Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Commission permanente
de la présidence du conseil,
de la construction et des
affaires intergouvernementales
Etude des crédits
du ministère des Affaires
intergouvernementales
Séance du mardi 29 mai 1973
(Seize heures 16 minutes)
M. HOUDE, Limoilou (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
Commission de la présidence du conseil, de la construction et des
affaires intergouvernementales, étude des crédits 73/74 des
Affaires intergouvernementales.
L'honorable vice-premier ministre.
M. LEVESQUE: Alors, M. le Président...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors, avant de procéder,
j'aurais des changements chez les membres de la commission. M.
Larivière, de Pontiac, remplace M. Bienvenue, de Matane; M. Fortier, de
Gaspé-Sud, remplace M. Choquette, d'Outremont; M. Joron, de Gouin,
remplace M. Laurin, de Bourget; M. Théberge, de Témiscamingue,
remplace M. Quenneville, de Joliette et M. Cloutier, de Montmagny, remplace M.
Tremblay, de Chicoutimi. On a suggéré le nom de M.
Larivière, député de Pontiac, comme rapporteur de la
commission. Accepté? M. Roy, de Beauce, remplace M. Samson, de
Rouyn-Noranda.
L'honorable ministre des Affaires intergouvernementales.
Remarques préliminaires
M. LEVESQUE: M. le Président, aux fins de la présentation
des crédits pour l'année 73/74, les activités du
ministère des Affaires intergouvernementales ont été
regroupées, selon la technique du budget, par programmes en trois
catégories distinctes. Les deux premières comprennent les
activités découlant du mandat du ministère et constituent
nos deux programmes opérationnels. Premièrement, les affaires
fédérales-provinciales et interprovinciales, et, en
deuxième lieu, les affaires internationales. A la troisième
catégorie d'activités, correspond le programme de gestion interne
et de soutien qui regroupe, comme pour plusieurs autres ministères, les
activités des services généraux. Avant d'examiner le
détail des crédits afférents à ces programmes,
j'aimerais, dans l'espoir d'éclairer la discussion, faire un certain
nombre de remarques de caractère général sur
l'organisation du ministère et l'état de nos effectifs d'abord,
et sur la méthode de travail ensuite, et enfin, sur les orientations de
travail sous-jacentes aux deux programmes opérationnels.
D'abord le plan d'organisation et les effectifs du ministère,
ainsi que je l'avais annoncé lors de la séance du 6 juin de cette
même commission, le plan d'organisation et le plan d'effectif du
ministère ont été repensés à la
lumière de l'expérience de l'inventaire des dossiers de relations
intergouvernementales dressé au cours de la précédente
année financière. On s'en souviendra, cette expérience
avait permis de conclure à la nécessité d'une insertion
plus grande du ministère dans le contenu des dossiers et d'une liaison
plus suivie avec les ministères sectoriels.
Afin d'assurer la réalisation des objectifs assignés aux
deux programmes opérationnels dont nous assumons la gestion, il a donc
été décidé de restructurer le ministère de
la manière qui suit. D'abord, aux affaires
fédérales-provinciales et interprovinciales, la gestion du
programme qui vise à maintenir et à développer les
relations entre le gouvernement du Québec et les autres gouvernements du
Canada est confiée à une direction générale, la
direction générale des relations
fédérales-provinciales et interprovinciales. Au sein de cette
direction, le travail est réparti entre cinq groupes ou modules de
coordination sous la responsabilité de cinq coordonnateurs du niveau
d'adjoint aux cadres supérieurs.
Premièrement, le groupe a) les affaires économiques, qui
traite des dossiers portant sur les ressources naturelles, industries primaires
et secondaires, sur les transports et sur la planification et le
développement.
Deuxièmement, le groupe b), les affaires économiques, qui
traite des dossiers relatifs aux services et ressources humaines.
Troisièmement, le groupe des affaires sociales.
Quatrièmement, le groupe des affaires éducatives et
culturelles.
Cinquièmement, le groupe des affaires institutionnelles qui
traite des dossiers impliquant de façon significative les institutions,
c'est-à-dire les affaires urbaines, la constitution, la capitale
nationale, le financement de la fédération, etc. Les effectifs de
cette direction générale...
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre n'a pas un
organigramme?
M. LEVESQUE: Oui, voici.
M. CLOUTIER (Montmagny): Merci. Il n'y a pas de copie pour nos
collègues?
M. LEVESQUE: Nous allons en faire faire.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne voudrais pas être le seul à
avoir la vérité.
M. LEVESQUE: Les effectifs de cette direc-
tion générale passent de 24 à 33 et comportent six
cadres ou adjoints, 17 professionnels et 10 fonctionnaires.
Sur les 24 postes autorisés en 72/73, 9 étaient vacants
à pareille date l'an dernier, deux cadres ou adjoints et cinq
professionnels. Grâce à une modification de notre plan
d'effectifs, le recrutement par voie de concours a permis de faire passer le
nombre de personnes en poste de 15 à 23, trois cadres ou adjoints,
treize professionnels et sept fonctionnaires.
En ce qui concerne les postes encore vacants, des négociations
sont présentement en cours avec des candidats, que le concours de
recrutement AD-1537 a permis à la Commission de la fonction publique de
rendre admissibles pour quatre postes de professionnels et des démarches
ont été amorcées en vue de combler les trois postes de
cadre ou d'adjoint pour lesquels le concours n'a pas permis de rendre le
candidat admissible.
Maintenant, les affaires internationales. D'autre part, la
responsabilité de ce programme des affaires internationales est
confiée à deux directions générales dont le mandat
correspond à l'un et l'autre élément de ce programme qui
vise à assurer le prolongement international des responsabilités
constitutionnelles et politiques du gouvernement: la direction
générale des relations internationales et la direction
générale de la coopération internationale.
La direction générale des relations internationales a
principalement pour mandat de veiller à la représentation du
Québec à l'étranger, de coordonner les relations des
différents ministères du gouvernement avec les gouvernements
étrangers et les organisations internationales et participer à
l'élaboration et à la mise en oeuvre d'ententes internationales
conclues dans les domaines de compétence provinciale.
Deux modules ou groupes de travail se répartissent les dossiers
de relations internationales. Premièrement, le module des maisons du
Québec à l'étranger qui assure la liaison avec les
délégations, maisons ou bureaux du Québec à
l'étranger. A ce titre, il applique le protocole relatif à la
coordination et au partage des responsabilités entre le ministère
des Affaires intergouvernementales et les ministères sectoriels
représentés dans les maisons du Québec à
l'étranger, adopté par l'arrêté en conseil no
1974-72 du 12 juillet 1972.
Deuxièmement, le module des organisations internationales et des
agences de développement internationales qui traite les dossiers
relatifs à la présence du Québec au sein des organisations
internationales de même que les dossiers de développement
international, en particulier ceux qui impliquent l'ACDI, c'est-à-dire
l'Agence canadienne de développement international.
Pour le fonctionnement de cette direction générale ainsi
réorganisée, les effectifs autorisés sont passés de
106 à 126. Cette augmentation de vingt postes s'explique comme suit:
sept postes requis pour la nouvelle délégation
géné- rale de Bruxelles, c'est-à-dire un
délégué général, un professionnel et cinq
employés de bureau; cinq postes de professionnels pour compléter
les deux équipes de Québec; huit postes d'employés de
bureau pour les maisons du Québec à l'étranger.
La direction générale de la coopération
internationale, par ailleurs, a pour principale fonction d'élaborer et
de mettre en oeuvre des programmes d'échanges dans le cadre d'accords de
coopération conclus avec des gouvernements étrangers. Quatre
équipes de travail forment cette direction générale: le
module des affaires économiques, le module des affaires
éducatives et culturelles, le module des affaires sociales et le module
des affaires institutionnelles. Les effectifs de cette direction
générale se sont accrus d'un poste d'adjoint aux cadres
supérieurs pour permettre d'assumer la fonction de directeur
général adjoint à la coopération. Deux des trois
postes de professionnels, qui étaient vacants l'an dernier, ont
été comblés et le troisième est sur le point de
l'être.
Le ministère compte enfin un certain nombre de services
généraux qui sont regroupés en une direction
générale, appelée l'an dernier secrétariat. On y
retrouve le service d'information, le service du protocole, le service du
personnel, le service d'administration, le service de documentation et de
recherche. Les effectifs de ces services passent de 32 à 40 postes.
L'augmentation consiste en deux postes d'adjoints aux cadres, soit directeur de
l'information et adjoint du chef du protocole, trois postes de professionnels
pour les besoins du personnel et de l'administration et trois postes
d'employés de bureau.
Pour l'ensemble de ces services, 34 personnes sont actuellement en poste
comparativement à 30, à pareille date l'an dernier. En somme, la
restructuration du ministère; faite en fonction du rôle concret
qu'il est appelé à jouer au sein de l'appareil gouvernemental,
correspond à un accroissement global d'effectif de 44 postes, dont dix
cadres ou adjoints, treize professionnels et 21 fonctionnaires. Alors que le
ministère comptait à pareille date l'an dernier 200 personnes en
poste, il en compte maintenant 239. En termes budgétaires, cette
augmentation est importante pour nous car le montant des traitements
représente 48.2 p.c. du budget du ministère et les augmentations
de traitement, soit $835,900 représentent 70.4 p.c. de l'augmentation de
$1,186,500, de l'augmentation, dis-je, totale du budget pour la présente
année financière.
La caractéristique de ces crédits 73/74 réside
nettement dans l'idée d'une mise en marche réelle du
ministère sur la voie de l'exercice concret du mandat que lui a
confié le législateur. La hausse de notre effectif et
l'accélération du recrutement qui l'a suivie apparaissent
essentielles par ailleurs, en raison de la méthode de travail mise au
point au ministère.
Si vous le voulez, nous allons dire un mot de
cette méthode de travail. Dans un premier temps, cette
méthode a pris la forme d'un inventaire aussi complet que possible des
dossiers en cours. C'est à ce premier temps que correspond la
première phase du bilan entrepris à l'automne 1971. Je le
souligne à dessein, comme d'ailleurs le premier ministre l'avait
lui-même indiqué dans son discours inaugural du 7 mars 1972. Il
s'agissait là pour le gouvernement du Québec de se doter d'un
instrument de travail interne pour rationaliser et rendre plus
cohérentes les actions à poursuivre ou à entreprendre aux
fins du développement du Québec dans le cadre de la
fédération canadienne. Cette première phase d'inventaire
s'est terminée en juin et juillet 1972. Elle nous a fourni les
matériaux nécessaires à une réflexion positive sur
les actions à poser dans le contexte des relations
intergouvernementales, tel que cela a été défini au cours
de l'automne et de l'hiver 72/73.
Les circonstances ont ainsi voulu que nous utilisions d'abord ces
matériaux en fonction des nombreuses conférences
fédérales-provinciales au palier ministériel, qui ont eu
lieu depuis quelques mois. Depuis janvier 1973, en effet, des
conférences ministérielles ont été tenues sur une
très grande diversité de questions et je vous en donnerai tout
à l'heure une idée aussi précise que possible en vous
fournissant la liste de ces conférences auxquelles le Québec a
été appelé à participer depuis janvier dernier et
celles auxquelles il sera appelé à participer jusqu'en janvier
prochain.
Une constatation se dégage et se dégagera encore mieux de
cette liste lorsque vous en aurez pris connaissance. A peu près tous les
thèmes susceptibles de donner lieu à des dossiers de relations
intergouvernementales au Canada auront été abordés sur une
période d'une année.
Devant les impératifs imposés par de telles
conférences dont certaines, d'ailleurs, proviennent de l'initiative des
provinces elles-mêmes et d'autres de l'initiative fédérale,
on comprendra, je l'espère du moins, que le premier usage que nous ayons
voulu faire des données recueillies au cours de la première phase
du bilan ait été précisément de viser à une
définition aussi articulée que possible des positions
québécoises au cours de ces conférences.
Quel que soit le résultat plus ou moins positif des pourparlers
et des échanges de vues auxquels toutes ces conférences ont
donné lieu jusqu'à ce jour, je puis affirmer que les
données rassemblées à l'occasion du bilan des relations
intergouvernementales ont été effectivement utilisées.
Par ailleurs, il nous a fallu constater que l'approche purement
descriptive qui pouvait être justifiée pour la première
phase du bilan des relations intergouvernementales, devait être
complétée par une méthode de travail mieux adaptée
aux circonstances et à la conjoncture propre à chaque
conférence.
Aussi avons-nous été appelés à nous doter
d'un mécanisme susceptible de nous faire déboucher sur une
approche plus qualitative qui nous permettrait d'évaluer les choses et
d'établir les positions québécoises au palier
ministériel proprement dit.
C'est dans cette perspective que le premier ministre constituait, le 8
février 1973, un comité interministériel des Affaires
intergouvernementales qui avait pour mandat, premièrement, de diriger
les travaux requis pour compléter la deuxième phase du bilan des
relations intergouvernementales et assurer la mise à jour annuelle d'un
tel bilan à compter de l'exercice 72/73, et deuxièmement, de
coordonner la mise au point des positions que le gouvernement du Québec
sera appelé à prendre aux conférences qui se tiendront au
cours des prochains mois et, d'une façon générale,
à toute conférence fédérale-provinciale et
interprovinciale au palier ministériel.
Ce groupe ministériel que j'ai l'honneur de diriger se compose du
ministre des Finances, du président du comité
interministériel des affaires économiques, du ministre des
Affaires sociales et du ministre de l'Education.
Jusqu'à ce jour...
M. CLOUTIER (Montmagny): Quel est le dernier? Le quatrième?
M. LEVESQUE: Le dernier, mais non le moindre, le ministre de
l'Education.
M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis d'accord.
M. LEVESQUE: Jusqu'à ce jour, comme je le mentionnais, ce
comité a déjà tenu dix réunions.
M. CLOUTIER (Montmagny): Seulement son nom est une indication.
M. LEVESQUE: Dans un premier temps, compte tenu de la conjoncture des
derniers mois, le comité a convenu de donner la priorité à
la préparation des nombreuses conférences
fédérales-provinciales prévues à l'époque
pour l'hiver et le printemps 1973. J'en profite immédiatement pour vous
donner une idée, comme je le mentionnais il y a quelques instants, de ce
calendrier des conférences, des rencontres intergouvernementales.
En janvier, par exemple, 18 et 19 janvier 1973, la conférence
fédérale-provinciale des ministres des Finances. Les 21 et 23
janvier 1973, la conférence fédérale-provinciale des
ministres des Affaires urbaines et des ministres des Affaires municipales.
M. ROY (Beauce): Vous allez nous en donner la liste? Très
bien.
M. LEVESQUE: Je vous la donne dans quelques instants.
M. VINCENT: Est-ce que le ministre pourrait, en donnant la liste, nous
donner les dates? A-t-il l'intention de lire la liste en entier?
M. LEVESQUE: Les dates sont là.
M. VINCENT: Non, non, les dates auxquelles les conférences se
tiennent cette année, d'accord, mais depuis quand ces conférences
existent-elles?
M. LEVESQUE: Non, je n'ai pas ces détails mais on peut les
obtenir. Les 1er, 2 et 3 février, la conférence
fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre. Le 5
février, la réunion du conseil des ministres de l'Education. Le 6
février, la rencontre Ontario-Québec des ministres des Richesses
naturelles. Le 19 février, la réunion du conseil des ministres de
l'Education, des secrétaires d'Etat et des ministres de la Main-d'oeuvre
et de l'Immigration. Les 23 et 24 février, la conférence des
premiers ministres de l'Est concernant les droits miniers sous-marins. Les 26,
27 et 28, la réunion du conseil des ministres de l'Education. Cela
continue ainsi. Le 9 avril, la conférence
fédérale-provinciale des ministres de l'Industrie et du Commerce.
Le 13 avril, la conférence fédérale-provinciale des
ministres des Mines. Les 25, 26 et 27 avril, la conférence des ministres
du Bien-Etre. Les 27 et 28, la réunion du conseil des ministres de
l'Education. Au mois de mai, les 2 et 3, la conférence des ministres du
Travail. Les 8 et 9 mai, la conférence
fédérale-provinciale des ministres de l'Environnement à
Ottawa. Les 8 et 9 mai, la conférence fédérale-provinciale
des ministres des Finances à Ottawa sur l'enseignement postsecondaire,
la santé, le budget Turner. Le 9 mai toujours, la conférence
fédérale-provinciale des ministres de la Santé. Les 10 et
11 mai, la conférence fédérale-provinciale des procureurs
généraux à Ottawa. Le 16 mai, la rencontre de M. Jamieson
ici à Québec avec nos collègues du cabinet sur le
développement économique régional.
Le 17, la conférence interprovinciale des ministres de
l'Agriculture. Les 23, 24, 25, la conférence
fédérale-provinciale des premiers ministres à Ottawa. Les
30 mai et 1er juin, c'est bientôt cela, la conférence
interprovinciale des ministres responsables de la protection du consommateur.
Les 30 juin et 1er juillet la deuxième conférence
interprovinciale des ministres des Communications, à Calgary. Au mois de
juin, à la mi-juin, visite... et ceci, évidemment, n'est pas
complet, parce que nous recevons régulièrement des annonces de
nouvelles conférences.
M. VINCENT: Les ministres des Communications ne sont pas en
réunion, présentement?
M. LEVESQUE: Les ministres des Communications le sont les 30 mai et 1er
juin à Calgary; je pense qu'ils y sont déjà rendus. C'est
exact.
M. VINCENT: Ils en parlaient hier.
M. LEVESQUE: Je sais que le ministre des Communications du
Québec, à ce que j'apprends, est parti pour Calgary. On pourrait
faire l'énumération des conférences qui s'en viennent,
mais ce serait absolument incomplet. Nous en avons en juin, juillet,
août, septembre, octobre, novembre 1973, d'autres sont prévues,
proposées et d'autres doivent s'y ajouter. Alors, on verra là que
c'est un menu très chargé.
M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre est tenté de les
classer en catégories, bonnes, moins bonnes, pas bonnes?
M. VINCENT: Les codifier.
M. LEVESQUE: Je crois que, quant à nous, elles sont aussi bonnes
que nous pouvons les faire, parce qu'elles ont été
préparées très sérieusement et...
M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne voudrais pas amener le ministre vers une
digression...
M. LEVESQUE: Non. Jamais ces conférences n'ont été
mieux préparées. Je le dis sans aucune vantardise, sans aucune
partisanerie, il s'agit d'une décision que nous avons prise de former ce
comité interministériel des affaires intergouvernementales. Ce
comité des ministres est appuyé par une équipe
également interministérielle qui a fait un travail
considérable de préparation; préparation qui se faisait
autrefois à l'intérieur d'un seul ministère, mais
présentement, nous avons compris notre rôle comme débordant
un peu ce que nous faisions de traditionnel. Nous avons voulu apporter un appui
réel, actif et vraiment aussi important que possible, à la
préparation de toutes ces conférences
fédérales-provinciales. Elles n'ont pas toutes la même
importance, il va sans dire, mais elles doivent être
préparées sérieusement, quelque conférence que ce
soit. Je crois que je puis dire que ces conférences ont jusqu'à
maintenant reçu une attention comme jamais elles n'en avaient
reçu. On verra d'après la liste que je vous communique qu'il y a
eu un nombre considérable de conférences, dont plusieurs
très importantes.
Alors, justement à cause de toutes ces conférences
fédérales-provinciales, interprovinciales, le comité
interministériel dont je vous parlais, le groupe ministériel, a
mis au point une méthode de préparation des conférences
fédérales-provinciales qui a pris la forme de ce que nous
appelons le dossier type d'une conférence
fédérale-provinciale. Désormais, toutes les
conférences fédérales-provinciales au palier
ministériel donneront lieu à la préparation d'un tel
dossier, dont j'aimerais vous donner tout simplement le schéma
général: 1) Identification de la rencontre. 2)
Antécédents.
Cela va répondre à la question du député de
Nicolet à savoir s'il y avait déjà eu des
antécédents à ces conférences.
M. VINCENT: Je voulais savoir tout à l'heure s'il y avait de
nouvelles conférences qui s'étaient ajoutées à la
liste déjà nombreuse de telles conférences.
M. LEVESQUE : II y en a qui s'ajoutent et il s'en ajoutera encore au
cours de l'année. Je crois que c'est l'année des
conférences. Si je regarde la liste, elle est assez longue. D'abord,
identification de la rencontre, c'est évident. 2 )
Antécédents. 3) Ordre du jour prévu. 4 )
Problématique des questions à l'ordre du jour.
M. ROY (Beauce): Qui prépare l'ordre du jour?
M. LEVESQUE: J'y reviendrai, si vous voulez, parce que je voudrais
donner la liste sans trop d'interruptions; autrement je n'arriverai jamais au
bout.
M. ROY (Beauce): Je m'excuse.
M. LEVESQUE: Je recommence. 1) Identification de la rencontre. 2)
Antécédents. 3) Ordre du jour prévu. 4)
Problématique des questions à l'ordre du jour. 5)
Stratégie. 6) Calendrier de préparation. 7) La
délégation québécoise. 8) Documents
québécois. 9) Compte rendu de la rencontre provisoire, officiel.
10) Les suites à donner.
C'est une progression qui semble peut-être normale. Il n'y a rien
de très complexe mais c'est une méthode de travail qui nous
permet d'avoir une approche identique pour tous les dossiers, pour toutes les
conférences, et de faire ce travail sérieusement. Pour
répondre maintenant à la question du député de
Beauce, l'ordre du jour, si c'est une conférence
fédérale-provinciale, de plus en plus le gouvernement
fédéral demande aux provinces de suggérer des sujets
à l'ordre du jour. Ordinairement, il arrive souvent qu'il y ait trop de
sujets pour une seule conférence et il faut, à un moment
donné, faire une sorte de consensus sur l'ordre du jour.
Un dossier de ce genre, comme celui dont je parlais il y a quelques
instants, ne peut manifestement être mis au point parfaitement en
quelques semaines ou même en quelques mois. Il comporte, en effet, des
exigences à tous les paliers, aussi bien au palier décisionnel
qu'à celui des fonctionnaires; donc il serait utopique d'espérer
le respect intégral sans une certaine période de rodage. Je dois
dire, cependant, à cet égard, que nous avons déjà
réussi, dans la presque totalité des cas, à nous conformer
à ces exigences pour les conférences qui ont eu lieu au cours des
derniers mois. Il y a là un indice extrêmement encourageant pour
la rationalisation des actions du Québec, en matière de relations
intergouvernementales.
La méthode de travail que nous nous sommes imposée
correspondait à un véritable besoin, à la fois au palier
des ministres et au palier des fonctionnaires. Au surplus, nous avons
constaté, au fur et à mesure des besoins définis par
l'actualité des conférences fédérales-provinciales,
que l'utilisation du bilan comme instrument de travail permanent correspondait
à une nécessité.
Le bilan des relations intergouvernementales, du point de vue du
Québec tout au moins, s'inscrira désormais dans le cadre des
opérations continues et normales du ministère des Affaires
intergouvernementales. Chaque année, au terme de chaque exercice, il
faudra faire le point sur l'ensemble des dossiers de relations
intergouvernementales.
Le bilan, effectué au cours de l'année 71/72, fait
état des données disponibles en mars 1972. J'ai demandé,
il y a plusieurs semaines, au sous-ministre des Affaires intergouvernementales,
de mettre à jour les dossiers au 31 mars 1973.
Quelles orientations de travail pourrons-nous dégager
d'année en année des matériaux ainsi recueillis et
constamment mis à jour? C'est la question que je voudrais aborder pour
l'exercice financier 73/74, à la lumière des données
actuellement disponibles. Et c'est ici que j'aimerais parler des orientations
de travail. Le gouvernement du Québec a déjà
indiqué les priorités majeures à la réalisation
desquelles le ministère des Affaires intergouvernementales doit
consacrer l'essentiel de ses efforts.
Touchons d'abord les affaires fédérales-provinciales et
interprovinciales. En ce qui concerne ce programme, le discours du trône
du 15 mars 1973 s'exprime dans les termes suivants et vous vous en rappellerez:
"Les grandes priorités du gouvernement sur le plan des relations
fédérales-provinciales sont les suivantes: 1- la question du
financement de la fédération en vue d'atteindre un partage des
ressources fiscales plus conforme aux responsabilités constitutionnelles
des gouvernements fédéral et provinciaux, 2- le
développement économique, plus particulièrement en ce qui
concerne le problème des disparités régionales et la lutte
au chômage, 3- le développement social et singulièrement
les programmes de sécurité du revenu, 4- l'affirmation culturelle
du Québec."
