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Etude des crédits du ministère de la
Justice
(Dix heures seize minutes)
Le Président (M. Laberge): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la justice est réunie pour poursuivre
l'étude des crédits budgétaires pour l'année
1980-1981 du ministère de la Justice.
Les membres de cette commission sont: M. Bédard (Chicoutimi), M.
Lalande (Maisonneuve) remplace M. Blank (Saint-Louis), M. Gagnon (Champlain)
remplace M. Boucher (Rivière-du-Loup), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M.
Forget (Saint-Laurent), M. Godin (Mercier), M. Mercier (Berthier) remplace M.
Guay (Taschereau), Mme LeBlanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine), M. Marquis
(Matapédia), M. Samson (Rouyn-Noranda).
Les intervenants sont: M. Charbonneau (Verchères), M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe), M. Desbiens (Dubuc), M. Marx (D'Arcy McGee) remplace comme
intervenant M. Lalande (Maisonneuve), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M.
Lévesque (Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski).
Le rapporteur a déjà été
désigné comme étant M. Godin (Mercier).
On m'a informé que le programme 8 avait été
adopté. J'appelle donc le programme 9.
Garde des détenus et réinsertion sociale
des délinquants
M. Bédard: Au niveau du programme 9, M. le
Président, comme c'est la tradition, je voudrais déposer le
rapport annuel 1979 concernant la situation des services correctionnels
québécois. Je vais demander qu'on le distribue. Au niveau des
ressources humaines et financières concernant ce programme, les
ressources requises pour la réalisation des activités de ce
programme sont de l'ordre de $74 470 900 et de 2705 employés, dont 2652
permanents et 53 occasionnels. Des $74 470 900 estimés pour 1981, on
prévoit consacrer une somme de $61 222 100 ou 82,2% pour le traitement
des employés permanents et à temps partiel; $11 775 000 ou 15,8%
pour les autres dépenses de fonctionnement telles que l'alimentation, $4
342 400, l'utilisation de services professionnels rendus par des organismes
oeuvrant au niveau de la participation communautaire, $3 238 400; $751 500 ou
1% du budget pour des dépenses de capital; et $702 300 ou 0,9% pour les
dépenses de transfert.
Comme vous pouvez le constater, c'est à l'intérieur de
l'élément 1 qu'on retrouve la majeure partie des ressources, soit
des crédits de l'ordre de $63 517 900 ou 85,3%. Le reste des
crédits, c'est-à-dire $10 953 000, sera affecté à
l'élément 2 concernant la participation communautaire, soit $4
292 700 et seize postes. A l'élément 3, Surveil- lance des
personnes en probation et en libération conditionnelle, $6 031 300 et
251 postes. A l'élément 4, Commission québécoise
des libérations conditionnelles, $629 000 et 16 postes.
Au niveau des commentaires généraux sur les variations
budgétaires au sujet du programme et de l'élément, comme
je l'ai fait savoir, les crédits requis au programme 9 concernant la
garde des détenus et la réinsertion sociale des
délinquants, sont estimés à $74 470 900 pour
l'année financière 1980-1981, ce qui représente une hausse
de $5 872 200, soit 8,5% par rapport au budget comparatif de l'exercice
1979-1980. Cette augmentation pourrait tout simplement s'expliquer par le fait
qu'il nous a fallu prévoir des crédits additionnels de l'ordre de
$5 875 000 afin de donner suite aux diverses conventions collectives et pour
permettre d'avoir les fonds nécessaires pour une période de douze
mois concernant les postes vacants à combler durant l'exercice.
En ce qui concerne l'effectif, il est possible de constater qu'il y a
une augmentation nette de neuf postes. Cette hausse provient, d'une part, de
l'addition de 41 postes dont 20 postes de professionnels à
l'intérieur des établissements, 7 postes relativement à la
prise en charge de la garde du palais de justice de Longueuil, 9 postes pour le
développement des activités de la participation communautaire, 3
postes à la recherche et la planification et un transfert de 2 postes
provenant d'autres ministères.
D'autre part, la direction a dû compresser son effectif de 30
postes réguliers et de 2 occasionnels pour donner suite à la
politique gouvernementale de réduire de 2,5% l'effectif du
ministère.
Il y a également les autres variations budgétaires qui ont
été apportées au niveau de certains
éléments. Concernant l'élément 1, la
détention, $4 220 500; l'élément 2, participation
communautaire, $533 700. Au niveau de l'élément 3, concernant la
surveillance des personnes en probation et en libération conditionnelle,
$942 000 et l'élément 4 qui concerne la Commission
québécoise des libérations conditionnelles, $176 000. Pour
les commentaires généraux, j'ai déjà eu l'occasion,
M. le Président, de faire état des réalisations concernant
la direction de la détention. Plusieurs réalisations ont
été faites, entre autres, la refonte du règlement relatif
aux établissements de détention. Il y a eu un cadre
général mis au point que nous avons présenté au
Conseil du trésor, un cadre général de planification des
établissements de détention. Il y a aussi tous les nouveaux
établissements et aménagements qui ont été faits ou
commencés au cours de la présente année. Il y a eu
également l'entente nous l'avons évoquée
concernant le transfert des femmes incarcérées à
Kinqston.
La Direction de la probation l'Opposition y avait porté
une attention particulière, dans ses remarques, au début des
travaux de cette commission il y a eu des réalisations
importantes. Je pense, entre autres, concernant les sentences de
travaux communautaires et les services de conseillers aux
autochtones.
Quant à la Direction de la participation communautaire, elle a
subventionné neuf ressources communautaires en 1979 et a fait affaire
avec dix-sept autres ressources qui lui facturent leurs services. Deux
ressources, actuellement subventionnées, deviendront en contrat au cours
de l'exercice 1980-1981. Le nombre de personnes référées
à ces ressources, au cours de 1979, s'élèvent à 608
pour les ressources correctionnelles communautaires et à 1163 pour les
ressources fournissant des services psychiatriques et de réadaptation
des toxicomanes.
Au cours de l'année, plusieurs ressources nouvelles sont venues
s'ajouter à celles existantes en 1978, entre autres quatre centres
résidentiels communautaires qui sont l'Habitac des Laurentides de
Saint-Jérôme, la maison d'accueil de Contact, de Longueuil, sur la
rive-sud, le centre communautaire d'Amos et la villa d'Orléans de
l'Ange-Gardien. Il y a une entente qui est intervenue en 1979, avec un nouvel
atelier de réinsertion sociale par le travail, soit l'atelier Radisson
de Trois-Rivières.
Il y a eu également deux projets de centres résidentiels
communautaires qui sont en voie de réalisation, dont un, pour les
femmes, à Montréal et un autre, pour hommes, à
Chicoutimi.
Il y a des négociations en cours avec le ministère des
Affaires sociales, en vue de doter les différentes régions du
Québec des ressources nécessaires à l'expertise et au
traitement des personnes représentant des problèmes d'ordre
psychiatrique.
Voilà, ce sont mes remarques générales.
Le Président (M. Laberge): Y a-t-il des questions sur le
programme 9? Non? Cela va.
M. Forget: La seule question que j'aurais, M. le
Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ... est celle que j'ai formulée au moment des
échanges préliminaires. Le programme de participation
communautaire on vient de nous remettre le rapport, je n'ai pas eu le
loisir de le consulter est-ce qu'on fait état, je suis sûr
qu'on fait état de cette activité...
M. Bédard: Comme vous le faites remarquer, on vient de
distribuer ce rapport, il y a quelques minutes; je comprends que vous n'ayez
pas eu le temps d'en prendre connaissance. Nous avons, ici avec nous, le
sous-ministre de ce secteur, M. Aubert, je pourrais peut-être lui passer
la parole.
Aux pages 137, 138 et 139 du rapport, vous verrez un bref état de
la situation. Comme vous le savez, ce programme avait été
commencé comme expérience pilote dans six régions du
Québec, en avril 1977; l'expérience pilote a duré du 1er
avril 1977 à la fin de mars 1979. Il y a eu une évaluation qui a
été faite du programme; elle a porté sur les 37
premières sentences, aux travaux communautaires, qui ont
été rendues et l'expérience s'est avérée
très positive; en fait, le taux de succès qui a été
compilé à la suite des critères qui avaient
été utilisés et retenus pour l'évaluation
s'est chiffré par environ 90%.
Nous avons calculé que, dans au moins 60% de ces sentences, on
avait remplacé effectivement l'incarcération par des ordonnances
de probation comportant des sentences de travaux communautaires. L'objectif
principal qui est poursuivi par ce programme, c'est de tenter de remplacer,
là où c'est possible, l'incarcération par un type de
sentenc'è qui soit à la fois plus positif et qui implique la
participation de la communauté.
En 1979-1980, certaines sentences ont continué à
être données; en fait, il y a au-delà d'une centaine de
sentences aux travaux communautaires qui ont été données
et nous envisageons un objectif, durant l'année 1980-1981, de 400
sentences. L'évolution actuelle du programme nous laisse croire que cet
objectif sera sans doute dépassé.
M. Forget: Lorsqu'on nous parle d'un taux de succès de
90%, est-ce que les 10% d'insuccès se mesurent en termes de
récidives ou...
M. Bédard: II se mesure en termes soit de
récidives, soit de personnes qui n'ont pas, après avoir pris leur
engagement, respecté les conditions qui avaient été
fixées par le juge, notamment les conditions d'effectuer les travaux
dans le contexte déterminé par le juge.
M. Forget: J'imagine que, dans un projet comme celui-là,
qui en est encore à ses débuts et qui s'adresse à une
fraction malgré tout modeste de l'ensemble des sentences et des
condamnés, il y a une certaine sélection qui est effectuée
et qui est peut-être un des facteurs de succès de
l'opération. Donc, on ne peut probablement pas comparer le taux de
récidive de ceux qui ont bénéficié de ce programme
avec le taux de récidive de l'ensemble de la population des
établissements de détention. (10 heures)
M. Bédard: C'est exact.
M. Forget: Est-ce qu'il y a une façon, cependant, de faire
une évaluation qui permette de voir, en termes comparatifs,
jusqu'à quel point c'est une bonne chose? On peut, a priori, dire que
c'est une bonne chose en soi et que, tant qu'on n'a pas des signes que c'est
une mauvaise chose, on va continuer. Cela est une façon de faire
l'évaluation. Il y a aussi une autre façon de faire
l'évaluation qui est de dire: Par rapport à nos méthodes
traditionnelles, cela fait plus ou moins que les méthodes
traditionnelles.
M. Bédard: II serait relativement facile d'avoir un taux
de succès de 100% dans ce type de programme en sélectionnant au
point de départ
des personnes qui présentent peu de danger pour la
société, qui en sont à leur premier délit, enfin,
de faire un tri qui, a priori, pourrait nous permettre un taux de succès
de 100%. Ce n'est pas du tout l'objectif qui est visé par ce
programme.
L'objectif qui est visé par ce programme, c'est de faire en sorte
que des personnes, qui en sont, bien sûr, au début d'une
carrière délinquante, puissent éviter
l'incarcération. Donc, si, au cours du rapport présentenciel, on
se rend compte que la personne pourrait simplement bénéficier,
par exemple, d'une sentence de probation ordinaire ou se voir imposer une
amende comme sanction et que ce serait suffisant, il n'est pas question de
retenir cette candidature pour les travaux communautaires. L'objectif, encore
une fois, du programme, c'est de remplacer l'incarcération.
Il est évident qu'au cours de l'expérience pilote les
conditions de prudence dont on a entouré le programme ont fait en sorte
que le taux de succès est probablement plus considérable que ce
qu'on pourra retrouver dans le programme au cours des années futures,
à condition, bien sûr, que le même objectif soit
fixé, à savoir de réserver le programme pour des
délinquants qui ont posé des gestes sérieux et qui ont
besoin d'interventions plus structurées pour se réinsérer
dans leur communauté.
Nous disons que le taux de succès a été de 90%,
soit qu'il s'agisse de non-récidive, soit qu'il s'agisse de personnes
qui ont vraiment respecté les conditions qui avaient été
fixées par le tribunal. Nous continuons à maintenir les
mêmes objectifs et à attirer l'attention de nos agents de
probation sur le fait que le programme doit remplacer
l'incarcération.
Comparer avec des situations similaires dans le cas d'autres sentences,
c'est une entreprise difficile. On peut, à ce moment, dégager
surtout des impressions beaucoup plus que des analyses factuelles. Nous avons
l'impression que le taux de récidive est beaucoup plus faible, lorsqu'on
réussit à éviter l'incarcération pour le même
type de personne et le même type de délit, que lorsque la personne
est envoyée en détention. C'est plus au niveau d'une impression
qu'au niveau d'une analyse factuelle. Le nombre de cas qui ont
été impliqués dans les sentences de travaux communautaires
est trop restreint, à ce moment-ci, pour pouvoir faire une
évaluation qui soit très rigoureuse. Nous avons, par ailleurs,
des contacts avec des collègues des autres provinces, ceux qui sont
impliqués dans la gestion de ce même type de programme, et la
performance, au Québec, se compare avantageusement avec ce qui se passe
dans les autres provinces.
M. Forget: Est-ce que les victimes des actes criminels qui sont
à l'origine de la condamnation sont mis au courant de cette issue,
à la poursuite et au procès, et est-ce qu'il y a un degré
d'acceptation sensible ou satisfaisant de cette issue au processus
judiciaire?
M. Bédard: Je peux vous dire que, dans plusieurs cas, les
travaux communautaires se sont effectivement réalisés
auprès des victimes. Je peux donner un exemple. Une personne s'est
reconnue coupable d'avoir volé des objets dans une église sur la
rive-sud de Québec. Après analyse de la situation, recommandation
au juge et contact avec les personnes qui étaient responsables de la
fabrique, on a convenu que les travaux communautaires seraient effectués
auprès de la fabrique. Effectivement, ça s'est très bien
passé, dans ce cas. Ce que nous essayons de faire, dans la plupart des
cas, c'est de faire en sorte que les victimes soient non seulement mises au
courant, mais acceptent de participer. Nous avons d'autres programmes, aussi,
où les victimes sont impliquées, beaucoup plus directement et de
façon systématique, dans un projet-pilote qui a lieu
présentement à Québec, au niveau de la conciliation en
communauté. Les victimes sont toujours impliquées et l'approche,
c'est de faire en sorte que ce ne soit pas un programme caché, qu'on ne
dissimule pas les faits et que les victimes soient impliquées dans le
processus.
Je ne vous dirai pas que, dans tous les cas, c'est possible, parce
qu'effectivement dans certains cas, les victimes ont subi suffisamment de
traumatismes pour ne pas vouloir s'impliquer d'aucune façon dans la
poursuite des événements.
M. Forget: Est-ce que la résistance des victimes est une
cause d'échec, dans un certain nombre de cas?
M. Bédard: Non, pas jusqu'à présent. Nous
n'avons pas eu d'échecs à cause de cela. Il faut dire que,
lorsque la victime est impliquée, il y a un travail préalable
intensif qui est fait. On ne prend pas de risques à ce niveau. L'agent
de probation qui est impliqué dans la rédaction du rapport
présentenciel, lorsque la victime doit être impliquée dans
la sentence de travaux communautaires, fait le travail préalable
auprès de la victime et du délinquant. La réconciliation,
si on veut, s'effectue avant que la sentence soit effectivement rendue.
M. Forget: Est-ce que ce programme qui coûte quand
même un certain montant d'argent représente, malgré tout,
une économie pour la société?
M. Bédard: L'économie pour la
société, on peut la mesurer de différentes façons.
Nous avons l'impression que, chaque fois qu'on réussit à
éviter une période d'incarcération sans qu'il y ait
récidive et sans qu'il y ait de nouveaux délits commis, à
long terme, il y a effectivement une économie pour la
société, non seulement en termes de dépenses qu'on a
réussi à éviter en n'ayant pas recours à
l'incarcération, mais aussi parce que le peu de succès semble
indiquer que les chances que cette personne soit effectivement
réadaptée et ne commette plus de délit sont de
beaucoup meilleures. De sorte que l'économie à long terme,
qui est difficile à mesurer, est probablement très
importante.
M. Forget: Est-ce que vous distinguez deux choses? Est-ce que,
à court terme, le programme coûte moins cher que
l'incarcération par délit criminel qui fait l'objet de ce
programme, par coupable, par sujet, par bénéficiaire je ne
sais pas comment vous désignez l'objet du programme par client,
si vous voulez? Est-ce que cela coûte moins cher que
l'incarcération? Deuxièmement, si je comprends bien, à
long terme, vous jugez que l'incarcération, nos prisons sont un milieu
criminogène et que le séjour en prison, même d'une personne
innocente, finirait par en faire un criminel?
M. Bédard: Je n'irais peut-être pas aussi loin que
dans la fin de votre énoncé, mais les coûts directs
impliqués dans un certain nombre de travaux communautaires sont beaucoup
moins élevés que l'incarcération. Toutes les mesures qui
prévoient que la personne est laissée dans la communauté
plutôt que d'aller en institution coûtent toujours moins cher.
C'est vrai dans le domaine de la justice, c'est vrai dans d'autres secteurs
d'activités gouvernementales et paragouvernementales. En plus, dans ce
cas, il y a une contribution positive directe auprès de la
communauté puisque la personne est tenue d'effectuer des travaux utiles
bénévolement pour un organisme sans but lucratif.
D'ailleurs, à l'heure actuelle, l'incarcération
représente un coût d'à peu près $100 par jour, par
individu qui est détenu à l'intérieur d'une institution.
Il est bien clair...
M. Forget: Vous les traitez presque aussi bien que dans les
hôpitaux!
M. Bédard: ... qu'on ne fait pas l'analyse des
programmes... Il est bien évident je pense bien que ce n'est pas
ce qu'a voulu soutenir le député de Saint-Laurent qu'on ne
fait pas l'analyse à partir simplement du coût économique
quoique c'est un facteur qui doit être considéré
mais en considérant le résultat, à compter du
moment où l'individu, parce qu'il a reçu un traitement social
adéquat, ne récidive plus et devient un citoyen positif pour la
société. Il est clair qu'un individu qui, après la
commission d'un acte, n'a pas eu de traitement social et continue à
récidiver, à être incarcéré même,
à l'occasion, représente au bout de la ligne non seulement un
coût économique, mais un coût social énorme. C'est
dans ce sens que sont orientés nos efforts.
M. Forget: Je suis prêt à admettre toutes ces
hypothèses, M. le Président. Je pense que c'est bon de
préciser que l'évaluation n'a pas progressé au point
où on puisse effectivement, si je m'en fie aux réponses qu'on a
eues tantôt, affirmer que ce programme, par rapport à
l'incarcération, va résulter, à long terme, en un taux de
récidive plus faible et va donc représenter un gain social
significatif. C'est une hypothèse qui est intéressante, mais on
ne peut pas dire qu'elle a été vérifiée.
M. Bédard: II est trop tôt. Le programme n'est pas
encore assez vieux pour qu'on puisse affirmer de façon absolument
certaine que ce sera le cas. Comme je l'évoquais au début
des travaux de la commission une des préoccupations majeures que
j'ai dans ce domaine-là, c'est d'essayer de trouver une solution au
phénomène de tous les individus, les citoyens qui sont
incarcérés faute de paiement d'amendes. L'ampleur de
l'emprisonnement à défaut du paiement de l'amende, c'est vraiment
très important parce qu'en 1978, il y a 48% des séjours de
détention continue, à l'exclusion par conséquent de la
détention provisoire et des sentences intermittentes, 48% des
séjours qui résultaient d'un défaut de paiement de
l'amende. La durée moyenne de ces séjours était d'environ
11 jours et le coût de l'emprisonnement à défaut du
paiement de l'amende est estimé à $5 000 000 en 1978, en regard
d'un montant global d'amendes non payées de l'ordre de $1 000 000. C'est
évident que si on en faisait seulement une question économique,
à ce moment-là, on dirait...
M. Forget: Ou les amendes ne sont pas assez fortes, ou ça
coûte trop cher.
M. Bédard: II y avait tout ça à analyser, et
l'ampleur de ce phénomène varie vraiment d'une région
à l'autre. Il y a des régions où l'emprisonnement par
défaut du paiement de l'amende représente jusqu'à 50% du
volume d'incarcération.
M. Forget: II y a là-dedans, bien sûr, tous les
alcooliques, clochards, etc., qui sont dans une espèce de centre
d'accueil à Montréal, qui n'en a pas le nom, mais qui en a les
apparences.
M. Bédard: 60% le Code de la route. Sur ce
point-là, j'ai demandé, j'ai obtenu, très
récemment, une étude en profondeur qui fait quelques suggestions
au niveau des solutions. Maintenant, nous n'avons pas eu encore l'occasion
d'analyser les suggestions parce que le problème n'est quand même
pas facile à résoudre. Nous allons mettre sur pied, au niveau du
ministère, un groupe de travail qui va se pencher de façon tout
à fait particulière sur ce problème.
M. Forget: Merci, M. le Président, je n'ai pas d'autres
questions.
Le Président (M. Laberge): Alors, programme 9 dans ses 4
éléments, adopté.
Services juridiques du gouvernement
Programme 10, Services juridiques du gouvernement, trois
éléments. Les discutez-vous concurremment?
M. Forget: J'ai d'abord une question à poser au ministre
parce que je ne réussis pas à déter-
miner, mais je pense que c'est bien là qu'elle se trouve,
l'imputation des crédits pour les commissions d'enquête ou les
choses comme ça. Est-ce que c'est là, dans les cas
d'enquête ou de procureurs spéciaux?
M. Bédard: Techniquement, c'est au programme 6 que se
trouve cet élément. Je ne veux pas être technique au point
d'éviter la discussion sur des préoccupations tout à fait
valables de la part de l'Opposition et je n'ai aucune objection à ce
qu'on en discute à l'intérieur de ce programme.
M. Forget: On a des questions au programme 10, maintenant que
nous savons que nous aurions dû poser nos questions sur les commissions
d'enquête à la suite.
M. Bédard: Vous n'en serez pas privé.
M. Forget: On peut peut-être commencer par quelques
questions au programme 10, sur les questions administratives et autres.
M. Bédard: Alors, je pourrais commencer. Au niveau des
ressources humaines et financières, le budget de ce programme
s'établit à $14 013 600 et l'effectif permanent est de 415
postes. Cet effectif comprend 178 postes d'avocats, 27 postes de notaires et
d'avocats plaideurs et 210 postes de fonctionnaires. Le poste traitements et
autres rémunérations s'établit à $11 980 900 et
représente 85% du budget du programme.
Le poste services, au montant de $745 300, comprend une somme de $272
300 prévue essentiellement pour le paiement des mandats accordés
avant novembre 1976, aux avocats de la pratique privée, mais dont les
comptes d'honoraires nous seront présentés au cours de 1980-1981.
Il y a des crédits de $121 000 pour certains autres mandats qui ont
été confiés après novembre 1976. Des crédits
de $150 000 sont prévus pour les enquêteurs spéciaux et $85
000, pour les agents spéciaux du Code de la route. De plus, on
prévoit une Somme de $55 000 pour les frais des huissiers et des
sténographes, et $29 000 pour les évaluateurs.
Les commentaires généraux, sur les variations
budgétaires, les crédits requis, pour 1979-1980,
représentent une augmentation de $977 200 par rapport au budget de
1979-1980. C'est-à-dire un taux d'accroissement de 7%, lequel
résulte principalement de la révision des traitements suite
à l'application des conventions collectives des employés.
Le poste loyers, au montant de $133 900, comprend la location
d'équipement à photocopier, d'appareils à traitement de
textes AES Data et autres équipements de bureau. Au niveau des
réalisations, au cours de la dernière année, la Direction
générale des affaires civiles et pénales a proposé
des modifications fondamentales à son organisation, en vue de
refléter la nouvelle vocation de la direction générale qui
se veut maintenant un bureau de juristes, avec une compétence reconnue
au même titre que celle des bureaux privés et ce, dans toutes les
branches du droit. (10 h 45)
Dans cette optique, tous les services juridiques ont été
regroupés sous une direction unique des services juridiques et l'on a
créé deux nouvelles unités: la Direction du droit
constitutionnel et la Direction du droit administratif.
D'autre part, les deux services du contentieux, à savoir le
bureau des plaideurs et le service central des réclamations
relèveront désormais de la Direction des services juridiques et
de la Direction des affaires pénales, respectivement.
Les autres réalisations importantes sont, je crois... Il y a eu,
au cours de l'année, une deuxième conférence annuelle des
avocats et notaires de la fonction publique. Cette conférence a permis
aux professionnels du droit de discuter, ensemble, dans un cadre ouvert au
public, des questions qui les touchent. Je pense que cela a permis de mieux
définir peut-être leur travail et leur rôle au sein de
l'administration.
Il y a eu un programme de perfectionnement et d'amélioration du
travail des juristes et, dans ce secteur, s'insèrent les
conférences-midis mensuelles à Québec et à
Montréal, sur des sujets particuliers, telle que la Charte de la langue
française, les injonctions, etc. Les sujets ne manquent pas.
Il y a eu également la confection d'une banque des données
juridiques Eureka. Actuellement, 1600 opinions juridiques peuvent être
consultées et 3000 autres pourront l'être bientôt, ce qui
est de nature à faciliter naturellement le travail des juristes du
contentieux gouvernemental.
M. Lalande: M. le Président, dans le préambule des
services juridiques du gouvernement, on dit que la Direction
générale des affaires civiles et pénales a le mandat de
satisfaire, en tant que jurisconsulte, aux besoins juridiques des
ministères et organismes du gouvernement du Québec et elle se
voit ainsi confier le triple rôle de conseiller juridique, d'avocat
plaideur et de notaire.
Ceci concorde évidemment avec ce que le ministre vient de nous
dire. Je voudrais simplement lui demander comment il se fait que, au niveau des
renouvellements de contrats avec des gens qui ne sont pas fonctionnaires de
l'Etat, avec les divers avocats et notaires, on observe, dans l'engagement
financier 502, que pour services professionnels de ces notaires et de ces
avocats, en matière juridique, pour une période d'un an, $1 431
000 ont effectivement été affectés à ça? La
question est: Qu'advient-il de la nouvelle politique du ministère de la
Justice et du gouvernement, de façon générale, de viser
à employer d'abord et avant tout, pour répondre à la
mission et au mandat des services juridiques des affaires civiles et
pénales, d'assumer cette responsabilité avec les fonctionnaires
du ministère de la Justice?
M. Bédard: Disons que, d'une façon
générale M. le sous-ministre pourra préciser du
point de vue technique comme ce fut le cas pour les deux
dernières années, avec ce système, par
rapport à ce que coûtaient les mandats au niveau de la
pratique privée, nous avons pu réaliser des économies
importantes, au-delà de $1 000 000, en plus de nous donner la
possibilité d'instaurer, au niveau du gouvernement, un contentieux qui
sera de plus en plus compétent, un contentieux digne d'un
gouvernement.
Pour ce qui est de la comparaison des coûts entre l'actuel
système de plaidoirie et de service de notariat interne et l'ancien
système recourant à la pratique privée, depuis maintenant
trois ans, l'essentiel de la représentation du Procureur
général en matières civiles et pénales est
assuré, comme on le sait, par des avocats relevant de la Direction
générale des affaires civiles et pénales du
ministère. De même, le travail de notariat est maintenant
assuré par des notaires des affaires civiles et pénales.
L'implantation de cette politique a permis au ministère de la
Justice de développer une expertise de qualité dans plusieurs
secteurs du droit où le volume des causes est plus significatif; je
souligne, par exemple, le droit constitutionnel, le droit de l'environnement,
le droit fiscal, les relations de travail et le droit administratif en
général. Rien n'est parfait, mais je pense que le recours
à des avocats relevant du ministère a permis la création
de liens plus étroits entre les ministères impliqués dans
des causes devant les tribunaux et les plaideurs, facilitant ainsi la
préparation des dossiers.
Les liens de collaboration existant entre ces plaideurs ont
également permis d'accroître la cohérence des positions du
Procureur général devant les tribunaux, notamment en
matière constitutionnelle. L'expérience accumulée au fil
des dossiers est plus facilement utilisée dans les nouveaux dossiers qui
portent sur les mêmes sujets ou des sujets connexes.
Le recours aux services d'un même bureau d'avocats présente
des avantages, croyons-nous, indéniables. C'est d'ailleurs la politique
suivie par les grandes entreprises privées, qui confient
généralement leurs dossiers à un seul bureau d'avocats et
non à un grand nombre d'entre eux et, de plus, préfèrent
maintenant recourir aux services d'avocats employés de la compagnie
plutôt que de recourir à des avocats de bureaux privés de
l'extérieur.
En plus des avantages sur le plan de la qualité des services, je
crois qu'une économie majeure résulte de l'implantation de cette
politique. Pour l'année 1979-1980, des économies de $1 154 000
ont été réalisées sur la même base de calcul
que nous avions employée les années
précédentes.
Au niveau des affaires civiles, les services juridiques du contentieux
de Montréal et de Québec ainsi que les deux bureaux de notaires
réunissent 99 personnes, dont 36 avocats et notaires. Le coût de
ces services, en y incluant les salaires, les avantages sociaux, le prix des
locaux et l'ameublement, totalise $4 677 000. Si les 7058 dossiers ouverts dans
l'année avaient été confiés à la pratique
privée, il en aurait coûté $5 077 000. L'économie
est donc de $390 000.
Au niveau des affaires pénales, les dossiers concernant le Code
de la route, la Loi des alcools et les dossiers pénaux
préparés par les services juridiques des ministères
conformément aux politiques civiles et pénales sont
plaidés par les substituts du procureur général: 25
avocats et 40 personnes de soutien ont traité les 92 049 dossiers du
pénal à un coût total de $1 234 700. Le renvoi de ces
causes à la pratique privée aurait coûté au bas mot
$1 998 700, soit $764 000 de plus, ce qui nous amène à
l'économie totale que j'ai mentionnée tout à l'heure.
Maintenant, il y a peut-être d'autres éléments.
M. Lalande: Le fond de ma question n'est pas au sujet de la
qualité des services offerts, je ne doute pas qu'on essaie d'en donner
beaucoup plus aux fonctionnaires mêmes du ministère dans le
domaine de l'intégration. C'est une question d'opinion; je pense que la
vôtre se discute et s'accepte, aussi, en partie, on a peut-être une
meilleure qualité de services.
Au sujet du coût, vous avez quand même fait un tableau
comparatif entre l'ancien système et le nouveau système. Mais le
fond de ma question est que ce système-ci, quand même,
déborde sur autre chose que... On n'assume pas le coût total des
frais à l'intérieur, mais on déborde sur $1 431 000 de
traitements qu'on a ajoutés à ce système, engageant
quelque 125 avocats et notaires de la pratique privée, en dehors des
effectifs du ministère.
