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(Dix heures trente-cinq minutes)
Le Président (M. Blouin): À l'ordre!
Mmes et MM. les membres de la commission, nous allons maintenant
reprendre nos travaux. Je vous rappelle que le mandat de cette commission est
d'entendre des personnes ou organismes en regard du projet de loi 37, Loi sur
l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la
recherche.
Les membres de cette commission sont: MM. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Harel (Maisonneuve), M. Gravel
(Limoilou), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), MM. Dussault (Châteauguay),
Brouillet (Chauveau), Ciaccia (Mont-Royal), Paquette (Rosemont), Vaillancourt
(Orford), French (Westmount).
Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Gratton (Gatineau),
Perron (Duplessis), Rivest (Jean-Talon), Saintonge (Laprairie).
Avant de procéder à l'audition des groupes prévus
pour ce matin, je vais demander aux groupes dont on prévoit l'audition
aujourd'hui s'ils sont présents dans cette salle. Le Conseil du patronat
du Québec est présent; l'Association des manufacturiers
canadiens, également. Est-ce que le Centre d'innovation industrielle de
Montréal est là? Ils sont là. L'Association
canadienne-française pour l'avancement des sciences n'est pas là;
AES Data Inc., non plus, et le Conseil de l'industrie électronique du
Québec.
Ce matin, nous devrions, jusqu'à 13 heures, pouvoir entendre les
mémoires qui sont soumis à cette commission par le Conseil du
patronat du Québec et par l'Association des manufacturiers canadiens.
Nous pourrions recommencer à 15 heures par le Centre d'innovation
industrielle de Montréal à moins que les choses n'aillent plus
rapidement que prévu. Sur ce, je demanderais donc aux
représentants du Conseil du patronat du Québec de se
présenter et ensuite de nous livrer le message contenu dans leur
mémoire.
Conseil du patronat du Québec
M. Dufour (Ghislain): Mmes et MM. les membres de la commission
parlementaire, à ma droite, M. Denis Beauregard, directeur de la
recherche au Conseil du patronat du Québec, et, à ma gauche, M.
Émile Gratton, directeur de la planification stratégique
à
Northern Télécom Canada Ltée et qui était
jusqu'à il n'y a pas tellement longtemps directeur de la recherche au
groupe Bell-Northern à l'île des Soeurs. Je suis Ghislain Dufour,
vice-président exécutif du conseil.
M. le Président, avant de commencer la présentation de
notre mémoire, je voudrais, au nom du conseil, signaler que nous avons
été heureux, en juin, de la façon dont s'est
réglé le problème de la loi 19. Nous étions
nous-mêmes intervenus dans ce dossier pour des raisons que le ministre et
l'Opposition connaissent bien. Heureusement, à cause des travaux de
l'Opposition, mais aussi de l'ouverture d'esprit du ministre dans ce dossier,
nous avons finalement pu avoir une loi qui a fait consensus dans les milieux
politiques et qui a fait consensus aussi dans les milieux patronaux.
Ce qui nous intéressait, lors des discussions, c'était
justement cette agence de valorisation de la recherche industrielle et le
ministre a ouvertement accepté de débattre en commission
parlementaire cette question fondamentale. Quant à nous, c'était
une orientation importante et nous voulions le souligner.
Cela étant dit, vous avez reçu notre mémoire. Il ne
comporte pas tellement de pages, mais nous allons quand même encore
tendre à le résumer davantage.
Il faudrait quand même camper - parce que, de notre cadre
d'analyse sortiront nos propres critiques, nos propres recommandations - ce
qu'est le cadre d'analyse du Conseil du patronat, du secteur privé,
lorsqu'il aborde un projet de loi comme celui qui est déposé
aujourd'hui.
L'importance, la pertinence des efforts qui sont consentis en recherche
et développement exercent un impact certain sur le développement
économique et, partant, sur le niveau de vie d'une collectivité.
C'est pourquoi le Conseil du patronat du Québec s'intéresse bien
sûr à cette importante question.
Dans le domaine de la recherche et du développement, comme dans
tous les autres secteurs de la vie économique, l'intervention de
l'État doit respecter les principes de base qui sous-tendent
l'organisation de la vie politique que s'est donnée une
collectivité. Le rôle confié à l'État et les
moyens retenus pour jouer ce rôle doivent être
déterminés en fonction des responsabilités qui sont
confiées à chacun. Une erreur d'aiguillage dans la distribution
des rôles risquerait de
neutraliser les résultats des efforts déployés.
Dans un domaine aussi vital pour l'avenir que la recherche et le
développement, il faut donc déployer tous les efforts requis pour
nous assurer que nous prenons les meilleurs moyens disponibles pour obtenir les
meilleurs résultats au plus bas coût possible. Telle nous
paraît être la mission de cette commission parlementaire.
Nous nous sommes donnés, au Québec, un système
économique basé sur la liberté de chacun d'entreprendre,
de réaliser, à son profit comme à celui de ses
associés, les idées jugées rentables, bref, un
système économique axé sur le dynamisme de l'entreprise
privée. L'État s'est vu confier généralement pour
rôle, en matière d'expansion économique, d'assurer des
conditions générales propices au progrès
économique.
En matière de recherche, l'État doit donc assurer à
l'entreprise "un climat" propice aux activités de recherche. Souvent,
assurer un climat favorable consiste d'abord à éliminer des
obstacles. Dans nos présentations antérieures sur le sujet - j'ai
l'impression qu'on ne vous apprendra rien, M. le Président ou M. le
ministre, parce que ce sont des idées qu'on véhicule dans une
série de dossiers - on a identifié les grands obstacles, dont
trois de façon plus particulière. Le premier, l'orientation
politique et sociale peu favorable à l'entreprise privée
n'encourage pas les investissements en général, et ceux de
recherche et de développement en particulier qui présentent un
degré de risque plus élevé. Le deuxième, le fardeau
fiscal des particuliers au Québec, qui est trop élevé et
le ministre des Finances, lui-même, est d'accord avec nous pour souscrire
à cette affirmation. Le troisième, les dispositions de la Loi no
101, et je dis bien relatives à la langue d'enseignement, parce qu'il ne
s'agit pas, et on le précise bien, de remettre en cause toute la Loi no
101. Le problème particulier de la langue d'enseignement, c'est que
l'exemption prévue pour un séjour temporaire au Québec est
considérée comme insuffisante, parce que c'est surtout dans les
centres de recherche que s'applique précisément cet aspect
particulier des certificats temporaires dont il est question dans la Loi no
101.
Si l'on songe à la complexité du processus d'innovation,
aux pressions énormes de la concurrence internationale, aux risques
financiers qui augmentent à mesure qu'on approche de la production
industrielle, il n'est pas étonnant que ce soient surtout les grandes
entreprises qui puissent se permettre d'investir des capitaux
considérables dont la rentabilité, si rentabilité il y a,
ne se concrétisera qu'à moyen terme.
Par conséquent, ces faits nous portent à croire que
l'insuffisance de notre effort de recherche ne proviendrait pas
nécessairement d'un manque de planification ou d'un manque de leadership
de la part de l'État, mais plutôt d'obstacles que l'État
pourrait éliminer pour créer des conditions favorables à
la recherche industrielle.
On oublie parfois que dans ce domaine particulier, même si l'aide
gouvernementale directe peut jouer un rôle, la fécondité de
l'effort de recherche provient beaucoup plus du jeu des relations entre les
industries et entre l'industrie et les universités, de la
complémentarité des produits nouveaux, d'une intuition
très juste des besoins du marché qu'on peut ou non sentir au bon
moment.
Par définition, l'innovation technologique ne se planifie pas
comme un calendrier scolaire. L'expérience vécue, ici même
au Québec, prouve que les entreprises les plus dynamiques, celles qui
ont innové et qui ont conquis de nouveaux marchés, se sont
construites souvent à partir d'une idée et d'un homme qui croyait
à cette idée. Ces entreprises ont eu pendant un certain temps une
existence précaire, puis elles ont pris le bon tournant au bon moment et
se sont mises à prospérer, à prendre de l'expansion. Le
succès découlant d'un programme de recherche au
bénéfice d'une entreprise est imprévisible.
Cela nous amène à poser la question suivante: Sur la base
de quels principes l'État décidera-t-il que certaines entreprises
ont plus de chances de réussir et doivent être
privilégiées, alors que d'autres doivent être
laissées à elles-mêmes? On connaît des exemples
d'entreprises qui connaissent aujourd'hui une croissance
accélérée et qui ont frôlé la faillite il y a
cinq ans et, inversement, on connaît des entreprises choyées par
l'État et dont la faillite est évitée seulement parce que
l'État continue à fournir des capitaux neufs, sans compter. (10 h
45)
Donc, tel que nous le concevons, le rôle de l'État serait
plutôt d'inciter l'entreprise privée à investir, notamment
au moyen de politiques fiscales appropriées, d'encourager
l'"entrepreneurship", de favoriser la création de nouvelles industries
à partir d'une innovation. C'est donc d'une politique d'incitation qu'il
devrait être question. Il faudrait que le gouvernement supprime certains
obstacles qui relèvent de sa juridiction.
La planification par l'État, la réglementation des
activités de tout genre, la coordination autoritaire, le choix politique
des secteurs à développer, toutes ces formules - on peut leur
donner une apparente rationalité - s'inspirent de l'idée que
l'avenir est connu, que l'avenir est mesurable, administrable, et que
l'État est bien placé pour orienter, à partir de cette
connaissance qu'il aurait du futur, les activités conduisant au plus
grand bien de tous. Il nous apparaît
que cette approche est fondée sur des illusions. En fait, ce que
l'on planifie, ce n'est toujours que le connu, à savoir ce que la vie a
été dans le passé, et nos plans sont bien davantage des
plans de répétition que des plans de développement.
L'économie dirigée là où des gouvernements ont
voulu l'appliquer avec rigueur a conduit à la stagnation.
L'essence même de la créativité, c'est la
liberté. C'est cette idée qui doit donner un sens à toute
politique de la recherche. En fait, le leitmotiv de la politique de la
recherche doit être de donner sa chance à l'esprit innovateur
où qu'il se trouve.
Le respect de la liberté des chercheurs est tout aussi
fondamental et constitue une condition essentielle au succès de toute
politique de recherche scientifique. Outre le fait que les scientifiques de
tous les milieux aient toujours été, avec raison, jaloux de cette
liberté, celle-ci est, en fait, le fondement même de
l'originalité d'esprit et de la créativité qui sont la
marque d'un vrai chercheur. S'il y a quelque chose que chercheurs industriels,
chercheurs professionnels et chercheurs universitaires ont en commun, c'est une
méfiance, semble-t-il, instinctive face à toute ingérence
gouvernementale dans l'orientation de leurs travaux. C'est confirmé par
des recherches américaines. On cite, notamment, les travaux de Klein et
Meckling, aux États-Unis, qui concluent qu'il serait très
dommageable au succès d'ensemble de la mission recherche qu'une
direction centrale de la recherche prétende exercer une activité
de planification trop rigoureuse. Elle doit laisser faire; mieux, elle doit
laisser chercher; chercher, c'est vouloir; trouver, c'est laisser chercher.
À partir de ce cadre de référence, c'est le moment
de regarder l'agence de valorisation comme telle, ses fonctions, son
râle, son cheminement politique. Nous citons dans notre mémoire,
bien sûr, l'article 17 où sont énumérées les
fonctions de l'agence. Je passe par-dessus cela pour dire que
l'énumération des fonctions que le projet de loi véhicule
nous laisse - et ce n'est pas méchant comme terme - songeurs. Bien
sûr, on réfère surtout à l'article 17.1, lorsqu'il
est dit qu'on prospectera les milieux de la recherche dans les domaines qui
sont jugés prioritaires par le gouvernement. Cette agence, alors, ne
risque-t-elle pas de servir de moyen de contrôle aux mains des tenants
d'un certain dirigisme d'État? Telle orientation serait alors
incompatible avec le rôle qui incombe à l'État.
Des interrogations très directes adressées au ministre. La
création d'une nouvelle agence est-elle nécessaire? Y a-t-il une
activité suffisante pour alimenter cette nouvelle structure? N'y a-t-il
pas dédoublement entre les fonctions de l'agence et celles d'organismes
existants? À-t-on tenu compte de l'expérience et de
l'évolution d'autres organismes comparables dans d'autres lieux,
d'autres pays? N'y a-t-il pas déjà des ententes entre certains
organismes existants et les universités en ce qui concerne la recherche?
La gestion et l'exploitation des brevets obtenus par les ministères
justifient-elles la mise en place de cette nouvelle structure? Ne serait-il pas
préférable de recourir à des organismes déjà
en place pour assurer la liaison entre le monde de la recherche et
l'industrie?
Ce sont des questions qu'on vous pose, M. le ministre. Contrairement
à ce qui a pu être véhiculé, nous n'avons pas
rejeté l'agence comme telle, nous nous demandons simplement et
carrément si elle est justifiée. Nous reviendrons sur certaines
propositions concrètes à la fin.
Toute forme de dirigisme gouvernemental en matière de recherche
industrielle est donc à proscrire selon un certain nombre d'auteurs. Je
vous cite simplement cette conclusion d'un travail qui a été
commandé par le Conseil économique du Canada. Les chercheurs
Palda et Pazderka concluaient: "C'est pourquoi toute politique qui vise
à accroître notre potentiel d'innovation technologique devra
s'efforcer de créer un climat favorable à l'industrie." On
pourrait ajouter à ces commentaires de source canadienne d'autres
commentaires provenant d'autres pays. On en cite ici qui viennent de Dalle et
Cabale, en France, qui concluent: "La plus grande liberté
accordée à la recherche sera plus profitable à la science
que la nécessaire lourdeur de tout mécanisme
étatique."
De plus, la recherche industrielle, par opposition à une grande
partie de la recherche issue de l'initiative des gouvernements, s'inscrit dans
un processus propre à chaque entreprise où chacune, dans une
situation de concurrence avec les autres entreprises, développe ses
produits de façon -c'est la partie à jouer - à
s'approprier le marché. On imagine mal dans ce contexte, surtout chez
les grandes, une entreprise qui irait dévoiler à l'agence ses
projets de recherche en échange d'une hypothétique subvention.
Une telle approche ignore complètement la dynamique propre à
notre système économique et ne pourrait qu'être
vouée à l'échec.
Quelques mots maintenant sur l'organisation et les pouvoirs mêmes
de l'agence. Le projet de loi précise que le président et les
onze membres du conseil d'administration de l'agence seraient nommés par
le gouvernement. C'est l'article 5. On ne trouve nulle part dans le texte
quelque forme de garantie que ce soit quant à une consultation du monde
de la recherche industrielle avant d'en arriver à ces nominations. Il y
a peut-être des choses qu'on veut nous dire là-dessus, mais ce
n'est
pas dans le projet.
Le gouvernement peut nommer deux observateurs auprès de l'agence,
ces deux observateurs ayant le pouvoir de participer aux réunions du
conseil d'administration. Que veut dire l'article 19, lorsqu'on dit que le
ministre de la Science et de la Technologie peut donner à l'agence des
directives et l'agence, à la suite de l'approbation de ces directives
par le gouvernement, est tenue de s'y conformer? Cela peut être
énormément important comme pouvoir, mais on n'en sait rien. Ce
sera probablement réglé par règlement. Je ne sais pas si
M. Vaugeois sera d'accord, mais ce sont là des pouvoirs...
Une voix: ...
M. Dufour: M. French.
Autre chose, article 21. L'agence ne peut, dans les cas, conditions ou
circonstances que le gouvernement peut déterminer par règlement -
c'est là que je voulais m'adresser à vous, M. French -accorder
une aide financière sans avoir obtenu l'autorisation du gouvernement ou
du ministre, suivant ce que le règlement détermine. Donc,
véritable imprécision quant à ces articles-là.
En résumé, l'agence, si elle devait être
formée, fonctionnera sous le contrôle - telle quelle, actuellement
- direct et total du ministre concerné et du gouvernement. Serait-ce
que, pour contrôler la recherche, on veuille aussi contrôler
l'outil? C'est l'interrogation.
Voilà une orientation, si elle devait se réaliser comme
cela, qui serait fort discutable car non seulement elle n'est pas conforme au
rôle que doit jouer le gouvernement en matière de recherche, mais
elle nie la dynamique propre à la recherche industrielle, pour les
raisons que nous avons énumérées.
M. le Président, M. le ministre, quelques éléments
de solution. Il nous apparaît que le gouvernement détient
déjà un certain nombre d'outils qu'il pourrait utiliser. D'abord,
l'instrument fiscal. Le rôle de l'État est de favoriser la
recherche par des règles générales et non pas par des
règles sélectives ou sectorielles. Le premier moyen et le plus
important, c'est la fiscalité. Ainsi, toute dépense directe ou
indirecte des individus ou des sociétés investie dans la
recherche pourrait être déductible de l'impôt. De toute
façon on dit que les retombées de la recherche, à moyen
terme, élargiront la base économique de notre
société et, en même temps, l'assiette fiscale.
Deuxièmement, formation de chercheurs. Le gouvernement doit
prendre les moyens de faire en sorte que les chercheurs qui seront requis pour
effectuer la recherche industrielle dans les années à venir
seront disponibles en nombre suffisant et posséderont la
compétence nécessaire. La répartition des ressources
disponibles en période de coupures budgétaires ne risque-telle
pas de compromettre l'avenir de la recherche industrielle au Québec? On
voit souvent des écritures de journaux, actuellement, d'universitaires
qui disent ne pas nécessairement avoir, à cause des coupures
qu'on comprend, les équipements requis, les profs requis dans les
universités pour développer certaines orientations.
C'est un fait connu - là-dessus on pourra vous citer des chiffres
- les deuxième et troisième cycles universitaires souffrent d'un
manque de ressources inquiétant. D'ici peu, le nombre de
diplômés dans les secteurs névralgiques de la recherche
industrielle risque de diminuer. Le Québec n'a pas les moyens de se
permettre de réduire son potentiel de recherche. Tout cela pour dire que
si on a de l'argent à investir dans des structures, pourquoi
n'investirait-on pas dans des structures existantes notamment au niveau de la
formation des chercheurs?
Troisièmement, politique du faire faire. Je dois dire qu'on a
rédigé cela, M. le ministre, avant d'avoir vu votre brochure qui
nous est parvenue il y a deux jours, dans laquelle il est question un peu du
faire faire. On disait que dans son rôle d'appui à l'encouragement
à la recherche industrielle, l'État pourra augmenter
l'efficacité de son action et en multiplier les bénéfices
directs et indirects en ayant recours à une politique de faire faire. On
a analysé ce que vous dites là, c'est bien et, comme on dit,
c'est un pas dans la bonne direction, mais on va beaucoup plus loin.
Un des moyens les plus efficaces que peut utiliser le gouvernement du
Québec pour stimuler les investissements serait de faire exécuter
ses propres contrats de recherche en milieu industriel. Il y a des exemples qui
montrent que cette politique a été appliquée avec
succès ici même au Québec. C'est le cas de la construction
des grands barrages d'Hydro-Québec, dont la conception et
l'exécution ont été confiées à des firmes
privées d'ingénieurs-conseils. Ces dernières sont
maintenant en mesure d'exporter un peu partout dans le monde l'expertise et les
techniques qu'elles ont acquises grâce à cette expérience.
Aux États-Unis, l'exemple récent du programme gouvernemental de
la conquête de l'espace est éloquent à ce sujet.
Finalement, l'accès à de nouveaux marchés. Le
gouvernement pourrait encourager davantage - il le fait déjà
-notamment, par l'agence de M. Landry, les efforts de recherche en aidant les
entreprises, par le biais des agences existantes, à trouver de nouveaux
débouchés sur les marchés internationaux pour les produits
de la technologie québécoise.
On commence maintenant à se
préoccuper davantage d'accroître nos exportations en
fonction d'un marché non seulement canadien et nord-américain,
mais international. Il faudra donc utiliser toutes les ressources disponibles
en ce domaine, et notamment celles du gouverment fédéral pour
explorer de nouveaux marchés, particulièrement dans la
perspective des conséquences que pourrait avoir sur notre
économie une libéralisation croissante des échanges.
Promouvoir la recherche industrielle est sans aucun doute une
tâche qui incombe au gouvernement. Là-dessus, on doit dire qu'on
n'interroge, en aucune façon, les principes. Nous avons
été les premiers à être d'accord avec la
création du ministère de la Science et de la Technologie.
Les moyens utilisés, cependant, pour faire le travail doivent
respecter les principes sur lesquels s'appuie notre système
économique et politique. Dans un système où le dynamisme
économique repose sur l'initiative de l'entreprise, toute
démarche qui serait teintée, comme c'est la cas actuellement
à l'article 17.1, d'un dirigisme d'État sous le couvert de la
valorisation de la recherche est vouée à l'échec parce
qu'elle nie la dynamique propre au système. C'est là la faiblesse
de l'Agence québécoise de valorisation industrielle de la
recherche dont le projet de loi propose la création. Par le biais de
l'agence, le gouvernement pourrait même se donner les moyens de planifier
la recherche. On a vu tout à l'heure que cela ne nous apparaît pas
la voie à choisir. On s'interroge sur cette orientation.
Deux recommandations fondamentales au gouvernement: d'abord, tout mettre
en oeuvre pour créer certains climats favorables notamment au niveau de
la fiscalité; puis -c'est une suggestion qui a déjà
été faite mais on y revient - revoir le rôle,
élargir la mission du Centre de recherche industrielle du Québec,
le CRIQ. Cet organisme pourrait peut-être contribuer à rapprocher
le monde de la recherche universitaire et l'industrie.
Nous posons, M. le ministre, quatre questions. Nous avons
rencontré beaucoup de monde dans le champ au niveau de la
préparation de ce mémoire. On peut longtemps discuter
idéologie. On est des tenants de l'entreprise privée; il ne vous
surprendra pas le mémoire qu'on vous a présenté. Je pense
que c'est ce qu'on véhicule et vous le savez. On doit à ce
moment-ci dépasser les idéologies, les principes et regarder dans
le très concret ce projet de loi en fonction des réponses qu'on
devra donner à r.os chercheurs des centres de Noranda, de Bell, de
Northern, de DuPont, etc. Je poserais quatre questions, M. le ministre.
De quelle façon, si vous appliquiez actuellement l'article 17.1,
allez-vous choisir les secteurs à privilégier?
Comment allez-vous structurer votre recherche de consultation avec le
monde des affaires, le monde de la recherche? Cela m'amène à
demander comment est composé le conseil d'administration.
Notre question fondamentale: pourquoi n'est-ce pas un organisme
existant? Pourquoi ce n'est pas le CRIQ? Pourquoi n'est-ce pas la SDI? Pourquoi
n'est-ce pas même votre ministère? Il n'y a rien qui s'oppose
à ce que vous ayez une section à l'intérieur de votre
ministère qui fasse cela. On a déjà suggéré
cela dans d'autres secteurs. On dit que c'est parce qu'on veut
dépolitiser le tout. En quoi l'AQVIR ne serait pas en conflit
d'intérêts, recevant directement ses directives du ministre
responsable? Voilà les trois questions fondamentales, M. le ministre,
auxquelles nous aimerions, au-delà de ce mémoire, avoir des
réponses pour retourner dans le champ.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dufour. Je constate
avec satisfaction que, étant maintenant un professionnel des
procédures parlementaires, vous avez réussi à faire votre
présentation en une vingtaine de minutes. J'invite les parlementaires
à suivre votre exemple.
M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais...
Une voix: Nous, on est des amateurs.
M. Paquette: J'aimerais remercier le vice-président
exécutif du Conseil du patronat de son mémoire qui pose beaucoup
de questions. Je vais essayer de répondre à certaines d'entre
elles et, en même temps, demander des précisions. (11 heures)
Par exemple, à la page 4, vous affirmez: "Tel que nous le
concevons, le rôle de l'État serait plutôt d'inciter
l'entreprise privée à investir au moyen notamment de politiques
fiscales appropriées, d'encourager l'"entrepreneurship", de favoriser la
création de nouvelles industries à partir d'une innovation. C'est
donc une politique d'incitation dont il devrait être question." Je pense
que, dans le mémoire en général, il y a un certain biais,
c'est-à-dire qu'on s'adresse à l'ensemble des politiques de
stimulation de la recherche et du développement. Je n'ai pas d'objection
à ce qu'on fasse un débat là-dessus - on en a eu
l'occasion lors d'autres commissions parlementaires - qu'on le fasse au moyen
de politiques fiscales appropriées. Je ne sais pas quelle est votre
évaluation de ces politiques fiscales adoptées par le
gouvernement - et comme nous sommes en régime fédéral,
donc par les deux gouvernements - par rapport à
ce qui se fait dans d'autres pays.
Dans les études que j'ai vues - je cite l'étude de M.
Robert Lacroix et de Mme Louise Séguin-Dulude pour le Fonds FCAC -on
constate, sur douze pays étudiés, que le Canada arrive au premier
rang en termes de la générosité des mesures fiscales
destinées à la recherche et au développement. Il y a une
déductibilité de 100% des frais de recherche et
développement, il y a 50% sur l'accroissement des recherches sur les
trois dernières années et il y a le crédit d'impôt
remboursable de 10% qui a été annoncé dans le dernier
budget. Le même document, cependant, mentionne que toutes les
études indiquent une efficacité relativement limitée quant
à l'impact sur la recherche et le développement.
Je me demande si vous voyez cela comme mutuellement exclusif,
c'est-à-dire est-ce qu'on ne peut pas avoir aussi des mécanismes
incitatifs? Est-ce que le projet d'agence n'est justement pas cela, un
mécamisme d'incitation qui vise à encourager l'esprit
d'entreprise, non seulement chez les entreprises mais également chez les
chercheurs qui ont les innovations? Je pense que c'est justement le rôle
de l'agence. Est-ce que vous voyez cela comme mutuellement exclusif,
c'est-à-dire des choses sur les politiques fiscales et des
mécamismes d'encouragement de développement du processus
d'innovation, parce que c'est de cela dont il s'agit? L'agence est un organisme
d'appui au processus d'innovation et à tous les intervenants qui y
oeuvrent.
M. Dufour: Vous revenez à l'agence en disant qu'elle a un
rôle incitatif. On ne conteste pas cela, sauf le mandat en 1, 2 et 3. Le
rôle incitatif qu'elle jouera, le principe d'un organisme qui s'associe
à la recherche universitaire privée qui fonctionne et qui essaie
de développer le Québec, on n'a pas de problème avec cela.
Là où on diffère, c'est qu'on se demande si cette
incitation doit venir par la création d'une nouvelle agence. Je pense
qu'on s'entend là-dessus.
Quand vous parlez de la fiscalité, nous disons: il faut que ce
soit un climat général. Cela me permet peut-être de vous
rappeler, M. le ministre, qu'au niveau du Conseil du patronat du Québec,
contrairement à ce qui est souvent véhiculé, nous sommes
contre les subventions gouvernementales aux entreprises. Nous sommes contre,
sauf dans la recherche. C'est bien sûr, il n'y a personne qui, à
un moment donné, peut commencer la recherche; il faut de l'argent. Il
n'y a personne qui va se lancer dans quelque chose qui va porter profit dans
cinq ou dix ans. Il faut un démarreur. On fait la réserve pour la
recherche. Donc, financement disponible. Tout le monde, tous les intervenants,
tous les mémoires que j'ai lus sont d'accord avec le financement qui
vient du gouvernement.
Qui le donne? Pour nous, cela peut être le CRIQ et pour vous c'est
votre agence mais selon des formules qui peuvent être ou en amont ou en
aval.
Qu'il y ait des subventions directes en recherche, on ne s'y oppose pas,
contrairement à toutes les autres objections qu'on enregistre
vis-à-vis des programmes de subventions directes à l'entreprise
qui, pour nous, sont souvent des récompenses à
l'inefficacité. Dans le cas de la recherche, ce n'est pas prouvé;
il n'y a rien de découvert encore. On voudrait surtout que vous agissiez
au "output". Quand vous me dites que dans le dernier budget Parizeau il y a 10%
qui sont déductibles sur la masse salariale pour les fins de
l'impôt, vous avez parfaitement raison. Mais il faut donner le tableau
complet; c'est 10% des gens qui sont consacrés à la recherche.
Quand vous arrivez dans une grosse boîte, c'est une "pinotte".
M. Paquette: Pour une grosse boîte qui a...
M. Dufour: Si la boîte est grosse, c'est beaucoup d'argent,
mais, de façon générale, si vous avez juste une dizaine
d'employés, ce n'est pas une incitation fiscale importante. Cette mesure
du dernier budget de M. Parizeau est excellente, M. Paquette, et souhaitons
que, dans le prochain, il y aura plus d'argent et qu'on montera à 20%,
30% ou 40% du personnel, parce que toute l'entreprise participe à la
recherche.
Alors, c'est ce genre d'incitation fiscale. Vous le faites, vous devez
continuer à le faire, mais c'est un problème du ministre des
Finances que les méthodes de fiscalité.
Le problème qu'on pose ce matin devant votre commission, c'est:
Qui le distribue? Nous disons: Ce ne devrait pas être l'agence.
M. Paquette: Au bas de la page 5, vous dites: "Le respect de la
liberté des chercheurs est tout aussi fondamental et constitue une
condition essentielle au succès de toute politique de recherche
scientifique." Évidemment, je ne peux pas être plus d'accord avec
un énoncé comme celui-là. La seule question que je me pose
- puisque vous avez placé cela au début de votre texte -c'est:
Pourriez-vous me dire en quoi la loi 37 limite la liberté des
chercheurs?
M. Gratton (Émile): Je pense que M. Dufour l'a
mentionné dans son mémoire du Conseil du patronat du
Québec. Les chercheurs veulent avoir une liberté complète
d'une certaine manière. Lorsque vous voulez pénétrer d'une
certaine manière dans des entreprises et dans des centres de recherche,
non seulement on touche les chercheurs eux-mêmes, mais on touche aussi
l'organisation
d'une certaine manière. Lorsqu'une compagnie en particulier veut
innover avec un nouveau produit, elle essaie normalement de cacher ce secret
jusqu'à la dernière minute, lorsqu'elle va relâcher le
produit, vis-à-vis de la compétition, etc.
M. Paquette: Elle n'a pas besoin de nous, à ce
moment-là.
M. Gratton (Émile): Ce n'est pas qu'on n'ait pas besoin de
vous, c'est qu'on veut garder un certain secret à ce moment.
M. Paquette: Là, je vois un peu mieux.
M. Dufour: On peut ajouter en disant tout simplement que c'est un
tableau d'analyse; alors, on n'analyse pas votre loi, on situe nos principes de
base dans le cadre d'analyse.
M. Paquette: D'accord.
M. Dufour: Quand vous allez étudier pour voir, dans un
secteur que vous aurez choisi - et vous ne m'avez pas encore dit comment...
M. Paquette: Cela s'en vient.
M. Dufour: ...quand vous allez donner une subvention, vous allez
avoir un cheminement à bâtir, vous allez avoir des règles
gouvernementales qui vont être justes. Je connais le Conseil du
trésor, je sais comment il fonctionne; pour donner de l'argent, cela
doit être drôlement cadré. Cela ne pourra pas faire
autrement que d'avoir un impact direct sur le fonctionnement du projet à
l'intérieur de l'entreprise. M. Beauregard...
M. Paquette: Partant de ce principe -la liberté des
chercheurs est fondamentale, c'est évident - vous ne pensez pas que la
liberté des chercheurs est un peu limitée actuellement? Quand on
regarde une loi, il faut toujours se demander quelles situations elle vise
à corriger. La liberté des chercheurs dans l'industrie est
conditionnée par les objectifs, les orientations de l'entreprise, c'est
l'affaire de l'entreprise, mais elle est relativement limitée. On ne
s'occupe pas de cela dans le projet de loi, c'est du fonctionnement interne de
l'entreprise. À l'intérieur des universités, la
liberté des chercheurs est beaucoup plus grande. Le projet de loi ne
touche pas à la recherche qui se fait dans les universités, le
projet de loi touche ces chercheurs qui ont la folie de s'aventurer dans le no
man's land qui existe entre la recherche universitaire, où ils sont
salariés des universités, et la recherche industrielle, où
ils sont salariés des entreprises; alors, ils ont une certaine
sécurité dans les deux cas. Ce sont les chercheurs qui font, par
exemple, ce qu'on appelle un "spin-off" d'une entreprise.
On a eu un cas comme cela, deux chercheurs d'une entreprise ontarienne
qui nous arrivent. Ils ont fait le tour de toutes les agences gouvernementales,
ils sont allés au CRIQ. Le CRIQ a dit: C'est un projet prometteur
intéressant; la SDI a dit: Mes programmes sont normés parce que
je fais affaires avec toutes les entreprises, c'est un projet risqué et
les règlements ne me permettent pas d'intervenir. Ils sont allés
à Ottawa. Ce n'était pas possible non plus, mais c'est un projet
jugé valable sur le plan technologique et sur le plan des études
de marché. Ils sont arrivés au ministère de la Science et
de la Technologie. On a subventionné le prototype de façon qu'ils
puissent décrocher des contrats. Ces deux chercheurs, qui
décident de quitter une entreprise, parce qu'ils ont une maudite bonne
idée et de fonder leur propre entreprise. Mais, tant qu'ils n'auront pas
eu leur premier contrat, il y a toute une phase de développement,
d'innovation à faire, jusqu'à la fabrication des prototypes qui
va leur permettre de décrocher des contrats. Leur liberté
à eux, à mon avis, est singulièrement limitée dans
le système actuel. On pourrait dire, de la même façon,
comme cela s'est fait beaucoup dans la région de Boston ou en
Californie, que, parfois, cela vient des universités. Ce sont deux
chercheurs universitaires qui décident, à un moment donné,
qu'ils ont une bonne idée et ils veulent bâtir une entreprise
là-dessus ou créer une société de
recherche-développement. Eux, leur liberté est
singulièrement limitée dans le régime actuel, parce qu'ils
manquent de moyens, ils manquent de capital de risque. Jusqu'au moment
où leur innovation sera reprise par une entreprise, ils manquent
singulièrement d'appui technique, logistique, financier. C'est cela, le
rôle de l'agence, fondamentalement. N'avez-vous pas l'impression que la
liberté de certains chercheurs est drôlement limitée, qu'il
y a beaucoup d'innovations qui restent sur les tablettes?
M. Dufour: Je pense bien que la liberté de tous les
citoyens est limitée à un moment donné par des lois, des
règlements, ou des activités économiques. Elle est
limitée dans ce cas-là, dans votre exemple précis, parce
qu'ils manquent d'argent pour se lancer en affaires. Cela ne s'oppose pas
à ce qu'on dit. On dit que dans ce secteur particulier de la recherche,
il y a un rôle pour le gouvernement de lancer les dés parce que,
sans cela, il n'y en aura pas de chercheurs, il n'y en aura pas de recherche.
Sur ce plan-là, on se rejoint.
Voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Beauregard (Denis): Oui, je voudrais seulement revenir un
petit moment sur la question de la liberté des chercheurs et sur la
question du secret de l'entreprise qui entreprend des recherches. Les questions
que nous nous posons et que nous vous posons sont reliées à la
rédaction, telle qu'on peut la lire actuellement, du projet de loi qui
est sur la table. On dit dans la petite brochure qui nous est parvenue que
l'AQVIR procéderait par la méthode du "faire faire", ce avec quoi
nous sommes tout à fait d'accord. Par ailleurs, on dit aussi dans la
même brochure et dans des relevés de débats qui ont
été faits que le CRIQ ne serait pas en mesure de faire le
même travail que l'AQVIR parce que le CRIQ, faisant lui-même de la
recherche, risquerait d'être en conflit d'intérêts avec les
innovations qui pourraient lui être apportées. Alors, l'entreprise
qui fait appel à vos services le fait nécessairement dans une
perspective de secret d'entreprise. C'est un monde très
compétitif...
M. Paquette: Bien sûr.
M. Beauregard: Je pense que c'est évident.
M. Paquette: Bien sûr.
M. Beauregard: Par ailleurs, l'AQVIR va faire faire
l'étude de ce projet-là. D'accord? On dit dans cette brochure-ci
que l'agence ne se "staffera" pas pour faire le travail. Cela veut dire que
vous envoyez dans cette entreprise-là du personnel qui n'est pas de
votre agence, du personnel constitué de gens qui travaillent pour des
maisons de consultation, des boîtes d'ingénierie ou autres et qui
s'en vont dans l'entreprise, qui s'en vont, comme le disait M. Dufour
tantôt, vérifier, à partir d'une grille de
vérification parce que, pour que le Conseil du trésor accepte de
mettre de l'argent dans un projet, on a besoin d'y aller de façon
drôlement précise. Alors, vous demandez à des gens qui ne
sont pas à l'emploi de l'agence qui, elle, serait très
crédible par rapport au CRIQ qui ne le serait pas, d'aller fouiller ces
secrets-là. C'est un premier élément.
Deuxième élément. Si je reviens sur la notion du
chercheur qui doit jouir d'une certaine liberté de manoeuvre, de
façon à pouvoir pousser le plus loin possible sa recherche, on
dit d'abord que l'agence va agir dans des secteurs jugés prioritaires
par le gouvernement, premièrement. Deuxièmement, on dit aussi -
c'est une question qui vous a été posée tantôt et je
pense que la réponse va être très éclairante pour
nous - dans quelle mesure le ministre, au-delà des modes de
fonctionnement qui sont fixés dans la loi, peut donner des directives
à l'agence. Et, on prend même le soin de préciser: L'agence
devra se conformer à ces directives. Alors, la liberté du
chercheur là-dedans? On joue comment?
Comme vous voyez, on en est au stade des interrogations suscitées
par le texte du projet de loi tel qu'il est disponible actuellement.
M. Paquette: M. le Président, je pense qu'il y a des
interrogations auxquelles on peut répondre. Certaines demandent des
réponses, je vais les donner; d'autres auxquelles on peut
répondre en supposant que le gouvernement ou les responsables de
l'agence sauront très bien - je suppose qu'on va choisir des gens
compétents - qu'ils ne peuvent pas arriver dans une entreprise et se
mettre à fouiller dans les secrets industriels pour la bonne raison
qu'on ne leur parlera pas. Cela m'apparaît, d'abord, une première
donnée. (11 h 15)
Au-delà de cela, je pense qu'il est important ici de
préciser que l'agence va devoir adapter son fonctionnement aux
interlocuteurs. Quand il s'agit d'interlocuteurs qui proviennent des milieux
universitaires ou de chercheurs indépendants, mais tout d'abord du
milieu universitaire, ce qui manque, c'est la méconnaissance des
marchés, notamment. L'agence pourra financer des études de
faisabilité et elle les confiera à des gens
spécialisés là-dedans, elle ne les fera pas
elle-même. Elle va adopter une politique de faire faire. Il s'agira
peut-être d'évaluer l'invention sur le plan technologique. Elle
pourra faire appel à un organisme qui a les compétences pour le
faire, notamment le CRIQ, le centre de développement technologique de
l'École polytechnique ou d'autres universités. Le CRIQ n'a pas
toutes les compétences pour évaluer. Il les a très
solidement dans certains secteurs. Dans d'autres secteurs, c'est l'École
polytechnique. Dans d'autres secteurs, ce sont d'autres organismes. À
une phase ultérieure de précommercialisation, il faudra
peut-être mettre sur pied une société de recherche et de
développement (R et D); ce peut être une société en
commandite. Là, l'agence pourra utiliser son capital de risque, seule ou
avec d'autres, de façon à permettre éventuellement le
démarrage d'une entreprise de production à laquelle elle
cédera la place, de sorte que la société de R et D
n'imposera pas son passif vers la recherche et le développement à
une entreprise naissante qui part avec une bonne idée, mais qui doit
quand même tenir compte des impératifs de la concurrence et du
marché. C'est une chose.
Il y a d'autres types de projets d'innovation qui peuvent provenir des
entreprises. Alors, le fonctionnement est radicalement différent. Ce
peut être une
entreprise qui nous arrive et qui dit: On a une innovation très
intéressante; la recherche et le développement coûteraient
très cher et si on devait les financer totalement, on mettrait en
péril nos autres opérations, la santé financière de
l'entreprise. À ce moment-là, on se situe un peu de la même
façon que la SDI ou les agences fédérales. On va demander
aux gens s'ils veulent accélérer un programme de recherche et de
développement: Est-ce que c'est bien prometteur, etc.? On va se faire
une idée là-dessus. Nos gens ou nos contractants vont être
soumis à la même confidentialité que les gens de la SDI,
mais ils vont fonctionner dans une optique différente. La SDI fonctionne
par programmes normés. Elle est passive. Elle attend qu'on lui
présente des projets. L'agence va plutôt avoir tendance à
dire: Nous avons entendu dire qu'il y aurait tel développement dans
telle entreprise; on va aller voir s'il n'y aurait pas moyen
d'accélérer cela et on va lui offrir nos services. Si
l'entreprise dit non, d'accord.
