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Question avec débat
(Onze heures huit minutes)
Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Je déclare ouverte cette séance de la commission de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales aux fins de la question avec débat qui a
été formulée par M. le député de
Lotbinière, chef de l'Union Nationale, et qui se lit comme suit: La
thèse d'une association entre le Québec et le Canada, et les
études en cours sur ce sujet au sein du gouvernement.
Maintenant sont présents: M. Bertrand (Vanier); M. Bisaillon
(Sainte-Marie), absent; M. Brochu (Richmond), présent; M. Burns
(Maisonneuve), absent; M. Gratton (Gatineau), absent; M. Grenier
(Mégantic-Compton), absent; M. Johnson (Anjou), absent; M. Laberge
(Jeanne-Mance), présent; M. Lamontagne (Roberval), absent; M. Lavoie
(Laval), absent; M. Lévesque (Taillon), absent; M. Mackasey
(Notre-Dame-de-Grâce), présent; M. Martel (Richelieu), absent; M.
Morin (Louis-Hébert), présent; M. Morin (Sauvé), absent;
M. Paquette (Rosemont), absent; M. Roy (Beauce-Sud), absent; M. Samson
(Rouyn-Noranda), absent; M. Vaugeois (Trois-Rivières),
présent...
Une Voix: Présent.
Le Président (M. Richard): M. Lavoie (Laval) est
remplacé par M. Raynauld (Outremont); M. Gratton (Gatineau) est
remplacé par M. Forget (Saint-Laurent).
M. Charbonneau: M. Martel est remplacé par M. Charbonneau
(Verchères).
Le Président (M. Richard): M. Martel est remplacé
par M. Charbonneau (Verchères).
M. Guay: ... en toute modestie, M. Johnson est remplacé
par moi.
Le Président (M. Richard): M. Johnson (Anjou) est
remplacé par M. Guay (Taschereau).
M. Biron:... est-ce une commission parlementaire ou...
Le Président (M. Richard): M. Grenier
(Mégantic-Compton) est remplacé par M. Biron (Lotbinière).
L'Union Nationale, en principe, vous n'avez droit qu'à deux membres,
mais je pense qu'on ne se.a pas...
M. Brochu: Pas de problème.
M. Bertrand: Vous pouvez en placer un de notre
côté.
Le Président (M. Richard): Avec le consentement de la
commission, il n'y aura pas de problème.
M. Brochu: Je pense que, de toute façon, chaque
député a un certain droit de parole quand même. Alors,
à ce moment-là...
Le Président (M. Richard): Je vous rappelle que le
proposeur a 20 minutes au départ et que le ministre a également
un droit de réplique de 20 minutes. Par la suite, et le proposeur, et le
ministre ont un droit de parole privilégié, sauf que j'ai
demandé votre collaboration pour ne pas en abuser, parce que, la semaine
dernière, les députés n'ont pas tous pu s'exprimer.
Une Voix: Quelle sera la période disponible?
Le Président (M. Richard): Normalement, ça doit
durer jusqu'à 14 heures, au maximum.
M. Biron: M. le Président, en remerciant le ministre de sa
présence ce matin, je lui poserais peut-être une première
question: Est-ce que M. Trudeau est bien?
M. Morin (Louis-Hébert): II est bien. Il a le rhume,
cependant.
M. Biron: La deuxième, est-ce que... M. Charbonneau:
II n'est pas le seul.
M. Biron: ... je puis suggérer qu'on termine cette
commission à 13 heures, parce que je sais que, cet après-midi, le
ministre est pris avec le premier ministre du Canada? Si ça convient
à tous les membres de la commission, moi, je serais d'accord.
M. Forget: II y a eu une discussion à l'Assemblée
nationale à ce sujet-là, M. le Président. Etant
donné que ça peut impliquer que notre formation politique en
particulier n'aurait pas beaucoup de possibilité de s'exprimer, on peut
réserver notre jugement là-dessus et on pourra voir à 13
heures où on en est rendu.
M. Morin (Louis-Hébert): Moi, personnellement, si je peux
parler maintenant je ne connais pas trop les règlements,
quelqu'un m'expliquera ça j'aimerais qu'on essaie de viser 13
heures. Regardez, il est quand même 11 h 10. Je n'ai pas l'intention de
me perdre dans des considérations trop longues. J'ai l'intention
d'écouter les questions que vous avez à poser. Comme ce n'est pas
la fin du monde aujourd'hui et que c'est possible que ce genre de sujet
revienne, disons que j'aimerais peut-être que, vers une heure moins
quart, on regarde un peu où on en est rendu. D'accord?
Le Président (M. Richard): M. le député de
Lotbinière et chef de l'Union Nationale.
Exposé du sujet M. Rodrigue Biron
M. Biron: Merci, M. le Président.
L'approche qui est la mienne aujourd'hui et la nôtre, dans cette
question avec débat, est fort positive, notre parti n'étant pas
et ne voulant pas devenir un agent de panique, mais s'affirmant de plus en plus
et de mieux en mieux, je crois, comme un agent de changement, un changement
raisonnable et raisonné. Le projet collectif de changement du Parti
québécois, à savoir celui de la
souveraineté-association, nous apparaît encore vague et fort
ambigu. D'ailleurs, la firme de sondage scientifique Pagé, Roy et
Associés, suite à une étude dans le comté
baromètre de Saint-Jean en juillet dernier, concluait ceci: "Le concept
de souveraineté-association n'est pas très bien compris de la
majorité des gens." L'on sait, en plus, que les maisons du Québec
à l'extérieur ou à l'étranger, notamment celle de
Toronto, débordent de demandes de renseignements au sujet de votre
thèse d'association économique entre le Québec et le
Canada.
Oui, la thèse d'association est plutôt ambiguë. Le
contenu, la forme et la possibilité de l'association que vous
préconisez demeurent incertains. Nous interrogerons donc aujourd'hui le
ministre des Affaires intergouvernementales sur les points suivants: premier
point, l'état des études en cours au sein de votre
ministère ou du gouvernement en général; deuxième
point, les perspectives, à ce jour, quant à la liquidation de
l'actif et du passif entre Ottawa et Québec dans
l'éventualité d'une sécession du Québec;
troisième point, votre conception, à ce jour, d'un marché
commun ou d'une union douanière; quatrième point, vos
idées en matière d'union monétaire; cinquième
point, les implications internationales de votre thèse.
Je vais rapidement parce que je veux permettre au ministre d'expliciter
beaucoup plus les deuxième, troisième, quatrième et
cinquième points que sur le premier point. On trouvera sûrement la
réponse au premier point dans les autres réponses.
Premièrement, l'état des études sur le sujet.
Existe-t-il, au sein de votre ministère ou au sein d'autres
ministères québécois, d'autres groupes de travail que
celui de M. Bernard Bonin? A-t-on fait appel, à ce jour, à des
experts provenant de l'administration publique ou privée ou du monde
universitaire afin qu'ils complètent ou assistent le groupe Bonin? Plus
précisément, où se situent, au sein de votre
ministère, M. René Durand, de l'Ontario, et une dame Francine
Charbonneau-Chevallard, de Bruxelles? Quel est le mandat spécifique
qu'ont reçu ces gens? Qu'ont-ils produit à ce jour et
auprès de quel ministère? Compte tenu que ces fonctionnaires et
experts sont payés par la collectivité et que l'avenir du
Québec appartient à tous, pourquoi le ministre se refuserait-il
à rendre publiques les études effectuées à ce jour?
Le ministre prévoit-il d'autres engagements d'experts ou d'autres mises
sur pied de comités? Rencontre-t-il des gens à l'extérieur
de la fonction publique ou encore à l'extérieur du Québec,
à l'heure actuelle, concernant la thèse d'association
Québec-Canada?
Deuxièmement, c'est la liquidation actif-passif ou encore les
mesures transitoires. Avant même de parler ici de marché commun ou
d'union douanière ou encore d'une union monétaire, j'aimerais
obtenir les précisions suivantes. Sur la question de la liquidation
actif-passif, quels organismes communs Québec-Ottawa, du moins du
côté du Québec, envisagez-vous pour négocier
l'association économique? Précisez donc ici comment vous
prévoyez l'entente avec le Canada sur la répartition des avoirs
et des dettes et sur la propriété des biens publics, plus
particulièrement des biens d'ordre culturel qui, en certaines
matières, appartiennent à la fois au patrimoine
québécois et au patrimoine canadien? Quels sont les effets de
votre thèse sur la canalisation du Saint-Laurent et ce, non seulement
pour le reste du Canada, mais aussi pour les Etats-Unis, sur le pacte de
l'automobile?
Ne croyez-vous pas que la mise en place de l'éventuelle
association appellera une bureaucratie très lourde et, incidemment,
comment sera composée la structure de liaison Ottawa-Québec? Le
Québec y sera-t-il au prorata de sa population, 20%, 25%, comme l'a dit
le ministre d'Etat au développement économique en mars dernier au
Public Affairs Council? Le cas échéant, réalisez-vous que
le Québec sera minoritaire? Prévoyez-vous alors un droit de veto
du Québec? Que prévoyez-vous faire des fonctionnaires
fédéraux, des agents des compagnies de la couronne, des
militaires, des juges et des députés fédéraux qui
viennent du Québec et surtout de leurs droits acquis au travail et
à leur fonds de pension, à une heure où le Québec,
déjà, n'a pas tellement les moyens de grossir sa propre fonction
publique? Comment entrevoyez-vous la vie parlementaire commune
Ottawa-Québec? Un Parlement confédéral ou quoi? Est-ce que
les décisions communes seront appelées, au préalable ou
une fois prises, à être approuvées ou ratifiées par
les Parlements respectifs de chacune des parties composant l'association ou par
les Parlements respectifs de chacune des autres provinces canadiennes qui,
elles aussi, comme le Québec, ont droit à leur autonomie? Comment
prévoyez-vous régler la question des frontières du
Québec, le Labrador, frontières septentrionales, etc.? Avez-vous
envisagé ce que deviendra le statut des Indiens, des Esquimaux et des
Inuit?
Troisièmement, parlons maintenant du marché commun ou
d'union douanière. Quelles sont vos prévisions, à ce
stade-ci, de l'effet sur le niveau de vie des Québécois d'une
union douanière entre le Canada et un Québec indépendant?
Le Québec ne souffrirait-il pas d'une modification de
la protection tarifaire actuelle à cause du caractère peu
concurrentiel de son industrie manufacturière dont en particulier celle
du textile, comme le soulevait Clarence Barber, de l'Université du
Manitoba, dans un colloque tenu à Toronto le 14 octobre dernier? Quelles
seraient les implications, du moins à court terme, de la perte, il va de
soi, du système de péréquation, du retrait des subsides
qu'Ottawa accorde présentement au Québec pour la stabilisation du
prix du pétrole importé? Et si jamais vous reteniez la
thèse de zone de libre échange, préconisée par
l'universitaire Roma Dauphin, de l'Université de Sherbrooke, est-ce que
les flux interrégionaux de biens manufacturés au Canada ne
joueraient pas, comme l'affirme le professeur Barber, de l'Université du
Manitoba, au détriment du Québec? Comment votre parti, quand il
parle du coeur de votre thèse de marché commun, à savoir
le réaménagement des structures du marché affectant le
monde industriel, peut-il affirmer, comme l'a déjà dit en
entrevue le ministre d'Etat au développement économique, "que
pour autant il se défend de rechercher pour le Québec une forme
de protectionnisme, qui pourrait être préjudiciable à la
très puissante industrie ontarienne"?
Pensez-vous que, dans une hypothèse de Canada à deux,
l'Ontario va se laisser faire et vous croire sur parole? Tout le monde a
présente à l'esprit votre politique d'achat chez nous. Si,
après la séparation du Québec, nous allions vivre un
échec des négociations de votre thèse d'association, aucun
marché commun, est-ce que le reste du Canada serait bien tenté
d'acheter du Québec des chaussures, du textile, des meubles, des
produits finis en plastique, des équipements de sport ou de loisir, des
produits pharmaceutiques ou pétrochimiques ou des produits finis de la
richesse naturelle qu'est le bois, qu'il peut obtenir à prix égal
ou beaucoup moins élevé en Corée, à Taiwan ou
encore aux Etats-Unis?
Vous parlez du marché commun canadien. Pensez-vous
également, et jusqu'à quel point alors, au commerce Nord-Sud ou
encore au commerce avec la Conférence économique
européenne, ou encore avec le bloc nordique des pays Scandinaves? Autant
d'options, incidemment, qui sont imaginables, sans qu'on veuille d'abord passer
par la séparation du Québec.
Advenant la souveraineté-association, est-ce que les deux, le
Canada et le Québec, ne seraient pas plus vulnérables
vis-à-vis de l'envahissement de nos présents voisins
américains du Sud? Si nous croyons comprendre que, dans votre
thèse, il n'est pas question de frontières, ni de postes de
douane entre le Québec et le reste du Canada, nous voudrions
également comprendre ce que vous voyez comme communications entre le
Québec et le reste du Canada, le Canada à l'est du Québec
et le Canada à l'ouest du Québec. En d'autres termes, parlez-nous
donc de votre point de vue sur la négociation de corridors
aériens, ferroviaires et terrestres.
Vous vous référez souvent à l'expérience du
Marché commun européen. Mais encore faut-il savoir qu'en Europe,
comme le soulignait Réal Pelle- tier, dans la presse du 25 janvier
dernier, on est "partis de souverainetés économiques à peu
près totales pour évoluer vers des supressions successives de
frontières alors qu'ici on part d'une situation de marché
complètement libre pour en arriver tout au moins à un minimum de
barrières."
Le ministre d'Etat au développement économique, toujours
dans une entrevue accordée à un journaliste, insiste sur
l'importance et la nécessité même d'un tarif
extérieur commun en précisant que cela était de
première importance pour nos entreprises québécoises.
Très bien, mais s'il n'y a pas d'entente? C'est donc dire que la
thèse de souveraineté-association est une aventure pour nos
petites et moyennes entreprises québécoises et un risque pour nos
milliers de Québécois qui y trouvent emploi. Ce qui faisait dire
à Marcel Pepin, ex-président de la CSN, qu'il était contre
votre thèse parce qu'il y voyait un danger pour les ouvriers du
Québec.
Au nom de quel intérêt, si le Canada n'existe plus
politiquement, les provinces de l'Ouest voudraient-elles maintenant avec le
Québec des échanges privilégiés qui leur
coûtent présentement un déficit annuel de près de $1
milliard au seul chapitre des produits manufacturés? C'est le premier
ministre de la Saskatchewan, M. Blake-ney, de passage à Montréal
en avril dernier, qui déplorait les prix élevés que les
provinces de l'Ouest devaient verser pour s'approvisionner, dans les provinces
industrielles du centre du pays, en produits manufacturés, alors
qu'elles pourraient se les procurer à meilleur compte à
l'extérieur du pays.
Quand le gouvernement affirme que l'Ontario a besoin du Québec,
je veux bien, mais sait-il que le Québec ne comptait que pour 11% dans
le montant total des expéditions de l'Ontario vers l'extérieur?
Dans l'optique de sa thèse de marché commun, comment le
Québec envisage-t-il le fait qu'il pourrait avoir sa part du fardeau
à payer en cas de ralentissement de l'économie dans le reste du
Canada, par exemple dans les Maritimes, ou encore dans une lutte commune qu'il
voudrait faire à l'inflation? Si le Québec se dit: Le reste du
Canada se débrouillera, il lui faut prévoir qu'il lui faudra se
débrouiller tout seul si le ralentissement économique ou
l'inflation se faisaient sentir surtout au Québec.
Autre aspect: dans le cadre d'un marché commun
Québec-Canada, le Québec serait soumis à certaines
contraintes qui pourraient affecter sa marge de manoeuvre ou son choix
politique en matière sociale. En d'autres termes, le gouvernement actuel
est-il bien conscient des implications du social sur l'économique et,
vice versa, de l'économique sur le social? Est-ce que sa
souveraineté chèrement acquise ne serait pas
hypothéquée dans sa politique sociale?
Le ministre actuel des Finances aime bien parler du marché commun
comme d'une libre circulation des Diens, des capitaux et des personnes. Mais
est-on conscient des difficultés d'application qu'auraient le
Québec et le reste du Canada dans le contrôle de l'immigration,
peut-être aussi de la migration de main-d'oeuvre? Surtout, est-ce
qu'on
est conscient que la souveraineté sur la structure des taux
d'intérêt au Québec serait sérieusement
hypothéquée par les contraintes propres au marché commun
auquel il adhérerait?
Mon quatrième point, c'est l'union monétaire. Je citerai,
tout d'abord, ici M. McLaughlin l'ex-président de la Banque royale du
Canada. Il disait, le 18 avril dernier, à la Chambre de commerce de
Montréal: "La régulation de la masse monétaire en fonction
des besoins changeants de l'économie et de son évolution par
rapport à d'autres économies est l'un des instruments essentiels
d'une nation indépendante. "Aussi, si j'étais un partisan de la
souveraineté politique du Québec, il m'apparaîtrait
difficile de ne pas parler d'une monnaie séparée, d'une politique
monétaire séparée. Imaginer une situation où la
politique monétaire serait établie et mise en oeuvre par un
gouvernement "étranger", dans une capitale "étrangère",
Ottawa, m'apparaîtrait comme une limite inacceptable à
l'indépendance et à la souveraineté."
Est-ce que la zone monétaire envisagée entre le
Québec et Ottawa serait susceptible de consolider la domination
monétaire des Etats-Unis ou de l'effriter quelque peu? Si l'on parle de
monnaie séparée, de monnaie québécoise, quelle
serait sa valeur? Sur quoi se base-t-on pour pouvoir affirmer qu'il y aurait
parité avec le dollar canadien?
Avec une monnaie québécoise, est-ce que les
Québécois ne conserveraient pas une grande partie de leurs
épargnes en dollars canadiens ou américains?
Si tel était le cas, est-ce que cela ne ferait pas baisser la
valeur du dollar québécois? Le cas échéant, comment
freiner ce mouvement?
Si on pense au contrôle des changes comme frein possible, est-ce
que ce serait efficace? Est-ce que le reste du Canada ne serait pas
indifférent et, surtout dans cette optique, quelles seraient les
réactions des Québécois si, dans l'intérêt de
la conservation des changes, des restrictions leur seraient imposées sur
leurs voyages ailleurs au Canada, à Miami ou à Old Orchard?
Au total, comment le gouvernement peut-il parler comme il l'a fait
à ce jour, dans des déclarations publiques, de son engagement
auprès du commerce, de l'industrie et de la finance à assurer la
stabilité monétaire? Est-ce que ce n'est pas là pour
l'instant un voeu pieux?
Comment, un peu comme le soulevait M. Sharp, l'ex-ministre des Affaires
extérieures au Canada, pourra-t-on parler d'union monétaire
Ottawa-Québec quand le tout ne peut pas être viable, puisque les
deux parties, le Québec et le Canada, seront, dans l'optique du PQ, des
"souverains" au niveau de l'élaboration des lois dont plusieurs
affecteront toute politique fiscale et monétaire?
