Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
(Dix heures onze minutes)
Le Président (M. Jolivet): La commission parlementaire de
la présidence du conseil et de la constitution est à nouveau
réunie pour les auditions publiques sur le projet de résolution
du gouvernement fédéral concernant la constitution du Canada.
Les membres de cette commission sont: M. Bertrand (Vanier), M.
Charbonneau (Verchères) remplacé par M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), M. Dussault (Châteauguay), M. Laberge (Jeanne-Mance),
M. Le Moignan (Gaspé) remplacé par M. Goulet (Bellechasse), M.
Levesque (Bonaventure) remplacé par M. Forget (Saint-Laurent), M. Morin
(Louis-Hébert), M. Paquette (Rosemont), M. Ryan (Argenteuil)
remplacé par M. Rivest (Jean-Talon).
Les intervenants possibles sont: M. Biron (Lotbinière), M. Fallu
(Terrebonne), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Guay (Taschereau), Mme
LeBlanc-Bantey (Îles-de-la-Madeleine) et M. Scowen
(Notre-Dame-de-Grâce).
Nous avons, au moment de terminer l'étude, d'autres groupes qui
viennent aujourd'hui. Je fais l'appel de ces groupes pour voir s'ils sont
présents et donner en même temps l'ordre de passage devant la
commission. C'est l'Association québécoise pour l'application du
droit à l'exemption de l'enseignement religieux,
représentée par Mme Micheline Trudel-Lamarre. Est-elle
présente dans la salle?
Des voix: Elle n'est pas arrivée.
Le Président (M. Jolivet): Non, pour le moment. Le Conseil
des minorités du Québec. M. Eric M. Maldoff est-il
présent?
Une voix: Non.
Le Président (M. Jolivet): C'était le
deuxième. Donc, on verra en cours de route. Le Regroupement pour les
droits politiques du Québec représenté par M.
Gérard Lépine; M. Gérard Lépine est-il
présent? Il n'est pas encore là? M. Gérard Lemire,
à titre personnel; M. Gérard Lemire est-il là?
M. Lemire: Présent.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Société
Saint-Jean-Baptiste, diocèse de Saint-Jean, représentée
par M. Hyacinthe Auger. M. Hyacinthe Auger...
M. Auger: Oui.
Le Président (M. Jolivet): Oui, présent. M. Guy
Trépanier, à titre personnel. M. Guy Trépanier...
M. Trépanier: Oui.
Le Président (M. Jolivet): Oui, présent.
L'Organisation des jeunes indépendantistes pour un Québec
communautaire, représentée par M. Hervé Fuyet. Est-il
présent?
Une voix: M. le Président, il y a une erreur...
Le Président (M. Jolivet): Donc, c'est plutôt le
Parti...
Une voix: Je représente le Parti communiste du
Québec.
Le Président (M. Jolivet): ...communiste du Québec.
Donc, le Parti communiste du Québec est représenté par M.
Hervé Fuyet. Mme Claire Demers, c'est la même chose? Me A.
Boisvert, notaire, à titre personnel.
M. Boisvert: Présent.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Donc, selon l'entente
qui est prévue, je tiens à dire aux participants qu'il y a un
mémoire qui est présenté d'une durée maximale de 20
minutes. Si cela prend moins de 20 minutes, ce sera moins de 20 minutes. Le
parti gouvernemental a droit à 20 minutes et les partis d'Opposition ont
droit à un total de 20 minutes, ce qui fait en moyenne, en
général, une heure par mémoire.
M. Gérard Lemire étant présent, je lui demande de
s'approcher pour qu'on puisse l'entendre.
M. Gérard Lemire, document 26M, les trois premiers organismes
n'étant pas là pour
l'instant. On verra, en cours de route, lorsqu'ils arriveront. M.
Lemire.
M. Gérard Lemire
M. Lemire (Gérard): Bonjour, M. le Président.
Bonjour, messieurs. Il n'y a qu'une chose que je voudrais vous demander. Vu que
le délai a été très court pour présenter le
mémoire, il y a deux feuilles qui allaient avec le mémoire qui
n'ont pas été envoyées. Est-ce que vous voulez les
accepter?
Le Président (M. Jolivet): Oui, on va demander à
quelqu'un d'aller les chercher pour les transmettre aux membres de la
commission.
M. Lemire: Merci.
Le Président (M. Jolivet): On vous rappelle que vous avez
quelques minutes pour lire votre mémoire, en essayant de le rendre le
plus succinct possible. (10 h 15)
M. Lemire: Depuis dix ans, je vis des expériences si
enrichissantes que je voudrais en faire profiter le plus de Canadiennes et de
Canadiens possible. Pour débuter, j'ai suivi l'élection du Parti
québécois et j'ai senti les actions qui tendaient vers
l'autonomie ou l'indépendance de la province de Québec, ce qui
m'a amené à suivre le gouvernemnt fédéral dans ses
débats pour le rapatriement de la constitution et je me suis
intéressé aux efforts et aux entêtements pour essayer d'en
arriver à un consensus des gouvernements provinciaux et
fédéral.
Ce qui vient après, c'est la période
référendaire au Québec qui a permis de voir des unions de
parti ou de personnalité disparates au possible, telles que l'Union
Nationale et les libéraux, ou créditistes et libéraux
fédéraux, ou le Nouveau parti démocrate et le Parti
conservateur, qui ont amené les émotions et les
déclarations au point culminant de la défaite des partisans du
oui et, durant cette même période, deux élections
fédérales ont balayé de la scène canadienne le
Parti créditiste.
Étant dans une période de convalescence, j'ai donc
profité de ces heures de liberté pour essayer de poser par
écrit ce que je ressentais et ce que j'avais vécu dans la
Confédération et ce que je pensais face au rapatriement de la
constitution. Je me suis aperçu qu'après tout, je pouvais
peut-être, avec mes notes, émettre une solution globale pour faire
avancer le débat et, emporté dans mon élan, je me suis
rendu, un dimanche, tout ému et un peu incertain, remettre à M.
Clark et à M. Broadbent, à Ottawa, une copie de quatre pages de
mon premier essai.
Et là, j'ai commencé à réaliser la chance et
la liberté que les Canadiennes et les Canadiens ont de pouvoir se
déplacer et de rencontrer d'un bout à l'autre de notre pays les
citoyennes et les citoyens importants dont nous pouvons avoir besoin et aussi
d'être lus et écoutés par eux.
Dans la semaine qui suivit, il y avait une conférence des
premiers ministres provinciaux à Toronto contre le rapatriement
unilatéral de la constitution. Je me suis donc dit qu'il n'y avait pas
de meilleur endroit pour remettre dix autres copies, ce qui était pour
moi d'une importance capitale sur le moment. Le coeur battant à tout
rompre, je me suis retrouvé à l'Harbor Castle dans le hall du
deuxième étage, près des caméras de
télévision et des journalistes. Je cherchais un moyen pour
remettre mes enveloppes. J'ai donc pris deux bonnes respirations, j'ai
foncé dans la première salle, demandé qui était la
personne qualifiée pour prendre soin de les remettre. Ce qui fut fait,
puisque j'ai reçu des accusés de réception du premier
ministre du Manitoba et aussi de celui de la Saskatchewan.
Dans les semaines qui suivirent, le gouvernement fédéral a
créé le comité mixte sur la constitution. J'ai donc repris
la plume pour ajouter du corps à mon exposé, afin qu'il ait plus
de valeur. J'y ai donc ajouté quatre autres pages et là, j'ai
décidé d'aller le porter en personne au comité. Je l'ai
remis à M. Serge Joyal, coprésident, et, ne voulant pas faire
à moitié, j'ai été en remettre une copie à
M. Yves Deniers et à M. Roch LaSalle.
J'ai donc pu, par la même occasion, écouter le
dépôt du mémoire des nations amérindiennes par Mr
Riley. J'ai bien apprécié le contenu et la solidité de
leur rapport et aussi réalisé le manque de liberté des
premiers habitants du Canada dans la Confédération. J'ai aussi
compris comment un comité, après toutes les dépositions
verbales et écrites, peut compiler seulement un ou deux volumes.
Il y a une leçon face à l'opinion publique que le premier
ministre Lévesque et le premier ministre Pierre Elliot Trudeau vont
retirer tous les deux des événements qui se sont passés ou
qui se passent: qu'il est beaucoup plus facile de faire dire non, puisque le
premier ministre M. Lévesque est parti pour un non au rapatriement
unilatéral de la constitution.
Je n'ai pas la qualité d'expert de la constitution pour sortir
les 150 textes écrits et les détailler; mais, je sais maintenant
que, quels que soient les articles qui sont inscrits ou qui vont l'être,
ceux-ci devront être approuvés par tous les Canadiens et
Canadiennes et par les onze gouvernements, sinon, tôt ou tard, ils seront
rejetés et deviendront des points dangereux qui détruiront
l'unité canadienne.
Je crois que ce qui a toujours manqué
à la Confédération, c'est que les pères de
la Confédération n'aient pas établi un mécanisme
impartial de révision et de renouvellement des lois, des droits et
privilèges de la constitution. Ce qui aurait évité de
faire s'affronter des gouvernements dans leur légitimité et qui
aurait aussi tenu à l'écart les politiciens et les premiers
ministres en mal de gloire ou d'un capital politique et, de plus, cela aurait
l'avantage d'éloigner l'obligation de s'en remettre à des
jugements des cours de justice fédérales ou provinciales.
J'ai pris connaissance du dossier Économie et constitution
publié par le Conseil d'expansion économique. Il y a des
personnalités de tous les secteurs qui nous donnent leurs idées
et leurs points de vue critiques. J'ai aussi lu les reportages sur le
comité mixte de la constitution qui font état des mémoires
et des dépositions. Je n'y ai aperçu aucune solution à
court ou à long terme qui puisse proposer une base de
négociations positives qui ferait tomber les contestations contre le
fédéral et qui pourrait sortir le dossier constitutionnel de la
domination politique et des passions du moment.
C'est pourquoi j'ose venir témoigner devant la commission et
apporter peut-être une solution durable si les onze gouvernements
l'adoptaient et remettaient l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
entre les mains d'une nouvelle Chambre des fils et des filles de la
Confédération.
L'intelligence peut mener à tout, même à se conduire
comme un dictateur. Je n'ai jamais vu une démagogie et un infantilisme
semblables. (Ce sont les deux autres feuilles) M. le premier ministre Trudeau,
devant les étudiants en droit de l'Université York de Toronto,
admet qu'il a maquignonné les droits et libertés des Canadiennes
et des Canadiens et rejeté l'article 133 pour l'Ontario avec M. le
premier ministre Bill Davis de l'Ontario pour avoir son appui dans le
rapatriement de la constitution, le dada merveilleux et le sommet de la gloire
du Don Quichotte canadien, M. le premier ministre Trudeau, qui pourra remettre
le vieux parchemin dans le beau petit coffret reçu à Toronto dans
un geste de grandiose bonté, pour ensuite, se retirer inconnu dans le
sommet d'un château d'Espagne.
Les Pères de la Confédération vont sûrement
se retourner dans leur tombeau d'avoir été si bien
maquignonnés. Je croyais que les Canadiennes valaient au moins un plat
de lentilles en échange.
J'ai entendu à la télévision M. Gauthier, qui a
vécu au Manitoba, témoigner devant les membres du comité.
Il a raconté les heures de bataille pour le fait français dans
l'Ouest du Canada. J'en profite pour le féliciter, lui et tous les
francophones du pays qui se tiennent debout et qui luttent au jour le jour pour
la survivance de la langue française pour, ainsi, sauvegarder une des
richesses des Canadiennes et des Canadiens. Les membres du comité ont
demandé tour à tour à M. Gauthier s'il était pour
l'indépendance ou pour le fédéralisme. La question
était piégée. Je vais vous donner ma réponse avant
d'être pris entre des belligérants futurs devant
l'électorat. Je suis pour l'indépendance du Canada sans
condition, car les dix provinces ne seront jamais libres si le Canada ne l'est
pas. Dans cela, je vois dix gouvernements provinciaux forts, mais, en
même temps, formant l'Union du Canada dans une
fédération.
Le Statut de Westminster en 1931 nous rendait indépendants sur le
plan politique. Il faudrait donc revenir à la source, car c'est à
partir de là que les provinces ont perdu graduellement leur pouvoir et
que le fédéral a pris d'importantes emprises dans toutes les
juridictions. Renier aux provinces le droit de se défendre et de s'unir,
c'est être un bien petit politicien minable et avoir une piètre
opinion bornée des Canadiennes et des Canadiens qui veulent
négocier leurs droits et privilèges pour vivre heureux dans leur
pays, le Canada.
Notre pays, le Canada... Est-ce que j'ai beaucoup de temps, M. le
Président? Est-ce qu'il me reste beaucoup de temps?
Le Président (M. Jolivet): II vous reste encore du temps,
mais si vous voulez qu'on vous pose des questions ensuite, cela dépendra
de vous.
M. Lemire: Je peux sauter à l'autre partie.
Le Président (M. Jolivet): Comme vous voulez.
M. Lemire: Notre pays, le Canada, se présente à mon
esprit comme un beau corps bisexuel qui a l'agressivité et la vigueur du
mâle par son climat d'automne et d'hiver, les formes rugueuses et
altières de ses chaînes de montagnes et la rigueur du Grand-Nord.
Par contre, nous retrouvons la femelle avec la retour à la vie du
printemps et la douce langueur de ses étés, les parfums de toute
cette vie en fleurs, en arbres et en pâturages. Nous pouvons nous mirer
dans la beauté de l'eau de ses lacs et rivières et admirer le lit
de ses fleuves qui se dirigent vers les inconnus bleus de la mer et du ciel
sans frontière.
Ce corps, je le vois de cette manière: les provinces maritimes et
Terre-Neuve sont la tête de notre pays par où entre et sort notre
commerce mondial, ayant des citoyennes et des citoyens qui ont une vue sur
l'immensité de l'Atlantique et qui ont la ténacité et
l'amour qu'il faut pour vivre en harmonie et pour dompter cette force
qu'est
la mer et profiter de ses ressources.
La province de Québec est le coeur de toute cette vitalité
française et anglaise qui s'est répandue à travers le pays
depuis 1534, au-delà de 450 ans, ce qui a permis au Canada de grandir et
de devenir notre merveilleux pays, avec des désirs de liberté et
des rivalités de découverte et de possession. Sans les nations
amérindienne, française et anglaise, nous serions comme la France
ou l'Angleterre sans la petite différence canadienne qui fait la
beauté et la puissance de notre peuple.
La province d'Ontario est le centre de ce corps gigantesque qui
fonctionne au rythme de ses usines et qui donne à tous ses citoyens et
citoyennes venus de toutes les parties du monde le goût de l'aventure
canadienne et de participer à l'essor le plus extraordinaire devant
permettre un meilleur avenir et un lien plus solide avec les autres parties de
ce corps magnifique.
Les provinces des Prairies sont les rotules de notre commerce dans les
céréales et les grains de provende, l'élevage des bestiaux
et aussi par le pétrole. Les familles de l'Ouest ont la patience des
Plaines et la robustesse des Rocheuses et nous donnent la fierté des
grands espaces et d'être Canadiens.
La province de la Colombie-Britannique est le plus beau support qu'un
corps puisse posséder au pied des Rocheuses. Elle est celle qui actionne
les chevilles de l'industrie du bois pour le pays. La beauté du
Pacifique renaît dans les citoyennes et les citoyens qui nous
redistribuent leur vitalité et leur générosité et
qui nous souhaitent la bienvenue comme les beaux rayons de soleil de leur fin
d'horizon sur l'océan.
Et maintenant relevé, ce corps fonctionne de toutes ses fibres,
de toute sa richesse, de toutes ses langues, et sa chaleur fait vibrer
25,000,000 de Canadiens du nord au sud et de l'est à l'ouest, dans un
mouvement de force et d'amour qui nous conduit vers notre destin et la grandeur
de notre pays.
Je me refuse à admettre qu'un gouvernement fédéral,
peu importe la couleur, puisse parler de référendum et de projet
unilatéral de rapatriement quand il s'agit des droits et
privilèges de ses citoyens et citoyennes, ne pouvant être
négociés ou amendés seulement par les gouvernements
provinciaux et fédéral en conférence.
Je suis sûr que vous avez déjà vu le film "Un pont
trop loin". Je l'ai vu dernièrement et c'est exactement ce qui se
produit avec le premier ministre, M. Trudeau, et les députés
libéraux du gouvernement fédéral. Ils sont un gouvernement
trop loin ou de trop.
Celui de Londres. Le gouvernement de Londres n'a pas de refus à
nous opposer sur la constitution, selon le premier ministre, M.
Trudeau. Il ne peut donc pas nous imposer des accords non
désirés ou non approuvés. Il veut seulement nous retourner
ce qui est présentement notre constitution. Si le gouvernement
fédéral peut aller chercher seul la constitution à
Londres, pourquoi faire tout ce tapage de publicité et avoir
formé un comité et parler de référendum dans son
approche, si tout peut être fait unilatéralement et sans l'accord
des gouvernements provinciaux.
Je crois sincèrement que les citoyens canadiens-anglais sont
très lucides et très intelligents et qu'ils peuvent comprendre,
comme les Canadiens français l'ont fait par le passé, que
d'apprendre deux langues maîtresses, c'est plus enrichissant et ça
vaut bien les quelques millions qu'il faudrait pour rétablir
l'équilibre dans le pays et sortir enfin le choix des langues des
débats politiques.
Pour notre pays, il y a une certitude qui est là devant nous. Les
gouvernements fédéral ou provinciaux doivent arrêter ces
tiraillements et ces jeux d'enfants de la politique afin de donner leur
énergie et leur temps à la crise du chômage et de
l'inflation et de permettre à l'économie de bondir vers l'avant.
Pour moi, il n'y a que la Chambre haute, par la voix des sénateurs, qui
a le pouvoir de faire face au gouvernement fédéral et de
l'obliger à faire marche arrière sur le rapatriement de la
constitution. S'ils ne peuvent le faire par manque de leadership ou par
partisanerie, la seule issue est de dissoudre le Sénat et de refaire la
Chambre haute avec les filles et les fils de la Confédération
élus par le peuple canadien.
Ce que contient le prochain texte, c'est ce que j'avais donné
comme solution.
Depuis 50 ans ou 60 ans, les premiers ministres et tous les responsables
des gouvernements provinciaux et fédéral se réunissent
pour rapatrier ou amender la constitution. Jusqu'à ce jour, les
participants n'ont jamais obtenu l'unanimité et la remettent de
conférence en conférence. Il y a eu des progrès depuis le
commencement et beaucoup d'obstacles aplanis. Je crois que, maintenant, les
onze gouvernements, en accord avec leurs responsabilités comme
élus, devraient, dans leur Parlement respectif, voter une loi qui
permettrait de rapatrier la constitution, mais qui, en même temps,
accepterait la formation à Ottawa d'une chambre haute des filles et des
fils de la Confédération qui prendrait la relève de la
Chambre haute dite des sénateurs.
La formation de cette chambre des filles et des fils de la
Confédération se ferait par une élection de six
représentants dans chaque province et de six représentants au
Canada et en plus d'un représentant pour le Yukon, d'un
représentant pour les Territoires du Nord-Ouest, d'un
représentant pour les Inuits et de deux représentants
amérindiens pour une période de cinq ans. Le total des
représentants serait de 71. Ces représentants seraient
mandatés par les Canadiens et payés par leur gouvernement
respectif et l'élection ne devrait jamais se faire à la
même période que celle d'une élection
fédérale ou provinciale. La composition de la chambre des filles
et des fils de la Confédération serait d'un président et
dix coprésidents qui seraient élus par chacun des onze groupes de
six membres élus avec la possibilité de changer le
président en rotation à tous les six ou douze mois avec les
coprésidents. Le siège de président serait voté par
les 60 membres.
Dans la période suivant l'élection, le gouvernement
fédéral, après le rapatriement de la constitution, devrait
remettre celle-ci à la chambre des filles et des fils de la
Confédération qui alors se mettrait à l'oeuvre pour
édifier la nouvelle constitution avec les bases de tout ce qui est
déjà fait et écrit. Alors, les gouvernements pourraient
reprendre le rôle de faire des lois en respectant les Canadiens dans leur
nouvelle constitution.
Depuis 300 ans, les premiers arrivants et les premiers habitants
amérindiens ont établi la base de ce pays et donnent le meilleur
d'eux-mêmes. Plus tard, les Pères de la
Confédération ont inscrit dans la constitution les premiers
droits et privilèges des Canadiens. Ce don d'eux-mêmes peut
être considéré de nos jours comme l'héritage des
parents qui donnent leurs propriétés et leurs biens à
leurs enfants pour qu'ils améliorent 1 fruit qu'ils reçoivent et,
en ce faisant, qu'ils profitent ensemble de tous les bienfaits.
Je crois maintenant que les filles et les fils de la
Confédération ont le droit et le devoir de se réunir et
d'écrire ensemble mot à mot une nouvelle constitution qui
apporterait devant les gouvernements provinciaux et fédéral les
droits, les privilèges et les devoirs qu'ils doivent respecter pour que
tous les Canadiens, sans exception, puissent vivre d'un bout à l'autre
du Canada une ère de progrès, de liberté et d'amour dans
leur pays.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Lemire. M. le
ministre. CIO h 30)
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. le Président. M.
Lemire, avant que je vous pose une question qui ne portera pas directement sur
la solution que vous proposez au problème constitutionnel, je voudrais
savoir -je comprends que vous avez été motivé à
écrire ce mémoire à la suite de l'expérience que
vous relatez au début - quelle est votre occupation courante et quels
sont vos intérêts. C'est seulement pour le savoir.
M. Lemire: Je suis employé par le
Pacifique canadien express.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. Voici ma question:
J'écoutais, ces jours-ci, dans l'argumentation, à Ottawa,
relative à la défense de ce coup de force, qu'on faisait valoir
que le contenu de la proposition fédérale visait entre autres
choses à accroître les avantages et à améliorer la
situation des francophones en dehors du Québec. Cela fait partie des
choses qu'on mentionne régulièrement. Pourtant, on sait que,
d'une part, s'il y a un coup de force contre le Québec pour ce qui
concerne la politique linguistique du Québec et la loi 101 en
particulier, parce qu'un des objectifs de toute cette démarche
fédérale, c'est de torpiller la loi 101, en même temps
qu'il y a un coup de force contre le Québec, il n'y a pas de coup de
force, par exemple, contre l'Ontario pour lui imposer le bilinguisme
institutionnel. En plus de cela, dans les clauses qui touchent la langue
française et la langue d'enseignement applicable aux francophones en
dehors du Québec, il y a l'expression que cela s'appliquera "là
où le nombre le justifie", ce qui signifie en pratique qu'il n'y aura
pas tellement d'évolution.
Notre conclusion à nous, c'est qu'au fond, ce que va faire cette
résolution fédérale, si jamais, par malheur, elle devait
s'appliquer, c'est de ne rien accorder concrètement aux francophones en
dehors du Québec tout en consolidant la minorité anglophone au
Québec. Avez-vous une réflexion à formuler
là-dessus? Avez-vous examiné cet aspect du sujet?
Le Président (M. Jolivet): M. Lemire.
M. Lemire: Merci. Je crois que, selon moi, cela représente
un des points qui se trouveraient à être couverts en ayant
quelqu'un qui soit en dehors du gouvernement, qu'il soit fédéral
ou provincial, parce que vous ne pouvez pas sortir quelque chose si vous
êtes toujours en contradiction, soit le fédéral contre le
provincial ou le provincial contre le fédéral. C'est là
que, depuis des années, depuis 1931, il y a des accrochages et que le
gouvernement fédéral avance et en reprend tout le temps. Cela
veut dire qu'il faut absolument qu'il y ait quelque chose qui puisse dire au
gouvernement fédéral: Ce n'est pas correct. Cela ne t'appartient
pas.
M. Morin (Louis-Hébert): M. Lemire, justement, vous
êtes en train de proposer, par votre suggestion dans votre document,
qu'il y ait un organisme, dont vous décrivez d'ailleurs la composition,
qui serait utilisé et dont le rôle serait, en somme,
d'empêcher que des situations comme celle que nous déplorons
maintenant ne se produisent. Or, il
y a quand même des élus de la population au Parlement
fédéral. Il y a des sénateurs non élus, mais dont
le rôle est de protéger, entre autres choses, les droits des
provinces. Or, tous les députés du Québec sont des
députés libéraux sauf un et, parmi ces
députés libéraux, un seul, Louis Duclos, s'oppose au geste
fédéral pour des raisons qui ressemblent aux nôtres. Votre
suggestion n'est-elle pas, en somme, à toutes fins utiles, la
reconnaissance de l'inutilité pour la défense des
intérêts des Québécois de ces députés
libéraux du Québec à Ottawa? Je ne vous dis pas que c'est
ce que vous avez dit, mais, implicitement, ne marquez-vous pas votre
méfiance à l'endroit de ces gens par votre suggestion?
M. Lemire: M. le Président... Le Président (M.
Jolivet): Oui.
M. Lemire: ...pas plus de méfiance contre eux que contre
le gouvernement quel qu'il soit. Ma méfiance vient du fait que,
lorsqu'il y a de la politique mêlée sur un terrain où
entrent des droits humains, les droits de la personne, le droit à
l'information, toutes ces choses, c'est certain que vous allez avoir des
frictions. Vous parlez de gouvernement. Le gouvernement, automatiquement,
établit des caucus. Les caucus, normalement, on les respecte. Vous avez
un exemple où ce n'est pas respecté, le NPD. Il y a en a
déjà quatre qui sont sortis parce qu'il leur a donné la
chance de pouvoir exprimer leur opinion. Donnez la même chance aux
libéraux et peut-être que, sans le carcan du caucus, il y en aura
la moitié qui vont dire: C'est exagéré.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais terminer par un
commentaire. En somme, ce que vous dites à propos du comportement des
députés libéraux du Québec à Ottawa, c'est
que, s'ils n'étaient pas soumis à la règle du caucus, il
est possible qu'une partie d'entre eux s'oppose au geste de leur chef. Mais,
comme ils sont soumis à ce caucus, le manque de liberté de
parole, d'expression et de pensée, à toutes fins utiles, les
empêche de correspondre dans leurs gestes à leur conscience. C'est
ce que je déduis de ce que vous m'avez dit à cause du fait que la
loi... En fait, l'obligation de s'en tenir à la ligne de parti via le
caucus doit être respectée.
M. Lemire: Si c'était un vote libre ou si c'était
dans le même sens que la question que vous me posez, je suis
complètement d'accord avec vous qu'ils sont pris. Mais, à mon
sens, quand il s'agit de choses si importantes que cela, je pense qu'il y
aurait moyen de se défendre un peu mieux que cela, parce que, sur le
nombre qu'ils sont, je pense qu'au moins, s'ils veulent garder le vote, ils
pourraient parler. Ils peuvent voter pareil. Cela ne les empêche pas de
s'exprimer. On va le voir là, en Chambre, présentement.
Là, ils vont tous passer. On va voir ce qu'ils vont nous donner, mais je
crois que ça va être le temps de se tenir debout parce qu'ils ne
nous montreront rien s'ils ne disent rien, à mon sens.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je n'ai pas de question
à ce moment-ci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Très rapidement, M. le Président. M.
Lemire, vous dites qu'actuellement on ne semble pas capable de régler le
problème parce que, selon le système parlementaire, soit au
niveau des provinces ou au niveau du fédéral, la population est
représentée par des députés élus. Vous dites
qu'il y a la philosophie de parti qu'il faut respecter, il y a de la politique,
politique avec un petit "p", selon ce que vous dites. Ceci veut dire que
peut-être, à la suite de pressions qu'on peut retrouver à
l'intérieur d'une formation politique, les élus peuvent manquer
d'objectivité. Je le vois comme cela, à entendre vos propos.
Comment pourriez-vous régler ce problème avec la
proposition que vous faites? Les 71 personnes qui seraient mandatées
pour récrire une nouvelle constitution seraient-elles aussi élues
à la chambre des fils et des filles de la Confédération,
comme vous les appelez? Elles seraient aussi élues, payées par
leur gouvernement. Cela changerait quoi? La solution que vous
préconisez, qu'est-ce que cela changerait dans le système actuel?
Ces gens seront également des élus, identifiés à
des formations politiques. Cela va être exactement le même
système que nous avons actuellement. Il y a peut-être quelque
chose que je ne perçois pas dans vos propos. J'aimerais que vous
m'expliquiez comment cela pourrait changer avec votre solution.
Le Président (M. Jolivet): M. Lemire.
M. Lemire: Pour moi, le déclenchement automatique, il y a
un mécanisme dans cela qui dit que vous êtes élu dans
chacune de vos régions. Je ne sais pas, c'est certain que du
côté des élections, vous allez peut-être avoir une
attitude de vouloir mélanger, de partance. À mon sens, ils ne
seront pas nommés par le gouvernement. Ils vont être élus
par chaque province et payés par chaque province. Quand ils vont se
ramasser dans le centre, cela ne sera plus du fédéral, cela
va
être du Canada, pas pour des lois, pas pour voter sur le
bien-être, pour établir la constitution, pour négocier ce
que les gouvernements, en faisant de la politique, ne négocient pas. Il
n'y a pas le mécanisme qui barre, qui fait la différence. Vous
avez des individus qui seraient mandatés pour... N'importe qui pourra
être élu sur cela.
Je comprends que vous avez toujours l'idée du politique un peu
à l'arrière, mais à mon sens, si vous avez un
comité, il devient beaucoup plus impartial si les groupes sont
restreints comme cela. Ils deviennent des groupes provinciaux, au
départ, mais qui vont devenir une unité vis-à-vis des
négociations de la loi. Et là, vous n'aurez pas tout le baggage
politique derrière, à chaque instant.
M. Goulet: Une dernière question, M. le Président.
Lorsqu'on est élu, que ce soit au niveau d'un conseil municipal, que ce
soit au niveau d'un gouvernement provincial, lorsque quelqu'un se
présente normalement pour représenter sa population, lorsqu'il se
présente devant le peuple, il défend des idées, il
défend une philosophie, il défend un programme, il s'identifie
à quelque chose. Or, les six personnes qui représenteraient le
Québec, ou n'importe quelle des autres provinces, lorsqu'elles se
présenteraient devant la population, feraient exactement ce que les
députés font actuellement, quels que soient les partis
politiques. Elles se présenteraient sous une bannière, sous une
étiquette, étant identifiées comme un
fédéraliste, un indépendantiste, un souverainiste ou
autre. Ces gens-là se présenteraient devant la population avec
une idée, avec une philosophie, avec un programme et, une fois rendus
à Ottawa, qu'ils soient assis au Sénat, qu'ils soient assis
à la Chambre des communes ou à l'Assemblée nationale, ces
gens vont défendre les idées qu'ils ont soumises à la
population lors d'une élection. Ils vont faire la même chose, il
va y avoir les mêmes pressions. C'est parce que si, actuellement, on a
des députés, on en a 70 élus démocratiquement qui
sont contre, mais qui votent pour, quand même on en baisserait le nombre
à 6, qu'est-ce que cela changerait? Ils vont être élus de
la même façon, avec les mêmes idées, qu'ils soient
des libéraux, des conservateurs ou des membres de n'importe quel parti
politique.
Moi, j'aimerais bien essayer de trouver une solution qui changerait le
système actuel et qui serait avantageuse, mais ce que vous proposez,
d'après moi, donnerait les mêmes résultats que le
système actuel. Ne pensez-vous pas? C'est mon opinion, cela ne veut pas
dire que vous êtes obligé de la...
Le Président (M. Jolivet): M. Lemire. M. Lemire: M.
le Président, c'est parce que là, je crois, c'est certain que,
dans votre position, vous allez opter pour le politique. Mais changez votre
position, allez vers une négociation. Là, vous êtes
vis-à-vis des lois, vous représentez le peuple et vous êtes
élu en fonction de cela, à mon point de vue. Mais, si vous
êtes élu, non pas pour faire des lois, mais pour vérifier,
négocier la constitution, revoir le bien-être des individus, vous
allez certainement avoir des comités de chaque gouvernement qui vont
pouvoir se présenter, pour dire que ce n'est pas normal. Mais je crois
qu'ils vont être indépendants quand il va s'agir du vote. Parce
que vous avez le mécanisme qui empêche... Bien entendu, il va
falloir que vous arrêtiez de dire: Je suis là, moi, pour voter une
loi. Ce ne sera pas une loi qu'il va voter, il va bâtir la constitution.
Je crois que c'est là la mentalité de l'individu à ce
sujet. Si la mentalité ne change pas, c'est automatique; si vous partez
d'une école, que vous vous en allez dans la rue et que vous continuez
à enseigner, vous n'êtes pas dans le même genre.
Je dis que, si le mécanisme entre en jeu comme il faut, vous avez
des gens qui vont devenir indépendants. Parce que vous pouvez prendre
l'exemple d'avoir des constitutionnalistes avec beaucoup de potentiel, qui vont
pouvoir se présenter et qui vont avoir quelque chose à donner sur
la constitution, pas nécessairement des politiciens. Cela va être
quelqu'un qui est capable de donner son potentiel sur les lois, sur
l'organisation afin de pouvoir bâtir la constitution.
C'est dans cette optique que je dis que le mécanisme, s'il
joue... Au début, il a bien fallu qu'ils s'assoient, les Pères de
la Confédération, pour faire la négociation. Ils l'ont
faite, ils ont eu un départ. Si vous aviez le même
mécanisme, au lieu d'avoir des sénateurs qui sont nommés,
vous auriez des gens indépendants qui feraient leur ouvrage parce qu'au
bout de cinq ans, il faudrait qu'ils se représentent devant
l'électorat. Là, vous enlevez, à mon avis, l'idée
politique.
Si vous êtes capables de sortir l'idée politique, il n'y a
plus de problème; vous allez avoir des gens compétents et
vraiment au service des citoyens et des citoyennes pour leur bien-être,
et non du point de vue politique.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jeanne-Mance.
M. Laberge: Merci, M. le Président. M. Lemire, si j'ai
bien compris la dernière partie de votre intervention, vous dites que
les personnes élues dans chacune des provinces... Évidemment,
vous avez mentionné constitutionnalistes, vous impliquez
nécessairement qu'il s'agirait de spécialistes.
Est-ce que chaque province pourrait déléguer ou
élire ou nommer des qens qui ne seraient pas spécialistes dans le
domaine constitutionnel? Cela créerait certainement des
difficultés à s'entendre, d'autant plus que la base de la
constitution, c'est ce qui permet à chaque homme de gouvernement de
faire des lois.
Est-ce bien ce que j'ai compris, dans le sens qu'il faudrait que ce
soient des spécialistes dans le domaine constitutionnel?
M. Lemire: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. Lemire.
M. Lemire: Pourquoi, au départ, faut-il qu'ils soient
spécialistes? Dans le sens où vous l'entendez, c'est certain que
c'est l'idéal. Si vous prenez M. Dion, des professeurs comme celui
d'Ottawa, M. Lapointe, qui décident de s'embarquer... Je crois que c'est
un gars qui va demeurer indépendant, parce qu'il va aller là en
fonction de ce qu'il connaît. Il n'ira pas là en fonction de
vouloir prouver qu'il veut embarquer dans les chaussures de tout le monde. Je
crois qu'il va demeurer à peu près comme un professeur
d'université qui enseigne sa matière et il va dire: Moi, c'est
cela; il n'ira pas du côté politique, il peut quand même y
en avoir un peu, mais il va demeurer que sa ligne de pensée
vis-à-vis de la constitution sera claire et nette. C'est le
mécanisme... (10 h 45)
M. Laberge: Je vous remercie. Cela clarifie ce point. Maintenant,
il y avait l'autre point qui me revenait à la mémoire en lisant
votre document, dans le sens qu'avant de procéder au rapatriement de la
constitution tel qu'Ottawa se propose de le faire - il a mis tous les
mécanismes en marche depuis le mois d'octobre à cet effet -
est-ce qu'il n'aurait pas été préférable
d'après vous de prolonger les discussions avec les premiers ministres
des provinces, de façon à en venir réellement à une
entente avant de procéder au rapatriement, parce que à ce moment
on n'aurait pas pu qualifier ce geste de coup de force? Est-ce qu'il
était tellement important et tellement pressé qu'on
procède au rapatriement du fameux papier plutôt que d'arriver
à une entente sur au moins un certain nombre de points où on
aurait pu demander une modification à la constitution actuelle, mais les
points sur lesquels tous et chacun des gouvernements se seraient entendus, et
procéder par la suite? Comment jugez-vous cette façon d'avoir
provoqué pratiquement au cours de l'été dernier un
affrontement entre les provinces, même si les provinces s'étaient
entendues sur un certain nombre de points, six ou sept points apparemment,
d'avoir provoqué le bris des négociations pour procéder,
du côté d'Ottawa, de façon unilatérale? Qu'est-ce
que vous en pensez? Est-ce qu'il n'aurait pas été mieux de
procéder avant?
M. Lemire: Je dis que l'unilatéral, c'est impossible. Il
n'est pas besoin de discussion dans ce sens, parce que, si le gouvernement
fédéral peut le faire, il n'a pas besoin de faire tout ce qu'il
fait. Tout ce qu'il a à faire, c'est de se présenter à
Londres et de ramener le papier, si ce n'est que le papier qu'il veut avoir. La
question de la négociation, c'est certain qu'il faut que vous
négociiez. Il n'y a pas de choix, c'est la seule manière pour
faire quelque chose, excepté que cela suit exactement le raisonnement
que je vous faisais avant qui dit que le gouvernement, automatiquement, part
avec une idée, et le fédéral voulait en venir à ce
principe, puisqu'il l'avait planifié. Il s'est rendu jusqu'à la
fin, il a débarqué et a dit: Je le ramène seul. C'est pour
cela que je dis que le politique amène toujours des coups de force,
peut-être de différentes manières, mais il y a toujours
quelqu'un qui planifie. C'est normal pour chaque individu. Il planifie quelque
chose, et s'il n'y a pas quelqu'un en cours de route qui lui dit:
Écoute, tu es rendu trop loin, change ton optique, cela devient un coup
de force du gouvernement, que ce soit provincial ou fédéral, cela
devient malheureux, parce que tout le monde est embarqué dans une
bataille inutile. Vous perdez des énergies. Le gouvernement
fédéral perd des énergies, et on se débat avec des
problèmes d'inflation qui sont gros comme le parlement.
M. Laberge: Je vous remercie, M. Lemire.
Le Président (M. Jolivet): Je vous remercie, M. Lemire, de
votre comparution.
M. Lemire: Merci, M. le Président.
SNQ de la région
Richelieu-Saint-Laurent
Le Président (M. Jolivet): J'invite la
Société Saint-Jean-Baptiste, du diocèse de Saint-Jean,
à s'avancer tout en disant entre-temps que l'Association
québécoise pour l'application du droit à l'exemption de
l'enseignement religieux est arrivée et que l'Organisation des jeunes
indépendantistes pour un Québec communautaire, nous avons
corrigé l'erreur, est représentée par M. José Roy
et Jean Baillargeon qui étaient ici présents au moment de leur
appel tout à l'heure. Je demanderais à M. Hyacinthe Auger de se
présenter et de présenter la personne qui l'accompagne.
M. Auger (Hyacinthe): Je vous présente M. Raymond
Bréard qui est le directeur général de la
société. Je peux peut-être
aussi vous dire que, depuis un an déjà, la
Société Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Saint-Jean est
devenue la Société nationale des Québécois de la
région Richelieu-Saint-Laurent.
L'histoire du peuple québécois est l'histoire d'une
volonté collective d'affirmer et de cultiver la vie française en
Amérique. Dans la foulée des fondateurs, la Société
Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Saint-Jean, aujourd'hui
Société nationale des Québécois, fondée en
1951, continue d'être une société vouée aux
intérêts nationaux des Québécois. Notre SNQ
participe intimement à l'évolution du Québec
français et contribue à l'orientation de cette évolution
par ses oeuvres, ses interventions et ses réalisations.
À la mesure du Québec des années quatre-vingt, la
culture française du Québec dépasse le cadre de
l'expression artistique pour atteindre le quotidien de la vie politique, de la
vie économique, sociale et éducative. La SNQ
Richelieu-Saint-Laurent demeure une société stable qui renouvelle
son engagement au service de notre pays français au-dessus de la
partisanerie politique. Affiliée au Mouvement national des
Québécois et au Mouvement Québec français, nous
n'entendons pas réitérer dans la présente intervention les
déclarations auxquelles nous avons déjà souscrit.
Cependant, nous jugeons opportun d'affirmer distinctement dans le contexte
certains points de notre argumentation contre le coup de force du gouvernement
fédéral. Aujourd'hui, ce dont le Québec a vraiment besoin,
c'est d'un contrat politique avec ses partenaires économiques canadiens
qui sache répondre aux aspirations particulières de son
intégrité culturelle et d'une constitution qui sache traduire, en
termes explicites, la dualité culturelle de l'ensemble canadien. En
fait, quel que soit le type de contrat, le Québec doit être et
demeurer une nation souveraine.
Par ce coup de force, le gouvernement fédéral
démontre qu'il n'a pas l'intention véritable d'engager
l'élaboration d'une constitution conforme à cette perspective,
mais qu'il tente d'imposer, par une subtile manoeuvre, la foi des Canadiens
dans une première constitution à partir d'un vieux texte
dépassé, mais qui répond encore aux intérêts
vitaux d'une des parties contractantes. Par un simple rapatriement, le
gouvernement veut nous faire adopter une constitution.
En termes juridiques et aussi, peut-être, au plan de
l'éthique, le Parlement fédéral n'a pas la
compétence légale de modifier un contrat signé entre deux
peuples et qui régit les niveaux d'intervention des deux paliers de
gouvernement issus de la loi constitutionnelle de 1867. Les
députés fédéraux sont élus pour administrer
les compétences déléguées au gouvernement
fédéral et ils ne peuvent tirer de leur élection le mandat
de briser unilatéralement une impasse politique.
Au surplus, la défaite référendaire incombe aux
promesses littérales de ceux qui, aujourd'hui, nous ont trahis. Si le
mot est fort, on pourrait peut-être parler de ceux qui sont coupables
d'un abus d'interprétation du résultat du 20 mai. Lors de ce
choix, les Québécois n'ont jamais renoncé au Québec
en choisissant de poursuivre l'expérience canadienne. Au contraire, ils
ont cru aux promesses d'épanouissement du Québec dans un Canada
renouvelé. Aujourd'hui comme hier, le Québec est et demeure un
choix indiscutable et non négociable. Enfin, en termes de
stratégie conjoncturelle au seul Parlement légitime des
Québécois, notre société recommande de
répondre à ce geste unilatéral par un geste interlocutoire
de solidarité collective en réaffirmant le droit à
l'autodétermination du Québec et en le faisant reconnaître
au préalable dans tout préambule d'une constitution canadienne
imposée. Si le 20 mai dernier les Québécois n'ont pas
formulé clairement le choix d'un pays, ce n'est pas aujourd'hui qu'ils
vont s'en laisser imposer un, surtout unilatéralement. D'autre part,
qu'il nous soit permis d'ajouter que le Québec n'acceptera jamais,
même dans la précipitation d'un geste unilatéral, une
formule d'amendement tronquée qui enlèverait le caractère
souverain et associé du Québec.
En conclusion, le projet Trudeau - vous me permettrez de sortir un peu
de mon texte - est inacceptable pour trois raisons. D'abord, parce qu'il nous
impose le choix d'un pays; deuxièmement, il nous oblige, par le fait
même, à renoncer à notre liberté de choix par les
voies démocratiques; troisièmement, il menace
l'égalité des Canadiens devant la loi parce que l'article 133 du
projet ne s'appliquerait qu'au Québec et au Manitoba. Pour ces raisons,
nous devons nous opposer à ce projet et l'Assemblée nationale
unanimement doit exiger comme un minimum le droit à
l'autodétermination du Québec.
En tant que Québécois, veuillez agréer, M. le
Président et messieurs les députés, l'expression de nos
sentiments les plus sincères, de nos espoirs les plus légitimes
et de notre attitude la plus québécoise.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert}: Merci. À partir de votre
mémoire, je voudrais faire une sorte de commentaire et vous poser une
question. Au mois de mai dernier, à moins que tous les
Québécois, à l'époque, n'aient été
endormis ou n'aient été pris d'une sorte d'oubli collectif, on va
se rappeler qu'il y a eu des promesses qui ont été faites aux
Québécois, qu'un non au référendum voulait
dire un oui au fédéralisme renouvelé. Cela a
été, au fond, je dirais, l'argument majeur des tenants du non,
qu'ils avaient parfaitement le droit de faire valoir, et c'est un fait que la
question pouvait se poser dans ces termes-là. Sauf que ce non qui devait
être un oui au fédéralisme renouvelé, on s'en est
rendu compte au cours de l'été est devenu par la suite tout
à fait autre chose. Il y a eu des négociations tronquées
cet été, il y a eu de la manipulation des provinces; enfin, je ne
reviens pas là-dessus. Cela a été visible et tout le monde
en a eu connaissance, surtout à l'occasion de la conférence
fédérale-provinciale des premiers ministres,
télévisée au mois de septembre. Donc, des promesses faites
au mois de mai.
Quand M. MacGuigan et M. Roberts, deux ministres fédéraux,
sont allés à Londres tout de suite avant ou tout de suite
après -je ne me souviens pas exactement - l'annonce du coup de force
à Ottawa, ils ont dit aux Britanniques qu'ils devaient agir de la sorte
pour correspondre aux promesses qui avaient été faites aux
Québécois pendant le référendum. Ils ont aussi
ajouté que c'était pour correspondre au mandat électoral
reçu en février 1980, il y a un an.
Je rappelle, à cet égard, qu'en février 1980
personne n'avait parlé de constitution. C'était même le
sujet que les libéraux fédéraux évitaient à
dessein. Je rappelle aussi qu'il n'y a personne, à aucun moment -et ce
matin, dans l'éditorial de la Presse que je n'ai pas devant moi, Marcel
Adam est du même avis - lors du référendum, dans les
promesses qui ont été faites, qui a dit que cela voulait dire un
rapatriement unilatéral, une formule d'amendement. Les
Québécois n'ont pas voté non pour avoir une formule
d'amendement. Il y a quand même eu des promesses qui ont
été faites et qui ont été comprises par une portion
de la population comme signifiant au moins une chose: ce serait une
augmentation des pouvoirs du Québec. Autrement, on est dans
l'absurdité totale.
La semaine dernière, le député de Saint-Laurent,
qui a droit lui aussi à son opinion, nous disait qu'il n'y a pas eu de
promesse de faite aux tenants du non et s'il y en a eu, c'étaient des
promesses très vagues, sans substance. Pourtant, hier, ou avant-hier,
à Ottawa, M. Chrétien disait encore une fois qu'ils doivent agir
comme ils le font, les libéraux fédéraux, pour
correspondre aux promesses faites aux Québécois pendant le
référendum. On est dans l'absurdité totale. Je pourrais,
si je le voulais, faire l'historique de ces promesses inexistantes ou de ces
non-promesses existantes. Je pourrais, à ce moment, utiliser toute une
documentation que j'ai, avec des citations très précises et
l'endroit où les citations ont été prononcées par
tel ou tel politicien. Je ne veux pas faire cela ce matin, mais il y a une
chose - première constatation - il y a quelqu'un qui s'est fait avoir
quelque part. Par conséquent, les gens qui avaient laissé
entendre, qui avaient au moins laissé entendre, en tout cas, pris toutes
les précautions pour que les Québécois comprennent que
leurs promesses voulaient dire un fédéralisme renouvelé
avaient l'occasion pendant l'été dernier, à la suite des
négociations intensives qui ont eu lieu, de démontrer qu'ils
voulaient vraiment un fédéralisme renouvelé.
Je vais vous dire, je vais vous faire un aveu. Je n'ai pas tendance
naturellement à croire les déclarations enflammées qui
peuvent survenir à des moments où la chaleur des débats,
n'importe, peut faire que quelqu'un dépasse sa pensée dans le
domaine politique. Cela arrive, des fois. Il faut faire la part des choses.
C'est normal. Les politiciens sont des êtres humains. Sauf que tout le
contexte de mai dernier a fait comprendre à tout le monde qu'un non
voudrait dire un oui au fédéralisme renouvelé. Ils
auraient pu le faire, le fédéralisme renouvelé; en tout
cas, le proposer, l'été dernier. Cela n'a pas été
proposé. Pire que ça, on arrive à la situation où
on se trouve devant un coup de force dont la motivation, je ne dirais pas la
motivation essentielle, mais une des plus grandes motivations, c'est de
torpiller la loi 101 sans accorder d'avantages aux francophones hors
Québec. Cela veut donc dire qu'à Ottawa - c'est ma conclusion -
le fédéralisme renouvelé, ils n'y croient pas. De deux
choses l'une: ou ils y croient, ou ils n'y croient pas. Il faut faire des
raisonnements, des fois. S'ils y croient, s'ils y croyaient, ils l'auraient
démontré l'été dernier. Comme ils n'y croient pas,
c'est pour ça qu'on arrive à la situation dans laquelle on se
trouve maintenant.
