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Etude du livre blanc sur la consultation populaire au
Québec
(Dix heures)
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, s'il vous plaît!
Les membres de la commission pour la présente séance sont:
M. Bertrand (Vanier), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes) remplace M. Bisaillon
(Sainte-Marie), M. Brochu (Richmond), M. Burns (Maisonneuve), M. Gratton
(Gatineau), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou), M.
Laberge (Jeanne-Mance), M. Lamontagne (Roberval) remplacé par M. Ciaccia
(Mont-Royal), M. Lavoie (Laval), M. Lévesque (Taillon) remplacé
par M. Fallu (Terrebonne), M. Mackasey (Notre-Dame-de-Grâce), M. Martel
(Richelieu), M. Gosselin (Sherbrooke) remplace M. Morin (Louis-Hébert),
M. Gagnon (Champlain) remplace M. Morin (Sauvé), M. Paquette (Rosemont),
M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda) et M. Vaugeois
(Trois-Rivières).
J'inviterais maintenant l'Office des droits des détenus et ses
représentants à bien vouloir venir nous présenter leur
mémoire, s'il vous plaît. Est-ce que le porte-parole pourrait se
présenter et présenter son collègue, s'il vous
plaît?
Office des droits des détenus
Mlle Hanigan (Patricia): Je suis Patricia Hani-gan, de l'Office
des droits des détenus, et à ma droite il y a Jean-Claude
Bernheim, également à l'Office des droits des détenus.
L'objet de notre mémoire renferme aujourd'hui le droit de vote
des prisonniers, enfin ce qu'on appelle plutôt les citoyens
québécois incarcérés. On a constaté, dans le
livre blanc, que le gouvernement entendait permettre aux citoyens
incarcérés d'exercer leur droit de vote lors des consultations
populaires.
Pour nous, à l'Office des droits des détenus, depuis notre
création, soit en 1972, une de nos préoccupations majeures, notre
cheval de bataille a été l'extension du droit de vote aux
personnes incarcérées. C'est pourquoi on considère qu'un
nouveau changement dans la loi est particulièrement important puisqu'il
constitue une amorce dans la reconnaissance des droits de ces personnes. Ce
qu'on veut vous transmettre aujourd'hui, ce qu'on aimerait voir dans la
prochaine loi concerne premièrement le droit de vote de tous les
citoyens incarcérés et ce, qu'ils soient prévenus,
détenus dans les prisons provinciales ou dans les prisons
fédérales. On aimerait également que ce droit de vote soit
reconnu à tous les scrutins, non seulement lors de consultations
populaires. Egalement, on aimerait qu'il y ait des amendements apportés
pour éviter la discrimination fondée sur le casier judiciaire de
certaines personnes.
Or, le droit de vote de tous les citoyens incar- cérés, je
pense qu'il n'est peut-être pas nécessaire de rappeler que le seul
droit qu'enlève une sanction d'emprisonnnent est le droit de circuler
librement dans la société. C'est pourquoi il apparaît comme
fondamental que les personnes puissent continuer de se prévaloir de leur
droit de vote et qu'elles aient les mêmes droits que l'ensemble des
citoyens. C'est une position de base que l'Office des droits des détenus
a toujours défendue depuis sa création.
En ce moment, la Loi électorale rend inhabiles à voter
uniquement les personnes qui sont sous le coup d'une condamnation pour un acte
punissable de deux ans d'emprisonnement et plus. C'est donc dire que,
jusqu'à maintenant, et encore maintenant, une personne qui est en
détention préventive, c'est-à-dire avant son
procès, et une personne qui a été condamnée pour
une infraction criminelle passible de moins de deux ans d'emprisonnement ont
donc toujours le droit de vote.
Or, dans le passé, on s'est rendu compte que, malgré que
la loi consacrait ce droit, dans les faits aucun détenu, aucun
prévenu du Québec n'a pu l'exercer. Donc, cela peut vous mettre
en garde contre le fait que ce n'est pas parce que la loi prévoit un
droit que l'exercice du droit en est par conséquent garanti; il faut
également penser aux mécanismes qui vont permettre l'exercice de
ce droit.
Depuis 1972, on parle du droit de vote des prisonniers; on nous a
souvent fait état de problèmes techniques, quant à
l'organisation du vote. A quel endroit les détenus auraient-ils droit de
vote, où les inscrirait-on? C'est souvent pour cela qu'on nous a dit:
Ils n'ont pas droit de vote, ils ne voteront pas. Sauf que, pour nous, on ne
peut accepter ce genre d'excuse; des problèmes d'ordre technique ne
sauraient être considérés pour empêcher l'exercice
d'un droit fondamental.
Les problèmes d'ordre technique qui peuvent se poser pour savoir
où on va inscrire les détenus: Va-t-on les inscrire à leur
lieu de domicile habituel ou va-t-on les inscrire à la prison où
ils résident temporairement? Je pense que, dans un cas comme dans
l'autre, cela pose des problèmes. Si on prend le lieu de
détention comme lieu de résidence habituelle, compte tenu que,
dans les prisons provinciales, 40% des admis ont des sentences
inférieures à quatre mois et que le taux de roulement est
très grand dans les prisons, si donc on inscrit comme lieu de domicile
la prison, il est fort possible qu'au moment du scrutin la personne ne soit
plus domiciliée à la prison. D'autre part, si on prend comme
critère unique le lieu de résidence habituel ou antérieur
à la condamnation, il y a plusieurs personnes, en prison, qui sont des
personnes seules, qui n'ont pas de famille, donc, au moment de leur
incarcération, n'ont plus de domicile fixe. Cela cause d'autres
problèmes à ce niveau.
C'est pourquoi nous recommandons, d'une part, qu'un citoyen ne soit pas
privé de son droit de vote du seul fait de son incarcération et
que le domicile de la personne puisse être choisi par la
personne en prison elle-même, soit le domicile où elle
habitait avant son incarcération ou encore la maison de détention
où elle est présentement gardée. De plus, nous
recommandons que, dans tout établissement de détention, que ce
soit provincial ou fédéral, se tiennent des bureaux de votation
avancée, comme c'est le cas pour les militaires, et que les bulletins de
vote soient redistribués dans les comtés respectifs, le jour du
scrutin.
Si nous sommes heureux de constater que le gouvernement entend permettre
aux citoyens incarcérés de voter lors de consultations
populaires, nous espérons également que cette volonté va
se manifester dans tout autre scrutin, dans tout autre processus
décisionnel où l'ensemble des citoyens est concerné. C'est
pourquoi nous recommandons que le gouvernement apporte des amendements à
la Loi électorale et à toute loi provinciale, par exemple la Loi
des cités et villes, le Code municipal, les chartes spéciales,
etc., traitant de la tenue du scrutin en vue de les rendre conformes à
la future loi de la consultation populaire en ce qui concerne le droit de vote
des personnes incarcérées.
Le troisième point que nous voulions vous soumettre ce matin
concerne l'élimination de la discrimination fondée sur le casier
judiciaire. Comme nous nous réjouissons une fois de plus de constater
que le droit de vote des personnes incarcérées serait enfin
établi, il est également important de se pencher sur les
conséquences qu'entraîne une condamnation. Le droit de vote est
enlevé pendant que les personnes sont emprisonnées. Or, lorsque
celles-ci sortent de prison avec un casier judiciaire, elles subissent encore
des discriminations dans la Loi électorale en ce qui concerne les
charges d'officiers d'élection. Même si on peut comprendre que les
motivations de telles restrictions aux personnes qui ont un casier judiciaire
proviennent d'incidents particuliers, la seule possession d'un casier
judiciaire ne peut constituer un élément de non-qualification
pour un officier d'élection. C'est pourquoi nous recommandons que la loi
ne discrimine pas les individus en raison de leur casier judiciaire,
c'est-à-dire que ce ne soit pas le seul motif pour interdire
l'accès d'un individu à un poste d'officier d'élection.
C'est en substance ce que nous avions à dire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
remercie Mlle Hanigan. Là-dessus, je cède la parole au
ministre.
M. Burns: Mlle Eagan? Mlle Hanigan: Hanigan. M. Burns:
Hanigan? Mlle Hanigan: Eh oui!
M. Burns: Excusez-moi. Surtout un gars qui s'appelle Burns ne
devrait pas se tromper sur ces choses-là. Je vous remercie, Mlle
Hanigan, pour la présentation de votre mémoire. Comme vous l'avez
signalé, il y a une préoccupation dans le livre blanc qui est
très clairement énoncée pour permettre aux détenus,
aux personnes incarcérées de prendre leur droit de vote,
d'utiliser ce droit de vote et de le faciliter. Je pense que la
déchéance civile est une chose du passé.
C'est une vieillerie avec laquelle on n'a plus à travailler, et
même le Code civil l'a mise de côté. Alors, je pense qu'on
doit faire un pas de plus et je partage entièrement vos vues
là-dessus.
Il faut redonner, surtout en période électorale, ce droit
aux personnes qui sont détenues, aux personnes qui sont
incarcérées, parce que ce sont quand même des citoyens. Ces
gens ne deviennent pas quelque chose d'autre parce qu'ils ont commis un crime
ou une infraction qui a conduit à leur incarcération.
Là-dessus, on partage entièrement vos vues. D'ailleurs, vous avez
vu que, dans le livre blanc, on s'apprêtait à redonner le droit de
vote aux détenus au moment d'un référendum.
Maintenant, je vais émettre une opinion très personnelle
qui ne lie pas nécessairement le gouvernement, non plus. Je pense que
votre suggestion relativement au droit de vote lors des élections
devrait être retenue également. Je serais personnellement
favorable à cela.
Il y a une de vos recommandations que je devrai, avec mes
collègues, examiner de très près, c'est celle relative au
fait qu'une personne qui a un casier judiciaire puisse être aussi un
officier d'élection. Je vous dis, à première vue, qu'il
n'y a pas de sérieux problèmes, mais, avant de vous donner un oui
clair à cela, j'aimerais mieux être en mesure de me reposer la
question et, surtout, d'avoir l'opinion de mes collègues du Conseil des
ministres, de mes collègues de l'Opposition et de mes collègues
ministériels également. Là-dessus, j'émets
simplement un certain nombre de réserves.
Quant au reste, Mlle Hanigan, je n'ai pas d'autres remarques à
faire sur votre mémoire parce que, dans l'ensemble, je suis d'accord
avec ce que vous nous avez soumis. Alors, je vous remercie infiniment de nous
avoir soumis ce document.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. Je voudrais aussi
remercier Mlle Hanigan qui est venue présenter son mémoire
aujourd'hui. Je pense qu'il est important, à ce stade-ci des travaux de
la commission parlementaire devant éventuellement déboucher sur
un projet de loi concernant les référendums, que nous ayons
l'occasion d'avoir ce point de vue que je considère tout à fait
important dans le cadre de nos discussions. Vous avez, évidemment,
axé votre présentation sur le droit de vote des détenus,
spécifiquement sur ce point.
Evidemment, c'était le sujet qui vous intéressait aussi,
au point de départ. En ce qui concerne l'Union Nationale, nous
considérons aussi que les personnes incarcérées sont
également des citoyens à part entière et je pense qu'on ne
doit pas, à ce titre, leur enlever certains privilèges,
certains
droits qui doivent être reconnus à tout citoyen d'une
collectivité normale et normalement articulée. C'est pourquoi, de
ce côté-ci de la table comme de l'autre côté, nous
reconnaissons le bien-fondé des recommandations que vous faites à
cet effet et je pense qu'il sera possible, étant donné qu'il
semble y avoir unanimité, de leur donner suite à
l'intérieur du projet de loi comme tel. Je pense que cela ne causera pas
de problème et votre comparution ici, ce matin, a souligné de
façon définitive que seront présentes, je pense, dans le
projet de loi, les recommandations que vous faites, du moins en ce qui concerne
la question du droit de vote aux détenus.
Je limiterai, moi aussi, mes remarques à ceci en vous remerciant
de votre belle présentation et des arguments que vous soulevez à
l'intérieur de votre mémoire.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Merci.
M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je suis aussi
d'accord, Mlle Hanigan, avec vos recommandations. Je voudrais seulement vous
interroger un peu sur la dernière pour savoir, dans votre esprit,
jusqu'où elle doit aller. Il y a, dans notre société,
plusieurs types de crimes. Il y a ceux qu'on appelle parfois les crimes de cols
blancs. Je vais vous donner un exemple. Je ne sais pas dans quelle mesure il
est pertinent par rapport aux lois, parce que je n'ai pas en mémoire les
détails de toutes les lois, mais, par exemple, un dirigeant élu,
qu'il s'agisse d'un député ou d'un maire ou d'un conseiller
municipal, qui aurait été, après recours aux tribunaux,
trouvé coupable et condamné à la suite d'une infraction du
genre abus de pouvoir ou conflit d'intérêts ou pot-de-vin ou
prébende, enfin, une accusation de cet ordre. Autrement dit, d'avoir
fait personnellement de l'argent au détriment du public grâce au
fait qu'il détenait le poste dont il s'agit.
Je crois qu'à l'heure actuelle, dans certaines circonstances au
moins, ces personnes sont interdites d'accès, peuvent devenir interdites
d'accès à cette même catégorie de postes pour un
certain temps.
Est-ce que vous voudriez lever aussi ce genre d'interdiction? Je vous
pose la question parce que dans l'opinion publique on peut voir là une
protection. Quelqu'un qui aurait commis ce genre de crime, cela
inquiéterait l'opinion publique, si on le voyait accéder de
nouveau à la fonction dont il s'agit. On craindrait qu'il
recommence.
Mlle Hanigan: Je comprends très bien votre point de vue.
C'est d'ailleurs ce que je mentionnais pendant la présentation en
disant: Finalement, on peut comprendre qu'on soit arrivé à mettre
certaines restrictions, compte tenu de certains faits. Cependant, s'il peut
être dangereux ou peut paraître dangereux à la population de
remettre quelqu'un dans un poste où il a déjà commis un
délit répréhensible, je pense qu'on ne doit pas
empêcher toute une autre catégorie de citoyens qui ont commis des
délits qui n'ont absolument rien à voir avec un poste d'officier
d'élection, par exemple un vol à l'étalage. Quelqu'un qui
a commis un vol à l'étalage doit-il être privé de
devenir officier d'élection du seul fait de son vol à
l'étalage, surtout s'il a été commis quatre ans auparavant
et qu'il n'y a pas eu d'autres infractions après? Je pense qu'il y a
peut-être des motifs qui paraîtront valables pour disqualifier
quelqu'un en tant qu'officier d'élection. Cependant, la notion de casier
judiciaire englobe une grande catégorie de gens et un grand nombre de
personnes dont le délit n'a aucun lien avec les "dangers" réels
ou apparents qu'elles pourraient causer lors de leur fonction d'officier
d'élection. A ce moment, on considère que le critère de
casier judiciaire est nettement discriminatoire par rapport à une grande
catégorie de citoyens. C'est davantage en ce sens. La recommandation
stipule d'ailleurs que c'est du seul fait de leur casier judiciaire.
M. de Bellefeuille: Vous me répondez, je crois, en
fonction de votre recommandation no 5 alors que je vous interrogeais
plutôt en fonction de votre recommandation no 6. Vous me répondez
en somme que vous ne voulez pas que certaines personnes souffrent
d'interdiction parce que certaines autres personnes devraient peut-être
être frappées d'interdiction. La question que je vous pose c'est
à savoir si l'interdiction de ce genre devrait être
complètement levée. Sans vouloir vous mettre des mots dans la
bouche, l'exemple que j'ai donné, je pourrais moi-même y apporter
au moins un élément de réponse. C'est que la
responsabilité au fond, revient aux électeurs et que les
électeurs eux-mêmes peuvent tenir compte des
antécédents d'une personne dans un choix électoral, sans
que cette personne soit nécessairement frappée
d'interdiction.
Autrement dit, on peut laisser la réponse aux électeurs;
ceci dit, je répète que dans l'opinion publique on risque de
s'inquiéter beaucoup si on lève tout type d'interdiction. Je me
demande si, à votre avis, il est possible de faire certaines
distinctions.
Mlle Hanigan: Si vous voulez plus de précisions, si c'est
ce que vous voulez, je puis tout de suite vous répondre que nous ne
sommes pas habilités à déterminer qui devrait et qui ne
devrait pas être officier d'élection. Cependant, notre
préoccupation première est la défense des prisonniers qui,
une fois sortis, sont des ex-détenus. On veut tout simplement vous
souligner le fait que certaines personnes subissent en ce moment de la
discrimination tout simplement à cause de leur casier judiciaire, parce
que la loi donne comme critère le casier judiciaire pour disqualifier
des gens.
Ce n'est pas qu'on ne soit pas d'accord pour dire que ce n'est pas
n'importe qui qui peut devenir officier d'élection; ce n'est pas qu'on
dise: Ouvrez les postes à n'importe qui. Nous demandons tout simplement
que lorsque vous établirez des
critères de qualification pour ces postes et que vous voudrez
faire attention aux personnes qui ont des antécédents criminels
qui ont un lien direct avec un poste électoral, vous n'utilisiez pas
comme critère le casier judiciaire puisqu'il ne signifie pas ce que vous
voulez strictement éviter.
M. de Bellefeuille: Je vous remercie. Je voudrais, en terminant,
répéter que je suis tout à fait d'accord avec l'esprit de
votre mémoire et avec ses recommandations. Je considère qu'il est
très important d'affirmer, comme vous le faites, des principes
fondamentaux qui sont parfois oubliés, par exemple, le principe selon la
privation de la liberté est elle-même une peine suffisante. C'est
la peine dont le détenu est frappé et elle est suffisante. Il ne
faut pas y adjoindre d'autres peines qui, dans certains cas, ne sont même
pas dans les lois et qui, dans d'autres cas, peuvent figurer dans les lois,
mais, sont contraires au fondement de notre justice. Il y a aussi le principe
selon lequel une personne qui, selon l'expression convenue, a payé sa
dette envers la société devrait effectivement avoir quittance et,
par conséquent, cette personne ne devrait pas être poursuivie
indéfiniment par ce qu'on appelle un casier judiciaire. Je vous
remercie.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: M. le Président, vous me permettrez, d'abord,
de m'excuser auprès de nos invités pour mon arrivée
tardive et pour l'absence de mes collègues qui sont de façon
exceptionnelle retenus ailleurs ce matin. Je voudrais simplement dire, au nom
de l'Opposition officielle, que nous concourons entièrement aux
recommandations de l'office et qu'effectivement, quant à la loi sur la
consultation populaire, nous appuierons le gouvernement dans toute proposition
qu'il fera dans le sens de vos recommandations.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Jeanne-Mance.
M. Laberge: Merci, M. le Président. En lisant votre
mémoire, Mlle Hanigan, je suis tout à fait d'accord avec le
principe de redonner aux détenus le droit de vote. Cependant, je me suis
posé une couple de questions évidemment, comme vous vous les
posez probablement, sur le côté pratique. Est-ce qu'on doit faire
voter les détenus en prison ou les faire voter dans leur milieu, dans
leur résidence habituelle ou antérieure? A la page 3, vous dites,
à votre article 3, "que dans tout établissement de
détention se tiennent des bureaux de vo-tation avancés, que les
bulletins de vote soient redistribués dans les comtés
respectifs". Au point de vue théorique, cela peut être
intéressant, mais, au point de vue pratique, est-ce que cela veut dire
qu'il faudrait identifier sur chaque bulletin de vote dans quel comté ce
bulletin va ou mettre cela dans des enveloppes séparées ou que ce
soit du courrier recommandé? Cela me semblait très difficile
à faire; dans une prison où il y aurait peut-être 1500 ou
2000 détenus, il faudrait prendre chaque bulletin, dire dans quel
comté le détenu demeure, le mettre dans une enveloppe et
l'envoyer dans sa circonscription électorale. J'ai trouvé que
cela semblait très difficile d'application. Est-ce que vous auriez des
suggestions plus précises à nous faire là-dessus?
Mlle Hanigan: Je pourrais peut-être vous répondre.
La première chose, c'est qu'il n'y a aucune prison au Québec qui
contient autant d'individus que 1500 à 2000 personnes. La plus grosse et
la plus horrible, soit dit en passant, c'est celle de Parthenais où il y
a à peu près 500 personnes quotidiennement et Bordeaux en
contient 600 ou 700. C'est exactement cela, la question: Est-ce qu'on les fait
voter dans la prison, en établissant comme domicile la prison, ou est-ce
qu'on les fait voter dans leur comté respectif? Si on les fait voter
dans la prison, à ce moment-là le problème ne se pose pas
quant à la redistribution des votes, sauf qu'on constate
également que la personne risque de se voir privée de son droit
de vote, parce qu'il y a un taux de roulement très grand et qu'il y a
des transferts très fréquents à l'intérieur des
prisons. L'idée des bureaux de votation avancés, c'est justement
pour prévoir des mécanismes où, le jour du scrutin, les
bulletins seraient redivisés dans les comtés.
M. Laberge: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Est-ce
qu'il y aurait d'autres interventions?
M. Burns: Mlle Hanigan, je voudrais vous remercier. Je pense que
vous êtes une des deux représentants de gens qui sont intervenus
devant la commission qui vraiment, on s'en est aperçu, ont fait une
certaine unanimité autour de la table. Je pense que c'est bon signe
quant aux recommandations que vous nous avez faites.
Mlle Hanigan: Cela nous réjouit effectivement, mais on
espère que ce ne seront pas que des voeux pieux.
M. Burns: Non, ce ne sont pas des voeux pieux. Vous avez bien
raison...
Mlle Hanigan: Non, c'est que dans l'exemple particulier de
Parthenais, cela fait depuis 1975 et je pense que tous les partis s'entendent
pour fermer cette prison, mais...
M. Burns: J'aurais pu vous signaler, lors de mon intervention,
une chose qui m'avait vraiment choqué, de façon très
sérieuse, lors de la dernière élection, je sais qu'il y a
une maison d'accueil, entre autres, sur la rue Saint-Hubert, à
Montréal, où vous avez des détenus ou, si vous voulez, des
personnes dont la peine n'est pas complètement purgée, mais qui
sont...
Mlle Hanigan: Une maison de transition.
M. Burns: Une maison de transition, exactement, je vous remercie
de la précision. Ces personnes, même si elles doivent se rapporter
à la maison de transition vers 10 heures le soir, qui travaillent, qui,
à toutes fins pratiques, sont des citoyens qui exercent un
métier, ces personnes, parce qu'elles avaient le stigmate de personnes
détenues ou de prisonniers, ne pouvaient pas voter lors de la
dernière élection. J'avais, à ce moment, fait des
démarches auprès du président général des
élections et la loi, dans sa forme actuelle, ne leur permettait pas de
voter, chose que nous espérons pouvoir corriger le plus rapidement
possible, tout à fait en accord avec vos recommandations.
Mlle Hanigan: C'est exact, d'autant plus qu'il se passait des
situations assez paradoxales en ce sens que certains des détenus avaient
droit de vote aux dernières élections et n'ont pu l'exercer,
malgré les efforts de dernières minutes qu'on a faits. D'autre
part, les personnes qui sont en libération conditionnelle et qui
habitent chez eux, avec leur femme ou tout seul, n'ont théoriquement pas
le droit de vote, et pourtant, je pense bien qu'elles ont voté.
M. Burns: Merci, Mlle Hanigan. Encore une fois, je pense bien que
les recommandations que vous nous faites dans votre mémoire ont de
très sérieuses chances d'être traduites par des amendements
à des lois, à très court terme.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci de
votre collaboration à cette commission parlementaire.
J'inviterais maintenant le Conseil du patronat du Québec et ses
porte-parole à venir nous présenter son mémoire, s'il vous
plaît.
M. Dufour, vous êtes bien connu, mais pourriez-vous nous
présenter ceux qui vous accompagnent, s'il vous plaît?
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): M. le Président, messieurs les
membres de la commission parlementaire, je vais commencer par vous
présenter ceux qui m'accompagnent. A ma droite, M. Denis De-mers,
directeur général de l'Association provinciale des marchands
d'automobiles, qui est membre du conseil d'administration du CPQ; M. Claude
Dessureault, directeur général des peintures chez CIL Ltée
et membre du comité exécutif du CPQ; Mme Bérengère
Gaudet, conseiller juridique au Conseil du patronat, M. Jacques Tremblay,
directeur de la recherche au Conseil du patronat, et M. Sébastien
Allard, vice-président principal de la compagnie d'assurance La Royale
du Canada.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Dufour, avant que vous ne commenciez la lecture de votre mémoire, qu'il
me soit permis, comme je le fais d'ailleurs devant tous les intervenants, de
rappeler aux membres de cette commission et à nos invités que
cette commission parlementaire ne doit pas être considérée
comme une tribune pour émettre des opinions sur des questions de fond
pouvant éventuellement faire l'objet d'une consultation populaire au
Québec. Là-dessus, je vous cède la parole.
M. Dufour: M. le Président, vous avez déjà
reçu notre mémoire, il fait une vingtaine de pages, il serait
trop long de le lire dans les 20 minutes qui nous sont accordées. Nous
avons, tantôt, distribué un résumé du
mémoire, j'espère que tout le monde en a des copies; il ne change
rien quant au fond, c'est purement une question de faire un peu plus vite.
Le débat qui vient de s'ouvrir au sujet de la consultation
populaire au Québec est relié de très près à
la question de l'avenir politique du Québec et, comme tel, revêt
une brûlante actualité, indépendamment de
l'intérêt qu'on peut éprouver pour les problèmes
d'ordre juridique et constitutionnel qu'il soulève. Comme porte-parole
de 125 associations patronales et de plus de 250 entreprises du Québec,
on comprendra que le CPQ ne puisse rester indifférent à la
question de notre avenir collectif.
Le référendum sur l'avenir constitutionnel du
Québec, que le gouvernement s'est engagé à organiser au
cours de son présent mandat, donne au débat sur les
référendums une importance majeure. Qu'on le veuille ou non, il
est très difficile de dissocier les deux, à tout le moins dans
l'esprit du public, même si nous savons pertinemment qu'il s'agit d'une
loi-cadre qui déterminerait les conditions d'exercice de tous les
référendums à venir. Nous croyons en effet que le
Québécois moyen ne fait pas très bien la distinction et
que, lorsqu'il entend parler d'une loi sur les référendums, cela
évoque tout de suite pour lui le référendum sur
l'indépendance.
Cela dit, l'initiative du gouvernement concernant la consultation
populaire doit être saluée comme une volonté de renouveau
politique. Le Conseil du patronat ne peut certainement pas être contre
cette forme de démocratie directe qu'est le référendum,
même s'il s'agit d'une institution nouvelle jusqu'à présent
étrangère à notre tradition politique.
Tout en étant d'accord avec les grands objectifs contenus dans le
livre blanc sur la consultation populaire, nous croyons toutefois qu'au niveau
des mécanismes d'organisation les moyens proposés ne sont pas les
meilleurs pour atteindre ces objectifs. C'est ce que nous allons exposer
aujourd'hui devant cette commission.
La politique générale de la consultation populaire. Dans
notre système parlementaire où la constitution ne dit rien au
sujet des référendums, il est nécessaire de faire voter
une loi prévoyant la tenue d'un référendum ainsi que les
mécanismes de son organisation. C'est ce qui s'est fait dans d'autres
pays dont on a déjà abondamment parlé. Il s'agissait alors
d'un projet de loi spécifique où se trouvait formulée
à l'avance la question qui devait faire l'objet de la consultation
populaire.
Mais au lieu de proposer l'adoption d'une telle loi spécifique
portant sur un référendum en particulier, en l'occurrence le
référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec, le
gouvernement propose une loi-cadre permettant l'introduction du
référendum comme institution permanente de notre vie
démocratique. Sans porter de jugement sur la valeur de ce nouveau
mécanisme, car son attrait démocratique est indéniable, le
CPQ estime que cette démarche est prématurée. Aucun
débat public d'importance sur cette question n'a encore permis de
dégager un consensus suffisant pour songer à instaurer un
mécanisme comme celui-là en permanence. Pourquoi
institutionnaliser une formule dont nous n'avons pas encore fait l'essai?
Parlons plutôt du premier référendum qui sera tenu, celui
sur l'avenir constitutionnel du Québec. Vu son exceptionnelle
gravité, ce référendum devrait faire l'objet d'une loi
spéciale qui ne traitera que de ce sujet.
