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Etude des crédits du ministère de la
Justice
(Quinze heures quinze minutes)
Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, messieurs!
La commission parlementaire de la justice entreprend ses travaux aux
fins d'étudier les crédits du ministère de la Justice.
Les membres de la commission pour aujourd'hui sont: M. Bédard
(Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Boucher (Rivière du Loup)
remplacé par M. Marcoux (Rimouski); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M.
Forget (Saint-Laurent), M. Godin (Mercier), M. Guay (Taschereau), Mme
LeBlanc-Bantey (Iles-de-la-Madeleine) remplacée par M. Desbiens (Dubuc);
M. Marquis (Matapédia), M. Samson (Rouyn-Noranda).
Les intervenants sont: M. Charbonneau (Verchères), M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalande (Maisonneuve), M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Lévesque
(Kamouraska-Témiscouata), M. Marcoux (Rimouski).
M. Forget: M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé
par M. Marx (D'Arcy McGee).
Le Président (M. Bordeleau): Au niveau des intervenants,
M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) est remplacé par M. Marx (D'Arcy
McGee).
Il n'y a pas d'autres substitutions?
Est-ce que vous avez des commentaires préliminaires, M. le
ministre?
M. Bédard: Oui, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, allez-y.
M. Bédard: Vous me permettrez, pour le
bénéfice des membres de la commission, de présenter
quelques-uns de mes principaux collaborateurs au ministère de la
Justice. Je m'excuse si je devais faire certains oublis, ce ne serait
sûrement pas par mauvaise volonté.
Il y a M. René Dussault, à ma droite, sous-ministre en
titre; M. Germain Halley, sous-ministre à l'administration, Me Daniel
Jacoby, sous-ministre associé aux affaires législatives; Me
François Tremblay, sous-ministre associé aux affaires
criminelles; Me Pierre Verdon, sous-ministre associé à la
sécurité publique; M. Aubert Ouellet, sous-ministre
associé à la probation et à la détention; M. Claude
Brazeau, directeur général adjoint aux affaires civiles et
pénales; M. Clément Ménard, directeur
général du personnel; M. Jacques La-chapelle, directeur
général des greffes; M. Jean-Claude Dubois, directeur du budget;
M. le juge Guy Dorion, président du Tribunal d'expropriation; M. Jacques
Tellier, président du Comité de la protection de la jeunesse; M.
René Hurtubise, président de la Commission des droits de la
personne; M. Yves Lafontaine, président de la
Commission des services juridiques; M. Ghyslain Laflamme,
président de la Régie des permis d'alcool; M. Maurice Gauthier,
président de la Commission québécoise des
libérations conditionnelles; M. le juge Roger Gosselin, président
de la Commission de police du Québec; M. Jacques Beaudoin, directeur de
la Sûreté du Québec; M. Paul Brown, responsable de la
protection civile et directeur de la Protection civile; M. Yves Lauzon,
directeur du Fonds d'aide aux recours collectifs. Je m'excuse, M. le
Président, si j'ai pu faire certains oublis, je verrai à les
corriger.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, si vous
voulez m'excuser un instant, j'ai fait une omission, à savoir nommer un
rapporteur de la commission. Est-ce que j'aurai des propositions?
M. Blank: Le député de Mercier, il va faire de la
poésie.
M. Godin: Des alexandrins.
Le Président (M. Bordeleau): Le député de
Mercier? Le rapporteur de la commission sera donc le député de
Mercier. M. le ministre.
Remarques générales
M.
Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, au cours de la
dernière année, l'accessibilité à une justice
efficace, humaine et personnalisée est demeurée un des objectifs
majeurs du ministère de la Justice. La poursuite de cet objectif
constitue un défi de taille, surtout si on tient compte du fait que
plusieurs obstacles propres au secteur de la justice doivent être
surmontés. Ainsi, l'ampleur de l'appareil administratif du
ministère peut à l'occasion rendre plus difficile une action
rapide. De même, la nature de certains types d'interventions, dont les
citoyens ne souhaitent généralement pas faire l'objet, tels les
poursuites criminelles, l'exercice de la fonction policière et le
fonctionnement des tribunaux, rend particulièrement difficile la
réalisation de cet objectif.
Ces difficultés n'ont toutefois pas empêché le
ministère d'améliorer de façon significative, nous le
croyons, au cours des derniers mois, les services qu'il offre aux justiciables.
A cet égard, il est bon de souligner que si l'adoption de projets de loi
constitue un outil d'intervention privilégié permettant
d'établir de nouvelles règles du jeu, il ne faut pas
négliger l'importance que présente pour le citoyen la mise en
oeuvre efficace de ces projets de loi et de certaines mesures administratives.
En effet, pour le grand public, la réalité de ses relations avec
le ministère et les principaux intervenants du milieu de la justice se
concrétise souvent davantage lors de l'implication des projets de loi et
au niveau des mesures administratives en découlant que lors de leur
adoption. Vous serez d'ailleurs à même de constater, par le
résumé d'un
bilan des activités du ministère que je m'apprête
à vous livrer, qu'une attention particulière a été
portée au cours de la dernière année aux gestes
administratifs qui ont un impact sur l'efficacité et le caractère
personnalisé de la justice.
Au niveau des grandes lignes d'action du ministère, les actions
législatives réglementaires et administratives du
ministère se sont principalement articulées autour de quatre
grandes lignes d'action: la jeunesse et la famille, le fonctionnement des
tribunaux et le support à la magistrature, la réinsertion sociale
des délinquants ainsi que le service aux autochtones.
Concernant la jeunesse et la famille, l'Année internationale de
l'enfant, l'implantation de la Loi sur la protection de la jeunesse, les
colloques sur la violence et la révision du cadre juridique relatif
à la famille ont principalement retenu l'attention du
ministère.
Comme vous le savez, les Nations Unies avaient
décrété l'année 1979 comme l'Année
internationale de l'enfant. Le gouvernement a confié la planification et
l'organisation des activités reliées à ce dossier au
Comité de protection de la jeunesse sous la responsabilité du
ministre de la Justice.
Le comité a mis sur pied, à cette fin, un
secrétariat québécois de l'Année internationale de
l'enfant. Un budget de $900 000 a été affecté à
cette activité spéciale, dont $100 000 pour le fonctionnement du
secrétariat, $400 000 pour un programme spécial de subventions,
et $400 000 pour une campagne unifiée de sensibilisation.
Une tournée d'information fut effectuée dans 22 villes du
Québec au cours de laquelle le programme de subventions fut
présenté. Cette tournée avait pour objectif de susciter
une participation importante des jeunes, car le principal critère de
sélection pour l'attribution des subventions était la
participation de l'enfant à la conception et à la
réalisation d'un projet.
Le secrétariat a reçu 1104 demandes de subventions
provenant de dix régions administratives du Québec. Un total de
256 projets furent acceptés. Les critères d'octroi des
subventions fixaient un montant limite de $5000 à chaque projet et la
moyenne des subventions versées pour chacun a été de
$1560.
La réalisation des projets subventionnés était
encadrée par le travail de treize responsables régionaux qui
étaient des jeunes et appuyée par des comités de jeunes
dans chacune de leur région. Des tables rondes régionales ont
été organisées par ces comités sur des
thèmes choisis par eux. D'ailleurs, les membres de l'Assemblée
nationale se sont vu présenter par ces jeunes un livre concernant la
synthèse des tables rondes régionales intitulé "Et
après" et communément appelé "Livre bleu".
Quant à la campagne d'information, elle fut placée sous la
responsabilité de la Direction des communications du ministère.
Celle-ci organisa un programme comportant la location de 120
panneaux-réclame pendant quatre semaines, la production de deux messages
d'intérêt public dans toutes les stations de radio et de
télévision, ainsi que la production et la diffusion chez 18
câblodif-fuseurs de 10 documents magnétoscopiques
enregistrés dans chaque région à partir de projets
subventionnés, ainsi que la publication de 100 000 exemplaires du livre
concernant la synthèse des tables rondes.
Le Comité de la protection de la jeunesse et son
secrétariat pour l'Année internationale de l'enfant ont, à
mon sens, accompli un excellent travail en assurant la prise en charge des
activités reliées à cette année par les jeunes
eux-mêmes à travers tout le Québec.
Au cours de la dernière année, le comité a
évidemment assuré cette responsabilité en plus de sa
tâche principale qui était de surveiller l'application de la Loi
sur la protection de la jeunesse. Le comité a pris une part active
à l'application de cette loi en collaborant, avec les ministères
des Affaires sociales et de la Justice, à la cueillette des
données les pl'us pertinentes possible sur le fonctionnement réel
et efficace de la loi.
L'implantation d'une telle loi nécessite évidemment une
somme de travail considérable qui exige de surcroît une
étroite collaboration de la part de tous les intervenants. A cet
égard, je dois dire que le ministère n'a négligé
aucun effort pour que les problèmes normaux affrontés en cours de
route soient résolus le plus rapidement possible. J'ai d'ailleurs
proposé au printemps dernier certaines modifications de nature technique
à la Loi sur la protection de la jeunesse, justement pour en faciliter
l'implantation. Et, encore aujourd'hui, des efforts considérables sont
déployés pour en assurer un suivi constant.
Le thème de la jeunesse et de la famille ne peut être
dissocié du problème de la violence dans notre
société. C'est dans cette perspective qu'à la suite des
recommandations du Conseil du statut de la femme et en collaboration avec le
ministère des Affaires sociales, mon ministère a dirigé un
important travail de réflexion sur la violence à l'égard
des femmes et des enfants, en organisant onze colloques régionaux sur
ces thèmes et en menant une campagne d'information intense en
collaboration avec les bureaux régionaux de
Communication-Québec.
Ces colloques ont réuni environ 2500 personnes, principalement
des policiers, des substituts du Procureur général, des avocats,
des juges, des praticiens des centres de services sociaux, des CLSC et des
centres hospitaliers, ainsi que des membres de regroupements de maisons
d'accueil pour femmes et enfants en difficulté.
Ces colloques, dont je tiens à souligner l'importance du
caractère régional, poursuivaient des objectifs de
sensibilisation, d'information, d'amélioration de la coordination entre
professionnels de milieux différents. Les travaux de ces colloques ont
permis la formulation de plus de 500 recommandations qui sont actuellement
à l'étude et qui, une fois analysées, seront transmises
à tous les ministères intéressés.
En ce qui concerne la participation du ministère à ces
colloques, je tiens à souligner l'énorme travail fourni par la
Direction des communications,
la Sûreté du Québec et la Direction
générale des affaires criminelles.
A la suite de ces colloques, le ministère a voulu favoriser
l'implication du citoyen en lui offrant, par l'intermédiaire d'un
programme de subventions, l'occasion de contribuer personnellement au
développement de mesures qui permettront d'endiguer la violence sous
toutes ses formes. Le budget des subventions était de $175 000. Le
ministère a reçu 451 demandes de subventions provenant de
diverses régions administratives; un total de 52 projets ont
été acceptés pour le montant total de $175 000. Selon les
critères d'obtention des subventions, le montant maximum d'une
subvention était fixé à $5000. La moyenne des subventions,
le montant maximum d'une subvention était fixé à $5000. La
moyenne des subventions accordées s'établit à $3155. Un
montant additionnel de $300 000 a été autorisé aux
mêmes fins pour l'année 1980-1981, pour répondre au nombre
très élevé de demandes de subventions.
L'importance que le ministère a attachée à son
programme de non-violence, qui veut promouvoir la lutte contre la violence dans
les sports, les media, la pornographie et celle dont sont victimes les femmes
et les enfants, a également amené celui-ci à créer
un groupe de travail sur les vols à main armée, qui doit remettre
un rapport incessamment proposant des mesures contre ce type de crimes. Le
rapport devrait être remis d'ici la fin de juin 1980.
L'intérêt que porte le ministère de la Justice
à la jeunesse et à la famille est également
illustré de façon importante par les travaux qui ont permis le
dépôt à l'Assemblée nationale de deux projets de loi
majeurs.
Le 5 mars dernier, je déposais à l'Assemblée
nationale un projet de loi instituant un nouveau Code civil et portant
réforme du droit de la famille. Cette réforme vise d'abord
à consacrer l'égalité des époux entre eux et
à adapter au contexte d'aujourd'hui l'ensemble de la législation
régissant les relations familiales.
J'ai également déposé à l'Assemblée
nationale, au mois de décembre 1979, un projet de loi sur la perception
des pensions alimentaires. Ce projet vise à faciliter la perception des
pensions alimentaires auxquelles ont droit les époux et, à cette
fin, les règles de procédures concernant les saisies ont
été profondément modifiées. La mise en oeuvre de ce
projet de loi, redéposé aujourd'hui même,
nécessitera, entre autres, la mise sur pied au ministère de la
Justice d'un service de recherche des débiteurs.
Pour compléter la réforme du droit de la famille, la
Direction générale des affaires législatives a
procédé en 1979 à la mise sur pied d'un groupe de travail
chargé de formuler les recommandations appropriées sur la nature
des compétences et les modalités d'organisation judiciaire et
administrative d'un tribunal québécois de la famille. (15 h
30)
Ce tribunal devrait, dans la mesure du possible, regrouper sous une
seule juridiction l'exercice de l'ensemble des compétences en
matière de droit de la famille. Enfin, je tiens à souligner que
1980 marquera la mise sur pied, à titre de projet-pilote, d'un service
de conciliation matrimoniale auprès de la Cour supérieure des
districts judiciaires de Montréal, de Joliette et de
Saint-Jérôme. Ce service offrira aux couples en instance de
divorce une assistance de type psychosocial assurée par des
professionnels des sciences du comportement. Son objectif premier, à
défaut de la réconciliation des conjoints, est leur conciliation,
grâce à la conclusion d'une entente relativement à leur
séparation, au sort des enfants, aux arrangements financiers et à
l'acceptation de la désunion comme telle. Si l'évaluation de ce
projet-pilote s'avère positive, ce service sera implanté
progressivement dans les autres districts judiciaires du Québec.
Concernant le fonctionnement des tribunaux et le support à la
magistrature, le ministère a été particulièrement
actif, au cours de la dernière année, dans les secteurs relatifs
au fonctionnement des tribunaux et au support de la magistrature. Je souligne
d'abord que la compétence financière de la Cour provinciale et le
seuil des appels de plein droit à la Cour d'appel ont été
portés de $3000 à $6000. Ces modifications contenues dans la loi
no 40 visaient à rétablir le niveau de la compétence
financière de la Cour provinciale, qui s'était
dégradé en raison de l'inflation des récentes
années et à alléger aussi le rôle de la Cour d'appel
qui s'était alourdi de façon significative pour la même
raison. De plus, cette loi a simplifié les règles de
procédure de la Cour d'appel.
Sur le plan réglementaire, le gouvernement a adopté, au
mois de juin 1979, le règlement sur la procédure de
sélection des personnes aptes à être nommées juges.
Ce règlement, adopté à la suite de modifications
apportées en 1978 à la Loi sur les tribunaux judiciaires, a
permis de donner un caractère officiel à la procédure que
j'avais établie, dès mon arrivée au ministère de la
Justice, concernant le processus de nomination des juges de la Cour
provinciale, de la Cour des sessions de la paix, du Tribunal de la jeunesse et
des Cours municipales de Montréal, Québec et Laval.
Par ailleurs, une modification apportée en 1979 à la Loi
sur la division territoriale a permis la création de deux nouveaux
districts judiciaires, soit ceux de Laval et de Longueuil, dont le territoire a
été découpé à même celui des districts
judiciaires de Montréal et d'Iberville. Pour chacun de ces nouveaux
districts, la loi permet d'établir graduellement la juridiction de
chaque tribunal appelé à y siéger.
En plus de ces actions législatives et réglementaires, le
secteur des tribunaux et de la magistrature a fait l'objet d'un grand nombre
d'interventions administratives qui, à mon avis, ont contribué de
façon significative à améliorer le service aux
justiciables. Sur le plan des équipements, la décision de
construire un nouveau palais de justice pour le district judiciaire de
Québec a été prise. La conception du palais a fait
l'objet d'un concours public dont les résultats ont
été annoncés au mois de septembre dernier.
Les gagnants du concours sont maintenant à préparer les
plans et devis qui permettront, par la suite, d'entamer la construction
même du palais. Soulignons, par ailleurs, qu'un nouveau palais de justice
sera prochainement en construction à Aima et que la construction d'un
palais de justice à Shawinigan a été approuvé.
La Direction générale des greffes a également
contribué à l'amélioration des services aux justiciables
en adoptant une série de mesures administratives souvent
discrètes, mais d'une portée non moins réelle. Je songe,
par exemple, à la mécanisation des salles d'audience du palais de
justice de Hull, à l'informatisation des greffes du palais de justice de
Québec, à l'informatisation des centres de distribution, à
la mécanisation des bureaux d'enregistrement de Laval et de
Montréal, à la présence de la Cour supérieure
à Lac-Mégantic, depuis le mois de juin 1979, à l'ouverture
d'un greffe de la Cour provinciale, division des petites créances
à Port-Cartier, et d'un greffe autonome du Tribunal de la jeunesse
à Sorel, à l'installation d'un téléregistre dans
les secteurs des raisons sociales des greffes de Montréal relié
au ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières, à l'institution, en septembre dernier, d'un
rôle spécial des causes de longue durée, de trois jours
à neuf jours, à la Cour supérieure du district de
Montréal, ainsi qu'à la nouvelle possibilité, pour le
tiers saisi, de faire parvenir, par courrier recommandé, les
déclarations et les sommes d'argent requises par les tribunaux.
Enfin, un groupe de travail sur le support administratif aux tribunaux a
été formé dans le but d'assurer une meilleure coordination
des efforts entre la magistrature et les autorités administratives du
ministère. Ce comité est composé de six juges en chef des
tribunaux judiciaires du Québec ou de leurs représentants, de
juge en chef associé de la Cour supérieure, du juge en chef
associé de la Cour provinciale et de cinq hauts fonctionnaires de la
direction supérieure du ministère, soit le sous-ministre en
titre, le sous-ministre associé à l'administration, le directeur
général des greffes, le directeur régional des greffes de
Montréal et le directeur régional des greffes de
Québec.
Ce comité est chargé d'examiner l'ensemble des
problèmes reliés au soutien administratif aux tribunaux, en
particulier l'utilisation des salles d'audience, la gestion des ressources
humaines, les procédures administratives, les règles de pratique
et le rôle de l'officier de justice.
Au niveau de la réinsertion sociale des délinquants, dans
ce secteur d'activités, la dernière année a
été marquée par des mesures administratives importantes
prises notamment dans le cadre de l'implantation des modifications
apportées en 1978 à la Loi sur les établissements de
détention et de probation et de l'implantation de la nouvelle Loi sur
les libérations conditionnelles.
Ainsi, en ce qui concerne la détention, l'ensemble de la
réglementation a été révisé et refondu en un
nouveau règlement qui est entré en vigueur le 1er juillet 1979.
Ce règlement innove à plusieurs égards et officialise
plusieurs usages déjà implantés dans les
établissements de détention, tels les programmes
d'activités rémunérées, la création de
comités de discipline et de comités d'absence temporaire. Ce
nouveau règlement tient compte des règles minimales de l'ONU
concernant les personnes incarcérées et le respect de leurs
droits.
Sur le plan des équipements, un effort particulier a
été effectué. Un cadre général de
planification des établissements de détention a été
présenté et approuvé par le Conseil du trésor,
définissant des paramètres et des besoins en équipement de
détention au Québec pour la prochaine décennie. Le
document permet d'appuyer la planification des établissements de
détention sur une base régionale et à partir de
critères rationnels. C'est dans le contexte de ce cadre
général que les programmes de besoins de nouveaux
établissements de détention à Sherbrooke, à
Trois-Rivières, ont été approuvés et que des plans
et devis sont en préparation.
En septembre dernier, on a par ailleurs procédé à
l'inauguration d'un nouvel établissement de détention de 53
cellules à Saint-Jérôme. L'année qui vient de
s'écouler a également été marquée par des
réaménagements importants à la maison Tanguay, permettant
d'accroître la sécurité périphérique et de
disposer d'ateliers pour les activités rémunérées.
Ces aménagements ont également permis une plus grande utilisation
d'une entente fédérale-provinciale en vertu de laquelle le
Québec accepte de recevoir dans ses établissements de
détention, de façon plus particulière à la maison
Tanguay, les femmes québécoises condamnées à une
peine d'emprisonnement de deux ans et plus. Par ailleurs, le ministère
de la Justice est présentement à conclure avec le gouvernement
fédéral une entente particulière par laquelle ce dernier
assumera environ 50% des frais d'immobilisation requis pour le
réaménagement de la maison Tanguay ainsi que l'ensemble des
coûts d'hébergement et de garde de cette clientèle.
En ce qui concerne les libérations conditionnelles, la
dernière année a constitué la première année
d'opération de la commission québécoise et on peut
déjà constater les effets de ses décisions sur le niveau
de la population carcérale.
Par ailleurs, le programme des travaux communautaires en vertu duquel
les tribunaux peuvent remplacer une peine d'emprisonnement par une peine qui
consiste à effectuer des travaux non rémunérés au
profit d'organismes à but non lucratif, qui avait été
entrepris à titre expérimental en 1977 et étendu
progressivement en 1979-1980 couvre actuellement l'ensemble des régions
du Québec.
Enfin, au cours de la dernière année, la Direction
générale de la détention et de la probation a
également entrepris des études visant à résoudre
certains problèmes particuliers auxquels font face les groupes de
personnes suivantes:
Les personnes incarcérées pour défaut de paiement
d'amendes, qui constituent une partie
importante des personnes admises dans les établissements de
détention du Québec.
Les contrevenants adultes ayant des problèmes d'alcoolisme et de
toxicomanie.
Les contrevenants adultes ayant des problèmes psychiatriques.
Les personnes sans gîte et les clochards. Pour chacun de ces
groupes de personnes, une meilleure coordination de l'action de la Direction
générale avec le ministère des Affaires sociales, entre
autres, devrait permettre de réduire le recours à
l'incarcération et de développer des services adaptés.
Concernant les services aux autochtones, le développement des
services aux autochtones était un autre des objectifs majeurs poursuivi
par le ministère en 1979-1980.
La Sûreté du Québec a procédé à
la constitution des polices communautaires cries et inuites à la suite
d'ententes avec ces populations. Elle a également fourni aux policiers
cris et inuits l'équipement dont ils ont besoin pour assurer un service
efficace.
Depuis cette année, les communautés cries et inuites du
Nord du Québec sont desservies par le district judiciaire d'Abitibi et
bénéficient des services de tribunaux itinérants (Tribunal
de la jeunesse, Cour provinciale division criminelle Cour des
sessions de la paix). De même, les mécanismes prévus par la
Loi sur la protection de la jeunesse ainsi que le programme de sentences des
travaux communautaires ont été introduits en territoire inuit et
cri. Par ailleurs, une entente fédérale-provinciale a
été conclue pour offrir aux autochtones des services de
conseillers parajudiciaires. Notons que, dès le 1er février 1979,
toutes les communautés cries, exception faite de Nemiscau, en raison de
sa petite population, possédaient leur corps de police, composé
au total de quinze constables spéciaux. Du côté des Inuits,
on procédait le 15 août 1979 à l'assermentation de douze
constables spéciaux pour l'établissement de la police dans chacun
des villages.
En plus des actions reliées aux quatre grands thèmes que
je viens de commenter, le ministère a été actif dans
d'autres secteurs, tant sur le plan de la législation que sur le plan
des actions administratives.
En plus du projet de loi no 40 modifiant le Code de procédure
civile déjà mentionné, l'Assemblée nationale a
adopté en 1979 huit autres projets de loi relevant du
ministère.
Le régime juridique de la délivrance et du contrôle
des permis d'alcool au Québec a été amélioré
de façon significative par l'adoption du projet de loi no 55 sur les
permis d'alcool. Je rappelle qu'en vertu de cette loi, une nouvelle
Régie des permis d'alcool du Québec remplace la Commission de
contrôle des permis d'alcool du Québec. Le projet de loi a en
outre apporté des changements quant aux catégories de permis qui
peuvent être délivrés, réduisant le nombre de
celles-ci de quatorze à dix. Cette nouvelle loi précise
également les conditions attachées aux permis, notamment quant
aux heures et aux jours d'exploitation.
Des modifications d'importance ont également été
apportées à la Loi de police. Ces modifications visaient
notamment à accroître la juridiction et le pouvoir d'enquête
de la Commission de police, à établir de nouvelles règles
de fonctionnement pour les enquêtes sur le crime organisé,
à prévoir un mécanisme en vertu duquel la
Sûreté du Québec pourrait prêter assistance aux corps
de police municipaux, ainsi qu'à l'établissement d'un code de
déontologie et de discipline qui deviendra éventuellement
applicable non seulement aux policiers de la Sûreté du
Québec, mais également aux policiers municipaux.
Le projet de loi no 48 modifiant la Loi de police a également
prévu l'établissement de nouvelles règles concernant la
création de corps de police municipaux et précise les obligations
des corporations municipales en cette matière. Le projet de loi rend par
ailleurs admissibles à la Sûreté du Québec les
agents patrouilleurs de l'Office des autoroutes. Enfin, notons que le projet de
loi donne un mandat plus explicite et plus large à la Direction
générale de la sécurité publique du
ministère de la Justice.
Le secteur de la protection civile a été
complètement réorganisé dans le cadre du projet de loi no
28 sur la Protection des personnes et des biens en cas de sinistre. Ce projet
de loi a notamment permis la création d'un Bureau de la protection
civile du Québec chargé d'élaborer une politique de
prévention des sinistres et des mesures d'urgence à prendre en
cas de sinistre. Les multiples exemples, tant québécois que
canadiens et américains, au cours des dernières années,
où des sinistres ont nécessité des efforts d'intervention
et de coordination importants des autorités civiles, démontrent
bien l'importance que ce secteur d'activités du ministère soit
bien organisé.
Par ailleurs, à la suite du jugement rendu par la Cour
suprême du Canada, le 13 décembre 1979, sur la langue de la
législation et de la justice au Québec, l'Assemblée
nationale a adopté une loi visant à garantir la
sécurité juridique des lois adoptées en vertu de la Charte
de la langue française, afin de s'assurer que les justiciables ne
fassent pas les frais d'éventuelles batailles juridiques si des
contestations devaient survenir dans l'application de plusieurs de ces lois et
des règlements au Québec.
Enfin, le projet de loi no 31 modifiant le Code civil, le projet de loi
35 modifiant ou abrogeant certaines dispositions législatives, le projet
de loi no 49 modifiant la Loi des tribunaux judiciaires, le Régime de
retraite des employés du gouvernement et des organismes publics et
d'autres dispositions législatives, ainsi que le projet de loi 52
modifiant la Loi sur les constituts et le Régime de tenure ont
été adoptés et ont permis d'améliorer le service
aux justiciables.
Enfin, je tiens à souligner qu'un effort particulier est
apporté par la Direction générale des Affaires
législatives dans la préparation de deux dossiers
législatifs d'importance dont l'Assemblée nationale sera
éventuellement saisie. Il s'agit d'une réforme de la Loi des
coroners, ainsi qu'une législation ou encore une réglementation
en ma-
tière de dossiers personnels détenus par
l'administration.
Pour ce qui est des autres actions administratives d'importance, je
pense important de souligner ici quelques-unes des autres réalisations
administratives de divers secteurs du ministère que je n'ai pas eu
l'occasion de mentionner. La Cour suprême du Canada a, le 1er mai 1979,
rendu une décision dans l'affaire Hauser. En vertu de cette
décision, il a été reconnu que le Procureur
général du Canada et celui du Québec ou d'une autre
province ont tous deux juridiction pour ce qui concerne les poursuites
intentées sur le territoire d'une province relative à la Loi sur
les stupéfiants. Le Procureur général du Québec a
alors demandé au gouvernement fédéral de soumettre des
modifications législatives précisant le rôle respectif des
procureurs généraux provinciaux et du Procureur
général du Canada en matière de poursuites criminelles et
pénales. Il a également décidé d'exercer pleinement
sa juridiction sur les poursuites relatives à la Loi sur les
stupéfiants et, en conséquence, a invité tous les corps de
police du Québec, notamment la Sûreté du Québec, le
Service de police de la Communauté urbaine de Montréal à
s'adresser, à compter du 1er avril 1980, aux substituts du Procureur
général du Québec pour ces poursuites, y compris dans les
districts judiciaires de Montréal, Hull et Saint-Jérôme
où les poursuites relatives aux stupéfiants étaient
normalement conduites par le Procureur général du Canada. (15 h
45)
La Direction générale des affaires criminelles a donc vu
son rôle et son importance accrus par cette décision. Par
ailleurs, cette décision générale a également pris
en charge la poursuite devant le Tribunal de la jeunesse de tous les cas de
délinquance dont ce tribunal était saisi.
Vous remarquerez à la lecture des crédits que des
changements ont été apportés à la structure de
certains programmes du ministère. Ces changements ont été
apportés afin de refléter le développement majeur de
certaines fonctions du ministère, telles les affaires
législatives, les établissements de détention ainsi que le
fait que de nouveaux programmes et organismes ont été
créés au cours des dernières années et que ceux-ci
n'étaient pas reflétés de façon évidente
à l'intérieur de la structure. Nous avons relevé à
un élément de programme les organismes tels que le Conseil de la
Magistrature, la Commission québécoise des libérations
conditionnelles, le Fonds d'aide au recours collectif, le nouveau Comité
de la protection de la jeunesse, les personnes désignées, la
Commission de refonte des lois et règlements, etc.
Les ressources humaines et financières du ministère sont
importantes. Concernant les ressources financières, pour l'année
1980-1981, le total des crédits du ministère de la Justice
s'établit à $460 804 100. Si l'on compare ces chiffres au budget
des dépenses de 1979-1980, on constate une augmentation de $45 125 900,
soit une augmentation de 10,9%. Ces crédits se répartissent entre
7 secteurs et 17 programmes. La majorité du budget, soit 82%, sera
affectée à cinq programmes du ministère, dont $196 264 200
à la Sûreté du Québec, $18 077 600 pour la
magistrature, $52 957 300 pour le soutien administratif aux tribunaux
judiciaires, $74 470 900 pour la direction de la détention et $37 189
100 pour l'aide aux justiciables.
Au niveau des ressources humaines, les effectifs du ministère de
la Justice s'établissaient le 1er avril 1980 à 13 276
employés permanents et 707 employés occasionnels, soit un total
de 13 983 employés.
L'effectif total du ministère le 1er avril 1979 était de
14 113, dont 13 342 employés permanents et 771 occasionnels. La
diminution totale de ces chiffres du 1er avril 1979 au 1er avril 1980 a donc
été de 130 postes constitués de 66 permanents et de 64
occasionnels.
Cette réduction s'explique ainsi: en ce qui concerne les
permanents, du 1er avril 1979 au 31 décembre 1979, l'effectif a
été porté de 13 342 à 13 441, comme l'indique le
livre officiel des crédits qui est entre vos mains, soit une
augmentation de 99 postes. Depuis le 31 décembre 1979, 68 postes
supplémentaires ont été créés, soit une
augmentation totale durant l'année de 167 postes permanents.
Par ailleurs, 61 postes ont fait l'objet d'un
réaménagement, notamment au bénéfice du
ministère des Affaires sociales en raison de la mise en application de
la loi no 24 sur la protection de la jeunesse. Egalement, à la suite de
la politique de compression des effectifs de la fonction publique de l'ordre de
2,5%, nous avons pu réduire nos effectifs réguliers de 172
postes. La réduction des employés permanents a donc
été pour l'année écoulée de 233 postes
auxquels il faut soustraire les 167 postes supplémentaires, soit une
réduction réelle de 66 postes.
Pour ce qui est des employés occasionnels, on constate que
ceux-ci sont passés de 771 à 707, soit une réduction de
64.
M. le Président, j'ai voulu par cet exposé
présenter aux membres de la commission parlementaire de la justice un
portrait des grandes orientations des actions du ministère, des
réalisations administratives des secteurs d'activités et vous
faire état des crédits que nous soumettons à votre analyse
pour approbation. Merci.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. M. le
député de Saint-Laurent, avez-vous des remarques
préliminaires?
M. Claude Forget
M. Forget: Merci, M. le Président. J'aimerais en
commençant faire des remarques qui seront très brèves. Il
sera plus profitable pour tout le monde de s'attacher aux questions suivant
l'ordre dans lequel elles viendront lors de l'étude même des
crédits que de faire un long exposé qui, de toute manière,
ne pourrait viser qu'à établir que le tableau qu'a tracé
le ministre n'est pas aussi reluisant qu'il veut bien le faire
paraître.
Ce serait mesquin de ma part de diminuer en quoi que ce soit un bilan
qui, de façon générale, je m'empresse de le dire, est
impressionnant. Il y a beaucoup d'activités fort louables, très
intéressantes, qui ont été menées à bien par
le ministre et par ses collaborateurs et, comme ils sont justement
présents en nombre impressionnant ici aujourd'hui, j'aimerais les
remercier, au nom de l'Opposition officielle au moins pour leur
présence.
Je me souviens d'une période qui, malgré tout, n'est pas
si lointaine, où, comme fonctionnaire, j'étais assis sur les
banquettes arrière, partagé entre la curiosité qui me
retenait là et le sentiment de tâches fort urgentes à
accomplir à mon bureau. Je voudrais les assurer qu'ils doivent se sentir
totalement libres, non pas que je veuille parler au nom de leur ministre qui,
peut-être, aura besoin de leur présence ici; quant à nous
au moins, nous sommes flattés de leur présence; nous les en
remercions, mais nous ne voudrions pas qu'ils se sentent prisonniers.
Il y a donc là une série de réalisations
intéressantes. Je suis sûr que le ministre n'oubliera pas de nous
les souligner à nouveau au passage, mais, encore une fois et de
très bonne foi, je pense qu'il y a des choses très
intéressantes. Je m'en voudrais et je manquerais à mon devoir,
d'un autre côté, M. le Président, si je ne signalais pas,
à mon tour au moins, les choses les plus évidentes qui se
dégagent de certains des sujets qui viennent de nous être
présentés, rapidement très souvent, parce que nous
n'aurons peut-être pas l'occasion d'y revenir en détail au moment
de l'étude des crédits. Nous n'avons pas l'intention de tout
passer au peigne fin. En aurait-on l'intention, M. le Président, que
l'horaire nous l'interdit, comme vous le savez.
Je prendrai les mêmes rubriques que le ministre pour au moins
soulever des questions ou indiquer que, dans notre esprit, quant à nous
du moins, toutes les réponses ou les réponses déjà
fournies ne sont pas absolument limpides ou satisfaisantes.
J'ai remarqué la première rubrique, Jeunesse et Famille.
Je passe outre les réalisations annoncées pour l'avenir, puisque,
dans une certaine mesure, nous avons entendu parler de la réforme du
chapitre sur le droit de la famille dans le Code civil. C'est une chose qui est
encore à venir, en tant que réalisation au moins. Il y a aussi la
loi 183 sur la perception des pensions alimentaires. Je pense qu'il s'agit
là de deux pas dans la bonne direction, mais il ne faut quand même
pas présumer que toutes les étapes ont été
franchies et que toutes les solutions ont été
trouvées.
Plus profondément que ça, pour une loi qui est
déjà en application depuis trois ans, la loi 24 sur la protection
de la jeunesse, j'ai noté que le ministre est très diplomate dans
le langage qu'il utilise, il est très conscient des nombreuses
difficultés d'application. Je crois que c'est une loi qui va
mériter l'intérêt de tous les intéressés, y
compris le ministère de la Justice, au cours des prochaines
années. Je suis d'accord avec le ministre dans la mesure où il a
laissé entendre, au cours des dernières semaines, que toutes les
difficultés ne sont pas une question de législation
seulement.
C'est sûr qu'il y a eu peut-être une attente
exagérée qui a été créée de ce
côté-là par les milieux intéressés à
la protection de la jeunesse en laissant croire ou en croyant du moins qu'un
nouveau texte réglerait tous les problèmes. C'est loin
d'être le cas. Il y a des comportements enracinés depuis des
générations et qu'il faut faire évoluer, mais il ne suffit
pas de reconnaître la nécessité de faire évoluer les
comportements. Il faut aussi prendre les mesures nécessaires pour qu'ils
évoluent de fait. Cela, c'est un autre problème, et je ne suis
pas sûr que le ministère de la Justice ou que son collègue
des Affaires sociales prennent nécessairement les mesures
appropriées pour le faire, même s'ils en reconnaissent
publiquement la nécessité.
La question de la violence, la prévention de la violence dans les
sociétés modernes en est une qui devrait nous intéresser
au premier plan. Il y a eu aussi des initiatives intéressantes de la
part du ministère de la Justice. Je suis plus sceptique quand j'entends
parler de 52 projets qui ont été financés pour un montant
de $175 000, pour un maximum de $5000 et une moyenne de $3000 pour chacun des
projets.
Je serais fort curieux d'avoir une évaluation de tout ce qui en
est résulté, parce qu'on est bien conscient que, dans le domaine
de la violence, des initiatives de cet ordre de grandeur ne font que gratter la
surface.
Il y a des problèmes immenses toutes proportions
gardées, malgré tout, sans vouloir semer la panique il y a
quand même des problèmes immenses pour les individus qui sont
impliqués, problèmes auxquels notre débat sur la Loi sur
les permis d'alcool, la Régie des permis d'alcool, nous a permis de
toucher, au moins indirectement, lorsque nous avons parlé, et nous avons
modifié la loi en conséquence, de la question de l'exploitation
des mineurs. La juridiction nouvelle ou le rôle nouveau qui est reconnu
au Procureur général du Québec en matière de
contrôle des stupéfiants, ajouté aux instruments qu'il a
déjà, par exemple ceux que lui donne désormais la loi sur
les permis d'alcool de retirer le permis dans les cas de présence de
mineurs comme employés de bars ou de détenteurs de permis de
toutes sortes, joint à un programme d'action positive dans ce
domaine-là, appuyé peut-être sur des organismes
communautaires, devrait pouvoir donner des fruits.
Il y a là un problème social considérable qui, loin
de diminuer en importance, au contraire, se manifeste avec une acuité
soutenue. De ce côté-là, je pense qu'on est seulement
à pied d'oeuvre, pas davantage, les programmes du ministère de la
Justice laissent à désirer.
Quant au fonctionnement des tribunaux, je suis frappé, dans les
remarques du ministre, non
seulement par les félicitations qu'il s'adresse, mais par les
raisons pour lesquelles il s'adresse des félicitations.
M. Bédard: C'est le seul temps où je peux le
faire.
M. Forget: Oui, je sais que c'est le seul temps où vous
pouvez le faire, mais encore y a-t-il un choix dans les raisons qui ne peuvent
que nous laisser songeur. Il semble qu'on s'intéresse très peu au
fonctionnement effectif des cours. On parle de services, on en est encore
à une mentalité d'approvisionnement, mais il y a aussi une
mentalité de bon fonctionnement qui n'est pas absolument apparente; nous
aurons l'occasion d'y revenir, mais il y a bien peu de données sur le
fonctionnement des cours, la satisfaction de la clientèle et la
satisfaction de ceux qui y travaillent d'une façon ou d'une autre. Je
pense qu'il y a encore d'immenses progrès à réaliser de ce
côté-là.
Je ne peux pas m'empêcher de faire un commentaire, M. le
Président, sur la question, absente des remarques du ministre, à
laquelle il a malgré tout fait allusion ce matin, lors du débat
sur la motion de blâme, le fameux problème du salaire des juges.
Il ne s'est pas félicité là-dessus; il aurait pu le faire,
cependant, d'autant plus que, selon des informations que je possède,
mais je n'en suis pas entièrement sûr, le ministre pourra me dire
si j'ai tort, il semble qu'avec le nouveau régime d'indexation, les
salaires des juges de la Cour provinciale dépasseront bientôt de
quelques centaines de dollars, d'ici quelques semaines, le salaire des juges de
la Cour supérieure.
C'est un développement que je ne déplore pas en soi, mais
que je trouve d'une suprême ironie, quand on se souvient des luttes
absolument acharnées, des "filibusters" interminables poursuivis sans
pitié, entre Noël et le Jour de l'an, pour s'opposer non pas
à ce que le salaire des juges de la Cour provinciale dépasse
celui des juges de la Cour supérieure, mais même pour
empêcher qu'il n'essaie de le rattraper en partie.
Je pense que, les rôles étant changés, les attitudes
ont plus que changé. C'est une véritable révolution des
moeurs et des attitudes, M. le Président. Je pense que le ministre, s'il
a choisi de ne pas se féliciter de cette réalisation, aurait
dû le faire. Il a décidément été beaucoup
trop modeste relativement au salaire des juges. Il devrait, au contraire,
s'annoncer comme étant leur libérateur et leur bienfaiteur. Je
suis sûr d'ailleurs qu'ils lui en porteront une reconnaissance
éternelle.
Les commentaires qu'ils font...
M. Bédard: Je vous enverrai leurs lettres.
M. Forget: ... relativement aux travaux de coordination ou aux
structures de coordination tendraient à laisser croire que les
structures, les nombreux comités, conférences et conseils qui
existent et qui mettent en présence l'administra- tion publique et les
juges, ont permis d'établir une relation parfaitement harmonieuse de
tous côtés. (16 heures)
Je pense que la multiplication des structures peut être
interprétée bien différemment comme étant, en
quelque sorte, un échec aussi de cette coordination-là. Quand le
ministre a choisi, parce que c'est un choix, d'adopter une conception du
Conseil de la magistrature qui excluait un certain nombre de juges et non les
moindres, tous les juges des cours fédérales, pour des raisons
qui ne sont pas de véritables raisons, mais qui sont des raisons
d'opportunité, et qu'il a vu surgir la Conférence des juges en
chef comme réponse et contrepartie à une formulation ou à
une conception incomplète du Conseil de la magistrature; quand il se
livre à la multiplication des comités conjoints de toutes sortes,
je pense qu'il y a là un malaise qui n'est pas résorbé. Il
y a beaucoup de tâtonnement. Nous aurons sans aucun doute,
là-dessus aussi, l'occasion d'y revenir.
Quant à la troisième rubrique, la réinsertion
sociale des délinquants, c'est également un projet, et une
réalisation maintenant qui est fort louable, fort intéressante et
j'approuverais, quant à moi, presque chacune des phrases qui se trouvent
dans l'exposé du ministre à ce sujet. La réflexion qui
s'amorce en particulier sur certaines clientèles de nos
établissements de détention je ne sais pas s'il y a un mot
en français elle est "overdue", elle s'est certainement fait
attendre depuis trop longtemps. Il y a là un problème social que
l'on a cherché à résoudre par des moyens judiciaires,
à tort depuis de nombreuses années, à mon avis, et c'est
avec beaucoup de curiosité et d'impatience que j'attends le
résultat de ces études.
Il reste que, mises à part cette intention pour l'avenir et la
mise en route de la nouvelle loi de libération conditionnelle, le
programme de travaux communautaires, qui est en place depuis deux ou trois ans,
mériterait, sans aucun doute, d'être évalué
très soigneusement et cette évaluation mériterait
d'être communiquée au public. C'est là une conception
très nouvelle du rôle de l'appareil répressif de l'Etat, si
vous voulez. Il est nécessaire que ce rôle soit compris et
accepté par la population, et ce n'est pas en jetant le voile
là-dessus qu'on va aider nos concitoyens à comprendre ce qui se
passe. Il pourrait y avoir, dans l'application d'un tel programme, des erreurs,
des malchances on appellera cela comme on voudra qui font qu'il y
a, à un moment donné, une réaction brutale dans l'opinion
publique vis-à-vis des mesures comme celle-là. Il faut s'assurer
que tout le monde comprend quelles en sont les raisons, les avantages, mais
aussi peut-être les risques et qu'on les accepte également de
façon explicite.
Quatrième et dernière rubrique abordée par le
ministre, les services aux autochtones. Je dois avouer que c'est avec une
certaine surprise que j'ai vu le ministre en faire une rubrique dont il se
vantait. Ce n'est pas une bonne année pour cela. Malgré tout et
malgré les mesures administratives, il reste qu'il y a un
événement, même une série
d'événements assez malheureux, et une façon assez
malheureuse pour les forces de l'ordre de réagir à cet
événement. Je me réfère ici à ce qu'on doit
qualifier de l'assassinat d'un certain M. Cross, je pense, et au fait que les
mesures administratives prises par les autorités policières
à la suite de cet événement, de l'aveu même du
ministre qui, à l'Assemblée nationale, a été assez
embarrassé de répondre à nos questions là-dessus,
démontrent qu'on n'a pas pris très au sérieux les
relations délicates des forces de l'ordre avec les communautés
autochtones. On nous avait promis une loi; le ministre avait promis une loi
l'an dernier relativement aux services policiers en milieu autochtone. Nous
n'en parlons plus maintenant. Donc, ce n'est pas, là, non plus, de quoi
se vanter puisqu'il semble qu'on ait réduit les objectifs à
quelque chose de beaucoup plus modeste qu'anciennement.
Pour terminer, M. le Président, je devrais peut-être
signaler les absents dans un tel message de l'inauguration des crédits,
je dois dire, mais cela a plutôt l'apparence je ne sais pas,
serait-ce méchant de le dire? d'un testament. Il y a,
malgré tout, des absents, dans ce discours, qui méritent
d'être soulignés. Je pense qu'on peut être frappé par
le fait que le ministre n'a fait aucun état du problème de la
criminalité au Québec, sauf pour parler d'un colloque ou quelque
chose du genre, d'une étude qui avait été faite, qui sera
rendue publique à la fin de juin, sur les vols à main
armée. C'est un aspect, mais il reste que l'évolution de la
criminalité, sa répression, l'efficacité avec laquelle on
se livre à cette tâche ne semblent pas être une question
prioritaire pour le ministre.