Quelques semaines auparavant le premier ministre lui-même
insistait dans une conférence à l'Empire Club de Toronto, le 18
janvier 1973, sur l'importance des relations interprovinciales dans un
système fédéral. A cet égard, M. Bourassa
déclarait ce qui suit: "La question qui nous est en somme posée
à nous, les responsables des gouvernements provinciaux, est la suivante:
Continuons-nous à définir les objectifs, les orientations et les
programmes à partir des perceptions régionales que nous pouvons
avoir à l'intérieur des frontières où notre action
doit forcément se situer? Devons-nous continuer à nous contenter
d'exprimer à l'intérieur du Canada le point de vue des
régions qui le
composent ou devons-nous réclamer du gouvernement
fédéral qu'il tienne compte de ces régions dans ses
propres actions? Il suffit de poser de telles questions pour prendre conscience
qu'elles nous placent devant l'alternative suivante: Ou bien nous continuons
d'éviter de faire état entre nous des conflits
d'intérêts qui peuvent nous diviser, ce qui aura pour
conséquence inéluctable que le gouvernement fédéral
se contentera d'arbitrer ces conflits, ou bien nous assumons notre
responsabilité de membres de la fédération. Et de la
même façon que le gouvernement fédéral nous propose
un dialogue ouvert sur toutes les questions d'intérêt commun pour
les deux ordres de gouvernements, nous engageons de notre côté un
dialogue comparable entre les gouvernements provinciaux, non seulement sur les
questions qui nous rapprochent spontanément mais aussi sur celles qui
peuvent nous diviser. "Quant à moi poursuit le premier ministre
mon option est claire. Je pense que nous devons avoir le courage
d'engager sans délai le dialogue interprovincial que présuppose
le dialogue fédéral-provincial. Le gouvernement
fédéral et les gouvernements provinciaux ont à construire
ensemble un pays, le nôtre. Ce pays ne sera pas l'oeuvre d'un
gouvernement fédéral omniprésent ou à l'affût
de toutes les occasions de se substituer aux gouvernements provinciaux. Il ne
sera pas non plus l'oeuvre des gouvernements provinciaux enfermés dans
leur régionalisme. Il sera l'oeuvre de l'action concertée de
l'ensemble des gouvernements dans un Canada authentiquement
fédéral."
M. le Président, si l'on touche maintenant les affaires
internationales, en ce qui concerne ce programme, le discours du trône
s'exprime par ailleurs de la manière suivante: "Au niveau des instances
internationales, à l'intérieur du marché commun comme en
Afrique, des événements se produisent qui ne manqueront pas
d'avoir pour notre collectivité des conséquences importantes. Le
Québec doit être présent à ces
événements et y appuyer les efforts de promotion du
français qui sont faits. Dans cette perspective le gouvernement entend
continuer de participer à l'Agence de coopération technique et
culturelle des pays francophones et développer dans ces pays son action
en même temps qu'il entend s'associer, suivant un protocole d'ententes
présentement en négociation, aux activités de l'Agence
canadienne de développement international. L'élargissement et
l'approfondissement des accords France-Québec s'inscrivent dans la
même perspective et mettent en relief des avantages réciproques
que les deux communautés en retirent."
Sur le plan de la présence québécoise à
l'étranger et des relations du Québec avec l'extérieur,
j'ai moi-même formulé à l'occasion d'une visite en Europe
à l'automne 1972 quelques orientations de travail que je tiens à
rappeler.
Quant à ces principes fondamentaux, la présence active et
distincte à l'extérieur du
Canada du gouvernement des provinces continue, à mon sens,
à se justifier au nom même du fédéralisme. Je suis
convaincu, en effet, comme je l'ai affirmé devant la presse diplomatique
étrangère à Paris, que des rapports avec
l'extérieur, et en particulier avec l'Etat français, ne
répugnent pas à l'esprit d'un vrai fédéralisme. De
la même façon, il n'est pas étonnant que le Québec
entretienne une activité internationale importante avec l'Agence des
pays francophones, dont il est membre en qualité de gouvernement
participant, et des rapports bilatéraux étroits avec plusieurs
Etats ou collectivités francophones.
Au cours des dernières années, le Québec s'est
acheminé vers la maturité à un rythme qu'il n'avait jamais
connu auparavant. C'est cette accélération qui le conduit
naturellement à s'intéresser aux activités internationales
dans des domaines qui relèvent de sa souveraineté interne. Mais,
ce faisant, il n'en continue pas moins d'agir comme un Etat membre de la
fédération canadienne. Il n'en est pas moins
déterminé à s'associer plus intimement aux
activités du gouvernement central, impliquant la contribution de ses
ressources institutionnelles et humaines au développement international
ou à d'autres activités extérieures. Quant aux
modalités mêmes de sa présence à l'étranger,
le Québec demeure entièrement ouvert à la recherche de
formules susceptibles de concilier les données en apparence
conflictuelles des usages internationaux et la nécessité des
échanges entre les communautés réelles qui composent les
Etats officiellement reconnus selon ces usages.
A mon arrivée au ministère des Affaires
intergouvernementales, j'avais proposé aux fonctionnaires du secteur
international de revoir avec eux, et de façon attentive, le tableau
d'ensemble des échanges du Québec avec l'extérieur. Nous
avions alors constaté que la coopération
franco-québécoise, malgré ses cinq ans d'existence,
n'avait guère touché que les ministères du secteur
culturel. C'est avec une certaine fierté que je peux aujourd'hui
présenter un tableau de la coopération avec la France qui touche
tout autant les secteurs techniques, scientifiques et économiques que le
secteur culturel. En effet, outre les ministères de l'Education et des
Affaires culturelles, la coopération franco-québécoise est
dorénavant au service des ministères des Richesses naturelles, de
l'Agriculture et de la Colonisation, des Affaires sociales, des Terres et
Forêts, de la Justice et ainsi de suite. Egalement une attention accrue
au programme de l'ACTIM, c'est-à-dire de la coopération
économique.
C'est d'ailleurs sous ce thème d'approfondissement et
d'élargissement que j'ai fait ma mission en France à l'automne
1972; approfondissement des secteurs déjà couverts et
élargissement à des secteurs nouveaux, ceux que je viens
d'énumérer.
Cette expérience acquise avec la coopération
franco-québécoise, nous avons voulu également la
mettre à profit par l'organisation d'une coopération avec
d'autres pays. C'est ainsi que nous avons posé ou que nous poserons
l'amorce d'une coopération avec la Belgique, l'Italie, la
République fédérale d'Allemagne, la Grande-Bretagne et
certains Etats américains. Nous entendons également donner un
souffle nouveau à nos accords de coopération avec certaines
autres provinces canadiennes, en particulier l'Ontario et le Nouveau-Brunswick.
Cette coopération se veut à la fois culturelle, technique et
économique.
Cette opération d'approfondissement et d'élargissement,
nous l'avons transposée au niveau des maisons du Québec à
l'étranger. Cette fois, les thèmes de consolidation et
d'expansion nous servent de guides. Consolidation, c'est-à-dire
raffermissement de notre présence. Réévaluation de chacune
de nos maisons par une rationalisation des effectifs et des coûts. Ce
travail de consolidation trouve actuellement son aboutissement. C'est ainsi que
nous avons pu, au cours des trois dernières années, presque
doubler le nombre de nos maisons à l'étranger, sans pour autant
augmenter de façon notable nos effectifs d'ensemble, pas plus que nos
budgets. Ce mouvement n'est pas encore tout à fait terminé. Nous
complétons actuellement une réévaluation attentive du
rôle de chacune de nos maisons, en particulier de celles de Paris, New
York, Londres et Milan. Nous tenons à exploiter au maximum les
possibilités de chacune.
Parallèlement, nous nous sommes inquiétés des
régions du monde où le Québec pouvait et devait être
représenté. A l'horizon, il y a l'Amérique latine, le
Moyen-Orient, l'Afrique francophone et peut-être la Scandinavie. Comme on
peut le constater, si à l'origine nos échanges avec
l'extérieur ont favorisé la France et le monde francophone,
progressivement ils s'étendent avec des parties du monde avec lesquelles
nous avons soit des affinités historiques, culturelles,
géographiques, techniques ou autres.
Cette présence au monde extérieur, assurée d'abord
par notre réseau des maisons du Québec, exploitée ensuite
par des programmes de coopération, se complète d'une
participation qui ira en s'accroissant aux organisations et conférences
internationales. Là encore, nous avons d'abord favorisé celles
qui impliquaient les pays de langue française et qui touchaient des
matières qui nous intéressaient davantage selon nos
compétences constitutionnelles.
C'est ainsi que nous avons attaché une grande importance à
notre adhésion à l'Agence de coopération culturelle et
technique.
Depuis octobre 1971, alors que nous devenions membres de cette agence,
nous nous sommes employés à développer une présence
constante et de qualité aux programmes et activités de cet
organisme international. Nous sommes conscients cependant qu'il ne faut pas
nous arrêter là. C'est pourquoi nous étudions actuellement
toutes les possibilités qui s'offrent à nous d'être
davantage présents à des organismes internationaux tels l'UNESCO,
l'OIT, l'OMS, l'OCDE et ainsi de suite.
Notre politique de subventions a également été
revue de façon à favoriser les organisations internationales de
langue française, sans oublier pour autant tous ces organismes
québécois à vocation internationale dans lesquels nous
pouvons jouer un rôle majeur: L'AUPELF, le Centre québécois
de relations internationales, le Comité international des historiens et
géographes de langue française, l'Association des parlementaires
de langue française, etc.
Nous ne négligeons pas non plus nos centaines, pour ne pas dire
nos milliers de Québécois qui travaillent ou qui étudient
à l'étranger. Nous avons maintenant notre politique de
subventions pour les associations d'étudiants québécois
qui se sont organisées en France, en Belgique, en Angleterre et nous
adressons chaque semaine, à près d'un millier de
Québécois dispersés à travers le monde, un bulletin
d'information qui leur permet de garder un contact avec le Québec. Une
nouvelle publication, le Québec International, est destinée
à faire mieux connaître notre action avec l'extérieur.
En somme, on peut dire que l'activité internationale du
Québec ne s'est pas développée au hasard et qu'elle
procède de principes de mieux en mieux définis et d'une
volonté de plus en plus nette de sortir le Québec de son
isolement. Tout ce travail a déjà trouvé ses fruits dans
la popularité de plus en plus grande qui est la nôtre un peu
partout dans le monde. Cette popularité se traduit par l'accueil
réservé à nos produits, particulièrement aux
Etats-Unis, comme en l'intérêt grandissant que nous portent de
nombreux investisseurs étrangers. J'en veux également pour preuve
l'accueil réservé au cinéma québécois, aux
livres québécois, aux disques québécois, à
nos experts et à nos coopérants, aussi bien ceux que nous
envoyons directement que ceux qui sont affectés par les soins de divers
organismes internationaux ou de l'ACDI.
De plus en plus ce recrutement et ces affectations se font par
l'intermédiaire des services du ministère des Affaires
intergouvernementales. La contribution qu'apportent les nôtres a ainsi
des chances d'être de meilleure qualité et de mieux nous faire
connaître.
Les orientations de travail, dont je viens de définir les
principes généraux, s'incarnent déjà dans
l'organisation du ministère dont j'ai parlé
précédemment. Elles prendront cependant leur signification
intégrale le jour où les équipes déjà en
place et le personnel nouveau que nous avons commencé à recruter
auront produit les documents d'orientation que je leur ai demandé de
mettre au point il y a déjà plusieurs semaines.
En ce qui concerne le ministère des Affaires
intergouvernementales, ces documents seront
d'abord l'oeuvre du personnel en poste à Québec. Ils
seront également l'oeuvre du personnel québécois en poste
à l'étranger, en particulier des délégués
généraux. Ils seront enfin l'oeuvre de l'ensemble des
ministères concernés.
Pour l'instant, voilà où nous en sommes. D'une part,
certaines grandes orientations de travail ont commencé à
être précisées. D'autre part, la méthode de travail
nécessaire pour parvenir à identifier de telles orientations est
en voie de se mettre effectivement en place.
Nous ne nous faisons pas d'illusion cependant. Dans un domaine aussi
complexe que celui où doit oeuvrer le ministère des Affaires
intergouvernementales, il n'y a pas de solution miracle ni pour la
méthode de travail, ni pour les orientations à prendre.
Depuis que je suis responsable de ce ministère, j'ai d'abord
visé à mettre en place une institution susceptible de contribuer
à garantir une certaine rationalité à la définition
de notre avenir collectif. Il s'agit là d'une oeuvre de longue haleine.
Je ne prétends pas en avoir identifié toutes les
coordonnées. J'accueillerai, non seulement avec sympathie, mais de
façon très intéressée et très objective
toutes les suggestions que vous pourrez me faire dans un sens positif à
cet égard.
C'est dans cette perspective que je souhaiterais voir aborder
l'étude de nos crédits.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Montmagny.
M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je remercie le ministre
des Affaires intergouvernementales de nous avoir livré ce document, qui
constitue un tour d'horizon de son ministère. Document qui,
certainement, lui a demandé de longues heures de méditation, de
réflexion et de travail.
Vous me permettrez, M. le Président, de me reporter un instant
à la discussion qui a eu lieu en Chambre tout à l'heure,
discussion qui portait essentiellement sur l'opportunité de commencer
à ce moment-ci les travaux de cette commission parlementaire.
On comprendra que le ministère des Affaires intergouvernementales
je ne me base pas sur les sommes demandées, je ne me base pas sur
les budgets, les montants d'argent; je me base sur l'importance, le rayonnement
de ce ministère, les implications de son action, de ses politiques, de
ses relations avec les autres gouvernements est probablement l'un des
plus importants, sinon le plus important du gouvernement.
C'est en tenant compte de ces facteurs que nous avions demandé
tantôt que l'étude des crédits soit reportée
plutôt à 8 heures étant donné que les responsables
pour notre parti, c'est-à-dire le chef de l'Union Nationale et le
député de Chicoutimi, qui sont les responsables de notre parti au
sein de cette commission, avaient spécialement préparé le
dossier à discuter au sein de cette commission parlementaire.
Au début de l'étude des crédits, sachant que chacun
ou les deux veulent faire une intervention qui constitue ni plus ni moins une
forme de réplique au ministre des Affaires intergouvernementales ou un
tour d'horizon tel qu'il nous apparaît à nous, comme Opposition
officielle, je m'abstiendrai de faire un commentaire d'ordre
général; si les autres partis d'Opposition veulent le faire, le
député de Gouin à la place du député de
Bourget qu'il remplace, et le député de Beauce, je leur laisserai
la parole quitte à ce que, ce soir, l'intervention d'ouverture soit
faite soit par le député de Chicoutimi soit par le chef de
l'Union Nationale. Après quoi, nous pourrons entrer dans l'étude
du budget article par article.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Gouin.
M. JORON: M. le Président...
M. ROY (Beauce): Pour quelle raison donnez-vous la parole à
l'honorable député de Gouin?
M. JORON: Parce que j'ai demandé la parole avant. Est-ce que le
député de Beauce aurait des susceptibilités protocolaires
tout à coup? Ce n'est pas son habitude.
M. ROY (Beauce): Je n'ai pas de susceptibilité protocolaire, mais
il y a un tour de table qui est une tradition. Il y a une habitude...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Beauce.
M. JORON: Bon!
M. ROY (Beauce): Je ne veux pas faire de chichi avec tout cela. Je pense
que si nous voulons maintenir la tradition...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La parole est à l'honorable
député de Beauce.
M. ROY (Beauce): Vous m'accordez la parole? Je vous remercie. Mes
commentaires seront plutôt brefs. Je préfère plutôt
revenir ce soir après que l'Union Nationale aura fait ses commentaires
généraux...
M. JORON: Avez-vous besoin d'inspiration?
M. ROY (Beauce): Ce n'est pas que j'aie besoin d'inspiration. C'est
parce qu'elle a demandé la parole en premier lieu et nous ne pensions
pas que, cet après-midi, nous pourrions discuter des crédits du
ministère des Affaires intergouvernementales. Nous nous étions
préparés pour demain parce que nous pensions que ces
crédits étaient pour être étudiés demain. A
l'heure actuelle, je n'ai pas tous mes dossiers devant moi. C'est la raison
pour laquelle mes commentaires seront assez brefs.
On a parlé de coopération des affaires
fédérales-provinciales et aussi des affaires internationales. Je
veux dire tout simplement ceci: La liste que nous a remise l'honorable leader
du gouvernement tout à l'heure nous démontre qu'il y a un nombre
assez impressionnant de conférences fédérales-provinciales
au cours de l'année. Il est quand même important de faire une
distinction entre ces différentes conférences
fédérales-provinciales parce qu'il y en a à
différents niveaux, à différents paliers.
Il est évident qu'il y a des conférences qui ont eu lieu
au niveau de la consultation. Ce sont ni plus ni moins des conférences
consultatives qu'on fait de part et d'autre de façon à pouvoir
orienter en quelque sorte ou encore favoriser une coordination dans les
différentes politiques adoptées dans les différents
Parlements provinciaux du pays.
Mais il y a aussi des conférences
fédérales-provinciales qui relèvent de la Constitution,
dont découlent des problèmes constitutionnels, des
problèmes de partage de juridiction et des problèmes qui
nécessitent au préalable une négociation et où, par
suite de la négociation, lorsque c'est possible, il y a finalement des
ententes qui interviennent entre le gouvernement provincial et le gouvernement
fédéral.
Je l'ai déjà dit et je le répète encore
aujourd'hui je déplore que ces conférences
fédérales-provinciales qui ont trait à des partages de
juridiction, à des programmes à frais partagés, à
des programmes qui affectent en quelque sorte notre constitution, sur lesquels
j'aurais énormément de choses à dire, soient à huis
clos, ces conférences fédérales-provinciales que je
qualifie, je pèse mes mots, de conférences
fédérales-provinciales politiques.
Lorsque le leader du gouvernement disait que les conférences
fédérales-provinciales étaient beaucoup plus nombreuses
cette année, c'est normal puisqu'il y a des élections dans l'air,
autant du côté fédéral que du côté
provincial. Il est évident qu'on cherche encore une fois à
charrier ou encore à faire un marchandage, un maquignonnage, un
"bargui-nage" constitutionnel sur le dos des citoyens de la province, parce
qu'on parle du Québec en ce qui nous concerne. On prend encore comme
otages certains secteurs de notre population, surtout ceux pour qui la
sécurité sociale constitue le seul revenu qui leur permet de
vivre et de disposer de subventions et allocations, leur permettant
d'être en mesure de manger et de vivre un peu dans les conditions
minimales, au Québec.
On l'a vu par la récente conférence
fédérale-provinciale qui a encore eu lieu à huis clos. Je
salue l'arrivée de l'honorable premier ministre. Il va pouvoir
écouter religieusement nos propos...
M. BOURASSA: Merci. Comme d'habitude. M. ROY (Beauce): ... sinon avec
une atten- tion spéciale. Je disais donc que je déplore le huis
clos de ces conférences fédérales-provinciales et je
n'accepte pas qu'on ne permette pas à des représentants des
partis d'opposition d'assister, comme observateurs, à ces dites
conférences. Si nous acceptons un régime démocratique au
Québec, du moins le gouvernement se vante beaucoup de la
démocratisation, je pense qu'il y a des secteurs d'une aussi grande
importance et qui ont autant de conséquences pour notre avenir au
Québec, comme l'avenir du Canada tout entier, et j'estime qu'on doit
cesser de jouer à cache-cache, au jeu du chat et de la souris, à
ces occasions. On se rappelle également que ces conférences ont
lieu à huis clos. On ne permet même pas aux journalistes d'y
assister, pour que ceux-ci puissent informer la population sur ce qui se passe
aux conférences au lieu d'être toujours obligés de se baser
sur les communiqués qu'on leur remet et sur les informations qu'on veut
leur donner par la suite.
J'aurais deux questions bien précises à demander au
gouvernement. J'en ai déjà fait part, à l'occasion d'une
motion que j'avais présentée à l'Assemblée
nationale. J'en ai fait part également à l'occasion
d'interventions que j'ai faites, que ce soit au discours du budget, au discours
inaugural ou à l'occasion de discussions sur des motions
spéciales. Puisque j'ai une question d'inscrite au feuilleton de
l'Assemblée nationale, depuis l'année dernière, qui
apparaît encore au feuilleton et à laquelle on ne peut pas ou on
ne semble pas vouloir donner de réponse; étant donné ce
que nous avons découvert, ce qu'il est advenu de la seule loi
adoptée par le gouvernement québécois, l'autorisant
à conclure une entente avec le gouvernement fédéral, soit
l'entente de 1942, le chapitre 27 des Lois de 1942, est-ce qu'elle est encore
en vigueur? Est-ce qu'elle a été tout simplement annulée?
Si elle a été annulée, quand? On l'a remplacée par
d'autres dispositions, d'autres ententes et les autres ententes, qui sont
intervenues par la suite, ont été signées en vertu de
quelle loi, dans nos statuts du Québec? Qui les a signées pour et
au nom du Québec? J'aimerais également savoir du gouvernement si
ces ententes ont été ratifiées, étant donné
qu'il ne semble pas y avoir de disposition législative
particulière, par arrêté en conseil ou si le gouvernement
est allé négocier tout simplement, sans autorisation de la
Chambre.
Alors, M. le Président, je pense quand même qu'ayant
reçu également un mandat de la population, nous nous devons de
savoir où nous en sommes rendus là-dedans. Si on regarde la
façon dont vont les choses à l'heure actuelle, si on regarde la
façon dont elles se déroulent et les conclusions qui
découlent de ces fameuses conférences
fédérales-provinciales, on se rend compte qu'on n'avance pas
tellement. On a plutôt l'impression de reculer et on a le droit de se
demander justement jusqu'à quel point le gouvernement peut être
sincère dans ses négo-
dations ou si tout simplement on veut faire de la politicaillerie de
façon à se trouver des raisons ou des slogans pour tâcher
de solliciter un vote, un renouvellement de mandat devant l'électorat
à l'occasion d'une élection générale. Alors, ce
sont des points particuliers des ententes fédérales-provinciales
sur lesquels j'aimerais que le gouvernement puisse nous répondre.
Il y a également la question des affaires internationales. On
sait que toutes les affaires internationales... Je ne veux pas relever les
propos qu'a tenus l'honorable ministre des Affaires intergouvernementales tout
à l'heure, mais je tiens quand même à souligner que ce
ministre administre et voit au fonctionnement des maisons du Québec
à l'étranger. On peut se demander à l'heure actuelle, et
je pense avec raison, à quoi et à qui servent ces fameuses
maisons du Québec à part de donner des réceptions ou
encore de s'occuper des personnes qui, de par leur fonction, ont à
voyager en Europe, M. le Président. On aimerait savoir quelles sont les
intentions du gouvernement concernant ces fameuses maisons du Québec,
s'il a l'intention de modifier leur statut de façon qu'on puisse s'en
servir, au niveau du ministère de l'Industrie et du Commerce, beaucoup
plus que l'on ne s'en sert actuellement. Ceci pourrait permettre aux
industriels et aux hommes d'affaires québécois d'avoir des
services à ces maisons du Québec, pour pouvoir faire la promotion
et la vente de produits du Québec à l'étranger.
Je pense, M. le Président, que si l'on confiait cette mission
à nos maisons du Québec, ce serait bénéfique pour
toute la population et ceci nous permettrait de faire mieux connaître les
produits du Québec à l'étranger. On pourrait certainement
trouver des débouchés nouveaux, de nouveaux marchés pour
nos industriels et nos hommes d'affaires québécois. A l'heure
actuelle je le dis, c'est une observation personnelle j'ai
beaucoup plus l'impression que ces maisons du Québec sont plutôt
des officines séparatistes qu'étant... Je le dis et cela fait
rire le député de Gouin parce que je sais que son chef,
René Lévesque, est toujours bien reçu lorsqu'il va
à ces maisons du Québec.
M. BOURASSA: II a été invité à
déjeuner une fois; quand même...
M. ROY (Beauce): Ne me dites pas que le premier ministre prend la
défense du chef du Parti québécois. On aura tout vu.
M. BOURASSA: C'est un fait.
M. ROY (Beauce): Probablement que le premier ministre se rend compte que
le Parti québécois devient de moins en moins menaçant
à l'occasion des prochaines campagnes électorales. C'est
probablement cela qui justifie le fait qu'il veut venir à sa
rescousse.
M. le Président, je veux dire tout simplement sur une note
sérieuse que ces maisons du Québec, considérant les
montants d'argent qu'elles nous coûtent, devraient nous rapporter
beaucoup plus qu'elle ne nous rapportent à l'heure actuelle et on
devrait leur demander, quitte à l'exiger justement, qu'on organise des
services et qu'elles puissent servir aux missions commerciales que le
Québec pourrait organiser sur les marchés étrangers.
Alors, j'aurai d'autres commentaires généraux à faire. Je
reviendrai ce soir lors de la reprise des travaux de la commission et je laisse
la parole à l'honorable député de Gouin qui a
hâte.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Gouin.
M. JORON: Oui, M. le Président, j'avais hâte, parce que
dans son exposé le ministre tout à l'heure nous invitait à
lui faire des suggestions et il mentionnait aussi qu'il était
disposé à les accepter d'une oreille attentive et favorable. J'en
ai une à lui faire mais j'ai bien peur qu'elle ne sera pas bien
reçue.
La tentation, la suggestion que j'ai à lui faire pour l'instant
disons qu'on la fera peut-être formellement plus tard serait
à l'effet de réduire de $1 les crédits du
ministère, pour la raison suivante: on se demande, à toutes fins
pratiques, à quoi sert maintenant le ministère des Affaires
intergouvernementales.