J'ai rencontré des gens de l'Alberta lundi dernier, à la
commission parlementaire qui s'occupe de questions constitutionnelles, et
Claude Charron, mon collègue, est allé en Alberta, il y a une
dizaine de jours, et des gens nous disent là-bas: On ne comprend plus
rien. Les politiciens fédéraux disent ici qu'ils agissent comme
cela pour répondre à ce que vous, les Québécois,
demandez. Je n'ai pas besoin de vous dire qu'on fait des mises au point! On est
en train de manipuler non seulement la population, mais les résultats du
référendum. Il y a un détournement de
référendum.
Dans cette perspective, étant donné -et là on peut
se disputer avec moi quant à ma conclusion - je conclus qu'à
Ottawa, ils ne veulent pas de fédéralisme renouvelé. Ils
auraient pu le faire. Est-ce que, dans cette perspective, vous, qui avez
présenté le mémoire que vous venez de lire, avez, vous
aussi, le sentiment que je viens d'exprimer? Je vous demande de me
répondre très
franchement si vous variez d'opinion avec moi.
(11 heures)
Je suis perturbé par cette absurdité dans laquelle on nous
a enfermés quand un non voulait dire un oui et cela veut dire autre
chose après, mais cela n'a pas voulu dire ce qu'on a pensé que
cela signifiait à l'époque. On ne comprend plus rien. Dans
l'ancien camp du non, actuellement, il y a des divergences quant à la
signification de ce fameux non. Ottawa se sert de cela maintenant. Je pense que
ce sont eux, à Ottawa, qui sont de mauvaise foi là-dedans. Ils
s'en servent pour réaliser aujourd'hui ce dont ils ont toujours
rêvé: un coup de force qui, d'abord, va assurer pour toujours la
prédominance fédérale sur les provinces et sur le
Québec en particulier; deuxièmement, qui va mettre le
Québec à sa place une fois pour toutes dans des constructions
juridiques complexes; troisièmement, qui va empêcher le
Québec de promouvoir et de défendre le français comme il
le veut. C'est cela qui se passe actuellement. C'est un vieux rêve
fédéral - on l'a essayé d'une autre façon dans la
Charte de Victoria, en 1971, conférence à laquelle j'assistais -
qu'on essaie de réaliser maintenant et cela soulève, bien
sûr, l'opposition.
Est-ce que vous, l'analyse un peu complexe que je viens de faire, mais
au fond simple quant à ses conclusions, vous la partagez?
M. Auger: M. le Président, je suis de votre avis qu'on a
dit un non qui voulait dire un oui au renouvellement du Canada. Je pense aussi
qu'on avait une Confédération, en 1967, au moment du centenaire,
qu'on a maintenant une fédération et que, dans le jeu des mots,
on a confondu tout le monde. Là-dessus, je suis parfaitement de votre
avis.
Cependant, l'abus sera certainement un jour répréhensible
et sera certainement réprimandé aussi. J'en suis confiant.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Bréard (Raymond): J'ajouterais, M. le Président,
que les conclusions auxquelles arrive M. Morin, le ministre, sont
essentiellement, en quelques mots, les trois conclusions dégagées
pour lesquelles il fallait s'opposer au coup de force du gouvernement
fédéral. Le grand problème du débat actuellement,
c'est que les libéraux admettent qu'ils n'ont pas fait de promesse le 20
mai.
Or, la grande erreur aurait été de croire aux promesses
des libéraux. Il fallait bien admettre qu'on ne tient jamais des
promesses de ce côté-là. Qu'ils viennent nous dire
aujourd'hui qu'ils n'ont pas fait de promesse, je suis d'emblée d'accord
avec eux parce que, quand ils promettent quelque chose, ils ne tiennent jamais
parole. Il n'ont donc pas fait de promesse; ils ont dit exactement une chose:
Le Canada devait se renouveler, conformément aux aspirations des
Québécois, aux aspirations légitimes et traditionnelles
des Québécois. Cela prend un niveau d'intervention du
gouvernement fédéral, parce que le Parlement canadien, c'est une
émanation des provinces et de leurs intérêts. Le pacte
canadien qui se fait avec des Québécois, des Terre-Neuviens, des
Ontariens ou des Albertains doit avoir un consensus, à un moment
donné, pour donner un résultat qui soit canadien.
Je pensais, lorsque Pierre Elliott Trudeau est arrivé au pouvoir,
en 1968, qu'il allait intervenir avec sa force, sa capacité pour faire
infléchir les intérêts très régionalistes des
autres provinces pour en arriver à un consensus et exprimer, au niveau
de leur partie du pays, les aspirations légitimes des
Québécois.
Je pense que, depuis le 20 mai, il se sert de cela non pas pour
défendre les intérêts des Québécois, mais il
se sert de ce que l'Ontario peut représenter comme force
électorale pour servir ses intérêts du Canada. Je pense que
M. Davis a toujours fait une équation très claire: Ce qui est bon
l'Ontario est bon pour le Canada. Je dis: Si ce qui est bon pour l'Ontario est
bon pour le Canada, ce qui est bon pour le Québec n'est pas
nécessairement bon pour le Canada ou l'inverse.
Je reprends essentiellement vos conclusions en disant que la grande
variable du débat actuellement, c'est la perception que se font des
individus des promesses faites par ceux qui ont aujourd'hui le pouvoir
d'intervenir dans le débat et, le premier, c'est le gouvernement
canadien et ceux qui le soutiennent en région.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je suis bien heureux
que, par ses commentaires, le ministre des Affaires intergouvernementales nous
donne l'occasion de discourir davantage sur toute cette question qui a
déjà fait l'objet d'un débat, si l'on peut dire, la
semaine dernière et qui, je pense, mérite d'être
élucidée d'une façon bien différente entre nous que
ce à quoi on vient d'assister, où un groupe qui donne la
réplique au ministre, évidemment, manifeste, dès le
départ, par son argumentation et par les insinuations proprement
partisanes dont est assorti son mémoire.
L'opération à laquelle on assiste dans le moment en
commission parlementaire n'a pas le but que le gouvernement prétend,
mais je mettrai cela de côté. Il est clair que cette mise en
scène n'échappe à personne. Il reste cependant que la
question est posée dans une
certaine mesure par les affirmations du groupe qui est devant nous et le
long commentaire du ministre. Cette question des engagements qui ont ou n'ont
pas été pris au moment du référendum appelle les
trois commentaires suivants de ma part, M. le Président. Le premier
commentaire vise à rappeler un événement dont tout le
monde se souvient et qui n'est quand même pas si lointain qu'il soit
devenu perdu dans les brumes du passé. C'est la publication en janvier
1980 de la position constitutionnelle du Parti libéral du Québec,
position qui a fait l'objet d'un examen lors d'un congrès
réunissant plusieurs milliers de personnes à Montréal au
début de mars 1980, donc, il y a moins d'un an.
Que faut-il retenir de cet événement? II faut retenir,
à mon avis, les éléments suivants: en mars 1980, le projet
que constituait le livre beige était le seul projet exprimé par
quelque groupe que ce soit qui traçait un plan d'ensemble du
renouvellement du fédéralisme. Aucun groupe politique au Canada -
et cela vaut même pour les partis politiques fédéraux -
n'avait exprimé un plan d'ensemble de ce que pourrait être le
fédéralisme renouvelé. D'autre part, on se souvient
qu'à la même époque, par des déclarations publiques
nombreuses, le Parti libéral du Québec a indiqué qu'il
n'était pas question que les propositions essentielles de ce livre beige
fassent partie de sa campagne référendaire. D'ailleurs, je me
souviens très bien que le ministre des Affaires intergouvernementales
nous a pris à partie à l'époque pour ne pas faire de ce
projet de renouvellement du fédéralisme un élément
de la campagne référendaire. Il a d'ailleurs essayé de le
faire en faisant porter une partie de ses interventions sur le contenu de ce
document, mais nous avons dit à travers toutes ces semaines et tous ces
mois de l'exercice préréférendaire et
référendaire qu'il n'était pas question pour nous de
débattre cela, il n'était pas question d'exiger de nos
partenaires qu'ils acceptent, a priori, de cautionner, de souscrire à
ces propositions comme condition pour faire partie de cet organisme chapeau qui
nous était imposé par le gouvernement par la loi 92, que le
débat porterait sur une question plus vaste, plus
générale, c'est-à-dire si oui ou non les
Québécois voulaient maintenir leur lien avec le Canada.
Étant donné qu'on nous imposait par la loi de faire une campagne
en commun avec des groupes politiques très différents de nous, il
n'était pas possible, il n'était pas raisonnable de leur demander
de souscrire à un programme précis de réforme
constitutionnelle. Nous aurions bien aimé le faire. Personnellement,
j'étais déçu que la loi nous impose ce carcan, mais ce
n'était pas voulu par nous et il était inévitable, si l'on
voulait se conformer à la loi avec un minimum de bon sens, de dire: Nous
allons faire le débat sur le plus petit commun dénominateur.
C'est ça. C'est le gouvernement lui-même qui l'a voulu par sa loi
92. Je le regrettais parce que j'ai moi-même participé aux travaux
qui ont précédé la publication du livre beige et j'avais
en quelque sorte un investissement personnel que j'aurais bien voulu valoriser
à l'occasion de la campagne référendaire. Malheureusement,
le gouvernement, par sa stratégie référendaire, par sa loi
référendaire, nous a empêchés de prendre les
engagements que, normalement, nous aurions dû effectivement prendre. Non
seulement avons-nous dit cela, mais, dans la position commune qui était
consignée dans le document que le gouvernement lui-même, en vertu
de la loi référendaire, a imposé de distribuer à
tous les électeurs avant le référendum, nous avons pris
une position très neutre relativement à des engagements de
réforme du fédéralisme pour les mêmes raisons. On
pourra à nouveau consulter ce texte - j'imagine que plusieurs l'ont
conservé - et on constatera qu'il n'y a pas là-dedans et qu'il ne
pouvait pas y avoir, encore une fois, pour des raisons indépendantes de
notre volonté, un engagement précis de réaliser les
objectifs définis dans le livre beige. Il est clair que ces objectifs
sont toujours les nôtres en tant que parti politique provincial. Mais en
tant qu'adhérents au comité du non, il n'en était pas
question et on ne peut pas réinterpréter l'histoire
différemment de ce qu'elle a été au moment où on a
vécu ces événements. Ils sont encore suffisamment
récents.
Le deuxième point, M. le Président, consiste à
attirer l'attention sur le débat qui a entouré la formulation de
la question référendaire. On se souvient que le Parti
libéral du Québec, à ce moment-là, a
suggéré, par la voix de son chef, de distinguer deux niveaux de
question. Ce n'était pas simplement pour occuper le temps de
l'Assemblée nationale que cette suggestion a été faite.
Nous avons dit: Messieurs du gouvernement, faites une question à deux
volets, le premier volet portant sur la question fondamentale du choix pour
l'indépendance ou la souveraineté - mais je pense que ces termes,
dans l'esprit de tout le monde, signifient la même chose - oui ou non,
est-ce que vous êtes en faveur de la souveraineté ou de
l'indépendance du Québec? Et si la réponse est oui, une
deuxième question demandant aux électeurs du Québec:
Êtes-vous, oui ou non, en faveur que le gouvernement assume le mandat de
négocier la souveraineté dans le cadre d'une association
économique, etc.? C'était exactement la suggestion que nous avons
faite et qui eût permis, si elle eût été
formulée de cette façon, de distinguer très clairement les
deux niveaux de décision.
On a préféré, du côté gouvernemental,
pour des raisons qui sont les leurs, une seule
question qui voulait dire à peu près n'importe quoi, selon
les publics. Devant certains auditoires, on parlait d'indépendance;
devant d'autres, on parlait de fédéralisme renouvelé. Et
tout cela devait se faire sous le parapluie, d'une certaine façon, d'un
mandat de négocier un régime qui combinait les avantages à
la fois de la séparation et du fédéralisme. C'est un
rêve qui a explosé dans la face de ceux qui l'ont conçu,
mais il demeure qu'il y avait une confusion dont on se souvient très
bien. On ne savait pas exactement s'il s'agissait de simple mandat de
négociation ou si on irait jusqu'à approuver ce qui faisait
l'objet de cette négociation à venir. Les interprétations
variaient selon les interlocuteurs, même du côté du
gouvernement. Après le référendum, le premier ministre a
dit: II semble bien qu'en dépit de la formulation de la question les
électeurs du Québec ont déjà voté pour le
deuxième référendum. Vous vous souvenez qu'il a
été question à un moment donné d'un deuxième
référendum qui, lui, porterait sur la question de fond. Le
premier ministre a dit: II semble bien que les électeurs du
Québec ont anticipé ce deuxième référendum
et se sont déjà exprimés sur le fond. Il admettait par
là qu'essentiellement c'est l'adhésion du Québec au Canada
qui a fait l'objet du choix des Québécois, le problème
essentiellement fondamental à toute autre démarche.
C'est tout à fait compatible, cette interprétation du
premier ministre dans les semaines ou les jours qui ont suivi le
référendum, avec l'interprétation que j'ai faite ici la
semaine dernière, à savoir que c'était cette question
fondamentale, qui aurait dû faire l'objet du deuxième
référendum selon la stratégie de l'étapisme, qui a
effectivement été tranchée le 20 mai. C'est un choix qui
n'est pas conditionnel dans cette mesure; c'est un choix de fond, c'est un
choix de pays, contrairement à ce qu'on affirme dans ce mémoire.
C'est le choix d'un pays.
Maintenant, y a-t-il eu ou n'y a-t-il pas eu, en dehors de cela,
officieusement, de la part de porte-parole de certains groupements politiques
et, en particulier, de la part de porte-parole du gouvernement
fédéral, des engagements de quelque nature? Il est bien
évident qu'il y en a eu. Il y en a eu un en particulier de la part du
premier ministre du Canada. Mais tout le monde savait à l'époque
- parce que tout le monde avait une argumentation qui s'était
développée au cours des mois, avait le texte de la position
officielle du camp du non - que cette affirmation se situait au-delà de
ce qui était officiellement la position commune. C'était une
affirmation qui, en plus d'être en marge de la position commune,
était remarquable par son imprécision.
Il est de fait que, depuis le mois de mai 1980, certains porte-parole du
gouvernement fédéral, à ce qu'on nous a dit - on ne l'a
pas fait en ma présence -prétendent que ce qu'ils font par cette
loi ou cette adresse conjointe visant à modifier la constitution, c'est
pour exécuter des engagements qu'ils auraient pris. Il est fort possible
que ce soient des engagements qu'eux ont pris. Ce ne sont pas des engagements
qu'ils ont pris comme membres du comité du non parce que, encore une
fois, il ne comportait pas, ce comité du non, d'engagements
précis de quelque nature que ce soit. (11 h 15)
À plus forte raison ne comprenait-il pas des engagements
imprécis, puisqu'il est assez difficile de concevoir qu'un regroupement
du Parti conservateur, du NPD, du Parti libéral, tous des partis
fédéraux, et sur la scène provinciale des groupes que l'on
connaît se soient entendus pour s'engager sans dire sur quoi ils
s'engageaient. Cela tombe donc sous le sens que, s'il y a eu des engagements
vagues, ils ne pouvaient être présents ou davantage précis
que dans l'esprit d'un certain nombre de personnes. Et, nous contestons, M. le
Président, le plus fortement possible la notion selon laquelle l'adresse
conjointe et le projet de rapatriement de la constitution, avec tous les
éléments qu'il comporte et, particulièrement, étant
donné son caractère unilatéral, représentent
l'exécution d'un engagement quelconque du comité du non. C'est
absolument faux. Nous l'avons dit à tous ceux qui nous ont directement
posé la question.
Je termine là-dessus, M. le Président. Ce qu'il faut
retenir de tout cela, c'est qu'après le 20 mai et devant la
décision du gouvernement du Québec de ne pas provoquer
d'élections générales - ce qui eut été
logique dans les circonstances - devant la décision également du
Parti québécois de maintenir son engagement envers la
souveraineté, la cible était décidément trop belle
pour un gouvernement central qui a les objectifs que l'on connaît, depuis
toujours, elle était irrésistible. C'est le Parti
québécois, le gouvernement qui a attiré sur lui-même
et sur le Québec une initiative qui pousse l'ensemble du Canada et le
Québec lui-même, bien entendu, dans une situation regrettable.
Mais je vois mal un membre du gouvernement, qui est solidaire de cette
décision de prolonger l'impasse, de prolonger l'ambiguïté au
niveau du gouvernement, de s'offrir en cible si tentante à toutes les
tentatives de putsch et de coup de force, venir s'en plaindre maintenant et
venir dire que si on le viole, c'est parce qu'il y a de méchantes
personnes qui ne peuvent résister à la tentation qu'il a lui
même créée.
Si le gouvernement du Québec et le Québec lui-même
se sentent violés par la
façon dont la constitution est en train d'être
modifiée, il faut bien dire que, dans ce cas, on est en face d'un viol
avec un demi-consentement, parce que l'occasion qui a été
créée par le désir de se maintenir au pouvoir
était, encore une fois, une tentation irrésistible pour un
gouvernement central. Le premier ministre, le ministre des Affaires
intergouvernementales auraient dû s'en douter et ils auraient dû
mettre en avant les intérêts du Québec, plutôt que
les intérêts de leur propre parti.
M. le Président, j'ai bien des questions qui se dégagent
de cela, mais peut-être que la seule qui est véritablement
pertinente dans tout ceci, c'est de demander à nos invités si,
quand ils parlent des promesses littérales - enfin, je ne sais pas ce
qu'on veut dire par "promesses littérales" - de ceux qui nous ont
trahis, ils visent essentiellement cette déclaration du premier ministre
fédéral au moment de la campagne électorale ou s'ils ont
à l'idée des choses beaucoup plus précises qu'ils
pourraient citer?
Le Président (M. Jolivet): À vous, messieurs.
M. Morin (Louis-Hébert): Si vous avez une réponse,
tout à l'heure, j'aurai un commentaire supplémentaire. Je pense
que cela va être intéressant.
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le ministre.
M. Auger: Est-ce à mon tour?
Le Président (M. Jolivet): Oui, c'est à votre
tour.
M. Auger: Je voudrais d'abord dire que notre intervention est
loin d'être partisane. Au contraire, elle reconnaît la
décision du 20 mai des Québécois qui n'étaient pas
tout à fait prêts à se donner un pays, mais qui n'ont pas
renoncé non plus au Québec dans le Canada et au choix d'un
fédéralisme extrêmement centralisateur. Tout ce qu'on
souhaite, c'est que nos droits acquis de Canadiens français ne soient
jamais amoindris d'aucune façon.
Quant aux promesses dont il est fait mention, c'est tout simplement
l'engagement à renouveler un cadre constitutionnel, mais dans le respect
de ce qui s'est déjà fait, puis dans le respect de ce qui est
présent. Ce n'est pas cela qui se passe dans le moment. On laisse tomber
la tradition nationaliste, on laisse tomber la tradition de deux pays
fondateurs - parce que c'est toujours le gros mot qu'on emploie - de deux pays
égaux. On laisse tomber la tradition de deux pays égaux, de deux
cultures à épanouir pour y aller dans un pays centralisé.
Or, je pense que c'était l'engagement de le faire dans le cadre
habituel, dans le cadre traditionnel. C'est ce qu'on ne fait pas.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bellechasse.
M. Bréard: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose au
sujet de l'intervention du député de Saint-Laurent?
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Bréard: Concernant son interprétation de ce que
nous avons écrit dans le mémoire, je pense qu'il y a une
confusion qui tient du fait que, lorsqu'on appuie quelqu'un dans sa
démarche, l'on doit essentiellement partager ce qu'il dit. Je pense que
le regroupement du non, durant la campagne référendaire, a
regroupé le chef libéral fédéral qui,
évidemment, parlait peut-être en son nom propre ou en sa
qualité de chef du Parti libéral fédéral, mais qui
a quand même pris des engagements en son nom et qui devait être
cautionné ou appuyé par les gens qui partageaient sa tribune ou
qui étaient assis à côté de lui, au forum ou
ailleurs, pendant la campagne référendaire.
La grande ambiguïté vient du fait que le Parti
libéral du Québec a clairement exprimé, par la voix de M.
Forget, que le livre beige ou ses propositions constitutionnelles n'ont pa3
fait référence à la campagne référendaire.
Je suis parfaitement du même avis. Je pense qu'il n'y a personne pendant
la campagne référendaire qui a pris des engagements
précis, mais il y en a un qui a dit textuellement qu'il s'engageait
à respecter les aspirations légitimes du Québec et que ce
n'est pas dans l'indépendance que cela va se réaliser, mais c'est
dans le Canada. Il mettait sa tête sur le billot lors de la campagne
électorale qui a suivi, mais il a quand même ajouté la
notion que ces droits individuels - on se rappelle du grand thème des
droits individuels - il a fini par ajouter, après douze ans de pouvoir,
la notion de droit collectif. Cela devait quand même finir par s'exprimer
par un cadre qui était collectif et qui respectait la constitution du
Québec ou ce qu'il représentait.
Je pense qu'il y a deux niveaux. M. Forget défend la position du
Parti libéral du Québec et il se défend de dire que, s'il
y a d'autres personnes dans le camp du non qui ont pris des engagements, cela
regarde le comité du non. Vous avez aussi exprimé le fait que le
Parti québécois et le gouvernement qui en est directement issu
est à l'origine de la crise constitutionnelle. Je pense
évidemment que le Parti québécois et les
Québécois en général ont toujours assumé un
leadership au niveau de la défense des droits des provinces à
l'intérieur du Canada,
mais qu'aujourd'hui, on ne peut pas vraiment taxer le Parti
québécois d'être à l'oriqine de la crise canadienne,
parce qu'on a toujours considéré les Québécois
comme des sempiternelles questionneurs, des quémandeurs, qui n'avaient
pas de crédibilité. Cela change de sens quand il y a une province
qui est Terre-Neuve, quand il y a un premier ministre qui est conservateur en
Alberta, quand il y a un premier ministre qui s'appelle Bennett en
Colombie-Britannique, et un autre qui s'appelle Lyon au Manitoba, ou d'autres
en Saskatchewan qui partagent la même objection que celle du Parti
québécois, au nom de tous les Québécois et d'une
partie des Canadiens.
Je pense que le Parti québécois a été un
acteur important au niveau du gouvernement du Québec dans la crise, mais
qu'aujourd'hui, on ne peut pas accuser le gouvernement du Québec
d'être le seul responsable de la crise canadienne. Il est peut-être
celui qui se comporte avec le plus de cohérence, avec le plus
d'affirmation, mais il n'est sûrement pas le seul responsable. Je dis que
la promesse qui a été faite le 20 mai ou dans les semaines
précédentes par le premier ministre Trudeau - vous étiez
d'ailleurs sur la même tribune assez souvent - a été faite
dans le cadre du comité du non, mais, si vous n'étiez pas
d'accord avec ces engagements, c'est à ce moment qu'il fallait le dire.
Je suis bien content de dire une chose, c'est qu'on n'a pas discuté le
20 mai dernier des perspectives de renouvellement du fédéralisme
canadien. On ne doit pas tirer de l'élection du 18 février le
mandat de modifier la constitution, parce que, si on n'en a pas parlé,
on n'a pas le droit de dire aujourd'hui qu'on en a parlé et qu'on a le
mandat de le faire.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Juste deux remarques, M. le
Président. Tout à l'heure, le député de
Saint-Laurent a fait une évocation historique, mais il a oublié
un seul fait. Dans son évocation historique, il a dit que c'est parce
qu'il n'y a pas eu d'élection au Québec qu'en somme est
arrivé le cpup de force fédéral. Je voudrais simplement
lui dire que le référendum a eu lieu le 20 mai, le
résultat a été connu à 21 heures à peu
près, et le lendemain, à 12 h 20, le 21 mai, M. Chrétien
appelait à mon bureau pour commencer tout de suite la ronde de
négociations que vous connaissez, qui s'est produite l'été
dernier. Par conséquent, cela n'a rien à voir avec l'absence ou
la présence d'élection. C'était une démarche qui
s'est faite immédiatement après le référendum et,
par conséquent, ce n'est pas venu parce qu'il n'y a pas eu
d'élections. De toute façon, vous demandez un peu moins
d'élections maintenant que vous en demandiez aux mois d'octobre et
novembre derniers et je me demande pourquoi.
Deuxièmement, il y a une chose importante qui vient d'être
dite et que je vais déduire du commentaire du député de
Saint-Laurent. Ce qu'il a dit à la suite de ce que l'intervenant vient
de dire, c'est, au fond, ce qu'Ottawa est en train de faire maintenant, c'est
sa responsabilité et cela n'est pas conforme à ce que le non
aurait voulu dire. C'est ce que j'ai compris. C'est quelque chose qui est une
interprétation qu'Ottawa fait du résultat
référendaire qui, selon le député de Saint-Laurent,
n'est que la responsabilité fédérale et, par
conséquent, j'en déduis qu'elle n'est pas conforme à son
opinion à lui. Très bien. Je suppose aussi que le
député de Saint-Laurent veut le fédéralisme
renouvelé. Il nous a même parlé du livre beige sauf
qu'actuellement je pense que, de ce livre beige, il en est assez peu
question.
Mais ce que je retiens - il faut quand même être logique
dans cela - c'est ce que son intervention veut dire. C'est qu'à Ottawa
actuellement, tant qu'ils seront là et surtout à cause de leur
comportement et de leur geste, cette équipe, ce groupe ne veut pas
renouveler le fédéralisme, ne veut pas de
fédéralisme renouvelé. Si ce groupe ne veut pas de
fédéralisme renouvelé, on peut présumer qu'ils n'en
voudront pas tant qu'ils seront là - cela peut prendre un certain temps,
l'élection a eu lieu il y a un an; ils ont un mandat normal de cinq ans
- cela signifie donc que, dans l'immédiat, le choix qui s'impose aux
Québécois, ce n'est pas de chercher qui peut le mieux
actuellement renouveler le fédéralisme puisqu'il n'en est pas
question et c'est un objectif qui est rejeté par les
fédéraux. Il s'agit donc plutôt de choisir non pas qui peut
mieux renouveler le fédéralisme, question vide
présentement, mais de choisir qui est le plus fiable
économiquement, socialement, culturellement pour défendre et
promouvoir les droits et les intérêts des
Québécois.
La vieille question de savoir qui peut mieux renouveler le
fédéralisme est une question qui est maintenant vide à
cause du comportement de vos alliés du 20 mai dernier. Ce sont
eux-mêmes qui nous disent, par leur geste, par leur détournement
de référendum, par leur duplicité, par leur manipulation
de l'été dernier, par leur tordage de bras - une province va
s'ajouter aujourd'hui vraisemblablement au groupe des six qui refusent - et qui
nous démontrent que ce qu'ils recherchent, c'est un encadrement rigide
du Québec qui est tout à fait le contraire d'un
fédéralisme renouvelé. Dans les conditions actuelles,
venir nous dire que ce qu'il faut faire, c'est choisir celui qui pourrait, au
Québec, mieux promouvoir le
fédéralisme renouvelé, c'est poser une question qui
ne se pose pas puisque ce n'est pas cela qu'on trouve de l'autre
côté, à Ottawa. On ne trouve personne qui veut
négocier un fédéralisme renouvelé. Par
conséquent, la question qui se pose aux Québécois, c'est
de chercher qui est le plus fiable globalement, qui est le plus sûr
globalement, avec qui les Québécois prennent moins de chance, qui
est le moins compromis dans des aventures comme celles qu'on a connues. C'est
cela le choix qui se pose aux Québécois parce que c'est
vous-même et vos alliés du mois de mai dernier...
Le seul qui ait pris une précaution, c'est le chef de l'Union
Nationale, à l'époque. Il a dit: Moi, je pense qu'il n'y a pas de
garanties suffisantes qui sont données. Vous n'avez pas demandé
ces garanties-là; ou vous avez été complices parce que
vous saviez ce qu'ils voulaient faire ou vous avez été naïfs
parce que vous avez cru qu'ils voulaient un fédéralisme
renouvelé; vous êtes un ou l'autre. Je ne le sais pas, c'est
à vous de nous déterminer si vous avez été
naïfs ou complices, mais il reste, néanmoins, qu'à des
moments donnés dans la politique il faut avoir un peu de logique. Or, le
fédéralisme renouvelé à Ottawa, actuellement, ce
n'est plus une option. Ils sont en train de nous le démontrer tous les
jours et, pour le démontrer, ils utilisent même
systématiquement le mensonge et vous-même le reconnaissez. On a
entendu dire, encore hier ou avant-hier, par un ministre fédéral,
qu'ils agissent unilatéralement à Ottawa pour correspondre
à la promesse qu'ils ont faite aux Québécois. Cela n'a
jamais été dit. Cela n'a jamais été
mentionné dans aucun discours. Je ne trouve rien nulle part dans tous
les services de recherche du gouvernement, du parti et de la population que
quiconque ait dit, dans le camp du non: Si vous dites non, on va aller
rapatrier la constitution et on va trouver une bonne formule d'amendement et,
si cela ne fonctionne pas, on va faire cela unilatéralement. Cela n'a
jamais été mentionné. C'est exactement ce qu'ils font. Ils
n'ont jamais dit, à ce moment-là, qu'ils attaqueraient la loi no
101 du Québec. Ils n'ont jamais dit qu'ils laisseraient les francophones
en dehors du Québec à leur sort parce que c'est cela qu'ils font
actuellement. Je pense que c'est cela que nous démontre la
réalité des derniers temps et c'est un événement
politique, une situation politique que les Québécois commencent
très sérieusement à apprécier. Je pense
moi-même, en tout cas, que cette conclusion m'a l'air la seule que la
logique indique et la seule aussi que le bon sens indique. (11 h 30)
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bellechasse.
M. Bréard: Est-ce que je pourrais ajouter un bref
commentaire à la suite des deux propos?
Le Président (M. Jolivet): Juste un moment. Par
l'intervention du député de Bellechasse, vous aurez
peut-être l'occasion de revenir.
M. Bréard: Je pense que cela s'adresse un peu...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent a l'intention de revenir ensuite.
M. Bréard: D'accord?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: Oui, rapidement, M. le Président, je voudrais
dire à M. Auger et à son collègue que, quant à moi,
je ne sens pas, au nom de l'Union Nationale, le besoin d'expliquer nos
positions du 20 mai et celles d'aujourd'hui. Je pense qu'elles ont toujours
été claires. Quant à nous, c'est vrai que, quand les
Québécois ont voté le 20 mai, ils disaient oui à un
fédéralisme renouvelé et renouvelé en profondeur.
Quant à nous, nous avions fait connaître ce que c'était, le
fédéralisme renouvelé en profondeur. Quant à nous,
il est encore vrai que, lorsque les Québécois ont voté non
le 20 mai, ils n'ont pas renoncé au Québec. C'est vrai. C'est
vrai qu'ils ont choisi de poursuivre l'expérience canadienne. Mais le
Québec disait oui à un contrat renouvelé vraiment en
profondeur, renouvelé avec les partenaires des autres provinces et
d'autres niveaux de gouvernement, à un contrat "qui sache
répondre, comme vous le dites, à ses aspirations
particulières de son intégrité intellectuelle - c'est ce
à quoi on s'engageait - et d'une constitution qui sache traduire, comme
vous le dites, en termes explicites la dualité culturelle de l'ensemble
des Canadiens."
Quant à nous, en partageant la tribune, comme vous le dites, en
étant obligés de travailler sous un comité-parapluie qui
nous était imposé, c'est l'engagement que les
députés, les représentants de notre formation politique
ont demandé aux autres interlocuteurs de prendre et c'est ce que,
justement, M. LeMoignan, lorsqu'il avait demandé des engagements formels
de la part de M. Trudeau, voulait dire. Le 20 mai, c'est vrai que les
Québécois ont décidé de poursuivre
l'expérience canadienne de demeurer dans le système, mais un
système renouvelé, comme vous le dites, non pas imposé
comme ça se passe actuellement.
Maintenant, vous dites qu'il y a eu un manque de cohérence
à un moment donné
dans différents groupes, des mauvaises interprétations ou
des propos mal placés. Je pense qu'il y en a eu dans les deux camps.
J'ai, moi aussi, vécu la campagne et, justement, je ne veux
défendre ni l'un, ni l'autre, mais ce que le député de
Saint-Laurent disait tout à l'heure, c'est vrai; à un moment
donné, on parlait de mandat, on parlait de
souveraineté-association et on parlait d'indépendance,
dépendant des tribunes dont on pouvait se servir, dont on pouvait se
prévaloir. De l'autre côté, il est fort probable aussi que
des gens ont eu des propos différents dépendant des tribunes
qu'ils avaient. Quant à nous, nos propos ont toujours été
les mêmes: Les Québécois voulaient un
fédéralisme renouvelé en profondeur. C'est ce à
quoi, je pense, le premier ministre du Canada s'était engagé
lorsqu'il avait mis sa tête sur le billot.
Ceci dit, M. le Président, je voudrais juste poser une question
à nos invités. Lorsque vous parlez du mot nation, pourriez-vous
me donner la définition la plus succincte possible que vous en faites?
C'est quoi, une nation?
M. Auger: Une nation - évidemment, il y a deux volets
à cela - c'est une population qui vit sur un territoire donné,
avec une langue, une intégrité culturelle, qui a une culture
propre, des artistes. Cela se traduit de cette façon une nation. Chez
nous, par exemple, on a deux nationalismes au Canada: le nationalisme des
Canadiens français qui croient à diverses minorités
capables de survivre au sein d'un grand ensemble et le nationalisme des
Québécois qui veulent, eux, un pays souverain qui pourrait
pactiser ou, enfin, qui pourrait s'associer et supporter ces minorités
francophones ailleurs au Canada. Or, on a une seule nation française
avec une histoire commune, une langue commune, des artistes et une culture en
fait, mais on a deux nationalismes, un en fonction des minorités et
l'autre en fonction d'une majorité soutenant ces minorités. C'est
la définition.
M. Bréard: Je voudrais ajouter, à la réponse
de mon collègue qu'il faut vraiment interpréter le concept de
nation distinctement du concept de souveraineté. Une nation ne doit pas
être nécessairement souveraine. Une nation, c'est une population
qui partage un territoire, une culture, un système politique, un
système économique et des valeurs qui conçoivent
s'exprimer dans l'avenir. Or, je pense que la nation québécoise,
c'est un concept indiscutable de la part des gens. Le débat qui s'est
produit le 20 mai, c'est le débat sur la souveraineté. Est-ce que
les aspirations légitimes de la nation québécoise sont
mieux protégées dans le système actuel ou en
accédant à sa souveraineté politique? Or, la nation, c'est
le concept sociologique et la souveraineté, c'est le concept
juridique.
M. Goulet: M. le Président, vous avez touché
exactement le point, à moins que je n'aie mal compris. Je pense que vous
venez de dire qu'une nation n'est pas nécessairement souveraine. Dans
votre mémoire, vous dites, noir sur blanc - c'est justement
l'explication que je voulais - "Quel que soit le type de contrat, le
Québec doit être et demeurer une nation souveraine." Vous venez,
je pense, de dire exactement le contraire.
M. Bréard: Le mot "souveraineté", dans le sens
où il est interprété là, c'est dans le sens
où elle doit avoir la maîtrise de son intégrité,
parce qu'on ne peut pas déléguer des pouvoirs qui menaceraient
notre intégrité à d'autres paliers de gouvernement. On
dit: On peut s'associer politiquement et juridiquement à d'autres
partenaires dans un fédéralisme, dans une
confédération, mais sans jamais perdre le contrôle sur
notre intégrité, sans jamais qu'on puisse nous menacer sans qu'on
puisse intervenir.
Or, je pense que, dans la structure du Canada, on a toujours
partagé cette position fondamentale. Il existe une nation
québécoise qui peut s'épanouir dans le
fédéralisme canadien, conformément à son
intégrité et à ses aspirations. Cela a été
repris le 20 mai dernier. C'est dans ce sens-là que les
Québécois ont dit: On peut continuer à partager
l'expérience canadienne, parce qu'on nous garantit que notre
intégrité comme peuple ne sera pas menacée.
Ce qu'on essaie de faire aujourd'hui, c'est d'interpréter cela
pour nous extirper les moyens de protéger notre intégrité
comme peuple, en transférant le concept de nation à un
régionalisme ethnique qui partagerait une nation qui est encore plus
grande, c'est-à-dire nous diluer dans une nation canadienne, et c'est ce
que, comme concept, on refuse d'accepter.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Oui, M. le Président, en espérant que
vous serez aussi large pour moi que vous l'avez été pour le
ministre qui est revenu une deuxième fois pour, en quelque sorte, me
donner la réplique. Je ne veux pas être long, mais j'aimerais
quand même apporter des précisions, avec votre permission,
à certaines affirmations qui ont été faites.
Le ministre des Affaires intergouvernementales pose d'abord une question
rhétorique, dans un certain sens, en disant: Pourquoi ne vous
êtes-vous pas désolidarisé des affirmations ou des
"engagements" que M. Trudeau a pris très
peu de temps avant la date du référendum?
Je peux comprendre évidemment que, du côté du Parti
québécois, on se serait fort réjoui de la perspective de
voir le Parti libéral du Québec et le Parti libéral du
Canada s'absenter pendant un mois de la campagne référendaire
pour aller négocier ensemble une nouvelle constitution. Cela aurait
été bien commode, parce que cela aurait permis d'occuper seul
toute la scène de la campagne référendaire et on doit se
rendre compte qu'on l'aurait fait pour la seule raison que le gouvernement nous
avait imposé, par une loi, l'obligation de faire vie commune sous un
parapluie référendaire. Même si on était
tombé dans ce panneau assez grossier, il demeure que le gouvernement
fédéral, le Parti libéral fédéral aurait
très bien pu nous dire que c'était un peu prématuré
pour une telle négociation, qu'il faudrait d'abord se faire élire
comme gouvernement du Québec avant de prétendre négocier
avec lui une nouvelle constitution. Je pense que ce genre de tentative
naïve aurait échoué très rapidement.
Un autre aspect, c'est que, dans la mesure où l'engagement de M.
Trudeau était vague, il y avait bien peu de choses auxquelles on pouvait
s'opposer. Il était vague, son engagement, mais notre position à
nous était claire. Il avait dit, très explicitement et
publiquement, qu'il considérait notre position comme étant une
base valable de négociation. Que pouvons-nous demander de plus puisque,
lors d'une élection éventuelle, il fallait s'attendre que ces
deux formations politiques se retrouvent à des côtés
opposés d'une table de négociation? Pouvons-nous nous attendre
que, encore une fois, la négociation constitutionnelle se fasse entre
deux partis politiques plutôt qu'entre deux gouvernements? C'est
évidemment impossible. C'est la raison pour laquelle on n'a rien
dénoncé, puisqu'il n'y avait rien à dénoncer et ce
que nous savions, c'était que notre proposition semblait être une
base acceptable de négociation. D'autre part, les projets
fédéraux, dans la mesure où ils étaient connus,
concordaient assez bien, dans leurs grandes lignes, avec nos propres ambitions
constitutionnelles. Je cite en particulier "l'inscription dans la constitution
d'une charte des droits et libertés de la personne, y compris les droits
linguistiques puisque ce sont des propositions que nous retrouvons
également dans le livre beige. On ne pouvait pas savoir, à ce
moment-là, quel serait le contenu de l'adresse conjointe qui a
été déposée seulement en septembre ou en octobre au
Parlement canadien. D'ailleurs, ce qui est remarquable, c'est que le
gouvernement du Québec, après le référendum et
lorsqu'il a été saisi des deux sujets de négociation, n'a
pas procédé lui non plus à une dénonciation
générale du projet fédéral. Il a accepté,
pendant trois mois, de négocier, soi-disant de bonne foi, les
propositions fédérales. Pourquoi, au moins après le
référendum, ne les a-t-il pas dénoncées s'il croit
qu'on devait les dénoncer avant même de les connaître, avant
même le référendum?
Je pense, M. le Président, que c'est un faux dilemme dans lequel
le ministre des Affaires intergouvernementales essaie d'enfermer ses
adversaires et il est bien évident que sa conclusion, c'est que le
meilleur parti qui doit être élu aux prochaines élections,
c'est le Parti québécois et tout le raisonnement...
M. Morin (Louis-Hébert): On ne peut rien vous cacher.
M. de Bellefeuille: II a compris.
M. Forget: ...qu'il a fait n'a aucune autre vraisemblance. Il est
seulement justifié par le désir ardent qu'il a de se trouver une
cause à défendre. Il n'empêche que, s'il y avait eu des
élections l'été dernier ou au début de l'automne,
il sait très bien, en dépit du calendrier des voyages de M.
Chrétien, que le processus en question aurait dû être
stoppé. Il n'y a pas de précédent qu'une
négociation fédérale-provinciale se continue lorsqu'une
province décide - et c'est toujours son droit- d'aller en
élections générales. C'était le moyen par
excellence, justement, de faire poser la vraie question aux électeurs du
Québec, de leur demander de choisir qui devrait être leur
interlocuteur et de donner une occasion aux électeurs du Québec
de décider cette fois si, effectivement, les engagements précis
que le Parti libéral a consignés dans son livre beige devaient
avoir l'appui de la population. C'est une occasion que le gouvernement a
manquée, encore une fois, parce qu'il avait d'autres objectifs, les
objectifs de se maintenir au pouvoir; mais ce serait faire une injure à
l'intelligence que d'affirmer maintenant que cette opportunité, il ne
l'a pas eue. Il a décidé de ne pas s'en prévaloir et c'est
un jugement que n'importe qui peut poser.
Le Président (M. Jolivet): En terminant, justement,
puisque le temps...
M. Bréard: Deux minutes?
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Bréard: En terminant, je voudrais demander à M.
Forget... Et je partage son opinion selon laquelle le comité-parapluie
du référendum qui a été imposé par le
gouvernement pour des raisons qui sont, en tout cas, partageables les a
empêchés de se distinguer et de s'affirmer comme parti
distinctif avec un programme. Aujourd'hui, le parapluie n'existe plus.
Or, on aimerait savoir en quoi il se distingue du Parti libéral
fédéral puisqu'il n'y a rien qui vous empêche de le faire.
Aujourd'hui, le train est en train de passer. Il ne faudrait peut-être
pas, avant qu'il ne soit passé, dans quatre mois, dire: Dans ce
temps-là, on n'était peut-être pas d'accord. Il faudrait
peut-être dire aujourd'hui sur quoi vous n'êtes pas d'accord et
faire une campagne systématique avec les Québécois.
Ce qu'on demande au Parti libéral du Québec, c'est un
engagement résolu en faveur de l'intégrité des
Québécois sur le plan culturel et linguistique. La charte des
droits et libertés de la personne, ce n'est pas vraiment un cadeau,
parce que, dans tous les pays du monde, cela a été gagné
par des luttes. Aujourd'hui, je me méfie de ceux qui viennent m'imposer
le respect de mes droits et libertés. Je me méfie surtout quand
ils m'imposent à moi de respecter la liberté d'un individu sur le
territoire, mais qu'à côté, en Ontario, ils n'imposent pas
la même règle de jeu. Je me méfie beaucoup de
ça.
M. Forget: J'ai des nouvelles pour vous. Au sujet de
l'engagement, on n'a pas attendu les invitations du gouvernement ni d'un groupe
quelconque. Dès le lendemain où le contenu véritable de la
proposition fédérale a été connu, après
délibération à l'intérieur d'un groupe
constitutionnel du Parti libéral, dès le 3 octobre et avant
même que le gouvernement ne réagisse officiellement, nous avons
déclaré notre opposition absolue à un rapatriement et
à une formule d'amendement imposés unilatéralement de
même qu'à toute autre modification constitutionnelle
imposée unilatéralement. Nous avons souligné à
cette occasion que, dans l'esprit de la chose, une charte des droits, quant
à nous, est acceptable, mais pas nécessairement dans tous les
détails de cette charte des droits linguistiques. Mais admettre de
discuter du contenu, alors qu'on s'oppose au principe même d'un
amendement unilatéral, à mon avis, c'est introduire la confusion
dans les esprits. C'est la raison pour laquelle nous nous y sommes
opposés et nous continuons de nous opposer à un rapatriement
unilatéral, non pas en refusant de discuter du contenu, mais en ne
voulant pas introduire de la confusion dans les esprits, parce que c'est bien
clair qu'à partir du moment où on accepte de discuter du contenu,
le gouvernement fédéral peut dire: Puisque vous acceptez de
discuter du contenu, c'est donc que vous acceptez qu'on puisse le faire
unilatéralement.
Je pense qu'à ce point de vue, on doit ménager, encore une
fois, les étapes, ne pas confondre les deux questions. C'est la raison
de notre opposition, c'est pour ce motif qu'on l'a fait porter essentiellement
sur le caractère unilatéral. C'est plus que la forme, c'est
essentiel au fédéralisme que des changements ne soient
apportés que par le concours de toutes les parties prenantes dans le
fédéralisme, et cela inclut toutes les provinces. Et une fois que
ce principe sera admis, on pourra discuter du fond de chacune des dispositions
précises. Mais si on n'accepte plus la règle fondamentale du
fédéralisme, évidemment, c'est une perte de temps pour
nous, comme parlementaires provinciaux, d'exprimer telle opinion sur telle
disposition précise, puisque, par définition, nous perdons voix
au chapitre. (11 h 45)
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: M. le Président, il y a une question que
j'aimerais poser au député de Saint-Laurent, au Parti
libéral du Québec, si j'étais témoin à cette
barre. Le député de Saint-Laurent vient de nous dire: On a
été probablement les premiers à prendre position
très fermement sur cette question, soit le 3 octobre, dès le
lendemain de l'annonce par le premier ministre Trudeau de son intention de
rapatrier unilatéralement la constitution. Mais la question n'est pas
là. La question est de savoir quels sont les efforts que le Parti
libéral du Québec est prêt à déployer avec
énergie pour s'assurer qu'au Parlement fédéral une telle
résolution ne soit pas adoptée.
Et moi j'aimerais poser la question au Parti libéral du
Québec. Je remarque ces jours-ci, et aujourd'hui-même, qu'il y a
quatre députés néo-démocrates, tous provenant de la
Saskatchewan, et probablement en cela voulant refléter l'opinion que
demain le premier ministre de la Saskatchewan va exprimer au nom de sa
province, qui, courageusement - M. Nystrom a dit que cela a été
peut-être la décision la plus difficile de sa carrière -
ont décidé de prendre position contre le projet de
résolution de M. Trudeau à la Chambre des communes, malgré
l'appui très ferme que M. Broadbent a donné en ce sens. En cela,
ils veulent se faire peut-être à la fois défenseurs de
principes auxquels ils croient profondément, à savoir qu'à
leur avis ce projet ne respecte pas l'esprit même du
fédéralisme, mais aussi, probablement, ils veulent faire la
démonstration que leur province et le premier ministre qui est
représentant du même parti politique au niveau provincial ont le
sentiment que ce projet porte atteinte aux besoins et aux aspirations de cette
province.
Vous, du Parti libéral du Québec, étiez sur les
mêmes tribunes que des députés libéraux
fédéraux; vous reconnaissez publiquement que les militants qui
travaillent au sein du Parti libéral du Canada, section Québec,
et du Parti libéral provincial
québécois sont très souvent les mêmes
militants, les mêmes organisateurs - et vous ne vous cachez pas pour
développer des affinités et des amitiés
particulières avec ces députés libéraux
fédéraux qu'on voit à vos congrès, et vous
êtes aux leurs, etc. Au niveau des moyens et de l'énergie
déployée pour empêcher que ce coup de force se
réalise, comment se fait-il que vous ne soyez pas parvenus, depuis le 2
octobre dernier, à faire quelque brèche que ce soit dans cette
presque unanimité libérale de gens qui sont censés
être les défenseurs des droits et des intérêts du
Québec comme représentants des Québécois à
la Chambre des communes? Comment se fait-il que vous ne soyez arrivés
à aucun résultat, alors qu'on remarque aujourd'hui que quatre
députés néo-démocrates viennent d'établir,
avec probablement l'appui du premier ministre de la Saskatchewan, M. Blakeney,
qu'ils vont s'opposer à ce coup de force? Comment se fait-il que,
militants d'une même formation politique, vous disant partager
finalement, sur le plan du contenu, relativement à la Charte des droits,
les opinions qui sont celles de ces députés
fédéraux, vous ne soyez pas capables de les amener à la
raison, capables de leur faire prendre conscience des graves dangers qu'ils
font courir au Québec et capables d'amener plus qu'un
député, comme Louis Duclos, à se prononcer contre ce
projet de rapatriement unilatéral? Ce sont vos amis, ce sont vos
alliés, ce sont les gens avec qui vous avez fait la bataille
référendaire.
Je me pose la question et je suis convaincu que bien des
Québécois se la posent. Comment se fait-il que des gens qui
partagent les mêmes avis au moment du référendum ne soient
pas capables, quelques mois après, de se comprendre entre eux et de
faire comprendre que le sens du référendum, ce n'est pas ce
qu'ils sont en train de faire? Je n'y comprends rien. Je ne suis pas le seul.
