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(Dix heures dix-sept minutes)
La Présidente (Mme Cuerrier): La commission de la
présidence du conseil et de la constitution se réunit ce matin.
Son mandat est le même, c'est-à-dire entendre les groupes et les
personnes qui ont demandé à être entendus concernant le
projet fédéral de rapatriement de la constitution.
Les membres de la commission, pour aujourd'hui, sont: M. Bertrand
(Vanier), M. Charbonneau (Verchères) remplacé par M. O'Neill
(Chauveau), M. Dusssault (Châteauguay), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Le
Moignah (Gaspé), M. Levesque (Bonaventure) remplacé par M. Rivest
(Jean-Talon), M. Morin (Louis-Hébert), M. Paquette (Rosemont)
remplacé par M. De Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Ryan (Argenteuil)
remplacé par M. Forget (Saint-Laurent).
Les intervenants de cette commission sont: M. Biron (Lotbinière),
M. Fallu (Terrrebonne) remplacé par M. Charbonneau (Verchères),
M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent) remplacé par M.
Marx (D'arcy McGee), M. Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey
(Îles-de-la-Madeleine) remplacée par M. Paquette (Rosemont) et M.
Scowen (Notre-Dame-de-Grâce).
Oui, M. le député.
M. Goulet: Si vous permettez, Mme la Présidente,
j'aimerais demander le consentement des membres de la Commission pour remplacer
M. Le Moignan, de façon que dès son arrivée à
Québec, il puisse reprendre son siège. Vous savez sans doute que
la température hivernale et printanière en même temps ne
facilite pas le transport entre Québec et la belle mais lointaine
Gaspésie, sauf en fin de semaine. Cela va?
La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce qu'il y a
consentement de la commission pour que M. Goulet (Bellechasse) remplace M. Le
Moignan jusqu'à son arrivée?
Des voix: Consentement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Consentement.
Aujourd'hui, la commission entendra le Conseil de la langue
française qui sera représenté par M. Michel Plourde. Nous
recevrons ensuite le groupe Positive Action, Action positive,
représenté par M. Storrs McCall. La Ligue d'action nationale sera
représentée par M. Jean Genest, la Confédération
des syndicats nationaux sera représentée par M. Clément
Gaumont, l'Association des propriétaires de Québec Inc. sera
représentée par le Dr Marcel Tremblay, et la
Société Makivik sera représentée par M. Watt.
J'appellerai donc maintenant le Conseil de la langue
française.
M. Rivest: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, M. le
député de Jean-Talon.
Document réclamé
M. Rivest: Je m'excuse auprès de... Simplement une
précision. Vous savez que le député de d'Arcy McGee a
demandé la semaine dernière au ministre des Affaires
intergouvernementales de déposer l'étude que son collègue
du ministère de la Justice a faite ou aurait faite - on ne sait trop
-concernant les conséquences juridiques de l'inclusion d'une charte des
droits dans la constitution canadienne. Or, c'est, comme on le sait, un
élément clé de tout le débat dans la mesure
où on doit savoir exactement -même si cela peut soulever des
questions qu'on comprend - les conséquences juridiques sur, entre
autres, la législation des provinces, de l'inclusion de certaines
dispositions de la charte des droits dans la constitution.
Au mois de décembre, le ministre de la Justice avait promis que
cette étude serait disponible dès le début des travaux de
la présente commission. La semaine dernière, notre
collègue de d'Arcy McGee est revenu à la charge auprès du
ministre des Affaires intergouvernementales qui, selon son habitude, nous avait
avoué qu'il ferait tout en son pouvoir pour faire en sorte que cette
étude nous soit disponible. Je constate qu'elle n'est pas disponible
à la commission. Je n'ose conclure sur la nature des pouvoirs du
ministre des Affaires intergouvernemen-
tales, mais je lui demanderais ce matin -c'est probablement ce qu'il va
faire de bon gré - de réitérer l'engagement qu'il a pris
de faire à la commission une nouvelle promesse comme pour la suite du
monde.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Je constate que même
très tôt le matin le député de Jean-Talon essaie ses
talents d'orateur. Je voudrais me référer à la même
discussion avec une précision supplémentaire. Quand M. Yves
Pratte, qui est le conseiller juridique du gouvernement en cette
matière, est venu devant la commission au mois de décembre, la
même question a été soulevée et j'ai vu dans les
débats, que je n'ai pas devant moi, que M. Pratte a dit à un des
intervenants libéraux: " Ne blâmez pas le ministre, c'est moi qui
ai à terminer cette étude." Je n'ai pas eu l'occasion de revoir
M. Pratte depuis ce temps-là, mais je peux confirmer ce que je vous ai
dit la semaine dernière: nous n'avons absolument rien à cacher de
ce côté-là, au contraire, et je pense que cette
étude confirmera ce que nous avons dit depuis toujours, c'est que
l'intervention fédérale unilatérale via une charte des
droits diminue et affecte les pouvoirs des provinces dans le domaine de leurs
compétences.
C'est une requête qui a été faite la semaine
dernière. Le travail de la commission n'est pas terminé. J'ai
appris hier qu'il faudra continuer la semaine prochaine, parce que d'autres
intervenants ont manifesté le désir de venir nous voir. Nous
aurons l'occasion d'y revenir et, conformément à notre
comportement habituel, ce que nous avons promis, nous le ferons, sauf qu'il
s'agit dans ce cas-là de voir si la promesse qui a été
faite est aussi catégorique que veut bien maintenant dire le
député de Jean-Talon. Cependant, il n'y a aucun problème
de ce côté-là. C'est une question à laquelle nous
allons accorder une attention précise aujourd'hui même.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le
Conseil...
M. Rivest: Mme la Présidente, je veux bien que le ministre
maintenant nous reporte à la semaine prochaine. Le ministre peut-il
devant la commission, ce matin, prendre l'engagement qu'effectivement, la
semaine prochaine, cette étude sera déposée? C'est bien
joli de faire passer le blâme d'engagements qui ne sont pas venus de la
part de M. Pratte, mais qui sont venus du ministre de la Justice et du ministre
des Affaires intergouvernementales. C'est vous qui en avez la
responsabilité et je pense que tous les intervenants et tous les
mémoires qui nous ont été présentés ont
soulevé cette question-là, parce que c'est la question clef,
finalement, à savoir s'il doit ou non y avoir une charte des droits dans
la constitution et dans quelle mesure l'inclusion d'une charte des droits nous
affecte. On peut soulever des interrogations, bien sûr, mais le ministre
de la Justice a quand même fait un discours à l'Assemblée
nationale dans lequel il s'est engagé; il a fait des affirmations et,
pour soutenir ses affirmations, il avait informé l'Assemblée
nationale qu'il avait en main une étude, mais on a su par la suite
qu'elle n'était pas tout à fait complétée. La
semaine dernière, le ministre des Affaires intergouvernementales nous a
promis que cette étude serait déposée devant la
commission. Ce matin, je ne veux pas en faire un débat, mais le ministre
nous dit que, peut-être la semaine prochaine, il penserait à
déposer un telle étude, si une telle étude était
prête, etc. Je trouve cela un peu irresponsable comme attitude.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, ce
n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. J'ai dit que nous allions nous
occuper de la requête qui a été formulée la semaine
dernière par le député de D'Arcy McGee. Je
répète la même chose ce matin. Il n'y a absolument rien
là-dedans qui soit de nature à justifier l'intervention du
député de Jean-Talon.
J'ajoute cependant deux choses. La première, c'est que
j'espère que le député de Jean-Talon n'essaie pas de
justifier les gestes de M. Trudeau en mettant des doutes sur le fait qu'une
charte unilatérale des droits n'affecterait pas les compétences
provinciales. J'ajoute comme deuxième élément que le fait
qu'elle affectera les compétences provinciales a été
reconnu par MM. Trudeau et Chrétien eux-mêmes. Cela a
été mentionné à plusieurs reprises. C'est donc un
fait. Vous êtes d'accord avec cela?
Une voix: On est d'accord.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je regrette que nous ayons
fait attendre les gens que j'avais déjà appelés à
la table.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est la faute des
libéraux, comme le coup de force fédéral.
La Présidente (Mme Cuerrier): Pardon! Pardon!
M. Rivest: Oui, oui. Défendez-moi, Mme la
Présidente.
Conseil de la langue française
La Présidente (Mme Cuerrier): Le Conseil de la langue
française est représenté ici ce matin par M. Michel
Plourde. Je demanderai, d'abord, à M. Plourde de nous présenter
les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît. J'aimerais simplement
rappeler aussi que les groupes ou les personnes qui se présentent devant
la commission disposent d'une vingtaine de minutes pour la présentation
de leur mémoire. Ensuite, nous disposons d'une quarantaine de minutes,
réparties également entre les différents partis
représentés à l'Assemblée nationale, pour des
questions et des échanges avec les gens qui se présentent devant
nous. M. Plourde, vous avez la parole.
M. Plourde (Michel): Mme la Présidente, messieurs, je
voudrais d'abord vous présenter les membres du conseil qui sont avec moi
ce matin: M. Gérard Lapointe est secrétaire du Conseil de la
langue française, M. Jean-Marcel Paquette, membre, et Michel Rioux,
également membre du conseil. Le conseil comprend un collège de
conseillers de douze personnes. Seulement, nous avons, cet après-midi et
demain, une importante rencontre avec des entreprises et l'Office de la langue
française sur des questions de francisation. C'est pourquoi plusieurs de
nos collègues se sont excusés ce matin. Venir à
Québec ce matin aurait surchargé une semaine qui, pour eux, est
déjà fort occupée. Le collège des conseillers est
formé de douze personnes provenant de différents milieux ainsi
que prévu par la loi: deux personnes qui sont nommées
après consultation des associations représentatives des groupes
ethniques, deux nommées après consultation des milieux
universitaires, deux nommées après consultation des milieux
syndicaux ou des associations syndicales, deux nommées après
consultation des associations patronales et deux nommées après
consultation des groupes socioculturels. M. Jean-Marcel Paquette, au fond, a
été nommé après consultation des milieux
universitaires et M. Michel Rioux, après consultation des associations
syndicales.
Vous avez en main, je crois, Mme la Présidente, messieurs, les
deux positions du Conseil de la langue française qui ont
été rendues publiques antérieurement, c'est-à-dire
au début de septembre et au début de novembre, sur la question de
la constitution. Le texte que nous présentons ce matin et qui vous a
été remis, hier je crois, reprend, bien sûr, certains des
points essentiels de nos positions antérieures, mais tient compte en
particulier des amendements, des modifications qui ont été
apportées par le ministre fédéral de la Justice le 12
janvier dernier. Le conseil a tenu une réunion à la fin de
janvier pour exposer ses points de vue sur ces amendements et c'est pourquoi
nous avons déposé hier un document, donc, une dizaine de jours
après la réunion du conseil.
Dans les premiers paragraphes nous disons pourquoi le Conseil de la
langue française a demandé à être entendu et nous
précisons que le conseil ne s'intéresse pas, au fond, à
l'ensemble de la charte, à l'ensemble du projet fédéral de
loi constitutionnelle, ni même à l'ensemble de la Charte des
droits et libertés, mais uniquement aux dispositions linguistiques ou
à incidence linguistique.
Ceci m'amène au milieu de la page 3. Nous voulons d'abord
rappeler, sans les développer à nouveau, trois grands principes
auxquels nous nous sommes attachés dans nos déclarations
précédentes et qui constituent, à notre avis, les
fondements mêmes de la politique linguistique québécoise.
Nous les énoncerons de la façon suivante: (10 h 30)
Premièrement, on ne peut protéger adéquatement la
langue française au Québec à moins d'avoir recours
à des mesures législatives assez vigoureuses.
Deuxièmement, ces mesures tirent leur légitimité de
la spécificité historique du Québec, de l'existence des
droits collectifs et de la volonté clairement manifestée par la
population.
Troisièmement, enfin, il est important, en matière de
langue et d'éducation, et particulièrement pour le Québec,
que le pouvoir de légiférer se situe pleinement au niveau de
l'Assemblée nationale, c'est-à-dire le plus près possible
de l'évolution du peuple.
Le premier de ces trois principes correspond à une conclusion
inéluctable des études et des recherches qui ont
été faites par les démographes, les linguistes et les
sociologues depuis plus de dix ans, dans le cadre de la commission Gendron ou
ailleurs. Ces études ont fait voir la répartition de la
population selon la langue; elles ont démontré l'anglicisation
progressive de la région de Montréal; elles ont décrit
l'avenir des francophones du Québec, notamment en l'absence de
politiques adéquates. Deux éminents démographes, MM.
Lachapelle et Henripin, dans l'étude fort documentée qu'ils ont
publiée récemment sur la situation démolinguistique au
Canada, concluent que si les défenseurs de la
prépondérance française voulaient se prémunir
contre tout risque d'une augmentation du poids relatif des anglophones dans
l'ensemble du Québec, on ne pourrait pas les accuser d'outrance s'ils
préconisaient des politiques linguistiques assez vigoureuses.
Seules des mesures suffisamment fortes peuvent en effet servir de
contrepoids à l'énorme pouvoir d'attraction dont jouit l'anglais
dans tous les secteurs de la vie publique, économique et sociale,
même au Québec.
Un autre eminent chercheur, Wallace Lambert, linguiste de
l'Université McGill, rappelait encore dernièrement, en parlant
de
l'apprentissage des langues, les dangers que peut courir la langue
française si on ne la maîtrise pas suffisamment, dans ses contacts
avec une langue dominante et fort utile comme l'anglais, "cette langue
envahissante écrivait-il, prestigieuse et fonctionnelle au niveau de
tout ce continent."
Ces mesures nécessaires, comme celles qui ont conduit à la
promulgation de la Charte de la langue française en 1977, tirent leur
légitimité d'un fait singulier et unique au Canada, à
savoir qu'elles sont nécessaires pour assurer la protection et
l'épanouissement de la langue d'une majorité et non pas d'une
minorité. Il faut remarquer, cependant, que cette majorité est
elle-même minoritaire dans l'ensemble du Canada. Cette majorité
francophone du Québec, qui est à l'origine même de la
fondation de ce pays et qui est le premier foyer de rayonnement francophone en
Amérique, présente, de par son histoire, sa culture et sa langue,
une spécificité inaliénable et des droits collectifs
imprescriptibles qu'il est dans l'intérêt même de ce pays de
reconnaître pleinement et de développer par les moyens les plus
positifs qui soient. Car de toute façon le développement maximal
du fait français au Québec correspond, depuis quinze ans
déjà, à la volonté clairement manifestée de
la très grande majorité de la population et il vaudrait mieux, en
tout état de cause, reconnaître cette réalité une
fois pour toutes.
Or, le meilleur moyen de garantir à cette minorité
canadienne que constituent les francophones du Québec le plein
épanouissement de leur culture et de leur langue est de laisser au
Québec, en matière de langue et d'éducation, le plein
exercice de son pouvoir législatif.
Nous avons déjà vu comment l'avant-projet et le projet
fédéral de charte canadienne faisaient bon marché des
trois principes que nous avons énoncés. Qu'en est-il du projet
amendé récemment? Voyons d'un peu plus près et nous
constaterons que c'est pire encore.
Nous traiterons, dans l'ordre suivant, les articles qui nous
intéressent: l'article 23, les articles 17 à 20, l'article 26 et
les articles 16 et 52.
L'article 23 relatif aux droits à l'instruction dans la langue de
la minorité ouvre encore plus largement que ne l'avaient fait
l'avant-projet et le projet fédéral l'accès à
l'école anglaise pour les citoyens canadiens résidant au
Québec ou venant s'y établir. Le document fédéral
du mois d'août ouvrait déjà la porte de l'école
anglaise à tout citoyen faisant partie de quelque façon de la
minorité anglophone habitant le Québec. Le projet
fédéral du mois d'octobre ouvrait une deuxième porte
d'accès à l'école anglaise aux citoyens canadiens venant
d'une autre province, qu'ils appartiennent ou non à la minorité
anglophone, si un de leurs enfants fréquentait l'école anglaise
au primaire ou au secondaire dans cette autre province. Le texte amendé
du mois de janvier va encore plus loin. D'une part, il élargit encore
cette deuxième porte d'accès à l'école anglaise en
ne la restreignant plus aux citoyens venant d'une autre province, mais en
l'ouvrant à tous les citoyens du Québec; d'autre part, il ouvre
une troisième porte d'accès à l'école anglaise aux
enfants des citoyens qui ont reçu leur instruction primaire en anglais,
n'importe où au Canada.
Par rapport au projet du mois d'octobre, le texte amendé du
projet fédéral fait donc deux pas de plus, deux pas importants et
lourds de conséquence, vers le libre choix de la langue d'enseignement.
Ces nouvelles dispositions du projet fédéral risquent de ramener
au Québec, dans le domaine de la fréquentation scolaire, la
croissance d'une disproportion numérique du secteur anglophone analogue
à celle qui prévalait avant l'entrée en vigueur de la
Charte de la langue française. C'est cette disproportion croissante qui
avait poussé le législateur, au moyen de l'article 73 de cette
charte, à prendre les mesures correctives qui s'imposaient et qui
commencent à peine à porter leurs fruits, comme le montre
clairement l'étude statistique sur la répartition des
clientèles scolaires que nous avons publiée il y a un an et que
nous venons de mettre à jour.
Le projet fédéral amendé au mois de janvier met en
échec ces mesures réalistes et nécessaires, instaure au
Québec un quasi-laisser-faire dans le domaine de la langue
d'enseignement, s'oppose directement au premier principe que nous avons
énoncé tout à l'heure et pratique une large brèche
dans un des fondements mêmes de la politique linguistique
québécoise.
Les articles 17 à 20 opèrent à la manière
d'un repoussoir. Ils font vivement ressortir ce qui en est absent,
c'est-à-dire l'obligation pour l'Ontario de se plier aussi au
bilinguisme législatif et judiciaire auquel le Québec est
astreint depuis plus de 113 ans et qui devient maintenant obligatoire pour le
Nouveau-Brunswick. À peu près tout a été dit,
depuis quelques mois, sur l'extrême précaution
fédérale à ne rien imposer à l'Ontario. De quelque
côté qu'on retourne la question et au-delà des
justificatifs dont on essaie de couvrir cette situation, un fait incontestable
demeure: une charte canadienne des droits et libertés, qui
s'était donné pour tâche d'assurer aux personnes et aux
minorités menacées la même protection égale et juste
à travers tout le pays, non seulement n'est pas capable de remplir ses
objectifs mais, plus grave encore, au lieu de faire porter son
inégalité d'intervention à la défense de la
minorité francophone partout menacée au Canada, elle l'applique
à ne
point heurter la majorité anglophone canadienne dont les droits
acquis sont pourtant assurés partout déjà, même au
Québec.
L'article 26, qui est nouveau, attire aussi l'attention par ce qu'il ne
dit pas. Il met vivement en lumière l'absence d'une dimension importante
pour le Québec. "Toute interprétation de la présente
charte, dit cet article, doit concorder avec l'objectif de promouvoir le
maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens."
Disons, d'abord, que le Conseil de la langue française croit
nécessaire et indispensable la contribution des différentes
communautés culturelles à l'enrichissement du patrimoine culturel
du Québec et il y souscrit entièrement. Là n'est pas la
question. Ce qu'il faut voir ici, c'est que le projet fédéral ne
tient nullement compte de l'objectif légitime qui a donné
naissance à la Charte de la langue française et selon lequel
celle-ci doit être interprétée. Cet objectif est la
protection nécessaire de la langue de la majorité
québécoise qui est elle-même le premier foyer de
rayonnement de la culture française en Amérique.
On s'apprête à reconnaître les droits des populations
autochtones, premiers habitants de ce pays. Mais on s'étonne à
bon droit que le projet de charte fédérale s'abstienne fermement,
malgré les demandes répétées, de reconnaître
la mission particulière des deux sociétés culturelles qui
ont donné naissance à ce pays et qu'il ne fasse rien pour porter
secours, en quelque sorte, à celle de ces deux sociétés
dont le développement linguistique et culturel est le moins
assuré dans le contexte canadien et nord-américain. Cette
spécificité du Québec, qui doit être soutenue et
favorisée, constitue une dimension capitale que méconnaît
la charte canadienne des droits et libertés, et qui trouve pourtant ses
racines et sa justification dans l'histoire même de notre pays, dans les
droits collectifs et la volonté clairement manifestée de la
majorité francophone du Québec.
Nous nous serions attendus alors qu'il y eût, quelque part dans le
projet de charte canadienne, un article qui assure que toute
interprétation de la présente charte doit concorder avec
l'objectif essentiel pour le Canada d'assurer le maintien et la valorisation du
patrimoine français des Canadiens. Toute référence du
genre étant absente de cette charte, le Conseil de la langue
française estime que le projet amendé de charte canadienne ne
satisfait en aucune façon au second principe que nous avons
énoncé tout à l'heure et qui constitue, à notre
avis, l'un des fondements de la politique linguistique
québécoise.
Mais ce sont les articles 16 et 52 qui nous paraissent les plus
inquiétants pour l'avenir de la langue française. Le
troisième paragraphe de l'article 16 emprisonne le cheminement
linguistique du Québec dans un couloir qui le mènerait tôt
ou tard à l'égalité de statut ou d'usage du
français et de l'anglais. Dans le projet du mois d'octobre, on
garantissait aux Législatures provinciales le pouvoir
"d'améliorer le statut du français et de l'anglais ou de l'une de
ces deux langues, ou d'en développer l'usage". Dans le projet
amendé, on ne garantit plus aux Législatures que le pouvoir "de
favoriser la progression vers l'égalité de statut ou d'usage du
français et de l'anglais."
En d'autres termes, le projet du mois d'octobre ne limitait pas les
pouvoirs de l'Assemblée nationale du Québec de
légiférer, par exemple, dans le sens de la loi 101, alors que la
version actuelle ne donne plus au Parlement du Québec que le droit de
légiférer en vue de favoriser la progression du français
et de l'anglais vers un statut d'égalité ou vers
l'égalité d'usage. En termes clairs, le Québec ne pourrait
plus légiférer dans le sens de la loi 101. Advenant l'adoption de
ce projet constitutionnel et dans les circonstances actuelles, le Québec
n'aurait plus le droit de prendre des mesures spéciales pour
protéger la seule langue française au Québec; il aurait
toute latitude, cependant, pour promouvoir l'usage de l'anglais au
Québec.
L'article 52 est encore plus global et reprend le contenu de l'article
25 du mois d'octobre. "La constitution du Canada, déclare-t-il, est la
loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions
incompatibles de toute autre règle de droit." À quel sort est
alors réservée, immédiatement et dans son ensemble, la
Charte de la langue française face à une telle disposition de la
loi suprême du Canada? Nous croyons qu'elle se trouve mise à
découvert et exposée à tous les coups. Non seulement le
chapitre VIII de la loi 101 serait-il désavoué, mais il en
résulterait une situation d'instabilité juridique où,
pendant des années, plusieurs autres dispositions de la loi risquent
d'être contestées devant les tribunaux.
Le Conseil de la langue française constate, une fois de plus, que
le projet de charte canadienne fait irruption dans les compétences
historiques des provinces en matière d'éducation et de langue.
Devant cela, le conseil rejoint la conclusion de la commission
Pépin-Robarts qui veut que soit laissée au Québec la
plénitude de ses pouvoirs en matière linguistique et culturelle.
Nous ne voyons pas comment les mesures linguistiques vigoureuses dont nous
avons parlé puissent dépendre d'un pouvoir législatif
autre que celui du Québec et comment la conscience de ce qui se passe au
Québec puisse être située en dehors de lui. Il s'agit
là, pour nous, d'un principe extrêmement important, le
troisième que nous avons
énoncé, et l'un des fondements majeurs de la politique
linguistique québécoise.
La conclusion s'impose d'elle-même. D'abord, le projet de charte
canadienne récemment amendé non seulement ne met pas de l'avant
des mesures capables de protéger adéquatement et de
développer la langue française au Québec, mais encore il
s'oppose à celles que le Québec, avec l'appui de la très
grande majorité de la population, avait adoptées par sa Charte de
la langue française.
Ensuite, il ne reconnaît en aucune façon la
spécificité historique du Québec et le rôle
linguistique et culturel qui est dévolu à celui-ci dans
l'ensemble canadien.
Enfin, il empiète sur les pouvoirs législatifs
séculaires du Québec en matière d'éducation et de
langue. Par conséquent, puisque les dispositions à incidence
linguistique du projet fédéral amendé vont directement
à l'encontre des trois fondements majeurs de la politique linguistique
québécoise, comme nous l'avons expliqué, le Conseil de la
langue française ne peut faire autrement auprès du ministre
responsable et devant l'opinion publique que de les déclarer
inacceptables et extrêmement dangereuses pour l'avenir de la langue
française au Québec et au Canada. (10 h 45)
II faut signaler, de plus, le caractère unilatéral du
projet fédéral, en particulier dans des domaines aussi
délicats que ceux de l'éducation et de la langue, qui touchent de
très près et conjointement les citoyens de notre province et le
gouvernement qui est, chaque jour, le plus près d'eux,
c'est-à-dire le gouvernement du Québec. Nous trouvons
inacceptable qu'un gouvernement central, pour mener à terme une action
constitutionnelle importante pour tous, puisse se passer de l'accord de ses
partenaires et particulièrement du Québec, et demander par
ailleurs l'appui du gouvernement britannique pour modifier la loi 101 du
Québec.
En se passant ainsi de l'assentiment des provinces, nous l'avons
déjà dit au mois de novembre, le pouvoir central s'attaque aux
bases mêmes du pacte fédératif actuel que les provinces
avaient conclu entre elles au siècle dernier. En adoptant une
démarche unilatérale, il s'érige, du même coup,
au-dessus des pouvoirs provinciaux, ce qui est contraire à l'esprit,
à la lettre et à l'équilibre du pacte
fédératif actuel auquel le Statut de Westminster n'a rien
changé d'ailleurs. L'indépendance du Canada, écrit M.
Louis-Philippe Pigeon, n'a aucunement conféré au Parlement
canadien le droit de parler au nom du peuple canadien en ce qui concerne une
modification de la constitution. Sa compétence législative est
limitée par l'Acte de l'Amérique du Nord comme l'est celle des
Législatures provinciales.
Dans cet exposé, nous avons voulu attirer l'attention sur
l'essentiel.
Mme la Présidente, nous avons quelques considérations
finales qui nous paraissent évidemment très importantes.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous pourriez encore
disposer de deux ou trois minutes, monsieur.
M. Plourde: De trois minutes. Alors, je passe à la page
14, au bas de la page. On a beaucoup parlé, Mme la Présidente,
messieurs, de bilinguisme au Canada depuis quinze ans. L'objectif qui a
été mis de l'avant, celui d'un bilinguisme intégral d'une
mer à l'autre, nous paraît non seulement irréaliste mais
injuste, puisqu'il n'aboutit finalement, en pratique, qu'à donner, d'une
part, à la minorité francophone hors Québec un statut et
un traitement incomparablement moindres que ceux dont jouit la minorité
anglophone du Québec, et qu'à vouloir, d'autre part, ramener la
langue française au Québec à l'égalité de
statut ou d'usage avec la langue anglaise, comme le montre clairement le projet
fédéral amendé. Ce genre de bilinguisme est un leurre
puisque les francophones y sont toujours perdants.
C'est ainsi qu'on en est venu à parler d'un bilinguisme
éclopé, comme le disait récemment l'Association culturelle
franco-canadienne de la Saskatchewan. On a fait état de
l'expérience frustrante des francophones de la Saskatchewan à
l'école et devant les tribunaux; on a tenu à rappeler encore
récemment la résistance de l'Ontario envers l'école
francophone; la Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick
soutenait, l'automne dernier, que le bilinguisme institutionnel des dix
dernières années n'a presque rien donné et l'Association
culturelle franco-canadienne déclarait, finalement, devant cette
commission: "Malgré l'intention de l'article 23, la portée
juridique du droit à l'instruction dans la langue de la minorité
n'a pas de signification concrète importante pour les Fransaskois et
nous nous considérerions perdants si, pour obtenir cela, nous devions
accepter que le Québec perde les moyens qu'il s'est donnés pour
assurer sa survie francophone".
Bref, ce bilinguisme théorique mis de l'avant n'a pas tenu ses
promesses parce qu'il n'a de sens ni pour le Québec, ni pour les
francophones hors Québec, ni pour le reste du Canada.
Quant aux francophones du Québec eux-mêmes, que le reste du
Canada aurait pu imiter depuis longtemps pour ce qui est du respect et du juste
traitement de sa minorité, que se passera-t-il quand sera
généralisée parmi eux la triple conviction qui s'exprime
de jour en jour un peu plus fortement, à savoir, premièrement,
que le bilinguisme n'est qu'une vue de l'esprit qu'entretient Ottawa pour
imposer aux
francophones du Québec des obligations beaucoup plus grandes
qu'il n'en impose aux anglophones du reste du pays; deuxièmement, que la
langue française ne sera jamais reconnue davantage par le
fédéral qu'elle ne l'a été il y a douze ans par la
Loi sur les langues officielles; troisièmement, qu'il n'y a pas d'autre
solution acceptable pour le Québec et juste pour le Canada qu'une
politique linguistique réaliste qui fasse du Québec une province
aussi française que l'Ontario est anglais?
Le soin extrême que le projet fédéral amendé
apporte à ne rien dire qui puisse Être interprété
comme une reconnaissance ou une consécration du fait français au
Québec montre à l'évidence, une fois de plus, que la
liberté de développement linguistique et culturel du
Québec francophone n'est pas pour demain dans ce pays et ce continent
où l'anglais est tout-puissant. L'une après l'autre, les
différentes versions du projet fédéral n'auront finalement
contribué qu'à faire sentir de plus en plus profondément
à la majorité francophone du Québec son statut de
minoritaire dans l'ensemble canadien.
Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je tiens à faire
remarquer à ceux qui me demanderont la parole maintenant que les
questions qu'ils poseront et les réponses qui viendront à la
suite de ces questions seront comptabilisées dans leur temps.
M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, ce
n'est pas une question que je vais poser, c'est un commentaire à partir
de ce que je viens d'entendre que je vais faire.
Je veux d'abord dire que je considère que votre analyse de la
situation est très rigoureuse et que votre mémoire est
très clair et je veux vous en féliciter. Cette analyse rigoureuse
démontre d'ailleurs une chose qui devrait répondre à la
question du député de Jean-Talon tout à l'heure; il est
évident que le projet fédéral s'attaque directement
à un ensemble de compétences québécoises
constitutionnelles, dont le pouvoir exclusif de légiférer en
matière d'éducation et de politique linguistique.
Je retiens trois choses de votre mémoire qui vont un peu en
entonnoir. La première, c'est évidemment ce geste
unilatéral, c'est-à-dire qu'il y a eu un non au
référendum qui devait dire oui, mais personne n'a pensé
que ce oui voulait dire oui à un geste unilatéral de la part
d'Ottawa et par conséquent, de ce côté-là, il y a eu
une sorte de détournement de référendum, si je peux
m'exprimer ainsi.
Le deuxième commentaire, toujours dans ce raisonnement en forme
d'entonnoir -si je peux m'exprimer ainsi - c'est que ce geste unilatéral
s'accompagne d'une injustice proprement incroyable, en ce sens que si les
libéraux fédéraux se livrent à un coup de force
contre les provinces en général et contre la province en
particulier, il arrive que ce coup de force, en vertu d'une sorte de bizarre
statut particulier, n'est pas perpétré contre l'Ontario. En
somme, on attaque la politique linguistique du Québec pour restreindre -
c'est mon troisième commentaire - le pouvoir des Québécois
en matière de langue en même temps qu'on n'impose rien pour
l'Ontario en ce qui a trait au bilinguisme institutionnel.
Depuis qu'on s'est rencontré la semaine dernière à
cette commission, il y a deux événements qui sont survenus qui me
paraissent hautement significatifs et quasiment désarmants, dans un
sens. D'une part, vous avez vu les francophones de l'Ontario dire aux
Québécois: Vous devez vous opposer à ce coup de force des
libéraux fédéraux parce que c'est la fin de nos espoirs
à nous, francophones de l'Ontario. Ce sont des francophones de l'Ontario
qui nous disent cela et, plus particulièrement, ceux de Penetanguishene
qui ont fait la manchette au cours des derniers mois.
Je pense que c'est extraordinairement important de se rendre compte que
ce sont des francophones ontariens qui nous disent que le projet
fédéral, qui est supposé, théoriquement, faciliter
la reconnaissance de droits aux francophones à l'extérieur du
Québec, est en train de faire exactement le contraire, au fond. Si on
ajoute à cela, à ce manque de coup de force - non pas que je le
réclame, mais je constate les faits, pour établir en Ontario un
bilinguisme institutionnel - la clause "là où le nombre le
justifie" qui, à toutes fins utiles, va permettre à n'importe
quelle province dans le reste du Canada de ne pas agir en faveur des
francophones, on est dans une situation purement absurde. Cela, c'est le
premier fait, l'intervention des francophones de l'Ontario.
Le deuxième, c'est celui de M. Trudeau lui-même, premier
ministre fédéral, qui dit en réponse à une question
qui lui a été posée à une université
quelconque en Ontario, que s'il n'a pas imposé le bilinguisme
institutionnel en Ontario, c'est parce qu'il a besoin de l'appui du premier
ministre ontarien. Il y en a qui ont dit: Ah! voilà une grande candeur
de la part du premier ministre fédéral! Il dit la
vérité, il est franc. Évidemment, cela détonnait
par rapport à tout ce qui a été raconté ou pas dit
quant aux conversations qu'il a eues avec la Grande-Bretagne où on
apprend maintenant la vérité; il n'a pas dit la
vérité à la Grande-Bretagne, il ne l'a pas dite aux
Canadiens et aux Québécois sur ce qu'il n'avait pas dit ou dit
à la Grande-Bretagne, alors là, on est mêlé.
Soudainement, il y a un aveu; l'aveu qu'il n'aide pas les francophones de
l'Ontario parce qu'il veut
l'appui de M. Davis. On a dit que c'était de la candeur; moi, je
dis carrément que c'est du cynisme. Et si on ne se rend pas compte que
toute l'opération actuelle est fondée sur une immense entreprise
mensongère qui date, à toutes fins utiles, du mois de juin
dernier, quand tout cela a commencé avec les négociations
frelatées de l'été dernier... On s'est rendu compte, par
un document qui a coulé à la fin de l'été, un
document secret du fédéral, que tout était organisé
pour en arriver à un échec. Si on ne se rend pas compte de
ça, c'est qu'on ne voit rien. Alors, c'est du cynisme.
Cela veut dire que - conclusion, j'arrête là - on assiste
à une attaque contre la politique linguistique québécoise.
J'ai dit la semaine dernière - et je le répète encore
aujourd'hui - qu'il n'y aurait pas eu, à mon avis, cette
intensité fédérale de coup de force s'il n'y avait pas eu,
chez eux, cette haine fondamentale de la politique linguistique du
Québec. Et tout ce qui tend à remettre en cause la politique
linguistique actuelle du Québec, pour quelque prétexte que ce
soit, vise au fond à quoi? Vise au fond à modifier la raison
d'être de cette politique. Et la raison d'être de cette politique,
c'est de donner une chance au français en Amérique du Nord.
Ce qui remet ça en cause signifie qu'on veut redonner des
privilèges à l'anglais au Québec. En même temps
qu'on fait ça ou qu'on vise ça, on ne veut pas établir le
bilinguisme institutionnel en Ontario. Je ne dis pas que je recommande un coup
de force contre l'Ontario, je constate les faits et ça démontre
qu'en politique, il faut s'attendre à tout, même à
l'inattendu parce qu'il n'y a personne, il y a des années, qui aurait
cru qu'on arriverait à cette situation complètement
invraisemblable dans laquelle on se trouve maintenant.
Conclusion de tout ça - et ça, je ne sais pas si quelqu'un
l'avait prévu - nous avions constaté, nous, hommes et femmes
politiques - je pense que c'est vrai pour tout le monde - que le débat
linguistique, au Québec, à toutes fins utiles, était
terminé et que, dans le panorama québécois, il y avait au
moins un élément de paix sociale qui était assez
établi, c'est-à-dire qu'il n'y avait plus de problème
linguistique. Or, par le geste fédéral, on est en train de
remettre le Québec à l'heure des débats linguistiques. On
pensait que c'était fini; il y a tellement d'autres choses à
faire au Québec que ça n'a quasiment pas de bon sens,
aujourd'hui, d'être obligé de recommencer à dire qu'il faut
protéger le français au Québec.
C'est ça, la conséquence, à notre avis, en tout
cas, du coup de force des libéraux fédéraux. Et je pense
que, quand on regardera la situation actuelle, dans quelques mois ou quelques
années, on se rendra compte que, par l'action divisive
fédérale, on n'a réussi qu'un ensemble de choses: diviser
encore les Québécois, alors que le problème était
résolu; diviser les Canadiens; établir entre le Canada et la
Grande-Bretagne une relation inamicale. Parce que c'est ça qui se
produit. Ce n'est pas nous qui le disons; ce sont des Britanniques qui nous
disent que cette histoire va briser les relations ou va les rendre plus
négatives qu'elles ne l'ont jamais été. Ajoutez à
ça le fait que, à cause encore du problème linguistique et
du problème culturel, du fait qu'on ne reconnaît pas une
société distincte au Québec, vous avez eu, de la part des
libéraux fédéraux, il y a à peu près deux
mois, toute une dispute avec la France. Qu'est-ce qui se passe? Vous avez
à Ottawa des gens qui ne s'entendent avec personne: pas avec la France,
pas avec la Grande-Bretagne, pas avec les partis d'Opposition à Ottawa,
pas avec les provinces et par-dessus le marché, ils viennent encore
semer un bordel linguistique au Québec. Ils ne s'entendent pas avec les
Canadiens et ils ne s'entendent pas entre eux, non plus.
Il y a juste une chose qui me frappe, c'est qu'il y a toujours, dans la
vie d'un homme politique ou d'une femme politique, un moment où il y a
une sorte de conjonction entre sa personnalité profonde et
peut-être un idéal qu'il a malgré tout maintenu. Il y a un
député fédéral actuellement - peut-être deux,
je ne le sais pas. Je le nomme: M. Duclos - qui semble, lui, avoir fait cette
relation, cette conjonction. Les autres, non; il y en a 73 autres qui sont en
train de faire que les Canadiens français de l'Ontario n'auront pas ce
qu'ils ont demandé, en même temps qu'on est en train de faire au
Québec ce qu'on n'a pas demandé, en recréant un
problème linguistique. C'est une énorme et lourde
responsabilité et, pour moi qui, en tant qu'homme politique,
m'étais désintéressé de cette question parce que je
la croyais résolue, c'est redevenu un sujet d'actualité à
cause du fait, d'abord, que je suis Québécois, à cause du
fait que je suis francophone et à cause aussi de mes
responsabilités comme ministre des Affaires intergouvernementales.
Je voulais faire un commentaire de quelques minutes, madame; cela a
été plus que quelques minutes. Je n'ai pas de question à
vous poser; je trouve très clair ce que vous dites et je vous en
remercie. Je pense que vous clarifiez la situation. Vous répétez,
c'est vrai, des choses que d'autres ont dites, mais on se trouve dans une
situation où il faut répéter des évidences parce
qu'il y a des gens à Ottawa qui nient ces évidences. (11
heures)
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Tremblay, auriez-vous des
commentaires? Pas pour l'instant, M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, Mme la Présidente.
Moi également, Mme la Présidente, comme le ministre,
j'aimerais faire quelques commentaires, au moins à titre de
préface à une ou deux questions. Le premier commentaire, Mme la
Présidente, vise, non pas comme tel le contenu du mémoire, mais,
si vous voulez, une question qu'on pourrait appeler une question de
procédure à la limite, mais une question qui, malgré tout
-je le constate d'après le plus récent texte du Conseil de la
langue française, le texte qu'on nous a remis ce matin - a attiré
l'attention du conseil également et qui, je pense, devrait attirer
l'attention de cette commission pendant au moins quelques minutes. Ce que je
veux dire, c'est que nous entendons, ce matin, le témoignage d'un
organisme gouvernemental dont tous les membres ont été
nommés par le gouvernement. Ce n'est pas en soi un
précédent, mais il reste que c'est une pratique qui n'est pas non
plus monnaie courante.
En effet, nous avons vécu au cours des dernières
années des événements qui pouvaient très bien
donner ouverture à des témoignages de même sorte en
provenance d'autres organismes gouvernementaux. Il est intéressant de
comparer l'attitude tout à fait différente qu'a adoptée le
gouvernement relativement à l'opportunité de permettre à
de tels organismes même de s'exprimer publiquement. Les choses que je
veux rappeler ici sont, je pense, encore présentes à la
mémoire de tous nos collègues de l'Assemblée nationale et
d'un bon nombre de membres du public également. Vous vous souvenez, Mme
la Présidente, je pense, qu'il y a eu un débat fort orageux
à l'Assemblée nationale au sujet du caractère secret que
les avis de la Commission des droits de la personne devaient revêtir,
selon les membres du gouvernement, alors que ces avis portaient sur des projets
de loi qui étaient soumis à la considération de
l'Assemblée nationale, qui étaient débattus à
l'Assemblée nationale, des avis que le ministre qui parrainait tel ou
tel projet de loi avait demandés à la Commission des droits de la
personne et que celle-ci avait exprimés en exécution explicite,
expresse d'un mandat que la loi lui confie de donner de tels avis au
gouvernement sur demande.
Non seulement ces avis dont copie avait été transmise au
président de l'Assemblée nationale ont été
considérés comme secrets par le gouvernement qui n'a pas voulu
les dévoiler au moment où leur dévoilement eût
été utile pour l'étude et l'adoption d'un projet de loi,
mais vous vous souvenez également que le président de
l'Assemblée nationale a maintenu contre toute attente ce droit au secret
de la part du gouvernement face à des avis qui lui étaient
donnés, encore une fois, je le dis, par la Commission des droits de la
personne, alors que la Commission des droits de la personne, comme vous le
savez, est un organisme qui relève directement de l'Assemblée
nationale et dont les membres sont nommés par un vote des deux tiers de
l'Assemblée nationale, ce qui exige donc le concours des partis de
l'Opposition.
Ceci a été évidemment contesté par nous.
Nous avons dû, devant le verdict absolument catégorique du
président, accepter que ces documents demeurent secrets, que ces avis
sur la possibilité qu'une loi de l'Assemblée nationale enfreigne
la Charte des droits et libertés de la personne soient traités
comme une information privilégiée au gouvernement. Je pense que
cela est un précédent assez impressionnant qui démontre
que même un organisme qui est chargé par une loi de donner des
avis au gouvernement, lorsque cet organisme est même créé
par l'Assemblée nationale et ses membres nommés par
l'Assemblée nationale, peut considérer ses avis comme
étant confidentiels et destinés aux seules oreilles du ministre.
C'est une chose qui mériterait sans aucun d'être
réexaminée et je pense personnellement que la législation
relative à la Commission des droits de la personne devrait être
revue.