Toujours dans l'optique de cette union monétaire, quelqu'un au PQ
a parlé d'un essai de cinq ans. Est-ce que c'est encore envisagé?
Est-ce à dire qu'on n'est pas plus sûr que cela de la
viabilité de la thèse de l'association?
Quand on parle de "joint venture" entre le Québec et Ottawa,
comme se plaît à le faire le ministre des Finances, qu'on nous
précise ici comment on prévoit l'administration des
réserves ou encore l'administration de la dette, dette nationale ou
dette binationale. Comment serait composée cette éventuelle
Banque du Canada? Au prorata de la population, comme l'a dit le ministre d'Etat
au développement économique? Si oui, c'est dire d'avance que le
PQ place le Québec dans une situation minoritaire au sein d'une
éventuelle union monétaire.
Enfin, comment et par qui serait administré le commerce
interprovincial actuel au niveau de la taxe de vente dont le taux varie d'une
partie à l'autre du Canada et d'un budget annuel à l'autre?
Enfin, M. le Président, mon cinquième et dernier volet de
questions: les implications internationales de la thèse de
l'association. Où en est la réflexion au sein du gouvernement sur
les alliances extérieures possibles, en particulier en matière de
politique économique et militaire?
En matière d'affaires étrangères, on nous dit qu'il
pourrait y avoir des actions, des initiatives en commun, notamment, en
matière de commerce et de sécurité. C'est possible.
Mais comment cela peut-il déboucher sur une action internationale
efficace quand chacun, par son Parlement respectif, serait libre de
réagir à sa façon devant des événements se
produisant au Tiers Monde ou encore en Afrique du Sud? Imaginons-nous un
instant quelle action commune aurait pu être entreprise au Sud-Est
asiatique si un Québec séparé et le Canada avaient eu un
point de vue différent sur la guerre au Vietnam.
Est-ce qu'une action commune internationale ne limiterait pas
considérablement, en certains dossiers, la souveraineté nouvelle
du Québec, comme l'ont laissé entendre les universitaires Gilles
Fortin, de Laval, Gilles Paquette, de Carleton et Yves Rabeau de
Montréal?
Quels sont les traités du Canada auxquels le Québec
souverain désirerait succéder, adhérer ou non, par
exemple: les limites du droit de pêche en eaux territoriales?
Ce sont des questions d'importance auxquelles il faut répondre
à l'avance comme le suggère le grand juriste, Jacques
Brossard.
Finalement, car on aura d'autres occasions de revenir sur le sujet,
quelle est la position, au-jourd'hui,du gouvernement face aux traités
nous liant à l'OTAN ou au NORAD, ou ne nous liant pas à
l'Organisation des Etats américains? On sait que le parti
ministériel a une position dans son programme et que le premier ministre
en a communiqué une autre sur les tribunes publiques, notamment à
New York.
Je suis conscient que c'est une série de questions passablement
longue, mais j'espère que le ministre pourra, d'une façon
brève, nous donner la réponse du gouvernement du Québec,
et nous pourrons requestionner plus avant sur ce sujet.
Le Président (M. Richard): M. le ministre.
Réponse du ministre
M. Claude Morin
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je
voudrais, au tout début, dire sincèrement ceci. Je voudrais faire
remarquer publiquement que la série de questions que le chef de l'Union
Nationale vient de lire est extraordinairement intelligente et aussi fort
utile. Je veux vraiment, et cela, au-delà de toute espèce de
flagornerie, le féliciter de ce travail qui nous est maintenant remis.
Il est très fouillé et correspond, pas avec les mêmes
termes, bien sûr, ni avec la même suite dans la
présentation, aux questions que nous avons nous-mêmes
posées aux experts qui maintenant font des études à
l'intérieur du ministère, relativement à la
souveraineté-association.
Je pense que c'est une contribution qu'il a raison de qualifier de
positive. Là-dessus, je suis pleinement d'accord avec lui. Cela va nous
être utile, et c'est peut-être là le point fondamental ce
matin, parce que nous sommes, au moment présent je vais vous
donner des détails tantôt en train de poursuivre une
série très considérable d'études de plus en plus
développées, parce qu'il y a divers éléments qui
nous paraissent maintenant plus clairs, et d'autres que nous voulons fouiller
davantage. Les études que nous avons entreprises au ministère ont
été commencées au tout début d'avril, plus
exactement le 3 avril dernier; en fait, il n'y a que quelques mois, que nous
avons mis sur pied toutes sortes de groupes d'experts.
J'ai l'impression que, si dans un premier temps, parce que c'est quand
même la première question qui est posée, si dans un premier
temps, parce que c'est quand même la première question qui est
posée, je vous disais quelle sorte d'étude nous faisons et avec
qui et quelle en est la nature, cela pourrait peut-être montrer que dans
certains cas il est prématuré de donner des réponses aux
questions que vous nous avez posées, parce que les études ne sont
pas terminées, et, dans d'autres cas, je pourrai, bien sûr, donner
des éléments de solution.
Je compterais sur le chef de l'Union Nationale je n'ai pas pris
la liste des questions, j'ai un document ici pour, à un moment
donné, si j'oublie quelque chose qui lui paraît capital, me le
rappeler. Je ne voudrais absolument pas donner l'impression que je fais
exprès pour laisser des questions de côté.
Le mieux à faire pour avoir une idée d'ensemble, c'est
peut-être que je vous dise un peu quelle sorte d'études on fait
avec les têtes de chapitre, et dans certains cas, même les experts
qui participent à ces études. Comme je l'ai dit, cela a
commencé le 3 avril. Je dirais qu'il y a trois catégories
d'études qu'on est en train de faire maintenant. La raison de ces
études, je pense qu'au point de départ je vais la
mentionner aussi nous avons le sentiment que l'option
souveraineté-association et je reviendrai peut-être
là-dessus plus tard, dans le cours de la conversation ou peut-être
en réponse à des questions complémen- taires se
situe parfaitement dans la continuité politique québécoise
et qu'elle est en quelque sorte l'aboutissement d'une maturation chez les
Québécois et chez les hommes politiques québécois.
Cela fait qu'aujourd'hui, pour la première fois peut-être
ce n'est peut-être pas un mérite particulier qu'on a, parce que
d'autres nous ont précédé on arrive, nous autres,
avec une solution dont on connaît, bien sûr, les contours et dont
moi-même, personnellement, j'ai certaines notions, c'est évident,
mais qui demandent, parce qu'elle est sérieuse, autre chose que de
grandes considérations générales.
C'est pour ça que nous avons voulu vraiment fouiller tous les
aspects de cette thèse de la souveraineté-association et c'est
pour ça que toute précipitation là-dedans
d'ailleurs, le chef de l'Union Nationale est d'accord là-dessus
conduirait seulement à empêcher qu'on arrive vraiment, au Canada
et au Québec, à une solution qui soit autre chose, comme disait
M. Lé-vesque, qu'une sorte de compromis boiteux
supplémentaire.
Nous sommes actuellement en train de faire des études qui se
groupent en trois grandes catégories. Je dirais qu'il y a des
études, d'abord, qui sont des études de bilans; d'autres qui sont
des études, des analyses proprement dites et, troisièmement, des
projections. J'explique en gros de quoi il s'agit.
D'abord les bilans: Nous avons, au ministère cela a
commencé avant que nous arrivions, mais cela s'est
accéléré et terminé depuis fait le bilan du
fonctionnement du fédéralisme canadien par dossier, et, quand je
dis par dossier, je veux dire par ministère, mais aussi par sujet. Vous
pouvez avoir le ministère des Transports et le sujet des transports,
c'est la même chose. Mais vous pouvez avoir, par exemple, des dossiers
qui touchent la politique sociale mais qui, de ce fait, débordent les
cadres immédiats du ministère des Affaires sociales pour, dans
certains cas, tomber dans la Justice ou autre chose.
Nous avons donc, avec la collaboration en même temps, je
vous dis qui a fait ça, pour qu'on réponde à ces questions
tout de suite dans tous les ministères du gouvernement du
Québec, au cours des mois cette étude des bilans est
terminée d'ailleurs, pour les cinq dernières années des
fonctionnaires qui sont chargés des relations
fédérales-provinciales. Nous avons demandé à ces
fonctionnaires de nous dire, pendant ces cinq années, quelle a
été l'évolution des dossiers, où on en est, par
rapport à là où on en était, ce qui n'est pas
encore résolu, ce qui bloque, ce qui est en plan et ce qui
traîne?
Ce dossier des bilans est énorme. Il a 700 pages. Bon! Il n'est
pas publiable dans la forme qu'il a maintenant, pour une raison que tout le
monde doit saisir a priori, c'est qu'il est une succession de
références, dans bien des cas, de résumés, dans
d'autres cas, de situations. Cela nous est utile, à nous, pour nous
retrouver un peu, mais ça n'a pas été conçu
comme ça malheureusement, cela a le désavantage de ne pas
être publiable tel quel. Ceci veut dire que nous som-
mes obligés et je pense qu'en vertu de la politique que
nous voulons suivre de pouvoir expliquer clairement à la population de
quoi il s'agit d'exprimer ça de façon que j'appellerais
moins technique. Mais ça, c'est fait. C'est fait et c'est non seulement
fait, mais ça se continue. Je veux dire qu'il y a des
éléments nouveaux qui arrivent. Exemple, on en a eu un hier.
Qu'est-ce que vous voulez? La décision de la Cour suprême sur les
communications. A ce moment-là, c'est évident que ça va
ajouter au moins un paragraphe à notre dossier. D'accord?
Donc, un bilan par dossier. Un bilan aussi que j'appellerais historique,
c'est-à-dire que cela a été quoi, l'évolution du
fédéralisme canadien? Qu'est-ce que les Québécois
comprenaient du fédéralisme canadien dans la mesure où ils
en étaient conscients et qu'on leur avait expliqué en 1867?
Qu'est-ce que c'est devenu depuis?
Il y a aussi un dossier démographique. C'est curieux, ça,
peut-être qu'on n'avait pas pensé à ça, mais, enfin,
je le mentionne. On ne connaît pas encore la réponse, mais dans
quelle mesure, surtout pour les autres provinces, le fonctionnement du
fédéralisme canadien a-t-il eu des effets démographiques?
On aura des réponses à ça qui promettent d'être
intéressantes, je pense.
Dossier politique aussi politique dans le bon sens du terme
c'est-à-dire le fonctionnement et le mécanisme même
du fédéralisme canadien conduit-il nécessairement à
la centralisation? A cet égard, j'ai déjà mes idées
de faites, je veux le dire honnêtement. J'ai écrit un livre
là-dessus; je ne veux pas faire de publicité ce matin, mais je
l'ai apporté ici.
Une Voix: Quel est le titre?
M. Morin (Louis-Hébert): Le titre, c'est "Le combat
québécois". Je l'ai apporté ici ce matin, avec d'autres
auteurs. J'aurai peut-être l'occasion de me référer
à cela tantôt. Mais là je vais aller plus vite. Je n'ai que
vingt minutes pour dire tout cela? Ensuite, on fait des bilans administratifs
aussi, parce qu'il y a un tas d'emmerdements entre gouvernements qui
coûtent de l'argent aux citoyens. Il faut mesurer cela. On fait des
bilans financiers aussi. C'est la fameuse question des comptes nationaux. Cela
fait longtemps que je me suis préoccupé des comptes nationaux. On
a sorti une étude quand j'étais sous-ministre je pense que
c'était en 1965 et il y en a d'autres que j'ai sorties je
pense que c'était en 1968 ou 1969 et M. Bourassa en a sorti une
troisième en 1970. Cela se continue. Et il y a aussi un dossier, bilan
économique. Cela va?
La première partie de nos études, ce sont des
études de bilans. Qui fait cela? Des fonctionnaires du gouvernement du
Québec, moi-même un peu, bien sûr, je ne suis pas
particulièrement étranger à tout cela, et du personnel de
mon cabinet. Mais, pour cela, je ne pense pas qu'on ait engagé de
personnel nouveau. Non, je ne le pense pas. Parce que ce sont des choses
normales qu'on doit avoir dans n'importe quel gouvernement un peu
civilisé. On veut savoir ce qui se passe; alors, on l'étudie.
Ce sont des dossiers qui sont préparés de façon
objective et nous avons, en tant que ministres, à prendre des
décisions politiques. Je pense que je vais le dire aussi.
La deuxième série d'études, des études
d'analyse. Il y en a une grosse qui est en cours. C'est l'impact, par secteur,
des politiques fédérales au Québec. Si je commence
à citer un document, M. le Président, faut-il que je le
dépose? Si oui, je n'en cite pas.
Une Voix: Pas en commission.
M. Morin (Louis-Hébert): Pas en commission, mais j'aime
autant connaître les règles du jeu avant. Alors, voilà! On
est en train d'expérimenter une nouvelle forme de démocratie
parlementaire. J'aime bien expérimenter, mais pas être victime
d'expérimentations! Je ne veux pas prendre trop de temps, mais je veux
que vous sachiez ce qu'on fait. C'est parce que cela répond à
d'autres questions que vous avez posées, M. le chef de l'Union
Nationale. Je donne des exemples. En ce qui concerne le secteur des affaires
municipales, on a une étude sur les interventions de la
Société centrale d'hypothèques et de logement et d'autres
politiques urbaines. Sur l'agriculture, une étude sur la politique
agricole. Une autre pour consommation, coopératives et institutions
financières: contrôle et surveillance d'institutions
financières, accumulation et utilisation de l'épargne dans les
institutions financières. Communications, il y en a des études de
faites là-dessus! Cela a commencé bien avant nous. On les a
prises et on les poursuit. En finances, l'effet des politiques de stabilisation
je parle toujours de politiques fédérales et de leur effet
sur le Québec les effets de la fiscalité, la politique
énergétique fédérale. Tourisme et parcs je
donne des têtes de chapitre politique de main-d'oeuvre, politique
d'immigration, politique minière, assurance-chômage. Il y en a
à peu près une trentaine. C'est fait par des fonctionnaires dans
les ministères. Ce ne sont pas des études de 400 pages chacune
je l'espère en tout cas mais ce sont des mises au point
sur les impacts des diverses politiques fédérales sur
l'économie du Québec. Vous voyez tout de suite je pense
que tout le monde verra cela que cela se relie, quand même,
à la partie bilan de tantôt, parce que tout cela est
interrelié.
Deuxième série d'études d'analyse, celle des
doubles emplois administratifs. Celle-ci vient d'être confiée, je
pense, la semaine dernière j'ai peut-être cela quelque part
ici à un groupe. Les doubles emplois administratifs entre
Québec et Ottawa. Dans quelle mesure ce système coûte cher,
dans quelle mesure il y a deux réseaux de fonctionnaires qui se marchent
sur les pieds, qui s'embêtent et rivalisent mutuellement.
Ensuite, une étude qui ne peut pas mieux tomber, sauf qu'elle
n'est pas tout à fait finie, ce sont les tendances jurisprudentielles de
la Cour suprême. On va peut-être quand même sortir quelques
morceaux prochainement, parce que c'est arrivé que c'est devenu
subitement actuel.
Ensuite, une étude d'analyse sur les complé-
mentarités économiques Québec et Ontario. Il y a
une question là-dessus. On a décidé de fouiller cela parce
qu'on découvre qu'au-delà des affirmations qui, moi-même,
des fois, m'ont influencé dans ma compréhension des
phénomènes, il y a bien d'autres choses qui, parfois, ne sont pas
aussi claires que certaines affirmations globales qui sont faites. De toute
façon, on a décidé de fouiller derrière cette
réalité. C'est la deuxième catégorie
d'études des études d'analyse.
La troisième, les études que j'appelle de projection. Cela
touche directement la mise en oeuvre et le contenu de l'association
économique. D'abord une étude qu'on a confiée à
Bernard Bo-nin. C'est le groupe Bonin sur les types d'associations
économiques qui peuvent exister entre le Québec et le Canada. On
lui a fait faire une étude là-dessus qui est virtuellement
terminée, celle-là, et qui a été remise comme
projet à quelques ministres. J'attends des commentaires pour aller plus
loin si nécessaire. On lui a demandé d'étudier quatre
types d'associations économiques. J'avais un papier tantôt. Des
études sur, d'abord, une association économique dite de libre
échange, ensuite une association économique de type union
douanière, une association économique de type marché
commun et une association économique de type union monétaire.
Alors, là, pour qu'on n'oublie rien, ce sont les quatre grands
chapitres. Bien sûr qu'à l'intérieur de cela, il y a toutes
les variantes qu'on peut imaginer. On ne lui a pas demandé de faire
cela, parce qu'on n'en sortirait pas et lui non plus, mais on a quand
même, si vous voulez, la définition de chacun des termes, je l'ai
ici. On verra tantôt.
Cette étude est la première qui a été
commencée, c'est celle qui a été commencée le 3
avril. Elle est maintenant dans sa phase finale. Elle a été
remise à quelques ministres économiques pour qu'ils l'analysent
eux-mêmes avec leur monde et j'attends des "rebounds" de cela que je n'ai
pas encore eus à l'heure où je vous parle.
Ensuite, dans les études de projection, on examine aussi, et
c'est fichument intéressant, des expériences
étrangères d'association économique, par exemple, le
Marché commun européen. A cet égard, vous avez une
question, M. le chef de l'Union Nationale. Vous demandiez, par exemple, qui
était Mme Francine Chevallard. C'est elle, justement, qui, à
Bruxelles elle est dans la délégation étudie
des questions reliées au Bénélux, des questions
reliées au marché commun. Le Conseil nordique aussi, c'est une
autre institution. En somme, on est surpris, je vous le dis bien franchement.
Je m'aperçois qu'au Québec on a parlé pendant des
années, pas seulement nous autres, tout le monde, d'un tas
d'institutions européennes et on ne savait pas de quoi on parlait. Par
exemple, on nous a dit: L'Europe s'en va vers un système
fédéral. C'est rien que pas vrai. Alors, c'est assez
intéressant de découvrir que ce qui servait d'argument contre
notre thèse est maintenant au contraire utilisable pour notre
thèse parce qu'ils s'en vont vers une association d'Etats qui ressemble
pas mal à ce qu'on a en tête. Alors, on fouille cela et on
va...
M. Raynauld: Pourquoi?
M. Morin (Louis-Hébert): Pourquoi?
M. Raynauld: Avez-vous une raison de cela?
M. Morin (Louis-Hébert): Une raison de quoi, je ne
comprends rien.
M. Raynauld: L'affirmation que vous venez de faire. L'affirmation
que l'Europe ne s'en va pas vers un système fédéral, mais
vers une association d'Etats. Est-ce qu'il y a une raison pour cela?
M. Morin (Louis-Hébert): C'est ce qu'on a vu
là-bas.
M. Raynauld: Est-ce qu'il y a une justification à cette
affirmation?