Rien non plus sur la sécurité routière. On sait
que, par l'impact financier de l'absence de sécurité
routière au Québec, on a appris qu'il y avait une situation qui
méritait notre attention à tous. La nouvelle Loi sur l'assurance
automobile a mis de nouveau sur les routes des gens qui en avaient
été exclus par le régime précédent,
peut-être 6000, 7000 ou 8000 chauffeurs qui sont des risques pour la
sécurité publique. Les taux d'accidents n'ont jamais
été aussi élevés, semble-t-il, le taux de
blessures, au moins, et on se trouve évidemment devant les
conséquences financières de cela, mais aussi les
conséquences sur le plan humain et on se demande un peu si le
ministère de la Justice s'en préoccupe. Il ne semble pas plus
maintenant que jamais dans le passé que l'on se préoccupe des
infractions aux règles les plus importantes de la sécurité
routière. Je ne parle pas des billets de stationnement, tout le monde en
a sa part durant une année, mais personne n'a jamais été
tué par un véhicule stationné alors qu'il y a des dangers
beaucoup plus graves quand ils se mettent en mouvement.
La réglementation et le pouvoir réglementaire,
c'était aussi une promesse dont on avait alimenté nos espoirs,
notre réflexion. Je ne sais pas si le ministre serait d'avis que le
projet que j'ai eu l'honneur de présenter à l'Assemblée
nationale est si bien rédigé finalement qu'il serait prêt
à y souscrire et que c'est pour cela qu'il s'est exempté du
travail de rédiger son propre projet. Si c'était le cas, je
serais le premier à m'en réjouir et je suis sûr qu'on
pourrait régler ça à l'amiable au cours des prochains
jours. Mais si ce n'est pas le cas, nous serions bien curieux de
connaître les intentions du gouvernement relativement au resserrement du
pouvoir réglementaire dont on fait un usage pour le moins galopant.
On nous promet, dans la prochaine session, un projet de loi sur la
question des dossiers, ou peut-être seulement un projet de
règlement sur la question des dossiers et la protection du citoyen.
L'Opposition officielle, au moment de la préparation des séances
des commissions parlementaires pour l'étude des crédits, a
demandé systématiquement à tous les ministères de
faire l'état des dossiers ou des fichiers qu'ils maintiennent sur des
personnes. La compilation n'est pas faite de notre côté, mais j'ai
pris connaissance des documents que plusieurs ministères nous ont
produits à la suite de cette demande, et c'est une liste
impressionnante, très impressionnante. Bien sûr, un Etat moderne,
une entreprise moderne supposent des fichiers, supposent des listes de
personnes, on ne peut pas administrer sans ça. Mais il y a quand
même des restrictions, des précautions qu'il faut prendre, d'abord
pour garantir l'accès des citoyens à leur dossier, à moins
de raisons véritablement d'ordre public et qu'il faudrait
préciser et aussi, pour leur permettre d'exiger dos corrections
lorsqu'ils y détectent des erreurs, enfin, pour imposer à ceux
qui détiennent ces fichiers des règles quand même asez
complètes relativement à leur utilisation, leur transmission,
leurs échanges, etc.
Il n'y a rien, finalement, M. le Président, sur deux
éléments de la réforme de notre droit qui, de l'aveu
même du gouvernement, au moins dans un des cas, se font désirer:
la mise à jour du droit pénal québécois et la mise
à jour du droit administratif également. Elle fait le sujet de
conversations savantes depuis des années au Québec, mais il
faudra bien la faire, tôt ou tard, parce qu'il y a un sérieux
rattrapage à faire de ce côté, relativement au
Québec. Non pas parce qu'on a un droit administratif
nécessairement sous-développé; au contraire, il est
foisonnant, mais il n'est pas rattaché à des principes
généraux qui permettraient au citoyen, dans tous les cas, de s'y
retrouver ou de retrouver ses intérêts.
M. le Président, c'est avec ouverture d'esprit et beaucoup
d'intérêt que nous abordons l'étude des crédits.
C'est tout pour les remarques préliminaires, à moins que mes
collègues de l'Opposition officielle veuillent ajouter quelque
chose.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
député de Saint-Laurent. M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Il y a, bien
sûr, plusieurs points qui ont été touchés tant par
le ministre que par l'Opposition
officielle. Je voudrais quand même toucher à quelques
points qui ont été oubliés ou délaissés.
En premier lieu, je voudrais, bien sûr, souligner la
présence des valeureux fonctionnaires qui ont le mérite de
travailler avec le ministre de la Justice et qui font, en
général, un excellent travail comme serviteurs de l'Etat.
Le ministre a omis de parler, dans son allocution, des enquêtes
que son ministère a eu à diriger au cours des dernières
années, entre autres l'enquête Keable et l'enquête, le
rapport Duchaîne, qu'on lui a demandé à plusieurs reprises.
C'est probablement face au peu de succès qu'a remporté le rapport
Malouf qu'il a oublié de nous dire ce qu'il en advenait.
Le ministre pourrait peut-être nous éclairer relativement
au sort que réserve le gouvernement à la commission
d'enquête Keable. A partir de l'enquête et des audiences qui ont
suivi, le ministre pourrait peut-être nous indiquer quelle est la
position du gouvernement maintenant. Est-ce que le ministre peut nous indiquer
quels sont les projets d'avenir pour cette enquête? Et quand pourra-t-on
prendre connaissance du rapport final du commissaire?
Le ministre pourrait également nous indiquer le coût total
de l'enquête, tous les coûts directs et indirects de cette
enquête.
Concernant le rapport Duchaîne sur la crise d'octobre 1970, le
ministre pourrait nous dire s'il entend encore longtemps nous cacher les
résultats de ce rapport?
M. Bédard: Ce n'est pas gentil cela.
M. Fontaine: Pour ma part, je me permets de rappeler au ministre
que c'est lui-même qui a déjà déclaré avoir
hâte de rendre ce rapport public. Le ministre faisait cette
déclaration à l'Assemblée nationale le 16 octobre dernier,
à la suite d'une question que je lui avais posée. A
l'époque, le ministre avait précisé que le gouvernement du
Québec ne demandait qu'à rendre public le rapport qui permettrait
d'éclaircir la situation et de mettre fin à la confusion qui
entoure encore la crise d'octobre 1970 et l'imposition de mesures de guerre
à cette occasion.
Lors de cette période de questions, j'ai fait allusion à
certaines informations selon lesquelles le gouvernement du Québec ne
serait pas emballé à l'idée de rendre ce rapport public
à la veille du référendum sur l'avenir constitutionnel du
Québec.
Or, tout le monde sait que le référendum a eu lieu et en
connaît aussi le résultat. Mais ce fameux rapport reste toujours
caché. C'est pourquoi je me permets à nouveau aujourd'hui
d'insister auprès du ministre de la Justice afin d'obtenir la
publication la plus immédiate possible de ce rapport.
Le droit de la famille. Votre réforme incluse dans le projet de
loi 89 n'est pas une création spontanée du gouvernement
Lévesque et du ministre de la Justice, car, devant le vieux Code civil
québécois, adopté un an avant la signature de la
Confédération en 1867 et qui s'avérait
sévère, ter- riblement déphasé, d'autres
gouvernements provinciaux avaient réagi.
Sous Duplessis, l'Union Nationale, en 1955, fondait l'Office de
révision du Code civil, qui devait par la suite se lancer dans la plus
gigantesque oeuvre de légistes de l'histoire du Québec.
Commencée il y a presque 25 ans, cette énorme tâche
voit enfin son aboutissement arriver.
En déposant le projet de loi 83 qui est devenu 183 et 89
relatif à la réforme en profondeur du droit de la famille,
le gouvernement a fait un sérieux pas en avant pour améliorer la
situation dans un des domaines du droit où des réformes
s'imposaient déjà depuis plusieurs années.
Si l'on tient compte que nous approchons maintenant du niveau de 33%
d'échecs dans les unions matrimoniales, que des milliers d'enfants sont
affectés par cette situation, que les problèmes familiaux
constitueront une des plus importantes crises de santé mentale dans les
années à venir, on ne peut qu'être heureux de constater que
le gouvernement ait décidé de réagir. (16 h 15)
Concernant plus particulièrement la perception des pensions
alimentaires, il faut souligner la lenteur du gouvernement à agir dans
ce dossier, puisque l'Union Nationale, dès décembre 1978, par la
voix de son chef, réclamait une telle réforme. Le ministre de la
Justice avait alors répondu que le ministère de la Justice
étudiait, en collaboration avec le ministère des Affaires
sociales et le Conseil du statut de la femme, l'ensemble du problème de
la perception des pensions alimentaires. Le gouvernement a donc pris 18 mois
avant d'accoucher. Ce n'est vraiment pas sérieux, surtout pour un sujet
aussi vital pour tant de femmes dans le besoin.
Concernant maintenant les aspects constitutionnels du projet de loi 89,
plus que jamais le gouvernement actuel doit faire son possible pour
éviter un nouveau conflit qui aurait pour but d'en retarder l'adoption.
Je souligne que le ministre de la Justice s'est déjà dit
conscient de ces difficultés, mais il a rappelé qu'une entente de
principe était survenue lors de la dernière conférence
constitutionnelle de février 1979 dans le sens que le gouvernement
fédéral apporte un amendement constitutionnel de façon
à clarifier les juridictions dans ce domaine.
Le quatrième point que j'aimerais maintenant toucher, c'est la
question du Tribunal de la famille. Au Québec, nous avons actuellement
une Chambre de la famille au niveau de la Cour supérieure, un service
d'expertise pychosociale relatif à la garde des enfants et des droits de
visite et de sortie, un service de conciliation et des centres de
thérapie conjugale en rapport avec la loi 24, la Loi de l'adoption et la
loi sur les jeunes délinquants.
Nous aurons bientôt des officiers de justice chargés de la
perception des pensions alimentaires et un nouveau livre, le deuxième
livre du Code civil, quant aux droits de la famille, mais cela ne fonctionnera
valablement que si le tout est chapeauté par un tribunal
intégré de la famille qui
regroupera tous ces services, appliquera toutes ces lois et cherchera
à avoir une vue d'ensemble sur le tout, tout en étant humain et
accueillant.
Le gouvernement doit améliorer et adopter ces lois. Il doit
régler ses problèmes constitutionnels et créer ce tribunal
que tous demandent. Si l'on tient compte des milliers de personnes
affectées par les problèmes de désunion, le gouvernement
n'a pas le choix, il doit agir. S'abstenir d'aller plus loin dans ce domaine ne
servira qu'à perpétuer l'approche souvent difficile et ardue de
ces dossiers. Si la situation actuelle continue, des milliers d'enfants auront
de la difficulté à devenir plus tard des adultes responsables et
enrichissants pour notre société.
Concernant le problème de la protection de la jeunesse, le
ministre, dans son allocution d'ouverture, a dit qu'il y avait des
problèmes normaux, à la suite de l'adoption de cette loi. Je
pense qu'il a été un peu discret devant l'ampleur du
problème, parce qu'on sait qu'il y a des gens qui sont concernés
dans ce domaine qui ont fait des déclarations assez fracassantes
concernant la loi 24, entre autres, M. Jost, de Boscoville, qui a fait des
déclarations assez intempestives au sujet de la loi 24, dont il nous
disait que c'était un échec. Les spécialistes et
universitaires qui ont reçu l'appui d'une vingtaine d'organismes, y
compris l'archevêché de Montréal et de nombreux centres
d'accueil du Québec, ont conclu que l'application de la loi a
relégué le rôle des centres d'accueil à celui
d'hébergement plutôt qu'aux services d'éducation et de
rééducation, a dépersonnalisé l'aide en multipliant
les paliers décisionnels et a paralysé des initiatives
intéressantes de prise en charge des jeunes sur une base communautaire.
Cela a été rapporté dans le Devoir du 24 avril 1980.
Je pense que le ministre, à la suite de ces remarques, doit
essayer de régler les problèmes qui ont surgi à la suite
de l'adoption de cette loi qui, dans le fond, vise un but qui est bien louable.
Ce sont des problèmes d'application que le ministre va devoir
régler.
Le travail communautaire. Le ministre nous a dit qu'il couvrait
maintenant tout le Québec concernant ce genre de sentences, mais il n'a
pas été très loquace quant à nous dire si
l'utilisation de ce genre de sentences était maintenant devenue
courante. Il devrait peut-être nous donner un peu plus de détails,
de statistiques concernant l'utilisation des sentences communautaires.
L'aide juridique. Il y a eu des grèves pour différentes
causes, mais le ministre n'en a pas parlé. Il pourrait peut-être
nous dire où en est rendu ce dossier. Est-ce que les négociations
sont terminées? Qu'est-ce qui se passe dans ce domaine?
J'aimerais également attirer l'attention du ministre de la
Justice et celle de M. Lafontaine peut-être que je ne lui ferai
pas tellement plaisir sur le tarif des avocats de pratique privée
qui font affaires avec l'aide juridique. Ce tarif n'a pas été
révisé depuis quelques années, cinq ou six ans, si je ne
me trompe. Il mériterait un ajustement bien normal si on
considère l'inflation que l'on connaît aujourd'hui. Il faudrait
aussi qu'on inclue d'autres domaines dans ce tarif, puisque le droit s'est
développé depuis quelques années, le droit administratif
surtout. Le tarif d'aide juridique ne prévoit pas beaucoup de choses
dans ce domaine. Les avocats, bien souvent, rendent des services à des
personnes dans le besoin de façon presque gratuite.
Le dernier point que j'aimerais aborder, c'est la question de la
brutalité policière. Je le ferai très brièvement.
On m'a soumis le cas de M. Yvon Bolduc. Il y a eu également l'affaire
Charest, il y a eu différents problèmes dans ce domaine. Il
serait temps que le ministre fasse des efforts pour que le code de
déontologie dont on avait parlé pour la Sûreté du
Québec et les municipalités soit mis en application le plus
rapidement possible, surtout dans le cas des municipalités. Je ne sais
pas si celui de la Sûreté du Québec est déjà
en application, mais il semblerait qu'il pourrait être mis en application
également pour les municipalités. J'aimerais que le ministre nous
dise quelle est sa position à ce sujet et s'il entend rendre obligatoire
dans un délai raisonnable un tel code de déontologie pour les
policiers municipaux et également pour la Sûreté du
Québec. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le
député de Nicolet-Yamaska. Est-ce qu'on peut procéder par
programme? Voulez-vous répondre à un certain nombre de questions,
M. le ministre?
M. Bédard: Je pense que mes collègues
comprendront...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Si vous permettez, M. le Président,
pouvez-vous corriger le remplacement que je vous ai demandé de faire,
avec le consentement des membres?
Le Président (M. Bordeleau): Oui, on peut le rendre
plus... Si les membres sont consentants, j'aurais une demande pour remplacer le
député de Saint-Louis, M. Blank, par le député de
Marguerite-Bourgeoys, M. Lalonde, comme membre de la commission. Est-ce que
cela va? Des restrictions? Cela va.
M. Marc-André Bédard
M. Bédard: M. le Président, mes collègues
comprendront que je ne pourrai pas, à ce stade, répondre à
toutes les interrogations valables qu'ils ont posées, puisque nous en
aurions encore pour quelques heures. Nous aurons l'occasion, lors de
l'étude des crédits, programme par programme, de répondre
à toutes ces interrogations qui semblent très valables de la part
de l'Opposition. On a mentionné qu'il y avait peut-être encore des
secteurs j'en conviens que nous n'avons pas touché d'une
façon spéciale au niveau du ministère de la Justice. C'est
évident qu'on ne peut pas
tout faire. J'ai l'impression que le bilan des activités, tel que
l'a mentionné très aimablement le député de
Saint-Laurent, est un bilan intéressant qui nous permettra, certains
sujets ayant été traités à fond, de nous orienter
vers d'autres préoccupations, qui ont été
évoquées tant par le député de Saint-Laurent que
par le député de Nicolet-Yamaska.
Concernant une des dernières remarques du député de
Nicolet-Yamaska, en ce qui regarde le Code de déontologie, je lui ferai
simplement remarquer que la loi ne vient que d'entrer en vigueur, depuis le 1er
juin 1980. Il est évident que je ne peux pas accuser qui que ce soit de
retarder ou encore, de ne pas faire les efforts nécessaires pour
l'implantation d'un Code de déontologie pour l'ensemble des forces
policières. Pour ce qui est de la Sûreté du Québec,
il y a déjà un code interne, comme vous le savez, et il est
évident, tel que le préconise le projet de loi en question, que
nous allons orienter nos efforts pour étendre ce Code de
déontologie à l'ensemble des corps policiers du
Québec.
Pour ce qui est de la Loi sur la protection de la jeunesse, je pense que
le député de Nicolet-Yamaska et le député de
Saint-Laurent ont parlé des difficultés qu'on pouvait avoir en
regard de son application. Ils ont parfaitement raison. Je n'en ai pas
traité en long et en large dans mon entrée en matière,
parce que nous aurons vraiment l'occasion d'en discuter à fond lors de
l'étude du programme. Je crois que là-dessus la
préoccupation de tous les membres de la commission est la même.
Elle est très positive, dans le sens que tous essaient de trouver les
moyens d'améliorer cette loi qui a été votée
à l'unanimité, qui était une loi nécessaire,
réclamée, comme on le sait, qui exige des changements de
mentalité et qui affecte des comportements. Les difficultés
auxquelles nous faisons face pour la plupart sont celles auxquelles nous nous
attendions. Nous ne nous étions pas fait d'illusion. On a
mentionné que ça faisait trois ans qu'elle était en
application, cela ne fait qu'un an et cinq mois qu'elle est en application. Je
me rappelle, lors de sa promulgation, de son entrée en vigueur, que
j'avais personnellement exprimé l'opinion que nous en aurions
sûrement pour une préiode de deux ans avant que l'ajustement ne
soit fait entièrement et qu'entre-temps il y aurait un suivi de cette
loi. Je peux vous assurer qu'il y a un suivi continuel tant de la part du
ministère de la Justice que du ministère des Affaires sociales,
de même que du Comité de la protection de la jeunesse, comme vous
savez, qui est un des organismes clés de l'application de la loi.
Il est évident que les analyses varient au moment où on se
parle. Le député de Nicolet-Yamaska faisait allusion à une
opinion qui faisait un constat d'échec. Je crois que c'est vraiment plus
que charrier. Une telle opinion ne se vérifie pas dans les faits, on
sera à même de le constater. Aujourd'hui même, je crois que
les Centres de services sociaux, après analyse, en venaient à une
conclusion beaucoup plus optimiste, sans cacher qu'il y avait des
améliorations à faire. D'ailleurs, nous assurons un suivi, et je
suis à même de vous dire qu'à la fin de juin nous avons
prévu un colloque de tous les principaux intervenants au niveau de la
Loi sur la protection de la jeunesse pour permettre de faire un bilan des
réalisations et de sa mise en application, et de continuer la
réflexion sur des amendements ou des améliorations qu'il serait
nécessaire d'y apporter.
On a évoqué le problème de la violence dans la
société. Le député de Saint-Laurent était
d'accord avec cette préoccupation du ministère de la Justice. Il
évoquait certaines réticences sur l'efficacité des
programmes de subventions, l'évaluation des initiatives auxquelles ont
donné lieu ces programmes de subventions. On aura l'occasion aussi, si
les membres de la commission désirent en prendre connaissance, de
procéder à une certaine évaluation des retombées
très positives de ces petits programmes, qui ne règlent pas tout
le problème. Je n'ai jamais eu la prétention de croire que
ça pouvait régler tout le problème de la violence dans la
société, mais ce sont quand même des initiatives qui
permettent une sensibilisation des différents milieux. Je pense qu'un
des buts poursuivis par ces petits programmes de subventions, c'est que le
milieu lui-même prenne conscience que le phénomène de la
criminalité, on peut réussir à le contrer, du moins
partiellement à partir d'une implication des citoyens. On en fera
l'évaluation lors de l'étude du programme. (16 h 30)
Sur le fonctionnement effectif des cours, le député de
Saint-Laurent avait certaines réserves. Il parlait quand même
d'immenses progrès faits, mais disait qu'il y aurait place encore pour
de l'amélioration. Je n'en doute pas, mais peut-être
profitera-t-il de l'étude de ce programme-là pour faire certaines
suggestions très positives dans ce domaine, d'autant plus qu'il est
accompagné de quelqu'un qui a déjà eu une
expérience au niveau du ministère de la Justice, dans certaines
fonctions.
Pour ce qui est du salaire des juges, je me rappelle qu'il y a eu, je
pense, plusieurs "filibusters" sur l'augmentation du salaire des juges, de la
part de l'Opposition, il y a quelques années, et qu'il y avait toujours
en même temps une revendication fondamentale qui y était
greffée, à savoir que l'Opposition n'était pas
fondamentalement contre l'augmentation du salaire des juges mais voulait que ce
soit quand même greffé à une réforme, que cela se
situe à l'intérieur d'une réforme globale dans ce domaine
du point de vue administratif. Nous avons toujours dû attendre
après entre autres le Conseil de la magistrature et bien d'autres
éléments; nous avons toujours dû attendre cette
réforme qui s'est toujours laissé attendre.
Si on peut se réjouir qu'il n'y avait plus de problèmes
comme il y en avait auparavant à propos de l'augmentation du salaire des
juges, ce qui obligeait ces derniers presque à continuelle-
ment quémander un dépôt de projet de loi à
l'Assemblée nationale, je crois que c'est une amélioration
importante.
Si on remarque qu'ils sont en train d'atteindre et même
peut-être de dépasser les salaires des juges de la Cour
supérieure, il y a des rumeurs très persistantes que des
augmentations très importantes sont attendues mais n'ont pas
été annoncées officiellement: en effet, il y aurait des
augmentations également du point de vue fédéral au niveau
du salaire des juges.
Concernant le Conseil de la magistrature, on mentionnait le fait qu'il
fallait déplorer que tous les juges en chef n'y soient pas. Le
député de Saint-Laurent pensait sans doute entre autres aux juges
en chef de la Cour supérieure et de la Cour d'appel. Je dois d'abord lui
faire remarquer que tant la Cour d'appel que la Cour supérieure sont des
tribunaux provinciaux et non des tribunaux fédéraux, comme il l'a
mentionné, mais de dénomination fédérale.
M. Lalonde: C'est bien cela.
M. Bédard: Une des difficultés que nous avions
évoquées à ce moment-là, on le sait, puisque le
Conseil de la magistrature a une responsabilité tout à fait
particulière au niveau de la déontologie, il faut quand
même le souligner, c'est que ceci aurait créé une situation
assez spéciale, car les juges de la Cour supérieure et de la Cour
d'appel ne sont pas soumis au Code de déontologie comme le sont les
juges des autres cours que j'ai mentionnées et qui sont
représentés au Conseil de la magistrature. Ils le sont par le
conseil fédéral, le Conseil canadien de la magistrature. Cela
aurait pu amener quand même une situation de juges ayant à statuer
sur la déontologie ou la conduite d'autres juges, alors
qu'eux-mêmes ayant prononcé des jugements ne sont pas soumis
à ce Code de déontologie. C'était une des
difficultés que nous avions et qui nous empêchait de donner suite
à un désir que j'ai exprimé d'ailleurs publiquement, que
ces juges en chef puissent également faire partie du Conseil de la
magistrature.
Pour ce qui est de l'évaluation des programmes de travaux
communautaires soulevée par le député de Saint-Laurent, je
pense qu'on aura l'occasion, au niveau du programme, d'avoir toutes les
informations possibles qui puissent nous permettre déjà une
appréciation des résultats de ces programmes de travaux
communautaires. Peut-être y a-t-il une action supplémentaire
à faire au niveau de l'information du public, pourvu qu'on ne nous
accuse pas de faire trop de publicité. On verra cela dans les
crédits de la publicité. Libérons-nous ou attachons-nous
au Québec?
M. Forget: Libérons-nous.
M. Bédard: La meilleure manière de se
libérer, c'est de s'attacher au Québec.
Pour ce qui est de la police autochtone, je ne pense pas avoir promis
une loi dans ce do- maine. Nous avions promis de faire une action qui serait de
nature à assurer des services policiers adéquats aux Inuit et aux
Cris. Je pense que nous avons fait pas mal de chemin, pas mal de
progrès. Maintenant, en arriver à la conclusion qu'il n'y a pas
eu d'amélioration parce qu'il y a eu un incident parce qu'il y a
eu les événements que nous savons, dans une réserve
je pense que c'est vraiment passer à côté de l'analyse de
ce qui a été fait. Concernant cet événement
à Caughnawaga auquel se référait le député
de Saint-Laurent, j'imagine qu'il s'est sûrement trompé. Il a
parlé de l'assassinat de M. Cross. Je pense qu'il peut arriver qu'on
n'ait pas le langage approprié, mais j'imagine que le
député de Saint-Laurent a un peu dépassé sa
pensée; sinon, il faudra peut-être en venir à la conclusion
qu'il a rendu jugement. Le cas est devant la cour et les tribunaux auront
à se prononcer sur le fond de cet événement. Je le
mentionne simplement parce que... Je mentionne simplement que le
député de Saint-Laurent... Quelqu'un de tué et un
assassinat, ce sont deux choses. Je pense que le député de
Marguerite-Bourgeoys en sait quelque chose.
M. Lalonde: II est accusé de quoi? Il est accusé de
quoi, devant la cour?
M. Bédard: II est accusé d'homicide.
M. Lalonde: D'homicide, alors, c'est d'homicide.
M. Bédard: Ce n'est pas prouvé encore. Je ne sais
pas si vous voulez faire une discussion. Je ne faisais que le souligner, pour
permettre au député de Saint-Laurent de faire la correction. Je
ne veux même pas engager une discussion là-dessus, parce que,
comme je le disais en Chambre aujourd'hui, il arrive que des parlementaires
n'aient pas les mots appropriés pour exprimer leur idée et que ce
soit mal interprété. Mais, à ce stade-ci, parler de
l'assassinat de M. Cross, c'est comme parlementaire, en arriver en tout
cas, c'est mon humble opinion à un jugement.
M. Lalonde: Le Procureur général a poursuivi pour
homicide. C'est vous, le Procureur général.
M. Bédard: Mais le jugement n'est pas rendu. C'est ce que
vous n'avez pas l'air de...
M. Lalonde: C'est cela, on va attendre le jugement.
M. Bédard: Je comprenais que le député de
Saint-Laurent puisse errer au niveau du choix des mots, mais que le
député de Marguerite-Bourgeoys ajoute à cela, c'est
vraiment le comble.
M. Lalonde: Vous êtes sidéré.
M. Bédard: Oui, sidéré, parce que je dois
admettre que le député de Marguerite-Bourgeoys a certaines
qualités. Pour ce qui est de la sécurité
routière, il y a eu une attention je sais qu'il y a
énormément de progrès à faire au niveau des
résultats, ce qui ne veut pas dire qu'il ne se fait pas un travail
important et que ce n'est pas une préoccupation du ministère de
la Justice. Au contraire, nous avons créé un conseil
spécial concernant la sécurité routière à la
Direction générale de la sécurité publique, qui
aura comme fonction justement d'essayer de faire la coordination de l'ensemble
des corps policiers et d'avoir une action tout à fait spéciale
concernant la sécurité routière. Le travail de ce
comité sera maintenant, comme on le sait, aidé aussi en grande
partie par la mise en place d'un conseil de la sécurité
routière où différents ministères, entre autres les
Transports, l'Education, la Justice, se retrouveront aux fins de
l'élaboration de politiques globales qui soient plus efficaces dans le
domaine de la sécurité routière.
Pour ce qui est de certaines suggestions qu'on nous a faites, â
savoir que le ministère de la Justice devrait faire un travail pratique,
que ce soit au niveau de la législation ou de la réglementation,
il y a plusieurs de ces domaines soulignés par les membres de
l'Opposition où il y a un travail qui se fait, qui devrait aboutir quand
même assez rapidement, mais on ne peut pas tout faire en même
temps. Je pense que tout le monde a été à même de
constater le bilan législatif du ministère de la Justice depuis
un an. Il y a d'autres ministères qui existent. De toute façon,
on ne peut pas tout faire la même année.
Concernant le droit pénal, il y a un travail en profondeur qui
est fait au ministère de la Justice, de même que le droit
administratif, les poursuites sommaires et la réglementation qui, comme
je l'ai dit tout à l'heure, pourraient déboucher, soit sur de la
législation ou sur de la réglementation.
En terminant, sur deux points soulevés par le
député de Nicolet-Yamaska concernant l'enquête Keable, il
n'a qu'à patienter et il pourra avoir tous les renseignements qu'il
désire avoir. D'une façon générale, comme il le
sait, les travaux sont interrompus pour le moment à cause de
procédures intentées devant la Cour d'appel. Le commissaire
travaille déjà à la rédaction d'un rapport pour
faire en sorte qu'il sorte plus vite une fois que l'imbroglio judiciaire sera
réglé. Pour ce qui est des coûts, lorsqu'on arrivera
à ce programme, il me fera plaisir de donner les renseignements au
député de Nicolet-Yamaska.
Pour ce qui est de l'enquête Duchaîne, le travail n'est pas
terminé. On sait que ce dernier a dû et doit consacrer un certain
temps au niveau de l'ensemble de son rapport, suite aux travaux et aux
révélations faites au niveau de l'enquête Keable et de
l'enquête McDonald. Maintenant, nous sommes informés que,
normalement, l'ensemble de ce travail, le rapport final devra nous être
présenté, nous l'espérons, dans le délai le plus
rapide possible. Je donnerai suite à l'engagement que j'ai pris dans ce
domaine, de rendre un rapport final.
M. Fontaine: II est en train de travailler, M. Duchaîne;
son mandat n'est pas terminé?
M. Bédard: Le travail n'est pas terminé.
M. Lalonde: Quand allez-vous rendre public ce rapport
Duchaîne?
M. Bédard: Je ne dirai pas instantanément, mais,
comme ça fait déjà quand même pas mal de temps, il
faudra sûrement que ce soit rendu public dans un délai
raisonnable, le plus court délai possible.
M. Lalonde: Qu'est-ce que ça veut dire, ça; d'ici
deux ans, trois ans?
M. Bédard: On verra en temps et lieu.
M. Fontaine: Avant les élections
générales?
M. Bédard: Je ne sais pas si vous avez les
élections générales en tête, mais, quand je vous
réponds, je n'ai pas ça en tête. Tout ce que je vous dis,
c'est que, dès que nous aurons tout ce qu'il faut pour présenter
un rapport final, public, il le sera, quelle que soit sa teneur.
M. Lalonde: Ce n'est pas fort.
M. Bédard: On pourrait peut-être commencer les
programmes. Il y aurait bien d'autres points qui ont été
soulevés par les députés de l'Opposition, mais je pense
qu'ils comprendront que la meilleure manière d'aller au fond des choses,
c'est peut-être de procéder à l'étude programme par
programme.
Le Président (M. Bordeleau): Merci, M. le ministre. On
peut donc entamer le programme 1. J'appelle le programme 1. (16 h 45)
Formulation de jugements
M. Bédard: Programme no 1, M. le Président, une
seconde!
On s'est entendu sur une manière de fonctionner, M. le
député de Saint-Laurent. Je vais donner l'ensemble des notes
explicatives qui sont à ma disposition sur chacun des programmes.
M. Forget: On peut les considérer comme ayant
été lues aussi.
M. Bédard: C'est parce que vous ne les avez pas toutes. Il
y a une partie qui vous a été acheminée.
Au niveau des ressources humaines, et financières, les ressources
requises à ce programme s'établissent à $18 077 600. Ce
budget se répartit comme suit: Magistrature: $17 647 000; Conseil de la
magistrature, secrétariat: $105 600; perfectionnement des juges: $325
000, pour une somme de $430 600.
L'effectif autorisé de ce programme est de 253 postes, soit trois
postes au Conseil de la magistrature et 250 juges à la magistrature. Le
nombre de postes de juges autorisés, en ce qui concerne les tribunaux
provinciaux dont les membres sont
nommés par le gouvernement du Québec, est de 272 postes,
soit la Cour provinciale, 160, la Cour des sessions de la paix, 69, et le
Tribunal de la jeunesse, 43 postes.
A l'examen du livre des crédits, vous constaterez que l'effectif
est de 250 postes de juges et que ceci comprend les juges de la Cour
provinciale, la Cour des sessions, du Tribunal de la jeunesse qui
président les audiences de ces cours et qui rendent jugement, ainsi que
les juges du Tribunal du travail, du Tribunal des transports, du Tribunal
minier et du Tribunal d'expropriation.
Le solde de 22 postes représente les postes qui sont
occupés par les présidents d'organismes ou membres, tels que la
Commission de police, la Commission de contrôle des permis d'alcool, la
Commission de transport, celle des loyers, etc.
Au niveau des commentaires sur les variations budgétaires, le
budget du programme 1, Formulation de jugements, a été
estimé à $18 077 600 pour l'année financière, ce
qui représente une augmentation de $3 496 000 par rapport au budget de
1979-1980.
Cette augmentation résulte des facteurs suivants:
Premièrement, l'augmentation prévue au budget pour le traitement
des juges. Le salaire des juges est basé sur le salaire des cadres
supérieurs nommés en vertu de la Loi sur la fonction publique.
Cette augmentation représente $1 849 400.
Il y a également l'augmentation budgétaire de $772 600 au
niveau de la contribution de l'employeur au régime de retraite et de
pension des juges. Il y a eu une augmentation de onze postes de l'effectif des
juges qui représente $527 400.
L'augmentation de $336 100 à l'élément 2,
concernant la déontologie judiciaire et le perfectionnement des juges,
résultedufaitquelescréditsprévusà ces fins pour
1979-1980 étaient prévus à différents postes
budgétaires du programme 2 concernant le soutien administratif aux cours
de justice.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Maisonneuve. Vous avez terminé, M. le ministre?
M. Lalande: M. le Président, mes premiers mots seront pour
saluer bien sincèrement mes anciens collègues avec qui j'ai eu
l'honneur de travailler à peine plus de six mois. Je pense que la bonne
renommée de l'administration de la justice est évidemment
liée à l'excellence des fonctionnaires qui y travaillent. C'est
en partie sûrement ce qui amène un peu de
crédibilité au ministre de la Justice actuel.
M. Bédard: II est toujours gentil, ce
monsieur-là.
M. Lalande: Ce n'est pas fini, M. le ministre.
Une question qui est quand même préliminaire, au programme
1, à la page 18, concernant la totalité au niveau des ressources
humaines, l'effectif du ministère, on constate que, à la suite
des directives qui avaient été données par le Conseil du
trésor le 1er juillet 1979, je crois en tout cas à partir
de là il devait y avoir une coupure de 2,5% de l'effectif.
Evidemment, je n'aborderai là que le cas des employés permanents,
parce qu'on sait que les employés occasionnels n'étaient pas
assujettis à cette directive du Conseil du trésor.
Or, ces 2,5%, normalement, devraient apporter une coupure de 336 postes
à l'intérieur du ministère de la Justice. Il faut quand
même constater qu'il y en a au-delà de 160 qui ont
été effectivement coupés, ce qui nous laisse quand
même, dans le rouge si je peux m'exprimer ainsi 171
postes.
Je voulais le souligner non pas pour critiquer véritablement
l'effort considérable parce qu'à ce moment-là,
j'étais fonctionnaire et je me rappelle très bien les
problèmes que cela occasionnait de faire une coupure de poste
mais je voudrais rappeler au ministre que le ministre des Finances a
peut-être des objectifs trop élevés, avec des
déclarations un peu à l'emporte-pièce, sans mesurer
véritablement les effets secondaires. C'était une très
belle déclaration, suivant laquelle on allait mettre de l'ordre à
l'intérieur de la fonction publique, on allait couper dans le gras,
comme le disait le ministre des Finances.
On s'est aperçu, à la suite de cela, qu'il y a souvent
loin de la coupe aux lèvres. Il serait peut-être
intéressant que le ministre des Finances revienne à cela pour
constater, après un an, que ce n'était pas aussi beau qu'il
pensait. Il y a eu des efforts, mais on n'en est pas arrivé aux
objectifs qu'on s'était fixés.
Dans cette déclaration préliminaire, avant d'entreprendre
le programme 1 proprement dit, si vous le voulez, je voudrais savoir si...
M. Bédard: Dans votre introduction préliminaire au
programme 1, je pense que vous faites erreur. Peut-être que les habitudes
administratives s'oublient rapidement, mais, effectivement, dans ce secteur,
nous sommes arrivés à l'objectif proposé par le ministre
des Finances d'une réduction de 2,5%. Si vous voyez une augmentation,
c'est que tout simplement cette augmentation je l'ai expliquée
tout à l'heure est due à de nouvelles lois ou à la
mise en place de nouveaux organismes qui ont nécessairement
contribué à d'autres engagements, mais, au niveau de ceux
existants, nous avons atteint l'objectif de réduction de 2,5%
fixé par le ministre des Finances.
M. Lalande: Je constate que le ministre creuse son lit dans cela.
Je vous invite à y être confortable, parce que j'aurai
peut-être...
M. Bédard: Je ne vous dis pas que je suis confortable, je
vous dis seulement que vous êtes dans l'erreur.
M. Lalande: ... d'autres observations tout à l'heure. Si
on parle de la charge administrative au niveau de la Justice, il faudrait
peut-être penser aussi aux allégements à un moment
donné. Je faisais simplement comptabiliser de façon bien
mathématique et technique le fait qu'il y a 13 441 employés, en
1979-1980, et, en 1980-1981, on se retrouve avec 13 276 employés. J'ai
donc dit qu'il y
avait une réduction, mais qui n'était pas tout à
fait conforme à l'objectif fixé.
M. Bédard: C'est qu'il y a eu une exception je ne
vous en fais pas grief, c'est normal que vous ne soyez pas au courant
concernant la Sûreté du Québec, où la norme de
réduction de 2,5% n'était pas applicable pour les policiers.
M. Lalande: De toute façon, je ne veux pas faire un plat
avec cela, M. le ministre.
M. Bédard: D'accord.
M. Lalande: Je voudrais simplement une précision sur le
personnel attaché aux juges, les secrétaires de juges.
Etaient-ils compris dans cette réduction, cette coupure de postes?
Ont-ils été analysés en conséquence?
M. Bédard: On tenait compte de ces employés au
niveau de la réduction, sauf qu'il n'y a pas eu de réduction
proprement dite concernant les secrétaires de juges. On a même
ajouté 20 postes, ce qui nous a pas empêchés d'atteindre
l'objectif de réduction global.
M. Lalande: il y a eu des charges additionnelles, des charges
administratives, un fardeau additionnel imposé à l'administration
de la justice au cours de la dernière année. Selon vos propos, on
a en fait répondu à ces 2,5%, mais il fallait quand même
ajouter certains postes, puisque le fardeau était additionnel.
M. Bédard: Parce qu'il y avait d'autres lois et d'autres
organismes.
M. Lalande: D'accord. Je voudrais tout de même attirer
l'attention du ministrelà, nous sommes bien dans la Formulation de
jugements du programme 1 le ministre a-t-il pris en considération
le fait qu'au cours de l'année 1979-1980 il y a eu une diminution de
quelque 90 000 dossiers au niveau judiciaire? Donc une réduction du
fardeau et de la charge de travail. Est-ce qu'effectivement à partir de
cela le ministre a considéré que les secrétaires de juges
allaient être moins achalandées, que les juges allaient être
moins achalandés? A-t-il tenu compte, dans cette compilation, du fait
que l'activité judiciaire a été réduite d'environ
20% au cours de l'année?
M. Bédard: La diminution de dossiers n'est pas
nécessairement en relation avec la diminution du fardeau qui doit
être assumé par des personnes responsables. Par exemple, au niveau
des causes, vous pouvez en avoir qui sont de très courte durée. A
ce moment-là, cela vous permet un bilan qui semble plus impressionnant,
mais vous pouvez avoir des causes qui durent énormément et qui,
à ce moment, ne diminuent en aucune façon le fardeau des
juges.
M. Lalande: L'argumentation du ministre est un peu faible tout de
même, parce que, évidem- ment, on parle de façon
générale. Tout le monde sait qu'il y a des causes qui sont plus
compliquées. Tout le monde sait qu'une cause devant un jury en Cour
supérieure est plus compliquée, plus longue, plus difficile
qu'une cause aux petites créances ou au Tribunal de la jeunesse.
Cependant, je faisais des comparaisons globales entre 1979-1980 et 1980-1981.
Ce que je veux savoir dans cela, c'est si le ministre pense qu'en 1979-1980 ou
en 1978-1979, les causes étaient moins compliquées qu'elles ne le
sont en 1980-1981? C'est une comparaison générale, encore une
fois, que je suis en train de faire. Je reprends ma question: Est-ce que cet
allégement considérable au niveau judiciaire, le ministre en a
tenu compte?
M. Bédard: Nous en avons tenu compte, mais cela ne nous a
pas amenés à réduire le personnel.
M. Lalande: Je trouve que le ministre est bien attentif quand on
demande des...
M. Bédard: Je n'ai pas de statistiques de 90 000
dossiers.
M. Lalande: Je prends le rapport annuel 1979-1980...
M. Bédard: Quels sont tous ces dossiers?
M. Lalande: Je peux aller un petit peu plus loin. J'essaie de
faire une correspondance avec ces dossiers, où il y a eu une
réduction considérable de l'ordre de 20%, et je m'aperçois
par ailleurs qu'au niveau de la nomination de juges je parle
évidemment au niveau quantitatif il y a eu une augmentation, par
ailleurs, d'au moins 14 juges qui ont été nommés. De
façon plus particulière, je constate, et c'est tout à fait
par hasard que je le fais, pour "focusser" davantage, si vous me permettez le
barbarisme, que, dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, il y a eu
une réduction assez substantielle des causes judiciaires. Notamment au
Tribunal de la jeunesse, il y a une réduction de 78%. Cela n'a pas
empêché de maintenir, depuis 1976, le même nombre de juges,
malgré le fait qu'il y a eu quand même des occasions de
remplacement de l'attrition si chère au ministre des Finances pour cette
période. Je voudrais simplement signaler qu'il n'y a pas de
correspondance...
M. Bédard: II peut peut-être...
M. Lalande: ... et, me semble-t-il, le souci administratif du
ministre devrait s'exercer dans le sens où on demande des effectifs
additionnels parce qu'il y a une charge additionnelle, mais comme il a à
gérer les fonds publics, l'argent des citoyens, il devrait être
préoccupé aussi quand il y a des réductions de la charge
de travail, d'accompagner cela de réductions de personnel. C'est cela
que je voulais seulement souligner.
M. Bédard: M. le Président, mon collègue
sait très bien que toutes les représentations des juges
au niveau du ministre de la Justice n'ont jamais été dans
le sens qu'ils n'avaient pas assez de travail. Au contraire, c'était
dans le sens qu'ils étaient surchargés. A partir de ce moment, je
pense que la nomination des juges ne faisait que correspondre à une
réalité qui fait que les juges, qu'ils soient chargés de
travail, d'accord, qu'ils soient continuellement surchargés de travail,
je pense que cela peut s'évaluer. D'ailleurs, dans certains secteurs,
par exemple, concernant le Tribunal de la jeunesse, il n'y a pas eu une
augmentation, il y a plutôt eu une diminution, parce que nous sommes dans
une période de rodage au niveau de la Loi sur la protection de la
jeunesse. Là où c'était nécessaire, où cela
semblait indiqué, il y a eu augmentation; là où ce
n'était pas nécessaire, il y a même eu diminution dans
certains cas.
M. Lalande: Est-ce qu'on doit conclure, des propos du ministre,
que quand un juge ou un juge en chef fait une demande additionnelle de juges,
le ministre se fie carrément à lui? Est-ce la seule rigueur
administrative qu'il exerce pour octroyer ce que les juges demandent?
M. Bédard: Vous savez très bien que ce n'est pas la
seule rigueur. Maintenant, vous conviendrez avec moi que les
représentations faites par un juge en chef, qui est un homme de
responsabilité, doivent être évaluées
sérieusement, tout au moins sérieusement, avant de les
refuser.
M. Lalande: Je suis entièrement de votre avis, M. le
ministre.
M. Bédard: II m'est arrivé de refuser.
M. Lalande: Je suis entièrement de votre avis que les
juges doivent témoigner, et on doit observer à leur égard
tout le respect qui leur est dû, comme vous dites. Il faudrait
peut-être en glisser un mot à votre collègue, M.
Bérubé. Cependant, ce que je voudrais vous dire, c'est que...
M. Bédard: II n'a pas de charge spécifique dans ce
domaine.
M. Lalande:... les nominations... C'est vous, le Procureur
général, vous...
M. Bédard: C'est ce que je vous dis. M.
Bérubé n'a pas de charge spécifique dans ce domaine. (17
heures)
M. Lalande: Les nominations de juges. Je voudrais revenir
à ceci, parce que je pense que-Une Voix: Heureusement.
M. Lalande: ... je pense qu'il ne faut pas l'éviter, M. le
ministre; il ne faut pas en rire non plus. C'est l'argent des citoyens. Si on
pense aux salaires qu'ont à l'heure actuelle les juges, et je suis fort
heureux de constater qu'ils sont bien payés, il n'en demeure pas moins
que cet écart, cette augmentation substantielle des juges depuis 1976,
en tout cas, au cours de la dernière année, nous amène
à plus de $1 000 000 que les citoyens doivent payer en salaires, en
traitements.
Je voudrais demander de façon précise au ministre, qui
nous a parlé souvent de rigueur administrative, il en a même
parlé l'année passée au moment de l'étude des
crédits, quels sont les critères que le ministre observe dans la
nomination de nouveaux juges.
M. Bédard: Un des principaux critères, c'est
souvent la rapidité avec laquelle les rôles se vident au niveau de
chacune des cours, parce qu'il arrive... On sait que les délais...
D'ailleurs, depuis que nous sommes là, vous serez à même de
constater que les délais ont diminué dans les différentes
cours dont nous avons l'administration. Je pense que ceci est un
élément très important, parce que, justement, si on pense
au justiciable, on doit penser à trouver le moyen de faire en sorte que
les services lui soient octroyés dans ce domaine avec
célérité, avec compétence, car certains retards
deviennent presque des injustices, à un moment donné. Sans
vouloir nous en glorifier plus qu'il ne le faut, je pense que nous sommes
à même de constater que ces délais ont diminué au
niveau de l'administration de la justice et tant mieux pour les citoyens.
Maintenant, il y a peut-être aussi d'autres... Il y a
également les représentations que nous font naturellement les
juges en chef responsables de l'administration des différentes
cours.
M. Lalande: M. le ministre... Oui.
M. Bédard: Si vous permettez, il y aurait peut-être
des explications additionnelles sur certaines de vos interrogations qui
pourraient être données également par le juge... le
sous-ministre en titre.
