L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux des commissions > Journal des débats de la Commission permanente de la présidence du Conseil, de la Constitution et des affaires intergouvernementales

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de la Commission permanente de la présidence du Conseil, de la Constitution et des affaires intergouvernementales

Version finale

29e législature, 4e session
(15 mars 1973 au 25 septembre 1973)

Le mardi 29 mai 1973 - Vol. 13 N° 68

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales


Journal des débats

 

Commission permanente

de la présidence du conseil,

de la construction et des

affaires intergouvernementales

Etude des crédits

du ministère des Affaires

intergouvernementales

Séance du mardi 29 mai 1973

(Seize heures 16 minutes)

M. HOUDE, Limoilou (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!

Commission de la présidence du conseil, de la construction et des affaires intergouvernementales, étude des crédits 73/74 des Affaires intergouvernementales.

L'honorable vice-premier ministre.

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Alors, avant de procéder, j'aurais des changements chez les membres de la commission. M. Larivière, de Pontiac, remplace M. Bienvenue, de Matane; M. Fortier, de Gaspé-Sud, remplace M. Choquette, d'Outremont; M. Joron, de Gouin, remplace M. Laurin, de Bourget; M. Théberge, de Témiscamingue, remplace M. Quenneville, de Joliette et M. Cloutier, de Montmagny, remplace M. Tremblay, de Chicoutimi. On a suggéré le nom de M. Larivière, député de Pontiac, comme rapporteur de la commission. Accepté? M. Roy, de Beauce, remplace M. Samson, de Rouyn-Noranda.

L'honorable ministre des Affaires intergouvernementales.

Remarques préliminaires

M. LEVESQUE: M. le Président, aux fins de la présentation des crédits pour l'année 73/74, les activités du ministère des Affaires intergouvernementales ont été regroupées, selon la technique du budget, par programmes en trois catégories distinctes. Les deux premières comprennent les activités découlant du mandat du ministère et constituent nos deux programmes opérationnels. Premièrement, les affaires fédérales-provinciales et interprovinciales, et, en deuxième lieu, les affaires internationales. A la troisième catégorie d'activités, correspond le programme de gestion interne et de soutien qui regroupe, comme pour plusieurs autres ministères, les activités des services généraux. Avant d'examiner le détail des crédits afférents à ces programmes, j'aimerais, dans l'espoir d'éclairer la discussion, faire un certain nombre de remarques de caractère général sur l'organisation du ministère et l'état de nos effectifs d'abord, et sur la méthode de travail ensuite, et enfin, sur les orientations de travail sous-jacentes aux deux programmes opérationnels.

D'abord le plan d'organisation et les effectifs du ministère, ainsi que je l'avais annoncé lors de la séance du 6 juin de cette même commission, le plan d'organisation et le plan d'effectif du ministère ont été repensés à la lumière de l'expérience de l'inventaire des dossiers de relations intergouvernementales dressé au cours de la précédente année financière. On s'en souviendra, cette expérience avait permis de conclure à la nécessité d'une insertion plus grande du ministère dans le contenu des dossiers et d'une liaison plus suivie avec les ministères sectoriels.

Afin d'assurer la réalisation des objectifs assignés aux deux programmes opérationnels dont nous assumons la gestion, il a donc été décidé de restructurer le ministère de la manière qui suit. D'abord, aux affaires fédérales-provinciales et interprovinciales, la gestion du programme qui vise à maintenir et à développer les relations entre le gouvernement du Québec et les autres gouvernements du Canada est confiée à une direction générale, la direction générale des relations fédérales-provinciales et interprovinciales. Au sein de cette direction, le travail est réparti entre cinq groupes ou modules de coordination sous la responsabilité de cinq coordonnateurs du niveau d'adjoint aux cadres supérieurs.

Premièrement, le groupe a) les affaires économiques, qui traite des dossiers portant sur les ressources naturelles, industries primaires et secondaires, sur les transports et sur la planification et le développement.

Deuxièmement, le groupe b), les affaires économiques, qui traite des dossiers relatifs aux services et ressources humaines.

Troisièmement, le groupe des affaires sociales.

Quatrièmement, le groupe des affaires éducatives et culturelles.

Cinquièmement, le groupe des affaires institutionnelles qui traite des dossiers impliquant de façon significative les institutions, c'est-à-dire les affaires urbaines, la constitution, la capitale nationale, le financement de la fédération, etc. Les effectifs de cette direction générale...

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre n'a pas un organigramme?

M. LEVESQUE: Oui, voici.

M. CLOUTIER (Montmagny): Merci. Il n'y a pas de copie pour nos collègues?

M. LEVESQUE: Nous allons en faire faire.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne voudrais pas être le seul à avoir la vérité.

M. LEVESQUE: Les effectifs de cette direc-

tion générale passent de 24 à 33 et comportent six cadres ou adjoints, 17 professionnels et 10 fonctionnaires.

Sur les 24 postes autorisés en 72/73, 9 étaient vacants à pareille date l'an dernier, deux cadres ou adjoints et cinq professionnels. Grâce à une modification de notre plan d'effectifs, le recrutement par voie de concours a permis de faire passer le nombre de personnes en poste de 15 à 23, trois cadres ou adjoints, treize professionnels et sept fonctionnaires.

En ce qui concerne les postes encore vacants, des négociations sont présentement en cours avec des candidats, que le concours de recrutement AD-1537 a permis à la Commission de la fonction publique de rendre admissibles pour quatre postes de professionnels et des démarches ont été amorcées en vue de combler les trois postes de cadre ou d'adjoint pour lesquels le concours n'a pas permis de rendre le candidat admissible.

Maintenant, les affaires internationales. D'autre part, la responsabilité de ce programme des affaires internationales est confiée à deux directions générales dont le mandat correspond à l'un et l'autre élément de ce programme qui vise à assurer le prolongement international des responsabilités constitutionnelles et politiques du gouvernement: la direction générale des relations internationales et la direction générale de la coopération internationale.

La direction générale des relations internationales a principalement pour mandat de veiller à la représentation du Québec à l'étranger, de coordonner les relations des différents ministères du gouvernement avec les gouvernements étrangers et les organisations internationales et participer à l'élaboration et à la mise en oeuvre d'ententes internationales conclues dans les domaines de compétence provinciale.

Deux modules ou groupes de travail se répartissent les dossiers de relations internationales. Premièrement, le module des maisons du Québec à l'étranger qui assure la liaison avec les délégations, maisons ou bureaux du Québec à l'étranger. A ce titre, il applique le protocole relatif à la coordination et au partage des responsabilités entre le ministère des Affaires intergouvernementales et les ministères sectoriels représentés dans les maisons du Québec à l'étranger, adopté par l'arrêté en conseil no 1974-72 du 12 juillet 1972.

Deuxièmement, le module des organisations internationales et des agences de développement internationales qui traite les dossiers relatifs à la présence du Québec au sein des organisations internationales de même que les dossiers de développement international, en particulier ceux qui impliquent l'ACDI, c'est-à-dire l'Agence canadienne de développement international.

Pour le fonctionnement de cette direction générale ainsi réorganisée, les effectifs autorisés sont passés de 106 à 126. Cette augmentation de vingt postes s'explique comme suit: sept postes requis pour la nouvelle délégation géné- rale de Bruxelles, c'est-à-dire un délégué général, un professionnel et cinq employés de bureau; cinq postes de professionnels pour compléter les deux équipes de Québec; huit postes d'employés de bureau pour les maisons du Québec à l'étranger.

La direction générale de la coopération internationale, par ailleurs, a pour principale fonction d'élaborer et de mettre en oeuvre des programmes d'échanges dans le cadre d'accords de coopération conclus avec des gouvernements étrangers. Quatre équipes de travail forment cette direction générale: le module des affaires économiques, le module des affaires éducatives et culturelles, le module des affaires sociales et le module des affaires institutionnelles. Les effectifs de cette direction générale se sont accrus d'un poste d'adjoint aux cadres supérieurs pour permettre d'assumer la fonction de directeur général adjoint à la coopération. Deux des trois postes de professionnels, qui étaient vacants l'an dernier, ont été comblés et le troisième est sur le point de l'être.

Le ministère compte enfin un certain nombre de services généraux qui sont regroupés en une direction générale, appelée l'an dernier secrétariat. On y retrouve le service d'information, le service du protocole, le service du personnel, le service d'administration, le service de documentation et de recherche. Les effectifs de ces services passent de 32 à 40 postes. L'augmentation consiste en deux postes d'adjoints aux cadres, soit directeur de l'information et adjoint du chef du protocole, trois postes de professionnels pour les besoins du personnel et de l'administration et trois postes d'employés de bureau.

Pour l'ensemble de ces services, 34 personnes sont actuellement en poste comparativement à 30, à pareille date l'an dernier. En somme, la restructuration du ministère; faite en fonction du rôle concret qu'il est appelé à jouer au sein de l'appareil gouvernemental, correspond à un accroissement global d'effectif de 44 postes, dont dix cadres ou adjoints, treize professionnels et 21 fonctionnaires. Alors que le ministère comptait à pareille date l'an dernier 200 personnes en poste, il en compte maintenant 239. En termes budgétaires, cette augmentation est importante pour nous car le montant des traitements représente 48.2 p.c. du budget du ministère et les augmentations de traitement, soit $835,900 représentent 70.4 p.c. de l'augmentation de $1,186,500, de l'augmentation, dis-je, totale du budget pour la présente année financière.

La caractéristique de ces crédits 73/74 réside nettement dans l'idée d'une mise en marche réelle du ministère sur la voie de l'exercice concret du mandat que lui a confié le législateur. La hausse de notre effectif et l'accélération du recrutement qui l'a suivie apparaissent essentielles par ailleurs, en raison de la méthode de travail mise au point au ministère.

Si vous le voulez, nous allons dire un mot de

cette méthode de travail. Dans un premier temps, cette méthode a pris la forme d'un inventaire aussi complet que possible des dossiers en cours. C'est à ce premier temps que correspond la première phase du bilan entrepris à l'automne 1971. Je le souligne à dessein, comme d'ailleurs le premier ministre l'avait lui-même indiqué dans son discours inaugural du 7 mars 1972. Il s'agissait là pour le gouvernement du Québec de se doter d'un instrument de travail interne pour rationaliser et rendre plus cohérentes les actions à poursuivre ou à entreprendre aux fins du développement du Québec dans le cadre de la fédération canadienne. Cette première phase d'inventaire s'est terminée en juin et juillet 1972. Elle nous a fourni les matériaux nécessaires à une réflexion positive sur les actions à poser dans le contexte des relations intergouvernementales, tel que cela a été défini au cours de l'automne et de l'hiver 72/73.

Les circonstances ont ainsi voulu que nous utilisions d'abord ces matériaux en fonction des nombreuses conférences fédérales-provinciales au palier ministériel, qui ont eu lieu depuis quelques mois. Depuis janvier 1973, en effet, des conférences ministérielles ont été tenues sur une très grande diversité de questions et je vous en donnerai tout à l'heure une idée aussi précise que possible en vous fournissant la liste de ces conférences auxquelles le Québec a été appelé à participer depuis janvier dernier et celles auxquelles il sera appelé à participer jusqu'en janvier prochain.

Une constatation se dégage et se dégagera encore mieux de cette liste lorsque vous en aurez pris connaissance. A peu près tous les thèmes susceptibles de donner lieu à des dossiers de relations intergouvernementales au Canada auront été abordés sur une période d'une année.

Devant les impératifs imposés par de telles conférences dont certaines, d'ailleurs, proviennent de l'initiative des provinces elles-mêmes et d'autres de l'initiative fédérale, on comprendra, je l'espère du moins, que le premier usage que nous ayons voulu faire des données recueillies au cours de la première phase du bilan ait été précisément de viser à une définition aussi articulée que possible des positions québécoises au cours de ces conférences.

Quel que soit le résultat plus ou moins positif des pourparlers et des échanges de vues auxquels toutes ces conférences ont donné lieu jusqu'à ce jour, je puis affirmer que les données rassemblées à l'occasion du bilan des relations intergouvernementales ont été effectivement utilisées.

Par ailleurs, il nous a fallu constater que l'approche purement descriptive qui pouvait être justifiée pour la première phase du bilan des relations intergouvernementales, devait être complétée par une méthode de travail mieux adaptée aux circonstances et à la conjoncture propre à chaque conférence.

Aussi avons-nous été appelés à nous doter d'un mécanisme susceptible de nous faire déboucher sur une approche plus qualitative qui nous permettrait d'évaluer les choses et d'établir les positions québécoises au palier ministériel proprement dit.

C'est dans cette perspective que le premier ministre constituait, le 8 février 1973, un comité interministériel des Affaires intergouvernementales qui avait pour mandat, premièrement, de diriger les travaux requis pour compléter la deuxième phase du bilan des relations intergouvernementales et assurer la mise à jour annuelle d'un tel bilan à compter de l'exercice 72/73, et deuxièmement, de coordonner la mise au point des positions que le gouvernement du Québec sera appelé à prendre aux conférences qui se tiendront au cours des prochains mois et, d'une façon générale, à toute conférence fédérale-provinciale et interprovinciale au palier ministériel.

Ce groupe ministériel que j'ai l'honneur de diriger se compose du ministre des Finances, du président du comité interministériel des affaires économiques, du ministre des Affaires sociales et du ministre de l'Education.

Jusqu'à ce jour...

M. CLOUTIER (Montmagny): Quel est le dernier? Le quatrième?

M. LEVESQUE: Le dernier, mais non le moindre, le ministre de l'Education.

M. CLOUTIER (Montmagny): Je suis d'accord.

M. LEVESQUE: Jusqu'à ce jour, comme je le mentionnais, ce comité a déjà tenu dix réunions.

M. CLOUTIER (Montmagny): Seulement son nom est une indication.

M. LEVESQUE: Dans un premier temps, compte tenu de la conjoncture des derniers mois, le comité a convenu de donner la priorité à la préparation des nombreuses conférences fédérales-provinciales prévues à l'époque pour l'hiver et le printemps 1973. J'en profite immédiatement pour vous donner une idée, comme je le mentionnais il y a quelques instants, de ce calendrier des conférences, des rencontres intergouvernementales.

En janvier, par exemple, 18 et 19 janvier 1973, la conférence fédérale-provinciale des ministres des Finances. Les 21 et 23 janvier 1973, la conférence fédérale-provinciale des ministres des Affaires urbaines et des ministres des Affaires municipales.

M. ROY (Beauce): Vous allez nous en donner la liste? Très bien.

M. LEVESQUE: Je vous la donne dans quelques instants.

M. VINCENT: Est-ce que le ministre pourrait, en donnant la liste, nous donner les dates? A-t-il l'intention de lire la liste en entier?

M. LEVESQUE: Les dates sont là.

M. VINCENT: Non, non, les dates auxquelles les conférences se tiennent cette année, d'accord, mais depuis quand ces conférences existent-elles?

M. LEVESQUE: Non, je n'ai pas ces détails mais on peut les obtenir. Les 1er, 2 et 3 février, la conférence fédérale-provinciale des ministres du Bien-Etre. Le 5 février, la réunion du conseil des ministres de l'Education. Le 6 février, la rencontre Ontario-Québec des ministres des Richesses naturelles. Le 19 février, la réunion du conseil des ministres de l'Education, des secrétaires d'Etat et des ministres de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration. Les 23 et 24 février, la conférence des premiers ministres de l'Est concernant les droits miniers sous-marins. Les 26, 27 et 28, la réunion du conseil des ministres de l'Education. Cela continue ainsi. Le 9 avril, la conférence fédérale-provinciale des ministres de l'Industrie et du Commerce. Le 13 avril, la conférence fédérale-provinciale des ministres des Mines. Les 25, 26 et 27 avril, la conférence des ministres du Bien-Etre. Les 27 et 28, la réunion du conseil des ministres de l'Education. Au mois de mai, les 2 et 3, la conférence des ministres du Travail. Les 8 et 9 mai, la conférence fédérale-provinciale des ministres de l'Environnement à Ottawa. Les 8 et 9 mai, la conférence fédérale-provinciale des ministres des Finances à Ottawa sur l'enseignement postsecondaire, la santé, le budget Turner. Le 9 mai toujours, la conférence fédérale-provinciale des ministres de la Santé. Les 10 et 11 mai, la conférence fédérale-provinciale des procureurs généraux à Ottawa. Le 16 mai, la rencontre de M. Jamieson ici à Québec avec nos collègues du cabinet sur le développement économique régional.

Le 17, la conférence interprovinciale des ministres de l'Agriculture. Les 23, 24, 25, la conférence fédérale-provinciale des premiers ministres à Ottawa. Les 30 mai et 1er juin, c'est bientôt cela, la conférence interprovinciale des ministres responsables de la protection du consommateur. Les 30 juin et 1er juillet la deuxième conférence interprovinciale des ministres des Communications, à Calgary. Au mois de juin, à la mi-juin, visite... et ceci, évidemment, n'est pas complet, parce que nous recevons régulièrement des annonces de nouvelles conférences.

M. VINCENT: Les ministres des Communications ne sont pas en réunion, présentement?

M. LEVESQUE: Les ministres des Communications le sont les 30 mai et 1er juin à Calgary; je pense qu'ils y sont déjà rendus. C'est exact.

M. VINCENT: Ils en parlaient hier.

M. LEVESQUE: Je sais que le ministre des Communications du Québec, à ce que j'apprends, est parti pour Calgary. On pourrait faire l'énumération des conférences qui s'en viennent, mais ce serait absolument incomplet. Nous en avons en juin, juillet, août, septembre, octobre, novembre 1973, d'autres sont prévues, proposées et d'autres doivent s'y ajouter. Alors, on verra là que c'est un menu très chargé.

M. CLOUTIER (Montmagny): Est-ce que le ministre est tenté de les classer en catégories, bonnes, moins bonnes, pas bonnes?

M. VINCENT: Les codifier.

M. LEVESQUE: Je crois que, quant à nous, elles sont aussi bonnes que nous pouvons les faire, parce qu'elles ont été préparées très sérieusement et...

M. CLOUTIER (Montmagny): Je ne voudrais pas amener le ministre vers une digression...

M. LEVESQUE: Non. Jamais ces conférences n'ont été mieux préparées. Je le dis sans aucune vantardise, sans aucune partisanerie, il s'agit d'une décision que nous avons prise de former ce comité interministériel des affaires intergouvernementales. Ce comité des ministres est appuyé par une équipe également interministérielle qui a fait un travail considérable de préparation; préparation qui se faisait autrefois à l'intérieur d'un seul ministère, mais présentement, nous avons compris notre rôle comme débordant un peu ce que nous faisions de traditionnel. Nous avons voulu apporter un appui réel, actif et vraiment aussi important que possible, à la préparation de toutes ces conférences fédérales-provinciales. Elles n'ont pas toutes la même importance, il va sans dire, mais elles doivent être préparées sérieusement, quelque conférence que ce soit. Je crois que je puis dire que ces conférences ont jusqu'à maintenant reçu une attention comme jamais elles n'en avaient reçu. On verra d'après la liste que je vous communique qu'il y a eu un nombre considérable de conférences, dont plusieurs très importantes.

Alors, justement à cause de toutes ces conférences fédérales-provinciales, interprovinciales, le comité interministériel dont je vous parlais, le groupe ministériel, a mis au point une méthode de préparation des conférences fédérales-provinciales qui a pris la forme de ce que nous appelons le dossier type d'une conférence fédérale-provinciale. Désormais, toutes les conférences fédérales-provinciales au palier ministériel donneront lieu à la préparation d'un tel dossier, dont j'aimerais vous donner tout simplement le schéma général: 1) Identification de la rencontre. 2) Antécédents.

Cela va répondre à la question du député de Nicolet à savoir s'il y avait déjà eu des antécédents à ces conférences.

M. VINCENT: Je voulais savoir tout à l'heure s'il y avait de nouvelles conférences qui s'étaient ajoutées à la liste déjà nombreuse de telles conférences.

M. LEVESQUE : II y en a qui s'ajoutent et il s'en ajoutera encore au cours de l'année. Je crois que c'est l'année des conférences. Si je regarde la liste, elle est assez longue. D'abord, identification de la rencontre, c'est évident. 2 ) Antécédents. 3) Ordre du jour prévu. 4 ) Problématique des questions à l'ordre du jour.

M. ROY (Beauce): Qui prépare l'ordre du jour?

M. LEVESQUE: J'y reviendrai, si vous voulez, parce que je voudrais donner la liste sans trop d'interruptions; autrement je n'arriverai jamais au bout.

M. ROY (Beauce): Je m'excuse.

M. LEVESQUE: Je recommence. 1) Identification de la rencontre. 2) Antécédents. 3) Ordre du jour prévu. 4) Problématique des questions à l'ordre du jour. 5) Stratégie. 6) Calendrier de préparation. 7) La délégation québécoise. 8) Documents québécois. 9) Compte rendu de la rencontre provisoire, officiel. 10) Les suites à donner.

C'est une progression qui semble peut-être normale. Il n'y a rien de très complexe mais c'est une méthode de travail qui nous permet d'avoir une approche identique pour tous les dossiers, pour toutes les conférences, et de faire ce travail sérieusement. Pour répondre maintenant à la question du député de Beauce, l'ordre du jour, si c'est une conférence fédérale-provinciale, de plus en plus le gouvernement fédéral demande aux provinces de suggérer des sujets à l'ordre du jour. Ordinairement, il arrive souvent qu'il y ait trop de sujets pour une seule conférence et il faut, à un moment donné, faire une sorte de consensus sur l'ordre du jour.

Un dossier de ce genre, comme celui dont je parlais il y a quelques instants, ne peut manifestement être mis au point parfaitement en quelques semaines ou même en quelques mois. Il comporte, en effet, des exigences à tous les paliers, aussi bien au palier décisionnel qu'à celui des fonctionnaires; donc il serait utopique d'espérer le respect intégral sans une certaine période de rodage. Je dois dire, cependant, à cet égard, que nous avons déjà réussi, dans la presque totalité des cas, à nous conformer à ces exigences pour les conférences qui ont eu lieu au cours des derniers mois. Il y a là un indice extrêmement encourageant pour la rationalisation des actions du Québec, en matière de relations intergouvernementales.

La méthode de travail que nous nous sommes imposée correspondait à un véritable besoin, à la fois au palier des ministres et au palier des fonctionnaires. Au surplus, nous avons constaté, au fur et à mesure des besoins définis par l'actualité des conférences fédérales-provinciales, que l'utilisation du bilan comme instrument de travail permanent correspondait à une nécessité.

Le bilan des relations intergouvernementales, du point de vue du Québec tout au moins, s'inscrira désormais dans le cadre des opérations continues et normales du ministère des Affaires intergouvernementales. Chaque année, au terme de chaque exercice, il faudra faire le point sur l'ensemble des dossiers de relations intergouvernementales.

Le bilan, effectué au cours de l'année 71/72, fait état des données disponibles en mars 1972. J'ai demandé, il y a plusieurs semaines, au sous-ministre des Affaires intergouvernementales, de mettre à jour les dossiers au 31 mars 1973.

Quelles orientations de travail pourrons-nous dégager d'année en année des matériaux ainsi recueillis et constamment mis à jour? C'est la question que je voudrais aborder pour l'exercice financier 73/74, à la lumière des données actuellement disponibles. Et c'est ici que j'aimerais parler des orientations de travail. Le gouvernement du Québec a déjà indiqué les priorités majeures à la réalisation desquelles le ministère des Affaires intergouvernementales doit consacrer l'essentiel de ses efforts.

Touchons d'abord les affaires fédérales-provinciales et interprovinciales. En ce qui concerne ce programme, le discours du trône du 15 mars 1973 s'exprime dans les termes suivants et vous vous en rappellerez: "Les grandes priorités du gouvernement sur le plan des relations fédérales-provinciales sont les suivantes: 1- la question du financement de la fédération en vue d'atteindre un partage des ressources fiscales plus conforme aux responsabilités constitutionnelles des gouvernements fédéral et provinciaux, 2- le développement économique, plus particulièrement en ce qui concerne le problème des disparités régionales et la lutte au chômage, 3- le développement social et singulièrement les programmes de sécurité du revenu, 4- l'affirmation culturelle du Québec."