Il nous paraît plus opportun d'organiser d'abord ce premier
référendum dans le cadre d'une loi spécifique. Si, par la
suite, le gouvernement croit utile d'avoir recours à nouveau au
référendum, il évaluera la formule déjà
expérimentée et pourra l'adapter selon les circonstances. Il est
cependant bien possible que le gouvernement se rende compte qu'il y a bien peu
de questions pouvant réellement faire l'objet d'un
référendum.
Le caractère consultatif. La loi-cadre ne contiendrait aucune
disposition spécifique à l'égard de la majorité
requise ou du taux de participation nécessaire à cause, dit-on,
du caractère consultatif du référendum. Peut-être de
telles dispositions seront-elles incluses dans chaque loi spécifique,
mais le gouvernement ne l'établit pas clairement. Il se contente
d'affirmer le caractère consultatif du référendum, mais
sans en tirer les conséquences. Par ailleurs, si l'on s'en tient
à ce caractère consultatif, le gouvernement doit rester neutre
dans la campagne référendaire, son rôle étant alors
de s'assurer que tous les citoyens aient la possibilité de se prononcer
en toute connaissance de cause. Ce qui implique également qu'il doit
mettre le plus d'informations possible à la disposition des
électeurs et surtout tenter d'assurer l'égalité de chances
entre toutes les options en présence.
Ce dernier objectif, l'égalité de chances, est d'ailleurs
très explicite à la fois dans le texte du livre blanc et dans les
déclarations du ministre responsable. Par contre, l'aspect "information
' n'est à peu près pas traité dans le livre blanc.
Or, nous savons, dès le départ, quelle sera l'attitude du
gouvernement durant la campagne du référendum sur l'avenir
constitutionnel du Québec. Etant donné ses engagements
passés, et conformément d'ailleurs à toute son
idéologie, le gouvernement va s'engager et il s'est
déjà engagé dans une campagne en faveur d'un oui
à la proposition contenant explicitement ou implicitement l'idée
de l'indépendance politique du Québec.
En somme, le gouvernement sera lui-même l'une des parties
impliquées dans la campagne ré- férendaire. On dira que
c'est le Parti québécois, et non le gouvernement comme tel, qui
va soutenir l'option de la souveraineté-association, et qu'en ce sens la
neutralité de l'Exécutif reste sauve. Mais nous savons
très bien que c'est là une disposition de pure forme qui n'est
d'ailleurs pas perçue par la population, laquelle, en pratique, confond
les deux choses.
Comment le gouvernement peut-il à la fois prendre parti pour
l'une des thèses en présence et se donner, dans une loi-cadre, le
rôle d'un arbitre qui veillera à assurer l'égalité
des chances? C'est la, à notre sens, l'ambiguïté
fondamentale du livre blanc. Le gouvernement ne peut être à la
fois juge et partie dans le débat. Le fait qu'il se retranche
derrière l'ambiguïté d'un référendum
consultatif, et aussi derrière la distinction entre parti au pouvoir et
gouvernement ne fait qu'entretenir la confusion.
Donc, si on veut que les enjeux soient clairs, le gouvernement devra,
dans la loi spéciale autorisant la tenue du référendum sur
l'indépendance, préciser à quelles conditions taux
de participation, majorité requise il sera lié par les
résultats de ce référendum. C'est une façon de
donner un cadre juridique à l'engagement "moral" inévitable qu'a
toujours le gouvernement vis-à-vis de l'opinion publique.
La formulation de la question. La procédure proposée dans
le livre blanc, bien que techniquement correcte et conforme aux règles
du parlementarisme britannique, ne nous paraît pas satisfaisante,
à cause, encore une fois, de la position ambiguë du gouvernement
dans le contexte particulier du référendum sur
l'indépendance. L'Exécutif, qui sera l'une des parties
impliquées et qui, par ailleurs, dispose d'une majorité
confortable à l'Assemblée nationale, pourra donc prendre seul une
décision capitale pour l'issue du référendum. En saine
démocratie, il faut éviter que le gouvernement ne se place dans
cette situation où il serait, à toutes fins utiles, à la
fois juge et partie.
D'où notre proposition d'un comité de travail ad hoc sous
la présidence d'une personne reconnue pour son expérience et son
impartialité, auquel serait confié le mandat d'analyser les
diverses formulations possibles de la question, d'entendre les opinions des
citoyens à ce sujet, et de faire des recommandations dans un rapport qui
sera rendu public.
Par ailleurs, le débat privilégié d'une
durée maximale de 25 heures à l'Assemblée nationale nous
paraît nettement insuffisant pour disposer d'une question aussi complexe
et d'une telle importance. Le gouvernement devrait s'entendre avec les partis
d'opposition pour proposer un débat plus long, assorti peut-être
d'une procédure spéciale.
Le nombre d'options. A la formulation de la question, évidemment,
se rattache le problème du nombre d'options. Lors du
référendum de 1975 en Grande-Bretagne, il n'y avait que deux
options possibles: le oui et le non. Nous croyons que, dans l'idéal, il
devrait en être ainsi, si l'on veut vraiment offrir un choix clair.
A cet égard, nous référant à la
déclaration faite par M. Burns la semaine dernière, nous
comprenons que telle sera effectivement la proposition gouvernementale. Nous
n'insistons donc pas davantage sur ce sujet, si ce n'est pour réaffirmer
notre point de vue selon lequel, pour être significatif, un
référendum doit offrir un choix clair qui donne à la
population la possibilité de se prononcer par oui ou par non. Nous ne
croyons pas qu'il soit possible d'échapper à la
nécessité de formuler la question sous la forme d'une
alternative.
L'organisation du référendum. Il est souhaitable que
l'organisation du référendum soit comparable à celle d'une
élection générale, et, donc, que sa procédure suive
le plus possible celle des élections, toutes les fois que les
éléments sont les mêmes.
Mais nous estimons que le livre blanc, transporte d'une façon
trop rigide la procédure électorale, en particulier en ce qui a
trait au contrôle des dépenses pendant la campagne, ce qui
équivaut à imposer des contrôles politiques par le biais
d'une exigence en apparence purement technique.
Le contrôle des dépenses, par exemple. Les grandes
organisations responsables de la campagne, selon le livre blanc, auraient
chacune droit à une aide financière égale et seraient
soumises aux mêmes restrictions et obligations en ce qui concerne le
contrôle de leurs dépenses. Les limites imposées se
présentent sous deux formes: d'une part, on fixe un plafond au montant
des dépenses effectuées pendant la campagne
référendaire et, d'autre part, on limite le nombre de personnes
et de groupes autorisés à effectuer des dépenses.
En ce qui concerne le contrôle des dépenses, s'il est
acceptable et même souhaitable dans le contexte d'une élection
générale, il apparaît trop rigide lorsqu'il est
appliqué à la lettre dans le processus
référendaire. Vouloir protéger les électeurs contre
un abus de la propagande est un objectif tout à fait louable en soi.
Mais encore faudrait-il définir ce qu'on entend par abus. Où
finit l'information, où commence la propagande? Ce n'est pas uniquement
une question d'argent. Le gouvernement craint apparemment qu'un groupe ne
dispose de ressources financières beaucoup trop élevées
qui lui permettraient d'influencer indûment le résultat du
scrutin. Mais c'est là attacher une importance trop exclusive au pouvoir
de l'argent. Une campagne référendaire comporte des enjeux autres
que financiers et peut être influencée par d'autres facteurs que
la publicité et la propagande: pour ne donner qu'un exemple, le fait
qu'un homme public passe ou ne passe pas la rampe à la
télévision, indépendamment du montant payé pour le
même message télévisé.
Le gouvernement britannique a estimé, pour sa part, que toute
tentative pour limiter le montant total des dépenses serait
irréalisable en pratique. Nous devrions nous inspirer du même
souci de réalisme. Concrètement, où commencerait et
où finirait le contrôle envisagé? Par exemple, on sait que
le Parti québécois est déjà engagé en campa-
gne en vue du référendum et qu'il a déjà à
cette fin engagé des dépenses. Est-ce que chaque apparition en
public d'un ministre ou d'un député doit être
considérée comme de la publicité et comptée comme
telle? Les contrôles doivent-ils s'appliquer à l'argent
dépensé dès maintenant? Sinon, à partir de quelle
date? Et pour quel genre de dépenses? Toute ligne de démarcation
apparaîtra nécessairement tout à fait arbitraire.
Fixer une limite au montant total des dépenses nous paraît
donc irréaliste et ce n'est pas, selon nous, le bon moyen de
prévenir l'injustice qui pourrait exister.
Quant aux participants, l'intention exprimée dans le livre blanc
est également de limiter le nombre de personnes et de groupes qui
pourront participer à la campagne référendaire, en
imposant aux citoyens de se regrouper à l'intérieur de grandes
organisations qui seront les seules reconnues ou autorisées à
recevoir des contributions financières et à procéder
à des dépenses relatives au référendum.
Indépendamment du principe en jeu, relié à la
liberté d'expression, il faut établir d'abord que l'objectif
préconisé par le livre blanc nous paraît
irréalisable. Considérons le nombre de personnes, le nombre
d'organisations qui se sentiraient vitalement impliquées dans un
débat sur le statut constitutionnel du Québec.
Considérons, de plus, la multiplicité des formes d'action qui
sont à la disposition des personnes et des groupes dans une
société comme la nôtre. Six millions de citoyens, des
centaines de reporters, des milliers de leaders d'associations de toute taille,
des centaines de commentateurs professionnels, tous habitués à
exprimer librement leur opinion, pourraient-ils tout à coup être
refoulés dans les rangs d'organisations unifiées?
Au plan des principes, nous croyons que les contrôles
envisagés représentent une atteinte réelle à la
liberté d'expression, dans la mesure où l'on chercherait à
réglementer jusque dans le détail des activités
légitimes exercées dans un but légitime. Dans notre
société, le dialogue politique se déroule principalement
à travers les interventions libres de milliers de citoyens et de groupes
intéressés à la chose publique. Notre
société en est une de pluralisme, où tous les groupes,
tous les mouvements d'opinion ont la possibilité de se faire entendre
sur la place publique et leurs interventions peuvent prendre quantité de
formes. Pourquoi les règles du jeu devraient-elles changer en
période de référendum? Il faudrait que le gouvernement
explique ce que cette situation revêt d'exceptionnel à ses yeux
pour l'amener à prévoir des contraintes auxquelles il ne
songerait pas normalement.
Il y a nécessairement toutes sortes d'inégalités
entre les citoyens dans un débat politique, inégalités qui
tiennent à l'intelligence, au talent, au degré de
scolarité, au pouvoir, à l'argent, bien sûr, à la
situation sociale. Mais si l'on suivait le livre blanc, on créerait des
inégalités aussi grandes que celles qu'on a voulu prévenir
ou corriger. C'est pourquoi il nous paraît plus sain de laisser jouer
le
rapport de forces entre tous les intervenants possibles au débat,
quitte à ce que la population soit obligée de faire le partage
entre toutes ces sollicitations. Mieux informée et plus adulte
politiquement, elle trouvera bien le moyen d'exprimer finalement un choix
clair. Il faut lui faire confiance jusque-là, quand on prétend la
consulter.
En conclusion, M. le Président, les objectifs proposés
dans le livre blanc sont en eux-mêmes très valables, et le CPQ est
d'accord sur de tels objectifs. Si nous n'avons aucune objection au principe
d'une plus grande participation des citoyens aux décisions politiques,
par contre nous éprouvons de sérieuses réserves quant aux
mécanismes d'organisation des référendums. L'ensemble de
la procédure prévue pour le déroulement de la campagne et
du scrutin nous paraît comporter des éléments coercitifs
qui sont inacceptables. Plus précisément, le CPQ s'oppose
à la création des organisations unifiées, non pas pour
elles-mêmes, mais en raison des contrôles excessifs qui y sont
rattachés. Les restrictions qui seraient imposées quant aux
participants à la campagne sont susceptibles, à notre avis, de
porter atteinte à la liberté d'expression et risquent de fausser
les règles du jeu normal en démocratie.
En résumé, l'objectif premier du gouvernement, qui est
d'assurer l'égalité des chances entre les diverses options en
présence, est en soi excellent, mais nous estimons que la
procédure prévue ne représente sans doute pas le meilleur
moyen, ni le seul moyen, de l'atteindre.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. Dufour. M. le ministre.
M. Burns: M. Dufour, je vous remercie de votre mémoire qui
nous donne le point de vue du Conseil du patronat et probablement aussi d'un
grand nombre de représentants patronaux qui ont eu à se pencher
sur le problème de l'utilisation de la consultation populaire.
Le premier point qui m'accroche, si je peux m'exprimer ainsi, dans votre
mémoire, c'est le fait que vous semblez ne pas favoriser une loi-cadre
mais plutôt une loi spécifique. Je vous pose le problème de
la façon suivante, tel que certains intervenants nous l'ont soumis dans
les semaines qui ont précédé. Sans entrer dans le
détail, à cause de la directive de la présidence, du
référendum spécifique sur la souveraineté du
Québec, mais tout en l'utilisant à titre d'exemple, M. le
Président, vous semblez, au début de votre mémoire, nous
rattacher à cette situation qui est évidemment
préoccupante pour beaucoup de gens au Québec, il n'y a pas de
doute.
Une des opinions qui nous ont été soumises, relativement
à ce problème, pourrait se résumer de la façon
suivante: Comme ce problème, le problème de la
souveraineté du Québec, va soulever énormément
d'émotivité d'ailleurs on s'en rend compte actuellement,
moi je m'en rends compte, toutes les fois que je participe à une ligne
ouverte, il y a des gens qui me disent des choses avec des degrés
d'émotivité tellement élevés que des fois je me
sens même incapable de répondre à la question, parce qu'on
me place à un autre niveau d'émotivité que celui que je
veux garder dans l'adoption du projet de loi ou de l'éventuel projet de
loi qu'on soumettra en décembre probablement cette opinion, que
je croirais valable, dirait ceci: Pourquoi ne mettons-nous pas en place des
mécanismes généraux d'application générale
pour l'ensemble de la consultation populaire ou l'ensemble des
référendums?
Lors d'un problème spécifique soulevant plus
d'émotivité que d'autres, en particulier celui de la
souveraineté du Québec, on pourrait, à ce
moment-là, en oubliant les mécanismes parce qu'ils sont
déjà en place, en arriver à avoir une véritable
discussion sur ce qui se passe dans tel cas. C'est une question que je vous
pose.
Justement, le président me rappelle que c'est le Barreau qui nous
soulignait ce problème. D'autres groupes nous ont dit à peu
près la même chose, mais je pense que le Barreau a
été le plus spécifique là-dessus.
Je vous pose la question, tout simplement: Ne croyez-vous pas que ce
serait plus logique, plus intelligent de poser les règles du jeu en
général, pour n'importe quel référendum, pour, par
la suite, s'attacher à un référendum en particulier,
surtout à la question elle-même dans tel référendum?
C'est ce que je vous pose comme question par rapport à votre opinion
générale quant à votre opposition à une
loi-cadre.
M. Dufour: M. le ministre, vous me posez la question en termes de
logique; alors, cela devient peut-être assez difficile d'y
répondre parce que, pour nous, ce sont des questions de principe.
M. Burns: C'est beaucoup plus facile pour le Conseil du patronat
d'y répondre en termes de logique.
M. Dufour: On parle du principe de la loi-cadre en
général et cela n'a rien à voir, au départ, avec
cette loi particulière. Depuis quatre ou cinq ans, finalement, toutes
nos interventions devant le législateur ont posé le
problème général de la loi-cadre. Bon. On a dit que depuis
quatre ou cinq ans on a légiféré, au Québec,
à partir de lois-cadres dont on n'a connu finalement les portées
qu'au niveau de la réglementation ou dans l'application concrète.
Donc, au plan du principe, au point de départ, c'est le même
problème que nous avons ici, mais c'est une loi-cadre qui revêt
beaucoup plus d'importance à ce moment-ci. Qu'on le veuille ou non,
cette émotivité dont vous parlez, quand vous allez faire des
lignes ouvertes, je pense que tout le monde la vit et on ne peut pas dissocier,
à ce moment-ci, la loi-cadre de ce référendum
éventuel sur la souveraineté-association.
Notre position là-dessus est que vous ne pouvez pas
prévoir, dans une loi-cadre, les implications techniques qui se
présenteront au moment de l'appréciation comme telle d'un
problème donné sur lequel vous allez aller en
référendum.
On dit: Avant de concrétiser dans une loi-cadre certains
principes, faisons certaines démarches ad hoc. On va même assez
loin en disant que probablement on ne fera pas plus qu'une démarche ad
hoc, quand on aura fait le référendum sur la
souveraineté-association. C'est très rare, les questions assez
importantes pour aller en référendum; finalement, on la relaiera
peut-être aux oubliettes.
M. Burns: Je suis d'accord avec vous pour dire qu'on n'aura pas
recours, toutes les semaines, a un référendum. Je suis
entièrement d'accord avec vous et je suis également d'accord avec
tous les intervenants qui nous ont dit que le recours au
référendum est quelque chose qui doit se faire de façon
pratiquement exceptionnelle. C'est pour des choses importantes. Autrement
et cela rejoint également une de vos préoccupations
vous allez avoir un taux de participation à des
référendums qui va être absolument ridicule. Si vous faites
un référendum pour savoir si le premier ministre doit porter des
habits bleus ou des habits noirs, les gens vont dire: Ils sont ridicules et on
n'ira pas voter. C'est bien sûr. Mais, sur des choses importantes et
essentielles, la loi sera là et la ou les dispositions
générales de la loi seront prêtes à être
utilisées quitte à ce que, dans chaque cas, il y ait un
débat. Le livre blanc le prévoit, il va y avoir un débat
que cela se fasse sous forme de résolution ou de loi
spécifique dans chaque cas, quant à la formulation de la
question, comme cela nous a été suggéré. Je ne suis
pas fermé à l'une ou l'autre de ces positions, mais il reste
qu'on aura les règles générales établies par la
loi-cadre.
C'est ce que j'essaie de vous soumettre comme possibilité.
Remarquez que j'ai l'impression qu'on se retrouve beaucoup dans vos
recommandations et celles du livre blanc, même si vous semblez dire que
vous ne partagez pas l'opinion émise dans le livre blanc relativement
à la loi-cadre. J'ai l'impression qu'on est très proche dans
notre façon d'aborder le problème, c'est-à-dire que vous
tenez pour acquis... J'ai remarqué dans votre mémoire, à
deux ou trois reprises que vous parlez du premier référendum qui
sera celui sur l'indépendance.
Ce n'est pas nécessairement vrai cela.
M. Dufour: Bien...
M. Burns: Non, non, mais il y a...
M. Dufour: Ce n'est pas nécessairement vrai, d'accord,
mais...
M. Burns: Je ne sais pas où vous avez pris cela, mais en
tout cas je n'ai jamais annoncé que ce serait celui-là. Je vous
rappelle, M. Dufour, et je m'excuse de vous interrompre...
M. Dufour: Je pense que c'est...
M. Burns: ... là-dessus, que le Parti
québécois, avant de former le gouvernement, avait dans son
programme depuis le tout début, c'est-à-dire depuis 1968, une
mesure générale d'annoncée qu'il y aurait de la
législation qui serait parce qu'un parti politique prévoit
toujours le jour où il prend le pouvoir qui verrait, dis-je,
à mettre en place un système de consultation populaire et de
façon générale. Evidemment, on a dramatisé, depuis
le 15 novembre surtout et peut-être durant la campagne électorale
qui a précédé le 15 novembre 1976, le fait qu'un
référendum en particulier aurait lieu, mais cela a toujours
figuré dans nos projets de mettre en place un système de
consultation populaire. C'est ce que nous proposons actuellement à la
population via le livre blanc et ses auditions en commission parlementaire. Ce
qui n'empêche pas que l'engagement électoral qui a
été pris par le Parti québécois de tenir un
référendum avant les prochaines élections sur l'avenir
constitutionnel du Québec soit aussi greffé à cela,
mais...
M. Dufour: II reste quand même, M. le ministre,
indépendamment de ce que vous prévoyez dans le programme du parti
politique au niveau de l'établissement d'une loi-cadre sur les
référendums, que le seul référendum dont vous nous
avez parlé, et comme parti et comme gouvernement, c'est celui sur
l'indépendance.
M. Burns: M. Dufour, vous avez eu le ministre
délégué à l'énergie qui a parlé,
entre autres, de la possibilité de consulter la population sur
l'utilisation de l'énergie nucléaire. C'est un problème
très sérieux, soyez-en conscient. Je peux vous dire
qu'actuellement au Conseil des ministres c'est un problème qui est
discuté de façon très sérieuse, non pas quant au
recours référendaire dans ce cas, mais quant au fait
qu'actuellement c'est une de nos grosses préoccupations. Peut-être
que c'est un des cas justement auxquels on peut penser, outre la
souveraineté du Québec, où on pourrait demander à
la population de nous donner son point de vue. Ce n'est pas une question
secondaire, ce n'est pas une question à négliger, puis il y en a
peut-être d'autres.
Je vous dis que vous présumez beaucoup lorsque vous nous dites
que le premier référendum aura lieu sur l'avenir politique du
Québec. Et c'est partant de là, je crois, que vous nous faites la
suggestion qu'il devrait y avoir un premier référendum par une
loi spécifique. Est-ce que je me trompe en pensant cela?
M. Dufour: Vous nous proposeriez aujourd'hui trois sujets
possibles pour un référendum et dans les trois cas on vous
demanderait trois lois spécifiques. Si vous référez par
exemple au problème de l'énergie...
M. Burns: Pourquoi nous proposez-vous cela?
M. Dufour: Pourquoi? On reviendra à cela. Mais pourquoi,
par exemple auriez-vous la même approche vis-à-vis d'un
référendum sur la souveraineté-association et sur le
problème de
l'énergie? Vous savez très bien au départ que la
complexité d'une question comme celle de l'énergie n'appellerait
pas, au plan de l'information, simplement sur ce plan-là, exactement les
mêmes techniques, ce n'est pas possible.
M. Burns: Je ne suis pas sûr, M. Dufour.
M. Dufour: On ne peut pas faire un référendum
actuellement sur l'énergie, ce n'est pas possible.
M. Burns: Pourquoi?
M. Dufour: Parce que c'est une question bien trop complexe.
Demandez donc aux citoyens de choisir entre l'énergie nucléaire
et..
M. Burns: Imaginez-vous que, dans ce débat entre autres,
si on prend le cas de l'énergie, vont s'introduire un tas de notions.
Lorsqu'on énonce le problème dans l'immédiat, on dit:
L'énergie, c'est beaucoup trop complexe, c'est beaucoup trop technique,
etc. Mais il y a un tas de notions qui vont toucher à des gens, par
exemple la protection de l'environnement, l'argent dans leurs poches, au point
de vue des taxes, au point de vue du coût. Ce sont des choses qui vont
être drôlement, si jamais ce débat commençait,
verbalisées, de façon que la population les comprenne. Je pense
que l'opposition je ne parle pas de l'Opposition parlementaire, mais je
parle de l'opposition à un point de vue ou à l'autre va se
faire fort de faire comprendre les applications pratiques de telle ou telle
solution. Le groupe en faveur va se faire fort de vendre le côté
valable de telle ou telle position.
Dans un débat référendaire, dans la campagne
référendaire ou même préréférendaire,
vous avez des gens et des intérêts qui vont y aller gaiement et
qui vont dire: Ecoute, il faut que, pour gagner mon point de vue, je fasse
comprendre à la population quel est le problème. Là, cela
devient très concret, à un point tel qu'en se
référant à l'expérience passée, en tout cas
dans les endroits où il y a eu des référendums, que ce
soit celui de la Grande-Bretagne sur le maintien de l'adhésion de la
Grance-Bretagne au Marché commun ou tout autre, on voit qu'il arrivait
un stade de saturation au point de vue de l'information dans l'esprit de la
population. On m'a dit en tout cas, quand on s'est informé de cela en
Grande-Bretagne, qu'il était temps que le référendum ait
lieu parce que les gens ne voulaient plus en entendre parler, tellement ils
avaient été sursaturés d'information. C'est mon opinion,
en tout cas.
M. Dufour: C'est une question qui se débattait mieux,
celle du Marché commun, que, quand même, celle de
l'énergie.
M. Burns: Attention! Il y avait aussi là, M. Dufour,
beaucoup d'émotivité, parce que vous vous souvenez, entre autres,
qu'à deux reprises, si je puis m'exprimer ainsi, la France, via son
président du temps, le général de Gaulle, avait, à
toutes fins pratiques, imposé son veto à l'adhésion de la
Grande-Bretagne au Marché commun et cela, c'était très
émotif en Grande-Bretagne. On disait: On ne veut pas en faire partie
pour une raison bien simple, c'est qu'on s'est fait un peu rabrouer par la
France. Cela a joué énormément dans le fait qu'un an avant
le référendum la Grande-Bretagne, à deux contre un, selon
les sondages, était contre le maintien de son adhésion au
Marché commun. Je pense qu'on est obligé de tenir compte de ces
expériences.
M. Dufour: Je vais demander à M. Tremblay d'ajouter
quelque chose sur la loi-cadre.
M. Tremblay (Jacques): Sans s'étendre indéfiniment
là-dessus, il y a peut-être un certain nombre de notions sur
lesquelles on finit par faire des confusions. La description que vous venez de
faire de votre loi sur les référendums a plutôt le
caractère de ce qu'on pourrait appeler une loi générale
sur les référendums et non pas nécessairement d'une
loi-cadre. Là où notre opposition serait sûrement
systématique, comme elle se retrouve dans bien d'autres interventions
antérieures, c'est sur une loi-cadre au sens où la loi
définit un certain nombre de pouvoirs de réglementation et que,
finalement, ces pouvoirs de réglementation retombent ensuite entre les
mains du Conseil des ministres, sans revenir devant l'Assemblée
nationale.
Dans ce cas, l'opposition à l'idée d'une loi-cadre, pour
nous, est systématique. Lorsque vous parlez d'une loi
générale comme celle que vous venez de décrire qui serait
complétée, dans le cas d'un référendum
déterminé, par une intervention de l'Assemblée nationale
établissant une loi spécifique sur ce nouveau
référendum, je crois qu'à ce moment-là nous
n'aurions plus d'opposition de principe. En ce sens-là, on se rejoint
probablement.
M. Burns: Excusez-moi, M. Tremblay. Dans le fond, c'est
peut-être une question de termes. Peut-être...
M. Tremblay (Jacques): J'ajoute cependant ceci...
M. Burns: ... n'êtes-vous pas contre une loi
générale sur la consultation populaire et qu'on appelle
actuellement une loi-cadre?
M. Tremblay (Jacques): Vous avez décrit tantôt votre
démarche logique d'une loi générale et ensuite de lois
spécifiques déterminant également en Assemblée
nationale...
M. Burns: Ou de résolution à
l'Assemblée.
M. Tremblay (Jacques): ... ne posent pas le problème que
pose la loi-cadre qui donne seulement un pouvoir de réglementation.
Là-dessus, on n'aurait pas la même objection de principe. Il reste
quand même une espèce d'objection de pratique.
On sait, par expérience, et les parlementaires sont mieux
placés que nous pour le savoir, que les lois générales, on
n'a jamais fini de les corriger, de les refaire et de les refaire de toutes les
façons possibles. On pourrait prendre l'expérience du Code du
travail qu'on n'a jamais fini de refaire. J'imagine bien que la loi
générale qu'on adopterait avant un premier
référendum serait probablement recorrigée par une nouvelle
intervention législative, avant de rester une loi générale
pour un deuxième référendum et ainsi de suite.
Il y a probablement une démarche là-dedans qui ne permet
pas d'accélérer le processus qui conduit au
référendum vis-à-vis duquel il y a une
échéance importante pour le Québec actuellement et,
ensuite, elle fait faire une démarche législative qui,
finalement, n'a probablement pas beaucoup de signification. Car il est probable
que si, dans quatre ou cinq ans, on reprenait cette loi générale,
il faudrait la corriger avant de la réutiliser, ce qui veut dire en
pratique que, comme loi générale, elle ne serait probablement pas
beaucoup utilisée. Pour des raisons pratiques, finalement, ce
détour, qui est défendable logiquement, n'a peut-être pas
beaucoup de signification et peut peut-être retarder indéfiniment
la mise en place du problème fondamental vis-à-vis duquel le
gouvernement a actuellement un engagement envers la population, c'est le
référendum sur le statut constitutionnel du Québec.