M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, je
voudrais intervenir. Peut-être que je viole le règlement, mais
peut-être que c'est le député de Saint-Laurent qui viole le
règlement. Il me semble que ce n'est pas le sujet...
M. Forget: Mais est-ce que vous pourriez accepter, M. le
ministre, d'intervenir à la fin de mes remarques? Selon l'article 96,
vous aurez tout le loisir de le faire.
La Présidente (Mme Cuerrier): L'article 96 c'est pour...
Non, mais c'est qu'il m'apparaît maintenant que vous soulevez une
question de règlement, et une question de règlement a
préséance, M. le député de Saint-Laurent.
M. Forget: C'était aussi une question de règlement
que je soulevais, bien sûr, implicitement.
M. Morin (Louis-Hébert): De toute façon,
écoutez, vous pouvez continuer à dire ce que vous avez à
dire, mais je veux seulement signaler que j'ai l'impression, ça ne doit
pas échapper aux autres, que ce n'est pas le sujet.
M. Forget: Mme la Présidente, le ministre est libre de ses
impressions et vous pouvez être sûre que je n'aurai pas
l'outrecuidance de lui suggérer que ses impressions sont fausses. Il
demeure que la
pertinence du témoignage que nous avons entendu mérite un
certain nombre de commentaires, parce que, encore une fois, contrairement
à certains précédents créés par le
gouvernement, dont le ministre est partie, on va contre un autre
précédent que je citerai, qui est encore plus pertinent, c'est
l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, que le gouvernement a
refusé d'entendre, en 1977, lorsque la loi 101 - ou la loi 1
peut-être, à l'époque - était débattue devant
une commission de l'Assemblée nationale. On a refusé d'entendre
l'avis du Conseil supérieur de l'éducation, parce que, bien
sûr - c'était un secret de polichinelle - le Conseil
supérieur de l'éducation avait, comme avis à cette
époque, que c'est le critère de la langue maternelle qui devrait
être retenu dans la législation linguistique.
Cela ne faisait pas l'affaire du ministre qui parrainait la loi 101. On
a donc fait taire le Conseil supérieur de l'éducation. Dans les
circonstances actuelles, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Je vous ai laissé
parler pendant près de six minutes sur la question...
M. Forget: Et je pense que vous devriez continuer.
La Présidente (Mme Cuerrier): ...de règlement. Or,
le travail que nous avons à faire ici ce matin devrait plutôt
porter sur des commentaires ou des questions sur le rapport comme tel.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est parce que...
La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que la question de
règlement a déjà duré près de six minutes et
je vais être obligée de la compter sur le temps que vous
utilisez.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, c'est ça...
M. Forget: Je vous invite à la compter, Mme la
Présidente. J'apprécie toujours, comme vous savez, vos
interventions et même les dialogues que nous avons à l'occasion de
ces commissions parlementaires. Ils enrichissent sans aucun doute beaucoup
notre débat.
Il faut dire que le Conseil de la langue française, qui est
apparu devant nous ce matin a été lui-même inquiet que
cette question ne fut posée, puisque si on compare les différents
textes qui nous ont été soumis, celui qui a été
rendu public en août dernier, celui qui a été rendu public
également en octobre dernier, on se rend compte qu'ils diffèrent
du texte qui nous a été donné ce matin, à un
égard, c'est que l'on fait allusion, dans ce texte le plus
récent, celui qui est spécifiquement destiné à
l'Assemblée nationale, à cette question du mandat.
Le conseil se préoccupe et il nous affirme, en première
page: "Je voudrais d'abord dire pourquoi le Conseil de la langue
française a demandé à être entendu par cette
commission. Quatre raisons ont motivé ce geste: (la première) le
mandat du conseil..." On disserte là-dessus en disant que la Charte de
la langue française a institué un conseil, et que ce conseil,
dans une réunion du mois de janvier, a pris sur lui de juger -
d'ailleurs, bien avant, en août et en octobre - qu'il devait s'en
décharger en faisant des conférences de presse et en sollicitant
la permission de paraître en commission parlementaire.
Je pense que si on a cru bon de nous donner le fruit des
réflexions du conseil sur le mandat, il est tout à fait
approprié de faire des commentaires sur ce mandat, parce qu'il est
très évident que sur ce point où, par hasard, le Conseil
de la langue française est du même avis que le gouvernement, on a
jugé bon de faire des conférences de presse dès le mois
d'août, on a jugé bon de venir déposer publiquement en
commission parlementaire. Que les choses eussent été
différentes, si l'avis du conseil n'eut pas été conforme
aux voeux du gouvernement, eut été une politique
différente de celle voulue par le ministre, je peux vous faire la
prévision, Mme la Présidente, une prévision certaine
même, que nous n'aurions pas eu l'avantage des avis du Conseil de la
langue française. C'eut été considéré de la
même façon que d'autres avis qui divergeaient de l'opinion
gouvernementale dans le passé, par ce même gouvernement, soit
comme des documents secrets.
Et je m'étonne, Mme la Présidente, qu'un organisme
gouvernemental, dont tous les membres ont été choisis par
l'actuel gouvernement, prenne sur lui de faire essentiellement une action
publique et, pour tout dire, quasiment politique, et prenne sur lui
également de faire des affirmations dans ce texte. Je sais que vous
êtes impatiente, Mme la Présidente, j'ai remarqué avec
quelle patience...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le
député...
M. Forget: ... vous écoutiez le ministre tout à
l'heure, mais je pense que nous avons vingt minutes ...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
je vous demanderais, s'il vous plaît!
M. Forget: ... de ce côté-ci. Je pense que nous
avons vingt minutes. Est-ce qu'il est clair...
La Présidente (Mme Cuerrier): II y a vingt minutes
exactement pour l'ensemble des partis d'Opposition et, dans ces vingt minutes,
les commentaires des gens qui répondent à vos questions sont
comptabilisés. Vous avez déjà utilisé dix minutes,
M. le député, je vous demanderais, s'il vous plaît,
de...
M. Forget: De terminer.
La Présidente (Mme Cuerrier): conclure maintenant.
M. Forget: Je le ferai avec plaisir, Mme la Présidente,
d'autant plus que le seul autre point...
La Présidente (Mme Cuerrier): Quitte à ce que, s'il
vous reste du temps tantôt, je vous donne la parole de nouveau, M. le
député.
M. Forget: ... auquel je voulais faire allusion, c'est celui-ci.
En plus de prendre sur lui de donner son avis de cette façon-là,
le Conseil de la langue française se livre, dans certains des textes qui
nous ont été soumis par lui, à un éloge d'une rare
complaisance envers la situation linguistique au Québec, la
législation adoptée par ce gouvernement, et porte un avis
à mon sens tout à fait prématuré quant à
l'efficacité et au succès que remporte la loi 101.
Je pense que ce sont là des jugements qui sont hautement
subjectifs et qui dénotent très clairement le caractère de
l'intervention à laquelle nous avons assisté ce matin.
M. Dussault: ... consentement.
M. Bertrand: Je ne sais pas si Georges Lalande est à
l'écoute, mais, en tout cas...
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Plourde, M. le président du Conseil de la langue
française.
M. Plourde: Mme la Présidente, j'aimerais relever un peu
ce que M. Forget a dit à propos de la procédure, bien que je
préférerais, bien sûr, parler du contenu de la Charte des
droits et libertés. Je pense cependant qu'il faut relever ce qui a
été dit en termes de procédure.
D'abord, il faut bien comprendre que le Conseil de la langue
française, de par la loi, a le mandat de donner des avis sur la
politique de la langue au Québec. Je fais tout de suite une distinction:
ce qui est politique ne relève pas nécessairement de la politique
gouvernementale ou de la politique de parti. On peut concevoir la politique
comme étant, si vous voulez, l'ensemble des affaires d'un État ou
d'un gouvernement, mais il y a aussi la politique qui se définit comme
l'ensemble des objectifs majeurs et des grandes orientations en vue d'une
action donnée, ce qu'on appelle... Nous n'avons pas, je pense, en
français l'équivalent aussi frappant entre "policy" et
"politics". Le Conseil de la langue française ne se mêle pas de
"politics". Il s'intéresse à la "policy" de la langue
française. C'est intéressant pour un président du Conseil
de la langue française d'avoir recours à un mot anglais. Je pense
qu'il est plus frappant dans les circonstances.
Notre mandat, par conséquent, inscrit dans la loi, nous demande
de donner des avis au niveau de la politique de la langue française.
Deuxièmement, il enjoint au conseil d'étudier l'évolution
de la situation linguistique et toutes les questions qui touchent à la
langue et de faire rapport au ministre. Le conseil a également le
pouvoir d'entendre, de recueillir les observations et les suggestions des
groupes et des individus, donc de la population, et il a le pouvoir d'informer
le public. Ce sont les articles 186, 188 et 189 de la loi 101 de la Charte de
la langue française.
Dans les circonstances actuelles, on a un projet fédéral
de loi constitutionnelle qui touche directement à la politique
linguistique du Québec. Quand je dis la politique linguistique du
Québec, je fais référence surtout aux principes
fondamentaux dont nous avons parlé tout à l'heure, je ne fais pas
référence aux programmes de partis. Ce n'est pas ça qui
intéresse le conseil.
Un projet fédéral qui touche à la politique
linguistique du Québec, à la politique de la langue telle que
conçue et perçue par la population, qui touche à
l'évolution de la situation linguistique au Québec, qui rebrasse
toutes les questions de langue au Québec est éminemment à
l'intérieur du mandat du Conseil de la langue française et
l'ensemble du Collège des conseillers a trouvé que c'eût
été manquer au devoir et au mandat du conseil de ne pas
s'arrêter à étudier ce qui se passait, à y
réfléchir et, les conjonctures étant suffisamment
sérieuses, à en aviser le ministre et à en informer la
population.
C'est ce que nous avons fait, c'est ce que nous avons toujours fait.
Quand le Conseil de la langue française prend l'initiative de donner un
avis au ministre, il décide de le rendre public s'il le désire.
C'est ce que nous avons toujours fait. Nous l'avons fait lors de la
cohabitation linguistique. C'est la politique que nous suivons. Nos avis, en
conséquence, lorsque nous prenons l'initiative de les envoyer au
ministre, nous appartiennent et nous pouvons les rendre publics si nous
jugeons, dans l'intérêt du service public et du bien commun qui
est notre premier objectif, qu'il est bon d'en saisir le public. Voilà,
nous avons chaque fois, à chacune de nos positions
répété notre mandat. Nous l'avons dit de
façon un peu plus explicite cette fois-ci. (11 h 15)
Je termine en disant que jamais nous n'avons senti le besoin, en aucune
façon, ni maintenant, ni à l'occasion d'autres sujets, de
demander l'avis du ministre pour étudier une question. Si le ministre
nous demande un avis, ce qui n'est pas le cas dans la question du dossier
constitutionnel... Pas un seul instant le ministre responsable n'a
demandé au conseil de se prononcer sur cette chose; c'est le conseil
lui-même qui l'a décidé. Si nous prenons nous-mêmes
l'initiative d'étudier cette question, nous croyons que nous en avons le
droit d'après le mandat qui est inscrit dans la loi.
Je terminerai en disant que je pense que - je connais bien mes
collègues - nous travaillons ensemble d'une façon extraordinaire
à la suite des études juridiques, des études
démographiques qui nous sont remises par la permanence. Personnellement,
je n'ai rien qui me pousse à remettre en cause ou en doute la
liberté d'expression ou l'indépendance d'esprit d'aucun des
membres du conseil et je trouverais décent qu'on fasse la même
chose. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Bellechasse.
M. Goulet: Rapidement, Mme la Présidente, deux courtes
questions qui ne porteront pas sur la légitimité des propos de
nos invités, mais sur le texte lui-même. Vous dites, à un
moment donné, que le deuxième projet de résolution
enlève à l'Assemblée nationale du Québec le pouvoir
qu'elle possède, depuis 1867, de légiférer sans contrainte
en matière de langue d'enseignement, pouvoir essentiel - vous parlez "de
favoriser la progression du français et de l'anglais vers un statut
d'égalité" - au maintien d'un équilibre entre les groupes
linguistiques français et anglais au Québec. Quand vous parlez
d'équilibre entre les deux groupes, est-ce seulement de l'anglais et du
français au Québec ou parlez-vous plutôt de
l'équilibre au niveau du pays, au niveau du Canada? Exemple: le
français devrait être au Québec ce que l'anglais est en
Ontario. Vous semblez attacher de l'importance seulement au niveau de
l'équilibre des deux langues au Québec. Je verrais plutôt
l'égalité d'usage au niveau du pays, c'est-à-dire le
français est au Québec, par exemple, ce que l'anglais est en
Ontario. Ce n'est pas comme cela que vous le voyez?
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Plourde.
M. Plourde: Oui, Mme la Présidente. Si c'était
comme cela, il me semble qu'au fond ce serait plus réaliste, parce que,
finalement, vous le savez tous, il y a des provinces qui ne seront pas, de
façon sérieuse, un tant soit peu françaises d'ici bien
longtemps dans le Canada. Par contre, vous en avez une qui est très
majoritairement française et les autres provinces sont majoritairement
anglaises. Si vous parlez d'un équilibre au niveau du Canada, nous
disons au fond qu'il serait beaucoup plus réaliste de concevoir, comme
nous l'avions dit dans une de nos positions, une sorte de
géométrie variable, c'est-à-dire qu'en tout
réalisme, considérant que la province de Québec est
très majoritairement française, il faudrait avoir pour cette
province des principes linguistiques, des politiques linguistiques qui soient
différentes de ce qu'on peut avoir pour les autres provinces. Mais ce
que le projet fédéral de charte canadienne, en ce qui concerne
les droits linguistiques, semble vouloir faire et veut faire, c'est essayer
d'établir une soi-disant symétrie, une soi-disant justice
mathématique qui est impossible et qui n'existe pas dans les faits. Cela
n'aboutit finalement qu'à des injustices contraires en obligeant une
province à légiférer pour donner plus de place à
l'anglais et en n'obligeant pas une autre province à
légiférer pour donner plus de place au français.
L'équilibre linguistique général au Canada,
à mon avis, n'est pas possible. Que le fédéral, dans ses
institutions, veuille le plus possible servir le public dans les deux langues,
j'entends cela. Parfait. Mais le fameux rêve de vouloir, en principe,
pour les provinces, le même équilibre linguistique, ce n'est pas
réaliste. C'est pourquoi nous disons que devant cela, devant cet
échec, devant cette impossibilité qui se tourne en injustice,
finalement, pour les francophones, le gouvernement fédéral qui
présente ce projet aurait beaucoup mieux fait de reconnaître que
ce qui a besoin d'être protégé, ce qui a besoin
d'être promu et soutenu au niveau pancanadien, c'est bien plus le
français qui est minoritaire dans l'ensemble du Canada que l'anglais qui
a déjà ses racines économiques et culturelles très
fortes dans tout le continent.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Bellechasse, malheureusement, le temps est déjà...
M. Goulet: Oui, une dernière question, Mme la
Présidente, très courte.
La Présidente (Mme Cuerrier): ...utilisé en entier
du côté de l'Opposition, à moins que je ne n'aie un
consentement unanime.
M. Goulet: J'ai une question de deux secondes.
M. Rivest: Consentement.
M. Bertrand: Consentement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous avez un
consentement.
M. Goulet: Une très courte question, Mme la
Présidente. Ce n'est pas l'Union Nationale qui a utilisé le plus
de temps.
Vous demandez indirectement au fédéral de retourner
à la table de négociations et d'obtenir l'accord de ses
partenaires, entre autres, le Québec, mais est-ce l'accord de tous ses
partenaires? Est-ce l'accord d'une majorité? Vous ne suggérez pas
de formule quelconque. Vous dites "l'accord de ses partenaires. Est-ce de tous
ses partenaires, de la majorité de ses partenaires, ou quelle formule
serait la bonne, d'après vous?
M. Plourde: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le président.
M. Plourde: ...vous comprendrez que le rôle du conseil est
un rôle consultatif et d'avis sur quelque chose qu'on nous
présente ou sur des éléments d'une politique de la langue
qui nous arrivent de gauche ou de droite et sur lesquels nous devons
réfléchir pour donner un avis. Le Conseil de la langue
française n'est pas du tout dans le domaine exécutif et il est
encore bien moins dans le domaine politique au sens de "politics". Il ne nous
appartient pas - j'en suis désolé - de donner quelque
réponse que ce soit, si inchoative soit-elle, à une question
comme celle-là. Je suis désolé.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Vanier.
M. Bertrand: Merci, Mme la Présidente.
Mme la Présidente, ce matin, le Conseil de la langue
française a eu droit aux arguments sabots du député
libéral de Saint-Laurent. Messieurs, vos tentatives de faire de la
politique partisane ont été démasquées. Vous savez
maintenant à quoi vous en tenir; s'il advenait, par malheur, que le
Parti libéral du Québec prenne le pouvoir aux prochaines
élections, vos têtes sont en jeu. Vous devrez déposer vos
cartes de membre du Parti québécois et on devra vous remplacer
par des gens qui, comme le Parti libéral du Québec, ont
l'intention de reprendre à zéro le dossier linguistique, de
rétablir un climat social qu'on a connu sur cette question après
les lois 63 et 22 et de remettre le Québec sur le sentier des
affrontements...
M. Forget: Mme la Présidente, je ne veux pas interrompre
mon collègue, mais...
M. Rivest: Bla-bla-bla.
M. Bertrand: ...que nous avons enfin réussi à
dissiper depuis quelques années.
La Présidente (Mme Cuerrier): Sur une question de
règlement, sans doute, M. le député de Saint-Laurent?
M. Forget: Oui, effectivement, Mme la Présidente, en vertu
de l'article 96.
M. de Bellefeuille: Cela fait mal, n'est-ce pas?
M. Bertrand: L'article 96 c'est pour la fin du discours.
Une voix: Après, après, l'article 96.
M. Forget: Si notre jeune collègue de Vanier ne cesse pas,
je devrai prendre le temps de la commission pour utiliser mes droits en vertu
de l'article 96.
M. de Bellefeuille: Après l'intervention du
député de Vanier.
M. Forget: Oui, après, effectivement, mais je l'avertis
d'avance de manière qu'il économise le temps de la
commission.
M. Bertrand: Mme la Présidente, je peux continuer?
La Présidente (Mme Cuerrier):
Certainement, M. le député de Vanier.
M. Bertrand: Mme la Présidente, pendant dix minutes,
plutôt que de s'intéresser au fond du dossier
présenté par le Conseil de la langue française, comme son
mandat, d'ailleurs, l'invitait à le faire, le député de
Saint-Laurent s'est permis une charge critique et, à mon avis, tout
à fait injuste à l'endroit d'un organisme dont la loi dit
justement qu'il doit s'occuper de donner des avis et d'éclairer la
population et pas simplement le gouvernement sur les opinions qui
prévalent au sein de ce conseil relativement à la position de la
langue française au Québec, à l'avenir de cette langue
dans notre communauté.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
pourrais-je vous ramener au mandat de la commission maintenant?
M. Rivest: Oui, oui.
M. Bertrand: Oui, mais, Mme la Présidente, je suis
assuré que vous aurez un traitement équitable face au
gouvernement comme vous l'avez eu face à l'Opposition tout à
l'heure. Je me rappelle que l'intervention du ministre et celle du
député
de Saint-Laurent n'ont donné lieu à aucune question
à l'endroit du Conseil de la langue française. Je pense
qu'à la suite de celle du député de Saint-Laurent, il vaut
certainement la peine de replacer un certain nombre de choses dans leur juste
contexte.
Mme la Présidente, le Conseil de la langue française a
été presque blâmé tantôt de présenter
un mémoire. Semble-t-il, cela aurait été à
l'invitation du gouvernement. Or, les premières lignes du mémoire
disent: Nous voudrions d'abord souligner pourquoi nous avons demandé
à être entendus par cette commission. Et par la suite, le conseil
résume un peu le mandat qui lui est donné par la loi. Il a fait,
je pense, ce qu'il était de son devoir de faire pour éclairer la
population.
Je comprends très bien - c'est là-dessus que j'aurai une
question à poser au Conseil de la langue française - pourquoi le
député libéral de Saint-Laurent s'est ainsi attaqué
au Conseil de la langue française. Un des arguments de fond du Conseil
de la langue française, c'est de dire que par sa résolution, le
gouvernement fédéral vient sabrer très concrètement
dans les dispositions de la loi 101 et vient empêcher le gouvernement du
Québec et l'Assemblée nationale, d'exercer sa pleine juridiction
sur la question linguistique.
Or, je ne suis point surpris de voir le député
libéral de Saint-Laurent ne pas poser des questions au Conseil de la
langue française sur ce point fondamental de son mémoire, puisque
lui-même adopte, à l'endroit de la question linguistique,
fondamentalement la même attitude que le gouvernement
fédéral, avec des moyens différents, avec des approches
différentes, avec des astuces différentes. Ils ont,
libéraux fédéraux et libéraux provinciaux, le
même objectif, c'est de refaire de la question linguistique, un enjeu
majeur.
Lors du congrès de l'Estrie, en fin de semaine, alors que Georges
Lalande continuait son travail pour amener les troupes libérales
à revenir sur la proposition de leur programme politique, on a vu le
chef libéral, M. Ryan, dire à ses troupes: N'oubliez pas que la
question linguistique ne doit pas être un objectif majeur durant la
campagne électorale, ce ne doit pas être un enjeu majeur.
Or, ce dont on se rend compte, aujourd'hui, c'est qu'ils se sont
eux-mêmes "auto-pelure-de-bananisés". Ils ont fait de la question
linguistique maintenant un enjeu majeur, comme les libéraux
fédéraux l'ont fait avec la résolution.
Il y a une question que je voudrais poser au Conseil de la langue
française, après vous avoir remerciés d'avoir
apporté autant de précisions sur les implications pour la loi 101
et pour l'avenir du français au Québec, au sujet de la
résolution fédérale.
Beaucoup de gens se posent des questions à savoir que veut dire,
concrètement, l'adoption de la résolution fédérale
pour l'avenir du français au Québec, et en particulier pour la
juridiction québécoise en matière linguistique, on pense
évidemment à la loi 101.
Vous nous avez apporté des éclaircissements importants,
concrets, qui prouvent à l'évidence que ce qui est en train de se
passer à Ottawa va avoir des conséquences dramatiques pour
l'avenir de la langue française au Québec et pour
l'équilibre linguistique.
Mais dans ce contexte-là, le Conseil de la langue
française - là-dessus, ce n'est pas votre mandat - n'a pas voulu
donner des avis sur la façon dont les libéraux provinciaux sont
en train d'aborder cette question. Si on lit bien entre les lignes, on se rend
bien compte que tous ceux qui, à l'heure actuelle, avant même que
la loi 101 n'ait eu le temps de faire son temps et de démontrer qu'elle
est applicable, qu'elle est valable, et qu'elle a résolu des
problèmes, avant même que ce temps n'ait été
alloué, le Parti libéral du Québec veut revenir ouvrir de
nouveau le débat, au moment où les plaies se cicatrisent et au
moment où toute la population du Québec reconnaît que la
loi 101 est peut-être la mesure qui a réussi à créer
la plus large unanimité depuis à peu près quatre ans.
M. Rivest: Avant même que...
M. Bertrand: Dans ce contexte-là, je voudrais demander au
Conseil de la langue française, vous qui êtes un peu les gens
à l'affût de ce qui peut arriver à la langue
française au Québec si jamais des gestes sont posés, ou
par les libéraux provinciaux -évidemment, vous ne serez plus
là si jamais un jour fatalement, cela devait arriver, pour en juger - ou
par les libéraux fédéraux, à partir de la
résolution fédérale, à votre point de vue - vous
l'esquissez dans votre mémoire - si jamais la résolution
fédérale devait passer telle qu'elle est écrite, avec ses
amendements, le français au Québec, vous semblez le dire, est
dangereusement mis en cause, au moins dans sa valeur prioritaire... Quand on
disait "protéger le français", cela voulait dire au moins faire
en sorte que le Québec soit aussi français que l'Ontario est
anglais. Et en sachant que l'article 133 de la constitution ne sera pas
appliqué à l'Ontario, parce que M. Trudeau a besoin de l'appui du
premier ministre ontarien, je voudrais que le Conseil de la langue
française porte un jugement sur les dangers - mais, si possible, et dans
la mesure où vous avez des études à ce point de vue -
numériques, démographiques qui guettent non seulement l'avenir de
la majorité francophone au Québec, mais aussi, dans la mesure
où vous auriez des chiffres là-dessus, l'avenir des
minorités francophones à l'extérieur du
Québec.
(11 h 30)
Vous avez bien pris soin de dire, à un moment donné,
qu'à toutes fins utiles on esssaie d'appliquer le même genre de
politique pour les minorités d'un bout à l'autre du Canada, alors
que ces minorités sont dans des situations objectives
diamétralement différentes. J'aimerais connaître, à
ce point de vue, peut-être de façon plus percutante encore, ce que
le conseil a à dire à la population.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
j'allais justement vous demander de terminer le plus rapidement possible pour
permettre au Conseil de la langue française de faire ses
commentaires.
M. Plourde: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Quelques minutes seulement,
monsieur.
M. Plourde: Pardon?
La Présidente (Mme Cuerrier): Quelques minutes seulement
pour...
M. Plourde: Quelques minutes seulement, alors, je vais essayer
d'être bref. Je dois dire que le Conseil de la langue française
s'est réuni à la fin de janvier pour étudier les
amendements du ministre fédéral de la Justice. C'est à la
suite de cette réunion, donc, à peine il y a dix ou douze jours,
que j'ai pu demander aux démographes du conseil de faire une sorte de
simulation à partir, par exemple, de l'article 23.
Cette étude-là n'est pas encore disponible. Nous sommes en
train d'y travailler. D'après les chiffres préliminaires que nous
avons, si les trois portes d'accès à l'école anglaise
s'ouvraient, d'après l'article 23 dont nous avons parlé tout
à l'heure, et si nous essayions de simuler en termes de pourcentage la
fréquentation scolaire de langue anglaise de 1977 à 1980, comme
si l'article 23 avait été adopté en 1977, en place et lieu
de la loi 101, pour ce qui est de la langue d'enseignement, la
fréquentation scolaire en anglais, nous avons le pourcentage de 14,7 en
1979-1980, ce qui se rapproche passablement du poids relatif de la population
anglophone dans l'ensemble du Québec ou, si vous voulez, de l'importance
représentative des anglophones dans l'ensemble du Québec qui est
de 12,8%. Alors, actuellement, la fréquentation scolaire du
côté anglais, en langue anglaise, est de 14,7%.
Si nous avions eu l'article 23 depuis trois ans, le pourcentage de
fréquentation scolaire serait de 16,6% ou 17%. On peut évidemment
se chicaner sur les chiffres. Les chiffres des démographes peuvent
être, bien sûr, relatifs. C'est à peu près la
proportion la plus précise que nous puissions voir, ce qui revient
à dire que ce pourcentage de fréquentation de l'école
anglaise sous le régime de l'article 23 du projet fédéral
serait légèrement supérieur à ce que nous avions en
période de libre choix entre les années 1971 et 1975, où
les pourcentages variaient entre 15,6%, 15,7%, 16%, 16,5% et 16,7%.
Ce sont des chiffres, mais il y a quelque chose de plus important que
les chiffres, Mme la Présidente - je terminerai là-dessus, si
vous voulez - disons que ça pourrait correspondre à entre 13% et
15% d'augmentation absolue, en termes de têtes d'étudiants. Mais
ce qui est le plus important, c'est la question de statut du français.
L'article 23, c'est une chose, mais le troisième alinéa de
l'article 16 sur lequel nous avons insisté, c'est quelque chose.
Dans ce projet, ce qui me paraît encore plus important et plus
dangereux que toute autre chose, c'est cette progression forcée vers
l'égalité de statut et d'usage de la langue française et
de la langue anglaise au Québec. À ce moment-là, c'est
véritablement aller à l'encontre des principes majeurs de toute
politique linguistique décente pour une majorité francophone qui,
de surcroît, doit assurer un rayonnement francophone dans le contexte
canadien nord-américain.
C'est la question de statut qui est de beaucoup plus importante encore
que la question de chiffres, à mon avis. Or, la question de statut
entraîne des mouvements sociologiques, entraîne tout un impact
psychologique qui fait que, finalement, tôt ou tard, les chiffres
démographiques indiquent des tendances qui, de même qu'un bateau
ne peut s'arrêter qu'à moins d'avoir 18 milles marins ou 5 milles
sur les côtés pour une manoeuvre sur les côtés, ne se
répercutent que dans des générations. Il faut savoir y
attacher l'importance voulue lorsqu'ils sont donnés. Je n'insisterais
pas tellement sur les chiffres, mais sur ce que j'ai dit après.
La Présidente (Mme Cuerrier): II me reste à me
faire le porte-parole de la commission de la présidence du conseil et de
la constitution pour remercier M. Michel Plourde qui a représenté
le Conseil de la langue française, de même que MM. Lapointe, Rioux
et Paquette. Merci beaucoup pour votre contribution à la commission.
M. Plourde: Merci, Mme la Présidente. Merci,
messieurs.
La Présidente (Mme Cuerrier):
J'appellerai maintenant le Positive Action, Action positive à se
présenter devant la commission. On me dit que les départs
d'avion étaient retardés et qu'ils se présenteront,
s'ils ne sont pas déjà là.
Je vous fais part d'une remarque. Dans le règlement, il est
entendu que, quand un groupe n'est pas présent au moment de l'appel, ou
bien la commission décide de ne pas l'entendre ou bien elle accorde la
possibilité de le recevoir à un autre moment. Je voudrais que la
commission statue là-dessus dès maintenant.
M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente, je
pense bien que nos amis libéraux et de l'Union Nationale et
nous-mêmes, bien sûr, seraient d'accord...
La Présidente (Mme Cuerrier): Étant donné
les circonstances.
M. Morin (Louis-Hébert): ...considérant les
circonstances, pour écouter les représentants de Positive Action
au moment où ils arriveront ou, en tout cas, un peu plus tard
aujourd'hui. Mais on pourrait procéder maintenant avec l'autre groupe
qui était sur la liste. Est-ce que tout le monde est d'accord?
M. Forget: Absolument.
La Présidente (Mme Cuerrier): D'accord. Je m'attendais un
peu à cette réponse, mais il fallait quand même le
demander.
M. Morin (Louis-Hébert): II faut être
conciliant.
M. Rivest: II faut être prudent.
La Présidente (Mme Cuerrier):
Malheureusement, il y a un peu l'apparence, des fois, qu'on est trop
attentif au règlement, mais j'ai l'impression qu'il faut bien s'en tenir
au règlement. Je n'ai pas le choix, c'est mon travail.
La Ligue d'action nationale, dont M. Jean Genest est le porte-parole,
pourrait-elle se présenter? Et quand nous saurons que les membres de
Positive Action seront arrivés, nous les entendrons. M. Jean Genest
pourrait-il présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous
plaît?
Ligue d'action nationale
M. Genest (Jean): Je préférerais laisser cet
honneur à M. François-Albert Angers qui est le président
de la Ligue d'action nationale.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. François-Albert
Angers.
M. Angers (François-Albert): Mme la Présidente, les
membres de la ligue qui m'accompagnent sont d'abord celui que vous venez de
nommer, à mon extrême droite, le père Jean Genest;
immédiatement à côté de lui, le père Richard
Arès, qui est un nom bien connu, j'imagine, comme un ancien commissaire
de la commission Tremblay; l'historien Michel Brunet, M. le Dr Dupuis de
Québec, M. Patrick Allen qui est de l'École des hautes
études commerciales et moi-même, François-Albert Angers,
aussi de l'École des hautes études commerciales et de la Ligue
d'action nationale.
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, vous disposez d'une
vingtaine de minutes pour la présentation du mémoire.
M. Angers: Je vais dire juste deux ou trois mots, pour vous
rappeler que la Ligue d'action nationale est un organisme très ancien
qui fait la lutte nationaliste pour l'émancipation du Québec
depuis 1912. Nous avons passé à peu près par toutes les
phases du combat en essayant de convaincre le gouvernement
fédéral de donner un véritable fédéralisme
au Canada. En désespoir de cause, en 1967, après 55 ans de
batailles, de luttes, d'écrits, de mémoires, d'analyses, nous
avons conclu que nous ne pouvions plus faire autre chose que de devenir
indépendantistes.
La Ligue d'action nationale a eu dans ses rangs le chanoine Groulx,
Esdras Mainville, le père Arès, toute une série d'hommes,
en somme, qui ont fait de l'action intellectuelle dans l'esprit de leur
fondateur et qui, par conséquent, ont toujours été au
courant et se sont toujours préoccupés d'étudier les
problèmes en question.
Aujourd'hui, nous ne voudrions pas revenir sur tous les points que met
en cause la résolution qui est présentée à Ottawa.
D'autres sont venus ici qui vous ont exposé tous les aspects du
problème. Nous, à l'Action nationale, dans notre tradition, nous
voulons insister surtout sur le point central. C'est le seul sur lequel nous
allons nous prononcer dans l'esprit, précisément, de le
souligner, parce que nous sommes en face d'un abus de pouvoir, un abus
démentiel du pouvoir en vue d'imposer à tout le Canada les
décisions d'un homme qui a sa conception du Canada et qui veut l'imposer
d'une façon inconstitutionnelle et arbitraire. De sorte qu'on
apporterait n'importe quel amendement à tout ce qui a été
proposé dans cette loi, que tout ce qu'il y aurait dedans finirait par
nous plaire, qu'il faudrait encore dire: Ce n'est pas la façon de
procéder. Voilà, en somme, le point sur lequel nous allons
insister. C'est l'historien Michel Brunet qui va vous présenter le point
de vue qui explique précisément que nous sommes devant un abus de
pouvoir qu'on peut appeler tyrannique.
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Brunet.
M. Brunet (Michel): D'abord, j'ai rédigé ce texte
avant le rapport Kershaw. Il est bien évident que le rapport Kershaw,
publié il y a quelques semaines, vient compléter mon texte;
celui-ci a été rédigé l'automne dernier. Dès
le départ, après avoir examiné ce fameux projet de
résolution... Je l'ai lu à plusieurs reprises; chaque fois qu'on
le lit, on découvre d'autres détails machiavéliques. En
réalité, il est très bien fait, tout a été
prévu, tout a été cerné. J'avais simplement pris
cette idée: Le fédéralisme canadien vu de Londres, de 1867
à 1980. J'essayais de me placer dans la perspective historique, de voir
quel accueil on pourrait faire à ce projet, tenant compte des
précédents. La réponse, nous l'avons par le rapport
Kershaw. C'est pourquoi je dois aviser le comité que tout ceci a
été rédigé bien avant; le rapport Kershaw ne vient
que confirmer ce que nous avons avancé.
Je rappelais les différentes étapes où Londres a
été appelée à se prononcer sur l'évolution
des institutions politiques canadiennes et, en particulier, du
fédéralisme canadien. J'ai abordé rapidement
l'intervention du comité judiciaire du Conseil privé où
j'ai rappelé les premières grandes décisions et, surtout,
je voudrais ajouter ceci. Vous savez qu'au Canada anglais, en
général, les constitutionnalistes et les historiens sont
très sévères à l'égard du comité
judiciaire du Conseil privé. On dit qu'il y a eu les pères de la
Confédération et qu'il y a eu les beaux-pères ou les
marâtres; les marâtres, c'est le comité judiciaire.
Là-dessus, j'ai toujours jugé que mes collègues
historiens "Canadian" et les constitutionnalistes "Canadian" sont injustes. En
fait, le comité judiciaire, dans ses décisions... C'est pourquoi
il y a un petit paragraphe que j'intitule "La pertinence de l'intervention du
comité judiciaire". Les juges britanniques - on voit très bien la
tradition qui se continue aujourd'hui - appelés à juger des
conflits de compétence dans un État fédéral,
eux-mêmes ne vivant pas dans un État fédéral, se
sont renseignés à savoir ce qui se passait en
confédération germanique, ce qui se passait aux États-Unis
et ont essayé de voir comment ils devaient réagir comme tribunal
de dernière instance dans des conflits de compétence dans un
État fédéral. Si, réellement, leur décision
avait été si contraire aux intérêts et aux besoins
de la population du Canada de cette époque, la population
elle-même aurait réagi. C'est pourquoi nous avons remarqué,
comme on l'a déjà dit aux États-Unis, qu'il est
étonnant comment les juges peuvent analyser les résultats
d'élection. (11 h 45)
Or, de fait, c'est que le tribunal britannique s'est rendu aux besoins
mêmes de la population et il est faux de soutenir que, en somme, on
aurait corrompu la constitution canadienne puisque les citoyens eux-mêmes
ont accepté les interventions du comité judiciaire. Vous savez
que ce n'est qu'à la fin de la première moitié du XXe
siècle que, finalement, les appels seront abolis, et c'est même le
comité judiciaire, en 1946, qui a fait comprendre au Canada, qui avait
déjà aboli ces appels en droit criminel, qu'il était temps
de les abolir en droit civil.
Ensuite, j'ai abordé le Parlement britannique. Quant au Parlement
britannique, il est évident que dès le début, il a bien eu
conscience de créer un État fédéral. À ce
sujet, nous n'avons qu'à lire le préambule même de l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique. Quand le Parlement britannique dit
qu'il a pris en considération le fait - et je cite - que les provinces
du Canada, voulant comprendre le Canada uni de 1940, de la
Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick ont exprimé le
désir de contracter une union fédérale... c'est le
préambule même de notre constitution.
Un fait à retenir, l'article 146, chose étrange, article
dont l'existence était ignorée par M. Chrétien, ministre
de la Justice, lui-même responsable du dossier. Vous vous rappelez qu'il
ne savait même pas qu'il y avait un article 146. Or, l'article 146
prévoyait l'admission éventuelle de Terre-Neuve, de
l'Île-du-Prince-Edouard ou de la Colombie-Britannique. Cet article prend
soin de préciser que, dans chaque cas, l'Assemblée
législative de chacun de ces dominions devra en faire la demande.
Déjà, dans l'article 146 de 1867, on reconnaît, et dans le
préambule et dans l'article 146, le droit de participation libre de la
province concernée.
Ensuite, vous avez l'Acte de 1871. On avait adopté la loi de 1870
créant la province du Manitoba à même les territoires de
l'ouest qu'on venait d'acquérir de la Baie d'Hudson, mais à un
moment donné, on s'est posé un scrupule se demandant si on avait
le droit de le faire. C'est pourquoi le Manitoba a deux constitutions: il y a
la loi fédérale de 1870 et, finalement, on est allé
à Londres, en 1871, pour confirmer. En accordant au Parlement du Canada
le pouvoir d'établir de nouvelles provinces dans les territoires - parce
qu'on prévoyait qu'il y en aurait d'autres, et plus tard, nous
créerons la Saskatchewan et l'Alberta - le législateur
britannique juge nécessaire de rappeler qu'Ottawa ne peut pas modifier
les frontières d'une province sans le consentement de son
Assemblée législative.
J'arrive finalement à l'étape la plus essentielle, celle
du Statut de Westminster. Le Statut de Westminster est ce fameux article 7 que
je cite dans le rapport à la page 6: II est bien entendu, et dans les
débats au Parlement britannique et dans les
débats ici même à Ottawa, lorsque M. Bennett propose
justement sa requête à la reine, qu'il y a eu, au Canada, une
conférence fédérale-provinciale au printemps de 1931 et on
n'a pas réussi à s'entendre sur les amendements et la
façon d'amender la constitution. À ce moment-là, en vertu
du Statut de Westminster, le Parlement impérial renonçait
à toute intervention dans les législations locales, ici
même, à la demande du Canada.
Dans la résolution adoptée au Parlement d'Ottawa, il est
bien spécifié que... M. Bennett le rappelle quand il dit: Nous ne
devions aucunement précipiter les choses de façon à
laisser croire aux provinces qu'on avait empiété sur leurs droits
constitutionnels ou qu'on avait diminué leurs pouvoirs ou leur
autorité.
À la conférence fédérale-provinciale d'avril
1931, il répète: la Chambre se réjouira d'apprendre que
les représentants provinciaux et du Dominion ont décidé
à l'unanimité de faire insérer, comme article du Statut de
Westminster, la disposition discutée. Quand le Parlement de Westminster
adopte l'article 7 du Statut de Westminster, il devient solidaire de la
procédure suivie ici et qui en tient compte d'ailleurs dans le
préambule.
Ensuite, il y a l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de 1940,
ou de 1949, quand Terre-Neuve entre dans la Confédération.
Là encore les législateurs britanniques disent, dans le
préambule de la loi admettant Terre-Neuve, que par voie de
référendum la population de Terre-Neuve a signifié
à la majorité des voix son désir d'entrer en
confédération avec le Canada - on emploie même le mot
"confédération" en 1949. Les législateurs britanniques
tiennent compte de la volonté des Terre-Neuviens et précisent que
ceux-ci deviennent associés à un État
fédéral qu'on nomme même Confédération.
Enfin, il y a l'amendement de 1949, l'article 91.1. Vous savez que la
Cour suprême du Canada elle-même a été obligée
d'intervenir quand on lui a soumis le cas de la loi C-60. Or, cet arrêt
de la Cour suprême du Canada, en décembre 1979 m'a
étonné à l'époque. Jamais un tribunal, même
au plus beau moment du comité judiciaire du Conseil privé,
n'était allé aussi loin. Vous savez que l'arrêt est
unanime. Il ne faut quand même pas oublier qu'une bonne partie des juges
qui sont là ont été nommés par le gouvernement
actuel à Ottawa. Je suis convaincu que le premier ministre a
été très déçu de ce que ses juges lui ont
livré. Jamais on était allé si loin. On a fait une
distinction, pour la première fois, entre la constitution du Canada et
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique où l'on fait une
distinction entre le Canada, entité géographique, et le Canada,
entité fédérale. Jamais dans toutes les décisions
antérieures on n'est allé aussi loin. Je dirais même que
c'est une déclaration formelle et complète, une confirmation
formelle et complète du fédéralisme canadien.
J'admets que, à l'origine de la constitution de 1867, le
fédéralisme était très mince. Rappelons-nous ce que
disait Macdonald à l'époque, que les provinces seraient des
"magnified municipalities", qu'elles auraient des "miniatured
self-governments". C'est pourquoi, quand j'entends des gens dire: Retournons
à la constitution des Pères, j'ai toujours prié pour ne
jamais y retourner, mais le fédéralisme que nous avons est
hérité de cette évolution que j'ai essayé de
résumer.
Ma conclusion, naturellement, c'est que le Parlement britannique, s'il
est logique avec lui-même et avec les engagements antérieurs, peut
difficilement, au point de vue constitutionnel... Remarquez qu'au point de vue
légal, c'est une autre question: le Parlement britannique a le pouvoir
légal d'agir comme à l'époque de la reine Victoria dans le
cas du Canada. Rappelez-vous quand on a supprimé l'Assemblée du
Bas-Canada et qu'on a créé le Conseil spécial.
