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Question avec débat
(Dix heures sept minutes)
Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission permanente de la justice se réunit aujourd'hui, le
vendredi 6 avril, aux fins de discuter la question avec débat du
député de Marguerite-Bourgeoys au ministre de la Justice sur le
sujet suivant: Les méthodes d'enquête du service de renseignements
de la Sûreté du Québec, y compris l'infiltration et la
surveillance, mises à jour récemment et dénoncées
par divers groupes et individus.
M. le ministre de la Justice, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, M. le député de Nicolet-Yamaska, bonjour.
Je n'ai pas à vous rappeler les règles en la matière, il y
a un droit de parole privilégié qui vous est accordé par
le règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, mais
je voudrais vous signaler que ce droit de parole privilégié
comme à vous M. le ministre de la Justice ne constitue pas
un droit de parole exclusif. J'imagine que, ce matin, puisqu'il n'y a que six
députés, ce ne devrait pas être trop difficile.
M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous avez la
parole.
M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je voudrais, au
départ, parce que le ministre m'avait indiqué qu'il avait un
engagement officiel à l'heure du lunch, réitérer que,
quant à moi et compte tenu des interventions et de
l'intérêt, s'il est possible de terminer avant 13 heures,
peut-être à 12 heures ou à 12 h 15, nous allons faire notre
possible pour libérer le ministre; libération
surveillée.
M. Bédard: Nous sommes à votre entière
disposition.
M. Fontaine: M. le Président.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Si on me laisse le droit de parole avant midi, je
donnerai également mon consentement.
Exposé du sujet M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: M. le Président, la question que je pose au
ministre, je dois en démontrer quand même les motifs, et j'ai
l'intention de vous en donner l'objectif ou les objectifs, de vous
décrire la problématique dans laquelle cette question est
soulevée, quelques catégories de faits qui ont donné
ouverture à cette question et, enfin, les questions mais j'en ai
plusieurs qui vont soulever le débat auquel on participe
actuellement.
Les motifs tout d'abord. Les motifs qui m'ont amené à
poser cette question aujourd'hui, c'est le caractère sérieux et
le nombre des révélations successives concernant les
méthodes d'information policière de la Sûreté du
Québec et aussi, comme autre motif, c'est que l'attitude du ministre de
la Justice de ne pas vouloir faire toute la lumière, d'une façon
totalement transparente, sur cette question affecte grandement
l'efficacité du travail ou peut affecter grandement l'efficacité
du travail des policiers eux-mêmes qui sont dans le champ, leur
moral.
Le gouvernement n'a pas le droit d'imposer aux policiers de la
Sûreté du Québec, du chef jusqu'à la recrue, tout le
fardeau de l'inquiétude actuelle. Les policiers travaillent au meilleur
de leurs moyens, mais l'inaction du gouvernement, les hésitations et
tergiversations du ministre de la Justice, son refus de faire toute la
lumière sur cette question afin de rassurer la population et, en fait,
soulager la Sûreté du Québec de cette inquiétude
malsaine que le silence du ministre entretient, tout ce climat dépend
justement du ministre actuellement. C'est l'occasion que je veux lui donner le
plus tôt possible. Je ne peux pas le faire par des questions en Chambre,
on a eu les réponses qu'on a eues en Chambre, vous le savez, M. le
Président, on nous a même promis des directives qu'on n'a pas
encore reçues.
Je donne l'occasion au ministre devant toute la population de tirer au
clair cette question et c'est la raison pour laquelle j'ai décidé
d'utiliser cette nouvelle institution qu'est la question avec débat afin
de forcer, s'il le faut, le ministre de la Justice à nous dire enfin ce
qu'il en est de ces directives qu'il a promises à l'Assemblée
nationale, mais que nous n'avons pas encore vues. L'objectif de ma question,
c'est que la population apprenne la vérité réclamée
par les syndicats, par la Ligue des droits et libertés de l'homme, par
les éditorialistes et par l'Opposition officielle.
Deuxièmement, c'est que les policiers de la Sûreté
du Québec soient enfin rassurés quant aux méthodes de
travail qu'ils doivent employer dans leur service de renseignements. Le
ministre de la Justice qui aime se cacher derrière quoi que ce soit pour
distraire la galerie, M. le Président, sera tenté de s'excuser en
disant que cela se passait ainsi sous l'ancienne administration. C'est
peut-être de bonne guerre, mais la population ne sera pas satisfaite par
de tels prétextes.
Il ne s'agit pas d'un cas isolé ici qui peut être
réglé par une enquête maison. On en a une série, le
ministre est au courant, ses coupures de presse sont probablement aussi
nombreuses que les miennes. Plusieurs ont réclamé une
enquête et, quant à moi, j'appuie cette demande, je l'ai
moi-même faite.
Voilà les réponses que nous voulons recevoir du ministre.
La problématique est la suivante: Pour être efficace dans sa
charge de maintenir la paix, l'ordre public et la sécurité
publique, de prévenir le crime et d'en rechercher les auteurs je
me réfère à l'article 29 de la Loi de police qui
décrit le mandat, la mission générale de la
Sûreté du Québec la Sûreté du
Québec doit être informée le mieux possible. A titre de
citoyen d'un régime démocratique,
j'accueillerai avec satisfaction toute mesure apte à rendre nos
policiers plus efficaces. Je pense qu'il ne s'agit pas de jouer à
l'autruche, et je n'ai pas l'intention, M. le Président, de faire comme
les députés péquistes de l'ancienne Opposition officielle,
qui allaient dans la rue attiser les manifestants contre le gouvernement. Je
n'ai pas l'intention de me rendre complice de ceux qui se servent des syndicats
pour attiser la violence. On le sait, il y a eu de la violence dans les
syndicats, le ministre pourrait nous donner des dossiers de six pouces
d'épaiseur pour décrire ou enfin qui contiendraient les
informations concernant les grèves, les relations de travail difficiles
qui ont amené la violence dans le passé, c'est exact mais il
reste qu'il y a aussi un autre paramètre.
Que la police soit informée, c'est parfait. Nous demandons que le
ministre indique à la population, par exemple, que les droits et
libertés individuels ne soient pas brimés inutilement, ne soient
pas menacés, parce que, toujours à titre de citoyen du même
pays démocratique, je serai jaloux de la protection des droits
individuels et du fonctionnement des organismes légitimes, en toute
liberté. (10 h 15)
Quel est l'équilibre entre le besoin d'efficacité des
services policiers d'une part et le respect des libertés individuelles?
Le ministre doit déterminer cet équilibre. Je me
réfère au journal des Débats du 20 avril 1978 à la
page B/1406 où le ministre, répondait à une question du
député de Verchères justement. C'était à la
commission permanente, probablement à l'étude des crédits,
j'imagine. Le ministre disait ceci: "D'ailleurs, si vous me le permettez, les
actions policières, à mon humble opinion, ont aussi une relation
directe avec la protection des droits et libertés individuels." Cela, il
faut le rappeler, le ministre en est conscient. J'espère qu'il est aussi
conscient qu'il y a certaines actions, qu'il y a certaines méthodes qui
semblent, au moins, être une menace à cet exercice libre
d'association, d'expression, de réunion.
Le premier ministre a dit que le ministre doit annoncer la
décision bientôt, en réponse à des questions que
j'ai posées la semaine dernière. Est-ce que le ministre de la
Justice est en mesure de le faire aujourd'hui? Nous le souhaitons. Le ministre
nous avait promis des directives. Je cite le journal des Débats du 13
mars 1979, je cite le ministre en réponse à une question que je
lui posais. "M. le Président, les directives ont été
données à la Sûreté du Québec selon
lesquelles l'opération publique dont j'ai fait état au mois de
novembre dernier devait se faire simplement sous l'angle de l'information, aux
fins de prévenir des situations qui pourraient être
potentiellement des situations de violence. Ils ont eu toutes ces directives
d'une façon très précise". Toutefois, invité
à déposer ces directives, le ministre nous dit: "Ah, ce ne sont
pas ces directives. Je vais communiquer, dit-il, avec le directeur parce que
ces directives ne viennent pas du ministre de la Justice". "Ce n'est pas le
ministre de la Justice qui rédige les directives qui doivent être
suivies par les policiers", encore à la page 101. Le ministre devait
communiquer avec la Sûreté du Québec pour déposer
ces directives. Où sont-elles? Est-ce qu'il y en a? Est-ce qu'elles vont
être rendues publiques? C'est la problématique.
Les faits. Quels sont les faits révélés? En grande
catégorie, ils font état d'infiltrations de la
Sûreté du Québec dans les syndicats. Est-ce vrai? Cela a
été nié par le ministre. Toutefois, il semble y avoir au
moins un doute, quant à des cas rapportés par un M. Haché,
je pense, selon lesquels la Sûreté rencontrait d'autres corps
policiers à l'intérieur des syndicats. Là, ils
s'entendaient ensemble pour savoir lequel continuait la surveillance. Cela n'a
pas été dénié. Est-ce que cela a été
autorisé par le ministre? Quelles sont les directives du ministre
à l'égard de l'infiltration?
Une plainte à la Commission de police du Québec a
été la dernière réponse du ministre à la
série de questions que nous avons posées de ce
côté-ci de la Chambre. Mais comment cette plainte à la
Commission de police peut n'être autrement qu'illusoire et ridicule, car
si l'infiltration a réussi, les seuls qui sont au courant sont les
agents de la Sûreté du Québec et le ministre. Est-ce que
l'un ou l'autre a fait une plainte à la Commission de police? Doit-on,
comme population, s'attendre que la plainte vienne du ministre ou de la
Sûreté du Québec, quand l'infiltration si
infiltration il y a est faite? Ce que je veux dire, c'est que dans les
cas d'opérations qui ne sont pas connues, une enquête seulement
peut les révéler. On a vu que ce qui se passe à Keable et
McDonald, c'est seulement une enquête qui a permis de faire
connaître un tas de situations intolérables.
Les autres faits. Quant à la présence policière
dans les négociations syndicales, le ministre a dit: II vaut mieux le
faire ouvertement. C'est une attitude qui est prise, que l'on voit dans les
brochures de la Sûreté du Québec, aussi. Il vaut mieux le
faire ouvertement que de le faire de façon cachée. Cela sort d'un
bon naturel, j'en suis convaincu. Dans une bonne mesure, cela s'explique, mais
il faudrait être naïf pour ne pas confondre que la marge est mince
entre la simple observation policière et l'implication du policier dans
le contenu des négociations. Plusieurs ici, autour de la table, ont des
expériences de négociation dans le monde syndical. Aussi, il ne
faut pas oublier le caractère intimidant de se savoir surveillé
pardessus l'épaule pendant qu'on fait sa stratégie. Il ne faut
pas l'oublier. Dire que l'on fait cela ouvertement, cela peut réellement
comme je disais tantôt sortir d'un bon naturel, en voulant
laisser entendre qu'on n'a rien à cacher, mais il y a aussi tout le
caractère intimidant de savoir qu'il y a un policier à la porte
ou qui, peut-être, surveille, ou est au courant du contenu de nos offres,
jusqu'où on veut aller, etc. C'est absolument capital. Cela a
été soulevé par plusieurs éditorialistes, plusieurs
chefs syndicaux, dans le cas qui nous occupe.
Autre cas. L'interrogatoire d'individus, comme les gens de Val-Martin,
qui n'ont eu pour crime que de manifester leur désaccord avec le
gouvernement. C'est une forme d'intimidation, oui, c'est une forme
d'intimidation et si le ministre a bien lu les affidavits que j'ai
déposés de personnes qui
avaient manifesté tout à fait pacifiquement et
légalement et qui ont reçu la visite de policiers leur demandant
ce qu'ils faisaient là, s'ils avaient l'intention de recommencer, ce
qu'ils pensaient des ministres Landry et Tardif, on ne peut pas blâmer,
on ne peut pas reprocher à ces personnes de se sentir intimidées.
Si c'était pour être érigé en système, ce
serait sûrement de nature à brimer l'exercice des libertés
individuelles dans cette province. Cette façon de procéder est
inadmissible.
D'ailleurs, il y a la question des trois étudiants qui
écrivent au ministre leur désaccord avec la façon de
plaider une cause. Ils reçoivent la visite de policiers. Ils croyaient
que c'était la Sûreté du Québec. Le ministre
vérifie auprès de la Sûreté du Québec.
Apparemment, ce n'est pas la Sûreté du Québec, mais est-ce
que comme ministre de la Justice, pas seulement comme responsable à
l'Assemblée nationnale au point de vue administratif et politique de la
Sûreté du Québec, mais comme ministre de la Justice
responsable des affaires policières en général, le
ministre s'est inquiété de savoir et de faire les gestes
nécessaires pour savoir quels policiers sont allés voir les
étudiants? Y a-t-il eu un rapport là-dessus? Pas que je
sache.
Ce sont trois catégories de situations qui peuvent, si on ne
prend pas soin de nos droits, amener un véritable système de
surveillance de ceux qui ne sont pas d'accord avec le gouvernement. Au risque
de passer pour ces personnes décrites au début de l'article du
directeur Jacques Beaudoin, et je cite: " ... qui se sont donné pour
mission de sauvegarder les droits des citoyens et les libertés humaines
dans nos démocraties". C'est un article qui apparaît à la
page 1 du numéro 2 du volume 9 de février 1979 de la revue de la
Sûreté du Québec. Au risque de passer pour ces gens, je dis
qu'il est temps que le ministre de la Justice, responsable à
l'Assemblée nationale du comportement des policiers, pas seulement de la
Sûreté du Québec il en est responsable directement
parce qu'il s'agit d'un organisme paragou-vernemental qui est financé
directement par les fonds publics du Québec fasse preuve de
transparence et que les citoyens sachent où se terminent leurs droits et
où commence la surveillance spéciale.
Les policiers eux-mêmes le réclament, à la page 2 ou
plutôt à la page 4 de ce même volume. Le DGA, le directeur
général adjoint, Yvan Aubin, dit ici, vers la fin de la
deuxième colonne: "Sans aucunement vouloir présumer des
décisions qui seront prises par les commissions d'enquête, il
apparaît évident que l'absence de directives précises et de
politiques de contrôle rigide auront sûrement contribué
à cette situation il se référait à la
situation de la GRC dans la sécurité nationale tout
à fait désastreuse pour les corps policiers". Il
répète un peu plus loin, à la fin de son article, à
la page 7: "La police, dans son ensemble souhaite que le législateur se
prononce à ce sujet". Ce n'est donc pas une lubie de l'Opposition
officielle; c'est tout le monde qui le demande. Les éditorialistes
demandent qu'on précise le plus tôt possible le mandat de la
Sûreté du Québec en particulier et des corps policiers en
général dans le cas qui nous occupe. Jean-Claude Leclerc le dit,
dans un éditorial du Devoir du 10 mars 1979, sous le titre: "Le mandat
de la SQ doit être précisé".
Cela ne dépend pas de la SQ; cela dépend du ministre. Il
est temps que cesse ce climat malsain créé par des pages
entières de cas de surveillance particulière de syndicats,
d'individus. L'entêtement du ministre à tout excuser, à
tout mettre sur le compte de l'erreur de jugement est inadmissible et
condamnable. Je crois savoir qu'au Conseil des ministres, plusieurs de ses
collègues ont semonce vertement le ministre pour son attitude
actuelle.
M. Pagé: II le sait.
M. Lalonde: Les citoyens libres méritent mieux que
l'entêtement du ministre et des excuses en disant: Ce sont des erreurs de
jugement. Nous n'avons plus affaire à des cas isolés. Dans le
passé, il y en a eu, mais jamais on n'a eu une agglomération de
cas comme on en a actuellement. Les citoyens ont besoin maintenant de
connaître les règles précises de comportement des policiers
dans le travail de renseignement.
J'aurais d'autres questions sur la nouvelle incroyable qu'on a apprise
récemment voulant que la Sûreté du Québec surveille
la GRC. J'entends le député de Verchères qui s'esclaffe de
rire, M. le Président. J'espère que sa bonne humeur
équivaut à une dénégation générale de
ces cas-là, quoique le premier ministre l'ait confirmé à
l'intérieur et à l'extérieur de la Chambre.
Alors, sur ces quelques agissements, qui seraient sous la surveillance
de la Sûreté du Québec, ces agissements de la GRC, nous
aimerions savoir combien de polices surveillent l'autre police et s'il y a une
autre police aussi qui surveille la Sûreté du Québec. Vous
allez nous dire comment vous avez organisé votre surveillance, votre
intelligence, comme on dit. D'ailleurs, est-ce que ça peut ne pas
être la Sûreté du Québec qui fasse ça, M. le
Président? On sait que le gouvernement a mis sur pied on pourra
peut-être en parler, mais peut-être déborde-t-on le cadre de
cette question; on pourra en parler aux crédits la semaine prochaine
depuis le tout début de ses fonctions, un groupe de travail
auquel participait le ministre de la Justice, pour la question de
renseignements. On n'a jamais eu de nouvelles là-dessus. On sait que
pour le CAD, tout ce qu'on a fait a été de le passer du J au
bureau du ministre de la Justice, mais on veut savoir exactement de quoi il
s'agit, sur les renseignements.
M. le Président, il est important et je termine
là-dessus qu'on définisse le cadre d'action
policière. Si on l'avait fait dans le passé, dans le cas de la
sécurité nationale, on ne serait peut-être pas actuellement
avec deux commissions d'enquêtes pour examiner le comportement de nos
corps policiers et, en particulier, de la GRC. Il faut définir le cadre
et, quand on parle d'ordre social qu'on veut maintenir, de paix socia-
le, ça ressemble grandement, dans les critères d'action,
dans l'objectif, à la sécurité nationale, même si
les problèmes, dans le champ, ne se présentent pas de la
même façon. (10 h 30)
II faut donc que ce soit défini pour que, d'une part, nous
puissions donner aux policiers du Québec en particulier à
la Sûreté du Québec un cadre d'action bien
défini, à l'intérieur duquel ils sauront qu'ils ne seront
pas inquiétés, qu'ils pourront faire leur travail
honnêtement et avec toute la vigueur possible et, d'autre part, que les
droits individuels, les droits d'association les syndicats en
particulier, les organismes légaux puissent être
protégés. Ce qu'on demande au ministre est de nous définir
ce cadre d'action. Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. M. le ministre de la Justice.
Réponse du ministre M. Marc-André
Bédard
M. Bédard: M. le Président, le député
de Marguerite-Bourgeoys joue la carte de la confusion, comme c'est son
habitude, en mêlant indifféremment une série de situations.
Le député vise très clairement, aujourd'hui comme dans le
passé, à certaines occasions, à semer le doute sur
l'action policière, notamment dans le cadre des relations de travail. Le
député a parlé de certains cas particuliers, nous y
reviendrons.
Personnellement, je me suis déjà exprimé dans le
sens qu'il n'y avait aucune infiltration de membres de la Sûreté
du Québec dans les syndicats, aucune écoute électronique
sur les activités syndicales et je puis ajouter que, même si
aucune illégalité ne m'a été signalée dans
les cas qui ont été soulevés, ma préoccupation
demeure quand même entière je pense que c'est le terme
qu'il faut employer de relever le défi de concilier, d'une part,
le respect du caractère démocratique des syndicats avec le devoir
des policiers d'accomplir le mandat qui leur est imparti par la loi. Ce n'est
pas facile j'en suis conscient à concilier, mais je pense
que c'est fondamental pour une société, que c'est un débat
sain pour une société adulte.