C'est un organisme plus volontariste. Ce n'est pas un organisme passif,
contrairement à certains organismes financiers comme la SDI. Mais il va
être soumis aux mêmes règles de confidentialité. Dans
ces cas-là, il fonctionne avec une seule entreprise qui a, la plupart du
temps, ses propres capacités de recherche et dont il s'agit
d'accélérer le programme de recherche et de développement.
À l'article 17.1, on lit: "de prospecter les milieux de la recherche
dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement...". Vous en
concluez que l'agence devra agir dans les domaines jugés prioritaires
par le gouvernement. Ce n'est pas le cas. On dit simplement que l'agence devra
être attentive aux secteurs et aux domaines qui ont été
jugés prioritaires dans des politiques gouvernementales. Ce qui a
été mis dans les politiques gouvernementales relève de
l'initiative de personnes. Par exemple, il y a cinq ans, il n'y avait pas
beaucoup de gens qui parlaient de biotechnologie et de bioindustrie, mais
depuis, parce qu'il y a des chercheurs qui s'y sont intéressés,
parce qu'on sent qu'il y a des développements de ce
côté-là, c'est devenu une des priorités
gouvernementales dans le virage technologique. Tout ce que cet article dit,
c'est que, dans la prospection, l'agence devra être plus attentive
à ces domaines qu'à d'autres. Mais si vous lisez l'article 20 -
je reconnais qu'il y a peut-être moyen de préciser l'article 17.1
- on dit: "L'agence peut accorder une aide financière, aux conditions et
selon les limites qu'elle croit devoir fixer, pour la réalisation de
projets de valorisation de la recherche dans les secteurs d'activités
qu'elle détermine." Cela veut dire qu'au moment d'agir, il n'est pas
question pour l'agence d'écarter des projets qui sembleraient
prometteurs tout simplement parce que cela n'a pas été
prévu dans une politique gouvernementale. Le cas échéant,
on tue toute possibilité d'évolution et d'innovation. Comme il y
a un certain nombre de secteurs qui ont fait l'objet de consensus dans la
société, qui se sont retrouvés dans des politiques
gouvernementales, dans sa prospection d'idées, l'agence va plutôt
regarder de ce côté au lieu de s'en aller dans toutes les
directions.
M. Dufour: M. le Président, est-ce qu'on pourrait
s'attarder à cela? Cela nous paraît crucial. C'est le fondement
même de la loi. Même avec les explications du ministre, on pourrait
continuer à faire une lecture différente de ce qu'il vient de
dire. Hier, dans le mémoire de l'École polytechnique, il y avait
une proposition d'amendement très claire à l'article 17. Je vous
la lis, sous réserve d'autres textes. Ce que vous venez
d'énoncer, est-ce que cela exprime à peu près
l'idée de l'École polytechnique lorsqu'on demande de "consulter
les milieux de recherche en vue d'identifier des idées et des
technologies nouvelles à valoriser dans des produits et des
procédés nouveaux"? Là, c'est en consultation. Ce n'est
pas un choix prioritaire du gouvernement selon ce qu'il détermine.
C'est donc l'esprit de ce texte. Je peux vous faire engager, vous avez
le texte de l'École polytechnique. C'est à peu près dans
ce sens qu'il faut comprendre l'article 17.1.
M. Paquette: Je pense qu'on n'est pas au moment des engagements
gouvernementaux...
M. Dufour: Je suis d'accord.
M. Paquette: ...mais bien au moment de l'expression d'opinions
des intervenants. Est-ce que cette formulation vous plaît?
M. Dufour: Elle clarifie au moins un point: Ce n'est pas parce
qu'il y a eu une politique gouvernementale de développement
économique qu'on va valoriser...
M. Paquette: ...uniquement ces secteurs.
M. Dufour: ...la Gaspésie, par exemple, parce que c'est
là qu'on trouve une technologie nouvelle. Pour nous, ça ne peut
pas être sélectif, ça ne peut pas être sectoriel; ce
doit être fait avec le milieu, en tenant compte des propositions de M.
Gendron, avec son développement des régions, etc. Ce doit
être fait avec le milieu. Si c'est dans cet esprit, déjà,
la démarche est très différente.
Si vous me permettez une remarque, toujours là-dessus, sur
l'article 17.1, en
répondant à M. Beauregard, vous avez dit: Nous, comme
agence, nous allons tenter, pour le respect de la liberté des gens, par
nos conseillers qui iront dans les entreprises, de respecter les règles
de la fonction publique. J'imagine que ce sera une société
d'État.
M. Paquette: Une corporation publique.
M. Dufour: C'est-à-dire que le personnel serait assujetti
aux règles de la fonction publique?
M. Paquette: Oui.
M. Dufour: Donc, à la confidentialité, j'imagine.
Comment pourrait-on garantir que dans deux ans on ne pourra pas lire sur votre
agence ce qu'on lit aujourd'hui dans votre brochure concernant le CRIQ: "La
préoccupation de la valorisation de la recherche est l'un des
éléments qui fut à l'origine du CRIQ"? Tout ce que vous
venez d'exprimer, cela n'a pas abouti, pourquoi cela aboutirait-il par
l'agence? Quelles sont les garanties qui vont faire que cela va aboutir avec
l'agence alors que cela n'a pas abouti avec le CRIQ?
M. Paquette: II y a une différence tout à fait
fondamentale. Tout d'abord, le CRIQ a été le premier organisme
gouvernemental qui s'est intéressé au développement
technologique, au développement de la recherche industrielle. Il avait
un très large mandat, multidimensionnel. Il s'est
développé dans certains secteurs. Vous allez facilement concevoir
qu'un organisme comme le CRIQ, qui a identifié à peu près
3000 PME au Québec susceptibles d'innover et de bénéficier
de ses laboratoires, de ses équipes de recherche, parce qu'elles n'ont
pas le moyen de s'en payer elles-mêmes, a, par la force des choses,
concentré ses activités sur les demandes qui lui étaient
faites par les entreprises. C'est le champ principal, c'est l'expertise du
CRIQ, c'est le développement technologique, la mise au point de
procédés, l'innovation continuelle pour permettre aux petites et
moyennes entreprises qui n'ont pas les moyens de se payer du personnel de
laboratoire et des équipements de se maintenir compétitives.
Il y a une autre raison. Il y avait la nécessité de se
concentrer sur les choses les plus urgentes. L'autre raison est probablement
liée au fait que le CRIQ n'a jamais été conçu comme
un organisme de financement. Le CRIQ fait certains financements dans certains
projets; je vous donne un exemple. On a le projet d'une entreprise dans le
domaine des analyseurs biochimiques pour les hôpitaux. Le CRIQ a investi
un certain montant pour aider cette entreprise à développer un
peu ses études de marché et ses prototypes, sauf qu'il en est
rendu au point où, n'étant pas un organisme de financement et les
sommes requises étant plus importantes pour fermer l'écart qui
mène à la production, il n'a pas les moyens, ce n'est pas dans
son mandat, il n'a pas le capital de risque requis.
Troisièmement, le CRIQ, parce qu'il fait affaires, il doit faire
affaires, il doit ouvrir ses portes à toutes les entreprises qui font
appel à lui, est obligé d'apporter un certain comportement
normé, est obligé de faire en sorte qu'il ne privilégie
pas indûment des entreprises par rapport à d'autres qui sont en
concurrence. Le CRIQ ne peut pas se faire sélectif. C'est un peu
contradictoire avec son rôle de développement technologique et
c'est pour cela que, dans la plupart des pays, on distingue
généralement l'agent de développement technologique du
gouvernement, celui qui a l'expertise scientifique, qui a les laboratoires, qui
peut aider les PME, de l'instrument de valorisation de la recherche qui se fait
beaucoup plus sélectif, moins normé, qui fonctionne sur un petit
nombre de projets prometteurs, mais les appuie tout au long du processus qui
mène de la recherche à la production, en mobilisant les
ressources privées et publiques sur ce projet-là.
Je pense que cela explique très bien pourquoi le CRIQ n'a jamais
pu vraiment développer ses activités de valorisation de la
recherche, bien qu'il soit devenu un excellent agent de développement
technologique au service des PME.
Il y en a certains aussi qui confondent transfert technologique et
valorisation de la recherche. Le CRIQ fait beaucoup de prospection pour des
licences, notamment à l'étranger, qui pourraient être
assumées par des petites et moyennes entreprises
québécoises. Ensuite, il les offre à ses clients. C'est du
transfert technologique, ce n'est pas de la valorisation industrielle de la
recherche, et je pense qu'il est parfaitement équipé pour faire
cela.
Il y a une tendance qui veut qu'on regrouperait cela dans des organismes
existants. Si on accolait à un organisme qui fonctionne relativement
bien, qui a quand même un personnel élevé de 300 personnes
comme le CRIQ, des fonctions un peu disparates et contradictoires
jusqu'à un certain point avec certaines parties de son mandat, est-ce
qu'on n'aurait pas une patente plus grosse, donc plus bureaucratique, moins
centrée sur les projets innovateurs et qui risquerait d'être moins
efficace?
M. Dufour: À ce moment-là, M. le ministre, pourquoi
pas chez vous? On vient de créer un ministère.
M. Paquette: La dernière question que
vous m'avez posée est celle-là. Évidemment, on y a
pensé. On s'est dit: Pourquoi ce ne serait pas une direction du
ministère? Il y a un certain nombre de raisons pour cela.
Premièrement, quand il s'agit de faire affaires avec des milieux
universitaires et des entreprises, la présence gouvernementale est - je
pense que c'est un fait reconnu -moins bien acceptée quand il s'agit
d'un ministère. Cela a l'air du gouvernement qui arrive avec ses gros
sabots. Si c'est une agence qui a une autonomie d'action, les gens la
percevront plus comme un agent actif qui se place un peu sur le même pied
qu'eux, mais qui est un agent catalyseur. Ils sauront que c'est financé
par le gouvernement et ils sauront que ce n'est pas l'agent qui s'en vient
imposer les politiques gouvernementales et surtout qui vient prendre le
contrôle des projets ou des entreprises. C'est un premier point.
Deuxièmement, il y a la souplesse et la rapidité
d'exécution. Dans les secteurs de haute technologie, il faut souvent se
tourner vite et un ministère est soumis à des normes et des
contraintes parce que son objet est très large. À
l'intérieur du gouvernement, on établit des mécanismes de
contrôle qui sont un peu plus souples au niveau d'une agence. Finalement,
dans une agence, on peut avoir un conseil d'administration - cela
répondra à une autre de vos questions - qui fait place à
des gens du milieu.
Il y a d'autres agents qui, à un point ou l'autre du processus
d'innovation, sont intéressés. Avec un conseil d'administration,
on pourra avoir un représentant du CRIQ, du CIIM, on pourra avoir des
représentants du monde des affaires, des milieux universitaires, des
milieux les plus vitalement intéressés au processus d'innovation
qui éclaireront l'action de l'agence de leur expertise.
À cet effet, je vous signale le dernier paragraphe de l'article 5
où on dit: "Au plus quatre des membres du conseil d'administration
peuvent être choisis parmi les membres des organismes des secteurs public
et parapublic ou parmi les membres de leur personnel." C'est une autre
façon de dire qu'on pense que la majeure partie des membres du conseil
d'administration de l'agence doivent provenir des milieux industriels et du
milieu des affaires. On pourrait peut-être le formuler de façon
positive plutôt que négative, mais l'objectif est là. (11 h
30)
M. Gratton (Émile): Merci, M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, après avoir
répondu à ces questions, j'avais encore... Ah! Je m'excuse.
Le Président (M. Blouin): Oui, M.
Gratton.
M. Gratton (Émile): M. le Président, M. le
ministre, j'aimerais faire un commentaire si vous voulez sur la formation de
l'agence telle que vous l'avez expliquée. À l'intérieur de
mon entreprise en particulier lorsqu'il y a un groupe de travail ou un groupe
d'analyse qui est formé pour revoir les projets de recherche en
détail avec les gens de la recherche, il y a déjà une
certaine méfiance qui existe dans le groupe de la recherche ou parmi les
chercheurs eux-mêmes. Il y a aussi une certaine réserve à
l'intérieur de l'entreprise de laisser certains secrets de nouveaux
produits ou de nouveaux développements, de laisser paraître ces
secrets à d'autres secteurs à l'intérieur de la même
entreprise. Je reviens au point que je faisais au tout début: je doute
que l'entreprise elle-même puisse accepter, lorsqu'elle a certains tabous
à l'intérieur, une agence qui vient en plus de cela de
l'extérieur.
Le Président (M. Blouin): Merci M. Gratton. M. le
ministre.
M. Paquette: Sur cette dernière remarque, M. le
Président, je dois vous dire que quand il s'agit d'aller regarder ce
qu'il y a à l'intérieur d'un brevet et d'aller voir de
façon très précise les plans et devis, je le comprends
parfaitement. C'est une réalité dont l'agence devra tenir compte,
qu'il y a nécessité de ce qu'on appelle le secret industriel,
c'est évident. Mais je tiens à vous dire qu'au-delà de
cela, on a visité - je l'ai fait en janvier-février - beaucoup
d'entreprises dans des secteurs de haute technologie. Je suis en train de
compléter une tournée des centres de recherche industrielle. On a
eu des discussions avec l'agence des directeurs de la recherche industrielle
qui dirige les services de recherche et dont un représentant est venu
nous parler hier. On en a déjà beaucoup de demandes de
subventions de ces entreprises pour une aide financière. Dans leur cas,
ce n'est pas tellement l'aide technique, ils ont généralement pas
mal de ressources à l'intérieur, mais ils se disent: On est en
compétition sur le plan international. Si on veut pouvoir continuer
à exporter et à être compétitif sur les
marchés internationaux, il faudrait qu'on accélère notre
programme de R-D. Dans certains cas, ils n'ont pas encore les reins assez
solides. Ce ne sont pas toutes des multinationales; souvent, ce sont des
entreprises en émergence. Elles disent: Elles n'ont pas toutes les
possibilités d'accélérer notre programme de R et D et il
faudrait qu'on le fasse. Si on le fait, on met... Autrement dit, le risque est
trop grand parfois et cela prend un supplément d'aide de l'État
si on pense que le développement
technologique est au coeur de notre développement
économique et que l'avenir et la compétitivité de nos
entreprises dépend de leur capacité d'innovation technologique et
donc, de l'accélération de leur programme R et D. Vous seriez
surpris des entreprises - ce n'est pas à moi de les mentionner - il y en
a même de très grandes qui nous amènent des projets
qu'elles veulent faire conjointement avec nous. On n'a pas d'instruments pour
le faire. L'agence pourra s'engager dans ces dossiers.
Le Président (M. Dlouin): Merci, M. le ministre.
M. Paquette: J'aurais encore deux petites questions. Je vais
essayer - je vois que le temps passe - de me limiter.
Le fait que le ministre délégué à la Science
et à la Technologie puisse donner des directives à l'agence et
que, à la suite de l'approbation de ces directives par le gouvernement,
elle sera tenue de s'y conformer, cela existe dans toutes les lois. Vous
regarderez la Loi sur la SDI, je pense qu'elle a été presque
copiée sur les articles de la SDI. L'idée, c'est de regarder en
termes de normes. Le CRIQ également possède ce genre de
disposition dans la loi. Cela permet simplement de s'assurer qu'il y ait quand
même une dynamique entre l'agence et le gouvernement. Je ne sais pas si
le Conseil du patronat a déjà fait ce genre de reproches au
gouvernement, que les fonds publics étaient mal contrôlés
par le gouvernement et par le Parlement. C'est un reproche qu'on nous fait et
souvent, les mêmes personnes du même souffle nous disent:
Éliminez donc tous les points qui permettraient au gouvernement de
suivre de plus près les activités et les organismes publics.
Alors, on voudrait que lorsqu'il y a un problème, c'est difficilement
prévisible, mais lorsqu'il y a un problème d'orientation ou que
l'agence se pose des questions sur ses modes de fonctionnement, on puisse lui
donner des directives. Par exemple, une des directives qui me vient à
l'esprit tout de suite, c'est: on va préparer un protocole d'entente
avec le CRIQ pour l'échange des services, alors vous êtes tenus de
vous conformer à ce protocole d'entente. Il faudrait quand même
avoir la possibilité de leur dire cela.
M. Gratton (Émile): Si vous me permettez de commenter
cela, votre explication est pleinement acceptable. C'est normal que le ministre
soit responsable devant l'Assemblée nationale du fonctionnement d'une
agence. Vous auriez peut-être intérêt à revoir le
texte parce que les mots utilisés sont très directifs. Quand on
soulève cela, c'est dans le contexte de 17.1 actuel, vous voyez le lien.
Cela veut dire: Choisis et nous, on va te dire... Votre explication nous
satisfait. C'est normal qu'il en soit ainsi.
Le Président (M. Blouin): Est-ce qu'il y a un autre point,
rapidement, s'il vous plaît?
M. Paquette: Oui, j'ai un dernier point, M. le Président.
Il y a aussi un autre article dans la loi qui dit que les directives sont
déposées à l'Assemblée nationale et peuvent
être discutées, de sorte que tout cela est du domaine public. Je
pense que c'est un point important à préciser dans la loi.
Voici ma dernière question. Vous proposez de tout mettre en
oeuvre pour créer un climat favorable à la recherche industrielle
au Québec. Je vous dirais que le principal - en ce qui me concerne dans
mes responsabilités ministérielles - moyen de créer un
climat favorable à la recherche industrielle au Québec, c'est
qu'on valorise les inventions, qu'on fasse connaître les succès
québécois plutôt que de les diminuer, plutôt que de
donner une image négative du Québec à l'extérieur.
Autrement dit, c'est dans les ressources que les entreprises et la
société vont consentir au développement technologique et
à prendre le virage technologique qu'on va créer un climat
favorable. Le succès entraîne le succès. C'est un des
éléments. On propose ce projet-là, c'est un des
éléments.
Voici la question que j'aurais tendance à vous poser puisqu'on
est avant la deuxième lecture. Est-ce que vous pensez que le
gouvernement devrait aller de l'avant avec ce projet? Si oui, on a parlé
un peu des conditions, quelles sont les conditions qui vous apparaissent les
plus importantes pour assurer le succès de cette
entreprise-là?
M. Dufour: Quant à la question du climat, M. Paquette, je
pense bien qu'on le recherche tous, peut-être avec des moyens
différents, mais on recherche tous la création d'un climat
favorable aux investissements. Pour nous, vous êtes un ministre à
vocation économique qui, à l'intérieur du Conseil des
ministres, avez la responsabilité de véhiculer, comme d'autres
ministres à vocation économique, de véritables
préoccupations du milieu des affaires. Vous connaissez mieux que
quiconque, pour les côtoyer, les problèmes de fiscalité, de
relations du travail, qui sont créés par les ministères
que l'on appelle à vocation sociale ou culturelle. Souvent on
n'entrevoit pas l'impact négatif d'une législation sur ce que
vous tentez de faire au niveau de la recherche et du développement.
Exemple, si vous avez des législations du travail qui ne sont pas
tellement acceptées par nos entrepreneurs québécois, vous
aurez beau faire tous les efforts de
recherche et de développement, M. le ministre, vous allez rater.
C'est dans ce sens-là qu'on dit qu'il faut créer un climat
favorable. Il nous apparaît que, comme ministre responsable du
développement économique à l'intérieur du
ministère, nous on se retrouve dans ce cheminement comme étant un
peu notre porte-parole.
Quant à ce que la loi veut véhiculer, émondons cela
de tout ce qu'on a pu dire. Il y a deux choses dans ce projet de loi, soit la
création d'une agence de financement à toutes fins utiles dans la
recherche et le développement. Ne nous cachons pas derrière trop
de paravents, c'est fondamentalement du financement. Tant mieux qu'il y ait de
la promotion, de la valorisation, vous en faites déjà comme
ministère, d'autres organismes en font. C'est un organisme un petit peu
de financement. Vous dites que devant ce projet de loi, on va essayer de vous
aider, comme gouvernement, à dégraisser l'appareil gouvernemental
dont vous nous parlez constamment en créant le moins d'agences possible.
C'est ce qu'on est venu vous dire aujourd'hui: le moins possible. Vous en
proposez une autre, on ne peut pas être d'accord. Vous nous dites que
vous entendez dégrossir l'appareil de l'État. Il y en a une
autre.
M. Paquette: II y a une différence entre une direction
générale dans un ministère de 20 à 30 personnes, 20
à 30 personnes de plus au CRIQ ou 20 à 30 personnes dans une
agence.
M. Dufour: Oui, mais... Bien non, on a fait le même
débat M. Paquette il y a deux ans ici quand on a créé
la...
M. Paquette: Vous êtes d'accord que cela va quand
même prendre du monde pour administrer ces fonds.
M. Dufoun Oui, mais là vous créez une structure.
M. Paquette: Bon, c'est peut-être mieux de les mettre
là qu'ailleurs.
M. Dufour: Vous avez toute l'infrastructure qui existe
déjà dans les autres secteurs. Déjà il y a des
infrastructures que vous n'avez pas besoin de créer. Un million, c'est
l'Institut national de productivité. C'est ce qu'on a bâti il y a
deux ans et qu'on a rattaché au MICT. On a fait le même
débat il n'y a pas tellement longtemps avec la création de la
Commission des normes du travail. On est la seule province à avoir une
Commission des normes du travail. Dans toutes les autres provinces, c'est
rattaché au ministère du Travail. Nous, ici, on a mis sur pied
une belle structure qui nous coûte 20 000 000 $ par année.
Pourquoi? Je ne parle pas de vos 10 000 000 $ de financement parce que,
qu'ils soient donnés par la SDSI, par vous ou par d'autres, ils iront
dans le réseau; c'est la structure que cela implique et c'est ce que
nous remettons en cause.
M. Paquette, vous êtes le législateur et, si vous optez
pour une agence, alors optez pour une agence. La seule chose qu'on va vous
demander sera d'appliquer à votre loi ce que vous avez fait comme
législateur dans le cas de la création de la Commission
d'accès à l'information, où vous vous êtes entendus
sur un "sunset law". Je cherche le texte ici. Vous avez
décrété comme législateur - projet de loi 65, comme
référence - vous créez une commission, vous en avez
créé une autre: "La commission doit au plus tard... faire un
rapport au gouvernement sur la mise en oeuvre de la présente loi, sur
l'opportunité de la maintenir en vigueur et, le cas
échéant, la modifier. Ce rapport est déposé dans
les quinze jours... Le président convoque, dans un délai d'un an
à compter du dépôt du rapport, la commission permanente de
l'Assemblée nationale pour étudier l'opportunité de
maintenir en vigueur ou, le cas échéant, de modifier la loi,
d'entendre les personnes qui sont concernées... et de remettre en cause
la commission."
Nous suggérerions le même genre de clause. À tout le
moins, si on s'embarque, on s'embarque pour un an mais cela fera l'affaire de
tous les groupes intéressés. C'est une décision politique
que vous avez déjà prise comme gouvernement. C'est cela en
conclusion... Bien sûr, en exceptant qu'au départ, vous avez
clarifié votre mandat dans le sens où vous l'avez dit
tantôt.
Le Président (M. Blouin): Mme la députée de
Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais
remercier les représentants du Conseil du patronat du Québec pour
leur excellent mémoire. Je partage et je crois que je pourrais dire que
notre formation politique partage, dans une grande mesure, vos orientations et
vos préoccupations. Il y a là-dedans plusieurs
éléments que j'ai beaucoup appréciés. Je parle
d'abord de votre position sur le rôle de l'État vis-à-vis
du développement économique et donc le développement de la
recherche.
Deuxièmement, l'accent que vous avez mis sur ce que vous attendez
de l'État comme conditions afin d'assurer un climat propice aux
activités de recherche. J'ai une question là-dessus.
Troisièmement, j'aimerais le souligner, j'ai eu beaucoup de plaisir
à lire à la page 6 la citation de Klein and Meckling, aux
États-Unis. C'est un phénomène ce paradoxe apparent. "Le
développement industriel est à la fois moins
coûteux et plus rapide lorsqu'il survient dans des conditions de
duplication, de confusion et de relative inorganisation entre des unités
de recherche travaillant en parallèle." Je crois que c'est un
témoignage que nous avons entendu à plusieurs reprises lors de
notre discussion sur le projet de loi 19.
Pourriez-vous expliciter un peu ces conditions propices que vous
cherchez? Pourriez-vous nous donner quelques exemples concrets pour illustrer
l'importance de ce climat propice?
M. Dufour: Je vais les rappeler de façon très
générale et on va demander à quelqu'un qui a
l'expérience concrète d'un centre de recherche comment cela se
vit dans son centre. Les milieux patronaux véhiculent toute une
série de préoccupations mais, par rapport aux centres de
recherche de façon plus particulière, il y en a deux: c'est
vraiment le problème de la fiscalité et le problème de la
langue d'enseignement. Ce sont des chercheurs très mobiles, et ce sont
les difficultés qui sont éprouvées. Ne s'appliquent pas
tellement, dans le cas spécifique de la recherche, d'autres
problèmes qu'on identifie de temps à autre. Par exemple, les
problèmes de relations du travail qui peuvent se vivre dans l'usine ne
se vivent pas tellement dans les centres de recherche. Il faut donc faire des
distinctions quand on parle de climat général entre un certain
nombre de problèmes dans des situations particulières et
d'autres. (11 h 45)
De façon concrète, M. Gratton, on peut illustrer à
Mme Dougherty ce que vous avez vécu comme directeur de recherche.
M. Gratton (Émile): M. le Président, Mme Dougherty,
nous devons absolument aller à l'extérieur du Québec pour
aller chercher de l'expertise, des chercheurs, pour deux raisons fondamentales.
Premièrement, il y a trop peu de chercheurs au Québec et,
deuxièmement, il est nécessaire et fondamental d'aller chercher
des chercheurs de souches différentes, qui viennent d'autres pays et
d'autres universités avec des professeurs différents, pour
être capable d'amener ce qu'on appelle un "cross fertilization" à
l'intérieur du groupe de recherche. Lorsque nous allons, que ce soit au
Canada, à l'extérieur du Québec, aux États-Unis ou
un peu partout à travers le monde, les deux points que M. Dufour
mentionne reviennent toujours en premier lieu. C'est la question de la loi 101
et, naturellement, la question de l'impôt des particuliers au
Québec. On nous demande combien coûte l'impôt par rapport
à un salaire donné et ils font la relation entre ce qu'ils
paieraient s'ils étaient ailleurs, que ce soit au Canada, aux
États-Unis ou ailleurs, et immédiatement ils nous demandent des
salaires beaucoup plus élevés pour être capables de venir
ou d'accepter l'emploi.
Naturellement, lorsqu'on fait cela, cela veut dire qu'on change
complètement la structure salariale à l'intérieur de
l'entreprise, ou qu'on paie moins les gens du Québec que ce qu'on paie
aux gens de l'extérieur, et on ne peut pas tolérer cela.
L'autre raison, naturellement, c'est la question de la langue. Comme M.
Dufour le mentionnait, les gens sont très mobiles et ils ne veulent pas
nécessairement passer des années dans un pays donné ou
dans un endroit donné. Alors, ils veulent venir et garder une certaine
langue qu'ils parlent, avec certaines prérogatives et, lorsqu'on arrive
avec la loi 101, c'est sûrement un obstacle majeur auquel ils doivent
faire face. C'est pour cela que nous avons énormément de
problèmes, au Québec, à trouver des chercheurs qui
viennent d'ailleurs que du Québec.
Mme Dougherty: Sur cette question, le problème d'attirer
les chercheurs d'ailleurs, dans votre mémoire, vous avez dit:
"L'exemption prévue pour un séjour temporaire au Québec
est encore considérée comme insuffisante." Nous avons souvent
soulevé ce problème au gouvernement et nous obtenons toujours la
même réponse. C'est que le séjour temporaire existe et tout
marche bien à cause de cela. Ce n'est pas vrai, si je comprends
bien?
M. Dufour: D'abord, je voudrais bien préciser que, si nous
soulevons ces questions dans ce mémoire, il est bien évident que
nous n'attendons pas de M. Paquette la réponse à ces
problèmes. Que nous sachions, il n'a pas encore la responsabilité
du ministère des Finances ou de la loi 101. Tout ce qu'il débat
comme problème, il peut le débattre - c'est le point que je
soulevais tantôt - il peut avancer les meilleurs organismes, les
meilleures structures et avoir l'argent, mais, s'il n'y a pas ce climat, nous
allons avoir un problème.
La réponse que l'on nous fait du côté du
ministère de l'Éducation... Maintenant, c'est M. Godin...
M. Paquette: Le ministre responsable de l'Office de la langue
française.
M. Dufour: On nous dit: Le problème ne se pose pas dans
les sièges sociaux et les centres de recherche, parce que vous avez
droit à un permis temporaire de trois ans qui est renouvelable. C'est
vrai, c'est exact, mais ce sont des questions de perception...
M. Paquette: ...
M. Dufour: C'est comme cela, M. Paquette, je voudrais bien
changer le monde,
mais la réalité est ainsi. C'est ce qu'il nous dit. Quand
les gens se font dire: Vous allez être obligés d'aller chercher un
certificat... Je pense que M. Paquette n'est pas d'accord, mais c'est cela la
vraie vie.
M. Gratton (Émile): En fait, on met un obstacle
additionnel et majeur à ce moment à favoriser l'emploi de cet
individu. Premièrement, on doit l'intéresser à
l'entreprise, parce qu'il y en a plusieurs qui recherchent des chercheurs.
Alors, ils vont poser énormément de questions pour savoir quelle
entreprise va être plus favorable à leur propre
développement plutôt qu'au développement de l'entreprise
et, lorsqu'on met trop d'obstacles majeurs, comme la question de la loi 101 et
la question des impôts, c'est assez, dans certains cas, pour les diriger
vers d'autres centres.
Mme Dougherty: Merci.
Ma deuxième question: À la page 7, vous avez posé
une question très importante. Vous avez dit: Y a-t-il une
activité suffisante pour alimenter cette nouvelle structure? Vous
parliez de l'agence et vous avez donné quelques éléments
de réponse. J'aimerais que vous parliez surtout peut-être de
l'évolution d'autres organismes comparables dans d'autres juridictions
ou d'autres pays, comme ANVAR, par exemple, un organisme en
Grande-Bretagne.
Deuxièmement, la question des brevets des ministères que
vous avez soulevée comme élément de réponse.
Voudriez-vous clarifier cela?
M. Dufour: Oui, M. Beauregard.
M. Beauregard: D'abord, les agences comparables à ce qu'on
nous présente dans d'autres pays. On retrouve dans la publicité
même du ministère de la Science et de la Technologie trois
exemples d'ANVAR en France, un organisme comparable en Grande-Bretagne et un
autre en Finlande. D'abord, si on peut parler de l'ANVAR, c'est un organisme
qui a été mis sur pied il y a certain nombre d'années et,
devant le succès retentissant de l'organisme en question, on a
été obligé de le modifier à plusieurs reprises pour
en faire, à toutes fins utiles maintenant, un organisme qui est un canal
de subventions, un canal de financement de la recherche et pratiquement rien
d'autres. Pourtant, l'ANVAR avait un mandat extrêmement plus large avant
et la chicane a pris - cela n'a pas été très long - entre
le CNRS en France qui fait de la recherche et l'ANVAR, qui essayait de faire de
la valorisation industrielle de la recherche. Donc, on a modifié ces
mandats-là pour arriver à une espèce de canal de
financement.
Maintenant, il faut dire qu'en France, il n'y a pas de CRIQ. En France,
il y a un organisme qui s'appelle le CNRS qui fait de la recherche surtout
fondamentale, ce qui n'est pas tout à fait le cas du CRIQ. Donc,
à mon avis, on essaie de nous servir des exemples qui collent plus ou
moins bien avec la réalité québécoise. J'aimerais
mieux qu'on aille voir, pour trouver des sources d'inspiration, des pays avec
lesquels on peut, peut-être un peu plus facilement, se comparer. La
Finlande, je veux bien, mais j'aimerais mieux qu'on aille voir aux
États-Unis. La Grande-Bretagne, en termes de développement
technologique, de succès économique, jusqu'à maintenant a
peu de leçons à servir à qui que ce soit.
On peut peut-être aller faire un petit tour du côté
du Japon. Contrairement à des opinions qui circulent beaucoup, on a un
peu l'impression souvent qu'au Japon, toute la recherche industrielle et tout
le développement technologique sont planifiés par le
gouvernement. Il faudrait peut-être aller voir d'un peu plus près.
Ce n'est pas tout à fait comme cela que cela se passe, d'autant plus que
là-bas, il y a une philosophie sociale de très grande
collaboration entre tous les partenaires économiques. On parle d'une
autre société, mais on parle d'un autre système. Donc, les
autres agences auxquelles on peut faire référence, je dirais
peut-être la plus près, c'est l'ANVAR. Et, l'ANVAR, devant ses
échecs répétés, a dû être
modifiée pour ne devenir qu'un canal de subventions, de financement.
Je reviens un peu à ce qu'on disait tantôt. Au
Québec, nous disposons d'organismes existants qui pourraient faire ce
travail-là. On a parlé du CRIQ, on a parlé de la SDI. Il
est bien évident que le CRIQ actuellement n'a pas les 10 000 000 $ pour
faire ce volet du travail dont l'AQVIR serait dotée. Pourquoi ne pas lui
donner et lui laisser faire le travail pour lequel elle est bien
préparée? Ce serait un travail qui, contrairement à ce que
M. le ministre a dit tantôt, peut constituer un deuxième volet
d'un vaste plan d'ensemble. Ce sont deux volets très conciliables.
J'entendais récemment M. Parizeau dire qu'on peut être catholique
et végétarien en même temps. On peut faire en même
temps ces deux volets-là de la recherche aussi. Donc, l'ANVAR dont on
parle beaucoup n'est pas, je crois, un bon exemple.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la
députée...
M. Beauregard: Excusez-moi, je voudrais seulement ajouter...
M. Dufour: Elle relève du MIC.
M. Beauregard: L'ANVAR, en France,
relève du ministre de l'Industrie et du Commerce, parce que cela
semble aller là.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
M. Raquette: ...qui circule. On est censé laisser
passer.
Le Président (M. Blouin): Vous pourrez intervenir tout de
suite après.
Mme Dougherty: Hier soir, nous avons posé cette question
à M. Biron et le ministre nous a informés que c'est actuellement
sous la tutelle du ministre de l'Industrie et de la Recherche, je crois. C'est
l'information du ministre. Est-ce vrai?
M. Paquette: M. le Président, il y a peut-être un
certain nombre de questions. De fait, en France, le ministère de la
Recherche et le ministère de l'Industrie ont été
regroupés l'an dernier. Alors, c'est le ministère de l'Industrie
et de la Recherche. Ce n'est pas surprenant que l'ANVAR relève de ce
ministère. D'autre part, il y a environ quinze centres de recherche
appliquée spécialisés en France qui se partagent le
rôle du CRIQ. Le CRIQ peut être vu comme un regroupement de centres
spécialisés, parce qu'il y a une section électronique, une
section métallurgie, etc. Il y a trois ou quatre secteurs où le
CRIQ excelle. Les Français ont préféré faire des
centres de recherche appliquée qui aident et appuient la petite
entreprise et cela ne les a pas empêchés de créer une
agence dont le rôle a été modifié. Justement notre
projet se compare à la nouvelle ANVAR, parce qu'on en a fait un
organisme d'appui, de soutien technique à l'innovation et de financement
de capital de risque. C'est exactement cela. De sorte que notre projet
ressemble beaucoup plus à la nouvelle ANVAR qu'à l'ancienne.
Plus près de nous, vous regarderez la structure de IDEA
Corporation, en Ontario. C'est un mandat beaucoup plus large que l'agence et,
justement, il faut se demander si on doit créer des organismes avec des
mandats aussi larges qui vont faire tout et rien.
M. Beauregard: Je veux simplement ajouter, concernant l'AQVIR,
que la dernière transformation dont parle le ministre, c'est très
juste, mais c'est une série de transformations pour essayer de sauver
une agence qui ne fonctionne pas.
M. Paquette: Non.
M. Beauregard: Ses échecs répétés, je
pense que, comme modèle, c'est difficile...
M. Paquette: II n'y a pas eu de constat d'échec en France
à l'ANVAR. On a amélioré le processus comme c'est normal.
À mesure qu'on évolue, les institutions doivent changer,
s'adapter aux réalités. Il faut dire que l'ANVAR a
été créée il y a 30 ou 40 ans. Qu'elle ait subi des
transformations en cours de route; ce serait inquiétant de la part des
Français si l'organisme était resté le même. Quant
à l'organisme britannique, il fonctionne extrêmement bien. Le
NRDC, en Grande-Bretagne, a connu d'énormes succès commerciaux
à un tel point que, maintenant, il s'autofinance à même les
redevances des projets auxquels il a participé.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la
députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'ai une dernière question, parce que
j'aimerais donner la chance à mes collègues. Croyez-vous qu'il y
a beaucoup d'inventions ou d'idées prometteuses qui restent sur les
tablettes, faute d'action, faute de ressources, faute d'énergie de la
part des universités, ou pour d'autres raisons? Qui devrait prendre
l'initiative afin d'acheminer ces projets? C'est une des justifications, si je
comprends bien, de l'agence.
M. Dufour: Peut-être que je comprends mal la question, mais
vous voulez savoir s'il y a beaucoup de gens qui ont des idées et qui
voudraient devenir innovateurs, créateurs et lancer des produits.
Sûrement. Je me rappelle qu'au colloque que nous avons tenu au mois de
mai sur le chômage des jeunes, il y avait un chef d'entreprise, et non
pas le moindre, celui de IBM, qui avait lancé l'idée qu'on ait
quelque part - j'espère qu'on ne formera pas une autre agence pour le
faire -une banque d'idées de ce genre et que les jeunes puissent
justement avoir un certain secours gouvernemental - là-dessus, on
rejoint M. Paquette - un certain montant de financement pour faire
démarrer une idée. D'après les mémoires qu'on a vus
- c'est peut-être une façon indirecte de répondre à
votre question - je pense qu'on est tous d'accord pour dire qu'il n'y a pas
assez d'argent dans la recherche, de façon générale, et
cela n'est pas un blâme purement pour les gouvernements. Cela peut
être un blâme aussi pour le secteur privé, parce que, quand
on regarde ce que consent, en termes de PNB, le Canada et le Québec
à la recherche, c'est faible par rapport à d'autres pays. Qu'il y
ait besoin de sources additionnelles de financement, Mme Dougherty, on est
d'accord. Je pense l'avoir établi très clairement tantôt.
Je le répète pour être bien clair. Ce ne sont pas les 10
000 000 $ dont il est question en termes de financement pour des nouveaux
projets soumis à un tamis quelconque, parce que je
pense bien qu'on ne peut pas disposer de l'argent de l'État comme
cela, il faut vraiment que ce soit dirigé vers les meilleurs
créneaux possible. Il manque de financement. Donc, il y a des
idées qui n'ont sûrement pas été
développées, vous avez raison. On peut l'ajouter, il y a des
idées que vous ne développez pas. (12 heures)
M. Gratton (Émile): Si vous me le permettez, j'aimerais
faire une différence entre des idées qui peuvent mener à
des brevets et des idées qui vont mener à des produits. Il y a
une différence marquée entre les deux. Vous allez avoir des
brevets sur certaines idées qui, malheureusement, ne sont pas
réellement applicables dans le milieu, sur lesquelles on peut sortir des
aspects intéressants au point de vue économique. Par contre, si
vous avez des idées qui seront structurées pour développer
un nouveau produit, qui n'auront pas nécessairement un brevet, à
ce moment-là, je pense qu'on va gagner quelque chose. Le moyen de le
faire, d'aller chercher toutes ces idées, c'est d'avoir des chercheurs
professionnels, de pouvoir les former dans des universités, de les
rendre disponibles à l'industrie.
Encore une fois, comme il a été mentionné dans le
mémoire et comme M. Dufour l'a mentionné, il faudrait essayer
d'enlever les obstacles qui existent présentement pour qu'on puisse les
laisser fleurir, si vous voulez, dans le milieu global. Encore une fois,
à mon point de vue en tout cas, l'agence aurait de la difficulté
à faire ce que l'entreprise privée peut faire lorsque les
obstacles seront enlevés devant l'entreprise privée en
général.
Mme Dougherty: Merci.
Le Président (M. Blouin): Merci. Il est un peu plus de
midi et nous devons suspendre normalement à 13 heures; comme deux autres
députés ont demandé la parole, je demanderais donc aux
députés et aux invités d'essayer de terminer leurs
échanges dans les plus brefs délais possible.
Mme la député de Maisonneuve.
Mme Harel: Merci, M. le Président. M. Beauregard et M.
Gratton, vous êtes des directeurs de recherche. Vous avez donc à
entrer en contact avec des chercheurs professionnels. Vous faisiez état
tantôt de ce qui vous semblait être une difficulté de
recrutement, à savoir la loi sur la langue française au
Québec.
