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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 14 avril 1983 - Vol. 27 N° 10

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes en regard du projet de loi 106 - Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes et du projet de loi 107 - Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des successions


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames et messieurs les membres de la commission, je déclare ouverte la séance du jeudi 14 avril 1983 de la commission élue permanente de la justice. Je vous rappelle simplement le mandat de cette commission: entendre des personnes et des organismes en regard du projet de loi no 106, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, et du projet de loi no 107, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des successions.

Les membres de cette commission sont: M. Bédard (Chicoutimi); M. Dupré (Saint-Hyacinthe) remplace M. Brouillet (Chauveau); M. Charbonneau (Verchères), M. Dauphin (Marquette), Mme Juneau (Johnson), M. Kehoe (Chapleau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Lafrenière (Ungava), M. Leduc (Saint-Laurent); M. Marquis (Matapédia) remplace M. Martel (Richelieu); M. Marx (D'Arcy McGee).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Dussault (Châteauguay), M. Fallu (Groulx), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Polak (Sainte-Anne) remplace M. Marquis (Matapédia); M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Saintonge (Laprairie).

Je vais maintenant identifier les organismes et les associations et j'espère que nous aurons le plaisir de les entendre tous aujourd'hui. Je demanderais à leurs représentants de nous signifier si, effectivement, ils sont présents ce matin.

L'Association des hôpitaux du Québec; je crois que les représentants sont déjà en place.

L'Assemblée des évêques du Québec.

Une voix: Présent.

Le Président (M. Blouin): L'Association du Québec pour les déficients mentaux.

Une voix: Présent.

Le Président (M. Blouin): L'Hôpital pour enfants de Montréal et l'hôpital Sainte-Justine.

Une voix: Présent.

Le Président (M. Blouin): L'Association des centres de services sociaux du Québec. Ils ne sont pas arrivés.

La Ligue des droits et libertés. Ils ne sont pas là non plus.

Sans plus tarder, je vais demander aux représentants de l'Association des hôpitaux du Québec de nous présenter leurs commentaires et leur mémoire. Je vous demanderai d'abord, pour les fins du journal des Débats, comme d'habitude, de vous présenter.

Association des hôpitaux du Québec

Mme Turenne-Thibault (Denise): M. le Président, M. le ministre responsable de la présentation du projet de loi, mesdames et messieurs les députés, il me fait plaisir de vous présenter la délégation de l'Association des hôpitaux du Québec pour la présentation du mémoire concernant le projet de loi no 106. À mon extrême droite, M. Robert Côté, membre du comité provincial de l'organisation des services de santé de l'association et directeur général adjoint de l'hôpital l'Hôtel-Dieu de Québec; Dr Jacques MacKay, membre du conseil d'administration de l'association, directeur général de l'hôpital Rivière-des-Prairies et médecin psychiatre. À mon extrême gauche, Mme Guyanne Garceau, directrice de l'organisation des services de santé à l'association; Me Ghislaine Gosselin, adjointe au directeur général des affaires juridiques à l'association; M. Michel Cléroux, directeur des communications à l'association, qui fait également partie de notre délégation et qui est derrière moi. Enfin, je me présente: Denise Turenne-Thibault, je suis administrateur au conseil d'administration de l'Association des hôpitaux du Québec et membre du comité exécutif. Je suis également président du conseil d'administration de l'hôpital Fleury à Montréal. Je vous soumets les regrets du président de l'association de ne pouvoir participer à la présentation du présent mémoire; M. André Brousseau m'a demandé de le remplacer aujourd'hui.

Dans notre présentation, nous avons l'intention de reprendre les concepts énoncés au chapitre I de notre mémoire. Quant aux modifications textuelles découlant de l'application de ces concepts, y compris au chapitre II de notre mémoire, nous nous limiterons, tout en vous soulignant

l'importance que nous leur accordons, à répondre, durant la période des questions, aux interrogations des membres de cette commission.

Le Président (M. Blouin): Avant que vous entamiez votre présentation, je vous rappelle les consignes que nous nous sommes données et qui, dans la mesure du possible, limiteraient votre intervention initiale à vingt minutes et, ensuite, les interventions des différents partis à vingt minutes également pour que nous évitions de faire des déçus aujourd'hui.

Mme Turenne-Thibault: Nous essayerons d'être conformes à vos demandes, M. le Président.

L'évolution socioculturelle du Québec a précipité depuis quelques années l'évolution juridique. À cet effet, plusieurs organisations, dont la nôtre, ont, d'une part, véhiculé les modifications valoriales consécutives de cette évolution et, d'autre part, ont amené, afin d'en traduire les consensus sociaux, l'adoption de nouvelles lois ou la modification de celles existantes. C'est le cas, entre autres, de l'adoption de la Charte des droits et libertés de la personne, de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

L'Association des hôpitaux du Québec, représentant les centres hospitaliers de la province parties à cette évolution sociale, désire dans ce contexte intervenir sur le projet de loi no 106. En effet, les centres hospitaliers sont responsables, en tant qu'établissements, de fournir les services de santé et les services sociaux reconnus comme des droits publics individuels depuis l'adoption, en 1971, de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. La responsabilité des centres hospitaliers s'exercera toutefois à l'intérieur de l'ensemble des droits reconnus à chaque personne, dont celui à la santé.

Comme ce droit à la santé est relié et dépendant des dispositions du Code civil du Québec, lequel établit le droit et constitue le fondement des autres lois, nous désirons, par ce mémoire, vous sensibiliser à notre étude relative aux questions issues dudit projet de loi.

À cet effet, les réflexions et les modifications que nous vous soumettrons s'appuient tant sur les problèmes des bénéficiaires, consommateurs de la gamme de services, que sur les problèmes auxquels sont confrontés dans ces établissements les administrateurs, les gestionnaires et les professionnels de la santé.

Afin de circonscrire les sujets sous-jacents au droit à la santé, nous limiterons notre présentation à ceux traitant de l'articulation de ce droit par rapport à la réforme proposée au Code civil du Québec. Ainsi, notre cadre d'analyse sera développé en deux parties. La première partie conceptuelle constitue une toile de fond relativement à certains droits et obligations reliés à la personne tout en énonçant les argumentations afférentes aux propositions. La deuxième partie met en évidence les modifications qui devraient être apportées à certains articles du projet de loi no 106.

En terminant, nous tenons à vous souligner que notre mémoire s'inspire tant du rapport sur le Code civil du Québec produit à l'intention de l'Office de la révision du Code civil en 1977 que des études préparées par la Commission de réforme du droit du Canada dans la série protection de la vie, soit Le caractère sacré de la vie ou la qualité de vie, de même que Le consentement à l'acte médical. Ces études menées par le fédéral tiennent compte des aspects sociaux, médicaux et juridiques des sujets que nous traiterons et ce, dans l'ensemble des provinces du Canada, mais de façon plus spécifique concernant des problématiques québécoises.

La partie 1 concerne la base conceptuelle, comme on l'a déjà mentionné. Nous désirons ici démontrer l'importance que nous accordons à ces modifications qui sont proposées et nous voulons développer dans ce chapitre sept concepts sur lesquels s'appuie l'argumentation que nous allons présenter. Les sept concepts sont les suivants: conservation de la vie, intégrité de la personne, santé globale, traitement ou intervention, régime de protection, traitement non thérapeutique et expérimentation, établissement de santé en tant que tuteur ou curateur à la personne.

Le premier concept: conservation de la vie. Afin d'évaluer notre premier concept relatif à la conservation de la vie, il nous est apparu opportun de se reporter à certains auteurs qui se sont exprimés sur le sujet. Ainsi, Decocq considère que le caractère sacré de la vie confère le droit a l'inviolabilité qu'il décrit comme le droit au respect de la personne même. Il est important de noter que Decocq ne reconnaît le respect de la vie humaine, c'est-à-dire le droit à l'autonomie, que dans la mesure où cette volonté vise à consacrer la vie.

Quant à Mayrand, il abonde dans le même sens lorsqu'il décrit que: "C'est précisément dans le principe de l'inviolabilité de la personne que l'on puise la justification d'une intervention imposée. L'inviolabilité de la personne a pour but sa protection; or, les droits doivent être conservés dans le sens de leur finalité. Ce serait fausser le droit à l'intégrité corporelle d'un malade que de lui permettre de l'invoquer pour faire échec à ce qui peut conserver sa vie et, par là même, son intégrité essentielle."

La doctrine en droit civil, reflétée par ces citations, consacre la primauté du principe de la conservation de la vie par

rapport à celui de l'autonomie de la personne. Elle représente l'approche vitaliste retenue à l'article 12 du projet de loi où il faut tout mettre en oeuvre pour sauver une vie humaine, nonobstant une décision contraire exprimée par la personne dont la vie est en danger.

Pourtant, nous avons été à même de constater dans nos établissements que, d'une part, plusieurs bénéficiaires revendiquent le droit de refuser des traitements, sachant pertinemment que la mort est imminente et, d'autre part, que plusieurs professionnels de la santé appuient cette requête des bénéficiaires au nom du respect de la qualité de vie.

Ces revendications s'appuient sur l'approche de la qualité de vie par opposition à celle déjà présentée, l'approche vitaliste. Pour bien la comprendre, il y a eu lieu de préciser qu'elle implique deux dimensions. La première est d'ordre environnemental, écologique et social et a une propriété comparative. Elle réfère à la qualité de la vie de la personne dans sa vision d'elle-même par rapport à celle qu'elle a de l'ensemble de la société. La deuxième est d'ordre médical et implique "un élément de limitation, de restriction, de réduction et de nivellement." Cette deuxième dimension repose également sur une comparaison, mais le point de référence, cette fois-là, c'est le patient lui-même; plus précisément, "la véritable comparaison est donc entre ce que le patient est et ce qu'il était, entre ce qu'il est et ce qu'il pourra encore ou ne pourra plus être."

Même si l'approche de la qualité de la vie soulève la notion d'euthanasie, nous avons exclu cette dernière volontairement de la dynamique de notre réflexion. Nous nous sommes limités à apprécier le droit à l'autonomie de décision d'une personne lorsque sa vie est en danger et qu'elle estime avoir vécu dans la dignité et refuse des traitements si sa dignité, selon sa conception, ne peut être respectée.

Nous avons conclu, pour ce premier principe, que, dans une société qui a évolué comme la nôtre depuis les 20 dernières années, la valeur relative à la qualité de vie a suffisamment été modifiée pour reconnaître à une personne majeure le droit de refuser un traitement, même si sa vie est en danger, lorsqu'elle peut exprimer sa décision en temps utile. L'article 12 du projet de loi devrait être modifié en conséquence, même si cela crée une brèche dans le principe de la conservation de la vie.

Le deuxième principe, c'est l'intégrité de la personne. Une meilleure compréhension de ce qu'est l'approche vitaliste par rapport à celle de la qualité de vie, assortie de l'ajout de la notion de "intégrité physique en danger" à celle de "vie en danger" et des distinctions que ces notions obligeront à apporter pour les fins de recevoir un consentement à l'article 12 du projet de loi, nous conduit à définir le sens du mot "vie" strictement par opposition à celui de "mort".

Pourtant, indistinctement de la portée légale qui pouvait ou devait être accordée au mot "vie" dans l'expression "vie en danger" employée dans les lois qui nous dirigent présentement, les établissements de santé ont permis et les médecins ont fourni les soins et traitements qui s'imposaient, lorsque "l'état de santé" que nous jugions inclus dans la définition du mot "vie" était en danger et qu'il n'était pas possible d'obtenir le consentement de la personne en temps utile. Dans ces situations, les médecins référaient à leur code de déontologie.

Ainsi, nous ne pouvons que souscrire ce qui évitera dans l'avenir toute ambiguïté à l'introduction par l'article 12 de l'exception à l'obligation de requérir un consentement lorsque l'intégrité physique d'une personne est en danger et que ce consentement ne peut être obtenu en temps utile.

Nous désirons, toutefois, porter à votre attention quelques aspects particuliers qui méritent d'être développés lorsqu'on traite du concept d'intégrité de la personne. Le premier réfère au qualificatif "physique" qui accompagne la notion d'intégrité dans ledit article 12. Il restreint, selon nous, le sens du mot "intégrité" prévu à l'article 11 du projet de loi lorsqu'il s'agit de l'état de santé d'une personne, lequel concept sera développé au point suivant. La Charte des droits et libertés de la personne qui ne référait auparavant qu'à l'intégrité physique a été modifiée en décembre dernier pour reconnaître le concept "intégrité" dans sa globalité. Il devrait en être de même à l'article 12 du projet de loi. Ainsi, nul consentement ne sera requis, en cas d'urgence, lorsque l'intégrité d'une personne est en danger et que son consentement ne peut être obtenu en temps utile. Il sera alors possible d'intervenir lorsque l'état de santé, physique ou mentale, compromet l'intégrité de la personne en tant qu'être humain biopsychosocial.

Le deuxième point que nous désirons vous souligner réfère à une autre exception à l'obligation de requérir le consentement d'une personne. Il s'agit des situations où l'intérêt public prédomine sur l'intérêt individuel. Dans ce contexte, la Loi sur la protection de la santé publique prévoit, d'ailleurs, l'immunisation obligatoire ou des traitements obligatoires. Si ces dispositions ou d'autres similaires doivent être maintenues après l'adoption du projet de loi no 106, il serait opportun, en conséquence, de stipuler à l'article 12, qui réfère spécifiquement aux examens, traitements et interventions, qu'une personne peut y être soumise sans son consentement, si la loi les autorise.

Enfin, le dernier aspect, mais non le

moindre - étant conscients que nous abordons un sujet fort délicat - concerne la possibilité de fournir certains examens et traitements à une personne qui présente pour elle-même ou pour autrui un danger réel en raison de son état mental et ce, sans son consentement. En effet, une personne peut, selon l'article 24 du projet de loi, être sous garde dans un établissement de santé si elle est dangereuse pour autrui. Nous ne pourrions, dans cette situation, invoquer les dispositions d'exceptions prévues à l'article 12 pour lui fournir certains examens ou traitements. Pourtant, cette personne est souvent agitée et agressive et des examens et des traitements s'imposent pour la plupart de ces bénéficiaires afin d'identifier et de contrôler les causes de ces comportements.

Comme la responsabilité même d'un établissement de santé et de services sociaux est de fournir des examens et des traitements prévus ci-dessus, pour préserver l'intégrité même de ces personnes, ceux-ci doivent être dispensés. La garde d'une personne dans un établissement ne se justifie, d'ailleurs, que pour réaliser adéquatement cet objectif.

De plus, tout en s'inspirant de l'encadrement à l'intérieur duquel un titulaire de l'autorité parentale peut consentir, au nom d'un mineur, à certains examens non thérapeutiques, selon l'article 18 du projet de loi qui sera d'ailleurs traité plus loin dans notre mémoire, nous proposons qu'un médecin puisse sans délai et sans le consentement de la personne, lorsque le danger est imminent ou sur ordonnance du tribunal dans les autres cas, fournir les examens et traitements exigés par l'état mental d'une personne, à l'exclusion d'une intervention chirurgicale, si ces examens et traitements ne présentent pas un caractère permanent ou irréversible et ne comportent aucun risque sérieux pour sa santé. L'article 24 du projet de loi devrait être modifié en conséquence.

Le troisième concept que nous abordons est celui de la santé globale. Nous disons sur ce concept que la distinction entre l'état de santé mentale et l'état de santé physique, telle que préconisée par le projet de loi, est de plus en plus difficile à établir et, en conséquence, nous favorisons plutôt une approche globale de la santé, laquelle reconnaît chaque personne comme un être humain psychobiosocial. (10 h 30)

Le quatrième point, traitement ou intervention. Dans quelques articles du projet de loi, l'on réfère à "traitement et intervention". Selon nous, le traitement est généralement défini comme un ensemble d'interventions thérapeutiques employées pour guérir ou atténuer l'effet d'une maladie ou d'une manifestation morbide. L'intervention thérapeutique peut être de deux ordres, soit médical ou chirurgical. Un traitement, suivant cette conception, inclut donc toute intervention, quelle que soit sa nature.

Nous nous référons, entre autres, pour soutenir notre définition de traitement, à l'absence du mot "intervention" à l'article 43 de la Loi sur la protection de la santé publique. Pourtant, cet article constitue notre principale obligation de fournir les services de santé et les services sociaux. Il énonce, en effet: "Un établissement ou un médecin doit voir à ce que soient fournis des soins ou traitements à toute personne dont la vie est en danger". En conséquence, nous pourrions proposer d'exclure l'expression "intervention" lorsqu'on fait référence dans le projet de loi à un examen, à un traitement ou à une intervention. Toutefois, certains traitements entraînent ou peuvent entraîner une perte temporaire d'autonomie et comporter des risques plus grands pour un individu et, sans contredit, affecter l'intégrité de la personne.

Compte tenu, justement, de l'impact et des risques, pour une personne, de certains traitements, le législateur a jugé opportun dans le règlement d'application de la Loi sur les services de santé et les services sociaux d'exiger un consentement spécifique pour une intervention chirurgicale. Nous déduisons, à la lumière des articles de lois et règlements cités ci-dessus, que le mot "intervention" utilisé dans le projet de loi no 106 signifie une intervention chirurgicale. En conséquence, il serait opportun de le spécifier clairement en énonçant "à un examen, à un traitement ou à une intervention chirurgicale".

Cette clarification est d'autant plus importante que l'article 16 du projet de loi ne prévoit pas la possibilité pour un mineur de 14 ans de consentir seul à une intervention exigée par son état de santé et ce, contrairement à la capacité qui lui est reconnue à l'article 42 de la Loi sur la protection de la santé publique. Si telle est l'intention du législateur et compte tenu de la définition de "traitement" que nous avons présentée, il serait, en conséquence, nécessaire d'exclure spécifiquement le consentement à une intervention chirurgicale à la capacité dudit mineur.

Le quatrième concept développé, c'est le régime de protection. La notion "doué de discernement" est introduite au Code civil du Québec par le projet de loi déposé. La doctrine et la jurisprudence l'ont toutefois élaborée pour interpréter l'expression "toute personne capable de discerner le bien du mal" prévue à l'article 1053 du Code civil du Bas-Canada. Ainsi, "sur le plan juridique, une personne peut être considérée comme étant douée de discernement dès l'âge de sept ans". Pourtant, un enfant de sept ans, bien que doué de discernement, n'a pas généralement la capacité intellectuelle et les schèmes de référence qui lui permettent

d'apprécier pleinement la nature et les conséquences de ses décisions. C'est pourquoi la loi le place sous un régime de protection.

Incidemment, pour les mêmes raisons, tout majeur non doué de discernement doit être, sans équivoque, placé sous un régime de protection. Enfin, nous estimons que tout majeur, bien que doué de discernement, mais incapable de prendre une décision valable pour lui-même, à cause de son état de santé, devrait également bénéficier dudit régime de protection.

Ainsi, les causes d'ouverture d'un régime de protection pour un majeur devraient référer à l'état de la personne et non aux conséquences de cet état, comme le suggère le projet de loi à l'article 199. Cette référence à l'état de la personne pour déterminer les causes d'ouverture d'un régime de protection évitera toute confusion dans l'interprétation à donner au "consentement éclairé". Selon nous, un consentement éclairé vise, d'une part, la capacité juridique de la personne: elle agit seule ou par son représentant lorsqu'il s'agit d'une personne protégée. D'autre part, il commande l'information et les connaissances que la personne est en droit de requérir avant de prendre une décision et d'exprimer son choix. Une personne pourrait être incapable de former ou d'exprimer un consentement libre et éclairé si, bien que capable juridiquement de décider seule, elle n'a pas toutes les informations pertinentes ou encore si elle est contrainte par autrui.

Même si l'on se réfère à l'état de la personne pour déterminer les causes d'ouverture d'un régime de protection, comme nous le proposons, il est intéressant d'introduire la notion de "doué de discernement" prise dans son sens juridique, comme nous l'avons citée au début de l'étude du présent concept. Il permet à un mineur "doué de discernement", qui s'oppose à la décision du titulaire de l'autorité parentale ou du tuteur à la personne qui consent ou refuse un traitement en son nom, de requérir l'autorisation du tribunal avant qu'un médecin procède à quelque examen ou traitement. L'enfant, selon nous, pourra expliquer au tribunal les motifs de son opposition et exercer par cette mesure son droit à l'autonomie de la personne.

Le sixième concept, traitement non thérapeutique et expérimentation. Il s'avérait impératif de délimiter le cadre dans lequel un tuteur ou un curateur pouvait donner un consentement valable au nom du mineur ou du majeur dont les facultés mentales sont altérées ou qui est physiquement incapable d'exprimer sa volonté, lorsqu'il s'appliquait pour un traitement non thérapeutique ou une expérimentation.

Comme il s'agit, dans ces deux cas, de personnes protégées, nous considérons que les mêmes conditions devraient s'appliquer. En conséquence, cela implique que le consentement à un examen, à un traitement ou à une intervention chirurgicale non requis par l'état de santé d'un majeur protégé ne pourrait être valablement donné par un tuteur ou un curateur qu'à l'intérieur du même encadrement que celui prévu pour un mineur, soit que le risque encouru n'est pas hors proportion avec les bienfaits qu'on peut en espérer et que l'examen ou le traitement ne présente aucun caractère permanent ou irréversible, ni aucun risque sérieux pour sa santé.

En ce qui concerne le refus systématique de soumettre un majeur dont les facultés mentales sont altérées ou qui est physiquement incapable d'exprimer sa volonté à une expérimentation, tel que préconisé à l'article 19 du projet de loi, nous croyons, à titre d'exemple, que cela équivaudrait à empêcher toute évolution scientifique dans le domaine de la médecine psychiatrique et, par conséquent, les personnes souffrant de maladies mentales en seraient les premières victimes. Elles ne pourraient bénéficier d'améliorations dans leurs traitements et, par le fait même, dans leur condition de vie. À ce chapitre, la préoccupation centrale devrait porter sur le niveau suffisant de protection.

Nous vous soumettons que l'expérimentation soit permise lorsqu'elle est reliée directement à la pathologie du malade et qu'elle est effectuée selon les protocoles rigoureux établis à cet effet et respectant les principes fondamentaux établis d'éthique, soit le respect des personnes, la bienfaisance et la justice.

Je demande maintenant aux membres de cette commission de se référer aux deux pages modifiées de notre mémoire qui leur ont été présentées hier. Nous avons donc dit que la préoccupation centrale devait porter sur un niveau suffisant de protection et que l'expérimentation devait être reliée à la pathologie du malade. Eu égard à notre souhait d'appliquer les mêmes conditions d'encadrement pour le majeur protégé ou devant l'être et tout mineur, nous vous proposons donc qu'ils puissent être soumis à une expérimentation.

Depuis le dépôt de notre mémoire, nous avons poursuivi notre réflexion à cet effet. D'une part, il apparaît que pour les expérimentations thérapeutiques il y a lieu de permettre que le consentement du majeur protégé ou du mineur puisse être donné par son représentant, sans recourir à l'autorisation du tribunal comme nous l'avions tout d'abord suggéré. On ne saurait, en effet, sous-estimer le danger de trop judiciariser. D'autre part, dans tous les autres cas où le processus judiciaire est proposé, nous désirons vous souligner que les délais impartis pour intervenir sont souvent déterminants.

En conséquence, on s'attend que le

tribunal, contrairement à ce qui existe actuellement, ait les ressources adéquates pour répondre promptement afin de ne pas compromettre la prestation des services de santé. Dans le contexte économique actuel et du processus dont nous parlons, si notre attente est irréalisable - et il se peut qu'elle le soit - il y aurait lieu de référer à d'autres mécanismes de protection et d'impartialité, tel un comité multipartite à l'intérieur des établissements. Ceci permettrait l'atteinte des objectifs fondamentaux, soit: éviter tout abus et répondre aux besoins des malades. En d'autres termes, il n'y a lieu de recourir au tribunal qu'en cas d'absence de consensus au niveau d'un tel comité. Toutefois, toute décision concernant une expérimentation, qu'elle soit thérapeutique ou non, devrait tenir compte des éléments de référence que nous avons soumis précédemment et des critères prévus à l'article 21 du projet de loi.

Au niveau de ces critères, nous désirons vous souligner qu'un examen, un traitement ou une intervention chirurgicale à caractère permanent ou irréversible ou une expérimentation peuvent être dispensés sans atteinte fondamentale aux fonctions physiologiques normales d'une personne, tout en créant de "simples inconvénients". Nous pouvons avancer cependant que, la plupart du temps, il n'y a qu'une perturbation temporaire, ce qui ne peut causer qu'un préjudice minimal. Sachant qu'un des autres critères est "opportun dans les circonstances", nous considérons acceptable de faire reconnaître audit article 21 du projet de loi qu'il ne peut y avoir un risque minimal. Enfin, la révocation de consentement à un examen, à un traitement ou à une intervention chirurgicale, non exigés par l'état de santé de la personne ou une expérimentation, peut être, comme le projet de loi le propose à l'article 22, acceptée verbalement. Il faudrait toutefois, selon nous, encadrer cette révocation verbale et nous proposons une formulation à cet effet.

Le septième concept développé, c'est l'établissement de santé en tant que tuteur ou curateur à la personne. Lorsque le directeur de la protection de la jeunesse exercera d'office la tutelle à un mineur ou que le Curateur public exercera d'office la tutelle ou la curatelle à une personne protégée ou devant l'être, nous reconnaissons qu'il sera pertinent qu'un établissement de santé ait la tutelle ou la curatelle à la personne, le tout tel que préconisé aux articles 156 et 203 du projet de loi.

Nous sommes bien conscients que le directeur de la protection de la jeunesse ou le Curateur public n'interviendront d'office que pour suppléer à l'absence d'autorité parentale ou d'un tuteur ou curateur datif. Cette suppléance devra, d'ailleurs, revêtir un caractère d'exception. Nous souhaitons que tout soit mis en oeuvre pour permettre au mineur ou au majeur dont les facultés mentales sont altérées ou qui est physiquement incapable d'exprimer sa volonté d'avoir dans les meilleurs délais un tuteur ou un curateur datif.

Nous assurons les membres de cette commission que les établissements responsables d'assurer les services de santé et les services sociaux seront garants du respect de l'ensemble des droits biopsychosociaux de la personne placée sous leur tutelle ou curatelle. Ainsi, nous supporterons cette nouvelle responsabilité de représentant apportée par le présent projet de loi lorsque la garde est de fait confiée à l'établissement.

À la suite de cette toile de fond au niveau conceptuel, comme je l'avais mentionné au début, je rappelle que les modifications textuelles découlant de l'application de ces concepts sont incluses dans le document que les membres de la commission ont en main. Comme vous avez été à même de le constater, l'Association des hôpitaux du Québec, par le truchement des établissements qu'elle représente, se soucie constamment tant des responsabilités que les centres hospitaliers doivent assumer que du mieux-être des bénéficiaires et ce en respectant leurs multiples droits ou en se préoccupant du respect de ces droits par les intervenants qui y oeuvrent.

La base conceptuelle, qui a servi de trame aux modifications proposées, démontre le cheminement réflexif d'une association comme la nôtre qui doit, en plus de représenter dûment ses établissements, s'engager dans les débats sociaux pour influencer le devenir de la société et de ses institutions. Cet engagement est d'autant plus pertinent que les centres hospitaliers sont au carrefour des multiples problèmes humains et sociaux vécus par les bénéficiaires à travers le phénomène de la maladie.

Ainsi, nous espérons, distingués représentants de cette commission parlementaire, que vous accueillerez favorablement nos modifications, vous sentant à votre tour interpellés pour traduire dans le Code civil du Québec le consensus social mis en évidence par ce mémoire. M. le Président, nous tenterons maintenant de répondre aux questions des membres de cette commission et les personnes qui m'accompagnent participeront également à cette période. (10 h 45)

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Turenne-Thibault.

Avant de donner la parole au ministre, je dois relire la liste des membres et des intervenants puisqu'il s'était glissé quelques erreurs dans la liste qu'on m'avait remise

tout à l'heure.

Les membres sont: M. Bédard (Chicoutimi); M. Dupré (Saint-Hyacinthe) qui remplace M. Brouillet (Chauveau); MM. Charbonneau (Verchères), Dauphin

(Marquette), Mme Juneau (Johnson); M. Mathieu (Beauce-Sud) qui remplace M. Kehoe (Chapleau); Mme Lachapelle (Dorion), MM. Lafrenière (Ungava), Leduc (Saint-Laurent); M. Marquis (Matapédia) qui remplace M. Martel (Richelieu); M. Marx (D'Arcy McGee).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Blank (Saint-Louis), Boucher (Rivière-du-Loup), Dussault (Châteauguay), Fallu (Groulx), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Polak (Sainte-Anne) qui remplace M. Paradis (Brome-Missisquoi) et M. Saintonge (Laprairie).

La parole est à M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je voudrais remercier Mme Thibault, de même que toutes les personnes qui l'accompagnent pour le mémoire très important qu'elles ont déposé devant les membres de la commission. Je pense que tous les membres de la commission s'attendaient que l'Association des hôpitaux du Québec se fasse entendre par ses représentants, étant donné l'importance et la nature du sujet dont on traite et à cause des expériences qui peuvent être vécues dans nos institutions de santé. Il est évident que tous les jours des situations se présentent où des décisions doivent être prises alors que la vie de personnes est en danger. Comme vous l'avez mentionné il y a des approches qui se heurtent et il est clair qu'il n'est pas facile de trancher ou d'en arriver à un consensus pour concilier parfois même des choses inconciliables.

Vous nous avez parlé de l'approche que vous avez qualifiée de vitaliste par rapport à l'approche qualité de la vie. Il est évident que, quelle que soit l'approche qu'on peut endosser, toutes les personnes qui ont des responsabilités dans ces domaines, je crois, au départ, le font avec un objectif qui est le respect de la vie et de l'intégrité des personnes. On est à même de constater, jusqu'à quel point, par l'étude de la réforme du Code civil, nous avons à aborder des sujets extrêmement délicats. Dans ces moments, nous sommes très heureux de savoir et de constater que cette commission essaie de faire l'étude du projet de loi de réforme du Code civil d'une façon vraiment non partisane. C'est lorsqu'on traite de sujets tels ceux-là qu'on voit que l'approche partisane ne mènerait nulle part. Cela explique, d'ailleurs, que depuis le début des travaux de la réforme du Code civil, de part et d'autre, l'Opposition et le gouvernement, quant aux attitudes, sont à même de constater que tout le monde essaie de travailler pour en arriver à avoir la réforme la plus valable possible pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes. Aussi, par des sujets comme cela, on voit jusqu'à quel point le Code civil, même si c'est complexe, le sujet dont on parle et que ce n'est peut-être pas facile à traiter même pour les journalistes ou encore à comprendre pour tout le monde, cela touche profondément la vie quotidienne de tous les citoyens.

Je me limiterai à quelques questions en rapport avec des opinions qui ont été émises par d'autres organismes. Par exemple, certains organismes s'occupant de la défense des droits de la personne à protéger ont suggéré que l'examen dont il est fait mention aux articles 25, 26 et 27 ne relève pas exclusivement d'un médecin, mais d'une équipe multidisciplinaire. Pourriez-vous nous faire vos commentaires?

Mme Turenne-Thibault: Oui, M. le ministre. Tout d'abord, j'aimerais vous souligner, à la suite des commentaires que vous avez faits, que nous apprécions énormément l'approche qui semble être prise par les membres de cette commission, c'est-à-dire de tenir compte du vécu des centres hospitaliers qu'on essaie de vous traduire et également des consensus sociaux qui tentent actuellement de s'établir au Québec dans la réforme du Code civil.

Pour répondre de façon plus précise à votre question, M. le ministre, je pense que l'approche qui est préconisée par l'Association des hôpitaux, c'est que l'examen dont on parle aux articles que vous avez mentionnés relève du domaine médical, parce que, fondamentalement, à ce moment, la personne concernée est appelée à poser un diagnostic. Maintenant, n'étant pas une spécialiste en cette matière, j'aimerais demander au Dr MacKay, qui est membre de notre délégation, de compléter cette amorce de réponse.

M. MacKay (Jacques): La réponse est celle-ci: II s'agit qu'on retrouve dans la loi le maximum de protection, en assurant que la décision finale est remise à la personne qui a le maximum d'expertise, à telle enseigne que, dans la Loi sur la protection du malade mental, on exigeait, dans la plupart des cas où il y a une décision majeure à prendre, l'expertise de deux psychiatres. L'absence de disponibilité de psychiatres dans certaines régions rend nécessaire qu'on élargisse cela à la notion de médecin. Je crois qu'il faut s'y résigner. Cependant, cette responsabilité ultime, qui est de l'expertise médicale, parce qu'il s'agit vraiment de la personne qui dispose de la plus vaste expertise clinique, de la meilleure formation clinique et, donc, sur qui repose la responsabilité légale ultime des décisions, cela n'exclut pas que, dans le fonctionnement habituel et dans le fonctionnement normal des choses dans nos établissements, le

médecin soit toujours entouré de l'équipe multidisciplinaire.

Je ne crois pas que la loi doive en définir le fonctionnement interne. Cela devient une question de régie à l'intérieur des établissements. Cette disposition qui donne la responsabilité ultime aux médecins me paraît devoir être conservée. Bien sûr, même avec leur formation considérable, les médecins peuvent parfois errer. Je ne vois pas qu'on puisse déterminer qui serait membre de l'équipe multidisciplinaire et quel degré d'expérience clinique on exigerait d'eux. On peut avoir un diplôme de psychologue et avoir une expérience à peu près nulle en clinique, ou avoir une expérience considérable en clinique. Je pense que seuls les médecins dans la société où nous vivons disposent de l'expertise complète qui permet que la loi leur accorde cette responsabilité ultime. Je crois que c'est la meilleure façon de résumer la nécessité pour le législateur de laisser la responsabilité légale ultime de ces décisions entre les mains du médecin.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Bédard: Sans qu'il y ait un droit de regard - je ne parle pas de figer dans le ciment ce que devrait être légalement une équipe multidisciplinaire - possible, comment pourrait être constituée cette équipe multidisciplinaire, même si ce n'est pas figé dans la loi?

M. MacKay: Je crois que l'intention pourrait se traduire de façon fonctionnelle dans certains établissements. Cependant, la loi doit être aussi rigoureuse que possible. Je vois là une porte entrouverte à des difficultés énormes de fonctionnement. Quand on sait que, dans certaines équipes multidisciplinaires, il y a des conflits majeurs qui se présentent, des querelles d'écoles et des querelles de corporations, je crois que ce ne serait pas prudent; du moins, il me semble qu'il y aurait un risque plus grand à ouvrir cette porte dans les textes de la loi. Cela n'exclut pas que, dans le fonctionnement réel des choses, l'équipe multidisplinaire est, effectivement, présente. Il reste un débat à faire à l'intérieur de cette dimension à savoir s'il y a une façon d'inclure l'obligation du médecin de consulter l'équipe multidisciplinaire. Je ne dis pas que c'est répugnant en soi, mais je pense que cela ouvrirait la porte à certains problèmes.

M. Bédard: Je suis un profane de la médecine. Vous comprendrez d'autant plus certaines questions qui peuvent être importantes pour nous et, sans doute, pour les personnes qui doivent être l'objet de décisions qui sont prises, tenant compte justement du fait que vous dites qu'il y a souvent des querelles d'écoles, des manières de penser et d'évaluer carrément différentes, inconciliables dans certains cas. S'il y a des querelles d'écoles, en fait des divergences fondamentales d'opinions par rapport à des médecins qui ont été consultés, est-ce que c'est le médecin en titre qui devient l'arbitre final de tout cela?

Mme Turenne-Thibault: M. le Président, j'aimerais demander à Me Gosselin de nous présenter le point de vue juridique sur cette question.

Mme Gosselin (Ghislaine): Je suis un peu gênée, parce que ce n'est peut-être pas strictement en termes juridiques, le complément de la réponse que je voulais donner au Dr MacKay à la suite de votre deuxième question; c'est vraiment la réalité tout simplement, lorsque vous demandez qu'on reconnaisse dans la loi une équipe multidisciplinaire et qu'on l'identifie.

Je pense que le premier point qui est la réalité, c'est que vous avez différentes catégories de centres hospitaliers, vous avez de petits centres hospitaliers de soins de courte durée, vous avez des centres hospitaliers universitaires. L'équipe multidisciplinaire varie selon qu'il s'agit d'un tout petit centre ou d'un centre universitaire, d'une part. D'autre part, vous avez aussi cette réalité régionale. On n'a pas réglé tous les problèmes et on aura sûrement d'autres tables d'écoute pour d'autres problèmes, mais, si vous êtes à Montréal ou à Québec, on vous dit normalement que vous êtes peut-être privilégiés par rapport aux régions éloignées où il n'y a pas toute l'équipe multidisciplinaire qui serait souhaitable.

