panache avec lequel ils ont
présenté leur proposition. C'est digne des gens de votre
région.
Je dois quand même, pour ne pas éterniser
étant donné que je suis pas mal d'accord sur la plupart des
propositions que vous mettez de l'avant peut-être toucher quatre
points.
Nécessairement, votre mémoire met en principe qu'il doit y
avoir un ministère de l'environnement. Je ne sais pas si ce sera un
ministère d'État à l'environnement, mais ce sera
nécessairement au moins une étape qui va être la
création d'un ministère de l'environnement. Nous avons mis sur
pied la plupart des mécanismes nous permettant d'avoir un projet
précis en ce sens, incluant toutes les implications des
différentes directions qui sont responsables, d'une façon
particulière, de l'environnement dans les différents
ministères. Je pense que d'ici très bientôt, avant
même Noël, un geste concret sera posé, dont je ne peux pas
déterminer les modalités aujourd'hui, mais qui vont dans le sens
de ce que vous proposez. Je pense que ce sera une solution qui saura plaire
à ceux qui veulent défendre l'aspect écologique du
développement du Québec.
Concernant un deuxième point, vous parlez de la
possibilité qu'aucun système d'égout ne soit construit
sans un système de traitement des eaux usées. Je dois dire que
c'est quand même une politique administrative, celle que vous proposez
là. C'est assez difficile à mettre dans une loi. C'est une
politique que nous faisons d'une façon habituelle, maintenant, depuis au
moins deux ans, et qui est suivie par nos services de protection de
l'environnement.
Maintenant, il faut tenir compte aussi que l'objectif premier, c'est de
faire du traitement là où c'est nécessaire et là
où on peut récupérer les eaux usées, et que le
mettre directement dans un amendement à la loi sans vérifier les
conséquences d'un tel changement sur la situation existante, ça
pourrait créer certains problèmes, parce qu'il faut tenir compte
quand même des prolongements de réseaux existants. S'il fallait
qu'à chaque fois qu'on prolonge un réseau existant d'égout
il faille nécessairement faire un traitement immédiatement,
ça ne veut pas dire que ce serait toujours la chose souhaitable. Il faut
tenir compte du fait que c'est beaucoup plus une décision qui doit tenir
compte des usages qu'on peut retrouver immédiatement et, tout en ayant
cette politique en tête dans notre façon d'administrer le
ministère, on doit quand même réfléchir deux fois
avant de le mettre directement dans le projet de loi, parce que ce n'est pas
quand même l'objectif du présent projet de loi, qui est beaucoup
plus de créer un droit à l'environnement et des mesures pour
donner les outils aux citoyens pour le faire. C'est un point sur lequel nous
sommes très sensibilisés et nous allons avoir des mesures dans
cette direction, mais de là à affirmer, ce soir, qu'il y aura
nécessairement un amendement à la loi, on n'est pas encore
prêt, mais on réfléchit dans ce sens-là.
Vous dites aussi qu'un conseil régional devrait avoir le droit de
demander une injonction et de demander une audience publique. Je pense que
cet objectif pourrait être atteint si on remplaçait
nécessairement certains mots comme "individu" pour le mot "personne", ce
qui inclurait nécessairement les conseils régionaux. C'est une
suggestion qui mérite d'être étudiée.
J'apprécierais avoir l'opinion des députés de l'Opposition
là-dessus, tantôt, en mettant "personne morale". Comme je l'ai
dit, l'objectif était de rejoindre les personnes qui avaient la
possibilité de fréquenter les lieux où il pourrait y avoir
une perturbation de l'environnement. Est-ce qu'une personne morale pourrait
atteindre le même objectif? Je ne le sais pas, mais, en tout cas, je ne
suis pas fermé. C'est une suggestion qui doit être
étudiée. J'apprécierais les commentaires des
députés de l'Opposition là-dessus.
Concernant les responsables des déchets sauvages, vous proposez
que l'amende soit augmentée à $500. Je pense que c'est une
suggestion à retenir. Si la population ne change pas son comportement,
je pense qu'il va falloir arriver avec des mesures plus sévères.