Et j'aimerais bien cela qu'au-delà des mots et des phrases que vous
prononcez pour dire que vous êtes contre vous nous disiez en quoi vous
êtes arrivés, depuis six mois, à ébranler le bloc de
députés libéraux qui siègent à Ottawa et qui
ne semblent rien comprendre à ce qui se passe ici au Québec.
Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole
à qui que ce soit, j'aimerais vous dire que le temps pour l'étude
de ce mémoire est écoulé. Je vais quand même
permettre une conclusion, de part et d'autre. Si vous voulez commencer,
allez.
M. Auger: J'aurais une question.
Le Président (M. Jolivet): Le plus rapidement
possible.
M. Auger: J'aimerais demander au gouvernement ce qu'il entend
faire vis-à-vis du droit à l'autodétermination, de quelle
façon il le réclamera. Est-ce que l'Assemblée nationale le
proclamera? Et surtout l'Opposition, finalement, l'appuiera-t-elle
unanimement?
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Je pense que vous allez en
entendre parler très prochainement, pas rien que de cela. Quant à
la réponse que pourrait donner à ce genre de proposition
l'Opposition libérale, je lui laisserai, à ce moment-là ou
peut-être maintenant, le soin d'y répondre.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
Une voix: Ils vont être pour et contre, comme
d'habitude.
M. Forget: M. le Président, évidemment, je ne sais
pas à quoi exactement le ministre fait allusion. Alors, c'est difficile
de réagir dans le vague à une allusion comme celle-là,
mais on verra, en temps et lieu, quelle réaction nous apporterons. Je
fais simplement référence à des déclarations
antérieures nombreuses de notre côté. S'il s'agit
simplement de chercher à fabriquer une unanimité sur un droit
à la sécession et sur son inscription dans une constitution
canadienne, on sait très bien que le Parti libéral du
Québec va s'y opposer.
En deux secondes, j'aimerais relever la remarque du député
de Vanier qui affirmait qu'il ne comprenait pas pourquoi les
députés fédéraux libéraux n'avaient pas
été entraînés à exprimer leur dissidence par
le Parti libéral du Québec, contrairement aux
députés néo-démocrates. Je pense qu'il avait raison
de dire qu'il ne comprenait pas. Mais ce n'est pas seulement cela qu'il ne
comprend pas; il ne comprend pas que, dans le cas du Nouveau parti
démocratique, il s'agit essentiellement du même parti,
fédéral et provincial. Dans le cas du Parti libéral, il
peut observer qu'il s'agit de deux partis qui sont distincts, qui n'ont pas
d'interpénétration au niveau de leurs structures, ni au niveau de
leurs orientations politiques. Ce n'est qu'une famille d'esprit, le Parti
libéral.
Je ferai observer que, dans les rangs du Parti libéral du
Québec, comme c'est vrai vice versa, il y a énormément de
membres qui ne sont pas membres de l'autre parti. Il n'a qu'à regarder
les chiffres. Il y a moins de 100,000 personnes qui sont membres du Parti
libéral du Canada. Il y en a 240,000, pour son information, qui sont
membres du
Parti libéral du Québec.
M. Bertrand: II y en a 100,000 qui sont membres des deux.
M. Forget: II y en a 100,000 qui sont membres des deux.
Une voix: Voilà!
M. Forget: Mais dans les structures et les orientations - il
devrait le savoir; s'il ne le sait pas, il est peut-être bon qu'il
l'apprenne maintenant - il n'y a pas d'interpénétration. Nous
avons une autonomie complète qu'évidemment nous reconnaissons
également à nos collègues fédéraux.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bellechasse va tirer sa conclusion.
M. Goulet: Rapidement, M. le Président. Nos invités
ont formulé une question aux membres de la commission. Quant à
moi, je peux répondre que l'Union Nationale voterait pour le principe
d'un projet de loi qui proclamerait le droit à
l'autodétermination du Québec. Je ne sais pas si cela
répond à votre question directement.
Le Président (M. Jolivet): Merci. J'inviterais M. Guy
Trépanier à s'avancer, en disant que le prochain intervenant sera
l'Association québécoise pour l'application du droit à
l'exemption de l'enseignement religieux, qui est arrivée.
Dépendant du temps, cela veut dire d'ici la fin des travaux pour ce
matin ou après le dîner.
M. Morin (Louis-Hébert): Je pense qu'on va être
capable de les passer avant le dîner.
Le Président (M. Jolivet): M. Trépanier, vous avez
la parole.
M. Trépanier (Guy): Merci.
Le Président (M. Jolivet): C'est le numéro 34.
M. Guy Trépanier
M. Trépanier: Au début, je me présente. Je
suis un ex-enseignant. Je suis présentement en révision
personnelle et volontaire de carrière. Mes lettres de noblesse, si on
peut parler ainsi, sont les suivantes: je suis bachelier du Collège des
Jésuites, licencié en histoire.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, juste un
instant.
M. Trépanier: On ne m'entend pas?
Le Président (M. Jolivet): On a de la difficulté
à vous entendre. Je ne sais pas si votre micro est assez près.
Approchez-le, s'il vous plaît.
M. Trépanier: On n'a rien entendu, je suppose. Je suis un
ex-enseignant. Je suis présentement en révision personnelle et
volontaire de carrière. Mes lettres de noblesse, si on peut parler
ainsi, sont les suivantes: je suis bachelier du Collège des
Jésuites, licencié en histoire et diplômé en
pédagogie de l'Université Laval.
Avant de faire la lecture de mon texte, je voudrais apporter deux ou
trois petites corrections. À la page 1, à l'avant-dernier
paragraphe, deuxième ligne, c'est marqué "que je suis M.
Trudeau". Je n'ai pas l'intention de me prendre pour M. Trudeau, alors on devra
lire "à la place de M. Trudeau". À la page 2, c'est une
correction de grammaire française, dans le deuxième paragraphe,
quatrième ligne: "Les provinces sont des Etats indépendants qui
ont abandonné chacune; cela devrait être "chacun", ce sont les
États. À la page 3, il y a une faute de frappe, les deux premiers
mots "parlons maintenant", "maintenant" avec un "a". Il y a une dernière
faute de français à corriger à la page 4, à la
toute dernière ligne, "ceux-cis" avec un "s"; si c'est un adverbe, cela
ne prend pas de "s".
Messieurs de la commission parlementaire de la présidence du
conseil et de la constitution, je désire tout d'abord vous remercier de
la gentillesse que vous manifestez à mon endroit, en me permettant de
vous exposer ma réflexion personnelle relativement au projet de
résolution du gouvernement fédéral sur le rapatriement de
la constitution canadienne. Je considère que votre geste exprime une
attitude de respect et d'écoute envers le citoyen que je suis, ce qui
démontre bien l'esprit qui doit animer tout gouvernement dont le premier
devoir est d'être au service du peuple. Voici ma réflexion.
Face au problème constitutionnel auquel les
Québécois cherchent une solution, j'aimerais par la
présente faire un exercice intellectuel d'empathie en essayant de me
situer à la place de M. Pierre Elliott Trudeau. Je ne désire pas
m'attarder aux éléments internes du projet de refonte de la
constitution que propose M. Trudeau. Je désire me situer au-delà
de ce projet et tenter de voir quelle solution les Québécois
doivent envisager.
Nous savons tous que le projet Trudeau poursuit un objectif de
fédéralisme dans le sens le plus pur du mot, c'est-à-dire
un système politique dans lequel plusieurs États
indépendants abandonnent une part de leur souveraineté au profit
d'une autorité supérieure. Nous savons tous que le Québec
fait partie du Canada et que le Canada est
dirigé par M. Pierre Elliott Trudeau.
Prenons maintenant l'hypothèse fantaisiste - il va de soi - que
je suis à la place de M. Trudeau. Voici le raisonnement que je fais. "Je
suis le premier ministre du Canada. J'ai été élu
démocratiquement pour diriger les destinées de ce pays qu'est le
Canada. Au mois de mai 1980, j'ai déclaré solennellement aux
Québécois que je mettais ma tête en jeu pour opérer
les changements majeurs au Canada et assurer le bien-être des
Québécois dans ce pays. D'ailleurs, ces mêmes
Québécois m'ont donné 73 députés pour
m'occuper de leur bien-être à l'intérieur de la
fédération canadienne. J'ai déjà dit, et je l'ai
toujours cru, que le Canada devait être fort. Les Québécois
m'ont toujours approuvé dans ce sens. "Je suis un
fédéraliste, non un confédéraliste, encore moins un
séparatiste. Le Canada est une fédération avec comme
autorité supérieure un gouvernement fédéral que je
dirige. Les provinces sont des États indépendants qui ont
abandonné chacun une part de leur souveraineté au profit du
gouvernement fédéral que je dirige. La province de Québec
est un de ces États. Lors du référendum du 20 mai 1980,
les citoyens canadiens de la province de Québec ont refusé au
gouvernement de M. Lévesque le mandat de négocier la
souveraineté-association, ce qui aurait fait de cette province un
État totalement indépendant. "J'ai convoqué une
conférence des premiers ministres provinciaux en septembre 1980 afin de
discuter de mon projet de refonte de la constitution canadienne. Plusieurs
États provinciaux n'ont pas réussi à s'entendre avec moi
en ce qui concerne leur situation à l'intérieur de la
fédération canadienne que je dirige. J'ai décidé de
donner suite à mon projet de refonte de la constitution malgré
certains désaccords des États provinciaux. "Parlons maintenant de
la province de Québec. Qui dirige cette partie du Canada?
Réponse: Le gouvernement de M. Lévesque, qui s'est vu refuser le
mandat de négocier la souveraineté-association. Qui peut le mieux
diriger cette partie du Canada? Réponse-question: Le gouvernement de M.
Lévesque à qui les Québécois ont donné 71
députés sur 110 en 1976 et 40% des votes au
référendum de mai 1980, ou mon gouvernement à qui les
Québécois ont donné 74 députés sur 75 en
1980 et 60% des votes lors du référendum de mai 1980? (12 heures)
"Qui peut le mieux diriger cette partie du Canada? Réponse-question: Le
gouvernement de M. Lévesque qui a une influence
prépondérante dans cette seule partie du Canada, ou mon
gouvernement qui a une influence prépondérante sur le territoire
entier du Canada dont la province de Québec fait partie? "Dans mon
projet de refonte de la constitution du Canada, que peut faire le gouvernement
de M. Lévesque? Trois solutions se présentent:
premièrement, donner son accord et collaborer à sa
réalisation le plus tôt possible; deuxièmement, donner un
accord partiel et collaborer à la réalisation des ajustements
nécessaires le plus tôt possible; troisièmement, refuser
son accord. "Le gouvernement de M. Lévesque a été
élu démocratiquement par les Québécois. Il en est
de même pour le gouvernement que je dirige. Il semble que, d'après
les événements récents, le gouvernement de M.
Lévesque refuse de donner son accord à mon projet de refonte de
la constitution canadienne dont la province de Québec est une partie.
À qui les Québécois doivent-ils s'en remettre maintenant?
Au gouvernement de M. Lévesque ou à mon gouvernement? "Au mois de
mai 1980, j'ai déclaré solennellement aux Québécois
que je mettais ma tête en jeu pour effectuer des changements majeurs au
Canada et assurer le bien-être des Québécois dans ce
Canada. Le gouvernement de M. Lévesque n'a pas exprimé
d'engagement de même nature. "Je dirige un gouvernement qui
représente les Québécois sur l'ensemble du territoire de
la fédération canadienne. Le gouvernement de M. Lévesque
représente les Québécois dans cette seule partie du Canada
qu'est la province de Québec. "En septembre 1980, j'ai
présenté un projet de refonte de la constitution canadienne dont
fait partie la province de Québec. Le gouvernement de M. Lévesque
n'a pas présenté de projet de refonte de la constitution
canadienne. Le projet qu'il a présenté aux
Québécois a été refusé par ceux-ci lors du
référendum de mai 1980. "Le gouvernement que je dirige est le
gouvernement qui dirige la fédération canadienne dont la province
de Québec fait partie intégrante. Le gouvernement de M.
Lévesque est le gouvernement d'un État indépendant qui a
abandonné une part de sa souveraineté au profit d'une
autorité supérieure qui est le gouvernement, que je dirige. "Je
répète ma question: À qui les Québécois
doivent-ils s'en remettre?"
Messieurs, je termine ici mon exercice d'empathie et je cesse de me
prendre pour un autre. Je complète mon exposé en vous exprimant
les cinq affirmations suivantes: premièrement, je respecte la
façon de penser de M. Trudeau, mais je ne désire pas y
participer; deuxièmement, je respecte le système politique
canadien, mais je désire une république québécoise;
troisièmement, je respecte la citoyenneté canadienne, mais je
désire une citoyenneté québécoise;
quatrièmement, je respecte le dollar canadien, mais je désire un
dollar québécois; cinquièmement, je respecte le Canada,
mais
je désire un Québec. Oui, merci!
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): M. Trépanier, d'abord, je
voudrais dire que j'apprécie personnellement la façon originale
dont vous avez présenté votre mémoire en vous mettant,
dans le texte, à la place du premier ministre du Canada. Je voudrais, vu
ce rôle que vous avez temporairement emprunté de premier ministre
du Canada, jouer, pendant quelques secondes, celui de premier ministre du
Québec pour relever deux affirmations que vous faites. Ce n'est pas une
question que je vous pose, c'est une correction que je voudrais apporter.
A la page 2 de votre mémoire, vous dites, dans votre rôle
de premier ministre du Canada: "J'ai convoqué une conférence des
premiers ministres provinciaux en septembre 1980 afin de discuter de mon projet
de refonte de la constitution canadienne. Plusieurs États provinciaux
n'ont pas réussi à s'entendre avec moi en ce qui concerne leur
situation à l'intérieur de la fédération canadienne
que je dirige." Ce que vous dites, au fond, c'est qu'il n'y a pas eu d'entente
entre les provinces. Je voudrais corriger cela. Ce qui est arrivé
l'été dernier - j'ai déjà eu l'occasion de le
mentionner - c'est que, contrairement à des situations
antérieures où effectivement il n'y avait pas d'entente, sur, je
pense, neuf ou dix des douze sujets à l'ordre du jour, il y avait un
front commun de provinces qui s'est construit pendant l'été, qui
s'est maintenu jusqu'à la conférence de septembre et qui,
d'ailleurs, a été reconfirmé en ce qui concerne les
communications. Je pense que, la semaine dernière, il y a eu une
conférence des ministres des Communications des provinces. C'est le
premier ministre du Canada qui a refusé d'accepter ces vues unanimes des
provinces. Je voudrais d'abord corriger cela. Donc, il est possible que les
provinces s'entendent entre elles. Cependant, je voudrais bien préciser
que, le Canada étant un pays qui est très grand, où il y a
dix États provinciaux; il ne faut pas non plus tomber dans la logique
qui consiste à dire: II faudrait que nécessairement toutes ces
provinces s'entendent sur tout et si elles ne le font pas, à ce moment,
cela donne l'autorisation au gouvernement fédéral pour agir. Ce
serait, à toutes fins utiles, à ce moment, dire que le meilleur
système est celui où tout le monde est unanime et uniforme, et ce
n'est pas le cas. Il est tout à fait normal et correct qu'il y ait des
mésententes entre les États provinciaux, sauf que, cet
été, il y a eu entente sur neuf ou dix des douze sujets. C'est la
première correction que je voudrais faire.
La deuxième, à la page 4, vous dites, toujours dans votre
rôle présumé de premier ministre du Canada, qu'en septembre
1980 vous avez présenté un projet de refonte de la constitution
canadienne dont fait partie la province de Québec et que le gouvernement
de M. Lévesque n'a pas fait la même chose. D'abord, ce n'est pas
en septembre 1980 qu'il a présenté la teneur de son coup de
force, le premier ministre fédéral, c'est le 2 octobre. C'est en
septembre, cependant, que la conférence a avorté en bonne partie
à cause de la mauvaise foi fédérale. Deuxièmement,
il y a une erreur de perspective. Vous dites: Moi j'ai présenté
une proposition, le 2 octobre, et M. Lévesque n'a rien
présenté. Il faut quand même tenir compte d'un facteur qui
a été oublié dans votre présentation. C'est que les
promesses du référendum avaient été faites par les
libéraux fédéraux, particulièrement - on a
discuté de cela tout à l'heure - par le premier ministre du
Canada et, la balle était dans son camp. Je me souviens très bien
qu'après le référendum on a dit: Les promesses qui ont
été faites, on va voir comment cela va se traduire en pratique et
on attendait pendant l'été quelles étaient les
propositions novatrices du gouvernement fédéral et on les
connaît maintenant. Il n'y en a pas vraiment. Ce n'était pas
à nous, à ce moment, de faire une grande proposition
constitutionnelle globale alors que celui qui a proposé la tenue de
négociations était le gouvernement fédéral à
la suite de ses promesses référendaires. C'était à
lui de livrer une marchandise. Je voulais apporter ces deux corrections. Je
n'ai pas de question particulière à poser, mais je pense que
c'est bon de replacer le débat dans sa perspective. Je comprends que
dans la perspective de M. Trudeau, rôle que vous avez assumé, il
est possible que lui prétende cela; je ne dis pas que vous êtes
d'accord avec ce que vous avez écrit là-dessus en tant que
premier ministre du Canada puisqu'à la fin vous donnez vous-même
votre propre perception. Je ne voulais pas qu'il y ait de malentendu. Je pense
que c'est important que j'apporte ces précisions.
Le Président (M. Jolivet): M. Trépanier.
M. Trépanier: Peut-être pour confirmer la correction
que vous apportez à la page 2. Quand je disais: "Plusieurs États
provinciaux n'ont pas réussi à s'entendre avec moi en ce qui
concerne leur situation", je n'avais pas l'intention, dans mon rôle, de
dire que les provinces ne s'étaient pas entendues entre elles. En fait,
elles ne s'étaient pas entendues avec le gouvernement
fédéral. Pour la page 4, je vous remercie de la correction.
D'après ce que j'avais vu, avec la conférence de septembre,
j'avais l'impression que le projet avait été
présenté en septembre. Le fait que le gouvernement de
M. Lévesque n'ait pas présenté de projet, si on
prend l'optique canadienne, c'est vrai que le gouvernement de Québec n'a
pas présenté de projet de refonte de la constitution canadienne.
II aurait plutôt présenté un projet de création
québécoise.
Je pense comme vous qu'il n'était pas obligé de
présenter un projet de refonte de la constitution canadienne.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. Trépanier, j'ai trouvé très
intéressante également la présentation originale de votre
mémoire. Sans vouloir faire trop de psychologisme, je pense que c'est un
exercice intéressant que de se situer dans les chaussures en quelque
sorte des différents protagonistes comme vous le faites dans le cas du
premier ministre fédéral. Ce qui ressort de votre texte et de
l'argumentation que vous mettez de l'avant dans ce cas, c'est dans le fond la
comparaison de la légitimité politique des deux protagonistes
principaux: le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec. Vous
faites ressortir très bien qu'en termes du caractère plus
récent du mandat du premier ministre fédéral et de sa
majorité plus grande, le fait d'avoir été vainqueur au
référendum, il peut utiliser cette argumentation pour faire
avancer sa cause plus efficacement que ce n'est possible dans le cas d'un
gouvernement qui est à sa quatrième année ou
quatrième année et demie, qui a été du
côté perdant au référendum et qui...
M. Morin (Louis-Hébert): II était du
côté gagnant aux élections.
M. Forget: ... avait, évidemment, une certaine
différence au point de vue de la nature de sa majorité
démocratique même au moment de son élection il y a quatre
ans et demi. Je crois que cela illustre de façon parfaite ce que
j'affirmais tout à la l'heure, à savoir qu'en termes de
légitimité politique la situation est terriblement inégale
depuis le lendemain du référendum et que le défaut d'avoir
perçu cette inégalité de force politique place le
Québec, via son gouvernement, dans une position de
vulnérabilité très grande. Il est très facile pour
quelqu'un de contester sa légitimité politique dans les
circonstances. Il n'y a pas de remède à cela, semble-t-il, si ce
n'est une élection qui pourrait restaurer une crédibilité
diminuée ou alors faire une substitution. Mais, de toute façon,
que ce soit le même parti qui soit réélu ou un autre parti
qui soit élu, il reste qu'en démocratie la seule façon de
se faire reconfirmer ou donner une légitimité, c'est par le vote
populaire. C'est un élément manquant du dossier. Cela a
certainement créé des conditions propices à l'impasse.
J'aimerais faire une remarque au sujet du caractère de l'entente.
Je voudrais, moi aussi, de la même façon que le ministre des
Affaires intergouvernementales, dire que l'argument selon lequel une entente
entre les provinces est impossible est un argument dont a beaucoup
abusé. Si on regarde l'histoire des trente ou quarante dernières
années, il y a quand même eu un certain nombre d'amendements
constitutionnels importants et il y a eu des ententes là-dessus. Il y a
eu des ententes sur des choses qui sont quasi constitutionnelles comme
l'évolution des ententes fiscales entre les deux niveaux de
gouvernement, qui ont presque autant d'importance, dans le fond, que la
constitution, en termes pratiques. Il y a eu des ententes sur
énormément de choses et ce ne sont pas des choses insignifiantes.
L'assurance-chômage, en 1941, a été attribuée au
gouvernement fédéral à la suite d'une entente unanime des
provinces. Les pensions de vieillesse et les régimes de rentes, à
deux reprises, ont fait l'objet d'ententes unanimes et d'amendements
constitutionnels. C'est au moins aussi important qu'un certain nombre de
mesures qu'on retrouve dans les discussions de l'été dernier. Il
est donc faux d'affirmer que les provinces ne peuvent pas s'entendre. Elles
l'ont fait dans le passé. Il n'y a rien qui permet de croire qu'elles ne
pourraient pas continuer de le faire dans l'avenir.
Mais si on devient plus spécifique et qu'on s'intéresse
à l'entente interprovinciale du mois de septembre dernier, il y a une
chose qui est frappante, je crois; c'est que cette entente n'était pas
totale. En particulier, on se souviendra que l'Ontario avait
réservé sa position relativement à la langue; donc, un des
sujets qui sont les plus discutés aujourd'hui avait effectivement
achoppé au niveau des ententes interprovinciales.
M. Morin (Louis-Hébert): Sur la charte des droits, il n'y
a pas d'entente.
M. Forget: Un autre aspect qui est frappant dans cette entente
interprovinciale, c'est qu'elle n'était pas du tout conçue dans
un esprit de négociation. C'est une entente qui est arrivée en
quelque sorte après coup. Quand les provinces se sont rendu compte qu'il
leur fallait faire un front commun, ne serait-ce que pour justifier leur
désaccord avec le projet fédéral, elles ont conçu
un projet qui ne fait aucune concession sur les points que tout le monde savait
être les plus importants pour le gouvernement fédéral,
aucune concession. Dans ce cadre-là, dans ce contexte-là, ceux
qui ont été les inspirateurs ou les auteurs de cette entente
interprovinciale du mois de septembre
avaient toutes les raisons de soupçonner que ce projet-là,
ce consensus interprovincial, il n'y avait aucun risque qu'il soit
accepté par le gouvernement fédéral parce qu'on ne faisait
aucun compromis. On n'ouvrait la porte d'aucune façon.
Sur les points essentiels, le rapatriement et la charte des droits, il
n'y avait aucune espèce de concession et on savait bien qu'à
moins qu'on n'ait un peu entrouvert la porte, ne serait-ce qu'au même
degré qu'on l'avait fait et que le gouvernement lui-même l'avait
fait ici en commission parlementaire à la mi-août, il n'y avait
absolument aucune espèce de chance que cela passe. Par contre, on
sortait d'une conférence avec soi-disant une position commune. Cette
position commune, encore une fois, n'était pas une position de
négociation, mais une position de constat d'échec et une position
à laquelle manquait un consensus sur les questions linguistiques. On
sait combien c'est une dimension importante du débat. (12 h 15)
Pour terminer là-dessus, les négociations durant
l'été, il faut bien se rendre compte que vous avez raison de dire
que le parti au pouvoir, le gouvernement du Québec, n'avait pas de
proposition alternative à formuler, ni même à utiliser
comme propre point de référence dans sa négociation et qui
eût constitué une alternative fédéraliste. La seule
alternative avait été rejetée au référendum
et c'était la souveraineté-association, mais il n'y avait pas de
point de référence fédéraliste et c'était
une négociation où le gouvernement s'est borné à
dire: La balle est dans le camp du gouvernement fédéral.
Autrement dit, il a traité une négociation comme un sport de
spectateur. Il a dit: Je vais regarder la joute, le match à la
télévision, mais je n'y contribuerai rien.
Je suis tout à fait d'accord avec vous, dans l'absence d'un
contre-projet de fédéralisme renouvelé, évidemment,
toute initiative était laissée au gouvernement
fédéral et la seule réaction possible était une
réaction négative de la part du gouvernement. C'est effectivement
ce qui a prévalu. Tout cela découle du choix qu'on a fait de
procéder à une négociation dans la foulée d'une
défaite référendaire avec comme seule position
constitutionnelle, encore et toujours, du côté gouvernemental, la
souveraineté-association. C'est par rapport à ce point de
référence qu'on a assisté à des discussions, mais
on ne pouvait vraiment pas, évidemment, mettre cela sur la table comme
contre-projet. On aurait faire rire de soi. On s'est réservé
à des commentaires, à des dissidences.
Comment s'étonner que cela n'ait pas abouti? Peut-être que
cela n'aurait pas abouti malgré tout, étant donné les
circonstances, mais ce n'est certainement pas un facteur positif que le
gouvernement du Québec a apporté dans tout ceci. On l'a
d'ailleurs souligné en août dernier. Il n'y avait rien dans la
position du Québec qui fut incompatible avec la
souveraineté-association.
Le Président (M. Jolivet): M. Trépanier?
M. Trépanier: Cela va, pas de commentaires.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): J'aurais peut-être quelque
chose à relever, M. le Président, de ce qui vient d'être
dit.
Il y a une chose qui me frappe. Je pense que tous ceux qui ont
écouté cette partie des débats se sont rendu compte de
ceci: tout à l'heure, il y a une question qui a été
posée par Jean-François Bertrand, député de Vanier,
sur la relation qui existe entre les libéraux provinciaux et les
libéraux fédéraux. On nous fait une savante distinction
laborieuse pour dire que ce n'est pas le même parti, alors qu'on
reconnaît qu'en fait, souvent, les membres sont les mêmes - en tout
cas! - et que les provinciaux n'ont pas beaucoup d'influence -eux qui sont
supposés en avoir - sur les fédéraux, sur les
décisions de leurs collègues fédéraux quant
à la résolution fédérale.
Donc, on essaie de se dissocier, dans un premier temps, de l'attitude
fédérale. Or, dès que quelqu'un critique la façon
dont les négociations se sont passées cet été, dit
que quelqu'un critique la position fédérale, le
député de Saint-Laurent se porte à la défense des
attitudes du gouvernement fédéral. Il est en train de
démontrer - et c'est ce que j'ai noté - qu'au fond les accords
auxquels les provinces étaient intervenues, avaient réussi
à établir entre elles l'été dernier,
c'étaient des choses qui ne tenaient pas tellement bien et qu'on
comprenait le gouvernement fédéral. Il y a quelque chose que je
trouve.... Je ne vous dis pas que vous avez pris la défense en tout
point de ce qu'Ottawa a présenté, mais ce que je vous dis, c'est
que votre réflexe naturel, quand le coup de force fédéral
est remis en cause - et il est remis en cause par une majorité de la
population - c'est de commencer à faire des distinctions qui excusent
quasiment Ottawa de procéder de la sorte. C'est le premier
commentaire.
Deuxième commentaire. Ce qui me frappe aussi, c'est que vous
qualifiez l'entente qui est intervenue entre les provinces l'été
dernier comme étant une sorte de manoeuvre de dernière minute
pour empêcher Ottawa de poser son coup de force, alors qu'il
n'était pas question d'un coup de force, sauf quand on l'a appris au
mois de septembre dans le document secret fédéral, alors
que l'entente entre les provinces est intervenue pendant l'été.
J'y étais. M. de Bellefeuille, député de Deux-Montagnes, y
était, de même que Claude Charron et Marc-André
Bédard. Nous y étions. Vous n'y étiez pas. Je comprends
qu'à ce moment-là j'utilise un argument d'autorité, mais
il reste néanmoins que chaque fois qu'on a eu des réunions
l'été dernier, j'ai pris la peine à chaque jour, à
17 heures, de donner une conférence de presse aux journalistes pour dire
ce qui se passait et tout le monde a reconnu que, cet été, se
construisait un front commun et que ce n'était pas du tout en vue de
bloquer un coup de force fédéral. On ne savait pas qu'il y en
aurait un, on l'a appris au début du mois de septembre par des documents
secrets.
Troisièmement, j'ai remarqué aussi une chose dans votre
attitude. Vous dites qu'il n'y avait pas de volonté de compromis de la
part des provinces. Il y en avait, justement. On avait fait des compromis
ensemble pour en arriver à une position que, s'il avait voulu un
fédéralisme renouvelé, le fédéral aurait
accepté, mais ce n'est pas ce qui s'est passé. Ce qui me frappe
dans votre attitude, c'est que non seulement vous défendez Ottawa,
chaque fois qu'on met en cause son affaire, en faisant des distinctions qui
sont ni chair, ni poisson et qui ne montrent pas une volonté très
ferme de bloquer ce coup de force, mais en plus vous dites: II aurait fallu
faire des compromis. Ce qui me frappe, c'est que vous cherchez des excuses pour
Ottawa et à quelle place le Québec pourrait faire des
compromis.
Je pense que l'attitude de fermeté qu'on doit avoir par rapport
à tout ce qui se passe actuellement, c'est d'affirmer, au contraire,
sans aucune nuance, les droits et les intérêts du Québec.
C'est pour cela que tantôt je parlais de fiabilité en ce qui
concerne des équipes politiques. Cela m'inquiète de vous voir,
chaque fois, prendre la défense d'Ottawa d'une façon ou de
l'autre ou encore dire: II aurait fallu faire des compromis. On ne commence pas
une négociation en disant que c'est sûr qu'il va falloir faire des
compromis et on va le faire tout de suite pour tâcher d'écourter
la négociation. Je m'excuse, mais cela fait 18 ans, de près ou de
loin, que je suis dans le domaine fédéral-provincial et, s'il
fallait qu'on procède comme cela, cela ferait longtemps - et on n'aurait
même pas eu besoin de coup de force fédéral - qu'il aurait
été réalisé en pratique par une autre
méthode. Heureusement que le Québec s'est tenu debout. Et cela ne
dépend pas seulement de moi. Il y en a d'autres qui ont
été là-dedans. Heureusement que le Québec s'est
tenu debout par moments. Mais, si on prend votre attitude, on commence à
négocier perdant. Et je ne suis pas d'accord avec cette façon de
procéder et je pense que la population n'est pas d'accord.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay.
M. Forget: M. le Président, en vertu de l'article 96, au
besoin, mais j'aimerais quand même intervenir à ce moment-ci.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: II m'apparaît inadmissible d'entendre, de se
faire dire des choses de ce genre-là; à moins qu'on n'accepte la
prémisse évidente du ministre des Affaires intergouvernementales
selon laquelle il faut absolument appuyer, les yeux fermés, la politique
et la stratégie de négociation qu'il a lui-même
utilisées lors des négociations constitutionnelles et à
moins d'appuyer les yeux fermés ce que ce gouvernement a fait dans ce
domaine, on appuie le gouvernement fédéral dans son geste
unilatéral. C'est évidemment un mensonge. On peut être
d'avis que le gouvernement actuel du Québec nous a mal défendus,
qu'il s'y est pris de façon gauche et maladroite et qu'il n'avait
d'ailleurs pas le choix de faire autrement parce qu'il était dans une
situation intenable, qu'ont notée tous les observateurs, et qu'en
conséquence de cela, l'initiative fédérale aurait eu plus
de chance de réussir s'il y avait eu des élections et si on avait
procédé sur la base d'un engagement beaucoup plus clair envers
les objectifs d'un fédéralisme renouvelé plutôt que
de le faire tout le temps sur la base d'une position équivoque, qui
cherche à la fois à appuyer, soi-disant et de facade, le
fédéralisme renouvelé, mais, dans le fond, qui se
réclame toujours des mêmes objectifs qui sont
diamétralement opposés à celui-là.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je ne
suis pas d'accord là-dessus. Il y a quand même un fait qui s'est
produit à la conférence télévisée du mois de
septembre. Trois premiers ministres de province - et c'est un
précédent, y compris M. Peckford, qui n'est pas
particulièrement toujours amical par rapport au Québec - ont
reconnu que le comportement de la délégation
québécoise avait été impeccable. Et tous les
observateurs, cet été - et c'est maintenant un fait historique -
ont reconnu que nous avons négocié de bonne foi.
Je veux seulement signaler cela. Je ne dis pas que vous êtes
censé obligatoirement être d'accord avec tout ce qu'on fait; je
n'ai jamais dit cela de ma vie, cela n'aurait pas de sens de dire cela. Ce que
je vous dis, c'est que cela m'inquiète de voir dans votre comportement,
comme membre d'un parti,
que vous cherchez toujours, premièrement, des excuses à
quoi que ce soit que le fédéral fasse, et deuxièmement,
des compromis avant même qu'on soit avancé dans la
négociation. C'est tout ce que je voulais dire.
J'ajoute, avec votre permission, M. le Président, une information
qui a quelque chose à voir avec le débat actuel, mais qui n'est
pas en réponse à ce que dit le député de
Saint-Laurent. Je viens d'apprendre à l'instant que le premier ministre
de la Saskatchewan a déclaré que sa province s'opposait au geste
fédéral. Je n'ai pas tous les détails. Ceci veut dire que
maintenant sept provinces sont opposées au coup de force des
libéraux fédéraux et, au fond, il n'y en a que deux qui
appuient le geste fédéral et une qui est sensiblement
derrière Ottawa, c'est l'Ontario. Je voulais apporter cette
précision. Je pense qu'il est intéressant de le savoir. Cela
vient d'arriver, à l'instant, comme nouvelle. C'est une
conférence de presse que M. Blakeney a donnée, je ne sais pas
où - chez lui, j'imagine - on aura plus de détails plus tard
aujourd'hui.
M. Forget: Est-ce que la Nouvelle-Ecosse a manifesté
son...
M. Morin (Louis-Hébert): Non, la Nouvelle-Écosse ne
s'est pas prononcée encore. Elle reste dans le vague. Mais il y a deux
provinces pour, sept provinces contre et une dont on sait qu'elle est contre -
M. le député de Saint-Laurent, je pense que vous êtes
d'accord là-dessus - parce que son premier ministre, M. Buchanan, est
allé à la commission mixte du Sénat de la Chambre des
communes présenter les vues de sa province. Ils ont d'ailleurs transmis
ce document à Londres. Ils sont en désaccord, sauf qu'ils n'ont
pas pris de geste particulier pour se joindre à nous. Je ne sais pas
comment M. Blakeney va exprimer son opposition, je ne suis pas sûr qu'il
va se joindre à nous dans les contestations aux tribunaux, parce
qu'elles sont déjà commencées, mais c'est un appui
politique de taille et je pense que c'est une très sérieuse
épine dans le pied du coup de force fédéral, si je puis
m'exprimer ainsi.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay. Je ne sais pas s'il y a des questions. On passera à
l'intervention du député de Châteauguay.
M. Dussault: Peut-être que M. Trépanier pourrait
réagir à la suite de mon intervention, quoique je ne voie pas
d'objection à ce qu'il le fasse immédiatement.
Le Président (M. Jolivet): Je vais laisser le
député de Châteauguay commencer et vous pourrez intervenir
par la suite.
M. Dussault: Je vous remercie, M. Trépanier. Cela aura
l'avantage de me permettre de parler en continuité avec ce qui vient
d'être dit.
Ce n'est pas par hasard que M. le député de Saint-Laurent
a tenu les propos qu'il a tenus tout à l'heure. Vous savez, ces
gens-là, maintenant, avec l'attitude qu'ils ont eue face à ce qui
s'est fait à Ottawa dans les derniers mois, et même lors du
référendum, n'ont pas beaucoup d'autre choix que de trouver des
excuses effectivement.
On parlait, tout à l'heure, des militants qui pourraient
être les mêmes. On n'invente rien quand on parle des militants
libéraux fédéraux et provinciaux comme étant les
mêmes. Ce n'est pas nous qui avons dit cela les premiers. Je me rappelle
encore avoir vu à la télévision, le soir du congrès
libéral où M. Ryan a été élu chef de ce
parti, Mme Jeanne Sauvé, qui est maintenant devenue la présidente
à la Chambre des communes. Elle disait, à une question qu'un
journaliste lui posait: Que faites-vous ici, c'est quand même un
congrès du Parti libéral provincial? Elle répondait: Vous
savez, il n'y a pas à être surpris de cela, entre ces deux partis,
ce sont les mêmes militants qui sont en cause. Or, il n'est pas
surprenant que je sois ici ce soir.
C'est cela la réalité. Face à ce qui se passe
à Ottawa, actuellement, ces gens ont une opposition du bout des
lèvres, ils sont gênés. Parce que, du côté des
militants, il y a une connivence sur cette question. Regardez dans les milieux
où se passe l'action politique directe, dans le champ, ces militants ne
vont pas faire des déclarations à l'encontre de ce qui se passe
à Ottawa. Ces gens sont de connivence avec ce qui se passe. Ils ne sont
pas intéressés à se dire entre eux des choses qui
pourraient être désagréables. Ils ne sont pas
intéressés. Ils ne le croient pas, c'est sûr.
Hier soir, j'ai eu un débat; je suis un des rares, je pense, qui
ai eu la chance de pouvoir faire un débat contradictoire avec un
député fédéral - je pense qu'il y en a eu deux ou
trois au plus. S'il s'est fait ce débat c'est parce que j'ai
coincé ce député; il n'a plus eu le choix, il a dû
le faire ce débat. Il s'est fait à la radio communautaire
à Châteauguay. M. Watson, ce député, va se rallier,
va s'écraser comme un mouton avec les autres, les 73 autres. Il n'y en a
qu'un, M. Duclos, qui s'oppose véritablement à ce projet.
Lui disait: Lors du dernier référendum du 20 mai dernier,
le comité du non a pris des engagements. Il ne disait pas: Le chef du
Parti libéral fédéral a pris des engagements. Il disait:
Le comité du non a pris des engagements. Ils étaient solidaires,
ces gens. S'il y avait véritablement des choses dites là qui ne
faisaient pas l'affaire des libéraux provinciaux et
fédéraux, c'est là qu'ils
auraient dû avoir des oppositions. M. Le Moignan, de l'Union
Nationale, a été formel, à ce moment, il l'a dit, il a
très bien senti qu'il se passait quelque chose qui n'était pas
correct. Mais les libéraux provinciaux n'ont rien dit contre cela, ils
ont assumé. Aujourd'hui, ils doivent l'admettre, plutôt que de se
défiler, ils ont été récupérés par M.
Trudeau, lors de la campagne référendaire. Les engagements qui
ont été pris, à ce moment, ont été les
engagements du comité du non, et non pas uniquement les engagements de
M. Trudeau. Ils n'arriveront plus maintenant à faire croire à la
population qu'ils n'étaient pour rien dans ce qui s'est passé.
Ils étaient de connivence, ils étaient sur les mêmes
tribunes. Les gens ont tenu pour acquis que ce que disait M. Trudeau,
c'était ce que pensait le comité du non.
Le résultat référendaire doit s'expliquer
uniquement de cette façon. Les gens n'ont pas voté en se disant:
Bien moi, je dis non parce que j'appuie M. Trudeau, ou je dis non parce que
j'appuie M. Ryan. Ils ont dit non parce qu'ils appuyaient le comité du
non. Le comité du non a pris des engagements.
Aujourd'hui, M. Forget essaie de se sortir du pétrin, en essayant
de nous faire croire qu'il fallait faire des distinctions entre ce que les uns
pensaient et ce que les autres pensaient. Ils pensaient la même
chose.
Quand on se présente sur une tribune publique, si quelqu'un dit
des choses sur lesquelles on n'est pas d'accord, on doit les assumer, sinon on
doit vraiment s'y opposer. Cela n'a pas été fait.
Aujourd'hui, je pense que la contradiction est flagrante. Elle est
vraiment flagrante la contradiction de la part...
M. Forget: Est-ce que le député me permettrait une
question?
M. Dussault: Non, pas pour le moment. Je vais terminer, M. le
Président.
La contradiction est maintenant flagrante chez les libéraux
provinciaux parce que, lors du débat à l'Assemblée
nationale sur la motion qui devait nous permettre de nous opposer unanimement
à ce qui se passait à Ottawa, ces gens n'ont pas voulu vraiment
se mouiller avec tous ceux qui croyaient qu'il faut dénoncer le coup de
force de M. Trudeau. Ils ne se sont pas mouillés ces gens, ils ont
refusé de faire corps avec les députés à
l'Assemblée nationale. Ils ont apporté comme argument qu'il
fallait absolument reconnaître que les Québécois, lors du
référendum, avaient voté pour un fédéralisme
renouvelé.
Comment se fait-il que cet argument qui était vrai, lors de cette
motion, n'est plus vrai aujourd'hui? C'est une contradiction tout à fait
flagrante. Il y a quelque chose qui se passe. Ou ces gens d'en face trompaient
les Québécois lors de ce débat à l'Assemblée
nationale, ou ils trompent les Québécois aujourd'hui, mais, de
toute façon, face à ces gens, les Québécois sont
trompés. (12 h 30)
Je vous remercie, M. Trépanier, de nous avoir donné
l'occasion de revenir sur cette question parce que c'est fondamental. On ne
peut plus maintenant dissocier ce qui s'est passé lors du
référendum de ce qui se passe aujourd'hui à Ottawa. Ces
choses sont intimement liées. Ces gens d'en face ont été
récupérés; c'est clair maintenant. À mesure que le
temps passe, les événements nous font voir que c'est relié
et que c'est clair. Merci, M. Trépanier.
M. Forget: J'avais une question pour le député.
Est-ce que le député...
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant. J'avais
promis à M. Trépanier de le laisser parler. M.
Trépanier.
M. Trépanier: Seulement un commentaire. Je trouve cela
bien intéressant de vous voir présenter chacun vos arguments.
Vous aurez sûrement le temps durant la campagne électorale de
développer cela encore. J'aimerais vous poser la question que je me suis
permis de poser en jouant le rôle de M. Trudeau. J'aimerais bien
connaître vos opinions, à savoir à qui les
Québécois doivent-ils s'en remettre? Je considère que
c'est une question essentielle au moment présent. J'aimerais avoir
l'opinion de chaque parti politique, si c'est possible.
Le Président (M. Jolivet): Avant de donner la parole au
député de Deux-Montagnes pour qu'il réponde, M. le
député de Saint-Laurent a peut-être une question à
poser, tout en vous faisant remarquer que, normalement, les questions sont
posées d'ici vers les témoins et non pas entre vous ou du
témoin vers vous.
M. Forget: Ce sera très bref et je vous remercie, M. le
Président J'ai été fasciné par le récit qu'a
fait le député de Châteauguay de son débat.
Évidemment, il semblait avoir été très brillant
dans ce débat. Je ne sais pas si son adversaire avait la même
perception, mais, à tout événement, je dois prendre sa
parole sur le brio qu'il a démontré dans ce débat qui
s'est tenu ailleurs. J'aimerais savoir si, selon lui, le
référendum a porté sur le fédéralisme
renouvelé ou sur le mandat de négocier la
souveraineté-association.
M. Dussault: M. le Président, d'abord, je pense que M. le
député de Saint-Laurent n'a pas parfaitement saisi ce que j'ai
dit. Ce n'est qu'une partie du débat qui s'est tenu. Si je devais vous
faire part de l'ensemble du
débat, vous seriez gêné de ce qui s'est passé
du côté libéral et de vos amis d'Ottawa. Sur votre question
précisément, ce que le gouvernement a amené devant
l'opinion publique pour être tranché, c'était un mandat de
négocier sur la base de la souveraineté-association. Il est
arrivé que, dans ce débat qui s'est tenu pendant au-delà
d'un mois, quelqu'un est venu sur la place publique prendre des engagements
dans le comité du non. On ne peut plus aujourd'hui, même si M. le
député de Saint-Laurent veut prendre ses désirs pour des
réalités, penser que, dans l'opinion publique, dans l'esprit des
gens, le débat, la question portait uniquement sur un mandat de
négocier sur la base de la souveraineté-association. Nos amis
d'en face sont venus apporter des éléments qui ont fait
qu'aujourd'hui la question ne se tranche plus de la même façon.
C'est ce qui est important. Quand le comité du non a dit aux
Québécois: Un non va vouloir dire un oui, les
Québécois ont, pour un très grand nombre, cru que leur non
voudrait dire qu'on renouvellerait le fédéralisme dans le sens de
plus de pouvoirs pour les Québécois.
M. Forget: Est-ce que vous suggérez qu'on recommence le
référendum avec une question plus claire?
M. Dussault: Le lendemain, si vous permettez que je termine, a
commencé une vaste opération qui ne menait pas du tout à
cela. Au contraire, c'était une opération qui menait à
moins de pouvoirs pour le Québec. Dans ce sens, vous avez
participé à une vaste opération qui a mené à
un leurre des Québécois de la part de vos amis d'Ottawa. C'est
cela, la situation.
Le Président (M. Jolivet): S'il vous plaît!
M. Forget: C'est votre interprétation, mais,
effectivement, vous reconnaissez que votre gouvernement a posé une
question qui n'était pas ce que vous prétendez qu'elle est.
Le Président (M. Jolivet): Juste un instant!
M. Dussault: En vertu de l'article 96, M. le
Président.
M. Trépanier: Justement, en vertu de l'article 96, je vous
ai souvent entendu parler de l'article 96. Je me demande si j'ai le droit, moi
aussi, d'intervenir en vertu de cet article.
Le Président (M. Jolivet): Vous n'avez aucun droit,
monsieur.
M. Trépanier: Je n'ai pas le droit, moi?
D'accord.
M. de Bellefeuille: Vous avez droit à notre
considération.
Le Président (M. Jolivet): Dans ce contexte, je voudrais
qu'on évite un débat à ma gauche et à ma droite,
puisque le débat doit se faire vers vous.
M. Trépanier: J'aimerais beaucoup que vous donniez un avis
sur la question que je pose.
Le Président (M. Jolivet): Justement, si vous avez compris
mon intervention tout à l'heure, j'ai dit que M. le député
de Deux-Montagnes répondrait à votre question à la suite
de la question posée par le député de Saint-Laurent, mais
vous connaissez les procédures qui font que, de gauche à droite,
cela virevolte parfois.
M. Trépanier: ...très bien d'ailleurs.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay, avez-vous encore quelque chose à ajouter en vertu de
l'article 96?
M. Dussault: Oui, M. le Président. Ce qu'a dit, dans les
dernières minutes, M. le député de Saint-Laurent laisse
croire qu'il y a... Je reconnais quelque chose maintenant que je n'aurais pas
reconnu avant ou que d'autres n'auraient pas reconnu avant. La question portait
sur un mandat. On voulait en arriver à une nouvelle entente avec le
reste du Canada et la question le disait. Nous, on demandait aux
Québécois la permission d'aller négocier avec le reste du
Canada. On en voulait un mandat pour cette négociation en vue de la
souveraineté-association. On était très clair
là-dessus, M. le Président, et à cause de l'intervention
de M. Trudeau dont je parlais, qui a récupéré les
libéraux provinciaux qui ont toujours voulu être reconnus comme
des libéraux provinciaux dans cette campagne référendaire,
d'ailleurs, ils ont été récupérés. Qu'ils
assument aujourd'hui les conséquences de ce qui s'est passé. Ils
ont voulu que cela fonctionne de cette façon. Ils ont voulu jouer
à la cachette avec la population pour en dire le moins possible. Il est
arrivé quelqu'un qui en a dit trop. Qu'ils assument maintenant les
conséquences de ce qui s'est passé. Qu'ils arrêtent de nous
raconter toutes sortes d'histoires sur des coupables qu'on pourrait trouver
ailleurs. Ils sont coupables de s'être laissé
récupérer. Aujourd'hui, la population doit les juger.
Le Président (M. Jolivet): Sur la question de M.
Trépanier maintenant, M. le député de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais
répondre ou tenter de répondre à la question de M. Trudeau
par l'intermédiaire de M. Trépanier; M. Trépanier dans le
rôle de M. Trudeau. Je voudrais d'abord signaler à M.
Trépanier, dans le rôle de M. Trudeau, qu'il n'est peut-être
pas tout à fait aussi fort qu'il l'indique dans le texte de son
mémoire. Il faut bien se rappeler que M. Trudeau n'a fait élire
que deux députés à l'ouest de l'Ontario, ce qui le laisse
très faible dans une région extrêmement importante du
Canada. Aussi, à l'heure actuelle, il y a maintenant sept provinces qui,
par la voie de leur gouvernement appuyé par la population, comme on le
sait grâce aux sondages, se sont déclarées opposées
à votre projet, M. Trépanier-Trudeau. Par conséquent, on
doit chercher à dissiper le mythe que vous représentez, M.