M. Bédard: Je vous remercie de le mentionner.

Mme Gosselin: C'est peut-être l'une de ces réalités avec lesquelles il faut compenser. Si vous encadrez le moindrement une équipe multidiciplinaire à l'intérieur de la loi, cela crée un problème. Il y a aussi peut-être un autre petit volet qu'il y a lieu de souligner, c'est celui du délai. Dans la Loi sur la protection du malade mental qui gouvernait toute cette question, le délai, avant de requérir l'ordonnance du tribunal pour un examen psychiatrique, était beaucoup plus long que celui de 24 heures qui nous est maintenant proposé. Il appelle sûrement comme commentaire qu'on espère que les cours soient disponibles pour nous permettre d'aller chercher une ordonnance dans un délai de 24 heures. Mais si, en plus, vous exigez, avant que l'examen soit fait et qu'on requière cette ordonnance, qu'il y ait eu une étude par une comité multipartite, cela

deviendra encore plus lourd et il y aura un problème de délai. La notion de délai n'est pas à minimiser lorsqu'on a à obtenir, justement, une ordonnance pour traiter quelqu'un.

M. Bédard: Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. le ministre. Je suis fort consciente des difficultés qu'a soulignées le Dr MacKay démontrant le fait qu'il peut y avoir des chicanes de chapelles etc. Il y a aussi la réalité que Me Gosselin vient de signaler, que tous les établissements sont différents. Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen que chaque établissement prévoie un comité? Il sera formé différemment dans un hôpital de soins psychiatriques peut-être que dans un hôpital général d'une région éloignée. Dans le fond, ce qu'on veut, c'est une espèce de - ne le prenez pas dans le sens péjoratif - garde-fou ou un chien de garde. C'est même une protection pour le médecin qui veut tenter une expérience thérapeutique ou une intervention inhabituelle, nouvelle ou, enfin, de l'expérimentation comme c'est signalé dans la loi, qu'il y ait d'autres personnes qui soient mises au courant dans l'institution ou dans l'établissement. (11 heures)

Cela n'a peut-être pas besoin d'être ici, mais c'est peut-être dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux que cette notion devrait être intégrée. Cela m'apparaît une prudence à exercer pour le public. Tout en admettant que tout le monde est de bonne foi et agit avec le plus grand esprit professionnel, je pense que c'est à la fois une balise importante tant pour le médecin qui ferait l'expérimentation que pour le patient qui y serait soumis.

Mme Turenne-Thibault: Ce que vous nous traduisez réfère essentiellement, il me semble, à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, c'est un fait. On n'a qu'à penser à toute la réglementation adoptée en vertu de cette loi. Je pense à la réglementation au niveau des CMD, des conseils de médecins et dentistes, etc. Il ne faut pas minimiser également le fait que les équipes multidisciplinaires, dans le domaine de la psychiatrie, existent effectivement à l'intérieur des centres hospitaliers, là où c'est possible. Je n'ai pas l'impression que c'est à l'intérieur du Code civil qu'il faut clarifier toutes ces choses-là. C'est vraiment au niveau de l'application de la loi sur les services de santé qu'on se situe vraiment à l'intérieur de cette dynamique.

M. MacKay: Puis-je ajouter, M. le Président, que les articles du projet de loi dont vous avez fait mention visent les situations d'urgence. En situation d'urgence, il serait assez intempestif aussi, je pense, d'avoir à réunir une équipe et à discuter. Au moment où le tribunal est saisi d'une question de tutelle, par exemple, le tribunal a tout le loisir de faire venir des dossiers complets où apparaîtront des rapports de psychologues et de travailleurs sociaux. Donc, je pense qu'il ne faudrait pas interpréter les hésitations qu'on a à tomber dans cette ouverture comme voulant exclure l'équipe multidisciplinaire. Elle est très présente effectivement dans la plupart des établissements et surtout dans ceux qui ont une certaine importance. Je pense qu'au moment où il s'agit de statuer sur une urgence, comme c'est le cas pour la cure fermée, par exemple, on ne peut pas penser à consulter un nombre très considérable de personnes. Ce sont des dispositions qui ont une durée très brève dans le temps et qui sont, de toute façon, l'objet de révision. Dans cet esprit-là, je pense que nous avons toutes les garanties requises par rapport à l'utilisation pertinente éventuelle de l'ensemble des professionnels qui oeuvrent avec le médecin.

Mme Lavoie-Roux: Vous dites que c'est relié strictement aux cas d'urgence. Je parlais en termes d'expérimentation aussi.

M. MacKay: Oui, dans les cas d'expérimentation, les protocoles sont établis avec des comités qui sont, la plupart du temps, à ma connaissance, multidisciplinaires ou qui ont avantage à l'être, de toute façon.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Bédard: Ils sont obligatoirement multidisciplinaires. Concernant la nouvelle responsabilité confiée à l'établissement qui a la garde d'un patient - je réfère, entre autres, aux articles 156 et 203 - on nous a souvent souligné les dangers de conflit d'intérêts entre l'établissement, d'une part, et le patient, d'autre part. Est-ce que nous pourrions avoir vos commentaires? D'ailleurs, ce conflit d'intérêts qu'on évoque entre l'institution et le patient revient souvent. Comment traitez-vous du sujet?

Mme Gosselin: Si vous me le permettez, je vais vous donner le vécu d'une réalité principalement dans les hôpitaux à vocation psychiatrique où vous aviez le médecin psychiatre - parce que c'était le cas - qui décidait que telle personne était incapable d'administrer ses biens. Il avisait à ce moment-là le Curateur public, lequel devenait, faute de curateur datif, curateur d'office à la personne. Cela impliquait que le Curateur public, sans minimiser l'importance de son équipe, avait quand même à intervenir pour tout consentement. Il a quand

même plusieurs personnes sous sa juridiction.

Dès 1976, je pense, on a entrepris des discussions avec le Curateur public et nous sommes arrivés, quand même, à la rédaction d'un protocole qui s'applique à l'heure actuelle, à savoir que tel genre de traitements - les traitements usuels quand une personne arrive à l'urgence, qu'elle soit ou non malade mentale - est-ce qu'on peut les donner? Pour tel autre genre de traitement, on avait convenu que, dans un centre hospitalier, le DSP autorisait le traitement au nom du Curateur public, lequel conservait sa responsabilité et le Curateur public était ipso facto avisé. Dans les cas d'interventions chirurgicales, dans les cas d'électrochocs, dans les cas bien identifiés où l'intérêt de la personne est vraiment important, le Curateur public intervenait personnellement pour signer pour chacun de ces traitements.

À l'Office de révision du Code civil, on a tenu compte de cette réalité que je vous explique en parlant du curateur au malade. On disait qu'à ce moment-là cela devait être le DSP qui s'occupe de la curatelle à la personne, d'une certaine façon. Cela ne faisait que confirmer, dans la réalité, dans le vécu quotidien, les aménagements qu'on devait faire pour pouvoir fonctionner à l'avantage de nos bénéficiaires.

Le curateur à la personne, la formule présentée par l'office n'a pas été retenue comme telle. L'esprit est quand même là et nous trouvions avantageux qu'on parle, entre autres, d'une personne désignée par l'établissement parce que la question du DSP - le DSP, pour le bénéfice de tout le monde, c'est le directeur des services professionnels et c'est indéniablement un médecin - ne couvre vraiment que les centres hospitaliers, alors que vous avez des personnes qui seront protégées également dans d'autres catégories d'établissements qui sont les centres d'accueil. Je pense qu'il y a beaucoup de personnes protégées qui sont dans les centres d'accueil. Donc, il fallait que ce soit peut-être autre chose que des directeurs des services professionnels. On a pensé que la proposition faite dans le projet de loi no 106, de dire qu'une personne désignée par l'établissement exercera d'office, était intéressante. Elle était intéressante parce qu'elle permettait de fonctionner rapidement et faisait que l'établissement assumait quand même les responsabilités comme curateur.

M. Bédard: D'ailleurs, effectivement, comme vous le dites, nous avons repris...

Mme Gosselin: Oui, nous nous sommes déclarés favorables.

M. Bédard: ...l'essentiel de ce qui était dans le rapport de l'office de révision. Nous l'avons élargi parce que nous avons tenu compte d'une réalité qui fait que, dans les centres d'accueil, il n'y a pas de directeur des services professionnels.

Mme Gosselin: À cela, nous nous sommes déclarés favorables.

Le problème de conflit d'intérêts potentiel ou éventuel que vous soulevez a fait sûrement l'objet de discussions avant d'être présenté devant vous. On a retenu qu'il n'y avait pas ce genre de conflit pour une raison bien simple; la personne qui prescrit le traitement ou l'intervention, c'est le médecin traitant. Ce n'est normalement pas le médecin traitant dans l'établissement qui sera la personne désignée. Ce sera, je pense, à 95%, le directeur des services professionnels qui sera désigné pour tous les cas.

M. Bédard: Ce devrait être la même personne.

Mme Gosselin: Pardon? Le DSP ne fait pas de pratique dans l'établissement.

M. Bédard: Ah non! D'accord.

Mme Gosselin: Le conflit, c'est peut-être une réaction humaine spontanée, quand on dit: Ce sont deux personnes, médecin traitant et personne responsable, et dans le même établissement, dans la même bâtisse. Mais je pense qu'ils ont chacun des responsabilités bien particulières. À moins qu'on ne me démontre qu'on ait déjà porté plusieurs plaintes quant à la responsabilité qu'assumait le DSP, je ne vois pas qu'il y ait vraiment conflit d'intérêts. On se crée des problèmes en parlant de cela, je pense.

M. Bédard: Ce sera ma dernière question pour me limiter aux 20 minutes. À remarquer qu'on voit facilement la nature du sujet et qu'on pourrait en parler des journées complètes; c'est ce qui se fait, d'ailleurs. On sait qu'une fois les travaux de la commission terminés la réflexion continue. Le vécu quotidien continue aussi.

Concernant la révocation du consentement à un traitement, ne croyez-vous pas que l'encadrement que vous proposiez risquerait peut-être d'entraîner une certaine pression auprès des patients? Vous proposiez la révocation écrite ou verbale en présence de la personne chargée de faire le prélèvement ou l'expérimentation.

Mme Gosselin: C'est peut-être le phénomène du pendule que nous vous proposons. Lorsque vous dites que le consentement peut être donné verbalement sans préciser le contexte, vous avez cette réalité dans nos établissements - encore là, on revient à la réalité - que, comme patiente, je suis incapable de distinguer si je

m'adresse à une infirmière, à une infirmière auxiliaire, à un préposé aux malades et chacun a quand même des responsabilités bien précises. Je ne suis pas sûre si je m'adresse au préposé aux malades, dans notre réalité, parce que c'est quand même beaucoup de personnes qui oeuvrent dans un même établissement, et que cette révocation, qui sera reçue de cette personne, soit véhiculée à qui de droit. On ne voulait que s'assurer d'une protection pour pouvoir respecter cela. Ce n'est quand même pas si facile de dire: II s'agit que vous informiez quelqu'un qui travaille dans le centre hospitalier pour que, automatiquement, ce soit réalisable. Il y a un peu trop... On a même des ingénieurs qui travaillent dans nos établissements, pour les édifices ou quoi que ce soit. Alors, on désire quand même encadrer qui peut recevoir le consentement. C'est pour cela que nous nous sommes référés à la proposition qui avait été faite par l'Office de révision du Code civil.

Le Président (M. Blouin): Je vous remercie, M. le ministre.

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. J'ai deux questions: une assez générale et une assez spécifique. Vous avez parlé, dans votre mémoire, d'expérimentation et de traitement. J'aimerais savoir quelle est la distinction entre l'expérimentation et le traitement. Où est-ce qu'on tire la ligne? De temps en temps, j'ai l'impression qu'il y a une distinction sans différence. J'aimerais avoir votre opinion sur cette question.

M. MacKay: Le texte de loi avait une phrase qui nous paraissait regrettable et qui excluait, sans la définir d'ailleurs, la personne en protection de toute expérimentation. L'expérimentation, en médecine, peut se définir de plusieurs façons; on pourrait en parler pendant de nombreuses minutes. Le médecin qui essaie pour la première fois un médicament avec un diagnostic relativement incertain chez un patient est quotidiennement forcé de faire une certaine marge d'expérimentation; ce n'est pas, je crois, de celle-là que nous voulons parler.

Je pense que nous voulons parler ici d'expérimentations qui sont encadrées dans un système de recherche scientifique médicale pour l'avancement de la science et aussi parfois pour mettre au point un médicament ou une forme de traitement qui pourra aider le patient lui-même qui est l'objet de l'expérimentation. Je me souviens, par exemple, quand on a fait les premières expériences sur les antidépresseurs, qu'il fallait bien qu'on utilise ces médicaments chez des patients psychotiques qui n'avaient pas la possibilité d'y consentir eux-mêmes. Si on n'avait pas pu le faire, si le Code civil nous l'avait interdit, on n'aurait pas pu mettre au point les antidépresseurs. C'est un exemple d'une expérimentation à portée thérapeutique qui exige qu'on ait le droit de procéder. Dans ces cas, il n'y avait aucun danger particulier. Je pense même qu'il est abusif, dans ces cas, de judiciariser et d'avoir recours à une autorisation du tribunal pour prescrire un médicament qui est dans un protocole de recherche chez un patient. Voilà pour l'expérimentation médicamenteuse comme telle. Il peut y avoir d'autres approches qui n'existent même pas encore, mais qui pourront être l'objet de débats scientifiques.

M. Dédard: C'est d'autant plus vrai que le traitement n'est pas irréversible; au contraire, c'est la maladie qui l'est, si on ne fait pas quelque chose.

M. MacKay: Exactement. Or, prenons, par exemple, un cas plus particulier où on voudrait faire une recherche dont la portée thérapeutique n'est pas évidente chez les malades séniles. Si vous voulez travailler sur des cerveaux de malades séniles sans leur faire porter de risques graves, il faut quand même que vous ayez la possibilité, l'autorisation de le faire. Même si la portée thérapeutique, à ce moment-là, est moins évidente, il y a une portée thérapeutique ultérieure dans le champ de tous les patients qui pourront plus tard en bénéficier, y inclus peut-être, dans une étape ultérieure, le patient qui serait l'objet de l'expérimentation. Quand on sait à quel point les protocoles de recherche sont bien contrôlés dans les établissements universitaires, il ne faut pas que la prudence nous entraîne à empêcher des interventions bénéfiques, de la même façon que nous avançons que notre désir de protéger la personne handicapée mentale de certains abus ne devrait pas la priver de ce qu'on autorise à des personnes douées de discernement. Je pense qu'il y a toujours lieu de rechercher un juste milieu.

Le projet de loi, qui exclurait la personne en régime de protection de toute expérimentation, nous paraîtrait bloquer le progrès scientifique en étant nuisible aux patients. Je crois que cela répond aux deux volets de votre question.

M. Marx: Oui, merci. Je ne veux pas continuer le débat sur cette question. Bon, juste une autre question assez spécifique. À l'article 24 et à l'article 25, on parle d'examen "psychiatrique". Nous avons reçu des représentations pour changer le mot "psychiatrique" pour "psychologique", que ce soient des examens psychologiques plutôt que psychiatriques. Si je comprends bien, l'un englobe l'autre, dans un sens.

(11 h 15)

Mme Gosselin: Pour peut-être aller plus loin, nous vous demandons, par cet article, de nous autoriser à faire des examens sans pour autant qu'ils soient psychologiques ou psychiatriques. Ils seront probablement inclus tous les deux. Ce qu'il est important de noter, c'est qu'il s'agit d'un comportement, d'un état mental chez une personne qui est conduite au centre hospitalier, qui n'est probablement pas encore protégée légalement, mais qui a tout intérêt à l'être. On ne nous donne, à l'heure actuelle, que la garde de cette personne. On dit: Cette personne a un trouble de comportement, il faut être capable de l'identifier. Donc, il faut faire certains examens et, quelquefois, les examens doivent être carrément cliniques.

Un problème de comportement provient bien souvent d'un problème physique et, si on n'est pas capable de déceler cette source qui justifie le comportement, je ne suis pas sûre qu'on remplisse adéquatement nos objectifs ou nos responsabilités comme centre hospitalier. L'examen psychiatrique correspond, selon nous, à la nécessité d'établir un diagnostic médical qui est requis, entre autres, pour déterminer l'ouverture d'un régime de protection, mais il ne faut pas, pour autant, exclure la possibilité que d'autres examens s'imposent, compte tenu de l'état de la personne.

M. Marx: Aux articles 24 et 25, on parle d'ordonner un examen psychiatrique; donc, cela exclut un examen fait par un psychologue. On nous demande de modifier le mot "psychiatrique".

Mme Gosselin: C'est là où nous ne sommes pas d'accord. Je pense que l'examen psychiatrique s'impose, mais d'autres examens, dont des examens psychologiques, pourraient également être requis.

M. Marx: Vous n'êtes pas prêts à accepter l'argument que ce serait souhaitable de changer le mot "psychiatrique" pour "psychologique"...

Mme Gosselin: Non.

M. Marx: ...ce qui n'empêche pas un examen psychiatrique.

Mme Gosselin: Si nous acceptions cette modification, ce serait contraire à l'argumentation que nous avons tenue tout à l'heure, à savoir que c'est le médecin qui est le seul responsable pour établir l'état de la personne. Si on parle d'examen psychologique strictement, on ouvre la porte non plus à un comité multipartite ou multidisciplinaire, mais à un psychologue qui pourrait, à ce moment, déterminer qu'une personne est dangereuse pour elle-même ou pour autrui et a besoin de régime de protection. C'est très large.

M. Marx: C'est exactement cela. Les psychologues pensent qu'ils ont une certaine expertise aussi. C'est cela, je pense.

M. Bédard: On entre jusque dans la phase du traitement.

M. Marx: Merci.

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee, merci. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: À l'article 14, dans vos amendements ou modifications proposées... Excusez-moi une minute. C'est où vous parlez d'exclure les interventions chirurgicales pour le mineur - c'est l'article 16, pardon - sauf pour une intervention chirurgicale. Je voulais vous demander si vous considérez, par exemple, un avortement comme une intervention chirurgicale.

Mme Gosselin: Cela peut être fait médicalement. Je vais laisser le docteur répondre.

Mme Turenne-Thibault: Dr MacKay, est-ce que vous êtes capable de trancher la question?

M. MacKay: Je ne la trancherai pas, car j'ai un doute.

Mme Lavoie-Roux: Cela est important dans la suggestion que vous faites.

M. MacKay: Je pense, effectivement, que nous ne nous sommes pas arrêtés sur ce point particulier et qu'il est très important -je suis content qu'il soit soulevé - parce que, dans le cas d'une jeune fille de quinze ans qui voudrait subir un avortement thérapeutique et que sa famille l'ignore, la question pourrait se poser. Je crois que, rigoureusement parlant - je m'avance un peu à mesure que je réfléchis - l'avortement n'est pas une intervention chirurgicale. Ce n'est pas, rigoureusement parlant, une intervention chirurgicale.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous pourriez me réexpliquer quelle était votre...

Mme Gosselin: Position sur le sujet?

Mme Lavoie-Roux: ...motivation pour soustraire l'intervention chirurgicale à l'article?

Mme Gosselin: Je vais vous le dire avec beaucoup de plaisir. À l'heure actuelle, en vertu de la Loi sur la protection de la

santé publique, un mineur de quatorze ans est considéré majeur pour fins de consentement et on ne fait pas cette exclusion, c'est-à-dire qu'il est reconnu capable, même s'il s'agit d'intervention chirurgicale. Mais dans la réflexion qu'on vous soumettait au niveau des concepts, "intervention" est compris dans la définition "d'examen", sauf qu'il est nécessaire pour une intervention chirurgicale vraiment de requérir un consentement spécifique. On a noté qu'à l'article 16 le mot "intervention" ne revenait pas, contrairement à sa présence dans les autres articles. On s'est dit: Est-ce que vraiment il est de l'intention d'exclure l'intervention chirurgicale de la capacité du mineur? Ce que nous vous avons dit dans notre mémoire, c'est: Si telle est votre intention, veuillez le spécifier. Mais, à l'heure actuelle, les enfants de quatorze ans ont la capacité de consentir à un examen, de consentir à une intervention chirurgicale ou de la refuser.

Je ne pense pas que l'association se prononce dans la recommandation pour retirer de cette capacité l'intervention chirurgicale. Le délai avec lequel il a fallu composer pour rédiger notre mémoire ne nous a, malheureusement, pas permis de cogiter sur tous les sujets qui nous intéressaient. Nous n'avons fait qu'un constat et sommes arrivés à la conclusion qu'il y avait lieu, tout simplement, de vous souligner que, comme le mot "intervention" n'est pas dans le texte, si vous vouliez exclure l'intervention chirurgicale de la capacité du mineur de quatorze ans ou plus, il fallait l'inscrire. Nous n'avons été que conformes à votre texte, mais rédigé autrement. C'est une question de sémantique, tout simplement.

Mme Lavoie-Roux: Vous l'avez fait dans un but de clarification.

Mme Gosselin: C'est cela.

Mme Lavoie-Roux: Mais cela peut soulever certains problèmes...

Mme Gosselin: Ah si!

Mme Lavoie-Roux: ...si vous l'excluez. Vous n'avez pas examiné...

Mme Gosselin: Mais nous n'avons pas apporté une réflexion spécifique pour dire s'il est avantageux ou pas de les exclure.

M. Bédard: Avec la permission, on peut se rendre des services mutuels.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bédard: Étant donné l'importance du sujet soulevé par Mme la députée de L'Acadie, si vous n'avez pas terminé votre réflexion, on vous invite à la continuer et à l'approfondir. Même si les travaux de la commission parlementaire sont terminés, on serait en fait très heureux de recevoir des commentaires additionnels sur ce point. Vous pourriez nous les faire parvenir par écrit au ministère. À ce moment, nous donnons une copie de toutes les communications additionnelles que nous recevons aux membres de l'Opposition et à tous les membres de la commission.

Mme Gosselin: M. le Président, nous en prenons bonne note.

Mme Lavoie-Roux: II peut y avoir d'autres cas que l'avortement. On prend celui-ci parce que c'est toujours celui qui paraît le plus dramatique. Peut-il y avoir d'autres situations où il y aurait une intervention qui soit peut-être seulement auxiliaire, si je peux dire, et qu'à ce moment l'enfant voudrait quand même...

Mme Gosselin: Vous êtes bien consciente, Mme Lavoie-Roux, qu'il s'agit quand même d'avortement thérapeutique seulement ici, c'est-à-dire nécessaire à cause de l'état de santé de la femme, à ce niveau de l'article.

Mme Lavoie-Roux: On pourrait recommencer une autre discussion.

Mme Gosselin: D'accord?

Mme Lavoie-Roux: Oui. J'accepte votre interprétation.

Il y a une remarque qui revient souvent sur le sujet de la curatelle. J'aimerais vous référer à l'article 213 - j'ai vu que vous n'en aviez pas parlé - sur les régimes de protection. C'est dans la loi no 106. Vous ne l'avez pas dans votre mémoire ou, du moins, vous n'en avez pas parlé. "Le jugement qui ouvre un régime de protection est toujours susceptible de révision, que la cause ait cessé ou que la condition, physique ou mentale de la personne, se soit modifiée. Le tribunal peut prévoir la révision du jugement à une date qu'il indique." Il y a quelqu'un à qui je posais la question, hier, j'ai oublié son nom. Cette personne me disait: Écoutez, c'est prévu dans la Loi sur la protection du malade mental qu'il doit y avoir une révision tous les six mois. Mais, selon les représentations qui nous ont été faites, - non seulement à l'occasion de cette commission, mais à plusieurs autres occasions - finalement, cela devient trop facile et presque routinier, particulièrement pour les patients dans les hôpitaux de soins prolongés. On pense en particulier aux patients psychiatriques peut-être. Finalement, c'est comme une routine. Les gens verraient davantage cette recommandation d'examen

périodique être incluse à l'article 213 et faire l'objet d'une recommandation du tribunal plutôt que de la laisser telle qu'elle existe présentement, parce qu'elle n'est pas satisfaisante. Enfin, ce sont les représentations qui nous sont souvent faites.

Mme Gosselin: II y a peut-être le premier volet où j'aurais aimé que le Dr MacKay prenne la parole, mais je lui laisserai compléter la première approche. Effectivement, quant à la Loi sur le protection du malade mental, il y a des révisions qui se font. Elles sont faites par la Commission des affaires sociales. En termes de qualité de ce qui est fait, nous n'avons que des éloges à adresser à la commission. C'est vraiment sérieux et valable. Du moins, c'est la vision que nous en avons.

Maintenant, quant au régime de protection, on va sûrement couvrir des personnes protégées autres que des malades mentaux. C'est une des ouvertures qu'on a faites. Donc, qu'une personne soumise à un régime de protection puisse voir son évaluation remise en question régulièrement, nous ne sommes que positifs à cela. C'est peut-être pour cela qu'on n'a pas contesté l'article 213. A priori, on était satisfait qu'il y ait une possibilité de réviser effectivement une position qui avait été prise pour l'intérêt même des personnes.

Mme Lavoie-Roux: Les représentations sont dans le sens qu'il y a trop de latitude dans l'expression "peut prévoir la révision". Les gens aimeraient quelque chose de plus ferme que cela.

Mme Gosselin: Qu'on soit plus formel?

Mme Turenne-Thibault: N'est-ce pas sur demande seulement du patient que cette révision se fait ou si c'est statutaire de par la Loi sur la protection du malade mental? Je pose la question.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que c'est statutaire.

M. Bédard: Hier, on nous a laissé l'impression... J'essaie de me rappeler...

Mme Lavoie-Roux: Je l'ai ici. Je crois que c'est statutaire.

M. MacKay: M. le Président, je peux peut-être ajouter deux points. En ce qui concerne la Loi sur la protection du malade mental, la révision est obligatoire pour les cas de cure fermée, ce qui est tout de même une très petite proportion des patients qui sont déclarés incapables d'administrer leurs biens ou ayant besoin de protection, à telle enseigne que, si on voulait une révision automatique de tous les cas de handicapés mentaux dans la province, on serait devant un processus absolument énorme. Étant donné qu'il y a des cas qui sont réputés à juste titre incapables de façon permanente, je crois qu'il y aurait lieu, en effet, de laisser le soin au tribunal de prévoir une date de révision ou non, selon que le cas est présumé permanent ou pas.

En ce qui concerne les cas de psychoses sporadiques qui justifient des cures fermées, le mécanisme actuel est très bien appliqué. Je n'ai pas d'écho voulant que des citoyens aient été brimés ou que le système ne fonctionne pas bien. Là, on parle de tous les cas de protection. C'est un tout autre chapitre, beaucoup plus considérable. Pour la majorité de ces patients, l'incapacité est permanente. Dans ces cas, il serait logique de laisser l'article 213 tel qu'il est, que le tribunal, au moment où il déclare un régime de protection, statue sur la date prévue pour une révision. C'est ce qui serait le plus fonctionnel.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Blouin): Cela va.

M. Bédard: On vous remercie de vos représentations. J'ai peut-être une dernière question que je conçois très difficile. Vous nous avez parlé de l'approche vitaliste par rapport à l'approche qualité de la vie et de la nécessité dans nos travaux, comme on en est conscient, d'en arriver au meilleur consensus, d'essayer de retrouver les consensus sociaux les plus larges. Selon vous, quelle est l'approche qui se démarque ou qui semble recueillir le plus large consensus social? Vous pouvez ne pas répondre.

Mme Turenne-Thibault: Oui.

M. Bédard: Êtes-vous d'accord pour répondre?

Mme Turenne-Thibault: M. le Président, notre mémoire est clair sur le sujet. L'approche que nous préconisons, c'est l'approche qualité de vie. Quand on dit qu'on suggère de reconnaître à une personne majeure le droit de refuser un traitement, même si...

M. Bédard: J'ai compris que c'était l'approche que vous privilégiez avec toutes les nuances qui sont nécessaires...

Mme Turenne-Thibault: Oui.

M. Bédard: ...que vous avez, d'ailleurs, mentionnées. Mais si vous regardez la société, parce que nous avons à légiférer

pour l'ensemble en essayant d'identifier où se situent les consensus les plus larges là-dessus, auriez-vous une opinion? (11 h 30)

Mme Gosselin: Vous noterez que notre recommandation a été quand même très prudente. Nous désirerions nous assurer qu'elle soit retenue, effectivement. Mais cette possibilité de refuser un traitement qui, imminemment, conduira au décès de la personne, nous ne l'avons retenue que dans le cas d'un majeur sain d'esprit. Lorsqu'il s'agit d'un mineur ou qu'il s'agit d'une personne protégée, nous n'avons pas fait cette exception. Donc, nous avons été quand même très prudents sur l'approche vitaliste par rapport à l'approche qualité de vie. Nous étions conscients, malgré tout, que ce n'était pas ipso facto, qu'il restait quand même pour cette catégorie de personnes, c'est-à-dire enfants ou personnes protégées, la possibilité de se référer au tribunal si on jugeait que la qualité de vie pouvait l'emporter sur la vie même. C'est strictement pour le majeur sain d'esprit qu'on a demandé l'ouverture. Nous croyons que cela répond bien à ce qu'on est à même de constater comme revendications dans nos établissements. Pour le reste, c'est peut-être partagé, ce qu'on en sait, et, étant conscients de la responsabilité que le législateur peut avoir sur le sujet, on a été très prudents et on a laissé quand même une possibilité d'ouverture au tribunal.

Le Président (M. Blouin): Oui, Dr MacKay.

M. MacKay: M. le Président...

M. Bédard: Je me permets de voir la difficulté de répondre à la question...

M. MacKay: Est-ce que je peux ajouter...?

M. Bédard: ...à laquelle nous devrons répondre. Par rapport à nous qui devons légiférer, qu'en pense la population? Étant des spécialistes - c'est clair dans votre mémoire - vous avez fait un certain choix, exprimé une tendance en tenant compte, encore une fois, de toutes les nuances. Cette tendance que vous évoquez, est-ce que vous pensez que c'est vers cela qu'on se situe, quant au consensus social?

M. MacKay: Nous croyons que le consensus s'en ira dans cette direction, encore qu'il ne soit pas complet et qu'il ne le sera probablement jamais. Mais si on peut traduire cela en termes très simples, je crois que le législateur devrait s'assurer que, sous prétexte de protéger la personne en besoin de protection, il ne lui interdise pas ce qu'il permet aux citoyens normaux. Je pense que c'est un excellent principe directeur, selon le vieux principe sur lequel se base une bonne psychiatrie, à savoir qu'il faut se demander si on fait au patient ce qu'on voudrait qu'on nous fasse à nous-mêmes, si on avait le choix.

M. Bédard: J'avoue que c'est un très bonne base de réflexion que vous venez d'évoquer.

M. MacKay: Est-ce que vous me permettriez d'ajouter quelque chose? Je voudrais répondre à une question qui ne nous a pas été posée, mais qui a été posée hier, lors des débats de la commission parlementaire. Elle nous est apparue fort importante et nous y avons réfléchi depuis. Elle concerne le fait que nous avons, dans nos propositions à l'association, exclu le conjoint et les proches parents de la possibilité de faire certains consentements. Notre première démarche était d'empêcher le côté un peu arbitraire et, parfois peut-être, ambigu de cette autorisation qui, au fond, pouvait simplement retarder le démarrage d'un processus de mise en protection d'une personne qui en aurait besoin. L'intervention du Dr Lazure hier nous a fait beaucoup réfléchir qui soulignait le côté pratique de laisser quand même une place au conjoint, surtout au moment de la demande d'examen.

Nous avons cherché une solution à ce dilemme et nous vous proposons une réflexion qui irait dans le sens suivant: pour soumettre un patient qui s'y refuse à se présenter à l'hôpital - et ce n'est pas nécessairement pour un état psychiatrique; cela peut être quelqu'un qui est diabétique, cela peut être quelqu'un qui a besoin de soins physiques, mais qui a peur ou qui est dans un état d'instabilité émotionnelle - nous croyons que le conjoint ou un parent pourrait avoir l'autorisation légale au Code civil de signer le consentement. Mais en ce faisant, il assume une responsabilité de tutelle provisoire et, du fait de sa signature à cet effet, il déclenche par le fait même le processus de mise en demande d'un régime de protection. Cela éviterait que des parents ou des conjoints ne puissent, pour les commodités de la chose, signer le truc qui n'aurait pas de suite; tout serait à recommencer la semaine suivante et on n'aurait jamais une opinion ferme et éclairée. Le fin mot qui résoudrait le dilemme, ce serait que le Code civil prévoie que le conjoint ou, à défaut de conjoint, un parent puisse signer le consentement à un examen, mais que, de ce fait, il assume une responsabilité de tuteur provisoire et enclenche, par le fait même, la demande d'un régime de protection dont la qualité sera en fait évaluée par le juge, par le tribunal.

M. Bédard: Comment conciliez-vous

cela avec votre demande à l'article 12?

M. MacKay: Cela modifierait l'article 12 en ce sens-là, mais nous continuons de penser qu'il n'est pas pertinent de permettre au conjoint, à tout hasard comme cela, de signer pour son conjoint, alors qu'en réalité il y a peut-être des conflits d'intérêts ou quelque chose de malsain dans le couple. Cela ne peut être que provisoire, à notre avis, et ce doit être suivi. Cela ne doit pas être suffisant que la signature soit là et c'est tout.

M. Bédard: Merci. Nous allons en prendre bonne note.

Le Président (M. Blouin): D'accord?

Mme Gosselin: Juste un petit point pour compléter cela.

Le Président (M. Blouin): Je dois vous dire, madame, que nous avons excédé d'un bon nombre de minutes.

Mme Gosselin: Excusez-moi.

M. Bédard: D'accord pour quelques phrases.

Le Président (M. Blouin): Enfin, si vous voulez conclure rapidement, il n'y a pas d'objection, mais je ne voudrais pas qu'on s'engage dans un nouveau débat qui risquerait de retarder les autres groupes.

Mme Gosselin: C'est simplement pour compléter la question qui avait été posée.

Le Président (M. Blouin): D'accord, allez-y.

Mme Gosselin: C'est très court. Notre proposition n'est pas modifiée. Il s'agirait probablement de faire des amendements à l'intérieur de la section "régime de protection" pour bien démontrer que c'est en tant que responsable, en tant que tuteur ou curateur qu'il intervient. Strictement à titre indicatif, je vous réfère à l'article 210 qui parle même de la possibilité pour le tribunal, de façon provisoire, de nommer quelqu'un. Il faudrait peut-être le prolonger afin d'autoriser un consentement aux soins. Cela pourrait atteindre l'objectif sans pour autant enlever toute cette question de régime de protection, en laissant toujours l'ouverture, au niveau de l'article 14, de permettre à un conjoint de signer. C'est tout.

M. Bédard: Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci. Je remercie les représentants de l'Association des hôpitaux du Québec de leur présentation.

Mme Turenne-Thibault: Nous vous remercions aussi, messieurs et mesdames de la commission.

Le Président (M. Blouin): Merci, madame.

J'inviterais maintenant les représentants de l'Assemblée des évêques du Québec à prendre place à la table des invités. Je salue et souhaite la bienvenue aux représentants de l'Assemblée des évêques du Québec. Je demande au porte-parole de l'assemblée de s'identifier et de nous présenter les gens qui l'accompagnent.

Assemblée des évêques du Québec

Mgr Couture (Maurice): Mon nom est

Maurice Couture, évêque auxiliaire à Québec. J'ai, à ma droite, M. Ernest Caparros, qui est conseiller juridique de l'Assemblée des évêques du Québec; à mon extrême droite, M. Jacques Saint-Michel, qui est vice-chancelier du diocèse de Québec et, à ma gauche, M. Paul Boily, qui est adjoint à la secrétaire générale de l'Assemblée des évêques du Québec pour les communications.

Je n'ai pas, j'imagine, à détailler la composition et les objectifs de l'organisme que nous représentons, même si c'est probablement la première fois que, comme corps constitué, l'Assemblée des évêques du Québec se fait entendre devant une commission parlementaire. Précisons tout de même que l'assemblée des évêques regroupe, comme il se doit, les évêques en titre, non retraités du Québec, qu'ils soient titulaires de diocèse ou simples auxiliaires comme c'est mon cas. L'assemblée des évêques possède des comités qui équivalent très modestement à ce que pourraient être des commissions parlementaires par rapport à votre façon de fonctionner et l'un d'eux s'occupe des problèmes de législation et d'administration financière, les deux regroupés; c'est moins lourd, évidemment, que ce que vous pouvez avoir à traiter puisque nous les regroupons dans un même comité. C'est mon homonyme, Mgr Jean-Guy Couture, l'évêque de Chicoutimi, qui en est le président.

Je m'empresse de vous dire, pour éviter toute réflexion malicieuse, que, s'il a été choisi, ce n'est pas parce qu'il est évêque du diocèse où se trouvent le comté de Chicoutimi et le ministre de la Justice, mais en raison de sa compétence objective comme administrateur et comme légiste ou canoniste, comme nous le disons dans notre langage.