Si on se rappelle dans quelles circonstances ce ministère a
été créé, à quelle époque au
début des années soixante, on se souviendra que c'était
d'un moment où le Québec, se réveillant d'un assez long
sommeil à certains égards, a voulu prendre part plus activement
au développement de notre société, a voulu s'immiscer dans
des domaines dont jusque là il était resté absent, a voulu
mettre en branle de nouveaux programmes, de nouvelles initiatives, se faire une
place sur l'échiquier international, se faire reconnaître comme
tel, enfin, a voulu commencer à exercer dans des domaines où il
ne l'avait pas fait jusque là, les prérogatives d'un
véritable Etat. Il est clair qu'à partir de ce moment-là
le gouvernement du Québec allait avoir besoin de fonds
supplémentaires parce que sa part dans les revenus fiscaux totaux dans
la Confédération canadienne était insuffisante pour lui
permettre d'entreprendre ou d'assumer les responsabilités qu'il
souhaitait d'une part. Il fallait non seulement de l'argent, mais il fallait
aussi des juridictions nouvelles parce que là on entrait en conflit
constitutionnel avec des juridictions qui, dans bien des domaines,
appartenaient à l'autre niveau de gouvernement. C'est à ce
moment-là, non pas uniquement pour cette raison, mais dans cet esprit,
dans ce cadre, dans ce contexte, qu'on a créé un ministère
des Affaires intergouvernementales qui, sous le régime Lesage, a
été peut-être le principal fer de lance ou la source
d'où émanaient les initiatives qui allaient appuyer les demandes
ou les réclamations du gouvernement de Québec face au
gouvernement d'Ottawa. Comme je le disais tout à l'heure,
dès l'instant où Québec voulait assumer un plus grand
rôle de leadership dans notre société, il allait se buter
automatiquement à l'autre niveau de gouvernement, il allait avoir besoin
de transférer une partie des impôts, il allait avoir besoin
d'assumer des responsabilités qui autrefois étaient à
l'autre.
Tout le problème tournait autour de là. Ce n'est pas pour
rien qu'une des premières tâches ou une des premières
choses qui a intéressé ce nouveau ministère des Affaires
intergouvernementales était de mesurer quels étaient les fonds,
par des ressources fiscales qui étaient essentielles au Québec
pour pouvoir assumer toutes les responsabilités qu'il voulait assumer et
qu'il fallait aussi évaluer pour entamer des négociations sur ce
sujet, qu'il fallait, bien entendu, évaluer quelle était la part
qui revenait au Québec dans le total des fonds que le gouvernement
fédéral percevait sur le territoire du Québec.
C'est ainsi que, si ma mémoire est fidèle, vers les
années 1964 ou 1965, une première tâche, une tâche
importante, a été donnée au ministère des Affaires
intergouvernementales qui était d'établir l'évaluation
quantitative du fédéralisme.
Le rapport finalement a été rendu public suite à
toutes sortes de circonstances qu'il serait trop long de reprendre, dans les
premiers mois du nouveau gouvernement Bourassa, en 1970. Ce rapport montrait
que, pour la dernière année où des chiffres étaient
disponibles, c'est-à-dire 1968, selon l'une ou l'autre de deux
méthodes de calcul, le Québec, de toute façon,
n'était pas gagnant quantitativement au point de vue fiscal dans le
régime fédéral; que, d'une part, le déficit
était, selon une des deux méthodes de calcul retenues, presque
inexistant et que, selon l'autre méthode de calcul retenue, il y avait
là un manque à gagner d'environ $200 millions.
M. BOURASSA: En 1968?
M. JORON: En 1968. Je vous rappellerai que, par la suite, on a maintes
fois posé la question au premier ministre, en Chambre, à savoir
si cette étude vitale et capitale allait être poursuivie.
M. BOURASSA: Partielle.
M. JORON: A ce moment-là, il nous disait que oui; de toute
façon, on lui demandait aussi s'il allait la rendre publique et il nous
disait que ce n'était pas décidé encore, que le
gouvernement allait juger s'il était opportun de rendre publics ces
chiffres pour les années subséquentes, si les études se
poursuivaient, etc.
Tout récemment, avant Pâques, le ministre des Affaires
intergouvernementales nous apprend que cette responsabilité
n'appartenait plus à son ministère, mais qu'elle avait
été transférée au ministère des Finances. Le
ministre des Finances se lève, à son tour, pour nous dire que
l'étude ne s'est pas poursuivie et que ce n'est plus l'une des
priorités du gouvernement de faire cette évaluation quantitative
des transferts fiscaux entre les deux ordres de gouvernement.
M. BOURASSA: Cela n'a jamais été...
M. JORON: Ce qui nous est apparu assez curieux pour un gouvernement qui
avait fait du fédéralisme rentable un de ses principaux
thèmes, c'est que tout à coup, il n'est plus soucieux de savoir,
enfin, d'avoir les chiffres qui lui diraient si c'est rentable ou si cela ne
l'est pas. Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de reprendre, ici,
un débat que j'ai fait, encore une fois, avec le ministre des Finances
lors de l'étude des crédits de ce ministère; puisque cette
responsabilité n'appartient plus au ministère des Affaires
intergouvernementales, on va se contenter de l'autre aspect de l'étude,
qui reste au ministère des Affaires intergouvernementales, celui de
l'étude de la qualité du fédéralisme.
On va s'apercevoir, on s'est aperçu, en fait, par les fuites qui
ont pu avoir lieu dans certains journaux que, si ce n'était pas brillant
au point de vue quantitatif, cela ne l'était guère davantage au
point de vue qualitatif. Je n'ai pas l'intention de faire la lecture
pénible, sans doute, aux oreilles du ministre, de tous les dossiers dits
négatifs, de ceux dits neutres et des quelques rares dits positifs, mais
qu'il suffise de retenir que l'on peut sérieusement se demander quelle
foi accorder' au ministre quand il nous disait, il y a à peu près
une demi-heure, qu'à la fin de chaque année son ministère
allait faire le point sur la qualité des relations
fédérales provinciales et ainsi de suite. Vous me permettrez d'en
douter sérieusement pour les raisons suivantes. Par expérience,
vous avez arrêté de le faire sur la quantité, je ne vois
pas pourquoi l'on aurait la garantie que vous allez continuer à le faire
sur la qualité, d'autant plus que le gouvernement, dont vous faites
partie, est le premier gouvernement dans l'histoire du Québec à
avoir fait une profession de foi inconditionnelle dans le
fédéralisme.
En faisant cela, il s'est pris à un mauvais jeu et je pense qu'il
est maintenant sérieusement embarrassé de la présence de
ce ministère des Affaires intergouvernementales.
M. BOURASSA: Pas du tout.
M. JORON: C'est une épine dans le pied. Les gouvernements du
Québec précédents, sans avoir fait profession de foi dans
l'indépendantisme ou dans le souverainisme, si vous voulez, n'avaient
quand même jamais, dans l'histoire du Québec, fait profession de
foi inconditionnelle dans le régime fédéral. C'est une
première, une primeur, que l'on attribue au gouvernement Bourassa.
Quand un gouvernement fait cela et que, dans un de ses
ministères, vont se poursuivre des études qui risquent de mettre
en cause le
bien-fondé de cette profession de foi, on peut s'imaginer
à quel point ce ministère peut devenir encombrant pour un
gouvernement qui a fait une telle profession de foi.
C'est pourquoi, M. le Président, je regrette mais j'affirme ne
pas croire je ne sais pas si ce que je dis est parlementaire mais en
tout cas les intentions du ministre quand il nous dit qu'il va
continuer, à chaque année, à faire le point sur la
qualité de nos relations avec l'autre niveau de gouvernement, quand il
nous dit qu'il va continuer à faire la mise à jour continuelle et
progressive de tous les dossiers. Ce sont des dossiers qui risquent, et ceux
que l'on connaît, jusqu'à maintenant, le sont, d'être
extrêmement embarrassants pour le gouvernement. Comment voulez-vous que
l'on vous croie quand vous êtes enfermés vous-même dans un
tel dilemme?
Parlons-en, si vous voulez, de ces juridictions. On ne peut plus parler
de montants d'argent, ici, semble-t-il, parce que cette partie
n'intéresse plus le ministère des Affaires intergouvernementales;
il faut maintenant parler de la qualité, c'est-à-dire que l'on
peut parler des domaines de juridiction et de choses semblables. Je lisais,
tout récemment encore, un autre morceau de fuite dans les journaux
récents, les commentaires de journalistes, ce matin, sur un aspect
extrêmement important: L'ensemble, si vous voulez, que l'on pourrait
appeler, des affaires économiques. Cela apparaît bien curieux dans
un sens, et c'est là où tout l'illogisme de la position de
l'actuel gouvernement peut être mis en évidence.
Un gouvernement s'est accroché au thème de la relance
économique, de l'action qu'il veut entreprendre dans le domaine
économique, création d'emplois et ainsi de suite on se
rappellera tous les thèmes et les slogans de leur dernière
campagne alors qu'en fait, il ne possède à peu près
aucun des outils c'est-à-dire des juridictions qui lui
permettent d'agir sur cette conjoncture économique. Qu'il suffise d'en
mentionner simplement quelques-uns à titre d'exemples, je n'en fais pas
un répertoire exhaustif: 75 p.c. des impôts sur les corporations,
d'une part, qui sont parmi les principaux agents économiques dans une
société de libre entreprise comme on connaît, appartiennent
au gouvernement fédéral. D'autre part, au niveau financier, le
contrôle sur la monnaie, sur le crédit et sur les banques
appartient à l'autre niveau de gouvernement, instruments essentiels, si
vous voulez, pour agir sur la conjoncture. Ils n'appartiennent pas au
gouvernement du Québec. Les juridictions pour réglementer le
commerce, que ce soit le commerce international ou le commerce interprovincial,
dans les deux cas, les douanes et le commerce interprovincial, relèvent
également du gouvernement fédéral.
Au niveau de l'énergie, à l'exception, si vous voulez, de
l'hydro-électricité, en ce qui concerne le reste, que ce soit le
gaz naturel, le pétrole ou les autres sources d'énergie,
énergie atomique et ainsi de suite, c'est également du ressort du
gouvernement central. Au niveau des transports, si on exclut la voirie, le
transport ferroviaire, maritime, aérien, ce sont encore là tous
des domaines de juridiction fédérale. Dans le domaine des
communications, même chose. Et qui plus est, au total de tout ça
évidemment, les fonds nécessaires, c'est-à-dire la marge
de manoeuvre fiscale qui permet, même quand on n'a pas la juridiction
selon la constitution, quand on a l'argent, on la vole la juridiction. C'est
exactement ce que fait le gouvernement fédéral depuis nombre
d'années, parce que la nature de ses recettes fiscales, à cause
de la sorte d'impôt qui lui procure l'essentiel de ses revenus fiscaux,
est beaucoup plus élastique que celle des revenus provinciaux. Ceci
permet de voir que ses revenus vont croître et ont crû et vont
continuer de croître, si ce n'est pas changé, à un rythme
beaucoup plus rapide que celui des gouvernements provinciaux, au moment
même où l'inverse se passe au niveau des dépenses,
où ce sont les dépenses de nature provinciale, santé,
éducation, ainsi de suite, et autres juridictions censément
provinciales, qui, elles, croissent plus rapidement. En plus du fait d'avoir la
juridiction en matière économique sur toute cette
série-là, cette série de domaines que j'ai nommés,
s'ajoute le fait que le gouvernement fédéral qu'est-ce que
vous voulez? à la grosse part du gâteau fiscal et la part
qui grossit le plus vite à part ça. Dans une circonstance
pareille, qu'est-ce que le gouvernement du Québec prétend vouloir
faire en matière économique? Moi, je suggérerais au
premier ministre, s'il ne veut pas avoir l'air complètement ridicule, de
cesser d'en parler, de ne plus jamais nous parler d'économique. Il n'a
plus un instrument dans ses mains qui puisse lui permettre de faire quoi que ce
soit dans le domaine ou simplement de façon ancillaire ou de
façon supplémentaire...
M. BOURASSA: Le budget, $6 milliards de budget.
M. JORON: ... mais on sait toute la stratégie, et c'est
l'essentiel du message contenu dans la fuite sur l'aspect économique du
bilan qui vient de votre ministère, on le dit carrément,
l'essentiel de toutes les juridictions dans ce domaine-là appartient au
gouvernement fédéral. Cela fait penser un petit peu à un
bonhomme...
M. BOURASSA: Ce n'est pas vrai.
M. JORON: ... qui voudrait partir en guerre contre une armée
moderne équipée de chars d'assaut, de sous-marins, de missiles et
de missiles antimissiles et tout ce que vous voulez, et qui part en guerre
contre ça en culotte courte, avec un "sling shot". C'est de ça
qu'il a l'air quand il nous parle d'économie.
Enfin, puisque, de toute façon, dans une société
industrielle, il est capital, je pense, de commencer par les choses
économiques parce
que c'est, au départ, quand on aura modifié les choses
dans le domaine économique, qu'on en verra des conséquences dans
le domaine social...
M. BOURASSA: C'est nouveau ça?
M. JORON: ... et qu'au bout de la ligne, l'aboutissement de tout
ça...
M. BOURASSA: C'est nouveau, ça! C'est nouveau,ça!
M. JORON: Ce n'est pas nouveau du tout, ç'a toujours
été ce que, moi en tout cas, j'ai expliqué depuis cinq ans
et ce que le programme du Parti québécois, dans sa logique
je vous invite à le lire le nouveau programme qui est en vente dans
toutes les librairies au prix populaire de $1 ...
M. BOURASSA: Je l'ai lu, j'ai des questions à vous poser, je l'ai
lu ce midi.
M. JORON: A votre tour, vous les poserez, d'accord.
M. BOURASSA: Vous allez voir cela, des bonnes questions.
M. ROY (Beauce): Ils perdent des membres chaque fois qu'il y en a qui le
lisent.
M. JORON: Je me suis attardé...
M. ROY (Beauce): J'ai laissé passer le commercial.
M. JORON: Je me suis attardé, M. le Président, à
parler davantage des carences juridictionnelles de l'Etat du Québec en
matières économiques, parce qu'elles m'apparaissent les plus
importantes. Elles prédéterminent, si vous le voulez, ce qui va
se passer dans le domaine social et finalement, l'aboutissement de tout cela,
c'est le vaste domaine culturel au sens large du mot. Et quand j'entends le
premier ministre nous parler d'une souveraineté culturelle, alors qu'il
nous parle d'autre part... Il veut être souverain, il veut être
indépendant, si vous le voulez; c'est l'indépendance du
Québec au niveau culturel. Mais au niveau social, dans les affaires
sociales, cela n'est pas possible, parce qu'évidemment la
sécurité du revenu, le contrôle sur la main-d'oeuvre, sur
l'immigration, ce sont tous des domaines de juridiction fédérale,
Comme il fait une profession de foi dans le fédéralisme, il ne
peut pas prétendre vouloir exercer la souveraineté ou
l'indépendance sociale, encore bien moins l'indépendance
économique, bien entendu.
M. BOURASSA: ... du marché commun.
M. JORON: Si cela nous fait penser, il représente une
espèce de société qui va avoir... Si on peut
présenter l'exemple d'un individu, un individu qui va avoir la culture,
si on peut situer cela au niveau de la tête, peut-être que, dans le
cas du chef du Ralliement créditiste, cela se situe ailleurs, mais en
tout cas... La culture, la tête va être
québécoise.
M. ROY (Beauce): L'honorable député de Gouin, juste pour
donner quelques détails...
M. BOURASSA: M. le Président...
M. JORON: C'est juste pour le réveiller, c'est parce que je
m'aperçois qu'il est à la veille de s'endormir.
M. ROY (Beauce): Non, M. le Président, question de
privilège.
M. BOURASSA: Qu'est-ce que le député de Gouin veut
dire?
M. ROY (Beauce): Je vous laisserais tout simplement remarquer qu'on
m'avait remis un document et c'est intitulé: Urgent. Je pense que je
n'ai pas de permission à demander au député de Gouin pour
prendre connaissance des documents qu'on me remet et je voudrais informer
l'honorable député de Gouin au cas où il serait inquiet,
que je ne dors jamais pendant les sessions.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Gouin.
M. JORON: On aurait une espèce de société
québécoise qui aurait une tête québécoise. Je
ne sais pas si le premier ministre situe les affaires économiques. Il
met peut-être cela au niveau du ventre, mais en tout cas, il va avoir le
ventre américain et politiquement je ne sais pas où la
politique se situe, mais en tout cas, imaginons que ce seraient les pieds
il va avoir les pieds canadiens. Vous avez, une espèce de missile
à trois étages...
M. ROY (Beauce): Si c'est la tête qu'il touche, ce ne sera pas
drôle.
M. JORON: ... qui ne sont pas reliés les uns aux autres et qui
dépendent de juridictions différentes et de niveaux de
gouvernements différents. Une société, cela ne marche pas
ainsi. Une société, cela forme un tout. C'est pourquoi la
souveraineté culturelle, il n'y en aura jamais, parce que c'est
l'aboutissement, tant qu'il n'y aura pas de souveraineté sociale,
c'est-à-dire le pouvoir de faire quelque chose dans le domaine social.
Et cela n'arrivera pas non plus tant qu'il n'y aura pas de souveraineté
économique. Et il n'y aura pas de souveraineté économique
tant qu'il n'y aura pas de souveraineté politique, bien entendu, parce
que la souveraineté politique veut dire essentiellement deux choses: le
pouvoir de contrôler ses impôts
et le pouvoir de faire des lois. Si on n'a pas ces instruments au
départ, on ne parle de rien.
Pour en revenir plus précisément j'ai bien
hâte d'entendre ce que le ministre et le premier ministre pourraient nous
dire là-dessus à cette question des relations
fédérales-provinciales, dans le cadre des qualitatifs auxquels on
doit maintenant se restreindre, on assiste je pense que c'est clair
à un empiétement continuel, depuis bien des années
et de façon plus précise peut-être, depuis
l'avènement du gouvernement Bourassa, à un empiétement
continuel du gouvernement fédéral. Il y a le fait
qu'évidemment il y a quelque chose à cela qui est lié
à la croissance des revenus dont je parlais tout à l'heure du
gouvernement fédéral. Il ramasse de plus en plus d'argent et il
vient à un point où il est poigné, il ne sait pas quoi
faire avec, il faut bien qu'il le dépense quelque part. Cela
l'amène à faire des empiétements dans les
différentes juridictions. Cet empiétement fédéral
est aussi lié il ne faut pas l'oublier cela, c'est une
réalité politique importante à la volonté du
gouvernement fédéral et de tous les partis politiques
fédéraux à ce que le fédéral exerce le
leadership au pays dans toutes les matières, qu'il puisse conditionner,
si vous le voulez, l'évolution et le développement global au sens
large de tout le pays. En laissant les miettes, si vous le voulez, quasiment
administratives aux gouvernements provinciaux probablement jusqu'au jour ou
cela deviendra l'équivalent comme les journalistes le disaient ce
matin de gros conseils municipaux. C'est à peu près
à cela qu'on s'en vient. Je me souviens que le député de
Chicoutimi avait déjà appelé le premier ministre actuel du
Québec, le plus jeune maire de la plus grosse municipalité
d'Amérique. C'est probablement vrai, M. le Président. C'est
à peu près à ce stade-là qu'on est rendu. Le
Québec, ce n'est plus un Etat comme on l'a dit au temps du gouvernement
Lesage.
Cela n'a plus non plus les prétentions d'en devenir un. Cela se
restreint graduellement à un rôle municipal et l'essentiel des
initiatives viendra d'un autre niveau de gouvernement.
Devant cette évolution des relations
fédérales-provinciales, d'une part, est-ce que la profession de
foi inconditionnelle dans le fédéralisme de l'actuel gouvernement
signifie qu'il accepte, qu'il a accepté cette centralisation
inévitable, illogique? Je vous signale que, dans la plupart des
fédérations du monde, cette centralisation a été le
processus normal, évolutif dans les autres fédérations. Et
c'est assez normal aussi. On peut le comprendre assez facilement. Dans la
complexité croissante des problèmes d'une société
moderne, à un certain moment, il faut qu'il y ait un centre de
décision quelque part, qui a le pouvoir. De la même façon
qu'on ne peut pas imaginer des corporations privées ou industrielles qui
fonctionneraient à partir de deux sièges sociaux ou de deux
présidents de compagnie ou des espèces de trucs
bicéphales.
Il faut que le pouvoir, finalement, au bout de la ligne, réside
quelque part. A titre d'exemple, on parle de stratégie de
développement industriel. Qui la fera? Cela sera l'un ou l'autre. Il y a
une chose qui est claire, cela ne peut pas être les deux. C'est normal
aussi parce que c'est beaucoup plus efficace et beaucoup plus
économique. Il me semble que le premier ministre devrait être
sensible à ces arguments.
M. BOURASSA: Les vieilles rengaines !
M. JORON: On prend seulement la liste de toutes les conférences
fédérales-provinciales, toutes les rencontres qui auront lieu au
cours de l'année. Mon Dieu, que d'énergies et de temps et
d'argent dépensés...
M. BOURASSA: Les mêmes vieilles rengaines. Tout le temps, les
vieilles rengaines!
M. JORON: ... et perdus pour rien. Combien de temps perdu aussi, pas
seulement à discuter avec l'autre niveau de gouvernement, mais dans
l'immobilisme qui force, dans bien des secteurs, le gouvernement du
Québec à attendre. A attendre quoi? A attendre que l'autre niveau
de gouvernement ait cédé sur un point, ait finalement
concédé un autre point, à attendre qu'on ait réussi
à harmoniser des choses qui, parfois, sont inconciliables au
départ et qui ne finissent jamais par aboutir. On en voit le cas dans le
domaine des affaires sociales. On en voit le cas, par exemple, dans le domaine
des communications. Ce pauvre ministre L'Allier. Pauvre ministre des
Communications! Je relisais, dans le rapport annuel juste à titre
d'exemple, c'est amusant ; je vous invite à le faire, c'est
peut-être finalement ce qui va vous convaincre...
M. BOURASSA: C'est parce que je veux répondre à vos
questions.
M. JORON: .. que vous êtes engagé dans un cul-de-sac...
Laissez-moi terminer.
M. BOURASSA: Joron, on va se parler tantôt si j'ai le temps, parce
que j'ai d'autres choses à faire.
M. JORON: Vous avez dans le rapport annuel de Radio-Québec des
citations qui nous remontent presque aux Plaines d'Abraham, des citations de
premiers ministres du Québec, à partir d'Adolphe Chapleau, en
passant par Sir Lomer Gouin, en passant par Taschereau, en passant par Godbout,
par Duplessis, par Lesage, par Johnson, par Bertrand jusqu'à Bourassa et
jusqu'au ministre actuel des Communications. On disait, dans les années
1918 ou 1920 à peu près, que les communications et il n'y
avait pas de télévision à cette époque que
la radio était tellement importante pour la cohérence et pour
sauvegarder l'homogénéité culturelle de notre peuple, que
le gouvernement du Québec
puisse s'adresser on disait, les formules sont délicieuses
à tous les foyers, à tous les pères et mères
réunis autour de la table, etc. On répète 50 ans plus tard
exactement la même chose et on n'a pas avancé d'un iota.
M. BOURASSA: Cela n'est pas vrai.
M. JORON: Cela fait longtemps qu'on aurait pu faire Radio-Québec.
Combien d'énergies comme cela sont bloquées partout au
Québec à cause de ces difficultés d'ordre structurel?
Je me demande comment, enfermé dans sa logique de profession de
foi inconditionnelle dans le fédéralisme, le premier ministre ou
le gouvernement actuel pourra s'en sortir. Est-ce qu'il pourrait nous dire,
d'autre part, les juridictions qu'il estime essentielles si l'Etat du
Québec doit être autre chose qu'un gros gouvernement municipal?
Qu'est-ce qu'il faudrait? Ne parlons plus de fédéralisme ou de
souveraineté, mais venons-en au fait et alignons sur une feuille tout ce
qui devrait être, tous les pouvoirs qui devraient être dans les
mains du gouvernement du Québec pour permettre au premier ministre,
peut-être, de réaliser tous ses rêves. Je ne lui prête
pas de mauvaises intentions.
J'imagine qu'il doit être plein de rêves
généreux pour la société québécoise.
Son problème, malheureusement, est qu'il n'a pas d'instrument pour les
réaliser. Qu'il nous fasse donc la liste des instruments qu'il aimerait
avoir dans ses mains pour pouvoir les créer ses 100,000 jobs et ces
trucs-là...
M. BOURASSA: Ils s'en viennent.
M. JORON: ... au lieu d'être à la merci du fait que
quelqu'un d'autre les crée! Bien oui, quand cela va mal, vous dites que
c'est la faute de la conjoncture et quand cela va bien, il ne faut pas vous
dire que c'est votre faute.
M. BOURASSA: Quand cela va bien, c'est vous qui dites que c'est la faute
de la conjoncture et quand cela va mal c'est ma faute.
M. JORON: Quand cela va mal, c'est la conjoncture. Quand cela va bien,
cela doit être la conjoncture aussi. Ce n'est pas le premier ministre non
plus. En tout cas. Qu'il nous fasse donc la liste de tous les pouvoirs qui
seraient essentiels au gouvernement du Québec pour pouvoir assurer le
plein développement de la société
québécoise. Il sera vital d'avoir, dans cette liste, la majeure
partie des pouvoirs économiques. On va se rendre compte bien rapidement
que la position constitutionnelle actuelle du gouvernement nous mène
à une impasse. Rappelez-vous le processus des Etats
généraux du Canada français, cet organisme qui a
siégé et réuni des délégués des
différents coins de la province pendant plusieurs années. Il
n'était pas question de souveraineté ou d'indépendance
à ce moment-là. On ne s'est pas attaché aux
étiquettes. On a demandé pendant des années à des
milliers de personnes d'établir la liste de ce qu'elles voulaient qu'il
se passe au Québec, de ce qu'elles voulaient faire du Québec.
