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(Dix heures dix-neuf minutes)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, mesdames,
messieurs.
La commission élue permanente de la présidence du conseil
et de la constitution se réunit, ce matin, pour entendre des personnes
ou organismes en regard du projet de loi 37, Loi sur l'Agence
québécoise de valorisation industrielle de la recherche.
Les membres de la commission sont M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes),
Mme Harel (Maisonneuve), M. Paré (Shefford), Mme Dougherty
(Jacques-Cartier), M. Gravel (Limoilou), M. Dussault (Châteauguay), M.
Ciaccia (Mont-Royal), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Paquette (Rosemont), M.
Ryan (Argenteuil), M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).
Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau
(Verchères), M. Gratton (Gatineau), M. Perron (Duplessis), M. Rivest
(Jean-Talon), M. Saintonge (Laprairie) et M. Rodrigue Biron
(Lotbinière).
Il conviendrait de désigner un rapporteur pour les travaux de la
commission.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je propose notre
collègue de Shefford.
Le Président (M. Brouillet): M. Paré,
député de Shefford, sera le rapporteur de la commission.
Voici l'ordre du jour. Ce matin, nous entendrons le représentant
de l'École Polytechnique qui présentera son mémoire et
participera à la discussion.
Cet après-midi, nous entendrons la Conférence des recteurs
et des principaux d'universités du Québec; ce soir, à 20
heures, l'Association des directeurs de recherche industrielle du
Québec. À l'ordre du jour, on annonçait le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, M. Rodrigue Biron, et on me fait part
qu'il participera, ce soir, en tant que membre de la commission, en tant
qu'intervenant à la discussion, en non pas en tant que personne venant
présenter y un mémoire.
Mme Dougherty: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Oui, madame.
Mme Dougherty: Est-ce que je pourrais poser quelques questions
sur l'ordre du jour? Premièrement, si je comprends bien, l'Association
des directeurs de recherche industrielle du Québec ne présente
pas de mémoire.
Le Président (M. Brouillet): Non.
Mme Dougherty: Elle a l'intention de faire des commentaires sur
le mémoire du CIIM, est-ce que c'est exact?
M. Paquette: En fait, son intention est de faire des commentaires
sur le projet de loi dans son ensemble.
Mme Dougherty: Oui.
M. Paquette: Certaines de ses remarques pourraient être
reliées à d'autres mémoires. Il n'est peut-être pas
courant que l'on reçoive ici, dans une commission parlementaire, des
personnes qui n'ont pas déposé de mémoire. Autant
d'après ce que j'ai compris de l'intérêt de l'Opposition
quant aux vues de l'Association des directeurs de recherche industrielle du
Québec que de notre côté, nous trouverions
intéressant que, pendant une heure - même s'il n'y a pas de
mémoire - il y ait une discussion. Par la suite, le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme sera avec nous, à compter de 21
heures, pour une discussion sur l'interrelation entre ce projet et le
rôle de deux organismes qui relèvent de sa responsabilité,
c'est-à-dire le Centre de recherche industrielle du Québec et la
Société de développement industriel.
Mme Dougherty: Alors, cela amène ma deuxième
question: Est-ce que le ministre pourrait nous assurer que des
représentants du CRIQ et de la SDI seront ici pour que nous puissions
avoir des réponses très précises à des questions
techniques qui touchent le CRIQ et la SDI?
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, je vais transmettre ce voeu
du critique de l'Opposition à mon collègue de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme. Évidemment, ce n'est pas à moi de lui
dire de quels conseillers il doit s'entourer. J'imagine qu'il prendra les
dispositions nécessaires pour être
en mesure de fournir toutes les informations utiles à la bonne
marche de la commission.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Est-ce qu'on pourrait obtenir un engagement du
ministre de la Science et de la Technologie de demander aux
représentants du CRIQ et de la SDI d'être présents? Je n'ai
pas parlé personnellement au ministre, mais j'étais porté
à croire par ma collègue de Jacques-Cartier qu'elle avait
discuté ce problème avec vous et que vous vous étiez
engagé à ce que des représentants du CRIQ et de la SDI -
même s'ils ne présentaient pas de mémoire - seraient
présents pour répondre à nos questions. Comme vous le
savez, la position qu'on a déjà prise quand vous aviez introduit
le projet de loi, c'est qu'il y avait un chevauchement, qu'il pouvait y avoir
des duplications. On voulait savoir exactement quel serait le rôle de
l'agence que vous voulez créer par le projet de loi vis-à-vis du
rôle du CRIQ et de la SDI. Est-ce qu'il y a eu des changements dans les
intentions ou les engagements du ministre quant à la présence des
représentants du CRIQ et de la SDI à cette commission?
M. Paquette: M. le Président, effectivement il y a eu deux
rencontres entre le critique de l'Opposition et moi-même, l'une il y a
quelques semaines pour s'entendre sur les organismes qu'il serait
particulièrement intéressant d'entendre. En fait, on a
envoyé les invitations sans restriction, "at large", à la
commission. On a mentionné plus particulièrement un certain
nombre d'organismes dont il serait important d'étudier les objectifs et
le fonctionnement; le CRIQ et la SDI font partie de ceux-là.
Cependant, j'avais mentionné au critique de l'Opposition,
à ce moment-là, que pour ma part j'étais tout à
fait disposé à ce qu'on discute à fond de ces questions
concernant le CRIQ et la SDI. Je ne pouvais pas prendre d'engagement et je n'en
ai pas pris à ce moment-là. Je n'étais pas seul au moment
de cette réunion. Je n'ai pas pris l'engagement que le CRIQ et la SDI
seraient là pour la bonne raison que ce ne sont pas des organismes qui
relèvent de ma responsabilité.
D'autre part, en regardant les choses de plus près, on s'est
aperçu que normalement il n'était pas d'usage de demander
à un organisme ou à une société d'État, lors
d'une commission parlementaire, de venir commenter les activités d'une
autre société d'État ou la création d'un autre
organisme autrement que par les ministres qui en assument la
responsabilité, d'où cette idée d'assurer la
présence de mon collègue de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme à cette commission, de façon que nous puissions, par ce
canal, atteindre les mêmes objectifs, c'est-à-dire faire la
lumière sur les interrelations possibles entre l'agence, le CRIQ et la
SDI.
M. Ciaccia: M. le Président, brièvement. Je ne veux
pas un long débat sur ce sujet parce que le but de cette commission est
d'entendre les invités. Je pense qu'on ne pourra pas atteindre les
mêmes objectifs en posant au ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme des questions que nous voulions poser directement à la SDI et
au CRIQ. On comprend la solidarité ministérielle; on ne s'attend
pas à avoir trop d'information contradictoire sur les objectifs et les
buts des différents organismes. Le CRIQ et la SDI sont des organismes
indépendants et je crois que pour un meilleur fonctionnement et afin de
comprendre les objectifs et les buts de l'AQVIR il aurait été bon
pour nous d'avoir les représentants du CRIQ et de la SDI. Ce n'est pas
dans le but de leur demander leurs commentaires sur la création de
l'AQVIR et de voir les contradictions entre les deux mais c'est juste d'essayer
d'établir les dossiers, les rôles, les activités du CRIQ et
d'essayer de faire la comparaison entre les deux. Je pense qu'il aurait
été dans l'intérêt de tous les membres de la
commission d'avoir ces informations. Quant à moi, je ne pense pas que le
ministre puisse remplacer ceux qui sont vraiment les fonctionnaires
responsables de ces deux organismes. Je pensais que cet engagement-là
avait été pris. S'il ne l'a pas été, on est un peu
déçu de voir qu'on refuse d'avoir ces représentants. S'il
n'y avait pas de doute dans l'esprit des deux ministres, je pense bien qu'on
aurait bien pu entendre brièvement le représentant.
M. Paquette: M. le Président...
Le Président (M. Brouillet): Dernier commentaire sur cette
question, M. le ministre.
M. Paquette: Je tiens à dire au député de
Mont-Royal, qui suppose qu'il y aurait des doutes dans notre esprit, qu'il n'y
a pas de doute et qu'il y a des interrogations sur la manière de faire
en sorte d'assurer le mieux possible le processus de la valorisation
industrielle de la recherche. Je ne pense pas que la commission soit
brimée dans ses droits à l'information. De toute façon,
les activités de la SDI et du CRIQ sont du domaine public, il y a des
rapports annuels et il y a possibilité pour les députés
d'obtenir toute l'information nécessaire. Il y a d'ailleurs une loi sur
l'accès à l'information qui a été adoptée
par notre gouvernement récemment. En plus de tout cela, les membres de
la commission pourront
discuter précisément de cette question avec le ministre et
ses conseillers quant à l'interrelation entre l'agence, le CRIQ et la
SDI.
Il me semble que cette disposition garantit le meilleur éclairage
possible à la commission.
Le Président (M. Brouillet): Nous allons commencer
l'étude des mémoires et je convierais le ministre à nous
faire tout d'abord quelques remarques préliminaires. Ensuite,
j'inviterais le représentant officiel de l'Opposition à faire de
même avant d'entendre nos invités. M. le ministre. (10 h 30)
Remarques préliminaires
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: M. le Président, comme vous vous le rappelez
sans doute, le projet de loi 37, Loi sur l'agence québécoise de
valorisation industrielle de la recherche, découle directement des
travaux que nous avions entrepris au mois de juin et complétés
quant à loi 19 qui révisait l'ensemble du mécanisme, des
outils et des mécanismes de soutien gouvernementaux au
développement de la science et de la technologie.
Évidemment, ce projet de loi, malgré tous les efforts que
nous avions faits à partir du mois de janvier, n'avait pu être
déposé à l'Assemblée nationale avant le mois de
juin - nous aurions préféré le déposer au mois de
mai - de sorte qu'à cette commission parlementaire, finalement, nous
avons pu étudier tout le projet de loi sauf celui concernant l'agence.
Cela aurait été vraiment brusquer les choses et également
passer dans l'ombre ce qui, à notre avis, constituait peut-être
l'élément le plus novateur du projet de loi 19 que de brusquer
son adoption, de forcer son adoption, à la fin d'une session alors qu'il
y avait évidemment beaucoup d'activités à
l'Assemblée nationale comme à toutes les fins de session. Je
pense que, sans ralentir l'implantation des autres mécanismes qui vont
nous permettre d'implanter davantage le virage technologique, nous allons y
gagner une étude plus approfondie de ce nouveau mécanisme de
valorisation industrielle de la recherche que nous proposons.
J'aimerais simplement dire que j'aborde cette commission parlementaire
avec le même esprit d'ouverture et de souplesse. Je pense qu'on peut
être à la fois avide d'actions - je pense que le Québec a
besoin d'actions sur le plan de la recherche, du développement et de la
valorisation industrielle de la recherche - mais, en même temps, il faut
quand même peser les gestes que l'on pose et s'assurer qu'ils sont
acceptés par les intervenants avec lesquels nous travaillerons,
principalement les milieux universitaires, les milieux industriels et les
milieux de la recherche.
Je pense que le travail que nous avons fait au sujet de la loi 19 en
juin nous a permis de bonifier le projet de loi. Souvent on s'aperçoit
que, dans un projet de loi, certains articles, à cause de leur
formulation légale un peu particulière, peuvent parfois
prêter à ambiguïté et souvent, correspondent mal aux
intentions des personnes qui ont imaginé le projet. Il est possible que,
dans le projet de loi 37, nous nous rendions compte, au cours de l'étude
- et je pense que c'est le but de l'audition des mémoires que nous
allons faire ici à cette commission - que certains articles
mériteraient d'être précisés, mieux formulés,
orientés peut-être différemment. Je suis prêt
à examiner toute proposition allant dans ce sens. Il est fort probable
qu'il y ait, comme dans chaque projet de loi, des amendements au moment du
dépôt en deuxième lecture qui devrait se faire à la
reprise de la session. Donc, c'est avec un esprit d'ouverture, de souplesse que
nous sommes ici et je souhaite que cette commission travaille dans le meilleur
esprit de coopération possible.
Pour ouvrir cette commission, j'aimerais simplement rappeler le
rôle de l'agence, quelques éléments sur son fonctionnement,
pourquoi créer un nouvel organisme - je pense que c'est une question qui
se pose également.
Nous avons publié, il y a quelques semaines, ce document-ci qui a
été expédié à tous les membres de la
commission, a tous les députés de l'Assemblée nationale et
aux 400 personnes et organismes du milieu et qui décrit le projet. La
raison pour laquelle nous l'avons fait, c'est qu'on se rend compte qu'un projet
de loi, c'est nécessairement relativement théorique. Il est
souvent difficile de lire entre les lignes d'un projet de loi quelles sont
vraiment ses intentions, comment il va fonctionner, à quoi sert un
organisme comme celui-là.
Je vais vous lire ce qu'on entend par valorisation de la recherche. Je
pense que c'est important, quand on se pose la question de l'interrelation avec
divers autres organismes, de savoir ce qu'est la valorisation de la recherche.
Il faut distinguer cela de la recherche elle-même et du
développement technologique. Je vous lis un extrait de ce document. "La
valorisation de la recherche occupe tout le champ du processus entre
l'idée née du cerveau du chercheur et l'objet industriel.
Valoriser, c'est assurer le support requis sous des formes diverses tout au
long du processus d'innovation qui va de l'invention, résultat acquis de
la recherche effectuée en laboratoire, jusqu'à la sortie du
produit ou du procédé nouveau."
Première caractéristique, l'Agence
québécoise de valorisation industrielle de la
recherche n'est pas un outil de planification. Ce n'est pas un outil
pour diriger la recherche. C'est un outil pour soutenir son transfert dans le
processus industriel. Donc, le rôle de l'agence, c'est un rôle de
soutien: soutien financier, soutien technique et informationnel, soutien
logistique ayant pour but de catalyser des collaborations entre les milieux de
recherche et les milieux industriels.
D'abord, le soutien financier. On se rend compte que l'effort financier
du gouvernement du Québec devient relativement important. En cinq ans,
on est passé d'environ 250 000 000 $ de dépenses dans les
activités scientifiques et techniques à 660 000 000 $ en
1982-1983. Il y a donc un effort accru qui s'est effectué dans le
développement de la recherche. À l'autre bout du processus, des
organismes gouvernementaux comme la Société de
développement industriel ou la SODICC ont étendu leur programme
de financement, donc d'appui financier, au développement industriel;
mais entre les deux, entre la recherche et le développement en milieu
industriel, même dans ses composantes recherche et développement -
en effet, lorsqu'une entreprise est lancée et qu'elle fonctionne depuis
plusieurs années, il est important qu'elle continue à se
maintenir à la pointe et, donc, qu'un organisme comme la SDI offre des
programmes d'aide à la recherche et au développement dans les
industries - entre la recherche et le processus industriel, dis-je, on manque
terriblement au Québec d'appui financier, de capital de risque.
D'ailleurs, malgré sa création toute récente, le
ministère de la Science et de la Technologie reçoit
déjà chaque semaine des demandes qui se situent dans cet espace,
dans cet intervalle entre l'idée, l'innovation et la production. On nous
demande de financer l'élaboration de prototypes, par exemple. On nous
demande de financer des études de faisabilité, des études
de marché pour tester les possibilités réelles de
valoriser une invention ou le résultat d'une recherche.
Je vous avoue que je trouve difficile qu'un ministère assume ce
rôle. Je pense que, si on avait au Québec une agence dont le
rôle principal serait de fournir un capital de risque et d'appuyer
financièrement toutes les étapes du processus d'innovation de la
recherche à la commercialisation, nous serions sur la voie de ce qui
fait la différence entre une recherche souvent très
féconde, mais qui est largement sous-utilisée dans la
société et une recherche qui féconde et stimule
l'activité économique.
On pourrait parler aussi du grand nombre de brevets qui sont
levés chaque année et qui sont inexploités, faute d'appui.
Devant le bureau canadien des brevets, pour 100 brevets qui sont
déposés, 7% sont utilisés et 1% se rend au niveau d'une
commercialisation réussie. Je pense qu'il y a là un besoin
à combler. Donc, soutien financier.
Soutien technique et informationnel, en ce sens qu'une équipe de
recherche ou un inventeur qui arrive avec un projet intéressant va
commencer par le faire évaluer au CRIQ ou au Centre d'innovation
industrielle de Montréal dans un premier temps. Une fois que
l'évaluation devient positive - cela permet de distinguer les inventions
sérieuses des autres - l'inventeur se retrouve relativement
démuni. Il connaît mal le processus industriel, les
marchés, souvent sous-estime le temps nécessaire à la mise
au point d'un processus, les diverses étapes qu'il faudra franchir. Il y
a donc pour l'agence un rôle d'appui aux inventions prometteuses en
termes de diffusion des connaissances, donc d'appui informationnel et
technique, appui également pour lever le brevet, pour la fabrication du
prototype, pour financer des études de marché, des études
de faisabilité; soutien financier, soutien technique et informationnel
et finalement soutien logistique.
La valorisation industrielle d'un résultat de la recherche fait
intervenir divers agents. Il y a des agents sur le plan scientifique et
technique pour aller plus loin, pour mettre au point l'innovation, des agents
financiers privés ou publics qui peuvent être mis à
contribution à différentes phases du processus et il y a surtout
des entreprises qui doivent prendre en charge, des entreprises existantes ou
parfois des entreprises à lancer. L'agence pourra jouer un rôle
logistique face à ces projets en favorisant la mise en relation des
agents du côté de la recherche avec les agents du
côté économique et industriel.
Autrement dit, l'agence sera l'un de ces mécanismes de
décloisonnement entre l'université et l'industrie. Ce n'est pas
le seul; déjà il y a un mouvement de décloisonnement qui
se fait enfin dans notre société. On constate que les industries
parlent de plus en plus aux universités, aux cégeps; le CRIQ joue
un rôle intéressant de ce côté également en
mettant en interrelation les industries et les universités; les
programmes d'emploi scientifique de mon ministère contribuent
également aux mêmes objectifs. On constate que de plus en plus il
y a un souci des deux côtés de ce qui était une
clôture de rompre les cloisonnements. L'agence pourra être un autre
élément contribuant à rapprocher les milieux
universitaires des milieux industriels.
Finalement, lorsqu'on définit l'agence de cette façon,
comme un organisme de soutien financier, technique et informationnel et
logistique à des projets de valorisation industrielle, on se rend compte
qu'il n'y a aucun autre intervenant qui peut jouer ce
rôle. Il n'y a aucun autre intervenant qui dispose de capital de
risque pour financer les premières phases du processus d'innovation, il
n'y a aucun autre intervenant aussi dont le rôle ne soit pas
spécialisé en fonction de certains aspects du processus
d'innovation qui peut regarder un projet dans toutes ses dimensions et
mobiliser les ressources nécessaires pour le réaliser.
Au niveau du fonctionnement de l'Agence de valorisation industrielle de
la recherche j'aimerais simplement mettre en évidence deux ou trois
éléments. D'abord l'agence se devra d'avoir une approche
volontariste et sélective plutôt qu'une approche normative. Ce
n'est pas un organisme qui va faire un appel à tout le monde et dire:
Amenez-nous des inventions ou amenez-nous des projets ou qui fera appel
à... Ce n'est pas un service offert au grand nombre ou à la
multitude et qui aurait par conséquent à se donner des programmes
avec des normes très strictes, de la paperasse et de la bureaucratie.
C'est un organisme qui fonctionnera projet par projet et qui devra être
sélectif après qu'une évaluation aura été
faite, généralement par d'autres organismes, sur la valeur du
projet. (10 h 45)
Deuxièmement, c'est un organisme qui agira un peu face à
ces projets qui devront être valorisés par l'agence, qui agira un
peu comme plaque tournante vers les organismes spécialisés, qui
demandera au CRIQ, au CIIM ou à d'autres organismes une
évaluation et un appui sur le plan de la valeur technologique du projet,
qui se retournera vers la 5DI pour demander, dans les dernières phases
du processus d'innovation, un soutien financier, qui aura également
à travailler avec les organismes dans les diverses universités
qui s'occupent d'établir le lien entre la recherche qui est faite dans
l'université et ses applications dans le milieu. C'est donc dire que
l'agence devra établir des protocoles d'entente avec les autres
intervenants spécialisés et qui s'occupent de certaines des
dimensions de la valorisation industrielle de la recherche.
La conséquence de ces deux caractéristiques du
fonctionnement de l'AQVIR, c'est que l'AQVIR ne peut pas être un gros
organisme en termes de personnel puisqu'elle fonctionne projet par projet,
puisqu'elle se réfère à des ressources diverses,
spécialisées dans certaines dimensions de la valorisation de la
recherche. Nous évaluons qu'en rythme de croisière normal, il
s'agit d'une vingtaine de personnes, de 1 000 000 $ pour le fonctionnement et
peut-être au début une dizaine de millions directement
injectés dans les projets eux-mêmes.
En terminant, je voudrais simplement souligner que ces besoins de
valorisation industrielle de la recherche existent, qu'on aurait pu, bien
sûr, décider qu'une direction du nouveau ministère de la
Science et de la Technologie allait assumer cette responsabilité
puisque, déjà, nous sommes obligés de l'assumer sur des
projets ad hoc. Nous pensons qu'il est hautement préférable
qu'une agence, relativement autonome du gouvernement, assume ce rôle.
Nous pensons qu'ainsi les relations seront plus faciles avec les entreprises et
les universités que si c'était l'action directe du
ministère. Au conseil d'administration de l'agence, nous pourrons
inviter des personnes expérimentées dans la valorisation
industrielle de la recherche, provenant tant des milieux universitaires que des
milieux industriels, de sorte qu'il y ait une synergie déjà au
niveau du fonctionnement même et des orientations de l'agence entre ces
deux milieux. Également, une telle agence peut bénéficier
d'une rapidité d'action plus grande qu'un ministère. Je pense
qu'il y a beaucoup plus de souplesse au niveau de l'exécution.
En terminant, j'aimerais simplement souligner que le principal
défi de l'agence réside sans doute dans la
nécessité, pour qu'elle puisse atteindre ses objectifs, de
transformer en partenaires les milieux de la recherche et ceux de l'industrie
qui, très souvent, ne parlent pas le même langage. Ce sera
précisément le rôle de l'Agence québécoise de
valorisation industrielle de la recherche de mobiliser toutes les
compétences. Voilà pourquoi il est tellement important que ce
projet soit bien compris, accepté, voire modifié de façon
qu'il s'insère le plus harmonieusement possible dans le système
scientifique et technologique du Québec. Je pense que c'est le
rôle de cette commission. Je vais écouter toutes les interventions
avec beaucoup d'intérêt.
Le Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre.
J'inviterais maintenant Mme la députée de Jacques-Cartier.
Mme Joan Dougherty
Mme Dougherty: Merci. Nous sommes heureux, M. le
Président, de participer, au nom de notre formation politique, à
cette commission parlementaire réunie afin d'entendre les groupes ou les
personnes qui ont manifesté le désir d'intervenir sur le projet
de loi 37, Loi sur l'Agence québécoise de valorisation
industrielle de la recherche.
Le projet de loi 37 est effectivement le chapitre V du projet de loi 19
qui a créé un ministère de la Science et de la Technologie
en juin 1983. Compte tenu des réserves graves exprimées par notre
formation politique sur l'agence lors de l'étude article par article du
projet de loi 19, particulièrement le dédoublement apparent des
fonctions de l'agence avec d'autres organismes existants, notamment le
CRIQ et le CIIM. Devant le refus du ministre d'accéder à
nos demandes et d'inviter ces organismes à la commission afin de nous
éclairer à ce sujet, le chapitre V a été
retiré du projet de loi 19 et a été déposé
sans changement, en juin, sous la forme du projet de loi 37.
Nous sommes heureux de constater que le CIIM est parmi les groupes qui
seront entendus aujourd'hui ou demain. D'autre part, je ne peux
m'empêcher de souligner que nous étions profondément
déçus d'apprendre, il y a quatre jours, que le CRIQ et la SDI qui
sont particulièrement touchés par le projet de loi 37, ne seront
pas entendus devant cette commission parlementaire. Nous avions cru comprendre,
lors d'une réunion avec le ministre il y a trois semaines, que le CRIQ
et la SDI seraient présents afin de répondre à nos
questions.
Je souligne, M. le ministre, que nos responsabilités en tant que
députés exigent le plus grand éclairage possible,
même si on sacrifie un peu de délicatesse en demandant à
des fonctionnaires d'un autre ministère de venir répondre
à nos questions. Je regrette d'avoir engagé mes remarques de
façon négative, M. le Président; néanmoins j'ai cru
important d'enregistrer notre déception.
En dépit de ces commentaires, j'aimerais vous assurer que nous
abordons cette commission parlementaire dans un esprit ouvert et constructif.
Personne ne peut nier que la valorisation industrielle des fruits de la
recherche scientifique et technologique est une activité essentielle
dans le processus de l'innovation technologique, ce processus qui est au coeur
de notre capacité d'être concurrentiel sur le marché
mondial. Notre survie économique en dépend.
Concernant le rôle du gouvernement vis-à-vis de ce
défi, nous abordons ce projet de loi dans la même optique que
celle que nous avons adoptée lors de l'étude du projet de loi 19,
à savoir que le principal rôle du gouvernement n'est pas de
gérer le développement scientifique et technologique du
Québec. J'emploie ici le mot gérer dans le sens de gouverner.
Pour moi, c'est une contradiction de termes. Le rôle du gouvernement est
de créer un climat fiscal, social, administratif et politique propice
à attirer des investissements, à inciter les individus et les
entreprises créateurs à prendre des risques et à favoriser
la venue au Québec d'ingénieurs et de scientifiques de calibre
international.
Chaque jour on lit dans les journaux des témoignages d'hommes
d'affaires, de chefs d'entreprises de haute technologie, d'ingénieurs,
d'hommes de science et d'investisseurs qui déplorent les conditions
fiscales, la surréglementation, les contraintes linguistiques,
l'instabilité politique et l'esprit de confrontation qui régnent
au Québec, ainsi que la multiplicité des intervenants
gouvernementaux, ce qui complique l'accessibilité aux services offerts,
toutes des conditions qui découragent l'esprit d'"entrepreneurship" qui
est la clé de notre développement, des conditions qui nous
rendent incapables de maintenir et d'attirer la main-d'oeuvre
spécialisée et les investissements dont nous avons tellement
besoin. Un gouvernement qui voudrait sérieusement nourrir l'excellence
devrait établir comme première priorité la qualité
des ressources humaines et le climat social, politique et linguistique pour
favoriser leur épanouissement. Dans la révolution technologique,
ce sont les connaissances et non pas une prolifération des structures
gouvernementales qui vont nous donner le pouvoir.
Partant de cette prémisse fondamentale, nous croyons que le
pouvoir du ministre de la Science et de la Technologie doit se manifester d'une
façon horizontale. Son rôle doit être un rôle de
leadership et de catalyseur et non un rôle vertical de gérance.
Nos efforts afin d'amender la loi 19 étaient inspirés de ce
principe.
En ce qui concerne la création d'une agence de valorisation, nous
avons de sérieuses questions:
Premièrement, existe-t-il des études qui justifient la
création de cette agence?
Deuxièmement, l'efficacité du réseau actuel des
intervenants dans le processus de l'innovation a-t-elle été
évaluée? Si oui, l'évaluation démontre-t-elle le
besoin d'un autre organisme pour faciliter le transfert des résultats de
la recherche à des fins industrielles? Quels besoins additionnels ont
été démontrés?
Troisièmement, étant donné l'apparent
dédoublement des fonctions du CRIQ et du CIIM ainsi que d'autres
organismes gouvernementaux, avons-nous besoin d'une autre société
d'État qui remplirait des fonctions similaires? Les ressources de
l'agence s'ajouteront-elles à ces organismes ou viendront-elles
concurrencer leurs activités?
Quatrièmement, comment l'agence se rattachera-t-elle à la
Société de développement industriel? Le mandat de la SDI
devrait-il être modifié afin de pourvoir plus adéquatement
au capital de risque pour la valorisation industrielle des résultats de
la recherche?
Cinquièmement, telle que conçue, l'agence sera-t-elle
vraiment un catalyseur afin d'accélérer l'exploitation
commerciale de nouvelles idées, ou sera-t-elle, en fait, une autre
organisation bureaucratique qui ne fera qu'entraver l'innovation
créatrice?
Sixièmement, quels sont les critères qui vont guider
l'agence dans le choix des technologies à valoriser? Quels sont les
domaines jugés prioritaires par le
gouvernement, mentionnés à l'article 17.1? Ces objectifs
tiennent-ils compte d'industries-clés spécifiques, du
développement régional, de la création d'emplois, des
exportations clés dans l'accroissement du dollar, des relations avec les
institutions éducatives et autres programmes existants afin
d'éviter les chevauchements? Tiennent-ils compte de la coordination avec
le secteur privé? Le projet de loi est muet sur ces points
importants.
Septièmement, M. Eric Jones, du Centre de recherche Noranda, dans
une lettre qu'il m'adressait le 28 juin 1983, dit ceci: "The cost of research
and development is approximately 20% of the total cost of getting a new product
or process on the market. Commercializing the results of research and
development is the biggest and most costly step. Very seldom is the output of a
research and development organization suitable for manufacturing and marketing.
It must be redesigned and rebuilt for production. Then there are the marketing
costs. There is a gap between the laboratory prototype and the manufacturing
prototype. Assistance in narrowing this gap would go a long way to encouraging
manufacturing and jobs. An organization such as the Centre de recherche
industrielle du Québec could play a role in narrowing the gap."
Ma question est celle-ci: Comment l'agence pourra-t-elle remplir cette
ouverture, ce trou critique, que ce soit directement ou indirectement?
Huitièmement, est-ce que l'interprétation que le
gouvernement donne à l'article 17.5: "d'encourager la prise en charge
par la société québécoise de son propre
développement en recherche industrielle, de même que la
maîtrise de son développement technologique", conduira à
l'ingérence du gouvernement dans le milieu industriel et dans le milieu
universitaire? (11 heures)
Neuvièmement, qui devrait siéger au conseil de direction,
faisant en sorte que l'agence soit libre de l'ingérence excessive du
gouvernement et représentative des milieux concernés? Le pouvoir
de directive du ministre de la Science et de la Technologie ne devrait-il pas
être réduit afin d'intensifier l'autonomie de l'agence?
Dixièmement, comment l'agence s'apparentera-t-elle aux programmes
du gouvernement du Canada parrainés par le ministre de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme et le ministre de la Science et de la Technologie?
Onzièmement, comment l'agence se rattachera-t-elle aux
activités des ministres québécois des Affaires
intergouvernementales et du Commerce extérieur? Ces relations ne
devraient-elles pas être mieux définies dans le but
d'atténuer les conflits interministériels qui se produiront
inévitablement?
Douzièmement, quelles seront les sources de financement
disponibles à l'agence? Quels sont les revenus anticipés selon
l'article 17.4 qui dit: La fonction de susciter la participation
financière des particuliers, des sociétés et des
corporations à ses activités de valorisation industrielle de la
recherche?
Treizièmement, puisque l'agence est apparemment modelée
sur l'ANVAR, l'Agence nationale de valorisation de la recherche en France, et
sur la NRDC, The National Research Development Corporation in Britain, quels
ont été les exploits de ces agences et que pouvons-nous apprendre
de leurs erreurs?
Quatorzièmement, comment pouvons-nous garantir que le personnel
de l'agence est composé de spécialistes compétents qui
comprennent la complexité du développement technologique et de
son application et qui ont fait leurs preuves dans le domaine du commerce et de
la recherche, tant domestique qu'international?
M. le Président, ce ne sont là que quelques questions
concernant l'Agence de valorisation industrielle de la recherche. Nous
souhaitons trouver des réponses à ces questions ainsi qu'à
d'autres, à la suite des discussions que nous aurons au cours des
prochains jours. Étant donné l'importance de l'innovation pour
notre avenir économique, j'aimerais affirmer notre volonté
d'aborder ce projet de loi dans un esprit constructif. Cependant, nous devons
toujours nous rappeler que toute initiative gouvernementale dans le champ du
développement scientifique et technologique doit être
conçue prudemment afin de faciliter l'innovation et non pas,
malgré toutes les bonnes intentions, lui nuire. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): Merci, Mme la
députée. J'inviterais M. le ministre qui a probablement quelques
remarques à faire.
Réponse du ministre
M. Paquette: M. le Président, très très
brièvement, parce que je pense qu'il est important que nous commencions
à entendre les intervenants de cette commission. Simplement parce qu'il
faut le faire techniquement, je vais déposer officiellement trois
lettres que nous avons reçues au sujet de ce projet de loi de
façon qu'elles soient portées à l'attention des membres de
la commission. L'une provient de Marine Industrie, l'autre, des Entreprises GSD
et la troisième, de l'Université Laval.
Le Président (M. Brouillet): Nous recevons ces lettres
pour dépôt?
M. Paquette: Oui. J'ajouterais simplement un commentaire, M. le
Président. Je comprends que Mme la députée de
Jacques-Cartier se pose énormément de
questions sur le projet de loi. Je n'ai jamais vu une avalanche aussi
fertile de questions de toutes sortes. Il va sans dire que nous nous sommes
posé les mêmes questions. J'ai répondu à certaines
d'entre elles dans mon exposé, mais je pense que c'est maintenant aux
intervenants de cette commission de répondre à ces questions et
à d'autres.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci.
Alors, j'invite le porte-parole de l'École polytechnique à nous
présenter son mémoire. S'il veut bien tout d'abord
s'identifier.
Auditions École polytechnique
M. Doré (Roland): Roland Doré, directeur de
l'École polytechnique.
Le Président (M. Brouillet): Bien, merci. Vous avez la
parole.
M. Doré: M. le Président, madame, messieurs les
membres de la commission, je n'ai pas l'intention de lire en entier le
mémoire qu'a préparé l'École polytechnique, parce
que je suppose que vous avez eu l'occasion de le parcourir. Ce mémoire a
été préparé par le directeur de la recherche de
l'École polytechnique en consultation avec des membres de notre milieu.
Donc, c'est bien la position de l'École polytechnique et non pas d'une
personne.
Permettez-moi, cependant, de souligner les grandes lignes de notre
projet. D'abord, peut-être la conclusion la plus importante, c'est que,
globalement, l'École polytechnique appuie le projet
présenté par le ministre de la Science et de la Technologie
visant à créer l'AQVIR. C'est à titre de première
faculté d'ingénierie au Québec et de seconde au Canada que
l'École polytechnique présente son point de vue. Son
caractère d'institution autonome affiliée à
l'Université de Montréal et en étroite relation avec
l'industrie et les ministères à vocation économique la
place dans une situation privilégiée pour faire part de ses
propres réactions sur le projet de loi 37.
Avant de passer aux commentaires spécifiques sur le texte de loi,
j'aimerais très brièvement présenter l'École
polytechnique et faire part à la commission des activités qui,
dans le passé, se sont apparentées aux fonctions de l'agence
éventuelle. L'École polytechnique a été
fondée en 1873; elle a donc 110 ans d'existence. Elle compte
actuellement 3500 étudiants à temps plein dont 600 à la
maîtrise et au Ph. D. Elle compte un corps professoral de 180 professeurs
et aussi 75 professionnels de recherche avec des diplômes qui,
normalement, se situent au niveau de la maîtrise et du doctorat. C'est
donc, avec son corps professoral, son groupe de professionnels de recherche
ainsi que ses quelque 600 étudiants, comme je le disais, à la
maîtrise et au doctorat, qui sont tous des professionnels, que
l'École polytechnique est peut-être au Québec le plus grand
bastion de recherche appliquée.
Son budget est de 37 000 000 $ dont 24 000 000 $ proviennent des frais
de scolarité et de la subvention d'équilibre du ministère
de l'Éducation. C'est donc qu'il reste 13 000 000 $ qui nous proviennent
d'activités autres que les activités propres d'enseignement et la
majorité de ces 13 000 000 $ sont associés à des
activités de recherche appliquée.
L'École polytechnique a connu, au cours de ces 110 années,
quatre phases distinctes dans son évolution. Dès le début,
en 1873, elle s'est donné la mission de formation de professionnels de
haute qualité pour satisfaire les besoins du Québec. Mais ce
n'est qu'en 1965 que l'École polytechnique a pris conscience qu'elle
n'était peut-être pas à la hauteur des institutions
universitaires comparables dans le monde par le manque d'efforts qu'elle
dirigeait vers l'avancement des connaissances. Donc, en 1965, l'École
polytechnique s'est donné comme objectif, en plus de celui de la
formation, celui de l'avancement des connaissances. En 1970, cet objectif s'est
concrétisé par la création de la direction de la recherche
à l'École polytechnique et par la création de certaines
infrastructures qui lui permettaient de mieux assurer des liaisons avec le
milieu industriel. J'en reparlerai tout à l'heure.
La quatrième phase de son évolution est toute
récente; elle a débuté en 1980 lorsqu'en plus des
activités de recherche, de développement et de transfert des
technologies qu'elle avait amorcées au début des années
soixante-dix, l'École polytechnique s'est donné la mission
d'oeuvrer de plus en plus dans le secteur des innovations industrielles et de
l'"entrepreneurship" technologique. Bien sûr, cette quatrième
phase s'est concrétisée par l'appui que l'École
polytechnique a donné à la création du Centre d'innovation
industrielle de Montréal.