Quelques semaines auparavant le premier ministre lui-même insistait dans une conférence à l'Empire Club de Toronto, le 18 janvier 1973, sur l'importance des relations interprovinciales dans un système fédéral. A cet égard, M. Bourassa déclarait ce qui suit: "La question qui nous est en somme posée à nous, les responsables des gouvernements provinciaux, est la suivante: Continuons-nous à définir les objectifs, les orientations et les programmes à partir des perceptions régionales que nous pouvons avoir à l'intérieur des frontières où notre action doit forcément se situer? Devons-nous continuer à nous contenter d'exprimer à l'intérieur du Canada le point de vue des régions qui le

composent ou devons-nous réclamer du gouvernement fédéral qu'il tienne compte de ces régions dans ses propres actions? Il suffit de poser de telles questions pour prendre conscience qu'elles nous placent devant l'alternative suivante: Ou bien nous continuons d'éviter de faire état entre nous des conflits d'intérêts qui peuvent nous diviser, ce qui aura pour conséquence inéluctable que le gouvernement fédéral se contentera d'arbitrer ces conflits, ou bien nous assumons notre responsabilité de membres de la fédération. Et de la même façon que le gouvernement fédéral nous propose un dialogue ouvert sur toutes les questions d'intérêt commun pour les deux ordres de gouvernements, nous engageons de notre côté un dialogue comparable entre les gouvernements provinciaux, non seulement sur les questions qui nous rapprochent spontanément mais aussi sur celles qui peuvent nous diviser. "Quant à moi — poursuit le premier ministre — mon option est claire. Je pense que nous devons avoir le courage d'engager sans délai le dialogue interprovincial que présuppose le dialogue fédéral-provincial. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont à construire ensemble un pays, le nôtre. Ce pays ne sera pas l'oeuvre d'un gouvernement fédéral omniprésent ou à l'affût de toutes les occasions de se substituer aux gouvernements provinciaux. Il ne sera pas non plus l'oeuvre des gouvernements provinciaux enfermés dans leur régionalisme. Il sera l'oeuvre de l'action concertée de l'ensemble des gouvernements dans un Canada authentiquement fédéral."

M. le Président, si l'on touche maintenant les affaires internationales, en ce qui concerne ce programme, le discours du trône s'exprime par ailleurs de la manière suivante: "Au niveau des instances internationales, à l'intérieur du marché commun comme en Afrique, des événements se produisent qui ne manqueront pas d'avoir pour notre collectivité des conséquences importantes. Le Québec doit être présent à ces événements et y appuyer les efforts de promotion du français qui sont faits. Dans cette perspective le gouvernement entend continuer de participer à l'Agence de coopération technique et culturelle des pays francophones et développer dans ces pays son action en même temps qu'il entend s'associer, suivant un protocole d'ententes présentement en négociation, aux activités de l'Agence canadienne de développement international. L'élargissement et l'approfondissement des accords France-Québec s'inscrivent dans la même perspective et mettent en relief des avantages réciproques que les deux communautés en retirent."

Sur le plan de la présence québécoise à l'étranger et des relations du Québec avec l'extérieur, j'ai moi-même formulé à l'occasion d'une visite en Europe à l'automne 1972 quelques orientations de travail que je tiens à rappeler.

Quant à ces principes fondamentaux, la présence active et distincte à l'extérieur du

Canada du gouvernement des provinces continue, à mon sens, à se justifier au nom même du fédéralisme. Je suis convaincu, en effet, comme je l'ai affirmé devant la presse diplomatique étrangère à Paris, que des rapports avec l'extérieur, et en particulier avec l'Etat français, ne répugnent pas à l'esprit d'un vrai fédéralisme. De la même façon, il n'est pas étonnant que le Québec entretienne une activité internationale importante avec l'Agence des pays francophones, dont il est membre en qualité de gouvernement participant, et des rapports bilatéraux étroits avec plusieurs Etats ou collectivités francophones.

Au cours des dernières années, le Québec s'est acheminé vers la maturité à un rythme qu'il n'avait jamais connu auparavant. C'est cette accélération qui le conduit naturellement à s'intéresser aux activités internationales dans des domaines qui relèvent de sa souveraineté interne. Mais, ce faisant, il n'en continue pas moins d'agir comme un Etat membre de la fédération canadienne. Il n'en est pas moins déterminé à s'associer plus intimement aux activités du gouvernement central, impliquant la contribution de ses ressources institutionnelles et humaines au développement international ou à d'autres activités extérieures. Quant aux modalités mêmes de sa présence à l'étranger, le Québec demeure entièrement ouvert à la recherche de formules susceptibles de concilier les données en apparence conflictuelles des usages internationaux et la nécessité des échanges entre les communautés réelles qui composent les Etats officiellement reconnus selon ces usages.

A mon arrivée au ministère des Affaires intergouvernementales, j'avais proposé aux fonctionnaires du secteur international de revoir avec eux, et de façon attentive, le tableau d'ensemble des échanges du Québec avec l'extérieur. Nous avions alors constaté que la coopération franco-québécoise, malgré ses cinq ans d'existence, n'avait guère touché que les ministères du secteur culturel. C'est avec une certaine fierté que je peux aujourd'hui présenter un tableau de la coopération avec la France qui touche tout autant les secteurs techniques, scientifiques et économiques que le secteur culturel. En effet, outre les ministères de l'Education et des Affaires culturelles, la coopération franco-québécoise est dorénavant au service des ministères des Richesses naturelles, de l'Agriculture et de la Colonisation, des Affaires sociales, des Terres et Forêts, de la Justice et ainsi de suite. Egalement une attention accrue au programme de l'ACTIM, c'est-à-dire de la coopération économique.

C'est d'ailleurs sous ce thème d'approfondissement et d'élargissement que j'ai fait ma mission en France à l'automne 1972; approfondissement des secteurs déjà couverts et élargissement à des secteurs nouveaux, ceux que je viens d'énumérer.

Cette expérience acquise avec la coopération

franco-québécoise, nous avons voulu également la mettre à profit par l'organisation d'une coopération avec d'autres pays. C'est ainsi que nous avons posé ou que nous poserons l'amorce d'une coopération avec la Belgique, l'Italie, la République fédérale d'Allemagne, la Grande-Bretagne et certains Etats américains. Nous entendons également donner un souffle nouveau à nos accords de coopération avec certaines autres provinces canadiennes, en particulier l'Ontario et le Nouveau-Brunswick. Cette coopération se veut à la fois culturelle, technique et économique.

Cette opération d'approfondissement et d'élargissement, nous l'avons transposée au niveau des maisons du Québec à l'étranger. Cette fois, les thèmes de consolidation et d'expansion nous servent de guides. Consolidation, c'est-à-dire raffermissement de notre présence. Réévaluation de chacune de nos maisons par une rationalisation des effectifs et des coûts. Ce travail de consolidation trouve actuellement son aboutissement. C'est ainsi que nous avons pu, au cours des trois dernières années, presque doubler le nombre de nos maisons à l'étranger, sans pour autant augmenter de façon notable nos effectifs d'ensemble, pas plus que nos budgets. Ce mouvement n'est pas encore tout à fait terminé. Nous complétons actuellement une réévaluation attentive du rôle de chacune de nos maisons, en particulier de celles de Paris, New York, Londres et Milan. Nous tenons à exploiter au maximum les possibilités de chacune.

Parallèlement, nous nous sommes inquiétés des régions du monde où le Québec pouvait et devait être représenté. A l'horizon, il y a l'Amérique latine, le Moyen-Orient, l'Afrique francophone et peut-être la Scandinavie. Comme on peut le constater, si à l'origine nos échanges avec l'extérieur ont favorisé la France et le monde francophone, progressivement ils s'étendent avec des parties du monde avec lesquelles nous avons soit des affinités historiques, culturelles, géographiques, techniques ou autres.

Cette présence au monde extérieur, assurée d'abord par notre réseau des maisons du Québec, exploitée ensuite par des programmes de coopération, se complète d'une participation qui ira en s'accroissant aux organisations et conférences internationales. Là encore, nous avons d'abord favorisé celles qui impliquaient les pays de langue française et qui touchaient des matières qui nous intéressaient davantage selon nos compétences constitutionnelles.

C'est ainsi que nous avons attaché une grande importance à notre adhésion à l'Agence de coopération culturelle et technique.

Depuis octobre 1971, alors que nous devenions membres de cette agence, nous nous sommes employés à développer une présence constante et de qualité aux programmes et activités de cet organisme international. Nous sommes conscients cependant qu'il ne faut pas nous arrêter là. C'est pourquoi nous étudions actuellement toutes les possibilités qui s'offrent à nous d'être davantage présents à des organismes internationaux tels l'UNESCO, l'OIT, l'OMS, l'OCDE et ainsi de suite.

Notre politique de subventions a également été revue de façon à favoriser les organisations internationales de langue française, sans oublier pour autant tous ces organismes québécois à vocation internationale dans lesquels nous pouvons jouer un rôle majeur: L'AUPELF, le Centre québécois de relations internationales, le Comité international des historiens et géographes de langue française, l'Association des parlementaires de langue française, etc.

Nous ne négligeons pas non plus nos centaines, pour ne pas dire nos milliers de Québécois qui travaillent ou qui étudient à l'étranger. Nous avons maintenant notre politique de subventions pour les associations d'étudiants québécois qui se sont organisées en France, en Belgique, en Angleterre et nous adressons chaque semaine, à près d'un millier de Québécois dispersés à travers le monde, un bulletin d'information qui leur permet de garder un contact avec le Québec. Une nouvelle publication, le Québec International, est destinée à faire mieux connaître notre action avec l'extérieur.

En somme, on peut dire que l'activité internationale du Québec ne s'est pas développée au hasard et qu'elle procède de principes de mieux en mieux définis et d'une volonté de plus en plus nette de sortir le Québec de son isolement. Tout ce travail a déjà trouvé ses fruits dans la popularité de plus en plus grande qui est la nôtre un peu partout dans le monde. Cette popularité se traduit par l'accueil réservé à nos produits, particulièrement aux Etats-Unis, comme en l'intérêt grandissant que nous portent de nombreux investisseurs étrangers. J'en veux également pour preuve l'accueil réservé au cinéma québécois, aux livres québécois, aux disques québécois, à nos experts et à nos coopérants, aussi bien ceux que nous envoyons directement que ceux qui sont affectés par les soins de divers organismes internationaux ou de l'ACDI.

De plus en plus ce recrutement et ces affectations se font par l'intermédiaire des services du ministère des Affaires intergouvernementales. La contribution qu'apportent les nôtres a ainsi des chances d'être de meilleure qualité et de mieux nous faire connaître.

Les orientations de travail, dont je viens de définir les principes généraux, s'incarnent déjà dans l'organisation du ministère dont j'ai parlé précédemment. Elles prendront cependant leur signification intégrale le jour où les équipes déjà en place et le personnel nouveau que nous avons commencé à recruter auront produit les documents d'orientation que je leur ai demandé de mettre au point il y a déjà plusieurs semaines.

En ce qui concerne le ministère des Affaires intergouvernementales, ces documents seront

d'abord l'oeuvre du personnel en poste à Québec. Ils seront également l'oeuvre du personnel québécois en poste à l'étranger, en particulier des délégués généraux. Ils seront enfin l'oeuvre de l'ensemble des ministères concernés.

Pour l'instant, voilà où nous en sommes. D'une part, certaines grandes orientations de travail ont commencé à être précisées. D'autre part, la méthode de travail nécessaire pour parvenir à identifier de telles orientations est en voie de se mettre effectivement en place.

Nous ne nous faisons pas d'illusion cependant. Dans un domaine aussi complexe que celui où doit oeuvrer le ministère des Affaires intergouvernementales, il n'y a pas de solution miracle ni pour la méthode de travail, ni pour les orientations à prendre.

Depuis que je suis responsable de ce ministère, j'ai d'abord visé à mettre en place une institution susceptible de contribuer à garantir une certaine rationalité à la définition de notre avenir collectif. Il s'agit là d'une oeuvre de longue haleine. Je ne prétends pas en avoir identifié toutes les coordonnées. J'accueillerai, non seulement avec sympathie, mais de façon très intéressée et très objective toutes les suggestions que vous pourrez me faire dans un sens positif à cet égard.

C'est dans cette perspective que je souhaiterais voir aborder l'étude de nos crédits.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Montmagny.

M. CLOUTIER (Montmagny): M. le Président, je remercie le ministre des Affaires intergouvernementales de nous avoir livré ce document, qui constitue un tour d'horizon de son ministère. Document qui, certainement, lui a demandé de longues heures de méditation, de réflexion et de travail.

Vous me permettrez, M. le Président, de me reporter un instant à la discussion qui a eu lieu en Chambre tout à l'heure, discussion qui portait essentiellement sur l'opportunité de commencer à ce moment-ci les travaux de cette commission parlementaire.

On comprendra que le ministère des Affaires intergouvernementales — je ne me base pas sur les sommes demandées, je ne me base pas sur les budgets, les montants d'argent; je me base sur l'importance, le rayonnement de ce ministère, les implications de son action, de ses politiques, de ses relations avec les autres gouvernements — est probablement l'un des plus importants, sinon le plus important du gouvernement.

C'est en tenant compte de ces facteurs que nous avions demandé tantôt que l'étude des crédits soit reportée plutôt à 8 heures étant donné que les responsables pour notre parti, c'est-à-dire le chef de l'Union Nationale et le député de Chicoutimi, qui sont les responsables de notre parti au sein de cette commission, avaient spécialement préparé le dossier à discuter au sein de cette commission parlementaire.

Au début de l'étude des crédits, sachant que chacun ou les deux veulent faire une intervention qui constitue ni plus ni moins une forme de réplique au ministre des Affaires intergouvernementales ou un tour d'horizon tel qu'il nous apparaît à nous, comme Opposition officielle, je m'abstiendrai de faire un commentaire d'ordre général; si les autres partis d'Opposition veulent le faire, le député de Gouin à la place du député de Bourget qu'il remplace, et le député de Beauce, je leur laisserai la parole quitte à ce que, ce soir, l'intervention d'ouverture soit faite soit par le député de Chicoutimi soit par le chef de l'Union Nationale. Après quoi, nous pourrons entrer dans l'étude du budget article par article.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Gouin.

M. JORON: M. le Président...

M. ROY (Beauce): Pour quelle raison donnez-vous la parole à l'honorable député de Gouin?

M. JORON: Parce que j'ai demandé la parole avant. Est-ce que le député de Beauce aurait des susceptibilités protocolaires tout à coup? Ce n'est pas son habitude.

M. ROY (Beauce): Je n'ai pas de susceptibilité protocolaire, mais il y a un tour de table qui est une tradition. Il y a une habitude...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Beauce.

M. JORON: Bon!

M. ROY (Beauce): Je ne veux pas faire de chichi avec tout cela. Je pense que si nous voulons maintenir la tradition...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La parole est à l'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): Vous m'accordez la parole? Je vous remercie. Mes commentaires seront plutôt brefs. Je préfère plutôt revenir ce soir après que l'Union Nationale aura fait ses commentaires généraux...

M. JORON: Avez-vous besoin d'inspiration?

M. ROY (Beauce): Ce n'est pas que j'aie besoin d'inspiration. C'est parce qu'elle a demandé la parole en premier lieu et nous ne pensions pas que, cet après-midi, nous pourrions discuter des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales. Nous nous étions préparés pour demain parce que nous pensions que ces crédits étaient pour être étudiés demain. A l'heure actuelle, je n'ai pas tous mes dossiers devant moi. C'est la raison pour laquelle mes commentaires seront assez brefs.

On a parlé de coopération des affaires fédérales-provinciales et aussi des affaires internationales. Je veux dire tout simplement ceci: La liste que nous a remise l'honorable leader du gouvernement tout à l'heure nous démontre qu'il y a un nombre assez impressionnant de conférences fédérales-provinciales au cours de l'année. Il est quand même important de faire une distinction entre ces différentes conférences fédérales-provinciales parce qu'il y en a à différents niveaux, à différents paliers.

Il est évident qu'il y a des conférences qui ont eu lieu au niveau de la consultation. Ce sont ni plus ni moins des conférences consultatives qu'on fait de part et d'autre de façon à pouvoir orienter en quelque sorte ou encore favoriser une coordination dans les différentes politiques adoptées dans les différents Parlements provinciaux du pays.

Mais il y a aussi des conférences fédérales-provinciales qui relèvent de la Constitution, dont découlent des problèmes constitutionnels, des problèmes de partage de juridiction et des problèmes qui nécessitent au préalable une négociation et où, par suite de la négociation, lorsque c'est possible, il y a finalement des ententes qui interviennent entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral.

Je l'ai déjà dit et je le répète encore aujourd'hui — je déplore que ces conférences fédérales-provinciales qui ont trait à des partages de juridiction, à des programmes à frais partagés, à des programmes qui affectent en quelque sorte notre constitution, sur lesquels j'aurais énormément de choses à dire, soient à huis clos, ces conférences fédérales-provinciales que je qualifie, je pèse mes mots, de conférences fédérales-provinciales politiques.

Lorsque le leader du gouvernement disait que les conférences fédérales-provinciales étaient beaucoup plus nombreuses cette année, c'est normal puisqu'il y a des élections dans l'air, autant du côté fédéral que du côté provincial. Il est évident qu'on cherche encore une fois à charrier ou encore à faire un marchandage, un maquignonnage, un "bargui-nage" constitutionnel sur le dos des citoyens de la province, parce qu'on parle du Québec en ce qui nous concerne. On prend encore comme otages certains secteurs de notre population, surtout ceux pour qui la sécurité sociale constitue le seul revenu qui leur permet de vivre et de disposer de subventions et allocations, leur permettant d'être en mesure de manger et de vivre un peu dans les conditions minimales, au Québec.

On l'a vu par la récente conférence fédérale-provinciale qui a encore eu lieu à huis clos. Je salue l'arrivée de l'honorable premier ministre. Il va pouvoir écouter religieusement nos propos...

M. BOURASSA: Merci. Comme d'habitude. M. ROY (Beauce): ... sinon avec une atten- tion spéciale. Je disais donc que je déplore le huis clos de ces conférences fédérales-provinciales et je n'accepte pas qu'on ne permette pas à des représentants des partis d'opposition d'assister, comme observateurs, à ces dites conférences. Si nous acceptons un régime démocratique au Québec, du moins le gouvernement se vante beaucoup de la démocratisation, je pense qu'il y a des secteurs d'une aussi grande importance et qui ont autant de conséquences pour notre avenir au Québec, comme l'avenir du Canada tout entier, et j'estime qu'on doit cesser de jouer à cache-cache, au jeu du chat et de la souris, à ces occasions. On se rappelle également que ces conférences ont lieu à huis clos. On ne permet même pas aux journalistes d'y assister, pour que ceux-ci puissent informer la population sur ce qui se passe aux conférences au lieu d'être toujours obligés de se baser sur les communiqués qu'on leur remet et sur les informations qu'on veut leur donner par la suite.

J'aurais deux questions bien précises à demander au gouvernement. J'en ai déjà fait part, à l'occasion d'une motion que j'avais présentée à l'Assemblée nationale. J'en ai fait part également à l'occasion d'interventions que j'ai faites, que ce soit au discours du budget, au discours inaugural ou à l'occasion de discussions sur des motions spéciales. Puisque j'ai une question d'inscrite au feuilleton de l'Assemblée nationale, depuis l'année dernière, qui apparaît encore au feuilleton et à laquelle on ne peut pas ou on ne semble pas vouloir donner de réponse; étant donné ce que nous avons découvert, ce qu'il est advenu de la seule loi adoptée par le gouvernement québécois, l'autorisant à conclure une entente avec le gouvernement fédéral, soit l'entente de 1942, le chapitre 27 des Lois de 1942, est-ce qu'elle est encore en vigueur? Est-ce qu'elle a été tout simplement annulée? Si elle a été annulée, quand? On l'a remplacée par d'autres dispositions, d'autres ententes et les autres ententes, qui sont intervenues par la suite, ont été signées en vertu de quelle loi, dans nos statuts du Québec? Qui les a signées pour et au nom du Québec? J'aimerais également savoir du gouvernement si ces ententes ont été ratifiées, étant donné qu'il ne semble pas y avoir de disposition législative particulière, par arrêté en conseil ou si le gouvernement est allé négocier tout simplement, sans autorisation de la Chambre.

Alors, M. le Président, je pense quand même qu'ayant reçu également un mandat de la population, nous nous devons de savoir où nous en sommes rendus là-dedans. Si on regarde la façon dont vont les choses à l'heure actuelle, si on regarde la façon dont elles se déroulent et les conclusions qui découlent de ces fameuses conférences fédérales-provinciales, on se rend compte qu'on n'avance pas tellement. On a plutôt l'impression de reculer et on a le droit de se demander justement jusqu'à quel point le gouvernement peut être sincère dans ses négo-

dations ou si tout simplement on veut faire de la politicaillerie de façon à se trouver des raisons ou des slogans pour tâcher de solliciter un vote, un renouvellement de mandat devant l'électorat à l'occasion d'une élection générale. Alors, ce sont des points particuliers des ententes fédérales-provinciales sur lesquels j'aimerais que le gouvernement puisse nous répondre.

Il y a également la question des affaires internationales. On sait que toutes les affaires internationales... Je ne veux pas relever les propos qu'a tenus l'honorable ministre des Affaires intergouvernementales tout à l'heure, mais je tiens quand même à souligner que ce ministre administre et voit au fonctionnement des maisons du Québec à l'étranger. On peut se demander à l'heure actuelle, et je pense avec raison, à quoi et à qui servent ces fameuses maisons du Québec à part de donner des réceptions ou encore de s'occuper des personnes qui, de par leur fonction, ont à voyager en Europe, M. le Président. On aimerait savoir quelles sont les intentions du gouvernement concernant ces fameuses maisons du Québec, s'il a l'intention de modifier leur statut de façon qu'on puisse s'en servir, au niveau du ministère de l'Industrie et du Commerce, beaucoup plus que l'on ne s'en sert actuellement. Ceci pourrait permettre aux industriels et aux hommes d'affaires québécois d'avoir des services à ces maisons du Québec, pour pouvoir faire la promotion et la vente de produits du Québec à l'étranger.

Je pense, M. le Président, que si l'on confiait cette mission à nos maisons du Québec, ce serait bénéfique pour toute la population et ceci nous permettrait de faire mieux connaître les produits du Québec à l'étranger. On pourrait certainement trouver des débouchés nouveaux, de nouveaux marchés pour nos industriels et nos hommes d'affaires québécois. A l'heure actuelle — je le dis, c'est une observation personnelle — j'ai beaucoup plus l'impression que ces maisons du Québec sont plutôt des officines séparatistes qu'étant... Je le dis et cela fait rire le député de Gouin parce que je sais que son chef, René Lévesque, est toujours bien reçu lorsqu'il va à ces maisons du Québec.

M. BOURASSA: II a été invité à déjeuner une fois; quand même...

M. ROY (Beauce): Ne me dites pas que le premier ministre prend la défense du chef du Parti québécois. On aura tout vu.

M. BOURASSA: C'est un fait.

M. ROY (Beauce): Probablement que le premier ministre se rend compte que le Parti québécois devient de moins en moins menaçant à l'occasion des prochaines campagnes électorales. C'est probablement cela qui justifie le fait qu'il veut venir à sa rescousse.

M. le Président, je veux dire tout simplement sur une note sérieuse que ces maisons du Québec, considérant les montants d'argent qu'elles nous coûtent, devraient nous rapporter beaucoup plus qu'elle ne nous rapportent à l'heure actuelle et on devrait leur demander, quitte à l'exiger justement, qu'on organise des services et qu'elles puissent servir aux missions commerciales que le Québec pourrait organiser sur les marchés étrangers. Alors, j'aurai d'autres commentaires généraux à faire. Je reviendrai ce soir lors de la reprise des travaux de la commission et je laisse la parole à l'honorable député de Gouin qui a hâte.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Gouin.

M. JORON: Oui, M. le Président, j'avais hâte, parce que dans son exposé le ministre tout à l'heure nous invitait à lui faire des suggestions et il mentionnait aussi qu'il était disposé à les accepter d'une oreille attentive et favorable. J'en ai une à lui faire mais j'ai bien peur qu'elle ne sera pas bien reçue.

La tentation, la suggestion que j'ai à lui faire pour l'instant —disons qu'on la fera peut-être formellement plus tard — serait à l'effet de réduire de $1 les crédits du ministère, pour la raison suivante: on se demande, à toutes fins pratiques, à quoi sert maintenant le ministère des Affaires intergouvernementales.