Puisque le député de Marguerite-Bourgeoys a mis beaucoup
d'insistance sur cet aspect de ta question de l'action policière,
concernant les conflits de travail, quelle est cette action policière et
pourquoi existe-t-elle? Elle a évidemment plusieurs facettes. Je
voudrais mentionner que la question des conflits ouvriers est fort loin
d'occuper la Sûreté du Québec au point où d'aucuns
voudraient le laisser entendre. Puisqu'on a tellement dramatisé cet
aspect, c'est là-dessus que je crois de mon devoir d'éclairer mes
collègues et l'opinion publique. Depuis deux ans, la violence dans les
conflits de travail a sensiblement diminué, mais elle demeure encore
trop présente. Un relevé sommaire indique qu'il y a eu de la
violence ou d'autres illégalités dans une centaine de conflits de
travail.
La liste des illégalités comprend toute la gamme possible,
à partir de vitres brisées en passant par les véhicules
endommagés, la menace, l'intimidation, les blessures, les coups de feu
et certains incendies criminels.
M. le Président, je ne compte pas le nombre de piquetages et de
manifestations où le respect du libre accès aux édifices
n'est pas respecté, ce qui est contraire à la loi et, de plus,
provoque souvent de la violence nécessitant des interventions
policières pour assurer le respect des droits des uns et des autres.
Cette violence et ces actes criminels ne sont pas imaginaires et ils sont plus
nombreux qu'on ne le croit généralement. Certains diront
peut-être que la violence est presque normale dans les conflits de
travail à cause des intérêts qui sont en jeu et du rapport
de force parfois inégal, du moins souvent perçu comme tel. Je
comprends que la tentation de la violence et de l'illégalité
existe et je dois dire que parfois elle est provoquée par certaines
attitudes de l'employeur. Mais, comme procureur général, je ne
peux accepter ni tolérer que la violence ou l'illégalité
se matérialisent.
Il appartient aux policiers de prévenir ces situations de
violence par tous les moyens légaux. Je pense bien que les
députés de l'Opposition seront d'accord sur ce point. Le jour
où il n'y aura plus de violence dans les conflits de travail, il n'y
aura plus de policiers qui auront à s'occuper des conflits de travail.
L'opération publique à laquelle on a fait état, qui est
une opération de prévention, s'applique surtout aux actes
criminels dont j'ai parlé tantôt. Mais elle est aussi de mise en
diverses circonstances, par exemple, reliées à la
sécurité et à la santé des personnes et des
citoyens. Ainsi, si un groupe désire organiser une manifestation d'une
certaine ampleur, j'estime que les forces policières doivent en
être avisées et connaître les principales mesures de
sécurité que le groupe lui-même assurera de sorte que la
force policière responsable d'assurer en même temps la
liberté de manifester et la protection des citoyens, prenne les mesures
appropriées en temps utile.
Faut-il un policier ou faut-il 100 policiers dans un cas précis
de manifestation qui a beaucoup d'ampleur? La réponse à cette
question, comme à de nombreuses autres, nécessite un lot
d'informations. De même, on peut se poser d'autres questions. Combien y
a-t-il de conflits ouvriers où les forces policières n'ont pas
à intervenir et dont elles n'ont finalement pas à s'occuper, en
définitive. A partir de quoi un corps policier déterminera-t-il
s'il doit s'occuper ou non d'un conflit ouvrier? Doit-il attendre que la
violence ait éclaté? Je pense que poser la question, c'est y
répondre.
La prévention commence par les informations utiles pour
déterminer s'il y a ou non un risque de violence et à quel
degré elle pourrait se situer. Là aussi, pour faire cette
évaluation, cela suppose un certain travail préparatoire
d'information et une analyse. Le problème ne me paraît donc pas
être
de savoir si les policiers doivent faire un travail de prévention
de la violence et s'ils peuvent recueillir les informations pertinentes pour le
faire, car il me paraît clair que toute société responsable
et moderne doit répondre oui à ces deux questions.
Donc, la question est plutôt de savoir comment un corps policier,
en l'occurrence la Sûreté du Québec, doit recueillir ses
informations. Quelle méthode d'enquête la Sûreté
doit-elle employer?
Le député de Marguerite-Bourgeoys a parlé de la
nécessité d'indiquer un cadre d'action. Je puis lui dire qu'il
existe une ligne de conduite en cette matière. L'activité
syndicale au Québec a permis la promotion des intérêts de
nombreux travailleurs. Actuellement, le syndicalisme, on le sait, fonctionne
sur une très grande échelle au Québec et les syndicats
constituent un des corps intermédiaires les mieux organisés et
les plus représentatifs, et également un corps
intermédiaire pour lequel la grève légale est un des
recours essentiels et parfaitement légitimes dans son action.
Aussi, le fait d'obtenir de façon générale des
informations sur leurs activités serait complètement
déplacé, car seule une minime partie des événements
qui se produisent sont susceptibles d'entraîner des conflits violents et
de donner lieu à la commission possible d'actes criminels. Dans bien des
secteurs de relations de travail, la situation est calme et rien ne laisse
présager de changement. Il s'agit donc d'une minorité de cas
où la Sûreté doit effectuer son travail d'enquête et
être en mesure de prendre les dispositions requises, car c'est
essentiellement dans certaines situations particulièrement tendues que
les risques de confrontation existent, se présentent et peuvent se
matérialiser.
Je crois que de la même façon qu'il paraîtrait
injuste et injustifié que l'ensemble des hommes d'affaires et de leurs
organisations fassent l'objet de travail policier parce qu'il y a de nombreuses
fraudes, il paraîtrait tout aussi injuste et inacceptable que l'ensemble
des syndiqués et de leurs organisations fassent l'objet de l'attention
policière parce qu'il y a de nombreux cas de violence. Dans un cas comme
dans l'autre, personne n'est au-dessus des lois, mais dans les deux cas
également, le travail policier doit être motivé et
justifié par les circonstances et les faits.
C'est en ce sens, quand le député de Marguerite-Bourgeoys
nous parle de directives, de lignes de fond et de cadre d'action, que sont
établies les politiques de la Sûreté du Québec et
c'est dans ce sens qu'elles doivent être appliquées. J'ai
demandé aux autorités de la Sûreté du Québec
de s'assurer que c'est bien ainsi qu'elles sont comprises également par
ses membres. Vous pourrez, à la lecture de la revue que vous avez
soulignée tout à l'heure, remarquer que ce n'est pas depuis qu'il
y a des questions en Chambre que ces lignes de fond ont été
énoncées à la Sûreté du Québec, mais
bien avant. On en fait d'ailleurs état dans la revue qui a
été publiée en février 1979.
La première règle, la règle absolue, est la
légalité. S'il y a des illégalités, elles ne
découlent pas des politiques de la Sûreté, il s'agirait de
cas individuels qui seraient traités selon la loi. S'il y avait des cas
qui nécessitent une enquête de la Commission de police,
l'enquête aurait lieu. S'il y avait des cas qui impliquent des
accusations au criminel, les accusations seraient portées. S'il y avait
des cas qui nécessitent des mesures disciplinaires pouvant aller
jusqu'au congédiement, il y en aurait. Ni le gouvernement du
Québec, ni le Procureur général, ni les autorités
de la Sûreté du Québec n'acceptent et ne tolèrent
l'illégalité de la part de policiers. Les autorités de la
Sûreté du Québec partagent cette opinion et cette
préoccupation autant que chaque citoyen et elles agissent en
conséquence.
Sur cet aspect essentiel du cadre d'action, une des premières
règles est le respect de la légalité. Sur cet aspect,
comme Procureur général, je n'ai jamais laissé et ne
permettrai pas qu'on laisse subsister quelque doute à ce sujet.
Dès le 11 janvier 1977, m'adressant à tous les policiers des
corps policiers réunis à l'occasion des journées
d'étude de la Commission de police, je déclarais et je cite: "Je
crois fermement que vous pouvez maintenant réaliser vos objectifs dans
le cadre du respect des droits et des règles du jeu démocratique
sans avoir recours à la violence ou à l'illégalité.
Autant les policiers peuvent compter sur mon appui dans leurs revendications
légitimes, autant ils peuvent être assurés que des
comportements illégaux de leur part ne sauraient être
tolérés". Ce n'est pas aujourd'hui que je le dis, je l'ai fait
dès que j'ai assumé les responsabilités de ministre de la
Justice.
Je poursuivais en ce sens: "Et cela, je le dis non seulement en vertu du
droit des citoyens d'exiger des policiers le respect de la loi, mais
également dans l'intérêt des policiers eux-mêmes qui
doivent se mériter la confiance, le respect et l'estime des citoyens".
C'est dans cette ligne de pensée que, quelques mois plus tard, la
commission Keable était formée aux fins de faire la
lumière sur certaines pratiques policières illégales qui
avaient eu cours dans les années antérieures. De la même
façon, toute illégalité qui serait découverte
ferait l'objet des actions appropriées, ainsi que je l'ai
indiqué. Au niveau du cadre d'action, au niveau des lignes de fond, des
lignes directrices, la seconde règle est celle de la neutralité
du policier. Le contenu des négociations entre employeur et
employé n'intéresse pas la police et le policier n'a pas à
favoriser l'une ou l'autre des parties à cet égard. L'information
qu'il recueille ne doit servir qu'à maintenir l'ordre et prévenir
les situations de violence.
S'il est utile parfois au policier de connaître les principaux
points en litige, comme facteur majeur d'appréciation permettant
d'évaluer, tant du côté de l'employeur que du
côté des employés, le potentiel de violence et le
degré d'accroissement de ce potentiel il ne doit cependant absolument
pas permettre que cette information bénéficie à l'une des
parties au détriment de l'autre partie. De plus, dans le cadre de leur
travail, les policiers n'ont aucun mandat de se préoccuper des opinions
politiques ou des allégeances politi-
ques des citoyens et celles-ci ne doivent pas influencer, de quelque
manière que ce soit, les opérations policières. Ce qui
doit uniquement faire l'objet de préoccupations, ce sont ceux qui
préconisent l'usage de l'illégalité ou de la violence. (70
h 45)
C'est ainsi que les policiers doivent comprendre et concevoir leur
rôle qui doit tenir compte de la liberté d'opinion et de la
liberté d'expression. C'est dans ce contexte que les membres de la
Sûreté, dans les cas où un conflit de travail est en cours
ou encore est prévu sur son territoire, c'est dans ce contexte que les
membres de la Sûreté du Québec ne doivent recueillir que
les renseignements pertinents relatifs au conflit et susceptibles d'aider
à évaluer les risques de violence et également, de ce
fait, à prendre les moyens de la prévenir.
Le policier doit donc rencontrer je pense que cela
s'insère; c'est une opération publique, pour des motifs
précis que je viens d'indiquer, dans le cadre d'action précis
les deux parties: la partie patronale et la partie syndicale. Toutes
deux, bien sûr, sont libres de lui fournir les informations utiles pour
son travail; de la même façon, lorsque le conflit est sur le point
d'éclater, les policiers chargés de maintenir l'ordre tenteront
de rencontrer les deux parties, pour expliquer quel sera le rôle des
policiers pour maintenir la paix.
Dans le passé, ces rencontres ont donné d'excellents
résultats en permettant de clarifier les règles du jeu pour
toutes les parties. J'estime qu'il s'agit d'un travail intelligent et
nécessaire de la part des policiers et qui porte des fruits pour les
parties en cause. Rien d'étonnant, donc, que les centrales syndicales et
que le député de Marguerite-Bourgeoys puissent
énumérer des cas d'exécutifs locaux ou encore de
présidents de syndicats qui ont été rencontrés.
C'est une démarche ouverte, publique et qui se fait aussi bien du
côté patronal que du côté syndical.
Dans un autre ordre d'idées puisqu'on a parlé de
méthodes d'enquête, de moyens de mener à bien ces
enquêtes la Sûreté reçoit ou sollicite, dans
le cadre de son travail, l'aide des citoyens. Cette collaboration au maintien
de l'ordre et au respect des lois est essentielle. Dans tous les cas, cette
collaboration doit être libre et volontaire. Si cette condition est
remplie, je vois mal de quel droit on empêcherait des citoyens d'aider la
police à prévenir la violence, et je m'expliquerais assez mal
qu'on veuille empêcher le policier de recevoir, par exemple,
l'information émanant d'un citoyen, relativement à un projet
d'acte criminel ou encore de nature illégale. Les citoyens sont
absolument libres d'aider les policiers dans leur travail et les policiers ont
besoin de cette collaboration. C'est là un des outils
nécessaires, un des moyens d'enquête nécessaires à
toute force policière dans le monde et je vois mal pourquoi on s'en
scandaliserait. Il est vrai, cependant, qu'il s'agit d'un domaine
délicat où chaque cas en est un d'espèce qui doit
être apprécié par le policier et ses supérieurs, en
pleine connaissance de cause, avec tous les éléments en main et
avec le risque d'erreur inhérent à toute décision.
Dans ce domaine comme dans d'autres, il faut aussi savoir
réprimer les abus et le principal critère demeure la
légalité, car c'est le moins arbitraire de tous; cela n'est pas
le seul, mais je crois que c'est le plus important. Inutile d'ajouter que le
rôle des informateurs est singulièrement réduit en ce qui
concerne les conflits de travail et, dans le même ordre de
préoccupations, j'ai déjà indiqué, et je le
répète, que la Sûreté du Québec n'a aucun
membre infiltré dans les syndicats et qu'aucune écoute
électronique n'est faite par elle dans le but de connaftre les
préoccupations syndicales.
L'utilisation de l'écoute électronique est strictement
réglementée par le Code criminel et la loi fédérale
sur les secrets officiels. Dans le premier cas, elle est réservée
à certains actes criminels et dans des circonstances précises,
après autorisation judiciaire; dans le second cas, elle relève
uniquement de l'autorisation du Solliciteur général du Canada et
elle est utilisée par la GRC, mais non la Sûreté du
Québec. Je crois qu'en définitive, la discussion et je
remercie d'une certaine façon le député de
Marguerite-Bourgeoys d'avoir demandé ce débat de tels
sujets est saine, à condition que la réflexion n'en soit pas
absente.
Je crois que cette réflexion devrait aussi être faite par
les dirigeants syndicaux. Le maintien de l'ordre et le respect de la loi de
même que la prévention de la violence, ce n'est pas seulement la
responsabilité des policiers. C'est aussi celle des citoyens et
notamment, des syndiqués et de leurs dirigeants. Ceux-ci ne doivent pas
faire comme si la violence n'existait pas dans les conflits de travail. Ils ne
doivent pas hésiter à observer et à faire observer la
légalité et également, à prendre eux-mêmes,
quand c'est nécessaire, les moyens appropriés pour éviter
la violence.
Je songe également à leur rôle dans le
contrôle effectif, et par eux-mêmes, des manifestations qu'ils
organisent. Je pense aussi qu'ils devront vraiment prendre leurs
responsabilités quant aux droits d'accès aux édifices
publics ou privés lors de conflit ou de grève. Ce sont des
domaines, je crois, où ils font déjà beaucoup, mais ils
devront faire encore davantage. Je dirais même que dans la mesure
où ils prendront eux-mêmes les mesures pour que les lois soient
respectées et la violence évitée, le travail policier
pourra être éliminé progressivement.
Les syndicats sont des organismes légitimes et légaux, des
organismes nécessaires en démocratie et essentiels pour une
société. D'autre part, la police aussi est un organisme
légal, légitime et essentiel pour une société. Elle
est quand même, dans une démocratie, l'instrument qui doit faire
respecter les lois. La police et le syndicat n'ont pas à se surveiller
l'un l'autre. Ils doivent travailler franchement et, j'irais même
jusqu'à dire, pourquoi pas ensemble, afin d'écarter et
éviter cet ennemi dangereux de la société, à savoir
éviter la violence là où elle peut se
présenter.
Ainsi que je l'ai déjà dit, je suis ouvert à la
discussion avec les dirigeants syndicaux et je suis disposé à
préciser avec eux notre façon de voir les
responsabilités qui leur incombent quant au maintien de l'ordre
et du respect des lois et à rechercher avec eux de quelle façon
et par quelles mesures ils pourraient, avec leur organisme, faire en sorte que
le besoin de travail policier puisse être réduit dans les conflits
syndicaux. J'ai déjà des rencontres programmées avec
certains d'entre eux aux fins d'évaluer correctement et valablement
l'ensemble de la situation.
Je suis également et je terminerai là-dessus, M. le
Président conscient que cette réflexion doit
également s'étendre au milieu patronal. Les dirigeants
d'entreprises doivent aussi contribuer au maintien d'un climat serein. Sans
généraliser non plus, il arrive que des gestes de leur part dans
certains cas constituent une provocation injustifiable des travailleurs. Ainsi,
lorsque cela se produit, l'absence de bonne foi, l'abus des injonctions,
l'embauche de certaines compagnies de sécurité peu responsables,
la provocation sur les lignes de piquetage et certaines manoeuvres
anti-syndicales constituent autant de facteurs provoquant la violence. Le
patronat non plus ne doit pas tergiverser avec le respect non seulement de la
lettre, mais aussi de l'esprit de la loi.
M. le Président, en terminant, je l'ai dit à plusieurs
reprises, les politiques de la Sûreté du Québec
m'apparaissent nécessaires et légales, mais je l'ai dit
aussi il peut toujours y avoir des erreurs ou des abus individuels.
C'est pour améliorer les mécanismes de contrôle de ces
erreurs aussi bien dans ce secteur d'activité policière que dans
les autres qu'un certain nombre de mesures seront proposées dans le
projet de loi modifiant la Loi de police. Je profite de l'occasion pour les
annoncer. Le projet de loi en question prévoira un code d'éthique
et de discipline minimum pour tous les policiers du Québec, de
même qu'un nouveau code d'éthique et de discipline pour les
membres de la Sûreté du Québec. La Commission de police
verra également s'accroître ses pouvoirs dans ce domaine de
l'éthique, de la discipline et des qualités nécessaires
pour agir comme agent de la paix.
M. le Président, comme nous avons un débat de trois
heures, j'ai tenu à ce que mes premiers propos concernant l'action
policière se situent au niveau des conflits ouvriers parce que c'est un
point extrêmement important en démocratie que de trouver le moyen
de relever le défi, de concilier le respect du caractère
démocratique des syndicats et le devoir des policiers de faire leur
travail selon le mandat qui leur est imparti par la loi. Alors, je croyais
nécessaire d'insister, dans cette première intervention, sur ce
point particulier, étant donné qu'on avait dramatisé la
situation. Concernant les cas particuliers auxquels le député de
Marguerite-Bourgeoys a fait état, nous aurons l'occasion d'y revenir.
S'il le désire également, je suis disposé à lui
donner l'essentiel des instructions de la Sûreté du Québec,
qui sont adressées à ses membres aux fins de recueillir certaines
informations dans les conflits ouvriers. Je suis très disposé
à donner l'essentiel de ces informations qui sont recueillies par les
membres de la Sûreté du Québec.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais laisser...
M. Fontaine: M. le Président, est-ce que je vais avoir mon
droit de parole tout à l'heure?
Le Président (M. Richard): M. le député de
Nicolet-Yamaska, vous aurez le droit de parole en temps opportun. Je vous
rappelle que cette question avec débat a pour effet de
privilégier deux intervenants: celui qui a formulé la question,
en l'occurrence M. le député de Marguerite-Bourgeoys, et le
ministre de la Justice lui-même. Comme le ministre de la Justice vient de
répliquer, j'ai l'intention de redonner tout de suite le droit de parole
au député de Marguerite-Bourgeoys, quitte à vous rejoindre
immédiatement après, M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président.
