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Version finale

31e législature, 4e session
(6 mars 1979 au 18 juin 1980)

Le mercredi 11 avril 1979 - Vol. 21 N° 42

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits du ministère de la Justice


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère de la Justice

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous plaît! La commission de la justice se réunit à nouveau pour étudier les crédits du ministère de la Justice. Les membres de la commission sont: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Charbonneau (Verchères), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière).

Au moment où nous nous sommes quittés hier soir, nous en étions au programme 15: La Sûreté du Québec. M. le ministre.

M. Bédard: M. le Président, avant que le directeur de la Sûreté du Québec continue ses remarques au programme que nous avons à étudier, je voudrais donner une information qui m'avait été demandée hier par le député de Marguerite-Bourgeoys concernant M. Laurier Boutin. Les accusations qui étaient portées contre lui, la première consistait en une tentative de détournement d'avion, la sentence sera prononcée le 20 avril. Il y a quatre causes de fraude, obtention de logement et de nourriture de façon frauduleuse; le début du procès sera le 30 avril. Concernant son séjour...

M. Lalonde: II aura sa sentence le 20 avril et le début du procès sera le 30?

M. Bédard: Sur d'autres accusations.

M. Lalonde: Ah! sur les autres accusations.

M. Bédard: Sur les autres accusations. M. Boutin a été admis au centre Parthenais le 23 août 1978. Entre-temps, il était en liberté ayant eu un cautionnement. Il y a eu une violation de certaines conditions du cautionnement, ce qui a provoqué le fait qu'il soit amené à Parthenais mais non pas depuis un an et demi ou deux ans mais à partir du 23 août 1978.

M. Lalonde: Je remercie le ministre de ces renseignements mais j'aimerais savoir comment il se fait que cela a quand même pris deux ans pour avoir son procès. Le fait qu'il ait été en liberté une bonne partie de ce temps-là...

M. Bédard: C'est une des...

M. Lalonde: Est-ce que c'est devenu la période normale entre...

M. Bédard: Non, ce n'est pas la période normale parce qu'on sera à même...

M. Lalonde: ... et l'introduction des plaintes? Il me semble que c'est plus court que cela.

M. Bédard: Oui, beaucoup plus court.

M. Lalonde: Même quand cela va devant les Assises.

M. Bédard: On aurait pu être en mesure de vous donner dès l'étude du premier programme...

M. Lalonde: Les statistiques.

M. Bédard: ... les statistiques concernant les délais. A la Cour des sessions, cela se situe autour de six mois généralement.

M. Lalonde: Et aux Assises?

M. Bédard: Dans cette cause, il y avait des témoins de New York dont il était assez difficile d'obtenir la présence. Lorsque nous en serons à l'étude de la Direction de probation et de détention, je pourrai donner aux députés de l'Opposition les statistiques concernant les moyennes de séjour à Parthenais qui se sont de beaucoup améliorées suite à certaines décisions administratives, entre autres de la part du juge en chef Mayrand.

On y reviendra. Nous en étions à l'étude concernant le taux de criminalité. Je pense que M. le directeur de la Sûreté du Québec aurait des choses à ajouter. Je lui laisse la parole.

Sûreté du Québec (suite)

Criminalité

Merci. Je pense qu'on avait terminé hier soir sur la question suivante: 3,1% par rapport à la moyenne des cinq dernières années, comment peut-on expliquer cette hausse? Déjà, 1,9% est explicable de la façon suivante; c'est qu'antérieurement, en 1978, la loi ne créait pas d'infraction criminelle pour le fait qu'un individu ne se présentait pas pour faire prendre ses empreintes digitales lorsqu'il était requis de le faire par voie de sommation ou par voie d'une citation à comparaître. La loi exigeait à ce moment que l'individu fasse prendre ses empreintes digitales, mais il n'y avait aucun article de la loi qui prévoyait qu'on puisse l'accuser. Il n'y avait pas de pénalisation. On était régi par le chapitre 144, la Loi de l'identification. A la fin de 1977 et en 1978, nos membres ont commencé à faire appliquer cette nouvelle disposition de la loi et ainsi, en 1978, au-delà de 654 infractions similaires ont été constatées comparativement à seulement 135 l'année précédente et aucune pour les années antérieures.

Donc, des 3,1%, il y a 1,9% qui s'applique à ce nouveau type d'infraction. De plus, en 1978, profitant entre autres des facilités plus grandes du

Centre de renseignements policiers, nos membres ont accentué leur surveillance relativement à certains individus sous le coup de diverses ordonnances émises par des juges, soit des ordonnances à la suite d'un jugement, pour garder la paix, assorti de conditions, soit l'ordonnance d'un juge demandant à un accusé d'observer certaines conditions alors qu'il est sous caution. Donc, cela nous place devant le fait qu'on doit ramener un individu qui n'a pas observé les conditions demandées par le juge et cela nous amène quelques infractions. Ceci est peut-être minime. Nos policiers, donc, c'est 1,9%. (10 h 15)

Toujours, aussi, concernant l'augmentation générale de la criminalité, on peut également en imputer une petite partie au fait que depuis deux ans 32 municipalités du Québec ont aboli leur service de police. C'est que lorsque, à un service de police, il y a un chef, il y a toujours la responsabilité de rapporter les infractions qui surviennent dans son territoire, et on intervient en assistance. Mais, lorsqu'il n'y a plus personne, on prend l'entière responsabilité de comptabiliser les statistiques. Ces services totalisaient 70 policiers. Evidemment, la Sûreté du Québec a dû progressivement prendre ces responsabilités depuis deux ans, responsabilité totale des territoires de ces municipalités où la criminalité était auparavant comptabilisée par les chefs de police en poste.

On sait aussi que nos effectifs n'ont pas tellement augmenté. De façon générale, on peut dire que, comparativement à la moyenne des cinq dernières années, mises à part les raisons ci-haut invoquées, la criminalité est demeurée plutôt stable. Il y a aussi une explication. Dans le cadre des 21,1% d'assistance dont on a parlé tout à l'heure par rapport à 1977, il y a la diminution des effectifs policiers municipaux au cours des dernières années qui nous amène à intervenir en assistance plus fréquemment auprès des corps policiers municipaux. Donc, cela a créé une certaine augmentation.

Je veux mentionner — il est peut-être superflu de le faire — lorsqu'on parle du taux de criminalité qui est avancé par la Sûreté du Québec, que c'est seulement en fonction des territoires desservis par la Sûreté du Québec. Cela ne tient pas compte d'autres municipalités d'importance. Je pense, entre autres, à Montréal.

M. Lalonde: Québec. M. Bédard: Québec.

M. Lalonde: Toutes les municipalités qui sont desservies par une police municipale, si je comprends bien, sont en dehors de cela.

M. Bédard: L'an passé, lorsque j'avais annoncé une baisse du taux de criminalité, c'était sur l'ensemble de la criminalité au Québec.

M. Lalonde: En tenant compte de toutes les situations dans les villes en particulier.

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalonde: Sur les crimes avec violence, est-ce que vous avez été témoin d'une augmentation en nombre ou en importance des crimes qui impliquent la violence?

M. Bédard: Je peux vous donner quelques explications là-dessus. Evidemment, nous savons que de façon générale dans la province la question des vols qualifiés dans des institutions financières ou dans des commerces continue d'être un fléau assez important. Par contre, en ce qui a trait aux territoires uniquement desservis par la Sûreté du Québec, cette recrudescence n'est pas aussi marquée qu'on pourrait le croire. Par exemple, en 1978, on a dû déplorer 348 attaques à main armée sur notre territoire. Ceci représente une augmentation de 2,7%, toujours sur une courbe de cinq ans. Aussi, il faut dire que seulement 57 de ces attaques sur les 348 ont été faites dans des institutions bancaires ou financières.

Dans les autres cas, il s'agissait plutôt d'attaques visant certains établissements commerciaux tels que les dépanneurs ou les stations-service. Aussi, dans 40 cas sur les 348, il s'agit de tentatives qui ont avorté même avant la commission du crime, mais on les compte comme des crimes effectivement survenus.

Par ailleurs, la solution de ces crimes a été assez bonne puisque, en 1978, nous avons résolu 45,7% de ces attaques, près de la moitié. Je ne peux pas vous donner les chiffres exacts, on aura un rapport de statistiques beaucoup plus détaillé plus tard. Il y a de nombreux vols, dans les dépanneurs et dans les garages, qui sont commis par des jeunes. On a éclairci une douzaine de vols à main armée faits par des jeunes de 16 ans et 17 ans.

M. Lalonde: Concernant les autres crimes avec violence, les assauts, viols, etc., est-ce qu'il y a eu une recrudescence?

M. Bédard: Non, cela a été tranquille; quand on parle d'assauts conventionnels, entre personnes qui, généralement, se connaissent, cela a été à peu près stable. Pour ce qui a trait au crime sexuel, en ce qui a trait au viol...

M. Lalonde: A quelle page?

M. Bédard: Pardon?

M. Lalonde: A quelle page?

M. Bédard: A la page 36, monsieur. Nous avons connu, en 1978, 84 cas de viol comparativement à 68 pour l'année dernière. Le nombre des victimes, chez les adultes et les mineurs, s'équivaut. 65 de ces 84 cas ont été résolus par la mise en accusation de 71 personnes. Il y avait des infractions où il y a eu deux ou trois accusations. Je me rappelle Côteau-du-lac, entre autres, où des motards ont assailli des jeunes filles; ils étaient

plusieurs. C'est un peu la raison pour laquelle on a plus de personnes accusées. Pour le vol qualifié, vous avez le commentaire, dans le haut, que je vous ai donné tout à l'heure.

M. Lalonde: II y a les meurtres, naturellement. Je peux vous laisser la parole.

M. Bédard: Le meurtre est toujours la chose la plus grave et il n'y a pas grand-prévention à faire. Il y a un seul phénomène: Cela survient toujours les fins de semaine. La société se repose et on semble profiter de la fin de semaine pour soit se livrer à des actes de brutalité ou à des meurtres. Si vous remarquez, les journaux en sont remplis le lundi. Cela va un peu de pair avec la sécurité routière.

Au cours de 1978, on a enquêté sur 37 dossiers de meurtres totalisant 42 victimes comparativement à 43 victimes pour l'année 77. 21 de ces meurtres ont été éclaircis par la mise en accusation de 23 personnes. 3 autres meurtres ont été classés sans mise en accusation, pour diverses raisons, notamment parce que l'accusé éventuel s'est donné la mort. Nous avons également éclair-ci, en 1978, 4 autres meurtres qui avaient été commis en 1977. Aussi en 1978, la Sûreté du Québec a porté assistance à divers corps policiers municipaux dans 62 autres cas de meurtre. Dans 37 de ces cas, la Sûreté du Québec a conservé l'initiative totale du dossier et on a déjà résolu 25 cas.

Dans tous les cas d'homicide où la Sûreté du Québec a enquêté en 1978, les motifs qui ont poussé les personnes à commettre de tels crimes sont, par ordre d'importance, les querelles diverses, les querelles de nature familiale, les règlements de compte, les meurtres commis lors de la perpétration d'autres crimes. La moitié des meurtres ont été perpétrés à l'aide d'armes à feu diverses et 13% du total, à l'aide de diverses armes blanches, couteaux, etc. 42% des meurtres ont été commis dans la région de Montréal et 21% dans la Mauricie. Nos districts du Bas-Saint-Laurent et de la Côte-Nord n'ont eu aucun homicide à déplorer. Bien entendu, cela va un peu en fonction des bassins de population; où la démographie est plus intense, il y a de plus grandes possibilités.

M. Lalonde: Je vous remercie de ces renseignements sur révolution de la criminalité. Il ne semble pas qu'il y ait de changements majeurs sur les années précédentes. J'aimerais que vous expliquiez votre pourcentage d'augmentation en tenant compte de la courbe de cinq ans. Peut-être que les statisticiens se comprennent mais je constate que chaque fois qu'on tient compte de la courbe on a un taux moins élevé d'augmentation — remarquez que c'est commode — j'aimerais savoir comment vous vous y prenez.

M. Bédard: Ce qui arrive c'est que pour mesurer une chose on pourrait mesurer sur l'année antérieure, mais on tente toujours de mesurer sur une période de cinq ans. C'est un procédé, une règle qui est considérée par les statisticiens et par Statistique Canada. Les dernières années ayant été de bonnes années, on se trouve à en bénéficier.

M. Lalonde: Si l'année précédente est aussi bonne que cela au niveau de la lutte à la criminalité, cela va être difficile de rejoindre ce plancher. Cela peut jouer contre vos statistiquesl

M. Bédard: Oui, par contre c'est la même chose en termes de rendement d'argent — c'est une chose que tout le monde connaît — vous avez la fluctuation des courbes économiques. Par contre, si vous les prenez dans un tout et que vous faites la moyenne de ces cinq dernières années, on va dire: Votre argent a rapporté 10% ou 12%, alors que certaines années, il a peut-être rapporté 8%; d'autres années, il a rapporté plus.

M. Lalonde: Tenez-vous compte de l'augmentation de la population ou de la diminution de la population dans vos statistiques?

M. Bédard: On aimerait bien en tenir compte, mais la population du Québec ne bouge pas beaucoup, vous savez. C'est pour cela que parfois, lorsqu'on a des demandes de personnel, on est très méticuleux pour les octroyer, la population du Québec étant assez stable. On a des régions où la population n'a pas augmenté. Des régions comme la Gaspésie, la Côte-Nord, l'Abitibi, ce sont des régions qui sont très stables alors que les concentrations se font vers Québec et Montréal.

M. Lalonde: Comment se fait-il qu'il y a des concentrations, un mouvement de population vers les grandes villes si la population des régions ne diminue pas? J'essaie de comprendre ce que vous dites parce que l'an dernier, en particulier, les démographes ont calculé qu'il y a eu une diminution de la population de la province, une diminution nette dans les déplacements interprovinciaux.

M. Bédard: II y a de la petite croissance. Je vais vous donner seulement un exemple pour expliciter ma pensée: ce sont les Iles-de-la-Madeleine. C'est une population qui n'augmente pas tellement, qui n'augmente pas. Les jeunes s'en vont vers l'extérieur pour trouver du travail, mais le peu de natalité qui survient durant l'année continue à garder à peu près le même niveau. C'est ce qui survient dans les régions que je vous ai nommées.

M. Lalonde: Je vous remercie. Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui ont des questions sur l'évolution de la criminalité. Je vais leur laisser la parole.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: J'aurai des questions, mais j'aurai surtout des commentaires. On constate qu'il y a une augmentation à peu près constante du taux

de criminalité et même si on nous donne certaines explications...

M. Bédard: L'an dernier, cela avait diminué. M. Fontaine: Oui, mais...

M. Bédard: Par rapport à l'an dernier, cela a augmenté.

M. Fontaine: Par rapport à l'an dernier. Si on regarde l'an dernier, on a connu une diminution de 5% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. On garde toujours la moyenne des cinq dernières années. Cette année, on a une augmentation réelle de 7,7% et si on fait la moyenne des cinq dernières années, on a une augmentation de 3,1%. Même si on nous donne certaines explications, entre autres, une qui nous dit que les personnes qui avaient des conditions à respecter à la suite de jugements sont ramenées devant les tribunaux plus régulièrement, je pense que c'est plus ou moins valable parce que les infractions étaient quand même commises, mais on ne les ramenait pas devant les tribunaux parce qu'on n'avait pas les moyens de les rechercher, de les trouver.

M. Bédard: On a affaire aux mêmes personnes.

M. Fontaine: Oui.

M. Bédard: La même chose concernant les empreintes digitales.

M. Lalonde: C'est considéré comme une autre infraction.

M. Bédard: Oui, c'est considéré comme une autre infraction, sauf que...

M. Lalonde: C'est toujours la même personne. M. Bédard:... cela regarde la même personne.

M. Bédard: ... cela regarde la même personne.

M. Fontaine: Oui, mais ce sont quand même des infractions.

M. Bédard: Je suis bien d'accord. M. Lalonde: Elles sont là. M. Bédard: Elles sont là.

M. Fontaine: C'est une augmentation du taux de criminalité.

M. Bédard: Enfin, on vous l'explique.

M. Fontaine: Je pense que c'est quand même inquiétant de voir qu'au fil des années on s'achemine toujours vers une augmentation du taux de criminalité, une augmentation constante. Je ne pense pas que le fait de nous comparer, par exemple, à d'autres sociétés comme les Etats-Unis ou à d'autres provinces canadiennes, en disant: On n'est pas pire qu'ailleurs, nous justifie de ne rien faire.

M. Bédard: Ce n'est pas une consolation.

M. Fontaine: Non, je ne pense pas que ce soit la solution.

M. Bédard: On essaie d'intensifier...

M. Fontaine: Je pense qu'il est important pour le ministre de la Justice — c'est son devoir et c'est son rôle; — cela devrait être une préoccupation constante chez le ministre de la Justice — de faire en sorte que le taux de criminalité puisse se maintenir de façon stable et, idéalement, diminuer. On constate également qu'à la suite de nombreuses infractions qui sont commises à l'endroit des policiers ces mêmes policiers commencent à en avoir ras le bol de la façon dont les crimes sont commis à l'endroit des policiers eux-mêmes. On a vu dernièrement, entre autres, à la Communauté urbaine de Montréal, que des policiers ont fait des déclarations. (10 h 30)

J'ai un titre de journal ici qui dit: "La colère gronde chez les policiers". Je pense qu'il serait important que le ministre de la Justice tienne compte de ces situations pour ne pas en arriver, comme cela s'est déjà produit ailleurs, à la situation où les policiers ont pris en main la façon de régler ces cas-là. Je pense que cela n'est pas bon pour une société d'en arriver à cette situation. Je ne veux pas être un prophète de malheurs, mais je demande au ministre de la Justice de se préoccuper — je ne sais pas de quelle façon, mais de trouver un moyen — de cette situation qui fait que les policiers trouvent de plus en plus de difficultés à exercer leur métier face aux crimes qui sont commis à leur endroit. Il y aurait certainement une façon, peut-être dans la formation des policiers, de trouver un moyen d'éducation dans ce sens-là et également un moyen d'éduquer la population. J'espère que le ministre n'attend pas que les policiers en aient véritablement par-dessus la tête et décident de s'occuper eux-mêmes de régler des cas semblables.

M. Bédard: Vous faites allusion à un article de journal mentionnant que des policiers ont été...

M. Fontaine: Oui, l'affaire de l'agent Lecava-lier.

M. Bédard: Un est décédé et deux autres ont été blessés.

M. Fontaine: II y en a eu plusieurs depuis...

M. Bédard: Je pense bien qu'au lendemain d'événements tragiques comme ceux-là, il y a toujours des réactions de la part des policiers.

M. Lalonde: Surtout que... M. Fontaine: Non, mais c'est...

M. Bédard: Je pense que c'est très compréhensible.

M. Lalonde: ... ce cas-là, pour comble de malheur c'était un policier attaqué à l'hôpital même...

M. Bédard: Qui surveillait un autre confrère qui avait été attaqué.

M. Lalonde: ... qui veillait son collègue qui était...

M. Fontaine: On a eu plusieurs cas au cours de l'année 1978 où des policiers ont été tués froidement, en arrivant sur les lieux. Je ne me rappelle pas des noms. Je pense qu'il y aurait quelque chose à faire de ce côté. Il y a également de l'éducation à faire dans la population et j'espère que le ministre de la Justice a des commentaires à formuler sur ce qu'il envisage comme solution de cette situation.

M. Bédard: A l'heure actuelle, nous essayons de perfectionner le plus possible les policiers en fonction du travail qu'ils ont à accomplir. Vous savez qu'à l'Institut de Nicolet — qui est situé dans votre comté — il y a beaucoup de travail en formation qui est fait. On peut prévoir également que certaines options ayant été ouvertes dans des CEGEP, ceci contribuera aussi à l'augmentation de la formation des policiers pour faire face aux difficultés qu'ils ont à rencontrer dans l'exécution de leur travail.