J'aimerais, compte tenu de l'expertise que vous possédez
auprès de ces chercheurs professionnels, vous poser quelques questions.
Vous disiez qu'il s'agit, à l'occasion ou assez
régulièrement, d'une présence temporaire. C'est bien le
cas, en fait? Donc, ce sont des gens qui sont appelés de par le vaste
monde, si je comprends bien, à circuler, j'imagine, dans les pays
où il existe des centres de recherche importants. Je pense à
l'Allemagne, au Japon, aux Indes également, sans doute en Israël,
en Algérie. J'en oublie et j'en passe, évidemment, et des
meilleurs peut-être.
Je voudrais savoir comment ces divers pays reçoivent ces
chercheurs. Est-ce que la situation qui prévaudrait dans ces pays serait
différente de la nôtre? Est-ce que là-bas ils ont
accès à des écoles publiques dans la langue en usage dans
leur famille ou s'ils envoient, comme je le présume, les enfants aux
Indes, en Israël, en Algérie ou en Allemagne dans des écoles
privées? Quelle est la situation de ces personnes que vous rencontrez et
qui ont à se déplacer, comme vous nous l'indiquiez, qui sont en
situation de résidence temporaire dans certains pays?
M. Gratton (Émile): Si vous me le permettez, je vais
essayer de répondre. Dans le milieu de la recherche, je dois dire que la
langue anglaise est celle qui prime un peu partout au monde. Si vous avez un
chercheur des Indes, du Japon ou de la Chine qui est intéressé
à venir au Canada ou aux États-Unis, il devra premièrement
posséder une bonne connaissance de la langue anglaise.
Deuxièmement, s'il est intéressé à venir avec sa
famille, il faudra que la famille aussi accepte, d'une certaine manière,
de fonctionner à l'intérieur de ce milieu de langue anglaise.
Généralement, on peut trouver de jeunes chercheurs - des gens
d'à peu près 30 ans au maximum - avec une jeune famille pour qui,
en général, il est assez facile de s'adapter au milieu. Mais cela
va surtout demander un secteur d'adaptation pas uniquement dans une langue
française, anglaise ou allemande mais d'être capable d'aller un
peu partout.
Pour aller un peu plus loin dans votre question j'aimerais donner...
Mme Harel: Oui, parce qu'il n'est pas question de la langue
d'usage dans le milieu du travail. Vous faisiez plutôt
référence à la langue d'enseignement, si j'ai bien
compris.
M. Gratton (Émile): II y a la langue d'enseignement, mais
je voudrais parler aussi du global de la loi 101. Il y a aussi la langue de
travail elle-même.
Mme Harel: Dans un centre de recherche?
M. Paquette: Dans un centre de recherche.
Mme Harel: On va revenir sur la langue de travail dans un centre
de recherche, si vous voulez. Je voudrais vraiment que vous répondiez
à ma question relativement à ces
chercheurs qui sont en résidence temporaire, qui, comme vous nous
l'indiquiez, se déplacent. Pensons à des Américains ou
à des Canadiens anglais plus particulièrement, qui ont à
aller aux Indes ou au Japon. Quelle est la situation de résidence dans
ces pays où ils ont séjourné?
M. Gratton (Émile): S'ils vont à
l'extérieur, comme aux Indes, dans la plupart des pays à
l'extérieur il y a des écoles internationales, que ce soit en
français ou en anglais, qui offrent de très bons cours. Je peux
donner en exemple l'Arabie Saoudite, où on parle arabe, mais il y a
aussi des écoles internationales qui enseignent aux enfants le
français et l'anglais. En général ces gens-là
seront capables de s'adapter à ces milieux.
Mme Harel: Vous nous parlez de l'Arabie Saoudite. Ce sont des
écoles internationales publiques subventionnées par les
gouvernements. Est-ce qu'il y a d'autres exemples? Au Japon ou en Allemagne, ce
sont des écoles privées, si je comprends bien.
M. Gratton (Émile): Ce sont des écoles
privées et non publiques.
Mme Harel: La même situation peut prévaloir ici en
ce qui concerne ces jeunes chercheurs temporaires?
M. Paquette: Mais oui. Mme Harel: Absolument.
M. Paquette: Voyons donc! Vous lirez la loi 101. Vous parlez
à tort et à travers.
M. French: M. le Président, il y a deux écoles
privées qui ne sont pas subventionnées par l'État. C'est
vrai qu'on peut envoyer ses enfants à ces écoles, mais les autres
écoles privées qui sont financées par l'État,
partiellement par la province de Québec, n'ont pas le droit...
M. Paquette: Dans ces pays-là, les écoles
privées ne sont pas financées par l'État.
M. French: Écoutez! Est-ce qu'on parle du Québec ou
non, M. le Président? Je vais finir ma phrase. C'est au sujet des
écoles privées au Québec. On n'a pas le droit...
Mme Harel: Je pense que M. le député n'a pas la
parole.
Le Président (M. Blouin): Je vous permettrai d'intervenir
dans quelques instants.
Mme la députée de Maisonneuve.
Mme Harel: Donc, quant à la situation juridique de ces
écoles, il s'agit d'écoles qui offrent d'excellents services et
qui sont à la charge, si je comprends bien, des familles des chercheurs.
C'est bien le cas? Je vous remercie. Ce sont de vraies écoles
privées entièrement à la charge des familles.
M. Dufour: Sauf...
Mme Harel: Dans le vaste monde.
M. Dufour: ...si vous permettez. Vous avez adressé la
question à un directeur de recherche, mais si on regarde de façon
plus générale le problème de la loi 101 et de la langue et
des écoles internationales comme vous avez en Suisse et dans d'autres
pays, il y a appui financier et des entreprises et des gouvernements
impliqués. Vous savez que c'est tout le dossier qui est actuellement
débattu par la ville de Montréal, la chambre de commerce et le
ministère de l'Éducation pour se donner à Montréal
ce genre d'école internationale qui, pour nous, serait drôlement
importante. On dirait: Bravo! Mais on trouve que cela prend du temps. Le cas
échéant, on reviendrait peut-être moins souvent de
façon fatigante, comme vous le voyez, avec notre problème de la
langue d'enseignement.
Mme Harel: Vous voyez, M. le Président, qu'on a
intérêt à en parler puisqu'à circonscrire le
problème on se rend compte qu'il y a une solution qui serait
opérationnelle et qui ne mettrait pas en cause la loi.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député de Westmount.
M. French: Très brièvement, M. le Président,
je ne pose pas de question.
Le Président (M. Blouin): Sur le même sujet, je
présume?
M. French: Je veux clarifier la situation. Je ne parlerai pas du
vaste monde parce qu'on peut débattre ce sujet très longtemps. Il
y a plus d'écoles anglaises en Inde qu'à Québec.
Mme Harel: Elles sont privées.
M. French: Oui, à peu près 95% des écoles
sont privées en Inde. La seule chose que je voulais souligner, c'est que
l'école privée n'est pas une solution au problème d'un
chercheur qui vient ici puisqu'il n'y a que deux écoles privées
au Québec qui ne sont pas subventionnées par l'État et qui
ont la liberté d'accepter n'importe quel étudiant. Les autres
écoles privées sont sous les mêmes contraintes qu'une
école publique par rapport à l'accueil des enfants de
personnes
qui n'ont pas été éduquées en anglais au
Québec...
M. Paquette: Quand elles sont subventionnées par...
M. French: Donc, l'école privée n'est pas une
solution ici. L'école internationale serait une solution
intéressante.
Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le
député de Mont-Royal vous avez la parole.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président, j'aimerais l'exercer
si mes amis me le permettent.
Le Président (M. Blouin): Je demanderais à tous les
députés de permettre au député de Mont-Royal de
pouvoir intervenir. M. le député de Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. Dufour, il me semble que vous soulevez des
problèmes fondamentaux quant au succès économique, au
climat économique et au succès des entreprises économiques
qui va découler de tout effort de recherche. Vous avez un point de vue
et il me semble que ce point de vue n'est pas partagé par le
gouvernement. C'est presque un dialogue de sourds. Vous soulevez des
problèmes fiscaux non seulement dans la recherche et le
développement... Si quelqu'un doit gagner 73 000 $ par année ici
pour avoir le même revenu que celui qui va gagner 60 000 $ ou 50 000 $ en
Ontario, cela rend la compétitivité plus difficile et il sera
plus difficile d'attirer les gens au Québec. On oublie que le
Québec n'est pas situé en France, en Suisse, au Brésil. Le
Québec est entouré par l'Ontario, le Nouveau-Brunswick et les
États-Unis. Il faut être concurrentiel avec ces endroits.
Montréal ne fait pas concurrence avec Rimouski, Montréal fait
concurrence avec Toronto, New York, Boston et tout le reste.
Je n'ai aucun doute que le ministre et le gouvernement sont de bonne
foi. Vous croyez à la façon dont vous augmenterez
l'activité économique ici, c'est d'une certaine manière.
Malheureusement, les gens du milieu, ceux qui sont vraiment responsables, non
pas dans les théories et dans les projets de loi, ceux qui sont
responsables d'oeuvrer tous les jours ont différents points de vue.
Comme je l'ai dit, c'est un dialogue de sourds. On ne semble pas pouvoir
convaincre le gouvernement d'écouter les gens qui doivent oeuvrer et qui
sont responsables de produire les revenus et les taxes pour permettre que des
projets de loi comme ceux-ci soient financés.
Commençons avec cela. Quand vous soulevez les questions fiscales,
la question de climat, la question de pouvoir attirer ici les meilleurs
cerveaux, parce qu'on ne peut pas, avec une population de 6 000 000...
Même aux États-Unis, on n'est pas complètement suffisant;
même aux États-Unis, il faut attirer des gens du monde entier.
Comment pouvons-nous penser qu'on va prendre des règlements, qu'on va
créer nos propres lois en dehors de la réalité mondiale
pour créer nos centres de recherche? Dans un centre de recherche, par
exemple, il y aura 125 personnes. Il y en a à Montréal qui vont
représenter 65 pays différents et 85 universités
différentes. Pensez-vous qu'on pourra établir ces centres de
recherche et continuer avec des lois restrictives?
Il y a un problème fondamental de base que vous soulevez et qui
ne semble pas être accepté. Alors, on ne peut pas le
résoudre ici. La seule chose qu'on peut faire, c'est de continuer
à faire des représentations au gouvernement. Comme vous l'avez
dit, le ministre de la Science et de la Technologie a une mission
économique. Il devrait vous représenter au Conseil des ministres.
J'ai l'impression que le ministre ne semble pas partager cette approche.
Peut-être que c'est une idéologie ou peut-être un manque
d'expérience, je ne le sais pas, un manque d'expérience dans le
monde de affaires. J'ai un manque d'expérience dans les milieux
universitaires, je l'admets.
M. Paquette: Vous en avez beaucoup, vous. Le monde des affaires,
vous connaissez cela.
M. Ciaccia: Je n'ai pas l'expérience dans tous les
domaines, je l'avoue, mais je pense que vous pouvez avouer que le manque
d'expérience dans le milieu des affaires vous porte à ne pas
écouter le Conseil du patronat. C'est simple comme cela. Ce n'est pas un
miracle. On n'a pas besoin d'avoir la tête à Papineau et ce n'est
pas une insulte que je fais au ministre. Ce n'est pas une insulte du tout.
J'admets les connaissances que je n'ai pas, mais je voudrais que tous les gens
soient comme cela.
M. Paquette: Vous avez une grande expérience dans le monde
des affaires.
M. Ciaccia: On ira, si vous voulez... En tout cas... Il y a ceux
qui l'ont. Si ce n'est pas moi, au moins le Conseil du patronat en a. Si je
n'ai pas l'expérience, je suis prêt à écouter ceux
qui l'ont. C'est cela la différence dans l'approche.
M. Paquette: Écoutez donc un peu... Oui.
M. Ciaccia: On a un projet de loi, c'est du "patchage". Si on ne
peut pas créer les conditions fondamentales pour permettre le
développement économique, concurrentiel avec les pays ou les
provinces autour de
nous, ce que nous ferons ici ne sera pas complet. Il va nous manquer
quelque chose. On va essayer de faire le mieux qu'on peut. On va essayer de
bonifier le projet de loi et essayer de comprendre ce que le ministre veut
faire avec ce projet de loi, tenant compte des difficultés fiscales et
linguistiques, du climat social, économique, politique.
M. de Bellefeuille: Surtout chez les libéraux.
M. Ciaccia: Ce n'est pas aussi sérieux que les...
Une voix: Un manque d'enthousiasme de la part de...
M. Ciaccia: Alors, je voudrais poser une question sur
l'importance du capital de risque. Le ministre a donné un exemple
tantôt qu'il y avait deux chercheurs qui n'ont pu faire financer, je
présume, leur invention ou leur fabrication de prototype, etc. pour
éventuellement, je présume, commercialiser ce produit. Le
ministre a dit: Voyez-vous, c'est quelque chose que l'AQVIR va pouvoir faire.
La question que je me pose, c'est s'il y a une invention ou un produit - parce
que c'est arrivé au moment où les chercheurs ont sans doute
trouvé quelque chose dans laquelle ils croyaient... On est, dans
l'entreprise, dans un contexte nord-américain. Il ne manque pas de
capital de risque. Les fonds sont là. Les banques ont beaucoup d'argent.
Les sociétés qui fournissent - si j'ai vraiment une bonne
idée, je pense que je n'aurai pas de difficulté à trouver
quelqu'un qui va fournir les capitaux. Comment cela se fait? Est-ce que...M. le Président, j'essaie de poser des questions, protégez
donc mon droit de parole.
M. French: C'est épouvantable de la part du
gouvernement
Le Président (M. Blouin): D'autant plus que vous avez
maintenant...
M. Ciaccia: Comment expliquez-vous...
Le Président (M. Blouin): D'autant plus, M. le
député de Mont-Royal, que vous avez maintenant terminé
votre préambule et que vous êtes dans le vif du sujet.
M. Paquette: ...
M. Ciaccia: M. le Président, je ne pense pas que vous
devriez vous interroger sur mon droit de parole; je l'ai ou je ne l'ai pas.
Le Président (M. Blouin): Vous l'avez, et je vous
engage...
M. Ciaccia: Bon, merci. Si je juge de faire un préambule
de 19 ou 20 minutes vous n'avez plus affaire à moi. Est-ce que, dans le
contexte où nous sommes, ces deux chercheurs vont aller au gouvernement
et le gouvernement va dire: c'est un bon produit on va le financer? J'essaie de
comprendre, est-ce que quelqu'un dans la fonction publique va être mieux
équipé que l'industrie privée pour décider si cela
est commercial, si c'est vendable? Si ces deux chercheurs n'ont pas pu trouver
quelqu'un pour financer leur projet, c'est qu'ils n'ont pas contacté
assez de personnes ou bien il a dû y avoir une réticence de la
part d'industries privées de porter un jugement sur leur produit. Il y a
beaucoup de produits comme M. Gratton l'a démontré, des brevets,
toutes sortes de brevets mais qui n'aboutissent jamais. Est-ce que c'est
vraiment le rôle du gouvernement de décider si cela est un bon
produit, si on va le produire ou bien si ce devraient être les lois du
marché? J'essaie de comprendre. Peut-être que vous pourriez
expliciter là-dessus.
M. Dufour: Écoutez, cela va être très rapide
parce que plus on continue plus on fait le coup à nos amis de l'AMC.
M. Paquette: Je vous écoute, c'est très
important.
M. Dufour: Je pense que vous avez parfaitement raison, au
départ, de dire que lorsque le risque est bon tu vas toujours trouver
dans le secteur privé ou avec certaines agences gouvernementales - qu'il
s'agisse de la banque fédérale - quelqu'un qui va te financer
là-dessus, de façon générale. Cependant, je pense
qu'il faut faire deux distinctions. Il faut faire une distinction entre la
grande entreprise et la petite entreprise. Il faut faire une distinction entre
ceux qui sont purement au stade d'une "idée tête folle" mais qui
va conduire à quelque chose de grand - il n'y a pas beaucoup de
banquiers qui vont le recevoir - et quelqu'un qui a vraiment quelque chose qui
est solide, correct. Toutes ces distinctions faites, je pense que ce ne seront
pas les grandes entreprises qui vont aller voir l'AQVIR quand elle va
être sur pied. Je pense qu'on va tous être d'accord
là-dessus. Elle va généralement selon les règles du
marché, si elle est dans un secteur où les communications sont
meilleures que dans l'autre. De toute façon, ils vont trouver du capital
de risque.
Chez les PME, le problème se présente de façon
différente avec le gars qui a un bon produit. Il pense avoir un bon
produit, etc. Il va aller voir son banquier qui va le financer. Il reste que
toute cette richesse d'idées qu'on ne peut pas exploiter parce que le
banquier dit: Écoute, quand ton idée sera correcte, tu viendras
me voir et, à ce
moment-là, nous l'explorerons et nous la financerons. C'est
à travers cela que se situe l'intervention gouvernementale. C'est
là qu'elle intervient. Il ne faut pas que cette affaire-là soit
poussée au bout. Il n'y a pas de sommes énormes consenties
là-dedans. Nous sommes totalement d'accord avec votre principe et c'est
pour cela qu'il faut se donner des paramètres d'intervention de
l'État qui soient des paramètres les plus précis possible.
Je me répète mais c'est le seul secteur où on accepte une
subvention de l'État parce qu'on dit: Si l'État ne le fait pas,
peut-être que l'idée, qui peut être bonne - quitte à
ce qu'on prenne un risque - ne se réalisera jamais. Mais dans de bons
risques... Je signale, M. le Président, que c'est une dimension qu'il
faudrait explorer davantage, tout ce qu'on appelle capital de risque dans la
recherche.
Pour résumer notre proposition, nous sommes pour la
révision du mandat donné à l'agence; nous souhaiterions
qu'on n'ait pas à mettre sur pied une autre agence; s'il faut le faire -
c'est le pouvoir politique qui décidera - nous demandons un "sunset law"
d'un an. Un "sunset" c'est que de façon automatique, après un an,
le projet de loi soit revu. C'est très américain, je m'excuse
mais je pense que tout le monde comprend le "sunset". Après un an, on
revient en commission parlementaire. Tout cela situé dans un contexte
que je ne peux pas ignorer - M. Ciaccia a parfaitement raison - dans un climat
favorable. Il n'est pas possible de créer des emplois et de
développer l'entreprise comme telle avec certaines contraintes; quand on
parle de recherche, c'est encore pire et cela ne sera pas possible s'il n'y a
pas certains règlements de problèmes fiscaux.
D'ailleurs, je vais le dire, le ministre des Finances est d'accord.
Notre message final à M. Paquette c'est que nous le considérons
vraiment comme un ministre à mission économique et nous voulons
qu'il réussisse sa mission.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: J'aurais seulement une autre question, s'il vous
plaît. Je pense que vous avez pris connaissance de la brochure qui a
été préparée par le ministre. Je ne sais pas si
vous avez eu la même impression que moi mais la description des
mécanismes dans cette brochure ne semble pas être
reflétée dans la loi. Autrement dit, la loi semble aller beaucoup
plus loin que le processus que le ministre a décrit dans sa brochure et
même dans ses explications durant les travaux de cette commission.
Plusieurs intervenants ont fait référence à
l'article 17. Je ne sais pas si vous avez déjà répondu
à cette question sur l'article 17, notamment les paragraphes 1 et 2. Je
voudrais savoir, en dehors de la théorie, de la lecture de cet article,
ce que vous pensez du caractère pratique de ces deux paragraphes. Je
voudrais vos commentaires là-dessus.
Le Président (M. Blouin): M. Dufour, succinctement en
évitant les répétitions.
M. Gratton (Émile): M. le Président, M. le
député, à mon point de vue...
M. Ciaccia: Je ne veux pas contrecarrer les directives du
président. Je respecte la présidence. Je ne voudrais pas qu'on
donne l'impression qu'on veut restreindre et qu'on met des pressions sur nos
intervenants et sur leur droit de parole. Je pense qu'on voudrait leur donner
toute la latitude possible, spécialement parce qu'on est en commission
parlementaire avant la deuxième lecture. C'est très important
d'avoir toutes les recommandations, les idées qui pourraient nous
être fournies par les intervenants. Je ne pense pas qu'on ait eu de
restrictions hier. J'aimerais pouvoir continuer dans la même
ouverture.
Le Président (M. Blouin): C'est exactement l'esprit, M. le
député de Mont-Royal, de l'intervention que j'ai faite. Il faut
avoir tous les renseignements, toutes les opinions, mais éviter, dans la
mesure du possible, de les répéter un certain nombre de fois. Je
vous rappelle aussi que le mandat de cette commission est d'entendre les
personnes et les organismes en regard du projet de loi 37. Nous devons
aujourd'hui entendre cinq organismes qui ont été
convoqués. Je crois que, par déférence envers ces
organismes, nous devons, dans la mesure du possible, essayer de maintenir une
certaine cadence pour pouvoir les entendre tous.
M. Ciaccia: On ne peut pas continuer demain si on ne les entend
pas tous aujourd'hui, mais je pense que la commission avait été
convoquée pour toute la semaine. Je ne veux pas prolonger la commission
plus que nécessaire, mais ce n'est pas nous qui avons convoqué
cinq intervenants la même journée. En tout cas, nous ne
retarderons pas plus.
M. Dufour: M. le Président, nous allons faire cela
très rapidement. Il y a deux volets à la question de M. Ciaccia.
Il y a le volet comparaison entre la loi et la petite brochure - M. Beauregard
- et l'autre volet où on revient aux articles 17.1 et 17.2. Nous pouvons
commencer par les articles 17.1 et 17.2, rapidement.
M. Gratton (Émile): D'une manière
pratique, je pense que c'est la concurrence sur le marché - que
ce soit le marché local, national ou international - qui va diriger les
entreprises ou les industries dans le type de recherche qu'elles doivent faire,
que ce soit la recherche en relation avec un nouveau produit, la recherche de
nouveaux matériaux ou la recherche associée à l'aspect
manufacturier ou aux nouveaux mécanismes manufacturiers. Si on veut
vendre un produit sur le marché, on peut tâter le pouls assez
rapidement, à savoir quel est le type de produit que vous avez par
rapport à la concurrence, quels sont les avantages de la concurrence par
rapport aux vôtres, que ce soit au point de vue de l'option, au point de
vue des "features" du produit ou que ce soit le prix. À mon point de
vue, je pense que c'est en faisant cette analyse que l'industrie, plus que le
gouvernement, est en position de décider dans quel secteur elle doit
pousser ses recherches.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, vous partagez les opinions des
autres intervenants qui ont demandé ce que je qualifie de changements
substantiels à l'article 17.
M. le Président, j'aurais d'autres questions, mais...
M. Dufour: M. le Président a autorisé la
deuxième réponse.
Le Président (M. Blouin): Vous pouvez répondre
à la deuxième question du député de Mont-Royal.
M. Beauregard: Ce sera très rapide aussi. Effectivement,
je ne dirais pas qu'il y a des différences fondamentales entre le projet
de loi et cette brochure. On explique dans la brochure ce qu'on entend faire
dans un texte de projet de loi qui est beaucoup plus succinct.
Le danger que l'on retrouve face à tout cela, c'est que, dans un
projet de loi qui va être mis en vigueur par le biais de toute une
réglementation, il n'y a absolument rien qui nous assure qu'on va
retrouver le même esprit que celui qu'on retrouve là-dedans. C'est
une brochure qui pourrait être revue et corrigée. Elle devra
l'être au moins sur un point. Vous avez un problème de
dépôt légal.
M. Ciaccia: Oui, nous l'avons soulevé hier soir,
c'était une erreur apparemment.
M. Beauregard: Alors, je n'y reviens pas, j'évite les
répétitions.
C'est intéressant de voir le contenu de cette brochure, mais ce
n'est pas rassurant. Nous serons beaucoup plus rassurés quand le texte
de loi sera beaucoup plus conforme à ce qu'on trouve
là-dedans.
Le Président (M. Blouin): Bien. M. le député
de Mont-Royal.
M. Ciaccia: Étant donné le temps qui passe, je vais
donner la chance à mes collègues de poser d'autres questions.
Le Président (M. Blouin): Loin de moi... M. Ciaccia:
Non, cela va.
Le Président (M. Blouin): ...l'intention de restreindre
votre droit de parole, M. le député de Mont-Royal; si vous avez
d'autres éléments, on peut les aborder.
M. Ciaccia: Ce n'est pas à la présidence que je
m'en prends, c'est juste au temps attribué par le gouvernement aux
différents intervenants.
Le Président (M. Blouin): C'est le secrétariat des
commissions, sur recommandation évidemment du leader du
gouvernement.
M. Ciaccia: Oui.
Le Président (M. Blouin): M. le député de
Westmount.
M. Paquette: M. le Président, juste une chose sur
l'allocation du temps.
Le Président (M. Blouin): M. le ministre.
M. Paquette: Je ne veux pas engager un débat
là-dessus, mais d'abord la commission a été ouverte
à tous les intervenants qui voulaient témoigner. Vendredi
dernier, le critique officiel de l'Opposition, la députée de
Jacques-Cartier, et moi, nous nous sommes rencontrés pour établir
l'horaire et la liste. Je pense que nous avons passé deux fois plus de
temps sur ce mémoire que sur tout autre mémoire jusqu'à
maintenant dans cette commission, sauf erreur, parce qu'on a commencé
vers 10 h 30, cela fait deux heures. Il n'y a pas un autre mémoire sur
lequel on a passé deux heures.
M. Ciaccia: Hier matin, avec l'École polytechnique, on a
passé toute la matinée sur le mémoire; de 10 h 15 à
13 heures.
M. Paquette: Non, il y avait les interventions d'ouverture - je
pense que vous n'étiez pas là - qui ont pris environ une heure ou
une heure et quart.
Cette liste a été établie d'un commun accord. Je
comprends que le député de Mont-Royal a la protestation facile,
mais je pense que tout s'est fait dans l'ordre.
Le Président (M. Blouin): Je ne voudrais
pas qu'on entame de débat, je voudrais tout simplement vous
rappeler que nous avons un menu qui est quand même important et, dans la
mesure du possible, mon travail est de faire en sorte qu'on puisse entendre les
invités qui ont été convoqués. M. le
député de Westmount.
M. French: Merci, M. le Président. Je voudrais poser
quelques petites questions relativement courtes à M. Gratton sur le
marché du travail pour la main-d'oeuvre hautement qualifiée. Ce
sont les questions de Mme la députée de Maisonneuve qui me
provoquent dans ce sens... (12 h 30)
M. de Bellefeuille: Ah!
M. French: Je veux dire provoquer de façon gentille.
Je voudrais mieux comprendre la concurrence dans ce domaine-là,
les difficultés ou les succès que vous avez, en tant que
compagnie ou en tant qu'institution québécoise, à recruter
cette main-d'oeuvre. Le président de votre compagnie est venu ici dans
cette même salle nous expliquer que si Bell Canada ne faisait pas autant
de recherche au Québec qu'elle fait de ventes, c'est primordialement
à cause de difficultés de recrutement. Je voudrais donc
identifier -le ministre n'est pas d'accord, mais de toute façon...
M. Paquette: Elle a déménagé le centre en
Ontario en 1974.
M. French: Peut-être que les difficultés de
recrutement ont commencé à ce moment-là. On ne sait
pas.
M. de Bellefeuille: Peut-être, sous les
libéraux.
M. French: De toute façon, la chose qui m'intéresse
pour le moment, c'est de savoir à quelle compagnie, ou à quelle
localité ou région nous faisons concurrence pour recruter les
chercheurs? Si on pouvait en nommer cinq - je vais essayer de les nommer et
vous me corrigerez: Boston, San José, Palo/Alto, Ottawa,
Champaign-Urbana, Chicago. Est-ce qu'il y en a d'autres? Au monde? Donc, la
Hollande...
M. Gratton (Émile): Pour répondre brièvement
à votre question, pour les télécommunications, il y a deux
centres en particulier; ce sont Palo/Alto et Ottawa lequel fait
compétition à celui de Montréal.
M. French: Oui.
M. Gratton (Émile): J'aimerais peut-être
répondre plus en détail à votre question en donnant un
exemple. Les recherches Bell-
Northern oeuvrent au Québec, à Ottawa, dans l'Ouest
canadien et aux États-Unis présentement. Et, même à
l'intérieur des recherches Bell-Northern, il y a une certaine
compétition pour recruter des chercheurs qui ont une expertise en
télécommunications. L'expérience que j'ai vécue
plusieurs fois, c'est qu'à l'intérieur de l'entreprise, un
candidat a été offert à Montréal et à Ottawa
et, la plupart du temps, le candidat acceptait d'aller à Ottawa
plutôt qu'à Montréal pour les raisons que je mentionnais
auparavant: la question de la langue, de l'enseignement et aussi la question de
la fiscalité.
M. French: Ce chercheur pourrait être d'origine indienne,
hollandaise, australienne, canadienne, américaine, mais dans le fond,
peu importe ses origines, il veut avoir la liberté d'envoyer son enfant
à l'école de son choix - de son choix, je dis bien et...
Excusez-moi, Mme la députée?
Mme Harel: À Ottawa, l'école anglaise
uniquement.
M. French: Pas nécessairement. Il y a des écoles
françaises. Ma fille est allée dans des écoles
françaises publiques en Ontario toute sa vie jusqu'à ce que je
revienne à Montréal.
Deuxièmement, il n'y a pas de fiscalité personnelle au
même palier qu'ici. Ce sont les deux facteurs primordiaux, d'après
vous?
M. Gratton (Émile): Effectivement, vous avez raison.
Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, s'il
n'y a pas d'autre intervenant ou intervenante, je... Brièvement, M. le
ministre.
M. Paquette: M. le Président, peut-être pour
conclure, je dirai que j'ai apprécié les remarques des
représentants du Conseil du patronat lorsqu'elles s'appliquaient au
projet de loi qui est devant nous. Quant au reste, ils soulignent des
difficultés qu'ils ont qualifiées eux-mêmes de perception.
Ce sont en bonne partie des difficultés de perception. En effet,
l'écart quant à la taxation entre le Québec et l'Ontario
était plus grand avant 1976. La récente étude de l'Union
des banques suisses et de la C.-D Howe Institute nous montre que, quand on
regarde non seulement l'impôt sur le revenu, mais toutes les formes de
taxation de services, de coût de la vie, Montréal est une des
villes les moins chères au monde sur le plan international, ex aequo
avec Toronto, en avant de plusieurs villes nord-américaines.
En ce qui concerne la langue, je pense qu'on a mis en évidence
que, dans la plupart des autres pays, c'étaient des écoles
privées
internationales qui étaient mises sur pied. Mon impression, c'est
que si moins de gens avaient passé leur temps à scier la branche
sur laquelle ils sont assis, en créant une réputation au
Québec qui n'a aucune espèce de rapport avec la
réalité; s'ils avaient mis autant d'énergie à
mettre sur pied une école internationale, on aurait avancé
positivement dans la solution du problème.
Quant à la langue de fonctionnement des centres de recherche,
j'ai visité les plus importants d'entre eux depuis un an. J'ai
moi-même soulevé cette question, parce que je sais que c'est une
préoccupation et, à mon avis, c'est largement un problème
de perception. Je ne dis pas qu'il n'y a pas certains ajustements qui peuvent
être faits, mais c'est largement un problème de perception. Ce
qu'on me dit, dans les centres de recherche industrielle, c'est que, d'abord,
les dispositions de la loi 101 sont adaptées aux centres de recherche et
permettent leur fonctionnement en anglais, parce qu'il y a beaucoup de
chercheurs qui viennent de l'étranger et c'est important qu'on
bénéficie de l'apport de ces chercheurs étrangers au
Québec. C'est pour cela qu'il y a eu les exceptions qui ont
été faites aux dispositions générales de la loi
101.
À un centre de recherche, on m'a dit: On a eu une entente
particulière avec l'Office de la langue française. Je pense qu'il
y a une application souple. Il y aura une commission sur cette question,
à l'Assemblée nationale, bientôt. On pourra voir si ces
ajustements donnent satisfaction à tout le monde. Mais je vous avoue que
je n'ai pas un son de cloche aussi dramatique et on pourrait se demander
pourquoi le volume d'investissements dans la recherche industrielle... Si on
compare la période qui a précédé l'adoption de la
loi 101, c'était à peu près 200 000 000 $. C'est
passé à environ 400 000 000 $ maintenant. C'est un peu plus
rapide que l'inflation. C'est encore insuffisant. Il n'y avait pas de loi 101
avant. Pourtant, la progression des fonds consacrés à la
recherche industrielle a continué d'augmenter.
Je pense qu'à force d'exagérer ces problèmes et de
répéter ce credo, on se met à scier la branche sur
laquelle on est assis. J'espère qu'on va en arriver à des projets
concrets. L'idée d'une école internationale, à
Montréal, il y a longtemps que j'y crois et j'ai hâte qu'on
débouche sur cette question. Mais ne demandez pas à une
société de renier son identité. Je pense qu'il y a des
mécanismes ponctuels adaptés au milieu de la recherche qu'il faut
trouver. Il faut valoriser l'importation de chercheurs de l'étranger.
C'est peut-être la denrée la plus précieuse dont une
société dispose. C'est un point extrêmement sensible,
extrêmement vital. J'attends du Conseil du patronat et également
de l'Opposition une attitude responsable là-dessus en termes de projets
concrets. Mais ne demandez pas à une société d'abandonner
son identité.
M. Dufour: M. le Président, les remarques du ministre
attirent des commentaires de notre part. Cela allait si bien jusque-là.
Nous qui pensions que nous pourrions véhiculer, par le ministre
responsable de la Science et de la Technologie, des problèmes vrais des
entreprises, je n'ai pas l'impression que l'on vient de se faire dire que ce
sera cela. Écoutez!
M. Paquette: ...que vous venez de vous faire dire que ça
va être cela.
M. Dufour: Oui, mais si vous cristallisez cela dans la glace, ne
venez pas ensuite nous demander de débattre ce genre de question. Vous
parlez de l'école internationale. Tout le monde, à
Montréal, les milieux d'affaires pilotent cette école depuis des
années et cela bloque au niveau gouvernemental. Vous nous parlez de la
langue, de la loi 101, comme si on remettait la loi 101, dans sa
totalité, en cause. C'est faux. On parle de la langue d'enseignement
dans les sièges sociaux. C'est très différent. Vous parlez
de volume d'investissements. Bien sûr qu'il y a eu une croissance du
volume d'investissements, M. Paquette. Quand on part de zéro, le taux de
croissance de 2 $ est de 100%, c'est évident qu'il y a eu une
croissance, parce que c'était souvent décidé, vous l'avez
dit vous-même: Les projets décidés antérieurement.
Quand vous parlez de la fiscalité, vous contredisez carrément
votre propre ministre des Finances. Là-dessus, on va simplement ajouter
quelques mots, parce qu'on vient de publier une étude de
Laliberté et Lanctôt. Vas-y, Denis.
M. Beauregard: Je pense qu'on ne peut pas laisser planer... Ce ne
sont pas des impressions; ce sont des chiffres. La fiscalité du
particulier au Québec est plus élevée que celle du
contribuable ontarien. Elle est plus élevée si on prend l'exemple
que M. Parizeau affectionne, c'est-à-dire le contribuable qui gagne 28
000 $ et plus, marié, deux enfants, dont le conjoint ne travaille pas.
Mais si vous prenez l'exemple du contribuable célibataire - c'est au
moins 65% de toutes les déclarations d'impôt qui ont
été faites à Québec pour l'année 1981; les
autres chiffres ne sont pas encore disponibles - il paie plus cher
d'impôt au Québec à des revenus aussi bas que 12 000 $, 13
000 $, 14 000 $ et 15 000 $. L'ensemble des contribuables au Québec
paient plus cher d'impôt que ceux de l'Ontario.
Maintenant, vous avez utilisé des comparaisons du coût de
la vie. C'est aussi
une comparaison affectionnée particulièrement par le
premier ministre, par les temps qui courent. C'est vrai que Toronto et
Montréal sont deux villes qui, d'après les études du
Conference Board, d'après les études d'à peu près
partout, celles des banques suisses, quand vous faites intervenir tous les
facteurs, le coût de la vie est à peu près comparable.
M. Paquette: Tous les facteurs.
M. Beauregard: Tous les facteurs.
M. Paquette: C'est ce qu'il faut faire.
M. Beauregard: C'est ce que je fais. Laissez-moi finir. Si vous
retirez la fiscalité de la comparaison Montréal-Toronto qui est
faite par les banques suisses, Montréal c'est plus cher que Toronto.
Quand vous faites entrer la fiscalité, les deux se rejoignent. C'est
clair que la fiscalité est plus chère au Québec qu'en
Ontario. Le pendant de cela est l'habitation. Règle
générale, cela coûte plus cher d'acheter une maison
à Toronto qu'à Montréal. Ce qu'il faut voir
là-dedans, c'est que, quand vous déciderez de quitter Toronto,
vous vendrez votre maison et vous retirerez le double de ce que vous allez
retirer de la vente d'une maison à Montréal; est-ce que M.
Parizeau va rembourser la fiscalité supplémentaire qui a
été payée au Québec pendant ce temps-là?
Si la réponse est non, comme je le pense, cela coûte plus
cher de vivre à Montréal qu'à Toronto. Ce ne sont pas des
impressions, ce sont des chiffres. Les gens qui investissent au monde sont des
gens qui savent compter. Ils ne se basent pas uniquement sur les
conférences de presse et les mémoires du Conseil du patronat pour
prendre une décision d'investissement, ils comptent.
M. Dufour: Ce sont les dossiers que nous rappelons être
d'une importance fondamentale dans le milieu des affaires que nous
côtoyons régulièrement pour les fins de décision
d'investissement en recherche.
M. Paquette: M. le Président, pour terminer, je pense
qu'on a établi assez clairement qu'il y avait certains points sensibles
dans le milieu des affaires, nous en sommes conscients. On vous dit: Au lieu de
continuer à répercuter ces opinions, on attend des projets
concrets d'aménagement. Bien sûr, on peut se concentrer sur
l'impôt sur le revenu et dire que pour les gens qui gagnent 28 000 $ et
plus ça coûte plus cher. Si on le répète de plus en
plus sans donner la contrepartie, qui est que les autres facteurs du coût
de la vie coûtent moins cher et qu'en prenant tous les facteurs on est au
même niveau que Toronto et moins cher que la plupart des grandes villes
nord-américaines, tout ce que je dis, c'est qu'on contribue à
scier la branche sur laquelle on est assis.
Ce n'est pas une attitude de fermeture, on est toujours prêts
à des aménagements, à des améliorations pour
stimuler la recherche et favoriser l'implantation des chercheurs au
Québec. Je suis bien prêt à regarder cela avec vous. Je
voudrais simplement qu'il y ait une attitude positive dans ce domaine.
J'aimerais en profiter pour remercier le Conseil du patronat de son
mémoire. Je pense qu'on a eu un échange stimulant et nous allons
examiner de très près les propositions qui ressortent de cette
discussion.
Le Président (M. Blouin): Merci.
M. Dufour: Nous aussi, M. le Président, remercions les
parlementaires.
Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, MM. les
représentants du Conseil du patronat du Québec. Au nom de tous
les membres de cette commission, je vous remercie d'avoir émis ces
opinions.
Maintenant, je crois que nous aurions le temps d'entendre le
mémoire de l'Association des manufacturiers canadiens, quitte à
poursuivre la discussion et les échanges à compter de 15 heures.
Si nous avions le consentement, nous pourrions peut-être même
déborder l'heure de suspension de 13 heures pour environ cinq ou dix
minutes afin de permettre aux représentants de l'association de
présenter leur mémoire à cette commission.
Je demande donc au représentant de cette Association des
manufacturiers canadiens de s'identifier pour les fins du journal des
Débats et de bien vouloir nous livrer le contenu de son
mémoire.
Association des manufacturiers canadiens
M. Dessureault (Claude): Merci, M. le Président. Mon nom
est Claude Dessureault, vice-président exécutif de l'Association
des manufacturiers canadiens, division du Québec, et aussi
administrateur de quelques sociétés manufacturières dont
les Peintures CIL entre autres, pour votre information. (12 h 45)
Le Conseil du patronat vous a fait une présentation de
mémoire que nous appuyons. L'argumentation qui vous a été
présentée et l'articulation qui vous a été
donnée par les représentants du Conseil du patronat sont aussi
les préoccupations des manufacturiers. Sinon tous les manufacturiers,
une grande partie des manufacturiers.
Quant à l'agence proposée, nous sommes un peu inquiets
parce que nous
avions aussi accueilli favorablement le nouveau ministère de la
Science et de la Technologie chez qui nous voyions une responsabilité
beaucoup plus globale que celle que le ministère veut se donner par le
biais d'une agence, au départ. Notre suggestion, après avoir
entendu le débat de ce matin, serait d'éloigner la formation de
cette agence et, entre-temps, de recevoir au ministère un comité
de conseillers ou une fonction d'accueil qui pourrait être fort utile et
éventuellement de voir s'il est justifié d'avoir une agence qui,
aux yeux de certains manufacturiers, paraît être une nouvelle
société d'État, propriétaire de brevets totalement
ou en partie, en concurrence avec l'entreprise privée, par exemple,
etc.