Deuxième liste en parallèle: Quels instruments cela prend-il pour
faire cela? On s'est rendu compte, quand on a eu fini de procéder
à ce catalogage, que cela voulait tout simplement dire
l'indépendance du Québec, parce qu'on avait réalisé
que, pour pouvoir accomplir tout ce qu'on voulait faire, cela prenait tous les
instruments suivants et que ces instruments n'étaient rien d'autre que
les prérogatives d'un Etat souverain.
Je me demande si le gouvernement est prêt à nous dire que
s'il se refuse de reconsidérer sa profession de foi... Est-ce qu'il se
refuse, d'une part, à reconsidérer sa profession de foi
inconditionnelle dans le fédéralisme? S'il la maintient et que,
d'autre part, il continue à dire qu'il veut dans tel et tel domaine
faire telle et telle chose et qu'il poursuit tel et tel objectif, comment
pense-t-il obtenir non seulement l'argent, la part des revenus fiscaux
nécessaires pour pouvoir le financer et le droit de faire ces choses?
Comment pense-t-il qu'il va obtenir cela quand, de l'autre côté de
la médaille, vous avez du fédéral une fin de non-recevoir?
Il n'est pas fou, ce gouvernement. Si on se met dans sa logique, j'imagine
qu'on ferait de même. Il ne veut pas laisser partir le contrôle de
ce pays parce qu'il s'estime élu pour gouverner, comme c'est normal dans
un pays.
En conséquence, on ne peut pas voir à partir de quelle
logique le gouvernement fédéral serait prêt à
laisser aller des morceaux aussi importants que ceux dont le Québec
aurait besoin pour réaliser tout ce qu'il y a à faire au
Québec. En vertu de quelle logique le gouvernement fédéral
pourrait-il se permettre de les laisser aller? Comment est-ce que,
enfermé dans sa logique fédéraliste, le gouvernement peut
les obtenir, ces morceaux? Est-ce qu'il ne serait pas plutôt temps de
cesser de raconter des sornettes aux citoyens québécois, de leur
dire qu'on ne poursuit plus d'objectif de révision constitutionnelle,
que le partage fiscal, le nouveau partage fiscal qu'on nous
répète comme des voeux pieux à chaque discours inaugural
et à chaque discours du budget, c'est pour la frime et qu'on accepte
finalement d'être le petit gars bien tranquille à sa place,
c'est-à-dire un rôle administratif local ou régionl, si
vous voulez. C'est à peu près l'équivalent d'une grosse
municipalité.
Eh bien, si c'est le cas, M. le Président, on ne voit pas
pourquoi il y a un ministère des Affaires intergouvernementales. La
ville de Montréal ou les autres villes du Québec n'ont pas de
ministère des Affaires intergouvernementales pour réglementer
leurs relations avec les autres niveaux de gouvernement. Au point où en
est rendu le Québec, on estime, M. le Président, que c'est un
luxe de se payer un ministère des Affaires intergouvernementales qui,
à toutes fins utiles, ne sert plus à rien.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable vice-premier
ministre.
M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, nous allons interrompre nos
travaux à ce moment-ci. Je crois qu'il est bon que j'aie
également l'occasion d'entendre le porte-parole de l'Union Nationale,
l'Opposition officielle, qui devrait être ici à la reprise, si je
comprends bien.
M. CLOUTIER (Montmagny): Cela dépend du travail qui a
été accompli en Chambre, cet après-midi, en commission
plénière.
M. LEVESQUE: Chose certaine, c'est qu'on ne peut pas paralyser tous les
travaux. Nous allons continuer ce soir.
M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord. La séance de la commission va
se continuer et ce sera soit le chef de l'Opposition ou ceux qui ont
préparé spécialement le dossier pour l'étude des
crédits... Il y en a un des deux qui va exposer le dossier.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La commission suspend ses travaux
à 20 h 15.
(Suspension de la séance à 17 h 45)
Reprise de la séance à 20 h 25
M. HOUDE, Limoilou (président de la commission permanente de la
présidence du conseil, de la constitution et des affaires
intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!
Il y a un changement parmi les membres de la commission. M. William
Tetley, de Notre-Dame-de-Grâce, remplace M. Choquette d'Outremont.
L'honorable député de Chicoutimi.
M. TETLEY: Avec le consentement des intéressés.
DES VOIX: Ah oui, ah oui!
M. TETLEY: Je suis venu comme invité d'honneur, plutôt, non
pas comme membre.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est moi qui l'ai invité.
M. TETLEY: Mais un invité, pas d'honneur, un invité,
point.
M. JORON: Non? Bien, pourquoi pas?
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, ma programmation a
été singulièrement dérangée par l'attitude
du leader du gouvernement. Nous avons fait la paix depuis lors et je suis
heureux de participer à l'étude de ce budget.
Permettez-moi, M. le Président, dès le départ, de
remercier le ministre du texte qu'il nous a communiqué et dont j'ai pris
connaissance à l'heure du dfner. C'est un texte bien fait dont je
félicite les auteurs et le lecteur. Ce texte, toutefois, M. le
Président, outre les renseignements qu'il nous apporte sur
l'organisation du ministère, sur ses structures, ses modes de gestion,
ses méthodes de travail et son programme d'action, ne nous apprend rien
sur la politique du ministère des Affaires intergouvernementales,
ministère éminemment important, qui constitue, à mon sens,
l'un des mécanismes essentiels de l'administration du Québec.
Vous comprendrez que je ne sois pas d'accord avec ceux qui prétendraient
que l'on devrait faire disparaître ce ministère, réduire
ses crédits à $1 et partant son activité à
néant. C'est que l'on n'a pas compris quels étaient le rôle
et la fonction du ministère depuis le moment de sa création,
alors qu'il s'appelait le ministère des Affaires interprovinciales,
devenu le ministère des Affaires intergouvernementales...
M. LEVESQUE: Fédérales-provinciales.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... fédérales-provinciales,
dis-je.
Dussions-nous un jour! que je n'ose évoquer, parce que je n'aime
pas les catastrophes, vivre en régime indépendant, il faudrait
encore que
ce ministère subisse une nouvelle transformation puisqu'il
devrait s'appeler le ministère des Affaires
étrangères.
Evidemment, M. le Président, on peut rêver en couleur, on
peut penser au Paradis perdu en relisant Milton, il faut quand même avoir
les pieds sur la terre. Il en est de ce problème général
de l'évolution du Québec, du devenir du Québec comme il en
est des régimes socio-politiques ou socio-économiques. Il n'est
pas de personne pour parler avec éloquence du socialisme comme les mieux
nantis de la société du Québec, comme il n'est pas de
personne qui parle avec mieux d'éloquence des souffrances des
affamés que ceux qui ont le ventre bien plein.
A tout événement, M. le Président, nous voulons ce
soir examiner le programme d'action du ministère des Affaires
intergouvernementales. Dans le texte que le ministre nous a soumis, je n'ai
retenu au fait que la partie qui traite spécifiquement des
priorités du gouvernement. Le reste consiste en un ensemble de
renseignements techniques que je serai heureux de fournir sous forme de
photocopies aux étudiants qui me demandent des renseignements sur
l'organisation du ministère.
Alors, j'élimine donc toute cette partie qui est paginée
pour m'attaquer à ce que l'on appelle les orientations de travail et au
chapitre a) des affaires fédérales-provinciales et
interprovinciales.
Dans le discours qu'il prononçait cet après-midi, le
ministre, lisant ce texte déclarait: "Les grandes priorités du
gouvernement, sur le plan des relations fédérales provinciales,
sont les suivantes: La question du financement de la fédération
en vue d'atteindre un partage des ressources fiscales les plus conformes aux
responsabilités constitutionnelles des gouvernements
fédéral et provinciaux.
Le développement économique, plus particulièrement
en ce qui concerne le problème des disparités régionales
et la lutte au chômage. Troisièmement, le développement
social et singulièrement les programmes de sécurité de
revenu. Quatrièmement, l'affirmation culturelle du Québec.
On trouve là résumé ce que nous avons appelé
lors de l'étude du budget de l'Education, des Affaires culturelles et
des Communications, des Affaires sociales, de l'Agriculture et de la
Colonisation, etc., l'ensemble de ce qui constitue le contentieux
constitutionnel qui doit être, pour le ministre responsable des Affaires
intergouvernementales, la priorité.
Nous vivons, M. le Président, en régime
fédératif et, en ce qui nous concerne, nous considérons
que l'approche la plus réaliste consiste à penser en termes d'une
fédération d'Etats qui regroupe un ensemble d'entités qui
veulent affirmer leur souveraineté dans les domaines qui sont
évoqués dans ce passage du discours du ministre que je viens de
lire. Cela nous oblige à poser le problème de la politique du
gouvernement en ces diverses matières, en bref la politique
constitutionnelle du gouvernement dont le ministre des Affaires
intergouvernementales a, avec le premier ministre, la première
responsabilité. Celui-ci ne s'étonnera donc point de
l'étonnement que j'ai, pour ma part, éprouvé quand je me
suis rendu compte qu'en aucun moment, sous réserve évidemment de
ses déclarations ultérieures, il ne s'est prononcé sur
l'évolution du dossier constitutionnel et sur l'attitude qu'entend
prendre son gouvernement pour provoquer l'accélération des
relations fédérales-provinciales, dans le sens que nous
souhaitons depuis un bon nombre d'années.
Disons au départ que le Parti libéral, comme le parti du
Ralliement créditiste et le nôtre, accepte le régime
fédératif. Il s'agit d'une association d'Etats responsables dans
les domaines de leurs compétences respectives et qui veulent atteindre
ce degré de souveraineté qui leur permette de prendre des
initiatives sans avoir à consulter le gouvernement central et surtout
sans avoir à subir l'autorité d'un gouvernement qui n'a pas le
droit d'édicter nos politiques en des domaines qui sont à l'heure
actuelle de notre compétence et qui doivent être d'ailleurs
élargis.
A côté de nous, il y a un groupe de gens qui
préconisent une thèse qui vise évidemment à la
disparition du régime fédératif par l'éclatement du
Canada via la sécession du Québec. C'est une option sur laquelle
j'ai eu l'occasion de me prononcer et je n'y reviendrai pas ce soir; mais, avec
des gens responsables, qui ont une connaissance de l'histoire et qui ont comme
on a coutume de le dire les pieds sur la terre, j'entends exposer la
thèse du parti que je représente à l'Assemblée
nationale. Notre parti, M. le Président, tout le monde le sait, a
demandé depuis plusieurs années la révision de la
Constitution, l'élaboration d'une constitution interne du Québec
et la définition des termes de nouveaux pactes d'association entre les
Etats membres de la fédération canadienne. Nous rejoignons ainsi,
même à plus de cent ans de distance, les préoccupations de
ceux qui ont été les auteurs de la Confédération
canadienne, de la fédération canadienne comme on devrait
l'appeler justement.
Cette fédération canadienne voulait harmoniser les
rapports entre des entités politiques qui, à travers les
vicissitudes de l'histoire, les avatars de la politique, s'étaient rendu
compte qu'il fallait trouver un terrain d'entente ou un modus vivendi qui
permît à des gens appartenant à des cultures
différentes, ayant une histoire différente, de vivre sur le
même territoire et de bâtir, en commun, une grande
fédération d'Etats.
Il est arrivé et je n'insisterai pas sur cet aspect
historique que l'évolution de la Constitution,
l'interprétation qu'on en a faite, ont été telles qu'il
n'existe plus, à proprement parler, à l'heure actuelle, de
constitution canadienne et
que, par mode empirique, les pouvoirs des Etats membres de la
fédération se sont trouvés grugés par
l'appétit, la voracité et l'impérialisme du gouvernement
central à telle enseigne que l'on a pu dire en ces dernières
années et particulièrement en ces derniers mois que le
gouvernement du Québec n'était plus qu'une initiative locale du
gouvernement d'Ottawa.
Le mot d'initiative locale est peut-être un peu fort et
caricatural, mais il me paraît quand même décrire assez bien
la situation et, surtout, identifier la démarche du gouvernement qui est
devant nous.
Pourquoi cela, M. le Président? Parce que l'on a pratiqué,
depuis trois ans, quatre ans bientôt, une forme de négociation que
l'on a appelée le fédéralisme rentable, dont on attendait
beaucoup, mais qui n'a pas donné, en dépit des chiffres et des
millions que l'on brandit à tout vent et à tout propos, les
résultats que les citoyens étaient en droit d'escompter de cette
nouvelle technique du fédéralisme rentable.
Le grand défaut de cette technique, c'est qu'elle impose au
gouvernement la pratique des négociations parcellaires et que ces
négociations ne s'appuient pas au départ sur des bases de
principes. D est devenu nécessaire aujourd'hui de reprendre le
problème et de montrer comment doit se faire la conjonction d'une
négociation assise sur des principes et en même temps sur des
données de faits lorsqu'il s'agit de négocier dans des domaines
qui touchent tel ou tel secteur de l'activité socio-économique et
socio-politique du Québec.
La première question que je pose au gouvernement, que je me pose
à moi-même et que tous les citoyens se posent, est la suivante:
Quel est l'objectif final, fondamental que recherche à l'heure actuelle
le gouvernement du Québec? Est-il désireux d'obtenir une
véritable révision constitutionnelle? Est-il désireux de
changer les assises, les bases de la constitution actuelle afin de donner au
Québec, à l'Etat du Québec, l'infrastructure qui lui
permette d'étendre sa souveraineté?
Je pense que les faits nous permettraient de répondre le
ministre pourra me donner la réplique et c'est son droit que le
gouvernement ne semble pas désireux du moins, c'est ce qui nous
apparaît à prime abord et c'est ce qui ressort des
différentes conférences fédérales-provinciales
de remettre en cause les assises de la fédération
canadienne et les principes sur lesquels elle a été
bâtie.
La seconde question que je voudrais poser au ministre des Affaires
intergouvernementales ou au premier ministre s'il était ici, c'est la
suivante :
Quels ont été, en termes concrets, outre les montants dont
on nous dit que le gouvernement fédéral nous a accordés,
quels ont été, dans les divers secteurs des affaires sociales, de
l'éducation, des affaires culturelles, des affaires économiques,
etc., des communications, du partage des revenus, les résultats concrets
et les gains réalisés par le Québec? La troisième
question que je voudrais poser au ministre des Affaires intergouvernementales
c'est celle-ci: Quelle est, dans la ligne de continuité des
gouvernements Taschereau, Duplessis, Lesage, Johnson, Bertrand, la
continuité que le gouvernement a voulu suivre dans ses
négociations par sa technique du fédéralisme rentable? Je
voudrais également demander au ministre s'il croit qu'il est possible,
en un temps qui est toujours difficile de déterminer, parce que cela
dépend des négociations et que toute négociation est
difficile, de nous dire quel est exactement son objectif et si le gouvernement
a l'intention de poursuivre ad infinitum le processus des négociations
parcellaires avec Ottawa sans avoir au préalable requis l'avis et obtenu
le consentement des autres Etats membres de la fédération
canadienne par la voie d'une conférence
fédérale-provinciale de la nature de celle qui avait
été convoquée et tenue grâce à l'initiative
de MM. Robarts et Johnson en 1967.
M. LEVESQUE: Interprovinciale?
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Interprovinciale, je m'excuse, M. le
Président.
Ce sont là, M. le Président, je crois, les questions
fondamentales et qui vous indiquent tout de suite quelles sont, en ce qui
concerne ma formation politique, les préoccupations qui sont les
nôtres et qui sous-tendent notre politique constitutionnelle. Nous sommes
pour une fédération d'Etats mais une fédération
d'Etats qui suivent l'évolution de l'histoire et qui s'adaptent à
la situation actuelle.
Ce qui veut dire que les Etats membres de la fédération
canadienne ne peuvent plus accepter de voir leur compétence, leur champ
d'activité réduit à ce qu'on avait défini en 1867
et qui est contenu surtout dans les articles 91, 92 et 93 de la constitution
canadienne.
Nous croyons, M. le Président, et j'exprime ici l'opinion de mon
parti, que non seulement il est nécessaire, mais qu'il est possible de
poursuivre avec nos partenaires canadiens j'entends d'abord les Etats
membres de la fédération canadienne les
négociations en vue d'obtenir, premièrement, une révision
de la Constitution et, conséquemment, un nouveau partage des pouvoirs,
ce qui implique, bien entendu, un nouveau partage des sources de revenus et une
nouvelle approche de ce problème du pouvoir de taxer et de
dépenser. Nous croyons, en dépit de tout ce qu'on a dit, de tout
ce qu'on pourra dire, que le sort du Québec, que l'avenir du
Québec, que l'avenir de la fédération canadienne, et
partant du Canada, dépend des négociations. Et,
accepterions-nous, pour les besoins de la discussion, même
l'hypothèse de l'indépendance du Québec qu'il ne serait
pas possible d'éviter cette exigence qui saute aux yeux d'une
négociation et d'une négociation qui, même si elle est
laborieuse, peut être possible, efficace et effective si nous demeurons
à l'intérieur de la
fédération canadienne alors qu'elle serait beaucoup plus
aventureuse et beaucoup plus risquée si cette négociation devait
s'instituer entre neuf ou dix partenaires contre dix partenaires à
l'intérieur de la fédération et un partenaire qui en
serait sorti brutalement et brusquement. C'est la position que nous avons
défendue en 1966, en 1970 et que, tout récemment encore, nous
avons fait entériner par les citoyens qui, avec nous, ont
élaboré le programmé du parti qui sera, dans sa version
définitive, bientôt soumis à l'examen du public.
M. le Président, nous croyons donc à la possibilité
de négocier. Nous comprenons toutefois, et le ministre le sait, lui qui
a à négocier avec les membres de son gouvernement, que ces
négociations, en quelque domaine qu'elles se fassent et quels que soient
les interlocuteurs qui, à un moment donné, se trouvent en
présence du gouvernement du Québec, seront longues et difficiles.
Mais quand on pense à l'histoire des peuples et quand on prend un peu de
recul et que l'on ne s'égare pas dans les sphères confortables
des nuages et des idéologies pures, nous croyons que ces
négociations, pour difficiles qu'elles puissent être, sont
nécessaires et que si longues qu'elles devraient être et si
douloureuses qu'eles pourraient être, comptent quand même en termes
d'années pour bien peu de chose si l'on se replace dans l'optique de
l'évolution d'un Etat qui, parvenu à un carrefour, a besoin de se
redéfinir.
C'est là notre attitude. Nous n'en avons pas changé, nous
y avons apporté simplement des éléments nouveaux, des
éclairages nouveaux et nous croyons que les citoyens qui savent raison
garder sont encore capables d'entendre ce langage.
M. le Président, cette attitude nous différencie
fondamentalement, radicalement, des partisans de la séparation du
Québec, des partisans du séparatisme brutal à coloration
socialiste qui nous mènerait fatalement à la dictature que l'on
connaît en d'autres pays.
Cette attitude nous différencie peut-être...
M. ROY (Beauce): C'est vrai. M. JORON: Lesquels?
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Vous le savez, M. le Président, le
député de Gouin le sait très bien, lui qui a, j'imagine,
étudié l'histoire des régimes totalitaires...
M. JORON: Est-ce que vous faites une distinction entre totalitaires et
socialistes?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... et les grandes doctrines socialistes qui
sous-tendent les régimes totalitaires qui, au départ, se
présentent comme des régimes destinés à sauver les
peuples et qui finalement les oppriment.
M. JORON: La plupart des régimes totalitai-
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le régime nazi en a donné une
preuve...
M. JORON: C'était un régime de droite, ce n'était
pas un régime socialiste.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... les régimes... C'était une
composition de la droite et de la gauche surveillée très
étroitement par les SS qui sont tout simplement le pendant des FLQ qui
se trouvent dans le Parti québécois.
Ceci étant dit, M. le Président...
M. JORON: Lesquels?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... je déclare que nous avons avec le
parti du Ralliement créditiste, en ce qui concerne l'attitude de nos
positions constitutionnelles, des affinités et que nous pouvons nous
entendre sur bien des points, comme nous pouvons nous entendre sur bien des
points avec le gouvernement actuel, qui a entrepris un travail de
négociations avec le gouvernement central en vue de garder le
Québec dans la Fédération canadienne.
Je ne reproche donc pas au gouvernement du Québec de poursuivre
les négociations qui ont été menées par bien
d'autres gouvernements, dont celui de M. Lesage, et négociations qu'a
reprises le gouvernement de M. Bourassa.
Ce qui nous inquiète, c'est le style des négociations, les
méthodes de négociations et l'absence du moins affirmée de
principes qui inspire ces négociations. Je suis convaincu et
personne n'en doute que dans ces négociations le gouvernement du
Québec poursuit l'objectif du bien commun des Québécois.
Je ne ferai donc pas de reproche partisan au gouvernement et je ne l'accuserai
pas de tous les péchés d'Israël, mais puisque nous sommes
à étudier objectivement le budget des Affaires
intergouvernementales, le rôle des députés d'Opposition est
de dire au gouvernement ce qui paraît être fautif dans ses
méthodes et son action, et c'est d'essayer d'apprécier les
résultats de ce travail.
C'est, à mon sens, une façon positive de traiter le
problème et que le ministre veuille bien prendre ma parole, je ne suis
pas venu ici pour palabrer interminablement et utiliser pour ce faire le style
de la démagogie dont on se sert malheureusement trop souvent à
l'extérieur de cette Chambre, lorsqu'il s'agit de mettre en branle tous
les mécanismes de l'émotivité populaire.
J'en ai contre le style de négociations, premièrement,
contre les négociations parcellaires. Il est bien évident que le
gouvernement ne peut pas échapper à cette exigence de certaines
négociations parcellaires, c'est-à-dire des négociations
en des domaines particuliers quand se posent des problèmes concrets de
mise en marche de plans entre les gouvernements des Etats membres de la
fédération et le gouvernement central. Cela se produit
régulièrement et
moment. Mais le reproche fondamental que je fais au gouvernement, c'est
de penser que toutes les négociations en cette matière vitale de
la Constitution doivent se faire de façon parcellaire sans que jamais
l'on mette vraiment en cause les principes de base qui sous-tendent l'armature
de la fédération canadienne et qui doivent inspirer le
gouvernement lorsqu'il aborde le contentieux constitutionnel. On peut
très bien aller discuter à Ottawa du problème de
l'enseignement postsecondaire; on peut aller à Ottawa discuter du
problème de la câblodistri-bution, des problèmes du
développement économique régional, des problèmes
d'agriculture, des problèmes d'affaires culturelles, ainsi de suite,
mais on n'arrivera jamais, à mon sens, à des résultats
satisfaisants, on n'obtiendra jamais autre chose que des gains sous forme
d'argent, tant et aussi longtemps que l'on ne posera pas au départ le
problème en termes de révision de la Constitution.
Le gouvernement fédéral, du reste, l'a bien compris. Il a
usé de tous les moyens pour mettre de côté le comité
permanent de la réforme fiscale et pour mettre de côté tous
les mécanismes qui avaient été institués afin de
poursuivre le travail amorcé en 1967, lors de la conférence
convoquée par M. Robarts et M. Johnson. Le gouvernement central a tout
intérêt à négocier de façon fragmentaire, en
des domaines très particularisés, en des secteurs très
limités parce que, pendant qu'il négocie et au moment où
il accorde aux Etats membres de la fédération canadienne certains
avantages qui peuvent jeter de la poudre aux yeux, il poursuit subtilement et
rapidement son entreprise de centralisation et d'envahissement des champs de
compétence jusqu'alors réservés aux Etats membres de la
fédération canadienne. C'est l'astuce du gouvernement central,
astuce au fond pas tellement déguisée et pas tellement adroite,
mais qui porte ses fruits, qui donne des résultats au gouvernement
central en raison même du manque de vigilance et du manque de leadership
qui caractérisent les gouvernements d'un bon nombre d'Etats de la
fédération canadienne dont le nôtre.
Ce n'est pas ici une attaque personnelle que je fais, mais je crois que
l'impasse dans laquelle on se trouve à l'heure actuelle et cette absence
de continuité dans les résultats, qu'ils soient de principe ou
qu'ils s'expriment en termes de faits, proviennent précisément de
ce que le gouvernement du Québec manque de force et de leadership et
qu'il croit avoir trouvé la formule magique du fédéralisme
rentable et que cette formule magique va lui apporter ce que les autres
gouvernements n'ont pu obtenir auparavant. C'est là le grand tort, c'est
là la grande faiblesse plutôt du style de négociations du
gouvernement du Québec. Un manque de leadership, un manque de force et
une façon de "barguiner", si on me permet l'expression, avec le
gouvernement central sans jamais poser la véritable question qui est
celle-ci: Qu'est-ce que le Québec veut à la fin de la course?
Quel est l'objectif final qu'il entend atteindre et quels sont les principes
qui le guident dans son action? Il me paraît que le gouvernement actuel,
tout en poursuivant sa politique du fédéralisme rentable, qui
s'exprime, qui se traduit par des négociations parcellaires dont je
viens de parler, ne devrait jamais, dans ces dossiers bien
préparés, s'exprimer en termes de revendications concrètes
sans avoir au départ établi les principes de base en vue de la
révision constitutionnelle et du nouveau partage des champs de
compétence et des champs de taxation.