M. Bédard: Peut-être, si vous permettez,
là-dessus, la plus grande partie de ces honoraires sont-ils des
honoraires pour des mandats donnés à la pratique privée,
à la fois avant et jusqu'en 1976. On a aussi continué à
donner un certain nombre de mandats chaque année, depuis l'implantation
du nouveau système à la pratique privée. Evidemment, c'est
comptabilisé sur la base du coût que nous payons pour ces mandats
et souvent on sait que les causes s'échelonnent malheureusement trop
longtemps devant les tribunaux de sorte que, dans les honoraires
facturés chaque année c'était comme cela l'an
dernier et les années précédentes il y a un montant
pour des mandats qui ont été octroyés avant le virage qui
a été pris dans le système.
Dans le système actuel, on donne en moyenne 50 à 60
mandats chaque année, depuis trois ans, à la pratique
privée. L'approche en est vraiment une pour faire en sorte que les
choses normalement de routine, c'est vrai pour le pénal, je pense que
c'est là que c'est le plus manifeste, mais également dans le
domaine civil, le droit public en général, soient prises en
charge par les procureurs du gouvernement. Lorsqu'il y a des causes plus
spécialisées, plus complexes, on n'hésite pas à
faire appel à un procureur de la pratique privée, si c'est
nécessaire. Par ailleurs, on ne laisse pas aller le dossier au procureur
de la pratique privée en lui disant: Tu nous donneras le résultat
quand ce sera terminé. On essaie de contrôler le dossier,
c'est-à-
dire le contenu comme client du dossier, et d'associer aussi des gens de
la maison, si on peut prendre l'expression, avec le procureur de la pratique
privée, pour accumuler une expérience, une expertise, parce qu'il
y a un équilibre au fond. Auparavant, la situation faisait qu'on
n'accumulait jamais d'expertise interne, c'était uniquement dans les
bureaux de pratique privée que cette expertise de la part des plaideurs
qui plaidaient les causes du gouvernement pouvaient s'accumuler.
Alors, il n'y a pas une approche absolue là-dessus. Il est
évident que, si on a besoin d'un spécialiste dans un domaine
très spécifique pour quinze jours ou trois semaines, on va le
chercher à la pratique privée, si on n'en a pas à
l'intérieur. Par ailleurs, on veut associer, pour accumuler cette
expérience à chaque fois.
Ce n'est pas avec l'application du jour au lendemain de cette politique
que nous avons pensé un instant que les procureurs gouvernementaux
deviendraient des spécialistes dans tous les domaines. Au contraire,
cette expérience-là s'accumule. Mais il est important d'avoir une
politique qui permet aux procureurs du gouvernement de pouvoir accumuler cette
expérience, cette spécialisation, qui leur permettra, dans un
avenir éventuel, d'être capables d'assumer seuls la conduite de
dossiers où il y a un besoin de spécialisation tout à fait
particulier.
Pour ce qui est des mandats que nous avons donnés à la
pratique privée, je crois que nous avons fait tenir à
l'Opposition une liste énonçant les mandats, ce qu'ils ont
coûté et les avocats dont les services ont été
retenus.
M. Marx: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: Concernant cette liste, hier soir, j'ai abordé le
problème de l'absence des non-Canadiens français des institutions
et organismes du gouvernement et plus particulièrement l'absence des
non-Canadiens français au ministère de la Justice. Je ne veux pas
reprendre tout le débat d'hier soir. Je pense que vous avez bien compris
ce que j'ai voulu soulever. Je veux juste rappeler aux membres de la commission
que les non-Canadiens français forment à peu près 20% de
la population québécoise. Ici, j'ai votre document, commission
parlementaire de la Justice, étude des crédits, document
d'information. A l'intérieur, à la page 10, il y a la liste des
contrats de moins de $25 000 octroyés à des professionnels depuis
le 1er avril 1979. Il y a des dizaines de noms d'avocats et d'autres
professionnels. Franchement, je ne vois pas beaucoup de non-Canadiens
français. Je ne vois pas de noms de non-Canadiens français et je
pense que, si c'est le hasard, j'aimerais qu'à l'avenir, le hasard
favorise des non-Canadiens français. C'est très facile. On peut
prendre le bottin judiciaire et on va trouver pas mal d'avocats non-Canadiens
français, pas mal de notaires et ainsi de suite.
M. Lalonde: ... Ryan...
M. Marx: Est-ce que le ministre a l'intention de...
M. Bédard: Je n'ai pas l'intention de reprendre le
débat d'hier, comme vous l'avez exprimé tout à l'heure. On
peut...
M. Marx: ... faire quoi que ce soit. Il peut dire: Je suis
d'accord. Je n'aime pas ça. Je trouve que c'est injuste et ainsi de
suite, des généralités. S'il veut mon aide, je peux lui
offrir mon aide. Je peux faire une liste d'avocats non-Canadiens
français, une liste d'autres professionnels non-Canadiens
français. Il va piger dans ces listes et il va trouver que c'est
possible d'avoir des non-Canadiens français comme consultants.
M. Bédard: Sans revenir à une liste de
recommandation...
M. Marx: Non, ce n'est pas à moi à le faire. C'est
aux péquistes à le faire.
M. Bédard: ... j'espère. Les listes
privilégiées d'avocats, amis du régime.
M. Marx: Est-ce que le ministre est prêt à corriger
la situation pour l'an prochain? C'est la question; ou est-ce que ça va
traîner?
M. Lalonde: II n'a pas l'air décidé du tout...
M. Bédard: Si ça peut terminer le débat tout
de suite. Au moment où vous me le demandez, je suis prêt à
vous dire que oui. Maintenant, j'essaie de voir quels sont les moyens qui
pourraient être employés pour essayer de corriger une situation
qui n'est pas celle du présent gouvernement on l'a dit hier
qui est une situation presque historique et nous allons...
M. Marx: Ce n'est pas une question de discrimination consciente.
C'est un état de fait. L'état de fait veut qu'il n'y ait pas de
non-Canadiens français qui aient des contrats de moins de $25 000. Il y
en a peut-être un ou deux. (11 heures)
M. Bédard: On ne peut pas dire qu'il n'y en a pas.
M. Godin: II y en a quatorze.
M. Lalonde: II y en a quatorze!
M. Marx: Excusez-nous. Le poète a trouvé la
vérité!
M. Bédard: M. le Président, les poètes sont
très pratiques des fois.
M. Godin: M. le député de D'Arcy McGee dit qu'il
n'y en a absolument aucun. Or, j'en ai relevé quatorze à
première vue. Entre aucun et quatorze, il y a quand même une
différence.
M. Lalonde: Voulez-vous les nommer, s'il vous plaît?
M. Godin: Consultez la liste. Vous l'avez sous les yeux.
M. Lalonde: Je l'ai consultée, mais il faut faire
attention. Si vous trouvez des Ryan et des O'Neill, là-dedans ce n'est
peut-être pas...
M. Godin: Si vous trouvez qu'il faut faire attention, reprochez
ça à M. le député de D'Arcy McGee. C'est lui qui
ouvre la porte à une notion que nous avions oubliée, nous, il y a
une dizaine d'années, celle de Canadien français. Pour nous, tous
les citoyens du Québec sont des Québécois. On ne passera
pas d'analyse de sang à quelqu'un avant de l'engager ici.
M. Lalonde: Tout le monde est égal, mais il y en a qui
sont plus égaux que d'autres.
M. Marx: M. le Président, ce n'est pas la question et je
ne veux pas entrer dans un débat pour établir qui est
québécois. Je sais que nous sommes tous des
Québécois, mais le fait est qu'il y a des Québécois
non canadiens-français qui sont absents lorsqu'on donne des contrats. Je
ne parle pas seulement des anglophones. Je parle des non-Canadiens
français. Il y a une différence aussi. Je demande au ministre
s'il est prêt à étudier la question et à faire en
sorte que ce soit changé d'ici peu de temps.
M. Bédard: Je suis prêt à étudier la
question. M. Marx: Et à faire quelque chose?
M. Bédard: En l'étudiant, on verra ce qu'on peut
faire. Ne me demandez-moi pas de conclure avant d'étudier.
M. Marx: Cela ne rassure pas mes amis non
Canadiens-français.
M. Bédard: J'ai eu l'occasion de vous dire, je pense, en
ce qui a trait au ministère de la Justice, hier, que ce soit au niveau
de nominations ou de la présence je sais que ce n'est pas autant
que le désirait le député de D'Arcy McGee que j'ai
toujours été très ouvert de ce côté.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Maisonneuve.
M. Lalande: Mon collègue de D'Arcy McGee n'a pas
trouvé beaucoup de non-Canadiens français à
l'intérieur de la liste, mais il y a tout de même un nom qui est
bien canadien-français, c'est celui de M. Maurice Gilbert-Champagne qui
a attiré mon attention, puisqu'il est vice-président de la
Commission des droits de la personne.
M. Lalonde: II l'était. M. Lalande: II
l'était.
Une Voix: II a deux noms?
M. Lalande: Oui, il a deux noms.
M. Godin: Est-ce qu'il compte pour deux, M. le
député de D'Arcy McGee?
M. Lalande: On pourrait peut-être à ce
moment-là diviser les honoraires qu'il a reçus en deux.
M. Marx: Bien oui, un pour lui et un pour sa femme!
M. Lalande: Au mois de février 1978, dans l'engagement
301, on voit le coût d'une étude qui a été
confiée à M. Gilbert-Champagne. C'était un projet de
recherche pour promouvoir la réflexion sur les conditions de
développement et de progrès humain de la famille. C'est
probablement ça l'accouchement du projet de loi no 183 ou quelque chose
du genre. Quoi qu'il en soit, ceci a coûté $55 725. Le sens de ma
question est: Pour cette période d'engagement qui se termine le 30 juin
1980, l'auteur qui reçoit $55 725, est-ce qu'en même temps il
recevait son salaire de vice-président de la Commission des droits de la
personne?
M. Bédard: Non. Je voudrais faire remarquer au
député que les services de M. Gilbert-Champagne avaient
été retenus au niveau de la Commission des droits de la personne
par le gouvernement précédent.
M. Lalonde: Unanimement par l'Assemblée nationale. Vous
avez voté pour aussi.
Le Président (M. Laberge): Programme 10?
M. Forget: M. le Président, avec la permission du
ministre, comme...
Le Président (M. Laberge): Sur le retour que vous vouliez
faire?
M. Forget: C'est ça, parce que...
Le Président (M. Laberge): On peut adopter le programme 10
et revenir à votre question, si vous voulez.
M. Forget: Je ne veux pas de formalisme, mais on peut le faire
globalement.
Le Président (M. Laberge): Parfait. Enquête
Keable
M. Forget: M. le Président, j'aurais quelques questions
à poser au ministre, au sujet de l'enquête Keable. Je pense bien
que ça ne surprendra personne. J'aimerais toucher à trois points
relativement à cette enquête, mais, évidemment, il y a des
sous-questions. Le premier point vise à faire le point et à noter
l'absence de résultats, jusqu'à maintenant.
Est-ce que la commission Keable, de toute façon, existe encore?
Est-ce que les mandats ont été prolongés? J'ai
personnellement une liste de douze arrêtés en conseil, mais le
mandat se terminait le 28 février. J'imagine qu'il y en a eu
subséquemment à ça pour en prolonger le mandat. Est-ce
qu'on peut nous dire jusqu'à quand?
M. Bédard: D'une façon définitive, ce n'est
pas certain, ça dépend, comme vous le savez, de certaines
décisions qui sont attendues, suite à des procédures
intentées devant la Cour d'appel. Il y a eu une prolongation qui est, au
moment où on se parle, jusqu'au 31 juillet 1980.
M. Forget: 31 juillet. C'est un arrêté en conseil de
quelle date?
M. Bédard: Du 28 avril 1980. Au moment où nous nous
parlons, étant donné les procédures devant la Cour
d'appel, les travaux sont interrompus d'une façon
générale. Il reste quand même qu'il y a un travail de
préparation du rapport qui est amorcé de manière que, les
imbroglios judiciaires étant réglés, on puisse conclure le
plus rapidement possible cette enquête.
M. Forget: Même si le travail est interrompu, j'imagine
qu'à cause de ça Me Keable et un effectif minimum, au moins,
continuent d'être payés relativement à la poursuite des
travaux.
M. Bédard: Ce sont surtout des recherchistes qui
travaillent au rapport.
M. Forget: Et Me Keable lui-même. M. Bédard:
Pas actuellement. M. Forget: Pas actuellement.
M. Bédard: Presque pas. Si, à un moment
donné, au niveau du rapport lui-même, il affecte des heures de
travail, il doit les spécifier.
M. Forget: Etant donné les nombreuses interruptions, pour
des raisons bien connues, au cours des mois, même des années
maintenant, comment peut-on expliquer le fait qu'il n'y ait pas eu de rapport
intérimaire? Je fais allusion ici, par exemple, à ces choses sur
lesquelles la preuve semble avoir été faite de manière
complète et qui sont à l'origine d'ailleurs de la création
de la commission. Vous savez, la perquisition illégale à l'APLQ
c'est ça qui a commencé toute l'histoire le faux
communiqué d'un agent de la GRC, les vols de documents, je ne sais pas,
l'effraction aux locaux du Parti québécois, vol de dynamite,
l'incendie d'une grange. Ce sont des éléments bien
caractérisés. Les personnes qui ont posé ces
gestes-là ont fait l'objet d'une enquête. Elles sont même
passées aux aveux. Comment se fait-il qu'il n'y a pas au moins un
rapport intérimaire qui permettrait au ministre de la Justice, au
procureur général d'intenter des poursuites dans ces
cas-là?
Ces dossiers, qui semblent, de toute manière, ne plus
présenter d'intérêt, eu égard aux sujets qui font
plus récemment l'objet des travaux de la commission, est-ce qu'on ne
peut pas les fermer, les porter devant les tribunaux, le cas
échéant?
M. Bédard: C'est que toutes ces affaires-là sont
quand même interreliées et d'une façon fondamentale. Comme
ministre de la Justice, nous n'avons pas porté des accusations. Nous
préférons attendre le rapport global de l'ensemble des travaux
parce qu'il reste qu'au cours de l'enquête, des choses qui peuvent
n'avoir aucun intérêt du point de vue public peuvent quand
même faire l'objet d'enquêtes plus poussées à la
suite d'informations qui peuvent être divulguées à la
commission. Dans bien des cas, le fait de porter des plaintes aurait comme
effet de geler le travail de la commission dans ces dossiers.
M. Forget: Mais il semble que ce sont des éléments
bien caractérisés, bien identifiés. Est-ce qu'il n'est pas
possible de faire un rapport intérimaire, au moins, disant: Voici ce que
la commission a constaté jusqu'à maintenant et nous attirons
l'attention du ministre de la Justice sur la nécessité de prendre
la preuve que nous lui transmettons et de procéder normalement. Il me
semble que la commission, quant au reste de son mandat, pourrait continuer.
C'est bien sûr que tout est relié à tout, dans la vie. Mais
est-ce qu'il n'y a pas un danger que ces retards à produire des
conclusions, au moins sur ce qu'on connaît déjà de
façon, semble-t-il, certaine, ne fasse en sorte que, finalement, des
accusations ne puissent jamais être portées. La mémoire des
témoins, après des années et des années, va quand
même s'émousser. A un moment donné, on ne pourra plus
assumer le fardeau d'une preuve au-delà de tout doute possible.
M. Bédard: II n'y a pas de danger spécifique sur ce
point soulevé par le député de Saint-Laurent. Je lui fais
remarquer, d'ailleurs, il l'a évoqué, que d'une manière ou
de l'autre, ces éléments sont tous interreliés les uns aux
autres. C'est le même phénomène qui arrive concernant la
commission McDonald où, à la connaissance du public ou à
notre connaissance, l'enquête peut sembler être terminée sur
des points particuliers, mais elle ne l'est pas nécessairement. A la
commission McDonald également, on attend le résultat de
l'ensemble des travaux. Comme l'a évoqué le député
de Saint-Laurent, je m'attendais, comme ministre de la Justice, à ce que
les travaux de cette commission ne soient pas d'aussi longue durée. Nous
ne pouvions prévoir d'une fois à l'autre les imbroglios
judiciaires ou les procédures judiciaires qui ont pu être
intentées et qui, de fois en fois, retardaient une
échéance que nous croyions, à ce moment-là,
beaucoup plus proche.
M. Forget: M. le Président, j'admets qu'il y a des choses
imprévisibles dans tout cela, mais il reste que le gouvernement donne
son mandat à la
commission en passant ces arrêtés en conseil successifs. Je
pense que cela permettrait au gouvernement de demander, non pas de mettre fin
à la commission s'il y a encore des choses à chercher, mais de
demander à la commission de produire un rapport intérimaire,
étant donné le fait que cela dure depuis longtemps et qu'il y a
quand même des fruits qui pourraient être tirés de cela sans
nécessairement attendre le déluge. Si je comprends bien, le
ministre reconnaît que c'est une possibilité de demander un
rapport intérimaire, mais il a jugé prudent, étant
donné la ramification de toutes les causes, de ne pas en demander
un.
M. Bédard: Cela, plus le fait que nous ne pouvions
prévoir les délais qui ont été occasionnés
par les procédures judiciaires et nous nous attendions toujours à
ce qu'à un moment donné cela se termine plus rapidement. Prenez
la commission McDonald; cela fait deux ans que cette commission, qui est
habilitée à faire la lumière sur les méthodes, les
systèmes de travail de la GRC, se penche sur les activités
illégales de ce corps policier, et aucune accusation n'a
été portée non plus. Je n'en fais pas reproche. Je pense
bien qu'ils sont pris un peu dans le même dilemme que nous d'attendre
qu'un rapport global soit fait de manière que les actions
appropriées soient prises. C'est après le rapport
intérimaire de la commission McDonald...
M. Forget: J'accepte cette explication qu'il n'est pas possible
de faire un rapport intérimaire, donc que la commission doit poursuivre
ses travaux en attendant que les obstacles soient levés. Dans ce
contexte, M. le Président, comment comprendre que, dans les cas
où des questions se posaient et pour lesquelles il n'y avait pas
d'obstacle évident, la commission ait choisi, malgré tout, de
s'abstenir?
Voici ce que j'ai à l'esprit: On se souvient qu'en novembre
dernier, quelques jours après la reprise des travaux de la commission,
trois témoins ou trois personnes convoquées par la commission ont
fait une déclaration, refusant de répondre à la
commission, etc. Et il y a eu là une question qui a été
posée devant les tribunaux relativement à l'une des trois qui
avait été identifiée par le commissaire, M. Keable, comme
étant présumément un informateur de police, M.
François Séguin. C'est à partir de cela qu'il y a toute
une série de poursuites devant les tribunaux, mais cela affecte M.
François Séguin. Comment se fait-il que la commission a choisi de
ne pas utiliser les loisirs qu'elle avait depuis ce temps-là pour
poursuivre l'interrogatoire de M. Robert Comeau et de M. Nigel Hamer? Dans le
cas de M. Comeau, on peut dire que M. Comeau ferait probablement les
mêmes protestations, sauf que ce n'est pas sûr du tout parce qu'il
n'a pas été, lui, identifié comme une source
policière, donc la même défense ne lui serait pas ouverte.
La commission aurait pu insister pour exiger qu'il fasse un témoignage,
ce qu'elle n'a pas fait. (11 h 15)
Dans le cas de Nigel Hamer, lui n'est pas solidaire des deux autres dans
leurs déclarations et rien n'indique qu'il aurait refusé de
répondre aux questions. Pourtant un tas de questions pourraient
être posées à M. Hamer puisque, évidemment, certains
allèguent que c'est le mystérieux sixième homme, etc.
Comment se fait-il que la commission ait choisi, dans ces deux cas
où rien ne l'empêchait de ne pas poursuivre son
travail?
M. Bédard: Je ne veux pas répondre pour la
commission et je ne crois pas que ce soit le rôle du ministre de la
Justice de répondre pour la commission, qui est indépendante et
qui choisit sa méthode de procéder. J'imagine qu'après les
difficultés qu'elle a connues avec M. Séguin, la commission a pu
prévoir qu'elle connaîtrait peut-être les mêmes
difficultés avec M. Comeau ou M. Hamer et qui je ne sais pas
elle a préféré vider, une fois pour toutes, les
procédures judiciaires avant de procéder à d'autres
interrogatoires qui auraient été susceptibles d'amener le
même genre de problème. Mais, encore là, c'est une
évaluation que je fais personnellement. Je ne veux pas, en cela,
répondre au nom de la commission qui, elle, a les réponses
à ces interrogations du député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'espère qu'elle a des
réponses à ces interrogations, parce que, certainement, ça
n'apparaît pas publiquement quelles réponses elle peut avoir. Dans
le cas de M. Hamer, il n'y a jamais eu de sa part de refus solennel de
témoigner. Au contraire, certaines indications de ses
témoignages, de son apparition et de certaines informations semblent
indiquer qu'il était prêt à témoigner. La commission
ne s'est pas intéressée à lui du tout. C'est assez
curieux, parce que, encore une fois, son nom est revenu tellement souvent. La
question de sa participation à l'enlèvement de M. Cross a
été soulevée. Je me souviens d'avoir eu un échange
avec le ministre où la même question de sa mise en accusation a
été soulevée. Il serait donc du plus haut
intérêt de poursuivre l'examen de ce dossier. On ne s'explique pas
ce silence, à moins qu'il s'agisse là d'une décision
arbitraire de ne pas entrer sur un terrain délicat. Je ne sais pas.
Là-dessus, ça ne s'explique pas. Du côté de M.
Comeau, qui n'a jamais été, à mon avis,
soupçonné d'être une source policière, les arguments
que M. Séguin a invoqués pour s'opposer à son
témoignage et que la police de Montréal a invoqués pour
s'opposer à son témoignage ne vaudraient pas.
Comment se fait-il que la commission a arrêté son
interrogatoire de M. Comeau si abruptement? M. le Président, je pense
qu'il faut, à ce moment-ci, après des mois d'attente
injustifiée, au moins faire écho à des propos, à
des rumeurs qu'on entend, relativement au fonctionnement de cette commission,
à savoir que M. Comeau aurait menacé de mentionner bien des noms
si on le forçait à témoigner davantage, et qu'à
cause de ça, la commission aurait observé une retenue
remarqua-
ble dans ce cas, ce qui fait un grand contraste avec son attitude
vis-à-vis de M. Séguin.
M. Bédard: Je pense que M. Comeau je
l'évoque comme ça; ma mémoire peut faire défaut
a déjà évoqué publiquement son refus de
témoigner devant la commission Keable. Encore une fois, c'est la
commission qui est maîtresse de ses travaux, comme c'est le cas pour la
commission McDonald et pour toute autre commission. Quand la commission adopte
une certaine attitude, c'est qu'elle doit avoir des motivations suffisantes
pour procéder de cette façon. Dans ce cas, c'est une
évaluation bien personnelle comme spectateur, comme tous les
membres de l'Assemblée nationale des travaux de la commission
Keable. J'ai l'impression qu'étant donné les difficultés
judiciaires connues, lors de l'interrogatoire de M. Séguin, qui a
donné suite à des procédures en cours, la commission
Keable a voulu essayer de vider les questions de droit qui ont
été soulevées par ce témoignage, de manière
à ne pas se retrouver avec les mêmes situations lorsqu'ils
auraient à continuer ou à interroger d'autres témoins
susceptibles d'avoir les mêmes attitudes que M. Séguin, auquel se
référait le député de Saint-Laurent. C'est mon
appréciation.
M. Forget: M. Séguin, on se souviendra que les
difficultés juridiques qui se posent relativement à...
M. Bédard: La Cour supérieure a... si vous
permettez je m'excuse.
La Cour supérieure a rendu un jugement favorable qui permettait
la poursuite des travaux de la commission. Cela a été
porté en appel et c'est devant la Cour d'appel présentement.
M. Forget: Mais, M. le Président, n'est-il pas vrai que
cette décision de la Cour supérieure et toute cette contestation
juridique entourent le cas précis de M. Séguin. Parce qu'on a
allégué qu'il était une source policière et cela
soulève tout le grand problème de la protection des sources
policières, etc. Or, ni la commission, ni personne d'autre, n'a jamais
allégué que la poursuite de l'interrogatoire de M. Comeau
pourrait soulever les mêmes difficultés juridiques. A moins,
évidemment, que la commission sache et n'ait pas dit que M. Comeau
était lui aussi une source policière. Cela taxerait la
crédibilité d'à peu près tout le monde,
semble-t-il. Donc, jusqu'à preuve du contraire, c'est une
hypothèse qu'on ne peut pas faire. M. Comeau, semble-t-il, n'est pas
présumé être une source policière, et son refus de
témoigner ne pouvait pas se situer dans ce contexte là. Donc il
n'est pas du tout affecté par la contestation devant les tribunaux, dans
le moment. Ce qui est en question, c'est là volonté de la
commission d'utiliser les pouvoirs de la loi sur les commissions
d'enquête pour obliger M. Comeau à poursuivre son
témoignage en attendant que la question de M. Séguin soit
réglée.
Comment se fait-il que, depuis le mois de novembre dernier, la
commission soit figée dans l'immobilité relativement à M.
Comeau; comme d'ailleurs dans le cas de M. Hamer qui, lui, n'a fait aucune
espèce de déclaration qu'il refuserait de témoigner?
Est-ce que la loi ne donne pas au commissaire les pouvoirs d'exiger un
témoignage et, si le témoignage n'est pas donné, dans ces
cas-là, d'appliquer les mesures, les sanctions appropriées? Ou,
est-ce que le commissaire s'est fait impressionner par le style de
l'intervention de M. Comeau? C'est évidemment lui qui l'a
rédigée, et non pas M. Séguin, même si les deux
l'ont signée. C'est d'ailleurs sa signature qui apparaît là
en premier. C'est une dénonciation extrêmement virulente des
intentions du gouvernement dans la création de la commission
d'enquête; des allégations qui visent le ministre de la justice
lui-même, etc. Est-ce qu'on a craint que ce genre de témoignage
serait plus dommageable à la commission et au gouvernement que l'absence
de témoignage?
M. Bédard: M. le Président, j'ai déjà
eu l'occasion de le dire en Chambre et je le redis au député de
Saint-Laurent, le ministre de la Justice n'a aucune crainte, de quelque
manière que ce soit. Je pense que la volonté de la commission
Keable de faire la lumière sur tous les événements est
très bien établie chez l'ensemble du public. Les nombreuses
contestations judiciaires qui ont été jusqu'au niveau de la Cour
suprême en font foi. Et si l'intention ou la volonté de la
commission avait été de diluer, je pense bien qu'on n'aurait pas
retrouvé, chez les commissaires, la tenacité dont ils ont fait
preuve pour la défense qui a été faite à l'occasion
de chacune de ces procédures judiciaires. La commission, encore une
fois, est maître de ses travaux et une fois qu'elle aura terminé
ses travaux, elle sera jugée, comme toute autre commission, sur le
rapport qu'elle aura à fournir et sur l'ensemble des
considérations et du travail qu'elle aura effectué au cours de
son mandat.
C'est tout ce que je peux dire, M. le Président, comme ministre
de la Justice. Je ne pense pas que ce soit mon travail de m'insérer dans
les travaux d'une commission qui doit fonctionner d'une manière
indépendante. Je ne l'ai pas fait, je ne le ferai pas. Je me suis permis
simplement, à la suite des questions du député de
Saint-Laurent, d'y aller de quelques considérations qui,
peut-être, à vue d'oeil, pouvaient expliquer un comportement
particulier de la commission par rapport à l'audition de certains
témoins. Il est évident que je ne peux pas aller plus loin que
cela dans mes commentaires, puisque les vrais commentaires en réponse au
député de Saint-Laurent se doivent d'être faits par la
commission elle-même.
M. Forget: M. le Président, je veux être un peu plus
précis, parce qu'il reste quand même que, indépendamment de
ce que l'Opposition peut dire, il y a d'autres observateurs qui ont
été frappés par le fait que la commission semble
très timide lorsqu'il s'agit d'explorer les ramifications politiques du
FLQ. Comme exemple de ça, je pense qu'on peut citer ce qu'un journaliste
a lui-même
dit, lors de la fameuse entrevue télévisée de Mme
Devault, voulant que la commission n'avait déployé aucune
diligence, aucun effort, pour explorer les liens que cette personne pouvait
avoir avec le Parti québécois et avec des membres connus du Parti
québécois, tels que, par exemple, M. Jacques Parizeau, dans
l'organisation de comté duquel Mme Oevault a travaillé. M.
Parizeau, semble-t-il, aurait été un facteur dans l'obtention
d'un emploi à une compagnie, la Compagnie Calex, je pense, une compagnie
d'huile dans laquelle Mme Devault a agi comme secrétaire; je pense
qu'elle a été employée là sur les recommandations
ou selon les avis de M. Parizeau et c'est dans cette compagnie qu'il y a eu un
vol, au nom et à l'avantage du FLQ, auquel a participé Mme
Oevault. Il est évident qu'elle était informatrice de la police.
Est-ce que tout ceci était connu de celui qui l'avait recommandée
pour cet emploi et pour qui elle avait travaillé
précédemment, de façon fort directe et intense, comme
organisatrice dans son comté? Est-ce que la commission, qui a si
prudemment évité d'explorer ces dimensions, toute la ramification
politique du FLQ, ne démontre pas encore, dans son défaut de
poursuivre l'interrogatoire de M. Comeau, une timidité qui prend tout
son sens? Justement lorsque l'on constate que ces liens ont peut-être
existé, il serait peut-être intéressant d'en savoir
davantage?
M. Bédard: Le député de Saint-Laurent est
redevenu fidèle à lui-même en y allant d'un paquet
d'insinuations à partir d'articles de journaux ou de confidences qu'il a
pu recueillir concernant les ramifications politiques. J'ai l'impression que la
commission Keable est parfaitement indépendante et elle fera tout le
travail qu'elle a à faire. Il n'y a aucune crainte de ce
côté-ci de la Chambre que la commission puisse faire tous les
travaux qu'elle a à faire pour l'enquête. Tel que je le disais
tout à l'heure, c'est lorsque son rapport sera rendu public qu'on sera
à même d'évaluer l'ensemble de la qualité du travail
qui a été fait par la commission Keable, de la même
façon qu'on le fait pour toutes les autres commissions qui ont des
mandats spécifiques à remplir.
Je pense que le député de Saint-Laurent, encore une fois,
est revenu à son habitude d'y aller de noms, de différentes
interprétations de situations. Je n'entrerai pas dans cette voie, M. le
Président; je pense que le député de Saint-Laurent a
déjà adopté cette attitude à plusieurs reprises et
il a été dénoncé, à juste titre, pour une
attitude souvent irresponsable et préjudiciable même à la
justice, préjudiciable aux travaux de l'administration de la
justice.
Personnellement, je crois que la commission Keable a toute la latitude
nécessaire; qu'elle fasse tout le travail qu'elle croit devoir faire
pour les enquêtes et qu'elle présente son rapport comme le font
les commissions indépendantes. Il n'y a pas d'inquiétude du
côté gouvernemental. Et, s'il y a des choses à reprocher,
il le fera s'il le croit approprié. Mais d'y aller comme le fait le
député de Saint-Laurent, avec toutes sortes d'affirma- tions,
d'insinuations, de faits en termes d'interrela-tions, je crois que ça
cadre bien avec l'attitude irresponsable qui a déjà
évoquée à l'endroit du député de
Saint-Laurent. Je le voyais cité d'ailleurs, hier, par deux
éditorialistes, entre autres, M. Jean-Claude Leclerc qui lui a
déjà donné la palme de l'irresponsabilité et M.
