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Présentation de mémoires sur la
réforme du droit de la famille
(Dix heures neuf minutes)
Le Président (M. Dussault): A l'ordre! Mesdames et
messieurs, nous allons commencer les travaux de la commission élue
permanente de la justice ayant mandat d'étudier la réforme du
droit de la famille.
Sont membres de cette commission, M. Alfred (Papineau), M. Bédard
(Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Charbonneau (Verchères), M.
Clair (Drummond); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplacé par M. Le
Moignan (Gaspé); M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt
(Jonquière).
Pourraient aussi intervenir M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavigne (Beauharnois), M.
Léger (Lafontaine), M. Marois (Laporte), M. Pagé (Portneuf), M.
Roy (Beauce-Sud), M. Tardif (Crémazie).
On devrait aujourd'hui entendre deux groupes et je vais voir
immédiatement si les porte-parole sont présents. Je prierais les
porte-parole de signifier leur présence.
La Ligue des droits et libertés, présente. CENTRHOMME,
présent.
Je prierais immédiatement le porte-parole de la Ligue des droits
et libertés de se présenter devant la commission.
Bonjour, madame!
Mme Joyal-Poupart (Renée): Mon nom est Renée
Joyal-Poupart.
Le Président (M. Dussault): Mme Renée
Joyal-Poupart, je vous prierais, s'il vous plaît, de présenter le
point de vue de votre groupe en essayant, autant que possible, de vous en tenir
.aux 20 minutes réglementaires, quoique la commission soit
tolérante s'il est nécessaire de les dépasser.
Mme Joyal-Poupart: M. le Président, est-ce que vous
attendez de moi que j'expose brièvement la position de la ligue et
ensuite que je réponde aux questions des membres de la commission?
Le Président (M. Dussault): C'est habituellement ce que
l'on attend de ceux qui viennent témoigner devant la commission,
oui.
Ligue des droits et libertés
Mme Joyal-Poupart: La Ligue des droits et libertés est le
nouveau nom de la Ligue des droits de l'homme du Québec; c'est la
même chose, on a changé de nom depuis quelques semaines seulement.
Je le précise pour éviter tout risque de confusion.
La ligue tient d'abord à exprimer son accord avec l'esprit
général de la réforme proposée et avec les grandes
lignes des dispositions comprises dans le projet de révision du Code
civil.
Il y a notamment trois points que nous voudrions souligner davantage.
D'abord les pas extrêmement intéressants réalisés
dans le projet de Code civil concernant le statut des enfants. Qu'on propose de
supprimer toutes les distinctions, toutes les inégalités entre
les enfants, eu égard aux circonstances de leur naissance, nous
apparaît être une victoire extraordinaire et répond à
une des préoccupations majeures de la ligue depuis quelques
années.
On a remarqué aussi certaines règles qui ont pour but de
supprimer des conflits de filiations, soit entre deux filiations
légitimes ou filiation légitime et filiation naturelle; cela nous
apparaît également comme un aspect intéressant de la
réforme. Au niveau de l'adoption aussi, on a vu des propositions
très intéressantes pour assurer l'intégration de l'enfant
dans un milieu familial stable et supprimer des risques de conflits entre la
famille d'origine et les adoptants.
En ce qui concerne justement les enfants, la ligue tient absolument
à mettre l'accent sur la nécessité non seulement d'adopter
des réformes législatives, mais de coordonner ces réformes
avec des mesures sociales. Qu'on mette sur pied des groupes de réflexion
interministériels pour apporter un soutien matériel et
communautaire à des familles, par exemple, les très jeunes
parents, les parents en difficultés, les parents seuls, de façon
que sur tous les plans, à la fois social, économique, juridique,
on puisse apporter un support adéquat à des familles et, par
conséquent, à des enfants qui peuvent être en
difficultés.
Un autre aspect de la réforme sur lequel nous sommes tout
à fait d'accord, c'est la reconnaissance du principe de
l'égalité juridique des conjoints. Cela se traduit surtout au
niveau des effets du mariage, au niveau de la direction morale et
matérielle de la famille et de l'autorité parentale.
Là-dessus, nous sommes entièrement d'accord. (10 h 15)
Nous tenons aussi à souligner que l'égalité
juridique c'est une chose, mais l'égalité des chances, cela en
est une autre. Alors, nous faisons écho au rapport du Conseil du statut
de la femme, "Egalité et indépendance" pour les
Québécoises, pour demander la mise en oeuvre d'une politique
d'ensemble de la condition féminine afin que les femmes
bénéficient d'une égalité de chances dans tous les
secteurs de l'activité humaine au Québec. C'est également
une préoccupation majeure de la Ligue des droits et libertés.
Nous avons également trouvé très
intéressantes les règles proposées relativement à
l'union de fait. Ici, il nous semble que le projet a trouvé un juste
milieu. Il respecte le désir légitime de certaines personnes de
vivre ensemble en dehors du cadre institutionnel du mariage et, par ailleurs,
il assure une protection minimale des conjoints de
fait. On trouve que cette reconnaissance, du moins cette ébauche
de reconnaissance est pour le moment très intéressante et
très positive. On souhaiterait peut-être que le gouvernement
informe la population sur la situation respective des conjoints mariés
et des conjoints de fait pour que les personnes qui décident d'opter
pour l'union de fait ou le mariage puissent le faire en toute connaissance de
cause.
Nous sommes, comme je le disais, tout à fait favorables à
l'esprit général de la réforme. Nous avons cependant
quelques réserves à émettre et ces réserves nous
ont été inspirées par les objectifs mêmes de la
Ligue des droits et libertés, c'est-à-dire le respect des droits
fondamentaux tels qu'exprimés par la Déclaration universelle des
droits de l'homme et la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne.
Alors, il y a quatre libertés fondamentales qui ont retenu notre
attention: le droit des enfants à la protection et au
développement, légalité des hommes et des femmes devant la
loi, le respect de la vie privée, qui est particulièrement
important dans le secteur de la famille, et le droit à l'information.
Ici, je m'explique: Comme il s'agit de règles qui régissent la
vie intime, la vie privée des citoyens, la ligue souhaite que ces
règles soient les plus claires et les plus simples possible afin que
tout citoyen puisse les connaître et les comprendre. Alors, toutes les
recommandations que nous allons formuler sont en rapport avec l'exercice de
l'une ou de l'autre des libertés que je viens
d'énumérer.
Je vais reprendre les diverses parties du projet du Code civil
relativement à la famille et, pour chaque partie, j'indiquerai les
recommandations plus particulières de la Ligue des droits et
libertés. En ce qui concerne le nom et l'identité physique, c'est
une matière qui ne relève pas du livre de la famille mais du
livre des personnes mais, comme beaucoup d'autres organismes l'ont fait, nous
désirons ici exprimer notre opinion, parce que nous trouvons que c'est
étroitement relié à la vie familiale. Sur ce point, la
ligue exprime son désaccord total avec les articles 33 et 41 de ce
chapitre qui prévoient que l'enfant porte le nom patronymique de son
père et qu'il ne porte le nom patronymique de sa mère que lorsque
seule la filiation maternelle est établie. Nous trouvons cette
proposition nettement discriminatoire pour les femmes et les mères. Nous
trouvons même que cela constitue une régression parce que cela
consacre, par la voie législative, ce qui n'était jusqu'à
ce jour qu'une coutume, et nous trouvons que c'est aussi en contradiction avec
l'esprit général de la réforme qui est
proposée.
Si, vraiment, on propose l'égalité des conjoints,
l'égalité des parents au niveau de la direction morale et
matérielle de la famille et de l'autorité parentale, il faut
vraiment que cela se traduise aussi au niveau du nom qui est donné aux
enfants.
La ligue a examiné plusieurs hypothèses de propositions.
Il y en a une, en particulier, qui a retenu notre attention mais d'autres,
également, pourraient être valables. Ce que nous proposons, c'est
que l'enfant porte le nom de son père ou de sa mère, au choix des
parents; qu'en cas de désaccord entre les parents, l'enfant porte leurs
deux noms réunis par un trait d'union et que l'enfant ait la
possibilité, au moment où il accède à la
majorité, d'opter pour l'un ou l'autre des deux noms qui apparaissent
à son acte de naissance. Parmi toutes les hypothèses que nous
avons examinées, celle-ci nous apparaissait à la fois non
discriminatoire et assez fonctionnelle, mais d'autres hypothèses
pourraient aussi être très intéressantes.
Ce qui est sûr, c'est que ce qui est proposé dans le projet
de Code civil nous semble inacceptable. D'autres hypothèses pourraient
peut-être être valables, qui iraient dans le même sens que
celles que nous avançons aujourd'hui.
Relativement aux promesses de mariage ou aux fiançailles, la
ligue propose de supprimer ce chapitre qui n'existe pas dans le Code civil
actuel et dont on voit assez mal l'utilité. Le souci de la ligue, en
proposant de supprimer ce chapitre, c'est d'abord de préserver la
liberté des futurs conjoints de contracter mariage en
n'institutionnalisant d'aucune façon les fiançailles. C'est aussi
de simplifier, dans toute la mesure du possible, les règles qui
régissent les relations conjugales.
Au chapitre des conditions requises pour contracter mariage, nous sommes
d'accord avec l'ensemble de ces conditions. Nous avons deux réserves
à faire concernant l'article 8 et l'article 9.
L'article 8 a trait à l'impossibilité, pour le majeur en
tutelle, de contracter mariage. Nous ne nous opposons pas à cette
disposition comme telle, mais nous nous inquiétons des modalités,
c'est-à-dire la procédure et la preuve de la mise en tutelle.
Nous trouvons que c'est une mesure qui prive la personne de l'exercice de
certaines libertés fondamentales, le droit de disposer
d'elle-même, de se marier, d'administrer ses biens. Nous souhaitons que
cette mesure soit entourée des plus grandes précautions. C'est
seulement une inquiétude que nous voulons manifester parce qu'en aucun
cas, il ne faudrait que la mise en tutelle ne laisse place à
l'arbitraire ou à la malveillance.
D'autre part, l'article 9 nous pose un problème assez
délicat. C'est l'article qui propose de hausser l'âge du mariage
à 18 ans et exceptionnellement à 16 ans, avec la permission d'un
juge. Cela nous semble aller à l'encontre de l'article 16 de la
Déclaration universelle des droits de l'homme qui se lit comme suit: "A
partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction
quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de
se marier et de fonder une famille."
Si on regarde un peu les lois de l'Assemblée
générale des Nations-Unies, on y trouve que l'âge nubile,
c'est l'âge où une personne est physiquement capable de
procréer. Evidemment, la ligue est tout à fait consciente des
difficultés auxquelles se heurtent les mariages précoces et des
conséquences pour les enfants qui peuvent naître de ces
mariages.
Nous ne sommes pas favorables au mariage précoce pour la
majorité de la population. Nous reconnaissons même le
bien-fondé, pour la très grande majorité des jeunes, du
choix de se marier après avoir atteint l'âge de 18 ans et
même bien au-delà, mais, ce qui nous préoccupe un peu,
c'est l'opportunité d'interdire, d'une façon draconienne par la
voie législative, le mariage des personnes de moins de 18 ans.
Peut-être qu'avant de fixer dans le Code civil l'âge minimal pour
contracter mariage, il y aurait lieu de pousser plus avant certaines
consultations auprès d'organismes compétents sur la question de
savoir quel serait, dans le contexte québécois, l'âge
nubile. L'âge nubile pourrait être non seulement l'âge
où on peut mettre au monde des enfants sans danger pour la santé
physique, mais également aussi pour la santé mentale. La
santé mentale c'est une notion peut-être un peu élastique,
mais il y aurait lieu d'établir un genre de consensus sur l'âge
auquel, pourrait-on penser, la majorité de la population peut être
considérée comme ayant atteint l'âge nubile. On
souhaiterait qu'il y ait plus de consultations dans ce domaine-là.
Par ailleurs, on souhaiterait qu'on sensibilise les jeunes aux
différents aspects de la vie conjugale et aux responsabilités qui
en découlent. Par exemple, au niveau des programmes scolaires, on
pourrait très bien prévoir une certaine sensibilisation des
jeunes aux responsabilités conjugales et aux responsabilités
parentales.
Je voudrais qu'on soit bien compris. On ne favorise pas le mariage
précoce. Par contre, on n'est pas sûr que la meilleure
façon de l'éviter soit de l'interdire par la voie
législative. On pense que, dans certains cas, cela peut brimer des
libertés fondamentales, mais, par ailleurs, on souhaite que le mariage
précoce soit le plus rare possible, que cette question soit
laissée à la liberté des gens, mais que les jeunes soient
sensibilisés, peut-être dans le milieu scolaire, aux
responsabilités conjugales et parentales.
Au chapitre des oppositions au mariage, la ligue propose de supprimer
ces dispositions qui ont eu très peu d'utilité dans le
passé il n'y a aucun cas de rapporté dans les recueils
judiciaires et dont l'application peut s'avérer
tracassiè-re.
Par contre, nous avons remarqué que certaines précautions
sont prises au niveau de la célébration du mariage pour
vérifier l'âge, la situation matrimoniale des futurs conjoints.
Nous trouvons que ces précautions sont largement suffisantes pour
assurer le respect des conditions requises pour contracter mariage. Pour ces
raisons, nous proposerions de supprimer les oppositions au mariage, tout cela
aussi avec l'objectif de rendre la loi la plus claire et la plus simple
possible pour que les citoyens puissent très bien la connaître et
la comprendre. Parce que nous jugeons que dans un domaine qui les touche
d'aussi près, le devoir d'information de l'Etat est
particulièrement important.
Au niveau de la célébration du mariage, nous sommes
généralement d'accord avec les disposi- tions de ce chapitre, en
particulier, le délai de 20 jours qui est proposé entre le moment
où les conjoints doivent fournir aux fonctionnaires les documents requis
et le jour de célébration du mariage. Cela nous semble
particulièrement opportun, parce que cela peut être aussi un
délai de réflexion pour les conjoints avant de s'engager
définitivement dans la voie du mariage.
Au chapitre des nullités de mariage, nous rappelons qu'il s'agit
là d'une procédure qui est relativement longue et complexe. Dans
le passé, si on regarde un peu les recueils judiciaires du
Québec, on se rend compte que les actions en nullité de mariage
ont servi, avant l'adoption de la Loi sur le divorce, à mettre fin
à des mariages malheureux. Alors, on essayait d'étirer le plus
possible les causes de nullité; par exemple, on s'est servi souvent de
l'erreur sur la personne pour, en réalité, faire annuler des
mariages qui étaient malheureux et qui auraient dû normalement
aboutir à des divorces.
Depuis l'avènement de la Loi sur le divorce, les actions en
nullité sont beaucoup moins utilisées. L'avantage de prendre une
action en nullité plutôt qu'un divorce actuellement, c'est
d'échapper au paiement d'une pension alimentaire à l'ex-conjoint.
Cet intérêt pratique de distinguer l'action en nullité du
recours en divorce disparaît dans le projet de Code civil. Alors, dans un
souci de simplification des règles qui touchent d'aussi près
l'ensemble de la population, la ligue propose de supprimer le chapitre des
nullités. Nous croyons qu'actuellement les règles qui sont
proposées relativement à la séparation de fait, à
la séparation de corps et au divorce suffisent amplement à
répondre aux besoins de la population.
L'action en nullité, pour nous, c'était un palliatif
à l'absence de divorce au Québec pendant un grand bout de temps.
Maintenant, c'est sûr que cela répond aussi peut-être
à une certaine logique juridique, mais nous croyons qu'évidemment
le mariage ne doit pas être traité comme les autres contrats.
C'est avant tout une vie commune. C'est avant tout un faisceau de relations
affectives, économiques, sociales. Nous pensons que le divorce est plus
approprié que la nullité pour mettre fin à une union
malheureuse.
Vous allez me dire que la nullité est peut-être
nécessaire pour préserver certaines libertés religieuses
et que le divorce n'est pas reconnu par l'Eglise' catholique. Evidemment, cela
a été un souci de la ligue de vérifier si, effectivement,
la suppression de la nullité allait porter atteinte à certaines
libertés religieuses.