Je ne veux pas lire le mémoire en entier, mais je vous invite
à lire la page 18. Pour ceux qui n'ont pas déjà lu le
mémoire, je vous invite à le lire et, si vous avez des questions,
allez-y. À la page 18, nous reportons un passage du document: Un nouveau
pas qui avait été préparé par le ministère
fédéral de l'Industrie et du Commerce en prévision de la
rencontre des premiers ministres en novembre 1978. Ces trois paragraphes
expriment exactement ce que nous ressentons comme manufacturiers. "C'est
l'entreprise privée qui constitue le moyen de trouver les
possibilités économiques et de les transformer en une
activité productive. "Les gouvernements peuvent contribuer à
cerner certaines possibilités, à assurer un milieu propice
à l'initiative privée et, dans certains cas, ils peuvent assumer
une partie du risque. Mais c'est l'entreprise elle-même qui figure au
premier rang dans l'économie canadienne ou québécoise. "Il
faut ensuite que les politiques et les programmes de développement
industriel des gouvernements soient suffisamment souples pour répondre
à l'évolution rapide des circonstances et des contraintes du
marché. Les principes de planification prescriptive des gouvernements
dans le domaine du développement industriel, aussi favorables qu'ils
peuvent sembler à certains, risquent sérieusement d'être
trop rigides et d'entraîner une mauvaise répartition des
ressources."
Je voudrais attirer votre attention maintenant à la page 23. "Les
gouvernements sont en mesure de jouer un rôle étroitement
relié à l'accélération de l'accumulation des
capitaux." Ici, je voudrais faire une parenthèse. Dans le secteur
industriel, dans le secteur manufacturier, lorsque nous regardons la
mosaïque de nos responsabilités. Bien sûr, il y a
l'évolution technologique d'un côté, l'évolution
commerciale, de l'autre. Les deux sont inséparables. On ne peut pas
avoir une évolution technologique sans conséquence sur
l'évolution commerciale. On ne peut pas avoir d'évolution
commerciale sans avoir l'évolution technologique, si on veut vraiment
être concurrentiel sur le plan mondial. Quand on regarde Québec,
même si c'est une province qui peut être petite sur le plan
mondial, je pense qu'elle peut jouer un rôle aussi important que
n'importe quel pays au monde. Pour cela, il faut, dans le secteur industriel,
une souplesse et une auto-adaptabilité qui nous sont fournies par tous
les partenaires sociaux. Le gouvernement a un grand rôle à jouer,
mais pas un rôle d'interventionniste; c'est, bien sûr, un
rôle de coopérant, un rôle de participant, un rôle
d'aide de départ peut-être etc. Vous connaissez déjà
le langage.
À ce stade, selon nous, le gouvernement n'est jamais en mesure de
déterminer à l'avance quel secteur est susceptible de
réussir au plan de la concurrence. Ce sont les forces du marché
qui détermineront les gagnants et les gouvernements ne devraient pas
tenter de les choisir. De façon générale, la base de
l'aide à l'investissement devrait être vaste et cette aide devrait
être également appliquée à tous les participants
selon des critères clairement définis et, même là,
jusqu'à la petite entreprise. On parlait tantôt de
fiscalité, c'est là la réponse. Mais les programmes d'aide
à l'entreprise qui sont basés non pas sur le choix des gagnants,
mais plutôt sur des critères généraux, des
critères impartiaux et peut-être une réduction
d'impôt ou des façons quelconques pour aider la petite entreprise
parce qu'elle ne peut peut-être pas retirer autant du côté
des réductions d'impôt ou des rabattements d'impôt que la
grande.
Alors il faudrait trouver des formules qui permettent à la petite
et à la moyenne entreprise d'être favorisées avec
impartialité. Alors ce n'est pas le choix des gagnants. Il n'appartient
pas au gouvernement de choisir le gagnant dans ce secteur. Laissons à
l'entreprise privée dans ce grand champ de concurrence libre le soin de
diriger elle-même l'initiative. Il appartient à l'entreprise
privée de déclarer dans quel domaine elle veut diriger sa
vente.
Je vais maintenant quitter ce texte et vous parler en tant que
manufacturier. J'aimerais cela que le ministère de la Science et de la
Technologie regarde plutôt de façon globale quelle
stratégie il nous faut ici, au Québec, pour rendre nos
entreprises concurrentielles sur le plan mondial. Je vais commencer avec la
toute petite entreprise. Les chercheurs, ce ne sont pas les bonshommes dans les
universités nécessairement; ce ne sont pas les bonshommes dans
les grands laboratoires et dans les grandes entreprises non plus. La recherche
est au niveau de la petite entreprise dans l'usine. Si vous allez dans les
usines ici au Québec, il y en a presque 10 000, si on inclut les
artisans; nous, chez
les manufacturiers, on représente les manufacturiers qui
fabriquent 80% de tous ces produits au Québec. On est en mesure de vous
dire ce matin qu'il y a une invention à toutes les demi-heures dans ces
usines. On demandait tantôt s'il y en avait des inventions. Il y en a
toujours parce que le besoin crée l'invention et l'invention crée
le besoin. Si le besoin crée l'invention, vous allez dans une petite
usine de Shawinigan qui est une usine d'une très grande
société, la plus grande entreprise de poudre chimique au Canada,
CIL. Vous avez une usine de produit chimique à Shawinigan qui fonctionne
toujours. Dans l'établissement de la soude caustique,
l'équipement, la machinerie ont été dessinés sur
place par les employés, par des techniciens qui, en 1950, allaient
à l'École technique de Shawinigan façonner leur produit,
leurs pièces d'équipement, puis revenaient à l'usine. Il y
avait un petit atelier qu'on appelait alors Projet et recherche. C'est dans une
petite usine. Les gens ont trouvé un moyen de fabriquer des tonneaux en
acier qui n'étaient pas du tout connus chez les grands fabricants de
tonneaux. Des brevets ont été obtenus pour des pièces de
machinerie, qui ont ensuite été vendues par ces entreprises.
Regardez ici, à Québec, l'entreprise de peinture Sico.
Qu'est-ce qui a fait le succès de cette entreprise? Ce sont les gars qui
ont inventé, ce sont les chercheurs. Qui sont-il ces gars-là?
C'est un bonhomme qui était président de l'entreprise et qui
travaillait dans l'entreprise. C'est lui qui a manufacturé les
pièces d'équipement, des trucs, des systèmes. Il les a
inventés pour avoir une fabrication de peinture qui bien souvent
était plus rapide que des systèmes de fabrication
déjà installés dans les grandes entreprises
multinationales. Sico est devenue aujourd'hui une entreprise au même
niveau que les grandes entreprises manufacturières de peinture au
Canada.
Les inventeurs, les chercheurs où sont-ils? Ils sont
déjà dans les usines. Le manufacturier a besoin d'outils. S'il
peut trouver le moyen d'avoir ces outils à l'intérieur de son
établissement, c'est là que cela commence et 80% des nouvelles
inventions sont à l'intérieur de l'entreprise, à
l'intérieur de la manufacture ou à l'intérieur d'un
laboratoire qui appartient à tel et tel niveau. Je n'élimine pas
les recherches gouvernementales, non. Elles ont une importance, mais
peut-être leur donne-t-on trop d'importance aujourd'hui. Quand on est en
pleine évolution et qu'on a besoin - on est en train de déclarer
une guerre, je ne sais pas - de nouveaux produits militaires, on peut
construire des centres de recherche militaire pour faire de la recherche. Quand
on est en temps normal, il est bien mieux de laisser à l'entreprise
privée et ne pas gaspiller tous ces talents mais plutôt les donner
à l'entreprise privée et les faire travailler. Si on a une
difficulté de langue pour importer des talents, on a peut-être des
talents sur des tablettes à l'université, au gouvernement ou dans
un centre de recherche. Prenons-les ces talents et amenons-les ici. Assez dit,
je pense, sur cette façon de voir.
L'innovateur, l'inventeur, qui est-il, où est-il et de quelle
façon pouvons-nous donner une valeur industrielle à cette
recherche? On peut, dans une usine, identifier un système de fabrication
unique au monde, le prendre, l'empaqueter et aller le vendre partout dans le
monde. C'est ce qu'on a fait chez Bombardier. Il y a un bonhomme dans son
atelier qui a découvert la motoneige; il a inventé quelque chose
à partir d'un besoin. Il l'a fabriqué et Bombardier est devenu
une grande multinationale, une grande entreprise internationale parce qu'on n'a
pas cessé d'inventer. On invente tous les jours.
Comment le ministère peut-il jouer un rôle à ce
niveau pour capter cette information, l'acquérir par le biais, je ne
sais pas, d'un centre d'accueil et la livrer au monde et faire de l'entreprise
privée une entreprise qui créera des emplois productifs? C'est
cela le problème. Maintenant, sur le plan de la grande entreprise, son
problème est qu'il faut développer la haute technologie. Le
problème des grands manufacturiers est un problème de
liquidité présentement. On n'a pas les moyens parce qu'il faut
produire à l'échelle mondiale. Il faudrait avoir une entreprise
à mission internationale et, pour installer une nouvelle entreprise, il
faut des millions. Pendant qu'on regarde ce qui est en structure, ce qui est
déjà installé, je regarde mon ami Biais, son centre essaie
de jouer un rôle mais ils n'ont pas d'argent. Je regarde le CRIQ; le CRIQ
joue un rôle pour la petite entreprise.
Chez CIL, une fois par semaine, je recevais une lettre d'un bonhomme de
Chicoutimi, d'un peu partout qui me disait: Je viens d'inventer un produit,
j'aimerais cela en discuter avec vous. C'est comme cela que les inventeurs s'en
viennent chez nous. Vous en avez un sur cent qui vient de l'extérieur.
On parle de transfert technologique; d'accord, à ces niveaux il y a
beaucoup à faire. Tout cela pour dire qu'on a fragmenté, qu'on
fragmente région contre région, parti politique contre parti
politique, on l'a vu ce matin; on fragmente université contre
université; on fragmente province contre province; on fragmente toujours
quand le besoin est de se concerter de très près et de dire: les
entreprises privées, les gouvernements, les universités, les
centres de recherche, le CRIQ, la SDI, etc., tous ceux qui ont la
responsabilité de regarder, non seulement la technologie sur le plan
technique mais aussi sur le plan de l'accumulation de capital, parce que les
deux
ne peuvent pas se séparer, on a besoin de capital pour faire
avancer la technologie...
Ce matin, dans la Gazette, je ne sais pas si vous avez vu l'article d'un
bonhomme qui nous dit exactement cela: on fragmente, on ne se rencontre pas. Il
faudrait se rencontrer, discuter et avoir nos ressources sous un même
toit du côté de la coordination. Je pense que cela pourrait
être plus le rôle du ministère. Un rôle d'aide,
d'appui et de coordonnateur, un rôle d'accueil et non pas un rôle
de concurrent. C'est ce que le Conseil du patronat du Québec essaie de
dire ce matin.
L'intervention du gouvernement. Quand il devient concurrent de
l'entreprise privée, celle-ci n'y va pas. Regardez les cas... Vous allez
en entendre parler tantôt. Je pense que l'ANVAR est discutée dans
votre mémoire, ou elle le sera peut-être plus tard. Si on
demandait au CRIQ ce qu'il pense exactement de cette agence, je pense bien
qu'il vous dirait que cela va devenir un concurrent. Il a peut-être tort
ou raison, je ne sais pas. Alors, pourquoi créer cette chose quand on a
un ministère qui pourrait justement... Même si certains organismes
ou agences - ou peu importe comment on les appelle - sont déjà
installés dans d'autres ministères, qu'est-ce qui empêche
un ministre - je ne connais pas la politique, mais je me vois comme homme
d'affaires - et deux ou trois ministères de travailler ensemble avec des
industriels, avec des universités et des agences et d'éliminer ce
genre de concurrence? Nous sommes tellement un petit pays au Québec,
pourquoi ne met-on pas toutes nos ressources ensemble?
Nous, les manufacturiers - nous vous l'avons dit, M. le ministre, ainsi
qu'à vos associés - nous sommes prêts à collaborer
avec vous et particulièrement sur le plan des ressources humaines, parce
que l'évolution technologique est un rail de la voie ferrée,
l'évolution commerciale, c'est l'autre rail de la voie ferrée et
le train, ce sont les ressources humaines qui le font marcher. C'est là
qu'il faut justement attirer toute notre ressource en tant que leaders, en tant
qu'administrateurs, en tant que législateurs. Il faut aider les gens,
particulièrement les jeunes, à devenir des inventeurs, à
devenir des innovateurs, à devenir des commerçants, à
devenir des gens qui vont améliorer notre standard de vie. C'est ce
qu'on cherche. Je pense que j'en ai assez dit, M. le Président.
Le Président (M. Blouin): Merci, M. Dessureault. Sur ce,
comme il est 13 h 01, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15
heures.
(Suspension de la séance à 13 h 01)
(Reprise de la séance à 15 h 08)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la présidence du conseil et de la
constitution reprend ses travaux. Nous avons entendu avant le dîner le
représentant de l'Association des manufacturiers, M. Dessureault. Est-ce
que vous avez quelque chose à ajouter?
M. Dessureault: Peut-être un commentaire. J'ai eu
l'occasion de parcourir ce midi le document que j'ai reçu ce matin et je
m'interroge encore beaucoup quant à l'épuisement des
possibilités du CRIQ et de la SDI particulièrement. Je pense que
le dernier ou l'avant-dernier paragraphe en conclusion suggère quelque
chose d'intéressant. J'ai présenté ce matin le point de
vue des manufacturiers et on dit ici qu'on ne parle pas nécessairement
le même langage que ceux qui sont dans les milieux de la recherche. C'est
peut-être vrai et je me demande si, au départ, on ne devrait pas
tenter de réaliser cette nécessité de transformer en
partenaires les milieux de la recherche et ceux de l'industrie et ensuite,
partant de là, voir si c'est justifié d'avoir une agence qui fait
telle et telle fonction; si c'est justifié d'avoir une agence qui
remplit une fonction et qui délègue, par le biais peut-être
de d'autres ministères, des responsabilités de contributions
financières ou d'aide technique, etc. Alors, là-dessus, je suis
prêt à recevoir les questions ou les commentaires. Mais, en
partant, disons que les manufacturiers de notre association sont d'accord pour
la concertation et ce n'est pas une question de tenter d'être pour ou
contre. C'est une question de suggérer si le moyen recommandé par
ce projet de loi est le moyen qu'on doit tenter d'utiliser
immédiatement.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Je
cède la parole à M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, j'ai écouté
avec grand intérêt les propos de M. Dessureault ce matin et je
pense que les considérations générales qu'il fait dans son
mémoire sur l'orientation qui devrait être prise pour favoriser
davantage l'innovation technologique, le développement de la recherche
industrielle et précisément, comme il vient de le dire, les liens
entre l'université et l'industrie, doivent être encouragées
de toutes les façons possibles. Pour nous, évidemment, la
création de cette agence n'est pas, loin de là, le seul moyen que
nous entrevoyons pour faciliter cette concertation. Comme vous le savez, M. le
Président, on travaille sur un certain nombre de projets de centres de
recherche université-industrie. Je pense que cela doit se faire de plus
en plus et également encourager les regroupements,
les conseils, les rencontres de concertation. On tiendra bientôt
une table de concertation sur l'informatique et l'électronique. Je pense
que, en règle générale, ces orientations peuvent faire
consensus. J'aimerais simplement poser quelques questions additionnelles sur
certains passages du mémoire de l'Association des manufacturiers
canadiens.
Quand on affirme que les manufacturiers sont d'avis que les fonctions et
le travail envisagés pour l'agence proposée pourraient être
réalisés par les différents organismes privés et
publics existants, j'aimerais que vous donniez des explications
là-dessus; vous y avez fait référence à la fin de
votre exposé. Dans un projet de loi, le style légal veut qu'il y
ait un minimum d'articles. Ce n'est pas dans un projet de loi qu'on peut
décrire toute la dynamique de fonctionnement d'une agence. C'est
pourquoi cette brochure essaie d'aller un peu plus loin.
Autrement dit, ma question revient à ceci. Ce matin, le Conseil
du patronat nous a dit qu'il faudrait peut-être étendre les
fonctions du CRIQ ou celles d'autres organismes. C'est la première
question que je voudrais vous poser. Dans le développement, dans la
valorisation industrielle de la recherche, dans ce processus qui va de
l'innovation jusqu'au moment où l'invention peut être produite et
réalisée par une entreprise, avez-vous l'impression que la
société québécoise, peu importent les intervenants,
fait vraiment tout ce qu'il faut pour valoriser ces personnes, qu'elles
proviennent des entreprises ou des universités, qui décident de
se lancer dans l'innovation et de développer un nouveau produit?
Qu'est-ce qui manque le plus à ces personnes pour les aider à
être davantage productives?
M. Dessureault: Qu'est-ce qui manque? Eh bien, reculons un peu et
demandons-nous si les organismes en place, particulièrement les
organismes publics tels le CRIQ, la SDI, l'INP, par exemple, qui sont trois
organismes en place pour aider l'entreprise à améliorer sa
productivité, tant sur le plan de l'aide technique que de l'aide
financière... Posons-nous la question: Pourquoi les manufacturiers,
pourquoi les industriels ne tirent-ils pas profit de ces organismes? Pourquoi
ne vont-ils pas y chercher quelque chose? Pourquoi les manufacturiers
hésitent-ils à aller demander de l'aide financière au
gouvernement, par exemple? Beaucoup de manufacturiers au Québec refusent
tout simplement l'aide gouvernementale pour toutes sortes de raisons.
D'un côté, des organismes ont été mis en
place pour servir la communauté mais vous n'avez pas une
communauté de recherche organisée, vous êtes
fragmenté.
D'un côté, vous avez les manufacturiers qui, eux, par leurs
propres moyens, réussissent à satisfaire leurs besoins. Vous avez
plusieurs inventions; sur dix, il peut y en avoir une qui sera
commercialisée. Bien souvent les entreprises mettent sur le
marché des produits, les testent et les retirent à coups de
millions; on perd des millions simplement à faire un test de marketing.
Toutes les inventions ne sont pas nécessairement commerciales. (15 h
15)
D'un côté, vous avez l'entreprise qui peut se satisfaire.
Si vous allez au niveau de la haute technologie, il est bien évident
que, si on veut devenir concurrent sur le plan mondial, il faudrait des
installations qui demandent des investissements énormes. Aucune
entreprise seule ne peut réaliser un tel projet, il faut des consortiums
d'entreprises, des ententes d'entreprises, des ententes avec les gouvernements,
avec d'autres institutions financières, etc., pour réussir un
projet.
L'objection du manufacturier - je retourne à ce qui a
été dit ce matin - est celle de voir venir le gouvernement agir
comme concurrent. S'il n'y a pas d'intervention directe, si le gouvernement
n'est pas propriétaire, si ce n'est pas une société
d'État qui est en concurrence avec le manufacturier ou l'industriel, il
n'y a pas de problème. Si le gouvernement joue vraiment son rôle
de réaliser la liaison entre deux secteurs qui ne se rencontrent pas,
déjà là, on aura accompli un grand pas.
M. Paquette: C'est un peu ce que je voulais vous demander.
Autrement dit, qui doit prendre l'initiative de ces concertations? Parfois,
cela se fait tout seul, il arrive parfois que les entreprises collaborent avec
des équipes de recherche. N'y a-t-il pas lieu d'avoir un instrument qui
n'aurait pas pour but d'acquérir des participations majoritaires dans
des entreprises ou de faire concurrence à l'entreprise, mais de
faciliter, de mettre en contact, de mobiliser autour d'un projet -non pas
autour de questions théoriques ou globales, de politiques de
concertation, on a d'autres mécanismes pour le faire - concret toutes
les ressources, privées, les ressources de recherche, parfois des
ressources publiques aussi?
M. Dessureault: Je suis d'accord en principe, pour autant qu'on
épuise d'abord les possibilités des organismes qui sont
déjà en place. La suggestion des manufacturiers, c'est de
retarder la création d'une nouvelle agence qui, d'après nous,
remplira les mêmes rôles, les mêmes fonctions que des
organismes qui sont déjà en place, mais auxquels on ne donne
peut-être pas les instruments pour faire exactement ce qu'on essaie de
réaliser.
M. Paquette: Je voudrais creuser cette question un peu plus avec
vous. Je pense qu'on a, tout au long de cette commission, discuté de
l'activité, par exemple, du Centre de recherche industrielle du
Québec qui est un agent de développement technologique actif au
service des entreprises, qui leur fournit en quelque sorte les laboratoires,
voire les "machine shops" nécessaires que les petitss entreprises ne
peuvent pas se payer elles-mêmes parce qu'elles n'en ont pas les moyens.
En plus, le CRIQ essaie de faciliter ce qu'on appelle le transfert de
technologie, c'est-à-dire identifier des brevets ou des licences,
parfois dans d'autres pays, qui pourraient être assumés ici par
des entreprises. Cela est un aspect des choses.
On pense qu'il manque dans la société une fonction de
liaison entre les organismes publics et privés et les centres de
recherche pour les mobiliser sur certains projets. On pourrait bien sûr
songer à demander au CRIQ de le faire et lui donner les fonds et le
personnel qu'on songe à donner à l'AQVIR pour qu'il étende
ses opérations. Là, c'est une question de principe. Vous n'avez
pas l'impression qu'un tel intervenant qui veut faire des liaisons, qui veut
mobiliser des énergies a avantage à ne pas être
rattaché à aucun des intervenants qui existent? S'il est
rattaché à un centre de recherche, il pourrait avoir tendance
à valoriser uniquement, de préférence, les innovations qui
sortent de ce centre de recherche.
Face aux universités, cela pourrait être perçu aussi
comme une concurrence indue. Si une innovation sort d'une université et
si c'est un autre centre de recherche qui peut la prendre pour la valoriser, on
aurait l'impression que ce centre de recherche veut peut-être accaparer
l'innovation dont les chercheurs qui l'ont lancée pourraient, à
juste titre, se réserver les fruits.
C'est un peu ce genre de considération qui nous a orientés
à dire: Cela prend un nouvel intervenant qui n'est rattaché
à aucun des intervenants existants, qui ne sera pas en conflit
d'intérêts, dont le seul rôle sera la liaison. Il pourra
ajouter des fonds par-dessus cela parce que, sans fonds, cela peut être
difficile d'entreprendre certaines concertations à l'occasion.
M. Dessureault: C'est justement ce genre de débat qui est
essentiel, à savoir si cela devrait être ici ou là. Quant
à moi, si vous me demandez une opinion, je dirai: Donnez cette
responsabilité à l'entreprise privée. Laissez créer
des organismes privés qui feront exactement ce que vous
préconisez. Il y a déjà des entreprises privées qui
font de la recherche en brevet, qui font de la recherche en support de projet
et qui, ensuite, font de l'implantation et de l'innovation etc. Donnez à
cet organisme l'allure d'une entreprise privée et permettez qu'il y ait
d'autres organismes privés qui se créent en même temps.
Laissez-le concurrencer dans un libre champ et vous allez vraiment
améliorer votre productivité même à ce niveau.
M. Paquette: Cela me permet de soulever un point
intéressant. On parle beaucoup du caractère qui risquerait
d'être trop omniprésent de l'agence dans ce sens que cela
viendrait annihiler d'autres initiatives. On ne peut dire que ces initiatives
ont foisonné énormément jusqu'à maintenant dans
notre milieu. On a justement un problème parce qu'on n'en a pas
suffisamment en tout cas quand on se compare aux autres pays.
D'autre part, j'aimerais souligner ici une caractéristique de
l'agence, l'équivalent britannique, le NRDC, National Research
Development Council, a vraiment un rôle beaucoup plus contraignant. Il a
droit de préemption prioritaire sur tous les brevets qui sortent des
universités. Cela veut dire que si le NRDC se présente à
l'Université de Leeds, par exemple, et dit: Voici, vous avez...
L'université ne peut pas communiquer directement avec les entreprises.
Il faut qu'elle passe par l'agence publique NRDC. Nous avons refusé ce
genre de fonctionnement. Notre idée, ce n'est pas d'empêcher des
initiatives et des contacts qui peuvent se faire naturellement. D'ailleurs,
s'il y en avait énormément, on n'aurait probablement pas besoin
de l'agence, mais on se rend compte que cela ne se fait pas dans notre milieu.
On se dit: II n'est pas interdit non plus que l'agence puisse passer par
d'autres organismes qui font de la valorisation industrielle de la recherche.
S'il y a un groupe public, semi-public ou privé qui décide de
valoriser certains projets, il se peut que l'agence dise: II suffit de leur
donner un coup de pouce financier à ces gens et cela va aller. C'est un
peu comme cela qu'on le voit, je tiens à le préciser.
M. Dessureault: J'ai un commentaire là-dessus. Quand vous
faites allusion à ces agences étrangères qui ressemblent
étrangement à celle qu'on est quasiment à mettre sur pied,
elles n'ont pas réussi à faire ce qu'elles désiraient
faire. Elles ont réussi à une période donnée quand
il y avait vraiment un besoin. Il serait peut-être bon d'évaluer
les résultats de ces agences et de se demander combien de brevets, par
exemple, ANVAR peut accepter au cours d'une année. Combien de dossiers
une agence, dans un grand pays comme la France, peut-elle regarder au cours de
l'année et éventuellement arriver à un, deux ou dix
brevets? Mais dix brevets sur combien? Alors, quelle est la valeur de cette
agence? Il faudrait évaluer cela.
M. Paquette: Je vais vous donner une double réponse
à cette question. Parmi les agences de valorisation industrielle, elles
ont beaucoup de différence avec le projet, mais l'objectif est le
même, c'est d'assurer le transfert de l'innovation jusqu'au moment
où, après brevet, étude, prototype, étude de
marché, on en arrive au point où on a de bonnes chances que cela
marche sur le plan de la production.
Ces agences ne sont pas toutes rentables. Elles ont eu des succès
variables. Justement le NRDC, en Grande-Bretagne, se finance entièrement
par les projets qu'il a valorisés et sur lesquels il demande une
certaine ristourne pour ses services. Depuis 1971, le NRDC n'a plus besoin de
fonds publics. Je pense que cela témoigne d'un certain
succès.
Par contre, l'ANVAR, en France, ne s'autofinance pas. On vient
d'ailleurs d'en transformer les structures. Cela ressemble beaucoup plus au
projet que nous avons là qu'à l'ancienne ANVAR. Il y a aussi ce
qu'on appelle la rentabilité sociétale; entre 1 $ mis dans des
projets de valorisation de la recherche qui ne se rendront peut-être pas
jusqu'à un succès commercial et 1 $ dépensé ou
saupoudré dans d'autres types de recherche, on peut se dire que
même si cela arrive à un échec, il y a une
rentabilité sociale, parce que pendant tout ce temps-là il y a
des gens qui apprennent, qui se forment, qui vont faire des erreurs, mais qui
vont en profiter également. On développe le niveau de la
recherche, le niveau des connaissances, les interactions
université-industrie. Éventuellement, ces gens-là vont
peut-être se parler sans passer par l'intermédiaire de l'agence,
tant mieux.
C'est pourquoi il faut accepter qu'au départ un tel organisme
soit financé par des fonds publics et ne s'autofinance pas
nécessairement. Cela peut arriver que si l'organisme est suffisamment
efficace, il puisse, simplement par des redevances, finir par s'autofinancer et
réinjecter les profits qu'il fait toujours dans la valorisation de la
recherche et du développement.
M. Dessureault: Là-dessus, M. le ministre, retenant les
bienfaits de l'agence comme telle, la façon dont vous la
décrivez, à mon sens, c'est une entreprise privée qui fait
des profits. C'est cela; la ristourne, c'est un profit. Si vous avez votre part
de profit, pour vous la donner il faudra augmenter le prix du produit. Vous
êtes en concurrence directe avec l'entreprise privée. C'est dans
cet état d'esprit que les entrepreneurs, que les manufacturiers
regardent l'intervention de l'État à certains niveaux. Toujours
tenant compte des bienfaits de l'agence, on n'est pas contre...
M. Paquette: Je vous dirais que c'est un peu comme le CRIQ qui
demande certaines redevances. Le CRIQ ne se finance pas uniquement à
même les fonds publics mais est largement financé par les...
M. Dessureault: Certains manufacturiers regardent le CRIQ comme
un concurrent. Les manufacturiers ne sont pas toujours manufacturiers, ils
peuvent aussi être des "développeurs"; ils ont des filiales qui
font de la recherche; ils ont des laboratoires de recherche; ils ont des
organismes qui se rattachent à eux qui font ce genre de choses.
M. Paquette: Dernier point que je voudrais soulever: vous avez
cité un document à la page 18 où je lis au deuxième
paragraphe...
M. Dessureault: C'est un beau paragraphe.
M. Paquette: Oui, c'est un beau paragraphe qui décrit,
à mon avis, exactement ce que pourrait être l'agence dans le
projet qui est présenté: "Les gouvernements peuvent contribuer
à cerner certaines possibilités, à assurer un milieu
propice à l'initiative privée - c'est autant l'initiative des
entrepreneurs que des chercheurs, des individus, tous ceux qui sont
impliqués dans le processus de valorisation de la recherche - et, dans
certains cas, ils peuvent assumer une partie du risque."
A mon avis, cela décrit parfaitement...
M. Dessureault: C'est cela. Vous pouvez ajouter la
dernière phrase.
M. Paquette: "Mais c'est l'entreprise elle-même qui figure
au premier rang dans l'économie canadienne." Cela aussi m'apparaît
évident parce que ce sont les entreprises qui produisent les biens.
Éventuellement, l'innovation doit être assumée, à un
moment donné, lorsqu'elle est à maturité, par une
entreprise. J'inclus tout le paragraphe.
M. Dessureault: Alors, regardant ce texte et attachant la
position de l'Association des manufacturiers canadiens à ce texte, la
suggestion est de retarder la mise en place de l'agence et d'évaluer
entre-temps si les fonctions qu'on veut lui donner ne peuvent pas être
exercées par des organismes en place. Le ministère a pour
responsabilité d'assurer cette liaison. Est-ce qu'il doit le faire par
le biais de cette agence? Je sais qu'il y a plusieurs autres moyens à
votre disposition pour accomplir les fonctions du ministère.
On demande de retarder et d'avoir un conseil de conseillers qui verront
de quelle façon on peut réussir au Québec ce
phénomène que vous préconisez mais sans mettre en
place une nouvelle structure, un nouvel organisme qui coûtera 1 000 000
$.
M. Paquette: Dernier point, à la page 25, simplement pour
bien clarifier cela: "L'AMC désire réitérer au
ministère sa pleine collaboration dans l'élaboration de
programmes communs - je vous en remercie, c'est très
apprécié - susceptibles d'aider l'entreprise privée et
particulièrement la PME dans la planification de la recherche
industrielle." Là, il faut s'entendre. J'imagine qu'ici, pour être
bien clair, vous entendez "planification" en termes de grande politique
d'accès à des ressources techniques de financement, de
concertation, parce que je voudrais bien souligner encore une fois que l'agence
n'est pas un organisme qui va faire de la planification de la recherche. Elle
va travailler sur des projets précis...
M. Dessureault: On comprend cela. (15 h 30)
M. Paquette: Très bien, alors on se comprend bien.
M. Dessureault: Mais parfois les agences, les organismes prennent
des tendances, accumulent, bâtissent des empires, etc.
M. Paquette: Alors, on va veiller à ce qu'il n'en soit pas
ainsi. J'aimerais vous remercier énormément de vos commentaires,
M. Dessureault.
M. Dessureault: Merci.
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Je vous remercie, M. le Président.
J'aimerais remercier M. Dessureault, de l'Association des manufacturiers
canadiens, pour son mémoire et particulièrement pour ses
commentaires qui nous ont expliqué ce qui se passe sur le plan concret
en ce qui concerne l'innovation.
Vous avez, dans votre mémoire, mais pas dans vos commentaires,
tracé un bilan assez triste de notre histoire économique en
Amérique du Nord surtout, que je ne partage pas tout à fait. Je
crois que c'est la conjoncture de la concurrence féroce qui
peut-être nous a donné une attitude un peu négative par
rapport à notre performance.
À la page 2 - je parle de votre mémoire - et aussi
à la page 23, vous avez parlé des choix des gagnants. J'aimerais
bien comprendre votre position ici, parce que cette question d'orientation des
politiques est une question qui est aussi discutée à Ottawa, je
crois. Si je comprends bien votre position, vous êtes essentiellement
opposés à des subventions sélectives. À cet
égard, vous êtes sur la même longueur d'onde que le Conseil
du patronat. Voudriez-vous...
M. Dessureault: Vous me permettez peut-être un commentaire
là-dessus.
Mme Dougherty: Oui, j'aimerais avoir vos commentaires sur cette
question.
M. Dessureault: Sur cette question exclusivement, il faut
comprendre que, quand on parle d'entreprises privées, quand on parle de
manufacturiers, nous, il faut loger nos préoccupations, nos points de
vue, notre activité dans le système industriel. Maintenant, il
faut se rappeler qu'il y a d'autres systèmes dans l'économie,
dont le système socio-politique. Il est bien évident que, quand
vous sortirez de votre système industriel pour le choix, par exemple,
d'une région, pour la localisation d'une entreprise, parce que le
gouvernement contribuera à un investissement quelconque, le
système industriel sera dans un état de compromis et devra
composer avec les autres systèmes. Alors, notre document se situe dans
le système industriel et nos points de vue sont comme cela. Mais,
éventuellement, quand vient le temps de se concerter avec les agents
économiques, on est dans un état de concertation, de compromis et
il faut conjuguer avec la société. Alors, ce n'est pas une
décision bien arrêtée de dire que, même si le
gouvernement contribue en accordant 5 000 000 $ à ce projet, on insiste
pour que ce soit ici. Il faudra faire une concession peut-être de
région. Alors, on est citoyen en même temps qu'on est industriel
ou manufacturier. Mais, il faut bien oeuvrer dans notre système
industriel; il faut l'organiser de telle sorte que tout soit souple,
auto-adaptable, que la concurrence soit permise - on y va, allons-y - mais avec
l'aide et le support des autres agents économiques. Sur le plan
socio-économique, il faut composer. Seulement, on veut tous
l'évolution technologique, l'évolution commerciale, pour
améliorer notre standard de vie. C'est là, l'objectif. Si
l'objectif est différent, c'est une tout autre situation. Je ne sais pas
si je réponds à votre question.
Mme Dougherty: Oui, mais ce que je cherche...
M. Dessureault: Vous cherchez quelque chose?
Mme Dougherty: Oui, je cherche votre opinion sur cette question.
Quand il s'agit d'une décision gouvernementale, est-ce que vous
êtes pour ou contre une politique basée sur le choix des
gagnants?
M. Dessureault: Nous sommes contre.
Mme Dougherty: Je crois que c'est...
M. Dessureault: On dit quelque part dans le mémoire que
celle qui est la mieux placée pour prendre cette décision de
choix, c'est l'entreprise privée. Là, vous me remettez dans mon
système industriel. Si vous me dites: Est-ce qu'on doit avoir des
sociétés d'État en concurrence avec des
sociétés privées? Là, c'est vraiment le choix de
l'État d'investir des millions dans telle ou telle entreprise et
d'essayer de faire fonctionner cette entreprise. On dit: Non, il ne faudrait
pas que ce soit le choix du gouvernement. Si c'était un choix
partagé, accepté par des agents économiques, oui,
peut-être, parce que l'on sortirait du système industriel pour
composer avec le système socio-économique. Mais, que le
gouvernement dise seul, de façon arbitraire, qu'on s'en va dans tel
domaine et qu'on va essayer de relever cette industrie, je ne pense pas que ce
soit selon les principes qu'on essaie de mettre en place dans un système
industriel qui soit favorable. Quand on parle de créer un climat, comme
on le disait ce matin, il faut le créer dans le système
industriel le plus possible. À un moment donné, quand vient le
temps d'agir dans une région donnée parce qu'il y a beaucoup
d'êtres humains qui sont là, prêts à oeuvrer, qu'on
décide d'un commun accord de mettre une usine à cet
endroit-là, d'accord. Il y aura probablement, économiquement
parlant, des prix à payer pour l'installer: des coûts de
transport, des coûts additionnels, je ne sais pas.
Mme Dougherty: Si j'ai bien saisi le débat - on parle
beaucoup du choix des gagnants - c'est une orientation qui est
préférée aussi de plus en plus par le gouvernement
à Ottawa, n'est-ce pas?
M. Dessureault: D'accord. En fait, si vous avez un abattement
fiscal qui est impartial, tout le monde peut en profiter. Bien sûr, il y
a des abattements fiscaux. Pour ceux qui paient de gros impôts, c'est
favorable. Pour le petit, c'est moins favorable. Alors, il faut arriver avec
d'autres aides financières, mais, encore là, il faudrait que ce
soit ouvert. La SDI, en collaboration avec la Bourse de Montréal, vient
de mettre en oeuvre un programme d'action. Les gens vont être
invités à participer financièrement à l'entreprise.
C'est une façon impartiale. Nous favorisons cela et nous en
félicitons le gouvernement. C'est là qu'il faut aller. Les 10%
mentionnés ce matin, c'est là qu'il faut aller. C'est cela
l'impartialité.
Mme Dougherty: Donc, pour élargir ce principe, à
notre sens, chaque subvention qui est accordée constitue un choix du
gouvernement. Je parle des subventions gouvernementales.
M. Dessureault: À ce moment-là, il faut que ce
soit...
Mme Dougherty: C'est une espèce de choix de...
M. Dessureault: ...administré de façon non
préjudiciable. Il faut que les fonds publics soient bien
administrés. Il faut faire confiance aux administrateurs de ces fonds,
pour autant qu'on a des critères, pour autant que ce n'est pas un choix
arbitraire et qu'il y a assez de critères pour permettre cette
impartialité. C'est bien sûr que ce ne pourrait pas être
parfait, mais il faut faire confiance à ceux qui administreront. Si
c'est administré publiquement, si on sent que ce n'est pas impartial, on
peut faire des représentations.
Mme Dougherty: Merci pour avoir répondu aux questions.
Maintenant, c'est une question de principe qui ne touche pas directement
l'agence, mais vous aurez peut-être des réponses. On compare un
pays avec un autre, on compare les dépenses en recherche et
développement d'une façon globale. Si on examine les chiffres, au
Canada, nous sommes en retard. Mais je me demande si une comparaison globale
est vraiment un bon indicateur de notre force économique, de notre
progrès. Ne devrions-nous pas examiner les dépenses par secteur
aidé? Ne serait-ce pas un meilleur indicateur de notre progrès?
Est-ce que vous avez des commentaires là-dessus?
M. Dessureault: Je comprends très bien. Ce que vous dites,
c'est que ce n'est pas nécessairement parce qu'un pays dépense
plus d'argent que nous qu'il va avoir de meilleurs résultats. Les
regarder par secteur, c'est essentiel, je pense. Il faut les regarder par
secteur. Si les investissements dans la recherche sur le plan gouvernemental
sont très élevés comparativement à ce que le
gouvernement permet à l'entreprise privée, on va dire: Pourquoi
ne pas diminuer cet effort de recherche du côté du gouvernement et
l'installer dans le secteur privé où il y aura une
création d'emplois productifs? Parce que chaque fois que vous avez un
centre de recherche universitaire ou gouvernemental, vous y affectez des
ressources de très haute qualité et, quand vous les affectez dans
ces secteurs de recherche, vous les enlevez au secteur privé, parce que
la ressource est épuisable. Alors, on ne peut pas avoir deux fois plus
de ressources parce qu'on crée deux fois plus de centres de recherche.
Comment équilibrer? Comment mesurer l'efficacité de l'effort en
recherche et développement du côté des universités,
des centres de recherche, etc., en termes de nouveaux produits qui sont sur le
marché, par
exemple? Comment mesurer ce qui se fait dans l'entreprise privée?
À partir de là, comment peut-on, si on n'a pas les
résultats attendus du côté gouvernemental, du centre de
recherche, passer cette ressource du côté privé pour aider
à la création d'emplois? C'est peut-être théorique,
mais on est préoccupé par cette dimension.
Il y a beaucoup de talents ici qui pourraient être plus utiles
là. C'est1 ce qu'on essaie de suggérer. Cette
concertation pourrait peut-être le permettre. Cela ne veut pas
nécessairement dire qu'on doit déplacer les centres de recherche
publics; cela veut dire que le secteur privé devrait s'en servir. C'est
ce qu'il faut travailler.