Dumais également.
M. Forget: Oui, on va revenir à cet aspect
également.
C'est tout ce que vous avez à répondre? M. le
Président, il y a deux aspects... (11 h 30)
M. Bédard: Ce que j'ai à répondre, c'est que
la commission Keable est une commission indépendante qui a tout le
loisir, toute la latitude de faire toutes les enquêtes
nécessaires, qu'elle croit opportun de faire, sans aucune entrave et
sans aucune influence de qui que ce soit. Comme ministre de la Justice, c'est
le mandat et comme gouvernement, c'est le mandat que nous lui avons
donné. Et ces travaux étant faits, ils auront à
présenter un rapport sur lequel, non seulement le gouvernement, mais
également l'Opposition, aura à faire les appréciations
qu'ils jugeront bon de faire. Entre-temps, par exemple, je crois qu'il faut
avoir un certain sens de la responsabilité au niveau de l'administration
de la justice. J'invite mes collègues à l'avoir aussi, pour
laisser cette commission continuer ses travaux d'enquête et ne pas
essayer d'entraver son travail et sa crédibilité avec des
éléments qu'on apprend soit dans les journaux, partout...
M. Forget: D'accord, ça va pour le cours de morale, M. le
Président.
M. Bédard: ... ou encore, des éléments qui
peuvent être l'objet d'enquêtes, mais sur lesquelles la commission
Keable aura à conclure comme toutes les commissions indépendantes
ont à le faire.
M. Forget: M. le Président, le ministre nous dit
essentiellement une chose par son long cours de morale enrobé de toutes
sortes de sentiments sirupeux...
M. Bédard: Ce n'est pas un cours de morale; c'est un cours
de droit.
M. Forget: II reste qu'il dit que c'est une commission
indépendante. C'est un bien grand mot, un bien noble mot à
utiliser, alors que j'ai devant moi la liste de quelque quatorze
arrêtés en conseil sur une période de trois ans. Ce qui
veut dire que le ministre s'est mis, depuis le début, en position de
juger, de trois mois en trois mois, ou à peu près, de
l'état des travaux et de la nécessité, doit-on dire de
l'opportunité politique, de poursuivre le travail. A chacune de ces
occasions, puisqu'il en va de l'existence même de la commission, il se
met, lui aussi, en position de juger si la commission a bien ou mal agi, selon
ses critères à lui, dont il n'a pas à faire état en
public, semble-t-
il. Mais, il demeure, M. le Président, qu'il y a des hommes
publics dont les noms étaient mentionnés, en relation avec ces
activités, et il me semblerait dans l'intérêt même du
gouvernement, et du parti qui occupe le pouvoir actuellement, qu'il soit
opportun que cette commission fasse la lumière sur ces dimensions avec
une diligence, au moins comparable, à celle qu'elle met à
démontrer une thèse sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir.
Mais, tout le monde sait ce qu'elle est. C'est une thèse qui vise
à faire la preuve, en quelque sorte, que les événements
d'octobre n'ont existé que dans l'imagination d'un certain nombre
d'individus, et que par conséquent, il ne faut pas prendre ça au
sérieux, qu'il s'agissait là d'une tentative des forces de
l'ordre, pour impressionner la population, etc.
On sait déjà très bien qu'elle est la thèse
qu'on cherchait à illustrer, au départ; mais on devrait
manifester autant de diligence à démontrer non pas une
thèse, en particulier, mais à éclairer, à jeter la
lumière sur tous les faits, et particulièrement lorsque le nom
d'un homme public est impliqué. Il semble qu'il y a des hommes publics
qui sont impliqués indirectement. Qu'on fasse la lumière de
manière qu'on soit sûr. Je ne demande pas mieux que de croire que
tout le monde est au-dessus de tout reproche. Mais, vous savez très
bien, M. le ministre, que, selon le proverbe que "la femme de César doit
être au-dessus de tout reproche", que ce proverbe s'applique par
excellence aux hommes politiques. Puisque dans ce cas-ci, il y a un certain
nombre de questions qui se posent et on se rend compte que la commission n'y a
porté aucun intérêt ce n'est pas seulement moi qui
le dis ce sont d'autres observateurs qui ne sont pas dans l'arène
politique qui s'étonnent également de l'incurie, de la
négligence ou de la lenteur... Je ne sais pas ce que c'est exactement,
mais c'est certainement de la lenteur est-ce que c'est autre chose que
ça de la commission Keable vis-à-vis certaines dimensions
de son mandat.
Nous n'avons pas eu de réponse sur l'interruption brutale de
certains interrogatoires. Est-ce qu'il y avait des raisons? Il y a cependant
des rumeurs et les rumeurs sont susceptibles de se multiplier à mesure
qu'on attendra pour éclairer les choses, aller jusqu'au bout. Ou alors
on dira: C'est finalement une entreprise qui n'a pas de fondement, qui n'a pas
de justification et on y mettra fin. Mais, il faut faire l'un ou l'autre, et ne
pas tenir la commission en suspens de trois mois en trois mois, en donnant
l'impression qu'on est en train de réaliser un grand objectif.
M. le Président, j'avais une deuxième
préoccupation...
M. Bédard: M. le Président, vous me permettrez de
dire que, concernant la conduite de ces travaux, la commission Keable a
été une des commissions dont le travail, au point de vue du
fonctionnement des travaux a été, au contraire de ce que dit le
député de Saint-Laurent, louangé par maints
éditorialistes qui ont eu à se prononcer et qui ont fait la
comparaison avec d'autres commissions, comme la commission McDonald, et qui en
ont conclu à un mode de fonctionnement beaucoup plus rigide, beaucoup
plus rigoureux et plus efficace de la commission Keable, par rapport à
d'autres commissions premier point.
Deuxièmement, la commission Keable a le mandat de faire la
lumière sur tous les faits qu'elle croit importants et elle a, comme
toutes les commissions indépendantes, un mandat qui lui donne toute la
latitude de faire ce qu'elle croit devoir faire dans l'exécution de ce
mandat. Et, qui que ce soit qui puisse être visé, quels que soient
les faits qui peuvent être concernés, je peux dire au
député de Saint-Laurent, comme ministre de la Justice, que la
commission Keable a toute la latitude de faire toute la lumière qu'elle
ésire et qu'elle réclame.
Pour ce qui est des remises de trois mois en trois mois, encore
là, le député de Saint-Laurent fait preuve
d'irresponsabilité en essayant de faire croire que c'est à partir
d'une évaluation politique qu'on continue ou qu'on ne continue pas les
mandats de la commission Keable. Parce qu'il sait très bien que, dans la
plupart des cas...
M. Forget: Nous n'avons aucune preuve, aucune!
M. Bédard: Soyez donc responsable un peu! ... ces
prolongations ont été nécessaires à la suite de la
prise de procédures judiciaires qui n'étaient pas
prévisibles et qui, par la force des choses, ont occasionné
l'obligation, pour le gouvernement, de prolonger le mandat de la commission. Si
le gouvernement, à la suite de procédures judiciaires,
s'était permis de mettre fin abruptement aux travaux de la commission
Keable, à ce moment, ce sont des reproches justifiés qui auraient
été faits, à l'endroit du gouvernement, de vouloir mettre
fin à ces travaux dès la première occasion ou le premier
prétexte qui pourrait lui être fourni. Ce que nous n'avons pas
fait et ce que je n'accepterais pas de faire comme ministre de la Justice.
Alors, la commission Keable a toute la latitude nécessaire et la
liberté nécessaire pour faire le travail qu'elle croit devoir
faire au niveau des enquêtes et des mandats qui lui ont été
confiés.
M. Forget: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: J'ai une deuxième préoccupation...
M. Bédard: Là je terminerai là-dessus
de l'aveu même du député de Saint-Laurent, qui
disait, à la fin de son intervention, qu'"il y a beaucoup de rumeurs qui
circulent", je lui fais remarquer que s'il fallait administrer la justice
à partir de rumeurs, ça serait impossible d'administrer la
justice. Il faut quand même un sens des responsabilités qui soit
à la hauteur de la tâche que représente l'administration de
la justice. S'il fallait, comme l'a déjà demandé le
député de
Saint-Laurent et il continue dans son attitude irresponsable
qu'un ministre de la Justice commence à nommer des personnes qui
peuvent être soupçonnées, qui ont pu faire l'objet
d'enquêtes, sans qu'aucune accusation ait été portée
contre elles, s'il fallait qu'il fasse état de ces noms, je pense que ce
ne serait plus vivable; ce ne serait pas acceptable, parce que des
réputations pourraient être touchées, alors qu'il n'y a
aucun fondement, parce que, au cours des enquêtes policières qui
se font par milliers dans le Québec, le fait que la police puisse
rencontrer des personnes, puisse les interroger dans le cadre normal de son
activité, ne fait pas la preuve de responsabilité ou la preuve de
culpabilité de ces personnes interrogées, ça fait partie
souvent de l'ensemble du travail des policiers. S'il fallait qu'un ministre de
la Justice commence à se permettre d'évoquer les noms de toutes
les personnes qui sont interrogées par les policiers, ce serait...
M. Forget: N'enfoncez pas des portes ouvertes!
M. Bédard: Oui, c'est une porte ouverte dans laquelle vous
êtes entré, parce que vous vous êtes permis de
demander...
M. Forget: Je vous ai cité des faits et non pas seulement
des rumeurs; j'ai dit...
M. Bédard: Vous vous permettez de jouer avec les rumeurs
et après ça d'y aller d'insinuations. Vous nous permettrez au
moins de répondre; j'espère que vous aurez au moins cette
décence.
M. Forget: Vous ne faites que ça, vous prenez une heure
là, pour moraliser sur chaque question.
M. Bédard: Quand le député de Saint-Laurent
m'accuse d'entrer dans une porte ouverte, c'est une porte qu'il a ouverte
lui-même en demandant, à quelques reprises il semble
incorrigible de ce côté au ministre de la Justice, en
Chambre, d'évoquer des noms de personnes qui auraient pu faire l'objet
d'enquêtes, qui auraient pu être interrogées par des
policiers; avant même que ces enquêtes soient terminées,
avant que des décisions soient prises à savoir s'il y a des
inculpations ou non à faire.
Voilà l'attitude irresponsable du député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je pensais que c'était pour ça que nous
avions une enquête...
M. Lalonde: Le ministre a la mémoire courte!
M. Forget: ... pour explorer des faits qui sont troublants, et je
vous en ai cité des faits...
M. Bédard: Si vous voulez...
M. Forget: ... et des faits qui impliquent un de vos
collègues. Est-ce qu'il ne serait pas normal, comme bien des gens le
pensent, que la commission ait autant de diligence pour explorer ces faits
qu'elle en a pour explorer d'autres faits si elle ne veut pas elle-même
être accusée de partialité politique.
M. Bédard: Ce que je vous demande tout simplement en
terme...
M. Forget: ... à condition qu'il soit encore imaginable
qu'elle ne le soit pas.
M. Bédard: ... de responsabilité au niveau de
l'administration de la justice un minimum de responsabilités
c'est de laisser la commission Keable faire ses travaux. C'est une
commission indépendante qui a à décider...
M. Forget: Une commission indépendante qui ne sait pas si
elle existera le 1er août.
M. Bédard: ... de la conduite de ses travaux.
Laissez...
M. Forget: Elle va exister le 1er août si vous voulez bien
la laisser exister.
M. Bédard: Vous avez peur. On dirait que vous avez
peur...
M. Forget: Ce n'est pas moi qui ai peur. M. Bédard:
... qu'elle continue ses travaux.
M. Forget: Ah! Ah! Ce n'est pas moi qui ai peur. S'il y a
quelqu'un qui a peur ici, ce n'est pas moi. Otez-vous cela de
l'idée!
M. Bédard: Ah, non? Au contraire. Vous avez peur qu'elle
continue ses travaux.
M. Forget: S'il y a quelqu'un qui a peur ici, ce n'est pas
moi.
M. Bédard: Oui, c'est vous, je pense.
Le Président (M. Laberge): M. le député, je
vous rappelle à l'ordre.
M. Bédard: C'est vous!
M. Forget: Regardez-vous! Faites votre examen de conscience.
M. Bédard: C'est vous par votre manière politique
de traiter tout ce qui regarde l'administration de la justice.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent, je vous rappelle à l'ordre.
M. Bédard: Laissez, autrement dit... Vous avez peur que la
commission Keable puisse avoir le temps avant que vous fassiez...
M. Lalonde: Vous êtes bien nerveux!
M. Bédard: ... toutes les insinuations incroyables comme
vous le faites maintenant, de faire le travail d'enquête qui peut
être nécessaire dans tout ce que vous avez pu alléguer ou
dans tout ce que vous pourriez avoir présent à l'esprit et
ensuite...
M. Forget: Au contraire. Je l'invite à
accélérer ses travaux. Qu'elle accélère ses
travaux!
M. Bédard: Ce n'est pas votre responsabilité, cela!
Et qu'elle puisse, après cela...
M. Forget: Qu'elle arrête de s'accrocher dans les fleurs du
tapis comme elle le fait depuis le début!
M. Bédard: Vous avez peur qu'elle... Et même, vous
ne voulez pas donner le temps à la commission Keable, parce que
ça vous empêcherait d'y aller de certaines insinuations dont vous
êtes friand, vous avez peur que la commission... Vous ne voulez pas
donner le temps à la commission Keable de faire le travail qu'elle a
à faire en termes d'enquête et ensuite, de présenter son
rapport. Lorsqu'elle présentera son rapport, les parlementaires auront
l'occasion de s'exprimer et si, à ce moment-là, nous croyons que
des choses, ou des enquêtes ou des éléments n'ont pas
été touchés par la commission Keable et qui auraient
dû l'être, c'est à ce moment-là qu'il sera temps, en
termes de responsabilité de l'administration de la justice, de faire
état des insinuations ou des rumeurs dont parle le député
de Saint-Laurent. Mais, au contraire, le député de Saint-Laurent,
dans son attitude d'irresponsabilité, avant même que les travaux
ne soient terminés, y va de toutes les insinuations, de tous les ragots
qu'il peut ramasser ici et là pour essayer justement, non pas de
faciliter l'administration de la justice, non pas de faciliter les travaux de
la commission Keable, mais d'essayer de compliquer la situation. Et je ne suis
pas le seul à le dire, M. le Président. M. Jean-Claude Leclerc,
éditorialiste du Devoir...
M. Forget: Mais oui! C'est votre bible, ça. C'est votre
bible. C'est ça...
M. Bédard: ... disait, entre autres, ceci: "Ce n'est
pas...
M. Forget: ... couchez avec.
M. Bédard: Non, non. Oh! oui, vous avez peur des jugements
quand même, mais c'est ça, votre attitude irresponsable!
M. Forget: Couchez avec. Je vous le laisse comme partenaire.
M. Bédard: M. le Président, ai-je la parole?
Le Président (M. Laberge): Oui, sauf que si vous voulez,
je tiens à vous laisser la parole parce que vous y avez droit.
Cependant, avec ce qui vient de se produire, je voudrais rappeler, pour
l'entendement de tous les membres de la commission, quatre articles de notre
règlement. L'article 99, paragraphe 4, dit ceci: "II est interdit
à un député qui a la parole de parler d'une affaire qui
est devant les tribunaux ou devant un organisme quasi judiciaire ou d'une
affaire qui est sous enquête, lorsque dans ce dernier cas, les paroles
prononcées peuvent être préjudiciables à une
personne." C'est le premier point. Je ne ferai pas d'autre commentaire.
L'article 171, paragraphe c) dit: "Un ministre ou un député
auquel une question est posée peut refuser d'y répondre, c) si la
question porte sur les travaux d'une commission de l'Assemblée ou d'une
commission d'enquête dont le rapport n'a pas été
déposé à l'Assemblée." L'article 99. 8) dit: "II
est interdit à un député qui a la parole de se servir d'un
langage violent ou blessant à l'adresse de qui que ce soit ou
irrespectueux pour l'Assemblée." Et si je reviens à l'article
168, au paragraphe 2, on nous rappelle que: "Une question ne doit contenir que
les mots nécessaires pour obtenir les renseignements demandés.
Elle est irrecevable si elle contient une hypothèse, une expression
d'opinion, une déduction, une suggestion ou une imputation de motifs."
Notre règlement est très clair là-dessus et je voudrais
que cela éclaire vos travaux.
M. Bédard: C'est dans cette voie que s'oriente le
député de Saint-Laurent en imputant des motifs de...
M. Forget: M. le Président, est-ce qu'il veut
m'empêcher de poser des questions?
M. Bédard: Non, non. Je vais répondre à
vos... Ecoutez!
M. Forget: Pourquoi ces grands sermons?
M. Bédard: Vous avez le droit d'y aller d'insinuations,
d'attaques à la réputation, de n'importe quoi en faisant
état de ragots, de rumeurs pour vous attirer une publicité
politique. Vous faites simplement...
M. Forget: Je n'ai pas attaqué la réputation de qui
que ce soit.
M. Bédard: Vous accusez, à un moment donné,
les gens de ce côté-ci de la Chambre de faire de la politique au
niveau de l'administration de la justice, alors que c'est vous qui en faites
d'une façon tout à fait irresponsable avec l'ensemble des
insinuations...
M. Forget: Est-ce que vous niez les faits?
M. Bédard: ... et après ça, des
allégations que vous avez faites tout à l'heure.
M. Forget: Est-ce que vous niez les faits que j'ai
allégués?
M. Bédard: La commission Keable est là. C'est une
commission indépendante et elle enquêtera sur tout ce qu'elle
croit devoir enquêter. Ensuite, nous serons en mesure...
M. Forget: Seriez-vous prêt... (11 h 45)
M. Bédard: ... et comme gouvernement et, vous, comme
membre de l'Opposition...
M. Forget: ... à ajouter cela dans l'arrêté
en conseil...
M. Bédard: ... de faire...
M. Forget: ... comme mandat.
M. Bédard: ... les...
M. Forget: Vous avez des mandats très
détaillés.
M. Bédard: M. le Président, est-ce qu'on a le droit
de parler?
M. Forget: M. le Président, c'est que... M.
Bédard: Non.
M. Forget: ... il dit que c'est la commission qui décide
de tout. Ce n'est pas vrai. Le ministre lui-même, le Conseil des
ministres...
M. Bédard: Je n'ai pas dit qu'elle décidait de
tout, mais qu'elle a un mandat...
M. Forget: ... a donné ses ordres de marche à la
commission.
M. Bédard: ... très explicite.
M. Forget: Seriez-vous prêt à ajouter ces faits que
j'ai cités au mandat de la commission?
M. Bédard: M. le Président.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre, votre
réponse.
M. Bédard: Le député, encore là, est
irresponsable. Il fait état de rumeurs qui, semble-t-il, sont à
la connaissance de la commission. Si elles le sont...
M. Forget: Ce ne sont pas des rumeurs. Ce sont des faits
connus.
M. Bédard: ... ou de faits connus... Si elles le sont
à la connaissance de la commission, la commission va faire son devoir,
comme elle doit le faire, un point, c'est tout.
M. Forget: Mais on n'en sait rien. M. Bédard: Elle
doit le faire.
M. Forget: Si elle estime que ce n'est pas dans son mandat.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Bédard: Vous jugerez après.
Le Président (M. Laberge): Laissez le ministre
répondre.
M. Bédard: C'est ce que je vous demande, d'avoir une
attitude responsable. Laissez donc la commission Keable, comme vous laissez les
autres commissions, comme nous, nous l'avons fait pour la commission Malouf ou
pour d'autres commissions, terminer ses travaux. Ensuite, vous vous permettrez
les évaluations qui peuvent être tout à fait normales, une
fois que ses travaux seront terminés. Mais n'essayez pas, par exemple,
à partir de toutes sortes de révélations explosives et
bien plus pour essayer de se mettre dans le portrait du point de vue
politique... Plutôt que d'essayer de compliquer les travaux de la
commission, laissez la commission faire ses travaux. Ce que vous faites
à l'heure actuelle peut être de nature à compliquer
vous le savez très bien et vous le faites sciemment les travaux
de la commission Keable. Vous la jugerez une fois ses travaux
terminés.
M. Lalonde: Question de règlement.
M. Bédard: Je termine en disant ceci et je le rappelle au
député de Saint-Laurent.
M. Lalonde: J'ai une question de règlement.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, sur une question de règlement.
M. Lalonde: M. le Président, j'ai une question de
règlement. Le ministre, naturellement, a un droit de parole
illimité, mais vous avez soulevé des articles du règlement
pour tenter de cerner un peu le débat.
Le Président (M. Laberge): Ce qui m'a paru le plus
pertinent.
M. Lalonde: Le ministre vient justement de violer ce
règlement en accusant le député de Saint-Laurent de
vouloir sciemment compliquer ou entraver les travaux de la commission. Alors,
premièrement, j'aimerais que vous le rappeliez à l'ordre.
Deuxièmement, tout ce qu'on veut savoir, c'est pourquoi... Au
fond, cela touche le mandat ou les mandats de la commission Keable; cela est
parfaitement dans l'ordre d'en discuter ici. Si le député de
Saint-Laurent suggère au ministre d'étendre le mandat pour que la
commission Keable ait le pouvoir d'enquêter sur un cas particulier, c'est
non seulement le droit, mais le devoir du
député de Saint-Laurent de le sug§érer au
ministre ici à l'occasion de l'étude des crédits.
Troisièmement, si le député de Saint-Laurent
s'interroge sur l'opportunité d'étendre ou de prolonger les
mandats de la commission au compte-gouttes, c'est encore là non
seulement le droit, mais le devoir du député de Saint-Laurent de
soulever la question ici. Je pense que le ministre devrait cesser d'abord de
prêter des motifs indignes au député de Saint-Laurent, et
vous devez le rappeler à l'ordre.
Le Président (M. Laberge): M. le député,
c'est pour cela que j'ai terminé ma mise au point, tout à
l'heure, par l'article 68, paragraphe 2, qui parle d'imputation de motifs.
Cependant, lorsque vous avez posé votre question de règlement, je
crois que le ministre était en train de répondre à la
question du député de Saint-Laurent. Je le laisse terminer sa
réponse.
M. Lalonde: En lui prêtant un motif. Je ne sais pas si vous
entendez aussi bien du côté droit que du côté
gauche.
Le Président (M. Laberge): Non. M. Bédard:
Je ne sais pas ce que...
Le Président (M. Laberge): J'ai remarqué et j'ai
entendu. Cependant, je l'aurais rappelé à l'ordre si cela avait
été rejeté; je vous l'assure.
M. Bédard: M. le Président, en terminant, je
demande simplement au député de Saint-Laurent de faire preuve de
responsabilité, de laisser la commission Keable continuer ses travaux
jusqu'au bout. Lorsqu'elle aura terminé ses travaux, à ce
moment-là, tant du point de vue gouvernemental que du point de vue de
l'Opposition, comme c'est le cas pour toutes les commissions d'enquête,
nous pourrons faire l'évaluation, les critiques que nous croirons
appropriées concernant le travail de la commission Keable.
M. Forget: J'ai une deuxième préoccupation
relativement à la commission Keable, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Allez-y.
M. Forget: Je voudrais commencer par une question simple. Est-ce
que le ministre est au courant, ou pourrait-il se mettre au courant s'il ne
l'est pas actuellement, que le caractère non sécuritaire de
certains membres du personnel de la commission d'enquête qui ont
accès au dossier confidentiel sur les informateurs de police, par
exemple, a été mis en doute? Pourrait-il nous assurer que le
caractère sécuritaire des membres du personnel, d'aucuns des
membres du personnel de la commission, n'a jamais été mis en
doute?
M. Bédard: A ma connaissance, je peux vous donner cette
assurance.
M. Forget: Aucun d'entre eux... M. Bédard: Aucun
d'entre eux.
M. Forget: Aucune question de ce genre n'a été
posée.
M. Bédard: Non, aucune n'a été portée
à mon attention, ni à l'attention du ministère.
M. Forget: Est-ce qu'il est concevable que le problème se
soit posé sans que vous le sachiez?
M. Bédard: Ne me demandez pas de répondre à
des questions hypothétiques; je réponds très
carrément à la question que vous m'avez posée et je suis
en mesure de vous donner l'assurance que vous me demandez.
M. Forget: N'est-il pas vrai, M. le Président, qu'un des
contrats qui sont contenus dans la liste que nos collègues nous ont
remis, impliquant M. Hubert Sacy, n'a pas été renouvelé
précisément pour cette raison, qu'il était jugé non
sécuritaire?
M. Bédard: Pas du tout, au contraire, c'est parce que M.
Sacy est retourné à l'emploi de la CEQ.
M. Forget: Je veux bien croire qu'il avait des contrats de trois
mois en trois mois, peut-être, mais...
M. Bédard: Je vous réponds que ce n'est pas le
cas.
M. Forget: ... il y a peut-être une raison pour laquelle on
n'a pas renouvelé ce contrat. Est-ce que ce ne serait pas pour une
question sécuritaire?
M. Bédard: Je vous réponds très clairement,
ce n'est absolument pas pour des questions sécuritaires.
M. Forget: Vous êtes positif. M. Bédard:
Très positif.
M. Forget: Est-ce que le ministre a une explication pour les
fuites dont au moins un journaliste a manifestement
bénéficié. On retrouve dans certains articles, pour
lesquels je vous donnerai des références précises, des
informations qui, à l'époque où elles ont
été publiées, décelaient une connaissance des
dossiers confidentiels de la commission Keable. Le journaliste en question,
c'est M. Marc Laurendeau qui, évidemment, est un grand
spécialiste des questions de sécurité; il a écrit
une thèse de maîtrise en sciences politiques là-dessus et
il suit ces activités avec un très grand intérêt et
avec beaucoup de jugement, de discernement dans la plupart des cas. En plus de
toutes ces qualités, que je suis le premier à lui
reconnaître, il a aussi fait état, dans des articles du 21
novembre, 24 novembre et 1er septembre 1979,
d'informations qui, à ce moment-là, n'étaient
susceptibles d'être connues de personne, sauf des membres de la
commission. Si tout le monde était tellement sécuritaire, comment
a-t-on pu retracer l'origine de ces fuites? Est-ce qu'on les a
retracées?
M. Bédard: Vous avez parlé de M. Laurendeau comme
étant un spécialiste, j'imagine qu'il fait...
M. Forget: Oui, il ne peut pas inventer des informations qu'il
n'a pas, tout spécialiste qu'il soit.
M. Bédard: J'imagine que, comme journaliste, il fait ses
enquêtes lui-même; il a peut-être des sources
privilégiées, comme le député de Saint-Laurent, et
il en fait état dans ses articles.
M. Lalonde: Vous pensez que le député de
Saint-Laurent est bien informé?
M. Bédard: Je ne dis pas qu'il est très bien
informé...
M. Lalonde: Vous pouvez confirmer cela ce matin.
M. Bédard: Nous en savons suffisamment.
M. Forget: M. le Président, ce n'est pas simplement une
question d'apprendre n'importe quoi. Dans l'article du 21 novembre, par
exemple, il fait allusion et il est le premier à y faire allusion
"aux traitements de faveur qui sont donnés à certains
informateurs". L'expression est contenue et il fait sans doute allusion
à des activités de protection de témoins qui
étaient rigoureusement confidentielles à l'époque, que
personne des membres de la commission eux-même ou du personnel ne
connaissaient, mais que ce journaliste semblait connaître avec une
assurance désarmante.
Dans l'article du 24 novembre, il devient beaucoup plus précis
c'est trois jours plus tard: "Carole Devault est protégée
24 heures sur 24 par la police." Qui, en dehors du commissaire et d'un
très petit nombre de gens, était au courant de cela? Est-ce que
ce n'est pas une fuite très grave puisque ce n'est pas pour rien que ces
informations sont confidentielles? Il y a également, dans le même
article, une allusion au contenu du rapport Duchaîne. Le rapport
Duchaîne, on ne sait pas très bien s'il a été remis
ou s'il sera remis au ministre de la Justice. On avait l'impression qu'il avait
été remis il y a deux ans, mais on a appris il y a deux jours
qu'il était encore en train de le rédiger. De toute façon,
il y avait probablement une première version.
M. Bédard: Là-dessus, j'ai dit très
clairement que les travaux n'étaient pas terminés. Ne me faites
pas dire ce que je n'ai pas dit.
M. Forget: II y a des références à ce qui
est contenu dans le rapport Duchaîne, et des référen- ces
très spécifiques, dans cet article du 24 novembre. Qui a fait
cette fuite? Est-ce que le ministre s'en est inquiété?
Le 1er décembre, il fait allusion à des preuves
établissant la qualité d'informateur de François
Séguin. Or, à ce moment, je pense que c'était là
aussi des choses qui avaient été probablement dites dans les
séances à huis clos auxquelles les journalistes ne sont pas
invités, si je comprends bien. Comment un journaliste peut-il faire
état de ces preuves, non pas comme une hypothèse, mais comme une
certitude.
M. le Président, je pense qu'il y a là des indications que
certains journalistes ont eu un accès privilégié à
des documents et à des informations qui ne sont pas rendus disponibles
au public en générai, ni aux membres de l'Assemblée
nationale, ni peut-être même au ministre de la Justice, je n'en
sais rien. On doit rapprocher cela du mandat de M. Sacy qui, je pense, à
un moment donné, avait comme mandat de valoriser auprès de
l'opinion publique les travaux de la commission d'enquête. Est-ce qu'il
n'y a pas un lien entre tout cela? C'est ce que j'aimerais bien savoir, mais je
n'aimerais pas seulement avoir les assurances bon enfant du ministre. Il s'agit
là de fuites, de renseignements ultra-confidentiels, et dans certains
cas qui peuvent sérieusement mettre en danger le déroulement des
travaux de la commission à l'époque où ils ont
été dévoilés.
Comment se fait-il qu'on les retrouve dans les journaux?
M. Bédard: M. le Président, je l'ai dit tout
à l'heure, le député de Saint-Laurent l'a
évoqué, le journaliste auquel il réfère est un
spécialiste en la matière; il a d'ailleurs fait des ouvrages
très poussés sur l'ensemble de ces sujets. Je ne suis pas
maître des sources que pourrait avoir M. Laurendeau.
M. Forget: Je ne le blâme pas d'en avoir, s'il fait son
travail.
M. Bédard: Par rapport à la question que me pose le
député de Saint-Laurent, je n'ai aucune indication et absolument
aucune indication que des renseignements privilégiés aient pu
être donnés à M. Laurendeau par la commission Keable.