Nous avons pris information auprès du Tribunal
ecclésiastique de Montréal et on nous a répondu bien
clairement que cette suppression n'irait pas à l'encontre des
libertés religieuses, parce qu'il faut bien préciser que l'Eglise
catholique n'interdit pas le divorce civil. Ce qu'elle interdit, c'est le
remariage sans l'obtention d'une annulation religieuse devant les tribunaux
ecclésiastiques. Evidemment, une grande partie de la population n'est
pas au courant de cela, mais c'est un fait et ça mériterait
d'être précisé. Les deux
recours sont complètement indépendants et l'Eglise
n'interdit en aucune façon le divorce civil.
D'autre part, en ce qui concerne les nullités, il y a certains
cas qui intéressent l'ordre public. Par exemple, dans le cas de bigamie,
c'est un acte criminel qui est prévu par le Code criminel. Il y a
peut-être aussi des mariages entre très proches parents qui
pourraient intéresser l'ordre public. (10 h 30)
Pour ces cas-là, ce que nous suggérons, c'est que le
Procureur général puisse, sans frais pour les
intéressés de bonne foi, faire annuler, devant le tribunal
compétent les mariages qui auraient été
célébrés à l'encontre de certaines conditions
impératives intéressant l'ordre public.
Au chapitre des effets du mariage, la ligue appuie sans réserve
les sections I et II de ce chapitre relatives aux droits et devoirs respectifs
des époux à la résidence familiale, mais désire
affirmer son désaccord sur l'article 67 de la section III, cet article
qui prévoit l'arbitrage du tribunal en cas de mésententes entre
les conjoints concernant les décisions à prendre dans le cadre de
la vie conjugale.
La raison pour laquelle nous sommes en désaccord avec cette
disposition, c'est que le mariage est une institution et non pas un contrat
ordinaire. C'est un ensemble de relations affectives, ça se vit au jour
le jour et nous croyons qu'il convient de laisser les conjoints vivre la
collégialité jusqu'au bout, c'est-à-dire que les
mésententes conjugales doivent se régler entre les conjoints ou
avec l'aide de certaines ressources comme leurs amis, leurs parents ou
certaines ressources communautaires comme des services de consultation
matrimoniale et sociale qui sont dispensés dans certains CLSC, par
exemple, et qu'on voudrait voir implantés un peu partout au
Québec.
Nous croyons que l'institution d'un arbitrage judiciaire minimise la
capacité des conjoints d'assumer leurs responsabilités de couple,
qu'elle ne tient pas compte du cadre particulier de la vie conjugale,
c'est-à-dire qu'elle traite le contrat de mariage comme un autre contrat
et, là-dessus, nous n'y croyons pas beaucoup, qu'elle ne tient pas
compte non plus des ressources communautaires qui peuvent et doivent être
mises à la disposition des époux en difficulté. Nous
croyons que cette procédure d'arbitrage ou bien ne sera pas
utilisée, ou bien qu'elle sera utilisée d'une façon
incompatible avec la poursuite harmonieuse de la vie conjugale,
c'est-à-dire que nous croyons que des conjoints qui n'arrivent pas
à s'entendre à un point tel qu'ils doivent recourir à un
juge pour trancher leurs différends sont mûrs pour une
séparation de corps ou un divorce, ou bien, de toute façon, ne
seront pas capables de poursuivre la vie conjugale le lendemain matin d'une
façon harmonieuse en se faisant imposer par un juge une
décision.
Nous trouvons que cette disposition n'est pas réaliste et ne
tient pas compte de la vie conjugale. Donc, nous proposons la suppression de
l'article 67. Nous ne trouvons pas utile qu'il y ait un mécanisme
d'arbitrage extérieur qui soit établi. Qu'on laisse les conjoints
vivre la collégialité jusqu'au bout, qu'on leur fournisse
certains supports sociaux, certaines expertises, consultations familiales et
matrimoniales pour ceux qui voudraient faire appel à ces services, mais
qu'on ne vienne pas régler les différends à leur place
dans la vie conjugale.
Au chapitre des régimes matrimoniaux, d'une façon
générale, nous sommes d'accord avec les dispositions de ce
chapitre, sauf en ce qui concerne le choix de l'administrateur ou de
l'administratrice de la communauté dans le cadre du régime
conventionnel de la communauté de meubles et acquêts. C'est
particulièrement contre l'article 150 que nous en avons, article qui
propose que les époux peuvent convenir que l'un d'eux sera
l'administrateur de la communauté et qui ajoute: "Ils sont
présumés avoir choisi le mari comme administrateur de la
communauté, à défaut de stipulation expresse dans le
contrat de mariage." Pour nous, c'est vraiment inacceptable, c'est un peu
symptomatique aussi, c'est-à-dire que, d'une façon
générale, on propose l'égalité des conjoints, mais,
tout à coup, il y a une petite prédominance du mari qui
apparaît; cela dénote que ce n'est pas encore tout à fait
passé dans les moeurs et qu'on reconnaît encore une certaine
priorité au mari. Là-dessus, nous ne pouvons absolument pas
être d'accord et nous proposons que cet article 150 disparaisse.
Ce que nous proposons à la place, c'est que, dans tous les cas
où ce régime de la communauté de meubles et acquêts
est choisi par les futurs époux, parce qu'il s'agit maintenant d'un
régime conventionnel et non pas du régime légal, ceux-ci
soient conjointement responsables de l'administration de la communauté.
Cela se fait, par exemple, dans des contrats de société, les
associés sont conjointement administrateurs de la société.
Cela pourrait très bien se faire dans le cadre d'une
société conjugale. Les époux seraient tous les deux
administrateurs de la communauté et cela ne les empêcherait pas,
dans certains cas, pour des raisons d'ordre pratique, de se donner à
chacun des mandats conventionnels pour se représenter dans les actes qui
concernent le régime matrimonial.
L'ensemble des règles qui régissent le régime
devrait être réaménagé pour tenir compte de cette
administration conjointe.
Au chapitre de la séparation de corps et du divorce,
l'introduction de dispositions relatives à la séparation de fait
nous apparaît très valable. On devrait peut-être
prévoir explicitement le droit de l'époux séparé de
fait d'obtenir pour lui-même et ses enfants une pension alimentaire de
son conjoint. On parle beaucoup des accords qui peuvent être faits entre
les conjoints pour régler ces questions, mais ce n'est pas toujours
possible d'en venir à des accords. Dans le cas où cette
possibilité ne peut pas se concrétiser, il faudrait
peut-être prévoir explicitement un recours au tribunal. Je sais
que c'est possible actuellement, sur la base des dispositions du Code de
procédure civile, de
présenter une requête indépendamment des
règles du Code civil. Je pense que ce serait plus clair si on
introduisait au Code civil lui-même cette possibilité.
L'unification des causes de séparation de corps et de divorce
apparaît également comme un élément positif de la
réforme. Toutefois, au niveau des causes qui sont proposées, nous
avons des réserves importantes à formuler. La ligue s'oppose
fermement à ce que des motifs relevant de la vie privée puissent
et, dans certains cas, doivent être invoqués par les époux
pour l'obtention d'un divorce ou d'une séparation de corps. Nous pensons
que l'énoncé et la preuve de ces motifs ne peuvent qu'envenimer
la situation conjugale et que, de plus, cela constitue une atteinte
injustifiée à la vie privée des conjoints.
Nous avons essayé d'élaborer un certain nombre de normes
qui tiennent compte de tous les cas et qui garantissent le sérieux de la
décision en prévoyant un délai de réflexion d'un
an. Nous croyons que le divorce ou la séparation de corps est un fait,
c'est un événement extrêmement grave dans la vie d'un
couple, surtout si ce couple a des enfants. Nous ne voulons pas faire du
divorce une simple formalité, mais par ailleurs, nous nous opposons
à ce que des motifs relevant, par exemple, d'une faute, d'un
échec, de l'impuissance d'un des conjoints ou de l'emprisonnement,
doivent être invoqués devant le tribunal. On s'y oppose, parce
qu'on trouve qu'ils enveniment la situation et que c'est vraiment un
traumatisme pour les conjoints qui vivent ces situations d'avoir à les
exposer devant le tribunal.
Nous proposons que la séparation de corps et le divorce puissent
être obtenus, premièrement, d'un commun accord des conjoints
après un an de séparation, dont la preuve doit être faite
au tribunal, ou, deuxième possibilité, à la demande de
l'un des conjoints, lorsque celui-ci exprime judiciairement son intention de
divorcer et confirme judiciairement cette intention au moins un an plus tard.
Cela couvre à peu près toutes les possibilités. Ou bien
les conjoints sont d'accord pour demander le divorce, dans ce cas on exige
qu'il y ait au moins un an de séparation avant l'obtention du divorce,
ou bien, un seul des conjoints désire obtenir le divorce, et on lui
impose un délai de réflexion d'un an entre le moment où il
exprime la première fois son intention et le moment où il la
confirme. Cela ne fait pas du divorce une formalité, cela assortit cet
événement d'un délai de réflexion important et, en
même temps, cela n'oblige pas les gens à invoquer une faute de
leur conjoint, un échec du mariage, ou un aspect particulier de leur vie
intime ou privée.
La ligue s'oppose également à la conciliation obligatoire
prévue à l'article 245 de ce chapitre. Nous ne sommes pas contre
la conciliation comme telle en matière de divorce. Nous pensons que des
services de conciliation doivent être disponibles et que les époux
en instance de séparation de corps et de divorce doivent pouvoir y
recourir, que même, on les incite à le faire, qu'on leur
suggère, qu'on leur indique que ces services existent, mais ils doivent
pouvoir y recourir sur une base volontaire et non obligatoire.
L'échec de la conciliation devrait donner lieu à un simple
constat de cet échec, sans que celui-ci ne soit imputé à
l'un ou à l'autre des conjoints et sans que les services de conciliation
ne puissent adresser de rapport ou de recommandation au tribunal. Par ailleurs,
lorsqu'on obtient un succès total ou partiel, au moment de la
conciliation, par exemple sur la garde des enfants, la pension alimentaire, les
arrangements financiers, les ententes intervenues entre les conjoints devraient
être formulées clairement par écrit, signées par les
conjoints et présentées au tribunal par leurs avocats
respectifs.
L'article 246 nous inquiétait un peu. Cet article prévoit
que le tribunal ajourne les procédures en séparation de corps ou
en divorce s'il croit que le divorce ou la séparation de corps serait
préjudiciable à la conclusion d'accords raisonnables pour assurer
l'entretien des enfants ou l'un des conjoints. Nous ne sommes pas
foncièrement, contre cet article, mais d'un autre côté,
nous ne voudrions pas que les alinéas 2 et 3 reçoivent une
interprétation telle que le divorce ou la séparation de corps ne
puisse être obtenue pour des raisons tenant à la situation
matérielle des conjoints.
La jurisprudence qui existe sur la question nous montre que les
tribunaux ont hésité justement à refuser le divorce
à cause d'une situation matérielle précaire; alors, nous
ne voudrions pas qu'avec l'avènement de cet article, cette pratique
puisse se faire jour. Le cas échéant, lorsque la situation
matérielle résultant du divorce est précaire, nous pensons
qu'il faudrait assumer la prise en charge par l'Etat de la situation des
enfants et de l'un des conjoints, du moins pour une certaine période,
lorsque l'autre conjoint n'est pas en mesure de subvenir à leurs
besoins. Nous ne voudrions pas introduire par là une distinction entre
les riches et les pauvres.
L'article 248 ne devrait s'appliquer, si nos propositions relatives aux
causes du divorce et de la séparation de corps sont retenues, que dans
le cas où la preuve n'aurait pas été faite à la
satisfaction du tribunal parce qu'on prévoit l'hypothèse
où le tribunal peut rejeter la demande en séparation de corps ou
en divorce. A notre avis, il ne devrait pas y avoir de discrétion du
tribunal sur l'accueil ou le rejet de la demande, mais cela devrait être
simplement une question de preuve. Si la preuve est faite, le tribunal doit
prononcer le divorce.
Au chapitre de la filiation, je rappelle que nous sommes tout à
fait favorables aux dispositions contenues dans ce chapitre sous
réserve, peut-être, de certaines difficultés que pourrait
poser leur application pratique. Evidemment, il est prématuré de
se prononcer là-dessus mais il sera peut-être, à un moment
donné, opportun de faire certains ajustements. En particulier, nous
réitérons notre appui total à l'article 291 qui abolit
toute distinction entre les enfants fondée sur les circonstances de leur
naissance.
Pour ce qui est de l'autorité parentale, la ligue se
félicite grandement de la suppression du droit de correction des parents
sur leurs enfants et de la formulation des droits et des devoirs des parents
à l'article 353 de ce chapitre. Qu'on ait dit explicitement que le
père et la mère ont, à l'égard de leur enfant, le
droit et le devoir de garde, de surveillance et d'éducation, nous
croyons que c'est particulièrement conforme à ce que devrait
être l'autorité parentale bien comprise, c'est-à-dire un
ensemble surtout fonctionnel de devoirs bien plus que de droits à
l'égard des enfants.
Pour les mêmes motifs que ceux que nous avons explicités
plus haut dans le cadre des effets du mariage, la ligue s'oppose à
l'arbitrage du tribunal en cas de mésentente entre les parents
relativement à l'exercice de l'autorité parentale. D'autre part,
c'est sûr que parfois, à cause de la mésentente entre leurs
parents, certains enfants peuvent avoir besoin de protection; leur
développement peut être compromis et, dans ce cas, nous croyons
que la Loi de la protection de la jeunesse devrait s'appliquer. C'est une loi
qui s'applique à tous les enfants dont la sécurité ou le
développement est compromis. Nous croyons qu'il serait bon d'harmoniser
les dispositions du Code civil et de la Loi de la protection de la jeunesse de
façon à ce qu'il ne puisse pas y avoir, à un moment
donné, de conflit de juridiction entre ce qui relève de la Loi de
la protection de la jeunesse et du Code civil.
Finalement, nous recommandons que ce chapitre qui s'intitule "De
l'autorité parentale" s'intitule plutôt "De la
responsabilité parentale". Ce titre, à notre avis, serait plus
conforme à l'esprit des dispositions proposées et favoriserait
une approche à l'enfant qui tiendrait davantage compte des droits de
celui-ci au développement et à l'acquisition de l'autonomie.
Dans notre mémoire, nous n'avons pas abordé la question de
tribunal de la famille. Ce que je puis dire, peut-être pour
résumer la position de la ligue, c'est que nous voyons d'un bon oeil que
toutes les juridictions qui ont à traiter de cas de relations
matrimoniales ou parentales soient fusionnées. A notre avis, cela aurait
surtout l'avantage d'améliorer les services fournis par ces tribunaux,
notamment en ce qui concerne la sélection des juges, peut-être
aussi leur formation permanente. Cela aurait peut-être aussi pour
avantage d'humaniser un peu ces tribunaux qui ont à traiter de questions
aussi intimes, aussi privées, où il y a une charge affective
très forte qui pèse sur les gens qui sont aux prises avec ces
problèmes. (10 h 45)
D'autre part, en ce qui concerne tous les services d'expertises
psychosociales qui graviteraient autour de ce tribunal de la famille, nous
avons des réserves à formuler, parce que, à notre avis, il
faut faire bien attention de ne pas porter atteinte à la vie
privée des gens.
Tout ce qui concerne les services administratifs, qui relèvent de
fonctionnaires, les services sociaux, nous trouvons que ces services devraient
être employés seulement sur une base obligatoire et toujours faire
attention que ces services n'empiètent pas dans le domaine judiciaire,
parce que nous croyons au "due process of law", nous croyons que, chaque fois
que les gens voient leurs droits impliqués, il faut que leur cas puisse
être soumis à un tribunal, avec une preuve, avec une
procédure prévue, et que, quand on confie sa vie privée
à des fonctionnaires, quand on confie ses problèmes, il faut que
ce soit sur une base volontaire.
C'est un peu notre opinion sur le tribunal de la famille. Approbation,
en principe, mais certaines réserves concernant la vie privée et
le rôle des services sociaux.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je tiens à
remercier la représentante de la Ligue des droits et libertés. Je
tiens tout d'abord à souligner que, contrairement à ce qui est
écrit dans votre mémoire, à la page 3, sur le nom, le nom
et l'identité des personnes font l'objet de !a présente
commission parlementaire...