Trépanier-Trudeau, puisque, en février 1980, vous n'avez pas fait
campagne sur ces questions-là; vous n'aviez pas du tout, par
conséquent, le mandat de faire ce que vous êtes maintenant en
train de faire. Je ne reviendrai pas sur le deuxième point dont il a
été question abondamment ce matin, à propos de ce fameux
engagement référendaire que vous avez pris, M.
Trépanier-Trudeau, et dont vous avez ensuite faussé le sens.
Il faudrait peut-être, M. Trépanier-Trudeau, se demander
dans quelle mesure le mythe selon lequel les Québécois vont
toujours voter automatiquement pour vous va se perpétuer.
Peut-être que ce mythe va commencer à se dissiper, puisque les
Québécois se rendent compte que vous leur avez joué ce
mauvais tour de passe-passe. Vous cherchez à leur imposer ce coup de
force extrêmement dangereux pour les droits les plus fondamentaux du
Québec. On peut imaginer que la cote électorale de M. Trudeau
qui, selon la légende, est toujours très élevée a
pâli et faibli considérablement. Par conséquent, ce n'est
pas, à mon avis, à vous que les Québécois devraient
s'en remettre dans cette situation. Ils doivent s'en remettre à leurs
propres institutions et, avant tout, à leur gouvernement qui,
jusqu'à maintenant, depuis que cette affaire a commencé, n'a pas
ménagé les efforts pour défendre les droits historiques et
fondamentaux du Québec.
Quant à savoir si ce gouvernement va continuer d'être le
même gouvernement quant au parti, les Québécois feront leur
choix. Les Québécois auront à faire un choix entre un
parti qui soutient le Québec parce que, au fond, ce qui compte, ce n'est
pas de fignoler des bricoles fédéralistes ou non
fédéralistes, de revenir à des livres beiges, d'enlever la
poussière dessus et de s'imaginer que le débat est là. Ce
qui compte, ce n'est pas cela. C'est Québec d'abord ou on laisse tomber
les droits, les prérogatives du
Québec. Alors, nous avons fait la preuve que, pour nous, c'est
Québec d'abord. Les partis d'Opposition, en tout cas le Parti
libéral n'a sûrement pas fait la preuve que, pour lui, c'est
Québec d'abord. Pour lui, des fois ça peut être le
Québec, des fois c'est le Canada, c'est surtout le livre beige, c'est
toutes sortes de choses, mais il n'est jamais clair, avec les libéraux,
que c'est le Québec d'abord. C'est comme ça que les
Québécois auront à choisir le gouvernement qui continuera
le travail que nous avons commencé.
Je voudrais, en terminant, rappeler - et là je parle non plus
à M. Trépanier-Trudeau, mais à M. Trépanier tout
court - qu'il y a un passage de votre mémoire qui est extrêmement
court, mais qu'il ne faudrait pas oublier, celui où vous sortez de votre
rôle et où vous dites que vous désirez une
république québécoise, vous désirez une
citoyenneté québécoise, vous désirez un dollar
québécois, vous désirez un Québec.
Là-dessus, on est absolument d'accord quant à l'intention que
vous manifestez. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Trépanier,
Avez-vous d'autres choses à ajouter?
M. Trépanier: J'ai eu une réponse à ma
question. Je ne sais pas si je vais avoir d'autres réponses.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Brièvement, M. le Président. Je crois
que, si on se réfère aux propos du député de
Châteauguay et du député de Deux-Montagnes, on se rend
compte de la véritable nature du débat. J'aime bien la
façon dont le député de Deux-Montagnes vient de terminer
son intervention. Il souscrit entièrement au souhait de M.
Trépanier qui veut une citoyenneté québécoise et un
dollar québécois, qui préfère le Québec au
Canada, dans le sens où les deux s'opposeraient de manière
radicale. Si c'est effectivement ça dont il s'agit, si on écoute
le député de Châteauguay qui dit qu'à cause de
l'argumentation référendaire, finalement, le peuple
québécois, au moment du référendum, n'a pas
rejeté la souveraineté, qu'il a voté pour le
renouvellement sous quelque forme que ce soit de son statut politique, y
compris l'indépendance selon des modalités à
déterminer, etc., on se rend compte que ce que le Parti
québécois veut faire dans tout ceci, c'est nous replacer dans la
même situation que celle où on était il y a un an, faire
comme si rien ne s'était passé depuis un an, comme si on
était encore à la veille du référendum, comme si
rien n'avait été tranché.
Si c'est effectivement ce que le
gouvernement veut faire, et je ne peux pas en douter étant
donné qu'on a là des déclarations absolument formelles,
catégoriques, c'est-à-dire qu'on veut reprendre le débat
à zéro, je pense que nos concitoyens vont être
extrêmement intéressés d'apprendre cela. C'est une nouvelle
majeure que de dire: Écoutez, on repart à zéro, on essuie
l'ardoise et on recommence cette question d'un choix entre le Québec et
le Canada. Il m'avait semblé, et, je pense, à un bon nombre de
mes concitoyens aussi, qu'on avait tranché cette question fondamentale.
Il me semble que le premier ministre lui-même était d'avis qu'on
avait tranché cette question fondamentale en mai. Le reste de la
rhétorique, à savoir qui peut mieux défendre les
intérêts du Québec, je pense que, sur ça aussi, nos
concitoyens ont leurs idées là-dessus. Ils s'imaginent, je pense,
assez facilement que ceux qui peuvent le mieux renouveler le
fédéralisme, c'est encore ceux qui croient au
fédéralisme.
Si on a cette notion d'une négociation où le Québec
va chercher tout ce qu'il peut aller chercher et où il n'a aucune
intention de faire des choses en commun, à titre de Canadien, à
une entreprise commune, je pense qu'on est assuré d'avance que le Parti
québécois, s'il est reporté au pouvoir, pourra nous
garantir quelque chose effectivement. Il va pouvoir nous garantir la permanence
de l'impasse, la permanence d'un statu quo insatisfaisant parce qu'il ne croit
pas à autre chose. Ayant désespéré de
réaliser à très court terme l'indépendance, il
préfère opter pour la politique du pire en disant: Pourvu que
rien ne change, l'insatisfaction de tout le monde va faire en sorte qu'au bout
d'un certain nombre d'années le pendule va revenir et on pourra
finalement réaliser notre ambition d'un seul Québec avec un
dollar québécois, une citoyenneté québécoise
et tout le reste. Si c'est cela le "game plan", la grande stratégie, la
nouvelle version de l'étapisme, je crois que nos concitoyens ont le
droit de la connaître et on vient de l'apprendre de la bouche de ses
porte-parole autorisés à la commission parlementaire. Je pense
que c'est un immense progrès de clarté.
Bien sûr, je peux anticiper que le ministre des Affaires
intergouvernementales ou quelqu'un d'autre de ses collègues va tout de
suite essayer d'introduire là-dedans un peu de confusion. Il va dire:
Non, non, ce n'est pas vraiment cela qu'on voulait dire. Mais ce genre
d'ambiguïté, ce genre de temporisation, c'est pour essayer de faire
plaisir à toutes les clientèles. Surtout, après le
référendum, dire: Bien, écoutez, ce n'est pas vrai, il n'y
a pas véritablement une décision fondamentale qui a
été prise, c'est le style de gouvernement et le style de discours
qu'on est habitué d'entendre de la part des porte-parole du Parti
québécois. Il est extrêmement intéressant qu'au
moment où on se prépare à faire des élections on se
rende compte que ces gens n'ont rien appris, ils maintiennent la même
attitude d'ambiguïté calculée, savamment calculée
pour produire un résultat qui est toujours le même et sur lequel,
sans l'ombre d'un doute, dans mon esprit au moins, l'immense majorité de
nos concitoyens s'est déjà prononcée. Je pense que, si on
est véritablement démocrate de l'autre côté, il
faudrait commencer par faire cette admission très simple qui est
pénible, et qui est d'autant plus pénible que les circonstances
actuelles, évidemment, ne poussent personne à vouloir faire ce
genre de protestation de loyauté. Mais il demeure qu'en dépit de
tous les aléas de la stratégie et des négociations
fédérales-provinciales, s'il y a des valeurs auxquelles ont
souscrit nos concitoyens de façon majoritaire, ce n'est pas parce que
cela ne nous accommode pas sur le plan électoral, ce n'est pas parce que
cela ne nous accommode pas étant donné le calendrier des
négociations qu'il faut tourner le dos à ces choix et à
ces valeurs fondamentales.
Quant à nous, nous allons continuer de les affirmer de la
même façon claire et sans ambiguïté. La question qui
nous est posée de façon rhétorique appelle une
réponse qui est conforme à l'esprit d'un régime
fédéral. À qui le peuple du Québec doit-il faire
confiance? Il doit faire confiance à ses élus. Tout le monde sait
qu'il élit des députés à deux niveaux de
gouvernement. Mais plus l'élection se fait lointaine, moins il peut
effectivement faire confiance parce que plus est loin le moment où il a
passé un jugement sur ces gens-là. Je pense que M.
Trépanier a eu bien raison d'insister sur le fait que le gouvernement
fédéral est fraîchement élu; cela faisait exactement
un an hier, et cela fera bientôt cinq ans que le gouvernement du
Québec a été élu. Dans la conjoncture actuelle, si
on veut redresser l'équilibre, il faut aller chercher un nouveau mandat,
un mandat électoral, cette fois-ci. Il faut cesser de temporiser. Il
faut cesser de reporter vers l'avenir une décision en guettant les
sondages...
M. Bertrand: Cela ne saurait tarder.
M. Forget: ...en guettant les aléas de l'opinion publique.
S'il y a véritablement des valeurs fondamentales et des
intérêts fondamentaux du Québec, on aurait peut-être
dû y penser il y a quelques mois, qu'il nous fallait un nouveau mandat
sur le plan du gouvernement du Québec, qu'on ne pouvait pas risquer
d'avoir un mandat affaibli par la longueur du temps qui s'est
écoulé depuis l'élection de 1976. Et surtout, après
l'échec référendaire, le gouvernement aurait dû
réaliser sa vulnérabilité. S'il ne l'a pas
réalisé à ce moment-là, il porte une partie,
pas toute, mais une partie de la responsabilité de l'impasse actuelle.
Et cela, au yeux de l'histoire, c'est une responsabilité qu'il ne pourra
jamais récuser. Elle lui appartient malheureusement en propre. C'est
bien sûr qu'il n'est pas le seul coupable de l'impasse actuelle. C'est
évident. Mais il est un des coupables et un des coupables importants de
l'impasse actuelle. Tout le monde sait très bien qu'il s'est
prêté à un processus qui n'était pas dans
l'intérêt du Québec, parce qu'il était mal
engagé, au mauvais moment, dans une ambiguïté. Ayant
prétendu avoir vu tout cela, il a malheureusement décidé
de ne pas agir, de ne pas tirer les conclusions qui s'imposaient à
l'époque. Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Le ministre nous
disait tout à l'heure qu'on a cessé de l'inciter à faire
des élections. On a cessé à un moment donné parce
qu'on s'est dit: De toute manière, on n'a pas l'air d'avoir un gros
impact...
M. Morin (Louis-Hébert): Non.
M. Forget: ...sur la décision gouvernementale et ils
devront bien par la loi, un jour ou l'autre, en venir là, quelles que
soient leurs réticences. Mais si vous nous demandez ce qu'on en pense,
M. le Président, on en pense ce qu'on en a toujours pensé: depuis
le référendum, il y a un besoin pressant de faire un appel au
peuple et j'espère que le gouvernement ne trouvera pas un nouveau
prétexte, au cours des prochains jours, pour reporter les
échéances. On sent déjà une espèce
d'hésitation. On devait être convoqué le 3, selon les
rumeurs. Depuis la semaine dernière, tout à coup, c'est moins
urgent d'être convoqués le 3. Je ne sais pas par quel miracle,
tout à coup, il y a des urgences qui viennent et qui partent comme cela.
Mais on se rend compte que plus on approche de la date fatidique où il
va bien falloir prendre la décision, on dit: Si on regardait un autre
sondage, si on regardait le pointage que le Parti québécois est
en train de faire au moment de sa campagne de financement, peut-être
aurait-on un peu plus de sécurité. On est loin de la grande
défense des intérêts fondamentaux du Québec. On
regarde le calendrier avec toutes sortes de préoccupations, mais on est
bien loin de la négociation constitutionnelle dans la décision du
choix de la date électorale, bien loin. C'est ce parti qui nous dit:
Fiez-vous à nous, nous allons garder l'essentiel. Qu'ont-ils fait depuis
le mois de mai 1980? Ils ont gardé l'essentiel, mais leur essentiel
à eux qui était de rester au gouvernement. C'est tout ce qu'il y
a d'essentiel dans ce qu'ils ont gardé. Pour le reste, c'est un
échec complet du début à la fin.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Bellechasse.
M. Goulet: M. le Président...
M. de Bellefeuille: En vertu de l'article 96, M. le
Président.
Le Président (M. Jolivet): En vertu de l'article 96, M. le
député.
M. de Bellefeuille: Je pense qu'il y a seulement le
député de Saint-Laurent qui n'a pas compris que, lorsque j'ai
rappelé la fin du mémoire de M. Trépanier, ce
n'était pas pour exprimer un accord avec chacune de ses propositions.
J'ai bien précisé que c'était un accord avec son
intention. Je venais d'expliquer que ce qui compte, c'est de mettre le
Québec d'abord. Il est clair que M. Trépanier, quand il sort du
rôle qu'il s'est donné, celui de jouer le premier ministre du
Canada, se déclare en faveur du Québec d'abord. C'est de
ça qu'il s'agit et je trouve étonnant qu'un porte-parole du Parti
libéral parle d'ambiguïté. C'est vraiment la paille et la
poutre puisque, lorsqu'il s'agit des positions du Parti libéral du
Québec, nous nageons en pleine ambiguïté. On ne sait jamais
dans quelle mesure ils sont soumis au grand frère d'Ottawa. Durant le
débat sur la motion en novembre à l'Assemblée nationale,
ils parlaient contre le coup de force et ils ont voté pour. On apprend
maintenant que le non...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Deux-Montagnes!
M. de Bellefeuille: ...au référendum ne signifie
plus le fédéralisme renouvelé, alors que, tout le temps du
débat en novembre, c'est le sens qu'on donnait au non. On nage en pleine
confusion et en pleine ambiguïté.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Deux-Montagnes, je m'excuse.
M. Forget: Vous nous avez posé une question.
Le Président (M. Jolivet): Oui.
M. Forget: Le ministre a répondu. J'ai répondu.
Le Président (M. Jolivet): II reste au
député de...
M. Forget: On peut continuer le débat, bien sûr,
toute la journée.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. M. le
député de Bellechasse.
M. Goulet: Oui, M. le Président, rapidement.
M. Dussault: M. le Président, en vertu de l'article
96.
Le Président (M. Jolivet): Ah, excusez-moi! M. le
député de Châteauguay, en vertu de l'article 96. Je
voudrais bien vous rappeler aussi qu'à l'article 96, cela se limite au
point précis.
M. Dussault: C'est cela, mais M. le député de
Saint-Laurent, en commençant sa longue intervention, a impliqué
le député de Deux-Montagnes et le député de
Châteauguay. Je pense que c'est important. Il a remis en cause,
effectivement, ma reconnaissance du résultat du
référendum. Je pense que c'est important de revenir
là-dessus. Je veux que ce soit très clair. Je reconnais que les
Québécois ont pris une décision lors du
référendum et je respecte cette décision, M. le
Président. Je voudrais que personne ne mette cela en doute. C'est
extrêmement important. Je respecte la décision.
Cependant, cela ne veut pas dire pour autant que je doive accepter,
à un moment donné, que la solution maintenant soit en
arrière. La solution doit être encore en avant. Elle ne doit pas
être dans le recul. Elle ne doit pas être dans l'affaiblissement du
Québec. Elle doit être dans le renforcement du Québec. Et
ces gens sont complices de l'affaiblissement du Québec. C'est pour cela
que je ne peux pas être d'accord avec eux.
Pour répondre à la question de M. Trépanier, je
pense que les Québécois doivent choisir ceux qui auront eu le
courage et qui auront été capables de se tenir debout, de faire
la preuve qu'ils sont capables de se tenir debout, et ce ne sont pas
ceux-là qui ont fait cette preuve, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Châteauguay, la parole n'était pas à vous. Vous avez
utilisé un droit qui n'était pas le vôtre.
M. le député de Bellechasse.
M. Goulet: Merci, M. le Président. Ce n'est pas en vertu
de l'article 96. D'ailleurs, je ne sais pas qui a écrit cet article dans
le livre de règlement.
Pour répondre à la question de M. Trépanier
à savoir à qui les Québécois doivent s'en remettre,
ils doivent s'en remettre à leurs deux paliers de gouvernement. Ni le
fédéral ni le provincial ne devrait avoir juridiction l'un sur
l'autre. Le gouvernement fédéral n'a aucune autorité sur
le gouvernement provincial et vice versa. Ils devraient avoir chacun leur champ
de juridiction. Lors du débat référendaire, ce que les
gens ont décidé, c'est justement qu'on s'assoie et qu'il y ait...
Les gens ont dit: Nous sommes Québécois mais, quand même,
on choisit de poursuivre l'expérience canadienne suite à une
nouvelle entente qui sera négociée. À l'intérieur
de cette entente, on aurait pu définir clairement le champ de
juridiction de chacun des paliers de gouvernement. Ce n'est pas un par-dessus
l'autre, c'est un au niveau de l'autre.
Les Québécois, lorsqu'ils ont voté non au
référendum, quant à moi, c'est tout simplement parce
qu'ils voulaient qu'on s'assoie et qu'on définisse clairement ce champ
de juridiction pour qu'on arrête, qu'on cesse ces chicanes intestines
qu'on connaît depuis de nombreuses années et qui n'avancent
à rien. C'est de les définir clairement. Il y a eu des formules
proposées. Notre formation politique en propose une, au niveau de la
langue, etc. Chaque palier de gouvernement a son champ de juridiction. La
commission Pépin-Robarts a formulé un rapport. Il y avait
d'autres propositions. Il y a eu différentes formules proposées.
Elles ne sont pas toutes bonnes à 100%, bien sûr, mais il y a
certainement quelque chose de valable. D'ailleurs, cette unanimité qu'on
voulait, on ne l'avait pas depuis x années. Rappelons-nous lorsque M.
Johnson allait à Ottawa. Il était le seul à parler un
langage. Maintenant, il y a six, sept et même huit premiers ministres qui
parlent à peu près le même langage. Il y a eu de
l'avancement il y a eu des choses de faites depuis dix ans, depuis vingt ans et
ce n'est pas vrai qu'on est demeuré toujours au statu quo. Il y a eu de
l'avancement et il peut y en avoir encore.
Si vous me permettez, vous nous avez dit tout à l'heure que vous
vous mettiez dans la peau de M. Trudeau. Je vais essayer de vous regarder comme
si vous étiez M. Trudeau. Je vais vous dire ce que je vous aurais dit
lorsque je suis allé à Ottawa devant le comité mixte. Je
n'ai pas pu le rencontrer, M. Trudeau, mais je vous aurais dit que quant
à moi, vous êtes le plus grand indépendantiste et le plus
grand séparatiste que le pays a connu. C'est cela que je vous dirais.
Parce que vous êtes intransigeant, vous êtes arrogant d'abord. Si
justement ce fédéralisme renouvelé, à un moment
donné, tant désiré par bon nombre de Canadiens, si cela ne
passe pas, vous en serez le premier responsable, parce que vous ne voulez
vraiment pas négocier. On en a eu la preuve.
D'ailleurs, lorsque vous faites fi justement de ce que sept ou huit
provinces vous demandent actuellement, sept à compter de ce matin, ce
que 750,000 Québécois vous demandent, de retourner à la
table de négociation, de vous asseoir et de négocier,
ce que l'Ouest vous demande et que les autres provinces vous demandent;
il n'y a pas seulement les Québécois qui vous le demandent. Ils
vous disent: On veut un fédéralisme canadien renouvelé en
profondeur avec l'accord... Quant à nous, on dit avec l'accord du
Québec, c'est ce qu'on veut, c'est ce qu'on demandait en mai. Je suis
allé moi-même sur les tribunes au mois de mai et, si
c'était à refaire, je referais exactement la même
chose.
La question qu'on vous posait, c'est de vous asseoir et de
négocier un fédéralisme renouvelé. Faites-le. Quand
vous parlez de déclencher une élection pour savoir ce que la
population veut, moi, je vous lance le défi, vous n'avez pas les "guts"
de la déclencher.
Quand vous arrivez avec des arguments aussi faibles que c'est parce que
le Parti conservateur n'est pas trop organisé que vous ne
déclenchez pas les élections, quand on connaît les
libéraux fédéraux, leur façon d'agir, justement,
vous seriez les premiers à profiter de cela, si les conservateurs
étaient divisés, mais ils ne le sont pas. Ce sont des arguments
faibles. À savoir si vous auriez les mêmes alliés,
rappelez-vous que, dernièrement, vos amis, les libéraux
provinciaux, ont déclaré publiquement - vous avez cela dans tous
les journaux - que lors d'une élection provinciale, on demande aux
libéraux fédéraux et M. Trudeau en tête de demeurer
chez eux. Vous avez cela à peu près dans tous les médias,
ici, dans la région de Québec. Cela veut dire qu'ils sont rendus
qu'ils ont honte de vous autres, tout simplement. Ils ne veulent même pas
que vous veniez les déranger, lors de la campagne électorale
provinciale qui s'en vient, parce qu'ils savent que vous allez leur nuire et
ils savent que, justement, les engagements que vous avez pris le 20 mai, vous
ne les avez pas respectés.
Déclenchez une élection là-dessus. Vous n'avez pas
les "guts" de la déclencher. Vous n'avez même pas vos partenaires
provinciaux, vous n'en aurez plus un de ceux que vous avez eus à la
dernière bataille référendaire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vanier, en terminant.
M. Bertrand: En terminant, M. le Président.
Peut-être que M. Trépanier voudrait ajouter...
Le Président (M. Jolivet): Faites votre intervention, il
pourra terminer ensuite.
M. Bertrand: Justement, je suis content que le
député de Bellechasse nous ait appris que ce sont les
libéraux provinciaux qui se sont alliés au plus grand
séparatiste et au plus grand indépendantiste, lors du
référendum du 20 mai. Je pense que c'est bon de savoir de quel
côté se situaient les séparatistes et les
indépendantistes.
M. Goulet: Je vais sortir l'article 96, moi aussi.
M. Bertrand: Mais c'est plutôt sur une remarque du
député de Saint-Laurent que je voudrais revenir sur le
non-respect ou le respect de la décision des Québécois, le
20 mai dernier.
Je pense que si on regarde un peu aujourd'hui ce qui s'est
déroulé depuis sept ou huit mois, on est obligé de se
rendre à l'évidence. C'est que, quels que soient les objectifs
que nous ayons formulés à l'endroit des Québécois,
le 20 mai dernier, et la conviction que nous ayons que c'était dans ce
sens que le Québec devait se diriger. Je pense qu'il n'y a personne qui
peut dire du gouvernement aujourd'hui que ce gouvernement n'a pas
été profondément respectueux de la décision des
Québécois. Il n'y a personne qui a osé proclamer que nous
ayons posé quelque geste que ce soit qui ait été à
l'encontre du respect de la décision démocratique prise par les
Québécois. J'ajouterai encore que, s'il y en a qui doivent
être taxés d'avoir été profondément
irrespectueux de cette décision, ce sont ceux qui, à l'heure
actuelle, à Ottawa, imposent au Québec un coup de force qui
n'était pas le sens de leur non au référendum. Ces gens
n'ont pas respecté la décision des Québécois. Vous
autres qui, aujourd'hui, tentez de nous faire la leçon, n'êtes
même pas capables, d'une façon directe ou indirecte, de faire
appel au bon sens, à la raison et à la compréhension
même de votre livre beige auprès de ces alliés et de ces
complices du 20 mai dernier. Quand on parle de respect de la décision,
je pense qu'effectivement le député de Deux-Montagnes avait
raison de dire que votre poutre est drôlement plus importante que les
pailles que vous tentez de nous prêter.
M. le Président, dans ce contexte, je réitère mon
invitation au député de Saint-Laurent de faire peut-être
une déclaration publique. Paraît-il qu'il est le porte-parole
constitutionnel de sa formation politique. Il pourrait peut-être jouer au
Lome Nystrom du Parti libéral et tenter d'amener ses collègues
libéraux d'Ottawa à la raison. Il me semble qu'on pourrait
évaluer l'impact, la force, l'influence dont jouit le Parti
libéral du Québec auprès de ses collègues
libéraux à Ottawa, et peut-être bien qu'au terme on
pourrait apprendre qu'au lieu d'avoir uniquement un seul député
sur 74 qui s'oppose à ce coup de force il pourrait y avoir une
brèche de 10, 15, 20 ou 25 députés. M. le
député de Saint-Laurent, on vous fait une invitation. On verra
dans les prochains jours si elle aura porté fruit.
Le Président (M. Jolivet): En terminant,
avant de suspendre les travaux, M. Trépanier. (13 heures)
M. Trépanier: Oui. Je vous remercie d'avoir répondu
à ma question du mieux que vous pouviez. Je vous rappelle que je parle
toujours en mon nom personnel, je n'ai pas du tout la prétention de
parler au nom des Canadiens ou des Québécois. J'espère que
dans la prochaine campagne électorale, à cause de
l'ambiguïté qu'on vit au Québec depuis plusieurs
années, vous allez donner l'occasion aux Québécois de se
brancher si on peut dire. Je vous rappellerais une citation de M. Jean
Chrétien dans son discours d'il y a deux jours, quand il a
présenté son projet à Ottawa. À un moment
donné, il a dit: On ne peut pas être des deux côtés
de la rue en même temps. Il faisait allusion à l'Opposition qui
proposerait des amendements à son projet et qui, après cela,
voterait contre. J'aimerais qu'ici au Québec on se branche aussi, qu'on
décide de quel côté de la rue on va être, soit qu'on
choisisse d'être Canadiens ou d'être Québécois, et
qu'on en assume la responsabilité de la façon la plus
intelligente en tenant compte, évidemment, des nuances qu'on vit
présentement.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Trépanier:
Merci.
Le Président (M. Jolivet): Suspension des travaux
jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 02)
(Reprise de la séance à 15 h 15)
Le Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission parlementaire de la présidence du conseil et de la
constitution est de nouveau réunie pour les audiences publiques. Je fais
demande à Mme Micheline Trudel-Lamarre qui représente
l'Association québécoise pour l'application du droit à
l'exemption de l'enseignement religieux de bien vouloir s'avancer et de nous
présenter la personne qui l'accompagne.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, si vous
me le permettez...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): ... j'aurais une question
d'organisation à soulever. Je voudrais poser au député de
Saint-Laurent une question. Quand la commission a commencé à
siéger, il y a deux ou trois semaines, le chef de l'Opposition, à
l'époque, avait parlé de la possibilité de
présenter une résolution à cette commission. Je comprends
que le mandat de la commission - ça on pourra en discuter longtemps - ne
s'étend peut-être pas à présenter des motions, mais
ne serait-ce que pour qu'on organise notre travail, je voudrais savoir si on a
toujours l'intention de la faire et quand est-ce qu'on pourrait faire
ça, parce que cela pourrait peut-être nous conduire à
demain matin. Je voudrais le savoir parce qu'il y a des engagements que
certains d'entre nous avons.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je suis fort aise que le
ministre aborde lui-même la question. J'allais le faire moi-même au
début de nos travaux de cet après-midi. J'avais d'ailleurs
posé la question, je pense, la semaine dernière, parce que sur
l'ordre du jour qui nous a été communiqué,
évidemment, on ne voit figurer que la présentation de
mémoires et on me dit, du côté du secrétariat de
l'Assemblée nationale, qu'on a épuisé totalement la liste
des personnes ou organismes qui voulaient se faire entendre à la
commission. Évidemment, on se rend bien compte que ce n'est pas le
membre de l'Opposition qui va décider de l'ordre des travaux et du temps
qu'on peut consacrer au débat de motion, alors j'apprécierais
beaucoup si, dans le fond, le ministre répondait à sa propre
question dans le sens de nous indiquer s'il est disposé à
accorder une période de temps limitée pour l'étude d'une
motion et si oui à quel moment. Si je comprends bien, il suggère
que cela se fasse demain. Moi, je n'aurais pas d'objection à le faire
demain, mais il serait peut-être aussi plus facile de le faire à
la fin de la séance d'aujourd'hui, quitte à la prolonger de
quelques minutes.
M. Morin (Louis-Hébert): Peut-être. Ce n'est pas
parce que je n'avais pas l'intention d'y réserver du temps, au
contraire, sauf que je souligne, en passant, que je ne crois pas que le mandat
de la commission nous porte naturellement à faire des motions; mais nous
n'avons pas objection à ce qu'il y en ait. Je voudrais savoir si
l'Opposition avait toujours l'intention d'en présenter une et si c'est
le cas, j'aimerais qu'on en discute le plus rapidement possible. Nous avons
encore des personnes à entendre, bien sûr. D'ailleurs, il y a des
gens, si j'ai bien compris, qui ont déjà des engagements pour
demain, d'autres, peut-être pour ce soir. Il faudrait s'ajuster. On
pourrait peut-être en reparler un petit peu plus tard après-midi
pour voir où on s'en va avec tout cela.
Le Président (M. Jolivet): On aura l'occasion, d'ailleurs,
au moment de la suspension des travaux, à l'heure du souper,
d'en parler à ce moment.
M. Morin (Louis-Hébert): Ou même avant.
Le Président (M. Jolivet): Avant cela? M. Morin
(Louis-Hébert): D'accord.
Le Président (M. Jolivet): D'accord. Juste avant de donner
la parole à Mme Micheline Trudel Lamarre, je voudrais faire appel, parce
qu'il y a deux groupes qui n'étaient pas là ce matin pour voir
s'ils sont arrivés. Le Conseil des minorités du Québec.
Nous allons donc conclure que ces gens-là ne se sont pas
présentés et qu'ils n'auront pas de mémoire à
présenter. Le Regroupement pour les droits politiques du Québec.
Nous allons conclure la même chose. Comme j'en avais fait mention ce
matin, nous avons corrigé l'Organisation des jeunes
indépendantistes pour un Québec communautaire qui est
représentée dans la salle par José Roy et Jean Baillargeon
que je vois là-bas. Mme Micheline Trudel-Lamarre, la parole est à
vous.
AQADER
Mme Trudel-Lamarre: Bonjour, M. le Président. Je vous
présente Norma Legault, présidente de l'AQADER, qui
m'accompagne.
Le Président (M. Jolivet): Voulez-vous approcher votre
micro, s'il vous plaît?
Mme Trudel-Lamarre: L'AQADER est un regroupement populaire qui a
été fondé en 1976 et, comme son titre l'indique, nous nous
sommes regroupés pour faire appliquer le droit à l'exemption de
l'enseignement religieux dans nos écoles confessionnelles.
Actuellement, nous avons dix sections de l'AQUADER à travers le
Québec, soit à Montréal, sur la rive sud, à
Québec, à Laval, dans les régions de l'Outaouais, de
l'Estrie, de la Mauricie, des Laurentides, de Gaspé et de la
Côte-Nord.
M. le Président, distingués membres de l'Assemblée
nationale, nous ne sommes ni des historiens, ni des juristes, ni des
constitutionnalistes. Notre intention n'est pas de vous présenter un
savant exposé. Les gens qui sont devant nous ont d'ailleurs les moyens
de faire toutes les recherches nécessaires. Nous représentons des
parents qui, dans les écoles publiques confessionnelles du
Québec, en 1981, ont encore le "droit à l'exemption religieux"
comme seul moyen d'exprimer leur liberté de conscience.
L'objet de notre intervention se limitera à l'article 93 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, bien que nous ayons beaucoup
à dire sur la législation provinciale en matière
d'éducation.
Sommairement, l'article 93 établit que l'éducation est de
juridiction provinciale et que les minorités catholiques ou protestantes
doivent, dans chaque province et pour chaque province, être
respectées quant aux écoles confessionnelles. Or, seul le
Québec est soumis aux restrictions de l'article 93 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique.
Selon une citation de Denis Monière: "L'article 93 ne garantit
que les droits de la minorité protestante du Québec. Il n'est pas
extensible aux minorités catholiques des autres provinces parce que
l'article ne garantit que les droits conférés par la loi, au
moment de l'Union. Or, ces droits n'étaient clairement définis
que pour la minorité protestante du Québec."
Les interprétations de l'article 93 sont nombreuses et souvent
différentes, voire contradictoires. Au Québec, la plus
récente, celle du juge Deschênes, dit: "L'article 93 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique protège la confessionnalité
scolaire au niveau élémentaire à Montréal, à
Québec et dans les six dissidences en province." N'est-il pas paradoxal
de constater que seul le Québec y perd sa juridiction et ce, dans ses
bassins de population les plus importants, les plus cosmopolites,
ceux-là même qui font habituellement figure de proue dans
l'évolution d'une société? N'est-il pas paradoxal que cet
article enchâssé dans la constitution de 1867 pour protéger
la liberté de religion et appliqué dans le cas de l'école
Notre-Dame-des-Neiges amène le juge Deschênes à conclure,
et je cite: "Cependant, la protection de la liberté de conscience dans
les écoles publiques appelle l'amélioration de la
législation"? N'est-il pas paradoxal que le système scolaire
confessionnel pour dissidents soit devenu, sous le coup de lois
consécutives, le lot imposé à la majorité? Alors
que le juge Deschênes considère la législation scolaire
dépassée par les événements et déplore le
cadre contraignant à l'intérieur duquel la cour se voit
forcée d'arbitrer ce litige, en parlant de Notre-Dame-des-Neiges; alors
qu'un sondage scientifique mené dans le cadre de la consultation sur le
livre vert dans l'enseignement primaire et secondaire -dont vous avez un
extrait en annexe - révèle que l'école publique
confessionnelle n'est plus le type d'école répondant aux attentes
d'une majorité de citoyens consultés en 1978; alors que le
pluralisme de notre société ne fait plus de doute, n'est-il pas
anachronique et antidémocratique de présenter un projet de
constitution en 1981 qui se lit comme suit? Je sors un peu du texte. Ce matin,
quelqu'un disait: Ne devrait-on pas se méfier de l'inclusion d'une
charte des droits dans la constitution, alors que ce sont des droits humains
universellement reconnus? Oui, il faut s'en méfier parce qu'actuellement
ces droits, en même temps qu'ils sont affirmés,
font l'objet de restrictions majeures. C'est ainsi qu'on lit, sous la
rubrique "Libertés fondamentales" à l'article 2: "Chacun a les
libertés fondamentales suivantes: liberté de conscience et de
religion." Mais on lit, à l'article 6.3: "Les droits mentionnés
au paragraphe 2 - donc, liberté de conscience et de religion - sont
subordonnés aux lois et usages d'application générale en
vigueur dans une province donnée, s'ils n'établissent entre les
personnes aucune distinction fondée principalement sur la province de
résidence antérieure ou actuelle."
Et, à l'article 28, "les dispositions de la présente
charte ne portent pas atteinte aux droits ou privilèqes garantis en
vertu de la constitution du Canada concernant les écoles
séparées et autres écoles confessionnelles." Bonnet blanc,
blanc bonnet!
Comment admettre dans un nouveau projet de constitution un
succédané de 1867 qui a mené à des structures
scolaires rigides, sourdes aux transformations sociales et incompatibles avec
les principes de liberté, de justice et de fraternité?
Attendu que notre société se proclame démocratique
et libérale;
Attendu qu'un des principes de démocratie est la liberté
de pensée, de conscience et de religion;
Attendu que la confessionnalité du système scolaire est en
contradiction avec son caractère public, constituant ainsi une forme
d'oppression sur l'ensemble des citoyens;
La parenthèse renvoie à la loi 101. C'est qu'en
particulier dans le cas des immigrants qui, avec la loi 101, doivent
fréquenter l'école française, donc catholique au
Québec, on assiste à l'évangélisation forcée
des immigrants;
Attendu qu'un système public se définit par rapport
à l'ensemble des citoyens et non par rapport à des groupes plus
ou moins majoritaires;
Attendu que la séparation de l'État et des Églises
est reconnue en droit;
Attendu que l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, ainsi que les articles 6.3 et 28 du projet de constitution
canadienne portent atteinte aux libertés fondamentales;
Attendu que, dépassant des considérations religieuses,
l'accès à l'école anglaise est désormais garanti
aux anglophones par la loi 101,
Nous réclamons l'abrogation de l'article 93 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique et/ou des articles 6.3, 28 et 56.3 du
projet de constitution canadienne, de sorte que le Québec jouisse d'une
entière autonomie en matière d'éducation.
Nous réclamons la laïcité de toute les écoles
publiques, de sorte que tous les citoyens disposent de droits et de traitements
égaux.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
Mme Trudel-Lamarre: Je voudrais annoncer à la commission
que l'AQADER deviendra bientôt officiellement le Mouvement laïque
québécois.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. le Président.
Madame, je viens de prendre connaissance de votre mémoire en vous
écoutant et en le lisant de mon côté. Je voudrais faire
trois commentaires. Ce n'est pas tellement des questions que des
commentaires.
Le premier, c'est que vous nous faites des commentaires sur le projet
fédéral, alors que, évidemment, je pense que tout le monde
est d'accord là-dessus, mais je tiens à le souligner, ce n'est
pas nous qui avons proposé le projet fédéral. Donc, ce que
vous avez à en redire sera transmis par les journaux et la
télévision à nos collègues d'Ottawa. Je pense que
vous ne visiez pas le Québec en particulier, à cet
égard.
Deux autres commentaires. L'article 93 de la constitution est celui qui
garantit l'exclusivité de la compétence des provinces en
matière d'éducation. Quand vous dites qu'il faudrait l'abroger,
je sais que c'est en vue d'un autre objectif. Il reste néanmoins que si
cet article disparaît, vous enlevez la garantie de la compétence
exclusive des provinces en matière d'éducation. C'est un
commentaire que je voulais faire.
Un deuxième commentaire, je suis d'accord avec vous, à ce
moment-là, c'est un peu comme pour l'article 133 qui impose le
bilinguisme institutionnel au Québec, mais qui ne l'impose pas à
l'Ontario. C'est une des grandes questions débattues maintenant;
l'article 93 garantit pour le Québec seulement les droits de la
minorité protestante, mais pas les droits de la minorité
catholique dans d'autres provinces. Mon commentaire donc, c'est qu'il y a
là aussi deux poids, deux mesures, comme c'est le cas pour l'article
133. Je l'enregistre et je pense que, là-dessus, on vient de voir un des
éléments qui font que le régime actuel, même pour
ceux qui en partagent les objectifs, est loin de traiter justement le
Québec. C'est le commentaire que je voulais faire. Je ne sais pas si
vous voulez ajouter des choses à cela, mais je me limiterais à
ces remarques, pour le moment.
Le Président (M. Jolivet): Mme Legault.
Mme Legault (Norma): Si nous sommes ici, c'est que nous
espérons que vous agirez en notre nom auprès d'Ottawa.
Le Président (M. Jolivet): Voulez-vous
vous approcher.
Mme Legault: Je m'excuse, le micro.
Si nous sommes ici, c'est que nous espérons que vous agirez en
notre nom à Ottawa. Nous ne sommes pas allés à Ottawa et
nous avons demandé d'être reçus ici pour être
entendus pour souligner certaines choses que nous vivons de façon
très difficile. Pour cette fois, on se contente des aspects de la
constitution qui nous semblent... Je pense que tous ceux qui ont
été dans les gouvernements assez longtemps savent combien de
débats il y a eu sur cette question. Je pense qu'on peut citer M. Morin,
dernièrement, à qui on parlait de la restructuration scolaire
à Montréal. Ah! la constitution!
Si la partie de la constitution qui enlève l'autonomie à
la province pouvait être enlevée, nous, notre souhait c'est que
vous puissiez le faire ou l'obtenir.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent. (15 h 30)
M. Forget: M. le Président, j'aimerais dire au
départ que le mémoire qui vient d'être
présenté est basé sur une valeur fondamentale de la
société à laquelle nous appartenons, celle de la
liberté de conscience ou de la liberté religieuse et souligne les
imperfections qui existent encore dans l'exercice de cette liberté, et
à juste titre. Je pense que tous les Canadiens et certainement tous les
Québécois ne souhaitent pas vivre dans un régime où
il y a une église officielle, où l'État se fait le bras
séculier d'une croyance religieuse parmi d'autres. C'est vers cet
idéal qu'on doit se diriger le plus rapidement possible.
Deuxième remarque: Ce traitement discriminatoire que la
constitution actuelle fait au Québec en matière religieuse en
garantissant des libertés religieuses pour ce qui était, à
l'époque, une minorité protestante au Québec, est
anachronique puisqu'il y a même désormais plus de catholiques en
Ontario qu'il n'y a de protestants au Québec. Donc, il ne devrait plus y
avoir de discrimination comme celle-là. J'aimerais poser une question
à nos invités. Lorsque vous parlez de l'exemption de
l'enseignement confessionnel, est-ce que, dans votre esprit, les écoles
protestantes au Québec sont confessionnelles dans le même sens que
les écoles catholiques sont confessionnelles?
Le Président (M. Jolivet): Mme Legault.
Mme Legault: Pas du tout. Je pense qu'on peut trouver la
définition dans celle qui est donnée à la fois par le
comité catholique et par le comité protestant. Je vais
résumer de mémoire. Le comité catholique définit
l'école catholique comme étant celle qui intègre le projet
chrétien dans l'ensemble du climat de l'école, et il y a aussi
des règlements où l'enseignement religieux est obligatoire et
tout cela. Le comité protestant définit ces écoles dans
lesquelles un enseignement moral ou religieux est proposé, mais jamais
dans un sens doctrinaire. Elles n'ont pas du tout le même objectif.
Est-ce que tu as trouvé les mots exacts? Oui. Je vais vous les citer, ce
sera mieux que de mémoire. C'est La recherche de la qualité
à l'école publique protestante du Québec. Cela a
été publié dernièrement. "Tout au long du
règlement du comité protestant, on respecte et encourage la
liberté de conscience. Tout endoctrinement des élèves par
un enseignement basé sur l'appartenance à une secte religieuse
particulière y est formellement interdit." Je suis très heureuse
que vous souleviez cette question parce que les deux systèmes existent
pour les mêmes raisons juridiques confessionnelles, mais, dans les faits,
cela ne donne pas du tout la même chose. Alors qu'à l'école
catholique c'est l'enseignement religieux obligatoire - climat catholique,
projets éducatifs chrétiens - qui doit toucher l'ensemble de la
vie de l'école, le comité protestant ne fait pas du tout la
même définition des écoles protestantes,
M. Forget: Je vous remercie. Dans ce contexte et sans diminuer en
rien la pertinence de vos remarques relativement à la façon
discriminatoire avec laquelle la constitution traite le Québec, à
cet égard, et les autres provinces - cela demeure, bien sûr, un
élément du problème dont il ne faut pas perdre la
conscience - mais, malgré tout, dans ce contexte et mettant, pour
l'instant du moins, cette plus large question de côté, du point de
vue d'un groupe comme le vôtre qui est soucieux de ne pas être
soumis à un enseignement confessionnel catholique, est-ce que, dans le
fond, l'existence ou le développement possible d'un secteur protestant
francophone ne répondrait pas essentiellement à vos
préoccupations? Je comprends qu'il y a une connotation traditionnelle au
Québec: protestant veut dire anglophone. Si c'est historiquement vrai,
ce n'est pas nécessairement vrai jusqu'à la fin des temps. Il y
a, de fait, dans la région de Montréal, un grand nombre de
francophones qui ne sont pas catholiques, soit qu'ils soient d'origine
étrangère, soit même qu'ils soient de vieille souche
québécoise, mais qui, pour une raison ou pour une autre, ont pris
leur distance par rapport à la religion catholique. Est-ce qu'il n'y a
pas là, dans le système existant, une solution possible à
votre préoccupation?
Le Président (M. Jolivet): Mme Legault.
Mme Legault: Si vous me le permettez. Le Président (M.
Jolivet): Oui.
Mme Legault: D'abord, une précision. Nous sommes des
Québécois. C'est très important pour nous, c'est
l'école de quartier, l'école publique de notre voisinage qui doit
être accessible à tous. C'est celle-là qu'on veut changer.
Pour le moment, elle est confessionnelle. On doit demander l'exemption si on
refuse l'enseignement religieux catholique, et refuser l'enseignement religieux
catholique ne fait pas de nous des protestants. Finalement, c'est dans notre
école française qu'on veut pouvoir exercer la liberté de
conscience parce que c'est l'école publique, l'école de tout le
monde. Ce sont les règlements concernant l'école publique qui
doivent changer pour la rendre véritablement publique. Je pense que ce
n'est pas à nous de changer de système scolaire. De toute
façon, nous ne sommes pas du tout d'accord avec le développement
actuel qui se fait du côté protestant où on dit que, d'ici
à cinq ans, il sera à 50% francophone. Cela devient, il me
semble, une déviation de notre rêve de société
où l'école de la majorité accueille tout le monde. Dans le
moment, on a une constitution qui donne des droits aux protestants, mais, en
fait, c'est l'école de la majorité qui doit s'adapter à
l'évolution de la population et aux nouveaux immigrants et accueillir
tout le monde. Politiquement, cela me semble inacceptable.
M. Forget: Est-ce qu'il n'y a pas une certaine contradiction dans
votre position -je ne l'affirme pas là, je m'interroge - en disant: Nous
ne voulons pas qu'on nous impose une croyance religieuse - ce que vous avez
à l'esprit quand vous dites ça, c'est: On ne veut pas qu'on nous
impose la foi religieuse catholique sous prétexte que c'est
l'école de la majorité ou que l'école commune est
catholique et française - et, en même temps, de vouloir que
l'école, justement, commune soit une école non confessionnelle?
C'est une autre façon d'imposer vos croyances à vous. C'est une
première observation. L'autre observation, c'est lorsque vous dites que,
si vous rejetez la foi catholique dans l'enseignement, cela ne vous fait pas
pour autant des protestants. C'est débattable. Évidemment, les
écoles autres que catholiques, que nous avons ne sont pas des
écoles anglicanes, ni des écoles presbytériennes, ni des
écoles unitariennes, ni aucune des écoles qu'on pourrait
rattacher à une secte protestante ou à une autre.
Vous savez combien est large l'éventail de ce côté.
Cela va jusqu'à des Eglises, ou à ce qui s'appelle des
Églises, qui n'ont plus beaucoup d'éléments de foi
commune. Ce sont presque des associations sociales et communautaires beaucoup
plus que des Églises à la limite. Sauf l'appellation de
protestant qui est inhabituelle et qui peut-être choque certaines
personnes parce qu'elles ne sont pas habituées de se l'appliquer
à elles-mêmes, est-ce que l'essence du protestantisme, ce n'est
pas de regrouper tous ceux et celles qui ont rejeté, évidemment,
la foi catholique? C'est le seul trait commun, finalement. Est-ce qu'il y a
vraiment une autre solution que celle-là et qui ne consiste pas à
vouloir faire absolument de l'école de la majorité l'école
qui correspond à vos croyances à vous? Ceci n'est que changer le
problème de place.
Le Président (M. Jolivet): Mme
Lamarre.
Mme Trudel-Lamarre: M. le Président, je voudrais dire au
ministre Forget, au député...
M. Forget: La prescience!
Mme Trudel-Lamarre: ... que je réclame le droit au
Québec de me définir en tant que citoyenne
québécoise et de ne pas être obligée de me
définir en tant qu'appartenant ou non à telle ou telle confession
religieuse. Je suis une citoyenne québécoise.
La question de l'école où nous aimerions qu'il n'y ait pas
d'enseignement religieux: est-ce qu'on refuse un droit à d'autres?
Est-ce que je saisis bien la question? La société et le projet de
société qui se véhicule, qui se vit et qui se forme au
sein des écoles publiques de quartier, c'est à ce
moment-là qu'on doit, dans un système d'éducation, penser
à habituer les enfants, le plus jeunes possible, à vivre
ensemble, comme dans la société où nous ne sommes pas tous
semblables, où nous ne partageons pas nécessairement les
mêmes idées.
L'enseignement religieux. Le comité protestant réclame que
sa responsabilité incombe aux parents. Vous savez que plusieurs
Églises protestantes et sectes religieuses réclament la
responsabilité de leur enseignement religieux. Je ne pense pas que de
remettre à l'Église catholique la responsabilité de
l'enseignement religieux catholique nuise à la foi de ses membres.
M. Forget: Une dernière question, M. le Président.
Vous rejetez, si je peux comprendre - j'aimerais vous l'entendre dire, mais je
pense bien que c'est cela qui se dégage de vos propos - toute solution
qui aurait, par exemple, pour effet de créer un troisième
réseau d'écoles. Vous insistez vraiment pour que ce qu'on appelle
l'école catholique maintenant, c'est-à-dire le réseau
d'écoles administrées par les commissions scolaires catholiques,
devienne une école
neutre, si on veut, une école areligieuse.
Le Président (M. Jolivet): Mme Trudel-Lamarre.