Aujourd'hui, en 1983, l'École polytechnique de Montréal
fait partie du système productif du pays. On se considère comme
un maillon très important de ce système productif, pas seulement
parce que nous formons la matière grise qui est peut-être notre
matière première la plus importante actuellement - si on regarde
les années futures, c'est bien sûr que les connaissances seront
à la base du développement économique des pays - mais
aussi par sa préoccupation de faire concorder ses activités de
recherche et ses activités de réflexion avec les besoins du
monde
industriel.
Donc, je parlais du début des années soixante-dix comme
étant une étape où l'école a réalisé
qu'elle devait accentuer ses activités de recherches, de
développement -je parle de recherche appliquée, bien sûr,
puisque nous sommes une école d'ingénieurs -et de transfert
technologique. Nous avons décidé durant ces années de
créer des infrastructures de recherche appliquée, des
infrastructures de transfert technologique et je parle ici du Centre de
développement technologique dont on fait mention dans la brochure
décrivant l'AQVIR, et de l'Institut de recherche en exploitation
minérale, qui est un institut conjoint avec l'Université McGill,
qui a les mêmes fonctions que le Centre de développement
technologique mais dans un secteur bien spécifique des activités
industrielles, c'est-à-dire celles des ressources minérales. Nous
avons créé aussi une autre infrastructure qui nous permet de tels
transferts technologiques. C'est le CINEP, c'est-à-dire le Centre
d'ingénierie nordique de l'École polytechnique qui a comme
fonction, bien sûr, d'oeuvrer dans les applications touchant le Nord,
l'utilisation des machines et d'autres systèmes dans le Nord
québécois. Je reviendrai sur le rôle du CDT et de l'IRAM
très brièvement. En 1980, comme je le disais tout à
l'heure, dans la quatrième phase de notre évolution, nous avons
aidé à créer le CIIM.
Que sont le CDT et l'IRAM? Ce sont deux organismes qui ont la même
fonction. En fait, ce sont des organismes d'administration de la recherche
appliquée, de la recherche contractuelle. Ce sont, si vous voulez, des
portes ouvertes vers les autres secteurs, ceux-ci étant l'industrie et
les ministères qui peuvent vouloir avoir accès aux ressources de
l'école. Nous ne sommes pas la seule institution universitaire du
Québec qui ait de tels organismes. Je crois que l'Université
McGill et l'École polytechnique sont les deux seules institutions
universitaires du Québec qui ont des organismes bien identifiés
qui doivent répondre aux besoins des secteurs autres que le secteur
universitaire.
Le CDT et l'IRAM sont des organismes, comme je le disais, qui oeuvrent
en recherche contractuelle. Ce sont des organismes d'administration,
c'est-à-dire qu'il n'y a pas de chercheurs associés à ces
centres mais ces organismes vont chercher dans les départements de
l'école les ressources soit humaines soit de laboratoire qui permettent
de répondre à un certain besoin qui a été
identifié, par exemple, par une industrie. Donc, une industrie vient
voir le directeur du centre, du CDT par exemple, et lui dit: Voici, j'ai tel
problème, je veux soit faire de l'évaluation technique d'un
produit, soit faire un développement particulier. Est-ce que vous pouvez
nous aider? Le directeur peut dire oui ou non ou je pense ou j'essaierai de
voir si on peut former une équipe. Il forme une équipe dans
plusieurs ou un département et peut répondre de cette
façon-là aux besoins identifiés par l'industrie.
Donc, le CDT permet la recherche et le développement
associés à la mise au point de produits et de systèmes. Il
a eu, au cours de l'année 1982-1983, 2 300 000 $ de contrats. Ce n'est
pas un gros centre de recherche appliquée mais c'est quand même
ceci et nous avons oeuvré dans 300 projets différents avec 300
commanditaires différents qui sont, pour la grande majorité, des
industries.
Pourquoi j'insiste sur le rôle du CDT? C'est parce que c'est
là un organisme qui pourrait très bien s'insérer dans le
processus d'innovation industrielle tel que décrit par le projet de loi
et par la brochure. Bien sûr cela ne couvre pas toute la gamme de
l'innovation mais certainement des besoins qui pourraient être
associés à la mise au point ou l'avancement technologique d'un
certain produit ou d'un certain procédé.
L'IRAM est un organisme semblable, comme je l'ai dit tout à
l'heure, qui a été créé conjointement par
l'École polytechnique et par l'Université McGill et qui oeuvre
dans le domaine de l'évaluation du potentiel minier. En fait, c'est
principalement le domaine d'activité, évaluer le potentiel minier
d'un certain secteur ou d'une certaine région en particulier. (11 h
15)
Le CDT oeuvre pour - comme je le disais tout à l'heure - environ
300 partenaires différents par année au Québec
principalement, mais aussi au Canada, aux États-Unis et dans quelques
autres pays. Pour ce qui est de l'IREM, ses activités se sont
situées principalement en dehors... C'est-à-dire qu'il a
oeuvré aussi pour des compagnies ayant leurs activités au
Québec, mais la majeure partie de ses activités ont
été faites pour des compagnies en dehors du Québec,
c'est-à-dire au Canada, aux États-Unis, en Australie, au
Brésil et dans certains autres pays du monde.
C'est pour vous dire que l'école, par ces organismes, a quand
même une certaine expérience d'ouverture sur le milieu qui est le
nôtre, mais aussi sur d'autres milieux.
Pour ce qui est du CIIM, je voudrais tout simplement souligner quelques
idées, parce que le CIIM doit présenter son mémoire
demain, comme on l'a déjà mentionné. Le CIIM est issu de
l'École polytechnique, mais c'est un organisme complètement
indépendant de l'École polytechnique. Il possède son
propre conseil d'administration qui est enregistré suivant la
troisième partie de la Loi sur les compagnies, donc un organisme sans
but lucratif, qui est dirigé par un conseil
d'administration qui est en très grande majorité
formé d'industriels, de financiers, donc d'éléments qui
sont en dehors de l'École polytechnique; son président est
actuellement le président de la corporation de l'École
polytechnique, mais d'ici peu, son président sera fort probablement
quelqu'un de l'extérieur de notre milieu. Les employés du centre,
à l'exception d'une personne, le directeur, sont des gens qui ne
proviennent pas des milieux universitaires.
C'est donc dire que - j'insiste sur ce point - le CIIM n'est pas un
organisme universitaire bien qu'il soit issu de notre milieu. Il est
actuellement logé dans nos murs, mais d'ici à quelques
années, le CIIM sera logé à l'extérieur de
l'École polytechnique parce qu'on pense que ce serait peut-être...
Je dis: On pense. L'école pense et le CIIM pense aussi - parce que ce
sont deux organismes différents - que sa visibilité
vis-à-vis des milieux autres que les milieux universitaires pourrait
gagner au fait que ce centre soit placé à l'extérieur de
l'École polytechnique.
Alors la mission du CIIM - vous allez en entendre parler - très
brièvement, c'est la commercialisation des inventions et aussi la
participation à la formation des étudiants, formation d'un aspect
bien particulier, c'est-à-dire donner le goût d'être
innovateur, donner le goût d'être entrepreneur, donner ce
goût aux étudiants en génie, aux étudiants en
sciences commerciales et aux étudiants en design industriel. Tous ces
étudiants sont mêlés actuellement aux activités du
CIIM et reçoivent des enseignements de professionnels du CIIM, donc
participation à la formation de ces étudiants.
Je voudrais maintenant, M. le Président, si vous le permettez,
souligner les réactions particulières de l'École
polytechnique vis-à-vis du projet de loi 37. J'ai voulu faire cette
longue introduction pour vous montrer que l'école est très bien
placée pour réagir au projet de loi et a quand même eu dans
le passé des activités qui s'apparentaient à certaines
fonctions prévues de l'agence.
Je voudrais lire et peut-être commenter très
brièvement les pages 13 à 16 du mémoire. Comme je le
disais au tout début, l'école appuie globalement le projet de loi
présenté par le ministre à la Science et à la
Technologie. L'école considère que les fonctions et les pouvoirs
accordés à l'AQVIR sont pertinents. Elle propose cependant
quelques amendements et cela, dans un but constructif.
Premièrement, à l'instar de la CREPUQ, qui va faire une
présentation semblable, nous proposons que la composition du conseil
d'administration de l'agence prévoie explicitement la nomination de
membres provenant des milieux de la recherche universitaire appliquée.
Nous aurions pu faire des suggestions de représentation provenant
d'autres milieux, mais on a pensé qu'on devait prêcher pour notre
paroisse et laisser les autres prêcher pour la leur.
Une remarque très importante, en page 14, sur la première
fonction prévue pour l'agence. Nous pensons qu'il serait
préférable de scinder ce premier alinéa de l'article 17 en
deux. Plutôt que d'avoir le texte qui se lit: "de prospecter les milieux
de la recherche dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement
en vue d'identifier des idées et des technologies nouvelles à
valoriser dans des produits et des procédés nouveaux et de mettre
au point des mécanismes relatifs à leur transfert et à
leur valorisation", nous pensons qu'il serait sage de scinder la partie sur la
prospection et recherche d'idées de la partie sur la valorisation. Nous
proposons un texte ici qui pourrait être formé de deux
alinéas: "de consulter les milieux de la recherche en vue d'identifier
des idées et des technologies nouvelles à valoriser dans des
produits et des procédés nouveaux". Nous voulons utiliser d'abord
le mot "consulter" parce qu'on dit que l'agence devrait être partenaire
de groupements, par exemple, partenaire d'industries, partenaire de centres de
recherche, et non pas, si vous voulez, s'imposer de force. C'est pour cela que
nous proposons le mot "consulter" au lieu du mot "prospecter". Mais remarquez
bien que ce n'est pas là l'idée principale de notre intervention.
Et, dans un deuxième temps: "de mettre au point, de concert avec les
milieux actifs en transfert technologique -et, là encore, nous insistons
sur les partenaires qui devraient s'insérer dans ce processus - des
mécanismes relatifs au transfert et à l'innovation des
idées et des technologies nouvelles dans les secteurs d'activités
qu'elle détermine." Nous prenons essentiellement la formulation de cet
alinéa 1° de l'article 17, mais nous le séparons.
Une autre remarque par rapport au contenu de l'article 17.5 . L'article
17.5 est trop globalisant et d'application ambiguë. Globalisant, car le
problème du développement de la recherche industrielle est
très différent selon qu'il s'agisse d'une entreprise
multinationale, d'une PME, d'un bureau d'ingénieurs-conseils, d'un
centre de recherche ou d'une université. Ambiguë, car la prise en
charge par la société québécoise de son propre
développement en recherche industrielle peut s'interpréter selon
les lectures comme un énoncé de stratégie industrielle,
comme un outil de planification (dirigiste ou incitative), soit encore comme
une menace de nationalisation. On y est peut-être allé un peu fort
là, mais quand même, cela pourrait être
interprété de cette façon.
Donc, nous suggérons plutôt la
formulation suivante: "d'encourager les entreprises privées, les
universités et les centres de recherche québécois à
développer leur potentiel en recherche industrielle -c'est important
surtout pour les universités, le mot "industrielle" y étant -
conformément aux objectifs du gouvernement et afin que la
société québécoise puisse maîtriser son
développement." Donc, nous sommes d'accord avec l'idée, mais on
pense que cette formulation ou une autre qui s'y apparenterait serait
peut-être reçue de façon plus positive par les
partenaires.
La remarque que l'école considère peut-être comme la
plus importante, c'est de réduire dans le texte - je suis à la
page 16 - le nombre de références aux contrôles
gouvernementaux. Nous avons dit "réduire dans le texte", mais il est
bien sûr que nous sous-entendons réduire aussi dans les faits les
contrôles que le gouvernement pourrait vouloir imposer à l'agence.
Selon le texte du projet de loi, l'autonomie de l'AQVIR est souvent
limitée par des dispositions se référant à des
contrôles gouvernementaux. Là, on cite des articles. Ne
pourrait-on pas remplacer l'ensemble de ces références par une
seule phrase ou, au moins, éliminer certaines d'entre elles? Une fois
l'agence créée, le conseil d'administration formé et les
directives gouvernementales données, la loi devrait permettre à
l'AQVIR de fonctionner avec le minimum de lourdeur administrative. On croit que
ces références ou l'obtention de ces permissions alourdirait
certainement le travail de l'agence et pourrait même, dans certains cas,
l'empêcher de fonctionner de façon efficace.
Nous demandons ensuite à l'article e), et non pas d), de se
référer dans le projet de loi explicitement aux organismes
oeuvrant dans le domaine de la valorisation industrielle de la recherche,
oeuvrant actuellement ou pouvant oeuvrer dans le futur dans ce
domaine-là. On aimerait que le projet de loi montre l'intention du
gouvernement que l'AQVIR s'associe aux partenaires qui existent
déjà. Donc, on mentionne ici le CRIQ et la SDI. Il en existe
peut-être d'autres si on considère certains points de vue des
activités d'innovation.
Il y a peut-être une remarque qui n'est pas dans notre
mémoire mais que je me permets de faire ici en terminant. Je ne suis pas
juriste, donc je parle peut-être à travers mon chapeau ici. Dans
un projet de loi qui se veut essentiellement positif, qui se veut un projet de
loi qui invite jusqu'à un certain point les partenaires autres que le
gouvernement à s'intéresser à cette question-là,
à s'y intéresser de plus en plus et devenir les partenaires de
cette agence, est-il nécessaire d'avoir une section intitulée
"Sanctions", qui à mon point de vue et au point de vue de l'école
n'apporte rien de positif au projet de loi? Peut-être que c'est
nécessaire, je ne sais pas.
M. le Président, voici la position de l'École
polytechnique vis-à-vis de ce projet de loi. Nous sommes disposés
à répondre aux questions ou interagir avec la commission.
Le Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M.
Doré. J'inviterais maintenant les membres de la commission qui auraient
des questions à poser. M. le ministre, je crois.
M. Paquette: Oui, M. le Président, j'aimerais remercier le
directeur de l'École polytechnique pour son mémoire substantiel
et également les recommandations pertinentes qu'il nous propose pour
améliorer le projet de loi. J'aimerais également le remercier de
l'appui qu'il apporte à ce projet de loi. Je pense que l'École
polytechnique, comme vous l'avez souligné, M. le directeur, est au
centre des connaissances particulièrement utiles au développement
économique du Québec et la création des organismes, au
sein de l'École polytechnique, que vous avez mentionnés en
témoigne.
J'aimerais vous poser d'abord une question sur le Centre de
développement technologique. On lit à la page 7 du mémoire
que le Centre de développement technologique est un centre de gestion de
recherche industrielle, sans but lucratif, offrant des services de recherche et
de développement technologique et d'essais en laboratoire à
l'industrie privée et aux agences gouvernementales.
Vous avez mentionné que ce centre était en contact avec
environ 300 partenaires différents. Sauf erreur - vous me corrigerez si
cela n'est pas le cas - il s'agit surtout de petites et moyennes entreprises.
En ce sens, on peut avoir l'impression que le Centre de développement
technologique oeuvre dans ce qui constitue le principal secteur d'excellence du
Centre de recherche industrielle du Québec.
Est-ce qu'on évalue mal la situation en disant que le Centre de
développement technologique est, un peu comme le CRIQ, un service qui
permet de mettre l'expertise de l'École polytechnique et d'en faire
profiter les entreprises en général mais surtout les petites et
moyennes entreprises du Québec? C'est la première question.
La deuxième, le Centre de développement technologique est
donc un agent de développement technologique. L'École
polytechnique a été à l'origine de la création du
Centre d'innovation industrielle de Montréal. Qu'est-ce qui vous a
amené à créer deux organismes différents
plutôt qu'un seul? Je vous pose cette question-là parce que c'est
une question qu'on doit se poser ici face à ce projet de loi.
M. Doré: M. le ministre, pour ce qui
est de votre première question si on considère le nombre
de partenaires que nous avons par année dans des projets associés
au CDT, c'est sûr que la majorité de ces partenaires - donc de ces
300 partenaires -sont des PME, je dirais 250. Si on parle du chiffre
d'affaires, ce n'est plus le cas. Donc avec les PME, si vous le voulez, on fait
un peu fonction de conseiller, de grand frère, de dépanneur, de
centre de dépannage. Donc, on travaille à perte. Le CDT
s'autofinance mais ne s'autofinance pas par notre action auprès des PME.
Donc, je dirais que c'est dans la proportion de 250 - 50. Les projets avec les
PME sont des projets de 500 $, 1000 $, un petit essai là, un petit
conseil ici, tandis que les projets avec la grande industrie, les
ministères c'est 50 000 $, 100 000 $ et des fois jusqu'à
plusieurs millions de dollars et qui s'échelonnent sur plusieurs
années. C'est pour répondre à une partie de votre
première question.
Maintenant vous vous êtes aussi questionné sur, si vous le
voulez, le chevauchement des missions entre le CRIQ et le CDT. Il est
évident que nous avons des expertises et on ne peut pas dire que
l'École polytechnique est experte dans tous les domaines, tout comme le
CRIQ ne peut pas prétendre être expert dans tous les domaines.
Nous avons réalisé ceci, le CRIQ et l'École polytechnique,
et nous avons signé il y a trois ans un protocole d'entente qui a comme
objectif la mise en commun lorsque ceci est nécessaire des effectifs et
des ressources dans les deux institutions de façon à pouvoir
répondre à des besoins auxquels chacune des institutions ne
pourrait pas satisfaire. Ensuite, pour se faire de bonne grâce des
échanges d'information; lorsqu'on ne peut pas remplir un mandat, c'est
évident qu'on refile l'information tout de suite au CRIQ, et
inversement. Donc, malgré les heurts qu'il y a eu au cours des
années soixante-dix entre les deux organismes, heureusement tout ceci a
débouché sur une collaboration qui est des plus positives. On
s'en trouve bien et le CRIQ aussi. (11 h 30)
Maintenant, pourquoi deux organismes: CDT et CIIM? La raison est simple.
Lorsqu'on fait du transfert de technologie ou du développement
technologique, on pense qu'on a un bon paquet de ressources pour satisfaire ces
besoins. On avait à l'interne, à l'École polytechnique,
les ressources pour satisfaire bon nombre des requêtes nous provenant de
l'extérieur. On a donc formé le CDT. On n'avait pas pris
conscience, au début des années soixante-dix, qu'il serait
peut-être bon aussi d'essayer de faire une valorisation industrielle de
la recherche. Au début, on a créé le CDT. En 1980,
lorsqu'on a pris conscience d'une mission différente, si on voulait
faire partie du système productif, on s'est dit qu'il fallait faire
autre chose; il faut aider les chercheurs, il faut aider les inventeurs et
essayer de les pousser plus loin, mais on n'a pas les ressources à
l'interne pour faire cela. On est obligé d'aller à l'externe et
d'engager des gens qui ne sont pas des gens avec le profil d'un professeur
d'université. Ce n'est pas un professeur d'université qui va
faire une valorisation industrielle de la recherche, c'est bien évident.
On a donc dit: On peut peut-être être le catalyseur, on peut
peut-être être la bougie d'allumage pour ce nouveau type
d'activité, tout en réalisant qu'il fallait éventuellement
que cela sorte de l'université. On se rend compte que, d'ici à
quelques années, il faudra que cela sorte de l'université.
Il y a, bien sûr, pour l'École polytechnique, un avantage
précieux à ce que ce soit tout près de nous, mais, si on
veut le garder tout près de nous, ce sera quelque chose qui va
être tout près de nous, juste pour nous et cela ne servira pas
à beaucoup de gens. C'est la raison pour laquelle on a formé deux
organismes au départ. Il faut que je vous dise que le CIIM est issu du
CDT. On a commencé ce genre d'activité en 1976 et à un
moment donné, on s'est dit qu'il s'agissait de deux missions totalement
différentes. Il faut que le CIIM soit indépendant de
l'école. Il faut que cela soit indépendant. Notre bailleur de
fonds - vous savez qu'on est alimenté dans une large proportion
actuellement par le ministère fédéral de l'Industrie et du
Commerce -exigeait aussi que ce soit... On pense que son exigence était
tout à fait motivée.
Une dernière petite remarque. Le CDT n'est pas un organisme
indépendant; c'est tout simplement un organisme interne à
l'École polytechnique.
M. Paquette: Maintenant, tant dans les activités du CDT
que dans les activités du CIIM - on aura l'occasion d'y revenir plus
à fond avec les représentants du CIIM demain après-midi -
diriez-vous... Je regarde les contrats de recherche obtenus à
l'École polytechnique à la page 10 et on a aussi une idée
des projets soumis au Centre d'innovation industrielle de Montréal.
Lorsqu'on arrive au niveau de la valorisation de la recherche - je ne parle pas
du développement technologique que les ressources de l'École
polytechnique peuvent assumer face aux entreprises - lorsqu'il s'agit de faire
en sorte que des innovations soient prises en charge par des entreprises,
j'aimerais que vous me disiez quelle est l'expérience de l'École
polytechnique dans ce domaine-là, lorsqu'on essaie de passer de
l'idée de l'invention à sa commercialisation. Est-ce qu'il y a
des besoins qui ne sont pas satisfaits? Est-ce qu'on couvre tous les besoins?
Est-ce que les capitaux de risque sont faciles à dégager?
J'aimerais que vous
nous donniez une idée de l'expérience de l'école
dans ce domaine.
M. Doré: C'est un processus extrêmement difficile.
Je peux vous en parler parce que j'ai personnellement été
impliqué dans un projet de valorisation industrielle de la recherche. En
tant que chercheur universitaire, on a obtenu un brevet dans une équipe
et on a essayé d'intéresser l'industrie. C'est extrêmement
difficile. Notre expérience - je me permets de prendre une
expérience personnelle, c'est peut-être plus coloré - a
débuté en 1979 dans le domaine du génie biomédical
où on a développé un produit qui intéressait les
médecins; mais c'était d'intéresser les compagnies qui
fabriquent ces produits, c'était un produit qui n'était pas
nécessairement facile à fabriquer. Donc, cela a été
extrêmement difficile et nous avons été sauvés -
parce que, finalement, on a pu faire un transfert à l'industrie, mais
pas au Québec. On a été obligé de le faire à
l'extérieur parce que, au Québec, c'était tellement
difficile de le faire et on avait tellement peu de moyens qu'il a fallu aller
voir de grosses multinationales qui sont à l'extérieur du
Québec. On l'a fait principalement parce que ceci a coïncidé
avec la naissance de l'intérêt, à l'intérieur de
l'école, d'activités de celles qui s'apparentent au CIIM. Donc
c'est l'embryon de personnes qui a mis sur pied le CIIM qui nous a aidé
à faire cela. Si on n'avait pas eu cela on n'aurait jamais
été capable de faire un transfert. Malheureusement, on ne l'a pas
fait au Québec, parce qu'il n'y a pas de compagnies dans le domaine
pharmaceutique au Québec dans le domaine orthopédique. Donc, nous
l'avons fait avec les maigres ressources qu'on avait et qui sont là
encore au CIIM, mais qui peuvent répondre peut-être à une
dizaine ou une quinzaine de projets simultanément, mais c'est tout.
Pour répondre spécifiquement à votre question, les
ressources sont peu nombreuses et il faut certainement faire un effort pour
augmenter ces ressources humaines qui peuvent permettre ce transfert, cette
valorisation industrielle.
M. Paquette: Diriez-vous que le plus important c'est l'appui
technique que peuvent apporter ces personnes ou si c'est plutôt le
financement des premières étapes qui mènent à la
valorisation?
M. Doré: L'appui financier est très important, mais
ce qui est peut-être plus important c'est de pouvoir, au départ...
Là, je parle non comme un expert, mais tout simplement comme quelqu'un
qui a eu une expérience. Je vais laisser aux représentants du
CIIM le soin de parler comme experts, ils sont mieux placés que moi.
L'étape la plus difficile c'est d'identifier une invention -quand je
parle d'une invention, je parle d'une idée - qui va trouver
débouché sur les marchés. Les gens se trompent, on a
parlé tout à l'heure de 7% des projets qui ont un
intérêt et il y a seulement un de ces 7% qui finalement
débouche sur des activités économiques
intéressantes, donc pour les six autres on s'est trompé. C'est
peut-être l'étape la plus difficile et qui demande beaucoup
d'investissements pour faire des recherches de marché, des recherches
d'opportunité, d'évaluation de faisabilité technique, mais
de faisabilité aussi de marché, c'est très difficile.
Lorsqu'il est démontré que le produit en laboratoire ou si
vous voulez en prototype semi-industriel fonctionne et qu'il y a un
marché, c'est relativement facile d'obtenir des capitaux lorsque la
démonstration est bien faite.
M. Paquette: J'en arrive aux propositions que vous faites quant
à certains articles du projet de loi. À la page 14, vous proposez
de scinder l'article 17.1 en deux parties. Effectivement, il y a deux
idées dans ce paragraphe, l'une c'est la prospection des milieux de
recherche dans les domaines jugés prioritaires par le gouvernement et
l'autre c'est la mise au point de mécanismes relatifs à leur
transfert et à leur valorisation. C'est une suggestion que nous allons
étudier avec intérêt.
Cependant, au bas de la page, vous affirmez que le texte du projet de
loi laisse supposer que l'agence ne s'occupera de valoriser que les
technologies se trouvant a priori dans les domaines fixés par le
gouvernement. Je vous avoue que telle n'est pas notre intention,
première chose. Je me demandais qu'est-ce qui, dans le projet de loi,
vous permet d'en arriver à cette affirmation? Parce qu'à
l'article 17.1 on dit que, bien sûr, la prospection se fait dans des
domaines jugés prioritaires par le gouvernement. La raison est
relativement simple: on a publié une politique de développement
économique qui s'appelle Le virage technologique. On a identifié
un certain nombre de secteurs d'avenir et, si le gouvernement veut être
conséquent, il va demander à l'agence d'être plus attentive
à certains secteurs plutôt qu'à d'autres. Mais, lorsque
vient le temps de choisir les projets valorisés - c'est peut-être
pour cela qu'il serait utile de scinder les deux articles, je ne sais pas -
à l'article 20, on dit: "L'agence peut accorder une aide
financière, aux conditions et selon les limites qu'elle croit devoir
fixer, pour la réalisation de projets de valorisation de la recherche
dans les secteurs d'activités qu'elle détermine."
La question, si je comprends bien, c'est surtout la formulation de
l'article 17.1 qui
vous incite à croire qu'on exclurait certains projets de
valorisation qui ne seraient pas dans des secteurs déterminés par
le gouvernement.
M. Doré: En fait, qu'on favorise certains secteurs
lorsqu'on veut valoriser des choses, on n'est pas contre cela. On n'est pas
contre l'idée générale du premier paragraphe. Ce qu'on
suggère, c'est qu'on devrait prospecter tous les domaines. Si l'on
prospecte, que l'on prospecte. Qu'est-ce qui nous dit, qu'est-ce qui nous
garantit que -parce que cela peut prendre dix ans pour valoriser quelque chose
de façon industrielle les domaines qu'on aura identifiés
aujourd'hui seront importants dans dix ans? Il y a peut-être des gens qui
ont des idées fantastiques et qui pourraient transmettre leurs
lumières à des gens qui regardent cela et qui disent: Oui, cela
va peut-être être bon dans cinq ans, mais aujourd'hui, ce n'est pas
pertinent du tout. Donc, c'est dans ce sens-là. Ce qu'on suggère,
nous, c'est tout simplement de dire: Prospectons dans tous les domaines. Et
après, pour tout de suite, si on veut mettre de gros efforts,
mettons-les peut-être dans des secteurs qu'on aura identifiés.
Mais, si jamais on s'aperçoit qu'il y a autre chose que ces
secteurs-là, qu'il y a de bonnes idées dans ces autres secteurs,
on devrait peut-être s'interroger. C'est pour cela que l'esprit du
premier paragraphe de l'article 20 nous plaît beaucoup plus que la
formulation - peut-être que l'intention n'est pas là - telle
qu'exprimée dans le premièrement de l'article 17.
M. Paquette: Je pense qu'on est d'accord sur l'esprit et sur la
dynamique. Il y a cinq ans, il a fallu qu'il y ait des gens impliqués
dans la recherche ou l'industrie qui déterminent, par exemple, que les
biotechnologies devenaient...
M. Doré: C'est cela.
M. Paquette: ...un secteur prometteur. Et c'est après que
cela s'est retrouvé dans une politique gouvernementale. Il ne faut pas
négliger l'effort d'identification qui a été fait
jusqu'à maintenant. Par contre, il ne faut pas non plus se dire a
priori: On se bouche les yeux et on se concentre uniquement dans...
M. Doré: C'est cela. C'est l'idée qu'on voulait
transmettre.
M. Paquette: D'accord. Très bien.
Dernière question concernant le nombre de
références au contrôle gouvernemental. C'est toujours un
point extrêmement délicat, et ce sont souvent les mêmes
personnes qui nous disent: Vous n'avez pas assez de contrôle sur vos
sociétés d'État; c'est le public qui est actionnaire;
c'est payé avec des fonds publics. Et on nous reproche de ne pas jouer
suffisamment notre rôle de mandataire du public. Et quand on arrive dans
des projets de loi, on nous dit: Vous prévoyez trop de contrôle du
gouvernement sur les organismes parapublics que vous créez. Alors, je
pense qu'il faut trouver un équilibre entre ces deux critiques que nous
font souvent les mêmes personnes d'ailleurs.
J'aimerais creuser cet aspect avec vous un peu plus. Vous mentionnez
particulièrement les articles 20, 21, 22 et 24 du projet de loi. Plus
précisément, quels sont les articles où il vous semble que
le contrôle du gouvernement ou du ministre soit excessif? Quels sont les
articles plus particulièrement qui devraient être modifiés?
(11 h 45)
M. Doré: Écoutez! Notre remarque, en fait, touche
l'esprit qui se dégage. Que ce soit fait d'une façon ou d'une
autre, je ne suis pas très bien placé pour en discuter; il s'agit
d'alléger ce qui semble être un contrôle
exagéré à notre point de vue. Maintenant, ce qui nous a
guidés dans cette remarque générale, c'est le fait qu'on a
affaire ici à quelque chose d'innovateur; on veut que ce soit quelque
chose d'innovateur et on veut que nos partenaires réalisent qu'on a des
moyens innovateurs à notre disposition. Cela veut dire que le moyen que
j'ai pris hier, que j'ai imaginé hier comme étant le bon, ce
n'est peut-être pas celui qui va être le bon demain dans une autre
situation. Donc, si on veut créer une agence qui a comme objectif de
valoriser l'innovation, qu'on lui laisse les moyens d'être innovatrice.
Qu'on la contrôle, bien sûr, périodiquement - c'est
sûr qu'un organisme comme l'agence doit rendre des comptes - et, si elle
n'a pas un bon rendement lors de cette évaluation, qu'on s'arrange pour
la réorienter. Il y a beaucoup de moyens que vous connaissez et qu'on
peut imaginer pour cela. Mais, entre-temps, laissons-la avec ses moyens
innovateurs. C'est tout simplement cela, l'idée. Puis, on a
souligné des articles. Je ne sais pas comment rendre cette
idée-là, mais on a dit que, peut-être, c'est trop quatre
fois.
M. Paquette: Je vais être un peu plus précis: il y a
l'article 20 en particulier.
M. Doré: Le dernier paragraphe, M. le ministre, dit:
"L'agence peut pareillement accorder son aide financière suivant tout
autre moyen autorisé par le gouvernement."
M. Paquette: Oui.
M. Doré: II me semble que c'est enlever une latitude
à une agence qui devrait en avoir.
M. Paquette: Vous pensez qu'on ne devrait pas limiter a priori
les formes d'aide.
M. Doré: Mais non!
M. Paquette: Les autres paragraphes concernent plus le montant de
l'aide. Ce qu'on dit, c'est qu'il y aurait un règlement qui dira qu'en
bas d'un certain montant il faut passer par l'autorisation du ministre et, si
le montant est plus élevé, c'est l'autorisation du gouvernement.
Mais en bas d'un certain montant, l'agence peut dépenser librement en
fonction des projets qu'elle décide de valoriser. Mais ce n'est pas
tellement, si je comprends bien, sur ce mécanisme qui dit
qu'au-delà d'un certain montant il doit y avoir approbation
gouvernementale. C'est plutôt que vous ne voudriez pas qu'on limite les
formes d'aide a priori.
M. Doré: Les formes d'aide. Les autorisations, cela peut
aller vite, mais cela peut aller lentement. À ce moment, c'est une
entrave à l'action, parce que c'est un organisme d'action. Si les gars
commencent à avoir les deux pieds dans la même bottine, ils vont
se buter contre un mur. Ce sont des gens qui vont devoir être très
dynamiques dans leur pensée et dans leur interaction avec leurs
partenaires. Il faut leur laisser le maximum d'autonomie. Bien sûr, il
faut des contrôles.
M. Paquette: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: J'aimerais vous remercier, M. le directeur de
l'École polytechnique, pour vos remarques, surtout pour votre excellent
mémoire. J'aimerais souligner à quel point nous apprécions
les amendements importants que vous avez formulés. La justification que
vous avez donnée de la nécessité de réduire les
contrôles du gouvernement nous semble très importante et aussi,
relativement a l'article 17.1 que nous venons de discuter, je crois que
l'amendement que vous avez formulé améliore d'une façon
importante la première fonction du projet de loi.
Je note que vous avez supprimé - cela rejoint les questions du
ministre - les mots "dans les domaines jugés prioritaires par le
gouvernement". Croyez-vous que dans la loi on devrait peut-être
préciser les objectifs de l'agence, les critères, si vous voulez,
comme on l'a fait dans la loi qui a créé la SDI par exemple. Pour
le développement régional, est-ce un des critères? Est-ce
que c'est pour augmenter les dollars qu'on reçoit du commerce
extérieur?
Vous avez parlé de la liberté, de la
nécessité d'autonomie de l'agence. Comme c'est un organisme
public, est-ce qu'on doit préciser - la loi est tellement vague sur ce
point - certaines orientations ou certains objectifs pour donner des
priorités, pas nécessairement les priorités du
gouvernement dans des domaines mais les priorités comme objectifs, les
résultats qu'on essaie d'atteindre?
M. Doré: Mme la députée, il y aurait
peut-être intérêt à ce que ces objectifs soient
explicités mais il me semble qu'ils sont implicites - vous l'avez dit
dans votre présentation tout à l'heure - de pouvoir
commercialiser les connaissances. C'est cela qu'on essaie de faire ici,
c'est-à-dire prendre des idées et les amener... C'est une
question de survie des pays industrialisés. Ce sera peut-être une
survie de tous les pays au point de vue économique tout à
l'heure.
Je ne sais pas, je ne suis pas expert dans la formulation des lois, mais
est-ce que cela peut être nécessaire d'établir ces
objectifs dans un projet de loi? Peut-être. Il est évident que ce
qu'on essaie de faire c'est de profiter au maximum des idées qui sont
produites ici et d'en profiter pour être compétitif au niveau
international. Tout à l'heure les pays qui ne seront pas
compétitifs au niveau international crèveront tout
simplement.
Je suis d'accord avec votre point de vue sur l'importance de
l'innovation dans ce sens-là. Est-ce que cela doit faire partie d'un
projet de loi? Je ne suis réellement pas expert pour dire ceci. Pour moi
c'était évident mais je suis dans un domaine technologique, donc
je suis peut-être mauvais juge. Je suppose aussi que les gens qui
utiliseront le projet de loi seront intéressés à ce
domaine-là. Donc, est-ce nécessaire ou non? Je ne pourrais pas
répondre.
Est-ce que, comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, il
faudrait établir dans le projet de loi des critères qui
permettraient d'évaluer le rendement de l'agence? Je ne sais pas.
Peut-être. C'est très difficile d'évaluer les
retombées d'une telle agence parce qu'il y a des retombées qui se
calculent au point de vue pécuniaire et d'autres sont des
retombées sociétales qui sont moins palpables, qui sont des
créations d'emplois, des ci, des ça ou une valorisation de tout
un secteur industriel. Peut-être. Cette agence devrait certainement
être évaluée par des critères. Est-ce que ces
critères devraient être établis au préalable ou non?
Je n'ai pas tellement d'idée sur ce point particulier.
Mme Dougherty: D'accord. Encore sur les fonctions. Vous avez
cité un mémoire des ingénieurs du Canada. Leur
première recommandation pour renforcer les relations entre les
universités et l'industrie portait
directement à l'attention des chercheurs les besoins en recherche
de l'industrie. C'est une fonction qui n'est pas précisée dans le
projet de loi. Je me demande si c'est une fonction aussi importante que celle
de prospecter le milieu de la recherche. Donc, ma question est celle-ci: Est-ce
qu'on doit ajouter cette fonction aux fonctions de l'agence et est-ce que c'est
compatible? Est-ce qu'on peut faire les deux choses en même temps?
M. Doré: Je ne vois pas que ce soit là une des
fonctions spécifiques de l'agence que de faire savoir au milieu
universitaire quels sont les besoins de l'industrie. Actuellement, chez les
universitaires, en tout cas ceux de l'École polytechnique, je peux vous
dire qu'il y a un changement très rapide qui s'effectue et qui rapproche
actuellement les chercheurs universitaires de l'École polytechnique des
chercheurs de l'industrie et des industriels en général.
Cela se fait donc un peu naturellement par des associations qui ne sont
ni des contrats de recherche, ni des subventions de recherche de type normal,
mais ce qu'on appelle des conventions de recherche. C'est que, de plus en plus,
on fait travailler nos étudiants du grade supérieur à des
projets industriels et souvent dans l'industrie. Donc cela se fait de plus en
plus. La recommandation provenant du Conseil canadien des ingénieurs
était tout simplement pour accélérer ce processus.