Mme Joyal-Poupart: Ah bon!
M. Bédard: ... puisque c'était indiqué dans
les avis publics, que les articles 32 à 45 feraient l'objet de cette
commission parlementaire. Mais je suis quand même très heureux que
la ligue, malgré cette insuffisance d'information, ait quand même
jugé bon d'exprimer son point de vue sur le nom.
Selon votre recommandation, l'enfant porterait le nom des conjoints,
c'est-à-dire le nom d'un des conjoints?
Mme Joyal-Poupart: C'est cela.
M. Bédard: A leur choix. Et, en cas de désaccord,
les deux noms?
Mme Joyal-Poupart: Oui.
M. Bédard: A sa majorité, l'enfant aurait le droit
d'exercer un choix.
Mme Joyal-Poupart: C'est cela.
M. Bédard: J'ai une première question: Est-ce que
vous ne croyez pas qu'avec une telle disposition, si, en cas de
désaccord, l'enfant porte les deux noms, cela pourrait avoir pour effet
de contribuer à véhiculer l'image de parents qui sont en
désaccord, par rapport à l'enfant? Ne serait-ce pas un peu de la
discrimination pour l'enfant? Si on adoptait cela comme cela, dès qu'un
enfant aurait deux noms, on dirait: Tes parents ne s'entendent pas.
Mme Joyal-Poupart: Je pense qu'on peut voir les choses d'une
façon plus positive. Ou bien les parents sont d'accord pour que ce soit
le nom du père, ou ils sont d'accord pour que ce soit le nom de la
mère, ou ils sont d'accord pour que ce soient les deux noms.
M. Bédard: Ce n'est pas ce que vous dites. Je suis bien
d'accord. Il faudrait le dire plus positivement.
Dans le cas où l'enfant n'exerce pas son choix, il se pose alors
le problème des noms multiples. Comment résoudriez-vous ce
problème?
Mme Joyal-Poupart: Nous sommes sensibles à ce
problème. Evidemment, avec les générations successives, on
peut développer des noms qui vont être très longs. Mais je
pense que la plupart des enfants, à l'âge de 18 ans, comprendront
peut-être le bien-fondé d'opter pour un des noms. Nous sommes bien
conscients que toutes ces hypothèses ne sont pas sans poser certaines
difficultés d'ordre pratique.
M. Bédard: Administratives, par exemple.
Mme Joyal-Poupart: Oui., Par ailleurs, nous pensons qu'elles
doivent toutes être examinées à leur mérite. Comme
je vous dis, il y en a d'autres qui ont été proposées, qui
pourraient être bonnes. Par exemple, le Conseil du statut de la femme, du
moins, ce qui en a été rapporté dans les journaux, propose
que, d'emblée, l'enfant porte le nom de ses deux parents. Maintenant, il
a été question de la solution espagnole, où l'enfant porte
le nom de ses deux parents, mais ne transmet qu'un des noms. L'enfant pourrait
transmettre soit le nom de son père ou le nom de sa mère.
Comment? Est-ce que ce serait laissé au choix de l'enfant ou
est-ce qu'il faudrait le déterminer d'avance? Par exemple, les filles
transmettraient le nom de leur mère, les garçons, le nom de leur
père ou inversement. Ce sont toutes des hypothèses, je pense,
qu'il faut considérer avec toutes leurs conséquences. Ce qui nous
semble bien important, c'est que la solution qui a été retenue au
niveau du projet soit rejetée, parce que nous la trouvons
discriminatoire et nous pensons que c'est vraiment un obstacle majeur qui est
encore beaucoup plus important que les obstacles d'ordre administratif ou
pratique qu'on pourrait rencontrer.
M. Bédard: La Commission des services juridiques avait
proposé le nom de la mère.
Mme Joyal-Poupart: Oui. J'ai remarqué cette proposition.
Je sais qu'il y a aussi Maurice Champagne-Gilbert qui a écrit un article
dans le Devoir, dans le même sens. C'est sûrement une proposition
très fonctionnelle qui évitera des recours en justice, parce que
cela supprime les conflits entre deux noms possibles pour l'enfant, mais, par
contre, la ligue y voit une objection fondamentale. C'est que, comme les
enfants, c'est une charge conjointe des parents, c'est une
responsabilité conjointe des parents et que, justement, je pense que
cela fait partie de la lutte des femmes pour la libération que les
hommes prennent leur part entière à égalité avec
les femmes dans la responsabilité des enfants, je pense que ce serait
bien bon que cela paraisse aussi au niveau du nom.
Pour ces raisons, nous ne serions pas prêts à appuyer
actuellement la position de la Commission des services juridiques.
M. Bédard: Autrement dit, vous avez une position
très claire, mais vous êtes très ouverts aux solutions des
autres, en tout cas à certaines, entre autres celle du Conseil du statut
de la femme.
Mme Joyal-Poupart: C'est cela, pour autant qu'elle ne soit pas
discriminatoire, c'est-à-dire qu'on ne dise pas d'emblée: Ce sera
le nom du père ou ce sera le nom de la mère; qu'on dise: Cela
pourrait être les deux noms ou l'un ou l'autre, avec certains
critères.
M. Bédard: Vous avez le souci qu'il n'y ait pas de
discrimination.
Mme Joyal-Poupart: C'est cela.
M. Bédard: Mais est-ce que vous admettez avec moi que
donner les deux noms seulement en cas de désaccord, cela pourrait amener
une certaine discrimination pour les enfants?
Mme Joyal-Poupart: Peut-être, je pense qu'il va s'agir de
faire l'équilibre des avantages et des inconvénients de chaque
solution.
M. Bédard: A la page 7 de votre mémoire, traitant
des nullités, vous proposez que, dans les cas qui intéressent
l'ordre public, entre autres la bigamie, le mariage entre proches parents, etc.
je ne sais pas si vous vous limitez seulement à ces deux
cas-là le Procureur général puisse faire annuler
devant le tribunal les mariages célébrés à
rencontre de certaines des conditions. Je pense bien qu'il y aurait lieu de
rappeler, vous l'avez mentionné d'ailleurs, qu'il est du devoir des
célébrants c'est reconnu par la loi de s'assurer,
entre autres, de l'identité, de l'état matrimonial des futurs
époux avec des preuves à l'appui.
Mme Joyal-Poupart: C'est cela, oui.
M. Bédard: En tout cas, jusqu'à maintenant, toutes
nos indications et nos informations vont dans le sens qu'ils font bien ce
travail. Je ne sais pas si vous avez des cas à souligner à la
commission parlementaire dans le sens contraire.
Mme Joyal-Poupart: Non.
M. Bédard: Je suis très surpris que la Ligue des
droits fasse une proposition dans le sens que le Procureur
général ait un contrôle postérieur. Vous ne voulez
pas des tribunaux. Là, vous demanderiez au Procureur
général de s'impliquer dans ces cas-là. J'aimerais que
vous explicitiez un peu plus ce genre de contrôle; comment il serait
balisé, à partir de quels critères le Procureur
général...
Mme Joyal-Poupart: C'est cela.
M. Bédard:... parce que la Ligue des droits et
libertés est toujours sensible aux interventions du Procureur
général. Je suis très surpris. Vous proposez...
Mme Joyal-Poupart: Parfois, ce sont des interventions très
fondées, M. le ministre. On ne s'oppose pas à tout.
M. Bédard: Non, je suis très heureux de cela. Vous
proposez d'annuler le chapitre.
Mme Joyal-Poupart: Oui, c'est-à-dire... M.
Bédard: La solution de rechange...
Mme Joyal-Poupart: Notre souci est un souci de simplification. En
examinant les rapports judiciaires depuis de nombreuses années, on se
rend compte que, finalement, la nullité de mariage, sur le plan civil au
Québec, cela remplaçait un peu le divorce, c'est-à-dire
qu'on essayait d'étirer le plus possible, en particulier, l'erreur dans
la personne pour arriver, par le biais de l'action en nullité, au
même résultat que s'il y avait eu une requête en divorce.
Cela se faisait surtout avant 1968, avant l'adoption de la loi
fédérale sur le divorce.
Dans un souci de simplification, nous nous sommes dit: Pour que la
majorité de la population puisse bien comprendre la loi, puisse bien
comprendre les règles qui régissent les relations matrimoniales,
qui régissent l'obtention d'une séparation de corps ou d'un
divorce, les règles qui peuvent mettre fin à l'union conjugale,
on propose de supprimer ce chapitre, parce qu'on pense que, finalement, pour
l'ensemble de la population, cela n'apporte pas plus de droit ou plus de
résultat que le divorce. L'action en nullité répond
davantage à une logique juridique qu'à un besoin social. C'est un
souci de simplification. Par ailleurs, comme vous l'avez vous-même
souligné, nous croyons que les précautions qui sont prises au
niveau de la célébration, vont faire qu'il n'y aura pas beaucoup
de mariages qui seront nuls pour des motifs d'ordre public, comme la bigamie ou
l'inceste, parce qu'on va vérifier l'identité des personnes, leur
état matrimonial, leur âge, etc. Il y a toujours quand même
des possibilités d'erreurs qui peuvent se glisser. C'est pourquoi pour
tenir compte de ces exceptions qui, à notre avis, seront
extrêmement rares, on a prévu que le Procureur
général pourrait exercer un certain recours en nullité
quand l'ordre public est en cause, c'est-à-dire que le Procureur
général pourrait difficilement tolérer, sur le territoire
du Québec, qu'il y ait un mariage qui contrevienne au Code criminel.
C'est pour cette raison que nous avons proposé ce recours.
M. Bédard: Ce n'est pas du criminel, c'est du civil,
quoique...
Mme Joyal-Poupart: La bigamie?
M. Bédard: Oui, la bigamie est dans le Code criminel.
Mme Joyal-Poupart: Est-ce que cela...
M. Bédard: Je comprends que c'est par un souci de
simplification, mais il arrive qu'à vouloir simplifier, on tombe dans
d'autres problèmes.
Mme Joyal-Poupart: C'est possible, mais est-ce que...
M. Bédard: Par exemple, quand vous dites: On va demander
au Procureur général de s'impliquer là-dedans, j'aimerais
bien que vous explicitiez sur quelle base, selon quels critères.
Mme Joyal-Poupart: Seulement dans les cas qui intéressent
l'ordre public. Cela pourrait être des cas assez limités. On
voyait surtout le cas de bigamie et le cas d'inceste. Maintenant, j'ai mis des
points de suspension dans le mémoire, parce que je me disais qu'il y a
peut-être d'autres cas auxquels on ne pense pas. Par exemple, si le
mariage avait été célébré devant un
fonctionnaire non compétent, et qu'il y avait, à un moment
donné, un acte de célébration du mariage qui était
inséré dans les actes d'Etat civil, il y aurait peut-être
lieu de faire annuler aussi ce mariage, mais ce seraient des cas très
limités. Avec les vérifications qui vont se faire avant la
célébration, je pense que ce serait extrêmement rare que le
Procureur général ait à faire annuler des mariages.
M. Blank: Pourquoi le Procureur général est-il
impliqué dans chaque action en nullité maintenant? On doit
signifier le Procureur général dans chaque action en
nullité.
M. Bédard: De par la procédure, oui, le Procureur
général est impliqué, est mis en cause.
M. Blank: II fait partie de la cause actuellement.
M. Bédard: On diverge peut-être d'opinions sur ce
point. Il y a aussi un autre point que vous soulevez dans votre mémoire,
c'est l'âge nubile. Vous référez à la
déclaration universelle des droits de l'homme, et, de par sa
définition, vous vous interrogez, comme nous tous d'ailleurs, dans le
contexte québécois, sur l'âge nubile, c'est-à-dire
l'âge où la procréation est possible sans danger pour la
santé physique et mentale des parents et des enfants, tel que vous le
dites dans votre mémoire. Votre interprétation de l'âge
nubile, selon la déclaration universelle des droits de l'homme, est-ce
qu'elle ne vise pas seulement l'âge où la procréation est
possible? Est-ce qu'elle vise aussi l'attitude à contracter mariage,
parce que ce sont quand même deux problèmes, deux situations
différentes? L'âge nubile, tel que défini par la
déclaration universelle des droits de l'homme, je ne sais pas
jusqu'à quel point on peut l'accoler, l'identifier d'une façon
très valable à l'âge de la responsabilité pour
contracter mariage.
Mme Joyal-Poupart: Pour nous, c'est une question
extrêmement délicate. Il est clair que
pour l'Assemblée générale des Nations Unies,
l'âge nubile, c'est l'âge où il est possible de
procréer. Maintenant, nous trouvons cette définition
peut-être un peu restrictive. C'est pour cette raison que nous avons
ajouté: Santé physique et santé mentale. Nous ne pouvons
pas, nous n'avons pas de compétence... (11 heures)
Je pense que ça prendrait des médecins, des psychologues,
des éducateurs, etc., pour définir ce que pourrait être
l'âge nubile au Québec, l'âge où on peut minimalement
assumer cette responsabilité sans risque excessif...
M. Bédard: Même si vous nous faites la proposition
de consulter des experts en la matière, des organismes
compétents, vous avez indiqué un peu quels seraient ces
organismes compétents. Vous pourriez peut-être expliciter
davantage. Maintenant, il reste qu'à la fin de toutes ces consultations,
je pense bien qu'on en arriverait encore à prendre une décision
à partir d'opinions qui seraient différentes.
Mme Joyal-Poupart: Oui, sans doute. Mais je pense peut-être
que pour...
M. Bédard: Je ne vois pas...
Mme Joyal-Poupart: ... respecter les libertés
fondamentales, il serait bon quand même de faire ces consultations pour
arriver peut-être à une règle qui soit fondée sur
des critères assez scientifiques finalement.
M. Bédard: Etes-vous d'accord que, dans la loi, il y ait
un âge...
Mme Joyal-Poupart: Oui, nous sommes d'accord...
M. Bédard: ... fixé qui, j'en suis convaincu
d'avance, ne satisfera pas tout le monde...
Mme Joyal-Poupart: Non.
M. Bédard: ... comme il est évident que lorsqu'on
décidera du nom de l'enfant, je suis d'avance convaincu que ça ne
donnera pas satisfaction à tout le monde.
Mme Joyal-Poupart: Nous sommes d'accord qu'il y ait un âge
fixé dans le Code civil, mais avant que ce soit fixé, nous
aimerions peut-être qu'il y ait des consultations plus larges, plus
approfondies qui se fassent sur cette question. Je tiens à dire que nous
ne sommes pas pour les mariages précoces parce que nous savons les
difficultés que cela entraîne. Mais est-ce que c'est opportun de
les interdire complètement? Parce qu'on connaît quand même
des mariages précoces qui ont bien fonctionné, qui, finalement,
ont aussi bien fonctionné que des mariages survenus plus tard. Alors,
est-ce qu'on peut brimer une liberté fondamentale comme ça pour
tenir compte peut-être d'une difficulté accrue dans les mariages
précoces? Disons que c'est un peu cet équilibre qui nous semble
précaire. C'est pour ça qu'on a voulu souligner un peu une
inquiétude de ce côté.
On aimerait, au lieu de procéder par une interdiction par la voie
législative, qu'on fasse plutôt une éducation, une
sensibilisation aux responsabilités conjugales et parentales, de sorte
que les mariages précoces soient vraiment l'exception. Est-ce que je
suis bien comprise?
M. Bédard: Oui.
Mme Joyal-Poupart: Bon!
M. Bédard: Enfin, quel que soit l'âge qu'on fixe,
parce qu'il faudra bien en fixer un...
Mme Joyal-Poupart: Oui.
M. Bédard: ... vous seriez d'opinion qu'on garde une
provision dans la loi selon laquelle il peut y avoir des dispenses
accordées dans des cas particuliers.
Mme Joyal-Poupart: Là-dessus, tout dépend, si
l'âge du mariage était fixé à quinze ou seize ans,
ce serait peut-être moins opportun d'avoir des exceptions. Là, je
ne peux pas me prononcer là-dessus sans savoir à quels
résultats...
M. Bédard: Non, je parle du principe... Mme
Joyal-Poupart: Oui, on n'a pas de... M. Bédard: ... qu'il
puisse y avoir...