M. Lalonde: M. le Président, avec votre permission, est-ce
que je pourrais laisser mon collègue de Portneuf exprimer quelques
points en réaction avec...
M. Pagé: C'est une substitution, M. le
Président.
M. Lalonde: Oui. De cette façon, personne ne sera
brimé. Je reviendrai après.
Le Président (M. Richard): Oui, mais je vous signale
qu'après je vais donner...
M. Pagé: Merci, M. le Président. M. Lalonde: Oui,
je reviendrai après.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Portneuf.
Autres interventions
M. Michel
Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je vais tenter
d'être assez bref afin que mon collègue de Nicolet-Yamaska puisse
intervenir lui aussi. Je n'aurai que quelques questions à poser au
ministre. Ce matin, le ministre de la Justice nous fait une déclaration
qui est tout à fait vertueuse. Le ministre de la Justice et Procureur
général nous dit que les forces policières ont
l'obligation de prévenir des situations de violence au Québec,
doivent maintenir l'ordre, doivent veiller au respect de la loi, que les
informations recueillies dans le cadre des démarches de la
Sûreté du Québec ne peuvent bénéficier aux
partis, qu'il n'y a aucun mandat pour intervenir au niveau des activités
politiques des membres de syndicats ou quoi que ce soit.
M. le Président, le motif sur lequel semble s'appuyer le ministre
de la Justice pour justifier
toute démarche, dans ce sens-là, de la Sûreté
du Québec semble être les cas de violence
appréhendée. D'ailleurs, le ministre a fait
référence à quelque 100 cas de violence depuis deux ans
dans le cadre de négociations ou de renouvellement de...
M. Bédard: ... cas de violence. Une centaine de
conflits...
M. Pagé: Une centaine de conflits où il y a
eu...
M. Bédard: ... où il y a eu des actes de violence
dans certains cas.
M. Pagé: ... de la violence.
M. Bédard: II y a eu au-delà de 100 plaintes, dans
certains cas...
M. Pagé: C'est cela.
M. Lalonde: C'est pire qu'on pensait.
M. Bédard: ... qui ont pu être portées...
M. Pagé: C'est cela. Plus d'une centaine de plaintes.
M. Lalonde: C'est pire qu'on pensait. M. Bédard:
Une centaine de conflits.
M. Pagé: Cela veut dire que cela évolue à un
rythme de un par semaine et...
M. Bédard: Moins de conflits que dans votre temps.
M. Pagé: ... tout cela dans un contexte où on
aurait la paix sociale.
M. Bédard: Beaucoup moins. M. Lalonde: Moins de
cas. M. Bédard: Oui, le climat...
M. Pagé: On y reviendra sur les conflits de 1973 à
1976...
M. Bédard:... est beaucoup plus serein maintenant.
M. Pagé: ... par rapport à votre période.
Le Président (M. Richard): M. le ministre.
M. Pagé: On y reviendra et on videra la question avant
longtemps. Ne soyez pas inquiet là-dessus. Je pense que vous serez le
premier à être surpris de la statistique.
M. le Président, la première question au ministre. C'est
vertueux, c'est très bien, c'est beau et cela paraît bien; c'est
bien enveloppé et c'est bien enrubanné. Le président de la
CEQ, dans un communiqué de presse et une missive qu'il faisait parvenir
au ministre au début du mois de mars dernier, portait à
l'attention du ministre certains faits. Entre autres, le président de la
CEQ soutenait qu'à la réunion de leur conseil
général de la fin d'octobre 1978, un policier de la
Sûreté du Québec était venu prendre des documents de
cette instance au Centre municipal des congrès à Québec.
Même chose à la conférence de presse de la
Fédération des enseignants de CEGEP, un groupe affilié, le
22 février 1979 à l'Auberge des gouverneurs au centre-ville de
Québec, un policier de la Sûreté du Québec, encore
une fois était venu faire une apparition discrète pour s'emparer
de documents. Au CLSC des frontières, dans le comté de
Témiscouata, encore une fois, des agents de la Sûreté du
Québec se sont présentés auprès de la direction
pour avoir des renseignements sur le syndicat, ses membres, etc. (11
heures)
M. le Président, on a eu des faits analogues qui ont
été invoqués par d'autres dirigeants syndicaux, dans le
cadre des négociations du secteur public et parapublic, des CEGEP, des
hôpitaux, des CLSC, des collèges et même de
polyvalentes.
Je conviens que le ministre de la Justice puisse se fonder et justifier
la position de la Sûreté du Québec dans les cas de violence
appréhendée. Le ministre de la Justice, le Procureur
général, à la fin de son exposé, a
déploré certains faits ou a fait certains constats à
l'égard de certains employeurs qui, lors du renouvellement d'une
convention collective, par exemple, peuvent... il a fait allusion à
l'engagement de services de sécurité ou d'agences de
sécurité, etc. Je conviens que le ministre puisse justifier,
jusque dans une certaine mesure, les actions de la Sûreté du
Québec dans les cas de violence appréhendée. Mais, dans
ces cas, y avait-il de la violence appréhendée? Est-ce qu'il y a
de la violence appréhendée dans la négociation dans le
secteur public et parapublic? Est-ce que cette violence
appréhendée, de la part du procureur général, des
autorités et des services de renseignements de la Sûreté du
Québec, justifie de telles démarches au sein des CLSC, des
hôpitaux, des collèges d'enseignement, des CEGEP, etc.? C'est le
premier élément de ma question, M. le Président.
M. Bédard: D'abord, on ne parle pas de violence
appréhendée, l'essentiel de l'action de la Sûreté du
Québec, c'est un travail de prévention de situations de violence
possible.
Les informations de prévention essentielle qu'il est important de
recueillir, je peux les faire connaître au député. Disons
que, dans le contexte des conflits de travail, qu'ils soient en cours ou encore
qu'ils soient prévus sur un territoire donné, le membre de la
Sûreté du Québec ne doit recueillir que les renseignements
pertinents et relatifs aux conflits susceptibles d'aider à
évaluer les risques de violence et à prendre des moyens pour
prévenir celle-ci, je l'ai dit tout à l'heure.
Je pourrais vous donner quelques exemples, non seulement quelques
exemples, mais je suis disposé à vous faire connaître
l'essentiel des informations préventives que les agents ont instruction,
de leurs supérieurs, de recueillir dans ces cas. Par exemple, la date et
l'heure réelles ou probables du conflit, la nature du conflit, la raison
sociale, le genre d'affaires et l'adresse des entreprises, l'adresse des
filiales ou succursales pouvant être touchées par un conflit, les
nom, adresse, numéro de téléphone des propriétaires
ou dirigeants, le nombre d'employés impliqués, le nombre de
cadres et d'employés non syndiqués, le nom de la personne ou
agence responsable de la sécurité de l'entreprise, comment la
propriété est protégée au niveau de bornes,
barrières, points d'accès. Ce sont quelques-unes des informations
que doivent recueillir les policiers de la Sûreté du Québec
au niveau de cette opération publique et...
M. Pagé: M. le Président,, je ne sais pas si le
ministre m'a bien compris.
M. Bédard: Je vais revenir à votre question. Il y a
également d'autres éléments d'information que le policier
doit recueillir au niveau de l'ensemble de cette opération publique, par
exemple, les nom et adresse du syndicat, l'union ou l'association en cause, nom
et adresse des dirigeants ou représentants ouvriers, le nombre de
piqueteurs et les heures de piquetage, l'endroit de réunion des
employés en grève ou en lock-out, les manifestations qui sont
prévues, que ce soit au niveau des assemblées, marches,
piquetages massifs, etc., si, par exemple, l'employeur entend continuer
à opérer, les structures et disponibilités du corps
policier responsable du territoire où se déroule le conflit. Il
doit obtenir, si c'est possible, une photographie des lieux, l'identification
des véhicules d'intérêt en rapport avec des
activités criminelles et des personnes d'intérêt, qui sont
en fuite, sous interdiction de port d'armes ou d'usage d'armes, de conduite ou
en liberté conditionnelle, qui sont reliées à des
activités criminelles ou violentes.
C'est l'essentiel des informations que doivent recueillir les policiers
de la Sûreté du Québec. C'est une opération
publique. Quand je vois le député s'étonner du fait que
des policiers se sont rendus quérir pas s'en emparer
certains documents, ouvertement, documents qui étaient publics, je ne
vois pas comment le député peut se scandaliser de cette
démarche de la part de policiers. C'est une démarche ouverte et
publique.
M. Pagé: M. le Président...
Le Président (M. Richard): M. le député de
Portneuf.
M. Pagé: Ma question au ministre est relative,
spécifique aux négociations dans le secteur public et parapublic.
Le ministre de la Justice me répond par la politique adoptée par
la Sûreté du Québec à l'égard de conflits
possibles ou de situations potentiellement dangereuses ou de violence dans des
entreprises privées. A ma question, le ministre me répond par des
contrôles, des barrières, des véhicules, des cadres, de la
production ou non pendant une période de grève, de l'heure de la
grève, etc. Tout cela, c'est bien, à l'égard des conflits
dans l'entreprise privée, de conflits possibles à la suite d'une
première convention collective ou d'un renouvellement de convention
collective. Ma question est bien spécifique: On a des
négociations dans le secteur public et parapublic actuellement. On a des
syndicats qui se réunissent, comme c'est légitime et comme c'est
normal, pour discuter de ces négociations et de la façon que cela
peut avancer et tout cela. Il y a des documents qui se distribuent, etc.
Qu'est-ce que les policiers de la Sûreté du Québec
vont faire là? Le syndicat est connu. Ils ont l'adresse du syndicat. Le
syndicat n'est pas encore en grève, il est en pleine négociation.
Le ministre dit: Ce n'est pas grave. Ils vont chercher des documents publics. A
ce moment, cela met de côté toute votre argumentation du
début, à savoir que l'action policière n'était
justifiée que pour prévenir les situations de violence et dans le
cas de violence appréhendée, pour maintenir l'ordre et respecter
la loi. En quoi la Sûreté du Québec prévient-elle
des situations de violence lorsqu'elle se rend dans des CLSC comme elle l'a
fait, dans des CEGEP, dans des réunions pour la négociation de
conventions collectives en milieu hospitalier, en milieu scolaire ou autrement?
Qu'est-ce que vous prévenez en termes de violence?
Le Président (M. Richard): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: Le député semble surpris de voir
que l'opération publique, très ouverte...
M. Pagé: Très ouverte, très ouverte,
écoutez...
M. Bédard: ... se poursuit ou encore a lieu concernant le
secteur parapublic. Je ne vois pas pourquoi vous vous étonnez de cela
puisque, dès le mois de novembre ou de décembre 1978, j'ai
indiqué que cette politique de prévention, cette opération
s'appliquait tant dans le secteur privé que dans le secteur public ou
parapublic. Ce sont les mêmes règles...
M. Pagé: C'est donc dire... M. Bédard: ...
du jeu.
M. Pagé: Mêmes règles du jeu dans le secteur
public et les négociations dans le secteur privé. Je conviens que
la Sûreté du Québec est soumise aux mêmes
obligations, qu'elle a des devoirs à remplir; c'est donc dire que vous
présumez de la violence dans les négociations, à la suite
des négociations publiques et parapubliques.
M. Bédard: Vous charriez.
M. Pagé: Je n'essaie pas de charrier et vous interviendrez
sur le débat là-dessus.
M. Vaillancourt (Jonquière): II charrie.
Le Président (M. Richard): M. le ministre de la
Justice.
M. Pagé: M. le Président, essentiellement, et le
ministre de la Justice pourra me contredire, le ministre de la Justice dit
ceci: II y a des négociations de conventions collectives, il y a des
négociations qui sont parfois difficiles, il y a des conflits ouvriers
qui entraînent la violence et la Sûreté du Québec a
une responsabilité à cet égard. Le ministre de la Justice
nous a donné la nomenclature d'informations qui sont recueillies par la
Sûreté du Québec dans le cas de conflits privés,
c'est-à-dire la nature de l'industrie, le nombre d'employés, le
nombre de cadres, la date d'échéance de la convention collective,
la date du droit de grève comme tel, etc. Le ministre se fonde
essentiellement, appuie cette démarche sur une question de
prévenir les situations de violence. Donc, s'il y a une action des
policiers de la Sûreté du Québec, dans quelque cas que ce
soit, public ou privé, c'est parce qu'on présume ou on
appréhende la violence à la suite de ces négociations. Ce
que je demande au ministre de la Justice, les démarches des policiers de
la Sûreté du Québec dans certains CLSC et cela... Je vous
ai fait référence seulement à ceux qui sont connus, on n'a
pas ceux où ce n'est pas connu encore, les hôpitaux, les
collèges d'enseignement, les polyvalentes, tout le secteur public et
parapublic, qui sont actuellement en négociation. S'il y a des
interventions de la Sûreté du Québec, pour que cette
intervention soit justifiée, c'est donc qu'il y a de la violence
appréhendée. C'est quoi, si ce n'est pas cela?
A ce moment, cela pourrait devenir, M. le Président, la recherche
de renseignements purement et simplement. Si le ministre de la Justice nous
répond ce matin, M. le Président, qu'il n'y a pas de violence
appréhendée dans le cas où la Sûreté du
Québec intervient dans la négociation dans le secteur public et
parapublic, c'est encore plus inquiétant parce que cela pourrait
ce n'est pas ce que je soutiens ce matin je vous dis que cela pourrait
être davantage inquiétant parce que la démarche de la
Sûreté du Québec, à ce moment, pourrait être
interprétée comme étant une démarche strictement
d'information, en termes de contenu.
Le Président (M. Richard): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: M. le Président, je l'ai dit à
deux reprises au député, cette cueillette des informations, j'ai
indiqué les principaux points tout à l'heure, se situe à
l'intérieur d'un travail de prévention de la part de la
Sûreté du Québec, en fonction de conflits qui peuvent se
matérialiser. Je pense bien qu'on ne devrait pas faire de reproche
à la Sûreté du Québec ou encore au gouvernement de
faire ce travail de prévention, étant donné l'ampleur de
la négociation que peut représenter celle dans les domaines
public et parapublic. Il s'agit de négociation, comme vous le savez,
où au-delà de 200 000 personnes sont concernées et
où il y a des services publics qui doivent être assurés
s'il devait y avoir une grève, il y a des édifices qui doivent
être protégés. C'est un travail de prévention
normal. Si la Sûreté du Québec ne le faisait pas, le
premier reproche qu'on nous ferait, s'il y avait des difficultés qui se
présentaient en cas de grève ou autrement, ce serait de ne pas
avoir prévenu ces situations, de ne pas avoir fait le travail de
prévention normal dans les circonstances.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: M. le Président, le ministre de la Justice,
tout à l'heure, dans son allocution, a fait le tour de la grande
question policière au Québec. Il nous a dressé le tableau
de la société idéale où tout le monde respecterait
les lois, les syndicats d'un côté, la police de l'autre
côté, le patronat de l'autre côté...
M. Bédard: II va y en avoir...
M. Fontaine: II dit: Progressivement la police va se retirer du
domaine de l'information policière, et tout le monde va
s'autodiscipliner, cela va bien aller partout. Je pense, Mme la
Présidente, que la situation n'est peut-être pas telle qu'elle a
été décrite par le ministre.
Je suis d'accord avec le ministre qu'il faut prévenir les
situations de violence dans les conflits de travail, assurer la protection des
citoyens lors de manifestations, mais de là à dire que tout se
déroule dans le meilleur des mondes, on en a eu la preuve
dernièrement lors des discussions qui ont été tenues
à l'Assemblée nationale.
Les journaux ont largement mis en relief les faits. Les discussions qui
se sont déroulées en cette Assemblée ont été
suffisamment claires, pour démontrer à la population du
Québec que les méthodes d'enquêtes du service de
renseignements de la Sûreté du Québec peuvent inspirer
certaines craintes dans la population. Mais au-delà de ces
méthodes d'enquête, il faudra aussi s'interroger, dans un avenir
rapproché, sur le rôle de la police au Québec et
impérativement le gouvernement se doit de légiférer en ce
sens.
Je voudrais ouvrir une parenthèse et mentionner un passage du
volume de M. Guy Tardif, qui est actuellement ministre des Affaires
municipales. Ce volume porte le titre: Police et politique au Québec. M.
Tardif écrit à la page 470: "S'appuyant sur les lois organiques
existantes qui définissent la police en termes de prévention du
crime, de détection des auteurs et de la poursuite en justice, on attend
des policiers qu'ils soient au service de l'ordre et de la paix publics et non
au service de quelques factions, qu'ils protègent la vie et la
propriété et qu'ils respectent et fassent respecter les droits
des individus et des groupes."
Je pense que c'est ce à quoi on doit s'attendre d'un corps
policier. Ce sont des millions de dollars des Québécois qui sont
investis pour faire fonctionner notre police et, de ce fait, la population a le
droit de savoir si ces derniers, ces sommes d'argent, ces millions de dollars
sont dépensés à bon escient ou non. (11 h 15)
Je ne voudrais pas passer sous silence un point extrêmement
important qui s'est dégagé de toutes ces discussions, au cours
des dernières semaines. Nous avons appris de la bouche même du
premier ministre que la Sûreté du Québec surveillait la
GRC. Il disait ceci: "A l'occasion, il peut arriver que les agissements
arrivant assez près des choses qui concernent le gouvernement du
Québec aient besoin d'être quelque peu surveillés. C'est un
fait." Le premier ministre avait d'ailleurs admis à des journalistes du
club de presse Europe-1 que le travail de renseignement permettait à la
Sûreté du Québec de suivre à la trace certains
agissements de la police fédérale. Encore une fois, une telle
affirmation sème des doutes dans notre esprit. Pourquoi la
Sûreté du Québec suivrait-elle à la trace certains
agissements de la GRC? Quelle est la nature de ces agissements? Craint-on un
coup de force de la part du fédéral lors du
référendum?
Des Voix: Ah, ah!
M. Fontaine: C'est une question importante. Si on décide
de dépenser des millions de dollars de l'argent des
Québécois pour faire ce travail, je pense qu'on doit poser la
question.
M. Vaillancourt (Jonquière): Avec tout ce qu'ils ont fait
dans le passé, c'est possible. Il faut s'attendre à tout d'eux
autres.
M. Fontaine: Pourquoi tout ce travail auprès de la police
fédérale? Depuis combien de temps cette surveillance
existe-t-elle? Bref, je pense que la Sûreté du Québec a
elle aussi besoin d'être surveillée de près, d'être
suivie de près et c'est à l'autorité politique
constituée par le ministre de la Justice qu'il incombe de surveiller son
fonctionnement afin qu'elle ne brime pas les droits et les libertés des
individus. L'argent des contribuables a-t-il besoin d'être
dépensé dans la surveillance d'un autre corps policier? Je pense
que c'est une question que nous avons le droit de poser aujourd'hui.
Vous me permettrez également d'exprimer le voeu suivant: Que la
commission permanente de la Justice se réunisse à nouveau, et
dans les plus brefs délais, aux fins d'entendre les principaux
dirigeants de la Sûreté du Québec, des centrales syndicales
(CSN, FTQ, CEQ) en rapport avec cette gigantesque opération
policière qui a été dénoncée depuis quelques
mois.