M. Burns: Je vous propose tout simplement ceci comme
hypothèse. Quel jugement porteriez-vous à l'endroit d'un
gouvernement qui dirait: pour tel référendum, on va utiliser
telle règle et telle norme, et pour tel autre on va utiliser telles
autres règles et telles autres normes. On se poserait de
sérieuses questions, je pense, à l'endroit d'un gouvernement
majoritaire à l'Assemblée nationale, pouvant, donc, malgré
les difficultés que l'Opposition peut lui donner par les règles
parlementaires, et de façon tout à fait normale, qui dirait: Pour
cette élection-ci, on va utiliser les règles actuelles de la Loi
électorale, mais pour l'autre élection, on va utiliser d'autres
règles. Je pense que le gouvernement qui prendrait cette attitude
perdrait toute crédibilité, et surtout sur un problème
comme celui qui semble vous venir à l'esprit automatiquement je
ne vous blâme pas, vous avez parfaitement raison et qui vient
à l'esprit de tout le monde.
M. Dufour: C'est sûr, M. Burns, que la question...
M. Burns: On pense évidemment que le premier
référendum va être le référendum sur l'avenir
constitutionnel du Québec.
M. Dufour: Je vous posais la question, mais même quand vous
vous référez, M. le ministre...
M. Bums: Mais imaginez-vous qu'on dise que, dans ce cas-là
excusez-moi, M. Dufour dans ce cas-là, on va utiliser
telle règle, et dans le cas d'autres référendums, on va
utiliser d'autres règles. Franchement, je serais gêné
d'être le ministre responsable de la présentation d'un projet de
loi comme cela.
M. Dufour: Vous avez fait le parallèle avec la Loi
électorale, au début de la séance de la commission
parlementaire, vous avez soulevé ce problème et vous le rappelez
encore: Pourquoi changerait-on les règles du jeu à l'occasion de
chaque élection? On sait très bien qu'entre chaque
élection vous faites tellement de changements pratiques à cette
législation...
M. Burns: Pas à la Loi électorale, M. Dufour.
M. Dufour: Là, non, mais cela a été le
financement des partis politiques. Donc, ce sont toujours des lois qui
gravitent, finalement, autour...
M. Burns: Oui, mais c'est mineur et très marginal.
M. Dufour: Ce n'est pas ce que j'ai entendu de vous, mineur, le
financement des partis politiques.
M. Burns: Non, cela, c'est un ajouté, si vous voulez. Mais
c'est d'ailleurs tout à fait dans nos traditions.
M. Dufour: Non, c'est bien évident que vous avez raison
lorsque vous dites: On ne peut pas changer les règles du jeu chaque fois
qu'on aborde un problème; à ce moment-là, c'est bien
sûr que vous pourriez être accusés de favoritisme ou pas.
Mais, dans la pratique, nos lois sont toujours repolies avant
réutilisation. Qu'on regarde simplement, par exemple, tous les projets
de loi qui sont devant l'Assemblée nationale ou en commission
parlementaire et qui sont une remise à jour, compte tenu des
problèmes qu'on vit et l'évolution de la société,
de ces différentes lois. Comme M. Tremblay le mentionnait, il y aurait
un laps de temps de deux ou trois ans entre deux référendums, et
probablement que la situation aurait tellement évolué que,
finalement, tout serait à recommencer.
Alors, vous êtes placés exactement devant la même
situation.
M. Burns: Dans notre cas, je comprends votre point de vue, mais
vous n'avez pas en tout cas, jusqu'à maintenant
réussi à me convaincre. Je pense plutôt que votre point de
vue est peut-être semblable à cette espèce de
réticence qui existe, entre autres, en Grande-Bretagne, d'en arriver
avec une loi générale mais qui, dans le fond, ne se justifie pas
par les faits.
Je vous signale, entre autres, qu'en Grande-Bretagne, lorsqu'il y a eu
un référendum sur l'affaire du Marché commun, on a
utilisé un certain nombre de règles que, dans les grandes lignes,
nous suggérons dans le livre blanc. Il y a une modification importante,
c'est le contrôle des dépenses qui en tout cas, cela
pourrait faire un long
débat ne se justifie pas nécessairement de la
même façon ici parce qu'il y a des règles
différentes et des façons différentes d'agir, au moment
d'une campagne électorale.
Mais je peux vous dire que les deux projets qui ont été
déposés la semaine dernière relativement à l'avenir
constitutionnel du pays de Galles et de l'Ecosse utilisent exactement les
mêmes règles que le premier référendum. Ce sont deux
lois différentes, sauf que je ne vois pas pourquoi on juxtaposerait
régulièrement des lois qui répètent les mêmes
règles de référendum en référendum, si on
s'est fait une idée. On peut se tromper dans la loi
générale; cela peut arriver qu'un gouvernement se trompe dans
l'établissement d'une loi générale. La meilleure preuve
et je pense que vous connaissez cet exemple, M. Dufour c'est le
gouvernement qui nous a précédé qui a
présenté la Loi sur l'évaluation foncière. Six mois
après, même avant que la loi ne soit mise en application, il
était obligé d'apporter des amendements à cette loi parce
qu'il s'est aperçu que cela n'était pas applicable et, un an
après, il apportait d'autres amendements. C'est tout à fait
normal, ce sont des choses qui arrivent.
Si jamais on s'aperçoit qu'on a des difficultés
d'application avec la loi générale à la suite d'un premier
référendum, ou, encore, avant même que le premier
référendum soit tenu, si on s'aperçoit que cela doive
être corrigé, on le corrigera. Je pense que c'est tout à
fait normal. C'est l'humilité normale qu'un gouvernement doit
démontrer dans la mise en application de ses lois.
M. Dufour: Je pense qu'on s'entend sur le principe d'une loi
générale éventuelle, excepté qu'on n'a pas le
même processus. Vous la voulez au tout début, quitte à la
corriger ensuite et à apporter toute une série d'amendements.
Nous, en fait le processus inverse, on dit: Vivons-en quelques-unes, parce que,
dans votre hypothèse, il y aurait plus d'un
référendum.
M. Burns: Je n'ai pas dit cela, je n'ai pas fait de promesses de
ce côté-là, mais je vous dis: C'est possible qu'il y en ait
un autre avant.
M. Dufour: Disons qu'il peut y avoir une possibilité
d'autres référendums. Vivons-en quelques-uns et, à partir
de l'expérience vécue, on se fera une loi générale.
Finalement, on ne devrait pas précéder par des lois des choses
sur lesquelles on n'a absolument aucune expertise, si ce n'est l'expertise de
la Grande-Bretagne.
Cela m'amène à dire, M. le ministre, quand vous dites: On
a transposé à peu près intégralement dans le livre
blanc ce qu'il y avait dans la législation de la Grande-Bretagne, qu'en
tout cas il y a deux points qu'on fait ressortir dans notre mémoire et
qu'on ne retrouve pas dans votre livre blanc. C'est, d'une part, l'engagement.
Le gouvernement s'était engagé à respecter le
résultat du référendum. On ne retrouve pas cela...
M. Burns: Vous savez que sur le plan constitu- tionnel, la
Grande-Bretagne peut le faire alors que le gouvernement du Québec ne
peut pas le faire.
M. Dufour: Ne peut pas s'engager à respecter le
résultat consultatif d'un référendum.
M. Burns: Non, on ne peut pas d'avance s'engager
constitutionnellement et ce serait...
M. Dufour: Ce n'est pas constitutionnellement qu'on dit. On parle
d'un engagement moral.
M. Burns: Je pense que j'ai dit à de nombreuses reprises
que la valeur morale d'une réponse référendaire est
évidemment quelque chose qui lie, à toutes fins pratiques, un
gouvernement. Le gouvernement qui ne répondrait pas de façon
positive à l'opinion clairement exprimée par la population serait
un gouvernement qui serait voué à l'échec. Il n'y a pas de
gouvernement qui veut se faire hara-kiri, en tout cas, à ma
connaissance, de façon délibérée. On peut se dire
entre nous que le résultat d'un référendum a une valeur
morale et lie moralement le gouvernement. Dans l'état actuel de la
législation je m'excuse si je me répète, mais j'ai
cité le cas, par exemple, la semaine dernière
d'après l'Acte de l'Amérique du Nord britannique qui nous tient
encore lieu de constitution, nous ne pouvons pas, comme gouvernement
québécois, mettre de côté les droits et
privilèges du lieutenant-gouverneur.
Entre autres, c'est un des éléments qui nous paraissent
comme ne pouvant pas nous autoriser à mettre dans la loi une position
qui nous lierait au résultat d'un référendum. Je pense
bien que Me Gaudet, qui est ma consoeur à l'université, serait en
mesure de vous donner toutes les informations là-dessus. Je ne sais pas
si Me Gaudet partage mes vues là-dessus, mais c'est, entre autres, un
des points qui nous font dire qu'on ne peut pas mettre dans la loi ce point de
vue.
Mlle Gaudet (Bérengère): Ce n'est qu'un malentendu.
Cela a été exprimé, d'ailleurs, dans notre mémoire.
On a très bien reconnu que l'obstacle constitutionnel existe et qu'on ne
peut pas changer ces pouvoirs parce que, comme vous le dites, l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique nous tient encore lieu de constitution.
C'est pour cela qu'on disait: Très bien, le référendum a
un caractère consultatif. Nous sommes d'accord là-dessus. Mais il
n'y a rien qui empêche l'engagement moral qu'a le gouvernement
vis-à-vis de la population. Vous en avez parlé assez
fréquemment. Je suis d'accord là-dessus.
M. Burns: Je pense bien, Me Gaudet et M. Dufour, que le premier
ministre a été très clair là-dessus, et
moi-même, comme ministre responsable de ce dossier, en particulier. Je
pense qu'on a été assez clair qu'on se sentait moralement
lié par une décision vraiment clairement exprimée par la
population. Maintenant, écoutez, le contraire serait de la folie
furieuse au point de vue politique. Soyons bien francs. Un gouvernement qui dit
à
une majorité populaire: Je marche sur votre dos, je
n'écoute pas votre opinion et je m'en vais même dans le sens
contraire de votre opinion, politiquement, c'est quelque chose...
M. Dufour: Répétez-le.
M. Burns: Pardon?
M. Dufour: Répétez-le souvent.
M. Burns: Je le dis presque à tous les jours, M. Dufour.
Je suis sûr, d'ailleurs, M. Dufour, que si j'avais tout le temps pour
discuter avec vous, on en sortirait avec un accord complet entre votre
mémoire et ma position.
M. Dufour: Voici le négociateur qui ressort.
M. Burns: Parce que le président me signale que mon temps
achève et que je veux, d'ailleurs, laisser l'occasion aux membres de la
commission de vous poser également des questions, je veux simplement
souligner, qu'un des points de votre mémoire qui également ne
semble pas être en accord avec le point de vue du livre blanc, c'est le
phénomène du contrôle des dépenses.
Je voudrais simplement vous souligner, à titre d'exemple
ce n'est pas le seul, soit dit en passant un pays de tradition
parlementaire britannique qui a également une tradition assez importante
de recours aux référendums, soit la Nouvelle-Zélande, qui
a une loi qui s'appelle "An Act relating to the limitation of electoral
expenditures and the public disclosure of the sources of funds made available
to political parties and to candidates."
Juste pour fins de réflexion, pour montrer qu'on n'est pas si
méchants que cela au Québec, je vous cite le paragraphe e) de
l'article 147 de cette loi qui se lit comme suit: "In the case of a referendum,
an amount calculated by multiplying one cent j'insiste bien, je ne me
trompe pas, je dis bien one cent by the number of electors who, at the
time of the issue of the writ for the referendum, are enrolled for the several
states."
Imaginez-vous que c'est un pays où déjà vous avez
une tradition pas mal plus longue et pas mal plus forte que la nôtre, pas
mal plus forte, d'ailleurs, que la Grande-Bretagne, sur l'utilisation du
référendum, qui a senti le besoin, à un moment
donné, de mettre dans sa loi, dans le cas spécifique des
référendums, un contrôle par rapport au montant qui doit
être dépensé dans une campagne référendaire.
Je peux vous dire, M. Dufour, que la chose qui m'a le plus convaincu qu'on
devait maintenir justement cette tradition qui existe chez nous de
contrôler les dépenses en période électorale et de
l'appliquer en période de campagne référendaire, c'est
l'exemple de la Grande-Bretagne.
Je m'excuse, je citais cette loi comme étant une loi de la
Nouvelle-Zélande; c'est une loi de l'Australie. Mais les deux pays ont
une tradition référendaire assez importante. Pour les fins du
journal des Débats, j'espère que la correction est faite.
Je vous disais, donc, que la chose qui m'a le plus convaincu qu'il
fallait appliquer cela aux dépenses durant une campagne
référendaire, c'était qu'en Angleterre, justement,
même ceux qui ont perdu, même ceux qui étaient pour le
comité du non, donc ceux qui avaient tout le monde le sait
à peu près 10% d'argent à dépenser, et même
ceux qui ont gagné de façon unanime, nous disaient: II y a une
seule chose qui manquait à notre référendum,
c'était le contrôle des dépenses, à un point tel, M.
Dufour, que le comité du oui est resté avec quelque chose comme
100 000 livres de trop, qu'ils n'ont pas réussi à
dépenser. Ils ne savent plus quoi faire avec. Ils ont créé
un fonds et ils ne savent pas quoi faire avec. Alors, ils le mettent à
la disposition, entre autres, d'un certain nombre d'étudiants pour des
bourses d'études ou je ne sais pas trop quoi. Imaginez-vous
jusqu'à quel point cela pose un problème. Quand vous avez une
disproportion de cette nature, moi, je dis: Comme vous êtes d'accord
j'ai perçu dans votre mémoire que vous étiez
d'accord sur ce point sur l'égalité des chances, à
ce moment, l'égalité des chances suppose également un
certain contrôle des dépenses.
M. Dufour: C'est là qu'on n'est pas tout à fait
d'accord. C'est que l'égalité des chances n'est pas une question
d'argent; il y a quand même une question d'argumentation, la question de
tout ce qui est en cause, finalement, qui intervient. L'argent, cela peut
être important, bien sûr, mais la valeur de l'argumentation, pour
nous, est bien plus importante que les montants qui sont engagés.
M. Charbonneau: Je suis bien d'accord avec vous, la meilleure
idée va l'emporter.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, M. le député de Verchères!
M. Dufour: Ce n'est plus une question d'argent.
M. Burns: Le président m'indique, M. Dufour, que le temps
file. C'est bien à regret parce que je suis convaincu, comme je vous le
disais tout à l'heure, que si on pouvait continuer ce dialogue, vers
midi ou midi et demi, on se retrouverait totalement d'accord, vous et moi et
tout votre groupe. Je tiens à vous remercier très
sincèrement pour cet effort que vous avez fait en nous présentant
ce mémoire. Il y a des recommandations qui vont nous être utiles;
il y a surtout des mises en garde que vous nous faites et qui devront
être gardées dans notre esprit lorsque nous rédigerons le
projet de loi.
Personnellement, j'apprécie le fait que vous ayez
présenté ce mémoire. Je tiens à vous dire que
même si on n'est pas, du moins à première vue, tout
à fait d'accord sur un certain nombre de points de vue, je pense qu'on
se rejoint quant à la mise en place de mécanismes qui vont
permettre une plus grande participation de la population à
l'administration gouvernementale, à l'administra-
tion de l'Etat. Merci bien, M. Dufour, et merci à vos
collaborateurs.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Gatineau.
M. Gratton: Merci, M. le Président. Nous aussi
désirerions remercier le Conseil du patronat pour le sérieux du
mémoire qu'il nous présente ce matin. Contrairement au ministre,
dans notre cas, nous partons d'un pied différent puisque nous sommes
complètement d'accord avec l'ensemble des recommandations que fait le
CPQ à la commission ce matin. D'ailleurs, les recommandations du conseil
rejoignent la grande majorité des invités qu'on a entendus
à cette commission parlementaire et dont le moindre n'est sûrement
pas la Commission des droits de la personne dont on a déposé
l'avis hier et qui pose les mêmes interrogations que le Conseil ce
matin.
Je ne reprendrai pas l'ensemble des recommandations sur lesquelles nous
sommes d'accord, j'aimerais aborder brièvement parce que vous
avez passé tout le temps alloué au ministre pour en parler
le sujet de la loi-cadre vs la loi spécifique. D'abord, nous sommes
d'accord, bien entendu, que le référendum, même lorsqu'on
veut en parler à titre d'outil de la démocratie pour l'ensemble
des Québécois et l'ensemble des Canadiens, est celui sur l'avenir
constitutionnel du Québec. Comme vous, nous sommes enclins à
croire que tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas disposé de ce
référendum spécifique, il est illusoire de penser qu'on
pourra faire porter la discussion sur la consultation populaire en
général.
Si j'ai bien compris votre mémoire, M. Dufour, vous vous opposez
d'abord à l'adoption d'une loi-cadre et vous dites, par contre, que si,
par hasard, le gouvernement décidait d'en faire une loi-cadre, vous
préféreriez la voir adopter une fois qu'on aura rodé des
règles spécifiques, au moment d'un référendum
spécifique sur l'avenir constitutionnel. Ai-je bien compris?
M. Dufour: C'est exact.
M. Gratton: On a souligné tantôt, du
côté du ministre, la difficulté je pense qu'il y a
une contradiction dans ce qu'a dit le ministre tantôt lorsqu'il a
prétendu qu'on devrait avoir une loi-cadre plutôt qu'une loi
spécifique pour le gouvernement de s'engager sur le
résultat. Bien entendu, à ce moment-là, le ministre
parlait du référendum sur l'avenir constitutionnel.
Je vous demande, M. Dufour, si on tenait un référendum
à partir d'une loi-cadre sur le port obligatoire de la ceinture de
sécurité, par exemple, si, à votre avis, le gouvernement
ne pourrait pas se lier d'avance au résultat de cette consultation.
M. Dufour: Ce qu'on dit dans notre mémoire, c'est que ce
qui nous paraît, dans notre régime constitutionnel, donner une
certaine valeur à un référendum, c'est l'engagement,
même s'il a un caractère consultatif préalable du
gouvernement vis-à-vis des résultats; sans cela, cela n'a aucune
valeur comme telle.
Etant donné que notre cadre constitutionnel juridique ne permet
pas d'utiliser cet outil, si on le fait, on utilise à ce
moment-là un outil qui est purement politique. Si on ne s'engage pas
préalablement vis-à-vis des résultats, à ce
moment-là, c'est la consultation pour de la consultation. Que ce soit le
référendum sur la souveraineté-association ou tout autre,
quant à nous, il nous apparaît essentiel qu'un gouvernement, quel
qu'il soit, s'engage vis-à-vis des résultats.
Mettons qu'il s'engagerait vis-à-vis des résultats; cela
commande quand même à ce moment-là certaines dispositions.
C'est pour cela qu'on tombe sur une certaine mécanique, à savoir
le taux de participation qui sera requis, la majorité,
éventuellement, qui sera requise. Cela nous paraît devoir
être déterminé au préalable.
M. Gratton: Et déterminé en étant inscrit
dans une loi qui serait nécessairement une loi spécifique pour le
sujet sur lequel on veut consulter la population.
M. Dufour: D'accord.
M. Gratton: En fin de compte c'est un argument. Mais, pour
revenir à ma première question, est-ce qu'à votre avis il
y a un empêchement quelconque, pour le gouvernement du Québec, de
s'engager d'avance vis-à-vis du résultat d'une consultation
populaire sur l'énergie nucléaire, sur la ceinture de
sécurité, sur quelque autre sujet dans le domaine de
l'éducation, par exemple, qui est de juridiction exclusivement
québécoise?
M. Dufour: C'est-à-dire que le référendum,
pour nous, n'est pas un outil législatif. Je pense que cela est clair
pour tout le monde, on s'entend la-dessus. L'utilisant comme outil consultatif,
politique, il n'y a rien quant à nous qui empêche le gouvernement
de s'engager préalablement vis-à-vis des résultats et, on
va plus loin, on dit: II doit le faire. Sans cela c'est un outil qui n'a aucune
valeur.
M. Gratton: Le point que je voulais faire ressortir c'est
qu'effectivement, si on procédait par l'adoption d'un projet de loi
spécifique sur chaque sujet qu'on veut soumettre à la
consultation populaire, il serait possible, à ce moment-là, au
gouvernement, d'inscrire dans ce texte de loi spécifique les conditions
quant au taux de participation, quant à l'interprétation des
résultats et dire d'avance dans le projet de loi jusqu'à quel
point le gouvernement serait engagé par le résultat.
M. Dufour: Là, M. le Président, il faudrait
référer cette question à des avocats, sur la question
précise à savoir si dans une loi spécifique le
gouvernement peut s'engager à respecter les résultats; je ne sais
pas. Sûrement que dans la loi spécifique on peut prévoir
les mécanismes de participation, mécanismes de majorité
requise, mais
vis-à-vis de l'engagement dans la loi spécifique... C'est
qu'en Grande-Bretagne, comme le souligne Me Gaudet, l'engagement était
pris dans le livre blanc, non pas dans la loi.
M. Gratton: II n'y a rien qui empêcherait de le faire dans
une motion.
M. Dufour: Mais en fait c'est que ce qu'il faut penser c'est
toujours l'objectif politique. Si c'était dans le livre blanc ici, cela
aurait le même effet, mais il n'y est pas. C'est ce qu'on se demande,
pourquoi n'y a-t-il pas un engagement préalable?
M. Gratton: Je présume que c'est parce que le
gouvernement, en parlant d'une loi-cadre plutôt que d'une loi
spécifique, considère que le taux de participation, par exemple,
sur un sujet comme l'énergie nucléaire serait bien
différent de celui qu'on aura sûrement sur l'avenir
constitutionnel du Québec. C'est une autre raison, à mon avis,
qui milite en faveur d'une loi spécifique pour chaque
référendum plutôt que pour une loi-cadre. D'ailleurs, il y
a d'autres éléments qui, selon le livre blanc même, devront
être déterminés. Il y a la question, en tout cas, qui elle
devra être adoptée de façon différente à
chaque référendum.
Le livre blanc fait aussi allusion à la participation
financière de l'Etat qui pourrait, selon les termes du livre blanc,
être discutée et adoptée à l'Assemblée
nationale en même temps. On parle maintenant des critères quant au
taux de participation et à l'engagement du gouvernement. L'exemple de
l'Australie que nous a cité le ministre, dans une loi-cadre on indique
un taux, si j'ai bien compris, est-ce qu'il s'agit de la participation
financière du gouvernement, en Australie, ou s'il s'agit de la limite de
dépenses à un cent par électeur?
M. Dufour: II s'agit de la limite de dépenses.
M. Gratton: De la limite de dépenses. Alors tous ces
éléments sont des éléments qui pourraient faire
l'objet d'un projet spécifique, à chaque occasion, et qui, en
plus, auraient l'avantage d'être soumis aux mêmes règles de
procédure qu'à l'Assemblée nationale lors de l'adoption
d'un projet de loi. Ce qui permettrait au gouvernement de ne pas devoir limiter
d'avance le débat.
M. le Président, sur la formulation de la question, vous proposez
la formation d'un comité, mais vous n'avez pas indiqué
très clairement tout au moins dans le résumé de
votre mémoire qui pourraient être les membres de ce
comité de travail. Avez-vous des précisions à apporter de
ce côté?
M. Dufour: Dans notre mémoire, M. le Président, on
fait une suggestion précise sur cette rédaction de la question.
On dit: Ainsi, même s'il n'y est pas obligé juridiquement, il
paraîtrait plus sain que le gouvernement institue d'abord un
comité ad hoc de travail, le plus impartial possible, auquel il
confierait le mandat d'analyser les opinions des citoyens sur le sujet en
cause, de faire des re- commandations et de rendre public son rapport. Par
définition, quand on parle du plus impartial possible, c'est
évident qu'on le situe à l'extérieur des membres de
l'Assemblée nationale. Ce pourrait être une personnalité
très bien connue, acceptable par les différents partis
politiques, qui présiderait un comité composé de certains
spécialistes de la question et qui ferait rapport, à ce moment,
au gouvernement. Précisons immédiatement que le gouvernement, le
Conseil exécutif ne recevrait évidemment ce rapport qu'à
titre consultatif, c'est bien sûr.
M. Gratton: Alors, vous voyez le gouvernement les nommer et
recevoir le rapport, plutôt que l'Assemblée nationale les nommer
et recevoir le rapport?
M. Dufour: Oui, on a opté pour le gouvernement, c'est une
prérogative qui nous apparaissait relever du gouvernement.
M. Gratton: Est-ce que, dans l'ensemble du problème que
pose la formulation de la question, vous considérez quelle que
soit la formule adoptée par la loi éventuellement, que ce soit le
dépôt d'une motion à l'Assemblée nationale ou
l'inclusion de la question dans un projet spécifique qu'il serait
avantageux ou souhaitable qu'une commission parlementaire comme celle-ci soit
tenue pour entendre les intéressés?
M. Dufour: Au départ, on suggère que le
débat de 25 heures qui est prévu au livre blanc soit beaucoup
plus long. Je pense bien qu'il appartiendrait aux parlementaires, à ce
moment, de décider s'il y a nécessité d'aller en
commission parlementaire ou pas, parce qu'il est possible, si on est optimiste,
que la question soit tellement claire que finalement il n'y ait pas tellement
de débat. Je pense qu'on ne devrait pas, de façon automatique,
passer par le processus d'une commission parlementaire, mais, en termes de
fonctionnement de l'Assemblée nationale, vous pouvez toujours demander
une commission parlementaire, au niveau de l'Opposition. Est-ce qu'il faut la
prévoir dans le mécanisme? Je ne le pense pas.
M. Gratton: Je pense qu'on est tous d'accord avec l'objectif de
retrouver sur la formulation de la question, tout au moins, le plus grand
consensus possible. Cela implique consensus des députés, à
l'Assemblée nationale, autant que consensus dans la population en
général. Si le gouvernement devait proposer la formulation d'une
question tellement claire, tellement limpide que personne ne s'interroge sur sa
valeur, à ce moment, j'imagine qu'il n'y a personne qui viendrait en
commission parlementaire, pas plus qu'on aurait besoin de 25 heures pour en
débattre à l'Assemblée nationale. On pourrait l'adopter
sur simple présentation. Par contre, si la proposition du gouvernement
n'est pas aussi claire, n'est pas aussi limpide, est-ce qu'il n'y aurait pas
lieu de prévoir un mécanisme autre que celui de l'adoption d'une
motion en
Chambre pour faire siéger une commission? Parce que c'est encore
le gouvernement qui mène à ce moment puisqu'il a la
majorité. Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu, justement, de le
prévoir, ce mécanisme? Quitte à ne pas l'utiliser si tout
est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
M. Dufour: Je vais vous répondre à partir de notre
conception de base, qui est une loi spécifique et non pas une motion. Si
on part du fait que c'est une loi spécifique, je pense qu'à ce
moment il faut faire fonctionner l'Assemblée nationale comme elle
fonctionne normalement. Je ne pense pas que l'on prévoie, quel que soit
le gouvernement, lorsqu'on doit déposer un projet de loi, qu'on annonce
dans certains cas on l'annonce qu'il y ait, dis-je,
nécessairement une référence automatique à une
commission parlementaire. C'est après l'adoption en première
lecture d'un projet de loi que l'on va souvent s'entendre, sur décision
du gouvernement ou à la demande des partis de l'Opposition, pour le
déférer en commission parlementaire. Dans un concept d'une loi
spécifique, je pense qu'à ce moment-là on doit faire jouer
le déroulement normal des procédures de l'Assemblée
nationale.
M. Gratton: Par extension, vous verriez la question incluse dans
le projet de loi, à ce moment-là?
M. Dufour: Oui.
M. Gratton: C'est ma dernière question sur la formulation
de la question. On doit supposer qu'elle ne serait pas incluse dans un projet
de loi. Si elle l'était, ce sont les règles normales de
procédure et cela, j'en conviens avec vous, même si
personnellement je préférerais que le gouvernement s'engage
à tenir une commission parlementaire avant l'adoption en deuxième
lecture. Mais, en supposant que c'est une motion, est-ce qu'à ce
moment-là vous n'en faites pas mention dans votre
résumé, en tout cas la majorité simple vous
apparaît suffisante pour établir le consensus large dont on parle?