Dans cette démarche, le gouvernement a oublié une chose,
c'est que, assumant la responsabilité du pouvoir en 1970, il a voulu, M.
le Président, obtenir du gouvernement des gains et des gains qui se
traduisent sous forme d'argent, des gains qui soient en ces termes assez
impressionnants pour jeter de la poudre aux yeux, pour enthousiasmer les
citoyens, mais, ce faisant, il ne s'est pas préoccupé d'asseoir
ses demandes et ses revendications sur des positions constitutionnelles, sur
des principes constitutionnels, fermes, clairs et nettement définis. A
telle enseigne que l'on se demande qui dicte au gouvernement du Québec
à l'heure actuelle les attitudes qu'il doit prendre, et je suis enclin
à penser que, très souvent, les initiatives que prend chez nous
le gouvernement du Québec lui viennent du gouvernement d'Ottawa. Il
n'est que de se reporter aux débats de la Chambre, aux nombreuses
questions que nous posons pour constater que toutes les fois que nous
interrogeons le gouvernement sur des problèmes particuliers, sur des
dossiers spécifiques, que nous lui demandons de faire l'état de
la question et de nous dire à quel moment telle consultation a eu lieu,
d'abord s'il y a eu consultation, à quel moment a-t-elle eu lieu, le
gouvernement a été jusqu'à présent, en de
très rares occasions, capable de nous répondre. On nous dit: Oui,
il y a eu des rencontres. On demande à quel moment, entre qui. Est-ce au
palier des fonctionnaires? Est-ce à celui des ministres? Un ministre
nous dit oui, l'autre ministre nous dit: Non, c'est au palier des
fonctionnaires; oui, les ministres se sont rencontrés, mais quand on
essaie de faire la synthèse.
On se rend très bien compte que le gouvernement agit la plupart
du temps quand le gouvernement central a déjà pris l'initiative
des opérations.
Or, c'est justement ce qu'il faut inverser. C'est ce processus qu'il
faut changer. Il faut que le gouvernement du Québec, en toutes les
matières qui regardent sa souveraineté et ses champs de
compétence, prenne l'initiative des opérations et, eu
égard à tout le travail qu'a accompli le gouvernement central,
à l'envahissement dont je parlais tout à l'heure et à sa
rapacité, le moment est venu pour le Québec de dicter, en des
termes clairs, à ses partenaires de la fédération
canadienne et au gouvernement
central, quelles sont les conditions qui vont nous permettre et
permettre aux citoyens du Québec d'accepter de poursuivre
l'expérience du fédéralisme.
Ces observations, je les fais en toute conscience et en toute
objectivité au ministre des Affaires intergouvernementales et aux
membres de cette équipe afin de savoir exactement dans quel sens
s'infléchit la politique constitutionnelle de ce gouvernement.
Je n'irai pas déclarer, parce que cela serait injuste et cela
serait naiï et stupide, que le gouvernement actuel n'a rien fait. Il faut
quand même être assez honnête pour accepter des
réalités et admettre que le gouvernement a entrepris une
tâche difficile et que, comme le disait lui-même le ministre cet
après-midi, même si les succès ont été
relatifs, il y a eu certains progrès. Mais ces progrès, je
m'interroge sur leur qualité et sur les effets qu'ils peuvent avoir si
je les replace dans cette perspective générale des
négociations qu'il nous faut, à tout prix et à très
brève échéance, entreprendre en vue d'obtenir que l'on
revise la constitution canadienne, que l'on définisse les champs de
compétence des Etats membres de la fédération et que l'on
s'interroge, comme le faisait la semaine dernière le premier ministre
Davis, sur le rôle qui doit être dévolu au gouvernement
central, rôle qui, en 1867, avait été défini comme
devant être celui d'un agent régulateur des relations entre les
Etats membres de la fédération canadienne en vue de la
création d'un pays dont la vitalité, le développement
social et économique dépendaient de l'initiative des Etats
membres de la fédération à la suite des conférences
de 1864 et de 1867.
C'est pourquoi, contrairement à ceux qui pensent, à ceux
qui pourraient prétendre que le ministère que dirige le
député de Bonaventure n'a pas de valeur, je crois que c'est par
excellence l'âme et le moteur du Québec, que c'est le
ministère le plus important. C'est ce ministère qui doit fournir
à tous les autres ministères les instruments qui leur permettent
d'agir dans les domaines de leur compétence respective.
Nous avons eu l'occasion de discuter, lors de l'étude du budget
du ministère des Affaires sociales, le problème de la
sécurité sociale, du revenu minimum garanti, enfin, de toutes ces
questions, de tous ces problèmes réunis sous le titre
général d'affaires sociales.
On a fait la même chose au ministère de l'Agriculture, au
ministère des Richesses naturelles, aux ministères des Affaires
municipales, de l'Education, des Communications, des Affaires culturelles, des
Terres et Forêts, et ainsi de suite. Et à chacun des ministres,
nous avons posé la même question. Quel est exactement, en ce qui
concerne le contentieux constitutionnel, l'état de la question?
Où en sommes-nous? Quel progrès avons-nous marqué? Quelles
sont les étapes qui doivent suivre et quels moyens entend prendre le
gouvernement pour faire évoluer les relations
fédérales-provinciales dans le sens qu'il le désire et que
le premier ministre a maintes fois formulé en des slogans à
caractère politique je ne lui reproche pas d'utiliser des slogans
à caractère politique quand il s'adresse à des groupes
politisés et partisans lorsqu'il parlait d'une
souveraineté économique du Québec et lorsque, tout
récemment, il a parlé de la souveraineté culturelle du
Québec.
M. le Président, ce sont ces questions que nous nous posons, que
nous posons au ministre ce soir. Quel est l'état du dossier des
communications? Quel est l'état du dossier des affaires culturelles?
Quel est l'état du dossier de l'éducation? Quel est l'état
du dossier du, développement économique régional? Quel est
l'état du dossier de l'exploitation du développement des
richesses naturelles? Quel est l'état du dossier dans le domaine des
droits miniers sous-marins? Quel est l'état du dossier en ce qui
concerne Perspectives-Jeunesse, Horizons nouveaux, Initiatives locales? Quel
est l'état du dossier en ce qui concerne les parcs nationaux? Quel est
l'état du dossier en ce qui concerne les sites, les monuments
historiques et les sites archéologiques? Quel est l'état du
dossier en ce qui concerne le financement des municipalités? Quel est
l'état du dossier en ce qui concerne le financement des fermes, les
regroupements de fermes? Quel est l'état du dossier en ce qui concerne
également les relations internationales du Québec? Parce que,
indépendamment de tous les propos démagogiques que l'on pourra
tenir sur les maisons du Québec à l'étranger, il
n'échappe à personne que dans un Etat évolué et qui
a compris ce que signifie ce qu'on appelle les grands ensembles et
l'évolution des civilisations par le moyen des communications actuelles,
l'on ne peut pas vivre ici en régime autarcique et qu'il faut absolument
institutionnaliser des relations avec les grands pays du monde, avec les pays
qui représentent les plus vieilles civilisations du monde et avec les
pays actuellement en voie de développement.
Quel est donc l'état du dossier en ce qui concerne ces relations
avec les pays qu'on appelle étrangers, c'est-à-dire dans le
domaine des relations internationales? Parce que le domaine des relations
internationales, quand on l'examine dans l'optique de l'évolution de la
constitution canadienne, constitue simplement un élargissement d'une
compétence des Etats membres de la fédération canadienne
déjà consacrée dans la Constitution de 1867. Certes, le
Québec, en ce domaine comme en celui de l'immigration, accuse un retard.
Il s'est avisé, assez tard, des droits qu'il avait d'agir dans le
domaine des relations internationales. Mais le mouvement étant
engagé, il faut maintenant le poursuivre et donner à nos
relations internationales une expansion qui corresponde non seulement à
nos exigences socio-culturelles mais peut-être plus encore à nos
exigences économiques.
C'est cet ensemble de questions, M. le
Président, que je souhaiterais ce soir poser au ministre des
Affaires intergouvernementales, ayant auparavant défini l'attitude de
mon parti, ayant situé mon parti et ayant précisé, encore
une fois, quelle est notre politique en matière constitutionnelle. On
nous a, à maintes reprises, fait le reproche de n'être pas, comme
on le dit vulgairement, branchés, de ne pas avoir de solution nouvelle,
de ne pas traduire en des termes absolument percutants et très nouveaux
les préoccupations qui sont les nôtres. M. le Président,
nous ne cherchons pas le nouveau pour le nouveau. Nous considérons que
nous vivons dans un contexte physique, d'abord historique, physique,
géographique, économique particulier, qui est le contexte
nord-américain, que nous devrons, quoi qu'il advienne, continuer de
vivre à côté et avec nos voisins nord-américains, et
que nos premiers partenaires, dans cette aventure de notre avenir et de notre
devenir, sont, avant tout, ceux qui historiquement ont été les
nôtres depuis 1760 et plus particulièrement depuis 1867. Nos
partenaires sont aussi nos voisins des Etats-Unis. C'est là une
réalité ou ce sont des réalités qu'il n'est pas
possible de faire disparaître et ce ne sont pas des idéologies
sectaires qui vont faire un sort à des faits que personne ne peut nier
et avec lesquels on est obligé de compter tous les jours. Par
conséquent, notre position est réaliste et, si nous avons des
reproches à faire au gouvernement, ce n'est pas que nous ne nous
entendions point sur l'objectif global, mais c'est que nous ne nous entendons
pas sur les modes, sur les façons, les moyens d'atteindre un objectif;
objectif qui disparaît de plus en plus, qui s'estompe de plus en plus
dans la brume des négociations actuelles qui, non seulement
traînent en longueur, mais qui paraissent devoir aboutir constamment
à des culs-de-sac. Certes, on va nous dire: Mais qu'est-ce que vous avez
fait pendant que vous avez été là? Le problème
n'est pas de savoir ce que nous avons fait pendant que nous avons
été là et ce que les autres gouvernements ont fait alors
qu'ils étaient là. Le problème est de savoir comment, si
tous les autres gouvernements se sont trompés, on peut changer la
situation, l'améliorer et atteindre des objectifs dont tout le monde
parle depuis des années; objectifs qui viennent d'être d'ailleurs
rappelés et précisés par les divers gouvernements qui ont
participé à la dernière conférence d'Ottawa. Nous
avons récemment soumis, à l'attention des citoyens, le projet qui
est une ligne maîtresse de notre programme, d'une conférence
interétatique, c'est-à-dire une conférence qui doit se
tenir entre les membres, entre les gouvernements des Etats membres de la
fédération canadienne. Certains éditorialistes
prétendent qu'il n'est pas possible de faire se rencontrer les
gouvernements des Etats membres de la fédération canadienne et de
les faire s'entendre sur des objectifs. C'est du moins ce qu'on
prétendait, il y a quelques jours à peine.
Or, à la conférence d'Ottawa, l'on a entendu M. Davis et
l'on a perçu dans les propos des autres chefs de gouvernement, une
volonté bien nette de tenir des conférences et d'avoir des
discussions, d'engager des discussions d'un gouvernement à l'autre, des
dix gouvernements des Etats membres de la fédération canadienne
afin de reprendre, à pied d'oeuvre s'il le faut, toute la question de la
révision constitutionnelle.
Nous avons interrogé le premier ministre cet après-midi
à ce sujet. Le premier ministre a été très
évasif; selon son habitude, il a tenté de noyer le poisson, mais
on sentait très bien, par exemple, que l'embarras qu'il éprouvait
provenait du fait qu'il s'était rendu compte qu'il avait manqué
le bateau et que le leadership lui avait échappé lors de la
dernière conférence d'Ottawa. Ah ! Il est allé
là-bas avec des dossiers bien préparés. Le ministre en
parle là-dedans, je ne sais plus à quelle page de ce beau texte
qu'on a bien rédigé pour lui; il a parlé de dossiers bien
préparés. Je suis bien heureux que le premier ministre ait des
dossiers bien préparés. Nous en avons eu aussi, des dossiers bien
préparés. Certains étaient faussés par l'attitude
de certains fonctionnaires que j'ai identifiés il y a quelques jours et
je ne reviendrai pas sur ce sujet parce que ceux-ci m'ont fait l'honneur de ce
qu'on a appelé dans un journal, une cinglante réplique, à
laquelle je ne ferai pas un sort parce que le coup ayant porté, je me
suis rendu compte que j'avais frappé juste.
Alors, le premier ministre est allé avec un dossier bien
préparé. Mais ce dossier bien préparé je le
dis en toute amitié au leader du gouvernement il me semble qu'il
lui manquait un chapitre, celui de l'affirmation, non pas seulement des
principes abstraits qui peuvent soutenir une thèse constitutionnelle ou
la sous-tendre, mais en termes de demandes précises sur des sujets
déterminés. Je suggère au premier ministre de relire les
propositions qu'avait faites et au ministre des Affaires
intergouvernementales, bien entendu M. Johnson lors de la
conférence de 1967, lors des conférences de 1968 et les
propositions qu'avait faites M. Bertrand dans les conférences qui ont
suivi et auxquelles j'ai participé.
M. le Président, je ne veux pas discourir plus longuement
là-dessus. J'ai posé au ministre des Affaires
intergouvernementales un certain nombre de questions. J'ai essayé de
situer la position du parti qui est le mien et je l'ai fait simplement pour que
l'on entende et que l'on comprenne que tous les citoyens du Québec et
que tous les membres de l'Assemblée nationale ont une volonté
commune, c'est de bâtir un Québec qui soit à la dimension
des aspirations des Québécois. Mais ça, ce ne sont que des
mots. C'est de la littérature pour députés
éphèbes. Ce ne doit pas être là l'attitude de gens
qui veulent décidément et résolument prendre le taureau
par les cornes et notre attitude à nous, c'est de demander au
gouvernement de
nous dire, une fois pour toutes, où il va. Est-ce qu'il veut
poursuivre la révision constitutionnelle? Pour quelles raisons? En vertu
de quels principes? Par quels moyens, étant donné qu'il a
épuisé, à l'heure actuelle, il me semble, les
possibilités du fédéralisme rentable? Le premier ministre
disait quand il a pris le pouvoir: Ma technique de négociation
s'appuiera sur des données économiques.
Mais, au moment où il a proclamé sa foi en la
souveraineté culturelle du Québec, il disait ceci: J'ai cru au
départ je ne cite pas verbatim mais substantiellement que
la technique du fédéralisme rentable devait s'appuyer, d'abord et
avant tout, sur des données de faits, mais je crois que le temps est
venu maintenant de poser les problèmes en termes de principes et de
revenir aux idées maîtresses qui doivent inspirer la constitution
ou qui inspiraient la constitution canadienne. C'est donc, à cette
conjonction que j'invite le premier ministre à revenir et je souhaite,
M. le Président, et c'est là mon dernier mot, que le ministre des
Affaires intergouvernementales ajoute le chapitre qui manque au texte qu'il a
lu cet après-midi et qu'il est certainement en mesure d'improviser
maintenant pour nous dire exactement quelle est la politique constitutionnelle
de son gouvernement et quelles en sont les articulations majeures. Autrement,
je continuerai de penser que ce gouvernement est à la remorque d'un
autre, qu'il a pris le pouvoir sous de fausses représentations et qu'il
entretient dans le public des leurres, des illusions qui risquent de
prêter, de donner des armes aux destructeurs avoués ou
cachés du Québec et du Canada.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Beauce.
M. ROY (Beauce): M. le Président, quelques mots seulement pour
compléter l'intervention que j'ai faite cet après-midi parce que
je crois que le député de Chicoutimi a fait un exposé
très complet de la situation. Il l'a fait brillamment. Cela m'arrive
rarement de louer les mérites d'un collègue d'un parti
différent, mais je pense que le député de Chicoutimi quand
même mérite ce point, d'avoir très bien brossé le
tableau.
M. le Président, suite à ce que je disais cet
après-midi, on se rend compte également que rien ne va plus dans
ce domaine et je serais porté à faire un parallèle entre
la situation dans laquelle le gouvernement se trouve, avec les relations
fédérales-provinciales et la situation dans laquelle le
gouvernement se trouve avec le conflit de la construction.
Cela se ressemble étrangement. Le gouvernement ne sait pas
où il est et le gouvernement ne sait pas où il va. Il est
empêtré par ses propres déclarations, par ses
législations, par ses décrets et autres.
M. le Président, j'ai dit cet après-midi que tant et aussi
longtemps que des conférences constitutionnelles de cette envergure
auraient lieu à huis clos, et que l'on ne permettrait même pas aux
membres élus, membres de l'Assemblée nationale du Québec,
représentant des groupements politiques représentés
à l'Assemblée nationale, d'assister à ces
conférences à titre d'observateurs, je ne croirais pas à
la sincérité, à la logique et à
l'objectivité du gouvernement. La question des relations
fédérales-provinciales ne doit pas être l'apanage exclusif
d'un parti politique au pouvoir. Je pense que l'Assemblée nationale
devrait avoir un mot à dire là-dedans. En ce qui me concerne, je
suis renversé de constater que, depuis trois ans que nous
siégeons à l'Assemblée nationale, l'on s'est moqué
de nous; on a eu les informations que l'on a bien voulu nous donner, quand on a
voulu nous les donner et on n'est pas plus avancé aujourd'hui que nous
l'étions lorsque nous avons été élus.
Je me demande si c'est le gouvernement qui fait défaut ou je me
demande s'il y a quelque chose qui se passe de pas très normal au
ministère des Affaires intergouvernementales. J'ai fait allusion, cet
après-midi, aux questions que nous avons inscrites au feuilleton et je
suis encore surpris, renversé de constater qu'il est impossible d'avoir
des réponses à ce sujet.
M. le Président, le gouvernement s'est conduit, à la
dernière conférence constitutionnelle, comme un marchand
pas un marchand, je m'excuse M. le Président, je m'empresse de retirer
ce mot un mendiant de "candy" pour des avantages électoraux. Le
premier ministre s'en est allé négocier à la
conférence constitutionnelle à Ottawa, un peu à la
cachette, sans vouloir répondre aux questions qu'on lui a posées
à l'Assemblée nationale, sans nous dire ce qu'il y avait dans ses
dossiers pour pouvoir arriver et nous dire et nous lancer quelques petits
slogans électoraux.
M. le Président, tant et aussi longtemps que le gouvernement en
place se conduira de cette façon, le gouvernement se fait l'artisan
et je dis bien l'artisan de la destruction du pays, de la
destruction du Canada et de la destruction du Québec à l'heure
actuelle. C'est pourquoi je me demande s'il n'y a pas quelqu'un quelque part
qui aurait intérêt à ce que ça se fasse. M. le
Président, je ne veux pas attaquer des individus sur le plan personnel
mais je m'interroge lorsqu'on a vu agir une personne, et je veux parler de ses
gestes en tant que fonctionnaire du gouvernement, M. Claude Morin, qui a
été fonctionnaire du gouvernement provincial et qui a
été conseiller du gouvernement Lesage, du gouvernement Johnson,
du gouvernement Bertrand et du gouvernement Bourassa en matière de
relations fédérales-provinciales et qu'on constate aujourd'hui
qu'on n'est pas plus avancé que nous l'étions. A partir de ce
moment-là, M. le Président, je me pose deux questions: Est-ce que
ces personnes avaient de l'influence ou si elles en étaient
complètement dépourvues, si c'étaient des personnes qui
étaient incompé-
tentes ou si c'étaient des personnes qui, évidemment,
occupaient un poste en vue d'autres objectifs, en vue d'autres avantages? Je
pense qu'on peut réellement se poser la question.
M. le Président, le gouvernement n'a pas le courage, et je dis
bien le gouvernement n'a pas le courage de convoquer la commission
parlementaire des affaires intergouvernementales ou une autre commission
parlementaire fondée spécifiquement pour qu'on s'assoie autour
d'une table, ici à Québec, et qu'on prenne le temps les
différents membres qui pourraient faire partie de la commission
parlementaire d'examiner les dossiers, définir des objectifs,
pour qu'on sache à quoi s'en tenir. Pourtant, lorsque le gouvernement
irait négocier à Ottawa, à ce moment-là, il
pourrait y aller non seulement avec l'appui du caucus ministériel, mais
avec l'appui de l'Assemblée nationale, même si, cela devait faire
l'objet d'une motion à l'Assemblée nationale.
Je dis, M. le Président, que c'est pour rien, c'est inutile, on
gaspille l'argent des contribuables du Québec, on augmente les
déceptions et on produit en quelque sorte un climat qui est en train de
pourrir complètement les relations entre nos différents
gouvernements. J'écoutais le député de Gouin, un peu avant
le souper, qui parlait du gouvernement fédéral comme si ça
avait été le gouvernement de la pire république de bananes
qui puisse se trouver au monde. Or, M. le Président, je dis quand
même que nous avons encore le pouvoir d'élire des
représentants au gouvernement fédéral, et le gouvernement
fédéral est quand même le gouvernement du Canada, notre
pays, mon pays. Je le dis, M. le Président, ça fait rire le
député de Gouin, il rira tant qu'il voudra, ça ne
m'impressionne pas du tout, je ne suis pas séparatiste et tout le monde
le sait. Mais je pense quand même que nous avons besoin d'un palier
supérieur d'administration. J'ai peut-être une chose que je
pourrais ajouter ici et qui ferait rire le député de Gouin, c'est
que lorsqu'on parle des différents pouvoirs entre différents
paliers de gouvernement, il y a les pouvoirs et les responsabilités qui
incombent au fédéral ou encore qui incombent au provincial, il y
a un partage de juridictions nécessaires, mais il faudrait aussi parler
d'un troisième palier de gouvernement, et celui-là plus
près du peuple, c'est le pouvoir municipal. Or, on sait très bien
que le Parti québécois est aussi centralisateur sur le plan
provincial, pour tâcher d'enlever les pouvoirs des municipalités,
comme le gouvernement fédéral peut sembler l'être ou peut
l'être encore au niveau des relations
fédérales-provinciales.
M. le Président, je reviens sur ce point. L'honorable leader du
gouvernement, le ministre des Affaires intergouvernementales, avait
demandé si nous avions des suggestions, de lui en faire. Je me permets
de lui en faire une. Qu'on prenne donc le temps nécessaire de convoquer
la commission parlementaire, d'étudier le dossier, d'examiner là
où on en est rendu et de savoir surtout où sont les attaches, si
attaches il y a, et quelles sont ces attaches, qu'est-ce qui empêche le
gouvernement de définir ses positions, de les faire connaître
publiquement. Je me demande pour quelle raison le gouvernement hésite
à faire connaître ses positions au public. On a discuté,
aujourd'hui, à la suite des questions que j'ai posées au
gouvernement, sur les allocations familiales. Il est évident que c'est
un dossier sur lequel le gouvernement n'a pas été très
bavard, on nous dit que c'est au niveau des négociations.
M. le Président, négocier entre deux paliers de
gouvernement, quand même, je trouve que c'est suffisamment important pour
qu'on se donne la peine au moins de consulter ou d'informer les
représentants élus du peuple. On se moque de nous tout simplement
à l'heure actuelle de ce côté-là, et le
résultat qu'a obtenu le gouvernement démontre clairement que non
seulement il ne peut pas avoir un consensus et obtenir gain de cause à
Ottawa, mais je pense que le gouvernement fédéral se moque de lui
parce que justement on ne prend pas les mesures nécessaires de
façon à être bien appuyé quand on va à Ottawa
et à voir bien des dossiers.
Si on est capable de se réunir autour d'une table, de
définir les positions du Québec et de s'entendre sur des
objectifs majeurs, sur des besoins prioritaires, à ce moment-là
il faut aller défendre une position à Ottawa et y aller avec
force, y aller avec appui. Je pense que le Québec serait en bien
meilleure situation de négocier ou d'obtenir gain de cause sur certains
dossiers. Je pense que c'est fondamental. On pose des questions à
l'heure actuelle et on regarde, nous, les membres de l'Assemblée
nationale, on essaie d'avoir un peu de documentation pour trouver quelles sont
les ententes qui ont pu intervenir entre le gouvernement fédéral
et le gouvernement provincial. Je l'ai dit cet après-midi, M. le
Président, je ne veux pas prolonger indûment, mais je veux faire
un bref parallèle. En vertu de quelles dispositions législatives
le gouvernement va-t-il négocier? En vertu de quelle autorité, de
quelle autorisation le gouvernement va-t-il négocier avec le
gouvernement fédéral? Les personnes qui sont autorisées
à signer pour et au nom du Québec sont autorisées par qui?
Sont-elles autorisées par le Parti libéral, par
arrêté en conseil ou par certaines dispositions
législatives, par certaines lois? La seule loi que nous trouvons dans
les statuts du Québec, c'est la loi de 1942. Est-ce qu'elle est encore
en vigueur? J'ai posé la question à l'honorable leader du
gouvernement. J'espère que ce soir nous allons pouvoir avoir une
réponse à ce sujet. Est-ce qu'il y a eu d'autres lois qui ont
été adoptées par la suite? Que le gouvernement nous le
dise! Quelles sont les personnes qui ont été autorisées
à signer pour et au nom du gouvernement du Québec? Qu'on nous
dépose une copie des ententes intervenues entre le fédéral
et le provincial!
Qu'on nous fournisse donc un dossier complet sur ces choses !
M. le Président, je pense quand même qu'il n'est pas
nécessaire qu'on revienne toujours pour inscrire dans le feuilleton des
motions de dépôt de document auxquelles le gouvernement ne
répond pas. Le ministère des Affaires intergouvernementales
semble complètement aveugle. Il y aurait bien d'autres articles, bien
d'autres sujets que nous pourrions discuter sur ce point. J'ai d'autres
questions à poser, j'y reviendrai tout à l'heure lorsque nous
aurons eu le privilège je dis bien le privilège, si
privilège il y a d'entendre l'honorable leader du gouvernement et
j'espère qu'à ce moment-là nous pourrons commencer
à avoir des éléments de réponse aux questions que
je lui ai posées, que nous lui avons posées et aux questions que
lui a posées le député de Chicoutimi tout à
l'heure.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Gouin.