Théoriquement, légalement, étroitement, juridiquement,
Westminster est suprême. Comme on l'a toujours dit, le Parlement
britannique peut tout faire sauf changer un homme en femme et, avec les
développements actuels de la science, même là on peut
s'interroger. Or, ceci juridiquement. D'ailleurs, c'est l'argumentation que
soutiennent ceux qui pensent obtenir le consentement. Il faut dire qu'à
ce moment ils ont une interprétation étroitement
légalistique. Or, le rapport Kershaw précise bien une distinction
entre ce qui est constitutionnel et ce qui est légal.
Ceci étant dit, il est inévitable qu'au Parlement de
Londres ou à la Chambre des Lords - il y a la Chambre des communes et il
y a la Chambre des Lords; il ne faut pas oublier que les Lords ont un droit de
veto de deux ans - on ne peut pas ignorer une tradition de plusieurs
décennies. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, Mme la Présidente.
Je voudrais, à la suite de votre mémoire qui contient une sorte
de séquence historique de l'évolution du
fédéralisme canadien et qui replace certaines parties de cette
évolution dans leur contexte, vous poser une question qui découle
d'une préoccupation que j'ai comme homme politique. Je suis, par mes
fonctions, souvent amené à qualifier ce qui se produit maintenant
devant ce coup de force des libéraux fédéraux. Il m'est
arrivé, à quelques reprises, de dire - parce que je le crois
sincèrement - que ce que nous vivons maintenant au Québec
et ce que les autres provinces vivent aussi, mais particulièrement nous
au Québec parce que, comme on l'a dit tantôt, il y a
l'élément linguistique qui entre en ligne de compte et qui est
capital pour nous, est sans précédent. Par contre, ce qu'on nous
dit à Ottawa, c'est qu'on demande à la Grande-Bretagne, à
toutes fins utiles, de tout simplement se comporter comme elle l'a toujours
fait, c'est-à-dire que, lorsque le gouvernement fédéral
envoie une résolution, la Grande-Bretagne, à toutes fins utiles,
est une sorte de "rubber-stamp"; elle est d'accord nécessairement avec
la demande qui lui parvient du gouvernement central.
Est-ce que je suis victime, comme homme politique, d'une sorte
d'exagération, qui peut arriver des fois dans la chaleur du
débat, lorsque je dis que ce que nous vivons maintenant est sans
précédent? Je vous pose très carrément la question
parce que, s'il y a des précédents qui ressemblent à ce
que nous vivons maintenant, je serais intéressé à les
connaître avant d'aller plus loin et, s'il n'y en a pas, il faudra en
tirer les conclusions. Or, ma question est: Ce que nous vivons maintenant comme
tentative de coup de force, dans vos études, vous M. Brunet, le
père Arès, M. Angers ou qui que ce soit - je n'adresse ma
question à personne en particulier - avez-vous déjà pu le
voir à d'autres moments de l'histoire du Canada et du Québec?
M. Brunet: Non, jamais. Comme je le faisais remarquer à un
groupe d'étudiants à l'université, ce que tente
actuellement le premier ministre du Canada, c'est plus qu'un coup
d'État. Comme coup d'État vous avez le cas, par exemple, de
Louis-Napoléon Bonaparte. Louis-Napoléon Bonaparte a
été élu président de la République
française en 1848. La République française est un
État unitaire. Louis-Napoléon Bonaparte fait son coup
d'État en décembre 1851 et en 1852 il se fait plébisciter
empereur à vie. Il n'a rien changé dans la structure de la
France. La France était un État unitaire de 1848 à 1851;
après le coup d'État, au lieu d'avoir un président
élu pour un mandat de 5 ans, elle avait un président à
vie, mais elle demeure un État unitaire.
Actuellement, nous avons un premier ministre qui a pris un pays
fédéral et à toutes fins utiles, avec cette charte et la
façon dont il utilise l'intervention des tribunaux, quand il dit: Je
n'augmente pas les pouvoirs du fédéral, il y a quelque chose de
vrai là-dedans, mais on diminue les pouvoirs des provinces. Ah, mais ce
sont les tribunauxl Oui, mais écoutez, à ce moment-là, on
ramène la relation à des niveaux de citoyens et on ignore tout un
secteur de l'équilibre et on ignore le Canada, entité
géographique dont parlait la Cour suprême de 1979. Alors, c'est
beaucoup plus grave que le simple coup d'État: État unitaire
avant, État unitaire après. Tandis qu'ici, c'est État
fédéral avant, chance d'État unitaire après. Alors,
jamais cela ne s'est produit.
M. Morin (Louis-Hébert): M. Brunet, justement, vous parlez
de l'État unitaire, donc, par implication, du système
fédéral dans lequel nous vivons maintenant. Évidemment,
j'ai mes idées, nous avons nos idées en ce qui concerne ce
système fédéral, mais est-ce exagéré de dire
que la tentative fédérale, si elle devait se concrétiser,
va changer la nature politique du Canada malgré l'opposition des
provinces? Est-ce qu'elle va changer la nature politique du Canada? Est-ce que
cela se peut - parce que vous venez de le dire - si ce coup de force devait se
réaliser, que nous nous acheminions possiblement vers un État
unitaire où les entités provinciales, par conséquent
encore plus la société québécoise, finiraient par
devenir, à toutes fins utiles, des régions ou des structures
insignifiantes politiquement? Est-ce que c'est exagéré de dire
cela?
Comprenez bien ma question. Je ne veux pas ce matin me porter à
la défense du système fédéral, mais je dis, comme
M. Lévesque l'a déjà dit à quelques reprises, que
les gens ont opté pour la continuation du régime
fédéral. Très bien. À ce moment-là, il reste
que plusieurs types de régime fédéral peuvent exister et
ce que nous disons nous, c'est qu'à choisir entre deux types de
fédéralisme, celui voulu par les libéraux
fédéraux et celui voulu par les provinces, c'est-à-dire un
fédéralisme plus décentralisé, plus humain, nous
choisissons le deuxième connaissant quand même les limites
mêmes de ce fédéralisme. Bon, c'est l'arrière-plan
de notre position politique.
Ma question: Qu'est-ce qui, dans ce qui se passe maintenant, pourrait
apporter une modification à la dynamique du système dans lequel
on est et qui conduirait ce système à devenir
éventuellement unitaire. Est-ce que ce n'est pas une exagération
que de dire ça? (12 heures)
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Brunet.
M. Brunet: C'est que, moi, je dis qu'on ouvre la porte à
des contestations à n'en plus finir devant les tribunaux. Prenons, par
exemple, le cas de la mobilité des capitaux et des personnes, la
question de l'emploi. Vous l'avez signalé, quelqu'un peut dire: Pourquoi
m'obligerait-on à travailler en français? Pourquoi n'aurais-je
pas droit d'être admis tout de suite au Barreau ou comme chirurgien,
même si j'ai étudié dans une autre province? Là,
peut-être les tribunaux trancheront-ils en faveur des habitudes acquises,
peut-être trancheront-ils en faveur
des nouvelles structures auxquelles on rêve; je ne le sais pas
d'avance. Mais vous avez la possibilité de contestations judiciaires et
c'est toute l'économie des institutions politiques qui est
modifiée.
Vous savez qu'aux États-Unis, actuellement, on s'interroge sur
l'amendement à la constitution au sujet de l'égalité des
sexes; quand on arrive avec des amendements de ce genre, on ouvre une
boîte de Pandore. Pour répondre à ce que vous disiez,
rappelez-vous le témoignage de M. Skelton devant la commission
parlementaire à Ottawa - on faisait justement enquête sur la
constitution - que je cite à la page 9. À ce moment, on
accueillait M. Skelton comme conseiller, parce que M. Skelton était
sous-secrétaire d'État aux Affaires extérieures et
greffier du Conseil exécutif. On dit: "En 1935, comparaissant devant un
comité spécial de la Chambre des Communes sur la constitution..."
À ce moment on avait posé la question: Est-ce que Londres peut
toujours intervenir, après le Statut de Westminster?
Or, même lui allait jusqu'à dire que Londres, malgré
le Statut de Westminster, pouvait encore intervenir avec les pleins pouvoirs
dont je parlais tantôt. Par contre, il ajoute ceci: Dans toutes les
démarches que nous avons faites jusqu'ici - en parlant des autres, parce
qu'on n'a pas toujours respecté l'unanimité, je suis bien
d'accord avec ça -jamais nos démarches - en parlant d'Ottawa -
n'avaient modifié en quoi que ce soit la nature des relations entre les
provinces et le fédéral ou, comme il dit: "include no major
alteration of the distribution of federal and provincial powers and do not
touch, in that sense, the heart of the matter". Ne vont pas au coeur même
de la question. C'est pourquoi on ne peut pas s'en inspirer pour comprendre
quelle serait l'attitude du Parlement du Royaume-Uni devant une requête
du Dominion du Canada pour un changement dans les pouvoirs, si trois ou cinq
provinces s'y opposaient. Déjà il posait l'hypothèse en
1935. On ne peut s'engager d'avance, jusqu'ici toutes les demandes qui ont
été faites n'avaient rien d'essentiel.
Or, remarquez que la Cour suprême, dans sa décision de
décembre 1979, reprend, presque mot pour mot, l'expression qu'utilisait
M. Skelton en 1935, quand on parle de modifier la nature des relations.
Là, on est dans un autre processus; nous sommes devant une
demande qui modifie... Et on ne cache même pas que les pouvoirs des
provinces sont diminués, mais on se cache en disant: Le pouvoir
fédéral ne sera pas augmenté; c'est le pouvoir des
citoyens qui est augmenté. Oui, mais le citoyen dans une dimension
fédérale-provinciale. C'est la théorie d'un État
fédéral, créature des citoyens. Or, ce n'est pas ça
du tout. Le Canada, qui a été bâti en 1867 et depuis 1867,
est un Canada de provinces et d'un gouvernement fédéral;
ça n'a jamais été un contrat entre un gouvernement
"national" et des individus en bas. Jamais! c'est complètement faux.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais conclure. Ce n'est pas
une question que je vous pose, mais j'essais de tirer un enseignement de ce que
vous mentionnez. Est-ce qu'on a raison de penser que ce geste nous situe en
quelque sorte à un embranchement dans notre évolution au Canada
et au Québec, de sorte que, si le geste fédéral est
perpétré, malgré tout, l'embranchement qui sera pris
à partir de ce moment, ultimement peut conduire à un type de
Canada qui, dans X années, ne correspondra absolument pas à celui
où nous sommes habitués de vivre maintenant?
M. Brunet: ... jusqu'à aujourd'hui. D'ailleurs, remarquez
l'éditorial de Peter C. Newman, dans le MacLean du 5 janvier dernier. Il
dit: "En prétendant vouloir nous bâtir un nouveau pays, M. Trudeau
est en train de détruire celui que nous avons commencé à
édifier".
M. Morin (Louis-Hébert): Cette même remarque vient
d'être faite par le premier ministre de Terre-Neuve, M. Peckford; je
pense que c'est hier, à Montréal. Et M. Peckford n'est pas un
bonhomme qui a toujours les mêmes idées que nous, du gouvernement
du Québec. Alors, je pense que ça se confirme.
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est maintenant M. le
député de Jean-Talon qui a la parole.
M. Rivest: M. Angers, M. Brunet, je vous remercie. Je pense que
dans le débat, dans les témoignages, cette perspective historique
que vous avez brièvement résumée parce que je sais et nous
savons tous les efforts et les travaux combien nombreux que vous avez faits
dans le passé de situer justement l'ensemble du débat sur les
démarches passées qui ont été faites au titre de la
modification de la constitution... je vous en sais gré. Je vous
demanderais une précision. Vous insistez sur le caractère et
l'aspect consentement qui vous paraît inhérent à la nature
même du régime fédéral. Quel est, à partir
des textes, sur le plan historique également, l'étendue du
consentement? Est-ce que vous êtes d'accord avec les propositions du
rapport Kershaw à savoir que cela doit être un consensus
général et quelle limite? Est-ce que c'est l'accord de toutes les
provinces, de toutes les instances du gouvernement?
M. Brunet: L'unanimité, ça ou jamais.
Remarquez, si on prend le gouvernement fédéral
lui-même, le rapport Favreau, que je cite - je ne sais pas à
quelle page - quand M. Favreau était ministre de la Justice, il a
publié un livre blanc justement sur cette question... Dans le rapport
Favreau qui était d'ailleurs signé par le ministre même de
la Justice, il était clairement établi... je ne trouve pas la
citation. Est-ce que quelqu'un l'aurait devant lui?
M. Rivest: Les quatre principes du rapport Favreau.
M. Brunet: Oui, les quatre principes du rapport. Dans le rapport
Favreau, on dit carrément que, depuis 1931, il n'est pas question, oui,
c'est ça, je pense qu'on le dit ici... Le Parlement du Canada, 30 ans
plus tard, j'ai rappelé en 1935, comme M. Skelton lui-même dit...
Jusqu'ici, nos demandes n'ont jamais été au coeur même du
problème et il n'y a jamais eu d'altération des relations entre
le fédéral et les provinces. Si jamais on allait... je ne peux
rien dire. S'il y avait trois ou cinq provinces, je n'ose pas me prononcer,
c'est ce qu'il dit en 1935. Trente ans plus tard, en -1965, quand M. Favreau,
à la suite d'une commission d'enquête, avait publié ce
livre blanc, le texte dit carrément ceci: Le Parlement du Canada ne
procède pas à une modification de la constitution
intéressant directement les rapports fédératifs sans avoir
au préalable consulté les provinces et obtenu leur assentiment.
On ne dit pas "toutes". Or, là-dessus, l'unanimité, je suis bien
d'accord que c'est à y regarder de plus près. Chose certaine, si
Skelton parlait de trois à cinq et quand vous arrivez à six et
peut-être à huit, c'est bien difficile d'appliquer le principe
"avoir au préalable consulté les provinces et obtenu leur
assentiment".
Il est évident qu'il y a une tradition. Comme je disais
tantôt, ce n'est pas une convention qui a été conclue,
officiellement votée. D'ailleurs, le rapport Kershaw est très
prudent là-dessus, il va faire la distinction entre un
procédé constitutionnel et un procédé légal,
comme je l'ai rappelé tantôt. D'ailleurs, on voit comment à
Londres on est très malheureux. Il est bien évident qu'à
Londres, ce qu'on souhaite... d'ailleurs, les fuites qui se
répètent comme des passoires, il est évident qu'il y a des
complicités à Londres et à l'intérieur même
du gouvernement fédéral pour permettre ces fuites. On voudrait
bien que cela se règle ici même. Ici même, je crois qu'il y
a une chose qu'on oublie: C'est que le Sénat du Canada est appelé
à jouer un grand rôle. Malheureusement, on ne pense jamais au
Sénat. Vous savez qu'au Sénat, il n'y a pas de règlement
de clôture. Or, rappelez-vous, dans le projet initial, on donnait au
Sénat un veto de 90 jours. Ensuite on a porté le veto à
180 jours.
Lundi dernier, on a remis au Sénat son veto traditionnel absolu.
Il est évident qu'on a très bien senti que c'est au niveau du
Sénat que ça commençait à chauffer. J'étais
à Ottawa justement au début de novembre et il y a des
sénateurs qui étaient loin d'être heureux. Vous vous
rappelez d'abord qu'il y a deux sénateurs qui ont été
obligés de démissionner du comité mixte, au début,
quand, les sénateurs ont protesté au caucus contre la
présence de M. Argue et de M. Fichte au comité. M. Trudeau a
essayé de défendre leur position. Deux heures après, ils
ont démissionné; ils ont été remplacés. Il y
a des sénateurs qui auraient dit à ce moment au premier ministre:
Si nous sommes condamnés à disparaître, comme vous l'avez
souhaité avec le bill 60 et comme vous le souhaitez avec votre article
sur votre veto temporaire, la fidélité au parti, c'est une chose,
la fidélité au pays et à la constitution, cela en est une
autre, si nous sommes appelés à disparaître, aussi bien
disparaître dans la dignité que dans la servilité. Donc,
c'est là. On ne pense pas au Sénat parce que le Sénat est
peu populaire en général et on pensait en venir facilement
à bout. Si on a consenti, parce que beaucoup de sénateurs
libéraux ne sont pas prêts à voter pour, ils ne sont
peut-être pas prêts à voter contre, mais ils ne sont pas
prêts à voter pour, je suis convaincu qu'à Londres on
compte sur le Sénat pour faire un enterrement de première
classe.
Mais, justement, on ne pense pas au Sénat, et comme je l'ai dit
à des sénateurs que je connais: Vous avez la chance de vous
donner une nouvelle crédibilité.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Jean-Talon.
M. Rivest: Justement pour prolonger cette discussion au titre du
consentement, M. Brunet, bien que, comme vous l'avez souligné, ce soit
souvent difficile d'apprécier les décisions qui ont
été prises dans le passé dans le contexte d'aujourd'hui,
il y a quand même, au cours de l'histoire constitutionnelle du Canada,
dans l'ordre constitutionnel proprement dit et dans l'ordre politique ou
économique, entre les gouvernements - ça fait partie du
fédéralisme canadien - toute une tradition et un dossier quand
même assez impressionnant au titre des occasions où,
effectivement, le gouvernement fédéral et les gouvernements des
provinces ont pu en arriver à un accord.
Dans l'ordre constitutionnel, vous le savez, il s'agissait d'admettre
certaines provinces aux régimes de l'assurance-chômage, et de la
"pension" de vieillesse, ces exemples sont bien connus. Il y a l'exemple de
Victoria où, même si la conférence n'a pas
été conluante, il y a eu quand même un
accord assez large sur pas mal de choses qu'on ne retrouve pas,
malheureusement, aujourd'hui dans les propositions du gouvernement
fédéral. Après ça, il y a tous les accords
fédéraux-provinciaux qui font fonctionner le pays.
Donc, je pense que ça fait partie de la tradition politique et
constitutionnelle canadienne, cette possibilité d'arriver à des
accords entre les deux ordres de gouvernement. D'ailleurs, d'une façon
assez curieuse, le débat actuel met justement en évidence cet
aspect des choses a contrario. Étant donné le caractère
unilatéral de la démarche, effectivement, non seulement chez les
gouvernements des provinces, mais dans l'opinion publique canadienne,
actuellement, il y a - c'est un des aspects positifs qu'il faut peut-être
souligner - cette valorisation de la nécessité, en regard de la
construction d'un Canada de demain, d'un accord ou d'un consentement. Parce que
cette constitution, il va falloir, un jour ou l'autre, si elle est pour
exister, que le gouvernement fédéral et les gouvernements
provinciaux aient convenu de l'essentiel, afin qu'elle soit applicable, on fait
une constitution pour l'avenir.
Je voudrais vous poser une question, compte tenu surtout de la remarque
de M. Angers qui a situé l'orientation politique de la ligue d'action
nationale dans la voie de la souveraineté, compte tenu de la tradition
et de l'expérience au titre du consentement et de ce qu'a
été le pays et compte tenu surtout des deux dimensions qui
forcent le Canada à changer, depuis un certain temps, et des deux
dimensions qu'on va résumer, pour simplifier, au titre du dualisme
fondamental du pays, de l'émergence des régionalismes et aussi de
ce qu'on néglige très souvent, l'importance qu'a pris pour notre
société, aux plans économique et social, l'ensemble des
droits collectifs dont on parle finalement peu dans toute cette discussion, qui
existent de plus en plus et qui seront, sans doute, appelés, surtout aux
plans économique et social, à se valoriser.
D'après vous, je ne demande pas quelles sont les chances, si
votre option s'inscrit dans un phénomène différent, mais y
a-t-il des possibilités, compte tenu de l'évolution objective du
Canada au titre du dualisme, du régionalisme et de l'importance des
questions économiques et sociales, à la suite de cette
expérience, si on pouvait éviter le caractère
unilatéral de la situation qu'on vit actuellement, de reprendre les
choses et de renégocier un fédéralisme qui, à
l'échelle du pays, pourrait répondre à la
réalité d'aujourd'hui? Croyez-vous à la possibilité
d'un consentement?
M. Brunet: II y a une chose que je rappelais tantôt:
souvent, au Canada anglais, à cause de la formation en droit
britannique, où il n'y a pas de tradition fédérale, on a
une conception du droit - vous-même avez étudié le droit -
que ce soit le droit français ou le droit britannique, vous êtes
en présence de deux héritages juridiques d'États
unitaires. Dans le fond, on n'a pas ici... la tradition fédérale
est peu ancrée. J'ai dit tantôt que, à l'origine, on
pensait très peu au fédéralisme, mais comme j'ai
essayé de le résumer dans mon exposé, graduellement, comme
vous venez de le rappeler, c'est toujours "give and take", les
négociations, les compromis et c'est toute l'histoire du Canada.
D'ailleurs, il est prouvé qu'un pays continental ne peut pas
fonctionner sans fédéralisme. C'est une évidence
même. Même avec les communications rapides aujourd'hui, là
encore, il faut quand même décentraliser et les populations
l'exigent de plus en plus, même à l'intérieur d'une
province. (12 h 15)
Donc, il y a ce fait brutal et même, pour ceux qui proposaient la
souveraineté, il y a la dimension association. Même qu'à un
moment donné on se demandait si ce n'était pas un genre de
confédération. Il y a des réalités
géographiques, économiques, de population. Et vous avez raison:
dans le débat actuel - qui vient, ne l'oublions pas, quand même,
après les enquêtes Pépin-Robarts et Laurendeau-Dunton -
jamais n'a-ton vu une telle réaction dans la population. Remarquez que
là-dessus les dirigeants fédéraux eux-mêmes ont
été pris au dépourvu. On ne prévoyait pas cette
évolution de l'opinion publique. Rappelez-vous au début
d'octobre, par exemple. Tout a changé et je crois que, pour la
première fois, on sent une population qui est consciente qu'elle forme
un État fédéral et que le citoyen participe à cela
à tous les niveaux des régions, et on n'accepte pas cette
idée, comme je le disais tantôt, de citoyen atomisé qui
conclut un pacte avec le grand chef à Ottawa. Il est évident que
peut-être tout cela aura servi de catalyseur pour faire comprendre ce
qu'il y a de fondamental dans le fédéralisme canadien.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Bellechasse.
M. Goulet: Je sais que le temps est limité, Mme la
Présidente, je serai très bref. Vous avez parlé du rapport
Pépin-Robarts. Est-ce que, d'après vous, d'après votre
groupe, certaines conclusions sont applicables? Est-il applicable, par exemple,
à 100%?
M. Brunet: Attendez! Je ne suis pas membre de la Ligue d'action
nationale.
M. Goulet: M. Angers.
M. Brunet: J'ai préparé ce travail.
J'avais dit à des amis de la Ligue d'action nationale que je
préparais un petit travail sur l'histoire du fédéralisme.
C'est à ce moment-là qu'ils ont été
intéressés. Mais pour les options mêmes de la Ligue
d'action nationale, je suis un mauvais interprète.
M. Goulet: Je ne sais pas sous quel chapeau vous pourrez me
répondre, mais est-ce que certaines conclusions du rapport
Pépin-Robarts vous satisfont? Je veux dire par là, est-ce que
certaines recommandations sont applicables? À quel pourcentage?
J'aimerais que vous nous donniez seulement les chiffres.
M. Angers: Ce n'est pas un problème de pourcentage et de
certaines conditions; c'est un problème de reconnaissance fondamentale
d'un certain nombre de principes à partir desquels on pourrait ensuite
construire quelque chose. Par exemple, la réalité du fait
national, du fait que le Québec, les Canadiens français forment
une nation. Le fait qu'ils ont droit à l'autodétermination.
Remarquez bien que, dans le rapport Pépin-Robarts, ce droit-là
n'est même pas accordé. On en parle, mais d'une façon
très subtile, en ne l'acceptant qu'au nom de la démocratie et non
pas au nom du droit national. Le rapport Pépin-Robarts dit: Finalement,
s'il y a un référendum dans le Québec, qui est
satisfaisant et qui est assez majoritaire, évidemment, au nom de la
démocratie, nous devrons l'accepter. Au fond, c'est aussi vrai du
Manitoba, de la Colombie-Britannique et de n'importe quelle autre province.
C'est donc le refus de reconnaître le caractère national, les deux
nations.
À partir de là, il n'y a pas d'arrangement possible parce
que c'est de ce fait fondamental que découlent toute une série
d'autres conditions ou modalités d'un arrangement que j'appellerais,
à ce moment-là, un arrangement d'association. Après tout,
ce que nous avons toujours réclamé - et ça implique
l'association - c'est l'égalité des deux nations. Les deux
nations d'abord reconnues et, ensuite, traitées de telle façon
qu'il y ait égalité entre les deux.
Remarquez bien que le rapport Laurendeau-Dunton s'est beaucoup plus
préoccupé de cet aspect-là que le rapport
Pépin-Robarts qui a essayé de l'enterrer et qui parle de
régionalisme au lieu de parler de dualité. À ce point de
vue là, le rapport Pépin-Robarts n'est pas à prendre comme
ça par morceaux. Il faut partir du début et dire: D'abord,
reconnaissez-vous les deux nations? Reconnaissez-vous
l'autodétermination d'une façon formelle, comme un droit? Il
faudrait commencer là.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Bellechasse.
M. Goulet: Une dernière question. Au niveau de la
reconnaissance de certains principes, il y en a un, d'après vous, qui
est plus important que l'autre. Si je comprends bien, au sujet du rapport
Pépin-Robarts, si on pouvait le qualifier de très bon, bon, moyen
ou mauvais, vous le qualifieriez comment? De mauvais?
M. Angers: Oui, parce qu'il ne reconnaît pas, au point de
départ, les éléments fondamentaux qui pourraient permettre
une discussion valable.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Châteauguay, c'est vous qui avez maintenant la parole.
M. Dussault: Merci, Mme la Présidente. Ce matin, je serais
tenté de poser des questions à la Ligue d'action nationale sur
des choses que ne couvre pas nécessairement son mémoire. Son
mémoire est très intéressant. L'espect historique
s'imposait dans nos débats. On sait que, pour savoir où on s'en
va, il faut d'abord savoir d'où on vient. Je pense que votre
démonstration de ce matin sera utile à l'opinion publique.
Je vais me rattacher à l'éditorial de M. Marcel Adam, dans
la Presse de ce matin, qui recule d'une façon assez spectaculaire par
rapport à ses positions antérieures face au coup de force
d'Ottawa qu'il qualifie lui-même d'ailleurs de coup de force. Il dit,
à un moment donné: "Aujourd'hui l'opinion publique
désapprouve son coup de force", en parlant de M. Trudeau.
Le chef de l'Opposition officielle, au début des travaux de notre
commission, a dit à un moment donné, ici à la commission:
Ce n'est pas un coup de force, parce qu'un coup de force, cela se fait vite,
sinon ce n'est pas un coup de force. M. Brunet, vous qui êtes un
historien bien connu au Québec et respecté pour ses opinions,
pensez-vous que la rapidité d'un geste peut être le critère
de base pour juger d'une action comme étant un coup de force ou non?
J'aimerais savoir votre point de vue là-dessus. J'aurai ensuite une
autre question.
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Michel Brunet.
M. Brunet: Pour les définitions, demandez au dictionnaire
Robert, mais un coup de force, à ce moment-là, c'est toujours une
intervention ou un geste d'usurpation. Je répéterai plutôt
ce qu'avait dit M. le premier ministre du Québec lors de son discours au
forum, qu'un coup d'État, cela peut réussir à condition de
se faire vite. C'est bien évident.
Mais si on prend le contexte du début d'octobre, comme je le
rappelais tantôt à votre collègue de Jean-Talon, il
semblait y
avoir un consensus. Enfin! enfin! le Messie est venu. Il va nous
libérer. Nous allons franchir le désert. Tout à coup, le
Messie est dans le désert, mais le peuple est rendu ailleurs. C'est
évident qu'à ce moment-là cela demeure toujours un coup de
force -pour employer nos distinctions en philosophie thomiste - in
potentia.
M. Dussault: Ma deuxième question se rapporte à un
autre point de vue qu'émet M. Adam dans son éditorial de ce
matin. Il dit, à un moment donné: "Le seul moyen de contrer le
projet Trudeau, c'est de continuer à alerter l'opinion publique." Vous
savez que nos amis libéraux sont un peu ici à reculons, sur la
pointe des pieds, même le talon un peu tourné pour pouvoir partir
le plus vite possible.
M. Rivest: Les gens sont méchants.
M. Dussault: Mais je pense que c'est important. Des fois, il faut
être méchant, pour qu'on voie bien exactement ce qu'il y a dans
l'âme de certaines personnes.
On sait que l'opinion publique a fait son lit, si on peut dire, sur
cette question. D'ailleurs, c'est la raison pour laquelle M. Adam vit ce recul
assez spectaculaire, parce qu'il dit que maintenant le coup de force de M.
Trudeau ne s'appuie pas sur l'opinion publique, qu'elle est contre cela. Il est
justifié maintenant de reculer pour lui, mais il dit que ce n'est pas
suffisant, qu'il faut continuer à sensibiliser l'opinion publique et il
dit, à la fin de son éditorial, qu'il faudrait peut-être
maintenant, pour permettre à M. Trudeau de sortir honorablement de son
impasse, regarder du côté du rapatriement de la constitution avec
une formule d'amendement.
Je ne sais pas si vous avez fait un cheminement sur cette
question-là, mais il me semble qu'il serait utile à la commission
de savoir si, pour l'avenir peut-être immédiat, votre groupe, la
Ligue d'action nationale, a une position sur le rapatriement avec une formule
d'amendement, puisque, de toute évidence, du côté de
Londres, il n'y a plus de possibilités pour M. Trudeau. Le rapport
Kershaw est assez extraordinaire de ce côté-là. Je pense
qu'il sera d'une grande utilité pour les Québécois
particulièrement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Angers.
M. Angers: Le principe du rapatriement a toujours
été accepté par la Ligue d'action nationale. Le principe
général que nous avons soutenu, c'est que toute formule
d'amendement doit être telle que le Québec, parce que c'est une
des deux nations, ne puisse jamais être lésé dans ses
droits par quelque mécanisme que ce soit. C'est la position fondamentale
de la Ligue d'action nationale. On peut jouer avec cela. Toute formule qui
donne le veto au Québec est une formule que nous pouvons accepter. Une
formule comme celle qu'on a essayé d'inventer à un moment
donné en supprimant le veto du Québec en remplaçant cela
par des majorités régionales sans spécifier, n'est pas
acceptable, parce qu'on ne sait pas comment le Canada évoluera et on ne
sait pas si, à un moment donné, certaines de ces
majorités-là ne pourront pas se former dans l'Ouest et si le
Québec ne pourra pas se trouver renversé.
La position de l'Action nationale, au fond, revient à cela; ou
bien on accepte le veto du Québec, parce qu'à l'Action nationale,
nous avons toujours eu tendance à dire: Si le reste du Canada anglais
veut s'organiser d'une certaine façon, veut même centraliser
à Ottawa beaucoup de choses, qu'il le fasse, c'est le Canada anglais.
Qu'il respecte les droits des minorités françaises et, quant au
reste, qu'il gouverne le pays comme il veut, s'il le veut, mais que le
Québec ait toujours le droit lui aussi de se gouverner comme il veut;
qu'il n'accepte de mettre en association dans la mesure où on accepte
l'association que ce qu'il veut bien y mettre et ce qu'il trouve conforme
à ses intérêts, après, évidemment, des
négociations mutuelles. À ce point de vue, même si,
à l'heure actuelle, on proposait le rapatriement avec une formule
d'amendement qui nous conviendrait dans le cadre actuel, nous dirions non
encore, parce que nous dirions: Est-ce que cette formule a été
acceptée formellement par une conférence
fédérale-provinciale?
M. Dussault: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Brunet, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Brunet: Je ne sais pas si vous êtes au courant. Vous
citez l'éditorial de M. Adam, mais j'ai entendu hier soir à la
CBC, aux nouvelles de 22 heures - je n'ai rien vu dans les journaux de ce matin
- une déclaration de M. Gordon Robertson. Justement, on sait - vous
êtes au courant, M. le ministre - le rôle qu'a joué Gordon
Robertson. Il a été greffier et secrétaire du Conseil
privé, président de la commission des relations
fédérales-provinciales. On sent très bien qu'on essaie de
préparer une porte de sortie à M. Trudeau. C'est ce que laisse
entendre ce matin aussi... Évidemment, on ne peut pas l'obliger à
perdre complètement la face. M. Gordon Robertson propose, lui, en somme,
qu'on demande à Londres le rapatriement avec une formule d'amendement
où les provinces s'entendent et que le reste de la charte soit soumis
aux provinces elles-mêmes l'accepteront les provinces qui
voudront l'accepter et elles auront quatre ans pour le faire.
Il est évident - je le disais tantôt -que Londres doit
faire toutes les pressions possibles et imaginables à Ottawa, ou vous
avez une révolte au sein même du Parti libéral, ce qui
serait assez étonnant, mais, chose certaine, - et d'ailleurs, c'est dans
la tradition canadienne - il s'agit de ménager au moins le soupirail de
sortie.
La Présidente (Mme Cuerrier): Les membres de la commission
et les intervenants, par ma voix, remercient la Ligue d'action nationale - je
prends bien garde de ne pas l'appeler "le mouvement" ou quoi que ce soit, je
suis attentive - d'avoir manifesté l'intention d'abord de participer
à nos travaux et d'y avoir contribué. Merci beaucoup à MM.
Jean Genest, Richard Arès, Michel Brunet, François-Albert Angers,
Pierre Dupuy et Patrick Allen. Merci beaucoup.
M. Brunet: En vous remerciant. CSN
La Présidente (Mme Cuerrier): J'appellerai maintenant la
Confédération des syndicats nationaux, représentée
par M. Clément Gaumont.
La Confédération des syndicats nationaux. M.
Clément Gaumont, voulez-vous présenter la personne qui vous
accompagne?
M. Rodrigue (Norbert): Mme la Présidente, je voudrais
d'abord préciser que ce sera moi-même, Norbert Rodrigue, qui
présenterai le mémoire de la Confédération des
syndicats nationaux. Il y a eu confusion, je pense...
La Présidente (Mme Cuerrier): Ah oui?
M. Rodrigue: ...dans les communications.
Je voudrais vous remercier, Mme la Présidente et messieurs de la
commission, et vous présenter tout de suite ceux qui m'accompagnent. Il
y a le camarade Pierre Petit, à ma gauche, qui est du service d'action
politique de la CSN, et Pierre Lamarche, qui est adjoint à
l'exécutif de la CSN.
La CSN a voulu se présenter pour exprimer un point de vue, son
point de vue, sur le rapatriement unilatéral de la constitution. C'est
ce que nous allons faire pendant quelques minutes. La CSN, dans le
passé, s'est préoccupée de la question nationale.
L'origine même de la CTCC, aujourd'hui la CSN, témoigne de la
volonté des travailleurs québécois de se donner et de
contrôler leurs propres institutions syndicales. Ce n'est pas l'unique
facteur qui a conduit à la formation, dès le début du
siècle, de cercles d'étude Léon-XIII et de syndicats
interprofessionnels, mais le nier aujourd'hui consisterait à renier nos
origines et à rayer de l'histoire des épisodes de la
résistance du peuple québécois à la domination
anglo-canadienne et américaine.
Plus précisément, depuis 1978, la CSN a proposé sa
propre plate-forme de revendications afin que la lutte contre l'oppression
nationale se fasse en tenant compte des intérêts des travailleurs
et de notre rôle spécifique comme centrale syndicale.
En juin 1979, nous élargissions notre perspective en situant la
lutte contre l'oppression nationale dans une démarche du peuple
québécois pour une appropriation des institutions politiques,
économiques et culturelles ainsi que la démocratisation de ces
institutions. Le congrès confédéral a constaté que
la lutte contre l'oppression nationale du peuple québécois avait
toujours signifié sur le plan politique la volonté du peuple
québécois de se donner et de contrôler ses propres
institutions afin d'éliminer les manifestations de l'oppression
nationale et de mieux maîtriser son développement
économique, social et culturel.
Cependant, nous constations que cette résistance du peuple avait
toujours été dominée par des élites
contrôlant les institutions politiques et ne représentant pas les
intérêts des travailleurs. C'est pourquoi, dans cette
démarche d'appropriation, nous revendiquons la démocratisation
des institutions, c'est-à-dire l'élargissement des droits et
libertés des travailleurs et de leurs organisations, et reconnaissons la
nécessité de développer notre capacité
d'intervention sur tous les terrains. La démocratisation, cela signifie
plus d'information, plus de contrôle populaire sur la vie
économique; cela signifie la cessation du pillage de nos ressources
naturelles, de l'accroissement des profits immenses des compagnies.
Je voudrais ouvrir une parenthèse, M. le Président,
maintenant, puisqu'il y a un remplacement, pour en profiter pour remercier les
partis politiques ici représentés qui, à l'occasion de la
grande corvée en appui aux travailleurs forestiers, à
l'Assemblée nationale, ont adopté une résolution d'appui
et notamment vous avertir que ce n'est pas fini. Les travailleurs continuent de
lutter contre Abitibi Price dans les usines, mais contre les compagnies
forestières, c'est-à-dire à la CIP, Quebec North Shore et
Donohue. Je voudrais vous dire qu'on a lancé une deuxième phase
dans la grande corvée. Et notamment, dans cette phase, nous demandons et
nous espérons que nous aurons l'appui de l'ensemble de la population du
Québec. Nous demandons notamment que les compagnies, en termes de
profits, arrivent à investir leurs profits au Québec, qu'on les
oblige à faire cela et
qu'on les oblige aussi à reboiser nos forêts pour
lesquelles on va leur payer des millions de dollars, en termes de subventions,
parce qu'elles ne l'ont pas fait dans le passé. Et c'est sur les
épaules des contribuables si cela continue.
Je voulais en profiter pour remercier les partis de l'Assemblée
nationale et leur dire qu'on attend de nouveaux appuis parce que,
fondamentalement, ce sont les intérêts des travailleurs qui sont
en cause et leurs conditions de vie.
Je reviens sur le fait que, pour nous, cela signifie aussi, toute la
question de la démocratisation, la protection contre la destruction de
l'environnement et la préservation de nos ressources
énergétiques. La démocratisation, cela signifie des
institutions parlementaires plus représentatives des suffrages
populaires, plus ouvertes, plus sensibles aux revendications populaires. Enfin,
pour nous, la démocratisation implique aussi concrètement la
liberté d'action syndicale et la protection de l'exercice des droits
syndicaux.
Cette démocratisation est essentielle dans la mesure où
elle doit assurer de véritables avancées pour les classes
populaires et garantir ainsi que le règlement de la crise
constitutionnelle ne saurait se faire sur le dos du peuple. C'est à la
lumière de cette résolution du congrès de 1979 que le
conseil confédéral, qui est l'instance suprême entre les
congrès, en venait à prendre position pour le oui lors du
référendum. C'est ce point de vue que nous avons émis dans
ce moment de la lutte contre l'oppression nationale que représenta le
référendum.
Depuis la victoire du non, le gouvernement fédéral a pris
l'offensive dans le débat constitutionnel et présentait en
octobre à la population canadienne sa vision du
fédéralisme canadien. Le débat entre les premiers
ministres canadien et provinciaux au sujet de la constitution canadienne a
suivi une série de rencontres entre le ministre fédéral
Chrétien et des ministres provinciaux au cours de l'été.
Ces rencontres devaient déblayer le terrain pour la réunion du
sommet de septembre.
L'événement qui a déclenché toute cette
activité constitutionnelle fébrile fut, évidemment, le
référendum québécois du 20 mai durant lequel les
politiciens fédéralistes déclaraient qu'un non, c'est un
oui au changement. Lorsque les résultats de quelques sondages
pré-référendaires ont commencé à
inquiéter les stratèges des forces fédéralistes, le
premier ministre Trudeau fut amené sur la scène pour proclamer
que les députés québécois à la Chambre des
communes mettraient leurs sièges en jeu pour obtenir les changements
désirés par les Québécois.
Les Québécois devaient apprendre que les multiples
promesses en faveur d'un fédéralisme renouvelé
exprimées par les porte-parole fédéralistes ne faisaient
partie que d'une vaste opération de manipulation de l'opinion publique
destinée à assurer une victoire pour le non.
Tous les porte-parole ont été mis en tutelle par le
gouvernement fédéral qui, fort de leur appui, a ensuite
décidé seul de la stratégie des forces
fédéralistes coalisées. Les positions rigides
adoptées par le premier ministre Trudeau devaient inévitablement
mener à l'échec. Mais l'échec faisait partie, quant
à notre point de vue, du scénario soigneusement
préparé par le stratège Pitfield. Se présentant
comme le défenseur des intérêts des Canadiens face aux
revendications égoïstes des administrations provinciales, le
gouvernement fédéral a su mobiliser en sa faveur la sympathie
d'une partie de l'opinion publique avant le coup de force du 2 octobre.
Même si c'est un affrontement Québec-Ottawa qui a
déclenché le dernier débat sur la constitution canadienne,
le gouvernement québécois ne s'est pas trouvé seul
à affronter le gouvernement fédéral lors du débat
de septembre. Cette situation représente une évolution importante
depuis la conférence constitutionnelle de Victoria en 1971, lorsque le
Québec fut le seul à opposer son veto à la formule de
rapatriement. Si le Québec a défendu avec davantage de vigueur
l'autonomie provinciale en matière linguistique, en matière
d'éducation et de communication, il a cédé le premier plan
aux provinces de l'Ouest dans la lutte pour protéger la juridiction
provinciale dans le domaine économique, particulièrement en ce
qui concerne le contrôle des ressources naturelles.
À des degrés divers et avec l'exception notable de
l'Ontario, l'ensemble des gouvernements provinciaux ont pu s'entendre sur un
certain nombre de positions communes face au gouvernement central. Ces
événements, cependant, ne doivent pas nous amener à
conclure que les autres gouvernements provinciaux ont soudainement
découvert l'oppression nationale du peuple québécois et
lui reconnaissent le droit à l'autodétermination. Loin de
là. Depuis le 20 mai, le gouvernement québécois, quant
à nous, a trop peu insisté sur la reconnaissance du Québec
comme entité nationale distincte et s'est comporté comme le
gouvernement d'une province comme les autres, revendiquant un transfert
général et nullement spécifique des pouvoirs vers les
provinces.
L'option nationale du gouvernement québécois se limitait
à la demande que le préambule de la constitution mentionne le
caractère distinctif du peuple québécois. Le premier
ministre Lévesque a obtenu pour cette demande l'appui de quelques
provinces,
en échange, bien sûr, de son appui à d'autres
revendications avancées par ces provinces. Il est, par ailleurs,
significatif que ni le premier ministre Lévesque ni aucun autre premier
ministre provincial n'ait exigé la reconnaissance du caractère
distinctif des peuples autochtones à l'occasion de cette
conférence. Ceux-ci n'ont pas été invités à
participer au débat constitutionnel, même s'ils ont des
revendications et des droits à faire valoir.