Mme Trudel-Lamarre: Le troisième réseau qui a
déjà été préconisé et qui a
été rejeté par la suite par presque toutes les instances,
après analyse, nous le refusons évidemment, parce que nous
refusons une éducation basée sur ces différences, à
cause de l'intolérance que cela peut engendrer.
Le troisième réseau, ce système accroîtrait
encore considérablement les dépenses de l'État en
matière d'éducation. En plus, cela forcerait les enfants à
changer. Ce seraient les enfants qui s'adapteraient à l'école,
qui seraient donc obligés de se promener et de se déraciner de
leur quartier. Cette solution ou cette hypothèse contribuerait à
morceler davantage des structures déjà complexes, artificielles
et onéreuses.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. En remerciant
Mmes LeBlanc-Legault et Trudel-Lamarre de leur mémoire, je voudrais non
pas poser une question, mais faire un commentaire, parce que leur
mémoire met en lumière une situation qui fait que c'est deux
poids, deux mesures en ce qui concerne, d'une part, l'Ontario et, d'autre part,
le Québec, par rapport à certains aspects de l'article 93, ayant
un parallèle entre ces aspects de l'article 93 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique et l'article 133 qui, lui aussi, impose
au Québec des obligations qui ne pèsent pas en même temps
sur l'Ontario. C'est un des aspects qu'on a le plus débattus dans ce
débat constitutionnel.
À propos de l'article 133 que l'Ontario refuse d'accepter - on
sait que M. Davis est en train de faire campagne en Ontario en se vantant
d'avoir protégé l'Ontario contre l'article 133, en se vantant
d'avoir stoppé les progrès du français - des fois, des
gens bien intentionnés, optimistes nous disent: Ah! môme si
l'Ontario n'accepte pas l'article 133 pour le moment, cela va venir
bientôt. Laissez-nous faire. La politique des petits pas, cela va venir.
(15 h 45)
Je voudrais signaler qu'il faut être très optimiste, qu'il
faut même être rêveur pour croire à ce genre
d'assurance, parce que, pour ce qui concerne cet article 93, cet aspect
particulier de l'article 93, en 1865, je crois, Georges Étienne Cartier,
qui était le père numéro deux de la
Confédération, avait fait un discours à Montréal
dans lequel il disait qu'il appuyait le projet de Confédération.
C'était deux ans avant que la
Confédération naisse. La principale raison pour laquelle
Cartier appuyait ce projet, c'était, disait-il, qu'il était
assuré que ce régime politique donnerait la même protection
aux catholiques de l'Ontario qu'aux protestants du Québec. Ce qui est
arrivé historiquement, c'est que Georges Étienne Cartier s'est
fait rouler. Nous nous sommes tous, à ce moment, fait rouler puisque la
protection s'est appliquée aux protestants du Québec et elle ne
s'est pas appliquée aux catholiques de l'Ontario.
Cette vision de Georges Étienne Cartier qui ne s'est pas
réalisée en 1867 ne se réalise pas non plus en 1981, 114
ans plus tard. S'imaginer, avec cette absence totale de progrès en 114
ans, que, du jour au lendemain, d'ici quelques années, peut-être
l'Ontario va tout naturellement changer d'idée, je pense que c'est
vraiment rêver en couleur. Il paraît clair qu'en révisant
cette constitution, il faudra, partout où cela s'applique, faire en
sorte que ce ne soit plus deux poids deux mesures, faire en sorte que les
francophones - en l'occurrence, pour un bon nombre de francophones, des
francophones, de l'Ontario - jouissent d'une bonne protection, en
général équivalant à celle dont jouissent les
anglophones du Québec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Avez-vous un
commentaire, Mme Trudel-Lamarre?
Mme Trudel-Lamarre: M. de Bellefeuille, voulez-vous dire qu'on
devrait accorder aux francophones ontariens les mêmes droits à
l'école confessionnelle?
Le Président (M. Jolivet): M. le député.
M. de Bellefeuille: C'est un long débat, madame. À
l'époque de la Confédération, lorsque Georges
Étienne Cartier que je citais parlait d'écoles catholiques en
Ontario et d'écoles protestantes au Québec, on pouvait croire
qu'à l'époque, il y avait presque une équation entre,
d'une part, anglophones et protestants et, d'autre part, francophones et
catholiques, ou en tout cas une équation partielle, mais c'est un
très long débat. Je crois que ce qu'il faut faire, c'est que les
francophones - et là, je ne dis pas les catholiques; d'ailleurs, il y a
en Ontario des catholiques qui ne sont pas francophones - de l'Ontario, au plan
des droits scolaires, jouissent d'une bien meilleure reconnaissance que ce qui
leur a été accordé jusqu'ici. Je pense que
l'élément principal, c'est l'élément culturel' et
linguistique. Ce n'est pas nécessairement le caractère de
confessionnalité ou de non-confessionnalité; en Ontario,
d'ailleurs, que je sache, cela ne crée pas de problème. Ce n'est
pas particulièrement en discussion. Vous mettez cela en discussion au
Québec. C'est
parfaitement votre droit.
Le Président (M. Jolivet): Mme Legault.
Mme Legault: Si vous me le permettez, M. le ministre, je pense
qu'on oublie un aspect qu'on mentionne dans notre mémoire et c'est le
jugement Deschênes qui dit que c'est à cause de la constitution
que les écoles primaires gérées par la Commission des
écoles catholiques de Montréal doivent demeurer confessionnelles
et celles de la ville de Québec aussi. C'est en vertu de l'article 93 de
la constitution. Cela vient donc figer, tant cet article et selon son
opinion... J'en ai entendu d'autres; par exemple, dans le débat sur la
restructuration scolaire, certains constitutionnalistes prétendent que
l'ampleur de la juridiction à accorder à l'article 93 pourrait se
limiter aux territoires qu'occupaient, en 1867, par exemple, le Protestant
School Board et la CECM. Par exemple, dans son jugement, le juge
Deschênes dit que la CECM doit gérer seulement des écoles
primaires confessionnelles et il ne fait pas de distinction, il ne mentionne
même pas le fait que, par exemple, la CECM administre toutes les
écoles de Montréal-Nord qui ne sont pas de la même
municipalité que Montréal, mais il étend la juridiction
selon la grandeur de la territoire de la CECM. J'ai entendu des opinions
différentes, mais, pour nous, c'est un problème majeur. Vous avez
un groupe de parents à Notre-Dame-des-Neiges. Vous en avez d'autres
ailleurs, des populations qui sont en train de se définir et qui se font
répondre par la cour: C'est la constitution qui nous empêche de
changer le statut de votre école. On ne parle pas juste de
l'échange protestants-catholiques ou
Québécois-Ontariens. Il s'agit de jeunes familles
québécoises, dans nos écoles primaires de Québec et
de Montréal, qui peuvent être bloquées dans le projet
éducatif d'écoles qu'elles voudraient se donner, qui vont
être bloquées par la constitution. C'est très important de
ne pas oublier cet aspect.
M. de Bellefeuille: Madame, votre mémoire a justement le
mérite de porter à peu près exclusivement sur cette
question, à laquelle d'autres intervenants ont fait allusion, mais sans
s'y arrêter. Nous sommes tout à fait d'accord qu'il devrait
appartenir aux Québécois de décider de ces questions sans
qu'intervienne ce très vieux texte de loi qui empêche les
Québécois de choisir librement les solutions qu'ils veulent
apporter à ces problèmes.
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Une brève intervention. Je remarque que le
ministre n'est plus avec nous. Mais je pense qu'il ne faut pas être un
grand clerc pour déceler, dans les réponses et l'intervention de
nos invités à ce sujet, des questions qui s'adressent au
gouvernement actuel.
Quelle interprétation le gouvernement actuel du Québec se
fait-il de ces restrictions constitutionnelles? Il y a plusieurs
interprétations possibles. Est-ce qu'il opte pour une
interprétation donnée? Est-ce que, à la lumière de
cette interprétation, il a un projet quelconque de modification aux
structures scolaires de l'île de Montréal? Est-ce qu'il a un
projet quelconque relativement à tout cela?
Il y a déjà plusieurs mois, si ce n'est pas davantage, que
le jugement Deschênes a été rendu. Toute cette question du
groupe de Notre-Dame-des-Neiges a été soulevée largement
l'an dernier, au début de 1980, je pense, je ne me rappelle pas
exactement le moment. On n'a eu droit à aucune indication des intentions
gouvernementales dans un secteur sur lequel, lorsqu'il a été
question de restructuration scolaire au début de la décennie '70,
le Parti québécois n'était pas avare de commentaires
à cette époque. On se souviendra du rôle qu'il a
joué pour la mise en échec du projet de restructuration scolaire
qui avait été mis de l'avant - je ne prétends pas qu'il
était parfait - mais qui se serait peut-être réalisé
s'il avait fait face à une moins virulente campagne qui a ameuté
toute la population.
Est-ce qu'on a quelque chose pour remplacer ce projet du
côté gouvernemental? Je pense qu'il y a plusieurs de nos
concitoyens qui se posent des questions. On a l'impression que c'est un sujet
que le gouvernement veut éviter, qu'il voulait éviter l'an
dernier à cause du référendum, qu'il veut éviter
cette année à cause des élections. Je pense qu'il serait
intéressant de voir s'il y a une politique gouvernementale relativement
à cela et de l'apprendre du ministre ou de son adjoint, si le ministre a
jugé bon de s'absenter à ce moment critique.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: M. le Président, je pense qu'il est
clair que ces questions relèvent beaucoup plus d'autres membres du
Conseil des ministres que de mon ministre. Mais il souhaitera peut-être
quand même répondre au député de Saint-Laurent.
Je peux, de toute façon, assurer nos invitées et vous, M.
le Président, que ces questions sont à l'étude de
façon très suivie et que, lorsqu'il y aura des choses à
annoncer, ce sera fait.
Le Président (M. Jolivet): Mme
Lamarre.
Mme Trudel-Lamarre: II n'y a pas seulement le gouvernement du
Parti québécois qui a choisi d'éviter ces questions. C'est
une patate chaude, comme on dit. Presque tous les gouvernements au pouvoir ont
évité de s'y mêler.
Dans son Énoncé de politique et plan d'action de
l'école québécoise, le ministère de
l'Éducation affirme, à la page 23, que, selon les milieux et
conformément à la volonté démocratique des
citoyens, les écoles publiques non confessionnelles peuvent prendre
diverses formes, à titre d'exemple...
C'est un discours qui est coupé de la réalité parce
que, dans les territoires de Montréal et de Québec, au niveau
primaire, il a été démontré - c'est en appel -
selon l'interprétation de l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, qu'on ne peut enlever le statut confessionnel catholique
à l'école publique.
Le Président (M. Jolivet): Oui, Mme Legault.
Mme Legault: Je pense qu'il y a un autre aspect qu'il m'est
très important de souligner, puisque c'est un aspect qui ouvre toutes
les portes. C'est qu'en même temps que le jugement Deschênes
fixait, selon la constitution, les écoles primaires de Montréal
et de Québec, il invitait le gouvernement à
légiférer quant à toutes les autres écoles de la
province. Alors, techniquement, toutes les autres écoles de la province
pourraient être déconfessionnalisées; ce n'est pas la
constitution qui l'empêche.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Je fais appel maintenant
à l'autre groupe qui est l'Organisation des jeunes
indépendantistes pour un Québec communautaire. M. José.
Roy et M. Jean Baillargeon.
Une voix: M. le Président, étant donné que
M. Boisvert, qui devait passer après nous, a des contraintes de temps,
il me fait plaisir de lui céder ma place et je passerai
après.
Le Président (M. Jolivet): D'accord, cela va. Me Boisvert,
notaire. Maintenant, pendant qu'il s'installe, je dois vous dire que j'ai fait
une erreur puisque j'avais mal interprété le mémoire
présenté par le Conseil des minorités du Québec.
Pour les besoins du journal des Débats, j'annonce donc que c'est un
dépôt. Les gens ne se sont pas présentés parce que
c'était un dépôt. Donc, le document sera inclus au journal
des Débats.
M. Morin (Louis-Hébert): C'était entendu.
Le Président (M. Jolivet): C'est cela. M. Boisvert, vous
avez la parole.
M. Aurélien Boivert
M. Boisvert (Aurélien): Je vous remercie, M. le
Président.
M. le Président et MM. les commissaires, je vous prie de
m'excuser si je sens le besoin de vous dire que je n'appartiens à aucun
parti politique et que mes dépenses pour venir ici n'ont
été défrayées par aucun organisme.
La raison de ma présence ici est surtout l'article 23 du projet
de charte fédérale des droits. D'autres avant moi, et surtout
plus autorisés que moi, vous ont entretenus de ce texte et je n'abuserai
pas de votre patience à le disséquer. L'objet de mon intervention
est, d'abord, de vous dire que cet article ne m'effraierait pas si la
géographie nord américaine était faite autrement. Je veux
dire que, si les États-Unis étaient à l'endroit où
se trouve le Mexique et le Mexique à l'endroit où se trouvent les
États-Unis, il ne faudrait pas s'en faire outre mesure avec les
conséquences de l'application de ce texte. Nous serions alors
séparés de l'influence américaine par une bande
linguistique qui rendrait l'anglomanie moins attrayante au Québec. Mais
tel n'est pas le cas.
Ceux qui proposent l'article 23 soutiennent qu'il n'y a pas à
s'en faire, car le géant américain n'est pas aussi vorace qu'on
le croit. Ces bonnes gens oublient le sort qui a été celui de
millions de Franco-Américains dont les petits-enfants baragouinent
à peine maintenant quelques mots de français. Pour plus de
détails sur ce génocide en douce, permettez-moi de vous
référer à une étude très sérieuse
d'un professeur agrégé de sociologie à l'Université
de New York à Plattsburg, M. Calvin Veltman, parue dans les Cahiers
québécois de démographie en 1980.
Si le père de celui qui vous parle avait émigré
durant la crise de 1929 à Woonsoket ou à Lowell, je ne
m'appellerais plus très probablement Boisvert, mais bien Greenwood. (16
heures)
En deuxième lieu, ce que j'ai à soumettre à votre
attention, c'est qu'un Canada bilingue d'un océan à l'autre est
une chimère dont se repaissent des esprits irréalistes comme
Pierre Elliott Trudeau, Jean Chrétien, etc. C'est à cette
école de pensée qu'il faut rattacher Georges-Émile Lapalme
et Edmond de Nevers. Celui-ci, qui fut un homme très cultivé et
qui vécut de longues années aux États-Unis - il a
vécu dix années en Europe, en Allemagne, en France -qui a
été le correspondant durant de nombreuses années de
l'agence Havas, n'a-t-il pas écrit ceci en 1896, quant à l'avenir
du peuple canadien-français: "Nous aurons
conservé la province de Québec; nous serons en
majorité dans plusieurs États de l'Est; -ce qui signifie en
Nouvelle-Angleterre - nous avons dans l'Ouest des districts florissants -qu'on
pense à Saint-Boniface, à Gravelbourg - brisant la monotonie de
la civilisation anglo-saxonne et allemande."
Vous savez qu'au moment où écrivait M. de Nevers, en
Ontario, il y avait des écoles allemandes dans la région de
Kitchener, dans la région de Saint. Catharines, et plusieurs croyaient
que l'Ontario deviendrait avec le temps pratiquement une province où il
y aurait trois systèmes scolaires: le système anglais, le
système français et le système allemand. "De la
Nouvelle-Orléans à Montréal, il y aura des villes et des
villages français disséminés comme autant d'oasis
gracieuses." Voilà la vue qu'avait M. de Nevers sur l'avenir du peuple
canadien-français en Amérique du Nord.
De son côté, M. Lapalme, alors ministre
québécois des Affaires culturelles et ancien chef du Parti
libéral québécois de 1950 à 1958, disait ceci
devant le congrès de la solidarité française,
siégeant à Ottawa en 1962, donc il y a 19 ans: "La culture
française sera d'ici quelques années une chose vivante -
remarquez bien le mot -d'un océan à l'autre." Là, il me
semble entendre les applaudissements des congressistes.
De grâce, MM. les commissaires, ne vous laissez pas éblouir
par cette utopie. Au contraire, mettez le gouvernement québécois
en garde contre ces rêveurs. Rappelez-lui les opinions réalistes
de gens qui ont vécu au Canada dans une province autre que le
Québec. Par exemple, rapportez-lui celle de Jean-Marie Nadeau,
diplômé en sciences politiques et en sociologie, qui a vécu
dans la minorité francophone la plus forte, la plus vivante au pays,
c'est-à-dire celle des Acadiens. Elle a paru dans le journal Le Devoir
du 27 décembre dernier, où l'on peut lire ces mots: "Nous qui
sommes responsables - il parle des Acadiens - de la mort lente et
assurée de l'Acadie, telle qu'elle est partie." Dans le même
journal du 29 janvier dernier, on rapporte les propos de deux autres Acadiens.
"Les Acadiens - disent-ils -s'assimilent à la majorité anglaise
à un rythme de 8% par année et l'exode progresse à un
rythme alarmant."
Quant au reste du Canada, nous vous renvoyons à l'étude
des démographes Lachapelle et Henripin, qui a paru en 1980, où
l'on dit à la page 317: "On assistera ailleurs au Canada à une
réduction de la fraction des francophones et à une augmentation
du poids des anglophones et il en sera de même, selon toute
probabilité, à l'échelle du Canada tout entier. De plus,
il semble que les francophones se concentreront toujours plus au Québec
et les anglophones dans le reste du Canada."
Troisièmement, je tiens à vous dire que l'application de
l'article 23 au Québec, avant peu d'années, va en faire une
province bilingue. Cela me semble sûr. Ce mouvement va se propager
d'abord à Montréal et à Hull. Une fois que ces deux
puissants pôles seront devenus solidement bilingues, cela en sera fait
pour toujours du sort du reste du territoire québécois. Le monde
du travail et le monde des affaires vont adopter la langue de communication de
nos puissants voisins, les Américains. Le français deviendra une
langue seconde comme elle l'était avant les années de la guerre
1939-1945. Mais, cette fois-ci, il y aura une énorme et tragique
différence: c'est que le gouvernement du Québec n'aura plus la
capacité de légiférer pour renverser la vapeur. La
population sera livrée aux seules forces naturelles du monde des
affaires, des appétits individuels et du mode de vie le plus facile.
Dans nos écoles, les professeurs de français, qui auront toute ma
sympathie, se morfondront à enseigner à leurs écoliers une
matière que ceux-ci ne seront plus intéressés à
apprendre.
Enfin, la mise en vigueur de cet article va être à
l'origine de luttes judiciaires qui ne satisferont personne et elle va susciter
des actes racistes tant au Québec que dans le reste du Canada. La paix
sociale dont nous jouissons depuis l'adoption de la loi no 101, cette loi qui
répond aux voeux de millions de Québécois, sera une chose
du passé. Car plusieurs Canadiens français n'accepteront
aucunement de voir leur langue devenir au Québec la langue seconde.
Votre devoir, messieurs les commissaires, est donc de bien aviser le
gouvernement sur les conséquences néfastes, pour notre peuple, de
cet article 23 de la charte proposée par le gouvernement
fédéral.
Quant à la question de la canadianisation du BNA Act de 1867, il
me semble qu'il n'y a aucune presse à la faire. La situation d'urgence
artificielle que les ténors du gouvernement fédéral
essaient de créer actuellement, à grand renfort de
publicité, n'a fait l'objet d'aucun de leurs discours politiques durant
leur dernière campagne électorale de février dernier.
Aucun appel aux électeurs canadiens n'a été fait sur ce
point capital. Nous voici donc en démocratie dirigée. Pour ma
part, j'estime qu'un tel procédé est antidémocratique et,
partant, inacceptable. Merci.
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. Boisvert. M. le
ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci. M. Boisvert, je voudrais
vous dire que j'ai pris connaissance, avec beaucoup d'attention, de votre bref
mémoire et je veux vous féliciter, au nom de tous mes
collègues, de quelque parti qu'ils soient, d'avoir, à vos
propres
frais et comme d'autres d'ailleurs, pris la peine de préparer ce
texte et de venir nous le présenter. Je pense qu'il est important de
constater que des Québécois prennent leur rôle de citoyens
au sérieux.
Dans ce que vous dites, M. Boisvert, il y a une chose qui me frappe et
qu'on retrouve dans, je dirais, 80% des mémoires qui ont
été présentés ici depuis trois semaines. Il y a
cette préoccupation à propos de la langue qui découle de
l'article 23 de la proposition fédérale et j'ai dit - je ne sais
pas si c'est la semaine dernière ou l'autre, je pense que c'est la
semaine dernière -qu'une des plus importantes motivations du
gouvernement central dans son action, c'est de torpiller la loi no 101,
c'est-à-dire, en termes plus juridiques, de s'en prendre aux
compétences exclusives du Québec en matière de langue
d'enseignement et d'éducation. Je pense que ça frappe tout le
monde que c'est peut-être ce qu'il y a de plus odieux - en tout cas,
à mon point de vue à moi - dans cette entreprise des
libéraux fédéraux parce que ce geste contre le
Québec francophone s'accompagne de deux éléments: d'une
part, une protection supplémentaire qu'on veut accorder à la
minorité anglophone du Québec et, d'autre part, l'absence de
protection aux francophones hors Québec. Tout cela en même temps.
C'est samedi dernier dans le journal Le Soleil que je lisais, dans un article
qui portait sur un autre sujet, une déclaration qui m'a fait sursauter
de M. Chrétien. Je n'ai pas le texte ici. Je croyais l'avoir. En
substance, samedi passé, dans un des articles relatant la
déclaration de M. Chrétien, il y avait ceci, il disait qu'en
Grande-Bretagne une des raisons pour lesquelles il y avait l'opposition qu'on
nous a cachée longtemps de la part du fédéral et qu'on
connaît maintenant, c'était, d'après lui, que les
Britanniques comprenaient mal ce qu'eux du fédéral voulaient
faire.
Il disait à peu près ceci textuellement: J'ai hâte
de leur expliquer que ce que nous cherchons à faire par ce projet c'est
de donner des droits aux anglophones du Québec. Quand ils sauront
ça, ils changeront d'avis à Londres. À peu près fin
de la citation. C'est dans le Soleil de samedi dernier. C'est donc dire que M.
Chrétien lui-même, un francophone du Québec, en est rendu
à un point d'aberration où il présente un
élément de défense de son dossier par rapport aux
Britanniques sous la forme d'un accroissement des privilèges des
anglophones au Québec par le torpillage de la loi 101. C'est cela que
ça veut dire. Si ce n'était pas vrai ce genre de
déclaration, bien sûr, d'abord, je ne la ferais pas et,
deuxièmement, elle aurait été corrigée par M.
Chrétien lui-même. Elle ne l'a pas été. On est
maintenant rendu à jeudi de la semaine suivante et ça n'a pas
été changé.
Vous dites, et c'est à ça que conduit mon observation,
quelque part dans votre mémoire, qu'à cause de cela, si jamais ce
geste fédéral devait être concrétisé, on
arrivera à vivre dans un Québec qui sera - à la page 2 de
votre papier - avant peu d'années une province bilingue. Vous dites:
Cela me semble sûr. Quand vous dites bilingue, est-ce que vous voulez
dire que le Québec sera bilingue dans le sens que toutes les affiches
seront en français et en anglais, tout le monde sera obligé de
parler deux langues avant d'acquérir un travail quelconque? Ou
voulez-vous dire bilingue simplement dans le sens institutionnel du terme,
c'est-à-dire un peu comme on l'est maintenant parce qu'on l'est
déjà à cause de l'article 133, justement, sur le plan de
certaines institutions? Je voudrais que vous me précisiez davantage, non
pas pourquoi vous croyez que le Québec va être bilingue, mais ce
que vous voulez dire par ce mot bilingue. Cela se refléterait où
en pratique? J'aimerais cela que vous précisiez, pas trop longuement,
cet aspect particulier des choses; parce que vous le développez un peu,
vous parlez du monde des affaires et tout, mais j'aimerais que vous m'en
parliez davantage. On nous dit - et je termine, je m'excuse, j'avais fini -
à Ottawa que c'est une fausse crainte.
Ce que je ne comprends pas c'est qu'on nous dise que ce sont de fausses
craintes alors que l'article 23 vise vraiment à miner notre loi 101,
alors qu'on nous dit qu'on doit conserver espoir, sans aucune garantie que dans
le reste du Canada la situation des francophones va s'améliorer. Nous
autres, on nous attaque, on nous dit: Ne vous inquiétez pas. Les
francophones, il n'y a rien qui va changer. On ne donne aucune garantie
intéressante sur le plan concret aux francophones des autres provinces,
mais, en même temps, on nous dit: Eux, par exemple, ils vont avoir des
avantages qui vont découler de ça. Il me semble que là
aussi, dans leur raisonnement, il y a deux poids deux mesures.
Le Président (M. Jolivet): M. Boisvert.
M. Boisvert: Lorsque je parle de Québec bilingue, je veux
dire d'abord que la population anglophone va augmenter au Québec, et
plus vite qu'on ne le croit. Mais, dans la question du temps, je ne veux pas
donner de précision. Mon idée, c'est que cette croissance de la
population anglophone au Québec, si cet article est accepté, va
aller en croissant. fl6 h 15)
Le Conseil de la langue française a publié, au mois de
décembre, je crois, des statistiques. À Montréal, la
population française va diminuer de 66% à 55%. C'est une
prévision pour l'année 1977 à l'an 2001.
Si l'article 23 est accepté, vous pouvez être sûr que
les anglophones qui travaillent et travailleront à Ottawa vont
s'établir en plus grand nombre à Hull, à Gatineau et vont
faire de cette région une région à majorité
anglophone. En nombre, les anglophones vont augmenter et, proportionnellement,
cette augmentation sera plus grande que l'augmentation francophone dans la
région de Montréal et dans la région de Hull.
Deuxièmement, lorsque je dis que le Québec va devenir
bilingue, je veux dire que, ces deux pôles de population augmentant, vous
comprenez qu'ils vont avoir un poids immense auprès des candidats dans
les élections de l'an 2000, de l'an 2020. Nous sommes ici, M. le
Président, pour prévoir l'avenir. Ce bloc anglophone va avoir une
grande influence sur les députés à ce
moment-là.
De plus, à cause du géant américain, à cause
du mode de vie et des techniques de télédiffusion, etc., du monde
américain, chez la population francophone, vous allez avoir un secteur -
combien, je ne puis vous le dire - qui va faire des pressions auprès des
députés pour avoir le droit d'envoyer ses enfants aux
écoles anglaises. Pourquoi? Parce que ce sera préférable
pour avoir un meilleur emploi. Saisissez-vous bien ce que je dis? Le
Québec va devenir bilingue à cause de deux forces: d'une force
qui va venir des anglophones, parce qu'ils vont augmenter et plus vite que les
francophones dans ces deux régions et, d'un autre côté,
vous allez avoir certains francophones qui vont dire: Je veux que mon enfant
aille à l'école anglaise parce que son avenir est plus
assuré. Vous aurez alors deux forces qui vont agir sur le gouvernement,
sur les députés et les candidats.
M. Morin (Louis-Hébert): M. Boisvert, ce que vous dites,
en somme - vous me direz si je vous traduis bien - ce n'est pas que, le
lendemain de l'adoption de l'article 23 de la résolution
fédérale, si celle-ci devait avoir une application
concrète, il y aurait "bilinguisation".
M. Boisvert: Non.
M. Morin (Louis-Hébert): Ce que vous dites, c'est que -
c'est ma conclusion - cet article créerait, pour reprendre une
expression savante, une dynamique ou une tendance au terme de laquelle on en
arriverait à la situation que vous décrivez.
M. Boisvert: Exactement.
M. Morin (Louis-Hébert): Donc, votre interprétation
de ce qui se passerait, ce n'est pas un changement le lendemain, ni dans les
deux ou trois mois qui suivent, mais la création d'un équilibre
nouveau dont on verra les conséquences pratiques dans les mois et les
années qui vont suivre.
M. Boisvert: Exactement.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela. Merci.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, je n'ai pas de question ou de
remarque spéciale à formuler à ce moment-ci.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Vanier a demandé la parole.
M. Bertrand: Oui. Évidemment, on sent en ce moment que,
dans la population canadienne et québécoise en particulier, il y
un très large mouvement d'opposition fortement majoritaire à ce
coup de force de M. Trudeau. Il n'en demeure pas moins qu'il y a des gens qui
appuient ce coup de force. On peut se poser des questions pour savoir quels
sont exactement les motifs qui les poussent à appuyer ce coup de force.
Toujours est-il qu'il est un groupe au Québec, qui était
très fortement favorable au non référendaire, qui
constitue des bases électorales importantes du Parti libéral du
Québec, et qui est la minorité anglophone du Québec. Elle
a des porte-parole, cette minorité, ou on pourrait dire qu'elle a des
guides à penser qui, à l'occasion, lui rappellent un peu dans
quel sens doivent aller ses opinions sur une question aussi fondamentale que
celle-là.
Je prenais connaissance ce matin - et peut-être avez-vous aussi
pris connaissance par la lecture des journaux - d'un éditorial du
journal The Gazette daté du 19 février 1981, qui appelait les
Canadiens et les Québécois à se lever pour applaudir le
coup de force constitutionnel et se réjouir de l'adoption du projet de
M. Trudeau et féliciter M. Chrétien pour la performance qu'il a
eue à la Chambre des communes il y à quelques jours. Dans cet
éditorial du journal The Gazette, on ne fait nulle part mention des
difficultés que pose pour le Québec, pour la majorité
francophone du Québec, en matière de langue
particulièrement, pour le fédéralisme lui-même,
l'adoption de ce projet fédéral.
Vous avez fait allusion vous-même à un des aspects dont le
ministre faisait mention; c'était la question linguistique. Justement,
une des raisons qui pourraient porter un journal comme The Gazette à
être aussi éloqieux, dithyrambique à l'endroit du
gouvernement fédéral, à l'endroit de M. Chrétien,
à l'endroit du coup de force, ne serait-ce pas que, dans le fond, la
minorité anglophone du Québec a tout à gagner à
ce
que ce coup de force réussisse? Il ne fait pas pour autant
mention, comme, à mon avis, il devrait au moins avoir la pudeur de le
faire, par contre, de l'outrageante attitude que ce même gouvernement
central a et maintient face à l'Ontario, donc, face à une
minorité qui, elle, est drôlement plus en danger que ne peut
l'être la minorité anglophone du Québec. On sait qu'il y a
500,000 francophones qui vivent en Ontario. On sait qu'aucun francophone de
l'Ontario ne peut prétendre, comme un anglophone du Québec, qu'il
dirige une commission scolaire, qu'il dirige un hôpital, qu'il dirige un
CLSC, qu'il dirige un medium d'information important et qu'il a, avec
l'État et avec les tribunaux, le même genre de relations qu'un
anglophone peut en avoir ici au Québec.
Tout cela, le journal The Gazette n'en fait pas mention, tout en
félicitant le gouvernement fédéral de faire adopter par le
Parlement une charte des droits et libertés. Et parlons-en des droits et
libertés, quand plus de 500,000 francophones de l'Ontario ne se verront
même pas reconnaître ce qui était déjà reconnu
depuis fort longtemps à la minorité anglophone du Québec,
ce que le Nouveau-Brunswick se verra reconnaître, ce que le Manitoba se
verra reconnaître, mais après combien d'années où
ses droits ont été brimés et au moment où la
population francophone ne représente plus que 4,5% de toute la
population. Ne vous apparaît-il pas un peu curieux comme
Québécois, regardant un peu comment les gens réagissent
face à ce coup de force, notant la réaction très fortement
majoritaire des francophones du Québec contre ce coup de force et notant
en même temps, par contre, un appui qui semble très solide et
exprimé par les media d'information, un appui de la minorité
anglophone au coup de force fédéral, ne vous apparaît-il
pas y avoir vraiment là, finalement, l'aveu que ce coup de force ne sert
en définitive qu'un groupe, en tout cas, en ce qui concerne le sort des
minorités, à savoir la minorité anglophone du
Québec, dessert à tout le moins, en tout cas, la minorité
francophone de l'Ontario et, qui plus est, forcément, les
minorités francophones des autres provinces qui ne se verront jamais
reconnaître un statut et des droits comme la loi 101 en a reconnu ici aux
anglophones? Je vous pose la question pour connaître un peu votre
réaction.
Le Président (M. Jolivet): M. Boisvert.
M. Boisvert: M. le Président, je n'ai pas eu l'occasion de
lire la Gazette d'aujourd'hui. Cependant, j'ai lu la Gazette du 14 janvier
dernier, alors que M. Chrétien venait de faire un ajout à
l'article 23. Il ajoutait 1b, à l'article 23, dans lequel il donnait aux
parents qui avaient reçu leur instruction en anglais ou en
français, au niveau primaire, au Canada... Au fond, c'étaient des
immigrants. Il leur donnait les mêmes droits que ceux donnés aux
autres anglophones canadiens.
Et la Gazette, le lendemain, écrivait ceci: "Here - par
opposition à l'Ontario - in Québec, the federal proposal seems
admirable", nous paraît admirable.
Je crois, M. le Président, que cette courte phrase répond
à la question de M. le commissaire. La Gazette trouve que le projet de
M. Trudeau, le projet fédéral, à l'article 23, c'est
quelque chose qui est vraiment et profondément désiré par
la minorité anglophone de Montréal.
Le Président (M. Jolivet): D'autres questions, M. le
député de Deux-Montagnes?
M. de Bellefeuille: M. Boisvert, à propos du dernier
paragraphe de votre très intéressant mémoire, vous
commencez par la phrase "Quant à la question de la canadianisation du
BNA Act de 1867, il me semble qu'il n'y a aucune presse à la faire."
C'est un point de vue que je partage. Mais je voudrais vous demander si ce que
vous avez à l'esprit, c'est ce que nous appelons
généralement d'un autre mot, le rapatriement, quand vous parlez
de canadianisation. Quand on examine les faits, cette constitution a
déjà été canadianisée. En
réalité, elle a été canadianisée en 1931 par
le Statut de Westminster, il y a 50 ans. C'est un des aspects les plus
particuliers de cette manoeuvre fédérale où on enfourche
une monture de nationalisme, on fouette le patriotisme des gens en disant qu'il
faut faire de ce document un document canadien.
Or, depuis 50 ans, c'est déjà un document canadien. La
seule chose qui a été convenue en 1931, comme le dit mon
collègue de Châteauguay, c'est de laisser le papier chez le
notaire. Le document constitutionnel, on l'a laissé chez le notaire. Je
pense que vous serez sensible à cette image. On l'a laissé chez
le notaire qui se trouvait à Londres. Londres est fiduciaire, garde le
document pour nous, mais ce document est canadien, effectivement,
déjà depuis un demi-siècle.
Tout ce baratin patriotique qu'on fait autour de la canadianisation, en
réalité, ce n'est pas fondé juridiquement. Ce qui reste
à faire, c'est de dire au notaire: Le texte, on voudrait l'avoir ici,
mais, avant de dire cela au notaire, il faut évidemment que les
partenaires se mettent d'accord. On ne peut pas laisser un partenaire aller
s'approprier le document chez le notaire et partir chez lui avec. Il faut que
les partenaires se mettent d'accord. C'est pour cela que nous proposons des
négociations plutôt que ce coup de force.
Le Président (M. Jolivet): M. Boisvert, avez-vous une
intervention à la suite de
cela?
M. Boisvert: Non.
Le Président (M. Jolivet): Nous vous remercions. Et nous
demandons, à la suite d'une entente, que les représentants du
Parti communiste du Québec, M. Hervé Fuyet et Mme Claire Demers,
veuillent bien s'approcher.
M. Fuyet, nous vous rappelons simplement que vous avez une vingtaine de
minutes pour présenter votre mémoire. Tenant compte du nombre de
pages et du petit caractère du texte, nous vous laissons le soin de le
résumer ou de le donner au complet, en sachant que vous avez 20 minutes
à votre disposition.
Parti communiste du Québec
M. Fuyet (Hervé): Merci. Le Parti communiste du
Québec s'oppose au rapatriement au Canada de l'Acte de l'Amérique
du Nord britannique. L'argument selon lequel un tel rapatriement serait un
premier pas dans l'élaboration d'une constitution canadienne est en
contradiction avec les leçons de l'histoire. (16 h 30)
Nous respectons le sentiment de beaucoup de Canadiens qui veulent une
constitution canadienne pour éliminer toute trace de colonialisme nous
venant de l'Angleterre. Mais l'AANB est selon nous un document britannique, et
non pas vraiment une constitution canadienne. Le ramener au Canada n'en ferait
pas une constitution élaborée au Canada. En particulier, l'AANB
prive la nation canadienne-française de son droit à
l'autodétermination et à l'égalité. Ramener l'AANB
au Canada perpétuerait cette inégalité. Cela
créerait un fossé encore plus profond entre le peuple du
Québec et celui du Canada anglais.
Le bilinguisme ne doit pas se substituer aux droits nationaux. C'est
là pourtant l'orientation principale de la résolution que le
gouvernement fédéral a soumise au Parlement. Le droit des
francophones hors Québec à une éducation, à des
émissions de radio et de télévision, etc., en
français, quand cela est exigé, aussi important que cela soit, ne
peut se substituer à ce qui est fondamental, notre droit à
l'autodétermination et à l'égalité en tant que
nation canadienne-française du Québec.
En faisant du bilinguisme hors Québec le coeur du
problème, le gouvernement a suscité chez les
éléments chauvins du Canada anglais une opposition à des
réformes constitutionnelles vitales pour le progrès du
Canada.
En persistant à ignorer la réalité d'un État
binational, le gouvernement fédéral a ouvert la porte, autour du
thème du fédéralisme renouvelé, à des
exigences excessives de décentralisation en faveur de tous les
gouvernements provinciaux aux dépens du Canada dans son ensemble et de
sa population. Une décentralisation excessive fragmenterait le Canada et
affaiblirait encore plus sa capacité de faire face aux graves
problèmes économiques et sociaux créés par la crise
du capitalisme. Ces sont les multinationales étrangères, en
particulier celles qui contrôlent l'énergie et les ressources
naturelles du Canada, qui exercent des pressions en faveur d'une
décentralisation abusive.
Ces multinationales sont les ennemis les plus décidés
d'une réforme constitutionnelle parce qu'une véritable
réforme constitutionnelle affaiblirait leur contrôle sur les
ressources et l'économie du Canada. Derrière ces multinationales,
on retrouve l'impérialisme des États-Unis qui
préfère un Canada faible et divisé dont il pourra obtenir
des concessions maximales aux dépens de l'indépendance et de la
souveraineté du Canada et du bien-être des Canadiens. Donc, comme
corollaire à une réforme constitutionnelle, il faut mettre fin au
contrôle des multinationales sur l'énergie, les ressources et
l'économie du Canada. La politique du Parti conservateur et le slogan de
M. Clark qui voit dans le Canada une communauté de communautés
ouvre la porte à la décentralisation car elle substitue des
droits provinciaux aux droits nationaux du Québec.
Nous entrons maintenant dans une phase beaucoup plus dangereuse de la
crise constitutionnelle comme le montre la tendance vers la sécession
dans l'Ouest du Canada.
Qui sont ces avocats de la sécession qui, dans les faits,
briserait le Canada? Les mêmes multinationales qui s'opposent à la
canadianisation des ressources énergétiques et prétendent
qu'elles seules ont le droit de posséder et de contrôler ces
ressources vitales même si cela implique un chantage économique,
une politique de déstabilisation de l'économie canadienne et
d'autres formes de sabotage. Le séparatisme de l'Alberta est né
dans les salles du conseil d'administration des compagnies de pétrole de
Calgary. C'est leur réponse au budget fédéral qui
recommande la canadianisation des ressources énergétiques.
Il faut dénoncer le fait que les peuples autochtones qui viennent
à Ottawa défendre leurs droits en tant que peuples à
l'intérieur du Canada font l'objet de harcèlement de la part des
autorités et de la Gendarmerie Royale alors que les multimillionnaires
de l'Alberta qui veulent briser le Canada sont traités comme des
héros quand ils viennent eux aussi au Parlement.
Selon nous, nous avons besoin d'une politique qui tienne compte des
exigences
légitimes de l'Ouest du Canada et des Maritimes et aussi, en
premier lieu, de nos aspirations nationales en tant que peuple du
Québec. La résolution actuellement soumise au Parlement
fédéral n'en fait rien et, par conséquent, elle aggrave la
crise de la Confédération. Il faut que le Québec exerce
des pressions sur le Parlement pour que cette résolution soit
retirée et qu'une nouvelle constitution soit élaborée en
tenant compte des réalités économiques et politiques
actuelles et des droits fondamentaux de la personne. Le Canada a le pouvoir de
rédiger une constitution canadienne. Une fois cela fait, et après
l'adoption par le peuple d'une nouvelle constitution, il suffira, pour mettre
fin à nos liens coloniaux, d'informer le gouvernement britannique que
l'AANB est abrogé.
Un Canada véritablement uni, indépendant et
démocratique doit se fonder sur les principes suivants: reconnaissance
des aspirations nationales de la nation canadienne-française au
Québec et de son droit à l'autodétermination jusque et y
compris le droit de sécession. La constitution doit être
basée sur l'association égale et volontaire du peuple du
Québec et du peuple du Canada anglais dans un Canada binational,
souverain et indépendant.
Il faut déclarer sans équivoque que les véritables
intérêts nationaux du peuple canadien-français seraient
mieux assurés dans un Canada uni sur la base de l'égalité
complète, économique, sociale, culturelle et linguistique de nos
deux nations. Seul un Canada uni qui défend les droits nationaux du
peuple canadien-français peut lutter pour défendre avec
efficacité son indépendance contre les pressions de
l'impérialisme des États-Unis. Sans le Québec, le Canada
ne peut pas être uni et sans une telle unité, le Canada ne peut
pas être indépendant.
La nouvelle constitution doit procéder à des
réformes structurelles fondamentales. Pour éliminer les
inégalités régionales, ces réformes fondamentales
doivent être basées sur la nécessité d'un
développement économique général de toutes les
parties du Canada et impliquer la nationalisation des ressources naturelles et,
en particulier, des ressources énergétiques. Par
l'intermédiaire de compagnies de la couronne mixtes
fédérales-provinciales, les bénéfices provenant de
l'exploitation des ressources naturelles et énergétiques doivent
servir à la population du Canada dans son ensemble, aussi bien
qu'à la population des provinces où se trouvent ces
ressources.
La constitution doit comprendre une charte des droits de la personne
garantissant les droits démocratiques de tous les Canadiens. Elle doit
inclure la pleine reconnaissance de l'identité nationale des peuples
autochtones, leur droit à un gouvernement régional, leur plein
droit à leur langue et culture, et la satisfaction de leurs
revendications territoriales.
À ce sujet, le Parti communiste du Québec recommande que
le Québec se prononce en faveur de la pleine participation des peuples
autochtones aux futures conférences fédérales-provinciales
constitutionnelles, s'il y en a, avec pleins pouvoirs décisionnels pour
ce qui a trait directement aux peuples autochtones.
Pour assurer l'égalité des deux nations, la nouvelle
constitution élaborée au Canada devrait faire du Canada une
république confédérale avec un gouvernement consistant en
deux Chambres, l'une, comme la Chambre des communes d'aujourd'hui, basée
sur la représentation selon la population, l'autre, pour remplacer le
Sénat actuel, qui serait composée d'un nombre égal de
représentants élus de chacun des deux États nationaux avec
une représentation garantie pour les peuples autochtones. Chaque Chambre
aurait le même droit de présenter des projets de loi, mais les
deux devraient accepter le projet de loi avant qu'il ne puisse être
adopté. Cette structure observerait les deux principes
démocratiques: l'égalité en droit des nations,
indépendamment de leur taille, et la règle de la
majorité.
Une assemblée constituante, basée sur la
représentation égale des deux nations, avec la participation des
peuples autochtones, doit être convoquée afin de discuter et
d'adopter de telles mesures. La proposition parfois mise de l'avant d'une
assemblée constituante basée sur la représentation de
chaque province nierait le caractère fondamental du Canada, qui est
d'être un État binational, et perpétuerait par
conséquent notre inégalité nationale au Québec.
Que penser de la proposition d'inclure une charte des droits et
libertés dans la constitution? Une telle charte devrait créer de
meilleures conditions pour protéger les droits et libertés des
Canadiens. Par contre, il n'est guère pensable qu'une charte des droits
et libertés incluse dans une constitution approuvée pour le
Canada par le Parlement britannique donne aux Canadiens les droits dont ils ont
besoin. L'Angleterre elle-même n'a pas de charte des droits comme telle.
Les droits du peuple britannique ont été gagnés par ses
luttes au cours des années. Il n'est pas raisonnable de penser que le
Parlement britannique appréciera de se voir demander d'enchâsser
une charte des droits et libertés dans une constitution qui serait
remise au Canada comme base de son avenir. On ne peut pas s'attendre, non plus,
que le Parlement britannique ait une bonne compréhension des
véritables intérêts de la population canadienne. Tout comme
il nous faut une constitution faite au Canada, il nous faut une charte des
droits et libertés élaborée au
Canada.
Voilà ce qui ressort clairement quand on examine en détail
le projet de charte des droits et libertés. Elle ne traite pas de
questions importantes comme: le droit du peuple canadien-français
à être reconnu comme nation dans un État binational; le
droit des peuples autochtones à l'autogouvernement régional, au
développement de leur propre culture et au contrôle de leurs
propres ressources; le droit des minorités nationales à conserver
et à développer leur langue maternelle et leur culture; les
droits spécifiques des femmes.
La charte ne fait pas mention des droits suivants qui figurent pourtant
dans la Déclaration universelle des droits de la personne adoptée
par les Nations Unies: droit de la personne à sa vie privée;
droit à la sécurité sociale; droit au travail; droit
à un salaire égal pour un travail de valeur égale; droit
d'organiser des syndicats et d'y adhérer; droit au repos et au loisir;
droit à un niveau de vie adéquat comprenant nourriture,
habillement, logement, services médicaux et sociaux; droit à
l'éducation; droit à un jugement objectif et indépendant
rendu par un tribunal impartial pour déterminer les droits et les
obligations; droit à la paix et à la sécurité pour
toutes les nations grandes ou petites.
En plus, le texte de la section I du projet de charte limite et rend
incertaine la portée de toutes les sections qui viennent après,
bien qu'il y ait eu certaines améliorations sur ce point. La section I
se lisait comme suit: "La charte canadienne des droits et libertés
garantit les droits et libertés définies ci-après dans le
cadre des limites raisonnables généralement acceptées dans
une société libre et démocratique avec un système
parlementaire de gouvernement." Il a fallu toutes sortes de luttes et de
débats pour arriver à changer un peu cette affaire-là.
Les libertés fondamentales doivent être
présentées de telle façon que toute loi qui les viole, ou
toute future loi qui les violerait serait anticonstitutionnelle. Ce n'est pas
le cas avec le projet de loi du gouvernement fédéral.
La charte ne traite pas de droits pourtant protégés par
l'actuelle déclaration fédérale des droits humains et par
la déclaration des droits de la personne du Québec. Il n'y a pas
de clause, par exemple, interdisant la discrimination dans l'emploi, la
location de logement, l'achat de propriété, etc., sur la base de
la race, de la couleur ou de la religion.
Les droits et libertés figurant dans ce présent projet de
charte sont limités par des réserves qui en limitent l'exercice
par rapport aux législations provinciales existantes ou aux futures
décisions du Parlement. Pour avoir une valeur réelle, il faut que
la charte des droits ait préséance sur toute autre loi en cas de
conflit juridique.
En conclusion, nous regrettons vivement qu'il n'y ait pas eu
unanimité à l'Assemblée nationale pour s'opposer au
rapatriement unilatéral de la constitution, tandis que les sondages
d'opinion indiquent clairement que la grande majorité des
Québécois s'y opposent. Le Parti communiste du Québec
s'est joint, quant à lui, à la campagne du mouvement
Solidarité Québec. Notre parti souhaite, de la part du mouvement
ouvrier syndical et politique et aussi de la population en
général, des déclarations et des actions de plus en plus
unitaires et il oeuvre dans ce sens. Nous pensons également que des
pressions populaires doivent s'exercer sur les députés
fédéraux du Québec pour qu'ils expriment les aspirations
de la population et qu'ils aient le courage de se tenir debout.
Il nous semble que le gouvernement du Québec et
l'Assemblée nationale à l'unanimité devraient exiger du
gouvernement fédéral qu'il retire sa résolution. Il ne
suffit pas, nous semble-t-il, de s'opposer au rapatriement de la constitution.
Il faut exiger la convocation d'une assemblée constituante et
l'élaboration d'une constitution faite au Canada selon les principes
démocratiques que nous avons exposés ici et qui permettraient
d'arriver à l'unité, mais dans l'égalité du
Québec et du Canada anglais. Nous souhaitons également que le
gouvernement du Québec et l'Assemblée nationale exigent une
reformulation de la Charte des droits et libertés de la personne en
conformité avec la déclaration universelle des droits de la
personne et avec des provisions couvrant les aspects spécifiques de la
réalité canadienne, tels que les droits des autochtones, les
droits des diverses communautés ethniques du Canada, les droits de la
femme, une charte des droits des travailleurs et, en premier lieu, les droits
nationaux du Québec.