Mme Joyal-Poupart:... d'opposition de principe à ce qu'il
y ait des exceptions.
M. Bédard: ... des dispenses, contrairement à la
proposition du Conseil du statut de la femme. Merci!
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: C'est absolument sur le même sujet. Vous parlez
de droit fondamental. Même dans la définition de la Charte
universelle des droits de l'homme, il y a une restriction, on parle d'âge
nubile. Ce n'est pas tout le monde qui peut se marier quand il veut, même
dans cette charte. Je pense qu'un âge doit être fixé, comme
le ministre l'a dit, et même dans ce projet de loi-ci, les commissaires
ont pris en considération votre pensée qui veut qu'on
détermine, dans certains cas, question de mentalité ou de
santé ou des choses comme ça, en donnant le droit au juge de
réduire l'âge à seize ans. Le principe que vous proposez
aujourd'hui est dans cette proposition. C'est seulement une question maintenant
de fixer...
Mme Joyal-Poupart: C'est ça.
M. Blank: ... l'âge exact.
Sur un autre sujet, madame, concernant le divorce, si je comprends bien
votre mémoire, aucune personne ne peut avoir un divorce avant un an de
mariage.
Mme Joyal-Poupart: C'est vrai.
M. Blank: Ne pensez-vous pas que c'est brimer les libertés
de certaines personnes qui, peut-être une semaine après le
mariage, trouvent que c'est impossible de vivre avec le conjoint et l'autre
personne ne veut pas déménager, quel est le recours?
M. Bédard: II y a des cas.
Mme Joyal-Poupart: Oui, mais la séparation est toujours
possible. On peut régler temporairement les questions alimentaires,
etc.
M. Blank: Mais si une des personnes ne veut pas. Les deux
personnes sont dans la même maison; lui fait entrer sa blonde et elle
fait entrer son amant. L'un dit: Tu déménages; l'autre dit: Tu
déménages. Qu'est-ce qui arrive? Ils doivent souffrir cela
pendant un an?
Mme Joyal-Poupart: Non, je pense qu'on peut s'adresser au
tribunal pour obtenir des ordonnances pendant la séparation de fait.
D'abord, je pense que le cas que vous soulevez serait assez rare, mais peut
exister.
M. Blank: Ah, ah, ah! Comme avocat de pratique, je peux dire que
cela existe très souvent. Comme avocat, on essaie quelquefois de
ralentir la procédure. A Montréal, maintenant, en fait, cela
prend presque un an avant d'avoir un divorce pour n'importe laquelle raison. Il
y a cette période, mais, dans les autres districts judiciaires, comme
Québec, Beauharnois, Sherbrooke, cela peut prendre 21 jours. Le
problème est là. Avec votre pensée, vous brimez les droits
de ces personnes de se séparer. Ou voulez-vous faire un autre chapitre
à la loi: séparation de fait?
Mme Joyal-Poupart: Non, mais tout le monde a la liberté de
se séparer. On n'a pas besoin de la permission du juge ou de qui que ce
soit pour se séparer. Les personnes qui ne veulent pas vivre ensemble
pourront toujours se séparer de fait et pourront obtenir le divorce un
an plus tard. Je pense que c'est raisonnable.
M. Blank: Mais qu'est-ce qu'ils peuvent faire en attendant?
M. Bédard: Les droits civils découlant de
leur...
M. Blank: Séparation...
M. Bédard: ... contrat de mariage, ce sont des droits.
Mme Joyal-Poupart: Ils seront suspendus pour une période
d'un an. Le contrat de mariage... La dissolution du régime ne pourra pas
avoir lieu avant un an, mais il pourra y avoir une pension alimentaire,
certains arrangements financiers, une convention de séparation. Je pense
que c'est raisonnable.
M. Blank: Est-ce possible de faire ce qu'on fait
maintenant...
M. Bédard: ...
M. Blank: ... on avait le délai de trois mois entre le
jugement conditionnel et le jugement final, d'avoir un jugement conditionnel en
n'importe quel moment, mais que cela prenne un an pour que ce soit
définitif?
Mme Joyal-Poupart: ... qu'il devienne définitif? C'est une
hypothèse intéressante.
M. Blank: Je pense qu'on procède ainsi dans certaines
juridictions. La Californie avait ce régime avant d'avoir le divorce par
consentement comme actuellement. Cela peut aller des deux
côtés.
Il y a une autre chose. Vous avez mentionné le "due process of
law". Nous avons eu hier la présentation des mémoires d'un
groupement de consultants matrimoniaux qui étaient d'avis que le
tribunal de la famille doit être formé par des personnes qui ne
sont pas des avocats. Ce pourraient être des juges, des psychologues ou
des consultants matrimoniaux. Que pensez-vous de cette idée?
Mme Joyal-Poupart: Je trouve que vous me posez une colle.
M. Blank: Je pense que le monsieur qui vous suit émet la
même pensée dans son mémoire.
Mme Joyal-Poupart: Oui? Je pense que l'essentiel est de bien
distinguer ce qu'est un pouvoir judiciaire et un pouvoir administratif. C'est
possible que des personnes ayant une formation autre que juridique puissent,
dans certains cas, exercer des pouvoirs judiciaires. Ce qui est dangereux,
c'est qu'à un moment donné, une personne qui a une formation
autre soit placée dans un rôle judiciaire et ne se conforme pas au
rôle qu'elle a à jouer.
Je ne suis pas contre le fait que des personnes de formation sociale, de
formation de sciences humaines fassent partie d'un tribunal de la famille, mais
j'y vois certains dangers. Il est très important dans une
société démocratique de distinguer les ordres de pouvoirs,
de distinguer ce qui est d'ordre administratif et ce qui est d'ordre
judiciaire. C'est vraiment une liberté fondamentale que chaque fois
qu'une personne a un conflit avec une autre personne ou avec un organisme
concernant sas droits, ce conflit puisse être porté devant le
pouvoir judiciaire, devant un forum où une procédure est
prévue, où il y a des règles de
preuve qui sont prévues, parce que ce sont des garanties
fondamentales qu'on ne trouve pas dans un ordre administratif de pouvoirs.
La ligue n'est pas du tout contre les services de consultation
matrimoniale et sociale, mais elle tient beaucoup à ce que chacun joue
son rôle et reste sur son terrain, à ce qu'il n'y ait pas
d'empiétement de l'administratif sur le judiciaire et pas
d'empiétement du judiciaire sur l'administratif. C'est surtout cela la
position de la ligue, que chacun joue son rôle pleinement.
M. Blank: Une autre question très simple. Deux ou trois
groupements ont proposé que tous les procès de divorce ou de
séparation se fassent à huis clos. Que pensez-vous de cela pour
la liberté ou pour la protection des personnes?
Mme Joyal-Poupart: Je pense que si tous les procès soient
à huis clos, ce serait un peu fort. Dans un contexte où il y a
certaines fautes conjugales ou certains détails relatifs à la vie
privée qui sont exposés devant le tribunal, je pense que cela se
comprend, mais, justement, dans les propositions que la ligue fait, nous
voudrions que ce soient d'autres motifs que ceux-là qui soient
présentés devant le tribunal, des motifs, finalement, où
la vie privée, la vie intime des gens ne serait pas
étalée. A ce moment-là, je pense qu'on n'aurait pas
vraiment de raison de demander le huis clos, parce que ce seraient des motifs,
par rapport à l'opinion publique, assez neutres, finalement. Ce serait
très factuel, ce serait une séparation d'un an.
M. Blank: Comme on dit: no fault. Mme Joyal-Poupart: Oui,
c'est cela.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Comme je n'ai pas
suivi les membres de la commission qui sont bien au courant de tous les
mémoires depuis le début, je viens simplement remplacer ce matin,
j'aurais une question à vous poser. Quand vous avez mentionné le
nom et l'identité, sans préjuger de ce que la loi pourrait nous
donner, que ce soit le nom du père ou le nom de la mère ou les
deux, le problème qui me vient à l'idée, c'est dans le cas
du bris d'un contrat de mariage, un divorce. A ce moment-là, je ne sais
pas si cela a été envisagé. Est-ce que l'épouse
peut continuer de garder le nom du conjoint? Est-ce que l'homme peut s'opposer
à cela? Ou encore, est-ce qu'il y a des cas où
l'intérêt des enfants exige que les enfants gardent le nom du
père ou prennent le nom de la mère? Même si la mère
a la garde des enfants, je ne sais pas si cette question a été
envisagée.
Mme Joyal-Poupart: Ce n'est peut-être pas à moi de
répondre, mais je pense que c'est prévu, à un moment
donné, dans le livre des personnes, que chaque conjoint garde son nom.
Je ne pourrais pas vous retrouver l'article facilement. En ce qui concerne le
divorce, comme vous le soulignez, si, à un moment donné... Je
pense que vous faites allusion à une situation assez pénible. Par
exemple, l'enfant, au moment de sa naissance, on lui a donné le nom de
son père; or il survient un divorce, le père abandonne
complètement l'enfant, ne garde aucune relation avec lui, aucun lien, ne
s'en occupe pas, ne subvient pas matériellement à ses besoins,
etc. On m'a consulté à ce sujet-là à plusieurs
reprises; est-ce que l'enfant peut changer de nom pour prendre le nom de sa
mère, à ce moment-là? Actuellement, la loi sur le
changement de nom ne le permet pas, parce qu'il faut avoir 18 ans pour demander
un changement de nom. Je ne me rappelle pas de mémoire si cela va
être possible avant. Je le crois, avec les propositions du livre des
personnes, mais cela ne fait pas l'objet de la commission ce matin.
M. Bédard: Concernant ce problème particulier, il y
a quelques mois, un projet de loi privé a été
présenté à la commission parlementaire de la justice et la
commission parlementaire n'a pas pris de décision. Une étude se
fait au ministère de la Justice sur cet aspect particulier, la
possibilité pour quelqu'un de changer de nom avant 18 ans.
Mme Joyal-Poupart: Avant la majorité, oui.
M. Le Moignan: La petite question que je posais, M. le ministre,
était: Est-ce que l'époux peut interdire à l'épouse
de garder son nom? Est-ce que cela a été envisagé, ce cas
précis?
M. Bédard: A l'heure actuelle, dans le Code civil...
M. Le Moignan: Non, mais pour l'avenir.
M. Bédard: Le Code civil, c'est le libre choix.
Mme Joyal-Poupart: Je sais qu'il y a des injonctions qui peuvent
être prises pour empêcher une épouse divorcée de
porter le nom de son mari, mais, la plupart du temps, quand l'épouse a
commencé à exercer une profession ou à exercer un commerce
sous ses deux noms, on lui accorde la permission de garder le nom de son mari
même après le divorce, parce qu'autrement, il s'ensuivrait pour
elle un préjudice important. Je ne peux pas vous en dire plus
là-dessus.
M. Le Moignan: Je vous remercie.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): Madame, dans votre
mémoire, vous dites que vous considérez d'un oeil favorable les
règles relatives à l'union de fait. D'autre part, la Commission
des services juridiques est venue présenter un mémoire et, dans
ce mémoire, elle propose d'institutionnaliser
l'union de fait au même titre que le mariage, en ce qui concerne
les droits, les devoirs et les obligations, alors que le Conseil du statut de
la femme, quant à lui, suggère de limiter l'intervention à
la reconnaissance d'ententes matérielles et financières entre les
parties. Je voudrais connaître vos commentaires sur ces deux points de
vue passablement différents.
Mme Joyal-Poupart: Nous sommes d'accord sur les règles qui
sont proposées parce que nous trouvons que c'est un juste milieu,
finalement. Nous sommes d'accord que l'union de fait soit reconnue et qu'en
particulier, on reconnaisse une obligation de contribution entre les
époux de fait, qu'on reconnaisse un mandat domestique entre les
époux de fait. (11 h 15)
Au chapitre de l'obligation alimentaire, on dit que dans certains cas
exceptionnels, au moment de la rupture, on pourra accorder une pension
alimentaire au conjoint de fait. Nous trouvons que c'est là une
disposition très humaine, parce que, souvent, l'un des conjoints de fait
malheureusement, c'est trop souvent la femme à cause de notre
contexte social aliène sa capacité de gain en
s'impliquant, dans une union de fait et souvent une rupture intervient
après plusieurs années et ce conjoint doit se recycler avant de
se trouver un travail suffisamment rémunérateur.
Alors, nous croyons que c'est une disposition particulièrement
humaine; cela va s'appliquer pendant un certain temps encore aux femmes, compte
tenu du contexte social mais, comme nous l'espérons, il y aura de plus
en plus de femmes sur le marché du travail, cela pourra s'appliquer
d'une façon tout à fait réciproque aux hommes comme aux
femmes dans un avenir assez rapproché. Cela tiendra compte
peut-être de certaines difficultés que pourrait rencontrer un
conjoint de fait au moment de la rupture.
Nous ne croyons pas opportun pour le moment, en tout cas, de
légiférer sur une espèce de contrat d'union de fait, une
espèce de régime des biens qui régirait les conjoints de
fait comme un régime matrimonial. Nous ne croyons pas opportun de
légiférer là-dessus, parce qu'il faut respecter le choix
de certaines personnes de vivre en dehors du cadre institutionnel du mariage.
Par contre, nous croyons qu'il faut informer l'ensemble de la population des
conséquences juridiques qui en découlent, de l'absence relative
de protection du conjoint de fait par rapport au conjoint légitimement
marié. Plusieurs conjoints de fait ne le savent pas. Je pense qu'il faut
les en informer de façon qu'ils puissent faire un choix lucide.
D'autre part, au niveau de la protection des enfants qui naissent de ces
unions, le projet établit une présomption de paternité du
conjoint de fait. Nous trouvons cela extrêmement positif, parce que cela
met l'enfant sur un pied d'égalité avec l'enfant légitime,
comme il y a une présomption de paternité du mari, il y a une
présomption de paternité du conjoint de fait. Nous trouvons que
c'est une immense victoire.
M. Vaillancourt (Jonquière): Comme vous l'avez
mentionné, à l'article 338, paragraphe 2, le tribunal peut, si
des circonstances exceptionnelles le justifient, ordonner à un
époux de fait de verser des aliments à l'autre, après la
cessation de la vie commune. Or, à ce sujet, certains groupes ont
recommandé l'abolition pure et simple de ce paragraphe, alléguant
qu'il fallait généraliser cette obligation alimentaire
après la cessation de la vie commune. Or, d'après ce que j'ai
entendu, vous semblez vous satisfaire de ces circonstances exceptionnelles.
Est-ce bien là votre opinion?
Mme Joyal-Poupart: Je pense que cela va dépendre un peu de
l'interprétation qu'on va donner à "circonstances
exceptionnelles"; j'espère que cela va être
interprété assez largement, c'est-à-dire que le conjoint
de fait qui a aliéné un peu sa capacité de gain, qui a
sacrifié peut-être un travail pour voir à certains travaux
ménagers, à certaines responsabilités parentales, puisse,
au moment de la rupture, bénéficier d'une pension alimentaire ou
d'une somme globale, afin de pouvoir se recycler et retrouver une place normale
sur le marché du travail. La question des circonstances exceptionnelles,
je pense que vous avez raison de la souligner. Je serais peut-être
tentée de faire un rapprochement aussi avec la situation des conjoints
légitimement mariés. Je pense que la distinction serait à
faire entre les conjoints qui ont des enfants et ceux qui n'en ont pas,
c'est-à-dire que quand un des conjoints se voit attribuer la garde des
enfants, à ce moment-là, cela justifie une pension alimentaire
à beaucoup plus long terme. Par ailleurs, lorsque les conjoints n'ont
pas d'enfant et qu'ils sont capables de gagner leur vie, qu'il s'agisse de
conjoints mariés ou de conjoints de fait, je pense que la pension
alimentaire devrait être envisagée comme quelque chose d'assez
exceptionnel, comme un genre de remède temporaire qu'on accorde à
l'autre conjoint pour qu'il puisse se recycler et redevenir autonome sur le
plan économique.
Je pense que vous avez raison de souligner cette distinction. Il serait
peut-être mieux de parler de circonstances exceptionnelles dans les cas
où les conjoints n'ont pas d'enfant et d'envisager une pension à
plus long terme dans le cas où il y a des enfants et qu'un des conjoints
se voit attribuer la garde de l'enfant.