M. Mathieu: II faut avoir les deux.

Mgr Couture: Voilà.

M. Bédard: J'en suis convaincu.

Mgr Couture: Notre mémoire a été préparé par le comité en question, mais soumis en assemblée plénière, au mois de mars dernier, à tous les évêques, si bien que le mémoire qui est déposé aujourd'hui représente vraiment, en raison d'une consultation spéciale, la pensée des évêques du Québec.

Comme aucun des membres dudit comité n'était en mesure de se présenter aujourd'hui en raison des obligations pastorales particulièrement lourdes en cette période de l'année, vous le comprendrez, et que Mgr Louis-Albert Vachon était lui-même retenu aujourd'hui pour une conférence de presse sur un autre sujet, j'ai hérité d'une mission qui s'alourdit à mesure qu'elle se prolonge et à mesure que notre délégation, elle, s'allège. Je vous ai donc présenté ce qui restait de notre délégation qui était là hier matin.

En plus de ce mémoire, intitulé La dignité de l'être humain, que nous déposons devant la commission parlementaire, nous avons également soumis à M. le ministre de la Justice des observations sur la question du registre de l'état civil. Je le signale, parce que d'autres groupements, je pense, vous en ont parlé ici même. Comme ces observations sont d'un caractère plutôt technique, nous n'avons pas jugé bon de les introduire dans notre mémoire. C'eût été, à nos yeux, dévaloriser un peu l'objet le plus important de ce mémoire que d'introduire des questions qui nous paraissent d'ordre technique et sur lesquelles des discussions subséquentes pourraient nous amener probablement à nous comprendre. Nous ne cherchions pas, en ne les introduisant pas, cependant, dans notre mémoire, à leur garder un caractère privé et nous laissons M. le ministre bien libre d'en faire part à la commission ou aux technocrates chargés de préparer les documents relatifs à la réforme du droit civil.

Le mémoire que nous déposons ce matin porte essentiellement sur l'article 1 du projet de loi no 106 et, de la reformulation que nous en proposons, découlent quelques autres retouches à d'autres articles subséquents.

En substance, les évêques du Québec veulent défendre fermement le droit à naître comme fondement de tous les droits et insistent sur le besoin de protection générale de l'enfant conçu. S'il en est un à qui il faut donner une voix, parce qu'il n'en a pas, c'est bien, il nous semble, à l'enfant à naître. S'il nous arrive d'élever la voix pour défendre ceux qui n'ont pas une facilité de s'exprimer comme dans le cas, par exemple, des chômeurs, des gens mal pris, il nous semble logique de défendre l'enfant à naître. En cela, les évêques sont cohérents avec leurs déclarations antérieures, en particulier avec celle qu'ils ont émise le 9 décembre dernier sur l'avortement.

Avant de passer la parole à M. Ernest Caparros, je me contente de lire avec vous la lettre de présentation du mémoire signé par Mgr Vachon. Elle a été reproduite un peu prématurément ce matin dans un journal. Vous la connaissez peut-être, mais je la relis. "L'Assemblée des évêques du Québec a pris connaissance du projet de loi no 106 sur la réforme du Code civil que vous avez déposé à l'Assemblée nationale, le 17 décembre 1982. Ce projet de loi traite du droit des personnes et touche directement au projet de société qui est nécessairement reflété dans la législation civile. "Nous avons été surpris et déçus de constater que le projet de loi no 106 n'avait pas retenu la recommandation de l'Office de révision du Code civil de protéger les droits de l'enfant dès sa conception. Vivement concernés par l'élaboration des lois et leurs conséquences sur l'éthique d'un peuple, nous soumettons à la commission parlementaire de la justice le présent mémoire sur la dignité de l'être humain. "Nous espérons fermement, M. le ministre, que le gouvernement comprendra le bien-fondé de notre position. À titre de responsables de la communauté catholique et comme citoyens, nous ne pouvons accepter une législation qui hésite à protéger le premier de tous les droits et le fondement de tous les autres, le droit à la vie."

Sur ce, avec votre permission, M. le Président, je céderai la parole à M. Caparros, notre conseiller juridique, qui, lui, vous exposera le contenu plus détaillé de notre mémoire. (11 h 45)

M. Caparros (Ernest): M. le Président, je me présente pour la première fois ici intégré dans un groupe. Ce n'est pas la première fois que je viens en rapport avec le Code civil mais c'est à titre personnel, toutes les autres fois, que je suis venu manifester certaines opinions. Dans ce cas, on m'a demandé de faire cette présentation qui coïncide pleinement avec les idées que j'avais déjà émises à titre personnel. Il est évident qu'il faut se réjouir de tout cet effort pour protéger la personne dans le livre premier du Code civil. On avait toujours le regret, quand on parlait du Code civil du Bas-Canada, qui est toujours en vigueur - en fait, on a l'avantage d'avoir deux codes -d'avoir cette insertion de la protection de l'enfant conçu seulement au niveau patrimonial. Mais, après un chapitre dans le livre des personnes, qui était le deuxième chapitre proposé par l'Office de révision du Code civil où le principe que l'enfant conçu est tenu pour né, intégré à ce moment au niveau général, on pouvait s'attendre que cette protection de l'enfant conçu, toujours et en toutes circonstances, se retrouve au

niveau de ce Code civil du Québec qu'on est en voie de mettre en vigueur.

Évidemment, il faut que cet enfant naisse vivant et viable, mais lorsqu'on intervient pour l'empêcher de naître vivant et viable, c'est là que se pose la question parce qu'on fait finalement obstacle aux droits qu'on est en train de lui accorder. D'un côté, on parle de toute une série de droits qui sont remis à la personne humaine; en même temps, si on l'empêche de naître, c'est exactement la même chose que de ne pas lui en donner.

Le fondement, finalement, c'est son droit de naître. On a beau avoir l'article 1, tel qu'il se trouve dans le projet de loi no 106, l'article 5 sur le plein exercice des droits civils, l'article 11 sur l'inviolabilité et l'intégrité de la personne humaine, l'article 30 sur les droits de l'enfant à la protection, la Charte des droits et libertés de la personne...

Des voix: Oh!

M. Caparros: ...si cet être qui est conçu n'est pas né, tout cela, ce ne sont que des mots creux. On est en train de se gargariser de mots puisque, effectivement, on l'empêche de jouir de tous ses droits. Si on ne protège pas cet enfant conçu depuis la conception, ce n'est pas une question idéologique, c'est la vérité biologique qui entre en ligne de compte. Effectivement, ce qu'il y a là, ce n'est pas un tissus adipeux, ce n'est pas un serpent, ce n'est pas un éléphant, dans le sein d'une femme quand elle est enceinte; c'est un enfant, c'est un être humain.

À ce moment, si on ne le protège pas, il n'a pas de droits. On pourrait dire: Qu'arrive-t-il lorsque l'enfant ne naît pas vivant et viable? Il n'a aucun droit. Si cette absence de naissance se produit naturellement, il n'a pas de droit. Mais que penser de la situation dans laquelle, pour obtenir certains droits qui seraient dévolus à l'enfant conçu, la mère demande un avortement? En fait, on peut prendre l'exemple du testateur qui lègue ses biens à un enfant à naître; c'est toujours possible. Du moment que l'enfant est conçu, il a droit de recevoir ces biens. Si le même testateur établit que, s'il n'y a pas naissance, ce sera la mère qui aura les biens dévolus à l'enfant, si le testateur décède alors que la mère est enceinte et qu'il y a avortement, c'est là où on voit - j'ai essayé de trouver un exemple -qu'il y a un conflit très évident et qu'on doit protéger ces droits de l'enfant à naître de façon absolue pour éviter que des situations de conflit aussi brutal ne puissent se présenter. Ce besoin de protection de l'enfant conçu doit exister toujours et en toutes circonstances. Cela doit se faire contre les agissements de personnes qui voudraient éventuellement enlever à cet enfant conçu le droit de naître. Si le législateur n'accorde pas une protection pleine et entière et de façon générale à l'enfant conçu, à ce moment, tous les droits qui sont établis pour protéger la personne ne dépendent plus du législateur. Le législateur, s'étant lavé les mains, a remis ces droits entre les mains de certaines personnes qui voudraient éventuellement accorder ces droits à l'enfant conçu.

Je ne prétends pas que vous ne pouvez pas toujours retirer ces droits, mais effectivement, si la protection n'y est pas, à ce moment, ce n'est pas le législateur qui est en train d'accorder des droits. Ce sont des individus qui décident s'ils vont ou non accorder des droits à cet enfant conçu. Même, à la rigueur, des dispositions comme les articles 32 et 120 du futur Code civil -parce que le projet n'a que deux articles -ne semblent pas applicables puisqu'il faut qu'il y ait un litige en justice lorsqu'il y a des intérêts en conflit.

Il ne faut pas oublier que le conflit d'intérêts le plus frappant est celui qui peut exister entre l'enfant conçu et ses progéniteurs. Cela est un conflit d'intérêts que le législateur a pris soin - un soin que je ne voudrais pas qualifier - de maintenir, en écartant systématiquement toute protection à l'enfant conçu dans le projet de loi. S'il n'y avait jamais eu de propositions de faites pour établir la présomption que l'enfant conçu est tenu pour né concernant les dispositions relatives aux enfants dans le Code civil, on aurait pu penser que c'était un oubli. Mais quand on voit qu'on a enlevé systématiquement du projet de loi toute référence à l'enfant conçu au niveau des personnes et que la protection de l'enfant conçu, toujours et en toutes circonstances, ne s'est pas faite telle que prévue, on peut se poser des questions.

C'est pour cela que, comme première recommandation, on propose que l'article premier du futur Code civil du Québec comporte un deuxième alinéa dans lequel on établit le principe qui nous vient du droit romain - on peut dire: C'est vieux, tous les Romains sont morts, mais c'est quand même un principe qui est sous-jacent dans toutes les législations - l'enfant conçu est tenu pour né pourvu qu'il naisse vivant et viable. L'article premier qui établit que l'être humain possède la personnalité juridique et qu'il est sujet à des droits depuis sa naissance jusqu'à sa mort devrait comporter un deuxième alinéa établissant cette présomption que l'enfant conçu est tenu pour né pourvu qu'il naisse vivant et viable.

Les autres recommandations sont des conséquences logiques de ce premier article. À l'article 16 - on discutait de cela il y a quelques minutes - on propose qu'on insère au deuxième alinéa après le mot "soumis",

les mots "à une intervention chirurgicale ou". Les termes "intervention chirurgicale", on les a introduits après avoir pris des renseignements dans les milieux médicaux où on nous a clairement indiqué qu'un avortement était une intervention chirurgicale. Ce sont les renseignements que nous avons obtenus. Peut-être qu'il peut y avoir des opinions différentes, sauf que, dans certains cas, il ne s'agit pas d'opinion, mais il s'agit de la réalité, il s'agit d'une vérité qu'il faut voir, constater. On n'est pas dans des domaines d'opinion dans certains cas.

D'un autre côté, l'article 30 devrait aussi être modifié afin d'insérer, après les mots "tout enfant", les mots "depuis sa conception". C'est l'article 123 qui est peut-être le plus frappant dans cet effort de limiter les droits de l'enfant conçu. Cet article comporte, d'ailleurs, une certaine contradiction puisqu'on précise que les père et mère sont également tuteurs de leur enfant conçu, mais seulement par rapport à ses intérêts pécuniaires. Or, la tutelle, selon l'article 115, s'étend à la personne et aux biens. Pourquoi a-t-on un tuteur aux biens si, d'après ce que l'article 123 dit, il semblerait que l'enfant conçu n'ait d'existence que par rapport à l'aspect pécuniaire? Il faudra quand même enlever le mot "pécuniaires" de façon que les parents soient les tuteurs de l'enfant conçu, avec tous les droits que cela comporte. Sinon, lorsque l'article 123, parle des parents comme tuteurs aux intérêts pécuniaires de l'enfant conçu, en toute logique avec l'article 115, il faudrait nommer un tuteur à la personne de l'enfant conçu.

Enfin, l'article 120 devrait aussi prévoir la possibilité, éventuellement, s'il y a conflit d'intérêts, d'avoir un tuteur ad hoc à l'enfant conçu. Pour cela, une modification devrait être introduite aussi après le mot "mineur" pour le préciser clairement.

Il y a des choses qui vont peut-être sans dire, mais elles vont toujours mieux en les disant. Comme, dans certains cas, on peut interpréter certains termes dans différents sens, on fait ces propositions afin qu'ils puissent être interprétés toujours dans le sens de la dignité de l'être humain et toujours dans le sens de défendre l'enfant conçu, pourvu qu'il soit un être vivant et viable.

Le Président (M. Blouin): Merci, Me Caparros. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je remercie d'une façon tout à fait spéciale l'Assemblée des évêques du Québec d'avoir bien voulu créer un précédent, comme on l'a mentionné, en se présentant pour la première fois devant une commission parlementaire en tant qu'assemblée constituée par les représentants que nous avons le plaisir d'accueillir, Mgr Couture et ceux qui l'accompagnent. 3e pense que ce précédent est peut-être la meilleure illustration de l'importance du travail que nous avons à faire comme membres de cette commission, l'importance de ce qu'est le Code civil comme texte fondamental qui rejoint le vécu de tous les jours de l'ensemble d'un peuple.

Je voudrais bien être de ceux - ce n'est pas une remarque négative que je fais - qui voient peu de difficultés à concilier la protection des droits extrapatrimoniaux de la personne dès sa conception avec le caractère d'inviolabilité de la personne, du respect de l'intégrité de la personne. On sait que ce n'est pas un sujet très facile. Sur le principe fondamental de respecter la vie, tout le monde est d'accord. Peut-être que la réalité sociale de tous les jours est très complexe quand il s'agit de se pencher sur les moyens à prendre, que ce soit législativement, socialement ou autrement, pour assurer la meilleure des protections au principe. Sur les manières, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'y a pas d'unanimité qui se dégage; je pense, au sujet particulier auquel vous vous référez. Je dis bien quand on parle des manières de le faire. La réalité sociale est souvent très complexe. Vous êtes les mieux placés pour le savoir. Même si les principes sont très clairs, plusieurs voix se font entendre, la vôtre aujourd'hui, celle des femmes non seulement du Québec, mais de toutes les sociétés qui, elles aussi, parlent au nom de principes importants tels que le respect de l'intégrité de la personne, de l'inviolabilité de la personne. Je pense que le témoignage que vous nous avez fait entendre sur le plan des principes est reçu - je n'ai pas besoin de le dire - très respectueusement par l'ensemble des membres de la commission, je dirais par l'ensemble du gouvernement, de l'Assemblée nationale. (12 heures)

Lorsqu'on parlait de la protection du foetus, vous étiez dans la salle à ce moment. M. le bâtonnier du Québec a évoqué une prise de position. J'aimerais savoir si vous avez des commentaires. Il a évoqué, en fait, une situation, lorsqu'on parle de la protection du foetus, qui fait - c'est l'état de nos lois - qu'il y a une protection; on ne peut pas dire qu'il n'y a pas de protection d'accordée dans le droit. Cela se retrouve, par exemple, dans le droit criminel. S'il y a un sujet où il n'est pas question de parler des juridictions, c'est bien celui-là. On vient d'entendre également les représentants de l'association des hôpitaux qui faisaient état des différentes approches qui existent: l'approche vitaliste, l'approche qualité de la vie. J'aimerais avoir de plus amples commentaires de votre part.

M. Caparros: En fait, ce que j'ai retenu par rapport à l'approche vitaliste, c'est qu'elle coïncidait pleinement avec ce que

nous demandons, puisque l'approche qualité de la vie ne s'appliquait qu'aux majeurs lucides. Nous sommes en train de parler de l'enfant conçu non encore né. Donc, je pense que nous sommes exactement dans la même situation, d'une approche vitaliste dans cette situation. Si, pour les mineurs en bas âge...

M. Bédard: Je m'excuse, je ne voulais pas avoir l'air de vous poser une question sur un autre sujet.

M. Caparros: Excusez-moi.

M. Bédard: J'en parlais parce que vous étiez présent et qu'il y a quand même des relations entre ceux qui vivent et ceux à naître. Je sais bien que ce sur quoi porte votre mémoire, c'est sur ceux qui ont été conçus mais qui ne sont pas encore nés. Ma question pourrait être à double volet: de plus amples commentaires sur le premier sujet et aussi, je me permets de vous le demander, sur le deuxième sujet qui a été évoqué tout à l'heure par l'organisme qui vous a précédé.

M. Caparros: D'accord. L'approche vitaliste coïncide avec nos propositions. Quant à l'approche qualité de la vie, dans le contexte des majeurs lucides, je pourrais éventuellement vous donner des opinions personnelles, mais je ne peux pas, évidemment, parler au nom de l'Assemblée des évêques du Québec.

En fait, on revient souvent sur la question de la réalité sociologique. Je me rappelle, en commission parlementaire, pour mettre de l'avant certaines demandes sur lesquelles je n'étais pas d'accord, qu'on m'avait servi l'argument de la vérité biologique. J'ai le souvenir de la question du désaveu de paternité fait par la mère. Personnellement, je trouvais que le fait que la mère puisse désavouer son mari comme père de son enfant ne favorisait pas tellement les relations familiales. À ce moment, on m'avait dit que la vérité biologique devrait l'emporter. Je pense que la vérité biologique pourrait aussi l'emporter dans une situation comme celle-ci. Effectivement, l'enfant conçu biologiquement, la vérité biologique, c'est qu'il est un être humain, que, s'il termine sa gestation, il aura normalement ses deux jambes et ses deux bras comme tout le monde et qu'après il grandira et pourra faire bien des choses.

Le Président (M. Blouin): Mgr Couture. M. le député de D'Arcy McGee sur le même sujet.

M. Marx: Oui, j'ai une question qui porte plutôt sur la forme que sur le fond. Mgr Couture a bien résumé le contenu du mémoire en une seule phrase quand il a dit: "II s'agit de protéger le droit de naître." Je pense que c'est là le fond du problème. Il me semble que ce droit pourrait seulement être garanti dans le Code criminel, c'est-à-dire que ce n'est pas dans ce Parlement qu'on pourrait garantir ce droit. Admettons qu'on modifie l'article 1 du projet du loi pour prévoir le droit de naître. Étant donné qu'en vertu du Code criminel on permet l'avortement, étant donné qu'il y aurait un conflit entre ce projet de loi et le Code criminel, ce serait le Code criminel qui l'emporterait. Je pense que le but que Mgr Couture aimerait atteindre, par la modification proposée ne serait pas atteint. Je sais que c'est une intervention assez juridique, mais...

Mgr Couture: Je laisse M. Caparros y songer un peu. Je reviens, cependant, sur la question précédente. L'optique dans laquelle a été envisagée tout à l'heure la question d'approche vitaliste et approche qualité de vie, je pense qu'elle se situait plutôt, je dirais, à l'autre extrémité de la vie. Notre mémoire porte essentiellement sur la dignité de l'être humain, mais nous nous limitons à un aspect...

M. Bédard: Je l'ai dit, d'ailleurs.

Mgr Couture: Oui, je sais, mais je ne veux pas éviter, non plus, tout à fait la question pour vous dire quand même que, sur cette question, même les moralistes peuvent avoir des nuances assez prononcées. Par exemple, entre l'euthanasie, qui consisterait à dire: Essayons de rendre la fin de la vie tellement agréable qu'à la fin on les soulage à un point tel qu'on abrège la vie, et l'autre attitude qui consisterait à dire: On prolonge indéfiniment la vie, même avec des moyens artificiels, comme on l'a vu dans certains cas qui ont eu une grande publicité, je pense qu'il y a une solution mitoyenne sur laquelle la plupart des moralistes s'entendent et disent: On n'est pas obligé de recourir à des moyens extraordinaires pour prolonger une vie qui, de toute façon, est terminée. Qu'on prenne tous les moyens, qu'on fasse preuve de beaucoup de prudence. Je connais un cas, par exemple, de quelqu'un qu'on considérait comme "fini". On m'a demandé: Est-ce qu'on le débranche? Et 24 heures après, il a repris vie. S'agit-il d'un miracle? S'agit-il de je ne sais trop quoi? Évidemment, il faut une prudence et il faut plutôt favoriser la vie, mais de là à dire qu'on prenne des moyens extraordinaires pour prolonger et prolonger, c'est une autre chose. Je crois que, sur ce point, les moralistes sont assez d'accord.

Je laisse M. Caparros réagir, quitte à compléter après sur la dernière question.

M. Caparros: C'est évident que le partage des compétences existe toujours. C'est évident aussi que l'Assemblée

nationale, dans certains cas, a procédé tout en tenant compte des besoins du Code civil et a sanctionné des dispositions qui ne sont pas en vigueur parce qu'il n'y a pas cette compétence. Le problème est entier, mais il y a quand même toute une série de droits civils de l'être humain qui doivent être protégés par le Code civil. C'est clair que, par nos demandes on ne peut pas arriver à ce que le Code criminel soit modifié, mais on veut que le Code civil ait le plus de ce qu'il peut avoir et non pas le moins possible. La limitation de la tutelle des parents sur leur enfant conçu aux droits exclusivement pécuniaires m'apparaît... Je ne sais pas comment la qualifier; il y a deux ou trois mots qui me sont venus à l'esprit en faisant la présentation, mais maintenant je préfère ne pas les mentionner, c'est enregistré et on ne sait jamais. Il y a quand même une chose qui est très claire. Établir que l'enfant conçu est tenu pour né, pourvu qu'il naisse vivant et viable, cela veut dire que tous les droits qui sont reconnus à l'être humain dans le Code civil lui sont reconnus. Mais dire que cela se limite aux intérêts pécuniaires m'apparaît restreindre énormément la compétence de l'Assemblée nationale du Québec. Ce ne sont pas seulement les aspects pécuniaires et c'est pour cela qu'on est intervenu au niveau du Code civil. On n'intervient pas au niveau du Code criminel et on sait que le Code criminel contient des dispositions concernant l'avortement thérapeutique, soi-disant.

M. Marx: Si je comprends bien, vous voulez qu'on mette dans le Code civil l'article tel que proposé par l'Office de révision du Code civil. C'est cela?

M. Caparros: C'est cela. Qui est la présomption générale qui a existé et qu'on invoquait toujours dans les cours en latin, que l'enfant conçu, pour tout ce qui se rapporte à son intérêt, est tenu pour né.

M. Marx: Oui. Est-ce que le ministre a bien expliqué pourquoi il l'a rejeté?

M. Bédard: Je m'excuse.

M. Marx: Je vais poser une question bien simple, M. le ministre. Est-ce que vous avez bien expliqué pourquoi vous avez rejeté ou écarté cet article qui était contenu dans le projet de l'Office de révision du Code civil? Dans ce projet de loi, on n'a pas de notes explicatives. Donc, de temps à autre, il est nécessaire que le ministre nous explique vraiment pourquoi il a écarté une recommandation de l'Office de révision du Code civil pour en préférer un autre. Je pose la question au ministre.

M. Caparros: Si vous le permettez, pendant que le ministre consulte, à titre absolument personnel et comme professeur, je trouve que cela nous donnera une grande chance de dire ce qu'on voudra ou de faire dire à la loi ce qu'on voudra. On n'aura pas les rapports des commissaires de notre bon vieux code et cela pourrait être une difficulté assez importante. Je l'ai commenté en privé et j'en profite, maintenant qu'on est en train d'enregistrer. Il me semble que ce serait fondamental, dans un nouveau code -je parle à titre absolument personnel - où on a une documentation de base fort étayée et quelque chose qui diffère, de savoir un peu pourquoi. Autrement, ce sera la doctrine et les tribunaux après - d'ailleurs, cela devrait être le principe qui devrait passer avant -qui interpréteront et finiront peut-être par faire dire au législateur des choses qu'il ne voulait pas dire. Une fois que c'est écrit, cela devient du domaine public et c'est chacun qui tord l'article pour lui faire dire ce qu'il considère plus opportun. Je m'excuse de cette parenthèse.

M. Marx: Vous parlez pour tous les professeurs de droit à l'Assemblée nationale.

M. Caparros: Sans avoir aucune représentation, mon cher collègue.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Bédard: Mais, fondamentalement, ce que nous retrouvons dans le projet de loi, peut-être formulé autrement, c'est ce qui existait déjà dans notre Code civil, dans celui que nous avons présentement. Pour ce qui est de la formulation de l'office, il y a quand même des nuances à apporter. Eux-mêmes apportent des nuances et des conditions. On dit: "L'enfant conçu est tenu pour né - ils ne garantissent pas la naissance - pourvu qu'il naisse vivant et viable." En fait, ce que nous retrouvons présentement -c'est formulé différemment - c'est ce qui existe déjà, ce avec quoi nous vivons présentement dans notre Code civil, étant très conscients que, sur la protection du foetus, il y avait des dispositions prévues dans le Code criminel. Le député de D'Arcy McGee l'a souligné tout à l'heure.

Maintenant, concernant les représentations qui nous sont faites, à savoir s'il y aurait lieu d'élargir la portée de l'article 123...

M. Leduc (Saint-Laurent): Et l'article 163.

M. Bédard: ...nous allons prendre en considération les représentations qui nous sont faites par l'Assemblée des évêques du Québec, comme nous essayons de prendre bonne note de toutes les représentations qui

nous sont faites par les différents organismes.

(12 h 15)

Le Président (M. Blouin): Très bien, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous mentionnez que vous voulez ajouter un deuxième alinéa: "L'enfant conçu est tenu pour né pourvu qu'il naisse vivant et viable." Je veux revenir là-dessus. Est-ce que vous seriez satisfait qu'on reprenne la recommandation de l'ORCC: "L'être humain possède la personnalité juridique", sans ajouter votre deuxième alinéa et, ensuite, également, qu'on adopte la proposition de l'ORCC pour l'article 123 qui serait, je pense, l'article 163 de l'ORCC qui mentionne que les père et mère, s'ils sont majeurs ou émancipés...

Une voix: Non, ce n'est pas cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): Non, ce n'est pas l'article 163.

Une voix: Quel article?

M. Leduc (Saint-Laurent): En tout cas, il le fait sauter. L'ORCC ne reproduit pas le deuxième paragraphe.

M. Marx: L'article 23. Voici l'article.

M. Bédard: L'article 23, dans l'office. Non.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je l'avais tantôt.

M. Bédard: L'article 28? Une voix: L'article 163? M. Bédard: Non.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que vous seriez satisfait - on revient à l'article 1 - si on enlevait la deuxième phrase: "II est sujet de droit depuis sa naissance jusqu'à sa mort"? Donc, l'article 1 se lirait comme suit: "L'être humain possède la personnalité juridique" sans ajouter "vivant et viable" et, que l'article 123, on conserverait seulement le premier paragraphe.

M. Bédard: Si on faisait cela, cela donnerait moins de protection qu'il n'y en a actuellement.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que vous adressez votre question à Me Caparros?

M. Leduc (Saint-Laurent): Ou à monseigneur, l'un des deux.

M. Caparros: Cela se rattache un peu à ce que je disais auparavant, puisqu'on n'aura pas toute l'explication pourquoi on l'a fait ou pourquoi on ne l'a pas fait. Si l'enfant conçu n'est pas mentionné, il y a des gens qui vont tordre l'article pour dire qu'il n'est pas là.

M. Leduc (Saint-Laurent): On définira le foetus, mais si on parle de l'être humain, si on dit que le foetus est un être humain, le problème...

M. Caparros: Si on enlevait "il est sujet"; en fait, il est sujet de droit depuis qu'il est conçu, à condition... C'est un sujet conditionnel de droit. Dans toute loi, la condition, c'est qu'il naisse vivant et viable. Il y en a même qui exigent qu'il soit vivant et coupé du cordon ombilical au moins depuis 24 heures. Il y en a qui vont jusqu'à cela. C'est clair qu'il est sujet de droit depuis la conception, mais à la condition de la naissance. C'est très évident. Il nous a semblé qu'il était préférable de le dire. Peut-être que ce qui va sans dire va mieux en le disant. Je conviens que normalement on essaie de le faire. En cela, il faut quand même rendre hommage à ceux qui sont en train de rédiger les textes parce que ce sont des textes beaucoup plus clairs, beaucoup plus concis, etc., mais dans certains cas, il me semble qu'il est préférable de le mentionner.

M. Bédard: Si vous me le permettez, ce que vous reprochez à l'article 123, c'est que c'est limité seulement aux intérêts pécuniaires et que cela peut donner l'impression que les autres droits, les autres intérêts, on ne s'en soucie pas. Il ne faut pas charrier, de part et d'autre. On était au niveau de la tutelle légale; pour les autres droits, il y a quand même d'autres principes dans le code. A partir du moment où il y a la personnalité juridique, il y a d'autres dispositions qui assurent des protections. La plupart des lois emploient toujours l'expression "les intérêts qui l'exigent" en parlant de l'enfant, la protection de ses intérêts d'une façon générale. Peut-être que, pour élargir l'article 123, on pourrait simplement enlever le mot "pécuniaires" et ce serait satisfaisant.

M. Caparros: Si vous me le permettez, effectivement...

M. Bédard: Vous nous dites que cela irait.

M. Caparros: ...quand on inclut un terme, normalement, on interprète cela comme si on était en train d'exclure les autres.

M. Bédard: Pardon?

M. Caparros: Dans une disposition, inclusio unius est exclusio alterius. Si on parle explicitement des intérêts pécuniaires, normalement, en bonne interprétation, on dit que les parents ne sont tuteurs de l'enfant conçu que pour les intérêts pécuniaires. Tuteurs.

M. Bédard: Par rapport aux droits que protègent le tuteur. Quand ses droits ne sont pas protégés par un tuteur, cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas protégés par d'autres dispositions.

M. Caparros: J'en conviens.

M. Bédard: C'est simplement qu'il y a une relation très continue entre "tuteur" et "intérêts pécuniaires". On essaie de s'expliquer. Je veux dire: Au moins, on ne se fera pas de procès d'intention. Je vous pose la question: A partir du moment où on ferait disparaître la spécification c'est-à-dire, le mot "pécuniaires", ceci, selon ce que vous me faites signe, serait satisfaisant?

M. Caparros: C'est exactement ce qu'on demande parce que l'article 115 dit que le tuteur est "à la personne et aux biens". En fait, à l'article 123, on dit que le tuteur est seulement aux biens. On se demande qui est le tuteur de la personne de l'enfant conçu puisque la tutelle est normalement aux deux. Si on enlève le mot "pécuniaires" comme on l'a proposé, cela règle au moins ce problème.

M. Bédard: Enfin, cela se lirait tout simplement, à la fin: "ses intérêts l'exigent." Si vous nous le permettez, nous allons prendre en bonne considération les représentations que vous nous faites.

M. Leduc (Saint-Laurent): Que diriez-vous d'enlever le deuxième alinéa de l'article 1?

M. Bédard: Continuons à faire nos travaux de la manière dont je conçois qu'on puisse se donner toutes les chances de les faire le mieux possible. Je ne veux pas trancher après chaque mémoire. J'ai l'impression que j'aurais une série de contradictions après avoir entendu tous les mémoires. Faisons le travail comme on se doit de le faire; écoutons toutes les représentations et, ensuite, nous essaierons ensemble de voir jusqu'où on peut en arriver à de larges consensus ou à l'unanimité.

Le Président (M. Blouin): D'autant plus que nous n'en sommes pas à l'étude du projet de loi article par article.

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: ...j'ai relu l'article 28 proposé de l'Office de la révision du Code civil qui se lit comme suit: "Un enfant conçu est tenu pour né pourvu qu'il naisse vivant et viable." En relisant cet article, il n'y a pas de contradiction entre cet article et le Code criminel. Je n'ai pas vraiment saisi peut-être le ministre peut-il nous expliquer dans une phrase pourquoi il a écarté cet article de sa rédaction du projet.

M. Bédard: Nous avons cru qu'il y avait lieu - je l'ai dit tout à l'heure - de reproduire - c'est peut-être une terminologie différente - le contenu du Code civil avec lequel nous vivons présentement et qui, à mon sens, fait face aux situations.

M. Marx: Donc, le ministre est d'accord avec le contenu de l'article 28 de l'ORCC?

M. Bédard: Non, non. Je vous dis que ce que nous retrouvons dans le projet de loi dont nous faisons l'étude, c'est essentiellement et fondamentalement ce qui existe déjà dans le Code civil.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ce qui existe dans le Code civil, ce n'est pas cela. Tout être humain possède la personnalité juridique.

M. Bédard: Prenez l'article 28 du rapport sur le Code civil du Québec. Dans ses commentaires, l'office de révision, à cet article, dit: "Cet article s'inspire - on en est dans les formulations, quand même c'est pour cela que je ne veux pas conclure, l'office lui-même a peut-être une formulation différente - de l'article 608 du Code civil". L'article 608 dit: "Pour succéder, il faut exister civilement à l'instant de l'ouverture de la succession; ainsi sont incapables de succéder: "1. Celui qui n'est pas encore conçu; "2. L'enfant qui n'est pas né viable". Je m'en remets à cela.

M. Marx: Si vous êtes d'accord avec tout cela, vous êtes d'accord avec l'article 28 de l'Office de révision du Code civil.

M. Bédard: Pour expliquer un peu pourquoi on parlait d'intérêts pécuniaires, c'est qu'à l'article 28 de l'Office de révision du Code civil, pour expliquer le contenu, on dit que cet article se réfère à l'article 608. Or, l'article 608 parle essentiellement des intérêts pécuniaires. C'est ce qui explique pourquoi, nous, à l'article 123, on ait tiré une conclusion qui est d'insérer le mot "pécuniaires" maintenant.

M. Marx: Ils ont bien dit qu'ils se sont inspirés; cela veut dire qu'ils l'ont élargi.

M. Bédard: Ils n'ont pas expliqué qu'ils voulaient aller plus loin.

M. Marx: Non, non.

M. Bédard: Je vous donne, tel que nous le pensons les explications que je suis en mesure de vous donner maintenant. S'il y a d'autres questions à poser à nos invités.

M. Marx: Si l'explication...

Le Président (M. Blouin): M. le député, je vous signale que nous devons ajourner nos travaux dans quelques minutes. Si nous avions d'autres interventions à requérir de la part de nos invités, je crois qu'il serait...

M. Bédard: On a un petit problème humainement majeur. C'est que nous avons également ici un organisme - je m'excuse je n'ai pas le nom - l'Association du Québec pour les déficients mentaux. Je pense que ce sont des gens qui viennent non seulement de Montréal, mais de Hull et de différentes places. Ils nous avaient demandé si on pouvait les entendre avant l'ajournement. Je n'ai pas d'objection.

M. Marx: On ne peut pas les entendre tout de suite, parce qu'il y a les caucus et la période des questions.

Le Président (M. Blouin): Je signale, à l'intention des membres de la commission, que la motion qui a été adoptée hier à l'Assemblée nationale fixe la fin de nos travaux à 12 h 30 et que je ne pourrai excéder 12 h 30 à moins d'obtenir le consentement des membres de la commission.

M. Bédard: On posera à nouveau la question. Nous allons terminer avec nos invités.

Mgr Couture: Je voudrais dire, tout simplement, que nous nous proposions d'être exemplaires dans la façon de présenter brièvement notre rapport. Nous ne voudrions surtout pas brimer les droits de ceux qui nous suivent. Je veux que cela soit bien clair.

M. Bédard: Soyez sans crainte.

Mgr Couture: Je voudrais dire également, M. le ministre, que nous n'avions pas du tout l'intention de faire des procès d'intention. Au fond, ce qui nous a amenés à réagir assez fortement, c'est qu'en lisant le texte tel qu'il est: "II est sujet de droit depuis sa naissance jusqu'à sa mort", cela nous paraissait une brèche assez importante. Je crois comprendre par vos explications, car je ne suis pas un juriste, que, dans votre esprit, c'était dans une certaine optique et que cela n'excluait pas d'autres aspects. Je ne suis pas prêt personnellement - M. Caparros l'est peut-être mieux que moi, mais j'aimerais que nous nous concertions - à donner notre avis définitif quant aux conséquences du fait de rayer l'expression: "II est sujet de droit depuis sa naissance jusqu'à sa mort". Cela peut vous embêter et cela peut aller plus loin. Si vous nous le permettez, j'aimerais mieux que nous puissions réfléchir et vous envoyer d'autres réactions si nous jugeons qu'à la lumière des questions que vous avez posées nous pouvons vous donner des réponses plus intelligentes.

M. Bédard: Je vous remercie, monseigneur.

Mgr Couture: Je remercie les membres de la commission de leur bon accueil. (12 h 30)

M. Marx: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Non, je m'excuse, M. le député de D'Arcy McGee. Il est maintenant 12 h 30 et, à moins d'un consentement unanime, nous devrons ajourner nos travaux sine die. Oui, M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, je n'ai pas objection à ce que nous poursuivions.