La position très forte en faveur de l'autonomie provinciale
adoptée par certaines provinces, en plus du Québec, ne peut se
comprendre sans analyser l'évolution de la conjoncture économique
depuis 1971, surtout que ces mêmes provinces avaient
antérieurement adopté des positions beaucoup plus conciliatrices
vis-à-vis du pouvoir fédéral.
En effet, l'importance qu'ont prise les ressources naturelles non
renouvelables a donné une impulsion aux bourgeoisies établies
dans certaines provinces productrices qui possèdent des gisements
importants - les provinces de l'Ouest, par exemple - ou qui ont l'espoir d'en
trouver - Terre-Neuve. Les positions les plus autonomistes ont
été adoptées par l'Alberta qui a cédé
à des sociétés multinationales l'exploitation de son
pétrole et qui s'inquiète des visées nationalisantes du
gouvernement Trudeau, version 1980, par la société d'État
Pétro-Canada. Ainsi, le Québec s'est trouvé en alliance,
en principe, avec les gouvernements conservateurs de l'Alberta, de la
Colombie-Britannique et de Terre-Neuve, soucieux autant de protéger la
liberté d'action des multinationales dans le domaine des ressources que
d'assurer un véritable contrôle provincial des ressources.
Je voudrais ouvrir une autre parenthèse pour dire que nous sommes
capables de comprendre les éléments tactiques d'une
négociation, mais il nous semble que le Québec aurait dû
insister davantage sur un certain nombre de points.
Le gouvernement fédéral, pour sa part, a
bénéficié du soutien presque inconditionnel de l'Ontario,
province intéressée à maintenir un gouvernement central
fort, pour la raison évidente que c'est elle qui a
bénéficié le plus de la Confédération dans
sa forme actuelle: plus de 50% de la capacité industrielle du Canada est
située en Ontario. Hormis l'appui traditionnellement fort du
Québec, rappelons aussi que c'est la balance du pouvoir située en
Ontario qui a permis au gouvernement libéral fédéral de
reprendre le pouvoir. Le statu quo économique - les ressources
naturelles d'à travers le Canada fournissent les usines
concentrées en Ontario - convient très bien à l'Ontario,
donc aux libéraux fédéraux.
Quelques brèches sont aussi apparues dans le front uni
présenté momentanément par les neuf autres provinces. Le
Nouveau-Brunswick, province économiquement faible et donc tributaire des
paiements de péréquation, a été contraint à
une attitude plus conciliatrice, face aux visées centralisatrices
d'Ottawa. La Saskatchewan a aussi démontré une ouverture à
certaines propositions du fédéral. Ainsi, le gouvernement
Trudeau, comptant sur un front provincial moins uni, s'est cru capable d'agir
unilatéralement.
Bref, l'échec orchestré de la conférence
constitutionnelle de septembre pavait la voie à l'étape suivante,
c'est-à-dire le rapatriement unilatéral de la constitution.
En 1931, Londres accordait au Canada son indépendance. Cependant,
à cause de différends entre les provinces et l'État
fédéral, le gouvernement canadien laissait à Londres la
Loi constitutionnelle ainsi que le pouvoir de la modifier. La coutume
constitutionnelle telle que rapportée au rapport du "select committee"
on Foreign Affairs exige que toute modification recherchée soit soutenue
par la volonté clairement exprimée du Canada, dans son ensemble,
tenant compte de la nature fédérale du système
constitutionnel canadien. Or, le projet de rapatriement change
unilatéralement, non seulement le pouvoir d'amender, mais
également, la règle de droit permettant d'amender. Le
rapatriement de la Loi constitutionnelle accompagné d'une nouvelle
formule d'amendement équivaut à définir
unilatéralement une nouvelle constitution sans consensus.
C'est un fait inusité - je pense que cela vaut la peine de le
souligner - et stupéfiant, en même temps, de constater que ni sous
la coutume constitutionnelle qui réglemente actuellement les
amendements, ni sous la formule provisoire proposée pendant les deux
premières années consécutives au rapatriement, ni la
formule proposée subséquemment, en aucun temps, et en aucune
circonstance, le projet Trudeau ne satisfait les règles d'amendement
qu'il entend inclure à la constitution. En effet, si le gouvernement
Trudeau se conformait aujourd'hui à ses propres formules d'amendement
qu'il veut imposer, il ne pourrait dégager un consensus pour
procéder au rapatriement. Ce qui présage assez tristement du type
de démocratie qu'on cherche à nous imposer.
La CSN s'oppose, d'autre part, à ce que la Charte des droits soit
définie unilatéralement, qu'elle serve de prétexte pour
empiéter sur la compétence législative des provinces et
qu'elle ignore les droits collectifs.
La Charte des droits proposée fait référence
à des droits individuels du XIX siècle où, à titre
d'exemple, une Loi des mesures de guerre suspendant les libertés civiles
serait toujours permise sur simple
déclaration du gouverneur général en conseil. Les
droits qui seraient dans la constitution vont moins loin que ceux qui existent
actuellement dans la Charte québécoise des droits de la personne
et n'ajoute rien aux droits déjà reconnus par le gouvernement
canadien. Beaucoup plus, la charte proposée comporte une clause
consacrant les droits des minorités ethniques, lorsque leur nombre le
justifie, à recevoir leur éducation dans leur langue maternelle.
Cette clause assure que le libre choix à peu près intégral
sera rétabli au Québec, rendant ainsi nuls des articles
essentiels de la loi 101. Cette charte empiète sur le champ de
compétence exclusif du Québec en matière d'enseignement,
sans pour autant garantir les droits des minorités francophones hors
Québec. De plus, la charte brime le droit des travailleurs de la
construction à avoir primauté d'embauche sur les chantiers du
Québec.
La CSN est favorable à l'inclusion d'une véritable charte
des droits dans une constitution parce que telle inclusion garantit l'exercice
des droits et protège de l'abrogation de ces droits sur une simple loi
d'un Parlement. Les droits ainsi garantis, lorsque tributaires d'un champ de
compétence provinciale, doivent, quant à nous, être sous la
responsabilité des provinces. N'en déplaise au premier ministre
Lyon du Manitoba, le peuple québécois se souvient d'octobre 1970
et sait que la tradition démocratique canadienne n'est pas si grande
qu'elle n'ait besoin de garanties constitutionnelles.
Tous les gouvernements s'intéressent aux manifestations du droit
de propriété: propriété du pétrole,
propriété du poisson, propriété des ondes de radio
et de télévision. Rarement cependant, pendant tout ce
débat, a-t-on entendu parler du droit à l'emploi, du droit
à un salaire décent, du droit a la sécurité au
travail, du droit à un régime de retraite suffisant, du droit
d'association, du droit de négociation et, finalement, du droit de
grève. Ces préoccupations des peuples québécois et
canadien, ni le gouvernement fédéral, ni les gouvernements des
provinces n'en parlent. Pourtant, la réalité quotidienne du
peuple québécois et du peuple canadien est davantage
déterminée par la reconnaissance et l'exercice de ces droits.
Toute charte des droits devrait reconnaître et garantir ces droits
fondamentaux et leur exercice.
En conclusion, que constate-t-on dans tout ce débat
constitutionnel? On constate que le gouvernement fédéral se
refuse à céder des pouvoirs au Québec. On constate que le
rapatriement unilatéral et la formule d'amendement proposée
risquent de placer le Québec dans une situation où son rapport de
force, à la longue, serait diminué. Bref, on peut s'attendre que
les manifestations de l'oppression nationale soient accentuées. Par
ailleurs, la Charte des droits et libertés n'élargit aucun droit
des travailleurs et de leur organisation. Le projet fédéral
s'attaque aux acquis économiques, sociaux et culturels, ne vise pas
à élargir la capacité d'intervention démocratique
des classes populaires sur les institutions et n'amène aucune mesure
pouvant combattre le sous-emploi et la dépendance économique.
La lutte contre le plan Trudeau constitue, quant à nous, un autre
moment dans la lutte contre l'oppression nationale. En ce sens, la CSN a
invité ses membres à rejeter le plan Trudeau et à signer
la pétition dénonçant le rapatriement unilatéral de
la constitution. La CSN, comme vous le savez, participe depuis près de
dix ans au Mouvement Québec français, lequel conteste le plan
Trudeau. Dans les régions, les membres affiliés sont
invités à participer, sur la base de notre plate-forme syndicale,
aux actions décidées par chacun des conseils centraux. Le
cul-de-sac de la réforme actuelle ne peut être résolu,
quant à nous, autrement que par la poursuite des
négociations.
La CSN croit que ces négociations ne peuvent être tenues
secrètement ou sans mandat. En conséquence, nous espérons
que la présente commission parlementaire est le début de
l'élargissement d'un débat populaire, d'un débat où
la population pourra intervenir. Avant de reprendre les pourparlers, des
rencontres publiques devraient avoir lieu, où la population et les
organisations populaires pourrraient être entendues davantage.
D'ailleurs, la CSN avait revendiqué, avant même la tenue du
référendum, que le gouvernement du Québec élabore
un projet de constitution et nous pensons humblement que si cela avait
été réalisé, les conditions du débat
seraient différentes.
L'élargissement du débat constitutionnel aurait en outre
l'avantage de nous défaire d'une conception saugrenue de la
démocratie qui consiste à imposer une constitution aux peuples du
Canada, malgré l'opposition d'une majorité de provinces,
malgré l'opposition parlementaire de députés tout aussi
légitimement élus que le gouvernement canadien, et en
contraignant la liberté de pensée et de vote des
députés de la majorité ministérielle, et sans tenir
compte également que le Parlement de Westminster est souverain. C'est un
peu étonnant, en effet, qu'à l'occasion d'un "five o'clock tea",
deux personnes, Mme Thatcher et M. Trudeau, puissent décider au nom des
peuples canadien et anglais.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci. M. le président de
la CSN, je voudrais faire un commentaire qui va replacer certaines des
affirmations que vous faites dans un contexte
qui est peut-être plus complet. À la page 5 de votre
document vous dites: "Depuis le 20 mai, le gouvernement québécois
a trop peu insisté sur la reconnaissance du Québec comme
entité nationale distincte et s'est comporté comme le
gouvernement d'une province comme les autres. L'option nationale du
gouvernement québécois s'est limitée à la demande
que le préambule à la constitution mentionne le "caractère
distinctif" du peuple québécois, etc". Vous dites, un peu plus
tard - je passe à la page 10 - que les négociations dont il est
question ne devraient pas être tenues secrètes et devraient
plutôt se faire, en somme, publiquement. Et vous dites que ce serait bon
que le gouvernement du Québec consulte les gens avant de s'engager dans
ces discussions.
En ce qui a trait au dernier point que je viens de mentionner où
vous dites: qu'il serait bon que le gouvernement consulte la population, c'est
justement le but de cette commission parlementaire. Je pense que tout le monde
est d'accord là-dessus et c'est pour ça qu'elle a
été établie. En ce qui a trait au caractère secret
des négociations et en ce qui a trait à ce qui s'est passé
l'été dernier, je rappelle à ceux qui écoutent que
les négociations ont duré, cet été, trois mois
intensifs où, pendant des semaines, littéralement, nous avons,
comme ministres chargés du dossier constitutionnel, passé des
heures et des heures ensemble. À cette époque, j'avais
établi une ligne de conduite qui consistait, chaque fois qu'une
journée de négociation était terminée, pour moi,
comme représentant du gouvernement du Québec, à rencontrer
les représentants de la presse et à leur dire, au fond,
exactement ce qui s'était passé pendant la journée. Cela
ne s'était jamais fait avant et on a essayé de tenir le public le
plus au courant possible de ce qui se déroulait au sein de nos
négociations.
La raison est très simple, c'est que c'est arrivé
l'été dernier. Et, pour me raccrocher à ce qui avait
été mentionné par d'autres personnes qui vous ont
précédés, le gouvernement fédéral comptait
beaucoup réaliser rapidement son coup d'État ou son coup de force
de sorte que, en ayant ces négociations au cours de l'été,
il espérait profiter d'un moment où les gens sont distraits par
autre chose - c'est fort compréhensible d'ailleurs - pour que nos
négociations passent inaperçues. Alors, on a quand même
tenu le fort et on a quand même essayé, le plus possible,
d'expliquer aux gens exactement ce qui se passait. Donc, on a essayé de
briser ce caractère secret, sauf qu'on n'est pas seuls dans ce
jeu-là. C'est sûr que l'ensemble des provinces et le gouvernement
fédéral n'étaient pas d'accord qu'on discute en public,
à la télévision, mais on a essayé d'en faire
partager le contenu par le plus grand nombre de personnes.
Cela dit, quand ces négociations ont commencé
formellement, je pense que c'est le 7 ou le 8 juillet, à
Montréal, j'ai, au nom du gouvernement du Québec,
présenté un petit texte qui établissait la position que,
comme délégation québécoise, nous prenions. Ce
texte est très clair. Je ne l'ai pas ici, je ne savais pas qu'on
soulèverait ce problème-là. Il disait, si je me souviens
bien, d'une part, bien sûr, que nous allions nous engager dans ces
pourparlers avec la meilleure foi possible, de sorte qu'on puisse nous juger
sur notre comportement. À cet égard, je vous rappelle que trois
premiers ministres de provinces anglophones ont - c'est un fait sans
précédent et ça, tout le monde l'a vu à la
télévision au mois de septembre - dit que la
délégation québécoise et M. Lévesque, en
particulier, avaient défendu les droits et les intérêts du
Québec d'une façon qu'il leur avait paru remarquable. Ce ne sont
pas exactement leurs mots, mais c'est ça qui a été
mentionné. Moi, de toutes les années où j'ai
été dans ce domaine-là, je n'ai jamais vu ça.
Ce que je veux dire, c'est que nos positions comportaient trois
éléments formellement exprimés. Le premier, c'est que les
négociations qui s'engageaient devaient, pour nous, conduire à la
reconnaissance formelle qu'il y a une société distincte au
Québec. Sur cela, je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce que
vous dites, nous l'avons demandé. Deuxièmement, nous avons aussi
dit que ces négociations devaient conduire à la reconnaissance ou
au maintien du droit que les Québécois ont de déterminer
eux-mêmes leur avenir. C'est ce qu'on appelle, en termes plus juridiques,
le droit à l'autodétermination. Troisièmement, nous avons
établi un principe qui est absolu; c'est que les négociations qui
commençaient à cette époque ne pouvaient, dans notre
esprit, pour aucune considération, conduire à une diminution des
pouvoirs du Québec et qu'au contraire ces négociations devaient
conduire à une augmentation des pouvoirs du Québec. C'est une
garantie que nous avons donnée, à l'époque, à la
population québécoise, dont nous nous sommes ouverts très
franchement avec nos collègues des autres gouvernements et que je
répète aujourd'hui. Je répète aujourd'hui que toute
négociation à venir, pour nous, ne peut que conduire, dans le
cadre actuel, à une confirmation et à une augmentation des
compétences des Québécois sur leur propre avenir,
c'est-à-dire, par conséquent, à une augmentation des
pouvoirs des Québécois. C'était le cadre.
Vous nous dites que nous n'avons pas fait de demande spécifique
au gouvernement fédéral. Ce n'est pas tout à fait de cette
façon que vous l'exprimez, mais c'est ce que j'ai compris et vous me
corrigerez si je me trompe. Il y a deux considérations ici à
faire
valoir. D'abord, ce n'est pas exact qu'on n'a pas fait de demande
spécifique. Il y avait douze sujets à l'ordre du jour et, sur
chacun de ces douze sujets, nous avions des positions très bien
établies que nous avons d'ailleurs rendues publiques chaque fois qu'il
était question de l'un ou l'autre de ces sujets. Deuxièmement, je
vous rappelle - c'est important quand même, on oublie cela - la
conjoncture, la situation. On était au mois de juillet, au début
de juillet. Cela faisait un mois et demi que le référendum avait
eu lieu. On constate aujourd'hui qu'on a eu une attitude qui était
très sage. Si, comme gouvernement québécois, après
ce référendum, on avait décidé d'ajouter un, deux
ou cinq sujets à l'ordre du jour pour qu'on en discute, vous pouvez
être sûrs que les libéraux fédéraux se
seraient servis de cette demande québécoise, par ailleurs tout
à fait normale et compréhensible, pour dire: Ah, vous voyez! Ils
font exprès d'ajouter des sujets à l'ordre du jour pour bloquer
la négociation, pour la rendre plus difficile. Ce que nous avons fait -
je pense qu'on a eu raison - on a dit: Vous proposez, M. le premier ministre du
Canada, douze sujets; très bien, nous les prenons. Tenant aussi pour
acquis qu'une fois ces douze sujets réglés il y aurait une suite
aux négociations et qu'à ce moment-là on on pourrait en
ajouter. Or, ce qui s'est passé, c'est que, sur ces 12 sujets, il y a eu
au niveau des provinces, pour plusieurs d'entre eux, des fronts communs, des
positions communes que nous avons établis ensemble. On a
travaillé avec les autres et on s'est ajusté ensemble, mais, dans
aucun cas, les positions que nous avons prises n'allaient à l'encontre
de ce principe fondamental que nous visions à l'accroissement des
pouvoirs du Québec.
Or, ce qui s'est passé, c'est que c'est le gouvernement
fédéral qui a lui-même brisé les négociations
par l'attitude que le premier ministre fédéral a adoptée
au mois de septembre - tout le monde l'a vu à la
télévision, ce n'est donc pas un secret d'État - quand il
a refusé ce front commun des provinces.
Je pense que le résultat de toute cette entreprise de
négociations, cet été, a montré que, du
côté fédéral, malgré la promesse
référendaire qu'un non voudrait dire oui, nous, on avait dit
qu'un non, cela voulait dire non et un oui, cela voulait dire oui, mais on nous
a dit: Non, cela veut dire oui, vous allez voir cela, et c'est ce qu'on a vu.
Ce qu'on a vu, c'est quoi: c'est que le gouvernement fédéral ne
croyait pas, ne voulait pas et ne tendait pas à ce que d'aucuns à
Québec qualifiaient de fédéralisme renouvelé. C'est
maintenant d'une lumineuse clarté et d'une telle évidence - si je
peux m'exprimer ainsi aujourd'hui. Je ne le dis pas pour dire aux gens qui nous
écoutent et qui ont voté non au référendum: Vous
voyez, vous n'aurez pas dû voter non; ce n'est pas cela que je dis. Ils
avaient le droit de voter comme ils l'entendaient et je respecterai toujours
cette décision. Cependant, ce que je dis, c'est que le gouvernement
fédéral a induit les libéraux fédéraux, et
la population québécoise en erreur et on l'a vu pendant
l'été et, dans toutes les analyses qu'on peut faire des
événements des derniers mois, je pense que cela sort comme une
conclusion particulièrement limpide.
Je voulais faire cette remarque, M. Rodrigue, pour replacer un peu le
tout dans son contexte, non pas que ce que vous dites est faux, mais ce n'est
pas complet, je vous le dis très franchement. Cela étant dit, je
laisserai à un de mes collègues le soin de vous poser une ou deux
questions sur d'autres éléments de votre mémoire, mais je
constate - et c'est tout à fait autre chose - que vous dites ailleurs
que la fameuse charte des droits dont M. Trudeau nous parle n'est pas une
charte des droits qui convient aux travailleurs québécois. Si
vous me permettez, je vais vous poser une question qui n'est pas directement
reliée à votre mémoire, mais qui en découle; je
l'ai posée la semaine dernière à une autre centrale
syndicale, la FTQ: Vous et les gens qui vous accompagnent avez affaire tous les
jours aux travailleurs, croyez-vous que ce problème qu'on appelle
constitutionnel intéresse les gens au Québec? Pensez-vous que
c'est quelque chose qui soit un sujet de préoccupation pour la
population québécoise, en dehors des experts, en dehors de nous,
qui, par métier, en avons un peu la responsabilité? Est-ce que
c'est une situation qui a transpiré dans la population et à
propos de laquelle, actuellement, les gens s'inquiètent? Je vous demande
très sincèrement de me répondre, parce que moi, je vous
dis ce que j'ai dit, la semaine dernière, à la FTQ; j'ai pendant
longtemps, pendant tout l'été, pendant des mois, pensé que
ça n'intéressait que nous. Aujourd'hui, je circule et je
m'aperçois qu'il y a un intérêt.
Je m'aperçois que, tantôt, j'ai parlé du
problème de la langue que les libéraux fédéraux
avaient ressuscité. Mais plus que ça, je parle du problème
constitutionnel. Ma question est: Est-ce que vos travailleurs, que vous
rencontrez, cette question les préoccupe ou si c'est pour eux simplement
une question d'experts? Je comprends que votre présence ici est un
indice d'intérêt, mais je vais être très franc aussi,
vous pouvez - je vais employer une expression qui est parfaitement incorrecte -
comme officier d'une centrale, c'est sûr que vous avez à prendre
position sur un certain nombre de choses... Mais votre monde est-il
intéressé?
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Norbert Rodrigue.
M. Rodrigue: Mme la Présidente, je
vous remercie. Je répondrai d'abord à la dernière
question, avant de faire un commentaire sur la complémentarité de
notre mémoire quant à ce qui s'est passé dans les
négociations.
Je voudrais dire que, justement parce que nous constatons que c'est un
sujet qui est relativement complexe, c'est pourquoi nous insistons, dans notre
mémoire, pour que la commission actuelle... Bien sûr, nous sommes
conscients que c'est un effort pour élargir le débat, mais nous
disons: Cela devrait être un départ en même temps pour aller
encore plus loin dans la manière d'élargir le débat, pour
faire en sorte que le peuple en comprenne davantage les implications. (13
heures)
À la CSN, je voudrais vous dire, M. le ministre, que,
malgré tous les qualificatifs qu'on peut nous prêter, nous avons
à l'occasion, avant le référendum, fait des
réunions régionales qui ont regroupé 5000 militants,
ouvriers et ouvrières d'usines, travailleurs, cols blancs, etc.,
où nous avons expliqué les implications que comportait tout ce
débat et notre instance suprême, un congrès spécial
sur cette question nationale, et finalement la position qu'on vous exprime ce
matin est partagée par notre comité d'orientation de la centrale,
qui est un comité permanent, et discutée aussi dans nos diverses
instances.
Je pense que ce qui est fondamental, c'est... Vous disiez, tout à
l'heure: Dans les négociations, je voudrais faire des mises au point.
Nous, nous affirmons que, quant à nous, le Québec a trop peu
insisté; on ne dit pas qu'il ne l'a pas fait, on dit qu'il l'a trop peu
fait et je pense qu'il faut expliquer maintenant ce que le non, qui signifiait
un oui, veut dire. En conséquence, on doit le qualifier. Pour que cette
qualification et ses implications soient soutenues par le plus grand nombre
possible des gens du peuple, il faut démocratiser le débat
-davantage. En ce qui concerne plus spécifiquement
l'intérêt des travailleurs, bien sûr qu'on s'y
intéresse, mais il faut commencer à parler des questions qui
intéressent fondamentalement les assistés sociaux, les
travailleurs dans cette société. Quand on parle de chartes des
droits et libertés, il faut parler d'eux de temps en temps. On parle des
poissons. On s'est chicané à Ottawa pendant un certain temps sur
les poissons, sur les territoires, sur les ressources naturelles. Il faut
commencer à parler de ceux qui font fonctionner cette
société, qui y apportent leur labeur à tous les jours, des
travailleurs, de leurs conditions de vie, de leurs conditions de travail. C'est
en parlant de ces questions, c'est en faisant ressortir les
intérêts des travailleurs qui sont compromis dans des questions de
cette nature que le peuple, en général, dont la grande
majorité est composée de travailleurs va en comprendre les
implications davantage. J'affirme ici que c'est une question à laquelle
on est très sensible. Je viens de faire une tournée dans la
province qui n'est pas encore terminée, où des militants
syndicaux nous posent des questions sur le débat actuel. Ils nous
demandent quelles sont nos appréciations de la situation et si on
comprend les positions des gouvernements. Cela signifie donc que plusieurs
d'entre eux sont intéressés et sont conscients qu'il peut y avoir
pour eux des implications Importantes.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Saint-Laurent.
M. Forget: Merci, Mme la Présidente. Il me fait plaisir de
saluer le président de la CSN, sans aucun doute le groupe le plus connu,
parmi - je ne veux insulter aucun autre groupe - les plus connus et les plus
prééminents de l'ancienne coalition du oui dont on a vu
défiler ici au cours des derniers jours un bon nombre de membres. Je
suis heureux de constater qu'on vient maintenant se porter à la
défense du fédéralisme. Je ne sais pas avec quelle
conviction profonde on le fait. D'ailleurs, je pense que le mémoire est
très prudent à ce sujet. On raisonne un peu comme s'il fallait
adhérer aux principes du fédéralisme et qu'à la
lumière de ces principes l'initiative du gouvernement
fédéral actuel doit être condamnée. Je ne vous fait
pas de procès à ce sujet. Vous êtes fidèles à
vos convictions et c'est très bien ainsi. Cependant, je me demande, Mme
la Présidente, si nos concitoyens en général se
reconnaîtront dans les expressions assez alarmistes que l'on trouve
à la fois dans ce texte-ci et dans un certain nombre d'autres.
Personnellement, quand je vois l'expression "oppression nationale", je
reconnais là quelque chose qui fait partie du bagage intellectuel et de
la tradition aussi de la CSN, mais je ne suis pas sûr que nos concitoyens
se sentent nationalement opprimés, quand on sait tout le poids qu'il
faut attacher à une pareille expression.
Je remarquais, ce matin, dans un autre mémoire, l'expression
"génocide", etc. Je pense que tout ça tend à dramatiser
peut-être à l'excès une situation qui est sérieuse
et à laquelle il faut s'opposer, mais si le langage est trop excessif et
trop loin de la réalité, tel que le perçoivent nos
concitoyens, on risque d'avoir l'effet tout à fait inverse de provoquer
chez eux un mouvement qui va à l'encontre de celui que le gouvernement
du Québec et d'ailleurs l'Opposition officielle cherchent à voir
s'accréditer, c'est-à-dire une opposition à un projet qui,
à cause de son caractère unilatéral, met très
certainement en jeu le caractère fondamental de nos institutions
politiques.
Une deuxième remarque, Mme la Présidente. On retrouve,
à la page 3, un argument que l'on entend malheureusement dans la bouche
de ceux qui étaient du côté du oui, voulant que le
résultat référendaire du 20 mai dernier, c'est une
victoire temporaire d'un fédéralisme pour lequel on a fait des
promesses de changements qui sont fondamentalement intenables et c'est parce
que ces promesses de changements ont été faites, que les
Québécois - 60% d'entre eux du moins - ont voté non en
1980. C'est une interprétation à laquelle bien sûr nos amis
d'en face ont droit et ceux qui partagent ce point de vue, ils ont droit de la
tenir; mais, c'est une opinion tout à fait subjective et que nous ne
partageons pas du tout - est-il besoin de le dire - de ce
côté-ci.
Ce qui a motivé le choix du 20 mai, ce ne sont pas des promesses
de changements qui étaient des promesses assez vides de contenu,
c'étaient des allusions à la possibilité d'ailleurs
vécue dans le passé et certaine pour l'avenir, que le
régime fédéral va se modifier, va évoluer. Le
professeur Brunet, tout à l'heure, parlait du "give and take" qui a fait
partie de la tradition canadienne et qui a expliqué, jusqu'à
maintenant, son évolution. Il n'y a eu aucune promesse formelle de
changements; ce vote de non au référendum était un
engagement inconditionnel. Ce n'était pas une acceptation en attendant,
dans l'espoir de changements spécifiques. D'ailleurs, la
déclaration officielle qui a été distribuée
à tous les citoyens du Québec aux frais de l'Assemblée
nationale ne faisait aucune espèce de promesse spécifique de
changement.
C'est un choix beaucoup plus fondamental que ça qui a
été fait le 20 mai. C'est l'affirmation d'une identité
canadienne, n'en déplaise à nos amis d'en face, de la
majorité des Québécois et cette affirmation n'est pas
conditionnelle, ce n'est pas un sursis, ce n'est pas en attendant, ce n'est pas
simplement pour voir ce qui va arriver, c'est un engagement qui a une valeur
permanente et qui a été vécu par tous ceux qui ont
été du côté du non avec une très grande
intensité. Cette interprétation, je m'empresse de le souligner,
c'est exactement et mot pour mot l'interprétation que j'ai donnée
du résultat du référendum. Tout ça est par
écrit, était imprimé le lendemain même du
référendum, le 21 mai; lors d'un débat avec M. Latouche
que nos amis du gouvernement connaissent bien, j'ai indiqué que ce qui
caractérisait ce résultat référendaire,
c'était qu'il ne dépendait pas de promesses spécifiques de
changement.
Cette décision avait été prise il y a bien
longtemps. Dès le mois de janvier ou février 1980, on se souvient
que le chef du Parti libéral du Québec avait dit: " II n'est pas
question que même les propositions essentielles du livre beige soient
incorporées dans la position officielle du camp du non parce qu'il n'est
pas question de mélanger les choses. Il s'agit d'abord d'un choix
fondamental, après on verra."
Je suis d'accord, cependant, Mme la Présidente - et je voudrais
l'affirmer ici -avec nos invités qui disent que le 20 mai, d'une
certaine façon, est à l'origine de la crise constitutionnelle
actuelle, non pas le vote tel quel, mais le fait que le gouvernement,
après cette rebuffade, après cet échec de sa position
constitutionnelle, ait maintenu qu'il pouvait tolérer cette
contradiction et poursuivre son mandat à la façon d'un
gouvernement qui serait fédéraliste. On se rend bien compte
maintenant qu'il a fourni de cette façon-là une cible
irrésistible à un coup de force venant d'Ottawa, une cible que
l'on ne pouvait pas ne pas viser, dans les circonstances, puisqu'il est
tellement facile -tout le monde le fait - de mettre en doute la bonne foi du
gouvernement dans cette aventure. Nous l'avons fait en août dernier,
lorsque nous avons attiré l'attention sur les positions
extrêmement ambiguës du gouvernement du Parti
québécois au moment de cette conférence constitutionnelle,
des positions qui étaient tout à fait compatibles, c'est le moins
qu'on puisse dire, avec la souveraineté-association.
D'ailleurs, on n'a qu'à se poser la question suivante: Si jamais
le Parti québécois, comme gouvernement du Québec,
réussissait à renouveler le fédéralisme, ce serait
pour lui un aveu qu'il ne peut pas tolérer, ce serait pour lui la fin
des haricots. Il ne peut tout simplement pas se payer le luxe de réussir
dans ce mandat-là. Fort heureusement pour lui, il semble bien que le
risque n'était pas indûment élevé durant les six
derniers mois, mais cela ne change rien dans l'affaire et cela l'arrange bien.
La CSN a souligné que le Québec dans tout ceci est dans un
alliance sans principe. Je pense qu'elle pensait à cela aussi, de
même qu'au fait assez remarquable de voir le ministre des Affaires
intergouvernementales du Québec et le premier ministre du Québec
être sur la même longueur d'onde que certains de leurs
collègues des autres provinces. C'est très certainement une chose
qui a frappé tout le monde comme étant un mariage en quelque
sorte contre nature dans les circonstances.
En terminant, Mme la Présidente, je trouve assez paradoxale
l'affirmation de la CSN - je ne sais pas ce qu'elle veut dire par cela -
lorsque, à la page 8 de son mémoire, elle dit qu'elle est
"favorable à l'inclusion d'une véritable charte des droits dans
une constitution" et que, cependant, "les droits ainsi garantis, lorsque
tributaires d'un champ de compétence provinciale, doivent être
sous la responsabilité des provinces."
J'imagine qu'on ne veut pas dire qu'une charte des droits pourrait
changer la compétence législative des provinces et du
gouvernement fédéral, pas plus qu'au Québec, par exemple,
depuis qu'on a la Charte des droits et libertés de la personne, le
ministre de la Justice n'est responsable de l'adoption de toutes les lois. On
sait très bien que le ministre de l'Éducation conserve sa
compétence, le ministre des Affaires sociales également,
même si toutes leurs lois doivent passer le test de la Charte des droits
et libertés de la personne au Québec. Je présume bien que
ce n'est pas dans ce sens-là, mais je sais que la CSN souvent n'aime pas
beaucoup le fonctionnement de notre appareil judiciaire. Est-ce que l'on veut
souligner par cela que même l'application d'une charte des droits et des
libertés de la personne devrait être faite par le Parlement et que
c'est le Parlement provincial, l'Assemblée nationale qui serait le juge
final du fait que, oui ou non, telle ou telle disposition d'une loi du
Québec satisfait à une charte des droits et des libertés
de la personne plutôt que l'appareil judiciaire, plutôt que les
juges, plutôt que les tribunaux, si on veut? Autrement, j'ai de la
difficulté à concilier les deux phrases qu'on trouve à ce
dernier paragraphe de la page 8.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le président de la
Confédération des syndicats nationaux.
M. Rodrigue: Brièvement, je voudrais d'abord dire à
M. Forget que nous n'étions pas de la coalition du oui et que nous n'en
sommes pas encore aujourd'hui, mais que nous avons été capables
de dire oui, quand même, sur la base de nos intérêts et de
notre spécificité comme organisation syndicale avec l'analyse que
nous faisions. Je voudrais rappeler aussi au député Forget que,
lorsqu'il qualifie l'oppression nationale d'expression alarmiste, pour nous,
Québécois et travailleurs en particulier, l'oppression nationale
signifie chômer plus souvent; cela signifie des difficultés plus
grandes en termes d'accès à l'éducation; cela signifie
vivre en moins bonne santé; cela signifie aussi des logements moins
décents. Quant à nous, le geste unilatéral de M. Trudeau
est relié à un phénomène d'oppression nationale
aussi. Je voudrais dire que ce que j'affirme là, on retrouve cela dans
les statistiques d'organismes créés par vous, alors que vous
étiez ministre des Affaires sociales, comme le CRSSS, par exemple, ou le
CSSMM, de Montréal, et le Bureau fédéral de la
statistique. On retrouve cela là-dedans et d'autres analyses où
on a jeté un coup d'oeil à l'occasion de nos études. C'est
pour la question du fait qu'on pourrait être alarmiste. On n'est pas
alarmiste, on essaie d'être réaliste et de voir la
réalité. De temps en temps, cela fait peur, quand on parle de la
réalité. Cela fait peur, quand on parle de 450,000 personnes
vivant de l'aide sociale ou de l'assistance publique au Québec et de
300,000 chômeurs, cela énerve, n'est-ce pas, quand on le rappelle
trop souvent? Alors, on dit: L'oppression nationale est un
phénomène que nous vivons, que nous subissons.
En ce qui concerne la question du 20 mai versus le non-engagement de
changements, etc., je voudrais dire que quant à nous, ce qu'on constate,
c'est ce qu'on nous a dit il y a quelques mois; il n'y a pas de changements et
les changements qui sont proposés mettent en péril certains
acquis québécois. Quand on a dit cela, il me semble qu'on a dit
quelque chose d'important et cela mérite l'attention des responsables
politiques comme vous. C'est votre problème politique. Chez les
libéraux, avec les libéraux fédéraux - puisque vous
avez probablement les mêmes militants - vous résoudrez vos
problèmes, mais avec les autres partis aussi qui ont à discuter
de ces problèmes'. (13 h 15)
En ce qui concerne l'application d'une charte des droits, je pense que
le député Bertrand posait la question à un groupe
précédemment: À quelles conditions seriez-vous d'accord
avec l'inclusion d'une charte des droits? Nous n'avons pas d'objection à
l'inclusion d'une charte des droits, mais il y a des conditions à cela;
une des conditions, c'est le consensus et c'est rattaché à tout
le processus du rapatriement, de la formule d'amendement et finalement de la
charte des droits. Dans la perspective où on introduit une charte des
droits, ce que nous disons, c'est que la responsabilité en termes
d'application doit revenir aux provinces. Il ne s'agit pas seulement de
reconnaître des droits formels, par exemple aux handicapés, il
s'agit de voir comment, dans la réalité, ces droits vont
être respectés. Dans ce sens-là, on dit que ce doit
être un champ de responsabilité provinciale.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Chauveau.
M. O'Neill: Merci, Mme la Présidente. Je dois d'abord dire
à M. Rodrigue que j'ai retenu pour ma part comme fort
intéressante la suggestion qui est formulée à la page 10
du mémoire sur des négociations et des pourparlers où on
pourrait accroître la participation de la population, à cette
étape-ci et pour plus tard aussi, lorsque les Québécois
auront à parler de leur propre constitution. Je me permets de
suggérer au ministre des Affaires intergouvernementales de retenir cette
suggestion d'essayer en somme d'élargir la méthode ou la
procédure qu'il a lui-même favorisée, ne serait-ce qu'en
convoquant cette commission parlementaire.
J'ai une brève question à poser maintenant qui porte sur
ce thème de l'oppression nationale que vous venez de décrire.
Vous en avez décrit des éléments. D'autre part, il m'a
semblé, en lisant votre texte, qu'il y avait aussi dans cette
définition, dans cette expression, une façon de désigner
aussi des pouvoirs, des sortes de pouvoirs qui dominent les
Québécois, pas seulement des pouvoirs économiques, mais
aussi certains pouvoirs politiques qui eux-mêmes reflètent parfois
des intérêts économiques. Vous avez dit que c'est à
cause de cela, par exemple, que vous avez recommandé aux gens de voter
oui le 20 mai et vous avez dit: Notre lutte contre la plan Trudeau constitue un
autre moment dans la lutte contre l'oppression nationale.
Dans cette optique, j'aimerais savoir le sens exact de votre
proposition, toujours à la page 10, quand vous dites: "Le cul-de-sac de
la réforme actuelle ne peut être résolu autrement que par
la poursuite des négociations" des négociations face à des
gens qui représentent une forme d'oppression nationale, c'est bien
cela?
Je voudrais dire ceci. Pour vous, la négociation, dans le
contexte actuel, étant donné les forces en présence et les
intérêts en présence, constituent-elles ce que
j'appellerais une stratégie circonstancielle, une stratégie
permanente ou fondamentale, en somme une stratégie circonstancielle,
c'est-à-dire que tout pouvoir politique ou tout gouvernement a une
responsabilité au nom de la prudence politique, tout à coup, de
faire face à des événements a court terme, et, en
même temps, doit poursuivre des politiques à long terme?
Dans un cas de difficulté à court terme, une des attitudes
ou un des comportements peut justement consister à adopter ce qu'on
appelle ici une stratégie circonstancielle. Mais, pour vous, est-ce que
c'est simplement ça ou bien si vous nous suggérez autre chose,
à long terme? C'est-à-dire, pour votre groupement, pour
vous-même, quelle est la véritable façon de sortir d'une
situation qui reflète ce que vous-même appelez une situation que
vous avez qualifiée en utilisant l'expression "oppression
nationale"?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le président de la
confédération.
M. Rodrigue: Lorsqu'on propose ou lorsqu'on suggère
d'élargir et de démocratiser le débat, nous faisons le
parallèle entre ce que nous faisons et ce que nous pratiquons
démocratiquement chaque jour dans les activités syndicales.
Lorsqu'on négocie un contrat de travail, on parle bien de
négociations, on parle conséquemment de rapport de forces, quel
que soit sa nature, politique, économique, social, culturel, peu
importe. Alors, lorsqu'on négocie des contrats, on va consulter les
travailleurs; ils déterminent leurs objectifs. C'est eux qui,
finalement, nous indiquent et indiquent à leurs représentants ce
qu'ils veulent dans le changement dans leurs conditions de travail.
Alors, l'élargissement et la démocratisation du
débat, pour nous, ça correspond à l'élargissement
du rapport de forces, conséquemment. Comme une négociation de
cette nature demeure une négociation, on devrait, comme condition, faire
en sorte que la compréhension des implications du débat
constitutionnel soit plus large dans la société
québécoise et que les implications soient mieux comprises. On n'a
qu'à prendre l'exemple de la formule d'amendement proposée par M.
Trudeau. Cela vous prend des experts, messieurs, à coeur de jour, pour
essayer de la comprendre. Il n'y a pas beaucoup de gens dans la
société qui la comprennent. Il faut s'y mettre, la regarder comme
il faut et arriver à la vulgariser.
Alors, quand les gens comprendront ces implications, sauront ce que
ça veut dire et les autres aspects aussi, sur le plan des pouvoirs
spécifiques au Québec, il me semble que ça, ça
change, le rapport de forces, les conditions de négociations. Nous
autres, on affirme que, quelque parti politique que ce soit, si vous continuez,
comme parti au gouvernement, à oublier que les intérêts
fondamentaux auxquels vous vous êtes engagés, en termes de
défense, sont aussi des intérêts, des droits fondamentaux,
l'exercice de droits fondamentaux de la majorité qui sont les
travailleurs, on vous dit que le rapport de forces va être ce qu'il va
être, si les travailleurs ne sont pas davantage impliqués dans la
compréhension du débat et si le débat n'est pas davantage
démocratisé. C'est notre appréciation dans les
circonstances actuelles.
La Présidente (Mme Cuerrier): Merci à la
Confédération des syndicats nationaux d'avoir bien voulu
participer aux travaux de la commission. Merci à M. Norbert Rodrigue qui
en est le président, à M. Pierre Lamarche et à M.
Petit.
Nous allons devoir suspendre nos travaux maintenant. Nous avons encore
à entendre le groupe qui s'appelle lui-même Positive Action,
Action positive, l'Association des propriétaires de Québec et la
Société Makivik. Nous entendrons ces groupes cet
après-midi.
Sur ce, la commission de la présidence du conseil et de la
constitution suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 23)
(Reprise de la séance à 15 h 18)
La Présidente (Mme Cuerrier): La commission de la
présidence du conseil et de la constitution reprend ses travaux
après la suspension.
Nous appelons maintenant le Comité d'action positive. Nous
entendrons ensuite l'Association des propriétaires de Québec Inc.
et, à la suite de ces deux groupes, nous entendrons la
Société Makivik.
Le Comité d'action positive. J'avais dit ce matin, je m'en
excuse, que ce comité s'appelait - et que c'était lui qui avait
décidé de s'appeler comme cela - Positive Action, Action
positive. Ce que je voulais dire, ce n'est pas moi qui fais la traduction, vous
y aviez vu vous-mêmes.
M. Storrs McCall est le porte-parole. Je lui demanderais de
présenter celui qui l'accompagne, s'il vous plaît.
Comité d'action positive
M. Paterson (Alex A.): Malheureusement, Mme la Présidente,
nous avons perdu M. Storrs McCall sur l'avion d'Air Canada, vol 512, ce matin.
Mon nom est Alex Paterson, je suis le coprésident et suis avec M. Casper
Bloom.
Pour commencer, je voudrais dire, Mme la Présidente, combien nous
sommes contents d'être ici pour la troisième fois. La
première fois, c'était au sujet du bill no 1, la deuxième
fois sur les règles du référendum, et, maintenant, sur la
constitution.
Je dois souligner tout de suite...