Si on se rappelle dans quelles circonstances ce ministère a été créé, à quelle époque au début des années soixante, on se souviendra que c'était d'un moment où le Québec, se réveillant d'un assez long sommeil à certains égards, a voulu prendre part plus activement au développement de notre société, a voulu s'immiscer dans des domaines dont jusque là il était resté absent, a voulu mettre en branle de nouveaux programmes, de nouvelles initiatives, se faire une place sur l'échiquier international, se faire reconnaître comme tel, enfin, a voulu commencer à exercer dans des domaines où il ne l'avait pas fait jusque là, les prérogatives d'un véritable Etat. Il est clair qu'à partir de ce moment-là le gouvernement du Québec allait avoir besoin de fonds supplémentaires parce que sa part dans les revenus fiscaux totaux dans la Confédération canadienne était insuffisante pour lui permettre d'entreprendre ou d'assumer les responsabilités qu'il souhaitait d'une part. Il fallait non seulement de l'argent, mais il fallait aussi des juridictions nouvelles parce que là on entrait en conflit constitutionnel avec des juridictions qui, dans bien des domaines, appartenaient à l'autre niveau de gouvernement. C'est à ce moment-là, non pas uniquement pour cette raison, mais dans cet esprit, dans ce cadre, dans ce contexte, qu'on a créé un ministère des Affaires intergouvernementales qui, sous le régime Lesage, a été peut-être le principal fer de lance ou la source d'où émanaient les initiatives qui allaient appuyer les demandes ou les réclamations du gouvernement de Québec face au

gouvernement d'Ottawa. Comme je le disais tout à l'heure, dès l'instant où Québec voulait assumer un plus grand rôle de leadership dans notre société, il allait se buter automatiquement à l'autre niveau de gouvernement, il allait avoir besoin de transférer une partie des impôts, il allait avoir besoin d'assumer des responsabilités qui autrefois étaient à l'autre.

Tout le problème tournait autour de là. Ce n'est pas pour rien qu'une des premières tâches ou une des premières choses qui a intéressé ce nouveau ministère des Affaires intergouvernementales était de mesurer quels étaient les fonds, par des ressources fiscales qui étaient essentielles au Québec pour pouvoir assumer toutes les responsabilités qu'il voulait assumer et qu'il fallait aussi évaluer pour entamer des négociations sur ce sujet, qu'il fallait, bien entendu, évaluer quelle était la part qui revenait au Québec dans le total des fonds que le gouvernement fédéral percevait sur le territoire du Québec.

C'est ainsi que, si ma mémoire est fidèle, vers les années 1964 ou 1965, une première tâche, une tâche importante, a été donnée au ministère des Affaires intergouvernementales qui était d'établir l'évaluation quantitative du fédéralisme.

Le rapport finalement a été rendu public suite à toutes sortes de circonstances qu'il serait trop long de reprendre, dans les premiers mois du nouveau gouvernement Bourassa, en 1970. Ce rapport montrait que, pour la dernière année où des chiffres étaient disponibles, c'est-à-dire 1968, selon l'une ou l'autre de deux méthodes de calcul, le Québec, de toute façon, n'était pas gagnant quantitativement au point de vue fiscal dans le régime fédéral; que, d'une part, le déficit était, selon une des deux méthodes de calcul retenues, presque inexistant et que, selon l'autre méthode de calcul retenue, il y avait là un manque à gagner d'environ $200 millions.

M. BOURASSA: En 1968?

M. JORON: En 1968. Je vous rappellerai que, par la suite, on a maintes fois posé la question au premier ministre, en Chambre, à savoir si cette étude vitale et capitale allait être poursuivie.

M. BOURASSA: Partielle.

M. JORON: A ce moment-là, il nous disait que oui; de toute façon, on lui demandait aussi s'il allait la rendre publique et il nous disait que ce n'était pas décidé encore, que le gouvernement allait juger s'il était opportun de rendre publics ces chiffres pour les années subséquentes, si les études se poursuivaient, etc.

Tout récemment, avant Pâques, le ministre des Affaires intergouvernementales nous apprend que cette responsabilité n'appartenait plus à son ministère, mais qu'elle avait été transférée au ministère des Finances. Le ministre des Finances se lève, à son tour, pour nous dire que l'étude ne s'est pas poursuivie et que ce n'est plus l'une des priorités du gouvernement de faire cette évaluation quantitative des transferts fiscaux entre les deux ordres de gouvernement.

M. BOURASSA: Cela n'a jamais été...

M. JORON: Ce qui nous est apparu assez curieux pour un gouvernement qui avait fait du fédéralisme rentable un de ses principaux thèmes, c'est que tout à coup, il n'est plus soucieux de savoir, enfin, d'avoir les chiffres qui lui diraient si c'est rentable ou si cela ne l'est pas. Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de reprendre, ici, un débat que j'ai fait, encore une fois, avec le ministre des Finances lors de l'étude des crédits de ce ministère; puisque cette responsabilité n'appartient plus au ministère des Affaires intergouvernementales, on va se contenter de l'autre aspect de l'étude, qui reste au ministère des Affaires intergouvernementales, celui de l'étude de la qualité du fédéralisme.

On va s'apercevoir, on s'est aperçu, en fait, par les fuites qui ont pu avoir lieu dans certains journaux que, si ce n'était pas brillant au point de vue quantitatif, cela ne l'était guère davantage au point de vue qualitatif. Je n'ai pas l'intention de faire la lecture pénible, sans doute, aux oreilles du ministre, de tous les dossiers dits négatifs, de ceux dits neutres et des quelques rares dits positifs, mais qu'il suffise de retenir que l'on peut sérieusement se demander quelle foi accorder' au ministre quand il nous disait, il y a à peu près une demi-heure, qu'à la fin de chaque année son ministère allait faire le point sur la qualité des relations fédérales provinciales et ainsi de suite. Vous me permettrez d'en douter sérieusement pour les raisons suivantes. Par expérience, vous avez arrêté de le faire sur la quantité, je ne vois pas pourquoi l'on aurait la garantie que vous allez continuer à le faire sur la qualité, d'autant plus que le gouvernement, dont vous faites partie, est le premier gouvernement dans l'histoire du Québec à avoir fait une profession de foi inconditionnelle dans le fédéralisme.

En faisant cela, il s'est pris à un mauvais jeu et je pense qu'il est maintenant sérieusement embarrassé de la présence de ce ministère des Affaires intergouvernementales.

M. BOURASSA: Pas du tout.

M. JORON: C'est une épine dans le pied. Les gouvernements du Québec précédents, sans avoir fait profession de foi dans l'indépendantisme ou dans le souverainisme, si vous voulez, n'avaient quand même jamais, dans l'histoire du Québec, fait profession de foi inconditionnelle dans le régime fédéral. C'est une première, une primeur, que l'on attribue au gouvernement Bourassa.

Quand un gouvernement fait cela et que, dans un de ses ministères, vont se poursuivre des études qui risquent de mettre en cause le

bien-fondé de cette profession de foi, on peut s'imaginer à quel point ce ministère peut devenir encombrant pour un gouvernement qui a fait une telle profession de foi.

C'est pourquoi, M. le Président, je regrette mais j'affirme ne pas croire — je ne sais pas si ce que je dis est parlementaire mais en tout cas — les intentions du ministre quand il nous dit qu'il va continuer, à chaque année, à faire le point sur la qualité de nos relations avec l'autre niveau de gouvernement, quand il nous dit qu'il va continuer à faire la mise à jour continuelle et progressive de tous les dossiers. Ce sont des dossiers qui risquent, et ceux que l'on connaît, jusqu'à maintenant, le sont, d'être extrêmement embarrassants pour le gouvernement. Comment voulez-vous que l'on vous croie quand vous êtes enfermés vous-même dans un tel dilemme?

Parlons-en, si vous voulez, de ces juridictions. On ne peut plus parler de montants d'argent, ici, semble-t-il, parce que cette partie n'intéresse plus le ministère des Affaires intergouvernementales; il faut maintenant parler de la qualité, c'est-à-dire que l'on peut parler des domaines de juridiction et de choses semblables. Je lisais, tout récemment encore, un autre morceau de fuite dans les journaux récents, les commentaires de journalistes, ce matin, sur un aspect extrêmement important: L'ensemble, si vous voulez, que l'on pourrait appeler, des affaires économiques. Cela apparaît bien curieux dans un sens, et c'est là où tout l'illogisme de la position de l'actuel gouvernement peut être mis en évidence.

Un gouvernement s'est accroché au thème de la relance économique, de l'action qu'il veut entreprendre dans le domaine économique, création d'emplois et ainsi de suite — on se rappellera tous les thèmes et les slogans de leur dernière campagne — alors qu'en fait, il ne possède à peu près aucun des outils — c'est-à-dire des juridictions — qui lui permettent d'agir sur cette conjoncture économique. Qu'il suffise d'en mentionner simplement quelques-uns à titre d'exemples, je n'en fais pas un répertoire exhaustif: 75 p.c. des impôts sur les corporations, d'une part, qui sont parmi les principaux agents économiques dans une société de libre entreprise comme on connaît, appartiennent au gouvernement fédéral. D'autre part, au niveau financier, le contrôle sur la monnaie, sur le crédit et sur les banques appartient à l'autre niveau de gouvernement, instruments essentiels, si vous voulez, pour agir sur la conjoncture. Ils n'appartiennent pas au gouvernement du Québec. Les juridictions pour réglementer le commerce, que ce soit le commerce international ou le commerce interprovincial, dans les deux cas, les douanes et le commerce interprovincial, relèvent également du gouvernement fédéral.

Au niveau de l'énergie, à l'exception, si vous voulez, de l'hydro-électricité, en ce qui concerne le reste, que ce soit le gaz naturel, le pétrole ou les autres sources d'énergie, énergie atomique et ainsi de suite, c'est également du ressort du gouvernement central. Au niveau des transports, si on exclut la voirie, le transport ferroviaire, maritime, aérien, ce sont encore là tous des domaines de juridiction fédérale. Dans le domaine des communications, même chose. Et qui plus est, au total de tout ça évidemment, les fonds nécessaires, c'est-à-dire la marge de manoeuvre fiscale qui permet, même quand on n'a pas la juridiction selon la constitution, quand on a l'argent, on la vole la juridiction. C'est exactement ce que fait le gouvernement fédéral depuis nombre d'années, parce que la nature de ses recettes fiscales, à cause de la sorte d'impôt qui lui procure l'essentiel de ses revenus fiscaux, est beaucoup plus élastique que celle des revenus provinciaux. Ceci permet de voir que ses revenus vont croître et ont crû et vont continuer de croître, si ce n'est pas changé, à un rythme beaucoup plus rapide que celui des gouvernements provinciaux, au moment même où l'inverse se passe au niveau des dépenses, où ce sont les dépenses de nature provinciale, santé, éducation, ainsi de suite, et autres juridictions censément provinciales, qui, elles, croissent plus rapidement. En plus du fait d'avoir la juridiction en matière économique sur toute cette série-là, cette série de domaines que j'ai nommés, s'ajoute le fait que le gouvernement fédéral — qu'est-ce que vous voulez? — à la grosse part du gâteau fiscal et la part qui grossit le plus vite à part ça. Dans une circonstance pareille, qu'est-ce que le gouvernement du Québec prétend vouloir faire en matière économique? Moi, je suggérerais au premier ministre, s'il ne veut pas avoir l'air complètement ridicule, de cesser d'en parler, de ne plus jamais nous parler d'économique. Il n'a plus un instrument dans ses mains qui puisse lui permettre de faire quoi que ce soit dans le domaine ou simplement de façon ancillaire ou de façon supplémentaire...

M. BOURASSA: Le budget, $6 milliards de budget.

M. JORON: ... mais on sait toute la stratégie, et c'est l'essentiel du message contenu dans la fuite sur l'aspect économique du bilan qui vient de votre ministère, on le dit carrément, l'essentiel de toutes les juridictions dans ce domaine-là appartient au gouvernement fédéral. Cela fait penser un petit peu à un bonhomme...

M. BOURASSA: Ce n'est pas vrai.

M. JORON: ... qui voudrait partir en guerre contre une armée moderne équipée de chars d'assaut, de sous-marins, de missiles et de missiles antimissiles et tout ce que vous voulez, et qui part en guerre contre ça en culotte courte, avec un "sling shot". C'est de ça qu'il a l'air quand il nous parle d'économie.

Enfin, puisque, de toute façon, dans une société industrielle, il est capital, je pense, de commencer par les choses économiques parce

que c'est, au départ, quand on aura modifié les choses dans le domaine économique, qu'on en verra des conséquences dans le domaine social...

M. BOURASSA: C'est nouveau ça?

M. JORON: ... et qu'au bout de la ligne, l'aboutissement de tout ça...

M. BOURASSA: C'est nouveau, ça! C'est nouveau,ça!

M. JORON: Ce n'est pas nouveau du tout, ç'a toujours été ce que, moi en tout cas, j'ai expliqué depuis cinq ans et ce que le programme du Parti québécois, dans sa logique — je vous invite à le lire le nouveau programme qui est en vente dans toutes les librairies au prix populaire de $1 — ...

M. BOURASSA: Je l'ai lu, j'ai des questions à vous poser, je l'ai lu ce midi.

M. JORON: A votre tour, vous les poserez, d'accord.

M. BOURASSA: Vous allez voir cela, des bonnes questions.

M. ROY (Beauce): Ils perdent des membres chaque fois qu'il y en a qui le lisent.

M. JORON: Je me suis attardé...

M. ROY (Beauce): J'ai laissé passer le commercial.

M. JORON: Je me suis attardé, M. le Président, à parler davantage des carences juridictionnelles de l'Etat du Québec en matières économiques, parce qu'elles m'apparaissent les plus importantes. Elles prédéterminent, si vous le voulez, ce qui va se passer dans le domaine social et finalement, l'aboutissement de tout cela, c'est le vaste domaine culturel au sens large du mot. Et quand j'entends le premier ministre nous parler d'une souveraineté culturelle, alors qu'il nous parle d'autre part... Il veut être souverain, il veut être indépendant, si vous le voulez; c'est l'indépendance du Québec au niveau culturel. Mais au niveau social, dans les affaires sociales, cela n'est pas possible, parce qu'évidemment la sécurité du revenu, le contrôle sur la main-d'oeuvre, sur l'immigration, ce sont tous des domaines de juridiction fédérale, Comme il fait une profession de foi dans le fédéralisme, il ne peut pas prétendre vouloir exercer la souveraineté ou l'indépendance sociale, encore bien moins l'indépendance économique, bien entendu.

M. BOURASSA: ... du marché commun.

M. JORON: Si cela nous fait penser, il représente une espèce de société qui va avoir... Si on peut présenter l'exemple d'un individu, un individu qui va avoir la culture, si on peut situer cela au niveau de la tête, peut-être que, dans le cas du chef du Ralliement créditiste, cela se situe ailleurs, mais en tout cas... La culture, la tête va être québécoise.

M. ROY (Beauce): L'honorable député de Gouin, juste pour donner quelques détails...

M. BOURASSA: M. le Président...

M. JORON: C'est juste pour le réveiller, c'est parce que je m'aperçois qu'il est à la veille de s'endormir.

M. ROY (Beauce): Non, M. le Président, question de privilège.

M. BOURASSA: Qu'est-ce que le député de Gouin veut dire?

M. ROY (Beauce): Je vous laisserais tout simplement remarquer qu'on m'avait remis un document et c'est intitulé: Urgent. Je pense que je n'ai pas de permission à demander au député de Gouin pour prendre connaissance des documents qu'on me remet et je voudrais informer l'honorable député de Gouin au cas où il serait inquiet, que je ne dors jamais pendant les sessions.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Gouin.

M. JORON: On aurait une espèce de société québécoise qui aurait une tête québécoise. Je ne sais pas si le premier ministre situe les affaires économiques. Il met peut-être cela au niveau du ventre, mais en tout cas, il va avoir le ventre américain et politiquement — je ne sais pas où la politique se situe, mais en tout cas, imaginons que ce seraient les pieds— il va avoir les pieds canadiens. Vous avez, une espèce de missile à trois étages...

M. ROY (Beauce): Si c'est la tête qu'il touche, ce ne sera pas drôle.

M. JORON: ... qui ne sont pas reliés les uns aux autres et qui dépendent de juridictions différentes et de niveaux de gouvernements différents. Une société, cela ne marche pas ainsi. Une société, cela forme un tout. C'est pourquoi la souveraineté culturelle, il n'y en aura jamais, parce que c'est l'aboutissement, tant qu'il n'y aura pas de souveraineté sociale, c'est-à-dire le pouvoir de faire quelque chose dans le domaine social. Et cela n'arrivera pas non plus tant qu'il n'y aura pas de souveraineté économique. Et il n'y aura pas de souveraineté économique tant qu'il n'y aura pas de souveraineté politique, bien entendu, parce que la souveraineté politique veut dire essentiellement deux choses: le pouvoir de contrôler ses impôts

et le pouvoir de faire des lois. Si on n'a pas ces instruments au départ, on ne parle de rien.

Pour en revenir plus précisément — j'ai bien hâte d'entendre ce que le ministre et le premier ministre pourraient nous dire là-dessus — à cette question des relations fédérales-provinciales, dans le cadre des qualitatifs auxquels on doit maintenant se restreindre, on assiste — je pense que c'est clair — à un empiétement continuel, depuis bien des années et de façon plus précise peut-être, depuis l'avènement du gouvernement Bourassa, à un empiétement continuel du gouvernement fédéral. Il y a le fait qu'évidemment il y a quelque chose à cela qui est lié à la croissance des revenus dont je parlais tout à l'heure du gouvernement fédéral. Il ramasse de plus en plus d'argent et il vient à un point où il est poigné, il ne sait pas quoi faire avec, il faut bien qu'il le dépense quelque part. Cela l'amène à faire des empiétements dans les différentes juridictions. Cet empiétement fédéral est aussi lié — il ne faut pas l'oublier cela, c'est une réalité politique importante — à la volonté du gouvernement fédéral et de tous les partis politiques fédéraux à ce que le fédéral exerce le leadership au pays dans toutes les matières, qu'il puisse conditionner, si vous le voulez, l'évolution et le développement global au sens large de tout le pays. En laissant les miettes, si vous le voulez, quasiment administratives aux gouvernements provinciaux probablement jusqu'au jour ou cela deviendra l'équivalent — comme les journalistes le disaient ce matin — de gros conseils municipaux. C'est à peu près à cela qu'on s'en vient. Je me souviens que le député de Chicoutimi avait déjà appelé le premier ministre actuel du Québec, le plus jeune maire de la plus grosse municipalité d'Amérique. C'est probablement vrai, M. le Président. C'est à peu près à ce stade-là qu'on est rendu. Le Québec, ce n'est plus un Etat comme on l'a dit au temps du gouvernement Lesage.

Cela n'a plus non plus les prétentions d'en devenir un. Cela se restreint graduellement à un rôle municipal et l'essentiel des initiatives viendra d'un autre niveau de gouvernement.

Devant cette évolution des relations fédérales-provinciales, d'une part, est-ce que la profession de foi inconditionnelle dans le fédéralisme de l'actuel gouvernement signifie qu'il accepte, qu'il a accepté cette centralisation inévitable, illogique? Je vous signale que, dans la plupart des fédérations du monde, cette centralisation a été le processus normal, évolutif dans les autres fédérations. Et c'est assez normal aussi. On peut le comprendre assez facilement. Dans la complexité croissante des problèmes d'une société moderne, à un certain moment, il faut qu'il y ait un centre de décision quelque part, qui a le pouvoir. De la même façon qu'on ne peut pas imaginer des corporations privées ou industrielles qui fonctionneraient à partir de deux sièges sociaux ou de deux présidents de compagnie ou des espèces de trucs bicéphales.

Il faut que le pouvoir, finalement, au bout de la ligne, réside quelque part. A titre d'exemple, on parle de stratégie de développement industriel. Qui la fera? Cela sera l'un ou l'autre. Il y a une chose qui est claire, cela ne peut pas être les deux. C'est normal aussi parce que c'est beaucoup plus efficace et beaucoup plus économique. Il me semble que le premier ministre devrait être sensible à ces arguments.

M. BOURASSA: Les vieilles rengaines !

M. JORON: On prend seulement la liste de toutes les conférences fédérales-provinciales, toutes les rencontres qui auront lieu au cours de l'année. Mon Dieu, que d'énergies et de temps et d'argent dépensés...

M. BOURASSA: Les mêmes vieilles rengaines. Tout le temps, les vieilles rengaines!

M. JORON: ... et perdus pour rien. Combien de temps perdu aussi, pas seulement à discuter avec l'autre niveau de gouvernement, mais dans l'immobilisme qui force, dans bien des secteurs, le gouvernement du Québec à attendre. A attendre quoi? A attendre que l'autre niveau de gouvernement ait cédé sur un point, ait finalement concédé un autre point, à attendre qu'on ait réussi à harmoniser des choses qui, parfois, sont inconciliables au départ et qui ne finissent jamais par aboutir. On en voit le cas dans le domaine des affaires sociales. On en voit le cas, par exemple, dans le domaine des communications. Ce pauvre ministre L'Allier. Pauvre ministre des Communications! Je relisais, dans le rapport annuel — juste à titre d'exemple, c'est amusant ; je vous invite à le faire, c'est peut-être finalement ce qui va vous convaincre...

M. BOURASSA: C'est parce que je veux répondre à vos questions.

M. JORON: .. que vous êtes engagé dans un cul-de-sac... Laissez-moi terminer.

M. BOURASSA: Joron, on va se parler tantôt si j'ai le temps, parce que j'ai d'autres choses à faire.

M. JORON: Vous avez dans le rapport annuel de Radio-Québec des citations qui nous remontent presque aux Plaines d'Abraham, des citations de premiers ministres du Québec, à partir d'Adolphe Chapleau, en passant par Sir Lomer Gouin, en passant par Taschereau, en passant par Godbout, par Duplessis, par Lesage, par Johnson, par Bertrand jusqu'à Bourassa et jusqu'au ministre actuel des Communications. On disait, dans les années 1918 ou 1920 à peu près, que les communications — et il n'y avait pas de télévision à cette époque — que la radio était tellement importante pour la cohérence et pour sauvegarder l'homogénéité culturelle de notre peuple, que le gouvernement du Québec

puisse s'adresser — on disait, les formules sont délicieuses — à tous les foyers, à tous les pères et mères réunis autour de la table, etc. On répète 50 ans plus tard exactement la même chose et on n'a pas avancé d'un iota.

M. BOURASSA: Cela n'est pas vrai.

M. JORON: Cela fait longtemps qu'on aurait pu faire Radio-Québec. Combien d'énergies comme cela sont bloquées partout au Québec à cause de ces difficultés d'ordre structurel?

Je me demande comment, enfermé dans sa logique de profession de foi inconditionnelle dans le fédéralisme, le premier ministre ou le gouvernement actuel pourra s'en sortir. Est-ce qu'il pourrait nous dire, d'autre part, les juridictions qu'il estime essentielles si l'Etat du Québec doit être autre chose qu'un gros gouvernement municipal? Qu'est-ce qu'il faudrait? Ne parlons plus de fédéralisme ou de souveraineté, mais venons-en au fait et alignons sur une feuille tout ce qui devrait être, tous les pouvoirs qui devraient être dans les mains du gouvernement du Québec pour permettre au premier ministre, peut-être, de réaliser tous ses rêves. Je ne lui prête pas de mauvaises intentions.

J'imagine qu'il doit être plein de rêves généreux pour la société québécoise. Son problème, malheureusement, est qu'il n'a pas d'instrument pour les réaliser. Qu'il nous fasse donc la liste des instruments qu'il aimerait avoir dans ses mains pour pouvoir les créer ses 100,000 jobs et ces trucs-là...

M. BOURASSA: Ils s'en viennent.

M. JORON: ... au lieu d'être à la merci du fait que quelqu'un d'autre les crée! Bien oui, quand cela va mal, vous dites que c'est la faute de la conjoncture et quand cela va bien, il ne faut pas vous dire que c'est votre faute.

M. BOURASSA: Quand cela va bien, c'est vous qui dites que c'est la faute de la conjoncture et quand cela va mal c'est ma faute.

M. JORON: Quand cela va mal, c'est la conjoncture. Quand cela va bien, cela doit être la conjoncture aussi. Ce n'est pas le premier ministre non plus. En tout cas. Qu'il nous fasse donc la liste de tous les pouvoirs qui seraient essentiels au gouvernement du Québec pour pouvoir assurer le plein développement de la société québécoise. Il sera vital d'avoir, dans cette liste, la majeure partie des pouvoirs économiques. On va se rendre compte bien rapidement que la position constitutionnelle actuelle du gouvernement nous mène à une impasse. Rappelez-vous le processus des Etats généraux du Canada français, cet organisme qui a siégé et réuni des délégués des différents coins de la province pendant plusieurs années. Il n'était pas question de souveraineté ou d'indépendance à ce moment-là. On ne s'est pas attaché aux étiquettes. On a demandé pendant des années à des milliers de personnes d'établir la liste de ce qu'elles voulaient qu'il se passe au Québec, de ce qu'elles voulaient faire du Québec. Deuxième liste en parallèle: Quels instruments cela prend-il pour faire cela? On s'est rendu compte, quand on a eu fini de procéder à ce catalogage, que cela voulait tout simplement dire l'indépendance du Québec, parce qu'on avait réalisé que, pour pouvoir accomplir tout ce qu'on voulait faire, cela prenait tous les instruments suivants et que ces instruments n'étaient rien d'autre que les prérogatives d'un Etat souverain.