M. Lalande: Avez-vous l'intention de le nommer juge?
M. Bédard: Je pense qu'il n'est pas
intéressé.
M. Lalande: Le lapsus est éloquent. Une fin de
régime, souvent...
M. Bédard: Vous avez l'art de mêler les choses.
M. Marx: Non, il ne peut pas le nommer, parce qu'il ne fait pas
de nominations à la Cour suprême.
M. Bédard: Cela, par exemple, la Cour suprême.
Est-ce que vous souhaiteriez qu'on en nomme à la Cour suprême?
M. Lalande: M. le ministre, quand même, de façon...
Je ne vous demande pas d'aller dans toutes les techniques...
M. Bédard: Non, mais vous y allez. Vous me permettez, deux
secondes? Vous y allez pas mal
dans tous les détails. Vous permettrez aussi à un des
principaux administrateurs...
M. Lalande: Je vous le demande.
M. Bédard: ... qui a peut-être tous les
éléments nécessaires ou d'autres éléments
additionnels concernant vos questions, de pouvoir ajouter quelques
observations.
M. Lalande: Je n'ai pas d'objection. Cependant, je voudrais quand
même avant rappeler ceci au ministre. Il nous a dit qu'un des principaux
critères, le principal, en tout cas, celui qui lui est venu
spontanément à l'esprit, c'étaient les retards. Quand il y
avait, j'imagine, des audiences, des longueurs, c'était un des
critères sur lesquels il se basait pour nommer de nouveaux juges.
Est-ce que je dois conclure de ceci que plus un juge prend son temps
à rendre jugement, plus on lui en ajoute un ou d'autres pour l'aider
à rendre ses jugements?
M. Bédard: Je ne sais pas si vous voulez faire une charge
en règle contre les juges..
M. Lalande: Non, M. le ministre. Je ne suis pas du tout en
train...
M. Bédard: ... mais je pense et je vous réponds
qu'à l'heure actuelle, au Québec, les juges nommés par le
Québec, dans toutes les cours, travaillent raisonnablement et
très fort. Je crois que le nombre actuel de juges est grandement
justifié par le travail qu'ils ont à faire au niveau de
l'administration de la justice.
M. Lalande: Le ministre de la Justice est un excellent joueur de
tennis, comme le premier ministre d'ailleurs. Là, on est encore rendu
dans les cours où la balle est rendue.
Le ministre de la Justice ne peut pas éviter cette balle. Elle
est dans sa cour à l'heure actuelle. C'est lui qui doit
administrer...
M. Bédard: Oui, mais je ne vois pas de balle...
M. Lalande: ... la justice. On lui demande comment et en vertu de
quels critères...
M. Bédard: Allez-y!
M. Lalande: ... je parle au niveau quantitatif; vous savez fort
bien que je ne touche pas au niveau qualitatif des juges. Il ne me viendrait
jamais à l'esprit de critiquer la qualité, par exemple, du juge
Burns, qui a été nommé au Tribunal du travail. On sait
très bien que c'est un excellent juge. On sait très bien que
c'était un excellent parlementaire. La question ne se pose pas au niveau
qualitatif.
La question que je vous pose, ce n'est pas aux juges, c'est à
vous d'y répondre comme administrateur des fonds publics: Au niveau
quantitatif, sur quoi vous basez-vous donc pour nommer un juge? Et pour
répondre à la question que vous m'avez posée, je vous
renverrai la balle pour vous dire, par exemple, quels sont les délais
d'audience de la Cour supérieure.
M. Bédard: On va vous donner tous ces renseignements, si
vous voulez les avoir. Je peux vous dire qu'au niveau de la
nécessité de nommer des juges, il y a des échanges
constants entre l'administratif et les juges en chef par l'intermédiaire
d'un comité concernant le soutien administratif à donner à
l'ensemble des tribunaux. On essaie de faire un consensus sur l'ensemble des
besoins qui sont exprimés par la magistrature et sur l'évaluation
du fardeau de travail qu'elle a à accomplir. C'est à la suite de
ces échanges que nous en arrivons à la nécessité de
nommer de nouveaux juges.
M. Lalande: Donc, je dois en conclure qu'il n'y a pas
véritablement de système rigoureux d'établi, de
critères d'affectation ou de nomination de nouveaux juges. C'est
ça qu'il faut en conclure? Vous faites ça un peu au pif, si le
juge met un peu plus de pression, s'il pousse un peu plus fort, s'il a votre
oreille...
M. Bédard: Non, non.
M. Lalande: Je crois comprendre que, plus il y a de pression,
plus vous obtempérez, moins il y en a, moins vous en donnez; c'est un
peu comme ça, à la va comme je te pousse.
M. Bédard: Ecoutez, vous faites des affirmations, vous
avez le droit de les faire, mais je ne trouve pas ça très
sérieux de votre part. Je viens de vous dire...
M. Lalande: $1 000 000, M. le ministre, c'est...
M. Bédard:... qu'il y avait un comité
essentiellement formé pour l'évaluation du soutien administratif
qui doit être donné à l'ensemble de nos cours. Il y a un
échange continuel entre les juges et le côté administratif.
Les juges font valoir leurs besoins et nous en faisons l'évaluation
à partir des critères de nécessité des situations
qui nous sont exposées et ce n'est que lorsque nous croyons qu'il y a
nécessité que nous procédons à la nomination de
juges.
M. Lalande: Justement, concernant ce comité de soutien
administratif, M. le ministre, on se rappelle que, l'année
passée, à l'étude des crédits du ministère
de la Justice, vous nous annonciez qu'effectivement vous alliez former ce
comité et que vous y attachiez toute l'importance qu'il faut pour
améliorer cette justice. Vous la qualifiiez d'ailleurs... vous disiez
qu'elle se caractérisait par sa lenteur, son inaccessibilité, ses
structures vieillottes et son aspect punitif.
Or, pour l'améliorer, vous avez mis sur pied un comité et
on sait qu'il vous tenait à coeur ce comité, à en juger
par vos propos de l'année
dernière. Je voudrais demander au ministre combien de fois ce
comité s'est réuni au cours de l'année et à combien
de réunions le ministre a assisté.
M. Bédard: II avait été entendu qu'il y
aurait à peu près quatre réunions par année et,
cette année, trois ont déjà eu lieu pour effectivement
faire les évaluations nécessaires...
M. Lalande: L'autre partie de ma question, c'est: A combien de
ces réunions avez-vous assisté?
M. Bédard: Comme ministre, je n'assiste pas à ces
réunions. Le sous-ministre de la Justice y est et me fait
l'évaluation et les représentations nécessaires. Je pense
qu'il y a une distance normaleon l'a évoqué à
plusieurs reprises de l'homme politique vis-à-vis de tout ce qui
est organisme administratif. Je pense qu'il est indiqué que le
sous-ministre assiste à ces réunions et me fasse les
représentations nécessaires.
M. Lalande: On considère que le ministre a justement pris
ses distances...
M. Bédard: J'ai l'occasion...
M. Lalande: ... par rapport à ce comité. Cependant,
ce comité était si important...
M. Bédard: ... si vous le voulez, je peux ajouter aussi
que j'ai l'occasion de rencontrer régulièrement, très
souvent, les juges en chef des différentes cours. Ils me font des
représentations et j'essaie d'en faire...
M. Lalande: On est plus proche quand on les rencontre
séparément, mais au niveau du comité...
M. Bédard: Je trouve que vous avez une attitude assez
déplorable envers la magistrature. Comment pouvez-vous concevoir et
insinuer qu'à partir du moment où un juge en chef nous demande de
nous rencontrer comme ministre, nous refusions de le rencontrer?
M. Lalande: Non, c'est justement ça que je vous demande,
M. le ministre.
M. Bédard: Bon, arrêtez-donc ça!
M. Lalande: Est-ce qu'il y a des juges en chef qui vous ont
demandé d'assister à ce comité tripartite? Est-ce qu'il y
a des juges en chef qui vous l'ont demandé et qui ont insisté
pour que vous assistiez à ce comité qui vous tient tant à
coeur?
M. Bédard: Cela a été établi
dès le départ. Une demande, une représentation a
été faite dans ce sens par le juge Rinfret, je crois. Nous avons
établi dès le départ qu'à ce comité le
sous-ministre de la Justice représenterait le ministère.
M. Lalande: Voyez-vous, M. le ministre, lorsque j'inférais
de vos propos et du programme politique de votre parti, le fait que vous
soulignez à ce moment-ci que vous voulez prendre vos distances par
rapport à cela me surprend un peu, parce qu'en 1975, dans votre
programme électoral, vous disiez: Notre justice justement se
caractérise encore par sa lenteur, son inaccessibilité, ses
structures vieillottes, le caractère punitif des peines. Il faut
rémédier à cela, à la situation actuelle, et donner
une justice qui soit à l'heure du 20e siècle, avec des lois mieux
adaptées, etc. En conséquence, un gouvernement du Parti
québécois s'engage à mettre sur pied un système de
tribunaux administratifs coiffé... On en reparlera tout à
l'heure. Finalement, placer la justice au-dessus de tout soupçon en
accroissant l'autonomie administrative du pouvoir judiciaire.
M. le ministre, c'est le fond de votre question, engagement
électoral répété en 1980, mettre sur pied,
accroître l'autonomie administrative du pouvoir judiciaire. Vous parliez
du pouvoir des juges. Vous vous êtes rendu compte en chemin que
c'était plus que les juges, le pouvoir judiciaire, et vous en arrivez
à la conclusion: Non, il faut que j'observe encore mes distances.
Où en êtes-vous rendu dans les résultats? Qu'est-ce que
vous avez accompli M. le ministre, au niveau d'une plus grande autonomie, comme
vous le dites si bien, d'un accroissement de l'autonomie administrative du
pouvoir judiciaire? Quels sont les résultats tangibles aujourd'hui,
après un an? Vous avez eu trois réunions auxquelles vous n'avez
pas voulu assister, où vous vous êtes fait représenter.
D'accord, c'était votre décision, mais quels sont les
résultats aujourd'hui?
M. Bédard: M. le Président, justement on y faisait
allusion tout à l'heure, je l'ai dit, nous avons contribué, sauf
au niveau de la Cour supérieure, où c'est plus difficile,
à diminuer les délais. Nous parlions d'une justice plus
expéditive. Alors, nous sommes dans notre programme et nous orientons
nos efforts dans sens-là, avec des résultats...
M. Lalande: Quel est le délai à la Cour
supérieure à l'heure actuelle à Montréal?
M. Bédard: Sauf à la Cour supérieure. Dans
les autres cours...
M. Lalande: Parlez-moi de la Cour supérieure.
M. Bédard: Vous voulez qu'on parle seulement des choses
qui vont moins bien ou de l'ensemble?
M. Lalande: Je vous pose la question. M. Bédard:
Laissez-moi vous répondre. M. Lalande: Allez-y.
M. Bédard: D'abord, je ne sais même pas encore, au
moment où on se parle, si vous voulez qu'on y aille avec la nomination
de plus de juges
ou de moins de juges. Vous me le direz, j'espère, tantôt.
J'essaie de comprendre votre intervention.
M. Lalande: J'espère bien qu'avant d'y aller avec de
nouvelles nominations... Ce n'est pas nous qui les nommons, c'est vous qui les
nommez, M. le ministre, et avant d'y aller, j'espère qu'à la
suite des remarques qu'on fait aujourd'hui, qui se veulent carrément
positives et constructives, le ministre va au moins daigner avoir assez de
respect pour les fonds publics pour essayer d'établir certains
critères de sélection au niveau quantitatif. Pourquoi ne l'a-t-il
pas fait à l'heure actuelle? C'est cela la question de fond.
M, Bédard: M. le Président, j'y ai répondu
tout à l'heure. Lorsque le besoin se fait sentir, nous procédons
à des nominations.
M. Lalande: Moi, je vous assure que votre sous-ministre...
M. Bédard: Laissez-nous vous répondre.
M. Lalande:... doit tressaillir à côté de
vous. Il doit sursauter sûrement, parce que ce n'est sûrement pas
le genre de dossiers qu'il vous donne quand il veut ajouter...
M. Bédard: Pourquoi? Vous voulez l'empêcher de
parler?
M. Lalande: ... des fonctionnaires. Je vous assure qu'il doit
sûrement présenter des dossiers plus substantiels que cela, parce
que je ne pense pas que vous le lui accordiez à ce moment-là.
M. Bédard: Alors, vous permettez qu'on parle
maintenant?
M. Lalande: M. le ministre, vous êtes là pour vous
expliquer.
M. Bédard: Au niveau du programme du Parti
québécois auquel vous faisiez allusion, au contraire, il y a des
objectifs tels que définis en fonction desquels nous avons
travaillé et où il y a eu des améliorations. Je parlais
des délais, sauf à la Cour supérieure où nous avons
des difficultés, des réductions de délai dans les autres
cours. On parlait de justice vieillote, d'un besoin de réorganisation
et, dans ce sens nous avons eu la Loi des tribunaux judiciaires que nous
réclamions depuis X années de la part des gouvernements
antérieurs. Nous avons eu le courage de foncer dans ce domaine. Nous
avons mis en place également une chose qui était attendue depuis
longtemps, le Conseil de la magistrature, qui représente justement un
élément important lorsqu'on parle d'augmenter l'autonomie
administrative des juges. Ne l'oublions pas, le Conseil de la magistrature va
représenter une pierre angulaire de l'administration de la justice et va
permettre justement une plus grande autonomie du point de vue
administratif.
Vous faisiez allusion également à notre pro- gramme qui
évoque le besoin d'une justice moins punitive. Je pense que c'est dans
ce sens que nos efforts se sont orientés. Il s'agit de voir tout le
travail qui a été fait tant du point de vue législatif
qu'au niveau des programmes dans le domaine de la réinsertion sociale,
de la probation, de la détention. D'ailleurs, on évoquait tout
à l'heure le côté très positif, même du
côté de l'Opposition, des efforts qui ont été faits
dans ce domaine. Nous avons travaillé très
précisément dans le sens de ce que le programme du parti exprime.
(17 h 15)
Vous nous dites, du point de vue des tribunaux administratifs, que ce
n'est pas fait encore, ce que je vous dis à ce sujet, c'est que je ne
peux quand même pas tout faire en l'espace de trois ans. Mais je vous
assure que lorsque je regarde ce que nous avons fait en l'espace de trois ans
et que je le compare avec ce qui a été fait par ceux qui nous ont
précédés, je considère que ce n'est pas difficile,
en termes de comparaison.
M. Marx: Attention! Attention!
M. Lalande: Je voudrais seulement rappeler au ministre que l'aide
juridique, la Loi des petites créances, c'était avant lui. Cela
n'a pas été inventé à ce moment-là.
M. Bédard: Je n'ai jamais dit que la Loi de l'aide
juridique avait été faite par nous.
M. Lalande: C'était peut-être un peu moins vieillot,
un peu moins traînard que vous pensiez à ce moment-là. Quoi
qu'il en soit, vous avez invoqué le fait, concernant le code de
déontologie...
M. Bédard: Si nous pouvons demeurer encore quatre ou cinq
ans au pouvoir, nous aurons l'occasion de faire tout ce que vous espérez
devoir être fait.
M. Marx: Vous allez adopter une loi spéciale pour
prolonger...
M. Lalande: J'espère que vous allez avoir l'occasion
d'établir des critères à ce moment-là.
Au sujet du code de déontologie dont vous parlez à
l'intérieur de la Loi des tribunaux judiciaires on se rappelle
que c'est actuellement en état de formation ou de gestation, si je peux
dire où en êtes-vous rendu en ce qui concerne
l'établissement de l'échéancier? Quand prévoit-on
que ce code de déontologie sera déposé?
M. Bédard: C'était dans la Loi des tribunaux
judiciaires. Je pense que le député reconnaît le
côté délicat de l'ensemble de la démarche et de
l'échéancier. Peut-être que le sous-ministre pourrait
ajouter quelque chose là-dessus.
Simplement pour mentionner qu'actuellement la discipline se fait
à partir du texte législatif qui a été
apporté ou des modifications qui ont été apportées
par la loi no 40 de juin 1978, et qu'il est
dans la loi qu'un code de déontologie doit être
établi par le Conseil de la magistrature.
Nous savons que le Conseil de la magistrature se penche sur les
principes de ce code à ce moment-ci, mais le conseil ne nous a pas
soumis de texte dans ce cadre-là. Par ailleurs, il n'y a pas de vacuum,
parce qu'il peut se servir des dispositions qui avaient été
prévues justement dans l'optique d'éviter qu'il y ait un vide
dans la loi no 40.
Si je peux revenir à la question des dossiers, des statistiques,
sur le plan technique, je voudrais dire qu'il n'y a pas toujours une relation
entre le nombre de dossiers inscrits dans les tribunaux et les causes qui sont
effectivement plaidées, donc, le fardeau proprement dit des tribunaux.
Le meilleur exemple, c'est la loi no 24 et le Tribunal de la jeunesse,
où l'on sait qu'il y a eu beaucoup moins de causes amenées durant
la dernière année au Tribunal de la jeunesse. Par contre,
à cause de la facture de la loi no 24, les causes qui y viennent sont
plus longues et le fardeau n'est pas nécessairement diminué en
proportion de la diminution du nombre de causes.
Il peut y avoir moins de causes d'inscrites et, par ailleurs, plus de
causes de plaidées, selon l'attitude des gens de régler hors
cours ou d'aller davantage devant le tribunal. C'est ce qui fait la
difficulté d'avoir des statistiques valables et acceptables de part et
d'autre, du côté de l'administration et de la magistrature, sur
lesquelles on puisse se fonder pour évaluer les fardeaux de travail.
C'est l'un des points qui fait l'objet d'une discussion intensive dans le cadre
du nouveau comité sur le soutien administratif des tribunaux de
s'entendre sur des statistiques, parce qu'on peut en avoir au ministère,
la magistrature peut en avoir et en faire une interprétation
différente de la nôtre. C'est de s'entendre sur des données
qui sont acceptables de part et d'autre et sur lesquelles on peut tirer des
conclusions acceptées. C'est vraiment, dans le contexte de
l'administration de la justice, une difficulté réelle qu'on
connaît, d'établir ce type de statistiques.
Sur le plan des données également, le passage de $3000
à $6000 de la juridiction financière de la Cour provinciale a
fait qu'une vingtaine de mille dossiers ont été
transférés de la Cour supérieure à la Cour
provinciale. Par ailleurs, on doit dire que les causes de la Cour des petites
créances ont diminué avec l'assurance automobile, selon les
districts, de 20% à 25%, comme fardeau. Ce sont des données qu'on
peut vous communiquer.
Sur les délais, actuellement en Cour d'appel, au civil, c'est
quatre mois; au criminel, c'est un mois. En Cour supérieure, c'est huit
à neuf mois dans la province, sauf à Montréal où,
dès qu'une cause contestée doit prendre plus qu'une
journée d'audience, ça peut aller jusqu'à 60 mois, donc
cinq ans. Autrement, la moyenne pour les causes d'une journée ou moins,
c'est neuf mois à Montréal. La Cour provinciale, dans l'ensemble
du Québec, c'est sept à huit mois; la Cour des petites
créances, c'est deux mois à trois mois; à la Chambre de la
famille, donc en Cour supérieure, la moyenne est de cinq mois à
six mois en général, sauf à Montréal, où
c'est douze mois.
Pour les causes statutaires, les délais sont de deux mois
à trois mois, que ce soit en Cour des sessions de la paix ou au
pénal, devant la Cour provinciale. A Montréal, où cela a
déjà été de douze mois, c'est descendu à
six, et, là-dessus, il y a eu une réduction appréciable
des délais durant l'année.
M. Lalande: Est-ce que le sous-ministre fait la réponse
que le ministre a essayé de nous donner tout à l'heure?
Concernant ces problèmes que vous avez identifiés, de cinq ans de
délai, par exemple, pour la Cour supérieure à
Montréal, on sait que c'est là que sont traitées la
majorité des causes de la province de Québec... au comité
qui a été formé, puisque vous avez assisté aux
trois réunions qui ont eu lieu, où en est-on rendu
là-dedans en vue de corriger certains problèmes que vous
soulignez au niveau des délais d'audiences, parce qu'on constate bien
qu'après cinq ans, c'est quasiment un déni de justice pour le
citoyen qui est victime de tout cela? Je ne dis pas que la question est facile,
mais je souhaiterais simplement que le ministre s'y intéresse
sérieusement et, au lieu de simplement en parler, agisse personnellement
à l'intérieur de cela.
M. Bédard: Je m'excuse, nous avons agi.
M. Lalande: Peut-être que le sous-ministre peut nous
apporter plus de détails que le ministre a bien voulu nous en donner
tout à l'heure.
M. Bédard: Au contraire, nous avons agi, parce que, dans
plusieurs des cours, vous avez pu être en mesure de constater des
diminutions au niveau des délais. J'ai également mentionné
peut-être que le député n'écoutait pas
à ce moment-là que nous avions des difficultés
spéciales au niveau de la Cour supérieure et que les solutions
n'étaient pas faciles à trouver. Je ne doute pas que les
ministres de la Justice qui m'ont précédé ont eu
également cette préoccupation et également cette
difficulté de trouver vraiment les solutions miracles qui seraient de
nature à diminuer des délais qui deviennent effectivement des
dénis de justice pour certains citoyens.
M. Lalande: M. le ministre, je comprends qu'au niveau du Code de
déontologie ce n'est pas facile de se fixer, parce que c'est à la
discrétion du pouvoir judiciaire. Est-ce que vous avez des indices
à savoir quand ce code de déontologie sera
déposé?
Je voudrais aussi relier à cela le cas du juge Brière. On
sait que le juge Brière...
M. Bédard: J'ai fait des représentations, j'ai eu
l'occasion d'en discuter avec les juges en chef, entre autres avec le
président du Conseil de la magistrature. Je pense qu'on essaie de faire
tous les efforts nécessaires pour accélérer. Il y a un
projet qui serait censé être soumis aux juges en octobre.
M. Lalande: Relativement à ceci et simplement pour
éclairer tout le monde à ce niveau-là,
on se rappelle que le Conseil de la magistrature a été
saisi d'une requête concernant le juge Brière.
M. Bédard: A la demande du juge Brière
lui-même.
M. Lalande: II y a eu une enquête qui a été
faite. Quelle a été la décision du conseil au niveau de
l'enquête?
M. Bédard: Le conseil a rendu sa décision. Il l'a
rendue publique.
M. Lalande: Quelle était sa décision?
M. Bédard: Le conseil l'a rendue publique par
communiqué, exprimant une réprimande au juge Brière.
M. Lalande: Le juge Brière, si je comprends bien,
était erroné dans ses prétentions et il y a eu une
réprimande qui lui a été adressée. On dit, à
l'article 285 de la loi, que le comité soumet son rapport
d'enquête et ses recommandations au conseil et transmet ce rapport au
ministre de la Justice; est-ce possible que le ministre nous dépose ce
rapport d'enquête pour clarifier toute cette situation un peu
nébuleuse autour de l'ami personnel du premier ministre? On pourrait
inférer beaucoup de choses. Simplement pour clarifier, le rapport qui
nous amène à constater... Est-ce que le ministre peut
déposer le rapport?
M. Bédard: Cela me fait plaisir que la demande m'en soit
faite, en mettant à l'écart le côté suspicieux du
député qui en fait la demande. Cela me fera plaisir de le rendre
public, puisque ce rapport, cette audition a eu lieu à la suite d'une
demande formulée par le juge lui-même. Je ne voudrais pas que,
dans un cas où c'est à la demande du juge lui-même... je
pense que cela peut être rendu public. Il est évident parce
que je ne voudrais pas créer de précédent qui pourrait
amener certaines difficultés je pense que le député
conçoit qu'autant certains rapports peuvent être rendus publics,
autant d'autres peuvent ne pas l'être. Et, dans ce cas particulier, je
n'ai aucune objection.
M. Lalande: Je n'ai pas d'autres questions.
Le Président (M. Marquis): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: J'aimerais...
M. Bédard: Dans certains cas, lorsqu'il y aura un
intérêt supérieur au niveau de l'administration de la
justice qui le commandera, on pourra ne pas le rendre public, même si le
juge le demande, mais, dans le cas juge Brière, je n'ai aucune
objection.
M. Marx: J'aimerais saluer mes anciens collègues et mes
amis qui sont maintenant au ministère de la Justice. Je veux assurer le
ministre qu'il est bien entouré, surtout par des anciens ou des
diplômés de la Faculté de droit de l'Université de
Montréal, quoique je n'aie pas de préférence pour ce qui
concerne les facultés de droit.
En conclusion, M. le Président, tout ce que je peux dire, c'est
que, s'il y a des faiblesses et des erreurs au ministère, c'est à
cause du ministre et non pas à cause de ses fonctionnaires.
M. Bédard: Je pense qu'en politique, c'est toujours
cela.
Une Voix: On en vient à la même conclusion tous les
deux.
M. Bédard: Je pense qu'en politique, vous pouvez
difficilement dire le contraire. Allez-y.
M. Lalande: Nous, nous sommes sincères. M. Marx:
C'est cela.
M. Bédard: J'imagine que vous avez le comble de la
sincérité.
M. Marx: Le ministre a fait allusion aux services aux
autochtones, dans son introduction. On a parlé d'un policier de la
Sûreté du Québec qui est...
M. Bédard: Je m'excuse, M. le Président, mais
concernant les autochtones, c'est dans un autre programme. Pour se donner une
manière de travailler...
Une Voix: C'est dans lequel?
M. Bédard: ... je crois bien que, comme c'était le
cas au niveau de l'étude des crédits de tous les
ministères, à partir du moment où l'exposé
général est fait, la discussion, pour nous permettre d'avancer
plus rapidement, d'une façon plus ordonnée, c'est de
procéder par programme.
M. Marx: D'accord.
M. Forget: Sur la question de règlement, M. le
Président, avec votre permission...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: ... si on veut bien entendre au long la question du
député de D'Arcy McGee, je crois qu'on constatera qu'elle est
relative à l'administration de la justice, eu égard au programme
no 1.
Le Président (M. Bordeleau): Je veux bien l'entendre, M.
le député.
M. Marx: Le ministre a parlé des services aux autochtones.
Il a aussi mentionné ou quelqu'un a mentionné qu'il y a un
policier de la Sûreté du Québec qui est en état
d'accusation pour homici-
de. C'est un procès avec jury, je pense. Le ministre sait-il s'il
y a un autochtone sur le jury? Le ministre est-il au courant qu'un Indien qui
habite la réserve de Caughnawaga n'a pas le droit d'être membre
d'un jury de ses pairs? Le ministre est-il au courant qu'on a fait des
demandes, qu'il y a une jurisprudence qui fait état de cette situation
et que le ministère n'a rien fait pour corriger cette situation?
M. Bédard: Vous référez-vous à un
événement particulier, au cas de M. Lessard?
M. Marx: Non, pas du tout.
M. Bédard: II a subi son enquête
préliminaire, il n'y a pas eu de formation de jury pour le moment.
M. Marx: La dernière question que j'ai posée
était: Le ministre est-il au courant qu'un Indien qui habite la
réserve de Caughnawaga n'a pas le droit d'être membre d'un jury en
vertu de la Loi des jurés du Québec et que des demandes ont
été faites auprès du ministère pour que la
situation soit corrigée? Le ministre a peut-être fait des
promesses et des déclarations mais il n'a rien fait, en fait.
M. Bédard: Je n'ai fait aucune déclaration ou
promesse. Dans le cas...
M. Marx: Parce que, normalement, vous procédez par des
promesses.
M. Bédard: Si vous voulez agresser, dites-le. On va
essayer de vous répondre correctement, si on peut. Tout ce que je vous
dis, c'est que vous errez tout simplement lorsque vous parlez de promesse, je
n'en ai fait aucune dans ce sens. Voulez-vous attendre une seconde?
M. Marx: Si c'est vrai...
M. Bédard: A notre connaissance, nous n'avons pas eu de
demande de modification de la loi dans le sens exprimé par le
député.
M. Marx: Etes-vous au courant que la loi empêche un Indien
qui habite la réserve de Caughnawaga d'être membre d'un jury en
vertu de la Loi des jurés du Québec? Si le ministre veut que je
fasse la recherche pour lui, je suis prêt à la faire. Entre 18
heures et 20 heures, je vais fouiller dans mes dossiers pour trouver des
réponses. (17 h 30)
M. Bédard: C'est une situation qui existe depuis bien
longtemps.
M. Marx: C'est cela la réponse du ministre? C'est que cela
va durer toujours?
M. Bédard: Non. Laissez-moi répondre, s'il vous
plaît!
M. Marx: On attend toujours.
M. Bédard: Pour le premier élément de votre
question, je vous dis qu'il n'y a pas eu, à notre connaissance, de
demande acheminée dans ce sens. Deuxièmement, il n'y en a pas eu
non plus de la Commission des droits de la personne.
M. Marx: Ce n'est pas le job de...
M. Bédard: Non, c'est un sujet qui semble la
préoccuper, d'une façon...
M. Marx: Elle n'a pas assez de personnel.
M. Bédard: C'est une préoccupation qui semble
intéresser d'une façon tout à fait particulière le
député, qui était auparavant membre de la Commission des
droits de la personne. Je ne sais pas si c'est la première fois qu'il a
une telle préoccupation, à l'occasion de l'étude de ces
crédits. J'essaierai de lui...
M. Marx: Est-ce la réponse ou un commentaire? Je ne
comprends pas...
M. Bédard: Pour ce qui est du côté technique,
de savoir si, effectivement, la loi le défend, nous allons faire les
vérifications nécessaires et nous vous le dirons.
M. Marx: J'aimerais demander au ministre, si c'est vrai, s'il va
amender la loi aussitôt que possible pour que ce soit possible à
un Indien qui habite la réserve de Caughnawaga d'être membre d'un
jury; dans la situation actuelle, c'est bien beau, il peut être
accusé, trouvé coupable, mais il ne peut pas être
jugé par ses pairs. Est-ce que que le ministre est prêt à
faire une promesse maintenant que, si c'est vrai, il va faire en sorte que la
loi soit amendée pour que les autochtones qui habitent la réserve
de Caughnawaga soient admissibles comme jurés?
M. Bédard: Nous allons faire les vérifications
nécessaires. Lorsque je connaîtrai la situation juridique qui
existe, à ce moment...
M. Marx: Commencez avec l'arrêt Diabo de 1975, Cour
d'appel. Je pense que cela vous remettra sur la piste, M. le ministre.
M. Bédard: Quand nous aurons fait les vérifications
il me fera plaisir de répondre à la question.
M. Marx: Oui. J'ai toujours eu l'impression que le ministre
procédait par des déclarations, des conférences de presse
et des promesses, mais pas par des actes concrets. Voici, j'ai une promesse du
ministre. Au début d'avril 1980, je lui ai parlé d'une directive
spéciale, numéro DS-751, concernant la Communauté urbaine
de Montréal. J'ai écrit au ministre le 16 avril pour avoir une
réponse, mais
pas de réponse. Je lui en ai parlé la semaine
passée. Il m'a fait une autre promesse. Comme ce sera ma dernière
chance durant le mandat du ministre, j'aimerais lui poser maintenant la
question suivante...
M. Bédard: Effectivement, nous avons eu l'occasion d'en
parler ensemble il y a deux jours. Je vais trouver le moyen, à
l'intérieur de ces crédits, de vous donner la réponse que
vous demandez. La personne que j'avais chargée de faire l'investigation
nécessaire n'est pas ici.
M. Marx: M. le Président, j'ai écrit au ministre le
16 avril, il y a donc même plus de deux mois. Il y a eu le
référendum, c'est vrai. Mon collègue me rappelle qu'il y a
eu le référendum et qu'heureusement, vous avez perdu. De toute
façon, la directive spéciale de la police de Montréal,
DS-751, demande aux policiers de retourner aux formules bilingues, en
matière de droit criminel, et de les substituer aux formules unilingues
françaises. C'était une coïncidence. C'est après que
la Cour suprême, la Cour d'appel et la Cour supérieure de
Montréal, après que toutes ces cours ont jugé qu'on avait
le droit de procéder en langue anglaise devant la cour. Je prends la
formule 192. C'est une formule où c'était écrit que
l'accusé comprend qu'il a allégué et ainsi de suite. Si
c'est seulement en français, il y a pas mal d'accusés à
Montréal qui ne comprendront pas ce qu'ils sont priés de signer.
Il y a une série de formules bilingues, en matière de droit
criminel, qui ont été remplacées par des formules
unilingues françaises.
J'aimerais savoir...
M. Bédard: Oui, comme le député le sait, je
n'ai pas une juridiction directe sur le service de police de la
communauté urbaine, mais j'ai quand même, à la suite de
votre demande, exigé qu'on me donne les précisions pour vous les
fournir avant l'expiration de l'étude des crédits,
c'est-à-dire avant la fin de la journée de demain...
M. Marx: Avant quatre heures demain. M. Bédard: ...
vous aurez l'explication. M. Marx: D'accord.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. Lalande:
Je voudrais...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Maisonneuve, toujours sur le programme 1, je
présume?
M. Lalande: Oui, toujours sur le programme 1. Je voudrais qu'on
retouche un petit peu au Tribunal de la jeunesse. Le ministre nous en a
parlé un peu dans sa déclaration. Il en a fait le tour.
Les directeurs des centres d'accueil ont peut-être fait certaines
déclarations un peu sévères et j'aimerais que le ministre
puisse nous dire ce qu'il en pense. La preuve, disent-ils, après quinze
mois d'application de la loi 24 sur la protection de la jeunesse, c'est un
fiasco au chapitre de la rééducation des jeunes
délinquants.
Toujours selon ces experts, M. le ministre, la loi 24, au moins en ce
qui a trait aux mesures prévues pour le jeune délinquant, a mis
en place une machine si énorme, qui mobilise tellement de gens et
entraîne tellement de délais, qu'elle se révèle
à la fin non seulement d'une totale inefficacité, mais aussi
dangereuse que nocive.
Finalement, on en arrivait aux conclusions que tiraient ces experts.
Pour tous les jeunes qu'on présume impliqués dans un délit
ou ayant récidivé, on recommandait qu'ils soient conduits
immédiatement devant un juge du Tribunal de la jeunesse plutôt que
devant le directeur de la protection de la jeunesse, le DPJ; que les pouvoirs
du directeur de la protection de la jeunesse soient repensés de fond en
comble; que certains pouvoirs judiciaires qui avaient été
donnés à des intervenants sociaux soient immédiatement
remis aux juges et que le nombre d'intervenants soit réduit et notamment
le nombre de représentants du ministère de la Justice.
On voit dans la conclusion que ces gens ont énormément
confiance aux juges et on se demande finalement pourquoi on a enlevé
certains pouvoirs aux juges de la Cour de bien-être social ou du Tribunal
de la jeunesse pour confier à un DPJ.
M. Bédard: Je crois que ceci a été fait
à l'unanimité des membres de la Chambre. Comme vous le savez, la
Loi sur la protection de la jeunesse a été votée à
l'unanimité des membres de l'Assemblée nationale et, comme je
l'ai dit également tout à l'heure, il est évident qu'on se
heurte à plusieurs expressions d'opinion. Vous parlez de ces experts des
centres d'accueil. Je vous parlais, il y a quelques instants, d'autres experts
des CSS qui allaient plutôt dans le sens d'une évaluation positive
de la Loi sur la protection de la jeunesse.
Je pense qu'on pourrait aussi parler d'un autre expert qui s'est
exprimé, concernant l'évaluation de la Loi sur la protection de
la jeunesse; C'est M. Jacques Tellier, qui est le président même
du Comité de la protection de la jeunesse. Il disait ceci: "La plupart
des critiques qui concernent la réforme amorcée par la nouvelle
loi visent presque exclusivement son application aux situations de
délinquance. Il serait juste de considérer également son
application aux situations de protection. La loi est-elle efficace pour les
enfants maltraités, abandonnés ou exploités?"
M. Tellier continuait en disant ceci: II ne fait aucun doute que
la nouvelle loi a permis d'identifier et de protéger un nombre
considérable d'enfants qui, autrement, seraient demeurés
ignorés. La surcharge des signalements qu'ont connue les directeurs de
la protection de la jeunesse dans toutes les régions témoigne
abondamment de la nécessité d'une telle réforme dans le
domaine de la protection. Si l'on considère que, parmi les quelque 50
000 situations signalées au directeur
de la protection de la jeunesse durant la première année
d'application de la loi, près de 30 000 concernaient des situations
d'enfants ayant besoin de protection, on conviendra même si l'on est
conscient de la limite des services rendus, que la réforme avait sa
raison d'être, au moins pour ces enfants."
J'ai ajouté que nous aurons également un colloque
prévu pour la fin de juin et qui permettra aux intervenants de tous les
secteurs impliqués par l'application de cette loi de se réunir,
de faire le bilan, d'y aller de suggestions qui sont nécessaires, mais
peut-être aussi d'expressions d'opinions aussi différentes que
celles auxquelles vous faites allusion. Je suis convaincu que le
député s'y réfère non pas parce qu'il a le
désir que la Loi sur la protection de la jeunesse marche mal; au
contraire, je pense bien qu'il a la même préoccupation que nous,
qu'elle soit la plus efficace possible pour le traitement des enfants en
difficulté. Quand nous serons rendus à ce programme concernant la
protection de la jeunesse, j'ai tenu à ce que le président du
Comité de la protection de la jeunesse soit présent de
manière à pouvoir répondre à toutes les
interrogations des membres de la commission et nous pourrions aller
peut-être à ce moment-là plus en profondeur.
M. Lalande: D'accord, M. le ministre, je réserverai mes
questions pour ce moment-là, justement au niveau des ressources qui sont
toujours manquantes au niveau des institutions, etc., où il faut
retourner les enfants. Avant de laisser ce programme, il y a des statistiques
qui me sautent aux yeux dans le moment. Avec cette réaffectation de
travail au Tribunal de la jeunesse, on assiste évidemment à un
chevauchement ou à un dédoublement les
députés d'en face devraient comprendre ce que ça veut dire
entre deux ministères, ce qui a amené une réduction
considérable, encore une fois, d'une façon générale
des activités judiciaires au niveau du Tribunal de la jeunesse.
Je pense que le sens de la déjudiciarisation se tenait, se tient
toujours avec les jeunes. Il faut constater quand même et je
reviens encore à mes statistiques au Tribunal de la jeunesse,
depuis 1976 il y a eu, évidemment, la réforme dans
ça une réduction draconienne de 63% des activités.
Je voulais seulement vous souligner avant de partir qu'à l'heure
actuelle j'observe qu'il y a des concours d'affichés pour nommer des
juges additionnels, dont trois postes de plus à Montréal. C'est
pour vous dire où ça mène quand on n'a pas de
critères au niveau de la sélection, au niveau qualitatif. Je
voulais simplement vous souligner ça au départ. Je sais que ce
n'est pas de mauvaise foi, que vous allez apprendre, mais il faudrait quand
même y arriver.
M. Bédard: Vous êtes en train de vous souffler
vous-même avec vos capacités administratives. Au niveau du
Tribunal de la jeunesse, il y a seulement 35 juges qui sont actuellement en
poste sur des effectifs autorisés de 43. Je vous l'ai dit, il y a
même eu une diminution là-dedans.
M. Lalande: Je voulais simplement vous souligner la
correspondance, 63% de moins dans les activités. C'est simplement
ça que je voulais vous souligner et, encore une fois, j'y reviens, ce
n'est pas au niveau...
M. Bédard: Oui, mais on vous l'a expliqué. Vous me
semblez préoccupé vraiment par le fait de poser des questions, et
je ne vous en fais pas reproche, mais vous ne semblez pas attacher d'attention
aux réponses. On vous l'a dit tout à l'heure, je l'ai dit, le
sous-ministre de la Justice l'a dit: Concernant la protection de la jeunesse,
étant donné le changement des règles qui fait que,
maintenant, lorsqu'on va devant le tribunal, il y a un certain nombre de
règles qui doivent être suivies, qui n'étaient pas suivies
auparavant, ceci implique une augmentation de la longueur des procès. Ce
n'est pas parce qu'il y a moins de procès qu'il y a
nécessairement moins de travail et que les juges qui sont en place ne
sont pas justifiés ou ne seraient pas justifiés d'en avoir plus.
On vous a donné la réponse tout à l'heure. (17 h 45)
M. Lalande: M. le ministre, je termine là-dessus,
vraiment. Il ne faut pas s'accrocher mais ce que je veux simplement vous dire,
c'est que le ministre répond à ma question et confirme exactement
mes hypothèses dans tout ceci. Il serait si facile de déposer le
cadre dans lequel vous recrutez, au niveau quantitatif, encore une fois, les
juges. Je suis convaincu que les juges ont de bons motifs. Le juge en chef est
un excellent monsieur et qui sait préparer ses dossiers. Il semble qu'il
sait mieux les préparer que vous ne savez les recevoir. C'est tout.
M. Bédard: Mais vous savez très bien qu'on ne peut
pas avoir une planification quantitative du nombre de juges en fonction des dix
prochaines années. On ne sait même pas quelles sont les
législations qui pourront être mises au point durant ces dix
années à venir. Cette année, déjà, on est
à même de constater qu'il y a plusieurs organismes, je les
mentionnais tout à l'heure, seulement au ministère de la Justice,
qui sont mis sur pied et qui demandent que des juges soient affectés. On
ne peut quand même pas...
M. Lalande: Je ne vous parle pas de dix ans à venir. Je
vous parle du 18 juin 1980.
M. Bédard: Mais, au moment où on en est
présentement, à moins que vous ne vouliez dire... si vous voulez
le dire, dites-le très carrément et chacun appréciera,
est-ce que vous voulez nous dire que les juges ne travaillent pas assez, qu'il
y a trop de juges pour le travail qu'il y a à faire? Si c'est cela que
vous voulez dire, dites-le et là je vais répondre. Dites-le.
M. Lalande: Encore une fois le ministre joue à la balle.
C'est à vous à assumer cette responsabilité. Il y a des
statistiques que vous nous présentez...
M. Bédard: Moi, je l'ai assumée, je vous dis
que...
M. Lalande:... que vous nous donnez, dans le rapport annuel du
ministère de la Justice, qui confirment votre incurie et votre
incapacité administrative. N'essayez pas de tourner en rond et de me
poser des questions sur ce que j'en pense. Quand nous serons au pouvoir, le
ministre de la Justice, libéral à ce moment-là, prendra
ses décisions, vous serez dans l'Opposition et vous contesterez. Mais
qu'est-ce que vous voulez, je suis convaincu qu'à ce moment-là il
y aura plus de qualifications administratives de ce côté-ci. C'est
tout.
M. Bédard: Probablement, si jamais vous êtes au
pouvoir, ce qui n'arrivera pas, que vous serez à même de dire que
l'Opposition critique pour rien.
M. Lalande: C'est ce que vous disiez la veille.
M. Bédard: Tout ce que je vous demande, c'est d'être
logique avec ce que vous essayez d'infirmer ou d'affirmer, je ne le sais pas.
Vous parlez du nombre de juges. Je vous dis, face aux évaluations que
nous avons faites, que le nombre de juges est très justifié par
rapport au travail qu'ils ont à faire. Si vous croyez que ce n'est pas
le cas, dites-le, au moins, dites-le. Est-ce que vous croyez que les juges ne
travaillent pas assez?
M. Forget: M. le Président... M. Bédard:
Non, mais répondez.
M. Lalande: C'est vous qui le savez, M. le ministre, c'est
à vous de l'évaluer.
M. Bédard: Moi, j'ai répondu. Je vous ai dit que
nous procédions à la nomination de juges après une
évaluation qui se fait avec les juges en chef, par le biais de
comités existants, sur la nécessité de nommer de nouveaux
juges, tenant compte du fardeau de travail, tenant compte de ce facteur
primordial. Et je suis en mesure de vous dire que le nombre de juges qu'il y a
à l'heure actuelle est loin d'être exagéré, qu'il y
a du travail pour toutes ces personnes en responsabilité. Je vous donne
ma réponse. Si vous voulez affirmer que les juges ne travaillent pas
assez, qu'il y en a trop, dites-le.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, on a adopté
jusqu'à maintenant un ton fort conciliant et on pensait...
M. Godin: Vous autres, conciliants?
M. Forget: Vos humbles serviteurs, un ton fort conciliant. Nous
avons essayé de commencer le débat de ces crédits de la
façon la plus positive. Je l'ai fait personnellement avec des
félicitations au ministre pour un bilan qui a des éléments
fort intéressants. Mais je dois remarquer que ce n'est pas une attitude
payante avec le ministre, parce qu'il se paie notre tête depuis quelques
minutes.
Nous demandons au ministre de nous dire quels sont ses objectifs
à lui, comme ministre de la Justice, face au problème de
déterminer combien de juges il faut pour accomplir une quantité
de travail. C'est une question qui est simple, qui devrait avoir une
réponse simple; le ministre devrait savoir où il s'en va de ce
côté. Le Québec n'a pas inventé les tribunaux
judiciaires, il peut s'inspirer de l'exemple d'autres provinces, d'autres pays;
il peut également faire une analyse en profondeur de la façon
dont les tribunaux fonctionnent. Et lorsqu'il se présente à ces
comités conjoints, en nombre considérable, qui semblent
foisonner, pour essayer de déterminer ces problèmes, il aurait
quelque chose à dire, M. le Président, en s'y
présentant.
Je ne m'étonne pas que le ministre n'ait pas lui-même
participé à ces rencontres, il n'avait rien à y dire,
parce qu'il n'a rien à nous dire ici. Il se contente de nous rassurer en
disant que les juges sont des gentilhommes qui travaillent sûrement
très fort et qu'ils ont un grand sens du devoir, mais, d'un autre
côté, il s'inquiète quand il y a des délais trop
longs. Cependant, il semble que cinq ans, dans le cas de la Cour
supérieure, pour des choses contestées qui pourront prendre plus
d'une journée d'enquête, ce n'est pas encore assez long, puisque
cela n'a pas évoqué chez lui un plan d'action dont il aurait pu
nous parler aujourd'hui.