M. Fontaine: II y a également un autre point sur lequel on n'a pas tellement insisté, c'est sur le taux de solutions. L'an dernier, on avait un taux de solutions de 35,4% alors qu'en 1976 cela s'était maintenu à 35,8%. Cette année, on est rendu à 38,6%. J'aimerais avoir des explications soit du ministre de la Justice ou du directeur de la Sûreté du Québec. Je sais qu'il nous a donné certaines explications tantôt concernant les interventions dans les municipalités, mais il y a peut-être d'autres facteurs qui font que ce taux de solutions ait augmenté.

M. Bédard: Je pense que, continuellement, les méthodes policières s'améliorent, se perfectionnent et cela nous donne le résultat très important d'un taux de solutions de crimes plus élevé que ce ne l'était dans le passé. Peut-être que le directeur voudra ajouter autre chose.

M. Lalonde: La détection a quelque chose à faire avec cela aussi. Dans le cas de meurtre, on trouve le corps, il n'y a pas trop de problèmes, mais dans d'autres crimes, il y a une question aussi de détection. Il y a beaucoup de crimes qu'on ne connaît pas, les crimes économiques, par exemple.

M. Bédard: II y a trois volets, à mon avis, au problème que vous soulignez. Je tiens à vous préciser que la dernière revue que vous recevez tous traite éloquemment de cette partie. Il y a d'abord la sélection de nos enquêteurs. Avant, il y avait une question de seniorité; celui qui était le plus longtemps en poste, mais ce n'est pas cela maintenant. On a maintenant des comités de sélection; on établit un profil, et avant qu'un individu quitte la patrouille routière, comme généraliste, pour devenir enquêteur, il doit répondre à des critères précis. Donc, je pense que c'est d'ores et déjà un gage de succès.

Le deuxième volet, c'est que tous nos gens qui sont affectés à une fonction d'enquêteur sont maintenant dirigés vers l'Institut de police de Nicolet où ils suivent un cours de police judiciaire qui leur donne déjà des rudiments pour muter de la fonction de patrouilleur à la fonction d'enquêteur.

Il y a aussi le travail d'équipe. C'est que la base du succès d'un corps de police, ce sont ses policiers en uniforme. Les policiers en uniforme sont les yeux, les oreilles du corps de police pendant 24 heures alors que les enquêteurs travaillent simplement par périodes de jour ou en soirée. La diffusion de l'information par les patrouilleurs, leur travail préventif d'interception, la prévention qu'ils font apportent beaucoup d'eau au moulin, si on peut dire, pour les enquêteurs. Vous savez, quand à 2 heures du matin on intercepte des gens avec du matériel volé, qu'on a tout simplement à remettre cela à l'enquêteur le lendemain matin pour prendre des versions, étiqueter cela et aller porter les plaintes au procureur de la couronne ou encore aller faire identifier de la marchandise par le plaignant, cela devient une enquête assez rapide.

C'est cet ensemble de données qui nous amène à cela. J'ose croire que c'est cela parce que l'année prochaine, s'il faut qu'on ait moins, mes explications ne tiendront pas.

M. Fontaine: Je vous souhaite que cela continue à augmenter.

M. Bédard: Je fais une mise en garde, vous savez. Mais, fondamentalement, c'est cela. D'ailleurs, cette année, on va tenir des séminaires internes pour les enquêteurs spécialisés de façon à les développer encore plus, de façon à leur donner une image à peu près stéréotypée, tous, sur la façon de procéder. Il y a de l'individualité, il y a de la créativité individuelle, mais il y a des règles de base qui doivent être suivies. Si on parvient à avoir un modèle type d'enquêteur qui travaille selon les mêmes procédés, selon les mêmes méthodes, etc., donc, cela nous amènera à une meilleure uniformité d'ensemble.

M. Fontaine: Est-ce que le service de renseignements sur la sécurité collabore avec les enquêteurs dans ce domaine?

M. Bédard: Oui. Les deux parties des services de renseignements, sécurité et criminel; la sécu-

rité, c'est en matière de maintien de l'ordre. Vous avez des dommages à la propriété, méfaits, tapage, etc., troubler la paix. D'autre part, vous avez aussi le renseignement criminel dans le cadre d'enquêtes criminelles proprement dites, de crimes économiques, vols à main armée, etc. 80% du travail des renseignements scientifiques, qui est communément l'écoute électronique et les unités de surveillance, qu'on appelle filature, sont faits en support à l'opération. Donc, il reste 20% pour d'autres projets particuliers.

M. Fontaine: J'aurais une autre question concernant les contraventions pour le port de la ceinture.

M. Lalonde: M. le Président, je ne veux pas interrompre mon collègue, mais j'avais cru qu'on se dirigeait vers un tour de table sur l'évolution de la criminalité.

Le Président (M. Jolivet): C'est cela.

M. Lalonde: J'avais un tas d'autres questions à poser.

Le Président (M. Jolivet): Oui. C'est ainsi que je l'avais compris tout à l'heure aussi.

M. Fontaine: Je reviendrai plus tard, M. le Président.

M. Lalonde: Si vous permettez...

Le Président (M. Jolivet): Donc, vous parlez sur le deuxième volet.

M. Lalonde: Sur l'évolution de la criminalité.

Le Président (M. Jolivet): Oui.

M. Lalonde: Sur l'évolution de la criminalité.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: D'abord, je voudrais faire une ou deux remarques préliminaires. Par formation, je me méfie des statistiques sur la criminalité parce que cela ne veut pas toujours dire grand-chose. Il y a une réalité qui est bien évidente en criminologie. On appelle cela le chiffre noir de la criminalité. Dans certains domaines, par exemple les crimes économiques et d'autres types de criminalité, il y a moins souvent de plaignants et, finalement, la réalité, la vraie, dans le domaine de la criminalité, n'est pas traduite par les statistiques. Quand on parle des meurtres, on dit généralement qu'on a un meilleur profil de la réalité parce que, règle générale, on finit par trouver les corps. Encore là, on se rend compte que des fois, après quelques années, des disparitions deviennent des meurtres parce que, trois ou quatre ans après, on a trouvé des corps. Donc, je trouve qu'il faut faire bien attention aux interprétations des statistiques sur la criminalité.

D'autre part, il y a aussi — cela peut paraître curieux — que parfois le taux de criminalité augmente en fonction de l'amélioration des services de police. A mesure que les policiers deviennent plus efficaces, il y a un plus grand nombre de crimes qui sont détectés, qui sont l'objet d'enquêtes, qui sont résolus. Le chiffre noir, autrement dit, diminue et le taux de criminalité augmente. En fait, c'est aussi en fonction du taux d'efficacité des services de police.

Par ailleurs, j'aurais deux questions à poser au directeur de la Sûreté du Québec en fonction de problèmes spécifiques de criminalité. On a vu, la semaine dernière, dans la Presse, une série d'articles sur le problème particulier des motards au Québec. Non pas des gens qui aiment la motocyclette — j'en étais un quand j'étais plus jeune, il y a quelques années — mais des gens qui, en bande, utilisent la moto comme moyen de transport, dont les principales activités ne sont pas de faire de la motocyclette, mais plutôt de faire autre chose.

La belle saison va reprendre bientôt. Ce qui est assez inquiétant c'est de voir comment ces groupes sont de plus en plus structurés, de plus en plus organisés. On dit même dans les reportages, notamment dans ceux de Michel Auger de la Presse, que dans certains cas, on peut craindre que ces groupes soient plus puissants que la fameuse mafia. En passant, la mafia ce n'est pas l'ensemble de la pègre, mais c'est une organisation bien spécifique, qui existe d'ailleurs. La Sûreté du Québec, est finalement le principal corps de police qui peut intervenir contre ces groupes, étant donné que la plupart se manifestent à l'extérieur de Montréal. Il y a quelques groupes qui sont à Montréal, mais leurs activités souvent sont dans le milieu rural ou semi-rural. On a vu, avec l'enquête sur le crime organisé, comment, par exemple, certaines bandes avaient carrément pris le contrôle de certaines municipalités au Québec et avaient imposé leur loi.

Je me demande si on prévoit des mesures spéciales pour faire en sorte que ces groupes soient contrôlés; qu'ils ne terrorisent plus, comme ils l'ont fait et comme ils continuent de le faire dans certains coins du Québec, des populations entières. Est-ce qu'au cours des prochaines semaines, au cours de la belle saison qui s'en vient, on prévoit un plan d'action particulier pour faire en sorte que le monde vive en paix au Québec et qu'on ne voie pas ces bandes, ces hordes de Huns, finalement, déferler sur certains coins du Québec et imposer leur loi? Ce que je trouve, c'est que vraiment dans certains cas, un contrôle... On a utilisé le terme de "pillards" dans les reportages journalistiques et je vous jure que pour certains de ces individus, ce n'est pas un terme qui est exagéré. On aurait pu parler de "barbares", quand on regarde les actes que ces individus commettent. Ce qui est grave, c'est que ces populations sont souvent sans défense parce qu'elles n'ont pas de corps de police particulier. Dans certains cas, le corps de police est tellement minuscule qu'il préfère coexister pacifiquement en faisant le

moins de bruit possible et en essayant de heurter de front le moins possible ces groupes.

Ma première question, c'est de demander au directeur de la Sûreté du Québec si on a une approche particulière vis-à-vis de ce problème. Ou au ministre de la Justice.

M. Bédard: Nous sommes très conscients de cette réalité. C'est pourquoi la CECO, comme vous le savez, a fait porter une partie de son travail sur des enquêtes qui ont été menées sur certains groupes de motards. Déjà des résultats ont été obtenus, des plaintes ont été portées. Dans le nouveau mandat de la CECO qui a été donné aux commissaires au mois de décembre, il y a une partie de ce mandat qui porte également sur des problèmes de cette nature.

Au moment où on se parle, il y a un travail d'enquête qui se fait par une équipe d'enquêteurs de la CECO et qui va déboucher normalement, comme ce fut le cas dans d'autres cas, sur des accusations qui seront portées. Maintenant, je pense qu'à la CECO, c'est une préoccupation particulière puisqu'une partie du mandat de la CECO est orientée vers des dossiers de cette nature.

M. Charbonneau: Ce que je voudrais souligner au ministre, c'est que la CECO fait, dans le fond, une espèce de travail de renseignement, qui devient un travail de renseignement public à partir du moment où, par la suite, les faits sont exposés publiquement. (10 h 45)

Dans le cas de Saint-Michel-de-Bellechasse, le résultat, c'est que le travail de la CECO, par l'identification d'un problème particulier concernant une municipalité, avait permis à cette municipalité de se libérer de cette bande. Mais il faut se rendre compte d'une chose: la bande n'a pas été démantelée pour autant; du moins, si celle-là a été démantelée, on se rend compte qu'il y en a d'autres plus puissantes. Ce qui est de plus en plus inquiétant, c'est qu'il se tisse une espèce de réseau continental à l'intérieur de ces bandes de motards. De la même façon que la mafia, qui est une organisation clandestine, fonctionne aussi avec une espèce de réseau de contacts et d'affinités, eux font ce réseau plus ouvertement. Alors que la mafia n'a pas de cartes de membre, eux, ils en ont quasiment; dans certains cas, il y a des clubs, des cartes de membre, des identifications et cela se fait au vu et au su de tous. Ce qui est inquiétant, c'est de voir comment tout ce réseau, finalement, peut relier les bandes à travers le Québec. C'est par ces canaux de liaison que se fait une partie des crimes, notamment le trafic de la drogue.

M. Bédard: Mais il y a un travail très précis qui se fait dans ce domaine. Je demanderais au directeur de la Sûreté du Québec d'ajouter quelques mots qui vont vous permettre de le constater.

En ce qui a trait à la Sûreté du Québec, on a une opération qui se déroule de cueillette de ren- seignements, d'identification des situations dans cinq de nos districts, les districts surtout à connotation urbaine. Il y a un programme d'échange de renseignements avec les autres provinces sur le plan national pour suivre leurs allées et venues parce que ces gens voyagent entre les provinces, d'une part, et vont aux Etats-Unis, d'autre part, aussi. On tente de contrôler ces situations à l'extérieur des villes. Il y a un programme d'échange de renseignements avec la Communauté urbaine de Montréal où vous avez une grande concentration. Aussi, quand des gens de l'extérieur viennent, on les contrôle.

Pour vous donner un exemple, l'été dernier, on a eu les funérailles d'un motard qui a été tué dans la région de Sorel et qui a été enterré à Drummondville. Des gens sont venus d'une quinzaine d'Etats américains. Ils ont tous été contrôlés. On les a cantonnés à un endroit et cela a été une opération conjointe avec la police municipale de Drummondville. Quand ils sont repartis, on a fouillé tout ça et on a retrouvé un paquet d'objets volés, de motocyclettes volées, etc. Quelques-uns étaient recherchés sur mandat tant au Canada qu'aux Etats-Unis. Je pense que cela peut répondre.

C'est un phénomène qui a été pire qu'il l'est actuellement, à mon humble avis. Le phénomène de groupes a pris naissance aux Etats-Unis. Je ne dis pas que c'est en train de se calmer, mais ce n'est pas pire que c'était. Il faut que ce soit contrôlé si on veut... Parce que c'est florissant, la marchandise volée. Il faut essayer de contrôler des endroits, des hôtels, les batailles intergangs. Vous avez connaissance fréquemment qu'on s'élimine; d'ailleurs, les articles de journaux sont éloquents à cet effet.

Donc, c'est la nature qui s'équilibre un peu, mais la police essaie de faire que cela se déroule dans toutes les règles de la société.

M. Lalonde: J'aurais une sous-question. Les hordes apocalyptiques qui descendent en deux-roues sur notre population à la façon dont le député de Verchères nous a décrit cela, c'est combien de personnes à peu près?

M. Bédard: On parle de 700 à 800 motards au Québec. Il y a des groupes qui sont bien structurés, qui sont assez disciplinés, mais il y en a d'autres qui sont affiliés. Il y a des chapitres, vous savez. C'est aussi compliqué que les francs-maçons ou les Chevaliers de Colomb. Il y a des chapitres.

M. Lalonde: Vous avez de ces comparaisons!

M. Bédard: Je comprends que ce n'est pas tout à fait de même nature; vous parlez de la structure.

C'est parce que, habituellement, dans toute comparaison, on doit prendre les deux extrêmes de façon que ce soit bien clair. C'est en termes de structures.

M. Lalonde: Avez-vous réussi à les infiltrer, les motards?

M. Bédard: C'est parce qu'on ne peut pas s'acheter de moto! Ils ont une structure assez complexe, comme le disait M. Charbonneau tout à l'heure, un peu du style du crime organisé, avec des chapitres qui se rapportent à d'autres chapitres américains, etc.

Le principal est de les contrôler, d'éviter qu'ils ne commettent des crimes et de faire certaines razzias de façon à leur rappeler qu'ils vivent dans une société. On en a eu une, en ce qui a trait à la Sûreté du Québec, il y a deux ans. On a eu un groupe de motards qui est allé prendre un hôtel d'assaut, dans la région de Papineau, Papineauvil-le, et on a arrêté ces gens-là parce qu'ils contrôlaient les lieux. On a eu une affaire de viol à Coteau-du-Lac où on a réussi à résoudre le cas. Quand ils sentent qu'on les ébranle comme cela, finalement... Vous savez, c'est une période de trois ou quatre ans du stade de l'adolescence. Quand ces gens-là atteignent une certaine maturité, ils disparaissent dans un circuit qui est un circuit criminel généralement mieux connu.

M. Lalonde: La drogue là-dedans? Avez-vous découvert des réseaux?

M. Bédard: II y a de la drogue dans cela. Nous travaillons cela au niveau local, mais la Gendarmerie travaille au niveau national et international. Il y a certainement des problèmes de drogue.

M. Charbonneau: J'aurais juste une autre question au sujet, justement, du trafic de la drogue. On se rend compte que la Sûreté du Québec n'a pas encore de brigade spécialisée uniquement dans la répression du trafic de la drogue. Cela se fait encore dans l'escouade alcool-moralité. Je me demande s'il n'y aurait pas lieu... Cela prend de plus en plus d'importance. Il y a des gens qui s'imaginaient, il y a quelques années, que c'était un phénomène passager, qu'à un moment donné on reviendrait aux drogues traditionnelles, c'est-à-dire l'alcool et l'héroïne, mais pour une petite minorité. C'est bien plus le problème, de toute façon, de la Colombie-Britannique que le problème du Québec, en termes de consommation. Mais on se rend compte qu'il y a bien d'autres drogues, y compris des drogues chimiques ou des drogues pour bourgeois en mal de sensations, c'est-à-dire la cocaïne, ce sont des phénomènes qui, finalement, sont là pour demeurer pas mal longtemps. On se demande s'il n'y aurait pas avantage à ce que la Sûreté du Québec ait une escouade spécialisée uniquement dans la répression du trafic de la drogue, ce qui ferait qu'une partie du travail qui est fait actuellement par la police fédérale pourrait être accomplie par la Sûreté du Québec. Et éventuellement, cela pourrait aussi avoir l'avantage qu'une fois certains autres problèmes réglés, la Sûreté du Québec serait plus à même d'assumer le reste des responsabilités qui lui incomberont le moment venu. On se demande si, déjà, à l'heure actuelle, il n'y aurait pas avantage à ce qu'une brigade spécialisée dans tout le trafic inter-régional autant que local puisse être constituée au Québec.

M. Bédard: A ce moment-ci, il se développe une expertise au niveau de la Sûreté du Québec. Elle a à agir dans bien des dossiers de cette nature. Il y a aussi certaines décisions de cour que nous attendons qui seront peut-être de nature à nous donner certaines indications sur l'à-propos d'intensifier les efforts dans ce domaine particulier qui est déjà couvert, pour une grande partie, par l'activité policière de la Gendarmerie royale.

Le Président (M. Jolivet): Cela va?

M. Lalonde: Sur l'évolution de la criminalité, le seul souhait que je ferais serait que le gouvernement entende d'une oreille favorable les demandes que la Sûreté lui fait relativement à son escouade sur les crimes économiques. Cette escouade-là est encore au même nombre depuis deux ou trois ans et on sait que c'est un fléau. Je pense qu'un des points noirs...

M. Bédard: Le chiffre noir...

M. Lalonde: ... le chiffre noir de la criminalité est sûrement là. La Sûreté a déjà un effectif qui a pris de l'expérience depuis le début. Quand cela a-t-il commencé? En 1972, 1973?

M. Bédard: Cela a commencé en 1974.

M. Lalonde: Je me souviens, en 1972, quand la Commission des valeurs mobilières avait des problèmes de fraude, on cherchait autour pour savoir qui pourrait nous aider, et la Sûreté du Québec n'avait absolument aucune expérience. La Gendarmerie royale en avait un peu. Il fallait faire appel à un squelette d'effectifs et, depuis ce temps-là, cela a été développé, de 1974 à 1976, à peu près au niveau de 75 membres; le personnel est en majorité à Montréal, et d'autres sont à Québec. Il me semble que l'accent devrait être mis là-dessus.

M. Bédard: Nous en sommes très conscients. D'ailleurs, nous avons indiqué qu'au moment où on se parle il y a des discussions avec le Conseil du trésor aux fins d'obtenir une augmentation significative du nombre d'effectifs policiers dans ce domaine précis du crime économique.

M. Charbonneau: Le député de Marguerite-Bourgeoys me permet-il une question additionnelle sur le même sujet du crime économique? Est-ce qu'on peut nous dire si, actuellement, il y a une collaboration particulière entre l'escouade des crimes économiques et d'autres services gouvernementaux qui ont un rôle d'enquête dans le domaine de la criminalité économique, par exemple le service des enquêtes de la Commission des valeurs mobilières? Il y a les faillites. Le ministère

des Institutions financières a aussi un groupe d'enquêteurs qui travaillent dans certains domaines. Il y a également le ministère du Revenu qui a des services d'enquête spécialisés. La criminalité sur laquelle on enquête là est également de la criminalité à col blanc, de la criminalité économique. Quand j'étais journaliste, ce qu'on constatait il y a quelques années, c'est qu'il n'y avait pas tellement de collaboration, d'échanges de renseignements et de plans d'action parfois concertée vis-à-vis de certains groupes d'individus ou certains actes qui avaient été commis. Est-ce que les échanges et les relations entre les services, finalement, d'un même Etat se sont améliorés au cours des récentes années?