Je pense qu'il y a des questions importantes auxquelles le ministre n'a
pas encore répondu. Ce sont là des questions fondamentales si on
veut véritablement savoir si la Sûreté du Québec
fait le travail qui doit être accompli par un corps policier. Il faudrait
que le ministre établisse clairement, qu'il nous dise si oui ou non les
services de renseignement de la sécurité font porter leurs
efforts surtout dans le secteur public et parapublic actuellement. Qui leur a
donné ce mandat de faire porter les efforts là-dessus? Il y a eu
des déclarations de certains policiers de la Sûreté du
Québec à cet effet. Quelle est la teneur de ce mandat
précis? Dans ce cas-là, il faut bien comprendre que c'est le
gouvernement du Québec qui est l'employeur. Si le gouvernement du
Québec ordonne à sa police d'effectuer un mandat spécial
concernant des négociations, ce n'est pas la même chose que
lorsqu'on surveille l'entreprise privée.
On peut également poser des questions quant à la
neutralité des policiers de la Sûreté du Québec
lorsqu'ils obtiennent des renseignements. On a eu des preuves, dans le domaine
privé, de déclarations qui ont été faites à
savoir que des policiers se sont servis des renseignements obtenus pour
s'impliquer dans les négociations. On a vu également qu'un
responsable de CLSC, dans un article du Soleil du 16 mars 1979, disait que les
policiers de la Sûreté du Québec voulaient se servir de
renseignements obtenus pour s'impliquer dans les négociations des
secteurs public et parapublic.
M. Clair: Est-ce écrit dans l'article?
M. Vaillancourt (Jonquière): Voulez-vous lire
l'article?
M. Clair: Voulez-vous le lire?
M. Fontaine: Oui, je vais le lire. Un instant. "Nouveau
rebondissement dans le dossier des activités policières en milieu
syndical. En plus d'enquêter systématiquement sur les
organisations syndicales des secteurs public et privé, les services de
sécurité de la Sûreté du Québec vont parfois
jusqu'à offrir de mettre les renseignements ainsi obtenus à la
disposition de la partie patronale. "
M. Vaillancourt (Jonquière): Qui a dit cela?
M. Fontaine: C'est M. Pierre Boulet qui a écrit cela dans
le journal Le Soleil du 16 mars.
M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce un journaliste?
M. Clair: C'est le journaliste ou c'est le directeur du CLSC,
comme vous le disiez?
M. Vaillancourt (Jonquière): C'est ce qu'on veut savoir,
nous.
M. Clair: Vous nous disiez que c'était un directeur de
CLSC.
M. Fontaine: Je dis que c'est rapporté...
M. Vaillancourt (Jonquière): Vous êtes un avocat, le
ouï-dire, connaissez-vous cela?
M. Fontaine: ... dans le journal Le Soleil. M. Vaillancourt
(Jonquière): Bon!
M. Fontaine: Je ne dis pas que c'est exact ou que ce n'est pas
exact.
M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas drôle de
se servir de la police à des fins électorales. C'est
terrible!
M. Fontaine: Un instant!
M. Vaillancourt (Jonquière): C'est terrible, de la part
d'un avocat surtout! C'est terrible!
M. Fontaine: Mme la Présidente!
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
s'il vous plaît!
M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je dis tout simplement que ces faits sont
portés à la connaissance du public. Je pense que c'est du devoir
du ministre de la Justice de nous dire aujourd'hui, si, oui ou non, ces faits
sont exacts; est-ce qu'il y a un mandat en ce sens à la
Sûreté du Québec? C'est là la question importante
à laquelle le ministre de la Justice doit répondre ce matin et il
n'y a personne qui lui a posé la question directement jusqu'à
maintenant, et il n'a pas répondu non plus. C'est son devoir de
renseigner le public. S'il y a des gens qui renseignent mal la population,
c'est le devoir du ministre de la Justice de contredire ces informations et de
donner la vérité au public du Québec, parce que c'est lui
qui paie les taxes et c'est également lui qui a à souffrir de ces
agissements, s'ils sont exacts.
Egalement, Mme la Présidente, je voudrais aussi attirer
l'attention du ministre sur le fait que... Par exemple, dans la revue de la
Sûreté du Québec de février 1979, il y a un article
qui porte sur le domaine de la sécurité d'Etat. Un passage de
l'article nous dit: "La psychose de l'espionnage ou des activités
subversives peut amener à une restriction des libertés
individuelles et, de là à l'Etat policier, il n'y a qu'un pas".
Je pense que le ministre de la Justice est conscient de cela et devrait nous
dire quelles dispositions il prend ou il a prises ou qu'il entend prendre pour
que cette situation ne se produise pas.
Je voudrais inviter le ministre de la Justice à penser s'il ne
serait pas favorable à présenter une loi spéciale qui
viendrait légitimer les activités de renseignements par voie
législative, les activités de la Sûreté du
Québec. Je sais que cela n'est pas de tradition britannique de
procéder ainsi, mais je pense qu'on aurait avantage à penser
à cette solution. Je pense que cela pourrait être un moyen, de
façon que les parlementaires, que le ministre de la Justice aient
véritablement un contrôle sur les agissements d'un corps policier,
quant au mandat qui lui est confié, et pour légitimer vraiment
les activités qui peuvent être accomplies par ce corps
policier.
Alors, Mme la Présidente, le ministre de la Justice doit
répondre aux questions que je lui ai posées et j'aimerais
également qu'il me donne son opinion quant à une loi
spéciale dans ce domaine et également quant à la
convocation de la commission parlementaire que je lui ai demandée.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre. M.
Lalonde: Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que vous avez
l'intention de répondre à la question, M. le ministre?
M. Bédard: C'est parce que le député de
Verchères avait demandé la parole.
M. Charbonneau: Question de règlement, vous allez au moins
me laisser faire ma question de règlement. Il y a deux
députés qui ont un droit de parole privilégié, le
député de Marguerite-Bourgeoys et le ministre de la Justice. Le
député de Marguerite-Bourgeoys, tantôt, a
cédé son droit privilégié au député
de Portneuf; c'est exactement ce que vient de faire le ministre de la Justice
à mon endroit...
M. Pagé: Mme la Présidente...
M. Charbonneau: Je pense, Mme la Présidente, que, si le
député de Marguerite-Bourgeoys pouvait céder son droit
privilégié au député de Portneuf, le
député de Chicoutimi peut très bien faire la même
chose et c'est exactement ce qui vient d'être fait.
M. Pagé: Mme la Présidente...
M. Lalonde: Sur la question de règlement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Une minute, s'il vous
plaît! Il y a déjà le député de Portneuf qui
m'a dit qu'il voulait poser une question de règlement.
M. Pagé: Mme la Présidente, très
brièvement sur la question de règlement. Vous savez que la
question avec débat est une procédure par laquelle les
représentants de l'Opposition peuvent questionner un ministre, non pas
en tant que député, mais en tant que membre de l'Exécutif
et responsable au sein du gouvernement. C'est ce que nous avons fait ce matin.
Le député de Marguerite-Bourgeoys était tout à fait
justifié de céder son droit de parole sur un aspect de la
question que lui-même a soulevé au nom de l'Opposition officielle.
Le député de Nicolet-Yamaska était tout à fait
justifié d'intervenir et je ne crois pas que le ministre de la Justice
puisse, comme membre du gouvernement, céder son droit de parole,
comme ministre, puisse attribuer la responsabilité qu'il a de
répondre aujourd'hui à l'Opposition au député de
Verchères. Entre autres, Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Un instant, s'il vous
plaît! M. le député de Marguerite-Bourgeoys, vous m'aviez
dit que vous vouliez faire une question de règlement; allez-y, s'il vous
plaît, sur la question de règlement.
M. Lalonde: Sur la question de règlement, tout simplement,
il semble que le député de Verchères veuille emprunter le
droit de parole du ministre pour répondre aux questions, peut-être
je l'espère plus précisément aux questions
du député de Nicolet-Yamaska. Comment le député de
Verchères peut-il dire, au nom du ministre, qu'il va y avoir une
commission parlementaire, qu'il va adopter une loi? C'est une question de
ministre et non pas de député.
La Présidente (Mme Cuerrier): D'accord; sur cette question
de règlement...
M. Vaillancourt (Jonquière): Sur la question de
règlement...
La Présidente (Mme Cuerrier): Ce sera la dernière
intervention sur la question de règlement.
M. Vaillancourt (Jonquière): Merci, Mme la
Présidente.
M. Fontaine: Mme la Présidente, je pense qu'en tant que
parti reconnu à l'Assemblée nationale, j'aurais également
droit à mon opinion sur la question de règlement. C'est une
question fort importante pour l'avenir, selon votre décision.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député,
vous ne m'aviez pas fait savoir que vous alliez poser une question de
règlement. Brièvement, j'entendrai les deux. Ce seront les
dernières.
M. Vaillancourt (Jonquière): Mme la Présidente, il
est vrai qu'en vertu de notre règlement qui régit la question
avec débat, il y a deux personnes en cette Assemblée qui ont des
droits privilégiés. C'est le député de
Marguerite-Bourgeoys, critique officiel du parti en cette matière, et le
ministre de la Justice, député de Chicoutimi. Par contre, Mme la
Présidente, il y a quand même des membres de l'Assemblée
nationale qui sont membres intégrants de la commission permanente
élue de la justice. Ce sont les députés de Portneuf, de
Nicolet-Yamaska, de Drummond, de Verchères et de Jonquière, qui
sont ici présentement. Je pense qu'à titre de membres de cette
commission parlementaire, nous avons quand même le droit d'intervenir et
que le droit privilégié n'est pas un droit exclusif. D'autre
part, j'aimerais vous dire que M. le Président on sait que la
présidence est indivisible avant votre arrivée à ce
digne fauteuil, avait déjà manifesté le désir et
l'intention de donner par la suite la parole au député de
Verchères.
La Présidente (Mme Cuerrier): Sur votre question de
règlement, M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Mme la Présidente, je n'ai pas à
commenter ce que le député de Jonquière vient de dire. Je
pense que là n'est pas le point essentiel de la question de
règlement. Le point essentiel de la question de règlement est de
savoir si celui qui a un droit privilégié en vertu de notre
règlement, article 162a, peut céder son droit
privilégié à un autre député. Mme la
Présidente, je vous soumets bien humblement que le règlement est
très clair et très précis. Il n'y a que deux
députés qui ont un droit privilégié, celui qui pose
la question et le ministre qui doit y répondre. Tout à l'heure,
un consentement a été demandé pour céder un droit
privilégié et ce consentement a été
accordé.
M. Charbonneau: Non.
M. Fontaine: Or, je prétends que si le
député de Verchères veut exercer un droit
privilégié qui lui serait cédé par le ministre de
la Justice, il faut qu'il demande le consentement de la commission et ce
consentement, Mme la Présidente, il ne l'aura pas de ma part.
M. Charbonneau: II n'y a pas eu consentement. Ce n'est pas exact.
Il n'y a pas eu consentement.
M. Fontaine: Je pense que c'est...
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît! C'est M. le député de Nicolet-Yamaska qui a la
parole.
M. Fontaine: ... une question fort importante qui peut
déterminer l'avenir des travaux de cette commission. Si vous
décidez aujourd'hui qu'un député qui a un droit
privilégié peut céder son droit à un autre, je
pense qu'à ce moment-là, on vient tout à fait à
l'encontre de l'esprit prévu dans ce règlement.
M. Charbonneau: J'ai été reconnu, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je suis très heureuse
de constater que vous reconnaissez tous un droit privilégié au
ministre et à celui qui a fait l'interpellation. Quant à la
cession du droit de parole, je vous ferai quand même remarquer que le
ministre peut céder son droit de parole à l'un de ses
fonctionnaires, qui pourrait parler en son nom personnel au moment de la
question avec débat. A ce moment-ci, vous savez tous que le
député de Verchères s'était vu reconnaître
tacitement par le président. Je reconnais tout de même qu'il y a
des droits de parole privilégiés. Si M. le ministre, à ce
moment-ci, me dit qu'il cède comme cela a
d'ailleurs été fait tantôt son droit de
parole au député de Verchères, je lui reconnaîtrais
ce drois de parole.
M. Fontaine: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre...
M. Fontaine: ... sur la question de règlement. M.
Charbonneau: Non, non. C'est fini.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... va intervenir. Je vous
entendrai, si c'est nécessaire, ensuite.
M. Fontaine: Mme la Présidente, question de
règlement.
Je suis d'accord que vous donniez la parole au député de
Verchères en tant que membre de la commission, mais je voudrais qu'il
soit bien clair que votre décision ne va pas dans le sens que le
ministre peut céder son droit de parole privilégié
à un autre député. C'est une question fort importante pour
l'avenir de cette commission. Il peut le faire seulement avec le consentement
des membres de la commission. Je ne pense pas que le règlement lui
permette de le faire.
M. Lalonde: Mme la Présidente, pourrais-je faire une
suggestion pour vous aider?
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys!
M. Lalonde: J'aimerais beaucoup entendre le député
de Verchères, pour qu'il nous éclaire, pour qu'il ait plus de
réponses que le ministre je l'espère et au cas
où le résultat de cet imbroglio arriverait à des
situations où le ministre doive céder son doit de parole au
député de Verchères, je voudrais lui éviter ce
péril, Mme la Présidente. Je vais consentir à ce qu'il
parle avant moi. (11 h 30)
M. Charbonneau: Mme la Présidente...
M. Bédard: Et je...
M. Pagé: Mais pas au nom du ministre.
M. Lalonde: Pas au nom du ministre, par exemple.
M. Pagé: Cela n'aurait pas de bon sens.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je vous reconnais bien
là, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Bédard: Et j'aurai l'occasion, Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre, vous vouliez
faire une intervention.
Une Voix: Pauvre ministre.
M. Bédard: ... de répondre aux questions
posées par le député de l'Union Nationale.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys, je demande...
Une Voix: Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... au député
de Verchères...
M. Lalonde: Oui.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... d'intervenir
brièvement.
M. Lalonde: Nous allons être éblouis. M.
Jean-Pierre Charbonneau
M. Charbonneau: Je n'en doute pas, M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
Mme la Présidente, je voudrais revenir sur certains
éléments qui ont été soulevés par les
députés de l'Opposition. Un des premiers éléments,
c'est l'affirmation par le député de Marguerite-Bourgeoys
je pense que c'est important que la notion de renseignements, que la
fonction de renseignements, en termes de sécurité publique, est
indispensable dans notre société. Je trouve cela important que le
député de Marguerite-Bourgeoys ait reconnu cela.
A partir du moment où on reconnaît que le
renseignement...
M. Lalonde: C'est essentiel.
M. Charbonneau:... est nécessaire, il y a deux
façons de faire du renseignement: la façon illégale et la
façon légale. Or, le ministre de la Justice a dit tantôt
que, pour nous, il y avait une façon, c'était la façon
légale de faire du renseignement. A partir du moment où on fait
du renseignement légal, on peut faire du renseignement légalement
clandestinement et légalement ouvertement. Le député de
Marguerite-Bourgeoys a parlé tantôt du caractère intimidant
de la présence des policiers de la Sûreté du Québec
à différentes occasions. Il a cité le cas, notamment, de
Val-Martin. Pour montrer que ce serait menaçant pour les droits et
libertés individuels dans notre société que des policiers
remplissant leur mandat, le faisant légalement, se présentent
ouvertement à des gens et demandent des informations... Ce faisant, les
policiers seraient amenés, par le simple fait de leurs démarches,
à intimider les citoyens. Je ne sais pas si le député de
Marguerite-Bourgeoys est conscient, mais il suggère d'une certaine
façon que la Sûreté du Québec, qui a changé
sa méthode de travail au cours des dernières années, qui a
décidé de procéder plus ouvertement... on a comme
témoins de cette attitude de la Sûreté du Québec
deux publi-
cations: une en novembre 1977 et une en février 1979 alors que la
direction de la Sûreté du Québec ainsi que sa direction des
renseignements ont publié en détail le fonctionnement de cette
direction, ses objectifs et ses méthodes comme aucun autre policier en
Amérique du Nord et peut-être même dans le monde ne l'a
jamais fait.
En faisant son intervention, le député de
Marguerite-Bourgeoys suggère à la Sûreté du
Québec de revenir à la méthode traditionnelle,
c'est-à-dire à la méthode clandestine. Bien sûr,
dans le cadre de la légalité. Mais on ne peut pas faire du
renseignement, on ne peut pas éviter le problème d'une certaine
intimidation qui est inévitable à partir du moment où
quelqu'un voit un policier en uniforme arriver ou encore un policier en civil
qui lui présente son identification, et la nécessité de
faire du renseignement ouvertement. La seule option, c'est de se cacher pour
obtenir des informations dans le cadre de la légalité. Nous
pensons, dans la mesure du possible c'est aussi dans
l'intérêt de la paix sociale au Québec que la
fonction de renseignement dans notre société doit être
accomplie ouvertement. Il reste à savoir qui l'accomplit. Il est
beaucoup question les cas cités tantôt en faisaient
état de l'opération publique. Or, il faut savoir que
l'opération publique, ce sont des policiers relevant de la direction des
opérations qui ont accompli cette cueillette de renseignements normale
et pas bien compromettante, mais importante au niveau tactique et
stratégique pour un corps policier qui a à prendre des
décisions.
Ce ne sont pas des gens qui relèvent de la direction des
renseignements. On peut convenir que ces gens-là n'ont pas la même
formation que les enquêteurs et les membres de la direction des
renseignements des différentes escouades et services qui relèvent
de la direction des renseignements. On peut également constater qu'ils
n'ont pas cette formation que les gens de la direction des renseignements ont
depuis, par exemple, 1978. On lit si le député de
Marguerite-Bourgeoys s'était donné la peine de le lire
dans la revue de février 1979 cela ne fait pas longtemps
toute une page dans laquelle on indique tout le programme de formation.
M. Lalonde: Je l'ai.
M. Charbonneau: Je sais que vous l'avez, mais vous ne l'avez
peut-être pas lu, par exemple.
M. Lalonde: Oui, je l'ai lu. Regarde cela, partout.
M. Charbonneau: II y a toute une page qui indique tout le travail
de formation qui a été fait auprès des policiers de la
direction des renseignements, je suis convaincu des gens de la
Sûreté du Québec sont en arrière que les gens
qui ont participé à l'opération publique, les gens dans
les postes qui sont en uniforme à Montréal on appelle
ça les petits bonshommes en bleu, à la Sûreté du
Québec on appelle ça les bonshommes en vert n'ont pas ta
même formation. Néan- moins, quand on analyse les
événements et les cueillettes d'information, la façon dont
ça s'est fait, on se rend compte que ces gens avaient eu, dans la
majorité des cas, la pleine collaboration des organismes visités,
des personnes visitées. Si, parce que certains individus ou certains
stratèges dans certaines organisations syndicales en particulier ont
trouvé rentable de donner la directive à certains de leurs
membres ou exécutifs locaux qu'il fallait créer un
problème autour de ça et que des gens sont revenus pas
nécessairement sur leur parole, mais sur une attitude de collaboration
qu'ils avaient présentée antérieurement, on ne doit pas
imputer maintenant la faute à des policiers qui font honnêtement
leur travail et surtout qui le font ouvertement. C'est un des premiers points
que je voulais préciser, je pense que c'est important, on a à
choisir entre un corps de police qui travaille ouvertement ou clandestinement.
On a choisi qu'il travaille dans la légalité, mais il peut
choisir de travailler clandestinement dans la légalité. C'est
beaucoup plus difficile pour n'importe quel groupe social, n'importe quel corps
intermédiaire, n'importe quel syndicat, n'importe quelle centrale
syndicale d'exercer un contrôle normal, dans une société
démocratique, sur l'activité policière qui se fait
clandestinement.