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Patterson, est-ce que nous pourrions juste vérifier... Puisque
vous dites maintenant que vous connaissez déjà comment nous nous
organisons ici, vous savez sans doute, n'est-ce pas, qu'il a été
entendu entre les membres de la commission que vous disposez d'une vingtaine de
minutes pour la présentation de votre mémoire. Ensuite, il y a 40
minutes qui sont réparties entre les oppositions et le gouvernement, les
réponses ou les commentaires répondant aux questions ou aux
commentaires des membres de la commission étant comptabilisés
dans le temps qui est consacré à entendre des groupes.
Je vous laisse la parole, M. Paterson, et je tâcherai de ne plus
vous arrêter.
M. Paterson: Merci.
Je peux présenter notre mémoire en huit ou neuf minutes,
je pense. Après cela, M. Bloom va parler pendant sept ou huit
minutes.
Je dois souligner tout de suite que nous avons eu des difficultés
dans la préparation de ce mémoire en raison de l'évolution
quotidienne des circonstances. Depuis que nous avons déposé le
mémoire, le jugement de la Cour d'appel du Manitoba et le rapport de la
commission Kershaw ont été rendus publics. Nous avons dit, dans
notre mémoire, que nous avons eu une certaine réticence à
discuter des mérites de la résolution du gouvernement
fédéral à cause de la référence à
notre Cour d'appel du Québec. Mais, le jugement de la Cour d'appel du
Manitoba a éclairci peut-être cette situation. En page 10 du
jugement, l'honorable juge Freedman a dit ceci: "We are concerned not with the
wisdom or policy of the proposed resolution but with its constitutional
legality." Au contraire, je présume que votre comité est
concerné par "the wisdom and policy of the proposed resolution and not
with its constitutional legality".
Avant que je commence à lire notre mémoire, je voudrais
rappeler les premières remarques du jugement de la Cour d'appel du
Manitoba qui sont: Canada is a sovereign nation, it is so recognized throughout
the world but one vestige of colonialism still adheres to a national status
namely that she is unable to amend her constitution, such an amendment can only
be made by the Parlement of the United Kingdom.
C'est dans ce contexte que nous avons dit dans notre mémoire au
comité conjoint du Sénat et de la Chambre des communes qu'il
serait important, selon nous, que les premiers ministres se rencontrent une
dernière fois, au moins, pour s'entendre sur une formule d'amendement.
De l'avis de nombreux participants, les premiers ministres étaient
presque parvenus à un accord à la fin des réunions sur la
constitution tenues en automne. Si nous pouvions nous entendre - et je parle
sûrement encore des formules d'amendement - sur une formule d'amendement
ici même au Canada avant de nous adresser à Westminster, maints
sujets de division contenus dans la proposition fédérale
pourraient être éliminés.
Deuxièmement, nous estimons que, vu l'importance de sa
minorité francophone, l'Ontario se doit d'accepter l'extension de
l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique et, par
là même, de la placer sur le même plan que le Québec.
Le Manitoba et, maintenant, le Nouveau-Brunswick l'ont fait. Nous croyons aussi
qu'il est dans l'intérêt du Québec de soutenir la cause des
Franco-Ontariens et, ce faisant, de jouer le rôle
prépondérant qu'il est, selon nous, capable d'assumer dans la
protection des minorités francophones du pays. Nous pensons enfin qu'une
intervention directe auprès de l'Ontario visant à convaincre
cette province d'accepter l'article 133 mérite d'être
considéré et pourrait contribuer à nous sortir de
l'impasse actuelle.
Troisièmement, le 20 mai 1980, 60% des résidents du
Québec ont voté non au référendum après que
le renouvellement du système fédéral leur ait
été promis. Bien d'autres ont voté oui parce qu'on leur
avait
dit et ils ont cru que leur décision forcerait les provinces et
le gouvernement fédéral à entamer sérieusement des
négociations sur le renouvellement de la fédération.
Ce renouvellement exige l'amendement de la constitution. Nous estimons
donc que l'Assemblée nationale du Québec doit de rechercher les
moyens d'y procéder. Depuis la dissolution de la conférence sur
la constitution en septembre, le Québec s'est adressé à la
Cour d'appel et a demandé au Parlement britannique ou, du moins, aux
représentants du Parlement de rejeter la proposition du gouvernement
fédéral. Si le Québec et les autres provinces ayant
adopté la même politique parviennent à faire bloquer la
proposition fédérale par les tribunaux, au Parlement et à
Westminster, ou par tout autre moyen, que proposerons-nous, en tant que
province, pour répondre aux aspirations des Québécois et
de la plupart des Canadiens souhaitant un renouvellement de la
fédération?
Aurons-nous recours aux conférences des premiers ministres et
à une formule d'amendement devant être adoptée à
l'unanimité, alors que cette procédure s'est toujours
soldée par un échec au cours de la dernière
décennie et même avant? Suggérerons-nous la création
d'une assemblée constituante qui, selon nous, pourrait intervenir
efficacement, mais dont la composition, la structure et la formation
entraîneraient de nouveaux délais? Je dois dire, entre
parenthèses, que nous avons eu une réunion à la fin de
septembre ou au commencement d'octobre avec un groupe d'experts comme
Gérald Beaudoin, Simeon, de Queen's, etc., pour discuter la question de
la constitution. Le consensus, c'était que peut-être n'est pas
encore. C'était en octobre. Tous nos experts nous ont dit: On doit
chercher d'autres moyens avant d'y aller directement.
Organiserons-nous un référendum national et, dans ce cas,
pourrons-nous nous entendre sur une formule acceptable par toutes les
provinces? Encore, je me réfère à la commission Kershaw
qui a dit: "The British Parliament is not the protector of the provinces. It is
not the protector of the federal government. Britain is the guardian of the
constitution. If a majority of Canadians express a desire for change in a
national referendum, the British Parliament must act." Mais encore, sachant
qu'il y a toutes sortes de problèmes pour obtenir un consensus sur la
procédure d'un référendum national.
Les amendements à la proposition présentés le 12
janvier n'ont pas répondu aux points que nous avions soulevés
dans notre mémoire devant le comité conjoint. Pendant ce temps,
toutes les régions du Canada demandent à cor et à cri une
solution au problème constitutionnel et un grand nombre de nos chefs
politiques passent leur temps à critiquer les solutions proposées
au lieu de faire des suggestions valables.
Nous demandons, par conséquent, au comité de ne pas se
contenter de formuler les raisons pour lesquelles le Québec s'oppose au
plan actuel - tous ceux qui ont participé aux débats de
l'Assemblée nationale sur le sujet et la plupart des
éditorialistes se sont déjà abondamment étendus sur
ces raisons -mais plutôt de proposer des solutions constructives pour que
nous puissions enfin nous doter de la constitution renouvelée que nous
souhaitons tous.
Pendant les années quatre-vingt, nous devrons porter toute notre
attention aux problèmes économiques, sociaux et
énergétiques. Nous estimons avoir les ressources humaines et
physiques pour résoudre ces problèmes. Mais si nous passons notre
temps à palabrer sur la constitution, en particulier sur le
procédé plutôt que sur le contenu, il nous sera difficile
de nous consacrer aux autres problèmes qui concernent tous les
Québécois et tous les Canadiens.
Nous aimerions pouvoir résoudre le dilemme devant lequel nous
nous trouvons par une solution brillante et originale. À défaut,
nous réitérons la suggestion que nous avons faite au début
de ce document, à savoir que les premiers ministres se réunissent
une fois de plus avant qu'aucune autre mesure ne soit prise dans l'espoir que,
depuis septembre, les points en litige aient été en partie
réglés et qu'une entente puisse se faire.
Pendant que Westminster, les tribunaux et les Assemblées
législatives provinciales débattront de ce problème, nous
continuerons à rechercher une solution avec tous ceux qui veulent bien
nous aider. Mais vous autres, vous avez clairement ici l'expertise. Quand je
vois M. Claude Morin, M. Jacques-Yvan Morin, le professeur Marx, etc., vous
avez autour de la table non seulement les représentants de tous les
partis politiques de la province, mais aussi les experts en matière
constitutionnelle.
Nous savons, toutefois, que la nouvelle constitution ne pourra
être que l'aboutissement de négociations et de compromis entre les
deux paliers de gouvernement du Canada et que ce ne sont pas des intellectuels
ou des gens étrangers à la question qui trouveront la solution
idéale. Notre constitution devra être négociée et
nous espérons que les gouvernements détermineront sans tarder le
cadre propice à son élaboration.
Maintenant, je donne la parole à mon associé, M. Bloom.
(15 h 30)
M. Bloom (Casper): Merci, Alex. Comme M. Paterson vous l'a dit,
tantôt, je vais lire ce mémoire qui a été
préparé par
M. Storrs McCall qui, malheureusement, ne peut pas être parmi nous
aujourd'hui.
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous avez la parole, M.
Casper Bloom.
M. Bloom: Casper Bloom, Mme la Présidente, c'est exact.
Pour commencer, je voudrais vous dire, Mme la Présidente de la
commission, combien nous sommes contents d'être ici, aujourd'hui, pour
présenter notre point de vue sur la constitution et, en particulier, sur
les questions linguistiques au Québec.
Il est très utile, à mon avis, de nous asseoir ensemble,
de temps en temps, pour jeter un coup d'oeil sur l'ensemble des questions qui
concernent les communautés francophone et anglophone au Québec,
pour voir quels progrès nous avons faits et quels problèmes
restent encore à résoudre.
Mon collègue, Alex Paterson, a parlé du projet
fédéral de la constitution. Il a fait deux ou trois suggestions
concrètes pour essayer de nous faire sortir de l'impasse dans laquelle
nous nous trouvons en ce moment.
Quant à moi, je vais dire deux mots -peut-être trois ou
quatre - sur les rapports entre la constitution et la situation linguistique
qui prévaut actuellement au Québec.
Avec votre permission, je prendrai, comme point de départ, les
propos qui ont été présentés devant vous la semaine
dernière par M. Léon Dion, tels qu'ils ont été
rapportés dans les pages du Devoir et de la Presse du mercredi 4
février.
Il y a surtout trois propositions de M. Dion, d'après les comptes
rendus de son discours, que je voudrais soulever comme témoignant des
progrès que nous avons faits, mais aussi de la distance qu'il nous reste
encore à parcourir.
Premièrement: M. Dion dit qu'il ne faut pas toucher à la
loi 101. D'après lui, la langue française a encore besoin de
protection au Québec et la loi 101 est nécessaire pour cette
protection. D'ailleurs, la loi 101 nous a donné la paix linguistique,
elle a créé un équilibre entre les communautés
francophones et anglophones. Pourquoi risquer la terminaison de cet
équilibre, la terminaison de cette paix?
Deuxièmement: M. Dion examine le rôle et l'importance de
l'article 133 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Il constate
que, malgré ou peut-être à cause du statut fragile des
minorités francophones hors Québec, nous avons le devoir de leur
accorder tout l'appui dont nous sommes capables.
Une constitution canadienne doit imposer l'article 133 - d'après
M. Dion -partout où la langue française, dans les provinces
autres que le Québec, a besoin d'être protégée. Tant
mieux, nous sommes entièrement d'accord!
Immédiatement après avoir dit cela, M. Dion continue en
proposant que l'article 133 soit retiré du dos du Québec. C'est
une asymétrie, un manque de cohérence dans sa pensée
à laquelle nous reviendrons plus tard. Troisièmement, ceci nous
amène au point no 3. En général, M. Dion soutient que
même s'il est nécessaire d'accorder des droits en matière
linguistique aux minorités francophones hors Québec, il n'est pas
nécessaire d'accorder les droits aux anglophones ici. Pourquoi? Parce
que les anglophones du Québec ne sont pas menacés. Parce qu'ils
sont adossés sur un continent de 240,000,000 de parlant anglais.
Voilà les trois propositions de M. Dion.
Passons à nos commentaires maintenant. Le Comité d'action
positive trouve certains éléments positifs dans les paroles de M.
Dion, éléments auxquels nous pouvons nous associer. Nous aussi
sommes conscients de la paix linguistique que nous a apportée la loi 101
et nous apprécions l'absence du mauvais sang et d'hostilité que
nous avons témoignée à l'époque de
Saint-Léonard et les tests des enfants de cinq ans de la loi 22. Mais,
l'équilibre créé par la loi 101 n'est pas un
équilibre qui garde les justes proportions de notre population. Ce n'est
pas un équilibre selon lequel la communauté anglophone vibrante
et créatrice va continuer d'exister au Québec. Chacun de nous, Me
Paterson, Me Bloom et moi-même connaissons maints amis, même des
frères, des enfants et des cousins qui ont dit en effet: Si le
Québec m'exclut de la famille de ses citoyens, si la loi 101 crée
une distinction entre Québécois et Canadiens de langue anglaise,
si le gouvernement agit de façon que l'anglais disparaisse des rues, des
autobus, des magasins et des formulaires de permis, je m'en vais. Je
m'installerai dans une province où je n'ai plus le sentiment
d'être mal à l'aise.
Vous me demanderez combien de personnes sont parties? Je n'ai pas les
chiffres exacts. Personne ne les a. Mais vous trouvez devant vous, Mme la
Présidente, trois personnes - nous sommes deux actuellement - qui ont
subi personnellement des pertes de famille, mais qui, malgré le
gouvernement, se considèrent encore comme Québécois qui se
trouvent chez eux ici au Québec et qui vont rester au Québec si
Dieu le veut.
Let us proceed now to the second and third of Mr Dion's propositions.
What he says, in effect, is that the rest of Canada has need of article 133 of
the BNA Act but that Québec does not have need of it. I think that Mr
Dion would probably be happy if we got rid of article 133 in Québec so
that the Legislature and the courts would no longer be under any obligation to
be bilingual. Again, I think we can find
something positive in what Mr Dion is saying, if we search hard enough,
we can always find something positive in what people say.
In any case, since I am the co-chairman, Storrs McCall, that is, of the
Positive Action Committee, I am going to try. What Mr Dion is saying is that
the francophone communities outside Québec stand the need of the
protection of article 133. Here, we can agree with them completely, we have
already been to Toronto, not once, not twice, but three times at the request of
ACFO, l'Association canadienne-française de l'Ontario, to ask Mr Davis
to accept article 133 for Ontario. We have bought space in the Globe and Mail
to urge Mr Davis, Mr Cassidy and Mr Smith to signify their faith in Canada by
accepting section 133.
On this matter, we are absolutely in accord with Mr Dion. We are ready
to defend, with him, the right of every francophone outside Québec to
send his child to a French school. We believe that the very existence of the
francophone communities outside Québec depends on this right to educate
their children in their mother tongue and to manage and control their own
schoolboards and educational institutions.
We believe further that the presence, in every province, of a healthy
and viable official language minority is vital to the existence of Canada
itself. On all these points, we are in agreement with Mr Dion. Where we cannot
follow him is in his philosophy of asymmetry, his lack of consistency and lack
of justice in wishing to deny to the English-speaking community of
Québec the sustenance and nourishment he demands for the francophones
outside Québec.
Mme la Présidente, j'ai déjà pris trop de temps
pour dire mes deux ou trois mots, je veux terminer avec quelques
réflexions sur nos deux grandes communautés au Québec, la
communauté francophone et la communauté anglophone et l'esprit de
tolérance, de générosité et de respect qui doit,
à mon avis, caractériser nos relations. Je crois, Mme la
Présidente, que j'énonce une vérité en disant que,
depuis les trois ou quatre dernières années, il y a eu une
ouverture d'esprit, une franchise et une honnêteté qui ont
caractérisé les relations francophones-anglophones au
Québec. Il y a une reconnaissance, auprès de la communauté
anglophone, qu'une connaissance de la langue française est plus que
souhaitable, elle est nécessaire pour entrer pleinement dans la vie du
Québec. Bien sûr, il reste encore des unilingues anglais et, avec
la mobilité des gens sur le marché du travail canadien, il y aura
toujours des milliers de personnes qui viendront s'installer ici au
Québec et qui vont commencer à apprendre la langue
française.
Nos enfants, qui se trouvent en cours d'immersion française, vont
apprendre le français beaucoup mieux que nous. Alors, le statut et
l'usage quotidien du français au Québec me semblent être
reconnus et accordés par toute la communauté anglophone.
En revanche, la communauté anglophone demande une seule chose:
d'être reconnue comme une communauté permanente au Québec,
une communauté qui est fière de son passé, qui est
fière de ses contributions au développement du Québec, une
communauté qui veut garder ses traditions, sa culture, ses institutions
et sa vitalité pour le bien commun de tous les
Québécois.
Je suis sûr que les francophones du Québec nous accorderont
ce statut, cette reconnaissance de nos droits et une place au soleil comme
partie intégrante de la société ouverte et pluraliste qui
constitue le Québec des années quatre-vingt. Nous sommes fiers
d'être Québécois, nous sommes fiers d'être Canadiens,
nous sommes fiers de parler français et anglais et nous allons rester
ici, au Québec. Merci beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales, vous avez la parole.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, Mme la Présidente.
J'ai en main deux documents, un qui, je crois, a été
présenté par vous au comité mixte fédéral du
Sénat et de la Chambre des communes sur la constitution et un autre
document que vous avez lu, vous, M. Paterson, tout à l'heure. Je n'ai
pas le troisième que vous avez lu; peut-être qu'il va nous
parvenir.
M. Bloom: De M. Storrs McCall.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. J'ai dans les deux cas
un passage qui m'intrigue beaucoup compte tenu de ce qui a été
discuté ce matin. Vous n'étiez pas ici ce matin, bien sûr;
alors, je vais vous replacer dans le contexte. Il y a eu ce matin, comme
ça arrive souvent, une petite discussion sur le sens du vote
référendaire, c'est-à-dire: Que signifiait le non au
référendum? J'avais dit à l'époque qu'on a
prétendu qu'un non signifiait oui à une révision de la
constitution, alors que ce n'est pas ce qui se produisait. Sur ce, le
député de Saint-Laurent, M. Forget, a expliqué qu'il n'y
avait eu aucune espèce de promesse de présentée et que le
sens du non au référendum n'était pas celui que je
disais.
Or, vous dites, vous, tout à fait autre chose et là, je
voudrais comprendre. Vous dites dans votre document pour le
fédéral: " En votant non lors du dernier
référendum, la
population de notre province a opté pour un
fédéralisme renouvelé qui ne se limitait pas à des
formules d'amendement et à la garantie de certains droits. Nous
envisagions alors une révision radicale de la constitution et une
redistribution des pouvoirs." C'est dans le document fédéral.
M. Paterson: C'est dans le document vert, à quelle
page?
M. Morin (Louis-Hébert): Voilà, c'est ça!
Page 5. Mais, à la page 2 de votre document d'aujourd'hui, vous
continuez dans le même sens et vous dites: "Le 20 mai 1980, 60% des
résidents du Québec ont voté non au
référendum après que le renouvellement du système
fédéral leur ait été promis."
Ce matin, M. Forget nous a dit qu'il n'y avait pas eu de promesses, que
les promesses étaient vides. C'était le sens de son intervention;
je n'ai pas ici la transcription. M. Forget nous disait ce matin qu'il n'y
avait pas eu d'engagement - au moment où on a demandé aux
Québécois de voter non - si précis et si net en ce qui
concerne le renouvellement du fédéralisme.
Or, vous dites exactement le contraire, qu'il y en a eu et que c'est
pour ça que les Québécois ont voté non en
majorité. Je voudrais que vous me donniez votre interprétation du
non référendaire. Nous sommes actuellement victimes d'un coup de
force des libéraux fédéraux parce qu'eux estiment que le
non du référendum leur donne le droit d'agir
unilatéralement, sans tenir compte des provinces et même à
l'encontre des politiques québécoises.
Il y a une contradiction entre ce que vous dites et ce que M. Forget
dit. Je sais que vous n'étiez pas ici ce matin; alors, j'ai
essayé de résumer la pensée de M. Forget. Je sais qu'il va
pouvoir la corriger si je me suis trompé, mais jusqu'à nouvel
ordre c'est ce que j'ai compris, c'est ce que nous avons compris. Cela nous a
même surpris. C'était une des rares fois ou on entendait dire
qu'à toutes fins utiles personne n'avait promis quoi que ce soit au
référendum pour faire voter non, alors que vous dites le
contraire. Comment conciliez-vous tout ça?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Paterson.
M. Paterson: Je pense que c'est une question à laquelle
n'importe quelle personne peut donner une réponse et la réponse
va Être différente selon le cas, parce que, ce que le premier
ministre a dit, je pense, c'était qu'on doit avoir un renouvellement du
fédéralisme. Je pense qu'il a dit cela. Qu'est-ce qu'il avait
dans sa tête? Je ne le sais pas, mais ce que je sais, c'est que la
promesse n'était pas d'avoir le rapatriement unilatéral, mais
celle d'avoir un changement dans le fédéralisme. Je pense que
c'est cela que tout le monde a essayé de faire au moins jusqu'à
la fin de septembre.
Depuis la fin de septembre, ce que nous avons dit dans notre
mémoire, c'est que, même avec la bonne foi de tout le monde, nous
sommes arrivés devant une situation où il n'y a pas de
progrès. Ce que nous avons dit, et je pense que c'est exact, c'est que
les gens du Québec et même les gens du Canada veulent quelque
chose. Mais on ne sait pas comment en arriver à la constitution
renouvelée. On demande à votre commission d'étudier cela
et d'essayer de faire des propositions positives plutôt que de simplement
dire: Ce qui est proposé n'est pas possible et nous n'avons pas une
autre solution. C'est à peu près tout. Je regrette que nous
n'ayons pas dit: Allez-y comme cela, mais, nous autres, nous n'avons pas la
solution.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, M. Paterson. Je voudrais
continuer. Je suis obligé de me servir des vos deux mémoires en
même temps. Je pense qu'ils se complètent et, si vous nous les
avez fournis, c'est parce que vous-mêmes vous avez vu qu'ils
étaient complémentaires l'un de l'autre.
Dans le document que vous avez remis à Ottawa, toujours à
la page 5, vous dites -je le citais tantôt - qu'en disant non au
référendum, ce qui était recherché, c'était
un fédéralisme renouvelé qui ne se limitait pas à
des formules d'amendement et à la garantie de certains droits. "Nous
envisagions alors une révision radicale de la constitution et une
redistribution des pouvoirs." J'ai lu ce bout-là tout à l'heure.
(15 h 45)
II y a d'autres choses que vous ajoutez. Vous dites: "De nombreux
Québécois considèrent donc, à tort ou à
raison, que la résolution proposée - celle d'Ottawa - et le
processus de réforme constitutionnelle envisagé par les
libéraux fédéraux - sont loin de répondre à
leur attente." Vous dites qu'il y a des Québécois qui
considèrent que tout cela est loin de correspondre à leur
attente, à tort ou à raison. Je voudrais savoir de vous si,
à votre point de vue, de par l'expérience que nous vivons
maintenant, les Québécois ont tort ou ont raison de
considérer que la tentative de coup de force des libéraux
fédéraux correspond ou non à leur attente. Quelle est
votre opinion là-dessus? Vous ne vous prononcez pas là-dedans.
J'ai l'impression que vous croyez que cela ne correspond pas à
l'attente, mais j'aimerais vous en entendre parler.
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Paterson.
M. Paterson: Ce que nous avons dit va dans le sens que la
résolution ne touche pas les articles 91 et 92. Cela se limite aux
chartes, au processus d'amendement, etc., mais je pense que, comme je le disais
avant, quand on discute d'une fédération renouvelée, ce
n'est certainement pas seulement cela. Cela doit toucher les articles 91 et 92
et on doit, à la fin, en arriver à une solution où on
puisse discuter de cela et non pas seulement du processus.
M. Morin (Louis-Hébert): Très bien. Vous dites en
somme que cela devrait toucher beaucoup plus que ce que cela touche
présentement. Je pense que vous l'avez dit dans le mémoire que
vous avez remis, sauf que vous arrivez - c'est ma dernière intervention,
je laisserai la place à mes collègues - quelque part dans votre
texte avec la proposition de s'occuper en priorité de la formule
d'amendement, alors que vous venez de dire que ce n'est pas ce qu'on voulait.
J'essaie de concilier comment vous pouvez faire cette recommandation de
s'occuper en priorité de la formule d'amendement avec la
déclaration faite ailleurs dans votre texte que ce n'est pas ce qui est
recherché prioritairement par les Québécois. Comment
conciliez-vous cela?
M. Paterson: C'est parce que je pense qu'on ne va jamais arriver
à une solution sur les questions de 91 et 92 si on n'a pas une autre
manière d'amender la constitution que l'unanimité. C'est ce que
nous avons proposé. Qu'on commence par la formule d'amendement et, si on
peut arriver à une solution ici, au Canada, sur la question du processus
d'amendement, on peut avoir l'espoir qu'on peut continuer à faire les
autres arrangements, les autres négociations; mais si on reste avec
l'unanimité comme règle pour l'amendement, on n'a pas beaucoup
d'espoir d'arriver à une solution sur les autres questions.
M. Morin (Louis-Hébert): M. Paterson, ce n'est pas tout
à fait ma question. Je comprends ce que vous dites. Ce que je veux faire
ressortir, c'est d'essayer de voir comment vous résolvez la
contradiction que vous-même, en quelque sorte, tracez lorsque vous nous
dites, d'une part, que le non au référendum ne devait pas
conduire seulement à une formule d'amendement - c'est ce qui est en
train de se produire à la rigueur maintenant - alors qu'en même
temps vous nous dites que c'est ce dont on devrait s'occuper. Ce que je veux
dire, c'est: ou bien tout le processus actuel est mal parti et doit être
repris, ou bien, il faut s'en tenir strictement à la formule
d'amendement et, le Québec, dès lors, perd la raison d'être
de toute la révision constitutionnelle, c'est-à-dire le partage
des pouvoirs. Ce que vous nous demandez de faire, c'est d'oublier ce qui a,
à toutes fins utiles, fait que le Québec il y a des
années, il y a quinze ans à peu près, a commencé
à réclamer une révision constitutionnelle,
c'est-à-dire le partage des pouvoirs. Vous nous dites de laisser tomber
les priorités que nous avions pour nous en tenir à la formule
d'amendement purement et simplement. Mais le jour où on aura
réglé la formule d'amendement, on n'aura rien réglé
de fondamental en ce qui concerne le partage des pouvoirs et la reconnaissance
d'une société distincte au Québec. Voilà, pour
nous, ce qui est essentiel.
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Paterson.
M. Paterson: Je pense que la réponse est claire.
J'espère que c'est clair. Pour arriver à la deuxième
étape, on doit avoir une autre formule d'amendement. C'est ce que nous
avons dit. On ne dit pas qu'on doit arrêter à ce moment, mais pour
arriver à la deuxième étape, on doit commencer par la
première étape. Or, la première étape doit
être une procédure d'amendement, parce que la procédure
maintenant, l'obligation d'avoir l'unanimité, ne nous donne rien.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais terminer. Je voulais
terminer plus tôt, mais je pense que la discussion que nous avons est
importante. Vous n'ignorez pas que l'établissement d'une formule
d'amendement présume, en quelque sorte, du statut des États
membres, c'est-à-dire qu'il y a des États membres de la
fédération ou des provinces qui auraient un droit de veto et
d'autres qui n'en auraient pas. La formule d'amendement est un geste politique
très considérable. Selon la formule d'amendement que vous avez,
vous déterminez en quelque sorte le statut des États membres des
provinces, donc, du Québec. La formule d'amendement détermine le
statut du Québec. Or, on ne peut pas dire que c'est la première
étape, parce que toute l'entreprise de révision constitutionnelle
est pour faire, entre autres choses, tenir compte dans la constitution du fait
qu'il y a une société distincte au Québec. Or, la formule
d'amendement ne règle pas cela. Le Québec ne serait qu'une
province comme les autres, comme l'Ontario, alors qu'il y a une
société distincte ici. Nous croyons fondamentalement que cela
doit se refléter, si le système fédéral doit
continuer, dans les institutions fédérales. Or, la formule
d'amendement ne le refléterait pas.
M. Paterson: C'est une bonne réponse,
mais M. Bloom pense qu'il en a une meilleure.
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Bloom.
M. Bloom: Je pense, M. Morin, que vous êtes un homme
très pratique, d'après l'expérience que vous avez
déjà vécue, non seulement en tant que ministre, mais dans
les années où vous étiez cadre supérieur au
ministère des Affaires intergouvernementales, comme fonctionnaire.
Vous savez, c'est une question de négociation, on l'a dit dans
notre mémoire, on le répète encore. Ce que vous proposez,
en théorie, possiblement que vous avez raison mais, en pratique, cela ne
marcherait jamais. Au point de vue pratique, il faut commencer quelque part. Il
y avait déjà un bon début de fait au mois de septembre. On
était près. Ce n'est pas la première fois qu'on
était près d'en arriver à une entente. Mais nous, dans
notre mémoire, on vous propose de ne pas lâcher, de continuer
l'exercice que vous avez déjà commencé.
Notre proposition ici, avec tout notre respect, nous trouvons que les
démarches que votre commission a déjà entreprises, qui ont
été également entreprises par les autres provinces, ce
n'est pas constructif. C'est très négatif. Ce que vous essayez de
faire, ce que beaucoup de personnes qui sont venues devant vous ont
essayé de faire, c'est de trouver des moyens de bloquer une
résolution, de bloquer la possibilité d'une entente.
Ce que nous vous proposons, c'est que tous les efforts devraient
être adressés à trouver une solution, ce qui n'est pas
impossible, en commençant par une formule d'amendement, d'après
nous, ce n'est pas loin. Après avoir trouvé une formule
d'amendement, le reste va suivre, mais il faut le faire étape par
étape. Il n'y a aucune possibilité, d'après nous, de
façon pratique, de trouver une solution à tous les
problèmes qui vous font face tout d'un coup. Il faut le faire
tranquillement, graduellement. Ce qui a été essayé durant
l'été dernier, jusqu'au mois de septembre, c'était
peut-être d'en faire trop tout d'un coup. Si les parties, les provinces,
les premiers ministres des provinces avaient essayé, ainsi que le
gouvernement fédéral, de le faire par étape, je pense
qu'il y aurait eu une solution de trouvée, au moins sur la question de
la formule d'amendement.
M. Morin (Louis-Hébert): M. Bloom, vous êtes en
train de dire que ce qui a été fait cet été, ce
n'était pas bien. Je vous ferai remarquer que c'est le gouvernement
fédéral qui nous a entraînés dans cette ronde
infernale, pour profiter d'un moment où la population était moins
attentive - elle avait eu un référendum - pour réaliser
ses objectifs. C'est le gouvernement fédéral qui nous a
embarqués, les libéraux fédéraux qui nous ont.. Mme
la Présidente, les libéraux provinciaux ici pourraient-ils cesser
d'interrompre pendant que j'essaie de comprendre et que ces gens-là
essaient de m'entendre?
Cet été donc, ce sont eux qui nous ont embarqués,
ainsi que toutes les provinces du Canada, dans un processus infernal que j'ai
personnellement vécu. Et nous sommes les premiers à avoir dit que
cela n'avait pas de bon sens. Il ne faut pas aujourd'hui avoir l'air de nous
reprocher ce que les autres ont fait.
Deuxièmement, vous nous dites que nous avons conduit les six
provinces à une action négative actuellement, c'est-à-dire
de bloquer le coup de force fédéral. La réponse est que
vous avez parfaitement raison. Ils ont mis le feu à la boîte et il
s'agit de l'éteindre et nous prenons les moyens pour que ce feu ne se
communique pas et que, même, il puisse s'éteindre. Nous sommes en
train de gagner cette bataille et nous sommes très heureux de la
façon dont les choses évoluent, nos amis s'en aperçoivent
ici, eux qui n'ont pas voulu se joindre à nous au point de
départ, ils ont des remords. Mais il fallait d'abord et
absolument...
M. Forget: On est même très content.
M. Morin (Louis-Hébert): ...empêcher ce coup de
force fédéral de réussir, parce que...
M. Marx: Mme la Présidente, on n'a pas de remords.
M. Morin (Louis-Hébert): ...ça aurait
été... Mme la Présidente, il n'y aurait pas moyen d'avoir
le silence?
M. Marx: On est bien heureux de notre position. Question de
règlement.
M. Morin (Louis-Hébert): J'ai remarqué une chose,
Mme la Présidente. Ils sont très nerveux chaque fois qu'on parle
de leur collusion avec les libéraux fédéraux.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, nous avons
une question de règlement de la part de M. le député de
D'Arcy McGee. Je me dois de l'entendre.
M. Marx: J'aimerais corriger M. le ministre. On n'a pas de
remords quant à notre vote sur la proposition du gouvernement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
vous auriez pu prendre la parole à un autre moment.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui!
La Présidente (Mme Cuerrier): Ce n'est pas tout à
fait une question de règlement, si vous êtes d'accord avec
moi.
M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est même pas du tout
une question de règlement. Si je peux revenir à ce que
j'étais en train de dire, je pense que c'était notre devoir
élémentaire de gouvernement de défendre les droits et les
intérêts du Québec du mieux que nous le pouvions et je
pense que nous avons réussi en empêchant cette sorte de malheur
constitutionnel de se produire. En tout cas, nous espérons devoir
l'empêcher. Nous allons continuer et nous sommes plus
déterminés que jamais.
Troisième chose, vous nous dites qu'il y a une situation
impossible qui a été créée au Canada et au
Québec à cause du coup de force des libéraux
fédéraux. Il faudrait que ce soit nous maintenant qui trouvions
la solution de ce que l'autre a fait de malfaisant. Nous avons toujours dit -
c'est même dans notre publicité gouvernementale, vous l'avez vu -
que nous sommes prêts à retourner à la table. On demande
même à Ottawa de revenir à la table et les provinces
avaient réussi, phénomène plutôt rare, à
s'entendre sur huit ou neuf points au cours de l'été dernier.
À la fin de l'été, il y avait un front commun des
provinces. C'est M. Trudeau qui a balancé tout ça.
Je comprends très bien vos inquiétudes par rapport
à l'avenir. Mais s'il y a quelqu'un de coupable là-dedans, je
pense qu'il n'est pas dans cette salle, sauf, peut-être, indirectement
par ceux qui ont invité M. Trudeau à participer au
référendum au mois de mai. Où ils étaient
conscients de ce que M. Trudeau avait en tête et, à ce
moment-là, ils sont co-complices aujourd'hui ou ils ne le savaient pas
et ils ont été naïfs.
M. Rivest: 60% de Québécois.
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Paterson.
M. Paterson: II y a beaucoup de choses que je ne peux pas essayer
même de reprendre. Mais il y a une chose que vous nous n'avez pas
comprise du tout concernant notre position. On ne veut blâmer personne,
par exemple le Manitoba, Terre-Neuve ou le Québec, pour les
représentations à Westminster. Ce n'est pas ça que nous
avons dit. Nous avons dit: Si les provinces ont un devoir de faire ça,
elles ont aussi un devoir de trouver une solution.
Pour le moment, cela a l'air d'un processus négatif un peu
partout. Ce que nous avons plaidé devant la commission, c'est d'essayer
de trouver quelque chose qui va marcher. On ne dit pas dans le mémoire
que vous devez retirer toutes vos procédures devant les tribunaux. Ce
n'est pas dans notre mémoire. On ne dit pas même que vous n'avez
pas le droit d'aller à Westminster. On ne dit pas ça. Mais si
c'est juste ça qu'on fait, s'il n'y a pas encore une conférence
des premiers ministres, s'il n'y a pas d'autre solution, on va arriver juste
à un autre blocage total. Tout le monde qui était impliqué
dans le référendum, ce n'est pas ça que nous avons promis
aux gens du Québec.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Saint-Laurent, c'est vous, maintenant, qui avez la parole.
M. Forget: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais insister
à mon tour sur cet élément qui est présent dans
votre mémoire, à savoir cette interrogation que vous posez, parce
que je ne crois pas que vous fassiez, comme tel, d'affirmation à savoir
qu'il faut faire ceei ou qu'il faut faire cela. Mais vous soulignez - et je
pense que vous êtes le premier groupe à le faire - qu'il faut
maintenant - d'autant plus si, comme vous venons d'entendre le ministre des
Affaires intergouvernementales l'affirmer, nous croyons que cette
résistance des provinces à la démarche unilatérale
d'Ottawa semble porter fruit, semble réussir - se poser la question: Que
faudra-t-il faire après? (16 heures)
Reportons-nous dans quelques mois. Imaginons que la Cour suprême
s'est finalement prononcée pour déclarer qu'il n'est pas
tolérable que le gouvernement fédéral change
unilatéralement la constitution fédérale. Imaginons-nous
que le Parlement britannique, selon les recommandations du comité
Kershaw, "procrastine", reporte à plus tard l'étude du
mémoire conjoint provenant du Canada, cherche les moyens d'éviter
de dire non au Canada, ce qui serait, sur un certain plan diplomatique, un
affront, mais cherche également à éviter de dire oui, ce
qui impliquerait, dans le fond, de ne pas jouer le rôle que les Canadiens
eux-mêmes ont confié au Parlement britannique il y a plus de
cinquante ans. Supposons, donc, que les provinces peuvent se dire satisfaites.
Supposons que le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec
se croit justifié de convoquer une conférence de presse pour
annoncer que, finalement, à cause de tous ses efforts, de sa diligence,
de ses inquiétudes et de son labeur de tous les instants, il a enfin la
victoire, au moins cette victoire que constitue la mise en échec du
projet unilatéral fédéral, à la portée de la
main, ou même dans les mains; je pense qu'il serait raisonnable, à
ce moment-là, mais qu'il est même raisonnable aujourd'hui de
commencer à se poser la question: Oui, mais, après,
qu'arrive-t-il?
Je pense que c'est une interrogation à laquelle tous, nous devons
nous livrer. Je m'interroge un peu quand je vois le ministre des Affaires
intergouvernementales adopter une attitude plutôt défensive en
disant: Ce n'est pas notre faute, c'est quelqu'un d'autre, qu'est-ce que vous
voulez qu'on fasse? On était pris, on ne pouvait pas dire autre chose.
Tout cela, c'est très joli quant au passé. Il ne s'agit pas de
savoir qui était responsable du meurtre de Caïn. Il est mort et
enterré depuis fort longtemps. Que faudra-t-il faire, maintenant? Est-ce
que le gouvernement entretient des projets à ce sujet? Est-ce qu'il a
commencé à penser à une stratégie?
On sait que le ministre des Affaires intergouvernementales aime beaucoup
penser aux stratégies. Est-ce qu'il a pensé à une
stratégie pour relancer, de façon plus créatrice, plus
productive, le débat?
Il est remarquable que, lorsqu'il commence à parler du sujet, il
semble s'accrocher à un problème de vocabulaire. Il dit: Bon,
nous avions toujours convenu que ce qui est prioritaire pour le Québec,
ce sont les articles 91 et 92, la répartition des pouvoirs, les
institutions fédérales, etc., mais certainement pas la formule
d'amendement. Je pense qu'il est très clair qu'il y a deux sens au mot
"prioritaire". Il y a le sens qui indique qu'il y a certaines choses qu'on fait
avant les autres et il y a un autre sens qui indique que ce qui est
prioritaire, ce sont les choses les plus importantes, qu'on les fasse avant ou
après les autres. De la même façon, quand le Parti
québécois cherchait à se faire élire, il a dit: Ce
qui est prioritaire, c'est la souveraineté du Québec, mais ce
n'est pas ce qu'il a cherché à faire en premier, il a d'abord
cherché à se faire élire, bien que ce ne fût pas
prioritaire. Ce qui était prioritaire, c'était
l'indépendance du Québec. Pourtant, il n'a pas dit: Non, non,
nous ne voulons pas nous faire élire, parce que ce qui est prioritaire,
c'est l'indépendance du Québec et nous nous ferons élire
après que ceci sera réalisé.
On se rend bien compte que la logique qui valait pour chercher à
se faire élire en 1976, cela vaudrait aussi dans un autre contexte.
C'était prioritaire la souveraineté, mais cela ne veut pas dire
qu'on le faisait en premier. Je pense qu'à ce moment-ci on commence
à avoir besoin, de la part du ministre des Affaires
intergouvernementales chargé du dossier constitutionnel, d'une
réponse à cette question.
À supposer que vous ayez réussi dans vos efforts pour
bloquer le projet fédéral -bon, nous nous en réjouirons
tous, fermons ce chapitre - allez-vous chercher à rouvrir tout le
débat constitutionnel d'un coup sec? Allez-vous chercher d'abord
à faire proclamer le principe d'autodétermination du
Québec ou à changer complètement les compétences
législatives des provinces et du gouvernement fédéral? Ou,
allez-vous d'abord chercher à modifier les règles de consentement
à des modifications constitutionnelles? Les règles de
consentement, et je suis tout à fait d'accord sur ce point avec le
groupe d'action positive, dont on sait à peu près certainement
que, puisqu'elles exigent l'unanimité de toutes les provinces, elles
constituent un empêchement presque absolu à toute modification,
à toute évolution constitutionnelle, sauf sur des sujets
tellement limités et insignifiants que l'on peut anticiper un accord
unanime.
S'il était question, comme il en a été question
quand Terre-Neuve est devenue une province canadienne, d'accroître le
territoire canadien, une chose qui est bonne à tous égards,
présumément, on peut effectivement envisager un accord unanime.
Mais lorsqu'il s'agit de questions sur lesquelles les avis sont naturellement
partagés, est-ce que, même si ce n'est pas prioritaire, ce n'est
pas une condition essentielle et prérequise à tout désir
sincère et véritable de modifications constitutionnelles de
mettre de côté la règle de l'unanimité pourvu que
l'on protège le pouvoir du Québec d'avoir à être
toujours non seulement consulté, mais d'accord avec les changements qui
sont envisagés? Je pense que toutes les formules constitutionnelles qui
ont été mises de l'avant depuis quinze ans protègent le
pouvoir du Québec d'être toujours du côté de ceux qui
doivent opter pour un changement constitutionnel, que son désaccord
serait suffisant à lui seul pour empêcher une modification
constitutionnelle. Je pense que tout cela se retrouve dans toutes les formules.
Est-ce qu'il n'est pas d'une terrible urgence de voir à ce que la
règle de l'unanimité soit mise de côté?
Il y a eu, je sais - le ministre était, à cette
époque, sous-ministre des Affaires intergouvernementales - une
école de pensée qui disait que le reste du Canada était
tellement désireux de modifier la constitution ou de la rapatrier que
l'on pouvait en quelque sorte négocier, en échange de notre
consentement au rapatriement ou à une formule d'amendement, des
modifications de substance à la répartition des pouvoirs. Cela,
c'est une stratégie qui a fait long feu, mais dont les
événements plus récents, ceux de l'automne en particulier,
démontrent qu'ils étaient basés sur un faux calcul. Cet
argument...
M. Morin (Louis-Hébert): C'étaient les
décisions de M. Bourassa, pourtant...
M. Forget: Oui, mais...
M. Morin (Louis-Hébert): ... encore cet automne.
M. Forget: Ce n'est pas le seul sujet...
M. Morin (Louis-Hébert): Non? Il vient encore de le
répéter. Il avait comme conseiller M. Rivest.
M. Forget: Ce n'est pas le seul sujet sur lequel il a pu avoir
tort.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, s'il vous
plaît!