M. Lalonde: M. le député de Saint-Laurent...
M. Bédard: Quand le député de Saint-Laurent
y va de sa série d'indications, en essayant de mettre cela en relation
avec M. Hubert Sacy et son mandat de valoriser les travaux de la commission
Keable, je crois que c'est faux comme approche, parce que la valorisation de la
commission Keable s'imposait d'elle-même par le travail important qu'elle
avait à faire au niveau de l'action policière et de certains
événements durant une certaine période de temps qui sont,
à mon sens, très importants pour l'ensemble d'une
collectivité. Quand on parle de la crise d'octobre ou des actions
policières telles que celles qui ont été
évoquées concernant la gendarmerie royale et
d'autres corps policiers, il me semble que c'est important que le public
soit bien informé dans le sens des travaux faits, parce qu'il y a une
relation tout à fait directe entre ce qu'on appelle l'action
policière et le respect des droits et libertés individuels. C'est
dans ce sens que doit être compris le mandat de M. Hubert Sacy et non pas
dans le sens de l'insinuation faite par le député de
Saint-Laurent.
M. Lalonde: J'aurais une question si le député de
Saint-Laurent me le permet.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre pourrait nous dire quel est le
membre de son cabinet qui est assigné au dossier Keable? Quel est le
membre de son cabinet politique qui est assigné à ce dossier, et
quelle est la fréquence des rapports que ce membre de son cabinet a avec
la commission Keable?
M. Bédard: Comme tous les dossiers, la personne principale
est mon chef de cabinet. Lorsque des demandes spécifiques en termes
d'administration doivent être faites, elles sont faites, soit à
mon chef de cabinet ou encore elles peuvent être faites au sous-ministre
de la Justice, ce qui est dans l'ordre des choses.
M. Lalonde: Ma deuxième question, c'était la
fréquence des conversations ou des rapports entre le cabinet du ministre
et la commission Keable? Est-ce que c'est hebdomadaire, mensuel, annuel ou
quotidien?
M. Bédard: Ceci est conditionné par la
fréquence des besoins que pourraient avoir ou que pourraient
évoquer les membres de la commission Keable, comme c'est le cas, par
rapport à d'autres commissions. Il est arrivé souvent que ce soit
au niveau de la commission Malouf ou d'autres commissions d'enquête et
vous le savez très bien que des demandes spécifiques sont
nécessaires et elles doivent nécessairement être
acheminées à l'administration. Dans le cas du ministère de
la Justice, comme dans le cas de tous les autres ministères, c'est
vis-à-vis du chef de cabinet ou encore du sous-ministre de la Justice.
(12 heures)
M. Lalonde: Dans les faits, depuis les discussions de cette
commission, à part les demandes à caractère strictement
administratif avec le sous-ministre ou avec les autres fonctionnaires qui
doivent assurer les services, quelle a été la fréquence,
dans les faits, des communications entre le cabinet politique du ministre et la
commission Keable ou des membres de l'entourage de la commission Keable?
M. Bédard: Je viens d'en discuter avec mon chef de cabinet
et les seules occasions sont celles comportant des demandes du point de vue
admi- nistratif de la part de la commission Keable ou encore lorsqu'il
s'agissait de prolongation de mandat. A ce moment-là, je pense que
l'ex-solliciteur comprend que les membres ou le président de la
commission doivent s'adresser à un individu en particulier au niveau
gouvernemental et c'est ce qu'ils ont fait.
M. Lalonde: Avez-vous eu par cette voie, ce canal, des demandes
spécifiques de prolongation j'imagine que ces demandes ou ces
suggestions étaient faites de cette façon ou des demandes
pour étendre le mandat à un ou plusieurs faits particuliers, y
compris les faits mentionnés par le député de
Saint-Laurent?
M. Bédard: Sur les demandes d'extension du mandat, les
seules que nous avons reçues sont celles qui ont été
effectivement accordées.
M. Lalonde: Mais le député de Saint-Laurent,
tantôt, faisait état...
M. Bédard: Oui, mais les faits dont a parlé le
député de Saint-Laurent, s'ils sont...
M. Lalonde: ... de 14...
M. Bédard: ... à la connaissance de la commission,
la commission en verra l'opportunité.
M. Lalonde: ... arrêtés en conseil. M.
Bédard: Oui.
M. Lalonde: J'imagine qu'à chaque occasion c'était
une demande... Sauf le premier, disons, pour constituer la commission
d'enquête. Est-ce que les autres étaient le résultat d'une
demande de la commission, ou du commissaire, ou de son personnel?
M. Bédard: Souvent, vous le savez très bien, c'est
presque automatique, c'est une demande qui s'infère elle-même; par
exemple, il y a une prolongation jusqu'au 31 juillet. Si le 31 juillet la
question de fond n'est pas réglée au niveau des tribunaux
judiciaires, par la force des choses il pourra y avoir naturellement une
demande d'extension jusqu'à ce que cette question de fond soit
réglée de manière à pouvoir continuer les
travaux.
M. Lalonde: Bon, cela pour la prolongation.
M. Bédard: D'ailleurs, la plupart des prolongations ont
été occasionnées... Dans l'esprit du gouvernement et je
vous dis personnellement que je croyais que les travaux de l'ensemble de la
commission Keable, par rapport au mandat qui lui avait été
donné, même aux adjonctions de mandat qui lui ont
été données, pouvaient quand même se terminer assez
rapidement. Malheureusement ou heureusement je n'ai pas à me
prononcer il y a eu toutes ces procédures judiciaires qui ont
été intentées qui ne pouvaient être
prévisi-
blés et c'est en grande partie à cause de ces
procédures judiciaires qu'on a dû procéder à des
extensions de mandat; sinon, cela ferait quand même un bon bout temps que
les travaux de la commission Keable seraient terminés.
M. Lalonde: Je veux bien distinguer entre une prolongation de
mandat et une extension de mandat. Une prolongation, c'est dans le temps. Je
présume que le ministre, le 29 juillet ou le 15 ou avant la fin du
mandat va, soit proprio motu ou à la demande de la commission, faire une
autre prolongation. Je ne sais pas s'il va faire ça encore au
compte-gouttes, à trois mois, mais on verra. Quant à l'extension
de mandat, c'est-à-dire de l'objet du mandat, c'était à la
demande spécifique du commissaire?
M. Bédard: A la demande spécifique du
commissaire.
M. Lalonde: Bon. Est-ce que le commissaire a fait une demande
spécifique pour le cas mentionné par le député de
Saint-Laurent au début de ses questions?
M. Bédard: II y a eu deux élargissements: un qui
donnait suite aux révélations faites par le gouvernement
fédéral, par la voie du Solliciteur général du
Canada concernant les activités de la GRC, et il y en a eu un autre
concernant la fabrication de faux communiqués. Ce sont les deux
élargissements qui ont été accordés.
M. Lalonde: Et, à chaque fois ces demandes ont
été formulées par la commission au ministre?
M. Bédard: Bien, au ministre... au chef de cabinet.
M. Lalonde: Oui, oui, par son cabinet.
M. Bédard: On se comprend, là? Ou, encore...
M. Lalonde: C'est-à-dire que l'initiative a
été prise par la commission.
M. Bédard: C'est cela. La commission, je le dis et je le
répète je pense que c'est nécessaire de le faire
est une commission indépendante qui, justement...
M. Lalonde: Est-ce qu'il y a d'autres communications entre le
cabinet du ministre et les membres de la commission ou, enfin, des procureurs
de la commission, par exemple, de façon régulière?
M. Bédard: Je peux vous dire qu'il n'y a aucune
communication qui peut constituer une ingérence politique, de quelque
degré que ce soit, au niveau des travaux de la commission.
M. Lalonde: Je ne demande pas un jugement, je demande des faits.
Est-ce qu'il y a, dans les faits, des communications régulières
toutes les semaines, par exemple pour des fins autres que celles
de faire une extension ou une prolongation?
M. Bédard: Non.
M. Lalonde: Pas du tout?
M. Bédard: Non.
M. Lalonde: Le ministre l'affirme?
M. Bédard: Bien, écoutez...
M. Lalonde: Je voulais savoir. Je voulais être bien
sûr que...
M. Bédard: A ce qu'on me dit...
M. Lalonde: ... c'était inscrit dans le journal des
Débats.
M. Bédard: ... il y a les communications qui sont
nécessaires dans...
M. Lalonde: Vous revenez, là!
M. Bédard: Non, non, mais je reviens... qui sont
nécessaires, je l'ai explicité tout à l'heure.
M. Lalonde: Pour les prolongations et les extensions. Enlevons
cela.
M. Bédard: Lorsqu'il y a des besoins administratifs qui
sont évoqués, lorsqu'il y a des prolongations de mandat
demandées mais, pour ce qui est du fond des travaux de la
commission...
M. Lalonde: Jamais?
M. Bédard: ... en aucune façon.
M. Lalande: M. le Président...
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Maisonneuve.
M. Lalande: ... concernant justement le personnel affecté
à la commission Keable et également affecté à la
CECO...
M. Bédard: Peut-être un point là, que me
souligne le sous-ministre, pour être bien clair...
M. Lalonde: Oui, mais c'est...
M. Bédard: Je vais vous le dire. Il y a eu des discussions
avec les membres de la commission et les commissaires, et leurs avocats,
lorsqu'il a été question d'adopter une position du Procureur
général devant le tribunal. Je pense que cela s'infère de
soi-même.
M. Lalonde: J'acceptais les rapports avec les fonctionnaires. Je
parlais seulement du cabinet politique du ministre. Donc, la réponse,
c'est jamais, encore!
M. Bédard: Sauf pour les besoins que je vous ai
explicités tout à l'heure. On se comprend?
M. Lalande: M. le Président...
M. Lalonde: Je relirai le journal des Débats.
M. Lalande: ... j'ai accepté d'être interrompu par
le ministre parce que je croyais qu'enfin il allait nous donner des
réponses mais, je voudrais reprendre mon droit de parole à ce
stade-ci concernant justement le personnel...
M. Bédard: Où est-il rendu, lui?
M. Lalande: ... affecté à la... Bien oui,
j'étais en train de parler, M. le ministre, voyez-vous, vous ne vous en
rendez pas compte.
M. Bédard: Parlez à votre collègue,
là.
M. Lalande: J'étais en train de dire que, concernant le
personnel affecté à la commission Keable, comme d'ailleurs
affecté à la CECO et à la Commission de police, nous
observons que depuis février 1977 on (sait que la commission
Keable a commencé à fonctionner au mois de juin il y a un
nom qui nous revient régulièrement dans la prise des notes
sténographiques à ces diverses commissions. C'est le nom de M.
Pierre Vilaire. Il me semble bien, j'imagine, que c'est pour des... il n'est
pas le seul sténographe de toute la province de Québec; j'imagine
que pour des questions de sécurité, il a dû répondre
aux critères parce qu'il semble que c'est le seul qui ait
travaillé.
On observe que, depuis février 1977, à six reprises, M.
Vilaire a été réengagé pour un total de $266 400,
se terminant en janvier 1980. Or, surtout concernant la Commission de police
où on sait qu'il y a du personnel' fonctionnaire, des
sténographes qui sont affectés de façon permanente, est-ce
que M. Vilaire a l'exclusivité pour couvrir les commissions
d'enquête du gouvernement du Québec...
M. Bédard: Je ne sais pas si on peut...
M. Lalande: ... ou est-ce que d'autres ne pourraient pas...
M. Bédard: ... parler d'exclusivité. Pour ce qui
est de la CECO, cela fait de nombreuses années que M. Vilaire est le
sténographe et nous n'avons pas cru opportun de changer puisqu'il semble
répondre à toutes les exigences de la fonction.
M. Lalande: Mais, vous n'avez pas exploré le fait que
d'autres sténographes auraient pu aussi, également, couvrir les
débats?
M. Bédard: On ne l'a pas fait. Si c'est une invitation
à le faire, on peut la prendre en considération.
Ce qui est au-dessus de $25 000, comme c'était disponible
à la commission des engagements financiers, on ne l'a pas fourni dans le
livre. Je veux mentionner aussi qu'à la CECO, depuis de nombreuses
années, comme le mentionnait le ministre, ces sténographes,
Vilaire et Associés, ont été utilisés mais, pas
toujours. Entre autres, dernièrement, on a pris un contrat avec une
autre équipe de sténographes. Mais il n'y a pas de doute qu'en
générai, dans le milieu, ce sont des gens qui, à la fois
sur le plan des soumissions et sur le plan de la qualité du travail et
de leur disponibilité, ont une très bonne réputation de
même que ceux qui travaillent avec eux.
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'ai une troisième
préoccupation relativement à la commission Keable relativement
aux méthodes utilisées dans ces enquêtes parce que je pense
qu'il y a certaines questions d'ordre public qui se posent à cet
égard. Il est de notoriété publique maintenant, ne
serait-ce qu'à cause des citations que j'ai faites des articles
publiés en novembre dernier, que Mme Devault a
bénéficié de protection policière ou de protection
je ne sais pas si c'est par la police ou autrement, je pense que ce
n'est effectivement pas par la police pendant une certaine
période. J'aimerais, non seulement qu'on confirme ça je
pense que ça va de soi mais qu'on nous dise...
M. Bédard: Cela va de soi, à la demande de la
commission, pour des raisons sécuritaires.
M. Forget: ... quel est le montant total qui a été
payé pour ces services et aussi, qu'on nous indique si cette protection,
après avoir été accordée, a été
subséquemment retirée.
M. Bédard: Effectivement, après avoir
été accordée, elle a été retirée le 8
février, le lendemain de son émission à
Télémag. Je pense que le député de Saint-Laurent
comprendra. Pour ce qui est des montants, au niveau du montant total
payé, c'est, pour la protection, $19 027.90.
Je peux mentionner que c'est un contrat qui apparaît dans la liste
des contrats en bas de $25 000 qui ont été fournis...
M. Forget: Est-ce que, en plus de ces paiements, on a fait
d'autres paiements à Mme Devault?
M. Bédard: ... de déménagement, frais de
subsistance ou... Peut-être que M. le sous-ministre pourrait donner des
détails là-dessus.
En fait, ce qui a été payé en surplus, c'est
rigoureusement l'équivalent de ce qu'on fait dans certains cas de
protection de témoins au criminel proprement dit pour assurer, pendant
la durée de la disponibilité du témoin pour ses
témoignages, ses frais de subsistance. Il y a eu un
déménagement, des frais de déménagement
assurés pendant cette période et cela s'est élevé
à environ $6000 ou $7000.
M. Forget: II s'agit strictement de frais de subsistance,
c'est-à-dire d'hébergement, les repas...
M. Bédard: L'hébergement et les frais des
repas.
M. Forget: ... et rien d'autre?
M. Bédard: C'est ça.
M. Forget: Absolument rien d'autre?
M. Bédard: C'est ça.
M. Forget: Je voudrais revenir à la question de
protection. Y a-t-il d'autres témoins qui sont également
bénéficiaires de protection aux frais du gouvernement
relativement à l'enquête Keable?
M. Bédard: Dans le cadre de l'enquête Keable, non.
Il y en a de nombreux du côté... Il y en a eu historiquement de
nombreux du côté de la CECO, on le sait.
M. Forget: N'est-il pas paradoxal que dans le cas, par exemple,
de M. Séguin, que le commissaire a exposé publiquement et qui
doit se trouver dans une situation assez délicate si tant est que la
caractérisation qu'on en a faite est véridique, que la commission
n'ait pas jugé opportun d'assurer sa protection.
M. Bédard: A notre connaissance, de mémoire, il n'y
a pas eu de demande de ce dernier auprès de la commission aux fins de
protection. (12 h 15)
M. Forget: II y a, M. le Président, dans l'espèce
de déclaration ou enfin, la déclaration qu'ont faite MM. Comeau
et Séguin, au moment où ils ont refusé de
témoigner, une allégation, à la page 2, où l'on
parle de la tradition des audiences à huis clos. Je vais lire
brièvement ce passage: "II y a aussi la tradition des audiences à
huis clos. Il s'agissait ici pudiquement de protéger les
"témoins". Qu'en est-il en réalité? Tout simplement un
processus où le chantage tient lieu de loi. Des pressions de tout ordre
sont faites, flatteries et fausses complicités, dévoilement de
prétendues preuves policières obtenues le plus souvent
illégalement, appel à la délation, menace de
révélation en public de détails intimes ayant trait aux
pratiques sexuelles, à la famille, etc. tout cela, je passe
rapidement et on arrive à ce qui est intéressant promesse
de protection, violence physique, etc." Faut-il comprendre dans la
différence de traitement accordé à Mme Devault qui a
été un témoin, disons, complaisant à la
thèse officielle, et à M. Séguin qui n'est pas un
témoin complaisant, un exemple de l'utilisation des promesses de
protection comme étant une illustration de la technique suivie dans
l'enquête?
M. Bédard: Ce que je peux vous dire, je vous l'ai dit tout
à l'heure. Je n'ai pas eu de demande qui a été
portée à mon attention, de ces messieurs ou de ce monsieur d'une
nécessité de protection. La demande qui nous a été
acheminée par la commission Keable est celle à laquelle a
référé tout à l'heure le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Ne semble-t-il pas évident, M. le
Président je ne fais pas une hypothèse que quand on
dévoile l'identité d'un informateur à supposer que
les gens sur lesquels il donnait de l'information aient existé pour vrai
et se soient livrés à des activités, disons, marginales,
c'est le moins qu'on puisse dire, sans accuser personne de crime, ce qui semble
en surprendre un certain nombre cette personne, alors que tout ce beau
monde est en liberté par ailleurs, est dans une situation, disons,
inconfortable? Ne semble-t-il pas évident que s'il apparaît dans
l'intérêt de la justice de dévoiler le nom de
l'informateur, on va prendre au moins autant de précautions
vis-à-vis d'un informateur qu'on va en prendre vis-à-vis d'un
autre? Cela ne semble-t-il pas évident?
M. Bédard: Non, ce n'est pas si évident que
cela.
M. Forget: Ah non!
M. Bédard: Encore faut-il qu'il y ait quand même une
expression de nécessité de la part de celui qui est
concerné, en termes de protection. Il peut arriver qu'il se sente mieux
protégé par d'autres sources que par celle qui pourrait
être offerte au niveau du ministère. Je ne sais pas...
M. Forget: Est-ce que le ministre me dit que s'il n'a pas de
protection...
M. Bédard: Ce que je veux dire, c'est que je n'ai pas eu
de demande.
M. Forget: ... c'est qu'il n'en a pas demandé, c'est sa
faute?
M. Bédard: De mémoire, je suis en mesure de vous
dire qu'aucune demande de protection n'a été portée
à mon attention. Mais s'il y avait eu une demande à cet effet, je
l'aurais analysée.
M. Forget: Est-ce donc dire que c'est le ministre qui a
décidé de la protection à accorder à l'autre
témoin, Mme Devault?
M. Bédard: Non, mais nous évaluons la demande qui
est faite et qui est analysée par ceux qui en ont la
responsabilité. Dans le cas de celle que vous mentionniez, on l'a dit
tout à l'heure, la demande a été faite par la commission
elle-même.
Oui, par le mécanisme régulier, c'est-à-dire que la
demande a été faite et analysée au ministère. Cela
a été fait par le truchement de la Sûreté du
Québec qui a établi les relations avec Mme Devault sur ce plan,
les contacts et l'engagement. Le versement de l'argent se faisait par la
Sûreté du Québec, comme cela se fait dans ces
cas-là.
M. Forget: Maintenant, M. le Président, ces
choses-là, par exemple, dans le cas d'agences, j'imagine qu'on engage
une agence pour assurer la protection d'un témoin. Dans le cas des
autres dépenses, le paiement se fait sur pièces justificatives,
à l'individu lui-même. C'est-à-dire que le
déménagement, la chambre d'hôtel, etc., c'est
payé à l'individu lui-même.
M. Bédard: Par la Sûreté du
Québec.
M. Forget: Par la Sûreté du Québec. N'est-il
pas étrange, M. le Président j'ai devant moi un CT
qu'on rembourse la commission d'enquête Keable relativement à
certaines dépenses encourues pour entendre un témoin à
huis clos et le rencontrer de façon informelle entre le 11 septembre
1979 et le 12 décembre 1979. La commission Keable, on ne peut pas la
rembourser, je pense, parce qu'elle n'est pas incorporée, elle n'a pas
de compte de banque, on a donc remboursé quelqu'un. Je soumets qu'on a
remboursé personnellement le président de la commission pour des
dépenses de cette nature. Je peux donner le numéro du CT, si on
le désire: 125 970.
M. Bédard: D'ailleurs, c'est public, c'est un CT au
Conseil du trésor.
M. Forget: Ce sont des documents publics, bien sûr. Ce que
je veux déterminer c'est que, effectivement, si on a remboursé le
président de la commission d'enquête pour des dépenses
effectuées relativement à des interrogations à huis clos
et des dépenses qui ne seraient pas seulement ses dépenses
d'ailleurs, c'est mentionné au CT mais également les
dépenses du témoin, est-ce que c'est une procédure
régulière?
M. Bédard: En fait, c'est un CT qui était au
montant de $559.53 qui comportait des frais d'hôtel, des frais de repas
et des frais de transport. Cela touchait des séances à huis clos
et des rencontres informelles avec la commission. Evidemment, il y a eu,
à ce moment-là, des repas du commissaire avec le témoin
remboursés par ce CT.
M. Forget: Est-ce qu'il n'est pas hautement irrégulier que
l'on trouve que les dépenses conjointes d'un témoin et d'un
président d'un soi-disant tribunal soient remboursées au
président du tribunal non seulement pour ses dépenses à
lui mais pour les dépenses du témoin? N'est-il pas absolument
extraordinaire que cela comprenne des dépenses pour des chambres
d'hôtel qui sont situées sur le même étage pendant
plusieurs jours? Est-ce que ce genre de proximité entre un témoin
et le président d'un tribunal est une procédure habituelle dans
une commission d'enquête et est-ce qu'on peut ajouter foi, après
cela, aux témoignages qui sont donnés par le témoin quand
on sait que ces comptes représentent non seulement des chambres
d'hôtel, mais des repas et probablement des consommations de toutes
sortes? Est-ce que c'est là un procédé régulier
pour le président d'une commission d'enquête?
M. Bédard: Je demanderai au sous-ministre de
répondre, M. le Président.
Techniquement, il faut se rappeler que c'était une période
où l'identité du témoin n'était pas connue avant
l'émission à Télémag où on en a fait
allusion plus tard, et avant la comparution. Si on fait l'analogie avec ce qui
se passe du côté de la CECO, par exemple, il est évident
que dans la préparation de l'enquête, il y a ce qu'on peut appeler
des frais de "représentation" entre guillemets de
rencontres, d'interrogatoires avec les témoins pour la
préparation. C'est ce qui s'est passé dans ce cas entre la
commission, ses procureurs et le témoin qui était Carole Devault.
C'est régulier dans le contexte où ça se passe.
M. Forget: Je serais absolument bouche bée s'il ne fallait
pas parler devant des procédés d'enquête qui sont
fantaisistes au possible. Que le président d'une commission
d'enquête ait une suite dans un hôtel à proximité
d'un témoin, que ceci se fasse dans une relation si étroite que
c'est lui qui paie tous les comptes alors que ce ne sont pas ses
enquêteurs et ses procureurs qui s'impliquent directement dans la
préparation des témoins. Je vous illustre, M. le
Président, pourquoi, l'automne dernier, dans les semaines qui ont suivi
ces événements, j'ai employé les mots que, encore hier, le
ministre de la Justice me reprochait: "avoir préparé et
cuisiné des témoignages". Comment est-ce qu'on peut
échapper à la conclusion de ce genre de dépenses, c'est
absolument invraisemblable? Des repas ensemble avec un témoin, etc., une
espèce de cohabitation dans un hôtel, du commissaire
enquêteur et d'un témoin, pendant plusieurs jours. Des
dépenses qui se chiffrent, semble-t-il, pour ces fins-là, par
plusieurs milliers de dollars. Je pense que le moins que le ministre peut
s'engager à faire, c'est de faire toute la lumière sur l'ensemble
de ces dépenses et de ces épisodes...
M. Bédard: D'abord, ce n'est pas...
M. Forget: ... parce qu'autrement, on ne peut absolument pas
ajouter foi à ce qui en est résulté. Et on doit, au
contraire, prendre la déclaration de M. Comeau où on dit: Toutes
ces rencontres à huis clos comme étant exactement ce
qu'elles sont décrites dans ce document comme étant des
tentatives pour préparer des témoignages, rendre un témoin
complaisant et souffler des réponses. Comment peut-on s'imaginer,
après, que le commissaire peut siéger comme président
d'une commission d'enquête et se faire répéter ce qu'il a
peut-être soufflé au témoin.
M. Bédard: D'abord, M. le Président, ce ne sont pas
des dépenses de plusieurs milliers de dollars auxquelles on a
référé, c'est exactement $559.53 et je puis dire au
député de Saint-Laurent qu'en ce qui regarde la CECO c'est
régulièrement que des procureurs, des commissaires rencontrent
des témoins spéciaux.
M. Forget: M. le Président, avant que le ministre ne
s'engage plus loin en niant des faits qui sont...
M. Bédard: ... et dans des endroits. M. Forget: ...
quand même des faits.
M. Bédard: Mais, je ne nie pas de faits, au contraire.
M. Forget: Vous me dites qu'il n'y a pas plusieurs milliers de
dollars.
M. Bédard: Permettez-nous de terminer notre
réponse.
M. Forget: Très bien, allez-y.
M. Bédard: Je ne nie pas de faits, au contraire, c'est
public. Il n'y a rien à cacher. Cela fait l'objet d'un CT au Conseil du
trésor, on ne peut quand même accuser qui que ce soit au niveau de
l'administration de vouloir en faire un secret. Loin de là. Au
contraire, tout est consigné au niveau du Conseil du trésor et
nous sommes à même de vous donner les explications.
M. Forget: M. le Président, il reste que... et cela aussi,
ce ne sont peut-être pas des documents absolument publics, mais ce sont
des documents qui sont faciles à consulter, ce sont des factures
à l'Auberge des Gouverneurs, à Ste-Foy, pour deux montants qui
totalisent plus de $4000, au nom de Me Jean Keable; pour des périodes
qui correspondent à des périodes d'activités de la
commission.
M. Bédard: Cela n'a pas été payé, M.
le Président.
Cela n'a pas été payé, autre que ses frais de
déplacements tels que prévus et ses frais de repas tels que
prévus dans le CT de son engagement.
M. Forget: Alors, qui a payé ces factures? Elles ne sont
pas valablement encourues, c'est une erreur de l'Auberge des Gouverneurs?
M. Bédard: Cela a été assumé par le
commissaire, par ses frais de déplacements et par lui-même. La
seule addition aux règles du jeu normal quant aux frais de
séjour, frais de transport, qui sont prévus par les
arrêtés en conseil nommant le commissaire et les procureurs, a
été le CT auquel il a été fait allusion. C'est un
montant de $559.53.
M. Forget: Si je comprends bien, donc, le commissaire s'est fait
payer, à la fois à même un per diem, j'imagine, certaines
dépenses et par des fonds spéciaux pour des stages de
préparation de l'enquête avec le témoin?
M. Bédard: Non.
M. Forget: Est-ce qu'il ne serait pas opportun que tout cela soit
tiré au clair?
M. Bédard: On tient à vous le dire. Il n'y a eu
aucune dépense des fonds spéciaux, concernant le commissaire, je
tiens à vous le dire.
M. Forget: M. le Président, je pense qu'on ne nous dit pas
toute la vérité.
M. Bédard: Dites-nous en quoi, par rapport aux
explications que je suis capable de donner.
M. Forget: Ecoutez, M. le Président... M.
Bédard: Vous nous demandez...
M. Forget: ... je n'ai pas les ressources d'une commission
d'enquête et j'ai donné suffisamment de faits troublants et de
pratiques inusitées...
M. Bédard: Ah, des faits.
M. Forget: ... que l'on n'a pas niés de l'autre
côté, pour être en droit, à ce moment-ci, comme
parlementaire, de demander au ministre de la Justice de faire la lumière
sur tout ce qui s'est fait dans ce secteur-là. Sur les
procédés utilisés, les réclamations faites, les
raisons, les personnes présentes, etc. Il y a quand même une
situation anormale et je ne pense pas que la commission Keable puisse se tirer
de ce pétrin-là si elle ne fait pas elle-même, ou le
ministre en son nom, toute la lumière sur ses façons de
procéder. Parce que j'en prends à témoin tous ceux qui
sont ici présents, ce sont des façons de procéder qui ne
me semblent pas régulières. Si on veut nous démontrer
qu'elles le sont, malgré tout, je suis bien prêt à entendre
la démonstration mais encore faudrait-il se donner la peine de la faire,
parce qu'il y a quand même là des raisons suffisantes pour se
poser des questions drôlement sérieuses. (12 h 30)
M. Bédard: Oui, mais pas y aller de toutes sortes
d'insinuations. Vous avez posé des questions concernant certaines
dépenses très spécifiques, pour un montant de $559.53.
Cela a été...
M. Lalonde: Mais c'est le procédé.
M. Bédard: Non, nous avons donné les explications
que vous demandiez, c'était public, il n'y a rien de caché
là-dessus. Concernant les autres allégations, ça ne donne
pas ouverture aux insinuations du député de Saint-Laurent; la
commission verra à en prendre connaissance et à faire les mises
au point nécessaires.
M. Lalonde: Si le député de Saint-Laurent me le
permet, j'aimerais que le ministre fasse un peu abstraction du montant de $500,
ça aurait pu être $50 ou $5000. Mais pour le procédé
lui-même, comment le ministre de la Justice, qui est responsable de
l'administration de la justice vis-à-vis de la population, peut-il
concevoir qu'un président d'une commission d'enquête
indépendante, qui doit conserver une certaine indépendance pour
juger du bien-fondé des propositions qui lui sont faites, des
témoignages qui sont proposés à la commission, comment
peut-il être d'accord avec ce procédé d'un président
de commission d'enquête qui vit littéralement, qui mange, qui
amène à dîner un témoin éventuel, pendant le
temps que ce
témoin rend son témoignage, que ce soit à huis clos
ou en public? Je trouve que ça dépasse l'entendement.
Je demande au ministre s'il approuve ce procédé
d'enquête et comment il va pouvoir convaincre la population et
nous, en particulier du bien-fondé des conclusions du
commissaire, lorsqu'on sait comment le commissaire a eu des rapports aussi
étranges avec les témoins?
M. Bédard: Le président d'une commission
d'enquête est le premier enquêteur, par rapport à un mandat,
qui a à accomplir les gestes nécessaires pour mener à bien
son mandat.
M. Lalonde: On sait que la conception d'un
commissaire-enquêteur pour le ministre de la Justice, c'est un
détective privé, avec un gros compte de dépenses!
M. Bédard: Une seconde, laissez-nous terminer, j'ai des
informations à demander.
Ce n'est quand même pas un juge d'un tribunal, c'est un peu la
position d'un juge d'instruction qui a à aller chercher et à
faire les démarches nécessaires pour que la lumière se
fasse, pour que les personnes...
M. Lalonde: Et à forcer les gens à témoigner
sous serment et à les envoyer en prison s'ils ne témoignent
pas.
M. Bédard: Pas à forcer... Vous n'avez pas le droit
de me faire dire ce que je n'ai pas dit...