M. Marx: Juste pour terminer avec...

Le Président (M. Blouin): Non, je m'excuse, M. le député de D'Arcy McGee. Nous en sommes maintenant à la possibilité...

Mme Lavoie-Roux: II demande d'ajouter quelques mots au mémoire qui est devant nous. Franchement, ce n'est pas pour deux minutes.

M. Bédard: Je n'ai pas objection, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Alors, nous allons poursuivre nos travaux, s'il y a consentement.

M. Bédard: M. le Président, nous sommes d'accord.

M. Marx: Le ministre n'a pas vraiment expliqué d'une façon claire - je vais relire le journal des Débats - pourquoi il a écarté l'article 28 de l'ORCC. J'aimerais demander au ministre de demander à ses fonctionnaires de nous préparer des notes explicatives sur cette question afin que cela soit bien clair. Je trouve qu'il est assez difficile de demander au ministre de nous donner une explication assez compliquée sur-le-champ, parce que c'est une question assez difficile. Comme Me Caparros l'a souligné, je pense que ce serait bien utile d'avoir un mémoire

ou des notes explicatives au moins sur cet article. Cela permettra aussi à l'Assemblée des évêques du Québec de poursuivre ses réflexions d'une façon plus productive.

M. Bédard: M. le Président, nous allons continuer nos travaux tels que nous les faisons présentement. Il n'est pas question de fonctionner par mémoires. Il est évident, à partir du moment où nous aurons à continuer nos travaux sur l'adoption du projet de loi article par article, que j'essaierai d'apporter des éclaircissements additionnels qui puissent mieux clarifier les intentions, de la même façon, j'imagine, qu'il nous sera possible aussi d'avoir très clairement exprimées les intentions de mon collègue d'en face.

M. Marx: Mais, M. le Président, à ce moment-là - je ne veux pas faire un procès d'intention - quand nous ferons l'étude article par article, cela va passer assez vite qu'on n'aura pas le temps de se pencher vraiment; on n'aura pas le temps d'avoir une réflexion, par exemple de l'Assemblée des évêques du Québec, ou la réflexion d'autres organismes...

M. Bédard: Non.

M. Marx: ...parce que cette question sera entendue à la fin de la session.

M. Bédard: Je pense que le député de D'Arcy McGee pourrait peut-être se rappeler que même l'assemblée des évêques nous dit que, fort probablement, elle va nous faire part d'autres réflexions, de remarques additionnelles. Si c'est par écrit, je ferai parvenir, naturellement, une copie de ces réflexions additionnelles à l'Opposition afin que cela soit à l'avantage de l'ensemble des membres de la commission.

Le Président (M. Blouin): Je remercie les représentants de l'Assemblée des évêques du Québec de leur présence et des recommandations qu'ils nous ont soumises. Je vous rappelle que, normalement, nous devrions maintenant ajourner nos travaux à moins qu'il n'y ait un consentement pour que nous poursuivions jusqu'à 13 heures. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Bédard: M. le Président, me permettriez-vous de suspendre une minute -je pense que cela aiderait tous les membres - avant de formuler une demande? Peut-être que je n'en aurai pas à formuler.

Le Président (M. Blouin): Les travaux sont suspendus pour une minute ou deux.

M. Bédard: J'aurais une demande additionnelle à formuler concernant l'association que nous entendrons. C'est qu'ils doivent avoir terminé à 16 h 30. Si nous étions d'accord, il s'agirait de convenir de commencer nos travaux immédiatement après la période des questions, ce qui nous permettrait de concilier les urgences de chacun.

Le Président (M. Blouin): Je vais demander au personnel des commissions, ainsi qu'au personnel du journal des Débats d'être présents dès après la période des questions. Donc, nous pourrions recommencer nos travaux rapidement. D'ici là, la commission permanente de la justice ajourne ses travaux sine die.

(Suspension de la séance à 12 h 36)

(Reprise de la séance à 15 h 40)

Le Président (M. Blouin): La commission élue permanente de la justice reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission qui est d'entendre des personnes et des organismes en regard des projets de loi nos 106, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes et 107, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des successions.

Les membres de cette commission sont: M. Bédard (Chicoutimi), M. Dupré (Saint-Hyacinthe) qui remplace M. Brouillet (Chauveau); MM. Charbonneau (Verchères), Dauphin (Marquette), Mme Juneau (Johnson), M. Mathieu (Beauce-Sud) qui remplace M. Kehoe (Chapleau); Mme Lachapelle (Dorion), MM. Lafrenière (Ungava), Leduc (Saint-Laurent), M. Marquis (Matapédia) qui remplace M. Martel (Richelieu); M. Marx (D'Arcy McGee).

Les intervenants sont: MM. Bisaillon (Sainte-Marie), Blank (Saint-Louis), Boucher (Rivière-du-Loup), Dussault (Châteauguay), Fallu (Groulx), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Polak (Sainte-Anne) qui remplace M. Paradis (Brome-Missisquoi); M. Lincoln (Nelligan) qui remplace M. Saintonge (Laprairie).

Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Association du Québec pour les déficients mentaux. Je demanderais au porte-parole de bien vouloir présenter les gens qui l'accompagnent, s'il vous plaît.

Association du Québec pour les déficients mentaux

Mme Bigelow (Carmen): M. le Président et MM. les membres de la commission, je suis Carmen Bigelow. Je suis, avant tout, parent d'un enfant atteint de déficience mentale et présidente de l'Association du Québec pour les déficients mentaux.

En premier lieu, j'aimerais vous remercier d'avoir accepté de nous entendre à

cette commission parlementaire. Le projet de loi no 106 est très important pour nous sur deux points: l'intégrité de la personne et les régimes de protection.

Maintenant, j'aimerais vous présenter les personnes qui m'accompagnent et qui interviendront au cours de cette présentation. À ma gauche, M. Yves Genest, directeur général de l'association du Québec; à ma droite, M. Pierre Legault, qui est aussi parent d'une personne atteinte de déficience mentale et administrateur de l'association du Québec; à mon extrême droite, Mme Gisèle Fortier, coordonnatrice du service de formation de notre association.

Le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui va comporter trois sections. La première, c'est l'association du Québec, son rôle, son orientation et sa composition. En deuxième lieu, il y a quelques concepts, statistiques et l'impossibilité de prédire le développement de la personne vivant avec une déficience mentale. Enfin, nous vous ferons connaître nos interrogations et nos recommandations au niveau de l'intégrité de la personne et des régimes de protection.

Je débute donc par quelques mots sur l'association du Québec. L'association fut fondée par des parents qui se regroupèrent, en 1951, afin de donner des services adéquats à leurs enfants. En 30 ans d'existence, vous comprendrez sûrement que l'association de services qu'elle était au départ s'est transformée en une association de revendications, de promotion et de défense des droits et des intérêts des personnes vivant avec une déficience mentale, une association qui préconise la valorisation sociale de la personne, l'utilisation maximale des ressources communautaires, c'est-à-dire l'utilisation des mêmes ressources et services publics que vous et moi utilisons.

Cependant, j'aimerais vous signaler que, même durant ces 32 ans d'existence, le conseil d'administration fut toujours majoritairement composé de parents d'enfants ou d'adultes vivant avec une déficience mentale. De plus, au cours des prochaines années, des personnes vivant avec une déficience mentale siégeront comme administrateurs.

Au niveau de la structure de l'association, je voudrais vous souligner que nous fonctionnons sous le principe fédératif et que les membres sont des associations locales autonomes. Présentement, nos membres sont dans toutes les régions du Québec et on compte sur plus de 45 associations-membres.

Je termine donc cette brève présentation en vous rappelant que la personne vivant avec une déficience mentale est d'abord une personne. Je cède donc la parole à Pierre Legault.

M. Legault (Pierre): M. le Président, nous allons, dans cette section, comme vous le disait Mme Bigelow, brièvement, exposer quelques concepts traitant de la déficience mentale qui permettront, nous l'espérons, de faire mieux connaître l'état de la personne déficiente mentale.

Au moment où l'association provinciale a pris naissance, la déficience mentale était encore un sujet tabou, une honte. Les termes utilisés alors pour décrire cet état montrent bien l'état d'esprit qui prédominait. Les termes "idiotie", "imbécilité", "arriération" ou "débilité mentale" avaient cours. Souvent même, c'était perçu comme une maladie. Le placement se faisait alors dans les établissements hospitaliers de soins à long terme. D'ailleurs, certains de ces établissements existent encore; que l'on pense à l'hôpital Louis-Hippolyte-Lafontaine qui en est une preuve vivante.

De plus, aujourd'hui encore, les manuels de psychiatrie maintiennent des appellations similaires. Mais, avec la venue de psychologues, de travailleurs sociaux qui s'intéressent à la déficience mentale, la personne déficiente mentale est caractérisée par le quotient intellectuel ou l'âge mental. Ces deux notions furent monnaie courante jusqu'au jour où le modèle médical fit place au modèle développemental social. Pour les puristes du milieu, une personne déficiente mentale réfère à un fonctionnement sous la normale, à une lenteur et à une limitation des apprentissages.

Cependant, pour ceux qui croient que la personne déficiente mentale est d'abord et avant tout un individu qui possède un potentiel, des besoins et des droits, elle est appelée à évoluer, à être un actif pour la société.

Quelques statistiques. Les taux de prévalence généralement admis comme barèmes au Québec montrent que le Québec compte près de 190 000 personnes déficientes mentales. De ces 190 000 personnes, 88% ont une déficience légère et présentent une possibilité de développement, un potentiel presque égal à celui d'une personne dite "normale"; 7% ont une déficience moyenne et présentent une possibilité de développement plus restreinte, mais un potentiel certain; 5% ont une déficience sévère et profonde, mais présentent une capacité d'apprentissage certaine, peuvent avoir des limites, mais personne ne peut les identifier clairement.

L'évolution et l'imprévisibilité. Cette dernière partie traitant de la déficience mentale est fort importante, car elle permettra au profane d'en apprendre plus et de saisir l'importance que nous accordons au respect des droits et à l'expression populaire qui dit: "Laissons la chance au coureur".

Depuis une dizaine d'années, les services de réadaptation, les programmes, les

méthodes d'enseignement et d'apprentissage ont fait de grands pas. De même, les résultats obtenus par les professionnels et les parents dans leurs démarches en vue de permettre aux personnes vivant avec une déficience mentale d'accroître leur autonomie démontrent bien que beaucoup d'espoir existe, même pour les personnes sévèrement handicapées.

Depuis les sept ou huit dernières années, le nombre de personnes vivant avec une déficience mentale qui ont laissé les institutions et à qui on ne voyait que peu d'avenir est très révélateur de l'évolution des services et des méthodes d'apprentissage.

Aux début des années soixante-dix, lorsque le gouvernement a mis sur pied les premiers centres d'entraînement à la vie, devenus des centres d'accueil et de réadaptation dans les dernières années, la croyance populaire et professionnelle du temps se bornait à "développer les acquisitions de base, espérer que les personnes déficientes mentales puissent tout au moins vivre en foyer de groupe et occuper un travail de type occupationnel." Faut-il croire que les professionnels du temps qui transmettaient leur connaissance et leur vision du monde aux parents aient mal mesuré, mal évalué la capacité des "bénéficiaires" de ces services?

Nous croyons que ce ne fut pas la seule et unique raison de la différence entre la croyance du temps et les résultats d'aujourd'hui. À notre avis, les professionnels et, par la même occasion, les parents ont sous-estimé le potentiel des personnes et le développement des techniques et méthodes d'apprentissage. Ce que tous avaient oublié, c'est que la personne déficiente mentale a une certaine difficulté à pouvoir "refuser d'apprendre"; que ce n'est pas elle qui ne voulait pas, qui refusait de coopérer, mais bien plus les éducateurs qui ne savaient pas, qui ne connaissaient pas d'autres méthodes pour montrer, pour apprendre, que les ressources du temps étaient peu développées.

Hier, on parlait des méfaits de l'informatique. On sait que l'informatique peut aider aujourd'hui pour l'apprentissage. Les méthodes peuvent changer et on y croit beaucoup. Évidemment, qui, aujourd'hui, peut prédire que l'an prochain les professionnels de la recherche ne trouveront pas des méthodes plus efficaces d'apprentissage: que les méthodes de contraception connues aujourd'hui ne seront pas considérées comme archaïques dans deux ou trois ans? C'est donc dans cette optique que nous devons envisager l'avenir pour la personne déficiente mentale et lui laisser toutes les possibilités de s'épanouir, de se développer à son rythme et de compter sur un développement accru et plus rapide de la technologie éducative.

J'aimerais passer maintenant la parole à M. Yves Genest.

M. Genest (Yves): Mesdames et messieurs les membres de la commission, la section que j'ai à traiter est basée sur des principes qui nous ont permis d'analyser le projet de loi no 106 et de faire des recommandations en fonction de ces principes.

Dans un premier temps, je traiterai des principes et des actions ou des propositions que le ministère de la Justice fait sur la loi 106 qui approuvent ou renforcent nos principes. Le premier principe qu'on traitera, c'est le principe de l'égalité. Ce principe, la Commission des droits de la personne le confère aux personnes déficientes mentales. Les articles 12, 15 et 18 du présent projet de loi le démontrent bien. Si on regarde ces articles attentivement, on s'aperçoit que nul ne peut être soumis, sans son consentement, à un examen, traitement ou intervention. C'est donc une reconnaissance claire du droit à l'égalité que confirment ces articles et que nous apprécions.

Le deuxième principe, un principe fort important pour nous, s'appelle le principe de la participation. La participation de la personne à toute décision la concernant est, pour nous, extrêmement importante. D'ailleurs, certains articles du projet de loi soulèvent cette importance, soit d'une façon claire et précise, soit d'une façon sous-entendue. En effet, les articles 12, 15 et 18 sont clairs en ce qui a trait à l'égalité dans l'exercice des droits. Nous retrouvons également chez le mineur la nécessité d'obtenir son consentement. De plus, même lors d'une décision importante concernant le caractère permanent d'une intervention, l'article 21, au troisième alinéa, stipule que le tribunal doit recueillir l'avis de la personne et le respecter.

C'est donc pourquoi nous insistons pour que la personne protégée, donc la personne vivant avec une déficience mentale ou le mineur, soit présente avec son protecteur dans toutes les décisions qui la concernent.

Le troisième principe qui a servi à l'étude du projet de loi est un principe d'équilibre. Dans le présent projet de loi, peu ou pas d'articles corroborent notre troisième principe. À toutes fins utiles, nous ne pouvons le retrouver et cela, en y accordant une extension de sens, que dans les articles 15, 17, 18 et 21. Ces articles stipulent: Le mineur s'oppose; le mineur avec consentement; l'avis de la personne concernée. Le rôle des parents au conseil à la personne - ce qui revient dans le texte de loi au conseil de tutelle - l'importance que nous reconnaissons à ce conseil et la participation de la personne protégée au conseil sont des éléments mis de l'avant pour respecter le principe de l'équilibre. Quand on parle du principe de l'équilibre, on pourrait faire une figure en disant que, finalement, c'est comme une balance. Il y a un droit que

tout le monde reconnaît à la personne et les parents ont des devoirs qu'ils ont toujours assumés ou qu'ils ont assumés le plus conformément possible. Il ne faut nier ni l'un ni l'autre.

En ce qui a trait à la terminologie, ce n'est pas le principe qui est sous-entendu, ce sont les changements qu'on demandera. Cette seconde tranche de nos commentaires signale la terminologie non souhaitable, les manques dans la rédaction et les articles qui infirment nos principes de base. L'expression "non doué de discernement", si nous la comprenons bien, signifie que la personne est incapable de juger, incapable de porter un jugement, que ce soit de façon temporaire ou permanente. D'un premier coup d'oeil, la personne vivant avec une déficience mentale pourrait se retrouver dans cette nouvelle catégorie de personnes, celles qui ne peuvent discerner ou ont de la difficulté à discerner. Si cette expression "non doué de discernement" était retenue, il faudrait alors se poser la question: Les personnes qui maltraitent leurs enfants ou les adultes - on n'a qu'à référer au Comité de la protection de la jeunesse - est-ce qu'elles sont douées de discernement? À notre avis, l'absence de discernement ne se retrouve donc pas uniquement chez les personnes vivant avec une déficience mentale, mais aussi chez la population d'une façon plus ou moins marquée.

En conséquence, la capacité de discerner devrait être circonscrite à des choses précises, révisée périodiquement et définie par la capacité de "pouvoir apprécier les conséquences à court, à moyen, à long terme, des actes à poser et d'exprimer son choix".

De plus, cette capacité d'apprécier devrait être évaluée non pas par un seul professionnel, comme le soulevait l'Association des hôpitaux ce matin, mais par le conseil à la personne, conseil pouvant et on devrait dire devant être obligatoirement formé de la personne vivant avec une déficience mentale, d'un allié à la personne, du ou des parents et de deux ou trois professionnels dont les professions sont complémentaires. Quand on émet le terme professionnels, dans notre conception - et je pense que c'est implicite - il faut que les professionnels en question soient des intervenants proches du cas duquel on discute en ce moment.

C'est dans cet esprit que nous proposerons certaines modifications au présent projet de loi.

Je reviens un peu sur la partie "évaluation". Ma consoeur Gisèle Fortier étayera un peu plus la façon d'évaluer. Le terme traitement qu'on retrouve dans le présent projet de loi fait référence à l'approche médicale. D'ailleurs, on retrouve dans le petit Larousse la définition suivante: "manière de soigner un malade ou une maladie, prescrire."

Dans le contexte d'une loi portant réforme au Code civil du droit des personnes, il nous semble préférable d'utiliser, à l'article 29 entre autres, "plan d'intervention" au lieu de "plan de traitement" afin d'éviter toute connotation médicale. Ce n'est pas que le domaine médical n'ait pas sa place dans la vie de toute personne, mais il faut savoir utiliser les ressources à la bonne place et au bon moment. Quant à nous, nous préférons de beaucoup l'expression "plan d'intervention" qui permet de considérer la personne sous divers aspects et cela, en vue d'intervenir d'une façon précise dans un processus déterminé.

De plus, le plan d'intervention, selon ce que nous préconisons toujours, ne peut être complet si la personne vivant avec une déficience mentale et/ou son allié ne participe pas à la décision qui la concerne. Les modifications proposées en tiendront compte.

Je soulève quelques oublis qu'on avait déjà soulignés lors de notre rencontre avec les gens du ministère de la Justice. Dans les articles 12 et 16, on utilise quelquefois les termes "établissements de santé", d'autres fois "établissements de santé et de services sociaux". Pour nous, il nous semble important que les mêmes expressions aient cours tout le long et on préfère évidemment que les termes "établissements de santé et de services sociaux" apparaissent et non pas que ce soit restreint strictement au domaine de la santé.

Un autre principe important, c'est le développement et l'adaptation. Certains articles font fi de la capacité des personnes vivant avec une déficience mentale de se développer, d'évoluer, de s'adapter et d'apprendre. Toute conception de l'état statique de la déficience mentale démontre le peu de connaissance qu'a la population à ce sujet, le peu d'espoir qu'ont certaines personnes dans leur capacité d'évoluer. C'est lorsque les attentes sont élevées, sans toutefois être idéalistes, que la personne a le plus de chance d'évoluer positivement.

La non-reconnaissance des capacités de développement et d'adaptation va à contre courant et anéantira les efforts fournis depuis plusieurs années tant par les parents, les premiers éducateurs, les professionnels et les personnes vivant avec une déficience mentale qui sont aujourd'hui autonomes. (16 heures)

II faut donc que l'on retrouve, probablement dans les premiers articles du chapitre 3 du titre premier, cette reconnaissance que la personne vivant avec une déficience mentale a la capacité de se développer, peut s'adapter à des situations et à la société qui l'entoure et cela, si nous lui

en laissons le temps et lui en donnons les moyens. D'ailleurs, le plan d'intervention individualisé tient compte de cette préoccupation en comptant sur la personne dans l'élément de la planification, de l'élaboration et de la révision du plan et de son évolution.

Si vous me le permettez, je vais céder la parole à Gisèle Fortier.

Mme Fortier (Gisèle): Les personnes qui nous intéressent, comme vous l'avez vu précédemment, sont soit en processus d'intégration sociale ou déjà intégrées à une société qui, malheureusement, permet l'exercice des droits, mais souvent avec beaucoup de limites. La société s'interpose malheureusement trop souvent, parce que ces personnes qui vivent avec une déficience mentale sont traitées trop souvent encore comme des enfants, alors même qu'elles sont devenues des adultes autonomes.

Je veux revenir sur l'article 29 où on parle d'une planification individualisée. Cette partie du projet veut sauvegarder la santé et l'intégrité de la personne. Nous souhaitons aussi voir sauvegarder la personnalité avec ses aptitudes, ses compétences, parce que les interventions qui sont faites auprès de la personne doivent aussi tenir compte des points forts et des points faibles. On tient plus souvent compte des points faibles, mais très peu des points forts.

Une intervention des professionnels et des services dans lesquels ils travaillent doit pouvoir tenir compte de la personne dans sa globalité. Compte tenu de la difficulté qu'ont souvent les professionnels et les ressources à tenir compte de la personne et de ses véritables besoins, nous recommandons d'étendre l'application de l'article 29 au domaine scolaire. Ceci suppose une analyse par une équipe transdisciplinaire, comme vous l'avez vu précédemment, incluant, bien sûr, la personne, les parents et toute personne susceptible d'intervenir auprès d'une personne en processus d'intégration. Cette équipe doit couvrir les différents champs de développement de la personne, le plan fonctionnel, affectif, comportemental. Dans cette évaluation et la définition du plan d'intégration de la personne, la personne concernée et la famille doivent y avoir place, tant au niveau du processus qu'au niveau de l'aspect de décision.

Notre principale préoccupation touche sûrement les régimes de protection. Ici, je voudrais qu'on tienne vraiment compte de la distinction que nous avons faite entre les régimes de protection du malade mental et les régimes de protection tels qu'inscrits dans le projet de loi. Au cours des présentes discussions sur ce texte de loi, lorsqu'on a parlé de révision, on s'est souvent référé à la Loi sur la protection du malade mental et, pour nous, ce sont deux situations tout à fait différentes.

Les régimes de protection touchent les mineurs et les majeurs. En ce qui a trait à la population que nous voulons représenter, les problèmes se situent principalement chez les majeurs qui sont en nombre assez important et qui, trop souvent, malheureusement, sont laissés à eux-mêmes, soit que les parents soient décédés ou soit qu'ils ont été trop longtemps en institution et pour qui il n'y a plus de liens parentaux. De ce côté-là, nous voulons donner aux régimes de protection tout l'encadrement requis pour que la personne soit vraiment le centre de ces régimes et non seulement une chose, un objet sujet ou assujetti aux régimes.

Je n'ai pas retrouvé, dans le projet de loi, le rôle que la personne pouvait jouer dans le processus de l'implantation ou du fonctionnement des régimes de protection. Peut-être que ceci sera prévu dans le Code de procédure mais, pour nous, c'est une préoccupation première.

La personne sujette à un régime de protection doit être présente aux différentes activités décisionnelles qui la concernent. Elle devrait pouvoir avoir accès à un protecteur qui partage ses préoccupations quotidiennes. Ici, je m'interroge sur le rôle du gardien ou du directeur des services professionnels qui aurait cette responsabilité de garder une personne résidant dans son établissement. Comment peut-il être soucieux et préoccupé des besoins courants de la personne qui y réside? Le conflit d'intérêts peut survenir à ce moment. Ce n'est peut-être pas un conflit d'intérêts, mais tout au moins un intérêt très éloigné de ces personnes. Je m'interroge sur la disponibilité de ces officiers face aux besoins de ces personnes. Le régime de protection doit permettre à la personne protégée, soit sur base partielle ou complète, de participer au maximum à toutes les décisions qui la concernent, qu'elle soit seule ou accompagnée. Le régime doit aussi aider telle personne à satisfaire les besoins essentiels touchant sa santé, sa sécurité et la protection de ses droits. De ce côté, il y a une importance à donner à la protection des droits parce que les personnes adultes en cheminement vers leur autonomie sont, malheureusement trop souvent, sujettes à exploitation et, face à leur intégrité aussi, on est peut-être trop porté à abuser de ces personnes.

On doit aussi aider ces personnes à administrer leur avoir. On doit aussi les assister dans leur développement et les aider à recouvrer leurs aptitudes au maximum pour l'exercice des droits. C'est une approche positive et non une approche de protection. La compétence de la personne dans l'exercice des droits se développe par l'exercice, par la pratique. Nous sommes

convaincus que par et pour le respect des droits et libertés de chacun, il faut présumer de la compétence de la personne d'exercer ses droits jusqu'à preuve du contraire. C'est par cette présomption que l'on permettra à la personne d'évoluer et de croître. Ce n'est pas, non plus, parce qu'une personne a un handicap qu'il faut être plus exigeant envers elle, moins tolérant dans son droit à l'erreur, à s'exprimer si son désir ne va pas en opposition avec sa sécurité. Le régime de protection confirme nos dires en tentant de limiter l'exercice des droits uniquement en fonction des champs d'incompétence reconnus compte tenu des alternatives possibles.

C'est pourquoi, par respect des droits et libertés de la personne, nous recommandons que la présomption de compétence soit reconnue, ainsi que l'obligation de fournir aux personnes vivant avec une déficience mentale tous les moyens et circonstances favorisant leur plein épanouissement et leur plein développement. L'article 23 répond un peu à cette préoccupation. Les modes d'évaluation qui devront être mis de l'avant devraient aussi permettre le respect de cette compétence et la révision périodique du régime de protection est une autre condition qui devrait faciliter ou reconnaître la compétence de la personne.

Je veux vous parler un peu du conseil à la personne qui s'identifie au conseil à la tutelle dans le projet de loi. Dans les mémoires antérieurs, on s'est interrogé sur la lourdeur de ce mécanisme, mais, pour nous, il demeure important parce qu'il vient aider la personne et non seulement être un organisme de surveillance à la tutelle et c'est dans cette optique que nos recommandations ont été formulées. Cette partie de loi nous donne l'impression que le conseil de tutelle est un mécanisme de contrôle du tuteur ou du curateur avec un champ très précis de responsabilités, notamment, en ce qui a trait à la gestion des biens excédant l'administration simple dont le tuteur a la charge. Que ce soit aux chapitres de la tutelle au mineur, de la curatelle, de la tutelle ou du conseiller au majeur, le mécanisme a au moins un rôle à jouer, soit celui de conseiller. Pourquoi lui donner un titre qui n'encadre pas les différents champs d'intervention?

Les mots conditionnent les agir. Le titre de conseil à la tutelle signifie bien que les membres de ce conseil donnent leur avis au tuteur ou curateur. Cet avis est-il formulé en épousant tous les besoins et aspirations de la personne protégée? Si oui, pourquoi ne pas utiliser l'appellation conseil à la personne pour amener ce conseil à bien centrer ses décisions à partir des préoccupations de la personne? Si nous reconnaissons le bien-fondé de ce qui précède, nous jugerons utile de modifier les obligations du conseil de tutelle pour les centrer davantage sur l'exercice des droits de la personne. Afin de permettre aux membres de ce conseil de bien comprendre les aspirations de la personne protégée, la participation et la présence de la personne protégée est essentielle dans la tenue de ces délibérations. Le rôle du conseil s'avère aussi important, compte tenu de ce qui précède, pour un régime privé ou public de protection. Le projet de loi reconnaît ce rôle auprès des tutelles ou curatelles privées, mais le retire dans le cas du Protecteur de la jeunesse et du Curateur public. Dans ces deux dernières situations, sans contrevenir aux responsabilités légales qui sont confiées à ses officiers, le conseil de tutelle ou à la personne doit pouvoir intervenir pour pallier les lourdeurs administratives où la personne est parfois et même souvent négligée, sinon oubliée, parce que perdue dans la masse.

J'aimerais ajouter quelques mots sur le terme "allié à la personne".

Le Président (M. Blouin): Nous nous étions entendus pour que le plus possible les interventions soient d'une vingtaine de minutes. Je vous ai laissés excéder ce nombre de minutes. J'espère que maintenant votre conclusion, si possible, va être très succinte.

Mme Fortier: Oui. Nous avons ajouté la connotation "allié à la personne" parce que beaucoup d'adultes ont des personnes qui leur sont très près, qui sont un peu des substituts aux familles et qui dans leur cheminement pourraient leur être des conseillers utiles. Dans certains cas, il y a les programmes de parrainage civique qui jouent aussi ces rôles. C'est pourquoi dans le processus de régime de protection, nous souhaiterions voir ajouter cette nouvelle personne comme partie à la personne dans l'expression de ses droits.

J'aimerais ajouter juste un paragraphe sur la question de l'indépendance ou de l'impartialité du tuteur ou du curateur. Une des caractéristiques fondamentales d'une personne responsable de la garde d'un mineur ou d'un majeur protégé est l'indépendance dans l'exercice de ses fonctions. Cette indépendance est essentielle si on veut que la personne responsable de la garde soit en mesure d'être une alliée à la personne. Malheureusement, on considère que trop souvent des conflits d'intérêts peuvent exister au sein de la famille, entre la famille et la personne ou entre les services et le bénéficiaire. C'est pourquoi nous souhaitons voir modifier les articles 156 et 203 pour éviter que les personnels de services sociaux, les concierges ou propriétaires de familles d'accueil, les membres de la famille, dans certains cas, ne soient désignés comme tuteur, curateur ou conseiller. Les recommandations formulées

dans notre mémoire tiennent compte des principes énoncés dans la troisième section de notre mémoire. Nous souhaitons fortement que les membres de la commission les intègrent à la loi future et nous vous en remercions d'avance.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, les membres de la commission sont heureux de pouvoir prendre connaissance du mémoire de l'Association du Québec pour les déficients mentaux, mémoire très articulé où on s'aperçoit que vous êtes un organisme qui est en continuel contact avec ceux qui ont à vivre des situations humainement difficiles. Dans bien des cas, je pense, vous parlez à partir d'expériences personnelles très bien senties.

Nous avons eu hier l'occasion de rencontrer - vous le savez, vous étiez, d'ailleurs, présents - l'association travaillant aux mêmes objectifs que vous nous avez énoncés, l'association du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Mme Bigelow: C'est une de nos associations membres.

M. Bédard: On s'aperçoit qu'il y a concordance avec la maison mère. Lorsqu'on a eu l'occasion de prendre connaissance de leurs représentations, on voit que beaucoup de ces représentations se retrouvent, effectivement, au niveau de votre organisme national. Il y a déjà pas mal de questions qui ont été posées hier, entre autres, relativement à la stérilisation des déficients mentaux. On en a parlé hier. (16 h 15)

Maintenant, vous suggérez aussi dans votre mémoire que l'intervention du tribunal soit limitée dans les cas où il n'y a pas unanimité du conseil. C'est bien votre position? J'ai vu, après, que cela rejoignait certaines des questions que nous avons posées. Voulez-vous dire que dans d'autres cas, vous préférez vous en remettre à la décision du conseil? Autrement dit, lorsqu'il y a unanimité, si je comprends bien, la règle générale serait que la décision finale se prenne au niveau du conseil.

Mme Bigelow: Au niveau du conseil à la personne.

Une voix: C'est cela. Mme Bigelow: C'est cela.

M. Bédard: Nous allons épouser votre terminologie pour fins de compréhension.

Mme Bigelow: C'est le conseil à la personne. Ce n'est pas un conseil formé, comme cela, qui éclairerait des professionnels ou d'autres gens; c'est le conseil à la personne.

M. Bédard: Oui, on se comprend. C'est seulement dans les cas où il n'y a pas unanimité qu'on irait devant le tribunal. Dans l'éventualité où on ne retiendrait pas cette suggestion - je ne veux présumer de rien parce que d'autres groupes vont également se faire entendre - dans l'éventualité où le tribunal serait maintenu, êtes-vous de ceux qui croient que la personne inapte doit être nécessairement consultée ou entendue par le tribunal?

Mme Bigelow: Absolument.

M. Bédard: De la même façon au niveau des délibérations, si, par exemple, on adoptait la structure que vous proposez, est-ce que la personne visée...

Mme Bigelow: La personne concernée devrait toujours être présente.

M. Bédard: ...devrait toujours être présente?

Mme Bigelow: Oui.

M. Legault: Quand on parle des plans d'intervention, évidemment, la personne doit toujours être en place. Quand on discute des affaires d'une tierce personne, on n'a pas toujours les mêmes vues quand la personne est présente.

M. Bédard: Quand vous dites "toujours présente", est-ce que cela peut souffrir des exceptions? Si j'emploie votre remarque dans un autre sens, qui est tout aussi positif, est-ce qu'il peut arriver qu'il soit préférable, dans son intérêt, que certaines discussions soient faites en l'absence de la personne concernée?

M. Legault: Je ne sais pas à quelle occasion. Auriez-vous un exemple? Lors des discussions, nous croyons que la personne devrait être présente à tout moment dans son plan d'intervention. C'est ce que nous défendons, de toute façon.

Mme Bigelow: Si c'est absolument impossible, l'allié à la personne devrait être présent, tout au moins.

M. Bédard: Dans le régime de protection du majeur, vous suggérez que le curateur ne soit pas une personne ayant des intérêts pouvant venir en conflit avec la personne qui fait l'objet de traitement ou qui doit être protégée. Cela pourrait, j'imagine, dans votre idée, ou devrait exclure le

conjoint, les personnes très proches, etc. Est-ce que cela exclut ces personnes?

Mme Fortier: Dans le cas où c'est un proche parent, on devrait vérifier jusqu'où il peut y avoir conflit d'intérêts. On devrait éliminer toute situation susceptible de venir en conflit.

M. Bédard: Tant pour les parents, les proches, que pour d'autres personnes, éventuellement.

Mme Fortier: Oui, mais il y en a pour qui c'est clairement établi qu'il y a conflit d'intérêts. Si on regarde ceux qui sont dans le réseau des affaires sociales, qui sont des intervenants directs ou indirects à cause de leur allégeance à des employeurs, il se peut qu'à un moment donné ils soient en conflit, dans le sens qu'ils ne seront pas prêts à défendre les intérêts de la personne parce que cela vient un peu à l'encontre des politiques d'un établissement.

M. Bédard: Concernant ces personnes, je dois comprendre que vous êtes d'opinion qu'il faudrait présumer qu'il y a conflit d'intérêts.

Mme Fortier: Oui.

M. Bédard: Oui? Cela va jusque-là?

Mme Fortier: II y a des lois qui ont été établies en Alberta ou en Saskatchewan et qui sont claires sur ce point. Je pense qu'aux États-Unis aussi on a une loi qui préconise cette approche.

M. Bédard: Je vais me limiter; vous comprendrez qu'on diminue le nombre de questions non pas que le mémoire ne soit pas substantiel, mais déjà certaines ont été posées et nous avons une bonne idée de ce que vous pensez avec le mémoire articulé que vous nous avez présenté.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais également remercier l'association pour son mémoire. Vous ne trouvez pas un peu lourde la présence à la fois du conseil à la personne et du tuteur dans toutes les décisions?

Mme Fortier: Le conseil à la personne aurait les mêmes responsabilités que ce qui est prévu au projet de loi par rapport au conseil de tutelle. C'est très précis comme type d'intervention, c'est surtout sur l'administration des biens. De ce que j'ai compris du projet de loi, le conseil de tutelle a une responsabilité première par rapport à la pleine administration des biens.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas uniquement cela.

Mme Fortier: Ce que j'en ai compris.

Mme Lavoie-Roux: Ce n'est pas uniquement les biens.

Mme Fortier: Non?

Mme Lavoie-Roux: Pour l'ensemble des décisions qui touchent la personne.

M. Bédard: L'ensemble. J'ai la même interprétation que Mme la députée de L'Acadie. C'est l'ensemble des décisions qui touchent la personne, pas seulement les biens.

Mme Fortier: En fait, ce que j'avais compris du projet de loi, c'est que le tuteur ou curateur agit avec la personne comme un père de famille. Dans le quotidien, je ne pense pas qu'il réfère toujours au conseil de la personne. Il doit y avoir des situations où le tuteur ou curateur avec la personne peuvent agir; c'est ce que j'ai compris du texte de loi proposé.

Mme Lavoie-Roux: Peut-être que ma question n'était pas claire. Est-ce que vous prévoyez les deux formules, d'une part, le tuteur, d'autre part, le conseil à la personne? Est-ce que dans votre esprit ils auraient des fonctions différentes l'un de l'autre?

Mme Fortier: Exactement. Le conseil a un râle de surveillance de la tutelle, c'est un rôle de surveillance, c'est ce que j'ai cru comprendre.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Bédard: Dans la tutelle dative, quand ce sont les parents qui sont les tuteurs à ce moment-là ils ont la responsabilité de prendre des décisions concernant et les biens et la personne. Lorsqu'il y a une tutelle dative, c'est là qu'entre en ligne de compte le conseil de tutelle.