M. Brochu: M. le Président, je m'excuse, mais il
faudrait...
Le Président (M. Richard): A l'ordre!
M. Brochu: ... permettre au ministre de faire son
exposé.
M. Morin (Louis-Hébert): Vous poserez cette
question...
Une autre étude aussi qu'on fait et qui présente un grand
intérêt, qui n'est pas terminée, celle-là, c'est
l'étude des organismes communs qui devraient exister entre le Canada et
le Québec, advenant ce système confédéral dont j'ai
parlé il y a une seconde.
Je vous ai fait cette liste, il y en a une de celles-là qui est
en voie d'achèvement, c'est l'étude sur les types d'association
économique. Maintenant, je veux vous dire tout de suite, on ne
commencera pas à tourner autour du pot, vous avez dans votre texte des
questions extraordinairement intéressantes qui sont justement celles
qu'on fouille. Je voudrais peut-être en prendre une au hasard, on pourra
y revenir tantôt, quand vous me posez une question comme la suivante:
Comment va marcher ceci advenant cela? je suis obligé de vous dire que
c'est justement ça qu'on regarde.
Je pense que je n'aurais pas le droit, aujourd'hui, de vous donner ma
petite thèse à moi, parce que j'ai quand même mes
idées sur certaines de ces choses. C'est bien normal; si je n'en avais
pas, ce serait plutôt désolant. C'est quand même une
tâche collective qu'on entreprend et il fallait, au point de
départ, asseoir toute notre affaire sur quelque chose qui soit
sérieux, et c'est la première fois que cela se fait dans aucun
gouvernement au Canada. Il y a du monde là-dedans, beaucoup de
personnes, c'est coordonné par je vais vous dire comment
ça marche, une seconde un comité directeur dont je suis le
président, bien oui! Ensuite, il y a comme membre de ce comité
directeur, Robert Normand, sous-ministre aux Affaires intergouvernementales;
Bernard Bonin, le "king-pin" de ces études sur l'éco-
nomique; Louis Bernard, maintenant sous-ministre, en tout cas... c'est
ça. Ensuite, André Marcil, économiste au bureau du premier
ministre; Jean Vézina, économiste aussi au Conseil
exécutif; Arthur Tremblay, ancien sous-ministre des Affaires
intergouvernementales; René Didier, ancien sous-ministre de
l'Immigration, conseiller spécial au ministère pour ce
comité; Pierre Lefrançois, sous-ministre adjoint aux relations
fédérales-provinciales et interprovinciales chez nous; Mario
Polèse, économiste universitaire; Jean-K. Samson, avocat, et
Louise Beaudoin, qui est chef de cabinet de mon ministère. J'oublie
peut-être une couple de personnes.
Ce comité directeur se rencontre, je dirais, en gros, une fois
toutes les trois semaines. Ce n'est pas à fréquence fixe. Il y a
plusieurs sous-comités. Vous avez une question à poser, je ne
sais pas si c'était la question exacte, mais ça revient à
ça: Est-ce que M. Bonin rencontre des gens à l'extérieur?
Voici ce qu'on a fait, on a trouvé une technique efficace, parce que le
danger, dans ces études, est de s'embarquer dans des travaux que
j'appelle académiques. C'est-à-dire demander une étude
à un penseur d'université je connais ça, je l'ai
été assez longtemps c'est "jouissif" pour un penseur
d'université de recevoir une commande comme celle-là; seulement
il risque de partir du déluge et d'arriver à la fin des temps
alors qu'on n'aura pas les réponses. Ce qu'on a fait, à la place,
c'est que Bernard Bonin a réuni pendant une journée ou deux des
experts dans un domaine précis et il a fait avec eux une sorte de "brain
storming", en leur posant des questions, bien sûr. Il a recueilli, de
leurs réflexions, des éléments. Je suggère
ça au gouvernement en général, c'est bien mieux que de
donner des études à ne plus finir; on arrive au même
résultat de toute façon, ça coûte moins cher et
c'est plus vite.
De cette façon, on a pu faire le tour rapidement des questions
qui étaient difficiles, comme celles que vous mentionnez et c'est
justement la méthode qu'on veut utiliser de plus en plus, parce qu'elle
est rapide. Maintenant, ces gens viennent du milieu académique, je n'ai
pas tous leurs noms ici, il y en a plusieurs que je ne connais pas. C'est M.
Bonin qui les convoque. Il y en a plusieurs qui viennent du milieu
académique, du milieu de l'entreprise privée et du milieu
gouvernemental. Mais de façon générale, je devrais dire de
façon absolue, tous ces travaux sont faits sur le plan technique et ce
ne sont pas ces gens qui prennent la décision politique.
Je veux dire ça pour qu'on s'entende, que je cesse d'avoir des
questions; je ne les ai pas encore, mais ça va venir, autant les
prévenir, pour dire comment ça se fait que des gens participent
à des travaux du Parti québécois. Ils ne participent pas
à des travaux du Parti québécois, ils participent à
des travaux du gouvernement du Québec; c'est nous qui prendrons les
décisions politiques, ils le savent et ça marche bien comme
ça. Bon, ça, ce sont les études qu'on a faites.
Je voulais dire quelque chose, devant n'importe quelle nouvelle
idée qui circule, je le sais parce que je l'ai fait moi-même,
c'est bien plus fa- cile de poser 42 207 questions que de trouver 25
réponses. Je ne dis pas ça à propos du document de M.
Biron, mais ça vaut en général, c'est-à-dire que je
peux je me suis amusé à le faire trouver toutes les
objections imaginables à la souveraineté-association. Je vais en
chercher, j'imagine, des hypothèses. Advenant que ceci se produit, telle
autre affaire n'arrive pas, quelle sorte de drame est-ce qu'il arrive? On a
fait ça.
Cependant, je m'aperçois que je peux aussi appliquer cette
façon de procéder à n'importe quelle idée nouvelle
et même aussi, si vous voulez, à n'importe quelle révision
possible du fédéralisme canadien, de telle sorte que ce n'est pas
parce qu'il se pose beaucoup de questions que cela présente des
problèmes insolubles.
Quand, aux premières découvertes géographiques, des
gens ont pensé que la terre était ronde, vous comprenez bien
qu'il y avait 25 000 raisons pour prouver qu'elle était carrée ou
qu'elle était plate. C'est la même chose quand les automobiles
sont arrivées. Je suis sûr qu'il y avait des études
profondes et des questions sérieuses qui se posaient, à savoir
que c'était impossible que jamais l'automobile remplace le cheval.
On peut toujours, dans le processus de l'évolution humaine,
bloquer temporairement une démarche en l'enfargeant, en quelque sorte,
par des questions quelquefois hypothétiques. Je dis cela, non seulement
pour boycotter des questions que M. Raynauld a posées tantôt, mais
c'est simplement pour qu'on sache que, méthodologiquement, c'est
simplement pour qu'on sache que, méthodologiquement, c'est très
facile de poser... c'est facile d'être défaitiste.
Moi, j'aime mieux c'est ma démarche à moi
essayer de mesurer par quoi on est plus grand qu'on ne le pense quelquefois,
plutôt que par quoi on est aussi petit que certains voudraient qu'on le
soit.
Je ne sais pas, je n'ai pas répondu aux questions que vous avez
posées, M. Biron. Est-ce qu'il faut vous dire: M. le chef de l'Union
Nationale ou si on peut dire: M. le député de
Lotbinière?
Le Président (M. Richard): Le chef de l'Union Nationale,
ça va.
M. Morin (Louis-Hébert): J'aime autant le savoir.
Une Voix: C'est le même.
M. Morin (Louis-Hébert): Je sais que c'est le même,
mais c'est compliqué.
J'ai dit cela. Peut-être que, maintenant, vous aimeriez me poser
des questions supplémentaires?
Le Président (M. Richard): M. le chef de l'Union
Nationale, je vais vous faire une demande, de même qu'à M. le
ministre, car vous avez un droit de parole qui est privilégié,
mais je pense qu'il serait souhaitable qu'on en arrive à faire au moins
un tour de table, ce qui n'a pas été possible vendredi dernier.
Je vais demander votre collabo-
ration là-dessus. Vous avez la parole, M. le chef de l'Union
Nationale.
Discussion
M. Biron: Quelques questions additionnelles. Je serai bref. Je
veux remercier M. Morin ou est-ce que je dois l'appeler le ministre des
Affaires intergouvernementales?
M. Morin (Louis-Hébert): ...
M. Biron: Merci, M. le ministre. Je dois vous dire que votre
projet d'analyse, notamment des doubles emplois administratifs au niveau du
Québec et du Canada, cela me plaît énormément, parce
que, à plusieurs reprises, je me suis plaint de cela moi aussi. C'est ce
qu'il faut savoir absolument, combien on a de doubles emplois et ce qu'on peut
faire pour corriger beaucoup de choses qui coûtent très cher
à administrer.
Vous avez mentionné un peu plus tôt que vous aviez, dans le
bilan du fédéralisme, 300 dossiers différents qui sont...
pas 300, mais beaucoup de dossiers différents.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, justement.
M. Biron: On a eu les coupures de presse ce matin et il est
question de 300 dossiers différents. C'est peut-être une question
très courte que je vous pose. Je vais faire ma série de questions
et vous pourrez peut-être répondre par la suite.
Les 300 dossiers qu'on mentionne ce matin, d'abord, est-ce que c'est
exact? Si c'est cela, quand ces dossiers seront-ils connus du public? Je pense
que c'est important. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que c'est le
gouvernement du Québec, en tant que gouvernement du Québec, et
non en tant que parti politique, qui fait faire ces études. Je suis
d'accord avec vous.
Vous avez ajouté: Nous, en tant que ministres et membres d'un
parti politique, prendrons des décisions politiques quand cela sera le
temps. Mais, étant donné que ces études sont faites par le
gouvernement du Québec, je crois qu'à la fois les partis
d'Opposition, les media d'information et le public en général
doivent être informés de ces études et de
l'évolution de ces études et, aussitôt que les dossiers
seront complétés, je crois que la population du Québec
devrait en être informée.
Ma question est: Quand la population du Québec sera-t-elle
informée de ces études? Ou quand la population du Québec
pourra-t-elle prendre connaissance de ces études, sans attendre un an,
deux ans ou trois ans? Est-ce que ces études que vous faites sont tout
simplement, comme l'a rapporté encore ce matin le Droit, ou quelque
chose comme cela, pour trouver les inconvénients du
fédéralisme canadien pour le Québec, ou si les
études sont faites d'une façon honnête? C'est sûr
qu'il y a des inconvénients et qu'il y a beaucoup d'avantages. Est-ce
que les études sont faites pour démontrer les avantages et les
désavantages? C'est une partie de ma question.
Vous avez mentionné rapidement les comptes économiques
tout à l'heure. Là-dessus, je suis d'accord avec vous. Je trouve
que la première version des comptes économiques a amené
une bataille de chiffres et il n'y a personne qui a gagné. Cela a
été une grosse bataille de chiffres. J'espère que, de la
façon dont vous menez ces comptes économiques, la reprise sera
beaucoup plus cohérente, pour qu'on sache véritablement où
on va et que cela ne soit pas tout simplement une bataille de chiffres entre
deux gouvernements différents.
Trois ou quatre questions que je veux ajouter, M. le ministre. D'abord,
est-ce que vous envisagez d'autres études à part celles que vous
nous avez mentionnées, ou si cela complète le dossier
d'études qui seront faites et qu'après cela la population
pourrait être informée?
Une question bien personnelle pour vous qui serez appelé à
négocier. Vous nous avez parlé tout à l'heure de
renouveler le fédéralisme de quelque façon. Quel type
d'interlocuteur le Québec aimerait-il avoir? Je dis cela parce que le
ministre d'Etat au développement économique disait, le 25
janvier, qu'il ne voulait pas avoir M. Trudeau, parce qu'il n'est pas
négociateur. C'est pour cela que les sondages témoignent de sa
perte de popularité. Quel type d'interlocuteur le Québec veut-il
avoir? Evaluez-vous toujours, comme votre collègue au
développement économique encore, que Toronto, c'est le partenaire
déterminant de toute négociation ou encore, comme bon nombre de
militants chez vous à l'occasion de vos congrès, pensez-vous que
tout dépendra de l'Ouest canadien? Alors qu'on sait que les premiers
ministres de l'Ontario et des provinces de l'Ouest opposent une fin de
non-recevoir à votre thèse d'association, qui s'associera avec le
Québec? Les Maritimes? Comment va-t-on faire pour négocier
l'association lorsque le partenaire ne veut pas?
Prévoyez-vous je pense que c'est un point important dans
la discussion de ce matin des prénégociations ou, en tout
cas, des négociations avant le référendum? Une fois que
les dossiers seront connus du public, prévoyez-vous de négocier
avant le référendum ou va-t-on commencer à négocier
seulement lorsque vous aurez le mandat de la part des Québécois?
Va-t-on avoir un mandat de grève ou pas? C'est une question et c'est
important.
Je suis quand même d'accord avec vous qu'on doive négocier
le fédéralisme, renouveler le fédéralisme. Je pense
que vous avez parlé de quelque chose comme cela tout à l'heure.
Va-t-on négocier pour un renouvellement du fédéralisme
actuel ou attendra-t-on tout simplement après le
référendum pour négocier l'association
économique?
Une autre question. Avez-vous aujourd'hui des appuis de Canadiens
anglophones ou de Canadiens des autres provinces à votre thèse
d'association économique, soit des universitaires ou des esprits
ouverts, en tout cas, qui peuvent dire que c'est viable l'association
économique?
Je résume pour le moment ces quelques questions, afin de laisser,
comme l'a demandé M. ie Président tout à l'heure,
l'avantage à tout le monde et qu'on puisse faire un tour de table.
M. Morin (Louis-Hébert): De mon côté, je vais
répondre le plus vite possible pour laisser au Parti libéral le
temps de poser aussi des questions. J'essaie de répondre à toutes
les questions que vous avez posées.
Pour ce qui concerne la connaissance du public, j'ai vu, moi aussi, ce
matin, qu'on présenterait, d'après le Droit, 300 dossiers.
J'espère qu'il n'y en a pas 300. Si c'est cela, c'est
décourageant. Je n'en ai jamais vu 300. J'ai dit qu'il y avait 700 pages
tantôt d'un résumé, mais je n'ai pas la moindre idée
du nombre de dossiers. 300, je n'ai jamais entendu parler de cela. Je ne sais
pas si cela répond à cette partie de la question.
Deuxièmement, par rapport à la connaissance du public,
notre idée est effectivement de rendre publiques le plus de ces
études possible, parce qu'on veut que la population soit
informée. Qu'est-ce que cela nous donnerait, à nous autres, que
les gens disent oui au référendum et que, le lendemain, ils
disent: J'ai dit oui parce que je pensais que cela voulait dire ceci et je
m'aperçois aujourd'hui que cela veut dire telle autre chose? On se
jouerait un tour à soi-même si les gens n'étaient pas
informés. La réponse à votre question: C'est
évident qu'on va vouloir informer le public.
Le problème qu'on a, c'est que certaines de ces études
sont vraiment techniques; non pas que le public ne peut pas les comprendre, il
peut les comprendre, mais je ne veux pas non plus avoir I air de livrer des
documents à dessein compliqués, de telle sorte que cela ennuie la
population. On a un problème de communication de ce côté;
on va essayer de le résoudre, que voulez-vous! Vous aviez une question
sur les avantages et les désavantages du fédéralisme?
M. Biron: Dans l'étude de vos dossiers, faites-vous
l'étude des avantages et des désavantages ou faites-vous
simplement l'étude des désavantages pour publier des documents
sur les désavantages seulement?
M. Morin (Louis-Hébert): La question, je dirais, est mal
posée. Je m'explique. Non, cela ne m'inquiète pas du tout, la
réponse. C'est simplement que je ne veux pas faire circuler des
illusions. Je ne voudrais pas qu'on pense qu'on va publier des documents avec
des tableaux, avec, d'un côté, les avatages et, de l'autre, les
désavantages et qu'on va arriver avec un bilan: le
fédéralisme, l'indépendance, la
souveraineté-association ou la confédération d'Etats ou
n'importe quoi. Cela vaut pour la question à laquelle je veux
répondre sur les comptes économiques.
A mon avis, ce n'est pas une sorte de feuille sur laquelle vous mettez
des points, vous additionnez et que, s'il y en a 31 d'un côté et
27 de l'autre, c'est celui qui a 31 qui gagne. C'est un choix global.
Nous allons faire en sorte que la population puisse: a) comprendre de
quoi il s'agit; b) savoir ce qui est en jeu; c) se faire une opinion à
elle.
Mais comme gouvernement, nous allons on serait hypocrites de dire
autre chose faire valoir politiquement, c'est pour cela qu'il y a une
distinc- tion entre les dossiers qu'on fait maintenant et la
présentation, nous allons, comme vous autres, vous allez faire d'autre
chose et c'est bien normal, expliquer pourquoi nous pensons que la
souveraineté-association est la solution des problèmes qui ont pu
être identifiés.
Pour ce qui est des comptes économiques, vous m'avez parlé
de cela, j'ai cherché, hier soir, et je n'ai pas eu grand temps pour
trouver tout ce qu'il me fallait, j'ai trouvé les auteurs importants
ici, mais j'ai cherché une chose: je voulais me citer. Je vais vous dire
pourquoi, c'est important, je n'ai pas changé d'avis là-dessus.
En 1965, on a publié j'étais sous-ministre, à
l'époque, je l'ai dit tantôt une sorte de bilan financier
du fédéralisme canadien, c'est-à-dire l'argent qui venait
d'Ottawa et l'argent qui retournait à Ottawa. Je me souviens
malheureusement, je n'ai pas la citation d'avoir dit: C'est très
gentil, c'est très intéressant, sauf que ce n'est pas à
partir seulement de ce genre de documents qu'on peut porter un jugement global
et final sur le fédéralisme canadien. Je le dis encore
aujourd'hui. En d'autres termes, on ne change pas un système
fédéral parce qu'à un moment donné on reçoit
un peu moins d'argent, et on ne le garde pas parce qu'on en reçoit un
peu plus. Ce n'est pas cela le problème. Le problème est bien
plus général que cela.
C'est pour cela tantôt que je vous ai dit, pour qu'on ne tombe pas
dans ce genre de biais qui va mêler tout le monde, et qui est à
côté de la coche, à mon avis, qu'on faisait des
études sur la démographie, sur l'histoire, sur la centralisation,
sur l'administration, sur les finances c'est celles-là et
sur l'économie, sur les impacts des politiques fédérales.
Il faut avoir une vue générale. Les gens décideront
après. Seulement, ce serait malhonnête de prendre c'est
toujours le danger que n'importe quel gouvernement court une
année, à un moment donné, où on est en
déficit et de dire: Vous voyez bien que le système ne fonctionne
pas, il faut le "scraper". Ou, au contraire, que les autres disent: Voyons
donc, vous avez une année où vous êtes en surplus. C'est
bon pour d'ici la fin de l'éternité.