Je ne sais pas si vous avez remarqué -je l'ai vu dans la Gazette
et je pense que cela a été reproduit dans le Devoir de ce matin -
mais M. Allan, de Data Control, suggère exactement ce qu'on disait ce
matin. On fragmente cet effort quand on devrait, au contraire, l'unifier et
essayer de le faire produire. Nous faisons partie d'un petit pays et il serait
facile de se serrer les coudes.
Les manufacturiers disent: Penses-tu que je vais aller à
l'université pour leur faire faire cela? Voyons donc! Penses-tu que je
vais m'occuper d'aller chercher un programme d'aide financière au
gouvernement? Voyons donc! Mon produit est bon, la banque est là.
Comment concilier tout cela? On dit: Oui, mais ceux qui ont failli en allant
chercher de l'aide technique dans un centre de recherche, de l'aide
financière à la banque, ceux qui ont failli partout vont à
la SDI, vont au centre de recherche de l'université, mais en dernier
ressort. Pourquoi n'y iraient-ils pas en premier s'il y avait cette liaison
entre le secteur public et le secteur privé, à ce niveau?
Mme Dougherty: Donc, dans une certaine mesure, j'ai raison de
dire que les chiffres globaux sont une partie de l'histoire. Tous les dollars
en R et D n'ont pas la même valeur en
coûts-bénéfices.
M. Dessureault: D'accord. Mme Dougherty: D'accord.
M. Dessureault: Je pense que vous avez utilisé les bons
termes. Cela ne veut pas dire qu'il faille éliminer certaines
dépenses de recherche à long terme; il faut investir dans
l'avenir. Mais, à court terme, l'innovation, l'invention servira
exclusivement à donner de nouveaux outils à l'entrepreneur. Ces
nouveaux outils seront utilisés à la confection de produits de
consommation pour le grand public, etc. Quand vous aurez produit ces outils,
vous voudrez plus d'argent pour en produire encore plus, pour les multiplier.
La création, c'est cela; l'innovation, c'est cela.
(15 h 45)
Au Québec, on est reconnu. Je pourrais vous donner des centaines
de témoignages de "patenteux". Mettez quelque chose de mécanique
dans les mains d'un ouvrier, dans une usine au Québec, et demandez-lui
de faire quelque chose de nouveau avec cela, il va vous le faire. Nous sommes
des inventeurs, des innovateurs. Nous sommes considérés comme les
deuxièmes au monde, c'est-à-dire dans les pays occidentaux. Nous
sommes les deuxièmes où la richesse naturelle est la mieux
qualifiée. Nous sommes le premier pays, le Canada - et cela inclut le
Québec - dans les 22 pays de l'Occident, où les investissements
en éducation du gouvernement, c'est numéro un. On a cette
richesse et on ne semble pas être en mesure de permettre à cette
richesse de se développer pleinement. C'est sur le plan des ressources
humaines particulièrement qu'on attire l'attention de tout le monde
parce que nous, comme gestionnaires, on a failli un peu, parce qu'on s'est
occupé beaucoup plus de la machine, de l'équipement, etc.
Là, on se rend compte que, si on veut être concurrent sur le plan
mondial, c'est la ressource humaine qui nous donnera une réponse parce
que la ressource naturelle est épuisable. Les nouveaux produits viennent
rapidement et non seulement le produit, mais aujourd'hui on parle des
composantes d'un produit. Si vous avez 150 composantes dans un produit, cela ne
veut pas nécessairement dire que ces composantes seront
manufacturées au Québec. Cela peut venir de partout dans le
monde.
Il faut regarder chacune des composantes de chacun des produits et pour
cela on a besoin de compétences en recherche, en innovation, à
tous les niveaux. On les a au Québec, il s'agit de s'en servir.
Malheureusement, on est obligé d'aller en chercher ailleurs parce qu'il
y a quasiment 250 métiers et professions pour lesquels on manque de
personnel et on a quasiment
I 000 000 de chômeurs dans tout le Canada.
Il y en a combien de centaines de milliers au Québec? On a un
effort. Quand je parle de science et de technologie, je ne vois pas
exclusivement recherche, valorisation de la recherche par rapport aux brevets.
Je vois des problèmes encore beaucoup plus immédiats comme celui
du recyclage des êtres humains et celui de l'enseignement de la science
et de la technologie. Cela ne peut pas se faire en dehors de l'entreprise
privée. Je pense que je me répète.
Mme Dougherty: Merci. À la page 9, troisième
paragraphe, vous avez parlé de la faiblesse des stimulants à la R
et D dans le premier cas, défaut de reconnaître l'importance de la
technologie étrangère dans le second. Donc, deux faiblesses.
Quelles sont les mesures que vous
envisagez pour corriger ces faiblesses?
M. Dessureault: La première mesure, c'est le climat du
système industriel.
Mme Dougherty: Le climat. D'accord.
M. Dessureault: Je ne répéterai pas ce que le
Conseil du patronat a présenté, mais je vous dirai ceci. Quand on
est en bonne santé, qu'on marche bien, personne n'en parle, cela va
bien. Mais quand vous avez des épingles dans les genoux ou dans les
coudes ou dans les chevilles, cela marche moins bien. On nous dit et on nous
répète, M. Biron nous disait encore récemment: Pourquoi
les manufacturiers ne disent-ils pas ce qu'il y a de bon au Québec
plutôt que de toujours se plaindre de ce qui n'est pas bon? Je vous
dirais: On parle de ce qui est bon. On parle du divorce, mais on ne parle
jamais du bon mariage. Quand vous avez des épines dans les pieds qui
vous empêchent d'avancer, vous en parlez, cela vous fait mal. Donc,
guérissons le pied, enlevons les épines, et il n'y en a pas
beaucoup. Il y en a un peu sur le plan de la fiscalité, un peu sur le
plan de la langue, un peu sur le plan de la réglementation. Si on
pouvait éliminer ces trois épines, on n'aurait pas de
problème. Les investisseurs sont craintifs. L'argent va où le
climat est favorable. C'est une vérité de La Palice et on le
sent. J'aime bien ceux qui partent du Québec par la porte d'en avant. Je
les aime parce qu'ils sont vraiment francs, mais ceux qui partent du
Québec par la porte d'en arrière et qu'on ne connaît pas...
Quand vous déménagez un directeur de la recherche a Toronto ou
à Calgary, vous venez de transférer le département de la
recherche. Peu importe si les gens restent au Québec. Allez
vérifier et, après trois ans, quatre ans ou cinq ans, ils sont
tous partis.
Il faut donc créer un climat favorable et, pour moi, il est
facile. Un, deux, trois. Trois épines dans un pied, vous les enlevez et
le Québec est reconnu comme un pays qui a un climat social favorable. Je
ne fais pas de politique; peu importe le parti politique, on a toujours eu un
climat favorable pour les investisseurs. Il faut ouvrir la porte aux
investisseurs étrangers et c'est là qu'est notre problème,
quand on parle de faiblesse. Toute cette nouvelle technologie, toutes ces
innovations, toute cette recherche, pour une grande partie, nous ont
été apportées au Québec par les investissements
étrangers, les multinationales. On devrait favoriser les transferts
technologiques par le biais des multinationales. Cela est un projet qui devrait
être entrepris immédiatement par le ministère de la Science
et de la Technologie. Une bonne relation avec les multinationales et elles vont
se plier à la concertation. On ne demande pas mieux. Regardez le journal
de ce matin: Haute technologie. Il y a une demande, on veut investir au
Québec dans la recherche. On demande cette concertation entre le
gouvernement, les universités et les entreprises. D'après moi,
c'est un langage qui ne doit pas être provocant. Ce n'est pas là
de la confrontation. Mais si on met des épines, si on se donne... Je
suis en train de faire des déclarations que je ne devrais
peut-être pas faire, cela ne m'appartient pas. Pourquoi donner, au
Québec, des suggestions qui pourraient faire penser à quelqu'un
que ce n'est pas favorable d'aller au Québec parce qu'on a
institué telle réglementation ou qu'on a fait telle chose?
Pourquoi se mettre dans ces situations? Pourquoi ne pas se mettre sur une base
de concurrence? Si on fait partie d'équipes qui doivent jouer sur le
plan concurrentiel et sur le plan international, pourquoi ne pas se donner les
mêmes vêtements de couleur différente, mais les mêmes
vêtements et jouer la partie pour gagner?
Mme Dougherty: Sur la deuxième faiblesse que vous avez
soulignée, notre défaut, un manque de reconnaissance de
l'importance de la technologie étrangère, est-ce que vous avez
quelque chose à dire là-dessus?
M. Dessureault: Oui. Il y a un bureau des brevets à Ottawa
qui pourrait faire comme les autres pays et distribuer de l'information dans
tout le Canada. Il n'y a rien qui empêche le Québec d'avoir, par
le biais du ministère, quelqu'un qui s'occupe de donner de
l'information, de demander aux multinationales de collaborer à ce niveau
et de bâtir une espèce de réseau d'information entre
l'entreprise privée et le gouvernement. Ces choses-là se
font.
Mme Dougherty: Je crois que, dans le mémoire de M. Biais,
que nous entendrons dans quelques minutes, on mentionne l'organisme qui
s'occupe des brevets canadiens. Peut-être que nous pouvons parler de cela
avec M. Biais. C'est une question importante, je crois. Pourquoi cela ne
marche-t-il pas apparemment très bien? C'est une façon importante
de diffuser les connaissances.
M. Dessureault: II y a beaucoup à faire, à part
cela, sur le plan provincial-fédéral-international et beaucoup de
choses peuvent être faites.
Mme Dougherty: J'ai une autre question qui est très
importante, je crois. Vous avez soulevé et vous êtes
peut-être les seuls qui ont soulevé les problèmes
inhérents dans nos relations de travail. C'est évident et vous
avez soulevé plusieurs problèmes en ce qui concerne la
main-d'oeuvre, mais vous avez surtout déploré le système
de négociation qui
est peu propice à répondre aux besoins d'être
concurrentiel sur le marché mondial. Vous avez - j'en suis certaine -
examiné d'autres systèmes ailleurs. Je crois qu'il y a quelques
compagnies privées ici qui expérimentent d'autres
systèmes, d'autres attitudes, avec beaucoup de succès. Je crois
que Alcan est une des compagnies qui a eu beaucoup de succès avec un
autre système. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Je
cherche particulièrement les initiatives possibles pour le gouvernement
à cet égard. Je crois que nous sommes arrivés au but dans
cette affaire. Il faut repenser toutes les relations entre la main-d'oeuvre et
l'État ou le management.
M. Dessureault: Pour les manufacturiers, la réponse est
simple, c'est que les employés sont eux-mêmes les manufacturiers.
Quand je suis allé au congrès de la CSD, on m'a invité
comme conférencier, et M. le ministre était là, et j'ai
salué tous les gens en entrant comme des manufacturiers. On m'a
acclamé et cela a été un peu une risée, mais rien
n'empêche que j'étais sérieux. Ce sont eux les
manufacturiers, ceux qui sont dans l'usine.
Je peux vous donner des exemples d'usines à travers le
Québec où vous avez des syndicats, et d'autres, où il n'y
a pas de syndicat. Par exemple, Dominion Textile à Drummondville est une
usine qui emploie une soixantaine d'employés. Il n'y a pas de
contremaître ni de superviseur. Il y a un directeur d'usine et une
soixantaine de gars qui travaillent chacun à son poste. Le patron est
parti en vacances cinq semaines et personne ne l'a remplacé. Les gens
travaillent là n'importe quand, le samedi ou le dimanche. Quand il y a
un problème, ils entrent. Ces employés travaillent parce qu'ils
aiment cela. Ils ont un objectif commun. On leur a créé cet
environnement.
Du côté des manufacturiers, il faut changer l'attitude, la
mentalité d'abord du patron. Fini le temps où le patron
commandait tout le monde. Il faut laisser à chacun la possibilité
de donner son talent, de se satisfaire d'abord lui-même et, après
cela, de servir l'entreprise. Après un petit bout de temps, vous vous
rendez compte qu'il sert beaucoup plus l'entreprise.
Si le syndicat prend le même chemin, le chemin de la concertation
avec le patron, si les deux s'entendent sur le fait que l'objectif, c'est de
produire pour réaliser des profits, pour doubler le salaire des gars,
pourquoi ne pas les faire participer aux profits? Il n'y a pas un patron qui
est contre cela. Maintenant, dans une nouvelle usine, c'est facile. Les
syndicats sont en voie de disparition. Ils sont encore appelés à
jouer un rôle important si seulement ils font un petit recul et se
donnent une nouvelle orientation et des moyens d'action. On peut comparer des
syndicats, ici au Québec, et dire que tel syndicat est favorable au
développement économique, favorable à ce genre de
concertation, et d'autres, un peu moins.
Éventuellement, autant pour les patrons qui ne changeront pas
leur mentalité, les entreprises vont mourir; autant pour les syndicats
qui ne changeront pas leur mentalité, ceux-ci vont aussi mourir. Ce
n'est pas une question de savoir si les manufacturiers sont pour ou contre le
syndicalisme, pas du tout. Pour nous, c'est l'employé qui décide
s'il veut se faire représenter par un syndicat ou non. Quand sa
décision est prise, l'entreprise travaille avec le syndicat comme si
c'était l'employé. C'est un intermédiaire, comme le
contremaître peut l'être.
Dans l'entreprise privée, les fonctions de contremaître et
de superviseur, les cadres, ce qu'on appelle "le middle management", tout cela
va disparaître, pour autant que vous permettiez à tout le monde...
Cela va jusqu'à un électricien, par exemple. Je connais une
usine, ici au Québec, où les électriciens, au début
de l'année, avec le directeur de l'usine, déterminent les besoins
pour l'entretien, la réparation de toutes les pièces
électriques, la machinerie. On donne un budget à
l'électricien, il fait les achats. L'électricien achète
ses outils, sa paire de pince est à lui. Il n'en achètera pas 15
au cours de l'année pour en avoir 14 dans un coffret d'outils chez lui
dans son sous-sol, non. Une c'est assez, car c'est lui qui l'achète et
il en est responsable. S'il en a besoin à la maison, il s'en sert et la
rapporte le lendemain matin, il n'y a rien là. Alors, il est responsable
de l'entretien et de la réparation. Il est responsable de l'argent
jusqu'à la fin de l'année. De ce qu'il épargne, il en
garde une partie.
Mais c'est un médecin, un chirurgien, il porte lui-même son
diagnostic, il se sert de ses talents, il est heureux et il n'a pas besoin de
patron. Il n'a peut-être pas besoin de syndicat non plus.
Mme Dougherty: Voici ma dernière question. Croyez-vous que
le même principe pourrait être appliqué au service public?
(16 heures)
M. Dessureault: Bien sûr, il faut que le service public
fasse la même chose, d'abord réduire ses dépenses.
L'entreprise privée, prenez Dominion Textile à Saint-Jean
où vous avez peut-être 600 ou 700 employés -je me sers de
chiffres qui ne sont peut-être pas exacts - j'ai toujours parlé de
Dominion Textile ou d'autres. Le textile, j'en parlais comme d'un secteur mou
jusqu'à ce que les gars du textile me disent: Écoute, tu parles
du secteur mou, mais on est bien plus dynamiques que tu penses. J'ai dit: Si
vous l'êtes, parlez-en; prouvez-moi que vous êtes
dynamiques. Ils m'ont invité à visiter une usine, je suis
allé à Saint-Jean parce qu'à Saint-Jean, ils sont à
mettre en place de la haute technologie, ce sont des robots qui sont
installés là. Vous avez des trompes d'éléphant qui
ramassent le coton dans un bout de l'usine - on a fait des changements - et
à l'autre, vous avez une centaine de femmes qui balaient. Ensuite, vous
avez un autre robot qui prend le fil et qui le passe dans une aiguille;
à l'autre extrémité de l'usine, où le changement
n'est pas encore réalisé, vous avez une autre centaine de femmes
qui font des travaux - des hommes et des femmes, je ne sais pas pourquoi je
parle de femmes. Il y a aussi le tissage qui se fait automatiquement.
Toutes ces fonctions manuelles - je dis des femmes parce que les femmes
sont plus habiles à faire des travaux d'endurance que les hommes; on n'a
pas le courage de faire ce genre de travail - sont remplacées par la
haute technologie dans cette grande usine à Saint-Jean, qui a
été construite sur un terrain grand comme cela et l'usine prend
à peu près ça de place, parce qu'on s'est dit que, dans
cinq ans, il faudrait doubler, tripler ou quadrupler, mais ça rapetisse
à l'intérieur parce que la haute technologie a pris la place.
Pour 100 unités en une heure, ils sont passés à 1700 et,
dans 7 ans, cela sera 17 000 unités en une heure. Ils ont la
capacité de produire. Ils sont allés vers la haute technologie et
deviennent concurrentiels sur le plan mondial; ils vendent partout dans le
monde. Ce n'est pas un secteur mou; c'est un secteur dynamique.
Vous avez là le phénomène de la population
ouvrière qui est passée de 600 à 400 et à 300.
Toute cette nouvelle technologie a embauché des gens partout autour. On
a vécu l'ère de l'agriculture où 45% des gens
travaillaient à l'agriculture en 1940; aujourd'hui, cela
représente 5%. Je vous dis que les 35% ou 40% entre les deux sont
occupés ailleurs. Le changement technologique, quand on parle du virage
technologique, ce n'est pas un virage qu'on fait comme cela. Ce n'est pas un
virage, c'est une image. C'est toujours cela, mais là il est plus
accéléré parce qu'avec la micro-électronique on a
vraiment accéléré. Les pupitres de secrétaire,
demain, non seulement pour les commis de bureau, mais aussi pour les patrons,
seront intégrés; plutôt que d'avoir une planche pour
écrire, ce sera un microprocesseur, pour employer un anglicisme, et tout
le monde jouera avec cela. C'est cela demain.
La nouvelle technologie, le changement de mentalité, le
rôle des syndicats, tout cela est à repenser et pour cela il faut
de la concertation. Comprenez-moi bien, il n'est pas question de
suggérer qu'il faut se débarrasser des syndicats, pas du tout.
C'est une décision qui appartient à l'employé.
Mme Dougherty: Merci, M. Dessureault.
Le Président (M. Brouillet): Je remercie M. Dessureault.
Nous allons maintenant inviter les représentants du Centre d'innovation
industrielle (Montréal) à nous présenter leur
mémoire. J'inviterais les porte-parole à s'identifier.
Centre d'innovation industrielle
(Montréal)
M. Biais (Roger-A-): M. le Président, M. le ministre,
madame, messieurs, je suis Roger Biais. Je suis le seul représentant du
Centre d'innovation industrielle (Montréal).
Le Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. Biais. Est-ce
que vous aimeriez venir au centre pour que les membres autour de la table
puissent vous voir?
M. Biais (Roger-A.): Ce n'est peut-être pas important qu'on
me voie, mais plutôt qu'on m'entende ou qu'on me comprenne.
Le Président (M. Brouillet): Parfois cela aide à
mieux entendre quand on voit.
M. Biais (Roger-A.): Je suis très heureux d'avoir
l'honneur de m'adresser à la commission. Je dois d'abord vous informer
que c'est ma première expérience en commission parlementaire,
mais, en matière de valorisation industrielle de la recherche, j'en fais
depuis treize ans dans les secteurs gouvernemental, universitaire ainsi
qu'industriel.
Deuxième remarque préliminaire, j'ai eu l'avantage au
cours des derniers jours -puisque ce mémoire a été
présenté très rapidement - d'en saisir un certain nombre
de collègues. J'ai le plaisir de vous dire que le Groupement
québécois d'entreprises, dans un témoignage non
sollicité d'aucune façon, m'a chargé de dire à
cette commission que le mémoire que nous vous présentons
aujourd'hui représente, non seulement le CIIM, mais également le
Groupement québécois d'entreprises qui représente environ
2 500 000 000 $ d'activité par année, de même que 25 000
employés dans tous les secteurs de l'économie, avec un fort
accent, évidemment, sur le secteur manufacturier. On a demandé au
Groupement québécois d'entreprises en même temps de mettre
l'accent sur la recherche et développement comme moyen
privilégié de favoriser la création d'emplois et
également d'intégrer les hommes d'affaires autonomes dans les
diverses activités de l'agence. Ceci pour le message.
Je m'identifie également parce qu'un autre témoignage
absolument non sollicité -puisque vous vous intéressez, comme
membres de la commission, à savoir qui je
représente - que la firme Robichaud, Poulin et Associés,
qui oeuvre dans le domaine de transfert des techonologies, dans un télex
daté d'hier, m'a demandé de vous informer que sa firme - c'est
signé par Michel Robichaud lui-même - qui est impliquée
très fortement dans les accords industriels entre des
sociétés québécoises et étrangères,
après l'étude de notre mémoire, appuie complètement
la position que nous avons prise sur les différentes recommandations
faites auprès du ministère de la Science et de la
Technologie.
J'ai également eu le privilège de lire tous les autres
mémoires. Je dois vous dire que je n'ai aucune espèce de
problème, au nom du centre, à concilier notre position avec celle
des autres intervenants à cette commission.
Si vous le permettez, dernière remarque. Le mémoire que
nous vous soumettons respectueusement n'est pas un mémoire sur la
recherche elle-même; ce n'est pas non plus un exposé de principes
économiques qui sont assez largement connus et adoptés. Ce n'est
pas non plus l'amorce d'un débat sur la langue ou sur la
fiscalité; c'est un mémoire qui s'adresse directement à
l'objet de la commission, c'est-à-dire l'AQVIR.
Pour ceux qui n'ont pas le temps, nous avons indiqué, dans une
page, l'essentiel de notre message - puisque l'essence, c'est le message. Nous
avons dit au départ que nous nous intéressons au plus haut point
au projet que caresse le gouvernement actuel d'établir une agence telle
que celle-ci et on excusera de ce fait l'ampleur de notre mémoire,
puisqu'il est à peu près aussi long que celui de l'Association
des manufacturiers canadiens, soit 25 pages. Mais, reconnaissant qu'il existe
une très grande disproportion entre les sommes, les ressources
consacrées globalement à la recherche et le très peu de
ressources qui existent pour la valorisation de la recherche, il nous
apparaît singulièrement important, dans un contexte d'innovation
industrielle, d'appuyer sans détour, sans ambages, sans opinion
politique, le principe de l'agence, même si nous devons parfois poser
certaines questions au sujet des modalités de son
opérationalisation et de son plan de fonctionnement.
Nous allons soumettre une série de recommandations au sujet de
l'agence en question, mais, grosso modo et globalement, nous recommandons que
l'agence devienne essentiellement un agent de financement dans les
étapes les plus risquées du processus de l'innovation et
particulièrement dans la zone grise entre l'idée primaire et le
point, l'étape ou le stade où ce projet est digne d'attention de
la part des financiers de capital de risque ou encore des entreprises. C'est
essentiellement notre message.
Mais quelle que soit la formule éventuellement retenue, il va
sans dire que nous offrons notre pleine collaboration à ladite agence.
La raison est bien simple et je vais vous l'expliquer dans un instant. C'est
que nous sommes déjà une agence de valorisation industrielle de
la recherche, nous y croyons tellement que nous l'avons créée il
y a trois ans sous des modalités différentes. Le défi qui
se pose à la nouvelle agence, par conséquent, est de concevoir sa
mission dans une perspective dynamique de l'innovation industrielle, donc de
l'innovation technologique, et non pas simplement de l'innovation commerciale,
et de faire largement appel aux ressources du milieu, sans diluer la
problématique et le bien-fondé de ses orientations principales.
Et d'aucune façon, nous ne constestons au gouvernement actuel ou futur
le privilège unique de pouvoir vraiment exercer un leadership qui a
manqué pendant trop longtemps à notre pays j'entends par
là le Canada, si on me permet l'expression - et encore plus
spécifiquement au Québec. Il faut savoir gré au
ministère de la Science et de la Technologie et, en particulier,
à son titulaire actuel, d'avoir pris au sérieux ses
responsabilités et ceci en contraste assez marqué avec certains
de ses prédécesseurs que je ne nommerai pas.
Donc, pour suivre la veine qui a été
présentée ce matin, je vais faire un très court compte
rendu du mémoire pour ceux qui ne l'ont pas lu. Je ne me fais pas
d'illusion, l'innovation technologique comme la recherche, cela n'excite pas
les gens, cela n'a pas beaucoup de saveur politique. Cela prend des courageux,
cela prend des missionnaires pour essayer de passer le message et cela prend
encore plus des visionnaires pour croire à la valorisation industrielle
de la recherche et nous en sommes et nous partageons les mêmes avis en ce
sens, M. le ministre.
Cependant, les fleurs étant passées, je dois vous dire que
les délais très courts qui nous ont été impartis
pour préparer notre mémoire - trois jours exactement - ne nous
ont pas permis de fouiller la question en profondeur, d'autant plus que c'est
seulement hier que j'ai reçu la brochure expliquant le fonctionnement de
ladite agence. Beaucoup de questions que nous posons aux pages 1 et 2 se
rapportent précisément à ces modalités
opérationnelles de fonctionnement de l'agence. Par exemple, le projet de
loi ne nous donnait aucune indication sur la recherche dont il s'agissait. Il
ne nous disait pas si, effectivement, on était pour s'occuper
également de la recherche faite dans le secteur privé et, Dieu
merci, où le secteur privé, où les entreprises sont
infiniment en meilleure position de valoriser la recherche que n'importe quel
autre organisme, fût-il gouvernemental ou universitaire.
Je dois vous dire également que les opinions que j'exprime ici
sont au nom des
administrateurs du CIIM dont vous avez la liste en annexe I;
également, au nom des employés du CIIM - nous ne sommes que neuf
professionnels, quatre secrétaires et deux techniciennes; c'est
microscopique -mais, également, au nom de notre cortège dont je
suis très fier, cortège des inventeurs et des entrepreneurs
technologiques.
Dans notre mémoire, nous avons cru bon de faire allusion au
Virage technologique puisqu'il s'agit, à notre avis, d'un document
fondamental qui trace des lignes d'action de politique économique pour
le Québec. Ce mémoire traduit bien l'importance qu'attache le
gouvernement actuel à la technologie et c'est là
déjà en soi une innovation pour un gouvernement du Canada que de
reconnaître l'importance de la technologie dans un milieu qui devient de
plus en plus concurrentiel et dont la compétitivité est
extrêmement importante.
Nous avons cependant noté que, dans les énoncés
venant du gouvernement, il y a toujours en filigrane une sorte de constante
où on parle constamment des initiatives du gouvernement, des agences
qu'on veut créer, des fonds, etc. Mais, on parle très peu des
autres acteurs essentiels dans la société lorsqu'il s'agit du
secteur privé. Par exemple, le Virage technologique est remarquablement
muet sur le rôle qu'exercent dans notre économie les grandes
sociétés multinationales. Or, moi, comme Canadien français
catholique pure laine, je dis que c'est un phénomène avec lequel
nous devons composer. C'est inéluctable, c'est une vérité
sine qua non de notre existence. Il ne s'agit pas de donner notre chemise aux
Américains, mais de composer avec une réalité
internationale qui devient de plus en plus serrée. Nous avons applaudi
à la naissance du nouveau ministère de la Science et de la
Technologie et, à titre de président de l'Association des
directeurs de centres de recherche industrielle du Québec, nous avions
dit à maintes reprises au gouvernement que ledit organisme devait
être un organisme léger - j'entends le ministère - et nous
sommes heureux de constater que le ministre répond à nos
aspirations dans une large mesure. (16 h 15)
Je ne reviendrai pas cependant sur les autres points fondamentaux qui
ont fait largement le sujet d'un débat ce matin et que nous
répétons au gouvernement depuis 1978. Mon rôle,
actuellement, n'est pas de répéter, d'interpréter mes
collègues de la recherche industrielle, mais plutôt
d'interpréter le contexte de la valorisation industrielle de la
recherche. Donc, je reviens au sujet.
Nous savons gré au gouvernement d'avoir retardé l'adoption
de son chapitre V puisque tout le reste était très bien, en large
mesure. Ce pourquoi nous applaudissons au retard, au dépôt de ce
chapitre V sous forme de la loi 37, et nous devons donner crédit
également aux membres vénérables de l'Opposition d'avoir
contribué à la justesse du tir, c'est que l'importance et la
complexité du sujet mérite en effet qu'on s'y attache en
profondeur.
À notre avis, il y a une constante fondamentale qui existe dans
toutes les sociétés dites évoluées, toutes les
sociétés qui ont une propension vers la création d'emplois
rémunérateurs et, en même temps, satisfaisants pour les
employés de toute classe, c'est la vérité sine qua non de
l'importance de l'innovation technologique dans une nation ou dans un pays.
Donc, à notre point de vue, la façon dont nous
interprétons le projet de loi 37, c'est qu'il s'inscrit carrément
dans l'optique d'une volonté politique de reconnaître l'importance
de l'innovation technologique dans notre milieu et de la favoriser par tous les
moyens possibles, même si on peut trouver à redire sur la
façon de fonctionner. Mais, concernant les principes, nous sommes tout
à fait d'accord.
Cela, par contre, nécessite une stratégie de
développement et d'innovation technologique et c'est beaucoup plus
facile à dire qu'à faire. Nous en savons quelque chose puisque
cela fait trois ans qu'on essaie de faire cela.
Tout État moderne doit maintenant se préoccuper de sa
capacité nationale de pouvoir créer de nouveaux produits, de
nouveaux procédés qui répondent aux besoins des
marchés et, nommément, des marchés extérieurs,
puisque, avec une population aussi restreinte que celle du Québec -
qu'est-ce que vous voulez faire avec 6 400 000 d'habitants? - c'est minuscule
dans l'échiquier international, et aussi qui répondent
forcément à des besoins socio-économiques au sens le plus
large du terme. Or, cela, mesdames et messieurs, dépasse largement la
simple question, la simpliste question - serait-on porté à dire -
de la recherche et du développement. C'est beaucoup plus large, beaucoup
plus profond, beaucoup plus complexe et aussi énormément plus
significatif. Il faut comprendre, dans ce contexte, que nous sommes
entrés maintenant dans une nouvelle révolution industrielle de
tout ordre et de tout point et que les gagnants dans cette course vont
être ceux qui vont être les meilleurs managers, pas
nécessairement les meilleurs chercheurs, mais les meilleurs managers,
les meilleurs gérants du changement technique qui s'impose. Si nous
voulons profiter du changement technique, la meilleure façon, c'est
d'être dedans, parce que autrement nous allons le souffrir, nous allons
le subir plutôt que d'en jouir et d'en profiter convenablement pour tous
les segments de la population.
Il y a une autre vérité sine qua non.
Pas plus tard que la semaine dernière, j'avais le grand honneur
de remplacer au pied levé M. le ministre Bernard Landry. À cette
conférence sur les transferts internationaux de technologie, je
signalais que l'innovation technologique est devenue maintenant le principal
facteur de croissance économique, dépassant même
l'importance des nouveaux investissements en capital de même que le
facteur de production de la main-d'oeuvre. C'est bien reconnu.
Pour vous permettre de vous dérider un peu, puisque la
journée est très longue, les débats sont acrimonieux, si
j'ai pu en juger d'après ce matin, en tout cas, il y a une finesse dans
vos tours de passe-passe qui ne nous sont pas très familiers. Je
voudrais simplement vous dire que l'histoire de l'innovation se déroule
un peu de la façon suivante. Premièrement, les Américains
annoncent qu'ils ont fait une grande découverte. Deuxièmement,
les Russes ripostent qu'ils l'ont inventée il y a déjà 20
ans. Troisièmement, les Japonais commencent à exporter
l'innovation.
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Blais (Roger-A.): Donc, au Québec comme ailleurs, le
défi majeur qui se pose, c'est une bonne gestion du processus
d'innovation et nous devons en toute honnêteté intellectuelle
concevoir l'AQVIR dans un continuum de l'idée originale jusqu'à
son incorporation dans le système productif. Le phénomène
le plus global qui concerne le défi le plus global, qui concerne toutes
nos sociétés industrielles, c'est l'adéquation entre le
système scientifique, d'une part, et le système productif,
d'autre part. L'AQVIR, vous le pensez bien, s'insère directement. Mme
Dougherty dirait: "It is inserting itself squarely, directly into that thing."
Est-ce parfois permis de parler anglais ici? Oui? Cela va.
M. Paquette: ..."squarely" au sens figuré.
M. Blais (Roger-A.): Cela va. L'important est que vous compreniez
le message. Je parlerais espagnol s'il le fallait.
Le rôle de l'État. Nous nous sommes permis une petite
incursion qui n'est pas d'ordre politique, mais qui correspond à un "got
feeling", c'est-à-dire que les fondements économiques dans une
société comme la nôtre reposent sur le principe de la libre
entreprise, de la concurrence et des économies de marché. Je me
distingue peut-être de M. Dessureault dans le sens que je ne
réclame pas - d'ailleurs il ne le fait pas toutes les vertus de
l'industrie manufacturière parce que je sais pertinemment que nous avons
une structure industrielle tronquée au Canada et, en particulier, au
Québec. Je connais toutes les affres que nous devons traverser pour
essayer de corriger un état de fait qui est extrêmement difficile,
mais nous devons composer avec une réalité mouvante qui est
celle, évidemment, du pouvoir, des influences et surtout du
marché et de la puissance financière.
C'est facile, c'est beau de parler de concertation, mais c'est
bougrement difficile à réaliser. Vous n'avez qu'à regarder
les efforts assez valables qu'ont déployés les universités
à cet égard. M. le sous-ministre de la Science et de la
Technologie en sait quelque chose. Il faut vivre la réalité d'une
université, il faut vivre la réalité d'une PME, il faut
vivre la réalité d'une grande entreprise, il faut
également connaître la bureaucratie d'un ministère - je les
connais, j'y ai vécu - pour savoir que j'ai une volonté terrible
de m'affranchir de tout ceci et de pouvoir agir en fonction d'un vaisseau qui
s'en va vers une modeste contribution à l'innovation industrielle. Pour
cela, on a besoin d'un organisme flexible, qui a des règles de
fonctionnement bien fixées, qui a des politiques bien établies et
qui a des règles de travail, une conjoncture qui lui soient
favorables.
Cela étant dit, la grande vérité qui peut se
dégager du rôle de l'État, c'est -tout le monde le dit ici,
tous les gens du secteur privé, toutes les associations le
répéteront - de créer un climat favorable à
l'épanouissement de l'"entrepreneurship". Or, dans cette brochure-ci qui
est très bien faite, pas une seule fois les mots "entrepreneur" et
"entrepreneurship" ne sont mentionnés. Je mets quiconque au défi
de retrouver ces mots. Or, s'il est vrai, si on veut avoir une articulation de
valorisation industrielle de la recherche, il est absolument fondamental qu'on
ait le phénomène de l'entrepreneur et de l'"entrepreneurship"
technologiques, sinon on n'a rien.
Les financiers d'un côté, les chercheurs de l'autre, s'il
n'y a pas l'articulation entre les deux, formée par des entrepreneurs,
on n'a rien. Rien ne se produit. On pourra créer une structure, on
pourra avoir de grandes aspirations, une grande idéologie, il ne se
produira pas grand-chose. L'expérience l'a prouvé très
clairement dans un certain nombre de pays et je pourrai vous en parler
tantôt lors de la période des questions parce que je terminerai
dans trois minutes.
Les fonctions de l'agence projetée. Nous disons essentiellement
que ce soit un agent de financement dans la zone grise du développement.
J'ai assez d'amis à divers niveaux, dans les divers ministères,
pour savoir que ce sentiment est largement partagé. Donc, bravo! On dit:
Au moins, on a quelque chose de fondamental dans l'agence en plus d'avoir le
principe de base dont nous
parlions tantôt.
Je passe sous silence les diverses fonctions dévolues à
l'agence puisque les divers intervenants se sont interrogés
là-dessus, mais chose certaine, lorsqu'il s'agit de susciter la
participation financière de divers organismes, on peut se demander s'il
n'y a pas lieu, comme nous le signalons dans notre mémoire à la
page 6, de faire en sorte que l'agence mène les projets, si c'est son
bon désir, jusqu'au point où l'entreprise privée exerce
ensuite le leadership- voulu plutôt que de se substituer au secteur
privé dans le financement et tout le grenouillage qui entoure ce genre
d'activités.
Je vous fais grâce de nos commentaires sur le projet de loi.
Plusieurs des commentaires sont d'ordre minime, à l'exception de
l'article 17 où, fidèle à mes origines, je ne peux
qu'endosser pleinement, à titre personnel de même qu'au nom du
CIIM, la recommandation qui vous a été faite par l'École
polytechnique de Montréal de scinder l'article en deux parties.
Nous fournissons des commentaires que nous espérons
éclairants sur le cas de l'ANVAR. J'ai visité l'ANVAR, j'ai
discuté avec des gens à de très hauts niveaux, j'ai vu ce
que c'était et j'ai même participé à des
valorisations industrielles d'inventions qui avaient été
confiées à l'ANVAR et qui n'avaient rien foutu.
Bien sûr, j'ose espérer que c'était un cas
d'exception, mais j'ai assez d'amis français pour savoir un peu ce qui
se passe à l'intérieur de la boîte et pour avoir beaucoup
de fierté dans l'espoir que nous caressons nous-mêmes au
Québec.
En ce qui concerne la NRDC, la chose qu'il faut souligner, c'est que cet
organisme, la National Research and Development Corporation, est à
établir, avec une force remarquable, des efforts de recherche
résultant de l'effort de guerre, avec une panoplie extraordinaire de
savants qui ont travaillé pour gagner la guerre. Il y avait donc
là une richesse inouïe, un potentiel d'innovations industrielles
qui ne méritait qu'à être exploité, et bravo pour
les Anglais. Mais, en ce qui concerne le reste, pour les Anglais, et ils le
disent eux-mêmes, ce n'est pas fameux..
Le cas de la SCBL, plus près de nous à Ottawa, est encore
plus pathétique et ce n'est un secret pour personne, y compris les
universités, que la SCBL est en voie de chercher sa vocation, ceci
depuis trois ans, et que la dernière chose qu'on enverrait à la
SCBL, ce serait une invention qui aurait un tant soit peu une saveur, un
certain potentiel d'exploitation industrielle.
Il faut bien comprendre que la SCBL a été
créée avec une fausse illusion. C'est vrai, peut-être que
des illusions, c'est toujours faux, mais avec une illusion de principe, de
perception. C'est-à-dire que les inventions qui sont produites dans les
laboratoires, dans le temps, du Conseil national de recherches devaient
normalement trouver un aboutissement vers le marché. Or, il n'y a rien
de plus faux. On sait que le paradigme de l'innovation ne repose pas sur ces
bases-là et je pourrai vous l'expliquer après, si vous le
désirez.
Les expériences au Québec: Nous faisons état du
CRIQ. Dieu sait si les intervenants ici et les membres de la commission ont
toujours fait allusion au CRIQ. Je serais bien mal en point de surajouter
à tout ce qui a été dit au sujet du CRIQ. Comme on a dit
très peu de choses au niveau du CIIM, vous me permettrez cependant
d'éclairer votre lanterne au sujet du CIIM.
Pour terminer mon énumération, il y a les centres et les
bureaux de recherche industrielle dans les universités et,
également là, je pourrais vous donner des informations utiles
puisque j'en ai établi un à l'École polytechnique et je
suis en relation avec plusieurs autres.
Le cas des subventions FCAC est également un mécanisme non
négligeable de valorisation, sous certaines formes, de la recherche qui
se fait dans les universités, mais en tout respect, évidemment,
de la recherche universitaire vers des fonctions dites académiques.
Là encore, je pourrais vous faire des commentaires au besoin puisque
j'ai eu le privilège à maintes reprises de siéger au fonds
FCAC et surtout d'évaluer la pertinence de certains projets de
recherche. (16 h 30)
Quant au cas du CNRC, j'ai été "poigné
là-dedans" et je peux vous dire que c'est un organisme non
négligeable et d'une importance accrue pour le Québec, à
un point tel que des administrateurs du CNRC sont maintenant logés au
CRIQ et cela fait partie heureusement de la nouvelle stratégie du
Conseil national de recherches du Canada de se rapprocher des
réalités régionales du Canada, et bravo! Mais cela
commence. Une des raisons pour lesquelles je mentionne le cas du CNRC, c'est
que nous sommes devenus une articulation du CNRC dans notre milieu
québécois. Je pourrai vous en donner quelques exemples.
Personne n'a parlé du cas d'IREQ qui est notre plus grand
laboratoire au Québec en énergie, qui a une réputation
inégalée dans le monde, qui est sorti du cerveau imaginatif d'un
chercheur qui avait une vision de l'avenir et qui a réussi à
convaincre son P.-D.G. contre le gouvernement. Et le P.-D.G. a réussi
à convaincre son ministre de l'établir - nous pouvons en
être très fiers - avec une mission internationale. Qu'il suffise
de dire qu'en matière de valorisation industrielle de la recherche,
déjà l'IREQ a fait un bon bout de
chemin. On découvre par conséquent les forces de notre
système et le potentiel de nos ressources à condition, bien
sûr, de vouloir y faire appel. Nous nous sommes permis, au chapitre 3.4,
aux pages 15 et 16, de suggérer les caractéristiques
souhaitées d'une telle agence puisque le projet de loi n'en disait pas
un mot, surtout en termes de l'opérationalisation.