Il dit qu'il va en parler, qu'il va continuer à y
réfléchir; je ne sais pas si ça l'empêche de dormir,
mais ce n'est pas visible. Il faut encore qu'il puisse nous donner des
réponses intelligibles à des questions qui sont quand même
l'enfance de l'art pour le ministère de la Justice. Il n'a pas
élaboré, après trois ans et demi, un plan d'action, des
objectifs clairs de ce côté. Devant une baisse du fardeau de
travail au moins une baisse apparente s'il conteste ses propres
statistiques, qu'il nous en présente d'autres qui sont plus
significatives, c'est sa responsabilité aussi il multiplie le
nombre de juges sans avoir un impact proportionnel sur la durée des
délais, qui sont encore absolument inacceptables dans le cas de
certaines cours.
Il n'a aucun objectif à nous présenter et, encore une
fois, on tourne en rond. Il essaie de reporter sur l'Opposition officielle, qui
lui pose des questions, le fardeau d'avoir à lui fixer des objectifs et
lui dresser un plan de travail, ce qu'il n'a pas réussi à faire
avec ses 13 000 fonctionnaires. Je me demande comment nous, on pourrait relever
ce défi. Mais, s'il insiste absolument, on peut peut-être
s'essayer, on s'en reparlera l'an prochain.
Il reste, M. le Président, que c'est une attitude
méprisante envers l'Assemblée nationale que d'arriver ici, dire
qu'on prétend défendre des crédits, et de nous demander de
l'argent sans avoir le début d'une explication. Ce qu'on a, ce sont des
protestations de bonnes intentions. J'ai encore la parole,
M. le Président, et je veux faire un autre commentaire sur une
attitude inadmissible, face, justement, au problème des autochtones.
J'ai dit que le ministre était bien mal avisé d'en faire
une rubrique dans sa présentation. On se rend compte que c'est
l'Opposition officielle qui l'a informé on lui a même
donné la référence pour commencer sa recherche du
fait que probablement le jury qui va déterminer de la
culpabilité, si culpabilité il y a, d'un policier qui est
accusé de l'homicide d'un Indien dans une réserve ne pourra
compter, de par la loi, aucune espèce de membre de la population
autochtone qui est directement visée. Comment espère-t-il
rehausser la crédibilité des organismes judiciaires et des forces
de l'ordre, dans un contexte comme celui-là? Les Indiens de la
réserve de Caughnawaga vont pouvoir légitimement prétendre
que c'est la justice des blancs qui est venue trancher un conflit qui les
opposait à double titre à la justice des blancs, c'étaient
les policiers des blancs et c'étaient les tribunaux des blancs qui ont
jugé de leur culpabilité.
Si jamais il y a un acquittement, vous allez avoir un problème
considérable entre les forces de l'ordre, le ministère de la
Justice, d'une part, et les Indiens de Caughnawaga. Me pas l'avoir
prévu, ne pas avoir été capable d'anticiper ce
problème, en modifiant la Loi des jurés ou autrement, c'est,
à mon avis, une négligence qui est coupable, coupable parce qu'il
y a là un problème réel, il y a un problème
sérieux, dont le ministre était conscient dès l'an
dernier, puisqu'il nous a promis qu'il voudrait faire un certain nombre de
choses. Et cela s'ajoute à d'autres négligences de sa part,
lorsque ceux qui ont été soupçonnés d'avoir
participé à cet homicide se sont retrouvés encore une
fois, en dépit des assurances que nous avait données le ministre
à l'Assemblée nationale, sur la première ligne de feu, et
qu'ils ont procédé à d'autres arrestations dans les deux
semaines ou dans les cinq semaines qui ont suivi cet incident.
C'est un mépris total des bienséances
élémentaires que devraient observer les forces de l'ordre, la
police et le ministère de la Justice en particulier. Je pense qu'on n'a
qu'à aborder le premier programme du ministère de la Justice pour
avoir des réponses totalement insatisfaisantes.
Le ministre de la Justice a de plus le culot de dire que c'est à
nous de relever je ne sais pas trop quel défi, de lui porter des
jugements sur le fait de savoir si les juges travaillent assez ou pas assez. Il
essaie de ravaler la discussion à un niveau complètement
inacceptable. Il voudrait pouvoir sortir d'ici avec une citation d'un membre de
l'Opposition officielle disant: Les juges sont des paresseux. Alors, là,
il aurait vraiment défendu ses crédits d'une façon
formidable. Il aurait eu sa petite citation qu'il pourrait nous lancer au
visage n'importe où, particulièrement dans une campagne
électorale. Il ne pense pas à cela, évidemment, M. le
Président, je l'oubliais. Mais il risquerait d'y penser dans quelques
mois et de s'en souvenir. Il veut avoir sa petite citation, il veut nous mettre
sur la défensive en disant: Vous avez jugé que les juges ne font
pas leur travail.
Ce n'est pas de cela qu'il s'agit. Mais on se rend compte que le
ministre de la Justice ne sait pas où il s'en va dans cette question de
l'organisation judiciaire.
M. Bédard: Une seconde. J'ai l'impression que nous
savons...
Le Président (M. Bordeleau): Je vais d'abord laisser le
loisir au ministre de répondre aux commentaires du député
de Saint-Laurent.
M. Bédard: M. le Président, j'ai l'impression, au
niveau de la réforme administrative des tribunaux judiciaires, que nous
savons où nous allons, sûrement plus que les gouvernements
précédents, parce que nous avons adopté des lois
très importantes dans ce domaine. Le Conseil de la magistrature...
M. Forget: II y a autre chose que des structures dans...
M. Bédard: Les structures sont aussi très
importantes...
M. Forget: Alors faites-les fonctionner.
M. Bédard:... et très difficiles à toucher,
parce qu'aucun gouvernement précédent ne s'était
décidé à le faire d'une façon globale comme nous
l'avons fait et comme nous l'exigions lorsque nous étions dans
l'Opposition.
Concernant la nomination des juges, ce que j'ai dit ils peuvent
trouver la réponse insatisfaisante, mais c'est ce que nous avions
à dire nous avons mentionné et je l'ai mentionné
dès le départ qu'il y avait un comité qui, avec le
personnel administratif du ministère et également les juges en
chef, faisait continuellement une évaluation des besoins qui pouvaient
exister et que c'était une des bases de réflexion, je pense,
très valable qui m'étaient données pour prendre la
décision de nommer un juge ou de ne pas le nommer. Egalement, nous avons
l'occasion de rencontrer et d'écouter les représentations faites
par les différents juges en chef. Nous avons également l'occasion
de faire une évaluation du travail et de la charge de travail que les
juges ont actuellement. Je n'ai absolument aucune indication qui soit de nature
à nous faire croire je pense que l'Opposition ne nous en a pas
donné non plus qu'il y a un nombre trop élevé de
juges qui sont nommés par rapport à la charge de travail qui est
demandée au niveau de l'ensemble de l'administration de la justice.
Pour ce qui est de l'autre point auquel se référait le
député de Saint-Laurent, concernant l'événement ou
la question posée également par le député de D'Arcy
McGee, je voudrais lui rappeler qu'il y a eu une refonte de la Loi des
jurés, en 1976, par le gouvernement précédent, qui a
donné le droit aux Indiens d'être jurés, mais il n'avait
pas
apporté de dispositions qui soient de nature à donner
également le droit d'être jurés aux Indiens des
réserves. C'est dans une refonte de la loi des jurés, en
1976.
Nous n'avons pas c'est bien clair eu l'occasion de corriger
cela. Je dirai...
M. Marx: Comment! vous n'avez pas eu l'occasion de corriger! On
peut toujours corriger la loi.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Bédard: Nous n'avons pas eu l'occasion de corriger cela
jusqu'à maintenant. Cela n'a pas été fait. Nous n'avons
aucune objection à apporter une correction, à faire ce qu'aurait
dû faire l'autre gouvernement, à savoir également permettre
aux Indiens des réserves d'être jurés. Nous le ferons.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, je comprends qu'il n'a pas
d'autre réponse que celle de blâmer les anciens
gouvernements...
M. Bédard: Je ne blâme pas, j'ai dit que
c'était un oubli.
M. Marx: ... surtout des gouvernements qui ont...
M. Bédard: Je n'ai pas blâmé, j'ai dit que
c'était un oubli. On ne peut pas être plus nuancé que cela.
C'est un oubli au niveau législatif du gouvernement
précédent qui ne permet pas aux Indiens des réserves
d'être jurés. Nous n'avons pas été saisis de cette
invalidité pour les Indiens des réserves. Vous nous en parlez
aujourd'hui. Je suis tout prêt je peux vous le dire
à corriger...
M. Marx: Seulement deux petites choses: premièrement,
quand le ministre a été nommé à son poste, il a
été saisi de tout ce qui se passait et de tous les dossiers du
ministère. Deuxièmement, est-ce que le ministre peut faire une
promesse maintenant, aujourd'hui, qu'il va corriger la loi? C'est ce qu'on veut
savoir.
M. Bédard: Assurément. Je suis convaincu que cela
ne peut être autre chose qu'un oubli qui a été fait
lorsqu'on a procédé à la refonte de la Loi des
jurés, et que cela doit être assurément corrigé.
Pour ce qui est... Je sais bien qu'une fois qu'on est nommé ministre de
la Justice, on est censé être au courant de tous les
problèmes, de la même façon, on sait bien que ce n'est pas
humainement très réaliste de croire que le ministre de la Justice
est au courant...
M. Marx: On se demande maintenant de quel dossier vous...
M. Bédard: ... de tous les problèmes, y compris les
défectuosités des lois qui ont été votées
antérieurement à l'occupation de ses fonctions. A mesure qu'on
nous le souligne, comme vous venez de le faire, je suis tout
disposé...
M. Marx: On se demande aujourd'hui si vous êtes au courant
de quoi que ce soit.
M. Bédard: ... à apporter la correction
nécessaire. Au cours des trois dernières années, nous
avons voté pas loin...
M. Marx: Ce n'est pas la quantité qui compte.
M. Bédard: ... d'une trentaine de lois. Oui, ce n'est pas
seulement une question de quantité, mais également au niveau de
l'ampleur des lois...
M. Marx: Le gouvernement précédent a
voté...
M. Bédard: Je pense que vous seriez à même de
reconnaître que ce bilan est quand même appréciable.
M. Marx: Le gouvernement précédent a
peut-être voté moins de...
Le Président (M. Bordeleau): II est maintenant 18
heures...
M. Bédard: Maintenant, il faudra être sûr que
la constitution nous permet de faire cet amendement et de
légiférer en ce sens. (18 heures)
M. Marx: Est-ce que le ministre demande un avis juridique
maintenant ou quoi?
M. Bédard: Non, au niveau du ministère, nous allons
regarder la situation, parce qu'il me semble qu'il devait sûrement y
avoir un obstacle que nous ne connaissions pas. Nous allons faire
l'évaluation car, à partir du moment où le gouvernement
précédent ou n'importe quel gouvernement, effectue une refonte de
la Loi des jurés qui permet aux Indiens d'être jurés, je ne
vois pas comment on peut en arriver à exclure d'une façon
particulière les Indiens des réserves. Nous allons faire
l'évaluation.
Le Président (M. Bordeleau): II est maintenant 18 heures.
Je devrai suspendre la séance à moins d'avoir un consentement
pour continuer. J'ai d'abord une demande pour reprendre à 20 h 15.
Est-ce que j'ai le consentement des membres de la commission? Oui, mais je veux
savoir si j'ai le consentement d'abord.
M. Bédard: Non...
Le Président (M. Bordeleau): Pas de problème?
M. Fontaine: 20 heures?
Le Président (M. Bordeleau): Pour reprendre à 20 h
15 au lieu de 20 heures, comme normalement prévu.
Des Voix: Pas d'objection.
Le Président (M. Bordeleau): D'accord. Est-ce qu'on serait
prêt maintenant à adopter le programme 1 avant la suspension des
travaux?
M. Lalande: Oui...
Le Président (M. Bordeleau): Oui?
M. Lalande: ... avant d'adopter le programme 1, je voudrais faire
une dernière remarque au ministre. La question que je lui ai
posée concerne encore une fois, je voudrais terminer
là-dessus les critères scientifiques de la
sélection du nombre de juges, de la nomination des juges. Ma question,
le ministre ne l'a pas comprise, dans toute la faiblesse avec laquelle il
conçoit l'administration publique. Ma question était
carrément objective, en ce sens que, quand on n'a pas de
critères, qu'on n'a pas de cadres, comme c'est le cas à l'heure
actuelle, on ne tire pas des conclusions comme vous l'avez fait, en y revenant
plusieurs fois, on n'en arrive pas à conclure nécessairement dans
le sens où le ministre voudrait bien nous faire conclure, que les juges
ne travaillent pas, au contraire; c'est extrêmement dangereux quand on
travaille en dehors de cadres et de critères scientifiques. On pourrait
en conclure finalement que peut-être les juges sont surchargés et
qu'il y aurait besoin de nommer plus de juges. Mais sur quels critères,
encore une fois, pouvons-nous nous établir, s'il ne manque pas de juges
à l'heure actuelle? Peut-être sont-ils surchargés? C'est
ça que le ministre ne peut pas concevoir, ne peut pas comprendre.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, contrairement à
ce que l'on dit, j'ai indiqué qu'il y avait un cadre de discussion
à l'intérieur de certains comités mis en place pour faire
l'évaluation de la nécessité ou pas de nommer des
juges.
M. Lalande: Quel comité?
M. Bédard: J'ai dit à plusieurs reprises que le
tout se faisait...
M. Lalande: Quel comité? Quel est le mandat du
comité? Quelle est la tâche du comité? Comment doit-il
évaluer...
M. Bédard: On vous l'a dit tout à l'heure. Je vous
ai parlé du comité concernant le support administratif, qui avait
des rencontres avec les juges, des rencontres également avec les juges
en chef, l'évaluation que nous pouvons faire des tâches qui sont
nécessaires. Je pense que le député comprendra facilement
qu'on ne peut pas avoir face à ce problème seulement une approche
technocratique. Il faut nécessairement insérer dans la discussion
les juges, qui ont aussi leur appréciation à faire
connaître. C'est un des éléments à partir desquels
nous prenons les décisions qui s'imposent.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que le programme 1
sera adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Bordeleau): Adopté. La commission
de la justice suspend ses travaux jusqu'à 20 h 15.
Suspension de la séance à 18 h 4
Reprise de la séance à 20 h 30
Le Président (M. Bordeleau): A l'ordre, messieurs! La
commission parlementaire de la justice reprend ses travaux. Nous avions
adopté avant la suspension le programme 1. Nous en sommes donc au
programme 2. J'appelle le programme 2. M. le ministre.
M. Bédard: Je voudrais ajouter une chose concernant les
questions valables posées par le député de Maisonneuve sur
les critères au niveau de l'évaluation des charges de travail en
fonction de la nomination de juges.
Je pense que tout le monde se rend compte qu'il y a une
expérience dans le réseau. Ce n'est pas un travail
d'évaluation facile, d'autres avant nous l'ont probablement
essayé, avec les résultats qu'on connaît. Dans cet esprit
de recueillir des données qui nous permettraient une meilleure
évaluation de la charge qui aurait pu nous guider après cela au
niveau de la nomination des juges et de leur nombre, dans la loi 40, que nous
avions déposée concernant les tribunaux judiciaires, par
l'article 36, nous voulions faire une "obligation" aux juges en chef des
différentes cours, de faire parvenir au ministère de la Justice
des données sur le travail, le nombre de causes, les heures
employées pour l'audition des causes, le règlement de ces causes,
cela aurait pu être un instrument qui nous aurait aidé à
faire une évaluation. Cet article-là, après discussion,
n'a pas été retenu.
Il y avait, je crois, des arguments de principe de part et d'autre qui
pouvaient être valables concernant la possible intrusion du politique
dans le judiciaire au niveau de la demande de rapports. A partir de ce
moment-là, M. le Président, il devient bien difficile d'avoir les
bases, tel que je l'ai exprimé, qui nous permettent une
évaluation plus rationnelle et plus efficace pour guider le ministre de
la Justice au niveau de la nomination de nouveaux juges.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, comme le ministre est
intervenu là-dessus, j'aimerais quand même préciser. Il est
exact qu'au moment de l'introduction de la loi no 40 l'Opposition officielle
s'est opposée à certains rapports.
M. Bédard: Je ne l'avais pas mentionné.
M. Forget: Non, mais, puisque cela se dégage au moins du
dossier, elle s'était opposée à la notion que des juges
puissent être obligés, en vertu d'une loi, à faire,
à titre individuel, des rapports sur le travail qu'ils ont
effectué, parce que c'était établir un lien administratif
de caractère nouveau entre les juges et l'administration publique.
M. Bédard: Je m'excuse, M. le Président, juste une
nuance. On ne demandait pas au juges eux-mêmes de faire rapport au
ministère de la Justice, mais au juge en chef seul.
M. Forget: Oui, à partir d'une compilation émanant
des juges.
M. Bédard: C'est cela, dont il a la
responsabilité.
M. Forget: II reste que je suis sûr qu'un ministère
de la Justice, on le souhaiterait, comme il administre les greffes et dispose
des données qui seraient susceptibles de jeter une première
lumière sur le sujet. Si nous avions devant nous, M. le
Président, un premier effort de déblaiement et
d'évaluation objective des charges de travail et une analyse et un
modèle analytique permettant d'évaluer justement la
probabilité d'attente d'une cause, etc., il y a tout un appareil
analytique de type quantitatif à utiliser. Je sais que ce sont des
choses un peu inusitées au ministère de la Justice, mais cela a
été inventé déjà. Ce n'est pas
nécessaire de l'inventer à nouveau. Cela a été
inventé pour bien des fonctions et il est possible d'utiliser ces
instruments-là pour établir au moins des ordres de grandeur
là où les problèmes sont évidents, là
où il n'y en a évidemment pas, etc. Si on avait
déjà un premier déblaiement, il serait peut-être
possible de faire la démonstration que l'information n'est pas
suffisante. Malheureusement, on n'est pas rendu là, on n'était
pas rendu là au moment de l'étude de la loi no 40 et, même
aujourd'hui on n'est pas rendu là.
On n'a pas effectivement atteint cela, du moins, on n'a pas fait
état, et Dieu sait que ce n'est pas parce qu'on ne l'a pas
demandé, que le ministère de la Justice ait fait son "homework"
de ce côté, qu'il ait véritablement fait autre chose que
des évaluations impressionnistes. Des évaluations
impressionnistes, vous savez, je peux en faire, moi aussi, regarder la liste
des causes qui sont au rôle depuis un an, deux ans, trois ans et je vais
me dire: Mon Dieu, ça fait donc longtemps!
On peut toujours appeler ça une analyse, si ça nous amuse
d'appeler ça une analyse, ça dépend quelle
définition on donne au mot. Mais, à mon avis, ce n'est pas une
analyse, c'est simplement un sentiment d'indignation ou d'étonnement.
Une analyse suppose beaucoup plus que ça, ça suppose un effort
systématique, l'utilisation de méthodes quantitatives, des tas de
choses qui ne sont pas... encore une fois, il ne s'agit pas de les inventer
pour les fins de la cause, ça existe, c'est même très
vieux.
Mais il s'agit d'appliquer systématiquement ces instruments pour
déterminer où sont les problèmes et comment on peut
envisager des solutions. A ce moment-là, ça donne des instruments
pour le dialogue avec les juges, ça permet de poser des questions
auxquelles il est peut-être embarrassant de trouver des réponses,
mais, au moins, ça nous met sur la piste. C'est à ça que
nous aimerions voir le ministère de la Justice s'atteler.
C'est sûr que les réponses n'arriveront pas en trois heures
ou trois jours, mais il y a un effort soutenu qui est nécessaire et je
suis loin d'être persuadé que les greffes, qui ont quand
même accès à tous les dossiers de la justice et qui savent
quand une plainte, quand une déclaration est inscrite au plumitif,
jusqu'au moment où le jugement est rendu, peuvent compiler tous ces
renseignements. Ils savent la durée des enquêtes devant les
tribunaux, ils savent si une cause est contestée ou pas, ils savent de
quel genre de cause il s'agit, s'il s'agit d'une cause de faillite ou d'une
cause en droit familial. Ils peuvent donc faire toute cette classification et
établir des paramètres, établir également des
probabilités et à partir de ça, déterminer, si oui
ou non, en se comparant à ce que l'on observe...
On nous dit, par exemple, c'est un cas que j'ai entendu citer par des
collègues plus savants à ce sujet, que les juges britanniques
assument un fardeau incomparablement plus élevé que les juges
nord-américains en général je ne parle pas des
juges du Québec et que les délais dans les cours
britanniques sont infiniment moins longs que les nôtres. Je ne sais pas
si c'est vrai, mais, si c'est vrai, ça mériterait qu'on examine
pourquoi, parce que, malgré tout, je comprends qu'on est plus riches que
les Anglais et qu'on peut vouloir utiliser notre richesse de cette
façon, mais je peux imaginer un tas d'autres façons plus utiles
de l'utiliser aussi. Est-ce que c'est vrai qu'on a des cours moins efficaces
que les Britanniques ou les Hollandais ou les gens de l'Alberta? Je ne sais
pas, on peut quand même regarder ce qui se fait ailleurs.
C'est ce genre d'examen critique de nos procédés
administratifs, du nombre de juges, de leur définition de tâche.
Est-ce qu'on fait faire aux juges des choses qui sont faites ailleurs par des
officiers de justice, dans des causes non contestées, par exemple?
Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de réévaluer cela, d'en discuter
avec les juges? Est-ce qu'on s'est fixé des objectifs de ce
côté-là? On peut se poser des questions jusqu'à ce
qu'on soit tous épuisés, jusqu'à ce qu'on soit rendus
à minuit. Mais le problème, ce n'est pas de se poser des
questions, c'est d'avoir des débuts de réponse.
II y a un service de planification au ministère de la Justice.
Est-ce qu'il y a un individu au ministère de la Justice qui
dépense ses énergies à temps plein à faire cela? Et
s'il y en a un, est-ce qu'il produit quelque chose qui est montrable? S'il
produit quelque chose qui est montrable, montrez-le, Bon Dieu! Ce n'est que
cela qu'on demande. Si ce n'est pas montrable, reprenez-vous avec quelqu'un
d'autre. Mais, à un moment donné, il va falloir accoucher de
quelque chose. Je ne le sais pas, mais cela fait des années qu'on parle
des retards devant les cours et, tout ce qu'on a comme solution, c'est de
multiplier le nombre de juges. Cela semble démontrer un manque
d'imagination assez caractérisé.
Et c'est vrai, M. le ministre de la Justice, vous pouvez me dire: II y a
dix ans, le problème était pire, ou pas mieux, etc. C'est
peut-être vrai, mais ce n'est pas une grosse excuse qu'on a de savoir
qu'on n'a fait aucun progrès depuis dix ans, si c'est le cas. Mais on ne
sait pas si c'est le cas ou non, on n'a aucune donnée. On n'en est
qu'à des impressions. Et tant qu'on va faire de l'administration avec
des impressions, on va avoir une administration impressionniste. Mais,
impression pour impression, notre impression est que cela pourrait aller
mieux.
M. Bédard: M. le Président, il est évident
que toute situation pourrait aller mieux et est susceptible
d'amélioration. Je pourrais dire au député de
Saint-Laurent que, lorsque nous avons à nommer des juges, il ne s'agit
pas de faire une évaluation impressionniste, comme il l'a dit, et ce
n'est pas à partir d'une évaluation impressionniste que nous
discutons avec les juges en chef, au sein du comité au support
administratif.
Je ne l'ai peut-être pas mentionné auparavant et
peut-être que cela n'a pas ressorti de mes propos, mais il est bien
clair, même si cela n'a peut-être pas été dit,
puisque le député de Saint-Laurent le mentionne, il est
évident que nous avons des données de la part des greffes et que
nous demandons des renseignements au niveau des greffes concernant les cours,
le nombre de causes, etc. C'est à partir de ces données que nous
engageons la discussion avec les juges qui, eux aussi, ont leur manière
d'évaluer la situation, qui ne concorde pas toujours avec notre
évaluation. Et lorsque cela ne concorde pas, nous avons à prendre
les décisions qui s'imposent. Quant à certains des
problèmes que nous affrontons, je demanderais de façon plus
particulière peut-être au sous-ministre de la Justice d'en
évoquer quelques-uns. Mais nous avons des données, les greffes,
nous nous en servons. Ce n'est cependant pas là le problème,
c'est quand nous avons à discuter à partir de bases avec
lesquelles tout le monde serait d'accord sur les décisions à
prendre.
Le Président (M. Bordeleau): M. le sous-ministre, au nom
du ministre.
M. Bédard: En fait, très rapidement, il est
évident que, dans l'infrastructure des greffes, on a
énormément de données les greffiers sont dans les
salles d'audience sur l'activité des tribunaux. La
difficulté est de faire en sorte que ces données en principe
objectives soient estimées objectives et valables de part et d'autre,
c'est-à-dire de la part de l'administration et de la part de la
magistrature. C'est dans ce sens-là qu'on essaie de travailler dans les
mécanismes de concertation, comme le comité sur le support
administratif, pour parvenir à ceci, parce qu'encore une fois, sur la
réalité du temps passé dans les salles d'audience, on a
ces données-là.
Par ailleurs, sur le temps requis pour délibérer, pour
arriver à un jugement, compte tenu de la difficulté de la cause,
on est relativement impuissant sur le plan de l'administration. Egalement, il y
a des comparaisons qui sont frappantes. Par exemple, la Cour d'appel du
Québec a un fardeau important à ce moment-ci et, si on compare
cela par rapport à l'Ontario, on a 70% des appels en matière
civile et 30% au criminel au Québec, alors qu'en Ontario, c'est
exactement la proportion inverse: 70% au criminel et 30% au civil. On peut
penser qu'il y a toutes sortes d'explications à ceci, mais la
réalité concrète est que le fardeau de travail est plus
grand pour les causes au civil; on sait qu'habituellement il y a un
délibéré qui est plus long, de sorte que ce n'est pas
facile d'arriver, d'une façon technocratique, à imposer des
normes du côté de l'administration qui offre le support aux
tribunaux.
On a des données, on a des foules de données. On a fait
une étude exhaustive dans le cadre du Tribunal de la jeunesse, parce
qu'on devait le faire à cause de la loi 24. On est à le faire
avec le juge Mayrand, à Montréal, de façon
complète, pour les Sessions de la paix. On veut l'entreprendre avec la
plupart des tribunaux, mais on a besoin pour cela de la collaboration de la
contrepartie qui est la magistrature à laquelle on offre les services.
C'est dans cette optique qu'on travaille d'une façon à essayer de
faire en sorte de s'entendre sur les données qui existent, sur leur
caractère objectif, pour tirer après cela des conclusions, parce
qu'autrement, on n'arrive jamais à rien et chacun tire des conclusions
différentes à partir d'une interprétation qui varie des
données en cause. (20 h 45)
C'est simplement ce que j'avais à mentionner à ce moment.
Etant responsable de l'administration, alors que la magistrature est
responsable de juger à plein temps, c'est certainement un des points les
plus délicats que de réussir à faire la jonction afin de
s'entendre pour tracer des lignes de conduite pour l'avenir, des planifications
pour l'avenir. C'est plutôt dans le sens de la collaboration qu'on a
essayé d'amener cette discussion ouverte, qui a peut-être
été plus difficile par le passé qu'elle ne l'est
aujourd'hui dans ce sens. Mais tout ne se crée pas du jour au lendemain,
c'est certain.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Maisonneuve, est-ce que c'est... Si on revient au
programme 1, je vous rappelle qu'on l'a déjà adopté
avant 18 heures. J'avais permis...
M. Lalande: Oui, sauf qu'il y a quand même certaines
impressions que je ne voudrais pas laisser passer à ce stade. Dans la
réplique, on pourrait s'y engager très vite après ou en
discuter dans le programme 2, si on le veut. Il est heureux de constater que le
sous-ministre, comme le ministre, possède les sources d'information
entièrement et complètement à l'intérieur des
greffes, avec le rôle des officiers de justice, qu'ils soient là
comme greffiers audienciers ou sténographes, etc. qui oeuvrent à
l'intérieur des salles d'audience, pour savoir les durées. C'est
un aspect du problème, M. le ministre l'a souligné avec
raison.
L'autre aspect, c'est que, pour évaluer le temps qu'il faut pour
rendre jugement, c'est plus difficile. Mais je voudrais rappeler au ministre
qu'il y a quand même des jugements d'allure qui ont été
décidés, qui ont été faits, notamment au niveau des
officiers de justice qui doivent rendre jugement, que ce soit la
rédaction des jugements, que ce soit dans le cas des jugements par
défaut. On est arrivé, avec des statistiques, à prouver
qu'on puisse rendre je pense que cela a été fait
jugement dans tel délai. Il ne s'agit pas de tout sectoriser et
d'encadrer de façon complètement positive, mais ceci peut
être fait, a été démontré et peut se faire
encore.
Cependant, le sous-ministre je pense qu'il répond à
la volonté politique du ministre a bien parlé de sa
perception du problème de l'administration par rapport à la
magistrature. C'est là le dilemme du ministre, à l'heure
actuelle. C'est le dilemme que le ministre et son parti s'engageaient à
régler en 1975, et on n'en a pas de conséquence concrète
et véritable. Le support administratif ou le comité sur
l'autonomie administrative du pouvoir judiciaire, c'est là le noeud du
problème, à l'heure actuelle. Ce n'est pas l'administration
contre la magistrature qui devrait oeuvrer en vue de régler ce
problème, mais c'est d'associer tout le monde, tous les intervenants,
les quelque 3000 personnes à l'intérieur de la Direction
générale des greffes et la magistrature. C'est le pouvoir
judiciaire finalement, les officiers de la justice qui sont là qui
devraient s'associer pour en arriver à une solution au
problème.
Je comprends très bien dans quel dilemme il a choisi d'être
ou veut demeurer, celui, comme ministre de la Justice, comme membre de
l'Exécutif, qui demande des comptes au pouvoir judiciaire, à la
magistrature et aux officiers de justice. Evidemment, il n'est pas bienvenu et
on l'accuse, dans certains cas, comme cela a été dans les
années passées, d'ingérence à l'intérieur du
pouvoir judiciaire. Si, par ailleurs, le ministre, qui est responsable de
l'administration de la justice, n'agit pas avec toute la
célérité possible, il se fait quand même condamner
pour ne pas intervenir et accélérer le processus judiciaire.
C'est là un dilemme dans lequel il est à l'heure actuelle.
Il avait promis de répondre avec ces fameux comités et tous les
programmes qu'il pouvait y avoir sur l'autonomie administrative du pou- voir
judiciaire. C'est là une des conséquences. Je pense que le
ministre devrait y attacher plus d'importance. Il n'en a pas attaché
assez. Il l'a démontré amplement aujourd'hui. On pourrait
peut-être arriver à une solution du problème.
Tous les faits sont là. Le ministre les connaît. Mais, pour
des motifs qu'il ne nous explique pas, il n'est pas allé bien loin dans
cette étude qu'il avait promise à grand renfort. C'est ça
que je veux dire à l'heure actuelle.
Le Président (M. Bordeleau): Non... M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je termine
là-dessus.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, je
préférerais.
M. Bédard: Je ne suis pas d'accord avec
l'évaluation que fait le député de Maisonneuve, puisque
ça va à rencontre même des attitudes que nous avons
décidé d'adopter face à la magistrature, qui sont des
attitudes de concertation, une plate-forme de concertation qui permet des
échanges, et mes relations avec le juge en chef sont très
déférentes et très bonnes. Je crois que nous avons toute
la latitude de discuter des problèmes administratifs qui peuvent se
poser. Au niveau de l'accélération des causes ou de la diminution
des délais, tel que je l'ai dit, nous avons réussi, dans
plusieurs cours, à diminuer les délais. Nous avons encore des
difficultés au niveau de la Cour supérieure. Maintenant, nous
prévoyons qu'à la Cour supérieure aussi les délais,
par la force des choses, vont diminuer, parce qu'à partir du moment
je dis prochainement, j'espère où nous aurons
l'instauration d'un Tribunal de la famille il y a beaucoup de causes, un nombre
énorme de causes qui vont partir de la Cour supérieure pour
s'orienter vers le Tribunal de la famille. A ce moment-là, nous
espérons que ça pourra être un élément qui
contribuera à accélérer, au niveau de la Cour
supérieure, l'audition des causes.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, programme 1,
adopté. Programme 2, soit: Soutien administratif à
l'activité judiciaire.
Soutien administratif à l'activité
judiciaire
M. Bédard: M. le Président, les crédits de
ce programme s'établissent à $52 957 300, dont $45 510 800 au
poste des Traitements, soit 85,93% du budget. Les effectifs de ce programme
sont de 2292 postes pour le soutien administratif aux cours de justice civiles
et criminelles et de 89 postes pour le soutien aux tribunaux
administratifs.
L'effectif de 89 postes comprend 61 postes pour le Tribunal de
l'expropriation, 22 postes pour le Tribunal du travail, 5 postes pour le
Tribunal des transports et un poste pour le Tribunal des mines.
Le poste budgétaire services, au montant de $4 677 200, comprend
des crédits de $3 018 500 au titre de la taxation des témoins et
des jurys, de
$1 154 400 au titre des honoraires des huissiers et de $251 000 au
chapitre des services professionnels, des sténographes officiels et des
interprètes.
Le poste budgétaire des loyers comprend une somme de $471 000 au
titre de la reproduction des documents.
Le poste budgétaire des fournitures comprend une somme de $523
500 pour l'achat de formulaires, de chemises, etc., et de $149 100 au chapitre
des fournitures de bureaux.
Aux commentaires généraux au niveau du programme, un
examen comparatif des crédits de 1980-1981 par rapport aux
crédits de 1979-1980 nous révèle une augmentation de $3
354 800, soit un taux d'accroissement de 6,3%. Cet accroissement des
crédits résulte principalement de la révision des
traitements par suite de l'application des nouvelles conventions collectives.
Cet accroissement fut compensé, premièrement, par une compression
de 51 postes réguliers et de 51 postes occasionnels pour donner suite
à la politique gouvernementale de 2,5% du ministre des Finances.
Il y a également une réduction de 61 postes au Tribunal de
la jeunesse, laquelle fait suite au transfert de certaines
responsabilités concernant la surveillance et le transport des enfants
au ministère des Affaires sociales.
Pour ce qui est des réalisations à ce chapitre, j'en ai
fait état déjà lors de mon introduction cet
après-midi. Je ne sais pas si les membres de l'Opposition ont eu
l'occasion d'en prendre connaissance.
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez des questions, M.
le député de Saint-Laurent?
M. Forget: Oui. M. le Président, il y a une chose qui est
très frappante dans ces crédits des deux premiers programmes, et
ça devient frappant au moment de l'étude du deuxième
programme. C'est qu'on a une situation imprécise quant à
l'évolution de la charge de travail. Il semble y avoir une diminution
mais on dit que ce n'est peut-être pas vraiment une diminution. Enfin,
ça demeure dans une espèce de brouillard. Mais ce qui semble
être la politique du ministère est assez typique des
administrations publiques; c'est une espèce de fonctionnement pervers
qu'on remarque très souvent.
On remarque que les postes les plus hautement
rémunérés croissent plus rapidement que les postes moins
bien rémunérés. Comme si on faisait l'hypothèse
que, pour améliorer le fonctionnement de l'appareil judiciaire, ce qu'il
fallait, c'est un "up grading", en quelque sorte, de la qualification moyenne
de l'ensemble du personnel affecté aux opérations. Ce que je veux
dire par ça, c'est que vous avez, supposant que le volume soit constant
n'entrons pas dans la question de savoir si le volume diminue ou
s'accroît, supposons qu'il soit constant ce qui est
l'hypothèse la plus favorable, probablement, pour le ministère
une augmentation du nombre de juges qui sont de mieux en mieux
rémunérés et une diminution du personnel de soutien, qui
est certainement moins rémunéré que le personnel
judiciaire comme tel.
Qu'est-ce que ça signifie comme philosophie administrative du
ministère de la Justice? Plus il y a de juges et moins il y a de gens
pour les aider, mieux ça va aller?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bédard: Je n'ai pas fait le compte du nombre des postes
les mieux rémunérés au niveau de la croissance par rapport
à ceux moins bien rémunérés, mais, concernant le
personnel de soutien pour les juges, effectivement, il y a eu une croissance
moins grande. Je pense qu'ici, dans la province de Québec, nous avons
été à même de constater, par des études qui
étaient déjà au ministère, que c'était
peut-être une des provinces où le personnel de soutien
était le plus impressionnant. Nous avons été à
même de constater que, dans d'autres provinces, les juges pouvaient
fonctionner avec un personnel de soutien moindre. Nous avons poussé
l'analyse et vous en constatez les résultats.
M. Forget: Est-ce que dans vos consultations...
M. Bédard: Cela n'amène pas une diminution de
l'efficacité.
M. Forget:... avec les juges en chef vous êtes
tombés d'accord là-dessus, savoir qu'il valait mieux augmenter le
nombre de juges et diminuer le personnel de soutien, que c'était
là une des grandes orientations de la politique du ministère qui
a fait l'objet de consultations?
M. Bédard: Cela ne se présente jamais de cette
façon, vous le savez très bien.
M. Forget: Je ne le sais pas, je ne suis pas là.
M. Bédard: Vous avez déjà une certaine
expérience de l'administration, vous ne l'avez pas oubliée, j'en
suis convaincu. Lorsqu'il s'agit de discuter de la nomination de juges en
fonction de la nécessité qui existe dans certains
districts...
M. Forget: Non, je ne parle pas de la nomination des juges,
comprenez-moi bien.
M. Bédard: Non, mais on ne fait pas ce...
M. Forget: Je pense que c'est une philosophie administrative du
ministère de la Justice qui dit: On va aller vers telle direction. On se
rend compte qu'on a trop personnel de soutien, il y a trop d'Indiens et pas
assez de chefs. Là, on va augmenter le nombre de chefs et on va diminuer
le nombre d'Indiens pour que le ratio soit plus satisfaisant.
Il doit y avoir quelque chose dans ce genre-là. Ce n'est quand
même pas juste une résultante de mini-décisions, à
la pièce. Est-ce qu'il y a une philosophie administrative quelconque au
ministère de la Justice qui dit: On s'en va dans la mauvaise direction,
il faut corriger le tir? Ou si
cela arrive juste comme ça, parce qu'on n'y a pas
pensé.
M. Bédard: Premièrement, il n'y a pas eu
d'augmentation massive du nombre des juges, et ce sont des décisions qui
se prennent à partir du moment où le besoin se fait sentir et
l'analyse se fait concernant l'opportunité ou la nécessité
d'une nomination. Ces décisions ne sont pas prises par rapport à
d'autres décisions concernant le personnel de soutien. C'est une autre
sorte de problème. Je vous ai expliqué tout à l'heure,
concernant le personnel de soutien, ce que certaines études nous
donnaient et à partir desquelles nous avons...
M. Forget: Ce sont des études secrètes comme les
autres.
M. Bédard: Non, c'est à partir des études
qui sont faites...
M. Forget: Ce ne sont pas des études, ce sont des
impressions ça aussi.
M. Bédard: Par rapport à ce qui se passe dans
d'autres provinces, nous Voyons que le soutien des juges...
M. Forget: Mais est-ce qu'il y a des études, M. le
ministre? Ecoutez, ou il y a des études ou il n'y en a pas, mais on va
s'entendre sur le sens des mots. Dans mon idée, une étude, c'est
une étude, ce n'est pas juste une impression que vous avez eue en
voyageant à travers le Canada. Est-ce qu'il y a une étude? S'il y
a une étude, on aimerait la voir. Là, on la lira et on sera
d'accord ou non avec vous, mais on saura de quoi on parle. Si c'est juste une
impression personnelle, très bien, on aimerait savoir cela aussi.
M. Bédard: II y a une étude. Le Groupe national de
travail sur l'administration de la justice, qui nous a permis justement de
vérifier...
M. Forget: Une étude fédérale. M.
Bédard: Une étude fédérale.
M. Forget: Une chance qu'Ottawa est là parfois. Une chance
qu'Ottawa est là, parce que cela a l'air que s'il n'y avait pas les
études fédérales, il n'y en a pas eu au ministère
de la Justice du Québec.
M. Bédard: Vous allez avoir une déception, elle est
provinciale, c'est entre les provinces.
M. Forget: Elle n'est pas bonne. C'est interprovincial? Bon.
M. Bédard: Elle est interprovinciale, c'est ce que je vous
disais tout à l'heure. Cela nous a permis de nous rendre compte que le
personnel de soutien n'est pas la même situation au Québec par
rapport à d'autres provinces et cela nous permet de faire les
évaluations qui nous ont menés à une diminution du
personnel de soutien.
M. Forget: Est-ce que ce sont des études strictement
intergouvernementales ou si c'est disponible au public?
M. Bédard: II n'y a pas eu de conférence de presse
systématique à cet égard, mais je ne crois pas qu'il y ait
de cachette.
M. Forget: Est-ce qu'on peut en avoir un exemplaire?
M. Bédard: Je peux peut-être faire les
représentations. On pourrait vous les remettre demain.
M. Forget: Merci. On va lire cela avec intérêt. Ou
toute autre étude qui trainerait dans vos tiroirs, qu'on n'a pas eu la
présence d'esprit de mentionner et qui pourrait jeter une certaine
lumière sur les sujets discutés aujourd'hui serait fortement
appréciée. (21 heures)
M. Bédard: S'il fallait que je vous donne toutes les
études qui étaient au ministère, qui ont été
faites par les autres gouvernements et qui ont été
laissées en plan, nous aurions un char d'études...
M. Forget: Un char d'études, mais qui ne sont pas de
valeur égale, c'est sûr.
M. Bédard:... qui n'ont débouché sur
rien.
M. Forget: Oui, on constate que c'est encore la même
chose.
M. Bédard: Au contraire, vous avez eu 30 lois, et
d'importantes.
M. Forget: Je pense que le ministre... M. Bédard:
On va revenir au calme.
M. Lalande: M. le Président, je pense que le ministre
s'avance un peu quand il dit que les études des gouvernements
antérieurs n'ont pas débouché sur grand-chose. Il faudrait
revenir véritablement au livre blanc de M. Choquette, qui a
peut-être été la pierre d'assise de toute l'administration
contemporaine de la justice qui est extrêmement importante. Je pense que
c'est ne pas rendre véritablement justice au gouvernement
précédent qui a travaillé d'arra-che-pied à
planifier l'organisation de la justice. Il est malheureux que le ministre
actuel n'ait pas donné suite à ça.
Je voudrais revenir à ce que mon collègue de Saint-Laurent
disait tout à l'heure...
M. Godin: Ils ne se connaissent même pas encore.
M. Lalande: Cela ne fait rien, on a une communion d'esprit qui
est très proche.
M. Godin: Voulez-vous qu'on vous présente?
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mercier, s'il vous plaît!
M. Lalande: Ce que mon collègue...
M. Forget: On ne se connaît pas sous notre nom de
comté.
M. Lalande: L'orientation que soulignait mon collègue de
Saint-Laurent tout à l'heure et vers laquelle semble aller le
ministère de la Justice, à savoir, pour reprendre son expression,
que l'on privilégie l'accroissement du nombre de chefs au
détriment des Indiens, c'est vrai qu'on peut la constater à la
lecture même des crédits qui sont ici devant nous aujourd'hui, il
y a même les effectifs qui sont devant nous. Mais je pense que le
ministre devrait aller plus loin et se demander si cette orientation n'est pas
un peu dangereuse, et je lui citerai deux exemples plus éloignés
pour prouver quand même un point. Comme le disait encore une fois mon
collègue de Saint-Laurent tout à l'heure, en Angleterre, on a
l'usage massif des officiers de justice, du personnel de soutien, au niveau de
la magistrature. Dans l'Etat de New York, vous retrouvez à peu
près 20 000 000 d'habitants, par rapport à l'Angleterre et au
pays de Galles où, si je ne m'abuse, il y a autour de 55 000 000
d'habitants. Per capita, vous vous apercevez que, dans le cas de l'Angleterre
il y a deux fois moins de juges que dans l'Etat de New York. J'ai l'impression,
à sa face même, si on regarde le rôle extrêmement
important de l'officier de justice à l'intérieur de
l'administration de la justice en Angleterre...
Je ne voudrais pas reprendre tout le travail, tout ce en quoi consiste
le "Lord Chancellor Office" et tout ce que ça concerne,
l'intégration des officiers de justice et de la magistrature proprement
dite est quand même extraordinaire et donne un taux d'efficacité
assez remarquable. Par ailleurs, vous avez d'autres expériences aux
Etats-Unis où, dans le processus judiciaire, dès le début
de l'action, le juge commence àfonctionneravec un greffieraudiencier et
reste à l'oeuvre pendant toute la durée du procès.
Vous avez là deux conceptions de l'administration de la justice
et je peux vous dire que, dans le cas de la justice britannique, sauf erreur,
telle qu'administrée en Angleterre et au pays de Galles, c'est
drôlement plus efficace. Je pense qu'il ne faut pas se comparer
nécessairement avec les autres provinces canadiennes ni avec les autres
pays, sauf que, quant à la direction qu'a prise l'Angleterre par rapport
à la direction qu'a prise les Etats-Unis, on observe qu'il y a beaucoup
plus d'efficacité administrative.
C'est dans ce sens qu'il faudra que le ministre choisisse l'orientation,
s'il doit continuer dans un sens ou corriger dans l'autre sens.
M. Forget: M. le...
Le Président (M. Bordeleau): M. le sous-ministre, au nom
du ministre.
M. Bédard: Une seconde, le sous-ministre voulait dire
quelques mots.
Simplement une information. On a réuni le mois passé,
à Montréal, pour la première fois, les officiers de
justice pour des séances de travail qui ont duré deux jours. Ils
étaient 234 sur une possibilité de 484 qui ont des
délégations de pouvoir judiciaire. On a constatéque les
officiers de justice, dans le travail de préparation de cette
réunion, au Québec cela répond peut-être un
peu à une question qui a été posée tantôt
sont ceux qui ont la plus grande délégation de pouvoir
judiciaire de toutes les provinces canadiennes et de la part des juridictions
que nous connaissons. Là-dessus, on connaît les cas des
protonotaires spéciaux, des greffiers spéciaux de la Cour
provinciale, des modifications qui ont été apportées pour
dire qu'il y a une utilisation très grande, très substantielle
des officiers de justice, et avec la collaboration de la magistrature, d'une
part.