M. Vaillancourt (Jonquière): Encore en ce qui concerne
l'union de fait, est-ce que vous êtes favorable au fait d'édicter
une période minimale de vie commune entre les conjoints de fait pour que
les droits, devoirs et obligations naissent?
Mme Joyal-Poupart: Non, nous ne sommes pas favorables à un
délai minimal, parce que, à ce moment-là, si on fixe le
délai à un an, deux ans ou trois ans, l'enfant qui pourrait
naître de cette union avant l'expiration du délai ne serait pas
protégé par la présomption de paternité. Ce sera
peut-être une preuve assez difficile à faire, parce que ce sera
une preuve circonstancielle, mais cela
peut se faire et nous croyons que c'est préférable de
laisser cela tel quel, c'est-à-dire de ne pas imposer un délai
pour la reconnaissance d'une union de fait.
M. Vaillancourt (Jonquière): D'accord. Dans un autre ordre
d'idées, vous vous opposez à ce que la preuve de l'échec
du mariage soit faite devant le tribunal...
Mme Joyal-Poupart: Oui.
M. Vaillancourt (Jonquière): ... et à ce que la
conciliation soit obligatoire. Vous proposez plutôt le divorce par
consentement mutuel après un an, ou encore le divorce à la
demande unilatérale, sans preuve de motif, pourvu que ce soit
confirmé par un tribunal. Ne craignez-vous pas que cette façon de
procéder enlève le contrôle judiciaire relativement aux
échecs de mariage et que cela amène, soit des abus, soit des
injustices?
Mme Joyal-Poupart: Je me demande dans quel sens vous entendez
"contrôle judiciaire". On ne propose pas de supprimer le contrôle
judiciaire sur le divorce, mais uniquement sur les motifs. Par exemple, quand
deux personnes se marient, on ne leur demande pas pourquoi, on leur demande
tout simplement s'ils remplissent les conditions. Quand deux personnes
divorcent, je ne vois pas pourquoi on les obligerait à dire pourquoi et
à se conformer aux dispositions de la loi, à chercher, dans leur
vie privée, des motifs qui collent aux dispositions de la loi.
Par ailleurs, nous ne voulons pas non plus traiter cet
événement à la légère et en faire une simple
formalité. C'est pour cela que, dans les deux hypothèses que nous
soumettons, il y a un délai d'un an que nous considérons comme un
délai de réflexion, qui va permettre que la décision
finale qui sera prise soit vraiment réfléchie, soit vraiment un
constat de la part des deux conjoints, ou d'un des conjoints.
M. Vaillancourt (Jonquière): En fait, si je comprends bien
ce que vous dites, votre position est passablement identique à celle de
la Commission des services juridiques, le tribunal ne serait là que pour
constater la rupture et non pas porter un jugement sur les motifs de la
rupture.
Mme Joyal-Poupart: C'est cela, au niveau du divorce. Par
ailleurs, au niveau des mesures accessoires comme la pension alimentaire, la
garde des enfants, les arrangements financiers, je pense que le tribunal aurait
un rôle plus actif à jouer.
M. Vaillancourt (Jonquière): Par contre, lorsque nous
avons posé la question à la Commission des services juridiques
relativement aux dangers de cet avis unilatéral de rupture, on nous a
répondu: C'est justement pour cela que nous avons prévu la
conciliation obligatoire. Dans votre cas, vous prévoyez également
cet avis unilatéral de rupture, mais par contre, vous rendez tout
simplement volontaire la conciliation.
Mme Joyal-Poupart: Oui.
M. Vaillancourt (Jonquière): Mon autre question: Ne
craignez-vous pas qu'il y ait des abus de dépôts d'avis
unilatéraux de rupture, compte tenu que la conciliation, en plus, est
sur une base volontaire et non pas obligatoire?
Mme Joyal-Poupart: Je pense que le délai d'un an est quand
même une mesure, une précaution, pour éviter des divorces
qui seraient conclus à la légère. La conciliation
obligatoire, nous n'y croyons pas parce qu'une personne qui va consulter un
service et qui ne le fait pas de plein gré sera dans un état
d'esprit tel que, finalement, la conciliation, à toutes fins utiles,
sera peu utile.
Notre recommandation, nous ne l'avons pas faite sans consulter. Entre
autres, nous avons consulté M. Desrosiers, qui est responsable du
service d'expertise psychosociale à la Cour supérieure, chambre
de la famille et il est du même avis que la ligue là-dessus, c'est
que la conciliation doit se faire sur une base volontaire, pour qu'elle soit
vraiment efficace. Cela n'empêche pas les services d'exister,
d'être largement disponibles, qu'on suggère aux gens d'y faire
appel, qu'on leur dise: Ecoutez, cela existe. Au lieu de vous tirailler sur la
garde de votre enfant devant le tribunal, allez donc voir cette personne, cet
organisme, essayez de vous entendre un peu, de voir les choses rationnellement,
de décompresser un peu. Et je pense que cela va se faire sur une base
volontaire très fréquemment et d'une façon beaucoup plus
efficace que si on l'oblige.
Par contre, il y a des couples qui divorcent et vous allez me
pardonner l'expression qui réussissent leur divorce,
c'est-à-dire qui divorcent, mais sans se battre, sans
s'entre-déchirer et qui réussissent à conclure, sur la
garde de leurs enfants et sur l'obligation alimentaire, des accords tout
à fait sensés, tout à fait raisonnables.
Pourquoi obliger ces couples à aller à la conciliation
lorsqu'ils sont capables de s'entendre tout seuls? Souvent, les couples
n'attendent pas d'arriver au tribunal avant de s'entendre là-dessus. Il
y a des services qui existent par exemple au niveau des quartiers, dans les
CLSC ou dans certaines agences de consultation matrimoniale et ces services
sont utilisés et peuvent servir à l'élaboration d'ententes
tout à fait valables entre les conjoints.
M. Vaillancourt (Jonquière): Je vous remercie
beaucoup.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bédard: Je vous remercie beaucoup de votre
mémoire, Mme Joyal-Poupart.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Marcel Baril.
M. Bédard: Je m'excuse, M. le Président. Le
Président (M. Jolivet): Un instant!
M. Bédard: Peut-être une dernière question
avant que vous quittiez. C'est que votre mémoire ne fait pas état
de l'à-propos de l'instauration d'un service de perception
alimentaire.
Mme Joyal-Poupart: Ah oui!
M. Bédard: Est-ce que vous vous êtes penchée
sur ce sujet-là?
Mme Joyal-Poupart: En principe, nous sommes d'accord avec un
service de perception des pensions.
M. Bédard: Comment le voyez-vous? Etatique? Universel?
Supplétif?
Mme Joyal-Poupart: Sur les modalités, je
préfère ne pas me prononcer, parce que nous n'avons pas
envisagé la question en profondeur. Mais peut-être que nous
pourrions en discuter et vous faire parvenir un petit mémo
là-dessus.
M. Bédard: II me fera plaisir d'avoir un mémo.
Le Président (M. Jolivet): Merci. M. Baril. Le
mémoire de CENTRHOMME.
M. Baril (Marcel): Préjugeant que vous avez lu le
mémoire, je ne vous le lirai pas.
Le Président (M. Jolivet): Voulez-vous nous
présenter cependant votre adjoint, s'il vous plaît?
CENTRHOMME
M. Baril (Marcel): Oui, d'accord. Marcel Baril. Je voudrais
simplement mentionner que je suis président de l'organisme. Je dois
souligner que j'interviendrai... Oui, une seconde! Je vais mentionner une autre
chose. Je suis aussi membre externe de l'Ordre des avocats, nommé par
l'Office des professions pour représenter le public parce que
j'utiliserai les documents dans ce sens-là. A ma droite, le
vice-président, M. Michel Normandin.
Je reprendrai quand même les grandes lignes du mémoire dans
le sens suivant pour vous souligner peut-être un certain nombre de choses
en rappel des objectifs majeurs en relation avec le travail de la commission
parlementaire. Je veux d'abord vous souligner qu'on regroupe des hommes seuls,
séparés, veufs, divorcés ou en instance de l'être,
ce qu'on pourrait appeler des usagers des services.
On veut stimuler la réflexion sur les problèmes
spécifiques à un changement de la vie aussi radical que celui de
la brisure du couple. A ce moment-là, on peut dire qu'on y a
réfléchi et que, malgré des moyens extrêmement
restreints, nous avons quand même présenté ce
mémoire-là.
CENTRHOMME veut assurer la défense des intérêts de
ses membres, particulièrement en leur facilitant l'accès aux
services juridiques, sociaux ou professionnels. Cela nous apparaît
important, à partir de l'expérience qu'on a vue et des besoins
des gens.
CENTRHOMME a pour but de susciter et d'entretenir une recherche sur la
condition existentielle de l'homme dans une société qui lui
permet difficilement d'assumer les exigences qu'elle lui impose. Nous voulons
cela paraît très vaste situer cela en termes de
rôles familiaux et sociaux. La définition de l'homme, dans
l'éducation que les gens ont reçue, a été en termes
de père. En fait, la présence du père dans la famille...
Par exemple, le Conseil du statut de la femme dit que le rôle de la femme
et de la mère a été exagéré ou, en tout cas,
que les hommes ont relativement peu pris position là-dedans. Nous nous
sommes tout à fait préoccupés de cela, et, actuellement,
nous percevons le désir de la part de nos membres et des hommes en
général d'une prise en charge de ces responsabilités au
point de vue familial.
D'autre part, nous ressentons dans notre rôle social un aspect qui
nous apparaît très important, justement une continuation du
rôle de pourvoyeur qu'on essaie de maintenir tout en voulant offrir plus
de tâches, c'est-à-dire un rôle à l'intérieur
de la famille, on n'a pas libéré, si vous voulez, la notion de
pourvoyeur et, en fait, l'éducation ne se fait que progressivement.
Encore là, au niveau, par exemple, de l'enseignement qu'on dit sexiste,
au niveau de l'école, il y a tout un problème non pas uniquement
de transfert des modèles du côté féminin pour que la
femme puisse avoir accès au travail, mais aussi d'accès de
modèles du côté paternel d'assumer des rôles dans la
famille. Je pense que cela est essentiel et que la solution de problèmes
au niveau des divorces et des ententes n'aura lieu que si ces choses-là
sont vécues.
CENTRHOMME entend chercher un mode de vie inhérent au
fonctionnement de la famille monoparentale ayant le père pour chef. Nous
reviendrons là-dessus, mais c'est actuellement le cas parce qu'il y a le
problème suivant: C'est qu'on confie habituellement la garde des enfants
soit au père, soit à la mère. A ce moment-là, dans
le cadre actuel, nous sommes obligés de développer des techniques
pour tenir compte de la garde possible par le père. Je dis possible,
parce qu'elle n'est pas fréquente. Il y a des notes là-dessus
dans le mémoire. On note même qu'il y a une décroissance du
nombre de gardes d'enfants de la part du père. (11 h 30)
Eveiller ses membres aux nouvelles valeurs issues de leur situation pour
bâtir une société plus accueillante. Nous voulons souligner
l'importance des préjugés sociaux à l'égard des
individus qui ont vécu le bris du couple. Cela joue un rôle
important et, à ce moment, il s'agit peut-être non pas uniquement
de développer des mécanismes de solution du problème
immédiat et juridique,
mais aussi d'un accueil plus grand et d'une ouverture plus grande dans
la société face aux situations; les statisticiens nous disent que
ce sera probablement un couple sur cinq, dans l'avenir, au minimum, qui vivra
cette situation.
Deuxièmement, nous voulons passer aux é-noncés de
principes sur lesquels nos propositions pratiques s'appuient. Il y a
peut-être un énoncé légèrement incorrect. On
pourrait peut-être lire, à la page 3, en italique, le premier
principe: "Le respect des personnes doit primer sur celui des mécanismes
institutionnels." C'est dans le sens suivant, c'est que nous donnons
primauté aux personnes. Nous pensons que le fait que ce ne soit pas
nécessairement, obligatoirement un tribunal, que ce ne soit pas
nécessairement un caractère judiciaire... Cela pourrait
être aussi bien administratif, puisque ce sont des personnes qui le
vivent, et, contrairement au mémoire précédent, nous
disons que ce qui est important, ce n'est pas la justice, mais la satisfaction
des personnes, parce qu'au-delà de ce qu'on pourrait appeler la justice,
c'est-à-dire une décision d'une personne extérieure, c'est
le vécu des personnes qui va rejaillir sur les relations avec les
enfants.
On sait fort bien qu'une décision prise par un juge, mais non
acceptée par les parties, peut rejaillir sur les enfants, par exemple
par l'utilisation de l'enfant pour maintenir le conflit, dans le cas de la
garde par la mère, dans la restriction dans les droits de visite, des
choses comme cela, ou, au contraire, de la part habituellement du père,
du non-paiement de la pension alimentaire, quand elle existe, comme moyens de
ressasser le problème parce que les gens ne sont pas satisfaits de la
solution.
Donc, un principe de base, pour nous, c'est que cela doit être
à la satisfaction des parties. Fondamentalement, ce n'est pas une
question à être tranchée par une personne
extérieure, mais bien faire arriver les personnes à un consensus.
C'est ce qui est fondamental. Ce ne sont que les cas où il n'y aurait
pas de consensus qui devraient être présentés à un
tribunal, et encore par étape, comme nous le montrerons un peu plus
tard.
Un petit point peut-être à souligner: Pour entrer dans le
mariage, on prend beaucoup moins de précautions et l'on devrait
peut-être en prendre plus dans les contrats de mariage en
séparation de biens pour prévoir des mécanismes
éventuels en vue du divorce ou de la séparation. Si vous voulez,
tout le monde peut entrer, mais on fait beaucoup de problèmes à
la sortie. Il y aurait peut-être lieu d'arriver et de faire sentir
qu'à l'entrée on doit prendre des précautions
éventuelles. Par exemple, définir des façons d'en sortir
au départ et dès l'entrée. On n'est pas là pour le
dire, puisqu'on est à l'autre bout de la ligne, mais, à partir
des expériences, s'il y avait des mécanismes dans les contrats de
mariage qui étaient prévus, beaucoup de conflits financiers
pourraient être éliminés au départ, puisque ce
serait textuellement écrit; la même chose pour la prévision
en termes de testament ou de partage des biens, même au niveau de la
société d'acquêts ou des choses comme cela. On pourrait,
à ce moment, prévoir. Cela éliminerait une grande
partie... Un mécanisme de garde des enfants pourrait être
prévu directement à l'intérieur. A ce moment, les gens
sauraient dans quoi ils s'embarquent, parce que, quand les gens se sont
mariés, souvent, c'était tout beau et c'était pour quelque
chose qui devait durer, mais il n'y avait aucun mécanisme qui
était prévu au cas où il y aurait des conflits. On sait
que les personnes morales, les compagnies, quand elles font des unions entre
elles, prévoient aussi des mécanismes de sortie pour ne pas
être pénalisées. Donc, on souhaite qu'effectivement les
personnes physiques soient aussi intelligentes et prévoyantes.
Deuxième point: Le relâchement ou le bris du lien conjugal,
parce que "relâchement" pour nous, c'est le divorce, "bris",
séparation de fait ou légal, doivent produire l'autonomie des
ex-conjoints et le maintien du lien parental. Cela, c'est fondamental et les
articles doivent simplement appliquer ces deux notions.
Troisième principe: Egalité des conjoints face aux droits
et devoirs issus de leur union. En particulier, égalité de
principe et, en pratique, quant à la garde des enfants, ce qui n'est
pas, en tout cas, le cas statistiquement aujourd'hui. Je signalais tantôt
la tendance passée de 57% en 1969 à 67% en 1975, donc, si la
tendance s'accroît, on voit qu'il y a une discrimination évidente
alors que, au contraire, le Conseil du statut de la femme recommande une
autonomie et il y a une recherche de la part des hommes d'obtention de la garde
des enfants et de leur capacité, d'ailleurs, d'assumer ce
rôle.