Quelles sont vos idées sur la proposition que la question soit
adoptée par une majorité des deux tiers des
députés?
M. Dufour: Lorsque le Conseil du patronat se présente
devant une commission parlementaire, il n'entend jamais jouer le rôle
d'un législateur. Il a posé les questions du type de celles dont
on parle, à savoir le taux de participation, la majorité requise,
mais, quant à l'aspect technique, on a suivi, comme tout le monde, les
suggestions qui ont été faites récemment, à savoir
qu'il devrait y avoir un pourcentage de participation de la population de 66 et
2/3. Dans certains cas, en Grande-Bretagne, cela a été la
majorité simple. Cela ne nous apparaît pas notre rôle. Ce
qu'on veut voir, c'est l'importance de ces questions, laissant au
législateur le législateur comprenant les partis
d'Opposition le soin de déterminer de façon précise
ces modalités. Ce que nous disons, c'est qu'on ne peut pas
échapper à ces modalités. Maintenant, quel type de
participation, quelle majorité? Cela ne nous apparaît pas notre
rôle de définir cela.
M. Gratton: Nous, de l'Opposition, sommes peut-être plus
enclins à y penser que vous, étant placés dans une
situation de minorité, d'autant plus que les précédents
existent pour la nomination, par exemple, du Protecteur du citoyen et pour bien
d'autres gestes que doit poser l'Assemblée nationale en fonction de
l'objectivité des nominations, etc. Je n'insisterai pas
là-dessus. Une dernière question. J'en aurais beaucoup plus, mais
je laisserai à mon collègue de l'Union Nationale le soin de les
compléter. Dans votre conclusion, vous dites que "l'objectif du
gouvernement d'assurer l'égalité des chances entre les diverses
options en présence est en soi excellent. Mais nous estimons que la
procédure prévue ne représente sans doute pas le meilleur
moyen, ni le seul moyen de l'atteindre". Pouvez-vous nous livrer le fond de
votre pensée sur ce que pourraient être les autres moyens,
à part celui proposé dans le livre blanc?
M. Dufour: On comprend que c'est une suggestion faite par le
gouvernement. On dit que ce n'est sûrement pas le meilleur moyen, non pas
notamment quant aux organismes-parapluies; il peut y en avoir trois ou quatre.
Ce n'est pas tellement le principe de ces organismes-là qui nous
"achale"; ce sont les contraintes à l'intérieur desquelles on les
situe, contraintes de contrôle des dépenses et de contrôle
de l'information.
Quand on dit que ce n'est sûrement pas le meilleur moyen, on a
l'impression que la liberté d'information doit prévaloir à
l'occasion d'un référendum comme en tout autre occasion et que le
meilleur moyen d'arriver à une plus grande information du public et
à une meilleure diffusion de cette information, ce n'est sûrement
pas en établissant les contrôles que l'on propose dans le livre
blanc. Dans ce sens-là, il y a sûrement d'autres moyens d'assurer
une information très honnête de la population, sans brimer ce qui
nous paraît être des libertés fondamentales.
M. Gratton: D'ailleurs, dans ses réflexions
préliminaires, la Commission des droits de la personne propose en fait,
qu'à ce point de vue là on s'inspire de l'exemple britannique et
qu'entre autres on étudie, d'abord, la possibilité de publier et
de distribuer, sous la responsabilité et avec l'accord des options en
présence, une brochure explicative sur chacune des options
proposées par le référendum, et ensuite la
possibilité d'attribuer des périodes de temps égales
à la radio et à la télévision à toutes les
parties en présence. Est-ce que ce seraient là, selon vous, des
moyens susceptibles d'atteindre l'objectif?
M. Dufour: Sur la question de l'information, nous pensons que le
gouvernement devrait faire une distinction entre ce qu'il est, comme
gouvernement, et ce qu'il est, comme parti, et que l'information qui est
transmise à la population, à par-
tir de l'appareil administratif de l'Etat, devrait être absolument
neutre, et que cette information devrait surtout essayer de préciser,
vis-à-vis de la population, ce qu'est un référendum. On a
beau dire que cela se rapproche de très près de la
procédure normale d'élection, c'est en partie vrai, mais, par
exemple, on ne rencontrera pas, dans les différents bureaux de scrutin,
des représentants des partis politiques comme on l'a dans une situation
ordinaire de campagne électorale. Alors, ce sont tous des
phénomènes qui seront nouveaux pour la population.
Le rôle du gouvernement devrait se limiter vraiment à une
information de base de la population, et on va plus loin, aussi, dans notre
mémoire, en soulignant un petit peu ce qui s'est fait en
Grande-Bretagne. Même le premier ministre et les ministres se sont
abstenus, finalement, d'aller vraiment en campagne d'information pour ne pas
mélanger le rôle administratif et le rôle politique, donc,
l'information de base.
Quant à la diffusion de l'information pour les tenants d'une
option, dans l'hypothèse où il n'y a qu'un oui et qu'un non,
donc, deux options, on n'a rien contre ce qui s'est passé en
Grande-Bretagne, à savoir, à partir aussi de l'appareil
administratif de l'Etat, une diffusion des options auprès de la
population. Mais cela n'exige pas de mettre sur pied les organismes parapluie
dont on parle dans le livre blanc.
M. Gratton: Quand vous parlez de la nécessité, pour
le gouvernement, de demeurer neutre, en parlez-vous surtout au moment où
il s'agit strictement d'une consultation populaire à caractère
strictement consultatif, ou si, en supposant que le gouvernement se soit
engagé de façon formelle sur les critères, quant à
l'interprétation et le taux de participation et tout cela, vous
insisteriez autant pour que le gouvernement demeure aussi neutre?
M. Dufour: Je ne comprends pas exactement le sens.
M. Gratton: A la lecture du résumé de votre
mémoire c'est peut-être une mauvaise interprétation
que j'ai faite mais vous dites, au tout début...
M. Dufour: A la page 4, quand on parle du caractère
consultatif et où on dit que le gouvernement doit s'engager à
accepter les résultats, on lui dit que, comme il utilise un outil
politique, la seule valeur et on revient au débat de tantôt
d'un référendum, c'est de s'engager vis-à-vis des
résultats, mais cela ne l'engage pas, comme gouvernement.
M. Gratton: D'accord.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M.
Dufour.
M. Dufour: II peut ne pas démissionner, même si,
finalement, les résultats lui étaient défavorables.
Même s'il s'est engagé à respecter les résultats, il
ne donnera pas suite à ce pourquoi on a fait le
référendum, mais cela ne l'engage pas nécessairement,
politiquement, comme gouvernement.
M. Gratton: D'accord. Nous vous remercions infiniment, M. Dufour,
de même que vos collaborateurs.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Gatineau. M. le député de
Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. Je veux d'abord
remercier M. Dufour et son équipe, également, du mémoire
qu'ils nous ont présenté aujourd'hui et qui présente assez
clairement, je pense, leur point de vue sur la question. Vous établissez
que vous ne voulez pas, d'abord, d'une loi-cadre comme telle, que vous
préféreriez des lois spécifiques sur des sujets
donnés, dans le but, après avoir connu l'expérience de
différents référendums, par après, d'établir
une loi-cadre qui serait le fruit de cette expérience, d'une part.
D'autre part, vous dites que vous êtes d'accord sur les grands objectifs,
mais d'une façon très générale, dans le livre blanc
qui est présenté sur la consultation populaire, mais en ce qui
concerne les mécanismes, que vous avez beaucoup de réserves, et
même, vous êtes tout à fait contre certains de ces
mécanismes.
Vous établissez également que vous êtes pour ce que
nous avons appelé dans les propositions que l'Union Nationale a faites,
un conseil du référendum. Il serait chargé, de la
façon la plus impartiale possible, de formuler la question et la
présenter éventuellement à l'Assemblée nationale.
Disons qu'en ce qui me concerne certaines questions que j'avais à ce
sujet ont été posées et on a eu une réponse.
Seulement, j'aimerais revenir sur certains points de façon
peut-être plus particulière.
Vous avez mentionné tout à l'heure qu'on ne peut pas
dissocier des discussions actuelles de cette loi-cadre des
référendums la question du référendum. Je pense
que, lorsque vous soulignez cela, vous faites état d'une
réalité qui est véhiculée dans le public et qui
pouvait se retrouver même ici au début de la commission; c'est
d'ailleurs pour cela que le président avait pris soin de
démarquer la ligne des discussions de façon particulière.
Il avait indiqué qu'on s'en limitait à discuter strictement la
question de la loi-cadre et qu'on n'entrait pas dans une discussion
précise de l'un ou l'autre des sujets. Mais je pense que la question est
quand même chargée à côté par cet
élément.
Cependant, dans cette question, je serais porté peut-être
à vous faire remarquer au point de départ que, si dans le public,
d'une façon générale, les deux peuvent être
actuellement associés, ce n'est peut-être pas le rôle du
législateur jusqu'à un certain point d'entrer sur ce terrain et
de jouer également peut-être cette carte d'association des deux
questions de la loi-cadre et de la loi d'un ré-
férendum spécifique, en l'occurrence celui sur
l'éventuel avenir constitutionnel du Québec. Je pense que cela ne
ferait qu'accentuer cet élément d'émotivité qui
peut risquer peut-être de changer l'orientation des débats.
Je serais porté à vous demander ceci, dans le sens de
cette remarque que je vous fais à ce stade-ci. Le Québec n'a pas
encore, je dirais, cette tradition référendaire, non pas en
termes d'une loi, mais dans l'utilisation de certains mécanismes.
Autrement dit, le citoyen n'est déjà pas habitué à
dissocier la loi-cadre d'une loi spécifique. Ne croyez-vous pas que cela
serait procéder par l'inverse, le fait de vouloir établir d'abord
une loi spécifique justement parce que les gens n'y sont pas
habitués? Cela n'est-il pas le moment peut-être
privilégié, dans le contexte actuel du Québec, de nous
donner un grand cadre général, déchargé, autant que
faire se peut du moins ici on l'essaie au maximum de toute
émotivité? N'est-il par le moment d'établir, autrement
dit, toute la tuyauterie et ensuite d'arriver près des citoyens et dire:
Voici, maintenant que la mécanique est établie, on vous demande,
sur tel sujet, de vous prononcer? Au lieu de mener les deux de front.
J'aimerais peut-être que vous me fassiez le point sur votre
opinion, sur l'opinion également des organismes que vous
représentez, dans l'optique de cette tradition
référendaire qui n'est pas établie chez nous. Le
législateur, lui, doit peut-être avoir comme première
préoccupation de "démotiver", si vous me permettez l'expression,
quel que soit le sujet du référendum, qu'il soit nucléaire
ou autre, de "démotiver" la question de l'utilisation éventuelle
d'un référendum suite a une loi-cadre.
M. Dufour: A ce que je comprends, M. le Président, dans
votre intervention, c'est qu'il y a déjà une loi-cadre et
après vous arrivez à une loi spécifique?
M. Brochu: C'est-à-dire que le livre blanc va
éventuellement déboucher sur une loi-cadre. D'accord? Ensuite
elle donnera lieu à un projet de référendum
spécifique sur une question. Mais vous nous dites aujourd'hui: Avant
d'adopter une loi-cadre, on est d'accord avec les grands objectifs de la
consultation populaire, on demande au gouvernement, d'abord, de faire une loi
spécifique sur un sujet donné, en particulier celui, par exemple,
du référendum.
Je vous dis dans ma remarque qu'il n'y a pas cette tradition
référendaire chez les citoyens du Québec, qu'ils sont
déjà portés à associer les deux. Mettez-vous un peu
dans nos souliers, le rôle du législateur n'est-il pas à ce
stade-ci pour éviter toute ambiguïté et pallier
l'absence de cette tradition référendaire sa
responsabilité n'est-elle pas de créer un grand cadre de
discussion, d'établir, comme je le disais tantôt, la tuyauterie
avant de mettre en application une loi spécifique sur quelque sujet que
ce soit?
M. Dufour: M. le Président, si le député
n'avait pas, au départ, précisé la position de l'Union Na-
tionale, je comprendrais qu'à ce moment il appuie le livre blanc. Mais
nous disons, comme on l'a mentionné à M. Burns tantôt, que
nous ne voulons rien savoir d'une loi-cadre. On pourrait peut-être
s'interroger sur la question de loi générale, mais notre option
très nette, et indépendamment de ce qui se passe dans la
population actuellement, au niveau des confusions entre les deux, qu'on doit
d'abord commencer par la loi spécifique.
C'est une question de principe pour nous. On ne donne pas une loi-cadre
tant et aussi longtemps qu'on n'a pas vécu certaines situations. Vous
auriez beau, je pense, discuter en termes très généraux de
la loi-cadre des référendums, dans la population on aurait
toujours l'impression que vous discutez du projet de loi sur la
souveraineté-association ou l'indépendance du Québec.
M. Brochu: Mais prenons-le à partir des derniers propos
que vous venez de tenir. On dit: Déjà les gens l'associent. C'est
une réalité, c'est un fait. Mais imaginons-nous, aujourd'hui,
dans le cadre de cette même commission parlementaire, en train de
discuter de la loi générale et en même temps d'un
référendum particulier, soit celui auquel vous faites allusion
immédiatement, où là, la situation serait chargée
de beaucoup plus d'émotivité qu'elle ne l'est actuellement,
puisqu'elle l'est déjà, et qu'on essaie de la dissocier au point
de départ.
Si, par exemple prenons un cas pratique au moment
où on est en train de discuter du mécanisme de la loi pour le
référendum, on discute en même temps de qui sera greffier,
des montants qui vont être accordés, de qui va relever chaque
comité et ces choses-là, imaginez-vous les difficultés de
faire le joint dans cela et d'arriver à une loi qui se tienne et qui
nous donne le plus de chances possible de se donner un outil
démocratique qui en soit un peu le reflet et qui aboutisse vraiment
à ses fins. Autrement dit, il s'agit de ne pas tout mélanger dans
le même pot; l'élément d'émotivité, je le
considère de façon particulière.
Je vous donne juste un exemple pour le "fun" là-dessus. Au
début de la semaine, lundi ou mardi, vous avez vu dans les journaux,
qu'on a fait le point sur l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement
depuis un an. D'accord? C'était une date commémorative. Pour
certains c'était peut-être décaler de quatre jours le jour
du souvenir et pour d'autres un anniversaire, mais quoi qu'il en soit, on a
fait le point. Je prends le journal et je regarde le point qui était
fait par les deux premiers ministres, et celui du Canada et celui du
Québec.
Le premier ministre du Québec déclare que la situation
économique qui ne va pas très bien tout le monde l'admet
et il l'a dit, à ce moment servira éventuellement pour
prouver le bien-fondé de l'éventuelle séparation ou
souveraineté-association, appelez cela comme vous voudrez. D'accord? De
l'autre côté, dans la page voisine, vous avez le premier ministre
du Canada qui déclare, lui, que la même situation
économique désastreuse va lui servir beaucoup pour
démontrer que l'avènement du Parti québécois au
gouvernement a été une chose néfaste et que le
référendum est mauvais. On voit déjà
où cela s'oriente et que cela va être finalement sur le dos des
citoyens que ce débat va se dérouler. Déjà, on
s'accroche là-dedans. Alors, comment voudriez-vous sortir de cela si
déjà, alors qu'on n'a même pas commencé le
débat, on utilise à toutes les sauces possibles et imaginables un
contexte qui n'est même pas tout à fait créé? Le
débat est lancé, ne nous le cachons pas. C'est un fait, c'en sont
des exemples. Mais déjà, par le fait qu'il est lancé et
par le fait - passez-moi l'expression qu'on charrie toutes les
situations comme cela à ses fins, de part et d'autre, qu'est-ce que ce
serait s'il fallait en même temps qu'on discute des deux questions? C'est
dans cette optique.
M. Dufour: M. Tremblay.
M. Tremblay (Jacques): Rappelons seulement là-dessus notre
position. Quand vous parlez d'une loi-cadre, c'est-à-dire d'une loi qui
définit un secteur d'activité et qui laisse au pouvoir de
réglementation le soin de déterminer les mécanismes
d'application et, jusqu'à un certain point, le cas particulier d'un
référendum, dans cette conception d'une loi-cadre, notre position
est rigoureuse: c'est un non en principe.
Quand vous parlez du choix, pour en venir à un
référendum sur l'indépendance, entre la voie qui passerait
par deux lois, d'abord une loi générale et ensuite une loi
spécifique, notre choix est pratique. Il semble beaucoup plus sain,
beaucoup plus juste et probablement beaucoup plus utile d'aborder cette
question du référendum auquel on pense et de voir quel est le
meilleur moyen d'y parvenir.
Cependant, on ne peut pas avoir d'objection de principe à avoir
une loi générale sur les référendums, si vous
parlez d'une loi générale. Mais si vous parlez d'une loi-cadre,
c'est-à-dire une loi qui donne des pouvoirs de réglementation,
qui laisse donc ensuite le pouvoir de définir quel sera le vrai contenu
de cette loi, quel sera l'usage qu'on en fera, là, notre non est un non
de principe.
La technique de définir une loi générale et,
ensuite, une loi spécifique nous paraît un détour qui n'est
probablement pas nécessaire, ni très pratique dans les
circonstances. Là-dessus, vous pouvez avoir une opinion ou une autre.
C'est un choix pratique et ce n'est pas facile de régler cela au
couteau; cela ne se règle pas au couteau. Votre opinion semble aller
dans l'autre sens. On ne peut guère en dire plus.
M. Brochu: J'essaie surtout de faire ressortir différents
éléments là-dedans pour vous faire clarifier votre
position aussi.
M. Tremblay (Jacques): Précisons bien que la loi-cadre, au
sens où elle laisse un pouvoir de réglementation dans le cas du
référendum ou, comme on l'a déjà dit, dans d'autres
situations, reçoit de notre part un non de principe; mais une loi
générale sur les référendums ne reçoit pas
de non en principe. On croit simplement que, dans le contexte très clair
où nous sommes présentement, où nous attendons et
où nous nous préparons tous à un référendum
sur le statut constitutionnel du Québec, il y a une manière
d'opération de diversion, qui n'est pas utile, à rechercher une
loi générale. De toute façon, on sait que dans la pratique
la loi générale, qu'on réutilisera dans trois ans, dans
quatre ans ou dans cinq ans, sera probablement amendée en cours de
route.
M. Brochu: Elle sera modifiée, comme vous le disiez tout
à l'heure. Je pense qu'il est important que vous établissiez,
dans votre conception, cette nuance que vous faites entre la loi-cadre comme
telle et la loi de portée générale.
Pour continuer sur le sujet, dans l'optique du livre blanc tel qu'il est
actuellement oublions la loi générale et la question de la
loi-cadre seriez-vous davantage porté à être en
faveur du contenu du livre blanc tel qu'il est actuellement je parle au
niveau de ses mécanismes si, par exemple, le gouvernement vous
garantissait que la première expérience qui sera tentée
avec le livre blanc sera sur un sujet autre que celui de l'avenir
constitutionnel du Québec? Là-dessus, je sais qu'il y a eu
différentes positions de faites. Je sais que M. Biron a demandé
en Chambre, la semaine dernière, qu'on fasse l'essai avec le projet de
loi no 67, par exemple, sur l'assurance automobile et qu'on mette à
l'épreuve cet outil.
Si on mettait cet outil en usage sur un autre sujet que celui de
l'avenir constitutionnel du Québec, est-ce que vos positions seraient
différentes de celles que vous nous présentez ce matin?
M. Dufour: De façon générale, non. Il ne
faut pas oublier les deux points majeurs qu'on fait ressortir quant aux
mécanismes, soit le contrôle des dépenses et le
contrôle de l'information, cette participation à
l'intérieur d'un organisme-parapluie. Si, demain, on avait à
appliquer un référendum sur quelque sujet que ce soit,
l'assurance automobile, l'énergie ou autre chose, on retrouverait
toujours là-dedans toute cette philosophie de la participation des
citoyens intégrés à des grands organismes. Or, nous
disons: Nous avons un fonctionnement démocratique au Québec qui
s'exprime de mille et une façons et ce n'est pas possible de le cadrer
comme on semble vouloir le faire ici.
Comme organisme, comme Conseil du patronat, nous nous sentons ici
contraints au plan de la liberté d'expression. Il faudra, de
façon automatique, s'intégrer à l'organisme X, selon notre
option, mais, à ce moment-là, nous devrons partager les
aléas de toute cette organisation. Même plus, comment pourra-t-on
interpréter quelque réaction qu'on pourrait avoir sur quelque
tribune possible et imaginable à l'intérieur d'une proposition
comme celle-là? En fait, on va tous être des hors-la-loi dans le
temps de le dire, parce qu'on s'exprime tous. Cela fait dix ans ou vingt ans
qu'au Québec on nous dit: Exprimez-vous! Allez-y comme population!
Là, on arrive et on nous dit l'inverse. On nous fait passer par un canal
et tout
le monde de la même façon. Pas plus pour un autre
référendum que pour celui auquel on pense.
M. Brochu: Ce point-là de l'expression des libertés
individuelles vous paraît comme un point fondamental.
M. Dufour: C'est fondamental.
M. Brochu: II faut s'attabler immédiatement pour corriger
la situation et pour éviter que cela n'aille à l'encontre
ce sont des mots qu'on utilise couramment des droits acquis et des
droits fondamentaux des citoyens dans une société libre. C'est
dans cette optique-là?
M. Dufour: C'est dans cette optique.
M. Brochu: D'accord. Sur un autre point, en ce qui concerne
l'engagement moral du gouvernement face à un éventuel
référendum. Simplement une remarque d'ordre
général. J'ai été content que vous souligniez cet
aspect dans le mémoire, parce que même si, dans certains textes de
loi concernant un référendum spécifique, on ne peut pas
l'inclure comme tel, je pense que ce serait porter atteinte à la
confiance éventuelle que les gens pourraient avoir aussi dans un
éventuel référendum que le gouvernement ne se sente pas
lié, au point de départ, par cette réponse que les gens
lui donneront sur un sujet donné. Lorsqu'on se place dans l'optique de
la tradition référendaire dont je parlais tout à l'heure,
j'étais content que vous souligniez ce point, si on part de travers
là-dedans autrement dit on demande aux gens: Qu'est-ce que vous
pensez de tel sujet? si le gouvernement peut faire le contraire ou
prendre une position différente en disant que c'était tout
simplement consultatif, je pense qu'on commence rétablissement de cette
tradition de façon fort douteuse. Comment allons-nous demander à
nos concitoyens, dans d'autres référendums subséquents, de
se déplacer pour se prononcer sur des questions, s'ils ont l'impression
nette et claire que leur opinion est plus ou moins importante? Cela reviendrait
plutôt à un jeu de scène ou à un coup de
théâtre qu'on pourrait faire où on demande aux gens de
participer de façon simplement figurative pour que le décor soit
complet.
M. Dufour: Vous avez parfaitement raison sur le dernier point.
Si, finalement, vis-à-vis du résultat d'un premier
référendum, on faisait toute autre chose, il est bien
évident que le deuxième ou que le troisième ne donnerait
pas grand-chose. Mais sur la question peut-être plus technique que vous
abordez à nouveau, à savoir est-ce qu'on peut l'inscrire ou pas
dans la loi spécifique, on a dit: il faudrait regarder cela au niveau
des contentieux concernés, mais il y a probablement une
possibilité dans les préambules. Ce n'est pas dans le texte de
loi comme tel ou dans les définitions. Mais si vous regardez, par
exemple, la Charte de la langue française, vous avez quand même un
préambule qui établit très clairement l'orientation
gouvernementale et sa philosophie de base. Et vous l'avez dans d'autres projets
de loi ou dans d'autres lois, alors c'est peut-être une façon de
l'exprimer en préambule d'une loi.
M. Brochu: S'il n'est pas contenu dans les articles comme tels,
je vous rejoins là-dessus qu'il y ait un engagement formel. Vous vous
prononcez dans un sens peut-être plus large que ce que les vieux
appelaient autrefois la parole donnée, mais écrite, avant le
texte de loi quand même, qu'il y ait un engagement formel d'écrit
pour que le gouvernement soit, en quelque sorte lié, de ce
côté-là. Je pense qu'il y a aussi la question de la
perception du gouvernement par les citoyens, dans ce sens. Cela joue des deux
côtés.
Maintenant, pour aller plus loin, il y a une question qu'on n'a pas
abordée et sur laquelle j'aimerais entendre votre point de vue, c'est
concernant les référendums à plusieurs coups ou à
un coup, les référendums répétitifs sur un
même sujet ou non. Je vous le souligne en passant, c'est un point de vue
que j'ai exprimé dès le début de la commission
parlementaire qu'un gouvernement ne devrait pas, par exemple, revenir sur une
même question, par un référendum, au cours d'un même
mandat. Prenez la question nucléaire, prenez la question de
l'éventuel statut du Québec dans la Confédération
ou non, que le gouvernement ne puisse pas revenir tous les six mois ou tous les
ans sur la même question. Est-ce que le Conseil du patronat s'est
penché sur cette question, et de quelle façon entrevoyez-vous
cette question?
M. Dufour: C'est une question sur laquelle on ne s'est pas
penché. C'est déjà assez compliqué de regarder la
loi-cadre ou générale versus une loi spécifique et penser
que, sur un sujet donné, il pourrait y en avoir deux ou trois, et comme,
de toute façon, on pense toujours au même
référendum, on n'a pas voulu aller jusque là.
M. Brochu: Très bien. Alors vous n'avez pas d'avis
à nous donner à ce sujet-là pour le moment. Est-ce que M.
Tremblay a quelque chose à ajouter?
M. Tremblay (Jacques): Sur le point que vous avez soulevé
à propos de la possibilité qu'il y ait un
référendum d'essai avant le référendum sur
l'indépendance, ce n'est pas une question qu'on étudie comme
telle. Par ailleurs, nous répétons, depuis un an, qu'il est
important d'organiser le référendum sur l'indépendance le
plus tôt possible, ce qui exclut l'hypothèse d'un
référendum d'essai en cours de route.
On sait que cette question de l'indépendance et l'incertitude
qu'elle crée a des conséquences avec lesquelles il faut vivre au
jour le jour. Il y a une espèce d'hypothèque à lever et
nous souhaitons, nous l'avons répété souvent à
d'autres moments et sur d'autres sujets, que cette hypothèque soit
levée le plus tôt possible.
Et à ce point de vue, évidemment, un
référendum d'essai nous paraîtrait une technique qui
n'aurait probablement d'ailleurs aucun avantage parce que vous auriez
probablement un sujet plus ou moins sérieux, simplement pour s'essayer.
Tout cela n'aurait probablement pas de sens. Je pense qu'il y a une
hypothèque sur la vie politique du Québec et que c'est
celle-là qu'il faut affronter franchement, directement et dans les
meilleures conditions possible. C'est à cela, d'ailleurs, que l'on
revient toujours quand on parle de la clarté de la question, d'attaquer
la loi sur ce référendum, etc. Alors une opération
d'essai, en cours de route, impliquerait un retard qui ne convient pas aux
positions qu'on a prises jusqu'à maintenant.
M. Brochu: Je vous remercie de ces précisions, M.
Tremblay.
Maintenant, une autre question à M. Dufour. Je la pose sous
réserve parce que c'est peut-être un peu dans l'optique de ma
première; vous ne vous êtes peut-être pas penchés sur
cette tuyauterie, comme telle, étant donné que vous avez
orienté votre mémoire dans un autre sens. Avez-vous
regardé la question qu'on touche dans le livre blanc, la question du
dépouillement? De quelle façon cela devrait-il être fait?
Est-ce que cela devrait être fait par comté, par région,
sur le plan national? Je vous pose cette question sous réserve,
peut-être que vous ne vous êtes pas penchés sur cette
question comme telle.
M. Dufour: On l'a regardée, c'est bien évident,
parce que c'est posé, comme question, dans le livre blanc et qu'il y a
eu, quand même, un certain nombre de commentaires là-dessus. On
n'a pas de proposition ferme à faire sur ce sujet, mais il se
dégage quand même un consensus que cela devrait au moins
être regroupé, pas nécessairement sur le plan provincial,
mais probablement au niveau des zones économiques, dans zones
administratives du gouvernement il y en a déjà une
douzaine. On devrait vraiment avoir un système de recoupage, pas
nécessairement sur le plan provincial, mais sur les dix ou douze
régions administratives. On n'a pas de suggestion ferme, sur cette
question, à faire au gouvernement.