Mme Fortier: Par contre, dans les régimes de protection pour les adultes, à un moment donné - je ne me souviens pas à quel article - on dit que le conseil de tutelle a les mêmes responsabilités vis-à-vis ces régimes de curatelle ou de tutelle. C'est dit dans un article; malheureusement, je n'ai pas la référence.

M. Bédard: On me dit que c'est à l'article 200. C'est cela. "Les règles relatives à la tutelle au mineur s'appliquent à la

curatelle et à la tutelle au majeur sauf incompatibilité."

Mme Lavoie-Roux: À la page 24 de votre mémoire vous indiquez qu'à l'article 56 il devrait y avoir des modifications dans le sens que, lorsque la tutelle est exercée par le directeur de la protection de la jeunesse, la personne qui a la garde du sujet devrait être "choisie en dehors du personnel de l'établissement et elle exerce alors des devoirs et pouvoirs du titulaire de l'autorité parentale." Par contre, à l'article 110, dans le cas du majeur, vous ne faites pas une restriction aussi grande. Je crois comprendre que là vous suggérez que le tuteur ne peut être en aucun cas une personne qui dispense un traitement ou un service ou une personne qui a des intérêts. Mais elle peut provenir de l'intérieur de l'établissement, alors que dans le cas du mineur vous dites qu'elle ne doit pas provenir de l'établissement. Quelle est la raison?

Mme Fortier: C'est dit différemment, mais on voulait dire la même chose.

Mme Lavoie-Roux: Ah, c'est cela!

M. Bédard: C'est dit très différemment.

Mme Lavoie-Roux: Dans le fond, votre préoccupation, c'est qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts et qu'on mette les balises nécessaires. Je suis très sensible à cela peu importe la façon dont elle sera formulée éventuellement. Les personnes de l'intérieur de l'établissement - je ne veux pas utiliser le terme dangereux parce que c'est un terme exagéré - je trouve que cela peut présenter des risques. Je connais le cas particulier d'une déficiente mentale adulte qui a dû être placée, après la mort de ses parents, dans un établissement de soins prolongés, qui souffrait d'incontinence. La personne s'opposait à ce qu'on lui mette un sac parce qu'elle n'y était pas habituée. On s'était occupé d'elle d'une façon différente quand elle était dans sa famille. Elle est devenue très troublée, même si elle était déficiente moyenne assez profonde. Elle a été très perturbée. Même si elle avait eu quelqu'un à l'intérieur de l'institution qui aurait été son tuteur ou qui aurait servi de tuteur, à ce moment, ce sont les intérêts de l'ensemble de l'institution qui priment. Cela n'avait pas de conséquence, sauf que l'enfant a été perturbée...

M. Bédard: Qui risquent de prévaloir.

Mme Lavoie-Roux: Oui, sur le plan administratif, sur le plan du fonctionnement interne de l'institution. Il y a un tas de considérations d'ordre administratif. Si on devait mettre des restrictions, je pense que cela devrait aller pour les deux.

La question des doués de discernement ou de non doués de discernement, cela a été discuté à plusieurs reprises, comme le ministre l'a indiqué. Vous voudriez le voir modifié par "inapte à exprimer son choix".

M. Genest: Ce ne sont peut-être pas des termes juridiques, mais il nous semble que, quand on dit "inapte à exprimer", cela veut dire aussi "exprimer de façon verbale ou non verbale un choix". Cela démontre que la personne, finalement, est capable d'exprimer, capable d'entrer en relation, capable de faire valoir d'une certaine façon son point de vue. L'expression "non doué de discernement", à notre avis, est tellement vaste qu'on va faire des recommandations pour que les gens qui maltraitent les enfants soient classifiés "non doués de discernement". Je ne pense pas qu'ils soient doués de discernement au même titre que les autres. Cela porte beaucoup à confusion.

M. Bédard: Si Mme la députée de L'Acadie me le permet, avec tout le respect que j'ai pour les efforts que vous avez faits pour trouver une nouvelle formulation, je me demande si, en toute honnêteté, la nouvelle formulation n'est pas autant porteuse d'ambiguïté que l'autre.

M. Genest: II n'y a pas de formule magique.

M. Bédard: Si les deux sont ambiguës, cela mérite réflexion.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): D'accord. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Très brièvement, parce que beaucoup de questions que je veux poser ont déjà été soulevées. Je suis parent d'un déficient mental qui a quinze ans maintenant. Je m'occupe beaucoup de la déficience mentale au sein d'une organisation que vous connaissez, les Promotions sociales Taylor-Thibodeau. Toute la question de la curatelle, toute la question de la stérilisation nous préoccupe beaucoup. On a des enfants qui étaient des mineurs lorsqu'on a fondé le centre, il y a dix ans. Maintenant, ils sont majeurs. On ne peut même pas retracer leurs parents, bien des fois. Il y a le cas d'un petit garçon qui est mort la semaine dernière. Cela nous a pris sept jours pour retracer ses parents. Malgré qu'on essaie de garder le contact, c'est presque impossible. Ils bougent et ils ne donnent pas signe de vie. Toute cette question de stérilisation, du conseil à la personne, comme vous l'appelez, devient très importante pour nous. J'aurais voulu vous demander ceci: En fait, la façon

dont vous voyez le conseil à la personne, c'est pratiquement la même formule, excepté que vous mettez l'accent sur la personne pour démontrer le principe de ce que vous défendez. Si je comprends bien, c'est le même principe que le conseil de tutelle, mais appelé différemment.

M. Genest: C'est le même principe que le conseil de tutelle. Cependant, en le modifiant par le terme "à la personne", cela oriente différemment, à notre avis, les discussions qui ont cours à ce moment. Ce n'est plus un conseil en fonction de quelqu'un qui n'est pas là ou d'un numéro de dossier, etc. Ce sont des discussions en fonction d'une personne bien identifiée qui est présente et qui doit participer, elle ou son allié. (16 h 30)

M. Lincoln: Comment voyez-vous, de façon idéale - parce que la question est discutée dans toutes les organisations ayant trait à la déficience mentale - si vous aviez le choix, le conseil idéal à la personne? Parce que c'est là toute la question soulevée par ma collègue au sujet des gens qui travaillent dans ces établissements. Vous allez un petit peu plus loin et vous dites: On assume la responsabilité. Souvent, il y a des gens qui assument la responsabilité des services. Ce sont vraiment les gens qui sont le plus près, qui ont le plus à coeur l'intérêt de la protection du majeur ou du mineur. Est-ce que, parfois, on ne va pas trop loin dans cette question en essayant de rendre la chose tellement impartiale qu'on élimine des gens qui ont tellement à coeur... J'ai simplement voulu avoir votre idée pour savoir comment, à votre point de vue, vous voyez le conseil idéal à la personne.

M. Genest: Quand on parle du conseil à la personne, vous posez la question: Comment on le voit idéalement? D'abord, la première personne concernée est la personne vivant avec une déficience mentale. Il faut qu'elle soit présente. Il y a aussi un allié à la personne. Donc, si on faisait une comparaison, c'est un tuteur, mais au mot "tuteur" on préfère le mot "allié" et il a comme objectif de défendre les droits de cette personne. Dans les cas où c'est possible - parce que, certaines fois, c'est impossible - il y a les parents qui ont un rôle important à jouer et qui ont joué un rôle important dans le développement de la personne. Les autres éléments du conseil à la personne, finalement, seraient constitués de un, deux ou trois professionnels.

Quand nous parlons de trois professionnels, vous soulevez, monsieur, le fait qu'il y a des professionnels qui ont à coeur les intérêts des gens, qui ont mis beaucoup d'énergies, qui travaillent consciencieusement, etc. Un professionnel en relation avec la personne concernée devrait en faire partie pour aider, finalement, à évaluer et à comprendre l'ensemble de la problématique que vit cette personne et un ou deux autres professionnels qui ont des intérêts ou des professions complémentaires. Cela voudrait dire, finalement, peut-être cinq à sept personnes à peu près, dans le cas soulevé ici, qui ont une optique très claire: la meilleure solution possible dans le cas de cette personne.

Je ne sais pas si c'est clair comme réponse concernant les professionnels. On n'exclut pas les professionnels comme on ne veut surtout pas exclure les parents, ni exclure la personne. Les professionnels ont un rôle à jouer, ils sont capables de jouer leur rôle, mais il faut s'en servir adéquatement et non pas pour régler toutes les situations.

M. Lincoln: Je veux vous poser une dernière question parce que le temps passe; c'est la question de discernement et de compétence qui est la question clé pour les gens qui s'intéressent à la déficience mentale. Le point qui nous concerne le plus, c'est la protection des déficients mentaux lorsqu'ils sont mineurs, leur évolution par rapport à un certain stade de leur vie comme mineurs ou, peut-être, dans cinq, dix ans. Je connais le cas de mineurs qui étaient tout à fait des végétaux, qui ne savaient pas parler, qui ne pouvaient pas bouger, qui étaient dans le Centre Butters et qui, aujourd'hui, sont mariés et gagnent leur vie. Est-ce dans ce sens que vous voulez exprimer que les décisions concernant la protection devraient se faire d'autant plus grandes quand ils sont jeunes que peut-être, dans dix ou quinze ans, l'évolution de la technologie leur permettra de vivre une vie pratiquement normale, dans le sens de leurs moyens? C'est bien ce que vous comprenez?

M. Genest: C'est exactement dans ce sens. D'ailleurs, M. Legault parlait de l'impossibilité de prédire, les développements à venir. On n'a qu'à référer au ministère des Affaires sociales. Beaucoup de personnes qui vivaient en institution et qui étaient étiquetées comme "déficients moyens" ou "déficients profonds" - c'était l'étiquette qu'on leur mettait - pour qui on ne prévoyait presque rien sont maintenant pratiquement complètement autonomes et fonctionnent d'une façon normale. C'est donc dans cette optique. Cela peut être très souvent pour les mineurs, mais aussi pour un majeur. C'est pour cela qu'on demande aussi que la révision se fasse systématiquement. Ce ne sont pas des discussions sur: Est-ce qu'il va y avoir ou pas de révision, lorsque c'est sous un régime de protection? Parce que la personne adulte est aussi appelée à évoluer. Elle prend aussi de l'expérience et, comme

tout le monde, finalement, elle a une expérience de vie qui s'acquiert et qui s'emmagasine. Elle peut donc développer davantage certaines choses et, plus cela va, plus les techniques facilitent la vie autonome des gens.

Le Président (M. Blouin): Merci, monsieur. M. le ministre.

M. Bédard: Je comprends que vous teniez beaucoup à la terminologie "conseil à la personne" plutôt que "conseil de tutelle" parce que vous avez l'impression que l'autre terminologie que nous employons met l'accent plutôt sur l'administration des biens que sur la personne, quoique je pense qu'on peut convenir ensemble que la réalité juridique est différente. Même si on l'appelle conseil de tutelle, il est évident que ce conseil doit se préoccuper énormément et même avec plus d'accent de la personne. Prenez les fonctions aux articles 197 et 198.

Je fais ces remarques parce que cela répond un peu à la page 14 lorsque vous dites: "La non-reconnaissance des capacités de développement et d'adaptation va à contre-courant et anéantira les efforts fournis depuis plusieurs années tant par les parents, les professionnels et les personnes vivant avec une déficience mentale qui sont aussi autonomes que possible". C'est peut-être possible d'arriver avec ce jugement, si on croit que le conseil de tutelle ne s'occupe que de l'administration, mais, lorsqu'on lit le projet de loi, c'est surtout de la personne qu'il doit s'occuper.

L'article 197 dit ceci: "Les régimes de protection du majeur sont établis dans son intérêt; - pas seulement pécuniaire et administratif - ils sont destinés à assurer l'exercice de ses droits et l'administration de son patrimoine". L'article 198: "Toute décision qui concerne le majeur protégé doit être prise dans son intérêt et dans le respect de ses droits et la sauvegarde de son autonomie". Je pense que cela va dans le sens de ce que vous désirez dans le passage que je viens de mentionner. Il y aurait les articles 21 et 211 aussi qui sont axés vers la personne et non pas vers l'administration.

Mme Bigelow: Donc, il s'agit d'appeler les choses par leur nom.

M. Bédard: Vous savez, juridiquement parlant, il y a peut-être des dénominations auxquelles, d'un autre côté, la population est habituée. Ce n'est pas parce qu'elle y est habituée qu'on ne doit pas penser à les changer. Vous comme moi, ce qui nous intéresse fondamentalement, ce n'est pas tant la terminologie que le fond même des choses. On verra. On nous dit que des fois cela peut prêter à confusion. Comme on a un conseiller au majeur un peu plus loin, cela peut à un moment donné, si on change les dénominations, être porteur d'ambiguïtés avec la réalité différente qu'est le conseil de tutelle. Une chose qui est sûre, c'est que si on ne donne pas suite à votre suggestion - je ne parle pas au fond, mais au niveau de la terminologie - on en donnera de bonnes raisons.

Mme Bigelow: Surtout que le sens reste le même.

M. Bédard: Par exemple, vous dites à la page 15 qu'il faut présumer de la compétence de la personne d'exercer ses droits jusqu'à preuve du contraire. À l'article 5, c'est très clairement exprimé dans le sens de vos représentations. Lorsque vous parlez de la nécessité de l'indépendance d'une personne responsable qui a la garde d'un mineur dans l'exercice de ses fonctions, je ne vous pose pas de question, je vous demanderais seulement de regarder l'article 162 où on s'aperçoit que le tuteur ne fait pas partie du conseil de tutelle, pour garder justement son caractère indépendant. Il doit être appelé, cependant, à donner son conseil étant donné la fonction importante qu'il remplit.

Le Président (M. Blouin): Très bien, M. le ministre. Alors, je remercie, au nom de tous les membres de la commission, les représentants de l'Association du Québec pour les déficients mentaux.

Une voix: Merci.

Mme Bigelow: C'est nous qui vous remercions de nous avoir entendus.

M. Bédard: Un bon voyage de retour.

Le Président (M. Blouin): Vous allez peut-être pouvoir attraper votre avion de 17 h 15.

J'invite maintenant les représentants de l'hôpital pour enfants de Montréal et ceux de l'hôpital Sainte-Justine à venir s'asseoir à la table des invités, tout en leur demandant, à leur tour, de faire un effort pour être concis dans leur présentation et, également, si possible, d'éviter de reprendre des sujets qui ont déjà été traités, à moins que vous n'ayez des éléments nouveaux à y apporter.

Je demande au porte-parole de nous présenter les gens qui l'accompagnent.

Hôpital pour enfants de Montréal et hôpital Sainte-Justine

M. Paterson (Alex): M. le Président, MM. les membres de la commission, je veux présenter mes collègues. Premièrement, à mon extrême gauche, le Dr Charters, directeur exécutif de l'hôpital pour enfants

de Montréal; à sa droite, le Dr Pierre Limoges, coordonnateur des soins intensifs de Sainte-Justine.

Une voix: C'est moi.

M. Paterson: Je m'excuse. À ma droite, le Dr Serge Melançon, président du conseil des médecins de Sainte-Justine; le Dr Michel Bureau, directeur de pneumologie et membre actif aux soins intensifs, néonatalogie à l'hôpital pour enfants de Montréal et le Dr Pierre Robitaille, néphrologue et responsable de la transplantation rénale à l'hôpital Sainte-Justine. Moi, je suis Alex Paterson; j'ai l'honneur de représenter les deux hôpitaux aujourd'hui et je représente plusieurs hôpitaux dans la région de Montréal depuis quelques années.

Au départ, nous désirons souligner que les règles dont nous discutons aujourd'hui touchent des problèmes si complexes et délicats et qui changent si rapidement que, depuis la préparation de notre mémoire en février, nous avons été contraints de reconsidérer certaines de nos positions initiales en regard de deux événements. L'affaire Steven Dawson de la Colombie britannique a eu incontestablement un impact sur l'opinion de tous et chacun relativement à la question de déterminer les personnes ou l'autorité ayant la compétence de décider de la justesse d'un traitement médical donné à des enfants sérieusement handicapés mentalement. Le fait que, en date du 14 mars, un juge de la Cour provinciale soit arrivé à la conclusion que ce qui était proposé en guise de soins pour le jeune Dawson était un supplice cruel et inhabituel et ne devrait pas être autorisé, alors que, quatre jours plus tard, un juge de la Cour suprême concluait que l'intervention proposée était un traitement approprié, de nature relativement simple qui visait à prolonger la vie, porte à réfléchir. Est-ce que les tribunaux sont bien placés pour décider ces questions?

Le deuxième événement à survenir depuis la préparation de notre mémoire est le cas où la vie d'un enfant âgé de quatre ans et demi, atteint de la leucémie, pouvait être sauvé par une transplantation de la moelle osseuse qui ne pouvait provenir que de sa soeur âgée de deux ans et demi. Les parents, les médecins et les tribunaux étaient confrontés au dilemme créé par l'article 20 du Code civil. Selon l'interprétation stricte de cet article: Une personne non douée de discernement ne peut consentir à l'aliénation d'une partie de son corps. Cependant, tous ceux concernés savaient qu'il n'y avait pratiquement aucun risque pour la donneuse et que, si la transplantation était permise, on évaluait à 50% les chances de sauver la vie du jeune patient.

Veut-on prohiber au Québec ces opérations qui sont pratiquées régulièrement dans notre province, ainsi que dans un nombre considérable de centres à travers le pays et aux États-Unis ou préfère-t-on changer les règles afin de rendre possible ce genre d'intervention qui sauve des vies tout en protégeant le donneur, en s'assurant que ce qui sera fait le sera dans son intérêt? (16 h 45)

Nous avons décidé de ne pas passer en revue chacun des article du projet de loi devant la commission puisque notre mémoire est explicite. Par contre nous faisons les commentaires suivants: dans un premier temps, les règles du consentement telles que rédigées sont contradictoires, imprécises et en conflit avec d'autres lois.

Nous n'avons pas discuté dans notre mémoire de l'article 1 qui changera fondamentalement la loi et régira les droits du foetus. Nous appuyons les mémoires qui demandent un amendement pour reconnaître la personnalité juridique et les droits fondamentaux des enfants conçus, mais pas encore nés. Nous n'avons pas, non plus, discuté des modalités de la stérilisation non thérapeutique des handicapés mentaux parce que nous sommes d'avis qu'avant d'amender la loi il faut, tel que mentionné par le Curateur public dans son rapport annuel de 1980, dresser un bon dossier et avoir un débat public comme aujourd'hui, mais avec plus de renseignements. Il faudrait peut-être même avoir une loi en dehors du Code civil. On trouve le problème tellement complexe qu'essayer de régler cela avec un ou deux articles dans le Code civil peut créer des problèmes énormes.

Quant à la question de l'autorisation judiciaire nécessaire pour le traitement du mineur, les hôpitaux soutiennent le principe que les parents, de concert avec les médecins, devraient être seuls à décider ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant. L'autorisation judiciaire ne devrait être nécessaire que dans les cas de désaccord entre ces derniers ou dans les cas où on veut, aux fins de la transplantation, opérer un jeune donneur.

Je demande au Dr Pierre Limoges de vous donner quelques exemples dans sa pratique ou la pratique dans l'hôpital.

M. Limoges (Pierre): À titre d'exemple, je voudrais vous présenter le cas d'un enfant de quatre ans qui se noie dans une piscine surveillée. Cet enfant arrive à l'hôpital en coma profond. Selon la littérature récente, ses chances de recouvrer son état antérieur sans séquelles importantes sont de l'ordre de 45% environ et ce, avec un traitement très agressif. Un traitement moins agressif diminue, évidemment, les chances de guérison parfaite, mais diminue aussi de façon importante le nombre de patients qui

survivent avec des handicaps profonds.

Les parents, tout en se disant incapables de vivre avec un enfant profondément handicapé, acceptent le traitement très agressif dans l'espoir d'une récupération parfaite ou, au moins, très bonne. Malheureusement, sept à dix jours plus tard, toute l'équipe médicale ne peut que conclure que le traitement a été un échec puisqu'il n'a permis de conserver en vie qu'un être profondément handicapé. Il ne s'agit pas, évidemment, d'une mort cérébrale. Les parents, en accord avec les médecins, décident de cesser les traitements intensifs chez l'enfant, ceci impliquant son décès sur une période pouvant s'échelonner de quelques jours à quelques mois.

En guise de commentaires ou de questions, il nous paraîtrait essentiel que le projet de loi 106 définisse très précisément les limites du mandat de tuteur accordé aux parents selon l'article 123. Si le législateur croit que l'enfant mineur incapable en raison d'une lésion organique, type noyade ou trauma crânien, doit se voir attribuer un tuteur autre que ses parents tant pour la protection de l'enfant que pour celle de ses parents, il devrait en définir les modalités dans un respect de simplicité et d'efficacité. En effet, ces situations nous semblent trop fréquentes pour que le recours au tribunal dans chaque cas pour faire nommer un tuteur soit la procédure retenue.

M. Paterson: Merci, docteur. Nous voulons aussi attirer votre attention sur trois situations qui sont visées par le projet de loi 106 soient les transplantations, l'expérimentation thérapeutique et la cessation de traitements dans le cas d'un patient en phase terminale.

Aujourd'hui, comme je l'ai déjà expliqué, les dons par les mineurs pour fins de transplantation sont permis à condition que le mineur soit doué de discernement, qu'il ait donné son consentement par écrit, que ses parents y consentent et que l'autorisation judiciaire ait été obtenue. L'article 18, tel que rédigé présentement empêcherait les greffes, lorsque le donneur est un mineur doué de discernement, parce qu'aucune greffe ne peut être effectuée sans risque pour la santé du donneur et, dans plusieurs cas, tel que dans le cas d'une greffe des reins, celle-ci comporte un caractère permanent et irréversible.

Nous pouvons discuter éternellement des aspects théoriques et philosophiques de cette question. Cependant, je vous assure que, confronté avec une famille de deux enfants dans cette situation, le côté théorique est rapidement laissé de côté afin de rechercher une solution pratique au problème. Il n'est pas du tout suffisant de tourner le dos à un tel problème et d'expliquer simplement aux parents et à l'enfant atteint de leucémie ou d'insuffisance rénale qu'il n'est pas permis de considérer la possibilité d'un don par le mineur, même si le risque est négligeable pour celui-ci. Il est vrai que nous devons protéger le donneur dans de telles circonstances, mais, quand les risques sont minimes, il faut permettre l'aliénation ou le don. Le Dr Pierre Robitaille, responsable de la transplantation rénale à l'hôpital de Sainte-Justine, vous illustre le problème.

M. Robitaille (Pierre): Merci, M. le Président. MM. les membres de la commission, j'ai quelques commentaires spécifiques à vous adresser en rapport avec le don d'organes. Le premier commentaire c'est qu'à mon sens il convient de distinguer clairement entre expérimentation et, d'autre part, aliénation d'une partie de son corps devant servir à des fins de transplantation. En effet, la transplantation d'organes, et plus particulièrement celle du rein, est maintenant pratiquée sur une haute échelle dans le monde entier, depuis au moins vingt ans. Cette procédure a largement dépassé le cap de l'expérimentation et il y a au moins 40 000 personnes qui ont été greffées jusqu'à maintenant et qui ont pu bénéficier de cette technique.

Deuxièmement, il est aussi capital d'établir une distinction claire, quand on parle d'aliénation d'une partie de son corps, entre le don d'un tissu qui se renouvelle, comme la moelle osseuse, et un tissu qui ne se renouvelle pas, comme un rein. Il est bien évident que, dans le cas d'un tissu qui ne se renouvelle pas, comme un rein, l'ablation de celui-ci représentera toujours un caractère permanent ou irréversible. Les meilleurs résultats ont toujours été obtenus lorsqu'un rein greffé provient d'un donneur vivant généralement apparenté. Par ordre, les taux de succès à un an, cinq ans et dix ans sont de 84%, 68% et 48% respectivement, ce qui est considéré comme très bon. Ces résultats doivent être comparés à ceux qu'on obtient quand on utilise des reins d'origine cadavérique, ce qui est la principale source actuellement, qui proviennent forcément d'individus non apparentés, en général des accidentés de la route où les résultats sont de l'ordre de 65%, 58% et 35% à un an, cinq ans et dix ans respectivement.

Le quatrième commentaire que l'on peut faire, c'est que ce sont des considérations d'ordre moral surtout qui ont été responsables du fait que, dans certains pays, les médecins ont été plus réticents à prélever des reins chez les membres d'une famille jouissant d'une bonne santé pour les greffer à ses parents ou à un membre de la phratrie. Ceci explique les variations considérables d'un pays à l'autre. Il n'en demeure pas moins qu'aux États-Unis, en 1979, 28% des reins greffés provenaient de donneurs vivants apparentés. En Europe, pour

1978, 13% des reins provenaient de donneurs vivants apparentés.

La situation au Québec. Il y a présentement 163 patients atteints d'insuffisance rénale dans notre province, qui sont traités par rein artificiel dans l'attente d'une greffe rénale. En 1981, il y a eu 113 greffes rénales ici; en 1982, 135. La majorité de ces reins était de provenance cadavérique, environ 94%; de ces 94%, au moins 85% provenaient des accidentés de la route.

Depuis le début de décembre 1982 jusqu'à la fin de mars 1983, donc essentiellement le dernier trimestre, le nombre de reins d'origine cadavérique disponibles pour fin de transplantation a diminué de façon surprenante. Le ministre de la Justice sera sûrement content d'entendre que l'on croit que ce sont les retombées positives de la loi qui rend obligatoire le port de la ceinture de sécurité. D'autres gens disent qu'il y a moins d'essence qui se vend parce que la situation économique est moins bonne, mais j'aime penser que...

M. Bédard: Autrement dit, il y en a pour tous les partis politiques. On va revenir au fond, d'accord.

Mme Lavoie-Roux: C'est exactement la réflexion que je me faisais.

M. Robitaille: Mais il se vend moins d'essence.

M. Bédard: En tout cas, je ne passerai pas de remarque.

M. Robitaille: Les considérations...

M. Bédard: Déjà, les accidents avaient diminué.

M. Robitaille: Cela vous a beaucoup stimulés. Les considérations morales qui sont responsables de cette réticence de certains médecins à prélever des organes chez un donneur vivant viennent du fait que, traditionnellement, nous ne sommes pas habitués à soumettre un individu en santé à une chirurgie majeure. Il est certain que tous les efforts sont mis en place pour minimiser autant que possible le taux de morbidité susceptible d'en découler. Il est évident que ce risque est pris dans l'unique but d'améliorer substantiellement la vie du receveur qui est sérieusement compromise du fait de l'insuffisance rénale dont il souffre.

En dépit de ces précautions, il y a un certain nombre de décès qui ont été rapportés chez des donneurs à la suite de l'ablation d'un rein, bien que l'incidence soit très basse, soit de l'ordre de 1 sur 10 000. Par contre, le taux général des complications de toutes sortes, permanentes ou temporaires, varie de 15% à 47% selon les publications. En fait, le plus bas taux de complications majeures et permanentes rapporté provient d'une étude de 214 cas publiée par des Suédois et se situe aux environs de 2,3%. C'est faible, mais cela existe.

En conséquence de ces résultats, il est certain que l'application de l'article 18, titre premier, chapitre 3, qui stipule que "l'intervention ou l'expérimentation ne présente, pour lui, aucun caractère permanent ou irréversible, ni aucun risque pour sa santé", ferait en sorte que tout don d'organes de son vivant deviendrait difficile, voire impossible. Les mêmes commentaires s'appliquent à l'article 20 du même chapitre.

Enfin, pour ce qui est du mineur doué de discernement ou capable d'exprimer un choix, de même que du majeur non doué de discernement, nous sommes d'avis qu'un ordre de cour devrait être obtenu avant de procéder à l'aliénation d'un de ses reins pour fins de transplantation, après avoir obtenu le consentement des parents ou, à défaut, du tuteur.

M. Paterson: Merci, Me Robitaille. Je vais prendre deux minutes maintenant à cause de votre expertise sur les questions autres que médicales. Aujourd'hui, le traitement par expérimentation thérapeutique est très répandu, soit sur des mineurs doués de discernement ou des mineurs non doués de discernement. Les tribunaux peuvent-ils vraiment se pencher sur l'opportunité de le traiter par expérimentation thérapeutique sous toutes ses formes et de voir à ce que l'intérêt de l'enfant soit sauvegardé? Nous en doutons. Il est certain que les parents, de concert avec les médecins, sont plus aptes à décider qu'un tribunal, surtout lorsqu'en présence d'un traitement expérimental thérapeutique autorisé par le comité déontologique de l'hôpital. Cela est pratique courante aujourd'hui.

Nous préconisons fortement une révision du projet de loi 106, à cet égard, car il ne fait aucune distinction claire dans certains cas entre l'expérimentation thérapeutique et celle non thérapeutique. La déclaration d'Helsinki, recommandation destinée à guider les médecins dans les recherches portant sur l'être humain, fait la distinction, et même, dans la plupart des cas, les gens font une distinction. Nous croyons qu'une telle distinction pourrrait être utile et plus claire.

Depuis l'avènement des techniques exceptionnelles, comme celles des respirateurs, et les récentes décisions américaines, les médecins sont non seulement confrontés avec des problèmes d'éthique et moraux, mais aussi avec des problèmes juridiques. Le problème a donné lieu à la désormais célèbre affaire Karen Quinlan où, en 1976, les cours américaines ont eu à se prononcer. Comme la commission doit sans

doute s'en souvenir, il s'agissait d'un cas où une jeune Américaine de 21 ans est tombée dans un coma qui, de l'avis de spécialistes, était irréversible et dont l'importance des lésions cérébrales excluait toute possibilité de récupération ultérieure.

Cette affaire fut portée devant la Cour suprême du New Jersey qui décida qu'il fallait que certaines conditions soient remplies avant qu'il puisse y avoir interruption de traitement. La première de ces conditions était qu'il fallait obtenir le consentement du curateur et de la famille. Il fallait, de plus, que les médecins chargés du cas concluent qu'il n'y avait aucun espoir pour que Karen sorte de son état de comatose et que ceux-ci y consentent après consultation avec la commission de déontologie ou un autre organisme similaire de l'institution. C'est seulement après cette consultation, ce consentement et la conclusion que Karen ne pourrait sortir de son état que les traitements extraordinaires pouvaient être interrompus. La cour considérait dans son jugement qu'une pratique de faire une demande à la cour pour confirmer une telle décision serait inappropriée. (17 heures)

En 1978, la Cour d'appel du Massachusetts a rendu à peu près le même genre de décision, mais faisant une distinction entre le cas où il y avait un choix entre les traitements qui sauvent une vie et les traitements qui prolongent la vie, et ceux qui tentent la réanimation, mais qui n'aident en rien la guérison ou le soulagement du patient. Dans ce dernier cas, la cour a statué que, lorsque le patient est atteint d'une maladie irréversible en phase terminale et que celui-ci subit une attaque cardiaque ou respiratoire qui n'a aucune relation avec la maladie dont il est atteint, la justesse d'un ordre de non-réanimation était une question médicale qui devait être solutionnée par des pratiques médicales saines et en tenant compte du pronostic, ainsi que de la condition spécifique du patient.

Les recommandations de la Commission de réforme du droit du Canada vont dans le même sens. Le Dr Bureau va donner quelques exemples des causes.

M. Bureau (Michel): M. le Président, les histoires des cas présentés ici sont réelles et elles illustrent la nécessité de laisser conjointement au médecin traitant et aux parents d'un enfant mineur un pouvoir décisionnel dans la pratique raisonnable de la médecine. La proposition du projet de loi no 106 risque de rendre impraticables certains secteurs de la médecine.

Mme X demande un avortement pour un foetus mal formé. L'avortement est accepté par le comité d'avortement de son hôpital et des mesures adéquates sont entreprises pour l'avortement. Cependant, à la première tentative, l'avortement s'avère infructueux et la patiente est libérée de la clinique. Elle doit revenir la semaine suivante pour un avortement thérapeutique utilisant des moyens plus agressifs. Entre-temps, Mme X commence à avoir des contractions utérines et elle se rend à l'hôpital où elle accouche d'un prématuré mal formé. Ce dernier pèse 525 grammes, ce qui en fait légalement un bébé comme tout autre bébé et non plus un foetus avorté spontanément. Cependant, comme il respire faiblement, l'enfant requiert l'assistance du médecin pour assurer sa survie. Son médecin, en accord avec le père de l'enfant, décide de ne pas poursuivre les manoeuvres de support à la vie du nouveau-né et même il décide de cesser la réanimation de ce bébé mal formé qui, alors, décède peu après. Cette décision pour un nouveau-né compromis exigeait une prise de décision immédiate.

La seconde histoire est celle du patient X qui a deux mois quand on décèle dans son institution qu'il souffre d'une hydrocéphalie majeure, qui est une accumulation d'eau à l'intérieur du cerveau. Les examens révèlent que son cerveau est, à toutes fins utiles, inexistant et que sa tête grandit sans cesse sous l'accumulation d'eau dans ses ventricules latéraux. Cet enfant vit dans un état végétatif et ne peut espérer l'amélioration de son potentiel. Ses médecins proposent une chirurgie dite de "nursing". Cette chirurgie consiste à installer une valve dans les ventricules cérébraux pour empêcher la tête de devenir énorme. Cette méthode de traitement n'améliore en rien le pronostic de cet enfant et ne lui donnera pas un nouveau potentiel intellectuel, mais cette chirurgie offre un avantage majeur. Elle permet au personnel infirmier de donner les soins requis à l'enfant en évitant que la tête de ce dernier ne devienne gigantesque et nuise aux soins usuels de l'enfant. La chirurgie est faite et il est prévu que l'enfant sera admis en institution pour enfants retardés après son départ de l'hôpital.

Voici qu'une semaine après son opération cet enfant vomit et aspire du vomitus dans ses poumons. Il reçoit les soins usuels, mais développe une insuffisance respiratoire qui nécessite immédiatement l'usage de ventilateurs mécaniques. Le médecin consulte au téléphone le père qui accepte une approche thérapeutique raisonnable sans manoeuvre extraordinaire. Il vient à l'hôpital. Entre-temps, le patient se détériore et décède. En accord avec le père, le médecin traitant a décidé de ne pas intuber cet enfant et de ne pas assurer sa survie artificiellement. Cette décision importante, mais logique, n'a pas laissé de recours à la consultation quelle qu'elle soit.

Ces deux histoires citées illustrent

certains aspects de la pratique courante de la médecine qui sont quotidiens dans nos hôpitaux respectifs. Il serait impossible de judiciariser ces décisions qui, même majeures, doivent permettre une latitude raisonnable au médecin traitant et à la famille concernée. Dans ces deux cas, le projet de loi no 106 enlèverait au médecin et aux parents la possibilité de prendre, en temps opportun, ces décisions importantes. "Ces deux enfants" - entre guillemets auraient été végétatifs s'ils avaient été maintenus en vie en attendant que la cour intervienne.

M. Paterson: Merci, docteur. L'article 20 du projet de loi se lit comme suit: "L'examen, le traitement ou l'intervention qui présente un caractère permanent ou irréversible ou un risque sérieux pour le mineur ou le majeur non doué de discernement ne peut avoir lieu sans l'autorisation du tribunal, lorsqu'il n'est pas exigé par l'état de santé." Cet article pourrait être interprété par les tribunaux comme exigeant une autorisation du tribunal chaque fois qu'un traitement doit être interrompu, lorsqu'il présente un caractère permanent ou irréversible pour un mineur ou un majeur non doué de discernement. Bien qu'on puisse prétendre que le traitement ne concerne pas l'ordre de non-réanimation ou les cas semblables, la situation juridique doit être clarifiée pour que les règles ne laissent aucun doute. Un patient dans une phase terminale peut recevoir des médicaments aptes à éliminer ou à réduire la souffrance à un seuil acceptable. Il est souvent nécessaire d'accroître sensiblement le dosage. Un tel dosage supérieur peut avoir comme effet secondaire d'abréger la vie du patient. Suivant l'article 20, seul le tribunal peut autoriser un tel traitement.

Pour ces raisons, nous soumettons que ce que la commission sur la réforme a déjà recommandé doit être mis dans l'article 20 et nous avons proposé un sous-paragraphe qui se lit comme suit: "Rien dans cet article ne doit être interprété comme créant une obligation pour un médecin de continuer à administrer ou d'entreprendre un traitement médical à l'égard d'une personne non douée de discernement ou d'un mineur âgé de plus de 14 ans, lorsque ce traitement est médicalement inutile et n'est pas dans le meilleur intérêt de cette personne, ou d'interrompre l'administration des soins palliatifs et des mesures destinés à éliminer ou à atténuer les souffrances d'une personne pour la seule raison que ces soins ou ces mesures sont susceptibles de raccourcir l'expectative de vie de cette personne. Dans ce dernier cas, le traitement sera discontinué ou entrepris avec le consentement du patient ou d'une personne ayant une autorité parentale, ou son tuteur dans le cas d'un mineur ayant moins de 14 ans, ou, dans le cas d'une personne non douée de discernement, son représentant légal. "Lorsqu'il existe un conflit d'appréciation sur la question de savoir quels sont les meilleurs intérêts de la personne ou en l'absence d'un représentant légal, une requête pour autorisation d'interrompre ou d'entreprendre les traitements pourra être présentée conformément à l'article 21 à un juge de la Cour supérieure."