Maintenant, pour aller dans le même sens que vous, il se peut que
l'agence, à cause de la prospection qu'elle fera de tous les milieux, se
rende compte qu'il y a des besoins de recherches dans le milieu qui ne sont pas
comblés par nos milieux universitaires. Tout à l'heure, le
ministre a parlé d'un soutien informationnel aux différents
intervenants du milieu, dont les universités. Je serais très
intéressé, si l'AQVIR sent qu'il y a un secteur qui pourrait
être intéressant au point de vue de la recherche universitaire,
qu'elle nous en fasse part, mais je ne vois pas très bien que ce soit
une fonction spécifique de l'agence. J'espère que ceci viendra
comme retombées de ses fonctions normales, mais, si l'agence pouvait
nous donner ces informations, cela aiderait dans le sens de la recommandation
formulée par le Conseil canadien des ingénieurs.
Mme Dougherty: D'accord. La cinquième fonction
mentionnée dans le projet de loi. Vous avez soulevé les dangers
d'interprétation de cette fonction formulée dans le projet. Je
crois que votre amendement constitue une amélioration importante.
Néanmoins, croyez-vous que les fonctions seront diminuées si on
élimine cet article? Je parle de l'article 17.5.
M. Doré: C'est peut-être l'article qui est le moins
pertinent à la mission de l'AQVIR comme je la vois. Bien sûr que
c'est un voeu, mais, pour répondre à votre question, c'est
peut-être la fonction décrite qui est la moins importante,
à mon point de vue. Est-ce que le paragraphe 5 pourrait sauter ou non?
Je ne sais pas. Cela ne fait pas de tort qu'il soit là, mais disons
que...
Mme Dougherty: C'est plutôt un objectif global...
M. Doré: C'est un objectif, c'est cela.
Mme Dougherty: ...un préambule ou quelque chose. Ce n'est
pas vraiment une fonction.
M. Doré: Non, c'est très général.
D'ailleurs, c'est ce qu'on note dans le mémoire. Cette fonction est
très générale.
Mme Dougherty: D'accord. Une autre question. Aux pages 4 et 5,
vous avez cité le mémoire du Conseil canadien des
ingénieurs et les ingénieurs ont dit... Vous avez parlé de
toutes les ressources nécessaires dans le processus de valorisation. Ils
terminent en disant: II suffirait, en grande partie, de faire un bien meilleur
usage des ressources que nous avons déjà. Il semble que vous
soyez d'accord avec cette déclaration. Est-ce que j'ai raison?
M. Doré: C'est-à-dire que oui, nous sommes d'accord
en partie.
Mme Dougherty: Oui. (12 heures)
M. Doré: C'est sûr qu'il faut absolument faire...
Maintenant, il faut faire attention. On a sorti un paragraphe d'un contexte qui
est plus général. Lorsque le conseil canadien a... Je peux en
parler parce que je faisais partie du groupe de quatre personnes qui a
conçu ce mémoire. Ce que nous avions en tête à ce
moment, c'était qu'en recherche et développement en
général, on avait peut-être ici des ressources qui
n'étaient pas tout à fait bien utilisées et on pensait aux
bureaux d'ingénieurs-conseils entre autres qui sont très bons au
niveau international pour développer des choses fantastiques. Les
compagnies d'ici font bien peu appel à ces ressources. On prend une
compagnie comme Alcan, pour ne pas la nommer, qui, pour le développement
d'une de ses usines est allée voir un grand consultant américain,
lorsque des grands bureaux d'ingénieurs-conseils conçoivent des
usines d'une complexité semblable ailleurs. Donc, c'est dans ce contexte
que nous l'avons souligné, c'est tout simplement pour appuyer une
remarque que nous faisons plus loin dans les commentaires; si on n'a pas toutes
les
ressources ici, mais si on en a quelques-unes, au moins utilisons-les.
C'est dans ce sens que le joint est fait entre ce paragraphe et nos
recommandations plus loin.
Mme Dougherty: Merci. J'ai posé cette question parce que
plus loin, à la page 16, vous soulignez que les fonctions du projet de
loi mentionnées aux paragraphes 1, 2, 4 et 5 de l'article 17 sont
poursuivies aussi par le CRIQ et le CIIM.
Maintenant, pourriez-vous nous expliquer quelles sont les fonctions
essentielles de l'agence envisagées par le projet de loi 37 qui ne
pourraient pas être remplies par un meilleur usage des ressources
existantes ni par le CRIQ ni par le CIIM en particulier?
M. Doré: Les organismes existants peuvent toucher
actuellement les différentes fonctions décrites par l'agence,
mais avec des moyens très limités, c'est-à-dire que si on
prend l'ensemble des organismes, vous avez le CDT qui peut faire de la
recherche et du développement, donc de l'amélioration de
produits, le CIIM qui fait de l'évaluation d'inventions,
c'est-à-dire qui essaie de voir si cela a du sens, qui fait aussi des
études de marché. Donc, si vous prenez l'ensemble des organismes,
cela couvre l'ensemble des fonctions. Actuellement, je peux vous dire pour le
CIIM parce que je le connais relativement bien, que les ressources
financières mises à la disposition du CIIM sont totalement
insuffisantes pour, par exemple, donner un soutien financier aux innovations.
Alors, les moyens actuellement disponibles sont insuffisants et les organismes
se spécialisent. Je ne dis pas que le CIIM ne pourrait pas se
développer ou que le CRIQ ne pourrait pas se développer en une
agence qui pourrait tout faire. Je suis d'accord, si vous voulez
suggérer ceci, que c'est possible.
Maintenant, l'école polytechnique comme c'est dit dans le
mémoire n'est pas contre, un organisme qui mette ensemble toutes ces
ressources, pourvu que les ressources actuelles soient prises à partie,
c'est-à-dire qu'on ait une politique d'impartition. Je ne sais pas si je
réponds exactement à votre question madame la
députée?
Mme Dougherty: Oui, merci. Il semble qu'il y ait quelque chose
qui manque dans la chaîne des services disponibles, c'est le financement,
surtout celui des étapes les plus risquées. Est-ce que j'ai
raison? Franchement, je cherche la justification de l'agence et je me demande
si, par un changement de mandat ou une adaptation de mandat de deux ou trois
autres organismes, on peut faire la même chose, possiblement plus
efficacement au lieu de créer une autre structure de coalition, de
soutien. La flexibilité, la souplesse et la capacité d'agir
rapidement sont évidemment très importantes dans tout ce
processus. Si on a l'agence, il faut au moins concentrer les efforts et les
ressources de l'agence dans une direction utile pour combler les carences dans
le reste du système. Dans votre mémoire, j'ai vu ce qui est pour
moi une contradiction: d'une part, vous appuyez entièrement - je cite -
le projet et d'autre part vous citez le mémoire des ingénieurs
qui suggère un meilleur usage des ressources existantes. Vous avez
souligné le dédoublement de fonctions du CRIQ et du CIIM. Donc,
je cherche la raison pour laquelle vous appuyez entièrement la
création de l'agence comme elle est conçue dans le projet de loi.
Allez-y, merci.
M. Doré: J'ai dit seulement que globalement l'école
appuie le projet de loi. Donc, j'ai changé la formulation. On aurait
dû ne pas écrire le "appuyé entièrement" parce que
ce n'est pas vrai puisqu'on suggère des changements. J'aimerais retirer
les 100 copies que j'ai envoyées et dire que, globalement,
l'école appuie le projet de loi.
Maintenant, pourquoi est-ce que, globalement, l'école appuie le
projet de loi, lorsqu'on dit dans une partie du mémoire qu'on devrait
utiliser les ressources existantes, qu'il y a des dédoublements, etc.?
C'est parce qu'il existe si peu actuellement d'organismes et de personnes qui
se préoccupent de ces fonctions-là, qu'on juge que c'est de faire
un pas en avant que de mettre des ressources qui n'existent pas à la
disposition d'une communauté qu'est le Québec. C'est pour cela
qu'on ne s'oppose pas. On dit: Pourvu que notre expertise, on puisse la mettre
au service de cet organisme qui serait une plaque tournante, comme le
mentionnait le ministre. Donc, je ne vois pas de contradiction Mme la
députée...
Mme Dougherty: ...d'accord.
M. Doré: ...dans le mémoire de l'École
polytechnique. Je vois peut-être dans la formulation écrite
certaines imprécisions que je me suis efforcé de corriger dans la
présentation verbale.
Mme Dougherty: J'ai d'autres questions, mais je crois que mon
collègue, le député de Mont-Royal, a plusieurs questions
à poser. S'il reste du temps, je pourrai revenir avec d'autres questions
à la fin.
Le Président (M. Brouillet): Oui, très bien. Le
député de Deux-Montagnes a demandé la parole et
après, nous passerons la parole au député de
Mont-Royal.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
revenir sur deux aspects des propos qu'a tenus M. Doré.
Premièrement, M. Doré a relevé une
statistique qui avait été citée par le ministre
à propos des brevets. Je crois que la statistique en question dit que 7%
des brevets accordés par l'organisme fédéral
compétent se rendent à la commercialisation, mais que seulement
1% mène à une réussite économique. À propos
du 6% de différence entre 7% et 1%, M. Doré a dit, je crois: On
s'est trompé quelque part. Je voudrais demander à M. Doré
s'il pourrait préciser sa pensée là-dessus. Qui,
pense-t-il, s'est trompé quelque part dans le processus qui va depuis
l'idée jusqu'à la commercialisation?
M. Doré: Ce sont en général les promoteurs
qui sont souvent les inventeurs. J'ai quelques cas en tête
d'expériences où une personne invente quelque chose et veut le
forcer sur le marché coûte que coûte. La personne met des
énergies énormes, met des efforts, investit son argent, sa maison
et tous ses biens dans une aventure qui au départ, peut-être, ne
le méritait pas. Au lieu d'avoir le 6% de malchance, peut-être
qu'on aurait pu, au départ, éliminer 3% ou 4% de ces projets
douteux et ne conserver que 3% ou 4% au lieu du 7% ou 8% qu'on a
conservé au départ. Lorsque je dis que les gens se sont
trompés, ce sont les promoteurs des projets qui sont souvent les
inventeurs.
M. de Bellefeuille: Est-ce qu'on ne peut pas concevoir, M.
Doré, que du côté de la commercialisation il peut y avoir
une marge d'erreur, par exemple, un certain manque d'audace, un conservatisme
excessif qui feraient que des inventions tout à fait
intéressantes, même si elles atteignent la phase de la
commercialisation, ne reçoivent pas le traitement voulu et, par
conséquent, échouent, non pas par la faute de l'inventeur ou des
chercheurs qui sont intervenus dans la mise au point du produit, mais
plutôt par la faute de ceux qui sont chargés d'en faire la
commercialisation?
M. Doré: Je suis d'accord avec vous. C'est bien sûr
qu'il y a peut-être une répartition des responsabilités
tout au long de cette chaîne-là. Puisque je suis plus familier
avec l'amont de la chaîne, ce sont ces cas-là que je vous ai
donnés, mais je suis d'accord avec vous.
M. de Bellefeuille: En aval aussi, il peut y avoir des
déficiences.
M. Doré: En aval aussi. C'est sûr qu'il y a un
manque en aval aussi. C'est, d'ailleurs, pour cela que l'École
polytechnique s'est intéressée à cet aspect. On avait
tellement peu de moyens. L'agence favorisera certainement, comme je le
mentionnais tout à l'heure, qu'il y ait moins d'erreurs qui se
produisent, qu'on puisse mieux exploiter les connaissances, les idées
afin de les commercialiser. C'est la raison pour laquelle nous favorisons ceci.
Un peu plus de ressources dans un néant, cela ne fait jamais de
tort.
M. de Bellefeuille: Le deuxième aspect que je voudrais
soulever, M. Doré, est à propos de la page 16 de votre
mémoire où vous proposez de "réduire, dans le texte, le
nombre de références aux contrôles gouvernementaux." C'est,
en général, une idée qui me plaît. Je crois
constater que le texte des articles 20 et 21 recèle des contradictions
internes. J'aimerais bien qu'on en arrive finalement à un texte plus
clair, dépouillé de ces contradictions. Au tout début de
l'article 20, la loi dit: "L'agence peut accorder une aide financière,
aux conditions et selon les limites qu'elle croit devoir fixer, pour la
réalisation de projets de valorisation de la recherche dans les secteurs
d'activités qu'elle détermine." C'est admirable, cet
article-là; quand on le lit isolément, il reconnaît
énormément d'autonomie à l'agence. Mais il me semble qu'il
y a contradiction quand, dans le même article, à la fin - alors
que dans le reste de l'article il n'y a aucune limite indiquée, c'est
l'agence qui choisit librement ses moyens -on dit: "L'agence peut pareillement
accorder son aide financière suivant tout autre moyen autorisé
par le gouvernement." Est-ce que c'est l'agence qui détermine ou si
c'est le gouvernement qui détermine? Il me semble qu'il y a là
une contradiction, contradiction qui devient plus évidente quand on lit
l'article 21 qui dit: "Toutefois, l'agence ne peut, dans les cas, conditions ou
circonstances que le gouvernement peut déterminer par règlement -
et là, cela devient un règlement drôlement négatif,
puisque l'agence ne peut - accorder une aide financière sans avoir
obtenu l'autorisation du gouvernement ou du ministre, suivant ce que le
règlement détermine." C'est bicéphale. On reconnaît
beaucoup d'autonomie à l'agence, mais on confie au gouvernement la
responsabilité de lui indiquer clairement les limites de son action.
J'aimerais bien qu'on clarifie cette contradiction, mais non pas dans le sens
de refuser tout rôle au gouvernement.
Vous mentionnez aussi dans ce même commentaire l'article 24. Dans
le cas de l'article 24, je pense que l'intervention du gouvernement peut
facilement s'expliquer puisque l'article 24 élargit les
possibilités d'action de l'agence en ajoutant une action à
l'étranger. Il est évident que, lorsqu'on parle d'action à
l'étranger, il faut s'assurer qu'il y a un minimum de coordination. Le
gouvernement a des responsabilités particulièrement de
coordination en ce qui concerne l'action des nombreux ministères et
agences du gouvernement. Quand il s'agit de relations avec l'étranger,
la loi confie, par
exemple, au ministère des Affaires intergouvernementales
certaines responsabilités de coordination dont il doit pouvoir
s'acquitter. L'allusion au gouvernement, dans l'article 24, me paraît
bien fondée. Mais je partage votre inquiétude en ce qui concerne
les articles 20 et 21 particulièrement. Je ne sais pas si vous voulez
commenter la même question à nouveau. (12 h 15)
M. Doré: Je partage votre point de vue et vos
commentaires.
M. de Bellefeuille: Merci, M. Doré, merci, M. le
Président.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: M. Doré, je vais ajouter, aux commentaires qui
ont été faits par mes collègues, que votre mémoire
est très positif. Il soulève des questions très
pertinentes et j'ai même l'impression que, tout en appuyant globalement
l'idée de l'AQVIR, vous y apportez des changements très
significatifs qui peut-être auraient pour effet de changer la
façon dont l'AQVIR pourrait agir dans ce domaine; c'est très
différent de la façon dont le projet de loi est maintenant
conçu. Je pense que vos changements sont majeurs et même
l'explication que le ministre a donnée ce matin sur sa perception des
étapes et du rôle de l'AQVIR ne semble pas coïncider ou
être la même que la façon dont le projet de loi est
conçu ou est écrit maintenant. Autrement dit, le projet de loi
est pas mal global, donne beaucoup de fonctions à AQVIR et va beaucoup
plus loin que vos amendements et vos commentaires. Vos amendements
réduiraient le rôle de l'AQVIR dans certains champs
d'activité et nous appuyons cette approche.
Je voudrais vous poser des questions plus spécifiques sur les
commentaires que vous avez faits. Vous avez mentionné qu'un des
éléments les plus importants ou un des facteurs les plus
difficiles c'est d'identifier l'invention qui va pouvoir réussir
à se vendre sur le marché. D'après vous qui peut le mieux
faire l'identification de cette invention? Quel organisme ou quel secteur peut
le mieux arriver à une conclusion qu'une telle invention va être
commercialement valable?
M. Doré: Actuellement, au Québec, il y a deux
organismes qui font ceci en collaboration, c'est le CRIQ et le CIIM. Je ne
connais pas d'autres organismes qui le font, sauf les bureaux de brevets bien
sûr. Maintenant, les bureaux de brevets ne se préoccuperont pas
d'aller jusqu'à la commercialisation sauf certains bureaux de brevets
qui effectivement le font. Donc, il y a le CIIM, le CRIQ et le secteur
privé qui fait cela aussi actuellement.
M. Ciaccia: Est-ce que c'est plutôt le secteur privé
qui prend ces décisions? Si je comprends bien, le CRIQ ou le CIIM vont
donner des évaluations, des informations ou des opinions, mais la
commercialisation ou la valorisation industrielle - c'est un autre mot pour
commercialiser le produit - est-ce que ce n'est pas plutôt l'entreprise
privée qui le fait?
M. Doré: Vous m'avez posé une question, vous m'avez
demandé: Quels sont les organismes qui peuvent évaluer le
potentiel d'une invention? Cela se fait en différentes étapes.
Par exemple, un inventeur - comme je le vois - qui arrive quelque part et veut
demander à un groupe: Est-ce que mon idée a du sens? Cela va
aller par étapes, il va y avoir une première évaluation,
il va y en avoir une autre par la suite et ensuite une étude de
marché. Cela dépend donc d'où vient l'idée. Si
l'idée vient d'une industrie, il est bien sûr que si c'est une
grosse industrie elle va avoir ses propres moyens, mais une petite industrie va
faire appel à des organismes extérieurs. Je sais pertinemment
qu'actuellement au CIIM il y a deux types de groupes qui y viennent, il y a les
inventeurs et il y a les petites industries. Les grandes industries ne viennent
pas là parce qu'elles ont leurs propres bureaux de recherche et leurs
propres bureaux d'étude de marché ou font appel à de
grandes firmes. Donc, quels sont les organismes? Cela dépend de qui a
besoin de faire faire une évaluation. Si ce sont des petits groupements,
des petites compagnies ou des individus, je pense que de tels organismes
peuvent donner au moins une indication, à savoir si c'est
complètement bleu ou si c'est complètement rouge.
M. Ciaccia: Oui, mais des évaluations, il y en a
beaucoup.
Une voix: Cela devient intéressant.
M. Ciaccia: On va voir cela aux prochaines élections. Il y
a des évaluations qui sont faites par le CRIQ et des évaluations
qui sont faites par le CIIM. Il peut y avoir une vingtaine d'évaluations
disant que les chances de ce produit d'être commercialisé sont de
60% ou de 75%. Mais, une fois que cette évaluation est faite, ce n'est
pas assez parce qu'il y a beaucoup d'évaluations qui restent sur les
tablettes. Il n'y a personne qui prend le produit et le commercialise. Qui fait
ce lien-là? Est-ce que ce n'est pas plutôt l'entreprise
privée qui doit s'y intéresser et identifier le risque sur la
base des évaluations? L'organisme qui va le faire, c'est l'entreprise
privée. Ce ne
sera pas l'AQVIR, ce ne sera pas le CRIQ, ce ne sera pas le CIIM.
M. Doré: En fait, c'est sûr qu'à un moment
donné, dans tout ce processus, si c'est un individu qui a une
idée, il va falloir qu'il se raccroche à une industrie, il va
falloir qu'il vende son idée à une industrie ou qu'il en
crée une. Donc, sûrement, les gens qui vont prendre la
décision - je suis d'accord avec vous - si on marche ou si on ne marche
pas, ce sont les gens de l'industrie, c'est le secteur privé, c'est bien
sûr.
M. Ciaccia: Alors, un des facteurs essentiels, c'est le capital
de risque pour obtenir la valorisation industrielle. C'est le capital de risque
qui va venir de l'industrie privée.
M. Doré: Ou d'organismes qui sont dans le domaine. Il y a
des organismes bancaires qui sont dans le "business" de fournir du capital de
risque.
M. Ciaccia: Qui financent l'entreprise privée?
M. Doré: Qui financent cela. Mais, finalement, celle qui
va garantir cela, c'est l'entreprise privée, c'est sûr,
jusqu'à un certain point, dans la majorité des cas. Je suis
d'accord avec vous.
M. Ciaccia: Oui. C'est pour cela que j'apprécie dans votre
mémoire que vous réalisiez que, pour faire le
développement des industries de pointe ou de toute industrie, vous avez
besoin de technologie, de management, de personnel spécialisé et
de climat économique. Je pense que c'est bon de souligner que ce n'est
pas strictement la création d'un organisme comme l'AQVIR qui va nous
assurer la valorisation industrielle. Il faut tous les autres facteurs qui vont
venir vraiment créer les conditions essentielles afin que des organismes
comme l'AQVIR, le CIIM ou le CRIQ puissent avoir des résultats
bénéfiques, qu'ils puissent avoir des débouchés sur
les marchés.
Maintenant, est-il réaliste de confier à
d'éventuels agents de l'AQVIR la responsabilité d'identifier des
idées et des technologies nouvelles à valoriser dans des produits
ou des procédés nouveaux ou bien si leur rôle n'est pas
plutôt d'offrir toute assistance aux entrepreneurs et chercheurs experts
dans l'acheminement de leurs projets? Autrement, qu'est-ce qui...
M. Doré: Ils pourraient le faire. En fait, on pourrait
imaginer un très gros organisme qui aurait la capacité de faire
toutes ces choses. Ce que nous verrions plutôt, nous, c'est que, dans
certains aspects de ces fonctions - parce que ces fonctions se situent à
plusieurs niveaux dans toute cette chaîne d'innovation - ils fassent
appel à des organismes existants. On revient sur notre idée:
Servez-vous des organismes existants. Mais, cela ne nie pas, dans notre esprit,
la création de l'agence. Est-ce que vous comprenez?
M. Ciaccia: Je comprends.
M. Doré: C'est que l'agence pourrait nous aider...
M. Ciaccia: Oui.
M. Doré: ...tous ensemble à faire cette chose.
M. Ciaccia: Mais là, par vos amendements, vous changez
sensiblement le rôle de l'agence. C'est ce que j'ai dit au début:
le rôle de l'agence tel que vous le concevez dans votre mémoire et
tel qu'il est conçu dans le projet de loi. Le projet de loi, si vous
lisez l'article 17, sans vos amendements, cela va beaucoup plus loin que ce que
vous suggérez. Si je comprends bien, vos amendements feraient de l'AQVIR
une agence de coordination, de financement peut-être, mais de
coordination avec les autres organismes qui existent. Est-ce que c'est
exact?
M. Doré: Cela ne change pas ses fonctions; cela change les
moyens pour arriver aux objectifs décrits dans les fonctions. C'est ce
que nous suggérons, nous, en disant: Écoutez, n'essayez pas de
tout faire vous-mêmes; essayez donc de vous servir de ce qui existe.
C'est le message qu'on passait lorsque, à un moment donné, on
dit: "Se référer explicitement aux organismes oeuvrant dans le
domaine de la valorisation". Donc, je ne vois pas que l'on change les fonctions
de l'agence. On ne change pas les fonctions de l'agence, mais on dit au
ministre: "Peut-être que vous devriez inclure dans le projet de loi
l'obligation pour l'agence de se servir des organismes existants qui oeuvrent
dans ces fonctions."
M. Ciaccia: Autrement dit, ce n'est pas l'agence elle-même
qui va faire toutes ces fonctions-là, mais elle va coordonner, obtenir
le financement et utiliser les agences existantes.
M. Doré: C'est ce qu'on suggère.
M. Ciaccia: Si je comprends bien, le rôle de l'AQVIR est
maintenant inclus dans les fonctions. Le rôle de l'École
polytechnique, les organismes comme le CIIM, le CRIQ, toutes ces agences font
essentiellement ce que l'AQVIR veut faire,
sauf...
M. Doré: Chacun en partie... M. Ciaccia: Oui.
M. Doré: ...fait des choses dans tout ce
processus-là.
M. Ciaccia: Qu'est-ce que l'AQVIR ajouterait?
M. Doré: Je pense qu'actuellement on sent qu'il y a
peut-être un besoin de mettre un trait d'union là-dedans. C'est
pour cela qu'on appuie le projet.
Une voix: Voilà.
M. de Bellefeuille: ...note cela.
Une voix: Le trait d'union.
M. de Bellefeuille: II faut mettre un trait d'union.
M. Paquette: Un trait d'union. J'espère qu'on va avoir
plus de succès avec celui-là.
M. Ciaccia: On apprécie vos commentaires et pour mettre ce
trait d'union, je pense qu'il faudrait absolument apporter les amendements que
vous suggérez dans votre mémoire.
M. Doré: C'est pour cela qu'on les suggère.
M. Ciaccia: J'ai une autre question. Vous mentionnez que vous
avez des moyens limités, que le CIIM, l'École polytechnique et
tous les autres organismes que vous avez mentionnés ont des moyens
limités. Est-ce que c'est préférable d'augmenter les
moyens des organismes existants que d'essayer de créer un autre
organisme? D'après vous, est-ce que ce serait plus efficace? Est-ce
qu'il y aurait un danger, si on crée un autre organisme comme l'AQVIR et
qu'on ne limite pas son rôle, qu'au lieu d'avoir des moyens additionnels,
chaque organisme aurait des moyens limités? Autrement dit, si on
n'apporte pas, dans le cas de l'AQVIR, les amendements que vous proposez, si on
ne réduit pas le rôle de l'AQVIR, au lieu d'ajouter aux moyens qui
seront disponibles à tous les organismes, on va effectivement avoir une
répétition et des moyens encore limités. Au lieu d'avoir
deux organismes, il va y avoir trois organismes qui vont avoir des moyens
limités. Est-ce qu'il y a ce danger?
M. Doré: Écoutez, M. le député. Je
vais maintenant parler à titre de directeur. Je pourrais spéculer
comme citoyen et imaginer d'autres scénarios. Maintenant, je vais parler
à titre de directeur de l'École polytechnique, parce que c'est
seulement, je pense, à ce titre-là que je devrais m'exprimer ici,
bien que je sois allé un peu en marge de cela dans mes commentaires.
L'École polytechnique n'a qu'un objectif en poussant un tel
projet de loi. C'est celui de voir, finalement, tomber des idées sur le
marché, c'est-à-dire de voir valoriser des idées. C'est le
seul objectif qu'on a, parce que nous sommes bien peu - l'École
polytechnique en tant qu'institution - dans les plates-bandes de l'agence, sauf
peut-être pour seconder l'agence lorsque celle-ci pourra identifier qu'il
y a des besoins de poursuivre des recherches appliquées si on en
produit. Donc, je me sens très libre d'exprimer que l'École
polytechnique n'a pas d'intérêt, si vous voulez, dans l'agence...
des intérêts, bien sûr, mais il n'y a pas
d'intérêt conflictuel avec l'agence; c'est cela que je veux dire.
Donc, quand on exprime notre point de vue, c'est tout simplement de
façon qu'au Québec, dans l'ensemble, on puisse, comme
société, avoir les moyens qui permettent ce transfert et l'on
pense que les moyens n'existent pas complètement, qu'il n'y a pas un
organisme qui fait tout cela avec tous les moyens qu'il pourrait avoir pour
bien faire son travail. (12 h 30)
Donc, c'est sûr qu'on pourrait imaginer d'autres façons de
faire les choses. Si vous le demandez à mon collègue, M. Roger
Biais, le directeur du CIIM, qui viendra demain, il vous dira: Bien sûr
qu'on pourrait faire cela, mais on aurait besoin des moyens qu'on imaginerait
donner à l'agence. C'est sûr qu'il y a des moyens de faire les
choses, soit directement par des agences gouvernementales ou par des agences
plus éloignées qui sont associées avec des
universités ou des agences privées. Je pense que ce serait
être aveugle que de nier cela. Il y a là une proposition qui nous
semble acceptable avec les amendements qu'on propose et je suis d'accord avec
les amendements qu'on propose.
M. Ciaccia: Je crois que les amendements que vous proposez sont
assez substantiels au projet de loi. J'espère que le ministre les
prendra en considération parce que, d'après nous, ils changent
sensiblement le fonctionnement de l'AQVIR. Cela définira le rôle
de l'AQVIR plutôt dans une agence de coordination, d'utiliser les
ressources existantes et d'utiliser le pouvoir de financement qui sera
accordé à l'AQVIR par l'article 17.2 pour valoriser les
opérations des organismes déjà existants.
Le Président (M. Brouillet): Très bien, merci.
Est-ce qu'il y a d'autres questions?
M. Ciaccia: Juste une autre question.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: À l'article 17.5 vous avez apporté un
certain commentaire pour en changer la rédaction. Je sais que vous avez
aussi mentionné que le râle principal de l'AQVIR n'est pas un
aspect très important. Est-ce qu'il n'y a pas un danger? De la
façon dont il est rédigé actuellement, cela porte à
croire qu'on va fonctionner dans un genre d'isolement. Quand on dit:
"d'encourager la prise en charge par la société
québécoise de son propre développement en recherche
industrielle de même que la maîtrise de son développement
technologique", comment peut-on inclure dans un tel texte l'interface avec le
reste du monde?
Vous dites dans votre mémoire: Interface
université-gouvernement et université-secteur privé. Il y
aurait aussi l'interface plutôt globale. Est-ce qu'il n'y aurait pas ce
danger dans l'article 5, que c'est pas mal limitatif en plus des points que
vous avez soulevés? Est-ce que cela n'encourage pas une mentalité
d'isolement et c'est une lecture un peu dirigiste de dire que c'est le
gouvernement ou l'agence qui aura ce rôle-là? L'agence peut
seulement, dans un certain sens, coordonner les activités de
différents organismes et c'est le gouvernement qui pourra créer
une ambiance et un climat économique qui encourageront ce
développement.
Il y a aussi l'aspect de l'interface avec les autres provinces du Canada
et les États-Unis. Y aurait-il moyen de donner effet à cet aspect
pour ne pas donner l'impression qu'on essaie de fonctionner seul plutôt
qu'en ouverture sur tout le développement?
M. Doré: En fait, notre point de vue est que cet article
est très global. C'est d'ailleurs ce qu'on dit dans nos commentaires. Ce
n'est pas mauvais, c'est global. Je l'ai dit tout à l'heure c'est un peu
comme un voeu pieux.
M. Ciaccia: Un "motherhood statement".
M. Doré: Oui, cela en est un qui ne fait pas de tort.
Comme je vous l'ai dit, nous proposons une autre formulation pour introduire la
notion des partenaires dans cet objectif. C'est le seul commentaire que
j'aurais à formuler. Il est exprimé d'ailleurs dans notre
mémoire.
M. Ciaccia: Merci.
Le Président (M. Brouillet): Très bien.
M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, s'il n'y a pas d'autres
questions...
Mme Dougherty: J'en ai une ou deux.
M. Paquette: Je vais attendre dans ce cas.
Le Président (M. Brouillet): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: À la page 13, sur l'article 5, vous avez
proposé que la composition du conseil d'administration de l'agence
prévoie explicitement la nomination d'au moins deux membres provenant
des milieux universitaires. Ne croyez-vous pas que ce soit aussi important
d'expliciter la nomination de plusieurs membres du milieu industriel, du CRIQ,
du CIIM, de la SDI et je ne sais pas de quelle autre agence? Est-ce que vous
avez...
M. Doré: Évidemment. Pardon, Mme la
députée.
Mme Dougherty: C'est seulement pour avoir vos commentaires
là-dessus.
M. Doré: Oui. C'est-à-dire expliciter... J'ai dit
tout à l'heure dans ma présentation verbale que je parlais pour
ma paroisse. Je considère que cela peut être important puisque le
milieu universitaire au Canada -ce n'est pas seulement au Québec - est
celui qui est proportionnellement le plus actif en recherche. Ce n'est pas le
secteur industriel; c'est le secteur universitaire et le secteur gouvernemental
qui sont les plus actifs en recherche. C'est la raison pour laquelle nous avons
demandé ceci. Maintenant, si les autres intervenants veulent être
représentés au conseil d'administration, qu'ils le demandent
eux-mêmes. Je ne veux pas faire des demandes pour les autres secteurs,
mais c'est évident que, si le secteur privé n'était pas
représenté à l'AQVIR ce serait une erreur. Il faut que le
secteur privé soit représenté. Alors, il faut, bien
sûr, équilibrer la provenance des membres du conseil
d'administration pour qu'il représente bien tous les secteurs qui
peuvent pousser dans cette même direction. Pourquoi n'a-t-on pas
mentionné les autres? C'est tout simplement parce qu'on veut que les
autres parlent pour eux.
Mme Dougherty: D'accord. Étant donné vos remarques
sur le personnel important du CIIM, par exemple, qui vient du monde industriel
plutôt que du monde universitaire, ne croyez-vous pas que les
compétences du personnel de l'agence doivent être
précisées un peu dans la loi? Il me semble qu'il est très
important d'avoir un personnel qui comprenne la complexité du
développement
technologique, qui, comme je l'ai dit dans mes questions au
début, a fait ses preuves dans le domaine du commerce et de la
recherche. Est-ce que, à votre sens, c'est une question importante qui
doit être précisée dans la loi ou si ce sera une
décision du ministère après que la loi sera
adoptée?
M. Doré: Madame, j'ai l'impression que les gens qui seront
chargés de cette agence, si elle est créée, auront assez
de jugement pour engager les bonnes personnes. Je ne sais pas si cela doit
faire partie de la loi. Je n'en ai aucune idée. D'ailleurs, je suis
très peu connaissant dans ce que doit contenir un projet de loi. Il est
évident que le personnel de l'AQVIR devrait avoir cette
expérience au maximum de valorisation industrielle de la recherche.
Donc, est-ce que cela doit être contenu dans le projet de loi? Je ne
pourrais vous le dire, je ne le sais pas. Mais ce que je sais, c'est qu'il
faudra que les membres de l'agence aient une certaine expérience dans ce
domaine, c'est sûr.
Mme Dougherty: D'accord. Merci.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. M. le
ministre.
M. Paquette: M. le Président, en terminant, simplement un
ou deux commentaires. Le député de Mont-Royal considère
que l'École polytechnique propose des amendements substantiels au projet
de loi. Je dirais que ce sont des amendements intéressants, mais il
faudrait quand même ne pas faire dire au mémoire le contraire de
ce qu'il dit, puisqu'à la page 13 on retrouve que "l'école appuie
entièrement le projet du gouvernement visant à créer une
agence québécoise de valorisation industrielle de la
recherche."
M. Ciaccia: Globalement. M. Doré: Globalement.
M. Ciaccia: Globalement, ce n'est pas la même chose.
M. Paquette: Remplacez "entièrement" par "globalement".
Deuxièmement, l'école considère que les fonctions et les
pouvoirs accordés à l'AQVIR sont pertinents. Elle propose
cependant quelques amendements mineurs afin que les objectifs visés par
le projet de loi soient réalisés de façon plus
efficace.
M. Ciaccia: Ils sont diplomates.
M. Paquette: Le député de Mont-Royal
préfère les qualifier d'amendements substantiels probablement
pour que, par la suite, si jamais il y avait des amendements, il puisse dire
que c'est grâce à l'action de l'Opposition que nous avons obtenu
des amendements substantiels.
M. le Président, je répète ce que j'ai dit...
M. Ciaccia: Ce ne sont pas nos...
M. Paquette: ...ce sont des amendements intéressants que
nous allons étudier très sérieusement. La question qui se
pose, c'est: Jusqu'où doit-on aller dans la précision d'un projet
de loi? Certainement pas jusqu'au point de dire que le personnel engagé
devra être compétent. Cela m'apparaît évident.
Deuxièmement, en ce qui concerne les moyens ou la façon
dont l'agence fonctionnera, nous avons regardé d'autres lois. Par
exemple, on ne dit pas dans la Loi sur le Centre de recherche industrielle du
Québec qu'il doit travailler en étroite concertation avec les
différents milieux impliqués, avec les universités et avec
les industries. Mais, évidemment, pour être efficace dans son
action, le Centre de recherche industrielle du Québec a établi de
multiples liens et de même pour les organismes créés par
l'École polytechnique. Peut-être que, dans la charte, ce
n'était pas écrit explicitement. Mais forcément, pour
être efficace, ces organismes ont dû travailler avec tous les
intervenants du milieu. Nous avons publié un document d'accompagnement
de ce projet de loi justement pour donner davantage de précisions et
retenir le sens des discussions qui ont eu lieu au gouvernement dans la
préparation de ce projet de loi.
Ce document est un document officiel publié par le
ministère, donc c'est un engagement de notre part de privilégier
tel mode de fonctionnement plutôt que tel autre. C'est un document public
qui est déposé. Vous comprendrez que, politiquement, si on ne
peut pas tout préciser dans le projet de loi, ce document fait office
d'engagement. On dit à la page 16 de ce document exactement ce que nous
propose l'École polytechnique. Il s'agit alors de déterminer si,
en bonne technique législative, on doit le formuler dans le projet de
loi et comment le formuler. Mais, sur les orientations et les intentions, on
est exactement sur la même longueur d'onde puisqu'on dit ceci à la
page 16: "La nécessité d'un lien étroit et dynamique entre
l'AQVIR et les autres partenaires du processus d'innovation a été
maintes fois mentionnée - en fait, à presque toutes les pages
précédentes - pour cette raison, les ressources humaines de
l'AQVIR seraient maintenues au strict minimum pour assurer la gérance
des dossiers et la régie de sous-contrats dans le cadre d'une politique
de faire-faire."