M. Brochu: Est-ce que je dois comprendre, dans cette opinion
d'ordre général que vous me donnez, que vous incluriez le fait
que l'on ne doive pas organiser le mode de dépouillement du scrutin de
sorte qu'on puisse identifier par exemple en se servant de petits
secteurs restreints telle tendance de vote ou telle autre tendance de
vote, sur un sujet donné, dans un référendum?
M. Dufour: C'est exact, c'est un peu notre conception de base,
c'est qu'il faudra vivre la vie québécoise, au lendemain du
référendum. Il faut éviter de se placer dans des
situations qui rendraient peut-être certaines situations conflictuelles,
il faut éviter cela. Où qu'on soit, qu'on gagne ou qu'on perde,
il faut quand même vivre le lendemain. A ce moment, ce qu'on peut
éviter au maximum, évitons-le; c'est dans ce sens qu'on pense au
recoupage.
M. Brochu: Le dernier aspect que vous venez de souligner: Quels
que soient les référendums, quels que soient les sujets sur
lesquels ils portent, je pense qu'il ne faudra jamais perdre de vue cette
optique que, le lendemain, quels que soient les antagonismes où se
retrouvent les opposants, il faudra continuer à vivre le lendemain.
Sinon cela peut nous apporter des problèmes beaucoup plus graves, quel
que soit le sujet du référendum. Je pense qu'il faut garder cela
comme grand principe.
M. Dufour et votre équipe, cela résume les grandes
questions que je voulais vous poser. Comme je l'ai dit tantôt, d'autres
ont été posées et éclaircies. J'ai voulu faire
ressortir, par mes questions, certains éléments de votre dossier.
Je vous remercie du document important qui a été
présenté, au nom de l'Union Nationale. Merci.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Merci,
M. le député de Richmond. M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: Merci, M. le Président. Je tiens à
remercier le Conseil du patronat de son mémoire, qui touche les points
essentiels des questions qu'on se pose dans cette étude. J'ai des
réactions mixtes; je pense que vous avez certaines appréhensions,
face au livre blanc, que je partage, et d'autres que je ne partage pas pour un
certain nombre de raisons.
Je voudrais revenir sur la question de la loi-cadre. Je pense qu'on
s'est peut-être mal compris là-dessus; le terme loi-cadre est tout
à fait inapproprié ici; d'ailleurs le livre blanc parle de la
future loi de la consultation populaire. Je pense qu'il s'agit effectivement
d'une loi générale et non pas d'une loi-cadre. D'autre part, le
programme du parti, qui avait été adopté en 1968, dit
textuellement ceci, qu'on retrouvera, dans l'édition de 1975, à
la page 6: "Faire adopter une loi organique on parlait d'une loi
organique, donc une loi générale sur les
référendums garantissant que les options offertes seront claires
et distinctes, de formulation non ambiguë, permettant l'expression de
choix véritables." Cela avait été voté par le
congrès, au tout début, et cela a été
reconfirmé à chaque congrès subséquent du Parti
québécois.
Je pense que c'est dans cette optique qu'on se situe,
c'est-à-dire que la loi ne laissera pas ouverts des champs à
combler par règlement sur simple action du Conseil des ministres. Je
pense que c'est clair pour tout le monde. On ne peut pas, pour une chose de
cette importance, se permettre des ajustements de cet ordre. Les
modalités laissées libres par la loi organique ou par la future
loi sur la consultation populaire devront être précisées
soit dans une motion devant l'Assemblée nationale, comme le propose le
livre blanc, soit, comme le propose le Barreau, par une loi spécifique
à chaque référendum qui permettra de s'attarder aux
questions spécifiques à ce référendum. Je me
demande, dans ce contexte, avec ces précisions que je viens d'apporter,
si la démarche ne vous apparaît pas plus acceptable,
c'est-à-dire
qu'elle permet en plus et c'est un point qui n'a pas
été soulevé jusqu'à maintenant de faire en
sorte qu'une fois terminé ce débat sur la loi organique ou sur la
loi sur la consultation populaire, une fois terminé ce débat qui
va établir la tuyauterie, la plomberie, les mécanismes
généraux, comme ceux que nous avons dans la Loi électorale
et en s'inspirant également de la Loi électorale, une fois
terminé ce débat dis-je, nous pourrons à très
brève échéance en entreprendre un autre, mais là,
en se limitant aux questions centrales: Quelle est la question? Est-ce que le
gouvernement doit tenir compte de telle ou telle majorité ou tel
pourcentage des votes ou tout autre mécanisme? Est-ce que cette
démarche vous apparaît plus acceptable maintenant qu'on l'a
précisée un peu plus?
M. Dufour: C'est sûr qu'il y a peut-être de la
confusion entre loi-cadre, loi générale, loi organique. Comme on
l'a dit tantôt, supposons que ce n'est pas un projet de loi-cadre, que
c'est un projet de loi organique parce qu'on rejette la loi-cadre, en
principe le projet de loi organique, on ne le rejette pas en principe,
on fait l'inverse. On dit: Ayons deux ou trois lois spécifiques et
après on se donnera la loi organique dont vous parlez. Je pense qu'on ne
s'entend pas plus, même dans la façon dont vous structurez votre
argumentation. Ceci pour une raison très simple. Supposez que vous
commettez des erreurs de fond dans votre loi organique, au niveau, par exemple,
des organismes parapluie; au niveau des structures de l'information, au niveau
même de l'application de la procédure électorale aux fins
d'un référendum, au niveau, purement et simplement,
peut-être, du problème du recoupage des votes dont on parlait
tantôt, peu importe la question, si vous commettez trois, quatre ou cinq
erreurs dans une hypothèse, à ce moment-là, vous
êtes pris pour vivre avec! Et vous revenez exactement à ce qu'on
vous dit, vous allez être obligés de l'amender constamment et,
finalement, votre loi générale organique valable ne sera
découverte qu'après la tenue de deux ou trois
référendums. On ne s'oppose pas en principe. Je pense qu'on doit
se comprendre là-dessus. Si ce n'est pas une loi-cadre, c'est une loi
organique, mais on dit quand même: Essayons-la à deux ou trois
occasions. C'est un principe nouveau de consultation dans la population. Si,
pour l'amener vraiment à participer à la première
démarche référendaire on est obligé
déjà de lui fournir toute une information, de la structurer
et on sait que c'est difficile de changer de processus si on
l'amène un peu à comprendre le régime et le système
qu'on lui propose, pour finalement l'amender dans des éléments
majeurs à la deuxième consultation populaire, à ce
moment-là, on a des problèmes.
M. Paquette: Vous dites vous-même qu'on devrait attendre
deux ou trois référendums pour établir une loi-cadre. De
la même façon, je dis qu'on devrait attendre deux ou trois
référendums pour amender une loi-cadre. Une fois qu'une loi
organique est établie, je pense que cela a un certain caractère
de permanence. C'est comme les lois électorales du Québec. C'est
après plusieurs élections qu'on se rend compte des failles dans
les mécanismes. Il ne s'agit pas là de questions de principe,
mais de questions de tuyauterie ou de mécanisme. Je peux très
facilement prévoir des référendums dans un avenir
prochain. M. Jacques Tremblay disait tantôt que cela avait un certain
caractère d'urgence pour lever l'incertitude. Je suis d'accord, sauf que
je situe l'incertitude à Ottawa, et j'ai hâte qu'on soit
libéré de cette incertitude.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pas sur
le fond.
M. Paquette: Oui, M. le Président. C'était trop
tentant. Mais, je pense qu'on peut sûrement prévoir à court
terme un certain nombre de référendums.
Je pense qu'il y aura d'autres questions constitutionnelles qui devront
être réglées par référendum. Que ce soit dans
le cadre de la souveraineté-association ou dans un autre cadre, il va
falloir que le Québec se donne une constitution. Je trouverais
embêtant qu'on soit obligé, de rediscuter chaque fois, toute la
plomberie, de la même façon qu'on soit obligé, à
chaque élection, de discuter tous les mécanismes de la Loi
électorale.
Ce que je veux dire, c'est qu'on est dans une période de
changements importante au Québec et qu'on peut prévoir que les
référendums, sans être à tous les jours, risquent
d'être un peu plus fréquents. Cela vaut la peine de franchir cette
étape, de se donner une loi organique qui permettra, à chaque
occasion où cela se présentera, de préciser et de
s'attacher aux questions essentielles. Or, je pense qu'on n'est pas d'accord
là-dessus et je ne pense pas que je vais réussir à vous
convaincre. Je vais donc passer à une autre question.
M. Dufour: Si vous le permettez, M. le Président, juste
sur ce point, il nous apparaît actuellement que l'on semble vouloir
privilégier le référendum comme étant "l'outil" de
consultation populaire. On perçoit, dans le livre blanc, qu'il pourrait
y avoir quand même bon nombre d'autres mécanismes et qu'il ne
faudrait pas tendre à privilégier celui-là. Les conseils
consultatifs, cela existe déjà. On a déjà
demandé une politique gouvernementale là-dessus et ce serait
peut-être aussi valable, en termes de consultation populaire, que,
finalement, ce que l'on dessine.
M. Paquette: Je relève, dans votre mémoire, un
énoncé qui me dérange un peu. Vous dites que "tout
référendum consultatif implique, de la part du gouvernement, le
choix entre deux attitudes je ne me rappelle pas la page exacte, mais
c'est dans un résumé que j'ai soit qu'il demeure neutre et
n'intervienne pas dans la campagne référendaire ce qui est
évidemment tout à fait exclu, je pense, dans le cas du
référendum auquel tout le monde pense et, alors, il n'est
pas lié par les résultats. Je pense que cette option est mise
de
côté, actuellement, puisque, contrairement aux demandes
qu'on continue de nous répéter, à plusieurs reprises, en
Chambre et ailleurs, je pense que le premier ministre s'est engagé
à respecter les résultats du référendum sur
l'avenir constitutionnel du Québec.
Nous avons le choix entre cette attitude qui, je pense, est exclue et
une autre que vous nous suggérez très fortement, en disant: "Soit
qu'il s'engage et je pense que c'est le cas et, alors, les
résultats le lient et il doit démissionner si les
résultats lui sont défavorables". Ne craignez-vous pas qu'en
enfermant un gouvernement, quel qu'il soit d'ailleurs, dans un tel carcan vous
vous ramenez à toutes fins pratiques, à des
élections-référendums? C'est-à-dire que chaque
référendum sera, en fait, une élection sur la valeur du
gouvernement. C'est justement ce qu'on veut éviter avec une loi sur la
consultation populaire. On ne veut pas répéter
l'expérience de l'élection de 1962 sur la nationalisation de
l'électricité où des gens, tout à fait favorables
à la mesure, étaient, par contre, opposés au gouvernement
et étaient pris dans une situation extrêmement difficile au moment
du vote. Si vous nous mettez dans un tel carcan, on va avoir exactement le
même résultat.
M. Dufour: Oui. On dit bien, par exemple, dans notre
mémoire, que cette appréciation est au plan politique et non pas
au plan législatif comme tel. C'est bien sûr que, si un
gouvernement a vraiment bagarré pour défendre une option
pleinement et que, finalement, il se ramasse avec un résultat qui ne lui
est pas favorable politiquement, il y a un problème.
La solution que l'on trouve parce qu'on en trouve une solution
c'est de faire une distinction très nette entre le parti et le
gouvernement. On dit, à ce moment-là: Le gouvernement ne devrait
avoir qu'un rôle d'information par l'intermédiaire de son appareil
administratif, mais le parti, lui, jouera, évidemment, son option comme
les autres joueront la leur. Evidemment, dans la population, cela va être
très difficile de faire cette distinction. On est d'accord avec
cela.
Par ailleurs, on suggère qu'il doit demeurer, comme gouvernement,
le plus neutre possible, et, surtout durant la campagne
référendaire, il ne devrait pas être question d'utiliser
les hommes politiques comme tels pour fins de promotion de l'option d'un parti
nous aussi, nous avons un problème parce que, finalement,
politiquement, il a un drôle de problème au lendemain de la
campagne, quand les résultats sont connus si, à ce
moment-là, cela ne lui est pas favorable.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Rosemont, s'il vous plaît, avant de poursuivre,
j'aimerais demander s'il y a des représentants, ici, de la Chambre de
commerce de la province de Québec.
Or, je pense qu'à la suite d'une certaine consultation et
M. le député de Richmond, je demanderais, s'il vous plaît,
votre attention toute spéciale entre le parti ministériel
et du moins l'Opposition officielle, compte tenu du fait qu'il y a un caucus du
parti ministériel à 13 heures, il y avait une sorte d'entente
pour qu'on puisse libérer la salle vers 12 h 50 et qu'en
conséquence on remette le mémoire de la Chambre de commerce,
compte tenu de l'heure avancée, après la période des
questions cet après-midi. Est-ce que vous consentez, M. le
député de Richmond, à cette entente tacite qui est
intervenue entre les deux autres partis?
M. Brochu: Oui, je n'avais pas été informé.
Vous m'en informez.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je vous
en informe et je vous demande votre consentement d'ailleurs.
M. Brochu: Je vous l'accorde, avec plaisir, M. le
Président. Je pense que ce serait amocher un mémoire que de
commencer...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière):
Messieurs les représentants de la Chambre de commerce, étant
donné qu'on ne voudrait pas entrecouper votre mémoire, et compte
tenu de l'heure avancée, il y a encore le député de
Deux-Montagnes qui a demandé la parole ainsi que le député
de L'Acadie...
M. Morin (Pierre): M. le Président, j'avais cru comprendre
que c'était ce soir.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ou ce
soir.
M. Morin (Pierre): Excusez-moi, M. le Président, j'avais
cru comprendre...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A 20
heures, ce soir, c'est parce que ce n'était pas sûr encore.
M. Morin (Pierre): A 20 heures.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A 20
heures. D'accord, à 20 heures ce soir. S'il vous plaît, à
l'ordre. A 20 heures, ce soir, nous vous entendrons. Vous pouvez y aller, M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: Sur le fait que le gouvernement doive demeurer
neutre quant aux mécanismes d'information, je pense qu'on est tout
à fait d'accord. D'ailleurs, dans le livre blanc, on dit que ce sont les
députés qui se répartissent dans les comités
parapluie. On en parlera tantôt, j'ai aussi des réserves sur ce
principe, soit dit en passant. Je pense qu'on reconnaît le principe qu'au
moment de la campagne référendaire, ce n'est pas le gouvernement
qui est en campagne. Ce sont des groupes, des associations, des
députés, des hommes politiques, des partis qui se regroupent ou
pourraient ne pas se regrouper, dans une autre hypothèse, mais qui sont
en campagne.
Je pense qu'on est d'accord là-dessus. D'autre part, je vous
donne l'opinion de M. Gérald
Beaudoin, dans un récent article, qui est membre de la commission
Pépin-Robarts. J'aime cela le citer parce qu'il n'est sûrement pas
de notre bord. Il dit ceci: "Battu sur le référendum, le Parti
québécois peut choisir de demeurer au pouvoir et se comporter
comme un gouvernement provincial. Ce qu'on fait, d'ailleurs, depuis les
élections du 15 novembre. Le gouvernement, dans notre
système, est responsable à la Chambre. Il peut perdre son
référendum et rester au pouvoir le reste de son terme. La vie du
gouvernement n'est pas en jeu, lors d'un référendum, à
moins qu'il ne perde également la confiance de la Chambre, auquel cas il
doit démissionner et provoquer des élections
générales."
M. Dufour: On n'a pas remis en cause, finalement, ce principe
d'aucune façon. Si on lit bien, je pense que le résumé est
un peu succinct, la page du mémoire qui est consacrée à
cela, c'est toute la question de la neutralité du gouvernement comme
tel. Si le gouvernement n'est pas neutre politiquement, il ne peut pas ne pas
démissionner.
M. Paquette: Maintenant, concernant la formulation de la
question, vous suggérez un comité ad hoc, présidé
par une personne reconnue pour son expérience et son
impartialité, ayant pour mandat d'entendre les opinions, de formuler des
recommandations, de remettre son rapport au Conseil des ministres. Le Barreau
nous a suggéré une autre modalité que celle qui est
prévue dans le livre blanc et que je trouve, pour ma part, très
intéressante. C'est qu'au lieu de procéder par motion, une fois
la loi organique adoptée, concernant, par exemple, la formulation de la
question, le gouvernement présente une loi spéciale à
chaque référendum dans laquelle on retrouvera la formulation de
la question et qui suivra le processus normal, c'est-à-dire commission
parlementaire.
Dans un tel processus, étant donné qu'une commission
parlementaire peut entendre tous les experts qu'elle voudra et qu'en plus, elle
peut entendre tous les citoyens, est-ce que vous ne trouvez pas cette
suggestion un peu plus conforme que la formation d'un comité ad hoc
à nos coutumes parlementaires et, également, plus utile et plus
démocratique, en termes de mécanismes parce qu'on pourra entendre
à la fois des experts et tout le monde qui voudra donner son
opinion?
M. Dufour: Mais, un mécanisme n'exclut pas l'autre, je
pense, dans ce cas-ci.
M. Paquette: D'accord.
M. Dufour: II est bien évident qu'on pourrait aller en
commission parlementaire dans l'hypothèse du Barreau parce que c'est une
loi spécifique. Finalement, nous pensons que, compte tenu de
l'engagement bien connu du gouvernement actuel vis-à-vis de cette
question politique dont on parle, que le choix de la question ne sera
sûrement pas au départ à son désavantage.
Je pense qu'on ne peut même pas nous demander de nous enlever cela
de la tête. C'est très honnête de le dire. Je pense qu'on a
l'impression très nette qu'on ne soumettra pas à l'attention de
la population une question qu'on sait à peu près battue au
départ. C'est normal quand on a un engagement vis-à-vis d'une
question aussi importante que celle-là.
Pour éviter cela, éviter le résultat
éventuel mais aussi peut-être éviter que le gouvernement se
place dans une situation où il pourrait être critiqué de ce
faire, on suggère ce "task force ' ou ce comité, tout en
précisant bien qu'il n'est que consultatif de toute façon au
Conseil exécutif, au Conseil des ministres. On ne voit pas pourquoi ne
pas le faire finalement, étant donné que le gouvernement est
d'accord pour accepter des conseils; que les conseils viennent avant ou
viennent après, finalement, c'est du pareil au même.
D'après ce que vous mentionnez, en analysant la proposition du Barreau,
vous seriez prêts à faire examiner votre question par des
spécialistes de l'extérieur, une fois soumise à
l'Assemblée nationale. Pourquoi ne pas le faire avant? A ce moment, en
termes de crédibilité, à l'intérieur de la
population et dans un organisme comme le nôtre, il y aurait
sûrement de l'acquis pour le gouvernement.
M. Paquette: Oui, mais il y a quand même le point que ce
mécanisme met en jeu le principe de l'initiative du gouvernement qui est
dans le livre blanc et qui me semble être une chose bien acquise dans
tous les pays qui ont des lois organiques sur le référendum. Soit
dit en passant, il y en a une quinzaine qui ont des lois organiques sur les
référendums. Le gouvernement, ayant le droit d'initiative,
interroge la population sur son option, pas sur une option quelconque, sur la
sienne, sur celle qu'il partage depuis le début; il demande l'avis de la
population là-dessus. Moi, il me semble que l'important c'est de
s'assurer que cela ne se fasse pas en cachette, qu'il y ait une intervention de
la population, qu'il y ait un débat public autour de cela, de sorte que
la pression sera grande sur le gouvernement pour qu'il ne soit pas tenté
de piper les dés à l'avance en sa faveur.
Je pense qu'une fois ce débat public fait il serait tout à
fait suicidaire pour un gouvernement de ne pas tenir compte de l'opinion
majoritaire qui s'en dégage. Il me semble que l'important est là
Par contre, le mécanisme que j'ai suggéré d'une loi
spéciale avec commission parlementaire, ou même une motion
débattue en Chambre, me paraît préférable à
votre suggestion, parce que vous mettez en cause le droit du gouvernement de
consulter la population sur son option.
Prenons un exemple précis. Supposons que le comité ad hoc
impartial dise que la question sera: Est-ce que vous êtes pour ou contre
l'indépendance du Québec, oui ou non? Il serait possible que ce
soit cela. Le gouvernement pourrait dire, à juste titre: Notre option,
ce n'est pas l'indépendance du Québec, c'est la
souveraineté-association; il faut consulter les gens là-dessus.
Il
serait très mal placé pour le faire, parce qu'il aurait
été précédé par une prise de position d'un
comité qui, en quelque sorte, lui impose autre chose. C'est dans ce sens
que je trouve que le droit d'initiative du gouvernement est mis en cause.
M. Dufour: Je pense qu'à ce moment vous ne donnez pas tout
le crédit au comité qu'on vous propose.
Il est évident que dans une simplification comme celle que vous
venez de faire, le gouvernement pourrait avoir des problèmes, mais quand
on parle d'un comité spécialisé, d'un comité
entouré d'experts, présidé par une personnalité
reconnue, on pense que finalement cette personne ou ce comité irait plus
loin dans son approche que la description qu'on convient de faire d'un exemple.
Cela n'enlève pas, d'aucune façon, le droit d'initiative au
gouvernement. En fait, il décide de tenir un référendum
sur une question donnée, les gens connaissent son idéologie ou sa
position sur la question donnée. Il demande simplement, n'ayant pas
toujours la vérité absolue, à d'autres de le conseiller!
Il n'est absolument pas lié par le rapport de ce comité.
C'est sûr que si on devait opposer votre question
éventuelle à celle que vous venez de décrire, le
gouvernement serait peut-être mal placé pour la changer. Nous
faisons confiance à un comité, à ce moment-là.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Ro-semont, j'ai remplacé le député de Jonquière au
pied levé et j'ai cru saisir qu'on devait terminer nos travaux à
12 h 50. Comme il reste deux autres intervenants, je voudrais donner la chance
aux deux autres intervenants qui sont déjà sur la liste de poser
des questions. Une toute petite question, M. le député de
Rosemont, et, pour M. Dufour, une toute petite réponse, s'il vous
plaît.
M. Paquette: D'accord. Cela concerne les comités parapluie
pour les limites de dépenses. D'abord, je pense qu'il faut limiter les
dépenses en vertu de la liberté d'expression, que j'accepte comme
principe, comme tout le monde d'ailleurs. La liberté d'expression, il me
semble que cela ne dépend pas de la capacité financière
des individus. C'est très facile, pour le Conseil du patronat ou la CSN,
de s'exprimer sur une question. Ils ont des fonds, ils ont un personnel
technique; pour d'autres citoyens, c'est moins facile.
Mme Lavoie-Roux: Une question courte!
M. Paquette: Etes-vous d'accord avec ce principe qu'il faut
donner des chances égales, autant que possible, quitte à trouver
un autre mécanisme que celui que vous contestez?
Le Président (M. Clair): J'avais demandé une courte
question; M. Dufour, je suis convaincu que vous allez nous donner une
réponse courte.
M. Dufour: Je ne suis pas d'accord. Pour nous, la question des
dépenses est fondamentale. C'est un éditorialiste,
récemment, qui posait le problème de la façon suivante: Ce
n'est plus l'égalité des chances si, finalement, au niveau des
deux organismes parapluie vous avez des gens qui défendent une option
à 15% ou 20% et que, de l'autre côté, vous avez des gens
qui la défendent à 80%, et que vous avez exactement les
mêmes sommes d'argent qui leur sont allouées. Vous n'avez donc
pas, dans votre propre proposition, l'égalité des chances.
Le Président (M. Clair): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président, je serai
forcément bref. Je voudrais, avec votre permission, revenir sur une
observation que le député de Gatineau a faite tout à
l'heure. Je regrette qu'il nous ait quittés. Je vais prier Mme le
député de L'Acadie de lui faire part de cette observation pour
que M. le député de Gatineau ne pense pas que j'ai attendu son
départ pour commenter ses observations.
C'était à propos du mémoire ou des remarques
préliminaires qui ont été présentées
à la commission parlementaire par la Commission des droits de la
personne.
A ce sujet, M. le député de Gatineau a établi un
parallèle, donnant à entendre que les recommandations du Conseil
du patronat sont semblables à celles de la Commission des droits de la
personne. Je voulais juste ajouter modestement un correctif. Il y a
peut-être certaines recommandations qui présentent une certaine
concordance, mais, parmi les sept recommandations du Conseil du patronat, j'en
relève quatre qui n'ont pas leur équivalent dans les observations
de la Commission des droits de la personne, soit les recommandations 1, 3, 4 et
6. Je voulais juste clarifier ce point. Pour m'adresser maintenant aux
représentants du Conseil du patronat, je voudrais de nouveau, en toute
modestie, les engager à réfléchir peut-être plus
longuement sur le respect que nous devons avoir de nos institutions
parlementaires et les engager peut-être aussi à les étudier
d'assez près pour mieux voir comment elles fonctionnent.
Votre recommandation no 4 qui propose un comité ad hoc qui
analyserait d'abord la formulation de la question, à mon avis, ne
procède pas d'une connaissance suffisante, ni d'un respect suffisant de
nos institutions parlementaires. Par ailleurs, votre observation, à la
page 7 du premier texte de votre mémoire, sur le fait que le
débat de 25 heures à l'Assemblée nationale vous
paraît insuffisant, observation qui nous a été faite par
plusieurs groupes, procède d'une connaissance peut-être pas
très précise de ce qu'est l'Assemblée nationale. En
réalité, pour quiconque en a l'expérience, un débat
de 25 heures à l'Assemblée nationale, c'est extrêmement
long.
En tout cas, avec le peu d'expérience parlementaire que j'ai, je
ne peux pas concevoir qu'en prolongeant ce débat on fasse autre chose
que vraiment l'éterniser. 25 heures, c'est déjà à
l'Assemblée nationale, un débat très très long.
Merci, M. le Président. Je ne sais pas si M. Du-four veut
commenter rapidement.
Le Président (M. Clair): M. Dufour.
M. Dufour: Je suis d'accord, M. le Président, avec le
député pour dire que 25 heures de débat à
l'Assemblée nationale sur certaines questions, c'est très long et
souvent très pénible. J'ai eu l'occasion moi-même
d'assister à ce genre de débat.
Mme Lavoie-Roux: II faut que je vous demande votre
consentement.
M. Dufour: II ne faut pas oublier ici que vous avez quand
même une question fondamentale qui engage l'avenir du Québec et
que probablement les 25 heures pourraient être insuffisantes. Nettement,
on a une préoccupation à ce sujet. C'est bien sûr qu'il y a
certains projets de loi qui ne devraient pas faire l'objet d'un débat de
25 heures, mais ici, finalement, c'est l'avenir du Québec.
Le Président (M. Clair): J'ai en lice Mme le
député de L'Acadie. Malheureusement, elle n'est pas membre de la
commission, mais je suis convaincu que, la protégeant de ma
magnanimité présidentielle, les membres consentiront à lui
permettre quelques questions.
Mme le député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Je serai très brève, je vous
remercie M. le Président ainsi que les membres de la commission.
Je voudrais simplement dire que 25 heures permettront à peine aux
députés de s'exprimer 20 minutes, M. le député de
Deux-Montagnes, mais tel n'était pas l'objet de mon intervention.
Vous dites, à la page 5, au deuxième paragraphe: "Comment
le gouvernement peut-il, à la fois, prendre parti pour l'une des
thèses en présence et se donner, dans une loi-cadre, le
rôle d'un arbitre qui veillerait à assurer l'égalité
des chances? C'est là, à notre sens, l'ambiguïté
fondamentale du livre blanc". C'est d'ailleurs une préoccupation que la
population a et elle est certainement fondée.
Vous y revenez, indirectement, quand vous discutez du contrôle des
dépenses et des modes de participation ou le droit d'association des
gens à participer au grand débat de la campagne
référendaire. D'une part, vous dites: On reconnaît le
bien-fondé de contrôler les dépenses pour qu'il n'y ait pas
d'abus de faits. Par contre, vous arrivez à soulever un grand nombre de
difficultés qui sont réelles quant à savoir la
façon dont on va contrôler les dépenses, pour, finalement,
arriver à la conclusion: et je voudrais être sûre de
bien vous interpréter "Que décider de fixer une limite au
montant total des dépenses nous apparaît donc irréaliste et
ce n'est pas, selon nous, le bon moyen de prévenir l'injustice qui
pourrait exister". Je pense que la population aussi partage cette
préoccupation que les dépenses ne soient pas illimitées,
mais, par contre, elle veut être sûre que cela se fasse d'une
façon objective, juste et honnête. Est- ce que vous auriez des
suggestions à faire là-dessus parce qu'on devra se pencher, tant
le gouvernement que nous, sur des suggestion concrètes sur ce point?