M. Bédard: Assurément. L'accent a été mis sur des échanges entre différents groupes qui se spécialisent dans le domaine des faillites et fraudes. Il y a une collaboration continuelle entre le service des faillites et fraudes et la section des crimes économiques de la Sûreté du Québec. Il y a également une collaboration constante avec certaines institutions financières.

M. Charbonneau: Ce que je peux seulement ajouter, c'est que ce serait à l'honneur du Québec de développer ce secteur parce que je pense que c'est peut-être un des secteurs qui ont été les plus négligés. Cela faisait dire à bien des études par des criminologues que les forces de police traditionnelles enquêtaient sur le petit monde dans la société et que les gens qui avaient les moyens, la société ne se donnait pas les instruments pour surveiller l'application des lois de la façon dont ces gens se comportaient vis-à-vis de la société. Il est peut-être temps qu'au Québec on mette l'importance où elle doit être mise, c'est-à-dire sur les gens qui volent sur une grande échelle le public en général et les individus. Souvent, ces crimes font des victimes bien plus nombreuses parce que les consommateurs qui sont victimes de ces individus, parfois, on peut les dénombrer par centaines.

M. Bédard: M. le directeur de la Sûreté du Québec pourrait peut-être donner quelques indications qu'il peut avoir concernant les statistiques du crime économique. D'ailleurs, cela avait été demandé hier par le député de Marguerite-Bourgeoys. Ce ne sont pas des statistiques complètes, mais cela va donner un aperçu.

En matière de statistiques sur le crime économique, en 1977, nous avions accompli 1210 enquêtes. De ce nombre, il y avait eu 733 mises en accusation, représentant 795 individus — parce qu'il y en a quelques-uns qui ont eu deux chefs — et, pour faire cela, on avait 77 policiers. En 1978, on a eu 1425 enquêtes, ce qui représente déjà une augmentation de 17,7%, et 994 mises en accusation; c'est une augmentation de 35,6% par rapport à l'année dernière. Il est probable que l'expertise de nos gens devient meilleure. Nous avons arrêté 1086 individus, toujours avec 77 policiers. M. Charbonneau parlait tout à l'heure du point noir. On peut partir d'un point zéro où il y avait quelques enquêtes qui se faisaient, mais pas tout à fait de façon aussi systématique et intense avec une attaque concertée dans ce domaine. Donc, on est parti d'un point X pour atteindre les chiffres que je vous donne. (11 heures)

Peut-être une petite parenthèse sur la coopération. Quand on explore un cas et qu'on fait le survol des données disponibles au départ pour amorcer l'enquête, le premier principe, c'est: quels sont les ministères qui sont impliqués et qui peuvent participer? Donc, on travaille avec tous ceux-là et on fait de grands efforts pour impliquer tous ceux qui peuvent apporter une contribution. On travaille beaucoup avec les institutions financières.

M. Lalonde: Votre escouade a quasiment été formée à même...

M. Bédard: C'est cela.

M. Lalonde: ... l'expertise du service des fraudes et faillites au début, en 1974.

M. Bédard: C'est cela. Ensuite, vous avez aussi le consommateur...

M. Lalonde: Oui.

M. Bédard: ... parce que vous avez beaucoup de fraudes qui touchent le consommateur. Hier, je vous ai parlé de l'éducation qu'on tentait de faire parce qu'il y a des formes de prévention qui peuvent se faire dans ce domaine. Je remets au ministre une série de petits dépliants qui ont été faits dans un programme dont l'objectif, la cible, c'était l'âge d'or, les gens de l'âge d'or surtout, parce que ce sont des personnes fort vulnérables. Donc, vous avez une série de dépliants qui ont pour objectif — ce sont nos objectifs — la prévention du crime et la sécurité routière. On prétend qu'en prévention du crime, mieux le citoyen est informé, plus il va collaborer avec la police. D'abord, on parvient à enrayer une certaine catégorie de crimes parce que les victimes potentielles sont mieux éclairées, donc, d'ores et déjà, cela nous enlève des problèmes. On a développé cette approche depuis plusieurs années et on tend à l'intensifier de plus en plus. Je pense que cela va valoir la peine. Vous allez trouver ces petits dépliants fort intéressants, assez bien conçus. C'est fait par notre service des communications.

M. Lalonde: M. le Président, je serais prêt à passer à la sécurité routière s'il n'y a pas d'autres questions sur l'évolution de la criminalité.

Le Président (M. Jolivet): Quant aux dépliants, on pourrait les distribuer cet après-midi. On va s'organiser pour les distribuer cet après-midi. Cela va?

M. Charbonneau: Juste un dernier point sur la question de la criminalité qui me préoccupe pas mal; c'est au niveau des renseignements crimi-

nels. On a eu la Commission d'enquête sur le crime organisé qui nous a brossé le tableau, il y a deux ou trois ans, de certaines puissantes organisations criminelles, surtout dans la région de Montréal. Depuis ce temps-là, on a eu des enquêtes sur les motards, des enquêtes publiques sur une série de fraudeurs, la publicité sympathique. Mais des gens ont l'impression que, finalement, par exemple, l'organisation de la mafia au Québec, en particulier dans la région de Montréal, n'existe plus, qu'on a réglé le problème. J'ai l'impression que cela n'est pas exact. On a eu une série d'émissions télévisées il y a une semaine ou deux au réseau anglais de Radio-Canada où un journaliste du Québec — d'ailleurs le même qui a écrit la série d'articles dans la Presse sur les motards — Michel Auger, a collaboré pour l'aspect du Québec. On constatait que ces organisations criminelles étaient encore assez puissantes au Québec. La Sûreté du Québec est-elle en mesure de nous dire l'importance de certains de ces groupes actuellement? Est-ce que — parce que dans certains cas on a cette impression — les policiers ont perdu de vue la situation? Certains disent que les moyens d'enquête ont varié avec les années, particulièrement l'écoute électronique qui est plus réglementée. Donc, on ne fait plus d'écoute de renseignements, mais on fait de l'écoute opérationnelle sur des actes criminels précis, et on arrive avec le problème qu'on sait peut-être moins ce qui se passe dans le milieu.

Je voudrais savoir l'état du renseignement criminel sur ces groupes particuliers, sur ces organisations criminelles particulières. On n'a qu'à penser à la mafia à Montréal, mais il y avait aussi la fameuse bande des frères Dubois et d'autres organisations comme celle-là. Est-ce qu'on a un portrait, la Sûreté du Québec a-t-elle un portrait de la situation de ce qu'on appelle le crime organisé? Je trouve que c'est un mauvais mot parce que, finalement, il n'y a pas beaucoup de crimes qui ne sont pas organisés. A-t-elle un portrait de la situation du milieu criminel et des organisations qui oeuvrent dans ce milieu-là?

M. Bédard: On a effectivement une organisation qui se relie... Tout à l'heure, ce que je vous ai dit pour les motards, cela se travaille selon le même principe. On a 25 policiers actuellement dans le renseignement criminel. Nous avons une demande pendante au Conseil du trésor de quinze policiers additionnels pour pouvoir déployer nos efforts en province. Nous travaillons en collaboration avec les divers corps policiers; cela se fait à travers le bureau de recherche sur le crime organisé où il y a un partage de l'information. Le but est d'essayer de garder toujours à jour un portrait des organisations sur le plan local, sur le plan provincial, sur le plan interprovincial et sur le plan national. Vous savez par expérience — je pense que vous avez travaillé dans ce domaine avec la CECO — que c'est assez lourd, mais, au lieu de tenter de couvrir de multiples facettes à la fois, on tente de s'attaquer à une cible, à un problème et on prend le temps de le circonscrire comme il faut. Après que ce problème est circonscrit, on s'attaque à un autre. Vous savez, c'est toujours relatif; on pourrait faire plus en ayant plus. Mais il faut qu'on tienne compte aussi des exigences de la société et les citoyens ne nous en donnent pas plus qu'on ne leur en demande.

La CECO

M. Lalonde: M. le Président, j'avais l'intention de poser des questions sur la CECO et la lutte au crime organisé à un autre programme, mais je vais le faire ici étant donné que la question est posée. Il ne s'agit pas d'un fardeau qu'on doit faire porter à la Sûreté du Québec seule.

M. Bédard: II y a d'autres corps policiers qui...

M. Lalonde: II y a d'autres corps policiers qui sont impliqués, qui travaillent là-dessus.

M. Bédard: ... travaillent en collaboration, la GRC et celui de la Communauté urbaine de Montréal.

M. Lalonde: Mais quand même, puisque le sujet a été lancé, j'aimerais savoir, étant donné la nouvelle méthode de mandat précis, limité dans le temps et dans le sujet, qui a été adoptée par le gouvernement à l'égard de l'enquête de la Commission de police sur le phénomène, si cela vous permet, comme corps policier qui est quotidiennement dans le champ, soit dans le domaine du renseignement criminel, dans la lutte à la criminalité de cette nature, d'avoir autant de force, d'influence sur la répression de cette criminalité. Quand on donne un mandat limité et qu'on dit les motards, je ne sais pas — prenons trois cas, je ne les ai pas de mémoire; ils ont été publiés, mais de façon très générale naturellement; on ne pouvait pas les détailler trop trop ou envoyer des avis aux personnes concernées — à ce moment-là, les autres milieux qui ne se sentent pas frappés par cela disent: Bien, on a congé. Est-ce qu'il n'y a pas une espèce de laisser-aller possible, pas de la Sûreté du Québec parce qu'elle ne peut faire que ce que la loi lui donne comme pouvoirs? Vous n'avez pas les pouvoirs d'interroger des témoins sous serment, de les assigner devant vous. Je ne parle pas de la Sûreté du Québec, mais de la lutte au crime organisé en général.

M. Bédard: Peut-être que je ne me suis pas exprimé d'une façon suffisamment claire. La nouvelle politique de donner des mandats précis à un banc en particulier sur des dossiers précis pour une durée limitée ne constitue pas le seul travail de la CECO. En même temps, il y a un groupe d'enquêteurs qui continuent de travailler d'une façon permanente sur d'autres dossiers sur lesquels il peut leur être indiqué de travailler. A la CECO, autrement dit, il y a les commissaires qui siègent pour étudier des dossiers précis; durant ce temps, il y a une structure d'enquête qui, elle, est permanente et qui justement nous permettra

d'évaluer dans quel secteur un autre banc de commissaires pourrait fonctionner à partir du travail qu'ils auront effectué au niveau de leurs enquêtes qui continuent comme auparavant.

M. Lalonde: Ce que le ministre décrit, si je comprends bien, c'est que, s'il avait une demande demain soit des commissaires ou de la Sûreté du Québec ou, enfin, des enquêteurs — j'imagine que ce serait canalisé par le coordonnateur du ministre — ...

M. Bédard: Exactement.

M. Lalonde: ... il pourrait ouvrir le mandat.

M. Bédard: Un coordonnateur à la CECO, à la Commission de police.

M. Lalonde: A la commission de police.

M. Bédard: Pas un coordonnateur au ministère.

M. Lalonde: Un coordonnateur à la commission de police. A ce moment, il pourrait ouvrir le mandat de façon...

M. Bédard: C'est-à-dire, au niveau de l'enquête, il peut orienter le travail des enquêteurs sur des dossiers qui lui semblent indiqués, pendant que des commissaires qui ont été nommés jusqu'à maintenant font leur travail sur des dossiers précis pour une durée de temps limitée.

M. Lalonde: C'est dans le domaine des possibilités que la commission de police soit invitée à former un autre banc pour un cas particulier, s'il y a urgence et s'il y a une raison de faire une enquête.

M. Charbonneau: Une chose que je trouve bien importante. Comme M. Beaudoin signalait qu'il y a une demande pendante au Conseil du trésor pour augmenter les effectifs du service des renseignements criminels, j'espère, en tout cas, c'est une opinion personnelle, qu'il va y avoir, parmi ces nouveaux effectifs qui pourraient être accordés, des gens qui vont travailler en permanence sur certains groupes criminels qui, eux, sont en permanence. Par exemple, si on prend l'organisation de la mafia à Montréal, le clan en particulier, bien sûr que, dans le temps, il y a des variations d'activités, il y a des problèmes internes à l'intérieur de cette organisation, mais ce qu'on constate, c'est que depuis 40 ans cette organisation à une permanence constante. Il y a une affiliation dans les dirigeants et c'est une histoire, j'en ai écrit une partie, j'ai travaillé, à la CECO, à la rédaction du rapport qui a concerné particulièrement la mafia. On se rend compte que cette organisation est permanente dans ses activités, dans sa façon de procéder, tandis que la police, elle, pas uniquement la Sûreté du Québec, par exemple, la Communauté urbaine de Montréal, n'a pas la même permanence d'intérêt sur cette organisation.

Parfois, pendant un an, deux ans, on va mettre des enquêteurs pour vérifier les activités de l'organisation et, par la suite, on se rend compte que, pendant quelques autres années, on met moins d'intérêt. On se dit: II ne se passe pas grand-chose à l'intérieur de l'organisation et on met moins d'intérêt. Mais c'est pendant ces années que les organisations se restructurent, reprennent pied dans d'autres secteurs, changent leurs dirigeants. Et on arrive avec une situation où on se retrouve quelques années après et on ne connaît plus les dirigeants de l'organisation. On prend des mois, finalement, pour essayer de faire le portrait de la situation, alors que si on avait été constamment à l'écoute ou si on avait eu constamment une oreille attentive, des yeux attentifs sur ce qui se passe dans le milieu, on aurait peut-être pu avoir un meilleur portrait de la situation au moment où des choses se passent qui sont plus spectaculaires, qui amènent la société à se rendre compte que l'organisation n'est pas encore morte.

M. Lalonde: M. le Président, si vous le permettez, dans la même veine. C'était la raison de ma question. Je me souviens que le député de Verchères, le 19 mai 1977, lors de la première étude des crédits du ministère de la Justice après la prise du pouvoir, avait exprimé son avis sur les mandats courts dans le temps.

M. Charbonneau: Je vous vois venir.

M. Lalonde: Autrefois, on avait un mandat très large. Mais à cause de la réflexion qu'on avait commencé à faire, dans les années soixante-quinze, soixante-seize, sur l'avenir de la CECO, je ne sais pas si le député se souvient, la CECO avait produit un rapport ne recommandant pas encore la permanence, mais une période d'essai de cinq ans, je crois, et on reconduisait le mandat d'année en année. Même le député disait: J'oserais dire qu'il était confié au compte-gouttes à cette commission d'enquête. Le mandat était confié au compte-gouttes. Je voudrais être sûr, et c'est pour cela que j'ai posé la question, que la façon choisie par le ministre ne recevra pas les foudres du député de Verchères.

M. Charbonneau: Ecoutez, je n'ai pas changé d'idée depuis ce temps. Je pense que ce qui est important, c'est qu'à l'intérieur de la commission d'enquête, il y ait une espèce de structure permanente et surtout qu'il y ait une attention permanente. Cela pourrait être au niveau du bureau de recherche du Québec sur le crime organisé. Ce que je constatais à ce moment, c'est que ni dans les services policiers, ni à la CECO on n'avait un intérêt permanent sur des groupes qui, eux, avaient une vie permanente dans notre société. Eventuellement, qu'on change de banc pour des facettes, c'est un autre problème. Ce que je considère, c'est que l'Etat, qui a une responsabilité de sécurité publique, se donne les moyens de

savoir d'une façon permanente ce que des groupes, qui eux, ont une vie permanente, font comme activité criminelle dans la société. (11 h 15)

M. Lalonde:... une question de morale, je dirais de productivité, que le député de Verchères avait soulignée. C'est tout à fait naturel que des gens qui travaillent dans une enquête et qui ne savent pas si dans six mois ils vont continuer cette enquête ne travaillent pas aussi bien. Je veux être sûr que j'interprète bien les propos du ministre que l'enquête sur le crime organisé, la lutte au crime organisé ne se termine pas le 30 novembre 1979.

M. Bédard: En aucune façon.

M. Lalonde: Deuxièmement, la seule différence c'est qu'au lieu que ce soit la commission d'enquête qui choisisse elle-même les sujets sur lesquels on fait une enquête spéciale, publique cela va être le ministre. On pourrait discuter de la sagesse de ce choix. Jusqu'à maintenant, le mandat était tellement large que la commission d'enquête choisissait elle-même ses mandats ou enfin les dossiers particuliers sur lesquels elle mettait la pression. Tandis que, là, il va falloir que ce soit, si je comprends bien, une recommandation de la commission d'enquête ou des enquêteurs ou de quelqu'un d'autre. On pourrait en faire des recommandations, la Sûreté pourrait en faire: Nous vous recommandons de soumettre tel cas particulier à l'attention de la Commission d'enquête sur le crime organisé, et c'est le choix du ministre seulement. Il y a une différence.

M. Bédard: II y a une certaine...

M. Lalonde: Dans l'ancienne méthode, il n'y avait pas d'implication politique possible.

M. Bédard: Je ne vois pas d'implication politique non plus, puisqu'il est bien évident que le ministre de la Justice ne prendra pas de décision sans avoir été éclairé par l'ensemble des travaux qui auront été effectués par ce groupe d'enquêteurs et que c'est en collaboration avec la Commission de police et la structure d'enquête sur le crime organisé que vont se terminer les secteurs où il y aurait lieu de constituer un banc.

Justement pour répondre à l'interrogation du député de Verchères, afin d'atteindre un objectif qu'il a à coeur d'avoir toujours une écoute attentive sur l'ensemble du secteur du crime organisé, nous avons laissé en place une structure permanente d'enquête qui fonctionne, avec un coordonnateur qui est en charge du niveau de la Commission de police. Durant que ces enquêteurs font leur travail, comme ils le faisaient auparavant, il y a un banc qui est constitué pour enquêter d'une façon spéciale dans certains dossiers.

M. Lalonde: Si je peux demander au ministre, il avait été souhaité dans ces milieux que le Bureau de recherche sur le crime organisé, le BRCO, ait une permanence, une institutionalisation, ce qui avait été proposé dans le projet de loi no 41 qui est mort de sa belle mort en 1976. Est-ce que ce serait l'intention du ministre de créer cette permanence?

M. Bédard: II existe à l'heure actuelle, par arrêté en conseil, et non pas d'une façon législative.

M. Lalonde: Oui, mais un arrêté en conseil, c'est le gouvernement et la loi est l'institution qui est suprême en démocratie.

M. Bédard: Nous prenons note des représentations du député de Marguerite-Bourgeoys sur l'opportunité, peut-être, de lui donner une permanence législative plutôt qu'une permanence par voie d'arrêté en conseil.

M. Charbonneau: Personnellement, je n'aurais aucune objection à ce qu'il y ait une permanence d'assurée à ce niveau.

M. Lalonde: C'est important dans la présentation, je sais que ce gouvernement porte beaucoup d'attention à son apparence. Je me souviens, quand on avait mis cela dans le projet de loi no 41, qu'avec le mot "bureau" il y avait toutes sortes de réactions et qu'on parlait d'un deuxième, d'un troisième bureau, je ne sais pas à combien on en est rendu, le nième bureau. Il y a une question de présentation.

M. Bédard: ... référant au système français, j'imagine.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Charbonneau: II y a le deuxième bureau et le troisième bureau et les cinquièmes colonnes aussi.

M. Lalonde: Ils sont aux Etats-Unis en quelque part, je pense.

M. Fontaine: Tout à l'heure, le directeur général de la Sûreté du Québec a demandé de distribuer des dépliants. Le ministre, je ne sais pas pour quelle raison, a demandé que ce soit retardé.

M. Bédard: Je n'ai pas demandé que ce soit retardé.

Le Président (M. Jolivet): C'était pour ne pas retarder les travaux.

M. Fontaine: Je ne sais pas si c'était pour éviter des questions.

M. Bédard: Non.

Le Président (M. Jolivet): On peut les distribuer, ils sont là.

M. Bédard: Franchement, il y a un bout à être méfiant!

M. Lalonde: Non, on peut dire qu'on...

M. Bédard: Le directeur de la Sûreté du Québec m'en a acheminé un, intitulé Le puits de sagesse. En même temps, il m'indique qu'il y en a beaucoup d'autres contenant de l'information sur des secteurs concernant le crime.

M. Lalonde: C'est peut-être que le ministre a besoin de plus de sagesse que nous comme titulaire.

M. Bédard: Je ne veux pas faire de publicité indue, vous serez à même de le constater. D'ailleurs, le député de Nicolet-Yamaska parle pour rien, il a déjà un exemplaire entre les mains.