Comme l'a souligné le directeur de l'École polytechnique -
j'aime bien son expression - on a besoin au Québec d'un trait d'union.
Un trait d'union qui est capable de suivre un certain nombre de projets
particulièrement prometteurs et, parfois, de donner un contrat pour
développer davantage l'innovation. Comme vous le dites, certaines
compétences sont au CRIQ, d'autres sont à l'École
polytechnique et d'autres sont possiblement dans d'autres universités
qui ne se sont pas nécessairement donné des centres de
développement technologique, mais qui aimeraient bien en faire et qui
ont surtout l'expertise dans des domaines complémentaires. De
même, des contrats également pour des études de
marché. Cela peut être dans des entreprises privées; cela
peut être dans dans organismes du secteur public.
Je pense qu'il s'agit, sur la base de cette orientation que nous
partageons - je crois comprendre qu'elle est partagée largement aussi
par les membres de cette commission - de déterminer en bonne technique
législative jusqu'à quel degré de précision on doit
aller dans un projet de loi.
En terminant, M. le Président, j'aimerais remercier le directeur
de l'École polytechnique d'abord de ses propositions extrêmement
constructives qu'il nous fait dans son mémoire et, surtout,
également de l'offre de collaboration qu'il fait au nom de
l'École polytechnique pour assurer le succès de l'agence. Je
pense qu'une telle agence, justement parce qu'il s'agit d'un trait d'union,
d'un mécanisme qui va fonctionner, mettre en relation les divers
intervenants possibles dans la politique de l'innovation, doit pouvoir compter
sur les ressources existantes pour son fonctionnement. J'aimerais donc
remercier le directeur de l'École polytechnique et de son mémoire
et de cette offre de collaboration. (12 h 45)
Le Président (M. Brouillet): Très bien.
M. Ciaccia: Est-ce que je pourrais ajouter un commentaire
à la suite des remarques du ministre, M. le Président?
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Mont-Royal, vos commentaires.
M. Ciaccia: Comme le ministre l'a souligné, ce n'est pas
nécessaire de dire que le CRIQ ou la SDI vont oeuvrer en concertation
avec les autres agences gouvernementales, les autres agences qui sont dans le
même domaine. C'est clair que cela fait partie du fonctionnement.
Cependant, il y a une différence assez majeure entre la concertation
telle que décrite par le ministre et le rôle de coordination tel
qu'il semble être décrit dans le mémoire de l'École
polytechnique. C'est vrai que, dans le document que le ministre a publié
et qui donne un peu d'explication de l'opération AQVIR, il le
conçoit d'une certaine façon. Il faudrait que la loi qui est
rédigée ici reflète cette façon de procéder.
Si la loi donne plus de pouvoir, donne une autre orientation ou donne le droit
à d'autres orientations, je pense qu'il y a une loi législative
qui dit qu'un organisme va prendre les pouvoirs qu'il a d'après la loi,
malgré les intentions du ministre aujourd'hui. C'est un organisme qui,
s'il est créé, va certainement dépasser une, deux ou trois
années de fonctionnement. Le document que vous publiez aujourd'hui peut
être oublié. La loi va demeurer dans les statuts.
Seulement pour donner un exemple, je comprends que l'École
polytechnique a dit que ce sont des amendements mineurs. C'est son opinion.
C'est très diplomate de sa part de le dire. Je considère que ce
sont des amendements importants, majeurs. Par exemple, si vous vous
référez à la page 16 du document de l'École
polytechnique où elle suggère de se référer
explicitement aux organismes oeuvrant dans le domaine de la valorisation
industrielle de la recherche, tout de suite, vous donnez une autre orientation
législative à l'AQVIR. Si vous êtes prêt à
inclure cette suggestion, à dire qu'aux fins de l'exercice de ses
fonctions, l'agence entend se servir des ressources existantes,
immédiatement vous freinez le rôle de l'AQVIR, vous lui donnez
vraiment le rôle de trait d'union que l'École polytechnique vous
suggère. Dans ce cas-là, cela donne une tout autre orientation.
Cela va limiter d'une façon assez efficace, croyons-nous, ce que l'AQVIR
va pouvoir faire. Cela va donner plus de ressources humaines et de ressources
financières aux organismes déjà existants.
Je prétends - je pense que les faits le démontrent - que,
si vous avez trois organismes qui ont un budget de 10 000 000 $ chacun, ce
n'est pas la même chose qu'un organisme qui va avoir 30 000 000 $. Les 30
000 000 $ dans un organisme pourront être utilisés beaucoup plus
efficacement que si vous divisez cela en trois. Le but de ces
amendements-là, c'est de dire à l'AQVIR: Vous allez être
vraiment le trait d'union, vous allez agir comme un agent de coordination, vous
allez obtenir le financement, utiliser les ressources déjà
existantes. Par ce fait même, vous limitez substantiellement le
rôle de l'AQVIR et ce n'est pas du tout comme cela que c'est
conçu, que cela peut être mis en application par le projet de
loi.
Je voulais seulement faire ces remarques pour démontrer que,
d'après nous, les suggestions qui ont été faites par
l'École polytechnique apportent des amendements que nous
considérons importants, si vous ne voulez pas les qualifier d'autres
adjectifs, et spécialement dans l'article 17, 17.1, 17.5, qui
est peut-être un peu moins important mais nous considérons
que les remarques relatives à l'article 17.5 sont assez importantes,
spécifiquement et spécialement pour limiter le rôle de
l'AQVIR. Cela ne limitera pas les résultats; l'École
polytechnique ne veut pas limiter les résultats de la valorisation
industrielle. Je pense que les objectifs de l'École polytechnique sont
de rendre les dépenses, les sommes dépensées beaucoup plus
efficaces et augmenter le rôle et l'efficacité de tout ce
domaine.
M. Paquette: M. le Président, j'avais très bien
compris le sens du mémoire de l'École polytechnique, d'ailleurs
beaucoup mieux au moment où on discutait avec le directeur qu'à
la suite des remarques du député de Mont-Royal. Je pense qu'on va
très certainement s'en inspirer.
Encore une fois, j'aimerais remercier le directeur de l'École
polytechnique de son mémoire.
Le Président (M. Brouillet): Je remercie tout le monde.
Nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 52)
(Reprise de la séance à 15 h 20)
Le Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la présidence du conseil et de la
constitution reprend ses travaux. Je me permets tout d'abord de mentionner une
modification à la liste des membres de la commission: M. French
(Westmount) va remplacer M. Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).
Nous allons entendre cet après-midi les représentants de
la Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec. J'inviterais les représentants à s'identifier,
s'il vous plaît.
Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec
M. Hamel (Claude): M. le Président, je m'appelle Claude
Hamel, président de la Conférence des recteurs et recteur de
l'Université de Sherbrooke. Je suis accompagné, à ma
droite, de M. Yves Giroux, de l'Université Laval, président du
comité de la recherche de la conférence et, à ma gauche,
de M. Philippe Bernard, agent de recherche à la conférence et de
M. Réginald Lacroix, également de la conférence.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Vous pouvez
exposer votre texte.
M. Hamel: Vous allez nous permettre, M. le Président, de
lire d'abord le texte de notre mémoire qui n'est pas très
long.
Nous désirons tout d'abord exprimer notre satisfaction à
l'égard de la décision qu'a prise le gouvernement de retirer le
chapitre V de son projet de loi favorisant le développement scientifique
et technologique du Québec, sanctionné le 23 juin dernier, et
d'en faire l'objet d'un projet de loi séparé. Cette initiative
était d'autant plus heureuse que le report à l'automne de son
étude laissait aux universités le temps de procéder aux
consultations nécessaires avant de se prononcer sur une question qui,
vous le savez, les concerne de près. Et nous nous réjouissons
d'avoir aujourd'hui l'occcasion de soumettre à la présente
commission parlementaire les réactions des universités sur le
projet de loi sur l'Agence québécoise de valorisation
industrielle de la recherche (AQVIR).
Au départ, qu'il nous soit permis de formuler une observation
simple pour rappeler que, s'il entend jouer son rôle dans le
développement technologique et demeurer concurrentiel, le Québec
devra mettre en place les mécanismes propres à favoriser les
retombées socio-économiques des activités de recherche
qu'il soutient. Or, il faut bien constater que les mécanismes qui
existent sont insuffisants et que nous ne disposons pas, en dehors
d'initiatives locales d'ailleurs fructueuses, de moyens suffisants pour
exploiter pleinement les connaissances nouvelles et mener les résultats
de recherche jusqu'à l'étape du prototype préindustriel.
Dans ces circonstances, nous sommes heureux que le gouvernement se
préoccupe de cette question et poursuive des objectifs visant à
favoriser la valorisation industrielle de la recherche.
Ce n'est pas sans réserve, cependant, que les universités
ont accueilli le projet de loi sur l'Agence québécoise de
valorisation industrielle de la recherche. Le 10 juin dernier
déjà, dans les commentaires qu'elles ont présentés
ici même lors des audiences de la commission parlementaire sur le projet
de loi 19, les universités ont fait part de leur interrogation sur les
rôles respectifs de cette agence et de l'actuel Centre de recherche
industrielle du Québec, le CRIQ, et sur l'absence de
référence aux mécanismes et structures mis en place
conjointement par les universités et les industries. À titre
d'exemples, on peut mentionner les ententes signées entre certaines
universités et le CRIQ pour la valorisation de la recherche, ainsi que
la mise sur pied du Centre d'innovation industrielle de Montréal, le
CIIM, dont l'École polytechnique a été l'initiateur et
dont les fonctions recoupent en grande partie celles prévues pour une
telle agence.
Selon nous, la pertinence et l'efficacité
de l'agence que le projet de loi 37 propose d'instituer ne seront
assurées qu'à condition d'apporter à ces questions les
clarifications nécessaires sans lesquelles la création d'une
structure administrative additionnelle risque de dédoubler les efforts
déjà consentis ailleurs. C'est là une conséquence
qu'il importe d'éviter, eu égard au niveau des ressources
disponibles.
Aussi, nous considérons que, pour atteindre les objectifs que lui
assigne le projet de loi, dans l'intérêt de la
collectivité, l'agence devra être dotée d'une structure
aussi légère que possible et oeuvrer dans une optique de
complémentarité avec les établissements, organismes et
centres existants.
Ceci dit, nous pouvons témoigner que les universités du
Québec sont favorables en principe à la création d'une
Agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche,
compte tenu des remarques précédentes et sous réserve des
commentaires qui suivent.
Premièrement, compte tenu du rôle primordial qu'elles
jouent dans le développement du potentiel scientifique du Québec,
les universités souhaitent que la composition du conseil
d'administration de l'agence, définie à l'article 5,
prévoie explicitement la nomination d'au moins deux membres provenant
des milieux de la recherche universitaire.
Deuxièmement, en ce qui concerne les fonctions de l'agence telles
qu'elles lui sont imparties en vertu de l'article 17, nous formulons le voeu
qu'elles traduisent davantage la nécessité d'encourager les
établissements et entreprises des milieux concernés à
coordonner leurs efforts en vue de réaliser le transfert des
idées et technologies nouvelles. Nous croyons, en effet, que l'agence
doit d'abord jouer un rôle incitatif en matière de valorisation
industrielle de la recherche, sachant combien le dirigisme dans ce domaine est
peu propice à stimuler les initiatives d'innovation qui sont
elles-mêmes tributaires des autres fonctions assumées par les
universités, y compris l'enseignement. C'est pourquoi les
universités affirment clairement, pour leur part, leur volonté de
conserver la possibilité de faire appel à des sources
diversifiées, au gré de leurs besoins, et de continuer à
développer, conjointement avec certaines entreprises, des ententes de
collaboration.
Dans le même ordre d'idées, nous sommes d'avis qu'il
conviendrait d'accorder à l'agence une complète liberté
d'action pour identifier les domaines ou secteurs d'activités qui
mériteraient d'être valorisés. Nous pensons
également que ce rôle d'identification, l'agence devrait l'exercer
en concertation avec les établissements et organismes de recherche.
Aussi, nous demandons que l'alinéa 1 de l'article 17 soit modifié
dans ce sens, par ailleurs conforme aux dispositions prévues à
l'article 20.
L'identification des idées et technologies nouvelles à
valoriser pose enfin la question, cruciale à nos yeux, des
mécanismes qui seront éventuellement retenus pour assurer
l'évaluation des résultats de recherche susceptibles d'offrir le
meilleur potentiel de transfert et d'innovation. La définition de ces
mécanismes se situe au coeur même de la problématique de la
valorisation industrielle de la recherche. Dans cette perspective, les
universités réaffirment la nécessité de
préciser la façon d'harmoniser les actions et ressources de
l'agence avec celles des organismes qui poursuivent des objectifs
complémentaires et d'inclure dans le projet de loi un nouvel article
à cette fin qui pourrait se situer entre les articles 17 et 18. Un tel
article devrait inciter l'agence à s'appuyer sur les organismes
existants, tant du secteur public que du secteur privé, afin
d'éviter tout risque de monopole et de récupération.
En marge de l'alinéa 2 de l'article 17, nous ne saurions trop
insister sur le fait que la production de nouvelles technologies est une
activité coûteuse qui requiert un investissement massif de
ressources. S'il entend réaliser des projets de valorisation de la
recherche comme il est souhaitable, le gouvernement devra donc y consentir des
efforts importants. À ce sujet, cependant, il est essentiel de souligner
que ces efforts ne doivent pas compromettre le développement des
activités de recherche elles-mêmes sans lesquelles la valorisation
en question ne serait qu'un vain mot. C'est pourquoi les universités
demandent instamment que les mesures financières destinées
à promouvoir l'innovation technologique s'ajoutent aux ressources
déjà allouées à la recherche universitaire et
permettent l'exploitation des idées les plus prometteuses au plan de la
valorisation industrielle.
Pour ce qui est des fonctions de sollicitation que l'article 18
reconnaît à l'agence, les universités s'y opposent
fermement. Elles ont déjà d'ailleurs pris position
là-dessus à l'occasion des débats sur le projet de loi 19
qui attribuait à la Fondation pour le développement de la science
et de la technologie des fonctions analogues, subséquemment
révoquées. Nous nous permettons donc de réitérer
qu'une telle attribution "entrerait de façon indue en compétition
avec les universités qui ont, dans le passé, pris des mesures
pour solliciter des ressources financières auprès des milieux
d'affaires et des milieux industriels ainsi que des citoyens et qui entendent
accentuer ces efforts à l'avenir".
Enfin, les universités ne voient pas la nécessité
de soumettre à l'approbation du gouvernement le règlement
qu'adoptera l'agence pour sa régie interne ainsi que le
stipule l'article 25. Elles sont cependant d'avis qu'une telle
approbation s'impose dans le cas du règlement relatif aux modes
d'administration et de disposition des montants reçus par l'agence, tel
qu'énoncé à l'alinéa 2 du même article.
En conclusion, nous tenons à souligner que, pour atteindre les
objectifs visés par la loi, il importe d'assurer la
variété et la complémentarité des mécanismes
de valorisation industrielle de la recherche. Il apparaît donc opportun
de préciser, dans le projet de loi 37, le rôle de l'agence
à l'égard des autres intervenants dans le développement
technologique.
Ce sont là les réflexions et commentaires que la
Conférence des recteurs, dans un esprit positif de collaboration,
désirait soumettre à l'attention des membres de la commission
élue permanente au sujet du projet de loi sur l'Agence
québécoise de valorisation industrielle de la recherche.
Le Président (M. Brouillet): Merci. Je vais laisser la
parole maintenant à M. le ministre.
M. Paquette: Merci, M. le Président. J'aimerais remercier
le président de la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec qui nous fait des suggestions fort
intéressantes pour améliorer ce projet de loi.
À la première page de votre mémoire, vous affirmez:
"II faut bien constater que les mécanismes qui existent sont
insuffisants et que nous ne disposons pas, en dehors d'initiatives locales
d'ailleurs fructueuses, de moyens suffisants pour exploiter pleinement les
connaissances nouvelles et mener les résultats de recherches
jusqu'à l'étape du prototype préindustriel." J'aimerais
que vous explicitiez un peu cette affirmation. Quels sont ces moyens
insuffisants, qui manquent? De quelle nature sont-ils exactement?
M. Hamel: En fait, je pense que l'affirmation découle
d'abord d'une observation en ce qui concerne les résultats de
l'innovation industrielle. On doit constater qu'au Québec, l'état
d'une évaluation du développement dans le domaine de l'industrie
n'est pas aussi avancé qu'il serait souhaitable. Sans porter un jugement
sur les organismes existants ou sans identifier les moyens additionnels
auxquels il faudrait avoir recours - et, à notre avis, l'agence en est
probablement un - on doit constater qu'il y a un besoin de faire plus que ce
que l'on a fait jusqu'à maintenant. C'est dans ce sens que l'affirmation
est posée.
M. Paquette: On constate qu'il y a un certain nombre
d'universités qui se sont donné des organismes permettant de
mettre les ressources universitaires au service du développement
technologique et de l'innovation dans les entreprises. À notre
connaissance, on nous a parlé évidemment ce matin de ceux qui
existent à l'École polytechnique. Nous savons qu'il existe un
bureau de recherche industrielle à McGill. Est-ce que vous diriez que
c'est une préoccupation qui est répandue dans l'ensemble des
universités du Québec?
M. Hamel: Oui, je pense qu'on peut affirmer que cette
préoccupation est répandue. Je pourrais vous citer quelques
autres exemples de centres de recherche dans les universités ou
d'organismes qui ont voulu se donner une orientation dans le sens du
développement économique. Je vous cite: le Centre de recherche en
nutrition de l'Université Laval, INRS-télécommunications
de l'Université du Québec, le Centre de recherche en transport de
l'Université de Montréal, l'Institut de recherche en exploration
minérale de l'École polytechnique et de l'Université
McGill, la Société de micro-électronique industrielle de
Sherbrooke. Il y en a plusieurs autres qui ne sont pas nécessairement
des organismes qui, comme le CIIM de l'École polytechnique que vous avez
cité, ont un objectif assez précis de valorisation industrielle,
mais ce sont quand même des organismes qui ont comme préoccupation
le transfert de la technologie, le transfert de la connaissance dans des
applications industrielles.
M. Paquette: Dans les universités, lorsque les
équipes de recherche découvrent des procédés
possiblement intéressants sur le plan industriel, est-ce que c'est
relativement facile de les commercialiser? Est-ce qu'il y a des
mécanismes ou des besoins de ce côté-là?
M. Hamel: Je vais demander à M. Giroux de répondre
à cette question.
M. Giroux (Yves): Je vais tenter de vous donner quelques
éléments de réponse, M. le ministre. Il y a deux aspects,
je pense, qu'il vaut la peine de souligner. Le premier est celui de la
prospection. Cela nous réfère immédiatement à
l'article premier des pouvoirs de l'agence. La question se pose effectivement
et continuera à se poser probablement à l'intérieur des
universités, à savoir si nous avons les possibilités dans
les bureaux d'administration de la recherche d'aller de façon active
prospecter dans les laboratoires. En général, c'est assez
difficile, parce qu'il y a des centaines, même des milliers de
chercheurs, et on ne peut pas les contacter continuellement. Dans la plupart
des cas, les chercheurs eux-mêmes sont intéressés et les
politiques en place les encouragent à signaler les inventions qui
pourraient être susceptibles d'avoir un développement
industriel. D'autant plus que dans la plupart des cas, ce sont des inventions
ou des découvertes qui sont réalisées par des gens qui ont
une certaine sensibilité aux possibilités de développement
industriel aussi.
Deuxième partie, à savoir si la commercialisation est
facile. Je pense que la réponse est non. Il est très clair que la
commercialisation est difficile. Elle l'est de toute façon, d'abord en
fonction des simples problèmes technologiques que pose le
développement. C'est-à-dire que le chemin entre l'invention, la
découverte et la commercialisation est une chemin très long et
très coûteux. Les universités ne sont pas
équipées pour le faire et c'est pourquoi la plupart d'entre elles
ont choisi de se donner des mécanismes pour faciliter ce transfert. Il
est très clair qu'on a besoin d'aide assez importante aussi bien sur le
plan logistique que sur le plan financier.
M. Paquette: Maintenant, à la page 2, vous écrivez
ceci: "Aussi, nous considérons que pour atteindre les objectifs que lui
assigne le projet de loi, dans l'intérêt de la
collectivité, l'agence devra être dotée d'une structure
aussi légère que possible et oeuvrer dans une optique de
complémentarité avec les établissements, organismes et
centres existants."
Comme vous l'aurez constaté probablement en lisant le document
d'accompagnement que nous avons préparé pour le projet de loi,
nous partageons cette orientation. Je pense que l'agence doit se brancher
très directement sur les bureaux de valorisation de la recherche
industrielle ou les centres qui existent dans les diverses universités
à la fois pour prospecter les innovations et pour aider ces organismes
universitaires à obtenir tout le support technique et financier
nécessaire pour valoriser les innovations. Quant aux ressources de
l'agence, je ne sais pas si vous avez une idée là-dessus. Quand
vous parlez d'une structure aussi légère que possible, je ne sais
pas si vous pourriez expliciter davantage.
M. Hamel: Je dois dire, M. le ministre, que nous n'en avons pas
discuté de façon détaillée, nous n'avons pas
essayé de chiffrer cette opinion. Nous pensons que l'organisme, par sa
nature même, devrait être relativement souple et capable d'agir
rapidement. Ce qui découle des quelques affirmations qui sont là,
c'est qu'en termes de structures il devrait être léger; en termes
de fonds disponibles, il devrait avoir à sa disposition des fonds,
à notre avis, relativement importants.
M. Paquette: Le moins de personnel possible et le plus de fonds
possible. M. Hamel: Voilà.
M. Paquette: Maintenant, à la page 3, vous mentionnez:
"Dans cette perspective, les universités réaffirment la
nécessité de préciser la façon d'harmoniser les
actions et les ressources de l'agence avec celles des organismes qui
poursuivent des objectifs complémentaires." Je ne sais pas si vous avez
des suggestions à nous faire sur la façon d'harmoniser ces
actions. Est-ce qu'il devrait y avoir, par exemple, des protocoles d'entente
avec les universités, les centres de recherche?
M. Hamel: Vous avez noté que nous n'avons pas voulu
formuler un projet d'article additionnel qui préciserait cette position.
Nous avions bien noté, dans la lettre de transmission que vous avez
signée et qui accompagnait le projet de loi, que l'agence devra
s'intégrer harmonieusement et compléter les réseaux
d'échange existants. Je pense que vous l'avez affirmé clairement,
M. le ministre. Ce que nous souhaitons, c'est que ces intentions soient, d'une
certaine façon, précisées dans la loi elle-même.
Nous ne sommes pas allés dans le détail de la façon de le
faire, n'étant pas spécialisés dans la rédaction de
textes de loi.
M. Paquette: À la page 4, vous nous dites qu'il est
essentiel que cet effort financier additionnel dans la valorisation
industrielle, ou que les fonds qui seront mis à la disposition de
l'agence viennent s'ajouter au fonds destiné à la recherche. Je
tiens à vous dire que jamais il n'a été notre intention de
faire un transfert de fonds. On consacre déjà trop peu de fonds
à la recherche et au développement. Il est clair que, dans notre
esprit, nous sommes sur la même longueur d'onde.
La même chose pour la composition; là, je ne sais pas
jusqu'à quel point on devrait le préciser dans la loi.
Jusqu'à maintenant, ce qu'on a mis à l'article 5, c'est qu'au
niveau du conseil d'administration de l'agence de onze membres, au plus quatre
des membres du conseil d'administration peuvent être choisis parmi les
membres des organismes des secteurs public et parapublic ou parmi les membres
de leur personnel. Dans notre esprit, cela voulait dire qu'il y avait une
majorité de membres qui proviennent des milieux industriels et
économiques et qu'il y en avait au plus quatre qui provenaient soit des
universités, soit des sociétés d'État. Là,
vous nous proposez que ce soit spécifié dans la loi qu'il y ait
deux membres du milieu universitaire. Sur le principe, je n'ai pas de
désaccord avec cela, mais je voulais simplement vous demander si vous
trouvez indiqué qu'une telle
agence ait une majorité de membres à son conseil
d'administration qui proviennent des milieux économiques et des milieux
industriels.
M. Hamel: Sans doute, mais, quand nous lisons un texte comme
celui auquel vous référez, nous ne savons jamais si, dans
l'esprit du législateur, les universités sont situées dans
les secteurs public et parapublic ou dans l'autre secteur, parce que nous
prétendons à chaque occasion que nous sommes plutôt dans le
secteur péripublic. Ce n'était pas clair dans notre esprit de
quel côté nous nous situions par rapport à cette
indication. Mais ce qui importe pour nous c'est le résultat. Les
universités contribuent à environ le tiers de la recherche qui se
fait au Québec et il nous apparaît important qu'à un
conseil d'administration de onze membres il y ait deux universitaires oeuvrant
dans la recherche et peut-être plus, mais un minimum de deux.
M. Paquette: D'accord. Vous parlez dans le mémoire de la
nécessité d'encourager les établissements et entreprises
des milieux concertés à coordonner leurs efforts en vue de
réaliser le transfert des idées et technologies nouvelles. C'est
donc que, malgré tous les efforts qui ont été faits et qui
s'accélèrent avec le temps, vous constatez quand même un
certain cloisonnement entre les milieux de la recherche, les milieux
universitaires et les milieux d'affaires. Vous parlez d'encourager les
établissements et les entreprises à coordonner leurs efforts. De
quelle façon l'agence pourrait-elle les favoriser, parce que c'est un de
nos objectifs évidemment? Je ne sais pas si vous avez des idées
un peu plus précises là-dessus.
M. Giroux (Yves): M. le ministre, le sens de la rédaction
qui est ici se réfère à la rédaction de l'article
17 où on peut lire des pouvoirs assez pénétrants pour
l'agence. C'est surtout dans ce sens qu'a été
rédigé ce commentaire pour qu'on rédige bien clairement
qu'il y a un devoir pour l'agence d'utiliser les établissements et
entreprises des milieux concernés. Sinon, le premier alinéa des
pouvoirs de l'agence, à l'article 17, de prospecter les milieux de la
recherche, de promouvoir des projets de valorisation sans se
référer à d'autres intervenants qui sont dans le monde
scientifique, peut être un peu préoccupant. (15 h 45)
M. Paquette: Très bien. Alors, je pense que tous ces
commentaires vont nous aider à clarifier davantage le projet de loi et
à s'assurer qu'on puisse le rendre conforme à ces orientations.
Je pense qu'en consultant la brochure que nous avons publiée, on pourra
constater que nous partageons ces orientations et je tiens à vous dire
que les recommandations que vous faites m'apparaissent très pertinentes
et méritent d'être étudiées plus à fond. Je
vous remercie de ce mémoire.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais
remercier les représentants de la Conférence des recteurs et des
principaux des universités du Québec de leur excellent
mémoire.
À la page 3, au premier paragraphe, vous avez dit: "Nous croyons
en effet que l'agence doit d'abord jouer un rôle incitatif en
matière de valorisation, etc." Pourriez-vous nous préciser un peu
le rôle incitatif que vous envisagez et est-ce que les fonctions et les
pouvoirs déjà précisés dans le projet de loi
répondent aux besoins que vous envisagez quand vous parlez d'un
rôle incitatif?
M. Hamel: À une nuance près, Mme la
députée, que nous avons signalée dans le deuxième
paragraphe de la même page 3 où nous nous référons
à l'alinéa premier de l'article 17. À notre avis, dans ce
premier paragraphe de l'article 17 qui donne à l'agence comme fonction
de prospecter les milieux de la recherche dans les domaines jugés
prioritaires par le gouvernement, l'expression "jugés prioritaires par
le gouvernement" nous apparaît trop restrictive. D'autres intervenants
dans le domaine de la recherche, à notre avis, peuvent aussi avoir des
priorités qui peuvent apparaître intéressantes. Je
présume que l'industrie a des priorités en termes d'orientation
de la recherche, de développement de certains résultats de
recherche et qu'il pourrait apparaître intéressant d'investir dans
cela, et pas seulement dans les secteurs jugés prioritaires par le
gouvernement.
Le gouvernement peut, bien sûr, définir des orientations,
favoriser par différentes mesures, soit par le biais de l'agence, soit
par d'autres mesures, par exemple, de nature fiscale, des développements
dans certains secteurs. Je pense qu'on ne devrait pas limiter l'agence à
prospecter en fonction de priorités établies uniquement par le
gouvernement, mais donner une liberté d'action plus grande. En fait, on
dit quelque part dans le texte: donner une complète liberté
d'action à l'agence pour prospecter tout ce qui peut lui
apparaître intéressant. Le rôle incitatif est relié
aussi à l'aspect de complémentarité que nous avons
souligné, c'est-à-dire que l'agence devrait être là
et disposer de fonds importants pour favoriser le plus possible le
développement des idées qui peuvent permettre de conduire
à des innovations intéressantes pour l'industrie.
Mme Dougherty: Si je comprends bien, vous êtes sur la
même longueur d'onde que l'École polytechnique? Est-ce que vous
avez lu son mémoire ce matin?
M. Hamel: Malheureusement non, madame. Nous n'avions pas pris
connaissance du mémoire de l'École polytechnique, non plus que de
la brochure dont le ministre a parlé tout à l'heure. Nous avons
noté à notre arrivée tout à l'heure l'existence de
cette brochure qui, semble-t-il, comporte plus de précisions que le
projet de loi lui-même.
Mme Dougherty: D'accord. Il me semble que vous avez beaucoup de
réserve en ce qui concerne la création de l'agence. Vous parlez,
à la page 2, du risque de dédoublement des efforts, de la
nécessité d'éviter la création d'une structure
lourde; à la page 3, du risque de dirigisme dans le domaine des
innovations et je me demande si vous êtes vraiment d'accord avec la
création de l'agence ou si vous cherchez une autre forme d'appui
gouvernemental.
M. Giroux (Yves): Je vais tenter de répondre, madame.
Effectivement, les réserves que vous venez de résumer d'une
façon aussi condensée peuvent apparaître un peu lourdes,
mais il faut se rappeler encore qu'elles ont été formulées
à la lecture du projet de loi, et du projet de loi uniquement, et comme
il se doit. Même si on avait disposé de la brochure, je pense
qu'il aurait fallu faire les mêmes commentaires parce que nous discutons
du projet de loi, même si le contenu de la brochure et les
déclarations sont rassurantes sur ce point. Ce qui est important, c'est
que nous sommes d'accord -nous le disons très clairement - avec le
principe de la création d'une Agence de valorisation industrielle de la
recherche. Notre propre expérience, notre propre lecture de la situation
de la recherche au Québec nous indique qu'il est utile et
nécessaire de valoriser cette recherche et de donner des
mécanismes particuliers, des façons de le faire sur le plan
industriel. Il y a un élément de développement
économique très net et très clair, et l'exemple a
été établi ailleurs.
Donc, les réserves sont surtout sur les moyens plutôt que
sur les principes. Étant donné que c'est un projet de loi, si
nous avons été inquiétés à prime abord par
le manque de références aux autres mécanismes qui
existaient... À peu près toutes les universités et
même toutes les universités sont actives d'une façon ou de
l'autre avec plus ou moins de visibilité publique dans le transfert des
technologies et dans la réalisation de contrats de recherche avec des
entreprises, avec des ministères. Ce n'est donc pas quelque chose qui
est nouveau présentement. Nous serions beaucoup plus rassurés si
la loi faisait référence spécifiquement à ce
rôle et aux mécanismes que des universités se sont
donnés, comme le CIIM, comme les ententes du CRIQ avec
différentes universités qui visent exactement à faire le
transfert technologique et à réussir à passer des
découvertes jusque sur le marché. Il y a un certain nombre
d'exemples qu'il est très facile de citer qui le confirment. Donc, les
réserves vont surtout sur la façon dont un objectif louable nous
est amené dans le projet de loi.
Mme Dougherty: À la page 4, au premier paragraphe, vous
avez demandé incidemment que les mesures financières
destinées à promouvoir l'innovation s'ajoutent aux ressources
déjà allouées à la recherche universitaire et
permettent l'exploitation des idées les plus prometteuses. Voudriez-vous
préciser pour nous ce que vous souhaitez à cet égard?
Est-ce qu'il s'agit d'une fonction de l'agence sur laquelle on doit mettre
l'accent, la fonction de subventionner ses activités de transfert entre
les universités et le monde industriel, ou si vous parlez ici des
subventions du MEQ ou s'il s'agit d'un élargissement peut-être du
rôle de la SDI? De quoi s'agit-il?
M. Hamel: II s'agit des fonds dont les universités
disposent déjà pour financer leurs activités de recherche;
M. le ministre nous a rassurés là-dessus. En ce qui concerne le
gouvernement du Québec, ce sont principalement des fonds qui viennent du
Fonds FCAC, quelques fonds additionnels d'autres ministères et les
subventions générales, bien sûr, du ministère de
l'Éducation qui supportent les infrastructures universitaires. Or,
puisqu'au niveau universitaire nous connaissons depuis plusieurs années
déjà une règle qui s'appelle la règle du
prélèvement, c'est-à-dire que chaque fois qu'on veut faire
quelque chose de nouveau on prélève sur l'enveloppe et on
redistribue - on finance de cette façon les clientèles
additionnelles et d'autres projets - nous avons voulu mettre une réserve
pour indiquer qu'en ce qui concerne le secteur universitaire, en tout cas, nous
ne devrions pas être pénalisés financièrement par
ces intentions de création de l'agence.
Mme Dougherty: Vous nous avez parlé des ententes entre
certaines universités et le CRIQ. Voudriez-vous décrire le
contenu et le but de ces ententes? En même temps, est-ce que vous avez
des ententes similaires entre les universités et la SDI qui exploitent
la possibilité des fonds de la SDI de la même façon?
M. Giroux (Yvves): Je vais répondre à la
première partie de votre question. Concernant la SDI il faudra que je
consulte les gens de la délégation. Si vous me
permettez, je vous donnerai l'exemple que je connais le mieux, celui de
l'Université Laval dans son entente avec le CRIQ. Des ententes du genre
ont été passées avec d'autres universités aussi. Ce
que cela fait essentiellement, c'est d'assurer l'interface nécessaire
pour le transfert technologique. Les chercheurs à l'université
arrivent à certains résultats qu'ils estiment avoir un certain
potentiel industriel ou commercialisable. Ils ne sont pas des experts
même s'ils peuvent être assez près du marché
industriel.
Par contre, le développement et le transfert technologique
exigent des efforts logistiques et un travail considérable qui cessent
d'être de nature universitaire mais qui ne sont pas encore tout à
fait de nature industrielle, surtout pour les petites et moyennes entreprises
qui n'ont pas les moyens d'avoir de grandes installations de recherche.
Ce que fait l'entente CRIQ-Université Laval, c'est d'assurer que
l'invention et les droits à l'invention, selon les modalités,
sont passés au CRIQ et que celui-ci, jugeant qu'il y a un certain
potentiel, prend la responsabilité des investissements financiers,
cherche un partenaire industriel, prospecte le milieu industriel pour voir si
quelqu'un est intéressé à faire le développement,
peut même supporter une partie des frais de recherche
supplémentaire ou de développement qui sont requis et finalement
peut céder des droits à l'entreprise. S'il y a un succès
commercial - et cela arrive dans quelques cas, trop peu fréquemment
évidemment, mais c'est aussi la règle de la recherche - le CRIQ
se rembourse d'abord de ses dépenses quand des redevances sont
versées et ensuite il y a une entente qui fait que les redevances
supplémentaires reviennent à l'inventeur et à
l'université selon des modalités établies au
départ. Il a donc un rôle extrêmement actif. Il y a
déjà quelques projets à l'Université Laval et aussi
dans d'autres universités qui ont connu un certain succès
commercial selon cette voie.
Je ne sais pas si cela répond assez clairement, mais il y a
vraiment un rôle d'intermédiaire entre l'université et
l'entreprise qui est joué dans ce cadre.
Mme Dougherty: Est-ce que vous croyez que l'agence, telle que
conçue dans le projet de loi, pourrait jouer un rôle de catalyseur
pour faciliter ces ententes ou si l'agence pourrait améliorer la
situation? Que voyez-vous comme rôle de l'agence pour encourager ces
ententes?
M. Giroux: II y a peut-être deux ou trois
éléments très clairs. Ce qui se fait présentement a
été le résultat de certaines initiatives au niveau des
différentes universités qu'il y aurait possibilité et
qu'il y a lieu d'élargir considérablement, d'une part, à
toutes les universités et, d'autre part, à des secteurs plus
larges à l'intérieur des universités. Pour le faire, il
faut avoir certains moyens de prospection interne qui sont
considérables. J'y faisais allusion tout à l'heure. Il faut avoir
les moyens aussi assez importants pour se mettre en liaison avec les
entreprises de façon peut-être plus générale que le
CRIQ l'a fait jusqu'à maintenant et il faut avoir les crédits
à investir de façon plus importante encore qu'ils l'ont
été jusqu'à présent dans le développement
même.