M. Dufour: Quand on dit que c'est irréaliste, c'est que
cela nous apparaît impossible de contrôler vraiment les
dépenses. On dit finalement qu'en dehors des activités bien
identifiées dans les organismes parapluie, il y aura quand même
toute une série d'activité. Qu'on le veuille ou qu'on ne le
veuille pas, il y en aura. Comment va-t-on contrôler ces dépenses?
C'est impossible. Cela peut quand même être une part importante des
dépenses de la campagne référendaire. Donc, quand on dit
que c'est un bon objectif, il est bien évident qu'on ne peut pas
accepter des dépenses folles vis-à-vis d'une situation comme
celle-là, mais l'irréalisme de la proposition, c'est que ce n'est
pas contrôlable.
Nous disons qu'il n'y a pas de possibilité réelle de faire
une démarcation entre de l'information et de la propagande, mais dans
notre tête, tant et aussi longtemps que cela demeure de l'information
véritablement honnête, il ne doit pas y avoir de contrôle
des dépenses. Par quel mécanisme? Il y en a déjà
qui existent au niveau des campagnes électorales; les émissions
de radio et de télé sont déjà quand même
réparties entre les différents partis politiques, souvent ce sont
des périodes gratuites. C'est un genre de contrôle que l'on peut
se donner. Mais, donner une structure ferme de contrôle des
dépenses, c'est impossible. A ce moment-là, le législateur
confirme tout simplement l'illégalité possible.
Mme Lavoie-Roux: Je pense que vous avez raison, mais le
problème demeure quand même entier, et je ne sais vraiment pas
quelles sont les solutions qu'on pourra y apporter. Toute cette
égalité des chances reste difficile à établir.
Pensons simplement à l'action de Radio-Québec. On me rapportait
et je n'ai pas de raisons de douter que cela n'est pas exact que
Radio-Québec, dans le temps, avait refusé de diffuser ou
téléviser le voyage de l'ancien premier ministre, M. Bou-rassa,
en Iran, pour aller chercher des investissements économiques, etc. Par
contre, cette fois, je pense que Radio-Québec ne semble pas avoir eu de
scrupule à faire un grand tapage publicitaire autour du voyage du
premier ministre en France, qui y allait pour des fins également
politiques et peut-être aussi à caractère
économique. Je pense qu'il y a eu aussi des... On peut se demander de
quelle manière tout ceci pourrait être partagé d'une
façon équitable, et c'est dans ce sens que je vous posais ma
question. A mon point de vue, le problème demeure entier quant aux
outils qui seront entre les mains du gouvernement et quant à s'assurer
que ces outils soient distribués d'une façon vraiment
équitable entre tous ceux qui participeront au débat. Je vous
remercie de la présentation de votre mémoire.
Le Président (M. Clair): Si vous avez un dernier
commentaire à apporter, M. Dufour.
M. Dufour: Le dernier commentaire est simplement pour remercier
les membres de la commission parlementaire de nous avoir écoutés.
Nous sommes satisfaits du dialogue, cela a été un excellent
dialogue. En ce qui nous concerne, s'il y a de nouveaux dialogues qui
s'annoncent, on est prêt à y aller d'échanges additionnels.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Clair): Au nom de tous les membres de la
commission, permettez-moi également de remercier tous les
représentants du Conseil du patronat d'avoir accepté de se faire
entendre et d'avoir préparé un mémoire qui, j'en suis
certain, a intéressé au plus haut point tous les membres de cette
commission, qui ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 12 h 57)
Reprise 'de la séance à 21 h 35
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): A
l'ordre, messieurs!
Les membres de la commission pour la présente séance sont
M, Bertrand (Vanier), M. Char-bonneau (Verchères) en remplacement de M.
Bisaillon (Sainte-Marie); M. Borchu (Richmond), M. Burns (Maisonneuve), M.
Gratton (Gatineau), M. Grenier (Mégantic-Compton), M. Johnson (Anjou),
M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lamontagne (Ro-berval) est remplacé par M.
Ciaccia (Mont-Royal); M. Lavoie (Laval), M. Lévesque (Taillon) est
remplacé par M. Fallu (Terrebonne); M. Mackasey
(Notre-Dame-de-Grâce), M. Martel (Richelieu), M. Morin
(Louis-Hébert), M. Morin (Sauvé) remplacé par M. Boucher
(Rivière-du-Loup); M. Paquette (Rosemont), M. Roy (Beauce-Sud), M.
Samson (Rouyn-Noranda) et M. Vaugeois (Trois-Rivières).
Je demanderais au porte-parole de la Chambre de commerce de bien vouloir
s'approcher et de présenter celui qui l'accompagne. Avant de quitter
pour Jonquière et de me faire remplacer par le député de
Rivière-du-Loup, que je remercie d'ailleurs, ce qui va me permettre
d'arriver chez moi une heure et demie plus tôt, pour vous rejoindre mardi
à 10 h 30...
M. Burns: M. le Président, j'insiste, je crois que la
motion devrait être faite.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): ... je
voudrais vous dire que cette commission parlementaire ne doit pas être
considérée comme une tribune pour émettre des opinions de
fond sur des questions pouvant éventuellement faire l'objet d'une
consultation populaire au Québec. Là-dessus, je vous cède
la parole.
Chambre de commerce de la province de
Québec
M. Boudreau (Louis): Merci, M. le Président.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Je
voudrais également, au nom de tous les membres de la commission, vous
prier de nous excuser du retard causé par des circonstances absolument
incontrôlables, je le dis au nom de tous les partis...
M. Charbonneau: Incontrôlables, qui auraient pu être
contrôlées.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Ce sont
des événements qui avaient lieu en Chambre, à
l'Assemblée nationale. Je pense que vous pardonnerez aux membres de la
commission, ce retard. Surtout que nous savons que vous êtes ici depuis
tôt ce matin.
M. Boudreau: Merci, M. le Président. Vous êtes sans
doute excusés, messieurs. Ce n'est pas la première fois que nous
sommes entendus à une commission parlementaire. Déjà, nous
avons appris que très souvent, les impératifs de la vie
parlementaire dérangent les horaires des commissions
parlementaires.
Je me présente, je m'appelle Louis Boudreau. Je suis membre du
bureau exécutif de la Chambre de commerce de la province de
Québec. Je suis accompagné de M. Pierre Morin, qui est le
directeur général des affaires publiques de la Chambre de
commerce de la province de Québec.
Je ne vous servirai pas le cliché à savoir que la
qualité va suppléer à la quantité, je vous
laisserai le soin de le juger.
M. Charbonneau: Cela dit en toute humilité.
M. Boudreau: En toute humilité, parce que mon idée
est faite, de toute façon, je voudrais vous dire tout d'abord que la
substance du mémoire que nous avons déposé a
été soumise à l'assemblée générale,
en fin de semaine dernière, lors du congrès qui a
été tenu à Québec. Par conséquent, il y a eu
consultation et approbation unanime de tous les délégués
présents à l'assemblée générale de la
chambre de la province de Québec.
M. Morin étant le responsable de la coordination des recherches
qui ont abouti à la préparation de notre mémoire, je lui
demanderai de le lire et de le commenter par la suite. M. Morin.
M. Morin (Pierre): Merci. M. le Président, M. le ministre
d'Etat à la réforme parlementaire, MM. les membres de la
commission parlementaire. La lecture du livre blanc, énonçant les
propositions gouvernementales sur la consultation populaire, a suscité
plusieurs réflexions à la Chambre de commerce du Québec et
elle apprécie l'occasion ici fournie de vous entretenir de quelques-unes
d'entre elles.
Notre intérêt à participer à ce débat
se situe dans notre qualité de principal porte-parole de la
communauté québécoise des affaires, qualité
conférée à la Chambre par l'ampleur de son "membership",
composé de près de 200 chambres et "boards of trade" locaux,
groupant ainsi plus de 31 000 adhérents, et de plus de 2500 entreprises
de toutes tailles et oeuvrant dans tous les secteurs de l'économie.
Le présent débat comporte, certes, des conséquences
pour le monde des affaires et les résultats de la consultation populaire
sur le devenir du Québec nous intéressent au plus haut point.
Nous sommes cependant conscients que la façon dont sera conduite cette
consultation et ses règles du jeu est aussi importante, sinon plus
importante encore. Car il faudra que toutes les parties au débat en
viennent à accepter comme définitifs les résultats
exprimés par les électeurs. Sinon, le référendum
donnera lieu à un autre référendum, puis un autre,
jusqu'à ce que la fibre de notre tissu social, dont la force nous permet
aujourd'hui encore une attitude sereine, soit à jamais
détruite.
Cela tient non seulement pour le référendum sur le statut
constitutionnel du Québec, mais aussi pour tout autre
référendum.
Les implications de ce qui précède vont au-delà de
la nécessité d'une seule question claire. dont la
compréhension est facilement accessible à tous les citoyens du
Québec et prévoyant un choix de réponse simple, tel oui ou
non. Ces implications commandent non seulement une apparence
d'impartialité dans le processus référendaire, mais une
impartialité réelle.
C'est là que se situent les réflexions dont nous voulons
vous entretenir car, à ce stade, le processus proposé
apparaît teinté de méfiance à l'endroit du sens
commun anticipé chez la partie défendant la thèse adverse
à celle du présent gouvernement et il semble présumer
d'une naïveté considérable chez ceux qui seront
appelés à se prononcer.
Ces deux affirmations découlent, entre autres, de la proposition
d'imposer un plafond aux dépenses pouvant être effectuées
au cours de la période référendaire.
Il importe de noter qu'aucun des pays disposant actuellement d'un
mécanisme de consultation populaire, soit la Norvège, le
Danemark, l'Irlande, la Suisse, la Grande-Bretagne et la France, n'a cru bon
d'imposer un tel plafond. Pourtant, tous ces pays ont de profondes traditions
démocratiques. Se pourrait-il que l'expérience californienne en
ce domaine soit une indication de ce que la sagesse commande ailleurs?
Avant le référendum de 1976 sur l'énergie
nucléaire, le gouvernement de l'Etat de la Californie avait
imposé un plafond de $1,2 million au chapitre des dépenses
pouvant être engagées par les parties en cause-Ce plafond fut
levé par la Cour suprême des Etats-Unis dans son jugement sur la
cause de Buckley versus Valeo. Ce jugement mérite un examen substantiel,
car la cour reconnaît d'abord que, dans une société
moderne, toute communication politique requiert des débours financiers.
Cette constatation amène la cour à conclure que toute limite
imposée aux dépenses de cette nature constitue une restriction
à la quantité d'expression politique garantie par le premier
amendement de la constitution américaine et que l'on retrouve en
substance au Québec dans la Charte des droits et libertés de la
personne.
En effet, ce que la Cour suprême établit est que la
législature californienne avait usurpé le droit de décider
quand un candidat ou un parti aurait eu "trop de communications avec
l'électeur".
Avant de croire, à partir de l'argument précédent,
qu'il faut envisager faire face à un déluge de dépenses
électorales, mentionnons que, dans cette même cause, la cour
accepte le plafonnement des contributions tout en rejetant le plafond sur
l'ensemble des dépenses.
La Chambre serait d'accord pour retrouver dans le processus
référendaire québécois l'essence du jugement de la
Cour suprême des Etats-Unis.
L'alternative actuellement retenue dans le livre blanc pose un autre
problème. Au plafonnement des dépenses autorisées, l'on
associe, pour en démontrer l'impartialité, des contributions
égales de l'Etat à chacune des parties pour promouvoir leur
thèse. L'apparence d'impartialité et de justice demeure toujours
une apparence, car elle
présume, avant même l'ouverture du débat, que les
opinions sont également partagées. Or, cette présomption
n'est ni fondée et ne pourrait l'être avant les résultats
du scrutin. Et alors apparaîtra la réalité, celle que les
défenseurs de la thèse minoritaire disposaient,
proportionnellement, de plus de droits que les défenseurs de la
thèse majoritaire. Un tel processus n'a que peu de liens avec la
démocratie. La démocratie veut plutôt que chacun puisse
s'exprimer jusqu'à la limite de ses convictions et de ses moyens.
Qu'arrive-t-il maintenant du citoyen soumis à cette avalanche de
dépenses électorales, ce citoyen que le livre blanc veut bien
protéger, un peu malgré lui, et que notre premier ministre
compare au poulailler qu'il veut protéger du renard? L'expérience
californienne ici encore est utile: la proposition antinucléaire de 1976
fut battue au scrutin par une marge de 2 à 1. La partie gagnante avait
dépensé plus que l'autre partie par une marge de 3 à 1.
Cependant, avant de tirer une conclusion hâtive, notons que ces
mêmes parties s'étaient affrontées l'année
précédente sur le contrôle par l'Etat du
développement de ses côtes maritimes. Cette fois, les forces
pronucléaires, puisqu'elles étaient sensiblement les mêmes
que dans le référendum de 1976, furent décisivement
battues, bien qu'elles aient dépensé cinq fois plus que les
gagnants.
Essentiellement, nous croyons en la sagesse et en la capacité de
discernement du citoyen québécois. N'a-t-il pas cru opportun de
porter le présent gouvernement au pouvoir sans toutes ces contraintes
à sa liberté?
A cet effet, nous sommes intrigués par la contradiction que
véhicule le livre blanc entre la perception qu'il entretient du citoyen
ordinaire actuellement et la vision de ce même citoyen dans un
état souverain, qui serait alors adulte et libre.
Nous sommes aussi conscients que la disparition du plafond imposé
aux dépenses référendaires implique un autre changement au
mécanisme prévu par le livre blanc, soit l'éclatement de
la formule d'embrigadement obligatoire dans l'une ou l'autre des parties. Ces
organismes pourraient alors s'adresser à un rôle plus
légitime, soit celui de développer et d'approfondir, avec l'appui
des fonds publics, les principales questions inhérentes au débat,
sans pour autant que les individus et groupes autres que les partis officiels
ne soient limités dans leur action par autre chose que l'appui qu'ils
peuvent obtenir.
En définitive, pour la chambre, les modifications
proposées au mécanisme référendaire visent le
même objectif que les propositions gouvernementales, pour faire en sorte
que le processus soit tout aussi légitime que les résultats
anticipés.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, messieurs. M.
le ministre.
M. Burns: M. le Président, je remercie la Chambre de
commerce de la province de Québec et je remercie en particulier M.
Boudreau et M. Morin de nous avoir livré, au nom de la Chambre de
commerce, le fruit de leurs travaux. Je tiens, au départ, à
m'excuser et peut-être à excuser la commission en
général, mais je pense que vous avez très bien compris,
étant très familiers avec les travaux de la Chambre j'ai
compris que M. Boudreau l'avait noté tout à l'heure que
même si on dit qu'on va adopter quelques motions en quelques minutes,
souvent ces quelques minutes s'étendent sur une période plus
longue que celle que nous avions prévue et je vous remercie d'avoir
attendu si patiemment.
Votre mémoire ne manque pas d'intérêt, mais je vais
essayer de rétablir un certain nombre de faits en diminuant mes
interventions qui, souvent, me dit-on, sont beaucoup plus longues que celles
que je prévoie. En tout cas, c'est une vieille habitude que j'ai acquise
au cours des sept dernières années.
M. Brochu: Des mythes parlementaires.
M. Burns: Pardon?
M. Brochu: Des mythes parlementaires.
M. Burns: C'est ça. On ne se rend pas compte...
D'ailleurs, en bonne compagnie, le temps passe toujours trop vite. Alors,
qu'est-ce que vous voulez?
Je veux simplement m'attacher à quelques-uns des points de vue
que vous avez soulevés dans votre mémoire. Je pense bien ne pas
me tromper en disant que c'est surtout l'aspect financement qui vous
intéresse beaucoup dans votre mémoire, en plus de celui des
comités parapluie ou, des comités ad hoc. Si je pouvais
résumer votre mémoire, il se retrouverait peut-être dans
deux énoncés très précis. L'un, que les limites sur
les dépenses référendaires, à toutes fins
pratiques, à votre avis, doivent être abolies. L'autre, que
l'embrigadement obligatoire dans les comités également soit
aboli.
Je vais tout simplement m'attacher à ces deux aspects de votre
mémoire, quitte à permettre peut-être... M. Morin, vous
avez une précision?
M. Morin (Pierre): On peut peut-être immédiatement
disposer de ces deux points, parce qu'on a l'impression peut-être qu'on
n'a pas été tout à fait bien compris.
Les comités ad hoc ou les comités parapluie ne justifient
leur présence que par le contrôle du plafonnement,
c'est-à-dire par le contrôle des dépenses. C'est là
leur principale raison d'être.
M. Burns: C'est interrelié; il n'y a pas de doute.
M. Morin (Pierre): Bon! Or, nous nous adressons surtout à
cette notion, à cette volonté de vouloir imposer un plafond aux
dépenses. On n'en a pas comme telles aux organisations parapluie. Nous
prévoyons même un rôle particulier pour ces deux organismes
ou plusieurs organismes, puisqu'il pourrait peut-être y avoir d'autres
op-
tions, mais, essentiellement, c'est au plafonnement des dépenses
et non pas aux contributions.
M. Burns: A ce moment-là, on se restreint, dans notre
discussion, à un seul point de vue. D'accord?
Je voudrais vous dire qu'évidemment je ne partage pas votre point
de vue, je pense bien que le livre blanc est très éloquent
là-dessus, je pense que c'est d'ailleurs pour cela que vous venez nous
le dire. Je pense que je suis en bonne compagnie aussi lorsque je peux vous
citer ce que je citais ce matin, et je vais d'ailleurs le faire très
brièvement. La loi australienne, là-dessus, nous dit-on, limite
les dépenses en matière référendaire. Il y a
déjà en Australie une expérience qui est beaucoup plus
grande que la nôtre la nôtre est inexistante il n'y a
aucune espèce de doute là-dessus, mais cette loi limite de
façon très sérieuse les dépenses.
Je me trouve également, je pense, en bonne compagnie avec la
Commission des droits de la personne qui, cette semaine, nous a
déposé un rapport préliminaire relativement au livre
blanc; bien qu'elle ne veuille pas intervenir, comme je l'ai mentionné
à d'autres occasions, au niveau d'un livre blanc, bien qu'elle nous
mette en garde contre un certain nombre d'excès qu'une éventuelle
loi pourrait mettre en place, je vous citerais quand même, à la
page 6 d'un document qui est maintenant rendu public, puisqu'il a
été déposé à la commission, des
recommandations de la commission, qui nous dit: "La commission se
réjouit de retrouver dans le livre blanc sur la consultation populaire
le principe fondamental de l'égalité entre les individus, tel que
reconnu par la Charte des droits et libertés de la personne, l'autre
principe, non moins important, affirmé dans la Loi sur le financement
des partis politiques, celui d'une meilleure réglementation des revenus
et des dépenses politiques".
Je comprends, sans vouloir prêter des intentions à la
Commission des droits de la personne, que nous avons, je pense, un appui de ce
côté et, encore une fois, je suis convaincu que la Commission des
droits de la personne, connaissant les gens qui en font partie, n'a pas
l'intention de prendre une position politique. Evidemment, on pourrait s'en
servir bassement, mais ce n'est pas du tout mon intention de me servir de cette
opinion pour des fins partisanes, loin de là.
Je pense au contraire que la Commission des droits de la personne a
justement besoin d'être protégée par qui que ce soit qui
oeuvre dans le domaine politique ou qui travaille dans le domaine politique,
soit du côté de l'Opposition ou du côté
ministériel. Mais il m'apparaît que votre point de vue
là-dessus devrait être précisé lorsque des gens qui,
d'une part, sont habitués à tenir des référendums
comme on le fait en Australie, et d'autre part des personnes qui, sans vouloir
s'immiscer dans l'aspect partisan de quelque référendum que ce
soit, comme la Commission des droits de la personne, nous disent: Cela a du
sens de faire cela. Je vous ajoute comme argument, M. Morin ou M. Boudreau, le
fait que je pense bien qu'en
Angleterre, le regret le plus généralement exprimé,
tant d'un côté que de l'autre quand ce matin je disais tant
d'un côté que de l'autre, je parlais des gens du oui ou du non
j'ajouterais même du comité neutre, des personnes qui ont
montré littéralement de la façon la plus neutre et la plus
impartiale possible le système qu'on a connu en 1975, lequel nous a un
peu inspiré, tout ce monde-là dit: Peu importe qu'on ait
gagné, peu importe qu'on ait perdu, peu importe qu'on ait
été de ceux qui ont préparé l'avènement de
ce référendum. Je pense entre autres aux fonctionnaires, aux
hauts fonctionnaires comme M. Jamieson, qui est le sous-ministre à
l'Education et qui avait été prêté temporairement
à l'organisation du référendum. Donc c'est quelqu'un qui
est complètement en-dehors de la chicane, si on peut dire. Tout ce
monde-là est absolument unanime pour dire: II y a une seule chose qui a
fait défaut dans notre référendum, c'est qu'on n'avait pas
de contrôle des dépenses.
C'est ce que je voulais simplement vous livrer en vous disant que je me
sens en très bonne compagnie et le livre blanc, en particulier, se sent
en très bonne compagnie, parce que c'est le livre blanc du
gouvernement.
Quant à l'introduction de cette notion du contrôle des
dépenses. J'ajoute à ça, M. Morin et M. Boudreau, que nous
avons, je pense, une tradition qui remonte maintenant aux années
1963-1964, de contrôle de dépenses en matière
électorale et que probablement, on serait placé dans une
situation un peu bizarre, si on ne contrôlait pas les dépenses
lors d'une campagne référendaire. C'est ce que j'aimerais vous
voir élaborer devant nous.
Le Président (M. Boucher): M. Morin.
M. Morin (Pierre): Essentiellement, M. le Président, on
tourne autour des mêmes mots, mais ça charrie souvent des concepts
différents. La chambre ne s'oppose pas à des contrôles sur
les dépenses, elle ne s'oppose pas non plus à des contrôles
sur les rentrées, d'accord? sur les contributions. Là où
elle manifeste son opposition, c'est au plafonnement obligatoire des
dépenses par l'une ou l'autre des parties ou des tenants de la
thèse pour ou contre.
Nous avions lu nous aussi l'avis de la Commission des droits de la
personne, vous savez quoi; nous sommes aussi d'accord, en parlant de la
réglementation des revenus et des dépenses politiques, au sens
propre des mots. Nous sommes aussi d'accord. Là où intervient une
nouvelle notion, nous sommes aussi d'accord sur le fait qu'historiquement, au
Québec, entre autres depuis 1963, nous avons des contrôles sur les
dépenses électorales et il existe même là un
plafond.
Or, il est intervenu un certain nombre de changements et, de là,
on peut se référer aussi à l'expérience
australienne et aussi à l'expérience britannique dans ce sens que
ni l'un, ni l'autre à ma connaissance de ces pays, n'a de
charte des droits. Il y a, en Angleterre, et qui tient lieu de charte des
droits en Australie, la Magna carta, qui
remonte maintenant à près de 800 ans. Mais au Canada, au
Québec, on est aussi largement influencé par l'aspect
nord-américain, c'est-à-dire que l'on pouvait fort bien invoquer,
ici, jusqu'à tout récemment, que nous n'avions pas besoin de
charte non plus.
Or, la charte que l'on a reprend sensiblement la même chose que
les amendements contenus ou apportés à la constitution
américaine. On vit dans ce contexte aussi. C'est tout aussi valable que
l'expérience australienne ou britannique, c'est notre monde
parlementaire, c'est notre vie politique, que l'on a adaptés à
notre milieu. En 1963, lorsqu'on a apporté des plafonds aux
dépenses électorales, on n'avait pas cette charte. On avait la
notion du droit d'expression, cela n'était défini nulle part.
On a introduit cette notion en 1975 par la charte. Là, on
continue, en fait, à mener deux traditions de pair, mais, à un
moment donné, il arrive qu'elles peuvent être incompatibles.
M. Burns: Les deux notions pourraient, selon vous, être
incompatibles.
M. Morin (Pierre): Incompatibles. C'est précisément
là le sens du jugement de la Cour suprême des Etats-Unis.
M. Burns: C'est ça, vous vous inspirez largement, je
pense, dans votre mémoire, je m'excuse, M. Morin, je ne veux pas vous
empêcher de terminer votre soumission, votre présentation; c'est
un anglicisme dont je devrai me départir; quand je parle de soumission,
c'est "submission".
Je ne veux pas vous empêcher de terminer votre
présentation, mais je peux vous dire que c'est vraiment, dans le cas de
l'expérience... Je m'excuse, c'était un petit échange sur
une base réglementaire.
Justement, s'il y a un Etat aux Etats-Unis qui est malheureux, quant
à ceux qui administrent des lois de contrôle des finances
politiques, c'est bien celui de la Californie, où on nous a dit,
directement, qu'on se soumettait à la décision de la Cour
suprême des Etats-Unis. Je pense que le député de Laval est
en mesure de l'affirmer, parce qu'il faisait partie de cette mission
ministérielle que nous avons tenue, en Californie, entre autres,
où on nous disait qu'on souhaitait qu'à un moment donné,
la constitution américaine puisse permettre un contrôle strict des
dépenses. C'est du moins l'impression que j'ai eue des personnes que
nous avons rencontrées à Sacramento, au mois de février
dernier.
M. Morin (Pierre): M. le Président, j'aimerais poser une
question.
M. Burns: Est-ce que j'ai tort de l'apprécier comme cela?
Je pense bien que le député de Laval pourra me reprendre si ce
n'est pas le cas, si c'est inexact.
M. Morin (Pierre): J'aimerais poser une question au leader
parlementaire.
Le Président (M. Boucher): M. Morin.
M. Morin (Pierre): J'aimerais poser une question au leader
parlementaire.
M. Burns: Au ministre d'Etat à la réforme
électorale. Ce n'est pas le même gars qui est ici, dans le
moment.
M. Morin (Pierre): Au ministre d'Etat à la réforme
parlementaire.
M. Burns: Electorale.
M. Morin (Pierre): Electorale.
M. Burns: Et parlementaire.
M. Morin (Pierre): Et parlementaire.
M. Lavoie: Et député de Maisonneuve.
M. Morin (Pierre): Si, par exemple, les dix premiers articles de
la charte étaient couverts par l'article 56, c'est-à-dire cette
obligation de donner avis à l'Assemblée nationale du fait que
l'on déroge à la Charte des droits de l'homme, à la Charte
des droits et libertés de la personne, lors de la présentation du
projet de loi sur la consultation populaire, ne se sentirait-il pas
obligé de donner cet avis à l'Assemblée nationale?
M. Burns: Non, je ne pense pas. Je ne pense pas. Je vous avoue
qu'avant de déposer le livre blanc, on a examiné cela très
sérieusement et je ne veux pas...
M. Morin (Pierre): Mais vous n'avez pas actuellement à
donner avis.
M. Burns: ... je ne veux pas péter mes bretelles plus
qu'il ne le faut, mais il y a un certain nombre de constitutionnalistes qui
m'entourent actuellement, qui me conseillent également relativement
à ces choses-là. Je pense qu'eux aussi se sentent très
sérieusement rassurés par l'opinion de la Commission des droits
de la personne. Remarquez que la Commission des droits de la personne n'est
pas, non plus, je l'ai déjà dit à l'occasion de l'adoption
du projet de loi no 2 sur le financement des partis politiques, celle qui doit
se substituer aux activités normales de l'Assemblée nationale. Je
pense qu'on va être bien clair là-dessus.
Je pense que, M. Hurtubise, le président de la commission, et
tous ses collaborateurs ne pensent pas cela, mais quand on voit qu'on souscrit
dans les conclusions de cette opinion aux objectifs du livre blanc
décrits comme étant... Là-dessus, je ne peux que partager
leur avis, ce sont les objectifs qui ont été très
clairement énoncés par le livre blanc à la
démocratisation de nos institutions politiques, à l'association
directe des électeurs à la gouverne de l'Etat et à
l'élargissement progressif de la participation populaire.