Je tiens à dire quand même, pour votre information, que, depuis
cet été, nous avons conclu une entente avec le ministère
des Transports. L'amende, qui est actuellement de $200, n'était pas
tellement connue et maintenant elle est de plus en plus connue. Nous avons mis
des panneaux sur les autoroutes et on va en mettre aussi sur les routes
ordinaires, avec une enseigne qui indique bien le marteau du juge, avisant: Si
quelqu'un enfreint le règlement sur le lancement de déchets
sauvages sur les routes et sur les milieux publics, il y aura une
pénalité de $200. Nous allons voir l'effet que cela donne, cette
mesure de publiciser la possibilité d'une amende de $200. Si on voit que
cela n'améliore pas tellement la situation, on pourrait peut-être
avoir des mesures plus sévères. Oui?
M. Bouchard: Évidemment, le sens de cette intervention, on
demande que les citoyens soient un peu des délateurs. En fait, cela
revient à une remarque que j'ai entendue de M. le député
tout à l'heure. Je comprends que c'est une chose qui est
sévère. Il n'y a pas seulement le long des routes que ces choses
se font. Il y a surtout nos lacs, rivières en forêt et ainsi de
suite, mais là, par exemple, vous avez moins de surveillance.
Maintenant, je ne connais pas beaucoup de municipalités... Je sais, par
exemple c'est bien qu'on est plus facilement porté
à installer des radars le long de la route qu'à donner une
contravention à celui qui a jeté sa bouteille vide ou qui a
jeté n'importe quoi le long de la route. C'est un peu le sens de cette
intervention.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je retrouve des amis et je
suis heureux de les revoir. Je reconnais dans leur texte le style qu'ils
impriment depuis le début de leur organisme à leur lutte pour la
protection de l'environnement de leur région et cela leur fait honneur.
J'aime particulièrement une déclaration faite deux fois dans le
mémoire, que l'homme n'est pas le couronnement de la création,
mais le gestionnaire du patrimoine. C'est cette philosophie qui devrait nous
animer dans toute notre action. Il est évident que nous avons
causé des torts à la faune, à la flore. Nous avons
causé des torts à l'environnement en général, parce
que nous nous sommes vus comme l'aboutissement du processus de la
création plutôt que comme gestionnaire de ce qui nous a
été confié.
Je voudrais tout simplement faire quelques commentaires parce que le
mémoire lui-même est assez clair, les recommandations que vous
faites sont explicites et je n'ai pas de difficulté à les
comprendre. Quand on dit que gouverner, c'est l'art du possible, ce n'est pas
un faux-fuyant; cela peut être utilisé à une telle fin,
mais dans la bouche de personnes sincères, ce n'est pas un faux-fuyant;
c'est une reconnaissance d'une certaine réalité.
Je donne un exemple. Vous indiquez que les articles parce qu'il y
en a deux, je pense qui permettent au ministre de soustraire de
l'application de la loi certaines choses qui ne devraient pas avoir d'exception
du tout. Je dois vous dire tout simplement que, parfois, on se trouve devant
des situations insolubles et on n'est pas capable, en toute justice,
d'appliquer la loi avec toute sa rigueur à des gens qui, malgré
leur volonté, ne sont pas capables de régler le problème,
les mécanismes n'existant pas, n'ayant pas été
inventés. Ce n'est pas de leur faute.
Cette exemption, ce droit entre les mains du ministre d'exempter des
choses de l'application de la loi existe si ma mémoire est
fidèle depuis le début. J'ai eu à appliquer la loi
au nom d'un gouvernement pendant quatre années. Je pense que je m'en
suis servi une fois pour exempter un cas absolument extraordinaire; je dis cela
sans pouvoir me rappeler qu'il y avait effectivement un cas, mais je suis
convaincu qu'il n'y en avait pas deux. Je suis convaincu que l'actuel ministre
ne s'en servira pas non plus. Ce n'est pas une crainte que j'ai à
l'égard de ce ministre-ci ou de tout successeur qu'il pourra avoir.
L'opinion publique n'accepterait jamais que le ministre accorde des exemptions
à gauche et à droite; ce serait impensable. C'est simplement pour
permettre justement que justice soit rendue dans un cas où il n'y a,
dans le moment, rien à faire, mais il faut travailler pour trouver
quelque chose à faire.