Il demeure généralement, après une invention, un
travail technique considérable pour amener un produit, un brevet, un
mécanisme quelconque jusqu'à une phase commerciale. Donc, il nous
semble que la trame est déjà établie. Nos commentaires
s'appuient sur l'expérience qui est vécue, que nous avons vue
chez nous et ailleurs, et il nous semble y avoir matière à
généraliser le processus considérablement. Donc, il y a un
ordre de grandeur peut-être supplémentaire qui se pose, comme nous
lisons le projet de loi présentement. (16 heures)
Mme Dougherty: Sur la SDI, est-ce qu'il y a des relations entre
les universités et la SDI?
M. Bernard: M. le Président, je dirais à Mme la
députée qu'à ma conaissance, il n'y a pas de relation
directe entre la SDI et les universités. Les universités
participent aux projets de la SDI soit par des ententes avec l'entreprise qui
profite d'une subvention de la SDI, le projet piloté par l'entreprise
pouvant faire appel à des chercheurs universitaires, et de façon
un peu plus formelle dans le cadre du CHM, le Centre d'innovation industrielle
de Montréal, qui est l'organisme accrédité par la SDI pour
évaluer les projets d'innovation industrielle.
Comme les universités sont partie liante au CHM de plusieurs
façons, elles ont des liens indirects avec la SDI, mais les liens ne
seront jamais directs, les universités n'étant pas à ma
connaissance assujetties ou susceptibles de recevoir une aide directe de la
SDI.
Mme Dougherty: D'accord. C'est tout.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Premièrement, vous avez mentionné que
vous n'avez pas pris connaissance de la brochure du gouvernement qui expliquait
un peu l'intention du fonctionnement du projet de loi. Je pense que vous avez
bien fait de ne pas la prendre en considération parce qu'une brochure,
c'est exactement ce que cela dit: c'est une brochure. Il faut que vous vous en
teniez au
projet de loi parce que la brochure d'aujourd'hui peut devenir une autre
brochure demain, mais le projet de loi demeure la loi du Québec et c'est
ce qui va rédiger ou gouverner les relations des universités, des
organismes qui font la recherche. C'est la loi à laquelle ils doivent se
plier. Le gouvernement peut avoir certaines intentions aujourd'hui, mais cela
peut prendre différentes tournures, selon le texte du projet de loi.
C'est important, tel que vous l'avez fait, de souligner les changements qui
sont nécessaires au projet de loi pour se conformer à la
réalité de vos activités et à ce que vous
espérez du gouvernement. Première réaction.
Deuxième réaction, votre mémoire est le
deuxième mémoire que nous étudions aujourd'hui et c'est
intéressant de savoir, M. le Président, que M. Hamel n'a pas eu
l'occasion de prendre connaissance du mémoire de l'École
polytechnique. Mais, essentiellement, ce sont les mêmes
préoccupations que vous apportez à l'attention de la commission
parlementaire et j'ai l'impression - je ne veux pas vous prêter
d'intention - de la façon que je lis les deux mémoires, qu'on a
des réserves très sérieuses quant au projet de loi. La
réalité des choses étant ce qu'elle est, on ne peut pas
vraiment ouvertement s'opposer au projet de loi. Qui est contre le principe de
la valorisation industrielle? Ce seraient des voeux pieux, vous ne pouvez pas
être contre cela.
Les changements que vous suggérez sont assez substantiels et on
peut faire un parallèle avec les mêmes changements que
l'École polytechnique a demandés. Autrement dit, j'ai
l'impression qu'on ne veut pas s'opposer au principe de la valorisation
industrielle de la recherche, nous non plus, mais que le projet de loi tel
qu'il est rédigé va plutôt à l'encontre de
l'efficacité de ce principe et que l'École polytechnique et la
Conférence des recteurs et des principaux des universités du
Québec en sont venues presque aux mêmes recommandations, ce qui
nous laisse croire qu'il y a des difficultés sérieuses avec le
projet de loi tel qu'il est rédigé.
On pourrait presque en tirer deux conclusions d'après vos
commentaires et ceux de l'École polytechnique. Premièrement, il
faut des changements substantiels et, deuxièmement - corrigez-moi si je
me trompe - il faut des politiques du gouvernement qui vont assurer les
conditions qui vont permettre vraiment la valorisation de la recherche
industrielle. Ce n'est pas assez de dire: On va faire de la recherche. Si on
n'a pas les mécanismes, si on n'a pas les politiques du gouvernement, si
on n'a pas tout ce qui s'ensuit, qui n'est pas contenu dans le projet de loi,
on ne pourra pas atteindre ces objectifs. Avez-vous des commentaires sur ce que
je viens de vous dire?
M. Hamel: Quelques-uns, oui, M. le député. En ce
qui concerne le mémoire de l'École polytechnique et le
mémoire de la Conférence des recteurs, je vous dirai d'abord que
la Conférence des recteurs représente l'École
polytechnique; donc, l'École polytechnique connaît bien notre
mémoire, elle y a participé. Nous parlons actuellement au nom de
l'École polytechnique comme au nom des autres établissements
universitaires, l'École polytechnique étant une institution
affiliée à l'Université de Montréal qui dispose
d'une certaine autonomie.
L'École polytechnique, par ailleurs, a voulu aller plus loin,
dans ses commentaires devant la commission, que l'ensemble des
université parce que, vous le savez bien, c'est l'École
polytechnique qui a donné naissance au Centre d'innovation industrielle
de Montréal, le CIIM, dont nous parlons.
Maintenant, en ce qui concerne votre question voulant que nos
réticences sur le projet de loi soient suffisamment importantes pour
remettre en cause même l'opportunité de l'agence, je pense que
c'est aller trop loin dans l'interprétation de nos remarques. M. Giroux
a dit quelques mots là-dessus tout à l'heure. Une phrase qui
résume assez bien la position de la conférence et qui n'est pas
dans la conclusion mais au bas de la page 3, c'est lorsqu'on dit en proposant
qu'un article additionnel soit formulé: "Un tel article devrait inciter
l'agence à s'appuyer sur les organismes existants, tant du secteur
public que du secteur privé, afin d'éviter tout risque de
monopole et de récupération".
Ce que nous pensons, c'est qu'il y a quelque chose à faire. Ce
qu'on a fait jusqu'à maintenant, je le signalais au début, est,
à notre avis, insuffisant, les résultats le montrent. Il y a
quelque chose de plus à faire, mais il n'est pas nécessaire pour
cela de mettre de côté ce qui existe déjà, ce qui
fonctionne déjà; qu'on ajoute et qu'on s'assure qu'on travaille
en complémentarité, qu'on mette des moyens additionnels pour
atteindre des objectifs sur lesquels tout le monde sera d'accord, nous nous
n'avons pas d'objection à cela. C'est la raison pour laquelle nous
affirmons au début que nous sommes entièrement
d'accord en principe avec l'opportunité de la création d'une
agence semblable à celle qui est proposée dans le projet de
loi.
M. Ciaccia: Pourvu qu'il y ait les changements que vous
suggérez dans votre mémoire. Si on enlevait l'alinéa 2 de
l'article 17 - l'article 17 décrit les fonctions de l'agence - qui parle
d'une contribution financière à la réalisation des projets
de valorisation, qu'est-ce que l'AQVIR ajouterait aux structures existantes,
c'est-à-dire aux universités, à l'École
polytechnique, au CIIM,
au CRIQ, à la SDI? Qu'est-ce que l'AQVIR ajouterait à la
situation actuelle par ce projet de loi?
M. Giroux (Yves): C'est une question hypothétique, comme
on dit en cour, mais je vais quand même tenter d'y répondre, en me
référant au texte de la loi simplement. L'alinéa 1 demeure
valable à notre avis, toujours avec les réserves que cela doit
être fait en complémentarité avec ce qui se fait
déjà. Dans les universités en général, il se
fait déjà une certaine prospection, chacun dans son milieu de
recherche, mais ce n'est pas forcément une prospection qui est
entièrement systématique et ce n'est pas une prospection qui se
sent appuyée par des moyens, par un contexte qui la favorisent beaucoup.
De ce côté, on pourrait dire théoriquement qu'il demeure un
rôle utile pour l'agence, celui de créer un climat, un contexte
dans lequel la prospection se fait et dans lequel il y aura des appuis.
Si l'agence n'a aucune ressource financière, c'est inutile de la
créer; c'est clair. Je pense qu'il faut que l'agence ait des ressources
financières, d'une part, pour son rôle logistique et, d'autre
part, surtout pour le rôle d'appui pour réaliser le
développement, le transfert. C'est ce qui est le plus cher à
réaliser, le transfert.
M. Ciaccia: Alors, si je vous comprends bien, le rôle que
vous voyez à l'AQVIR est un rôâle d'appui financier.
Même à l'alinéa 1 dans votre mémoire vous proposez
des amendements. La question des domaines jugés prioritaires par le
gouvernement, sur cela vous vous posez de sérieuses questions. Est-ce
que je comprends bien que le rôle que vous voyez de l'AQVIR ce serait de
fournir une contribution financière, de coordonner les activités,
utiliser les ressources de toutes les autres agences comme le CRIQ, le CIIM,
les universités? Est-ce que c'est essentiellement cela?
M. Giroux (Yves): Disons pour être très
précis - c'est important de l'être - si le rôle de l'agence
était situé en complémentarité des
mécanismes et des systèmes qui existent déjà, on
pourrait concevoir que l'agence aurait peut-être deux fonctions majeures.
Une serait d'investir des fonds dans les mécanismes qui existent
déjà et qui ont besoin de fonds pour pouvoir fonctionner à
plein, qui fonctionnent présentement mais avec les moyens du bord si on
peut dire. D'autre part, il nous semble qu'il reste pour l'agence un rôle
important de réfléchir de façon systématique et
générale à tous les mécanismes de valorisation
industrielle.
Nous le faisons, chacune des universités à son niveau,
chacune des agences existantes à son niveau. Pour l'instant, ceci n'est
pas organisé de façon systématique dans toute la province.
Dans ce cas-là c'est comme cela qu'on pourrait le concevoir.
M. Ciaccia: Est-ce que vous pourriez expliciter un peu plus le
deuxième rôle que vous venez de décrire?
M. Giroux (Yves): Disons que je me réfère aux
alinéas 1 et 2 de l'article 17.
M. Ciaccia: L'alinéa 2, c'est la question
financière.
M. Giroux (Yves): De prospecter ou de promouvoir des projets de
valorisation aussi. C'est à cette première ligne que je
réfléchissais. Comme nous l'avons compris dans les
universités, les responsables de l'agence se préoccuperaient de
mettre sur pied des projets, des programmes de valorisation.
M. Ciaccia: Mais, est-ce que...
M. Giroux (Yves): Ils feraient une certaine publicité,
certains programmes qui seraient annoncés peut-être dans les
milieux de la recherche qui aideraient à inciter les chercheurs à
se prévaloir des possibilités. C'est très
hypothétique comme réponse. J'essaie de répondre à
votre question un peu hypothétique aussi, vous le réalisez
bien.
M. Ciaccia: II n'y a aucune autre agence qui fait cela,
promouvoir des projets de valorisation? Le CRIQ et le CIIM ne le font pas, les
universités ne le font pas, l'École polytechnique ne le fait
pas?
M. Giroux (Yves): Comme je vous le mentionnais, chacune des
universités a certains mécanismes qui sont plus ou moins
développés en fonction des ressources disponibles. On ne voit pas
d'agence ou d'organisme ou de mécanisme qui ait spécifiquement
cela comme mandat au niveau du Québec, de promouvoir cette valorisation
industrielle de la recherche universitaire.
Si j'essaie de me référer à l'expérience des
quelques années récentes, je ne me souviens pas d'avoir vu, sauf
les documents gouvernementaux sur la politique scientifique...
M. Ciaccia: Aujourd'hui cela n'existe pas des structures qui font
exactement cela, qui essaient de valoriser la recherche pour fins
industrielles? Est-ce que le CRIQ n'a pas ce mandat-là? Est-ce que cela
n'est pas son rôle? Je ne dis pas que c'est assez. Je ne dis pas que
c'est complet. Mais est-ce que ce n'est pas un des rôles du CRIQ de
valoriser la recherche industrielle? Ce n'est pas un des mandats, des
rôles que le CIIM a? Ce ne serait pas un des rôles que
différentes agences de l'École polytechnique
ont?
M. Giroux (Yves): Effectivement, une fois le mandat bien
défini - je ne peux pas vous répondre précisément
pour le CRIQ, n'ayant pas lu récemment son mandat - il serait possible
pour différents organismes d'assumer cette responsabilité. Ce
rôle, présentement, ne semble pas rempli par quelque organisme que
ce soit de façon aussi globale et complète.
M. Ciaccia: Quelles relations voyez-vous entre ce
râle-là et le secteur privé? (16 h 15)
M. Giroux (Yves): Nous, répondant pour les
universités, nous sommes la source et nous nous voyons comme la source
des innovations. Il nous semble utile d'avoir une possibilité de
multiplier les contacts avec les industries. Comme je le mentionnais tout
à l'heure, nous en avons déjà directement et, dans
certains cas, nous ne passons pas, pour l'Université Laval, par le CRIQ
car il y a des ententes directes dans le cadre de contrats de recherche et nous
n'avons besoin de personne, ni d'agence pour les faire dans ces cas-là.
Il y a d'autres circonstances où cela semble utile.
M. Ciaccia: Dans ce que vous mentionnez à la
première page, au bas de la première page et au haut de la page
2, vous semblez mettre en doute le râle respectif de cette agence, de
l'actuel Centre de recherche industrielle du Québec et l'absence de
référence aux mécanismes et structures mises en place
conjointement par les universités et les industries. Est-ce que cela
veut dire que de la façon dont le projet de loi est présentement
rédigé, il donne l'impression d'avoir été
rédigé dans un "vacuum" sans référence aux autres
organismes. Si je lis le projet de loi et que je ne suis pas au courant de
l'existence de quelques autres organismes, c'est comme s'ils n'existaient pas.
Je prends un projet de loi et c'est ce projet de loi qui va valoriser la
recherche industrielle au Québec. Est-ce que c'est cela que vous nous
dites?
M. Hamel: Je pense que c'est l'essence même de notre
intervention, que de suggérer que dans le projet de loi même on
confirme les intentions affirmées par M. le ministre selon lesquelles
cette agence travaillera en complémentarité avec les organismes
existants et ne vise pas à se donner un monopole ou à
récupérer et centraliser tout ce qui existe actuellement mais que
c'est un élément nouveau qui va venir ajouter, aux intervenants
en place, de nouvelles possibilités.
Comment peut-on faire cela dans un projet de loi? Je l'ai indiqué
tout à l'heure, il vous appartient d'en décider mais, à
notre avis, il apparaît important que ce soit dans le projet de loi.
M. Ciaccia: Est-ce que vous voyez une relation entre la
recherche, les fonds qui sont alloués pour la recherche, pour
l'innovation, les nouveaux produits et les politiques du gouvernement qui vont
permettre la commercialisation de ces produits?
M. Giroux (Yves): Est-ce que je comprends bien votre question en
vous référant aux politiques du gouvernement qui vont permettre
la commercialisation? On parle de l'agence proposée ici.
M. Ciaccia: Non, pas seulement de l'agence parce que tout ce que
l'agence va faire c'est de contribuer financièrement et d'une
façon technique en faisant des études de marché, et
d'aider à découvrir un nouveau produit, un nouveau
système. De cet aspect un peu théorique et qui n'est pas encore
mis en application, il faut toujours prendre ces innovations et les
commercialiser, il faut en faire la mise en marché. Voyez-vous un lien
entre les politiques qui créeront cette agence... Même si on prend
les changements que vous proposez pour coordonner et prendre en
considération tous les autres organismes, cela est un côté
du bilan, un côté de la médaille. L'autre aspect, c'est le
côté pratique. Comment allons-nous procéder à la
suite de la découverte de ce nouveau produit sur papier, après
les recherches que vous avez faites, les encouragements à la recherche,
les subventions, les études, à la mise en marché? Ce n'est
pas l'université qui va le faire; ce n'est pas l'agence qui va le faire.
Est-ce que vous voyez un lien entre les politiques qui vont créer cette
agence -il semble que ce soit la politique du gouvernement de vouloir
créer - et les politiques qui vont permettre au capital de risque de
financer l'innovation et qui vont permettre, que ce soit à une PME ou
autre, de faire le marketing et de prendre le risque pour produire et vendre ce
produit.
M. Giroux (Yves): Vous comprendrez, je pense, M. le
député, que c'est un peu difficile pour nous de répondre
à cette partie de la question jusqu'au niveau des politiques
commerciales dans lesquelles nous ne sommes pas des experts et que nous n'avons
pas étudiées en fonction de notre présentation ici. Mais
peut-être puis-je vous mentionner deux éléments. La
recherche que nous faisons dans les universités est une recherche
fondamentale et une recherche appliquée, mais le but premier de la
recherche universitaire n'est pas de développer de nouveaux produits
pour la commercialisation. Parfois, c'est un peu un sous-produit de la
recherche universitaire que d'avoir des
produits ou des découvertes qui sont immédiatement
commercialisables.
D'autre part, et pour répondre plus directement à votre
question, à notre sens, la valorisation industrielle de la recherche
universitaire - je choisis celle-là seulement -veut dire qu'il y a un
pont qui s'établit entre les découvertes et les produits ici ou
les projets de recherche produits dans les universités et l'industrie
dans son contexte et dans sa forme, sur laquelle nous n'avons aucun
contrôle. Mais pour nous, la valorisation industrielle veut dire qu'il y
a un mécanisme qui nous assure que ce qui peut être utile
commercialement - donc au développement économique - sera
amené jusqu'à l'industrie, en supposant qu'il y ait une industrie
qui fonctionne, qui sache faire sa mise en marché et qui sache faire
même son développement final.
M. Ciaccia: Quand vous parlez des mécanismes propres
à favoriser les retombées socio-économiques des
activités de recherche qu'il soutient, qu'avez-vous exactement à
l'esprit?
M. Giroux (Yves): Ce que nous avons à l'esprit, c'est de
nous assurer autant que possible - c'est un peu une perception de leur
rôle qu'ont les universités dans la société - que
là où il y a des découvertes ou des inventions
susceptibles de donner lieu à des succès commerciaux, donc
à un développement économique et éventuellement
à une commercialisation, à une exportation de produits et
à des créations d'emplois, nous ne voudrions pas que ces
inventions demeurent tout simplement l'objet de rapports techniques ou de
publications dans des revues scientifiques, mais nous souhaitons qu'elles
soient mises sur le marché, qu'elles soient rendues jusque dans les
industries et qu'elles soient ensuite exploitées.
M. Ciaccia: Pour les mettre sur le marché, qui va le
faire? Ce n'est pas l'agence qui va le faire, ce n'est pas l'industrie
privée?
M. Giroux (Yves): C'est l'industrie. M. Ciaccia:
Alors...
M. Hamel: Là-dessus, si vous le permettez, M. le
Président, nous pensons que le projet de loi vise dans la bonne
direction. Nous ne pensons pas que ce soit au niveau de la commercialisation
que les problèmes se posent. C'est aux premières étapes du
processus d'innovation qu'il y a actuellement une difficulté. Là
où des résultats de la recherche ne permettent pas de
déterminer clairement le degré de probabilité de
succès de telle ou telle idée. Comme on l'indiquait tout à
l'heure, les universités sont profondément engagées en
recherche et de plus en plus en recherche appliquée. Je pense que vous
êtes conscients que les universités sont surtout un lieu de
recherche fondamentale, mais les universités font de plus en plus de
recherche appliquée, de recherche contractuelle. Il y a sûrement
dans ces résultats de recherche un bon nombre d'idées qui
mériteraient d'être explorées davantage en vue d'une
commercialisation éventuelle. Mais, à cette étape du
processus d'innovation, le risque est tellement élevé et il y a
des dépenses importantes à encourir pour développer des
brevets et créer le prototype, etc., et il n'y a personne qui est
là pour financer, ce n'est pas l'industrie qui va accepter facilement de
financer cela ni même des institutions financières. Là, il
y a un rôle particulièrement important à jouer pour le
gouvernement afin de prendre ce risque. À l'étape
ultérieure - vous parliez des politiques de commercialisation - je pense
que le rôle du gouvernement est beaucoup moins grand et l'industrie peut
prendre en charge les coûts de la commercialisation. C'est aux
premières étapes du processus de valorisation de la recherche
pour vérifier que telle idée, tel projet, a des
possibilités de succès, peut présenter une certaine
rentabilité sur le marché qu'il peut intervenir.
M. Ciaccia: Je vais vous donner un exemple et je vais vous
demander votre opinion. Je pense que le CRIQ ou le CHM font des études.
Supposons que quelqu'un a un nouveau produit, une nouvelle invention. Il
présente son idée au CRIQ ou au CUM. Une étude est faite
et la conclusion est que cette invention, ce produit, aurait tel pourcentage de
chance sur le marché. Supposons que ce soit très
élevé, de l'ordre de 75%. C'est encore au niveau de
l'étude, c'est encore au niveau de la recherche. Comment allez-vous
procéder de cette étape, où toutes les études sont
faites, où le produit est recommandé comme étant quelque
chose qui pourrait être mis sur le marché, à la
commercialisation? Comment faites-vous ce lien?
M. Giroux (Yves): Je pense que vous posez la question pour aller
jusqu'à la commercialisation.
M. Ciaccia: Pour la production. M. Giroux (Yves): Oui.
M. Ciaccia: Si vous voulez utiliser un autre terme, si vous dites
commercialisation, pour l'ensemble de tout le Québec ou de tout le
Canada, la production de ce nouveau produit ou de cette invention.
M. Giroux (Yves): Je pense qu'il y a
une étape qui précède cela et qui est celle du
développement. Après que le produit a été
conçu, il n'est pas nécessairement rentable. L'invention peut
avoir été faite, le brevet peut avoir été obtenu,
mais il n'y a pas possibilité de le produire de façon
économique ou rentable, même si on pense qu'il y a un
marché ou qu'il n'y en a pas; c'est encore une autre condition. Ce qui
est important, je pense, c'est que le rôle de l'agence - pour
répondre à cette question-là serait partiellement, selon
notre compréhension, d'évaluer si cela vaut la peine de prendre
le risque d'investir encore plus dans le produit en question. Et je vous
donnerai l'exemple...
M. Ciaccia: Est-ce que le CRIQ ne fait pas cela maintenant?
M. Giroux (Yves): Dans le cadre de l'entente qui existe
présentement avec certaines universités, c'est l'un des jugements
que le CRIQ va poser évidemment et l'université aussi,
jusqu'à un certain point. Mais c'est ce qui se produit
présentement au sein d'une grande entreprise, par exemple, qui a son
propre service de recherche. Il y a des chercheurs qui travaillent dans les
laboratoires et il y a des projets, des idées, qui viennent
continuellement; ils sont payés pour cela. Là, il y a des
gérants, des gestionnaires, qui évaluent les possibilités,
le potentiel et qui vont décider que, oui, on investit dans celui-ci et
non, on n'investit pas dans un autre. Évidemment, l'université
n'est pas équipée pour le faire et nous comprenons que l'agence,
avec son conseil d'administration et ses mécanismes d'évaluation,
poserait ces jugements-là, poserait des jugements sur les
probabilités de succès.
M. Ciaccia: J'essaie de faire le lien entre cette
évaluation. Je comprends que Alcan ou Colgate fassent des études
et en viennent à la conclusion que ce nouveau produit doit être
mis sur le marché. Elles prennent leurs propres fonds parce qu'elles ont
fait les études; elles prennent le risque et mettent sur le
marché le produit qu'elles ont étudié. Si ce n'est pas
Alcan ou Colgate, si c'est un individu qui vient vous voir, ou qui va voir le
CRIQ, ou qui va voir l'AQVIR, il va se faire dire: Oui, les chances sont
excellentes, l'étude est bien faite. Il va y avoir une étude de
rentabilité. Si vous vendez le produit, le marché peut soutenir
un nombre X d'unités par année. Si vous le produisez à 2 $
l'unité et que vous pouvez le vendre à 3 $, vous allez faire 1 $
de profit, etc. Toutes ces études sont faites. Comment aller de cela
à la production et à la mise en marché de ce produit?
M. Hamel: Je pense que c'est là qu'intervient la SDI dont
on parlait tout à l'heure. C'est la responsabilité de
l'entreprise, de la SDI. Il y a d'autres programmes, j'imagine, qui doivent se
rendre jusque-là. (16 h 30)
M. Ciaccia: Alors, qu'est-ce que va faire l'AQVIR dans ce
processus? L'AQVIR va faire la même chose que le CRIQ ou le CIIM? Ce
n'est pas l'AQVIR qui va aller faire la production de cela. Le projet de loi ne
prévoit pas cela. Dans votre esprit, ce n'est pas l'AQVIR qui va
faire la production. Qu'est-ce que l'AQVIR va ajouter?
M. Giroux (Yves): En me référant à ce qui
existe déjà, il existe un marché de l'invention. Quand un
produit est jugé - c'est simplement un jugement - intéressant
commercialement, on peut en faire le développement et, ensuite, l'offrir
à différentes entreprises ou industries qui, elles, sont
susceptibles de prendre le risque d'en faire la production. Je me
référerai simplement au Salon international des transferts de
technologies qui s'est tenu à Montréal, la semaine
dernière, qui avait justement cela comme but. Des inventeurs, des gens
qui ont des découvertes à offrir, à vendre, les offrent
à des acheteurs. Évidemment, c'est difficile de lire la
pensée du législateur jusqu'à ce point-là, mais je
vais plutôt me référer à l'entente avec laquelle
nous avons vécu; je pense que le CIIM fait cela aussi. Une invention
étant intéressante, le CRIQ dans ce cas-là ou l'agence
peut communiquer avec différentes entreprises du secteur et leur
demander si elles sont intéressées, voir quels sont les
preneurs.
M. Ciaccia: Elles vont agir comme "brokers".
M. Giroux (Yves): Sur cette partie-là. Oui, c'est cela
qu'est le lien de...
M. Ciaccia: Elles vont aller voir la compagnie À, B, C, D
et E et elles vont dire: Nous avons une invention; voulez-vous la produire?
Est-ce que c'est cela qu'elles vont faire?
M. Giroux (Yves): Ce serait peut-être plus nuancé
que cela, mais essentiellement c'est d'établir le contact.
M. Ciaccia: Le CRIQ peut faire la même chose, le CIIM peut
faire la même chose. Si le CRIQ a une étude de rentabilité,
80% de chances d'être rentable, selon toutes les études, pour
aller en production, il va aller vers l'entreprise privée et il va dire:
Voici, nous avons un produit que nous croyons formidable; il y a un
marché, etc. Il va essayer d'intéresser les compagnies dans
l'industrie privée à le produire, n'est-ce pas?
M. Giroux (Yves): C'est pour cela que nous souhaitons que la loi
tienne compte des mécanismes qui existent déjà.
M. Ciaccia: Alors, l'AQVIR va faire la même chose.
M. Giroux (Yves): En partie, probablement oui, plus d'autres
fonctions qu'on a mentionnées tantôt.
M. Ciaccïa: Alors, ils ne feront pas plus. Ils ne mettront
pas en production l'invention de M. X qui a eu une brillante idée, qui
l'a soumise à l'AQVIR et que cette dernière a financée
avec les études, etc.. Après, il va falloir l'entreprise
privée pour la produire, n'est-ce pas?
M. Giroux (Yves): Oui.
M. Ciaccia: Dans ce sens-là, j'ai l'impression qu'on fait
trop de divisions ici. On essaie de créer toutes les conditions pour la
valorisation de la recherche industrielle et on oublie, d'autre part, qu'il
faut que quelqu'un de l'entreprise privée soit intéressé.
Il faut que les conditions de l'entreprise privée soient valables. Il
faut que le climat social et économique soit quelque chose afin que
quelqu'un puisse dire: Je vais prendre cet argent-là, je vais risquer 1
000 000 $, 2 000 000 $, 3 000 000 $ ou 4 000 000 $; cela va me rapporter; je
vais avoir des retombées économiques; je vais réaliser des
profits, etc. C'est dans ce sens-là que je demande si tout cela n'est
pas relié. Si vous avez la meilleure recherche au monde et que vous avez
des politiques qui découragent les investissements, qu'est-ce que cela
va faire pour la recherche?
M. Hamel: Je pense que cette question-là, M. le
député, devrait être adressée aux
représentants de l'industrie qui viendront vous dire des choses...
M. Ciaccia: Très bien.
M. Hamel: ...sur le projet de loi, parce que, de notre point de
vue d'universitaires, nous pensons qu'il y a encore des choses à faire
pour valoriser les résultats de la recherche qui se fait dans le milieu
universitaire.
M. Ciaccia: Très bien. J'accepte votre réponse. Je
veux revenir au début. L'AQVIR va essentiellement ajouter aux fonctions
qui existent présentement du CRIQ et du CIIM, plus un financement
peut-être, plus une coordination peut-être si les changements que
vous suggérez sont apportés au projet de loi. Est-ce exact,
grosso modo? Je voudrais que vous le disiez, parce que le journal des
Débats ne peut pas, ne vous voit pas...
M. Paquette: M. le Président, je voudrais suggérer
au député de Mont-Royal de passer à la barre des
témoins et de le dire lui-même.
M. Ciaccia: Non.
M. Hamel: Je préfère ne pas faire de commentaires
à votre résumé.
M. Ciaccia: Très bien. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, j'ai beaucoup
apprécié la performance du député de Mont-Royal. On
peut imaginer, lorsqu'il siégeait devant la cour comme avocat, à
quel point il pouvait torturer un témoin pour essayer de lui faire dire
ce qu'il pensait plutôt que ce que le témoin pensait.
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais vous faire un
aveu. Je n'ai jamais plaidé devant les tribunaux, contrairement à
ce qu'on semble dire à la commission parlementaire...
M. Paquette: Ah bon! C'est à l'Assemblée nationale
que vous avez acquis ce talent.
M. Ciaccia: Oui, j'ai pris toute mon expérience
auprès du Parti québécois.
M. Paquette: Je pense qu'on aura l'occasion, ce soir, lors de la
discussion sur les responsabilités et le rôle exact que joue le
Centre de recherche industrielle du Québec dans le processus de
valorisation, de corriger certaines affirmations du député de
Mont-Royal; lorsque nous rencontrerons les gens du CIIM également. Je
note dans le mémoire que la Conférence des recteurs et des
principaux des universités du Québec constate qu'il y a une
lacune à combler au niveau de toutes les étapes qui mènent
d'une innovation jugée intéressante à un produit
commercia-lisable.
J'aimerais simplement souligner à l'attention des membres de la
commission deux articles où on constate que l'agence a ce rôle de
soutien dans toutes les phases du processus, jusqu'au point où
l'innovation peut être prise en charge par les entreprises. On lit au
quatrième paragraphe de l'article 17: "de susciter la participation
financière des particuliers, des sociétés et des
corporations à ses activités de valorisation industrielle de la
recherche;". Un peu plus loin, à l'article 20, au deuxième
paragraphe, lorsqu'on parle
des formes d'aide financière de l'agence, on dit notamment que
"L'aide financière de l'agence peut consister, de façon
privilégiée, en une participation à des
sociétés en commandite." Autrement dit, dans certains cas, on
trouvera relativement facilement une entreprise pour assurer la
commercialisation. Dans d'autres cas, ce sera plus difficile et il faudra
mettre ensemble un certain nombre d'intervenants.
On a eu des projets comme cela au gouvernement. Jusqu'à
maintenant, on les a traités ad hoc, sans mécanisme particulier.
L'expérience du fonctionnement concret, surtout ces derniers mois alors
qu'il y a un éveil sur le plan de la nécessité de prendre
le virage technologique au Québec, démontre qu'il est faux de
dire que l'agence jouera exactement le même rôle que le CIIM ou le
CRIQ. Elle pourra faire appel à ces organismes pour évaluer, pour
faire certaines études. Quand vient le temps de faire ce va-et-vient
entre les études de marché et poursuivre la
recherche-développement et aller plus loin dans le prototype, il n'y a
aucun mécanisme qui existe actuellement.
Je pense que les universités constatent de leur côté
qu'il y a un besoin en aval d'elles, c'est-à-dire qu'il n'y a
peut-être pas suffisamment d'appuis financiers, techniques, logistiques
au transfert des résultats de la recherche. Lorsqu'on rencontrera les
gens du CIIM et les gens de l'industrie, on pourra mettre en évidence
les autres aspects du processus d'innovation.
J'aimerais remercier M. le recteur de l'Université de Sherbrooke
d'avoir éclairé cette commission face aux préoccupations
des universités. Je note également un souci de collaboration.
Lorsqu'ils nous indiquent très clairement qu'il faut assurer un
fonctionnement de l'agence qui repose sur les mécanismes existants, j'en
conclus que ces gens veulent participer encore plus que par le passé au
processus de valorisation industrielle de la recherche et à leur
rôle social et économique dans la communauté
québécoise.
Je pense qu'on peut s'en réjouir. Je remercie nos invités
encore une fois de leur attitude et de leur offre de collaboration.
Le Président (M. Desbiens): Je remercie les
représentants de la Conférence des recteurs et des principaux des
universités du Québec de leur participation.
J'inviterais maintenant, puisqu'il semble qu'il y ait une entente,
l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec
à s'approcher à l'avant s'il vous plaît.
M. Roger Giroux. Il n'y a pas de mémoire de soumis comme tel. Je
vous demanderais de présenter votre exposé, s'il vous
plaît.
Association des directeurs de recherche
industrielle
M. Giroux (Roger): D'accord M. le Président, M. le
ministre, mesdames et messieurs. Je me présente. Je m'appelle Roger
Giroux. Par profession je suis agronome et microbiologiste. Je suis directeur
du Centre de contrôle et de recherche d'Agropur à Granby et je
suis vice-président de l'ADRIQ, c'est-à-dire l'Association des
directeurs de recherche industrielle du Québec.
Ma présentation sera relativement brève. Elle consistera
en quatre points que je vous indique immédiatement. D'abord je ferai
mention des contraintes dans lesquelles on a été placés
quant à la préparation d'un mémoire. Je vous ferai une
présentation de ce qu'est l'ADRIQ; je ferai quelques commentaires
relatifs aux mémoires des autres organismes, mémoires qu'on a pu
voir, et je ferai des commentaires sur le projet de loi lui-même.
Je veux d'abord vous remercier d'avoir accepté de nous recevoir
malgré que nous n'ayons pas présenté un mémoire. En
particulier je veux remercier M. Christian Comeau qui a fait les arrangements
de façon que je puisse faire ma présentation aujourd'hui
puisqu'il avait été prévu que ce serait demain. II
m'était totalement impossible de le faire à cette date.
La présentation du mémoire nous a été rendue
pratiquement impossible puisque la lettre d'invitation qui était
datée du 1er septembre n'a été reçue que le 6 et il
fallait produire le mémoire avant le 14. Pour nous, à l'ADRIQ,
c'était impossible. Nous avons reçu le document qui décrit
l'AQVIR hier matin, et effectivement d'autres personnes, des directeurs de
recherche, m'ont dit avoir reçu également ce document seulement
hier matin.
Nous avons eu la possibilité, dans le passé, d'exprimer
nos vues quant à la politique scientifique. D'abord l'ADRIQ avait
présenté un mémoire concernant la loi 101; puis il y a eu
le mémoire concernant la politique scientifique qui avait
été présenté par le ministre Laurin dans le temps
et il y a eu le mémoire qu'on a soumis quant au virage technologique,
mémoire qui a été présenté en janvier 1983.
De plus, le 22 avril notre association, dont le président, le conseil
exécutif avait pu rencontrer M. le ministre pour discuter de ces choses.
Nous avons été grandement surpris de voir cette invitation nous
donnant un aussi bref délai pour présenter un mémoire.
Nous aurions voulu le faire mais cela a été - comme je l'ai
indiqué tout à l'heure - totalement impossible.
Qu'est-ce que l'ADRIQ? L'Association des directeurs de recherche
industrielle du Québec a été fondée en 1978. C'est
une
association qui regroupe plus de 100 membres, c'est-à-dire les
directeurs de recherche de la plupart des entreprises industrielles au
Québec. J'ai la liste ici de tous ces membres; habituellement il y a un
directeur de recherche par entreprise. Donc cela voudrait dire qu'il y a plus
de 100 entreprises dont le directeur de recherche fait partie de notre
association.
Selon l'ordre alphabétique, vous verrez qu'il y a des industries
de toutes catégories. Ce ne sont pas uniquement des multinationales. Ce
sont des entreprises de diverses catégories du Québec. Par ordre
alphabétique cela commence par Agropur, mon entreprise; on a Bombardier,
Lallemand et on finit par Vachon. Ce ne sont pas des petites et moyennes
entreprises puisque pour être membre de l'association il faut qu'une
entreprise ait au moins quatre professionnels dans son équipe de
recherche. Cela sous-entend que c'est tout de même une entreprise de bon
calibre.
On a fait une certaine enquête et on a pu évaluer
qu'environ 95% de la recherche industrielle au Québec est faite dans les
entreprises dont les directeurs de recherche sont membres de notre association.
Cela peut représenter un chiffre de l'ordre de grandeur de 400 000 000 $
en recherche, développement, innovation, fait au Québec. On parle
de RDI, cela peut signifier recherche, développement, innovation ou
encore recherche, développement industriel. (16 h 45)
Cet argent ou ces budgets sont répartis de la façon
suivante quant à la nature des recherches qui sont faites. On peut dire
qu'environ 25% de ces budgets vont à la recherche du secteur primaire,
50% du secteur secondaire et 25% du secteur tertiaire moteur.