On va sortir de ce genre de situation. Quant à moi, je trouve que
c'est intéressant. C'est important de savoir quels sont les comptes
économiques. Vous pouvez très bien ne donner qu'un aspect de la
réalité. Les gens ne sauront pas à quoi s'en tenir. Je les
comprendrai de se désintéresser du sujet. Si je prends, par
exemple, un chômeur, aujourd'hui, qui a $100 par semaine, pendant six
mois, cela lui fait $2600 qu'il reçoit du gouvernement, les allocations
familiales chez lui, cela donne $500, il reçoit $3100 de l'Etat, et il
n'a rien donné à l'Etat pendant ce temps. Le gars est chanceux
dans le système. Je peux très bien présenter, si je veux,
un chômeur comme étant un gars qui bénéficie
terriblement du système économique, par rapport au gars qui gagne
$100 000 à côté, qui en paie $40 000 en impôts et qui
n'a rien du gouvernement sous forme d'assurance-chômage. C'est le genre
de calcul que je charrie, avec mon exemple, mais c'est pour montrer que,
mutatis mutandis, il faut se méfier tout le temps. Je
continue.
Il y a d'autres études, j'ai oublié de vous les
mentionner. Je m'excuse, mais c'est parce qu'on était dans la situation
économique. Si je voulais être assis à cheval sur les
principes, je dirais que ce n'est pas le sujet de ce matin, mais je vais vous
le dire quand même par magnanimité, si vous voulez. Effectivement,
il y a d'autres études. Il y en a une que nous faisons sur la politique
extérieure d'un Québec souverain. C'est M. Vaugeois, qui est
derrière moi, qui anime un groupe de travail. Cela n'entre pas dans la
série des études économiques, c'est évident. On
regarde aussi le problème de la défense du continent. Vous avez
posé une question tantôt sur l'OTAN et le NORAD, il y a un article
du programme, d'ailleurs, qui a été modifié, au dernier
congrès du parti, là-dessus. M. Lévesque a dit à
Newsweek, et c'est la politique du gouvernement, que nous ferions partie de ces
organismes. Il n'y a pas d'isolement recherché en ce qui concerne le
Québec. Il y a des études là-dessus. Je ne sais pas s'il y
en a d'autres que j'oublie. En tout cas, s'il y en a que j'oublie, je
reviendrai tantôt.
Les types d'interlocuteurs: Vous avez dit que M. Landry avait
mentionné qu'il n'aimait pas Trudeau, c'est cela l'idée?
Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? Ce sont des choses qu'on peut
comprendre.
M. Guay: Oui.
M. Morin (Louis-Hébert): L'interlocuteur, c'est
évidemment le gouvernement fédéral. Il ne faut pas tomber
dans un faux interprovincialisme. En tout cas, je ne m'embarquerai pas dans le
sujet ce matin, parce que c'est un autre topo, vous aurez l'occasion d'en
reparler plus tard, mais l'autre gouvernement pour nous, c'est le gouvernement
d'Ottawa.
Est-ce que Toronto est un partenaire déterminant, Toronto ou
l'Ontario? Réponse, oui, clairement. C'est évident. C'est pour
cela que je vous ai dit tantôt qu'il y avait une étude sur les
complémentarités économiques entre le Québec et
l'Ontario. Il y a des affirmations. Vous en avez une dans votre papier. 11%
seulement pour l'Ontario, mais il faut savoir où. D'abord, il faut
savoir si c'est 11%. Il faut savoir dans quel secteur industriel. Il faut
connaître la complémentarité. Il n'y a pas tellement
d'études là-dessus. On va fouiller cela. Qui s'associera avec le
Québec?
Non, ça, c'est la même question.
Prénégociations avant le référendum.
Prénégociations, ce n'est pas le bon mot, je m'excuse, enfin,
négociations avant le référendum, d'accord. Alors, disons
que c'est la question. Dans le moment où on est en train de se parler,
M. Lévesque et M. Trudeau sont ensemble. Avant le
référendum, on fonctionne dans le système actuel. Donc, on
se parle et il y a des réunions à tout bout de champ. Donc, il y
a des négociations à l'intérieur du système actuel.
Des négociations sur la souveraineté-association, là, on
va quand même être clair, là. Cela m'étonne que vous
me suggériez implicitement qu'on commence des négociations sur la
souveraineté- association, parce que, si on le faisait, on se ferait
dire: Minute! Vous n'avez pas le mandat. Alors, là, il faut quand
même être logique. Nous allons exposer notre thèse. Nous
allons la faire savoir au Canada anglais, d'abord aux Québécois,
je pense que c'est assez normal. Mais, nous pensons qu'il faudra que la
population se prononce sur l'orientation quant à son avenir politique
et, à ce moment-là, on saura ce qu'elle pense. Si elle est
d'accord avec nous, on va pouvoir procéder d'une façon. Si elle
n'est pas d'accord, on le saura, mon Dieu! Seulement, il reste tout de
même que nous, on aurait... Je pense que vous seriez les premiers,
l'Opposition, à dire qu'on dépasse notre mandat si on s'en allait
maintenant... Demain, si je partais avec du monde à Ottawa discuter
à fond de... En somme, entreprendre des négociations devant
conduire à la souveraineté-association. Cela ne veut pas dire
qu'on n'en parle pas. Je n'ai pas besoin de vous dire que ça les
fatigue, là-bas, à Ottawa, et c'est sûr que c'est
présent, et je lisais hier qu'on me brûlait en effigie tous les
matins, je ne sais pas trop où, à Ottawa, mais, en tout cas, je
suis heureux d'apprendre ça...
Une Voix: C'est Marc Lalonde qui...
M. Morin (Louis-Hébert): C'est Marc Lalonde qui... Bon!
Alors, on va en parler en temps opportun, mais nous, on pense que... Là,
il y a une chose qu'on va arrêter au Québec. On n'ira pas
négocier des affaires qui importent autant à la population du
Québec sans qu'elle le sache et sans qu'elle sache de quoi il s'agit.
Moi, j'ai été huit ans et demi sous-ministre. Je ne veux
critiquer personne et je ne veux pas toujours revenir à ça, mais
qu'est-ce que vous voulez? Le passé, ça prépare l'avenir.
Alors, une chose dont je me suis aperçu, c'est que, quand elle
était présente, les chances de succès étaient pas
mal plus sérieuses: C'est quand la population était
informée. Une des choses qui ont nui à M. Bourassa,
c'était le secret qui entourait certains dossiers. Je comprends qu'il ne
voulait pas en parler, parce qu'il avait peur de donner une chance au Parti
québécois, mais il reste tout de même que c'est important
que la population soit informée. Alors, on va l'informer. C'est pour
ça que je vous disais tantôt que les études, on les rendra
publiques quand elles seront présentables.
Maintenant, des appuis des Canadiens anglophones. J'ai cherché
une lettre hier que j'ai reçue. Evidemment, là, c'est un cas. Je
n'irai pas non plus déduire que tous les millions d'anglophones du
Canada sont d'accord. J'ai appris une expression anglaise dans une lettre.
C'est l'expression que vous allez voir, là. C'est un homme d'affaires
qui m'a écrit à la suite d'un discours que j'avais fait à
Toronto, et il m'a dit ceci: Bon! J'ai écouté votre affaire. Je
ne suis pas trop sûr que j'ai compris, mais, en tout cas, "corne hell or
high water", nous autres, on va continuer à commercer avec le
Québec, on est pour ça, quel que soit votre statut politique,
qu'on ait des relations étroites. "Come hell or high water". Cela m'a
frappé, parce que j'ai appris ça... On apprend toujours à
tous les
âges de la vie. Alors j'ai appris ces nouveaux mots en anglais. Je
ne connaissais pas l'expression. Je suis allé voir dans le dictionnaire,
ça n'y était pas. Je me suis fait expliquer. Cela voulait dire:
Quoi qu'il advienne, nous autres, on est d'accord pour fonctionner avec le
Québec. Je ne dis pas que tout le monde est de cet avis, bien sûr.
Je pense bien qu'il n'y a pas un Canadien anglais dans le reste du Canada, a
priori, qui a dû pavoiser quand on a été élus. Je
les comprends. Il y avait toutes sortes de malentendus latents, qu'est-ce que
vous voulez? On voit bien aujourd'hui que certains sont encore présents,
mais il reste tout de même qu'on les a forcés à
réfléchir. Ils sont en train de faire leur "homework" et de se
donner des comités de toutes sortes pour chercher des troisièmes
voies, d'accord.
Là, je vais vous dire une chose. Je vais arrêter de parler
après pour laisser les autres poser des questions. Notre thèse,
à nous autres, c'est, à mon avis en tout cas, je peux me
tromper, mais il me semble que c'est tellement clair l'aboutissement
logique d'une continuité historique au Québec, qui dure depuis
1867, bon!
Les Québécois, en 1867, ont accepté le
fédéralisme canadien de peur, si vous voulez, mais ils l'ont
accepté quand même, par la voix de leurs représentants et
d'autres politiciens, parce que cela, j'ai des textes ici, je ne suis
pas pour commencer à vous citer ça ils ont pensé
que ça leur garantirait, quasiment pour le reste de
l'éternité, si vous voulez, un gouvernement du Québec
autonome, bon! Et les Canadiens anglais, eux, ont accepté le
fédéralisme canadien parce que, à leurs yeux, cela
garantissait la présence, au Canada, d'un gouvernement central fort. Je
ne sais pas si vous vous rendez compte qu'on part sur un curieux pied,
c'est-à-dire que les Canadiens français acceptent le
fédéralisme parce qu'il garantit l'autonomie, et les Canadiens
anglais acceptent le fédéralisme parce qu'il garantit un
gouvernement central fort.
Pas besoin de vous étonner que, par la suite, vous ayez au cours
des conférences fédérales-provinciales j'ai une
petite anecdote ici, je vais vous la conter dans une seconde des
malentendus sur le sens du fédéralisme. Je me souviens,
c'était M. Jean-Jacques Bertrand qui était premier ministre. On
était à Ottawa, je pense que c'était en 1969, et il
était question du programme fédéral d'assurance-maladie.
M. Bertrand dit: C'est un programme qui doit relever de la compétence
provinciale, et nous ne pouvons pas accepter la façon dont le
fédéral procède à cause du
fédéralisme canadien, qui interdit ce genre d'action. Or, un
autre premier ministre d'une province de l'Ouest a dit: Nous sommes d'accord
avec le plan qui est en train d'être élaboré, parce que
c'est ce à quoi conduit le fédéralisme. Je vous dis que
là j'ai vu les deux thèses, M. Bertrand représentant la
continuité des Canadiens français, et l'autre la
continuité des Canadiens anglais. Ils ont raison à leur
façon et nous avons raison à la nôtre. Cela dure depuis
plus de 100 ans. Au cours des années, les hommes politiques du
Québec... J'ai retrouvé une citation c'est dans mon livre,
mais elle n'est pas de moi, c'est pour cela que je l'ai apporté ce
matin, c'est la seule que je vais lire dans ce livre-là et elle n'est
pas de moi ...
M. Mackasey: Tous les autres sont vendus?
M. Morin (Louis-Hébert): Non, écoute cela, Bryce,
M. le député...
M. Mackasey: Come hell or high water, you will not get out of
here at one o'clock, if you do not shut up and if we cannot ask our
questions.
M. Morin (Louis-Hébert): Je veux vous citer cela: "II est
bien permis de dire, d'après ce qui s'est passé depuis quelques
années à Ottawa, que nous n'obtiendrons rien de ce
côté. Tous les gouvernements qui s'y sont succédé
depuis les premiers jours de la Confédération ne se sont
guère occupés de notre province. Pourquoi? C'est bien simple. La
majorité est anglaise dans la Puissance c'était le
Dominion et elle est canadienne-française dans la province de
Québec. Nous sommes la minorité et il nous faut subir le sort du
plus fort. Nous avons fait une union désavantageuse. Nous devons la
subir en silence, et tout ce que nous avons à faire, c'est de
tâcher de l'améliorer nous-mêmes, car nos propres
ressources, avec intelligence et patriotisme et sans compter sur les autres."
Honoré Mercier, premier ministre du Québec, 9 juin 1891. C'est
Honoré Mercier. J'ai d'autres citations, de Jean Lesage ici. Je ne
commencerai pas à sortir tout cela. Daniel Johnson M.
Lévesque va venir tantôt celle-là, franchement, je
vais vous la sortir...
M. Bertrand: C'était le premier ministre de quel
gouvernement?
M. Morin (Louis-Hébert): Non, elle est trop longue, elle a
deux pages. Je vous donne... C'est aux pages 120 et 121. Il y en a une autre
plus courte: "J'estime qu'on ne doit pas, a priori, rejeter la solution
séparatiste évidemment, séparatiste était
l'expression à l'époque, on pourra revenir à cela
tantôt car il peut arriver que l'indépendance totale du
Québec, pour des raisons qui ne dépendent pas surtout de lui,
devienne la seule issue compatible avec la survie et le progrès de la
nation canadienne-française. Si d'autres semblent disposés
à sacrifier notre culture, au besoin, pour sauver la
Confédération, mon attitude est tout à fait
différente. Sans animosité, mais sans détours, je tiens
à dire clairement que la Confédération n'est pas une fin
en soi et que si, après avoir tout tenté pour la rendre
également habitable à nos deux communautés culturelles,
nous constatons un jour la vanité de nos efforts, elle ne nous
paraîtra plus digne d'être sauvée. Il en est qui veulent
sauver la Confédération, même au prix de l'autonomie du
Québec, moi je suis prêt à sauver l'autonomie du
Québec, même au prix de la Confédération." Daniel
Johnson, 1965, je pense.
M. Bertrand: Continuité.
M. Morin (Louis-Hébert): Ce que je veux dire, c'est cela.
On est dans la continuité, sauf que, phénomène historique
nouveau, nous avons fait de cela la pierre angulaire d'un parti. C'est
sûr que, maintenant qu'on est là, il faut, à partir de ce
que nous avons comme option fondamentale, non pas découvrir la
rivière, parce qu'on la connaît, mais savoir quelle sorte de
bateau on décidera de prendre sur cette rivière. Il faudrait
quand même faire une distinction fondamentale. Ce n'est pas la
souveraineté-association qui n'est pas un concept clair, c'est
l'application de cette association qui, elle, mérite d'être
définie comme du monde parce qu'il y a des discussions sérieuses
qui s'en viennent. C'est pour cela qu'on prend le temps et qu'on se donne la
peine de faire les études. C'est pour cela qu'on ne se fend pas en
quatorze pour donner toutes sortes de réponses rapides depuis qu'on est
élu, à toutes sortes de questions qui souvent sont plutôt
des enfarges que des aides à faire progresser le débat. Cela ne
s'applique pas ce matin à ce que vous avez proposé, M. le chef de
l'Union Nationale, car, je le répète encore, ce sont des
questions intelligentes et utiles.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Mackasey: Non. André, oui.
Le Président (M. Richard): D'accord. M. le
député d'Outremont, après quoi je reconnaîtrai M. le
député de Verchères.
Remarques générales M. André
Raynauld
M. Raynauld: Merci, M. le Président. Je pense que, suivant
les règles établies, je peux faire une déclaration
préliminaire avant d'aller à des questions proprement dites. J'ai
lu, il y a quelques années, un livre qui s'appelle "Le pouvoir... en
négociation".
M. Morin (Louis-Hébert): Le pouvoir
québécois.
M. Raynauld: "Le pouvoir québécois... en
négociation".
Je l'ai relu il y a à peu près un an vous me
pardonnerez, je n'avais pas la copie à mon bureau, je n'ai pas pu en
tirer des citations pour prouver exactement ce que je veux dire mais je
voudrais quand même vous donner la réaction que j'avais eue.
La première fois c'était probablement en 1972/73
j'avais trouvé le livre bien écrit, bien entendu, mais
biaisé, trompeur. Quand j'ai entendu, hier, la boutade du premier
ministre à propos de la tour de Pise, s'il y en a un qui est
penché et qui est toujours du même bord, c'était bien ce
livre-là. C'est un livre à thèse. Quand je l'ai lu pour la
deuxième fois, il y a quelques mois, là le livre, en toute
franchise, m'a effrayé à la pensée qu'un tel auteur
disposait désormais de moyens, de ressources fi- nancières pour
appuyer ses positions et pour faire avancer les idées qu'il
présente dans ce livre-là.
Or, ces idées-là sont fondées sur la notion du
"realpolitik" où le pouvoir politique est la seule donnée de
toute l'activité, de toute la vie sociale, économique et
politique. Dans cette doctrine, les rapports de forces sont les seules
considérations utiles, la stratégie, la tactique sont au premier
plan de toute action. Une telle dialectique, à mon avis c'est
pour cela que j'étais effrayé ne peut conduire qu'à
la confrontation ou, à défaut de vaincre, à l'humiliation
collective. Le ministre des Affaires intergouvernementales a joué
à l'apprenti sorcier. Il continue de jouer à l'apprenti sorcier
et c'est cela qui me désole à l'heure actuelle. La
présentation qu'il a faite ce matin, exprime bien ces vues fondamentales
qu'il a.
Comme j'ai aussi, peut-être comme lui, une mauvaise manie, qui est
celle probablement des professeurs qui veulent convaincre, à
défaut d'autres ambitions qui ne sont pas toujours permises, je
voudrais, en premier lieu, me placer un peu sur le même terrain du
pouvoir, mais en élargissant un peu la notion pour y inclure aussi un
peu de pouvoir économique, et évaluer les intérêts
et la vulnérabilité des parties en présence ou des forces
des parties en présence, puisque, chez lui, c'est le facteur
déterminant du succès ou de l'échec. Or, en dehors du
pouvoir politique, il existe des réalités économiques qui
viennent souvent non seulement influencer le pouvoir politique, mais
déterminer si ce pouvoir politique a des chances de s'exercer, s'il a
des chances de réussir dans les entreprises que l'on veut mettre sur
pied.
Or, le premier facteur factuel qui nous permet de mesurer un peu ces
forces en présence, c'est sans contredit l'échange commercial, le
commerce entre les provinces, le commerce d'une province comme le
Québec, par exemple, vis-à-vis du reste du monde.
Là-dessus, comme il s'est répété tellement
d'erreurs et qu'on a fait tellement d'affirmations gratuites et fausses, je ne
peux pas m'empêcher, même si j'ai déjà traité
en partie de ce sujet ailleurs, d'y revenir, parce que c'est à la base
de l'analyse que l'on peut faire par la suite. Aussi longtemps qu'on laissera
cette analyse économique de côté, je pense qu'on risque
fort d'en arriver à des conclusions politiques non seulement fausses,
mais, comme je l'ai dit tout à l'heure, très dangereuses sur le
plan de la collectivité que nous voulons tous servir, la
collectivité québécoise, bien sûr.