Pour être un peu plus pratique à cet égard, et ce
n'est pas désobligeant, ce que je vais dire, je regrette que vous ne
soyez pas ici mercredi pour assister à la présentation du
mémoire de l'Union des producteurs agricoles, parce que, justement, les
producteurs agricoles vont nous dire: Écoutez, la population du
Québec veut manger et il y a des limites à ce que l'on peut faire
pour protéger l'environnement, même si l'idéal serait de
tout corriger et tout protéger. Dans ce genre de contexte, il est
possible que le ministre dise: Bien, on est obligé de laisser de
côté, présentement, certains aspects de l'exploitation
agricole, au lieu de dire: II y a des amendes qui peuvent totaliser
des milliers de dollars qui seraient imposées aux cultivateurs du
Québec. Si tel devait être le cas, on perdrait les fermes encore
plus vite que dans le moment, et c'est déjà
inquiétant.
Je dis cela simplement pour vous donner un exemple d'une situation qui
pourrait se présenter, où la loi pourrait ne pas trouver son
application parfaite en septembre 1978, mais il faudra viser l'application
parfaite et intégrale, sans exception, sans exemption de la loi et vous
avez raison de l'exiger.
Il y a l'autre chose que je voulais dire... Il y a peut-être deux
ou trois commentaires rapides. Vous demandez, en quelque sorte, que les CRE
aient le droit de désigner des membres du bureau; je pense... Je
m'excuse, si j'ai mal interprété votre recommandation.
Allez-y.
M. Bouchard: Ce n'est pas qu'on veuille désigner, c'est
qu'on invite le ministre à choisir quelqu'un parmi les conseils
régionaux représentant la population directement au sein du
bureau. C'est là le sens de notre intervention.
M. Goldbloom: J'allais justement vous suggérer qu'il est
assez rare que, dans nos lois, on accorde à des organismes
extragouvernementaux, le droit de désigner quelqu'un, mais, la
communication devrait sûrement se faire. J'encourage publiquement le
ministre à vous consulter et je vous encourage à envoyer vos
recommandations au ministre. Je suis certain qu'il en tiendra compte.
Vous mentionnez un problème très embêtant ici aussi,
idéalement, vous auriez parfaitement raison vous recommandez
qu'aucun système d'égouts ne soit construit sans qu'il n'y ait
une usine d'épuration au bout. Je suis profondément d'accord avec
vous que tel doit être notre objectif. Je ne crois pas cependant que
l'application intégrale d'une telle mesure soit possible aujourd'hui, 25
septembre 1978. On se trouverait à paralyser la construction de maisons
dans de nombreuses municipalités. Il faudra agir en parallèle,
à mon sens, et amener les municipalités à épurer
leurs eaux usées tout en permettant quand même certaines
extensions de réseaux. Je ne parle pas d'un développement tout
à fait nouveau où l'on défricherait, l'on construirait
dans les champs, mais là où il y a déjà un
réseau et il y a un développement qui nécessite un certain
prolongement.
Il me semble qu'il serait vraiment impossible de dire aujourd'hui: On
cesse tout cela. L'économie du Québec est influencée
profondément par l'activité dans le domaine de la construction,
mais je prends votre avis comme une recommandation très sérieuse
vers un objectif à atteindre et je suis convaincu que c'est ce que le
ministre voudra pouvoir réussir à brève
échéance.
M. Bouchard: Comme explication supplémentaire, si vous
voulez, on se fait dire des fois, en tout cas, nous, dans notre région
vous connaissez tous la région; on a sept usines à papier
et on a deux grosses alumineries, l'industrie forestière on se
fait dire, à un moment donné, par une compagnie de pâtes et
papiers: Que la ville dépollue et nous autres, on dépolluera
à notre tour. Nous, on dit: D'accord, on est prêt à faire
cela, mais cela ne nous coûtera pas cher d'avoir une usine
d'épuration. Mais vous autres, quand on l'aura fait, vous allez vous
dépolluer; là, cela va coûter cher. C'est pour l'avenir,
évidemment, mais c'est aussi dans le sens, peut-être, de cas
particuliers et, dans notre région, au niveau du développement
domiciliaire, on n'est pas encore trop restreint.