Les objectifs de l'ADRIQ sont d'abord de promouvoir la RDI au
Québec; susciter la concertation entre ce que d'aucuns appellent les
trois solitudes, c'est-à-dire l'université, l'industrie et le
gouvernement; stimuler la recherche industrielle; faire toute
représentation qui pourrait être appropriée, tout
particulièrement au gouvernement. Nous considérons être
l'interlocuteur privilégié en cette matière de recherche
et de développement industriel.
Je peux signaler que les membres de l'ADRIQ sont là à
titre bénévole. Ils sont tous de l'industrie, excepté
quelques représentants de sociétés d'État comme
Hydro-Québec ou autres. Il y a évidemment des
représentants des universités.
Nous avons lu les mémoires du Conseil du patronat. Nos membres en
ont eu des copies; ils ont participé à leur rédaction.
Nous avons lu les mémoires de l'Association des manufacturiers, du CIIM,
du CREPUQ, qui vient tout juste de se présenter, et de l'École
polytechnique. On peut dire que, d'une façon générale,
nous partageons les vues exprimées dans ces mémoires.
Voici nos commentaires quant à l'AQVIR, l'Agence
québécoise de valorisation industrielle de la recherche. Nous
sommes d'abord très heureux du choix du nom: le mot "agent" signifie
agir; il y aura de l'activité, on l'espère. Je pense que le nom
lui-même et le sigle sont bien choisis.
On a examiné le projet de loi. Je voudrais faire quelques
commentaires à l'article 17 - je pense que tout le monde y est venu -
à fonctions et pouvoirs, la première partie: "De prospecter les
milieux de la recherche dans les domaines jugés prioritaires par le
gouvernement en vue d'identifier des idées et des technologies nouvelles
à valoriser...". "Prospecter les milieux", qu'est-ce que cela voudrait
dire? Certains de nos membres craignent qu'il pourrait résulter qu'une
certaine confidentialité des entreprises s'envole. Après, il y a
"à valoriser", pourquoi l'agence voudrait-elle valoriser ces domaines
jugés prioritaires puisque déjà c'est le rôle des
entreprises de valoriser ces possibilités d'innovation? Les entreprises
ne voudraient pas que le gouvernement se substitue à elles pour faire le
développement industriel et pousser jusqu'à l'exploitation des
brevets et de tout monopoliser. Nous sommes en pays démocratique et non
pas en pays totalitaire. Il faudrait que les entreprises industrielles
conservent ce privilège qu'elles ont dans une société
libérale comme la nôtre, de pouvoir poursuivre leurs
activités industrielles et commerciales.
Le quatrième paragraphe: "de susciter la participation
financière des particuliers, des sociétés et des
corporations à ces activités de valorisation industrielle de la
recherche." C'est déjà leur responsabilité et leur
rôle. Je pense que les entreprises soient jalouses de ce privilège
de vouloir valoriser leur propre développement.
J'essaie de me placer dans la peau de tout directeur de recherche dont
on a la liste ici et d'essayer de percevoir ou de voir comment ces gens voient
le projet gouvernemental. Si le gouvernement dit que, vraiment, il veut
apporter son aide, qu'il veut aider, nous sommes totalement d'accord.
À l'article 20, on dit: L'agence peut accorder une aide
financière, aux conditions et selon les limites qu'elle croit devoir
fixer. L'aide financière peut consister en une participation à
des sociétés en commandite. Oui, les petites et moyennes
entreprises peuvent désirer cela. Évidemment, les
sociétés d'État sont déjà totalement
impliquées dans cela. Beaucoup d'entreprises ne souhaitent pas du tout
participer avec le gouvernement à l'administration et à la
gérance de leur entreprise.
Le deuxième élément, l'agence peut également
accorder son aide financière au
moyen de subventions, de prêts ou d'avances avec ou sans
intérêts. D'accord pour l'aide financière. On parle de
subventions, oui. On parle de prêts avec ou sans intérêts;
si c'est avec intérêts, on peut s'adresser aux institutions
financières, à moins que ce ne soit à des taux bien
préférentiels. Des prêts sans intérêts,
totalement d'accord.
Ce que les entreprises industrielles souhaitent, c'est que l'aide soit
sous forme de subvention selon l'expression anglaise "no string attached" et
que le processus d'attribution soit le plus simple et le plus objectif
possible. C'est un peu notre perception de ce projet de loi et de l'AQVIR. Les
entreprises d'une certaine importance ne voient pas qu'on ait prévu quoi
que ce soit pour elles. Les PME pourraient en tirer de grands avantages. On ne
s'y oppose pas. Effectivement, toutes nos entreprises ont été
petites ou moyennes avant de devenir grandes.
Ce qui nous préoccupe, ce n'est pas tant ce qu'il y a dans cela
que ce qu'il n'y a pas. En particulier, ce serait tout ce qui concerne les
individus eux-mêmes. On peut parler d'entreprises, on peut parler de
sociétés, on peut parler de beaucoup de choses. Effectivement, le
succès de l'innovation industrielle devra passer par les voies des
individus. Si on pense au succès qu'a pu obtenir en particulier le
Japon, c'est sûrement par le fait que beaucoup d'organismes et le
gouvernement lui-même ont dû s'y mêler pour motiver les
individus.
Toute activité humaine, même si elle peut prendre parfois
un caractère collectif, doit d'abord passer dans l'esprit des individus.
Une équipe sportive en est de même. Il faut que ce soient des
individus d'abord qui émettent des idées, qui fassent des efforts
d'imagination créatrice. On pourra par la suite concerter, coordonner,
regrouper, préparer un document ou quoi que ce soit. Il faut d'abord que
ce soient les individus qui soient à l'origine de toute conception
nouvelle. C'est là qu'il me semble que le document ne fait aucune
allusion à ce qu'on pourrait faire en vue de motiver les individus pour
qu'ils apportent vraiment leur contribution importante et significative pour
permettre vraiment le succès de toute réalisation qu'on pourrait
entreprendre.
Comment motiver les individus? Des psychologues et bien des gens
pourraient être beaucoup plus qualifiés que moi pour trouver ces
moyens. Ils sont de nature, on pourrait dire, quant au prestige, à la
rémunération... C'est évident que, si une entreprise a du
succès, veut vraiment entreprendre des efforts d'innovation, il faudra
que les agents, les personnes qui réalisent ces choses puissent
entrevoir la possibilité de tirer certains avantages de cela, de tirer
certaines gratifications.
Je pense qu'il est essentiel, dans tout projet ou toute conception de
cette nature, qu'on ait prévu des moyens de vraiment motiver chacun des
individus à tous les échelons du procédé et qu'on
ait trouvé les moyens de les gratifier. Bien sûr, on pourra
inviter les entreprises à le faire, cela devrait être leur
rôle. Il faudra cependant prévoir plus que cela. Je peux vous
donner un exemple; quand on pense à Loto-Québec, les gens
achètent des billets mais ce sont surtout les agents vendeurs qui ont la
motivation et qui en retirent un aspect financier extrêmement motivant.
On a pu trouver les voies pour appliquer cela à la vente de billets de
Loto-Québec; je me demande s'il ne serait pas très important de
tenter de trouver des voies semblables pour motiver les individus en ce qui
concerne l'innovation, la recherche, le développement industriel.
Cela conclut ce que je voulais vous dire sur ce projet de loi. Je suis
à votre disposition si vous avez quelques questions.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier le
vice-président de l'ADRIQ de son exposé qui fait état des
préoccupations des directeurs de recherche industrielle du
Québec. Comme il l'a lui-même souligné, l'association
regroupe des membres qui sont directeurs de recherche dans des entreprises et
dans de grandes entreprises puisqu'il y a très peu de petites et
moyennes entreprises qui peuvent se donner des moyens de recherche.
Je pense que M. Giroux a raison de dire que ce n'est pas un projet qui
s'adresse à la grande entreprise. On est évidemment parfaitement
conscients que les grandes entreprises ont leur propre direction de recherche,
qu'elles tiennent jalousement au secret industriel. Il ne s'agit pas pour
l'agence - c'est d'ailleurs une entreprise vouée à l'échec
- de faire perdre du temps à du personnel de l'agence en l'envoyant
prospecter dans des laboratoires de recherche industrielle de grandes
entreprises quand on sait très bien que l'entreprise a
généralement tout ce qu'il faut pour développer et
commercialiser.
Cependant, que ce soit au sein des services du ministère ou
à l'occasion via l'agence, il pourrait arriver que même une grande
entreprise nous dise: On aimerait accélérer un certain programme
de recherche; on aimerait aller plus vite parce qu'il y a une question de
compétitivité et, si on injectait des fonds additionnels
importants dans la recherche pour arriver à de nouveaux
procédés ou de nouveaux produits, on risquerait de mettre en
péril la santé financière de l'entreprise sous un autre
aspect parce qu'on a d'autres types de
développement à faire. On a rencontré plusieurs
entreprises industrielles de ce genre qui nous ont fait des remarques de cette
nature. Dans ces cas-là, il y a, bien sûr, des programmes de la
SDI qui peuvent aider; la tendance que nous allons avoir face à des
projets de ce type-là sera de leur dire d'essayer de passer par d'autres
mécanismes qui permettent de stimuler la recherche. Il y a des mesures
d'incitation fiscale qu'on a augmentées lors du dernier budget. Il
arrive que certains projets nécessitent une intervention
spéciale. Je vais vous en mentionner un auquel nous avons eu à
faire face récemment; c'est le cas de Vidacom avec la
société Vidéotron. C'est quand même une grande
entreprise qui a monté ad hoc une équipe de recherche; le
ministère lui a donné une subvention pendant une certaine
période. Il a fallu à un moment s'activer pour mettre ensemble
des intervenants, mobiliser des fonds de la SDI, des fonds privés, des
fonds fédéraux, des fonds de diverses sources qui finalement se
sont regroupés. Il a fallu tellement de temps pour le faire que le
projet était sur le point de n'être plus compétitif avec ce
qui se passe ailleurs dans le monde. Il a fallu un an pour faire cela; il
aurait fallu le faire en un mois ou deux. Il y a donc un besoin
d'accélération de ce côté-là.
Il va de soi, en ce qui concerne les grandes entreprises, que le
rôle de l'agence va être relativement mineur et c'est beaucoup plus
un financement ou une aide gouvernementale - comme vous l'avez mentionné
,- sous forme de subventions, de prêts, de mises en contact des
intervenants.
M. Giroux (Roger): Évidemment, toutes ces entreprises dont
on parle paient des taxes; au même titre que les petites et moyennes
entreprises, elles ont droit de retirer des avantages que les lois accordent.
Ce n'est pas parce qu'une entreprise est importante ou qu'elle fait beaucoup de
profits ou de revenus qu'elle devrait être écartée et
qu'elle ne pourrait pas tirer avantage de ces politiques. (17 heures)
On a mentionné qu'effectivement on peut faire la recherche, le
développement, mais quand il s'agit de l'appliquer à l'industrie,
pour le moment il n'y a pas d'aide gouvernementale. Dans le passé, au
niveau fédéral, il y avait le programme PAIT qui le permettait.
Comme entreprise, nous avons pu bénéficier de ce programme pour
250 000 $ lorsque nous avons fait fonctionner une usine. Mais ce programme a
été discontinué et cela n'existe plus.
Nous avons pu faire cette remarque au président du Conseil
national des recherches du Canada et nous avons pu présenter les
mêmes doléances au sous-ministre de l'Agriculture à Ottawa.
Alors, il y a un vide, c'est évident, et lorsqu'une entreprise doit
passer - on parle souvent de "scaling up" en anglais - et faire une
augmentation d'échelle, il faut que l'entreprise se débrouille
par ses propres moyens. À la fin, bien sûr, c'est le consommateur
qui paie la note. C'est là qu'on doit faire le partage. Est-ce que le
gouvernement s'implique? D'autant plus que, si une entreprise fait
l'application d'une telle innovation, cela ne restera pas inconnu et c'est
toute la société qui va en bénéficier par le fait
que d'autres entreprises pourront, partant de là, faire mieux. Ou encore
on pourra augmenter la productivité et réduire les coûts
pour offrir des biens aux consommateurs.
À notre point de vue, un projet de loi comme celui-ci a une
grande valeur, mais il faut vraiment réfléchir sur le fait que
cela demandera énormément de moyens financiers, de ressources
monétaires et il ne faudrait pas créer de grands appétits
si on n'a pas les moyens et l'appui en arrière pour alimenter ces
appétits.
Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.
M. Paquette: Là, on déborde un peu sur l'ensemble
des politiques de recherche et de développement technologique, mais je
voudrais simplement souligner que, d'une part, règle
générale, les mesures fiscales adoptées par le
gouvernement, tant au Québec que dans l'ensemble du Canada, sont en
tête de liste de tous les pays en termes d'aide à la recherche
industrielle. Par contre, beaucoup remettent en question l'efficacité de
ces mesures. Par exemple, on a établi -on espère que cela va
donner d'excellents résultats - un crédit d'impôt de 10%
remboursable sur la masse salariale affectée à la
recherche-développement. Il va de soi que les grandes entreprises en
bénéficient proportionellement au nombre d'employés dont
elles disposent. Mais, enfin, c'est un avantage offert uniformément
à toutes les entreprises et qui est de nature à les inciter
à accroître leurs activités de
recherche-développement.
Pour ce qui est des projets spécifiques où il s'agit
d'accélérer un programme de recherche-développement pour
en arriver à une innovation, j'ai compris de votre intervention - c'est
une vue que je partage aussi - que le comportement de l'agence va être
très différent quand il s'agit d'une entreprise qui a ses propres
facilités de recherche que par rapport à des inventeurs
individuels, des universités qui ont des inventions à valoriser
et les brevets qui sont dans les ministères. Toutes ces situations sont
différentes et il va falloir que l'agence établisse des
comportements différenciés.
Est-ce que je vous ai bien compris lorsque vous avez affirmé que
les petites et
moyennes entreprises peuvent en tirer plus grand avantage
peut-être que les grandes entreprises? J'ai compris que, pour les grandes
entreprises, vous voyez plutôt le rôle d'une telle agence sous la
forme de subventions ou de prêts permettant d'accélérer un
programme de recherche-développement, alors que dans le cas des petites
et moyennes entreprises, là le support devra peut-être être
plus grand? J'aimerais que vous insistiez un peu sur les comportements que vous
souhaiteriez de l'agence, dépendant s'il s'agit de grandes ou de petites
et moyennes entreprises, d'inventeurs individuels ou d'équipes
universitaires.
M. Giroux (Roger): Pour les grandes entreprises cela se
résumerait à ce que, si le gouvernement offrait des moyens
financiers, on les rende disponibles sans complication. Pour les petites et
moyennes entreprises, il est évident qu'il leur manque des moyens de
toutes sortes. Il faut pratiquement les aider, leur tenir la main, leur faire
franchir une foule d'étapes. Cela pourrait même aller
jusqu'à leur suggérer, leur recommander fortement d'engager des
spécialistes, des experts, soit à plein temps ou en consultation.
Alors, je pense que les associations sectorielles peuvent jouer un grand
rôle pour leurs membres dans chacune de ces sections, surtout pour les
petites et moyennes entreprises. L'agence pourrait peut-être s'impliquer
au niveau de ces associations sectorielles et offrir de l'information, offrir
des moyens.
M. Paquette: Quand vous parlez de moyens uniformément
accessibles à toutes les entreprises qui sont aussi des contribuables,
nous, on a, face à l'agence, une approche qui veut que l'agence se fasse
d'abord sélective et fonctionne projet par projet plutôt que
d'avoir une approche normalisée. J'aimerais savoir. Quand vous parlez de
ressources réparties uniformément, est-ce que vous souhaitez que
l'agence se donne des programmes où on fait appel à toutes les
entreprises et qu'on dise: Venez nous présenter vos projets et on va...
Le rôle particulier de cette agence, contrairement à celui de la
SDI, c'est plus que le capital de risque, c'est les premières phases
d'innovation, c'est l'accélération d'un programme de recherche et
de développement. La SDI, c'est beaucoup plus au moment où on est
un peu plus proche de la commercialisation. Est-ce que vous souhaitez qu'on ait
cette attitude un peu normée qui existe dans les programmes comme ceux
de la SDI, par exemple? Ou si notre manière de fonctionner, projet par
projet, de façon sélective, vous apparaît bien
adaptée?
M. Giroux (Roger): Cela peut être un choix du gouvernement
d'établir des priorités, même d'établir un plan
quinquennal et de dire: On veut donner plus d'importance pour permettre le
développement de certains secteurs déterminés.
Évidemment, les entreprises souhaiteront être dans ce secteur qui
a été choisi en priorité, qui sera
privilégié. Mais, pour les autres, évidemment, ce sera
bien déprimant. Je n'aimerais pas avoir à faire le choix et
à établir les priorités. Mais, je pense que c'est la
responsabilité du gouvernement, dans une certaine mesure, de le
faire.
M. Paquette: Vous avez fait également, dans votre
exposé, une remarque qui m'apparaît très juste. Vous avez
dit: II faut d'abord motiver les individus. Il va de soi que l'innovation ou le
résultat de la recherche, ce sont des individus qui le font et ce sont
des individus qui peuvent ensuite le commercialiser. Vous n'avez pas
l'impression qu'au Québec, actuellement, on démotive? Dans le
système actuel, tel qu'il est au moment où on se parle, il y a
une grande démotivation chez les quelques individus qui osent vouloir
commercialiser un résultat de recherche qui semble prometteur. Vous
n'avez pas cette impression un peu?
M. Giroux (Roger): Les risques sont grands. Selon les relations
que j'ai ou les expériences personnelles, c'est un fait que, lorsqu'on
voit nos équipes de travail dans nos centres de recherche - pas
seulement chez moi - on peut se demander comment il se fait que ces gens
continuent à oeuvrer parfois avec autant d'enthousiasme. Est-ce qu'ils
le font seulement parce que j'ai de beaux yeux? Qu'est-ce qu'ils en
espèrent? Bien sûr qu'ils ont une rémunération qui
est quand même convenable, des avantages sociaux, une foule de choses
mais, quand même, on peut se demander si c'est vraiment suffisant. Est-ce
que les pays qui, dit-on, réussissent beaucoup mieux que nous, ne font
pas beaucoup plus que cela?
Si on transpose dans d'autres secteurs, comme dans les grandes
équipes de joueurs que ce soit le baseball, le hockey ou n'importe quel
autre sport, ces gens-là vont chercher des revenus assez
extraordinaires. Évidemment, leur activité se passe en quelques
années. Ils sont des as pour pas très longtemps; alors, ils
peuvent essayer par la surenchère d'accumuler un certain revenu pour
compenser pour ces années où ils seront tombés dans la
désuétude. Mais, dans nos équipes de travailleurs,
habituellement, c'est l'activité d'une vie et il faudrait, à mon
point de vue, qu'on ait des moyens, des méthodes de motivation. Je pense
à certains concours qui pourraient se faire. Le gouvernement pourrait
poser un problème et demander à toute personne ou équipe
qui est
en mesure d'apporter une solution à ce problème technique
ou à cette possibilité d'innovation de le faire et offrirait un
prix. Déjà, il y a le prix de la province de Québec pour
les sciences, mais cela se limite à une personne. Peut-être qu'on
pourrait multiplier ces choses et vraiment proposer des projets de recherche
dans ce sens-là. Cela se fait en France. Quand on regarde ce
scientifique d'une renommée absolument extraordinaire que fut Pasteur et
ce qui l'a motivé toute sa vie, on se rend compte que c'était le
soutien de ses pairs et c'était la renommée, le prestige, toutes
ces choses qui en découlaient. Il se rendait compte que les choses qu'il
faisait rendaient un service extraordinaire à la population.
Je participais en fin de semaine, à Québec, à
l'assemblée annuelle de l'Association des microbiologistes du
Québec. En après-midi, on a eu deux présentations par des
scientifiques de l'Université McGill et de l'Université Laval et
c'était symptomatique de voir que chacun s'est présenté en
disant: Je fais oeuvre de missionnaire. Ces scientifiques parlaient de la
microbiologie buccale et de tout ce qui peut entraîner des caries et des
périodontites. Effectivement, beaucoup de gens qui poursuivent leurs
travaux en ce sens ont l'impression qu'ils le font comme un missionnaire le
ferait et qu'ils le font pour leur propre satisfaction; mais ce ne sont pas les
choses de l'extérieur, la rémunération ou autres qui
peuvent vraiment les motiver.
M. Paquette: Je pense que vous soulevez le problème non
pas de la valorisation de la recherche, mais de la valorisation des chercheurs
dans notre société. Je vais vous dire que, effectivement, si
notre société peut dégager des mécanismes et une
attitude encore plus positive face aux chercheurs, on va certainement obtenir
au bout un impact, on va être certainement plus productif. Dans d'autres
politiques du ministère, on est en train de regarder des pistes de ce
genre.
Pour revenir à la valorisation de la recherche, ce à quoi
je faisais référence, ce n'est pas tellement à ces
chercheurs qui sont déjà salariés d'une entreprise ou
salariés d'une université, mais à ceux qui décident
de s'aventurer dans le "no man's land" qui existe entre les deux et qui se
disent: Voilà, j'ai trouvé quelque chose d'intéressant; je
suis allé au CRIQ ou au CIIM; on a évalué mon invention;
on m'a dit que c'était bon; j'ai investi 20 000 $ et c'est tout ce que
je pouvais investir pour évaluer mon étude de marché; cela
a l'air bon, mais il faudrait que je fasse un prototype, je n'ai plus d'argent
et il y a encore beaucoup d'étapes à franchir. Tout cela est un
problème énorme.
Je voudrais avoir votre opinion. J'ai l'impression que notre
société n'accorde pas assez de motivation aux chercheurs
universitaires et aux chercheurs industriels, mais démotivent ceux qui
s'aventurent dans cette espèce de "no man's land" qu'il y a entre les
deux.
M. Giroux (Roger): Là-dessus, à moins que ce soient
des cas absolument exceptionnels et extraordinaires qui pourront tout
prévoir, de la matière première jusqu'à la mise en
marché, à ces individus - que cela ait été le CRIQ
auquel on aurait donné plus de pouvoirs, plus de moyens et autres, peu
importe - je recommanderais fortement de s'adresser à une agence comme
l'AQVIR. J'ai connu des individus qui ont essayé par leurs propres
moyens de développer certaines inventions ou autres et, dans leur cas,
cela a été, comme on dit, une totale déconfiture.
Personnellement, j'ai une invention à mon crédit, mais jamais je
n'aurais songé à vouloir l'exploiter par mes seuls moyens.
M. Paquette: Vous avez exprimé un certain nombre de
préoccupations. J'aimerais savoir si vous pensez - c'est la question
qu'on se pose à ce moment-ci, à l'étape de la commission
parlementaire, avant la deuxième lecture, avant l'adoption du principe
du projet de loi - que le gouvernement devrait aller de l'avant avec ce projet
de loi et, si oui, à quelles conditions. Est-ce que vous souhaitez
certaines améliorations à l'un ou l'autre des aspects du projet
de loi? (17 h 15)
M. Giroux (Roger): Je pense que le gouvernement doit
procéder. C'est un bon début, mais il faudra ajouter autre chose
en ce qui concerne autant les entreprises importantes que les individus, comme
je l'ai exprimé. Effectivement, j'ai fait quelques remarques quant
à certains des articles, mais nous ne voyons pas de problème ou
d'objection majeure dans la forme telle quelle.
On pourrait craindre que, au-delà des mots, une
interprétation accorde plus de pouvoirs, mais, de même que le
gouvernement ou l'AQVIR peut se baser sur la réputation d'une entreprise
quant à l'aide à lui accorder sans complication, je pense que les
entreprises peuvent aussi accorder une certaine confiance au gouvernement.
M. Paquette: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Mme la députée
de Jacques-Cartier.
Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous remercier, M. Giroux, pour
vos commentaires. Vous avez dit que c'est le rôle des entreprises de
valoriser la recherche. Vous parlez surtout des grandes entreprises. Est-ce
qu'il y a des cas où les
petites et moyennes entreprises n'ont pas les ressources
nécessaires pour valoriser la recherche? Elles ne font pas la recherche,
en effet. Si elles ont des besoins spécifiques pour des
améliorations technologiques, est-ce qu'il y a des cas où des
petites et moyennes entreprises ont fait appel aux grandes entreprises afin de
valoriser leurs idées? Est-ce que vous travaillez ensemble dans ce
sens-là de temps en temps?
M. Giroux (Roger): Oui, sûrement. Par les associations
sectorielles, il y a justement un soutien et une entraide entre des entreprises
d'un secteur particulier. Dans des secteurs assez déterminés, par
exemple, puisque nous sommes une coopérative agricole, entre les
coopératives, il y a ce qu'on appelle de l'intercoopération et on
peut échanger ou même tout simplement donner le savoir-faire et
les informations à d'autres entreprises de notre regroupement, ce qui se
fait couramment chez nous puisque, au Québec, toutes les
coopératives agricoles laitières font partie de la
Coopérative fédérée.
Peut-être que, dans les grandes corporations multinationales, les
échanges ne se font pas aussi librement, mais quand même on peut
obtenir beaucoup d'informations dans ce qu'on appelle des contrats de
sous-traitance où, d'une part, l'entreprise qui est prédominante,
qui possède le savoir, aidera vraiment le sous-traitant à
produire selon les normes qu'elle peut avoir déjà
déterminées. Donc, des échanges de tout ordre et de toute
nature se font entre les entreprises pour valoriser l'innovation
industrielle.
Mme Dougherty: D'accord. Vous avez parlé de motivation et
le ministre a parlé de mesures, de l'introduction dans le dernier budget
de la réduction de taxes de 10% de la masse salariale consacrée
à la recherche. Que pensez-vous de cette mesure? Est-ce une mesure
utile? Est-ce qu'elle aura un effet positif sur la recherche?
M. Giroux (Roger): Oui, je le crois. C'est la
responsabilité de nos comptables de s'informer d'abord. Il faut que les
entreprises connaissent ces possibilités afin d'en tirer avantage. Chez
nous, je sais qu'on tire avantage de cela. Si, à la fin, cela signifie
des montants substantiels, personne ne refusera cela. Si c'est vraiment bien
perçu que ces gains ou ces impôts qu'on n'a pas à payer
sont appliqués ou découlent du fait d'activités de
recherche, de développement et d'innovation, ce sera
apprécié. Cela permettra vraiment de motiver davantage les
entreprises à faire des travaux dans ce domaine.
M. Paquette: II serait intéressant que les services de
recherche industrielle demandent plus d'argent à la compagnie en
disant...
M. Giroux (Roger): Oui.
M. Paquette: ...vous avez eu 10% de crédits
d'impôt.
M. Giroux (Roger): Vous avez eu ce bénéfice, mais
on veut, puisque cela découle de nos activités, pouvoir en
profiter. Faites des investissements ou donnez-nous du personnel ou d'autres
moyens. D'accord.
Mme Dougherty: Oui. Je vous ai posé cette question parce
que, lors de l'annonce de cette mesure, j'ai entendu quelques réactions
négatives ou neutres, parce qu'il semble que cette mesure ne
réponde vraiment pas aux vrais besoins des grosses compagnies; elles
parlent naturellement de leurs difficultés d'attirer l'expertise
nécessaire d'ailleurs, de tout le problème linguistique et tout
cela, de l'accès à l'éducation. Vous avez une
réaction assez positive, mais c'est pourquoi j'ai posé la
question, parce que tout ce que j'ai entendu est que cette mesure sera à
peu près nulle, compte tenu des autres problèmes que nous
avons.
M. Giroux (Roger): Oui, je peux répéter que des
entreprises industrielles de notre grandeur ne croient pas qu'elles pourront
tirer vraiment des subventions ou des prêts sans intérêt
importants. Il ne nous semble pas que les budgets prévus puissent
permettre cela puisqu'il faudra parler de centaines de milliers de dollars,
sinon de millions de dollars. Les fonds qui sont prévus vont servir
à d'autres, à organiser l'AQVIR elle-même et à
engager des personnes ressources. On a parlé d'avocats, d'experts de
différentes catégories qui pourront être disponibles pour
donner des avis juridiques à l'AQVIR, mais aussi éclairer les
entreprises qui pourraient participer à cela.
Il ne nous semble donc pas qu'il y aura vraiment suffisamment d'argent
qui sera disponible à la fin pour accorder des subventions
substantielles.
M. Paquette: M. le Président, je ne sais pas s'il y a
confusion. Je pense que la question de la députée de
Jacques-Cartier était à propos de la mesure fiscale concernant
les crédits d'impôt. Si je comprends bien...
M. Giroux (Roger): Non.
M. Paquette: Ah! M. Giroux, vous craignez que l'agence...
M. Giroux (Roger): Comme telle, dans
son budget.
M. Paquette: ...n'ait trop de fonds pour son propre
fonctionnement et pas assez à mettre dans les projets à
valoriser. Je voudrais simplement vous donner l'information suivante: Dans le
projet que nous avons, c'est à peu près 10% de frais de
fonctionnement, salaires, c'est-à-dire à peu près, au
maximum, en rythme de croisière normal, le temps d'établir
l'agence, de la mettre sur pied, peut-être 1 000 000 $ de salaires et de
fonctionnement et à peu près 10 000 000 $, au départ,
d'argent disponible pour valoriser les projets.
Maintenant, si les projets sont plus nombreux, plus importants, il n'est
pas interdit de penser qu'on corrige le tir, mais l'objectif est vraiment de
mettre au moins 90% des fonds de l'agence dans des projets. Donc, c'est un
fonds de transfert vers des projets.
M. Giroux (Roger): Mais si on pense à une liste d'une
centaine d'entreprises évidemment, elles ne sont pas toutes membres de
notre association 10 000 000 $ divisés par 100, cela ne ferait pas
beaucoup pour chacune.
Mme Dougherty: En ce qui concerne encore les incitatifs fiscaux
qui existent au Québec et au Canada, est-ce que vous en êtes
satisfaits dans l'ensemble? Est-ce que vous avez autre chose à
suggérer comme incitatifs sur le plan fiscal? Je n'ai pas
complété la lecture du mémoire de l'Association des
manufacturiers canadiens, mais j'ai été un peu surprise de voir
ses commentaires sur cette question.
Apparemment, ces gens ne sont pas du tout satisfaits de l'ensemble des
mesures incitatrices qui existent au Canada sur le plan fiscal. C'est la
première fois que j'entends cela. À mon avis, après avoir
parlé à plusieurs représentants du monde pharmaceutique,
ils m'ont dit qu'ici au Canada, c'était l'un des meilleurs milieux pour
faire la recherche. Je ne sais pas si le milieu...
M. Paquette: ...sauf pour la loi sur les brevets....
Mme Dougherty: Oui, sauf pour la loi sur les brevets, mais en
général, nous avons plus d'incitatifs ici. Je ne parle pas des
taxes personnelles et tout cela, mais des incitatifs pour les industries.
J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.
M. Giroux (Roger): D'abord, je dirai que les entreprises peuvent
toujours espérer davantage. Peut-être qu'elles font comparaison
avec ce qui se passe dans d'autres pays. Mais je pense que d'une façon
générale - c'est mentionné dans vos documents - les
agences fédérales, comme le Conseil national de recherche Canada
ou le Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie, ont des
programmes assez généreux. J'avais déjà
demandé au ministre Laurin lors d'une audience, en parlant d'une
politique scientifique au Québec, s'il entendait pouvoir faire des
transferts de fonds du fédéral au provincial pour que,
dorénavant, on s'adresse au gouvernement provincial plutôt qu'au
gouvernement fédéral pour obtenir ces aides ou ces subventions.
Je pense qu'on fait toujours partie du Canada et qu'on peut se tourner du
côté du gouvernement fédéral, puisqu'on y paie des
taxes également, pour obtenir les subventions qui sont relativement
satisfaisantes et généreuses pour la recherche et le
développement.
Mme Dougherty: Quant à la nécessité de
renforcer les relations entre les universités et l'industrie, je sais
que c'est une question qui préoccupe le monde universitaire, j'aimerais
vous demander d'abord si c'est une question qui vous préoccupe. Est-ce
qu'il y a un rôle pour le gouvernement dans ce renforcement?
M. Giroux (Roger): C'est une question très importante. La
plupart des entreprises que je représente ici entretiennent beaucoup
d'échanges avec les universités. Notre entreprise, en
particulier, a de nombreux projets faits en collaboration avec les
universitaires. Habituellement, on compte sur des subventions gouvernementales
et, effectivement, on utilise grandement les programmes du Conseil de recherche
en sciences naturelles et en génie quant à l'emploi
d'été pour les étudiants et quant aux projets
eux-mêmes. Beaucoup de projets aussi se font par les subventions qui
proviennent du ministère fédéral des Approvisionnements et
Services.
Effectivement, je pense que toutes les entreprises dont on parle ici ont
déjà beaucoup d'échanges avec les universités. Cela
pourrait être augmenté bien sûr, mais dans l'ensemble, la
plupart de ces entreprises travaillent de concert avec les universitaires.
Mme Dougherty: Donc, le rôle du gouvernement est
plutôt un rôle financier.
M. Giroux (Roger): Oui. (17 h 30)
Mme Dougherty: D'accord. Ma dernière question
intéresse mon collègue de Mont-Royal, il pourra poursuivre un peu
sur ce sujet. Je crois que nous avons un problème à comprendre
exactement toutes les étapes du processus de valorisation. Pouvez-vous
nous le décrire étape par étape? Commençons avec
une idée, une invention, un nouveau
produit potentiel ou un changement valable d'un processus,
jusqu'à et y compris la commercialisation de cette idée et
l'inverse. Quelquefois on commence avec un besoin technologique, la
nécessité d'améliorer un produit, un processus et on
cherche, peut-être hors des PME ou du milieu, à trouver une
idée qui répond aux besoins. Est-ce que vous pourriez
éclairer un peu les étapes du processus? Qui fait quoi à
chaque étape et qui finance quoi?
M. Giroux (Roger): Je pense avoir bien compris votre question.
Qu'il s'agisse d'une idée, disons d'un brevet.
Mme Dougherty: Est-ce que vous pourriez prendre un exemple
concret pour nous. Une hypothèse peut-être mais un exemple
concret.
M. Giroux (Roger): Oui, au préalable je veux dire qu'un
procédé total c'est un ensemble de beaucoup de choses. Une
idée ne sera qu'un des éléments parmi un
procédé, dans un procédé. Un brevet lui-même
ne touchera qu'un élément, peut-être un
élément important, d'une fabrication ou d'un produit.
Je pourrais vous donner des exemples dans le secteur agro-alimentaire,
mais je voudrais plutôt dire que beaucoup d'idées innovatrices ne
se matérialisent pas nécessairement en un produit qui atteindra
le consommateur. Je dirais que souvent, peut-être 80% de
l'activité a plutôt pour but de trouver des moyens de
réduire les coûts de production, d'augmenter la
productivité. En premier lieu, évidemment, on évalue une
chaîne de production et s'il y a des produits de mauvaise qualité
c'est du gaspillage et il faut réduire cela. Après qu'on a
atteint un certain calibre de qualité soutenue, régulière,
on pourra penser à augmenter la cadence ou la capacité de
production de la machine. Si, en modifiant certaines étapes qu'on
pourrait appeler des goulots d'étranglement, on peut parvenir à
doubler la capacité d'une ligne de production, d'une chaîne de
production, tant mieux, c'est qu'à la fin on aura réduit d'autant
le coût.
Vous voyez que ce n'est pas une chose simple. Ce sont toujours des cas
d'espèce. Il peut parfois arriver qu'une innovation ne coûte rien
ou ne représente que très peu de chose et avoir une importance
considérable. Alors qu'en d'autres cas il faut vraiment faire des
investissements ou encore des recherches afin de trouver l'outil, l'instrument
ou l'appareil qui nous permettra de donner les résultats qu'on
attend.
Évidemment dans certaines circonstances une chaîne de
production, parce qu'elle a été installée depuis
longtemps, est vraiment devenue désuète dans tous ses
éléments. Il s'agit vraiment de dire qu'il faut repartir à
neuf. C'est là que les gens vont faire des grandes investigations
à travers le monde pour trouver la chaîne de production qui sera
la plus appropriée pour produire ce produit qu'ils ont en vue.
Évidemment si cela n'existe pas sur les marchés étrangers,
ou encore s'ils ne peuvent pas modifier pour adapter à leurs besoins, il
faudra qu'ils fassent les efforts pour développer eux-mêmes ces
chaînes de production.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président. M. Giroux, j'ai
trouvé très intéressant vos commentaires sur deux points.
Premièrement, sur le fait que le gouvernement ne doit pas se substituter
au rôle de l'entreprise privée. Je pense que c'est un point
capital. Je pense qu'on commence à le réaliser de plus en plus.
Le fait que le gouvernement entreprenne certaines fonctions, ce n'est pas une
garantie de succès si on va contre les lois du marché et si on ne
respecte pas les règles de l'entreprise privée.