Il faudrait peut-être aussi que certains groupes dans notre
société nous disent clairement y compris les
députés de l'Opposition, le député de
Marguerite-Bourgeoys, qui est un ex-Solliciteur général
s'ils privilégient la formule clandestine ou la formule ouverte. Par
ailleurs, le député de Marguerite-Bourgeoys, tantôt... Le
ministre me fait remarquer c'était d'ailleurs l'objet d'une autre
remarque que je voulais faire que dans cette approche d'ouverture, que
j'ai signalée tantôt en indiquant que c'était probablement
une première en Amérique du Nord, sinon dans le monde occidental
et peut-être dans le monde entier, la Sûreté du
Québec a été jusqu'à expliquer l'origine de son
service de renseignements, son historique. On se rend compte c'est ce
qui est intéressant de souligner que depuis qu'on est là,
nous, comme gouvernement on n'a pas la prétention de croire que
les gens de la Sûreté du Québec n'y avaient pas
pensé avant, il y a eu un mouvement qui s'est
accéléré à partir de novembre 1976, il y a eu un
changement déjà en octobre 1976 et, par la suite, il y a eu une
redéfinition complète du mandat et une mise en oeuvre des
différents programmes de spécialisation du personnel au niveau de
la direction du renseignement, ce qui a amené un travail plus ouvert des
services de renseignement de la Sûreté du Québec, qui est
une police de l'Etat et qui fait son travail de protection ou de
sécurité d'Etat.
Je pense qu'à cette dimension on devrait également ajouter
une autre dimension qui fait suite à une intervention, une remarque du
député de Marguerite-Bourgeoys quand il disait: Les policiers
réclament, dans leur revue il citait le directeur
général adjoint, M. Aubin, qui est en charge des renseignements
une précision de mandat et ça fait longtemps. Le
député de Mar-
guerite-Bourgeoys a lu le dernier paragraphe de ce passage du texte de
M. Aubin. S'il avait lu les deux paragraphes précédents qui se
lisent comme suit: "Malheureusement, les incidents des dernières
années, ceux qui sont présentement et qui ont été
rapportés par la presse écrite et parlée, sans oublier les
dépositions de nombreux témoins durant deux enquêtes
présentement en cours, soit les Commissions Keable et McDonald, ont
tendance à indiquer que certains policiers ont présumément
outrepassé leur mandat respectif à titre d'agents de la paix,
qu'ils se sont donc substitués aux lois du pays. Dans certains cas, les
policiers croyaient avoir la permission de faire ce qu'ils ont fait, alors que,
dans d'autres cas, on a semblé croire que ce qui avait été
fait était tout simplement nécessaire". Bien sûr, le
député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas cité ces deux
passages, parce que ça le mettait lui-même directement en cause,
alors qu'il était Solliciteur général, parce que, à
l'époque, il n'avait pas donné de directives, il n'avait pas
précisé le mandat que les policiers réclament et,
maintenant, que lui-même endosse, cette réclamation qu'il voudrait
voir préciser, ce mandat qu'il veut voir préciser.
Si le député de Marguerite-Bourgeoys, à
l'époque où il était Solliciteur général,
avait fait son travail, peut-être que les policiers n'auraient pas
besoin, aujourd'hui, de demander une précision de mandat. C'est facile
de renvoyer la balle au gouvernement qui prend la succession, mais il faudrait
peut-être savoir les gens sont intéressés qui
parle au nom de l'Opposition. Ce n'est pas un député qui ne
connaissait rien des questions policières et des questions de justice,
c'est l'ex-Solliciteur général du Québec, Mme la
Présidente.
Le député de Marguerite-Bourgeoys, aujourd'hui et à
plusieurs reprises depuis deux ans et demi, est revenu sur la question du CAD,
ce centre de documentation et d'analyse, en disant que cela est passé du
bureau du premier ministre au bureau du ministre de la Justice. Le
député de Marguerite-Bourgeoys sait très bien que c'est
faux. A plusieurs reprises il y a eu des mises au point effectuées
à l'Assemblée nationale. Comme c'est son habitude, il ne tient
jamais compte des mises au point. Il préfère cette petite
politique mesquine de revenir sur des faits qu'il sait faux et, malgré
tout, il continue de les charrier. La différence entre le CAD et ce qui
se fait actuellement au niveau de la Sûreté du Québec,
c'est que le CAD c'était une espèce de service d'analyse, ce
n'était même pas un service d'espionnage, mais c'était un
service d'analyse qui puisait à même les dossiers de police entre
autres et qui relevait directement du bureau du premier ministre, de l'appareil
politique.
Ce CAD n'existe plus. Ce qui existe aujourd'hui, c'est non pas un
service d'analyse au niveau d j bureau du ministre de la Justice, ce qui serait
peut-être normal, parce que cela se fait de la même façon
à Ottawa et vous n'avez jamais trouvé à redire, ce qui se
fait actuellement, c'est un service d'analyse au sein de la direction des ren-
seignements. Encore là, c'est un service qui est nouveau, un service
d'analyse des informations et cela ne relève pas d'abord du ministre de
la Justice, cela relève des gens qui sont ici, en arrière de
nous, le directeur de la Sûreté du Québec, le directeur
adjoint, M. Aubin, qui est en charge des renseignements. Ce sont eux, d'abord,
qui ont la responsabilité de voir à ce que les informations
recueillies soient bien analysées et qu'on en tire les conclusions qui
s'imposent. Ce n'est pas le bureau du premier ministre, ce ne sont pas des
secrétaires particuliers, ce n'est pas Paul Desrochers, ce n'est
personne de ces gens actuellement, ou de leurs vis-à-vis ou de leurs
correspondants au bureau du premier ministre actuel ou au bureau du ministre de
la Justice, qui font ce travail, ce sont des policiers en exercice avec un
mandat et qui ont prêté serment, Mme la Présidente.
On a parlé aussi beaucoup du problème des conflits de
travail en précisant que la Sûreté du Québec avait
un rôle dans ce domaine. Il faudrait peut-être rappeler les
interventions du député de Portneuf. Il se demandait pourquoi le
travail de renseignement, pour le travail de cueillette de renseignements
auprès des employés de la fonction publique. Est-ce qu'on craint
de la violence, disait-il? Il ne se rappelle peut-être pas, le
député de Portneuf, je pense qu'il se le rappelle très
bien, mais il n'a pas voulu le signaler, que c'étaient ces
députés qui sont en face de nous aujourd'hui, Mme la
Présidente, M. le Président, parce qu'on vient de changer de
personnalité au niveau du fauteuil de la présidence, ce sont ces
mêmes députés qu'il y a quelques mois à peine,
blâmaient le gouv-vernement de ne pas avoir eu suffisamment d'information
lorsque le parlement a été bloqué. L'institution
suprême dans notre société démocratique au
Québec, le parlement québécois, a été
bloqué, et ce sont ces députés, le député de
Marguerite-Bourgeoys, le député de Portneuf, qui
s'inquiètent aujourd'hui de la cueillette normale d'informations, alors
que ces gens nous blâmaient il y a quelques mois de ne pas avoir eu
suffisamment d'informations pour prévenir ce geste
antidémocratique, d'employés de l'Etat, malheureusement,
minorité d'ailleurs, qui ont bloqué l'institution suprême
de notre démocratie, c'est-à-dire le parlement.
Par ailleurs, si vous aviez vu, MM. les députés de
l'Opposition, la revue de la Sûreté du Québec de novembre
1977...
Le Président (M. Richard): M. le député de
Verchères, je m'excuse.
M. Lalonde: Simplement une information, parce que j'ai
gracieusement dénoué un débat tantôt en laissant
parler le député de Verchères avant moi, mais je voudrais
que vous lui disiez que je ne lui ai pas donné mon droit de parole
privilégié. Je pense qu'il est restreint par l'article 160.
M. Pagé: Cela va faire l'affaire du ministre, qui commence
à être inquiet des propos de son collègue.
M. Charbonneau: J'ai les mêmes droits que tous les
députés normaux y compris le député de
Portneuf.
Le Président (M. Richard): A l'ordre. M. le
député de Verchères, puis-je vous suggérer
d'être à votre tour gracieux et de tirer vos conclusions, parce
que vous avez déjà commencé à 11 h 30.
M. Charbonneau: Je n'abuserai pas de mon droit de parole. J'ai
l'impression d'avoir, selon le règlement, 20 minutes au minimum pour
donner mon point de vue.
Le Président (M. Richard): Au maximum. M. Charbonneau: Au
maximum. Oui.
Le Président (M. Richard): Cela vous interdirait de
revenir, de rappliquer par après. M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Une dernière chose que je voudrais
signaler, je ne me fais pas trop d'illusions sur ma possibilité de
revenir, avec la mise en garde du député de Marguerite-Bourgeoys,
je voudrais vous signaler, M. le Président, que la Sûreté
du Québec, en novembre 1977 ah oui, on est
désillusionné.
M. Lalonde: Quel manque de gratitude!
M. Charbonneau: Ce n'est pas la première fois d'ailleurs
que je siège avec le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Quel manque de gratitude! Je vous ai laissé
parler avant moi.
M. Charbonneau: Non. C'est simplement l'expérience qui
entre, c'est le métier...
Le Président (M. Richard): M. le député de
Verchères, la pertinence du débat, s'il vous plaît!
M. Charbonneau: Rappelez le député de
Marguerite-Bourgeoys à l'ordre, M. le Président.
Donc, en novembre 1977, la Sûreté du Québec
précisait clairement son travail de renseignement à propos des
conflits ouvriers. C'est à la page 10 de cette revue et, à aucun
endroit, il n'était fait mention d'enquêter sur les syndicats. Le
titre de deux paragraphes qui se suivent, d'ailleurs, c'est "les conflits
ouvriers", au pluriel, et "conflit ouvrier", au singulier. (11 h 45)
On disait, à la rubrique des conflits ouvriers: "Une bonne part
des préoccupations de l'unité des renseignements porte sur les
conflits de travail; son objectif majeur consiste à recueillir des
éléments pouvant identifier toute menace ou toute situation
susceptible d'amener une intervention de la direction des opérations, de
façon à permettre à cette dernière d'orienter son
personnel, de planifier ses interventions et surtout de prévenir qu'un
conflit quelconque ne dégénère en violence ou en
contravention des lois. Dans le cadre de cet objectif, son rôle principal
en est donc un de soutien en renseignements tactiques à la direction des
opérations."
Un peu plus loin, on précise également le travail. En
fait, dans la revue de février 1979, on précise très bien
le mandat de la direction des renseignements. Ce mandat est
précisé à la page 24 et on dit: "Le service de
renseignements en sécurité en est un de conseil et possède
un rôle bien défini, soit la cueillette, le traitement et la
diffusion de renseignements. Il doit tendre plus particulièrement
à recueillir et à rassembler de l'information afin de
prévenir le crime et de maintenir l'ordre." Et maintenir l'ordre ne veut
pas dire nécessairement qu'on pense qu'il peut y avoir de la violence
dans un conflit avec les employés de la fonction publique, mais il y a
une notion d'ordre qui n'est pas une notion de droite, mais qui est une notion
qui est reliée à la démocratie.
Pour ce faire, ce service produit des renseignements stratégiques
et tactiques sur des personnes, des événements, des
activités et des situations qui contribuent ou menacent de contribuer
à toute forme de subversion. Egalement, ce service doit fournir des
renseignements en vue d'assurer la sécurité des hommes d'Etat en
général et de veiller à la sécurité du
territoire.
On signale que l'un des obstacles majeurs au travail du service de
renseignements et de sécurité vient de gens incrédules, ne
croyant pas à l'existence de subversion dans le milieu qui les entoure.
On parle de conflits ouvriers; il faudrait peut-être rappeler une
série d'articles qui ont été publiés dans la Presse
et qui s'intitulent: "L'extrême gauche au Québec". Ils ont le
droit d'exister au Québec, ils ont le droit de faire valoir leur
opinion, mais on se rend compte en lisant: "Un travail de renseignements et
d'informations effectué par des journalistes, qui ont aussi des
informateurs et des indicateurs... " J'en étais un journaliste, j'ai
bénéficié de renseignements de sources d'information
privilégiées, notamment à l'intérieur même de
la Sûreté du Québec.
Une Voix: ...
M. Charbonneau: Oui, j'ai eu des problèmes à cause
du travail de renseignements que je faisais. Ce n'est pas un travail
négatif, le renseignement. Les journalistes font cela quotidiennement,
du renseignement. On lit, dans un travail de renseignement qui a
été fait par un organe d'information, la Presse, une des raisons
fondamentales pour lesquelles, au Québec, actuellement, il faut que le
travail de renseignements se fasse d'une façon vigilante, non pas sur
les syndicats, mais sur des individus qui utilisent les syndicats. Ce n'est pas
le gouvernement du PQ qui dit cela, ce n'est pas la Sûreté du
Québec, une police de droite qui dit cela; c'est un journaliste que je
connais bien pour avoir travaillé avec lui à la Presse, et qui
n'est pas particulièrement un gars de droite et qui n'a pas la
réputation, dans le milieu journalistique,
d'être un gars de droite. Au contraire, ce journaliste en
était amené à conclure et à analyser une
série d'événements impliquant le monde syndical et des
travailleurs syndiqués qui avaient été manipulés
par des gens pour qui l'objectif, c'était de faire en sorte qu'il y ait
de la violence dans les chantiers, qu'il y ait de la violence sur les lignes de
piquetage, qu'il y ait de la violence dans des conflits de travail au
Québec, surtout depuis le 15 novembre, parce que ce gouvernement est
encore plus préoccupé, à cause de son
préjugé favorable aux travailleurs, de la paix sociale, et c'est
encore plus important pour ces groupes de prouver, actuellement, que le PQ,
c'est comme tout le monde. Dans ce sens, il faut qu'il y en ait de la violence
à certaines occasions pour prouver que c'est un gouvernement comme les
autres.
Je pense que le travail de la Sûreté du Québec,
c'est un travail qui va permettre aux syndicats d'exercer leur rôle
social important dans un régime démocratique comme le
nôtre, sans non plus être naïfs. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): La filière étant
fermée, je vous cède la parole, M. le député de
Mar-guerite-Bourgeoys.
Discussion générale
M. Lalonde: M. le Président, justement, en parlant de
filière, on sait que le député de Verchères
était bien informé, il a même écrit un livre avec la
collaboration, la contribution de la GRC.
M. Charbonneau: Certainement, il y a au moins 50 électeurs
dans mon comté qui sont des membres de la GRC. Ils ont voté pour
moi d'ailleurs.
M. Lalonde: Alors, le secret du vote n'existe plus.
M. Charbonneau: J'en suis convaincu, ce sont des amis, au
même titre que d'autres.
Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: C'est tellement vrai, M. le Président, qu'ils
vivaient littéralement ensemble dans les dossiers, les enquêtes;
il suivait cela, le journaliste limier d'autrefois. Il était tellement
au courant que tous les cas d'illégalité qui se sont
passés pendant ce temps, il n'en a jamais entendu parler, pas même
du commencement du bout de l'oreille d'un seul cas.
M. Charbonneau: Ce n'est pas exact, cela.
M. Lalonde: Un instantl C'est moi qui ai le droit de parole.
Le Président (M. Richard): A l'ordre! A l'ordre!
M. Charbonneau: Vous savez que ce n'est pas exact. C'est moi qui
ai dit que la Sûreté du Québec enquêtait sur la
Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, vous le savez
très bien.
M. Lalonde: Connaissant le sens civique...
Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous
plaît! M. le député de Verchères, s'il vous
plaît!
M. Charbonneau: Oui, mais il y a toujours des limites, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Verchères, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Je n'ai pas interrompu le député de
Verchères, M. le Président.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Connaissant le sens civique et le sens de la justice
du député de Verchères, s'il avait entendu parler du
commencement d'un soupçon d'illégalité par la GRC ou la
Sûreté, il se serait littéralement "garroché" au
bureau du ministre de la Justice d'alors pour dénoncer ces cas. Or, il
ne l'a jamais fait. Il était très bien informé, M. le
Président.
M. Charbonneau: ... sur la pègre et sur ses liens avec le
gouvernement.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Verchères, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Le député de Verchères dit... Je
ne regrette pas de lui avoir donné le droit de parole avant moi, mais
cela va prendre quelques minutes pour rétablir les faits. Il a dit que
l'Opposition avait reproché au gouvernement de ne pas être
suffisamment informé, de ne pas avoir eu suffisamment d'informations
pour éviter la fermeture du parlement. Petite erreur. On a
reproché au gouvernement non pas de ne pas être informé,
car tout le monde le savait...
Une Voix: ... nouvelle la veille.
M. Lalonde: Le président avait été assez
vigilant pour coucher ici, il me semble, pour être ici le matin.
M. Pagé: Vous ne vous rappelez pas cela?
M. Lalonde: Tous les postes de radio l'annonçaient. Ce
n'est pas ce qu'on a reproché au gouvernement, c'est de ne pas avoir
pris ses responsabilités, d'être en pleine contradiction avec son
fameux préjugé favorable et de payer pour les pots cassés.
C'est ce qu'on a reproché au gouvernement et d'avoir mis, à ce
moment-là, la démocratie en danger.
Le Président (M. Richard): Puisque le député
de Marguerite-Bourgeoys m'a mis en cause...
M. Lalonde: Oui.
Le Président (M. Richard):... vous permettrez que je dise
que c'est parce que le président est un vieux syndicaliste.
M. Lalonde: Bon, en tout cas.
M. Pagé: Vous le saviez quand même.
M. Lalonde: Vieux syndicaliste ou non, le président
était informé et tout le monde savait qu'il était pour y
avoir des problèmes.
Le Président (M. Richard): Je ne le savais pas, je l'avais
deviné.
M. Lalonde: L'analyse est au sein du service de renseignements de
la Sûreté du Québec maintenant. Je ne sais pas si le
ministre va nous confirmer cela, parce qu'il me semble qu'en réponse
à des questions... Cela, c'est sous toute réserve, il faut que je
vérifie au journal des Débats. Il m'avait dit qu'il y avait
quelques personnes à son ministère qui analysaient les rapports
faits par les policiers sur des situations. On verra lequel des deux est le
véritable ministre de la Justice.
M. Bédard: Je peux vous donner la réponse tout de
suite, il n'y a pas de centre d'analyse au niveau du ministère de la
Justice. Ce que je vous ai dit, c'est que les documents, qui pouvaient provenir
de la Sûreté du Québec, étaient
regardés...
M. Lalonde: Ah, bon! Ils sont regardés, mais ils ne sont
pas analysés.
M. Pagé: Ils sont regardés, mais pas
analysés.
M. Bédard: Ils sont analysés d'une certaine
façon, comme vous pouvez...
M. Lalonde: Ah, oui, c'est ça! M. Bédard:
... vous en douter.
M. Lalonde: On a un CAD, d'une certaine façon.
M. Pagé: C'est la révélation de la
journée, M. le Président. C'est la révélation de la
journée, ils sont regardés, mais pas analysés.
M. Bédard: Ces documents sont acheminés aux hauts
fonctionnaires du ministère de la Justice.
M. Lalonde: Ai-je le droit de parole, M. le Président?
Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous
plaît, M. le ministre de la Justice! Je vous redonnerai la parole tout
à l'heure pour répliquer.
M. Lalonde: Bon, j'ai le droit de parole, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Cela n'ajoute réellement pas grand-chose, sauf
de la confusion. Maintenant, ce n'est pas seulement analysé au service
de renseignements de la Sûreté du Québec, c'est un peu
analysé. C'est regardé, en fait. Est-ce qu'ils savent lire, au
moins? Oui, ils les regardent, ils les lisent?