M. Fontaine: J'ai vu sursauter le ministre lorsqu'il a pris le dépliant intitulé Le puits de sagesse, où c'est inscrit "faux représentants du gouvernement".

M. Bédard: Franchement! Vous interprétez n'importe quoi, là.

M. Fontaine: J'ai une question à poser là-dessus.

M. Bédard: Je trouvais que c'était une assez bonne dénomination, Le puits de sagesse.

M. Fontaine: C'est à l'intérieur.

M. Bédard: Je ne l'ai même pas lu, je vais le lire.

M. Fontaine: J'ai une question à poser là-dessus.

Le Président (M. Jolivet): Allez, posez votre question. En passant, on devait les mettre en ordre et le secrétaire, ici, vous les a distribués, pour les besoins du journal des Débats.

M. Fontaine: Merci, M. le secrétaire. Est-ce que le directeur général de la Sûreté du Québec pourrait nous informer s'il a été à même de découvrir qu'il existait un réseau de personnes qui se faisaient passer pour des représentants du gouvernement ou si des fonctionnaires du gouvernement auraient utilisé leur titre de fonctionnaires du gouvernement pour leur permettre des ventes — comme on en fait ici la suggestion — de plans de pension? Y a-t-il eu des recherches de faites ou des renseignements recueillis à ce sujet?

M. Bédard: C'est essentiellement pour prévenir la population de la possibilité qui existe que certains individus se fassent passer pour des fonctionnaires du gouvernement; c'est pour attirer l'attention des citoyens sur ce point précis. Autrement dit, avec un vrai gouvernement, on ne peut pas avoir de faux fonctionnaires.

M. Fontaine: Ce que je veux savoir du directeur général, c'est s'il a été à même de constater que plusieurs cas ont été portés à sa connais- sance concernant de faux représentants ou des fonctionnaires du gouvernement qui se seraient présentés en tant que représentants du gouvernement pour effectuer des ventes.

M. Bédard: On peut dire, généralement, qu'il n'y a pas de fonctionnaires du gouvernement, d'une part. D'autre part, il y a effectivement des personnes qui se présentaient et qui s'identifiaient comme mandatées par le gouvernement, par exemple, par la Régie des rentes du Québec, incitant les gens à prendre des plans de pension pour compenser la hausse du coût de la vie et des choses comme cela. Dans la publicité sympathique — je ne sais pas si vous avez suivi ce dossier à travers la CECO — il y a effectivement beaucoup de vendeurs qui, par exemple, se sont identifiés à la police. C'est là qu'on s'est aperçu qu'à la police nous étions fort aimés. On faisait même l'envie d'autres secteurs de la société.

M. Fontaine: J'ai même fait une demande de subvention pour les policiers de l'Ecole de police de Nicolet qui organisent une compétition sportive et j'attends toujours la réponse du ministre de la Justice.

M. Bédard: C'est ce genre de trucs. Par exemple, pour vendre des annonces, on se dit "représenter un parti politique" quelconque pour obtenir de l'argent. On dit qu'on a accès au gouvernement ou des choses comme cela. C'est de la fausse représentation pure et simple. C'est ce contre quoi on voulait mettre les gens en garde.

M. Fontaine: Ma question était dans le sens de savoir s'il y a un réseau organisé de ces personnes ou si ce sont tout simplement des individus qui se servent de cela comme méthode de vente.

M. Bédard: II y a les deux. Il y a des cas individuels de gens qui travaillent de façon isolée. Dans le cas de la publicité sympathique, il y avait un réseau bien organisé avec un bureau principal à Montréal et des lignes qu'ils appellent "inwatt lines" à travers la province qui permettent d'appeler en direct à Sept-lles, etc. L'approche se faisait par téléphone et la seconde approche, pour recueillir l'argent, se faisait sur place. C'était systématisé.

M. Fontaine: Merci.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres questions?

Sécurité routière

M. Lalonde: A ce sujet, j'aimerais passer à la sécurité routière, simplement quelques considérations. Je pense qu'on doit féliciter la Sûreté de l'accent qui a été mis, en particulier, sur le port de la ceinture. Les 48 299 victimes de votre surveillance n'en sont pas toutes heureuses, mais je

pense que c'était réellement le temps de mettre l'accent là-dessus après cette période que vous appelez d'éducation. Le défi qui a été relevé par le gouvernement et l'Assemblée nationale, unanimement à ce moment-là, était justement de réduire les coûts sociaux, les coûts économiques du fléau des accidents d'automobiles et on comptait beaucoup sur cette mesure qui avait même été examinée et adoptée à la lumière de l'expérience faite sur d'autres territoires.

M. Bédard: Lors de nos travaux à la dernière étude des crédits du ministère de la Justice, nous avions indiqué qu'à la suite des représentations qui avaient été faites de part et d'autre nous demanderions à la Sûreté du Québec de porter une attention particulière au secteur de la sécurité routière. Il y a plusieurs programmes de prévention au niveau de la sécurité routière qui ont été mis de l'avant par la Sûreté du Québec et je suis convaincu que tout ce travail de sensibilisation donne des résultats encourageants que nous sommes à même de constater.

M. Lalonde: Ce sont encore les mesures ponctuelles que vous avez mises sur pied il y a quelques années en choisissant les endroits et le temps en particulier et aussi une surveillance continuelle?

M. Bédard: Oui. C'est l'application sélective du Code de la route où tous les accidents sont analysés. On étudie les causes, les endroits, les heures, etc., et finalement on fait des tableaux de cela et ces tableaux nous permettent d'identifier les points noirs. On a parlé de points noirs en termes de criminalité; il y a aussi des points noirs en termes d'accidents. On s'aperçoit d'une chose. Les gens vont généralement dire: Sur la route 20, on ne voit pas de policiers. Mais vous avez rarement des accidents sur la route 20, un très faible taux d'accidents.

M. Lalonde: Le député de Verchères, non? Vous ne l'avez pas vu? Je l'ai vu passer très rapidement l'autre fois!

M. Charbonneau: J'ai rencontré le député d'Outremont, M. Raynauld, qui m'a dit qu'il m'avait dépassé. Donc, il y a encore de la place...

M. Fontaine: Moi, c'est le député de Drummond qui me dépasse régulièrement!

M. Bédard: A notre déploiement policier, systématisé, sur une période de 24 heures, on ajoute sporadiquement des campagnes de sécurité routière. Au printemps, nous allons avoir une campagne avec les Optimistes et l'Association des chefs de police. L'année dernière, on peut dire qu'en prenant la même période témoin que l'année précédente — parce que cette fois-ci on peut prendre des périodes spécifiques — on a eu 25 personnes de moins décédées sur les routes. C'est assez intéressant comme résultat. On a des périodes à l'automne. Il faut rappeler constamment aux gens les principes de base. Nous avons notre opération policière conventionnelle et, ensuite, des campagnes de sécurité routière qui se déroulent sporadiquement à des périodes de l'année. On en aura à l'automne, car l'automne coïncide avec la saison de la chasse; la saison de la chasse amenant le déplacement de beaucoup de gens qui vont dans la forêt, cela nous amène des vols dans les chalets. Quand on parle de sécurité routière en faisant une dichotomie totale avec la prévention du crime, à mon humble avis, c'est une erreur monumentale parce que c'est un tout. Donc, on essaie de faire cette approche globale là.

M. Lalonde: Merci. J'enfreins peut-être le règlement — vous me le direz — en parlant du port de la ceinture. Le ministre a-t-il des statistiques pour tout le secteur qui n'est pas couvert par la Sûreté du Québec? On sait qu'il y a des statistiques qui disaient que c'est à un demi-mille du foyer que se produisait la majorité des accidents graves, avec blessures corporelles. Ceux qui pensent qu'on porte la ceinture seulement quand on s'en va sur la route 20 doivent savoir qu'apparemment c'est encore plus important de la porter en sortant de chez soi, quand on va chez le dépanneur. D'abord, parce qu'il y a...

M. Bédard: C'est ce que bien des gens pensent... (11 h 30)

M. Lalonde:... une majorité de véhicules qui sont justement dans ce genre de périple et en minorité sur les grandes routes. Le ministre a peut-être des statistiques pour qu'on ait une vue un peu plus grande.

M. Bédard: On m'indique que des statistiques plus spécifiques, plus détaillées se trouvent au ministère des Transports, au Bureau des véhicules automobiles. Je pourrais peut-être informer mon confrère dès maintenant, le ministre des Transports, de l'opportunité qu'il y aurait de fournir ces détails, ces renseignements.

M. Lalonde: Lors de ses crédits, le député de Charlevoix, qui était le parrain de cette loi, va sûrement lui poser des questions.

M. Bédard: II va sûrement aller au fond des choses.

M. Lalonde: Je vous remercie.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska, avez-vous des questions?

M. Fontaine: J'aurais également une question en rapport avec la ceinture de sécurité. On a dit qu'il y avait 48 299 contraventions distribuées. Le directeur de la Sûreté du Québec pourrait-il nous dire combien de personnes là-dessus se sont avouées coupables ou ont payé l'infraction? Combien y a-t-il eu de poursuites et sur le nombre de poursuites, combien de personnes ont été condamnées?

M. Bédard: Le problème... Je ne peux pas vous le dire pour la raison suivante. C'est dirigé vers le bureau juridique du Code de la route. Il s'écoule assez de temps entre le moment où la contravention est distribuée et le moment où vous recevez votre avis sommaire chez vous. Entre la période où vous recevez votre avis sommaire et vous décidez de l'ignorer et le moment où les poursuites sont prises, cela peut aller jusqu'à huit mois. Donc, ce sera probablement avec le bureau juridique du Code de la route. L'année prochaine, on pourra isoler cette donnée beaucoup plus spécifiquement, mais je ne peux pas vous dire, non.

M. Fontaine: Concernant le problème des corps policiers municipaux qui diminuent leurs services ou qui abandonnent tout simplement, on a dit hier, dans le discours d'introduction...

M. Bédard: Je me proposais de vous donner des statistiques assez détaillées sur ce problème particulier lorsque nous procéderions à l'étude des crédits de la Commission de police.

M. Fontaine: Ah! bon. D'accord. M. Bédard: On pourrait peut-être... M. Fontaine: Parce qu'on y touchait ici. M. Bédard:... attendre.

M. Lalonde: Est-ce qu'on en est encore à la sécurité routière?

M. Bédard: Non.

M. Lalonde: II y a une chose que j'aimerais savoir, c'est votre taux d'augmentation de 8% de la flotte. Je ne sais pas si vous savez — cela a sûrement été porté à votre attention, vous êtes sûrement bien informé — que depuis l'implantation de l'assurance automobile, le nouveau programme d'assurance automobile, on se serait aperçu d'un nombre moins élevé que prévu de véhicules qui sont en fonctionnement ou qui sont utilisés. Est-ce que votre taux de 8% d'augmentation ne semble pas contredire cette réalité qui est venue à nos oreilles il y a à peu près un an?

M. Bédard: Je m'aperçois que vous êtes aussi bien informé que je peux l'être. Effectivement, j'ai rencontré M. De Coster, le président de la Régie de l'assurance automobile, et on a discuté de sécurité routière. Il me disait que leurs données actuarielles pour les probabilités futures, cela ne coïncidait pas avec... On a toujours eu de la difficulté à avoir des données. Si vous remarquez l'historique de nos rapports annuels, on dit toujours: Le parc automobile approximativement... On dit toujours: Selon l'historique. Il y a un historique; il semblerait que cela a arrêté cette année ou cela a été moindre, l'augmentation du parc automobile, mais on n'a jamais été capable de l'avoir au moment précis. Mais effectivement, notre donnée de 8% est peut-être moindre que cela.

M. Lalonde: La diminution d'accidents, en fait, on se retrouve dans le dédale des statistiques. Je veux seulement vous poser la question, je ne veux pas que vous tiriez de conclusions parce qu'il n'y a pas assez de données.

M. Bédard: C'est effectivement possible, mais le problème, ils l'ont. La Régie de l'assurance automobile l'a, elle aussi. C'est d'ajuster leurs données, leurs probabilités actuarielles avec ce que les véhicules à moteur sont censés leur donner parce que ce sont eux qui ont les données véridiques de base.

M. Lalonde: Des enregistrements.

M. Bédard: C'est cela. Et à cause du fait qu'il y a un tel roulement dans cela, théoriquement on enregistre un véhicule jusqu'à la fin de l'année. Donc, il y a toujours un roulement et c'est simplement l'année suivante qu'on peut l'avoir. Donc, cette année, on pourra savoir, à la fin de 1979, par l'année de calendrier, l'année financière.

M. Fontaine: Quand on dit que le 1er avril, par exemple, tous les véhicules doivent être immatriculés pour l'année en cours, à ce moment-là, si on prenait la statistique, cela donnerait environ...

M. Bédard: C'était cela les autres années. L'historique nous donnait une hausse générale annuelle de 8%. Cette année, il semblerait que cela a diminué.

M. Bédard: Je pense bien, comme le faisait remarquer le député de Marguerite-Bourgeoys, en ce qui regarde les statistiques, qu'on est toujours dans un domaine assez imprécis.

M. Lalonde: C'est relatif.

M. Bédard: C'est très relatif. Quand on parle de hausse du taux de criminalité, c'est relatif puisque la conséquence de tout cela, c'est peut-être que l'action policière est mieux organisée, mieux systématisée. Cela amène plus d'arrestations. Donc, les statistiques en sont influencées un peu; par exemple, la loi 24 sur la protection de la jeunesse. Cela donne l'impression de plus de criminalité chez les jeunes parce qu'il y a un taux de signalement beaucoup plus élevé qui n'existait pas auparavant, qui n'était pas comptabilisé auparavant.

M. Fontaine: C'est quand même inquiétant de voir qu'un pourcentage de crimes se commet qu'on ne connaît pas, qui n'est pas calculé dans les statistiques.

M. Bédard: C'est cela. Ecoutez! On ne peut pas les...

M. Lalonde: Cela a toujours été de cette façon.

M. Bédard: ... comptabiliser quand on ne les connaît pas.

M. Fontaine: Non, je sais bien, mais... M. Bédard: Oui.

M. Charbonneau: On les a de toute façon. Cela a toujours été vrai.

M. Fontaine: Oui, je le sais bien.

M. Charbonneau: Le problème, c'est que, dans le fond, c'est assez difficile d'évaluer ce que c'était avant quand c'était moins connu.

M. Bédard: Si vous me le permettez. C'est pour cela que nos expériences, on tente toujours de les faire. Comme exemple, l'opération volcan; si vous me le permettez. On essaie de le faire avec une zone témoin. C'est la seule façon qu'on peut mesurer deux pommes avec d'autres pommes, vous savez. Si on prend nos données et on les mesure à travers le Canada, l'Ontario a des données démographiques sociales et des organisations policières différentes des nôtres. Dans les autres provinces, la démographie est fort différente, le système routier est fort différent.

M. Lalonde: ... population.

M. Bédard: Distribution de la population. Quand vous essayez de comparer cela sur le plan canadien, cela ne va pas, vous savez. C'est pour cela qu'il faut essayer de mesurer notre propre performance avec nos performances antérieures. C'est peut-être là où on est plus près de la vérité parce que, si on veut charrier, on peut dire: 38%, on est plus fin que l'Ontario. Cela n'est pas vrai. Sur chiffres, cela peut l'être. Mais il faut être plus honnête que cela intellectuellement. C'est toujours cela le problème de la statistique. D'ailleurs, les économistes se perdent dans les théories qui sont toujours basées sur des statistiques.

Je propose qu'il y ait des statistiques peut-être plus à point concernant le parc automobile dont nous allons acheminer la préoccupation également au ministère des Transports. Je pense bien que c'est là que doit se discuter plus à fond cet aspect.

Le Président (M. Jolivet): Est-ce qu'il y a d'autres questions sur...

M. Lalonde: Pas sur la sécurité routière.

Le Président (M. Jolivet): ... d'autres secteurs?

Renseignement

M. Lalonde: J'aimerais parler du renseignement pendant quelques minutes. On a eu une question avec débat vendredi dernier qui nous a essentiellement fait conclure que les deux balises — je ne parle pas du renseignement criminel; je parle du renseignement préventif surtout dans le domaine des relations de travail, donc à l'égard de groupes ou d'individus qui sont en fonctionnement tout à fait légitime. La légalité est la norme que le ministre nous a réaffirmée vendredi dernier; je pense que personne n'a à discuter contre le principe; au contraire, c'était prévu, c'était présumé. Il y a aussi la neutralité. Je pense que c'est surtout en fonction de l'opération dans les relations de travail. On peut parler de neutralité comme balise ou, enfin, objectif.

Quant à la légalité, si on s'en tient aux lois qui s'appliquent à la Sûreté du Québec, comme tous les citoyens vous êtes assujettis à l'application du Code criminel, il y a cela d'abord. Deuxièmement, aux autres lois statutaires, que ce soit le Code de la route et votre loi constitutive qui est quand même un mandat très général et qui ne contient pas de normes de fonctionnement. Ce que je voudrais vous demander, c'est: Est-ce que vous avez, à l'intérieur de la Sûreté, un code de comportement qui serait un peu un chapitre spécialisé de la légalité? Parce que quant à la légalité, si on s'en tient seulement au Code criminel et à ces autres lois, on n'ajoute pas grand-chose; on présume — et ce ne sont pas toujours des présomptions bien fondées, on a vu cela dans les enquêtes actuellement — que les corps policiers, de façon générale, respectent la loi, le droit commun, disons. Mais quand il s'agit de renseignements pour faire l'équilibre entre la protection des droits collectifs et celle des libertés individuelles, des droits individuels, on entre dans un secteur d'activité plus délicat. Je suis convaincu que les autorités de la Sûreté sont fort conscientes de cela.

Est-ce que vous avez des détails à nous donner là-dessus? Quelles sont les normes de fonctionnement quant aux méthodes de cueillette d'information, surtout dans le domaine des relations de travail? Le ministre nous avait promis des directives, je ne sais pas si vous en avez reçu mais il me semble qu'après cela il nous a dit que ce n'était pas ses directives mais que ce seraient peut-être les vôtres. Est-ce que la Sûreté a émis des directives à son service de renseignement?

Je voyais dans le volume de février 1979 qui porte sur la Direction des renseignements, à la page 8, que la Direction des renseignements est décrite, mais il semble que ce soit... D'ailleurs, si vous remarquez, tous les autres chapitres portent sur le Service des renseignements criminels. Vous avez cela, par exemple, pour l'inspecteur Coutel-lier qui est le chef du Service des renseignements criminels. A la page 8, on dit: "La Direction des renseignements est convaincue de la nécessité absolue de spécialiser son personnel. Elle sait pertinemment bien que ses membres assignés au Service des renseignements criminels — encore — ..." Je voudrais spécifiquement parler du renseignement de prévention, ce que vous avez appelé tantôt le maintien de l'ordre public. On voit en haut, au niveau de la formation, dans la colonne médiane de cet article, à la page 8: "Le premier objectif de la Direction des renseignements consiste à dispenser à ses membres actuels et futurs une formation de base. Actuellement, cette étape a été franchie pour les premiers lors de notre ses-

sion de formation l'an dernier." Donc, c'est quelque chose d'assez récent. Un peu plus bas, dans les objectifs généraux, comme troisième objectif, on dit: "Expliquer le mandat et les objectifs de la Direction des renseignements et de chacun de ses services." Cette formation de base contient-elle une série, un code de fonctionnement pour tenter de protéger les droits individuels des gens?

M. Bédard: Quelques propos, peut-être, avant que le directeur de la Sûreté enchaîne. Pour bien se comprendre, je pense qu'il faut faire une distinction entre, d'une part, l'action policière au niveau des conflits ouvriers et, d'autre part, peut-être, une discussion sur la Direction des renseignements de façon générale.