Le débat autour de la résolution présentée
au Parlement fédéral a une grande importance pour l'avenir du
Québec et du Canada dans son ensemble. Quelle sorte de Québec et
de Canada voulons-nous? Le statu quo nous a menés à un
cul-de-sac. Avons-nous besoin de changements superficiels qui ne modifient rien
dans le fond ou de changements fondamentaux correspondant aux besoins du
Québec et du Canada dans son ensemble?
Les propositions que nous mettons de l'avant, en tant que Parti
communiste du Québec, parti qui a le contrôle complet de
ses politiques et de ses statuts pour ce qui a trait au Québec,
et qui sont partagées par le Parti communiste du Canada, ont pour objet
d'effectuer des changements fondamentaux et de créer les conditions
nécessaires pour permettre l'unité dans l'égalité
du Québec et du Canada anglais, et un Canada véritablement uni,
indépendant et démocratique dans lequel le peuple sera enfin
souverain. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. Fuyet et Mme Demers, je
pense.
Le Président (M. Jolivet): C'est cela. (16 h 45)
M. Morin (Louis-Hébert): J'ai deux questions à la
suite de votre mémoire, dont une qui vient directement de votre dernier
paragraphe où vous dites: "Les propositions que nous mettons de l'avant
en tant que Parti communiste du Québec, parti qui a le contrôle
complet de ses politiques et de ses statuts pour ce qui a trait au
Québec, et qui sont partagées par le Parti communiste du Canada,
etc.", donc, parti qui a le contrôle complet de ses politiques. Je suis
tombé, tout à l'heure, sur une dépêche qui va
probablement paraître demain et je lis: "La Pravda, le quoditien officiel
soviétique, a affirmé jeudi matin que des milieux
réactionnaires de Grande-Bretagne ainsi que les compagnies
multinationales tentaient de mettre en échec la réforme
constitutionnelle canadienne". Je peux continuer. "Le quotidien ajoutait que
ces forces tenteraient de faire rejeter les demandes du Parlement canadien
à Londres pour empêcher le Canada d'accéder à une
totale indépendance. La Pravda a rappelé de plus que le
haut-commissaire britannique à Ottawa s'était
ingéré dans les affaires canadiennes en tentant de convaincre des
députés de s'opposer aux propositions constitutionnelles du
gouvernement Trudeau." Je comprends donc que la position que vous mettez de
l'avant dans votre mémoire n'est pas celle qui est partagée par
la Pravda dont je viens de lire ce petit résumé de l'opinion,
puisque, comme vous le dites dans votre texte, vous avez le contrôle
complet de vos politiques. Je m'excuse d'arriver avec cela...
M. Fuyet: Je vous en prie. Je trouve, M. le ministre, votre
question intéressante. En venant ce matin, il y avait des travaux ici,
ça fait que j'ai dû passer par une porte de côté, ce
qui m'a permis de remarquer la statue que je n'avais pas remarquée
depuis quelque temps. Il ne s'agit pas de la statue de Lénine. Il s'agit
de la statue de Duplessis, comme vous le savez sans doute. Il m'a semblé
que c'était un peu de l'humour noir, de l'humour de la grande noirceur
et qu'on devrait mettre cette statue sous un cadenas. La Loi du cadenas
à rebours. Je comprends bien que votre question n'était pas du
tout dans ce sens.
Non seulement nous sommes autonomes pour nos politiques en ce qui
concerne le Québec vis-à-vis de notre parti frère auquel
nous sommes liés, le Parti communiste du Canada, mais c'est
évidemment encore plus vrai vis-à-vis du Parti communiste de
l'Union soviétique avec lequel nous avons d'ailleurs des liens
fraternels. Je souligne, sur le sujet qui vous préoccupe, que, plusieurs
fois déjà, il y a eu dans la presse bourgeoise de notre pays des
comptes rendus sur les positions prises dans la Pravda à propos de la
constitution canadienne qui ont dû faire l'objet de démentis
nombreux, y compris les rapports du journaliste de Tass, Braguine, etc. Comme
vous le savez vous-même, la nouvelle paraît en première page
partout et, huit jours après, en page 13, si on a de la chance, le
démenti paraît. Cela fait deux fois que ça se produit. Je
suis donc content que vous souleviez la question pour dire ceci: C'est que le
Parti communiste de l'Union soviétique ne s'ingère pas dans les
affaires du Canada et que cela n'a absolument rien à voir avec nous.
Maintenant, j'ai moi-même indiqué qu'en effet, des
multinationales réactionnaires du pétrole, en particulier,
exercent des pressions pour empêcher au Canada une réforme
constitutionnelle dans le sens de la démocratie. Je pense que, sans
avoir lu l'article en question de la Pravda, c'est sans doute, une fois de
plus, une tentative de confusion dans laquelle, Dieu merci, vous ne tombez pas
puisque vous avez l'obligeance de prendre vos renseignements à la bonne
source.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci beaucoup de ces
précisions. Un autre sujet tout à fait différent. Vous
dites, dans la première page de votre mémoire... Et ça
m'inquiète peut-être davantage. J'ai l'impression qu'il y a une
sorte de contradiction, encore qu'il n'y en ait peut-être pas. Vous
dites: En persistant à ignorer la réalité d'un État
binational, le gouvernement fédéral a ouvert la porte, autour du
thème du fédéralisme renouvelé, à des
exigences excessives de décentralisation en faveur de tous les
gouvernements provinciaux aux dépens du Canada dans son ensemble et de
sa population. Vous continuez en disant qu'une décentralisation
excessive fragmenterait le Canada et affaiblirait encore plus sa
capacité de faire face aux graves problèmes économiques et
sociaux créés par la crise du capitalisme, etc.
Si je comprends bien, vous n'êtes pas favorable à une
décentralisation. Ou bien encore, peut-être que mon
interprétation est
fausse, c'est parce que le problème du Québec n'a pas
été résolu, il y a des années, que cela a
donné lieu - non pas notre problème, mais le pourrissement de la
situation - à des demandes venant d'autres provinces qui
n'étaient pas formulées il y a des années et qui, par
conséquent, maintenant, deviennent, à vos yeux, des dangers de
fragmentation. Est-ce que j'interprète bien? Est-ce que vous êtes
contre la décentralisation en soi?
M. Fuyet: Nous sommes en faveur d'un certain degré de
centralisme, mais de centralisme démocratique. Ici, pour l'affaire qui
nous concerne, pour que ce centralisme soit démocratique, cela veut dire
que, dans un État binational comme le nôtre - je parle du Canada
ici - il faut que la nation canadienne-française, le peuple du
Québec aient, au niveau du gouvernement central, une voix égale
pour ce qui concerne l'adoption de lois, etc., parce que les nations sont
égales indépendamment de leur taille.
Ce que je dis, c'est que les tentatives de Trudeau de centralisme
antidémocratique et excessif ont mené les différentes
provinces à réclamer des droits de décentralisation
excessifs qui mèneraient à une véritable balkanisation du
Canada, transformerait le Canada en une espèce de dix
provinces-États affaiblies et nuirait à notre capapacité
de résistance vis-à-vis de l'impérialisme
américain, y compris pour le Québec même. Je pense que
c'est cela le sens de la question, c'est-à-dire que nous ne voulons pas
que le Québec soit absent d'Ottawa, nous voulons que le Québec
soit une nation sur deux à Ottawa aussi. C'est-à-dire qu'au lieu
que le jeu se joue à dix et, pour nous, à un sur dix, que le jeu
se joue à deux et, pour nous, à un sur deux, au moins au niveau
d'une des Chambres, puisque, comme nous l'avons dit précédemment,
il y aurait deux Chambres, une Chambre où les députés
seraient élus sur une base numérique de la population, où,
évidemment, le Canada anglais aurait la majorité, et une Chambre
binationale où chaque nation aurait un nombre de voix égal. Ce
système existe ailleurs qu'au Canada. Il est donc tout à fait
logique.
Mme Demers (Claire): Est-ce que je peux me permettre
d'ajouter...
Le Président (M. Jolivet): Mme Demers.
Mme Demers: Notre parti n'est pas contre l'idée d'avoir
plus d'autonomie et de contrôle des ressources des provinces et, dans le
cas du Québec, de contrôle de nos politiques en matière
d'éducation, de santé, de télécommunication, etc.,
etc. Dans le cas du Québec, on exige l'autodétermination
complète.
Ce contre quoi notre parti est totalement, c'est la substitution des
droits provinciaux, des petits empires provinciaux nord-sud finalement, que
réclament les multinationales pétrolières en particulier
de l'Alberta, aux droits nationaux du Québec, c'est-à-dire que ce
que les multinationales de l'Alberta mettent de l'avant, ce n'est pas tellement
les droits des gens de l'Alberta à plus de contrôle dans le
domaine de la vie de tous les jours, mais elles veulent substituer le
contrôle des multinationales étrangères aux droits
nationaux du Québec. C'est le fond de la question. C'est ce à
quoi notre parti s'oppose.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci. J'aurais d'autres
commentaires. Je veux simplement dire que votre mémoire contient
beaucoup d'éléments bien structurés avec, je pense bien,
des considérations qui peuvent être partagées par
passablement de Québécois. Je vais maintenant laisser la parole,
si vous permettez, au camarade Forget.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je n'ai pas de question ni de commentaire particuliers
à formuler à ce moment-ci.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Y a-t-il d'autres
questions? Nous vous remercions donc...
M. Morin (Louis-Hébert): Je m'excuse.
Le Président (M. Jolivet): Un instant! M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): J'avais l'impression que M.
Forget était revenu pour poser une question, je m'excuse. J'aurai une
autre question. Vous n'avez pas beaucoup parlé dans votre mémoire
- madame vient d'y faire allusion - de la question linguistique ou, si vous
voulez, de la question des pouvoirs et compétences du Québec en
matière d'éducation. Vous avez une analyse un peu
différente. Je pense que je peux déduire de ce que vous avez dit,
madame, que vous êtes favorable à la souveraineté des
provinces en matière d'éducation. Est-ce que je suis...
Mme Demers: Dans des domaines comme l'éducation, il va
sans dire.
M. Morin (Louis-Hébert): Dans un domaine comme
l'éducation. C'est l'opinion que vous partagez. Cela n'apparaît
pas ici. Vous n'avez pas non plus parlé du problème de la langue
lui-même. Enfin, si vous en avez parlé, cela a été
plutôt rapidement.
Pourriez-vous commenter?
Mme Demers: Si vous voulez, parlons du projet de bilinguisme de
M. Trudeau. Notre parti s'est toujours prononcé contre l'imposition du
bilinguisme qui est une substitution, carrément, aux droits nationaux du
Québec. C'est tout simplement le but de M. Trudeau. On a toujours
été contre cela.
M. Fuyet: Puis-je ajouter quelque chose?
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. Fuyet.
M. Fuyet: Nous considérons que, sur la question de la
langue de travail, par exemple, la loi 101 demeure encore faible au moins dans
sa mise en application. Il existe encore - il suffit de lire les petites
annonces dans les journaux - une certaine discrimination des postes qui sont
annoncés comme nécessitant d'être bilingues, alors qu'ils
ne le nécessitent pas vraiment, etc. Nous pensons que la lutte contre la
discrimination des francophones qui utilisent le français comme langue
de travail a fait des progrès considérables dont il faut
remercier le présent gouvernement, mais qu'il reste encore du chemin
à faire. En ce sens, on pourrait concevoir dans une charte des droits et
libertés même fédérale que l'accent soit mis,
justement, dans la lutte contre cette discrimination en tant que telle. Il
devrait y avoir moyen, pour un pays moderne comme le nôtre, d'avoir une
charte des droits et libertés qui n'opprime pas les droits et
libertés, je veux dire. D'un autre côté, il faut
reconnaître que, dans cette commission, on s'est parfois uniquement
attaché à la question de la langue. Nous ne séparons pas
la langue du reste du corps, si je peux me permettre une mauvaise plaisanterie,
et nous intégrons la question de la langue comme un aspect des droits
nationaux.
M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est pas une question, c'est
un commentaire final. Donc, si je comprends bien ce que vous dites, à
cause de ce que vous avez dit sur la loi 101 dont vous mentionnez qu'elle
pourrait avoir une application encore plus étendue et plus efficace, je
déduis que l'article 23 de la proposition fédérale qui
porte sur la langue, dont parlait tantôt votre prédécesseur
à cette table, cet article 23 est exactement une atteinte à un
droit collectif du peuple québécois, en ce sens qu'il s'en prend
à une loi et qu'il veut, en somme, la torpiller, alors que vous dites
vous-même que cette loi-là ne va pas assez loin actuellement.
Mme Demers: Oui. Autant nous sommes contre le bilinguisme comme
substitution aux droits nationaux du Québec, nous sommes en faveur du
droit des minorités à leur langue dans toutes les provinces, au
Québec, en Ontario et partout. Pour nous, le fond de la question ou la
solution radicale à cette question, du moins en ce qui regarde le
Québec, on donne souvent comme exemple la nationalisation
d'Hydro-Québec. On n'a pas eu de panne d'électricité. On
n'a pas arrêté d'avoir de l'électricité au
Québec et du jour au lendemain, on a parlé Québec à
Hydro-Québec et, on a continué à avoir de
l'électricité. Pour nous, la solution radicale pour garantir nos
droits linguistiques de la majorité francophone au Québec serait
la nationalisation des principales compagnies, en tout cas, mais en même
temps, nous sommes pour la défense des droits des minorités
à leur langue au Québec et dans tout le Canada.
M. Fuyet: Je peux ajouter quelque chose, si vous me le permettez.
En ce sens, dans les questions de langue, il n'y a pas pour nous les droits
majoritaires de la majorité et les droits minoritaires de la
minorité. En cela, il faut être bien clair. Il ne faut pas que des
notions de langue officielle en arrivent à opprimer des groupes
d'immigrants qui sont les moins préparés à résister
parce qu'ils sont économiquement faibles et peu au fait des lois, etc.
Mais en mettant l'accent sur la langue de travail en tant que telle, il me
semble qu'on arrive à résoudre la situation.
M. Trudeau parle de bilinguisme essentiellement pour attaquer le
Québec, essentiellement pour substituer, pour noyer le poisson; il
introduit une autre question, la question du bilinguisme par rapport aux droits
nationaux du Québec. Ce n'est pas un principe pour lui puisque, pour
l'Ontario, il l'oublie. Le seul principe qui reste, c'est non à la
nation, au peuple du Québec. C'est le seul principe qui reste et cela,
nous ne l'accepterons pas parce que nous ne sommes pas un parti qui exprime des
points de vue étrangers, mais nous sommes un parti qui exprime
profondément et de plus en plus les aspirations des travailleurs et de
la classe ouvrière du Québec.
Le Président (M. Jolivet): Merci beaucoup.
M. Fuyet: C'est moi qui vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): Je demande donc aux
représentants de l'Organisation des jeunes indépendantistes pour
un Québec communautaire, qui sont les derniers intervenants, de venir
s'installer à l'avant. Pendant qu'ils s'installent, je fais une petite
correction à ce que j'ai dit tout à l'heure au niveau du document
du Conseil des minorités du Québec. Le dépôt n'est
pas pour inclusion au journal des Débats, mais plutôt un
dépôt
à la bibliothèque de l'Assemblée nationale
où il pourra être consulté par tous les gens qui voudront
bien le voir. M. José Roy?
OJIQC M. Baillargeon (Jean): Jean Baillargeon.
Le Président (M. Jolivet): Jean Baillargeon? D'accord,
vous pouvez y aller. (17 heures)
M. Baillargeon (Jean): Mon nom est Jean Baillargeon, je suis
membre de l'exécutif national de l'OJIQC, l'Organisation des jeunes
indépendantistes pour un Québec communautaire. Mon
collègue, à mes côtés, est José Roy, aussi
membre de l'exécutif national.
Je vais faire un bref historique de notre organisation, étant
donné qu'elle est relativement nouvelle, et José Roy
présentera notre mémoire comme tel, si vous me le permettez.
Le Président (M. Jolivet): En sachant toujours que vous
avez 20 minutes pour le tout.
M. Baillargeon: D'accord. Notre mouvement est relativement
nouveau. Il a été créé les 6 et 7 décembre
1980, lors d'un congrès. Ce congrès, qui a eu lieu à
l'Université de Montréal, a rassemblé environ 75
délégués issus principalement des rangs du Mouvement
étudiant pour le oui qui, comme vous le savez peut-être, avait
été fondé à l'automne 1979 pour faire campagne pour
le oui au référendum.
Ce mouvement, au début, était une initiative conjointe de
la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et aussi du
Parti québécois. Tout au long de la campagne
référendaire, nous nous sommes rendu compte que les jeunes
pouvaient avoir des idées qui n'étaient pas nécessairement
celles véhiculées par les principaux partis politiques au cours
de la campagne référendaire. Au fur et à mesure de la
campagne, nous avons élaboré des prises de position qui n'ont pas
été connues tellement puisque les media d'information, comme la
plupart des tribunes qui s'offrent habituellement pour ce genre de débat
politique, ne sont pas tellement ouverts aux jeunes en général.
Nous le déplorons. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Nous
profitons de cette tribune pour faire connaître une opinion de
jeunes.
À l'époque, nous avons pris position et sur le livre blanc
du gouvernement et aussi sur le livre beige, sur la question
référendaire aussi. Dans chacune de nos prises de position, nous
avions certaines réserves. Aujourd'hui, évidemment, ce n'est pas
l'objet du débat. Je ne voudrais donc pas approfondir là-dessus.
Mais ce qu'il est important de constater, c'est que les jeunes qui militaient
au sein du MéOUI, n'étaient pas tous issus, comme certains
auraient pu le penser à l'époque, du Parti
québécois. Il y en avait, mais il y en avait beaucoup qui
n'étaient pas issus du Parti québécois, puisque beaucoup
de jeunes aujourd'hui ne sont pas habitués à fonctionner dans les
cadres de partis politiques traditionnels. Ce n'est pas parce qu'ils
étaient anti-Parti québécois, mais parce qu'ils
n'étaient pas habitués à fonctionner à
l'intérieur d'un parti politique. Donc, pour beaucoup de jeunes, parmi
nos membres, dont l'âge se situe entre 17 et 20 ans, c'était quand
même assez nouveau pour eux de s'engager dans un mouvement politique. Le
MéOUI a été l'occasion pour eux d'exprimer leur avis
librement et sans contraintes partisanes, contraintes qui sont peut-être
nécessaires, dans le cadre des débats actuels dans notre
société, puisque nous fonctionnons par partis politiques et la
campagne référendaire obligeait les camps à se ranger d'un
côté ou de l'autre, du oui ou du non.
Le MéOUI a été un succès pour nous et ces
jeunes, même en ne connaissant pas le résultat du
référendum avant le 20 mai, dès le 26 avril, ont tenu un
congrès et ils ont donné un mandat à un certain nombre de
représentants, une quinzaine à l'époque, de faire deux
actions, peu importe le résultat du référendum,
après le référendum.
Ces deux actions étaient un projet d'états
généraux de la jeunesse québécoise qui est en cours
actuellement, puisque nous avons formé une coalition des
différents organismes qui n'ont pas d'affiliation politique comme telle,
mais ce sont des organismes qui regroupent plutôt des centres
d'intérêts, par exemple, des centrales syndicales, groupes de
loisirs, ligue des droits et libertés, associations étudiantes,
etc. Nous nous sommes retirés de cette coalition puisque nous ne
voulions pas qu'elle ait une connotation politique comme telle, puisque les
états généraux de la jeunesse, le projet que nous avions
pensé à l'époque ne devait pas être à
consonnance politique, mais devait être relativement neutre pour que tout
le monde puisse s'exprimer librement. Ceci permettait aux jeunes de s'exprimer
hors de contraintes électorales ou référendaires ou hors
de contraintes de partis politiques qui, souvent, sont confinés à
des échéances qui empêchent justement cette libre
expression.
Le deuxième mandat a été de fonder un mouvement de
jeunes à partir d'un projet de société dont les grandes
lignes avaient été définies à l'époque.
Depuis ce temps, nous avons rédigé un manifeste. Ce manifeste a
été amendé lors de notre congrès de fondation. Ce
qui en ressort comme conclusion, c'est que nous voulons un Québec
indépendant pour une société communautaire. Donc, nous
donnons un
contenu à un projet de société affilié
évidemment à la question de l'indépendance politique. Mais
l'indépendance politique, pour nous, n'est pas une fin comme telle,
c'est un moyen pour parvenir à une société que nous
voulons plus humaine, à partir de valeurs que nous voulons, par exemple,
plus progressistes, des valeurs aussi plus humanistes, plus collectivistes,
plus écologistes, qui sont des courants, actuellement, qui s'affirment
dans certains milieux, si on prend, par exemple, différents milieux
communautaires, entre autres, d'où est issu le nom.
Je ne veux pas parler plus longuement sur la question de notre projet de
société. Ce qu'il est important de constater, actuellement... Je
vais citer une déclaration de M. Léon Dion qui a passé ici
en commission parlementaire et qui a déclaré ceci: "Je pense que
la constitution d'un pays est extrêmement pertinente pour ceux qui
veulent se donner des projets de société et les poursuivre. Je
songe notamment à la fois aux orientations pour les années
quatre-vingt que le Parti québécois a proposées, il y a
quelques mois, je songe au livre rouge que le Parti libéral du
Québec a proposé, il y a quelque temps, à ses membres, je
songe à d'autres documents que j'ai eu l'occasion de lire, notamment, le
manifeste de l'ex-comité MéOUI qui propose également un
projet de société." Pour nous, cette affirmation de Léon
Dion, qui est quand même considéré comme un analyste, un
politicologue renommé et qui peut reconnaître, en tout cas, la
pertinence des documents sur lesquels il l'analyse, pour nous, cette
reconnaissance de notre projet de société, c'est très
important. D'ailleurs, Léon Dion nous a fait venir, dans le cadre d'un
de ses cours, pour présenter notre projet de société et
les étudiants, dans le cadre de ce cours, l'ont trouvé
extrêmement intéressant.
C'est pour dire que, même si, évidemment, à plus ou
moins court terme, notre mouvement n'aura pas à avoir d'enjeu, que ce
soit pour les élections ou pour le rapatriement - même si nous
avons une opinion sur le rapatriement - il faut considérer que, dans
l'avenir, en tout cas, les jeunes, qu'ils soient indépendantistes ou
non, auront de plus en plus leur mot à dire pour l'orientation de la
société dans les dix prochaines années.
Déjà, on reconnaît que les réflexions que nous
faisons sont pertinentes.
Je vais passer la parole à José Roy qui vous
décrira notre position sur le rapatriement.
M. Roy (José): Comme Jean vient de le dire, il y a quelque
chose qui nous tient beaucoup à coeur, c'est notre projet de
société. C'est à la lumière de cette analyse qu'on
a regardé le projet Trudeau. Voici donc pourquoi nous sommes
fondamentalement en désaccord avec ce que nous propose le gouvernement
fédéral à l'heure actuelle.
Parce que notre mouvement a une structure qui est relativement
décentralisée comme la société à laquelle on
aspire, parce que nous croyons à des unités géopolitiques
et sociales qui aient une dimension, un visage humain, on ne peut accepter le
projet Trudeau. Le grand Canada intégré et intégrateur qui
nous est proposé ne peut, en aucune façon, correspondre à
nos idées politiques.
Dans la jeunesse actuelle, nous avons rejeté le modèle du
leader charismatique, du chef qui incarne les idées et les tire à
la façon d'une locomotive. Nous croyons davantage à la
consultation et à la démocratie comme mécanisme de
promotion des idées. Nous croyons davantage à ces
mécanismes qu'aux méthodes de M. Trudeau. Or, le projet Trudeau
porte en lui-même les caractéristiques des méthodes
utilisées pour l'imposer. C'est un peu de la Trudeaucratie.
M. Trudeau constitue à lui seul une bonne raison de
méfiance à l'égard de ce projet. Ce ne serait pas la
première fois qu'il y aurait dichotomie entre ses promesses
grandiloquentes et les gestes qu'il pose réellement. M. Trudeau se fait
preux chevalier des libertés individuelles. S'il y croyait vraiment,
à notre avis, il devrait abroger la Loi sur les mesures de guerre qu'il
a utilisée de la façon que l'on connaît en octobre 1970. De
plus, comment expliquer que le Canada entretienne des relations diplomatiques
et économiques avec les pires dictatures qui torturent, emprisonnent
indûment et tuent même leurs opposants? La foi de M. Trudeau dans
les libertés démocratiques constitue bien peu de chose en
pratique.
Quant aux droits collectifs, M. Trudeau n'en souffle pas mot. Nous, on
pense que c'est une conception qui est complètement anachronique de la
société que de toujours opposer droits collectifs et
libertés individuelles. Parce que les libertés individuelles de
chacun des individus n'ont jamais constitué des droits collectifs, de la
même façon que, dans la théorie des ensembles, l'ensemble
des parties n'a jamais égalé le tout.
Ne cherchons donc pas de protection à nos droits collectifs en
tant que Québécois dans ce projet, M. Trudeau ayant
catégoriquement refusé de nous reconnaître en tant que
peuple. À titre d'exemple, par la liberté de circulation et
d'établissement à l'article 6 du projet de résolution, M.
Trudeau nie aux Québécois le droit de réglementer
notamment le secteur de la construction afin que nous protégions
collectivement ce marché d'emplois.
L'article 133 a servi de base de contestation de certaines parties de la
loi 101. Essayez d'imaginer la situation avec une
charte des droits linguistiques intégrée dans la
constitution: les contestations tous azimuts feraient en sorte qu'il serait
illusoire de protéger collectivement par une loi le caractère
français du Québec. Il se trouverait toujours quelques individus
potentiellement financés par le fédéral pour ce faire.
Quant aux droits collectifs, il semble que l'ensemble des partis au
Québec s'entende là-dessus. Dans son livre beige, le Parti
libéral parlait notamment de dualisme. Il faut constater que le projet
Trudeau ne reconnaît rien en matière de droits collectifs et, de
ce fait, s'oppose à ce qui était proposé par le Parti
libéral. De ce que j'ai pu saisir des interventions de ce parti, il me
semble qu'il s'oppose davantage à la méthode qu'au fond du projet
Trudeau. Pourtant, il me semble que cela entre en contradiction au moins avec
le dualisme minimum sur lequel on pourrait s'entendre.
Ce n'est pas tout. Il y a aussi quelque chose qui nous rend
méfiant à l'égard de M. Trudeau et de son projet, c'est la
faillite, ce que nous avons appelé la "trudeaufaillite", parce que M.
Trudeau avait en tête deux projets lorsqu'il a accédé au
pouvoir en 1968: canadianiser la constitution et instaurer une
société juste. Il canadianise la constitution à grands
coups de pied rageurs - on a pu le voir d'ailleurs après que le rapport
Kershaw fut sorti - et il semble qu'il ait oublié la
société juste en cours de route. Encore récemment, sa
lutte contre le chômage a consisté à rendre plus difficile
l'accès aux prestations et à diminuer celles-ci.
Société juste? Allons donc! Si combattre le chômage, c'est
combattre les chômeurs, je ne comprends plus grand-chose.
Pendant la campagne référendaire, les ténors du
fédéral nous chantaient qu'il était normal que le
Québec soit bien nanti au niveau des industries automobiles, puisque
nous bénéficions en contrepartie d'une plus large part dans
l'avionnerie. Aujourd'hui, il semble que les retombées du F-18 se
fassent plutôt en Ontario. Pour ce qui est du projet du DASH-8, il n'y
aura pas de doute: $450,000,000 d'aide à l'Ontario et $50,000,000 au
Québec. Société juste? Plus large part en avionnerie? Aide
fédérale contre le chômage au Québec? C'est de la
foutaisel
La situation du Québec en matière d'emploi a toujours
consisté à avoir 35% de plus de chômage que la moyenne
canadienne et 50% de plus qu'en Ontario. Nous avons toujours eu le plus grand
nombre de chômeurs et nous les jeunes, sommes durement et tragiquement
touchés par cette situation.
M. Trudeau nous a "enfirouapés" avec sa société
juste et il n'est pas question qu'il en soit de même avec la
constitution.
Nous ne voulons pas que le Québec de demain, celui dans lequel
nous vivrons, en soit un de chômage. Nous ne voulons pas davantage qu'il
soit une société de confrontation ethnique. Le Québec
avait l'apparence d'un territoire où le peuple pouvait se définir
collectivement comme francophone par ses lois en matière culturelle et
linguistique.
Nous, les jeunes, sommes prêts à bâtir une
société québécoise à caractère
principalement francophone mais tout en respectant et en intégrant
l'apport souhaitable des anglophones et de toutes les ethnies. Par l'article 23
de son projet, M. Trudeau fait en sorte que nous retournions à
l'époque révolue de la confrontation, ethnique. Non seulement par
cet article M. Trudeau légifère-t-il en matière
linguistique et en matière d'éducation, mais il le fait
très mal.
Dans son ensemble, le projet Trudeau, c'est la constitutionnalisation de
la règle deux poids deux mesures. Selon M. Trudeau, nous ne formons pas
un peuple. C'est pourquoi il n'est possible de vivre en français que
là où le nombre le justifie. Pour nous, c'est inacceptable. M.
Trudeau, qui ne se gêne pas pour heurter le Québec de front en
matière linguistique, devient très poli, peut-être trop
poli quand il s'agit de l'Ontario. Il n'impose pas l'article 133. Il faudrait
que l'Ontario le demande. Si c'est sur cette sorte d'égalité des
peuples que doit reposer notre constitution, nous n'en voulons pas. Nous
pensons que M. Trudeau tente de s'ériger un monument. Nous regrettons
qu'il ne puisse se contenter comme M. Duplessis d'un monument de bronze et
qu'il tente de le faire par le biais d'une constitution. M. Trudeau semble
préparer sa sortie politique et s'ériger un bien triste monument,
c'est-à-dire une constitution qui est basée sur la force
plutôt que sur la volonté commune. Pourtant, s'il y a un domaine
où on devrait trouver la volonté commune du plus grand nombre,
c'est bien en matière de constitution. (17 h 15)
M. Trudeau veut passer à l'histoire? Eh bien, soitî Nous
nous rappellerons qu'après avoir fustigé Duplessis il a
adopté un comportement encore plus autocratique, encore plus
intolérant et plus dictatorial. On va aussi se rappeler qu'en octobre
1970 il s'est comporté comme le dernier dictateur de ses amis. Nous nous
rappellerons que sa société juste était synonyme de
chômage pour le Québec, particulièrement pour nous, les
jeunes.
Compte tenu de l'attitude de M. Trudeau en octobre 1970, on est en droit
de se demander si le fait de ne pas adhérer à la nouvelle
constitution - on sait que le gouvernement fédéral a tendance
à vouloir imposer ses vues - ne pourrait pas constituer un crime de
trahison, ce qui signifierait qu'émettre des opinions
indépendantistes
pourrait devenir un crime contre la constitution. Ce seul doute face
à l'attitude et aux intentions fédérales constitue une
raison suffisante pour qu'en tant qu'indépendantistes nous ne puissions
adhérer à ce projet.
Depuis 1840, le Québec a eu une position constitutionnelle qui a
été sensiblement constante. Parlons maintenant de l'esprit dans
lequel l'AANB a été adopté. En 1867, l'AANB faisait une
répartition des pouvoirs en établissant une souveraineté
pour chaque ordre de gouvernement. Il est vrai, cependant, que la
prépondérance fédérale teintait l'ensemble du
projet, le gouvernement fédéral étant investi notamment du
pouvoir de prépondérance, c'est-à-dire qu'en cas de
conflit entre les lois fédérales et provinciales les lois
fédérales avaient le dessus. Le fédéral jouissait
aussi du pouvoir d'urgence, du pouvoir déclaratoire, du pouvoir
résiduaire, du pouvoir implicite ou ancillaire - il y a une erreur dans
la rédaction de notre document; ce n'est pas conciliaire, mais
ancillaire - ainsi que du pouvoir de réserve et de désaveu.
Est-ce à dire que le Québec acceptait, à ce
moment-là, d'être minorisé, de reculer? Non, parce que
c'est en tant que partenaire, que partie que le Québec a donné
son accord à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. De plus,
il ne faut pas oublier que le Québec n'existait plus, à ce
moment-là, en tant qu'entité parce qu'il y avait eu l'Acte
d'Union de 1840 qui avait intégré le Haut et le Bas-Canada, ce
qui niait l'existence même du Québec. Dans ce sens-là,
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, c'était un pas dans la
voie de l'autonomie pour le Québec, par le fait d'être reconnu
comme entité et de détenir une souveraineté dans ses
champs de compétence.
Le Québec a ensuite défendu pied à pied ses
compétences tant au niveau politique que judiciaire et réussi
à garder compétence sur les matières des articles 92, 93,
94a et 95 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et ce,
malgré les assauts répétés du fédéral
qui tentait d'élargir sa compétence en usant des divers pouvoirs
constitutionnels décrits plus haut. Bref, le Québec n'a jamais
reculé volontairement, a toujours tenté de faire
reconnaître au moins son autonomie, son caractère particulier et
le fait qu'il constituait une entité reflétant l'existence d'un
peuple.
C'est pourquoi nous avons de la difficulté à nous
reconnaître dans le gouvernement actuel du Québec. Nous avons
aussi de la difficulté à reconnaître ce qu'il a
déjà été puisqu'il affirme qu'il serait
peut-être prêt - je cite, en substance, M. Charron qu'on a vu aux
nouvelles il y a quelque trois semaines - à accepter de négocier
sur cette constitution en contrepartie de certains amendements.
Dans cet ordre d'idées, il y a un article de la Presse d'il y a
deux jours, je crois, qui me laisse songeur. Notre poids démographique
baissant tellement au Québec, le fait de garder, avec la formule de
Victoria, un veto avec 25% de la population canadienne, pour nous, cela n'est
pas une garantie d'avenir. Puis, on ne devrait pas accepter de négocier
sur cette formule et on ne devrait pas accepter le projet Trudeau pour des
amendements de cet ordre.
Après le résultat du référendum, il n'est
peut-être pas légitime de défendre la souveraineté,
pour le gouvernement. Cependant, il est tout à fait normal d'opposer un
non catégorique à toute négociation sur la base du projet
Trudeau. C'est important de ne pas oublier que ce n'est pas cette sorte de
fédéralisme renouvelé qu'étaient en droit
d'attendre les Québécois après les promesses claironnantes
de M. Trudeau pendant la campagne référendaire. On pense que cela
a été une manoeuvre démagogique de dire qu'il y avait
beaucoup de bonne volonté pour réformer le Canada, de nous
prendre, ensuite, comme cela et de proposer un tel rapatriement. Ce
n'était pas du tout ce à quoi les Québécois,
notamment ceux qui ont voté non, étaient en droit de
s'attendre.
Il a beaucoup été question de la légitimité
du gouvernement du Québec dans ce Parlement. Mais il ne faudrait pas
oublier d'évaluer la légitimité du projet Trudeau. M.
Trudeau a peut-être un mandat de gouverner, voire un mandat pour modifier
la constitution, mais il ne peut avoir un mandat pour effectuer un tel coup
d'État dont l'illégitimité est reconnue par tous, y
compris par le select committee on Foreign Affairs d'Angleterre. On trouve
déplorable que dans notre société maintenant au
Québec on ne parle que du système judiciaire, de la
légalité. On pense que quand on veut construire une
société, il est aussi important de la bâtir non seulement
dans la légalité, mais dans la légitimité, ce dont
ne se soucie pas M. Trudeau. Nous espérions, de la part de tous, qu'en
plus des réactions négatives que suscite ce projet il y aurait
sanction de la justesse de l'opposition de la part des tribunaux. Il semble que
ce soit de plus en plus aléatoire. C'est pourquoi nous
considérions comme trop aléatoire comme pratique le fait de s'en
remettre principalement à notre système judiciaire pour
défendre des positions qui sont vitales et qui sont d'abord des
positions très politiques. Cependant, M. Trudeau pourrait tenter
d'adopter, de faire approuver cette constitution par Londres malgré le
fait qu'il y ait beaucoup d'opposition.
La loi étant une source de droits constitutionnels plus forte que
la coutume ou que la convention - on a vu devant la cour
du Manitoba que la coutume et la convention n'étaient des
règles que dans la mesure où elles étaient suivies - ces
derniers éléments constituant la base de l'argumentation au
soutien de la contestation judiciaire des provinces, nous pourrions nous
retrouver malgré les provinces, et c'est une hypothèse qui est de
plus en plus plausible après la décision du Manitoba, avec une
constitution canadienne qui soit légale et constitutionnelle, mais qui
ne serait peut-être pas légitime. Vous aurez constaté avec
justesse que sur ce point en particulier nous adoptons les vues de Me Gilles
Rémillard.
Perspectives d'avenir. Advenant l'éventualité que le
rapatriement ait lieu, nous souhaitons donc que le gouvernement du
Québec adopte une loi ne reconnaissant pas la légitimité
de la constitution canadienne pour défaut de s'être
conformée à la coutume et à la convention. Cette loi
décréterait peut-être ainsi qu'à défaut de
toute nouvelle entente négociée emportant l'adhésion des
provinces, seule la constitution actuelle ou celle qu'on voudrait bien se
donner à ce moment serait applicable. C'est un peu la démarche de
Me Guy Bertrand, sauf quant au contenu. Il faut quand même respecter le
résultat du référendum, mais respecter le résultat
du référendum ne signifie pas accepter d'être
minorisé. À ce moment, une démarche telle que celle que je
viens de décrire pourrait être possible. Cela relancera la
guérilla judiciaire et législative, sûrement. Ce n'est pas
la solution miracle. Mais peu importe qui sortira vainqueur de cette guerre de
tranchées au niveau judiciaire, nous aurons gagné du temps.
A ce sujet, on a quand même eu de nouvelles idées depuis la
rédaction de notre mémoire. Entre autres, il y en a une que je
voudrais vous soumettre. Puisqu'il a été possible à
l'Asbestos Corporation d'empêcher le gouvernement du Québec
d'agir, en matière d'expropriation notamment, par le biais d'une
injonction, il est tout aussi pensable juridiquement, non pas de freiner
l'élan du Parlement du Canada, à cause du principe de la
souveraineté du Parlement, mais à partir du moment où ce
sera le gouvernement du Canada et non pas le Parlement qui adressera sa demande
à Londres, il sera possible de demander une injonction empêchant
le gouvernement du Canada d'agir de cette façon. C'est une voie à
explorer. C'est une autre façon de gagner du temps. Et pourquoi gagner
du temps? C'est le temps suffisant pour que les Québécois
réalisent que le respect des aspirations du Québec ne peut passer
par une constitution impossible à renouveler; le cycle du rapatriement
et les conférences constitutionnelles nous l'auront prouvé. Le
temps suffisant pour que les Québécois réalisent que seule
l'indépendance peut servir de base à notre épanouissement
collectif et que quand on essaie de renouveler le fédéralisme
canadien on constate que forcément on se dirige toujours vers un
cul-de-sac.
Nous croyons que les Québécois réaliseront cela
dans un proche avenir, d'autant plus qu'ils ont été dupés
par M. Trudeau après le référendum. Quand nous serons
rendus à ce stade, nous saurons au Québec user d'un
mécanisme démocratique, celui que nous on propose, appelé
constituante, pour élaborer un projet collectif qui corresponde vraiment
à ce que nous sommes. La constitution du Québec, à ce
moment, devrait donc être adoptée d'une façon beaucoup plus
démocratique que ne le fait M. Trudeau et même déborder les
cadres des diverses assemblées législatives pour faire appel au
mécanisme de la constituante.
En conclusion, M. Trudeau aurait été bien inspiré
d'y recourir. À défaut de savoir négocier, il aurait pu,
au moins, apprendre à écouter. Parce que nous sommes
indépendantistes; parce que nous voulons une société
à visage et dimension humaine où la confrontation ethnique serait
dépassée; parce que nous voulons détenir les outils et
tous les outils pour pouvoir contrer un chômage endémique qui
constitue, pour nous, les jeunes particulièrement, une plaie sociale;
parce que nous croyons vraiment aux libertés individuelles,
libertés qui peuvent et doivent coexister avec les droits collectifs;
parce que nous croyons que l'État du Québec seul peut assurer non
seulement notre survivance, mais notre épanouissement en tant que
peuple; parce que la façon de procéder de M. Trudeau est non
seulement illégale, mais illégitime; parce que le Québec
ne doit pas être seulement reconnu comme entité qu'à
condition de compter 25% de la population canadienne, soit la formule de
Victoria, mais il doit être reconnu comme l'État
représentant le fait français québécois et
francophone en Amérique du Nord. Nous nous opposons donc à la
"trudeaufolie" du rapatriement, manifestation de la "trudeaucratie", faisant
suite à la "trudeaufaillite" aux niveaux social et économique. La
jeunesse du Québec mérite un meilleur héritage que la
"minorisation" de son peuple dans un Canada central et unitaire. Je vous
remercie.
Le Président (M. Jolivet): Merci beaucoup. M. le
ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci. Je voudrais vous dire que
j'ai énormément aimé votre mémoire. Je trouve qu'il
est très clair, complet, très bien structuré et fait le
tour de la question d'une façon qui, je pense, est admirable.
Je voudrais aussi vous dire que vous avez beaucoup de style.
J'apprécie les trois dernières lignes, enfin les lignes où
vous
parlez de "trudeaufolie", de "trudeaucratie" et de "trudeaufaillite". Je
pense que c'est une sorte de trouvaille qui résume à sa
façon toute la situation que nous vivons maintenant.
Je voudrais vous faire des commentaires. Je suis d'accord avec ce que
vous dites et je pense que vous le savez. Je n'ai donc pas de question pour
vous faire confirmer que nous sommes d'accord. Je ne veux pas me livrer
à ce jeu un peu artificiel mais je voudrais quand même relever
deux ou trois choses qui, comme par hasard, se trouvent toutes à la page
5 de votre mémoire dont une à la fin, lorsque vous parlez de la
formule de Victoria.
Première observation, vous dites, semble-t-il, que vous avez
écouté M. Charron à la télévision et qu'il
aurait dit qu'on accepte de négocier la constitution en question en
contrepartie de quelques amendements. Je n'ai pas entendu cette entrevue, si
entrevue il y a eu, enfin, ce commentaire. Ce que je veux vous dire, c'est
qu'à la suite du référendum et à la suite de
l'annonce faite pendant le référendum qu'il y aurait un
fédéralisme renouvelé, douze points ont été
proposés par M. Trudeau à un ordre du jour de réunions qui
ont eu lieu tout l'été. Nous avions, à ce
moment-là, dit deux choses. Je me reporte au mois de juin. Il ne faut
jamais perdre la perspective de vue.
La première chose que nous avions dite, c'est que nous
respections le résultat du référendum. Je pense que,
là-dessus, c'est maintenant connu.
La deuxième chose que nous avions dite, comme gouvernement, c'est
que ce sont les fédéraux qui avaient promis ce
fédéralisme renouvelé et, par conséquent, ils
avaient une matière à livrer, une marchandise à livrer et
nous avons voulu aller voir en quoi consistait cette marchandise.
Aujourd'hui, deux mois plus tard, je pense que tout le monde sait que
les Québécois ont été trompés,
carrément trompés, manipulés, induits en erreur et
conduits par les libéraux fédéraux dans ce cul-de-sac qui
n'est pas nécessairement éternel cependant, mais dans lequel nous
sommes maintenant. C'est ma première remarque pour ce qui concerne le
fait que nous aurions accepté, avec quelques amendements, de discuter
d'une sorte de constitution fédérale pas vraiment novatrice. Ce
n'est pas le cas.
La deuxième chose, vous dites: "Après le résultat
du référendum, il n'est peut-être pas légitime de
défendre la souveraineté." Vous avez, en lisant, corrigé.
Vous avez ajouté les mots "pour le gouvernement". Je pense que cette
phrase, telle qu'elle est dite maintenant, signifierait, étant prise
textuellement, qu'à cause du résultat du référendum
où environ 40% de la population se sont prononcés pour une
orientation politique, il faudrait négliger les droits de ces 40% et ne
plus parler de ce qui les a animés, de ce sur quoi reposait leur espoir.
Je pense que ce n'est pas cela que vous avez voulu dire. Vous voulez simplement
dire d'une autre façon que le gouvernement se devait de respecter le
résultat du référendum, sauf qu'il est parfaitement
légitime au Québec de parler de souveraineté, comme il est
parfaitement légitime de parler, quoique inutile, de
fédéralisme renouvelé.
Troisième commentaire. Vous parlez des tribunaux. Vous dites,
toujours à la page 5 -je ne sais pas pourquoi tout se ramasse là
-que vous mettez en doute le recours aux tribunaux, parce qu'on a vu, avec la
décision du Manitoba, n'est-ce pas, que ce n'est pas
nécessairement toujours à l'avantage des provinces. (17 h 30)
Là-dessus, je veux dire que ce n'est pas le seul recours que nous
avons, les tribunaux. Nous avons une action, comme dirais-je, tous azimuts, les
tribunaux étant une instance que nous utilisons, mais étant loin
d'être la seule. La suggestion qui avait été faite par le
chef du Parti libéral était: Présentez votre affaire
devant les tribunaux et ils vont voir si c'est légal ou non. Mais nous
disons que même si c'était légal, ce projet
fédéral unilatéral qui vient torpiller nos institutions et
nos lois linguistiques serait inacceptable. Il est peut-être
illégal et, de toute façon, maintenant, avec la décision
du Manitoba, il y a des doutes juridiques qui feront que tout cela va rebondir
en Cour suprême, et c'était cela qu'on voulait démontrer
essentiellement, qu'il y avait des doutes juridiques. Il reste encore deux
cours qui ne se sont pas prononcées, incidemment.
Il y a une autre remarque que je veux faire et là, je me
réfère à une autre partie de votre texte. Il s'agit d'une
correction technique que je veux faire, mais je pense que c'est important parce
qu'il peut y avoir une erreur. Vous parlez de la formule d'amendement de
Victoria où on reconnaît au Québec un droit de veto pourvu
qu'il y ait 25% de la population. La formule de Victoria, je ne la favorise
pas, parce que nous avons maintenant commencé à travailler sur
une autre formule, dite de Vancouver, où les provinces qui ne seraient
pas d'accord sur une modification constitutionnelle ne leur convenant pas dans
les domaines de leur compétence pourraient exercer un droit de retrait.
Cela a été proposé cet été et les provinces
étaient essentiellement d'accord là-dessus, mais il reste encore
des raffinements à faire à cette formule. Mais la formule de
Victoria - seulement pour qu'on s'entende -ne dit pas que le Québec a un
droit de veto tant qu'il a 25%. Elle dit que toute province qui a eu ou qui
aura 25% de la population
aura un droit de veto. Donc, même si on avait 22%, on aurait quand
même un droit de veto, selon la formule de Victoria. Je dis tout de suite
ceci, cependant, ayant vécu deux fois dans ma vie l'expérience
d'un droit de veto exercé par le Québec, le droit de veto, c'est
un peu comme des allumettes; cela sert une fois. Je veux dire par là -
et c'est bien important - qu'il ne faut pas tomber victime de ce que je
considérerais l'illusion du droit de veto. On a été
victime au Québec. On se dit: II y a un droit de veto, donc, il n'y a
pas de problème. Oui, il y a un problème, avec un droit de veto.
C'est celui-ci; c'est le problème que ça met sur le Québec
- en supposant que c'est nous qui l'exerçons - l'odieux de bloquer
l'ensemble du Canada pour une évolution que lui, l'ensemble du Canada,
hors le Québec, voudrait. À cet égard, la formule de
Vancouver est beaucoup plus souple.
Ce n'était pas facile, en 1965, quand M. Lesage a
décidé de laisser tomber la formule Fulton-Favreau et la
première tentative de rapatriement et de formule d'amendement qui ne
nous convenait pas, de bloquer tous les autres qui voulaient cette formule
à l'époque, parce que nous avons exercé notre droit de
veto à ce moment-là, le Québec. En 1971, M. Bourassa aussi
a exercé son droit de veto à la suite de la conférence de
Victoria. C'est un peu odieux. C'est difficile. Cela se fait une fois de temps
en temps, mais il ne faudrait pas que cela se fasse tous les six mois.
Au dernier commentaire, que je trouve intéressant, vous dites que
vous avez, depuis que vous avez écrit votre texte, pensé à
une autre solution pour bloquer le coup de force des libéraux
fédéraux qui serait une sorte d'injonction contre le gouvernement
fédéral pour le bloquer. Sans aller dans les détails, je
peux vous dire que toutes les hypothèses sont envisagées par nous
et nos gouvernements et que nous avons, depuis quelques mois maintenant,
consacré une énorme quantité d'énergies à y
réfléchir à cause de sa gravité. D'ailleurs, je
pense que c'était notre devoir fondamental de le faire, de
réfléchir et de trouver les moyens d'empêcher ce coup de
force absolument désastreux de se produire. Tout est possible, tout ce
qui est évidemment correct, selon les normes de notre
société.