M. JORON: Avant d'entendre la réponse du ministre des Affaires
intergouvernementales aux questions que nous lui avons posées cet
après-midi et plus tôt en soirée, les interventions
récentes des députés de Chicoutimi et de Beauce quand
même m'incitent à soulever une question qu'il serait
peut-être intéressant d'éclaircir au départ, de
façon à éclairer cette discussion constitutionnelle qui
s'engage. Il apparaît dans un cas comme dans l'autre que certaines de
leurs positions et déclarations témoignent d'une
méconnaissance assez surprenante de l'histoire constitutionnelle
canadienne et du droit constitutionnel.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le
règlement.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Chicoutimi, question de règlement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, vous me corrigerez si
ce n'est pas exact. On m'a informé que cet après-midi le
représentant de mon parti avait déclaré que c'est moi ou
le chef du parti qui, ce soir, ferait un exposé général.
Tout à l'heure, le député de Beauce a repris
brièvement certains aspects qu'il n'avait pas traités cet
après-midi et il avait été, m'a-t-on dit, assez bref cet
après-midi, mais je suis valablement informé par documents
officiels que le député de Gouin a quand même
consacré près de trois quarts d'heure et même
au-delà à l'exposé de la politique de son parti.
Je ne crois pas que ce soit le lieu pour discuter ici des attitudes des
différents partis politiques. En cours de discussion des
différents programmes du ministère, il sera loisible au
député de Gouin de faire ses observations et de corriger les
impressions qu'il croit être inexactes et qui pourraient être
considérées comme une mauvaise interprétation de la
politique de son parti.
J'estime que, M. le Président, si vous permettez au
député de Gouin de reprendre la parole et de foire un autre
exposé général ou de répondre à ceux qui ont
été faits, je vous demanderai la permission d'y revenir.
M. LEVESQUE: Je pense bien que le député de Gouin n'avait
pas objection à ce que je lui donne une première...
M. JORON: Non. J'ai demandé la parole. C'est parce que j'avais
quelque chose à ajouter à ce que j'ai dit cet après-midi.
Je ne vois pas quel article du règlement m'empêche de
compléter l'exposé que j'ai fait cet après-midi...
M. LEVESQUE: Dans ce cas, vous ne permettrez pas au gouvernement de
donner son point de vue.
M. JORON: Oui, certainement. Bien entendu, vous aurez l'occasion de le
faire. Vous l'avez déjà fait pendant près d'une heure cet
après-midi. J'en ai pour à peu près cinq minutes.
M. LEVESQUE; Pas nécessairement sur les sujets que vous avez
abordés par la suite.
M. JORON: C'est-à-dire?
M. LEVESQUE: Je ne qualifierai pas les genres de propos que vous avez
tenus, mais je n'ai pas eu l'occasion de me prononcer ou de vous
répondre.
M. JORON: D'accord. Je voudrais ajouter quelque chose à ce que
j'ai dit cet après-midi. J'en ai pour cinq à dix minutes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous permettez cela, j'aurai aussi moi
d'autres choses à ajouter, le député de Beauce en aura et
j'en aurai d'autres et le député de Gouin en aura d'autres, le
ministre en aura d'autres, etc. Si vous permettez ce genre de procédure,
nous allons palabrer assez longuement avant d'aborder l'étude
spécifique des programmes.
M. LEVESQUE: Je crois que je suis d'accord avec le député
de Chicoutimi; autrement, nous n'étudierons pas les crédits. Nous
ferons...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... de l'académisme.
M. LEVESQUE: Oui.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable vice-premier
ministre.
M. LEVESQUE: Merci, M. le Président.
M. JORON: M. le Président, sur les questions de règlement,
je vous ai demandé la parole que vous m'avez accordée tout
à l'heure. Je vous demande si je peux poursuivre le complément
à mon exposé de cet après-midi.
M. LEVESQUE: Vous aurez l'occasion de le faire dans quelques
minutes.
M. JORON: Est-ce que je peux vous demander en vertu de quel article du
règlement vous pouvez retirer le droit de parole après l'avoir
accordé à quelqu'un pour le donner à quelqu'un
d'autre?
M. LEVESQUE: Simplement parce qu'il y a des remarques d'ordre
général qui sont faites par chacun des partis au début.
C'est la tradition. Réellement, si nous nous en tenions au
règlement, nous passerions au programme no 1, mais, traditionnellement,
nous avons toujours accepté que chacun des partis fasse, par son
porte-parole, une sorte d'entrée en matière, une étude
générale, une discussion générale, mais à ce
moment je crois que chacun des partis a eu le temps de s'exprimer. Vous avez
certainement eu le loisir de le faire cet après-midi, personne ne vous a
interrompu même si à certains moments, cela était bien
tentant.
M. JORON: Je vous ferai remarquer que le premier ministre s'est plu
amplement à le faire.
M. LEVESQUE: Quant à moi, je ne vous ai pas interrompu. Je n'ai
pas l'intention de le faire non plus ce soir et j'aurais simplement quelques
remarques à ajouter; ensuite, vous aurez certainement l'occasion de
revenir à tout propos pour ajouter à ces remarques.
M. SAMSON: Sur ce point de règlement, s'il vous plaît.
M. LEVESQUE: Oui.
M. SAMSON: J'ai cru comprendre que le ministre venait de mentionner que
cela était l'usage de permettre à un représentant de
chaque parti de faire des remarques, des observations générales.
Est-ce que le ministre a bien exprimé sa pensée ou s'il ne
voulait pas plutôt dire que c'est également permis à tous
les députés membres d'une commission ou encore qu'il est d'usage
de permettre aux autres députés qui viennent à la
commission de s'exprimer également de façon
générale au programme 1? Est-ce que je vous ai bien compris?
M. LEVESQUE: Le député de Rouyn-Noranda avait
été remplacé par le député de Beauce.
M. SAMSON: Ce n'est pas la question que je vous ai posée. Je pose
la question suivante: Est-ce que vous avez voulu dire par là que vous
limitiez ou que les observations générales sont limitées
à un représentant par parti ou si les...
M. LEVESQUE: Si on s'en tient au règlement, il y a un
député du Ralliement créditiste qui est membre de la
commission.
M. SAMSON: Ce n'est pas cela que je vous ai demandé.
M. LEVESQUE: Ah bon!
M. SAMSON: Est-ce que vous avez voulu dire par là que c'est
limité à seulement un représentant par parti ou si tous
les députés qui siègent à la commission
peuvent...
M. LEVESQUE: Ce n'est pas une question de représentant par
parti...
M. SAMSON: ... le faire?
M. LEVESQUE: ... mais de membre de la commission.
M. SAMSON: Parce que vous avez soulevé... Je m'excuse mais
l'honorable leader parlementaire...
M. LEVESQUE: Cela n'intéresse pas le Ralliement
créditiste. Vous avez un membre à la commission. Il a
parlé.
M. SAMSON: Je regrette, mais cela intéresse tout le monde ici.
L'honorable leader parlementaire a semblé vouloir dire que cela
était limité seulement à un représentant par parti,
alors que...
M. LEVESQUE: Si nous nous en tenions au règlement, le
député de Rouyn-Noranda ne parlerait pas présentement sans
la permission de ses collègues.
M. SAMSON: Est-ce que vous m'avez permis de poser une question?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Oui.
M. SAMSON: Bon. C'est encore sur la même question.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La question est posée...
M. LEVESQUE: Mais le président ne peut... M. SAMSON: Je n'ai pas
obtenu de réponse.
M. LEVESQUE: ... le faire qu'avec l'accord des autres membres de la
commission, à strictement parler. Quant à moi, je suis toujours
heureux d'entendre le député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Je n'ai pas eu connaissance que vous ayez demandé aux
autres membres de m'empêcher de parler et je n'ai pas eu connaissance que
mes collègues aient manifesté ce désir non plus.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Vous aviez seulement une simple
question à poser. Votre question est posée. Je donne la parole
à l'honorable...
M. SAMSON: Un instant! Ah! Ah! Un instant! Il n'a pas répondu
à ma question! Je veux une réponse parce que je pense qu'en vertu
de notre règlement, en vertu de ce qui est édicté dans ce
petit livre vert, il y a également les us et coutumes ou les
précédents. L'an passé, à cette même table,
il avait été permis à tous les députés
siégeant à l'Assemblée nationale de faire des remarques
à l'article 1 et c'est ce que je demande, si on va...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): On n'est pas à l'article
1.
M. SAMSON: Au début, si vous préférez.
M. LEVESQUE : Je dirai au député de Rouyn-Noranda que,
quant à moi, je ne veux pas être procédurier. Si je
l'étais, je dirais au député de Rouyn-Noranda qu'il n'a
pas le droit de parole présentement.
M. SAMSON: M. le Président, je préfère que vous
demandiez à l'honorable leader parlementaire de me dire
carrément...
M. LEVESQUE : C'est moi qui vous le dis.
M. SAMSON: ... que je n'ai pas le droit de parole et de dire
carrément qu'il ne veut pas que je prenne la parole. Dites-le moi
carrément si c'est cela que vous voulez dire.
M. LEVESQUE: Non, non! Au contraire! Je tiens à rappeler les
dispositions de notre règlement d'abord. Deuxièmement, j'ai dit
et je le répète, je ne suis pas procédurier au point de
m'empêcher d'avoir le plaisir et d'empêcher nos honorables
collègues d'avoir le plaisir d'entendre le député de
Rouyn-Noranda dont les interventions sont toujours très
intéressantes, même si elles le sont hors d'ordre. Et je dirai
également...
M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Le
leader parlementaire n'a pas le droit de me dire à ce moment-ci que je
suis hors d'ordre. C'est à vous de me le dire.
M. LEVESQUE: C'est une suggestion que je faisais. Alors, je dirai au
député de Rouyn-Noranda que s'il est permis de dire au moins
quelques mots... Je fais une demande très modeste, d'ajouter quelques
mots à ce qu'ont dit le représentant officiel du Ralliement
crédi-tiste, le représentant du Parti québécois, le
représentant de l'Union Nationale. C'est normal à un moment
donné qu'après qu'on se soit fait dire des choses pendant une
couple d'heures on ait l'occasion de répliquer.
M. SAMSON: Cela n'est pas rentré encore.
M. LEVESQUE: C'est cela, tout simplement cela. Mais si vous parlez toute
la soirée, quant à moi...
M. ROY (Beauce): Sur le point de règlement, je voudrais quand
même faire une mise au point et rétablir les faits. C'est que cet
après-midi j'en ai discuté avec le leader du gouvernement. Nous
ne nous attendions pas que la commission parlementaire des affaires
intergouvernementales soit convoquée.
UNE VOIX : Mais vous avez parlé deux fois.
M. ROY (Beauce): Le membre du Ralliement créditiste qui fait
partie de cette commission parlementaire est le député de
Rouyn-Noranda. J'ai dû remplacer le député de Rouyn-Noranda
cet après-midi parce qu'il n'était pas arrivé.
M. LEVESQUE: D'accord.
M. ROY (Beauce): Dans les autres commissions parlementaires, lors de
l'étude des crédits, on a toujours permis à tous les
députés qui ont voulu s'exprimer de pouvoir s'exprimer et je ne
voudrais pas, en ce qui me concerne, d'aucune façon, qu'on empêche
un député de faire connaître son point de vue et de poser
des questions pertinentes, qu'il jugera à propos de poser sur tout ce
qui concerne l'administration, l'orientation et les politiques du
ministère des Affaires intergouvernementales.
M. LEVESQUE : Mais le député de Beauce admettra avec moi
que, si on le fait, c'est parce que les membres de la commission acceptent
qu'il en soit ainsi. Parce que si on s'en tient strictement au
règlement... Autrement, vous pourriez arriver ici avec onze
députés et...
M. ROY (Beauce): Et vous embarrasser.
M. LEVESQUE: ... nous avec 70. Il y aurait donc 108 membres de la
commission. Ce n'est pas la commission de l'Assemblée nationale
où dans certains cas, nous avons accepté que tous les
députés, par exemple dans l'étude de la carte
électorale, puissent s'associer aux discussions. Il me semble que le
règlement est clair, qu'il y a tant de membres d'une commission. Ceux
qui ne sont pas membres ou ceux qui se sont fait remplacer ne peuvent pas
arriver de plein droit les dispositions de notre règlement sont
claires à ce sujet et à tout propos et
s'ingérer
dans les travaux de la commission. Mais de là à dire que
je voudrais être procédurier et empêcher les autres membres
de l'Assemblée nationale de participer aux discussions relatives
à l'adoption des crédits du ministère des Affaires
intergouvernementales, loin de moi cette idée. Et la seule raison pour
laquelle je demandais au député de Gouin d'attendre quelque peu,
c'était parce que j'aurais aimé donner le point de vue
gouvernemental, au moins mon point de vue personnel sur ce que nous avons
entendu depuis deux heures, deux heures et demie.
Maintenant, si c'est le voeu de la commission de prendre le reste de la
soirée pour entendre d'autres membres, je suis même prêt
à céder mon droit de parole mais, à un moment
donné, je vais répondre.
M. JORON: M. le Président, est-ce que je peux à nouveau
vous redemander le droit de parole que vous m'avez accordé tout à
l'heure ou vous demander en soulevant une question de règlement pourquoi
vous avez permis au député de Beauce de reprendre un
deuxième exposé ce soir alors que vous ne le permettez pas au
représentant du Parti québécois?
M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président, le député
de Beauce avait dit, cet après-midi, qu'il n'avait que des remarques
préliminaires à faire et qu'il ferait, ce soir, des remarques
additionnelles. C'est pour cela que nous avons accepté que le
député de Beauce revienne ce soir à la charge. Quant au
député de Gouin, personne ne l'a interrompu. Il s'est
arrêté de lui-même.
M. JORON: Je me suis arrêté de moi-même d'autant
plus, M. le Président, que...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. JORON: Je vous pose la question de règlement: Qu'est-ce...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plait! Il est de
coutume en commission parlementaire, lorsqu'on étudie les
crédits, que le ministre responsable du ministère fasse un
exposé général et qu'un membre de chaque Opposition,
expose aussi son point de vue. Par la suite, le ministre donne la
réplique et, lorsque nous étudions les crédits article par
article, à ce moment-là, les membres de l'Opposition
chaque membre de l'Opposition qui font partie de la commission peuvent
poser des questions.
M. JORON: Ce que je vous demande, M. le Président, c'est
très précis, c'est pourquoi vous avez permis au
député de Beauce de faire deux exposés d'autant plus,
d'ailleurs, qu'il a repris ce soir deux des thèmes qu'il avait
traités cet après-midi et que le représentant du Parti
québécois ne puisse pas avoir le même privilège.
M. LEVESQUE: Le député de Beauce a parlé moins de
dix minutes cet après-midi.
M. JORON: C'est simple.
M. LEVESQUE: Laissez-le donc parler.
M. JORON: Bien non!
M. LEVESQUE: On va voir si c'est si important.
M. JORON: ... mais après vous, je vous en prie.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable vice-premier
ministre.
M. LEVESQUE: Bon.
M. SAMSON: Est-ce que c'est un droit de réplique que vous
accordez au vice-premier ministre présentement? Est-ce que le droit de
réplique met fin à toute la discussion concernant... Non? Parce
que, M. le Président, je voudrais quand même souligner... Vous
avez mentionné tantôt qu'il est d'usage que le ministre
responsable fasse ses remarques et qu'ensuite un membre de chaque parti
d'Opposition en fasse autant. Vous n'avez pas mentionné, M. le
Président, qu'il pouvait être donné à des
députés de l'Opposition de faire également des remarques
à ce chapitre. C'est cela que je voudrais vous entendre dire, M. le
Président, parce qu'il est d'usage et cela s'est déjà fait
ici, en cette salle, à l'occasion de l'étude des crédits
du ministère des Affaires intergouvernementales en 1972, que nous
l'ayons permis à tous les députés de l'Opposition qui
voulaient faire des remarques, à ce moment-ci. Je vous rappellerai que
c'est à l'occasion d'une demande faite par l'honorable
député de Montcalm que nous avions créé ce
précédent, puisque cela a peut-être...
M. LEVESQUE: Ce n'est pas un précédent. C'est une
courtoisie.
M. SAMSON: Ce n'est pas un précédent, c'est d'usage. La
courtoisie, l'usage ou le précédent, appelez cela comme vous
voudrez, mais cela s'est fait et je ne voudrais pas que le président
nous dise que cela ne s'est jamais fait. Si vous ne voulez pas que cela se
fasse ce soir, dites-nous: On ne veut pas que cela se fasse ce soir. Vous avez
ces pouvoirs, à la commission. Dites-nous: On ne veut pas que les
membres de l'Opposition parlent. Vous avez ces pouvoirs, mais ne venez pas nous
dire que cela ne s'est jamais fait, par exemple.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): J'accorde la parole à
l'honorable vice-premier ministre.
M. LEVESQUE: M. le Président, je pense
bien qu'avec toute cette discussion de procédure, j'ai perdu un
peu le feu sacré qui m'aurait inspiré. Peut-être que
c'était le désir du député de Rouyn-Noranda.
M. SAMSON: Jamais, M. le Président. M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...
orienté.
M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, je tiens d'abord à
remercier ceux qui ont participé à ces débats
jusqu'à maintenant et à cette discussion qui, je n'en doute pas,
a été inspirée par la volonté de chacun d'apporter
une contribution à la discussion d'une question qui est naturellement
assez délicate, souvent remplie d'émotivité et qui a
souvent trait à des considérations qui peuvent être
reliées d'une façon un peu particulière, soit à
notre tempérament, notre mentalité, notre héritage, nos
régionalismes et même, à certains points de vue, au parti
politique auquel nous appartenons. Vers la fin des remarques
préliminaires que j'avais faites, j'avais dit que j'accueillerais, non
seulement avec sympathie mais de façon très
intéressée, toutes les suggestions que l'on pourrait me faire
dans un sens positif. Je remercie les membres de cette commission qui ont
apporté certaines suggestions, mais je ne peux pas dire que ces
suggestions sont exhaustives. Car si je devais en conclure ainsi, je penserais
que l'inspiration a été courte chez nos amis d'en face, d'autant
plus, M. le Président, qu'il est assez difficile de concevoir que l'on
puisse avoir une approche commune comme celle qui a été au moins
dite sinon désirée par le député de Chicoutimi qui
a laissé entendre qu'on devrait en quelque sorte, avoir une approche
commune de tous les députés de l'Assemblée nationale,
lorsqu'il s'agit des problèmes intergouvernementaux ou
constitutionnels.
Et ceci, évidemment, est d'autant plus difficile à
concevoir que nous arrivons à des thèses aussi
différentes, aussi contradictoires, à des conclusions aussi
opposées que celles que nous a données l'Opposition. Le
député de Beauce voudrait qu'on s'assoit autour de la table, dans
une commission parlementaire, et puis qu'on décide tous les
problèmes de la Constitution, tous les problèmes des relations
fédérales-provinciales, des relations interprovinciales, des
relations internationales.
M. ROY (Beauce): M. le Président, je voudrais rectifier,
je...
M. LEVESQUE: Un instant!
M. ROY (Beauce): ... n'ai pas parlé des relations
internationales. J'en ai parlé lors d'un autre sujet mais...
M. LEVESQUE: Non, mais c'est parce qu'il...
M. ROY (Beauce): ... la commission que j'ai demandée, je ne
voudrais quand même pas qu'on me prête des propos que je n'ai pas
tenus.
M. LEVESQUE: Nous pouvons nous en tenir aux relations interprovinciales
et aux relations fédérales-provinciales. Pour les relations
internationales, je sais que le député de Beauce est
traumatisé par les réceptions qu'il y a dans les maisons.
M. ROY (Beauce): Je ne suis pas traumatisé mais
scandalisé.
M. LEVESQUE: Mais ceci étant dit, je crois qu'il est difficile de
répondre d'une façon satisfaisante au député de
Beauce quant â avoir cette réunion autour d'une table commune,
lorsque l'on entend le député de Chicoutimi dire que je dirige le
ministère le plus important du gouvernement, le moteur, le coeur, enfin
de tous les ministères et du gouvernement et d'autre part, le
député de Gouin dire qu'il est prêt à vendre
ça pour $1, autrement dit, à réduire le budget du
ministère des Affaires intergouvernementales à $1. M. le
Président, si la contradiction s'en tenait là, on comprend fort
bien que l'Opposition soit divisée; elle l'a été sur
tellement de sujets qu'il n'est pas surprenant qu'elle le soit dans les
domaines comme celui-ci. Mais ce qui est encore plus frappant, c'est lorsqu'on
lit, après avoir entendu le discours du député de Gouin
cet après-midi qui était prêt à vendre le
ministère pour $1, ce que disait le chef parlementaire du même
parti, du Parti québécois, et cela le 6 juin 1972, à cette
même commission; M. Laurin en page B-2964: "M. le Président, notre
groupe cela devait inclure le député de Gouin, j'imagine
bien ...
M. BOURASSA: A ce moment-là!
M. LEVESQUE: "M. le Président, notre groupe a toujours
porté une extrême attention et beaucoup de sympathie au
ministère des Affaires intergouvernementales, étant donné
que nous y voyons l'embryon de notre futur ministère des Affaires
extérieures. Nous voulions donc que ce ministère se renforce et
commence à élaborer et à appliquer dans toute la mesure du
possible les politiques que nous appliquerions le jour où le
Québec serait souverain de façon que lorsque nous arriverions au
pouvoir, déjà beaucoup de besogne, beaucoup de travail soient
abattus et que nous puissions continuer cette action dans les domaines
où elle avait pu s'ébaucher." Voilà, M. le
Président...
M. BOURASSA: C'est quand même cohérent avec la
déclaration de M. Lévesque quand il a dit qu'une fois
indépendant il voudrait être nommé ambassadeur à
Washington. Il se voyait déjà avec le tricorne et
l'épée après l'indépendance du Québec.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce qu'il y a des sources de revenus
à aller chercher là?
M. LEVESQUE: Ce n'est pas moi, ça, Lévesque.
M. JORON: On va vous nommer ambassadeur à Pékin, vous!
M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, s'il y a des divergences
entre les partis d'Opposition, cela peut se concevoir. Mais, que dans la
même année il y ait des divergences aussi fondamentales dans le
Parti québécois, cela ne peut se comprendre que si l'on relit ce
texte et que l'on voit: "Nous voulions donc dit M. Laurin que ce
ministère se renforce etc. Et il disait: Étant donné que
nous y voyons l'embryon de notre futur ministère des Affaires
extérieures et surtout lorsqu'il dit le jour où le
Québec serait souverain...
On doit donc en conclure qu'on a perdu cet espoir du côté
du Parti québécois et que maintenant, sachant que l'avenir n'est
pas rose, comme dirait le député de Beauce, lorsqu'il s'adressait
à son collègue de Gouin cet après-midi ayant perdu tout
espoir de réussir sur le plan politique, on ait décidé
qu'il valait mieux se défaire du ministère des Affaires
intergouvernementales.
M. JORON: Dans le contexte actuel, on a perdu espoir dans le
gouvernement, c'est pourquoi on pense que c'est une dépense inutile.
C'est très simple. On n'essaie pas de jouer avec les mots.
M. LEVESQUE: Je crois bien que le député de Gouin est
confus présentement. Il aurait dû lire un peu ce que le chef
parlementaire du parti avait dit à l'endroit du ministère des
Affaires intergouvernementales il y a moins d'un an.
M. le Président, je crois bien que ceci ne réglera pas la
question. La question est fort importante pour nous tous à cette table
et nous ne pouvons pas, je crois, mettre de côté toutes les
inquiétudes qui ont été formulées par les divers
représentants des partis d'Opposition.
De ces inquiétudes, nous en partageons. Nous ne sommes pas
parfaitement satisfaits, parfaitement heureux de la situation. Je me demande
dans quel pays, je me demande dans quelle situation, je me demande même
dans quelle association de pays, même si l'on veut aller aux Nations
Unies, l'on est parfaitement heureux de la situation. Est-ce que les pays qui
ont acquis une certaine indépendance sur papier, une certaine
indépendance politique sont heureux de la situation actuelle? Nous
n'avons qu'à recevoir de nos amis de ces pays qui ont eu une certaine
indépendance ou qui ont déclaré une indépendance
pour voir combien cette indépendance est limitée, combien elle ne
répond pas aux espoirs et aspirations qui, justement, ont
provoqué cette indépendance.
M. JORON: Pensez-vous qu'ils ont choisi de défaire cette
indépendance dans l'histoire du monde?
M. LEVESQUE: M. le Président, il y en a plusieurs qui songent
à la défaire. Je sais, par exemple, que des grands pays comme la
Grande-Bretagne, comme la France, comme l'Allemagne songent présentement
à abandonner une certaine partie de leur souveraineté
justement...