M. Lalonde: Non, mais je veux que vous donniez tous les pouvoirs
du commissaire enquêteur.
M. Bédard: ... pas à forcer, mais à faire ce
travail d'enquête dans le respect des droits et des libertés
individuelles, sans forcer qui que ce soit à rendre des
témoignages qu'un témoin pourrait avoir à rendre.
M. Lalonde: Pardon? Est-ce que le ministre...
M. Bédard: En aucune façon le commissaire... C'est
ma notion. Autant le président d'une commission d'enquête a un
travail d'enquêteur à faire, autant ça ne lui donne pas le
droit de forcer qui que ce soit à faire un témoignage dans un
sens ou dans l'autre. Je pense que de ce côté vous n'avez aucune
allégation indiquant, je crois, d'après ce que j'ai pu comprendre
que le commissaire Keable aurait pu inciter un témoin à
témoigner dans un sens ou dans l'autre.
M. Lalonde: Ils n'ont sûrement pas parlé seulement
de la température quand ils sont allés luncher ensemble.
M. Bédard: Non, mais vous n'avez aucune allégation
si vous voulez en faire c'est une autre chose à savoir que
le commissaire Keable aurait pu influencer ou imposer à quelque
témoin que ce soit de témoigner dans un sens ou dans l'autre. Je
pense qu'il y a un travail d'enquête qui est nécessaire et qu'il a
fait.
M. Lalonde: Le ministre confirme que le
commissaire-enquêteur a un pouvoir d'assigner des témoins? C'est
lui-même qui signe les subpoenas; j'en ai reçu un et il ne m'a pas
amené luncher de toute façon.
M. Bédard: On prend le lunch ensemble suffisamment
souvent!
M. Lalonde: Mais il confirme que le commissaire-enquêteur a
le droit de forcer une personne à venir témoigner sous serment,
pas dans le contenu de son témoignage, mais il peut forcer une personne
à témoigner sous serment. Premièrement.
Deuxièmement, il peut même la condamner ce qui n'a
pas été fait encore à la commission Keable, mais ce qui a
été fait à d'autres commissions, par d'autres commissaires
ayant les mêmes pouvoirs à la prison si elle refuse de
témoigner. On a vu ce que cela a donné à la CECO; enfin,
c'est un fait, sans porter de jugement de mérite.
Le ministre ne croit-il pas que la décence la plus
élémentaire chez un personnage avec autant de pouvoir serait de
garder ses distances avec les témoins avant de les entendre? Que le
contenu du témoignage peut être révélé par
l'enquête policière tout d'abord, par les procureurs, comme
ça se fait dans une enquête qui mérite ce nom? Ne
trouvez-vous pas que c'est un peu indécent?
M. Bédard: Ecoutez, le président d'une commission
d'enquête, je l'ai dit tout à l'heure, c'est un des premiers
enquêteurs. Il a à faire des démarches au niveau de la
poursuite des objectifs qui sont indiqués dans son mandat. Il doit le
faire selon un respect fondamental de la liberté d'expression et sans
essayer d'influencer, dans un sens ou l'autre, quelque témoin que ce
soit par rapport à sa déposition. Mais, il ne faut quand
même pas l'empêcher de faire le travail nécessaire qu'il
croit devoir faire ou les gestes qu'il croit devoir poser dans
l'accomplissement de son mandat. Je pense que le commissaire Keable
également avait, au début des travaux de la commission,
établi des règles de fonctionnement, des règles de
pratique qui étaient très strictes. D'ailleurs, au niveau des
témoins...
M. Lalonde: Oui, mais est-ce que ces règles de pratique
prévoient que le commissaire...
M. Bédard: Permettez-moi de terminer.
M. Lalonde: Oui, mais terminez rapidement, j'ai d'autres
questions.
M. Bédard: Oui, je ne vous empêche pas de les poser.
Le commissaire a établi, dès les débuts
des travaux de la commission, des règles de fonctionnement au
niveau des témoins, etc. des audiences qui ont été
considérées, par l'ensemble des observateurs en la
matière, comme étant des règles très strictes.
M. Lalonde: Mais, est-ce que ces règles-là
prévoient que le commissaire-enquêteur lui-même peut aller
luncher avec un témoin? Ce n'est pas marqué dans les
règles. Est-ce que le ministre approuve? C'est ça que je veux
savoir. Quelle est son opinion? Est-ce que vous l'approuvez, ce
procédé-là? Est-ce que vous êtes d'accord avec ce
procédé-là?
M. Bédard: Cela prévoit qu'il peut y avoir du huis
clos.
M. Lalande: Est-ce que vous êtes d'accord avec le
procédé employé par le commissaire Keable d'amener luncher
ou dîner des témoins, de discuter, j'en suis convaincu
là vous me permettrez d'avoir ces doutes-là de leur
témoignage et d'être dans une position, le lendemain, lorsque le
témoin est sous serment, de lui dire: Ce n'est pas ça que vous
m'avez dit au pousse-café hier soir. Est-ce que vous trouvez ça
décent? Est-ce que vous approuvez ce
procédé-là?
M. Bédard: Ecoutez, je n'ai pas à approuver ou
désapprouver que des rencontres aient lieu de la part d'un
commissaire-enquêteur avec des témoins. Je pense que ça se
fait au niveau de toutes les commissions d'enquête.
M. Lalonde: Avec les procureurs? M. Bédard: Avec
les procureurs...
M. Lalonde: Non, je regrette, pas toutes les commissions
d'enquête.
M. Bédard:... ou avec les procureurs, je pense que
ça va de soi. Maintenant, il est clair que ça ne donne pas... Ce
que me dit M. le sous-ministre, et je pense que c'est un élément
très important qu'il faut souligner, c'est que M. Keable dans ces
rencontres-là était toujours accompagné d'un
procureur.
M. Lalonde: Le procureur du témoin ou son procureur
à lui?
M. Bédard: Non, procureur de la commission.
M. Lalonde: Le témoin n'était pas
protégé par son procureur.
M. Bédard: Non, mais je m'excuse de ne pas avoir eu
l'information avant, parce que je trouve ça de toute première
importance que de souligner qu'au niveau de ces rencontres-là, qu'on
n'essaie pas de nous tracer l'image d'une collusion quelle qu'elle soit, sans
aucune preuve, seulement à partir de soupçons qu'on a le droit
d'évoquer comme vous le faites allègrement. Mais, que le...
M. Lalonde: Alors, là ils étaient deux à
cuisiner le témoin au lieu d'un.
M. Bédard: Que le commissaire-enquêteur
accompagné d'un procureur rencontre des témoins, je pense que
ça se fait au niveau de toutes commissions d'enquête.
M. Lalonde: Donc, le ministre approuve ce procédé
de rencontre, de dîner payé à même les fonds
publics...
M. Bédard: Je dis ce que je viens de vous dire: Au niveau
d'une commission d'enquête...
M. Lalande: ... entre un président d'une commission
d'enquête et des témoins.
M. Bédard: Au niveau d'une commission d'enquête,
qu'il y ait des rencontres du commissaire-enquêteur accompagné
d'un procureur avec des témoins, je pense que ça fait
partie...
M. Lalonde: Pas des rencontres, des lunchs.
M. Bédard: Cela fait partie du déroulement et du
travail normal. Sinon, le travail du commissaire-enquêteur et du
principal enquêteur devient presque impossible. Au départ, il faut
faire confiance; et surtout dans ce cas-là quand je vous dis que le
commissaire-enquêteur était accompagné d'un procureur, je
crois qu'à ce moment-là, c'est une méthode usuelle qui ne
mérite pas les soupçons. A moins que vous n'ayez d'autres
éléments qui ne sont pas portés à mon attention, il
ne mérite pas les soupçons que vous évoquez à
l'endroit du commissaire Keable.
M. Lalonde: Quel est le nom du procureur qui l'accompagnait
à ces lunchs-là?
M. Bédard: Ce sont des séances qui se
déroulaient dans le cadre...
M. le sous-ministre voudrait ajouter quelque chose.
Ce sont des séances qui se déroulaient dans le cadre
d'interrogatoires à huis clos, avec le procureur, le commissaire et le
témoin. Cela pouvait être prolongé en dehors des heures
régulières. Il arrivait que les trois personnes devaient manger
et il y a eu des frais occasionnés. C'est dans ce sens-là que
cela s'est passé, dans le cadre du huis clos.
M. Forget: Combien de fois a-t-on eu ces
tête-à-tête autour... J'imagine qu'on servait du vin
à table ainsi que des apéritifs?
M. Bédard: Le montant total des frais occasionnés a
été exprimé.
M. Forget: Oui, le montant total. Mais combien de fois le
commissaire a-t-il jugé utile de prendre ses repas avec Mme Devault?
Est-ce une fois? Deux fois? Plusieurs fois? Quel était le genre de
factures avec lesquelles on sortait de ces
repas? Etaient-ce des repas très simples? Un "big mac"? Ou
étaient-ce des choses susceptibles de bien disposer un
témoin?
M. Bédard: Ecoutez, là vous y allez encore avec
votre manière habituelle d'essayer de semer n'importe quelle sorte de
soupçons. Ecoutez, à un repas, qu'il y ait du vin ou qu'il n'y en
ait pas, le ministre de la Justice n'est pas en mesure de dire, si à
l'occasion d'un repas, il y a du vin ou non. Le ministre de la Justice n'a pas
un rapport à partir de toutes les audiences qui se font à huis
clos afin de savoir si c'est suivi d'un repas ou non.
M. Forget: M. le Président, on m'impute des intentions. Je
pense qu'on est allé assez loin pour arrêter ce petit
jeu-là. On est allé assez loin! Il faudra peut-être
s'intéresser au menu. Si on sert des apéritifs, si on prend des
grands crus...
M. Lalonde: Le ministre de la Justice devrait s'inquiéter
quand même des procédés.
M. Bédard: Je prends note de ce que vous portez à
notre attention. Par rapport à l'explication ou à la
précision très importante qui a été donnée
tout à l'heure, lors de ces rencontres, le commissaire Keable
était accompagné du procureur. Ce qui est une procédure
qui arrive régulièrement dans le cadre d'enquêtes.
M. Lalonde: Est-ce que vous allez faire enquête? Est-ce
qu'il y avait de l'alcool à ces rencontres? Pourriez-vous poser la
question aussi?
M. Bédard: Vous savez très bien que le sens de vos
interrogations est beaucoup plus d'essayer de jeter des soupçons...
M. Forget: Mais, est-ce qu'il y avait de l'alcool?
M. Lalonde: Est-ce qu'il y avait de l'alcool? C'est ça, ma
question en fait.
M. Bédard:... que d'essayer de savoir exactement ce qui en
est.
M. Forget: Est-ce que le gouvernement a payé de
l'alcool?
M. Bédard: Le ministre de la Justice n'a jamais
été présent à quelque réunion que ce soit
avec des témoins.
M. Lalonde: Voulez-vous poser la question?
M. Forget: Est-ce que le gouvernement a payé des repas,
avec vin et apéritifs? Est-ce qu'il a payé des factures de bar
relativement à ces rencontres? Le ministre veut en faire une chose tout
à fait normale. C'est le travail normal d'une commission de se
rencontrer et même de partager toute une aile d'un hôtel je
ne sais pas ou d'avoir des chambres contiguës, je n'en sais rien.
Mais cela, apparemment, c'est monnaie courante. Mais est-ce que, en plus, on a
simplement mangé parce qu'on avait faim ou bien si on s'est payé
la traite? Ou encore, est-ce qu'on a payé la traite au témoin
pour ameublir le terrain, pour le rendre complaisant?
M. Bédard: Si vous me permettez, dans ces séances
à huis clos qui se sont échelonnées du 11 septembre 1979
au 12 décembre 1979, il y a eu un montant, avec le procureur de la
commission, le commissaire et le témoin, il y a eu un montant de
$559.53, remboursé à même le C.T. dont on a fait
état précédemment, pour Mme Carole Devault, qui
était le témoin. Cela se répartit en des factures
d'hôtel au montant de $304.50, des factures de repas au montant de
$193.47 et une facture de transport au montant de $61.56, pour la somme de
$559.53, pour la partie de Mme Carole Devault.
Dans le même C.T., pour ce qui touche le commissaire et le
procureur, lors de ces audiences à huis clos, il y a une somme de
$336.59, pour frais de repas et dépenses du commissaire-enquêteur
et du procureur. Cela s'est échelonné du 11 septembre 1979 au 12
décembre 1979. C'est l'ordre de grandeur que nous avons.
M. Lalonde: Mais est-ce que la fréquence des repas, parce
que $300 de repas, cela peut être soit deux très très
liquides repas ou bien cela peut être plusieurs "big macs", comme dit le
député de Saint-Laurent.
M. Bédard: Vous pouvez bien sourire! Vous voyez, c'est
public, c'est dans un C.T. C'est durant une période
déterminée par le C.T. Vous pouvez bien sourire quand vous dites
ça, moi je considère que c'est une opération de salissage
pour essayer de miner la crédibilité du commissaire Keable. Cela
dénote l'angoisse que vous pouvez avoir concernant les travaux de la
commission Keable. Le gouvernement n'a aucune peur concernant ces travaux.
M. Forget: Alors, on est moins... Ce qui n'est pas public, c'est
le nombre de repas. Ce ne sont pas les frais de pension pendant deux mois, M.
le ministre... Je regrette, le ministre a tort. (12 h 45)
M. Lalonde: Je vais vous dire, M. le ministre, vous avez dit,
tout à l'heure, que c'était une méthode usuelle. Je vais
vous donner un témoignage d'un témoin de la commission Keable.
J'ai reçu un subpoena, je suis allé voir les deux procureurs
à leur bureau, on ne m'a même pas offert un coke, ils m'ont dit
quelles étaient à peu près les questions qu'ils voulaient
me poser. Ensuite je me suis rendu à la cour et j'ai répondu aux
questions. C'est ça, le traitement normal d'un témoin devant une
commission d'enquête. Je n'ai jamais rencontré le commissaire
Keable avant.
M. Forget: M. le Président, on nous présente
un...
M. Bédard: II est clair que lorsque le témoin
vous savez ce qu'est le travail d'un commissaire-enquêteur
veut collaborer, comme vous l'avez fait c'est ce que vous vouliez nous
dire il n'y a pas de problème; lorsque la collaboration demeure
un point d'interrogation, je pense que le député est en mesure de
comprendre que des rencontres...
M. Lalonde: J'aurais dû me faire prier, alors! M.
Bédard: Pardon?
M. Lalonde: J'aurais dû me faire prier, je me serais fait
payer un lunch!
M. Forget: M. le Président, on fait
référence à un CT pour un montant total de $900. C'est
vrai que les faits allégués se sont passés entre le 11
septembre et le 12 décembre; cependant, il serait intéressant de
savoir ce ne sont certainement pas les frais d'hôtel et de repas
entre le 11 septembre et le 12 décembre, ce ne serait pas assez, si
c'était à tous les jours donc combien il y a de jours
impliqués et combien de repas impliqués? Quelle est l'analyse de
ces dépenses, de manière qu'on puisse en juger aussi? Je pense
que c'est une question légitime.
M. Bédard: Si vous me l'aviez demandé dès le
départ, avant de tirer toutes sortes de conclusions comme vous l'avez
fait, ça m'aurait fait plaisir de vous dire: On va essayer de vous
donner tous ces renseignements. C'est avec grand plaisir que je vais le faire
et je m'en fais un devoir, parce que la manière dont vous utilisez une
dépense qui est publique au Conseil du trésor, pour essayer de
tirer toutes sortes de conclusions est tout à fait inacceptable par
rapport aux faits pratiques ou aux preuves que vous pouvez mettre sur la table
pour faire suite, pour donner du poids aux insinuations que vous faites. Donc,
je vais me faire un devoir de donner tout le détail de ce CT qui
était public.
M. Forget: Pendant que vous y êtes, M. le ministre, est-ce
que vous accepteriez...
M. Bédard: Vous pourrez, après ça, d'une
façon responsable, peut-être essayer de tirer des conclusions
beaucoup plus responsables que celles que vous tirez maintenant.
M. Forget: Est-ce que vous accepteriez, M. le ministre, pendant
que vous y êtes et vous êtes dans un esprit de
collaboration, je vous en remercie non pas seulement de nous donner des
renseignements sur ce CT, mais de faire vraiment la lumière sur les
dépenses associées au témoignage Devault, relativement
à la commission, c'est-à-dire non seulement les frais de
protection, mais tous les frais qui ont été encourus relativement
à ce témoignage, avec suffisamment de détails pour pouvoir
comprendre de quoi il s'agit?
M. Bédard: Je crois que j'ai donné les
renseignements qu'il fallait concernant les dépenses faites en ce qui a
trait à Mme Devault et...
M. Forget: Mais on veut être bien sûrs d'avoir le
tableau complet, parce qu'on pourrait peut-être oublier une question. Il
y a peut-être des faits que nous ne connaissons pas, nous ne
prétendons pas connaître tout, c'est pour ça qu'on pose des
questions, imaginez-vous!
M. Bédard: Tout ce que je vous demande, en termes de
responsabilité, c'est d'arrêter de tirer des conclusions avant
d'avoir les réponses.
M. Forget: M. le Président, en termes de
responsabilité, comme nos lois et nos traditions parlementaires parlent
de responsabilité ministérielle beaucoup plus que de
responsabilité des députés de l'Opposition, je vais
rappeler au ministre que, dans l'ensemble des réponses qu'il nous a
données, il a essentiellement soutenu les pratiques suivies par la
commission Keable. Peut-être voudra-t-il réfléchir à
nouveau avant de revenir à la charge pour appuyer inconditionnellement
tout ce que la commission Keable a pu faire et tout ce que le commissaire, en
particulier, a pu faire, y compris la façon dont il l'a fait.
Mais j'aime mieux attirer l'attention de cette commission sur le fait
que la responsabilité du ministre, aujourd'hui, est en jeu, en ce sens
qu'il ne s'agit pas de se cacher derrière la responsabilité d'un
commissaire. Je suis heureux de noter que le ministre a assumé la
responsabilité totale de toute l'opération. Je pense que c'est de
cela dont il s'agit. Il s'agit d'une commission créée par le
Conseil des ministres, à sa recommandation, prolongée à
treize reprises différentes; il y a donc là des faits troublants
que nous avons allégués, des méthodes qui sont curieuses,
pour le moins, et ce ne sont pas des insinuations que de dire que ce sont des
méthodes curieuses, c'est un précédent pour moi que ces
méthodes et c'est un précédent pour tous ceux qui vont en
prendre connaissance. Alors, j'attirerais l'attention du ministre que sa
responsabilité est en jeu de ce côté c'est ce qu'il
a bien compris en couvrant la commission et, à ce moment,
ça devient des choses qui ont été faites comme si le
ministre lui-même les avait faites.
Je pense que la population, quand elle prendra connaissance des faits
qui ont été discutés ici aujourd'hui, sera en mesure de
porter un jugement sur l'ensemble de l'opération. Sous
bénéfice d'inventaire, si le ministre veut bien en
dévoiler davantage dans les jours qui vont suivre, je l'inviterais
à le faire. Autrement, le jugement que la population va porter, et
certainement le jugement que nous allons porter: c'est qu'il s'agit là
de quelque chose d'absolument irrégulier qui entache de façon
irrémédiable l'ensemble du travail de la commission. Si on a pu
découvrir ce fait isolé et illustrer que la méthode
était curieuse, douteuse, inacceptable, combien d'autres cas de ce genre
se
sont déroulés à l'insu de tous à la
commission Keable?
Il faudrait donc une enquête publique sur la commission
d'enquête elle-même. On se rend compte tout de suite du genre de
paradoxe dans lequel on s'est enfermé du côté
gouvernemental. On en est à demander ou à voir
l'opportunité ou la nécessité, même, d'une
enquête publique sur une commission d'enquête. C'est un fait sans
précédent. Jamais, contrairement à ce qu'on a fait
aujourd'hui, on n'a eu l'occasion ni la moindre raison de mettre en doute le
travail d'une commission d'enquête et on a une raison aujourd'hui, une
raison très sérieuse. Cela, le ministre doit en tenir compte. Et
je pense qu'il devra analyser soigneusement la situation, parce que la
responsabilité du ministre de la Justice et la responsabilité du
gouvernement dans son ensemble est impliquée là-dedans.
M. Bédard: Vous prétendez maintenant avoir des
raisons d'avoir des doutes, mais vous n'avez rien mis sur la table en termes de
preuve, qui soit de nature à vous permettre d'une façon
responsable d'arriver à cette conclusion. Effectivement, vous vous
êtes permis de tirer rapidement des conclusions à partir d'une
série de petits faits qui, comme vous l'avez très bien dit,
pourront contribuer à constituer une entrave aux travaux de la
commission. dans le sens des efforts que vous faites depuis longtemps
pour essayer de miner la crédibilité de la commission. Au
contraire, vous nous avez demandé des renseignements concernant une
dépense spécifique qui n'est pas à cacher, qui est au
Conseil du trésor et qui peut être connue de tout le monde. Nous
vous avons donné les informations; vous nous demandez encore plus
d'informations que celles contenues dans le CT, nous sommes prêts
à les fournir. Il me semble que l'élémentaire
responsabilité, avant d'y aller de toutes sortes d'insinuations ou de
conclusions tel que vous le faites, c'est d'attendre l'ensemble de ces
renseignements.
La plupart des dépenses dont nous avons fait état
j'ai été à même de vous le dire, et le sous-ministre
vous l'a dit provenaient d'une série d'audiences à huis
clos, ce qui est tout à fait normal, et ces rencontres ont eu lieu avec
le commissaire-enquêteur et le procureur de la commission. Ceci ne
justifie en aucune façon les soupçons, les accusations et les
insinuations énormes que le député profère à
l'endroit de la commission. Ce qui, comme vous le désirez, sera
probablement de nature à compliquer énormément son
travail.
M. Forget: Est-ce qu'on doit je terminerai
là-dessus parce que je veux être bien sûr de l'intention du
ministre...
M. Bédard: Je termine là-dessus, je n'ai pas
à approuver ou à désapprouver ce que fait la commission
Keable, c'est une commission indépendante qui aura à rendre
compte.
M. Forget: Ah! vraiment!
M. Bédard: Je n'ai pas à approuver ou à
désapprouver...
M. Lalonde: Vous savez cela, vous dites...
M. Bédard: ... les pratiques de la commission Keable parce
qu'elles ont été rendues publiques dès le début des
travaux de la commission.
M. Lalonde: Vous vous lavez les mains.
M. Bédard: Concernant certains faits particuliers,
certaines dépenses, je vous l'ai dit, nous sommes prêts à
vous donner les informations nécessaires. La commission Keable est une
commission indépendante, je le répète. Elle a à
terminer ses travaux et, comme toute commission d'enquête, elle sera
l'objet d'études, quant à la façon dont les travaux se
seront effectués quelles que soient les recommandations
auxquelles on en arrivera quant à la manière dont elle
aura conduit ses enquêtes; autant du point de vue gouvernemental que de
celui de l'Opposition, nous aurons à prononcer, à ce
moment-là, un jugement de fond sur l'ensemble de la qualité de
son travail.
M. Forget: Le ministre nous dit qu'il nous donnera des
renseignements complets. Est-ce qu'on peut envisager que ce sera dans un avenir
prochain, d'ici une semaine, d'ici la fin des travaux de l'Assemblée
nationale?
M. Bédard: Concernant le CT dont il a été
question, nous allons faire les recherches nécessaires, nombre de jours,
nombre de repas, etc., avec célérité pour fournir les
renseignements au député de Saint-Laurent.
M. Forget: Seulement là-dessus. Pas un tableau d'ensemble.
Point, point.
M. Bédard: Vous avez eu des questions spécifiques
sur un point.
M. Forget: Mais on a eu des questions sur l'ensemble, aussi, du
témoignage de Devault.
M. Bédard: II y a eu des réponses sur tout le
reste.
M. Forget: Sur les coûts et sur toutes les dépenses
assumés relativement au témoignage de Devault, vous n'avez pas
l'intention... Tous sans restriction.
M. Bédard: Sur les coûts et les dépenses
à assumer par Mme...
M. Forget: Pas seulement ce CT mais d'autres dépenses qui
auraient pu être effectuées.
M. Lalonde: M. le Président...
M. Forget: Bon, on s'entend là-dessus.
M. Lalonde: Est-ce que le ministre s'engage, pour les autres
demandes qui sont faites par le commissaire, à poser des questions sur
les dépenses avant d'approuver la demande au Conseil du trésor?
Je comprends qu'il a négligé de le faire pour celui-là
puisqu'il n'a pas de réponse.
M. Bédard: Au contraire, là, vous y allez encore
une fois...
M. Lalonde: Je vous ai demandé...
M. Bédard: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Laberge): J'entends votre question de
règlement.
M. Bédard: C'est vraiment une... D'ailleurs, c'est la
méthode qu'on emploie depuis le début, porter l'accusation
ensuite demander des explications.
M. Lalonde: Bon, alors, je retire l'accusation si vous y avez vu
une accusation...
M. Bédard: Oui, parce que vous prétendez qu'on n'a
pas fait les vérifications.
M. Lalonde: ... dans mes propos. A ce moment-là, je vais
la faire sous forme de question...
M. Bédard: Vous permettez que je termine.
M. Lalonde: Est-ce que vous avez posé des questions. J'ai
retiré les accusations, pour ne pas vous énerver trop, trop, si
cela vous fatigue.
M. Bédard: Je ne suis pas énervé du tout.
M. Lalonde: Calmez-vous.
M. Bédard: Je suis très conscient de la tactique
que vous employez.
M. Lalonde: Est-ce que vous avez posé des questions sur
tous les comptes, sur toutes les factures? Combien de rencontres il y avait eu?
Est-ce qu'il y avait eu de l'alcool à chaque fois? Ou à quelles
occasions il y en avait eu? Est-ce que vous avez posé ces
questions-là pour ce CT? Je comprends que non puisque vous n'avez pas
les réponses pour nous, aujourd'hui.
Donc, je ne vous fais pas d'accusation, mais pour l'avenir,
j'espère que vous allez vous engager à le faire.
M. Bédard: Non, mais dans un CT, vous savez très
bien ce qui en est. Vous savez très bien que dans un CT tous les
détails ne sont pas nécessairement compris à
l'intérieur. Ce qui ne veut pas dire que toutes les explications ou que
toutes les questions n'ont pas été posées en fonction d'en
venir à un CT et je crois que, là-dessus, je serais en mesure de
dire que le sous-ministre de la Justice...
M. Lalonde: Est-ce qu'à l'avenir, le ministre s'engage
à approuver ces dépenses, de tête-à-tête avec
libations, du commissaire et des témoins? Est-ce qu'il va être
approuvé à l'avenir?
Le Président (M. Laberge): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, vous...
M. Lalonde: "Libations" est de trop, M. le Président?
Le Président (M. Laberge): Bien, c'est ce mot-là,
parce que c'est une hypothèse, théoriquement.
M. Lalonde: Tête-à-tête liquide, alors. Est-ce
qu'il s'engage à poser la question?
M. Bédard: Lorsque des demandes sont faites, qui doivent
être orientées au Conseil du trésor, toutes les
explications nécessaires sont demandées.
M. Lalonde: Est-ce que vous allez approuver et donner les
instructions à vos fonctionnaires, de ne pas approuver, de ne pas
rembourser ces dépenses-là parce que vous ne...
M. Bédard: Non. Je donne instructions et ils ont toujours
eu instructions...
M. Lalonde: De quoi?
M. Bédard: ... au niveau des fonctionnaires, de demander
tous les renseignements nécessaires avant qu'un CT ou qu'un paiement de
dépenses soit effectué pour qui que ce soit.
M. Lalonde: D'approuver et de désapprouver quelles
dépenses vos instructions ont-elles données?
M. Bédard: Et ils le font.
M. Lalonde: Vos instructions, c'est de demander les questions,
oui, mais les réponses.
M. Bédard: C'est une question d'évaluation,
à chaque...
M. Lalonde: Est-ce que vous allez donner instructions d'approuver
encore ces dépenses-là?
M. Bédard: C'est une question d'évaluation à
chaque occasion. Je ne peux quand même pas donner des instructions qui
soient de nature à prévenir toutes les situations possibles. Vous
le savez très bien.
M. Lalonde: Non, mais le principe des rencontres.
M. Bédard: Le principe, c'est très clair, c'est
lorsqu'une dépense est justifiée, à ce moment-là,
un paiement est demandé.
M. Lalonde: En vertu de quels critères, la justification?
Est-ce que le fait que le commissaire-enquêteur lui-même rencontre
à un souper le témoin à plusieurs reprises, est-ce que le
ministre s'engage encore à approuver ces choses-là?
Incroyable!
M. Bédard: Lorsqu'une telle rencontre est
nécessaire et qu'on est sûr qu'elle est justifiée, avec les
procureurs. Pas seulement le commissaire, le commissaire avec le procureur qui
rencontre un témoin, lorsque c'est justifié, dans un cadre
donné, l'évaluation se fait et vous aurez, à ce
moment-là, toutes les informations nécessaires que vous avez
demandées concernant le CT.
M. Lalonde: J'en conclus et ce n'est pas une accusation...
M. Bédard: Non, vous n'avez pas à conclure.
M. Lalonde: Oui j'en conclus, je regrette, j'ai le droit de
conclure et de le dire publiquement. Je conclus que le ministre approuve ce
procédé bizarre du commissaire-enquêteur.
M. Bédard: Je n'ai pas à approuver.
M. Lalonde: Bien oui, puisque vous approuvez les
dépenses.
M. Bédard: Non. Je n'ai pas à approuver ou à
désapprouver.
M. Lalonde: N'essayez pas de vous laver les mains, c'est vous qui
approuvez les dépenses.
M. Bédard: Non, non. La commission Keable est une
commission indépendante. Je n'ai pas...
M. Lalonde: Votre signature apparaît sur les CT.
M. Bédard:... à approuver ou à
désapprouver. Mais, lorsqu'une dépense est demandée, elle
doit être justifiée pour les besoins de l'enquête.
M. Lalonde: Et vous, vous croyez que c'est justifié.
M. Bédard: Et, si nous avons fait la demande,
définitivement parce que nous croyons que c'était
justifié, ces rencontres, à un moment donné, avec le
commissaire-enquêteur, les procureurs et certains témoins...
M. Lalonde: Vous approuvez cela. On en prend note.
M. Bédard: ... pour la conduite de l'enquête.
Le Président (M. Laberge): II est 12 h 59, est-ce que le
programme 10 sera adopté?
M. Forget: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Nous reviendrons
après le lunch, donc je suspends les travaux de cette commission
jusqu'à 15 heures.
Suspension de la séance à 13 h 01
Reprise de la séance à 15 h 14
Le Président (M. Laberge): A l'ordre messieurs. La
commission parlementaire de la justice reprend ses travaux concernant
l'étude des crédits du ministère de la Justice.
Lorsque nous avons suspendu nos travaux à 12 h 59 ou à 13
heures, nous avons adopté le programme 10. Le député de
Mercier me fait signe qu'il aurait une mise au point d'une minute ou deux
à faire avant d'entamer le programme 11.