Deuxièmement, j'ai trouvé intéressante la question
que vous avez soulevée sur la motivation des gens dans "research and
development", dans la recherche, le développement et la mise en
marché de ces produits. Pour faire suite à votre premier point
sur le rôle de l'entreprise privée et le rôle du
gouvernement, je pense que vous avez soulevé l'article 20. De toute
façon, il me semble que c'est un aspect du projet de loi qui
mérite d'être soulevé, c'est-à-dire le rôle
que jouera le gouvernement. Même si on veut admettre que le gouvernement
a un rôle à jouer dans la question de la valorisation ou de
l'encouragement, je suis d'accord avec vous que la valorisation industrielle
sera faite par l'entreprise privée. Le gouvernement peut financer la
recherche mais la valorisation - on utilise du verbiage dans des projets de loi
- c'est la mise en marché. Si on a une étude et qu'on a la
recherche, pour la valoriser il faut que quelqu'un produise cet
article-là et c'est l'entreprise privée qui le fera et personne
d'autre. Malgré les meilleures intentions du ministre et de ceux qui
croient que le gouvernement peut résoudre tous nos problèmes, il
ne les résoudra pas.
Je pense que vous avez soulevé un point assez important. À
l'article 20, on accorde à l'agence certains pouvoirs. Un de ces
pouvoirs est de fournir l'aide financière qui peut consister en une
participation à des sociétés en commandite. Est-ce que
vous ne voyez pas un certain danger dans ce pouvoir? Si le gouvernement veut
encourager la recherche et encourager l'innovation, quelle est la
nécessité de participer à la société qui
mettra en oeuvre ce produit? N'y a-t-il
pas danger qu'un gouvernement se fasse embarquer? Cela arrive; cela est
arrivé dans le passé. Si on regarde les sociétés
d'État -sauf à l'exception de quelques-unes - elles fonctionnent
à déficit. Est-ce que cela ne soulève pas de dangers
vis-à-vis du consommateur, vis-à-vis de celui qui fait affaires
avec cette société? Il se dit: C'est le gouvernement qui est
impliqué, il n'y aura pas de problème, le gouvernement ne
permettra pas la faillite d'une telle société. Il est
arrivé que des sociétés dans lesquelles le gouvernement
avait une participation aient fait faillite. Cela a induit en erreur les gens
qui faisaient affaires avec elles.
Je voudrais avoir vos commentaires sur les dangers, si vous en voyez, de
la participation du gouvernement dans les sociétés comme il est
stipulé à l'article 20. Voyez-vous un danger de prêts, avec
ou sans intérêt? Je sais que vous semblez accepter l'idée
des prêts sans intérêt mais est-ce que cela peut soulever
des questions de concurrence déloyale? Si la compagnie À
reçoit un prêt sans intérêt et qu'elle peut faire
concurrence à une autre compagnie, il peut y avoir un certain conflit
d'intérêts; cela peut créer des situations où la
concurrence ne se fera pas de la même façon. Est-ce que ce sont
des exemples selon vous où le gouvernement se substitue, veut prendre la
part ou le rôle de l'entreprise privée?
M. Giroux (Roger): Vous m'entraînez dans un domaine qui est
plutôt difficile, pour ne pas dire compromettant. On semble indiquer que
l'AQVIR pourrait être tentée de faire ses frais ou d'être
autosuffisante, dans le sens qu'elle pourrait en tirer des revenus et que cela
pourrait compenser pour une grande partie des dépenses. Est-ce que cette
agence serait une corporation qu'on dit sans but lucratif ou est-ce que
vraiment ce serait une corporation au sens qu'on l'entend, soit une corporation
commerciale? Il y aurait alors le danger qu'il y ait une compétition
avec les industries qui fonctionnent en parallèle et qui ne
bénéficieraient pas d'une foule d'informations ou d'avantages qui
découlent du fait que c'est le gouvernement qui administre une
entreprise. C'est là que les entreprises industrielles sont
réticentes.
On peut craindre que parfois aussi, dans toute tendance à la
socialisation, le gouvernement ne se joigne aux syndicats pour faire des
activités et remplacer, se substituer ou vraiment concurrencer des
entreprises qu'on dit des libres entreprises du type corporatif. La conception
qu'on a d'une entreprise ou d'une corporation évolue
énormément. Même les multinationales américaines ne
sont plus dans le sens pur de la corporation qu'on avait autrefois et
pratiquement toutes les entreprises ont vraiment des relations avec les agences
gouvernementales, si ce n'est que pour les contrats de sous-traitance.
Alors, on ne peut pas vraiment délimiter les activités de
l'une et de l'autre. Je pense qu'on s'en va - c'est une tendance
générale - vers des associations où gouvernement et
industries fonctionnent ensemble, mais il faudrait quand même essayer de
sauvegarder cet aspect qu'une entreprise privée a été mise
sur pied, a été fondée par des individus et qu'ils l'ont
créée en espérant que ce soit à leur propre
avantage, sans vouloir partager tous les revenus à en tirer d'une
façon collective avec tous les individus.
M. Ciaccia: Je pense que l'expérience démontre que
c'est un faux espoir quand le gouvernement s'engage dans certaines
sociétés avec l'idée d'avoir des profits. Il y a toujours
la tendance, pour ceux qui administrent la compagnie pour le gouvernement,
c'est toujours facile de dire, à la fin de l'année: Même si
on fonctionne à déficit cette année, on peut le combler
l'année prochaine. Il y a toujours ce danger, on l'a vu dans plusieurs
sociétés. Y aurait-il d'autres moyens par lesquels le
gouvernement pourrait participer à l'entreprise sans être
propriétaire des actions de l'entreprise? Il doit sûrement y avoir
d'autres moyens qui sont plus efficaces et qui sont moins compromettants pour
le gouvernement et pour les fonds publics. Si on dit: On veut s'assurer qu'on
va avoir un retour sur les avances qui sont faites, je pense que les revenus,
les taxes additionnelles que l'entreprise pourrait payer... Supposons que le
ministre donne une subvention de 1 000 000 $ pour la mise en marché, la
production d'une invention. Si c'est un succès, cette entreprise va
payer des impôts. Mais, il va y avoir aussi l'incitation de l'entreprise
privée de s'assurer que, tous les ans, ils vont fonctionner avec un
profit plutôt qu'avec une perte. Il doit y avoir sûrement d'autres
formules de participation que de devenir propriétaire des actions d'une
société. (17 h 45)
M. Giroux (Roger): II y a sûrement d'autres
possibilités. Je crois qu'il faut prendre une certaine perspective de
toute cette histoire. Si on regarde en arrière, évidemment, il
avait été constaté que l'industrie, les entreprises
manufacturières et autres, étaient souvent
contrôlées par des entreprises multinationales ou par des
étrangers. Il y a eu un effort de reprendre en charge un peu la
société québécoise. Mais, là, on a franchi
plusieurs étapes. Il faudra savoir où vraiment s'arrêter et
ne pas dépasser certaines bornes. Il y a des entreprises au
Québec qui réussissent bien, qu'on pourrait qualifier
d'entreprises du milieu, d'entreprises autochtones. Il ne
faudrait pas, comme on dit, passer le rouleau à vapeur et tout
entraîner dans ce mouvement qui irait vraiment vers la socialisation
totale. C'est là qu'il faut faire le partage et la part des choses.
M. Ciaccia: L'exemple que vous avez donné, à savoir
que le Québec ou le Canada, dans certains cas, reprend la
propriété de compagnies multinationales, je ne pense pas que
l'article 20 vise cela. Le projet de loi, en soi, je pense, vise plutôt
l'encouragement de la recherche dans les petites et moyennes entreprises. Le
danger serait plutôt que le gouvernement reprenne la
propriété de petites entreprises. Je ne pense pas que cela puisse
être utilisé pour reprendre la propriété de
multinationales parce que je ne pense pas que, dans le cas actuel, cela
s'appliquerait.
L'autre point que vous avez soulevé, c'est comment motiver les
chercheurs et les entrepreneurs ou la mise en marché des inventions? Et
même, je pense que le ministre l'a soulevé lui-même: Comment
motiver ce domaine? Est-ce que vous ne croyez pas qu'une des façons de
motiver, ce n'est pas seulement d'avoir des subventions à la recherche?
Faire la recherche, c'est une chose, mais la mise en marché c'en est une
autre. Est-ce que le régime fiscal, les incitations... Je ne parle pas
seulement des 10%, mais je parle du régime fiscal en
général. S'il existe à un certain endroit des impôts
beaucoup plus élevés qu'à un autre endroit, si vous avez,
par exemple, des droits successoraux dans une juridiction que vous n'avez pas
ailleurs, autrement dit, si la lourdeur du régime fiscal est beaucoup
plus accentuée au Québec qu'ailleurs, est-ce que ce n'est pas une
démotivation pour mettre en application, pour commercialiser les
produits qui seront recherchés ou innovés par l'AQVIR, le CRIQ ou
le CHM? Est-ce que ce n'est pas une démotivation?
M. Giroux (Roger): Si on doit payer plus d'impôt,
évidemment cela implique que les produits qui seront fabriqués et
vendus seront plus chers. Mais il y a un choix gouvernemental à offrir
des services à la population qui doivent être payés par les
impôts. Là,- c'est toute une orientation que le gouvernement a
choisie que je ne veux pas vraiment discuter.
M. Ciaccia: Je ne veux pas vous placer dans une situation
politique difficile, mais c'est bien beau de dire que Louis Pasteur a
été motivé par un sens de mission, le missionnaire. Il y a
certainement des gens qui font des découvertes de cette envergure qui ne
regardent pas au profit, mais on est en Amérique du Nord et le
modèle de l'Amérique du Nord, comme on disait aux
États-Unis, "the nation of this business is business". Si on n'a pas des
politiques qui encouragent des gens à faire des profits, pourquoi une
personne viendrait-elle au Québec, même si elle a un brevet pour
un produit, prendre le risque d'investir ici si le retour de cet investissement
n'est pas le même qu'ailleurs? Elle ferait mieux d'investir ailleurs. Je
n'ai pas besoin de demander vos commentaires là-dessus. Je pense que
c'est évident. Je croirais que la meilleure façon de motiver un
chercheur, c'est de voir à ce que le produit de son innovation soit mis
sur le marché. C'est une motivation. Ce n'est pas l'AQVIR qui va pouvoir
le mettre sur le marché. C'est l'entreprise privée. Vous ne
pouvez pas échapper à cela. Je pense que tout en
présentant un projet de loi, comme ce que fait le ministre, avec les
amendements qui vont s'imposer à la suite des recommandations des
différents intervenants, le ministre devrait faire des
représentations auprès du Conseil des ministres pour motiver les
gens à produire au Québec, pour qu'il y ait des profits pour ceux
qui vont investir, pour que ce soit attrayant d'investir, pour qu'il y ait des
incitations...
M. Paquette: On a créé autant d'emplois que le
reste du Canada.
M. Ciaccia: ...pour ne pas que les taxes soient plus
élevées ici, pour ne pas que le Québec soit le seul
endroit où il y a des droits successoraux, pour ne pas démotiver
les gens qui peuvent mettre en marché ou commercialiser les produits que
vous voulez encourager, les innovations et la recherche que vous voulez
encourager par ce projet de loi.
Est-ce que vous avez des commentaires?
M. Giroux (Roger): Non.
M. Ciaccia: Non. On va attendre ce que les représentants
du Conseil du patronat auront à dire. J'ai hâte.
M. Paquette: Je vois que vous avez hâte de prendre de
l'avance. M. le Président, le député de Mont-Royal prend
de l'avance sur le mémoire du Conseil du patronat en
répétant à chaque intervenant, en des termes plus ou moins
variés, où on revoit tout un exposé idéologique
fort intéressant. Je reconnais que les gestes politiques et les
décisions doivent tenir compte des idéologies. Nous avons une
idéologie face à ce projet de loi. Il y a trop d'innovations et
de recherches qui se perdent, qui restent sur les tablettes. La
société québécoise est une société
extrêmement innovatrice mais ses innovations passent mal dans le
processus de production pour un certain nombre de raisons, notamment le fait
qu'il y a trop peu de départements de recherche industrielle au
Québec parce que beaucoup de sociétés
étrangères qui ont des filiales au Québec -je ne parle pas
des membres de l'ADFUQ, ce n'est pas à cela que je réfère
- font, comme c'est normal, leurs recherches près du siège
social.
On a aussi une structure industrielle où il y a beaucoup de
petites et moyennes entreprises qui n'ont pas souvent le moyen de
commercialiser. Je reconnais qu'au stade de la production ce sont les
entreprises qui le font, c'est bien évident. C'est une évidence,
on n'a pas besoin de le répéter, au stade de la production ce
sont les entreprises qui le font.
Avant cela, je pense qu'on a constaté tout au long de la
journée, et en particulier en écoutant le vice-président
de l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec,
qu'il y a beaucoup de démotivation face à ceux qui, parce qu'ils
oeuvrent dans un département de recherche industrielle,
décideraient de commercialiser eux-mêmes ou d'aller voir d'autres
entreprises pour commercialiser elles-mêmes leurs innovations. Dans la
région de Boston et en Californie, il y a beaucoup de
développement qui se fait dans la haute technologie par ce qu'on appelle
des "spin-off", qui sont des ingénieurs, des scientifiques qui, à
un moment donné justement parce que c'est motivant, décident de
s'aventurer dans le "no man's land" dont je parlais tantôt. Parfois c'est
l'inverse. Ce sont des chercheurs universitaires qui, de leur bout du spectre,
décident et arrivent dans un contexte extrêmement difficile
où ils ont besoin d'appui et d'aide.
Je voudrais ajouter la remarque suivante à l'intention du
député de Mont-Royal. L'article 20, deuxième paragraphe,
n'a rien à voir... Je pense que le député de Mont-Royal ne
sait pas ce qu'est une société en commandite. On dit: "L'aide
financière de l'agence peut consister, de façon
privilégiée, en une participation à des
sociétés en commandite." Qu'est-ce que cela veut dire? Cela veut
dire qu'à un moment donné, une fois qu'on a une innovation
prometteuse qui a été évaluée, mettons, par le CRIQ
sur le plan de sa valeur technique, qu'il y a eu des études de
marché, qu'on sait que cela pourrait être commercialisé,
qu'on sait que des entreprises pourraient être intéressées
à embarquer, mais n'ont peut-être pas les moyens de mettre en
péril leur entreprise pour investir dans le développement complet
du produit avant d'en arriver au stade où on est vraiment sûr
qu'on peut y aller sur le plan de la production, ce que pourrait faire
l'agence, c'est inviter ceux qui détiennent l'invention... L'entreprise
privée ou les entreprises privées pourraient peut-être se
mettre ensemble pour la commercialiser, peut-être qu'une institution
financière pourrait ajouter des fonds. Pendant tout le processus
où on en arrive au stade de la production, quand c'est prêt
à produire, la société en commandite a permis de
bénéficier d'incitatifs fiscaux, elle est à ce moment
dissoute et la production est assumée par une entreprise. C'est une des
stratégies que l'agence pourrait utiliser. C'est bien évident que
l'agence n'a pas intérêt à être partenaire
majoritaire dans ces sociétés en commandite parce que
après cela, elle se retrouvera un peu seule à commercialiser,
avec peut-être des entreprises qui seraient minoritaires là-dedans
et qui n'y verront pas leur intérêt financier, parce qu'elles ne
pourront pas s'assurer du contrôle de l'innovation une fois rendue
à maturité, une fois rendue au moment où on doit faire la
production.
Il faut vraiment avoir l'esprit mal tourné pour voir en dessous
de cet article des menaces de socialisation, des menaces envers l'entreprise
privée. M. le Président, j'en suis, à l'occasion, pour la
nationalisation. Je pense que, si on n'avait pas nationalisé les
compagnies d'électricité il y a quelques années, on serait
bien mal pris au Québec actuellement. Dans certains cas, cela s'impose,
mais il est bien clair que l'agence n'a pas pour but de prendre des
contrôles majoritaires dans les entreprises. Elle a pour but d'assurer
que, sans qu'on place au passif des petites et moyennes entreprises qui
seraient intéressées à commercialiser
éventuellement tout le processus de recherche, on peut se créer
une société en commandite. On investit des sommes, on sait que
cette société ne fera pas de profits, mais, si elle
réussit à rendre l'innovation à maturité, une
entreprise pourra la reprendre et faire des profits avec et l'agence pourra
peut-être tirer dans ces cas une certaine gratification.
C'est mieux que de donner tout le montant en impôts à
l'entreprise parce que cela permet de réinjecter à nouveau ces
sommes dans la recherche et le développement. Je pense que c'est un peu
ce rôle dynamique, catalyseur. C'est comme cela qu'il faut voir l'agence
et c'est comme cela qu'il faut voir l'article 20.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Non, je n'ai pas dit que l'article 20 était
une menace de nationalisation et de socialisation. C'est seulement le principe.
Je pense que, comme principe, une agence du gouvernement participe en
société avec l'entreprise privée, cela ouvre la porte
à trop d'abus. On l'a vu dans le passé. Je suis d'accord avec le
ministre que, dans certains cas - prenez Hydro-Québec - cela s'imposait.
C'était un service public en 1962 et cela s'imposait sûrement. De
1960 à 1970, il y avait une
certaine nécessité pour rétablir certaines normes
au Québec pour que le gouvernement prenne certaines mesures dans
certaines sociétés. Je crois que, depuis 1970, 1976, la situation
a changé. Quand on voit les exemples des dernières années,
quand on voit la SGF qui a pris une société
québécoise... On avait auparavant de bonnes raisons de dire:
Écoutez, on veut s'assurer qu'il y a une présence
québécoise dans certaines industries. Alors, on achetait, on
faisait des "joint venture", on prenait des participations dans certaines
compagnies. C'était totalement valable, mais quand on voit une
société québécoise, comme Bio-Endo que tout
à coup le gouvernement décide d'acheter. Je ne vois pas sur quels
critères...
M. Paquette: N'oubliez pas, M. Johnson qui a dit, à la
course à la direction de votre parti, qu'il fallait bannir
l'intervention de l'État partout, sauf en biotechnologie.
M. Ciaccia: Écoutez, Bio-Endo, ce n'est même pas de
la technologie, c'est de la biochimie, pour votre information.
M. Paquette: Ah! Bien...
M. Ciaccia: Mais même dans la biotechnologie, l'idée
est de ne pas acheter une compagnie québécoise qui existe
déjà. En tout cas, on pourrait faire ce débat ailleurs. Le
point que je voulais faire sur l'article 20, c'est que ce gouvernement, votre
gouvernement, est allé un peu trop loin et il continue dans ce sens.
C'est votre idéologie, mais les exemples sont trop patents où il
y a trop de déficits. Il y a une limite à engager les deniers
publics. On ne peut plus se permettre de dépenser sans retirer des
revenus. Quand vous donnez ce pouvoir, l'agence va l'utiliser. Ce n'est pas une
question majoritaire, mais quelquefois c'est pire quand le gouvernement est
minoritaire parce qu'il est obligé de fournir les fonds et il s'embarque
dans des situations dans lesquelles il n'a pas le contrôle. (18
heures)
Le deuxième point: Je suis heureux que vous ayez donné
Boston comme exemple, parce que les exemples que vous aviez donnés au
mois de juin, c'étaient plutôt des exemples européens:
ANVAR. Vous avez fait le parallèle entre AQVIR avec la
société française ANVAR et...
M. Paquette: Ici et en Grande-Bretagne.
M. Ciaccia: ...je suis heureux de voir qu'aujourd'hui vous
essayez de prendre des modèles américains plutôt que des
modèles européens. Nous sommes dans un contexte...
M. Paquette: Quand on regarde le taux de chômage, on est
peut-être mieux de regarder un peu du côté européen
aussi.
M. Ciaccia: Non, quand on est dans le contexte américain,
si vous voulez faire les mêmes conditions au Québec ou à
Montréal, parce que l'on prend l'exemple de villes comme Boston, je
suggère d'adopter les mêmes politiques, spécialement le
régime fiscal, les taxes, les impôts, l'ouverture de notre
société. Quand vous allez pouvoir appliquer ces politiques
peut-être que vous pourriez faire la même chose qu'à Boston.
Aussi longtemps que vous voulez nous déposer des projets de loi qui font
que d'un côté de la médaille, on va promouvoir la
recherche, on va faire ci et ça... C'est global, si vous n'attaquez pas
l'autre côté, le régime fiscal, les incitations, capital de
risque, je pense que vous allez mettre des contraintes très
sérieuses à votre très bonne intention de promouvoir et de
valoriser la recherche industrielle.
M. Paquette: M. le Président, j'en conclus que le
député de Mont-Royal a une opinion négative du
gouvernement. Je m'en excuse. J'en suis renversé.
M. Ciaccia: Je suis, moi aussi, renversé que vous en
veniez à cette conclusion. Pourtant j'essaie d'être aussi positif
que possible.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier, au nom
des membres de cette commission, M. Giroux qui nous a donné un
éclairage différent qui complète ceux qu'on a eus
jusqu'à maintenant à cette commission. Je le remercie d'avoir,
dans un délai aussi court, accepté de venir nous exposer son
point de vue. Merci.
Le Président (M. Brouillet): En espérant la
création d'une médaille d'or, d'argent et de bronze pour les
chercheurs industriels. En attendant, je vous remercie également au nom
des membres de la commission.
Il y a une entente pour reprendre les travaux à 21 heures en
présence de M. Biron.
M. Paquette: Oui, à 21 heures.
Le Président (M. Brouillet): La commission élue
permanente de la présidence du conseil et de la constitution suspend ses
travaux jusqu'à 21 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 03)
(Reprise de la séance à 20 h 40)
Le Président (M. Brouillet): La commission de la
présidence du conseil et de la constitution reprend ses travaux. Ce
soir, nous discuterons en présence du ministre
responsable de la SDI et du CRIQ du projet de loi 37, Loi créant
l'agence québécoise de valorisation industrielle de la recherche.
Je vais laisser la parole au ministre.
M. Paquette: M. le Président, simplement sur le
déroulement des travaux, je pense qu'on avait convenu de consacrer cette
séance à approfondir un peu le champ d'action du CRIQ et de la
SDI, d'en évaluer les interrelations avec le projet d'agence de
valorisation industrielle qui est l'objet de ce projet de loi. On avait convenu
de consacrer à peu près une heure, une heure et demie à
cela, mais là je vois qu'on commence un peu en retard et je sais que mon
collègue a d'autres engagements.
M. Ciaccia: Je n'ai pas compris, je pensais qu'on devait
commencer à 21 heures.
M. Paquette: Le message vous a été transmis
à 20 heures.
M. Ciaccia: Lorsque je suis parti à 18 heures, l'ordre
était de revenir à 21 heures. On va essayer d'accommoder le
ministre. On devait avoir les représentants du CRIQ et de la SDI. Est-ce
qu'on a le ministre comme prix de consolation? On n'a pas le CRIQ, ni la SDI et
on vous a comme prix de consolation, ce soir.
M. Biron: M. le député de Mont-Royal, vous avez le
ministre responsable du CRIQ et de la SDI.
Le Président (M. Brouillet): C'est un boni.
Le champ d'action du CRIQ et de la SDI
M. Biron: Je voudrais d'abord m'excuser si j'ai un peu
changé l'horaire de ce soir. À la dernière minute, cet
après-midi, j'avais un rendez-vous qui me semblait un peu trop long pour
l'heure du souper; j'ai donc retardé ce rendez-vous là à,
officiellement, 21 heures - même si je suis en retard un peu -afin de
pouvoir être ici à 20 heures. Je vais essayer quand même de
répondre le plus clairement possible aux questions du
député de Jacques-Cartier et à celles du
député de Mont-Royal. Je vais juste faire une petite mise au
point sur la façon dont nous entendons travailler à partir
d'organismes comme le CRIQ, la SDI et l'AQVIR.
Pour bien clarifier notre action, le CRIQ, de même que la SDI sont
en relation constante avec les entreprises québécoises, les
entreprises industrielles ou tertiaires moteurs. Le CRIQ et la SDI, à
l'image de ces entreprises, doivent gérer dans les limites de certains
risques...
M. Ciaccia: M. le Président, je ne voudrais pas
interrompre le ministre, mais je voudrais savoir pourquoi le
député de Deux-Montagnes quitte la commission. Je pense
que...
M. de Bellefeuille: C'est que le député a compris.
Il y a une personne qui ne comprend pas, cela ne sert à rien d'essayer
de le lui expliquer.
M. Ciaccia: C'est malheureux. Je pense qu'il a été
offusqué de vos remarques. Il n'a pas apprécié du tout vos
remarques. Aux fins du journal des Débats, c'est le député
de Deux-Montagnes qui a laissé...
Le Président (M. Brouillet): Je crois que c'est de coutume
que les députés se lèvent et reviennent; alors, on n'a pas
à s'interroger à savoir pourquoi un député se
lève ou revient. S'il fallait faire cela chaque fois, le journal des
Débats s'épaissirait considérablement parce qu'il y a un
mouvement de va-et-vient.
M. Ciaccia: Espérons que le député de
Deux-Montagnes va revenir.
M. Paquette: M. le Président, le député de
Mont-Royal donne l'impression que nous sommes en récréation ce
soir, il devrait attendre le mémoire du Conseil du patronat demain
matin.
M. Ciaccia: La récréation a été
créée par les remarques du ministre de l'Industrie et du Commerce
et les remarques du ministre de la Science et de la Technologie.
M. Biron: Est-ce que je peux maintenant me permettre de
répondre à vos questions, M. le député de
Mont-Royal?
Je disais tout simplement qu'à l'instar des entreprises que nous
essayons de servir le mieux possible, nous devons prendre certains risques,
mais nous ne pouvons aller au-delà de certains risques. Dans ce sens, la
venue sur la scène québécoise de l'Agence
québécoise de valorisation industrielle de la recherche va nous
permettre de promouvoir davantage de projets et de possibilités, cela va
nous permettre de faire des demandes à l'AQVIR pour son intervention
précise dans des cas où ni le CRIQ, ni la SDI, ni les entreprises
n'ont le droit de risquer plus avant. Lorsqu'on parle de développement
technologique, c'est toujours risqué jusqu'à un certain point, ou
un peu plus qu'à un certain point souvent, et si nous ne prenons pas de
risque, il n'y aura jamais de développement technologique. (20 h 45)
Dans ce sens, la SDI et le CRIQ prennent certains risques, mais leur
fonction, leur responsabilité est habituellement de cheminer avec les
entreprises lorsque les
entreprises veulent prendre aussi une partie du risque.
Ma vision là-dessus, c'est qu'avec des protocoles d'entente entre
le ministère de la Science et de la Technologie et le ministère
de l'Industrie et du Commerce, nous pourrons très facilement, et avec
beaucoup plus de valeur pour le développement technologique maintenant,
demander à la société québécoise, par
l'agence de valorisation, de s'impliquer dans le développement de
certains produits, de certains projets, de certaines possibilités qui
pourront être identifiés.
Le deuxième point que je veux soulever là-dessus, c'est
que notre mandat n'est pas de promouvoir des projets. Notre mandat, au CRIQ en
particulier, c'est d'attendre que des chefs d'entreprises viennent nous voir
avec des projets précis et nous demandent de les aider à
développer ces projets. Or, à l'heure actuelle, au Québec,
il n'y a pas d'organismes publics qui font la promotion de projets, qui
essaient de susciter davantage de projets québécois et on devrait
probablement le faire pour prendre le virage technologique encore plus
rapidement. Je veux dire qu'avec un bon protocole d'entente entre le CRIQ et la
SDI d'une part, et le ministère de la Science et de la Technologie ou
l'AQVIR d'autre part, nous pourrons, je pense bien, toucher à peu
près toutes les zones qui ne sont pas touchées
présentement. De là à dire qu'il ne restera jamais de
zones grises, vous avez assez d'expérience pratique de la vie pour
savoir qu'il y aura toujours quelques zones grises qui devront s'ajuster au fur
et à mesure, selon la bonne volonté des gens. Mais, à
l'heure actuelle, je peux vous garantir qu'à la fois au CRIQ et à
la SDI, de même qu'au ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme, pour notre part -et je sais que c'est la même chose pour le
ministre de la Science et de la Technologie -il y a toute la volonté
pour bien identifier chacun des secteurs d'intervention et faire en sorte qu'il
reste le moins possible de zones grises.
Mme Dougherty: M. le ministre, M. Biron, d'abord, j'aimerais vous
remercier d'avoir consenti à venir ici ce soir. Nous avons voulu la
présence directe du CRIQ et de la SDI; c'est cela que nous avons
demandé en juin et c'est l'une des raisons pour lesquelles on a
retiré le chapitre V, parce que tous les renseignements que nous avons
eus nous ont dit qu'il y a, apparemment, dédoublement de fonctions. La
question qui a été soulevée, c'est: Est-ce qu'on a
vraiment besoin de l'agence? Selon les mémoires que nous avons
reçus jusqu'à maintenant et ceux que nous allons entendre demain,
cette question est soulevée par pratiquement tous les intervenants. Vous
avez parlé tout à l'heure de la question du capital de risque.
Est-ce que c'est là la fonction unique de l'agence? Si on examine
l'article 17 qui définit les fonctions et les pouvoirs de l'agence, le
seul besoin qui est soulevé par pratiquement tout le monde est le besoin
d'augmenter les ressources financières. Est-ce la contribution possible,
potentielle, financière? Est-ce là la fonction de l'agence qui la
distingue du CRIQ? On parle aussi, naturellement, de la SDI. Voudriez-vous
préciser ce point? Naturellement, tout le monde ici et nous, de notre
formation politique, ne sommes pas contre, nous sommes pour une meilleure
valorisation de la recherche industrielle. Il n'y a pas de doute
là-dessus.
Avons-nous vraiment besoin de cette agence? S'il y a vraiment des
carences dans le réseau des services qui existent à l'heure
actuelle, est-ce l'agence qui pourra combler les carences ou si on doit
concevoir l'agence d'une façon différente, peut-être en
mettant l'accent sur sa capacité financière?
M. Biron: La réponse est oui, nous avons besoin de
l'agence, non pas simplement pour des capitaux de risque, mais d'abord, comme
je l'ai dit tout à l'heure, pour promouvoir les projets et les
possibilités différentes. À l'heure actuelle, ce n'est ni
le CRIQ, ni la SDI, ni le ministère de l'Industrie et du Commerce qui a
cette responsabilité. Si nous sommes un peu plus passifs dans ce sens,
c'est que nous attendons que des gens, des industriels viennent nous voir avec
des projets, avec des inventaires.
La première étape pour faire la promotion, pour encourager
les gens à en faire plus, jusqu'à présent, nous n'y avons
pas touché. Je ne crois pas que ce soit de notre responsabilité
maintenant que le ministère de la Science et de la Technologie existe;
avec l'agence, c'est une première responsabilité. Une fois que
les projets arrivent en grand nombre pour une analyse technique sommaire et un
peu plus élaborée, nous allons étudier les dossiers et
essayer de sélectionner les projets dans lesquels les entreprises vont
s'impliquer financièrement pour une partie. Le CRIQ va s'impliquer pour
une autre partie. À mesure que le projet va évoluer dans son
analyse, la SDI pourrait s'impliquer aussi pour l'autre partie, mais toujours
lorsque l'entreprise ou l'individu va s'impliquer lui aussi
financièrement.
Prenons l'exemple d'un projet qui a été
développé par un individu ou par une entreprise, qui a
été déclaré comme étant un excellent projet
par le CRIQ alors que l'individu ou l'entreprise n'a pas les moyens financiers
de payer sa part du développement du projet. Le CRIQ n'a pas le mandat
d'y aller à 100%. C'est là qu'on va demander à l'agence
d'intervenir parce qu'il y a un risque financier plus grand que le risque
normal qui doit être pris par le CRIQ et la
SDI.
Je disais tout à l'heure: Nous sommes un peu à l'image des
entreprises. Il faut prendre certains risques, mais on n'a pas le droit d'aller
au-delà d'une certaine limite. À ce point de vue, lorsque le
risque sera plus grand - capital de risque mais aussi ressources
financières pour une subvention à l'entreprise - je pense que ce
sera le rôle de l'agence de porter un jugement sur la qualité du
projet ou du produit et sur la capacité de l'entreprise, et
éventuellement de la développer. Alors l'agence pourra dire: Je
comble cette place qui n'est remplie par personne à l'heure actuelle et
je prends le risque au nom de la collectivité. Nous n'avons pas le droit
de risquer jusqu'à... Jusqu'à un certain point, oui mais pas
au-delà et dans ce sens, lorsque l'entreprise ne met jamais rien, le
CRIQ n'a pas le droit d'aller plus loin ni la SDI d'ailleurs.
Mme Dougherty: II y a peut-être une autre façon de
résoudre le problème et c'est d'élargir, d'adapter le
mandat du CRIQ. Ce n'est pas une suggestion personnelle, c'est une suggestion
qui a été faite par plusieurs autres organismes.
M. Biron: Non. Je trouve qu'il faut s'arrêter à la
suggestion que vous faites. En tout cas je me suis arrêté à
cette suggestion en disant: Est-ce possible qu'on élargisse le mandat du
CRIQ et de la SDI là-dessus? Je pense que cela valait la peine de
regarder cette suggestion possible. Finalement je suis revenu au principe de
base du CRIQ et de la SDI qui est d'être au service de l'entreprise et
d'accompagner l'entreprise.
Si on disait à la SDI et au CRIQ: Dorénavant vous allez
prendre plus de risques, je crois que ces deux organismes ne seraient pas
à l'image de l'entreprise qui doit prendre certains risques mais pas
au-delà. Cela ferait que dans à peu près tous les domaines
on prendrait certains risques parce que lorsqu'on trace une ligne donnée
on la trace pour tous les domaines. Je l'ai tracée jusqu'à une
certaine limite pour tous les domaines; au-delà de cela vous n'avez pas
le droit d'aller là. Il y a certains domaines où il faut aller
beaucoup plus loin, certains projets pour lesquels il faut faire un jugement de
valeur et aller plus loin, d'autres projet pour lesquels il ne faut pas aller
plus loin.
Je crois que dans ce domaine en particulier ce sera à l'agence de
porter un jugement de valeur et de dire à l'entreprise: Cela coûte
50 000 $ pour développer ce produit; le CRIQ est prêt à
aller jusqu'à 25 000 $. Vous n'avez pas les moyens financiers d'aller
plus loin et personne ne veut vous subventionner. Nous jugeons que c'est bon.
Ce projet, avec le jugement de valeur de l'agence, nous allons vous aider
à le développer.
C'est sûr que ce seront des jugements de valeur tout le long, mais
je crois que, dans ce sens-là, j'aime mieux confier cela à un
organisme tel que l'agence qui sera spécialisée à porter
des jugements de valeur sur certains produits, sur certains projets, de le
faire et de porter ledit jugement en laissant le CRIQ et la SDI
développer normalement leurs relations avec l'entreprise. Nous faisons
affaires avec plusieurs entreprises. Il serait difficile pour nous de dire
à une entreprise ou à un projet donné: On te bloque, quand
l'autre à côté, qui est semblable, dit: Non,
celui-là, on le continue. Dans ce sens-là, ce sera à
l'agence à porter le jugement de valeur et le jugement régulier
sera porté par le CRIQ et la SDI.
Mme Dougherty: D'accord. Je pose la même question dans une
autre optique, l'expérience de l'ANVAR. Le ministre de la Science et de
la Technologie a parlé de l'ANVAR en France et de l'autre agence en
Grande-Bretagne qui s'appelle The National Research...
M. Paquette: NRDC, National Research and Development
Corporation.
Mme Dougherty: D'accord. En France, l'ANVAR est sous la tutelle
du ministre de l'Industrie et du Commerce.
M. Paquette: ...
Mme Dougherty: Oui, je le sais parce que j'ai tous les documents
ici.
M. Paquette: M. le Président, comme c'est une question de
fait simplement, je voudrais répondre qu'il y a à peu près
deux ans, le gouvernement français a d'abord créé un
ministère de la Recherche qui était responsable de l'ANVAR et,
par la suite, le ministère de la Recherche, l'équivalent du
ministère de la Science et de la Technologie ici, a fusionné avec
le ministère de l'Industrie. Le ministère s'appelle maintenant le
ministère de la Recherche et de l'Industrie. C'est peut-être
l'inverse, le ministère de l'Industrie et de la Recherche. À ce
moment-là, l'ANVAR était initialement sous la
responsabilité du ministère de la Recherche là-bas, mais,
depuis la fusion des deux ministères, cela relève du
ministère de l'Industrie et de la Recherche.
Mme Dougherty: C'est sous la tutelle du ministre de l'Industrie
selon mes documents.
M. Biron: Si vous me posez une question...
Mme Dougherty: Ce n'est pas une
grosse question.
M. Biron: ...là-dessus, selon mon choix, je crois que
l'AQVIR doit relever du ministre de la Science et de la Technologie.
Mme Dougherty: Non, ce n'est pas important.
M. Biron: À moins que vous ne vouliez absolument me
charger de beaucoup d'autres responsabilités, mais je crois que j'ai
assez de responsabilités dans le moment.
M. Ciaccia: Vous en avez de moins en moins après ce que le
gouvernement vous fait. Entre le ministre de la Science et de la Technologie,
entre le ministre du Commerce extérieur, entre le ministre des Affaires
intergouvernementales, il ne vous restera plus rien à faire. Faites
attention, là! On veut ici protéger vos intérêts, M.
le ministre de l'Industrie et du Commerce.
M. Biron: Vous devriez essayer de protéger ma santé
et me faire travailler à des heures un peu plus
régulières.
Mme Dougherty: Mais le problème, ce n'est pas essentiel
à ma question, d'accord? Sous la tutelle de qui... Cela n'a rien
à voir avec ma question. Comme vous avez soulevé la question de
l'ANVAR - ma question pourrait même toucher l'expérience en
Grande-Bretagne - en France, si je comprends bien, il n'y avait pas de CRIQ.