Les caractéristiques du CIIM. Vous savez lire aussi bien que moi,
donc je ne reprendrai pas ce que j'ai dit, ce que nous avons écrit. Mais
qu'il suffise de dire une chose très clairement, ce qu'est le CIIM
-parce que je pense que c'est important - et ce que n'est pas le CIIM, pour que
vous ayez une vision bien claire de ce dont il s'agit. Premièrement, le
CIIM, le Centre d'innovation industrielle (Montréal), mais ce n'est pas
le Centre d'innovation industrielle de Montréal - et la distinction est
de taille - c'est une agence autonome de valorisation industrielle de la
recherche, en même temps qu'un courtier en nouvelle technologie et en
même temps qu'un mécanisme d'évaluation des inventions et
des projets d'innovation et de cheminement vers leur commercialisation en
passant par le développement technique ou technologique.
Deuxièmement, c'est un organisme indépendant et sans but
lucratif, mais dont l'existence n'a que trois ans, qui s'adresse à
l'ensemble des volets du processus de rénovation et qui cultive une
action réseau nommément au niveau du Groupement
québécois d'entreprises.
Pour faire référence à une expression que M. le
ministre a utilisée ce matin et où il déplorait que le
CRIQ n'avait pas un rôle sélectif, nous avons un rôle
sélectif, M. le ministre, nous choisissons nos partenaires et nous
travaillons avec eux. C'est également un rôle catalytique dans
l'innovation. C'est aussi - et ce n'est pas négligeable du tout -un
milieu d'incubation et c'est un apport à la formation de futurs
entrepreneurs. Nous nous bourrons collectivement d'illusions si nous pensons
que nous changerons le tissu industriel du Québec avec une AQVIR ou avec
une autre. Il faut en même temps travailler sur les ferments de
changements de la société et cela implique les jeunes qui sont
déjà à l'université ou au cégep.
Effectivement, si vous voulez savoir ma définition de ce qu'est
le CIIM, ce que nous essayons d'être, je lis le contenu d'un paragraphe
à la page 15 de ladite brochure: C'est-à-dire un centre
d'initiative qui aurait le pouvoir, qui essaie d'avoir le pouvoir de mobiliser
les capitaux de risque, de faire le lien, d'organiser et de faciliter le
passage du monde de la recherche à celui de l'industrie, mais pas
seulement la recherche, les autres choses aussi, parce que je ne vous
apprendrai rien, j'espère, en disant qu'il y a beaucoup d'autres
éléments d'innovation que ceux simplement de la recherche. Les
éléments clés ne viennent pas généralement
de la recherche, ils viennent d'une bonne perception des marchés - je
vois mon ami, à l'autre bout, et il va être tout à fait
d'accord avec moi là-dessus - une perception d'une opportunité et
une bonne appréciation des ressources disponibles. Par
conséquent, nous essayons également de couvrir l'autre
clientèle.
Ce que n'est pas le CIIM, ce n'est pas une boîte de recherche, ce
n'est pas un organisme universitaire, ce n'est pas un organisme de
l'École polytechnique, ce n'est pas un financier de capital de risque,
ce n'est pas une bureaucratie, ce n'est pas une boîte de consultants pour
déplacer les gens du secteur privé et ce n'est pas un organisme
volontariste. Si on me permet l'expression, c'est un organisme
opportuniste.
Pour terminer, parce que je suis déjà en retard, le
rôle essentiel que nous voyons à l'agence est de porter sur le
financement de la valorisation industrielle de la recherche, mais surtout les
recherches particulièrement prometteuses qui impliquent
nécessairement qu'on a fait l'évaluation au départ. Qui va
faire l'évaluation, par quels moyens, par quelle rigueur intellectuelle
surtout, en fonction de quelle expérience allons-nous faire
l'évaluation de ladite recherche? C'est là la question.
Nous recommandons également que l'agence fasse appel le plus
possible aux organismes existants. Cependant, j'ajoute, en filigrane, sans
diluer sa problématique et si possible sans porter atteinte au
leadership que l'agence devrait exercer.
Troisièmement, que l'agence puisse s'associer facilement au
secteur privé et que le contrôle gouvernemental sur l'agence soit
diminué et même dans le projet de loi. On a les lois qu'on
approuve, mais on a les agences qu'on mérite. Donc, il faudrait bien
concevoir qu'il est très important de pouvoir faire appel au secteur
privé.
On dit également - M. le ministre et ses collègues me
pardonneront d'indiquer ceci, je pense que ce n'est pas méchant ce que
je vais dire - que la prospection par l'agence des milieux de la recherche se
fasse dans des domaines jugés prioritaires par le gouvernement. Je dis,
de grâce: jugés prioritaires également par le secteur
privé; car c'est lui qui va avoir le cou sur la corde raide, c'est lui
qui va prendre les risques et c'est lui qui va être en débandade
si cela ne marche pas, ce qui n'est pas nécessairement le cas des
fonctionnaires.
Que l'agence exclue de son mandat la prospection de la recherche qui se
fait dans le secteur privé. Ce n'est pas dit dans le projet de loi - je
ne cherche pas des vétilles, mais je dis des vérités
absolument fondamentales - que l'agence n'a aucune espèce d'affaire
à se mêler de choses dans
lesquelles le secteur privé connaît infiniment mieux ce
qu'il a à faire en termes de valorisation de la recherche,
c'est-à-dire au niveau des entreprises. Néanmoins, que l'AQVIR
puisse être disponible pour répondre aux besoins du secteur
privé le cas échéant et que l'agence finance en grande
partie l'évaluation des projets de nouveaux produits industriels - c'est
un projet qui nous tient bien à coeur - puisque chaque PME, dans ses
fonds de tiroirs, a un projet important de nouveaux produits industriels, mais
n'ose pas le sortir par manque de ressources, par peur de la concurrence, par
peur de se le faire voler, et aussi parce qu'on ne connaît pas le
système et qu'on a toutes les formules gouvernementales.
Nous vous disons que nous avons mis au point un outil comme ceci pour
cultiver justement ces nouveaux départs au sein des PME et pour
s'assurer de pouvoir le dire à la PME sans même voler en aucune
façon à la PME, au secteur privé, la nature même de
son projet. Nous le savons, c'est basé sur une longue recherche, nous
sommes capables d'aviser la PME sur les orientations qu'elle pourrait prendre
et évaluer ses chances de succès. Nous disons que la nouvelle
agence pourrait jouer un rôle clef. Nous avons les mécanismes en
place, qu'on nous fournisse le fric, qu'on mette un ticket modérateur
vis-à-vis des entreprises, nous allons faire le travail, aucun
problème. Surtout, les PME vont être très contentes et,
encore plus important, cela va créer de nouveaux emplois et cela va
cultiver l'innovation dans notre milieu.
Enfin, que l'agence s'occupe activement de mettre à la
disposition des entrepreneurs technologiques et des entreprises
québécoises la très riche information qui se trouve
contenue dans les brevets déposés au Canada, dont on sait que 95%
viennent de l'étranger, et qui constituent une énorme source
d'information, dont on sait que 80% ne se retrouve nulle part ailleurs. Cela
ramasse de la poussière sur les tablettes gouvernementales. Là,
il y a une initiative à prendre et une concertation à apporter.
Le gouvernement du Québec, à plusieurs égards, affiche un
dynamisme de très bon aloi et enseigne des leçons à
certains autres paliers de gouvernement, mais il y a une concertation à
faire pour pouvoir mettre ceci à la disposition du secteur
privé.
Pour terminer, je réitère, au nom de mes collègues,
nos félicitations au ministre de la Science et de la Technologie pour
avoir perçu la nécessité d'encourager le plus possible,
dans notre milieu, la valorisation industrielle de la recherche. Je vous
remercie de votre bonne attention.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Blais. J'inviterais
M. le ministre à prendre la parole.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais d'abord remercier
M. Blais de son exposé assez fulgurant et enthousiaste. Je pense que
nous sommes animés du même enthousiasme. Dans ce sens-là,
il est normal qu'on se rejoigne. Je pense que le directeur
général du CIIM dispose d'une vaste expérience dans ce
domaine et il nous en fait profiter dans son mémoire.
J'aurais beaucoup de choses à dire; je vais commencer par le
troisième paragraphe du sommaire où vous dites que vous souhaitez
que l'AQVIR devienne principalement un agent de financement dans les
étapes les plus risquées du processus de l'innovation, dans cette
zone grise entre la recherche proprement dite et les phases du
développement en aval qui pourraient assez facilement susciter
l'intérêt des entreprises ou des investisseurs de capital de
risque. Je pense que cela décrit exactement le rôle principal. Il
y a, bien sûr, le soutien technique, logistique à des projets,
mais, au coeur de ce soutien se situe le financement des étapes
risquées devant lesquelles la plupart des entrepreneurs ou des
chercheurs ou encore les organismes existants se trouvent actuellement
démunis.
Cela m'amène à vous poser la question suivante: Quand vous
avez pris l'initiative de fonder le Centre d'innovation industrielle
(Montréal), le CRIQ existait, la SDI existait. Par conséquent,
vous vous êtes sans doute posé le même problème que
celui que beaucoup d'intervenants de cette commission nous posent: Est-ce que
mon initiative ne va pas faire double emploi avec les organismes existants?
Manifestement, vous avez conclu que non.
M. Blais (Roger-A.): ...M. le ministre. M. Paquette:
Pardon?
M. Blais (Roger-A.): Vous parlez de l'AQVIR?
M. Paquette: Non, je parle du CIIM. Quand vous avez
créé le CIIM, le CRIQ et la SDI existaient. Manifestement vous
avez conclu que ces deux organismes ne remplissaient pas certains besoins
essentiels. J'aimerais que vous nous parliez un peu de ces interrelations entre
le CIIM, le CRIQ et la SDI.
M. Blais (Roger-A.): Cela sera savoureux.
M. Paquette: Est-ce que le CIIM était vraiment
nécessaire? Autrement dit, est-ce qu'on n'aurait pas pu demander
à la SDI et au CRIQ de combler le vide que vous constatiez à ce
moment-là?
M. Blais (Roger-A.): M. le ministre,
vous savez très bien que ce qui fait marcher un organisme, ce ne
sont pas les structures, mais les hommes en place et les mandats qu'on leur a
confiés. Or, après des débats un peu houleux que j'ai eus
dans certaines rencontres publiques, lorsqu'on parlait du projet de loi sur le
livre vert de la politique scientifique, où on m'a accusé de dire
des vérités, où on m'accusait parce que je disais des
vérités... Vous me pardonnerez d'être revenu à de
meilleures intentions. (16 h 45)
Essentiellement, comme directeur de la recherche à l'École
polytechnique de 1970 à 1980, la première chose que j'ai faite
comme directeur de la recherche fut d'inviter les officiers du CRIQ à
conclure dans le temps un accord avec nous au sujet d'un processus de
concertation. Il s'est écoulé exactement trois ans avant qu'on en
ait des nouvelles. Je ne vous ferai pas le procès du CRIQ, loin de
là, parce que ce sont mes amis et on a besoin de travailler ensemble. Ce
que je veux vous dire, c'est que la raison pour laquelle nous avons
perçu une mission spéciale quand nous avons fondé le CIIM,
c'est que notre perception du CRIQ était évidemment celle qui est
partagée par la très grande majorité, à savoir que
c'est un mécanisme très important d'appui à la PME dans
son industrie actuelle, c'est-à-dire dans ses projets actuels. Donc,
c'est un processus de valorisation non pas de la recherche, mais un processus
de valorisation de l'industrialisation qui se fait actuellement. Alors, le CRIQ
a développé des forces remarquables dans certains secteurs comme
appui à des produits, à des procédés existants,
avec quelques exceptions, assez heureuses d'ailleurs, sur de nouveaux
prototypes. Mais on peut se demander - je poserais la question - dans quelle
mesure ces prototypes ont été développés, en
même temps, en fonction des besoins du marché. Là, il y a
eu le phénomène de la rotule de la recherche qui charriait
l'affaire un peu; il ne faut pas aller trop loin.
La deuxième vocation du CRIQ - c'est bien reconnu, il joue un
rôle clé et personne ne met cela en doute; il est absolument
indispensable dans un milieu - c'est d'être un fournisseur, un serveur ou
un servant, ou plutôt un serviteur du public industriel,
évidemment, mais un servant d'information scientifique, technologique et
économique. Je rends crédit au CRIQ - comme je rends
crédit au gouvernement de lui donner 17 000 000 $ par année - de
faire ces choses et de les faire très bien.
Nous avons établi le CIIM parce qu'il y avait un vacuum dans le
temps au niveau de l'innovation technologique. Or, c'est curieux, maintenant
tout le monde en parle. Nous avons commencé en 1976 et, quand nous
faisions allusion, dans un certain sens, à la dialectique de la
politique scientifique, constamment nous revenions à la charge au niveau
de l'importance de l'innovation technologique dans notre milieu, de la
nécessité de cultiver l'"entrepreneurship" et de favoriser la
créativité. Pourquoi avons-nous créé le CIIM? Parce
qu'il y avait un besoin et surtout de créer un organisme qui appartienne
à tout le monde, qui appartienne à tous les
éléments dynamiques et à tous les éléments
"entreprenariaux" de la société.
Je ne vous ferai pas de cachette. Quand nous travaillons avec des
universités, l'Université McGill, l'Université Concordia,
etc., nous évaluons les inventions, nous sommes des partenaires. Nous ne
sommes pas un organisme gouvernemental, Dieu m'en garde. Nous sommes un
organisme partenaire d'un jeu de rénovation d'une structure industrielle
qui va prendre 20 ans à changer, mais j'allais dire: Maudit qu'on a
hâte que ça change! Il faut commencer tout de suite et il faut
commencer avec les jeunes inventeurs et les jeunes entrepreneurs qu'on a. Il
faut voir à tous les jours défiler dans nos bureaux - c'est une
ruche, je vous le dis - des gens qui arrivent avec toutes sortes
d'idées, mais, malheureusement, la plupart n'aboutit nulle part. Sur
1000 inventions, c'est bien connu, il y en aura seulement dix qui vont avoir la
chance de réussir et deux qui seront des succès mirobolants. Des
nouveaux produits qui vont exister dans cinq ans, on sait très bien
qu'il y en a la moitié qui n'existe pas encore sur le marché. On
sait également que, dans l'industrie, dans la grande entreprise qui
connaît bien les marchés, 80% du temps des chercheurs est
consacré à des produits qui vont être des échecs sur
le marché et qui ont été des échecs sur le
marché, qui se sont révélés non productifs.
Si on peut améliorer notre moyenne au bâton, on aura fait
quelque chose. C'est pour cela qu'on a créé le CIIM, c'est pour
améliorer notre moyenne au bâton, avoir surtout des gens qui vont
manier le bâton et qui vont savoir viser la balle. Mais il faut avoir des
balles, des balles solides, et il faut savoir viser.
M. Paquette: Si on revient sur cette question de financement, de
risques ou d'étapes de l'innovation qui précèdent la
commercialisation, vous travaillez sur un certain nombre de projets au Centre
d'innovation industrielle. De quelle façon le CRIQ et la SDI
interviennent-ils dans ces projets, à quelles étapes et à
quel moment, règle générale?
M. Blais (Roger-A.): D'aucune façon parce que le CRIQ doit
autofinancer ses activités. Donc, nous n'avons aucun fric à
obtenir de ce côté, à moins d'avoir un travail de recherche
et développement à faire effectuer, si on a les ressources
nécessaires, mais cela ne fait pas intervenir les ressources
financières, vous le pensez bien.
En ce qui concerne la SDI, certains de nos partenaires, certains des
projets que nous avons évalués sont soumis au programme PARIQ II.
Il faut savoir gré à votre collègue, M. le ministre de
l'Industrie et du Commerce, d'avoir désigné non seulement le
CRIQ, mais également le CIIM - je lui en rends crédit en la
circonstance; merci -comme un organisme pour évaluer les projets
d'innovation qui sont soumis par le secteur privé avec la distinction,
cependant, que ce programme a été conçu il y a
déjà plusieurs mois et que cela prend beaucoup de temps à
se matérialiser. Et, quelquefois, j'ai des doutes à savoir si,
oui ou non, ils ne sont pas en train de répéter
l'évaluation qu'on a déjà faite, évaluation qui est
à la fois au plan technologique, économique et au plan des
marchés. Quoi qu'il en soit, la SDI est un mécanisme non
négligeable de subvention pour un projet d'innovation. Mais, avant que
le projet soit - on dirait en anglais, Mme Dougherty le comprendrait,
"palatable" agréable, qu'il soit recevable par la SDI, comment
allons-nous faire le travail intermédiaire pour que le projet puisse
être soumis? En somme, on a deux étapes à franchir: la SDI
est une étape intermédiaire et ensuite il y a les financiers. Les
financiers ou les entreprises exigent certaines choses et la SDI a beaucoup
plus de souplesse, beaucoup plus d'ouverture, mais la SDI n'intervient pas du
tout dans ce que j'appellerais l'articulation, l'"entrepreneurship" et le
"grenouillage", pour faire en sorte que ces résultats de la recherche,
lorsque c'est le cas, puissent se matérialiser en quelque chose qui soit
recevable de la part de la SDI. Ai-je bien répondu à votre
question?
M. Paquette: Oui, c'est très clair. On a parlé des
relations entre le CIIM, le CRIQ et la SDI. Je pense que vous avez bien mis en
évidence le rôle particulier que ne jouent ni le CRIQ ni la SDI en
ce qui concerne les différentes phases du processus d'innovation.
Si on creusait maintenant un petit peu plus, parce que je note l'offre
de collaboration à l'agence que vous faites au nom du CIIM, et j'en suis
extrêmement heureux...
M. Blais (Roger-A.): Elle est sincère, M. le ministre.
Elle est même intéressée.
M. Paquette: Si on essayait de fouiller cela un petit peu. J'ai
regardé l'annexe où vous décrivez les divers services
offerts par le Centre d'innovation industrielle, l'évaluation
préliminaire des inventions. Voilà sans doute un secteur
d'expertise...
M. Blais (Roger-A.): Là-dessus, si je peux vous
interrompre, M. le ministre, nous faisons maintenant l'évaluation pour
le CRIQ. Nous avons conclu une entente de collaboration il y a
déjà deux ans et nous leur avons fait accepter l'idée de
la force, de l'importance, de l'unicité et de la
spécificité de notre système d'évaluation des
inventions. Nous faisons maintenant les évaluations qui sont retenues
par le CRIQ, avec la distinction suivante, c'est-à-dire que le CRIQ en
élimine un certain nombre tandis que nous avons une politique
complètement réceptive. Même si c'est une invention de
mouvement perpétuel, on l'évalue quand même.
Quant a l'évaluation des inventions, nous travaillons de
très près avec le CRIQ et nous sommes très heureux de
ceci, quoique le CRIQ ait eu quelque 457 dossiers d'invention l'an dernier.
D'ailleurs, le dossier des inventions venant de nos collègues du CRIQ -
il y en a un qui siège à notre conseil d'administration du CIIM -
est quand même en voie d'expansion, mais il demeure relativement modeste
par rapport à tous les dossiers. C'est une oeuvre de concertation qui
est en bonne voie de se dérouler, de s'acheminer vers un bon port.
M. Paquette: Sans reprendre chacun des services qui sont offerts
par le Centre d'innovation industrielle (Montréal), j'en ai noté
quatre sur les onze qui concernent plus particulièrement les
activités projetées par l'agence. J'aimerais en parler...
M. Blais (Roger-A.): M. le ministre, si vous me permettez de vous
interrompre...
M. Paquette: Oui?
M. Blais (Roger-A.): Ce n'est pas étonnant, M. le
ministre. Je vous ai dit au début qu'il y a une singularité qui
se dégage. Le CIIM est de facto, dans une large mesure, mais moins la
composante du financement, une agence de valorisation industrielle de
recherche.
M. Paquette: Oui. Si je reprends chacun des points: Diagnostic de
problèmes techniques en entreprise. Ce n'est pas tellement un rôle
qu'on voit particulièrement à l'agence. Je ne dis pas que le
ministère ne s'y intéresse pas, qu'il n'y a pas d'autres
organismes qui s'y intéressent, comme le CRIQ, par exemple, mais je ne
pense pas que ce soit un rôle particulier de l'agence de valorisation. Je
vais passer très rapidement et je vous demanderai votre commentaire
global.
M. Blais (Roger-A.): D'accord. Je ferai mes commentaires
ensuite.
M. Paquette: Analyse et gestion de la
valeur qui permet d'optimiser la conception des produits ainsi que
l'administration d'une entreprise augmentant la productivité, donc la
profitabilité de l'entreprise. Je ne pense pas que l'agence ait pour but
surtout d'aider à l'efficacité d'entreprises existantes. Il
s'agit de valoriser de nouvelles innovations. Je lis un peu plus loin:
séminaires d'une journée à l'intention des chefs
d'entreprise, brochures, diaporamas, études spécialisées
sur le processus d'innovation, aide à la formation de futurs
entrepreneurs. C'est une oeuvre éminemment utile qui aide à
répandre l'information, la formation, mais, encore une fois, ce ne sont
peut-être pas les points où le CIIM, dans ses activités,
est, en quelque sorte, en concurrence avec l'agence. Le ministère de la
Science et de la Technologie est fortement intéressé à ce
qu'il y ait le maximum d'organismes qui se préoccupent de diffuser les
connaissances, d'organiser des séminaires, d'aider à la
formation, mais, encore là, ce n'est pas le rôle spécifique
de l'agence.
Je reviens aux autres points: évaluation préliminaire des
inventions, évaluation de projets de nouveaux produits,
évaluation d'avant-projets d'innovation, développement
d'entreprises technologiques, études de marketing, préparation et
négociation de licences d'exploitation. Je pense que ce sont les points
principaux où risque de s'articuler une interelation entre l'agence et
le CIIM. Je voudrais avoir vos commentaires là-dessus. La façon
dont je vois cela, c'est que le CIIM est une porte d'entrée pour
énormément d'innovations; il en fait l'évaluation.
L'agence pourrait prendre le relais au niveau du financement de certaines
étapes de ces projets et, inversement, pour des projets qui viendront
d'autres sources, pourrait confier des contrats d'évaluation au CIIM sur
ce qui constitue ses forces, par exemple le développement d'entreprises
technologiques, études de marketing, études d'avant-projets
d'innovation, etc. Je ne sais pas si c'est de cette façon que vous voyez
la dynamique.
M. Blais (Roger-A.): Votre perception, M. le ministre, n'a
d'égal que vos connaissances mathématiques.
Des voix: Ah!
M. Blais (Roger-A.): C'est d'une rigueur...
M. Paquette: Est-ce que vous connaissez mes connaissances
mathématiques?
Des voix: Ah!
M. Blais (Roger-A.): Je m'en doute un peu. C'est d'une rigueur
implacable. Je dis bravo; c'est exactement cela. Cependant, vous me permettrez
d'ajouter que, dans votre propre document, lorsqu'on parle d'études
spécialisées sur le processus de l'innovation, il est dit ce qui
suit - je cite textuellement - à la page 6: "Valoriser la recherche est
nécessairement s'engager dans une démarche qui devrait conduire
à une connaissance intime du processus de l'innovation." J'ai cru
comprendre que c'était une mission que vous vous donniez.
M. Paquette: Très bien.
M. Blais (Roger-A.): Quoi qu'il en soit, si vos collègues
ont la gentillesse d'encaisser là-dessus, je voudrais signaler que ce
processus est un processus d'apprentissage continu, pour nous les premiers.
Donc, il faut être très humble dans nos visées. Il faut
surtout être très hardi dans nos démarches pour pouvoir
réaliser ce qu'on essaie de faire.
Pour ce qui concerne l'évaluation des inventions,
l'évaluation de projets de nouveaux produits industriels, je veux
surtout souligner une chose qui est absolument fondamentale dans notre
système. C'est qu'il y a beaucoup d'innovations qui vont contribuer
à la croissance économique du Québec qui ne proviennent
pas de la recherche. Le principal milieu, le principal ferment
d'activités, le principal outil de développement vient des
projets qui sont cultivés dans le secteur privé au sein des
entreprises, comme M. Dessureault l'a affirmé, comme le Conseil du
patronat pourrait vous le dire en d'autres termes. Mais je sais pertinemment
que la grande difficulté, c'est un mode d'articulation qui est
insuffisant et, là-dessus, je diffère d'opinion avec M.
Dessureault. Vu que, dans notre système, cela ne fonctionne pas - les
choses ne se produisent pas - donc il faut jouer un rôle catalyseur
là-dedans. Si on peut trouver un moyen d'aider les entreprises, sans
perdre aucune marge de manoeuvre sur ce qu'elles veulent faire, mais de les
aider à évaluer la justesse de leur tir vis-à-vis des
projets de nouveaux produits industriels, on aura fait beaucoup. Juste cela, si
vous me le permettez, justifierait en soi l'existence de l'agence, parce qu'on
aura fait quelque chose qui est unique au Canada, c'est-à-dire
travailler vraiment très étroitement avec les PME, parce que les
organismes gouvernementaux ne le font pas ou le font très peu, à
l'exception du CRIQ et de quelques autres organismes provinciaux de recherche,
mais relativement surtout au niveau des technologies existantes
généralement. Il y a des exceptions et de plus en plus, en effet,
le courant passe maintenant qu'on veut entrer dans les innovations. Les
diagnostics de problèmes techniques en entreprise, je n'essaie pas de
justifier pourquoi nous sommes dans ces activités, c'est plutôt
pour faire valoir que
tout ceci est un continuum et que, pour l'entreprise, la source
même des innovations, c'est la perception qu'ont les dirigeants
d'entreprises de la nécessité du changement technique pour leur
propre devenir, et donc ils doivent saisir au départ ce qu'ils font
déjà. (17 heures)
J'accepte très volontiers que ceci dépasse largement le
mandat de l'agence et je retiendrai certainement l'idée que vous avez
exprimée que le véritable problème n'est pas seulement
l'aspect du financement. L'autre grave problème, c'est
l'évaluation qui mérite le financement, c'est-à-dire d'en
arriver à un point, un cheminement sans entrave bureaucratique, sans
népotisme, en toute objectivité. Il faut faire en sorte qu'on
soit des partenaires du secteur privé afin que ces projets qui ont des
aspects prometteurs puissent se matérialiser. Ceci dépasse
largement les moyens de l'entreprise en général,
nécessairement des PME ou des moyennes entreprises, l'activité de
recherche et de développement dans la moyenne entreprise est à
peine amorcée au Québec.
M. Paquette: M. le Président, une dernière
question. Aux pages 23 et 24, dans vos conclusions, vous appuyez le projet de
loi 37, mais vous recommandez de l'amender. Il y a une série de
propositions, à mon avis, qui sont à peu près toutes
pertinentes, il y en a deux que je vous demanderais d'expliciter un peu plus.
Cependant, je tiens tout de suite à vous dire que, dans le projet de
loi, on peut formuler différemment certains articles pour
refléter mieux l'esprit qui ressort des discussions de cette commission
parlementaire, mais on ne peut pas stipuler dans tous les détails le
dynamisme d'un organisme, ses modes d'interrelations et de fonctionnement. Il
faut affirmer les principes qui guident le fonctionnement de l'organisme. En ce
sens, je trouve extrêmement intéressantes toutes ces
recommandations. Simplement, peut-être une question. Vous dites: Que
l'agence exclue de son mandat la prospection de la recherche qui se fait dans
le secteur privé, mais que l'entreprise puisse avoir recours aux
services de l'agence si elle le désire. L'agence ayant appris que telle
entreprise avait une innovation, mais qu'elle ne peut exploiter pour toutes
sortes de raisons, parce que la situation économique est difficile,
l'entreprise n'a pas les reins assez solides, vous seriez opposé
à ce que l'agence prenne l'initiative de contacter cette entreprise et
de lui dire...
M. Blais (Roger-A.): Non, M. le ministre. Je suis opposé
à l'idée de prospecter les milieux de la recherche. Ce n'est pas
pareil.
M. Paquette: Prospecter en ce sens de systématiquement...
D'accord.
M. Blais (Roger-A.): Aller se fourrer le nez, fouiner dans les
dossiers; d'ailleurs, vous ne pouvez pas le faire.
M. Paquette: C'est impossible.
M. Blais (Roger-A.): Comme le ministère de l'Environnement
ne peut pas savoir toute la pollution qui se crée dans les entreprises
montréalaises. Il n'y a aucun moyen de savoir combien d'effluents
pollués s'en vont dans nos égouts. Ou bien vous avez une
société très dirigiste, vraiment
l'ultra-social-démocratie, même pas la social-démocratie,
la socialisation à outrance, et Dieu sait ce que cela donne, pas Dieu,
mais l'autre! C'est impossible et c'est irrationnel, c'est irresponsable et
surtout cela va manquer tous les objectifs. C'est pour cela qu'à cette
phrase, on dit: Mais que cependant l'entreprise puisse avoir recours aux
services de l'agence si elle le désire. Donc, si l'agence fait un bon
marketing comme j'espère elle le fera - ce n'est pas toujours l'apanage
des organismes gouvernementaux de faire un bon marketing, vous en conviendrez -
si elle fait un bon marketing, eh bien, les organismes privés vont faire
appel à l'agence parce qu'ils vont savoir que l'agence dispose non
seulement de certaines ressources, mais surtout d'un jugement, d'une
expérience et de connaissances qui seront peut-être
extrêmement valables à l'entreprise.
M. Paquette: Dernier point sur la proposition g) - parce que, sur
les autres, je n'ai pas de questions, c'est suffisamment clair, cela
m'apparaît, d'ailleurs, très intéressant - quand vous
parlez de cette question de l'information extrêmement riche qui est
contenue dans les brevets déposés au Canada, mais dont on profite
insuffisamment; je tiens à vous dire que l'un des sujets d'étude
au ministère de la Science et de la Technologie, c'est justement de se
donner une politique ou une approche face à la diffusion des
connaissances sur les brevets. Je trouve cette suggestion fort
intéressante. Par contre, je ne suis pas sûr si c'est l'agence qui
devrait le faire, mais cela est plus une question technique. C'est une
idée que nous allons étudier très sérieusement.
M. Blais (Roger-A.): Si vous permettez un commentaire très
rapide là-dessus, c'est que l'agence s'occupe activement de mettre
à la disposition des entreprises... Chaque mot est pesé: "de
mettre à la disposition des entreprises".
M. Paquette: Je n'ai pas regardé la loi canadienne qui
impose, j'imagine, une certaine confidentialité autour...
M. Blais (Roger-A.): Non, non.
M. Paquette: Est-ce que c'est dans la loi qu'on a des
problèmes?
M. Blais (Roger-A.): C'est de la folie furieuse parce que
la...
M. Paquette: Non, mais est-ce que c'est dans la loi qu'on a des
problèmes ou dans les modes de fonctionnement?
M. Blais (Roger-A.): C'est dans les modes de fonctionnement, dans
le fonctionnarisme et la bureaucratie, si vous voulez avoir ma franche
expression. Est-ce que c'est assez franc? Bon. Mais la portée de la loi,
c'est précisément de mettre à la disposition des
entreprises le contenu des brevets. Ce n'est justement pas cela qu'on a fait.
On a ramassé des documents qui accumulent de la poussière.
Je vais vous faire une petite confidence privée. Nous travaillons
actuellement a développer un document audiovisuel pour faire le
marketing - parce que nous pensons nous y connaître là-dedans -
des nouveaux services que Consommation et Corporations Canada devrait offrir
à tout le public canadien. Si je peux me permettre de vous donner une
modeste suggestion, de grâce, que ce ne soit pas votre ministère
qui fasse ce travail; faites-le financer par le gouvernement
fédéral parce que c'est la fonction de Consommation et
Corporations Canada de mettre ceci à la dispostion de toutes les parties
du pays. Nous nous y attachons actuellement. J'espère que vous nous
fournirez des munitions pour pouvoir utiliser notre arsenal d'arguments de la
bonne façon. Mais cela s'en vient. Ce qu'il nous faut maintenant, c'est
un système informatisé de détection de l'information au
même titre que celui que l'entreprise Computer Horizons aux
États-Unis a mis au point. J'avais envoyé une invitation à
certains de vos collègues ici; ils ne sont pas venus a la
conférence où cela a été donné. Je ne leur
en tiens pas rigueur, mais ce que je peux vous dire, c'est que ce moyen
était bougrement puissant et même à la fine pointe de ce
qui se passe aux États-Unis. Donc, quand on a une banque de 5 000 000 de
brevets et qu'on peut déchiffrer exactement quelle entreprise fait quoi,
dans quel domaine, dans quel secteur, dans quel pays, qu'on peut anticiper les
"take over" de compagnie, on commence à avoir des moyens qui ont de
l'allure et qui se rattachent au niveau de ressources dont disposent les
grandes sociétés. Donc une société qui est
consciente de ceci peut s'en servir à très bon escient.
M. Paquette: Merci, M. Blais.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Mme
la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. Blais, pour votre excellent
mémoire et aussi vos commentaires.
Au début, a la première page, vous avez soulevé une
question très importante, ce qui me donne l'occasion de la clarifier
avec le ministre. Il a dit, quelque chose cet après-midi qui m'a un peu
étonnée, ce matin peut-être. Vous avez posé la
question: Nous ne savons pas non plus de quelle recherche il s'agit: les
universités, les recherches industrielles... Vous avez
énuméré tous les secteurs. Le ministre nous a dit en
réponse à une autre question, que le projet de loi - je l'ai
écrit - ne vise pas la recherche dans les universités. Cela m'a
étonnée et...
M. Paquette: J'ai dit: pas uniquement la recherche dans les
universités. Je n'ai sûrement pas dit qu'on allait exclure les
produits de la recherche universitaire, sûrement pas.
Mme Dougherty: Parce qu'il y avait une question qui touchait les
universités... Je ne me rappelle pas qui a soulevé cette
question. J'ai cherché ici et, naturellement, j'ai vu qu'on parle de
tous les milieux de recherche.
M. Paquette: J'ai même souligné à ce moment,
si je me rappelle bien, que notre comportement devait être
différent selon les milieux concernés. L'agence ne peut pas se
comporter de la même façon s'il s'agit d'une entreprise qui a un
service de recherche, mais où il s'agit peut-être simplement
d'aider à l'accélération de certains projets, si
l'entreprise est d'accord, et les cas où il s'agit de chercheurs qui,
venant d'une université ou même d'une autre entreprise,
décident d'essayer de bâtir une entreprise autour d'une
innovation. Elle n'a pas du tout le même genre de fonctionnement.
Mme Dougherty: Oui, d'accord. Alors, j'ai mal compris votre
remarque.
M. Paquette: II faut traiter tous les cas et il ne faut pas
s'exclure a priori des sources d'innovation.
Mme Dougherty: Très bien, d'accord. M. Blais, à la
page 5, vous venez de parler de cette question dans vos commentaires qui
touchent la première fonction, à 17.1, et vous expliquez, dans le
deuxième paragraphe à la page 5, qu'il y a essentiellement deux
sources d'innovation. Il y a le "technology push" et le "demand pull". Si je
comprends bien, dans le projet de loi comme il est rédigé
actuellement, on ne tient pas compte des sources, des idées qui viennent
de "demand pull". On parle de prospecter. Tout
le monde a suggéré qu'on doit consulter les milieux de
recherche. Je me demande si, à votre avis, on ne doit pas rédiger
la première fonction pour refléter cette réalité
des deux sources, des deux pôles d'innovation. Est-ce que ma question est
claire?
M. Blais (Roger-A.): Absolument claire. Je vais essayer d'y
répondre aussi clairement. Quiconque étudie le
phénomène de l'innovation dans les divers pays industriels se
rend bien vite compte de la réalité de ces dualités dans
les deux modes d'innovation. Il y a cependant une autre dichotomie qui est
celle des mécanismes d'engendrer également les innovations au
sein de l'entreprise, qui est celle de la recherche par la voie de la
recherche, et l'autre par les transferts de technologie, c'est-à-dire
les recherches déjà faites ailleurs ou le savoir-faire et les
connaissances qui sont déjà acquises ailleurs. Il ne faut pas non
plus perdre ceci de vue parce que c'est très pertinent à la
question.
Il faut savoir qu'en général, dans les laboratoires
gouvernementaux - et là j'affirme une chose qui, je pense, rallierait
assez facilement l'opinion - la recherche est faite en fonction d'objectifs qui
sont très valables, qui sont d'ordre socio-économique en
général. Lorsqu'on parle de recherche scientifique ou de sa
portée technologique, les recherches sont faites en fonction d'un
certain cadre, d'une certaine problématique. Le moins qu'on puisse dire,
c'est que c'est très rare que cela corresponde au besoin du
marché. C'est conçu en fonction d'un autre objectif.
Donc, il ne faudrait pas se surprendre que les recherches menées
dans les ministères aient de la difficulté à accoucher,
sauf évidemment d'heureuses exceptions, sauf par des politiques de
répartition de la recherche, sauf par la notion de créer une
demande interne pour de nouveaux produits. Mais, dis-je, cette
recherche-là généralement est conçue en fonction
non pas des opportunités de marché, mais en fonction d'une autre
problématique qui est souvent celle des chercheurs eux-mêmes, en
vertu d'un certain égocentrisme qui est conçu comme étant
de bon aloi dans les milieux de la recherche, et comme on le voit
également dans les universités.
Ce n'est pas étonnant qu'il y ait une difficulté de
transposer, de valoriser industriellement ces résultats à la
recherche parce que la recherche a été conçue en fonction
d'une autre problématique. L'étude de National Planning
Association, Effects of R and D on the Productivity, Growth of Industries,
publiée, je crois, en 1974 par Nestor E. Terleckyj - un nom du diable,
ce sont des k et des j, etc. - montre très clairement que la recherche
financée par le gouvernement et exécutée par le
gouvernement a un impact zéro sur la croissance économique. Je
dois dire, en toute sincérité également, qu'il en est de
même de la recherche faite dans les universités. (17 h 15)
Mais - et il y a un gros mais - la recherche faite dans les
universités a une autre mission essentielle, c'est de former des
têtes bien arrondies pour le secteur privé, pour le secteur
productif. Ce qu'on doit retenir de cette étude qui était
très sérieuse, faite par des économistes de très
grand renom, à laquelle Business Week a fait allusion, c'est qu'elle a
démontré assez clairement que la recherche qui est
inspirée par le marché est celle qui se traduit le plus
directement par une croissance économique.
Deuxièmement, des études de Mansfield et de plusieurs
autres ont démontré que ce ne sont pas les percées
technologiques en tant que telles comme le transistor, le laser, ou la fibre
optique qui ont le plus d'impact sur la croissance économique; ce sont
les augmentations incrémentales, différentielles, sur les
améliorations de produits et de procédés. Pourquoi
pensez-vous qu'on va faire l'analyse de l'ingénierie de la valeur? C'est
précisément pour cela, c'est parce que c'est la source la plus
fertile, c'est bien consacré. Donc, je pense que, dans le projet de loi,
il serait peut-être approprié que vous considériez la
possibilité de dire: Eu égard, non pas aux lois du marché,
mais à la problématique générale des innovations,
ou comment les innovations se déroulent.
C'est sûr que quiconque a étudié le
phénomène de la recherche, quiconque a étudié le
phénomène de l'innovation, apprend très vite
qu'également des résultats vraiment novateurs, en fonction de
besoins sociaux, engendrent ensuite de nouveaux produits.
Harvey Brooks le dit très clairement dans Daedalus, tiré
de US Academy of Sciences, il y a probablement trois ans: Le
phénomène de progrès que comporte la recherche engendre en
soi de nouveaux produits. On en a un exemple patent chez nous, si vous me
permettez de le donner. Tout le monde est très préoccupé
de la pollution par le bruit. Nous avons développé un
modèle mathématique qui est devenu une invention brevetée,
c'est-à-dire un écran acoustique ajouré - pas pour
désacraliser le paysage - qui fait un déphasage des zones sonores
au-dessus de l'écran, de ce qui passe à travers l'écran
et, de l'autre côté, il y a très peu de bruit. Vous ne
pouvez pas savoir, cela fait trois ans qu'on travaille là-dessus; on
travaille même avec un grand laboratoire de Grenoble; on a une entreprise
québécoise qui travaille là-dessus; on est en voie de
choisir les matériaux; cela fait trois ans qu'on "picosse"
littéralement là-dedans. On n'en parle pas beaucoup. On en a
donné une petite illustration dans notre rapport annuel
que vous allez recevoir bientôt. Mais, il faut passer à
travers le crible des expériences d'industrialisation de la recherche,
et ceux qui ont vécu cette expérience savent que cela ne se fait
pas en criant lapin. À ce sujet, nous avions un besoin du marché,
mais un besoin mal exprimé, un besoin inassouvi, un besoin latent.