Ce sont les commentaires que je voulais vous faire. Je vous
félicite encore de votre mémoire. Je n'ai pas posé de
questions. Si vous avez des commentaires supplémentaires à faire
sur ce que j'ai dit, bien sûr, cela me fera plaisir de les entendre.
Après cela, je passerai la parole à un autre.
Le Président (M. Jolivet): M. Roy ou
M. Baillargeon, avez-vous des commentaires?
M. Roy: Concernant la formule d'amendement, évidemment, on
peut examiner la formule de Vancouver, celle de Victoria et toutes les
formules. Notre avis là-dessus, c'est que quelle que soit la formule
d'amendement, il y a toujours un risque. Ce qui est essentiel et vital, c'est
d'abord qu'on soit reconnu en tant que peuple; ensuite, ce sera confirmé
par n'importe quel mécanisme ou n'importe quelle mécanique dans
la constitution, mais c'est d'abord ce qui est important. Tant que M. Trudeau
ne cédera pas là-dessus, on sera forcé d'être
indépendantistes. C'est M. Trudeau qui nous pousse à
l'indépendance parce qu'aucune formule ne peut nous satisfaire si cela
nous maintient dans la position aléatoire dans laquelle on est. C'est
pourquoi le terrain des diverses formules d'amendement est plus ou moins
intéressant pour nous parce que quelle que soit la formule retenue, il y
aura toujours un risque très grand qu'on ne soit plus reconnu en tant
que peuple, ce qu'on a réussi à faire reconnaître
jusqu'à maintenant, pas constitutionnellement, pas légalement,
mais dans les faits, à force de ténacité. Je tiens
à vous souligner qu'on aura la ténacité nécessaire
pour continuer après ceux qui ont défendu le Québec.
Un commentaire que j'aimerais faire aussi - Jean en a glissé un
mot tout à l'heure - on veut, par notre présence,
témoigner de notre position sur le rapatriement de la constitution, mais
témoigner aussi d'une chose, à savoir que la
généralisation bête et rapide de dire que la jeunesse est
apathique, c'est faux. Qu'on regarde les associations étudiantes qui se
remettent sur pied. Qu'on regarde des mouvements comme le nôtre. Qu'on
regarde l'implication des jeunes dans le milieu communautaire. Je pense qu'on
est à même de prendre la relève quand ce sera le temps.
M. Morin (Louis-Hébert): Je suis tout à fait
heureux de ce que vous dites, à la fois sur les jeunes, ce que nous
avions d'ailleurs constaté, mais aussi sur ce que vous avez dit sur la
formule d'amendement. C'est exactement la position que le gouvernement du
Québec, et je dirais sous tous les régimes, a défendue et
particulièrement nous. Il y a une immense illusion qu'on avait
essayé, qui n'a pas marché jusqu'à maintenant, mais qu'on
va toujours essayer de faire croire aux Québécois - on entendait
encore des ministres fédéraux en parler ces jours-ci - c'est de
s'imaginer qu'une fois cette constitution rapatriée, même avec une
formule d'amendement, le problème constitutionnel est résolu. Ce
n'est pas vrai. Et vous avez parfaitement raison de dire que ce qui est
essentiel, c'est autre chose qu'une technicité d'une loi qui est
maintenant dans une quelconque bibliothèque en Grande-
Bretagne et qui viendra dans une quelconque bibliothèque ici.
C'est beaucoup plus que cela. La formule d'amendement a ceci, cependant,
d'important: elle détermine, du fait même qu'elle existe, le
statut des États constituants et, à cet égard, elle est
importante.
Mais je suis parfaitement d'accord que c'est loin de suffire. C'est tout
à fait insuffisant.
Le Président (M. Jolivet): M. le. député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, M. le Président. Je voudrais, en premier
lieu, poser une question qui, je le regrette, peut avoir l'air d'une question
personnelle, mais étant donné qu'une des personnes qui est devant
nous a le même nom qu'une autre personne - j'imagine que ce sont deux
individus différents - qui occupe des fonctions officielles, j'aimerais
clarifier que M. Jean Baillargeon n'est pas le M. Jean Baillargeon qui est
secrétaire du Conseil de presse. Etant donné qu'il y a un rapport
public de votre apparition, c'est peut-être correct de faire cette
précision.
M. Roy: II a cependant tout autant de valeur.
M. Forget: Je ne me prononce pas sur la valeur des individus,
mais je ne voulais pas qu'il y ait de confusion sur l'identité de ceux
qui apparaissent devant nous.
M. Goulet: II y en a un qui est lutteur.
M. Morin (Louis-Hébert): II y en a un qui est lutteur
éqalement. Est-ce vous? Non?
M. Baillargeon: Aucune parenté avec le lutteur. Du moins,
pas de la même façon. Je préfère la lutte sur le
plan politique.
M. Forget: Cela illustre le fait que le député de
Bellechasse et moi n'avons pas les mêmes lectures, M. le
Président.
M. Goulet: M. le Président, c'est parce que le lutteur est
natif de Bellechasse. Je connais mes concitoyens, moi.
M. Forget: Ceci étant dit, M. le Président, je n'ai
pas de questions, mais j'aimerais, étant donné que le ministre
l'a fait lui-même... Relativement aux remarques que vous faites à
la page 5 de votre mémoire, il a pris soin de prendre ses distances par
rapport aux intentions que vous prêtiez au gouvernement dont il fait
partie. Je pense ici au troisième alinéa de cette page 5
où, implicitement, vous faites reproche au gouvernement actuel du
Québec d'être prêt à négocier le projet
constitutionnel dont tout le monde parle en contrepartie d'un certain nombre
d'amendements.
Si j'ai bien compris, le ministre cette fois-ci, comme un peu plus
tôt ce matin, a indiqué très clairement qu'il y a un
certain nombre de conclusions qui se dégagent, quant à lui, de
l'expérience constitutionnelle des quelques derniers mois. Il a
affirmé - et je ne pense pas le citer faussement, ce sont ses mots, je
les ai notés au moment où il les a dits - qu'il est inutile de
parler de fédéralisme renouvelé. Ce matin il avait
affirmé que "le fédéralisme renouvelé n'est pas
possible" et la perspective qu'il nous trace pour les prochaines années,
à supposer que la responsabilité lui en échoirait, c'est
que toute pensée de négociation ou d'évolution vers un
fédéralisme renouvelé doit être mise de
côté, qu'il faut en quelque sorte s'enfermer dans une situation
qu'il faut bien appeler le statu quo, tenir la ligne, maintenir la position
actuelle, mais sans aucun espoir d'évolution. Je suis sûr qu'il va
profiter du droit de parole qu'il a, après mes propos, pour dire que
c'est la faute du gouvernement fédéral et cela, tout le monde s'y
attend, bien sûr. Mais, il reste que, quant à lui, son idée
est faite, il n'est pas question de renouveler quoi que ce soit ou de
négocier quoi que ce soit. Il s'agira plutôt, pour les prochaines
années, d'avoir un gouvernement à Québec qui sait dire
non, sur tous les tons, et avec toute la persistance possible, à toute
espèce d'ouverture qui pourrait se manifester. D'ailleurs, il ne croit
pas qu'il y aura d'ouverture. C'est un Québec en état de
siège qu'il entrevoit pour les prochaines années avec un chef de
garnison beaucoup plus qu'un chef de gouvernement.
Je pense que cela est une leçon que le gouvernement tire, que le
ministre tire de l'expérience actuelle et qui est différente de
celle qu'on peut tirer, par ailleurs. Je pense qu'effectivement, il y a des
difficultés, il y a des problèmes majeurs avec la proposition qui
est actuellement devant le Parlement canadien, des objections de principe
absolument déterminantes, mais, malgré tout, je persiste à
croire avec beaucoup de gens qu'il demeure un espoir qu'à cause
même de la crise actuelle et des difficultés que nous connaissons,
pourvu que toutes les parties impliquées maintiennent leur désir
de faire évoluer la situation, il continue d'exister un espoir d'une
évolution rapide, pourvu que personne ne se donne la vocation
d'assassiner cet espoir de propos délibéré. Je pense que,
du côté du ministre des Affaires intergouvernementales, il a
clairement fait le deuil de cet espoir, il en a même fait un enterrement
de première classe et il semble presque s'en réjouir.
Dans la perspective dans laquelle il se place, qui est une perspective
à plus ou moins long terme de retrouver le souffle perdu le 20 mai
dernier, je peux comprendre
qu'on ne se fasse pas tellement de cas de concience de l'enterrement de
l'espoir en question. Mais je pense que c'est bon de le savoir. Il y a
effectivement là une orientation, une conclusion; on a tiré la
ligne du côté gouvernemental, on se dit: C'est fini, n'y pensons
plus; quant à nous, nous ne jouerons plus à ce jeu. Je pense que
c'est extrêmement intéressant, extrêmement important et
qu'il fallait le souligner.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Est-ce qu'il y a des
commentaires? M. Baillargeon.
M. Baillargeon: J'aimerais poser une question à M.
Forget.
Dans le temps du référendum, nous avions analysé le
livre beige et vous aviez dit: Pour nous, c'est un recul. Évidemment, je
ne veux pas entrer dans les détails. Vous avez dit tout à l'heure
que M. Trudeau avait bien reçu le livre beige, c'est-à-dire que
c'était une base de négociation possible, tout cela. Mais
à l'allure où va le train du rapatriement, le train risque
d'être passé avant que M. Trudeau veuille en discuter. Autrement
dit, le livre beige ne servira plus à rien, s'il y a rapatriement, s'il
y a coup de force, en fait, à la vitesse que va actuellement le
rapatriement. Là-dessus, nous avons déjà rencontré
parfois de jeunes libéraux et nous leur avons demandé comment il
était possible... Évidemment, nous avons fait partie de
Solidarité Québec. Pour des raisons tactiques ou je ne sais pas
trop pour quelle raison, vous n'avez pas voulu vous opposer
systématiquement, en tant que parti au projet Trudeau pour faire partie
de Solidarité-Québec, par exemple. Nous avons demandé aux
jeunes libéraux comment faire pour s'unir contre le projet Trudeau. Je
sais bien qu'il y a une élection, mais quand même. Le projet
Trudeau, c'est très important. Vous dites que le livre beige, M. Trudeau
voudrait en discuter, mais le projet va être adopté et le livre
beige ne servira plus à rien, à beaucoup moins. J'aimerais savoir
ce qu'entend faire le Parti libéral, peut-être aussi les jeunes
libéraux jusqu'à un certain point, et comment faire pour s'unir,
vu qu'on s'entend tous sur le fait que le projet de M. Trudeau est
inacceptable. Comment faire pour s'unir contre le projet Trudeau avant qu'il ne
l'adopte définitivement?
M. Roy: Si vous permettez, j'aimerais compléter la
question de M. Baillargeon, pour que d'un même souffle M. Forget puisse y
répondre. Vous avez dit que l'idée de la part du gouvernement du
Québec de négocier était peut-être enterrée.
Je pense que c'est M. Trudeau qui force l'enterrement de par ses
méthodes. Je vous signale qu'il a rejeté du revers de la main
tant Pépin-Robarts que toutes les commissions qui ont pu exister, et
même le livre beige du Parti libéral. On en trouve assez peu de
traces dans le projet de rapatriement. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Il y a aussi une chose. C'est peut-être pour cela que nous sommes
indépendantistes, parce qu'on ne voit pas de possibilité.
Sincèrement et honnêtement, pensez-vous qu'on peut penser pouvoir
négocier avec un homme qui agit de cette façon? Qu'est-ce que
vous pensez de l'attitude de M. Trudeau dans ce dossier?
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je veux bien qu'on inverse les rôles encore une
fois, mais répondre aux questions qui sont adressées, je trouve
que...
M. Morin (Louis-Hébert): C'est embêtant!
M. Forget: Non, c'est embêtant seulement pour le ministre
des Affaires intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, c'est pour vous.
M. Forget: II demeure que la question elle-même
reflète un assez grand pessimisme. On nous dit, comme si c'était
la prémisse à partir de laquelle il faut se baser, que
l'opposition non seulement du Québec, mais de sept provinces au projet
fédéral est vouée à l'échec. Cela doit
être la prémisse dont on part pour nous dire que si le projet
fédéral réussit - on présume presque que c'est
déjà chose faite - il n'y a plus beaucoup d'avenir pour
négocier le renouvellement du fédéralisme en fonction des
objectifs définis dans le livre beige. Tout cela est bien joli, mais
c'est "si". C'est si effectivement les efforts non seulement du Québec,
mais encore une fois de six autres provinces sont voués à
l'échec. Il est plausible d'argumenter qu'effectivement, si les
provinces n'ont plus voix au chapitre, il sera bien difficile pour un parti
politique provincial, quel qu'il soit, de réaliser ses objectifs
constitutionnels. Nous ne sommes pas persuadés qu'il faille prendre
comme point de départ l'échec du mouvement actuel qui est
très largement appuyé au niveau des provinces, et pas seulement
au niveau des gouvernements provinciaux, mais aussi chez un secteur important
de la population canadienne dans son ensemble. Quant à nous, nous ne
considérons pas que cet effort est battu d'avance. C'est la raison pour
laquelle j'ai dit tout à l'heure que nous conservons cet espoir et que
nous ne pouvons pas partager les conclusions qu'en tire le gouvernement qu'il
n'est plus question, plus possible, plus utile de songer à quelque
négociation que ce
soit. Il faudrait - c'est aussi l'autre prémisse qui est
implicite - par conséquent revenir à la période
préréférendaire et tout ce qui s'est passé depuis
un an, il faudrait prétendre que cela ne s'est pas passé et qu'on
revient au statu quo ante, c'est-à-dire ce qu'il y avait avant le
référendum, est-ce que oui ou non on va reposer la question de
l'indépendance? Je pense que c'est très largement
prématuré de conclure de cette façon et, pour notre part,
nous ne croyons pas, encore une fois, qu'il faille enterrer l'espoir d'un
véritable renouvellement. Si le projet fédéral, par
contre, échoue, ne sera-t-il pas nécessaire, étant
donné le mouvement, les efforts très considérables et les
convergences très considérables qui se sont
dégagées depuis un an et demi entre les provinces sur certains
points, mais pas sur tous, de reprendre le dialogue sur une base nouvelle et
beaucoup plus claire cette fois-ci?
Le Président (M. Jolivet): M. Roy.
M. Roy: Tu pourras compléter ma réponse. Tout
à l'heure, vous vous définissiez comme un optimiste et comme
quelqu'un qui croyait à la négociation pour renouveler le
fédéralisme. Je pense que c'est peut-être une vision un peu
réductive quand vous parlez de statu quo. Si on ne réussit pas
à négocier un nouveau rapatriement, c'est tristement le statu
quo? Non. C'est limiter le progrès d'une société
uniquement à sa dimension constitutionnelle. C'est un
élément important, mais ce n'est pas le seul. Il y a moyen -c'est
ce pourquoi nous proposons un projet de société - quelle que soit
l'issue de ce débat, de vouloir bâtir notre propre
société qui nous ressemble. À ce moment-là, je ne
pense pas qu'un échec dans cette phase du renouvellement du
fédéralisme signifie nécessairement le statu quo ante. En
matière constitutionnelle, peut-être, mais, pour ma part, c'est un
moindre mal. Si le projet Trudeau échouait, ce serait un moindre mal. Je
préférerais de beaucoup revenir au statu quo constitutionnel que
d'être écrasé par le bulldozer fédéral
maintenant.
M. Forget: Écoutez! Je suis tout à fait d'accord
avec vous que la dimension constitutionnelle dans la vie d'un peuple, dans la
vie des individus, dans la vie de n'importe quelle collectivité, ce
n'est qu'une dimension. C'est une dimension importante, mais ce n'est pas la
seule. Effectivement, vous avez tout à fait raison en cela. Si vous avez
un projet de société, comme vous dites, qui déborde la
question constitutionnelle, je vous encourage, effectivement, à avoir un
projet de société plus large que la question constitutionnelle.
Il est évident qu'à d'autres égards la
société, au Québec comme au Canada, peut continuer
à progresser dans d'autres dimensions même si ce problème
n'est pas résolu. Il reste que mes propos s'adressaient à votre
argumentation dans le cadre de la question constitutionnelle. Mais vous avez
tout à fait raison, il y a beaucoup plus de choses dans le monde que ce
qu'il y a dans les livres de droit constitutionnel et les livres de sciences
politiques. Fort heureusement, d'ailleurs.
Le Président (M. Jolivet): M.
Baillargeon.
M. Baillargeon: Je vous avais demandé, en fin de compte,
comment il est possible actuellement, disons à plus ou moins court
terme, de se solidariser en tant que Québécois pour faire face
justement au danger que représente le projet Trudeau et comment cela
pouvait être possible entre jeunes au moins, en tout cas - les jeunes
libéraux, les jeunes indépendantistes, tous ceux qui, pour des
raisons différentes, s'opposent au projet - dans l'action de le faire.
Si je comprends bien, vous vous opposez au projet Trudeau, sauf que, pour le
moment, c'est plus ou moins une priorité. On ne fait rien contre, en
fait, véritablement, dans l'action. Pas de pétition, rien. Je ne
sais pas, il peut y avoir plusieurs moyens. Vous pensez simplement à
votre élection, à vous faire élire, et les
intérêts des Québécois passent en second lieu, si je
comprends bien. Je ne le sais pas.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Les institutions politiques dans lesquelles nous
vivons sont ainsi faites que l'action est la responsabilité du
gouvernement et la parole, la responsabilité du Parlement, comme le mot
l'indique. Tout ce que les parlementaires ont jamais pu faire, c'est dire ce
pour quoi ils sont ou ce contre quoi ils sont. Et ça, nous l'avons fait
dès le lendemain, encore une fois, de la publication du projet
fédéral. Nous l'avons dit, nous avons parlé comme des
parlementaires doivent le faire. Nous avons exprimé notre position. Une
fois qu'on l'a dite, la constitution du Québec et celle du Canada nous
empêchent comme parti d'Opposition de faire quoi que ce soit d'autre.
L'action est un monopole gouvernemental. Et le gouvernement, en choisissant de
ne pas faire d'élection, a voulu se réserver lui-même le
monopole de l'action. Effectivement, il a agi comme négociateur, il a
agi devant les tribunaux, mais dans tous les cas il est seul, il choisit les
procureurs, il choisit le moment des déclarations, il nomme les experts
et il ne consulte pas même l'Opposition là-dessus. Personne ne lui
demande de le faire. Il est normal, d'ailleurs, que le gouvernement soit
seul. Il a choisi de le faire, c'est son rôle et alors il faut
attendre les résultats et juger l'arbre à ses fruits.
Le Président (M. Jolivet): M.
Baillargeon.
M. Baillargeon: Nous, nous n'espérons pas être au
gouvernement et nous faisons de l'action quand même. Je ne comprends pas
qu'un parti politique ne peut pas être dissocié de son aile
parlementaire et justement faire de l'action pour reprendre l'opposition que
ses parlementaires, ses députés font en Chambre. Lorsqu'on sort
du Parlement, il y a moyen de faire de l'action pour enchaîner. Si je
comprends bien, les militants du Parti libéral ne considèrent pas
importante l'action à la suite de vos déclarations au Parlement
sur l'opposition au projet Trudeau, et en fin de compte c'étaient
simplement des paroles pour la télévision comme ça se fait
actuellement. Nous sommes contre, mais nous ne voulons rien faire. Nous, en
tout cas, nous avons tendu la perche aux jeunes libéraux et il faut
absolument, à un moment donné, s'opposer énergiquement
puisque c'est quand même... Nous, en tout cas, en tant que jeunes, toutes
les générations qui suivent aussi... Ce qui se décide
actuellement, c'est une constitution et c'est très important pour les
institutions de notre pays.
Je considère qu'il ne faut pas penser à des
intérêts électoralistes à court terme pour ne pas se
battre sur ce projet. Là-dessus nous appuyons le gouvernement qui s'y
est opposé. En fin de compte il n'a pas pensé simplement à
ça. Il s'y est opposé énergiquement. Quand même, il
y a des secteurs assez larges de la société qui s'y opposent et
qui ne sont pas affiliés à des partis politiques, quels qu'ils
soient. Il y a des secteurs de la société, vous l'avez dit
vous-même, qui s'opposent à cela. Je ne comprends pas que vous ne
vouliez pas passer des belles paroles à l'action, parce que cela veut
dire, à ce moment, que vous ne croyez pas important ce que vous
affirmez. Simplement, c'est juste pour la galerie.
M. Forget: Votre problème - vous me permettez, M. le
Président, je serai très bref - c'est que quand vous faites un
mémoire et que vous venez le lire en commission parlementaire, vous,
vous appelez cela de l'action. Et quand le Parti libéral - laissez-moi
terminer...
M. Baillargeon: Non, nous avons travaillé dans
Solidarité-Québec.
M. Forget: Laissez-moi terminer. Quand le Parti libéral
dans ses congrès régionaux, où il y a probablement
quelques centaines de personnes de plus que dans les réunions de votre
groupe - je n'en sais rien, mais c'est fort probable - nous...
M. Baillargeon: Cela fait deux mois qu'on existe.
M. Forget: ... adoptons une résolution et, lorsque, au
moment des élections partielles, nous étant prononcés
comme nous nous sommes prononcés, nous n'avons quand même pas eu
trop d'échecs, je pense que c'est de l'action à un titre encore
plus grand que la rédaction des mémoires et leur lecture en
commission parlementaire. Encore une fois, l'action, dans la mesure, où
elle consiste à poser publiquement des gestes politiques qui signifient
clairement de quel côté nous sommes, si nous sommes d'accord ou
non, cette action, elle s'est multipliée depuis le mois d'octobre et
nous n'avons pas eu besoin du gouvernement ni de vous, en tout respect, pour
nous inviter à la poser.
Pour ce qui est de l'action concrète devant les tribunaux, comme
vous savez, ce n'est pas à l'Opposition à engager des avocats et
à dire au ministère de la Justice comment faire son travail. Le
gouvernement a été nommé pour cela et il a tenu à
ce que ce soit lui et personne d'autre qui s'en occupe. Alors, qu'il s'en
occupe.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Juste deux rétablissements
des faits. Le premier, c'est quand je viens d'entendre le député
de Saint-Laurent dire que nous n'avions jamais demandé quoi que ce soit
pour ce qui concerne par exemple les cours; nous avons même
proposé à l'Assemblée nationale - cela a été
rappelé - que l'Opposition nous prête un avocat pour travailler
avec nous pour faire cette opération de façon non partisane. Ce
que viennent de dire nos deux invités ici, j'y souscris
entièrement et totalement, je n'enlève pas un seul mot de ce
qu'ils ont dit et je suis totalement d'accord avec eux.
Je termine en disant que, tout à l'heure - c'était pour
cela que je voulais faire une intervention - j'entendais le
député de Saint-Laurent dire qu'il conservait espoir, alors qu'en
face de nous on a des gens qui sont la négation, même pas du
fédéralisme renouvelé, mais même du
fédéralisme. Cela a été dit par le rapport Kershaw.
Alors qu'on a à Ottawa des gens qui auraient eu l'occasion de livrer la
marchandise après une promesse qu'ils ont faite et ne le font pas, il
considère encore qu'on doit être optimiste.
Ce que j'ai dit ce matin - je pense que cela a été
oublié dans son intervention -c'est que, dans l'avenir immédiat,
quiconque parle de fédéralisme renouvelé au Québec,
compte tenu de ceux qui sont à Ottawa,
parle de quelque chose d'absolument théorique. C'est un conte de
fée politique. Que voulez-vous que je vous dise actuellement? Cela
revient à dire qu'avec son optimisme, je constate que le
député de Saint-Laurent est en train de croire aux promesses de
fédéralisme renouvelé dont il nous dit lui-même que
ces promesses n'ont pas été faites. C'est cela qu'il nous a dit
la semaine dernière.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Comme conclusion, M.
Roy.
M. Roy: J'aurais presque envie de soulever une question de
privilège en terminant, c'est que notre action ne s'est...
Le Président (M. Jolivet): II n'y en pas aux commissions
parlementaires.
M. Roy: C'est un peu en riant. ... limitée à
présenter un mémoire, M. Forget. Notre action a aussi
consisté à se "solidariser" avec les autres
Québécois qui s'opposaient au projet Trudeau, à signer,
à faire circuler la pétition, à l'expliquer dans notre
milieu. Cela a aussi consisté en l'organisation de réunions non
partisanes où sont venus les étudiants pour constater quelle est
la nature du geste fédéral. Je pense qu'on connaît assez
bien le terrain sur lequel on travaille pour qu'effectivement on puisse
rejoindre beaucoup de gens et sensibiliser des étudiants à
l'imminence du danger qu'on court en tant que Québécois. On en
entend parler depuis longtemps, du renouvellement du fédéralisme.
Cela s'est peu réalisé, mais présentement, on est en train
de courir un grave danger et peut-être que, grâce à notre
action - limitée peut-être, mais une action tout de même -
quelques-uns ont pu prendre conscience qu'on était en position
dangereuse présentement.
Le Président (M. Jolivet): Merci.
Comme nous sommes à 18 heures, j'ai besoin du consentement des
membres de cette commission pour continuer, sur ce dont on avait fait mention
au début de l'après-midi à savoir les recommandations ou
les propositions de la part du parti de l'Opposition officielle. Donc, je
demande à M. le député de Saint-Laurent quelle est la
proposition qu'il a l'intention de faire.
Présentation de motions
M. Forget: M. le Président, comme vous nous l'avez
rappelé fort à propos, le mandat strictement
interprété de la commission ne nous permettrait pas, à
moins d'un consentement, de nous étendre longuement sur un débat
entre nous puisque le mandat comportait l'audition des témoins. J'ai
cependant cru comprendre ce matin qu'on pourrait réserver une
brève période pour l'examen et l'adoption ou le rejet
éventuel d'une motion ou deux motions que nous pourrions
présenter, et je pense que ce serait dans l'ordre. Je pense qu'on
pourrait s'entendre d'avance pour faire cela dans un délai malgré
tout raisonnable et bref.
M. Morin (Louis-Hébert): Une heure au maximum.
M. Forget: Une heure peut-être. Dans ce cas-là, la
deuxième question qui se pose, c'est à quel moment le faire? S'il
n'y a pas d'objection, de l'autre côté, on pourrait
peut-être procéder immédiatement.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est cela.
Le Président (M. Jolivet): Comme il y a consentement, nous
pouvons...
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, nous
consentons, d'autant plus que j'ai appris, il y a quelques minutes, qu'il y a
au moins deux - sinon plus que cela -collègues ici qui ont un
rendez-vous avec des invités, tout à l'heure, ce qui veut dire
qu'on aurait une heure exactement pour procéder. Je suis tout à
fait d'accord, au nom du gouvernement, pour qu'on continue. Donnons-nous une
heure et on verra. (18 heures)
Le Président (M. Jolivet): Cela va?
M. Forget: Bon! Ce qui veut dire qu'on peut me donner quelques
minutes pour la présentation et...
M. Morin (Louis-Hébert): Bien sûr.
Le Président (M. Jolivet): Oui, un instant, M. le
député. M. le député de Bellechasse, oui.
M. Goulet: Comme membre de la commission, vous avez
également besoin de mon consentement.
Le Président (M. Jolivet): Oui, c'est vrai.
M. Morin (Louis-Hébert): Ah, mon Dieu!
M. Goulet: M. le Président, le mandat de la commission,
c'est l'audition de mémoires en regard du projet de résolution du
gouvernement fédéral concernant la constitution du Canada. On
semble vouloir s'embarquer sur la discussion de motions. Écoutez! On a
passé deux semaines, à l'Assemblée nationale, pour
discuter de motions. On n'a pas été capable, à
l'Assemblée nationale, après maintes et maintes discussions, je
ne sais combien d'heures, peut-être deux ou trois semaines,
de faire l'unanimité, de faire le consensus sur une motion de
base. Est-ce que vous pensez que c'est valable qu'on puisse prendre encore une
heure pour peut-être en arriver à ce qu'on n'a pas
été capable d'obtenir à l'Assemblée nationale
pendant dix, quinze ou vingt heures? Est-ce qu'il y a des gens qui veulent se
racheter, qui ont des choses à se faire pardonner? Je ne le sais pas,
mais qu'est-ce qu'on fait? Ce n'est pas le mandat de la commission du tout.
Quelle sorte de motion? Une motion de quoi? Pour reprendre le travail
qu'on n'a pas fait à l'Assemblée nationale, qu'on a
manqué, où on est passé à côté? De
quelle motion veut-on discuter actuellement?
Le Président (M. Jolivet): M. le député, je
dois vous dire au départ qu'il est réel que la commission avait
comme mandat d'entendre des groupes ou des individus qui voulaient intervenir
sur la résolution du gouvernement fédéral concernant la
constitution du Canada.
À partir du début du journal des Débats, il avait
été question qu'il puisse y avoir, à la fin de cette
commission, des propositions faites par l'Opposition officielle. Tout ce que
j'ai à faire comme travail, ce n'est pas, quant à moi,
d'évaluer la teneur des propositions puisque j'ai a diriger vos
débats, mais j'ai à vous demander, comme président de
cette commission, un consentement - c'est de cette façon que nous
pourrons aborder le sujet - pour permettre au député de
Saint-Laurent, qui représente l'Opposition officielle, de faire une
recommandation sur laquelle vous aurez ensuite l'occasion de voter pour ou
contre.
Comme c'est la coutume, nous sommes assez larges, en commission
parlementaire, et on va permettre au moins la présentation de la
proposition; ensuite, on verra si vous devez, oui ou non, donner votre
consentement pour la poursuite du travail. Comme il était 18 heures et
que le mandat de la commission pouvait se poursuivre seulement après le
souper, j'ai demandé un allongement du temps et comme le consentement
semble acquis de poursuivre au moins pendant une heure, pendant cette heure, on
peut faire ce travail. Lorsque la discussion sera terminée, il y aura un
vote, à 19 heures.
M. Morin (Louis-Hébert): Même avant. Cela
dépendra.
Le Président (M. Jolivet): Oui, cela pourra être
avant, mais ce sera au plus tard à 19 heures.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.
Le Président (M. Jolivet): Le consentement est acquis pour
que le député de Saint-Laurent présente une ou deux
motions, comme il l'entend.
M. Claude Forget
M. Forget: Je vous remercie. Je remercie les membres de la
commission, en particulier, le député de Bellechasse de sa
collaboration.
M. le Président, nous sommes arrivés au terme d'une
série d'audiences en commission parlementaire sur lesquelles je m'en
voudrais de ne pas faire certaines observations de caractère
général en préface à ces deux motions dont
j'aimerais saisir mes collègues.
Je crois qu'il faut noter, en premier lieu, le caractère et la
nature de l'orientation représentée par les différents
groupes qui se sont présentés devant la commission et qui, de
façon majoritaire, je pense qu'il est exact de dire, étaient des
groupes dont l'engagement est connu et, pour être plus précis,
dont l'engagement dans la campagne référendaire qui date de moins
d'un an se situait, dans presque tous les cas, du côté du oui.
C'est une série d'apparitions qui ont été faites, de
témoignages qui ont été rendus, dont on ne doit pas
s'étonner s'ils reprenaient des thèmes déjà
connus.
Je ne suis pas sûr, dans quelle mesure, M. le Président, on
a eu affaire, dans tous les cas, à des mémoires et des
présentations qui étaient entièrement spontanés,
qui étaient véritablement l'option de groupes qui ne sont pas
déjà autrement représentés à
l'Assemblée nationale. Il y a eu effectivement, entre ces groupes et les
anciens partenaires du oui qui siègent de l'autre côté, une
collusion que tous ceux de nos concitoyens - ils ne sont peut-être pas
très nombreux - qui suivent ces débats à la
télévision, n'ont pu faire autrement que de remarquer. Non
seulement les liens entre le parti au pouvoir et un certain nombre de ces
groupes - je cite le Mouvement national des Québécois, la
Société Saint-Jean-Baptiste, le Mouvement Québec
français, etc.; il y en a plusieurs qui ont défilé devant
nous - non seulement avaient-ils des liens de fraternité comme anciens
partenaires du comité du oui, mais certains n'étaient pas
entièrement indépendants d'autre manière du
gouvernement.
J'ai souligné en particulier qu'un certain nombre de ces groupes
reçoivent, par un mécanisme qui, je pense, est
détourné de ses fins, un financement indirect du secteur public.
Nous avons eu des groupes qui ont des concessions de Loto-Québec; nous
avons eu des groupes qui prennent très explicitement la relève du
MéOUI; nous en avions un devant nous, il y a quelques minutes. Mais cela
ne se borne pas à ce dernier groupe, cela s'étend
également à la SNQ de l'Est du Québec, la
Société nationale
des Québécois de l'Est du Québec, qui, c'est de
notoriété publique - c'était dans le Soleil du
début du mois - a pris effectivement la relève du MéOUI
dans son secteur et qui se propose de lancer une revue
bénéficiant ainsi d'un appui de fonds publics - je pense qu'on ne
peut pas les qualifier autrement - pour une action politique.
Donc, tout ceci laisse une curieuse impression d'un plat qu'on nous a
fait, mais, une fois que je l'ai souligné, je n'ai pas l'intention
d'insister davantage. Je pense que ce qui ressort le plus clairement de tout
ceci, c'est qu'à cause de ces interventions, à cause de leur
nature, le gouvernement a été appelé à reprendre
des thèmes qui étaient familiers à la période
référendaire; il a même, par la voix du
député de Deux-Montagnes, assez explicitement repris à son
compte cette affirmation de M. Trépanier qui nous dit: Je désire
une république québécoise, je désire une
citoyenneté québécoise, je désire un dollar
québécois. Voilà bien des thèmes que je ne place
pas dans sa bouche arbitrairement et qui ont été assumés
par l'adjoint du ministre, non pas par le ministre lui-même qui
était fort opportunément absent de nos travaux pendant ces
quelques minutes, mais peut-être voudra-t-il les reprendre à son
compte. Il y a là toute une espèce de biais, toute une
espèce de façon d'orienter les travaux qui ont provoqué
justement une mise en lumière de ce que nous avons toujours
affirmé être l'orientation véritable du Parti
québécois, même depuis le référendum,
même à travers les négociations constitutionnelles. On ne
pouvait pas en trouver de meilleures preuves ou de meilleurs exemples que cette
mise en scène et cette présence débordante, majoritaire de
groupes qui étaient ses camarades pendant la période
référendaire. C'est malheureux. J'ai eu l'occasion dans un autre
forum de le déplorer au leader du gouvernement. Je pense que c'est un
mauvais calcul. C'est une gaucherie de la part du gouvernement que d'avoir
ainsi pipé les dés à son avantage ou ce qu'il a
considéré comme être son avantage, parce que cela peut
erronément donner à nos compatriotes qui écoutent ces
débats l'impression que tous ceux qui s'opposent au projet de
rapatriement et de modification unilatérale de la constitution le font
pour ces motifs. Or, ce n'est pas vrai. D'autres s'y opposent, mais ne se sont
pas prêtés au même jeu dans le même nombre,
peut-être parce qu'ils n'avaient pas le même genre d'incitation ou
de motivation à se conformer à un scénario si
évidemment développé du côté
gouvernemental.
Quoi qu'il en soit, je pense qu'il faut affirmer, à la fin de nos
travaux, de la façon la plus claire possible, que ces motivations
indépendantistes, ces vestiges du mouvement indépendantiste qui
ont refait surface ne constituent pas l'essence du problème, ne
constituent pas la vague de fond qui explique l'opposition du Québec, et
de toutes les forces politiques du Québec, au mouvement de rapatriement
unilatéral de la constitution. C'est beaucoup plus large que cela. C'est
beaucoup plus conforme au vote et au résultat acquis le 20 mai
dernier.
M. le Président, cette question des motifs et des buts ultimes
qui opposent les forces politiques au Québec et qui opposent,
malheureusement encore, un grand nombre de groupes affiliés ou
apparentés de plus ou moins loin avec les forces politiques, c'est une
querelle à régler entre Québécois à un
moment ou à un autre et certainement à l'occasion d'une
élection générale. Cela ne devrait pas intervenir
indûment dans la conclusion de nos travaux. Cela devrait être
laissé pour une autre occasion. À ce moment-ci, il
réapparaîtrait souhaitable que, pour éviter, encore une
fois, que tout ceci ne se termine par une impression assez saugrenue de remise
en question de tout ce qui s'est passé depuis un an, l'on puisse
déboucher sur les résolutions communes les plus simples possible,
celles qui sont les moins susceptibles, d'une part, d'obliger le gouvernement
à faire des professions de foi dans un système
fédéral auquel, fondamentalement, il ne croit pas. Je pense que
nous ne devrions pas chercher à lui faire poser une telle profession de
foi puisque l'expérience a montré qu'il s'y refuse et je le
comprends; ce n'est pas une chose qu'il est capable de faire étant
donné la situation dans laquelle il est. D'autre part, cela ne devrait
pas, non plus, impliquer, de la part des partis d'Opposition, un endossement
aveugle de toutes les démarches et de tout le processus dans lequel
s'est engagé le gouvernement, de toutes les positions qu'il a prises, de
toutes les positions qu'il n'a pas prises, de toutes les actions et de toutes
les omissions qui sont intervenues depuis le 20 mai. C'est en demander trop
parce que nous avons eu souvent l'occasion comme parti de l'Opposition de
manifester notre désaccord sur de nombreux points importants dans ce
processus. Donc, en mettant de côté à la fois une demande
d'aveu de la part du gouvernement, un acte de foi dans un système auquel
il ne veut pas faire un acte de foi, en mettant de côté pour
l'Opposition une espèce d'endossement et de bénédiction
générale de tout ce qui a été fait au niveau
gouvernemental depuis un an, je pense qu'on peut, malgré tout,
dégager du dossier actuel une ou deux propositions qui sont les plus
neutres possible, qui sont les plus circonscrites possible, mais qui nous
permettraient de dire: Là-dessus, au moins, quels que soient nos
différends par ailleurs, il y a un minimum de terrain d'entente pour des
raisons différentes, avec des motifs ultimes différents, avec des
jugements que
nous portons sur les personnes et les événements qui n'ont
pas beaucoup de choses en commun mais, malgré tout, là-dessus on
peut s'entendre.
C'est le sens, M. le Président, des deux motions que le chef de
l'Opposition, le premier jour de séance de cette commission
parlementaire, a annoncées de façon générale et que
je voudrais, à ce moment-ci, faire connaître aux membres de la
commission dans leur version précise. Je pense qu'on pourra noter, M. le
Président, très bien qu'il s'agit de choses qui, à mon
avis, vont de soi. SI, cependant, la très simple présentation de
ces motions devait ouvrir une espèce de boîte de Pandore, un
débat interminable, on s'est fait une règle d'action
là-dessus qui empêchera de se lancer dans un débat d'une
semaine ou deux. (18 h 15)
Si cela devait donner lieu à une série d'amendements, de
contre- amendements, de débats et d'ergotage sur les virgules, je pense
qu'il faudrait avoir le réalisme, chacun de notre côté, de
se rendre compte que c'est un effort qui est voué à
l'échec et que même si on réussissait à se mettre
d'accord sur les virgules après des heures ou des jours de
négociations, le produit ne vaudrait pas finalement l'effort qui aurait
été investi.
Cependant, si on peut rapidement déboucher là-dessus tout
en conservant, par ailleurs, ainsi que je l'ai dit, de part et d'autre, toutes
les réserves que nous avons les uns à l'égard des autres,
réserves que les circonstances actuelles - on n'a pas besoin de faire de
dessin à personne - rendent abondamment naturelles et normales, je pense
qu'à ce moment il n'y a pas de dommage.
Motions
M. le Président, je fais la lecture de ces deux motions.
La première se lit comme suit: "Que cette commission exprime son
adhésion aux recommandations et conclusions contenues dans le premier
rapport du Foreign Affairs Committee de la Chambre des communes britannique et
son appréciation pour la haute qualité de ce rappport
publié au cours de la dernière semaine du mois de janvier 1980."
Il s'agit du rapport Kershaw, dont tout le monde, je pense bien maintenant, a
pris connaissance et qui appuie sans exagération mais fermement la
position des provinces dans cette question constitutionnelle.
La deuxième motion, M. le Président, qui découle
presque de la première, se lit comme suit: "Que cette commission invite
le gouvernement fédéral à reprendre les
négociations avec les provinces au sujet d'une formule acceptable de
rapatriement et d'amendement à la constitution canadienne aussitôt
qu'auront eu lieu les élections générales en Ontario et au
Québec."
Le Président (M. Jolivet): Merci, M. le
député. M. le ministre, sur les deux propositions.
M. Claude Morin
M. Morin (Louis-Hébert): Merci. M. le Président, je
pense bien que nous allons pouvoir terminer pour 19 heures.
Nous venons d'avoir le texte final des deux motions libérales;
elles nous avaient été annoncées dans le principe, il y a
trois semaines; on aurait aimé voir le texte définitif plus
tôt aujourd'hui, quoique, en substance, il n'y a pas tellement de
variations. Alors je pense qu'on peut tout de suite, si mes collègues
sont d'accord, ne pas demander de suspension de quelques minutes pour les
examiner, et qu'on peut procéder rapidement.
Lorsque les propositions ont été présentées
en substance, il y a deux ou trois semaines, par le chef de l'Opposition, on
les a tout de suite soigneusement analysées pour en saisir la
portée et c'est cette analyse qui m'amène, au nom du
gouvernement, à formuler trois considérations. Ces
considérations, que j'exprimerai sans détour, nous paraissent
importantes, car elles permettent de dégager, au-delà des
péripéties quotidiennes, la perspective dans laquelle se situe
présentement la lutte des Québécois pour leurs droits.
En premier lieu, je voudrais rappeler les événements qui
ont conduit à la tentative fédérale de coup de force
constitutionnel. Reportons-nous en mai dernier, lors du
référendum: d'un côté, il y a les tenants du oui et,
de l'autre, ceux du non. Dans ce deuxième camp, invités par le
chef du Parti libéral provincial à participer à la lutte,
se trouvent les libéraux fédéraux et leur chef, le premier
ministre du Canada. Celui-ci, au Centre Paul-Sauvé, à
Montréal, dans une intervention historique et probablement
déterminante, laisse solennellement entendre qu'un non au
référendum signifiera un oui à un
fédéralisme renouvelé. Il met même à cet
égard son siège en jeu et celui de ses collègues de
même. De la sorte, des espoirs sont soulevés et des
Québécois comprennent qu'un déblocage majeur se produira
sur le plan constitutionnel si la réponse au référendum
est négative.
Qu'est-il arrivé par la suite? Ottawa convoque une série
de rencontres fédérales-provinciales intensives, qui
s'échelonnent pendant tout l'été; j'y ai moi-même
participé avec deux collègues ministres et avec le
député de Deux-Montagnes, M. de Bellefeuille.
Le Québec et les autres provinces y participent donc de bonne
foi; elles arrivent même, phénomène peu fréquent,
à établir un
consensus sur plusieurs sujets de l'ordre du jour. Pourtant, grâce
à la chute d'un document stratégique secret du cabinet
fédéral, on apprend, au début de septembre, que ces
rencontres étaient piégées, et qu'Ottawa avait toujours
envisagé de recourir à une action unilatérale ou, si l'on
veut, à un coup de force. En somme, on apprend qu'à aucun moment
Ottawa n'a été de bonne foi.
Pour cette raison et à cause de l'intransigeance
fédérale, les négociations avortent au début de
septembre; ce fut la conférence télévisée des
premiers ministres qui a duré six jours.
Le 2 octobre, à la télévision, le premier ministre
fédéral annonce qu'il procédera à sa façon,
sans l'accord des provinces, mais à l'aide de sa majorité
libérale à Ottawa. À partir de ce moment, on commence
à vivre, au Canada et au Québec, une crise constitutionnelle sans
précédent. Les libéraux fédéraux
s'attaquent, dès lors, directement aux compétences des provinces
en général et aux droits du Québec en particulier.
Ainsi donc, en octobre, il y a eu trahison par les
fédéraux des promesses référendaires. Du moins, il
y a eu trahison pour ceux qui espéraient voir surgir du non une sorte de
oui à des réformes qui auraient convenu aux
Québécois. C'est ce qu'ont déclaré eux-mêmes
à l'époque les fédéralistes de premier plan que je
cite ici indirectement.
Dans ce contexte, le comportement ultérieur des libéraux
provinciaux, ces derniers temps, est plus qu'ambigu, car il n'y a pas à
en sortir; de deux choses l'une - j'ai fait ce raisonnement ce matin - ou bien,
en mai, ils savaient les plans de leurs associés fédéraux,
et alors ils sont carrément complices du coup de force que nous vivons
maintenant, ou bien ils les ignoraient et n'ont pas exigé de garanties,
et alors ils ont été naïfs. Aujourd'hui, nous ne savons pas
encore s'ils ont été complices ou naïfs, mais ils ont
sûrement été l'un ou l'autre.
En tout cas, je le dis carrément, par leur attitude, ils ont
trompé les Québécois; on ne peut se fier à eux.
C'est de plus en plus évident pour de plus en plus de gens.
Je tire aussi une autre leçon des événements
vécus récemment. Il est en effet devenu évident qu'avec
l'équipe actuelle à Ottawa - ainsi je réponds à une
intervention du député de Saint-Laurent tout à l'heure
-plus personne au Québec ne peut vraiment, avec
crédibilité, évoquer les beautés du
fédéralisme renouvelé, car ces gens d'Ottawa n'en veulent
tout simplement pas. Ils avaient d'ailleurs une occasion unique de
démontrer leur volonté de renouvellement réel, dès
l'été dernier, d'autant plus qu'ils l'avaient promis. Ils ont
préféré le mensonge et la manipulation.
Et le 29 ou le 30 décembre, au réseau CTV, le premier
ministre fédéral a dit qu'il répondrait non, même
à ce M. Ryan, en supposant qu'il soit premier ministre, si celui-ci
voulait des pouvoirs accrus pour le Québec. Tant que ces gens seront au
pouvoir à Ottawa et qu'ils seront désireux, comme c'est le cas
maintenant, de mettre définitivement les Québécois
à leur place, parler de fédéralisme renouvelé,
c'est se raconter un conte de fée politique.
Donc, à cause de ces gens, la question qui se pose
dorénavant n'est pas de savoir quel parti au Québec peut le
mieux, dans l'avenir immédiat, participer au renouvellement du
fédéralisme, puisqu'il est clair qu'en haut lieu
fédéral cet objectif n'existe pas. C'est donc là une
question théorique. Il faut plutôt décider quel parti est
en mesure, le plus sincèrement et le plus efficacement, de contribuer
à l'affirmation, sans arrière-pensée et sans nuance
aucune, des droits du Québec face particulièrement à
l'attaque dont ses droits sont l'objet de la part de ceux à qui les
libéraux provinciaux se sont alliés en mai dernier; car c'est
cela la réalité politique concrète du moment.
Faut-il choisir un parti dont les dirigeants sont des complices ou des
naïfs ou bien un parti dont la fidélité totale au
Québec n'a jamais fait et ne fera jamais de doute? Quand on a au pouvoir
un parti fiable, on le garde.
Je voudrais maintenant, en second lieu, souligner très rapidement
les aspects les plus inacceptables du coup de force fédéral, ne
serait-ce que pour mémoire. En cela, je rejoindrai la plupart des
critiques formulées par maintenant sept, officiellement, des dix
provinces du Canada et aussi par la Nouvelle-Écosse qui a
elle-même de très fortes réticences.
Le geste fédéral d'abord est unilatéral,
c'est-à-dire qu'il est perpétré malgré l'opposition
de la majorité des provinces et contre elles. Ce geste, ensuite, dans
son contenu, est une négation des principes mêmes du
fédéralisme par des politiciens qui étaient censés
le renouveler. S'il devait réussir, il provoquerait une dynamique
centralisatrice et conduirait à l'avènement définitif de
la prépondérance d'Ottawa sur les provinces.
Troisièmement, par la charte des droits, ce geste d'Ottawa
modifie les compétences des provinces, sans l'accord de celles-ci.
Quatrièmement, dans tout cela, Ottawa demande à un
Parlement étranger d'intervenir dans les affaires canadiennes pour faire
à sa place ce qui lui est impossible actuellement de faire au
Canada.
Pour le Québec, il y a plus. La tentative fédérale
vise en particulier, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, à
torpiller la loi 101. C'est même là une des principales
motivations d'Ottawa. Et en même temps
qu'Ottawa vise à rétablir les privilèges de la
minorité anglophone du Québec et qu'il le dit ouvertement, samedi
dernier encore, en voulant réduire les pouvoirs exclusifs qu'a notre
Assemblée nationale de protéger et de promouvoir le
français comme elle l'entend, on ne se livre cependant à aucun
coup de force contre l'Ontario pour y introduire, par exemple, le bilinguisme
institutionnel. Pourquoi? Parce que Ottawa - c'est le premier ministre
fédéral lui-même qui l'a dit - a besoin de l'appui de
l'Ontario, la seule et unique province du Canada qui verrait sa situation
améliorée si le projet fédéral voyait le jour. Deux
poids, deux mesures.