Quant à la statistique sur les juges au Québec, il reste
qu'actuellement, l'accroissement des juges a été relativement
restreint en termes de postes disponibles. C'est voté par des lois de
l'Assemblée nationale. Il y a eu un accroissement de cinq postes
à la Cour provinciale par rapport à la juridiction
financière qui est passée de $3000 à $6000; il y a eu six
postes additionnels, parce que les juges avaient le droit, dans le cadre de la
Loi du Tribunal de la jeunesse, la loi 24, d'aller à un autre tribunal.
Cela ne diminuait pas les cadres des juges du Tribunal de la jeunesse.
On a actuellement 19 postes vacants qui sont, pour la plupart,
volontairement vacants, parce que cela nous permet de jauger les besoins, selon
que c'est nécessaire.
Sur le plan de l'effectif de la fonction publique, il est évident
que, comme tous les ministères, nous avons à vivre avec des
contraintes d'effectif, une coupure de 2,5% l'an dernier et de 2% cette
année. Nous essayons d'en profiter pour augmenter la productivité
des employés des greffes. Il faut rappeler qu'on a quand même,
à l'effectif autorisé, 2292 postes, si on exclut le personnel
judiciaire, le nombre de juges, et si on exclut le Tribunal d'expropriation, le
Tribunal du travail et des transports, pour ce qui est des tribunaux
judiciaires proprement dits.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je voudrais poser une question au ministre si tous les
postes administratifs, tous les postes de cadres, sont comblés
actuellement à la direction des greffes.
M. Bédard: II y a trois postes vacants actuellement. Il y
a onze directions régionales et il y a trois postes vacants. Il y a les
postes de Hull, de Montréal-Nord et du Nord-Ouest. Il y a des concours.
Effectivement, le successeur de M. Lalande était en poste à Hull,
c'est donc la chaise musicale. Il va venir au palais de justice de
Montréal. On s'apprête à ouvrir le concours à Hull.
Du côté du Nord-Ouest, ce titulaire a remplacé M.
Lalande
à Québec, parce qu'il était venu à
Montréal. Le concours est là.
M. Forget: Je vois.
M. Bédard: Et il y a Montréal-Nord.
M. Forget: Cela, c'est au niveau des postes de directeur des
greffes.
M. Bédard: Oui.
M. Forget: A l'intérieur même des greffes du
district de Montréal, est-ce que, au niveau inférieur, il y a des
postes vacants?
M. Bédard: Tous les postes sont comblés
actuellement.
M. Forget: Tous les postes sont comblés actuellement,
d'une façon permanente, et non pas à titre
intérimaire?
M. Bédard: On est à refaire le plan d'organisation
administrative supérieure de la Direction générale des
greffes. On repasse toutes les directions du ministère de la Justice. On
est sur le point de transmettre un projet au Conseil du trésor pour
revoir le plan d'organisation administrative supérieure du
ministère.
M. Forget: Et cette affirmation vaut jusqu'au niveau des chefs de
service?
M. Bédard: Au niveau des cadres et des adjoints aux
cadres, on a une catégorie d'agents de maîtrise également
dans le secteur, avec des directeurs 1, 2, 3.
M. Forget: Par exemple, le service de la rédaction des
jugements au palais de justice de Montréal a longtemps été
vacant. Est-ce qu'il est comblé?
M. Bédard: Le concours a été tenu et le jury
est sur le point de faire son rapport. Il va être comblé.
M. Forget: Est-ce que c'est la première fois qu'il y a un
concours pour combler ce poste?
M. Bédard: Non, il y a eu deux ou trois concours dans les
dernières années pour combler ce poste.
M. Forget: Qu'est-ce qui est arrivé?
M. Bédard: A chacune des reprises, on n'a pu qualifier
personne, malgré qu'il y avait quand même un certain nombre de
candidats. On n'a pas jugé que les personnes qui s'étaient
présentées étaient aptes à assumer ces
fonctions.
M. Forget: Dans aucun cas?
M. Bédard: Dans aucun de ces concours. Récemment,
je sais qu'il y a eu un concours et il y aurait, je pense, une réponse
positive. On attend, évidemment...
M. Forget: Comment le ministère interprète-t-il le
fait que des concours sont tenus pour des postes de cadres même si
ce ne sont pas les postes les plus élevés et qu'aucun
candidat qualifié ne se présente? Est-ce que les exigences sont
trop considérables? Est-ce que la rémunération n'attire
personne? Le contexte ou le contenu du travail est-il tel que personne n'est
intéressé, qui aurait les aptitudes pour les remplir?
M. Bédard: On doit dire que, dans le domaine juridique et
à tous les niveaux, particulièrement à Montréal, la
concurrence est très forte et, malgré le fait que les
échelles de traitement de la fonction publique ont été
passablement revalorisées, autant au niveau des cadres, des adjoints aux
cadres que des professionnels ou des agents de maîtrise ces
dernières années, on a un problème sur le plan
concurrentiel pour avoir des candidats en grand nombre. C'est vrai autant pour
les directions supérieures que pour les niveaux intermédiaires,
là où on demande des qualifications juridiques, là
où on souhaite avoir du personnel composé d'avocats ou de
notaires, comme l'exigent les qualifications, et en même temps des gens
qui ont de l'habileté administrative. De plus en plus, on essaie de
développer les deux, mais c'est sûr que les avocats et les
notaires ont tendance à être davantage tentés, par
l'exercice de la profession, de faire un travail professionnel. Amener en
même temps des gens qui ont des connaissances en droit à faire un
travail administratif, je pense que, par l'émulation et une meilleure
organisation de la direction et, bien sûr, de meilleurs traitements, on y
vient, mais c'est plus lent qu'on le souhaiterait. C'est vrai également
dans nos contentieux. On pourra en parler au niveau des affaires civiles et
pénales. On est encore en concurrence importante avec la pratique
privée. Les efforts n'ont pas toujours les résultats qu'on
souhaiterait.
M. Forget: M. le Président, je vais poser une question
délicate au ministre. Comme il y a passablement de rumeurs qui ont
circulé et auxquelles j'ai moi-même fait écho dans le
passé, même à l'Assemblée nationale, et comme on
parle justement de la multiplication des concours relativement à un
poste, je veux lui demander s'il peut nous donner l'assurance qu'aucune
influence politique n'a joué dans la tenue de ces concours, pour en
exclure des candidatures ou pour influencer le jugement qu'ont porté les
membres du jury.
M. Bédard: Je peux donner cette assurance au
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Le ministre avouera qu'il y a un concours de
circonstances qui est bien connu, qui
n'échappe à personne et qui a donné lieu à
passablement de rumeurs au palais de justice de Montréal, relativement
à la présence du conjoint de l'un des membres du Conseil des
ministres.
M. Bédard: Je peux donner...
M. Forget: II y a, de ce côté-là, une
situation qui ne laisse pas d'en inquiéter plusieurs, que des concours
aient échoué à de si nombreuses reprises et qu'un poste
soit demeuré vacant pendant littéralement des années, dans
des circonstances où l'intérêt de la personne
mentionnée était connu pour le poste en question.
M. Bédard: M. le sous-ministre a évoqué les
difficultés administratives, les difficultés auxquelles nous
avons eu à faire face pour combler ce poste. Je puis donner l'assurance
qu'aucune intervention politique n'a été faite et ne sera
faite.
M. Forget: J'espère que le ministre pèse
soigneusement ses mots et qu'il nous donne une assurance en laquelle on peut
avoir une confiance inébralable. J'aimerais pouvoir être
rassuré totalement. Evidemment, ce n'est qu'une question de point de
vue, je présume.
M. Bédard: Je suis très à l'aise, je tiens
à vous le dire, M. le député de Saint-Laurent. Je
comprends votre question. Vous pourrez faire les vérifications où
vous voudrez, je ne suis pas le genre pour faire des interventions politiques
là où elles ne doivent pas se faire. C'est aussi simple que
cela.
M. Forget: Remarquez, M. le ministre, que je n'ai pas dit que
vous aviez fait les interventions.
M. Bédard: Non.
M. Forget: C'est une chose que le ministre titulaire fasse des
interventions et...
M. Bédard: Si vous voulez ajouter autre chose...
M. Forget: ... c'est une autre chose que des collègues du
ministre en fassent eux-mêmes.
M. Bédard: A ma connaissance, aucune intervention
politique n'a été faite par qui que ce soit.
M. Forget: A votre connaissance? M. Bédard:
Oui.
M. Forget: Avez-vous été au-delà de cela
pour vous en assurer positivement?
M. Bédard: M. le sous-ministre est en mesure de me dire
également qu'aucune intervention politique n'a été
faite.
M. Forget: Là-dessus, on doit accepter votre parole, M. le
ministre.
M. Bédard: Je vous remercie.
Le Président (M. Bordeleau): M: le député de
Maisonneuve, s'il vous plaît.
M. Lalande: M. le Président, cela concerne justement ce
que le sous-ministre a souligné tout à l'heure,
c'est-à-dire certains problèmes de recrutement à
l'intérieur du ministère de la Justice pour certains
postes-cadres, entre autres. Je m'en voudrais de manquer encore de cette
vieille fibre de loyauté à mes anciens collègues qui
étaient les directeurs régionaux des greffes pour demander
où le ministère de la Justice en est rendu dans le "recalibrage-"
des postes des directeurs régionaux. (21 h 15)
On sait qu'il y a onze régions administratives au Québec.
Il y a onze directeurs régionaux. Sauf pour le cas de celui de
Montréal et de celui de Québec, qui jouissent d'un "calibrage"
supérieur par rapport aux autres, les autres directeurs
régionaux, qui ont à assumer des fonctions judiciaires comme
officiers de justice, doivent également assumer des
responsabilités administratives et, dans la situation actuelle ils sont
"calibrés" au poste d'ACS, d'adjoints aux cadres supérieurs. Si
je ne me trompe pas, le point milieu, qui est la politique de
rémunération de la fonction publique, amène à un
traitement vous pourrez me corriger si je me trompe de $33 000 ou
de $34 000. C'est à peu près le maximum qu'on peut avoir comme
traitement. Vous avez des professionnels qui travaillent pour eux et vous avez
aussi des directeurs locaux de greffes qui relèvent d'eux, qui un bien
meilleur traitement, soit $37 000 ou $38 000. En d'autres mots, la question qui
se pose, c'est que vous avez, par exemple, le directeur régional de la
région de Montréal rive nord, qui est à
Saint-Jérôme, qui est payé, comme directeur régional
et qui doit superviser et Saint-Jérôme et Joliette
$33 000 ou $34 000 maximum par année, et vous avez un directeur local
qui est à Joliette, par exemple, qui relève de ce directeur
régional et qui, lui, est payé $37 000.
Je comprends que, dans des conditions semblables, il y ait certains
problèmes de recrutement au niveau de la justice. Je sais que ce n'est
pas le ministre de la Justice qui est aux prises avec ces problèmes;
c'est le ministre de la Fonction publique. Je voudrais savoir, à ce
stade, quelles démarches le ministre a faites pour essayer de
régler ce problème qui, je pense, existe depuis fort longtemps.
En tout cas, les directeurs régionaux, au temps où j'y
étais, ont saisi le sous-ministre de ce problème.
Le Président (M. Bordeleau): M. le sous-ministre au nom du
ministre.
M. Bédard: Concernant le recalibrage, je demanderais
à mon sous-ministre de faire le point, car du travail a
été fait là-dedans.
Le problème vient du fait que, dans la structure de gestion des
greffes, on a deux corps d'emplois différents: on a des agents de
maîtrise
qui ont suivi, de par les années passées, une progression
automatique en bonne partie, pour l'essentiel, un peu comme les professionnels
du gouvernement, et qui sont les directeurs locaux des greffes avec les
catégories 1, 2, 3. On a des cadres ou des adjoints aux cadres
supérieurs qui sont suivi une progression plus lente. Je pense qu'il est
bien connu, dans la fonction publique en particulier, que les adjoints aux
cadres supérieurs, par rapport aux professionnels, ont subi une
progression plus lente parce qu'entièrement axée sur le
mérite et moins automatique que ce qui découlait des conventions
collectives.
Cette année, sur le plan des décisions du trésor,
il y a eu une masse plus forte dégagée pour les adjoints aux
cadres supérieurs justement pour essayer de régler un peu le
problème par rapport aux professionnels et, dans notre cas
précis, par rapport aux agents de maîtrise. Je pense que les
rémunérations qui débloquent pour le 1er juillet 1979 et
bientôt pour le 1er juillet 1980 vont temporairement permettre de
corriger en partie. Par exemple, le point milieu dont vous parliez tantôt
va être de $38 000 au 1er juillet 1980 pour les adjoints aux cadres
supérieurs, d'une part. Par ailleurs, depuis un bon moment, on a
demandé à l'ancienne Commission de la fonction publique on
est en discussion avec le ministère de la Fonction publique de
revoir le phénomène des agents de maîtrise par rapport aux
adjoints aux cadres et aux cadres supérieurs. C'est en discussion. Cela
crée effectivement des tensions.
Par ailleurs, on est aussi à préparer un plan
d'organisation supérieure de la direction générale. Dans
ce cadre, on reprend l'ensemble de l'organisation. Ceci doit être soumis
au Conseil du trésor et on souhaite pouvoir avoir des résultats
qui vont aider à régler le problème de façon plus
définitive. C'est à peu près ce qu'on a à dire
à ce moment de ce dossier dont on est fort conscient et qui existe
depuis fort longtemps au ministère.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Maisonneuve.
M. Lalande: M. le Président, ma remarque est simplement
pour éviter d'y revenir un peu plus tard, parce que je pense que cela
peut s'imbriquer là à ce moment. Il s'agit de façon
générale, des professionnels qui oeuvrent au ministère de
la Justice, que ce soit au niveau des greffes ou à d'autres niveaux. On
sait qu'à l'heure actuelle, pour permettre aux professionnels "seniors"
d'avoir un certain revenu, un certain traitement acceptable, eu égard
à leurs responsabilités, on doit souvent avoir recours au
calibrage de postes d'adjoints aux cadres supérieurs ou de cadres
supérieurs par la suite pour pouvoir leur donner un traitement qui est
décent. Est-ce que le ministère de la Justice a fait des demandes
ou des revendications, parce que ça le touche de près, le fait
d'avoir un genre de classe "senior", si je peux dire, au niveau des
professionnels, pour permettre à un officier de justice qui est, par
définition, non pas un administrateur je pense au protonotaire
spécial que vous avez mentionné tout à l'heure, cela
pourrait être quelqu'un d'autre dans d'autres directions
générales pour amener ces professionnels seniors à
être calibrés dans un poste qui n'est pas celui d'administrateur
parce que, justement, leur fonction n'est pas d'être administrateur?
Cette question, je pense, se relie un petit peu à l'autre,
à savoir s'il y a eu des demandes ou des choses qui ont
été faites dans ce sens-là.
M. Bédard: Evidemment, il y a eu toute la discussion qui a
conduit à la signature récente de la convention collective des
professionnels du gouvernement et qui a été assez longue, comme
vous le savez. En pratique, la tension, bien souvent, à l'échelle
des professionnels, pour un bon bout, rejoint et dépasse le maximum des
échelles, chevauche les échelles des adjoints aux cadres
supérieurs et même des administrateurs IV. Le problème que
l'on vit est plutôt, à ce moment-ci, l'inverse. Par ailleurs, il
est évident que la question d'avoir des spécialistes qui ne sont
pas obligés de faire une fonction administrative et bien payée
dans l'administration publique est un débat qui continue et qui n'est
pas facile à résoudre. C'est un problème d'ensemble de
l'appareil administratif.
Quant à nous, nous pensons que, dans les échelles
actuelles, le problème le plus sérieux, malgré tout, au
niveau des greffes, est plus d'avoir le problème inverse. Nous pensons
que, du côté des professionnels de l'administration publique, sous
réserve des fonctions juridiques proprement dites et, là, on a un
problème de concurrence avec la pratique privée, on a moins de
tension que le problème que vous avez soulevé qui fait que les
agents de maîtrise peuvent être payés plus cher que des
adjoints aux cadres supérieurs, ce qu'on essaie de corriger de la
façon que je l'ai indiqué.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: Oui, M. le Président, j'aimerais m'excuser si le
ministre s'est senti agressé lors de mes interventions de
l'après-midi.
M. Bédard: Je vous en prie; c'est déjà
oublié.
M. Marx: C'est déjà oublié, mais je voulais
m'excuser, de toute façon, et je promets d'être moins agressif ce
soir, le cas échéant.
J'aimerais aborder le problème de l'absence des non-Canadiens
français au ministère de la Justice. Comme vous le savez, M. le
Président, il y a au Québec près de 1 000 000 de
non-Canadiens français, à peu près 20% de la population,
c'est-à-dire que 20% de la population sont des non-Canadiens
français et ces personnes ne sont pas adéquatement
représentées soit au gouvernement, soit au ministère de la
Justice.
Je pense que, pour avoir une société saine au
Québec, pour avoir une société juste, c'est
nécessaire que ces personnes soient bien intégrées
dans la société québécoise. J'ai
déjà eu l'occasion, il y a quelques semaines, de critiquer cette
situation au Québec et d'écrire même au premier ministre.
J'ai eu une réponse du ministre Marois et j'ai répondu à
celui-ci. Si je me souviens bien, j'ai envoyé une copie de ces lettres
au ministre de la Justice.
En m'adressant au premier ministre, j'ai critiqué le fait que le
gouvernement du Québec n'a nommé que des Canadiens
français aux 29 postes ouverts à la Commission de la santé
et de la sécurité du travail, à savoir le
président, les quatorze vice-présidents et les quatorze membres
du conseil d'administration. En effet, toutes les personnes nommées
étaient des Canadiens français. J'ai eu une réponse du
ministre Marois, une réponse pleine d'excuses et de raisons, vous
comprenez, M. le Président, qu'il a fait des excuses et qu'il a
donné des raisons. Au ministre Marois, j'ai répondu, et je cite:
"Vos raisons et vos excuses pour tenter d'expliquer l'absence de
Québécois non-Canadiens français dans les grandes
institutions et organismes provinciaux m'ont fait penser aux raisons et excuses
données il y a 20 et 30 ans pour expliquer l'absence des Canadiens
français des grandes institutions et organismes
fédéraux".
Je me demande combien de non-Canadiens français se trouvent parmi
les fonctionnaires au ministère de la Justice? Combien, parmi les
proches collaborateurs du ministre? J'ose dire qu'il n'y a pas 2% de
non-Canadiens français comme fonctionnaires au ministère de la
Justice. Il y a, si je me souviens des chiffres, 14 000 employés au
ministère de la Justice et il serait normal et naturel d'avoir à
peu près 2500 non-Canadiens français comme fonctionnaires au
ministère de la Justice.
Est-ce que l'absence de non-Canadiens français est voulue? Est-ce
que l'absence de non-Canadiens français est due au hasard? Si c'est le
hasard, c'est un drôle de hasard parce que ça défavorise
toujours les non-Canadiens français d'une façon
systématique. La question que j'aimerais poser au ministre est: Est-ce
qu'il a l'intention de rendre plus juste la situation dans son
ministère? A-t-il jamais pensé à cette situation dans son
ministère? 14 000 employés, pas de non-Canadiens français
ou presque pas.
Même dans cette Chambre, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de
non-Canadiens français, c'est-à-dire dans les proches
collaborateurs du ministre, des présidents des commissions, etc.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bédard: Je pense que le député
évoque une situation que je dirais historique, qui dure depuis toujours.
Concernant le ministère de la Justice, comme vous le savez, il est
très régionalisé, ce qui veut dire que le problème
se pose d'une façon plus particulière lorsqu'il s'agit du
district de Montréal.
Dans le district de Montréal, au niveau des procureurs de la
couronne, il n'y a pas moins d'une dizaine de procureurs de la couronne qui
sont anglophones.
M. Marx: Je ne parle pas des anglophones, on m'a mal compris. La
question ne concerne pas les anglophones, c'est la question des non-Canadiens
français. Il y a une distinction importante à faire.
M. Bédard: D'accord. A Montréal, au niveau des
procureurs de la couronne, il y en a une dizaine de non-Canadiens
français sur 180.
M. Marx: Cela fait 5%.
M. Bédard: Depuis que je suis là je
comprends l'argument du député de D'Arcy McGee je vous dis
très honnêtement que je n'ai jamais eu de représentation
qui m'ait été faite que le nombre de procureurs de la couronne
non-Canadiens français ne répondait pas aux besoins de la
situation.
Alors, si vous me permettez...
M. Marx: Oui.
M. Bédard: Donc, je pense qu'il est facilement
compréhensible que j'en conclue que le nombre de procureurs de la
couronne qui est affecté à Montréal répond aux
besoins.
Parmi les procureurs de la couronne depuis que je suis là
il y en a deux non-Canadiens français qui ont été
nommés juges, à ce que je me souvienne. Au niveau du
Comité de la protection de la jeunesse, j'ai fait en sorte
également qu'au moins deux membres du Comité de la protection de
la jeunesse soient des non-Canadiens français.
Au niveau de la Commission des droits de la personne, je sais que,
très prochainement, également, il y aura des nominations qui
tiendront compte des différentes ethnies. (21 h 30)
M. Marx: Au niveau des commissaires?
M. Bédard: Vous me parlez de l'administration de la
justice, j'essaie de répondre pour mon secteur. Je sais que c'est
peut-être un problème de l'ensemble de la fonction publique. Cette
situation a été portée à l'attention du ministre de
la Fonction publique qui a eu à faire ses commentaires, mais, au niveau
du ministère de la Justice lui-même, je pense que vous êtes
à même de le constater, comme c'est un des ministères les
plus décentralisés, les plus régionalisés, le
problème que vous évoquez se pose surtout dans la ville de
Montréal, le district de Montréal. Or je viens de vous dire que
nous avons fait le nécessaire pour qu'il y ait suffisamment de
nominations dans les postes importants, de manière à
répondre aux besoins.
M. Marx: M. le Président, le ministre a
commencé...
M. Bédard: II y a des concours qui se font. Je pense que
le ministre de la Fonction publique a évoqué que ça
pouvait être un problème au niveau de l'ensemble de la fonction
publique. Il y a des concours qui se font. Il faudrait faire le relevé
du
nombre des non-Canadiens français qui postulent, ça nous
permettrait de faire une meilleure évaluation de cette situation.
M. Marx: M. le Président, je ne veux pas donner
l'impression que je blâme le ministre actuel.
M. Bédard: Je ne l'ai pas pris comme cela non plus, je
vous assure.
M. Marx: Je ne veux pas donner l'impression que je blâme le
ministre actuel. Il dit que c'est un problème historique,
peut-être, peut-être pas, mais comme je l'ai dit au début
dans mon introduction, les raisons et les excuses que le ministre Marois m'a
données pour l'absence des non-Canadiens français dans un autre
organisme provincial sont les mêmes que celles qu'on a données il
y a 20 à 30 ans pour expliquer l'absence des Canadiens français
à Ottawa. A Ottawa, il y a eu un problème historique aussi qui a
été réglé par un ministre de la Justice qui est
devenu premier ministre. Il a réglé le problème historique
en faisant en sorte que les Canadiens français soient beaucoup mieux
représentés à Ottawa aujourd'hui qu'ils ne
l'étaient avant qu'il ne soit nommé soit ministre de la Justice,
soit premier ministre. Mais je ne veux pas faire de comparaison entre la
province de Québec et le fédéral.
M. Bédard: L'Ontario?
M. Marx: C'est cela, je ne veux pas faire de comparaison, mais je
pense qu'au niveau fédéral M. Trudeau a réglé un
certain nombre de problèmes. On va aborder bientôt la Charte des
droits et libertés de la personne, et donc on va parler de la justice,
finalement du ministère de la Justice. Est-ce que le ministre est
prêt à mettre sur pied un programme d'action affirmative dans son
ministère pour mieux intégrer les non-Canadiens
français?
M. Bédard: Depuis que je suis là, par rapport aux
nominations ou aux besoins qui m'ont été exprimés, il y a
déjà une évaluation comment dites-vous
positive.
M. Marx: Un programme d'action affirmative. M. Bédard:
II y a déjà une attitude affirmative. M. Marx: Mais ce
n'est pas la même chose.
M. Bédard: II y a déjà une attitude
affirmative qui s'est manifestée...
M. Marx: Il faut aller plus loin que cela, M. le ministre.
M. Bédard: ... dans le sens que je vous ai
évoqué tout à l'heure. Quand il y a des concours, prenez
au niveau des nominations de juges, quand il n'y a que des francophones qui
postulent je pense que vous comprenez la situation qui fait que le
comité de sélection en arrive au choix d'un francophone.
Lorsqu'il y a eu des non-Canadiens français qui ont posé leur
candidature, j'en ai tenu compte, je tiens à vous le dire, et je pense
que c'est important aussi, très important, ce qui a amené la
nomination de deux juges. Je suis très ouvert à votre
suggestion.
M. Marx: Je comprends que c'est très ouve 1, ce sont les
mêmes raisons qu'on donne pour excuser l'absence des femmes dans les
ministères, parce qu'on n'a pas de femmes juges ou si peu, on donne des
excuses. Je me souviens, M. le Président, en Chambre, il n'y a pas
longtemps, le ministre d'Etat à la Condition féminine a
parlé d'un programme "d'action affirmative" en ce qui concerne les
femmes. A cette époque, je me souviens que le ministre de la Justice
était plus ou moins d'accord avec un tel programme vis-à-vis des
femmes.
Voici la question que j'ai posée. Est-ce que le ministre est
prêt à parrainer un programme "d'action affirmative" pour mieux
intégrer les non-Canadiens français dans son ministère?
Finalement, c'est le ministre de la Justice qui est le patron de ce
ministère. Je lui pose cette question, est-ce qu'il est prêt
à mettre sur pied un programme "d'action affirmative"? Oui ou non?
M. Bédard: Je pense que je n'ai pas à
répondre...
M. Lalande: ... de la discrimination positive.
Le Président (M. Bordeleau): Un instant, M. le
député de Maisonneuve.
M. Bédard: Pardon?
M. Lalande: ... de la discrimination positive.
M. Bédard: Oui, comme on l'a évoqué à
propos des femmes. Même au niveau des femmes, je peux vous dire en
passant qu'il y a au moins cela a augmenté beaucoup depuis trois
ans ou quatre ans vingt femmes procureurs de la couronne.
M. Marx: Une solution, c'est d'engager des femmes non-Canadiennes
françaises. On va chasser deux lièvres à la fois.
M. Bédard: Le député le dit avec le sourire,
je le prends comme une remarque. Je tiens à vous dire, parce que c'est
comme ça que je le ressens, déjà, au niveau des choix
à faire, lorsque les situations le commandent, je suis en mesure de vous
dire, parce que c'est mon état d'esprit, non seulement que je suis
très ouvert, mais que j'esaie, pour autant qu'il est possible, d'avoir
une "action affirmative" dans le sens des préoccupations que vous
évoquez et que je vais continuer à le faire. Si c'est possible,
j'essaie d'améliorer, je pense bien que c'est toujours possible
d'améliorer les situations, j'en suis convaincu.
M. Marx: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
D'Arcy McGee, sur le même sujet, M. le député de Mercier
voudrait s'exprimer, je pense, depuis un certain temps.
M. Godin: En tant que député de Montréal et
député d'un comté qui compte un certain nombre, un
pourcentage assez élevé de non-Canadiens français, comme
vous dites, ce problème, je le connais assez bien. Il faudrait quand
même savoir combien de non-Canadiens français ont brigué
les postes ouverts au gouvernemnt depuis un certain nombre d'années pour
savoir s'il y a discrimination ou non, puisque vous avez dit tout à
l'heure que nous nous acheminions vers l'étude de la Commission des
droits de la personne. Je pense que si on avait ces chiffres... On peut
demander au gouvernement de les donner ou du moins de les colliger pour avoir
une vue plus claire du nombre de personnes qui briguent de tels postes,
premièrement.
Deuxièmement, la solution n'est pas simple à trouver, vous
avez parlé de "affirmative action", d'"action affirmative". C'est
testé dans certains pays, entre autres, chez notre voisin
américain. Vous connaissez mieux que moi l'arrêt rendu dans le cas
de Bakke, qui a contesté cette "affirmative action" pour l'accession de
certains étudiants noirs dans des écoles de médecine et il
disait: si vous établissez un quota pour les étudiants noirs,
ça peut faire une source de discrimination pour les étudiants
blancs et qui perdent, ayant peut-être autant de capacités que
leurs collègues noirs, la chance parce qu'ils sont blancs.
Cela ouvre, à mon avis, la porte à des problèmes
qui sont graves et qui ne se résoudront pas facilement. Si vous avez
à l'esprit une politique de quotas qui serait basée sur le nombre
de citoyens de chaque groupe ethnique au Québec, ça peut
être ça, mais c'est contesté par bien des groupes
spécialisés dans les droits de la personne aux Etats-Unis, au
Canada et ailleurs. Ce que nous devons savoir c'est s'il y a, dans les jurys
établis par le gouvernement, des cas précis, des cas clairs,
où la personne la plus compétente aurait été
d'origine grecque ou portugaise, admettons, et aurait été
éliminée parce qu'elle l'était? Si tel n'est pas le cas,
où est le problème? Le gouvernement a des concours publics. Les
postes ouverts le sont dans les deux langues. Malheureusement, il y a peu de
candidats, d'après les connaissances que nous en avons par les
demi-études que nous pouvons posséder, très peu de gens
qui se présentent à certains postes gouvernementaux. Et
là, il y aurait peut-être un travail à faire
également du côté des communautés ethniques du
Québec: leur dire qu'il y a des places pour ces personnes, dans le
gouvernement. Mais est-ce que cela les convaincra de se présenter?
Je pense que le gouvernement devra avoir une telle politique
d'étude de la situation, mais avant d'avoir une politique basée
sur des quotas, je voudrais qu'on aie des travaux beaucoup plus approfondis que
ce qu'on peut faire ici ce soir à ce sujet. Peut-être une
commission parlementaire sur cette question-là. Pourquoi pas?
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, je reviens. Je pense que cela ne
serait pas la soirée pour refaire nos cours de droit, mais de parler de
l'affaire Bakke aux Etats-Unis. De toute façon, ceux-ci ont une charte
des droits enchâssée dans leur constitution et le gouvernement du
Québec est contre une charte des droits enchâssée dans la
constitution, au Canada ou au Québec.
M. Godin: Dans la constitution du Québec, on serait
d'accord. On serait d'accord, M. le député de D'Arcy McGee, pour
enchâsser la Charte des droits de la personne au Québec dans la
constitution du Québec, si jamais on avait le pouvoir d'en faire une.
Mais ce pouvoir nous a été dénié le 20 mai. Alors,
on va attendre.
M. Marx: M. le Président, il faut rappeler au
député de Mercier qu'heureusement le non l'a emporté et
que si on veut avoir une charte enchâssée dans la constitution, il
serait nécessaire qu'elle soit dans la constitution canadienne. Je n'ai
pas accusé qui que ce soit de discrimination consciente. Je suis plus ou
moins convaincu que le gouvernement du Québec n'a pas comme politique
d'empêcher des non-Canadiens français d'accéder à un
certain nombre de postes, et ainsi de suite. Mais je pense que c'est de la
discrimination inconsciente. Dans les faits, c'est cela.
M. Godin: Depuis que vous êtes député ici que
vous dites qu'il y a une discrimination, même inconsciente, enfin. Moi,
je ne peux pas accepter cela comme membre de ce gouvernement.
M. Marx: Inconsciente. Je veux dire que les gens ne sont pas
sensibilisés à cela.
M. Godin: Alors, prouvez-le. "Give us some evidence".
M. Marx: Je vais juste... M. le Président, si je peux
continuer.
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez la parole.
M. Marx: Je n'accuse personne de discrimination, parce que je
sais que ce n'est pas vrai. Les gens ne privent pas les non-Canadiens
français d'accéder aux postes du gouvernement. Je suis sûr
et convaincu de cela. Même s'il y avait de la discrimination, ce serait
interdit par la Charte des droits et libertés de la personne et nous
avons une Commission des droits de la personne qui veille à toute cette
discrimination.
Mais je pense qu'il y a quelque chose. On a, comme je l'ai dit au
début, 19 personnes à une
nouvelle commission. Ce sont tous des Canadiens français. Il y a
quelqu'un qui a manqué son coup quelque part, quelqu'un qui n'a pas
pensé à la situation québécoise, car il y a des
non-Canadiens français qui se trouvent au Québec, ils sont
même 20% ou à peu près 20%.
Mais tout ce que j'ai demandé au ministre, c'est un oui ou un
non. Est-ce qu'il est prêt à faire quelque chose de concret?
Est-ce qu'il peut lancer un programme d'action affirmative pour que cette
situation soit corrigée, pour le bien-être de tous les
Québécois, pas seulement pour le bien-être des
non-Canadiens français? Je pense que cela serait bon pour les Canadiens
français et pour tout le monde au Québec, que les non-Canadiens
français soient bien intégrés dans la cité
québécoise. C'est le point que j'essaie de faire valoir.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bédard: Je pense vous avoir fait part de mes
dispositions affirmatives qui se sont traduites d'ailleurs par des
décisions que j'ai évoquées tout à l'heure au
niveau de certaines nominations nécessaires dans des postes quand
même importants. Je suis en mesure de vous répondre
affirmativement que nous allons continuer le travail, en tenant compte des
suggestions fort positives du député de D'Arcy McGee. (21 h
45)
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président, j'aimerais intervenir, avec la
permission de mon collègue, brièvement dans cela, parce que, sans
vouloir être méchant, on doit bien observer que le ministre, selon
une habitude qui est la sienne, malheureusement, joue sur les mots. On a tous
entendu mon collègue de D'Arcy McGee demander au ministre s'il avait un
projet ou s'il avait l'intention d'adopter une action affirmative. On est tous
conscients, je pense, on vit en Amérique du Nord, on le sait tous, et le
député d'ailleurs de Mercier, contrairement au ministre, a saisi
le sens de cela, que c'est un programme d'action avec un objectif bien
défini, un plan précis des mesures entreprises de
sensibilisation, de publicité, de visites, si vous voulez, même
chez différents groupes minoritaires pour les informer des
possibilités, les encourager à répondre aux demandes, aux
offres d'emploi du ministère de la Justice. C'est tout un ensemble de
mesures destinées à atteindre des buts spécifiques. Le
ministre fait mine de ne pas comprendre que l'expression "action positive"
signifie quelque chose de ce genre.
M. Godin: Question de directive, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mercier.
M. Godin: Ce que j'ai dit...
M. Forget: J'ai le droit de parole, M. le Président. Il
n'est pas question de directive, pendant que j'ai le droit de parole.
M. Godin: ... s'inspire de mes entretiens avec le ministre. Je ne
voudrais pas que le député donne l'impression que je dis cela
d'un côté...
Le Président (M. Bordeleau): Vous pourrez corriger
à nouveau, mais, pour le moment... M. le député de
Mercier.
M. Godin: Cela s'inpire de mes propres entretiens avec le
ministre en tant que son adjoint. Je vous en prie, ne tentez pas de diviser
pour régner. On a les mêmes idées là-dessus.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mercier, s'il vous plaît!
M. Forget: Vous vous expliquerez après, j'ai le droit de
parole dans le moment. Cela va? D'accord, je vous remercie.
Une Voix: M. Carousel, retournez à votre carousel.
M. Forget: Modérez vos transports, M. le
député de Mercier, vous pourrez revenir tout à
l'heure.
Une Voix: II recommence à tourner en rond...
M. Godin: II sont très modérés, mes
transports.
Une Voix: Tranquille, vous! M. Forget: M. le
Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: ... le ministre fait semblant de ne pas comprendre la
question et il nous fait l'étalage de son attitude positive. C'est
complètement en dehors de la question. On n'est même pas
intéressé à savoir s'il a une attitude positive ou
négative, on veut savoir s'il y a quelque chose de précis qui est
envisagé. De toute manière, ce n'est pas lui, selon la loi, qui
fait les engagements, ce sont des concours, etc. Qu'il ait une attitude
positive ou négative, c'est largement immatériel. Ce qu'il nous
importe de savoir, c'est si, en tant que responsable du ministère, il
est conscient qu'il y a là un problème, parce que le
ministère de la Justice ne semble pas refléter dans sa
composition la composition de la société qu'il est censé
servir.
M. Bédard: M. le Président, là-dessus,
question de règlement.
M. Forget: Est-ce un problème ou est-ce que ce n'est pas
un problème pour le ministre? Si c'est un problème pour le
ministre, on voudrait savoir
ce qu'il va faire de positif autrement que d'avoir l'esprit ouvert. Son
ouverture d'esprit, de toute façon, ce n'est qu'une opinion
personnelle...
M. Bédard: Question de règlement, M. le
Président.
M. Forget: ... parce qu'il peut penser qu'il a l'esprit ouvert et
nous pouvons penser qu'il n'a pas l'esprit ouvert. On peut s'engueuler comme
cela pendant des heures et on n'avancera à rien. A part d'avoir l'esprit
ouvert ou fermé, le ministre là-dessus a-t-il aussi quelque chose
de précis à nous dire en termes d'objectif et de plan d'action?
Ce que je comprends de ce qu'il a dit jusqu'à maintenant, c'est qu'il
n'a pas de projet de ce côté-là et il n'est même pas
conscient que c'est un problème. Il aimerait bien, il n'a pas
d'objection personnelle, qu'il y ait des non-Canadiens-français qui
fassent des demandes d'emploi à son ministère ou qui
répondent plutôt aux concours, s'ils en ont bien la motivation,
s'ils peuvent bien se persuader que cela vaut la peine, parce qu'il n'y a rien
dans leur expérience, il n'y a rien dans les faits qu'ils peuvent
observer qui peut les persuader qu'ils ont des chances d'obtenir des emplois au
ministère de la Justice; la probabilité est qu'ils n'ont pas de
chance, car finalement, ils connaissent bien peu de gens de leur groupe
ethnique ou de leur groupe culturel qui travaillent au ministère de la
Justice. C'est l'exception. Ils se disent: Cela ne vaut pas la peine. De toute
façon, c'est comme faire une demande d'emploi au Canadien national pour
un francophone, il y a quarante ans. On leur aurait dit: C'est bien dommage,
mais tu n'es pas qualifié. C'est cela. On trouve toutes sortes de
raisons. L'ingéniosité humaine étant ce qu'elle est, on
n'est pas au bout de nos peines. Les gens au moins se persuadent de cela, parce
qu'ils observent et se disent: Cela ne vaut pas la peine. C'est un
problème général du gouvernement du Québec que les
non-Canadiens-français ne se donnent pas la peine de répondre aux
offres d'emploi. Est-ce que cela, pour le ministre, étant donné
que cela se traduit par une proportion très faible, à
Montréal en particulier, alors que la population est à peu
près, pour ne pas le choquer, pour qu'il ne dise pas qu'il conteste mes
chiffres, disons 35% de non-Canadiens-français à Montréal?
Ce n'est sûrement pas la composition des greffes de Montréal et
des services du ministère de la Justice à Montréal...
Est-ce que pour lui c'est un problème? Si c'est un problème,
a-t-il l'intention de faire quelque chose? Je pense que la réponse aux
deux questions, elle est non, mais il ne veut pas le dire en autant de
mots.
M. Bédard: M. le Président, franchement, le
député de Saint-Laurent redevient fidèle à
lui-même. Il va rapidement...
M. Forget: J'aime les choses claires, M. le Président.
M. Bédard: Non, au contraire, vous n'avez jamais
été clair et vous ne l'étiez pas comme ministre des
Affaires sociales. Je le sais, j'ai été assez longtemps dans
l'Opposition pour essayer de vous tirer des réponses à des
questions durant trois ans. On n'a jamais pu avoir une réponse à
nos questions, ni même une solution aux problèmes qui se posaient.
J'en sais quelque chose, à part cela, au niveau de ma région. Je
pourrais vous en parler longtemps. Rappelez-vous l'hôpital de
Chicoutimi!
M. Forget: Vous avez eu des réponses. Le problème,
c'est que vous n'aimiez pas les réponses que vous avez eues. C'est autre
chose.
M. Bédard: II a fallu une pétition. Il a fallu que
je travaille et que j'amène des milliers de citoyens à signer une
pétition, simplement pour vous faire comprendre qu'il y avait un
problème à l'hôpital de Chicoutimi. S'il y avait un homme
bouché comme ministre, c'est bien vous. Je tiens à vous le dire,
à part cela.
M. Forget: Le ministre devient violent!
M. Bédard: Puisque vous m'y forcez! On peut difficilement
garder son calme devant un membre de l'Assemblée nationale tel que le
député de Saint-Laurent, qui a toujours l'injure à la
bouche, qui a toujours les insinuations...
M. Forget: Je ne vous ai pas insulté, M. le ministre!
M. Bédard: ... je serais porté, j'ai une image que
je me refuse à donner, qui est toujours à faire...
M. Forget: Je vous ai dit que vous répondiez non à
deux questions.
M. Bédard: Vous avez parlé, laissez-moi donc
parler! Ce n'est pas à vous à répondre, et vous n'avez pas
à interpréter nos réponses, à part cela. Le
député de Saint-Laurent est très fidèle à
lui-même: procès d'intentions, insinuations; il interprète
nos réponses à sa manière, comme d'habitude. Quand je vois
le député de Saint-Laurent reprendre cette attitude, je vous
assure que c'est difficile de garder son calme, mais je vais reprendre mon
calme, parce que je sais très bien avoir dit on relira les notes
sténographiques au député que j'étais
conscient du problème qu'il évoquait, qu'il a d'ailleurs
évoqué. Je pense à d'autres endroits, à d'autres
commissions, entre autres à la Commission de la fonction publique
où il le sait, réside un peu la clé pour l'ensemble d'une
solution du problème au niveau de la fonction publique. En ce qui a
trait à mon ministère, j'ai toujours été
très conscient du problème. Je suis en mesure de dire, par les
nominations que j'ai eu à effectuer, par la suite que j'ai donnée
à des représentations qui ont pu m'être faites, concernant
des problèmes qui pouvaient exister, des suites positives, que j'ai
toujours affiché une ouverture d'esprit concernant l'ensemble de ce
problème évoqué par le député de D'Arcy
McGee.
Ces dispositions affirmatives, positives, non seulement je les ai eues
dans le passé, mais je l'assure que cela va continuer à l'avenir.
Je suis très conscient qu'il y a une situation à
améliorer; l'ensemble de la solution se trouve peut-être au niveau
de la fonction publique, mais, en ce qui a trait à mon ministère,
je vais faire tous les efforts nécessaires pour aller dans le sens des
représentations du député de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, je conclus de tout cela que le
gouvernement est au courant qu'il y a un problème, que l'Opposition
officielle est au courant qu'il y a un problème et que ce sera
nécessaire d'attendre jusqu'à ce que l'Opposition soit au
gouvernement pour qu'il y ait un plan pour régler le problème,
l'an prochain.
M. Bédard: Vous faites un commentaire politique. Vous avez
le droit de le faire. Si vous embarquez dans ce domaine...
M. Marx: Non, c'est parce que vous n'êtes pas prêt
à dire...
M. Bédard:... je vous ferai remarquer qu'avant que nous
soyons au gouvernement, il y a eu bien d'autres gouvernements qui nous ont
précédés, qui n'ont en aucune façon
été conscients du problème et que l'ont résolu en
aucune façon. N'essayez pas de faire croire ou d'insinuer que c'est
parce que le Parti québécois est au pouvoir qu'il semble moins
comprendre le problème. Au contraire, je pense qu'il fait face aux
mêmes difficultés. Entre autres, on en a évoqué une
tout à l'heure; lorsque vous avez des concours et qu'il n'y a que des
francophones qui se présentent, on ne peut quand même pas arriver
à choisir quelqu'un qui est non francophone. Les concours de la fonction
publique sont ouverts à tout le monde. Je sais qu'on ne doit pas prendre
cela comme une excuse pur ne pas essayer de se pencher sur le problème
dans le sens qu'a évoqué le député de D'Arcy McGee.
Je lui ai fait part tout à l'heure de mes dispositions très
affirmatives dans ce sens.
M. Marx: Quand le ministre...
M. Bédard: Vous ne pouvez quand même pas me demander
un plan au moment où on l'évoque pour la première
fois.
M. Marx: Quand le ministre a été nommé, il y
a eu beaucoup de problèmes au sein de son ministère, qui
étaient des problèmes que les gouvernements
précédents ont laissés, ils n'ont rien fait. Il n'a pas
dit: Les autres gouvernements ont laissé des problèmes, donc je
n'ai rien à faire, ce n'est pas ma faute. Il y a des problèmes
à régler.
M. Bédard: Pardon! Je n'ai pas dit ça, non plus.
Mais, c'est parce que, tout à l'heure, vous avez
évoqué...
M. Marx: Je ne peux pas terminer?
M. Bédard: Non, je ne laisserai pas passer cela. Si j'ai
tenu ces propos, c'est parce que vous avez évoqué le fait que
c'est seulement lorsque l'Opposition d'aujourd'hui sera le gouvernement de
demain que ça pourra se régler.
M. Marx: Parce que...
M. Bédard: Moi, je n'accepte pas ça.
M. Marx: M. le Président, j'ai dit que je ne blâmais
pas le ministre pour tout le passé quant à ce que son
ministère a fait pour le Québec et ainsi de suite. Je lui ai
posé une question simple, très simple et le député
de Saint-Laurent a posé la même question. C'est la
quatorzième fois maintenant. Est-ce que le ministre est prêt
à élaborer, à parrainer un plan, soit un programme
d'action positive ou un autre programme, pour mieux intégrer les
non-Canadiens français soit dans son ministère, soit dans le
gouvernement en général? En d'autres mots, c'est très
simple, est-ce qu'il est prêt à faire quelque chose?
M. Bédard: Je peux donner l'assurance au
député que je vais me pencher sur la situation telle
qu'explicitée par le député de D'Arcy McGee.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mercier.
M. Marx: Est-ce qu'on aura une réponse avant le mois de
septembre?