M. le député de Mercier.
M. Godin: Une mise au point très courte "for the
record", comme on dit en anglais. Pour les fins d'archives. J'ai fait le
relevé, pendant l'heure du dîner, des noms non
canadiens-français dans les 277 bénéficiaires de mandats
du gouvernement. Il y en avait 25, qui s'occupaient plus ou moins, 9%, ce qui
n'est pas rien; c'est la moitié à peu près de l'objectif
visé. Merci beaucoup.
Le Président (M. Laberge): Sur ce, j'appelle le programme
11.
M. Bédard: A titre d'information, concernant une question
du député de D'Arcy McGee qui a trait à une directive
donnée par la police de la CUM. Nous avons communiqué avec M.
Vignola qui, malheureusement, n'est pas à Montréal
présentement, mais à Ottawa. Ce qui veut dire que je ne serai pas
en mesure, tel que je l'avais exprimé, de fournir la réponse
d'ici la fin des travaux de notre commission. Mais je verrai à demander
à M. Vignola de nous donner la réponse à la question du
député de D'Arcy McGee. Je ferai personnellement parvenir cette
réponse au député. Cela va? Est-ce que le
député de D'Arcy McGee doit revenir aujourd'hui?
M. Forget: Je pense que oui. Je pensais qu'il serait ici. Je dois
dire que j'ai vaqué à mon courrier et à mes appels. Alors,
je ne sais pas ce qui est arrivé au juste. Je ne sais pas ce qui le
retient. De toute façon, je lui ferai le message le cas
échéant, si jamais il devait être retenu.
M. Bédard: Concernant une autre réponse à
une de ses interrogations en ce qui a trait aux jurés, aux Indiens de la
réserve de Caughnawaga, nous allons attendre; s'il revient pour les
travaux de cette commission, nous ferons une mise au point.
Le Président (M. Laberge): Parfait. Programme 11: Affaires
législatives.
M. Forget: II y a une demande du ministre à laquelle j'ai
accédé tantôt de passer au programme 14 étant
donné que le juge président de la Commission de police aimerait
se libérer le plus tôt possible ce qui, évidemment, ne pose
pas de problèmes quant à nous.
Le Président (M. Laberge): Le programme 11 est suspendu.
Nous passons au programme 14 qui est la normalisation et la surveillance de
l'exercice des fonctions de police. M. le ministre.
Normalisation et surveillance de l'exercice des
fonctions de police
M. Bédard: M. le Président, au niveau des
ressources humaines et financières, pour l'aider à remplir son
mandat, la commission dispose d'un effectif régulier de 74 personnes
auxquelles viennent s'ajouter 4 personnes-année occasionnelles. On
retrouve 64 postes réguliers, 2 postes-année occasionnels au sein
de la Commission de police, tandis qu'à la Commission d'enquête
sur le crime organisé, il y a 10 employés réguliers
d'autorisés et 2 personnes-année occasionnelles.
En ce qui a trait aux ressources financières, le budget au niveau
de ce programme est estimé à $2 635 300, lequel se
répartit entre la Commission de police et la Commission d'enquête
sur le crime organisé. Au niveau de la Commission de police de
Québec, on a prévu des crédits de l'ordre de $2 214 800,
dont $1926 600 seront affectés au paiement des traitements des
employés, ce qui représente 87% du budget de celle-ci.
En ce qui concerne la Commission d'enquête sur le crime
organisé, les ressources financières ont été
estimées à $410 500 pour la période du 1er avril 1980 au
30 septembre 1980, date d'expiration de son mandat. Ces crédits seront
affectés au paiement des traitements $183 400; des commissaires
additionnels $62 000; des sténographes officiels $45 000 et aux
dépenses courantes de $120 100.
Comme je l'ai déjà dit, le budget du programme 14
concernant la normalisation et surveillance de l'exercice des fonctions de
polices est estimé à $2 625 300, ce qui représente une
augmentation d'environ $192 300 ou 7% par rapport au budget comparatif de
1979-1980. L'addition de crédits se situe principalement au niveau des
traitements soient $181 900 par rapport à $192 300 pour l'augmentation
totale au niveau du programme. Ces crédits supplémentaires
serviront principalement à financer la mise en application des
conventions collectives. Ce sont les commentaires généraux que
nous avons à faire sur ce programme.
M. Forget: Bon, oui, j'aurais deux questions
d'intérêt secondaire, mais peut-être que le juge,
président de la Commission de police veut faire un petit exposé
étant donné qu'il y a eu des modifications dans les pouvoirs, les
fonctions, les vocations de la Commission de police. Enfin, on est bien
intéressé à l'entendre s'il a quelque chose de
préparé pour ça.
M. Bédard: Le président de la Commission de police,
M. le juge Gosselin. Il y a eu la mise en application de la loi no 48 depuis le
1er juin de cette année. Alors, je laisse la parole à M. le juge
Gosselin.
M. le Président, il y a lieu de vous dire que la commission,
évidemment, s'est vue confier de nouvelles attributions par les
dispositions du chapitre 67 des lois de 1979 qui sont en vigueur depuis le 1er
juin 1980. L'effectif que nous avons actuellement sera évidemment
insuffisant pour nous permettre d'accomplir toutes les nouvelles tâches
qui nous sont assignées par la loi et nous avons d'ailleurs, à
cette fin, préparé un nouveau plan d'organisation qui sera
éventuellement transmis au Conseil du trésor pour approbation.
Cela comporte une demande de postes additionnels. Quant aux nouvelles
attributions de la commission, nous pouvons être appelés
maintenant à faire enquête sur la conduite d'agents de la paix qui
pourraient faire éventuellement partie des catégories d'agents de
la paix, mentionnées dans un règlement qui doit être
adopté par le gouvernement.
Nous pouvons être appelés à faire des
enquêtes, à la demande du procureur général, de
groupes de citoyens ou d'associations policières, pour vérifier
si une municipalité maintient des services de police
adéquats.
Il y a évidemment les normes pour l'établissement des
corps policiers dans les municipalités qui ont été
modifiées; au lieu de s'attacher au statut de la municipalité, il
faut maintenant considérer sa population. Si bien qu'une
municipalité ayant une population de 5000 habitants et plus devra,
à moins de dispense du gouvernement, établir un corps
policier.
Il y a actuellement huit municipalités de ville qui ne
maintiennent pas de corps policiers et qui, à moins de dispense, devront
en établir un. Il y a sept ou huit municipalités régies
par le Code municipal qui n'ont pas non plus de corps policier et qui devront
en établir un. Sauf que dans ces derniers cas, en vertu des dispositions
de la loi, le délai qui est accordé aux municipalités
régies par le Code municipal pour établir un corps policier est
de deux ans à compter du 1er juin 1980.
M. Forget: Je vous remercie.
J'aimerais soulever deux problèmes. Il y en a un, sur lequel je
m'interroge à savoir, s'il est de la juridiction de la Commission de
police. Il s'agit du long dossier nous serions six, semble-t-il,
à avoir de la correspondance, mais je pense que, probablement, tous les
députés en ont, cela semble un peu mystérieux sur
l'utilisation des forces policières pour la mise en vigueur de plans
conjoints pour les oeufs, la question de FEDCO, etc. A toutes les six semaines,
je reçois une copie de lettre que quelqu'un envoie à quelqu'un
d'autre au sujet de ces interventions policières. Est-ce que ce genre
d'activité peut être appelé une intervention de la
Commission de police?
M. Bédard: Cela relève plutôt de la
Sûreté du Québec. Si vous n'avez pas d'objection, tout
à
l'heure, nous aurons avec nous le directeur de la Sûreté du
Québec qui pourra nous donner quelques renseignements sur ce
problème.
M. Forget: D'accord. Je n'étais pas sûr à qui
cela pouvait le mieux s'adresser.
M. Bédard: C'est sûr que s'il y a une conduite
répréhensible des policiers lors de l'intervention, la Commission
de police a juridiction sur cela.
M. Forget: Oui. Il semble que ce que l'on soulève, c'est
le principe même d'une intervention policière dans une tâche
administrative. A la limite, cela pourrait faire l'objet d'une plainte à
la Commission de police, j'imagine.
M. Bédard: Je dois vous dire que nous avons reçu
une telle plainte relativement à l'intervention de la
Sûreté du Québec dans ce cadre-là. Nous n'avons pas
encore disposé du dossier. Nous n'aurions pas juridiction pour
déterminer exactement si, de fait, la Sûreté du
Québec a juridiction ou pas, sauf que si elle n'avait pas juridiction,
nous pourrions, sous forme de recommandation, informer la Sûreté
du Québec qu'il y a lieu de suspendre. Mais, actuellement, on n'a pas
encore vidé ce dossier-là.
M. Forget: Je vois. Maintenant, le deuxième sujet. Je
pense que je suis sur un terrain plus solide. C'est la nouvelle vocation de la
Commission de police d'accumuler et d'analyser des donnés sur la
criminalité. Je pense que ça, c'est effectivement un rôle
de la...
M. Bédard: Cette vocation maintenant...
M. Forget: Enfin, je voulais savoir quelles étaient les
activités parce que j'ai certaines données et j'aimerais comparer
mes notes en quelque sorte à celles de la Commission de police pour voir
si on s'entend sur le diagnostic à poser sur la situation de la
criminalité au Québec et quelles conclusions on doit en tirer,
quelles conclusions la commission en tire.
M. Bédard: Je laisse la parole à M. le
président.
Voici, jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi, le 1er juin,
nous avions établi un service qui se chargait de la cueillette des
données en matière criminelle, si bien que pour ce qui est de
l'année 1979, nous avons recueilli les données mais, depuis
l'entrée en vigueur du projet de loi no 48, c'est la direction
générale de sécurité publique qui assumera
dorénavant cette obligation, si bien, que tout ce que nous avons
reçu de rapports mensuels des corps policiers, depuis le 1er janvier, a
été transmis à la direction générale de
sécurité publique qui, dorénavant, assumera cette
responsabilité.
M. Forget: Dans l'exercice de ses anciennes
responsabilités, la Commission de police en était venue à
faire des observations ou si on était à la phase encore de
cueillette, ou est-ce qu'il y avait des analyses, des conclusions qui
apparaîtront dans le rapport annuel de la Commission de police ou dans un
rapport spécifique sur la criminalité? Si je comprends bien,
quand on va s'adresser au ministère comme tel, on va nous dire: On a
commencé seulement au début de juin, on ne peut rien vous dire
avant un certain temps. Est-ce que la Commission de police va faire une
espèce de testament du dossier dans l'état où elle le
transmet à la direction de la sécurité publique?
M. Bédard: A chaque année, en plus de faire la
cueillette, nous avons produit un rapport contenant une analyse des
statistiques criminelles et pour ce qui est de l'année 1979, nous avons
produit un rapport préliminaire qui indiquait une augmentation de la
criminalité au Québec. Notre rapport d'analyse pour 1979 est en
voie d'être complété, mais chaque année, je dirais
depuis quatre ou cinq ans, nous produisons annuellement un rapport non
seulement des statistiques criminelles, mais aussi comportant une analyse de
ces statistiques. Lorsque nos conseillers se rendent dans les corps policiers,
ils analysent évidemment l'indice de la criminalité dans la
municipalité et dorénavant, c'est la direction
générale de sécurité publique qui s'occuperait de
la programmation en matière de prévention de
criminalité.
M. Forget: Est-ce que vous en êtes venus, relativement
à ce travail d'analyse au cours des années, à identifier
des facteurs d'accroissement de criminalité au Québec sur
lesquels vous attiriez l'attention?
M. Bédard: Nous n'avons pas fait d'étude
sociologique pour considérer les facteurs de la criminalité, sauf
dans les cas où la division de la commission chargée de la tenue
de l'enquête sur le crime organisé a analysé certains
genres de crimes et a, dans certains rapports, fait des études
sociologiques.
M. Forget: Est-ce qu'il y a une hausse de criminalité, en
termes relatifs évidemment, du taux d'incidence des crimes graves au
Québec? Est-ce qu'il y a une évolution du taux de
résolution des crimes graves? Comment le Québec se compare-t-il
à ses voisins, relativement à ça? D'après certains
chiffres que l'on voit mais on ne sait jamais si ce sont des chiffres
qui sont acceptables pour les autorités au Québec, ce n'est pas
évident à première vue le taux de résolution
laisse un peu à désirer. Y a-t-il une évolution favorable
ou défavorable du taux de résolution des crimes graves?
M. Bédard: Evidemment, en 1979, c'était une
très mauvaise année, puisqu'on a constaté, d'une
façon générale, une augmentation de 19,5% du taux de la
criminalité, alors que, l'année précédente, il y
avait eu une diminution de 0,5% et, l'année antérieure, de 4% de
diminution.
C'est donc dire que, si on remonte à trois ans, pendant deux ans,
il y a eu une diminution de la
criminalité, l'an dernier, une forte augmentation. Les taux de
solution n'ont pas été tellement améliorés.
Sauf, si vous me le permettez, M. le Président, concernant la
Sûreté du Québec, qui a présentement un taux de
résolution de 41%, ce qui est un record par comparaison à toutes
les forces policières au Canada et même, je pense, en
Amérique du Nord.
M. Forget: Je vois; mais on aura l'occasion, je pense bien...
M. Bédard: M. le directeur de la Sûreté du
Québec sera heureux...
M. Forget: ... d'entendre la sûreté; ils se feront
un plaisir de nous exposer ça.
M. Bédard: ... de nous faire part de cette nouvelle, avec
un peu plus d'ampleur, tout à l'heure.
M. Forget: Alors, pour l'instant, M. le Président, je
pense que c'est tout relativement au programme 14.
Le Président (M. Laberge): Programme 14, adopté.
Revient-on à 11, ou si on va à 15?
M. Forget: On va revenir à 11.
M. Bédard: Merci, M. le président, de votre
présence.
M. Forget: Merci, M. le président. Affaires
législatives
Le Président (M. Laberge): Nous revenons au programme 11:
Affaires législatives. Il y a trois éléments. Je peux les
énumérer: Elaboration des lois et règlements; Refonte des
lois et règlements; Recherches.
Est-ce que vous en faites l'étude comme à
l'accoutumée, les trois ensemble?
Une Voix: Oui.
Le Président (M. Laberge): Programme 11 dans son ensemble.
Question, M. le député de Saint-Laurent.
M. Bédard: Je vais essayer d'abréger au niveau des
remarques préliminaires. D'abord, concernant les affaires
législatives. La Direction générale des affaires
législatives relève administrativement de Me Daniel Jacoby,
sous-ministre, que nous avons avec nous aujourd'hui. Cette direction
générale est en matières de textes législatifs et
réglementaires. L'expert, non seulement, du ministère de la
Justice... Une seconde! Je m'excuse, M. Marx? Je ne peux pas courir
après! (15 h 30)
Pendant que nous avons la présence de M. le député
de D'Arcy-McGee avec nous concernant une... J'ai indiqué au
député de Saint-Laurent d'abord qu'en ce qui a trait aux
directives, M. Vignola est à Ottawa, et nous trouverons le moyen pour
qu'il vous fasse parvenir une réponse à votre question. Sur
l'autre élément qui a été soulevé...
l'interrogation qui a été soulevée par le
député de D'Arcy-McGee concernant la réserve de
Caughna-waga et la formation d'un jury, nous avons les informations suivantes:
En 1975, la Cour d'appel, dans l'affaire Diabo a jugé que les
autochtones dans la réserve de Caughnawaga ne pouvaient pas faire partie
d'un jury puisque la Loi des jurés à l'époque
prévoyait que la liste des jurés s'effectuait à partir des
rôles d'évaluation municipale.
Or, comme les propriétés se trouvant sur une
réserve ne sont pas taxées, aucun rôle d'évaluation
n'a été confectionné à leur égard. Or, en
1976, la Loi des jurés a été remplacée par une
nouvelle loi sur les jurés, laquelle modifiait la méthode de
confection de la liste des jurés. En effet, suivant la nouvelle loi, la
liste des jurés était établie à partir des listes
électorales provinciales. Selon les informations reçues du bureau
du shérif du district de Montréal, le chef de bande de la
réserve de Caughnawaga refuse le recensement, ce qui a évidemment
comme conséquence que les autochtones de la réserve ne peuvent
faire partie d'un jury, parce qu'il n'y a pas moyen de les faire inscrire sur
la liste des jurés.
M. Marx: Je vous remercie pour l'information. Cela a pris
à votre ministère exactement quatre ans pour me fournir
l'information. Je pense que cela est allé assez vite. Parce que je vous
ai écrit...
M. Bédard: Non, je m'excuse! Je ne sais pas à
quelle date vous avez écrit, mais, moi, je n'ai jamais été
saisi...
M. Marx: J'ai écrit à l'un de vos sous-ministres il
y a quatre ans.
M. Bédard: Oui, mais à quelle date? Est-ce avant
que nous soyons...
M. Marx: Voulez-vous une copie de la lettre?
M. Bédard: Oui.
M. Marx: Alors, je vais vous donner une copie de la lettre.
M. Bédard: Ce serait intéressant. C'était
peut-être avant que nous soyions là ou après...
M. Marx: Je vais vous donner une copie de la lettre qui date de
1976 ou 1977. Cela va vous démontrer que votre ministère
fonctionne d'une façon très efficace. Trois ans pour la
réponse.
M. Bédard: Vous n'êtes pas très juste, mais
je comprends que c'est une ligne que vous adoptiez, parce que vous avez
signalé le sujet à mon attention pour la première fois
hier.
M. Marx: Non, à votre ministère il y a quatre ans.
Une fois hier à vous.
M. Bédard: Me permettez-vous de terminer? Vous êtes
à même de constater que dans un délai très restreint
nous vous donnons l'information requise.
M. Marx: Parfait, merci.
M. Forget: II faut avoir la bonne plate-forme.
M. Marx: Je vais vous donner une copie de la lettre, de toute
façon pour que vous vérifiiez...
M. Bédard: Oui, et peut-être, puisque cela vous
préoccupait à ce point, des copies de rappel de votre
préoccupation au ministère.
M. Marx: II faut faire beaucoup de rappels à votre
ministère. D'accord, merci.
M. Bédard: Cela doit être une lettre sans rappel. On
ne sait même pas si c'est du temps où nous étions
là.
M. Forget: Le ministère est permanent.
Le Président (M. Laberge): Alors, programme 11?
M. Bédard: Alors, la direction...
M. Forget: Le ministère est permanent.
Le Président (M. Laberge): M. le ministre, vos remarques
sur le programme 11.
M. Bédard: Alors, nous recommençons, M. le
Président. Au niveau des affaires législatives, cette direction
générale relève de Me Jacoby, comme je l'ai dit. En
matière de textes législatifs et réglementaires, cette
direction générale est l'experte non seulement du
ministère de la Justice, mais aussi de tout le gouvernement. Son mandat
est donc double. A l'égard du ministère de la Justice, sa
responsabilité est de rédiger les projets de loi que son
titulaire doit présenter à l'Assemblée nationale. A
l'égard des autres ministères et des divers organismes du
gouvernement, elle agit comme spécialiste en matière
législative en jouant un rôle conseil dans la composition de leurs
projets de loi et en contrôlant la légalité de leurs
projets de loi et de leurs projets de règlements.
De plus, il faut souligner que la direction générale des
affaires législatives est responsable administrativement de la
Société québécoise d'information juridique, SOQUIJ.
Egalement, on retrouve à l'intérieur de ce programme toutes les
activités reliées à la Commission de refonte des lois et
règlements dont le titulaire est Me Benoit Morin, qui est avec nous
également aujourd'hui. Il assume la responsabilité de
vice-président de la commission.
En ce qui a trait aux ressources financières, le budget de ce
programme est estimé à $3 816 200, dont $2 449 700 iront au
traitement des employés, $745 000 seront requis pour subventionner la
société québécoise d'information juridique et $240
000 seront utilisés pour la publication de la version anglaise des
droits refondus du Québec, de la mise à jour des lois ainsi que
l'établissement des règlements. C'est l'essentiel des
commentaires que nous avions à faire.
M. Forget: M. le Président, quand on parle, dans la
dernière phrase que vient de lire le ministre, de rétablissement
des règlements, on parle de l'exercice de consolidation. On va se livrer
au même exercice avec les règlements qu'on a fait avec les
lois.
M. Bédard: C'est cela. M. Forget: D'accord.
M. Bédard: Et je pense que cela va constituer une bonne
amélioration pour que et les légistes et les citoyens puissent se
retrouver...
M. Forget: Oui, parce qu'il n'y a pas moyen de se retrouver dans
les règlements de cette façon, même quand on est à
l'Assemblée nationale, pour ne pas parler du public.
Pour ce qui est des politiques suivies ou de la politique suivie par le
ministère dans la dotation en personnel de cette direction
générale des affaires législatives, est-ce qu'il y a un
principe qui est le même que celui observé dans le cas de la
direction précédente... Comment s'appelle-t-elle?
M. Bédard: Les affaires civiles et pénales.
M. Forget: Oui, c'est cela, les affaires civiles et
pénales. C'est-à-dire de constituer essentiellement un groupe de
juristes spécialisés dans la rédaction des lois et des
règlements. Mais à l'occasion, malgré tout, de faire appel
à des spécialistes de l'extérieur.
M. Bédard: Mais c'est très rare que nous ayons
à faire appel, en tout cas pour le moment, à des
spécialistes de l'extérieur.
M. Forget: Mais je remarque qu'il y a une personne, je ne sais
pas si cela tombe dans la liste des engagements de moins de $25 000, il y a Me
Jocelyn Lavoie qui a été retenu à titre de légiste
pour assister un comité de législation à l'étude
des projets de lois. On a prévu un versement de $20 625.
M. Bédard: Je demanderais à Me Jacoby de donner la
précision.
Me Jocelyn Lavoie est rattaché au secrétariat du
comité de législation.
M. Forget: Mais le secrétariat du comité de
législation n'est pas fourni nécessairement par la direction
générale des affaires législatives?
M. Bédard: Non, la direction générale et le
secrétariat travaillent en collaboration dans l'élabo-
ration des projets de lois, mais les gens du secrétariat
relèvent du Conseil exécutif, alors que les gens des affaires
législatives relèvent du ministère de la Justice.
M. Forget: Quelle est la rationnelle de cette distinction?
M. Bédard: C'est que le rôle du comité de
législation est d'examiner s'il y a véritablement
adéquation entre le... Le principal rôle, c'est de vérifier
si le projet de loi qui est soumis par un ministère est conforme
à la décision du Conseil des ministres, pour voir si on n'a pas
excédé la décision. Enfin, c'est plutôt un travail
de nature politico-juridique alors que le travail des affaires
législatives, c'est de voir essentiellement à ce que
j'appellerais, disons la cuisine, ou la plomberie ou la technique juridique
pour ce qui est de l'élaboration des lois et de contrôle de la
légalité des projets de règlement.
Mais évidemment, le Conseil exécutif et le
ministère travaillent en étroite collaboration.
M. Forget: II y a des études à caractère
général qui ont été préparées et il y
en a une en particulier, dont l'auteur est Me Léo Ducharme, qui porte
sur... Enfin, le titre est "Etude juridique relative au partage de contenu
entre lois et règlements" $14 500. Est-ce qu'il serait possible
d'obtenir une copie de cette étude?
Je ne vous cacherai rien, c'est un sujet qui m'interresse et j'aimerais
bien voir qu'est-ce qu'un juriste, qui s'est penché là-dessus,
pourrait nous donner comme avis juridique.
M. Bédard: Nous avons confié une étude
à Patrice Garant sur cette question. Léo Ducharme, c'est sur le
secret professionnel, alors que Patrice Garant...
M. Forget: Oui, il y a un problème de ligne, là.
D'accord.
M. Bédard: Nous allons recevoir un rapport d'étape,
ce mois-ci, venant du laboratoire de justice administrative de
l'Université Laval et l'objet du mandat est de voir dans quelle mesure
on pourrait élaborer des critères qui permettent de
répartir, fonctionnellement et suivant les principes juridiques, ce que
doit contenir une législation par rapport à une
réglementation, de façon, à plus ou moins long terme, de
faire en sorte que les projets de règlements ne contiennent que des
questions accessoires ou de mise en exécution de la loi et éviter
que l'on retrouve, par exemple, des questions de droit substantiel dans la
réglementation.
M. Forget: Je vois. Est-ce qu'on pourrait demander au ministre de
la Justice, lorsque cette étude paraîtra même le
rapport d'étape, étant bien entendu que le rapport d'étape
est un rapport d'étape qu'elle soit communiquée aux
parlementaires ou au moins aux membres de la commission de la justice,
étant donné que c'est un sujet qui intéresse, dans leur
travail de législateurs, les députés au plus haut
point.
M. Bédard: II n'y a rien de confidentiel là-dedans,
ça me fera plaisir de donner suite à la demande du
député de Saint-Laurent dès que ce sera possible.
M. Forget: C'est ça, c'est une étude de principes
juridiques. Je vous remercie.
Le Président (M. Laberge): Autres questions?
M. Forget: Oui, je pense que ce sera une dernière
question, M. le Président, justement au sujet des pouvoirs
réglementaires. Le ministre avait fait état l'an dernier,
si ma mémoire est bonne, lors de l'étude des crédits ou
peut-être que cela a été mentionné dans le discours
inaugural, j'ai des compilations quelque part, mais je ne les ai pas
apportées avec moi de la volonté d'introduire une loi sur
la législation déléguée. Est-ce qu'on a fait des
progrès dans la préparation d'un texte comme celui-là?
Est-ce qu'on est à pied d'oeuvre?
M. Bédard: Selon ce qu'on me dit, tel que je l'avais
demandé, il y a beaucoup de travail qui a été fait
là-dessus. Nous ne sommes pas encore, au moment où l'on se parle,
en mesure de déboucher sur une solution précise. Le travail se
continue parce que c'est effectivement une de nos préoccupations.
Maintenant, il y a l'équilibre à trouver entre le contrôle
parlementaire et les besoins de l'administration, et ce dilemme n'est pas
résolu encore.
M. Forget: D'accord. Alors, ça demeure à l'agenda,
mais ce n'est pas pour tout de suite parce qu'il y a des problèmes
à trancher. D'accord, alors ça m'éclaire, M. le
Président.
Il y aurait peut-être une remarque générale que je
pourrais faire; elle peut susciter une réaction. Je ne la fais pas de
façon agressive, même si j'ai parfois été assez
virulent sur le sujet ou devant certains projets de loi. Ce n'est pas un
reproche à ceux qui essaient d'instaurer une tradition d'excellence et
de professionnalisme là-dedans, mais j'espère que cette
préoccupation est partagée par le ministère de la Justice
et, sans parler du contenu, il y a des choix politiques on a des
débats là-dessus mais il reste que la rédaction
même des lois est loin de me satisfaire et plusieurs de mes
collègues partagent cette opinion. Il y a des incohérences, il y
a des changements subits de style qu'on ne s'explique pas, il y a un certain
nombre de règles qui... La démarcation entre le contenu et le
contenant est évidemment difficile à faire, même sur les
clauses de style ou les clauses techniques que l'on retrouve dans tous les
projets de loi, quand on regarde, par exemple, les projets de loi sur les
sociétés d'Etat, les pouvoirs, les structures, les conseils
d'administration, etc., on a tout à coup un projet de loi qui
représente une démarcation ou un changement par rapport au
passé. Evidemment, lorsque l'on étudie la création
d'une société d'Etat, c'est bien secondaire par rapport à
l'objectif visé par le gouvernement, donc le débat a tendance
à ne pas porter là-dessus. (15 h 45)
II reste qu'on a l'impression de s'engager parfois dans des avenues qui
ne sont pas expliquées, dont les implications sont inconnues. Il me
semble qu'il y aurait un besoin de mettre de l'ordre dans les orientations
légalistes ou administratives, ou un mariage des deux, qui
président à la rédaction d'un certain nombre de clauses
techniques de plusieurs projets de loi qui reviennent tout le temps et qui sont
réglées de façon un peu désordonnée.
Evidemment, on peut dire: On a changé parce qu'on pensait que
c'était mieux, sauf que, comme justement ce n'est pas débattu, ce
n'est pas très clair, à savoir si c'est mieux ou pas ou s'il y a
des gens, sous le couvert d'une décision technique, ont pris des options
qui sont peut-être autres que techniques.
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de songer à ça et voir si
on ne peut pas produire un travail qui soit débattu à
l'Assemblée nationale, une espèce comment dire pas
un code de rédaction des lois, mais une espèce de mémento
ou de guide permettant de voir qu'il y a un certain esprit de système
dans tout ça, qu'on sait ce qu'on fait et qu'on sait pourquoi on le fait
surtout? Il me semble qu'il y a un grand besoin. Il pourrait sûrement y
avoir une commission parlementaire qui se penche là-dessus. Je ne veux
pas entrer dans toutes sortes d'hypothèses, mais il m'en vient plusieurs
à l'esprit. Il me semble qu'il y a un besoin de plus en plus grand.
Il y a eu dans le passé, dans la rédaction des lois, des
personnalités extrêmement fortes qui étaient des
institutions à elles seules et qui ont, pendant qu'elles étaient
là, assuré la cohérence et la continuité. Mais il
reste que, quand ça devient une institution comme un service ou une
direction générale, on ne peut pas se fier que ça va
être dans l'esprit de quelqu'un et, qu'il va transporter ça avec
lui en allant manger. Il faut que ce soit un petit peu plus formalisé.
Il me semble qu'il y a un grand besoin que la direction générale,
éventuellement, fasse des propositions qui soient acheminées par
le ministre de la Justice et sur lesquelles il y ait pas
nécessaire de passer une loi un consensus. Il me semble que ce
serait important. C'est une dimension d'activité législative qui
a besoin de cet appui technique qui nous fait défaut dans le moment.
M. Bédard: Ceci a été une des
préoccupations du ministère de la Justice depuis deux ou trois
ans. Nous avons fait un effort marqué pour en arriver à une
amélioration des ressources humaines en termes d'experts en loi. Je
pense que le député de Saint-Laurent conviendra que c'est un
travail à long terme; ce n'est pas facile d'assurer une relève
dans ce domaine. C'est peut-être pour ça d'ailleurs que dans le
passé l'ensemble de l'institution s'est résumé à
une ou deux personnes. C'est justement en étant conscient de cette
réalité que nous avons fait des efforts marqués au
ministère pour essayer d'avoir une relève chez les
légistes et former des experts en législation. A l'heure
actuelle, il y a beaucoup de travail qui a été fait. Cela va
déboucher sur la publication de manuels de rédaction des lois; ce
travail est effectué par le groupe concerné. Nos efforts
continuent dans ce sens-là. Il y a toujours possibilité
d'améliorer, mais déjà il y en a une. Je pense bien que,
le député de Saint-Laurent le soulignait tout à l'heure,
il y a encore des carences, mais ça ne mérite sûrement pas
les propos virulents tenus à l'endroit de...