Concernant les conflits ouvriers, j'ai affirmé et je réaffirme qu'il n'y a pas d'infiltration de membres de la Sûreté du Québec dans les syndicats, qu'il n'y a pas d'écoute électronique sur les activités syndicales et que, même si aucun cas d'illégalité ne m'a été soumis, on reste avec la préoccupation entière d'essayer de relever le défi de concilier, d'une part, le respect du caractère démocratique des syndicats et, d'autre part, le devoir des policiers de remplir leur mandat tel que cela leur est imparti par la loi. (11 h 45)

Je pense que c'est un débat qui est sain et qui est nécessaire dans une société adulte concernant les conflits ouvriers. J'ai également ajouté qu'il y avait un cadre d'action très bien déterminé. Je ne me suis peut-être pas exprimé d'une façon suffisamment claire pour que cela ressorte, mais c'est ma conviction : il y a un cadre d'action très déterminé où il y a des principes directeurs et des lignes de fond très précises, à savoir qu'ils doivent fonctionner dans la légalité, le respect de la légalité. Je pense que ce n'est pas superflu de l'affirmer à bien des reprises, surtout avec ce dont on est à même de se rendre compte dans certaines enquêtes qui sont en cours, Keable ou encore McDonald.

Egalement, une autre des règles était la neutralité. Je pense m'être exprimé d'une façon suffisamment claire. Je ne veux pas reprendre tout le débat que nous avons eu vendredi. L'autre règle, c'est la neutralité. J'ai également indiqué que l'action policière au niveau de l'information se situait d'une façon plus approfondie dans les cas où les situations étaient particulièrement tendues. J'ai, de plus, énuméré et porté à la connaissance des membres de la commission l'essentiel des informations préventives qui sont demandées par des policiers dans cette opération publique. J'ai indiqué que toutes ces informations préventives ne sont demandées qu'en fonction d'un intérêt et d'un objectif qu est celui de prévenir toute situation où il pourrait y avoir potentiellement de la violence ou la commission d'actes criminels.

A partir du moment où on donne ces lignes de fond, à savoir la légalité, la neutralité, le fait que la Sûreté s'en préoccupe dans les cas où les situations sont particulièrement tendues, vu que j'y ai ajouté également les informations préventives qui sont demandées, je pense bien que le policier avec ce cadre d'action est capable de faire son travail. Je ne pense pas que ce soit au ministre de la Justice, quand même, de tenir la main du policier pour faire son travail. Ce n'est pas le travail, non plus, du direc-teurdelaSûretéduQuébec.àpartirdu moment où il y a un cadre d'action qui est bien déterminé. Je pense que c'est le cas si on parle de l'opération publique ou encore de l'action policière préventive concernant les conflits ouvriers.

Pour ce qui est de l'autre aspect du problème, à savoir l'ensemble des principes qui président au niveau de l'ensemble de la Direction générale des renseignements, je pense qu'il y a quand même déjà un cadre d'action déterminé à partir de préoccupations particulières. Je vous réfère à la première revue qui a été publiée par la Sûreté du Québec dans ce domaine où on dit très clairement qu'une des balises, c'est que la Direction générale des renseignements doit fonctionner dans le respect intégral des libertés fondamentales du citoyen.

Je crois que c'est une ligne de fond importante, et le député de Marguerite-Bourgeoys le sait autant que nous. Il est préoccupé, c'est normal, de savoir que cette action se fait en ayant toujours très présent à l'esprit le respect intégral des libertés fondamentales du citoyen et il est libre à tout le monde. C'est la première fois que cela se fait au Québec, dans l'histoire des corps policiers, qu'un corps policier trouve le moyen d'une façon très publique de donner une idée précise de l'ensemble de ce service que représente la Direction générale des renseignements.

Dans ce secteur, comme dans le secteur des conflits ouvriers, il y a une directive fondamentale qui a été donnée également, que vous retrouvez d'ailleurs dans la revue de février 1979, où il est clairement spécifié, à la page 5, que le ministre de la Justice et la Direction générale de la Sûreté du Québec ont sans équivoque informé les policiers que jamais il ne sera question de cautionner les policiers qui pourraient volontairement commettre des actes illégaux dans l'accomplissement de leurs fonctions.

Encore une fois, on va nous dire: C'est bien le strict minimum qui fonctionne dans la légalité, mais ce n'est pas superflu par exemple de le rappeler constamment, étant donné certains exemples que nous avons présents à l'esprit. Cela fait partie également du code d'éthique des policiers.

Je voulais quand même expliquer ces propos pour nous permettre d'avoir la discussion la plus équilibrée possible ou la moins confuse possible en distinguant, d'une part, l'action policière au niveau des conflits ouvriers, opérations publiques, et une discussion sur l'ensemble de ce qu'on appelle la Direction générale du service de renseignements.

M. Lalonde: M. le Président, j'ai évité à dessein de reprendre, de mon côté, lors de ma question, tout le débat de vendredi dernier. Le ministre a cru bon rappeler l'essentiel de sa contribution à ce débat, je vais donc simplement moi aussi rappeler, au cas où on l'aurait oublié, que je crois — là-dessus je pense qu'on s'entend — que les

corps policiers doivent être le mieux informés possible. Question d'efficacité.

Je crois — et je parle pour l'Opposition officielle — que la légalité doit être la règle plancher. Je suis d'accord avec le ministre qu'il faut le rappeler. Le rappel qui est contenu à la page 5 n'est qu'un rappel.

Ma question va un peu au-delà de cela. A cause de la situation plus délicate à laquelle on fait face dans une opération qui n'est quand même pas faite à l'égard du crime organisé ou de "gang" — c'est un terme, je pense, accepté dans le milieu — en ce qui a trait aux relations de travail, même si on est fort conscient qu'il y a probablement des éléments qui recherchent des situations conflictuelles pour créer des conflits, des affrontements, je suis parfaitement d'accord que ce soit sous contrôle. Mais le ministre se rappelle que, dans une revue, on a dit que cela se dressait dans le respect intégral des libertés fondamentales des citoyens. Je ne sais pas si c'est textuel. Mais dans le numéro de février, on voit une prise de position, peut-être philosophique, mais sûrement de philosophie politique, du directeur de la Sûreté à l'effet que les droits de la société priment sur ceux de l'individu.

Dans une introduction, au début de son article, il dit: "Diverses organisations se sont donné pour mission de sauvegader les droits des citoyens et les libertés humaines dans nos démocraties". Cela comprend un tas de gens, y compris la Commission des droits de la personne, qu'on a eue devant nous hier. Là, on continue: "Sous le manteau de cette mission, elles exercent des pressions sur le législateur et le gouvernement". Tout le monde peut exercer des pressions. On appelle cela l'opinion publique. Il y en a qui, péjorativement, appellent cela du "lobbying". C'est tout à fait naturel et souhaitable dans une société démocratique.

Je continue la citation: "Et multiplient auprès d'eux recommandations et dénonciations". On a le droit de dénoncer des choses, je pense, dans une saine mesure de communication. On continue et je cite encore: "Alléguant que la police porte atteinte aux droits des citoyens, elles l'accusent de rechercher à contrôler les allées et venues des personnes innocentes". Là, ce que je déplore — et je n'en cherche pas noise au directeur de la Sûreté— c'est qu'on a un paragraphe qui a l'air de faire porter la mort d'AIdo Moro, les prises d'otage sur le dos de ceux qui se sont inquiétés du traitement des libertés individuelles dans le passé, que ce soit à Washington, que ce soit en Italie. A la suite de leurs "dénonciations" et de leurs "recommandations", pour employer deux termes du deuxième paragraphe, dans ces démocraties, en vertu du principe du pendule où parfois on va trop loin et on revient peut-être trop en arrière, on aurait détruit des fiches qui auraient pu aider. Quoiqu'on est dans le domaine de la spéculation la plus totale, la police italienne, en particulier, aurait retrouvé les auteurs de la prise d'otage d'AIdo Moro avant qu'il soit tué".

Remarquez que cette prise de position m'a fait sursauter un peu. Je l'ai bien analysée. Je ne l'ai pas soulevée vendredi dernier, parce que je ne me suis pas rendu là, mais il faut tenir compte de ce qui a été décrit par le ministre tantôt comme étant une balise absolument essentielle, c'est-à-dire le respect intégral des libertés fondamentales des citoyens. Au risque de passer pour un de ceux qui sont décrits dans le premier paragraphe, je pense qu'on doit s'inquiéter ou au moins poser des questions. Je ne veux pas être alarmiste, mais on doit au moins se poser des questions.

Je suis content que ce débat ait lieu, et j'espère qu'on ne fera pas comme vendredi dernier. A la fin, je disais qu'au fond, ce qu'on faisait, c'est rendre service à nos corps policiers en soulevant le débat, lorsqu'on me disait: II veut se racheter. Non. Ce n'est pas contre la police que j'en ai, au contraire. Je sais que son travail est extrêmement difficile. Je sais que, lorsqu'il arrive des cas, comme celui que le député de Nicolet-Yamaska relevait tantôt, où des policiers se font assassiner, littéralement tout le monde participe au deuil de nos policiers qui sont là pour nous protéger, d'accord. Au-delà de cela, il me semble que c'est notre devoir de législateurs de se pencher avec le plus de sérénité possible sur cette question. Si, dans d'autres lieux, il y avait eu l'occasion d'avoir ce genre de débat, d'examen ou de réflexion publique, on n'aurait peut-être pas actuellement des commissions d'enquête. Des balises auraient peut-être pu être décrites là aussi. J'ai participé, une fois, à une émission de télévision avec le député de Verchères, en anglais. Non, en français. Je pense que tout le monde était d'accord pour dire que la sécurité nationale, qui a à peu près les mêmes critères que l'ordre public, au fond, n'a jamais été définie. Pourquoi ne la définit-on pas actuellement? Pourquoi la légalité en question? Pourquoi le gouvernement ne fait-il pas un effort additionnel de définition de comportement dans cette recherche importante de renseignements en ce qui concerne la légalité? La légalité, dans les lois, sauf le Code criminel... Là, on le répète encore pour la nième fois aujourd'hui, et j'espère que cela va devenir un motto dans la tête de tout le monde, que ce n'est pas négociable. (12 heures)

Mais, les lois qu'on adopte, vous le savez, sont toujours suivies de règlements qui déterminent de façon beaucoup plus précise les modalités d'application et qui déterminent les comportements. C'est cela que je veux dire. On a parlé de directives à un moment donné. Je pense que c'est le ministre qui en a parlé le premier. Je ne sais pas s'il posait une question au sujet des directives, mais en tout cas cela a été lancé dans le débat. On a parlé de directives et qu'est-ce que je vois comme directives? Le ministre nous souligne un rappel à la légalité à la page 5. Ce n'est pas cela que je veux dire. Je parle de directives qui disent: Ecoutez, le ministre nous a dit qu'il était contre l'infiltration et qu'il n'y en avait pas. Je le crois. Je prends sa parole et je pense que c'est bon que cela soit su. Je ne veux pas revenir sur vendredi, mais il soulevait le cas d'un policier qui donne sa carte à quelqu'un... A la blague, hier, le directeur m'a donné sa carte et m'a demandé si je me sentais infiltré. Non. L'infiltration de l'Opposition officielle, ce n'est pas difficile!

M. Bédard: Cela doit être la même chose pour le gouvernement!

M. Lalonde: Non, c'est l'addition et le système. Je ne vous répéterai pas ce que Marc Lau-rendeau a écrit, ce n'est pas un alarmiste non plus. Je pense que plusieurs le respectent, autour de cette table, comme étant bien informé et bien documenté. C'est dans ce sens que je pense que cela protégerait le citoyen et le travail du policier. Cela ne doit pas être bien drôle aujourd'hui d'être dans le renseignement en ce qui concerne les relations de travail depuis que cela est sorti dans les journaux. Cela ne doit pas être bien "le fun" pour les policiers de continuer leur travail. S'il y avait un cadre d'opérations plus précis, probablement que ce serait plus facile.

M. Bédard: M. le Président, j'aime bien la manière avec laquelle le député de Marguerite-Bourgeoys aborde la discussion sur ce sujet. Je suis d'accord, je l'ai déjà dit et je le redis: c'est un débat nécessaire et sain pour une société adulte. C'est beaucoup mieux de le faire avec le plus de sérénité possible afin d'essayer de dégager l'essentiel du cadre d'action à l'intérieur duquel les autorités de la Sûreté du Québec ont à fonctionner. Je dois dire, concernant les directives dont j'ai fait état vendredi passé, que c'était l'essentiel des directives relativement aux conflits de travail. Je pense qu'on s'entend bien là-dessus.

Maintenant, on a une discussion aussi très valable sur l'ensemble du cadre d'action qui devrait régir les activités de la Sûreté du Québec dans le domaine du renseignement. J'ai déjà indiqué que, en termes de balises, il faut que cela se fasse dans le respect des libertés individuelles et, naturellement, dans la légalité. Je crois aussi qu'à partir d'un débat sain, il y a lieu d'essayer de toujours préciser davantage le cadre d'action des policiers dans un domaine aussi délicat — pas seulement pour les policiers, mais pour une société — que celui des renseignements.

Le député de Marguerite-Bourgeoys a fait référence à un article qu'on retrouve dans une revue de février 1979, signé par le directeur de la Sûreté du Québec. Alors, je vais demander au directeur de la Sûreté du Québec, puisqu'il s'agit d'un écrit de sa main, de répondre à certaines interrogations du député de Marguerite-Bourgeoys qui se situaient au niveau de ses préoccupations sur la philosophie de l'ensemble de l'action policière et sur les balises qu'il devrait y avoir autour de cette action policière délicate mais nécessaire.

Peut-être me permettrez-vous de faire une brève rétrospective qui va nous amener à nous placer dans le contexte actuel? En 1973 survenait une affaire désormais appelée "l'affaire Saint-Jean-Baptiste". Le député de Verchères, M. Charbon-neau, a évoqué cette affaire vendredi dernier. A la suite de cette chose, le directeur du temps, M. Benoît, a dû vivre cette expérience et a réalisé la nécessité d'avoir des structures organisationnelles à l'intérieur des renseignements définissant bien le cadre d'action. Il a fait entreprendre une étude organisationnelle interne par notre service d'organisation en 1973, étude qui a pris une couple d'années à être réalisée parce que ce n'est pas facile; il faut regarder ce qu'il y a ailleurs et on est peut-être devenu les champions des écrits dans ce domaine. On n'a pas trouvé grand-chose d'écrit ailleurs. Il y a seulement un livre officiel qui a été écrit par un docteur Harris aux Etats-Unis et qui s'appelle "Elements of criminal intelligence".

Donc, cela nous amène en 1976 où, à la suite de cette étude, on a défini le mandat de la Direction des renseignements, le mandat des services de sécurité préventifs comme vous les appelez, le mandat du service de renseignements criminels, la description de tâches, etc. M. Aubin s'est amené à ce moment-là, en 1976, et on lui a donné une mission de mettre en application ce mandat qui avait pour but de clarifier et d'établir un encadrement, des balises découlant de la prévention du crime, de la sécurité publique et du maintien de l'ordre qu'on retrouve à l'article 29 de la Loi de police. Donc, c'est un commentaire général des efforts qui ont été fats pour essayer de donner un encadrement.

Vous avez parlé, M. Lalonde, des normes de fonctionnement. D'abord, peut-être pour classer cet aspect, on a un code de discipline à la Sûreté du Québec qui est bien spécifique, qui défend toute illégalité contraire aux lois. Toute chose qui n'est pas conforme à l'éthique qui doit guider l'action des policiers, c'est là et des enquêtes sont faites en conséquence. Donc, je pense que cela établit une autre borne quant à l'éthique.

Quant à notre action en matière de sécurité préventive, cela découle du mandat du service. On travaille en fonction de situations, d'événements ou d'individus d'intérêt. Généralement, l'expérience nous démontre que c'est à partir de la recherche d'éléments de conspiration pour commettre des actes criminels. C'est notre balise de base. La conspiration, c'est possible dans n'importe quoi. C'est possible pour perturber l'ordre. C'est possible pour alimenter une manifestation. C'est possible pour commettre des dommages de façon à faire monter le climat de tension qui peut exister. Donc, les premiers principes de base sont la recherche d'éléments constitutifs d'infractions présumées où on conspire pour commettre des infractions au Code criminel.

Il y a des programmes. Quand on fait la cueillette du renseignement, on fait un programme. On ne laisse pas les gens aller, à tort et à travers, à travers la province, dépenser les deniers publics sans que cela soit articulé autour d'un programme précis. Ce programme précis comporte un objectif, comporte une série de choses à rechercher et une ligne d'action aussi, parce qu'on rappelle toujours dans nos programmes d'action que cela doit se faire dans la légalité et selon les règles de l'art. Ces règles de l'art doivent exister autant dans le domaine du renseignement parce que c'est la police qui fait cela et que la police doit opérer selon les lois. Sans cela, cela ne peut pas fonctionner. Donc, on a un programme de travail.

La cueillette de l'information se fait et est traitée à la Sûreté du Québec. On codifie les situations. Vous aviez demandé vendredi: Est-ce qu'on surveille tous les conflits ouvriers? Non, on ne le peut pas; c'est impossible. On les regarde tous au départ, mais, tout de suite au bout d'une journée, on laisse tomber. Je vais vous donner un exemple: quand vous allez dans la région de Joliette, il n'y a pas un conflit ouvrier qui s'est déroulé là sans qu'il y ait eu de la pagaille et de la casse. Automatiquement, quand il y a des conflits ouvriers à Joliette, on les regarde. A Murdochville, on les regarde parce qu'il y a une longue histoire à Murdochville et vous savez que le proverbe dit que l'histoire se répète. On les regarde. A la suite de l'analyse de l'information qu'on fait, cela devient intéressant ou pas intéressant. A ce moment-là, on fait tomber les sujets ou les programmes. Il y a un tamisage qui se fait. Il y a des cotes qui sont données: A, B, C, etc. Donc, cela nous permet de jauger les efforts qu'on doit fournir.

Si vous me le permettez, j'essaie d'être constant un peu dans ma pensée, même si parfois je vous semble un peu radical.

M. Lalonde: Je n'ai pas fait d'appréciation. M. Bédard: Non, c'est une interprétation.

M. Lalonde: Excusez-moi de vous interrompre. Votre article fait état d'une philosophie politique. Malheureusement, quand on met le pied dans la politique, on est assujetti à la discussion.

M. Bédard: Non, je m'en garde. D'autre part, je dois vous dire qu'il est précisé dans notre mandat qu'il est de mon rôle en tant qu'administrateur de la Sûreté du Québec d'informer le ministre de la Justice sur les situations sociales, le potentiel que cela peut représenter. Cela est assez important parce que je vais vous dire aujourd'hui: Si je ne suis pas capable de lui dire ce qui peut survenir à Murdochville face à la situation qui prévaut actuellement, je ne fais pas mon devoir. Et le ministre de la Justice, qui est mandataire des citoyens, ne pourra pas faire le sien, ne pourra pas vous informer. Donc, c'est assez important de savoir si la situation sera tranquille, de savoir qu'il n'y a pas de problème. On a refusé les offres, oui. Il faut le regarder. On a refusé les offres. On va attendre. Qu'est-ce qui va arriver? Il y a eu quelques petits actes criminels. Il n'y en a pas de petits; ce sont toujours des actes criminels ou des infractions criminelles. Il y en a eu quelques-unes. C'est assez isolé actuellement, mais c'est assez important.

Je vous réfère à la revue de l'année dernière, celle du 11 novembre, dans laquelle je disais ceci: "En premier lieu, l'aspect sécurité grâce auquel la Sûreté du Québec tente d'anticiper certaines perturbations sociales et de prévenir certaines catégories de crimes." Quand je parle de catégories de crimes, c'est limité aux coups de feu, aux coups et blessures, aux dommages à la propriété, aux émeutes, mais c'est très rare, les émeutes, les menaces également, l'intimidation, beaucoup d'intimidation...

M. Lalonde: Intimidation et violence.

M. Bédard: L'ancien article 367 qui est maintenant l'article 384, c'est bloquer des routes et empêcher la jouissance d'un bien, l'accès. Autour de l'article 42, d'occuper des locaux.

Une Voix: L'accès.

M. Bédard: C'est cela, l'accès. Elle engage alors des opérations de maintien de l'ordre cohérentes, efficaces et saura assigner d'avance des effectifs proportionnés au nombre de manifestants. Ce ou ces renseignements, facteurs importants du processus de décision, lui permettra de minimiser des coûts d'opération. Je vous cite un exemple seulement. Il y a quelques années, alors que nous travaillions ensemble, cette fois-là...