Dans cette affaire, un des phénomènes les plus navrants
est certes l'attitude moutonnière des députés
libéraux fédéraux du Québec chez qui le silence est
directement proportionnel au manque de courage et aussi au cynisme, car ce sont
les mêmes qui, en mai dernier, de connivence avec les libéraux
provinciaux, trompaient les Québécois en leur faisant croire,
comme je l'ai dit tantôt, qu'un non référendaire donnerait
le signal si longtemps attendu du départ vers un
fédéralisme renouvelé correspondant aux aspirations du
Québec.
J'en arrive maintenant à une troisième
considération. Il s'agit de l'embarras visible de nos amis
libéraux provinciaux devant la tentative de coup de force
fédéral. La bataille à ce propos est maintenant bien
engagée. Cette bataille - je tiens à insister là-dessus -
est loin d'être gagnée, mais tout le monde s'accorde pour dire que
les provinces et le Québec ont nettement amélioré leur
position depuis octobre. Il y a à peine quelques mois - on s'en souvient
-l'horizon fédéral-provincial se prêtait à beaucoup
moins d'optimisme. Rien ne paraissait devoir freiner, encore moins bloquer
l'infernal train des libéraux fédéraux, l'infernal
"bulldozer", pourrait-on dire.
Les choses ont bien changé depuis grâce, essentiellement,
à la collaboration d'une majorité des provinces entre elles et
grâce aussi à la ténacité et à la
fermeté constantes du Québec. Il fut un temps, plus
précisément en octobre, où il était capital, face
aux fédéraux et face aussi aux parlementaires britanniques, que
tous les partis politiques du Québec démontrent clairement et
fortement leur unanimité à s'opposer à l'entreprise
fédérale, qu'ils le démontrent par un geste solennel. Pour
une fois, comme l'a dit à l'époque le premier ministre du
Québec, il fallait se situer au-delà des considérations
purement électorales.
Cette unanimité, recherchée à partir d'un texte de
résolution expressément rédigée alors pour
être en même temps significative et acceptable à tous les
partis, cette unanimité, les libéraux provinciaux ont
refusé alors d'en donner la preuve aux Québécois et ce,
malgré la volonté d'ouverture et de compromis du gouvernement.
Quoiqu'il arrive, désormais, la population québécoise se
souviendra toujours que les libéraux provinciaux ont fait défaut
au Québec au moment même où celui-ci avait tellement besoin
qu'on se serre les coudes. Malgré la désertion libérale,
le gouvernement du Québec, avec les autres provinces, a continué
la lutte sur tous les plans ici même au Québec et dans les autres
provinces, devant les cours et à Londres, avec les résultats que
l'on sait aujourd'hui. Cela, nous l'avons réalisé sans les
libéraux provinciaux et, je dirais même, presque malgré
eux. En effet, ils n'ont pas voulu participer à la pétition
populaire dont on a appris la semaine dernière qu'elle comptait
près de trois quarts de million de signatures. Ils ont mis en doute le
bien-fondé de la campagne gouvernementale d'information sur le coup de
force fédéral. Ils ont critiqué la formation de la
commission qui siège aujourd'hui. Ils ne voulaient pas non plus que ses
travaux soient télévisés.
Tout à l'heure, on entendait le député de
Saint-Laurent mettre en doute la qualité des intervenants. Ils se sont
efforcés d'établir de subtiles distinctions entre la forme de la
démarche fédérale et le fond, celui-ci comportant,
à leur avis, des éléments fort positifs. C'est la
manière, la méthode utilisée, la façon d'agir
qu'ils n'aiment pas et non pas l'objectif fédéral dont ils
s'accommoderaient fort bien, semble-t-il. Il s'est même trouvé des
personnalités libérales - je pense à Jean-Noël Lavoie
- à l'Assemblée nationale, ici, pour minimiser dans des discours
les dangers de l'action d'Ottawa et, lorsque le jugement de la Cour d'appel du
Manitoba est sorti, le chef libéral provincial a trouvé moyen de
critiquer ceux qui défendaient les droits des provinces en disant qu'ils
avaient mal posé leurs questions à la cour. Les libéraux
provinciaux qui se prétendent si influents, au point qu'ils sont
volontaires pour donner des leçons à tout le monde et au point -
comme je le voyais ce matin dans une coupure de journal - de dire que le chef
libéral est le seul à vraiment comprendre le Canada: "Seul Ryan
semble comprendre ce pays", Mme Solange Chaput-Rolland; arrogance surprenante
dans ce titre, en tout cas. Ces gens qui se prétendent si influents, au
point qu'ils donnent des leçons à tout le monde, qui
prétendent donner l'impression, en tout cas, de pouvoir régler
tout le problème constitutionnel à eux seuls n'ont pourtant pas
réussi encore, en tout cas, à convaincre un seul de leurs
collègues fédéraux à condamner l'action
unilatérale d'Ottawa. Je me demande d'ailleurs s'ils ont essayé,
même.
Or, voici toutefois que ces derniers temps leur stratégie a
changé. Jusqu'à maintenant, ils protestaient contre le geste
fédéral du bout des lèvres dans des discours,
des paroles verbales, en somme, mais refusaient d'agir
concrètement. Depuis peu, ils tiennent davantage, maintenant que la
bataille s'est engagée sans eux, à donner l'impression qu'eux
aussi, n'est-ce pas, déplorent fermement le coup de force
constitutionnel de leurs amis fédéraux. Au moment où
Ottawa paraissait invincible, nos libéraux provinciaux ne se
commettaient pourtant pas beaucoup. Désormais, comme s'ils
étaient pris de remords, ils profitent de toutes les occasions pour
affirmer hautement et même nerveusement, sur un ton fort défensif
d'ailleurs, ce qu'ils n'ont pas voulu dire avec nous dans la résolution
proposée à l'Assemblée nationale en novembre, quand la
solidarité québécoise devait s'affirmer. (18 h 30)
Pourquoi cet apparent courage à retardement? Parce qu'il semble
bien aux libéraux provinciaux que leur collusion
référendaire avec les libéraux fédéraux les
a entraînés dans une ambiguïté gui risgue de leur
nuire. C'est pourguoi ils se débattent tellement à l'heure
actuelle pour effacer, dans l'esprit de la population, leur image de
compromission.
Le chef libéral provincial a donc annoncé, au début
de nos travaux, et sans même en attendre des conclusions, sans même
attendre d'avoir entendu les témoins, des résolutions dans le but
- tenons-nous bien! - de réaliser l'unanimité des partis contre
la démarche fédérale, ce que vient de
répéter le député de Saint-Laurent, tout à
l'heure.
Je tiens ici tout simplement à dire que le jupon de nos amis
dépasse. Il dépasse au point où ils s'enfargent dedans.
Tout le monde s'en rend compte au Québec. Aussi, inutile d'insister, je
n'en dis pas davantage et, pour ma part, j'attribuerai en partie à son
sens proverbial de l'humour, gue tout le monde connaît d'ailleurs,
l'instinct qui a poussé le chef de l'Opposition à annoncer ces
motions, il y a deux ou trois semaines.
Ces considérations formulées et certaines
vérités rappelées, venons-en maintenant aux motions du
Parti libéral. J'indigue tout de suite que, contrairement à la
façon dont le Parti libéral a agi en novembre, nous acceptons
entièrement la première de ces deux motions, sauf gue je vais
dire une chose tout de suite. Nous l'acceptons telle quelle, mais je trouve un
peu outrecuidant de voir dans le texte que nous allons, un peu comme si on
était des professeurs distribuant des notes, dire au comité
Kershaw que nous apprécions la haute qualité de son rapport. Je
vais le laisser faire. Cela va, nous sommes d'accord sur cela. Cela n'engage
pas à grand-chose, parce que tout le monde reconnaît gue c'est un
rapport qui a beaucoup de sens.
En ce qui concerne l'autre motion, il y a au moins deux ou trois
commentaires qu'il faut faire. Il y a guand même une chose que je veux
dire. Il nous paraît inopportun - j'ai le texte ici - de dire, parce que
je ne vois pas en guoi la commission peut s'avancer de ce côté,
que les négociations doivent reprendre avec Ottawa et les provinces
aussitôt qu'auront eu lieu les élections générales
en Ontario et au Québec. C'est donner une occasion aux
fédéraux de dire: Écoutez, on reprendra les
négociations guand les élections qui viendront peut-être au
Manitoba, ou ailleurs, auront eu lieu. Je pense que ce n'est pas à nous
de dire cela. De toute façon, je ne vois pas ce que les élections
ontariennes ont à faire dans notre débat. Je pense que cette
partie peut être facilement enlevée sans nuire à l'esprit
de la résolution.
Cependant, la motion est vraiment incomplète. On n'y retrouve
pratiquement rien qui reflète les vues exprimées par les
intervenants à cette commission et qui sont partagées par la
majorité des Québécois. Autrement dit, la motion
libérale n'est pas suffisamment significative. Elle s'en tient à
la forme des choses, mais elle en néglige la substance. Elle s'oppose
aux manières d'Ottawa, mais passe sous silence le fond du
problème. Elle souhaite la reprise des négociations - ce gue nous
souhaitons d'ailleurs nous-mêmes puisque cela fait partie de
l'information officielle du gouvernement, on le voit à la
télévision - mais cette motion n'indigue en rien, quant au
Québec, sur guelle base ces négociations doivent se
dérouler ni quels objectifs elles doivent poursuivre.
Projet de résolution amendé
C'est pourquoi, afin de donner plus de vigueur à cette
résolution et une fois qu'on aura fait tous les ajustements techniques,
je proposerai que la résolution, finalement, se lise comme suit et je
vais la lire. Nous voulons remplacer certains mots ici et là. Sans
tomber tout de suite, d'avance, dans ce que le député de
Saint-Laurent, tout à l'heure, qualifiait d'ergotage, je pense, si on
est pour avoir une résolution, gu'il faut avoir une résolution
qui soit significative, gui reflète ce qui a été dit ici,
qui tienne compte de la situation politique, qui tienne compte du coup de force
fédéral, de ses dangers, de ce que les gens nous ont dit, de ce
que pensent les Québécois. Elle se lirait comme suit: "Que cette
commission propose que le gouvernement fédéral retire son projet
unilatéral de modification de la constitution canadienne et entreprenne
sans délai avec les provinces de nouvelles négociations au terme
desquelles serait défini un partage des pouvoirs plus avantageux pour le
Québec, serait clairement reconnu le caractère distinct de la
société guébécoise, serait
confirmé le droit du peuple québécois à
déterminer lui-même son avenir et serait consacrée de
façon absolue la compétence exclusive du Québec sur son
territoire en matière de langue, d'enseignement et
d'éducation."
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'on pourrait avoir des
copies, M. le ministre? Pendant ce temps, je permettrai au député
de Bellechasse de faire son intervention.
M. Goulet: D'accord. Si je comprends bien, M. le
Président, on parle sur la motion et l'amendement, sur les deux motions
et les deux amendements.
Le Président (M. Jolivet): Disons que je vais vous
permettre de parler de l'ensemble.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: D'accord. Très rapidement, M. le
Président. Concernant la première motion, celle où cette
commission exprime son adhésion aux recommandations,
déposée par le député de Saint-Laurent, quant
à nous de l'Union Nationale, nous n'avons aucune espèce
d'objection à y concourir, car ce rapport tient compte de traditions
fédéralistes dans le sens que le système
fédéral est essentiellement basé sur le consensus de ses
composantes. Alors, étant donné que ce rapport soulève un
point très important, nous n'avons aucune objection à adopter
cette motion.
Par contre, vous me permettrez, M. le Président, de dire qu'il
est triste de constater que le fédéral, dans ce débat,
adopte une attitude de mépris envers les composantes, envers les
provinces, de façon à les traiter comme des entités
inférieures.
L'Union Nationale, bien sûr, n'a jamais accepté et ne peut
accepter une telle conception du fédéralisme. Alors, nous
croyons, nous, dans le système fédéraliste et nous croyons
également à l'égalité constitutionnelle des deux
paliers de gouvernement. C'est pourquoi nous disons et nous avons toujours dit
non au geste unilatéral proposé par le gouvernement
fédéral. Il est heureux qu'un comité qui siège
à plusieurs milliers de milles d'ici ait compris ce que nos
fédéraux semblent ne pas avoir compris.
M. le Président, quant à la motion, quant à moi,
que ce soit sur la recevabilité ou sur le fond de ce que je qualifie de
première motion, parce qu'il n'y a pas de numéro, je peux vous
dire que l'Union Nationale votera pour cette motion.
Quant à la deuxième, toujours au niveau des propos d'ordre
général, je me demande si on n'est pas à recommencer... Je
l'ai ici, M. le Président: Que cette commission invite le gouvernement
fédéral à reprendre les négociations, ainsi de
suite... Je me demande si on n'est pas à recommencer le jeu du chat et
de la souris, de façon à formuler chacun à sa façon
la motion qu'on voudrait bien voir adopter. Je me demande si on ne veut pas
recommencer ce petit jeu partisan qu'on a connu il y a quelques mois à
l'Assemblée nationale.
On se rappellera qu'on a refusé de faire l'unanimité sur
une motion qui visait essentiellement à dénoncer une
démarche unilatérale que nous tous ici, autour de cette table et
à l'Assemblée nationale, tous les députés de
l'Assemblée nationale ont semblé dénoncer. Nous
étions tous contre ce geste unilatéral, mais malheureusement nous
n'avons pu faire l'unanimité. On nous demande aujourd'hui de faire
l'unanimité sur une reprise des négociations que l'ensemble des
provinces souhaite, que la très grande majorité des provinces
souhaite. On nous demande aujourd'hui de faire l'unanimité sur une
motion visant la reprise des négociations désirées par
tous les parlementaires représentés ici à
l'Assemblée nationale du Québec et plusieurs centaines de
milliers de Québécois, bien sûr.
Malheureusement, la motion ne se limite pas à souhaiter seulement
une reprise des négociations entre deux ordres de gouvernement, les
provinces et le gouvernement fédéral. Elle impose une condition
à cette reprise qui est d'attendre les élections de deux
gouvernements provinciaux. Si on veut justement éviter le jeu de la
partisanerie, il ne faudrait pas poser des conditions et faire exprès
pour embarquer dans un autre débat partisan. Pourquoi ouvrir ce que je
pourrais appeler un panier de crabes partisan, avec des conditions qui n'ont
rien à voir avec la nécessité de reprendre les
négociations désirées par tout le monde?
Quant à nous de l'Union Nationale, nous voulons que ces
négociations reprennent et qu'elles reprennent au plus vite.
C'était notre position de novembre à l'Assemblée
nationale. Nous souscrivons encore à cette idée aujourd'hui,
c'est encore notre position aujourd'hui, elle n'a pas changé.
Il y a déjà un amendement de déposé, je
pense que cela a été fait officiellement, par le ministre des
Affaires intergouvernementales. Pour éviter ce jeu partisan, j'aimerais,
sans le faire sous forme de motion, mais à l'intérieur des propos
préliminaires, peut-être offrir encore une fois une espèce
de solution de compromis de façon à ne pas laisser les deux
côtés de la table se lancer la balle partisane. Voici ce qu'on
veut, et le ministre des Affaires intergouvernementales l'a dit tout à
l'heure, il y met certaines conditions et je souscris à ce qu'il a dit,
comme je pourrais également souscrire à ce que dit le
député de Saint-
Laurent. Le ministre a dit: Oui, on va reprendre, mais on va faire un
ordre du jour et ainsi de suite. Alors, de là à faire
l'unanimité sur l'ordre du jour, sur les conditions et tout ça...
Je suis d'accord avec les propos qu'il a tenus, mais je parle toujours de faire
un consensus autour de la table, de faire un consensus des parlementaires.
Il y a une chose avec laquelle tout le monde est d'accord; en tout cas,
on se l'est fait dire pendant deux ou trois semaines à
l'Assemblée nationale. Tous les députés tant ceux du Parti
québécois, ceux du Parti libéral provincial que de l'Union
Nationale ou d'autres formations politiques, sur toutes les tribunes, ont dit:
Nous sommes unanimes sur cette façon de voir les choses: nous voulons
une reprise des négociations le plus tôt possible. Alors, si nous
sommes tous d'accord sur ce point précis, pourquoi, à
l'intérieur d'une motion, ne se limiterait-on pas d'abord à ceci:
on est tous d'accord pour la reprise des négociations. Point? On est
tous d'accord pour la reprise des négociations le plus rapidement
possible. Point. Quant aux conditions, si on veut en mettre, on le fera dans
une troisième motion, mais il faudrait s'assurer au moins qu'il y aura
une motion de base, de fond, qui répond à la volonté de
tous les parlementaires. Alors, qu'on se limite d'abord à cette petite
motion: On est tous d'accord pour la reprise des négociations. Point. Si
le ministre des Affaires intergouvernementales, le député de
Saint-Laurent ou d'autres collègues veulent mettre d'autres conditions,
pourquoi ne pas les mettre dans d'autres motions, si on est d'accord avec ce
point? À la minute où on va sortir de cette ligne de
démarcation, bien sûr que là, il va y en avoir des virgules
et il va y en avoir des interprétations sur différents mots qu'on
pourra trouver à l'intérieur des motions qu'on pourra
proposer.
Alors, on est d'accord sur ce point. L'honorable député de
Saint-Laurent l'a dit, l'honorable ministre l'a dit: On est pour la reprise des
négociations le plus rapidement possible. Limitons donc notre motion
à ces mots.
Motion adoptée
Le Président (M. Jolivet): Merci. Je pense qu'on pourrait,
dès l'abord, au moins accepter la première proposition puisqu'il
semble y avoir consentement et passer ensuite à l'autre avec
l'amendement. Est-ce que vous êtes tous d'accord pour la proposition
suivante: "Que cette commission exprime son adhésion aux recommandations
et conclusions contenues dans le premier rapport du Foreign Affairs Committee
de la Chambre des communes britannique et son appréciation pour la haute
qualité de ce rapport publié au cours de la dernière
semaine du mois de janvier 1981?"
Est-ce que cette résolution serait adoptée?
M. Morin (Louis-Hébert): C'est beaucoup moins, de loin
moins important que la deuxième.
Le Président (M. Jolivet): La moins contentieuse.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, de toute façon,
ça n'ajoute rien, pas de problème.
Le Président (M. Jolivet): Donc, adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Jolivet): Adopté. La
deuxième maintenant, M. le député de Saint-Laurent
Débat sur la seconde motion
M. Forget: Oui, M. le Président. J'ai examiné les
suggestions de modifications qu'a formulées le ministre des Affaires
intergouvernementales et je dois vous dire qu'une des façon d'y
réagir aurait pu - mais je n'ai pas l'intention de le faire - consister
à soulever un problème d'admissibilité parce que, si on
regarde les deux motions, on se rend compte qu'il n'y a plus beaucoup de choses
en commun entre les deux motions. Il y a une reprise des négociations,
c'est tout ce qui reste, les cinq ou six premiers mots. Rien du reste ne s'y
retrouve, c'est-à-dire qu'on élimine la référence
à une formule acceptable de rapatriement et d'amendement. On y
élimine toute référence à des élections
générales sous prétexte que ça n'a rien à
voir. Je pense que cela a tout à voir, au contraire, avec le
problème et que cela change fondamentalement la question, puisque les
travaux auxquels nous avons participé depuis quelques jours ont
illustré que, dans cette négociation, le gouvernement du
Québec s'est placé dans une position de très grande
vulnérabilité face au gouvernement fédéral,
étant donné la faiblesse de sa situation après quatre
années et demie au pouvoir, après un échec
référendaire. Vouloir reprendre les négociations comme si
rien n'était arrivé et fournir en cela une excuse, un
prétexte nouveau au gouvernement pour reporter encore davantage les
élections générales en disant: Voici qu'on a une
résolution unanime d'une commission où on a effectivement
éliminé toute référence à des
élections générales, donc il y a une acceptation du fait
que c'est le gouvernement actuel qui doit reprendre tout ça, je pense
que non seulement ça dépasserait notre pensée, mais ce
serait tout à fait le contraire de notre pensée. Ce
serait contraire aux intérêts du Québec aussi et
contraire à la chance qui peut exister dans une reprise des
négociations avec un gouvernement nouvellement élu, quel qu'il
soit, encore une fois, mais à plus forte raison si ce gouvernement
partage un objectif avec les autres gouvernements canadiens,
fédéral ou provinciaux, c'est-à-dire une confiance que le
régime fédéral peut évoluer et peut être
satisfaisant pour le Québec. On sait que cette conviction est
étrangère au Parti québécois,
étrangère au gouvernement actuel. (18 h 45)
C'est une motion qui est complètement différente parce
qu'elle fait sauter cette mention. Dans le cas de l'Ontario, on sait
très bien pourquoi on le met, parce qu'ils sont actuellement en campagne
électorale. C'est bien sûr qu'on ne fait pas une condition que
tous les gouvernements provinciaux se fassent réélire, mais on
sait très bien que l'Ontario est en campagne électorale. Il est
impensable de reprendre une négociation avant que cette élection
ne soit terminée. Cela tombe sous le sens commun.
Pour ce qui est du reste, les autres éléments sont des
éléments sur lesquels les orientations du Parti
québécois, et les orientations du Parti libéral du
Québec ne sont pas identiques. On sait très bien que relativement
à la question - je les prends dans l'ordre inverse, parce que c'est plus
facile - de la langue d'enseignement et d'éducation, l'affirmation d'une
compétence exclusive sans aucune qualification est contraire à
nos recommandations relativement à l'inscription d'une charte des
droits, y compris d'une charte des droits linguistiques, selon la proposition
du livre beige entérinée par le Parti libéral. Nous
croyons que l'histoire de ce pays et de cette province a démontré
qu'il existe un peu partout des minorités permanentes, des
minorités que la règle de la majorité, qui est la
règle normale en démocratie, ne permet pas de protéger
efficacement. Nos débats linguistiques au Québec et les
déceptions que des débats analogues ont produites dans d'autres
provinces à des périodes antérieures, les débats
sur les écoles françaises en Ontario au début du
siècle et au Manitoba à la fin du siècle
précédent montrent très bien que la règle de la
majorité démocratique, quand on est en face de situations qui
mettent en présence des majorités et des minorités
permanentes, identifiées à des groupes culturels, n'est pas une
règle et une garantie suffisante de protéger les droits de ces
gens et que c'est continuellement remis en question. Même au
Québec, on sait que l'on pourrait avoir à remettre en question
continuellement, selon les aléas de la politique, des règles
relatives à ces questions et qu'il est bon qu'une fois pour toutes on
s'entende sur leur contenu et qu'on en arrête les contours minimaux dans
un charte des droits. C'est donc ignorer cette dimension de ce qui nous divise
que d'en faire le rappel de cette façon, de façon partiale et
partisane. Sans accuser personne, c'est une observation qu'on peut faire
puisqu'il y a effectivement là un objet de différence entre les
partis politiques.
La référence au droit du Québec à
l'autodétermination, on a eu un long débat l'été
dernier sur le sujet. Il y a des formulations de ceci qui ne posent pas de
problème puisque cela constitue essentiellement une adhésion au
principe de la démocratie et de la liberté. Mais, il y a des
formulations qui sont l'équivalent de dire que toute province a le droit
automatique de claquer la porte et de s'en aller si telle ou telle chose ne
fait pas son affaire. On sait très bien qu'on ne peut pas construire un
pays durable et stable sur la base d'un droit permanent à quitter la
place dès qu'il y a tel ou tel programme fédéral ou tel ou
tel événement, telle ou telle circonstance aléatoire qui
fait qu'on pense qu'il est temporairement avantageux, pour l'instant avantageux
et politiquement rentable de faire des menaces de sécession. Je pense
que c'est intolérable. Aucun pays ne peut fonctionner de cette
façon. Effectivement, aucun ne fonctionne de cette façon. Donc,
il y a là, sur le plan des principes, des choses qui pourraient
être admissibles selon la formulation qu'on leur donne ou franchement
inadmissibles. Ce n'est pas par une référence vague qui peut
vouloir dire n'importe quoi et qui peut après coup être
citée comme une naïveté ou comme un geste de mauvaise foi
que l'on peut s'entendre. Il est clair que l'on ne peut pas vider la question
de l'autodétermination dans un bout de phrase. C'est une question qui
est beaucoup trop importante pour cela.
Enfin, je vois qu'on a, du côté gouvernemental, choisi de
recommencer l'histoire, de répéter l'histoire. On ne souhaite
probablement pas faire un simple appel à une reprise des
négociations, un simple appel à reprendre le dossier dans
l'état, mais à chercher à lui trouver une issue qui ne
soit pas unilatérale, à régler, puisque c'est un argument
qui s'est retourné contre le Québec, une fois pour toutes, cet
appel au patriotisme canadien que constitue la promesse d'un rapatriement, de
manière que s'étant, pour une fois, débarrassé de
cette question qui est en partie une question artificielle, on puisse
s'attaquer au problème de fond sans cette distraction et sans cette
menace, cette épée de Damoclès, en quelque sorte
qu'à moins de consentir à tous les amendements du gouvernement
fédéral, on n'aura pas une constitution "canadienne".
Je pense que c'était un appel raisonnable de déterminer,
pour une fois, si
nous devons continuer à vivre et continuer à vivre comme
pays sous la règle écrasante de l'unanimité des
changements constitutionnels, l'unanimité du consentement. C'est la
règle actuelle, c'est la règle gui a produit le statu guo, c'est
la règle gui a produit la crise actuelle. Il faut, pour une bonne fois,
s'entendre sur des règles de consentement qui vont permettre le
changement, qui vont permettre le mouvement.
Il me semble que c'est reconnaître une réalité qui
tombe, encore une fois, sous le sens commun de se débarrasser de ce
carcan, de manière que le véritable problème d'un
réaménagement des pouvoirs, le véritable problème
d'un réaménagement des institutions puisse être
attaqué en se débarrassant, encore une fois, de ces scories, de
ces vestiges d'un passé où on a cru bien faire collectivement et
où on a cru qu'il y avait véritablement là un levier pour
le Québec qui permettrait à ce dernier d'obtenir davantage sur
d'autres plans.
Mais on s'est rendu compte que, finalement, cet argument s'est
retourné contre le Québec et c'est une leçon dont on
devrait prendre acte à ce moment-ci, mais certainement pas le balayer
sous le tapis en prétendant qu'on n'a rien vu, qu'on n'a rien
observé, qu'on n'a aucune leçon à en tirer, et qu'il faut
continuer à reparler des mêmes vieilles choses de la même
façon parce que, de cette manière, on ne prend aucun risque.
Je pense que le ministre lui-même, à d'autres occasions, a
montré qu'il avait une certaine ouverture d'esprit là-dedans. Je
ne sais pas si c'est l'imminence de son congrès de fin de semaine qui
l'amène à être extrêment prudent, à ne
céder sur rien, à être intraitable, mais, si c'est le cas,
je pense qu'on a définitivement enterré une possibilité de
s'entendre sur cette résolution.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vanier.
Une voix: ... M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Oui, M. le député
de Bellechasse.
M. Goulet: On s'est entendu, tout à l'heure, pour
travailler...
Le Président (M. Jolivet): Terminer vers 19 heures.
M. Goulet: ...pendant une heure. Sans en faire une motion
formelle - c'est tout de même une question de procédure - le
ministre avait présenté une motion - en tout cas, il l'avait fait
officiellement - ce qui devenait un amendement à la motion du
député de Saint-Laurent. Personnellement, j'avais fait une
proposition qui semblait, en tout cas, selon ce que j'ai vu, acceptable et qui
ne modifie pas tellement la motion du député de Saint-Laurent. Ce
que je vous demande c'est si les partis accepteraient de tenter cette motion
immédiatement et, s'il fallait qu'elle soit rejetée par les
membres de la commission, il n'y a rien qui empêche le ministre des
Affaires intergouvernementales ou le député de Saint-Laurent de
revenir avec une autre motion. Mais si on pouvait justement faire
l'unanimité sur cette motion en changeant peut-être un mot ou deux
ensuite, si cela ne fonctionne pas, le ministre aurait une motion beaucoup plus
longue et peut-être que le député de Saint-Laurent pourrait
apporter un sous-amendement. Je ne le sais pas, mais j'aimerais avoir le
consentement pour la présenter immédiatement.
Le Président (M. Jolivet): II y aurait, au
départ...
Une voix: Une question de règlement.
Le Président (M. Jolivet): On m'a posé une question
de règlement. Il y aurait, au départ, une chose: si on commence
à s'enferrer dans quoi que ce soit, on va risquer, en commission, de
s'embarquer dans un processus qui va devoir être réglementé
par notre règlement avec un retrait de proposition, avec une nouvelle
proposition qui viendrait. J'aurais une suggestion à vous faire, compte
tenu de ce qui semble vouloir se dessiner. Le consensus pourrait se faire en
dehors de cette table. Cela pourrait être une possibilité. Une
autre possibilité serait celle de la motion de retrait. Une autre
possibilité encore serait celle qui consiste à au moins annoncer
votre proposition et, ensuite, voir quelles seraient les possibilités
finales. Vous pourriez l'annoncer. J'accepterais facilement que...
M. Goulet: M. le Président, la suggestion que j'ai faite -
la commission est maîtresse de ses travaux - c'était tout
simplement que nous pourrions ajouter, à la motion du
député de Saint-Laurent, après le mot "reprendre", dans la
deuxième ligne, le mot "immédiatement". Deuxièmement, on
retrancherait tous les mots après le mot "canadienne", dans la
quatrième ligne. Alors, la motion se lirait ainsi, M. le
Président: "Que cette commission invite le gouvernement
fédéral à reprendre immédiatement les
négociations avec les provinces au sujet d'une formule acceptable de
rapatriement et d'amendement à la constitution canadienne.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): ... peut-être qu'il y
aurait un moyen - je ne suis pas familier avec toutes les subtilités du
règlement - de faire une proposition peut-être beaucoup plus
simple que ça. J'ai écouté ce qu'a dit le
député de Bellechasse, il y a quelques minutes. Je pense qu'il y
a pas mal de sens dans son intervention. J'ai tout à l'heure
proposé un texte qui pourrait former une résolution et qui est,
d'accord, assez long comme texte. Ce que je pourrais faire, ce serait de
remplacer ma proposition d'une motion par une proposition de deux motions,
c'est-à-dire que je scinderais celle que j'ai faite et on pourrait en
avoir trois en tout. C'est-à-dire celle qui a déjà
été adoptée et deux autres qui viendraient. Il me semble
que ce serait très simple. Les mots sont là, je pourrais vous la
lire, vous allez voir ce que cela va donner.
Le Président (M. Jolivet): Le problème que j'ai, M.
le ministre, c'est que, compte tenu que votre motion a été en
délibération, selon le règlement nous serions
obligés de procéder de la façon suivante: faire une motion
de retrait et ensuite une proposition d'autres amendements. C'est pour cela que
je vous proposerais aussi, comme possibilité, de suspendre quelques
minutes, simplement pour s'entendre sur le texte, et de revenir avec quelque
chose qui serait un consentement de retirer l'ensemble des propositions sur la
table et de proposer deux nouvelles propositions. De cette façon, on
risquerait moins de s'enferrer dans une procédure que je suis
obligé de suivre.
M. Bertrand: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: ... il y a probablement moyen, sans se retirer, de
faire les choses ici au vu et au su de tout le monde, très simplement.
Vous avez donné la possibilité au député de
Bellechasse de lire ce à quoi pourrait ressembler la motion nouvellement
rédigée pour satisfaire tous les partis politiques. Je pense
qu'il serait normal qu'on puisse lire cette motion.
Le Président (M. Jolivet): Je pourrais permettre cette
formulation. La seule chose que je dois vous dire, c'est qu'avant qu'elle
devienne acceptable, quant à moi, au niveau des procédures, il va
falloir employer soit le consentement ou soit une motion de retrait de la
motion déjà présentée.
M. Bertrand: M. le Président, cela se lirait tout
simplement de la façon suivante et ça répond tout à
fait au voeu exprimé par le député de Bellechasse. Je
pense que ça répondrait, de toute façon, à l'esprit
de la motion présentée par le Parti libéral que nous
avions l'intention, de toute façon, d'amender. C'est la première
partie de la motion que le ministre des Affaires intergouvernementales avait
soumise. Cela se lirait comme suit: "Que cette commission propose que le
gouvernement fédéral retire son projet unilatéral de
modification de la constitution canadienne et entreprenne sans délai,
avec les provinces, de nouvelles négociations."
Je vais vous expliquer, M. le Président, pourquoi nous voulons le
faire ainsi. Je pense que nous retenons l'idée exprimée par le
député de Bellechasse sur la reprise des négociations. Le
Parti libéral lui-même, dans sa motion, disait: "Invite le
gouvernement fédéral à reprendre les négociations
avec les provinces." Cet élément important est maintenu. Nous y
ajoutons un élément qui était déjà contenu
dans l'expression d'opinion qu'avait faite le chef du Parti libéral au
début des travaux de la commission. Je lis bien le texte qu'il avait
soumis à la commission, à ce moment - c'était le 3
février - : "Deuxièmement, j'entends recommander que cette
commission propose que le gouvernement fédéral sursoie à
la mise en oeuvre de tout projet unilatéral de modification à la
constitution canadienne." Cet élément n'était pas retenu
dans la proposition présentée par le député de
Saint-Laurent aujourd'hui. Il invitait à la reprise des
négociations, mais il ne mentionnait pas que cette commission propose
que le gouvernement fédéral sursoie à la mise en oeuvre de
tout projet unilatéral de modification à la constitution.
Dans ce contexte, M. le Président, il m'apparaît qu'on
pourrait s'entendre sur la formulation qui a été
présentée tout à l'heure, à savoir que cette
commission propose que le gouvernement fédéral retire son projet
unilatéral de modification à la constitution canadienne et
entreprenne sans délai, avec les provinces, de nouvelles
négociations.
Par la suite, M. le Président, pour qu'on puisse comprendre
comment le débat se déroule, il y en a une qui a
déjà été adoptée, présentée
par le Parti libéral. Il y en a une qui a été soumise par
le député de Bellechasse. On essaie de voir comment elle peut se
formuler pour éviter des tracasseries procédurières que
tous ensemble on veut bien éviter. Et serait maintenue tout de
même, mais dans une troisième motion qui permettrait aux partis
politiques de prendre des positions sur des aspects différents les uns
des autres, une troisième motion qui se lirait comme suit: "Que cette
commission est d'avis que les futures négociations doivent permettre de
définir un partage des pouvoirs plus avantageux pour le Québec,
de reconnaître clairement le caractère distinct de la
société québécoise, de confirmer le
droit du peuple québécois à déterminer
lui-même son avenir, et de consacrer de façon absolue la
compétence exclusive du Québec sur son territoire en
matière de langue d'enseignement et d'éducation." (19 heures)
II m'apparaît, à ce moment-là, qu'on répond
aux voeux exprimés par l'Union Nationale et exprimés aussi dans
la résolution du député de Saint-Laurent, mais nous
maintenons, par contre, la motion à laquelle nous tenons et sur laquelle
nous voudrions que cette commission se prononce, à savoir le fond du
problème et les intentions que la commission voudrait voir
respectées dans de futures négociations.
Le Président (M. Jolivet): Pour les besoins de la
procédure parlementaire, je dois demander que vous me permettiez de
dépasser 19 heures, comme première chose.
Une voix: ...
Le Président (M. Jolivet): Consentement?
M. Forget: M. le Président, je vois que la discussion
s'est engagée sur une voie sans issue et...
M. Morin (Louis-Hébert): Mais non, mais non!
M. Forget: ... il est très clair que, tout en faisant mine
de ne pas comprendre, on cherche à nous faire adopter une
résolution où un élément essentiel, que j'ai
rappelé tout à l'heure, fait défaut. Il est clair que si
nous acceptions de nous prêter à ce jeu, le lendemain, le premier
ministre pourrait dire: Par un voeu unanime d'une commission de
l'Assemblée nationale, nous devons essayer de reprendre les
négociations, tout faire à cette fin et, pour cette raison, on va
remettre à l'automne les élections.
La notion des élections, M. le Président...
M. Morin (Louis-Hébert): Ah! non, franchement, là!
Ce n'est pas possible!
M. Forget: ... de façon délibérée, on
veut l'éliminer des propositions. Je comprends très bien qu'on
considère que c'est inconfortable et, de ce côté, le
député de Bellechasse, je le comprends aussi de ne pas vouloir
voir une référence aux élections. Mais nous avons entendu
aujourd'hui, à deux reprises, le ministre nous dire qu'il ne croyait pas
à la possibilité de renouveler le fédéralisme, que
c'était là une préoccupation inutile, que c'était
fini et qu'il n'en était plus question. Alors comment ne pas soulever le
problème des élections?
M. Morin (Louis-Hébert): ...
M. Forget: M. le Président, je ne donne pas mon
consentement pour continuer.
M. Goulet: M. le Président, si vous permettez.
Le Président (M. Jolivet): Non, je m'excuse, je
dois...
M. Goulet: C'est trop facile de dire, quand ça ne fait
plus son affaire, qu'on se retire. On aurait pu agir comme ça tout
à l'heure.
Il y a une motion qui demande à quelqu'un: Aimes-tu ton
père, aimes-tu ta mère en même temps; moi, je lui dis:
Pourquoi poser la question d'abord: Aimes-tu ton père, point. On va
voter là-dessus et, ensuite, on reviendra avec une autre motion disant:
Aimes-tu ta mère, point.
M. Morin (Louis-Hébert): ...
M. Goulet: Alors, premièrement: Voulez-vous la reprise des
négociations? Deuxièmement: Voulez-vous des élections? Si
on veut une motion qui englobe les deux, on votera pour les deux tout à
l'heure.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, on peut prendre une minute
pour voter.
Le Président (M. Jolivet): Maintenant, je pourrais vous
dire que ce qu'on vient de dire est antiréglementaire, puisque j'ai
demandé s'il y avait consentement à dépasser 19 heures. Je
dois...
M. Forget: II n'y a pas consentement.
Le Président (M. Jolivet): ... au départ constater
qu'il n'y a pas consentement pour aller plus loin que 19 heures et, à
moins qu'il n'y ait d'autres argumentations sur le consentement, je dois vous
dire que pour l'instant je devrais clore le débat.
M. Bertrand: M. le Président, je fais donc maintenant
motion, conformément au règlement, conformément au mandat
qui a été donné à cette commission et
conformément à l'article - je ne me rappelle plus quel
numéro, mais je pourrais vous le retrouver; d'ailleurs, vous le
connaissez sans doute mieux que moi - que cette commission suspende ses travaux
jusqu'à 20 h 30.
Le Président (M. Jolivet): II n'y a aucune obligation de
ne pas accepter votre proposition, nous avions accepté au départ
de dépasser 18 heures; à l'heure où nous sommes, comme il
n'y a pas consentement pour continuer, il est possible de suspendre les travaux
jusqu'à 20 h 30, ce soir.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, il y a
une question qui vient de mon inexpérience de ce genre de... Si ce que
j'ai compris tantôt du député de Saint-Laurent signifie
que, de toute façon, il n'est pas d'accord avec les deux motions que
nous venons de proposer à la suite de la discussion que nous avons eue,
c'est aussi bien de le savoir tout de suite. J'ai compris qu'il n'était
pas d'accord.
M. Forget: Vous avez bien compris, M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Donc, il refuse de...
Le Président (M. Jolivet): Ce que j'avais compris
d'ailleurs au départ, M. le ministre...
M. Morin (Louis-Hébert): Le vote est fait, il refuse les
deux motions que nous avons proposées.
M. Bertrand: Mais, par contre, M. le Président, pour
savoir si je dois maintenir ou pas ma motion de revenir à 20 h 30, je
pose la question et elle est à double volet, pour qu'on sache
très bien si on doit ou non reconvoquer la commission pour 20 h 30.
Il y a une première motion qui a été
acceptée par tous les partis politiques; il y en a une deuxième
qui est maintenant sur la table et qui invite à la reprise des
négociations et une troisième qui définit le contenu de
ces négociations. Est-ce que je dois comprendre - et je pose la question
pour savoir si je fais motion ou pas pour qu'on reprenne nos travaux à
20 h 30 - que le député de Saint-Laurent vient de dire à
cette commission qu'il n'a l'intention ni de voter pour la motion qui a trait
à la reprise des négociations...
M. Morin (Louis-Hébert): Et à la fin du geste
unilatéral.
M. Bertrand: ... et à la fin du geste unilatéral
d'Ottawa, ni de voter sur un contenu qu'on voudrait voir mettre à ces
négociations, lorsqu'elles reprendront. Est-ce bien cela que j'ai
compris, M. le Président, ou dois-je comprendre que le
député de Saint-Laurent serait prêt à revenir pour
voter sur celle qui est relative à la reprise des négociations,
mais qu'il ne serait pas prêt à revenir pour voter sur celle
relative au contenu des négociations?
Le Président (M. Jolivet): Je dois d'abord vous dire, M.
le député, qu'il n'y a que deux propositions actuellement sur la
table, celle du député de Saint-Laurent et l'amendement du
ministre. Les trois autres qui sont arrivées après n'existent pas
légalement comme propositions, ce sont des moyens d'en arriver à
un consentement de l'ensemble des membres de cette commission.
Légalement, ce qui est sur la table actuellement, c'est la proposition
du député de Saint-Laurent et l'amendement du ministre
responsable de cette commission au niveau gouvernemental.
Ce qu'il me reste à déterminer, c'est la chose
suivante...
M. Bertrand: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Juste une minute! Il me reste
à déterminer la chose suivante: On avait consenti, autour de
cette table, à dépasser 18 heures pour la période allant
de 15 heures à 18 heures, ce qui n'empêcherait pas de pouvoir
reprendre à une heure qu'on pourrait déterminer, jusqu'à
ce soir, 22 heures, ce qui est d'ailleurs prévu par le
règlement.
M. Bertrand: M. le Président, un point d'information. On a
pris un vote sur une des motions qui étaient soumises à
l'attention des membres de la commission. Vous venez de dire que vous ne
considérez pas que la deuxième motion amendée par le
ministre a été scindée en deux, parce que nous n'avions
pas utilisé les procédures, les technicités qui permettent
de le faire et qui supposeraient un certain débat. Dois-je bien
comprendre, M. le Président, qu'à ce moment-ci, tout ce à
quoi nous sommes réduits, c'est de vous inviter, comme président,
au moins, à appeler aux voix cette deuxième motion, telle
qu'amendée par le ministre, à défaut de quoi - je ne
comprends pas ce qu'on fait dans le déroulement de nos travaux d'adopter
une motion dans le cadre normal de nos travaux et, tout à coup, d'en
laisser une pendante, sans même avoir l'occasion de se prononcer sur
cette motion. Il m'apparaîtrait tout à fait logique et normal
qu'on puisse au moins se prononcer, puisque le député de
Saint-Laurent vient de dire: De toute façon, je suis prêt à
me prononcer. Prononcons-nous.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, sur la question de
règlement, nous avons eu un consentement limité. Nous
étions tous d'accord que le mandat normal de cette commission ne nous
amenait qu'à entendre des témoignages. Ceci s'est terminé
peu avant 18 heures.
Nous avons consenti à entendre deux motions qui avaient
été annoncées le premier jour de nos travaux. Les deux
motions ont été entendues.
M. Morin (Louis-Hébert): ...le même
texte aujourd'hui.
M. Forget: L'une a été acceptée. J'ai
compris que l'échéance qui avait été fixée
de consentement à 19 heures est arrivée sans que l'on puisse
s'entendre sur la deuxième motion.
M. Morin (Louis-Hébert): Pas tout à fait.
M. Forget: À ce moment-ci, il n'y a plus de consentement
pour continuer. Les questions que vous pose le député de Vanier
n'ont plus de raison d'être.
M. Morin (Louis-Hébert): Revenons à 20 heures.
M. Forget: J'émets humblement l'avis, M. le
Président, que vous devez ajourner sine die cette commission
parlementaire...
M. Morin (Louis-Hébert): Non, à 20 heures.
M. Forget: ... qui a terminé ses travaux, puisqu'il n'y a
plus personne à entendre.
M. Bertrand: M. le Président, pour terminer, je vous
demande donc de mettre cette motion aux voix et que nous en terminions.
M. Forget: M. le Président, il n'y a plus de consentement
pour continuer ces débats.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse.
M. Morin (Louis-Hébert): M. le Président, je
propose quelque chose de plus simple. Prenons exactement soixante secondes et
votons sur la motion que j'ai proposée -on est assez de monde pour cela
- tout de suite. Ce sera fini dans une minute. Je propose que l'on Vote.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je suis quand
même pris par une tournure d'événements qui est, au point
de vue légal, très stricte.
M. Morin (Louis-Hébert): On vous donne notre
consentement.
Le Président (M. Jolivet): Je sais. Vous me donnez votre
consentement, les qens de l'Union Nationale, je pense avoir bien compris qu'ils
donnaient aussi le consentement, mais une partie essentielle aussi des membres
autour de cette table, qui est le parti de l'Opposition, ne donne pas son
consentement.
Comme on avait convenu - je pense qu'à ce niveau-là, il
faut être logique avec les décisions que nous avons prises au
départ - d'un débat d'une heure cette heure est
dépassée; j'avais dit qu'on devrait prendre le vote avant 19
heures; je continue à maintenir qu'on aurait dû prendre le vote
avant 19 heures. Compte tenu des propositions que vous avez faites tout
à l'heure et vous ayant demandé de faire, en dehors de cette
table, un consensus qui aurait pu avoir lieu, on aurait pu revenir avec un
consentement et faire durer la commission pendant une demi-heure ou une autre
heure, je dois vous dire qu'à ce niveau-là, il est réel
qu'à 19 heures, nous aurions dû prendre le vote.
Comme il n'a pas été pris, comme la commission avait
normalement comme mandat précis d'entendre des personnes ou des groupes
qui devaient venir devant cette commission donner leur point de vue sur la
question posée par le gouvernement qu'à la fin, vers les 18
heures, nous aurions dû ajourner sine die nos travaux, mais, sur un
consentement de l'ensemble des membres de cette commission, nous avons
continué jusqu'à 19 heures. Devant ces faits, je...
M. Bertrand: M. le Président, je le maintiens et je
demanderais que ce soit fait ainsi, que nous revenions, que nous suspendions
nos travaux jusqu'à 20 h 30.
Le Président (M. Jolivet): Quand vous posez cette
question, vous demandez aussi le consentement. Je pense qu'il faut être
bien clair à ce niveau.
M. Morin (Louis-Hébert): Nous demandons le consentement
pour revenir à 20 h 30.
Le Président (M. Jolivet): Maintenant, j'aimerais savoir
si le représentant de l'Union Nationale donne son consentement.
M. Goulet: Certainement.
M. Bertrand: M. le Président...
Le Président (M. Jolivet): Le représentant de
l'Opposition officielle donne-t-il son consentement?
M. Forget: M. le Président, je pense que dans les
circonstances la question même qui a été posée est
antiréglementaire puisque, officiellement, nos travaux sont
terminés.
M. Bertrand: M. le Président, je m'excuse. Je voudrais
qu'on fasse...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: ...une vérification. Cela s'impose. Je ne
crois pas qu'il y ait nécessité de consentement. Cette commission
étant maîtresse de ses travaux elle peut travailler jusqu'à
22 heures ce soir.
M. Dussault: Et par consentement, jusqu'à minuit.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
député de Vanier. Je pense que je vais reprendre l'argumentation
qu'on a tenue au début de ce débat. Au début de ce
débat, on avait dit qu'à 18 heures la commission avait
terminé ses travaux. Cependant...
M. Bertrand: Non, non.
Le Président (M. Jolivet): Je m'excuse. Si vous voulez
lire le mandat avec moi -vous le lirez bien comme il faut - la commission avait
terminé les travaux pour lesquels elle était convoquée et,
par consentement de l'ensemble des membres de cette Assemblée, nous
avons accepté de prolonger d'une heure pour permettre la discussion de
deux motions qui avaient été annoncées. C'est seulement
à ce moment-là qu'on a donné un consentement. Nous avons
donc donné autour de cette table un consentement pour siéger une
heure de plus. On n'a pas donné un consentement pour aller
jusqu'à 20 heures, 22 heures ou 23 heures ce soir. On avait bien dit
à ce moment-là que c'était pour permettre un débat
limité d'une heure. On a même fait mention qu'on espérait
être capable de faire dans moins d'une heure le débat sur les deux
motions.
Dans ce contexte, je dois vous dire honnêtement - cela va
être enregistré au journal des Débats - que normalement,
à 19 heures, j'aurais dû clore les débats, mais j'ai permis
quand même cette discussion pour bien vous faire comprendre qu'au moment
où on n'a pas voulu tout à l'heure ajourner ou suspendre pour un
bout de temps on s'est enferré dans une procédure dans laquelle
je suis moi-même pris comme président. Dans les circonstances, je
vais être obligé de...
M. Morin (Louis-Hébert): II faut conclure, M. le
Président, si vous me le permettez - tout le monde s'en rend compte
d'ailleurs - que les libéraux ne veulent pas aborder les deux autres
motions...
M. Forget: M. le Président, les débats sont
terminés.
M. Morin (Louis-Hébert): ...et par conséquent - il
nous l'a dit tout à l'heure -il est contre ces deux motions.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre, je suis dans
l'obligation légale d'ajourner sine die les débats de cette
commission.
(Fin de la séance à 19 h 13)