Je me demande si le gouvernement est prêt à nous dire que s'il se refuse de reconsidérer sa profession de foi... Est-ce qu'il se refuse, d'une part, à reconsidérer sa profession de foi inconditionnelle dans le fédéralisme? S'il la maintient et que, d'autre part, il continue à dire qu'il veut dans tel et tel domaine faire telle et telle chose et qu'il poursuit tel et tel objectif, comment pense-t-il obtenir non seulement l'argent, la part des revenus fiscaux nécessaires pour pouvoir le financer et le droit de faire ces choses? Comment pense-t-il qu'il va obtenir cela quand, de l'autre côté de la médaille, vous avez du fédéral une fin de non-recevoir? Il n'est pas fou, ce gouvernement. Si on se met dans sa logique, j'imagine qu'on ferait de même. Il ne veut pas laisser partir le contrôle de ce pays parce qu'il s'estime élu pour gouverner, comme c'est normal dans un pays.

En conséquence, on ne peut pas voir à partir de quelle logique le gouvernement fédéral serait prêt à laisser aller des morceaux aussi importants que ceux dont le Québec aurait besoin pour réaliser tout ce qu'il y a à faire au Québec. En vertu de quelle logique le gouvernement fédéral pourrait-il se permettre de les laisser aller? Comment est-ce que, enfermé dans sa logique fédéraliste, le gouvernement peut les obtenir, ces morceaux? Est-ce qu'il ne serait pas plutôt temps de cesser de raconter des sornettes aux citoyens québécois, de leur dire qu'on ne poursuit plus d'objectif de révision constitutionnelle, que le partage fiscal, le nouveau partage fiscal qu'on nous répète comme des voeux pieux à chaque discours inaugural et à chaque discours du budget, c'est pour la frime et qu'on accepte finalement d'être le petit gars bien tranquille à sa place, c'est-à-dire un rôle administratif local ou régionl, si vous voulez. C'est à peu près l'équivalent d'une grosse municipalité.

Eh bien, si c'est le cas, M. le Président, on ne voit pas pourquoi il y a un ministère des Affaires intergouvernementales. La ville de Montréal ou les autres villes du Québec n'ont pas de ministère des Affaires intergouvernementales pour réglementer leurs relations avec les autres niveaux de gouvernement. Au point où en est rendu le Québec, on estime, M. le Président, que c'est un luxe de se payer un ministère des Affaires intergouvernementales qui, à toutes fins utiles, ne sert plus à rien.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable vice-premier ministre.

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, nous allons interrompre nos travaux à ce moment-ci. Je crois qu'il est bon que j'aie également l'occasion d'entendre le porte-parole de l'Union Nationale, l'Opposition officielle, qui devrait être ici à la reprise, si je comprends bien.

M. CLOUTIER (Montmagny): Cela dépend du travail qui a été accompli en Chambre, cet après-midi, en commission plénière.

M. LEVESQUE: Chose certaine, c'est qu'on ne peut pas paralyser tous les travaux. Nous allons continuer ce soir.

M. CLOUTIER (Montmagny): D'accord. La séance de la commission va se continuer et ce sera soit le chef de l'Opposition ou ceux qui ont préparé spécialement le dossier pour l'étude des crédits... Il y en a un des deux qui va exposer le dossier.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La commission suspend ses travaux à 20 h 15.

(Suspension de la séance à 17 h 45)

Reprise de la séance à 20 h 25

M. HOUDE, Limoilou (président de la commission permanente de la présidence du conseil, de la constitution et des affaires intergouvernementales): A l'ordre, messieurs!

Il y a un changement parmi les membres de la commission. M. William Tetley, de Notre-Dame-de-Grâce, remplace M. Choquette d'Outremont.

L'honorable député de Chicoutimi.

M. TETLEY: Avec le consentement des intéressés.

DES VOIX: Ah oui, ah oui!

M. TETLEY: Je suis venu comme invité d'honneur, plutôt, non pas comme membre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est moi qui l'ai invité.

M. TETLEY: Mais un invité, pas d'honneur, un invité, point.

M. JORON: Non? Bien, pourquoi pas?

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, ma programmation a été singulièrement dérangée par l'attitude du leader du gouvernement. Nous avons fait la paix depuis lors et je suis heureux de participer à l'étude de ce budget.

Permettez-moi, M. le Président, dès le départ, de remercier le ministre du texte qu'il nous a communiqué et dont j'ai pris connaissance à l'heure du dfner. C'est un texte bien fait dont je félicite les auteurs et le lecteur. Ce texte, toutefois, M. le Président, outre les renseignements qu'il nous apporte sur l'organisation du ministère, sur ses structures, ses modes de gestion, ses méthodes de travail et son programme d'action, ne nous apprend rien sur la politique du ministère des Affaires intergouvernementales, ministère éminemment important, qui constitue, à mon sens, l'un des mécanismes essentiels de l'administration du Québec. Vous comprendrez que je ne sois pas d'accord avec ceux qui prétendraient que l'on devrait faire disparaître ce ministère, réduire ses crédits à $1 et partant son activité à néant. C'est que l'on n'a pas compris quels étaient le rôle et la fonction du ministère depuis le moment de sa création, alors qu'il s'appelait le ministère des Affaires interprovinciales, devenu le ministère des Affaires intergouvernementales...

M. LEVESQUE: Fédérales-provinciales.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... fédérales-provinciales, dis-je.

Dussions-nous un jour! que je n'ose évoquer, parce que je n'aime pas les catastrophes, vivre en régime indépendant, il faudrait encore que

ce ministère subisse une nouvelle transformation puisqu'il devrait s'appeler le ministère des Affaires étrangères.

Evidemment, M. le Président, on peut rêver en couleur, on peut penser au Paradis perdu en relisant Milton, il faut quand même avoir les pieds sur la terre. Il en est de ce problème général de l'évolution du Québec, du devenir du Québec comme il en est des régimes socio-politiques ou socio-économiques. Il n'est pas de personne pour parler avec éloquence du socialisme comme les mieux nantis de la société du Québec, comme il n'est pas de personne qui parle avec mieux d'éloquence des souffrances des affamés que ceux qui ont le ventre bien plein.

A tout événement, M. le Président, nous voulons ce soir examiner le programme d'action du ministère des Affaires intergouvernementales. Dans le texte que le ministre nous a soumis, je n'ai retenu au fait que la partie qui traite spécifiquement des priorités du gouvernement. Le reste consiste en un ensemble de renseignements techniques que je serai heureux de fournir sous forme de photocopies aux étudiants qui me demandent des renseignements sur l'organisation du ministère.

Alors, j'élimine donc toute cette partie qui est paginée pour m'attaquer à ce que l'on appelle les orientations de travail et au chapitre a) des affaires fédérales-provinciales et interprovinciales.

Dans le discours qu'il prononçait cet après-midi, le ministre, lisant ce texte déclarait: "Les grandes priorités du gouvernement, sur le plan des relations fédérales provinciales, sont les suivantes: La question du financement de la fédération en vue d'atteindre un partage des ressources fiscales les plus conformes aux responsabilités constitutionnelles des gouvernements fédéral et provinciaux.

Le développement économique, plus particulièrement en ce qui concerne le problème des disparités régionales et la lutte au chômage. Troisièmement, le développement social et singulièrement les programmes de sécurité de revenu. Quatrièmement, l'affirmation culturelle du Québec.

On trouve là résumé ce que nous avons appelé lors de l'étude du budget de l'Education, des Affaires culturelles et des Communications, des Affaires sociales, de l'Agriculture et de la Colonisation, etc., l'ensemble de ce qui constitue le contentieux constitutionnel qui doit être, pour le ministre responsable des Affaires intergouvernementales, la priorité.

Nous vivons, M. le Président, en régime fédératif et, en ce qui nous concerne, nous considérons que l'approche la plus réaliste consiste à penser en termes d'une fédération d'Etats qui regroupe un ensemble d'entités qui veulent affirmer leur souveraineté dans les domaines qui sont évoqués dans ce passage du discours du ministre que je viens de lire. Cela nous oblige à poser le problème de la politique du gouvernement en ces diverses matières, en bref la politique constitutionnelle du gouvernement dont le ministre des Affaires intergouvernementales a, avec le premier ministre, la première responsabilité. Celui-ci ne s'étonnera donc point de l'étonnement que j'ai, pour ma part, éprouvé quand je me suis rendu compte qu'en aucun moment, sous réserve évidemment de ses déclarations ultérieures, il ne s'est prononcé sur l'évolution du dossier constitutionnel et sur l'attitude qu'entend prendre son gouvernement pour provoquer l'accélération des relations fédérales-provinciales, dans le sens que nous souhaitons depuis un bon nombre d'années.

Disons au départ que le Parti libéral, comme le parti du Ralliement créditiste et le nôtre, accepte le régime fédératif. Il s'agit d'une association d'Etats responsables dans les domaines de leurs compétences respectives et qui veulent atteindre ce degré de souveraineté qui leur permette de prendre des initiatives sans avoir à consulter le gouvernement central et surtout sans avoir à subir l'autorité d'un gouvernement qui n'a pas le droit d'édicter nos politiques en des domaines qui sont à l'heure actuelle de notre compétence et qui doivent être d'ailleurs élargis.

A côté de nous, il y a un groupe de gens qui préconisent une thèse qui vise évidemment à la disparition du régime fédératif par l'éclatement du Canada via la sécession du Québec. C'est une option sur laquelle j'ai eu l'occasion de me prononcer et je n'y reviendrai pas ce soir; mais, avec des gens responsables, qui ont une connaissance de l'histoire et qui ont comme on a coutume de le dire les pieds sur la terre, j'entends exposer la thèse du parti que je représente à l'Assemblée nationale. Notre parti, M. le Président, tout le monde le sait, a demandé depuis plusieurs années la révision de la Constitution, l'élaboration d'une constitution interne du Québec et la définition des termes de nouveaux pactes d'association entre les Etats membres de la fédération canadienne. Nous rejoignons ainsi, même à plus de cent ans de distance, les préoccupations de ceux qui ont été les auteurs de la Confédération canadienne, de la fédération canadienne comme on devrait l'appeler justement.

Cette fédération canadienne voulait harmoniser les rapports entre des entités politiques qui, à travers les vicissitudes de l'histoire, les avatars de la politique, s'étaient rendu compte qu'il fallait trouver un terrain d'entente ou un modus vivendi qui permît à des gens appartenant à des cultures différentes, ayant une histoire différente, de vivre sur le même territoire et de bâtir, en commun, une grande fédération d'Etats.

Il est arrivé — et je n'insisterai pas sur cet aspect historique — que l'évolution de la Constitution, l'interprétation qu'on en a faite, ont été telles qu'il n'existe plus, à proprement parler, à l'heure actuelle, de constitution canadienne et

que, par mode empirique, les pouvoirs des Etats membres de la fédération se sont trouvés grugés par l'appétit, la voracité et l'impérialisme du gouvernement central à telle enseigne que l'on a pu dire en ces dernières années et particulièrement en ces derniers mois que le gouvernement du Québec n'était plus qu'une initiative locale du gouvernement d'Ottawa.

Le mot d'initiative locale est peut-être un peu fort et caricatural, mais il me paraît quand même décrire assez bien la situation et, surtout, identifier la démarche du gouvernement qui est devant nous.

Pourquoi cela, M. le Président? Parce que l'on a pratiqué, depuis trois ans, quatre ans bientôt, une forme de négociation que l'on a appelée le fédéralisme rentable, dont on attendait beaucoup, mais qui n'a pas donné, en dépit des chiffres et des millions que l'on brandit à tout vent et à tout propos, les résultats que les citoyens étaient en droit d'escompter de cette nouvelle technique du fédéralisme rentable.

Le grand défaut de cette technique, c'est qu'elle impose au gouvernement la pratique des négociations parcellaires et que ces négociations ne s'appuient pas au départ sur des bases de principes. D est devenu nécessaire aujourd'hui de reprendre le problème et de montrer comment doit se faire la conjonction d'une négociation assise sur des principes et en même temps sur des données de faits lorsqu'il s'agit de négocier dans des domaines qui touchent tel ou tel secteur de l'activité socio-économique et socio-politique du Québec.

La première question que je pose au gouvernement, que je me pose à moi-même et que tous les citoyens se posent, est la suivante: Quel est l'objectif final, fondamental que recherche à l'heure actuelle le gouvernement du Québec? Est-il désireux d'obtenir une véritable révision constitutionnelle? Est-il désireux de changer les assises, les bases de la constitution actuelle afin de donner au Québec, à l'Etat du Québec, l'infrastructure qui lui permette d'étendre sa souveraineté?

Je pense que les faits nous permettraient de répondre — le ministre pourra me donner la réplique et c'est son droit — que le gouvernement ne semble pas désireux — du moins, c'est ce qui nous apparaît à prime abord et c'est ce qui ressort des différentes conférences fédérales-provinciales — de remettre en cause les assises de la fédération canadienne et les principes sur lesquels elle a été bâtie.

La seconde question que je voudrais poser au ministre des Affaires intergouvernementales ou au premier ministre s'il était ici, c'est la suivante :

Quels ont été, en termes concrets, outre les montants dont on nous dit que le gouvernement fédéral nous a accordés, quels ont été, dans les divers secteurs des affaires sociales, de l'éducation, des affaires culturelles, des affaires économiques, etc., des communications, du partage des revenus, les résultats concrets et les gains réalisés par le Québec? La troisième question que je voudrais poser au ministre des Affaires intergouvernementales c'est celle-ci: Quelle est, dans la ligne de continuité des gouvernements Taschereau, Duplessis, Lesage, Johnson, Bertrand, la continuité que le gouvernement a voulu suivre dans ses négociations par sa technique du fédéralisme rentable? Je voudrais également demander au ministre s'il croit qu'il est possible, en un temps qui est toujours difficile de déterminer, parce que cela dépend des négociations et que toute négociation est difficile, de nous dire quel est exactement son objectif et si le gouvernement a l'intention de poursuivre ad infinitum le processus des négociations parcellaires avec Ottawa sans avoir au préalable requis l'avis et obtenu le consentement des autres Etats membres de la fédération canadienne par la voie d'une conférence fédérale-provinciale de la nature de celle qui avait été convoquée et tenue grâce à l'initiative de MM. Robarts et Johnson en 1967.

M. LEVESQUE: Interprovinciale?

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Interprovinciale, je m'excuse, M. le Président.

Ce sont là, M. le Président, je crois, les questions fondamentales et qui vous indiquent tout de suite quelles sont, en ce qui concerne ma formation politique, les préoccupations qui sont les nôtres et qui sous-tendent notre politique constitutionnelle. Nous sommes pour une fédération d'Etats mais une fédération d'Etats qui suivent l'évolution de l'histoire et qui s'adaptent à la situation actuelle.

Ce qui veut dire que les Etats membres de la fédération canadienne ne peuvent plus accepter de voir leur compétence, leur champ d'activité réduit à ce qu'on avait défini en 1867 et qui est contenu surtout dans les articles 91, 92 et 93 de la constitution canadienne.

Nous croyons, M. le Président, et j'exprime ici l'opinion de mon parti, que non seulement il est nécessaire, mais qu'il est possible de poursuivre avec nos partenaires canadiens — j'entends d'abord les Etats membres de la fédération canadienne — les négociations en vue d'obtenir, premièrement, une révision de la Constitution et, conséquemment, un nouveau partage des pouvoirs, ce qui implique, bien entendu, un nouveau partage des sources de revenus et une nouvelle approche de ce problème du pouvoir de taxer et de dépenser. Nous croyons, en dépit de tout ce qu'on a dit, de tout ce qu'on pourra dire, que le sort du Québec, que l'avenir du Québec, que l'avenir de la fédération canadienne, et partant du Canada, dépend des négociations. Et, accepterions-nous, pour les besoins de la discussion, même l'hypothèse de l'indépendance du Québec qu'il ne serait pas possible d'éviter cette exigence qui saute aux yeux d'une négociation et d'une négociation qui, même si elle est laborieuse, peut être possible, efficace et effective si nous demeurons à l'intérieur de la

fédération canadienne alors qu'elle serait beaucoup plus aventureuse et beaucoup plus risquée si cette négociation devait s'instituer entre neuf ou dix partenaires contre dix partenaires à l'intérieur de la fédération et un partenaire qui en serait sorti brutalement et brusquement. C'est la position que nous avons défendue en 1966, en 1970 et que, tout récemment encore, nous avons fait entériner par les citoyens qui, avec nous, ont élaboré le programmé du parti qui sera, dans sa version définitive, bientôt soumis à l'examen du public.

M. le Président, nous croyons donc à la possibilité de négocier. Nous comprenons toutefois, et le ministre le sait, lui qui a à négocier avec les membres de son gouvernement, que ces négociations, en quelque domaine qu'elles se fassent et quels que soient les interlocuteurs qui, à un moment donné, se trouvent en présence du gouvernement du Québec, seront longues et difficiles. Mais quand on pense à l'histoire des peuples et quand on prend un peu de recul et que l'on ne s'égare pas dans les sphères confortables des nuages et des idéologies pures, nous croyons que ces négociations, pour difficiles qu'elles puissent être, sont nécessaires et que si longues qu'elles devraient être et si douloureuses qu'eles pourraient être, comptent quand même en termes d'années pour bien peu de chose si l'on se replace dans l'optique de l'évolution d'un Etat qui, parvenu à un carrefour, a besoin de se redéfinir.

C'est là notre attitude. Nous n'en avons pas changé, nous y avons apporté simplement des éléments nouveaux, des éclairages nouveaux et nous croyons que les citoyens qui savent raison garder sont encore capables d'entendre ce langage.

M. le Président, cette attitude nous différencie fondamentalement, radicalement, des partisans de la séparation du Québec, des partisans du séparatisme brutal à coloration socialiste qui nous mènerait fatalement à la dictature que l'on connaît en d'autres pays.

Cette attitude nous différencie peut-être...

M. ROY (Beauce): C'est vrai. M. JORON: Lesquels?

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Vous le savez, M. le Président, le député de Gouin le sait très bien, lui qui a, j'imagine, étudié l'histoire des régimes totalitaires...

M. JORON: Est-ce que vous faites une distinction entre totalitaires et socialistes?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... et les grandes doctrines socialistes qui sous-tendent les régimes totalitaires qui, au départ, se présentent comme des régimes destinés à sauver les peuples et qui finalement les oppriment.

M. JORON: La plupart des régimes totalitai-

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le régime nazi en a donné une preuve...

M. JORON: C'était un régime de droite, ce n'était pas un régime socialiste.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... les régimes... C'était une composition de la droite et de la gauche surveillée très étroitement par les SS qui sont tout simplement le pendant des FLQ qui se trouvent dans le Parti québécois.

Ceci étant dit, M. le Président...

M. JORON: Lesquels?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... je déclare que nous avons avec le parti du Ralliement créditiste, en ce qui concerne l'attitude de nos positions constitutionnelles, des affinités et que nous pouvons nous entendre sur bien des points, comme nous pouvons nous entendre sur bien des points avec le gouvernement actuel, qui a entrepris un travail de négociations avec le gouvernement central en vue de garder le Québec dans la Fédération canadienne.

Je ne reproche donc pas au gouvernement du Québec de poursuivre les négociations qui ont été menées par bien d'autres gouvernements, dont celui de M. Lesage, et négociations qu'a reprises le gouvernement de M. Bourassa.

Ce qui nous inquiète, c'est le style des négociations, les méthodes de négociations et l'absence du moins affirmée de principes qui inspire ces négociations. Je suis convaincu — et personne n'en doute — que dans ces négociations le gouvernement du Québec poursuit l'objectif du bien commun des Québécois. Je ne ferai donc pas de reproche partisan au gouvernement et je ne l'accuserai pas de tous les péchés d'Israël, mais puisque nous sommes à étudier objectivement le budget des Affaires intergouvernementales, le rôle des députés d'Opposition est de dire au gouvernement ce qui paraît être fautif dans ses méthodes et son action, et c'est d'essayer d'apprécier les résultats de ce travail.

C'est, à mon sens, une façon positive de traiter le problème et que le ministre veuille bien prendre ma parole, je ne suis pas venu ici pour palabrer interminablement et utiliser pour ce faire le style de la démagogie dont on se sert malheureusement trop souvent à l'extérieur de cette Chambre, lorsqu'il s'agit de mettre en branle tous les mécanismes de l'émotivité populaire.

J'en ai contre le style de négociations, premièrement, contre les négociations parcellaires. Il est bien évident que le gouvernement ne peut pas échapper à cette exigence de certaines négociations parcellaires, c'est-à-dire des négociations en des domaines particuliers quand se posent des problèmes concrets de mise en marche de plans entre les gouvernements des Etats membres de la fédération et le gouvernement central. Cela se produit régulièrement et

moment. Mais le reproche fondamental que je fais au gouvernement, c'est de penser que toutes les négociations en cette matière vitale de la Constitution doivent se faire de façon parcellaire sans que jamais l'on mette vraiment en cause les principes de base qui sous-tendent l'armature de la fédération canadienne et qui doivent inspirer le gouvernement lorsqu'il aborde le contentieux constitutionnel. On peut très bien aller discuter à Ottawa du problème de l'enseignement postsecondaire; on peut aller à Ottawa discuter du problème de la câblodistri-bution, des problèmes du développement économique régional, des problèmes d'agriculture, des problèmes d'affaires culturelles, ainsi de suite, mais on n'arrivera jamais, à mon sens, à des résultats satisfaisants, on n'obtiendra jamais autre chose que des gains sous forme d'argent, tant et aussi longtemps que l'on ne posera pas au départ le problème en termes de révision de la Constitution.

Le gouvernement fédéral, du reste, l'a bien compris. Il a usé de tous les moyens pour mettre de côté le comité permanent de la réforme fiscale et pour mettre de côté tous les mécanismes qui avaient été institués afin de poursuivre le travail amorcé en 1967, lors de la conférence convoquée par M. Robarts et M. Johnson. Le gouvernement central a tout intérêt à négocier de façon fragmentaire, en des domaines très particularisés, en des secteurs très limités parce que, pendant qu'il négocie et au moment où il accorde aux Etats membres de la fédération canadienne certains avantages qui peuvent jeter de la poudre aux yeux, il poursuit subtilement et rapidement son entreprise de centralisation et d'envahissement des champs de compétence jusqu'alors réservés aux Etats membres de la fédération canadienne. C'est l'astuce du gouvernement central, astuce au fond pas tellement déguisée et pas tellement adroite, mais qui porte ses fruits, qui donne des résultats au gouvernement central en raison même du manque de vigilance et du manque de leadership qui caractérisent les gouvernements d'un bon nombre d'Etats de la fédération canadienne dont le nôtre.

Ce n'est pas ici une attaque personnelle que je fais, mais je crois que l'impasse dans laquelle on se trouve à l'heure actuelle et cette absence de continuité dans les résultats, qu'ils soient de principe ou qu'ils s'expriment en termes de faits, proviennent précisément de ce que le gouvernement du Québec manque de force et de leadership et qu'il croit avoir trouvé la formule magique du fédéralisme rentable et que cette formule magique va lui apporter ce que les autres gouvernements n'ont pu obtenir auparavant. C'est là le grand tort, c'est là la grande faiblesse plutôt du style de négociations du gouvernement du Québec. Un manque de leadership, un manque de force et une façon de "barguiner", si on me permet l'expression, avec le gouvernement central sans jamais poser la véritable question qui est celle-ci: Qu'est-ce que le Québec veut à la fin de la course? Quel est l'objectif final qu'il entend atteindre et quels sont les principes qui le guident dans son action? Il me paraît que le gouvernement actuel, tout en poursuivant sa politique du fédéralisme rentable, qui s'exprime, qui se traduit par des négociations parcellaires dont je viens de parler, ne devrait jamais, dans ces dossiers bien préparés, s'exprimer en termes de revendications concrètes sans avoir au départ établi les principes de base en vue de la révision constitutionnelle et du nouveau partage des champs de compétence et des champs de taxation.