M. Rivest: C'est moi, le conseiller!
M. Morin (Louis-Hébert): II vient encore de le
répéter.
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est M. le
député de Saint-Laurent qui a la parole, je vous le ferai
remarquer.
M. Forget: Je suis enchanté de voir le ministre se
précipiter à la défense de son ancien patron...
M. Morin (Louis-Hébert): Ce n'est pas à la
défense...
M. Forget: ... mais il demeure qu'il a pu se tromper
là-dessus, et l'expérience vécue depuis un certain nombre
de mois nous permet d'affirmer sans l'ombre d'un doute que cette
stratégie était une stratégie erronée puisque le
gros bout du bâton n'était pas dans la main de celui qu'on
pensait. Devant une circonstance comme celle-là, je pense que le
ministre aurait tout à fait raison d'écouter l'invitation que
fait le comité d'action positive de commencer à
réfléchir à ces questions de manière qu'on puisse
avoir la fin de l'histoire et pas seulement son premier chapitre.
Mme la Présidente, pour l'instant, je vais me limiter à
ces remarques. J'ai pris connaissance du mémoire... Je
répéterais cependant la question qu'a posée, implicitement
au moins, le ministre à savoir que le troisième mémoire ne
nous a pas été distribué. Est-ce qu'on a l'intention de le
faire? Je pense que ça devrait être au moins dans les archives de
la commission parlementaire puisqu'on en a fait lecture.
M. Bloom: Certainement, M. le ministre... Excusez-moi...
M. Paterson: Si on peut retrouver M. McCall, on pourra le
déposer.
M. Bloom: J'aimerais tout simplement...
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Paterson, ou M. Bloom, vous avez des commentaires? M. Bloom, vous avez
la parole.
M. Bloom: Seulement un commentaire pour M. Forget. J'aimerais
faire remarquer tout simplement que vous avez saisi parfaitement le but de
notre intervention ici aujourd'hui. Ce qu'on avait en vue, exactement,
c'était que cette commission, que le gouvernement du Québec, que
les autres gouvernements provinciaux également fassent le
nécessaire pour trouver au moins une ébauche à ce blocus,
et pour qu'il y ait éventuellement une solution au problème de
fond, mais il faut commencer par une étape, celle de débloquer le
manque de négociations qui existe actuellement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Mme la Présidente, je voudrais
féliciter M. Bloom d'avoir compris, dans les méandres des propos
du député de Saint-Laurent une idée si simple et si claire
que celle qu'il vient d'exprimer; moi, je m'y étais un peu perdu. Pour
ce qui est de cette idée très simple qu'il faut être
prêt à reprendre les négociations, je ne peux que
répéter ce que le ministre vous a dit il y a quelques instants,
que nous ne faisons que ça nous préparer à une reprise des
négociations, proposer, pour sortir de l'impasse, que tous se remettent
à la table des négociations. Pour ce qui est des formules
d'amendement, nous ne prétendons pas en imposer une. Il y a des
éléments de discussion qui ont déjà
été proposés, ça continue d'être en
discussion. Dès que les participants reviendront à la table des
négociations, nous serons prêts à reprendre le dialogue
là où le gouvernement fédéral l'a interrompu de
façon très abrupte, au mois de septembre de l'année
dernière.
Je voudrais vous poser une question à propos de l'importance que
vous accordez à l'Ontario et au projet d'appliquer l'article 133 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique à l'Ontario. Je crois
que vous considérez la chose importante, d'après les textes que
nous avons devant nous et d'après les propos que vous avez tenus. Par
ailleurs, vous avez reproché à M. Léon Dion d'avoir, dans
sa pensée, un manque de cohérence et pas assez de
symétrie. Je ne sais pas dans quelle mesure vous avez suivi nos
délibérations de la semaine dernière, mais un des points
qui ont été discutés le plus fréquemment, c'est
à savoir, justement, si on peut considérer de façon
symétrique les anglophones du Québec et les francophones de
l'Ontario. Je pense que le point de vue majoritaire, est certainement le point
de vue du gouvernement et celui de M. Léon Dion, c'est qu'il y aurait
erreur à les mettre dans le même sac, à considérer
que c'est interchangeable, que c'est symétrique. Ce n'est pas
symétrique.
Lorsque vous parlez de l'article 133, je
me demande si vous vous rendez compte du peu que ça apporterait
aux Franco-Ontariens. Je ne dis pas que ce n'est rien du tout, je ne dis pas
que c'est absolument négligeable, mais, à comparer aux droits,
privilèges et avantages dont jouissent les anglophones du Québec,
appliquer l'article 133 à l'Ontario, c'est presque rien, à
comparer à cela. Pour créer une situation parallèle ou
symétrique, il faudrait que les Franco-Ontariens aient, par exemple,
leurs propres commissions scolaires, qu'ils aient le contrôle de leurs
institutions d'enseignement, ce qu'ils n'ont pas à l'heure actuelle; il
faudrait qu'ils puissent avoir des écoles, de par la loi, sans qu'il y
ait cette clause là où le nombre le justifie, qui pourrait
permettre à des tribunaux d'empêcher la création de ces
écoles; il faudrait qu'ils aient des collèges et
universités français et non pas partiellement français,
bilingues; il faudrait qu'ils aient beaucoup plus de bilinguisme
gouvernemental; il faudrait qu'ils aient des institutions sociales:
hôpitaux, médias, etc.; il faudrait, pour résumer, qu'ils
aient un milieu de vie française comme il existe au Québec un
milieu de vie anglaise.
Alors, c'est ça qui m'étonne, de voir l'importance que
vous accordez à l'article 133 alors que l'article 133, c'est une toute
petite chose à comparer à l'existence d'un véritable
milieu de vie française. Vous venez de nous dire que la
collectivité anglophone du Québec est menacée; je me
demande quel jugement vous portez sur la condition dans laquelle vit la
minorité francophone de l'Ontario puisque, si vous vous dites
menacés, les Franco-Ontariens ne sont plus là du tout, ils sont
absolument moribonds parce qu'ils n'ont à peu près rien des
avantages fondamentaux dont vous jouissez.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je tentais de vous
arrêter pour permettre à M. Bloom d'intervenir.
M. Bloom: M. de Bellefeuille, je pense qu'on est sur la
même longueur d'onde, parfaitement. Dans notre mémoire, vous
l'avez lu, évidemment, vous avez constaté déjà que
tout ce que vous venez de dire, on l'a dit dans notre mémoire. Vous
parlez de l'article 133 et de son application à la province de
l'Ontario. Non seulement on dit trois fois dans notre mémoire qu'on a
fait des représentations, mais on a même fait des interventions
devant la commission judiciaire de l'Ontario. Je comprends que nous
étions les premiers invités dans le nord de la province de
l'Ontario parce qu'on avait fait un mémoire, il y a trois ans, dans le
temps du bill 89, dont vous vous rappelez certainement, qui visait des services
en français aux francophones de l'Ontario. C'est l'Action positive qui a
fait un mémoire, le seul organisme, en dehors de l'Ontario, qui a fait
un tel mémoire, justement pour appuyer la position des francophones de
l'Ontario. (16 h 15)
Dans notre mémoire, on a parlé de services qui allaient
bien au-delà de l'article 133. L'article 133, c'est un commencement, et
je suis d'accord. Cependant, l'ACFO, l'Association canadienne-française
de l'Ontario, je sais bien qu'elle est venue devant cette commission, mais je
ne sais pas ce qu'elle a dit. Cependant, je sais presque certainement qu'elle
vous a dit qu'on a besoin - peu importe l'importance, comme vous dites, c'est
une miette peut-être - que vous accordiez l'article 133. Mais dans leur
esprit, pour les francophones de l'Ontario, c'est très important d'avoir
l'application de l'article 133 à leur égard. C'est justement
à cause de cela qu'on a fait des interventions trois fois en Ontario
pour faire valoir ce point non seulement auprès du gouvernement, mais
également auprès des oppositions. C'est en ce qui concerne
l'article 133.
Vous nous demandez aussi pourquoi, l'article 133 étant seulement
une partie des demandes des francophones de l'Ontario, on n'a pas fait des
demandes ou des représentations en ce qui concerne les commissions
scolaires de l'Ontario. C'est justement ce qu'on a fait. On a demandé
qu'en Ontario les francophones aient leurs propres commissions scolaires, pas
intégrées, pas conjointes, mais leurs propres commissions
scolaires. C'est dans notre mémoire d'ailleurs, notre livre vert. Vous y
trouverez notre demande à ce sujet. Évidemment, on est
entièrement d'accord avec vous à ce sujet.
Concernant les écoles, enlever la réserve que "le nombre
le justifie", nous sommes parfaitement d'accord avec vous. Dans notre livre
vert, on formule la même demande. Cette demande, cette réserve ou
cette qualification n'a aucun sens. Il faut que les francophones, partout
où ils se trouvent au Canada, aient le droit d'instruire leurs enfants
dans la langue française. C'est cela qu'on a dit. On l'a
répété à maintes reprises devant la commission
parlementaire d'Ottawa, également devant la commission parlementaire de
l'Ontario et partout. On était entièrement d'accord avec
l'Association canadienne-française de l'Ontario à ce sujet. On a
appuyé sa demande à ce sujet.
Vous mentionnez également les institutions sociales. Dans notre
livre vert, vous trouverez également nos propos à ce sujet. Notre
position là-dessus, c'est que les francophones en dehors du
Québec devraient avoir leurs propres institutions sociales comme les
institutions scolaires, les deux. Mais par contre, je ne pense pas que vous, M.
de Bellefeuille, nierez, à nous les anglophones, les mêmes droits
ici au Québec. Ce que M. Dion semblait vouloir dire dans sa philosophie
d'asymétrie, de toute façon, il le
disait à propos de l'article 133. Il disait: Ce qui s'applique en
Ontario ou dans les autres provinces du Canada pour les francophones ne devrait
pas nécessairement s'appliquer ici au Québec. Là-dessus,
je ne suis pas d'accord et je ne suis pas d'accord avec vous non plus lorsque
vous nous dites que vous acceptez la proposition, la philosophie du professeur
Dion. En ce qui concerne votre dernier point, le milieu de vie française
que les francophones en dehors du Québec devraient avoir, surtout en
Ontario parce que c'est là où il y a le nombre le plus important
de francophones en dehors du Québec, vous prétendez que les
francophones de l'Ontario devraient avoir la même possibilité de
vivre dans un milieu, une culture française que celle que nous, les
anglophones, avons depuis longtemps ici au Québec. Parfaitement
d'accord! C'est exactement ce qu'on dit dans tous nos mémoires. On peut
vous donner un tas de nos mémoires, même les mémoires qu'on
vous a présentés ici, il y a trois ans, devant les deux
commissions où on s'est présenté en tant que Comité
d'action positive. On a dit exactement cela, on est entièrement
d'accord. Il n'y a aucun conflit entre nous sur tous ces points. On appuie non
seulement l'article 133, mais les institutions partout où cela affecte
le milieu de vie, le mode de vie des francophones en dehors du Québec.
Mais il faut pour cela ne jamais nier non plus la justice envers les
anglophones du Québec. Je ne pense pas que vous nierez que nous, les
anglophones, avons les même droits ou devons avoir les mêmes droits
que ceux qu'on prône pour les francophones en dehors du Québec.
Merci beaucoup.
M. Paterson: Puis-je avoir deux secondes? Je sais que la
réponse est longue, mais...
Une voix: Oui, consentement.
M. Paterson: ...j'ai un autre mot à dire et je veux le
dire en anglais. The entrenchment of rights, be it in a bill of rights,
linguistic rights or whatever, is surely not for the strongest, but to protect
the right of the less strong. It is always often said and repeated about the
English speaking people of Québec and their privileges. But in that
statement are forgotten, such as the people you had before you last week from
the townships, the English speaking people in the Gaspé, the English
speaking people in sections of Montreal, and I can almost point them out with a
map, some in Rosemont, some areas of Lachine, some areas of Ville
Jacques-Cartier who are in as much need of entrenchment of rights as are French
speaking people in other parts of Canada. I think it is a misconception to look
at only the strongest element of a society and say:
Well, there is a very strong part of that community and therefore we can
ignore the rest. That strong part does not need protection, so we will not
protect any of them. But I think it must be the most depressing - and I know it
is from talking to them - thing to the senior citizens, to the unemployed, to
the people that are having a difficult time hacking as they certainly are the
Anglophones in many parts of rural Québec and in many parts of the city
of Montreal when they are painted with a brush of "all you, rich Anglophones,
with all these services, you do not need the protection in the charter of
rights". I say, it is for those people, it is for the people with the least in
life, that we must fight for the protection of the rights, wherever they are in
this province, or in the rest of Canada. That is why, I will oppose with all my
heart Léon Dion's thesis.
I can understand a theoretical political science academic solution like
that, but when you, as you people have, as we have lived with people through
their problems, you know that the rights, if there is one person's right that
needs to be protected in a charter of rights, well then it should be protected;
it is vitally very unfair to pick the richest and say that because he is
English, we are going to do nothing for this one over here, as the Townshipers
told you, as the Gaspésiens will tell you and as many other Hebrew will
tell you, they do not have services any more and are slowly losing the services
they once had. Thank you very much.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de D'Arcy-McGee.
M. Marx: Je trouve un peu difficile à suivre la logique du
ministre des Affaires intergouvernementales, la soi-disant logique qu'il aura
peut-être par son adjoint parlementaire, le député de
Deux-Montagnes. Je m'explique: cela porte sur l'ambiguïté dans
laquelle se trouve le gouvernement péquiste actuel. La raison
d'être de ce gouvernement est de faire la souveraineté-association
- je vois que le député de Chauveau est d'accord - la raison
d'être de ce parti est de faire l'indépendance du Québec et
je vois bien cela.
D'autre part, le ministre et son adjoint parlementaire veulent nous
faire croire qu'ils peuvent renouveler le fédéralisme canadien,
qu'ils peuvent travailler pour le renouvellement du fédéralisme
canadien. Je trouve qu'il y a une ambiguïté dans tout cela et je
vois que le député de Chauveau a un certain sourire et qu'il est
peut-être d'accord avec moi. Si le gouvernement péquiste
réussit à renouveler le fédéralisme canadien, ce
serait en fait se suicider et je n'ai pas encore entendu dire que le Parti
québécois soit prêt à se suicider. Je trouve
que ce serait la fin de la raison d'être de ce parti. Je pense que
c'est nous induire en erreur que de nous dire à cette commission et de
dire en conférence de presse que ce gouvernement est prêt à
voir au renouvellement du fédéralisme canadien. C'est impossible!
C'est essayer de nous faire croire quelque chose qui est impossible. Je trouve
que ces gens ne sont pas de bonne foi de dire cela à cette commission ou
ailleurs.
M. Morin (Louis-Hébert): Est-ce que vos amis les
libéraux fédéraux vont le renouveler le
fédéralisme?
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, je regrette,
mais le temps qui était imparti...
M. Morin (Louis-Hébert): Vous avez raison.
Une voix: À leur façon!
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui. Vous aviez des
commentaires? Il me reste à me faire l'interprète de la
commission de la présidence du conseil pour vous remercier d'avoir bien
voulu participer aux travaux de la commission. Merci au Comité d'action
positive, merci bien à M. Paterson et à M. Bloom.
J'appellerai maintenant l'Association des propriétaires de
Québec Inc. On me dit que le porte-parole de l'association est le Dr
Marcel Tremblay.
Je demanderais au porte-parole de l'association de bien vouloir
identifier la personne qui l'accompagne.
Association des propriétaires de Québec
Inc.
M. Tremblay (Marcel): Je suis accompagné de M.
Édouard Lépine, il est directeur général de
l'Association des propriétaires et j'en suis le président.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Tremblay, vous avez la
parole et vous savez, n'est-ce pas, que vous disposez d'une vingtaine de
minutes pour la présentation du rapport.
M. Tremblay (Marcel): Très bien. Je remercie tout d'abord
la commission parlementaire de nous avoir invités ici. Notre association
a 48 ans d'existence et l'Association des propriétaires s'est toujours
appuyée sur une longue tradition dans le respect et la défense du
droit de propriété, pierre angulaire d'une authentique
société démocratique comme la nôtre et fondement des
libertés essentielles à l'épanouissement de la
dignité humaine.
Depuis près d'un demi-siècle déjà, elle a
été à l'avant-garde des luttes menées en vue de
promouvoir le sain exercice de ce droit fondamental, à la lumière
de l'intérêt public. Elle l'a fait dans son milieu et même
au-delà de la vaste sphère d'influence qu'elle s'est conquise au
Québec, grâce aux valeurs profondes, toujours populaires, qui
inspirent son action.
L'association a pris naissance dans un moment de crise - soit en 1933 -
qui a marqué de façon inoubliable une époque aux prises
avec des difficultés que présente l'inéluctable
nécessité de maintenir un équilibre dans le jeu ou la
guerre des forces économiques. Elle est née dans le creuset, ce
qui lui a permis de se doter, dès l'origine, d'une vision aiguë des
dangers qui menacent non seulement ses intérêts communs, mais
aussi et surtout les bases mêmes sur lesquelles se sont
édifiées ses entreprises, c'est-à-dire les valeurs les
plus vitales qui ont mobilisé ses membres fondateurs.
Récemment encore, elle se battait pour des causes qui
appartiennent au même ordre de valeurs. C'est ainsi qu'elle a
dénoncé avec énergie, dans la Loi sur le zonage agricole,
l'article 22, qui privait le propriétaire terrien du droit
inaliénable de consacrer un lopin de terre à
l'établissement de ses propres fils ou filles, de façon
autonome.
De même, elle combattait la conception du droit de
propriété qui a présidé à la création
de la Régie du logement et qui mettait en échec cette bête
rare, de plus en plus rare, qu'est l'être humain en possession de biens
fonciers et immobiliers, l'être humain qui pourtant est le titulaire
naturel du droit de propriété.
Aujourd'hui, honorables membres de la commission parlementaire de la
constitution, notre association est heureuse d'être accueillie à
cette importante tribune publique où se déroule un débat
de la plus haute importance.
Nous vous savons gré de nous avoir fourni une occasion aussi
solennelle pour nous exprimer avec la même vision aiguë des
événements que celle qui nous a toujours
caractérisés.
Nous vivons en effet un autre moment de crise qui nous fait jeter des
regards inquiets et vifs sur le sort que connaîtra la loi
constitutionnelle qui nous régit, à la suite de la manoeuvre de
rapatriement et d'amendement dirigée par le gouvernement canadien, sans
le concours des partenaires provinciaux de la fédération.
Dans ces circonstances historiques, l'Association des
propriétaires de Québec a voulu faire entendre sa voix non pas
selon les lignes partisanes des formations politiques engagées à
fond dans une lutte sur le front constitutionnel, mais plutôt selon ses
convictions et les objectifs qu'elle poursuit.
Consciente de défendre des valeurs chères à ses
quelque 1300 membres,
l'association entend principalement attirer l'attention des membres de
cette commission sur les tentatives faites dans le cadre de cette lutte
constitutionnelle pour saper le droit de propriété dont le
principe est reconnu dans notre droit depuis au moins l'année 1604 (voir
jurisprudence dans un récent jugement).
Nous laisserons à d'autres organismes ou personnalités le
soin de faire la lumière sur certains articles du projet de
résolution que le gouvernement canadien se propose d'adresser au
Parlement britannique, dans lesquels nous ne pouvons nous empêcher de
voir des menaces directes à l'identité et à la survivance
d'un peuple fondateur de la fédération, le peuple de langue et de
culture française qui a son principal foyer et forme une
société distincte au Québec. C'est le peuple auguel nous
appartenons et de qui nous avons reçu un mandat pour la protection de
ses droits et libertés. (16 h 30)
D'autres se chargeront de cette tâche et pourront le faire avec
plus de compétence et d'autorité selon les exigences du cadre
juridique dans lequel se joue le drame. Pour nous, nous indiquerons seulement
les dangers que nous fait courir l'article 23, relatif aux droits scolaires des
immigrants et citoyens canadiens de langue anglaise, qui risque de mener notre
peuple tout droit au génocide. Parallèlement, l'article 133 de
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, qui assujettit le
Québec au bilinguisme institutionnel, mais en exempte l'Ontario, donne
au château fort anglophone la puissance d'une forteresse
inexpugnable.
Ce sont là les aspects les plus sombres de cette démarche
constitutionnelle pour l'ensemble du peuple québécois et qui font
peser sur son destin des menaces qui ne manquent pas de nous émouvoir.
Mais l'Association des propriétaires de Québec a
été aussi particulièrement émue, à bon
droit, par l'échec des efforts qui ont été
déployés autour de ce débat, à Ottawa, en vue de
faire enchâsser les droits de propriété pour les individus
et les compagnies dans la constitution canadienne. L'amendement au projet de
résolution fédérale aurait modifié l'article 7 en y
incluant les termes "jouissance de la propriété", de façon
qu'il se lisent comme suit: "Chacun a droit à la vie, à la
liberté, à la sécurité de sa personne et à
la jouissance de sa propriété, et le droit de n'en être pas
privé, compte tenu des principes de justice naturelle".
Le droit de propriété est le pilier des pays libres comme
le nôtre. Il est à la source des libertés des Canadiens et
il est très étroitement lié à l'expansion
économique du pays. Les forces socialisantes se sont coalisées
pour monter à l'assaut de ce droit fondamental et empêcher qu'il
ne soit inscrit dans la charte des droits des Canadiens qui est
incorporée dans le projet de constitution. Notre association ne peut que
s'élever avec la plus grande énergie contre cette conjuration
socialiste qui a voulu sans doute ébranler les assises mêmes de la
société canadienne et de l'économie sur laquelle elle est
édifiée pour être mieux en mesure de réaliser les
projets bouleversants qu'elle nourrit.
Les auteurs de ce plan de démolition ont réussi là
où les guerres et les avatars des réformes constitutionnelles
n'avaient jamais rien gagné jusqu'à aujourd'hui dans l'histoire
de notre pays. Les vainqueurs et les régimes constitutionnels du
passé ont toujours sauvegardé le droit de
propriété. Il a suffi d'un coup monté en pleine crise
constitutionnelle pour accomplir ce que les siècles n'avaient pu
réaliser. Les projets que peut entretenir cette faction socialisante qui
trouve de puissants appuis dans le gouvernement canadien nous laissent songeurs
et inquiets, nous, membres de l'Association des propriétaires du
Québec. Qu'adviendra-t-il de nos libertés les plus
précieuses si nous laissons ainsi miner la propriété qui
en est une des plus grandes garanties? Le droit d'user et de jouir d'un bien
est à l'origine des grandes oeuvres durables de notre civilisation. Il a
marqué son évolution par un type de société qui a
permis à l'être humain de développer l'économie, les
arts et la culture avec succès, fierté et dignité.
Il y a déjà suffisamment de facteurs de
désintégration à l'oeuvre aujourd'hui dans cette sorte de
société où nous vivons sans que nous nous mettions
à en accélérer l'allure. Déjà, nous pouvons
voir où mène la désaffection d'une partie de notre
jeunesse éprise de rêves sociaux vaporeux par rapport aux valeurs
qu'ont incarnées les bâtisseurs de notre société.
L'esprit de travail et le goût de la propriété ont perdu
beaucoup de l'emprise qu'ils avaient et de la motivation qu'ils inculquaient
auparavant aux générations successives, dans la même mesure
où les valeurs premières de l'humanisme traditionnel se sont
étiolées.
Qu'adviendra-t-il de ces jeunes rêveurs, secourus par
l'assurance-chômage et l'assistance sociale, qui ne sont plus que des
numéros sans âme manipulés par l'ordinateur et le
technocrate, réduits au plus petit commun dénominateur dans une
société trop organisée? Les coups de butoir qui frappent
aux portes de la ville nous alertent. Il est grand temps de nous ressaisir et
de redresser la cité des jeunes dans des voies plus humaines, ouvertes
sur des valeurs beaucoup plus sûres. Les membres de l'Association des
propriétaires ne sont pas les seuls à s'interroger ainsi. Ils
sont pleinement conscients que leur témoignage trouvera un large
écho parmi la population et ils vous remercient de leur avoir permis de
se faire entendre dans ce débat historique. Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, Mme la Présidente.
Je voudrais vous remercier aussi pour votre mémoire parce que je pense
que c'est le premier que nous avons qui, à partir d'une notion comme
celle du droit de propriété, présente une argumentation
suivie. Sans entrer dans le fond du débat en ce qui concerne le droit de
propriété de l'individu par rapport au droit de
propriété de l'État, je voudrais faire un
parallèle. C'est votre mémoire qui m'y incite, d'autant plus que
votre première partie touche les sujets auxquels j'ai l'intention de
faire allusion.
Vous dites que le droit de propriété n'est pas
suffisamment préservé par le projet constitutionnel des
libéraux fédéraux. Je vais plus loin que ça, il
existe une sorte de propriété, que l'ensemble des
Québécois a actuellement, de certains droits, droits
constitutionnels bien établis et que, jusqu'à maintenant,
personne n'avait mis en cause. Je pense à un en particulier, c'est le
droit qu'a l'institution qui est l'Assemblée nationale,
propriété de tous les Québécois, d'adopter des lois
en matière linguistique, compte tenu de la situation globale en
Amérique du Nord, où l'immense majorité de la population,
États-Unis et Canada ensemble, est de langue anglaise.
Est-ce que je pourrais faire le parallèle ou est-ce que je
dépasse votre pensée en disant que la tentative de coup de force
des libéraux fédéraux est une sorte de confiscation? C'est
non seulement pas suffisamment clair en ce qui concerne le droit de
propriété, mais c'est une sorte de confiscation
appréhendée, si je peux m'exprimer ainsi, du droit de
propriété des Québécois sur leurs institutions et
sur la capacité d'agir de leurs institutions dans des domaines aussi
vitaux que celui de la langue. Est-ce que je peux dire ça?
M. Tremblay (Marcel): Je crois que la Cour d'appel du Manitoba,
avec les juges Freedman, Hall, Matas, le dit d'une façon bien
précise lorsqu'elle dit, à la première section, qu'il
serait prématuré de poser un jugement ne connaissant pas l'avenir
des inquiétudes qu'opposent les provinces. Surtout nous, si on
considère les deux peuples fondateurs selon une dualité, je pense
que nous sommes tout à fait préparés à être
anxieux et angoissés, justement vis-à-vis de cette façon
de donner l'explication du jugement. Je pense que ce serait
prématuré, vis-à-vis de l'angoisse des provinces,
vis-à-vis de leur anxiété, vis-à-vis de ce qui
pourrait arriver à leurs droits. Je crois que notre peuple, étant
un des peuples fondateurs, devant le dualisme des cultures, se doit
d'être le plus angoissé. Je pense que Freedman, Hall et Matas nous
donnent l'argument qu'il faut pour se prémunir réellement
vis-à-vis de cet inconnu futur et ce droit de propriété
que nous avons sur notre langue, sur les lois, sur nos institutions.
Si on fouille l'histoire, à partir de 1763, dans le Traité
de Paris, à l'article 37, on voit que cette chose était
protégée, alors que deux races par le combat, sur le champ des
Plaines d'Abraham, venaient de finir une bataille par les armes, par les
baïonnettes. Ils ont tenu à garder ce droit de
propriété, à l'article 37 du traité de 1763. Tous
les actes, l'Acte de Québec, l'Acte constitutionnel, l'Acte d'union et
l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, sont unanimes pour conserver
le droit de propriété. Ce droit de propriété, pour
nous, je crois que celui de la langue, celui de nos institutions, est celui le
plus fondamental. N'est-ce pas que le premier gouverneur, Murray, disait: Nous
avons affaire au peuple le plus pacifique, le plus travailleur? Je pense que
vis-à-vis des angoisses qu'exprimaient MM. Bloom ou Paterson, ils
devraient se baser sur les paroles du gouverneur Murray qui, en 1763, disait:
Nous avons affaire au peuple le plus tolérant. C'est vrai que nous
sommes un des peuples les plus tolérants, les plus pacifiques.
Personnellement, j'ai eu l'occasion d'effectuer différents stages
avec des anglo-saxons; en 1947, je passais des examens au Collège
militaire de Kingston ou au Royal Home et je répondais à tous les
examens en français. C'était un réflexe naturel qui
surprenait tous les membres de la commission qui m'ont posé des
questions; ça commençait à 7 heures le matin,
jusqu'à 1 heure du matin, le lendemain. Ils m'ont dit: Comment se
fait-il que vous répondiez bien aux questions et que vous passiez
normalement, sans répondre en anglais? Je leur répondais: Parce
que c'est ma langue. Ils ont dit: Est-ce que vous faites partie d'organisations
ou quoi que ce soit? Je disais: Absolument pas, c'est un réflexe
naturel. Je dis, c'est ma langue. Ils sont restés très surpris de
ça. C'est avant l'avènement du collège de Saint-Jean.
Assurément, lorsqu'on regarde nos expériences dans le
passé, nous avons été des gens très
tolérants et je tiens à vous dire une chose, c'est que, du
côté anglo-saxon je ne crois pas du tout qu'en Ontario on puisse
avoir des écoles françaises tel qu'on le pressent ici. Ça
va être tout simplement du papier, parce que j'y ai des cousins et ils
ont de la misère à s'exprimer en français maintenant parce
qu'ils sont pressés par l'environnement, par la mentalité et par
cet esprit presque raciste, à un moment donné, de tout un groupe
qui ne veut pas du tout du français.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le
député de Jean-Talon.
M. Rivest: M. Tremblay, je voudrais vous ramener peut-être
à... Je comprends la question que le ministre vous a posée sur le
plan des droits historiques des Québécois francophones et du
Québec en particulier. Il s'est servi du vocable de droit de
propriété, mais je pense que l'essentiel de votre mémoire
ne porte pas tout là-dessus que sur l'inclusion du droit de respect, du
droit de propriété des individus. D'ailleurs l'association que
vous représentez est bien connue à ce titre-là,
l'Association des propriétaires.
M. Tremblay: D'accord.
M. Rivest: Ce que je voudrais vous dire c'est que, dans
l'argumentation, je comprends le ministre d'avoir pris cet
élément-là pour un peu faire dévier votre
mémoire, parce que le gouvernement actuel ne peut quand même pas
se servir... Il peut exprimer son désaccord avec les propositions du
gouvernement fédéral, on comprend ça, compte tenu de ses
orientations politiques, mais il ne peut quand même pas se servir de
n'importe quel argument pour le faire.
Or, si j'ai bien compris le sens de votre mémoire, vous venez
ici, en somme, réclamer que le droit de propriété soit
spécifiquement reconnu et écrit dans la constitution canadienne,
ce qui implique l'inclusion dans le corps même de la constitution
canadienne d'une charte des droits et libertés de la personne et
nommément du droit de propriété. Je vous rappelle que le
ministre et le gouvernement actuel s'opposent à l'inclusion d'une charte
des droits dans la constitution, donc, du droit de propriété.
Le ministre aurait pu, au moins, je pense, établir cette
position-là. Ils ne travailleront pas dans le sens de l'objectif que
vous poursuivez, parce qu'ils sont en principe, contre l'inclusion d'une charte
des droits et libertés et nommément du droit de
propriété.
Je voudrais vous demander...
M. Morin (Louis-Hébert): Vous êtes d'accord avec les
libéraux fédéraux?
M. Rivest: Pardon?
M. Morin (Louis-Hébert): Vous êtes d'accord avec les
libéraux fédéraux.
M. Rivest: Nous sommes d'accord qu'il serait souhaitable de
mettre dans la constitution, mais sur une base non pas imposée par le
gouvernement fédéral ou par quelque ordre de gouvernement que ce
soit, mais sur une base négociée, lorsque auront lieu les
négociations constitutionnelles en vue du renouvellement du
fédéralisme... nous sommes également d'accord, M. le
ministre, que le fédéralisme soit renouvelé et nous allons
travailler dans ce sens-là, alors que vous savez très bien que
l'objectif premier et la raison d'être de votre formation politique,
c'est la souveraineté politique du Québec.
Quand nous allons travailler, un peu comme les intervenants
précédents l'ont dit, nous allons effectivement nous pencher sur
cet aspect particulier de la question en vous posant si vous voulez, par
ailleurs... Je ne pourrais pas affirmer aussi directement que vous le faites,
qu'inclure dans la constitution canadienne la mention spécifique du
droit de propriété... Est-ce que vous en avez mesuré
toutes les conséquences? Il faut bien comprendre que l'inclusion d'un
droit fondamental dans la constitution ne donne peut-être pas de pouvoirs
additionnels à l'un ou l'autre des niveaux de gouvernement, mais cela
place ces droits-là au-dessus des gouvernements. C'est-à-dire
qu'une loi provinciale ou une loi fédérale ne pourrait pas
limiter dans quelque domaine que ce soit le droit de propriété si
on mettait simplement l'inclusion sans réserve aucune dans la
constitution. Or, vous avez un point de vue que nous respectons et que moi,
pour ma part, je respecte volontiers parce que je sais que ce n'est pas un
point de vue improvisé. Néanmoins, si on mettait sans
réserve aucune dans la constitution une mention comme celle du droit de
propriété, est-ce que vous avez mesuré les
conséquences que cela pourrait avoir sur certains types de
législations qu'adoptent les gouvernements, à travers le pays,
autant le gouvernement fédéral que les gouvernements provinciaux,
pour maintenir un certain équilibre dans la société pour
les personnes qui sont peut-être moins pourvues que d'autres, ou encore
pour corriger des injustices sur le plan social ou pour affirmer..? Par
exemple, prenons le secteur de l'énergie. Si le droit de
propriété était inclus comme cela dans la constitution, il
y aurait lieu de craindre que le gouvernement fédéral qui essaie
de canadianiser, si vous voulez, l'industrie du pétrole pourrait se voir
contraint de subir toutes sortes de tracas juridiques ou les grandes compagnies
dans le domaine du pétrole pourraient contester des
éléments majeurs de la politique énergétique
canadienne au titre justement du respect absolu. Je vous parle d'un droit de
propriété absolu et, dans votre mémoire, je trouve que
vous n'avez pas assez qualifié votre proposition. (16 h 45)
M. Tremblay (Marcel): Bien entendu, notre Association des
propriétaires n'a peut-être pas la même philosophie que
celle des gens qui, justement, veulent le rapatriement de la constitution. Sur
la question du droit
de propriété, nous sommes opposés, a fortiori,
comme association de propriétaires, à toute forme de
nationalisation quelle qu'elle soit.
Je pense que, de ce côté-là, ceux qui peuvent
être victimes, en général, ce sont les petits et non le
gouvernement lui-même qui est beaucoup plus gros.
Éventuellement, quand on défend les propriétaires
et un droit de propriété, je pense que celui qui est le plus
susceptible d'être lésé, c'est le plus petit. Vous disiez
tout à l'heure que le ministre semblait dévier de l'objet de la
discussion. Je pense que nous sommes très près de ces opinions
qui font que c'est le droit de propriété d'une minorité,
mais qui est un peuple fondateur, les Canadiens français, et que nous
avons toutes les raisons de croire que ce droit de propriété doit
être aussi inclus dans notre façon de discuter, parce que le droit
de propriété, ce n'est pas simplement une propriété
comme le Royal State, ou une maison, ou des logements; le droit de
propriété, c'est un droit de propriété de sa
langue, de ses institutions, de ses foyers, de ses droits.
Selon nous, notre façon de penser, notre philosophie des
associations de propriétaires est diamétralement opposée
à celle de cette technocratie qui, aujourd'hui, est envoûtante,
veut absolument tout englober, veut réellement, pour avoir le chemin
plus facile dans les expropriations, etc., dans tous les domaines, nationaliser
d'une façon plus facile. Je pense que notre devoir en tant
qu'association de propriétaires, c'est de faire en sorte que, justement,
on puisse établir un équilibre vis-à-vis de ces forces
envoûtantes de la technicité, de la technocratie qui actuellement
constituent un des grands dangers. D'ailleurs, Jacques Chirac, qui fait sa
campagne contre le premier ministre, Giscard d'Estaing, contre le
président, part justement du principe qu'il faut revenir aux valeurs
humaines, etc. Comme association, nous sommes contre toute forme de
nationalisation.
M. Rivest: Je comprends bien. Si vous permettez, Mme la
Présidente, un élément de question. Je comprends bien le
point de vue que vous exprimez. Remarquez d'ailleurs que vous avez donné
des exemples de législations récentes qui vous paraissent
justement enfreindre le principe sacré du droit de
propriété. Vous avez donné des exemples dans votre
mémoire en parlant du zonage agricole et d'autres
éléments.
Mais la question que je veux vous poser, c'est qu'en mettant, comme vous
le proposez, le droit de propriété dans la constitution
canadienne... Pour prendre un exemple bien concret, je vous ai signalé
tantôt que le gouvernement du premier ministre, M. Trudeau cherche
actuellement, dans l'intérêt, je pense, général des
Canadiens, à avoir une présence et à exercer un
contrôle sur toutes les questions de pétrole qui sont, on le sait,
entre les mains des compagnies, des multinationales. J'ai l'impression - je
vous donne mon impression qu'ayant suivi ce débat à Ottawa,
l'hésitation que le premier ministre du Canada, M. Trudeau, a d'inclure,
tel que vous le demandez, tel que d'autres groupes l'ont demandé, dans
la constitution le droit de propriété de la façon que vous
procédez, c'est qu'il se pose la question, comme premier ministre du
Canada, qu'il doit voir au bien-être de l'ensemble de tous les Canadiens
face à un problème aussi concret que celui-là et qu'il se
dit: Si je mets cela dans la charte constitutionnelle, à ce
moment-là, peut-être que la politique énergétique du
Canada deviendra, dans une très large mesure, impossible, parce que ce
droit de propriété, que je respecte sans doute autant que vous,
va permettre, va maintenir le contrôle des grandes compagnies qui, quel
que soit leur mérite, agissent au sein de la société
canadienne et, à certains moments, prennent des décisions qui,
dans un contexte particulier, peuvent ne pas être prises par l'ensemble
des contribuables canadiens qui doivent défrayer des coûts
extrêmement considérables dans le domaine du pétrole. C'est
dans ce sens-là que je pose la question.
M. Tremblay (Marcel): M. Lépine va vous parler, mais deux
minutes avant, j'aimerais vous dire que nous ne sommes pas d'accord sur la
philosophie actuelle de la nationalisation de Petro Canada.
Deuxièmement, nous ne voulons pas que Freedman, Hall et Matas
nous disent, devant les anxiétés prématurées, etc..
Je pense que d'une façon, c'est un mécanisme d'autodéfense
de tous les petits peuples - six millions que nous sommes - c'est un
mécanisme authentique, patriotique, nationaliste, modéré,
et il nous revient de droit d'avoir ce réflexe contre toute forme
envoûtante, nationalisante. Ceux qui veulent faire un "melting pot" du
Canada, un prolongement des États-Unis d'Amérique, un Canada
genre "multistate", nous sommes contre cela. Nous sommes d'abord pour deux
peuples fondateurs avec une dualité, avec des droits acquis profonds,
qui ont été acquis sur les champs de bataille. Je pense que chez
nous, on doit respecter cela. On doit justement donner à nos fils,
à nos filles ce droit bien authentique non seulement sur des papiers sur
lesquels on dira... Et même, je ne suis peut-être pas tout à
fait d'accord sur la supposée symétrie sur papier de l'Ontario
parce que j'ai certainement très peu d'espoir de ce
côté-là. Assurément, ce qu'on fait chez nous
actuellement, c'est que si on veut réellement nous enlever ce
réflexe
premier d'être capables d'aller courir au moins en Angleterre pour
dire: Ils sont en train de nous dépouiller de nos droits, je pense qu'il
reste qu'on a encore plus de droits en faisant cela qu'en rapatriant la
constitution actuelle. M. Lépine.
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Lépine, vous vouliez ajouter quelque chose?
M. Lépine (Edouard): Seulement un commentaire, Mme la
Présidente. Je voudrais remercier le député de Jean-Talon
de nous avoir suivis d'une façon assez brillante, mais je voudrais aussi
compléter son information, étant donné qu'il a l'air de
connaître énormément la résolution du gouvernement
Trudeau. Comment se fait-il que c'est à cause des pressions du NPD que
M. Trudeau enlève ce droit à la propriété aux
citoyens canadiens?
M. Rivest: Effectivement, - vous le mentionnez directement - la
chose que j'ai voulu vous indiquer, c'est que, contrairement à
l'impression qu'avait peut-être pu créer, parce que vous savez que
le gouvernement actuel au Québec... Vous parlez du NPD. Je sais que ce
problème se pose actuellement à Ottawa d'une façon
très précise dans les termes que vous mentionnez, mais le
ministre qui a semblé littéralement endosser votre
mémoire, vous savez qu'il appartient à un gouvernement qui, sur
ce plan, - et vous l'avez spécifiquement mentionné dans votre
document, qu'il s'agisse du zonage agricole, de l'amiante, on pourrait trouver
mille et un exemples - n'est pas du tout prêt à se battre pour
reconnaître le droit de propriété tel que vous le demandez.
C'est dans ce sens que j'ai fait mon intervention.
M. Lépine: ...nous expliquer.
M. Morin (Louis-Hébert): Mme la Présidente,
j'aimerais peut-être intervenir tout à l'heure là-dessus.
C'est parce que c'est en dehors du débat et j'ai seulement un
commentaire que je ferai tout à l'heure.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, je vous
accorderai la parole après M. le député de
Bellechasse...
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord.
La Présidente (Mme Cuerrier): ...à moins qu'il y
ait un consentement pour que vous parliez avant, mais nous verrons cela.
M. Lépine, vous aviez quelque chose à ajouter, je
pense.
M. Lépine: Non, Mme la Présidente. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): Non?
Alors, M. le député de Bellechasse, vous avez la
parole.
M. Goulet: Oui, Mme la Présidente. Le Dr Tremblay et le
ministre des Affaires intergouvernementales ont donné une
définition du droit à la propriété, une
définition qui est sûrement bonne, mais qui est large quant
à moi. On a parlé de la langue, de la culture. Le ministre a
même parlé de l'Assemblée nationale du Québec qui
appartient aux Québécois, tout cela.
Si on s'en tient au niveau du droit à la propriété
des biens, vous avez donné comme exemple dans votre mémoire le
zonage agricole, les propriétés physiques. Dans le projet
Trudeau, le projet du fédéral, pouvez-vous nous fournir un
exemple concret ou mettre en évidence une situation qui pourrait changer
des choses par rapport à la situation qui existe déjà
actuellement ou celle qui pourrait exister à la suite de l'adoption du
projet Trudeau? Oublions la langue, la culture. D'accord, c'est notre
propriété, mais...
M. Tremblay (Marcel): Tantôt, j'ai passé vaguement
là-dessus. Prenez, par exemple, dans le domaine des expropriations. Si
le droit de propriété n'est pas reconnu dans le fondement
même de notre charte fédérale, le rapatriement de la
constitution, quel débat, pensez-vous, le petit propriétaire va
être capable de faire?
M. Goulet: II me manque un petit bout. Là-dessus, je suis
sur la même longueur d'onde que le député de Jean-Talon.