M. Lalonde: Est-ce que vous aviez des directives?

M. Bédard: C'est que...

M. Lalonde: Nous autres on n'a pas eu de problème.

Une Voix: Faites attention.

M. Lalonde: Nous autres, on n'a pas eu de problème.

M. Bédard: On ne commencera pas la discussion sur le climat social dans ce temps-là.

M. Bédard: L'incident est assez...

M. Lalonde: Donc, vous étiez dans la rue et disiez: Ne lâchez pas, les gars!

M. Bédard: L'incident est assez pénible mais il y a eu une manifestation — si on peut l'appeler ainsi — de handicapés face au parlement. Ils étaient 25 handicapés et on avait 25 policiers. Je n'étais pas bien content de la dose d'efforts; c'est ce qu'on essaie de jauger à travers tout cela.

Une Voix: Les motards.

M. Bédard: La même chose peut s'appliquer dans divers domaines mais surtout cette fois-là où on avait brûlé une chaise roulante. Cela me restera toujours présent à l'esprit. On avait 25 policiers en avant. Ce n'est pas correct. Donc, c'est pour éviter de telles choses, bien jauger notre degré d'intervention, c'est assez important. (12 h 15)

Maintenant, l'article est peut-être mal titré. L'exemple des motards dont on parlait tout à l'heure, les funérailles qui ont eu lieu à Drummondville où je vous mentionnais qu'il y avait eu un travail préventif de fait, cela a été fait par les

unités d'urgence et leur travail a été orienté en fonction du renseignement qui avait été recueilli. On n'a pas attendu que les motards soient à Drummondville pour savoir, on a commencé à les dénombrer à la frontière américaine et à la frontière ontarienne. On avait une bonne idée du nombre qui était là.

M. Lalonde: Je suis sûr que ce n'est pas votre intention, en acceptant la suggestion du ministre de mentionner cela comme exemple, de comparer la situation des motards avec les relations de travail.

M. Charbonneau: M. le député, je pense qu'il y a eu une erreur. Ce que le ministre voulait souligner c'est une autre manifestation de motards, celle devant le parlement. On attendait X personnes, il en est venu une trentaine. Ce n'est pas la même chose que l'incident de Drummondville.

M. Lalonde: A Drummondville.

M. Bédard: Je demandais au directeur de la Sûreté du Québec de parler peut-être de l'exemple précis d'une manifestation où normalement on annonçait 2000 motards devant le parlement du Québec.

Je lui demandais d'évoquer cet exemple pour montrer qu'il y a un besoin d'information nécessaire pour pouvoir mieux cadrer l'action policière.

M. Lalonde: Tout le monde est d'accord là-dessus. La seule chose à laquelle je voudrais, si c'est possible pour ne pas faire perdre le temps de personne, qu'on s'en tienne, c'est le secteur des relations de travail. Là on a affaire à des organismes fort légitimes et qui peuvent se sentir un peu assujettis à un traitement défavorable de surveillance.

M. Bédard: C'est pour cela qu'il faut donner tous les renseignements.

M. Lalonde: C'est cela. Je m'excuse de vous avoir interrompu.

M. Bédard: Comme je l'ai fait d'ailleurs pour toutes les informations préventives qui sont demandées.

Donc, ce que le ministre mentionnait comme élément, c'est une manifestation qui était prévue sur la colline parlementaire où on attendait 2000 motards pour protester contre les coûts exorbitants de l'assurance-motocyclette. Il en est venu une trentaine. Voyez-vous, à prime abord on ne peut s'attendre que les media d'information nous informent; effectivement ils nous informent, mais ce n'est pas toujours cela qui survient.

M. Lalonde: II ne faut pas croire tout ce qui est marqué dans les journaux.

M. Charbonneau: En 1973, j'ai l'impression que l'article que j'avais écrit a eu de bons résultats, par exemple.

M. Lalonde: Etiez-vous si bien informé? Oui?

M. Bédard: Ceci est également vrai, M. Lalonde, dans le cadre des relations de travail. Finalement cela finit, les relations de travail — il ne faut pas se faire d'illusion — par des manifestations. Quand il y a des manifestations, le rôle de la police est de s'assurer que cela se déroule dans le calme et la sérénité.

On n'a qu'à penser au cas de la Commonwealth Plywood où vous aviez 90 personnes là et vous en aviez trois qui étaient salariées. Ce sont des gens qui viennent d'autres secteurs qu'on mentionne, des secteurs où on tente de s'infiltrer et de perturber le climat de relations.

Pour revenir à mon article, vous savez, je n'ai rien inventé, je n'ai pas cette prétention. C'est que, partant toujours du principe que l'histoire se répète, j'ai essayé d'illustrer les choses à partir de l'expérience américaine. Tout ce qui survient aux Etats-Unis, il ne faut pas se faire d'illusions, on est dans un contexte nord-américain, cela déborde ici. Les manifestations de 1963, 1964, cela a commencé aux Etats-Unis et finalement cela a débordé ici au Québec. Quand on fait allusion à l'affaire de Washington, vous vous rappelez tous l'enquête du sénateur Church sur le renseignement aux Etats-Unis à partir d'expériences malheureuses qui étaient arrivées là-bas et qui sont arrivées un peu de la même façon au Québec et, finalement, aux Etats-Unis on en est venu... Vous savez qu'aux Etats-Unis, c'est tellement libre que finalement la liberté, on ne sait plus où elle finit et où elle commence.

Les corps policiers ont dû détruire tous leurs dossiers qui ne comportaient pas d'éléments criminels. Donc, l'individu présent dans une manifestation, qui était présent à une autre manifestation, et qui, finalement, est un professionnel de la manifestation, mais qui réussit à ne pas se faire arrêter, il a fallu qu'ils détruisent tous ces dossiers. C'est cette allusion. C'est entendu que dans ce petit article, je ne pouvais pas écrire tout le fond.

L'autre partie de l'article sur l'affaire Aldo Moro, c'est la détérioration du climat social en Italie. Je me suis inspiré d'un article qui a paru dans le Business Week en janvier 1978 qui s'appelait "Shackling the police". On faisait allusion justement à la pression constante relative aux libertés, disant qu'on a tout laissé tomber. Effectivement, l'année dernière, en commission parlementaire, je vous avais dit qu'on avait un groupe qui allait en mission en Italie pour voir un peu comment ils pouvaient composer avec les enlèvements parce que quand ils sont arrivés sur les lieux, il y en avait une cinquantaine en marche. On n'en entend pas toujours parler.

Leur carence principale, c'était l'absence de renseignements parce qu'ils avaient dû les laisser tomber. C'est dans ce sens que j'ai écrit cet article. Maintenant, que les libertés, les droits de la société priment sur ceux de l'individu, cela a été

dit en commission sénatoriale à Washington par Clarence Kelly et cela a été redit à Montréal à un congrès du Barreau. Je ne sais pas si vous vous rappelez, il y a deux ans, il y a eu un congrès du Barreau à Montréal où le Barreau américain est venu et cela a été redit encore par Clarence Kelly.

Tout à l'heure, j'émettais comme principe général que le climat des relations de travail, cela débouche sur les manifestations. Ce n'est pas toujours le cas, bien entendu, parce qu'il y a peut-être de 400 à 500 grèves annuellement au Québec et, finalement, il y a peut-être une cinquantaine de manifestations, une soixantaine de manifestations. C'est à titre de principe général qu'il faut penser, mais je pense avoir précisé ma pensée quand je dis qu'on fait une catégorisation du potentiel.

En ce qui a trait aux renseignements, on a donné des cours à nos gens, des cours qui, d'abord, leur expliquaient le mandat de la Direction générale des renseignements, le mandat organisationnel interne. C'est assez important qu'ils sachent dans quel cadre d'action.

C'est toujours le même processus quel que soit le domaine; c'est la cueillette de l'information, l'évaluation de l'information, la collation de l'information, l'analyse de l'information et cette dissémination de l'information de façon qu'opérationnellement on puisse l'utiliser.

Le Président (M. Jolivet): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Lalonde: Peut-être, si vous me le permettez.

Le Président (M. Jolivet): Je voudrais juste vous avertir qu'on termine vers midi trente.

M. Lalonde: Je voudrais d'abord remercier le directeur de ces opérations. Je voudrais savoir, concernant le mandat de la sécurité préventive — c'est un document interne, j'imagine — s'il a été publié, le mandat de cette section particulièrement.

M. Bédard: II est dans notre cahier d'organisation interne.

M. Lalonde: Est-ce que cela fait partie des documents qui sont de nature confidentielle?

M. Bédard: L'essentiel est à la page 7 de la revue de l'année dernière.

M. Lalonde: D'accord. Je voulais simplement pouvoir l'identifier.

M. Bédard: A la page 7, sous la plume de l'inspecteur Turner.

M. Lalonde: Et votre code de discipline, est-ce que c'est aussi un document public?

M. Bédard: Oui, il a été signé par le procureur général du temps, qui était M. Bertrand.

M. Lalonde: C'est connu. Ceux qui veulent le consulter sont libres de le faire. Ce sont les deux...

M. Bédard: La nouvelle Loi de police va, d'ailleurs, aller dans ce sens.

M. Lalonde: Oui, naturellement.

M. Bédard: Non, je ne fais que le mentionner, ce n'est pas le remède àtous les maux, mais c'est parce qu'on a parlé du code de déontologie, du code de discipline. Je veux mentionner que déjà, dans des amendements éventuels à la Loi de police, une des préoccupations qu'on aurait, c'est qu'il y ait un code d'éthique, de déontologie applicable à tous les policiers.

M. Lalonde: J'ai justement la déclaration du ministre là-dessus. Je voulais la faire préciser.

M. Bédard: Ce serait peut-être une responsabilité de la Commission de police.

M. Lalonde: Alors, ce à quoi le ministre faisait allusion vendredi, c'est un amendement à la Loi de police. Il a dit "prévoira un code de déontologie". Si j'ai bien compris...

M. Bédard: Par règlement.

M. Lalonde:... ce serait "donnera le pouvoir à la Commission de police de préparer un code de déontologie"?

M. Bédard: A la commission de police, à la Sûreté aussi.

M. Lalonde: A la Sûreté aussi.

M. Bédard: Par exemple, à l'heure actuelle, depuis quelque temps, la police de la Communauté urbaine de Montréal a un code d'éthique. Nous avons demandé à la Commission de police d'accentuer les efforts dans ce sens. Il y a un code d'éthique qui a été approuvé par le gouvernement qui, à l'heure actuelle, régit l'activité des policiers de la CUM sur cet aspect.

M. Lalonde: Les méthodes d'enquête. Vous dites que votre mandat et les programmes d'action précis énoncent les méthodes de collation de renseignements. Ce sont les méthodes, j'imagine conventionnelles. On a parlé d'infiltration. C'est ce qui semble avoir le plus préoccupé les syndicats qui ont demandé des précisions sous forme d'enquêtes. Il semble que ce soit cela. Cela a été déclaré publiquement par le ministre à l'effet qu'il n'y en a pas.

M. Bédard: Je peux vous dire qu'il n'y a pas d'infiltration.

M. Lalonde: II n'y a pas de cas et lui-même n'est pas d'accord qu'il y en ait, c'est-à-dire avec

cette méthode. Ce n'est pas prévu dans vos méthodes d'enquête, concernant la collation de l'information, l'infiltration?

M. Bédard: Au niveau des conflits ouvriers? M. Lalonde: ... seulement.

M. Bédard: II n'y a pas d'infiltration de membres de la Sûreté du Québec.

L'infiltration, ce n'est pas possible, pas avec nos contingences syndicales. Ce n'est pas possible. C'est impossible d'avoir des policiers infiltrés. Regardez notre convention collective. Cela coûterait des fortunes.

M. Charbonneau: Si le député de Marguerite-Bourgeoys me permet, j'ai l'impression qu'on se méprend sur le terme "infiltration". Ordinairement, on utilise le terme "infiltration" lorsqu'un agent officiel se fait passer pour quelqu'un d'autre, alors qu'un agent peut très bien avoir des informateurs qui sont même officiels. Quand des policiers sont rendus à se présenter publiquement en uniforme ou tout au moins à présenter leur carte et qu'ils laissent leur carte, il peut finir par se développer des relations de contact. Cela se fait de la même façon dans le milieu journalistique également. J'étais journaliste et mes méthodes pour avoir de l'information n'étaient pas bien différentes de celles des policiers à l'exception que je ne faisais pas d'infiltration. Je n'en avais pas les moyens. La police fait parfois de l'infiltration, par exemple, dans le domaine de la drogue. On voit cela régulièrement des policiers qui, pendant des mois et parfois des années, sont infiltrés carrément, ce sont des agents officiels.

M. Lalonde: Oui, dans le domaine criminel.

M. Charbonneau: Quand on parle de contacts ou d'informateurs ou d'indicateurs ou de gens qui nous donnent de l'information, est-ce qu'on doit parler à ce moment-là d'infiltration?

M. Lalonde: Je ne suis pas policier. La conception générale des gens, quand on parle d'infiltration, c'est quelque chose qui est subreptice. On se fait passer pour quelqu'un d'autre.

M. Charbonneau: Dans ce cas, on s'entend sur la définition. C'est un policier mandaté, c'est un agent de la paix qui se fait passer pour quelqu'un d'autre.

M. Lalonde: II se fait passer pour quelqu'un d'autre, oui. Un autre aspect a été mentionné à plusieurs reprises. J'oublie pour l'instant le cas des négociations dans le domaine public et parapublic. C'est la présence policière dans les diverses étapes du déroulement d'une négociation avec tous les heurts qu'une négociation peut comprendre. Plusieurs observateurs intéressés — je parle des chefs syndicaux, des journalistes — ont soulevé cette question. Est-ce que vous êtes cons- cients — j'en suis sûr — que cela peut apporter une couleur différente, que cela peut être considéré par des gens qui ne font qu'exercer des droits tout à fait prévus dans nos lois — négocier et même le droit de manifester existe — le fait d'être un peu partout dans toutes ces étapes et très présent peut provoquer une réaction de surveillance?

M. Charbonneau: ... à l'intimidation que vous souleviez l'autre jour.

M. Lalonde: C'est cela. L'intimidation, naturellement, quand c'est rendu un système, on peut parler d'un système d'intimidation dans un cas particulier, mais je ne voudrais pas aller au système pour tout de suite. J'aimerais qu'on s'en tienne à un cas pour voir comment cela se déroule. Est-ce que vous êtes conscient de cela? (12 h 30)

M. Bédard: Si vous me permettez d'abord de rectifier ou de préciser. Dans le secteur des conflits ouvriers, je disais tout à l'heure que cela finit dans la rue. Ils ne finissent pas tous dans la rue, c'est une infime partie; c'est la première chose que je veux dire. La deuxième chose que je veux dire c'est qu'on catégorise les situations et on en laisse tomber peut-être 75%. La troisième partie de votre question est qu'on n'est pas présent. C'est impossible. Premièrement, ce n'est pas notre préoccupation. Notre préoccupation est qu'il y a un conflit. A un moment donné les négociations sont rompues; on ne se parle plus et il y a une manifestation prévue. On n'est pas dans tout le processus. On n'est pas capables. Vous savez comment cela se déroule, la négociation. C'est interne. Je vais vous dire aussi que 80% de nos informations là-dedans sont basées sur l'analyse qu'on recueille à travers les media d'information. Je pense que c'est très important. Il y a des gens pas mal mieux informés que nous. Quand on regroupe tout cela, on a un portrait de la situation. Ce qui nous intéresse, c'est qu'il y a un conflit. Cela se déroule, il n'y a" pas de problèmes, les gens négocient. On ne s'en occupe plus, et tout d'un coup les négociations sont rompues et on décide de faire une manifestation. C'est là que cela commence à nous intéresser. Cela va-t-il être paisible, est-ce que cela va se dérouler dans la sérénité?

Maintenant, ce qui sera bien important, parce que nous sommes pris avec ce problème ensuite, l'image qu'on développe à travers les media se propage rapidement, positivement ou négativement. Les relations de travail sont une infime partie de la mission des services de renseignements de la sécurité. On dépense bien plus d'efforts sur les gens qui ne travaillent pas et qui sont des professionnels de la manifestation que sur les structures syndicales dûment reconnues pour faire reconnaître les droits des citoyens. Je pense que cela devrait être bien clair. Personnellement, en tant que mandataire du gouvernement et en tant que responsable de la Sûreté du Québec, de cette institution-là, c'est ma préoccupation et je ne pourrai jamais tolérer que

l'objectif c'est les syndicats. Vous savez, je lisais l'histoire, pensons à la commission Cliche, c'étaient tous des syndicats honnêtes. Mais quand on a tourné la baie James à l'envers, ce n'est certainement pas un syndicat qui a ordonné cela à un individu. Il y a d'autres secteurs où, à un moment donné, la pagaille prend, où les gens tirent. L'été dernier, on a tiré dans un hélicoptère. Ce n'est pas le syndicat qui a fait cela. Ce sont des gens qui n'ont pas affaire là. C'est cela qu'on... A la Kenworth, quand la chicane prend, ce ne sont pas les bons travailleurs qui vont détruire leur gagne-pain! Vous avez eu une émission de Télé-Mag dernièrement, M. Charbonneau a brandi un volume qui a été écrit et qui a fait l'objet d'une longue recherche. Je pense que le gars avait beaucoup plus de crédit que la Sûreté peut en avoir dans ce domaine-là. Cela vous illustre le cas suivant: Vous arrivez dans un CEGEP et vous avez un professionnel du CEGEP qui n'est au CEGEP que depuis huit ans! Je ne sais pas s'il aime cela là ou s'il double ses années. Personne ne double ses années aujourd'hui. Ce sont ces individus isolés... J'espère avoir été assez clair.

M. Lalonde: Je pense que vous affirmez que cette impression qui a été véhiculée dans la population par les media et par les réactions publiques à certaines situations, vous affirmez que cette impression n'est pas fondée, que la Sûreté du Québec ne se trouve pas, à toutes les étapes, présente au-dessus de l'épaule de quiconque, que ce soit le patronat ou le syndicat, pour littéralement envelopper une situation.

M. Bédard: C'est pour surveiller.

M. Lalonde: C'est ce que je comprends de votre...

M. Bédard: Si vous me permettez d'ajouter simplement un mot. D'ailleurs, on se rend compte dans la liste des cas qui ont été explicités dans les journaux ou encore rappelés à l'attention du public par les différentes centrales syndicales, lorsqu'on en regarde la liste, ce sont tous des cas où une grève a lieu, que cette action policière s'est faite pendant la grève, la plupart du temps pendant que le conflit se déroule et toujours selon un objectif et une préoccupation qui a été, je pense, assez bien explicitée par le directeur de la Sûreté du Québec, soit d'avoir les informations nécessaires pour prévenir certaines situations qui pourraient être potentiellement orientées vers la violence.

M. Lalonde: J'essaie de...

Le Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure, parce qu'on pourrait encore... Je pense qu'on va ajourner sine die en sachant que nous reviendrons après la période des questions vers 16 h 40 environ, ici, normalement, à moins de changement.

Fin de la séance à 12 h 36

Reprise de la séance à 17 h 57

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît! La commission de la justice est réunie pour étudier les crédits du ministère de la Justice pour l'année 1979/80.

Les membres de la commission sont: M. Alfred (Papineau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Charbonneau (Verchères), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière).

Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Marois (Laporte), M. Pagé (Portneuf), M. Tardif (Crémazie).

A l'ajournement de 13 heures, nous en étions — si mes informations sont bonnes — au programme 15 de la Sûreté du Québec et on ne m'a pas signalé qui avait la parole. M. le député de Nicolet-Yamaska, allez-y.

M. Fontaine: Nous étions en train de parler de la question de renseignements et je n'avais pas eu l'occasion d'exprimer mon opinion àce sujet. Je voudrais rappeler au ministre de la Justice que lors de la question avec débat, j'avais fait deux suggestions quant à cette question. Aujourd'hui, dans le journal Le Soleil, le journaliste Gilles Lesage reprenait ces deux arguments. Il disait ceci: Le député unioniste de Nicolet, M. Serge Fontaine, a fait une suggestion intéressante: "que la commission parlementaire de la justice se réunisse afin d'entendre les principaux dirigeants de la Sûreté du Québec, les centrales syndicales, CSN, FTQ et CEQ en rapport avec cette gigantesque opération policière"... là il parle d'infiltration mais on en a parlé ce matin. ... "Le député s'appuie même sur un article du Soleil..." ensuite il dit:...