M. Bédard: C'est quoi, une réponse, pour vous?
M. Marx: Une étude, un projet.
M. Bédard: Vous avez exprimé certaines idées
concernant le problème, la situation que vous avez
évoquée.
M. Marx: Un plan? Est-ce qu'on va avoir un plan?
M. Bédard: Bon! Non, mais vous avez dit: Un plan ou
d'autres dispositions qui pourraient être de nature à essayer de
régler le problème. Ecoutez, vous arrivez ce soir en
évoquant ce problème et vous voudriez que j'arrive
déjà avec des solutions toutes faites, des solutions qui n'ont
pas été trouvées quand même dans le passé et
je ne prends pas ça comme une défense. Je ne me sers pas du
passé comme une défense, au contraire. Je pense qu'il y a
peut-être des choses qui auraient dû être faites dans le
passé et qui ne l'ont pas été.
M. Marx: En face d'injustices, ce n'est pas nécessaire de
penser quinze mois ou trois mois. Il y a une injustice. On voit ça et on
dit: On va régler l'injustice. On va se pencher...
M. Bédard: Non, une seconde! Ce n'est pas comme ça
que vous le présentiez tout à l'heure.
M. Godin: J'avais demandé la parole avant le
député de D'Arcy McGee.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va? D'accord. M. le
député de Mercier.
M. Godin: On parle d'injustice. Encore là, il faudrait
donner des preuves de l'injustice. En quoi, s'il n'y a aucun citoyen d'origine
grecque qui brigue un poste dans la fonction publique et qui l'a, c'est une
injustice si personne ne le brigue? Vous posez le problème de
l'information repris par le député de Saint-Laurent. Est-ce que
l'information suffisante est donnée? Je vous dis qu'à ce
ministère de la Fonction publique dont nous n'étudions pas ici
les crédits ce soir, il y a effectivement un effort concret qui est fait
pour publier dorénavant et depuis quelques mois, sinon quelques
années, des annonces de recrutement dans les journaux anglophones du
Québec.
Deuxièmement, il y a, de la part de la même fonction
publique, des efforts qui sont faits auprès des universités non
canadiennes-françaisesdu Québec pour recruter des gens qui
sortent de ces universités. Que pouvez-vous nous demander de plus pour
l'instant? Je vous dis qu'il y a le début d'une politique, qui est due
à ce gouvernement, d'ailleurs, et vous parlez d'injustice. C'est
là que je ne peux pas être d'accord sur le terme "injustice" en
l'occurrence. Si vous me dites: Je connais le cas d'une personne d'origine
portugaise plus compétente qu'un Canadien français qui n'a pas eu
tel poste, je vous dirai: D'accord, c'est une injustice. Mais si je vous pose
la question, à savoir combien y a-t-il de Canadiens français dans
le conseil d'administration du Montreal General Hospital et que vous me dites:
II n'y en a pas un, est-ce que c'est une injustice? Il y en a peut-être
un.
M. Forget: C'est une erreur.
M. Godin: Est-ce que c'est une injustice?
M. Forget: II y en a plus d'un. C'est un mauvais exemple que vous
donnez.
M. Godin: II faudrait savoir combien de personnes ont
brigué le poste. Il faudrait, par conséquent, avant de parler
d'injustice, avant de parler de discrimination inconsciente, nous apporter
autre chose que vos impressions, puisque la peinture impressionniste
évoquée un peu plus tôt par le député de
Saint-Laurent a été dénoncée comme étant peu
valable en commission parlementaire.
M. Marx: Mais, M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: ... juste pour terminer. Je ne veux pas prolonger le
débat. Je pense que ça ne mène nulle part,
c'est-à-dire pas à des actions concrètes. Je veux
simplement dire que, si le député de
Mercier ne pense pas que ce soit une injustice, à mon avis, il ne
comprend pas ce que c'est, une injustice.
Quant à moi, j'ai toujours trouvé injuste le fait que les
Canadiens français soient absents au niveau fédéral. J'ai
toujours trouvé que c'était une injustice. J'ai toujours
trouvé que c'était une injustice que les Canadiens
français soient absents dans les grosses compagnies
québécoises, absents au niveau des postes de commande. J'ai
toujours trouvé que c'était une injustice. Deux poids, deux
mesures. Il y a des injustices et des injustices. Tout le monde est
égal, mais il y a...
M. Godin: M. le Président... (22 heures)
M. Marx: ... mais il y en a certains qui sont plus égaux
que d'autres.
M. Godin: Si le gouvernement fédéral a le choix
entre un Canadien anglais bilingue pour un poste et un Canadien français
bilingue pour un poste, et que le plus compétent est le Canadien
anglais, je vais lui dire de prendre le plus compétent. Ce ne serait pas
une injustice pour le Canadien français de ne pas l'avoir s'il est moins
compétent. Par conséquent, il faudrait avoir des choses beaucoup
plus concrètes à se mettre sous la dent que vos impressions d'une
peut-être éventuelle discrimination insconsciente; enfin,
discrimination inconsciente, on pousse loin.
M. Bédard: Le député évoquait tout
à l'heure qu'il trouvait que c'était une injustice que l'absence
des Canadiens français au niveau des compagnies...
M. Marx: ... compagnies.
M. Bédard:... des grosses compagnies. Est-ce qu'il y a eu
une action positive pour corriger la situation? Je ne le sais pas, ou je le
sais trop, mais je peux vous dire par exemple...
M. Marx: Est-ce que le ministre est au courant de toutes les lois
que le gouvernement du Québec a adoptées depuis quelques
années?
M. Bédard: Bien...
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on peut dire que
ça va pour le programme 2?
M. Bédard: Je peux vous dire que je vais relire votre
intervention, les suggestions que vous nous avez faites dans votre intervention
et en tenir compte d'une façon très positive.
M. Marx: Faites vite.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que le programme 2
sera adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Bordeleau): Adopté. Programme 3,
Enquêtes et expertises scientifiques pour fins judiciaires.
Enquêtes et expertises scientifiques pour fins
judiciaires
M. Bédard: Le programme 3: Enquêtes et expertises
scientifiques pour fins judiciaires, se compose de trois éléments
suivants: les enquêtes sur les décès et les incendies, les
expertises médico-légales et les expertises scientifiques. Les
éléments 1 et 2 sont sous la responsabilité de la
Direction générale des affaires criminelles, et
l'élément 3 relève de la Direction générale
de la sécurité publique.
Une Voix: Adopté.
Le Président (M. Bordeleau): Le programme 3 est
adopté? Adopté.
M. Bédard: Je pense que l'essentiel des remarques a
été acheminé à l'Opposition officielle.
Le Président (M. Bordeleau): Programme 4, Protection des
droits et libertés de la personne.
Protection des droits et libertés de la
personne
M. Forget: J'aurais une question...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: ... en premier, M. le Président et ensuite, je
pense que mon collègue de D'Arcy McGee a d'autres questions.
M. Bédard: Dans le programme?
M. Forget: Le programme 4. Je suis frappé par le fait que
les effectifs de la Commission des droits de la personne, à moins que ce
soit une erreur, sont consignés, dans le document qui nous a
été remis, entièrement comme des effectifs occasionnels,
contrairement aux effectifs du Comité de protection de la jeunesse.
Est-ce que c'est une erreur, ou est-ce qu'il y a une raison...
M. Bédard: C'est parce que les employés ne sont pas
dans la Fonction publique.
M. Forget: En vertu de la loi constituante.
M. Bédard: C'est ça.
M. Forget: Très bien, je vous remercie.
M. Marx: J'ai une courte question. Premièrement...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Marx:... je vois que le ministère a demandé
à quelques reprises à la Commission des droits de la personne
d'émettre certaines opinions juridiques en ce qui concerne la Charte des
droits et libertés de la personne et une autre loi pour voir s'il y a
une contradiction entre la charte et cette autre loi ou un règlement,
etc. Quel est le but c'est ma question de demander à la
Commission des droits de la personne d'émettre des opinions pour le
ministère? Quel est l'objectif recherché?
M. Bédard: C'est un objectif fondamental de prudence, afin
d'assurer le plus possible le respect des droits et libertés. Je pense
que cela nous avait été recommandé, dans certains cas, de
demander des opinions juridiques à la Commission des droits de la
personne dans d'autres cas, nous avons pris l'initiative justement pour essayer
de faire en sorte que les projets de loi reflètent le plus possible la
préoccupation que nous avons du respect des droits et libertés
individuels.
Dans ce sens-là, même s'il n'y a pas une obligation
d'être d'accord sur tous les points d'un avis juridique qui est fourni,
de façon générale les avis de la Commission des droits de
la personne ont été, je pense, très utiles, non seulement
pour le gouvernement, mais également pour les oppositions lors de
l'étude de projets de loi.
M. Marx: Ma deuxième question vise à savoir
pourquoi le ministre ne demande pas à son propre contentieux
d'émettre ses avis juridiques. Pourquoi la Commission des droits de la
personne? Pourquoi pas son propre contentieux? Je vois qu'il y a d'excellents
avocats, d'excellents juristes dans son contentieux.
M. Bédard: De façon générale, il est
évident que les avis juridiques, y compris ce qui touche l'application
de la charte, sont donnés au gouvernement par les employés du
ministère agissant comme jurisconsultes, au niveau de la direction des
affaires législatives ou des affaires civiles et pénales. C'est
d'ailleurs l'une des préoccupations qu'on a, comme responsable en bonne
partie de la législation gouvernementale c'est un des points de
repère qu'on a de regarder si les projets de loi qui nous sont
soumis contreviennent ou non à la charte.
Par ailleurs, dans certains domaines particulièrement
névralgiques, on peut sentir le besoin parce que les avis
juridiques peuvent être une chose de requérir les
interprétations d'un organisme comme la commission qui vit dans
l'application de la charte de façon constante; on peut souhaiter
rechercher ses avis. On sait que la commission, lorsque des projets de loi sont
déposés, et c'est sa responsabilité en vertu de la loi,
peut remettre des avis sur les projets de loi par rapport à la charte.
Dans certains cas, on essaie de faire une action préventive. Je donne un
exemple; quand on a refondu le règlement des établissements de
détention on avait eu des remarques préalables du
Protecteur du citoyen dans les
années passées, etc. on a voulu, faire une
consultation avec la commission sur certaines questions où, encore une
fois, il y avait des avis juridiques nécessaires parce qu'à
certains moments il y a des questions d'interprétation, il y a des zones
grises, il fallait être sûr qu'on s'entendait sur
l'interprétation donnée. C'est dans ce sens qu'il y a eu, dans
certains cas qui ont été mentionnés dans le document, des
avis, des contacts avec la commission, car on sentait qu'il y avait une zone
grise, cela pour prévenir une façon de voir qui aurait pu
être non uniforme de la part du ministère et de la commission. Il
faut essayer de voir comment arriver à un consensus avant le fait
plutôt qu'a posteriori une fois que le projet de loi est
déposé.
Dans certains cas, la Commission des droits de la personne a jugé
bon de prendre l'initiative de donner son opinion sur des projets de loi
déposés. Nous avons ici avec nous, comme vous le savez
vous le connaissez très bien, c'est un de vos collègues et amis,
M. le député de D'Arcy McGee le président de la
Commission des droits de la personne, M. Hurtubise, qui est à votre
disposition pour répondre à toutes les questions que vous
pourriez juger bon de lui poser.
M. Marx: M. le Président, si j'ai bien compris, le
sous-ministre de la Justice a dit que toute loi et tout règlement
passent un test au niveau du ministère pour voir si la loi ou le
règlement est en conformité ou non avec la Charte des droits et
libertés de la personne. Est-ce que c'est vrai, M. le ministre?
M. Bédard: C'est une préoccupation constante de nos
juristes au niveau de la confection de toutes les lois.
M. Marx: M. le Président, ce n'est pas une
réponse.
M. Bédard: Ecoutez, vous avez le droit
d'interpréter; ce n'est pas une réponse, c'est une
réponse. Je crois que c'en est une. Je suis en mesure de vous dire que,
depuis que je suis là, j'ai demandé à tous les juristes du
ministère qui travaillaient au niveau de la confection des lois de
toujours avoir une préoccupation au niveau du respect des droits et
libertés individuels. Je peux vous le dire.
M. Marx: M. le Président, dans la déclaration
canadienne des droits, il y a un article qui oblige le ministre de la Justice
à veiller à ce qu'une loi n'entre pas en contradiction avec cette
déclaration canadienne des droits. C'est une obligation que le ministre
fédéral de la Justice a de veiller à ce qu'il n'y ait pas
de contradiction entre une loi et la déclaration canadienne des
droits.
M. Bédard: Sans lire la déclaration des droits,
disons que j'agissais de cette façon par instinct.
M. Marx: Voilà, M. le Président, le ministre de la
Justice nous a dit qu'il agissait de la même façon par instinct.
Est-ce que tout projet de loi et tout règlement adoptés au
Québec passent le test pour voir si le projet de loi ou le
règlement vont à l'encontre de la Charte des droits et
libertés de la personne? C'est ma question, c'est simple, ça.
M. Bédard: Je vous répondrai simplement oui.
M. Marx: C'est-à-dire que chaque fois qu'il y a un projet
de loi ou un règlement au Québec, on demande à quelqu'un
de faire une étude pour voir si ça va à rencontre de la
Charte des droits et libertés de la personne ou non? C'est
ça.
M. Bédard: C'est regardé sous cet angle, par suite
d'une demande très expresse, très claire, que j'ai toujours
évoquée par rapport à tous nos juristes qui ont à
voir à l'élaboration des lois dans les différents
contentieux.
M. Marx: Qui le regardent sous cet angle?
M. Bédard: Les deux directions de la législation,
si c'est un projet du ministère de la Justice, la législation
ministérielle, si c'est un projet d'un autre ministère, parce
qu'on a à peu près 80% des lois, au moment où on se parle,
qui passent par le ministère de la Justice pour un avis. Il y en a qui
peuvent aller directement d'un ministère au comité de
législation qui joue ce rôle. Il n'y a pas encore un
mécanisme formalisé, parce qu'on est à développer
l'équipe du côté de la législation
gouvernementale.
Tout ce qui vient à la législation gouvernementale, dans
une proportion de 80%, actuellement, fait l'objet d'un examen par rapport
à la Charte des droits et libertés de la personne. De la
même façon que ça fait l'objet d'un examen par rapport
à un empiétement éventuel sur le Code civil, sur le droit
civil, de la même façon le bureau de la législation
déléguée regarde les règlements sous l'angle de la
légalité par rapport aux dispositions habilitantes dans les
lois.
Cela ne veut pas dire nécessairement qu'il y a des études
de 500 pages sur chaque sujet, parce que la vie va vite, malheureusement
quelquefois, plus vite qu'on le souhaiterait mais c'est regardé,
c'est une préoccupation, c'est l'un des points qui font l'objet d'un
examen spécifique.
Encore une fois, quand il y a une zone grise, dans les domaines
cruciaux, on peut sentir le besoin de consulter la commission pour voir si on
s'entend sur une interprétation à donner par rapport à ce
qu'est la charte.
M. Marx: M. le Président...
M. Bédard: J'ai déjà évoqué
auprès de mes collègues, lorsqu'il y avait des interrogations ou
des zones grises, qu'il était loisible pour eux de s'adresser, de par
leur initiative, à la Commission des droits de la personne pour demander
son opinion. A quelques reprises, et même à plusieurs reprises,
que ce soit directement ou par corres-
pondance, certains de mes collègues ont pris l'initiative et la
précaution, lorsqu'il y avait des interrogations, d'entrer en
communication avec le président de la Commission des droits de la
personne, ce qu'il serait en mesure de nous dire d'ailleurs.
M. Marx: M. le Président, je trouve drôle qu'on
fasse cet examen au niveau du ministère et qu'après on envoie
ça à la Commission des droits de la personne qui répond
que le projet de loi enfreint la charte. Est-ce que le travail n'est pas bien
fait au niveau du ministère? Je ne saisis pas...
M. Bédard: On vient de vous dire qu'il peut arriver qu'il
y ait des zones grises. Je pense que, dans le domaine de
l'interprétation légale, il y a toujours des zones grises. Au
niveau des avis juridiques, vous le savez, sur n'importe quel sujet, vous avez
presque constamment des avis juridiques différents. Je pense que chacun
des experts est très bien intentionné et est plein de bonne
volonté, mais, à un moment donné, il y a des conciliations
nécessaires à faire.
M. Marx: Est-ce que le ministre se sent lié par l'opinion
de la Commission des droits de la personne? (22 h 15)
M. Bédard: Très sincèrement, je peux vous
dire que je considère, comme ministre de la Justice et, comme membre du
gouvernement, que l'opinion de la Commission des droits de la personne est
importante...
M. Marx: Ce n'est pas la fin du monde, mais elle est
importante.
M. Bédard: Ecoutez! Est-ce que vous aimez mieux que
j'emploie les mots "la fin du monde"? C'est ma manière de le dire. C'est
important.
M. Marx: Bon! Comme vous le voulez!
M. Bédard: C'est étudié avec grande
considération. Cela ne veut pas dire qu'on est toujours d'accord avec la
Commission des droits de la personne. Il nous est arrivé
déjà d'être en désaccord, je vous le dis
honnêtement, en n'ayant pas la même opinion. Une opinion de la
Commission des droits de la personne n'est jamais prise à la
légère, au niveau du gouvernement ni de la part du ministre de la
Justice, je peux vous l'assurer.
M. Marx: M. le Président, je suis très heureux
d'apprendre cela.
M. Bédard: Pouvez-vous me demander si je trouve tous les
commentaires passés sérieux ou pas sérieux?
M. Marx: Ce n'est pas à vous de poser les questions cette
année, M. le ministre. Vous en aurez l'occasion l'an prochain, dans
l'Opposition.
La seule chose dont je peux vous assurer. c'est peut-être que
votre comté est sûr pour vous, mais, le reste, ce n'est pas
sûr.
Le ministre est au courant que le gouvernement peut passer outre la
Charte des droits et libertés de la personne. Il y a l'article 52 qui
prévoit que les articles 9 à 38 prévalent sur toute
disposition d'une loi postérieure qui leur serait contraire, à
moins que cette loi n'énonce expressément s'appliquer
malgré la charte.
Donc, le gouvernement peut passer outre la Charte des droits et
libertés de la personne et, en effet, le premier projet de loi que ce
gouvernement a déposé à l'Assemblée nationale
était un projet de loi auquel on voulait donner préséance
sur la Charte des droits et libertés de la personne. Heureusement,
l'Opposition officielle était en Chambre pour porter cette carence
à la charte à l'attention de la population du Québec et le
gouvernement a modifié le projet de loi pour qu'il n'ait pas
préséance sur la Charte des droits et libertés de la
personne.
Mais, depuis...
M. Bédard: Vous vous référez à quel
projet de loi?
M. Marx: Le premier projet de loi que votre gouvernement a
déposé. Le projet de loi no 1. M. le ministre.
M. Bédard: II n'a pas été adopté avec
un "malgré la Chambre".
M. Marx: C'est cela, parce que l'Opposition officielle
était là pour attirer l'attention de la population. Le
gouvernement, qui a déposé son premier projet de loi, a voulu que
ce projet de loi, que cette loi, ait préséance sur la Charte des
droits et libertés de la personne.
Cela démontrait le souci du gouvernement vis-à-vis des
droits et libertés de la personne.
Maintenant, est-ce que le ministre est au courant que, dans d'autres
cas, le gouvernement s'est prévalu de l'article 52 et a donné
préséance à certains articles dans d'autres lois sur la
Charte des droits et libertés de la personne?
M. Bédard: II est évident que lorsque le
gouvernement est convaincu juridiquement qu'un article, que certaines
dispositions d'un projet de loi vont à l'encontre de la charte, tel que
vous l'avez mentionné, l'obligation de le spécifier dans le
projet de loi est nécessaire. C'est ce que nous faisons.
De mémoire, nous avons adopté certaines dispositions
je pense entre autres... Je m'excuse, mais vous me demandez cela
à brûle pourpoint, je pense à la Loi de la probation et des
établissements de détention.
Je ne me souviens pas avec précision. C'est la première
année que nous avons fait un rapport annuel, il y avait à peu
près deux ou trois lois où on avait utilisé la clause
"nonobstant"... Depuis ce temps-là, je ne me souviens pas. Je ne dis pas
qu'il n'y en a pas. La première année, en tout cas. Cela
ne m'a pas frappé. C'est pour cela que, de mémoire...
M. Marx: Cela veut dire concrètement, M. le
Président, qu'on a une Charte des droits et libertés de la
personne et le ministre est prêt à passer outre à cette
charte quand il a l'impression ou l'idée qu'il faut le faire. C'est cela
la réponse du ministre?
M. Bédard: Non, ce n'est pas cela du tout que j'ai dit au
député.
M. Marx: C'est cela.
M. Bédard: On vient de dire qu'il n'y en a pas eu depuis
quelques années et, que je me souvienne...
M. Marx: M. le Président, ce n'est pas une question
technique que je pose au ministre, c'est une question de politique
générale de son gouvernement. Ce n'est pas nécessaire
qu'il consulte tout le monde sur cela. C'est une question de politique
générale. Par exemple...
M. Bédard: Non, mais, à notre connaissance, je
pense que la meilleure preuve que vous pouvez avoir...
M. Marx: M. le Président, j'ai le droit de parole. Je
termine.
Une Voix: Mon collègue a le droit de parole.
M. Bédard: Sauf que j'attendais pour répondre et
monsieur se reprend.
M. Marx: C'est moi qui me sens agressé maintenant par le
ministre.
M. Bédard: D'accord.
M. Marx: M. le Président, j'ai tout compris. J'ai compris
toute la politique de ce gouvernement qui a été annoncée
par le premier ministre, en Chambre, il y a quelques jours. Le gouvernement du
Québec est contre une Charte des droits et libertés
enchâssée dans la constitution, parce qu'une fois qu'on a une
charte enchâssée dans la constitution, on ne peut pas passer
outre, il faut la respecter intégralement. Mais le gouvernement actuel
aimerait avoir une charte, comme la charte actuelle, parce que le gouvernement
peut proposer des projets de loi qui auraient préséance sur la
Charte des droits et libertés de la personne. C'est cela la conclusion
que je tire des paroles du premier ministre et du ministre de la Justice.
M. Bédard: Vous tirez une fausse conclusion et vous la
tirez avant même que j'aie l'occasion de vous fournir la réponse
à votre question, qui est technique. Vous me demandez combien c'est
arrivé de fois, depuis quand, etc.? Il faut quand même que je
prenne le temps de m'informer, ce que je fais auprès du président
de la Commission des droits de la personne. De mémoire, je pense que,
depuis trois ans, il n'y a eu absolument aucune mention de "nonobstant" dans
les lois du gouvernement du Québec. Vous avez tiré vos
conclusions vraiment trop rapidement; parce qu'au contraire, la pratique va
dans le sens qu'à moins de situations tout à fait
exceptionnelles, le gouvernement applique la Charte des droits et
libertés de la personne.
M. Marx: M. le Président, je dois intervenir. Quand on a
une charte enchâssée dans la constitution comme le Bill of rights
aux Etats-Unis, on ne peut jamais passer outre, même dans les
circonstances exceptionnelles.
M. Godin: II y a des exceptions aux Etats-Unis.
M. Bédard: Je ne conteste pas nécessairement,
quoique j'aie certaines réserves sur ce que vous affirmez. Ne
mêlez pas le problème constitutionnel et le problème de
l'enchâssement. Si vous voulez discuter de cela, on va discuter de cela.
Ce que vous me demandez jusqu'à maintenant, c'est si le gouvernement
respecte la Charte des droits et libertés de la personne. Je suis en
mesure de vous dire oui.
M. Marx: Sauf quelquefois.
M. Bédard: Depuis trois ans, M. le Président...
M. Forget: M. le Président, j'ai demandé le droit
de parole il y a déjà un certain temps.
M. Bédard: Je vais terminer ma réponse au
député.
Le Président (M. Bordeleau): Je vais laisser le ministre
répondre et, après cela, je vais vous donner le droit de
parole.
M. Forget: Je comprends, mais cela va durer une demi-heure, ce
sont des échanges. J'ai demandé le droit de parole, M. le
Président. Ah! après!
M. Bédard: Depuis trois ans, il n'y a eu aucune mention de
"nonobstant" dans les lois du gouvernement du Québec.
M. Forget: J'ai la parole?
Le Président (M. Bordeleau): C'est maintenant.
M. Forget: Je vais essayer de poser une question pour faire
ressortir le sens de ce que le ministre nous dit depuis un certain temps. Il
nous dit: D'abord, il y a la possibilité prévue dans un article
de la charte, l'article "nonobstant". Cela a été utilisé
parfois, pas toujours. Cela l'est moins, cela l'est plus. Très bien,
cela l'est moins. Il y a cependant une autre façon, si je comprends
bien
les explications du ministre, de passer à côté de la
charte c'est de faire un projet de loi sans invoquer la clause "nonobstant", et
malgré des avis juridiques qui peuvent attirer l'attention du ministre
sur le fait qu'on viole la charte, mais en alléguant que c'est une zone
grise, que c'est une question d'interprétation, et que même l'avis
de la Commission des droits de la personne n'est pas la fin du monde, n'est pas
le dernier mot, que c'est important, mais pas décisionnel.
On passe le projet de loi au mépris de la charte, au
mépris d'un avis qu'on a reçu relativement à une violation
de la charte, mais on le fait quand même, et on demande aux justiciables
d'assumer le fardeau de la preuve que c'est une violation de la charte. Il y a
donc deux façons de passer à côté. Il y a la
façon officielle prévue par la charte, qui est d'invoquer
l'article "nonobstant", la clause "nonobstant", et l'autre façon, qui
est devenue plus fréquente je pense que le ministre ne pourra pas
le nier de voter une loi en disant: Oui, la commission a dit cela, mais
on prétend que la commission s'est peut-être trompée. Je
vais donner un exemple: II semble on me dira si j'ai tort qu'il y
a dans les avis qui sont reproduits en annexe des notions qui se retrouvent
dans les lois que l'Assemblée nationale a adoptées au cours de la
présente session et qui ne rencontrent pas à 100% les avis
émis par la commission. De deux choses l'une: Ou la commission s'est
trompée, et il faudra trouver un forum quelconque, une cour, un tribunal
quelconque pour déterminer que la commission s'est trompée; ou
alors, la commission ne s'est pas trompée et, effectivement, on ignore
la charte sans utiliser la clause "nonobstant".
Le cas précis que j'ai à l'esprit, c'est l'avis que la
Commission des droits de la personne du Québec a donné au sujet
du projet de loi 55, que j'ai eu l'honneur d'étudier en commission
parlementaire et à l'Assemblée nationale, avec l'adjoint
parlementaire du ministre. C'est un avis qui est daté du 30 novembre
1979, je ne me souviens pas exactement de la date à laquelle nos
débats ont eu lieu à ce sujet. Je pense que cela se situe l'hiver
dernier, donc plusieurs mois ou quelques mois après que le gouvernement
a eu en main cet avis.
C'est malgré tout seulement quand j'ai reçu les documents
budgétaires que nous étudions actuellement que j'ai pris
connaissance de cet avis de la commission. Cela pose plusieurs problèmes
sur lesquels je reviendrai tout à l'heure. Cela pose certainement la
question que, selon cet avis je cite la page 56 de notre document, ce
n'est pas la page 56 de l'avis, bien sûr on fait état que
l'article 42, tel que rédigé, nous semble poser problème.
On énumère les problèmes que cela pose. Donc, il y a
là un avis reçu par le gouvernement, à sa demande, qui est
demeuré un avis privé, qui n'a pas été
divulgué à l'époque, et qui indique qu'on a ignoré
la charte ou la meilleure opinion juridique disponible à l'époque
de l'adoption de la loi sur la signification de la charte, on l'a mis de
côté sans invoquer la clause "nonobstant".
Cela illustre parfaitement le point que voulait illustrer mon
collègue, qu'il y a deux façons d'ignorer la charte: II y a la
façon franche, ouverte de dire: Nonobstant la charte, on veut le faire
quand même. Il y a la façon moins transparente, moins franche,
moins courageuse de dire: On sait qu'on viole la charte, on a l'avis juridique,
on ne le publie pas, on le met dans le tiroir du fond, on l'adopte sous cette
forme malgré tout et on verra bien ce qui arrivera. Est-ce que c'est
substantiellement faux, M. le ministre?
M. Bédard: Oui, c'est substantiellement faux, parce que,
dans le sens que je l'ai dit au départ, les opinions de la Commission
des droits de la personne sont très importantes pour le gouvernement.
Mais je pense qu'il faut convenir ensemble que ces opinions ne sont pas des
décisions judiciaires, ce sont des opinions juridiques avec lesquelles
on peut être en désaccord à certains moments. Lorsque le
gouvernement ce qui arrive très rarement, on est à
même de le constater depuis quatre ans, au niveau de l'ensemble de toutes
les lois qui ont été faites consciencieusement,
après analyse juridique n'est pas d'accord avec une opinion ou une
partie d'opinion de la Commission des droits de la personne à ce moment,
il agit selon sa conviction. (22 h 30)
II y a toujours, parce qu'il arrive qu'on peut ne pas avoir la
même opinion juridique, tout en étant honnête de part et
d'autre, la possibilité pour les citoyens d'en appeler aux tribunaux qui
peuvent trancher définitivement la situation. Mais j'espère que
vous n'allez pas jusqu'à dire que le gouvernement n'a plus aucune
discrétion à partir du moment où une opinion est
donnée par le commission. Tout en y attachant une très grande
considération, je pense que tout gouvernement le présent
gouvernement et tout gouvernement à venir garde sa
possibilité d'évaluer et d'agir en conséquence. Je sais,
entre autres, dans l'adoption du projet de loi concernant le financement des
partis politiques, qu'il y avait une opinion de la Commission des droits de la
personne selon laquelle c'était contraire à la Charte des droits
et libertés de la personne d'empêcher les contributions des
corporations aux caisses de partis politiques.
Du point de vue gouvernemental, après analyse juridique, nous
n'étions pas d'accord avec la commission. Cela ne veut pas dire qu'on
n'a pas de considération pour la commission, mais il arrive qu'on ne
soit pas d'accord tout le temps. Nous avons fonctionné selon notre
conviction, dans le sens de défendre aux corporations de contribuer aux
caisses des partis politiques. Il n'y a eu aucune contestation depuis...
M. Marcoux: Tout le monde connaissait l'opinion de la
commission.
M. Bédard: Cela a été unanime de la part de
tous les partis.
M. Marcoux: Oui, cela a été...
M. Bédard: Ce n'est pas moi qui ai procédé
à...
M. Marcoux: ... une loi adoptée unanimement et l'opinion
de la commission était publique et connue de tout le monde.
M. Marx: Cela, ce n'est pas brillant. Tous les
députés étaient unanimes au Parlement
fédéral pour invoquer la Loi sur les mesures de guerre. Cela ne
nous rassure pas.
M. Marcoux: Non, whoa!
Des Voix: Non, pas unanimes...
M. Marcoux: Pardon!
M. Bédard: Ce n'est pas parce que vous avez
déjà été membre de la Commission des droits de la
personne...
Le Président (M. Bordeleau): Messieurs, on déborde
un peu!
M. Marcoux: Non, mais ce que je veux indiquer, c'est que
l'opinion de la commission était publique, et tous les membres de
l'Assemblée nationale, à ce moment-là, étaient
parfaitement informés de l'opinion de la commission qui n'était
pas d'accord pour interdire aux personnes morales le droit de contribuer au
financement des partis politiques. Les membres de l'Assemblée nationale,
à l'unanimité, malgré l'opinion de la commission, ont
adopté cette loi.
Il ne faut pas dire... Il y a les bons et les méchants. Les
juristes du côté du gouvernement ou les députés
ministériels qui sont les méchants, qui ont adopté ou
seraient portés à adopter des lois avec lesquelles la Commission
des droits de la personne... il pourrait y avoir des éléments de
lois avec lesquels ils ne pourraient pas être d'accord comme respectant
la charte, et il y aurait les bons députés, les
députés de l'Opposition qui, n'étant pas informés
de ces avis, etc. A ce moment-là, le dernier recours, ce sont les
tribunaux pour les citoyens, etc. Ce n'est pas toujours comme ça que
ça se passe. On a vu un exemple concret lors de la loi no 2, concernant
le financement des partis politiques. Tous les partis politiques étaient
parfaitement informés de l'opinion de la commission et ont voté
unanimement les deuxième et troisième lectures de cette loi.
M. Bédard: D'ailleurs...
M. Marcoux: C'est vrai que vous n'étiez pas là
à ce moment-là.
M. Bédard: Non, mais...
M. Marcoux: Peut-être qu'il y aurait eu un dissident. Mais
vous étiez...
M. Marx: J'étais peut-être à la commission,
à l'époque.
M. Marcoux: A ce moment-là, vous étiez à la
Commission des droits de la personne. Vous le savez très bien. Cette
opinion juridique portait sur au moins six ou sept recommandations de la part
de la Commission des droits de la personne. L'ensemble des points a
été respecté. Les membres de la commission ont
été d'accord avec l'expression d'opinion de la commission sur
l'ensemble des points, sauf un, qui était celui concernant la
contribution des corporations aux partis politiques. A ce moment, la
décision a été prise dans ce sens-là, mais toujours
avec une très grande considération et un grand respect pour les
opinions de la Commission des droits de la personne.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent?
M. Forget: M. le Président, il reste une chose. C'est
qu'on peut très bien alléguer qu'il y a des zones grises, des
différences d'opinion; mais il ne s'agit pas seulement de
l'alléguer, il s'agit d'avoir des raisons probables de croire qu'il y a
des différences d'opinions sur l'interprétation que des juristes
se font d'un texte.
Or, quand la seule opinion, du moins la seule opinion publique connue,
le seul rapport, le seul document juridique qui est connu, c'est l'opinion de
la Commission des droits de la personne et qu'on peut imaginer que l'autre
opinion, ce n'est pas nécessairement une opinion de juristes, mais que
c'est une opinion d'opportunité politique, qui peut être
légitime, le ministre dit: II y a une discrétion qui doit
demeurer. Je veux bien croire qu'il y a une discrétion. Mais c'est une
discrétion politique et la discrétion devrait s'appliquer dans
des cas où c'est véritablement une zone grise, pas simplement une
opinion qui serait reprise par tous les juristes, s'ils devaient évaluer
le même point.
Quand il y a une seule opinion et qu'elle est dans le sens que la loi
qu'on se propose d'adopter contredit la charte, on peut difficilement
prétendre qu'on acquiert une discrétion politique parce que les
expertises juridiques sont contradictoires. On n'en sait rien, on n'en a
qu'une.
Alors, il est difficile de se contredire à un. Pour se
contredire, il faut d'abord être deux. C'est déjà un bon
prérequis. Si on est trois, il y a encore plus de chances, mais à
un, c'est fort difficile d'avoir une contradiction. Et s'il n'y a pas de
contradiction, je pense que le fardeau de la preuve est à celui qui, sur
le plan politique, réclame la discrétion politique. Il doit
démontrer qu'il a une opinion juridique au moins équivalente qui
démontre que l'opinion contraire est également valable. Et d'un.
Et ça vaudrait, à plus forte raison, si les opinions
étaient publiques. Mais quand les opinions, y compris l'opinion de la
Commission des droits de la personne, demeurent privées, données
au seul gouvernement, et que ni l'opinion publique ni les partis de
l'Opposition à l'Assemblée nationale ne sont conscients du fait
que l'interprétation la meilleure, et même peut-être la
seule de la Charte des droits et libertés de la personne, va à
l'encontre du projet de loi, et qu'on n'invoque pas la clause "nonobstant",
alors on va contre l'esprit
de la Charte des droits et libertés de la personne.
Peut-être qu'on peut s'en tirer, sur un plan strictement juridique, sur
un plan technique, cela est secondaire. Il reste cependant que l'esprit de la
charte, le sens de cette clause "nonobstant", c'est que si,
véritablement, il y avait une intention politique d'aller à
rencontre de la charte, il faudrait avoir le courage politique de le dire et de
l'inscrire dans la loi.
Toutes les autres manoeuvres qui sont faites pour éviter
d'utiliser la clause "nonobstant", sont à l'encontre de l'esprit de la
charte. Autrement, cette clause n'a plus de sens, parce que, dans le fond, on
pourrait l'éliminer et on revient à la même situation.
N'importe quel gouvernement peut adopter des lois et elles vont rester en
vigueur dans cet état-là jusqu'à ce que quelqu'un les
conteste.
Alors, on gagne quoi? La clause "nonobstant", c'était pour forcer
les gouvernements à être plus candides, justement, quant à
leurs intentions; et on observe qu'il y a là un mouvement de recul par
rapport à ça.
Une autre observation que j'aimerais faire, M. le Président,
c'est qu'à l'expérience, les membres de l'Opposition... Il y a
d'ailleurs eu un débat de procédure que nous avons perdu
là-dessus, donc, il est sûr que, sur un plan de stricte
légalité, de procédure parlementaire, les propos que je
vais adresser supposent des changements dans les textes, mais il demeure
fondamentalement anormal, je pense, que l'organisme que constitue la Commission
des droits de la personne qui est nommé par un vote
qualifié, une majorité qualifiée des deux tiers de
l'Assemblée nationale serve de consultant légal pour le
ministère de la Justice et ne serve pas plutôt à informer
de façon égale tous les membres de l'Assemblée nationale
de l'interprétation que la commission formule sur la signification de la
Charte des droits et libertés de la personne.
Si les procédures parlementaires et si la loi constitutive de la
commission ne permettent pas ce résultat, il y a quelque chose de
fondamentalement vicié dans le processus. Parce que l'esprit de la
commission était non pas d'être une officine gouvernementale, mais
le gardien de cette charte auprès de l'Assemblée nationale, d'en
être le gardien public et non pas le confesseur privé du
gouvernement.
On se trouve dans la situation où il a fallu utiliser
l'étude des crédits pour obtenir des textes qui, dans l'esprit
même de toute cette opération, devraient automatiquement
être déposés à l'Assemblée nationale,
être communiqués à tous les partis.
Je ne dis pas qu'on devrait d'office demander à la commission de
donner des avis sur toutes les lois, ce n'est pas ce que je dis. Mais si
l'Assemblée nationale décide qu'un avis est nécessaire, il
me semble que c'est une décision de l'Assemblée nationale qui
devrait enclencher le processus, et ce devrait être à
l'Assemblée nationale que la commission fait son rapport, un peu
à la façon dont le Vérificateur général
fonctionne dans le domaine des comptes publics.
La procédure actuelle et l'utilisation qu'on en fait montrent
clairement qu'il y a un mécanisme qui ne tourne pas rond quelque part.
Sans aucun doute, il faudrait changer les textes, sans aucun doute, ce que je
dis dans le moment n'est pas conforme à une interprétation
pointilleuse des textes de notre règlement, etc. Mais je tenais à
faire cette mise au point, parce que je pense qu'on s'écarte
progressivement, pour des raisons de procédure qui peuvent être
excellentes, pour des raisons de commodité, etc., de l'esprit qui a
présidé à la création de l'organisme.
Ceux qui animent l'organisme, je ne les accuse de rien, bien au
contraire. Ils doivent fonctionner comme tout le monde dans le cadre actuel,
mais je pense que c'est diminuer l'importance de la commission que de la faire
fonctionner dans un cadre comme cela, c'est injuste à son égard
et c'est injuste également à l'égard de l'Assemblée
nationale à qui, me semble-t-il, on avait voulu donner un instrument de
contrôle de la législation qui ne soit pas justement un instrument
gouvernemental, que le gouvernement du jour puisse utiliser quand bon lui
semble, mais tenir secrète également quand bon lui semble.
C'est une situation anormale, et je pense que le fait qu'on ait, par
exemple, débattu un projet de loi dans l'ignorance totale de l'opinion
qu'en avait la Commission des droits de la personne et que, trois mois ou
quatre mois après son adoption, on se rende compte qu'un des articles
qui a effectivement été débattu entre nous, auquel nous
nous sommes effectivement opposés et au sujet duquel le porte-parole du
gouvernement nous a dit qu'il n'y avait rien là, que c'était
très bien et qu'il n'y avait pas de problème... C'était la
question des tavernes...
M. Godin: N'interprétez pas ce que j'ai dit six mois plus
tard.
M. Forget: C'était la question des tavernes. Vous savez
très bien qu'il en a été question, que cela a
été débattu.
M. Godin: D'accord, j'ai demandé la parole, mais
n'interprétez pas six mois après ce que j'ai dit.
M. Forget: Oui, vous avez demandé la parole, mais je l'ai
encore.
M. Godin: Oui, mais vous me citez de travers.
M. Forget: Est-ce qu'on va faire respecter, M. le
Président... Est-ce que vous êtes capable de présider cette
commission?
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mercier, à l'ordre! Si vous arrêtez de parler en même temps,
on va peut-être y arriver.
M. Forget: J'avais le droit de parole, on m'interrompt et c'est
maintenant moi qui suis coupable.
Le Président (M. Bordeleau): II n'y a plus personne qui a
le droit de parole. D'accord, c'est moi qui l'ai, maintenant. M. le
député de Mercier, laissez terminer le député de
Saint-Laurent.
M. Godin: Une question de directive.
Le Président (M. Bordeleau): Non, vous n'avez pas la
parole.
M. Godin: Prima facie, comme disent ces heureux légistes,
quand il y a une déformation manifeste des paroles que j'ai tenues dans
cette commission, est-ce que j'ai un recours pour réparer ou corriger la
citation?
Le Président (M. Bordeleau): Vous avez un recours, mais
après.
M. Forget: Oui, article 93 de notre règlement, mais
après que j'ai fini.
Le Président (M. Bordeleau): Alors, je vous retiens pour
tantôt, M. le député de Saint-Laurent, vous pouvez
continuer.
M. Godin: D'accord, merci, ça répond à ma
question.
M. Forget: Vous le savez très bien. Ce sont des
interruptions, M. le Président. Je vous remercie, M. le
Président, mais je terminais justement. Je ne peux pas souffrir ce genre
d'intervention de la part du député de Mercier, qui n'a
strictement rien à dire.
M. Godin: Pauvre petit garçon! Pauvre de vous! Il ne peut
pas souffrir!
M. Forget: II n'a strictement rien à dire, mais il
intervient justement quand il sent que son ministre est dans l'eau chaude ou
que son parti est dans l'eau chaude.
M. Godin: L'épiderme!
M. Forget: M. le Président, je pense que j'ai fait une
intervention sérieuse, et je citais justement les arguments que nous
donnait le secrétaire parlementaire, l'adjoint parlementaire du ministre
de la Justice, alors que nous avons débattu cette question, une question
qui est d'actualité, étant donné les
représentations que nous font les organismes féminins, les
problèmes de droit et de liberté fondamentale,
d'égalité, de non-discrimination, il a été question
de cela. Il aurait été quand même éclairant de
savoir ce qu'en pensait la Commission des droits de la personne et, au moment
où nous en parlions, au moment où nous tenions un langage
analogue à celui de la commission, vous étiez confortablement
assis sur cet avis sans nous le dévoiler. Je pense que cela est
contraire à l'esprit qui a présidé à l'adoption
à l'Assemblée nationale de la Charte des droits et
libertés de la personne.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre. M.
Bédard: M. le Président, je vais relever...
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre, je m'excuse,
mais, étant donné que M. le député de Mercier
voulait corriger...
M. Godin: Je vais céder le droit de passage. Le
Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, le gouvernement et le
ministre ne sont en aucune façon dans l'eau chaude. Je pense que nous
avons une discussion importante. Nous avons aussi la chance d'avoir avec nous
le président de la Commission des droits de la personne qui pourra, s'il
le désire, ajouter quelques propos, mais je tiens quand même
à dire très clairement que le gouvernement actuel je ne
parlerai pas pour les autres gouvernements ne considère en aucune
façon la Commission des droits de la personne comme une officine
gouvernementale, tel que le prétend le député de
Saint-Laurent, ni comme un confesseur du gouvernement. (22 h 45)
Au contraire, le gouvernement croit, comme ministre, et j'ai la
même conviction, que la présence de la Commission des droits de la
personne est non seulement essentielle, mais nécessaire et, à mon
avis, contribue à ce que le présent gouvernement et les autres
gouvernements aient à user de beaucoup plus de prudence lorsqu'ils y
vont de lois qui sont sous l'angle du respect des droits et libertés
individuelles. Et je tiens à vous dire qu'en aucune façon, comme
ministre de la Justice responsable de la Commission des droits de la personne,
je n'ai adopté d'attitude ou pris de position qui va dans le sens des
insinuations du député de Saint-Laurent, en ce sens que la
Commission des droits de la personne soit une officine gouvernementale. Je ne
pense pas qu'il soit nécessaire de revenir sur la conception, que j'ai
énoncée tout à l'heure, de l'importance de la Commission
des droits de la personne et aussi de la possibilité d'analyses qui
reste quand même, au niveau gouvernemental à la suite des opinions
fournies par la commission. Je ne veux pas reprendre le débat, mais
si...
Le Président (M. Bordeleau): M. le Président de la
commission.
M. Bédard: Rapidement, peut-être. Je dirais que
c'est une question fort importante, au fond, qu'on soulève actuellement
et à laquelle la commission elle-même est très sensible.
Depuis le début, on a toujours abordé cette question de critique
de projet de loi avec, j'ose croire, un certain sens de l'éthique et on
a essayé d'être le plus compétent possible.
Bien sûr, notre seule grille d'analyse et notre seule grille
d'intervention reposent sur la charte, il s'agit de savoir si oui ou non tel
projet de loi
respecte ou non les valeurs véhiculées par la charte. Il
ne s'agit pas pour nous de nous prononcer sur la sagesse ou non d'un projet de
loi. Je pense que c'est facile à dire et à verbaliser, mais ce
n'est pas toujours évident, particulièrement quand on tombe du
côté des droits socio-économiques qui sont
mentionnés dans la charte et du pouvoir de payer d'un gouvernement.