Or, même si aujourd'hui, cela commence à être connu,
je pense qu'il vaut la peine de répéter que l'économie du
Québec est fortement intégrée au reste du Canada. C'est la
suite d'une centaine d'années de régime
fédéral.
C'est la suite d'à peu près deux siècles de vie en
commun sous d'autres régimes qui ont amené ce degré
très élevé d'intégration. Ce degré
très élevé d'intégration représente une
contrainte fondamentale pour toute l'action future. On ne peut pas partir de
zéro. Comme on le dit, on veut bien parler de continuité
historique, dans la position politique des Québécois, il faudrait
aussi tenir
compte de cette continuité historique sur le plan
économique. On ne peut pas partir de zéro, on ne peut pas, non
plus, décider demain matin qu'on va se situer en Amérique du Sud
ou qu'on va se situer en Europe, nous sommes sur un continent bien
défini.
Ces échanges avec le reste du Canada sont très
élevés. Ici, j'ai quelques chiffres où on peut montrer, en
ce qui concerne le Québec, qu'il exporte au reste du pays 32% de sa
production manufacturière. Il exporte, vers le reste du monde, à
l'extérieur du Canada, à peu près 14.7%, en 1974, des
expéditions manufacturières, ce qui donne, comme importance du
marché local québécois, à peu près 53%, donc
un peu plus de la moitié.
Donc, les deux tiers des exportations de produits manufacturiers
québécois sont destinés aux autres provinces du Canada,
les deux tiers. Cela veut dire combien? A Québec, en 1974, ça
voulait dire, aux autres provinces, $6,5 milliards et, comme je l'ai dit,
ça représente 32% des expéditions. Comme ces
expéditions de produits manufacturés ne sont pas neuves sur le
plan de la structure, il arrive que les exportations vers les autres provinces
du Canada sont des produits manufacturés à haute intensité
de main-d'oeuvre, de sorte que la main-d'oeuvre manufacturière
impliquée dans ces exportations représente 37% plutôt que
32% de la main-d'oeuvre dans le secteur manufacturier et 220 000 emplois
directs qui sont en jeu.
Si on veut passer du côté de l'Ontario et essayer de voir
ce qu'il en est du côté de l'Ontario et de ses
intérêts éventuels à se joindre au Québec ou
à rester uni au Québec, à l'intérêt que
l'Ontario pourrait avoir de prendre le risque de perdre ses marchés
extérieurs, il faut alors noter que l'Ontario exporte au Québec
$4,6 milliards, exporte 12% de sa production manufacturière au
Québec; nous exportons au reste du Canada 32%, comme je l'ai dit tout
à l'heure.
Du côté de l'emploi, je compare la seule chose pertinente
dans les circonstances. Puisque nous parlons de
souveraineté-association, il n'est pas question, à ce que je
sache, que l'Ontario se sépare des provinces de l'Ouest ou se
sépare des provinces Maritimes. Il n'en est pas question à
l'heure actuelle. Il est question que le Québec se sépare du
reste du pays, par conséquent, c'est la seule comparaison pertinente
dans les circonstances.
Le reste du marché canadien pour l'Ontario n'est pas en jeu. Par
conséquent, il ne faut pas comparer les exportations de l'Ontario vers
le Québec seulement, puisque ce qui est en jeu, c'est la perte possible
des marchés canadiens pour le Québec. Ce que l'Ontario risque de
perdre, c'est seulement le marché du Québec, elle ne risque pas
de perdre les marchés des provinces de l'Ouest, que je sache. Le
Québec, oui. C'est pour ça que je prends les exportations vers
l'Ontario, à l'exclusion des exportations du Québec vers les
autres provinces. Mais quand je fais cette comparaison, je prends l'Ontario par
rapport au Québec seulement.
Donc, si l'Ontario perdait le marché du Québec
c'est le seul marché dont il peut être ques- tion elle
perdrait 12% de ses expéditions manufacturières; si nous perdons
le marché du reste du Canada, nous perdons 32% des expéditions.
Du côté de l'emploi manufacturier, en ce qui concerne l'Ontario,
perdre le marché du Québec veut dire 13,3% de l'emploi
manufacturier, 121 000 emplois. J'ai parlé tout à l'heure de 220
000 emplois pour le Québec. Donc, je tire la conclusion que dans cette
négociation qui intéresse, j'espère, le ministre des
Affaires intergouvernementales, le Québec est trois fois plus
vulnérable que l'Ontario, advenant une rupture des négociations
et advenant une rupture des échances commerciaux.
Je ne veux pas dire quand je dis cela que tous ces marchés
seraient perdus. Je dis qu'il y a le risque de rupture des échanges et,
dans cette mesure, le Québec est trois fois plus vulnérable que
l'Ontario.
Je tire donc comme conclusion de cette très brève analyse
que, lorsque le Québec va entreprendre des négociations pour
savoir si une association économique pourrait être maintenue, le
Québec commencera ses négociations avec un poids à peu
près du tiers de celui de l'Ontario. Je pense que c'est une question
évidente, mais je n'ai jamais entendu personne du Parti
québécois vouloir reconnaître cette réalité
économique. Non seulement les gens ne reconnaissent pas cette
réalité économique, mais l'autre jour, à
l'Assemblée nationale, j'ai tiré des citations du petit livre
rouge du premier ministre où il y avait deux affirmations qui
étaient absolument fausses et qui étaient contraires à
cette très brève analyse que je viens de faire sur le plan de la
vulnérabilité des partis en présence.
On nous répond à cela souvent que cette
vulnérabilité dépend des secteurs. Même ce matin, le
ministre a dit: Cela dépend de quels produits il s'agit, et de quoi cela
retourne. Il ne faut pas prendre cela seulement sur un plan global.
Or, j'ai ici des chiffres que je vais citer, même si c'est un peu
long. Je pense qu'il vaut la peine qu'ils soient enregistrés. J'appelle
cela la vulnérabilité par industrie à une rupture
éventuelle des échanges, basée sur les données de
1974, et je compare la perte éventuelle du Québec, donc du
marché de l'Ontario, et je compare la perte de l'Ontario si le
marché du Québec n'était plus accessible.
Les aliments et boissons: la perte du Québec serait de 19%; la
perte de l'Ontario, 10%.
Le tabac: 64% de perte pour le Québec; 34% de perte pour
l'Ontario.
Caoutchouc et produits plastiques: 40,7%...
M. Charbonneau: Où prenez-vous ces chiffres?
M. Raynauld: Vous vous informerez.
M. Charbonneau: N'importe qui peut citer n'importe quoi.
M. Raynauld: ... la perte de l'Ontario, 17,5%... Vous demanderez
au ministre, il le sait. Ils sont très connus, ces chiffres.
Perte du Québec: 40,7% dans le caoutchouc et plastiques; 17,5%
pour l'Ontario.
Le cuir: le Québec perdrait 47,5%; l'Ontario, 21%.
Les textiles: le Québec perdrait 38%; l'Ontario perdrait 25%.
La bonneterie: le Québec perdrait 39%; l'Ontario perdrait
26%.
L'habillement: le Québec perdrait 41%; l'Ontario perdrait
14%.
Le bois: le Québec perdrait 19%; l'Ontario perdrait 6%.
Le meuble: le Québec perdrait 40%; l'Ontario perdrait 9%.
Le papier: le Québec perdrait 22%; l'Ontario perdrait 12%.
Les métaux non ferreux: le Québec perdrait 32%; la perte
de l'Ontario, 11%.
Les produits métalliques: 29% pour le Québec; 9% pour
l'Ontario.
La machinerie: 30% pour le Québec; 10% pour l'Ontario.
Le transport et l'équipement de transport: le Québec
perdrait 20%; l'Ontario perdrait 6%.
Produits électriques: le Québec perdrait 69% de son
marché; l'Ontario perdrait 16% de son marché.
Minéraux non métalliques: 15% que le Québec
perdrait; l'Ontario perdrait 9%.
Pétrole et charbon: le Québec perdrait 17%; l'Ontario
perdrait 1,4%.
Produits chimiques: le Québec perdrait 43,8%; l'Ontario perdrait
17,8%.
Les industries diverses: le Québec perdrait 55,8%; l'Ontario
perdrait 15,6%.
M. Vaugeois: J'aimerais vous poser une question sur vos chiffres.
Est-ce que vous comprenez toujours le marché canadien moins le
Québec, et peut-être moins l'Ontario, j'imagine, puisque vous
parlez d'exportation de l'Ontario, par rapport au marché
québécois? C'est cela vos chiffres?
M. Raynauld: La perte du Québec, advenant une
rupture...
M. Vaugeois: Vous comparez deux marchés très
différents.
M. Raynauld: Je compare deux marchés bien
différents.
M. Vaugeois: Cela suffit, je ne veux pas en savoir plus.
M. Raynauld: Vous devriez en savoir plus. J'ai essayé de
vous expliquer tout à l'heure que l'Ontario ne risque pas de perdre le
marché du Manitoba.
M. Vaugeois: On est d'accord là-dessus.
M. Raynauld: Vous êtes d'accord là-dessus. Donc, la
seule question pertinente...
M. Roy: J'aurais une question à poser au
député d'Outremont.
Le Président (M. Bertrand): M. le député
d'Outremont, acceptez-vous de répondre à une question du
député de Beauce-Sud?
M. Raynauld: C'est parce que je n'ai pas beaucoup de temps.
Le Président (M. Bertrand): Vous êtes libre
d'accepter ou de refuser.
M. Raynauld: C'est parce que je n'ai pas beaucoup de temps.
M. Roy: D'ailleurs, je n'ai pas l'intention d'intervenir
très longuement ce matin. Je vais vous laisser plus de temps en vous
laissant mon temps.
J'aimerais bien savoir comment il se fait que, si nous avons tant
d'avantages économiques à l'heure actuelle, nous ayons le record
du chômage. J'aimerais qu'on me l'explique.
M. Vaugeois: Ce sont des chiffres qui donnent l'état de
dépendance du Québec.
M. Raynauld: La question n'est pas là; on essaie de
mesurer la force relative du Québec advenant une négociation avec
le reste du Canada et dans quelle situation économique le Québec
se trouve au point de départ.
Comme il dépend beaucoup des marchés du reste du Canada et
trois fois plus que l'Ontario, je dis que le Québec serait plus
vulnérable, advenant une rupture de ses échanges. Ce n'est pas la
mer à boire, mais je dis que c'est la seule comparaison pertinente.
Si vous me le permettez, j'aimerais pouvoir continuer.
M. Guay: Je ne veux pas vous empêcher de continuer, je veux
simplement... Vous comparez, à l'heure actuelle, si j'ai bien compris,
les exportations du Québec vers les neuf autres provinces du Canada,
d'une part.
M. Raynauld: C'est cela.
M. Guay: Vous ne comparez pas, d'autre part, les exportations des
neuf autres provinces vers le Québec, mais d'une seule la plus
importante, j'en conviens de ces provinces vers le Québec.
M. Raynauld: Je n'analyse pas cela du tout. Je n'ai pas
donné les importations du Québec en provenance des autres
provinces du Canada.
M. Guay: Uniquement de l'Ontario.
M. Raynauld: Non, j'ai pris seulement les exportations vers le
reste du pays.
M. Guay: Pour ce qui est du Québec.
M. Raynauld: Pour ce qui est du Québec. Je compare avec
les exportations de l'Ontario vers le Québec seulement, parce que c'est
la seule possibilité que l'Ontario perde un marché.
M. Guay: Dans le reste du Canada, les huit autres provinces
exportent aussi vers le Québec, puisque vous comparez les exportations
du Québec.
M. Raynauld: Je ne regarde pas les importations du Québec,
je regarde seulement les exportations. Par conséquent, cette question
n'est pas importante.
M. Guay: Des choux et des carottes.
M. Raynauld: Tout ce que je veux mesurer et tout ce que j'essaie
de donner, c'est le degré de vulnérabilité du
Québec face aux autres provinces du Canada sur le plan
économique, sur le plan des échanges des produits
manufacturés.
Le second élément, c'est le degré de protection
dont jouissent ces industries. Ici, je rappellerai simplement que les
industries du Québec, quand on les pondère par la production,
sont plus protégées que les industries de l'Ontario par un
pourcentage de deux points. C'est-à-dire que, si je prends l'ensemble
des industries du Québec et que je les pondère correctement, la
protection tarifaire dont elles jouissent est d'à peu près 11%,
en moyenne. Celles de l'Ontario, pondérées de la même
façon sont protégées à peu près à 9%.
C'est donc un écart de 2%.
Ce qui est plus important, c'est que, lorsque nous envisageons les
industries qui exportent vers l'Ontario et vers le reste du Canada, on
s'aperçoit que ce sont surtout les industries les plus
protégées. De sorte que, si on perdait ce marché des
autres provinces du Canada, on perdrait probablement encore plus que ce que
j'ai donné ici parce que ce sont des industries qui ne sont pas
compétitives sur le plan international, en général. Ce
sont des industries qui risqueraient encore plus de disparaître du
Québec.
En ce qui concerne maintenant la question des positions respectives et
de la convergence ou de la divergence des intérêts des diverses
provinces, bien sûr, il faut examiner les options économiques qui
sont envisagées et que le ministre a mentionnées ce matin. Ce que
je regrette quand on examine des options comme l'Union économique, le
Marché commun, l'Union douanière ou une zone de libres
échanges, c'est que souvent on envisage ces diverses options en faisant
abstraction des coûts de transition d'un régime à un autre.
S'il fallait le changer, les coûts de transition seraient très
élevés.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, mais je veux parler de
cela.
M. Raynauld: Me permettez-vous de répondre?
M. Charbonneau: Vous pouvez bien déblatérer pendant
une demi-heure, mais si vous ne laissez pas le ministre parler... Je ne connais
pas la signification de ce genre de chose.
M. Mackasey: On peut parler de 14 heures à 17 ou à
18 heures, si on le veut.
M. Raynauld: Si une déclaration comme celle-là ne
suscite pas de débat, je n'ai rien compris.
Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, s'il vous
plaît! Il reste trois minutes au député d'Outremont.
M. Forget: Cela va compléter vos informations.
M. Raynauld: Je voulais donc dire que ce que je regrette, c'est
qu'on ne tient pas compte des coûts de changement d'un régime
à un autre, des coûts de transition d'un régime à un
autre. J'ai entendu souvent le ministre des Affaires intergouvernementales,
depuis plusieurs années, parler de ces options, parler, par exemple,
parmi ces options, de supprimer un gouvernement fédéral comme
celui que nous avons à l'heure actuelle sans parler des
conséquences qu'il pourrait y avoir, pour l'administration publique,
pour les coûts de l'administration publique, sur le plan de la
péréquation des revenus, sans parler des conséquences
qu'il pourrait y avoir quand on pense au genre d'arbitrage qu'il sera
nécessaire de faire quand on changera de régime, lorsque le
gouvernement fédéral ne sera plus celui qui va décider,
mais que ce sera la province de Québec qui va décider.
Il nous a dit tout à l'heure, avec une bien grande
condescendance, que les avantages fiscaux et tout cela, ce n'était pas
important, mais je voudrais lui dire que ce n'est pas encore la bonne question
qu'il pose. La vraie question, c'est de savoir non pas si on perd, à
l'heure actuelle, en étant dans la confédération il
pourrait arriver qu'on perde c'est de savoir si on gagnerait si on
changeait de régime. C'est cela, la vraie question. Le ministre, dans
toutes les études qu'il nous a présentées ce matin, ne
nous a pas parlé de ce bilan de la souveraineté en tant que
telle. Qu'est-ce qu'elle coûterait, cette souveraineté politique?
On n'en parle pas. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut dire que le
gouvernement a déjà décidé, de toute façon,
qu'il y aurait un régime de souveraineté-association et,
là, il examine les modalités d'une association
éventuelle.
Le bilan doit nous dire s'il est avantageux de sortir du régime
fédéral pour avoir un régime de
souveraineté-association, quel que soit le régime d'association.
On pourra prendre des exemples pour faire la comparaison. A ce moment, on ne le
sait pas. Même si on perdait $3 milliards par année à
l'heure actuelle, si on est pour perdre $10 milliards dans un régime de
souveraineté-association, on n'est pas plus avancé. Par
conséquent, c'est cela, la vraie question. Ce n'est pas, bien entendu,
seulement les avantages financiers qu'on peut voir et qu'on peut mesurer
à l'heure actuelle.
Enfin, je dirai une seule chose. Dans ce débat, je trouve qu'il y
a beaucoup d'affirmations gratui-
tes. J'ai essayé tout à l'heure d'interrompre le ministre,
parce que je trouve que c'est une maladie vraiment de faire des
affirmations...
M. Morin (Louis-Hébert): C'est permis d'interrompre le
monde ici?
M. Raynauld: J'ai encore une minute, M. le ministre.
Le Président (M. Bertrand): Une minute, M. le
député d'Outremont.
M. Raynauld: ... absolument gratuites sans qu'on donne des
réponses aux questions qui sont posées. Le ministre est un homme
sérieux. Il veut faire des études. Là, il nous parle comme
s'il donnait des réponses quand il nous dit: Voyez, j'ai une
étude sur le sujet. Ce n'est pas une réponse. Ce matin, ce que je
retiens, c'est qu'on n'a pas eu une seule réponse, parce que les vraies
questions qu'on essaie de soulever sont toutes actuellement l'objet
d'études. Par conséquent, on n'est pas capable vraiment d'engager
ce dialogue, parce que toutes les réponses qu'on a c'est: Vous
l'apprendrez lorsque l'étude sera terminée. Je pense que c'est
là la difficulté du débat.
Enfin, pour terminer, je vais poser une question au ministre: Quelle est
la séquence qu'il a à l'esprit? Est-ce la souveraineté
politique qui vient en premier lieu ou si c'est l'association? C'est un
débat fondamental. Je pense qu'il y a même eu des changements
d'orientation politique seulement sur ce point, de la part d'un certain nombre
d'hommes politiques. Je pense avoir entendu le ministre dire, un jour, que cela
pourrait peut-être se faire en même temps, simultanément.
C'est une belle réponse. A ce moment, c'est ni l'un, ni l'autre. Je
pense que la réponse à cette question est fondamentale, parce
que, si on ne fait pas la souveraineté, à ce moment, cela veut
dire que vous réclamez simplement un
néo-fédéralisme, ce que, d'ailleurs, beaucoup de gens dans
votre parti vous reprochent, M. le ministre. On vous dit simplement: C'est un
néo-fédéralisme, il n'y a pas d'indépendance
politique là-dedans du tout. C'est vraiment de la fausse
représentation. Ou bien, vous dites: On va faire la souveraineté
politique d'abord, on va faire la rupture et ensuite, on va recommencer
à faire une association économique avec le reste du Canada. A ce
moment, on encourt tous les coûts dont j'ai essayé de
décrire un peu la portée tout à l'heure.