En concluant, je veux dire que, comme vous l'avez vu, nous avons exposé devant la commission un principe peut-être un peu négatif en disant que, dans toute la mesure du possible, c'est la famille et les médecins et non pas les tribunaux qui doivent régler ces genres de problèmes. Je peux vous assurer que, devant les tribunaux, ces situations sont terriblement difficiles. Elles sont difficiles pour les parents, elles sont difficiles pour les médecins, elles sont difficiles pour tout le monde. Souvent, un juge, même après avoir rendu jugement, voit le jugement porté en appel. La Cour d'appel rend un autre jugement dans un autre sens parfois et, après cela, cela peut faire comme la cause d'Ève, qui ira devant la Cour suprême en septembre. Vous pouvez avoir un délai de cinq, six ou sept ans avant de régler le problème d'un mineur, d'un patient avec des problèmes mentaux. Je vous soumets que ce n'est pas la manière de régler ces problèmes. On doit trouver d'autres solutions. Merci, messieurs.

Le Président (M. Blouin): Merci, Dr Paterson. Je donne la parole au ministre de la Justice.

M. Bédard: Je voudrais remercier très sincèrement les représentants de l'hôpital pour enfants de Montréal et de l'hôpital Sainte-Justine qui sont venus nous rencontrer avec une délégation remarquable de spécialistes. Vous aviez raison de dire que votre mémoire est très explicite. Je vous félicite d'une façon plus particulière pour la préoccupation que vous avez eue de rendre compréhensible avec des cas précis l'ensemble de vos représentations. Si on peut dire que des fois les hommes de loi ont des termes difficiles à comprendre, je pense bien que là-dessus vous seriez prêts à concéder que la médecine réserve ses complications aussi en termes de compréhension. Que vous ayez senti le besoin d'y aller de cas précis avec des termes que ceux qui auront à lire le journal des Débats pourront bien saisir, je pense, témoigne de l'effort, qu'on peut sentir, fait en vue d'apporter une contribution très valable aux travaux de cette commission.

Je constate - ce n'est pas un reproche, il n'y a pas à s'en surprendre, non plus - que vous privilégiez d'une façon tout à fait

spéciale l'approche médicale plutôt que juridique des problèmes posés par les différents degrés de consentement requis pour effectuer des interventions chirurgicales ou encore pour décider de la question des interruptions de traitements. Vous dites que les médecins et les parents sont mieux placés dans ce domaine. Je ne pense pas que le texte de loi aille dans le sens de contester cette réalité parce que, si vous regardez les articles 12, 14, lorsqu'il y a entente entre le médecin et les parents, les recours devant les tribunaux sont presque carrément inexistants. C'est lorsqu'il y a une divergence d'opinions entre les parents, les enfants ou encore des associations de handicapés par rapport à des décisions prises par des médecins qu'il y a l'intervention du tribunal.

Vous nous parlez de la décision de Dawson toute récente. Je ferai remarquer que si le tribunal a dû rendre un jugement, c'est qu'il a été saisi de la question par les médecins et par l'Association des handicapés qui n'étaient pas d'accord avec une manière de voir des parents concernant ce cas. Je pense que non seulement le projet de loi, mais les hommes de loi et les tribunaux ne contestent en aucune façon les capacités plus évidentes que vous avez de régler ces questions. Lorsqu'il n'y a pas entente, à un moment donné, c'est ce qui occasionne des procès.

Pour ce qui est du travail législatif que nous avons à faire, vous comprendrez, en fait, que nous en mesurons toute la complexité surtout à vous entendre parce qu'il faut bien, au plan législatif, essayer de traduire cette réalité extrêmement complexe que vous avez évoquée aujourd'hui. Je pense que, si nous ne nous attardions pas à essayer de traduire au plan législatif cette complexité avec toutes les difficultés que nous aurons et sûrement les erreurs que nous pourrions faire, les médecins et les autres organismes seraient les premiers à nous le reprocher, parce qu'ils ont besoin d'une certaine sécurité au niveau de la responsabilité pour pouvoir continuer un travail essentiel pour l'ensemble de la société.

J'aimerais quand même profiter, sans exagérer, de votre expérience pour vous poser une ou deux questions. Vous avez, entre autres, mentionné qu'il y avait des jugements où une cour se prononçait d'une façon et l'autre cour, en appel, se prononçait différemment. Je pense que vous avez le même genre de problème des fois quand vous avez des cas sur lesquels plusieurs médecins doivent se prononcer, surtout dans le domaine de l'expérimentation, quand il s'agit d'arrêter des traitements. J'ai l'impression que l'unanimité n'est pas toujours là. La bonne volonté est toujours là. La bonne foi est toujours là de la part de tout le monde.

Je pense que vous avez la même sorte de problème que nous concernant l'unanimité.

(17 h 15)

Je vous fais ces remarques en toute déférence et je sais que vous ne les prendrez pas négativement par rapport à celles que vous avez faites. Je pense qu'on réalise tous, de part et d'autre, que c'est extrêmement difficile, en fait, de traiter ces sujets-là. Je vous demanderais, par exemple, s'il arrive souvent des désaccords entre les représentants juridiques et l'avis des médecins. Est-ce que cela arrive souvent?

M. Paterson: Je vais demander à l'un des médecins de répondre, mais je veux répondre à deux autres choses. Premièrement, quand j'ai donné l'exemple de la cause d'Ève, où la Cour suprême a dit une chose et la Cour d'appel une autre, ce n'est pas pour soulever des contradictions. C'est la question d'urgence. Les exemples que mes collègues, les médecins, vous ont donnés sont des causes d'urgence. On ne peut pas avoir un système où on commence avec la Cour supérieure, un autre jugement de la Cour d'appel, un autre jugement de la Cour suprême pendant six ou sept ans pour régler ces problèmes. Maintenant, je comprends que vous avez un article sur la question d'une personne en danger.

M. Bédard: Quand il y a urgence, nul consentement n'est requis. C'est dans l'article 12.

M. Paterson: Ce que l'autre commission a dit - et je pense qu'elle a raison - c'est que, quand vous mettez des règles pour aller devant les tribunaux dans ces causes, chaque fois que le médecin est devant une situation comme cela, il doit décider si c'est une cause pour laquelle il doit aller devant les tribunaux ou si c'est quelque chose qu'il peut traiter. Nous ne sommes pas contre une règle faisant appel à une tierce personne, à un ombudsman ou à toutes sortes d'autres solutions. Mais, quand vous envoyez cela devant tribunaux, je pense que presque tout le monde maintenant: les cours des États-Unis, le Law Reform Commission of Canada, The President's Commission qui a fait un rapport il y a un mois, à Washington, sont tous d'accord sur le fait que ce n'est pas devant les tribunaux qu'on doit régler ces problèmes. On n'a pas une solution parfaite, non plus. Mais je pense que c'est à peu près l'attitude de tout le monde. Maintenant, c'est quand il y a un conflit. Et dans l'affaire Dawson, il y avait un conflit. Une autre chose dans la cause Dawson: je vais vous citer un paragraphe, si je peux, du juge de la Cour suprême. Il dit: "In considering the application, I recognize that the central concern is to discover what is in Steven's best interest. This is not a "right to die

situation" like Karen Quinlan". C'est cela qu'il dit. "A situation in which the courts are concerned with people who are terminally ill from incurable conditions". C'est là où on discute la question de non-réanimation. "Rather it is a question of whether Steven has the right to receive appropriate medical and surgical care of a relatively simple kind". C'est là où se trouve le débat. Et je pense qu'il y a une distinction totale entre l'affaire Steven Dawson et l'affaire Karen Quinlan.

M. Melançon (Serge): Je peux peut-être ajouter un commentaire. Concernant l'unanimité qui est, effectivement, parfois difficile à faire entre les médecins et les parents, vous pouvez juger d'après le nombre de causes qui se sont produites au Québec que cela ne doit pas se présenter souvent. D'autre part, la difficulté qui peut exister entre les parents et le médecin traitant concernant un enfant provient le plus souvent du défaut ou de la mauvaise information échangée entre ces personnes. Elle provient aussi très souvent d'un nombre considérable d'intervenants du côté médical qui se présentent plus ou moins bien aux parents et qui peuvent être des consultants médicaux. Quand M. le ministre mentionnait tout à l'heure que l'unanimité médicale ne se fait pas, l'une des raisons pour lesquelles elle peut ne pas se faire, c'est qu'il y a des avis qui sont différents, qui sont valables et qui doivent être transmis à des parents par une seule personne. Et quand on parlait tout à l'heure d'une personne qui devait servir de communicant à la personne, je pense que le médecin peut être cet individu-là, le médecin traitant.

Le même problème se crée aussi au niveau du tribunal et plus vous augmenterez le nombre d'intervenants pour aider à conseiller la famille, que ce soit des juges ou des avocats plus vous allez avoir un nombre considérable d'opinions variées, diverses, sur laquelle l'unanimité ne se fera nécessairement pas. En restant avec un nombre minime d'intervenants, un nombre le plus petit possible, je pense que la solution va arriver beaucoup plus rapidement.

M. Bédard: Je pense que vous répondez bien à ma question. Les causes sont quand même très rares, ce qui explique que souvent, même en regardant notre Code civil, de nombreuses demandes sont faites pour essayer de simplifier l'appareil judiciaire. Ces dispositions sont quand même assez rarement utilisées. La réalité est que l'unanimité, je veux dire celle des médecins par rapport à l'avis des parents, est souvent très présente. On a bien d'autres questions. Peut-être une. Pour un profane, j'aimerais avoir des précisions sur ce qui distingue l'expérimentation thérapeutique par rapport à l'expérimentation non thérapeutique. Pour-riez-vous éclairer un peu plus ma lanterne?

M. Bureau: L'expérimentation médicale a sûrement trois applications qui ne peuvent pas être séparées l'une de l'autre. Il y a des expérimentations diagnostiques, par exemple, comment diagnostiquer le cancer du poumon avant qu'il soit trop étendu. Il y a des stratégies qui sont imaginées par les chercheurs pour dépister l'une ou l'autre des maladies. La première phase de ces stratégies est purement expérimentale. C'est une expérimentation diagnostique. Je cite un exemple: quelqu'un propose qu'une bonne manière de voir le cancer du poumon avant qu'il fasse trop de ravages serait de faire une radiographie une fois par année. Il le propose à l'intérieur d'un protocole de recherche bien précis, qui est approuvé par une institution. Les hôpitaux ont leur comité d'éthique qui étudie le pour et le contre de cela. Il y a une proposition qui est faite par le chercheur qui passe cette évaluation et qui est proposée maintenant à un patient. Le patient se fait dire, ou une personne tout à fait normale: Voulez-vous volontairement être inclus dans cette expérimentation diagnostique par laquelle vous bénéficierez possiblement du dépistage d'un cancer avant qu'il soit là? Votre danger est d'avoir une radiographie pour rien. Chacune de ces expérimentations diagnostiques a un risque. Il est minime, me direz-vous, mais on ne peut jamais dire qu'elle soit sans risque.

L'expérimentation thérapeutique, par exemple, pour un enfant qui serait atteint d'un cancer; prenons la leucémie, puisque cela est relativement courant. Il n'y a aucun traitement définitif à cette maladie. Toutes les médications utilisées maintenant sont expérimentales. Elles ont un taux de succès variable et, l'année prochaine, une autre thérapie viendra remplacer celle qui existe déjà puisque celle de 1983 est insuffisante. On espère en mettre au point une prochaine et ainsi de suite. Chaque médicament utilisé est une expérimentation thérapeutique faite avec l'approbation des institutions concernées, quelles qu'elles soient. Le risque et les avantages sont bien évalués. Ceci est vrai, quels que soient les médicaments que vous avez utilisés dans votre vie. Ils sont tous passés par cette expérimentation thérapeutique.

Dans les expérimentations thérapeutiques médicales, il y a un aspect qui n'est pas négligeable. Il y a, d'un côté, des méthodes médicales qui ont comme objet l'usage des médicaments. D'autres, où il y a un aspect d'intervention chirurgicale. Par exemple, certaines maladies doivent-elles être abordées en vue de les traiter par une approche chirurgicale ou bien par l'usage de médicaments qui auront un meilleur effet?

C'est le sens qui est donné à thérapeutique. C'est l'essai d'un traitement, c'est en relation avec une maladie donnée.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Bédard: Je vous remercie. Je vais renoncer à la tentation d'abuser de la présence de ces experts pour tenter d'obtenir des réponses à toutes nos questions et à toutes nos interrogations. Je laisse la parole à un collègue.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Vous avez soulevé plusieurs problèmes très pratiques et très intéressants. Je ne sais pas comment on va vraiment trouver des solutions à certains problèmes que vous avez soulevés. Premièrement, en ce qui concerne la transplantation d'un rein d'un mineur à un autre, si ce n'est pas couvert par le projet de loi, je me demande comment faire, M. le ministre. Si j'ai bien compris l'explication qu'on nous a donnée, il y a une impasse dans la loi.

Mme Lavoie-Roux: Parce que ce n'est pas irréversible.

M. Paterson: Vous allez voir à la fin de l'article 18, "ni aucun risque pour sa santé". C'est ce qu'on appelle "le mineur doué de discernement".

M. Marx: En effet, ce serait empêcher une telle transplantation. C'est cela.

M. Bédard: II n'y a pas d'impasse, si le donneur est un majeur, au départ.

M. Marx: Non, non. Ma question est d'un mineur à un autre.

M. Paterson: Non, non.

M. Bédard: Oui. Nous allons étudier la proposition d'amendement que vous proposez.

M. Paterson: On propose que cela doit aller devant les tribunaux, mais avec une certaine flexibilité où les tribunaux peuvent décider sur la question du risque, etc.

M. Bédard: Cela peut nous aider. Actuellement, on dit qu'un mineur peut donner une partie de son corps avec l'autorisation d'un juge de la Cour supérieure.

M. Paterson: Mais à l'article 18...

M. Bédard: Non, non, mais il y a tout...

M. Paterson: Parlez-vous du Code civil maintenant?

M. Bédard: Oui.

M. Paterson: Ah! Je m'excuse. Oui, aujourd'hui, il y a seulement un problème sur les mots "doué de discernement". Maintenant, on fait des transplantations de moelle osseuse sur des enfants de deux ans, trois ans, quatre ans, et il n'y a pas de risque, sauf le risque de l'anesthésie.

M. Bédard: Oui. Maintenant, à quel point y a-t-il une impasse? Les articles 19 et 20 se lisent ensemble. On me laisse entendre que, dans notre esprit, on parle de l'autorisation du tribunal.

M. Paterson: Non, mais l'article 18 dit "aucun risque pour sa santé". S'il n'y a aucun risque, il n'est pas possible de faire de don...

Mme Lavoie-Roux: Ensuite, il ne faut pas que ce soit irréversible.

M. Paterson: ...ni pour les reins ni pour autre chose.

Mme Lavoie-Roux: L'irréversibilité.

M. Bédard: C'est possible, en ce qui nous regarde, avec l'autorisation du tribunal qui est prévue à l'article 20.

M. Paterson: Je m'excuse, mais je ne le vois pas dans l'article 18 et je pense que c'est là que vous avez le problème.

M. Bédard: Les articles ne sont pas un tout en eux-mêmes. Dans une loi, les articles s'interprètent les uns par rapport aux autres. Il est évident que, si on reste à l'article 18, il y a des complexités en médecine. Il peut y en avoir du point de vue législatif aussi. Nous croyons que l'article 18, en relation avec l'article 19 et l'article 20, rend la chose possible avec l'autorisation du tribunal. La situation n'est pas changée.

M. Paterson: J'espère, au moins, que vous allez le revoir parce que vous allez voir que le mémoire du droit comparatif de l'Université McGill et celui de l'Association des hôpitaux, presque tous les mémoires de ceux qui ont discuté de la transplantation en sont arrivés à la même interprétation que la nôtre. N'est-ce pas une raison pour le revoir, au moins? Les tribunaux vont peut-être arriver à la même conclusion.

M. Bédard: II est très heureux que vous le souligniez. Remarquez qu'il y a bien des choses que j'ai de la difficulté à comprendre en médecine, étant donné la complexité. Mais je pense que, juridiquement parlant,

quand on lit l'article 18 avec l'article 20, c'est notre conclusion. Peut-être y a-t-il lieu de rendre cela plus clair pour que chacun puisse bien le saisir, mais nous croyons que cela répond à la situation.

M. Marx: II nous manque un juge, à la commission, pour trancher la question.

Le Président (M. Blouin): M. le député D'Arcy McGee.

M. Bédard: II y a sûrement lieu d'essayer de le préciser. Que vous souleviez la question, c'est déjà très important. (17 h 30)

M. Marx: Comme Me Paterson l'a suggéré, c'était déjà soulevé par trois juristes. Donc, il doit y avoir quelque chose là-dedans. Supposons qu'on retienne le juge comme l'arbitre - vous avez dit que cela cause des difficultés que ce soit le juge qui tranche; un des problèmes que vous avez soulevés, ce sont des appels d'une cour à l'autre et, finalement, à la Cour suprême et cela prend trop de temps - avez-vous examiné la possibilité, par exemple, d'une espèce de clause privative pour que ce soit seulement le juge de première instance qui prenne la décision et qu'il n'y ait pas d'appel? Je vois le problème avec les appels, cela ne finit jamais. Le juge dans ces cas, j'imagine, autorise une certaine intervention médicale. Il ne prend pas la décision vraiment. Il donne le consentement. Je vois le problème, comme je l'ai dit, avec des appels d'une cour à l'autre et je pose la question parce que je ne l'ai pas vraiment étudiée. Est-ce qu'on peut prévoir une clause privative quelconque pour que ce soit seulement, disons, le juge de première instance qui prenne la décision et qu'il n'y ait pas d'appel? Donc, cela peut être fait, décidé assez rapidement.

M. Paterson: J'en doute parce que, premièrement, qui va accepter qu'un juge puisse le décider? C'est le même problème.

M. Bédard: On a le même problème que lorsque deux...

M. Marx: Non, non, mais...

M. Bédard: ...médecins ne sont pas d'accord.

M. Paterson: Sur ces questions, c'est mieux d'avoir un genre de comité à l'hôpital, ou je ne sais quoi, que d'aller devant les tribunaux. C'est cela qu'on prétend.

M. Marx: J'ai dit: Admettons que le ministre insiste pour prévoir un recours au tribunal...

M. Bédard: C'est lorsqu'il y a désaccord.

M. Marx: Quand il y a désaccord.

M. Bédard: Quand il y a désaccord. Les tribunaux n'ont pas d'affaire là quand tout le monde est unanime.

M. Marx: Supposons, M. le ministre, qu'il y a désaccord et qu'on va devant les tribunaux; on veut éviter des appels d'une cour à l'autre parce que, si l'on va à la Cour suprême, il n'y a pas de garantie qu'il va y avoir une meilleure décision. Pardon?

M. Paterson: Même pas un traitement parce que, pendant tout cela, le patient attend. Le juge peut refuser. Dans votre exemple, le juge donne son consentement, mais le juge peut refuser. La cause va en appel et le patient attend.

M. Marx: Si le juge refuse de donner son consentement, peut-être il a raison.

M. Paterson: Peut-être qu'il n'a pas raison.

M. Marx: Peut-être que les médecins n'ont pas raison, non plus.

M. Bédard: Si les médecins ne sont pas capables de s'entendre, le tribunal a le droit de ne pas être d'accord.

M. Marx: C'est cela. Cela veut dire qu'on va...

Une voix: Les médecins ne se trompent pas!

M. Marx: Non. Je ne veux pas mettre en cause les médecins. De temps en temps, on voit un médecin et il dit: Oui, mais c'est essentiel que vous subissiez une intervention chirurgicale. On va à un autre et il dit: Non, pas question. Prenez quelques pilules, cela va bien aller. Finalement, tu sais...

M. Paterson: On règle ces problèmes avec le comité de déontologie aujourd'hui dans certaines causes et, dans d'autres causes, peut-être qu'on doit avoir un autre genre de comité. C'est tout ce qu'on dit. On ne dit pas que ce n'est pas nécessaire d'avoir une tierce personne de temps en temps dans certains cas. Ce n'est pas notre prétention. C'est juste que nous sommes d'accord avec toutes les personnes depuis cinq ans qui ont examiné l'affaire. Les avocats, les médecins, les théologiens sont tous arrivés à la même conclusion: Ce ne sont pas les tribunaux qui vont régler ces problèmes d'une manière rapide, pratique et efficace. Ce n'est pas juste notre idée. Vous

allez voir cela même dans tous les jugements des tribunaux américains.

M. Marx: D'accord, dans d'autres provinces, dans les États américains, est-ce qu'ils ont légiféré dans le sens que vous avez suggéré? Est-ce qu'ils ont écarté les tribunaux de la décision?

M. Paterson: Je ne peux pas vous dire, sauf que dans trois États, le Massachusetts, le Connecticut et, je pense, New York, ce sont les jugements Quinlan, Dinnerstein et l'autre qui règlent le problème pour le moment. C'est eux autres qui ont fortement recommandé un comité dans l'hôpital, dont quelques-uns avec les médecins, d'autres avec les médecins et d'autres personnes, etc. Mais ils ont carrément affirmé que ce ne sont pas les tribunaux, sauf lorsqu'il y a un conflit impossible à régler avec une telle procédure.

M. Marx: C'est ce que le ministre a dit, que ce sont les tribunaux qui vont intervenir...

Le Président (M. Blouin): M. le député. M. Marx: ...dans le cas d'un désaccord.

Le Président (M. Blouin): D'accord! Je crois que, sur cette question, M. Paterson, les avis ont été clairement exprimés et que les membres de la commission ont entendu votre opinion de façon très nette.

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: II me semble qu'on ait de la difficulté entre les avocats ici et même les avocats là-bas. Je ne veux pas entrer dans des questions d'interprétation, parce que je ne suis même pas juriste, mais, parfois, le monde ordinaire sait lire aussi. L'article 18, M. le ministre - on va y revenir à d'autres occasions - c'est le prolongement de l'article 17. C'est dans le cas de l'aliénation d'une partie de son corps pour une greffe ou quelque chose, tandis qu'à l'article 20, c'est le cas d'un examen, d'un traitement ou d'une intervention. Je ne pense pas que l'objet soit le même dans les deux articles 17 et 18 que dans les articles 19 et 20. En tout cas, cela n'a pas d'importance; on réglera cela en famille, à un moment donné.

Je veux vous demander pourquoi vous souhaitez que soit réintroduite la notion de foetus dans le projet de loi, parce que vous avez dit cela au point de départ, si je ne m'abuse.

M. Paterson: Oui. Est-ce que quelqu'un peut répondre?

Des voix: Non, non. C'est mieux de répondre.

M. Paterson: Non? Je pense qu'aujourd'hui il y a une règle dans l'article 18 du Code civil que les tribunaux ont eu l'occasion d'interpréter d'une certaine façon. Je pense aussi que, dans ce domaine, on devra passer vite maintenant. On a toutes sortes de problèmes qu'on n'avait jamais regardés il y a même cinq ans à dix ans. Peut-être que le Dr Charters peut expliquer un peu ce qui a été fait dans le domaine génétique à l'hôpital. Comme cela, on doit avoir un certain statut pour le foetus. Si on laisse l'article 1 comme il est, je pense que le foetus n'a aucun statut. Maintenant, si je peux me référer au mémoire du professeur Crépeau, il a traité longuement de la question. Je pense qu'il vient demain et, probablement qu'il est bien plus qualifié que moi pour exprimer la pensée des juristes sur la question. Je pense qu'il y a un danger de mettre l'article 1 dans le projet de loi no 106 tel qu'il est, parce que cela remet totalement en question les droits fondamentaux du foetus.

Si on laisse le code comme il est à l'article 18, je pense qu'au moins on a une règle qui commence à être interprétée. Tout le monde commence à se comprendre à l'intérieur de cette règle. Je ne veux pas en dire plus que cela, sauf que je vous réfère encore au mémoire du droit corporatif, parce que c'est très détaillé, puis...

Mme Lavoie-Roux: Ce que je comprends, c'est que ceci est davantage une préoccupation de juristes que des médecins qui vous accompagnent.

M. Paterson: Je m'excuse, c'est quoi?

Mme Lavoie-Roux: C'est parce que j'ai eu des distractions; quelqu'un me chuchotait dans les oreilles. Mais j'ai cru comprendre que c'était davantage une préoccupation de juristes qu'une préoccupation des représentants des deux hôpitaux qui vous accompagnent.

M. Paterson: Ah bon! Ah bon! Allez-y!

M. Melançon: Oui, vous avez en grande partie raison, madame. La raison pour laquelle cela préoccupe les juristes, c'est qu'ils ont peur d'être obligés de défendre des médecins et de ne pas pouvoir s'appuyer sur des articles précis au niveau civil, alors qu'il existe déjà une expérience qui s'accumule et qui a donné à des foetus un certain nombre de droits sur le plan civil et sur le plan criminel.

La technologie qui est en évolution constante fait qu'on pourrait relativement facilement s'entendre sur les droits actuels d'un foetus, mais, dans un an, dix ans et 20 ans, alors que peut-être cette règle de loi sera encore en vigueur, la technologie aura

permis d'amener une survie peut-être à 90% des foetus pesant 500 grammes, alors qu'aujourd'hui on accepte que ce ne sont pas des personnes humaines.

C'est dans ce sens-là que les deux hôpitaux, les médecins et notre avocat se sont inquiétés de l'absence de définition ou de tentative de définition de ce qu'est le début des droits pour un individu qui est conçu. Je ne pense pas qu'on aille jusqu'à la limite qui a été mentionnée, au cours de la matinée, puisqu'on a même de la difficulté à décider du moment de la conception. Mais, entre la conception et la naissance, il peut y avoir une possibilité de survie autonome, une description de survie autonome, d'un nouveau-né, qui pourrait être, à une certaine limite, acceptable.

Mme Lavoie-Roux: Dans l'état actuel des connaissances en matière de natalité et de maternité, les enfants prématurés qu'on récupère maintenant de plus en plus jeunes, quel poids ont-ils et à quel mois de la grossesse sont-ils nés? Enfin, les plus petits qui ont survécu pour lesquels, maintenant, la médecine dépense énormément d'efforts pour essayer de les faire survivre.

M. Bureau: Je ne crois pas que je vais vous éclairer beaucoup. Je vais peut-être jeter beaucoup de confusion dans les perspectives d'avenir de la médecine.

À mon premier travail dans une unité de soins intensifs de nouveau-nés, en 1975, à l'Université de Sherbrooke, la politique à peu près internationale était qu'un nouveau-né de 1000 grammes, un kilo, avait une chance suffisante de survie pour que tout moyen soit tenté pour lui. Une année après, nous disions que le nouveau-né pesant 900 grammes devait pouvoir subir toute intervention possible. Nous sommes rendus maintenant à un nombre de survivants non négligeable de nouveau-nés dont le poids est de 600 grammes. Il y avait encore, dans la Gazette d'aujourd'hui, des exemples. On est rendu à une limite que la médecine n'avait pas prévue il n'y a pas longtemps. Il y a quatre ou cinq ans, elle n'avait pas prévu pouvoir se rendre jusque-là. Pour un nouveau-né de 26 semaines qui pèse environ 600 grammes, dans notre institution, toute tentative est faite, s'il naît, pour le réanimer. Ses chances sont petites, mais elles sont réelles.

Mme Lavoie-Roux: Ce problème se présente dans une autre perspective au fur et à mesure du développement de la médecine. On n'a pas de réponse à cela.

Je veux vous demander si vous avez des objections majeures - j'ai cru comprendre que non, mais vous en avez certaines - à ce qu'on recoure aux tribunaux. Je ferai remarquer au ministre qu'à l'article 20, si je l'interprète bien, même si on doit recourir au tribunal si c'est un traitement qui n'est pas exigé par l'état de santé, par exemple le cas d'une stérilisation, ce n'est même pas une question de discernement, c'est-à-dire que c'est la question de non-discernement ou la question de mineur ou majeur non doué. Il semble y avoir nécessairement recours au tribunal. L'exemple qui me vient à l'esprit, c'est la stérilisation qui peut ne pas être requise par l'état de santé et alors cela devrait aller devant le tribunal. Je comprends que vous voulez éviter le plus possible la judiciarisation. Par contre, est-ce que vous admettriez qu'à l'intérieur de vos établissements - vous avez parlé du comité de déontologie - il y ait un comité de médecins qui soit plus multidisciplinaire? L'exemple qui me vient à l'esprit, c'est celui du comité thérapeutique dans le cas de l'avortement. Là aussi, je pense que les parents qui vous ont précédé ont indiqué, dans ce sens-là, des préoccupations, à savoir ce que pourrait être l'avenir d'un enfant qu'on considère très arriéré. (17 h 45)

II ne faut pas remonter si loin dans l'histoire du Québec pour savoir qu'à un moment donné, dès qu'un enfant, à sa naissance, souffrait par exemple, de mongolisme il était envoyé en institution parce qu'on disait: Ce sont des enfants absolument irrécupérables. J'en ai connu quelques-uns que, finalement, les institutions ont été obligées, il y a quelques années, de renvoyer parce que, sauf pour l'entretien physique, en dépit des conditions extrêmes de non stimulation dans laquelle ils se trouvaient, ils ont fini par se développer souvent. Parce qu'ils montraient un signe d'intelligence que d'autres ne montraient pas, on s'en occupait davantage que peut-être d'autres qui étaient autour. N'y aurait-il pas lieu qu'il y ait un comité qui ne soit pas formé uniquement de médecins, mais d'autres spécialistes ou un comité interdisciplinaire? Par exemple, je prends les cas de stérilisation. Dans un hôpital, pour les fins du bon fonctionnement de l'hôpital ou pour faciliter le fonctionnement sur un étage ou dans une salle, maintenant qu'on a pu tout diviser, garçons, filles, et pour qu'il n'y ait plus de va-et-vient dans les institutions et tout cela, on peut décider que cela va être plus simple si on en stérélise quelques-uns sur qui on a des doutes et qu'à ce moment il y ait d'autres considérations que celles strictement d'ordre médical ou du réel bien-être du patient, du bénéficiaire, mais peut-être plus des considérations que je vais appeler d'ordre administratif, pour résumer.

N'y aurait-il donc pas lieu de penser, si on veut moins recourir aux tribunaux, que, par contre, dans les établissements, on remplace cela par des comités interdisciplinaires qui pourraient juger du bien-fondé de ces gestes médicaux, des

interventions médicales qui seraient posées.

M. Paterson: Madame, je peux vous affirmer que, dans notre hôpital et dans plusieurs hôpitaux, les comités de déontologie ne sont pas composés seulement de médecins; ils sont maintenant multidisciplinaires. Chez nous, il y a des médecins, des membres de l'équipe du nursing, il y a un citoyen qui n'est pas médecin, qui n'est pas professionnel dans l'hôpital; c'est un mélange de personnes qui étudient des problématiques chez nous. Ce n'est pas rare maintenant que, dans les hôpitaux, les comités soient multidisciplinaires. Je pense que, maintenant et dans l'avenir, cela va arriver plus souvent que dans le passé.

Mme Lavoie-Roux: Je pense que, dans le cas des parents, cela les sécuriserait de toute façon de savoir que la décision qu'ils prennent a été étudiée par plusieurs spécialistes. En tout cas, je serais assez sympathique à cela pour éviter le plus possible la judiciarisation qui souvent n'est pas fonctionnelle et n'est pas nécessairement dans le meilleur intérêt de la personne traitée, du milieu social et de la famille. Je vous remercie.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le ministre, peut-être. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: M. Paterson, est-ce que je vous ai bien compris sur la question de la stérilisation, particulièrement, quand vous avez discuté de cette question? Vous voudriez que ce soit en dehors de tous les amendements de la loi ou ai-je mal compris ce que vous avez dit là-dessus? Vous avez fait une remarque que j'ai mal comprise.

M. Paterson: Je n'ai presque rien dit. Dans ce que nous avons dit, on n'a pas touché ce sujet dans notre mémoire parce qu'on pense que c'est une question complexe, que c'est probablement une question qui doit être réglée en dehors du Code civil.

M. Lincoln: C'est donc cela que j'avais compris.

M. Paterson: En tout cas, nous n'avons pas tranché la question en proposant une solution. On n'a pas de solution pour le moment. Ce que j'ai dit en passant, c'est que je pense que cela doit être laissé à notre imagination de trouver une solution en dehors des tribunaux. Sauf que, dans tout cas de conflit, il reste que ce sont les tribunaux qui doivent trancher.

M. Lincoln: Une dernière question à M. Paterson. Excusez, je connais mieux les termes anglais je vais donc poser ma question sur les "bone marrow transplants" en anglais. I have heard about the bone marrow transplants quite a bit in connection with problems that would be created. Could you give us an idea about the number of bone marrow transplants that hospitals do, on an average, in a year, the complications and the problems?

M. Paterson: Well, I can tell you this much and then...

At the Children's Hospital - I think this is true everywhere - you can only do one at a time. There is a very specialized sterilized room where the child goes after the transplant. And, therefore, I think we have done it once, we have done two in the same room, but, normally, you can only do one at a time.

The whole process takes three to four weeks, I think, but the patient is in the hospital for at least that long. So that means, at the Children's Hospital, probably twelve a year is probably the outside limit. Maisonneuve-Rosemont has the same type of facility.

But the distinction, I think - that is where I come back to the Minister's question - it is terribly to relook at that 18, it is that, today and only in the last years, probably two to five years, they are saving 50% of the lives of children with leukaemia, with certain types of leukaemia, if they can get a donor. It must be a member of the same family. And the risk to the donor is the risk of an anaesthetic. And there are no cases in the literature that show any untoward signs to the donor. The chance of saving the life of the other is 50%. If I can just give you one personal example, we had a case three weeks ago and that child was finished, I mean, there was no way that child could survive without that transplant. Dr Charters and I saw that child in the hospital yesterday sitting watching television.

This law is just jumped over without anybody taking me seriously when I say that means you cannot do it because there is a serious risk. That kind of life will not be able to be saved in this province. And it will be saved in Connecticut, it will be saved in Boston, it will be saved in New York, but, in Quebec, we will not be able to do it because there will be a risk. The law says: II n'y a aucun risque pour sa santé. Je pense que c'est très important qu'on règle le problème, parce que nous sommes dans une position de sauver, je présume, 25, 30, 35 enfants, je ne sais pas, par année.

Mme Lavoie-Roux: L'Association des hôpitaux a fait la même recommandation ce matin. Ses porte-parole ont parlé de risque minimal.

Le Président (M. Blouin): Est-ce qu'il y

a d'autres intervenants? M. le ministre, rapidement.

M. Bédard: Je comprends que cela retarde un peu, mais c'est pour nos travaux à venir. On n'a pas parlé des articles 39 et 40, des prélèvements sur un cadavre, "à défaut des volontés connues du défunt". On nous a parlé de la difficulté - souvent, c'était tragique - des transplantations qui devraient être faites, à cause des consentements qui sont nécessaires. On sait que c'est un sujet qui n'est pas macabre, mais ce n'est pas facile d'en parler. Si je me réfère aux mentalités sociales et aux manières de voir les réactions, les sensibilités qui s'expriment lorsqu'on parle de ces choses qui sont quand même extrêmement importantes pour l'avancement de la médecine et, en même temps, pour le respect des personnes, est-ce que cela améliore les choses? Beaucoup de représentations nous ont été faites. Nous sommes conscients que nous ne sommes pas allés aussi loin que certains auraient voulu qu'on aille au nom du principe, au nom des motifs de l'avancement de la médecine, qui sont des motifs louables. Pourriez-vous me donner votre idée?

M. Robitaille: Je pense que ces deux articles sont excellents. J'espère que je ne fais pas preuve d'ignorance, mais, à ma connaissance, le deuxième paragraphe de l'article 39 représente une innovation, à mon sens. Si on avait le droit de faire cela avant, je ne l'ai jamais fait. Ce paragraphe dit: "Ce consentement - le consentement d'un proche parent - n'est pas nécessaire lorsque deux médecins attestent, par écrit, l'impossibilité de l'obtenir en temps utile, l'urgence de l'intervention et l'espoir sérieux de sauver une vie humaine." Cela semble quelque chose de nouveau qui ouvre une porte. Je pense que ces deux articles font tout pour nous faciliter la tâche et je ne peux que vous en être reconnaissant.