Dans cette démarche, le gouvernement a oublié une chose, c'est que, assumant la responsabilité du pouvoir en 1970, il a voulu, M. le Président, obtenir du gouvernement des gains et des gains qui se traduisent sous forme d'argent, des gains qui soient en ces termes assez impressionnants pour jeter de la poudre aux yeux, pour enthousiasmer les citoyens, mais, ce faisant, il ne s'est pas préoccupé d'asseoir ses demandes et ses revendications sur des positions constitutionnelles, sur des principes constitutionnels, fermes, clairs et nettement définis. A telle enseigne que l'on se demande qui dicte au gouvernement du Québec à l'heure actuelle les attitudes qu'il doit prendre, et je suis enclin à penser que, très souvent, les initiatives que prend chez nous le gouvernement du Québec lui viennent du gouvernement d'Ottawa. Il n'est que de se reporter aux débats de la Chambre, aux nombreuses questions que nous posons pour constater que toutes les fois que nous interrogeons le gouvernement sur des problèmes particuliers, sur des dossiers spécifiques, que nous lui demandons de faire l'état de la question et de nous dire à quel moment telle consultation a eu lieu, d'abord s'il y a eu consultation, à quel moment a-t-elle eu lieu, le gouvernement a été jusqu'à présent, en de très rares occasions, capable de nous répondre. On nous dit: Oui, il y a eu des rencontres. On demande à quel moment, entre qui. Est-ce au palier des fonctionnaires? Est-ce à celui des ministres? Un ministre nous dit oui, l'autre ministre nous dit: Non, c'est au palier des fonctionnaires; oui, les ministres se sont rencontrés, mais quand on essaie de faire la synthèse.

On se rend très bien compte que le gouvernement agit la plupart du temps quand le gouvernement central a déjà pris l'initiative des opérations.

Or, c'est justement ce qu'il faut inverser. C'est ce processus qu'il faut changer. Il faut que le gouvernement du Québec, en toutes les matières qui regardent sa souveraineté et ses champs de compétence, prenne l'initiative des opérations et, eu égard à tout le travail qu'a accompli le gouvernement central, à l'envahissement dont je parlais tout à l'heure et à sa rapacité, le moment est venu pour le Québec de dicter, en des termes clairs, à ses partenaires de la fédération canadienne et au gouvernement

central, quelles sont les conditions qui vont nous permettre et permettre aux citoyens du Québec d'accepter de poursuivre l'expérience du fédéralisme.

Ces observations, je les fais en toute conscience et en toute objectivité au ministre des Affaires intergouvernementales et aux membres de cette équipe afin de savoir exactement dans quel sens s'infléchit la politique constitutionnelle de ce gouvernement.

Je n'irai pas déclarer, parce que cela serait injuste et cela serait naiï et stupide, que le gouvernement actuel n'a rien fait. Il faut quand même être assez honnête pour accepter des réalités et admettre que le gouvernement a entrepris une tâche difficile et que, comme le disait lui-même le ministre cet après-midi, même si les succès ont été relatifs, il y a eu certains progrès. Mais ces progrès, je m'interroge sur leur qualité et sur les effets qu'ils peuvent avoir si je les replace dans cette perspective générale des négociations qu'il nous faut, à tout prix et à très brève échéance, entreprendre en vue d'obtenir que l'on revise la constitution canadienne, que l'on définisse les champs de compétence des Etats membres de la fédération et que l'on s'interroge, comme le faisait la semaine dernière le premier ministre Davis, sur le rôle qui doit être dévolu au gouvernement central, rôle qui, en 1867, avait été défini comme devant être celui d'un agent régulateur des relations entre les Etats membres de la fédération canadienne en vue de la création d'un pays dont la vitalité, le développement social et économique dépendaient de l'initiative des Etats membres de la fédération à la suite des conférences de 1864 et de 1867.

C'est pourquoi, contrairement à ceux qui pensent, à ceux qui pourraient prétendre que le ministère que dirige le député de Bonaventure n'a pas de valeur, je crois que c'est par excellence l'âme et le moteur du Québec, que c'est le ministère le plus important. C'est ce ministère qui doit fournir à tous les autres ministères les instruments qui leur permettent d'agir dans les domaines de leur compétence respective.

Nous avons eu l'occasion de discuter, lors de l'étude du budget du ministère des Affaires sociales, le problème de la sécurité sociale, du revenu minimum garanti, enfin, de toutes ces questions, de tous ces problèmes réunis sous le titre général d'affaires sociales.

On a fait la même chose au ministère de l'Agriculture, au ministère des Richesses naturelles, aux ministères des Affaires municipales, de l'Education, des Communications, des Affaires culturelles, des Terres et Forêts, et ainsi de suite. Et à chacun des ministres, nous avons posé la même question. Quel est exactement, en ce qui concerne le contentieux constitutionnel, l'état de la question? Où en sommes-nous? Quel progrès avons-nous marqué? Quelles sont les étapes qui doivent suivre et quels moyens entend prendre le gouvernement pour faire évoluer les relations fédérales-provinciales dans le sens qu'il le désire et que le premier ministre a maintes fois formulé en des slogans à caractère politique — je ne lui reproche pas d'utiliser des slogans à caractère politique quand il s'adresse à des groupes politisés et partisans — lorsqu'il parlait d'une souveraineté économique du Québec et lorsque, tout récemment, il a parlé de la souveraineté culturelle du Québec.

M. le Président, ce sont ces questions que nous nous posons, que nous posons au ministre ce soir. Quel est l'état du dossier des communications? Quel est l'état du dossier des affaires culturelles? Quel est l'état du dossier de l'éducation? Quel est l'état du dossier du, développement économique régional? Quel est l'état du dossier de l'exploitation du développement des richesses naturelles? Quel est l'état du dossier dans le domaine des droits miniers sous-marins? Quel est l'état du dossier en ce qui concerne Perspectives-Jeunesse, Horizons nouveaux, Initiatives locales? Quel est l'état du dossier en ce qui concerne les parcs nationaux? Quel est l'état du dossier en ce qui concerne les sites, les monuments historiques et les sites archéologiques? Quel est l'état du dossier en ce qui concerne le financement des municipalités? Quel est l'état du dossier en ce qui concerne le financement des fermes, les regroupements de fermes? Quel est l'état du dossier en ce qui concerne également les relations internationales du Québec? Parce que, indépendamment de tous les propos démagogiques que l'on pourra tenir sur les maisons du Québec à l'étranger, il n'échappe à personne que dans un Etat évolué et qui a compris ce que signifie ce qu'on appelle les grands ensembles et l'évolution des civilisations par le moyen des communications actuelles, l'on ne peut pas vivre ici en régime autarcique et qu'il faut absolument institutionnaliser des relations avec les grands pays du monde, avec les pays qui représentent les plus vieilles civilisations du monde et avec les pays actuellement en voie de développement.

Quel est donc l'état du dossier en ce qui concerne ces relations avec les pays qu'on appelle étrangers, c'est-à-dire dans le domaine des relations internationales? Parce que le domaine des relations internationales, quand on l'examine dans l'optique de l'évolution de la constitution canadienne, constitue simplement un élargissement d'une compétence des Etats membres de la fédération canadienne déjà consacrée dans la Constitution de 1867. Certes, le Québec, en ce domaine comme en celui de l'immigration, accuse un retard. Il s'est avisé, assez tard, des droits qu'il avait d'agir dans le domaine des relations internationales. Mais le mouvement étant engagé, il faut maintenant le poursuivre et donner à nos relations internationales une expansion qui corresponde non seulement à nos exigences socio-culturelles mais peut-être plus encore à nos exigences économiques.

C'est cet ensemble de questions, M. le

Président, que je souhaiterais ce soir poser au ministre des Affaires intergouvernementales, ayant auparavant défini l'attitude de mon parti, ayant situé mon parti et ayant précisé, encore une fois, quelle est notre politique en matière constitutionnelle. On nous a, à maintes reprises, fait le reproche de n'être pas, comme on le dit vulgairement, branchés, de ne pas avoir de solution nouvelle, de ne pas traduire en des termes absolument percutants et très nouveaux les préoccupations qui sont les nôtres. M. le Président, nous ne cherchons pas le nouveau pour le nouveau. Nous considérons que nous vivons dans un contexte physique, d'abord historique, physique, géographique, économique particulier, qui est le contexte nord-américain, que nous devrons, quoi qu'il advienne, continuer de vivre à côté et avec nos voisins nord-américains, et que nos premiers partenaires, dans cette aventure de notre avenir et de notre devenir, sont, avant tout, ceux qui historiquement ont été les nôtres depuis 1760 et plus particulièrement depuis 1867. Nos partenaires sont aussi nos voisins des Etats-Unis. C'est là une réalité ou ce sont des réalités qu'il n'est pas possible de faire disparaître et ce ne sont pas des idéologies sectaires qui vont faire un sort à des faits que personne ne peut nier et avec lesquels on est obligé de compter tous les jours. Par conséquent, notre position est réaliste et, si nous avons des reproches à faire au gouvernement, ce n'est pas que nous ne nous entendions point sur l'objectif global, mais c'est que nous ne nous entendons pas sur les modes, sur les façons, les moyens d'atteindre un objectif; objectif qui disparaît de plus en plus, qui s'estompe de plus en plus dans la brume des négociations actuelles qui, non seulement traînent en longueur, mais qui paraissent devoir aboutir constamment à des culs-de-sac. Certes, on va nous dire: Mais qu'est-ce que vous avez fait pendant que vous avez été là? Le problème n'est pas de savoir ce que nous avons fait pendant que nous avons été là et ce que les autres gouvernements ont fait alors qu'ils étaient là. Le problème est de savoir comment, si tous les autres gouvernements se sont trompés, on peut changer la situation, l'améliorer et atteindre des objectifs dont tout le monde parle depuis des années; objectifs qui viennent d'être d'ailleurs rappelés et précisés par les divers gouvernements qui ont participé à la dernière conférence d'Ottawa. Nous avons récemment soumis, à l'attention des citoyens, le projet qui est une ligne maîtresse de notre programme, d'une conférence interétatique, c'est-à-dire une conférence qui doit se tenir entre les membres, entre les gouvernements des Etats membres de la fédération canadienne. Certains éditorialistes prétendent qu'il n'est pas possible de faire se rencontrer les gouvernements des Etats membres de la fédération canadienne et de les faire s'entendre sur des objectifs. C'est du moins ce qu'on prétendait, il y a quelques jours à peine.

Or, à la conférence d'Ottawa, l'on a entendu M. Davis et l'on a perçu dans les propos des autres chefs de gouvernement, une volonté bien nette de tenir des conférences et d'avoir des discussions, d'engager des discussions d'un gouvernement à l'autre, des dix gouvernements des Etats membres de la fédération canadienne afin de reprendre, à pied d'oeuvre s'il le faut, toute la question de la révision constitutionnelle.

Nous avons interrogé le premier ministre cet après-midi à ce sujet. Le premier ministre a été très évasif; selon son habitude, il a tenté de noyer le poisson, mais on sentait très bien, par exemple, que l'embarras qu'il éprouvait provenait du fait qu'il s'était rendu compte qu'il avait manqué le bateau et que le leadership lui avait échappé lors de la dernière conférence d'Ottawa. Ah ! Il est allé là-bas avec des dossiers bien préparés. Le ministre en parle là-dedans, je ne sais plus à quelle page de ce beau texte qu'on a bien rédigé pour lui; il a parlé de dossiers bien préparés. Je suis bien heureux que le premier ministre ait des dossiers bien préparés. Nous en avons eu aussi, des dossiers bien préparés. Certains étaient faussés par l'attitude de certains fonctionnaires que j'ai identifiés il y a quelques jours et je ne reviendrai pas sur ce sujet parce que ceux-ci m'ont fait l'honneur de ce qu'on a appelé dans un journal, une cinglante réplique, à laquelle je ne ferai pas un sort parce que le coup ayant porté, je me suis rendu compte que j'avais frappé juste.

Alors, le premier ministre est allé avec un dossier bien préparé. Mais ce dossier bien préparé — je le dis en toute amitié au leader du gouvernement — il me semble qu'il lui manquait un chapitre, celui de l'affirmation, non pas seulement des principes abstraits qui peuvent soutenir une thèse constitutionnelle ou la sous-tendre, mais en termes de demandes précises sur des sujets déterminés. Je suggère au premier ministre de relire les propositions qu'avait faites — et au ministre des Affaires intergouvernementales, bien entendu — M. Johnson lors de la conférence de 1967, lors des conférences de 1968 et les propositions qu'avait faites M. Bertrand dans les conférences qui ont suivi et auxquelles j'ai participé.

M. le Président, je ne veux pas discourir plus longuement là-dessus. J'ai posé au ministre des Affaires intergouvernementales un certain nombre de questions. J'ai essayé de situer la position du parti qui est le mien et je l'ai fait simplement pour que l'on entende et que l'on comprenne que tous les citoyens du Québec et que tous les membres de l'Assemblée nationale ont une volonté commune, c'est de bâtir un Québec qui soit à la dimension des aspirations des Québécois. Mais ça, ce ne sont que des mots. C'est de la littérature pour députés éphèbes. Ce ne doit pas être là l'attitude de gens qui veulent décidément et résolument prendre le taureau par les cornes et notre attitude à nous, c'est de demander au gouvernement de

nous dire, une fois pour toutes, où il va. Est-ce qu'il veut poursuivre la révision constitutionnelle? Pour quelles raisons? En vertu de quels principes? Par quels moyens, étant donné qu'il a épuisé, à l'heure actuelle, il me semble, les possibilités du fédéralisme rentable? Le premier ministre disait quand il a pris le pouvoir: Ma technique de négociation s'appuiera sur des données économiques.

Mais, au moment où il a proclamé sa foi en la souveraineté culturelle du Québec, il disait ceci: J'ai cru au départ — je ne cite pas verbatim mais substantiellement — que la technique du fédéralisme rentable devait s'appuyer, d'abord et avant tout, sur des données de faits, mais je crois que le temps est venu maintenant de poser les problèmes en termes de principes et de revenir aux idées maîtresses qui doivent inspirer la constitution ou qui inspiraient la constitution canadienne. C'est donc, à cette conjonction que j'invite le premier ministre à revenir et je souhaite, M. le Président, et c'est là mon dernier mot, que le ministre des Affaires intergouvernementales ajoute le chapitre qui manque au texte qu'il a lu cet après-midi et qu'il est certainement en mesure d'improviser maintenant pour nous dire exactement quelle est la politique constitutionnelle de son gouvernement et quelles en sont les articulations majeures. Autrement, je continuerai de penser que ce gouvernement est à la remorque d'un autre, qu'il a pris le pouvoir sous de fausses représentations et qu'il entretient dans le public des leurres, des illusions qui risquent de prêter, de donner des armes aux destructeurs avoués ou cachés du Québec et du Canada.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Beauce.

M. ROY (Beauce): M. le Président, quelques mots seulement pour compléter l'intervention que j'ai faite cet après-midi parce que je crois que le député de Chicoutimi a fait un exposé très complet de la situation. Il l'a fait brillamment. Cela m'arrive rarement de louer les mérites d'un collègue d'un parti différent, mais je pense que le député de Chicoutimi quand même mérite ce point, d'avoir très bien brossé le tableau.

M. le Président, suite à ce que je disais cet après-midi, on se rend compte également que rien ne va plus dans ce domaine et je serais porté à faire un parallèle entre la situation dans laquelle le gouvernement se trouve, avec les relations fédérales-provinciales et la situation dans laquelle le gouvernement se trouve avec le conflit de la construction.

Cela se ressemble étrangement. Le gouvernement ne sait pas où il est et le gouvernement ne sait pas où il va. Il est empêtré par ses propres déclarations, par ses législations, par ses décrets et autres.

M. le Président, j'ai dit cet après-midi que tant et aussi longtemps que des conférences constitutionnelles de cette envergure auraient lieu à huis clos, et que l'on ne permettrait même pas aux membres élus, membres de l'Assemblée nationale du Québec, représentant des groupements politiques représentés à l'Assemblée nationale, d'assister à ces conférences à titre d'observateurs, je ne croirais pas à la sincérité, à la logique et à l'objectivité du gouvernement. La question des relations fédérales-provinciales ne doit pas être l'apanage exclusif d'un parti politique au pouvoir. Je pense que l'Assemblée nationale devrait avoir un mot à dire là-dedans. En ce qui me concerne, je suis renversé de constater que, depuis trois ans que nous siégeons à l'Assemblée nationale, l'on s'est moqué de nous; on a eu les informations que l'on a bien voulu nous donner, quand on a voulu nous les donner et on n'est pas plus avancé aujourd'hui que nous l'étions lorsque nous avons été élus.

Je me demande si c'est le gouvernement qui fait défaut ou je me demande s'il y a quelque chose qui se passe de pas très normal au ministère des Affaires intergouvernementales. J'ai fait allusion, cet après-midi, aux questions que nous avons inscrites au feuilleton et je suis encore surpris, renversé de constater qu'il est impossible d'avoir des réponses à ce sujet.

M. le Président, le gouvernement s'est conduit, à la dernière conférence constitutionnelle, comme un marchand — pas un marchand, je m'excuse M. le Président, je m'empresse de retirer ce mot — un mendiant de "candy" pour des avantages électoraux. Le premier ministre s'en est allé négocier à la conférence constitutionnelle à Ottawa, un peu à la cachette, sans vouloir répondre aux questions qu'on lui a posées à l'Assemblée nationale, sans nous dire ce qu'il y avait dans ses dossiers pour pouvoir arriver et nous dire et nous lancer quelques petits slogans électoraux.

M. le Président, tant et aussi longtemps que le gouvernement en place se conduira de cette façon, le gouvernement se fait l'artisan — et je dis bien l'artisan — de la destruction du pays, de la destruction du Canada et de la destruction du Québec à l'heure actuelle. C'est pourquoi je me demande s'il n'y a pas quelqu'un quelque part qui aurait intérêt à ce que ça se fasse. M. le Président, je ne veux pas attaquer des individus sur le plan personnel mais je m'interroge lorsqu'on a vu agir une personne, et je veux parler de ses gestes en tant que fonctionnaire du gouvernement, M. Claude Morin, qui a été fonctionnaire du gouvernement provincial et qui a été conseiller du gouvernement Lesage, du gouvernement Johnson, du gouvernement Bertrand et du gouvernement Bourassa en matière de relations fédérales-provinciales et qu'on constate aujourd'hui qu'on n'est pas plus avancé que nous l'étions. A partir de ce moment-là, M. le Président, je me pose deux questions: Est-ce que ces personnes avaient de l'influence ou si elles en étaient complètement dépourvues, si c'étaient des personnes qui étaient incompé-

tentes ou si c'étaient des personnes qui, évidemment, occupaient un poste en vue d'autres objectifs, en vue d'autres avantages? Je pense qu'on peut réellement se poser la question.

M. le Président, le gouvernement n'a pas le courage, et je dis bien le gouvernement n'a pas le courage de convoquer la commission parlementaire des affaires intergouvernementales ou une autre commission parlementaire fondée spécifiquement pour qu'on s'assoie autour d'une table, ici à Québec, et qu'on prenne le temps — les différents membres qui pourraient faire partie de la commission parlementaire — d'examiner les dossiers, définir des objectifs, pour qu'on sache à quoi s'en tenir. Pourtant, lorsque le gouvernement irait négocier à Ottawa, à ce moment-là, il pourrait y aller non seulement avec l'appui du caucus ministériel, mais avec l'appui de l'Assemblée nationale, même si, cela devait faire l'objet d'une motion à l'Assemblée nationale.

Je dis, M. le Président, que c'est pour rien, c'est inutile, on gaspille l'argent des contribuables du Québec, on augmente les déceptions et on produit en quelque sorte un climat qui est en train de pourrir complètement les relations entre nos différents gouvernements. J'écoutais le député de Gouin, un peu avant le souper, qui parlait du gouvernement fédéral comme si ça avait été le gouvernement de la pire république de bananes qui puisse se trouver au monde. Or, M. le Président, je dis quand même que nous avons encore le pouvoir d'élire des représentants au gouvernement fédéral, et le gouvernement fédéral est quand même le gouvernement du Canada, notre pays, mon pays. Je le dis, M. le Président, ça fait rire le député de Gouin, il rira tant qu'il voudra, ça ne m'impressionne pas du tout, je ne suis pas séparatiste et tout le monde le sait. Mais je pense quand même que nous avons besoin d'un palier supérieur d'administration. J'ai peut-être une chose que je pourrais ajouter ici et qui ferait rire le député de Gouin, c'est que lorsqu'on parle des différents pouvoirs entre différents paliers de gouvernement, il y a les pouvoirs et les responsabilités qui incombent au fédéral ou encore qui incombent au provincial, il y a un partage de juridictions nécessaires, mais il faudrait aussi parler d'un troisième palier de gouvernement, et celui-là plus près du peuple, c'est le pouvoir municipal. Or, on sait très bien que le Parti québécois est aussi centralisateur sur le plan provincial, pour tâcher d'enlever les pouvoirs des municipalités, comme le gouvernement fédéral peut sembler l'être ou peut l'être encore au niveau des relations fédérales-provinciales.

M. le Président, je reviens sur ce point. L'honorable leader du gouvernement, le ministre des Affaires intergouvernementales, avait demandé si nous avions des suggestions, de lui en faire. Je me permets de lui en faire une. Qu'on prenne donc le temps nécessaire de convoquer la commission parlementaire, d'étudier le dossier, d'examiner là où on en est rendu et de savoir surtout où sont les attaches, si attaches il y a, et quelles sont ces attaches, qu'est-ce qui empêche le gouvernement de définir ses positions, de les faire connaître publiquement. Je me demande pour quelle raison le gouvernement hésite à faire connaître ses positions au public. On a discuté, aujourd'hui, à la suite des questions que j'ai posées au gouvernement, sur les allocations familiales. Il est évident que c'est un dossier sur lequel le gouvernement n'a pas été très bavard, on nous dit que c'est au niveau des négociations.

M. le Président, négocier entre deux paliers de gouvernement, quand même, je trouve que c'est suffisamment important pour qu'on se donne la peine au moins de consulter ou d'informer les représentants élus du peuple. On se moque de nous tout simplement à l'heure actuelle de ce côté-là, et le résultat qu'a obtenu le gouvernement démontre clairement que non seulement il ne peut pas avoir un consensus et obtenir gain de cause à Ottawa, mais je pense que le gouvernement fédéral se moque de lui parce que justement on ne prend pas les mesures nécessaires de façon à être bien appuyé quand on va à Ottawa et à voir bien des dossiers.

Si on est capable de se réunir autour d'une table, de définir les positions du Québec et de s'entendre sur des objectifs majeurs, sur des besoins prioritaires, à ce moment-là il faut aller défendre une position à Ottawa et y aller avec force, y aller avec appui. Je pense que le Québec serait en bien meilleure situation de négocier ou d'obtenir gain de cause sur certains dossiers. Je pense que c'est fondamental. On pose des questions à l'heure actuelle et on regarde, nous, les membres de l'Assemblée nationale, on essaie d'avoir un peu de documentation pour trouver quelles sont les ententes qui ont pu intervenir entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Je l'ai dit cet après-midi, M. le Président, je ne veux pas prolonger indûment, mais je veux faire un bref parallèle. En vertu de quelles dispositions législatives le gouvernement va-t-il négocier? En vertu de quelle autorité, de quelle autorisation le gouvernement va-t-il négocier avec le gouvernement fédéral? Les personnes qui sont autorisées à signer pour et au nom du Québec sont autorisées par qui? Sont-elles autorisées par le Parti libéral, par arrêté en conseil ou par certaines dispositions législatives, par certaines lois? La seule loi que nous trouvons dans les statuts du Québec, c'est la loi de 1942. Est-ce qu'elle est encore en vigueur? J'ai posé la question à l'honorable leader du gouvernement. J'espère que ce soir nous allons pouvoir avoir une réponse à ce sujet. Est-ce qu'il y a eu d'autres lois qui ont été adoptées par la suite? Que le gouvernement nous le dise! Quelles sont les personnes qui ont été autorisées à signer pour et au nom du gouvernement du Québec? Qu'on nous dépose une copie des ententes intervenues entre le fédéral et le provincial!

Qu'on nous fournisse donc un dossier complet sur ces choses !

M. le Président, je pense quand même qu'il n'est pas nécessaire qu'on revienne toujours pour inscrire dans le feuilleton des motions de dépôt de document auxquelles le gouvernement ne répond pas. Le ministère des Affaires intergouvernementales semble complètement aveugle. Il y aurait bien d'autres articles, bien d'autres sujets que nous pourrions discuter sur ce point. J'ai d'autres questions à poser, j'y reviendrai tout à l'heure lorsque nous aurons eu le privilège — je dis bien le privilège, si privilège il y a — d'entendre l'honorable leader du gouvernement et j'espère qu'à ce moment-là nous pourrons commencer à avoir des éléments de réponse aux questions que je lui ai posées, que nous lui avons posées et aux questions que lui a posées le député de Chicoutimi tout à l'heure.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Gouin.