Ceci étant dit, nous intervenons, soit à notre propre
initiative, soit à la suite d'une demande. Nous avons reçu des
demandes diverses. Parfois, ça vient d'une commission parlementaire et
ça nous est transmis par le ministre responsable de cette commission
mais, à d'autres moments, c'est un ministère qui entre en contact
avec nous au moment de l'élaboration d'une politique, donc des grands
principes, avant même qu'on ait un texte d'un projet de loi. Parfois,
c'est au moment d'un avant-projet ou encore c'est au moment du projet de loi
proprement dit. Evidemment, dans les étapes préalables, nous
n'avons jamais jugé opportun de rendre ça public, mais nous avons
toujours très bien établi nos principes à savoir qu'on
donnait tel avis mais que, si le ministère concerné ne le suivait
pas, bien sûr, on se sentait libre de le dire ouvertement, et on l'a
fait.
Quand il s'agissait d'un projet de loi, en général, nous
l'envoyions au ministère concerné et au président de
l'Assemblée nationale, pour qu'il agisse comme il l'entendait.
La commission, bien sûr, a vécu son propre apprentissage et
a assisté au débat qui a eu cours ce printemps. Tout ce que je
peux dire, c'est que nous ne nous sommes jamais sentis "confesseur
privé" d'un ministre, fût-il celui de la Justice. Nous aurions
refusé d'agir de la sorte. Il faut, je pense, que je le dise au nom de
la commission. Mais nous sommes prêts à étudier, avec
beaucoup de soin, cette demande selon laquelle les avis que la commission
donnerait, pourraient informer tous les membres de l'Assemblée
nationale, auxquels elle a des comptes à rendre, puisqu'elle doit rendre
public son rapport annuel à l'Assemblée nationale.
Je vais en faire part à la commission et je pense que nous sommes
très sensibles à cette demande.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Mercier, toujours sur le même sujet?
M. Godin: Très brièvement. Je ne voudrais pas aller
dans les détails, mais aborder la question. J'ai participé
à un congrès des State legislators, organisé par les
législatures d'Etats américains à Denver, Colorado, avec
d'ailleurs notre collègue le député de Saint-Louis et
d'autres. Or, un des colloques portait précisément sur ce genre
de problème.
Et les porte-parole américains étaient d'avis
certains d'entre eux du moins que s'en remettre chaque fois, tout le
temps, au Bill of Rights ou à une commission des droits de la personne
ou à une charte enchâssée, équivalait en principe
à une partielle abdication des pouvoirs du Parlement. C'est le
problème que cela pose.
Et, sur la "judiciarisation" absolue du processus politique car
nous votons ici des lois et, en tant que parti politique devenu un
gouvernement, nous pourrions abdiquer une partie des pouvoirs du
législateur en nous en remettant toujours aux tribunaux, à une
commisson ou à une charte des droits de la personne pour régler
des problèmes de zone grise. Par conséquent, il ne suffit pas de
dire que chaque fois que c'est discriminatoire à sa face, le
gouvernement doit se plier tout à fait. Le cas des tavernes était
un bel exemple où on avait des droits acquis* pour quelques
propriétaires. Tout nouveau permis ne pouvait pas être
appelé permis de taverne, il devait par conséquent être
conforme à la charte, au moment où elle fut passée. Je
pense que nous avons usé de la sagesse du législateur en votant
cette loi. Je ferai remarquer au député de Saint-Laurent
qu'à l'époque, il n'avait pas posé la question en
commission parlementaire, sur la conformité de cet article de la
nouvelle loi par rapport à la charte. Il n'avait pas posé la
question.
Je terminerai en disant que si, dans un tel cas, les citoyens jugent que
nous avons fait une grave erreur, ils nous jugeront, mais je pense que la
meilleure garantie est encore le système démocratique dans lequel
on vit. Cependant, comme législateur, je ne suis pas prêt à
abdiquer une partie substantielle de la souveraineté du Parlement
à une charte, parce qu'on pourrait dire: II n'a qu'à interdire la
pêche au saumon à certaines périodes de l'année
à travers les droits du pêcheur, qu'à interdire la chasse
au chevreuil durant telle période de l'année à travers les
droits du chasseur ou du pêcheur. Une application aveugle et non
tempérée par un Parlement de ces règles-là,
à mon avis, peut donc mener à des situations absurdes. Le cas des
tavernes nous a semblé à l'époque un cas patent d'une
institution qui existait depuis quelques siècles, et que nous avons
décidé de garder pour toutes celles qui avaient
déjà des droits acquis. Seuls les nouveaux permis devaient par
conséquent être des permis de brasserie en laissant le libre
accès sans discrimination de sexe. Je pense que le gouvernement a agi
sagement.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Deux remarques très brèves, M. le
Président. D'abord, relativement à ce que vient de dire le
député de Mercier, c'est un peu tautologi-que. S'il y a des
droits fondamentaux, c'est sûr que les législateurs abdiquent une
partie de leurs responsabilités. Ou il y a des droits fondamentaux ou il
n'y en a pas. C'est probablement un point sur lequel nous ne serions pas
d'accord. Nous sommes d'avis qu'il doit y avoir des droits fondamentaux, qu'il
doit donc y avoir une restriction au pouvoir normal de légiférer,
quitte à permettre des dérogations, mais des dérogations
explicites et ouvertes, ce que vous ne faites plus ou ce que vous faites moins.
On n'a pas de chiffres précis, mais c'est bien important. S'il y a des
droits
fondamentaux, c'est sûr qu'il va y avoir une abdication partielle
du pouvoir de légiférer. L'un ne va pas sans l'autre.
La deuxième remarque que j'aimerais faire, c'est à la
suite des propos du président. Je pense que nous allons tous, de tous
les côtés, nous interroger sur le processus de consultation, parce
qu'il a posé jusqu'à maintenant des problèmes, et je pense
que c'est à l'expérience seulement qu'on pouvait en mesurer toute
la portée, mais j'aimerais malgré tout dire ceci sur le plan des
réflexions qu'on peut faire: La consultation que fait privé-ment
le gouvernement auprès d'un organisme qui est responsable à
l'Assemblée nationale et non pas au ministre offre un danger certain que
l'organisme consulté se trouve en quelque sorte coopté, s'il l'on
veut, dans le mécanisme de la décision gouvernementale et,
quelles que soient les bonnes volontés, quel que soit le désir de
maintenir les choses distinctes qui doivent être distinctes, il devient
difficile pour les juristes qui sont les membres de la commission de perdre de
vue les objectifs ministériels, les objectifs gouvernementaux, dans la
rédaction d'un projet de loi auxquels ils sont associés par cette
consultation.
C'est un danger. Il faut se poser la question, se demander, si cette
possibilité de consultation par le gouvernement devrait être
maintenue, étant donné les dangers que cela présente,
quelles que soient encore une fois, les bonnes intentions de part et d'autre,
si nous ne devrions pas considérer que la commission décide de
cas individuels, un peu à la façon d'un tribunal administratif,
si l'on veut, comme elle le fait maintenant. Quand il s'agit du processus
consultatif, c'est un processus consultatif, à la demande d'une instance
de l'Assemblée nationale, soit l'Assemblée nationale
elle-même ou une de ses commissions, et sur des projets qui sont
déjà des projets déposés et publics, de
manière qu'il n'y ait pas de cette cooptation dans le mécanisme
décisionnel.
Ce n'est peut-être pas le dernier mot que j'aurais à dire
sur le sujet, mais il me semble que l'expérience vécue
jusqu'à maintenant, sans imputer encore une fois de mauvaises intentions
à qui que ce soit je pense que tout le monde là-dessus est
au-dessus de tout reproche, quant aux intentions il y a peut-être
un peu des éléments d'une réflexion là-dessus qui
pourrait nous inspirer des changements législatifs.
En tout cas, je n'ai pas d'autre commentaire à formuler sur toute
cette question.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Rimouski.
M. Bédard: Je crois également que cela
mérite réflexion, assurément.
M. Marcoux: Pour enchaîner sur le sujet que vient d'aborder
le député de Saint-Laurent, en ce qui me concerne, je partage la
même préoccupation. Par quelle sorte de méthode ou
d'ajustement pourrait-on arriver à répondre à
l'interrogation qui est posée? Je pense que l'interrogation est
très valable. Si, pour le gouvernement, la commission accepte de donner
des avis avant même que les projets de loi soient déposés,
on pourrait peut-être admettre que c'est normal. Il y a une chose qui est
certaine, c'est que notre premier souci, lorsque des projets de loi sont rendus
publics et qu'il y a, ou risque d'y avoir, d'après la Commission des
droits de la personne, des projets qui ne sont pas en concordance avec la
charte, est que les membres de l'Assemblée nationale ou
l'Assemblée nationale puissent, normalement et presque par une sorte
d'automatisme, avoir droit à ses opinions.
Nous sommes tous là pour défendre les libertés au
maximum et, d'une certaine façon, la démocratie; mieux les
membres de l'Assemblée nationale sont informés, plus, je pense,
ça peut éviter de faire des erreurs dans des lois et permettre
que nos lois soient meilleures. Je n'irais pas jusqu'à interdire au
gouvernement de solliciter des avis de la commission avant même que des
projets de loi soient déposés, parce qu'à ce
moment-là, dans tout le processus législatif, il faut voir
à ce que les lois soient les plus valables avant même d'être
déposées, quitte à les améliorer par la suite.
En tout cas, indépendamment de la technique je ne suis pas
un expert des règlements de l'Assemblée nationale ou même
du droit sur l'objectif indiqué par le député de
Saint-Laurent, je partage les principes qu'il a énoncés.
Il y a un deuxième point que je voudrais signaler. Tantôt,
je ne l'ai pas relevé immédiatement, à cause de la
discussion qui s'était engagée, le député de D'Arcy
McGee a affirmé, si j'ai bien compris, que le premier ministre du
Québec avait indiqué qu'il était absolument contre le fait
que, dans la constitution canadienne, une charte soit enchâssée,
selon votre expression. Vous étiez absent probablement de
l'Assemblée nationale il y a quelques jours, car, répondant
à une question du chef de l'Opposition officielle, le premier ministre a
bien indiqué à ce sujet que le gouvernement était ouvert
à des discussions et qu'il n'avait rien absolument contre le fait que la
Charte des droits et libertés de la personne soit incluse dans la
constitution.
Ce qu'il a bien indiqué, c'est que, en faisant ceci, il y aurait
quand même des conditions; une condition fondamentale était que
les droits linguistiques ou que la responsabilité des politiques
linguistiques relèvent de façon très claire du
gouvernement du Québec ou, en tout cas, de la juridiction du
Québec, car il y a quand même des droits de ce
côté-là que nous voulons bien protéger
nous-mêmes. Ce que je dis est tellement vrai que, le lendemain, le chef
de l'Opposition se disait heureux des ouvertures faites par le premier
ministre, y inclus ce projet, qui était une des deux conditions
préalables posées par le premier ministre du Canada.
Je pense que ce que vous avez affirmé tantôt et ce qui est
clairement la position du gouvernement, c'est deux choses.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
D'Arcy McGee. (23 heures)
M. Marx: Je suis heureux d'avoir des explications du
député de Rimouski. Je comprends bien que le premier ministre ait
des opinions un jour et d'autres opinions un autre jour. J'aimerais rappeler au
député de Rimouski qu'en 1979, lors d'une conférence
fédérale-provinciale, il y avait deux provinces qui
étaient contre le fait d'enchâsser une charte des droits et
libertés de la personne dans la constitution du Canada, l'une de ces
deux provinces étant le Québec.
M. Godin: Pour les raisons qu'il vient de donner.
M. Marx: Les raisons sont trop...
M. Godin: En quelle année avez-vous dit?
M. Marx: En 1979.
M. Godin: On ne passera pas d'une société politique
à une société de juges.
M. Marx: Voilà l'opinion... je ne sais pas si l'adjoint
parlementaire du ministre de la Justice donne la politique ou fait maintenant
la politique du gouvernement...
M. Godin: Non, je vous donne mon opinion à moi, M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: C'est son opinion.
M. Godin: Je pense qu'il faut que les deux coexistent.
M. Marx: Passons à un autre sujet.
M. Bédard: Sur ce point-là, le député
de D'Arcy McGee le sait, concernant l'enchâssement des droits
fondamentaux, il y a quand même des juristes très éminents
qui ne sont pas favorables à cet enchâssement, entre autres M.
Louis-Philippe Pigeon. Justement, il n'est pas d'accord, mais pas pour des
raisons seulement juridiques, pour des raisons d'autre nature, parce que ce
sont des droits évolutifs. A partir du moment où on les
enchâsse, on diminue peut-être la possibilité
d'évolution de ces droits. Regardez la Charte des droits et
libertés de la personne du Québec, comparez-la avec la Charte des
droits et libertés du fédéral ou d'autres provinces, vous
serez en mesure de constater que c'est une des plus avancées sur bien
des droits. Cela ne veut pas dire, quand je dis ça, que je veux
être négatif par rapport au fédéral ou autres
provinces.
Socialement, il y a des choses qui ont semblé s'imposer ou
être plus acceptables, ici au Québec; on n'en est pas au
même point dans les autres provinces. C'est dans ce sens que c'est
évolutif les droits et libertés.
M. Marx: M. le Président, je ne veux pas m'attarder
à ce sujet, mais le ministre de la Justice a cité l'ancien juge
Pigeon de la Cour suprême, pour prouver qu'il y a des juristes qui sont
contre le fait d'avoir une charte enchâssée dans la constitution.
Tout ce que je veux dire, c'est qu'on cite des opinions avec lesquelles on est
d'accord, des opinions qu'on veut suivre. Je peux donner au ministre d'autres
opinions qui ont autant de poids que l'opinion du juge Pigeon pour prouver que
c'est la meilleure chose au monde d'avoir une charte enchâssée,
mais je laisse ce sujet pour aborder ma dernière question.
J'ai été heureux aujourd'hui d'apprendre que le ministre a
un grand respect pour la Commission des droits de la personne, parce que, comme
on l'a vu ce matin lors du débat sur la motion de blâme, le
gouvernement actuel n'a pas beaucoup de respect pour les tribunaux et pour les
juges.
M. Bédard: Non...
M. Marx: Donc, au moins, qu'il y ait un certain respect pour la
Commission des droits de la personne...
M. Bédard: ... M. le Président, je m'inscris en
faux...
M. Marcoux: C'est de la fabulation.
M. Marx: ... si les députés du gouvernement ne sont
pas d'accord, ils peuvent consulter leur collègue, le ministre
Bérubé, et y lire tout ce qu'il a dit sur les juges, les
tribunaux et les opinions juridiques pour voir...
M. Marcoux: Mon Dieu Seigneur!
M. Marx: ... que j'ai raison.
M. Marcoux: Bon!
M. Marx: Bon.
M. Marcoux: Le commercial est passé.
M. Marx: Dans la...
M. Godin: Est-ce que vous êtes d'accord avec M. Porter,
vous?
M. Marx: Est-ce que j'ai le droit de parole encore ou...
Le Président (M. Bordeleau): Vous l'avez normalement. M.
le député de Mercier, si vous voulez attendre votre tour.
M. Marx: II y a une couple de députés qui me
suivent d'une commission à l'autre et m'interrompent. Je pense que le
député de Mercier est un de ceux-là.
J'ai lu tous les rapports annuels de la Commission des droits de la
personne et, dans chacun de ces rapports, la Commission des droits de la
personne a fait un certain nombre de recommandations. Même d'une
année à l'autre, elle a fait les mêmes recommandations sur
des sujets assez précis.
Est-ce que le ministre a l'intention de suivre ces recommandations de la
Commission des droits de la personne pour laquelle il nous a dit, il y a
quelques minutes, avoir beaucoup de respect, ou est-ce qu'il va les
"tabietter"?
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bédard: D'une façon générale, M.
le Président, j'ai eu déjà l'occasion de le dire, les
recommandations de la Commission des droits de la personne font l'objet d'une
analyse en profondeur au niveau du ministère de la Justice.
Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas donné suite,
législativement parlant, à toutes les recommandations de la
Commission des droits de la personne, nous en sommes conscients.
Je pense que le président de la Commission des droits de la
personne a évoqué tout à l'heure, très rapidement,
les droits socio-économiques auxquels on n'a pas encore donné
suite, les avantages sociaux également.
Mais le ait que nous n'y ayons pas donné suite, jusqu'à
maintenant, ne signifie pas une fin de non-recevoir en fonction de
l'avenir.
M. Marx: Est-ce que le ministre a étudié ces
recommandations?
M. Bédard: Oui. Quand on parle des droits
socio-économiques...
M. Marx: Est-ce qu'il y a eu des opinions? Est-ce qu'il y a
quelque chose sur papier ou s'il a fait cela par téléphone?
M. Bédard: Voulez-vous une réponse? M. Marx:
Mais oui.
M. Bédard: Mais, attendez! Je ne suis pas obligé de
vous répondre comme une machine. Vous, quand vous parlez, je vous laisse
aller.
M. Marx: Mais on veut une réponse concrète. Si ce
sont des généralités, on va passer au prochain
programme.
M. Bédard: Attendez la réponse. Vous jugerez
après si elle est concrète ou pas.
Concernant les avantages sociaux, il y a une étude qui est
presque à terme, elle est très avancée, au niveau du
ministère de la Justice. C'est sur ce point que nous voudrions essayer
d'être le plus rapidement en mesure de nous fixer en termes de
décision.
M. Marx: Vous avez d'autres recommandations?
M. Bédard: Les autres ne sont pas prêtes. Mais je
pense que la plus importante qui est revenue d'ailleurs à deux
reprises concernait justement les avantages sociaux.
M. Forget: Cela fait trois ans que vous avez le rapport
là-dessus.
M. Bédard: Nous avons donné suite... M. Forget:
Non.
M. Bédard: Nous avons donné suite aux
recommandations de la commission concernant les handicapés, concernant
l'orientation sexuelle. Lorsque nous rouvrirons la charte, à partir d'un
projet de loi, à ce moment-là, nous essaierons de donner suite de
la façon la plus générale possible aux recommandations de
la commission.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que cela va pour le
programme 5?
M. Lalande: Non, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Maisonneuve.
M. Lalande: J'aurais un cas précis à vous
soumettre, M. le ministre. Comme le président est ici ce soir,
peut-être pourrait-il nous informer. Au mois de janvier dernier, le
député de Sainte-Marie faisait une conférence de presse.
Il demandait aux journalistes de se réunir autour de lui, pour
dénoncer, disait-il, un cas de discrimination d'ordre politique, racial,
religieux et sexuel.
C'était une plainte que portait M. Bisaillon au nom de Mlle
Joanne Provencher qui aurait été victime, disait M. Bisaillon, de
discrimination à l'embauche, chez la Libby Dress, parce qu'elle portait
un macaron appelant le oui au référendum. La Libby Dress est la
propriété de M. Libman, qui est manufacturier à
Montréal. Ce que je voudrais savoir, c'est si la commission a rendu sa
décision à ce niveau et quelles en sont les conclusions.
M. Bédard: Oui, la commission, il y a à peu
près un mois, je ne me souviens pas exactement, a rendu sa
décision et, dans ce cas-là, a trouvé, d'après la
preuve recueillie, qu'il n'y avait pas eu discrimination et elle a
rejeté la plainte.
M. Lalande: Je voudrais seulement profiter de l'occasion pour
vous rappeler que je vous ai trouvé bien silencieux à ce
moment-là, parce que ce cas de discrimination qui était
décrié par le député de Sainte-Marie, nous
disait-il, se situait dans le comté de Maisonneuve. Evidemment, le
député de Sainte-Marie, apparemment en tout cas, ne sait pas
qu'au Québec, nous avons l'habitude de respecter la loi de l'"audi
alteram partem", c'est-à-dire que les deux parties doivent être
entendues avant de faire des dénonciations et des accusations à
l'emporte-pièce, comme il a fait à ce moment-là. Il me
semble que le ministre aurait dû à tout le moins lui conseiller de
s'astreindre finalement à être un peu plus calme. Par ailleurs, la
décision a été...
M. Marcoux: ... vous avez l'air tout à fait...
M. Lalande: Par ailleurs, j'ai trouvé le ministre
extrêmement silencieux aussi à la suite du jugement qui
rétablissait un fait de discrimination qui a paru à la une dans
certains journaux en disant qu'il n'y avait pas eu de discrimination. Qu'on le
veuille ou pas, publiquement, le propriétaire, ce manufacturier, M.
Libman a subi un préjudice devant tout le monde, à la face
même de tout le monde. Je ne tiens absolument pas la commission
responsable de publier ou de ne pas publier sa décision. Elle a rendu
son jugement, mais il me semble que le ministre comment disait-il?
par réaction et par instinct d'ouverture, pour que tout se passe
très bien, qui veut faire preuve de respect des tribunaux, de respect de
la règle de droit, de la "rule of law", n'intervient ni dans un sens ni
dans l'autre. C'est cela que je voulais souligner à son attention.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bédard: Je pourrais dire au député que
nous n'avons pas été informés de cette décision par
la Commission des droits de la personne. J'espère que...
M. Lalande: J'imagine que vous aviez été
informé de la décision à- cette conférence de
presse de votre collègue. J'imagine que vous étiez au courant de
cela?
M. Bédard: Non plus.
M. Lalande: Vous ne suivez pas ces dossiers?
M. Bédard: Vous savez très bien comment cela
fonctionne. Tous mes collègues de l'Assemblée nationale ne vont
pas m'informer avant de toutes les conférences de presse qu'ils font. Je
ne crois pas que cela devrait commencer.
M. Lalande: Ils en font trop. Ils en font beaucoup.
Une Voix: Peut-être que cela arrive chez vous avec M. Ryan
où personne n'a le droit de lever le petit doigt sans avoir...
Une Voix: C'est votre malheur.
Le Président (M. Bordeleau): Un instant! Un instant! Un
instant!
M. Bédard: Laissez-moi répondre. ... l'imprimatur
du chef de l'Opposition.
Une Voix: Tu fais mal, tu parles à Bisaillon.
M. Godin: C'est trop le "fun", c'est plus le "fun" par
exemple.
M. Lalande: Que vient faire le chef de l'Opposition à
l'intérieur de cela?
M. Bédard: Nous sommes...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Maisonneuve, s'il vous plaît, laissez répondre le ministre. Vous
pourrez revenir avec une autre question, si cela ne répond pas à
votre question. Il faudrait d'abord le laisser répondre.
M. Bédard: Le mécanisme prévu par la loi, M.
le Président, a été bien respecté. J'espère
que le député ne m'invite pas à m'insérer dans le
processus judiciaire ou le processus de la Commission des droits de la
personne.
M. Laionde: Ah non!
M. Bédard: Le député de Sainte-Marie a fait
une certaine dénonciation. C'était son droit. Il y a eu audition
des faits devant la Commission des droits de la personne. La commission a rendu
sa décision. Je pense que tout est correct comme cela. Je ne peux quand
même pas commencer... je ne pense pas que c'est cela que vous voulez
faire non plus. Vous ne voulez pas m'inviter à commenter toutes les
décisions qui sont rendues par la Commission des droits de la
personne.
M. Lalonde: Grâce à Dieu! Une Voix: Surtout
pas...
M. Marcoux: Suivez le conseil du député de
Saint-Laurent, changez de sujet, vous êtes sur la mauvaise patinoire.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Rimouski, s'il vous plaît! Est-ce qu'on peut dire que le programme 5 est
adopté?
M. Bédard: Vous n'êtes pas sur une ligne forte,
franchement.
M. Forget: Le programme 4, M. le Président,
adopté.
Le Président (M. Bordeleau): Ah! le programme 4
n'était pas adopté? Je m'excuse. Le programme 4,
adopté.
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Bordeleau): Programme 5.
M. Bédard: C'est le programme 4, élément 1,
qui vient d'être adopté?
Le Président (M. Bordeleau): Le programme 4 vient
d'être adopté.
M. Lalande: Ah oui! M. le Président. Simplement une petite
question d'ordre technique, au programme 5.
M. Forget: On n'est pas rendu là.
M. Lalande: Sommes-nous rendus au programme 5? Le programme 4
est...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, on arrive au programme
5. (23 h 15)
M. Bédard: M. le Président, au nom des membres de
la commission, je voudrais remercier le président de la Commission des
droits de la personne d'avoir bien voulu se déplacer et répondre
aux questions des membres de la commission. Au programme 4,
élément 2...
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on considère
que le programme 4, élément 2, est adopté
également?
M. Forget: Oui, cela a été débattu...
Comité de la protection de la jeunesse
M. Bédard: La Protection de la jeunesse. Le
Président (M. Bordeleau): Oui, cela a été...
M. Bédard: Nous avons ici le président de la
commission...
M. Forget: On nous annonce un colloque pour la fin du mois. On en
a débattu tantôt. On n'a pas d'autres questions.
M. Bédard: Bien. Nous en aurions, étant
donné que nous avons la présence...
M. Forget: C'est vous qui voulez poser les questions?
Parfait.
M. Bédard: C'est parce que, tout à l'heure, le
député de Maisonneuve a même réservé
certaines questions concernant la Loi sur la protection de la jeunesse, avec
l'assurance que je lui ai donnée que le président du
Comité de la protection de la jeunesse serait ici.
Le Président (M. Bordeleau): Programme 4,
élément 2?
M. Lalande: Je pense que le ministre a répondu
substantiellement, à la question de fond que je lui posais, selon le
rapport de certains directeurs qui disaient que ce n'était pas un
succès, que c'était un fiasco. C'était évidemment
une question d'opinion sur la Loi du tribunal de la jeunesse et tout
cela...
M. Bédard: Devant l'évocation de cette opinion qu'a
mentionnée le député de Maisonneuve, pour les membres de
la commission et pour l'ensemble de la population, je pense qu'il serait
important de donner quelques instants au président du Comité de
protection de la jeunesse...
M. Lalande: Oui, très bien.
M. Bédard: ... pour nous parler de la loi 24...
M. Forget: On l'a lu récemment avec intérêt
dans les journaux. C'est peut-être cela qui a calmé notre
curiosité pour l'instant.
M. Lalande: Simplement pour vous replacer dans le sens de la
question, je la répéterai. C'étaient les directeurs de
centres d'accueil qui dénonçaient la loi 24 comme étant
inefficace et nocive. Ils demandaient, dans leur conclusion, que tous les
jeunes soi-disant impliqués dans un délit ou ayant
récidivé soient maintenant conduits immédiatement devant
un juge du tribunal de la jeunesse, plutôt que devant le DPJ, le
directeur de la protection de la jeunesse, que les pouvoirs du directeur de la
protection de la jeunesse soient repensés de fond en comble, que
certains pouvoirs judiciaires qui avaient été donnés
à des intervenants sociaux soient immédiatement remis au juge,
que le nombre d'intervenants soit réduit, et notamment, le
représentant du ministère de la Justice. C'étaient
essentiellement les conclusions auxquelles en venaient les directeurs de
centres d'accueil.
Le Président (M. Bordeleau): M. le président du
comité.
M. Bédard: C'est l'opinion de deux centres d'accueil de
Montréal, qui sont deux centres d'accueil importants, qui sont connus
comme étant des centres d'accueil compétents, mais ce n'est quand
même que l'opinion de deux centres d'accueil, et, sauf erreur, cela n'a
même pas été endossé par l'Association des centres
d'accueil. Je ne veux pas minimiser leur opinion, elle est valable sur certains
points, mais c'est une opinion. Vous avez, dans le Devoir d'aujourd'hui, le
compte rendu d'une conférence de presse qui a été
donnée, et qui donne un autre son de cloche, par les directeurs de la
protection de la jeunesse. Evidemment, c'est une loi difficile et... on ne peut
pas éviter de reconnaître que c'est une loi difficile. Pour
revenir directement à votre question, je pense que, du côté
des centres d'accueil, il y a des difficultés. Limitons d'abord la
clientèle qui est concernée par ces centres d'accueil: en gros,
en chiffres ronds, il y a à peu près 50 000 jeunes au
Québec qui sont touchés annuellement par cette loi. Pour à
peu près la moitié, pas tout à fait la moitié, ce
sont des cas d'enfants ou de jeunes abandonnés, maltraités,
exploités, ce qu'on appelle des gens qui ont besoin de protection. De
l'autre côté, c'est la délinquance. Ce centre d'accueil, et
Sainte-Hélène, qui est l'autre centre d'accueil, sont des centres
d'accueil qui s'occupent de délinquance. Dans la délinquance,
c'est encore une minorité si on prend les 25 000 cas de
délinquance qui a affaire à des centres d'accueil du type
de Sainte-Hélène et de Boscoville, dont vous citez l'opinion.
C'est déjà limité par rapport à une
clientèle très limitée.
Mon commentaire porterait sur deux points. Il y a d'abord la
difficulté d'intégrer dans le réseau. C'est
peut-être symptomatique, la reconnaissance des droits à des
jeunes. La façon dont cela a été publicisé quand la
loi a été mise en vigueur a peut-être entraîné
une certaine perception chez beaucoup de gens, notamment chez certains jeunes,
cette catégorie de jeunes délinquants peut-être plus
structurés que les autres, peut-être un peu plus vieux que les
autres aussi, une perception telle qu'ils peuvent facilement abuser de cette
reconnaissance des droits à leur égard ou la percevoir comme
étant un outil de plus pour être délinquants et pour
essayer de jouer à travers les services qui pourront les aider.
Concrètement, ça veut dire que, dès leur
entrée dans le centre d'accueil, la loi prévoit qu'il peut y
avoir, quand il y a des faits nouveaux ça semblait juste quand on
regarde ça objectivement une révision de l'ordonnance qui
a envoyé le jeune dans le centre d'accueil. Evidemment, on fait
flèche de tout bois, les moindres événements qui
surviennent font qu'on intervient avec le concours de son avocat qui parfois
accepte facilement. Il y a parfois aussi des adultes autour qui les incitent.
Il y a toutes sortes d'interventions de révision. Il y a un abus de la
révision, ce qui fait que le jeune n'entre pas dans le programme de
traitement, il n'entre pas facilement dans le programme de traitement qui est
prévu par ces centres. Donc, difficulté des éducateurs,
démobilisation aussi des éducateurs devant des jeunes qui font
leur temps leur temps est très court en attendant d'avoir
une révision pour essayer d'en sortir. C'est la première
difficulté.
Il y a une deuxième difficulté, je pense, qu'il ne faut
pas se cacher non plus. Vous avez un contrôle à l'égard de
ces centres d'accueil comme vous n'en avez probablement jamais eu auparavant.
Il y a une obligation d'abord, au point de départ, car l'entrée
n'est pas contrôlée par eux, mais par le directeur de la
protection de la jeunesse. Evidemment, ils ont déjà leurs
critères d'acceptation, etc., leur grille, d'où difficulté
entre le DPJ qui a la responsabilité de l'enfant, une fois l'ordonnance
émise, et le centre d'accueil, qui est habitué à une
certaine clientèle, à un contrôle de ces entrées,
etc. C'est déjà une difficulté, il reçoit une
clientèle qu'il ne veut pas et qu'il ne reçoit pas, de toute
façon, de la même façon qu'il la recevait autrefois.
Deuxièmement, il y a un contrôle pendant la
détention. Au point de départ, il est obligé d'avoir un
projet de traitement très précis et ça fait partie des
droits reconnus au jeune de savoir au point de départ ce qu'on va faire
avec lui, combien de temps ça va durer et ce qu'on prévoit pour
sa réinsertion, son retour, sa rentrée dans l'atmosphère
après sa sortie du centre, etc. Donc, un deuxième contrôle,
il y avait un contrôle autrefois, tout était "judiciarisé".
Vous allez me dire: II y avait un contrôle par le juge, au point de
départ. Il pouvait y avoir un contrôle au cours de... Mais
c'était un contrôle qui se faisait d'une manière...
C'était un contrôle par un juge, mais je ne sais pas si on peut
dire que c'était vraiment un contrôle judiciaire. Actuellement,
ça se fait d'une manière vraiment judiciaire, à savoir
avec un débat contradictoire, c'est-à-dire que les deux parties
doivent être entendues, les avocats sont de la partie, etc. Ce qui veut
dire, pour ces gens qui étaient habitués à vivre, si vous
voulez, le traitement avec le jeune d'une manière presque en monopole,
l'obligation d'avoir à accepter des contrôles avec un débat
contradictoire auquel ils ne sont pas habitués, des avocats qui,
parfois, ne sont pas habitués non plus, d'où les
difficultés. Grossi, ça peut apparaître un fiasco par
rapport à un certain type de traitement ou à un certain type de
fonctionnement qu'avaient ces services. Mais tous les centres d'accueil ne sont
pas d'accord avec ce jugement et tous les gens dans le réseau non plus
ne sont pas d'accord. Il y a là des choses qui tiennent très peu,
je pense, à la loi et beaucoup à des ajustements et à des
mentalités, comme on le disait cet après-midi, à des
approches et à des façons de faire.
M. Lalande: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Maisonneuve.
M. Lalande: ... pendant que le président est toujours
présent, il y a certaines contestations ou préoccupations que je
qualifierai à ce stade-ci plutôt de rumeurs de la part de certains
corps policiers ou de certains policiers même directement; ils se disent
très désenchantés et, de façon plus
particulière, se considèrent frustrés par les traitements
que l'on fait, surtout au niveau de la délinquance évidemment,
comme le fait d'avoir à l'état de recherche un jeune pendant bien
des semaines, des mois souvent, et, finalement, d'être carrément
frustré par une "déjudiciarisation" abusive, disent-ils. Le
président pourrait-il peut-être nous rassurer, à ce niveau?
Véritablement, est-ce que ce n'est pas un mouvement de fond de la part
de tous les corps policiers ou est-ce le fait isolé seulement de
certains policiers?
M. Bédard: De la part, notamment, du service de la police
de la Communauté urbaine de Montréal, c'est revenu à
plusieurs reprises, j'ai rencontré plusieurs fois M. Vignola. J'ai entre
autres un extrait de la communication de M. Vignola au congrès du
Barreau, nous étions au même panel. Si vous regardez les plaintes
qui viennent de la police, il y a deux choses. Je vais d'abord répondre
à cela et, si vous voulez, il y a peut-être autre chose qu'on
pourrait dire sur la criminalité. L'insatisfaction des policiers ou
l'espèce de malaise des policiers vient du fait que, dans beaucoup de
cas, ils portent à l'attention du directeur de la protection de la
jeunesse qui est maintenant la porte d'entrée dans le
système, et non plus le tribunal des situations de
délinquance; et très souvent, jusqu'à tout
récemment, ils n'ont pas de retour, pas de "feed-back" de cela. Ils ne
savent pas de quoi ça retourne.
Quand vous avez bâti les éléments d'une
enquête, peut-être une preuve, pour aller devant le tribunal, il y
a une espèce de frustration, je pense, chez les policiers, qui est
compréhensible. S'ils ont des recommandations à faire durant
toute la période d'ajustement de la loi qui se continue, il n'y a pas eu
suffisamment de relations entre le réseau social et la police. Donc une
espèce d'insatisfaction même à ce niveau-là. A
supposer qu'ils accepteraient que les cas ne soient pas judiciarisés
beaucoup l'acceptent notamment dans des cas de moindre importance, il y
a peut-être une déjudiciarisation qui se faisait plus souvent, ils
n'ont peut-être pas tout à fait le même type de
délinquants non plus de toute façon, ce qui ressort
surtout, c'est le manque de relations entre le policier et ceux qui,
après l'arrestation par tel policier ou le traitement qu'il a fait
à sa manière, l'enquête, etc., le fait de ne pas avoir de
contact, de ne pas savoir ce qui se passe, le fait qu'on ne tienne pas compte
de ses recommandations, etc., qu'il n'y ait pas de suivi dont on lui fait part,
c'est une chose qui revient assez souvent.
Si on va plus loin, le message qui est perçu, semble-t-il,
globalement, je ne parle pas seulement de la police de Montréal, c'est
premièrement qu'il y a plus de délinquance et,
deuxièmement, on fait moins pour les délinquants. C'est
probablement cela le message. Nous avons fait une étude qui va
paraître prochainement dans le rapport annuel nous avons
l'obligation de soumettre au ministre de la Justice un rapport annuel à
la fin du mois, le 30 juin sur les six premiers mois, concernant la
délinquance à Montréal donc probablement l'endroit
où il y en a le plus les six premiers mois de l'application de la
loi, or, c'est probablement le moment où il y a eu le plus tendance
à déjudiciariser, comme on dit, parce que, selon le mouvement du
pendule, on avait beaucoup judiciarisé, on s'en est plaint au
début, il y a eu un excès de traitement social sans recourir aux
tribunaux. On a fait une étude sur les six premiers mois. C'est vrai
qu'il y a plus de criminalité, c'est clair. La criminalité des
jeunes a augmenté plus que la criminalité des adultes.
Mais, quand on regarde la criminalité des jeunes, il y a
près de 70% des cas qui sont des délits contre les biens, d'une
manière générale, vol par effraction et vol simple, donc
ça comprend les vols à l'étalage, le vol en groupe, ce qui
veut dire une criminalité beaucoup plus facile à dépister
et peut-être beaucoup plus près des phénomènes de
l'adolescence que la délinquance très structurée,
très peu, en fait.
J'ai des chiffres, mais c'est d'abord ce type de criminalité. On
dit que cela a augmenté. Oui, cela a augmenté dans ces
catégories. On dit qu'il ne se fait rien. Il y a eu 65% de cas dans les
six premiers mois à Montréal qui n'ont pas été
judiciarisé; 65%, c'est beaucoup, qui n'ont pas été
judiciarisés. Qu'est-ce qui est arrivé? Il y a eu toutes sortes
de mesures qui ont été prises, y compris ce qu'on a appelé
l'intervention minimale. On a étudié plus de 1300 cas, environ
1380 cas, où il y a eu une intervention minimale. C'est un programme
très précis. On met le jeune en contact avec la victime. Souvent,
ça peut être des travaux qu'on va faire pour la victime, ça
peut être des travaux communautaires, ça peut être une
lettre d'excuse, évidemment cela vaut pour des délits mineurs. On
a étudié 1300 cas. Donc, sur ces 1300 cas, il y a eu 4,8% de
récivive. C'est très peu. Ainsi, on dit: II ne se fait pas
grand-chose. Pourtant, il y a eu des mesures sociales qui ont été
prises, et ç'a dû avoir un certain effet puisque la
récidive est très basse. (23 h 30)
Par ailleurs, on a étudié les cas de délinquance
à Montréal en 1977, tout était judiciarisé, il n'y
avait pas d'autre moyen, la police avait accès au tribunal.
Je vous donne des pourcentages, sur le total, sur le 100% de
délinquance qui a été portée à l'attention
du tribunal, il y a 28% de cas où il n'y a pas eu de comparution; sur
les 72% qui restent et où il y a eu comparution, 20% des sujets ont
payé des amendes. Il n'y a donc pas beaucoup de suivi social; dans 3,8%
des cas, il y a eu une mesure dite sociale, ce peut être un centre
d'accueil, un officier de probation, etc.; donc un certain suivi; 5% ont
été acquittés et le reste, cela a été
ajourné sine die ou on a laissé tomber. Ce qui veut dire que, en
prenant le message qui passe, il y a plus de criminalité, c'est vrai,
chez les jeunes. Il y a moins de mesures, mais si on compare cela à 1979
et 1977, malgré la "déjudiciarisation", où les
excès sont en train de se corriger, avec les critères qui
viennent d'être mis en avant, malgré la
"déjudiciarisation", d'après les cas qu'on a
étudiés à Montréal, en comparant 1979 et 1977, au
total il y a plus de suivi des délinquants, même une fois
"déjudi-ciarisé" qu'il y en avait quand c'était
"judiciarisé".
Je ne dis pas ça, je ne veux pas défendre la loi, il y a
des difficultés, etc., mais je pense que c'est éclairant
d'examiner ça; il faudrait poursuivre l'étude, car c'est toujours
dangereux de faire parler les chiffres.
M. Forget: Vous dites que ce sera publié dans le rapport
annuel, le 30 juin?
M. Bédard: Oui.
M. Forget: J'ai une question reliée à ça, le
ministre a fait allusion à ce colloque, je pense bien que tous les
intervenants et tous les groupes d'intervenants vont participer à ce
colloque. Est-ce organisé par le ministère de la Justice?
M. Bédard: Conjointement par le ministère de la
Justice et par le ministère des Affaires sociales.
M. Forget: Ce sera généralement ouvert, ce n'est
pas un colloque fermé.
M. Bédard: C'est un colloque qui, à ce moment-ci,
se veut un colloque interne, pour les intervenants, pour que les gens puissent
vraiment échanger sur les contraintes réciproques, les
difficultés, etc., ce qui va regrouper environ 140 participants.
M. Forget: Est-ce qu'il y aura un compte rendu de ça, de
manière qu'on puisse s'alimenter à cette source, au moins?
M. Bédard: Oui.
M. Forget: II y aura un compte rendu qui sera publié ou
qui sera disponible. On aimerait bien en recevoir dès que ce sera
disponible pour le ministère.
M. Bédard: Oui, je pense que ce serait important, parce
que je sais qu'il y a des membres de l'Opposition qui sont
intéressés par le suivi de cette loi et nous ferons en sorte que
les renseignements suivent.
Le Président (M. Bordeleau): Je vous remercie au nom de la
commission, M. le président du comité.
M. Bédard: Probablement qu'on fera un ensemble de
recommandations aussi, de propositions, d'amendements à la loi.
M. Forget: C'est la première occasion qu'on aura, dans le
milieu intéressé, de faire le point sur la première
année et demie de fonctionnement.
M. Bédard: En fait, si vous permettez, à un moindre
niveau, il y a déjà eu, le 24 mai l'an dernier, une
réunion où il y avait 25 personnes, des intervenants, au
ministère de la Justice; on y a fait le premier point avec toutes les
parties composantes. C'est la deuxième étape, plus
"extension-née", où on va avoir tous les intervenants, autant du
côté de la justice que des affaires sociales, pour faire le suivi,
pour déboucher sur d'éventuelles modifications et ajustements
possibles à la loi.
M. Forget: D'accord, merci beaucoup.
Le Président (M. Bordeleau): L'élément 2
sera adopté? Toujours au programme 4?
M. Marx: Une dernière question.
Le Président (M. Bordeleau): Sur l'élément
2?
M. Marx: Oui.
Le Président (M. Bordeleau): Allez-y.
M. Marx: Est-ce que j'ai raison de dire que, dans la loi 24, dont
il a été question, il y a des articles qui ont
préséance sur la Charte des droits et libertés de la
personne?
M. Bédard: II y avait un article mentionnant l'obligation
de le signaler, malgré le secret professionnel. C'est un article qui
existait dans l'ancienne loi concernant les enfants maltraités. Dans
notre rapport, dans une de nos recommandations, nous recommandons que l'article
soit amendé de façon à tenir compte qu'il y a un
"nonobstant".
M. Marx: Je voulais signaler qu'il y a un autre exemple de loi
qui date seulement de 18 mois...
M. Bédard: C'est antérieur à la charte.
C'est une loi de 1975, adoptée en 1975. Vous n'avez vraiment pas le bon
exemple pour...
M. Marx: Est-ce qu'il y a dans la loi 24, parce que quelqu'un
m'en a parlé, un article qui a préséance sur la Charte des
droits et libertés de la personne? Il a dit oui. Mais la loi 24 date de
quand?
M. Forget: Formellement, je pense que mon collègue a
raison, formellement, la loi 24 date d'après la charte, mais c'est une
disposition qui est reproduite textuellement d'une loi en vigueur avant la
charte.
M. Marx: Si c'était avant la charte, ce n'était pas
nécessaire de mettre "malgré".
M. Bédard: Non, c'est après la charte. Et c'est
peut-être un exemple où il arrive que ce soit même
recommandé ou excellent d'avoir un "nonobstant" concernant la Charte des
droits et libertés de la personne, puisque, dans ce cas-là, il
s'agit des enfants maltraités.
M. Marx: Deux observations.
M. Bédard: Je sais que vous ne vous opposez pas, mais,
tout à l'heure...
M. Marx: Voici ma première observation: Est-ce que
c'était nécessaire de donner préséance à un
article dans cette loi sur la Charte des droits et libertés de la
personne? C'est une observation. Ce n'est pas une question vraiment.
Et, deuxièmement, il y a des Etats aussi libres que le
Québec où il y a des chartes enchâssées, auxquelles
on ne peut pas passer outre, l'Etat de New York, l'Etat de la Californie,
etc.
C'est une autre raison pour laquelle vous devez être d'accord pour
qu'on enchâsse une charte au Québec ou au Canada.
M. Bédard: Je ne crois pas que vous ayez le meilleur des
exemples.
Le Président (M. Bordeleau): M. le sous-ministre.
M. Bédard: Si vous permettez, sur la première
question, on a reconduit dans la loi 24, une loi adoptée après la
charte, une disposition qui existait auparavant et qui mettait de
côté le secret professionnel pour la divulgation des cas des
enfants maltraités. On a dû, comme la charte, à l'article
9, protège le secret professionnel en le reconduisant à cette
disposition qui est exorbitante du droit normal, mettre de côté la
Charte des droits et libertés de la personne pour faire en sorte que,
malgré son secret professionnel, un professionnel régi par le
Code des professions soit tenu de divulguer des cas d'enfants
maltraités.
M. Marx: M. le Président, chaque fois qu'on donne
préséance à un article sur la Charte des droits et
libertés de la personne, j'ai l'impression qu'on enfreint une
liberté ou un droit de la personne. C'est sur cela que je voulais
conclure.
M. Bédard: Vous enfreignez peut-être un droit, une
liberté, mais en considérant aussi un autre objectif à
atteindre, entre autres celui...
M. Marx: On atteint un objectif en empiétant sur un droit
et une liberté.
M. Bédard: Celui concernant la loi 24 des enfants. C'est
parce que vous présentez cela comme absolu. C'est un des meilleurs
exemples, je pense, que le fait qu'il y ait un "nonobstant" ne
représente pas un manque de considération envers la Charte des
droits et libertés de la personne, mais représente plutôt
une solution pour un problème très spécifique, dans le cas
présent, celui des enfants maltraités. Il ne faut pas faire des
absolus de tout.
M. Marx: C'est une opinion fondée sur je ne sais quoi.
M. Godin: Fondée sur le respect des enfants.
M. Bédard: Fondée sur la situation des enfants
battus, maltraités. Si ce n'est pas suffisant pour vous... Il y a un
bout à être théorique comme vous l'êtes.