Le Président (M. Bertrand): Avant que le ministre des
Affaires intergouvernementales réponde, je voudrais simplement rappeler
au député le mandat de la commission ce matin, qui est
formulé de la façon suivante: Avis est donné que le
député de Lotbinière aurait une question avec débat
sur le sujet suivant: "La thèse d'une association entre le Québec
et le Canada et les études en cours sur ce sujet au sein du
gouvernement."
M. Morin (Louis-Hébert): A cause de cela, il est un petit
peu normal que je donne la liste des études. Je suis parfaitement
conscient je pense que je l'ai dit tantôt qu'il y a des
questions auxquelles je ne pouvais pas répondre maintenant, pour la
bonne raison que ce sont des questions que nous nous posons et que nous
étudions. Je pense que c'est clair. C'est un peu le désavantage
d'arriver ce matin avec ce débat. On aurait pu, s'il avait eu lieu dans
six mois, avoir plus de réponses, mais je pense que c'est excellent de
l'avoir eu maintenant, malgré mes hésitations au point de
départ, parce que cela nous donne justement une occasion de
réfléchir ensemble.
Je vais dire rapidement des choses, parce que je veux pas prendre trop
de temps et je veux que les autres parlent aussi. Il y a deux choses dont je
veux parler: l'exposé économique qui a été fait et
la question du pouvoir politique quand on a parlé de ma thèse
dans mon premier livre. En ce qui concerne la comparaison économique qui
vient d'être faite tantôt, elle part d'un postulat qu'il y a
rupture entre l'économie du Québec et de l'Ontario, si vous
voulez, l'économie du Québec et du reste du Canada. Or, le Parti
québécois propose la thèse de la
souveraineté-association et non pas la thèse de la
souveraineté, association.
Je veux dire par là qu'il s'agit d'un processus simultané,
et non pas d'un processus consécutif, je l'ai dit plusieurs fois et je
le dis encore ce matin. La rupture que craint beaucoup notre illustre
collègue ici, qui se spécialise dans les craintes et autres
aventures du même genre, n'a pas quand même cette présence
dont il parle. C'est justement pour éviter cette situation que la
souveraineté et l'association peuvent se réaliser en même
temps, d'une part. D'autre part, retenons une chose, on est quand même
clair là-dessus: Le Québec sera un Etat souverain, qu'est-ce que
c'est, la souveraineté-association? Cela existe lorsqu'un Etat,
disposant de la plénitude des pouvoirs politiques, s'associe librement
avec d'autres Etats pour la poursuite d'objectifs communs, notamment dans le
domaine économique, bon!
M. Forget: Est-ce que le ministre me permet une question?
M. Morin (Louis-Hébert): Le ministre vous permet une
question, mais il a encore d'autres réponses à donner.
M. Forget: Vous avez défini la souveraineté par
l'association, ce qui est une façon de tourner... C'est le chat qui
court après sa queue.
M. Morin (Louis-Hébert): Non.
M. Forget: Essentiellement, ce que mon collègue
d'Outremont posait comme question, c'est de savoir où sont vos
priorités là-dedans. La souveraineté, ça peut
dépendre du Québec seul, à la limite, mais l'association,
c'est assez difficile de vouloir s'associer tout seul. Si ça ne va pas,
l'association, s'il y a des difficultés, est-ce que vous la faites quand
même, la souveraineté? Mais si vous la définissez par
l'association, ce que je peux comprendre, c'est que vous ne la ferez pas.
M. Morin (Louis-Hébert): Je ne voudrais pas entrer ici
dans des discussions sémantiques. Moi, ce que je vous dis, c'est que ce
qui est envisagé, c'est la souveraineté politique et
l'association économique au même moment, en même temps,
à la suite d'une discussion globale consécutive à un
référendum au cours duquel la population se sera
prononcée. C'est une négociation d'ensemble, qui doit
éviter des ruptures inutiles.
L'autre chose qu'il ne faut jamais oublier, c'est que nous partons d'une
situation où existent quand même des relations économiques.
Il s'agit de définir ces relations économiques autrement, et non
pas de les faire disparaître et de les recommencer ensuite. Je pense que
ça, il faut que ce soit clair. Ce que vous aimeriez mieux, vous autres,
c'est...
M. Forget: ... s'ils n'en veulent pas, de cette association, vous
ne pourrez pas faire, la souveraineté-association.
M. Morin (Louis-Hébert): Mais comment les autres
pourraient-ils ne pas vouloir une association...
M. Forget: Bien...
M. Morin (Louis-Hébert): ... économique dont ils
veulent...
M. Forget: Ne parlons pas en leur nom, si vous voulez, ni d'un
côté, ni de l'autre.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. Alors, ne parlons pas
en leur nom.
M. Forget: Ce que vous affirmez, c'est que s'ils n'en veulent
pas, effectivement, vous êtes dans un cul-de-sac.
M. Morin (Louis-Hébert): S'ils n'en veulent pas, ça
veut dire que ce sont eux-mêmes qui décident de se dissocier du
Québec sur le plan économique et de se créer à eux
des problèmes qu'ils n'ont pas besoin d'avoir autrement, puisque ce
n'est pas ce que nous proposons. Je ne vois pas pourquoi ils feraient
exprès, parce qu'ils n'aiment pas notre approche, de dire: On va leur
jouer un tour. Ils s'en jouent un à eux-mêmes, à ce
moment-là. Cela, d'ailleurs...
M. Raynauld: ... est-ce que vous admettez que quand ils
poseraient le problème comme ça, qu'ils perdraient quelque chose,
ils savent, eux, que le Québec perdrait trois fois plus
qu'eux-mêmes?
M. Charbonneau: Ils ne sont pas intéressés à
perdre ce qu'ils ont.
M. Morin (Louis-Hébert): Ecoutez!
M. Raynauld: Ils ne voudront rien perdre.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, ils ne voudront rien perdre,
justement. Je vais vous dire une chose que je ne devrais pas dire. J'ai
déjà discuté avec des gens du gouvernement
fédéral et du gouvernement de l'Ontario. Il y a deux choses, eux,
qui font que ce sont des considérations majeures chez eux.
Premièrement, la seule façon d'en arriver à
résoudre le problème constitutionnel au Canada, c'est de
procéder par la voix de l'opinion publique. Ils m'ont même
donné l'idée, à un moment donné, de proposer un
référendum. Deuxièmement, l'Ontario et le Canada
fédéral, c'est-à-dire dans le gouvernement
fédéral, la chose à laquelle ils tiennent, c'est justement
de conserver l'association économique. Alors, ne venez pas me dire
qu'ils vont être les premiers à nous proposer de la couper, alors
que ce n'est justement pas ça qu'on leur propose de faire.
M. Raynauld: ... ils ont déclaré pour l'instant?
M. Guay: Bien sûr! C'est bien évident!
M. Morin (Louis-Hébert): Pardon? Qu'est-ce que...
M. Guay: C'est à croire que le premier ministre de
l'Ontario va aller dire tout de suite qu'il est en faveur de I association!
M. Morin (Louis-Hébert): Bien, voyons donc! Il est plus
fin que ça.
M. Guay: II est meilleur politicien que vous.
M. Raynauld: Etes-vous plus fins, vous autres, quand vous dites
que quelles que soient les circonstances, ils vont être
intéressés, quelles que soient les politiques que le Parti
québécois va faire, ils vont encore être
intéressés à ce que le Québec reste dans le Canada,
qu'indépendamment de la politique tarifaire que vous allez faire contre
l'Ontario, ils vont être encore intéressés? Vous croyez la
lettre que vous avez citée tout à l'heure, qu'un homme d'affaires
va dire: Quelles que soient les circonstances, on va toujours faire affaires
avec le Québec? Vous croyez ça? Et vous dites que vous ne croirez
pas la déclaration d'un ministre qui vous dit: On n'est pas
intéressé par l'association?
M. Charbonneau: Savez-vous ce que c'est, l'association encore, et
comment ils pourraient être intéressés? Voyons donc!
M. Morin (Louis-Hébert): Arrête-le donc! Un
instant!
M. Raynauld: Mais quand même! Quand même!
M. Morin (Louis-Hébert): Voici là!
Le Président (M. Bertrand): C'est contre le
règlement, ça, monsieur...
M. Morin (Louis-Hébert): II vient de s'arrêter?
Le Président (M. Bertrand): Le président peut le
faire.
M. Morin (Louis-Hébert): ... si je te le dis de le
faire...
Le Président (M. Bertrand): Ah bon!
M. Morin (Louis-Hébert): Ce que je veux dire ici, c'est
qu'il y a quand même une chose fondamentale. Trouvez-moi un exemple, au
monde, où, systématiquement, des fournisseurs refusent des
marchés et des vendeurs refusent des acheteurs et des acheteurs refusent
des vendeurs. Partons de là. Maintenant, je ne veux pas, moi, me
spécialiser, comme on le fait, dans des obstacles a quelque chose qui me
paraît quand même une idée fondamentale.
Je pense que ce que nous voulons faire justement, et ce que nous devons
faire, c'est de leur en parler une fois qu'on saura ce que la population du
Québec en pense. Cela se peut bien qu'on se trompe! Je n'ai pas la
prétention d'avoir la vérité éternelle qui m'a
été donnée à la naissance. Je pense qu'on a raison,
d'un autre côté.
M. Raynauld: Ce serait tragique, M. le Président, de dire
une chose comme cela. On a lancé le peuple québécois sur
une voie...
M. Charbonneau: M. le Président, il y a d'autres
députés qui veulent intervenir.
M. Morin (Louis-Hébert): On n'a pas lancé le peuple
dans quoi que ce soit.
M. Charbonneau: ... vingt minutes!
M. Morin (Louis-Hébert): J'ai dit tantôt j'ai
fait exprès de le mentionner que la thèse de
souveraineté-association est à peu près ce qu'il y a de
plus logique dans la continuité historique québécoise.
Cela fait longtemps qu'on est lancé là-dedans. On est
lancé là-dedans depuis qu'on existe comme Québécois
francophones. Que voulez-vous que j'y fasse?
M. Forget: Je ne veux pas insister trop longtemps, mais il reste
que c'est important pour la crédibilité de la proposition que
vous présentez.
M. Charbonneau: Question de règlement.
Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, je pense que...
M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai pas fini de
répondre.
Le Président (M. Bertrand): Un instant, c'est une question
de règlement, M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.
M. Charbonneau: Je pense que la présidence quelle
que soit la personne qui l'occupe a indiqué tantôt qu'elle
favoriserait la participation du plus grand nombre de députés
possible. Je pense qu'on avait déjà indiqué que le
député de Verchères serait le prochain intervenant
après le député d'Outremont. Cela ne me fait rien de
permettre à d'autres députés de poser des questions, mais
on va toujours jouer, le vendredi, sur quelques personnes qui vont prendre la
"plate-forme", et même des gens qui vont prendre la parole alors que ce
n'est même pas leur tour de la prendre.
M. Forget: Si vous parlez du député d'Outremont, il
a été interrompu quatre fois.
Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, s'il vous
plaîtl
M. Charbonneau: Pendant ses 20 minutes... Il a donné la
permission!
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Verchères, vous allongez le temps inutilement.
M. Roy: Sur un point de règlement, quinze secondes.
Le Président (M. Bertrand): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: J'aimerais bien qu'on m'accorde au moins deux
minutes.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est pour cela que je voulais me
dépêcher de répondre pour que vous ayez, M. Roy, la
possibilité de...
Le Président (M. Bertrand): Très bien. Je vous dis,
de toute façon, les gens qui sont inscrits sur la liste en ce moment: II
y a le député de Verchères, le député de
Notre-Dame-de-Grâce, le député de Bellechasse, le
député de Richmond, le député de Beauce-Sud.
M. Roy: A quelle heure que cela finit?
Le Président (M. Bertrand): L'entente est, pour l'instant,
que nous terminons nos travaux à une heure.
M. Morin (Louis-Hébert): Je prends deux minutes et je vous
dis cela. Deuxième affaire que je veux relever. D'abord, il n'y a jamais
un peuple au monde qui a voulu devenir souverain pour s'isoler. D'accord? Je
pense que, a priori, si c'était cela, je ne serais pas dans ce parti.
Personne ici. Cela n'existerait pas, c'est trop niaiseux.
M. Vaugeois: ... vous avez compris cela...
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais être obligé
de me citer, à cause de ce que vient de dire M. Raynauld. Tantôt
il a commenté mon premier livre, et il a dit que cela l'avait
effrayé de lire cela.
II aurait été mieux de ne pas le lire. Cela me fait de la
peine de l'inquiéter! Mais il a dit que j'avais une attitude où
tout ce qui comptait, c'était le pouvoir politique. Or, s'il avait lu
l'autre livre je l'ai ici je vais vous en lire un passage: "Nous
avons jusqu'ici raisonné parce qu'il fallait présenter
quelque chose avant un peu comme si le fait, pour les
Québécois, de posséder un véritable gouvernement
les rendrait automatiquement puissants et susceptibles d'impressionner leurs
partenaires dans les négociations à venir. Doit-on conclure que
la force politique est à elle seule prépondérante, qu'elle
est supérieure à toutes les influences éventuellement
présentes au moment d'une négociation? Nullement. Il existe bien
des peuples qui possèdent un gouvernement autonome et qui ne sont pas,
pour autant, des peuples forts. Certains de ces pays souverains sont totalement
incapables ou presque de défendre leurs intérêts comme ils
le souhaiteraient. Dans quelques cas, surtout celui des pays les plus petits,
on a même assisté, au cours de la dernière
génération, à la naissance de colonies politiquement
souveraines. L'autonomie politique complète ne garantit donc pas pour
autant qu'un peuple souverain puisse promouvoir ses intérêts sans
se préoccuper des autres ou encore leur imposer ses vues. En d'autres
termes, il n'y a pas de relations de cause à effet entre
l'indépendance politique et la puissance lorsqu'il s'agit de nations
moyennes ou petites. C'est là un fait établi que peu de gens
sérieux contestent. Je suis parmi ceux-là, voyez-vous?
Toutefois si l'autonomie politique ne crée pas
nécessairement la puissance, il est par ailleurs certain qu'une
dépendance incontrôlée entretient l'impuissance. Ainsi,
pour utiliser une comparaison, l'instruction ne permet pas à tous les
individus instruits de réussir dans la vie, mais, de nos jours,
l'ignorance est de plus en plus une cause d'insuccès." Je voulais quand
même rétablir les faits. Je ne suis pas, comme cela, un partisan
ni de l'Etat ni de la puissance politique en tant que telle. C'est un des
éléments. Si vous êtes instruit, vous ne réussissez
pas nécessairement, mais, si vous êtes ignorant, vous avez pas mal
plus de chances de ne pas réussir. C'est cela. Si vous êtes
politiquement souverain, vous n'êtes pas sûr de réussir,
mais, si vous êtes dépendant, vous êtes sûr de ne pas
réussir.
Une Voix: Bravo.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: M. le Président, ce serait...
M. Bertrand: Si vous n'êtes pas indépendant, c'est
parce que vous êtes resté là-bas, encore.
M. Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: II y a des colonisés qui sont riches.
M. le Président, je voudrais répondre à une
argumentation du député de Lotbinière qui est revenue dans
le débat, notamment avec le député d'Outremont. On a
parlé de l'attitude du refus de négociation, d'association, des
autres provinces, des partenaires canadiens et on a parlé d'un rapport
de forces et d'une question qui ne doit pas être uniquement politique
mais qui doit aussi être économique, etc.
Je pense qu'on doit avoir continuellement à l'esprit qu'il s'agit
finalement, tout compte fait, d'un combat politique dans une démocratie.
La différence d'avec un combat où il y aurait de la violence,
c'est qu'on a un affrontement pacifique d'adversaires qui ont des façons
différentes de concevoir la société. Dans cet affrontement
pacifique, démocratique, politique, il y a des règles du jeu. Il
y a également des attitudes qui sont l'essence même de ce qu'est
un combat.
Il serait étonnant, compte tenu des gens qui ne partagent pas
notre option ou la façon dont on conçoit le Québec et
l'avenir du Québec et du Canada, qu'on nous dise dès maintenant
qu'on est d'accord avec notre option, advenant qu'on réussisse à
la faire triompher. Je pense qu'on ne pourra jamais, à part quelques-uns
qui ont peut-être une grandeur d'âme ou la possibilité de
s'élever au-delà des débats et des combats politiques
comme, peut-être, le premier ministre Hatfield... La majorité des
adversaires politiques, qu'ils soient du Québec ou de l'extérieur
du Québec, ne nous donneront pas cette chance on ne doit pas
l'attendre non plus ne nous diront pas avant qu'on ait un mandat fort:
Oui, on est prêt à s'associer. Je pense que cela ne sert à
rien de revenir continuellement avec cet exemple pour essayer de prouver que
finalement il n'y aura pas possibilité d'association. De toute
façon, dans leur optique, dans leur stratégie d'action et de
combat politique, ils ne peuvent pas se permettre de dire cela.
Ils ne peuvent pas non plus se permettre de dire cela pour une autre
raison qui tient finalement au fait qu'ils ne connaissent pas, pas plus que
nous d'ailleurs, les détails d'une proposition à venir. Toute
personne qui, dans une attitude de combat, a déjà refusé
d'envisager une position adverse, n'ira pas dire qu'elle l'accepte au
départ, surtout si en plus elle ne connaît pas les détails
de cette proposition.
Le débat aujourd'hui je pense que dans ce sens-là
il était pertinent a permis d'établir encore plus
clairement qu'effectivement le processus que le gouvernement actuel a
amorcé est un processus de réflexion et de précision sur
les propositions d'association. Finalement, souveraineté-association,
encore que le premier ministre, en France, a commencé à utiliser
le mot confédération, veut dire association d'Etats souverains.
Vous trouverez la définition de confédération dans
n'importe quel dictionnaire.
Il s'agit maintenant de savoir quel type d'association on veut avoir. Je
pense qu'on doit continuellement avoir à l'esprit qu'il y a une
réalité qui, avant d'être économique, avant
d'être politique, avant d'être sociale, est humaine et
géographique. Il y a environ 20 millions d'habitants qui vivent sur
un bout de continent entre deux océans, qui, de toute
façon, sont poignés pour rester voisins. Il s'agit de savoir
maintenant comment des gens qui, de toute façon, sont pris pour rester
voisins entre deux mers vont organiser autrement le voisinage pour faire en
sorte qu'une des deux nations, un des deux peuples, en utilisant le terme
peuple ou nation d'une façon synonyme, ne soit pas toujours perdant dans
ce "partnership", dans ce voisinage. En ce sens, notre réflexion est de
savoir maintenant comment on va organiser ce voisinage.
Je ne prendrai pas beaucoup plus de temps pour indiquer également
qu'à partir de cela, à partir du moment où on accepte,
contrairement a ce que le député d'Outremont disait, que, dans ce
combat, tout est une question de rapport de forces... On ne va pas
négocier avec quelqu'un quand on n'a rien à négocier et
quand on n'a pas de rapport de forces à établir. Ce que le
député d'Outremont a essayé d'établir, c'est qu'on
était en position de faiblesse dans un rapport de forces. Je pense que
le rapport de forces ne se situe pas uniquement au niveau d'une attitude, d'une
démarche comptable ou économique qui voudrait nous faire croire
qu'on perdrait environ 40% de marché alors que notre plus gros
partenaire, qui se situe en Ontario, ne perdrait pas grand-chose.