Est-ce que je dois comprendre, pour éviter cela, que dans le
rapatriement de la constitution, on devrait enchâsser ou inclure dans la
constitution le droit à la propriété de façon qu'un
gouvernement, au niveau provincial, qui voudrait passer une loi comme celle sur
le zonage agricole ne puisse le faire? Est-ce que vous aimeriez que ce soit
inclus?
M. Tremblay (Marcel): On peut être contre le processus de
nationalisation, mais de toute façon, cela ne veut pas dire que les
provinces n'auront pas des droits dans ce domaine. Selon notre philosophie,
nous sommes, en principe, contre toute sorte de nationalisation. Toute
nationalisation, pour nous, est considérée comme ne faisant pas
partie de notre philosophie.
M. Goulet: Mais est-ce que vous voudriez que ce soit
assuré dans une charte des droits?
M. Tremblay (Marcel): Je pense que nous devons exprimer ici un
point de vue de façon à pouvoir sensibiliser les
autorités. Ce point de vue, sur le plan plus collectif, sur le plan plus
global de toute une province, je
pense que cette défense des droits de propriété est
peut-être beaucoup plus globale, beaucoup plus poussée, mais elle
n'est pas opposée justement à une certaine forme de nationalisme,
d'une nation comme nous sommes, les Canadiens français, dans la province
de Québec.
M. Goulet: Dernière question, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, M. le
député.
M. Goulet: Merci. Oublions la chicane constitutionnelle. C'est
simplement une information pour savoir vraiment la façon de
l'Association des propriétaires de Québec de voir les choses.
Oublions le débat constitutionnel. Qu'est-ce qui empêche les
gouvernements, depuis dix ans ou vingt ans, de faciliter le droit à la
propriété, c'est-à-dire être contre
l'étatisation ou encore faciliter l'accès à la
propriété? Qu'est-ce qui les empêche actuellement d'agir?
Ou qu'est-ce que vous voudriez voir changer au moment où on va modifier
cette constitution?
M. Tremblay (Marcel): Bien entendu, sans vouloir sortir du
contexte, Mme la Présidente, je pense qu'actuellement, l'Association des
propriétaires, nous remarquons que sur le plan global, sur le plan
national, nationaliste, les jeunes sont dans un état
d'insécurité. Je pense qu'il serait très important de
prévoir justement... tout d'abord, un peuple qui ne se reproduit plus
est un peuple qui est en difficulté, où il y a une menace de
renouvellement.
Nous croyons, lorsque les lois actuelles, lorsque les idées
actuelles, lorsque le milieu actuel ne peut pas réellement régler
le problème, qu'il faut revenir au passé, rechercher dans les
vieilles lois, telles celles de 1945 à 1973 - elle a été
abolie en 1973 -la loi qu'on appelait la Loi du crédit agricole, qui
aidait les jeunes à l'accession à la propriété.
Sans vouloir sortir du contexte du mémoire, nous voudrions globalement,
vu d'une façon très nationaliste, que cette jeunesse puisse avoir
accès à la propriété, que les gouvernements
puissent prendre des attitudes pour que le jeune chez nous puisse se
reproduire, puisse se reproduire dans la paix. Dans le Traité de Paris,
on dit bien "la possession paisible de sa propriété, de la
propriété privée." C'est tout de même de 1763. On
voudrait qu'on reproduise au moins ce que le vainqueur nous laissait en
1763.
Je pense qu'il serait important justement qu'aujourd'hui, alors qu'en
1973, on a enlevé cela, la société d'habitation, on
devrait revenir à cela, recourir à cela. Appelez cela la
société d'habitation, autrefois, c'était le crédit
agricole. Disons que c'est dans l'ordre du processus, toujours global, d'un
certain nationalisme global.
M. Goulet: Mme la Présidente, j'aimerais demander à
nos invités de prendre connaissance du document de travail que l'Union
Nationale a déposé en fin de semaine concernant le droit à
la propriété. Je suis certain qu'ils seraient extrêmement
heureux de lire les propositions concrètes que nous y formulons.
M. Tremblay (Marcel): ... de voir cela, mais de toute
façon...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre des Affaires
intergouvernementales. (17 heures)
M. Morin (Louis-Hébert): Après cette pause
commerciale du député de l'Union Nationale, je voudrais seulement
introduire une considération à partir de ce que M. Rivest,
député de Jean-Talon, a dit tout à l'heure en discutant
avec nos invités. Je voudrais qu'il me corrige si j'ai tort. J'ai
l'impression, en comparant le contenu du texte de la proposition
constitutionnelle des libéraux fédéraux, donc, le coup de
force, en comparant ça aux positions constitutionnelles des
libéraux provinciaux, je constate première constatation - qu'il y
a convergence et pratiquement similitude. En d'autres termes, ils veulent
à peu près la même chose, quant au fond.
Deuxièmement, ils disent aujourd'hui qu'ils s'opposent au coup de
force constitutionnel des libéraux fédéraux,
essentiellement parce que la démarche est unilatérale, ce qui
veut dire, en termes plus clairs, parce qu'ils n'ont pas été
consultés ou parce que les gouvernements n'ont pas été
consultés.
J'en déduis, troisièmement, que si eux étaient au
pouvoir et s'ils avaient été consultés, ils auraient
été d'accord avec le contenu de la charte des droits et, par
conséquent - quatrièmement - avec l'attaque que constitue cette
charte des droits sur la politique linguistique du Québec et sur la
capacité du Québec de demeurer autonome en matière
d'éducation.
En conclusion, vous avez, au fond, deux groupes qui pensent la
même chose, mais qui divergent essentiellement sur la méthode,
mais pas sur le fond. Je pense que c'est une constatation qui est importante
à faire. Si je me suis trompé, je demande au député
de Jean-Talon de répondre à la question suivante: Si vous aviez
été consultés selon les formes sur le contenu du projet
fédéral de vos amis libéraux et sur ce coup de force,
auriez-vous été d'accord, oui ou non?
M. Rivest: Mme la Présidente, très
brièvement; je ne veux pas engager de débat. Je pense que, dans
le discours, enfin le petit
discours, le mini-discours du ministre des Affaires
intergouvernementales, ce que je conteste le plus, c'est peut-être ce
petit bout de phrase, lorsqu'il dit "...si je me suis trompé". Il sait
très bien qu'il s'est trompé et qu'il essaie de faire en sorte de
diminuer le plus possible la prise de position du Parti libéral du
Québec et de son chef. Je dirai très simplement que M. Ryan a
déjà très clairement établi que les réserves
que nous avons face au projet fédéral ne concernent pas
uniquement la forme, c'est-à-dire le caractère unilatéral
de la démarche, mais qu'il y a également des questions de fond
sur lesquelles nous avons déjà exprimé notre
désaccord, des questions de fond sur lesquelles, d'ailleurs, nous avons
pris position, bien antérieurement à la démarche, bien
avant que les propositions fédérales soient rendues publiques,
puisque ces propositions de fond sont inscrites dans le document adopté
maintenant qui est la position officielle du Parti libéral du
Québec et que l'on a désigné sous le nom de livre
beige.
Alors, il y a des dispositions de fond là-dedans qui
contredisent, dans certains cas, carrément certaines dispositions du
projet fédéral. C'est dans ce sens-là que nous avons dit
et que nous continuons de dire...
Cependant, il y a une nuance et je voudrais terminer là-dessus,
Mme la Présidente, c'est que, sur un point fondamental, on est d'accord
avec le gouvernement canadien et les autres gouvernements provinciaux du pays,
même ceux-là qui font partie du front commun actuel contre les
propositions fédérales. Nous croyons et nous continuons de
croire, pour le Québec et pour les Québécois, dans la
valeur du fédéralisme canadien et notre adhésion au
régime fédéral et à ce pays qui est le Canada n'est
aucunement entachée par les difficultés, si sérieuses
qu'elles soient, en ce moment, sur le plan de la révision
constitutionnelle. Quand nous travaillons à la révision
constitutionnelle, M. le ministre, nous ne le faisons pas que du bout des
lèvres. Nous sommes intéressés, pour prendre une
expression populaire, à ce que le Canada continue d'exister, alors que
vous ne pouvez pas en dire autant. Vous essayez de faire croire aux
Québécois que vous êtes vraiment intéressés
à ce que le fédéralisme canadien soit renouvelé,
mais je pense que les Québécois ne sont pas dupes, parce que,
comme vous le disait le député de Saint-Laurent ce matin, si
jamais ça réussissait sur le plan du renouvellement du
fédéralisme, le Parti québécois qui dit travailler
dans ce sens-là perdrait jusqu'à sa raison d'être. Votre
raison d'être, c'est la souveraineté et l'indépendance
politique du Québec.
M. Morin (Louis-Hébert): Deux brefs commentaires pour
terminer.
La Présidente (Mme Cuerrier): Pour permettre... S'il vous
plaît: Un moment, je voudrais juste faire une mise au point.
M. Morin (Louis-Hébert): Cela ne durera même pas une
minute, Mme la Présidente. Le premier, c'est que je constate que tout ce
qu'il y a de libéraux au Canada et qui sont au pouvoir sont justement
ceux qui sont en train - cela a été mentionné hier par des
voix autorisées - de détruire le Canada, tel qu'on le
connaît; alors, ce sont les amis de nos voisins.
M. Rivest: ...sont au pouvoir au Canada. Qui?
M. Morin (Louis-Hébert): Deuxièmement, j'ai
remarqué que les explications de notre ami de Jean-Talon sont
plutôt laborieuses, ce qui constitue un élément de
réponse que les auditeurs seront à même de juger.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que j'aurais
dû faire ma mise au point au départ.
M. Morin (Louis-Hébert): Voilà.
La Présidente (Mme Cuerrier): Avant de donner la parole
à M. Lépine qui a manifesté l'intention d'intervenir,
j'aimerais quand même inviter les membres et les intervenants de la
commission à ne pas se poser de questions entre eux, mais bien à
les poser à nos invités.
M. Lépine, vous avez la parole.
M. Lépine: Vous m'avez devancé, Mme la
Présidente. On était très fier et très heureux de
venir dire à haute voix et honnêtement ce que nous pensons. Je
laisse le soin à ceux qui veulent faire cette discussion politique de la
faire. Nous nous réservons notre jugement. On n'a plus rien à
dire.
La Présidente (Mme Cuerrier): II y avait M. le
député de D'Arcy McGee qui voulait intervenir. Je vous ferai
remarquer que, jusqu'à maintenant, le côté gouvernemental
de la commission a utilisé neuf minutes, et que le côté de
l'Opposition a déjà dépassé les 20 minutes.
M. Morin (Louis-Hébert): Dans ce cas, on va arrêter
là.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que M. le
député a quand même demandé la parole. Si nous nous
en tenons aux ententes de la commission...
M. Marx: Le ministre des Affaires intergouvernementales est un de
mes grands amis et je suis sûr qu'il va m'accorder deux
minutes.
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, certainement, parce que,
chaque fois que le député de D'Arcy McGee parle, cela nous
aide.
La Présidente (Mme Guerrier): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le ministre, j'aimerais mieux que vous ne fassiez pas de
commentaire quant au consensus que vous voulez...
M. Morin (Louis-Hébert): Je ne fais pas de commentaire, je
fais une constatation.
La Présidente (Mme Cuerrier): ...apporter pour ce que M.
le député utilise deux minutes. M. le député, je
vous ferai remarquer que vous m'avez demandé deux minutes, n'est-ce
pas?
M. Morin (Louis-Hébert): Deux minutes.
M. Marx: D'accord. Je ne veux pas revenir sur le débat de
l'enchâssement d'une charte des droits de la personne; on a fait le
débat au mois d'août. Peut-être que le ministre l'a
soulevé parce que les débats d'aujourd'hui sont
télévisés alors que les autres ne l'étaient pas. La
télévision excite les gens, souvent.
J'aimerais revenir à votre question sur le droit à la
propriété que vous voulez voir enchâsser dans la
constitution. Vous devez être au courant que le Code civil actuel, qui a
été adopté par le Québec en 1866,
c'est-à-dire le Bas-Canada, contient déjà un article
où le droit à la propriété est
protégé. Le principe se trouve dans l'article 417 du Code civil,
je pense.
Supposons qu'on met une clause sur le droit à la
propriété dans une nouvelle constitution canadienne, qu'est-ce
que cela va garantir? Vous savez aussi que, dans la constitution
américaine, il y a une clause qui prévoit le droit à la
propriété, mais ce n'est pas un droit absolu. La Cour
suprême des États-Unis et d'autres cours ont
interprété cette clause qui protège le droit à la
propriété d'une façon large, peut-on dire. Par exemple, il
y a des règlements de zonage dans chaque municipalité. On peut
acheter un lot dans une municipalité, mais, si le règlement de
zonage prévoit un édifice d'un étage, on ne peut pas
construire un édifice de quinze étages, parce qu'il y a un
règlement de zonage qui a toujours été trouvé
valide et constitutionnel aux États-Unis et au Canada. On peut dire que
cela empiète sur le droit à la propriété d'avoir
des règlements de zonage. Il y a aussi l'expropriation qu'on fait dans
l'intérêt public, si on veut construire une école ou
même un autre bâtiment pour des fins publiques, un hôtel de
ville, par exemple.
Donc, tout en mettant un article dans une nouvelle constitution,
où on va protéger le droit à la propriété,
je ne suis pas sûr et certain que cela va empêcher un gouvernement
provincial d'adopter l'article 22 qui se trouve dans la loi sur le zonage
agricole ou d'adopter divers articles qui se trouvent dans la loi concernant la
Régie du logement. Ce que je veux dire, en somme, pour résumer,
c'est que, si on met le droit à la propriété dans une
nouvelle constitution, ce ne serait pas un droit absolu; ce serait un droit
semblable au droit qu'on a aujourd'hui au Québec. Parce que les cours
vont interpréter un tel droit en fonction des besoins d'une
société moderne et en fonction de toutes nos lois, même
celles d'avant la Confédération.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je ne présume pas de
l'intention de la commission, j'imagine, en pensant que M. Tremblay ou M.
Lépine peuvent intervenir et utiliser au moins deux minutes
supplémentaires.
M. Tremblay.
M. Tremblay (Marcel): Je vous remercie, Mme la
Présidente.
Nous avons intervenu d'abord au niveau du gouvernement
fédéral, nous avons envoyé un télégramme au
chef de l'Opposition pour, justement, lui demander de débattre cette
question. Je suis en même temps vice-président de l'Union des
ligues de propriétaires de la province de Québec qui regroupe 174
associations. Nous avons envoyé, dans un programme commun, un
télégramme très sérieux dans lequel on a
demandé au chef de l'Opposition de prendre parti, justement, pour faire
inclure ce droit de propriété qui avait été promis
et que le NPD a réussi, ni plus ni moins, à faire enlever,
à un moment donné; pourtant, c'était promis.
Je pense que c'est un droit auquel nous tenons beaucoup. Bien sûr,
nous ne sommes pas contre le zonage, l'évolution, le bien commun, etc.,
mais je pense que c'est une question de principe. En 1763, ce droit de
propriété était indiqué, c'était un
principe. Ce principe a été maintenu dans tous les actes: Acte de
Québec, Acte constitutionnel, Acte d'union, Acte de l'Amérique du
Nord britannique. Devant un danger de rapatriement dans lequel on oublie ces
droits, je pense qu'on se doit, comme association -c'est un réflexe
d'autodéfense, on pense qu'on ferait mal de l'omettre - de faire
installer ce droit. Ce ne serait pas une nouvelle acquisition, mais, au moins,
il serait installé en principe.
M. Marx: Est-ce que vous voulez dire que même si on inclut
le droit à la propriété dans la constitution... Je ne suis
pas sûr que ca change quoi que ce soit. Cela ne
changera rien dans nos lois actuelles. Cela, c'est mon point de vue
personnel, c'est mon appréciation personnelle d'une telle clause dans
une constitution, étant donné toute la jurisprudence de nos
tribunaux. Si on met le droit à la propriété dans la
constitution, on n'y dira pas que les municipalités ne peuvent pas
exproprier, que les règlements de zonage ne sont pas valides, et ainsi
de suite. À mon avis, le droit de propriété dans la
constitution n'ajoutera pas d'autres droits que ceux dont nous
bénéficions aujourd'hui.
M. Lépine: Le député n'a pas parlé
à travers son chapeau, il nous a référé à
une série de textes, et je suis doublement content de voir qu'il n'a
rien contre le fait qu'on reconnaisse le droit à la
propriété.
La Présidente (Mme Cuerrier): La commission de la
présidence du conseil et de la constitution remercie l'Association des
propriétaires de Québec pour sa contribution, merci à M.
Marcel Tremblay et à M. Édouard Lépine.
J'appellerai maintenant - est-ce qu'ils sont ici? - la
Société Makivik. La Société Makivik est
invitée à se présenter maintenant devant la commission.
Est-ce qu'on est prêt? Nous allons suspendre quelques instants, à
moins qu'on ne soit pas d'accord au niveau de la commission.
Nous n'avons pas besoin de suspendre, la Société Makivik
est invitée à se présenter maintenant devant la commission
parlementaire de la présidence du conseil et de la constitution. Le
porte-parole de la société est M. Watt. Je lui demanderai de bien
vouloir présenter les personnes qui l'accompagnent. (17 h 15)
M. Watt, vous avez la parole. On m'a informée que vous seriez
accompagné d'un ou d'une interprète qui, pour le
bénéfice des gens qui sont ici, pourra dire, dans la langue... Mr
Minister tells me that I have to talk English if I want those people here to
understand, but they told me that you already have an interpreter, do you?
Société Makivik, au nom des
Inuits
M. Watt (Charlie): Madame Chairman, I am having some difficulty
to understand maybe because of the distance or...
La Présidente (Mme Cuerrier): All right. Alors, est-ce que
vous comprenez le français?
M. Watt: No, I am sorry, unfortunately, I cannot speak French
well enough to get into the conversation.
La Présidente (Mme Cuerrier): So, you are allowed twenty
minutes for the presentation of your report and then those members of the
commission shall ask you questions and you may answer. I have been told that
somebody may translate what you are saying and what we are saying here, in the
commission. Is that person with you, right now?
M. Watt: Yes, the gentleman understand and is here that will be
translating for us most likely from English to French or from Inuttituit to
English or French or vice versa and I think that he is a perfect trilingual and
he will be doing the translating for us.
La Présidente (Mme Cuerrier): Puisque c'est le cas,
monsieur, s'il vous plaît, voulez-vous, vous allez nous aider à
nous entendre? Il s'agit maintenant de 20 minutes pour les gens d'ici qui
devront présenter leur mémoire à l'intérieur de ces
20 minutes. Je pense que la commission sera d'accord que le temps que vous
utiliserez pour traduire ne soit pas comptabilisé au temps
utilisé par le groupe que vous accompagnez aujourd'hui. Vous êtes
d'accord, les membres de la commission?
S'il vous plaît, voulez-vous rapprocher votre micro et le relever
aussi? Peut-être pourriez-vous dire maintenant que nous allons utiliser
le même temps que nous utilisons pour les autres groupes sans compter la
partie où vous allez devoir traduire.
Vous avez la parole, M. Watt. Would you please introduce the people that
are accompanying you today to the members of the committee?
M. Watt: It is time to get myself squared here away, Madam
President. The person on my left is Mark Gordon, he is the co-chairman of the
ICNI, that deals with the constitution, and next is Mary Simon, she is also a
member of ICNI have been dealing with the constitution, and there is Josepi
Padlayat, who is the president of the... Communication society group. Willie
McKay, on my right, is the president of the regional government and I have also
behind me the delegation from the North; some are mayors of the communuties,
and some of them are the directors of Makivik Corporation and some, also have
an active role to play within the circumpolar organizations which exist in the
Northern Quebec, which have rights out of the James Bay Northern Quebec
Agreement. Probably your people are familiar with this convention. Madam
President, unfortunaly, to a certain extent, I am not entirely happy being
given only twenty minutes to express our feelings to this committee here, to
outline what our concerns are. If there is any way that you can help us to
extend the time allotment that you have made for us, it will be greatly
appreciated because we have not had any
opportunity since the convention was signed between the Inuit of
Québec and the Government of Canada and the Government of Québec.
We would like...
La Présidente (Mme Cuerrier): Mr Watt. M. Watt:
Yes.
La Présidente (Mme Cuerrier): You use the 20 minutes for
the presentation. Then, as usual, we shall allow 40 minutes for questions and
answers.
M. Watt: That is the precise reason why I am trying to highlight
to you the importance of our presentation in order for you to have a good
understanding of what our feelings are, because we have a number of areas that
we would like to transmit to you in order for you to have a good understanding
of what we are here for. Again, it is all leading to the constitutional work
that we have been doing with regards to the proposed resolution that is being
worked out between the Government of Canada and the Native People of Canada.
This is one of the reasons why we are here, plus the number of problems that we
have regarding the convention that we have between the Inuit and the Government
of Québec. In order for you to have a good understanding, we have to
read this text and I am trying to decide where we are going to begin now. If we
cannot start off from the introduction, in order for you to have a good
understanding of what is contained in the text, we feel that it should be
recorded and if that is not permitted, then we will have to try to think of
some way of starting off from somewhere.
La Présidente (Mme Cuerrier): Votre mémoire - I
will try to translate it after -que vous apportez ici et que vous
présentez maintenant sera à la bibliothèque de
l'Assemblée nationale. Il sera à la disposition de tous ceux qui
voudront prendre connaissance de votre mémoire.
M. Steinmann (André): (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui.
M. Gordon (Mark): I just want to add a little bit to what Mr Watt
said. We were hoping to be able to explain our historical contact with the
Québec Government and why we have so many problems today. Since we will
not be able to read the entire text because of the time allowed, we would hope
that this text would have the opportunity of being read into the records, so
that it could become a part of the records of this proceeding. We feel that our
case cannot be adequately represented by giving only a partial picture. As I
imagine, the problems that we are dealing with are quite complex, but we will
attempt to try and shorten our presentation as much as possible, so that we can
make our case clear. The text here, we would hope that it would speak for
itself and make clear exactly why we have so many problems with the present
Québec Government. What has led up to this misunderstanding, in our
view, is written down in this document and we would hope that the other members
of the committee would take note of this and not have it simply just recorded
into the minutes and lost in the archives of this Assembly.
La Présidente (Mme Cuerrier): Who was speaking? Mr
Gordon?
M. Gordon: Yes.
La Présidente (Mme Cuerrier): It is only to put your name
of what you say in the deliberations. Mr. Watt.
M. Watt: Yes, Mme Présidente, I will have Mary Simon to
read the introduction and go on to the aspirations and objectives of Northern
Québec Inuit. We will start with that and then we might want to switch
with Josepi Padlayat later on while we go along.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme
Simon.
Mme Simon (Mary): Thank you Mme la Présidente. For the
purposes of the records we would like to have the full text on record. We will
be reading portions of the report. It is going to be very difficult because the
whole brief encompasses our problems, interests and the rights that we have
been dealing with in the constitutional talks, and also our historical
background directly relates to these areas.
There are approximately 5200 Inuit in Northern Québec. This
territory, a part of the Inuit homeland in which we are the predominant
population, is about one third the size of Québec.
Makivik Corporation is an Inuit association created under Québec
law and represents the Inuit of Northern Québec for constitutional and
other matters. Makivik recently sought, by way of referendum, a clear
reaffirmation of its mandate to represent the Inuit of Northern Québec
in constitutional negotiations with Québec and Canada. Among the 62.7%
of eligible voters who turned out to vote in the Inuit referendum on May 14th,
1980, 94.4% voted in favor of confirming Makivik's constitutional mandate.
During the past few years, federal-provincial discussions on
constitutional reform
have taken place with a renewed sense of purpose. Such discussions
clearly affect Inuit interests. Field trips were carried out to inform and
consult the 14 Inuit communities in Northern Québec on current
constitutional issues. This process of information and consultation with Inuit
communities is an ongoing one and has continued to this date.
There are approximately 25,000 Inuit in Canada, inhabiting Northern
Québec, Labrador and Nunavut (N.W.T.). This area, the Inuit homeland,
includes approximately one third of all the land in Canada. Moreover, Inuit
constitute the majority population in these areas.
The need for a special committee with national Inuit representation
became evident in order to represent effectively the Inuit of Canada and to
participate directly in the constitutional reform process. As a result, the
Inuit Committee on National Issues (ICNI) was established by resolution at the
annual general meeting of the Inuit Tapirisat of Canada at Igloolik, Nunavut
(N.W.T.) on September 3rd to 7th 1979.
In order to ensure that ICNI adequately represents the view of Inuit,
Makivik along with five other regional associations participate equally within
ICNI However, it is important to note that we also have ongoing relations and
communications with Inuit in Alaska and Greenland where such Inuit form the
majority population. As Inuit of Northern Québec, the continuation of
our relations with Inuit from other parts of Canada and elsewhere is vital to
the growth and development of our people as a distinct society. Therefore, any
future constitutional amendements in Canada must take into account the unique
nature and scope of our circumpolar interests.
The Constitution must serve as our present and future inspiration.
Constitutions are fundamental expressions of values and cultures, of rights and
freedoms and of human hopes and experience. A constitution sets guidelines for
the actions of both governments and citizens. In the Canadian context, it must
reflect the principles of mutual respect and amity between existing communities
of peoples, whether they be French or English, Inuit or Indian. In this
context, the constitutional recognition of aboriginal rights is the key element
in permitting a new and positive relationship to be established between
aboriginal peoples and governments in Canada. (17 h 30)
On December 1st and 2nd, 1980, Makivik, as part of ICNI, submitted a
brief to the joint Senate and House of Commons Committe on the constitution.
This brief contained our political and legal concerns in regard to the proposed
resolution for joint address for Her Majesty the Queen respecting the
constitution of Canada. The brief is available to the Members of this
parliamentary commission and we will not repeat, for the most part, the same
concerns here.
As a result of our representations and those of Indian and Métis
peoples, on January 30th, 1981, the Joint Senate and House of Commons Committee
on the Constitution unanimously adopted an amendment to the federal
government's proposed resolution. This new constitutional provision reads as
follows: "The aboriginal and treaty rights of the aboriginal peoples of Canada
are hereby recognized and affirmed."
In Québec, the "commission de la présidence du conseil et
de la constitution" has heard many presentations from Québec respecting
the federal proposed resolution and will, in due course, submit recommendations
concerning Québec's position in this regard.
Our presentation today will, we hope, help to shape Québec's
ultimate position insofar as we believe that relations between the aboriginal
peoples of Québec and the province of Québec shall be of prime
importance in all future constitutional discussions.
As Inuit, we generally view constitutional reform as a much-needed
positive step at this time in Québec's history.
Québec and its aboriginal peoples are at a cross-roads. The
present constitutional forum is an ideal place for Québec to manifest
its desire for a new and better relationship with its aboriginal peoples.
Inuit of Northern Québec wish to develop a new communication and
understanding with Québec and its peoples, based on cooperation and
mutual respect.
To date, however, Inuit aspirations for self-determination or autonomy
on a regional and local level have been seriously impeded by Québec. The
institutions set up under the James Bay and Northern Québec Agreement
signed in 1975 have had little ability to exercise their powers; large-scale
economic development in Northern Québec has to date virtually exluded
Inuit participation; Québec government policies in areas including
energy, scientific research, economic development and family law fail to
adequately take into account and in most cases largely ignore Inuit rights and
interests. A comprehensive policy, integrating the interests of aboriginal
peoples in these and other areas, is vital if relations between Québec
and its aboriginal peoples are to develop and improve and our interests are to
be be protected.
Self-determination within a regional context becomes a main objective
and this, we believe, can be achieved through mutual respect and open
communications between
Québec and Inuit.
A further purpose of our brief is to make clear our position in regard
to the federal government's intention to proceed with patriation of Canada's
constitution, which would include an amending formula and a new Charter of
Rights and Freedoms. While the present positions of Québec and certain
other provinces in regard to patriation are to some degree justifiable,
outright opposition to the proposed resolution, as amended, will, as we shall
demonstrate, have serious repercussions for all aboriginal peoples.
We wish to thank all the members of this commission for this special
opportunity. Aspirations and objectives of Northern Québec Inuit. There
are certain aspirations and objectives towards which we have been striving as
Inuit. These goals need not take centuries nor even decades to achieve. Through
concerted and cooperative efforts with government, it is our position that our
aspirations as a people can be realized in the relatively near future.
A fundamental question which arises is whether Québec society is
open enough to accomodate Inuit priorities, values and needs. An open society
has been described by professor Léon Dion in part as a society in which
particular groups and individuals can blossom without arbitrary hindrances on
the part of large skilled economic, political and cultural institutions which
encloses them. Although professor Dion cautions against excesses in both open
and close societies, he generally favours an open society. Professor Dion goes
on to provide some social groups and regional collectivities would consider
themselves better off if their political, economic and cultural organizations
were less constrained while others conceive that their freedom depends on the
protection of these organizations. We require greater autonomy and self-
determination on a regional basis while, at the same time, being assured of
greater constitutional and other protections for our rights, as can be seen
from the following list of objectives.
Adequate protection in and control over matters affecting us and our
territory;
Development of a viable northern economy which gives due consideration
to our priorities;
Less dependency on discretionary governement funding for our political
and public institutions through appropriate forms of revenue sharing on a
regional basis;
Appropriate recognition and accommodation for Inuit circumpolar
interests, including, among others, cultural relations, marine resources,
environmental protection and economic development;
Constitutional protection for our special status and rights as Inuit,
including our aboriginal rights;
Direct participation in federal-provincial constitutional discussions
and in the amendment process for those matters which substatuary affect us as
Inuit,
And protection from assimilation through constitutional recognition of
our distinct cultural, economic and linguistic identity.
From here, we will go on past the historical background. We would have
liked to go to the historical background because it relates directly to the
issues that we feel in the constitutional context but, even if we do not have
enough time, we will go past the historical background and continue on
government services in Northern Québec which is on 25 in the English
text.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Padlayat.
M. Padlayat (Josepi): Mme la Présidente, level of services
before the James Bay and Northern Québec Agreement. The history of the
level of services in Inuit communities provide a clear example of unhappy
results of federal-provincial posturing over constitutional responsibilities.
Until 1963, when the Québec government first set foot in Northern
Québec, the government had been content to let the federal government
provide services to Inuit in the territory. As Québec and the federal
government began to compete for jurisdiction in Québec's North, Inuit
communities in many cases witnessed both a duplication of certain services and
a lack of other essential ones. An administration disproportionate in size to
the minimal and inadequate services it supported was established by each
government.
In the early 1970s both the James Bay litigation and possibility of the
land claim settlements which would transfer responsibility to the province led
Québec and Canada to freeze the level of services and programmes in the
North.
During that period, the federal government did not improve any services
in Northern Québec, nor did Québec attempt to do so. This
situation led to an even greater shortage of essential services in Inuit
communities throughout Northern Québec.
Present level of services in Northern Québec. Upon the signing of
the James Bay and Northern Québec Agreement in 1975, the Inuit, in all
the communities, expected a marked improvement in essential services at the
community level, particularly insofar as we had opted for provincial
jurisdiction in our local and regional governmental institutions.
Unfortunately, this has not yet taken place.
There have been no significant improvements in existing infrastructures
in Inuit communities since prior to the signing
of the Agreement in 1975. This means that, in 1981, the Inuit
Communities in Northern Québec are still faced with substandard housing,
with no running water, unsanitary sewage disposal, inadequate community
centers, lack of fire protection, insufficient electrification and a shortage
of heavy machinery necessary for community purposes. Moreover, almost every
airstrip in Inuit communities fails to meet federal air safety regulations in
Inuit communities and are a constant danger to all people travelling in and out
of our communities.
Despite the recommendations of the Jolicoeur report, entitle "Municipal
Services in Inuit Territory", the required funds have been blocked by
Québec for the sole political reason that an agreement transferring
responsibility from Canada to Québec for the provision of
electrification, housing and municipal services has not been signed.
Makivik has taken the position that, by excluding the local and regional
governments as parties, the transfer agreement between Québec and Canada
does not respect sections 29.0.4 and 29.0.40 of the James Bay and Northern
Québec Agreement. These sections recognize the principle that the
regional and local governments in Northern Québec are to be the focal
point for administering services in Northern Québec. They also provide
that the existing system of services with respect to housing, electricity and
municipal services is to continue until a "unified system" is worked out
between Canada, Québec, Kativik Regional Government and local
governements. Québec's position is that the transfer agreement should
first be between Québec and Canada and subsequently Québec will
negociate a "unified system" with the regional and local governments in
Northern Québec.
The Kativik Regional Government and Makivik are still attempting to
achieve a satisfactory settlement of this issue with Québec. If the
transfer agreement is ultimately carried out in breach of the James Bay and
Northern Québec Agreement, Inuit self-determination on a regional local
level will have been needlessly set back. Inuit as Quebecers. It would appear
that the present government of Québec is somewhat ambivalent about
including the aboriginal peoples of Québec in the term "Quebecers". The
government's White Paper on sovereignty-association appears to confirm this
view.
From the outset, there is a contradiction in Québec's White
Paper. On the other hand, it refers to Quebecers as men and women of
Québec of whatever origin. Yet in tracing the origin of Québec
and its peoples, their history is described as only "beginning in the
seventeenth century."
While this historical account may accurately reflect the more recent
history of
Québec's European population, it totally ignores the existence of
Inuit and other aboriginal peoples who have occupied for thousands of years the
geographic region now known as the province of Québec. (17 h 45)
Francophones in Québec face similar concerns as Inuit in regard
to self-determination, survival of culture and language, and control over their
own institutions. Although our perspectives are different and our relationship
to the land is different, we each consider our land base or homeland as a
crucial element for our future cultural survival.
The present government, which prides itself as being a "grass roots"
government, has certainly been sensitive to the needs and aspirations of French
Quebecers. Moreover, the present government has passed progressive legislation
in a number of areas including class actions, handicapped or disabled persons,
agricultural land ane environment, among others.
However, in regard to aboriginal peoples, this government's policies and
actions leave its record open to serious question. Although legislation has
been passed to implement the James Bay and Northern Québec Agreement and
to enable Inuit to assume greater control over matters affecting them, exercise
of such powers by Inuit has been severely and repeatedly hampered as already
indicated in this brief. Although we have different values and aspirations
based on our own special history, it is our position that a government
representing the whole of Québec must be willing to accomodate all
Quebecers, especially its original inhabitants.
La Présidente (Mme Cuerrier): Madame Simon.
Mme Simon: SAGMAI was established by Order-in-Council on January
18th, 1978. According to the Order-in-Concil number 154-78, SAGMAI was intended
to serve a limited function within the Québec government: "That SAGMAI
be created within the Department of the Executive Council and under the
responsibility of the Prime Minister to be responsible for the operation of
government policies in the Amerindian and Inuit milieu as well as for the
coordination of the activity of government departments and bodies in the
Amerindian and Inuit milieu."
In practice, however, SAGMAI has played a very visible role, holding
itself out as an "expert" in aboriginal matters. A representative of SAGMAI is
present at virtually every meeting between Inuit and the various Québec
government departments. Even at intergovernmental meetings on the
constitution in Ottawa, SAGMAI has been present.
The role of SAGMAI at our meetings with different government departments
has not been as mere observer. It is evident that SAGMAI generally sets the
policy and direction in any matter which concerns Inuit. In its present role,
SAGMAI too often displays a colonialist and adversarial attitude towards Inuit
and other aboriginal peoples. This attitude has unduly influenced the actions
of Québec government departments who rely heavily on SAGMAI for
direction in northern matters.
The solution in this case may not necessarily be to dismantle SAGMAI nor
to further institutionalize it into a department. As a first step, Makivik
would propose a comprehensive and honest evaluation of the role of SAGMAI. Such
evaluation would necessarily include the full participation of Inuit and other
aboriginal peoples of Québec.
If properly constituted, SAGMAI could play an important role in
furthering the interests of aboriginal peoples in Québec and in
developing a close working relationship with northern institutions and bodies.
On an individual basis, certain SAGMAI representatives have proven to be both
sincere and helpful.
Québec Government Policies. Inuit concerns have not been
specifically provided for in Québec's policies. This situation
perpetuates the erosion of our rights and interests and does not accommodate
our present and future needs. Failure to give due consideration to Inuit rights
and needs is more likely a case of general disregard or omission than an
indication of anti-Inuit sentiment.
Now, we were going to go through the different policies of the
government, but we will skip over that and go on to the conclusions which are
at 4.3.12: Lack of Comprehensive Policy in regard to Aboriginal Peoples of
Québec, which is on page 49 of the English text.
From the above discussion, it should be clear that northern
Québec and its aboriginal peoples cannot be looked upon within the
Québec government as merely another administrative region. This area is
not simply Region 10. Our homeland is very different from other parts of the
province. It has a distinct geography, climate, ecology, economy, people and
history, all of which gives it a special character. It is these very
differences which at the same time have created a special community of
interests among inhabitants of the region.
It is our position that it is in the interest of both Québec and
Inuit to attempt, in both an open and positive manner, to formulate the
policies and principles for a new relationship. Considering both the importance
and magnitude of this task, Makivik would recommend that a parliamentary
commission be established for the purpose of creating a comprehensive policy in
Québec in regard to and in collaboration with Québec's aboriginal
peoples. This policy should then be fully integrated into all of
Québec's general policies. Moreover, the commitments enshrined in
comprehensive aboriginal policy must then be translated into legal rights,
where appropriate, and made enforceable by the aboriginal peoples so
affected.
As indicated earlier, the fundamental principles in regard to our rights
and status as well as our relationships with governments must be enshrined in
Canada's constitution. Based on our past historical experience, it is only in
this way that our aspirations may be realized. We can no longer rely on simple
promises of good faith. Our experience with the James Bay and Northern
Québec Agreement already indicates that constitutional protection for
our rights and benefits is reguired in the constitution.
Finally, as is evident from this brief, the protection and further
development of Inuit culture cannot be achieved solely through the enunciation
of broad principles in Québec's cultural policy. Inuit culture and
society will continue to decline in Northern Québec if our rights and
interests are not duly considered in the numerous government policies affecting
Northern Québec, such as energy, resource development, economic
development, among others.
In addition, the lack of essential services in Northern Québec
which constitutes a tremendous regional disparity in relation to other parts of
Québec continues to deprive us of a guality of life enjoyed by other
Quebecers.
In this context, let us now briefly examine future implications and
effects in regard to Canada's aboriginal peoples of the federal government's
proposed resolution.
Effect of the amending formula in the federal government's proposed
resolution. During the first two years following patriation, section 33 of the
proposed Constitution Act, 1980, provides that any amendments to Canada's
constitution will require the unanimous consent of the ten provincial
Legislatures or governments as well as Parliament. Moreover, after the two year
period following patriation, amendments to the Canadian constitution will still
be subject to the individual veto of Parliament or the Legislative Assemblies
of either Québec or Ontario, in addition to a possible collective veto
by the Atlantic or Western provinces.
In light of the many possibilities for federal and provincial veto of
future amendments proposed by aboriginal peoples, Inuit and other aboriginal
peoples are hardly encouraged that constitutional amendments in
our favour is an impending reality in the post-patriation stage.
In regard to most constitutional matters, aboriginal peoples have
competing interests with the provinces. Therefore, based on our past
experience, there is little or no incentive for provinces to agree to
constitutional amendments in favour of aboriginal peoples at the
post-patriation stage.
If anything, there is greater likelihood that federal and provincial
governments may jointly agree to affect our status or rights in a manner
contrary to our wishes.
According to the existing amending formula in the proposed resolution,
no safeguard exists to protect us, even in the case of amendments which make
special reference to aboriginal peoples.
In this regard, the Québec government to date has failed to
formally commit itself to meaningful principles in regard to the future
constitutional reform process as it relates to aboriginal peoples so as to
provide us with reasonable assurances of support in the post-patriation
stage.
Inuit position on patriation. When the proposed resolution was first
tabled in Parliament, Inuit of Northern Québec, like other groups and
governments, appeared to have little choice but to face the reality of
patriation.
Through ICNI, we devoted our full efforts to obtaining minimal
constitutional protections at the prepatriation stage. Inuit, Indians and
Métis, collectively and individually, strived to insert fundamental
principles relating to aboriginal peoples in the proposed resolution. These
principles were crucial in light of the many possibilities for provincial veto
which may await us in the amending process at the post-patriation stage.
In recent months, aboriginal peoples witnessed a monumental effort on
the part of not only ourselves but also on the part of members of Parliament,
whether Liberal, NDP or Conservative. Through continuous discussion and
negotiation, the first major step to changing the course of Canada's history in
relation to its aboriginal peoples took place. An amendment was unanimously
adopted by the Joint Senate and House of Commons Committee to recognize and
affirm the aboriginal and treaty rights of aboriginal peoples.
However, this historic gain may fail to be realized. The position of
certain provinces to oppose the proposed resolution has been strengthened by
the report from Britain's select committee on Foreign Affairs. Ottawa may be
reguired by London to obtain provincial consent prior to patriating Canada's
constitution with a Charter of Rights and Freedoms.
Makivik supports the principle that provinces give their prior consent
to any joint resolution of the Senate and House of Commons to patriate the
Canadian Constitution. Moreover, constitutional reforms are not to be achieved
through the unilateral declarations of one or several governments. There must
be appropriate input from the peoples and individuals affected as well as from
special interest groups. In recent weeks, we have seen already how productive
this can be in arriving at better and more eguitable reforms.
How will Québec carry out its own strategies to protect
Québec's interests and, at the same time, protect the rights and
interests of the aboriginal peoples of Québec? More particularly, how
will our newly secured amendments in the proposed resolution not be prejudiced
if Québec continues to outrightly oppose patriation under the present
circumstances?
Québec and its aboriginal peoples are at a crossroads. The
present constitutional forum is an ideal place for Québec to manifest
its desire for a new and better relationship with its aboriginal peoples.
I will now go over the conclusions and the recommendations. The
federal's trust responsibility in favour of aboriginal people in section 99(24)
of the BNA Act, 1867, is a constitutional and legal reality which must only be
altered in the future with the consent of aboriginal peoples of Canada. (18
heures)
The homeland of Inuit in Northern Québec was unilaterally
transferred to Québec by the federal government in 1912 through the
Québec Boundaries Extension Acts. In the future, any constitutional
changes substantially affecting the Inuit must not be effected without our
knowledge and consent.
The James Bay and Northern Québec Agreement signed in 1975 has
permitted development to proceed in Northern Québec, but has failed to
provide substantial benefits to Inuit communities. A formalized implementation
procedure is necessary in order to ensure that Québec, as well as
Canada, meet its obligations under the agreement in favour of Inuit
beneficiaries. Moreover, such agreements must have suitable protections in
Canada's constitution.
Inuit aspirations for self-determination or autonomy on a regional and
local level have been severely impeded to date by Québec. The
colonialist and adversarial attitude of Québec towards Inuit and other
aboriginal peoples must be exchanged for a new and open policy of collaboration
and cooperation. In other words, immediate steps must be taken to establish a
new relationship between Québec and the Inuit. Future
Québec-Inuit relations must be built on mutual respect and open
communication.