Or, il est bien connu également que les Américains se sont
frappé le nez sur le mur parce qu'ils ont eu une perception beaucoup
trop étroite des besoins fondamentaux des clients, des citoyens. Et le
meilleur exemple, c'est l'industrie automobile japonaise qui a réussi
à déplacer quasi littéralement toute l'industrie
automobile de milliards de dollars des Américains. Et pourquoi? Parce
que le marketing à outrance a laissé place, à vrai dire,
à un schème de valeurs artificielles. Et, la véritable
notion de l'innovation, c'est d'aller aux besoins fondamentaux, aux besoins des
clients, de réduire les coûts, d'améliorer les
procédés et, dans ce genre de course au progrès, vous le
savez, c'est le client qui gagne, c'est le "citizen" qui gagne.
J'espère que j'ai répondu à votre question, Mme la
députée.
Mme Dougherty: Alors, pour faire suite à votre
réponse, est-ce que vous pensez que l'article 17.1 reflète la
nécessité d'aller, non pas uniquement dans les milieux de
recherche, mais dans les usines?
M. Blais (Roger-A.): Nous avons seulement trois ans d'existence.
Nous sommes des amateurs, nous ne sommes pas des experts, mais
l'expérience nous montre très clairement que les voies les plus
prometteuses maintenant, c'est de faire en parallèle une prospection des
marchés. Le truc, le hic, c'est d'en arriver a accoupler les besoins du
marché avec le potentiel de technologie que nous possédons. Mes
collègues de AES, s'ils ne font pas cela, peuvent me démentir,
mais j'en serais énormément surpris. L'idée fondamentale,
c'est que, quand on perçoit un besoin du marché, on va chercher
le "package" de technologie pour le satisfaire. Une des vérités
sine qua non dans ce processus, si on veut réussir, c'est qu'il faut
considérer très sérieusement les besoins du marché,
y compris ce que j'appelais tantôt les besoins inassouvis ou mal
exprimés, mais qui sont latents.
Mme Dougherty: Merci. En ce qui concerne la fonction 4, à
la page 6, vous avez quelques réserves sur cette question. J'aimerais
d'abord que vous expliquiez vos réserves. De plus, je me demande si
cette fonction doit être rédigée selon vos
préoccupations.
M. Blais (Roger-A.): Ma connaissance forcément
limitée, vous en conviendrez, du secteur financier m'indique qu'il
serait en effet souhaitable que cette fonction soit retranchée.
Lorsqu'un projet est venu à maturité, qu'il peut s'imposer au
niveau de la qualité du produit et de sa correspondance avec les besoins
du marché, les mécanismes déjà en place, que ce
soit la SDI, que ce soit Novacap, que ce soit Nouveler, peuvent s'en saisir. La
véritable difficulté est avant d'en arriver à ce
processus-là. J'ai cru comprendre dans le projet de loi que l'agence
deviendrait aussi une sorte de partenaire de financement. Je me suis
basé uniquement sur le texte de loi et j'ai peut-être mal
compris.
M. Paquette: Justement, M. le Président, cela
m'amène à apporter une précision supplémentaire.
Dans le projet de loi, à l'article 17.4, si on le lit bien, on dit ceci
très exactement: "de susciter la participation financière des
particuliers, des sociétés et des corporations à ses
activités de valorisation industrielle de la recherche." Pour nous,
quand l'innovation a été assumée par une entreprise et est
a la phase de la production et de la commercialisation, il y a toujours de la
recherche-développement a faire après pour améliorer le
produit possiblement, pour maintenir la compétitivité de
l'entreprise, mais la valorisation industrielle de la recherche est
terminée.
Le sens de cet article très précisément est ceci:
certaines personnes - je suis certain que vous avez de ces gens-là
devant le Centre d'innovation industrielle, je sais que vous en avez parce que
j'en ai eu quelques-uns dans mon bureau qui sont venus me voir - ont une
excellente idée qui correspond à un besoin latent du
marché et elle a été évaluée favorablement
au Centre d'innovation industrielle. Elles se disent: On est deux et on est
tout seuls. L'objectif de cela est de dire qu'il y a peut-être moyen
d'avoir une petite société en commandite de
recherche-développement, d'intéresser des entreprises à
produire, d'intéresser aussi un organisme financier. L'agence pourrait
peut-être ajouter des fonds dans la cagnotte de cette petite
société de recherche-développement. On ferait fonctionner
cette petite société jusqu'au moment où, le prototype
étant fait, les marchés ayant été
évalués, on arrive au point où il y a une entreprise qui
peut commercialiser et produire. À ce moment-là, la
société de recherche-développement, à moins qu'elle
ne s'intéresse à développer d'autres produits, n'a plus sa
raison d'être.
C'est dans ce sens-là. Il faut voir l'article 17.4 en relation
avec le deuxième paragraphe de l'article 20 où on dit: "L'aide
financière de l'agence peut constituer, de façon
privilégiée, en une participation à des
sociétés en commandite." C'est toujours comme partenaire
minoritaire, dans notre
esprit.
M. Blais (Roger-A.): J'avais bien compris, M. le ministre, et ma
remarque tient toujours. Je crois que le rôle de l'agence, si l'agence
est créée, est de mener les projets d'innovation jusqu'au point
où ensuite la dynamique du marché, des entreprises et du secteur
financier pourra prendre la suite.
Je vous soumets ces réactions bien humblement parce que je ne
suis pas un expert financier, mais je soupçonne très fortement
que, si vous consultez tant soit peu le secteur financier, on va vous
répéter pas mal in texto ce que je viens de vous dire.
C'est-à-dire que, lorsqu'il est prometteur et rendu suffisamment loin,
de facto, le secteur privé va y entrer même sous forme d'un
contrat de recherche-développement, parce qu'on n'a même pas
encore un produit identifiable. Nous avons conclu des contrats avec des
sociétés multinationales là-dessus et nous ne sommes pas
encore sûrs du succès commercial, mais cela semblait suffisamment
intéressant. Donc, le secteur privé entre en jeu parce que c'est
suffisamment important.
Toute la problématique de ceci, c'est de cheminer suffisamment
loin pour attirer, commander ou susciter l'attention du secteur financier et je
pense que le secteur...
M. Paquette: À ce moment, le processus de valorisation
industrielle est terminé.
M. Blais (Roger-A.): Oui, absolument, c'est justement...
M. Paquette: Vous êtes bien d'accord avec moi
là-dessus. Le paragraphe 4...
M. Blais (Roger-A.): L'agence ne devrait pas avoir un rôle
à jouer là-dedans, à mon humble avis...
M. Paquette: Une fois le processus de valorisation
terminé, je suis d'accord avec vous. D'ailleurs, c'est pour cela que le
paragraphe 4 est formulé comme il est formulé,
c'est-à-dire de susciter la participation financière à ses
activités de valorisation industrielle de la recherche. Quand on en est
rendu au point de la production et de la commercialisation, nous sommes tous
deux d'accord pour dire que la valorisation industrielle de la recherche
étant terminée, le rôle de l'agence s'arrête. On l'a
dit d'une autre façon à la page 7 de la brochure, où on
dit: 'Les étapes qui suivent la présentation d'un prototype de
démonstration, son développement présérie et
série, le marketing et la distribution, ces activités sont sous
la responsabilité de la firme industrielle qui donne au processus
d'innovation son aboutissement commercial." Là, on dit qu'il y a parfois
un rôle pour des institutions financières ou même des
organismes gouvernementaux comme la SDI, la SODIQ, les sociétés
financières de capital de risque. L'agence de valorisation
n'interviendrait pas à ce niveau. Je pense que c'est assez clair.
M. Blais (Roger-A.): J'ai bien compris, M. le ministre, mais, si
vous le permettez, ce n'est pas une vétille, c'est important.
M. Paquette: Oui, c'est important.
M. Blais (Roger-A.): Le secteur privé est capable
d'embarquer, même seulement au niveau d'une idée. C'est tellement
vrai -comme vous le savez sans doute - qu'en biotechnologie, on n'a même
pas d'idée et on mise sur des équipes; cela se fait aux
États-Unis, pas au Canada. Ce que je veux dire, c'est qu'il y a des
étapes qui ne sont jamais les mêmes pour le même produit ou
le même projet, cela varie selon les cas. Je pense que le secteur
privé est parfaitement capable de susciter lui-même les
sociétés en commandite, à condition que l'objet de la
recherche soit suffisamment avancé pour mériter l'attention des
partenaires.
M. Paquette: Une dernière remarque là-dessus. Si
les sociétés privées peuvent susciter elles-mêmes
des sociétés en commandite sur certains projets, cela va de soi
qu'on ne voit pas pourquoi l'AQVIR le ferait. Mais ce qui est possible pour une
grande société multinationale ou autochtone, une grande
société qui a beaucoup de moyens, l'est beaucoup moins pour une
petite et moyenne entreprise. Dans certains cas de projets de valorisation, si
on veut que cela pénètre surtout dans le tissu économique
québécois, il pourrait arriver qu'une entreprise, parce que c'est
encore trop risqué, parce que le processus d'innovation et de
valorisation n'est pas terminé, parce que l'entreprise n'a pas les reins
assez solides pour mettre à son passif un investissement trop grand dans
la société en commandite, qu'elle demande une participation d'un
organisme comme l'AQVIR.
M. Blais (Roger-A.): M. le ministre, le débat pourrait
être long là-dessus, mais permettez-moi de signaler que,
maintenant, les règles du jeu dans le secteur financier sont en voie
d'évoluer remarquablement. Le secteur financier - surtout aux
États-Unis, comme on le voit à Boston et dans diverses autres
régions des États-Unis et maintenant au Canada, surtout à
Toronto - est en voie d'évoluer très rapidement vers le
financement de projets d'innovation et d'une façon majeure, puisqu'il
reconnaît que c'est la grande possibilité.
Cependant, la différence d'opinion entre vous et moi - si je peux
l'exprimer ainsi -c'est que vous le voyez à l'intérieur de
l'agence; je le vois à l'intérieur des mécanismes en
place. C'est la seule distinction, mais je reconnais très bien la
nécessité de susciter ces "partnerships". (17 h 30)
Mme Dougherty: M. Blais, vous avez soulevé l'ANVAR.
Voudriez-vous nous expliquer qu'est-ce que nous pouvons apprendre ici de son
expérience? Quelles sont les leçons que nous pouvons en
tirer?
M. Blais (Roger-A.): Il faudrait peut-être que la
commission aille faire un séjour à Paris. Je pense
honnêtement que l'ANVAR a été constituée en fonction
d'un objectif éminemment valable. Mais, les faits ont montré la
difficulté de réalisation de ces objectifs, compte tenu, d'une
part, de la polarité des chercheurs et, d'autre part, des industriels
qui étaient assoiffés de quelque chose qui pouvait se
matérialiser assez rapidement. Je crois qu'on a développé
un puissant organisme c'est curieux, seulement avec des moyens
extrêmement limités, on a développé des outils que
ces gens n'ont pas. Par exemple, ils ne font pas l'évaluation
d'inventions, tel qu'on le fait actuellement. Ils ne font pas
l'évaluation de projets de nouveaux produits industriels comme on le
fait. Je ne sais pas si vraiment ils font de la prospection de marché.
Je ne sais pas s'ils font des survols de marché. C'est sûr que,
depuis deux ou trois ans, les directives sont venues du plus haut niveau en
France. On a dit: Qu'est-ce qu'on fait avec tout cela? On a l'immense CNRS avec
des milliers et des milliers de Ph. D. à gauche et à droite, etc.
Qu'est-ce que cela donne au système? C'est censé servir le pays
et développer l'économie, etc. Il y a eu des interrogations
très sérieuses. Je ne voudrais certainement pas me faire le
critique de l'ANVAR parce que j'y compte de bons amis, mais, d'autre part, on
reconnaît cependant qu'il y a eu un changement de cap assez radical au
cours des dernières années. Si cela n'est pas une leçon
pour nous que l'ANVAR soit devenue essentiellement un agent de financement et
un agent de développement régional et on pourrait dire, dans une
certaine mesure, de prospection, d'animation locale, mais une présence
dans le milieu dans toute la France, il me semble qu'il y a un enseignement
à tirer de cela, une leçon. Ce n'est peut-être pas une
leçon, mais, en tout cas, je trouve cela assez intéressant. Il me
semble que, dans notre cas, nous souffrons du même problème que
celui des Français; nous sommes très cartésiens, avec
mille excuses pour vous, madame, qui avez peut-être du sang irlandais
dans les veines, mais...
Une voix: Vous autres aussi, par exemple.
M. Blais (Roger-A.): ...souvent les Latins ont une espèce
de conception des choses et c'est très structuré, c'est
très bon. Mais, l'expérience nous enseigne que les choses se font
différemment et on découvre d'autres réalités
après. Je pense que l'ANVAR est une expression de ceci. Là, je
vous donne une réponse politique. Autrement dit, je ne réponds
pas à votre question.
Mme Dougherty: D'accord. Ma dernière question touche la
SCBEL du Canada. Est-ce que vous pourriez nous expliquer exactement ses
problèmes? Vous avez touché cela brièvement dans votre
discours.
M. Blais (Roger-A.): Si j'avais la conviction que ces gens
connaissent eux-mêmes leurs problèmes, je pourrais peut-être
vous les exprimer.
Mme Dougherty: Vous nous avez invités à soulever
cette question. Donc, je la soulève. Dans votre mémoire, vous
soulignez une étude de cette société parce que,
apparemment, il y a un potentiel et on manque le bateau. Voudriez-vous
expliquer pourquoi et quelle initiative nous devrions prendre pour exploiter ce
potentiel?
M. Blais (Roger-A.): En anglais, on dirait: 'The stop gap
measure".
Mme Dougherty: Oui.
M. Blais (Roger-A.): Effectivement, c'est un accomodement pour
permettre aux chercheurs du CNRC - c'était le fond de l'histoire - de
valoriser les inventions qui venaient des fonds publics et donc, pour les
brevets d'invention, il fallait avoir un mécanisme quelque part. Comme
je le comprends, c'est cela qui a présidé à la fondation
de la SCBEL, n'est-ce pas? Et, comme je l'ai expliqué tantôt,
toute invention qui ne dérive pas des besoins du marché, d'une
perception des besoins du marché tout au moins, mais des
égocentrismes des chercheurs, n'est pas nécessairement valable
pour en trouver des contreparties industrielles. Il faut refaire l'invention
après. C'est deux fois plus long. On serait mieux d'en inventer de
nouvelles au départ.
Ce sont les difficultés. Avec un bon nombre d'universités,
dont l'École polytechnique, nous avons conclu des contrats, des
agréments, pour employer l'expression, avec la SCBEL au sujet des
inventions. Vous n'avez qu'à consulter. Faites un inventaire des
universités canadiennes et demandez-leur si elles sont satisfaites, par
exemple, de l'évolution - je vais répondre à votre
question en 30 secondes - de leur
dossier d'invention et elles vont dire non.
Bien sûr, c'est commode quand la SCBEL fournit 3000 $ pour les
frais de préparation, par exemple, les frais d'examen des brevets
semblables, la demande de brevet, etc. Mais 3000 $, madame, c'est une
"pinotte", comparativement à certaines technologies. Pas plus tard que
cette semaine, je discutais avec des officiers d'une université
montréalaise sur une invention mirobolante. J'aurais donné 3000 $
de mes poches, mais il faut connaître les conditions dans lesquelles la
SCBEL va fonctionner ensuite. Elle va prendre 45% des revenus. Cela ne me
semble pas très attrayant comme mécanisme.
La raison fondamentale pour laquelle je crois que la SCBEL est dans une
certaine difficulté, c'est qu'elle avait trop peu d'effectifs et - cela
va faire plaisir à M. le ministre - parce que son mandat n'était
pas suffisamment intégré aux autres aspects fondamentaux de
l'innovation. Donc, les brevets, c'est seulement une parcelle et,
généralement, la parcelle la plus négligeable; souvent,
dans certains cas, la moins critique; il faut qu'elle soit là. Mais ce
n'est qu'une parcelle d'un ensemble de choses dont il faut tenir compte. Donc,
il ne faut pas s'étonner que la rentabilité de la SCBEL soit loin
d'être assurée. Il ne faut pas trop s'inquiéter non plus;
il faut comprendre une certaine mesure d'insatisfaction, comme il faut
comprendre pourquoi la SCBEL est l'objet d'un examen assez attentif non
seulement du ministère dont elle relève, mais aussi de plusieurs
autres ministères. Il y a plusieurs personnes qui pataugent actuellement
dans cet étang dont les eaux sont légèrement
troublées.
Mme Dougherty: Merci.
M. French: Merci, M. le Président. La SCBEL, cela me fait
réfléchir. Dans le fond, il n'y a jamais une fin à ces
discussions, à ces examens, à ces évaluations, parce qu'il
y a presque dix ans, j'ai fait de beaux voyages aux États-Unis pour
essayer de trouver une solution au problème de cette institution,
lorsque je travaillais pour le gouvernement du Canada. Je constate,
d'après votre compte rendu et votre rapport de la situation, qu'il n'y a
rien de changé. Je ne m'attendais pas qu'il y ait d'autres
changements.
M. Blais (Roger-A.): On dirait: Plus ça change, plus c'est
pareil.
M. French: C'est cela. Ce qui m'amène également
à réfléchir sur ceci. Ce que je ne veux pas faire
aujourd'hui et dans les mois qui viennent, c'est d'établir une autre
institution de ce genre ou même, selon ce que vous nous dites,
d'établir une autre
ANVAR, malgré ce que semble être l'enthousiasme du ministre
là-dessus.
Une voix: ...
M. French: Non. Je n'ai pas dit que vous aviez dit cela, mais
vous avez quand même défendu l'institution devant une critique
assez catégorique ce matin. De toute façon, je ne cherche pas la
chicane là-dessus. Voilà où je m'en vais pour la chicane.
Un succès, soi-disant succès, c'est la NRDC.
Une voix: ...
M. French: Oui. Je regrette d'avoir manqué votre
présentation de ce matin, mais ma collègue de
Jacques-Cartier...
Une voix: Pas ce matin.
M. French: ...m'a dit que vous aviez des réserves. Cet
après-midi, je m'excuse. En lisant le rapport que nous avons entre les
mains, cela m'a fait penser également que vous avez dit qu'il n'y a pas
grand-chose qui se passe dans les universités qui soit
économiquement intéressant, de façon directe. C'est une
éducation qui est valable, d'accord. Mais le seul gros "money-maker",
d'ailleurs la seule raison pour laquelle on peut dire que la NRDC est un
succès, c'est la céphalosporine qui provient des laboratoires
d'Oxford. Lorsqu'on regarde le nombre de brevets à la NRDC - les
propriétaires - on parle de 6000 ou 7000. Dans tout cela, d'après
le rapport, il y a six ou sept gagnants, si vous voulez, dont un -la
céphalosporine - diminue tous les autres. C'est le brevet de la
céphalosporine qui fait marcher l'institution et bientôt il va
arriver à son échéance et la céphalosporine va
être propriété publique, etc. Est-ce que nous avons la
masse critique nécessaire, étant donné l'échelle de
recherche ici au Québec, actuellement, pour espérer de
façon réaliste établir une institution qui pourrait
s'autofinancer ou même devenir près de s'autofinancer? S'il faut
6000 ou 5000 brevets, s'il faut 20 à 30 ans, etc., pour avoir un vrai
gagnant et six ou sept autres qui paient plus que leurs frais, comment peut-on
espérer, vu le niveau d'activité ici, se retrouver dans une
situation pareille? Il y a des économies d'échelle
extraordinaires dans ce domaine. Je me demande si on est capable de s'avantager
d'économies d'échelle pareilles ici au Québec.
M. Blais (Roger-A.): Ma réponse est oui. Nous avons une
masse critique. Nous avons un système scientifique qui est relativement
restreint, mais qui est de grande qualité, qui se compare
avantageusement à partout ailleurs, compte
tenu des ressources que nous y mettons. Quand on pense que l'industrie
québécoise ou canadienne consacre seulement le tiers, en termes
de produit industriel intérieur, en recherche-développement, il
ne faut pas s'étonner qu'on ait encore un bon bout de route a
parcourir.
M. French: Le tiers de...
M. Blais (Roger-A.): Le tiers de ce que consacrent
généralement les autres pays de l'OCDE en termes de produit
industriel intérieur. Il y a environ 0,6%, ou quelque chose comme cela,
du produit industriel intérieur. Pour prendre l'exemple de la Suisse,
pour chaque homme, femme et enfant en Suisse, on consacre 3000 $ pour la
recherche et le développement, pour un pays tout petit, qui n'a pas de
richesses naturelles, à toutes fins utiles, ou très peu. Au
Québec, avec nos populations équivalentes on ne consacre pas plus
de 500 $; c'est six fois moins. Il ne faut donc pas s'étonner...
M. French: C'est ce que je dis.
M. Blais (Roger-A.): ...que le niveau de vie soit le plus
élevé. Le produit national brut per capita est le plus
élevé au monde en Suisse après les Émirats arabes,
vous le pensez bien. Tout cela dépend où est notre argent. Il y a
une enveloppe limitée de ressources. Ou bien on va encore plus
dépenser dans les systèmes sociaux, ou on va investir un peu
moins là-dedans, mais on va essayer de maintenir la qualité des
services sociaux en infusant notamment dans le secteur tertiaire, le secteur
des services, une dose accrue d'innovations et de technologie. Un des
principaux points d'une société comme la nôtre, nous vivons
avec un niveau de vie emprunté et notre déficit dans la balance
internationale des paiements pour biens manufacturés est absolument
faramineux. Que je sache, en 1982, il excédait 22 000 000 000 $. C'est
au moins, pour le Québec seulement, 150 000 emplois. Cela dépasse
même l'objectif actuel du gouvernement, mais ce sont des emplois
très lucratifs. Effectivement, je pense que dans cela, j'en ai
soupé dans un certain sens d'avoir des complexes
d'infériorité, de ceci, de cela; on est comme ceci, on est comme
cela, pas du tout. Il y a des moyens de le faire. Il faut avoir l'erre d'aller.
Il faut foncer. Je pense qu'ici, autour de la table, il y a des entreprises qui
nous ont montré une orgie de bons exemples de ceci. Comme AES, à
ma gauche.
C'est comme cela qu'on va créer une société, si
vous permettez. Je n'ai pas dit cela au nom du ministre Landry, mais, quand je
l'ai remplacé, c'est cela que j'ai dit. Il faut valoriser la technique
dans notre milieu, il faut se déconstiper collectivement et il faut
surtout viser des objectifs importants et se concurrencer dans les
marchés internationaux; c'est cela que cela veut dire. On n'est pas au
Za7re ici, on est au niveau de l'Italie, à peu près, et l'Italie
a au moins ceci de merveilleux, c'est qu'ils sont excellents dans le design.
À part cela, ils font autre chose!
M. French: Je veux bien exporter et concurrencer. J'avais une
question un peu plus précise que j'aimerais poser.
M. Blais (Roger-A.): Je vais être plus précis. On a
actuellement les moyens. Si vous saviez la technologie générique
à la fine pointe dans le monde, et nous transigeons avec des
multinationales. Cette semaine j'étais à une université
montréalaise, avec une technologie de pointe dans le secteur chimique,
cette technologie a le potentiel de milliards de dollars, a la fine pointe. (17
h 45)
Quand on regarde ce qui se passe à l'Université de
Sherbrooke, parce que je ne veux surtout pas donner l'impression que j'avais
des commentaires péjoratifs sur les universités - quand on sait
ce qui se passe à l'IREQ, pour conclure des marchés
internationaux, quand on a des visiteurs étrangers qui se
promènent dans nos laboratoires au CRIQ ou ailleurs, à l'Institut
Armand-Frappier, etc.. Je connais mal la recherche qui se fait au
ministère de l'Agriculture, mais j'imagine qu'il s'en fait un peu, que
c'est très valable, que l'on adapte cela à nos conditions
climatiques, etc., qu'on fait de la culture entrecroisée et qu'on
s'inspire de la recherche qui se fait dans les pays en voie de
développement. Je ne connais pas la recherche qui se fait dans les
ministères, mais, par les échos que j'en ai vis-à-vis de
notre niveau, il y a quelques années que j'ai pris une dose
d'enthousiasme sur le potentiel de notre milieu. Il commence à
être temps qu'on embarque.
C'est dans ce sens-là, je pense, hors de toute partisanerie
politique, qu'on doit comprendre, à mon avis, ce projet de loi.
C'est-à-dire que, si vous m'embarquiez dans un terrain politique, je
pourrais vous en dire des belles et des pas sucrées là-dessus. Au
fond, l'idée fondamentale, c'est que je pense qu'il faut
considérer en toute objectivité ce projet de loi comme
étant un geste positif posé par le gouvernement. Ce n'est pas un
geste maladroit, mais il s'agit, avec le concours de l'Opposition sans aucun
doute, d'en arriver à faire en sorte que la concertation dont vous
parlez tous se concrétise également dans vos vues pour qu'on
fasse évidemment notre travail.
M. French: M. le Président...
Le Président (M. Brou Met): M. le député de
Westmount.
M. French: ...je veux juste revenir une autre fois à la
charge. Je pense que la question que j'ai posée était très
circonscrite. Elle n'invitait pas à un commentaire sur les
multinationales...
M. Blais (Roger-A.): Vous m'avez demandé si on avait un
système scientifique et j'ai dit oui.
M. French: Non, je ne vous ai pas demandé cela, pas du
tout.
M. Blais (Roger-A.): Non?
M. French: Ce que je vous ai demandé, en toute
honnêteté, parce que j'essayais de bénéficier de la
seule expérience qu'on a au Québec qui réside...
M. Blais (Roger-A.): Pardon?
M. French: J'essayais de bénéficier de la seule
expérience qu'on a au Québec qui réside essentiellement
dans votre cerveau. Je vous ai demandé: Peut-on espérer qu'une
institution comme celle visée dans le projet de loi s'autofinance dans
un délai raisonnable?
M. Blais (Roger-A.): Non.
M. French: Non. C'est ce que je voulais savoir.
M. Blais (Roger-A.): La réponse est évidente.
M. French: D'accord.
M. Blais (Roger-A.): C'est tellement vrai qu'on nous a
donné le mandat un peu semblable de viser un autofinancement d'ici cinq
ans et c'est dur en batêche.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci.
Est-ce qu'il y aurait d'autres questions? Je remercie M. Blais.
Nous allons délibérer entre nous pour voir la suite des
événements. L'Association canadienne-française pour
l'avancement des sciences était annoncée à l'ordre du
jour. Nous sommes prêts à l'entendre.
M. le ministre.
M. Paquette: Pouvons-nous suspendre les travaux pour 30 secondes
pour une consultation?
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Nous
suspendons nos travaux pour 30 secondes.
(Suspension de la séance à 17 h 48)
(Reprise de la séance à 17 h 50)
M. Paquette: Nous avons une entente pour prolonger la
séance de la commission jusqu'à 19 heures et pour éviter
à nos invités de revenir en soirée, on serait prêt
à les entendre immédiatement.
Le Président (M. Brouillet): J'invite les
représentants de l'Association canadienne-française pour
l'avancement des sciences à prendre place.
ACFAS
M. Huot (Lucien): M. le Président, M. le ministre, Mme la
députée...
Le Président (M. Brouillet): Si vous voulez vous
identifier s'il vous plaît!
M. Huot: Oui. Lucien Huot, président de l'ACFAS. Nous
sommes bien heureux de pouvoir faire part ici de la position de l'ACFAS
concernant le projet de loi 37.
Le Président (M. Brouillet): Excusez. Il y a aussi un
monsieur qui vous accompagne?
M. Huot: M. Guy Arbour, le directeur général de
l'ACFAS.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci.
M. Huot: Nous venons d'entendre M. Roger-A. Blais; en fait une
personne d'expérience. Il nous a parlé d'amateurs dans la
situation et également d'un politicien. Il faut bien comprendre qu'on
arrive à une période tardive. Je ne sais pas si c'est le plat de
résistance de la journée ou encore le grand dessert, mais pour
notre part, disons qu'on se demande si on arrive comme un dessert ou un
digestif. Si nous sommes près du souper, appelons cela
l'apéritif.
L'ACFAS, pour ceux qui connaîtraient moins cette association,
c'est tout de même une association qui a plus de 60 ans d'existence.
C'est une association qui compte entre 3000 et 4000 membres individuels et qui,
également, représente une quarantaine d'associations
scientifiques au Québec. Donc, depuis l'époque Marie-Victorin
jusqu'à tout récemment, cette association est très active
en fait et très importante pour tous les milieux scientifique,
universitaire, public, parapublic et privé.
Nous avons présenté un mémoire. Je pense que la
grande majorité a eu l'occasion d'en prendre connaissance. Mais je
demanderais au directeur général de l'ACFAS de vous en donner les
principales lignes.
Après, il nous fera plaisir de répondre aux questions.
Donc, je vous présente M. Guy Arbour, directeur général et
un jeune directeur de l'ACFAS qui est en poste depuis environ un an et
demi.
Le Président (M. Brouillet): M. Arbour.
M. Arbour (Guy): D'abord, un commentaire sur l'intervention
précédente. Je pense que nous n'avions pas réalisé
à quel point le CIIM constituait déjà une agence
québécoise de valorisation industrielle de la recherche avec le
volet financement en moins.
M. Huot a présenté brièvement l'ACFAS. En bref,
c'est une association de chercheurs, de trouveurs et de gens en transition
entre les deux états qui pourraient certainement
bénéficier des services de l'AQVIR. M. Dutel nous a fait part
tantôt du fait que tout le monde avait vraisemblablement lu notre
mémoire, ce qui rendrait peut-être superflu le fait de le lire en
détail. On avait tendance à aller tout de suite vers les
questions qu'on soulève dans ce mémoire.
Je peux lire un peu les conclusions en bref. L'ACFAS n'a d'autre
ambition que d'appuyer pleinement le gouvernement du Québec dans ses
tentatives de valoriser et de commercialiser la recherche. Mais, à notre
avis, les interrogations soulevées dans ce mémoire devraient
être examinées avant d'instituer une autre agence gouvernementale.
Les pouvoirs du ministre de la Science et de la Technologie paraissent
suffisamment importants pour lui permettre d'édicter des règles
de conduite à des organismes existants sans devoir nécessairement
créer une plateforme spécifique. Notre souci n'est pas
d'écarter le projet et de valoriser la recherche industrielle, mais bien
d'optimiser la gestion des fonds publics en minimisant les structures
administratives. Lorsque Thomas Alva Edison disait que le génie
était constitué de 1% d'inspiration et de 99% de transpiration,
je me demande s'il impliquait des fonctionnaires dans le processus de
sudation.
Dans l'hypothèse de la création de l'AQVIR, il nous
apparaîtrait essentiel de lui prévoir un modus Vivendi explicite
et fonctionnel avec le CRIQ pour l'évaluation technique, notamment la
SDI, pour l'analyse budgétaire et les centres d'innovation industrielle
mis sur pied par les universités, comme le CIIM, le BRI à McGill
etc.
Les points de vue présentés ici depuis hier semblent
concourir du moins au sens géométrique, c'est-à-dire
qu'ils se rencontrent probablement à l'infini. Nous avons reçu
hier cette brochure qui décrit l'Agence québécoise de
valorisation industrielle de la recherche et nous avons remarqué que,
quoique nous ayons envoyé notre mémoire la semaine
dernière, il y a une semaine, vous avez tenu compte de nos
recommandations et en avez inclus beaucoup là-dedans.
M. Paquette: Ce qui veut dire que ce n'est peut-être pas
à l'infini qu'est le point de rencontre.
M. Arbour: Quelque part. L'infini, ce n'est pas si loin.
M. French: ...
M. Arbour: Alors, bien sûr, on n'est ni contre la vertu, ni
contre la fatalité parce que je crois que l'Agence
québécoise de valorisation industrielle de la recherche va voir
le jour bientôt. Je pense qu'il y aurait lieu maintenant peut-être
de voir si dans les réflexions qu'on amène vous avez
trouvé des éléments constructifs sur lesquels nous
pourrions discuter.
Le Président (M. Brouillet): Merci, alors je demanderais
à M. le ministre s'il a des commentaires ou questions.
M. Paquette: Certainement, M. le Président. J'ai retenu la
phrase peut-être pour poursuivre sur le caractère humoristique:
"Mathématiquement parlant, la dérivée de la fonction
publique n'est pas égale à zéro." J'aimerais indiquer
à l'ACFAS que je suis en désaccord parce que la
dérivée donne la croissance et l'accélération d'un
phénomène, mais on pourrait prétendre au contraire que la
force d'accélération de la fonction publique est égale
à zéro.
M. Arbour: Je parlais de la croissance des effectifs et des
coûts.
M. Paquette: Oui, la croissance des effectifs
également.
Plus sérieusement, je reviens au début de votre
mémoire. D'abord vous affirmez que la recherche universitaire ou
paragouvernementale n'a jamais eu à démontrer sa
rentabilité économique. J'aimerais savoir si en tant que
principal regroupement d'associations de scientifiques, parce que vous
regroupez plusieurs associations scientifiques de différents secteurs,
vous sentez une prise de conscience accrue ou stationnaire face à ce
phénomène, à cette nécessité. Non pas que
toute la recherche doive être évaluée à l'aune de la
rentabilité économique mais qu'elle doit quand même se
préoccuper de rentabilité économique, de transfert. Quelle
impression sentez-vous dans les milieux que vous représentez?
M. Arbour: Je crois qu'on sent effectivement un changement se
produire
surtout dans les facultés de qénie en particulier. On sent
une préoccupation grandissante mais aussi une résistance de ceux
qui ont un domaine de recherche qui n'ont peut-être pas d'implication
immédiate, mais qui voudraient voir préserver leur
prérogative de recherche, leur petite affaire quoi.
C'est indéniable, je pense qu'il y a à regarder certains
dires au cours de congrès de l'ACFAS, le précédent
congrès et les plus récents pour voir qu'il y a beaucoup de
préoccupations dans le domaine de la technologie de pointe, dans le
domaine de l'informatique. Bref, toute sorte de questions attenantes et
très proches du virage technologique qui nous est si cher.
M. Paquette: M. le Président, vous mentionnez certains
facteurs de stagnation de l'innovation technologique québécoise.
Vous soulignez, à l'instar d'autres intervenants à cette
commission, qu'un des principaux facteurs de stagnation c'est le peu de capital
de risque auquel on taxait les innovateurs, qu'il soit docteur ou "patenteux",
comme vous le dites.
M. Arbour: Patenteur, oui.
M. Paquette: Patenteur. Diriez-vous que c'est le principal
problème au-delà de la prise de conscience qui devait se faire et
qui commence à se faire chez les chercheurs universitaires en
particulier? Quelles sont les principales responsabilités que vous voyez
à l'agence de valorisation? Est-ce que c'est la principale ou s'il y en
a d'autres?
M. Arbour: C'est la principale dans les rôles possibles.
C'est un des rôles qu'on mentionne. C'est peut-être celui qui,
à notre avis, serait le plus pertinent. Les consultations qu'on a faites
sur la question, parce que mes modestes opinions là-dedans ne sont
peut-être pas compétentes et même pas comparables à
celles de M. Blais dans le domaine, nous porteraient à croire
qu'effectivement ce serait le problème majeur. Si l'AQVIR vise à
remédier à ce problème, ma foi! cela constitue
certainement une initiative très louable.
M. Huot: On peut ajouter, M. le ministre, que tout de même
il y a l'histoire qui est rattachée à tout cela. Cela a
retardé dans la province les innovations. Je pense que de ce
côté-là on sait bien qu'au Québec - en fait,
maintenant, comme le dit si bien M. Blais - je pense que nos universités
ont développé de plus en plus de l'intérêt pour
être près du pratique. D'ailleurs, tous les organismes
subventionnaires - on voit cela chez les universitaires - doivent être
orientés très souvent. On a eu de grandes commissions de
recherche au cours des dernières années, depuis les années
soixante, et il est entendu que le point mentionné dans le
mémoire est majeur. Je pense qu'il y a peut-être eu des retards
causés par une certaine mentalité qu'on a tardé à
acquérir et qui maintenant se développe; je pense que tout le
monde en est conscient. (18 heures)
D'ailleurs, nos congrès nous le démontrent très
bien et, à tous nos colloques, de plus en plus on voit apparaître
ces intérêts sur l'innovation, sur l'application. En fait, on a du
CAO dans les derniers colloques; on parlait de conceptions assistées de
l'ordinateur. Ce sont toutes des activités nouvelles qui arrivent et on
se sent beaucoup plus prêts. On a souvent été
appelés "pelleteux de nuages" ou chapelle fermée dans les
universités et dans les milieux scientifiques. Je pense que le retard a
été, en partie, dû à un manque de ressources mais il
y a plus que cela.
M. Paquette: Peut-être une dernière question un peu
plus globale; puisqu'on est à l'étape qui précède
la deuxième lecture, ayant étudié le projet de loi et le
projet de création d'une agence de valorisation industrielle de la
recherche, est-ce que vous pensez que le gouvernement devrait aller de l'avant
avec ce projet? Si oui, quelles balises devrait-on mettre au nouvel organisme?
Est-ce qu'il y a des articles qui vous apparaissent devoir être
modifiés? Est-ce qu'il y a des orientations supplémentaires, des
balises supplémentaires qu'il faudrait mettre dans ce projet?
M. Arbour: La loi comme telle semble vague. Je pense que c'est
davantage dans la brochure qu'on apprend sur l'AQVIR plutôt que dans le
texte de la loi qui, lui, est évidemment plein de bonnes intentions. Une
chose qui sera déterminante sera l'articulation que l'AQVIR aura avec
des centres de recherche existants. Cela est beaucoup plus aux gens de la
future AQVIR de le définir qu'à nous ici qui ne voyons pas
certaines subtilités dans ces organismes-là.
Maintenant, je ne trouverais pas inapproprié - c'est une
suggestion un peu à l'emporte-pièce - que le CIIM soit une
succursale - je ne sais pas si M. Blais est d'accord - ou constitue une porte
montréalaise de l'AQVIR, qu'il y en ait une autre à Québec
et qu'il y ait des centres régionaux; c'est une suggestion qui est
lancée comme cela. Cela m'apparalt tellement...
M. Paquette: Vous seriez plutôt en faveur de multiplier les
organismes qui visent à faciliter le transfert industriel, sans les
multiplier à l'infini mais qu'enfin on ait plus de ressources dans le
milieu.
M. Arbour: C'est cela, profiter des ressources existantes au
maximum. Cela
coûtera 1 000 000 $ par année et on n'a absolument aucune
présomption selon laquelle cela pourra être rentable à
court terme, ni même à moyen terme, selon ce qu'on a entendu
tantôt. Je crois que c'est vraiment un argument majeur, décevant
mais majeur.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier
l'Association canadienne-française pour l'avancement des sciences de son
mémoire. Je suis heureux de voir que la discussion va dans le sens des
préoccupations de l'association. Nous allons prendre bonne note des
recommandations que vous nous faites. Merci.
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais remercier les représentants de
l'ACFAS pour leur mémoire. J'ai une question sur la page 6. À la
première phrase, on parle du CRIQ et on dit que le niveau de
subtilité des liens entretenus avec le CRIQ, en particulier,
déroutera plus d'un chercheur. Pouvez-vous expliquer cette
situation?
M. Arbour: J'ai l'impression qu'il y a bien des gens qui
s'adresseront au CRIQ pour des choses qui seraient du ressort,
éventuellement, de l'AQVIR; d'autres s'adresseront au CIIM et cela sera
plutôt du ressort de l'AQVIR et vice versa. À l'AQVIR, ce sera
plutôt du ressort du CRIQ. Ces organismes devront bien se définir
chacun un mandat afin de ne pas entrer en compétition. Il est important
qu'il n'y ait pas de compétition aux dépens du contribuable et
tout le monde va appuyer cet avis, j'ai l'impression. C'est essentiellement ce
qu'on voulait dire.
Mme Dougherty: Plus tard, vous avez soulevé plusieurs
options à l'AQVIR.
M. Arbour: Oui.
Mme Dougherty: La quatrième, c'est la création d'un
volet FCAC innovations.
M. Arbour: Oui.
Mme Dougherty: Voudriez-vous expliciter un peu votre
suggestion?
M. Arbour: C'est une idée qui est lancée sans
être développée outre mesure. On pourrait concevoir que,
à l'intérieur de la FCAC, il y ait un budget qui soit
assigné au développement d'inventions, ce serait du capital de
risque de disponible. Il y aurait peut-être un conseil d'administration
où il y aurait un comité qui étudierait les demandes
venant d'inventeurs et peut-être aussi un secrétariat qui serait
un peu plus dirigé vers la prospection d'inventions dans
différentes universités ou différents instituts de
recherche. C'était une idée qui avait l'avantage de ne pas nous
forcer à créer une agence spéciale et qui pouvait,
j'imagine, s'adapter avec la mission de la FCAC, quitte à la modifier.