M. Bédard: Bien!
M. Lalonde: Bon, c'est déjà cela. Là, on va
peut-être arriver à arracher du ministre de la Justice une petite
admission voulant que non seulement ils les lisent, mais ils les comprennent.
Après cela, peut-être qu'en plus de les comprendre, ils peuvent en
parler.
M. Pagé: Et les regarder du coin de l'oeil.
M. Lalonde: Autrement dit, vous avez un CAD, vous avez un centre
d'analyse. Admettez-le donc! Appelez-le comme vous le voulez, vous l'avez. La
seule différence est qu'au lieu d'être au bureau du premier
ministre, il est au bureau du ministre de la Justice. Admettez-le donc au lieu
de jouer à l'autruche!
On revient en arrière, on dit: L'ancien Solliciteur
général n'a pas fait son devoir. Je n'ai jamais eu, dans le
temps...
M. Bédard: Voulez-vous le protocole d'entente de votre CAD
avec la Sûreté du Québec?
Le Président (M. Richard): M. le ministre de la Justice,
s'il vous plaît!
M. Lalonde: ... où j'étais Solliciteur
général, l'appui de dénonciations publiques sur les cas de
surveillance et d'infiltrations possibles de la Sûreté du
Québec. Dans mon temps, non. J'aurais été un peu plus
ferme que le ministre qui ne fait que mettre cela sur le compte d'une erreur de
jugement.
M. Bédard: Ce n'est pas ce que nous dit la commission
Keable.
M. Charbonneau: Ce n'est pas ce que nous dit la commission
Keable.
M. Lalonde: Pardon?
M. Charbonneau: Ce n'est pas ce que nous dit la commission
Keable.
M. Lalonde: Ce n'est pas ce que j'ai dit à la commission
Keable?
M. Charbonneau: Non. Ce n'est pas ce que nous dit la commission
Keable. Ce que vous dites vous, ce n'est pas pareil.
M. Lalonde: Si vous avez des révélations à
faire à la commission Keable, allez-y donc!
Le Président (M. Richard): Bon! M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Charbonneau: Oui, oui, lisez les témoignages.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Verchères, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Vous, l'ancien journaliste si renseigné que
vous ne saviez absolument rien de ce qui se passait. Si vous le saviez, vous ne
l'avez pas dit.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Oui, si on arrête de m'interrompre, M. le
Président tout ce que je fais, c'est rétablir les faits
je vais pouvoir continuer. On revient en arrière. On n'a pas eu,
nous, cette avalanche de nouveaux cas qui sont portés à la
connaissance du public. Si on l'avait eue à ce moment-là, on
aurait pris nos responsabilités, on n'aurait pas fait des
tergiversations et la valse hésitation du ministre.
Je veux revenir à la déclaration du ministre. C'est
très décevant, on lui donne l'occasion en or, après avoir
été annoncé par le premier ministre qui nous disait, il y
a quelques jours, que le ministre de la Justice... le premier ministre a dit le
28 mars nous sommes le 6 avril à la page 490 du Journal
des Débats: "Le ministre de la Justice, d'ici bientôt, je ne peux
pas fixer de jour, ni cette semaine, ni la semaine prochaine,
nécessairement, en tout cas d'ici l'ajournement de Pâques
l'ajournement de Pâques, M. le Président, c'est bientôt, il
ne reste plus beaucoup de jours avant qu'on s'en aille chez nous pour
Pâques, trois jours, alors j'ai pensé donner l'occasion au
ministre de le faire aujourd'hui aura probablement des choses les plus
précises possible à dire sur cet ensemble de questions."
Qu'a-t-on eu? On a eu, naturellement, les petits saluts vers les syndicats, il
a bien fallu les récupérer. Qu'est-ce que vous voulez, c'est un
gouvernement qui dit avoir un préjugé favorable et qui
reçoit des demandes d'enquête, la CEQ, la CSN, la FTQ, de tous les
syndicats qui se soulèvent contre la surveillance dont ils sont l'objet,
peut-être à tort, mais on ne sait pas exactement ce qui se passe.
Le ministre est supposé nous dire, d'ici Pâques, les choses les
plus précises possible.
Ma première question au ministre, c'est s'il a d'autre chose, le
plus précis possible, à nous dire d'ici la semaine prochaine,
c'est ma première question.
La deuxième, il nous annonce un code d'éthique et de
discipline, lorsque la loi sera changée, qui serait
d'après ce que j'ai pu comprendre, c'est un peu enrubanné
à la fin de son intervention fait en vertu d'une loi qui va
être adoptée, peut-être par la Commission de police, si je
comprends bien. C'est tout ce qu'on a réussi à avoir du ministre,
M. le Président. Il nous offre aussi l'es- sentiel des instructions que
j'ai ici, c'est cela les directives que vous nous avez promises des
instructions essentielles? Deuxième question.
Troisième question: Est-ce que, dans l'essentiel de vos
instructions, dans votre conception de la légalité,
l'infiltration est permise? La question est posée, est-ce que
l'infiltration est permise? On nous dit qu'on a choisi de ne pas faire de la
légalité clandestine, comme dit le ministre journaliste de la
Justice.
M. Charbonneau: Arrêtez donc de ridiculiser les autres, si
vous n'êtes pas capable de parler...
M. Lalonde: On nous dit que... Et là où le ministre
nous a laissé sur notre appétit c'est qu'il nous dit ceci: On va
faire cela dans la légalité. Certainement, il n'y a rien de
nouveau je l'espère là-dedans, que tout se fait
dans la légalité. C'est la seule chose que le ministre avait
à nous dire, aujourd'hui. Il n'y a rien là, il n'y a rien de
nouveau. Lui-même a fait une enquête pour surveiller les corps
policiers qui ont peut-être fait des actes illégaux.
M. Bédard: Cela aurait été bon que vous leur
disiez, dans le temps par exemple!
M. Lalonde: Ecoutez, l'affaire de l'APLQ, c'est avant que je sois
là; soyez honnête quand même.
M. Bédard: Non, non. Les gouvernements
précédents.
M. Lalonde: Et je n'ai pas à rougir de ce que j'ai fait
dans l'APLQ, je suis allé témoigné à Keable, je
leur ai dit ce que j'avais fait et vous n'auriez pas pu mieux faire. D'accord?
Quand cela a été...
M. Bédard: On verra cela...
M. Lalonde: II nous dit seulement que c'est dans la
légalité. La règle est: Soyez, messieurs les policiers,
légaux. On n'a pas besoin du ministre pour nous le dire. La loi, qui est
au-dessus du ministre, l'a dit aux policiers. La deuxième règle:
La neutralité des policiers. Là c'est un peu plus difficile.
Question: Quelles sont les mesures de contrôle de cette
neutralité? Comment le ministre va-t-il pouvoir assurer la population
que dans cette opération difficile, délicate de renseignement,
j'en conviens et tout le monde sait, même le député
de Verchères le reconnaissait, que je suis fort conscient que le
renseignement est absolument essentiel dans l'opération efficace d'un
corps policier en démocratie. Dans tous les autres régimes, on ne
serait pas d'accord avec leurs méthodes. C'est justement cela qu'on
examine: les méthodes, qu'on ne nous fasse pas passer d'un régime
à l'autre. (12 heures)
La neutralité des policiers, comment va-t-on la contrôler?
Qui va dire au ministre, dans le cas de la cueillette d'informations
auprès d'un syndi-
cat on n'a pas un peu de contenu sinon sur ce qu'on est
prêt à accepter, du moins sur ce qu'on va faire, la
stratégie jusqu'où on est prêt à aller dans
les moyens de pression? On sait très bien que les relations de travail,
c'est un système contradictoire. Si le patron sait d'avance que le
syndicat ne fera jamais la grève, cela changera son attitude. C'est
très délicat et la police j'en suis sûr est
fort consciente de cela. Il faudrait qu'il y ait des directives, plus que
l'essentiel des instructions.
Le député de Portneuf je veux passer quelques
secondes là-dessus a soulevé un point important. Le
ministre dit: On fait de la prévention dans les cas où il y a une
violence appréhendée. Je suis d'accord sur ce principe...
M. Bédard: Oui, prévention de la violence.
M. Lalonde: ... de prévention, mais c'est pour
éviter une violence qu'on prévoit, non pas pour éviter
simplement des situations qu'on ne prévoit pas, j'espère.
Là est le problème. Fait-on une prévention
générale? Fait-on de la prévention dans le sens d'aller
faire de l'information dans toute situation où il y a un syndicat,
où il y a une convention collective? La Sûreté du
Québec va-t-elle prendre ces informations auprès de toutes les
compagnies qui ont des syndicats et des conventions collectives?
A ce moment-là, cela peut être un système
très dangereux. A ce moment-là, on peut ériger un
système qui va brimer le fonctionnement libre des syndicats dans leurs
activités quotidiennes. Va-ton voir seulement les cas où on
s'attend, à la suite d'une analyse quelconque du ministère de la
Justice ou de la Sûreté, que cela peut être chaud? C'est une
autre question que j'aimerais que le ministre précise.
Est-ce que ce sont tous les syndicats, toutes les sociétés
qui sont en négociation ou dont la convention collective approche de sa
fin ou est-ce que ce sont seulement des cas particuliers où on s'attend
à de la violence ou à des conflits, des affrontements? Là,
la question du député de Portneuf trouve sa pertinence
importante. Si on le fait dans le cas des négociations dans le secteur
public et parapublic, il faudrait à ce moment-là si on ne
choisit que les cas chauds, les cas de conflits possibles que le
ministre de la Justice, comme responsable de la Sûreté du
Québec à l'Assemblée nationale, nous dise comment ce choix
est fait, sous quel contrôle et fasse régulièrement rapport
à l'Assemblée nationale de ses décisions d'enquêter
sur un cas particulier plutôt qu'un autre. Je pense que toute cette
opération de renseignements, si elle doit continuer et je pense que les
renseignements doivent continuer, que ces méthodes doivent être
autorisées par le ministre, et cela doit être fait sous le
contrôle de quelqu'un et de l'Assemblée nationale, en particulier.
Ce sont les questions précises que je pose au ministre.
M. Bédard: Je pourrais répondre tout de suite.
Le Président (M. Richard): M. le ministre de la
Justice.
M. Fontaine: Allez-vous également répondre à
mes questions? J'en ai plusieurs.
M. Bédard: II y a plusieurs questions. D'abord, la
première. La Sûreté du Québec ne fait pas cette
enquête, ne va pas recueillir l'essentiel des informations dont je vous
ai fait part tout à l'heure dans une énumération dans tous
les cas où il peut y avoir une convention échue. Ce n'est pas
cela. C'est seulement lorsqu'il y a des informations préliminaires qu'il
pourrait y avoir une "potentialité" de violence ou encore, dans des
endroits où des grèves ont déjà eu lieu et qui ont
été très difficiles, que la Sûreté du
Québec, à partir d'informations préliminaires, en arrive
à aller approfondir la cueillette des informations dont j'ai fait
état tout à l'heure. Je l'ai d'ailleurs dit dans ma
déclaration.
Je comprends le député de Marguerite-Bourgeoys qui dit: Le
ministre ne nous a rien appris. Je dirais que le député de
Marguerite-Bourgeoys n'a rien entendu, parce qu'il retrouvera la plupart des
réponses à ces questions dans la déclaration que j'ai
faite tout à l'heure. Entre autres, cette question qu'il pose: Est-ce
que ce sont tous les conflits qui sont concernés? Non. Je l'ai dit dans
ma déclaration. Ce sont ceux où les situations sont
particulièrement tendues ou encore ceux où les informations
préliminaires sont qu'il peut y avoir une potentialité de
violence plus grande. Il faudrait, lorsqu'on parle du secteur public et du
secteur parapublic, que le député de Marguerite-Bourgeoys et le
député de Portneuf soient logiques. Tout à l'heure, ils me
demandaient s'il y avait de la violence possible dans le secteur parapublic.
Comment voulez-vous que je réponde à cette question si la
Sûreté du Québec ne fait pas son travail
préliminaire d'information à ce sujet? C'est à elle
d'évaluer ce potentiel de violence ou d'illégalité dans ce
secteur comme dans le secteur privé. Il n'y a pas de règles
particulières. Soyez logiques! Vous posez des questions qui me
demandent...
M. Pagé: Vous ne le savez pas.
M. Bédard: ... d'avoir des informations pour pouvoir vous
répondre. Si je ne vous réponds pas, vous dites: Allez chercher
les informations ou renseignez-vous! Si je vous réponds, vous m'accusez
d'avoir des informations pour pouvoir essayer de faire la lumière.
Alors, il faudrait que vous vous branchiez à un moment donné ou,
au moins, que vous ayez une certaine logique.
Concernant d'autres questions qui ont été posées,
le député de Marguerite-Bourgeoys dit: On n'a rien appris
aujourd'hui avec la déclaration du ministre. Encore une fois, il ne l'a
peut-être pas écoutée avec suffisamment d'attention. Nous
avons fait le point sur les lignes directrices de l'action policière
dans le secteur, d'une façon tout à fait particulière, des
conflits ouvriers. Nous avons
fait le point sur les lignes de fond. Le député de
Marguerite-Bourgeoys réclamait un cadre d'action dans la
déclaration que j'ai faite. Nous avons justement situé
très bien quel était le cadre d'action dans lequel on voulait que
les opérations normales qui doivent être faites par la
Sûreté du Québec le soient, mais dans un cadre d'action
précis.
Le député de Marguerite-Bourgeoys nous demande s'il y a de
l'infiltration. Cela fait au moins trois semaines si ce n'est pas plus
que je lui dis, je l'ai redit dans ma déclaration, qu'il n'y
avait pas d'infiltration. Mais le député de Marguerite-Bourgeoys,
pour semer le doute, entretenir la confusion, etc., continue de poser cette
question, sachant très bien qu'on y a répondu et que...
M. Lalonde: Je voulais la poser encore ce matin.
M. Bédard: ... je n'ai pas à changer de
réponse puisque la réalité je l'ai dit tout
à l'heure c'est qu'il n'y a pas d'infiltration de membres de la
Sûreté du Québec dans les syndicats. Il n'y a pas
d'écoute électronique sur les activités syndicales. Il n'y
a aucun cas d'illégalité qui m'a été signalé
dans les cas qui ont été cités par les journaux. J'ai dit
que, dans certains cas, il y avait eu des erreurs de jugement. C'est tout. Mais
aucune illégalité n'a été portée à
mon attention dans les cas auxquels vous vous êtes
référés. A un moment donné, je pense qu'il faut
arrêter de dramatiser. Puisque vous vous référez toujours
aux cas, prenez-les! Il y a une liste de quinze cas récents. Je me
permets d'en citer quelques-uns, M. le Président. On voit
jusqu'où est l'importance de ces cas-là. Je cite le cas de
Rimouski: Pendant la grève chez Dumont Transport, l'agent Normand
Doré de la SQ approche plusieurs grévistes pour glaner des
renseignements. Il prend le café avec eux, il leur laisse sa carte et
son numéro de téléphone. Qu'y a-t-il de grave
là-dedans? Pourtant, c'est un des cas qu'on peut monter en
épingle, à propos duquel le député de
Marguerite-Bourgeoys parle des droits et libertés de la personne en
danger et des droits individuels en danger. Il faut quand même avoir une
certaine mesure.
Une Voix: C'est le "side track".
M. Bédard: C'est dans ce sens-là que je dis que le
député de Marguerite-Bourgeoys, conforme à son
habitude...
M. Lalonde: Ne noyez pas le poisson.
M. Bédard: ... emploie toujours un langage abusif...
M. Lalonde: Ne noyez pas le poisson.
M. Bédard: ... et essaie de dramatiser et de jeter de la
confusion chez les gens plutôt que...
M. Lalonde: Ne noyez pas le poisson.
M. Bédard: ... d'essayer de voir les choses selon leur
réalité. Prenez à Pierreville. Je cite, M. le
Président: "Pendant la grève aux camions à incendie de
Pierreville, deux agents de la Sûreté rencontrent André
Lafond...
Une Voix: Qui n'est pas terminée d'ailleurs.
M. Bédard: ... alors président du conseil central
CSN de Sorel et André Gill, vice-président du syndicat. Ils
veulent des renseignements sur les raisons de la grève.
M. le Président, nous avons vérifié; les policiers
sont justement allés rencontrer M. Gill, à la suite d'un
télégramme que ce dernier avait envoyé au ministre de la
Justice et dont nous avions fait tenir copie au ministère de la Justice
demandant aux policiers de se rendre sur place et de rencontrer ces
personnes.
Il y en a bien d'autres, M. le Président; à
Saint-Jérôme, la grève aux roulottes Unik, l'agent Michel
Leduc, de la SQ, demande au président du syndicat de le rencontrer pour
obtenir des renseignements. Le président refuse.
Dans la plupart des cas, c'est ça; il est évident qu'il y
a eu des rencontres entre les policiers et... d'une façon très
ouverte, en s'identifiant, c'est beaucoup mieux que la manière dont
ça se faisait dans le passé, d'une façon cachée,
insidieuse, etc. Il pourrait peut-être y avoir des dizaines et des
dizaines de cas où les policiers sont allés voir très
ouvertement, en s'identifiant, des directeurs de syndicat ou des directeurs de
compagnie. C'est ça l'opération publique, c'est d'y aller
ouvertement, cesser de travailler en cachette.
Je trouve que c'est beaucoup plus sécurisant de voir des
policiers travailler aussi ouvertement que de les voir travailler sans qu'on
sache exactement ce qu'ils font. Je pense que cela a des inconvénients,
ça risque de mettre en exergue peut-être de petites erreurs de
jugement qui peuvent être faites, mais au moins c'est sécurisant
parce qu'on voit l'opération, les citoyens la voient, les syndicats, les
personnes concernées, les députés de l'Assemblée
nationale, on est à même, s'il y a des erreurs, de les dire et
aussi s'il y a des erreurs, d'essayer d'apporter des correctifs au niveau de
l'ensemble de l'action policière. Dans ce sens, j'aime beaucoup mieux
cette manière de procéder que celle qui se faisait
auparavant.
Le député de Nicolet-Yamaska a apporté le cas
où il semblait y avoir un principe en cause, à savoir la
neutralité des policiers, l'obligation de ne communiquer à aucune
des parties des renseignements qu'ils pourraient avoir obtenus. Je pense que
c'est un cas spécifique. Au niveau de l'enquête qui a
été faite et du rapport sur ce cas précis
qui m'a été présenté par la Sûreté du
Québec, le rapport explique que les faits sont les suivants: "En
l'absence du directeur du personnel, ils ont rencontré le directeur du
CLSC, M. Chartier ou Charnier. Ils furent ouvertement reçus, le
directeur leur a même donné les noms de l'exécutif syndical
et le directeur aurait même souligné qu'il
était content que la police s'intéresse aux
possibilités de problèmes dans le monde syndical, compte tenu
qu'il avait entendu dire que, dans les grands centres métropolitains, il
y avait des individus qui étaient reconnus comme fauteurs de
désordres. Les policiers l'ont donc invité à communiquer
à la police tout renseignement ayant trait à des individus que
lui, le directeur, pourrait soupçonner de conduite
répréhensible".
Ces personnes ont droit à leur version, je pense également
que les membres de la Sûreté du Québec ont droit à
leur action. Quand on regarde l'ensemble des rencontres, des très
nombreuses rencontres qui ont été faites au niveau de cette
opération publique durant deux ans, qu'il y ait eu quelques rares
erreurs de jugement qui aient été commises, je pense que c'est
tout à l'acquit, d'une certaine façon, de la manière assez
professionnelle et de plus en plus professionnelle avec laquelle la
Sûreté du Québec doit agir.