M. JORON: Avant d'entendre la réponse du ministre des Affaires intergouvernementales aux questions que nous lui avons posées cet après-midi et plus tôt en soirée, les interventions récentes des députés de Chicoutimi et de Beauce quand même m'incitent à soulever une question qu'il serait peut-être intéressant d'éclaircir au départ, de façon à éclairer cette discussion constitutionnelle qui s'engage. Il apparaît dans un cas comme dans l'autre que certaines de leurs positions et déclarations témoignent d'une méconnaissance assez surprenante de l'histoire constitutionnelle canadienne et du droit constitutionnel.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'invoque le règlement.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Chicoutimi, question de règlement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, vous me corrigerez si ce n'est pas exact. On m'a informé que cet après-midi le représentant de mon parti avait déclaré que c'est moi ou le chef du parti qui, ce soir, ferait un exposé général. Tout à l'heure, le député de Beauce a repris brièvement certains aspects qu'il n'avait pas traités cet après-midi et il avait été, m'a-t-on dit, assez bref cet après-midi, mais je suis valablement informé par documents officiels que le député de Gouin a quand même consacré près de trois quarts d'heure et même au-delà à l'exposé de la politique de son parti.

Je ne crois pas que ce soit le lieu pour discuter ici des attitudes des différents partis politiques. En cours de discussion des différents programmes du ministère, il sera loisible au député de Gouin de faire ses observations et de corriger les impressions qu'il croit être inexactes et qui pourraient être considérées comme une mauvaise interprétation de la politique de son parti.

J'estime que, M. le Président, si vous permettez au député de Gouin de reprendre la parole et de foire un autre exposé général ou de répondre à ceux qui ont été faits, je vous demanderai la permission d'y revenir.

M. LEVESQUE: Je pense bien que le député de Gouin n'avait pas objection à ce que je lui donne une première...

M. JORON: Non. J'ai demandé la parole. C'est parce que j'avais quelque chose à ajouter à ce que j'ai dit cet après-midi. Je ne vois pas quel article du règlement m'empêche de compléter l'exposé que j'ai fait cet après-midi...

M. LEVESQUE: Dans ce cas, vous ne permettrez pas au gouvernement de donner son point de vue.

M. JORON: Oui, certainement. Bien entendu, vous aurez l'occasion de le faire. Vous l'avez déjà fait pendant près d'une heure cet après-midi. J'en ai pour à peu près cinq minutes.

M. LEVESQUE; Pas nécessairement sur les sujets que vous avez abordés par la suite.

M. JORON: C'est-à-dire?

M. LEVESQUE: Je ne qualifierai pas les genres de propos que vous avez tenus, mais je n'ai pas eu l'occasion de me prononcer ou de vous répondre.

M. JORON: D'accord. Je voudrais ajouter quelque chose à ce que j'ai dit cet après-midi. J'en ai pour cinq à dix minutes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous permettez cela, j'aurai aussi moi d'autres choses à ajouter, le député de Beauce en aura et j'en aurai d'autres et le député de Gouin en aura d'autres, le ministre en aura d'autres, etc. Si vous permettez ce genre de procédure, nous allons palabrer assez longuement avant d'aborder l'étude spécifique des programmes.

M. LEVESQUE: Je crois que je suis d'accord avec le député de Chicoutimi; autrement, nous n'étudierons pas les crédits. Nous ferons...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... de l'académisme.

M. LEVESQUE: Oui.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable vice-premier ministre.

M. LEVESQUE: Merci, M. le Président.

M. JORON: M. le Président, sur les questions de règlement, je vous ai demandé la parole que vous m'avez accordée tout à l'heure. Je vous demande si je peux poursuivre le complément à mon exposé de cet après-midi.

M. LEVESQUE: Vous aurez l'occasion de le faire dans quelques minutes.

M. JORON: Est-ce que je peux vous demander en vertu de quel article du règlement vous pouvez retirer le droit de parole après l'avoir accordé à quelqu'un pour le donner à quelqu'un d'autre?

M. LEVESQUE: Simplement parce qu'il y a des remarques d'ordre général qui sont faites par chacun des partis au début. C'est la tradition. Réellement, si nous nous en tenions au règlement, nous passerions au programme no 1, mais, traditionnellement, nous avons toujours accepté que chacun des partis fasse, par son porte-parole, une sorte d'entrée en matière, une étude générale, une discussion générale, mais à ce moment je crois que chacun des partis a eu le temps de s'exprimer. Vous avez certainement eu le loisir de le faire cet après-midi, personne ne vous a interrompu même si à certains moments, cela était bien tentant.

M. JORON: Je vous ferai remarquer que le premier ministre s'est plu amplement à le faire.

M. LEVESQUE: Quant à moi, je ne vous ai pas interrompu. Je n'ai pas l'intention de le faire non plus ce soir et j'aurais simplement quelques remarques à ajouter; ensuite, vous aurez certainement l'occasion de revenir à tout propos pour ajouter à ces remarques.

M. SAMSON: Sur ce point de règlement, s'il vous plaît.

M. LEVESQUE: Oui.

M. SAMSON: J'ai cru comprendre que le ministre venait de mentionner que cela était l'usage de permettre à un représentant de chaque parti de faire des remarques, des observations générales. Est-ce que le ministre a bien exprimé sa pensée ou s'il ne voulait pas plutôt dire que c'est également permis à tous les députés membres d'une commission ou encore qu'il est d'usage de permettre aux autres députés qui viennent à la commission de s'exprimer également de façon générale au programme 1? Est-ce que je vous ai bien compris?

M. LEVESQUE: Le député de Rouyn-Noranda avait été remplacé par le député de Beauce.

M. SAMSON: Ce n'est pas la question que je vous ai posée. Je pose la question suivante: Est-ce que vous avez voulu dire par là que vous limitiez ou que les observations générales sont limitées à un représentant par parti ou si les...

M. LEVESQUE: Si on s'en tient au règlement, il y a un député du Ralliement créditiste qui est membre de la commission.

M. SAMSON: Ce n'est pas cela que je vous ai demandé.

M. LEVESQUE: Ah bon!

M. SAMSON: Est-ce que vous avez voulu dire par là que c'est limité à seulement un représentant par parti ou si tous les députés qui siègent à la commission peuvent...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas une question de représentant par parti...

M. SAMSON: ... le faire?

M. LEVESQUE: ... mais de membre de la commission.

M. SAMSON: Parce que vous avez soulevé... Je m'excuse mais l'honorable leader parlementaire...

M. LEVESQUE: Cela n'intéresse pas le Ralliement créditiste. Vous avez un membre à la commission. Il a parlé.

M. SAMSON: Je regrette, mais cela intéresse tout le monde ici. L'honorable leader parlementaire a semblé vouloir dire que cela était limité seulement à un représentant par parti, alors que...

M. LEVESQUE: Si nous nous en tenions au règlement, le député de Rouyn-Noranda ne parlerait pas présentement sans la permission de ses collègues.

M. SAMSON: Est-ce que vous m'avez permis de poser une question?

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Oui.

M. SAMSON: Bon. C'est encore sur la même question.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La question est posée...

M. LEVESQUE: Mais le président ne peut... M. SAMSON: Je n'ai pas obtenu de réponse.

M. LEVESQUE: ... le faire qu'avec l'accord des autres membres de la commission, à strictement parler. Quant à moi, je suis toujours heureux d'entendre le député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Je n'ai pas eu connaissance que vous ayez demandé aux autres membres de m'empêcher de parler et je n'ai pas eu connaissance que mes collègues aient manifesté ce désir non plus.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): Vous aviez seulement une simple question à poser. Votre question est posée. Je donne la parole à l'honorable...

M. SAMSON: Un instant! Ah! Ah! Un instant! Il n'a pas répondu à ma question! Je veux une réponse parce que je pense qu'en vertu de notre règlement, en vertu de ce qui est édicté dans ce petit livre vert, il y a également les us et coutumes ou les précédents. L'an passé, à cette même table, il avait été permis à tous les députés siégeant à l'Assemblée nationale de faire des remarques à l'article 1 et c'est ce que je demande, si on va...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): On n'est pas à l'article 1.

M. SAMSON: Au début, si vous préférez.

M. LEVESQUE : Je dirai au député de Rouyn-Noranda que, quant à moi, je ne veux pas être procédurier. Si je l'étais, je dirais au député de Rouyn-Noranda qu'il n'a pas le droit de parole présentement.

M. SAMSON: M. le Président, je préfère que vous demandiez à l'honorable leader parlementaire de me dire carrément...

M. LEVESQUE : C'est moi qui vous le dis.

M. SAMSON: ... que je n'ai pas le droit de parole et de dire carrément qu'il ne veut pas que je prenne la parole. Dites-le moi carrément si c'est cela que vous voulez dire.

M. LEVESQUE: Non, non! Au contraire! Je tiens à rappeler les dispositions de notre règlement d'abord. Deuxièmement, j'ai dit et je le répète, je ne suis pas procédurier au point de m'empêcher d'avoir le plaisir et d'empêcher nos honorables collègues d'avoir le plaisir d'entendre le député de Rouyn-Noranda dont les interventions sont toujours très intéressantes, même si elles le sont hors d'ordre. Et je dirai également...

M. SAMSON: M. le Président, j'invoque le règlement. Le leader parlementaire n'a pas le droit de me dire à ce moment-ci que je suis hors d'ordre. C'est à vous de me le dire.

M. LEVESQUE: C'est une suggestion que je faisais. Alors, je dirai au député de Rouyn-Noranda que s'il est permis de dire au moins quelques mots... Je fais une demande très modeste, d'ajouter quelques mots à ce qu'ont dit le représentant officiel du Ralliement crédi-tiste, le représentant du Parti québécois, le représentant de l'Union Nationale. C'est normal à un moment donné qu'après qu'on se soit fait dire des choses pendant une couple d'heures on ait l'occasion de répliquer.

M. SAMSON: Cela n'est pas rentré encore.

M. LEVESQUE: C'est cela, tout simplement cela. Mais si vous parlez toute la soirée, quant à moi...

M. ROY (Beauce): Sur le point de règlement, je voudrais quand même faire une mise au point et rétablir les faits. C'est que cet après-midi j'en ai discuté avec le leader du gouvernement. Nous ne nous attendions pas que la commission parlementaire des affaires intergouvernementales soit convoquée.

UNE VOIX : Mais vous avez parlé deux fois.

M. ROY (Beauce): Le membre du Ralliement créditiste qui fait partie de cette commission parlementaire est le député de Rouyn-Noranda. J'ai dû remplacer le député de Rouyn-Noranda cet après-midi parce qu'il n'était pas arrivé.

M. LEVESQUE: D'accord.

M. ROY (Beauce): Dans les autres commissions parlementaires, lors de l'étude des crédits, on a toujours permis à tous les députés qui ont voulu s'exprimer de pouvoir s'exprimer et je ne voudrais pas, en ce qui me concerne, d'aucune façon, qu'on empêche un député de faire connaître son point de vue et de poser des questions pertinentes, qu'il jugera à propos de poser sur tout ce qui concerne l'administration, l'orientation et les politiques du ministère des Affaires intergouvernementales.

M. LEVESQUE : Mais le député de Beauce admettra avec moi que, si on le fait, c'est parce que les membres de la commission acceptent qu'il en soit ainsi. Parce que si on s'en tient strictement au règlement... Autrement, vous pourriez arriver ici avec onze députés et...

M. ROY (Beauce): Et vous embarrasser.

M. LEVESQUE: ... nous avec 70. Il y aurait donc 108 membres de la commission. Ce n'est pas la commission de l'Assemblée nationale où dans certains cas, nous avons accepté que tous les députés, par exemple dans l'étude de la carte électorale, puissent s'associer aux discussions. Il me semble que le règlement est clair, qu'il y a tant de membres d'une commission. Ceux qui ne sont pas membres ou ceux qui se sont fait remplacer ne peuvent pas arriver de plein droit — les dispositions de notre règlement sont claires à ce sujet — et à tout propos et s'ingérer

dans les travaux de la commission. Mais de là à dire que je voudrais être procédurier et empêcher les autres membres de l'Assemblée nationale de participer aux discussions relatives à l'adoption des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales, loin de moi cette idée. Et la seule raison pour laquelle je demandais au député de Gouin d'attendre quelque peu, c'était parce que j'aurais aimé donner le point de vue gouvernemental, au moins mon point de vue personnel sur ce que nous avons entendu depuis deux heures, deux heures et demie.

Maintenant, si c'est le voeu de la commission de prendre le reste de la soirée pour entendre d'autres membres, je suis même prêt à céder mon droit de parole mais, à un moment donné, je vais répondre.

M. JORON: M. le Président, est-ce que je peux à nouveau vous redemander le droit de parole que vous m'avez accordé tout à l'heure ou vous demander en soulevant une question de règlement pourquoi vous avez permis au député de Beauce de reprendre un deuxième exposé ce soir alors que vous ne le permettez pas au représentant du Parti québécois?

M. LEVESQUE: Un instant, M. le Président, le député de Beauce avait dit, cet après-midi, qu'il n'avait que des remarques préliminaires à faire et qu'il ferait, ce soir, des remarques additionnelles. C'est pour cela que nous avons accepté que le député de Beauce revienne ce soir à la charge. Quant au député de Gouin, personne ne l'a interrompu. Il s'est arrêté de lui-même.

M. JORON: Je me suis arrêté de moi-même d'autant plus, M. le Président, que...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. JORON: Je vous pose la question de règlement: Qu'est-ce...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plait! Il est de coutume en commission parlementaire, lorsqu'on étudie les crédits, que le ministre responsable du ministère fasse un exposé général et qu'un membre de chaque Opposition, expose aussi son point de vue. Par la suite, le ministre donne la réplique et, lorsque nous étudions les crédits article par article, à ce moment-là, les membres de l'Opposition — chaque membre de l'Opposition — qui font partie de la commission peuvent poser des questions.

M. JORON: Ce que je vous demande, M. le Président, c'est très précis, c'est pourquoi vous avez permis au député de Beauce de faire deux exposés d'autant plus, d'ailleurs, qu'il a repris ce soir deux des thèmes qu'il avait traités cet après-midi et que le représentant du Parti québécois ne puisse pas avoir le même privilège.

M. LEVESQUE: Le député de Beauce a parlé moins de dix minutes cet après-midi.

M. JORON: C'est simple.

M. LEVESQUE: Laissez-le donc parler.

M. JORON: Bien non!

M. LEVESQUE: On va voir si c'est si important.

M. JORON: ... mais après vous, je vous en prie.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable vice-premier ministre.

M. LEVESQUE: Bon.

M. SAMSON: Est-ce que c'est un droit de réplique que vous accordez au vice-premier ministre présentement? Est-ce que le droit de réplique met fin à toute la discussion concernant... Non? Parce que, M. le Président, je voudrais quand même souligner... Vous avez mentionné tantôt qu'il est d'usage que le ministre responsable fasse ses remarques et qu'ensuite un membre de chaque parti d'Opposition en fasse autant. Vous n'avez pas mentionné, M. le Président, qu'il pouvait être donné à des députés de l'Opposition de faire également des remarques à ce chapitre. C'est cela que je voudrais vous entendre dire, M. le Président, parce qu'il est d'usage et cela s'est déjà fait ici, en cette salle, à l'occasion de l'étude des crédits du ministère des Affaires intergouvernementales en 1972, que nous l'ayons permis à tous les députés de l'Opposition qui voulaient faire des remarques, à ce moment-ci. Je vous rappellerai que c'est à l'occasion d'une demande faite par l'honorable député de Montcalm que nous avions créé ce précédent, puisque cela a peut-être...

M. LEVESQUE: Ce n'est pas un précédent. C'est une courtoisie.

M. SAMSON: Ce n'est pas un précédent, c'est d'usage. La courtoisie, l'usage ou le précédent, appelez cela comme vous voudrez, mais cela s'est fait et je ne voudrais pas que le président nous dise que cela ne s'est jamais fait. Si vous ne voulez pas que cela se fasse ce soir, dites-nous: On ne veut pas que cela se fasse ce soir. Vous avez ces pouvoirs, à la commission. Dites-nous: On ne veut pas que les membres de l'Opposition parlent. Vous avez ces pouvoirs, mais ne venez pas nous dire que cela ne s'est jamais fait, par exemple.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): J'accorde la parole à l'honorable vice-premier ministre.

M. LEVESQUE: M. le Président, je pense

bien qu'avec toute cette discussion de procédure, j'ai perdu un peu le feu sacré qui m'aurait inspiré. Peut-être que c'était le désir du député de Rouyn-Noranda.

M. SAMSON: Jamais, M. le Président. M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... orienté.

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, je tiens d'abord à remercier ceux qui ont participé à ces débats jusqu'à maintenant et à cette discussion qui, je n'en doute pas, a été inspirée par la volonté de chacun d'apporter une contribution à la discussion d'une question qui est naturellement assez délicate, souvent remplie d'émotivité et qui a souvent trait à des considérations qui peuvent être reliées d'une façon un peu particulière, soit à notre tempérament, notre mentalité, notre héritage, nos régionalismes et même, à certains points de vue, au parti politique auquel nous appartenons. Vers la fin des remarques préliminaires que j'avais faites, j'avais dit que j'accueillerais, non seulement avec sympathie mais de façon très intéressée, toutes les suggestions que l'on pourrait me faire dans un sens positif. Je remercie les membres de cette commission qui ont apporté certaines suggestions, mais je ne peux pas dire que ces suggestions sont exhaustives. Car si je devais en conclure ainsi, je penserais que l'inspiration a été courte chez nos amis d'en face, d'autant plus, M. le Président, qu'il est assez difficile de concevoir que l'on puisse avoir une approche commune comme celle qui a été au moins dite sinon désirée par le député de Chicoutimi qui a laissé entendre qu'on devrait en quelque sorte, avoir une approche commune de tous les députés de l'Assemblée nationale, lorsqu'il s'agit des problèmes intergouvernementaux ou constitutionnels.

Et ceci, évidemment, est d'autant plus difficile à concevoir que nous arrivons à des thèses aussi différentes, aussi contradictoires, à des conclusions aussi opposées que celles que nous a données l'Opposition. Le député de Beauce voudrait qu'on s'assoit autour de la table, dans une commission parlementaire, et puis qu'on décide tous les problèmes de la Constitution, tous les problèmes des relations fédérales-provinciales, des relations interprovinciales, des relations internationales.

M. ROY (Beauce): M. le Président, je voudrais rectifier, je...

M. LEVESQUE: Un instant!

M. ROY (Beauce): ... n'ai pas parlé des relations internationales. J'en ai parlé lors d'un autre sujet mais...

M. LEVESQUE: Non, mais c'est parce qu'il...

M. ROY (Beauce): ... la commission que j'ai demandée, je ne voudrais quand même pas qu'on me prête des propos que je n'ai pas tenus.

M. LEVESQUE: Nous pouvons nous en tenir aux relations interprovinciales et aux relations fédérales-provinciales. Pour les relations internationales, je sais que le député de Beauce est traumatisé par les réceptions qu'il y a dans les maisons.

M. ROY (Beauce): Je ne suis pas traumatisé mais scandalisé.

M. LEVESQUE: Mais ceci étant dit, je crois qu'il est difficile de répondre d'une façon satisfaisante au député de Beauce quant â avoir cette réunion autour d'une table commune, lorsque l'on entend le député de Chicoutimi dire que je dirige le ministère le plus important du gouvernement, le moteur, le coeur, enfin de tous les ministères et du gouvernement et d'autre part, le député de Gouin dire qu'il est prêt à vendre ça pour $1, autrement dit, à réduire le budget du ministère des Affaires intergouvernementales à $1. M. le Président, si la contradiction s'en tenait là, on comprend fort bien que l'Opposition soit divisée; elle l'a été sur tellement de sujets qu'il n'est pas surprenant qu'elle le soit dans les domaines comme celui-ci. Mais ce qui est encore plus frappant, c'est lorsqu'on lit, après avoir entendu le discours du député de Gouin cet après-midi qui était prêt à vendre le ministère pour $1, ce que disait le chef parlementaire du même parti, du Parti québécois, et cela le 6 juin 1972, à cette même commission; M. Laurin en page B-2964: "M. le Président, notre groupe —cela devait inclure le député de Gouin, j'imagine bien —...

M. BOURASSA: A ce moment-là!

M. LEVESQUE: "M. le Président, notre groupe a toujours porté une extrême attention et beaucoup de sympathie au ministère des Affaires intergouvernementales, étant donné que nous y voyons l'embryon de notre futur ministère des Affaires extérieures. Nous voulions donc que ce ministère se renforce et commence à élaborer et à appliquer dans toute la mesure du possible les politiques que nous appliquerions le jour où le Québec serait souverain de façon que lorsque nous arriverions au pouvoir, déjà beaucoup de besogne, beaucoup de travail soient abattus et que nous puissions continuer cette action dans les domaines où elle avait pu s'ébaucher." Voilà, M. le Président...

M. BOURASSA: C'est quand même cohérent avec la déclaration de M. Lévesque quand il a dit qu'une fois indépendant il voudrait être nommé ambassadeur à Washington. Il se voyait déjà avec le tricorne et l'épée après l'indépendance du Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce qu'il y a des sources de revenus à aller chercher là?

M. LEVESQUE: Ce n'est pas moi, ça, Lévesque.

M. JORON: On va vous nommer ambassadeur à Pékin, vous!

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, s'il y a des divergences entre les partis d'Opposition, cela peut se concevoir. Mais, que dans la même année il y ait des divergences aussi fondamentales dans le Parti québécois, cela ne peut se comprendre que si l'on relit ce texte et que l'on voit: "Nous voulions donc — dit M. Laurin — que ce ministère se renforce etc. Et il disait: Étant donné que nous y voyons l'embryon de notre futur ministère des Affaires extérieures — et surtout lorsqu'il dit — le jour où le Québec serait souverain...

On doit donc en conclure qu'on a perdu cet espoir du côté du Parti québécois et que maintenant, sachant que l'avenir n'est pas rose, comme dirait le député de Beauce, lorsqu'il s'adressait à son collègue de Gouin cet après-midi ayant perdu tout espoir de réussir sur le plan politique, on ait décidé qu'il valait mieux se défaire du ministère des Affaires intergouvernementales.

M. JORON: Dans le contexte actuel, on a perdu espoir dans le gouvernement, c'est pourquoi on pense que c'est une dépense inutile. C'est très simple. On n'essaie pas de jouer avec les mots.

M. LEVESQUE: Je crois bien que le député de Gouin est confus présentement. Il aurait dû lire un peu ce que le chef parlementaire du parti avait dit à l'endroit du ministère des Affaires intergouvernementales il y a moins d'un an.

M. le Président, je crois bien que ceci ne réglera pas la question. La question est fort importante pour nous tous à cette table et nous ne pouvons pas, je crois, mettre de côté toutes les inquiétudes qui ont été formulées par les divers représentants des partis d'Opposition.

De ces inquiétudes, nous en partageons. Nous ne sommes pas parfaitement satisfaits, parfaitement heureux de la situation. Je me demande dans quel pays, je me demande dans quelle situation, je me demande même dans quelle association de pays, même si l'on veut aller aux Nations Unies, l'on est parfaitement heureux de la situation. Est-ce que les pays qui ont acquis une certaine indépendance sur papier, une certaine indépendance politique sont heureux de la situation actuelle? Nous n'avons qu'à recevoir de nos amis de ces pays qui ont eu une certaine indépendance ou qui ont déclaré une indépendance pour voir combien cette indépendance est limitée, combien elle ne répond pas aux espoirs et aspirations qui, justement, ont provoqué cette indépendance.

M. JORON: Pensez-vous qu'ils ont choisi de défaire cette indépendance dans l'histoire du monde?

M. LEVESQUE: M. le Président, il y en a plusieurs qui songent à la défaire. Je sais, par exemple, que des grands pays comme la Grande-Bretagne, comme la France, comme l'Allemagne songent présentement à abandonner une certaine partie de leur souveraineté justement...

M. BOURASSA: Fédéralisme.

M. LEVESQUE: ... pour accéder à un régime qui permette de pouvoir concurrencer les grands ensembles qui existent présentement dans le monde et qui existeront davantage. Avant de mettre cela de côté du revers de la main, comme le fait si facilement le député de Gouin et son parti, il faudrait penser plutôt aux citoyens qui nous ont mandatés ici et qui nous ont donné cette responsabilité de voir à leur mieux-être et de voir à protéger leurs droits, leur avenir et l'avenir de leurs enfants. Je ne crois pas que ce soit ainsi dans une aventure, comme celle que nous décrit ou que nous caricature le député de Gouin et ceux qui pensent comme lui, que nous allons remplir le mandat qui est le nôtre.