Qu'on nous dise, dans un deuxième temps, comme je vous le
mentionnais tout à l'heure,
qu'on se réjouit que le livre blanc consacre le principe
fondamental de l'égalité entre les individus et l'autre principe
non moins important affirmé dans la Loi sur le financement des partis
politiques, c'est-à-dire celui d'une meilleure réglementation des
revenus et des dépenses politiques, à ce moment-là, je me
dis...
M. Morin (Pierre): Même commission.
M. Burns: ... c'est normal que je me pose des questions. Je
reconnais votre droit à...
M. Morin (Pierre): Cette même commission, à la page
4, de son avis...
M. Burns: Oui et cette même commission... M. Morin
(Pierre): ... dit quand même...
M. Burns: Pour être bien honnête, je vais continuer
également sa conclusion, pour ne pas qu'on en fasse un plat. Je vous dis
que la commission nous met en garde, lorsqu'elle dit: "Elle met en garde
cependant le législateur sur les atteintes possibles aux libertés
fondamentales qui pourraient finalement avoir des effets contraires aux
objectifs poursuivis".
C'est bien important de voir qu'on a réussi à trouver une
phraséologie qui, d'une part, nous met en garde et qui,
préalablement, nous dit: On est d'accord avec vos objectifs. Je pense
que cela va être bien important tout au cours de ce débat.
Je le répète, parce que je trouve cela très
important, pour ne pas qu'on interprète à gauche et à
droite cette opinion de la commission. "Elle met en garde cependant le
législateur sur les atteintes possibles aux libertés
fondamentales qui pourraient finalement avoir des effets contraires aux
objectifs poursuivis". Objectifs sur lesquels on s'est déjà
déclaré d'accord, notamment, au niveau de la participation des
citoyens au débat et au niveau de la démocratisation de nos
institutions politiques. On pourrait continuer, si on voulait être tout
à fait exact, pour que le journal des Débats en fasse mention.
"Ces libertés je continue à citer le mémoire du 11
novembre de la commission sont, comme on l'a vu, les libertés d'opinion
d'expression et d'association. C'est maintenant au gouvernement, en tant que
législateur, qu'appartient le fardeau de prouver que la
législation sur la consultation populaire, au Québec, ne portera
pas atteinte à ces libertés".
Je vous dis d'avance, M. Morin, que le gouvernement n'a pas du tout,
mais vraiment pas du tout l'intention, dans sa législation, d'amener des
accrocs ou de mettre de côté des libertés fondamentales; un
peu comme on nous l'indique, je pense à bon droit à une
espèce de précaution qu'on nous demande de prendre.
M. Morin (Pierre): Devrions-nous comprendre qu'il n'y aurait pas
de plafonnement aux dépenses électorales?
M. Burns: Non. Je pense que, justement, ce n'est pas
incompatible. Le fait qu'on mette un plafond à des dépenses,
c'est justement pour assurer le phénomène que tout le monde...
Remarquez qu'une bonne fois, vous allez peut-être être bien heureux
de cela.
Vous, vous pensez à un référendum en particulier,
mais une bonne fois, vous allez peut-être être bien heureux d'avoir
des chances égales, si vous vous placez d'un côté plus que
de l'autre. Dans le cas du référendum auquel vous pensez,
probablement sur la souveraineté du Québec, je ne pense pas que
vous ayez des difficultés de ce côté.
M. Morin (Pierre): On pense tout autant à la question
d'énergie, M. le ministre, ou encore à l'aménagement du
territoire...
M. Burns: Oui. Ou à la protection de l'environnement, par
exemple.
M. Morin (Pierre): ... à la protection de l'environnement,
à l'aménagement du territoire. Il y a quand même un point;
c'est qu'en imposant le plafonnement de la façon que vous le proposez,
vous vous limitez nécessairement à deux options, le pour et le
contre. Or, la question pourrait être posée... D'accord... Je
rappelais que la proposition du livre blanc qui découle du plafonnement
impose...
M. Burns: Je m'excuse, M. Morin... M. Morin (Pierre): II
n'y a pas de quoi.
M. Burns: ... c'est parce que j'avais un rapport de ce qui se
passait à l'Assemblée nationale.
M. Morin (Pierre): Le livre blanc impose une formule où on
retrouve le pour et le contre qui découle de chacun des deux organismes
découlant eux-mêmes du plafonnement des dépenses. Or, il se
pourrait fort bien qu'il y ait une troisième option, par exemple,
l'abstention enregistrée qui serait tout aussi légitime. Le livre
blanc ne prévoit aucun mécanisme et cela pourrait dépendre
de la formule.
M. Burns: Est-ce que vous iriez jusqu'à suggérer
qu'il y ait, disons dans le cas d'une question claire à laquelle on
répondrait par un oui ou par un non, la possibilité
d'enregistrer, à toutes fins pratiques, son abstention. Est-ce que vous
iriez jusque là?
M. Morin (Pierre): Non seulement cela, mais que cette option
dispose des mêmes moyens que les deux autres. Il peut aussi y
avoir...
M. Burns: C'est-à-dire qu'il pourrait y avoir, par
exemple, un troisième groupe d'organisation qui favoriserait
l'abstention totale?
M. Morin (Pierre): Oui.
M. Burns: Avec les mêmes...
M. Morin (Pierre): Moyens.
M. Burns: ... avantages que l'une ou l'autre, dans le cas d'une
question à double volet; les mêmes moyens, c'est-à-dire
subventionné par l'Etat, etc.
M. Morin (Pierre): Vous pouvez même avoir d'autres
options.
M. Burns: Non, je n'écarte pas cette position. Je la
trouve spéciale. C'est d'ailleurs la première fois qu'on se fait
clairement soumettre cette suggestion.
M. Morin (Pierre): Vous pouvez aussi retrouver une autre
situation où, par exemple, pour des raisons quelconques, on pourrait
vouloir prendre parti pour l'une ou l'autre des trois options, mais ne vouloir
s'associer à aucun des organismes-parapluie et le faire tout aussi
honnêtement. Or, c'est là où, essentiellement, le droit
d'expression est remis en cause, à notre avis.
M. Burns: Je tiens à vous dire, en tout cas, M. Morin, que
c'est quelque chose qu'on va surveiller de très près dans la
préparation du projet de loi qui sera soumis, je l'espère, dans
le courant du mois de décembre à l'Assemblée nationale. Je
retiens votre suggestion, j'en prends bonne note.
Je tiens cependant à vous dire que vos recommandations, je pense
bien, les plus claires sont celles qui veulent que le référendum
soit quelque chose qui soit imbu d'impartialité, quelque
référendum que ce soit, dont la clarté soit
évidente et que l'approche soit une approche d'honnêteté,
etc. Je peux vous dire et je m'excuse, je le dis très
brièvement, parce que j'ai eu l'occasion de le dire à de
nombreuses reprises depuis le début de nos travaux que c'est
également une préoccupation que nous entretenons en ce qui nous
concerne et le gouvernement n'a pas du tout l'intention de passer outre
à ces grands principes que vous soumettez là-dessus;
là-dessus, je partage entièrement vos inquiétudes. Je
pense qu'on va essayer d'y trouver une réponse par le biais d'une
loi-cadre.
Maintenant, vous n'avez pas explicité beaucoup dans votre
mémoire le fait que nous devrions avoir, oui ou non, une loi-cadre ou
une loi générale. Est-ce que vous pensez avoir une opinion
à nous livrer là-dessus ou si cela vous a
échappé?
M. Morin (Pierre): Oui, M. le Président, il y a
peut-être deux points... Entre autres, je voulais apporter
celui-là. C'est que, fondamentalement, le processus
référendaire doit non seulement être légal, mais il
doit aussi apparaître comme étant légitime...
M. Burns: Oui.
M. Morin (Pierre): ... et c'est peut-être à cette
légitimité qu'on doit attacher beaucoup plus d'importance, parce
que je ne crois pas qu'une des deux parties veuille s'attacher à faire
un débat sur la légitimité de la question ou des
mécanismes plutôt que sur le fond lui-même. Or, à ce
moment-là, on peut, à notre avis, tout aussi bien faire, ou tout
aussi mal faire, que ce soit à travers une loi-cadre, une loi organique,
une loi spécifique. Là, pour nous, il ne se pose pas tellement de
problèmes. Le problème fondamental, c'est que le mécanisme
soit non seulement légal, mais qu'il soit aussi et qu'il apparaisse
légitime.
M. Burns: Non seulement qu'il soit impartial, mais qu'il
apparaisse comme étant impartial.
M. Morin (Pierre): Non seulement, oui.
M. Burns: Je partage vos vues, M. Morin, là-dessus.
M. Morin (Pierre): Comme la femme de César,
d'ailleurs...
M. Burns: C'est ça, exactement, au-dessus de tout
soupçon.
M. Morin (Pierre): Au-dessus de tout soupçon. Il y a un
autre point, M. le Président, si vous me permettez...
M. Burns: Elle n'est pas morte, elle?
M. Morin (Pierre): Depuis quelque temps... Voici un dernier point
qui fait aussi partie de nos politiques d'action et sur lequel nous avons une
position très claire. Il est peut-être opportun de l'apporter
à ce moment-ci. C'est de proscrire la publication de sondages durant la
période référendaire.
M. Burns: Ah bon! Cela, ça m'intéresse
beaucoup.
M. Morin (Pierre): Cela, c'est un point sur lequel notre
assemblée générale s'est aussi prononcée et que
nous retenons parmi les choses que nous devons vous faire connaître.
M. Burns: Ah bon! Cela m'intéresse beaucoup. Est-ce que
cette suggestion, de votre part, vaudrait pour...
M. Morin (Pierre): Les campagnes électorales, tout comme
les périodes...
M.Burns: ... l'ensemble des campagnes électorales?
M. Morin (Pierre): ...les périodes
référendaires.
M.Burns: Oui, proscrire la publication. Si je comprends bien,
vous suggérez de proscrire la publication des sondages.
M. Morin (Pierre): Les sondages durant cette période
référendaire.
M. Burns: Très intéressant. Remarquez que je n'ai
pas d'idée définie, comme ministre d'Etat à la
réforme électorale, mais je vous avoue que c'est une des
questions que nous nous posons actuellement, à savoir ce qu'on fait avec
cela? Est-ce...
M. Lavoie: C'est suite au dernier sondage, qui ne vous est pas
favorable?
M. Burns: Non, pas du tout, ça fait exactement un an que
je me pose cette question et c'est quelque chose que vous allez retrouver en
blanc et noir dans le programme du Parti québécois, mais je vous
avoue qu'on se demande comment, en pratique, on pourrait le faire. Remarquez
que, peut-être à l'occasion d'une discussion à fond sur ce
sujet, je présume que vous reviendrez devant nous, M. Morin, pour nous
donner, de façon très précise, votre point de vue...
M. Morin (Pierre): On espère que ce sera avant la
deuxième lecture du projet de loi.
M. Burns: On verra.
Je vous remercie, M. Morin. Vous avez été bien gentil
d'attendre toute la journée pour vous faire entendre, mais je pense que
ça valait la peine que vous nous fassiez votre présentation.
Merci bien.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval.
M. Lavoie: Comme l'a souligné le leader parlementaire du
gouvernement, vous vous attachez, d'une manière particulière,
à la formation et à la participation des individus et des groupes
au comité ad hoc. Je vais commencer par une première question sur
ce sujet.
Vous êtes au courant qu'en vertu de la loi 2, adoptée
récemment, les personnes morales, des groupes comme le
vôtre d'ailleurs ne sont pas admissibles à la contribution,
lors d'élections? Qu'est-ce que vous pensez de la participation et de la
contribution, en argent, en services, etc., qu'un groupe comme le vôtre
pourrait faire? Est-ce que ce serait souhaitable que ce soit permis d'accorder
ce droit aux personnes morales dans une campagne
référendaire?
M. Morin (Pierre): J'avoue, M. le Président, que nous
avons accepté la sanction de l'Assemblée nationale en ce qui
concerne le projet de loi 2. Nous nous sommes opposés à cette
restriction au droit d'expression des personnes morales, à l'occasion de
la présentation des mémoires sur le projet de loi 2. Nous n'avons
pas changé d'avis sur le fond de la question que nous avions
soulevée à ce moment. Loin de là, nous considérons
toujours qu'il s'agit, si on empêche la participation des personnes
morales, d'une atteinte au droit d'expression. Par contre, si la campagne
référendaire doit être menée à partir des
règles déjà prévues par la loi 2, la Loi portant
sur le financement des partis politiques, nous sommes conscients que nous de-
vrions nous y soumettre. Mais, en termes de dépenses, s'il y a une voie
possible pour accueillir la contribution des personnes morales, qui, elles
aussi, ont un droit d'expression et devraient pouvoir s'en prévaloir,
nous serions en faveur qu'elles puissent le faire.
M. Lavoie: Je me pose une question et je l'adresse au ministre.
Vous savez, ce sont des voeux pieux qu'on fait ou ce sont des désirs,
qu'on prétend louables, comme le point que vous soulignez
particulièrement celui du plafonnement des dépenses. Advenant le
cas, je poserais la question au ministre immédiatement sur la
première que je viens de vous poser: Est-ce votre intention de
défendre, de ne pas permettre la participation, les contributions en
argent ou en services par les personnes morales, comme dans la loi no 2
à l'occasion de la Loi sur les référendums.
M. Burns: Oui.
M. Lavoie: Vous ne voulez pas permettre la participation.
M. Burns: Je pense que le livre blanc est très clair
là-dessus. On dit que les règles applicables au projet de loi
régissant le financement des partis politiques devra, s'appliquer
mutatis mutandis, à la loi éventuelle de la consultation
populaire.
M. Lavoie: Je serais prêt à faire une distinction.
Nous avons acquiescé à ce que les personnes morales ne puissent
pas participer financièrement ou par la contribution de services lors
d'une élection pour des candidats. Nous n'étions pas d'accord,
mais nous n'avons pas fait une bataille de fond à l'occasion de la loi 2
qui couvre l'élection d'élus de la population. Ne trouvez-vous
pas que vous allez vraiment trop loin si vous voulez appliquer les mêmes
règles sur l'avenir d'une province ou d'un Etat, l'avenir du
Québec je parle surtout du référendum au point de
vue constitutionnellorsque des individus se sont regroupés, soit
dans une association, dans une société ou dans une compagnie et
qui ont une tradition ici, au Québec, depuis 50 ans, 100 ans, qui ont
des actifs énormes, qu'ils n'ont pas volés à personne,
qu'ils ont honorablement et légitimement gagnés, et que vous leur
refusez toute participation, contribution, lors d'une décision aussi
capitale que la séparation ou la division d'un pays?
M. Burns: Votre question est assez longue, afin que je lui donne
une réponse précise, voulez-vous recommencer seulement le
début de votre membre de phrase? Je vais vous répondre
brièvement.
M. Lavoie: Ne trouvez-vous pas que vous allez trop loin...
M. Burns: Ma réponse est non.
M. Lavoie:... en ne faisant pas une distinction entre
l'élection d'élus de la population et l'avenir, quand même
collectif, non seulement d'individus, mais de sociétés qui ont
légitimement un droit d'existence et d'opération, qui sont une
contribution également à la société.
M. Burns: Vous recommencez, parce que plus votre question est
longue, moins elle est claire. Vous avez commencé en me disant: Ne
trouvez-vous pas...
M. Lavoie: Que vous allez trop loin.
M. Burns: ... que je vais trop loin. Je vous dis non.
M. Lavoie: Si chaque fois que vous avez des interventions qui
sont archilongues, j'intervenais, essayez donc de comprendre et soyez donc un
peu plus transparent.
M. Burns: Je suis au contraire très...
M. Paquette: Une question de règlement. Je m'excuse.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: Je me demande si on n'est pas en train de commencer
un débat alors qu'on devrait surtout discuter avec nos invités.
Je ne veux pas être désagréable avec qui que ce soit,
mais... C'est parce qu'on n'est pas à la deuxième...
M. Lavoie: On est quand même à un stade exploratoire
sur le livre blanc. Il s'agit de couvrir tous les aspects le plus possible et
si ce n'est pas l'endroit pour le faire, quand même.
M. Paquette: D'accord.
M. Lavoie: Avant que le gouvernement ne fasse son lit, c'est
peut-être le temps d'allumer ses lumières également.
Le Président (M. Boucher): M. Morin.
M. Morin (Pierre): Si on peut tenir pour acquis les opinions
énoncées par M. le ministre indiquant qu'il ne semble pas,
à son avis, aller trop loin, pourrait-on lui demander une
législation de concordance, au niveau du Code civil et de la Loi des
compagnies, afin de relever les administrateurs d'une entreprise d'un fardeau
qui leur est imposé, actuellement, par la loi, de voir aux meilleurs
intérêts des biens qu'ils administrent, dans le cas de
décisions politiques?
M. Lavoie: Vous allez être obligé de
répéter votre question. Comment voulez-vous qu'il y
réponde s'il n'entend pas la question?
Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous adressez votre
question au ministre?
M. Morin (Pierre): Directement.
Le Président (M. Boucher): M. le ministre? A l'ordre, s'il
vous plaît! M. le ministre.
M. Burns: Je m'excuse, M. le Président, je
conçois... j'avais pris mon chapeau du leader du gouvernement; je remets
mon chapeau de ministre et je me ferme la boîte.
M. Morin (Pierre): J'espère quand même que vous
allez répondre à ma question, M. le ministre?
Le Président (M. Boucher): M. Morin désire vous
poser une question.
M. Morin (Pierre): A partir de l'affirmation faite tantôt,
vous disiez ne pas croire aller trop loin en restreignant le droit des
entreprises, des corporations, des personnes morales à contribuer
à un tel débat, que ce soit le référendum, sur
l'énergie, enfin quelle que soit la question qui touche intimement
l'entreprise, l'énergie peut toucher intimement l'entreprise...
M. Burns: Vous savez, M. Morin...
M. Morin (Pierre): Excusez-moi, je vais terminer ma question.
M. Burns: D'accord, excusez-moi, allez-y.
M. Morin ( Pierre): Ne croyez-vous pas qu'il y aurait lieu
d'adopter une législation de concordance relevant les administrateurs
d'une entreprise à l'intérieur du Code civil et de la Loi des
compagnies qui doivent actuellement voir aux meilleurs intérêts
des biens qui leur sont confiés, et, de là, de se comporter en
bons pères de famille. Je comprends que la formule est archaïque,
mais la question se pose néanmoins, peut-être avec beaucoup plus
d'acuité sur des questions référendaires que sur des
campagnes électorales.
M. Burns: M. Morin, les entreprises incorporées ne
viennent pas de la fesse gauche de Jupiter, c'est quelque chose qui vient du
monde, d'habitude. Je ne connais pas, en tout cas, de corporations qui nous
sont envoyées directement du ciel, je n'en connais pas. De sorte que je
pense qu'il est important, c'est une question de...
M. Lavoie: Oui, il y en a une, la Sainte Trinité.
M. Burns: Oui, peut-être, mais ce n'est pas une
corporation, la Sainte Trinité, surtout que c'est à but non
lucratif...
M. Lavoie: C'est indivisible.
M. Burns: ... comme dit mon collègue de Ter-rebonne. Je
vous le dis très sérieusement, M. Morin, évidemment, c'est
une question d'approche politique, de philosophie politique, il n'y a pas de
doute, mais nous croyons qu'il est important
qu'on revalorise dans la société le rôle du citoyen
électeur. C'est tout ça qui sous-tend la loi 2, c'est tout
ça qui sous-tend notre utilisation, par voie de référence,
dans le cas de la consultation populaire, de la loi 2.
C'est pour ça que, moi, il n'y a jamais personne qui va me faire
brailler sur le fait qu'il y a des compagnies qui seraient donc
maganées, si elles n'avaient pas le droit de vote.
M. Lavoie: II n'est pas question de droit de vote.
M. Burns: Je vous le dis au départ... bien oui, mais c'est
ça...
M. Lavoie: Participation.
M. Burns: Je vous dis au départ qu'elles n'ont pas droit
de vote au niveau québécois, que, sans aucun doute, si le
gouvernement actuel poursuit son cheminement, il n'aura peut-être pas,
c'est-à-dire qu'elle n'aura pas la compagnie, l'entreprise
au niveau municipal, en tout cas je le souhaite personnellement, le droit de
vote non plus. Actuellement, elle a droit de vote. Il faudra fort probablement,
éventuellement, unifier le cens électoral à tous les
niveaux...
M. Lavoie: On ne parle pas de ça. Voyons! C'est sur mon
temps en plus de ça.
M. Burns: Vous ne voulez pas que je vous réponde?
M. Lavoie: Parlez du sujet. On ne parlera pas du cens
électoral dans les municipalités, dans les compagnies, on parle
de la participation lors d'une campagne référendaire et des
personnes morales; c'est ce dont on parle.
M. Burns: Je vous dis que tout cela relève d'une seule et
même philosophie qui n'est peut-être pas en accord avec ce que
pense la Chambre de commerce ou le Parti libéral. Mais je pense
cependant qu'un gouvernement qui croit en cela doit le traduire par l'entremise
de ses projets législatifs. C'est ce qu'on traduit actuellement.
M. Morin (Pierre): M. le Président, je ne voudrais pas
commencer un débat, surtout pas sur le temps du député de
Laval. Tout ce que je voudrais souligner, c'est que si le ministre persiste
dans cette philosophie avec laquelle on peut être en désaccord, et
il a le droit de persister dans cette philosophie, tout ce qu'on lui demande,
c'est de s'assurer qu'il y a une législation de concordance pour relever
les administrateurs d'une entreprise d'un fardeau que lui imposent d'autres
lois. Là, il y a un véritable problème.
Souvent, en discutant avec M. le ministre, on s'est aperçu qu'il
y avait une notion qui semblait lui échapper, avec laquelle, nous, on
vit quotidiennement. L'administrateur de l'entreprise, souvent, doit trancher
entre les intérêts des actionnaires, des propriétaires de
l'entreprise, qui eux, peu- vent bien s'exprimer, peuvent être
aux-mêmes en conflit avec les intérêts de l'entreprise, de
la corporation elle-même, mais le fardeau est placé sur les
épaules de l'administrateur, et non pas des actionnaires. C'est lui,
l'administrateur, qui doit voir, qui doit veiller aux meilleurs
intérêts de la corporation. C'est un fardeau qui lui est
imposé par la loi.
M. Burns: Comme le disent les Anglais, "you cannot have your cake
and eat it". C'est un avantage de former une corporation, il ne faut pas se le
cacher.
M. Morin (Pierre): Fiscal, surtout.
M. Burns: Vous le savez, M. Morin, vous limitez votre
responsabilité publique...
M. Morin (Pierre): ... Ce sont les actionnaires.
M. Burns: ... votre responsabilité civile
également. C'est pourquoi la Loi des compagnies impose un certain nombre
d'obligations à ceux qui ont à administrer cette espèce de
boutique à l'épreuve de toute responsabilité civile.
Je m'excuse, mais on m'a posé des questions, M. le
Président.
M. Lavoie: Je vous laisse conclure.
M. Burns: II n'est pas question de conclure, il est question de
répondre à des questions. Ce n'est pas moi qui ai posé des
questions.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval semble vouloir reprendre son temps.
M. Burns: II veut reprendre son temps, mais c'est lui qui a
commencé la série de questions.
M. Lavoie: J'ai fait perdre le temps de la commission, hein?
M. Burns: Non, pas du tout, au contraire. M. Lavoie: On
l'a, votre idée. Bon.
M. Burns: Si vous n'êtes pas content de la façon que
je réponds. Je réponds de la façon la plus honnête
possible à M. Morin et à vous aussi, M. le député
de Laval.
M. Lavoie: Voici mon autre question.
M. Burns: Si on ne veut pas que je réponde, je ne
répondrai pas. Mais je peux vous dire, en tout cas, qu'il va falloir se
poser la question à nouveau, à savoir d'où vient cette
non-responsabilité civile des corporations et il va falloir aussi se
demander si ce n'est pas normal et justifié de transférer cela au
niveau électoral. C'est seulement cela que je vous dis.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval.
M. Lavoie: Vous êtes dans le droit nouveau par-dessus la
tête avec cela. Je pense qu'à peu près dans tous les pays,
la Nouvelle-Zélande, la France, l'Italie, l'Angleterre; même en
Angleterre, qui a des systèmes législatifs autant, sinon plus
éprouvés que nous, où on n'a pas jugé à
propos, même avec les comités ad hoc... J'ai pris la peine de
répéter que ceux qui n'entraient pas, ce n'était pas
obligatoire d'entrer dans des comités ad hoc, les autres étaient
libres de participer, il n'y avait pas de limite ou quoi que ce soit.
Je vous pose une question bien pratique. Comment allez-vous
l'appliquer?
M. Burns: Vous recommencez!
M. Lavoie: Je vous pose une question; certainement.
M. Burns: Cela ne me fait rien.
M. Lavoie: Vous êtes responsable, vous prendrez le temps
que vous voudrez, à part cela.
M. Burns: C'est d'accord. Ne m'interrompez pas après, par
exemple.
M. Lavoie: Comment, au point de vue pratique, allez-vous
appliquer le respect d'une telle loi si vous avez des contraintes qu'on trouve
et que beaucoup d'individus et beaucoup de citoyens trouvent
exagérées? Je vous donne un simple exemple.
Pour une raison ou pour une autre, Radio-Canada, qui est une
société de la couronne canadienne qui a son siège social,
j'imagine je ne sais pas où à Ottawa, je ne sais
pas...
M. Burns: A Montréal.
M. Lavoie: ... à Montréal ou quoi que ce soit.
Prenons comme hypothèse que ce serait à Ottawa ou en dehors du
Québec. Elle a un mandat, je crois, dans sa constitution, de
l'unité canadienne ou autre et elle ne suivrait pas vos directives.
Cette société ou cet individu qui ne respecterait pas votre loi
ne serait pas sous votre juridiction. Comment allez-vous appliquer votre
loi?
M. Burns: Je ne suis pas capable. M. Lavoie: Vous
n'êtes pas capable? M. Burns: Non.
M. Lavoie: Primo, défaut d'application de la loi.
M. Burns: C'est cela. Vous êtes en train de me prouver
qu'il est temps, très sérieusement...
M. Lavoie: De se séparer.
M. Burns: ... qu'on prenne en main tous les pouvoirs normaux
qu'un gouvernement québécois devrait avoir.
M. Lavoie: D'accord. Ma femme m'a privé un peu de mes
libertés, dois-je divorcer demain matin?
M. Burns: Non.
M. Lavoie: Non. D'accord.
M. Burns: Parce que c'est votre libre choix à vous.
M. Paquette: C'est drôle, il y en a qui le font!
M. Burns: Si vous êtes tanné, c'est votre
problème à vous.
M. Lavoie: Je n'ai pas encore eu ce problème.
M. Burns: Je ne pense pas. D'ailleurs, connaissant votre femme,
je trouve que vous avez parfaitement raison de ne pas être
tanné.
M. Lavoie: Ne craignez-vous pas également que, s'il y a un
défaut d'application qui peut être... Disons, pour une raison ou
pour une autre, qu'il y a un grand nombre de citoyens ou d'individus qui
trouvent vos contraintes vraiment exagérées, trop fortes,
qu'elles ne sont pas acceptées j'ai posé la question
à une certaine séance surtout sur une question aussi
capitale, aussi importante que l'avenir d'un peuple, ne craignez-vous pas que
cela donnerait un peu ouverture au non-respect de la loi?
M. Burns: Je ne crois pas. C'est une question, encore une fois,
d'approche. Je pense que le député de Laval partage mes vues
là-dessus en grande partie. Je pense que la plupart des citoyens ont
tendance à suivre une loi plutôt qu'à tenter d'y
contrevenir. Evidemment, il y a toujours une minorité dans une
société qui cherche à mettre de côté les
dispositions générales d'une loi, mais je pense qu'il faut
accorder la bonne foi je ne sais pas si la chambre de commerce partage
mes vues là-dessus et si d'autres membres de la commission ont des avis
contraires qu'en général, les gens, dans une très
forte proportion, ont tendance à dire: C'est la loi. Elle est
légitime. Elle a passé par les canaux normaux. Elle a
été adoptée. La tendance naturelle, c'est de la
suivre.
Evidemment, vous avez l'exception. Qu'est-ce que vous voulez! il y a des
bandits dans toutes les sociétés, mais j'ai plutôt tendance
à ne pas juger les gens comme étant majoritairement des bandits
dans notre société actuelle.