Il s'agit également de savoir que finalement le rapport de forces
se situe à bien d'autres niveaux et que tout est aussi une question de
volonté dans un rapport de forces et dans un combat. Oui,
démographique. Ce dont on s'est rendu compte depuis 1867, c'est
que, quand on est entré dans cette affaire, on était quatre
partenaires. Il existait quatre provinces, dans ce système
fédéral.
On ne nous a pas demandé la permission, à nous, pour
grossir cette fédération et pour, finalement, faire en sorte
qu'on minorise les Québécois, qu'on passe de 33% à 25% ou
peut-être moins et qu'on passe de quatre partenaires à dix
partenaires. Ce qu'on dit et ce que les Québécois ont toujours
compris, c'est que c'était finalement une association de deux nations.
C'est peut-être ça qu'ils veulent redécouvrir et retrouver.
Dans cette optique, je pense que les récentes déclarations de
l'Union Nationale nous permettent d'espérer un débat passablement
intéressant et sain dans cette recherche d'organisation du voisinage au
Canada.
Quand on parlait de rapport de forces et de volonté, il faut se
rappeler une chose qui est fondamentale; lorsqu'on va se donner un mandat,
à un moment donné, de négocier, il va être important
que le gouvernement des Québécois, le seul gouvernement où
les députés de notre nationalité sont majoritaires
parce que, dans un système fédéral, une des
caractéristiques, c'est que les députés de l'une des deux
nations au Canada seront toujours minoritaires lorsqu'il y aura un gouvernement
central, c'est fondamental le Parlement où les
députés de notre nationalité sont majoritaires ou
contrôlent vraiment quelque chose, ait un "bargaining power". Un mandat
de négocier, notamment dans le contexte actuel où le
résultat d'un référendum est un résultat
consultatif, va permettre finalement à des gens, qui ont le pouvoir
politique d'entreprendre ces négociations, d'avoir de quoi
négocier, d'avoir des assises qui vont faire en sorte qu'effectivement,
avec des voisins, on va pouvoir négocier autre chose que ce qu'on a eu
depuis 100 ans ou 110 ans, que ce qu'on a eu avant même que l'Acte
fédératif soit signé. C'est ça qui est
important.
Dans ce sens, j'espère que le député de
Lotbinière... Je lui pose la question parce que je reviens à
ça: Est-ce qu'il croit vraiment, sincèrement, honnêtement
que les gens peuvent actuellement, dans un contexte de rapport de forces, de
combat politique pacifique, nous donner autre chose comme réponse que ce
qu'ils nous donnent actuellement? Moi, je lui pose sincèrement la
question: Est-ce qu'il croit sincèrement que des gens de l'Ontario, de
la Colombie-Britannique, des autres provinces et même des
Québécois qui ne sont pas d'accord avec cette position, vont vous
dire autre chose que ce qu'ils vous disent actuellement, tant que vous n'aurez
pas le mandat de négocier, tant que vous n'aurez pas établi un
rapport de forces qui soit encore plus en faveur des
Québécois?
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député de Verchères. M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce, je sais que vous aviez été reconnu
pour parler immédiatement après, mais, pour respecter la
tradition parlementaire et pour permettre de faire un tour de table parce que
je n'avais pas noté en temps utile que M. le député de
Beauce-Sud voulait intervenir, je demanderais votre collaboration pour donner
la parole à M. le député de Beauce-Sud.
M. le député de Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Richard): Je sais, M. le
député de Beauce-Sud, que vous êtes bref
généralement.
M. Fabien Roy
M. Roy: Je vais tenter du moins de l'être, M. le
Président, et je vous remercie. C'est plutôt en tant
qu'observateur que participant, même si je suis membre de la commission,
que j'ai assisté aux travaux de cette commission ce matin.
Je voudrais, pour débuter, féliciter le chef de l'Union
Nationale de l'initiative qu'il a prise de présenter cette motion
à l'Assemblée nationale, pour l'excellence de son document et la
pertinence des questions qu'il a posées. Je pense que tout le monde se
les pose, ces questions, les parlementaires se les posent aussi et j'avais
hâte d'entendre le ministre des Affaires intergouvernementales nous
donner les réponses.
Cependant, je pense qu'on admettra que ce sera assez difficile de
commenter les réponses. Je remarque dans le document que les questions
ont une tendance à vouloir faire ressortir plutôt les
difficultés, les appréhensions. J'aurais aimé, en ce
qui me concerne je ne veux pas que ce soit
interprété comme un reproche, parce que je pourrais
préparer un document moi-même qu'on essaie de faire la part
des choses de façon à pouvoir avoir un débat assez
objectif.
Je n'ignore pas le sérieux de la situation; il ne faut pas
s'engager à la légère dans des projets de réforme
constitutionnelle et de changement de statut politique. Je pense qu'à
vouloir trop bien faire on risque de ne rien faire. J'ai entendu le ministre ce
matin nous parler des études, encore des études, toujours des
études. J'avais entendu parler de 300 dossiers à la suite d'une
question qui a été posée, pas à l'Assemblée
nationale, mais en dehors de l'Assemblée nationale, dans une
réponse qui aurait été donnée par le premier
ministre à un journaliste. Je pense que ça fait lourd.
M. Morin: Ce sont 300 ententes qui existent entre Québec
et Ottawa.
M. Roy: 300 ententes; il doit y avoir un dossier pour chaque
entente.
M. Morin (Louis-Hébert): A ce compte-là, oui.
D'accord.
M. Roy: On a parlé aussi des tendances juris-prudentielles
de la Cour suprême. On serait peut-être tenté de parler du
comportement des bons pères de la Confédération, que
j'appelle les juges de la Cour suprême. J'ai bien l'impression, en ce qui
me concerne, que lorsque les études seront terminées, il y aura
bien des problèmes qui seront déjà déplacés.
La date des prochaines élections risque d'être arrivée. Je
le dis en toute objectivité. Je pense qu'il y a peut-être
une...
M. Morin (Louis-Hébert): Excusez...
M. Roy: Le ministre pourra me répondre tout à
l'heure. Le Parti québécois aurait peut-être besoin de deux
mandats pour compléter toutes ses études, ses
considérations.
Je suis un peu surpris, parce que depuis dix ans que le Parti
québécois est fondé, depuis dix ans qu'on prêche la
souveraineté-association, le Mouvement souveraineté-association
existait au moins deux ans auparavant, si ma mémoire est bonne, ce qui
fait, en quelque sorte, une douzaine d'années. Le Parti
québécois a été fondé en 1968, mais le
Mouvement souveraineté-association a été fondé au
début de 1967.
Quand on regarde tout ce que j'ai entendu autour de la table ici, ce
matin, et le comportement des différents partis politiques, je me
demande comment le gouvernement, quel qu'il soit, et je le dis de façon
très sérieuse, a pu envisager une discussion. Comme le disait le
député de Verchères, dans toute négociation, c'est
un rapport de force. Si, au Québec, on tire la couverture chacun de son
côté, je pense que s'il n'y a pas d'unité
québécoise, du moins, un certain consensus
québécois, il est impensable de pouvoir aller discuter à
l'autre niveau de gouvernement. C'est absolument impensable.
Et je pense que l'approche du dossier constitutionnel, à l'heure
actuelle, est mal orientée. Je ne suis pas un spécialiste de la
question, je ne veux pas poser en spécialiste. Mais elle est mal
orientée. Je pense que si on s'assoyait autour d'une table pour
commencer à discuter à partir des besoins du Québec, ce
serait beaucoup plus facile d'en venir à un consensus qu'à partir
des études très compliquées, très
sophistiquées dans certains cas. La population du Québec ne nous
suivra pas, et la population ne suivra pas le gouvernement non plus.
On a parlé d'informer la population du Québec. Faisons des
sondages à la grandeur du Québec et, à partir de ces
dossiers constitutionnels, de toutes ces implications qu'il peut y avoir au
niveau des différents ministères, je pense qu'on ne s'en sortira
jamais.
C'est la raison pour laquelle j'avais proposé très
positivement et très objectivement une commission parlementaire
spéciale pour qu'on s'assoie autour d'une table et qu'on commence
à discuter et qu'on commence à s'interroger sur les besoins
prioritaires du Québec. Je pense qu'à partir de ce
moment-là et je connais des gens actuellement qui sont de
farouches adversaires concernant la stratégie qui est employée,
concernant le contenant, c'est assez curieux que lorsqu'on commence à
faire la discussion concernant le contenu, on puisse trouver des gens qui
soient passablement d'accord.
Je pense quand même, M. le Président, qu'il ne faudrait pas
planer trop haut, qu'il ne faudrait pas se maintenir à des altitudes
des altitudes, je ne parle pas d'attitudes trop
élevées. Dans le débat actuel, je pense qu'on est tous
perdus. J'ai assisté hier soir, à titre d'observateur, à
des réunions de certains groupes de la population, certains mouvements
qui se font dans le cadre du Conseil de l'unité canadienne, au
Château Frontenac. Je vois que, de l'autre côté de la
barrière, si je peux m'exprimer ainsi, c'est à peu près la
même chose. On n'y arrivera pas si on continue dans cette
orientation.
C'est la raison pour laquelle je dis qu'il va falloir que le
gouvernement change d'attitude, qu'on commence à discuter des
priorités et qu'on commence à s'asseoir autour de la table pour
examiner au-delà des formations politiques, au-delà de toute
partisanerie politique, si c'est possible je sais que cela va demander
des efforts considérables pour certains mais, en autant que faire
se peut, au-delà des barrières politiques partisanes, je ne dirai
peut-être pas au-delà des partis, mais au-delà de la
partisanerie comme telle, de la stricte partisanerie politique, qu'on regarde
quelles sont les priorités, quels sont les pouvoirs dont le
Québec a besoin pour être capable d'assumer ses
responsabilités envers la population, et quels sont les besoins que la
population réclame et quelles sont les attitudes, les décisions
qu'elle réclame de ses gouvernements, de ses élus.
M. le Président, je terminerai mes observations là-dessus.
J'avais dit trois minutes. Je regrette, j'ai utilisé six minutes. Mais
c'est un sujet qui est passionnant, qui passionne beaucoup de
personnes. On m'excusera d'être un peu passionné moi
aussi.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député de Beauce-Sud. M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Seulement un petit mot. Je suis
passablement content de l'intervention qui vient d'être faite. Cela me
permet de préciser une chose que j'ai négligé de dire
tantôt et je le regrette.
Je suis d'accord avec lui pour ce qui concerne le fait qu'on risque de
s'isoler de la population. C'est peut-être la plus grande
préoccupation que j'ai dans tout ce qu'on est en train de faire. Je suis
d'accord avec lui à 100%.
Deuxièmement, j'ai négligé de dire tantôt que
les études, qui ont l'air très abondantes et qui le sont
effectivement, vont quand même être terminées, au plus tard,
au mois d'avril, de mai ou de juin prochain. En d'autres termes, il est
impensable, autrement cela n'a pas d'allure, que cela continue pendant des
années. C'est justement pour les accélérer qu'on n'a pas
confié des travaux en profondeur à des gens qui vont nous
remettre cela Dieu sait quand.
Je viens de regarder l'échéancier que j'ai ici, c'est au
mois de mai que ce sera terminé. Après cela, on prendra les
décisions politiques, ce qui veut dire qu'au cours de l'année on
va savoir à quoi s'en tenir. Il n'y a pas de problème de ce
côté-là. On va clarifier cela pour que les gens le
sachent.
M. Roy: J'aimerais ajouter un point. Je le ferai sous forme de
question. Pourquoi le gouvernement semble-t-il vouloir avoir comme
interlocuteur le gouvernement fédéral plutôt que les
gouvernements des provinces? Les partenaires sont les provinces. Il m'arrive
parfois d'avoir des lectures de chevet pieuses. Je lisais récemment
l'évangile selon saint Ottawa. C'est dans le livre Le combat
québécois. Si je me réfère à la
pensée de l'auteur, j'ai bien l'impression qu'il connaît
déjà les réponses de son interlocuteur
fédéral. C'est pour cela que je vous pose la question.
M. Morin (Louis-Hébert): J'ai une impression de ce que
cela pourrait être. C'est pour cela que le référendum,
à cet égard, va être un instrument absolument essentiel. Je
dois dire aussi je veux quand même être honnête avec
les gens que j'ai passablement mes idées sur un certain nombre de
choses qu'on est en train d'étudier, mais je n'ai pas le droit, à
partir de ces idées, quand on a la possibilité de les fouiller
davantage, de conclure tout de suite. J'ai quand même une certaine
orientation et des choses dont je suis à peu près sûr, mais
vous pouvez attendre quelques mois pour qu'on nous donne tous les papiers qu'il
faut.
Il est certain qu'on va parler aux gens; il est certain qu'on ne voudra
pas se couper de la population; il est certain que ces études, ne vous
inquiétez pas à cet égard, vont finir dans les mois qui
viennent; autrement cela n'a pas d'allure. Je suis d'accord avec vous
là-dessus.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
M. Bryce Mackasey
M. Mackasey: M. le Président, je serai très bref.
Je sais que le ministre a un autre engagement, moi aussi. Je pensais qu'on
commençait à 10 heures pour terminer à 13 heures, M. le
ministre, vous avez parlé longtemps du Marché commun, en Europe,
avec raison. Mais ce marché est composé de pays, d'Etats
indépendants.
Plus tard dans votre exposé, en réponse à M.
Raynauld, vous nous laissez croire que vous voulez le mandat du peuple de
créer un Etat souverain, indépendant, la séparation, si
vous voulez, pour entrer dans les négociations pour une association avec
le reste du Canada. Est-ce que je me trompe? Voulez-vous demander au reste du
Canada d'accepter une association qui dépendrait, naturellement, d'un
Québec indépendant? Voulez-vous l'indépendance avant les
négociations ou après les négociations?
M. Morin (Louis-Hébert): Je réponds à cela,
cela revient un peu à ce que j'ai dit tantôt. Nous n'avons pas le
mandat maintenant de faire la souveraineté-association, puisque nous
avons dit qu'il y aurait un référendum à cet égard.
Cela veut dire qu'en toute logique, formellement, les négociations sur
cette question doivent suivre un référendum où les gens se
sont prononcés, d'une part.
Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas parler avant, mais ce ne sera
pas formel. C'est évident. Je ne pense pas qu'on ait le droit de
conclure, de part et d'autre, sans mettre les gens dans le coup,
première réponse.
Deuxième réponse, le processus d'association et
d'accession à la souveraineté dans mon esprit et dans notre
esprit, est simultané. Il n'y a pas besoin d'avoir cette rupture que
certains craignent. Il y a moyen d'aménager sur le plan
économique une relation nouvelle. C'est pour cela que toutes les
craintes qu'un tas de gens ont quant à une rupture sont, à mon
avis, mal fondées et font partie de cette création un peu
artificielle de fantômes pour faire peur au monde.
Troisièmement, nous pensons que la solution que nous proposons
est non seulement dans la continuité historique du Québec, mais
que, quand elle sera mieux comprise par le reste du Canada
là-dessus, j'admets qu'on a une côte à remonter elle
ne paraîtra pas aussi effrayante que d'aucuns la voient maintenant,
d'autant plus que ceux que cela va surtout déranger
là-dessus, je serai clair ce sont les politiciens et les
fonctionnaires fédéraux, d'abord et avant tout. C'est pour cela
que ce sont eux et ceux qui se rapprochent d'eux qui sont actuellement les plus
ardents défenseurs du statu quo.
M. Mackasey: M. le ministre, cela veut dire que c'est le reste du
Canada qui décidera si le Québec sera indépendant ou
non?
M. Morin (Louis-Hébert): Non.
M. Mackasey: Si le reste du Canada ne veut pas l'association avec
le Québec. Mettons que vous avez un mandat de négocier, comme le
député de Verchères l'a souligné, le type
d'association c'est cela, la question avec le reste du
Canada...
M. Charbonneau: Excusez, M. le Président, seulement pour
préciser.
M. Mackasey: Exusez, je parlais au ministre.
M. Charbonneau: Ce n'est pas cela que j'ai dit.
M. Mackasey: Je m'excuse, ce n'est pas cela que vous avez
dit.
M. Charbonneau: Je précise quel genre...
M. Mackasey: C'est fini. D'accord? M. le ministre, si
après que vous aurez posé la question par le
référendum, après que vous aurez un mandat de la
population du Québec de négocier un type d'association avec le
reste du Canada, le reste du Canada dit: Non, malheureusement, ce n'est pas
acceptable pour la population, à ce moment qu'est-ce qui arriverait au
Québec? Est-ce qu'on resterait dans le Canada, selon vous, ou non?
M. Morin (Louis-Hébert): Le raisonnement que vous faites
est fondé sur une idée qui n'existe pas, je m'excuse. C'est comme
s'il n'y avait pas actuellement de relations économiques entre le
Québec et le Canada. Il y en a déjà. On veut les
reformuler. On veut les organiser autrement. On veut des structures nouvelles
entre le Québec et le Canada, mais on part d'une situation où
existe déjà une relation économique et non pas d'une
situation où il faut la créer. C'est capital.
M. Mackasey: II faut qu'on administre tous les mois comme
partenaires dans la confédération, on le sait bien. La question
que je vous pose: Si vous n'avez pas réussi à avoir l'association
que vous prétendez nécessaire pour l'avenir du Québec,
à ce moment, est-ce que le gouvernement prendrait une décision de
se séparer, d'opter pour l'indépendance ou d'être un pays
souverain? Est-ce que cela dépend de la volonté, si vous voulez,
de la coopération du reste du Canada? Est-ce que vous voulez dire que le
reste du Canada va décider de l'avenir du Québec, si le
Québec deviendra indépendant ou non?
M. Morin (Louis-Hébert): Non, le reste du Canada ne
décidera pas de l'avenir du Québec, premièrement.
Deuxièmement, votre question est malheureusement hypothétique,
c'est-à-dire que je pourrais très bien aussi je ne
voudrais pas que vous preniez en mauvaise part ce que je vais dire
imaginer qu'il y a un tremblement de terre et dire: Qu'est-ce qu'on fait s'il y
en a un? En d'autres termes, je pense que nous avons une proposition globale
à faire. Nous allons la proposer aux citoyens. On va voir ce qu'ils vont
dire. Après cela, on en discute. On va voir ce qui arrive, à ce
mo- ment. Le fait est qu'il faut d'abord et avant tout, comme priorité,
que les Québécois se fassent une idée et
qu'eux-mêmes se prononcent sur leur avenir.