Nous avons été élus en cette Assemblée nationale et cela au moins pour 101 députés sur 108, avec un mandat fédéraliste, non pas un mandat séparatiste. Le député de Chicoutimi le rappelait ce soir, en parlant du Ralliement créditiste, de l'Union Nationale et du Parti libéral, et nous n'avons pas, je crois, le droit de mettre de côté ce mandat qui était clair à la dernière élection. Le député de Chicoutimi doit se rappeler que c'est justement à cause d'une situation, partiellement à cause de cela, tellement confuse qu'avait présentée son propre parti dans ce domaine, qu'il a eu des revers aussi cuisants. Il faut se rappeler combien la population du Québec...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez oublié la Brink's et les 100,000 "jobs".

M. BOURASSA: On va les avoir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, ... 100,000 fausses "jobs"? Excusez-moi, M. le Président. Il ne faut pas faire perdre...

M. LEVESQUE; ... a refusé et chacun de nous dans nos comtés se rappelle combien la population du Québec n'a pas apprécié cette période d'hésitation, de contradiction, de confusion qui existait dans le gouvernement d'alors, quant à notre avenir constitutionnel.

Les gens veulent savoir si c'est oui ou si c'est non. Et lorsque le Parti libéral a manifesté une cohésion et une cohérence qui le caractérisent, c'est avec la très grande majorité que l'on sait que le peuple du Québec a élu le gouvernement du premier ministre actuel.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II n'y a pas un ministre qui...

M. LEVESQUE: Et nous avons justement, M. le Président, présentement un gouvernement qui fait preuve de cohésion et de cohérence. Le style a changé, oui, et le député de Chicoutimi trouvait bien curieux qu'il y ait un nouveau style, il s'en inquiétait.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, puis-je invoquer...

M. BOURASSA: Vous étiez d'accord avec M. Ryan au congrès de l'Union Nationale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Puis-je invoquer le règlement, M. le Président, pour demander au leader de prier ses députés d'aller chercher leurs auréoles parce qu'il est en train de canoniser son parti.

M. LEVESQUE: Alors, M. le Président, je sais que le député de Chicoutimi, qui est un grand stratège, pense qu'en m'interrompant il me fera perdre le fil de mes idées. Mais, M. le Président.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ah non! Pour perdre le fil, il faut l'avoir!

M. LEVESQUE: M. le Président, je n'ai pas à qualifier ou à juger de la valeur du fil du député de Chicoutimi, mais je crois que je n'ai pas voulu, tellement...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous en avez un fil à côté de vous !

M. LEVESQUE: ... il est fragile, M. le Président, l'interrompre de peur de le briser au premier son. Mais, M. le Président, est-ce que...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): II insulte le premier ministre. M. le Président...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre! A l'ordre!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement, M. le Président.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous me donnez la parole, j'invoque le règlement. Quand le député de Bonaventure parle des gens qui sont filiformes, il insulte le premier ministre.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!

L'honorable vice-premier ministre.

M. LEVESQUE: Je n'ai pas parlé en particu- lier de qui ou de quoi que ce soit, sinon du certain fil...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Retrouvez le vôtre là!

M. LEVESQUE: ... du député de Chicoutimi qui était tellement fragile que je n'ai pas voulu le mettre en péril.

M. le Président, je vais donc continuer dans le même sens, c'est que le gouvernement actuel n'a pas mis de côté quoi que ce soit en changeant de style. Nous avons gardé cette préoccupation qui est la nôtre d'avoir un meilleur partage des compétences, c'est ce qui semble préoccuper le député de Chicoutimi, nous avons voulu et nous allons continuer d'essayer d'éliminer les zones grises, de clarifier justement les sphères de compétence entre le gouvernement central et le gouvernement des provinces. Nous allons en même temps réclamer un meilleur partage fiscal afin de pouvoir nous décharger des responsabilités qui sont nôtres. Mais l'approche constitutionnelle n'est pas la seule. On pourrait passer, comme le suggérait le député de Beauce, des heures, des jours, des mois, des années à une table en parlant de la Constitution, la Constitution idéale telle que vue par les grands experts.

Mais, M. le Président, il faut pendant ce temps-là évoluer, il faut vivre, il faut administrer, il faut nous développer et tout en gardant ces principes saufs, nous croyons que c'est dans l'action que nous allons le plus aider notre Constitution elle-même à évoluer, c'est dans l'action que nous allons aider notre peuple à recevoir les services, les bénéfices auxquels il est normal qu'il s'attende et nous avons voulu, tout en conservant l'approche constitutionnelle, mettre l'accent sur l'approche du développement. Nous croyons que, par des actions répétées, que par des gestes concrets, que par des propositions concrètes, par une meilleure connaissance des dossiers, par une préparation plus adéquate, par des propositions qui justement ont plus de chance d'être acceptées par un monde pragmatique qui est celui de nos partenaires, nous ayons à ce moment-là une meilleure chance de faire avancer même le dossier constitutionnel. Ce que nous voulons faire autrement dit, c'est de poser des gestes, des actions qui fassent en sorte que, normalement, la constitution a évolué, car nous serons déjà présents dans des sphères, dans des domaines et, à ce moment-là, il est normal que nous puissions négocier plus facilement sur le plan constitutionnel.

C'est une approche différente, c'est un style différent, mais c'est un style qui, jusqu'à maintenant, a porté des fruits.

Prenons par exemple — à titre d'illustration et je ne crois pas que je sois un expert dans ce domaine, je ne l'ai jamais prétendu — toute la question de la sécurité du revenu. Nous savons, M. le Président, que depuis deux ans, nous

avons — et il faut rendre hommage à mon collègue, le ministre des Affaires sociales qui a fait un travail énorme dans ce domaine — élaboré des programmes, des plans d'action, une philosophie qui, au début, n'était pas acceptée par le gouvernement fédéral ni même par les Etats membres de la fédération. A force de présenter ces dossiers bien préparés, de présenter cette philosophie, d'indiquer que toute cette question devait être prise globalement et, après du travail très concret fait avec les différents gouvernements provinciaux, nous avons obtenu un consensus de toutes les provinces du Canada. Finalement, le gouvernement fédéral lui-même a changé ses positions, a adopté la philosophie et les conclusions du gouvernement québécois et ainsi, nous avons fait passer nos idées, nous avons fait passer des programmes, nous avons fait passer... Ce n'est pas encore terminé, si vous le voulez, mais nous avons réussi ainsi d'une façon pragmatique, non pas en parlant simplement de constitution, mais en ayant l'approche du développement, par opposition si l'on veut à l'approche constitutionnelle pure, à atteindre les objectifs que nous nous étions fixés.

Aujourd'hui, par exemple, c'est une autre illustration, nous avons toute la question de l'aéroport international de Montréal. Que l'on fasse des divisions d'ordre constitutionnel et qu'on dise que la question de l'aviation, des aéroports relève du fédéral, la question de la voirie du provincial et qu'on s'en tienne là, mais qu'est-ce qui va se passer? Est-ce que c'est cela que l'on veut? On peut faire cela. C'est parfait. Le fédéral s'occupe des aéroports, le provincial s'occupe des routes, mais, M. le Président, nous voyons qu'il y a beaucoup plus à faire là que simplement une division sur le plan constitutionnel, un partage des pouvoirs. Il y a là toutes les actions de coordination, de complémentarité, de gestes à poser qui sont extrêmement importants pour que nous ayons des résultats beaucoup plus importants. Nous croyons qu'un concept comme celui de TDM — je n'ai pas l'intention de le développer ce soir — est beaucoup plus important. Si nous le réalisons, nous le réaliserons simplement parce que nous aurons procédé à des négociations pragmatiques, à une négociation intense avec le gouvernement fédéral en utilisant les ministères fédéraux et les ministères du Québec et en ayant une action concertée vis-à-vis d'un projet bien concret qui est extrêmement important quant à ses retombées économiques pour le développement du Québec, mais ce n'est pas simplement une approche exclusivement constitutionnelle qui nous permettrait d'arriver à ces résultats. Nous avons parlé tout à l'heure de la question de la sécurité du revenu, nous pourrions également parler de... On a parlé de la récente conférence fédérale-provinciale sur le financement de l'éducation au postsecondaire, sur le financement des programmes des services de santé, etc. Là encore, il est clair que nous cherchons une technique simplement pour une compensation financière en vue du rapatriement complet de ces domaines entre les mains des provinces. Nous y arrivons bientôt, mais il s'agit simplement d'arriver d'une façon encore très pragmatique à déterminer les conditions de ce rapatriement entier.

Il y a eu beaucoup de choses de dites au cours des dernières heures par ceux qui ont participé au débat et, si je reviens simplement sur les notes que j'ai prises, j'aimerais maintenant en revenir à des cas plus particuliers.

Le député de Beauce parle de conférences fédérales-provinciales à huis clos avec la présence des partis d'Opposition, c'est-à-dire que le huis clos ne semble pas lui plaire...

M. ROY (Beauce): Non.

M. LEVESQUE: ... et la présence des partis d'Opposition lui plairait davantage. Je lui dirai qu'il n'y a pas beaucoup de huis clos aujourd'hui. Le député de Beauce n'a qu'à prendre les journaux et il aura, non pas seulement les comptes rendus des discussions qui ont eu lieu dans les conférences fédérales-provinciales, mais il y a rarement des dossiers qui demeurent confidentiels plus qu'une semaine, ou deux semaines ou un mois, présentement, d'après ce que je peux voir.

Je pense que le député de Beauce a tous les éléments nécessaires pour pouvoir porter un jugement. Je ne crois pas qu'il lui manque des documents. S'il lui en manque, je lui en ferai parvenir et je pense bien qu'il n'aura même pas le temps de les lire tellement ils seront volumineux. Et le député de Beauce peut lire les journaux chaque jour et il verra qu'il n'y a presque plus rien qui n'est pas discuté, et particulièrement, durant la dernière conférence fédérale-provinciale sur la question du financement de l'éducation postsecondaire et sur la question du financement des services de santé, tout a été dit partout, dans tous les journaux du Canada. Tout a été mis sur papier; il n'y a pas grand secret.

Je ne pense pas qu'il puisse se plaindre du huis clos. Ce qui est déjà arrivé, cependant, c'est que, durant les conférences fédérales-provinciales, on ait permis, par exemple, à la télévision d'être présente afin que les interventions des premiers ministres soient télédiffusées. Mais à ce moment, je ne crois pas — et je le dis bien candidement — que cela soit la meilleure façon — cela peut être une bonne façon, une excellente façon, mais quant à moi, ce n'est peut-être pas la meilleure façon — d'arriver à des ententes parce qu'alors, c'est normal, chacun des participants s'adresse non pas tellement aux participants à la conférence à laquelle il assiste, mais à son électorat qui est à la télévision et qui le voit agir. Et je crois que, si on veut réellement atteindre des résultats, si on veut réellement arriver à des ententes, il est souvent préférable — et je pense que, si le député de Beauce peut y penser un peu, il

pourra arriver à la conclusion que quelquefois, au moins quelquefois — ces conférences fédérale-provinciales aient lieu à huis clos. Et cela se comprend.

M. ROY (Beauce): Est-ce que vous me permettriez deux petites questions?

M. LEVESQUE: Oui.

M. ROY (Beauce): J'ai bien fait une distinction très nette cet après-midi entre une conférence fédérale-provinciale qui a eu lieu entre les hauts fonctionnaires du gouvernement accompagnés de ministres pendant laquelle il est question d'une négociation sur des questions techniques. J'ai bien dit que les grandes conférences fédérales-provinciales qui regardent, le côté constitutionnel surtout — il y a d'autres conférences qui ont lieu; il y a des protocoles d'entente, vous avez parlé de l'aéroport tout à l'heure, etc. — il y a des ententes qui sont nécessaires à un certain moment en vue d'un projet quelconque. J'en ai fait la distinction bien nette. Je parle des grandes conférences comme on a eues cette semaine. La question que j'ai à poser à l'honorable ministre à ce moment-ci est la suivante: Est-ce que les journalistes ont été admis à la conférence ou s'ils ont été limités par les documents ou par les faits que vous avez bien voulu leur communiquer?

M. LEVESQUE: Je n'ai pas participé à la conférence fédérale-provinciale, mais ordinairement chacun des participants peut parler aux journalistes et dire ce qu'il a proposé à la conférence. Mais, ordinairement, il ne parle pas des interventions des autres.

M. SAMSON: Est-ce que le ministre me permettrait une question? Le ministre ne croit-il pas qu'à toutes fins utiles et pratiques il serait bon que des membres de l'Opposition, des membres élus du peuple soient présents à ces conférences à titre d'observateurs parce que je pense que le ministre admettra avec nous que ce que les journalistes peuvent entendre et voir, c'est ce qu'on veut bien leur dire à la sortie des séances...

M. ROY (Beauce): C'est cela.

M. SAMSON: ... alors que les journalistes pourraient ou les membres de l'Opposition, en tout cas, pourraient prendre connaissance de ce qui se passe réellement. Il y a aussi, je pense, cette importance de la réaction des autres.

Il ne s'agit pas tout simplement de connaître quelle a été la position ou la déclaration d'un représentant officiel du gouvernement du Québec mais de savoir de quelle façon ç'a été reçu par les autres représentants des autres gouvernements et ce n'est qu'en étant présent qu'on peut réellement le voir. Autrement, je pense bien, M. le ministre, que vous allez admettre qu'on est limité à ce qui nous est rapporté en tant qu'élus du peuple et je pense que ce n'est pas tout à fait normal.

M. LEVESQUE: C'est bien la curiosité légitime du député de Rouyn-Noranda. Il faut bien comprendre qu'il y a là onze gouvernements, dans les conférences fédérales-provinciales dont il est question, qui sont présents avec les premiers ministres de chaque province, le premier ministre du Canada, quelques ministres qui accompagnent chacun des premiers ministres et plusieurs hauts fonctionnaires qui accompagnent chacun des ministres. Cela fait pas mal de monde, cela. A moins qu'on veuille avoir un forum beaucoup plus vaste, il faut bien...

M. ROY (Beauce): M. le Président, il n'est pas question de forum. Il n'est pas question de participants. Il est question d'observateurs. C'est différent. Je serais d'accord avec le ministre s'il y avait une question de participation à la conférence. Tous les partis politiques de toutes les provinces du pays. Ne charriez pas trop, M. le ministre, ce n'est pas cela qu'on demande. Des observateurs, qu'ils soient là. Parce que nous avons des responsabilités, nous aussi, nous avons été élus et mandatés par la population. Si vous avez une conférence d'une importance comme celle qui a eu lieu en fin de semaine, je n'accepte pas, en tant que membre de l'Assemblée nationale du Québec représentant un groupement politique dûment élu, qu'on soit limité exclusivement à ce que tout public voit dans les journaux alors que nous savons très bien que les journalistes n'étaient pas à la conférence, qu'ils ont été obligés de se limiter aux déclarations que vous avez faites, quitte, eux, à fouiller dans leurs dossiers pour faire les reportages le mieux possible, les mieux documentés possible, ainsi que pour les rédacteurs de journaux.

M. LEVESQUE: Est-ce que le député de Beauce peut me dire qui, des partis de l'Opposition à Ottawa, était présent comme observateurs et qui était présent, des neuf autres provinces canadiennes dans l'Opposition?

M. ROY (Beauce): M. le Président, je n'ai pas de permission à demander à l'Ontario, au Manitoba ou à la Colombie-Britannique. On va commencer tout de suite à prendre nos responsabilités à Québec.

M. SAMSON: Est-ce que le ministre accepterait que je lui pose une question? Est-ce que le ministre a déjà, lui ou quelqu'un de son ministère ou de son gouvernement, songé à le suggérer, à prendre l'initiative de le suggérer aux autres gouvernements des autres provinces ainsi qu'au gouvernement fédéral? Est-ce que vous avez déjà pensé à prendre cette initiative?

M. LEVESQUE: II y a bien des places évidemment où l'Opposition aimerait se trouver. Je m'imagine bien que si...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Même au pouvoir!

M. LEVESQUE: Oui, même au pouvoir! C'est bien répondu, cela. Alors, ce n'est pas seulement là. Si on suivait cette conception que se fait le député de Beauce de son travail, ou le député de Rouyn-Noranda, si on suivait cette ligne de pensée, il faudrait qu'ils se retrouvent dans tous les ministères, pour voir réellement ce qui se passe.

M. SAMSON: Ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée! Et si le ministre nous invite, je pense qu'on va accepter l'invitation.

M. LEVESQUE: II faut, à un moment donné, bien se rendre compte qu'il y a deux pouvoirs sur les trois pouvoirs...

M. SAMSON: Invitez-nous qu'on y aille avant qu'on le prenne.

M. LEVESQUE: II y a trois pouvoirs. Le pouvoir judiciaire, le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Et jusqu'à maintenant, les députés de l'Opposition, en particulier, font partie de l'important pouvoir qui est le pouvoir législatif. Il reste cependant qu'il y a un certain nombre de personnes qui sont députés et qui ont en plus le pouvoir exécutif. Alors, il y a une différence entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Il faut garder cette différence. Si on veut faire sauter...?

M. SAMSON: M. le Président, est-ce que le ministre me permettrait une petite question?

M. LEVESQUE: Ah oui! mais chaque fois que je vais donner des explications, on me pose des questions!

M. SAMSON: Bien oui, mais c'est parce que vos explications nous amènent à nous poser des questions, M. le ministre. Est-ce que ce pouvoir — évidemment, c'est différent de ce que vous faites entre le pouvoir législatif, le pouvoir administratif...

M. LEVESQUE: Exécutif.

M. SAMSON: C'est-à-dire exécutif.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous en avez oublié un, le patronage! C'est un autre pouvoir, cela.

M. SAMSON: C'est un gros pouvoir. Est-ce que le ministre est d'accord que tous les membres de l'Assemblée nationale sont élus de la même façon par le peuple avec un mandat qui ne diffère pas. Bien entendu, le parti qui fait élire le plus de députés forme le gouvernement. C'est ce que vous avez fait. Mais tous les députés ont été élus par le peuple avec le même mandat.

Ce n'est pas un mandat qui est limité seulement à surveiller ou à travailler dans un sens plutôt que dans l'autre. Je pense que notre mandat nous oblige à nous intéresser à tout ce qui se passe, non seulement au législatif. Alors, comme ce mandat-là nous oblige à le faire et c'est normal que cela se fasse, pour nous permettre de mieux remplir ce mandat, nous de l'Opposition, et vous de l'Opposition future, je pense qu'il serait bon que le gouvernement accepte que les membres de l'Opposition soient présents. Le gouvernement accepte à certaines occasions que nous soyons présents, pourquoi pas à cette occasion-là? Lorsqu'il s'agit de relations fédérales-provinciales, par exemple, c'est extrêmement important, parce que, si le gouvernement ne prend pas bientôt des mesures pour permettre que les citoyens du Québec soient bien représentés à ces conférences-là, mon collègue du Parti québécois, qui rêve depuis longtemps à ce que finissent ces conférences-là, rêvera encore plus avec peut-être plus de pourcentage de réalité, mais on ne veut pas que cela arrive. Je voudrais qu'il continue à rêver seulement, mais si vous...

M. LEVESQUE: Enfin.

M. SAMSON: ... vous ne prenez pas certaines responsabilités, vous allez matérialiser vous-mêmes les rêves du Parti québécois. C'est un danger.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, est-ce que le leader me permettrait une petite question? J'admets avec lui l'énoncé qu'il a fait sur le partage des pouvoirs, c'est bien évident que les députés, nous avons un mandat qui est un mandat de législateur. Toutefois, en des matières aussi importantes que celles du devenir du Québec et de la Constitution, est-ce que le député de Bonaventure ne croit pas qu'en certaines circonstances les législateurs pourraient être associés au travail d'élaboration des politiques du gouvernement? Il ne s'agit pas ici d'assumer la responsabilité du gouvernement, mais de participer à l'élaboration de politiques en des matières aussi importantes que celles de l'avenir de toute la collectivité.

M. LEVESQUE : D'ailleurs, c'est ce qui nous a amenés à multiplier les commissions parlementaires et c'est justement dans le travail des commissions parlementaires que le législatif peut le plus contribuer à discuter, à inspirer même, les politiques gouvernementales. Je crois que nous avons fait preuve d'une très grande ouverture quant à la convocation des commissions parlementaires. Et pour revenir au désir de...

M. SAMSON: A Victoria, vous aviez remis... M. LEVESQUE : Un instant...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. LEVESQUE: Pour revenir aux désirs du député de Rouyn-Noranda, je sais que le premier ministre a entendu ses représentations, il les a déjà faites en Chambre d'ailleurs, et disons que c'est noté.

M. SAMSON : M. le Président, je me suis fait donner la même réponse l'année dernière. Cela n'avance pas, votre affaire.

M. ROY (Beauce): Est-ce que vous avez perdu vos notes?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II a perdu surtout les notes des discours de M. Lesage qui demandait justement — il était chef de l'Opposition à ce moment-là, M. Lesage — que son parti participe aux conférences fédérales-provinciales.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable vice-premier ministre.

M. TETLEY: Permettez-moi, M. le vice-premier ministre, de faire quelques remarques avant de nous lancer dans l'article no...

M. SAMSON: Je n'avais pas fini.

M. LEVESQUE : Alors, d'accord, je vais vous entendre.

UNE VOIX: Continuez.

M. SAMSON: Si le vice-premier ministre a terminé, je...

M. TETLEY : II n'a pas terminé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): II faudrait laisser terminer le...

M. SAMSON: Est-ce que je peux terminer ma question?

M. LEVESQUE: C'est parce que vous avez plusieurs questions à poser.

M. SAMSON: J'en ai tellement, mais là je voudrais terminer celle-là. Est-ce que le vice-premier ministre ne croit pas qu'il aurait été sage de convoquer une commission parlementaire avant la dernière conférence la semaine dernière, comme vous l'aviez fait à l'occasion de la conférence de Victoria? Si cela n'a pas été fait, vous aviez peut-être des raisons. Ce n'est pas un blâme que je fais, je pose une question.

M. LEVESQUE: II s'agissait d'une question purement technique, et je crois que nous avons préparé adéquatement les positions du Québec, qui étaient très bien connues d'ailleurs.

M. SAMSON: Alors, vous admettez que vous les avez préparées sans nous consulter?

M. LEVESQUE: M. le Président, je voudrais simplement, à ce moment-ci, avant de l'oublier, répondre à une intervention du député de Chicoutimi. Je pense qu'il est parti...

UNE VOIX: Non il n'est pas parti.

M. LEVESQUE: Le député de Chicoutimi a parlé cet après-midi du communiqué final de la conférence des premiers ministres, qui parlait du changement du nom du secrétariat en celui de secrétariat canadien.

J'aimerais rappeler au député de Chicoutimi qu'auparavant il y avait le secrétariat des conférences constitutionnelles et son personnel était fédéral et le financement était fédéral. Maintenant, ce nouveau secrétariat ne s'appelle pas un secrétariat fédéral, il faut bien le souligner, mais un secrétariat canadien et il diffère de l'autre en ce que ce secrétariat est constitué pour toutes les conférences des premiers ministres et même pour les autres conférences fédérales-provinciales au palier ministériel, lorsque la demande en est faite par le président d'une de ces conférences. Le personnel sera fourni par les divers gouvernements et présentement nous avons même un de nos fonctionnaires du ministère des Affaires intergouvemementales, M. Lebrun, qui a été affecté pour deux semaines au secrétariat pour la dernière conférence des premiers ministres et le financement en est assuré conjointement par tous les gouvernements.

J'espère que cela va rassurer le député de Chicoutimi qui pensait, je crois, en lisant le texte du communiqué, qu'il s'agissait d'un secrétariat uniquement fédéral.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais pourquoi le premier ministre ne nous a-t-il pas donné ces renseignements cet après-midi, il ne les connaissait pas?

M. LEVESQUE: II l'a dit...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, il n'a pas répondu.

M. LEVESQUE: Je crois qu'il a très bien répondu mais il n'avait peut-être pas en main les détails que je viens de fournir au député de Chicoutimi. Je voulais les fournir afin qu'il n'y ait pas de malentendu à ce sujet.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais ça, c'est une espèce d'exécutif, ce n'est pas un secrétariat. Vous allez avoir qui, quoi, des commis, des gens chargés de porter les messages, de faire les appels téléphoniques? Quel va être le travail du représentant du Québec à ce secrétariat? Cela va durer pendant quinze jours.