M. Lavoie: Vous avez cité tout à l'heure une partie
de l'opinion de la commission...
M. Burns: C'est toute la conclusion, M. le député
de Laval.
M. Lavoie: Vous avez cité, à la page 6, et je
voudrais vous citer également pour les fins du journal des Débats
et pour les abonnés du journal des Débats, parce que la
vérité a ses droits.
M. Burns: Elle est imprimée, d'ailleurs. M. Lavoie:
La vérité a ses droits.
M. Burns: Oui. C'est imprimé au journal des
Débats.
M. Lavoie: A la page 5, je porte à votre attention une
autre partie que vous auriez dû citer également, et je le fais aux
fins...
M. Burns: Pour gagner du temps, j'ai cité la
conclusion.
M. Lavoie: Ce qui a fait votre affaire. Je veux citer cette page
5 où il est dit que "la Commission des droits de la personne est bien
consciente de la difficulté de concilier la mise en oeuvre du principe
de l'égalité des chances entre toutes les options avec le respect
intégral des libertés fondamentales. Elle se demande cependant
s'il n'y aurait pas lieu, sans restreindre les contrôles financiers,
d'assouplir le mécanisme des organisations ad hoc, de façon que:
a) A l'intérieur des organisations-parapluie soient mieux garanties les
libertés d'opinion, d'expression, d'association des différents
membres, individus ou groupes face notamment au comité provisoire et
plus tard au comité national qui dirige l'organisation pendant la
campagne référendaire; b) Les représentants de toute autre
option politique que celles représentées dans la question et dans
les organisations ad hoc aient tout de même la liberté ceux
qui ne sont pas dans les groupes de s'exprimer, de s'associer, bref, de
participer à la campagne référendaire."
M. Burns: Cela va vous surprendre, M. le député de
Laval, mais je suis entièrement d'accord avec cette présentation.
D'ailleurs, c'est peut-être au cinquième ou au sixième
groupe d'affilée à qui je pourrais demander cela. Je n'ai pas
d'objection, mais je souscris à ces objectifs, c'est-à-dire le
contrôle des dépenses et la liberté d'opinion qui peuvent
être ajustés...
M. Charbonneau: Question de règlement.
M. Burns: Je m'excuse. ... sans aucun doute. Je me dis, et c'est
d'ailleurs pour cette raison qu'on est ici, si on a des suggestions positives
qui vont assurer ces deux choses, je suis bien prêt à les
considérer. Est-ce que vous avez des suggestions, M. le
député de Laval là-dessus?
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Verchères, question de règlement.
M. Burns: Qui vont respecter ces...
M. Charbonneau: M. le Président, je comprends la
discussion fort intéressante et peut-être importante, je n'en
doute pas, mais on a des gens ici qui sont venus nous présenter un
mémoire et on est en train de discuter d'autres mémoires. Je
pense qu'on doit avoir au moins la décence et la délicatesse pour
des gens qui ont attendu toute une journée pour discuter de leur
mémoire... Après, on restera ici ensemble et on discutera des
autres.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Laval.
M. Lavoie: M. le Président, je ne voudrais même pas
traiter de cette question de règlement, étant donné que le
mémoire de la chambre de commerce traite d'une manière tout
à fait particulière de la formation des comités ad hoc. Je
mentionne ici les remarques de la Commission des droits et libertés de
la personne justement sur ces restrictions pour la formation et la
participation des comités ad hoc. Je crois que c'est tout à fait
dans le sujet.
Le Président (M. Boucher): Je suis d'accord avec vous, M.
le député de Laval, mais je ne voudrais pas que le débat
se fasse entre le ministre et vous pendant que nos invités ont
peut-être des questions ou des réponses...
NI. Lavoie: Ecoutez, les membres de l'Opposition ou du parti
ministériel ou les invités doivent s'adresser au ministre. C'est
lui qui est responsable du dossier, c'est lui qui va préparer la loi et
c'est lui qui va soumettre la loi. Je ne suis pas pour m'adresser au ministre
responsable de la loi 101. Il n'écoutait pas du tout les suggestions. On
tente une chance avec le...
M. Burns: Peut-être voulez-vous entreprendre un
débat qui, dans le fond, est un peu prématuré, parce que
la loi n'est pas prête actuellement, je vous le dis bien
honnêtement.
M. Lavoie: Maintenant, j'ai remarqué que vous souhaitez,
une fois qu'on aura terminé l'étude du livre blanc, où il
y a beaucoup de zones grises, lors de l'étude de la loi-cadre sur la
consultation populaire qui, normalement, d'après ce que le ministre a
dit, sera déposée dans le courant du mois de décembre,
qu'après la première lecture, alors que plusieurs zones grises
seront disparues, parce qu'on aura le texte noir sur blanc, il y ait de nouveau
une commission parlementaire pour que vous puissiez vous exprimer sur le projet
de loi définitif.
M. Morin (Pierre): Oui, M. le Président.
M. Lavoie: J'aurais une dernière question. Est-ce que,
d'après vous...
M. Burns: Est-ce que vous me permettriez une question, juste pour
ajouter... C'est une question accessoire...
M. Lavoie: Certainement.
Le Président (M. Boucher): ... sur le temps de M. le
député de Laval?
M. Burns: Non, écoutez! Je ne veux pas que ce soit pris
sur le temps du député de Laval.
M. Lavoie: Allez-y!
M. Burns: Si le...
M. Brochu: Pas sur le mien, non plus.
M. Burns: Non, surtout pas sur le vôtre, vous n'avez pas
dit un mot jusqu'à maintenant.
Le Président (M. Boucher): Je vous ferais remarquer qu'il
ne reste que 20 minutes avant l'ajournement.
M. Burns: Non, je pense bien qu'on va réussir à
s'entendre.
Je vous pose une autre question hypothétique, parce que celle du
député de Laval l'était. Si le livre blanc, sur lequel
vous avez présenté un mémoire, est à peu
près, dans les grandes lignes, un reflet de ce que va être la loi,
est-ce que votre opinion est la même? C'est-à-dire est-ce que vous
voulez revenir ici relativement au projet de loi qui pourrait être
éventuellement calqué sur le livre blanc?
M. Morin (Pierre): M. le Président, ça fait
plusieurs années que nous venons en commission parlementaire et que nous
participons au processus législatif, dans une certaine mesure. Trop
souvent avons-nous vu la traduction en termes juridiques
d'énoncés de principe perdre beaucoup dans la traduction, soit au
niveau de la rédaction juridique. Je crois que notre contribution s'est
souvent faite là aussi, à ce niveau-là, sur des points
simplement de ce qu'on pourrait appeler une législation qui traduit bien
ce que voulait dire...
M. Burns: D'accord, je comprends votre opinion.
M. Morin (Pierre): Déjà, ne serait-ce simplement et
pas nécessairement pour reprendre le fond, c'est-à-dire reprendre
nécessairement le débat sur le plafonnement des dépenses,
mais sur d'autres aspects, oui.
M. Burns: Cela va. D'accord.
M. Lavoie: Une dernière question, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Oui, M. le député
de Laval.
M. Lavoie: Je pense que tous les groupes qui sont venus se faire
entendre, et également le vôtre vous l'avez souligné
tout à l'heure souhaitent, et même le ministre acquiesce
à ce souhait, que cette opération référendaire soit
légitime, en somme, qu'il y ait une crédibilité, qu'il y
ait toute l'assurance voulue, je ne sais pas, un effort collectif de
concertation pour que cette opération ait la plus grande
légitimité possible.
Le débat est lancé, depuis quelques mois au Québec,
sur l'opération référendaire ou sur la loi-cadre des
consultations populaires, sur le scénario référendaire.
Etes-vous d'opinion, comme témoins devant cette commission, que le
gouvernement a pris toutes les mesures et toutes les garanties
nécessaires pour que cette garantie de crédibilité existe?
Autant pour la formulation de la question que sur le déroulement de
l'opération référendaire elle-même, sur la formation
des groupes ad hoc, sur la formulation de la question qu'on ne connaît
pas encore, sur la date du référendum particulier qu'on ne
connaît pas encore, croyez-vous que le gouvernement je ferai une
analogie avec l'Angleterre, où on a pris un M. Jamieson, qui
était un politicien, un grand commis de l'Etat, en dehors de toute
allégeance politique pour préparer l'opération
référendaire croyez-vous que le gouvernement a pris,
actuellement, toutes ces garanties pour que la population, non pas 41% de la
population, non pas 30% de la population, mais que la population dans son
ensemble considère cette activité comme tout à fait
légitime, crédible, honnête et tout.
M. Morin (Pierre): M. le Président, c'est une
question...
M. Lavoie: D'appréciation.
M. Morin (Pierre): ... non seulement d'appréciation, mais
fort complexe. En ouvrant le débat, en s'engageant à tenir un
référendum sur une question précise... Parce qu'il faut
quand même faire la distinction entre le référendum et le
processus référendaire. Dans le processus
référendaire, le débat est ouvert et, déjà,
amène la participation de la population. Dans ce sens, on ne voudrait et
on ne pourrait prêter au gouvernement aucune intention autre que celle
qu'il a manifestée lui-même, par ses actes et par ses gestes.
Le Président (M. Boucher): Compte tenu de la question,
vous vous en êtes bien tiré; compte tenu de l'avis du
président qui m'a précédé au début.
M. le député de Richmond.
M. Brochu: Merci, M. le Président. Le mémoire qui
nous a été présenté est fort intéressant. Il
y a plusieurs points qui ont été touchés; cela a
soulevé des questions qui ont dépassé le contenu
même de votre mémoire, mais qui nous ont donné des sujets
de réflexion importants; en ce qui concerne, par'exemple, la question
des sondages; en ce qui concerne la question du comité d'abstention
qu'on retient avec beaucoup d'intérêt. Maintenant, à cause
de l'heure et pour permettre à certains autres collègues de poser
aussi des questions, je vais tenter de limiter mes questions.
Vous avez indiqué que vous êtes d'accord avec la
présentation d'une loi-cadre plutôt que de lois spécifiques
visant des référendums sur des sujets donnés...
M. Morin (Pierre): Non.
Le Président (M. Boucher): Le témoin désire
répondre.
M. Brochu: J'avais cru comprendre...
M. Morin (Pierre): Non, ce que nous avons dit, tout simplement,
c'est qu'il est aussi possible de bien faire, que ce soit avec une loi-cadre,
une loi organique ou une loi spécifique, qu'il est possible de mal faire
avec les trois. Essentiellement, ce qui nous préoccupe, c'est tout
simplement que le processus soit légitime, quel que soit le moyen.
M. Brochu: Je suis heureux de la précision parce que
j'avais l'impression que vous visiez d'abord une loi-cadre. Autrement dit, vous
acceptez la loi-cadre, pour autant qu'elle donne des garanties en ce qui
concerne les mécanismes d'application, qu'ils soient crédibles et
qu'ils donnent les résultats qu'on veut atteindre.
M. Morin (Pierre): C'est exact.
M. Brochu: D'accord. Maintenant, vous êtes contre la
répétition, en ce qui concerne un référendum sur un
sujet donné. Vous avez souligné cet aspect dans votre
mémoire. J'aimerais que vous nous donniez peut-être quelques
indications supplémentaires. Iriez-vous jusqu'à dire, sans tenir
compte d'un sujet... Je donne comme exemple la question sur l'avenir
constitutionnel puisque c'est celui-là que plusieurs ont en tête
actuellement. Iriez-vous jusqu'à dire que le gouvernement ne devrait pas
tenir de référendum, sur le même sujet, au cours d'un
même mandat? Ou avez-vous, dans votre esprit, analysé cette
question dans cette optique?
M. Morin (Pierre): M. le Président, le monde des affaires,
s'il y a une chose qu'il craint, c'est l'incertitude et vivre dans
l'incertitude, bien que l'incertitude soit actuellement le prix de notre
démocratie, cette incertitude ne peut pas demeurer de façon
permanente.
Il y aura déjà des incertitudes qui demeurent
elles-mêmes de façon permanente. Mais dans le domaine politique,
à un moment donné, il faut y mettre un terme, il faut
effectivement se brancher d'un côté ou de l'autre. Quel que soit
le sujet sur lequel portera un référendum, il arrive un moment
où il faut disposer de la question. Vous avez vous-mêmes, à
l'Assemblée nationale, des règles, et si ma mémoire est
bonne, le Code Lavoie y fait non seulement allusion, mais il établit
essentiellement les questions sur lesquelles on peut revenir et sur lequelles
on ne peut pas revenir une fois qu'on en a disposé. Essentiellement, que
ce soit à l'intérieur d'un même mandat... On n'a pas
posé la question en ces termes-là, la question est
elle-même hypothétique, mais à un moment donné il
faut mettre un terme à une question, il faut la régler, surtout
parce que le référendum est principalement utilisé pour
mettre un terme à une question. Soit qu'on accepte le processus, ou bien
vous remettez en cause ou on remet en cause carrément le processus
référendaire lui-même. Le processus
référendaire, c'est précisément pour mettre un
terme à une question dans la mesure où le gouvernement et la
population s'engagent à suivre et à agir en fonction de
l'expression d'une majorité d'opinion. A ce moment-là, la
question doit être considérée comme quoi on en a
disposé.
M. Brochu: Est-ce que je devrais comprendre, avec l'exposé
que vous nous faites maintenant, que si une question donnée,
d'importance suffisante pour justifier un référendum, se pose
parce qu'un référendum vient d'un besoin est-ce
qu'à votre avis, on devrait, dans les plus brefs délais, poser
les questions à l'intérieur d'un cadre de
référendum, et par la suite, que le gouvernement soit lié
dans ce processus par les réponses qu'il reçoit de la population,
et qu'après cela, on ne revienne plus sur la question? Est-ce que c'est
le portrait, si on trace un portrait robot du cheminement d'un
référendum. Est-ce qu'à travers vos propos on doit
conclure que ce sont là les principales étapes que vous voyez
à l'utilisation des référendums à venir?
M. Morin (Pierre): Grosso modo, c'est le fondement même de
l'utilisation du mécanisme, oui. Qu'on ne revienne plus, une fois la
question posée. Il y a une question de délai. Vous parlez d'un
mandat. Cela peut être un mandat comme règle
générale, cela peut être dix ans aussi. Effectivement, une
fois qu'on a disposé d'une question d'une façon claire et nette,
si la question a été posée d'une façon claire et
nette, à moins qu'il n'y ait un courant d'opinion qui veuille la ramener
comme problème dans une période donnée, car vous le dites
vous-même, le référendum ou la question posée doit
répondre à un besoin; à moins que ce besoin ne se
manifeste de nouveau d'une façon claire et nette, il n'y a pas lieu de
la ramener, et avant qu'elle ne soit ramenée, il devrait
s'écouler un laps de temps assez considérable.
M. Brochu: Merci de ces précisions. En ce qui concerne la
formulation de la question, je pense que le mémoire que vous
présentez ne touche pas à un aspect qu'on a soulevé, dont
on a discuté à différentes occasions et sur lequel on a
interrogé nos témoins aussi. C'est la question de la formation
possible d'un conseil du référendum qui serait chargé,
étant formé des personnes les plus impartiales possible, si cela
peut se trouver, de formuler les questions à présenter à
l'Assemblée nationale.
Est-ce que la chambre, de ce côté, a une opinion en ce qui
concerne cette formation éventuelle d'un conseil du
référendum?
M. Morin (Pierre): Non, M. le Président.
M. Brochu: Est-ce que je dois comprendre que la chambre serait
satisfaite, si la question, telle que prévue dans le livre blanc,
était formulée simplement à l'Assemblée nationale
et discutée au cours du débat? Est-ce que la chambre serait
satisfaite à ce moment.
M. Morin (Pierre): M. le Président, la chambre serait
satisfaite, de n'importe quel mécanisme en
soi qui assure la légitimité du processus. C'est ça
l'important. Le mécanisme en somme, vient purement appuyer la
légitimité du processus. Nous voyons très mal la
période référendaire se dérouler alors que tout le
monde remet en cause ou qu'une des parties doit défendre la
légitimité même du processus. Vous pouvez fort bien
comprendre quelles pourraient être nos prévisions sur le
résultat d'un tel référendum, à ce moment,
où on remettrait en cause la légitimité même du
processus ou de la formulation de la question.
Le mécanisme lui-même est fort secondaire par rapport
à la nécessité d'avoir un processus qui soit et qui
apparaisse légitime.
M. Brochu: D'accord. Cela rejoint une préoccupation
soulignée ce matin, je pense, lorsque M. Dufour, qui était devant
nous, disait: "Au lendemain d'un référendum, quel qu'il soit, il
faudra continuer à vivre, quel que soit le sujet".
M. Morin (Pierre): Exactement.
M. Brochu: Je pense que lorsqu'on parle de
légitimité et de confiance, de la population ou du gouvernement,
on touche cette question, il faut que le législateur ait cette
préoccupation, en établissant son texte de loi, de donner ces
garanties dans les mécanismes qu'il va mettre en place.
M. Morin (Pierre): Effectivement, et c'est alors l'opinion
publique qui jugera de la disposition de la question.
M. Brochu: Messieurs, en ce qui concerne l'Union Nationale, je
vous remercie beaucoup de votre participation. Si d'autres ont des questions,
j'aimerais leur laisser la parole avant qu'on termine la soirée.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Terrebonne.
M. Fallu: Très brièvement, M. le Président.
Vous avez choisi de vous exprimer devant la commission sur un sujet très
précis. Par ailleurs, au cours de la conversation, il s'est
avéré évident que vous aviez également des
idées arrêtées, au bon sens du terme. Je veux dire que vous
aviez réfléchi sur l'ensemble du livre blanc. Vous avez
même apporté des précisions très
intéressantes.
Si vous permettez, dans cette veine, mais très rapidement,
j'aimerais vous poser une question d'ordre général.
Vous avez remarqué qu'à travers le livre blanc, on propose
d'adopter, à l'intérieur du processus référendaire,
l'ensemble du processus habituel, connu, depuis les derniers remaniements,
parce que la loi est toujours en transformation, du scrutin, de la Loi
électorale.
Est-ce que vous donnez également votre accord ou s'il faudrait,
pour un référendum, avoir d'autres modes de scrutin, de
décompte?
M. Morin (Pierre): Encore là, la réponse est
fondamentalement une question de mécanique. Si je comprends bien le sens
de votre question: Est-ce qu'on devrait pouvoir faire le décompte,
l'exprimer purement sur une base nationale, ou québécoise, ou sur
une base régionale ou autre?
Sur ce point, on est parfaitement d'accord avec les témoins de ce
matin qui vous ont répondu qu'essentiellement, le lendemain matin du
référendum, il va falloir que les Québécois, quelle
que soit la question, soient capables de continuer à vivre ensemble.
Or, si le processus électoral actuel que l'on veut appliquer,
mutatis mutandis, au processus référendaire, soulève des
points à ce stade-ci il ne semble pas en soulever outre mesure
s'il devait s'avérer que dans le processus
référendaire, des points comme celui-là apparaissent
extrêmement importants pour le lendemain, précisément, il
faudrait peut-être trouver un autre mécanisme d'expression du
vote, ou de la tabulation, ou de la compilation des résultats.
M. Fallu: De fait, si on parle du processus électoral
connu et qu'on part de l'hypothèse qu'actuellement, ce processus n'est
pas remis en cause d'élection en élection, il est connu, il est
familier, etc., est-ce qu'il assure justement cette sorte de
légitimité de la mécanique?
M. Morin (Pierre): Mais il se pose quand même des
problèmes. Si on transpose le processus électoral actuel qui se
fait d'abord et avant tout sur une base de quartier par quartier, où les
stratèges, à l'intérieur d'une circonscription, vont vous
faire un décompte préalable des positions, pour un processus
électoral, on comprend que cela aille très bien.
Mais il faut se poser la question: Est-ce qu'un référendum
se déroule dans des conditions semblables? A ce moment-là, un
référendum pose une question véritablement à
l'opinion publique. Est-il opportun de le descendre, puisqu'il va être
polarisé, au niveau du quartier encore?
Là se pose une question que nous avons examinée, sur
laquelle nous avons réfléchi et sur laquelle nous n'avons pas
encore complété notre réflexion, mais la question se pose,
parce que, précisément, elle se pose aussi le lendemain du
référendum.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Rosemont.
M. Paquette: Je vais être obligé de limiter ma
liberté d'expression, M. le Président?
Le Président (M. Boucher): II ne reste qu'une minute.
M. Burns: C'est un homme réaliste, le député
de Rosemont.
M. Paquette: Je n'ai pas le choix. Une seule question, sur le
principe que vous émettez à la page 3 de votre mémoire
quant au fait que l'Etat va contribuer également à chacune des
options. Je pense que c'est lié, votre objection, au fait qu'il
y a une limitation des dépenses. Est-ce que, suite à la
discussion, vous maintenez cette opinion? J'ai l'impression que, même si
une opinion était minoritaire, l'idée d'égalité des
chances exigerait qu'on présuppose qu'on va donner des sommes
égales pour fonctionner à toutes les options. Par exemple, si on
avait tenu un référendum sur la loi 101 et que l'opinion
minoritaire, en plus, corresponde aux intérêts d'une
minorité et c'était le cas j'aurais trouvé
fondamentalement injuste qu'on accorde une somme inférieure, qu'on
présuppose que l'une des options devrait recevoir une somme
inférieure à l'autre.
M. Morin (Pierre): Je crois, M. le Président, que le
député de Rosemont va trouver réponse à sa question
dans l'avant-dernier paragraphe de la page 4 de notre mémoire où,
essentiellement, ce que l'on dit, c'est qu'il y a place pour les organismes
parapluie qui recevraient des sommes égales pour chacune des options
qu'ils défendent, des sommes de l'Etat, pour essentiellement
étayer et étoffer, chacun leur point de vue, sauf qu'autour de
ces organismes devrait exister la liberté d'association,
c'est-à-dire que des groupes pourraient, selon les options qui se
prennent, venir s'y associer. C'est un mouvement de la base. Pour nous, c'est
le sens de la démocratie, c'est-à-dire que cela part d'un
mouvement de la base.
L'hypothèse qui est retenue actuellement dans le livre blanc nous
apparaît partir, non pas de la base, mais d'en haut, c'est-à-dire
qu'on délimite qu'il y a deux options, qu'il y a deux organismes
chapeaux et là, tout le monde doit venir se joindre à l'une ou
à l'autre. C'est là qu'il y a une différence
d'appréciation.
M. Paquette: Je pense qu'on se comprend et je tiens à dire
que je suis assez d'accord avec la remarque que vous venez de faire.
Cependant, je me pose une question. Par exemple, à la Chambre de
commerce, et cela va vraiment être ma dernière question, vous
êtes conscients que rien ne vous empêche, en tout cas, dans le
livre blanc, comme dans une campagne électorale, d'afficher vos
couleurs, de prendre position ou de faire des déclarations dans les
journaux pour quelque option que ce soit, dans la mesure où cela
n'implique pas de dépenses.
M. Morin (Pierre): M. le Président, lors d'une campagne
électorale, la loi ne nous le permet pas, et même l'ancienne loi
électorale ne nous le permettait pas.
M. Paquette: C'est une chose qui serait essentielle, de laisser
cette liberté aux organismes durant la campagne
référendaire.
M. Morin (Pierre): Actuellement, la loi ne nous le permet pas. Il
y a eu des dérogations qui n'ont pas entraîné de sanction
lors des dernières élections. Il y a des organismes populaires ou
syndicaux qui ont pris des positions publiquement d'appui et qui se sont
effectivement prononcés dans un contexte d'illégalité.
M. Paquette: Je me demande s'il n'y a pas une confusion ici. Je
pense que les associations, les corps intermédiaires, par exemple, n'ont
pas le droit de faire des dépenses pour un parti ou l'autre durant une
élection, mais ils ont le droit de s'exprimer dans les journaux, de
faire connaître leur position, tant que cela n'implique pas de
dépenses.
M. Lavoie: De payer une annonce dans un journal, ils n'auraient
pas le droit.
M. Paquette: D'accord.
M. Lavoie: Ou de faire un envoi postal à leurs membres,
ils n'auraient pas le droit.
M. Paquette: C'est cela.
M. Morin (Pierre): Cela devient une dépense.
M. Lavoie: L'Opposition...
M. Paquette: Vous pouvez faire une conférence de presse
pour annoncer vos positions dans une campagne électorale, comme dans une
campagne référendaire.
Une Voix: A condition de ne pas louer de salle.
M. Morin (Pierre): Si elle n'implique aucun frais. L'opinion que
nous avait livrée le ministre d'Etat à la réforme
parlementaire et électorale, lors de notre comparution sur le projet de
loi 2, était que la FTQ, lorsqu'elle s'est prononcée en faveur
d'un parti lors des dernières élections, l'avait fait dans un
contexte qui approchait l'illégalité.
Le Président (M. Boucher): Alors, au nom de tous les
membres...
Une Voix: Vous avez été élus
illégalement.
Le Président (M. Boucher): ... de la commission, je
remercie MM. Morin et Boudreau qui ont présenté le mémoire
de la Chambre de commerce, de leur participation à la commission
parlementaire. J'inviterais le ministre à dire un dernier mot.
M. Burns: M. le Président, évidemment, je vais
ajouter à vos remerciements mes remerciements, cela me dirait de
m'adresser beaucoup plus longuement à la Chambre de commerce. Merci, je
pense que votre mémoire va nous faire réfléchir sur un
certain nombre de choses. Je pense que c'était exactement dans ce sens
que vous vouliez venir nous impressionner, si je puis dire.
Maintenant, je dirais, à l'endroit de la commission, que mardi,
nous aurons, m'informe-t-on, deux groupes et, toute la semaine prochaine, en
principe, on ne devrait siéger que le matin, du moins, c'est à
espérer, à cause, évidemment, des travaux de la Chambre;
mais mardi prochain, le 22, nous aurions, en principe, la visite du North
American Labour Party, le mémoire 22M et Avant-garde française du
Québec, mémoire 13M.
II nous resterait le mercredi 23, la Confédération des
syndicats nationaux, mémoire 26M...
M. Gratton: ... le matin, à ce moment-là?
M. Burns: Le matin seulement, en principe, oui.
M. Gratton: Pendant que l'Assemblée nationale
siège?
M. Burns: Oui. Et jeudi, le 24, ce serait le dernier
mémoire il nous en reste quatre à entendre qui
serait la Fédération des travailleurs du Québec,
mémoire 11 M. Cela compléterait les travaux de la commission, ce
qui me permettrait de respecter l'échéancier que je promets
à tout le monde pour pouvoir, je pense, vers la mi-décembre,
déposer le projet de loi. En tout cas, c'est ce qu'on me dit, à
part les personnes qui nous ont dit qu'elles ne voulaient pas être
entendues, qui voulaient déposer leur mémoire, etc., il nous en
reste quatre actuellement, ceux que je viens de mentionner.
M. Brochu: Et on siégerait de quelle heure à quelle
heure le matin, la semaine prochaine?
M. Burns: Dès mardi, 10 h 30, comme... M. Brochu:
Jusqu'à...
M. Burns: ... le vice-président de la Chambre l'a
annoncé tout à l'heure, à cause de l'entente temporaire
que j'ai été obligé de prendre d'ici à ce que le
problème puisse être réglé avec nos nouvel- les
heures, entre l'administration de l'Assemblée nationale et le Syndicat
des fonctionnaires provinciaux du Québec, j'ai accepté que nous
ajournions nos travaux en commission à 12 h 30 pour éviter que
nous outrepassions aux droits qui sont consacrés dans la convention
collective du SFPQ. Mardi, il faudrait prévoir que l'on ajourne à
12 h 30.
M. Brochu: Parfait!
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le ministre.
M. Lavoie: On vous remercie, messieurs, au nom de l'Opposition
officielle.
M. Morin (Pierre): Peut-on dire: A très bientôt?
M. Brochu: C'est une bonne question. M. Gratton: Autour du
20 décembre.
M. Burns: Vous connaissant, M. Morin et M. Boudreau, je suis
sûr que ça va être à bientôt. Je ne sais pas
à quel sujet, mais je sais que ça va être à
bientôt.
Le Président (M. Boucher): La commission de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales ajourne donc ses travaux à mardi, le 22 novembre,
à 10 h 30, au local 81-A.
(Fin de la séance à 23 h 7)