M. Forget: Non, mais, enfin, sauf à des moments où
on se sent bousculé par de nouvelles rédactions qui nous
apparaissent inexplicables. Dans le feu de l'action, on est porté
à s'exprimer avec beaucoup de mauvaise humeur. C'est que ça
s'ajoute à d'autres dimensions.
Mais s'il y a un manuel de rédaction des lois, on se rend compte
qu'on est au point de rencontre du législatif et de l'administratif. Un
manuel de rédaction des lois peut, bien sûr, être
élaboré sur un plan purement technique, mais il me semble que
ça ne devrait pas être considéré comme un instrument
de travail opérationnel avant qu'il y ait eu une certaine consultation
pour qu'on soit bien sûr qu'il n'y a pas d'hypothèses
sous-jacentes à certains choix techniques qui représentent des
options politiques je ne veux pas dire partisanes des choix au
point de vue de la structure, par exemple.
L'exemple que j'ai donné, je pense, est excellent au point de vue
de la structure de régie des sociétés d'Etat. On peut bien
dire: On va tous les faire sur un même modèle parce que c'est
cohérent, c'est élégant, etc., sauf que cela peut aussi
exprimer une certaine conception du rôle des sociétés
d'Etat et de leur rôle face au gouvernement, face à
l'exécutif. Je pense qu'il y a des choses sur lesquelles des
consultations seraient peut-être appropriées.
M. Bédard: Juste pour compléter. En fait, on a
développé énormément le nombre de postes à
la fois en recherche et en législation au ministère de la Justice
pour préparer la relève. On a également eu comme
préoccupation de préparer, non pas un manuel dans un
instantané, tout fait, un livre de recettes, mais cela va plutôt
prendre la forme d'un bulletin qui va être public, qui va circuler et qui
va être évolutif peut-être mensuel, à tous les
deux mois ou à tous les trois mois, une fois que cela va démarrer
sur des principes de rédaction, dans l'optique justement
où l'on veut avoir des légistes dans les ministères, dans
nos contentieux, pour développer l'habilité à ce niveau et
aussi, bien sûr, au niveau de la direction législative, et pour
avoir la cohérence qu'on pouvait avoir avec une seule ou deux personnes
dans l'ancien système qui n'est plus tenable aujourd'hui à cause
du volume des lois et des circonstances.
Cela va plutôt être un document perfectible,
évidemment, mais évolutif constamment et qui ne
sera pas un document purement interne, mais ce sera vraiment une
publication dans laquelle quiconque pourra apporter des considérations,
des remarques et des commentaires pour améliorer le standard dans ce
secteur. Le premier numéro devrait sortir au mois d'octobre.
M. Forget: J'espère qu'il sera distribué d'office
aux parlementaires ou au moins aux membres de la commission de la justice.
M. Bédard: Absolument.
M. Forget: Je n'ai pas d'autres commentaires, mais je pense que
mon collègue en a.
M. Marx: Je veux seulement revenir sur le problème des
jurys. L'information que vous m'avez donnée est peut-être exacte,
mais je ne veux pas faire de débat juridique, je n'ai pas mon
mémoire ici et je n'ai pas mes notes de cours et les autres n'ont pas
toutes les recherches devant eux non plus. Je pense que le problème
autrefois, c'était que Caughnawaga n'était pas une
municipalité et qu'elle n'était pas touchée par les
amendements à la loi. Je pense que le problème existe
actuellement et que le ministre doit prendre des actions pour corriger la
situation.
A la section VI, c'est écrit: "Dispositions spéciales pour
les territoires d'Abitibi, de Mistassini et du Nouveau-Québec dans le
district judiciaire d'Abitibi"; et à l'article 42: "Pour préparer
la liste des jurys et pour former les tableaux, le shérif peut utiliser
la liste de bande confectionnée selon la Loi sur les Indiens ou le
registre de la population du ministère des Affaires sociales." Donc, si
on veut que la réserve de Caughnawaga soit soumise aux dispositions de
l'article 42, ce serait une façon de permettre aux Indiens de la
réserve de Caughnawaga d'être membres des jurys.
Je ne veux pas ouvrir un débat parce que les informations que
vous m'avez soumises...
M. Bédard: Nous sommes prêts à étudier
toutes les possibilités.
M. Marx: ... sont exactes dans le sens que le gouvernement est de
bonne foi. Je ne mets pas la bonne foi du gouvernement en cause. Ce que je mets
en cause, c'est le fait que le gouvernement n'ait pas pris les mesures
nécessaires pour rendre justice aux Indiens de Caughnawaga. Je pense
qu'il serait possible de le faire par un petit amendement à la loi.
D'accord?
M. Bédard: On ne fera pas un long débat, comme vous
l'avez dit. Vous avez évoqué une possibilité et nous
allons étudier l'ensemble de la situation pour voir.
M. Marx: De toute façon, je vais vous envoyer une copie de
la lettre que j'ai reçue en 1976 parce que cela pourrait vous aider.
M. Bédard: Et vos lettres de rappel aussi.
M. Marx: Les lettres de rappel, oui. Je trouve, M. le ministre,
que quand je vous fais des rappels en Chambre, cela n'aide pas, mais quand
j'écris des lettres, ça aide un peu.
M. Bédard: Oui, mais vous avez toujours...
M. Marx: Ce qui aide le plus, c'est de tenir des commissions
parlementaires.
M. Bédard: Vous avez toujours des problèmes
compliqués.
Le Président (M. Laberge): Sur ce, le programme 11
étant complété, est-ce qu'il sera adopté?
M. Forget: II est adopté.
Contentieux criminel
Le Président (M. Laberge): Le programme 11 est
adopté. Programme 12, Contentieux criminel. Y a-t-il des questions?
M. Bédard: ... Programme 12. Une seconde, s'il vous
plaît!
Le Président (M. Laberge): L'application du Code
criminel.
M. Bédard: ... parvenir l'essentiel des remarques de
l'Opposition. Je ne sais pas s'il y a des questions particulières
à poser sur ce chapitre?
M. Forget: Non. Très peu de questions, M. le
Président. Une seule question. On a beaucoup débattu des
délais devant les tribunaux, mais, dans l'administration de la justice,
il y a beaucoup de sortes de délais, comme dans d'autres domaines. Il y
a aussi les délais qui sont propres au fonctionnement du contentieux
criminel. On peut découper cette tarte de bien des façons,
évidemment. Vous avez peut-être une façon de le faire qui
vous est plus familière, mais, entre le moment où une offense
criminelle est connue des autorités policières et le moment
où l'enquête policière est terminée, il y a un
premier délai on n'en parlera pas pour l'instant, ce n'est pas
pertinent à ce programme mais, entre le moment où
l'enquête policière est terminée et la cause portée
devant les tribunaux par une mise en accusation, un autre geste
déterminant... Est-ce qu'on a des données sur le délai
moyen ou les catégories, etc.... Est-ce que de ce côté on a
une évolution historique satisfaisante ou est-ce qu'au contraire cela se
détériore? Où en est-on de ce côté?
M. Bédard: Entre le moment où l'enquête est
terminée et le moment où on porte une accusation, il n'y a pas
d'étude au ministère qui nous permette de vous donner une
réponse précise. Chaque cas est un peu particulier. Dans certains
cas, lorsque l'enquête est terminée, il peut y avoir une demande
de complément d'enquête. A ce
moment-là, cela peut retarder. Les dossiers de fraudes
économiques, c'est beaucoup plus long. Il est bien difficile, pour le
passé comme pour maintenant, de faire une évaluation des
délais qui existent entre le moment où une enquête est
terminée et le moment où on porte l'accusation. Je pense que la
pratique générale, c'est de le faire avec le plus de
célérité possible.
Il serait bon de souligner qu'on a 185 procureurs de la couronne
permanents, à temps plein. Ce sont les seuls que nous ayons, il n'y en a
pas à temps partiel dans ce domaine-là. Il y a des occasionnels
qui n'ont pas de poste encore permanent au sens de la loi. Ils travaillent
à temps plein. En 1976, on en avait 104. Il y a donc eu une augmentation
très importante et un effort très important a été
consenti au ministère en termes d'effectif de la couronne.
Là-dessus, il y a un bloc qu'il faut détacher. On a eu 22 postes
lorsque les procureurs se sont mis à plaider les causes pénales
dans la réforme qui a eu lieu au début de 1977, mais,
au-delà de cela, cela donne quand même une augmentation
très substantielle d'une soixantaine de procureurs de la couronne depuis
trois ans et demi, quatre ans, par rapport au volume de causes qu'il y a dans
le secteur. Sur le plan de la célérité, il y a eu un
effort très important qui porte sur l'effectif du ministère de la
Justice depuis trois ans. Il est vrai qu'il y a eu de nouvelles
responsabilités comme la délinquance devant le Tribunal de la
jeunesse qui est prise en charge par la couronne pour laquelle on a eu 9
postes; pour la drogue, les stupéfiants, on a eu 5 postes, pour prendre
les causes en provenance de la SPCUM depuis le 1er avril. Malgré tout,
il y a eu une augmentation sensible dans tous les districts et en particulier
à Montréal. Aux sessions de la paix, on a mentionné hier
que les délais avaient diminué à Montréal de
façon très importante depuis quelques mois, entre autres pour les
causes statutaires purement pénales. (16 heures)
Le Président (M. Laberge): Cela répond
à...
M. Forget: Non, M. le Président. Ces 185 personnes, ce
sont seulement les procureurs, il y a aussi le personnel de soutien. C'est une
grosse opération. En soi, il y a un problème de gestion des
ressources. Oublions que l'on parle de la justice; on a une somme
considérable qui se chiffre à quelques millions de dollars,
au-delà de $10 000 000. Le ministère administre $10 000 000,
administre dans le fond deux cents professionnels bien
rémunérés, et il y a des choses qui se font tous les ans
comme la notation du personnel. S'il n'y a aucun système de gestion de
ces ressources, s'il n'y a aucune façon de mesurer la performance des
uns par rapport aux autres, si on ne tient pas compte du fait qu'un procureur
peut mettre trois mois là où un autre procureur met six semaines,
j'imagine qu'ils n'ont pas la même notation. S'il y avait douze
procureurs, on pourrait me dire: Le supérieur hiérarchique
connaît tout le monde tellement bien qu'il n'y a pas de problème.
Il sait vraiment que Pierre est bon et Paul mauvais, que
Jacques est paresseux, que Jean-Yves a des problèmes familiaux,
qu'il a divorcé cette année et qu'alors il a eu des
difficultés dans son emploi. Avec douze personnes, ça va assez
bien, on n'a pas trop de problèmes, c'est une entreprise familiale. Mais
avec 185 procureurs, s'il n'y a pas de système de gestion... On met un
tas de ressources et je ne sais pas comment on peut justifier au Conseil du
trésor d'en engager cinq autres, si on ne sait pas si les délais
se prolongent ou raccourcissent. On ne peut pas mesurer quoi que ce soit, parce
que la vie est trop compliquée. Moi, je sais bien ce que je dirais aux
gens qui me diraient que la vie est trop compliquée: Vous savez, quand
la cuisine est trop chaude, on n'est pas cuisinier.
M. Bédard: Ce n'est pas ce que je vous dis.
M. Forget: Mais essentiellement il y a un problème de
gestion des ressources humaines. Comment s'y prend-on? Cela me paraît un
conseil de désespoir de dire que la vie est trop compliquée.
M. Bédard: D'abord, on ne prend pas l'argument que la vie
est trop compliquée; peut-être que l'ensemble...
M. Forget: C'est un peu ce qu'on a dit. M. le ministre, vous
m'avez dit: II y a bien des sortes de causes, il y a les causes de
stupéfiants, il y a les causes de faillite, ce n'est pas pareil, il n'y
a pas deux cas pareils, etc. Sur cette base, c'est un conseil de
désespoir, parce que vous ne pouvez faire aucune notation à un
procureur s'il vous dit: J'ai eu je ne sais combien de causes, mais
c'étaient des causes uniques. Vous ne pouvez pas comparer mes causes aux
causes de mon voisin, donc, vous ne pouvez pas me noter, parce que les
procureurs aussi sont uniques.
Le but de ma question est de dire: Vous avez un système de
gestion de ces choses; je l'ai attaqué par le biais des délais.
Au moment où l'enquête policière se termine, la
Sûreté du Québec vous arrive avec un dossier et dit: On
pense qu'on a là-dedans tout ce qu'il faut pour porter des accusations
et vos procureurs regardent ça, etc. Quand même, il y en a des
milliers par année. Ça se divise en catégories, il y a les
causes de faillite, il y a les causes de stupéfiants maintenant
ça, c'est nouveau, on peut en faire une catégorie nouvelle
il y a les causes de meurtre, etc. Vous en avez de toute catégorie. Vous
savez que les causes de faillite, il y en a qui sont un peu plus
compliquées et d'autres un peu moins, mais c'est différent des
causes de stupéfiants et des causes de délinquance
juvénile. Alors, on peut faire des catégories et on peut dire: On
va évaluer tout ça, on va pondérer ça et on va dire
quelque chose, ne serait-ce que la notation du personnel que vous êtes
obligés de faire.
M. Bédard: Si vous nous permettez de vous dire ce qui en
est...
M. Forget: Oui, je vous le permets, mais permettez-moi aussi
d'exposer mon point de vue, parce que c'est ça la question: Y a-t-il un
système de gestion dans votre affaire?
M. Bédard: Sauf que vous concluez avant de poser la
question. Vous partez du principe qu'il n'y a que le sous-ministre ou le
ministre qui fait l'évaluation du travail des 185 procureurs de la
couronne. Ce n'est pas le cas du tout, vous le savez.
M. Forget: Je ne présume rien. Je m'attends que vous ayez
des réponses à votre niveau aussi.
M. Bédard: Me laissez-vous terminer? M. Forget:
Oui.
M. Bédard: Vous nous parlez de votre exemple; s'il y avait
seulement douze procureurs et un procureur chef, ce serait assez facile de
faire une évaluation. La vie n'est pas compliquée au point qu'il
n'y a pas de structure prévue qui permette de faire l'évaluation
du travail et de suivre les différents procureurs dans leur travail.
Entre autres, il y a douze bureaux régionaux au niveau des
procureurs de la couronne, il y a 20 procureurs-chefs de la couronne qui sont
en mesure, justement, d'évaluer d'une façon efficace le travail
de leurs collègues. Il y a toute une structure hiérarchique qui
permet cette évaluation. Il y a également un système
d'annotation qui est en vigueur.
M. Forget: C'est cela? Vous avez terminé? Supposons que le
directeur régional de la direction des affaires criminelles pour
Sherbrooke j'imagine qu'il y en a un dans la région des Cantons
de l'Est arrive au sous-ministre et dit: On est débordé,
on ne sait plus où donner de la tête; il nous faut cinq procureurs
de plus, autrement oubliez tout cela, on n'arrive pas. Comment savez-vous qu'il
a raison et que ce n'est pas simplement de la négligence, de la paresse
ou de l'inefficacité? Il faut un système de gestion pour vous
permettre de juger, ce n'est pas simplement l'amplitude des cris que chacun va
pousser.
M. Bédard: Je vais demander...
M. Forget: C'est cela qu'on demande. Si vous le faites en
détail d'une région par rapport à une autre, vous avez
donc un tableau d'ensemble qui vous permet de dire: C'est satisfaisant, c'est
mieux que l'an dernier, on se fixe des objectifs. On peut avoir des objectifs
dans la gestion de ce personnel, ce n'est pas simplement de reproduire le
passé, sans heurts. Est-ce que vous cherchez à réduire les
délais? Quels sont ces délais? Vous me dites que vous ne savez
rien de tout cela; que voulez-vous que je vous dise?
M. Bédard: Je ne vous ai pas dit qu'on ne sait rien de
tout cela, c'est vous qui concluez. Je vous ai dit, premièrement, qu'il
y avait une structure hiérarchique, qu'il y avait des procureurs-chefs
qui permettaient d'évaluer le travail pour donner suite...
M. Forget: Une évaluation comment? Elle porte sur quoi,
l'évaluation?
M. Bédard: Permettez-nous...
M. Forget: On en est là, on en est comme...
M. Bédard: Laissez-nous finir!
M. Forget: Ah bon! Je pensais que vous aviez fini
tantôt.
M. Bédard: Vous semblez souhaiter qu'on termine avant de
donner la réponse pour que vous continuiez dans votre "bag".
M. Forget: Vous dépensez $10 000 000, n'oubliez pas cela;
c'est de l'argent!
M. Bédard: Pour essayer de donner une
réponse...
M. Forget: II faut que ça produise pour $10 000 000.
M. Bédard: Cela produit également. M. Forget:
On ne le sait pas. Combien?
M. Bédard: Attendez! Si vous avez un "speech" à
faire, faites-le jusqu'à la fin; après cela, on essaiera de
répondre.
M. Forget: Non, d'accord, je vais me retenir, mais je commence
à être impatient, je vous l'avoue.
M. Bédard: Imaginez comment on est, nous, avec vos
interruptions continuelles! Pour prendre votre exemple et essayer de se
comprendre j'imagine que c'est une réponse que vous voulez
obtenir vous avez parlé du procureur de la couronne de
Sherbrooke, par exemple, qui vient voir le sous-ministre et qui fait une
demande de procureur additionnel. Je vais prendre votre exemple tel qu'il est
et je vais demander au sous-ministre, justement, quelle est sa manière
d'évaluer, à partir du moment où un procureur de la
couronne d'un district vient le voir et lui fait une demande explicite
d'augmentation de personnel. Il y a des vérifications qui peuvent se
faire; on ne tient pas pour acquis tout ce que dit un procureur-chef.
Succinctement, c'est évident qu'on a un réseau très
professionnalisé de 185 professionnels qui font un boulot technique de
professionnel, dans le domaine de la poursuite en droit criminel et
pénal. Sur le plan de la qualité du travail qui s'accomplit, on a
un réseau dans le territoire, comme il a été
mentionné, de douze bureaux
régionaux; le plus gros est à Montréal où on
a environ 70 procureurs de la couronne, et c'est coiffé par des
procureurs-chefs et des chefs adjoints. A Montréal, il y a un
procureur-chef de la couronne c'est le plus gros district judiciaire
criminel du Canada avec cinq chefs adjoints. Dans les autres districts,
il y a habituellement un chef ou un chef adjoint, dépendant de
l'ampleur.
Sur le plan de la qualité du travail, c'est sûr qu'on
n'évalue pas nos procureurs selon le nombre de causes gagnées ou
perdues durant l'année, au plan des poursuites. Ces gens sont suivis par
leur supérieur, quotidiennement, ce sont des gens qui sont
essentiellement devant le tribunal et qui font un travail de plaidoirie. Pour
la façon dont l'annotation se fait, il y a une loi spécifique de
substitut du procureur de la couronne, il y a un règlement qui en
découle. Le sous-ministre associé pourra détailler la
méthode des notations, des systèmes d'appel, etc., sur le plan de
la qualité du travail pour fixer les rémunérations.
Sur le plan de la quantité du fardeau de travail, par exemple, on
peut mentionner qu'à Montréal, alors qu'il y a peu
d'années, on avait peut-être huit ou dix salles d'audience qui
fonctionnaient pour le criminel, on en a maintenant 24 et cela se
répartit constamment avec le district de Laval, le district de
Longueuil.
Le nombre de causes s'est accru énormément. Il y a une
pression, d'ailleurs. Hier on discutait des besoins en juges. Il y a une
pression importante du côté des sessions de la paix à
Montréal pour qu'il y ait un accroissement des juges, parce qu'il est
évident que l'accroissement des procureurs de la couronne par rapport au
volume a été plus considérable que la contrepartie sur le
plan des postes aux sessions de la paix à Montréal. Les causes
varient; on ne peut pas avoir de méthodes purement quantitatives. Il est
certain qu'il y a des causes aux assises qui peuvent durer des mois, il y en a
d'autres qui sont des comparutions et cela va beaucoup plus rapidement. On a
des données sur le nombre de dossiers, on se fonde sur certaines normes
quantitatives, mais on aborde le même problème que la charge de
travail que nous avons discutée hier en ce qui a trait aux juges pour
lesquels on ne peut pas se fier aux méthodes quantitatives
complètement étanches sur le plan technique. Il y a des facteurs
qui varient énormément selon les types de causes et
évidemment les plus claires sont dans le domaine des cols blancs, les
faillites et fraudes, où on a besoin de comptables. Le nombre de causes
par année est fort différent. Dans certains districts aussi il y
a des déplacements très importants. Dans le Nord-Ouest, par
exemple, les procureurs de la couronne sont obligés d'en faire et on
doit tenir compte du temps requis pour effectuer les déplacements et pas
uniquement le nombre de causes que ces gens plaident.
Tout cela pour dire que si on a réussi à aller chercher le
nombre de postes accru qu'on est allé chercher dans les trois ou quatre
dernières années au Conseil du trésor, même avec les
contraintes d'effectif, les coupures qu'il y avait, c'est que bien sûr
nous avons des dossiers techniques par rapport... Il y a une concurrence
très forte à ce niveau non seulement à l'intérieur
du ministère, qui est considérable en termes d'effectif, mais
à l'intérieur de l'administration publique.
Succinctement, il est certain que les procureurs de la couronne font un
travail de présence. Il y a une vérification plus
mécanique qu'on peut faire parce qu'ils sont devant les tribunaux
constamment et qu'ils sont fort peu dans leur bureau, la porte fermée,
comme on peut le voir du côté des contentieux civils.
Sur ce plan, il y a une visibilité qui est plus grande de
l'utilisation du temps des procureurs. C'est à peu près ce que je
peux mentionner à ce moment-ci. Il est bien sûr que nous sommes
encore à essayer de développer des méthodes plus
sophistiquées, plus techniques pour appuyer plus fermement encore nos
dossiers au Conseil du trésor. Il y a des comparaisons,
évidemment, que le Conseil du trésor dans ce secteur comme
ailleurs nous force à faire, et avec raison, avec les autres provinces
canadiennes sur le plan des besoins et de l'effectif requis pour y satisfaire.
Là encore je pense qu'on a suffisamment de données dans un
domaine qui n'est pas mathématique, mécanique, pour faire en
sorte que le travail s'accomplisse dans les meilleurs délais.
C'est sûr qu'il y a encore des délais. Entre autres, nous
sommes conscients que dans le secteur du crime économique il y a des
difficultés à raccourcir les délais des enquêtes et
des évaluations qui sont faites par le service des faillites et fraudes.
On parle de $10 000 000; il y a environ $1 000 000 pour le service des
faillites et fraudes et le reste pour le contentieux criminel.
Peut-être que le sous-ministre a terminé?
J'ajouterais, pour donner une autre dimension aux explications que le
sous-ministre vient de vous donner, qu'il est très difficile de faire
une analyse complète à travers tout le Québec parce qu'en
matière criminelle cela varie énormément d'une
région à l'autre. Il est bien évident qu'à
Montréal les causes sont en général beaucoup plus longues
et beaucoup plus compliquées. C'est pour cela que le sous-ministre
soulignait tantôt que le nombre de causes est un facteur important mais
n'est pas le seul parce que forcément dans des districts, comme la
Beauce ou l'Abitibi, vous pouvez avoir 1000,1500 ou 2000 causes, mais s'il y en
a 80% ou 90% qui ne sont que des infractions sommaires ou des facultés
affaiblies, évidemment, cela se plaide beaucoup plus facilement que des
vols à main armée, des vols par effraction ou des crimes.
Alors, suivant les régions, nous devons tenir compte de ce
facteur qui, à mon sens, est très important, c'est bien sûr
le facteur de la distance, en particulier pour le district de Mingan et de
l'Abitibi parce que souvent un procureur peut prendre trois jours pour plaider
une cause: une journée pour y aller, une journée pour la
plaidoirie et une journée pour revenir. C'est un système qui est
à la fois simple et compliqué, je dirais, suivant les
régions.
M. Forget: J'imagine que là-dedans, comme dans à
peu près n'importe quoi, à peu près 80% de vos
activités sont à Montréal ou à Québec.
J'imagine? Pas loin? (16 h 15)
M. Bédard: 80%, c'est peut-être un peu fort. En
nombre de procureurs de la couronne, on en a une vingtaine à
Québec et 70 à Montréal. Donc, on a 90 procureurs de la
couronne dans les deux districts.
M. Forget: Même si on mettait de côté tous les
autres districts, le problème de gestion se pose, dans le fond, à
Montréal et à Québec.
M. Bédard: Là encore, je pense qu'il ne faut pas se
rattacher uniquement au nombre de causes qui sont plaidées à tous
les jours avec les sessions de la paix. Il y a beaucoup d'autres
facteurs...
M. Forget: Je ne sais pas qui a parlé de cela, je n'en ai
jamais parlé.
M. Bédard: Je comprends, mais quand on parle de salles
d'audience en activité...
M. Forget: Cela, ça ne m'intéresserait pas en soi
si vous m'en parliez.
M. Bédard: D'accord.
M. Forget: Vous avez mentionné certains cas, mais
j'imagine que pour un vol à main armée, à Montréal
et à Québec, c'est à peu près toujours pareil.
M. Bédard: D'accord.
M. Forget: Ce n'est pas parce que c'est à Montréal
ou à Québec qu'il va y avoir de grosses différences au
point de vue de la difficulté de la cause.
M. Bédard: Cela varie sur les fautes.
M. Forget: Ce qui me frappe dans tout ce que vous dites
tant que ça va, ça va bien c'est quand on dit: On ne peut
pas avoir des données purement quantitatives. Je pense que le soulier
est plutôt sur l'autre pied.
M. Bédard: On ne peut se fonder sur des données
purement quantitatives.
M. Forget: On ne peut pas non plus avoir une évaluation
qui est purement qualitative. Ce qu'on nous a donné cet
après-midi, c'est une évaluation purement qualitative. Une
évaluation purement qualitative, ça ne peut pas non plus faire
une très grande démonstration de quoi que ce soit, sauf pour ceux
qui ont porté des jugements de qualité. Je pense qu'on a besoin
de pouvoir marcher avec les deux souliers, sur les deux pieds; dans le moment,
on ne marche que sur un pied, on va peut- être marcher moins bien. Il me
semble qu'il devrait y avoir là aussi un effort de gestion. Quand on
tombe dans un budget de $10 000 000, ce n'est pas comme un bureau privé
où il y a quatre personnes qui, en plus de cela, sont des
associés et ont des intérêts à ce que ça
fonctionne bien. Là, on est dans une administration publique, $10 000
000, 185 professionnels. Cela suppose qu'il n'y a pas seulement des
professionnels qui s'entendent entre eux, que tous sont de bons gars et font de
gros efforts, mais qu'il y a peut-être un "input" sur le plan de la
gestion qui aide à fixer des objectifs pour qu'on ne se fasse pas
l'illusion que parce qu'on est des bons gars qui font leur possible, on a
nécessairement de bons résultats et qu'on maintient de bons
résultats année après année. Je pense que cela
demeure une question ouverte. D'après les réponses qu'on a eues,
il semble que sur le plan de la gestion, le ministère de la Justice ne
donne pas le spectacle d'une activité professionnelle.
M. Bédard: M. le Président...
M. Forget: J'ai écouté sagement, vous ne
m'interromprez pas juste après la première phrase.
M. Bédard: Je croyais que vous aviez terminé,
allez-y.
M. Forget: Je n'ai pas terminé parce que je veux quand
même insister sur le fait que dès qu'on pose des questions qui
dépassent le moindrement l'amateurisme le plus simpliste sur le plan de
la gestion, ou qu'on dit: Est-ce que vous avez des objectifs? Où en
êtes-vous? Des choses aussi simples que des délais s'il y a
autre chose, on serait bien prêt à prendre autre chose mais
quelque chose qui nous donne l'impression que vous prenez la mesure de votre
problème sur le plan de la gestion, et pas seulement sur le plan de la
gestion professionnelle, à savoir si un procureur a oublié de
vérifier telle et telle chose avant de se présenter devant un
tribunal, est-ce qu'il a monté son dossier convenablement. C'est
l'aspect qualitatif professionnel, d'accord. C'est une préoccupation qui
semble dominer.
L'aspect professionnel de gestion d'une ressource de $10 000 000 semble
complètement absente. Je ne m'en soucierais pas plus qu'il faut si on
sentait que l'intention est là, la préoccupation est là,
la compréhension du problème est là. Après les
réponses que j'ai entendues, je suis plus inquiet qu'au départ
parce qu'on sent de la résistance, on sent une grande résistance
à l'idée qu'on pourrait se fixer des objectifs et se surveiller
sur le plan de la gestion des ressources. Cela me semble être une
pensée obscène pour le ministère. On a posé la
question relativement aux tribunaux; il y a eu énormément de
résistance à admettre qu'il y avait là un problème
et qu'on pouvait l'attaquer systématiquement. Aucune indication,
absolument aucune, ne nous a été donnée à ce
moment-là disant qu'on s'en préoccupait, pas
la moindre esquisse d'un plan d'attaque là-dessus ou d'une
préoccupation ou d'une demande de consultation relativement à ces
questions. Quand on arrive devant un autre problème j'ai pris
celui-là au hasard, j'aurais pu en prendre un autre c'est le
même amateurisme. Quand on administre $10 000 000 je dis $10 000
000, mais le budget du ministère est de $450 000 000, c'est beaucoup
plus large comme problème on doit présumément voir
que la même attitude un peu légère prévaut en
arrière...
Je serais le plus heureux au monde de pouvoir dire: Ah non, ce n'est pas
vrai. Mais, il faut bien que le ministre réalise que, dans aucune des
réponses qu'il m'a données, il ne m'a donné le moindre
indice sérieux et documenté autrement que par des protestations.
Bien non, tous les gens sont gentils, ils essaient fort et tout cela, et on se
rencontre, et on se parle, on se regarde et on s'évalue, et on se trouve
bon, etc. Voyons donc. Vous pensez que vous pouvez vous présenter devant
le public et réclamer de l'argent en disant avoir besoin de
crédits de $450 000 000 juste comme cela. C'est presque scandaleux mais
je ne veux pas utiliser ce mot-là parce qu'on penserait que je veux
faire des grands plats; je ne veux pas faire un grand plat avec cela. Mais
c'est une mentalité d'administration publique qui est absolument
inacceptable en 1980. Je ne sais pas si on se rend compte de cela, c'est tenir
pour acquis que le cochon de contribuable est là pour payer et qu'on n'a
pas besoin de justifier d'aucune façon la manière dont on
dépense l'argent. Pourvu que les gens fassent leur travail
honnêtement mais dans le sens artisanal du mot, qu'ils aient mis leurs
papiers aux bons endroits, ils ont fait un travail correct sur le plan
professionnel.
Je veux bien croire, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions
là-dessus comme sur autre chose, et on ne donne aucune
démonstration d'une volonté de régler un problème
de gestion. Par exemple, on nous dit: On a doublé le nombre des
procureurs. J'en suis fort aise. Mais c'est à peu près le seul
chiffre qu'on nous a cité. On a doublé les ressources.