Je comprends qu'on n'est pas à Montréal, ni
peut-être à Québec pour ces choses. (23 h 15)
M. Goldbloom: M. le Président, j'ai deux derniers
commentaires que je fais très rapidement. Vous soulignez, dans votre
mémoire, le dilemme presque quotidien auquel fait face un conseil
municipal pris entre les besoins de protéger l'environnement et les
besoins fiscaux représentés par le développement. Je suis
convaincu que, tout en nous encourageant à agir au niveau de
l'Assemblée nationale par le truchement des lois, vous encouragez vos
membres à éduquer les conseils municipaux parce que, parfois,
cela prend un encouragement à la résistance. C'est
peut-être un peu trop facile, parfois, d'accepter le développement
sans réflexion, et l'on sait ce n'est pas une critique
générale que je fais des conseils municipaux; c'est simplement
une constatation que j'ai dû faire au cours des années
qu'il y a tragiquement trop de municipalités qui n'ont même pas un
plan directeur d'urbanisme et, à part le problème de
l'environnement, le développement de la municipalité ne respecte
pas les normes urbanistiques que l'on devrait appliquer au développement
d'une municipalité.
Finalement, vous avez demandé que la loi soit modifiée de
façon à vous assurer le droit, comme organisme, de vous servir
des recours prévus dans la loi et le ministre nous a invités
à faire des commentaires de ce côté de la table. Je
voudrais lui dire, en toute simplicité et en toute humilité, que
j'avais lu le projet de loi et que je ne l'avais pas lu avec l'oeil
espiègle qui m'aurait permis de voir que ce n'est pas vraiment permis
dans la loi. Je tenais pour acquis que si le particulier pouvait intervenir,
l'organisme le pouvait aussi. Si M. Henri Dupont signe en son nom personnel ou
à titre de président d'un CRE, je pense que, dans les deux cas,
cela doit être valide et cela doit être une intervention permise
aux intéressés comme organisme ou comme individus.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Saint-Hyacinthe.
M. Cordeau: À mon tour, je voudrais vous féliciter
sincèrement pour le magnifique mémoire que vous avez
présenté à cette commission, pour l'objectivité de
votre mémoire. Également, je crois que si les conseils municipaux
sont appuyés par des organismes comme le vôtre ou par d'autres
organismes valables, qui font comprendre à la population que
telles dépenses seraient faites pour leur bien et leur protection, c'est
plus facile pour eux de prendre des décisions lorsqu'ils se sentent
appuyés par des organismes valables.
M. le ministre, tantôt, vous avez demandé si on avait
objection qu'une personne morale puisse intervenir. Personnellement, je n'ai
pas d'objection pour autant que c'est un organisme dûment reconnu et
organisé, pas seulement deux ou trois citoyens qui vont s'organiser,
sous l'impulsion du moment, pour s'identifier comme personne morale. Il
faudrait que ce soit un organisme sérieux et dûment reconnu dans
le milieu.
Ce sont à peu près mes commentaires, étant
donné l'heure tardive, M. le Président. Je vous remercie, et je
vous souhaite bon voyage.
Je n'ai pas le privilège d'avoir, comme M. Goldbloom, reconnu des
amis, mais j'espère que, ce soir, je me suis fait des amis.
M. Léger: M. le Président, j'aurais peut-être
juste deux clarifications avant. Vous sembliez dire tantôt que des
représentants ou groupes ne pourraient pas demander une audience. Dans
la Loi, l'article 31c dit que toute personne ou municipalité peut
réclamer une audience publique. Donc, vous avez déjà ce
pouvoir-là dans la Loi, du moins telle que présentée ou
proposée.
Deuxièmement, vous parliez d'avoir un représentant du CRE
ou d'un conseil régional d'environnement, d'être présent
à l'intérieur du bureau d'audiences. Il ne faut pas oublier que
l'objectif du bureau d'audiences, c'est d'avoir des fonctionnaires à
temps plein, spécialisés dans l'écoute des citoyens pour
rapporter au ministre le point de vue des citoyens.
Donc, ce n'est pas un organisme qui regroupe des gens élus ou des
représentants de la popula- tion. C'est beaucoup plus un prolongement du
ministre par un bureau comprenant des fonctionnaires à temps plein.
Maintenant, il est prévu dans la Loi qu'il soit possible qu'il y
ait des commissaires ad hoc, c'est-à-dire des personnages qui aideraient
des représentants de l'organisme. Peut-être qu'il y aurait
possibilité d'avoir comme représentants du comité ad hoc,
des gens d'un groupe qui représente la protection de
l'environnement.
On va se pencher là-dessus pour voir s'il est possible de le
faire.