M. Marx: Pratique.
M. Bédard: Non, vous n'êtes pas très
pratique, au contraire.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que le programme 4 est
adopté?
M. Bédard: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Adopté. Programme 5.
M. le député de Mercier.
M. Godin: Est-ce qu'il y a eu unanimité entre les deux
députés...?
M. Bédard: Les problèmes sociaux, cela existe
aussi.
Le Président (M. Bordeleau): On entame le programme 5, M.
le ministre. Aide aux justiciables.
Aide aux justiciables
M. Lalande: Au programme 5, j'aurais une courte question
technique relativement à l'aide au recours collectif. En ce qui a trait
au recours collectif, est-ce que le ministre pourrait nous dire combien
parce qu'on sait que c'est une nouvelle loi qu'on attendait, on se rappelle
tout le tintamarre que le ministre Marois a pu faire avec cela, probablement
avec raison aussi il y a eu de causes au cours de la dernière
année et combien de causes ont été
réglées?
M. Bédard: Nous avons ici M. Lauzon, qui est le directeur
du fonds d'aide, qui va nous donner toutes ces statistiques qui sont de nature
à intéresser les membres de la commission.
Les chiffres que j'ai ici, ce sont les chiffres au 31 mars. Cela a
très peu varié. Au niveau des requêtes qui ont
été présentées pour autorisation en Cour
supérieure, il y en a eu 23. Quand je dis "présentées pour
autorisation" cela ne veut pas nécessairement dire qu'elles ont
été jugées. Des recours qui ont été
jugés, il y en a eu 9 qui ont été autorisés, au
stade préliminaire de cette procédure; il y en a eu 7 qui ont
été rejetés; il y en a 4 qui ont été
continués sine die; il y a eu 3 désistements et il y a enfin 2 ou
3 recours en préparation pour un total d'environ 23 au niveau de la Cour
supérieure. Il faut dire aussi que, sur les 8 recours sur lesquels on a
été autorisé à procéder, 5 ont fait l'objet
d'appel à ce stade, en vertu de l'article 1010 du Code de
procédure civile. Egalement, dans les recours non autorisés, sur
les 7, 3 ont fait également l'objet d'appels.
Pour compléter le tableau, il y aurait peut-être le
contexte du recours collectif au niveau du fonds d'aide. J'imagine que cela
intéresse la commission. Il y a eu 11 demandes d'étudiées,
11 dossiers qui ont été présentés au fonds d'aide.
A la suite de ces 11 demandes, il y a 9 cas où les administrateurs ont
accordé une aide financière. Dans deux cas, ils l'ont
refusée.
On peut aussi, pour compléter le tableau au niveau judiciaire,
signaler que la Cour d'appel a déjà rendu jugement dans 2
dossiers où la Cour d'appel a infirmé les décisions de la
Cour supérieure qui autorisaient des recours. La Cour suprême du
Canada a accordé des pouvoirs à l'encontre de ces deux
arrêts-là déjà; évidemment, non seulement il
n'y a pas de décision, mais les plaidoiries au mérite ne sont pas
encore faites devant la Cour suprême.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va. Oui, M. le
député de Maisonneuve.
M. Lalande: Est-ce que le ministre considère que c'est le
succès qu'on escomptait et que cela a l'impact qu'on voulait, parce
qu'on se rappelle qu'il y a quand même eu beaucoup d'efforts et
suffisamment de crédits qui ont été injectés
à l'intérieur de ceci? Est-ce que ceci répond de
façon satisfaisante, de l'avis du ministre, aux efforts qu'on y a
mis?
M. Bédard: Je crois que c'est un moyen de plus au niveau
des citoyens pour faire valoir leurs droits en groupe. Lorsque nous avons
adopté la loi, aucune projection n'a été faite au niveau
du nombre de causes ou de réclamations que cela pourrait
éventuellement représenter. Le nombre de causes va probablement
selon le nombre de problèmes soumis ou de réclamations
possibles
qui ont été faites par les citoyens. C'est un outil, je
pense, très important au service des citoyens.
M. Lalande: Ce à quoi je faisais référence,
M. le ministre, c'est que, dans la présentation de ce projet de
loi...
M. Bédard: C'est une loi en rodage.
M. Lalande: ... le ministre d'Etat a fait justement état
du fait que, dans beaucoup de provinces, dans beaucoup d'Etats
américains, c'était une loi attendue avec beaucoup de...
M. Bédard: Probablement que, dans ces Etats
américains auxquels se référait le ministre d'Etat, le
rodage de la loi a dû commencer tranquillement, comme cela se fait ici
et, à mesure que le citoyen est de mieux en mieux informé de ses
recours, de ses possibilités de recours, probablement qu'on assistera
à une augmentation du volume des réclamations.
Le Président (M. Bordeleau): Cela répond à
vos questions?
M. Lalande: Merci, M. le Président.
M. Bédard: Est-ce que vous avez autre chose?Merci, M. Lauzon.
Le Président (M. Bordeleau): Toujours au programme 5,
d'autres questions sur d'autres éléments?
M. Forget: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): Programme 5, adopté.
J'appelle le programme 6, Administration.
Administration
M. Forget: Administration. M. le Président, seulement une
question.
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Bédard: Je remercie quand même le
président de la Commission de l'aide juridique de s'être
déplacé pour venir rencontrer les membres de la commission.
M. Forget: Pour ce qui est de l'administration, M. le
Président, on a reçu un nombre considérable de
publications du ministère. Toutes ces publications, si je comprends
bien, sont distribuées gratuitement. Il n'y a pas de liste
d'abonnés comme tels. (23 h 45)
M. Bédard: C'est certain qu'il faut s'inscrire,
c'est-à-dire qu'il faut faire la demande. Ce n'est pas automatique. Les
gens doivent poser un geste pour les obtenir, comme la revue Justice,
évidemment, la principale... Les autres...
M. Forget: II semble y en avoir de nouvelles qui sortent tous les
mois. Il y a le Plumitif, volume I, no 1 ; il y a Edition spéciale,
volume II, no 2; il y a le Palatin; il y a Justice. C'est devenu une maison de
publication, le ministère de la Justice?
M. Bédard: Non, mais c'est devenu un ministère qui
essaie de prendre tous les moyens possibles pour bien informer les citoyens,
afin que ceux-ci puissent user des recours qui sont à leur disposition.
J'accepterais difficilement...
M. Forget: Tout ce dont vous pouvez être sûr, M. le
ministre, c'est du nombre d'exemplaires...
M. Bédard:... qu'on nous fasse des reproches parce que
nous essayons de mettre tous les moyens nécessaires pour informer les
citoyens.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: C'est très joli d'informer les citoyens, mais
rien ne nous assure qu'ils sont mieux informés parce que vous publiez
beaucoup de papiers. Est-ce qu'il y a une évaluation quelconque qui est
faite de la pénétration de ces revues, de l'impact qu'elles ont,
qu'on distribue à un certain nombre d'avocats sur la rue Saint-Jacques
des publications sur le ministère de la Justice? je pense que s'ils sont
intéressés au fonctionnement interne du ministère de la
Justice, ils ont probablement les moyens de se payer un abonnement. Qu'est-ce
qu'on veut faire exactement par ces publications? Ce n'est pas absolument
évident. Je ferais remarquer au ministre que c'est le ministre des
Finances lui-même qui dénonçait le débordement de
publications gouvernementales qui coûtent à l'Etat, aux
contribuables, une somme assez fantastique, la plupart du temps pour des
clientèles très privées, très
spécialisées auxquelles, si elles s'intéressent à
tel ou tel élément, on peut très bien demander de
souscrire un abonnement.
M. Bédard: Vous conviendrez avec moi que la plupart ne
sont pas des revues pour gens spécialisés. Au contraire, toutes
ces revues essaient de vulgariser le plus possible le droit pour le mettre
à la portée de compréhension de l'ensemble de la
population. Prenez la revue Justice, je pense que c'est un effort très
valable de vulgarisation dans ce sens. Je puis vous assurer, en ce qui a trait
à la revue Justice, qu'un nombre très grand de citoyens en ont
fait la demande.
M. Forget: Oui, mais il faut quand même, pour se payer la
lecture d'une revue mensuelle seulement sur les affaires de la justice
il ne faut peut-être pas être juge en chef de la Cour d'appel
démontrer un singulier intérêt pour les affaires de
la justice. Ceux qui manifestent un singulier intérêt pour les
affaires de la justice sont probablement ceux qui ont le moins besoin
d'être informés, dans le fond, parce que ce sont ceux qui sont
déjà impliqués, intéressés et qui veulent
en
savoir davantage... Je ne pense pas que celui qui est totalement
ignorant des mécanismes de la justice va demander au ministère de
la Justice de recevoir une publication tous les mois. Enfin, je peux me
tromper, mais cela me semble le choix d'un moyen qui n'est pas évident
pour informer la population en général.
Le Président (M. Bordeleau): Un instant! Je voudrais
d'abord permettre au sous-ministre de répondre.
M. Bédard: Sur la revue Justice, on envoie la revue,
après le démarrage, uniquement sur demande d'abonnement et c'est
renouvelable chaque année. Il faut donc que le citoyen pose un geste
concret. On a actuellement au-delà de 15 000 demandes qu'on a
reçues de personnes qui ne sont pas de notre réseau
essentiellement. On a fait certaines vérifications sur ce plan. Ce ne
sont pas de nos employés mais des gens du public en
général. Je me permets de mentionner aussi que, dans le secteur
de la justice, entre les revues spécialisées et les chroniques
judiciaires, il y avait peu de choses pour rejoindre le public. Je dois
également mentionner qu'au service de l'information, à la
direction de l'information du ministère, il y a 17 postes
autorisés. On a un gel d'effectif actuellement et on fait face aux
difficultés d'accroissement d'effectif dans la fonction publique. Il est
évident qu'il y a eu des efforts de faits dans une initiative comme
celle-ci pour combler une lacune. On est certes conscient du coût d'une
revue comme celle-ci, et on ne veut surtout pas la donner de façon
automatique à des gens dont on ne sait pas s'ils ne la jettent pas
à la poubelle. On veut que le public pose un geste concret, au moins une
fois par année, pour se réabonner à la revue.
Dans ce sens-là, en tout cas, on a eu un succès qui est
assez éclatant, parce que 15 000 demandes, c'est quand même
significatif du grand public, et on va devoir reprendre au bout de
l'année. Cela devient en désuétude, ces abonnements, et,
si on ne reçoit pas la demande additionnelle, on n'envoie pas la revue.
Le Palatin était concentré pour le palais de justice de
Montréal. Quant au Plumitif, qui vient de se développer, il est
dans le contexte de l'Est du Québec et à partir du palais de
justice de Québec. Du côté de la Sûreté du
Québec, évidemment, il y a la revue bien connue de la
Sûreté.
En gros, ce sont des efforts d'information plus une foule de brochures
que la direction des communications a publiées ces dernières
années. Maintenant, on a le budget précis de ceci si...
M. Forget: Cela se monte à combien, tout ça?
M. Bédard: ... c'est souhaité et, par
détail, avec le coût de chacun.
Nous avons dépensé, au cours de l'exercice, une somme de
l'ordre de $441 000 pour les publications régulières du
ministère et de $826 900 au niveau des dépenses de
publicité, ce qui fait un total de dépenses de $1 267 900...
M. Forget: Je pense que c'est fourni en appendice, d'ailleurs,
aux documents qui nous ont été transmis.
M. Bédard: Oui, je vous les ai fournis. Les principales
publications ont trait au magazine Justice, $154 000; à la revue de la
Sûreté, $85 600; aux règlements des personnes
incarcérées, $40 900; au bulletin Le Palatin, $21 700 et à
l'impression de diverses brochures, formant un total de $120 000, telles que
Expropriation, Système judiciaire, Dépôt volontaire,
concernant les témoins, Le mariage civil, etc. Je pense que ça
s'impose.
M. Forget: D'accord. Adopté.
M. Lalande: M. le Président, c'est simplement dans le
même ordre d'idées...
Le Président (M. Bordeleau): Oui, M. le
député de Maisonneuve.
M. Lalande: ... est-ce que ceci s'inscrit dans un nouveau
système de promotion de la justice au Québec que d'ouvrir le hall
d'entrée du palais de justice de Montréal à toutes sortes
d'expositions, ce qui contribue à créer, selon l'avis de certains
experts et de certains journalistes, une espèce de climat de foire et de
capharnaùm à l'intérieur du palais de justice de
Montréal, sûrement assez peu compatible avec le sérieux et
la rigueur qui doivent présider à l'organisation judiciaire?
M. Bédard: En soi, une exposition n'est pas
nécessairement incompatible avec la rigueur et le sérieux d'un
palais de justice. Maintenant, peut-être que le sous-ministre a des
indications additionnelles.
Je pourrais peut-être simplement mentionner que je vous
avoue que je ne suis pas toutes les expositions on essaie
évidemment d'améliorer l'accueil au palais de justice de
Montréal. Le hall est assez impressionnant, mais assez sobre et
austère également. On a tenu un certain nombre d'expositions. Il
y a eu des réactions qu'on est à examiner, de la même
façon qu'on a essayé aussi de tenir certaines
cérémonies publiques dans le hall du palais de justice, comme
à l'ouverture de la Semaine de police, au mois de mai. Cela s'est
passé dans le hall du palais de justice pour en faire un carrefour de
vie plus concret, plus accueillant et moins "épeurant" pour le public.
Maintenant, il y a peut-être un rodage, à ce niveau-ci, et on est
à examiner le tout. On est conscient d'un certain nombre de
réactions qu'ont entraînées des expositions qui ont eu lieu
au palais ces derniers mois. On suit cela de près. Il n'y a pas de
vérité absolue là-dessus.
Jacques, as-tu...
Elles ont été déplacées d'ailleurs à
l'étage de la cafétéria. J'ai l'impression que ce qu'on
voyait en bas au premier étage est quand même disparu. Il reste
qu'il faut conserver peut-être un caractère un peu plus humain
dans les palais de justice, une
certaine ouverture. C'est ce qu'on a voulu créer à
l'époque.
M. Bédard: Cela peut contribuer à rendre les palais
de justice plus accueillants pour la population.
Le Président (M. Bordeleau): Programme 6
adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Bordeleau): Adopté. Programme 7:
Enregistrement officiel Adopté?
M. Forget: Adopté, c'est ça.
Le Président (M. Bordeleau): Adopté. Programme
8.
M. le député de Saint-Laurent.
Contrôle des permis d'alcool
M. Forget: II y a ici, M. le Président, quelques
questions. On a, de façon prévisible évidemment, pris
prétexte d'un changement de nom pour effectuer des mutations
considérables au conseil d'administration, si on peut l'appeler ainsi,
de l'organisme en question. On a plus ou moins viré tout le monde, en
d'autres termes, et ce qui apparaît plus curieux, mais ce qui semble
caractéristique des pratiques actuelles du gouvernement, c'est
qu'indépendamment des responsabilités qu'on confie aux gens, on
leur conserve toute leur rémunération dans le désir
apparent de maintenir tout le monde heureux. Mais ce n'est pas
nécessairement compatible avec l'intérêt public,
étant donné qu'il devrait y avoir une certaine proportion entre
la rémunération et le traitement qui est reçu,
c'est-à-dire les responsabilités assumées par cette
rémunération.
Comment le ministre peut-il nous expliquer qu'il est si important pour
le bon fonctionnement d'assumer des coûts supplémentaires aussi
importants, pour rien, dans le fond, parce qu'on vire des gens qui avaient des
contrats en quelque sorte, des engagements envers lesquels le gouvernement
s'était engagé pour un certain nombre d'années. On
continue à les payer et on les met plus ou moins en "standby".
M. Bédard: Est-ce que vous pourriez être plus
précis au sujet des personnes qu'on continue à payer, à ce
que vous dites?
M. Forget: Par exemple, n'est-il pas vrai que l'ancien
président, pour ne nommer que celui-là, de la
société on change tellement de titre souvent que
finalement on ne sait plus comment ça s'appelle la Commission de
contrôle. Il recevait une rémunération
supplémentaire à sa rémunération de juge?
M. Bédard: II avait un traitement de juge en chef.
M. Forget: Oui, n'étant pas juge en chef. M.
Bédard: N'étant pas juge en chef. M. Forget: II n'est
plus commissaire...
M. Bédard: C'est le cas dans plusieurs organismes.
M. Forget:... ou il n'est plus régisseur, mais il continue
à recevoir le même traitement qu'avant.
M. Bédard: II est encore régisseur jusqu'au 9
août.
M. Forget: Enfin, oui...
M. Bédard:... date à laquelle il retournera
à la Cour des sessions de la paix pour environ un an, sa retraite
étant prévue pour septembre 1981.
M. Forget: II continuera, à ce titre-là, à
recevoir le traitement qu'il recevait comme président de la
commission.
M. Bédard: C'est ça, tant que le salaire de base
d'un juge ne l'aura pas rattrapé. Dans son cas, comme il va prendre sa
retraite...
M. Forget: Cela répond à la question du ministre,
qui semblait mystifié par mes exemples, mais il y a d'autres exemples.
Je pense qu'on...
M. Bédard: Je ne suis pas mystifié du tout. Dans le
cas du juge Trahan, il me semble que c'est humainement...
M. Forget: ... pourrait donner d'autres exemples du même
genre.
M. Bédard: ... très justifiable.
M. Forget: Oui, humainement, vous savez, on peut justifier bien
des choses, y compris de me donner $1 000 000 parce que ça ferait bien
mon affaire...
M. Bédard: II prend sa retraite d'ici un an.
M. Forget: Mais il reste...
M. Bédard: Ce n'est pas le cas du tout...
M. Godin:... M. le député de Saint-Laurent, ce
n'est pas $1 000 000.
M. Forget: Ce n'est pas ici ni là, il reste qu'il y a des
divisions de responsabilités et il y a le maintien d'une
rémunération. Cela m'apparaît un principe fort curieux. Je
ne comprends pas. Est-ce vraiment quelque chose auquel le gouvernement croit
dur comme fer que c'est...
M. Bédard: Non, ce n'est pas une politique
générale, mais je pense que dans certains cas on
doit faire preuve d'un certain sens d'humanité. Il me semble que,
dans le cas présent, ça faisait neuf ans que le juge Trahan
était là et il doit prendre sa retraite d'ici un an. Il est
conseiller spécial en plus au niveau de la régie. Ce sont tous
des facteurs qui, à mon sens, pouvaient amener la décision de lui
garder le salaire qu'il avait.
M. Forget: Je comprends, je peux accepter ça, M. le
Président, que c'est normal de ne pas réduire un salaire, il est
à un an de la retraite, mais si cet exemple, si cet argument est bon,
comme il est à un an de la retraite, me dit-on, est-ce que sa
performance comme président a été si terrible qu'il
était urgent de le remplacer tout en sachant qu'en le remplaçant,
on ne faisait aucune économie de salaire de toute façon? Il y a
deux façons de regarder ça. Si, sur le plan humain, c'est
essentiel de maintenir aux gens leur rémunération, il faut aussi
se poser la question à savoir ce qu'ils ont fait de tellement terrible
qu'il faut absolument, dès aujourd'hui, sans tarder, les remplacer
immédiatement par quelqu'un qui va être un crac de
l'administration des permis d'alcool et qui va instaurer un nouveau
régime qu'il est urgent d'instaurer et que, si on n'avait pas ça
tout de suite, ce serait vraiment la catastrophe.
M. Bédard: M. le Président...
M. Forget: Mais on va quand même payer pendant ce
temps-là. Alors je veux bien qu'on soit humain, mais je voudrais aussi
qu'on n'oublie pas qu'on administre les deniers publics.
M. Bédard: Justement, au niveau de la
nécessité de changements, de sang neuf concernant la Commission
de contrôle des permis d'alcool, certains députés, le
député de Saint-Laurent entre autres, semble vouloir dire que
nous sommes allés trop vite, mais s'il avait été
présent aux discussions des crédits du ministère de la
Justice dans les deux années précédentes, il aurait vu,
à ce moment-là, l'insistance de tous les membres de
plusieurs membres de la commission, de part et d'autres de la table pour
demander une réforme en profondeur. (0 heure)
M. Forget: Qu'on n'a pas eue.
M. Bédard: Vous avez droit à votre opinion que ce
n'est pas une réforme en profondeur, moi je suis convaincu que...
M. Forget: On a eu une réforme en profondeur du personnel
supérieur dans un temps utile avant une élection
générale. Ne nous voilons pas la face.
M. Bédard:... c'est une réforme. Laissez-nous
terminer. Vous prêtez toujours des intentions.
M. Forget: Ecoutez, on a vu neiger avant aujourd'hui. C'est plus
que des intentions.
M. Bédard: Ce n'est pas exact.
M. Forget: Je vous dis très clairement ce que vous avez
fait, même si c'est désagréable.
M. Bédard: Ce n'est pas exact. La meilleure preuve en est
que depuis que je suis au ministère, il y a un travail qui s'est fait
dans ce domaine, pas dans les derniers mois, mais depuis mon entrée au
ministère. J'ai mis sur pied un groupe de travail à la demande
des députés eux-mêmes, d'un bord et de l'autre, de tous les
partis politiques.
M. Forget: Je ne nie pas le besoin. M. Bédard: Bon!
Laissez-moi terminer.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent, voulez-vous permettre au ministre de répondre?
M. Forget: Je pense que c'est moi qui parlais, puisqu'il m'a
interrompu et là, c'est rendu que c'est lui qui a droit de parole.
M. Bédard: On ne sait jamais quand vous arrêtez. Ce
que je veux expliquer... Je comprends que le député de
Saint-Laurent peut toujours avoir présentes à l'esprit les
prochaines élections, elles viendront quand elles viendront. Une chose
est sûre, concernant la Commission de contrôle des permis d'alcool,
la réforme était nécessaire, c'est une
préoccupation qu'on a eue dès le départ, que j'ai eue
comme ministre de la Justice, pas seulement personnellement, mais à la
suite de bien des pressions qui ont été faites par bien des
députés qui avaient des revendications et qui les ont
exprimées publiquement, soit en commission parlementaire ou autrement. A
la suite de ces pressions, j'ai mis sur pied un groupe de travail pas il
y a deux ou trois mois le groupe de travail a été mis sur
pied il y a...
M. Forget: Vous planifiez vos affaires longtemps d'avance, c'est
bien sûr. Je vous fais ce crédit.
M. Bédard: ... deux ans et demi. C'est une loi qui est
très complexe. Vous accusez les autres de vous interrompre et vous
interrompez constamment.
Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, M. le ministre.
M. Bédard: Alors, le groupe de travail a été
mis sur pied il y a de cela déjà deux ans et demi. Un travail en
profondeur a été fait et c'est une loi extrêmement
compliquée. Vous avez été à même de le
constater lorsque vous en avez fait l'étude.
M. Forget: Oui, mais elle n'est pas très bien
rédigée.
M. Bédard: Nous avons eu plusieurs remarques très
positives au niveau de l'amélioration que cette réforme amenait
et elle était, comme vous l'avez dit, parfaitement justifiée.
Le Président (M. Bordeleau): II est maintenant
passé minuit, ça me prend un consentement pour continuer, ou
adopter le dernier programme, s'il n'y a pas d'autres questions.
M. Forget: On peut continuer pendant quelques minutes, je n'en ai
pas pour tellement longtemps, si le ministre y consent. On pourra terminer ce
programme.
Le Président (M. Bordeleau): Allez-y, M. le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: Je pense que si on veut faire des réformes dans
ce domaine, on est pris avec une espèce de reliquat des années de
la prohibition. Dans le fond, soyons très francs avec cette question des
permis d'alcool, c'est un reliquat d'un autre âge. Ce qui est frappant...
On dirait à n'importe qui dans la société dans laquelle on
vit aujourd'hui que cet organisme qui n'a pour toute raison d'être dans
la vie que d'émettre des bouts de papier qui s'appellent des permis et
qui n'a pas grand-chose d'autre même dans l'émission des
permis, il le fait d'une façon hautement fantaisiste à mon avis
qui n'a établi dans le passé aucune espèce de
jurisprudence quant à ses décisions et qui a deux fois plus de
personnel que la Commission des droits de la personne ou le Comité de
protection de la jeunesse. En 1980, M. le ministre, on est dans la situation
où, pour émettre des bouts de papier à des gens qui
vendent de l'alcool, ça nous prend deux fois plus de monde que pour
protéger les droits des citoyens. C'est quand même
invraisemblable. C'est un exemple typique de l'inertie bureaucratique qui fait
que, parce qu'on a établi un programme en 1827 ou en 1922, il faut
maintenant traîner ce bois mort pendant des générations.
C'est bien évident qu'on n'a pas besoin de 200 personnes pour
émettre des bouts de papier au sujet de la vente des permis d'alcool,
à condition de consentir à supprimer les doubles emplois. Quand
vous me parlez de cette loi qui a été faite on a eu un
débat d'ailleurs avec le député de Mercier
là-dessus cette commission s'arroge le droit de
déterminer, pour des raisons de sécurité-incendie, la
capacité maximale d'un établissement détenteur d'un
permis, alors qu'il y a un autre organisme, le ministère du Travail, qui
administre la Loi sur les établissements industriels et commerciaux, qui
fait un travail identique pour les cinémas, les sous-sols
d'église et tout ce que vous voudrez. C'est le genre de double emploi
galopant qu'on a dans l'administration publique. Au moment de la réforme
d'une loi, je ne sais pas quel comité a étudié cela, mais
il y a sûrement quelqu'un qui est tombé sur la tête à
ce sujet, parce qu'on a prolongé les habitudes administratives qui n'ont
plus leur raison d'être en 1980.
J'espère que, parmi les accomplissements de ce nouveau conseil
d'administration que l'on paie en double avec l'ancien qu'on continue à
porter sur les livres, on va avoir des dérisions vigoureuses et
courageuses pour réduire un personnel certainement trop nombreux. Cela
n'a pas de sens d'avoir 200 personnes pour émettre des bouts de papier.
C'est tout ce que ça fait, cette histoire-là. C'est tout ce que
ça fait, dans le fond.
M. Bédard: Premièrement, donnez-moi quelques
instants pour corriger les faussetés émises par le
député de Saint-Laurent. On ne paie pas en double les membres, au
contraire, on a fait état d'un cas où il y a une
différence...
M. Forget: Non, on en nomme d'autres et on continue de payer les
anciens.
M. Bédard: Non, vous n'êtes pas juste quand vous
dites ça. Je ne comprends pas que vous ne soyez pas capable de faire
certaines distinctions.
M. Forget: Chaque cas que je vous ai donné, vous avez dit
que j'avais raison.
M. Bédard: Je comprends que vous ayez des remarques
à faire, mais de là à faire des affirmations...
M. Forget: Vous avez deux présidents, l'ancien et le
nouveau.
M. Bédard: Bien oui, mais ce n'est pas ça que vous
avez dit.
M. Forget: Ce n'est pas payer en double, ça? M.
Bédard: Non, ce n'est pas payer en double.
M. Forget: C'est quoi payer en double? Vous avez deux
présidents, l'ancien et le nouveau, vous les payez tous les deux au
même salaire. Voyons donc!
M. Bédard: Jusqu'au 9 août, il va être juge...
C'est vous qui dites n'importe quoi.
M. Forget: Vous m'avez dit tantôt que j'avais raison.
M. Bédard: Vous oubliez que M. Trahan est un juge qui a
droit à sa rémunération. La seule différence c'est
la différence de traitement entre son salaire de juge et son salaire de
juge en chef, ce qui représente...
M. Forget: Que vous continuez à payer.
M. Bédard: Laissez-moi continuer, vous ne voulez pas
d'explications? Tout ce qui vous intéresse, c'est de dire n'importe
quoi, tant mieux si ça passe dans le public et si tout le monde est
mêlé. Ecoutez, vous avez votre manière de fonctionner, il y
a toujours une limite à être injuste et à vouloir faire de
la petite politique, ayez des limites et de la décence. La seule
différence que ça représente entre un juge en chef et juge
ordinaire, c'est $6000 et ce, jusqu'au 9 août. J'ai dit tout à
l'heure...
M. Forget: Est-ce qu'il va le gagner son salaire de juge?
M. Bédard: Bien oui, mais...
M. Forget: II va retourner au banc, activement, comme un juge
ordinaire, pour une année?
M. Bédard: Oui, il va retourner au banc, il va
travailler...
M. Forget: Pour une année? Après combien
d'années d'absence?
M. Bédard: Vous parlez à peu près. Qui
êtes-vous, vous? Vous êtes rendu que vous allez régenter
tout le monde comme ça, personne n'a le droit de retourner au banc,
c'est vous qui allez décider! S'il fallait que vous administriez la
justice ou la société, j'ai l'impression que vous...
M. Forget: On vous reposerait d'autres questions que vous nous
posez.
M. Bédard: Vous avez une manière de fonctionner, je
n'ai jamais vu un esprit de dictature dans ce sens. M. le Président
je sais que cela indispose le député de Saint-Laurent,
qu'il aimerait bien qu'on n'apporte pas les corrections pour pouvoir
déblatérer à sa façon sur la place publique
mais le juge Trahan, à partir du 9 août, va retourner au banc,
faire son travail de juge, ce qui veut dire que la seule différence sera
entre le traitement de juge en chef qu'il avait comme président de la
commission et celui de juge au banc, ce qui représente $6000.
M. Forget: Tous les anciens commissaires...
M. Bédard: La même chose pour M. Gérald
Bossé, qui retourne également au banc.
M. Forget: Est-ce vrai pour tous les commissaires?
M. Bédard: Non, pas tous. Les commissaires suivants
demeurent M. J.-Marcel Vézina, dont le mandat comme commissaire de la
Commission de contrôle des permis d'alcool expirait le 20 octobre 1981, a
été nommé membre de la Régie des permis d'alcool
jusqu'au 6 août 1980. Après le 6 août 1980, M.
Vézina, qui est âgé de 66 ans, depuis le 18 mai 1980,
prendrait sa retraite, à moins d'une prolongation de son mandat pour une
autre période limitée. Son salaire, au 30 juin 1979, en
révision, est de $39 200.
M. Jacques Dupuis, dont le mandat comme commissaire de la Commission de
contrôle des permis d'alcool, expirait le 15 avril 1983, a
été nommé membre de la Régie des permis d'alcool
pour deux ans, c'est-à-dire jusqu'au 31 mai 1982. Il est
âgé de 62 ans, le 15 avril 1980, et son salaire au 30 juin 1979,
en révision, est de $39 200.
M. Joseph Vallières, dont le mandat comme commissaire de la
Commission de contrôle des permis d'alcool expirait le 14 mai 1985, a
été nommé membre de la Régie des permis d'alcool
jusqu'au 6 août 1980. Par la suite, une demande est en cours devant le
Conseil du trésor pour donner un poste de conseiller cadre à
supprimer sur libération, poste sur lequel pourra évidemment
postuler M. Vallières. Il est âgé de 58 ans. Son salaire,
au 30 juin 1979, en révision, est de $39 200.
M. le Président, je pense que la Commission de contrôle des
permis d'alcool, c'est plus qu'une commission qui ne fait qu'émettre des
bouts de papier. Si c'est l'impression qu'a le député de
Saint-Laurent, je comprends très bien ses remarques. Mais s'il
réfléchit un peu plus, on sait jusqu'à quel point
l'émission des permis d'alcool peut avoir d'influence sur l'ensemble de
la criminalité. La Commission de contrôle des permis d'alcool a un
rôle très important à faire du point de vue social. Et si,
à un moment donné, il y a abus de ce côté-là,
que ce soit dans le domaine de la publicité ou le domaine de la
criminalité, s'il n'y avait pas de contrôle dans ce domaine, je
pense que nous assisterions à une situation peut-être assez
catastrophique, en termes de criminalité.
Je comprends assez difficilement l'évaluation faite par le
député de Saint-Laurent.
M. Forget: M. le Président...
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce que vous avez
terminé, M. le ministre?
M. Bédard: La commission de contrôle, vous savez,
s'occupe aussi du contrôle concernant les petits épiciers, par
rapport aux grands, aux chaînes. Je pense que c'est très
important, du point de vue économique, pour les petits
épiciers.
Il y a une foule d'autres fonctions, d'autres responsabilités qui
sont dévolues à la commission, qui font que c'est une commission
qui fait autre chose qu'une commission qui n'est là que pour
émettre des bouts de papier. Je n'irai pas plus loin dans mes remarques,
M. le Président.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Je ne sais pas si le ministre est conscient qu'avec la
nouvelle loi la régie va avoir l'obligation d'émettre un permis
à tout requérant, à moins que quelqu'un ne s'oppose
à l'émission d'un permis, en invoquant qu'il est contraire
à l'intérêt public d'émettre un tel permis. Cela a
été le sens du changement.
Or, on se rend compte qu'en renversant le fardeau de la preuve et
nous étions d'accord du requérant à l'opposant, on
change fondamentalement l'économie de cette loi. C'est normal.
Essentiellement, les requérants vont d'abord se fier à leur
jugement commercial pour déterminer si, oui ou non, il vaut la peine de
demander un permis. Donc, c'est comme n'importe quel commerce, que ce soit de
vendre des chaussures ou de vendre de l'alcool. Il faut qu'à
un moment donné quelqu'un se dise: Est-ce que je vais faire de
l'argent en faisant cela ou si je n'en ferai pas?
Et s'il est d'avis qu'il peut faire de l'argent en vendant de l'alcool,
il demande un permis. Et si personne ne s'y oppose je ne sais pas, mais,
à l'époque dans laquelle on vit, dans bien des circonstances, il
n'y a pas d'opposition d'autant plus que l'opposition, pour
réussir, à ce moment-ci, ne pourra plus, contrairement au
passé, se référer au paragraphe de la loi qui disait que
la commission ne doit émettre que le nombre minimal de permis, qu'il
faut que le requérant fasse la preuve que c'est avantageux pour le
public, etc.
Le requérant n'a donc plus de preuve de ce genre à faire
et la commission, ou la régie plutôt, n'est plus tenue de limiter
le nombre de permis. Je ne sais pas ce que cela a jamais voulu dire parce que,
en se promenant dans certaines rues, on n'aurait jamais déterminé
que c'était dans la loi. Mais, enfin, peu importe, c'est du
passé.
Là, il va falloir que l'opposant prouve qu'il est contraire
à l'intérêt public qu'il y ait une deuxième taverne
sur une rue en particulier ou dans une ville. Je ne sais pas comment on va
faire une preuve comme cela. Mais les fois où cela va réussir
vont probablement être très rares et il est normal qu'il en soit
ainsi.
Quant à nous, nous sommes très libéraux
là-dessus. Nous pensons qu'il n'y a rien d'essentiellement
péché dans le fait de vendre de l'alcool ou d'en acheter. C'est
une question de mesure, et la mesure, dans l'achat et dans la consommation, ne
se détermine pas avec des permis. On a dépassé cela depuis
bien longtemps. C'était l'époque de la prohibition et c'est fini
depuis bien longtemps. Essentiellement, on est d'accord avec cela. Je reviens
donc avec cela. Si on a renversé le fardeau de la preuve, on a
créé une obligation à l'opposant de prouver que
l'émission d'un permis est contre l'intérêt public, qu'on a
obligé la régie à émettre des opinions
motivées quand elle va le refuser. (0 h 15)
On se rend compte qu'on a une économie de cette loi qui va en
faire rien d'autre que l'émetteur d'un certain nombre de morceaux de
papier, pour reprendre mon expression de tantôt vous trouvez cela
méprisant disons, l'émission de permis automatique, sauf
des cas que la jurisprudence évidemment va nous permettre un jour de
décrire d'une certaine façon, mais que même notre
imagination la plus féconde à l'heure actuelle permet
difficilement d'imaginer. Qu'est-ce qu'on doit dire relativement à une
demande d'un permis d'alcool pour faire la preuve judiciaire que c'est contre
l'intérêt public. Vous savez, ce n'est peut-être pas
possible, mais encore une fois, si ce n'est pas possible, on va bien s'en
rendre compte, mais ce sera rarement possible. Cela, on peut le dire avec
certitude. Ce sera très rarement possible. Il y aura alors un nombre de
causes contestées, très rares. Il y aura donc une émission
administrative automatique. C'est formidable; c'est très bien ici. Vous
n'avez pas besoin de 180 personnes pour faire cela.
Pour émettre des permis et juger s'il peut y avoir 320 personnes
ou 375 dans une taverne ou dans une brasserie, à mon avis, on n'a pas
non plus besoin de la régie pour cela, parce qu'on a des organismes
spécialisés au gouvernement dans la prévention des
incendies, parce que c'est de cela qu'on parle. On ne parle pas d'autre chose
qu'une prévention d'incendie pour déterminer de la
capacité des établissements publics. Il y a d'autres
spécialistes que cela.
Je reviens à ma proposition du début. On n'a pas besoin
d'une administration très lourde et de 200 personnes pour administrer ce
programme et nous escomptons c'est le but de mes remarques que,
dans le prochain budget, avec la prochaine régie, on va nous proposer
une coupure radicale du personnel parce que cela ne se justifie plus. Si on
consacre 160 personnes à défendre les droits des jeunes et de
l'ensemble de la population vis-à-vis de la discrimination, si c'est
cela notre échelle des valeurs dans la société, au
Québec, aujourd'hui, je dirais que, pour émettre des permis dans
ce contexte, avec la nouvelle économie de la loi, 45 personnes, ce
serait un chiffre très généreux.
Le Président (M. Bordeleau): M. le ministre.
M. Bédard: Concernant la préoccupation du
député de Saint-Laurent, je pense être en mesure de lui
dire que, depuis que je suis titulaire du ministère de la Justice, le
nombre d'employés n'a pas augmenté, premier point, et ce qui
n'était pas le cas des administrations précédentes.
M. Forget: Vous vous dirigez dans la bonne direction.
M. Bédard: Deuxièmement, vous avez fait état
de la philosophie de base de la loi, qui est de libéraliser les permis,
mais vous oubliez quand même qu'il y a toutes les conditions objectives
qui sont contenues dans la loi et qui sont de la responsabilité en
termes de respect de la commission de contrôle. Je pense, par exemple,
à la moralité, à l'aménagement, à ceux qui
ont des dossiers judiciaires. Ce sont tous des éléments
très importants qui doivent être vérifiés avant
d'octroyer un permis. Vous mettez aussi un peu trop vite de côté
tout le rôle très important de la commission concernant
l'annulation qui peut être nécessaire de permis qui ont
été donnés, annulation qui peut être
justifiée au nom de la moralité, de l'intérêt
public, etc. Vous oubliez aussi toute l'importance qu'on doit donner à
l'exercice du permis lui-même. Ce n'est pas tout qu'il y ait un permis
d'octroyé par la commission.
La manière d'exercer les droits donnés par ce permis,
c'est très important. Cela demande une surveillance, je pense,
continuelle, à moins d'en arriver à une siuation qui ferait
qu'à partir du moment où un individu obtient un permis de la
régie, il peut faire n'importe quoi avec cela. Il y a tout un travail de
responsabilité très important qui doit être fait par la
commission dans ce domaine,
tant au niveau de l'annulation de l'exercice du permis que de la
vérification des conditions .objectives qui sont d'ailleurs contenues
dans la loi avant d'en octroyer un permis.
C'est un ensemble de responsabilités qui va un peu plus loin que
ce que disait tout à l'heure le député de Saint-Laurent,
à savoir émettre des bouts de papier. Je n'ai vraiment pas la
même perspective. C'est pour cela que nous avons fait une réforme.
C'est justement pour que la Commission de contrôle des permis d'alcool ne
soit en aucune façon une commission qui ne fait qu'émettre des
bouts de papier mais prenne ses responsabilités d'une façon
complète et entière dans tous ces domaines que je viens de
mentionner, que ce soit dans le domaine qui concerne l'octroi du permis, le
respect des conditions objectives, la prise de responsabilité au niveau
de l'annulation quand c'est nécessaire, des conditions d'exercice du
permis par une surveillance adéquate. Toutes ces responsabilités
doivent faire l'objet d'une véritable surveillance.
M. Forget: Un dernier point, M. le Président.
M. Bédard: J'émets le voeu que la commission sera
très productive dans ce domaine.
Le Président (M. Bordeleau): M. le député de
Saint-Laurent.
M. Forget: Un dernier point, c'est que le contrôle de la
façon dont les permis sont exploités se simplifierait
énormément si le ministère et le gouvernement donnaient
priorité à un réaménagement du droit pénal
et la possibilité aux policiers ordinaires, aux forces policières
en général, de mettre en application les dispositions de la loi.
On a actuellement une loi je pense que c'est une des seules au
Québec qui doit être administrée par ses propres
inspecteurs et qui fait interdiction en quelque sorte aux policiers soit de la
Sûreté du Québec ou de la Communauté urbaine de
Montréal de mettre en vigueur les dispositions relatives à
l'ordre public, etc. On nous a expliqué qu'il y avait là une
difficulté.
M. Bédard: ... leur travail aussi.
M. Forget: Oui, mais il y a des difficultés. Ils doivent
être nommés spécifiquement pour l'application de la loi.
Qu'est-ce qu'il y a de si mystérieux dans cette loi qu'il doive y avoir
une espèce de mafia particulière pour l'administrer?
M. Bédard: Justement, je ne veux plus qu'il y ait de mafia
particulière.
M. Forget: C'est cela. Il faudrait mettre de l'ordre
là-dedans, M. le ministre, parce qu'on engendre là une
espèce de petit secteur, une espèce de ghetto pour la
surveillance des permis d'alcool qui n'a aucune raison d'exister. Ce n'est pas
une loi plus importante, plus significative qu'un tas d'autres lois qui sont
administrées par le gouvernement du Québec. C'est bien sûr
que si, pour chaque loi, on crée un organisme administratif avec ses
propres inspecteurs, on va sombrer dans le ridicule. Il me semble qu'il est
à peu près temps qu'on mette de l'ordre dans cette histoire.
M. Bédard: Sur ce point très particulier, je prends
bonne note des préoccupations du député de Saint-Laurent
et je peux lui dire qu'il y aura, du point de vue administratif, un suivi
constant pour que on s'entend, je n'ai pas besoin d'élaborer
la réforme ou encore les changements qui ont été
apportés amènent des résultats positifs pour
l'amélioration globale de l'administration.
Le Président (M. Bordeleau): Cela va, M. le
député de Mercier? Est-ce qu'on peut adopter...
M. Godin: II saute aux yeux que le député de
Saint-Laurent n'est pas d'un certain comté où il y a d'autres
genres d'activités. Dans le cas du dépanneur, par exemple, ce
n'est pas un policier de la ville de Montréal qui serait en mesure, six
mois après l'émission d'un permis, d'aller vérifier si le
dépanneur a encore son inventaire de $4000, a encore tant de pourcentage
de ventes d'alimentation, enfin, répond encore aux critères
propres à l'attribution d'un permis de dépanneur de vente de
boissons et de vins. C'est pour cela qu'il y a cette espèce de corps
spécial que vous appelez mafia de façon un peu abusive.
Il y a aussi l'importance économique vous voulez rouvrir
les grands débats que nous avons eus ensemble à la commission
parlementaire de ce secteur d'activités au Québec qui
n'est pas à démontrer. On peut bien dire que cela prendrait
peut-être seulement 45 personnes. Le ministre suivra de près
l'évolution du personnel dans cette nouvelle régie. Mais il y a
une importance économique. Il y a la division des brasseries, des
tavernes. Il y a les restaurants, il y a les dépanneurs, il y a un tas
d'activités sur lesquelles la régie doit exercer le rôle du
chef d'orchestre, voir à ce qu'il y ait tel genre de commerce à
tel endroit, et pas trop, etc.
Donc, quand vous dites que c'est automatique, ce n'est pas automatique.
Si vous établissez une taverne, une brasserie ou un restaurant avec un
permis dans un secteur, tous les restaurants voisins, toutes les brasseries
voisines vont porter plainte, vont vouloir manifester leur opinion devant la
régie. Par conséquent, ce n'est pas un travail automatique. Il y
avait aussi la question de l'environnement au sens large du terme,
l'environnement dans lequel s'implante un tel commerce. Si c'est près
d'un hôpital, il faut qu'il y ait des gens qui vérifient où
cela s'implante. Cela ne se fait pas de façon aussi mécanique que
l'émission d'un permis de conduire, sans allusion au passé de
notre nouveau...
M. Bédard: M. le Président, je pense que l'heure
est tardive. Au début de la discussion, le député de
Saint-Laurent a eu un mouvement d'humeur en qualifiant l'ensemble de la
commis-
sion comme n'ayant comme fonction que d'émettre des bouts de
papier. On est revenu à une discussion très valable sur
l'à-propos d'un suivi des travaux de cette commission. D'ailleurs, le
député de Saint-Laurent est un de ceux qui avaient
mentionné l'importance de cette loi, du besoin de s'en servir pour
contrôler de la façon la plus rigide possible les spectacles des
danseuses, des mineures.
M. Forget: En retirant de façon mandatoire le permis.
M. Bédard: C'est dans ce sens que c'est également
relié à ce que je disais tout à l'heure, en aspect de la
moralité, et c'est un des articles qui aura un suivi continuel parce
qu'il faut absolument mettre fin à cette hémorragie de danseuses
mineures nues dans des établissements.
Le Président (M. Bordeleau): Est-ce qu'on peut affirmer
que le programme 8 est adopté?
M. Forget: Adopté.
Le Président (M. Bordeleau): Programme 8 adopté.
Demain matin, nous procéderons donc au programme 9.
M. Marx: Avant d'ajourner...
Le Président (M. Bordeleau): Je vais vous donner la parole
dans deux minutes si vous voulez, mais je voudrais mentionner aux membres de la
commission que, demain matin, la commission reprendra ses travaux à la
salle 91-A, à 10 heures.
M. Marx: Avant d'ajourner, j'aimerais rappeler au ministre qu'il
a promis de me donner une réponse en ce qui concerne la directive
spéciale...
M. Bédard: ... du service de police de la CUM.
M. Marx: Oui, je prends l'autobus avant 17 heures demain.
M. Bédard: Si vous saviez comme je l'ai présent
à l'esprit.
Le Président (M. Bordeleau): La commission ajourne ses
travaux à demain 10 heures.
Fin de la séance à 0 h 26