Donc, nous proposons la "coparentalité" comme régime
normal, c'est-à-dire le maintien de la double responsabilité des
parents, c'est-à-dire de la mère comme du père. La
responsabilité devrait donc être conjointement assumée et
selon un mode à être déterminé par les ex-conjoints
et non pas par des personnes extérieures.
Deuxièmement, dans le troisième principe: Egalité,
en principe et en pratique, dans la responsabilité de la charge
alimentaire en rapport avec les enfants. Cela nous apparaît encore
là... Ayant des droits, on a des responsabilités
associées.
Troisièmement, dans le troisième principe: Seulement dans
le cas où l'un des conjoints est démuni, devra-t-il exister une
charge alimentaire pour l'autre? Cette charge ne devrait exister qu'en vue de
l'obtention, à court et à moyen terme, de l'autonomie de l'autre
conjoint. Cela nous apparaît fondamental, le principe de la recherche de
l'autonomie des ex-conjoints, sinon, il y a encore une dépendance et
toute une série de problèmes qui se posent et des liens qui sont
extrêmement coûteux affectivement pour les ex-conjoints.
Quatrièmement: Pénalisation minimale des enfants lors de
la séparation ou du divorce. Nous sommes venus à cet
énoncé de principe après avoir essayé
d'étudier l'idée du maintien d'un statut social à l'enfant
par rapport à son statut social antérieur. Nous n'avons pas voulu
énoncer le principe d'un maintien parce que, déjà, la
séparation peut avoir des coûts sociaux et "situa-tionnels"
qui font qu'on ne peut pas maintenir l'ancienne situation. Donc, on dit,
à ce moment-là: L'intérêt de l'enfant, mais en
essayant de le pénaliser le moins possible. Nous ne disons pas, par
exemple: Le père, s'il a plus de moyens, doit maintenir un statut parce
que... Un exemple de ça: II se peut que le maintien de ce statut soit
à un coût supérieur, parce qu'à ce moment-là,
il faudra aussi maintenir l'autre conjoint au même niveau pour que
l'enfant puisse avoir accès à un certain statut. Vous voyez donc
qu'à ce moment-là ce n'est pas à l'un des ex-conjoints de
maintenir le statut social de l'autre pour que les enfants puissent avoir
accès... Donc, au plus tôt, quand on a la "coparentalité",
l'enfant peut avoir accès, dans un milieu déterminé
associé à l'un des conjoints, à des avantages qui sont
typiquement liés à ce conjoint.
Nous passons au titre III sur le nouveau Code civil. Nous avons, en
fait, restreint nos commentaires là-dessus parce que, n'étant pas
avocats, n'ayant pas les services juridiques adéquats, nous n'avons pas
pu étudier article par article le nouveau Code civil. Nous avons
plutôt accepté en gros, après avoir lu les idées qui
y étaient énoncées, en pensant qu'il y aurait quand
même un certain nombre de réformes à faire dans ces
articles et qu'on devrait, en particulier, énoncer les quatre principes
qu'on vient d'énoncer antérieurement et de faire des articles
d'application qui en découlent.
Nous signalons que nous rejetons, en particulier, les articles qui
pourraient être contraignants en termes de la pension alimentaire et des
choses comme ça, non pas que nous soyons opposés à la
pension alimentaire, mais pour respecter l'esprit que nous avons
énoncé antérieurement.
Donc, je rappelle les quatre principes: Primauté du respect des
personnes sur les mécanismes institutionnels; autonomie des ex-conjoints
et maintien des liens parentaux; égalité des exconjoints dans les
droits et responsabilités suite au divorce et à la
séparation; pénalisation minimale des enfants.
Nous arrivons aux applications. Avant cela, le tribunal de la famille,
nous le voyons d'une façon probablement différente de celle qui a
été présentée.
Pour ne pas trop nous éloigner du schéma retenu, nous
avons montré les modifications minimales qui nous apparaissent
nécessaires pour respecter les principes énoncés
antérieurement.
Structure de base: un service de conciliation auquel tous les cas
seraient déférés, son action pouvant durer le temps
jugé nécessaire par les parties, mais devant avoir une
durée minimale pour l'évaluation de la nature des
problèmes dans la relation conjugale et de la mesure où elle
affecte les possibilités de règlement par une entente entre les
conjoints.
Des essais de conciliation ou de médiation devraient être
tentés afin d'amener les parties à définir par
eux-mêmes et c'est ce qui est important les conditions de
règlement de leurs différends.
Dans le cas d'échec à ce niveau, on peut songer à
introduire un agent avec des pouvoirs coercitifs qui tendraient à faire
fléchir les parties considérées comme intransigeantes.
Enfin, si cette étape ne se révélait pas concluante
dans le sens d'une entente à l'amiable, on pourrait aller alors vers un
autre agent dont les décisions seraient définitives et
exécutoires.
Remarquez que nous n'avons pas fait appel du tout à la notion
judiciaire. Nous soulignons simplement que ces agents pourraient être de
nature... Pour faire le parallèle, on peut dire un service de
conciliation, le médiateur et, éventuellement, le juge, mais
encore là, ce pourraient être, comme d'autres mémoires
l'ont souligné, des agents qui ont des formations différentes de
la formation judiciaire.
Point spécifique: la garde des enfants. Nous signalons encore une
fois que la situation normale, c'est la coparentalité et que nous
devrions revenir à un rapport de garde entre les hommes et les femmes
qui devrait tendre vers l'unité.
Deuxième point: utilisation du personnel qui favorise l'entente
plutôt que le conflit, en conséquence, l'utilisation de tous les
professionnels des secteurs des sciences humaines et du comportement, tels que
travailleurs sociaux, psychologues, éducateurs et autres.
Contrairement au rapport, nous ne privilégions pas le
médecin dans l'évaluation, alors qu'il y a une recommandation
dans ce sens-là, où on met l'Ordre des médecins comme
étant l'organisme à consulter pour établir...
Troisième point, nous proposons et c'est là que
nous nous opposons au Barreau, entre autres d'exclure, dans la mesure du
possible, les avocats du dossier, puisque nous croyons qu'à cause de
leur formation, du type de présentation qu'ils font dans les cours et
qui est de nature conflictuelle, cela empêche la solution des
problèmes. Je voudrais, à ce sujet-là, vous faire part des
questions que j'ai posées au syndic récemment.
Je lui ai demandé combien il y avait eu de plaintes
portées à l'attention du syndic au cours de la dernière
année: 2027. Je lui ai aussi demandé comment ces plaintes
étaient réparties et comment elles avaient été
cueillies. 70% font l'objet de conciliation et d'arbitrage; 25% ont
été rejetées et 5% ont fait l'objet d'étude et de
plainte... Donc, on tombe à 1400 qui sont étudiées.
Quelle est la nature des plaintes retenues? Refus de répondre au
syndic, manque de courtoisie envers les confrères, tarifs excessifs,
manque d'accessibilité de l'avocat, mauvaise qualité des
services, appropriation des deniers.
Quel pourcentage, dans la distribution des plaintes retenues en fonction
du domaine du droit, a apporté le service rendu? Droit matrimonial 50%
j'avais eu antérieurement des chiffres supérieurs par
l'adjoint du syndic. Si on passe donc de 2000 à 1400, on a quand
même 600 plaintes et cela veut dire que c'est rendu au syndic, dont il y
a beaucoup d'autres personnes qui ne sont pas satisfaites mais qui n'ont pas
porté plainte. Je le souligne, sur une possibilité de 25 000
demandes... Je trouve que c'est énorme
comme quantité de plaintes. Il faut le souligner et
peut-être voir la présence des avocats dans le circuit; les
expériences et les informations que nous avons de la part de nos membres
nous indiquent la perception de l'introduction de la génération
de conflits par la venue de professionnels de la justice. C'est un point
important. Les gens disaient: Avant la présentation, il semblait y avoir
des possibilités d'entente. Non pas une réconciliation vers une
union qui se continue, mais au moins des ententes et, à un moment
donné, l'apparition de procureurs dans une cause amène
l'aggravation du conflit. Nous avons beaucoup de témoignages dans ce
sens. (11 h 45)
Je voudrais souligner une autre chose à savoir que les plaintes
ne sont pas nécessairement réparties entre les hommes et les
femmes. Je n'ai pas pu savoir exactement chez lesquels il y avait le plus de
plaignants, mais ce n'est pas nécessairement la même chose. Je
voudrais signaler que, dans ce domaine, il y a aussi le problème de
réduction de tarifs qui est un phénomène assez
fréquent. Nous voudrions souligner aussi le coût économique
des divorces qui, en fait, au minimum, est d'environ $250, mais, selon notre
expérience, il peut varier jusqu'à plusieurs milliers de dollars,
donc $1500, $2000 et $3000. J'ai des avocats en face de moi, je pense qu'ils
sont conscients de cette réalité. Si on multiplie par le nombre
de milliers de divorces et de séparations qui sont présents, ce
sont des millions et des dizaines de millions de dollars que nous avons
à envisager et cet argent pourrait être affecté à
d'autres choses, entre autres à une entente meilleure et à la
solution des problèmes. Je pense que c'est très important. Je ne
suis pas contre l'exercice de la profession d'avocat, au contraire, j'y
participe, je ne la rejette pas, en travaillant au bien public dans le cadre
des mécanismes professionnels, mais il nous apparaît quand
même que, dans ce cadre, la notion de solution judiciaire des
problèmes n'est pas la plus adéquate.
Je termine. Je voudrais souligner simplement quelques points sur les
pensions alimentaires. L'objectif d'autonomie des conjoints est sûrement
l'objectif à atteindre de même que le pouvoir à exercer
même la responsabilité parentale. Je dirais que cette double
liaison amènerait la solution de beaucoup de problèmes. Si
l'individu, homme ou femme, est appelé à payer mais n'a pas
l'impression que ses droits sont respectés, à ce
moment-là, il sera amené... C'est un jeu de forces. L'un a la
garde, l'autre a les moyens pécuniaires de contrôle et, à
ce moment-là, on a séparé les deux. Si les deux
ex-conjoints avaient à la fois la garde des enfants et le soutien
à fournir, chacun le ferait de part et d'autre et ils ne seraient pas en
conflit et ne pourraient pas utiliser leurs propres moyens pour entrer en
conflit. Signalons, par exemple, la copa-rentalité où l'enfant
est confié pendant une certaine période à un des conjoints
et où celui-ci doit assumer normalement la totalité des
coûts associés. Cela peut se faire en alternance de courtes ou de
longues périodes, mais on voit qu'il peut y avoir des mécanismes
et on essaie, autant que possible, d'éviter qu'on aille agacer l'autre
avec des exigences soit de droit de visite, soit pécuniaires.
Donc, puisqu'il n'y a pas d'entente entre les parties, il faut minimiser
les occasions de rencontres et de conflits. C'est dans ce sens qu'on pense que
si on minimisait cela, il y aurait peut-être beaucoup plus d'ententes et
beaucoup moins de pénalisation des enfants parce que, très
souvent, l'enfant est utilisé comme mécanisme de transfert
à l'autre de l'information et des conflits. C'est donc, à ce
moment-là, en termes d'évolution sociale et de perspective
sociale que nous pensons et non pas simplement en termes de solution juridique,
mais, à long terme, de minimisation des. conflits personnels et sociaux
qui en découlent, pour en arriver à résoudre les
problèmes de cette façon.
Sur le caractère juridique du divorce, on devrait regarder s'il y
a absence d'évaluation des chances de succès. En
conséquence, on devrait permettre d'en sortir sans intervention
judiciaire, ce qui devrait protéger le droit de "parentalité" et
de "filialité". C'est une entente entre deux personnes. On leur a permis
de s'unir. On leur a demandé des conditions minimales, il faut avoir un
certain âge et il faut être une certaine personne, en dehors de
cela, on n'exige rien. Je pense qu'on devrait permettre aux gens aussi d'en
sortir avec le minimum de conflits, mais tout en gardant leurs
responsabilités. On devrait faciliter la séparation et le divorce
en introduisant des mécanismes de séparation prévus dans
les contrats de mariage et dans la loi, s'il n'y a pas de contrat.
Enfin, pour terminer, nous souhaitons que l'on consulte les organismes
intéressés pour l'établissement des règlements et
politiques d'application de la loi et dans ses variations, dans le temps, en
fonction des conditions socio-économiques. Merci.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bédard: Je tiens à remercier M. Marcel Baril du
dépôt de son mémoire. Comme vous le savez, nous avons
reçu plusieurs groupes de femmes et plusieurs groupes mixtes depuis le
début des travaux de cette commission; nous sommes également
heureux de recevoir un groupe formé uniquement d'hommes
séparés, veufs ou en instance de l'être, comme vous l'avez
démontré dans la présentation de votre mémoire.
Vous indiquez dans votre mémoire votre préférence
pour une commission administrative par rapport à un tribunal, en tout
cas un organisme autre que le tribunal aux fins de prendre les décisions
qui peuvent s'imposer lorsqu'il n'y a pas consensus. Je comprends que, tel que
vous le mentionnez, l'idéal est de mettre en place tous les
éléments et toutes les personnes-ressources nécessaires
pour en arriver à ce qu'une entente se fasse correctement, se fasse par
consensus. Je pense bien que, malgré tous les efforts, la
disponibilité, l'efficacité et la compétence des
person-
nes-ressources de formation sociale que nous pourrions
institutionnaliser pour fins de consultation, il y a des cas où cela va
se révéler une impossibilité d'en arriver à un
consensus.
D'autre part, le Code civil prévoit qu'une décision
là, on parle d'un tribunal de la famille d'une cour de la famille
serait pourvue d'un droit d'appel. Vous avez une préférence
très bien indiquée dans votre mémoire pour que le groupe
qui aurait à prendre une décision soit un groupe de formation
sociale; pourriez-vous, puisqu'il y a une décision qui devra être
prise à un moment donné, m'expliquer un peu plus la structure
qu'aurait cette commission et m'expliquer aussi, étant donné
qu'il y a quand même du légalisme, qu'on veuille le mettre de
côté complètement tôt ou tard, il y en a parce qu'il
y a des droits à faire respecter, il y a des contrats à faire
interpréter et, comme il y a un droit d'appel, comment pensez-vous que
pourrait s'exercer ce droit d'appel en conformité quand même avec
des arguments plus juridiques devant la Cour d'appel que des arguments d'ordre
social?
M. Normandin (Michel): Si vous le permettez, M. le ministre, je
pourrais peut-être répondre à la première partie de
votre question au sujet de la commission administrative. Ce que notre
mémoire a voulu souligner, c'est simplement le fait qu'il nous semble,
personnellement, en tant qu'individus et comme groupe également, qu'on a
éliminé beaucoup trop rapidement, dans l'étude des
solutions à apporter à ce problème du droit de la famille,
l'étude sérieuse et très approfondie de la commission
administrative. Il existe dans d'autres pays d'autres mécanismes que
celui auquel on se réfère présentement et qui est inscrit
dans les moeurs juridiques du Québec. Ce qu'on aurait peut-être
aimé, c'est qu'on étudie davantage les autres systèmes en
vigueur à l'échelle nationale, à l'échelle du
continent nord-américain ou même en Europe. On sait qu'aux
Etats-Unis, entre autres en Californie, actuellement, on en est presque au
divorce par correspondance; c'est une tendance et on aurait aimé savoir
exactement à quoi s'en tenir à ce sujet. On aurait aimé
que la révision...
M. Bédard: Je comprends; quand il n'y a pas de
problème, cela se règle vite. Si on en vient à la
décision que c'est le divorce par correspondance, je sais bien qu'il n'y
aura pas de très grandes complications, mais on n'en est pas là
au moment où l'on se parle.
M. Normandin: Je sais qu'on n'en est pas là. Mais on a
peut-être éliminé trop rapidement les autres solutions.
Tout de suite, on repousse du revers de la main d'autres solutions qu'il aurait
peut-être été très utile d'étudier. Ce qui
nous semble évident, c'est le caractère légaliste de la
chose. A prendre la liste des gens qui ont composé ce mémoire,
c'est évident que ce sont des juristes de formation. Vous me direz que
c'est un problème légal, le mariage. Cela se défend. Mais
c'est également un problème humain et c'est là-dessus que
nous voulons insister.
M. Bédard: Mais quand vous dites que l'office n'aurait pas
étudié sérieusement ou suffisamment cette solution, sur
quoi vous basez-vous?