M. Lalonde: II vous a cité.

M. Fontaine: Oui, oui. C'est vous qui aviez fait la question avec débat...

M. Lalonde: Je n'ai pas lu cela.

M. Fontaine: ... et il m'a cité. Il a trouvé que j'avais fait deux belles suggestions. L'autre suggestion c'était concernant une loi-cadre qui devrait être adoptée pour mettre des balises, afin de savoir le rôle que doit jouer cette entreprise policière. Il disait ceci: "Ces balises, ces paramètres, ces garde-fous ne doivent pas être laissés à la discrétion des chefs policiers.

M. Lalonde: C'est vous qui parlez de garde-fous?

M. Fontaine:... si prudents et démocrates... non c'est...

M. Lalonde: Ah! bon.

M. Fontaine: Vous aimez cela rire des journalistes, je sais que votre confrère a fait exactement la même chose hier dans son comté lorsqu'il a dit...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

M. Fontaine:... qu'une journaliste de la Presse s'était dépêchée de demander son changement de poste après que M. Lévesque ait été élu à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Clair: Est-ce que c'était écrit dans le Devoir, M. le député de Nicolet-Yamaska?

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! M. le député de Drummond, à l'ordre.

M. Fontaine: Oui, oui. Il a dit que c'était une feuille de chou à part cela.

M. Clair: Oui? Cela me surprend, il a déjà dit qu'il n'y avait plus rien là-dedans.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Lalonde: C'est dans le Soleil.

M. Fontaine: Le journaliste disait: "Ces balises, ces paramètres, ces garde-fous ne doivent pas être laissés à la discrétion des chefs policiers, si prudents et démocrates soient-ils, mais prendre leur source au parlement lui-même. On s'étonne d'ailleurs que le député journaliste Charbonneau ne soit pas d'accord avec la suggestion de son collègue de Nicolet". J'aimerais bien que le ministre de la Justice nous dise quelles sont ses réactions, suite à ces commentaires faits par les journalistes. On sait également que le journaliste Marc Laurendeau était allé à peu près dans le même sens lorsqu'il a écrit des articles à ce sujet-là.

M. Bédard: J'ai eu l'occasion de parcourir rapidement l'article en question qui est très intéressant en passant. Je pense que concernant une rencontre avec les hautes autorités de la sûreté, nous avons l'occasion d'en avoir une ici, et je pense que jusqu'à maintenant, on a discuté d'une façon très libre et très détendue de ce problème qui est délicat mais demeure quand même un débat de fond, un débat sain pour n'importe quelle société.

Concernant des rencontres avec les chefs syndicaux, j'ai indiqué que j'ai déjà eu des communications avec certains et des rencontres sont prévues sur ce sujet-là et sur d'autres. Sur le sujet particulier de l'action policière, de l'opération publique et de l'action policière en général vis-à-vis les conflits ouvriers et sur d'autres points aussi.

Concernant la loi-cadre, j'ai eu l'occasion... Peut-être que cela n'a pas ressorti très clairement. Je l'ai exprimé ce matin, peut-être parce que je me suis mal exprimé, le débat de vendredi m'a permis d'expliquer le cadre d'action qui régissait l'action policière en regard des conflits ouvriers où j'ai indiqué les lignes de fond, les lignes directrices de cette action, à savoir la légalité, la neutralité, le fait — et cela a été confirmé aujourd'hui par le représentant de la Sûreté du Québec — que ça représentait — même si on parle "d'opération gigantesque", entre guillemets — une infime partie de la préoccupation et de l'activité policière de la Sûreté du Québec. Je suis même allé plus loin, j'ai indiqué quel était l'essentiel des informations préventives qui étaient demandées dans le cas de l'opération publique, dans le cas de conflits ouvriers. Il me semble que quand on prend l'ensemble de tout cela, il y a suffisamment de balises, si on parle du secteur particulier des conflits ouvriers, d'indications pour qu'un policier puisse bien faire son travail dans un cadre d'action précis et déterminé.

Concernant l'ensemble du problème de la Direction générale des renseignements — j'ai peut-être donné cette impression, mais je l'ai dit ce matin — je crois qu'il faut toujours être attentif, comme société, sur ce genre d'activités et qu'il y a toujours lieu de repréciser le cadre d'action. J'ai continuellement cette préoccupation. On est cependant à même de constater qu'il y a certaines lignes directrices qui sont quand même très bien expliquées dans les documents ou les revues qui ont été mis à la disposition du public par la Sûreté du Québec, une chose qui n'avait jamais été faite dans ce secteur par quelque corps policier que ce soit, afin que ça cesse d'être un mystère, mais, au contraire, un sujet, d'accord, délicat, mais sur lequel il ne faut pas avoir peur d'engager une discussion — comme l'a indiqué ce matin le député de Marguerite-Bourgeoys — sereine, une discussion la plus positive possible. (17 h 15)

Parmi ces lignes directrices, si on parle de l'ensemble de l'activité de la Direction générale des renseignements, il y a déjà des lignes de fond, à savoir — encore une fois, ce n'est pas superflu, ce n'est pas un luxe de le répéter — le respect de la légalité et, également, le respect des droits et libertés individuelles — je pense que c'est une ligne directrice très importante, cela dépasse le cadre de la légalité — et, également, avoir toujours la préoccupation que même si des actions se situent dans le cadre de la légalité, il faut toujours essayer de préciser le plus possible, afin de ne pas assister à des abus dans ce domaine plus particulier et dans tous les autres secteurs de l'activité policière.

Je pense que quand on discute des deux sujets séparément, à savoir, d'une part, les conflits ouvriers, d'autre part, une discussion de fond sur l'ensemble de la direction générale des renseignements, il y a déjà certaines balises, certaines lignes directrices qui sont très claires, mais qui

sont de nature à guider le policier qui est attentif à ces lignes de fond et à ces lignes directrices. Mais il faut toujours rester ouvert à préciser et repréciser davantage, que ce soit par un cadre législatif ou encore via une réglementation très suivie au niveau de la direction de la Sûreté du Québec, pour toujours garder cette préoccupation prioritaire. C'est ce que je fais comme ministre de la Justice.

M. Fontaine: M. le Président, je ne doute pas que le mandat qui est donné par le directeur de la Sûreté du Québec, à son service de renseignements, soit un mandat qui respecte les normes dont vient de faire état le ministre de la Justice, sauf qu'il serait peut-être important que le ministre pense à établir des normes précises dans une loi, de sorte que, quelle que soit la personne qui sera en place à la direction de la Sûreté du Québec, cette personne doive suivre des balises qui auront été déterminées par le législateur. C'est le sens de mon intervention.

M. Bédard: Je comprends très bien le sens de votre intervention. Je vous ai dit que cela faisait partie de mes préoccupations, mais que contrairement à ce que certains ont pensé ou encore ont laissé croire, c'est qu'à l'heure actuelle, il y a quand même — on est à même de le constater — à l'intérieur de la direction générale de la sécurité publique, des lignes directrices dans ce domaine, un Code d'éthique qui puisse permettre une action efficace de la part de la Sûreté du Québec dans ce secteur et en même temps, une action qui respecte la légalité et qui respecte aussi la préservation des droits et libertés individuelles. Je crois que la discussion de fond peut continuer; avant de vous dire aujourd'hui il faut en arriver à une loi, je crois qu'il y a lieu que le débat continue et je demeure ouvert.

M. Fontaine: II y a eu un...

M. Bédard: Je suis bien prêt à faire preuve d'ouverture d'esprit.

M. Fontaine: II y a eu un cri d'alarme qui a été lancé par les syndicats face à des actions concernant l'information à la suite de conflits syndicaux.

M. Bédard: Cette action concernant les conflits syndicaux, c'est pour cela qu'on a parfois de la difficulté à se comprendre, parce qu'on mêle quelquefois l'opération publique à l'ensemble de ce que peut être la direction générale des renseignements ou les renseignements au sens où ils sont perçus par la population. Dans le cadre des conflits ouvriers, à moins de penser que le ministre de la Justice ou le directeur de la Sûreté du Québec va prendre par la main les policiers pour faire leur travail, il me semble qu'il y a suffisamment de lignes directices et le cadre d'action est suffisamment clair pour permettre aux policiers de faire leur travail de prévention et de remplir leur mandat correctement.

M. Fontaine: C'est pour votre propre protection que je vous demande cela, parce que...

M. Bédard: D'ailleurs, c'est pour ma propre protection aussi que d'une certaine façon — pas seulement pour ma propre protection, mais pour la protection du public qui a droit à ce que l'activité policière soit respectueuse des droits démocratiques, entre autres, respecte le caractère démocratique des syndicats et des organismes — j'ai justement étali un cadre d'action avec la collaboration de la Sûreté du Québec, qui permette, avec des lignes suffisamment claires... On est allé jusqu'à dire quelles étaient les informations préventives qui devaient être demandées à l'intérieur de cette opération, on peut difficilement préciser plus que cela. Il faut espérer que chaque policier, étant bien au fait des instructions, comprenne bien et remplisse son travail de façon responsable.

Dans le cas des conflits ouvriers, on a parlé de plusieurs cas, on a eu l'occasion d'en discuter lors du débat de vendredi, je ne veux pas reprendre ce débat; on sera toujours ouvert à la discussion, si vous le voulez. Encore une fois, dans le cas des conflits ouvriers, un policier bien informé — la direction de la Sûreté du Québec s'occupe de remplir son devoir, de bien informer ses policiers — a tout ce qu'il faut pour agir correctement et pour éviter des abus, même dans le cadre du respect de la légalité.

Concernant l'ensemble de ce qu'on appelle le Service de direction générale des renseignements, on est déjà à même de constater qu'il y a des lignes de fond. Je crois qu'on doit continuer à être très ouverts, comme ministre et comme gouvernement, à toutes les suggestions qui peuvent être faites de bonne foi — j'en suis convaincu — de part et d'autre, de la part de l'Opposition, de la part d'autres organismes.

M. Fontaine: Voici, M. le Président, où je veux en venir. Je dis qu'un cri d'alarme a été lancé, suite à ce qui s'est produit dans le domaine syndical. Le directeur de la Sûreté du Québec nous a dit, cet avant-midi, qu'il procédait à la surveillance...

M. Bédard: Pas à la surveillance. Dans des cas particuliers...

M. Fontaine: ... de renseignements qu'on obtient à l'égard de manifestations qui se produisent au Québec.

Ce à quoi je veux en venir, c'est qu'on aura possiblement bientôt, peut-être à l'automne prochain, comme on l'a dit dans certains journaux aujourd'hui, un référendum au Québec. Je ne veux pas être alarmiste, mais c'est un débat qui va susciter beaucoup de discussions, avec beaucoup de vigueur et il y aura peut-être des manifestations qui seront prévues à l'occasion de ce débat. A ce moment-là, la Sûreté du Québec sera obligée de recueillir des renseignements à l'égard de ces manifestations et, par conséquent, elle sera peut-être obligée, également, d'obtenir des renseigne-

merits des partis politiques qui feront partie de ces manifestations, soit d'un côté ou de l'autre. A ce moment-là, s'il n'y a pas de loi-cadre...

M. Clair: ...

M. Fontaine: Voulez-vous répéter, M. le député de Drummond?

M. Bédard: Dans ce...

M. Clair: Je disais que... ce ne sera pas une grosse manifestation.

M. Fontaine: Si vous connaissez la loi sur les référendums, M. le député de Drummond, nous serons certainement du côté des fédéralistes et ce sera peut-être là où il y aura le plus de manifestants.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Lalonde: Cela va être pacifique.

M. Bédard: Sur ce point précis, M. le député de Nicolet-Yamaska, je serais porté à vous dire tout de suite que c'est la même ligne de conduite qui s'applique concernant les conflits ouvriers, à savoir la neutralité, la ligne de la neutralité. Dans les conflits ouvriers c'était une des lignes directrices et même j'ai été jusqu'à dire que si, par hasard, en faisant leur devoir normal de prévention, les membres de la sûreté venaient à être informés de certains points au niveau des négociations, à ce moment-là, ils ne devaient les communiquer à personne. C'est une ligne très claire que j'ai exprimée dans le débat que nous avons eu vendredi concernant les conflits ouvriers. C'est la même ligne concernant quelque manifestation que ce soit par des partis politiques. Les policiers ne sont pas intéressés aux négociations comme telles et leur présence n'est là qu'en fonction d'un objectif qui est la prévention.

Je pense que le directeur de la Sûreté du Québec l'a bien expliqué ce matin. Concernant des manifestations à l'occasion du référendum, ma réponse est bien claire. Les policiers ne doivent pas être intéressés aux partis politiques non plus et ils ne doivent avoir comme objectif que celui de maintenir la paix et l'ordre public, pas autre chose.

M. Fontaine: Mais le ministre est bien conscient qu'à ce moment-là, il va être obligé de faire face à la susceptibilité assez évidente des mouvements en cause et s'il n'y a pas de loi-cadre, il sera facilement attaquable à ce moment-là.

M. Bédard: Je ne vois pas comment on serait facilement attaquable s'il y a une loi-cadre ou non. Il y a simplement des gens dans la société qui respectent les lois ou qui ne les respectent pas et des membres de la Sûreté du Québec qui respectent les directives données par leur directeur ou qui ne les respectent pas. Que ce soit dans une loi ou dans un cadre d'action précis ou dans des directives, à un moment donné je pense que dans l'action policière comme dans n'importe quelle autre, que ce soit dans l'action politique ou dans n'importe quel secteur d'activité que ce soit, il faut en venir à avoir confiance dans ceux qui ont un travail spécifique à accomplir et croire en la bonne foi possible des gens qui ont un travail précis à accomplir et ne pas se laisser gouverner simplement par la méfiance ou se laisser influencer simplement par un sentiment de méfiance.

M. Fontaine: D'accord. J'ai une dernière question. Est-ce qu'à l'intérieur des services de renseignements, de sécurité, où à l'extérieur, est-ce qu'il y a des personnes, soit du cabinet du ministre ou du cabinet du premier ministre, qui ont accès à ces renseignements?

M. Bédard: II n'y a absolument personne du cabinet du ministre ou du premier ministre qui sont dans le service de renseignements.

M. Fontaine: II n'y a pas d'agent de liaison qui fait le lien entre le cabinet et...

M. Bédard: Quand la Sûreté du Québec a des rapports à formuler, elle les oriente vers le sous-ministre de la Justice qui en prend connaissance et informe le ministre en conséquence s'il le juge à propos.

M. Fontaine: II n'y a personne attitré en permanence...

M. Bédard: C'est la voie normale qui doit être adoptée, à savoir la communication d'une structure à l'autre. Il y a la structure du ministère de la Justice, entre autres, les sous-ministres et la structure au niveau de la Sûreté du Québec, avec le directeur en tête, et la communication s'établit entre ces deux structures. (17 h 30)

M. Fontaine: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Marg uerite-Bou rgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, laissez-moi revenir sur ce qui s'est dit ce matin. On a établi que le cadre d'opération se retrouverait au-delà des lois...

M. Bédard: Me permettriez-vous... Prenez le cas de l'opération publique: ce sont des rapports généraux qui sont envoyés, qui sont acheminés au sous-ministre de la Justice et qui indiquent simplement que la situation est calme concernant certains conflits, qu'il n'y a pas de violence après...

M. Fontaine: Les renseignements recueillis ne sont pas disponibles.

M. Bédard: Cela a été une des bases de l'opération publique. J'espère qu'on peut terminer

sur cette opération en particulier. C'est une des bases de l'action, à savoir la neutralité, ce qui veut dire que, si des renseignements sont obtenus ou sont portés à la connaissance des policiers en ce qui a trait au contenu des négociations, ils ne doivent les communiquer à personne. Quand on dit à personne, cela veut dire à personne, même pas au ministre de la Justice, parce que ce n'est pas pour cela que cette opération existe. Elle a un but précis, normal, établi par la loi, celui de faire le travail de prévention, avec les informations nécessaires, des situations qui pourraient être de nature à perturber l'ordre public.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Est-ce qu'on va terminer? Du mandat en question, on m'a dit que l'essentiel se retrouvait dans le numéro de novembre dernier de la revue de la Sûreté...

M. Bédard: Vous parlez de l'ensemble de la direction générale?

M. Lalonde: Le mandat de la direction générale des renseignements. Donc, si l'essentiel a été rendu public, j'imagine que le ministre n'aura pas d'objection à le déposer formellement. On m'a dit que l'essentiel y était. Est-ce que tout le mandat est là?

M. Bédard: C'est le mandat officiel...

M. Lalonde: Je ne l'ai pas devant moi. Est-ce que cela comprend les méthodes d'enquête, les méthodes de cueillette?

M. Bédard: Vous avez toutes les responsabilités, les moyens... je vais donner la revue en question au député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Puisque l'essentiel est là, est-ce qu'il y aurait moyen simplement de le déposer comme document séparé, formel?

M. Bédard: Le mandat en question, qui a été donné à la direction générale du service des renseignements, en date du 25 septembre 1976 et qui n'a pas été retouché, je n'ai pas d'objection à le déposer.

M. Lalonde: Et le code de discipline, le code d'éthique. Ce code d'éthique aurait été adopté en vertu d'un arrêté en conseil, il y a plusieurs années. Il me semble qu'il y aurait lieu de...

M. Bédard: Sur ces autres éléments...

Cela a été signé par le procureur général, M...

M. Lalonde: Oui, mais signé par le procureur général; ce n'est pas nécessairement publié. C'est pour cela que je voulais savoir si cela avait été publié.

M. Bédard: C'est disponible. Chaque personne qui vient à la Sûreté du Québec et qui dit: Avez-vous un code de discipline, tout le monde sait qu'on en a un et on en envoie à tout le monde qui en veut une copie.

M. Lalonde: Alors, le ministre n'aura pas d'objection à le déposer non plus?

M. Bédard: A partir du moment où le directeur dit que c'est public, toute personne qui y est intéressée peut en prendre connaissance. Vous voudriez un dépôt formel?

M. Lalonde: Le problème c'est que cette histoire...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vous ferai remarquer quand...

M. Bédard: Je suis d'accord pour le déposer... Cela peut enlever...

Le Président (M. Boucher): En commission parlementaire, il n'y a pas de dépôt officiel.

M. Lalonde: Non, non, déposer à l'Assemblée nationale je veux dire.

Le Président (M. Boucher): A l'Assemblée nationale, ah bon!

M. Lalonde: Parce que tout cela a trouvé écho à l'Assemblée nationale, il me semble que cela pourrait simplement aider, contribuer à la réflexion que...

M. Bédard: Démystification de l'affaire.

M. Lalonde: Démystifier les choses simplement pour dire: Voici, c'est cela. Il me semble qu'il n'y a rien de secret, de confidentiel, relié à la sécurité de l'Etat là-dedans, je ne pense pas.

M. Bédard: Oui, et pourvu que ces choses ne soient pas reliées à des opérations, M. le député de Marguerite-Bourgeoys...

M. Lalonde: Non, non, il n'est pas question...

M. Bédard: ... sait très bien que cela n'est pas vouloir jouer à la cachette...

M. Lalonde: II n'est pas question de révéler l'opération...

M. Bédard: Mais il y a certaines choses qu'on ne peut pas rendre publiques parce que cela peut mettre en danger des opérations policières normales.

M. Lalonde: D'accord, mais cela devrait couvrir les méthodes, parce qu'au fond, c'est au niveau des méthodes que...

M. Bédard: ... déposer ici à la commission on va trouver le moyen...

M. Lalonde: Distribuer...

M. Bédard: ... de les distribuer aux membres de la commission, pas à l'Assemblée nationale, je vais les distribuer aux membres de la commission.