Je peux vous dire une chose: Quand on saura, dans le reste du Canada,
que les Québécois se sont majoritairement prononcés vers
telle ou telle orientation, cela va être politiquement déterminant
pour le reste, de la même façon, mutatis mutandis, que
l'élection même du Parti québécois est le
phénomène politique le plus important au Canada et au
Québec depuis la dernière génération et même
depuis toujours.
Notre seule élection, sans même que la question de
souveraineté-association ait été encore posée, a
déterminé, dans le reste du Canada, une prise de conscience qui
n'a jamais eu lieu jusqu'à maintenant et a changé le Canada. Quoi
qu'il arrive maintenant, dans un sens ou dans l'autre, jamais plus le Canada,
jamais plus le Québec ne seront les mêmes et jamais plus la
relation entre les deux ne sera la même. Cela, je pense que c'est
déjà un acquis. Maintenant, il faut aller plus loin.
Moi, je pense qu'il y a une dynamique politique qui fait qu'on a quand
même, malgré tout, progressé. On n'aurait fait rien que
ça que ce serait déjà énorme, mais on continue.
C'est pour ça qu'il faut raisonner selon une dynamique politique et
c'est pour ça que je ne peux pas dire: S'ils ne veulent pas, qu'est-ce
qu'on va faire, etc.? Cela ne se présentera pas comme ça. Moi, il
y a une chose dont je suis sûr dans la vie, c'est que les choses ne sont
jamais aussi bonnes qu'on l'espère, ni jamais aussi mauvaises qu'on le
craint; c'est un vieux proverbe chinois. Deuxièmement, ça
n'arrive jamais comme on pense, de toute façon, exactement. Alors, c'est
pour ça que je...
M. Mackasey: Mr Minister, I must be rude. I am not interested in
your philosophy or in Chinese proverbs. The question I want to ask, because I
am pragmatic, if I may, why don't you just ask the people: So if they feel
there should be a new association with Quebec or that you are missing some
powers at the province in establishing your economic relations with the other
provinces and with the central government. The question is you should not link
association with sovereignty or independence, which is the same word. The word
does not frighten me. If Quebec wants to be a sovereign country or an
independent country or a separate country, and it feels that it must, in order
to protect its language and its culture, it is not the end of the world for me.
The point I am making at is that you must not pretend to the people of the
province of Quebec that you can negociate automatically with the rest of Canada
a particular type of association, because they are afraid that Quebec might opt
out of Confederation. Politicians maybe, but the people are not, they would
consider that blackmail. And a point that you have to make very clear to some
of your own members is that when you are asking for
souveraineté-association, selon les autres Canadiens, ce ne sont pas
tous des Québécois, c'est un autre genre d'indépendance ou
de
séparation et la population ne l'acceptera pas du tout...
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, mais regardez
là...
M. Mackasey: ... à travers le Canada.
M. Morin (Louis-Hébert): Je sais très bien, et je
m'excuse. Moi aussi, je vais être un peu rude. Cela ferait bien mieux
l'affaire du Parti libéral si on arrivait avec une position
extrémiste et séparatiste dans le sens où on utilisait ce
terme il y a quelques années. Alors, comme on est quand même
axé sur la réalité, comme on sait qu'il n'y a pas un
peuple au monde qui veut vivre isolé, pas plus l'URSS que les
Etats-Unis, on s'adapte à ça. On tient compte de la
réalité. Il ne faut quand même pas nous blâmer
aujourd'hui de vouloir être économiquement associé avec le
Canada. Si on avait une position de séparatisme total, à ce
moment-là, on nous blâmerait de ne pas vouloir nous associer avec
le Canada. Qu'est-ce que vous voulez? Je sais que ce serait plus simple pour
vous autres. Je regrette de ne pas vous faciliter la tâche, mais,
qu'est-ce que vous voulez, c'est ainsi que notre option politique est
constituée et ça fait dix ans. On ne peut pas l'improviser
aujourd'hui pour la rendre dramatique de telle sorte que ce soit plus simple
pour vous autres.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Bellechasse.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Merci, M. le Président. Ce sera très
court. Ne vous en faites pas, je ne m'embarquerai pas dans une guerre de
chiffres, seulement sur certains principes.
Le ministre a dit, M. le Président, peut-être sauf les
virgules, que toute précipitation empêcherait qu'on arrive
à quelque chose de valable et on ne peut rien offrir de boîteux.
Cela, j'en conviens.
Mais, M. le Président, on a commandé des études
à partir du mois d'avril. Cela fait dix ans qu'on propose une chose, et
je suis un peu surpris de voir que ces études n'étaient pas
rendues plus loin et qu'on n'avait pas d'études ou à peu
près pas. D'accord, nous avions peut-être un livre du ministre
actuel, mais on n'avait pas d'études. Cela fait dix ans qu'on propose
quelque chose. On proposait quoi? On se basait sur quoi?
M. le Président, le ministre est certainement conscient que la
série de questions posées par l'Union Nationale il l'a
avoué auparavant devra trouver réponse afin que, lors d'un
référendum éventuel, les Québécois puissent
se prononcer ou être renseignés objectivement. Or, je lui demande
si ces études seront disponibles au mois de mai, ou à peu
près au mois de mai, et est-ce que les partis d'Opposition pourront
avoir droit à ces études, étant donné que cela a
été commandé par le gouvernement, donc par les deniers
publics?
C'est une première question: Est-ce que les partis d'Opposition
et la population en général au- ront une période de temps
assez prolongée entre la présentation de ces études et le
fait que la population puisse se prononcer sur une question
éventuelle?
Toujours dans l'optique de bien vouloir renseigner la population, cesser
de faire peur à tout le monde, est-ce qu'on veut faire preuve
d'inconscience, comme certains partis politiques le font? Je me pose la
question. Mais je pense qu'on veut faire peur au monde pour rien. Ce que
j'aimerais, en tant que député, c'est avoir accès aux
résultats de ces études, et qu'il y ait une bonne période
de temps entre un référendum et... Il y a peut-être des
choses qui sont valables dans ces études, et on ne les connaît pas
aujourd'hui. Si le Parti québécois a proposé quelque chose
pendant dix ans et qu'il a daigné commander des études depuis le
mois d'avril, j'imagine que c'est parce qu'à lui aussi il manquait
certains éléments de réponses. C'est une petite
question.
Deuxièmement, le ministre a dit quelque chose tantôt
il me corrigera si je fais erreur comme souveraineté-association.
Ce qu'on propose, on peut appliquer cela quasiment, à un fort
pourcentage, à un fédéralisme renouvelé. Quelque
chose comme cela.
M. Morin (Louis-Hébert): Non.
M. Goulet: Ah bon! Vous n'avez pas dit cela. J'aimerais relire le
journal des Débats. Ce qui était proposé ou ce qu'on
pourrait proposer pour une souveraineté-association, cela pourrait
s'appliquer à certains éléments de
fédéralisme renouvelé. On parle d'indépendance, on
parle de souveraineté-association, souveraineté avec une virgule
et souveraineté avec un trait d'union, association au bout,
fédéralisme renouvelé. Pour moi, il y a une très
grande différence entre une souveraineté-indépendance, une
souveraineté-association et un fédéralisme
renouvelé. Est-ce que, en ayant un fédéralisme
renouvelé, nous avons une certaine indépendance, une certaine
souveraineté-association? Je me dis que tout le monde se bat pour la
même chose. Le député de Verchères a parlé
d'un mandat de négocier l'association de deux nations. L'association de
deux nations, nous l'avons actuellement. Ce qui reste, c'est au moins d'avoir
l'égalité. C'est ce que l'Union Nationale demande. On n'a pas
besoin d'un mandat pour négocier...
M. Bertrand: Les deux nations...
M. Goulet: Ce n'est pas l'association de deux nations. Il faut
s'entendre.
M. Bertrand: C'est l'association de dix provinces.
M. Goulet: Lorsque nous parlons d'égalité, je pense
que le Parti québécois n'a pas besoin de mandat plus clair pour
négocier au moins l'égalité. C'est ce que l'Union
Nationale propose.
M. Charbonneau: Est-ce que vous me permettez une question?
M. Goulet: Juste une dernière question au ministre, et
ensuite je n'y reviendrai pas, j'avais promis d'être très bref.
Une question plus précise au ministre. Quelles seraient les
implications, du moins à court terme, de la perte, il va de soi, du
système de péréquation, également du retrait des
subsides qu'Ottawa accorde au Québec pour la stabilisation des prix du
pétrole importé? C'est une question assez importante.
Peut-être que le système fédéraliste actuel a
certains désavantages pour le Québec, mais il y a des questions
précises où le système fédéraliste a pour
lui de gros avantages. J'aimerais avoir une réponse du ministre sur
cette question précise.
M. Charbonneau: Est-ce que le député de Bellechasse
va me permettre une question avant qu'il termine? Quand il parle
d'égalité, est-ce qu'il convient que, dans un régime
fédéral qui se caractérise par un Parlement central qui a
des pouvoirs, quels que soient les pouvoirs, qu'il en ait plus ou moins, est-ce
qu'il convient avec nous que, dans le contexte canadien d'un
fédéralisme quel qu'il soit, il est impossible d'avoir
l'égalité parce que les députés de notre
nationalité ne pourront jamais être égaux au Parlement
central? Convient-il de cela?
M. Goulet: Je réponds que dans l'association de deux
nations, il y en a une qui est minoritaire et de beaucoup, vous convenez cela
également?
M. Charbonneau: Vous pouvez être plus gros que moi et moi
plus petit et on peut être associés et partenaires avec les
mêmes avantages et inconvénients.
M. Goulet: Oui, mais souvent le petit... Le Président
(M. Richard): A l'ordre!
M. Morin (Louis-Hébert): Je pense que je vais finir par
cela. Si M. Biron veut ajouter autre chose après. Très
rapidement, première question, les études vont être
disponibles pour le grand public...
M. Goulet: Je m'excuse d'interrompre le ministre, mais je
voudrais que ce soit enregistré au journal des Débats. Je trouve
inconcevable, pour ne pas employer de mots plus disgracieux, que nos amis qui
étaient ici à ma gauche tantôt, de deux autres partis
politiques, une fois qu'ils ont eu posé les questions, n'ont pas
daigné recevoir... Si véritablement ces gens-là veulent se
renseigner, je me demande comment il se fait qu'ils soient partis
immédiatement après avoir fait valoir leur opinion, qu'ils
n'aient pas daigné écouter celle des autres, le Parti
libéral et le PNP.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Bellechasse, je vous rappelle qu'il n'y a même pas de quorum à
cette commission. M. le ministre...
M. Goulet: ... discuter objectivement, je me pose de
sérieuses questions, M. le Président.
Le Président (M. Richard): A l'ordre, messieurs, s'il vous
plaît! Je vous rappelle, M. le ministre, que j'aimerais mieux, pour
respecter la tradition, donner la parole immédiatement au chef de
l'Union Nationale, quitte à ce que vous puissiez tirer les conclusions
après. M. le chef de l'Union Nationale.
M. Biron: Merci, M. le Président. Simplement dans quelques
minutes, je voudrais d'abord remercier le ministre des débuts de
réponses qu'il a pu nous donner, surtout de son ouverture d'esprit
vis-à-vis de plusieurs des 50 questions, environ, que je lui ai
posées ce matin. J'ai réalisé aussi, aux réponses
du ministre, qu'il était beaucoup plus facile de poser des questions que
d'apporter des réponses à ces questions. Surtout sur la
thèse souveraineté-association, le volet de l'association, il
semble que ce n'est pas encore articulé comme on voudrait l'avoir. Il
faudrait peut-être que certains membres du cabinet soient plus prudents.
Pour donner un exemple, le ministre de l'Agriculture devrait être
très prudent lorsqu'il dit que l'indépendance ou la
souveraineté-association va apporter des remèdes à tous
les problèmes politiques du Québec.
Si le ministre nous a dit qu'il n'avait pas de réponse aussi
facile que cela, il faudrait peut-être aviser les ministres d'au moins
être prudents dans leurs déclarations là-dessus et ne pas
faire croire au monde qu'on va tout régler en ayant
l'indépendance ou la souveraineté-association. Aussi, j'ai
réalisé, M. le ministre, qu'on avait tous, les partis politiques
de bonne foi, en tout cas, et les Québécois de bonne foi, quelque
chose en commun, c'est qu'on veut se battre véritablement pour que les
Québécois puissent être respectés et voir leurs
droits respectés. Pour moi, ce n'est pas seulement une question de
chiffres. On a voulu, pendant quelques instants, tout à l'heure, je
pense bien, nous apporter cela surtout sous forme de chiffres, mais être
Canadiens ou être Québécois, c'est beaucoup plus qu'une
question de chiffres, pour moi.
Si j'ai dit oui au Canada, j'ai dit oui au Québec, c'est une
question beaucoup plus fondamentale. C'est plus une question d'état
d'âme qu'une simple question de plus ou moins d'actif ou de passif.
Comme vous, moi aussi je dis non au statu quo, et ça presse;
ça presse de chercher une solution honnête au problème des
Québécois et des Canadiens, et pas seulement des
Québécois. Heureusement, il y a le même problème
dans toutes les provinces canadiennes à l'heure actuelle. Cela presse de
chercher une solution.
La thèse de la souveraineté-association de par les
réponses que vous m'avez données aujourd'hui, en conclusion,
ça veut dire que c'est très loin d'être défini
clairement. Il ne faudrait pas que ce soit une excuse pour ne rien faire du
côté économique. Beaucoup de Québécois
attendent quelque chose, attendent qu'on s'occupe de leurs problèmes. Il
ne faudrait pas que, pour le gouvernement, cette thèse soit une excuse
à ne rien faire
en disant: Le jour où on sera indépendant, on va tout
régler.
Etant donné que ce n'est véritablement pas défini
à l'heure actuelle, on dit non au statu quo, mais on dit oui à
l'égalité des deux peuples fondateurs. Vous avez cité
Johnson tantôt qui disait: Après avoir tout tenté. A
l'heure actuelle, je prétends qu'on n'a pas tout tenté et je suis
tenté de tout tenter.
M. Bertrand: C'est parce que vous arrivez.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le chef de l'Union
Nationale.
M. Morin (Louis-Hébert): On n'en sortira plus.
Le Président (M. Richard): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Très rapidement, je
réponds aux questions qui m'ont été posées
tantôt et je conclus vite. Pour ce qui est des études, elles vont
être disponibles. Elles seront disponibles... Je ne peux pas les
promettre pour le moment. Elles vont être terminées pour une
raison bien simple: il va falloir prendre des décisions politiques
à partir de ça, surtout voir à ce qu'elles soient
utilisables par la population. Des séries de chiffres, ce n'est pas bien
intéressant. Il faut vraiment, objectivement, les préparer pour
qu'elles soient utilisables, alors on va travailler là-dessus. Elles
vont être disponibles pour l'Opposition, c'est bien évident, et
pour tout le monde, ça va de soi.
Pour ce qui est du fédéralisme renouvelé et...
M. Goulet: Le délai entre...
M. Morin (Louis-Hébert): Le délai des
études?
M. Goulet: Non, d'après vous, le délai qui serait
raisonnable.
M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ose pas le dire, je ne le
sais pas. Je sais qu'elles vont être disponibles pour nous au mois de
mai, comme première version non préparée pour publication.
Dans bien des cas, ce seront des documents énormes, ce qui ne
présente pas tellement d'intérêt pour la diffusion. C'est
pour cette année, normalement. C'est ce que j'envisage. Cela
m'amène à la deuxième question, puisque M. le chef de
l'Union Nationale a mentionné...
M. Brochu: Chef de l'Opposition.
M. Morin (Louis-Hébert): Chef de l'Opposition, si vous
voulez. Je ne voudrais pas qu'on fasse une erreur ici. La thèse de la
souveraineté-association est quand même précise et elle est
très ancrée, nous en sommes sûrs.
Ce que nous voulons, cependant parce que nous avons maintenant
les moyens de le faire, ce qu'un parti d'Opposition n'avait pas, tout le monde
le sait, parce qu'on ne dispose pas de spécialistes comme on en a quand
on est au pouvoir c'est préciser, à l'intérieur
d'un des volets, c'est-à-dire celui de l'association, des applications
de cette thèse.
Comme je le disais tantôt, la rivière, on l'a. C'est le
bateau... C'est un peu comme si je décide de me construire une maison.
Ma décision est prise; je sais que j'en ai besoin et tout. J'ai les
plans de l'architecte, mais je n'ai pas encore déterminé
exactement où vont les meubles, quelle chambre je vais occuper et des
choses comme cela. C'est cela que nous avons maintenant besoin de savoir
davantage. Je pense que, si on se dépêchait trop, ce serait
prématuré.
Fédéralisme renouvelé et souveraineté, deux
mots pour expliquer la différence. Le fédéralisme
renouvelé, c'est la modification du système actuel en acceptant
le système actuel. La souveraineté, c'est l'octroi à un
Etat, à ce moment-là le Québec, de tous les pouvoirs d'un
Etat souverain, lequel Etat accepte d'exercer en commun x ou y pour cent de ces
pouvoirs avec un Etat voisin qui est le Canada.
Mais il y a une différence de nature: dans un cas, vous
êtes un Etat fédéré et, dans l'autre, un Etat
souverain. Une confédération, c'est une association d'Etats
souverains. Je voulais quand même faire cette nuance; parce que c'est
assez important.
Quant à la péréquation et aux subsides, cela fait
l'objet de nos études. Il faut faire attention à une distinction.
La péréquation est payée par les taxes de tous les
Canadiens. Nous en payons une partie. En d'autres termes, sur, disons, $1
milliard que nous recevons en péréquation, il y a
déjà une partie de cela qui est payée par les
Québécois et qui leur revient. Ce n'est pas $1 milliard net dans
ce cas-là.
Quant aux subsides, ils sont aussi payés par nos taxes. De toute
façon, en supposant la souveraineté, cela suppose les taxes
à Québec. Les sommes d'argent dont le fédéral se
sert maintenant, nous nous en servirions, par la suite, nous-mêmes.
Je veux terminer en disant, une fois encore, que j'ai bien
apprécié les questions, j'ai trouvé l'expérience
stimulante. Je vous remercie. C'est ce que j'appelle une participation positive
à un débat important pour les Québécois, à
l'heure actuelle, et j'espère que cela continuera dans cet état
d'esprit. Il y a quelques questions ce matin qui nous ont été
soumises et dont nous avons déjà commencé à parler;
d'autres que nous n'avons peut-être pas encore abordées, pour la
bonne raison qu'on n'est quand même pas omniscient. Le fait que vous en
avez fait la liste comme cela va nous permettre de fouiller davantage des
points qu'on aurait peut-être, autrement, eu tendance, non par mauvaise
volonté, mais à cause du reste du travail, à
négliger. Je vous en remercie sincèrement.
Le Président (M. Richard): Je vous remercie, messieurs, de
votre collaboration, et je déclare close cette séance de la
commission de la présidence du conseil, de la constitution et des
affaires intergouvernementales.
(Fin de la séance à 13 h 30)