M. Normandin: On l'élimine du revers de la main à
la page 38, très précisément. Il y a deux lignes, c'est
tout.
M. Bédard: C'est comme nous, à un moment
donné, il va falloir légiférer. C'est sûr qu'il va
falloir prendre une décision. Il y en a qui diront peut-être qu'on
a rejeté du revers de la main bien des suggestions qui nous ont
été faites, qu'on n'a pas fait la réflexion suffisante
avant de prendre une décision. Mais sur quoi vous basez-vous pour dire
que l'office, sérieusement, n'a pas étudié cette...
M. Normandin: II a éliminé, de fait, les autres
solutions. Vous me dites qu'il faut différents éléments,
mais c'est que, de fait, il a éliminé toutes les autres solutions
possibles, sans étude approfondie sur certains cas. Lorsqu'on a
étudié l'assurance automobile, par exemple, on est allé
étudier des cas en Suède, dans les autres provinces où
cela existait déjà. Pour ce qui est du divorce, je regrette, mais
on ne l'a pas fait. Peut-être qu'on l'a fait, mais dans le
mémoire, actuellement, on n'est absolument pas rassuré, à
ce niveau. D'accord?
M. Bédard: Je prends la nuance.
M. Baril (Marcel): En fait, c'est cela. Il y a deux lignes et on
semble ne pas avoir voulu comparer les avantages et les inconvénients,
parce que dans un rapport, puisqu'on devait présenter cela au
législateur, au moins, lui montrer les avantages et les
inconvénients et, à ce moment-là, le législateur
peut revenir à rencontre en disant: Ce que vous avez
considéré comme groupe d'avantages supérieurs aux
inconvénients, inversez cette possibilité.
Actuellement, ce que fait le rapport, il ne présente qu'une
solution et c'est ce à quoi nous... Ce que notre expérience a
montré, en maintenant le caractère légaliste, le
caractère judiciaire du système, on dit que cela brime. Et chaque
fois qu'il a été question de permettre aux individus, ou
même de forcer les individus on voit que les autres
mémoires ont aussi tiré dans ce sens-là les
mémoires ont suggéré que la conciliation soit obligatoire
alors qu'au contraire, dans le rapport du conseil, chaque fois qu'il y a
d'autres aspects que les aspects légaux qui sont traités, c'est
traité en disant: C'est une très bonne chose, mais c'est un peu
comme... L'aspect important n'est pas là, alors que nous, nous pensons
la personne d'abord, la personne avant tout, comme on nous l'a si bien dit.
C'est dans ce sens-là que nous voudrions maintenir cette idée. Il
faudrait peut-être...
M. Bédard: Je comprends que votre réflexion de base
est à partir du respect de la personne qui doit avoir primauté
sur les mécanismes adminis-
tratifs. Maintenant, une commission, un tribunal, c'est un
mécanisme...
M. Baril (Marcel): On n'y tient pas, a priori, mais on veut que
l'esprit y soit. Que ce soit un mécanisme ou l'autre, on veut que le
mécanisme qui se rapproche le plus des principes énoncés
là soit mis en pratique. D'ailleurs, dans la proposition que je vous ai
faite, la structure que je vous ai proposée, qui est d'abord une
conciliation je me plaçais du point de vue de la personne
la première rencontre qui doit se faire, c'est au niveau d'organismes de
conciliation qui soient obligatoires pendant une durée qu'on n'a pas
fixée, parce qu'on n'a pas voulu... Mais cela pourrait être un
mois, trois mois. Et à ce moment-là, les conjoints sont
obligés de se présenter. S'ils ne se présentent pas, on a
la médiation plutôt que de la conciliation et c'est exactement la
même chose que dans le cas des relations de travail. Vous savez fort bien
qu'il y a un problème identique. Lorsque les parties sont de bonne foi,
qu'elles veulent se parler, on parle de conciliateur. Lorsque les parties ne
veulent pas se parler, on est obligé d'imposer la loi 45 pour forcer les
parties à établir... Ce sont des cas marginaux, ce sont des cas
spéciaux. Ce n'est pas censé représenter la
majorité des cas. Nous voyons cela comme une étape des
décisions qui sont prises en commun, pour résoudre le
problème et ensuite c'est un peu plus dur un
mécanisme coercitif, mais non absolu et, enfin, une décision pour
qu'on se débarrasse du problème quand cela fait trop de temps.
(12 heures)
M. Bédard: Ce qu'on ne rejoint pas, ce sont deux
préoccupations dont vous faites état lorsqu'on parle d'un
tribunal de la famille, non pas seul, un tribunal de la famille doté de
services auxiliaires, doté des ressources humaines nécessaires
pour qu'il y ait, préalablement, une possibilité pour les couples
en difficulté de consultation avec ces personnes-ressources avant d'en
arriver à l'autre étape qui serait proprement judiciaire et qui
concernerait le tribunal de la jeunesse.
M. Normandin: Même actuellement, il existe ce qu'on peut
appeler les services auxiliaires. On est devant un constat d'échec. Si
on est obligé d'en faire la révision, c'est que le système
ne fonctionne pas, parce que des expertises psychosociales sont faites tous les
jours et cela ne fonctionne pas plus.
M. Baril (Marcel): Un autre point à souligner, je vais
faire un parallèle avec la relation parent-enfant dans une famille
normale. S'il arrive un conflit entre l'enfant et le parent, vous imaginez-vous
qu'il doive nécessairement toujours y avoir un agent de police et un
juge? Justement, on essaie d'abord des travailleurs sociaux et on ne le met pas
tout de suite, tandis qu'à cause du caractère judiciaire, par
exemple, de la fiche d'inscription, de la présence de médiateurs
pour les mesures provisoires, des choses comme cela, vous arrivez tout de suite
à encadrer. C'est comme si, dans un conflit... Par exemple, c'est tout
à fait normal qu'un enfant, dans son adolescence, fasse une fugue. S'il
fallait que chaque fois qu'il y a une fugue, il y ait un agent de police, un
agent de probation, un juge, vous vous imaginez qu'au lieu d'arriver et de
permettre aux parents de voir que c'est un exutoire de la part de l'enfant pour
pouvoir exprimer sa personnalité, on met tout de suite un
mécanisme conflictuel... Vous voyez comment on fait
dégénérer le processus. C'est pour cela qu'on dit qu'on ne
doit pas centrer cela et en faire une dépendance, mais plutôt de
voir le tribunal comme étant un aboutissement lorsque les parties n'ont
pas réussi à s'entendre.
M. Bédard: On est d'accord sur le principe qu'il faut
aborder l'ensemble du problème des couples en difficulté non pas
avec une première approche judiciaire, mais plutôt avec une
approche sociale, tout en étant conscient qu'à un moment
donné, malgré tous les efforts déployés par les
personnes de formation sociale, il arrivera que, le consensus ne pouvant se
faire, il y ait une décision qui doive être prise.
M. Baril (Marcel): Nous sommes d'accord avec cela.
M. Bédard: Cette décision, vous la voyez prise par
un tribunal judiciaire?
M. Baril (Marcel): Est-ce que c'est absolument essentiel? On ne
dit pas qu'on est contre, mais on se demande si c'est absolument essentiel que
cela soit fait.
M. Bédard: Vous avez souligné avec raison, à
un moment donné, qu'il arrive souvent que des couples soient
frustrés par une décision rendue par un juge avec laquelle ils
sont en désaccord, mais qu'elle soit rendue par un juge ou qu'elle soit
rendue par une commission, je pense que le même problème de
frustration des parties qui ne sont pas d'accord avec une décision va
toujours demeurer.
M. Baril (Marcel): Mais, en fait, ce que je veux souligner, c'est
que le tribunal n'est pas adéquat ou, en tout cas, le type de
procédure de conflit auquel on en arrive à la fin parce
que le juge est là pour appliquer une loi. Mais, en tout cas, il faut
absolument que toutes les possibilités aient été
éliminées avant d'atteindre ce niveau-là et cela,
définitivement. Cela paraît fondamental de le voir non pas comme
le mécanisme normal et que l'autre... En fait, la normalité se
situerait dans des ententes entre ex-conjoints et le tribunal agirait en cas
d'exception.
M. Bédard: C'est d'ailleurs cet objectif que nous
poursuivons également. J'aurais peut-être d'autres questions,
mais...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: Je constate, dans le mémoire que vous nous avez
présenté, que, sur la question de pension alimentaire, vous dites
dans la recommandation no 2: "De plus, lorsque le conjoint qui paie la pension
alimentaire arrive à l'âge de la retraite, l'obligation de payer
devrait cesser automatiquement." Vous dites cela, nonobstant
l'inégalité possible entre les deux conjoints?
M. Baril (Marcel): On ne fait que le signaler, on n'y tient pas
nécessairement. Ce problème-là nous a été
présenté et on signale la chose suivante: C'est que, justement,
quand les gens arrivent à la retraite, s'il n'y a pas de
mécanisme automatique, si l'individu, par exemple, voit son salaire
réduit et sa pension maintenue, il est obligé d'assumer des
frais.
Vous imaginez quelqu'un dont le salaire correspond seulement à la
capacité de payer. Si son salaire, à cause des pensions, est
réduit à 70%, 50% ou même 30% de la valeur réelle,
il doit entamer des procédures judiciaires pour faire rectifier cela.
Or, cela peut lui coûter, encore une fois, de $1000 à $2000. A ce
moment, il est encore plus pénalisé, si vous voulez, à
cause du mécanisme.
Donc, il faudrait peut-être avoir un mécanisme de
révision automatique ou quelque chose comme cela. L'écriture est
peut-être trop dure, mais l'idée, c'est qu'il se passe un bris, un
phénomène social qui est, en fait, le phénomène de
la retraite où il y a une réduction les gens de
l'âge d'or en sont très conscients des revenus qui est
immédiate. Il y a la création de la pension de vieillesse, des
choses comme cela qui, à cette occasion, est un mécanisme
automatique qui permette une révision sans coût
supplémentaire de la part de l'individu obligé d'assumer la
pension alimentaire automatique. On pense à une pension associée
au conjoint, parce que, quand vous en êtes à la retraite, il est
très peu probable que vous ayez à assumer des charges
alimentaires vis-à-vis des enfants. Si ce sont des enfants
handicapés, mentaux, malades, l'Etat a déjà pourvu
à leurs besoins. Donc, c'est très souvent simplement pour
l'ex-conjoint, et, à ce moment, il faudrait associer cela à la
capacité de payer de l'individu.
M. Blank: C'est la même chose pour l'indexation des
pensions alimentaires?
M. Baril (Marcel): A ce niveau, nous... M. Blank: Non, pas
à ce niveau...
M. Baril (Marcel): Non, de façon générale,
nous répondons à la chose suivante: Lorsqu'on pourra garantir
l'indexation des salaires, on pourra aussi garantir l'indexation des pensions,
dans le sens qu'il est tout à fait évident que si l'individu voit
ses revenus indexés, on peut songer à avoir des mécanismes
automatiques d'indexation. A supposer qu'un individu ne voie pas ses revenus
indexés, à ce moment, l'indexation de la pension alimentaire
correspond à un accroissement de la fraction répartie. A ce
moment, nous n'avons pas d'opposition, nous voulons que les parties soient
traitées de façon égale.
M. Blank: Une dernière question. Vous parlez de
l'autonomie des conjoints. Est-ce à dire qu'à un certain moment
vous pensez qu'aucune pension ne serait payée à un conjoint qui
peut gagner quelque chose?
M. Baril (Marcel): C'est ce qu'on a signalé. A court ou
à moyen terme, en fait, de façon générale, si
l'individu est apte à aller sur le marché du travail, s'il peut y
aller, s'il peut trouver les ressources, que ce soit l'homme ou la femme, il
doit subvenir à ses propres besoins. Il est un citoyen comme n'importe
quel autre. De plus, si, pour des raisons particulières, il n'est pas
autonome financièrement, il doit, à court ou à moyen
terme, le devenir, et on doit... Un exemple pourrait en être
donné. La pension pourrait avoir une durée limitée et
même être déductible d'impôt avec un fractionnement
dégressif, ce qui inciterait l'individu, si vous voulez, à entrer
sur le marché du travail, au cours d'une certaine période. Ce
fractionnement devrait s'éteindre normalement, sauf dans des cas
très particuliers, quand des couples ont vécu ensemble 20 et 30
ans, vu la difficulté de revenir sur le marché du travail. En
dehors de ces cas, normalement, les individus devraient être
traités comme des individus, comme des gens ordinaires.
M. Blank: Même avec l'inégalité de la
possibilité de gagner quelque chose. Prenons un médecin qui gagne
$100 000, alors que sa femme est vendeuse dans un magasin.
M. Baril (Marcel): Antérieurement, c'était la
situation et c'était la personne comme personne avec ses
capacités. Si vous dites qu'avant le mariage, le médecin
était médecin et la dame était cette dame, à ce
moment, le mariage, qu'est-ce qu'il change pour les individus en termes...
C'est une union qui est brisée. La femme a été
acceptée pour ce qu'elle était et elle a eu les avantages qu'elle
avait, comme le mari a eu les avantages...
M. Blank: Si elle est étudiante et le rencontre à
l'université, et qu'il est à la faculté de
médecine, si les deux sont étudiants, si elle arrête ses
études, si lui les continue et devient médecin, après cinq
ans, il gagne $100 000 par année, elle, elle n'a aucune capacité,
aucun entraînement. Qu'est-ce qui arrive? Est-ce que c'est
égal?
M. Normandin: Là-dessus, vous semblez vouloir vous faire
l'avocat du diable.
M. Blank: Je ne me fais pas l'avocat du diable, ce sont des cas
courants.
M. Normandin: Non, ce que vous soulignez ici, ce sont des cas
d'espèce. Evidemment, toutes les possibilités...
M. Bédard: II y a d'autres avocats qui vous ont
précédés à cette commission parlementaire
M. Normandin: Là-dessus...
M. Blank: Hier, on a eu des femmes séparées, comme
vous, mais l'autre côté de la médaille.
M. Normandin: Je connais également très bien
l'autre côté de la médaille et, règle
générale, j'avoue qu'il y a des femmes qui sont drôlement
plus mal prises que les hommes. C'est la constatation qu'on a faite. Je suis le
premier à l'avouer.
Mais ce qu'on vise essentiellement sur cette question, c'est ceci: On
parle de court et de moyen terme, mais il faut également penser
qu'à long terme, un individu, normalement, devra refaire sa vie et,
d'après l'expérience que nous avons avec les personnes qu'on a
connues, habituellement, on sait que, statistiquement, la majorité des
hommes se remarient dans l'espace de trois ans. Il y a également une
nouvelle vie, une deuxième vie, une troisième vie, selon le cas,
à refaire et il faut également penser que les individus devront
faire une nouvelle vie et, financièrement, ça implique des
coûts. S'ils veulent avoir d'autres enfants, ça impliquera
d'autres dépenses.
Si vous voulez citer des cas d'espèce, on peut en citer
également. Prenez le cas de votre même médecin qui gagne
$100 000 par année et qui se remarie avec une jeune femme, comme c'est
la coutume, si on veut; à ce moment-là, ce qui peut arriver...
Non, je n'ai parlé de personne en particulier... Il demeure que, si le
type a une certaine tendance à vouloir une famille nombreuse, s'il a
déjà trois enfants d'un premier lit, il peut en vouloir trois
autres du deuxième, et ça s'est déjà vu. Ce qui
peut arriver, à ce moment-là, c'est qu'il a deux familles
à faire vivre, à plein titre, et il faut penser que ses revenus
vont en souffrir énormément.
De la première union, il faudrait que l'ex-conjoint le plus
démuni, comme on l'appelle souvent, en vienne à une certaine
autonomie vis-à-vis des enfants et surtout vis-à-vis
d'elle-même ou de lui-même d'abord, mais que, vis-à-vis des
enfants, cette autonomie s'estompe également, que ça disparaisse
un jour. C'est ce à quoi on vise.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière.
M. Bédard: Juste une question dans le domaine des
pensions. Vous êtes le seul groupe qui vous interrogez sur la pertinence
même de la création d'un service de perception des pensions
alimentaires. J'aimerais que vous explicitiez un peu plus votre
pensée.