M. Bédard: Merci. Il y a beaucoup de choses qui, parfois, sont difficiles à concilier. Vous parliez, tout à l'heure, de la protection du foetus, M. le bâtonnier nous disait hier, à juste titre - et cela a été répété par des membres de la commission - que ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de dispositions très spécifiques au Code civil qu'il n'y a pas de protection en ce qui concerne le foetus. Cela se retrouve essentiellement au Code criminel. On voudrait des choses de plus concernant l'article 1, au nom d'un grand principe que tout le monde respecte: le droit de naître. Lorsqu'on parle des grands principes séparément, c'est toujours assez facile: le droit de naître, l'inviolabilité de la personne humaine, le droit à l'intégrité physique. Quand on en parle d'une façon cloisonnée, pas de problème. Quand on essaie, par exemple, d'arriver dans des cas où ces différentes notions, ces différents grands principes jouent ou doivent jouer en même temps, où il y a une pondération à faire, je pense qu'on est tous d'accord que là c'est pas mal plus difficile de concilier ces grands principes que d'en parler comme s'ils existaient indépendamment les uns des autres.

J'essaie de voir le cas, par exemple, d'une mère de famille qui est alcoolique, dont l'alcoolisme met en danger le foetus. Je suis convaincu que dans votre pratique il y a bien d'autres exemples que vous pouvez avoir à l'esprit où ces principes se heurtent d'une certaine façon. Qu'est-ce qu'on fait? Comment traduit-on dans les lois le respect de ces grands principes? C'est pour cela que c'est difficile de trouver des moyens législatifs de mettre des choses très précises en ce qui concerne le Code civil. Est-ce qu'on se donne des droits contre la mère qui a le droit à l'inviolabilité de sa personne, à son intégrité physique et qui par ses agirs met en danger - je ne parle pas de l'avortement, il y a même la question de l'avortement - en fait le foetus qu'elle porte? Vous êtes avocat, Me Paterson. J'aimerais avoir vos commentaires.

M. Paterson: Je pense que je vais vous donner une réponse très simple. L'article 1: "II est sujet de droit depuis sa naissance jusqu'à sa mort". Cela dit tout de suite qu'il n'est pas sujet de droit avant sa naissance. C'est le problème. Dans le code aujourd'hui, je n'ai pas le no 18 avec moi, mais cela part... Le professeur Marx va vous le donner. Non, non, mais dans l'article 18 du Code civil, cela parle d'être humain et d'avoir une personnalité juridique. Est-ce que ce n'est pas comme cela? Je ne vois pas le problème avec le Code civil aujourd'hui. C'est vraiment ma réponse. Je ne vois pas de raison pour changer l'article 18.

M. Bédard: Vous avez parlé de la protection du foetus. Est-ce que vous pensez qu'il serait, autrement dit, peut-être mieux protégé en reproduisant tout simplement la terminologie existant déjà dans notre Code civil et en laissant aller les habitudes, en attendant la transformation des mentalités.

M. Paterson: II appartient aux tribunaux d'interpréter l'article 18.

Le Président (M. Blouin): Cela va? M. Bédard: Cela va.

Le Président (M. Blouin): Au nom de la commission, je remercie les représentants de l'hôpital pour enfants de Montréal et de l'hôpital Sainte-Justine d'être venus nous

présenter leur opinion. Je signale aux membres de la commission qu'il est presque 18 heures. Je crois que, de part et d'autre, les partis ont convenu que nous poursuivions nos travaux au-delà de 18 heures. Donc, dans les circonstances, je demande maintenant aux représentants de l'Association des centres de services sociaux du Québec de bien vouloir -merci, messieurs - se rendre à la table des invités.

M. Marx: Consentement.

Le Président (M. Blouin): Je demanderais, pour les fins du journal des Débats, au porte-parole ainsi qu'à ceux qui l'accompagnent de bien vouloir se présenter, s'il vous plaît. (18 heures)

Association des centres de services sociaux du Québec

M. Thibault (Louis-Philippe): Merci, M. le Président. Mon nom est Louis-Philippe Thibault, président de l'Association des centres des services sociaux du Québec. Les personnes qui m'accompagnent aujourd'hui sont, à ma gauche, M. Michel Léger, vice-président de l'association. Immédiatement à ma droite, M. Jean Beaudry, qui est un permanent à notre association, et, à l'extrême droite, M. Oscar D'Amour, directeur du service du contentieux au CSS Montréal métropolitain.

Je voudrais, en commençant, remercier les membres de cette commission d'avoir accepté de nous entendre. Nous avons, dernièrement, déposé un mémoire auprès de cette commission. Nous voulons, très sommairement, aujourd'hui rappeler certains éléments qui nous apparaissent être davantage portés en lumière aujourd'hui et possiblement répondre aux questions qui concerneront en particulier ces éléments.

Le Président (M. Blouin): Je vous demanderais, s'il vous plaît, de le faire le plus brièvement possibble.

M. Thibault: Je vais m'astreindre à cette invitation. Les centres de services sociaux déposent le présent mémoire étant conscients que nous sommes une institution qui a un rôle important à jouer dans la dispensation des services sociaux. On est aussi, de par notre mission, particulièrement concerné par des clientèles à qui vont s'appliquer certaines dispositions du projet de loi no 106. On pense plus particulièrement aux clientèles d'enfance en besoin de protection, aux personnes handicapées physiquement et mentalement ainsi qu'aux personnes âgées. En termes statistiques, juste pour les présenter brièvement, aux centres des services sociaux, au 31 mars 1982, nous avions 2100 projets d'adoption en cours.

Parmi ces 2100 adoptions, on a estimé qu'environ 600 enfants pourraient faire l'objet d'une tutelle de la part du directeur de la protection de la jeunesse. Concernant d'autres enfants présentement abandonnés et qui ne sont pas encore déclarés adoptables, nous avons estimé que ce nombre pouvait totaliser, au 31 mars 1982, environ 600.

Du côté des adultes et des personnes âgées, au nombre de 7500 dans les différentes familles d'accueil au Québec, notre estimation nous porte à croire qu'environ 1500 personnes pourraient faire l'objet d'un régime de protection pour majeurs. Tout en souscrivant aux objectifs visés par le projet de loi no 106, en ce qui concerne la jouissance et l'exercice des droits civils, on reconnaît que, dans certaines situations, il est sage que le législateur prévoie que, dans certains cas d'exception, on puisse déroger à certains principes fondamentaux mis de l'avant dans la loi. Au chapitre de ces exceptions, on aimerait porter à votre attention quelques cas et, sans reprendre toutes les situations ou toutes les remarques que nous mettons dans notre mémoire, j'attirerais votre attention sur la recommandation 2.22 à la page 3.

À l'article 13 du projet de loi 106, on remarque que le consentement d'un mineur est donné par le titulaire de l'autorité parentale ou à défaut par le tuteur. On s'interroge sur le fait qu'on donne une préséance aussi formelle au titulaire de l'autorité parentale. Pourquoi? On peut déjà, au départ, reconnaître que la règle générale sera que la personne titulaire de l'autorité parentale et tuteur sera une seule et même personne dans les faits pour la majorité des cas. Toutefois, cela prend une signification différente quand on regarde les bénéficiaires des centres de services sociaux, en particulier les enfants.

Dans le cas des enfants confiés aux centres de services sociaux, la règle générale n'est plus que la personne titulaire de l'autorité parentale est la même que le tuteur, mais la règle générale devient ce qu'on appelait tout à l'heure l'exception, c'est-à-dire que, pour beaucoup d'enfants confiés aux centres de services sociaux, au directeur de la protection de la jeunesse en particulier, il existe, dans les faits, un titulaire de l'autorité parentale et un tuteur. Lorsqu'on est devant de telles situations, on peut déjà présumer que, s'il y a eu nécessité de nommer un tuteur, c'est qu'il y a eu, quelque part, quelqu'un qui a jugé que le titulaire de l'autorité parentale n'agissait pas adéquatement à l'égard du jeune.

Or, on s'interroge sur la pertinence de maintenir, dans cet article de loi, la préséance du titulaire de l'autorité parentale. Notre recommandation irait davantage dans le sens que le consentement du mineur

devrait être donné par le titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur. S'il y avait désaccord entre les deux, on pourrait, à ce moment-là, se prévaloir des dispositions de l'article 121 et soumettre le différend à un tribunal.

Dans le cas des clientèles desservies par les centres de services sociaux, cet amendement serait de nature à mieux servir leurs intérêts, croyons-nous. Il y aurait aussi lieu, à ce moment-ci, de préciser que, lorsque le consentement peut être donné par le titulaire ou le tuteur, il faudrait explicitement exclure le tuteur aux biens, de manière que ce soit exclusivement le tuteur à la personne qui puisse donner ce consentement.

Il y a un autre point sur lequel j'aimerais attirer votre attention, à la page 4, le point 2.2.4. On mentionne qu'un enfant de quatorze ans peut donner son consentement non seulement à un examen mais à un traitement même prolongé exigé par son état de santé. On suggère qu'il puisse aussi donner son consentement pour être gardé dans un établissement de santé et que, si cela devait effectivement dépasser douze heures, le titulaire ou le responsable de l'enfant devrait en être informé.

Lorsqu'on lit l'article 16 en question, nous avons l'impression que ce droit existe pour le jeune. Toutefois, il n'est pas explicitement affirmé. Dans ce sens-là, il nous apparaissait important de reconnaître cette capacité du jeune de donner son consentement au traitement en question et à sa garde dans les établissements de santé.

Pour ce qui est des autres dispositions de la loi, en particulier le droit à l'audition - je vous réfère à la page 5, le point 2.3 -l'article 32 prévoit que le tribunal peut entendre un jeune. Il nous semble que l'article de loi pourrait être plus formel à l'égard du respect du droit de certains jeunes et qu'il devrait être modifié dans le sens de reconnaître à un enfant mineur de dix ans doué de discernement le droit de bénéficier d'auditions. Dans ce sens-là...

M. Bédard: Le droit de bénéficier? M. Thibault: Le droit d'être entendu... M. Bédard: D'accord.

M. Thibault: ...lorsque le juge apprécie son cas. Présentement, dans le projet de loi, c'est laissé à la discrétion du juge.

Pour ce qui est de la tutelle, plus particulièrement du directeur de la protection de la jeunesse, on se réjouit que le Code civil reconnaisse le bien-fondé de nommer le directeur de la protection de la jeunesse tuteur d'office à l'égard de certaines situations de jeunes. On veut, toutefois, souligner que la tutelle assumée par le directeur de la protection de la jeunesse tient davantage à la fonction qu'il occupe qu'à sa personne même. Ceci nous paraît important puisqu'on peut immédiatement faire apparaître les difficultés lors de cette tutelle lorsque le titulaire de la fonction de directeur de la protection de la jeunesse changera. Donc, dans le but d'apporter une continuité de services auprès des jeunes et éviter des procédures inutiles liées au changement de tuteur, nous recommandons que le projet de loi prévoie que, lorsque la tutelle est exercée par le directeur de la protection de la jeunesse, la tutelle passe à son successeur.

En regard de la Loi sur l'adoption, le directeur de la protection de la jeunesse peut être reconnu tuteur des enfants abandonnés. Il nous apparaît qu'il y a présentement des situations qui sont très bien campées, en particulier, lorsqu'une personne donne un consentement général à l'adoption, il est déjà prévu dans la Loi sur l'adoption que le directeur de la protection de la jeunesse devient tuteur de l'enfant. Toutefois, lors de la déclaration judiciaire d'adoption prononcée par un tribunal, il pourrait y avoir des situations où le juge pourrait confier la tutelle de l'enfant à une personne autre que le directeur de la protection de la jeunesse. Nous pensons que la loi devrait prévoir des dispositions de manière qu'en prononçant un jugement pour déclarer un enfant adoptable, le directeur de la protection de la jeunesse soit d'office nommé tuteur de l'enfant. On sait qu'en vertu des dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse, le directeur peut toujours confier l'exercice de cette responsabilité à d'autres personnes. S'il devait y avoir des membres dans la famille ou des gens intéressés à adopter l'enfant, le directeur pourrait toujours leur en confier l'exercice.

Enfin, une dernière remarque. On prévoit dans le projet de loi que le domicile du tuteur est son domicile à lui. Pour le directeur de la protection de la jeunesse, comme il s'agit d'une personne travaillant dans un centre de services sociaux, nous suggérons que le domicile du directeur soit identifié comme étant le siège-social dans l'établissement dans lequel il travaille. En substance, ce sont les grandes remarques que l'on voulait porter à votre attention plus particulièrement. Il nous fera plaisir de répondre à vos questions.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Thibault. Je vais donner la parole à M. le ministre de la Justice.

M. Bédard: M. le Président, je voudrais remercier l'Association des centres de services sociaux du Québec de s'être fait entendre. Je crois que, comme vous l'avez

d'ailleurs mentionné, étant donné le rôle important que vous jouez dans la dispensation des services à la population, c'était non seulement indiqué - mais cela vous fait honneur, je suis très heureux de le constater - que vous ayez consacré des énergies tout à fait particulières pour essayer d'y aller de représentations substantielles. Plusieurs des représentations que vous avez faites, sur lesquelles on ne s'attardera pas, sont très intéressantes. Je pense simplement à la dernière que vous avez évoquée concernant le domicile. Je crois que c'est vraiment une chose à laquelle il faudrait penser. Cela irait presque de soi. Il y a plusieurs autres suggestions sur lesquelles je ne m'attarderai pas. Maintenant, étant donné aussi les clientèles dont vous vous occupez, vous nous parliez des personnes âgées, des handicapés, il est clair que l'éclairage que vous pouvez nous donner est très important pour les membres de la commission.

À la page 3 de votre mémoire, vous demandez que le consentement du représentant des mineurs, j'espère qu'on vous interprète bien, ait préséance sur celui des titulaires de l'autorité parentale, en affirmant que, de cette façon, les droits du mineur, à savoir l'inviolabilité de la personne, le respect de son intégrité physique, etc., seront mieux assurés. Puisque nous instaurons par le projet de loi la tutelle légale des parents, suggérez-vous que nous devions faire nommer un tuteur distinct à la personne? Première question. C'est sur la deuxième partie. Sur la première, si on vous interprète bien, c'est quand même une suggestion lourde de conséquences. J'aimerais vous entendre élaborer votre pensée un peu plus sur cette suggestion.

M. Thibault: Je veux m'assurer que vous en avez une bonne compréhension. Ce qu'on dit nous, c'est que le projet de loi présentement prévoit une préséance au titulaire de l'autorité parentale sur le tuteur. On dit que la loi ne devrait pas donner une préséance comme cela. Elle devrait davantage dire: C'est l'un ou l'autre, étant conscient que, dans la réalité, la règle générale dans la population, c'est que le tuteur et le titulaire vont être une seule et même personne. Pour les centres de services sociaux et particulièrement les clientèles desservies par le directeur de la protection de la jeunesse, la règle générale, c'est l'inverse. C'est qu'il y a toujours deux personnes dont l'une est titulaire de l'autorité parentale et l'autre est tuteur. (18 h 15)

Justement, ce que nous mentionnons dans ces cas-là, s'il y a eu nécessité de nommer un tuteur, c'est qu'on s'interroge grandement sur le fait qu'on donne préséance au titulaire de l'autorité parentale. Il a certainement dû y avoir incapacité quelconque si un juge a dû prononcer un jugement de tutelle à l'égard de l'enfant.

Est-ce que M. D'Amour voudrait compléter?

M. Bédard: Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose?

M. D'Amour (Oscar): Non, cela va.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Bédard: Sur un autre sujet, si on reprend votre raisonnement sur l'objectivité qui doit présider aux décisions du tuteur d'un enfant, quelles sont les remarques que vous pourriez nous faire concernant plusieurs représentations qui nous ont été faites ici à propos des conflits d'intérêts possibles de l'institution par rapport au patient qui est traité? Nous l'avons demandé à presque tous les organismes.

M. Thibault: Dans les conflits dont on peut parler, je pense qu'il faut quand même être conscients d'une chose. La personne qui est susceptible de recevoir une tutelle au centre de services sociaux, c'est le directeur de la protection de la jeunesse. Lorsque celui-ci prend des enfants ou des adolescents en charge, il compte sur un certain nombre de professionnels qui agissent en son nom. Dans le vécu quotidien, ce qui se produit, c'est que le professionnel qui est en contact avec le jeune, qui le prend en charge, n'assume pas de fait la responsabilité de la tutelle. C'est le directeur. Lui, il prend charge du jeune, lui prodigue des services, lui vient en aide. Dans ce sens-là, lorsqu'on parle de conflits, cela m'apparaît plus théorique que pratique parce que, dans les faits, c'est le directeur de la protection de la jeunesse qui est nommé tuteur, et des balises sont déjà déterminées dans le cadre de la Loi sur la protection de la jeunesse. Le gros volume des enfants dont il est susceptible de devenir tuteur...

M. Bédard: Ces balises vous semblent adéquates, suffisantes?

M. Thibault: II y en a une qui nous semble importante. D'abord, toutes les décisions que le directeur doit prendre doivent être prises dans le respect des droits des enfants, dans l'intérêt de l'enfant et, lorsqu'il prend charge d'un enfant abandonné, donc un enfant qui est susceptible d'avoir une tutelle du directeur, il doit, par tous les moyens - et cela est une disposition expresse dans la Loi sur la protection de la jeunesse -favoriser l'adoption de l'enfant.

Dans la loi qui crée le directeur de la protection de la jeunesse, il y a déjà un ensemble de dispositions qui garantissent le

respect des droits et de l'intérêt de l'enfant. Dans ce sens-là, je pense que, lorsqu'on parlait de conflits, cela m'apparaît davantage théorique que pratique.

M. D'Amour: Si on me permettait de mentionner certains cas qui ont été vécus, lorsque le directeur de la protection de la jeunesse a dû intervenir dans des dossiers, c'était d'abord parce que le mineur était en conflit flagrant avec son tuteur et que celui-ci ne voulait plus rien savoir du mineur. Il n'avait pas l'intention non plus de poser les gestes administratifs pour régler les successions. Chaque fois que le directeur a dû intervenir, c'était très souvent pour suppléer.

Le principe de base est à l'effet, au niveau du directeur de la protection de la jeunesse, de tenter de voir dans le milieu, des personnes le plus près possible de l'enfant, parenté, famille d'accueil, si ces personnes sont en mesure d'assumer la tutelle. Si oui, il n'intervient pas. Il interviendra seulement à titre supplétif.

Je pense qu'il est important, pour essayer de garder une certaine objectivité par rapport aux personnes qui ont déjà fait des remarques particulières en disant que si le tuteur est trop près de la personne, il peut y avoir ce qu'on appelle de la manipulation, de dire que la loi prévoit que le directeur de la protection de la jeunesse, étant une personne, un individu qui exerce des fonctions à l'intérieur d'un CSS, il n'a à prendre des décisions que dans l'intérêt de l'enfant et, je le disais tantôt, lorsqu'une étude a été faite d'abord pour savoir qui pourrait être nommé tuteur avant le directeur...

M. Bédard: Est-ce que quelqu'un veut ajouter quelque chose?

Dans un autre ordre d'idées, concernant toujours les mineurs, quelle est votre position - c'est un sujet délicat, on en a parlé tout à l'heure - concernant les greffes et les dons d'organes, à partir des exemples donnés par les représentants des hôpitaux pour enfants?

M. Thibault: Je pense qu'on y touche par le biais de la recommandation qu'on formulait à l'article 223. On remarque que les articles 18, 19 et 20 semblent prévoir des situations pour le jeune doué de discernement, des gens majeurs sous régime de protection et, ensuite, dans lesquelles on met en relation beaucoup de variables. Entre autres, on parlera non seulement de la variable du mineur doué, non doué, du majeur non doué, on met aussi en relation des interventions à risque, sans risque, ce n'est pas suffisamment quantifié, d'autant plus que, quand on dit aussi qu'il n'y a pas de risque, il faudrait peut-être penser à qualifier ce risque, s'il n'y a pas de risque sérieux par exemple.

On a une recommandation qui va dans ce sens, qui est de faire un seul et même régime de protection pour les deux types de personnes visées, soit le mineur qui est doué de discernement et le majeur en régime de protection, donc avoir un même régime plutôt que d'avoir des dispositions différentes qui peuvent porter à confusion. Ce qu'on propose aussi essentiellement, pour les mineurs doués de discernement et les majeurs en régime de protection, c'est qu'ils puissent effectivement, lorsqu'il n'y a pas de risque sérieux, consentir, avec l'accord de leur représentant, c'est-à-dire le tuteur ou le titulaire de l'autorité parentale, et, lorsqu'il s'agit d'événements où il y a des risques sérieux ou encore des expérimentations, nous sommes d'avis que cela devrait être soumis à un tribunal.

M. Bédard: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président. Vous avez soulevé le problème de la coordination en ce qui concerne le Code civil et les lois statutaires. Il va sans dire que nous aurons une loi d'application pour faire cette coordination, soit à la fin de cette année, soit l'an prochain. J'aimerais poser une question: Vous avez écrit dans votre mémoire que l'article 32 du projet de loi no 106 devrait être modifié pour permettre à tout mineur de dix ans doué de discernement d'être entendu; pourquoi dix ans?

M. Thibault: M. D'Amour va répondre.

M. D'Amour: Je pense que la jurisprudence veut qu'un enfant de huit ans soit trop jeune pour saisir son intérêt. La Loi sur la protection de la santé publique et les dispositions relatives à l'adoption dans le Code civil, les dispositions de la Loi sur la protection de la santé publique disent donc qu'un enfant de quatorze ans est en mesure de donner un consentement où, selon ces lois, les procédures doivent lui être signifiées. On prévoit aussi dans la loi 18, constituant la réforme du Code civil pour permettre l'application du droit de la famille, qu'on peut signifier des procédures à un enfant de dix ans. On prévoit aussi dans la Loi sur la protection de la jeunesse - je pense que c'est à l'article 88, sous réserve -que lorsque le tribunal considère que l'intérêt de l'enfant est en opposition avec celui de ses parents, le tribunal doit lui permettre de se constituer un procureur. Dans le cas d'un enfant de dix ans, compte tenu de la jurisprudence, compte tenu des orientations dans notre droit et compte tenu aussi, peut-être, de la précocité des enfants, je pense

que cet enfant de dix ans est en mesure d'exprimer un désir ou de verbaliser ses besoins. Cela n'exclut pas la possibilité pour le tribunal de faire entendre un enfant de moins de dix ans, mais, dans le cas d'un enfant de dix ans, de lui permettre, s'il veut se faire entendre, que ce soit un droit pour lui. S'il est sujet de droit, cela doit commencer par la représentation.

M. Bédard: Même pour les moins de dix ans, le problème peut se poser. L'article 32 dit: "Le tribunal peut, chaque fois qu'il est saisi d'une demande mettant en jeu l'intérêt d'un enfant, donner à cet enfant la possibilité d'être entendu."

M. Marx: Je pense que le sens de cette recommandation est que ce soit un droit accordé à l'enfant de dix ans, quoique le tribunal pourrait entendre n'importe quel enfant, mais que le tribunal doit entendre un enfant de dix ans.

M. Bédard: Oui, oui.

M. Marx: Votre explication a du bon sens.

M. Bédard: II y a déjà eu un débat lors de l'étude de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saint-Laurent.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je voudrais revenir à l'article 13. L'article 13 me paraîtrait satisfaisant. On mentionne qu'au cas d'empêchement, on devrait s'adresser au tuteur. Evidemment, il faudrait peut-être savoir quel est l'empêchement. Il y a peut-être là une définition. Je ne sais pas si le ministre a pensé à une certaine définition. Je pense qu'il faudrait se brancher. Si on regarde le texte que vous proposez, vous dites: Le consentement devrait être donné par le titulaire de l'autorité parentale ou par le tuteur. À supposer qu'on doive demander le consentement, on s'adresse à qui? Si on pense qu'on va obtenir un oui de l'autorité parentale, est-ce qu'on doit s'adresser à cette autorité plutôt qu'au tuteur parce que peut-être il pourrait dire: Non? Je voudrais bien savoir. Votre proposition où cela ne me semble pas être une bonne solution, je pense que cela peut prêter à un imbroglio. Je préférerais le texte de l'article 13 quitte à ce qu'on définisse ce qu'est un cas d'empêchement. Est-ce que cela vous satisferait si on définissait, si on établissait ce que sont les cas d'empêchement?

M. D'Amour: M. le Président, je pense que si l'on reprend toute l'économie du projet de loi no 106, il stipule que le titulaire de l'autorité parentale exerce les attributs de l'autorité parentale, mais, en même temps, la loi dit qu'il est tuteur légal. C'est donc dire que lorsque, dans l'ensemble des cas, comme M. Thibault le mentionnait tantôt, le tuteur et le titulaire de l'autorité parentale seraient la même personne ou les deux mêmes personnes. D'accord? Mais lorsque le titulaire de l'autorité parentale et le tuteur sont deux personnes distinctes, exemple: Déchéance partielle de l'autorité parentale. D'accord? Quelle sera la partie de l'autorité parentale qui sera exclue, l'autorité des parents. À ce moment, à supposer que c'est la garde, lorsqu'il y a déchéance d'autorité parentale, le directeur de la protection de la jeunesse peut être tuteur. S'il y a une décision à prendre. Exemple: L'enfant est en famille d'accueil, la famille d'accueil doit se rendre en Europe et décide, comme elle veut l'intégrer dans la famille, d'amener l'enfant et d'obtenir, pour ces fins, un passeport. Le titulaire de l'autorité parentale dit: Non. Le tuteur dit: Oui. Si c'est le titulaire de l'autorité parentale qui a préséance, cela veut donc dire qu'il n'y a pas de différences. Mais si on les met sur un pied d'égalité, on se retrouve dans la situation où on peut saisir le tribunal pour trancher le différend dans l'intérêt de l'enfant.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela veut dire que vous allez constamment vous retrouver devant le tribunal. Ce n'est plus le oui parce que si vous dites: On obtient un non, on va essayer d'aller obtenir un oui.

M. D'Amour: Ce que l'on demandait, c'est qu'il y ait aussi, dans le cas d'un tuteur, que le tuteur ait préséance. Cela permettait de clarifier la situation du cas de l'enfant qui aurait un parent et un tuteur distincts.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous donnez la préférence à qui?

M. D'Amour: Au tuteur.

M. Leduc (Saint-Laurent): En vertu de quoi? Si je lis votre article 13, ce n'est pas mentionné. C'est où...

M. Thibault: Vous soulevez, dans les faits, une difficulté d'application par la suite. Je pense qu'il faut reconnaître, au départ, que le libellé de l'article, qui donne préséance au titulaire est contre-indiqué à l'égard des tutelles que le directeur de la protection de la jeunesse peut assumer. Il est nettement contre-indiqué parce que si le directeur de la protection de la jeunesse a été nommé tuteur, c'est définitivement parce qu'il y avait une incapacité parentale quelque part. Donc, on s'entend parce qu'il ne faut pas qu'il y ait préséance du titulaire parental

sur le tuteur. On suggérerait que ce soit l'un ou l'autre. Effectivement, cela peut présenter des difficultés d'application. Par exemple, quelqu'un va obtenir une autorisation, il peut dire: Le tuteur va dire oui et le titulaire va dire non. Je vais m'adresser à celui qui va dire ce que j'attends comme réponse. Donc, il y aura des difficultés d'application. Ce qu'on voulait mettre de l'avant dans le fond - et là il faudra trouver le libellé adéquat - c'est qu'idéalement ce devrait être un consentement des deux parties.

Lorsqu'il y a différend, et que l'un n'ait pas préséance sur l'autre, qu'on soumette un tribunal. Si vous pensez que cela risque de faire en sorte que tous les cas seront soumis au tribunal, je ne le pense pas nécessairement et il faut quand même aussi entretenir auprès du titulaire de l'autorité parentale une certaine responsabilité à l'égard de son jeune. Une décision conjointe nous paraît à la fois de nature à protéger les intérêts du jeune, mais aussi de nature à sauvegarder la responsabilité que doit continuer d'assumer le titulaire de l'autorité parentale. Il doit continuer d'être impliqué dans les décisions concernant son jeune. Dans ce sens-là, on allait dans le sens de l'un et l'autre, finalement, s'il y avait différend. (18 h 30)

M. Leduc (Saint-Laurent): Je serais peut-être d'accord mais il faudrait réécrire l'article parce que ce n'est pas ce qu'il dit du tout.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Bédard: On vous remercie très sincèrement.

Le Président (M. Blouin): J'en profite à mon tour, au nom de tous les autres membres de la commission, pour remercier les représentants de l'Association des centres de services sociaux du Québec d'avoir bien voulu nous présenter leur avis.

J'invite maintenant les représentants de notre dernier groupe pour aujourd'hui, ceux de la Ligue des droits et libertés à venir s'asseoir à la table des invités. Je demande à son porte-parole de bien vouloir s'identifier ainsi que la personne qui l'accompagne.

Ligue des droits et libertés

M. Tardif (Gilles): Gilles Tardif et Gaétan Nadeau qui a travaillé à la rédaction du mémoire. Je voudrais d'abord vous saluer, M. le Président, ainsi que les membres de la commission qui tiennent encore le coup à cette heure-ci. On essaiera de ne pas vous écraser.

M. Bédard: Voulez-vous parler un peu plus fort, s'il vous plaît?

M. Tardif (Gilles): Je n'ai pas une voix forte, comme vous le savez.

M. Bédard: Je vous en prie. C'est ce qui est dit qui est important.

M. Tardif (Gilles): Dans le mémoire qu'on a soumis et que vous avez devant vous, la ligue tient à vous souligner quelques aspects qu'elle trouve importants. Cela concerne les aspects particuliers du projet de la réforme et non pas tous les aspects. Cela est dû bien sûr, à la quantité des énergies et à notre capacité de pouvoir traiter tous les dossiers. C'est, parmi tous nos membres, nos militants, le dossier qu'ils pouvaient traiter et qu'ils considéraient important. C'est pour cela qu'on a insisté sur ce sujet d'une part et aussi parce que par ces deux aspects qu'on a déposés devant vous, on trouve qu'il y a matière à réflexion et on espère que cela pourra vous être utile.

Ce sont les chapitres 1 et 5 de ce projet de loi qui nous ont beaucoup intéressés. Cela concerne les banques de données privées et le renoncement à l'exercice de certains droits civils particuliers.

Notre objectif n'est donc pas de discréditer le projet de loi mais bien d'essayer de trouver les façons de vous sensibiliser à des éléments qui deviennent, selon nous, de plus en plus importants.

En fait, si on considère les travaux qui ont suivi ce projet de réforme, c'est-à-dire peut-être depuis 1956, tout l'effort qui a été fait a été aussi suivi d'efforts de la société québécoise pour faire beaucoup de réformes et de changements. On arrive peut-être à une époque où les changements se font de plus en plus rapidement, ce qui fait que nous osons dire que par certains aspects, la réforme du Code civil n'est pas assez rapide pour certains changements.

Il y a eu bien sûr, l'introduction de droits fondamentaux. Je pense que la charte québécoise a introduit de nouvelles façons de concevoir les droits, ce qui devrait influer sur la façon de réformer le Code civil.

Il y a aussi un virage technologique important qui s'effectue de plus en plus rapidement et qui, surtout ces derniers temps, nous oblige à essayer de souligner l'importance que cela peut représenter, surtout dans un code qui concerne la vie de la plupart des citoyens.

En fait, M. Nadeau pourrait vous indiquer les éléments les plus importants par rapport à certains articles sur lesquels nous voulons vous faire des recommandations.

M. Nadeau (Gaston): On pourrait souligner, au tout départ, que la problématique des banques de données privées est au moins aussi vaste que celle des banques de données gouvernementales. On

sait qu'il existe une loi particulière pour cela. Il nous est donc apparu un peu étrange que le problème des banques de données privées soit abordé avec seulement quatre articles de loi. C'est là-dessus que nous en aurons. D'une part, sur le peu de marge de manoeuvre que cela offre et l'incapacité, à toutes fins utiles, d'expliquer concrètement ces articles de loi. Pour procéder à une étude un peu pratico-pratique, nous avons regardé le rapport de l'Office de révision du Code civil pour nous apercevoir d'une chose fondamentale: Entre les positions des commissaires et le texte de loi qui nous est soumis aujourd'hui, il y a un net recul concernant la question de la protection de la vie privée. Les commissaires, par exemple, avaient retenu un article qui était d'une simplicité et d'une clarté assez étonnante qui, quant à nous, nous agréait parfaitement. On disait qu'il était interdit de surveiller par quelque moyen que ce soit une personne dans sa vie privée. Cela nous semblait simple, clair, facile d'application et cela pouvait mettre fin aux agissements de certaines compagnies d'investigation de toutes sortes ou d'agences d'information qui abusent de leur introduction dans la vie privée des gens.

Alors, cette position avait le mérite de s'inscrire dans une logique structurée. Notamment, les commissaires, à l'article 12 à l'époque du rapport des commissaires, apportaient un éclairage suffisant sur ce que peut signifier le respect de la vie privée. Paradoxalement, on incluait l'article 12, qui était une répétition de l'article 5 de la charte québécoise, pour offrir aux entreprises ou aux personnes morales certaines protections concernant leur vie privée ou leur réputation. Les commissaires parlent nommément dans leur rapport conjoint d'espionnage commercial et industriel. Donc, on pourrait penser, étant donné que cette partie a été ramenée à l'article 33 de la loi, que finalement on pourrait, en fouillant, en grattant et en exposant toute cette acrobatie juridique, que s'il existe un espionnage industriel, il existe un espionnage privé et que si on se fie aux commentaires qu'on trouve là, on devrait être capable d'intervenir.

On se demande si finalement ce n'est pas une faille dans la loi puisqu'on ne retrouve vraiment rien de précis, de clair, disant que c'est ce qu'on veut protéger. On a l'impression qu'il s'agit d'une faille qui va être dans l'intérêt des citoyens, donc, nous allons réclamer le maintien de cette faille. En ce qui concerne la question des droits extra-patrimoniaux, les commissaires en avaient donné une définition qui nous semblait intéressante bien qu'un peu difficile parce que la doctrine, à cet égard, est pour le moins ambiguë et assez enchevêtrée. C'était quand même un exercice intéressant. L'article 13 nous semblait le plus important, probablement.

Je vais me permettre de donner le contenu exact de notre mémoire là-dessus. Revenons à cet article proposé par la commission. Comme nous l'avons déjà dit, sa conception nous plaît, nous comprenons mal son retrait.

On objectera que de façon générale le Code criminel prévoit déjà ces situations, qu'il est donc inutile de faire de la redondance.

Je pense que vous avez les textes des commissaires entre les mains, donc, je ne vous en ferai pas la nomenclature. C'est le cas des alinéas, 1, 2, 3 et 6: Les contrevenants sont passibles de certaines sanctions au moment où l'on se parle.

Nous pensons que les commissaires n'étaient pas sans connaître cette réalité. Pourtant, il n'en est pas question en ce qui concerne les commentaires. Cette inclusion au Code civil est probablement une volonté des commissaires de qualifier plus exactement certains délits même si, par ailleurs, l'article 1053 de l'actuel Code civil possède en principe toute l'élasticité voulue.

Cet article a le mérite de clarifier ce qu'on entend par protection de la vie privée. Il donne du corps à un principe qui, autrement, risque de chercher longtemps son contenu. Alors que l'article 5 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne reste insaisissable dans sa réalité, voilà que l'article 12 proposé par l'office de révision - l'article 33 dans le projet de loi no 106 - prend une allure précise. Ce n'est pas une redite inutile, c'est une qualification, partie intégrante d'un système.

Maintenant, il y a eu beaucoup de choses qui ont été modifiées concernant cet article. Quant à nous, nous avions opté pour l'inclusion au Code civil de ces qualifications.

Quant à l'alinéa 7, nous pensons que la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels l'a repris avec justesse.

L'alinéa 5 est repris en partie, à l'article 34 du projet de loi.

Quant à l'aliéna 4 qui est de droit nouveau, son retrait nous préoccupe. Nous ne retrouvons pas son pendant ailleurs au sein d'autres lois. C'est pourtant au noeud de la problématique; nous regrettons cette modification.

C'était à peu près les choses principales. On retient une chose entre le texte soumis par les commissaires de révision du Code civil et celui qu'on retrouve aujourd'hui, il y a diminution nette, il n'y a pas le parti pris vraiment clair et précis envers le respect de la vie privée.

Quant au projet de loi no 106 lui-même, deux préoccupations comme nous le disions au début. Au sujet de la question des

banques de données, est-ce que, effectivement, on va pouvoir les contrôler et la question de la capacité d'exercice des droits civils. On a tout de même plusieurs cas, et c'est de plus en plus fréquent, d'atteinte à la vie privée dans ces domaines.