Political and other institutions in
Northern Québec must not be manipulated through Québec
government budgets. Presently such institutions have little ability to exercise
their powers due to the inadequacy of their annual budgets. In the future, less
dependency on government budgets for such institutions must evolve through such
possible schemes as revenue sharing on a regional basis.
The Inuit have important circumpolar interests which include cultural
relations, marine mammals, environmental protection, fisheries and economic
development. Such interests must receive appropriate recognition in Canada's
constitution and in federal and provincial government policies.
Inuit aboriginal rights, as an inseparable part of our individual and
collective identities, must not be subject to extinguishment by Parliament. In
this regard, the aboriginal rights already extinguished under the James Bay and
Northern Québec Agreement should be restored in accordance with mutually
acceptable solutions worked out with government.
Provision of essential services by Québec to Inuit communities
must not be linked to a diminution of rights or powers by regional
institutions. The present lack of services in Inuit communities has reached
such critical proportions that it constitutes a danger both to health and life
in such communities.
Québec government policies in the area of energy, scientific
research, economic development, family law, offshore jurisdiction,
archaeological property, electoral boundaries, communications, recreation and
sports, and culture and language, fail to adequately take into account, and in
most cases virtually ignore, Inuit rights and interests to the continuing
detriment of the Inuit.
A comprehensive policy in relation to aboriginal peoples is presently
necessary in order to improve relations between Québec and its
aboriginal peoples. It is recommended that a parliamentary commission be
established to develop such a policy in collaboration with aboriginal peoples.
This policy should then be fully integrated into all government policies in
Québec.
The role of SAGMAI must be jointly re-examined by government and the
aboriginal peoples of Québec before it is further institutionalized into
a department, since it is presently not meeting the needs of Inuit and other
aboriginal peoples.
Québec ministers who have jurisdiction in the North must be more
sensitive to and aware of Northern problems and develop more than a token
interest for the rights and welfare of aboriginal peoples in such areas.
Problems relating to economic development in northern Québec have
never been confronted adequately by government. This is one of the most
pressing issues facing Inuit and other aboriginal peoples at this time. A
parliamentary commission should be established to investigate ways and means of
building a Northern economy in cooperation with the aboriginal peoples.
Governments must begin to recognize that Inuit and other aboriginal peoples
have a direct interest in developments taking place in their respective regions
and must not only be subjected to adverse environmental and social impacts from
such developments.
Québec must be an "open" society which can sufficiently
accommodate its original inhabitants with their distinct values, priorities and
aspirations.
Inuit and other aboriginal peoples face greater pressures of
assimilation than any other peoples in Canada. Recognition is necessary in the
constitution of the distinct cultural, economic and linguistic identities of
Inuit and other aboriginal peoples.
Inuit and other aboriginal peoples in Québec must participate
directly in federal-provincial constitutional discussions in order to protect
their rights and interests. In this regard, it is essential that Québec
financially assist the representative organizations of aboriginal peoples in
Québec so that they may adequately prepare for such constitutional
discussions.
The amending formula in the federal government's proposed resolution
provides little hope for future constitutional amendments in favour of
aboriginal peoples due to the many possibilities for veto by both federal and
provincial governments. Provinces in Canada often have competing interests with
their aboriginal peoples and, therefore, are unlikely to agree to
constitutional rights or protections in favour of aboriginal peoples. In this
regard, Québec must establish clearly enunciated principles so as to
deal more equitably with its aboriginal peoples. Consultation should take place
with the aboriginal peoples of Québec prior to the government tabling
and negotiating its constitutional positions. (The recent working paper of the
Québec Liberal Party makes a specific proposal in this regard).
Québec's position of outright opposition to the federal
government's proposed resolution seriously jeopardizes constitutional
recognition of aboriginal rights which has been provided for in the proposed
resolution, as amended. In this regard, Québec must indicate how it
intends to carry out its own strategies to defend Québec's interests,
without prejudicing the rights and interests of aboriginal peoples in
Québec and in the rest of Canada. Thank you, Madam President.
(S'exprime dans sa langue).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le
ministre des Affaires intergouvernementales. Mais, auparavant, I would
like to give you again the assurance that the whole text of your brief shall be
at the library and available for anybody who wants to read it as a whole. M. le
ministre des Affaires intergouvernementales.
M. Morin (Louis-Hébert): Merci, Mme la Présidente.
First of all, I would like to thank the Makivik Corporation and the people
accompanying Mr Watt, the group who has accompanied him, for the very well
written and very well documentated brief that we have received.
It is a very important brief inasmuch as it covers a lot of issues. Many
of those issues do not relate to the problem we are now facing, that is the
constitutional problem created by the federal Liberals' coup de force, as we
say in French. So I think you will understand that although, as I said before,
your brief is very interesting, very thoughtful and is going to be helpful, we
are not likely to engage into discussions relating to energy policies or other
such things, because this is not the topic that this commission is supposed to
deal with. That does not mean that this is not interesting, that does not mean
that we are going to throw away what you wrote on those particular subjects; I
think they will be given to the appropriate government services to be looked
into. However, I think that everyone will agree that we will, for the coming
minutes, rather deal with the particular aspects that we are supposed to study,
that is the constitutional aspects. I think everyone understands that. There is
another point I would like to make. D'accord, allez-y.
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Gordon.
M. Gordon: I just have one point to raise based on your comments
about the brief dealing with many issues other than the purely constitutional
issue. What we had hoped to show you in this brief is why we end up at odds
from each other and why we have such trouble communicating with each other. It
is the product of all these problems in these other areas that makes it almost
impossible for us to have an open discussion with you. That is why we included
many of these other problems in this brief, so you could understand why the
historical contact with the Québec government and the Inuit people have
led to so much disagreement. We would hope that this would be taken into
account but not brushed aside as simply being something that is off-topic,
because our relation with the Québec government is one that has to be
established before we can even discuss anything about the constitution with
Québec.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Marx: Sur ce qu'il a dit concernant la pertinence de la
discussion. Juste sur ce petit point.
M. Morin (Louis-Hébert): Si vous me permettez, j'allais
répondre à monsieur.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de D'Arcy McGee, je vous...
M. Marx: Juste sur ce petit point. Une minute, ou moins d'une
minute.
M. Morin (Louis-Hébert): J'allais répondre à
monsieur. Peut-être que cela répondra à votre guestion.
M. Marx: C'est parce qu'on fait une table ronde sur cette petite
question de la pertinence. C'est une question préalable, dans un
sens.
M. Morin (Louis-Hébert): C'est ça que
j'étais en train de vouloir discuter. On vous a donné la parole
tout à l'heure.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de D'Arcy McGee, je vous donnerai la parole immédiatement après
M. le ministre des Affaires intergouvernementales.
M. Watt: Madam President, I would appreciate very much if Father
Steinmann were allowed to translate some of the issues that are being talked
about in order for the people at the back to know what is happening.
La Présidente (Mme Cuerrier): The discussion was about
whether it was his turn or not to speak right now. So, I said that the Minister
has the right to speak, then I will give the Member for D'Arcy McGee the
opportunity to speak after.
M. Watt: What I really meant did not concern what you talked
about, but the exchange between Mr Morin and Mark Gordon. He should be at least
highlighted to summarize what is being said.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mr.
Steinmann.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
So, I translate what Mr. Gordon said. (Traduit dans la langue
inuite).
M. Morin (Louis-Hébert): Merci. Vous pouvez traduire du
français aussi?
M. Steinmann: Oui, oui.
M. Morin (Louis-Hébert): Boni J'avais parlé en
anglais tout à l'heure parce que je croyais que les personnes qui vous
accompagnent pouvaient comprendre l'anglais. Je vais continuer en
français et vous pourrez traduire pour tout le monde. Cela va?
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Morin (Louis-Hébert): Ce que je voulais dire...
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
La Présidente (Mme Cuerrier): Je pense que...
Une voix: II dit qu'il serait peut-être
préférable qu'ils parlent dans leur langue et moi, je traduirai
en français. (18 h 15)
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, bien sûr.
Une voix: Cela faciliterait...
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est toujours plus facile,
n'est-ce pas? Eux, ils vont parler dans leur langue et l'interprète va
parler en français. Vous pouvez parler français et
l'interprète parler la langue Inuite.
M. Morin (Louis-Hébert): Je suis absolument d'accord.
Parfait.
Ce que je voulais dire à M. Gordon, avant d'être interrompu
par le député de D'Arcy McGee, c'est que je suis tout à
fait d'accord, afin que nous n'ayons pas de malentendu. Je comprends
très bien, parce que j'ai lu le début de votre mémoire,
que les problèmes que vous soulevez et que vous avez avec
l'administration gouvernementale permettent de comprendre pourquoi il peut y
avoir parfois des frictions de part et d'autre. Je l'accepte. Je n'ai pas voulu
négliger cet aspect des choses quand j'ai dit que plusieurs sujets qui
étaient touchés dans votre mémoire débordaient le
cadre immédiat de notre préoccupation comme commission.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Morin (Louis-Hébert): Je voudrais, maintenant, sur un
autre sujet, compléter ce que j'avais commencé à dire.
J'ai eu l'occasion, à plusieurs reprises, de rencontrer, entre autres,
M. Watt, lors de réunions diverses et particulièrement de
réunions constitutionnelles. Je me souviens que nous avons eu, au moins
à deux reprises, sinon trois, l'occasion au cours de conférences
de ministres chargés du dossier constitutionnel d'écouter les
représentations faites par M.
Watt au nom de la corporation qu'il représente ici
aujourd'hui.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Morin (Louis-Hébert): J'aimerais ajouter que j'ai,
comme ministre des Affaires intergouvernementales, participé directement
à l'adoption des lois qui régissent les diverses ententes qui ont
été élaborées entre le gouvernement du
Québec et le gouvernement canadien en ce qui concerne les Inuit, ici,
à l'Assemblée nationale.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Morin (Louis-Hébert): Cela dit, au cours de l'automne
dernier...
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Watt: They do not understand the last part of the translation.
Mr Steinmann, could you repeat it?
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): À l'intérieur des
discussions constitutionnelles que nous avons eues au début, quand il
s'agissait d'établir les méthodes de travail, je pense que vous
allez être intéressés de savoir que la
délégation québécoise est intervenue pour que les
ministres des autres provinces et du gouvernement fédéral
puissent vous recevoir, parce que nous pensions, aussi bien en ce qui vous
concerne qu'en ce qui concerne les francophones hors Québec, qu'il y
avait peut-être une voix qu'on n'entendrait pas, si vous n'étiez
pas là. Nous avons donc demandé qu'à la fois les
francophones hors Québec et vous, de même que d'autres groupes,
puissiez être écoutés dans un forum approprié pour
faire valoir vos points de vue sur l'exercice constitutionnel.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Morin (Louis-Hébert): Je dois malheureusement dire que,
sauf pour une ou deux rencontres qui ont été organisées
avec les Inuit et les Amérindiens en général, notre
suggestion n'a pas été retenue et que les francophones hors
Québec n'ont pas été entendus.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Morin (Louis-Hébert): Troisièmement, je voudrais
maintenant faire ma dernière intervention. Il s'agit d'une question que
je vais poser... Oui, M. Watt.
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: He would like to understand... Il voudrait savoir
en quelle circonstance vous avez suggéré que les
aborigènes soient entendus? Etait-ce à une conférence des
premiers ministres qui a eu lieu à Ottawa ou à quelle occasion
avez-vous fait cette suggestion dont vous venez de parler?
M. Morin (Louis-Hébert): À une réunion de
ministres - pas à une réunion de premiers ministres - qui s'est
tenue à la fin de 1979, alors qu'il y avait un exercice constitutionnel
qui était en cours. La suggestion a été reprise par la
suite, mais n'a eu qu'une matérialisation et c'est à la
réunion - où vous avez été vous-même et
où j'étais présent - à Ottawa, alors que M.
Chrétien présidait la conférence.
M. Steinmann: Je m'excuse de le demander, mais quels ministres,
s'il vous plaît?
M. Morin (Louis-Hébert): Les ministres chargés du
dossier constitutionnel.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Watt, vous vouliez
intervenir?
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: Vous avez mentionné qu'il y a des cas
où il était, lui, à ces réunions; mais est-ce que
le gouvernement du Québec a fait la même suggestion à
d'autres réunions auxquelles il n'assistait pas?
M. Morin (Louis-Hébert): Effectivement, oui.
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: II remercie le gouvernement du Québec du
fait que celui-ci ait suggéré que les autochtones puissent
être présents à ces discussions.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le minsitre.
M. Morin (Louis-Hébert): D'ailleurs, je me souviens
qu'à une ou deux reprises où nous nous sommes rencontrés,
M. Watt et moi, nous avons justement discuté, entre autres choses, de
cette question.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Morin (Louis-Hébert): Cela va? Je voudrais, Mme la
Présidente, parler maintenant du mémoire qui nous est soumis
aujourd'hui et dont j'ai dit qu'il était très bien
présenté et assez complet. Je voudrais lire deux paragraphes qui
me paraissent difficiles à concilier et qui créent vraiment un
problème. Je vais vous les lire. Je vais les lire en anglais. Je
pourrais peut-être les trouver en français. Oui, je l'ai en
français. La page 53 en anglais.
Une voix: Page 61 en français.
M. Morin (Louis-Hébert): Page 53 en anglais, c'est le
deuxième et le troisième paragraphes.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Morin (Louis-Hébert): C'est le paragraphe qui
commence... The paragraph that starts with "Makivik supports the principle that
provinces give their prior consent to any joint resolution of the Senate and
House of Commons to patriate the Canadian constitution". D'accord?
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Morin (Louis-Hébert): Je voudrais que vous regardiez
ces deux paragraphes. Je vais les lire en français pour que ceux qui
écoutent puissent suivre.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais les lire en
français. C'est parce que là il y a un problème que
j'aimerais qu'on discute.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Morin (Louis-Hébert): En français, cela se lit
comme suit: "Makivik soutient le principe voulant que les provinces accordent
leur consentement préalable à toute résolution conjointe
du Sénat et de la Chambre des communes pour le rapatriement de la
constitution. En outre, les réformes constitutionnelles ne doivent pas
s'effectuer par le truchement de déclarations unilatérales d'un
ou de plusieurs gouvernements. Des données appropriées doivent
émaner des peuples et des personnes affectés ainsi que des
groupes d'intérêts spéciaux. Au cours des dernières
semaines, on a pu remarquer l'efficacité de cette méthode pour
ébaucher des réformes
meilleures et plus équitables".
Je vais, dans ce premier paragraphe, retenir une idée. Vous dites
donc que vous soutenez le principe que les provinces doivent, en d'autres
termes, donner leur consentement à tout changement constitutionnel les
affectant. C'est le premier paragraphe.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: Après avoir fait remarquer que vous attiriez
l'attention sur ce premier paragraphe, ils savent que le Québec ne tient
pas à faire rapatrier la constitution sans le consentement des
provinces, mais quel est le problème qui se pose au rapatriement, pour
le faire respecter? Il y a un problème qui se pose chez lui.
M. Morin (Louis-Hébert): Je vais vous expliquer ce que je
veux dire. D'un côté, ce que vous nous soumettez aujourd'hui, en
somme, correspond à ce que nous pensons nous-mêmes quant à
ce paragraphe, c'est-à-dire que, comme nous, vous croyez que les
provinces doivent être partie à un accord qui les concerne. C'est
mon premier point. Donc, nous sommes d'accord là-dessus. Après
cela, j'ai un problème à vous poser.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): Maintenant, dans l'autre
paragraphe, vous dites - et je ne citerai pas le paragraphe en entier: Comment
nos amendements - c'est-à-dire ceux que vous avez réussi à
obtenir - récemment garantis dans le projet de résolution ne
souffriront-ils pas de l'opposition en bloc dont le Québec continue
à faire preuve quant au rapatriement dans les circonstances
actuelles?
Ce que je veux dire, c'est que, d'un côté, vous
reconnaissez que les provinces ont raison de s'opposer à un geste
unilatéral qui les affecte, sans leur consentement. Très bien.
Mais en même temps, vous dites: Vous avez raison de vous opposer, mais
comment cette opposition va-t-elle mettre en cause les gains que nous, Inuit,
avons faits quant à la résolution fédérale? (18 h
30)
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: La seule chose qu'il y a, c'est que le
fédéral n'est pas le seul gouvernement qui existe. Alors, eux,
ayant le consentement du gouvernement, comme ils doivent quand même
travailler avec le gouvernement du Québec, après avoir reconnu le
fait que les provinces devraient quand même consentir au rapatriement,
ils se posent ensuite une question: Oui, mais comment est-ce que cela va
marcher, nos relations avec le Québec, en cas de rapatriement? C'est un
consentement de principe, suivi d'une question en se demandant: Oui mais
qu'est-ce qui va se passer à ce moment-là?
M. Morin (Louis-Hébert): En somme... AUez-y, M. Watt.
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. l'interprète.
M. Steinmann: II y a eu une discussion quand il y a eu la
réunion des premiers ministres, à Ottawa, au sujet de cette
entente. Le problème qui se posait, c'est le principe de
souveraineté-association qui avait été soumis. Alors,
qu'est-ce qui va se passer au juste? Il y a une espèce
d'inquiétude, il y a des questions qui se posent au sujet de l'entente.
Est-ce que le gouvernement du Québec accepterait à ce
moment-là, d'emboîter le pas et de reconnaître les droits
aborigènes? Alors, le principe que les provinces devraient accepter est
peut-être reconnu avec une inquiétude derrière. Je ne sais
pas si c'est assez clair.
M. Morin (Louis-Hébert): II faudrait peut-être que
je finisse aussi par dire quelque chose. Allez-y.
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: II explique davantage qu'entre les Inuit et les
francophones, à la suite des lois sur les langues, il y a toujours eu
des espèces de disputes et de malentendus et c'est cela qui fait que
cela crée une inquiétude pour le...
M. Morin (Louis-Hébert): Je comprends très bien ce
problème, mais ce à quoi je faisais allusion tout à
l'heure est un peu différent. Je m'en tenais à la proposition
fédérale que nous étudions ici et je voyais, d'une part,
que la Société Makivik est d'accord avec le principe que les
provinces doivent être participantes à toute décision les
concernant. Je pense que c'est clair. En même temps, ce qu'on nous dit,
c'est qu'on est d'accord avec le principe que vous avez à participer aux
décisions vous concernant, mais, quand vous ferez ça, qu'est-ce
qui va
arriver aux droits que nous avons obtenus dans la résolution
fédérale?
En même temps, on nous dit: Vous avez raison de vous battre contre
la résolution fédérale, mais on nous dit: Nous avons
gagné des choses dans la résolution fédérale,
comment les gardons-nous? Je pense que c'est clairement ce qui est dit dans le
texte, à la page 61 en français et dans l'autre en anglais. Moi,
j'essayais seulement de poser la question, à savoir: Ou bien vous
êtes d'accord que nous avons la bonne attitude en nous opposant à
quelque chose qui nous est imposé et, à ce moment-là, on
ne peut pas nous demander de conserver la charte à laquelle nous nous
opposons. Je ne sais pas si je suis clair.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: It does not seem... Il ne semble pas qu'il y ait
contradiction dans ce qu'il dit, c'est-à-dire qu'il y a le principe que
peut-être les provinces auraient quelque chose à dire, mais c'est
quand même un droit qui a été reconnu, une chose que le
fédéral a reconnue, est-ce qu'à ce moment-là -
c'est cela qu'ils veulent savoir, ils posent la question - soit que les
provinces acceptent ou non le rapatriement, ce qui a été
gagné par eux, est-ce qu'ils vont le perdre, si les provinces...? C'est
une inquiétude. Lui, il ne voit pas de contradiction du tout. Il ne voit
aucune contradiction dans ces deux choses. C'est qu'il y a un principe d'abord
de procéder, mais, comme il y a une chose qui a été
acquise... Je ne sais pas si je le pose assez clairement en français,
mais c'est très très clair dans ce qu'il dit, il ne voit aucune
contradiction.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Morin (Louis-Hébert): D'accord. Ma question portait
surtout sur le fait que je me demandais comment vous vouliez que nous
puissions, d'une part, nous opposer, et que vous compreniez que nous le
fassions, à un geste fédéral unilatéral, en
même temps que vous vouliez qu'on garde ce que vous avez obtenu. C'est
cela que j'ai compris que vous vouliez dire. Je voyais une contradiction. On me
dit qu'il n'y en a pas. Il est sûr qu'en ce qui nous concerne, nous
l'avons à plusieurs reprises reconnu et nous le considérons comme
absolument vrai en ce qui nous concerne nous-mêmes, comme francophones
ici, le principe d'être une société distincte est un des
éléments pour lesquels nous nous battons. Par conséquent,
je pense que nous comprenons très bien la situation dans laquelle se
trouvent les Inuit.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Watt: S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: Les Inuits, à la suite de la réunion
des premiers ministres... Il y a eu six premiers ministres qui se sont
réunis au sujet de la constitution et il y a eu une espèce de
refus de certains que la charte des droits soit révisée dans la
constitution. Eux, ils ont été sous la responsabilité du
gouvernement fédéral et le gouvernement fédéral a
signé une entente en même temps que le gouvernement du
Québec. Le gouvernement fédéral a une certaine
responsabilité encore à leur égard, ce qu'ils appellent un
"federal trust". Alors, évidemment, ils veulent avoir une certaine
garantie que leurs droits seront respectés, qu'on leur donnera ce qu'on
leur doit, ce qu'on a promis de leur donner et c'est encore le mot que j'ai
employé tout à l'heure qu'ils emploient, c'est
l'inquiétude au sujet de ce qui va se passer.
M. Morin (Louis-Hébert): Ce qui a été
refusé depuis longtemps, d'ailleurs, par les premiers ministres des
provinces qui se sont réunis, c'est l'imposition d'une charte des droits
fédérale qui affecte les compétences des gouvernements
provinciaux; c'est une chose. Ce que nous défendons maintenant, c'est la
responsabilité des provinces dans les domaines de leur
compétence. Cela n'affecte en rien le respect que le Québec,
comme les autres provinces, doit aux Inuits et, de ce
côté-là, il n'y a absolument aucun problème parce
que nous avons, justement à cause de notre bataille actuelle,
démontré qu'on voudrait que nos droits à nous soient
respectés et il en va de même des droits du peuple inuit.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Watt, vous vouliez
intervenir?
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: II pose la question parce qu'il n'a pas entendu les
premiers ministres des provinces préciser que la charte des droits des
aborigènes serait respectée. C'était le terme
général, la charte des droits que vous venez de lui
décrire comme étant celle de la province, mais il y a aussi la
charte des droits des aborigènes.
M. Morin (Louis-Hébert): Non, il n'en a pas
été question particulièrement. La question m'a
été posée avant la rencontre que nous avons maintenant. Il
n'a pas été question de ce sujet précis. C'est pour
cette
raison que nous n'en avons pas parlé, mais cela ne signifie en
rien que les droits des aborigènes soient pour autant conçus
comme devant être négligés par les provinces et par le
Québec en particulier.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Watt. M. Watt:
(S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: II comprend très bien que le Québec
n'accepte pas d'avoir ses droits non respectés; ça, il le
comprend très bien. Mais, comme eux aussi, il voudrait que leurs droits
soient respectés. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de faire un
comité où les Inuits ou les aborigènes seraient assis avec
le gouvernement du Québec pour que celui-ci puisse dire: On veut que nos
droits soient respectés; mais, en même temps les aborigènes
pourraient dire: Nous aussi on veut ça?
M. Morin (Louis-Hébert): Oui, d'ailleurs vous le faites
comme suggestion, je pense, quelque part dans le mémoire. Il est
sûr que tout le drame du coup de force fédéral actuel est
que, justement, il a été fait sans consultation et malgré
les parties constituantes.
Il est sûr que, en ce qui nous concerne, nous n'avons pas du tout
l'intention d'appliquer la même méthode par rapport à la
population du Québec en général et par rapport aux Inuits
en particulier.
Par conséquent, des discussions comme celles-là - le cas
échéant, parce que nous n'en sommes pas là - seraient,
à mon avis en tout cas, parfaitement normales et même
nécessaires.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Marx: Avant que le ministre ne m'interrompe, je voulais dire
quelques mots sur la pertinence de ce mémoire. J'ai été
surpris que le ministre dise, au début, que ce n'était pas
pertinent; moi, je le trouve très pertinent, parce que tout ce qu'il y a
dans le mémoire découle de la proposition fédérale
sur la constitution.
M. Morin (Louis-Hébert): Je n'ai pas dit que... L'article
96, semble-t-il, s'applique.
M. Marx: Voilà, il m'interrompt une deuxième
fois.
Une voix: Après, quand il aura fini!
La Présidente (Mme Cuerrier): Attendez une seconde. M. le
ministre soulève... Voulez-vous interpréter ça et je dirai
ensuite ce qui se produit.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre tente de
soulever une question de règlement...
M. Morin (Louis-Hébert): Non, je laisse tomber,
j'abandonne.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... mais je ne le laisserai
parler qu'après le député de D'Arcy McGee.
M. Steinmann: M. Watt désirerait savoir qui vous
êtes.
M. Marx: I am the Liberal Member for D'Arcy McGee.
M. Steinmann: Liberal?
M. Morin (Louis-Hébert): Son nom est
Marx.
M. Marx: Ma deuxième remarque c'est que quelque chose m'a
beaucoup frappé... Parce que je n'ai pas eu la chance de parler; le
ministre a essayé d'expliquer la soi-disant contradiction que je n'ai
pas comprise. Je suis prêt à céder deux minutes de mes dix
minutes au ministre, s'il veut s'expliquer une autre fois, à la fin.
C'est-à-dire que je comprends bien qu'on n'accepte pas que le
fédéral impose une charte des droits aux provinces. Tout le monde
est d'accord avec ça, même les témoins ici. Mais d'autre
part, tout le monde - et je pense que le ministre l'est aussi -serait d'accord
pour accepter certains éléments qui se trouvent dans cette
charte.
Le ministre a déjà dit, lors d'une autre séance de
la commission parlementaire sur la constitution, qu'il est d'accord avec la
protection de la liberté de religion. Mais, comme il accepte ce
principe, il pourrait accepter, s'il le veut, le principe de protéger
les droits des autochtones dans une charte. Il pourrait accepter ce principe en
disant aussi qu'on ne veut pas que ce soit imposé par le
fédéral, mais nous, nous acceptons ce principe.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Watt: S'exprime dans sa langue.
M. Steinmann: Je veux poser une question au député
libéral. C'est le gouvernement libéral qui a signé la
Convention de la Baie James. Est-ce que le Parti libéral, lui,
accepterait de reconnaître ce qu'Ottawa nous a concédé?
M. Marx: Je ne suis pas le porte-parole du Parti libéral
dans cette matière. Mais je peux dire que le Parti libéral, dans
son document constitutionnel, a proposé qu'on enchâsse dans une
nouvelle constitution beaucoup des droits que vous êtes en train de
réclamer aujourd'hui. Je pense que dans notre livre beige, comme vous en
avez fait état, le Parti libéral a déjà
suggéré qu'un certain nombre de droits soient
enchâssés. Je ne me souviens pas exactement de ce qu'on a mis dans
le livre beige, parce que je n'ai pas ça devant moi, mais je me souviens
qu'il y a un certain nombre de droits. Je ne me souviens pas de tous les droits
qu'on a suggéré d'enchâsser dans une constitution. C'est
à voir si on peut en mettre davantage.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais vous féliciter pour votre
mémoire, parce que je trouve que c'est un des meilleurs mémoires
qui ont été présentés à cette commission, si
ce n'est le meilleur. Du reste, j'ai été très
touché par votre exposé et je me suis demandé pourquoi. Je
pense que j'ai été touché parce que ce que vous faites
ici, c'est la plaidoirie d'un peuple et, si je peux le dire en anglais, vous
avez plaidé pour "the protection of your peoplehood". Je pense que
ça, c'est quelque chose que tout le monde peut comprendre dans cette
salle, quelque chose qui touche tout le monde quand les gens plaident pour "the
protection of their peoplehood, of their... Je vais le laisser traduire.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Marx: Pour parler pour moi-même et aussi, en partie,
pour le Parti libéral, parce que je vous ai déjà dit qu'on
a mis un certain nombre de lois dans notre livre beige, je pense que les droits
des autochtones devraient être protégés dans une
constitution renouvelée parce que dans un sens les droits des
autochtones sont déjà protégés à l'article
91, paragraphe 24, de notre constitution et les droits qu'on demande
d'enchâsser seront en effet le prolongement de certains droits
déjà consacrés dans la constitution. (19 heures)
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Marx: J'aimerais dire que j'ai été frappé
par la situation déplorable qui existe dans vos communautés. Je
cite votre mémoire, à la page 30 de la version française,
où vous avez écrit que "les communautés inuites du Nord
québécois sont toujours confrontées avec des habitations
de qualité inférieure aux normes, sans eau courante, sans
système sanitaire, sans égouts d'évacuation des
déchets humains, sans centres communautaires adéquats, sans
protection contre les incendies et sans la machinerie lourde nécessaire
en quantité suffisante aux fins communautaires." Je trouve cela
déplorable et je trouve qu'il faut qu'on fasse des améliorations
étant donné que nous sommes des habitants, des citoyens de la
même province. Comme cela existe ailleurs, on essaie de faire des
améliorations et je pense qu'il faut trouver la volonté politique
de faire les améliorations essentielles dans vos communautés.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Marx: Je ne veux pas prolonger le débat, la discussion.
J'aimerais vous poser une question. Cela m'a beaucoup frappé quand vous
avez parlé de l'autodétermination. Comprenez bien qu'on parle
souvent aujourd'hui de l'autodétermination; même dans cette
Assemblée cela a été soulevé à maintes
reprises. Dans votre mémoire, vous avez parlé de
l'autodétermination sur le plan local et sur le plan régional. Je
me demande qu'est-ce que vous entendez par l'autodétermination sur le
plan local, sur le plan régional. Est-ce que vous visez un régime
spécial? Quel genre de régime juridique visez-vous quand vous
parlez de l'autodétermination sur le plan local ou sur le plan
régional?
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. Marx: If it is not clear in the translation, maybe I should
say it in English because you said it in English. It is the question of
selfdetermination on a local and a regional level or on a local and a regional
basis. What do you actually mean? What type of legal regime do you envisage
when you talk about that?
M. Gordon: (S'exprime dans la langue inuite).
The legal regime that we had agreed to with the government previously
was outlined in the James Bay Agreement and was given legal effect under the
Kativik Act, which gave legal force to these institutions. And we had agreed
and we bargained with our aboriginal rights and gave up our aboriginal rights
for non-ethnic entities which were for the benefit of the population as a
whole, in
the North, and we agreed that we would have this regional government
that would give us sufficient regional autonomy for us to be able to live with
Québec and to contribute to Québec, rather than to be a welfare
recipient of Québec, because we are sitting in the place, we are
situated where the greatest potential for development and the greatest wealth
of Québec exists.
Most of the future wealth of Québec lies in our area, but we are
not able to tax these directly, we are not able to get funds directly for these
things. The funding we have reguested, budgets have been cut in half, regarding
our request. This has been since the legislation has been passed to create the
regional government. 1To give it real meaningful effect in the territory, this
has not been allowed by budgetary cuts and by refusing to agree to some
essential agreements that are needed to be able to carry out the services.
The kind of regional autonomy we are asking for is so that we could be
able to service ourselves and not have people come in from the South to service
us. We want to be able to hold the flag up in our area, hold the Québec
flag for the Québec government, not to have a Québec agent sent
in to hold it for us.
These has always been some misunderstanding between ourselves and the
Québec government. They seem to think that we have a separatist point of
view towards the Province of Québec. We have already agreed to live with
you in the James Bay Agreement, we have agreed to work with you but we have
agreed within certain constraints, but those constraints, in our view, are not
being respected. We do not want to sound harsh. We do not want to demand, we
would rather work and cooperate with each other. But even when the
Québec government came up with such a crucial question as
sovereignty-association, it did not even bother to explain what the
repercussions of that would be to us or even to listen to our concerns on that
specific thing.
We were very interested in that question, but you left us no alternative
but to oppose it. The same with the language bill. We agree with the notion
that the French people of Québec be allowed to protect and preserve
their language and culture, but not at the price of my culture and my language.
We want to live with you. We do not want to be adversaries all the time. It is
not in our interest and it is not in your interest. The local autonomy we are
asking for is so that we could be a part of Québec, contributing to
Québec, not one that is trying to break away from it. This attitude that
we are trying to break away from Québec is often the idea that is
manifested and preached by the lower civil servants in the government.
We wanted to start a new relationship, we tried to do that with the
James Bay Agreement, we are trying to do that again. We want to have an open
discussion. Are we so small that we cannot be heard? Are we so few that we are
not worth looking for? We asked the electoral boundaries of this province to be
changed so that we could have a member in this House and that we could
represent our views. What happens? They changed the name of the electoral
boundary, the district. Still the votes are all primarily in the South. The
reason given by a government official of Québec is that the Inuit people
are too mobile. They could not get them together to vote. We have been actively
trying to participate. We have been voting. We voted in your referendum. We
voted for the members of Parliament that we never see in our area. We want to
become an active part of Québec.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le
député.
M. Marx: Si j'ai bien compris, quand vous avez parlé de
l'autonomie et de l'autodétermination sur le plan local et sur le plan
régional, vous voulez que le gouvernement actuel respecte l'entente de
la Baie James et que le gouvernement voie à la mise en oeuvre de cet
ensemble. C'est ce que j'ai compris.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Gordon, vous avez la parole. M. Watt? Alors, ce sera M. Watt.
M. Watt: (S'exprime dans sa langue). respecting land, house
planning and development... bill 57, taxation powers, respecting municipal
taxation and providing amendements to certain legislations and the bill
57...
(S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: Le gouvernement a adopté des lois comme la
loi 25 et la loi 57 qui ont exclu le territoire au nord du 55e
parallèle. Par exemple, ils viennent insister sur la loi 57 qui donne
aux municipalités le droit de taxer les entreprises et cela a
été empêché, le territoire au nord du 55e
parallèle a été exclu de cette loi 57. On a un
gouvernement régional, mais qui n'a absolument aucun pouvoir de
taxation. On est obligé de quêter l'argent dont nous avons besoin;
ce ne serait peut-être pas la même chose dans notre territoire que
dans le sud, mais, quand même, on devrait au moins nous donner le pouvoir
de prélever nos taxes nous-mêmes pour pouvoir, au lieu
d'être
obligés de toujours aller quêter l'argent... (19 h 15)
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: On nous a traités, les Inuits, de gens qui
vivent du bien-être social, à qui le gouvernement donne toujours
de l'argent. Nous n'avons aucun pouvoir nous-mêmes sur nos ressources,
pour taxer et percevoir notre propre argent, ce qui ferait qu'au lieu
d'être des assistés sociaux nous pourrions profiter des avantages
que notre pays donne. Par ce pouvoir de taxation qui nous a été
refusé, nous pourrions moins dépendre du bien-être
social.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Watt.
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: Les Blancs, qui ont pénétré
dans notre pays, ont profité intensément de nos ressources. Nous,
nous étions des chasseurs, etc. Les marchandises, aujourd'hui,
coûtent très cher dans les magasins; l'électricité
coûte jusqu'à $0.30 le kilowatt, alors que, dans le sud, elle
coûte $0.02. Nous sommes pénalisés par des dépenses
assez fortes. Alors, sur les ressources que nous avons dans notre pays, nous
pourrions peut-être nous aussi, de notre côté, charger
certains... Autrement, nous sommes écrasés par le...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Deux-Montagnes m'a demandé la parole; ensuite, M. le
député de Jean-Talon me dit qu'il ne veut ajouter qu'une phrase,
parce que nous avons déjà utilisé deux heures. M. le
député de Deux-Montagnes.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. de Bellefeuille: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
plutôt revenir au type de préoccupation que nous avions il y a
quelques instants, quand le député de D'Arcy McGee a
exprimé certains sentiments face à votre mémoire et aussi
lorsque M. Gordon, très éloquemment, a parlé de
l'identification des Inuits au Québec, à certaines conditions,
bien sûr, lorsqu'il a demandé, par exemple: Sommes-nous si peu
nombreux que nous ne pouvons pas nous faire entendre?
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. de Bellefeuille: Je dois dire - en quelque sorte modestement,
en guise de conclusion et en parlant beaucoup plus comme simple citoyen que
comme député, que ce moment dans nos travaux, je crois, a
été un moment privilégié. Nous avons aujourd'hui
jeté, peut-être, un petit pont sur une mer de
difficultés.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. de Bellefeuille: Quant à moi, je voudrais assurer nos
amis Inuits que leur faible nombre ne doit pas entrer en ligne de compte
lorsqu'on considère des questions de justice.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. de Bellefeuille: Justement, à propos de ces
propositions constitutionnelles des libéraux d'Ottawa, nous avons
souvent exprimé l'avis que la clause qu'on veut introduire à
propos des droits linguistiques scolaires, "là où le nombre le
justifie", est une clause qui serait de nature, parfois, à
empêcher la justice là où les nombres ne sont pas
élevés.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. de Bellefeuille: Et sans nécessairement dire, dans un
domaine que je connais mal, que j'accepte toutes les revendications qui sont
contenues dans ce mémoire, je dois reconnaître que, comme homme,
je ne suis pas fier de ce que le Canada et les provinces canadiennes qui sont
concernées ont fait par rapport à leurs populations autochtones,
en particulier par rapport aux Inuits.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
M. de Bellefeuille: Et j'espère que nous continuerons
à jeter des ponts et qu'à partir de la profession de bonne
volonté que M. Gordon a faite et à partir de notre bonne
volonté à nous nous trouverons peu à peu, ensemble, des
solutions à ces très nombreux problèmes qui, jusqu'ici,
nous ont opposés. Merci.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Jean-Talon.
M. Rivest: Juste un mot dans le même sens que le
député de Deux-Montagnes. Je pense que le temps serait
peut-être venu qu'au niveau d'une commission parlementaire nous
puissions, les membres de l'Assemblée nationale et les
représentants des populations autochtones - et le public, surtout, y
être associé - voir l'ensemble des problèmes de la
communauté autochtone que nous avons devant nous. C'est dans ce sens que
pour ce
qui nous concerne, comme Parti libéral du Québec, nous
avons proposé une réévaluation des activités
gouvernementales du secrétariat en milieu amérindien et inuit.
Peut-être -vous l'avez souligné - qu'une des choses qu'il faudra
reprendre, en dehors du problème constitutionnel, c'est d'associer
l'opinion publique du Québec et tous les parlementaires à
l'examen complet des populations amérindienne et inuite, de façon
que nous puissions consacrer une journée, deux jours, trois jours, enfin
le temps qu'il faudra pour vraiment voir ce que, de part et d'autre, on
pourrait faire pour améliorer les rapports entre le Sud et le Nord du
Québec.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): M.
Padlayat.
M. Padlayat: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: Nous avons présenté nos
désirs, ce que nous voulons, ce que nous croyons être juste
à notre égard et nous attendons une réponse, non pas une
réponse de sympathie, mais une réponse d'action qui s'exprimera
par des lois justes, adéquates qui correspondent à nos besoins et
qui aideront d'une façon pratique la collaboration entre vous et nous.
Ceci, nous l'attendons sans trop tarder. Nous aimerions que cela ne
traîne pas, mais que nous ayons à cette brique que nous
présentons une réponse pratique et non pas hâtive, mais
sans trop tarder.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je me fais maintenant...
Oui, Mme Simon. (19 h 30)
Mme Simon: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: Pour renforcer ce que M. Charlie Watt a
déjà dit, Mme Simon insiste sur le fait que le ministre a dit
qu'il serait d'accord pour soutenir... que le gouvernement soutiendrait les
droits des aborigènes qui ont été reconnus, qui seraient
reconnus par Ottawa, mais que la province reconnaîtrait même si...
quand ils accepteront le rapatriement... C'est une insistance pour dire qu'il
ne faut pas oublier que quand cette constitution sera rapatriée, il
faudra de toute nécessité, ce sera impérieux, que les
droits des autochtones, des aborigènes soient reconnus. Aussi, quand il
y aura des réunions avec les autres provinces, insister auprès
des autres pour leur faire remarquer que les droits des aborigènes,
c'est une chose que les Blancs doivent reconnaître comme devant
être respectée et non pas comme une chose simplement
théorique. C'est une insistance sur ce qui a été dit. Le
gros point qui les inquiétait et qui continuera peut-être à
les inquiéter, c'est d'être certain que les droits des
aborigènes seront reconnus dans la constitution, peu importe quand elle
sera rapatriée ou pas, que ce soit définitivement établi
et que les autres provinces soient d'accord.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je me fais maintenant
l'interprète de la commission de la présidence du conseil et de
la constitution, pour remercier le groupe Makivik d'avoir bien voulu participer
aux travaux de la commission. Je veux remercier en particulier M. Watt, M.
Gordon, Mme Simon, M. Padlayat et M. Makayuk ainsi que ceux qui ont bien voulu
les accompagner. Merci de votre contribution à cette commission.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): La commission avait
demandé à M. Steinmann de bien vouloir se mettre à la
disposition des membres de la commission. Je pense que nous lui devons des
remerciements bien sincères pour nous avoir permis de comprendre ce que
les gens venaient nous dire cet après-midi. Merci, M. Steinmann.
M. Steinmann: (Traduit dans la langue inuite).
La Présidente (Mme Cuerrier): Vous avez fait...
M. Steinmann: Ils vous remercient aussi. La Présidente
(Mme Cuerrier): M. Watt. M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: Je vous remercie aussi, bien que nous n'ayons pas
pu lire tout notre...
M. Watt: You are translating too fast, M. Steinmann.
M. Steinmann: I am sorry.
M. Watt: (S'exprime dans sa langue).
M. Steinmann: Je remercie les membres de la commission d'avoir
écouté ce que nous avions à dire, de nous avoir
donné une chance de parler. Mais il est regrettable, quand même,
que nous n'ayons pas pu lire tout ce que nous aurions voulu lire et
peut-être que vous-mêmes, vous auriez pu poser d'autres questions.
Enfin, nous espérons beaucoup avoir d'autres réunions semblables
au sujet de la constitution. Merci à tous.
La Présidente (Mme Cuerrier): Merci bien. Je me dois
maintenant de faire mes annonces, cela ne vous concerne plus. Nous avons un
avis précisant que la commission de la présidence du conseil et
de la constitution siégera jeudi, le 19 février, à compter
de 10 heures. Les groupes et personnes qui seront entendus sont le Conseil des
minorités du Québec, le Regroupement pour les droits politiques
du Québec, M. Gérard Lemire, la Société
Saint-Jean-Baptiste du diocèse de Saint-Jean, M. Guy Trépanier,
l'Organisation des jeunes indépendantistes pour un Québec
communautaire et le Parti communiste du Québec.
La commission de la présidence du conseil et de la constitution
ajourne ses travaux à jeudi prochain, 10 heures.
(Fin de la séance à 19 h 38)