M. Baril (Marcel): Ecoutez! On est conscient, effectivement,
qu'il y a un certain nombre de pensions qui ne sont pas payées. Au lieu
d'arriver et de mettre des mécanismes, que... Ma perception est la
suivante: Des lois, c'est fait, mais vous savez fort bien que les gens
finissent par les contourner, trouvent des mécanismes de blocage. La
preuve de ça, c'est qu'en principe, vous savez, les pensions sont
censées être payées et elles ne le sont pas. Pourquoi ne
pas regarder les causes de non-paiement plutôt que d'essayer de
développer des mécanismes? C'est le sens de notre
réflexion. Au lieu d'arriver et de mettre un fusil derrière
chaque homme ou chaque femme qui a à payer une pension, pourquoi ne pas
réfléchir sur ça et, à ce moment-là, trouver
les raisons... C'est pourquoi on a fait appel... On signale l'enquête qui
est faite au Massachusetts pour trouver les causes.
M. Bédard: Les grandes causes, c'est tout simplement que
le mari refuse de la payer, c'est aussi simple que ça.
M. Baril (Marcel): Oui, mais ça, vous dites que c'est une
cause. Quant à moi, c'est le résultat de quoi? D'un choix. Je
m'excuse. Il existe des mécanismes légaux pour les contraindre et
tout ça. Vous admettez ça? Donc, en principe, la solution existe.
Pourquoi ne fonctionne-t-elle pas? Je l'ai souligné tantôt. Les
droits de garde, qui sont moins perçus, moins signalés, parce
qu'il n'y a pas d'organismes qui défendent cet aspect...
Je ne veux pas passer pour égoïste et phallocrate, je veux
simplement dénoncer une situation. Quand il y a une situation, il y a
des raisons. C'est une opinion personnelle, les gens ne se sentent pas
légitimement tenus de satisfaire à cette exigence et à ce
moment-là, ils font de cette technique une façon de compenser
pour d'autres injustices.
Entre voisins qui ne s'aiment pas, les gens ne font jamais des choses
qui pourraient amener les policiers chez eux, mais ils font toute une
série de petites choses qui sont emmerdantes. Je dirais que c'est ce
style-là et que dans la mesure... C'est pour cela qu'on a
énoncé le principe suivant: si les ex-conjoints arrivent à
des ententes voulues et non décidées par un autre, ils vont les
respecter beaucoup plus. Comprenez-vous le sens? C'est à partir de
vécu comme cela qu'on en arrive à dire: laissez-les donc trouver
le compromis qui ne sera pas nécessairement celui que tel juge aurait
décidé, mais qu'eux, à partir de leur situation et
à partir de leur décompression et à partir d'un conflit
vers une vie autonome, va les amener à trouver comme étant la
meilleure pour eux. (12 h 15)
C'est dans ce sens-là qu'on souhaite que les décisions
soient prises par les ex-conjoints pour être capable d'être
pratiquées. On croit que ce mécanisme sera non coercitif et va
être beaucoup plus suivi. Il pourrait y avoir des systèmes
incitatifs. Par exemple, si les pensions sont payées, qu'il y ait des
dégrèvements fiscaux. Il y a peut-être moyen d'avoir de
l'incitation beaucoup plus que du...
Avez-vous calculé le coût que cela représente pour
faire payer une pension alimentaire? Les avocats vont demander $4000 à
$5000, ce qui représente de deux à trois ans de pension
alimentaire. C'est un non-sens d'arriver à des choses comme cela. Si les
conjoints pouvaient s'entendre, on pourrait peut-être arriver à
des solutions qui auraient beaucoup plus de sens.
M. Normandin: On pourrait aller plus loin que cela. Imaginez le
coût social que cela implique pour toutes les pensions qui ne sont pas
payées. Je crois qu'actuellement 80% des pensions ne sont pas
versés.
M. Bédard: D'autres nous disent que de 50% à 60%
des pensions alimentaires sont versés.
M. Normandin: Enfin, on a eu ces chiffres du ministère des
Affaires sociales. De toute façon, ces choses-là sont relatives.
Imaginez ce que socialement ça représente et toute l'aide sociale
qui doit être versée en compensation de ces pensions qui ne sont
pas versées.
Je crois que l'Etat y gagnerait fortement à ce qu'il y ait un
mécanisme d'incitation à ce que les pensions soient
versées. J'ajouterais ceci c'est peut-être un peu en dehors
du sujet on voudrait tendre également à ce que... Nous,
comme organisme, constatons dernièrement que de plus en plus, les hommes
se retrouvent avec des enfants sur les épaules et on a constaté
également que, en règle générale, les hommes
n'osent pas demander quoi que ce soit vis-à-vis de leur ex-conjointe ou
de la mère de leurs enfants au niveau des pensions alimentaires. Des
femmes gagnent très bien leur vie et ne versent jamais un sou pour leurs
enfants. On pourrait vous citer plusieurs cas. Il faudrait que socialement on
s'ajuste, qu'il y ait certaines réalités nouvelles auxquelles on
devrait faire face. La femme est sur le marché du travail actuellement
et de la même façon que des individus disent que le système
leur fait mal parce qu'on les condamne à payer une pension, c'est cela
qui fait mal, c'est d'être condamné à quelque chose. Si on
les incitait à le faire, ce serait beaucoup mieux. Les types trouvent
cela extrêmement difficile et les femmes ne préfèrent pas
plus non plus se faire condamner à payer une pension alimentaire.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): Merci, M. le
Président. Je m'excuse de revenir sur le même sujet, mais comme le
député de Saint-Louis, ce que je dois remarquer, c'est que
relativement aux pensions alimentaires, le mémoire que vous nous
présentez est, le moins qu'on puisse dire, passablement différent
de celui que nous avons entendu hier après-midi. Je pense que ce qui est
en jeu, c'est une question de philosophie.
Je souscris d'emblée à un principe qu'on retrouve à
la page 4 de votre mémoire: "Le relâchement ou le bris du lien
conjugal doit produire l'autonomie des ex-conjoints tout en maintenant les
liens parentaux." Au niveau des principes, je suis pleinement d'accord, mais il
faut regarder si ce principe en pratique est réalisable. Mon
expérience me prouve justement que, dans ce domaine, ce principe est
très difficile à mettre en application parce que justement si on
prend, par exemple, le cas des femmes séparées ou
divorcées, ce n'est pas toujours facile. Au contraire, c'est très
difficile pour elles, dans la plupart des cas, même si elles ont un
métier, de se trouver un emploi et, dans bien des cas, elles n'ont pas
de métier ou elles n'ont pas occupé ce métier depuis 15
ans, depuis 20 ans. Même si je souscris à votre principe de
l'autonomie, que chacun devrait être en mesure de subsister, de voir
à sa propre subsistance, je me dis: En pratique parce que le
droit doit s'adapter à la réalité sociale d'un pays, il
doit précéder les événements et doit être
conforme aux événements or, si la réalité
pratique c'est celle-là au Québec actuellement, même si on
souscrit au principe, qu'est-ce qu'on fait avec cela?
M. Baril (Marcel): Est-ce que je peux répondre?
M. Vaillancourt (Jonquière): Oui.
M. Baril (Marcel): L'idée est la suivante. Si on inscrit
justement dans la loi cette idée, il y a une chose... Actuellement, il y
a le Conseil du statut de la femme dont nous trouvons le travail
extrêmement intéressant, mais nous avons souligné que ce
travail a comme parallèle des changements de rôle. Donc, nous
pensons que d'ici 20 ans parce que cela prend au moins cela comme
période de changement si la notion de rôle de
"paren-talité" va changer, on peut dire que les problèmes qui
vont se présenter dans 20 ans seront différents.
Deuxièmement, on peut dire qu'on est dans une période au
moins difficile économiquement et que si le marché du travail
n'est pas ouvert aux femmes, il ne l'est pas non plus aux hommes puisqu'il y a
des taux de chômage qui sont élevés. Si on
institutionnalise cette idée, on arrive à bloquer et cela va
être maintenu. Ce que nous disons c'est que si on conserve les principes
qu'on a énoncés de l'autonomie, si on développe des
mécanismes, c'est pour cela que j'ai terminé en disant qu'il
faut, fort des principes qui sont généraux et qui peuvent durer
20 ans, 40 ans, 60 ans et qui vont avoir une réglementation qui va tenir
compte des conditions socio-économiques... On énonce le principe
de l'autonomie et, en période difficile, on dit: II est
préférable que, par exemple, la rentrée sur le
marché du travail des femmes s'échelonne sur une période
de cinq ans. Par exemple, une femme qui avait un métier, qui
était infirmière, disons, et qui a cessé de pratiquer
pendant dix ans, on dit: Si le marché du travail des infirmières
est bloqué pour quelques années, quatre ou cinq ans, on lui donne
une période d'adaptation de cinq ans. Si, dans quelques années,
on en arrive au contraire à un taux de chômage qui serait de
l'ordre de 2% et qu'à cause de l'application des mesures
d'égalité et d'indépendance, on en arrive à un taux
d'ouvertures de postes pour les femmes plus élevé, à ce
moment-là que les périodes soient plus courtes. Ce qu'on veut
c'est que le principe soit énoncé et qu'à ce
moment-là, cela s'applique en tenant compte, par
exemple, des conditions socio-économiques. Ce n'est pas d'arriver
et de dire: II faut s'en débarrasser au bout d'un an, il n'est plus
question que l'ex-conjoint paie une pension alimentaire. Ce n'est pas cela. On
dit: Selon la situation socio-économique existante, on va faire une
dégression sur une période de cinq, dix ans, dans des cas
très difficiles et, au contraire, une période beaucoup plus
courte.
En ce sens, je pense qu'on est en plein accord avec le Conseil du statut
de la femme, qui recherche l'autonomie. C'est vers cela qu'on doit tendre et on
ne doit pas inscrire dans la loi quelque chose qui est une situation
très particulière. Au contraire, on doit donner les orientations
générales et on doit laisser au juge, aidé par des
organismes qui vont lui donner une mesure des conditions
socio-économiques actuelles, l'adaptation. C'est pour cela qu'on parle
de politiques et de règlements qui devraient faire l'objet de
consultations.
M. Vaillancourt (Jonquière): Relativement aux pensions
alimentaires qui ne sont pas payées, le ministre vous a
rétorqué tout à l'heure que l'une des raisons principales
était qu'il y a des gens qui refusaient de la payer et, à cela,
vous avez répondu: II y a une cause à cela et vous avez
commencé à nous parler d'incitation. J'ai incité beaucoup
de gens. Avant d'avoir des jugements, j'ai incité beaucoup de gens, par
des demandes très polies, au nom de certaines clientes, à
demander à l'époux de prendre ses responsabilités, de voir
à nourrir sa femme et ses enfants qui étaient seuls à la
maison, d'avoir à chauffer les lieux, d'avoir à payer
l'électricité, d'avoir à faire réparer le
réfrigérateur, parce qu'il ne fonctionnait plus; c'était
de l'incitation très polie; ce n'était pas une mise en demeure,
et je vous dis que les résultats n'étaient pas probants.
Je crois aussi, à long terme, à une politique
d'incitation, un changement de mentalité qui ferait en sorte que les
gens prennent tous leurs responsabilités. Je crois à cela aussi;
c'est un bien beau principe mais je me dis que l'incitation, dans ce domaine,
à l'expérience, n'est pas suffisante. Quelle est votre opinion
là-dessus?
M. Baril (Marcel): Je reviens à l'idée qu'il faut
aller voir les véritables causes; que vous mettiez les mécanismes
que vous voudrez, je vous rappelle qu'il y a une dizaine de mille hommes qui
sont séparés ou divorcés chaque année
effectivement, donc, si vous arrivez et que vous en mettez 50%, c'est quand
même 5000 personnes, si elles refusent de payer, voyez-vous l'avantage
que cela aurait de les mettre en prison ou d'arriver et de brimer leur...
M. Bédard: On n'a jamais parlé de cela.
M. Baril (Marcel): Non, mais il faut aller au bout. L'idée
est la suivante; je peux vous donner une réflexion que j'ai entendue:
devant une situation où si moi, j'étais obligé de faire
telle affaire, je disparaîtrais dans le bois. Donc, c'est une question de
justice. La personne se sent brimée. Au-delà de la
légalité, il y a la perception de la légitimité
d'une décision. C'est cela qu'on veut faire ressentir. Pourquoi les gens
ne paient-ils pas? C'est parce qu'ils voient quelque chose à quoi ils
sont obligés sans avoir eu une contrepartie.
On pense que les citoyens, en général, sauf un certain
pourcentage, sont des gens qui sont honnêtes, qui veulent respecter les
lois, qui veulent bien vivre, mais qui peuvent, à un moment
donné, se sentir mal par rapport à des choses, et surtout au
niveau affectif. Il faut voir, comme 80% des demandes sont faites de la part de
la femme, que l'homme se retrouve donc comme intimié, comme quelque
chose qu'il reçoit souvent sans en avoir entendu parler. A ce
moment-là, le ressac que cela représente, de ne pas avoir eu la
possibilité lui aussi d'être dans là processus, peut
être pour beaucoup.
Ce que je vous donne là, ce ne sont que des impressions, mais on
voudrait que l'enquête qui est faite par le MAS sur les 2500 cas dans la
région 03 nous donne le vrai portrait de cela. A partir de cela, vous
auriez effectivement la manière de corriger cette situation.
M. Vaillancourt (Jonquière): Une dernière question,
parce qu'il ne reste que trois minutes. On change de sujet. On pourrait en
parler longtemps, parce que je ne suis pas nécessairement d'accord avec
votre perception de la réalité.
Relativement à la garde conjointe coparentale des enfants, vous
avez parlé de cela dans votre mémoire. Je voudrais savoir si
effectivement, dans votre association, cette nouvelle façon de voir
à la garde des enfants, cette garde juridique conjointe, se
développe de plus en plus dans votre association. Est-ce que vous avez
des expériences dans ce domaine? Et quels sont vos commentaires à
ce sujet?
M. Normandin: Actuellement, juridiquement, elle n'est pas
inscrite dans la loi. La coparentalité, c'est un concept qui est assez
nouveau et qui, semble-t-il, nous vient du Sud. Il y a quelques petites choses
qui ont été faites à ce niveau, des expériences qui
ont été tentées. Jusqu'à maintenant, on a certains
membres qui, effectivement, par entente mutuelle, non légale, gardent en
coparentalité leurs enfants. Il nous semble que ce soit la solution la
plus intelligente, la plus humaine, et qui coûte probablement le moins
cher à tout le monde.
M. Vaillancourt (Jonquière): Comment cela se passe-t-il en
pratique?
M. Normandin: Les principes généraux sont à
peu près ceux-ci. D'abord, il y a une entente entre les deux conjoints
et l'entente vise essentiellement à sauvegarder le caractère, le
lien paternel ou maternel que le père ou la mère a avec ses
enfants. Dans la réalité, cela peut prendre à peu
près la forme que les conjoints veulent, du mo-
ment qu'il y a consentement. Cela peut aller aussi loin que l'enfant
passe une année avec son père et une année avec sa
mère, que ce soit pour plusieurs ou un enfant. Cela peut aller aussi
simplement que de passer une semaine avec papa et une semaine avec maman, dans
une même ville ou dans un même quartier. Il n'y a pas de limite. On
a expérimenté des cas de parents qui, une année, prenaient
leurs enfants avec eux aux Etats-Unis et, l'année suivante, la
mère les prenait chez elle, en Angleterre. Cela se produit.
D'après les rapports qu'on en a jusqu'ici, quoique
l'expérience est relativement nouvelle, les résultats semblent
assez intéressants pour qu'on s'y attache vraiment et peut-être
que, j'irais même plus loin, on inscrive dans la loi, lorsque le juge est
obligé de décréter quelque chose, que la
"coparentalité" ait été la première chose à
laquelle on ait pensé et non pas rejetée souvent a priori.
Jusqu'ici, il semble qu'il y ait de très bonnes expériences qui
se soient passées au niveau des membres de notre association et cela
fonctionne passablement bien.
Le Président (M. Jolivet): Merci. Je dois ajourner les
travaux de la commission sine die.
Fin de la séance à 12 h 29