M. LEVESQUE: Non, il peut y avoir des changements ad hoc selon les conférences, mais il y aura des fonctionnaires — et parmi les plus

chevronnés — qui seront prêtés à ce secrétariat. Nous aurons ainsi, tant du côté fédéral que provincial, un accès à ce secrétariat qui ne sera pas un secrétariat fédéral mais un secrétariat canadien, c'est-à-dire fédéral provincial.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, mais enfin, toutes les initiatives vont venir du fédéral.

M. LEVESQUE: Non, pas du tout, ce ne sera pas un secrétariat fédéral mais un secrétariat canadien. D y a là une distinction assez importante que j'aime à souligner. Enfin, je vais continuer, je voulais simplement faire cette mise au point parce que je croyais que la question posée par le député de Chicoutimi cet après-midi méritait d'avoir cet éclaircissement, car j'ai eu l'impression que le député de Chicoutimi avait l'impression que le mot "canadien" pouvait être interprété comme étant fédéral.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Disons que c'est bonnet blanc, blanc bonnet. Je suis content que le ministre m'ait donné une réponse mais ça reste encore assez obscur dans mon esprit. Il faudra qu'on approfondisse le problème pour savoir exactement quels sont les mécanismes de fonctionnement.

M. LEVESQUE: M. le Président, je ne voudrais pas... je sais que ç'a été un peu à bâtons rompus, et un peu décousu à cause des diverses questions qui sont venues à brûle-pourpoint, si on veut, mais qui sont venues me faire perdre le fil à quelques reprises, pour employer un mot qui a été utilisé au cours de la soirée. Je tiendrais simplement à rappeler au député de Gouin, qu'on a oublié un peu pendant tout ce temps-là, que — je ne voudrais pas lui faire l'injure d'oublier son intervention de trois quarts d'heure — que même si ses propos ne répondaient pas du tout aux vues des trois autres partis qui sont ici représentés, il y avait là cependant un effort d'analyse sur diverses situations qui font le contentieux fédéral provincial.

Mais il arrive encore, ce pauvre député de Gouin, avec toujours la même conclusion, qu'on réglerait tout ça en se séparant. Là, ce serait parfait, les problèmes que nous avons aujourd'hui seraient tous réglés, il n'y aurait pas de problèmes économiques, culturels, on vivrait en vase clos, on ne serait plus en Amérique du Nord, je suppose, on n'aurait pas 220 millions d'anglophones à nos côtés, on n'aurait plus de problème de relations économiques avec nos voisins; ce serait un peu l'euphorie.

M. JORON: C'est vous qui dites cela?

M. LEVESQUE: Mais c'est ce que je conclus de la façon que le député de Gouin a parlé cet après-midi.

M. JORON: Vous auriez de la misère à trouver cela dans mes propos.

M. LEVESQUE : Je vais lui poser seulement une question, je n'ai pas de question à lui poser. Lorsqu'il veut se séparer pour s'associer de nouveau, c'est le genre de souveraineté-association, je lui dirai simplement qu'à mon avis — et je l'ai dit, je crois, l'an dernier à la même table — c'est évident qu'il est plus facile de négocier avec un gouvernement qui est élu par 30 p.c. de l'électorat canadien qu'avec un gouvernement étranger.

Je crois que, lorsque l'on négocie avec le gouvernement canadien, on négocie avec notre propre gouvernement, avec le gouvernement qui est élu par nous, qui représente 30 p.c. de son électorat. Il ne peut pas, autrement dit, ne pas se préoccuper, ne pas être inquiet des réactions de ceux qui lui ont donné ce mandat. Négocier lorsque l'on est séparé, c'est négocier avec n'importe quel autre pays au monde et l'on sait comment il est difficile d'avoir même une petite reconnaissance, comment on peut prendre de temps pour simplement avoir des plaques d'immatriculation ou n'importe quelle espèce de privilège lorsque l'on négocie avec un gouvernement étranger. Mais lorsque l'on négocie avec un gouvernement comme celui d'Ottawa, on peut avoir certaines frustrations, certaines déceptions, mais il ne faut pas oublier que l'on négocie avec un gouvernement qui est le nôtre. Je tiens à rappeler au député de Gouin que, quelle que soit la situation actuelle, elle est de beaucoup préférable à celle qui résulterait de l'aventure qu'il voudrait nous faire vivre.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): L'honorable député de Gouin.

M. JORON: M. le Président, je voudrais en ce moment terminer ce que...

M. TETLEY: M. le Président, cela fait deux heures et plus que j'attends gentiment la parole et j'espère que je vais suivre le député de Gouin.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je voudrais vous faire observer en invoquant le règlement que le député de Bonaventure, le ministre, n'a répondu à aucune des questions que je lui ai posées. Absolument aucune.

M. JORON: C'est pour cela que je demandais s'il avait terminé.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne veux pas enlever la parole au député de Gouin, mais je lui ai posé des questions très précises.

M. LEVESQUE : Le député de Chicoutimi a posé les questions suivantes et je crois que je lui ai répondu. Je vais lui rappeler ce qu'il a posé comme questions. Il a demandé si le gouver-

nement était désireux de changer la Constitution.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. LEVESQUE: Alors, je lui ai parlé de l'approche constitutionnelle...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, vous avez patiné.

M. LEVESQUE: ... et je lui ai parlé de l'approche du développement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que vous êtes désireux d'avoir une nouvelle constitution?

M. LEVESQUE : Je lui ai dit que nous poursuivions toujours nos efforts dans le but d'avoir un partage des compétences qui comporte moins de zones grises, qui soit plus clair et, en même temps, que nous continuions nos efforts afin d'avoir un partage fiscal meilleur qui corresponde mieux aux responsabilités qui sont nôtres en vertu de la constitution.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Et vous ne voulez pas de nouvelle constitution?

M. LEVESQUE: Qu'est-ce que cela veut dire, une nouvelle constitution?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est justement, c'est pour cela...

M. LEVESQUE: Est-ce une constitution améliorée? Est-ce une constitution amendée ou une nouvelle constitution? Il ne faut pas s'encar-caner ou s'embrigader dans des mots, comme disait tout à l'heure le député de Chicoutimi lui-même. Je crois que ce que nous voulons, je pense bien que c'est un peu la même chose, c'est d'arriver à un partage plus clair des compétences et en même temps d'avoir les moyens de nous décharger des responsabilités qui sont nôtres en vertu de la constitution, constitution nouvelle, constitution améliorée, constitution amendée mais une constitution qui changera, évidemment, selon l'évolution.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre peut répondre à mon autre question?

M. LEVESQUE: La deuxième question est: Quels ont été, dans les divers secteurs, les résultats concrets et les gains réalisés par le Québec?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, tout le contentieux.

M. LEVESQUE: M. le Président, on comprendra que j'ai donné des exemples...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si le ministre veut reprendre tout cela.

M. LEVESQUE: ... tout à l'heure mais je n'ai pas l'intention ce soir de parler des 400 dossiers qui ont été ramenés, je pense, à 250 dans le bilan des relations fédérales-provinciales.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pouvez-vous les déposer?

M. LEVESQUE: Je crois que le député de Chicoutimi en a pris une connaissance plus que sommaire dans les journaux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre peut les déposer?

M. LEVESQUE: Non, nous avons dit que c'était là un document de travail, nous avons dit que nous nous en sommes servis pour la préparation des nombreuses conférences que nous avons eues et que nous continuerons d'avoir au cours de l'année. C'est un instrument de travail extrêmement valable, extrêmement important que nous avons mis au point d'ailleurs dans les sujets qui ont fait l'objet des diverses conférences, que j'ai demandé aux fonctionnaires du ministère de compléter et de mettre à jour. Il faut dire que ce bilan remonte déjà, quant à ses données, au mois de mars 1972 et j'ai demandé qu'on fasse une mise à jour au 31 mars 1973. Cela doit se faire incessamment et c'est partiellement fait parce que, pour les dossiers qui ont été utilisés pour les conférences fédérales-provinciales ou interprovinciales, cela a déjà été fait dans les sujets.

Le député de Chicoutimi, comme troisième question, me demandait quelle était la continuité du gouvernement actuel par rapport aux politiques de ses prédécesseurs. Est-ce qu'on a voulu suivre la même conception du fédéralisme? J'ai répondu au député de Chicoutimi en lui rappelant les difficultés de son propre gouvernement et qui ont apporté sa chute et...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, parlez-moi, dites-moi s'il y a une continuité ou s'il n'y en a pas.

M. LEVESQUE: Non, il n'y a pas de cette continuité-là, nous ne voulons pas perpétuer la confusion, nous ne voulons pas...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous revenez au temps de Godbout, vous!

M. LEVESQUE: ... avoir un gouvernement qui soit d'un côté séparatiste, d'un autre côté fédéraliste ou, le troisième parti de votre cabinet, c'était: Nous sommes fédéralistes, mais nous serons séparatistes en 1974 si ça ne va pas mieux. Alors, le pauvre peuple ne pouvait pas comprendre ce que vous disiez. Nous ne voulons pas continuer comme ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne demande pas ça au ministre. M. le Président, ce n'est pas la question que j'ai demandée au ministre.

M. LEVESQUE: Ah non! mais c'est la façon dont j'ai répondu.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai demandé au ministre s'il y avait une continuité dans la politique du gouvernement. J'ai demandé de faire l'état des dossiers.

M. LEVESQUE: II y a eu une continuité dans les principes qui ont été valables du temps de l'honorable député et, aujourd'hui, il y a une continuité dans cette affirmation du Québec quant à ses droits constitutionnels, quant à reconnaître ce qui avait été prévu par la lettre et l'esprit de la Confédération et de notre Constitution de 1867. Il y aura une continuité dans cette affirmation. H y a ce désir qui a existé dans le passé de voir un meilleur partage, un partage plus clair des compétences dans chacune des juridictions, il y a ce même désir de voir un meilleur partage fiscal afin de pouvoir nous décharger de nos responsabilités propres, tant du côté fédéral que du côté provincial. Il y a cette continuité quant à la reconnaissance des droits du Québec, mais il n'y a pas de continuité dans ce qui était un peu au détriment des Québécois. Il n'y a pas de continuité dans la confusion. Il y a une continuité dans les principes qui ont été défendus par tous les gouvernements qui se sont succédé.

Mais s'il y a continuité dans les principes, il y a une différence de style, je l'admets. Nous ne voulons pas d'une autonomie négative, d'une autonomie purement verbale.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ne revenez donc pas sur les vieux dadas!

M. LEVESQUE: Nous voulons...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Parlez-nous des faits!

M. LEVESQUE: Est-ce que les dadas ne seraient pas justement ce qui fait le plus mal au député de Chicoutimi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense que le ministre...

M. LEVESQUE: ... parce qu'on a entendu parler tellement d'hommes politiques qui ont fait de grands discours...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense que le ministre aurait avantage à relire le texte que nous a donné l'autre jour M. Ryan quand il a parlé de l'autonomie de résistance, qui était la seule possible au moment où on parlait d'autonomie négative que le ministre nous dise positivement où se continue la continuité !

M. LEVESQUE: Je n'ai pas assisté au congrès, au minicongrès de l'Union Nationale. Je n'ai pas l'intention...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous aimez mieux le truc sur la baie James.

M. LEVESQUE: ... d'en faire procès. J'ai beaucoup de respect pour M. Ryan, j'ai beaucoup de respect pour tous ceux qui s'intéressent à la chose publique, mais je n'en dis pas moins — et j'ai le droit de dire cela — que nous avons entendu — et ce n'est pas la première année que je suis ici à l'Assemblée nationale — Dieu sait combien de discours patriotiques dans cette assemblée. De 1956, du moins quand je suis arrivé ici, jusqu'à aujourd'hui, il y a eu des discours sur la Constitution, des discours sur les droits du Québec qu'il fallait défendre, etc..

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous en avez fait vous-même.

M. LEVESQUE: ... sur le méchant à Ottawa qu'il fallait abattre. J'en ai entendu de ces discours. Le style du gouvernement aujourd'hui, c'est de faire moins de ces discours mais d'atteindre les objectifs que nous nous fixons. Nous sommes au service de la population du Québec. Nous voulons conserver les principes que j'ai mentionnés tout à l'heure, c'est-à-dire toujours travailler en vue d'un meilleur partage des compétences, d'un partage plus clair, de l'élimination progressive des zones grises, tout en tenant à ces principes et en même temps à un meilleur partage fiscal afin d'avoir réellement une autonomie véritable. Le pouvoir réel se trouve non pas dans les mots, mais dans les textes, mais souvent il se trouve là où est la force économique. Or, nous mettons l'accent justement sur les projets, sur les programmes qui nous donnent plus de force économique. La dernière décision ou entente intervenue dans le domaine de péréquation et qui a donné $90,000 au Québec de plus par année a donné une force additionnelle, un pouvoir réel. Vous dites que c'est simplement de l'argent. Mais, M. le Président, je dis que nous ne pouvons pas mettre de côté la force économique, qui est très importante dans toute la question de la récupération de nos droits et dans l'exercice de notre souveraineté. Plus nous aurons de force économique, mieux à mon sens, nous pourrons nous défendre et exercer notre action dans les domaines qui sont de notre compétence.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre va répondre à une question que je lui ai posée? Je lui ai demandé si...

M. LEVESQUE: La quatrième question que le député m'a posée...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, mais je vais terminer d'une autre façon, par une autre question...

M. LEVESQUE: Ah bon!

M.TREMBLAY (Chicoutimi): ... qui va rejoindre celles que j'ai déjà posées et auxquelles le ministre va répondre tantôt. Est-ce que la politique du gouvernement est d'élargir, d'étendre la souveraineté du Québec dans le domaine, par exemple, des affaires étrangères...

M. LEVESQUE: De notre action...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... d'étendre la souveraineté du Québec jusqu'à cette limite?

M. LEVESQUE: Nous croyons que le Québec ne peut pas rester insensible ou fermé à ce qui se passe à l'extérieur de ses frontières.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela, c'est le principe.

M. LEVESQUE: II est évident que, dans nos champs de compétence, il y a une extension qui dépasse les frontières du Québec. Le gouvernement central, qui a la responsabilité première en matière internationale, sans doute, est appelé à signer les accords, des ententes avec des pays étrangers. Il y a, souvent, dans ces ententes, dans ces accords des sujets qui sont clairement de juridiction provinciale et le gouvernement central ne peut pas y donner suite si le gouvernement du Québec ou le gouvernement des Etats membres n'apporte pas sa collaboration. Il est évident que, dans ces domaines en particulier, nous croyons qu'il est important pour le gouvernement du Québec, d'exercer ses compétences et cela, dans le champ international...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Est-ce que le ministre...

M. LEVESQUE: ... mais cela, en tenant compte cependant de la présence du gouvernement fédéral et de ses propres compétences.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... peut répondre à la question que je lui ai posée: Si son gouvernement était disposé à convoquer, tenir une conférence ou des conférences avec les autres gouvernements de la fédération?

M. LEVESQUE: Le député de Chicoutimi était pris ailleurs cet après-midi. Je le sais, il était plongé dans le projet de loi no 9, je crois...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, une autre erreur du gouvernement.

M. LEVESQUE: ... s'il avait été ici, sans doute aurait-il entendu ce que j'ai dit en citant...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quant à moi...

M. LEVESQUE: Un instant.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... l'option est claire, et je pense que son devoir...

M. LEVESQUE: Si le député de Chicoutimi veut...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... est d'avoir le courage d'engager sans délai le dialogue interprovincial et que présuppose le dialogue fédéral-provincial...

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre!

M. LEVESQUE: Voyons, M. le député de Chicoutimi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... à l'Empire Club, le 18 janvier 1973.

M. LEVESQUE: Est-ce que je pourrais avoir un peu de... Le premier ministre disait exactement: "Quant à moi, mon option est claire. Je pense que nous devons avoir le courage d'engager sans délai le dialogue interprovincial que présuppose le dialogue fédéral-provincial. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont à construire ensemble un pays, le nôtre." Et le premier ministre, actuellement, a donné le meilleur exemple de ce désir d'un dialogue interprovincial et, s'il y a quelques années nous avons eu et nous avons été témoins de rencontres sur le plan interprovincial qui avaient peut-être un aspect plutôt social, j'ai été moi-même témoin...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre n'était pas présent, c'est certain, à la conférence de Toronto.

M. LEVESQUE: Un instant. ... au mois d'août 1972, à Halifax, d'une rencontre des premiers ministres des dix provinces et, à ce moment, je dois dire qu'il y a eu réellement là un travail extrêmement important et fructueux qui a été réalisé. Il y a réellement eu dialogue interprovincial. Il y a eu les questions, par exemple, qui ont fait l'objet de conférences fédérales-provinciales depuis et où les positions des provinces ont été discutées à cette conférence interprovinciale de Halifax et où déjà il y avait des prises de position extrêmement intéressantes. On remarquera, M. le Président...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas cela, ma question. Si le ministre me permet...

M. LEVESQUE : Laissez-moi donc finir!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est parce que...

M. LEVESQUE : Non ! Je ne vous le permets pas! Un instant! Je ferai remarquer au député de Chicoutimi...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement, M. le Président.

M. LEVESQUE: Non! J'invoque le règlement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement parce que le ministre répond à une question sans l'avoir comprise.

M. LEVESQUE: Je l'ai très bien comprise.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce qu'il me dit là...

M. LEVESQUE: Excepté que j'ai le droit d'arriver à la réponse de la façon que je crois la plus opportune.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'invoque le règlement. Le ministre n'a pas compris ma question. Elle est très simple. Cela ne le retardera pas deux heures. Je lui demande si son gouvernement — c'est la question que j'avais posée — est disposé à tenir des conférences fédérales-provinciales sur le sujet précis de la révision constitutionnelle? C'était ma question.

M. LEVESQUE: Non, mais elle est mal formulée. Le député...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Moi, je l'ai bien formulée, vous y répondez mal parce que vous n'êtes pas capable d'y répondre.

M. LEVESQUE: Non! Le député de Chicoutimi vient de parler de conférences...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ou si le premier ministre...

M. LEVESQUE : Le député de Chicoutimi vient de parler encore de conférences fédérales-provinciales alors qu'il aurait dû parler de conférences interprovinciales.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Sur un point. Interprovinciales...

M. LEVESQUE : Non, mais il vient encore de parler de conférences fédérales-provinciales.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On peut faire des lapsus comme le ministre en fait.

M. LEVESQUE : Ah bon ! D'accord.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'ai dit des conférences interétatiques. C'est le mot que j'ai employé ce soir sur le sujet de la révision constitutionnelle.

M. LEVESQUE: M. le Président, le député de Chicoutimi semble traumatisé par la question constitutionnelle.

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Bien oui! Tout le monde l'est.

M. LEVESQUE: Je lui rappellerai que, en parlant de réunions interprovinciales et d'approches interprovinciales différentes, les années passées, le Québec était souvent isolé. Rarement avons-nous vu le Québec dans les années passées...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): A Victoria, la semaine passée, il était drôlement isolé, le Québec. Il était tout seul.

M. LEVESQUE : M. le Président, est-ce que je puis terminer?

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): A l'ordre, s'il vous plaît !

M. LEVESQUE: Le député de Chicoutimi est bien nerveux. Du moment que nous parlons du passé, il se retrouve immédiatement en cause.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Tout seul à s'asseoir... se mettre à genoux.

M. LEVESQUE: M. le Président, je ne peux pas croire que le député de Chicoutimi s'associe tellement au passé qu'il soit traumatisé par le fait qu'on en parle. Je dirai que — que le député de Chicoutimi prenne la peine d'y penser — pendant des années, le Québec a été isolé. Avec le nouveau style du premier ministre et du gouvernement actuel, nous avons vu de plus en plus les provinces et les Etats membres de la fédération canadienne adopter de plus en plus des points qui se rapprochent des positions québécoises. Et, de plus en plus, nous avons vu d'autres provinces prendre même des initiatives et parler dans le même sens que les porte-parole du Québec.

Vous l'avez vu à Victoria lors de la réunion des ministres des Affaires sociales; je l'ai vu à Halifax lors de la conférence des premiers ministres au mois d'août 1972 et nous l'avons vu encore à la dernière conférence fédérale-provinciale où le Québec n'était pas seul mais où toutes les provinces, pas toutes mais une grande majorité des provinces, si on tient compte de la population — en plus c'était la très grande majorité — prenaient des attitudes qui étaient celles du Québec. On adoptait la position québécoise et cela je le dis, c'est à cause d'un style qui est mieux compris aujourd'hui par les autres provinces, les autres Etats membres de la fédération. Les autres Etats membres de la fédération, dans le passé...

M.TREMBLAY (Chicoutimi): Le ministre a oublié le passé. Voyons, c'est Duplessis qui a donné le style, qui a créé le style de rencontre...

M. LEVESQUE: ... ont souvent... Justement,

je ne voulais pas personnaliser le débat mais je dis que, lorsqu'on prend certaines attitudes sans tenir compte de la présence des autres Etats membres, de leur mentalité, de leur approche pragmatique, on manque souvent le bateau, on fait de grands discours mais on revient les mains vides. Mais lorsqu'on a une approche pragmatique avec un style comme celui qui est le nôtre nous sommes mieux compris des Etats membres et nous pouvons faire front commun vis-à-vis du gouvernement central. Nous pouvons arriver avec des résultats comme ceux que nous avons obtenus dans les mois qui viennent de passer, c'est-à-dire une meilleure péréquation qui donne $90 millions de plus au gouvernement du Québec, la question des allocations familiales avec $315 millions additionnels. M. le Président, ce sont tous des faits, les uns après les autres, que nous pouvons facilement voir, qui sont visibles et qui sont justement le fruit d'une approche qui n'est pas purement constitutionnelle, purement verbale, purement électorale, mais plutôt une approche de développement, une approche qui tient compte des résultats à obtenir à court, à moyen et à long termes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, ce que je demande au ministre, c'est très simple. Il a parlé du passé; je n'ai pas d'objection à ce qu'il en parle du tout, parce que justement ce passé, c'est le gouvernement dont j'ai été membre plus tard qui a créé le précédent. Qui est-ce qui a réuni pour la première fois — et le ministre me répondra — qui est-ce qui a rallié pour la première fois les provinces aux thèses du Québec, si ce n'est pas le premier ministre Duplessis avec l'Ontario, plus tard avec la Colombie, plus tard avec d'autres provinces?

Cela, c'est dans la continuité. Là, le ministre a répondu un peu à ma question et a montré que son gouvernement suit tout simplement le style qu'avait suivi le premier ministre Duplessis à une époque où le gouvernement central ne voulait même pas entendre raison.

J'ai posé d'autres questions au ministre aussi sur les dossiers particularisés: câblodistribution, développement économique régional, agriculture, etc.

M. LEVESQUE: J'ai répondu à cette question, parce que le député de Chicoutimi me demandait de lui faire un "progress report", si l'on veut...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, c'est ça qu'on veut.

M. LEVESQUE: ... sur tous les dossiers qui font partie du bilan. Je dis, M. le Président, qu'il faudrait beaucoup plus de temps à la commission parlementaire pour faire tout le tour du bilan.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On va le prendre. On n'est pas ici pour rien.

M. LEVESQUE: D'ailleurs, je n'ai pas l'intention d'entrer dans toutes les questions sectorielles. Le mandat du ministère des Affaires intergouvernementales, comme le sait le député de Chicoutimi, n'est pas de créer, de faire les politiques, d'élaborer les programmes des autres ministères mais simplement d'assurer une coordination, une cohérence dans les négociations et dans les relations fédérales-provinciales.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais n'est-il pas, ce mandat, M. le Président, d'inspirer ces politiques, de les coordonner...

M. LEVESQUE: Et c'est ce que nous faisons.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... et d'en faire la synthèse, afin de nous répondre sur l'état des dossiers?

M. LEVESQUE : C'est ce que nous faisons et c'est ce qui m'a amené dans mes remarques préliminaires que j'ai bien lues, je crois...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, c'était bien, m'a-t-on dit.

M. LEVESQUE : J'ai bien dit qu'il y avait eu la création d'un comité, d'un groupe ministériel des Affaires intergouvernementales et j'ai...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Qui a tenu dix réunions de travail. C'est dans le texte.

M. LEVESQUE: C'est ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je l'ai bien lu.

M. LEVESQUE: Je vois que le député a bien lu ça.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je mangeais ce soir un bon steak accompagné d'un verre de vin et je lisais ça; ça n'a même pas dérangé ma digestion.

LE PRESIDENT (M. Houde, Limoilou): La commission ajourne ses travaux à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 23 h 1 )

Document(s) associé(s) à la séance