Mais ce n'était qu'une suggestion parmi d'autres. On peut l'examiner et
on peut la rejeter, il s'agit de voir si c'est pratique.
Mme Dougherty: Même à l'heure actuelle, il y a un
volet de la FCAC consacré à la recherche appliqué,
n'est-ce pas?
M. Arbour: Oui, effectivement.
Mme Dougherty: Cela devient de plus en plus large, je crois.
M. Arbour: II ne fait pas de prospection...
Mme Dougherty: Ce n'est pas uniquement de la recherche pure qu'on
fait à la FCAC. J'imagine que, même aujourd'hui, cela fait partie
du réseau de recherche appliquée.
M. Arbour: Le volet des actions spontanées.
Mme Dougherty: Je ne comprends pas exactement le changement que
vous envisagez.
M. Arbour: Vous parlez peut-être du volet des actions
spontanées ou du volet du séminaire des chercheurs.
Mme Dougherty: Je parle de la FCAC. Quand vous avez parlé
de la FCAC innovations, comment votre idée est-elle différente de
ce qui se passe à l'heure actuelle?
M. Arbour: C'est qu'il n'existe en ce moment, chez la FCAC,
aucune structure, aucun mécanisme qui permette de faire une certaine
prospection dans les milieux de la recherche pour essayer de développer
des idées qui stagneraient et qui seraient éventuellement
commercialisables. Évidemment, cette idée supposerait que la
commercialisation serait déléguée à des agences
privées ou à des entrepreneurs éventuellement. Mais,
encore là, ce n'est qu'une idée qui mériterait
d'être examinée par les gens qui sont payés pour cela. On
ne l'a pas développée outre mesure, on aurait pu faire quelques
pages de suggestions, mais il y a déjà un projet de l'AQVIR sur
la table et je ne sais pas dans quelle mesure on retiendrait un nouveau projet
qui serait élaboré.
Mme Dougherty: D'accord, merci infiniment.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Y a-t-il d'autres
questions à poser?
M. Paquette: M. le Président, je voudrais simplement dire
qu'on va étudier la suggestion qui vient d'être faite. Il y a la
possibilité d'un programme - évidemment, c'est vraiment aux
toutes premières phases de la valorisation de la recherche -
destiné aux chercheurs universitaires pour les inciter à
participer au processus d'innovation et leur donner les ressources pour le
faire. Cela peut être intéressant et on va examiner cela. Je
remercie les représentants de l'ACFAS.
M. Huot: Vous voyez, M. le ministre, ce sont des options qu'on a
placées et qui peuvent avoir leur intérêt.
M. Paquette: Elles ne sont pas mutuellement exclusives dans votre
esprit, c'est à examiner, en fait.
M. Huot: Non, absolument pas. M. Paquette: Très
bien.
Le Président (M. Brouillet): Je remercie les
représentants de l'ACFAS. Nous allons inviter les représentants
du dernier groupe que nous allons entendre aujourd'hui à cette
commission, l'AES Data Inc.
J'invite le porte-parole à s'identifier et à nous
présenter son collègue.
AES Data Inc.
M. Labonté (Alain): Mon nom est Alain Labonté,
directeur général aux affaires publiques de AES Data, et mon
conseiller est M. Dominique Boivin.
Je tiens à souligner au départ l'absence malheureuse de
mon collègue et vice-président au développement de
marchés et assistance commerciale, M. Pierre
Deschamps, qui a été retenu spontanément hier soir.
Nous sommes dans l'entreprise privée et il faut se retourner vite. Il a
dû se retourner très rapidement. Mon collègue Pierre
Deschamps est présentement à négocier un gros contrat aux
États-Unis et c'est tout à notre avantage. Vous savez,
j'espère, que très récemment, AES s'est associée
avec une firme américaine de développement, SAVIN et nous sommes
présentement à négocier les derniers détails. M.
Deschamps a été nommé l'un des négociateurs.
Je suis surpris aujourd'hui, à travers tout ce qu'on a vu,
d'être le seul représentant de l'entreprise privée. Je ne
sais pas dans quelle situation on me place, mais je suis très heureux
d'être ici aujourd'hui pour exprimer mes vues.
L'entreprise privée se préoccupe sérieusement de la
Loi 37 et ceci, dans le but d'être en mesure de se retourner très
rapidement. L'entreprise privée a besoin de recherche, a besoin de
développement. Aussi grande ou aussi petite que soit l'entreprise, elle
a besoin de fonds, elle a besoin de conseillers, elle a besoin de personnes qui
interviennent ou intercèdent pour elle.
Je n'ai pas à vous décrire ce qu'est AES Data, mais au
dossier que nous avons présenté la semaine dernière, nous
avons ajouté quelques données. Vous me permettrez d'en citer
quelques-unes. Si, comme le ministre le signale dans son discours de
deuxième lecture, il réussit à faire en sorte que l'AQVIR
soit un guichet unique que nous réclamions en juin dernier; si l'AQVIR
est de structure légère, donc souple et qu'elle peut le rester
pour commencer; si le dirigisme y est combattu; si l'agence réussit
à briser l'étanchéité en mettant ensemble la SDI,
le CRIQ, le CIIM, le secteur privé et les universités qui sont
pour nous fondamentales; en un mot, si l'AQVIR coordonne et peut, lorsqu'il y a
lieu, injecter du capital de risque dans la prise de contrôle, nous
sommes en faveur de sa création. Si l'AQVIR est nécessaire
aujourd'hui, c'est surtout parce que nous savons que nous sommes en retard et
qu'il faut absolument rattraper ce retard.
En cours de route, on pourra s'interroger, qui comme gouvernement, qui
comme opposition, qui comme contribuable, sur la redéfinition des autres
organismes que sont la SDI, le CRIQ, le CIIM, l'AQVIR, pour mieux harmoniser la
stratégie d'ensemble. Des corrections seront sûrement
apportées en cours de route. Ce qui compte, pour le moment, c'est de
prendre un départ et ceci, très rapidement.
Voyons maintenant à quelles conditions et à quel prix.
Nous reprenons de manière plus précise les points que nous avons
soumis devant cette commission en juin. Je saute quelques données et je
vais tout de suite à l'article 5.
Étant donné que les organismes qui s'intéressent
à la création de l'agence sont aussi des manufacturiers, des
membres de l'ADRIQ, des représentants de la CREPUQ et de la FAPUQ - en
un mot, les principaux intéressés du milieu sont parmi ces
organismes - et, compte tenu que le gouvernement peut nommer deux observateurs
auprès de l'agence en vertu de l'article 6, nous proposons que le
conseil d'administration de l'AQVIR se compose des représentants
suivants. Pour les organismes publics et parapublics, un représentant du
CRIQ, un représentant de la SDI, un représentant du Conseil des
sciences et de la technologie, un membre recommandé par le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme en vertu de l'article 5, alinéa
2. Pour le milieu
universitaire, deux membres recommandés par ce milieu. Pour le
milieu industriel, deux représentants recommandés par la CIEQ, un
représentant recommandé par le CIIM, deux représentants
recommandés par l'Association des manufacturiers du Canada, section
Québec. Cette proposition satisfait les buts de coordination des divers
agents du milieu et devrait assurer une concertation de tous les intervenants
dans une proportion à la fois juste et représentative de l'impact
de chacun des organismes impliqués. (18 h 15)
À l'article 17.3, n'y aurait-il pas lieu d'ajouter les mots
suivants: "et des universités", quand on sait qu'une foule de brevets
restent sur les tablettes des universités québécoises
faute de capital? Nous nous demandons encore si cela doit et non être
inclus à l'intérieur du texte de la loi, mais comme le
gouvernement a cru bon de spécifier que l'agence verra à
contribuer à la gestion et à l'exploitation du portefeuille des
brevets des ministères, peut-être serait-ce là un bon moyen
pour forcer des projets à naître qui, autrement, resteraient
perdus. À ce titre, l'agence ne pourrait-elle pas mettre sur pied une
banque d'inventions ou de brevets, une sorte d'archives, ce qui se fait en
recherche industrielle? Nous proposons donc, comme cet article soulève
des critiques eu égard à des possibilités de dirigisme,
d'amender le paragraphe premier de l'article 17 en ajoutant les mots "en
consultation et en collaboration avec le milieu de l'industrie et du Conseil
des sciences et de la technologie".
À l'article 19, toujours pour éviter des accusations de
dirigisme, nous proposons de reprendre la rédaction de l'article ainsi:
"1. Le ministre de la Science et de la Technologie peut donner à
l'agence des directives; "2. Ces directives sont déposées devant
l'Assemblée nationale et publiées à la Gazette officielle.
Si, dans les quinze jours, aucun député ne demande la convocation
de la commission permanente de la science et de la technologie pour entendre
les représentants d'organismes sur le projet, les directives sont
considérées adoptées par l'Assemblée nationale; "3.
Si la commission parlementaire est convoquée pour entendre des
mémoires, dès que les travaux sont terminés et que le
rapporteur dépose son rapport, l'Assemblée nationale
étudie le rapport et l'adopte -selon une procédure
légère et à préciser, bien entendu - tel que
présenté ou amendé; "4. À la suite de cette
approbation par l'Assemblée nationale, l'agence est tenue de s'y
conformer."
On comprendra que le contenu de cette proposition va dans le sens de la
réforme parlementaire amorcée, et également dans le sens
de la revalorisation du parlementarisme.
L'article 20. Concernant le fait que l'agence peut accorder une aide
financière, aux conditions et selon les limites qu'on croit devoir
fixer, n'y aurait-il pas lieu de prévoir une procédure d'appel ou
de révision? Lorsque nous proposons une procédure d'appel ou de
révision, il reste à déterminer quelle en sera la
personnalité responsable. Compte tenu du besoin de souplesse, de
légèreté et de rapidité de ce responsable de la
révision ou de l'appel des décisions de l'agence, compte tenu
également que la responsabilité de prendre ce virage
technologique revient au pouvoir politique et, enfin, compte tenu que les
fonctionnaires ne peuvent d'eux-mêmes déroger aux règles de
pratique qui leur sont fixées par ce même pouvoir politique, nous
suggérons que le responsable de la révision ou celui entre les
mains duquel l'appel puisse être logé soit le ministre de la
Science et de la Technologie.
Nous nous référons, à ce sujet, à une
procédure similaire qui existe pour certains programmes de la SDI
où le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme peut user de
sa discrétion.
L'article 22. Nous recommandons de conserver cet article car il garantit
un retour d'investissements rentables pour l'AQVIR.
En fait, en conclusion générale, comment se prononcer
vraiment sur la valeur de la nouvelle agence à ce moment-ci puisque, en
réalité, nous faisons face à une loi-cadre dont la
configuration exacte ne sera connue que lorsque les directives
ministérielles auront déterminé son envergure et son
mandat? Enfin, même là, il aurait fallu la vivre pour être
en mesure de l'apprécier justement. Seulement à ce
moment-là et après avoir vu fonctionner l'AQVIR pourrons-nous,
comme manufacturiers, apporter nos recommandations et notre opinion. Ainsi que
nous le disions dans notre mémoire du 10 juin, pour l'instant nous
prenons note que, premièrement, le gouvernement soumet aux
législateurs un projet de loi créant une agence en vue de rendre
disponible un capital de risque inexistant au Québec et,
deuxièmement, de l'intention du gouvernement de revaloriser la recherche
industrielle. De cela, nous nous réjouissons grandement qu'on y arrive
enfin chez nous. Pourquoi? Parce que la concertation, le consensus sont
nécessaires au sein de la collectivité québécoise
pour prendre le virage et être au moins dans la course internationale de
l'avancement technologique. Il faut que nous en arrivions tous à
s'entendre sans gaspillage et dans une mesure ordonnée, voire
coordonnée pour travailler la main dans la main à la poursuite de
ces buts. Nous n'avons pas le choix, il faut gagner le pari. C'est dans ce but
et en
tenant compte de tout ce qui s'est dit et écrit sur l'AQVIR que,
comme entreprise manufacturière intéressée au premier chef
par la création de l'agence, nous proposons aux membres de cette
commission et au gouvernement une précaution supplémentaire.
Que l'agence vive et passe sa première année. À
l'occasion de son premier rapport annuel, lorsqu'elle déposera son
bilan, que l'Assemblée nationale convoque une commission parlementaire
qui examine le bilan de cette première année d'activité
pour chercher à bonifier l'AQVIR, non pas la changer, mais la bonifier,
rentabiliser son action et améliorer son efficacité. Que,
simultanément, on demande à ceux qui ont vécu de
près l'expérience de l'agence de venir à leur tour
témoigner de ses forces et de ses faiblesses. Que l'on puisse, à
la lueur de cet exercice, en arriver à pointer si oui ou non il y a
dédoublement, si l'agence a ou non comblé le besoin et dans
quelle proportion, si elle a remporté le pari du gouvernement avec
succès ou non. Ce faisant, nous serons en mesure de poser un diagnostic
juste et honnête. Ce que nous cherchons à éprouver en
faisant cette proposition, c'est de procéder au moyen de la seule
recette possible dans les circonstances, la méthode de l'essai et de
l'erreur.
Vous me permettrez d'insister à nouveau en terminant sur ce qui
anime notre démarche auprès des membres de cette commission. Nous
devons prendre ce virage technologique, mais le réussir. Nous n'avons
pas de choix, il faut y arriver. Cela ne nous inquiète guère
puisque, comme société, tout est disponible et à la
portée de la main. Tout ce qui manque, nous pouvons nous le donner. Il
suffit de savoir ce qui manque, de le prendre et l'adapter à nos
besoins. Ainsi en va-t-il de l'AQVIR. Merci.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. Labonté.
J'inviterais le ministre à prendre la parole.
M. Paquette: Merci, M. le Président. J'aimerais tout
d'abord remercier M. Labonté de son exposé. J'aimerais dire -
comme cela a été le cas en juin sur la loi 19 - jusqu'à
quel point il est précieux pour une commission parlementaire de pouvoir
dialoguer directement avec une entreprise. Très souvent, on entend des
regroupements d'entreprises, on en a eu au cours de la commission - on sait la
réalité vécue au sein d'une entreprise, surtout une
entreprise aussi innovatrice que AES Data - qui sont peut-être davantage
porteurs de la réalité concrète qu'on vit lorsqu'ona à développer un produit, à concurrencer, surtout sur
un marché international. Je pense que votre mémoire est largement
inspiré de cette expérience pratique.
Je vais d'abord relever un point, à la page 6 de votre
mémoire. Après avoir fait le tour des divers organismes
existants, les centres de recherche, dont le CRIQ, vous dites que, entre les
secteurs universitaire, gouvernemental, paragouvernemental et privé, il
n'y a pas de coordonnateur, de rassembleur. Un peu plus loin, à la page
7, vous mentionnez également qu'il y a pour une entreprise trop de
portes, d'acteurs, d'où perte de temps, d'énergie,
d'administration. J'imagine que si c'est vrai pour AES Data, c'est encore plus
vrai pour une petite et moyenne entreprise. On manque de capitaux de risque. On
manque de possibilités d'assistance technique. Je pense que vous
décrivez à peu près les principales dimensions qui
constituent l'originalité de l'agence. Hier, le directeur de
l'École polytechnique, M. Roland Doré, nous a dit un des
rôles. Il y a le rôle du capital de risque qui est très
important pour financer les premières étapes d'innovation et de
développement d'un produit. Il y a aussi ce rôle de trait d'union.
Est-ce que je vous interprète bien en ayant l'impression que vous
êtes d'accord avec ce genre d'énoncé selon lequel il manque
peut-être un ciment pour mobiliser toutes les ressources qui
existent?
M. Labonté: Nous vivons dans un domaine très
concurrentiel. Je parle pour l'entreprise privée que je
représente, qui a dû se développer par elle-même
depuis les huit dernières années. Elle a peut-être
oublié - on peut dire dans ce cas-là, mea culpa -d'aller voir ces
intervenants, ces premiers intervenants qui auraient pu être des
universités. Elle commence à le faire depuis à peine deux
ans pour s'ouvrir des portes, pour se créer un bassin de personnes qui
viendront sur le marché dans quatre ou cinq ans. Elle n'a pas su encore
se donner des moyens de coordonner avec tous ces intervenants. Je parle pour
l'entreprise privée en général, mais AES est un bel
exemple et les entreprises de haute technologie suivent à peu
près le même pas. Comme on devait se retourner sur un 0,10 $ et
très rapidement, on ne prenait peut-être pas le temps de consulter
les intervenants du milieu; on se doit de le faire. Est-ce que ces intervenants
sont prêts à nous accueillir? Je crois que oui.
On a tout simplement besoin d'un milieu qui nous permettrait de le
faire. Si le gouvernement ne nous le donne pas, on va se le donner
nous-mêmes. On veut agir privément; on veut agir d'une
façon autonome; on ne veut pas que le gouvernement use de dirigisme dans
notre domaine. Par contre, on s'est donné une direction et on demande
aux autres de nous aider à l'obtenir. Je prends aussi comme appui toutes
les autres entreprises du même
domaine. On se doit de réagir très rapidement parce que la
concurrence est là. Il y a 130 compagnies qui veulent prendre notre part
de marché et nous tenons à demeurer sur le marché encore
longtemps. Inévitablement, M. le ministre, on veut aller chercher
l'intervention de toutes les personnes qui sont prêtes à nous
aider. On le fait peut-être d'une façon très maladroite
présentement mais on peut se donner, par le biais de l'AQVIR, un canal
unique qui nous permettra d'intervenir dans ce sens-là. Si l'AQVIR ne le
fait pas, on le fera autrement.
M. Paquette: M. le Président, j'en arrive aux
recommandations qui terminent ce mémoire. Vous recommandez que le
siège social dont on parle à l'article 4 soit à
Montréal. Je pense qu'on n'en a pas parlé dans le mémoire
précédent. Je pense que le Centre d'innovation industrielle de
Montréal propose également que ce soit à Montréal.
On trouve cela fort intéressant à étudier, sans s'engager
immédiatement. Je pense que c'est assez logique parce qu'il est vrai que
la concentration des entreprises et des universités à
Montréal est telle que cette agence pourra fonctionner beaucoup plus
facilement près du principal bassin d'innovation, sans
nécessairement négliger les autres régions.
À l'article 5, lorsque vous parlez du conseil d'administration et
dans l'addenda que vous avez présenté à la suite de votre
mémoire, vous vous faites un peu plus précis. Je trouve cela
intéressant; il n'y a rien de choquant à première vue
là-dedans quant à la composition. On nomme une majorité de
représentants du milieu industriel; vous recommandez deux
représentants du milieu universitaire; il y a d'autres organismes
universitaires qui nous ont fait la même représentation et vous
mentionnez des représentants des principaux organismes publics qui ont
un rôle à jouer à une étape ou l'autre du processus
d'innovation. Est-ce que je me trompe en disant que votre principale
préoccupation est qu'au conseil d'administration on ait
déjà tous les gens qui vont intervenir dans le processus de
liaison universités et industrie, de façon à leur
faciliter le rapprochement et qu'on ait tous les points de vue.
M. Labonté: Vous parlez du gouvernement et des
industries.
M. Paquette: ...et des universités. Je pense que vous avez
des représentants d'organismes publics et des représentants
de...
M. Labonté: Je demandais, dans ma présentation,
comme les autres rapports qui ont été déposés, que
l'industrie soit représentée en majorité. M. Paquette:
Oui.
M. Labonté: Je mets comme palliatif les milieux
universitaires parce qu'ils ne sont ni gouvernementaux ni de l'entreprise
privée, mais ils sont des dérivatifs de l'entreprise
privée. Si l'entreprise n'existe pas, on n'a pas besoin
d'universités qui feront de la belle recherche qui ne servira à
rien.
Pour ce qui est des représentants gouvernementaux, je crois qu'il
y a une expertise qui est déjà sur place et dont on devrait
bénéficier.
M. Paquette: Je ne pense pas que vous suggériez cependant
qu'on écrive dans la loi une composition aussi précise que cela
parce que...
M. Labonté: Cela est une suggestion.
M. Paquette: Mais est-ce que vous souhaiteriez qu'on soit aussi
précis que cela? Cela peut évoluer quand même. Les
organismes peuvent changer dans le temps et...
M. Labonté: Non. C'est une suggestion qui pourrait
être flexible...
M. Paquette: D'accord.
M. Labonté: ...au niveau gouvernemental. Pour ce qui est
des autres intervenants, qu'ils soient nommés par la CIEQ ou par le
CIIM, je crois que ceux-là devraient demeurer.
M. Paquette: Oui.
M. Labonté: Mais pas dans la loi.
M. Paquette: À l'article 19 - je passe par-dessus les
autres, ce n'est pas que ce ne soit pas intéressant, on va en tenir
compte également - vous parlez des directives. Je reprends votre
expression: L'entreprise doit se retourner sur un 0,10 $. Je suis d'accord avec
cela. Je dirais que l'agence doit se retourner, peut-être pas sur un 0,10
$, mais sur un 0,25 $.
M. Labonté: Je suis d'accord. On peut interpréter
cela en disant que je vais à l'encontre...
M. Paquette: Je trouve votre mécanisme pas mal lourd. Je
me demande si on doit vraiment passer...
M. Labonté: Le mécanisme lourd peut durer... Je
considère qu'une procédure semblable ne devrait pas durer plus de
dix à quinze jours, après avoir fait une analyse
bien globale, et c'est possible de le faire dans une période de
dix à quinze jours.
M. Boivin (Dominique): M. le Président, on pourrait
ajouter une petite explication à cela. Il y a beaucoup de gens qui ont
parlé depuis deux jours de concertation, de consensus, et qui veulent
embarquer dans ce virage du consensus et de la concertation; le gouvernement
cherche aussi cela. C'est excellent, c'est très sain. Quand on arrive
avec une agence qui a des buts qui sont proposés par le gouvernement et
quand nous, de notre côté, on propose la composition du conseil
d'administration de la manière qu'il est proposé, ce qu'on a
derrière la tête, surtout après avoir écouté
tous les mémoires qui ont passé ici depuis deux jours et en juin,
sur la loi 19, c'est que c'est essentiel que la société
québécoise prenne ce virage du même pas, du même
pied; comme cela, il n'y aura pas de dérapage et on n'ira pas dans le
décor. À partir de là, si vous voulez bien
démarrer, il faut justement bien démarrer, c'est-à-dire
tout le monde ensemble sur la même note. Cela vaut peut-être la
peine... Le processus de consultation peut prendre environ quinze jours, on
pourrait ajouter quinze jours de demandes pour préparer les
mémoires et pour donner le temps aux gens de se préparer et
d'arriver. Voyez-vous, AES Data est une compagnie privée et le secteur
privé va vite.
M. Paquette: Vous me permettrez de vous interrompre. Sur les
nominations, je suis d'accord qu'il faut prendre le temps de les faire avec la
plus large consultation possible, mais je parlais des directives
approuvées par l'Assemblée nationale. L'Assemblée
nationale ne siège pas tout le temps et cela peut être assez
long.
M. Boivin: Oui, mais l'agence sera adoptée, à un
certain moment, par le législateur. De là, le ministre, en
consultation avec le gouvernement, peut préparer un projet d'ici ce
temps. Avec la majorité ministérielle, il sera donc adopté
d'ici Noël. En conséquence, le projet de directive pourrait
être soumis en consultation. Également, ces directives, si elles
recueillent l'appui de tous les intervenants du milieu, il y a des chances de
vraiment s'entendre pour aller ensemble dans une même direction.
M. Paquette: Je comprends un peu mieux. Je pense qu'il faut
distinguer les directives qui sont des questions beaucoup plus ponctuelles.
C'est parfois difficile à prévoir quand on va devoir demander
à l'agence de faire telle chose plutôt que telle autre. J'ai
donné des exemples ce matin. À un moment donné, vient un
nouvel organisme qu'on a rencontré, puis il y a lieu de faire un
protocole d'entente et de demander à l'agence de s'y conformer. Cela
prend un mécanisme un peu plus flexible.
Par contre, peut-être voulez-vous parler de la
réglementation afférente. Cela va vraiment déterminer
davantage le fonctionnement de l'agence et elle aura un caractère plus
permanent. Vous avez raison de dire que cela va dans le sens de la
réforme parlementaire. On va étudier cela. En tout cas, je
retiens le principe.
M. Boivin: Là, il y a tout le débat juridique entre
la définition de directives et celle de la réglementation. D'un
autre côté, le projet de loi 37 est un projet de loi-cadre
où, honnêtement, on peut vous dire qu'actuellement s'il n'y avait
pas eu tout le débat là-dessus, si le ministre n'avait pas
expliqué la manière de procéder, on ne saurait pas trop
comment va fonctionner l'agence. Dans ce cas-là, pour un manufacturier,
c'est important de savoir ce que cela va donner. On pense que dans le principe,
le projet de loi va aider. Ce sera très intéressant que cette
loi-cadre, on la voit fonctionner pour voir comment elle va fonctionner. On
doit avoir un consensus sur le fonctionnement de cette agence pour qu'elle
fonctionne, pour qu'elle marche.
M. Paquette: Je suis d'accord avec le principe, M. le
Président. D'ailleurs, dans la loi, on dit que le rapport annuel va
aussi être déposé à l'Assemblée nationale. Il
pourrait y avoir des débats à des commissions parlementaires.
C'est toujours possible. On va examiner cela de plus près quant aux
modalités, comment les articuler exactement.
J'aimerais remercier les représentants d'AES Data Inc., de leur
mémoire. Il contient des suggestions éminemment positives. Je
note aussi le souci, la volonté de collaboration de l'entreprise avec
les milieux universitaires et le gouvernement aussi qui peut jouer son
rôle d'appui, parfois financier, parfois technique. Je pense que c'est
une collaboration qui va nous permettre - comme celle qui a été
offerte par les autres intervenants - d'assurer un lancement réussi de
cette agence de valorisation.
M. Labonté: Je voudrais signaler ici que cette
collaboration de AES Data signifie tout simplement qu'on a besoin d'aide. Nous
investissons pas loin de 18 000 000 $ en recherche annuellement simplement pour
une entreprise située à Montréal. On dit que le
ministère investirait 10 000 000 $, c'est déjà plus que le
ministère investira dans l'agence.
M. Paquette: Juste une chose. Je voudrais bien préciser
que l'agence n'est pas le seul mécanisme de financement. L'agence
est un mécanisme de financement quand il y a des innovations
à mettre au point jusqu'à temps qu'on soit prêt à
aller à la commercialisation en série où il y a d'autres
agents financiers privés et publics qui peuvent intervenir.
M. Labonté: Effectivement.
M. Paquette: II y a aussi la mise sur pied des centres de
recherche. Il y a la possibilité de financer des projets ad hoc
également. On en a déjà fait quelques-uns au
ministère. Il ne faudrait pas non plus penser que c'est la seule
façon que nous allons utiliser pour aider au développement de la
recherche industrielle.
M. Labonté: Je comprends très bien.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci. Mme
la députée de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais remercier les
représentants de AES Data pour leur mémoire et les
commentaires.
J'ai quelques questions. D'abord, la composition que vous avez
proposée pour le conseil d'administration. Je me demande s'il y a trop
de personnes - en vertu de leur position, de leur association avec des
organismes qui s'occupent de la valorisation directement et probablement seront
les partenaires de l'agence - qui ont trop d'intérêts directs
reflétés dans ce conseil qui pourraient susciter toute sorte de
conflit d'intérêts.
M. Labonté: Je ne crois pas. Disons que quand on parle du
CIEQ, on parle des entreprises privées. Le CIEQ représente
l'ensemble des entreprises de haute technologie au Québec; quand je
parle du CIIM, je parle de l'ensemble du milieu de la recherche universitaire;
quand je parle...
Mme Dougherty: ...recommandé par le CIIM. Vous avez un
représentant du CRIQ, un représentant de la SDI; j'imagine qu'ils
seront des gens qui travaillent pour la société...
M. Labonté: ...Ils auront une expertise. Je
considère que les gens du CRIQ, de la SDI... Je considère le
Conseil des sciences comme un arbitre, qui pourrait intervenir comme arbitre.
Pour ce qui est du milieu universitaire, je crois qu'il est indispensable que
ces gens qui ont une approche particulière soient bien
représentés. Je pense que les autres représentants qui ont
passé avant moi l'ont bien mentionné.
Pour ce qui est des autres personnes recommandées, du CIEQ, du
CIIM et de l'Association des manufacturiers canadiens, je pense que tous les
paliers sont représentés et sans conflit
d'intérêts.
Mme Dougherty: Merci. Une autre question sur le problème
possible de conflit d'intérêts qui n'a pas été
soulevé par qui que ce soit. C'est l'article 13. J'ai reçu la
suggestion d'éliminer la deuxième phrase du premier paragraphe de
l'article 13. Est-ce que vous avez la loi?
M. Labonté: Oui.
Mme Dougherty: La deuxième phrase dit: "Toutefois, cette
déchéance n'a pas lieu si un tel intérêt lui
échoit par succession ou par donation, à condition qu'il y
renonce ou en dispose avec diligence." On peut imaginer une situation où
le président reçoit une action ou quelques actions d'une
entreprise, d'une compagnie comme un don et, avant d'avoir la chance de
disposer de ces actions, elles sont offertes sur le marché public et il
réalise un gain de capital. Que pensez-vous de la suggestion
d'éliminer la deuxième phrase?
M. Labonté: Je n'en vois pas la nécessité.
Je ne m'y suis pas arrêté. En tant qu'entreprise privée,
que quelqu'un remette ses actions, si j'ai bien compris, à la suite d'un
don à l'organisme et que celui-ci l'administre, je ne vois aucune
objection à cela.
M. Paquette: M. le Président, il est peut-être bon
de préciser que l'article 13 pose cette exigence uniquement pour le
président de l'agence. Cela n'empêche pas les autres membres
d'avoir eux-mêmes des entreprises. Tout ce qu'on dit pour les autres
membres, c'est qu'ils doivent le révéler par écrit. Quand
on discute du cas de son entreprise, il devra se retirer des
délibérations pour ne pas être en conflit
d'intérêts.
M. Labonté: C'est ce qui se fait dans l'entreprise
privée actuellement. C'est une note qui apparaît dans le cadre de
toutes les entreprises privées. Une personne qui possède des
actions se retire quand on discute de son cas.
M. Paquette: On veut que le président soit totalement
indépendant de toute entreprise parce qu'il doit présider les
débats, préparer l'ordre du jour des travaux.
M. Labonté: C'est très normal.
Mme Dougherty: C'est une suggestion qui a été faite
par quelqu'un qui est aussi président d'une entreprise. Vous ne voyez
donc pas de problème.
M. Labonté: Je ne vois absolument
aucun problème.
Mme Dougherty: Vous avez dit tout à l'heure que vous avez
besoin d'aide. Je crois que le taux annuel de croissance de votre entreprise
est d'environ 30%. Je me demande quel rôle l'AQVIR pourrait jouer envers
une entreprise comme la vôtre? (18 h 45)
M. Labonté: On parle d'une croissance d'environ 30%,
j'espérerais qu'elle soit de 30% et bravo...
Mme Dougherty: Le taux de croissance n'a rien à voir avec
ma question, je ne suis pas certaine, mais...
M. Labonté: Actuellement, sur le marché, nous
faisons face à une compétition. On parlait de géants comme
IBM avec 4 000 000 000 $ de possibilité d'investissement, alors que nous
n'avons que 18 000 000 $. Nous devons faire face à la même
concurrence au même public et nous sommes dans 55 pays. Nous devons
satisfaire les besoins de ces personnes et assurer la relève. Il y a
quelqu'un qui a employé le mot "pinotte" tantôt, 18 000 000 $ ce
sont des "pinottes" dans ce milieu. Mais pour survivre il est essentiel que
nous conservions ce prorata qui représente environ 8% à 10%
d'investissement de nos revenus annuels. Au prorata, nous sommes
peut-être les plus hauts, mais quand on fait face à des
géants tels que Xerox, IBM, Wang, ces gens ont le capital et la force
pour nous concurrencer. Nous avons besoin d'aller chercher les ressources
où elles se trouvent, que ce soit au provincial ou au
fédéral. On sait que le fédéral va ouvrir
incessament un centre de recherche en bureautique à Laval. Soyez
persuadés que j'étais le premier à frapper à la
porte, parce que j'ai besoin d'une expertise que lui peut développer. Je
vais être à la porte des universités si elles ont quelque
chose à m'offrir; je suis même prêt à le payer au
lieu de me lancer en recherche et développement et y mettre douze ou
quinze personnes. J'ai présentement 300 ingénieurs qui font de la
recherche et du développement, si demain matin vous venez m'offrir un
beau produit susceptible de fonctionner sur mes appareils, je vais être
très heureux de le prendre.
Maintenant, en ce qui concerne les capitaux, je ne peux pas
dépenser ce que je n'ai pas. Dans mon domaine, si je veux rester
concurrentiel, si je veux rester le troisième au monde, il faut que je
fasse tous les efforts pour aller chercher des capitaux où qu'ils soient
et l'expertise où qu'elle soit. Ce n'est pas nécessairement des
capitaux, ce peut être une expertise et je peux même acheter cette
expertise. Au lieu de dépenser 6 000 000 $ en recherche et
développement, je peux payer 3 000 000 $ pour la recherche
déjà effectuée aux États-Unis, au Japon ou en
Angleterre; où qu'on la trouve on va aller la chercher. Tout cela pour
en faire bénéficier notre entreprise d'ici et pour en faire
bénéficier les 55 pays où nous distribuons.
Je veux dire par là que des capitaux, je n'en aurai jamais assez
si je veux rester dans cette compétition. À chaque endroit, que
j'aille chercher un petit montant qui facilite mon entrée... Quand on
parle de PME - tous les organismes qui ont passé ici parlaient de PME -
je me considère peut-être comme une PME, quand on parle de
bureautique, même si j'ai 200 000 000 $ de ventes annuelles, pour moi
c'est encore de la PME dans ce domaine, même si on est un géant
dans le monde au point de vue bureautique. Nous avons encore beaucoup de chemin
à faire et il faut rester sur le qui-vive continuellement, il faut se
retourner très rapidement. On m'offre la possibilité de me donner
un corridor unique pour de l'intervention. Bravo, je vais essayer de
l'utiliser. S'il ne fait pas mon affaire, je vais intervenir dans un an, c'est
pour cela que je mets à l'intérieur d'une... Dans un an,
même si je devenais un conseil d'administration peut-être
majoritaire - je mets les atouts de mon côté - on va remettre et
on va bonifier l'affaire pour s'assurer qu'on ne fasse pas ce qui s'est
passé en Europe, aux États-Unis ou à Ottawa, où il
y a de multiple petites agences du même ordre. On va la bonifier et on va
continuer dans le même sens.
Je représente l'entreprise privée et celle-ci ne peut pas
se déplacer facilement, nous ne sommes pas des entreprises à but
non lucratif. Se départir actuellement d'une personne dans notre
domaine, c'est difficile, mais la compagnie a insisté pour que je vienne
ici donner mon approbation à ce projet, mais selon les conditions qu'on
a mentionnées au préalable.
Pour répondre à votre question, c'est oui; j'ai besoin et
aussi petit que cela puisse être, je vais aller le chercher, je vais
aller chercher tout ce qu'on peut m'offrir, je vais cogner à la porte et
je vais continuer à toutes les portes qu'on voudra bien m'offrir.
Mme Dougherty: D'accord, merci. Dernière question. Vous
avez été ici tout au long de la journée, je crois.
M. Labonté: Malheureusement, je suis arrivé cet
après-midi parce que je continuais à travailler sur ce
document.
Mme Dougherty: D'accord. Ma question n'est peut-être pas
pertinente, mais j'aimerais vous demander si, à votre avis, vous voyez
un écart entre la loi telle que rédigée et la brochure du
ministre.
M. Labonté: Malheureusement, je ne l'ai
pas lue. Tout le monde est arrivé avec la brochure tantôt.
Je me sens penaud en vous disant que je n'ai pas lu la brochure, parce que cela
comprend l'essentiel. Merci, mais je ne pourrai pas la lire
immédiatement.
Mme Dougherty: D'accord. Ma question n'est pas pertinente. Mais,
si vous avez des opinions à présenter...
M. Labonté: Mon opinion, c'est que la loi-cadre, pour moi,
c'est un cadre. Maintenant, il faut rentrer dans ce cadre-là et voir ce
qu'il y a à l'intérieur. Le cadre est défini, on l'a
établi. Maintenant, il y a toutes les ramifications qu'on va avoir
à placer à l'intérieur du cadre, toutes les petites
données et tout ce qui va rentrer dans les coins. En fin de compte, ce
sont les couleurs qu'on va y ajouter qui vont faire qu'il est
intéressant ou non. Le cadre est bien beau, mais il va falloir ajouter
quelque chose d'intéressant à l'intérieur. S'il satisfait
tous les objectifs, toutes les données, toutes les réactions que,
depuis deux jours effectivement, les intervenants sont venus vous soumettre -
malheureusement, je n'ai pas tout lu, mais je compte bien le faire
immédiatement après; je représente une entreprise, je ne
représente pas une association - si ce cadre-là se justifie selon
ce que je présente aujourd'hui, bravo, je vais embarquer. Mais, pas
à n'importe quelle condition. Je vais le suivre de très
près. Je ne suis pas ici pour me faire dicter ma conduite, ce que je
vais faire dans un an, dans deux ans, ou dans six mois. C'est moi qui vais me
donner une direction à l'intérieur de l'entreprise. Tout ce qu'on
peut m'offrir pour que cette direction s'accomplisse, bravo. Si, à
l'intérieur du cadre, toutes les petites données sont bonnes,
bravo. Je m'excuse, je ne peux pas aller...
Mme Dougherty: Vous êtes un homme très pragmatique.
Merci.
Le Président (M. Brouillet): Bien, merci.
M. Paquette: M. le Président, je pense que nous avons
terminé nos travaux. Nous avons entendu des représentants des
milieux universitaires, des milieux industriels, de personnes aussi
engagées dans la valorisation industrielle de la recherche. Tout ceci
nous a éclairés énormément. Nous avons
délibéré durant près de 30 heures, Mme la
députée de Jacques-Cartier; treize heures, je m'excuse. Alors,
nous nous sommes imprégnés de toutes les suggestions. Je retiens
de cette commission d'abord un climat extrêmement positif, des
interventions pertinentes qui vont nous éclairer
énormément, un certain consensus sur le fait que l'agence
répond à un besoin. On nous a posé beaucoup de conditions,
de balises. Je pense qu'on devra maintenant en tenir compte pour faire en sorte
que cette agence puisse être lancée dans les meilleures conditions
possible. Pour moi, cela veut dire qu'elle puisse être lancée avec
l'accord, la collaboration et la participation des principaux milieux
intéressés.
J'aimerais remercier mes collègues de la commission et tous les
intervenants à cette commission.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Je
remercie, moi aussi, tous les participants et tous les membres de la
commission.
Avant de clore, j'aimerais ajouter qu'il y a aussi un mémoire qui
a été présenté pour dépôt: le
mémoire du Conseil de l'industrie électronique du Québec.
Je ne l'avais pas mentionné, c'est pour les fins du journal des
Débats.
Télégramme du CIEQ
M. Paquette: M. le Président, effectivement, c'est
plutôt sous la forme d'un télégramme que je résume,
pour les fins du journal des Débats, à moins que vous ne me
disiez que cela va être annexé. Enfin, je résume en
quelques mots: "Bien que le Conseil de l'industrie électronique du
Québec soit d'accord avec le principe du projet de loi 37 visant la
création d'une agence de valorisation industrielle de la recherche dont
un des objectifs est de rendre disponibles des capitaux de risque pour la
recherche dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement et
l'industrie, certaines conditions lui semblent essentielles à la
réalisation des objectifs visés. Parmi celles-ci, l'approche par
projet non normalisé lui apparaît favorable parce qu'elle laisse
plus de latitude et procure plus d'efficacité. "De plus, le CIEQ demande
que la formation du conseil d'administration soit plus précise et, par
conséquent, que cet article stipule que le conseil doit comprendre sept
membres venant des secteurs visés. À la section II, paragraphe
17.2, le CIEQ recommande que l'on ajoute les mots "y compris le prototype
industriel". Il apparaît également essentiel au CIEQ que les
personnes qui seront responsables des dossiers de cette agence aient
l'expérience du fonctionnement et des problèmes de la
clientèle visée. Enfin, il est impératif que cette agence
ait une approche de marketing. Espérant que ces quelques
considérations contribuent au succès de l'agence, le conseil
souhaite fortement participer à la mise en oeuvre de cette agence."
Le Président (M. Brouillet): Très bien, M. le
ministre.
Je demande au rapporteur désigné de faire rapport à
l'Assemblée dans les plus brefs délais. Étant donné
que la commission
a accompli le mandat qui lui a été confié, nous
ajournons les travaux sine die.
(Fin de la séance à 18 h 55)