M. Bouchard: Merci beaucoup.
Le Président (M. Laplante): C'est bien, M. Bouchard, Mme
Accolas, M. Tremblay, M. Coulombe et M. Claveau. Les membres de cette
commission vous disent merci pour votre participation.
M. Bouchard: Merci.
Le Président (M. Laplante): Maintenant, pour demain, les
organismes qui se présenteront seront l'Hydro-Québec,
mémoire no 5M, le Comité de citoyens de Saint-Jean-de-Matha, no
16M, l'Association québécoise des techniques de l'eau, no 6M,
l'Association des mines et métaux du Québec, no 12, l'Association
canadienne des fabricants de produits chimiques, no 10M, la Society To Overcome
Pollution (Stop), no 30M, le Conseil du patronat du Québec, no 3M,
l'Association des biologistes du Québec, no 13M, un groupe de chercheurs
de l'INRS-EAU, no 29M, le Groupe de protection de l'environnement, no 17M.
Les travaux sont ajournés à demain 10 heures, dans la
même salle.
(Fin de la séance à 23 h 22)
ANNEXE
Mémoire de l'Institut Canadien des
Textiles
L'Honorable Ministre Marcel Léger Ministre de l'environnement
Édifice A, Chambre 56A Hôtel du Gouvernement Québec
Soumission à la commission permanente de la protection de
l'environnement
OBJET: Projet de loi no. 69 "Loi modifiant la loi de la qualité
de l'environnement (L.Q. 1972, chapitre 49). Monsieur,
L'Institut Canadien des Textiles soumet les commentaires qui suivent au
ministre de l'environnement en ce qui a trait au projet de loi no. 69.
En guise de commentaire préliminaire, l'Institut Canadien des
Textiles apprécie que le projet de loi no. 69 comble deux (2) lacunes
importantes de la loi actuelle. Il s'agit plus particulièrement de: 1)
Le recours à l'injonction pour assurer le droit à la
qualité de l'environnement, etc., 2) La procédure d'étude
d'impact.
Nous prions cependant la commission de prendre note des commentaires
suivants qui nous, l'espérons, serviront à rendre la loi encore
plus efficace.
SECTION 11-A "Le bureau d'audience publique sur l'environnement "
Article 6-b "Le bureau est composé d'au plus cinq membres... "
avec la possibilité que le lieutenant-gouverneur puisse nommer des
membres additionnels lorsque nécessaire.
Compte tenu de l'article 6 qui prévoit l'institution du Bureau,
sa composition, ainsi que ses fonctions, et compte tenu de l'importance de la
qualité de la vie en général ainsi que de
l'économie d'un pays en tant que facteurs intimement liés
à la qualité de l'environnement, l'Institut suggère qu'il
y ait une représentation des travailleurs, de l'industrie, des
commerçants et des manufacturiers en plus des spécialistes de
l'environnement au niveau des membres permanents du Bureau. L'Institut croit
que c'est une formule pouvant mieux assurer l'objectivité
nécessaire pour aborder les questions de protection de l'environnement
avec la sauvegarde de l'économie en général.
Article 6-c "II (le Bureau) doit tenir des audiences publiques... "
Selon l'article 31 -c "Du projet de loi (d'autre part...)" Le Ministre
indique à l'initiateur d'entreprendre la consultation publique
prévue..." Il y a risque de confusion si le Bureau et l'initiateur
entreprennent des audiences publiques. Il est recommandé que seul le
Bureau entreprenne la consultation publique.
Article 6-c "Le Bureau a pour fonctions d'enquêter sur toute
question relative à la qualité de l'environnement..."
D'autre part le conseil consultatif de l'environnement semble jouir des
mêmes fonctions (article 8, paragraphe 3). "Il (le conseil) peut
entreprendre des études de toute question relative à la
qualité de l'environnement..."
Il est recommandé que les devoirs et fonctions du "Bureau" et du
"Conseil" soient définis afin d'éviter de la duplication
d'efforts et nous suggérons encore que les enquêtes par voie de
consultation publique soient faites par le Bureau.
Article 6-d "Le Bureau peut tenir simultanément plusieurs
audiences publiques qui peuvent être conduites par un ou plusieurs
membres du Bureau selon que le détermine le président..."
Il est recommandé que les audiences publiques soient conduites
par un minimum de trois membres de manière à éviter des
préjugés dans la rédaction du rapport d'enquête du
Bureau et afin que soit mieux reflétée l'objectivité qui
doit prévaloir en la matière.