M. BOURASSA: Fédéralisme.
M. LEVESQUE: ... pour accéder à un régime qui
permette de pouvoir concurrencer les grands ensembles qui existent
présentement dans le monde et qui existeront davantage. Avant de mettre
cela de côté du revers de la main, comme le fait si facilement le
député de Gouin et son parti, il faudrait penser plutôt aux
citoyens qui nous ont mandatés ici et qui nous ont donné cette
responsabilité de voir à leur mieux-être et de voir
à protéger leurs droits, leur avenir et l'avenir de leurs
enfants. Je ne crois pas que ce soit ainsi dans une aventure, comme celle que
nous décrit ou que nous caricature le député de Gouin et
ceux qui pensent comme lui, que nous allons remplir le mandat qui est le
nôtre.
Nous avons été élus en cette Assemblée
nationale et cela au moins pour 101 députés sur 108, avec un
mandat fédéraliste, non pas un mandat séparatiste. Le
député de Chicoutimi le rappelait ce soir, en parlant du
Ralliement créditiste, de l'Union Nationale et du Parti libéral,
et nous n'avons pas, je crois, le droit de mettre de côté ce
mandat qui était clair à la dernière élection. Le
député de Chicoutimi doit se rappeler que c'est justement
à cause d'une situation, partiellement à cause de cela, tellement
confuse qu'avait présentée son propre parti dans ce domaine,
qu'il a eu des revers aussi cuisants. Il faut se rappeler combien la population
du Québec...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez oublié la Brink's et les
100,000 "jobs".
M. BOURASSA: On va les avoir.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, ... 100,000 fausses "jobs"? Excusez-moi,
M. le Président. Il ne faut pas faire perdre...
M. LEVESQUE; ... a refusé et chacun de nous dans nos
comtés se rappelle combien la population du Québec n'a pas
apprécié cette période d'hésitation, de
contradiction, de confusion qui existait dans le gouvernement d'alors, quant
à notre avenir constitutionnel.
Les gens veulent savoir si c'est oui ou si c'est non. Et lorsque le
Parti libéral a manifesté une cohésion et une
cohérence qui le caractérisent, c'est avec la très grande
majorité que l'on sait que le peuple du Québec a élu le
gouvernement du premier ministre actuel.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II n'y a pas un ministre qui...
M. LEVESQUE: Et nous avons justement, M. le Président,
présentement un gouvernement qui fait preuve de cohésion et de
cohérence. Le style a changé, oui, et le député de
Chicoutimi trouvait bien curieux qu'il y ait un nouveau style, il s'en
inquiétait.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, puis-je
invoquer...
M. BOURASSA: Vous étiez d'accord avec M. Ryan au congrès
de l'Union Nationale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Puis-je invoquer le règlement, M. le
Président, pour demander au leader de prier ses députés
d'aller chercher leurs auréoles parce qu'il est en train de canoniser
son parti.
M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, je sais que le
député de Chicoutimi, qui est un grand stratège, pense
qu'en m'interrompant il me fera perdre le fil de mes idées. Mais, M. le
Président.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah non! Pour perdre le fil, il faut
l'avoir!
M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ai pas à qualifier ou
à juger de la valeur du fil du député de Chicoutimi, mais
je crois que je n'ai pas voulu, tellement...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous en avez un fil à côté
de vous !
M. LEVESQUE: ... il est fragile, M. le Président, l'interrompre
de peur de le briser au premier son. Mais, M. le Président, est-ce
que...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): II insulte le premier ministre. M. le
Président...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! A l'ordre!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement, M. le
Président.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous me donnez la parole, j'invoque le
règlement. Quand le député de Bonaventure parle des gens
qui sont filiformes, il insulte le premier ministre.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!
L'honorable vice-premier ministre.
M. LEVESQUE: Je n'ai pas parlé en particu- lier de qui ou de quoi
que ce soit, sinon du certain fil...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Retrouvez le vôtre là!
M. LEVESQUE: ... du député de Chicoutimi qui était
tellement fragile que je n'ai pas voulu le mettre en péril.
M. le Président, je vais donc continuer dans le même sens,
c'est que le gouvernement actuel n'a pas mis de côté quoi que ce
soit en changeant de style. Nous avons gardé cette préoccupation
qui est la nôtre d'avoir un meilleur partage des compétences,
c'est ce qui semble préoccuper le député de Chicoutimi,
nous avons voulu et nous allons continuer d'essayer d'éliminer les zones
grises, de clarifier justement les sphères de compétence entre le
gouvernement central et le gouvernement des provinces. Nous allons en
même temps réclamer un meilleur partage fiscal afin de pouvoir
nous décharger des responsabilités qui sont nôtres. Mais
l'approche constitutionnelle n'est pas la seule. On pourrait passer, comme le
suggérait le député de Beauce, des heures, des jours, des
mois, des années à une table en parlant de la Constitution, la
Constitution idéale telle que vue par les grands experts.
Mais, M. le Président, il faut pendant ce temps-là
évoluer, il faut vivre, il faut administrer, il faut nous
développer et tout en gardant ces principes saufs, nous croyons que
c'est dans l'action que nous allons le plus aider notre Constitution
elle-même à évoluer, c'est dans l'action que nous allons
aider notre peuple à recevoir les services, les bénéfices
auxquels il est normal qu'il s'attende et nous avons voulu, tout en conservant
l'approche constitutionnelle, mettre l'accent sur l'approche du
développement. Nous croyons que, par des actions
répétées, que par des gestes concrets, que par des
propositions concrètes, par une meilleure connaissance des dossiers, par
une préparation plus adéquate, par des propositions qui justement
ont plus de chance d'être acceptées par un monde pragmatique qui
est celui de nos partenaires, nous ayons à ce moment-là une
meilleure chance de faire avancer même le dossier constitutionnel. Ce que
nous voulons faire autrement dit, c'est de poser des gestes, des actions qui
fassent en sorte que, normalement, la constitution a évolué, car
nous serons déjà présents dans des sphères, dans
des domaines et, à ce moment-là, il est normal que nous puissions
négocier plus facilement sur le plan constitutionnel.
C'est une approche différente, c'est un style différent,
mais c'est un style qui, jusqu'à maintenant, a porté des
fruits.
Prenons par exemple à titre d'illustration et je ne crois
pas que je sois un expert dans ce domaine, je ne l'ai jamais prétendu
toute la question de la sécurité du revenu. Nous savons,
M. le Président, que depuis deux ans, nous
avons et il faut rendre hommage à mon collègue, le
ministre des Affaires sociales qui a fait un travail énorme dans ce
domaine élaboré des programmes, des plans d'action, une
philosophie qui, au début, n'était pas acceptée par le
gouvernement fédéral ni même par les Etats membres de la
fédération. A force de présenter ces dossiers bien
préparés, de présenter cette philosophie, d'indiquer que
toute cette question devait être prise globalement et, après du
travail très concret fait avec les différents gouvernements
provinciaux, nous avons obtenu un consensus de toutes les provinces du Canada.
Finalement, le gouvernement fédéral lui-même a
changé ses positions, a adopté la philosophie et les conclusions
du gouvernement québécois et ainsi, nous avons fait passer nos
idées, nous avons fait passer des programmes, nous avons fait passer...
Ce n'est pas encore terminé, si vous le voulez, mais nous avons
réussi ainsi d'une façon pragmatique, non pas en parlant
simplement de constitution, mais en ayant l'approche du développement,
par opposition si l'on veut à l'approche constitutionnelle pure,
à atteindre les objectifs que nous nous étions fixés.
Aujourd'hui, par exemple, c'est une autre illustration, nous avons toute
la question de l'aéroport international de Montréal. Que l'on
fasse des divisions d'ordre constitutionnel et qu'on dise que la question de
l'aviation, des aéroports relève du fédéral, la
question de la voirie du provincial et qu'on s'en tienne là, mais
qu'est-ce qui va se passer? Est-ce que c'est cela que l'on veut? On peut faire
cela. C'est parfait. Le fédéral s'occupe des aéroports, le
provincial s'occupe des routes, mais, M. le Président, nous voyons qu'il
y a beaucoup plus à faire là que simplement une division sur le
plan constitutionnel, un partage des pouvoirs. Il y a là toutes les
actions de coordination, de complémentarité, de gestes à
poser qui sont extrêmement importants pour que nous ayons des
résultats beaucoup plus importants. Nous croyons qu'un concept comme
celui de TDM je n'ai pas l'intention de le développer ce soir
est beaucoup plus important. Si nous le réalisons, nous le
réaliserons simplement parce que nous aurons procédé
à des négociations pragmatiques, à une négociation
intense avec le gouvernement fédéral en utilisant les
ministères fédéraux et les ministères du
Québec et en ayant une action concertée vis-à-vis d'un
projet bien concret qui est extrêmement important quant à ses
retombées économiques pour le développement du
Québec, mais ce n'est pas simplement une approche exclusivement
constitutionnelle qui nous permettrait d'arriver à ces résultats.
Nous avons parlé tout à l'heure de la question de la
sécurité du revenu, nous pourrions également parler de...
On a parlé de la récente conférence
fédérale-provinciale sur le financement de l'éducation au
postsecondaire, sur le financement des programmes des services de santé,
etc. Là encore, il est clair que nous cherchons une technique simplement
pour une compensation financière en vue du rapatriement complet de ces
domaines entre les mains des provinces. Nous y arrivons bientôt, mais il
s'agit simplement d'arriver d'une façon encore très pragmatique
à déterminer les conditions de ce rapatriement entier.
Il y a eu beaucoup de choses de dites au cours des dernières
heures par ceux qui ont participé au débat et, si je reviens
simplement sur les notes que j'ai prises, j'aimerais maintenant en revenir
à des cas plus particuliers.
Le député de Beauce parle de conférences
fédérales-provinciales à huis clos avec la présence
des partis d'Opposition, c'est-à-dire que le huis clos ne semble pas lui
plaire...
M. ROY (Beauce): Non.
M. LEVESQUE: ... et la présence des partis d'Opposition lui
plairait davantage. Je lui dirai qu'il n'y a pas beaucoup de huis clos
aujourd'hui. Le député de Beauce n'a qu'à prendre les
journaux et il aura, non pas seulement les comptes rendus des discussions qui
ont eu lieu dans les conférences fédérales-provinciales,
mais il y a rarement des dossiers qui demeurent confidentiels plus qu'une
semaine, ou deux semaines ou un mois, présentement, d'après ce
que je peux voir.
Je pense que le député de Beauce a tous les
éléments nécessaires pour pouvoir porter un jugement. Je
ne crois pas qu'il lui manque des documents. S'il lui en manque, je lui en
ferai parvenir et je pense bien qu'il n'aura même pas le temps de les
lire tellement ils seront volumineux. Et le député de Beauce peut
lire les journaux chaque jour et il verra qu'il n'y a presque plus rien qui
n'est pas discuté, et particulièrement, durant la dernière
conférence fédérale-provinciale sur la question du
financement de l'éducation postsecondaire et sur la question du
financement des services de santé, tout a été dit partout,
dans tous les journaux du Canada. Tout a été mis sur papier; il
n'y a pas grand secret.
Je ne pense pas qu'il puisse se plaindre du huis clos. Ce qui est
déjà arrivé, cependant, c'est que, durant les
conférences fédérales-provinciales, on ait permis, par
exemple, à la télévision d'être présente afin
que les interventions des premiers ministres soient
télédiffusées. Mais à ce moment, je ne crois pas
et je le dis bien candidement que cela soit la meilleure
façon cela peut être une bonne façon, une excellente
façon, mais quant à moi, ce n'est peut-être pas la
meilleure façon d'arriver à des ententes parce qu'alors,
c'est normal, chacun des participants s'adresse non pas tellement aux
participants à la conférence à laquelle il assiste, mais
à son électorat qui est à la télévision et
qui le voit agir. Et je crois que, si on veut réellement atteindre des
résultats, si on veut réellement arriver à des ententes,
il est souvent préférable et je pense que, si le
député de Beauce peut y penser un peu, il
pourra arriver à la conclusion que quelquefois, au moins
quelquefois ces conférences fédérale-provinciales
aient lieu à huis clos. Et cela se comprend.
M. ROY (Beauce): Est-ce que vous me permettriez deux petites
questions?
M. LEVESQUE: Oui.
M. ROY (Beauce): J'ai bien fait une distinction très nette cet
après-midi entre une conférence
fédérale-provinciale qui a eu lieu entre les hauts fonctionnaires
du gouvernement accompagnés de ministres pendant laquelle il est
question d'une négociation sur des questions techniques. J'ai bien dit
que les grandes conférences fédérales-provinciales qui
regardent, le côté constitutionnel surtout il y a d'autres
conférences qui ont lieu; il y a des protocoles d'entente, vous avez
parlé de l'aéroport tout à l'heure, etc. il y a des
ententes qui sont nécessaires à un certain moment en vue d'un
projet quelconque. J'en ai fait la distinction bien nette. Je parle des grandes
conférences comme on a eues cette semaine. La question que j'ai à
poser à l'honorable ministre à ce moment-ci est la suivante:
Est-ce que les journalistes ont été admis à la
conférence ou s'ils ont été limités par les
documents ou par les faits que vous avez bien voulu leur communiquer?
M. LEVESQUE: Je n'ai pas participé à la conférence
fédérale-provinciale, mais ordinairement chacun des participants
peut parler aux journalistes et dire ce qu'il a proposé à la
conférence. Mais, ordinairement, il ne parle pas des interventions des
autres.
M. SAMSON: Est-ce que le ministre me permettrait une question? Le
ministre ne croit-il pas qu'à toutes fins utiles et pratiques il serait
bon que des membres de l'Opposition, des membres élus du peuple soient
présents à ces conférences à titre d'observateurs
parce que je pense que le ministre admettra avec nous que ce que les
journalistes peuvent entendre et voir, c'est ce qu'on veut bien leur dire
à la sortie des séances...
M. ROY (Beauce): C'est cela.
M. SAMSON: ... alors que les journalistes pourraient ou les membres de
l'Opposition, en tout cas, pourraient prendre connaissance de ce qui se passe
réellement. Il y a aussi, je pense, cette importance de la
réaction des autres.
Il ne s'agit pas tout simplement de connaître quelle a
été la position ou la déclaration d'un représentant
officiel du gouvernement du Québec mais de savoir de quelle façon
ç'a été reçu par les autres représentants
des autres gouvernements et ce n'est qu'en étant présent qu'on
peut réellement le voir. Autrement, je pense bien, M. le ministre, que
vous allez admettre qu'on est limité à ce qui nous est
rapporté en tant qu'élus du peuple et je pense que ce n'est pas
tout à fait normal.
M. LEVESQUE: C'est bien la curiosité légitime du
député de Rouyn-Noranda. Il faut bien comprendre qu'il y a
là onze gouvernements, dans les conférences
fédérales-provinciales dont il est question, qui sont
présents avec les premiers ministres de chaque province, le premier
ministre du Canada, quelques ministres qui accompagnent chacun des premiers
ministres et plusieurs hauts fonctionnaires qui accompagnent chacun des
ministres. Cela fait pas mal de monde, cela. A moins qu'on veuille avoir un
forum beaucoup plus vaste, il faut bien...
M. ROY (Beauce): M. le Président, il n'est pas question de forum.
Il n'est pas question de participants. Il est question d'observateurs. C'est
différent. Je serais d'accord avec le ministre s'il y avait une question
de participation à la conférence. Tous les partis politiques de
toutes les provinces du pays. Ne charriez pas trop, M. le ministre, ce n'est
pas cela qu'on demande. Des observateurs, qu'ils soient là. Parce que
nous avons des responsabilités, nous aussi, nous avons été
élus et mandatés par la population. Si vous avez une
conférence d'une importance comme celle qui a eu lieu en fin de semaine,
je n'accepte pas, en tant que membre de l'Assemblée nationale du
Québec représentant un groupement politique dûment
élu, qu'on soit limité exclusivement à ce que tout public
voit dans les journaux alors que nous savons très bien que les
journalistes n'étaient pas à la conférence, qu'ils ont
été obligés de se limiter aux déclarations que vous
avez faites, quitte, eux, à fouiller dans leurs dossiers pour faire les
reportages le mieux possible, les mieux documentés possible, ainsi que
pour les rédacteurs de journaux.
M. LEVESQUE: Est-ce que le député de Beauce peut me dire
qui, des partis de l'Opposition à Ottawa, était présent
comme observateurs et qui était présent, des neuf autres
provinces canadiennes dans l'Opposition?
M. ROY (Beauce): M. le Président, je n'ai pas de permission
à demander à l'Ontario, au Manitoba ou à la
Colombie-Britannique. On va commencer tout de suite à prendre nos
responsabilités à Québec.
M. SAMSON: Est-ce que le ministre accepterait que je lui pose une
question? Est-ce que le ministre a déjà, lui ou quelqu'un de son
ministère ou de son gouvernement, songé à le
suggérer, à prendre l'initiative de le suggérer aux autres
gouvernements des autres provinces ainsi qu'au gouvernement
fédéral? Est-ce que vous avez déjà pensé
à prendre cette initiative?
M. LEVESQUE: II y a bien des places évidemment où
l'Opposition aimerait se trouver. Je m'imagine bien que si...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Même au pouvoir!
M. LEVESQUE: Oui, même au pouvoir! C'est bien répondu,
cela. Alors, ce n'est pas seulement là. Si on suivait cette conception
que se fait le député de Beauce de son travail, ou le
député de Rouyn-Noranda, si on suivait cette ligne de
pensée, il faudrait qu'ils se retrouvent dans tous les
ministères, pour voir réellement ce qui se passe.
M. SAMSON: Ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée! Et
si le ministre nous invite, je pense qu'on va accepter l'invitation.
M. LEVESQUE: II faut, à un moment donné, bien se rendre
compte qu'il y a deux pouvoirs sur les trois pouvoirs...
M. SAMSON: Invitez-nous qu'on y aille avant qu'on le prenne.
M. LEVESQUE: II y a trois pouvoirs. Le pouvoir judiciaire, le pouvoir
exécutif et le pouvoir législatif. Et jusqu'à maintenant,
les députés de l'Opposition, en particulier, font partie de
l'important pouvoir qui est le pouvoir législatif. Il reste cependant
qu'il y a un certain nombre de personnes qui sont députés et qui
ont en plus le pouvoir exécutif. Alors, il y a une différence
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Il faut
garder cette différence. Si on veut faire sauter...?
M. SAMSON: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait
une petite question?
M. LEVESQUE: Ah oui! mais chaque fois que je vais donner des
explications, on me pose des questions!
M. SAMSON: Bien oui, mais c'est parce que vos explications nous
amènent à nous poser des questions, M. le ministre. Est-ce que ce
pouvoir évidemment, c'est différent de ce que vous faites
entre le pouvoir législatif, le pouvoir administratif...
M. LEVESQUE: Exécutif.
M. SAMSON: C'est-à-dire exécutif.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous en avez oublié un, le patronage!
C'est un autre pouvoir, cela.
M. SAMSON: C'est un gros pouvoir. Est-ce que le ministre est d'accord
que tous les membres de l'Assemblée nationale sont élus de la
même façon par le peuple avec un mandat qui ne diffère pas.
Bien entendu, le parti qui fait élire le plus de députés
forme le gouvernement. C'est ce que vous avez fait. Mais tous les
députés ont été élus par le peuple avec le
même mandat.
Ce n'est pas un mandat qui est limité seulement à
surveiller ou à travailler dans un sens plutôt que dans l'autre.
Je pense que notre mandat nous oblige à nous intéresser à
tout ce qui se passe, non seulement au législatif. Alors, comme ce
mandat-là nous oblige à le faire et c'est normal que cela se
fasse, pour nous permettre de mieux remplir ce mandat, nous de l'Opposition, et
vous de l'Opposition future, je pense qu'il serait bon que le gouvernement
accepte que les membres de l'Opposition soient présents. Le gouvernement
accepte à certaines occasions que nous soyons présents, pourquoi
pas à cette occasion-là? Lorsqu'il s'agit de relations
fédérales-provinciales, par exemple, c'est extrêmement
important, parce que, si le gouvernement ne prend pas bientôt des mesures
pour permettre que les citoyens du Québec soient bien
représentés à ces conférences-là, mon
collègue du Parti québécois, qui rêve depuis
longtemps à ce que finissent ces conférences-là,
rêvera encore plus avec peut-être plus de pourcentage de
réalité, mais on ne veut pas que cela arrive. Je voudrais qu'il
continue à rêver seulement, mais si vous...
M. LEVESQUE: Enfin.
M. SAMSON: ... vous ne prenez pas certaines responsabilités, vous
allez matérialiser vous-mêmes les rêves du Parti
québécois. C'est un danger.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que le leader me
permettrait une petite question? J'admets avec lui l'énoncé qu'il
a fait sur le partage des pouvoirs, c'est bien évident que les
députés, nous avons un mandat qui est un mandat de
législateur. Toutefois, en des matières aussi importantes que
celles du devenir du Québec et de la Constitution, est-ce que le
député de Bonaventure ne croit pas qu'en certaines circonstances
les législateurs pourraient être associés au travail
d'élaboration des politiques du gouvernement? Il ne s'agit pas ici
d'assumer la responsabilité du gouvernement, mais de participer à
l'élaboration de politiques en des matières aussi importantes que
celles de l'avenir de toute la collectivité.
M. LEVESQUE : D'ailleurs, c'est ce qui nous a amenés à
multiplier les commissions parlementaires et c'est justement dans le travail
des commissions parlementaires que le législatif peut le plus contribuer
à discuter, à inspirer même, les politiques
gouvernementales. Je crois que nous avons fait preuve d'une très grande
ouverture quant à la convocation des commissions parlementaires. Et pour
revenir au désir de...
M. SAMSON: A Victoria, vous aviez remis... M. LEVESQUE : Un
instant...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!
M. LEVESQUE: Pour revenir aux désirs du député de
Rouyn-Noranda, je sais que le premier ministre a entendu ses
représentations, il les a déjà faites en Chambre
d'ailleurs, et disons que c'est noté.
M. SAMSON : M. le Président, je me suis fait donner la même
réponse l'année dernière. Cela n'avance pas, votre
affaire.
M. ROY (Beauce): Est-ce que vous avez perdu vos notes?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II a perdu surtout les notes des discours de
M. Lesage qui demandait justement il était chef de l'Opposition
à ce moment-là, M. Lesage que son parti participe aux
conférences fédérales-provinciales.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable vice-premier
ministre.
M. TETLEY: Permettez-moi, M. le vice-premier ministre, de faire quelques
remarques avant de nous lancer dans l'article no...
M. SAMSON: Je n'avais pas fini.
M. LEVESQUE : Alors, d'accord, je vais vous entendre.
UNE VOIX: Continuez.
M. SAMSON: Si le vice-premier ministre a terminé, je...
M. TETLEY : II n'a pas terminé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): II faudrait laisser terminer le...
M. SAMSON: Est-ce que je peux terminer ma question?
M. LEVESQUE: C'est parce que vous avez plusieurs questions à
poser.
M. SAMSON: J'en ai tellement, mais là je voudrais terminer
celle-là. Est-ce que le vice-premier ministre ne croit pas qu'il aurait
été sage de convoquer une commission parlementaire avant la
dernière conférence la semaine dernière, comme vous
l'aviez fait à l'occasion de la conférence de Victoria? Si cela
n'a pas été fait, vous aviez peut-être des raisons. Ce
n'est pas un blâme que je fais, je pose une question.
M. LEVESQUE: II s'agissait d'une question purement technique, et je
crois que nous avons préparé adéquatement les positions du
Québec, qui étaient très bien connues d'ailleurs.
M. SAMSON: Alors, vous admettez que vous les avez
préparées sans nous consulter?
M. LEVESQUE: M. le Président, je voudrais simplement, à ce
moment-ci, avant de l'oublier, répondre à une intervention du
député de Chicoutimi. Je pense qu'il est parti...
UNE VOIX: Non il n'est pas parti.
M. LEVESQUE: Le député de Chicoutimi a parlé cet
après-midi du communiqué final de la conférence des
premiers ministres, qui parlait du changement du nom du secrétariat en
celui de secrétariat canadien.
J'aimerais rappeler au député de Chicoutimi qu'auparavant
il y avait le secrétariat des conférences constitutionnelles et
son personnel était fédéral et le financement était
fédéral. Maintenant, ce nouveau secrétariat ne s'appelle
pas un secrétariat fédéral, il faut bien le souligner,
mais un secrétariat canadien et il diffère de l'autre en ce que
ce secrétariat est constitué pour toutes les conférences
des premiers ministres et même pour les autres conférences
fédérales-provinciales au palier ministériel, lorsque la
demande en est faite par le président d'une de ces conférences.
Le personnel sera fourni par les divers gouvernements et présentement
nous avons même un de nos fonctionnaires du ministère des Affaires
intergouvemementales, M. Lebrun, qui a été affecté pour
deux semaines au secrétariat pour la dernière conférence
des premiers ministres et le financement en est assuré conjointement par
tous les gouvernements.
J'espère que cela va rassurer le député de
Chicoutimi qui pensait, je crois, en lisant le texte du communiqué,
qu'il s'agissait d'un secrétariat uniquement fédéral.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais pourquoi le premier ministre ne nous
a-t-il pas donné ces renseignements cet après-midi, il ne les
connaissait pas?
M. LEVESQUE: II l'a dit...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, il n'a pas répondu.
M. LEVESQUE: Je crois qu'il a très bien répondu mais il
n'avait peut-être pas en main les détails que je viens de fournir
au député de Chicoutimi. Je voulais les fournir afin qu'il n'y
ait pas de malentendu à ce sujet.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais ça, c'est une espèce
d'exécutif, ce n'est pas un secrétariat. Vous allez avoir qui,
quoi, des commis, des gens chargés de porter les messages, de faire les
appels téléphoniques? Quel va être le travail du
représentant du Québec à ce secrétariat? Cela va
durer pendant quinze jours.