Egalement, M. le Président, il y a d'autres cas dans la liste des
quinze dont on pourrait parler qui, effectivement, relatent des rencontres
entre policiers et syndiqués et c'était cela le but de
l'opération. Il y en a où ce ne sont pas des policiers de la
SQ.
Le Président (M. Richard): M. le ministre...
M. Bédard: Seulement un autre point, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): ... sans vouloir vous
bousculer, puis-je vous demander d'abréger parce que je voudrais refaire
un tour de table avec tous les intervenants. (12 h 15)
M. Bédard: Je répondrai simplement à une
autre question qui a été soulevée par le
député de Nicolet-Yamaska concernant la surveillance de la
Sûreté du Québec à l'endroit de la Gendarmerie
Royale, la GRC. Je dirais que c'est en quelque sorte le résultat d'un
problème de chevauchement dans le cadre du fédéralisme. La
réalité, je vais vous l'expliquer. La réalité,
c'est que les activités des agents de la GRC ne sont pas toutes connues
par la Sûreté du Québec et que même les agents de la
GRC ne sont pas tous connus de la Sûreté du Québec. Je
pense que l'enquête McDonald est assez éloquente sur certaines
activités inconnues de la GRC. Dans les circonstances, si la
Sûreté du Québec évalue qu'il s'agit d'informations
qu'elle doit avoir en fonction du rôle qui lui est confié par la
loi, il est de son devoir de faire le nécessaire pour les obtenir. Je
pense que pour éviter... On a parlé beaucoup de perte
d'énergie, de dépenses d'énergie, de dépenses
d'argent concernant la surveillance qu'il pourrait y avoir à propos de
la GRC, entre vous et moi c'est très minime.
On peut parler de quelques cas qui m'ont été
indiqués et où c'était justifié de le faire. Ce ne
sont pas les opérations de la Sûreté du Québec dans
leur ensemble, loin de là. Ce n'est pas une des principales
préoccupations. Mais si on parle de dépenses d'argent, de
dépenses d'énergie, je pense que pour éviter ces
chevauchements dans l'action policière souvent on rencontre la
Sûreté du Québec et la GRC sur les mêmes
enquêtes, cela représente en fin de compte une dépense
d'énergie, cela représente une dépense de deniers publics
il m'apparaît clair que la solution serait que le gouvernement
fédéral retire ses agents du Québec et qu'il nous
transfère purement et simplement les nombreux millions de dollars qu'il
consacre à la GRC au Québec. Je pense que les citoyens du
Québec sont capables d'assurer leur sécurité. Ils n'ont
pas besoin d'une police fédérale comme la GRC pour le faire.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre de la
Justice. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, peut-être
une dizaine de minutes?
M. Lalonde: M. le Président, le ministre
répète ce qu'il nous a dit qu'il n'y a pas de cas d'infiltration.
Ce n'est pas la question que je lui ai posée. Est-ce qu'il autorise
l'infiltration?
M. Bédard: Non. M. Lalonde: Bon.
M. Bédard: Je l'ai dit à maintes et maintes
reprises.
M. Lalonde: Vous avez simplement dit qu'il n'y avait pas de cas
d'infiltration. Je prends la parole du ministre à savoir...
M. Bédard: C'est vraiment l'image de votre confusion.
M. Lalonde: ... qu'il n'y en a pas. Mais est-ce que, dans ses
directives, puisqu'il ne nous donne pas ses directives, puisqu'on n'en a
pas...
M. Bédard: Je vous ai donné l'essentiel, vous
n'avez pas écouté encore une fois.
M. Lalonde: Non, je veux des documents. Les discours du ministre,
on en a soupé ici.
M. Charbonneau: C'est cela, les directives.
M. Lalonde: Les questions, les réponses tout
emberlificotées, on en a assez, on veut des directives écrites,
pour la protection.
M. Bédard: Vous seriez mieux d'entendre les
réponses.
Le Président: M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, s'il vous plaît!
M. Lalonde: Et là, une autre partie de la dernière
intervention du ministre de la Justice démontre qu'il n'a pas saisi, et
c'est inquiétant, la véritable signification de la question qui
préoccupe les citoyens actuellement. Il nous parle d'un cas en quelque
part où un policier est allé prendre
le café avec quelques grévistes, il n'y a rien là.
Certainement qu'il n'y a rien là.
M. Bédard: C'est consigné dans les journaux.
M. Lalonde: Ce dont il ne se rend pas compte, c'est le
système, c'est l'accumulation des cas. Je voudrais vous donner un
témoignage qui ne vient pas du Parti libéral, il ne vient pas
d'un membre du Parti libéral. Il vient de M. Marc Laurendeau, un
journaliste informé aussi, le ministre le sait. Dans le cas de la crise
d'octobre, il a écrit des articles qui semblaient bien
documentés. J'espère qu'il a lu la Presse du 8 mars 1979. Les
titres, les journalistes et les anciens journalistes le savent, ne veulent trop
rien dire, parfois cela dépasse, mais il est quand même assez
éloquent. "Un espionnage qui relève de la psychose." Je n'en fais
pas le mien.
M. Charbonneau: C'est quoi, l'espionnage, pour vous?
Le Président: A l'ordre, s'il vous plaît! M. le
député de Verchères.
M. Lalonde: Je suis en train de le lire. Je cite Marc Laurendeau:
"Imaginons un instant la scène...
M. Charbonneau: Aller prendre un café, c'est de
l'espionnage.
M. Lalonde: ... le Québec se trouve dans la période
la plus brûlante des négociations entre le gouvernement et les 200
000 syndiqués des secteurs public et parapublic. Dans le bureau du
"bunker", le ministre de la Justice et le premier ministre rencontrent
l'état-major de la Sûreté du Québec pour s'informer
des risques que le conflit tourne à la violence. Automatiquement, au fur
et à mesure que progresse la conversation, l'Etat employeur est
renseigné en détail sur le degré de fermeté et de
détermination avec lequel les syndiqués sont engagés dans
la lutte. Ainsi informé, grâce à son rôle de gardien
de l'ordre social, l'Etat employeur n'a plus qu'à ajuster et à
présenter ses prochaines offres en conséquence."
Un peu plus loin: "Tout cela illustre la nécessité d'un
encadrement légal pour le travail de sécurité
effectué par un corps policier." C'est ce que je demande, autre chose
que simplement des discours. Le Code criminel, c'est très bien.
M. Bédard: Lisez donc les revues avant de parler.
M. Lalonde: "Un autre aspect du problème vient de la
dimension impressionnante de l'opération... " c'est cela que le ministre
n'a pas saisi, en disant: II y a un policier qui est allé prendre le
café. Ce n'est pas cela, c'est la dimension. "Les conséquences
d'un tel quadrillage de notre société sont assez
inquiétantes pour les libertés individuelles." Ce n'est pas un
fauteur de troubles qui dit cela, c'est un journaliste qui est très
respecté dans son milieu.
J'inviterais le ministre à prendre conscience du fait qu'il est
aussi responsable de l'application de la Charte des droits et libertés
de la personne, que les amendements à la charte, si la nomination
relève de l'Assemblée nationale, l'application en relève
du ministre de la Justice. Il a un rôle à jouer, au moins une
inquiétude à avoir là-dessus. Qu'il défende le
travail policier, parfaitement, je pense que c'est aussi son rôle, mais
qu'il donne aux policiers quand même le cadre nécessaire dans
lequel ils vont pouvoir travailler sans se faire faire des reproches comme
actuellement. On le voit actuellement, lorsqu'on n'a pas de cadre officiel dans
lequel les policiers pourront réellement fonctionner. On apporte des cas
de grévistes qui prennent le café avec un policier.
M. Charbonneau: Ces cas ont été mentionnés
dans les journaux.
M. Lalonde: C'est justement cela; parce qu'il n'y a pas de cadre
légal, les gens se surprennent. Si on avait un cadre légal,
à ce moment-là, on pourrait au moins se rendre compte...
M. Bédard: Allons donc!
M. Lalonde: ... que telle chose...
M. Charbonneau: Un cadre légal pour aller demander le nom
et le numéro de téléphone à quelqu'un.
M. Lalonde: ... est admissible et que telle autre ne l'est
pas.
Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Le policier, lui, serait beaucoup plus apte à
faire son devoir sans être assujetti à des blâmes, à
des reproches qui, souvent, ne sont pas fondés, mais qui viennent du
fait, justement...
M. Bédard: II y en a un cadre.
M. Lalonde: ... que le ministre de la Justice ne veut pas donner
le cadre autre que... Il faut que ce soit dans la légalité,
naturellement. Le Code criminel existe pour tout le monde, sûrement.
M. Bédard: Dans la neutralité. Lisez donc.
M. Lalonde: Et aussi la neutralité, mais qui n'est pas
contrôlée; qui n'est pas contrôlée, surtout dans le
cas des syndicats. Cela me surpend et je reproche au ministre de la Justice, en
terminant...
M. Clair: II y en a qui appellent cela de la neutralité
contrôlée.
M. Lalonde: ... cette question avec débat...
M. Bédard: Vous accusez les policiers de ne pas respecter
cette règle-là.
M. Lalonde: ... de n'avoir rien ajouté aujourd'hui.
Le Président (M. Richard): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: Je reproche au ministre de la Justice de n'avoir rien
ajouté aujourd'hui on lui donnait l'occasion malgré
la promesse du ministre, du premier ministre selon laquelle le ministre de la
Justice avait des choses les plus précises possible à nous dire.
Tout ce qu'il nous a dit, c'est qu'il faut que cela se fasse dans la
légalité. Il n'y a rien de nouveau, j'espère que cela se
faisait aussi dans la légalité auparavant. Deuxièmement,
la neutralité. Il ne nous annonce absolument rien pour contrôler,
pour que la population soit satisfaite et sache que ce n'est pas un
système qui puisse mettre en péril les droits individuels.
J'en profite pour corriger une autre déclaration du
député de Verchères, que j'ai oubliée tantôt,
quand il me blâmait de reprocher aux policiers de faire leur travail
auprès des gens de Val-Martin, d'aller leur poser des questions. Il n'a
rien compris, le député de Verchères, M. le
Président.
M. Charbonneau: Ce n'est pas ce que j'ai dit. Maudit que vous
êtes menteur! Ce n'est même pas ce que j'ai dit.
M. Lalonde: Voulez-vous retirer ce que vous venez de dire,
vous?
M. Charbonneau: Non, je ne le retirerai pas parce que ce n'est
même pas ce que j'ai dit.
M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.
J'ai entendu un mot antiparlementaire, M. le Président.
M. Charbonneau: II n'y a pas de question de règlement dans
le débat.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Verchères...
M. Charbonneau: Franchement, M. le Président!
Le Président (M. Richard):... vous ne m'imposerez tout de
même pas d'avoir recours à des policiers pour présider
cette commission.
M. Charbonneau: II y a des agents provocateurs, par exemple.
Le Président (M. Richard): Je vous invite, en gentilhomme
que vous êtes, à retirer le propos que vous avez tenu.
M. Charbonneau: M. le Président, dans ce cas, quel est le
droit d'un député de rectifier les faits dans une commission
parlementaire comme celle-ci?
Le Président (M. Richard): M. le député de
Verchères, je vais vous donner le droit de réplique tout à
l'heure.
M. Charbonneau: Merci, dans ce cas-là.
Le Président (M. Richard): Je vous invite, en gentilhomme,
à retirer le propos que vous avez tenu.
M. Charbonneau: Dans ce cas, c'est avec plaisir, M. le
Président, que je vais retirer ce propos, étant donné que
je pourrai rectifier les faits.
Le Président (M. Richard): Je vous remercie, M. le
député de Verchères.
M. Lalonde: Ce que j'ai reproché, dans le cas de
Val-Martin et je ne l'ai pas fait à la légère, je
l'ai fait sur le fondement d'affidavits dont j'ai les copies ici, que j'ai
déposés en Chambre c'est que les policiers s'informent des
allégeances politiques, de l'opinion des gens sur des ministres...
M. Bédard: On l'a dit très bien en Chambre...
M. Lalonde: Voulez-vous ne pas m'interrompre, s'il vous
plaît...
M. Bédard: Vous ne vous rappelez pas des menaces qui
étaient faites contre les ministres...
M. Lalonde: ... c'est à mon tour, d'accord? Vous
répondrez des choses à un moment, mais dites-en des affaires, pas
seulement des défenses.
Le Président (M. Richard): M. le ministre de la Justice,
j'essaie d'arranger le temps pour que vous puissiez donner votre
réplique, avant la fin, c'est-à-dire avant treize heures. Je vous
demande, si cela est possible, de continuer dans la
sérénité qu'on avait connue depuis le début. Je ne
voudrais pas être obligé d'emprunter l'un de vos policiers, M. le
ministre, pour présider. M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Ma sérénité du début
venait de l'espoir que nous aurions quelque chose de nouveau aujourd'hui.
Malheureusement, on ne peut pas être autrement que déçus.
Quand on m'accuse de blâmer les policiers d'être allés voir
les gens de Val-Martin, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit à combien
de reprises depuis un an et demi, sous forme de question en Chambre, que je
trouve inadmissible que des policiers aillent s'informer à des gens qui
ont seulement manifesté paisiblement sur leurs opinions, leurs
sentiments à l'égard de M. le ministre Landry et de M. le
ministre Tardif... C'est dans l'affidavit, et si le ministre de la Justice ne
croit pas ce qui est marqué dans les affidavits, qu'il prenne les
dispositions nécessaires qui lui sont permises par la loi, pour amener
ces
gens à la légalité s'ils ont menti. Qu'il
s'inquiète au moins, je ne vois pas un ministre de la Justice qui voit
trois affidavits qui sont déposés en Chambre, de simples citoyens
qui affirment qu'on leur a posé ces questions et qui ne fait rien. Il
n'a absolument rien fait depuis que j'ai déposé ces affidavits,
que je sache. J'espère qu'il a fait enquête.
M. Bédard: J'y ai répondu en Chambre.
M. Lalonde: Ce serait le temps de le faire, il n'y a pas un an
que j'ai soulevé l'histoire.
Le Président (M. Richard): Je vais solliciter votre
collaboration pour abréger un peu.
M. Lalonde: Oui, M. le Président. Alors, je termine cette
malheureuse question avec débat qui n'avance absolument à rien,
qui nous fait nous apercevoir, toutefois, que le ministre de la Justice n'est
pas du tout conscient de l'ampleur de cette question, de l'importance de cette
question dans l'esprit des citoyens.
Je la termine en lui posant une question précise, sur le cas de
la surveillance de la GRC par la SQ. Il dit qu'on lui a rapporté
quelques cas où c'était justifié de le faire. Je l'ai pris
mot à mot. Quels sont ces cas, s'il peut le dire, et quels sont les
paramètres s'il ne peut pas dire les cas précis, au cas
où la sécurité nationale serait en jeu qui
autorisent la Sûreté du Québec à suivre à la
trace certains agissements de la police fédérale? Je cite le
premier ministre, à ce moment-ci.
M. Clair: Des agissements criminels.
M. Lalonde: Si ce sont des agissements criminels, parfaitement!
Ce sont de simples citoyens qui sont assujettis à nos lois, mais est-ce
autre chose parce que le premier ministre a parlé de certains
agissements de la police fédérale que cela? Quels sont les
paramètres de la justification dont le ministre nous a parlé
tantôt? Qu'est-ce qui justifie la Sûreté du Québec de
suivre à la trace certains agissements de la police
fédérale? Ma question est précise. Je n'ai pas beaucoup
insisté actuellement là-dessus, quoique je trouve cela absolument
incroyable. J'ai besoin de cette réponse. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député de Marguerite-Bourgeoys. M. le député de
Nicolet-Yamaska, quelques minutes.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. J'essaierai
d'être le plus bref possible. D'abord, je voudrais revenir sur la
question de la Gendarmerie royale. Le ministre de la Justice nous a dit tout
à l'heure qu'on faisait enquête sur quelques cas isolés,
alors que le premier ministre lui-même, lors d'une entrevue qu'il a
accordée, disait que cela se faisait de façon beaucoup plus
globale, qu'on suivait à la trace la Gendarmerie royale du
Québec. Lequel des deux nous donne la situation exacte, telle qu'on la
vit chaque jour au Québec? Et encore une fois comme M. Marc
Laurendeau qui se posait également la question on peut se
demander, particulièrement à l'égard de la seconde partie
du travail de sécurité, l'énorme opération
publique, si les taxes payées par les citoyens sont vraiment
dépensées à bon escient en cette période
d'austérité. C'est une question très importante à
laquelle le ministre de la Justice devrait répondre.
Encore une fois, je reviens sur la question des négociations dans
les secteurs public et parapublic. Que la Sûreté du Québec
prenne des informations auprès des syndicats sur le déroulement
d'activités syndicales, encore là, je pense que c'est tout
à fait normal, mais dans le cas des secteurs public et parapublic, c'est
le gouvernement qui est l'employeur et c'est le gouvernement qui négocie
avec ces syndicats. A ce moment-là, le travail de la Sûreté
du Québec est beaucoup plus compliqué. (12 h 30)
Encore une fois, il faudrait que le ministre nous dise quel est le
mandat précis de la Sûreté du Québec face à
ces négociations, parce qu'il y a une difficulté d'application
particulière dans ces négociations du fait que le gouvernement
est l'employeur et que la Sûreté du Québec travaille
à obtenir des renseignements sur la façon dont se
déroulent les négociations. Là-dessus, j'aimerais que le
ministre de la Justice nous donne plus de précisions parce que, encore
une fois, je ne pense pas qu'il ait répondu véritablement
à cette question.
La troisième chose, une loi qui encadrerait toute cette question
de l'information. Dans la revue de la Sûreté du Québec, on
nous disait ceci: "Deux écoles de pensée se confrontent à
ce sujet. La première des conceptions américaines consiste
à créer un service de sécurité au moyen d'une loi.
Ce service, considéré comme entité distincte, sera
rattaché au pouvoir exécutif. La seconde, de type britannique,
est celle qui a cours au Canada. Ainsi, le service de renseignements de la
Sûreté du Québec est né de l'interprétation
de l'article 29 de la Loi de police. Globalement, certains gouvernements
autorisent et légitiment les activités par voie
législative". C'est ce qu'on demande au gouvernement du Québec,
de légitimer par voie législative les activités de
renseignements de la Sûreté du Québec.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député de Nicolet-Yamaska. M. le député de
Portneuf, souhaiteriez-vous intervenir une dernière fois?
M. Pagé: Pas tout de suite, M. le Président. M.
Lalonde: ... c'est la dernière fois.
Le Président (M. Richard): Alors... M. Pagé:
M. le Président...
Le Président (M. Richard): Oui.
M. Pagé: ... seulement quelques mots pour...
Le Président (M. Richard): Oui, parce que ce que je
voudrais...
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Richard):... c'est, avec votre
consentement, vous indiquer de faire un tour de table en donnant la parole au
député de Portneuf, ensuite au député de
Verchères, et je donnerai le droit de réplique final au ministre
de la Justice.
M. Lalonde: La réplique ne vient-elle pas de celui qui
pose la question?
M. Pagé: Oui. La réplique vient de celui qui
soulève la question, M. le Président.
M. Lalonde: II me semble que ce n'est pas une réplique, si
c'est celui qui répond.