M. Lalonde: Cela revient au même, j'imagine que cela va être aussi public. Il faut se rendre bien compte que le débat, cela vaut peut-être la peine de prendre un autre trente secondes pour le répéter, cela n'est pas à savoir est-ce qu'il devrait y avoir du renseignement? Cela n'est pas est-ce que la Sûreté ne devrait pas obtenir les renseignements sur ce genre de situations qui sont susceptibles de créer des affrontements et de la violence? A mon sens, le débat c'est sur les méthodes. Est-ce que ces méthodes employées peuvent arriver à un système qui mette en conflit les droits individuels, ou en danger, en péril les droits individuels? C'est strictement cela. Il me semble que cela devrait toucher aussi...

M. Bédard: Je crois que...

M. Lalonde: ... les méthodes de...

M. Bédard: D'ailleurs, je suis très heureux qu'on ait ce débat serein sur ce sujet délicat, parce que cela contribue, je pense, à démystifier des choses.

M. Lalonde: Je n'ai pas vu le mandat, je suis un peu sceptique quant à son contenu, en ce qui concerne les méthodes et les balises. Je ne suis pas satisfait encore du débat, je n'étais pas satisfait du tout du débat de vendredi dernier, je l'ai dit. On a répété que c'est la légalité, j'ai demandé de poursuivre la légalité, de la définir au niveau des méthodes, est-ce que cette demande va trouver réponse dans le mandat et dans le Code d'éthique? Je l'ignore.

M. Bédard: II n'y a pas de méthode dans le mandat, ce sont des objectifs et des responsabilités précises qui sont...

M. Lalonde: Cela sera au moins cela.

M. Bédard: ... contenues et sur les méthodes policières, on peut continuer la discussion...

M. Lalonde: Non.

M. Bédard: Je n'ai pas d'objection.

M. Lalonde: Je pense que le ministre devrait faire davantage. Il dit qu'une loi sera déposée qui va prévoir l'adoption d'un code de déontologie éventuellement. Il me semble que ce serait relativement facile à faire maintenant, que le ministre — qui a sûrement les pouvoirs de le faire, en ce qui concerne la Sûreté au moins — devrait définir le cadre d'opération en ce qui concerne les méthodes.C'est ce que j'ai demandé, c'est ce que, à la suite de notre débat, plusieurs ont demandé, puisqu'on a fait la revue de presse des éditorialistes. On peut parler, par exemple, dans la Presse, d'un éditorial de Jean-Guy Dubuc; même l'article de Gilles Lesage dans le Soleil d'aujourd'hui témoigne de certaines insatisfactions vis-à-vis du gouvernement, le ministre en particulier, sur cette question.

M. Bédard: Je comprends, j'ai lu l'article en question. Je l'ai dit tout à l'heure, c'est peut-être qu'on n'a pas eu suffisamment de temps pour discuter de long en large d'un sujet aussi intéressant, même s'il est délicat. Je n'ai peut-être pas réussi à faire ressortir qu'au niveau du débat de vendredi, je voulais donner surtout le cadre d'action concernant l'action policière à l'occasion de conflits ouvriers. Je m'étais astreint, volontairement, à traiter de ce sujet particulier, étant donné que cela avait fait l'objet de beaucoup de publicité.

Je le dis encore parce que je le crois, on avait quand même dramatisé beaucoup l'opération en question qui, au bout du compte, en représentait qu'une infime partie du travail policier. On était loin d'une opération gigantesque, au contraire. On l'a dit, c'est une opération qui se faisait dans le cas où la situation pouvait être particulièrement tendue et non d'une façon générale et universelle. On aurait aimé avoir le temps d'aborder dans ce débat, tout l'ensemble du problème de la direction générale des renseignements. On le fait aujourd'hui; la discussion est plus élargie et je pense que cela amène encore de nouveaux développements. Il reste un point, qu'a soulevé le député de Marguerite-Bourgeoys, c'est la question des méthodes policières. Peut-être que le directeur de la Sûreté du Québec voudrait dire quelques mots.

Merci. Au niveau des méthodes, c'est fort simple, vous savez. Ces méthodes ne sont pas différentes des méthodes qu'on emploie dans l'enquête conventionnelle. On part avec l'objectif suivant, à savoir; Est-ce qu'il y a un potentiel de violence possible dans X conflit. Donc, la première chose qu'on va voir, ce sont les parties en présence. On va les voir ouvertement. Les gens qui sont mêlés au milieu, on va les voir ouvertement. Même à nos membres on fait faire des cartes; ils laissent leur carte et disent; Si vous avez de l'information, expédiez-la-nous. On regarde les coupures de journaux, parce que cela se recoupe en fin de compte. Parfois, les journalistes peuvent avoir de l'information de façon plus objective et bien plus facilement que nous pouvons l'avoir.

Donc, ce sont les témoignages des parties en cause recueillis ouvertement; il n'y a pas de filature, il n'y a pas d'écoute électronique, ce serait illégal.

M. Lalonde: A moins d'une autorisation.

M. Bédard: Si c'est un acte criminel, cela sort de leurs mains, cela s'en va à l'opération propre-

ment dite. J'ai l'intention, par la voix du ministre, de vous offrir de venir faire une opération avec nous et vous allez dire: Cela n'a pas de bon sens, on n'aurait jamais dû poser de questions sur des affaires semblables.

M. Lalonde: Peut-être justement qu'on aurait dû poser des questions. Peut-être que ce sera un bon résultat aux questions posées.

M. Bédard: C'est fort simple, c'est le témoignage conventionnel des parties en cause. C'est une enquête en fonction des possibilités: Est-ce que des gens vont aller dans la rue... Comme je vous le disais ce matin, si à un moment donné on s'aperçoit que c'est tranquille, on se retire du secteur d'activité et on laisse filer. D'autres fois, c'est plus actif, on suit cela sporadiquement. Il faut bien se placer dans le contexte: on ne met pas des agents sur le conflit X pour qu'ils se collent aux gens; c'est impossible, cela coûterait les yeux de la tête, d'abord, et ils ne pourraient pas le faire. En principe, ils s'occupent de plusieurs choses en même temps.

Finalement, ils jouent le rôle qui est celui de tout policier, à savoir obtenir les informations en fonction de la prévention des crimes ou en fonction des crimes qui ont été commis. Il reste que, quand il y a de l'intimidation qui se fait à l'intérieur de certains conflits, il faut recueillir des informations pour savoir de la part de qui. Quand vous arrivez et que vous rencontrez des groupes de fiers-à-bras — quand l'intimidation se fait, elle ne se fait pas par des gens locaux, elle se fait par des gens de l'extérieur — il faut essayer de savoir d'où ils viennent. C'est le genre d'enquête bien conventionnelle. J'essaie de l'expliquer aussi candidement...

M. Lalonde: Vous avez bien fait jusqu'à maintenant.

M. Bédard: Merci.

M. Lalonde: Je vous remercie.

M. Bédard: Ce n'est pas plus compliqué que cela. Je pense que si on pouvait siéger en commission à huis clos, on pourrait prendre le ballot de directives et simplement passer au travers.

M. Lalonde: Vous parlez des opérations particulières?

M. Bédard: Je me dis que ça peut aller jusque-là, mais c'est le fait que si on lance nos directives dans le champ, c'est fini.

M. Lalonde: Qu'est-ce que vous appelez directives?

M. Bédard: C'est l'ABC de la procédure. Vous avez trois niveaux de directives: d'abord, le mandat qui explicite les responsabilités. L'exemple du mandat de responsabilité, c'est contrôler les acti- vités reliées au processus des renseignements, en particulier celle de l'analyse, s'assurer du maintien d'un système de dossiers sur toute l'information recueillie. (17 h 45)

Chacune de ces responsabilités vient se préciser par une directive pour le membre dans le champ. C'est important qu'on ne laisse pas l'individualité — il y a toujours place à l'individualité — mais que chaque membre opère selon un processus bien déterminé à l'avance.

M. Lalonde: Vous ne pouvez pas le rendre public? Il ne s'agit pas de dire: Allez voir Untel, il s'agit de directives de comportement, de méthode d'enquête.

M. Bédard: Dans la police, il ne reste plus grand-chose. Si vous nous enlevez nos quelques petites confidences... je ne dirais pas des secrets, mais des confidences — par exemple, les techniques qu'on prend pour faire les perquisitions, etc. — il ne nous restera plus rien.

M. Lalonde: Vous avez déjà commencé à ouvrir la porte avec vos...

M. Bédard: Imaginez-vous qu'on est en train d'établir un record d'écritures là-dessus.

M. Lalonde: Oui.

M. Bédard: II reste qu'aussi...

Il n'y a pas seulement les membres de l'Assemblée nationale qui vont lire cela, il y a aussi ceux, parfois, qui sont concernés par certaines opérations.

Il y a aussi le fait que ces procédures sont interreliées l'une à l'autre, ce sont des éléments, mais reliés en un ensemble; cela va se relier à la perquisition, à l'arrestation — il y a des méthodes d'arrestation — cela va se relier à l'interrogatoire — l'interrogatoire selon toutes les règles de l'art — cela va se relier aux exhibits, à la préparation de la preuve devant le tribunal, et tout cela.

M. Lalonde: On tombe facilement dans le domaine du renseignement criminel.

M. Bédard: Et de l'enquête criminelle proprement dite.

M. Lalonde: L'enquête criminelle. C'est pour cela que vous dites que...

M. Bédard: La démarcation...

M. Lalonde: ... est très difficile à faire.

M. Bédard: C'est interrelié. On dit prévenir le crime, je donnais un exemple: Vous avez des patrouilleurs qui, à 3 heures du matin, interceptent un véhicule avec de la marchandise volée, c'est un acte de prévention. Mais, dès qu'ils ont les individus entre les mains, qu'on soupçonne et qu'on

établit que c'est de la marchandise volée, cela devient une enquête judiciaire, une enquête criminelle conventionnelle et le processus se met en cours selon nos procédures, de façon à présenter devant le tribunal... Vous savez, ce qui est important, on a 4000 policiers qui présentent des causes devant les tribunaux avec beaucoup de procureurs de la Couronne et c'est important d'arriver avec un standard de rapport, de présentation et de cueillette de preuves qui puissent permettre d'atteindre une uniformité. C'est cela qu'on vise.

M. Lalonde: Je vous remercie. Je pense qu'il est clair que vous considérez que ces directives sont de nature confidentielle et que cela nuirait à l'action policière, à son efficacité, de les rendre publiques comme telles.

M. Bédard: Dans le cas des conflits ouvriers, on a donné l'essentiel.

M. Lalonde: Je vais passer à un autre aspect. J'ai ici, par exemple, un affidavit que j'ai déposé à l'Assemblée nationale où un simple citoyen — il ne s'agit pas d'une question syndicale — qui avait manifesté à Boston s'est vu visité, comme il dit, par des officiers de la Sûreté du Québec, soit les agents Brunet et Fournier, lesquels ont dit être des envoyés du ministre de la Justice et du FBI pour faire enquête relativement au voyage fait par le petit propriétaire membre de l'Association des propriétaires de Val-Martin à Boston.

Il continue, dans son affidavit: "J'ai été interrogé sur le motif de notre visite à Boston, sur mes allégeances politiques et sur nos intentions futures quant à toute démonstration." Je vais un peu plus loin: "J'ai été également prié de communiquer avec eux dans le futur pour toute autre manifestation." Au paragraphe suivant: "J'ai également été rappelé par le même membre de la Sûreté du Québec au cours du mois de juin 1978 afin de savoir s'il était de mon intention et de celle de l'association d'aller manifester à New York puisque le premier ministre devait s'y rendre." Au paragraphe suivant, c'est assez ironique: "J'ai également été questionné sur mes sources de renseignement quant au voyage du premier ministre."

M. Bédard: Vous voyez, on n'en a pas l'exclusivité.

M. Lalonde: "J'ai également été questionné sur mes sentiments quant aux ministres Tardif et Landry." Il termine en disant: "Je considère que ces interrogatoires constituent nettement une forme de pression afin que moi-même et les propriétaires membres de l'association nous abstenions de manifester pour faire valoir les droits des membres de l'association dans le futur."

C'est un affidavit qui a été, j'imagine, bien étudié et assermenté. J'ai soulevé cela à l'Assemblée nationale. Le ministre, à ce que j'ai pu comprendre, dans les circonvolutions et dans les réponses, c'est qu'il pouvait y avoir des erreurs de jugement là-dedans.

M. Bédard: Non, non.

M. Lalonde: Quand on parle d'allégeances politiques...

M. Bédard: Non, on peut s'expliquer. M. Lalonde: Si le ministre...

M. Bédard: Cela dépend en fonction... je vais vous l'expliquer.

M. Lalonde: II n'y a pas de fonction de rien. Quand on parle d'allégeances politiques, j'espère que le ministre est d'accord que ce n'est pas le...

M. Bédard: Je vais vous donner la réponse. En tout cas, continuez votre exposé.

M. Lalonde: En tout cas, ce que j'ai compris, c'était peut-être parce que j'espérais comprendre ça, c'était que le ministre n'allait pas souscrire à ce genre d'action policière, c'est-à-dire d'interrogations sur des allégeances politiques, premièrement. Maintenant, si ce n'est pas cela, s'il est prêt à... j'ai compris qu'il avait considéré que c'étaient peut-être des erreurs de jugement. Bon, il veut se reprendre; je vais le laisser parler.

M. Bédard: Non, non, ce n'est pas une question de vouloir me reprendre. Le naturel revient au galop pour le député de Marguerite-Bourgeoys. Il essaie de mélanger encore une fois. Il s'aperçoit quand on va au fond des choses, soit l'action policière ou autrement et qu'on en discute d'une façon détendue, il y a moyen, au bout de la ligne, de se comprendre et de compendre des choses, comme c'est très facile de confondre toute situation. Dans ce cas précis de Val-Martin, premier point: on sait que la demande avait été formulée par un corps de police extérieur au Québec, étant donné qu'il y avait la visite du premier ministre aux fins de savoir si les manifestants en question étaient vraiment les gens qu'ils prétendaient être. C'était une demande formulée par les autorités américaines. Je crois que c'était tout à fait normal de répondre à leur demande.

Deuxième point, dans ce dossier, il y a eu des menaces qui ont été proférées à l'endroit de deux ministres: le ministre Landry et le ministre Tardif. On sait qu'il y a eu certaines législations qui ont soulevé certaines protestations. Je ne suis pas là pour me prononcer, pour passer un jugement sur l'à propos des protestations, mais les faits sont qu'il y a eu des menaces qui ont été faites à l'endroit du ministre Tardif et du ministre Landry. Dans le cas du ministre Landry, il y a même eu des dommages qui avaient été causés à sa propriété et à ce moment, il y a sous le présent gouvernement comme sous l'ancien gouvernement, une certaine protection qui est nécessaire auprès des ministres et des membres de l'Assemblée nationale, étant donné leurs fonctions et c'est dans ce cadre qu'on a demandé à la Sûreté du Québec d'évaluer jusqu'à quel point étaient sérieuses ces

menaces proférées à l'endroit du ministre Landry et du ministre Tardif et je vais laisser le directeur de la Sûreté du Québec, vous expliquer le genre d'action qu'ils font, lorsque de telles demandes sont portées à leur attention.

M. Lalonde: Excusez-moi, on sonne une cloche.

Le Président (M. Boucher): II y a un vote en Chambre, M. le député.

M. Lalonde: II y a un vote en Chambre. Maintenant, est-ce qu'on continue après 18 heures ou est-ce que...

M. Bédard: Pouvez-vous faire... M. Lalonde: Non.

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs.

Ml. Fontaine: Ne serait-il pas raisonnable de penser qu'on puisse terminer ce soir?

M. Bédard: Ce n'était pas avec l'intention de terminer ce soir, c'était avec l'intention de terminer demain midi, comme l'avait exprimé le député de Marguerite-Bourgeoys. On recommencera demain à 10 heures, en espérant terminer à 18 heures, si c'est possible.

M. Lalonde: ... il est nécessaire de faire venir, je ne le pense pas.

M. Bédard: Sur ce point particulier, j'aimerais quand même que le directeur de la sûreté... parce que le député de Marguerite-Bourgeoys revient souvent avec cet exemple.

Le Président (M. Boucher): M. le ministre, je regrette, le vote est demandé; on doit se rendre en Chambre, alors...

M. Bédard: On n'en a que pour deux ou trois minutes.

Le Président (M. Boucher): D'accord.

M. Lalonde: Strictement sur les allégeances politiques. C'est pour cela que je veux être sûr que...

M. Bédard: Je demanderais au directeur de la Sûreté du Québec d'expliquer le genre de travail qu'il doit faire pour évaluer le sentiment d'animosité ou le degré de danger qu'il peut y avoir à l'endroit d'un membre de l'Assemblée nationale.

Disons qu'avant 1970, à cause du contexte du temps on ne s'occupait pas de cela. Mais après 1970, avec la crise d'octobre, on nous a confié la responsabilité de protéger des ministres et de s'occuper de faire un travail de détection des menaces. Donc depuis 1970, on a mis en place un système à cet effet. La situation en cause c'est relativement à une visite du premier ministre à Boston, où on a reçu... il y a eu une manifestation et les gens de Boston ont communiqué à travers la filière américaine, et nous ont dit ceci: Qu'est-ce qui arrive, il y a telle, telle personne. Est-ce que vous êtes au courant que votre premier ministre vient ici et ces gens partent du Québec pour venir manifester. On n'aime pas bien cela, et on aimerait que vous vérifiiez cela, peut-être aurez-vous des problèmes avec ces gens, dans un souci de passer l'information. Autre chose qu'on nous dit aussi: Quand votre premier ministre viendra, si vous avez des données relativement à des gens qui veulent manifester, dites-le nous; on aimerait cela le savoir à l'avance.

Suite à cette information, nous sommes allés rencontrer ces gens, et l'idée était de savoir un peu quels étaient leurs motifs. L'allégeance politique du policier a été posée comme partie de l'ensemble et cela se rejoint également avec les cas de M. Landry ou encore on le fait pour les députés. Le député Fernand Grenier nous avait parlé, l'année dernière, d'un cas où on avait proféré des menaces à son endroit. On le fait, quel que soit le parti, vous savez. Si un homme public, un homme d'Etat reçoit des menaces et qu'il nous le signale, on le fait. On enquête à la suite d'un paquet de lettres anonymes à l'endroit de certains membres du Parlement et je pense que c'est nécessaire qu'on le fasse, parce que vous avez toujours des gens qui... Vous avez d'abord des gens qui sont, la majeure partie du temps, désaxés. Vous ne savez pas ce que peuvent faire ces gens. Dans le cas du ministre Landry, il y avait eu des dommages à sa propriété, il était assez important d'établir le potentiel de violence, pourquoi on faisait cela à son endroit, et prendre des mesures pour prévenir des attaques semblables.

M. Lalonde: Est-ce que le lien a été fait entre ces personnes et celles qui avaient fait les menaces à M. Landry, ou les dommages à sa propriété?

M. Bédard: Non.

M. Lalonde: C'est cela. Je ne suis pas d'accord avec vous, je vous le dis tout de suite, M. le directeur, sur le fait de poser des questions sur l'allégeance politique, parce qu'on touche un sujet très, mais très nerveux.

M. Bédard: Egalement, je ne crois pas que les policiers doivent se préoccuper de l'allégeance politique.

M. Lalonde: Non, le comportement...

M. Bédard: S'ils s'en...

M. Lalonde: ... de menaces...

M. Bédard: S'ils s'en préoccupent...

M. Lalonde: ...

M. Bédard: ... c'est seulement dans l'objectif d'évaluer sur quoi porte l'animosité. si elle porte sur le fait qu'une personne n'a pas les mêmes opinions politiques, je pense bien qu'il n'y a pas lieu de continuer l'enquête, si elle porte sur...

M. Lalonde: Je pense qu'il faut être très prudent là-dessus.

Le Président (M. Boucher): Messieurs, la commission ajourne à six heures, vous pourrez continuer le sujet à dix heures demain matin.

M. Bédard: Est-ce qu'on peut compter, M. le Président, qu'on en a terminé avec le directeur de la Sûreté du Québec.

M. Lalonde: Oui, oui, le restant peut se faire... Je vous remercie infiniment de votre contribution aux travaux.

Le Président (M. Boucher): Le programme 15 est-il adopté? C'est celui de la Sûreté du Québec.

M. Lalonde: On y retournera.

Le Président (M. Boucher): La commission ajourne ses travaux à dix heures demain matin.

Fin de la séance à 17 h 59

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