M. LEVESQUE: Non, il peut y avoir des changements ad hoc selon les
conférences, mais il y aura des fonctionnaires et parmi les
plus
chevronnés qui seront prêtés à ce
secrétariat. Nous aurons ainsi, tant du côté
fédéral que provincial, un accès à ce
secrétariat qui ne sera pas un secrétariat fédéral
mais un secrétariat canadien, c'est-à-dire fédéral
provincial.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais enfin, toutes les initiatives vont
venir du fédéral.
M. LEVESQUE: Non, pas du tout, ce ne sera pas un secrétariat
fédéral mais un secrétariat canadien. D y a là une
distinction assez importante que j'aime à souligner. Enfin, je vais
continuer, je voulais simplement faire cette mise au point parce que je croyais
que la question posée par le député de Chicoutimi cet
après-midi méritait d'avoir cet éclaircissement, car j'ai
eu l'impression que le député de Chicoutimi avait l'impression
que le mot "canadien" pouvait être interprété comme
étant fédéral.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Disons que c'est bonnet blanc, blanc bonnet.
Je suis content que le ministre m'ait donné une réponse mais
ça reste encore assez obscur dans mon esprit. Il faudra qu'on
approfondisse le problème pour savoir exactement quels sont les
mécanismes de fonctionnement.
M. LEVESQUE: M. le Président, je ne voudrais pas... je sais que
ç'a été un peu à bâtons rompus, et un peu
décousu à cause des diverses questions qui sont venues à
brûle-pourpoint, si on veut, mais qui sont venues me faire perdre le fil
à quelques reprises, pour employer un mot qui a été
utilisé au cours de la soirée. Je tiendrais simplement à
rappeler au député de Gouin, qu'on a oublié un peu pendant
tout ce temps-là, que je ne voudrais pas lui faire l'injure
d'oublier son intervention de trois quarts d'heure que même si ses
propos ne répondaient pas du tout aux vues des trois autres partis qui
sont ici représentés, il y avait là cependant un effort
d'analyse sur diverses situations qui font le contentieux fédéral
provincial.
Mais il arrive encore, ce pauvre député de Gouin, avec
toujours la même conclusion, qu'on réglerait tout ça en se
séparant. Là, ce serait parfait, les problèmes que nous
avons aujourd'hui seraient tous réglés, il n'y aurait pas de
problèmes économiques, culturels, on vivrait en vase clos, on ne
serait plus en Amérique du Nord, je suppose, on n'aurait pas 220
millions d'anglophones à nos côtés, on n'aurait plus de
problème de relations économiques avec nos voisins; ce serait un
peu l'euphorie.
M. JORON: C'est vous qui dites cela?
M. LEVESQUE: Mais c'est ce que je conclus de la façon que le
député de Gouin a parlé cet après-midi.
M. JORON: Vous auriez de la misère à trouver cela dans mes
propos.
M. LEVESQUE : Je vais lui poser seulement une question, je n'ai pas de
question à lui poser. Lorsqu'il veut se séparer pour s'associer
de nouveau, c'est le genre de souveraineté-association, je lui dirai
simplement qu'à mon avis et je l'ai dit, je crois, l'an dernier
à la même table c'est évident qu'il est plus facile
de négocier avec un gouvernement qui est élu par 30 p.c. de
l'électorat canadien qu'avec un gouvernement étranger.
Je crois que, lorsque l'on négocie avec le gouvernement canadien,
on négocie avec notre propre gouvernement, avec le gouvernement qui est
élu par nous, qui représente 30 p.c. de son électorat. Il
ne peut pas, autrement dit, ne pas se préoccuper, ne pas être
inquiet des réactions de ceux qui lui ont donné ce mandat.
Négocier lorsque l'on est séparé, c'est négocier
avec n'importe quel autre pays au monde et l'on sait comment il est difficile
d'avoir même une petite reconnaissance, comment on peut prendre de temps
pour simplement avoir des plaques d'immatriculation ou n'importe quelle
espèce de privilège lorsque l'on négocie avec un
gouvernement étranger. Mais lorsque l'on négocie avec un
gouvernement comme celui d'Ottawa, on peut avoir certaines frustrations,
certaines déceptions, mais il ne faut pas oublier que l'on
négocie avec un gouvernement qui est le nôtre. Je tiens à
rappeler au député de Gouin que, quelle que soit la situation
actuelle, elle est de beaucoup préférable à celle qui
résulterait de l'aventure qu'il voudrait nous faire vivre.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de
Gouin.
M. JORON: M. le Président, je voudrais en ce moment terminer ce
que...
M. TETLEY: M. le Président, cela fait deux heures et plus que
j'attends gentiment la parole et j'espère que je vais suivre le
député de Gouin.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais vous faire
observer en invoquant le règlement que le député de
Bonaventure, le ministre, n'a répondu à aucune des questions que
je lui ai posées. Absolument aucune.
M. JORON: C'est pour cela que je demandais s'il avait
terminé.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne veux pas enlever la parole au
député de Gouin, mais je lui ai posé des questions
très précises.
M. LEVESQUE : Le député de Chicoutimi a posé les
questions suivantes et je crois que je lui ai répondu. Je vais lui
rappeler ce qu'il a posé comme questions. Il a demandé si le
gouver-
nement était désireux de changer la Constitution.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.
M. LEVESQUE: Alors, je lui ai parlé de l'approche
constitutionnelle...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, vous avez patiné.
M. LEVESQUE: ... et je lui ai parlé de l'approche du
développement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous êtes désireux
d'avoir une nouvelle constitution?
M. LEVESQUE : Je lui ai dit que nous poursuivions toujours nos efforts
dans le but d'avoir un partage des compétences qui comporte moins de
zones grises, qui soit plus clair et, en même temps, que nous continuions
nos efforts afin d'avoir un partage fiscal meilleur qui corresponde mieux aux
responsabilités qui sont nôtres en vertu de la constitution.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et vous ne voulez pas de nouvelle
constitution?
M. LEVESQUE: Qu'est-ce que cela veut dire, une nouvelle
constitution?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est justement, c'est pour cela...
M. LEVESQUE: Est-ce une constitution améliorée? Est-ce une
constitution amendée ou une nouvelle constitution? Il ne faut pas
s'encar-caner ou s'embrigader dans des mots, comme disait tout à l'heure
le député de Chicoutimi lui-même. Je crois que ce que nous
voulons, je pense bien que c'est un peu la même chose, c'est d'arriver
à un partage plus clair des compétences et en même temps
d'avoir les moyens de nous décharger des responsabilités qui sont
nôtres en vertu de la constitution, constitution nouvelle, constitution
améliorée, constitution amendée mais une constitution qui
changera, évidemment, selon l'évolution.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre peut répondre
à mon autre question?
M. LEVESQUE: La deuxième question est: Quels ont
été, dans les divers secteurs, les résultats concrets et
les gains réalisés par le Québec?
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, tout le contentieux.
M. LEVESQUE: M. le Président, on comprendra que j'ai donné
des exemples...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si le ministre veut reprendre tout cela.
M. LEVESQUE: ... tout à l'heure mais je n'ai pas l'intention ce
soir de parler des 400 dossiers qui ont été ramenés, je
pense, à 250 dans le bilan des relations
fédérales-provinciales.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pouvez-vous les déposer?
M. LEVESQUE: Je crois que le député de Chicoutimi en a
pris une connaissance plus que sommaire dans les journaux.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre peut les
déposer?
M. LEVESQUE: Non, nous avons dit que c'était là un
document de travail, nous avons dit que nous nous en sommes servis pour la
préparation des nombreuses conférences que nous avons eues et que
nous continuerons d'avoir au cours de l'année. C'est un instrument de
travail extrêmement valable, extrêmement important que nous avons
mis au point d'ailleurs dans les sujets qui ont fait l'objet des diverses
conférences, que j'ai demandé aux fonctionnaires du
ministère de compléter et de mettre à jour. Il faut dire
que ce bilan remonte déjà, quant à ses données, au
mois de mars 1972 et j'ai demandé qu'on fasse une mise à jour au
31 mars 1973. Cela doit se faire incessamment et c'est partiellement fait parce
que, pour les dossiers qui ont été utilisés pour les
conférences fédérales-provinciales ou interprovinciales,
cela a déjà été fait dans les sujets.
Le député de Chicoutimi, comme troisième question,
me demandait quelle était la continuité du gouvernement actuel
par rapport aux politiques de ses prédécesseurs. Est-ce qu'on a
voulu suivre la même conception du fédéralisme? J'ai
répondu au député de Chicoutimi en lui rappelant les
difficultés de son propre gouvernement et qui ont apporté sa
chute et...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, parlez-moi, dites-moi s'il y a une
continuité ou s'il n'y en a pas.
M. LEVESQUE: Non, il n'y a pas de cette continuité-là,
nous ne voulons pas perpétuer la confusion, nous ne voulons pas...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous revenez au temps de Godbout, vous!
M. LEVESQUE: ... avoir un gouvernement qui soit d'un côté
séparatiste, d'un autre côté fédéraliste ou,
le troisième parti de votre cabinet, c'était: Nous sommes
fédéralistes, mais nous serons séparatistes en 1974 si
ça ne va pas mieux. Alors, le pauvre peuple ne pouvait pas comprendre ce
que vous disiez. Nous ne voulons pas continuer comme ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne demande pas ça au ministre. M. le
Président, ce n'est pas la question que j'ai demandée au
ministre.
M. LEVESQUE: Ah non! mais c'est la façon dont j'ai
répondu.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai demandé au ministre s'il y avait
une continuité dans la politique du gouvernement. J'ai demandé de
faire l'état des dossiers.
M. LEVESQUE: II y a eu une continuité dans les principes qui ont
été valables du temps de l'honorable député et,
aujourd'hui, il y a une continuité dans cette affirmation du
Québec quant à ses droits constitutionnels, quant à
reconnaître ce qui avait été prévu par la lettre et
l'esprit de la Confédération et de notre Constitution de 1867. Il
y aura une continuité dans cette affirmation. H y a ce désir qui
a existé dans le passé de voir un meilleur partage, un partage
plus clair des compétences dans chacune des juridictions, il y a ce
même désir de voir un meilleur partage fiscal afin de pouvoir nous
décharger de nos responsabilités propres, tant du
côté fédéral que du côté provincial. Il
y a cette continuité quant à la reconnaissance des droits du
Québec, mais il n'y a pas de continuité dans ce qui était
un peu au détriment des Québécois. Il n'y a pas de
continuité dans la confusion. Il y a une continuité dans les
principes qui ont été défendus par tous les gouvernements
qui se sont succédé.
Mais s'il y a continuité dans les principes, il y a une
différence de style, je l'admets. Nous ne voulons pas d'une autonomie
négative, d'une autonomie purement verbale.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ne revenez donc pas sur les vieux dadas!
M. LEVESQUE: Nous voulons...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Parlez-nous des faits!
M. LEVESQUE: Est-ce que les dadas ne seraient pas justement ce qui fait
le plus mal au député de Chicoutimi...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense que le ministre...
M. LEVESQUE: ... parce qu'on a entendu parler tellement d'hommes
politiques qui ont fait de grands discours...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense que le ministre aurait avantage
à relire le texte que nous a donné l'autre jour M. Ryan quand il
a parlé de l'autonomie de résistance, qui était la seule
possible au moment où on parlait d'autonomie négative que le
ministre nous dise positivement où se continue la continuité
!
M. LEVESQUE: Je n'ai pas assisté au congrès, au
minicongrès de l'Union Nationale. Je n'ai pas l'intention...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous aimez mieux le truc sur la baie
James.
M. LEVESQUE: ... d'en faire procès. J'ai beaucoup de respect pour
M. Ryan, j'ai beaucoup de respect pour tous ceux qui s'intéressent
à la chose publique, mais je n'en dis pas moins et j'ai le droit
de dire cela que nous avons entendu et ce n'est pas la
première année que je suis ici à l'Assemblée
nationale Dieu sait combien de discours patriotiques dans cette
assemblée. De 1956, du moins quand je suis arrivé ici,
jusqu'à aujourd'hui, il y a eu des discours sur la Constitution, des
discours sur les droits du Québec qu'il fallait défendre,
etc..
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous en avez fait vous-même.
M. LEVESQUE: ... sur le méchant à Ottawa qu'il fallait
abattre. J'en ai entendu de ces discours. Le style du gouvernement aujourd'hui,
c'est de faire moins de ces discours mais d'atteindre les objectifs que nous
nous fixons. Nous sommes au service de la population du Québec. Nous
voulons conserver les principes que j'ai mentionnés tout à
l'heure, c'est-à-dire toujours travailler en vue d'un meilleur partage
des compétences, d'un partage plus clair, de l'élimination
progressive des zones grises, tout en tenant à ces principes et en
même temps à un meilleur partage fiscal afin d'avoir
réellement une autonomie véritable. Le pouvoir réel se
trouve non pas dans les mots, mais dans les textes, mais souvent il se trouve
là où est la force économique. Or, nous mettons l'accent
justement sur les projets, sur les programmes qui nous donnent plus de force
économique. La dernière décision ou entente intervenue
dans le domaine de péréquation et qui a donné $90,000 au
Québec de plus par année a donné une force additionnelle,
un pouvoir réel. Vous dites que c'est simplement de l'argent. Mais, M.
le Président, je dis que nous ne pouvons pas mettre de côté
la force économique, qui est très importante dans toute la
question de la récupération de nos droits et dans l'exercice de
notre souveraineté. Plus nous aurons de force économique, mieux
à mon sens, nous pourrons nous défendre et exercer notre action
dans les domaines qui sont de notre compétence.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre va répondre
à une question que je lui ai posée? Je lui ai demandé
si...
M. LEVESQUE: La quatrième question que le député
m'a posée...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, mais je vais terminer d'une autre
façon, par une autre question...
M. LEVESQUE: Ah bon!
M.TREMBLAY (Chicoutimi): ... qui va rejoindre celles que j'ai
déjà posées et auxquelles le ministre va répondre
tantôt. Est-ce que la politique du gouvernement est d'élargir,
d'étendre la souveraineté du Québec dans le domaine, par
exemple, des affaires étrangères...
M. LEVESQUE: De notre action...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... d'étendre la souveraineté du
Québec jusqu'à cette limite?
M. LEVESQUE: Nous croyons que le Québec ne peut pas rester
insensible ou fermé à ce qui se passe à l'extérieur
de ses frontières.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela, c'est le principe.
M. LEVESQUE: II est évident que, dans nos champs de
compétence, il y a une extension qui dépasse les
frontières du Québec. Le gouvernement central, qui a la
responsabilité première en matière internationale, sans
doute, est appelé à signer les accords, des ententes avec des
pays étrangers. Il y a, souvent, dans ces ententes, dans ces accords des
sujets qui sont clairement de juridiction provinciale et le gouvernement
central ne peut pas y donner suite si le gouvernement du Québec ou le
gouvernement des Etats membres n'apporte pas sa collaboration. Il est
évident que, dans ces domaines en particulier, nous croyons qu'il est
important pour le gouvernement du Québec, d'exercer ses
compétences et cela, dans le champ international...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre...
M. LEVESQUE: ... mais cela, en tenant compte cependant de la
présence du gouvernement fédéral et de ses propres
compétences.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... peut répondre à la question
que je lui ai posée: Si son gouvernement était disposé
à convoquer, tenir une conférence ou des conférences avec
les autres gouvernements de la fédération?
M. LEVESQUE: Le député de Chicoutimi était pris
ailleurs cet après-midi. Je le sais, il était plongé dans
le projet de loi no 9, je crois...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, une autre erreur du gouvernement.
M. LEVESQUE: ... s'il avait été ici, sans doute aurait-il
entendu ce que j'ai dit en citant...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quant à moi...
M. LEVESQUE: Un instant.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... l'option est claire, et je pense que son
devoir...
M. LEVESQUE: Si le député de Chicoutimi veut...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... est d'avoir le courage d'engager sans
délai le dialogue interprovincial et que présuppose le dialogue
fédéral-provincial...
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!
M. LEVESQUE: Voyons, M. le député de Chicoutimi...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... à l'Empire Club, le 18 janvier
1973.
M. LEVESQUE: Est-ce que je pourrais avoir un peu de... Le premier
ministre disait exactement: "Quant à moi, mon option est claire. Je
pense que nous devons avoir le courage d'engager sans délai le dialogue
interprovincial que présuppose le dialogue
fédéral-provincial. Le gouvernement fédéral et les
gouvernements provinciaux ont à construire ensemble un pays, le
nôtre." Et le premier ministre, actuellement, a donné le meilleur
exemple de ce désir d'un dialogue interprovincial et, s'il y a quelques
années nous avons eu et nous avons été témoins de
rencontres sur le plan interprovincial qui avaient peut-être un aspect
plutôt social, j'ai été moi-même témoin...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre n'était pas présent,
c'est certain, à la conférence de Toronto.
M. LEVESQUE: Un instant. ... au mois d'août 1972, à
Halifax, d'une rencontre des premiers ministres des dix provinces et, à
ce moment, je dois dire qu'il y a eu réellement là un travail
extrêmement important et fructueux qui a été
réalisé. Il y a réellement eu dialogue interprovincial. Il
y a eu les questions, par exemple, qui ont fait l'objet de conférences
fédérales-provinciales depuis et où les positions des
provinces ont été discutées à cette
conférence interprovinciale de Halifax et où déjà
il y avait des prises de position extrêmement intéressantes. On
remarquera, M. le Président...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas cela, ma question. Si le ministre
me permet...
M. LEVESQUE : Laissez-moi donc finir!
M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est parce que...
M. LEVESQUE : Non ! Je ne vous le permets pas! Un instant! Je ferai
remarquer au député de Chicoutimi...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement, M. le
Président.
M. LEVESQUE: Non! J'invoque le règlement.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement parce que le
ministre répond à une question sans l'avoir comprise.
M. LEVESQUE: Je l'ai très bien comprise.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce qu'il me dit là...
M. LEVESQUE: Excepté que j'ai le droit d'arriver à la
réponse de la façon que je crois la plus opportune.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement. Le ministre n'a
pas compris ma question. Elle est très simple. Cela ne le retardera pas
deux heures. Je lui demande si son gouvernement c'est la question que
j'avais posée est disposé à tenir des
conférences fédérales-provinciales sur le sujet
précis de la révision constitutionnelle? C'était ma
question.
M. LEVESQUE: Non, mais elle est mal formulée. Le
député...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Moi, je l'ai bien formulée, vous y
répondez mal parce que vous n'êtes pas capable d'y
répondre.
M. LEVESQUE: Non! Le député de Chicoutimi vient de parler
de conférences...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ou si le premier ministre...
M. LEVESQUE : Le député de Chicoutimi vient de parler
encore de conférences fédérales-provinciales alors qu'il
aurait dû parler de conférences interprovinciales.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sur un point. Interprovinciales...
M. LEVESQUE : Non, mais il vient encore de parler de conférences
fédérales-provinciales.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On peut faire des lapsus comme le ministre en
fait.
M. LEVESQUE : Ah bon ! D'accord.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai dit des conférences
interétatiques. C'est le mot que j'ai employé ce soir sur le
sujet de la révision constitutionnelle.
M. LEVESQUE: M. le Président, le député de
Chicoutimi semble traumatisé par la question constitutionnelle.
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Bien oui! Tout le monde l'est.
M. LEVESQUE: Je lui rappellerai que, en parlant de réunions
interprovinciales et d'approches interprovinciales différentes, les
années passées, le Québec était souvent
isolé. Rarement avons-nous vu le Québec dans les années
passées...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): A Victoria, la semaine passée, il
était drôlement isolé, le Québec. Il était
tout seul.
M. LEVESQUE : M. le Président, est-ce que je puis terminer?
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît
!
M. LEVESQUE: Le député de Chicoutimi est bien nerveux. Du
moment que nous parlons du passé, il se retrouve immédiatement en
cause.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tout seul à s'asseoir... se mettre
à genoux.
M. LEVESQUE: M. le Président, je ne peux pas croire que le
député de Chicoutimi s'associe tellement au passé qu'il
soit traumatisé par le fait qu'on en parle. Je dirai que que le
député de Chicoutimi prenne la peine d'y penser pendant
des années, le Québec a été isolé. Avec le
nouveau style du premier ministre et du gouvernement actuel, nous avons vu de
plus en plus les provinces et les Etats membres de la fédération
canadienne adopter de plus en plus des points qui se rapprochent des positions
québécoises. Et, de plus en plus, nous avons vu d'autres
provinces prendre même des initiatives et parler dans le même sens
que les porte-parole du Québec.
Vous l'avez vu à Victoria lors de la réunion des ministres
des Affaires sociales; je l'ai vu à Halifax lors de la conférence
des premiers ministres au mois d'août 1972 et nous l'avons vu encore
à la dernière conférence
fédérale-provinciale où le Québec n'était
pas seul mais où toutes les provinces, pas toutes mais une grande
majorité des provinces, si on tient compte de la population en
plus c'était la très grande majorité prenaient des
attitudes qui étaient celles du Québec. On adoptait la position
québécoise et cela je le dis, c'est à cause d'un style qui
est mieux compris aujourd'hui par les autres provinces, les autres Etats
membres de la fédération. Les autres Etats membres de la
fédération, dans le passé...
M.TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre a oublié le passé.
Voyons, c'est Duplessis qui a donné le style, qui a créé
le style de rencontre...
M. LEVESQUE: ... ont souvent... Justement,
je ne voulais pas personnaliser le débat mais je dis que,
lorsqu'on prend certaines attitudes sans tenir compte de la présence des
autres Etats membres, de leur mentalité, de leur approche pragmatique,
on manque souvent le bateau, on fait de grands discours mais on revient les
mains vides. Mais lorsqu'on a une approche pragmatique avec un style comme
celui qui est le nôtre nous sommes mieux compris des Etats membres et
nous pouvons faire front commun vis-à-vis du gouvernement central. Nous
pouvons arriver avec des résultats comme ceux que nous avons obtenus
dans les mois qui viennent de passer, c'est-à-dire une meilleure
péréquation qui donne $90 millions de plus au gouvernement du
Québec, la question des allocations familiales avec $315 millions
additionnels. M. le Président, ce sont tous des faits, les uns
après les autres, que nous pouvons facilement voir, qui sont visibles et
qui sont justement le fruit d'une approche qui n'est pas purement
constitutionnelle, purement verbale, purement électorale, mais
plutôt une approche de développement, une approche qui tient
compte des résultats à obtenir à court, à moyen et
à long termes.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, ce que je demande au
ministre, c'est très simple. Il a parlé du passé; je n'ai
pas d'objection à ce qu'il en parle du tout, parce que justement ce
passé, c'est le gouvernement dont j'ai été membre plus
tard qui a créé le précédent. Qui est-ce qui a
réuni pour la première fois et le ministre me
répondra qui est-ce qui a rallié pour la première
fois les provinces aux thèses du Québec, si ce n'est pas le
premier ministre Duplessis avec l'Ontario, plus tard avec la Colombie, plus
tard avec d'autres provinces?
Cela, c'est dans la continuité. Là, le ministre a
répondu un peu à ma question et a montré que son
gouvernement suit tout simplement le style qu'avait suivi le premier ministre
Duplessis à une époque où le gouvernement central ne
voulait même pas entendre raison.
J'ai posé d'autres questions au ministre aussi sur les dossiers
particularisés: câblodistribution, développement
économique régional, agriculture, etc.
M. LEVESQUE: J'ai répondu à cette question, parce que le
député de Chicoutimi me demandait de lui faire un "progress
report", si l'on veut...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, c'est ça qu'on veut.
M. LEVESQUE: ... sur tous les dossiers qui font partie du bilan. Je dis,
M. le Président, qu'il faudrait beaucoup plus de temps à la
commission parlementaire pour faire tout le tour du bilan.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): On va le prendre. On n'est pas ici pour
rien.
M. LEVESQUE: D'ailleurs, je n'ai pas l'intention d'entrer dans toutes
les questions sectorielles. Le mandat du ministère des Affaires
intergouvernementales, comme le sait le député de Chicoutimi,
n'est pas de créer, de faire les politiques, d'élaborer les
programmes des autres ministères mais simplement d'assurer une
coordination, une cohérence dans les négociations et dans les
relations fédérales-provinciales.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais n'est-il pas, ce mandat, M. le
Président, d'inspirer ces politiques, de les coordonner...
M. LEVESQUE: Et c'est ce que nous faisons.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... et d'en faire la synthèse, afin de
nous répondre sur l'état des dossiers?
M. LEVESQUE : C'est ce que nous faisons et c'est ce qui m'a amené
dans mes remarques préliminaires que j'ai bien lues, je crois...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, c'était bien, m'a-t-on dit.
M. LEVESQUE : J'ai bien dit qu'il y avait eu la création d'un
comité, d'un groupe ministériel des Affaires
intergouvernementales et j'ai...
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qui a tenu dix réunions de travail.
C'est dans le texte.
M. LEVESQUE: C'est ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je l'ai bien lu.
M. LEVESQUE: Je vois que le député a bien lu
ça.
M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je mangeais ce soir un bon steak
accompagné d'un verre de vin et je lisais ça; ça n'a
même pas dérangé ma digestion.
LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La commission ajourne ses travaux
à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 23 h 1 )