Concernant l'article 10 qui dit qu'on ne peut renoncer à l'exercice de ses droits civils que dans la mesure où le permet l'ordre public, on pose les questions à savoir, si on se fie à l'ordre public qui représente des frontières assez instables. Par exemple, l'ordre public n'interdit pas les formules de consentement autorisant les atteintes à la vie privée. Si c'était le cas, nous serions fort aises. Si l'ordre public interdisait les formules de consentement autorisant l'utilisation des détecteurs de mensonge, les enquêtes de moralité, les enquêtes sur la famille et les amis, les échanges de dossiers médicaux, nous serions bien aises. Si l'ordre public prévoyait déjà qu'il est intolérable que l'on troque, un bien, un service ou un emploi pour de telles formules de consentement, nous serions bien aises, mais ce n'est pas le cas. À ce moment, l'article en question malgré son fond généreux ne peut pas trouver d'application. Sur ce sujet, je vous réfère au cas tout récent des détecteurs de mensonge que les gens étaient obligés d'accepter sous peine de perdre leur emploi.

Article 33. Je vais essayer de vous le résumer. Cet article dit: "Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée; il ne peut y être porté atteinte sans son consentement ou sans que la loi ne l'autorise". Il peut nous sembler un simple fait que cela pourrait ouvrir certains recours à des victimes de ce genre de pratique. Notamment, on nous en signalait au niveau syndical, mais apparaissent, depuis quelques mois, d'autres cas de citoyens qui sont victimes de surveillance et d'atteinte à la vie privée par des actions policières qui ne sont pas généralement autorisées par la loi. Le fait de retrouver au Code civil cette chose pourrait permettre, pensons-nous, des procès qui auraient des fins concluantes à ce sujet si on laissait aux citoyens le loisir d'aller jusqu'au bout. Enfin, cela reste difficile parce que je pense qu'il y a une difficulté quant au cumul des preuves, mais on pourrait peut-être reparler tout à l'heure de cas précis que nous avons traités à la ligue.

L'article 34, qui parle de l'utilisation du nom, de l'image ou de la voix d'une personne sans son consentement et à une autre fin que l'information légitime du public donne à cette personne, outre tout autre recours le droit de demander qu'il y soit mis fin, je ne pense pas que cela ait été mis là pour essayer de contrôler les médias ou certains journaux, mais on voit d'ici l'utilisation abusive qu'on pourrait être tenté de faire. Évidemment, ce sont les tribunaux qui devront user de leur sagacité à ce sujet mais cela pourrait être utilisé à cela.

L'article 35, qui semble être la partie principale. Cet article devrait permettre un contrôle des banques de données privées. Force nous est d'admettre cependant que l'économie générale de cet article ne figure rien de vraiment révolutionnaire dans le domaine, ce sera même inefficace. On parle de banques de données montées dans le but d'informer un tiers. On ne voit pas bien quel genre de banques de données tombera sous cette définition. La très grande majorité des banques de données existe pour informer leur seul propriétaire, rarement des tiers. Les membres d'une association de propriétaires qui s'échangent des dossiers personnels sont-ils des tiers? Les caisses populaires, qui possèdent 4 000 000 de dossiers et qui les gèrent en commun, sont-elles des tiers? Les compagnies d'investigation engagées à contrat pour faire des enquêtes de moralité sont-elles des tiers? Quel est le statut d'un dossier de police remis à un employeur au moment de l'embauche? C'est un curieux mélange des genres qui causaient le plus d'un mal de tête aux juristes. Un individu ne peut avoir accès à son dossier pour des raisons de sécurité nationale mais son employeur en a une copie qu'il peut vendre à une agence qu'il revendra à d'autres employeurs. De plus, les banques de données privées sont secrètes, inconnues du public dans la plupart des cas. Le droit d'accès, sans la connaissance c'est une serrure sans clé, un objet de contemplation. À ce sujet rappelons l'existence des judicieuses recommandations du rapport Paré qui déjà suggérait des choses très précises concernant les banques de données. Pour la rectification des données soulignons simplement l'ingéniosité des informaticiens qui peuvent prévoir deux ou trois clés d'accès chacune révélant une partie des informations. Le véritable dossier sera inconnu mais circulera sous le manteau. D'ailleurs, une des interventions des assureurs, lorsqu'il a été question du bill C-3 à Ottawa, les assureurs avaient affirmé de façon publique que quant à eux, s'il y avait une loi pour contrôler leurs banques de données internes, ils y résisteraient, ils garderaient des dossiers secrets pour eux. On n'est pas à la veille d'avoir le contrôle de cela. (18 h 45)

Un point important concernant cette figure de style qu'on emploie, à savoir que l'article 35 fait figure d'un pédalo se lançant à l'assaut du Nimitz, je vous ferai remarquer qu'à toutes fins utiles les banques de données s'internationalisent et qu'on peut très bien les situer au Nouveau-Brunswick, en Ontario ou dans le Maine et que les télécommunications n'étant pas de juridiction provinciale, à cause du commerce interprovincial, etc., la loi deviendrait

difficile à appliquer. Par contre, il y a peut-être des solutions facilement applicables à ce niveau. Nous y reviendrons tout à l'heure.

Concernant les conditions et modalités du droit d'accès déterminées par les tribunaux, cela pose des problèmes, parce que les ordinateurs n'ont pas toutes les vertus de simplicité qu'on veut bien leur accorder. Cela se fait dans certains pays européens, mais c'est assez difficile et ce n'est pas toujours concluant. Ce qui est pire, les tribunaux vont devoir se spécialiser, évidemment. La charge des témoins-experts va revenir aux citoyens. Ce sera assez coûteux.

Il y a un autre problème, c'est que les tribunaux seront confrontés à la tâche, devenue nécessaire, de juger de la validité ou de la pertinence d'un document provenant d'un appareil électronique, alors qu'aujourd'hui de tels documents sont relégués au rang du ouï-dire pour des raisons fort valables, c'est-à-dire qu'ils sont facilement altérables par le temps, par un réseau électrique insuffisant, par un transfert, par toutes sortes de choses qui sont accidentelles, mais qui peuvent entraîner des modifications aux renseignements contenus.

Nous apportons quelques suggestions qui ne sont pas une bible - il faut bien s'entendre là-dessus - mais qui pourraient permettre tout au moins d'apporter de la matière pour la discussion. Quant à nous, il serait simple de contrôler les banques de données en obligeant les personnes qui font des banques de données, qui ramassent des renseignements, à aller faire la cueillette directement chez les gens concernés. Automatiquement, les gens seraient au courant qu'il existe une banque de données sur leur personne.

On fait une petite annonce en passant: Des notions comme "droits civils", "droits extra-patrimoniaux", "ordre public", etc., mériteraient une attention plus soutenue, mais cet effort de réflexion doit être partagé largement pour tenter de fabriquer, sinon des normes minimales, tout au moins un consensus social. Autrement dit, M. le ministre, on vous annonce un colloque pour bientôt.

M. Bédard: C'est bien, cela.

M. Nadeau: Le principe des "fins socialement acceptables" est retenu en Australie. On donne des permis pour les banques de données privées, ce qui est notre point de vue aussi; c'est ce qu'on devrait faire et se fier à ce concept de "fins socialement acceptables". Ce qui fait que des listes noires des propriétaires sur les locataires ne correspondent pas à des fins socialement acceptables. J'entends les listes où on fiche les gens qui ont fait appel à la

Régie du logement ou qui sont sur ces listes uniquement de par leur statut d'assisté social. À notre point de vue, ce sont des banques de données qui ne devraient pas exister et qui ne correspondent pas à des fins socialement acceptables.

Nous osons avancer la proposition d'une société de gestion mixte, c'est-à-dire que le contrôle des banques de données étant difficile, vu leur éparpillement et leur multiplicité, pour faciliter l'émission des permis et le contrôle du genre d'information qu'on y insère, non pas les renseignements, mais le type de renseignements qu'on ramasse, et pour permettre aux citoyens d'y avoir un accès direct, sans problème, il semblerait qu'on pourrait utiliser la formule de la concentration des banques de données qui appartiendraient quant au contenu à leurs propriétaires, mais qui seraient gérées par une forme d'institution publique ou mixte où participeraient les propriétaires, les usagers et des représentants gouvernementaux.

Cela a plusieurs mérites, parce qu'on s'aperçoit notamment que la sécurité quant aux banques de données, un chiffre qui est déjà vieux, mais qui ne s'est pas beaucoup amélioré, 60% des banques de données sont laissées sans aucun système de sécurité, sécurité dans tous les sens du terme: capacité d'écoute électronique, pas de surveillance physique des lieux où sont entreposées les banques de données, pas de mesures qui ont été prises pour éviter des chutes de courant électrique, toutes sortes de matières qui abîment les banques de données. Comme c'est coûteux, tous ces systèmes de sécurité, l'industrie privée dans la plupart des cas n'est pas capable de se payer cela. Nous pensons que cela milite pour la question des centres mixtes.

Quant au problème des interconnexions, il nous semble que, minimalement, on devrait interdire les interconnexions parce qu'on peut recueillir en très peu de temps tous les renseignements disponibles sur une personne. Nous avons déjà fait faire des dossiers. On obtient le contrat de mariage, les raisons du divorce, le divorce, la pension alimentaire, les poursuites de toutes sortes, les faillites, les dépôts volontaires, les fréquentations des gens, le problème avec la dive bouteille... On obtient tout cela, ce qui nous semble un peu anormal, et les interconnexions permettent ce genre d'interrelation très rapidement.

C'est en gros ce que nous proposons. Quant à l'exercice des droits civils, il nous semble qu'il ne faudrait pas que ces formules de renoncement soient liées à un service, à un bien ou un emploi, parce que cela place les gens dans une position contractuelle un peu difficile, surtout dans les périodes que nous connaissons actuellement.

Le Président (M. Blouin): Merci, messieurs. En conclusion, M. Tardif.

M. Tardif (Gilles): Un de nos autres comités nous a ajouté un tout petit texte que je vous résume. Il porte sur les aspects du projet de réforme qui concerne les personnes malades mentalement, notamment celles qui doivent recevoir des soins en psychiatrie. Nous suggérons deux choses. Premièrement, qu'il y ait dans le projet des dispositions voulant que toute personne, lorsqu'il n'y a pas d'urgence à prescrire un traitement requis par son état de santé, soit informée des conséquences de ce traitement et puisse décider si elle y consent ou pas. Cela impliquerait, pour les personnes soumises à un régime de protection où il y a représentation de leur personne, qu'elles puissent utiliser leur droit judiciaire articles 23 et 24 de la charte - si elles ne sont pas d'accord avec les décisions prises pour elles.

Nous croyons aussi que tout régime de protection doit être accordé par un tribunal et que la personne pour qui on le demande soit entendue et puisse utiliser ses droits judiciaires s'il y a conflit. Dans le cas où une personne serait hébergée pour une durée prolongée, nous trouvons important que la personne qui a la garde soit libre de toute affiliation avec l'établissement de santé ou de services sociaux.

Ce sont deux petits aspects qui permettraient peut-être à certaine catégorie de gens qui reçoivent des services de recevoir plus de protection pour leur personne.

En terminant, j'aimerais rappeler deux choses. Nous croyons que le Code civil, qui est un document volumineux et pas toujours très connu, devrait recevoir peut-être plus de temps et d'énergie pour diffusion sous certaines formes ou certains aspects de façon que plus de citoyens soient au courant des chapitres les plus importants. À titre d'exemple, on vous citerait certains avocats qui travaillent bénévolement à la ligue. En relisant leur Code civil, en faisant leur devoir, ils ont découvert qu'ils avaient le droit de critiquer certaines lois, ce qu'ils avaient oublié. Ne serait-ce que pour ce bienfait, il serait peut-être important que le gouvernement ou les commissaires trouvent des moyens pour diffuser le Code civil, le faire connaître et que plus de citoyens puissent savoir qu'ils ont là un code qui les concerne.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Tardif.

La parole est au ministre de la Justice.

M. Bédard: Je voudrais remercier les représentants de la Ligue des droits et libertés, entre autres MM. Tardif et Nadeau, de leur présentation. Un mémoire qui est présenté, comme ils l'ont dit, non dans un sens critique mais pour essayer d'apporter les suggestions positives qui seraient de nature à améliorer...

Vous êtes, avec d'autres groupes plus restreints, nous en avons entendu un hier, je crois que vous étiez dans la salle au moment où ils se sont fait entendre... Non?...

M. Nadeau: Non.

M. Bédard: Des groupes ont fait porter leurs énergies sur le problème des banques de données, sur le virage technologique, avec tout ce que cela représente de transformations au niveau des mentalités, du contexte social et de la vie de tous les jours aussi des citoyens concernant entre autres ces renseignements qui peuvent être accumulés sur eux et qui, éventuellement, pourraient être utilisés d'une manière qui n'est en aucune façon respectueuse des droits et libertés de chaque individu.

Je pense que lorsque vous soulignez la nécessité qu'il n'y ait pas connexion entre les banques de données, c'est un point majeur. Je crois que là-dessus, déjà, l'opinion est très claire à savoir que c'est une pratique qui doit être bannie, à moins qu'il y ait des raisons tout à fait particulières. Il est évident que quand on fait ces connexions, on peut avoir le portrait rapide de tous les éléments qui concernent une personne, un individu, alors qu'il a droit - cela concerne sa vie privée - à ce que sa vie privée soit respectée. Il est clair, on l'a déjà dit, ce n'est pas à cause de l'heure tardive de nos travaux, mais nous avons rencontré, hier, l'association des locataires qui, d'une façon spéciale, a souligné la question des listes noires, des banques de données, enfin, l'essentiel de ce que vous nous avez présenté, ce soir, mais en y ajoutant beaucoup d'autres éléments fort valables qui, je peux vous le dire, vont certainement représenter une matière à réflexion pour l'ensemble des membres de la commission.

Quand vous nous dites que la formulation du présent projet de loi, selon votre perception, marque un recul par rapport à la formulation de l'Office de révision du Code civil, dans le respect des opinions, sincèrement, je pense qu'il faudrait peut-être parler un peu de technique législative. Ce que dit le chapitre 3 de l'Office de révision du Code civil, vous l'avez à l'article 12, à l'article 13. Ce sont les questions de principes fondamentaux. Ce sont des exemples. Ce n'est pas limitatif. On y va d'une série d'exemples ou de sujets qui peuvent être touchés par les principes généraux, cela n'est pas limitatif. Cela peut s'appliquer aussi à d'autres sujets que ceux qui sont évoqués après le mot "notamment" qu'on retrouve dans la formulation de l'Office de révision du Code civil. Tout simplement, quand vous lisez l'article 33, c'est la reproduction intégrale ou presque de

12 et 13 concernant les principes généraux.

Le fait d'ajouter des exemples ne semble pas nécessaire parce que ces exemples ne sont pas limitatifs et ils indiquent une attention particulière du législateur par rapport à des situations données en ce qui a trait aux principes généraux qui sont énoncés.

M. Marx: Est-ce que le ministre serait d'accord avec les exemples à l'article 13 du rapport de l'office?

M. Bédard: On voit...

M. Marx: Est-ce que vous êtes d'accord?

M. Bédard: Écoutez, vous ferez vos interventions quand ce sera le temps. Vous me donnerez votre opinion.

M. Marx: Vous êtes souvent intervenu quand j'étais en train...

M. Bédard: Je suis bien d'accord.

M. Marx: Nous sommes des égaux sauf que vous êtes plus égal que moi, comme je l'ai dit l'autre jour.

M. Bédard: Non, je n'ai pas tellement de prétention de ce côté. Si le député de D'Arcy McGee veut commencer à poser des questions, je n'ai aucune objection.

M. Marx: Je vous pose cette question.

Le Président (M. Blouin): Je crois que les travaux jusqu'à cette heure ce soir se sont bien déroulés. Je redonne la parole au ministre de la Justice et ensuite je permettrai au député de D'Arcy McGee d'intervenir.

M. Bédard: M. le Président, quand on regarde chacun de ces articles, premièrement, "pénétrer chez autrui et y prendre quoi que ce soit", vous le retrouvez dans le Code criminel. La même chose pour l'article 2. Quand on dit: "Toute personne a droit à sa vie privée, on ne peut pas y porter atteinte sans son consentement ou sans être expressément autorisé par la loi", cela implique nécessairement ces choses-là même si elles ne sont pas mentionnées. (19 heures)

Ce que je veux dire, c'est que, même si le libellé de l'article 33 du présent projet de loi ne fait pas référence aux exemples, aux sujets particuliers que l'on retrouve à l'Office de révision du Code civil, il les touche très directement. En ce qui concerne les tribunaux, ils auront à faire des interprétations en conséquence et probablement que ceux-ci en arriveront à des jugements qui toucheront d'autres sujets pouvant être l'objet de préoccupations, outre les sujets mentionnés par l'Office de la révision du Code civil. Prenez l'article 34, où vous avez l'utilisation du nom. Si j'ai bien compris, vous trouvez que l'énumération de l'Office de révision du Code civil ne prête pas à danger. Entre autres, l'article 5 parle de l'utilisation du nom, de l'image, de la ressemblance ou de la voix d'une personne. On retrouve cette formulation à l'article 34. Je ne vois pas pourquoi il ne représente pas de danger quand c'est dit par l'Office de révision du Code civil et que cela représente du danger quand c'est dit dans le présent projet. Peut-être qu'il pourrait y avoir des remarques. Quand vous regardez un autre exemple souligné par l'Office de révision du Code civil à savoir: "Nul ne peut surveiller par quelque moyen que ce soit une personne dans sa vie privée", c'est évident, si le principe général, c'est le respect de la vie privée; donc cela implique nécessairement la défense aux autres personnes d'y aller de surveillance. On peut avoir chacun sa perception des choses, mais le danger d'une énumération, c'est que vous pouvez en oublier tandis que, quand vous y allez du principe général, à ce moment, cela s'ajuste mieux à toutes les situations particulières lorsque c'est nécessaire, lorsque les cas sont soulevés.

J'aimerais que vous précisiez les raisons qui vous amènent à croire que les tribunaux ne pourront préciser adéquatement le concept de vie privée tel qu'évoqué par l'article 33 ou s'adapter à la réalité nouvelle des ordinateurs. Vous l'évoquez à la page 11 de votre mémoire; nous, nous touchons cette réalité un peu par l'article 36. Je ne vous dis pas que je pense qu'à juste titre vous puissiez au départ vous attendre qu'il y ait plus de dispositions en ce qui a trait au Code civil; le Code civil, c'est une loi générale. Quand on regarde toute la complexité du monde des ordinateurs, des banques de données, etc., après avoir instauré les principes généraux au sujet du Code civil, c'est peut-être beaucoup plus vers un projet de loi spécifique qu'il faudra s'orienter qui, lui, pourra beaucoup plus tenir compte de l'ensemble de cette réalité.

M. Nadeau: Sur la question de la définition de la vie privée et de son respect, étant donné que c'est dans les moeurs actuellement, que c'est admis comme étant possible d'avoir des agences d'information qui vont fort loin, je ne pense pas qu'un juge déciderait demain matin que ce genre de travail ou de compagnie fait un travail de type illégal. Le rapport des commissaires avait le mérite, à ce sujet, d'offrir des possibilités de rendre à toutes fins utiles illégal ce genre de compagnie, ce qu'on ne trouve pas à l'article 33. On s'est posé la

question: Est-ce que le Code civil, tel que l'on nous le soumet, va permettre d'interdire et d'arrêter ces intrusions? On s'est dit qu'on n'avait rien de vraiment substantiel sur quoi s'appuyer et que l'on ne pouvait pas arriver devant un juge avec un dossier préparé par une compagnie, cela existe déjà depuis nombre d'années, c'est passé dans les moeurs, à toutes fins utiles. Le problème, c'est que cela se multiplie très rapidement. Sur cela, la question de la vie privée est tellement élastique. Remarquez que c'est possible, avec les articles de loi qui sont là. Cela va demander beaucoup d'acrobatie et je trouve qu'il va falloir démontrer que les commissaires l'ont introduit. Prenons par exemple l'article 12, qui devient l'article 33, si ma mémoire est bonne.

M. Bédard: L'article 13 qui devient l'article 33; il y a l'article 34 aussi; il y en a d'autres.

M. Nadeau: C'est cela. On dit qu'on a inclus cela pour protéger les compagnies contre l'espionnage industriel. On peut partir de ce principe pour dire que comme le mot "personne" se rapporte à tout le monde, finalement, les personnes morales et les personnes physiques, on pourrait en déduire, par une espèce de cheminement un peu tortueux que, oui, effectivement, on peut intervenir, mais j'aimerais voir le juriste qui se paiera cela; cela risque d'être compliqué. Quant au libellé, cela nous apparaissait plus clair. J'admets avec vous qu'une nomenclature comme celle-là pouvait avoir une partie restreinte et l'une des difficultés qu'on connaît dans la législation actuelle, que ce soit dans le domaine de la protection du consommateur ou même de la Régie du logement, c'est que lorsque que cela devient tellement complexe, tellement restreint...

M. Bédard: ...spécifique...

M. Nadeau: Oui, c'est cela, cela devient finalement facile de passer à côté et on n'a pas de moyen d'intervenir. On voit cela souvent dans ces deux lois. Nous sommes conscients de cela, il n'y a pas de problème. Notre point de vue se rapproche du vôtre, à savoir qu'il faudrait une loi spécifique parce que les banques de données se développent et qu'il y a de curieux effets dans la technologie. Nous parlons ici des banques de données. Toute la question des systèmes de paiements électroniques qui semble anodine, mais j'ai avec moi une petite carte à mémoire intégrée avec un petit ordinateur à l'intérieur. Le gérant de la banque décide quel montant d'argent il met là-dedans, à condition que tous vos revenus aillent là et qu'il administre vos dépenses incompressibles, ordinaires, comme le loyer, les hypothèques, la pension alimentaire et tout cela. Cela lie la personne à son institution financière presque ad vitam aeternam, et l'ordinateur, qui a sa propre logique, n'admet pas facilement un rythme de dépense que nous réussissons à contrôler. On sait qu'on peut faire un achat impulsif, mais qu'on restreindra ailleurs, mais l'ordinateur n'admet pas cela; il lui faut des preuves précises. Alors, il y a comme un blocage qui s'en vient. Ces inventions ne sont pas tellement loin - on attend d'en avoir terminé avec les jeux vidéo - la télévision interactive, bidirectionnelle, par définition, qui vous permet de "pitonner" pour dire si vous êtes d'accord ou non avec le dernier discours de M. Bédard à la télévision.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...

M. Nadeau: Pardon? Enfin, l'ordinateur, quant à lui, garde toutes les réponses, évidemment. Si on veut faire le calcul, les contre et les pour apparaissent au bas de l'appareil automatiquement. La police américaine se sert de ces banques de données pour tracer des portraits idéologiques des gens qui utilisent ce principe de façon courante. On voit comment des choses anodines peuvent avoir des effets très importants. Les cocardes métalliques commencent à se répandre dans les usines pour suivre les employés dans leurs déplacements. En principe, c'est pour une meilleure gestion, éviter les déplacements inutiles, voir combien de temps se perd, les gestes qui pourraient être améliorés pour augmenter la production. On voit d'ici les autres utilisations. Enfin, l'informatique, c'est la télématique.

M. Bédard: On peut dire que vous êtes très au fait de...

M. Nadeau: Un bon vendeur... M. Bédard: ...cette réalité.

M. Nadeau: Je ne sais pas comment fonctionne ma montre, par exemple.

M. Bédard: Non, on ne voit pas passer le temps. C'est très intéressant. Je laisserai la chance à un de mes collègues de vous poser une question.

Le Président (M. Blouin): Très bien, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Sur ce même article que le ministre a commenté, si le ministre a d'autres commentaires, il peut m'interrompre n'importe quand; cela me fera plaisir.

Le Président (M. Blouin): Je prends note de votre consentement, M. le député.

M. Marx: Ah! oui. Pas de problème.

M. Bédard: Disons que je n'ai pas l'intention de l'interrompre.

M. Marx: Bon, ce sera la première fois. Le ministre a bien décrit la théorie en droit civil, c'est-à-dire qu'on émet les grands principes et on laisse aux tribunaux le soin de raffiner, de spécifier le contenu de ces principes. Souvent, il faut 75 ans avant que les tribunaux arrivent à spécifier le contenu d'un principe; je pense, par exemple, à l'article 1053 du Code civil; il a fallu au moins 75 ans avant que les lords, au comité judiciaire du Conseil privé, ne donnent toutes les nouvelles interprétations et ainsi de suite. Donc, il pourrait arriver, comme le ministre l'a bien dit, qu'avec l'article 33, dans un certain nombre d'années, les tribunaux nous donneront des interprétations qui iront dans le même sens que les paragraphes 1 à 7 qu'on trouve à l'article 13 du rapport de l'Office de révision du Code civil.

Il faut maintenant se demander ce qu'on vise comme but. On pourrait, par exemple, reproduire l'article 13 de l'ORCC afin d'aviser les Québécois que c'est cela la vie privée et qu'on met tout le monde en garde tout de suite. Avant d'avoir toute une série de décisions des tribunaux, on dit: Voici des exemples. Je n'ai pas peur du mot "notamment" comme dans l'article 13 du rapport de l'ORCC, c'est-à-dire "notamment" ce sont des exemples. Comme le ministre l'a dit, ce n'est pas limitatif, les tribunaux pourraient ajouter des paragraphes à cet article comme, implicitement, les paragraphes 8, 9, 10, 11, 12, etc.

Je me pose la question et je pourrais peut-être la poser au ministre. S'il est tout à fait d'accord avec les dispositions des paragraphes 1 à 7 de l'article 13, pourquoi ne pas les spécifier? Pourquoi ne pas dire aux gens: Voilà ce qu'on entend par cette disposition qui traite de la vie privée. Est-ce que...

M. Bédard: M. le Président, je crois avoir déjà exprimé mon point de vue. Le député de D'Arcy McGee peut maintenant exprimer le sien.

M. Marx: Est-ce que le ministre refuse de...

Le Président (M. Blouin): Sur cet échange de points de vue. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Bédard: Je ne refuse pas. Vous avez des oreilles comme les autres à cette commission. J'ai exprimé mon point de vue tout à l'heure. Vous avez le droit d'avoir un point de vue différent, je le respecte et c'est tout.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de D'Arcy McGee, je dois vous référer au journal des Débats...

M. Bédard: Prouvez-nous vos avancés.

M. Marx: À mon avis, il me semble que le ministre n'a pas vraiment la volonté politique de traiter de ce sujet. C'est aussi simple que cela. Il n'est pas prêt à...

M. Bédard: M. le Président, je tiens à m'inscrire en faux. Jusqu'à maintenant, je crois que nous avons eu... C'est une attitude partisane que le député affiche présentement, ce que nous nous sommes gardés de faire dans nos travaux. Je crois que chacun exprime son point de vue. Nous aurons amplement l'occasion de le faire de nouveau lors de l'étude article par article. Nous écouterons avec beaucoup de considération l'argumentation du député de D'Arcy McGee comme celle d'autres groupes qui se sont fait entendre.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre, M. le député de D'Arcy McGee, je crois que je n'ai pas besoin de vous relire le mandat de la commission qui est d'entendre des personnes et des organismes. Compte tenu des circonstances, je crois qu'il serait préférable d'entendre les invités et les questions que vous avez à leur poser.

M. Marx: Dois-je invoquer la charte des droits pour protéger ma liberté d'expression?

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît, M. le député de D'Arcy McGeeJ

M. Nadeau: Est-ce que je pourrais apporter des commentaires?

M. Marx: Quand j'ai dit que le gouvernement n'a pas... Oui, allez-y!

M. Nadeau: Je pourrais peut-être apporter deux brefs commentaires sur ce que vous venez de proposer. D'abord, je sais que le Code civil peut demander un certain nombre d'années pour se raffiner et prendre toute sa signification. Le problème, avec la question des ordinateurs, c'est que cela demande quatre ans entre une génération d'ordinateurs à une autre. On peut voir le problème d'ici, s'il faut attendre 65 ans pour obtenir quelque chose de précis. C'est un problème auquel on a à faire face.

La rapidité avec laquelle cela se développe, c'est absolument alarmant. Quant à nous...

M. Bédard: Je crois que c'est plutôt par une législation, spécifique, tout en ayant...

M. Nadeau: Je le sais, c'est ce que j'allais dire. Pour nous...

M. Bédard: ...les grands principes au niveau du Code civil, en tenant compte de vos représentations, mais en axant la préoccupation vers la mise en place d'une législation spécifique.

M. Nadeau: On voyait comme des mesures transitoires, finalement, ce qu'il y avait dans le rapport des commissaires. Cela peut paraître étrange d'avoir des mesures transitoires dans un Code civil, mais tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas eu de législation adaptée à cette nouvelle technologie... (19 h 15)

M. Bédard: Par rapport aux organismes gouvernementaux vous avez déjà une loi concernant l'accès à l'information qui va avoir l'oeil sur les banques de données. Fort heureusement. Il reste le secteur privé. Je pense qu'on doit y mettre la pression.

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Maintenant, je comprends que le ministre me donne raison. Quand j'ai dit que le ministre ou le gouvernement n'a pas la volonté politique de faire quelque chose, ce n'était pas péjoratif. On peut ne pas avoir la volonté politique aujourd'hui, mais on peut l'avoir dans six mois, dans un an dans une loi spéciale, spécifique et ainsi de suite. C'est une constatation que j'ai faite. Je n'ai sûrement pas voulu attaquer le ministre de quelque façon que ce soit. Je répète qu'on n'a pas l'intention de vraiment aller dans le même sens que le rapport de l'Office de révision du Code civil qui, à mon avis, aux articles 12 et 13, va plus loin que les articles 33 et 34. Le ministre a implicitement admis...

M. Bédard: On ne commencera quand même pas une discussion.

M. Marx: Ce n'est pas nécessaire de me...

M. Bédard: M. le Président, vous avez rappelé à l'ordre le député de D'Arcy McGee tout à l'heure. L'affirmation du député de D'Arcy McGee est complètement fausse, nous sommes en train de parler d'une rédaction qui existe au niveau de l'Office de révision du Code civil sur ce problème. J'ai donné mon idée. Ce n'est pas du tout ce que prétend le député de D'Arcy McGee, une non-volonté d'agir dans le domaine. Au contraire, je dis que c'est plutôt, à partir de principes généraux exprimés dans le Code civil, vers une loi spécifique tenant compte de la complexité de la situation qu'il faudrait se diriger.

M. Marx: Est-ce que ce serait une loi spécifique pour modifier le Code civil ou dans une autre loi?

M. Bédard: Vous verrez en temps et lieu. C'est à vous de parler.

M. Marx: Donc, vous n'avez pas la volonté politique aujourd'hui. Ce sera en temps et lieu que vous l'aurez.

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee, je souhaiterais...

M. Marx: J'ai une autre question.

Le Président (M. Blouin): ...que vous reveniez à la lettre du mandat de cette commission, que vous abordiez ce genre de question lors de l'étude du projet de loi article par article et, avec toute la déférence que nous devons à nos invités, que vous poursuiviez l'échange que vous avez entamé avec eux.

M. Marx: Parfait, M. le Président. Honnêtement, je commence à trouver que ce que j'ai dit avant se révèle vrai dans les faits...

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee, je vous invite à poursuivre le dialogue avec nos invités, s'il vous plaît.

M. Marx: Nous sommes des égaux mais le ministre est plus égal que moi. Oui, d'accord. Je n'ai pas interrompu le ministre. Je laisse le ministre m'interrompre et quand je veux faire un commentaire, après trois jours d'auditions, je n'ai pas le droit de faire un commentaire, j'ai juste le droit de poser des questions.

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee, je vous signale que, si vous désirez que votre droit de parole ne soit pas interrompu, je m'engage - je crois que c'est ce que j'ai essayé de faire depuis le début - à conserver intact votre droit de parole pendant les 20 minutes habituelles auxquelles vous avez droit.

M. Marx: M. le Président, êtes-vous d'accord pour dire que j'ai aussi le droit de faire un commentaire de temps à autre et de ne pas seulement poser une question? Est-ce que j'ai le droit de faire un commentaire comme le ministre, comme tout le monde a fait depuis trois jours ou est-ce que, maintenant, on change les règles du jeu?

M. Bédard: Question de règlement. J'avais dit que je n'interviendrais pas lors du

temps réservé au député de D'Arcy McGee, qui est consacré, comme vous le dites, à poser des questions à nos invités, mais à partir du moment où le député de D'Arcy McGee, contrairement au mandat, commence à prêter des intentions au ministre, au gouvernement, vous comprendrez qu'à ce moment il le fait intentionnellement. C'est pour que nous répondions. Lorsque le député fait des affirmations inexactes, je ne peux quand même pas laisser passer.

M. Marx: Le ministre fait des commentaires. Tout ce qu'il dit, c'est toujours exact. Il ne se trompe jamais. Il ne fait jamais de...

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bédard: Vous ne comprenez pas. M. Marx: J'ai une autre question. Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Marx: Je vais laisser cela pour le moment. Ceux qui vont lire le journal des Débats vont trouver les réponses assez claires.

M. Bédard: Oui, très bien.

Le Président (M. Blouin): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: On devient nerveux quand on a tort.

M. Bédard: Vous avez l'air nerveux.

M. Marx: Est-ce que le ministre veut prendre la parole? Allez-y.

M. Bédard: Vous avez l'air nerveux, vous avez raison de dire cela.

Le Président (M. Blouin): Je vous rappelle que nos invités attendent toujours que vous leur parliez.

M. Marx: En ce qui concerne les banques de données qui ne se trouvent pas au Québec. Je pense que l'Assemblée nationale a une certaine juridiction sur ces banques de données au moins sur les personnes qui vont les utiliser au Québec.

M. Nadeau: II y a un problème. La communauté européenne possède une législation assez précise sur les banques de données privées. Effectivement, les interconnexions, les flux interfrontières sont contrôlés. Cependant, la Belgique est un pays qui n'a pas signé cette convention. Les sièges sociaux s'installent là, les ordinateurs s'installent là et on ne retrouve dans les autres pays concomitants que les terminaux. Cela pose un problème.

M. Marx: Supposons que la banque de données est à Toronto, ne peut-on pas empêcher les gens qui se trouvent au Québec d'utiliser ces données?

M. Nadeau: Je pense que votre formation de constitutionnaliste devrait vous donner beaucoup plus de possibilités de réponses que je peux en avoir. Je pense que cela ne pourrait pas être comparable. Des gens pourraient protester et dire qu'ils ont le droit, en vertu de la constitution canadienne, de procéder comme cela, à notre avis.

M. Marx: Je ne suis pas sûr... M. Nadeau: Tant mieux.

M. Marx: Je ne veux pas faire de débat sur le droit constitutionnel, mais le commerce interprovincial ne permet pas le commerce de tout produit, mais une fois que le produit est ici, l'Assemblée nationale, le Québec, a une certaine compétence. En ce qui concerne les listes noires des locateurs, vous proposez, comme en Australie, qu'on légifère par le biais d'un permis. C'est cela?

M. Nadeau: Oui. Il nous semblait, dans le texte soumis par les commissaires, qu'il y avait des ouvertures pour cela. Maintenant, ce n'était pas d'une clarté claire.

M. Marx: ...de votre mémoire, oui.

M. Nadeau: Oui, je sais. Quant à nous, c'est certain que les banques de données privées devraient obtenir des permis. Ces permis, sur le même modèle que la loi 65, contiendraient le type de renseignements qu'on peut y accumuler, comment on les traite, à qui ils vont servir et comment on va les cueillir. Enfin, ce sont toutes des informations pertinentes. Cela nous semblerait important à l'heure actuelle.

M. Marx: Parce que vous avez écrit qu'en ce qui concerne l'émission d'un permis, on pourrait se référer au concept de fins socialement acceptables.

M. Nadeau: Oui, pour décider de l'octroi des permis. Si les personnes disent: Je veux faire une banque de données sur tous les individus qui ont fait appel à la Régie du logement, comme on voit dans le cas des propriétaires, je vous réponds automatiquement: À quoi cela peut-il vous servir sinon faire de la discrimination?

M. Marx: Je veux juste leur écrire des lettres.

M. Nadeau: Oui. Ce sont des choses qui peuvent arriver, d'ailleurs. Tout de même, ce seront des choses acceptables.

M. Marx: Oui, mais je me demande si c'est un standard qui est "manageable", si on peut utiliser ce mot, par les tribunaux. C'est extrêmement suggestif.

M. Nadeau: II faudrait peut-être voir les résultats en Australie.

M. Marx: En Autralie, oui.

M. Nadeau: De toute façon, comme je le disais, ce n'est pas une bible que nous présentons. Ce sont des suggestions. Il y a tellement de débats à mener là-dessus, de discussions et de recherches qu'il serait un peu prématuré de dire que c'est la vérité absolue.

Le Président (M. Blouin): M. le député? M. Marx: Non.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Bédard: Je vous remercie, encore une fois.

Le Président (M. Blouin): Je remercie aussi, au nom de la commission, les représentants, MM. Tardif et Nadeau, de la Ligue des droits et libertés.

Sur ce, la commission élue permanente de la justice ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 19 h 25)

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