Depuis que l'ANVAR a été créée, même avec
toutes ses transformations récentes, il y a une agence qui, apparemment,
agit maintenant comme agence de financement surtout, si je comprends bien,
d'une façon raisonnable avec un succès raisonnable, d'accord. Si
l'agence dont nous parlons ici dans le projet de loi est modelée sur
l'ANVAR, en France, où il n'y a pas deux agences, deux organismes,
pourquoi ici, au Québec, deux organismes? Est-ce que ma question est
claire? Apparemment, on a réussi avec un organisme, en France.
M. Biron: Je vous dis exactement ce que je ressens comme besoin,
une fois qu'on a défini le rôle du ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, particulièrement de l'industrie
vis-à-vis le développement de nouveaux produits, de nouveaux
projets, de nouvelles possibilités: le financement et l'aide au
financement des entrepises. Une fois qu'on a défini exactement le
rôle, je dis: Oui, on a besoin d'une autre structure; on a besoin d'une
agence de valorisation. Cette agence, en définissant le rôle du
ministre de la Science et de la Technologie - dans le fond, ce n'est pas la
même chose au Québec qu'en Ontario ou au Nouveau-Brunswick ou au
Canada, en
France ou ailleurs, je pense que chaque gouvernement définit
lui-même ses propres besoins. Une fois que les besoins du gouvernement ou
de la collectivité qu'il représente sont définis, c'est au
premier ministre à nommer les différents ministres et à
définir leurs responsabilités. (21 heures)
Je trouve qu'au Québec, c'est assez bien divisé et surtout
à un moment précis de l'histoire où il faut faire beaucoup
de développement économique et technologique. Dans ce sens, on a
besoin de toutes les forces vives du milieu et du gouvernement. La
présence d'un ministre responsable consacré à temps plein
au développement technologique peut aider les entreprises
québécoises, la collectivité québécoise
à aller dans ce sens et à aller dans le bon sens. C'est juste et
normal dans ce sens, dans cette théorie que l'AQVIR relève du
ministre responsable de la Science et de la Technologie.
M. Paquette: Si vous permettez, simplement une question de fond.
En fait, il est faux de dire qu'en France il n'existe pas d'organisme analogue
au CRIQ. Il y en a plusieurs qui ont le mandat de faire de la recherche
appliquée au service des entreprises, de faire du développement
technologique, voire d'assurer des services de transferts technologiques dans
les entreprises. Il y a CNRS, INSA, CNEXO, dans le domaine de l'exploration
spatiale et CNET, dans le domaine de la télécommunication. CNRS
est peut-être celui qui pourrait ressembler le plus au rôle du CRIQ
face aux entreprises. Ils se sont donné une agence de valorisation
industrielle, depuis 30 ans. Question de fait, également, la Colombie
britannique étudie un projet analogue actuellement. En Ontario aussi. Ce
n'est pas quelque chose de particulier. Comme dit mon collègue de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, il faut regarder à
l'intérieur du Québec les besoins et ne pas trop copier sur les
structures étrangères tout en se disant: Cette idée de la
valorisation industrielle de la recherche, on n'est pas les premiers à
l'avoir non plus. Il y a d'autres pays qui se sont engagés
là-dedans bien avant nous.
Mme Dougherty: Une autre question et je vais laisser à mon
collègue de Mont-Royal poursuivre cette question de dédoublement
de fonctions. Pouvez-vous nous dire quel est le taux de succès des
projets sur lesquels le CRIQ travaille? J'ai vu les chiffres. J'ai quelques
chiffres ici. Est-ce que vous avez des renseignements précis sur tous
les projets acceptés par le CRIQ? Quel est le taux de succès?
Quel pourcentage arrive au point où ils sont "commercialized" par
l'industrie privée?
M. Biron: Je ne pourrais pas répondre à cette
question. Je n'ai malheureusement pas avec moi les chiffres précis
là-dessus, mais des demandes d'analyses sommaires de projets, il y en a
à peu près 1000 par année. Il y en a quelques dizaines de
retenues à la fin pour toutes sortes de raisons. La moitié,
d'abord, est éliminée au départ, parce que
déjà cela a été trouvé ailleurs ou ce n'est
pas réalisable. Après cela, c'est un manque de financement
souvent de l'inventeur ou de l'entreprise ou tout simplement les gens
décident de mettre le projet de côté temporairement. Cela
se termine à quelques dizaines au bout de la piste. C'est tout à
fait normal. C'est normal qu'il y ait un tamis tout le long qui fait en sorte
qu'on retienne les meilleurs. Notre tamis est assez serré compte tenu de
nos préoccupations de développement industriel alors que le tamis
employé par l'AQVIR sera peut-être un petit peu plus ouvert dans
certains secteurs d'activité jugés prioritaires par le
gouvernement.
Mme Dougherty: Est-ce que vous avez l'impression qu'il y a
beaucoup de projets prometteurs qui n'arrivent pas aux portes du CRIQ, d'une
façon ou de l'autre?
M. Biron: Oui, il y a beaucoup de projets prometteurs qui
n'arrivent pas au CRIQ, qui peuvent être développés
ailleurs dans d'autres institutions ou directement par l'entreprise. À
travers les projets prometteurs...
Mme Dougherty: Les projets qui restent sur les tablettes à
cause d'un manque d'information, d'un manque de je ne sais quoi, d'un manque de
motivation de l'inventeur...
M. Biron: II y en a beaucoup... Mme Dougherty: ...du
recherchiste.
M. Biron: J'ai l'impression qu'il y en a beaucoup. Je pense
à certains projets qu'on a fait avancer au CRIQ jusqu'à une
limite de dépense d'argent et qu'on n'a pas pu poursuivre, on a tout
simplement arrêté. Nous sommes persuadés que ce sont de
bons projets mais l'entreprise n'a pas d'argent pour aller plus loin et on ne
peut pas mettre 100% de la part du CRIQ. On est moralement ou techniquement
persuadés que cela va plus loin mais on n'a pas encore l'assurance
nécessaire. Si on pouvait bénéficier de budgets
additionnels par un organisme qui serait habilité à prendre de
plus grands risques, possiblement qu'on pourrait développer de nombreux
autres projets.
Mme Dougherty: Ce n'est pas la fonction du CRIQ d'aller chercher
l'argent, le capital de risque pour compléter le...
M. Biron: Ce n'est pas la fonction du CRIQ d'investir des
capitaux de risque pour compléter...
Mme Dougherty: Non, non, mais d'aller chercher ailleurs dans les
sociétés d'État ou...
M. Biron: Non, ce n'est pas la fonction du CRIQ. Bien sûr
que le CRIQ doit faire certaines recommandations aux entreprises. On a un
nouveau programme avec la SDI, recherche et développement. La SDI peut
aller jusqu'à un certain point aussi, mais la plupart du temps
l'entreprise n'a plus de moyens financiers du tout. Il faut porter un jugement
sur le produit ou sur le projet avant d'aller plus loin parce que là,
c'est la participation de l'État à 100%.
Mme Dougherty: Qu'est-ce qui vous amène à penser
que l'agence aura plus de succès à cet égard?
M. Biron: Ce sera son rôle, dans le fond, de porter un
jugement de valeur, comme je le disais tout à l'heure, sur certains
produits ou sur certaines priorités. Si on dit qu'on veut plus
développer les projets dans le domaine de l'électronique, pour
une période donnée...
Mme Dougherty: Mais, je parle de cette étape critique; une
fois qu'un projet est reconnu prometteur, avec des possibilités de
commercialisation, pourquoi l'agence aura-t-elle le pouvoir d'attirer ou de
trouver le capital pour financer la dernière étape? Qu'est-ce qui
vous amène à penser que l'agence aura plus de succès dans
cette étape critique?
M. Biron: À l'agence, il y aura des gens
spécialisés dans des projets vraiment très risqués
qui pourront porter un jugement là-dessus et aider les entreprises ou
les inventeurs à développer ce projet et cela, avec des sommes
d'argent importantes. Si nous avions ces sommes d'argent, il faudrait les
mettre tout le long de l'échelle et finalement cela en ferait
très peu dans de bons projets de risque. Il faut quand même normer
nos interventions. Dans ce sens-là, il y aura beaucoup moins de normes
à l'agence mais ce seront des gens spécialisés dans ce
domaine-là. Si on veut faire du développement et reprendre le
temps perdu -si on dit qu'on a perdu du temps au cours des siècles - je
pense qu'il faut mettre les bouchées doubles et, dans ce sens-là,
il faut avoir des gens spécialisés qui prendront certains
risques.
Mme Dougherty: Dernière question et je vais laisser la
parole à mon collègue. S'il y a plusieurs projets
déjà évalués au CRIQ, est-ce que l'agence aura le
pouvoir de "lift them from the table and do something useful with them"?
À votre point de vue, l'agence, selon les fonctions définies dans
le projet de loi, aura-t-elle la capacité d'acheminer ces projets?
M. Biron: Je crois que oui. Bien sûr, l'agence ne sera pas
indépendante et toute seule dans son coin; elle devra parler au CRIQ,
à la SDI, au ministère de l'Industrie et du Commerce et au
ministère de la Science et de la Technologie. Alors, c'est tout ce monde
qui souvent va référer certains projets à l'agence, des
projets sur lesquels on ne peut pas prendre des risques plus loin; on est
allé au maximum de nos capacités normées et on croit qu'il
faudrait mettre encore un peu plus d'argent pour les développer.
Souvent, on va recommander des projets à l'agence qui devra rendre un
jugement et dire: Est-ce qu'on continue plus loin? C'est sûr que c'est
pour cela qu'on parle de protocole d'entente entre les différents
organismes.
M. Ciaccia: M. le Président.
Le Président (M. Brouillet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci. M. le ministre, vous avez fait une affirmation
tantôt selon laquelle le but ou un des objectifs, les cas où
l'AQVIR va agir sont des cas où ni le CRIQ, ni la SDI ne peuvent risquer
ou n'auront pas le droit de risquer. Pourriez-vous m'expliquer où
l'AQVIR va avoir certains droits dans le projet de loi qui sont au-delà
des droits du CRIQ ou de la SDI? Pourriez-vous me donner des exemples?
M. Biron: Le CRIQ et la SDI se sont disciplinés
jusqu'à un certain point et notre règle de conduite est de
prendre des risques lorsque l'entreprise veut prendre le risque ou est capable
de prendre le risque avec nous. Je donnais l'exemple d'une entreprise qu'on a
aidée, avec le CRIQ, pour faire de l'analyse biochimique dans les
hôpitaux, des analyses de sang. Cette entreprise a été
aidée, pour développer un produit, par le Conseil national de la
recherche à Ottawa et par le CRIQ, mais on ne peut pas aller plus loin
parce que l'entreprise aussi a investi de son argent et elle dit: Je ne peux
pas aller plus loin, j'ai dépensé assez de mon argent. Nous, nous
sommes tous persuadés, le fédéral est persuadé que
cela a du bon sens, le CRIQ est persuadé que cela a du bon sens,
l'entreprise aussi, mais, étant donné que l'entreprise ne peut
pas mettre plus d'argent, nous disons: Nous sommes allés jusqu'à
notre maximum, 500 000 $, je pense... M. Paquette: ...le maximum.
M. Biron: Alors, tout le monde est persuadé que c'est bon,
mais cela prend d'autre argent.
M. Ciaccia: Mais, à part les 500 000 $, est-ce qu'il y a
des différences? Vous avez un maximum de 500 000 $.
M. Biron: Je vous donne un exemple bien précis: 500 000 $
sur ce projet; cela peut être moins ailleurs sur d'autres projets, parce
que l'entreprise aussi a mis de l'argent. Le CRIQ dit à l'entreprise: Si
vous mettez plus d'argent, on va y aller, mais mettez-en. Et l'entreprise ne
peut pas en mettre. Qu'est-ce qu'on fait? On laisse tomber le projet? Ou, tout
simplement, on se retourne vers l'agence et on dit: Voudriez-vous
étudier ce projet? Nous, tous ensemble, à la fois le Conseil
national de la recherche à Ottawa, le CRIQ, sommes persuadés que
c'est bon. Est-ce que vous voulez prendre le risque? C'est un exemple bien
précis où l'agence va pouvoir intervenir et où le CRIQ,
à cause des normes données au CRIQ au point de vue du risque,
avec l'entreprise, ne peut pas aller plus loin.
M. Ciaccia: Dans les deux projets de loi, j'essaie de trouver les
différences que vous venez de me soulever et j'ai de la
difficulté à trouver ces restrictions. Par exemple, quand je lis
la Loi sur la Société de développement industriel du
Québec, quand je regarde les objectifs de la société,
à l'article 2, elle a pour objet d'administrer des programmes d'aide
financière pour accélérer le développement
économique du Québec, notamment en favorisant le
développement des entreprises, la technologie moderne et dynamique, la
croissance des exportations et les activités de recherche et
d'innovation. (21 h 15)
Si on continue plus loin, à l'article 7, il y a toute une gamme
d'aide qui peut être accordée. Je n'arrive pas à trouver
dans le projet de loi les normes de la société par directive du
gouvernement. Cela, c'est une autre affaire. Dans le mandat ou les droits que
la SDI a, il y a certaines restrictions, mais il ne semble pas y avoir les
restrictions que vous avez mentionnées ou que vous essayez de
distinguer. Vous essayez de trouver une distinction entre l'AQVIR, la SDI et le
CRIQ. En lisant les projets de loi, je ne retrouve pas ces restrictions.
Même dans le projet de loi de la SDI, cette aide peut être - je
cite le projet de loi, à l'article e) - une forme d'aide définie
par le règlement. Autrement dit, vous vous donnez toutes les ouvertures
possibles. Et, vous avez mentionné
tantôt que l'AQVIR va promouvoir, mais je ne vois pas l'exclusion
de promouvoir des activités de recherche et d'innovation, soit dans le
projet de loi de la SDI, soit dans les amendements du CRIQ. Alors, où
sont ces distinctions?
M. Biron: La SDI et le CRIQ, à cause des budgets qui leur
sont impartis, à cause des normes qu'on leur donne aussi pour
dépenser ces budgets, doivent intervenir, peuvent intervenir, lorsque
l'entreprise ou un individu, dans le cas d'un développement par le CRIQ,
est prêt lui aussi ou elle aussi à y aller de ses deniers.
Jamais...
M. Ciaccia: Ce sont les normes que vous, que le
gouvernement...
M. Biron: Donne à la SDI...
M. Ciaccia: ...donne. Ce ne sont pas des...
M. Biron: ...parce que jamais...
M. Ciaccia: ...critères dans le projet de loi.
M. Biron: Jamais la SDI n'ira toute seule dans le
développement d'un projet, jamais. Or, dans ce sens-là, l'AQVIR
et le ministère de la Science et de la Technologie, leur
responsabilité c'est de promouvoir des choses qui sont plus
risquées dans lesquelles c'est fort possible que l'entreprise ne puisse
plus y aller.
M. Ciaccia: Ce que vous nous dites et que peut-être le
ministre pourrait confirmer: Est-ce que l'AQVIR va aller toute seule dans ces
entreprises-là? Le ministre vient de nous dire que la SDI n'ira pas
seule, mais que l'AQVIR va y aller toute seule. Est-ce que le ministre peut
nous confirmer cela?
M. Paquette: M. le Président, je pense que c'est important
de dire - mon collègue a été très clair
là-dessus - que vous ne pouvez pas demander à un organisme comme
la SDI qui attend que les entreprises viennent frapper à sa porte pour
avoir de l'aide, parfois pour l'exportation, parfois pour la
recherche-développement, dans une optique intégrée aussi,
parce que la SDI peut se donner une vision d'ensemble de toutes les fonctions
de l'entreprise, doit nécessairement se donner des normes. Il y a une
question d'équité. Si toutes les entreprises - et la SDI est
définie comme cela en vertu de son mandat - peuvent frapper à la
porte de la SDI pour avoir de l'aide, il faut que la SDI se donne des
programmes normés. Vous regardez chacun des programmes de la SDI, c'est
public, les normes et critères de programmes. Alors, il arrive un projet
qui n'entre pas dans les normes. La SDI ne peut pas agir de façon
discriminatoire face à ce projet-là par rapport à ceux
qu'elle a peut-être reçus de d'autres entreprises, d'une part.
Voilà un projet qui va pouvoir être assumé par l'AQVIR,
s'il est intéressant, s'il est prometteur, s'il a été
évalué comme offrant des chances de succès sur le plan de
la commercialisation. Il y a aussi le cas de tous les projets qui n'iront pas
à la SDI. Un inventeur, une équipe universitaire, un
ministère qui a un brevet sur la tablette, n'iront pas à la SDI
parce que la SDI travaille avec des entreprises. Je pense qu'il y a un champ
d'intervention très différent, sauf qu'on a un protocole
d'entente entre le ministère et la SDI. Quand la SDI peut financer, elle
finance en priorité, elle a priorité de financement.
M. Ciaccia: ...
M. Paquette: Ces cas-là, lorsqu'il s'agit de projets de
haute technologie, se présentent assez rarement parce que ce sont
toujours des secteurs innovateurs; ce sont toujours des secteurs
risqués. Ce sont souvent des secteurs où le ou les promoteurs
viennent de quitter une entreprise dans le but de fonder la leur ou encore ce
sont des équipes universitaires. Ce n'est pas du tout la même
dynamique. On ne peut pas demander à la SDI d'être à la
fois une espèce de banquier universel qui appuie des projets que les
entreprises lui soumettent et, en même temps, être une
espèce d'agence qui catalyserait du capital de risque sur certains
projets plutôt que d'autres. On ne peut pas lui demander de faire les
deux; cela va être de la schizophrénie à l'intérieur
de cette boîte-là.
M. Ciaccia: M. le ministre, je ne parle pas strictement de la
SDI.
M. Paquette: II faut les prendre une par une.
M. Ciaccia: La SDI plus le CRIQ. Vous oubliez le CRIQ.
M. Paquette: C'est un par un. Je veux dire...
M. Ciaccia: Un instantl II faut parler de ces deux organismes
ensemble. On ne peut pas les séparer. L'un est le complément de
l'autre. Le CRIQ peut recevoir...
M. Paquette: Le CRIQ n'est pas un organisme de financement; c'est
bien évident de par sa loi.
M. Ciaccia: Laissez-moi finir. Le CRIQ, d'après sa loi,
peut placer ses fonds de toute manière jugée appropriée,
soit en son nom ou
au nom de fiduciaires. Je suis d'accord pour dire que ce n'est pas un
organisme de financement. Si on prend le CRIQ et la SDI, les deux ensemble
semblent contenir tous les éléments nécessaires,
premièrement, pour promouvoir l'innovation, pour la mise en application,
pour la commercialisation, pour tout.
J'essaie de comprendre les distinctions que le ministre de l'Industrie
et du Commerce essaie de faire entre l'AQVIR et une combinaison du CRIQ et de
la SDI et je ne peux pas trouver de distinctions. Il aurait même
été bon que le ministre soit présent aujourd'hui durant la
présentation des différents intervenants. Même eux, ceux de
l'École polytechnique, les intervenants, n'ont pas trouvé...
M. Paquette: M. le Président, trois mémoires sont
favorables au projet de loi.
M. Ciaccia: Un instant, laissez-moi finir.
M. Paquette: Le député essaie de leur faire dire ce
qu'il veut.
M. Ciaccia: Laissez-moi finir. Ils sont favorables au projet de
loi...
M. Paquette: C'est ce qu'il a fait tout au long de la
journée.
M. Ciaccia: ...avec les amendements et les changements
nécessaires à un genre de coordination pour utiliser le CRIQ,
pour utiliser la SDI, pour utiliser l'École polytechnique. Ce que le
ministre de l'Industrie et du Commerce vient de nous dire, c'est
complètement le contraire de ce que les intervenants nous ont dit
aujourd'hui.
M. Biron: M. le Président, ce n'est pas vrai!
M. Ciaccia: II veut essayer de nous dire que l'AQVIR va faire
quelque chose...
M. Biron: Question de règlement, M. le
Président.
M. Ciaccia: Laissez-moi finir.
Le Président (M. Brouillet): Question de
règlement.
M. Biron: Je ne veux pas que le député de
Mont-Royal me fasse dire le contraire de ce que j'ai dit.
M. Ciaccia: Non, pas du tout.
M. Biron: J'ai dit qu'il y aurait un protocole d'entente entre
l'AQVIR, le CRIQ et la SDI, exactement dans le même sens qu'on l'a
entendu aujourd'hui de la part des différents intervenants. Alors, ne me
faites pas dire le contraire.
M. Ciaccia: Vous avez dit que l'AQVIR va pouvoir agir dans des
cas où ni le CRIQ ni la SDI ne peuvent agir. Vous semblez faire une
distinction entre les pouvoirs, les mandats, la loi qui a créé le
CRIQ et la SDI et le projet de loi actuel. Je vous dis très
respectueusement qu'il n'y a pas de distinction. Cela ne veut pas dire qu'il
n'y a pas une nécessité d'avoir des fonds additionnels, d'avoir
des structures additionnelles qui vont alimenter le CRIQ et la SDI.
Par exemple, vous essayez de faire la distinction entre le CRIQ et
l'AQVIR. Dans le rapport annuel du CRIQ, de 1981-1982, on lit, à la page
8: "Le Centre de recherche industrielle du Québec, le CRIQ, est une
société d'État dont la principale mission est de favoriser
l'essor économique du Québec en soutenant et en stimulant le
développement technologie de ses entreprises manufacturières,
principalement celles de petite et de moyenne envergure".
Dans la brochure qui a été préparée par le
ministre de la Science et de la Technologie, on retrouve presque ces
mêmes mots, textuellement. Par exemple, parlant de l'AQVIR, on lit: "Elle
sera un outil de stimulation et d'appui au développement technologique
et scientifique dans la structure industrielle québécoise." Quand
on parle des deux missions, l'élément clé d'une politique
d'innovation et la mission du CRIQ, d'après l'aveu même du
ministre de la Science et de la Technologie...
M. Paquette: II y a 16 autres pages dans la brochure.
M. Ciaccia: ... un instant! D'après les commentaires du
président-directeur général, c'est la même
chose.
M. Biron: M. le député de Mont-Royal...
M. Ciaccia: Montrez-moi où il y a une
différence.
M. Biron: ...vous ne pouvez pas empêcher le gouvernement du
Québec d'agir lorsqu'il décide de faire plus pour le
développement technologique. Ce que je dis depuis le début - mon
collègue l'a dit aussi -c'est que le CRIQ et la SDI feront un petit bout
de chemin lorsque les entreprises voudront faire un bout de chemin avec nous.
On est quand même limité dans les risques à prendre. Ce
n'est pas notre responsabilité de pousser plus loin ou de faire la
promotion du développement technologique des projets, ce sera la
responsabilité de l'AQVIR. À l'époque, lorsque le
président du CRIQ a
écrit cet article il n'y avait pas de ministère de la
Science et de la Technologie; il y avait des zones grises quelque part qui
étaient couvertes du mieux possible, mais maintenant on a un
ministère et on aura un organisme voué en totalité au
développement technologique. La totalité de son temps va passer
là-dessus. Je pense qu'on a une chance de développer davantage le
Québec. Vous ne pouvez pas nous reprocher de vouloir développer
davantage le Québec?
M. Ciaccia: Écoutez, ne faites pas de la démagogie.
On essaie de voir la distinction entre vos projets de loi. Je ne veux pas
empêcher le développement. C'est pour cela que j'essaie de faire
cette distinction parce que je vois une contradiction flagrante et
peut-être des conflits d'intérêts entre les deux
ministères. On en avait entre vous et le ministre du Commerce
extérieur et Dieu sait que ces conflits d'intérêts ne sont
pas encore résolus.
M. Biron: M. le Président, question de règlement.
Question de règlement.
M. Ciaccia: Et on voudrait éviter les mêmes conflits
d'intérêts...
M. Biron: Question de règlement, M. le Président.
M. le Président.
M. Ciaccia: ...entre le ministre de la Science et de la
Technologie et vous-même.
M. Biron: M. le Président, question de
règlement.
M. Paquette: Vous ne détestez pas voir des choses comme
cela. Dites-le.
M. Biron: Je pense que...
M. Ciaccia: On veut essayer d'éviter cela.
M. Biron: Je pense qu'il n'y a pas et qu'il n'y a jamais eu de
conflits d'intérêts. On s'est très bien entendu avec le
ministre du Commerce extérieur et, chaque fois que vous entendez le
ministre du Commerce extérieur parler de ses relations avec le ministre
de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, on comprend que les relations ont
été excellentes. On a signé ensemble un protocole
d'entente qui permet au ministre du Commerce extérieur de faire le
développement des exportations du Québec à temps plein. Je
trouve cela extraordinaire. On est ensemble et c'est la même chose, avec
le ministre de la Science et de la Technologie - à développer des
protocoles d'entente.
M. Ciaccia: Vous allez signer des protocoles d'entente entre
vous-mêmes. C'est intéressant. Qui sera le grand responsable de
l'élaboration et de l'application de la stratégie de
développement technologique du Québec? On voudrait savoir. Est-ce
que ce sera le ministre de l'Industrie et du Commerce? Quand vous dites que
l'AQVIR va promouvoir et que le CRIQ et la SDI n'ont pas ce mandat, est-ce que
ce n'est pas le mandat général du ministre de l'Industrie et du
Commerce de promouvoir l'industrie au Québec? Cela ne tombe pas
dans...
M. Biron: C'est de promouvoir l'industrie au Québec. Vous
nous parlez de développement technologique; on a une orientation globale
qui a été donnée au développement au Québec
avec le virage technologique, et c'est la responsabilité du ministre de
la Science et de la Technologie de suivre les implications de cette orientation
globale, de suivre les actions à poser par le gouvernement ou les
différents ministères. Je crois que c'est tout à fait
normal qu'on accepte la présence d'un ministre qui veut se
dévouer complètement en tout temps au développement
scientifique et technologique.
M. Ciaccia: On a approuvé le projet de loi 19
créant le ministère de la Science et de la Technologie. Ce n'est
pas là le problème. Le problème c'est dans le rôle,
le mandat, d'après le projet de loi, qu'on veut accorder à
l'AQVIR et le rôle, le mandat, les pouvoirs qui existent
déjà dans le CRIQ et dans la SDI. On veut bien prendre votre
parole et dire: II y a des différences dans les rôles. Mais,
à la lecture des trois projets de loi, ceux de l'AQVIR, de la SDI et du
CRIQ, cette différence que vous nous démontrez n'est pas si
apparente que cela. Le fait demeure qu'il y a plusieurs amendements qui ont
été suggérés par les intervenants aujourd'hui,
justement parce que le projet de loi semble aller au-delà même des
représentations que le ministre a faites dans sa brochure. C'est la
seule chose qu'on vous dit et peut-être que cela aurait été
beaucoup plus efficace et que cela aurait évité le genre de
discussion que nous avons maintenant si on avait pu poser des questions aux
dirigeants du CRIQ et de la SDI. Si ce n'est pas le ministre de l'Industrie et
du Commerce qui vous avait fait ces représentations... J'ai parlé
hier à ma collègue la députée de Jacques-Cartier
qui m'a assuré que c'était entendu, il y a une semaine ou plus,
que les représentants du CRIQ et de la SDI seraient ici et cela a
été changé à la dernière minute, dans les
derniers ...
M. Biron: M. le député de Mont-Royal, vous avez le
ministre responsable du CRIQ et de la SDI qui peut répondre à
vos
questions là-dessus.
M. Ciaccia: Oui, avec...
M. Biron: Quant aux ouvertures possibles vis-à-vis des
amendements à apporter, mon collègue, à l'image du
gouvernement du Québec, a fait part de beaucoup de flexibilité
pour recevoir tous les amendements qui auraient du bon sens. (21 h 30)
M. Ciaccia: M. le Président, je ne veux pas
éterniser le débat sur les propos du ministre mais il est clair
dans mon esprit, à la lecture du projet de loi, que les distinctions que
le ministre de l'Industrie et du Commerce semble vouloir faire entre l'AQVIR,
le CFUQ et la 5DI n'existent pas. Je comprends que la solidarité
ministérielle existe. Vous n'êtes pas pour venir ici et commencer
à critiquer un projet de loi de votre collègue. Je ne sais
même pas pourquoi on vous a accepté. C'est parce qu'on est
très poli et qu'on veut vous poser des questions, mais on ne s'attendait
vraiment pas à recevoir plus d'informations que celles qu'on a
reçues. C'est pour cela qu'on avait demandé d'avoir des
représentants du CRIQ et de la SDI qui sont des organismes qui
pourraient mieux nous éclairer sur leurs fonctions, sur les dossiers
qu'ils ont et qui pourraient même nous expliquer le rapport annuel qu'ils
nous ont présenté, pour voir exactement s'il y a chevauchement et
s'il y a dédoublement de fonctions. Ce ne sera pas plus efficace pour la
recherche et pour la supposée valorisation industrielle de la recherche
s'il y a des conflits entre les organismes de votre ministère et celui
qu'on essaie de créer aujourd'hui. Cela n'avancera pas l'économie
du Québec.
M. Biron: M. le Président, je note que le
député de Mont-Royal me donne congé par ses propos.
Deuxièmement, je peux l'assurer qu'il n'y aura pas de conflit entre les
organismes relevant du ministère de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme et ceux relevant de mon collègue, le ministre de la Science et
de la Technologie.
M. Ciaccia: II peut y avoir des chevauchements, des
déboublements de fonctions et, comme certains intervenants l'ont
souligné, s'il y a des dédoublements de fonctions, cela n'aide
pas le type qui cherche l'aide gouvernementale soit dans la recherche
scientifique ou dans la recherche technologique, qui a besoin de l'aide
gouvernementale, parce qu'il ne saura pas où se tourner. C'est pour cela
que le projet de loi doit être rédigé de façon
claire et sans ambiguïté parce que autrement les conflits
existent.
Je regarde la brochure du ministre. Le projet de loi a été
déposé, je ne sais pas s'il y a un conflit dans la date du
dépôt de votre brochure. C'est le premier trimestre de 1983. On
est au mois de septembre et on vient d'en avoir une copie.
M. Paquette: II a été déposé en juin
à l'Assemblée nationale.
M. Ciaccia: Ce n'est pas le premier trimestre. Est-ce que vous
aviez écrit votre brochure avant d'avoir rédigé le projet
de loi?
M. Paquette: Non, on l'a écrite cet été, au
cours des belles journées du mois d'août.
M. Ciaccia: Est-ce une erreur de dire que le dépôt
légal de ce projet a été le premier trimestre?
M. Paquette: Oui. Vous avez le sens de l'observation.
Mme Dougherty: Je ne sais pas si vous êtes au courant, M.
le ministre, des activités du CIIM.
M. Biron: Oui.
Mme Dougherty: L'Université de Montréal, c'est
rattaché d'une façon un peu indirecte. Ce que nous essayons de
faire, c'est d'évaluer l'efficacité de l'ensemble du
réseau. Je ne parle pas uniquement du réseau public. Il ne faut
pas avoir toutes les ressources nécessaires dans le réseau de
l'État. Si j'accepte qu'il y a peut-être une carence dans les
fonctions du CRIQ que vous avez décrites, qui pourraient être
comblées par l'agence, on doit examiner les fonctions du CIIM parce que
je crois que ses fonctions sont plus larges. J'ai ici un document du CIIM qui
décrit ses fonctions. On parle ici de développement d'entreprises
technologiques, d'étude de marketing, de préparation et de
négociation des licences d'exploitation ou de distribution au niveau
national ou international, de préparation du plan de financement, de la
recherche de capitaux de risque, de la préparation de plans d'affaires,
de la préparation d'une stratégie d'entreprises, du transfert de
technologies. Donc, si ces services n'existent pas au CRIQ, ils existent au
CIIM, d'accord? C'est là le problème. Entre tous ces organismes,
il nous semble que les services existent. Donc, notre question est: pourquoi
l'agence et la question de promotion - je n'ai pas encore lu cela ce soir -
mais même dans les fonctions de CIIM, on s'occupe aussi...
Une voix: ...de formation et tout cela. Mme Dougherty:
...Oui aussi. Mais on
parle de la promotion et on dit: "cherche les inventions et les
idées à promouvoir." Donc, entre le CRIQ, la SDI et le CIIM, il y
a peut-être d'autres organismes dont nous n'avons pas parlé
encore.... Notre question de fond, c'est: est-ce qu'on a ici, parmi tous ces
organismes, un réseau assez complet pour faire cette valorisation et
combler tout le processus de valorisation entre l'idée et la
commercialisation. Même si les ressources sont inadéquates,
l'ensemble de leurs mandats, théoriquement peut-être, sont
là. On doit peut-être considérer l'élargissement et
une meilleure concertation entre toutes ces ressources qui existent
déjà au lieu de créer une autre agence qui coûte
cher et qui aura un budget de subventions. Vous avez parlé de 10 000 000
$. Est-ce qu'il vaut mieux consacrer ces 10 000 000 $ pour améliorer
l'efficacité des agences et des organismes qui existent au lieu de
créer un autre organisme? C'est là notre question.
M. Paquette: II y a juste une petite chose avant que la
députée aille plus loin. Ce n'est pas 10 000 000 $ de budget de
fonctionnement...
Mme Dougherty: ...un budget d'investissement...
M. Paquette: Oui, qui sera injecté dans des projets.
Mme Dougherty: C'est cela.
M. Paquette: C'est très différent.
Mme Dougherty: 1 000 000 $ de fonctionnement et 10 000 000 $ de
subventions.
M. Paquette: Environ.
Mme Dougherty: D'accord. C'est là notre question.
M. Biron: Excusez-moi, Mme la députée. Je suis
prêt à répondre en ce qui concerne les relations entre
l'AQVIR, la SDI et le CRIQ parce que la SDI et le CRIQ relèvent de ma
juridiction. Quant à votre question précise concernant les
relations entre l'AQVIR et le CIIM, je crois que mon collègue,
responsable de l'AQVIR, pourra mieux répondre.
M. Ciaccia: Vous semblez faire une distinction entre la
stimulation, la promotion et ce que le CRIQ fait. Comment expliquez-vous que
dans le rapport annuel de CRIQ, on parle de stimuler - stimuler c'est
promouvoir - et on parle aussi, comme le ministre de la Science et de la
Technologie, d'un rôle de catalyseur. Le CRIQ se voit comme catalyseur,
lui aussi. Si vous prenez les fonctions du CRIQ, je ne vois pas tellement la
différence avec les fonctions de l'AQVIR.
M. Biron: Je répète que le CRIQ ne peut pas tout
faire. Le CRIQ agit lorsque nos clients, les entreprises veulent agir avec
nous. Dans ce sens, il y a certains risques additonnels à prendre que le
CRIQ n'est pas autorisé à prendre.
M. Ciaccia: Selon vos normes, mais pas selon la loi.
M. Biron: Selon nos normes. M. Ciaccia: D'accord.
M. Paquette: M. le Président, si vous me permettez...
Le Président (M. Brouillet): ...de conclure
peut-être, oui.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais remercier mon
collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme,
d'avoir pris une partie de son temps pour dialoguer avec les membres de la
commission. J'aimerais aussi suggérer au député de
Mont-Royal plutôt que de se baser sur un rapport du CRIQ qui date d'au
moins deux ans d'examiner le plan quinquennal du CRIQ, je l'ai devant moi,
d'examiner très précisément les champs d'expertise du
CRIQ. Comme mon collègue le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme l'a souligné tout à l'heure, le CRIQ est un organisme au
service du développement, principalement des petites et moyennes
entreprises québécoises, il est un agent de développement
technologique important. Il a pour but de développer ces points forts
qui sont l'appui au développement technologique des petites et moyennes
entreprises. Il y a tout un champ qui n'est pas couvert. Le CRIQ n'a pas de
capital de risque. Toutes les innovations ne transigent pas pour le CRIQ. Il y
en a beaucoup qui ne sont jamais soumises.
Le député de Mont-Royal parlait de dédoublement de
programmes et tout cela. L'AQVIR n'ira pas s'offrir comme un nouveau guichet
où il y a des programmes nommés. Ce n'est pas son rôle.
L'AQVIR va partir d'innovations identifiées par le CRIQ, d'innovations
identifiées au CIIM, d'autres identifiés dans les
universités aux brevets des ministères. Elle va déterminer
un certain nombre de projets de façon très sélective dont
elle va suivre les différentes étapes par des mécanismes
variés en faisant appel à l'expertise parfois du CRIQ, parfois
à certains programmes de financement de la SDI pour certaines
étapes du processus d'innovation. Elle va suivre les projets dans toutes
les phases du processus d'innovation
faisant appel aux divers intervenants. Il n'y a pas de
dédoublement. Quand vous disiez: II faudrait coordonner cela davantage.
Nous disions: Oui, mais pas de façon abstraite. Il faut coordonner cela
sur des projets prometteurs. C'est le rôle de l'AQVIR.
M. Ciaccia: Si ce que vous dites est exact, et je n'ai aucune
raison d'en douter, cela va prendre des amendements substantiels à votre
projet de loi.
M. Raquette: Pensez-vous?
M. Ciaccia: Oui. Non seulement moi, mais les intervenants
d'aujourd'hui pensent la même chose.
Le Président (M. Brouillet): Très bien. Nous
ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 21 h 42)