Formidable! Pour cela, les ressources, on a toujours les chiffres
là-dessus, parce que, malheureusement, cela se traduit en terme de
têtes de pipe et d'argent. Il faut bien en parler, qu'on mette les
principes de côté et on dit qu'on va parler de chiffres. Il faut
bien. Là, on est forcé, parce qu'il y a un chèque au
bout.
Mais, quand il s'agit de démontrer ce qu'on fait avec cela,
est-ce qu'il y a deux fois plus de causes qu'avant ou, est-ce qu'avec le
même nombre de causes les délais sont réduits de
moitié? On pousse l'ironie jusqu'à nous dire: Bien, vous savez il
y a des causes de faillite et il y a des causes de convictions sommaires,
poursuites de convictions sommaires, de culpabilité, etc., ce n'est pas
pareil. Bien oui, on savait cela avant d'entrer ici. Mais il y a des moyens de
tenir compte de cela et on n'en tient pas compte. Si on avait à prendre
un vrai vote sur les crédits, M. le Président, et de juger si oui
ou non on a besoin de cet argent-là, ma conviction intime, c'est qu'on
n'a pas fait la démonstration qu'on a besoin de cet argent-là, ma
conviction intime, c'est qu'on n'a pas fait la démonstration qu'on a
besoin de cet argent. C'est un test beaucoup trop facile, et,
évidemment, si on veut prendre la commission parlementaire comme une
occasion "just go through the move motion" comme on dit en anglais: juste faire
semblant de défendre des crédits, bien, c'est cela qu'on a fait.
On a fait semblant de défendre des crédits, c'est tout. Pas un
document. Evidemment des frais, un quatre pages pour $10 000 000. Ce n'est pas
cher à ce prix-là. Ce n'est vraiment pas cher à ce
prix-là.
M. Bédard: C'est quatre fois plus que ce qu'on avait,
nous, quand on avait à faire les crédits dans l'Opposition.
M. Forget: Oui, oui, c'est cela. Alors, c'est pour cela que vous
avez été élus, c'est pour faire mieux.
M. Bédard: Oui, bien on fait mieux, quatre fois mieux,
pour commencer.
M. Forget: Vous n'avez jamais eu quatre pages d'explications sur
les crédits du ministère de la Justice.
M. Bédard: Absolument pas, on n'en avait aucune
explication. Il fallait creuser, ce n'est pas fini.
M. Forget: Vous aurez probablement 400 ans avant de produire
quelque chose qui va satisfaire vraiment...
M. Bédard: On n'avait pas un seul mot, il fallait poser
les questions et les trouver.
M. Forget: M. le ministre, je note que vous êtes là
depuis trois ans et demi. Vous avez doublé les ressources dans un
secteur et vous vous vantez d'avoir doublé les ressources sans pouvoir
dire que vous avez doublé le produit final. Alors, c'est cela qu'on vous
demande. Avez-vous un résultat qui est proportionnel aux efforts accrus
que le contribuable fait en étant confiant que vous les utilisez
à bon escient? Tout ce que vous nous dites, c'est qu'il faut continuer
à vous faire confiance, non seulement pour vous donner les ressources
mais pour penser que vous faites tout ce qu'il est possible de faire avec.
M. Bédard: Encore une fois, vous y allez d'un jugement
global, sans...
M. Forget: Bien, je n'ai pas autre chose...
M. Bédard: ... aucune distinction.
M. Forget: ... pour porter un jugement.
M. Bédard: Je sais que vous n'avez pas autre chose
à dire et c'est ce que vous dites partout.
M. Forget: Je n'ai pas autre chose pour porter un jugement que
les choses globales; je n'ai rien à me mettre sous la dent.
M. Bédard: Et, avant même qu'on donne des
explications, c'est ce que vous êtes intéressé à
dire à tous les programmes, mais cela, c'est votre travail.
M. Forget: Ah non, si on le disait à tous les programmes,
ce serait bien plus long que cela.
M. Bédard: ... et je respecte. Sauf que, quand vous dites
que nous nous sommes bornés à dire qu'il y avait eu une
augmentation de l'effectif, sans donner d'autres explications...
M. Forget: Ce sont les moyens, cela.
M. Bédard: ... vous êtes complètement dans
l'erreur, puisque nous avons été à même de dire
d'une part que les délais ont été réduits au niveau
des affaires criminelles.
M. Forget: De combien?
M. Bédard: Nous vous avons dit, et vous l'avez
déjà oublié...
M. Forget: De combien?
M. Bédard: Vous l'avez... Cela a passé, à
Montréal, de huit ou neuf mois à deux ou trois mois.
M. Forget: C'est immense là. C'est la seule
indication...
M. Bédard: Ce n'est pas seulement immense, c'est
fantastique comme résultat.
M. Forget: ... concrète qu'on a eue, après vingt
minutes.
Une Voix: II faudrait que vous...
M. Bédard: Ecoutez, ça fait dix minutes qu'on vous
écoute parler et condamner; alors, on attend avant de donner les
explications.
M. Forget: Si vous avez ce genre d'objectif et
d'évaluation de ce que vous avez réussi à faire, qu'on
nous communique un document qu'on puisse en prendre connaissance, on va sauver
toute cette argumentation.
M. Bédard: Vous êtes rendu que vous ne voulez
même pas entendre l'argumentation!
M. Godin: ... M. le Président, ça a
été dit hier.
M. Bédard: Non seulement nous avons réduit les
délais d'une façon exceptionnelle on vient de le
mentionner tout à l'heure dans certains cas ça va de huit
à neuf mois à deux ou trois mois...
M. Forget: Bravo! Vous voyez, quand vous donnez des chiffres, on
vous félicite!
M. Bédard: C'est quand même fantastique. Non, mais
vous ne tenez absolument pas compte des explications qu'on vous a
données, vous continuez à simplement nous interrompre. Prenez une
explication qu'on a donnée tout à l'heure, à savoir
l'augmentation; ce n'est pas une augmentation qui s'est faite comme ça,
à peu près, parce que ça faisait plaisir. C'est parce
qu'il y a eu une augmentation de volume aussi: tout ce qui est du pénal
et qui maintenant est plaidé par les procureurs de la couronne, les
stupéfiants, domaine plaidé par les procureurs de la couronne,
protection de la jeunesse également où le volume des
activités contribue à augmenter. D'ailleurs, quand on parle du
pénal, non seulement le volume d'activité a augmenté, mais
le fait que ce soit maintenant la couronne qui plaide ces causes a
généré une épargne de près de $1 000 000
cette année, simplement sous ce chef.
Je le dis, je pense, pour la troisième fois, ce ne sont pas des
explications nouvelles, mais le député de Saint-Laurent semble
vouloir qu'on lui rafraîchisse la mémoire.
Lorsque nous allons devant le Conseil du trésor, nous n'y allons
pas seulement avec des bonnes intentions, nous avons des données
quantitatives qui ne sont pas parfaites, nous avons des justifications à
faire devant le Conseil du trésor à partir de l'évaluation
que nous faisons au niveau de l'ensemble du réseau, et le Conseil du
trésor n'est pas intéressé à donner quelque poste
additionnel que ce soit, surtout dans une période de restriction,
simplement pour les beaux yeux ou les bonnes manières qu'un ministre ou
qu'un sous-ministre peut avoir devant le Conseil du trésor. Il faut des
justifications; c'est ce que nous nous sommes employés à
faire.
Vous avez mentionné, tout à l'heure, pour porter votre
jugement, que nous n'avions que des données qualitatives, que dans ce
domaine c'était pas mal, mais que, du point de vue quantitatif, nous
n'en avions pas. Au contraire, nous en avons également des
données quantitives, nous essayons de concilier ces deux bases qui sont
nécessaires, mais pas toujours faciles à concilier. Nous n'avons
aucune réticence à reconnaître qu'il peut y avoir des
problèmes, d'ailleurs il va continuer toujours d'y en avoir au niveau de
l'évaluation et de la possibilité de concilier, au niveau de
l'administration, d'une part, le leadership professionnel qui est
nécessaire dans ce domaine avec une gestion qui doit être
rationnelle également.
Alors, pour tous ces facteurs, nous n'avons absolument aucune
réticence, comme l'a laissé entendre le député de
Saint-Laurent, non seulement à reconnaître un problème,
mais nous n'avons non plus aucune réticence à dire qu'il y a eu
une grande amélioration qui s'est faite, pas seulement au niveau des
délais, mais au niveau de l'augmentation des tâches et de
l'efficacité de l'ensemble du système de la structure des
procureurs de la couronne.
Le Président (M. Laberge): Le programme 12 sera-t-il
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté. Programme 13 qui
concerne la coordination des activités de la sécurité
publique. Il y a trois éléments. Est-ce que ce programme 13
demande des explications ou s'il sera adopté?
M. Forget: Oui, adopté.
Le Président (M. Laberge): Adopté.
M. Forget: II ne nous reste qu'une demi-heure, M. le
Président, on va entendre la Sûreté du Québec.
M. Bédard: Pour le programme 13, nous avions, ici, avec
nous, le sous-ministre de...
Le Président (M. Laberge): Le programme 13 est
adopté, le programme 14 l'est déjà.
Sûreté du Québec
Programme 15, Sûreté du Québec. M. le ministre.
M. Bédard: Nous avons quand même présentes,
ici, des personnes de ces secteurs d'activité. (16 h 30)
Est-ce que le député de Saint-Laurent veut adopter
également aussi rapidement je ne sais pas son intention
les programmes 16 et 17, de manière que nous terminions avec la
Sûreté du Québec?
M. Forget: Oui.
Le Président (M. Laberge): Au programme 16, il y a
Protection civile et au programme 17, il y a Indemnisation des victimes d'actes
criminels.
M. Forget: Oui, d'accord.
Le Président (M. Laberge): II n'y a pas de questions sur
ces deux-là?
M. Forget: Pas de questions sur ces deux-là.
Le Président (M. Laberge): Programme 16 adopté.
Programme 17 adopté. Nous revenons au programme15 pour la discussion:
Sûreté du Québec.
M. Bédard: M. le Président, nous distribuerons,
d'une part, le rapport d'activités de la Sûreté du
Québec je l'ai fait d'ailleurs à l'Assemblée
nationale déjà et d'autre part, un sommaire des
activités en ce qui a trait au taux de criminalité, au taux de
solutions, également les différentes catégories de
crimes.
Au niveau des ressources humaines, M. le Président, les
crédits de ce programme s'établis- sent à $196 264 200,
dont $167 638 300 au poste traitements, ce qui représente 85,41% du
total du budget. L'effectif permanent de ce programme est de 5575 postes, dont
4535 postes de policiers et 1040 postes de fonctionnaires.
Le poste traitements comprend des crédits de $24 601 700 au
chapitre des contributions au Régime de retraite des membres de la
Sûreté du Québec. Le poste budgétaire loyers
comprend les frais de location de matériel de communication, la location
de matériel informatique. Le poste fournitures comprend principalement
la fourniture en essence et lubrifiants, en pièces et accessoires, ainsi
que l'entretien mineur de la flotte des véhicules automobiles,
l'habillement des policiers, la fourniture générale pour le
fonctionnement.
Le poste équipement qui est de $6 161 900 représente le
coût de remplacement des véhicules automobiles, $5 656 000, et
autre équipement spécialisé, $496 900.
Les crédits qui sont prévus au niveau de ce programme
passeront de $172 275 900, à $196 264 200, c'est-à-dire une
hausse de $23 988 300 ou de 13,9% par rapport au budget de 1979-1980. Cet
accroissement des crédits est surtout dû à l'application
des conventions collectives, en vigueur et à venir, et également
à une augmentation de $5 701 700 au titre de la contribution de
l'employeur au Régime de retraite des membres de la Sûreté
du Québec. L'augmentation des autres postes budgétaires est tout
simplement due à l'indice des prix.
Au niveau des réalisations, j'ai eu l'occasion déjà
d'en faire part au début de l'étude des crédits. Plusieurs
postes de police ont été mis en construction, plusieurs sont
terminés, d'autres...
Est-ce que les députés de l'Opposition voudraient avoir un
résumé des...
M. Forget: L'énumération des postes de police en
construction? Pas particulièrement. Enfin, cela a l'air bien
secondaire.
M. Bédard: En tout cas, dans les constructions... De toute
façon, j'ai vu à faire préparer un résumé
qui concerne l'ensemble des constructions, celles qui ont été
réalisées, celles qui sont en cours, celles qui sont à
l'étape des plans et devis au niveau de la construction des postes de la
Sûreté du Québec, postes locaux, postes régionaux et
également des établissements de détention, des palais de
justice.
Il y en a une série qui fait foi, je ne voudrais pas que le
député de Saint-Laurent prenne cela pour un pétage de
bretelles, mais je pense que c'est très significatif des efforts que
nous avons faits pour essayer de réaménager les
équipements de ces secteurs pour une meilleure efficacité.
M. Forget: Le ministre va apprendre à me connaître
probablement, je ne m'intéresse pas aux moyens, je m'intéresse
aux résultats.
M. Bédard: II y a deux pages complètes de
résultats.
M. Forget: Je tiens pour acquis qu'il faut que la police ait des
postes de police et des véhicules, etc., cela va de soi.
M. Bédard: Ce n'est pas si simple que ça, il en
manquait plusieurs avant.
M. Forget: Peut-être, mais c'est de l'ordre des moyens,
ça ne m'intéresse pas. Ce qui m'intéresse, c'est
d'entendre le directeur nous parler de ses succès dans la
prévention et la répression de la criminalité parce que
tout ça vise un objectif, nous donner une société plus
paisible et plus respectueuse des lois. Comme il a de bonnes nouvelles à
nous communiquer on est certainement très intéressé
à les entendre.
M. Bédard: D'accord, je demanderais au directeur de la
Sûreté du Québec de prendre la parole.
Merci, M. le Président. Brièvement, pour résumer
les activités de la Sûreté du Québec, si on parle de
performance, nous avons une philosophie de gestion, la gestion par objectif.
Donc, au début de l'année, la direction générale
fixe les grandes orientations et par la suite ces grandes orientations sont
transformées en objectifs. Un des objectifs mesurables l'année
dernière a été d'atteindre un taux de solutions de 40% en
matière de criminalité. D'autre part, cela a été de
maintenir la criminalité au même niveau que les cinq
dernières années. Dans le premier cas, sur la solution, cet
objectif a été atteint à 40,6%, à savoir une
augmentation de 2,1% sur 1978. Par contre, l'objectif de maintenir la hausse de
la criminalité au même niveau que les cinq dernières
années a été manqué, à savoir que nous avons
eu 18,3% d'augmentation par rapport à 1978.
Si on prend 1979 comparée à la moyenne des années
74 à 78, l'augmentation se situe à 20,8%. Grosso modo, les
attentats contre la personne, 16,3%; les vols qualifiés, 5%; les vols
avec effraction, 17,5%; les vols de véhicules automobiles, 9,4%; les
vols simples, 19,3%; les crimes économiques, 15,1% et les autres
infractions au Code criminel, 36,6%.
Maintenant, nous avons tenté d'analyser les causes et les raisons
parce que vraiment comme gestionnaires nous étions insatisfaits du fait
que nous avions manqué l'objectif. Il est très important pour la
police de réussir tous ses objectifs parce que lorsqu'on les manque on
paraît fort mal.
Donc, on a insisté beaucoup sur le rapprochement de la police et
du citoyen. On a incité les citoyens à vraiment signaler à
la police tout ce qui survient. On attribue cela d'abord au fait que nous avons
plus de plaintes; par le passé, il y a certainement beaucoup de plaintes
qui ne parvenaient pas à la police. On incite donc le citoyen à
nous communiquer tout crime commis.
L'application accrue par la police de certaines infractions. On a eu une
diminution de la présence policière. Point n'est besoin de vous
dire que la patrouille jumelée que nous avons implantée en 1977 a
créé des remous, nous venons à peine de compléter
l'opération, à la suite de... On avait demandé à ce
moment-là, tel que je l'ai cité dans le rapport annuel, 270
postes, on nous en a accordé 210. Donc, grosso modo, actuellement la
situation est en train de se stabiliser.
Par contre, la criminalité n'est pas seulement un problème
de police à mon avis. Il y a actuellement une hausse de la
criminalité au Canada et aux Etats-Unis qui se situe à peu
près au même niveau que celui que je viens de vous citer.
Si on reporte au continent européen, en France, la Gendarmerie
nationale française, qui a un rôle à peu près
similaire à la Sûreté du Québec, sauf qu'elle ne
s'occupe pas de la spécialisation, notait dans son dernier rapport
annuel une augmentation de 13%... l'Allemagne et l'Angleterre. Donc, il y a des
causes dont les variables, à mon avis, échappent à la
police. Il y a aussi une recrudescence des vols avec effraction dans les
domiciles. Si on regarde tous les jours dans les journaux, dans les media, on
annonce l'achat de bijoux, d'or, de pièces de monnaie, etc. Donc, on
s'est aperçu que fréquemment on commettait des effractions dans
les domiciles et que cela n'avait qu'un seul but, parfois un
téléviseur couleur parce que ça peut bien s'écouler
sur le marché, mais surtout des bijoux. Donc on a eu, si vous regardez
les vols avec effraction, 17,5%. Cela nous a vraiment fait mal.
Est-ce que vous désirez que je continue en matière de
criminalité et de sécurité routière?
M. Forget: J'aurais peut-être quelques questions en
matière de criminalité. Il y a eu des opérations, je
pense, qui ont été lancées par la Sûreté du
Québec, l'opération de l'identification des biens, parce qu'il
semble y avoir un déplacement de la criminalité vers les crimes
contre la personne, mais je n'en suis pas sûr en entendant vos
dernières remarques. Est-ce que l'opération d'identification des
biens n'a pas eu pour effet de diminuer, de façon
générale, les vols par effraction ou même les vols sans
effraction dans les domiciles, sauf peut-être pour ce qui est de... A
cause de la hausse du prix de l'or et de l'argent récemment et de la
récession économique, il y a peut-être une conjoncture qui
n'est pas très favorable à cela au moins. Un bracelet en or qui
pouvait valoir $200 il y a 10 ans, en vaut maintenant $2000 ou $2500, c'est
évident qu'il y a une... C'est facile à écouler. Alors, il
y a probablement un problème, mais est-ce que l'opération Volcan
est un succès malgré tout, malgré la hausse de certains
vols?
M. Bédard: On avait entrepris l'opération Volcan
comme moyen de prévention, c'est-à-dire "hardening the target "
comme disent les Américains, rendre la perpétration des crimes
plus difficile, sauf qu'on n'a pas atteint les buts escomptés. Par
contre, ça aide énormément la solution. Le problème
que nous rencontrons fréquemment lorsque nous procédons à
une enquête, c'est l'identification par le plaignant des choses qui lui
ont été volées. Donc, le fait maintenant qu'elles soient
burinées, ça nous aide beaucoup. Cela rend
la vie dure au receleur. Les voleurs, même s'ils se tiennent au
courant, tentent l'expérience pareil et quand ils viennent pour
écouler la marchandise, ça va moins bien. Maintenant, c'est une
opération qui, à mon avis, est un peu comme l'éducation.
C'est une opération à long terme et cela a commencé
à prendre origine au Québec vers 1973 ou 1974. Là, on
s'aperçoit que les municipalités emboîtent le pas
progressivement et probablement que d'ici cinq ou six ans, cela aura des
effets, mais pour le moment... On a fait des opérations types, à
un moment donné, à savoir qu'un endroit buriné et qu'un
autre endroit témoin ne l'était pas. Il y avait vraiment une
différence marquée. Tout à coup, depuis l'année
dernière, on a complètement perdu le contrôle de cela.
M. Forget: Les crimes contre la personne, les crimes graves, les
assauts, les meurtres, est-ce qu'on a un taux qui est comparable? Il semble que
dans le cas des vols à main armée, on a le record canadien et de
loin, dans la région de Montréal au moins. Est-ce qu'on
espère pouvoir venir à bout de cette histoire-là? Cela a
l'air d'une épidémie.
M. Bédard: Dans le cas des vols à main
armée, c'est vraiment significatif; depuis plusieurs années,
Montréal a un record vraiment exceptionnel en comparaison à
d'autres grandes métropoles. C'est pour cela que nous avons tenu
à mettre sur pied un groupe de travail, spécifiquement sur les
vols à main armée, afin de faire l'expertise, pour autant que
c'est possible, des causes de ce phénomène qui est difficilement
explicable et surtout d'essayer d'identifier des moyens pour contrer ce record
qui n'est certainement pas enviable. (16 h 45)
Le groupe de travail en question doit nous remettre d'ici à la
fin de juin le fruit de son travail avec des recommandations qui, nous
l'espérons, seront de nature à nous permettre d'enrayer ou de
diminuer ce phénomène. Nous allons agir très rapidement,
dès que nous aurons eu le rapport.
M. Forget: M. Beaudoin a dit qu'il y avait un effort de contact
entre la police et la population. Est-ce que c'est une façon de nous
laisser entendre que la hausse des statistiques sur la criminalité est
due en partie au fait qu'il y a plus de crimes qui sont rapportés
à la police qu'avant?
M. Bédard: Cela pourrait être un facteur. On ne l'a
pas identifié de façon isolée, scientifiquement et
rationnellement, mais on croit qu'il y a des secteurs où des crimes se
commettaient certainement, par exemple, les vols de chalets, et que les gens
revenaient au printemps sans les signaler. Maintenant, on passe dans ces
endroits et on laisse de petites cartes sur lesquelles il est écrit
qu'on est passé telle heure, tel jour et s'il y a quelque chose
d'anormal, on demande de nous le signaler. Bien entendu, on croit que cela peut
contribuer... Ce n'est pas mauvais en soi, si on n'avait pas le vrai portrait,
vous savez... C'est sûrement un facteur, parce qu'on l'a remarqué
avec la Loi sur la protection de la jeunesse. On doit conclure, par rapport aux
chiffres des années précédentes, à une augmentation
de la criminalité, mais on doit aussi reconnaître un nombre de
signalements considérables par rapport aux autres années.
L'important, quand on parle de criminalité, ce n'est pas d'essayer de se
consoler avec de bons pourcentages, mais...
M. Forget: C'est de savoir si le phénomène est
réel ou pas.
M. Bédard: ... d'essayer de faire ressortir le
phénomène réel qui existe et de trouver le moyen de le
contrer. L'information contribue sûrement, au niveau du citoyen, à
faire en sorte que celui-ci signale plus les infractions dont il est victime,
dans tous les domaines. Prenez l'IVAC, programme que nous avons mis sur pied
concernant l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Depuis que nous
faisons plus de publicité sur ce programme, cette année, je pense
que le nombre de réclamations a presque doublé, si ce n'est pas
plus.
Peut-être que le même phénomène joue. Ce n'est
pas la seule explication, sûrement, mais c'est un phénomène
dont on doit tenir compte au niveau de l'évaluation des
pourcentages.
M. Forget: Les statistiques fédérales pour le
Canada et chacune des provinces sur la criminalité et les taux de
résolution j'aimerais qu'on nous donne au moins la version des
autorités policières au Québec là-dessus
semblent mettre le Québec sous une lumière un peu
désavantageuse. Mes données s'arrêtent à 1978. Dans
le cas des taux de résolution, peut-être qu'il y a des raisons
particulières pour expliquer la différence. Il semble que le taux
de résolution au Québec, je le remarque, soit plus
élevé dans le cas de la Sûreté du Québec que
les chiffres que j'ai ici le démontreraient, mais il y a eu une
amélioration aussi. Donc, c'est logique. On situe le taux de
résolution au Québec, selon les années, à 38%, 31%,
33%, 35%, 36%. C'est pour toutes les catégories et c'est plus
élevé pour les crimes très graves, les meurtres, etc, et
beaucoup plus bas pour les crimes moins graves, c'est normal, je pense.
Mais dans le cas de l'ensemble du Canada, donc y compris le
Québec ça suppose que dans certaines provinces c'est
décidément beaucoup plus élevé c'est 50%,
49%, 51%, le taux de résolution. Est-ce qu'on considère ça
à la Sûreté du Québec, comme un véritable
problème et est-ce qu'on a une idée de ce qu'il faudrait faire
pour en arriver aux mêmes performances générales que les
autres provinces?
M. Bédard: Notre région témoin, c'est
l'Ontario, parce qu'elle a une structure qui s'apparente à la
nôtre, d'abord, et que c'est à peu près la même
population, un million de plus. Si on regarde simplement le vol avec
effraction, l'OPP avait 27,2%, alors que nous, à la Sûreté,
on avait 31,7%. Pour
l'ensemble du Canada, c'était 24,4%, et pour les Etats-Unis,
16%.
Maintenant, en Ontario, quand on parle de statistiques il y a toujours
des... Ce qui désavantage un peu le Québec, c'est que toutes les
plaintes privées pour des actes criminels sont calculées au
niveau de la police, alors qu'ici on considère que nous, si on fait
simplement rencontrer un procureur de la couronne pour énoncer des faits
et loger une accusation, cela ne devient pas un travail de police. Je ne peux
pas vous dire le nombre, mais il y en a un bon nombre. Cela lui donne un
avantage marqué.
Je n'ai pas les dernières statistiques de Statistique Canada,
mais je pense que le Québec se situe assez avantageusement. Les
données que je vous communique sont amenuisées, quand on prend
cela dans un ensemble, si on pense à la communauté urbaine, dans
un dernier journal qui s'appelle "The Gazette", la communauté urbaine
était à 14% en 1978 et à 9%... Donc, au niveau des villes,
il y a...
L'autre facteur, c'est que beaucoup de corps policiers municipaux...
maintenant l'hémorragie est enrayée, mais on a abandonné
les enquêtes, ce qui nous donne une charge de travail additionnelle et
longtemps parfois après le fait. Il y a plusieurs facteurs qui
contribuent à cela.
Dans l'ensemble, pour la Sûreté du Québec, ce n'est
pas tellement le problème de la solution. Au moment où je vous
parle, on est à 50%. Notre performance est fort agréable à
contempler, sauf que l'incidence continue à nous échapper.
M. Forget: Vous avez fait allusion, M. le directeur, à
l'implantation du régime de patrouille jumelée. Je ne suis pas
sûr d'avoir bien compris. Cela a créé, vous dites, des
difficultés d'adaptation, je peux le comprendre, mais est-ce qu'il faut
comprendre aussi, étant donné les ressources fixes que vous avez,
que cela a contribué à diminuer le nombre de patrouilles,
l'activité de prévention par excellence au niveau de la
police?
M. Bédard: Effectivement, la patrouille jumelée a
été accordée en avril 1977. A ce moment-là, on a
fait des réaménagements avec les quelques employés qu'on
avait prévus pour d'autres fonctions. Le Conseil du trésor nous
avait accordé 210 postes, mais on vient de recevoir les 100 derniers
postes. Voyez-vous, de 1977 jusqu'au moment où on se parle, il s'est
écoulé cette période, alors que ce qu'on avait
accepté comme structure de fonctionnement pour la patrouille
jumelée, c'était boiteux et il n'y avait pas possibilité
de faire autrement, parce que c'était une question... il aurait fallu
dire tout simplement: Oui, on accepte, mais cela sera applicable en 1980. On ne
pouvait pas faire cela dans la situation où on était.
M. Forget: Je comprends. Est-ce qu'on peut établir une
relation, au moins un grand point d'interrogation, de causalité entre la
diminution des patrouilles, consécutive à cette décision,
et la hausse observée dans le phénomène des vols à
domicile? Je pense bien que la patrouille a un effet préventif, surtout
sur ce type de crime. Sur les meurtres, cela a peut-être moins d'effets,
mais au moins là-dessus, les vols à domicile, cela a pu avoir un
effet certain. Cela coïncide bien dans le temps, l'implantation en 1977 et
la hausse des statistiques de vols l'année subséquente.
M. Bédard: Vous posez une prémisse qui pourrait
être fort logique. Quand on prend cette prémisse et qu'on la
transpose ailleurs, à travers le Canada, on fait face à
une...
M. Forget: A une même tendance.
M. Bédard: A une même tendance. Par contre, sur un
plan quantitatif et qualitatif, la productivité a augmenté. A la
page 2 du petit sommaire que je vous ai remis, nous retrouvons les infractions
au Code de la route. On en a 4,1% de plus qu'en 1978. Cela est fait par les
patrouilleurs dans leur mission à deux volets, la prévention du
crime et la sécurité routière.
Des avis de 48 heures: 5,8% de plus qu'en 1978; les facultés
affaiblies: 16% de plus qu'en 1978. Voyez-vous, sur un plan vraiment
quantitatif où l'on peut mesurer l'action, on a vraiment une
augmentation de la productivité, en dépit du fait qu'au moment
où l'on se parle, sur la route, on a 300 voitures alors que, cette nuit,
on en aura 150. Il reste que sur plan sécuritaire, je pense que deux
patrouilleurs travaillent beaucoup plus en confiance, interceptent beaucoup
plus de gens pour des raisons bien entendu, et finalement, cela nous
amène aux résultats.
Par contre, si on transpose ces résultats de répression,
si l'on peut dire, en termes de rapport de cause à effet... Il y a une
loi qu'on appelle la loi de North Western University, à savoir que si
l'on travaille sur les causes des accidents, on baisse les accidents et cela ne
marche plus. Cela ne marche plus du tout parce que si vous regardez, vous voyez
que les accidents ont augmenté de 1,1%; les accidents mortels, 6%, les
accidents avec blessés, 1,7%; les accidents avec dommages
matériels, 0,9% pour 1978. Par contre dans les accidents avec
blessés, on constate une chose peut-être intuitive ou un peu plus
qu'intuitive, mais je ne dirais pas qu'elle est scientifique, c'est que tous
les gens qui ont une petite blessure, si mineure soit-elle aujourd'hui, n'ont
qu'un intérêt, c'est de le rapporter au cas où les
conséquences de l'accident les amèneraient à faire une
réclamation.
M. Forget: II faudrait identifier les blessés graves
là-dedans comme étant vraiment représentatifs de la
tendance.
M. Bédard: Ce serait fort difficile. Ce serait une
étude exhaustive et énormément difficile. Le
ministère des Transports a actuellement plusieurs études en
cours, mais c'est surtout par échantillonnage, quoique le principe
d'échantillonnage nous donne un portrait assez exact.
M. Forget: Oui. M. le Président, je pense qu'on pourrait
poursuivre...
Le Président (M. Laberge): Oui, M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Forget:... mais ce serait peut-être faute de combattants
et faute de mandat puisqu'on s'est entendus pour terminer à 17 heures.
J'aimerais remercier M. le directeur et les collaborateurs du ministre, le
ministre lui-même d'ailleurs. Adopté.
Le Président (M. Laberge): Cela va. M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je remercie
également tous mes collaborateurs et les présidents d'organisme
de bien avoir voulu se libérer pour répondre, si
nécessaire, aux questions de l'Opposition. Je remercie également
tous les membres de la commission, les membres de l'Opposition et mon critique
de l'Opposition officielle.
Le Président (M. Laberge): Sur ce, nous considérons
le programme 15 adopté. Tous les programmes du ministère de la
Justice ayant été examinés, je déclare que la
commission de la justice a terminé ses travaux et ajourne sine die.
Fin de la séance à 17 h 58