Article 6-f "Ces règles entrent en vigueur, après leur
approbation par le lieutenant-gouverneur en conseil..."
Il est recommandé de modifier comme suit: "Ces règles
entrent en vigueur, après une période de consultation de 60 jours
et après leur approbation par le lieutenant-gouverneur..."
Il est évident qu'il devrait avoir une consultation publique sur
les procédures concernant le déroulement des audiences
publiques.
SECTION 111-A "Le droit à la qualité de l'environnement et
la sauvegarde des espèces vivantes "
Selon l'article 19-a "Toute personne a droit à la qualité
de l'environnement et la sauvegarde des espèces vivantes qui y habitent
dans la mesure prévue par la présente loi et les
règlements..."
Bien que l'énoncé de principe soit noble et que le projet
de loi prévoit un mécanisme judiciaire pour assurer le respect du
droit, il faut aussi être conscient que les droits à la
qualité de l'environnement peuvent être contradictoires. Selon le
point de vue à considérer, collectif ou individuel, le tribunal
pourrait accorder une injonction empêchant une personne de jouir de son
droit à la qualité de l'environnement de façon à
léser l'intérêt public. Une attention toute
particulière devrait être donnée à cet aspect du
problème lors de la rédaction de la réglementation.
Afin d'éviter les procédures judiciaires futiles nous
suggérons que le requérant d'une injonction démontre son
intérêt avant de pouvoir loger sa requête. De plus la
discrétion du tribunal devrait être la règle en
matière d'injonction et nous suggérons que l'article 19 (d) soit
enlevé du projet de loi.
Article 8
L'article 1 de ladite loi est modifié par l'addition à la
fin des paragraphes suivants: m) "Déterminer les modalités
selon lesquelles doit être faite toute demande de permis, certificat,
autorisation... en vertu de la présente loi".
L'article 31, paragraphe f de la loi actuelle se lit comme suit:
"Déterminer les modalités selon lesquelles une demande de
certificat d'autorisation... ou de projet..."
Il semblerait que ces deux articles, f et m, se répètent,
et nous ne voyons pas l'utilité de la répétition
proposée par le projet de loi.
SECTION IV-A "Évaluation des impacts sur l'environnement sur
certains projets "
Selon l'article 31-a "Nul ne peut entreprendre la réalisation
d'une construction, d'une industrie, d'un plan, d'un programme, d'un projet, ou
d'une activité faisant partie d'une catégorie
déterminée par règlement ou sans préparer une
étude d'impact sur l'environnement et obtenir un certificat
d'autorisation..."
Parmi les règlements actuels on retrouve l'arrêté en
conseil 3789-75, règlement 75-430 qui est un règlement
général pour l'administration de cette loi. L'article 22 de ce
règlement définit les limites de l'application de certains
articles de la loi.
Il est recommandé que l'arrêté en conseil (3789)
soit modifié avant l'entrée en vigueur de la loi si non, il
deviendra nécessaire de faire une étude d'impact pour toutes les
activités qui ne sont pas spécifiquement exclues par le
règlement.
Article 50
Le projet de loi propose de remplacer cet article et l'Institut
suggère que la restriction imposée soit conditionnelle à
la réglementation gouvernementale et à cet effet nous proposons
le changement suivant: "50... dans l'atmosphère et pour lequel un
règlement... "
Article 109
Cet article que propose le projet de loi devrait établir comme
priorité dans la détermination de l'amende le danger
créé par la santé humaine. L'Institut suggère de
plus que la condition des revenus tirés par le contrevenant ne soient
pas un critère de détermination de l'amende.
Le montant de l'amende ne devrait pas dépendre des revenus d'une
personne.
Article 115
Cet article proposé au projet de loi (article 37 et plus
particulièrement au second alinéa) donne au ministre un pouvoir
exorbitant. Nous suggérons que le ministre procède contre le
responsable qui a été reconnu judiciairement comme tel.
Article 120
L'article 42 du projet de loi propose de remplacer l'article 120 de la
loi. En ce qui a trait au pouvoir d'ordonner l'affichage, l'Institut
suggère que les affiches nécessaires à la protection du
public soient déterminées par réglementation.
Veuillez agréer, monsieur le ministre, nos sentiments les plus
distingués.
J.M. Robertson Directeur Général Adjoint