Une Voix: Vous voulez avoir des réponses?
Le Président (M. Richard): Alors, je pourrai vous donner
un droit de parole à la toute fin, après le ministre de la
Justice.
M. Lalonde: Merci.
M. Clair: M. le Président...
M. Pagé: M. le Président...
M. Clair: ... sur une question de privilège.
Le Président (M. Richard): Oui, M. le député
de Drummond.
M. Clair: J'ai suivi attentivement les débats et
j'apprécierais que vous me trouviez deux minutes quelque part,
peut-être, avant que le...
Le Président (M. Richard): Je n'ai aucune objection, et
c'est pour cela que j'arrêtais là, M. le député de
Portneuf, brièvement, s'il vous plaît!
M. Clair: Je vous remercie.
M. Pagé: Très brièvement, M. le
Président. De toute façon, je dois joindre ma parole à
celle de mon collègue de Marguerite-Bourgeoys pour vous exprimer, en
espérant que ce sera bien saisi par le ministre de la Justice, toute
notre déception ce matin à l'égard des informations que
nous avons pu recevoir du ministre de la Justice. Elles sont encore une fois
évasives, encore une fois très générales,
très vagues. On doit conclure que cette stratégie de
réponses, c'est probablement voulu, c'est probablement une intervention
bien arrêtée du ministre de la Justice de ne pas répondre
bien spécifiquement et bien concrètement, comme il devrait le
faire, selon nous, aux questions que nous avons soulevées ce matin.
M. le Président, je devrai aussi conclure en vous disant que, si
j'étais un travailleur québécois à l'égard
de qui un gouvernement était censé avoir un préjugé
favorable, membre par surcroît du secteur public et du secteur parapublic
dans la présente ronde de négociations, je serais
particulièrement inquiet, car, M. le Président, si je me
réfère aux déclarations du ministre de la Justice de ce
matin, à la suite des questions que je lui ai posées, à la
suite des questions que mon collègue de Marguerite-Bourgeoys lui a
posées, il n'y a pas de système, ce n'est pas une démarche
universelle et générale que la Sûreté du
Québec entreprend d'acquérir des renseignements au sein de
chacune des unités de négociation qui ont à
négocier leur convention collective respective; ce n'est pas une
approche générale. Ces cas sont fondés seulement lorsqu'il
y a de la violence qui peut être appréhendée.
Ce qui permet quand même, M. le Président, à ma
grande surprise, au ministre de la Justice de nous dire, ce matin, de confirmer
le fait que la Sûreté du Québec, actuellement, se rend
à certaines réunions de syndicats, comme j'ai eu l'occasion d'en
faire état tout à l'heure. Cela ne se limite pas à de la
prise de café et à donner des cartes. J'ai clairement
indiqué et soutenu le ministre de la Justice n'a pas voulu le
réfuter que certains policiers de la Sûreté du
Québec se sont rendus chercher des documents dans certaines
réunions, ici à Québec notamment.
M. Bédard: Des documents publics, soyez donc
honnête.
M. Pagé: M. le Président, je peux conclure
que le ministre me contredise, parce qu'il n'a pas voulu aborder cette question
ce matin que, dans ces cas de négociation, il y avait de la
violence appréhendée. J'hésite à croire qu'il ait
pu y en avoir, entre autres dans le cas de la réunion de la CEQ, ici, au
mois de janvier, les CLSC, les hôpitaux. Vous savez, on n'est pas dans
des cas de violence appréhendée partout, dans les
négociations. Je suis fort surpris que le ministre nous donne cette
réponse ce matin. Alors, qu'est-ce que la Sûreté du
Québec...
M. Bédard: M. le Président, il n'y a pas de
question de privilège, je n'ai jamais dit ça.
M. Pagé: Qu'est-ce que la Sûreté du
Québec fait avec ces renseignements? Je peux terminer en me posant une
question. Je me demande si les informations ainsi recueillies
j'espère que ce n'est pas le cas, et ce sera au ministre de la Justice
à nous dire que ce n'est pas le cas, de son siège, ici, comme
parlementaire et comme membre de l'Exécutif ne servent pas
ultimement au gouvernement employeur dans le cadre de la présente
négociation de la convention collective. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député de Portneuf. M. le député de Drummond.
M. Clair: M. le Président, après avoir suivi
attentivement les travaux de cette commission, ce
matin, j'aimerais vous dire ma satisfaction à l'égard de
l'existence d'un corps policier autonome au Québec, qui s'appelle la
Sûreté du Québec, quand le ministre de la Justice
précise la première règle absolue de l'intervention de la
Sûreté du Québec, qui est le respect de la
légalité, et la deuxième règle, qui est celle de la
neutralité du policier.
M. le Président, je le dis parce qu'alors qu'on vit des moments,
des années où, au niveau d'un autre gouvernement, qui s'appelle
le gouvernement fédéral, on envisage, du côté du
parti au pouvoir, en quelque sorte, des lois qui visent à mettre la
police au-dessus de la loi, pour le gouvernement, et alors même que le
chef de l'Opposition de ce même Parlement, là-bas, veut rendre un
ministre simplement responsable, un ministre qui autoriserait les actes
criminels commis par la police, moi, ça me rassure beaucoup, M. le
Président, de voir qu'au Québec, il existe une
Sûreté du Québec qui a un mandat de respecter la
légalité comme règle absolue et de respecter
également la règle de la neutralité.
Quand le député de Marguerite-Bourgeoys nous parle de
neutralité contrôlée, parce que c'est drôle, il me
semble que cela ressemble à de la liberté surveillée. La
Sûreté du Québec a un mandat de respecter la
légalité et a également comme instruction d'opérer
dans la neutralité. Je pense que si on cherche à intervenir de
toutes sortes de façons au niveau de l'appareil de l'Etat pour
contrôler cette neutralité, cela risque d'être une
neutralité biaisée rapidement.
Je vous ai promis d'être bref, je le serai. Un dernier point,
l'opération publique. Le député de Marguerite-Bourgeoys a
fait beaucoup état de cette opération publique et il me semble
qu'il lui manque deux sens dans les propos qu'il tenait. Le premier sens, c'est
celui de la proportion et de la mesure, quand il dit que la Sûreté
du Québec ne devrait pas dès à présent se
préoccuper de bien cerner l'ensemble du phénomène. Il me
semble qu'on ne traite pas le renouvellement d'une convention collective dans
une entreprise qui compte dix employés de la même façon que
la Sûreté du Québec doit s'apprêter à regarder
à bien connaître le phénomène quand il s'agit d'un
renouvellement de convention collective qui concerne des centaines de milliers
de personnes.
Il lui manque surtout le sens de l'histoire, M. le Président.
Parce que j'ai vécu dans mon comté, j'ai rencontré des
gens qui, après avoir été victimes de provocation pendant
des années par l'ancien gouvernement, aujourd'hui, ont de la
difficulté à faire confiance tant au gouvernement qu'à la
Sûreté du Québec, simplement à cause de l'histoire
des négociations collectives au cours des dernières
années, au cours de leur mandat. Je pense que si, aujourd'hui, la
Sûreté du Québec est forcée d'avoir un peu plus de
précautions qu'on pourrait l'espérer nécessaire par la
population, c'est en grande partie à cause de l'histoire des
négociations collectives dans le domaine public, parce que la politique
du gouvernement précédent a été de la provocation
pendant des années et qu'en conséquence on doive être
encore un peu plus prudent à cause de cette provocation
passée.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le
député de Drummond. M. le député de
Verchères.
M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je voudrais
enchaîner en disant qu'on a eu abondamment aujourd'hui des exemples de
type, d'attitude de provocateur vis-à-vis des députés de
l'Opposition. Je ne m'étendrai pas sur le sujet, mais je vais profiter
du début de mon intervention rapide pour faire une mise au point, celle
que je vous avais promise d'ailleurs. Le député de
Marguerite-Bourgeoys a dit que je l'avais accusé d'avoir
blâmé les policiers d'aller voir les gens de Val-Martin. Ce n'est
pas ce que j'ai dit. J'ai dit: II a cité le cas de Val-Martin. Il
n'avait d'ailleurs pas parlé des allégeances politiques à
ce moment. On pourrait citer le journal des Débats.
Je serais curieux, et les gens qui écouteront cela à la
télévision se rappelleront les interventions d'il y a quelques
minutes. Il n'avait pas, quand il a cité le cas de Val-Martin,
parlé du problème des allégeances politiques, il avait
simplement mentionné le cas de Val-Martin pour indiquer que ce cas
soulève le problème de la pression qui est exercée sur des
citoyens quand des policiers vont les voir. Il avait soulevé le
problème du caractère intimidant de la présence
policière auprès de ces individus. Moi, j'avais
répliqué que le problème c'est que, bien sûr, cela
intimide les gens de voir des policiers arriver chez eux, mais on a à
déterminer si on veut qu'ils le fassent ouvertement, ou encore qu'ils ne
le sachent pas, mais qu'ils le fassent clandestinement.
Par ailleurs, on parle de violence appréhendée et on se
fait les gorges chaudes; le député de Portneuf n'a pas
écouté le ministre de la Justice et est revenu là-dessus
constamment. On a des exemples dans le document qui a été
publié par la Sûreté du Québec; le travail de
renseignement, notamment en matière de conflits de travail, n'est pas
uniquement relié à de la violence appréhendée, mais
également au mandat de maintien de l'ordre. On pourrait prendre
l'exemple qui est donné d'ailleurs ici à la page 11 du conflit
qui a opposé le ministère du Travail aux camionneurs au
Québec, il y a quelques années, en fait au mois de juin 1977. On
voit tout le travail de sécurité et de renseignement qui a
été nécessaire, non pas parce qu'on appréhendait de
la violence, quoiqu'il y en a eu à ce moment-là d'une
façon limitée, mais au départ, la raison pour laquelle on
est intervenu à titre de renseignements, c'est parce qu'il y avait une
question d'ordre. Quand 1500 camions envahissent une ville comme Québec,
il y a des questions d'ordre et de sécurité: comment les
ambulances vont circuler dans les rues de Québec, comment la
sécurité publique va être assurée à partir du
moment où il y a un blocage systématique. Il n'y avait pas de
violence appréhendée nécessairement, mais il y avait un
problème d'ordre public appréhendé.
Je voudrais également signaler, en réplique à
l'intervention du député de Portneuf qui mettait en
garde les syndiqués québécois et en particulier les
syndiqués de la fonction publique, M. le Président, que je
préfère l'attitude actuelle de la Sûreté du
Québec et que, tout compte fait, si j'étais syndiqué
j'ai déjà été syndiqué de la CSN en
plus de cela - je considérerais que le travail actuel est finalement
beaucoup plus un travail de protection des syndiqués et des syndicats
eux-mêmes, parce qu'un des problèmes actuels du syndicalisme, on
n'a qu'à regarder les sondages actuels pour voir comment,
malheureusement je le dis bien honnêtement à titre d'ancien
vice-président d'un syndicat de journalistes les syndicats dans
notre société sont souvent des boucs émissaires des
principaux maux.
Quand vous demandez quels sont les principaux responsables de la
détérioration du climat social ou économique dans les
sondages, malheureusement, ce sont des syndicats qui viennent en premier lieu.
Une des raisons pour lesquelles l'opinion publique a cette impression, c'est
que des conflits ouvriers, publics ou privés, ont été
utilisés par des agents qui n'étaient pas du tout des
syndiqués. On n'a qu'à penser au cas de Commonwealth Plywood
où, quand il y a eu souvent des manifestations violentes, ce
n'étaient pas les travailleurs de Commonwealth Plywood, ce
n'étaient pas les gars de la CSN qui étaient impliqués,
c'étaient des gens de certains groupes extrémistes qui, eux,
avaient une autre approche et un autre objectif que de régler les
conflits de travail.
Je pense, en terminant, qu'une approche comme celle qui est faite par la
Sûreté du Québec... Quand on dit: C'est
épouvantable, il y a tellement d'enquêtes! Il faudrait
peut-être regarder combien il y a des conflits à
l'intérieur de notre société. Est-ce qu'on est une
société qui peut se targuer de ne pas avoir une grève dans
une année? S'il y a des centaines de grèves, même
légales et, dans la plupart des cas, sans violence mais qui, dans
certains cas, ne posent pas de problème au niveau de la violence
appréhendée, mais de l'ordre public, il est normal qu'on fasse un
travail de renseignement. Cela va peut-être éviter que les gens
associent chaque fois le monde syndical et les travailleurs syndiqués
à certains événements dramatiques, à certains
éléments pertu-bateurs qui, malheureusement, existent. Cela, les
journalistes le savent très bien eux-mêmes, puisqu'ils ont
publié plusieurs enquêtes à ce sujet-là.
Merci, M. le Président.
Le Président (M. Richard): Merci. M. le ministre de la
Justice, sept minutes.
M. Bédard: M. le Président, je sais très
bien... M. Lalonde: Oui...
M. Bédard: Je pourrais peut-être terminer, M. le
Président. Vous pouvez laisser la parole au député de
Marguerite-Bourgeoys.
Le Président (M. Richard): M. le ministre de la Justice.
(12 h 45)
M. Bédard: Je sais très bien que l'Opposition
n'admettra pas que nous avons répondu à ses principales
questions. Le député de Marguerite-Bourgeoys s'ingénie
plutôt à ne pas entendre les réponses. La meilleure preuve
ou le meilleur exemple de cet acharnement du député de
Marguerite-Bourgeoys à ne pas entendre les réponses vient du fait
qu'à la toute fin de notre discussion il s'étonne de la dimension
je l'ai bien noté de l'opération. Il me demande,
comme ministre de la Justice, si cette cueillette d'informations s'adresse
à tous les conflits syndicaux. Il s'interroge encore alors que j'ai
répondu de façon très explicite à cette question
dans l'exposé que j'ai fait au début.
Je le cite à nouveau, à la page 5. "Dans bien des secteurs
de relations de travail, la situation est calme et rien ne laisse
présager de changement. Il s'agit donc d'une minorité de cas
où la Sûreté doit effectuer son travail d'enquête et
être en mesure de prendre les dispositions requises, car c'est
essentiellement dans certaines situations particulièrement tendues que
les risques de confrontation se présentent. De la même
façon qu'il apparaîtrait injuste et injustifié que
l'ensemble des hommes d'affaires et de leurs organisations fassent l'objet de
travail policier, parce qu'il y a de nombreuses fraudes, il apparaîtrait
tout aussi injuste et inacceptable que l'ensemble des syndiqués et leurs
organisations fassent l'objet de l'attention policière, parce qu'il y a
de nombreux cas de violence. Dans un cas comme dans l'autre, personne n'est
au-dessus des lois, mais, dans les deux cas également, le travail du
policier doit être motivé et justifié par les circonstances
et les faits.
M. le Président, dès le début de ce débat,
à une des principales questions du député de
Marguerite-Bourgeoys, qui s'interrogeait sur l'ampleur et sur la dimension de
l'opération, nous avons répondu. Mais le député de
Marguerite-Bourgeoys comme le député de Portneuf
s'ingénient à ne pas vouloir entendre les réponses,
à ne pas vouloir les noter. Je ne verrais pas pourquoi je reviendrais
sur ces sujets, que je crois avoir couverts.
Nous avons fait, je crois, au cours de ce débat, le point sur des
choses importantes, à savoir les principales lignes directrices de
l'action policière au Québec, les lignes de fond et
également nous avons discuté et explicité le plus possible
l'ensemble du cadre d'action qui régit les actions policières
dans différents domaines, mais d'une façon tout à fait
particulière dans le domaine des conflits ouvriers.
Le député de Portneuf me posait encore la question
à laquelle j'ai répondu dès le commencement du
débat, à savoir si je pouvais donner l'assurance que des
renseignements qui auraient été cueillis par les membres de la
Sûreté du Québec ne serviraient pas, éventuellement,
à informer le gouvernement dans le cas des négociations des
seceurs public et parapublic. Je lui ai répondu qu'il n'est pas question
que des renseignements concernant le contenu des négociations soient
acheminés par les membres de la Sûreté du Québec aux
autorités gouvernementales, à l'Etat employeur. Je lui ai dit
très carrément, et ceci est exprimé par une des
règles, une des lignes de
fond dont j'ai parlé, à savoir l'obligation de la
neutralité au niveau du travail des policiers. Cela répond
à cette... En tout cas, je tiens à donner cette assurance non pas
au député de Portneuf parce qu'il va encore continuer à
poser la même question et feindre qu'il n'a pas eu de réponse,
mais je tiens à donner cette assurance à l'ensemble des
syndiqués dans le secteur public et parapublic.
M. le Président, c'est l'essentiel des propos puisque mon
temps est compté c'est ce que je voulais dire à la fin de
ce débat.
Le Président (M. Richard): Merci, M. le ministre de la
Justice. Quelques mots, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, en terminant, je ne prendrai
pas tout le temps qui reste. On m'a accusé d'être un provocateur
cela vient d'un ancien journaliste parce que j'ai posé la
question, ce qui est pourtant admissible en vertu du règlement. J'ai
posé la question. J'ai donné les motifs. J'ai donné
l'objectif de ma question. J'ai donné la problématique. Je l'ai
fait, je pense, dans les règles les plus rigoureuses. Je n'accepte pas
cette accusation. Je vais continuer à poser des questions pour que le
ministre de la Justice prenne ses responsabilités. Plusieurs questions
restent sans réponse, et parmi les plus importantes. On nous dit: Les
règles sont la légalité et la neutralité. La
légalité, je vais demander au ministre de la Justice de la
préciser, et pas seulement moi. Des personnes qui ne sont pas ici ont
demandé au ministre de la Justice de préciser, parce que cette
légalité demande des précisions dans des cas
frontières qui mettent en question les droits individuels et le
fonctionnement d'organismes légaux comme les syndicats. Le
neutralité a quand même besoin de certains contrôles. Le
député de Drummond s'étonnait, neutralité
contrôlée. J'imagine qu'il sait que la Commission de police existe
justement pour... Il faudrait peut-être...
M. Clair: C'est la Commission de police qui contrôle. Vous
demandiez que le ministre... C'est le contrôle politique que vous
demandiez.
M. Lalonde: ... articuler cette neutralité dans un texte,
une directive, qu'on demande au ministre de la Justice... Je trouve qu'il est
absolument injuste à l'égard de la Sûreté du
Québec, des policiers en particulier qui sont appelés à
travailler dans le champ, que le ministre de la Justice ne précise pas
le cadre légal de fonctionnement parce que ce sont ces derniers qui
auront le blâme.
M. Charbonneau: Essayez de vous racheter.
Le Président (M. Richard): M. le député de
Verchères!
M. Lalonde: En fait, ce sont ces derniers. Les en-têtes
qu'on voit, c'est la Sûreté du Québec. C'est injuste parce
que c'est le ministre de la Justice qui ne prend pas ses
responsabilités, qui ne fait pas son devoir. S'il y avait un cadre tel
que réclamé par tout le monde, un cadre légal
d'opération, de fonctionnement du renseignement, absolument
nécessaire, ce serait alors le ministre de la Justice qui prendrait ses
responsabilités et qui ne les laisserait pas simplement sur le dos de la
Sûreté du Québec, qui mérite beaucoup plus que cela,
de même que les citoyens, qui méritent beaucoup plus d'être
rassurés, qui méritent d'être rassurés sur cette
opération.
C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Richard): Merci. Je mets un terme
à cette séance de la commission permanente de la justice en vous
remerciant, messieurs, pour une attitude et un comportement, somme toute, fort
policés. Merci.
Fin de la séance à 12 h 53