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Présentation de mémoires sur la
réforme du droit de la famille
(Dix heures quinze minutes)
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, messieurs!
La commission siège maintenant pour se pencher, comme elle l'a
fait hier, sur la réforme proposée au Code civil. Nous entendrons
aujourd'hui différents groupes, encore une fois. Les membres de la
commission parlementaire de la justice sont les suivants: M. Alfred (Papineau),
M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Charbonneau
(Verchères), M. Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M.
Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Samson
(Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière).
Les intervenants sont: M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe) remplacé par M. Le Moignan (Gaspé).
M. Lalonde: Le député de Mont-Royal est
remplacé par Mme Lavoie-Roux.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Ciaccia (Mont-Royal) est
remplacé par Mme Lavoie-Roux (L'Acadie); M. Cordeau (Saint-Hyacinthe)
remplacé par M. Le Moignan (Gaspé); M. Duhaime (Saint-Maurice),
M. Lavigne (Beauharnois), M. Léger (Lafontaine), M. Marois (Laporte), M.
Pagé (Portneuf), M. Roy (Beauce-Sud), M. Tardif (Crémazie).
A l'ordre du jour de la commission aujourd'hui...
M. Lalonde: Excusez-moi. Encore une fois, M. Pagé sera
remplacé par M. Lamontagne (Roberval).
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Pagé (Portneuf)
sera remplacé par M. Lamontagne (Roberval).
M. Lalonde: Notaire.
La Présidente (Mme Cuerrier): Sont appelés à
se présenter devant la commission parlementaire de la justice
aujourd'hui, M. Michel-Guy Huot, qui vient à titre personnel, la Chambre
des notaires du Québec, dont le porte-parole est M. Jean Lindsay, et la
Commission des services juridiques dont le porte-parole est Me Suzanne
Pilon.
M. Huot, s'il vous plaît.
M. Michel-Guy Huot
M. Huot (Michel-Guy): Merci, Mme la Présidente. Je dois
dire au départ que le document qu'on vous a remis ce matin est, en tout
point, sauf de façon mineure, le texte qui est déjà entre
les mains des membres de la commission. Le texte de ce matin comporte une
annexe additionnelle dans le but de clarifier la présentation du texte
que vous avez déjà entre les mains.
Je dois dire d'abord que le texte qui vous est présenté ce
matin est le fruit d'une réflexion d'environ une année et ce
texte devait être présenté et le sera peut-être, en
tant que contribution scientifique, à une revue comme Québec
Science, par exemple.
A la lecture du mémoire "Egalité-Indépendance"
présenté l'automne dernier par le Conseil du statut de la femme,
j'ai dédicé de porter à la connaissance de cet organisme
les réflexions que j'avais déjà eues à ce sujet,
à ce moment-là, et je suis très heureux de constater que
les conclusions auxquelles je suis parvenu ont été
adoptées, d'après ce que j'ai pu constater hier, par le Conseil
du statut de la femme.
Je vous fais donc lecture du mémoire que je vous soumets.
M. Bédard: Est-ce que nous en avons une copie?
M. Huot: Oui, celui avec la couverture grise. M.
Bédard: D'accord.
M. Huot: La transmission du nom de famille. L'introduction. Au
Québec, comme en de nombreux autres points du monde d'ailleurs, l'usage
s'est imposé depuis des temps immémoriaux de transmettre à
l'enfant le nom de famille de son père. Cette tradition, à la
vérité, n'est pas inscrite dans nos lois, mais le projet de
refonte du Code civil du Québec, actuellement à l'étude,
prévoit l'officialiser.
Si, au fil des temps, on a accoutumé de donner aux descendants le
nom du père, de préférence, faut-il s'en étonner?
Les diverses sociétés humaines, pour la plupart, n'ont-elles pas
accordé une importance prépondérante à l'homme, au
mari, au père? Or, au titre de la génération, entre
autres, l'on ignorait, pour cause, que la femme produisait, tout comme l'homme,
des cellules reproductrices. L'homme, par sa semence, était tenu pour le
véritable auteur de la descendance d'un couple. Dans ces conditions, la
femme était considérée, tout au plus, comme le milieu
naturel du développement de l'enfant, milieu fécond ou
stérile, à l'instar de la terre, et l'on sait comment la
stérilité, par exemple, était et est encore, dans de
nombreuses régions du globe, portée au seul compte de la
mère. Il allait de soi qu'il revenait au père, dans ce contexte,
de transmettre son nom à ses enfants, l'idée d'un apport
matronymique étant naturellement exclue. Bref, le nom à
léguer, c'était et c'est encore celui du père. La patrie,
le patrimoine, le patronyme, etc., tout vient du père.
Ce comportement a influencé nombre de nos attitudes. Les femmes
mariées prennent souvent le nom de leur mari, puisque le nom de leurs
enfants sera justement celui de leur époux. D'ailleurs, au point de vue
généalogique, ne recherche-t-on pas les ancêtres paternels
et maternels de façon surtout patrilinéaire? Ainsi, par exemple,
quel-
qu'un découvrira qu'il descend de Pierre Tremblay, arrivé
en Nouvelle-France au XVIIe siècle. On oubliera aisément alors,
si l'on poursuit l'exemple cité, l'apport essentiel, pour cause,
d'Ozanne Hachon ainsi que celui, de façon plus générale,
de toutes les femmes qui, de génération en
génération, ont contribué à la descendance de nos
aïeux. Au fond, le nom des femmes se perdant dans la brume à chaque
génération, il est bien compréhensible qu'on le tienne
pour négligeable. Et, de toute façon, l'on pourrait ajouter que
ce nom de femme qui se perd, c'est encore celui d'un homme, le père.
Est-il encore admissible, aujourd'hui, qu'une telle situation se
perpétue? Est-il souhaitable que l'on veuille confirmer par des
dispositions du Code civil que le nom d'un parent continuera d'être
avantagé au détriment de l'autre? Quant à nous, la
réponse est claire: On ne peut plus invoquer l'ignorance et
lïntangibilité d'une coutume pour maintenir la tradition telle
quelle. Il est en effet possible de faire preuve d'imagination en ce domaine
et, sans verser dans des solutions par trop arbitraires ou rompant sans retour
avec la pratique actuelle, de trouver un moyen de transmettre le nom de famille
qui fasse preuve d'équité. Les observations et les propositions
qui vont suivre se situent dans cette optique.
Certaines tentatives de solutions: Par le passé ou
récemment, on a voulu, en certains milieux, corriger la situation en
proposant divers palliatifs. Voyons-en quelques-uns.
A.Donner à l'enfant le nom de sa mère.
Il semble acquis (du moins tant que ne sera pas
généralisée la pratique de fécondation ex utero)
que la maternité est moins douteuse que la paternité. On a
invoqué cette évidence pour proposer de donner à l'enfant
le nom de sa mère. Cela ne rétablirait-il pas
l'équité? A notre avis, cette solution privilégierait
encore le nom d'un parent et, même si elle devait réparer un tort
longtemps perpétré, elle n'en devient pas plus acceptable pour
autant: l'on ne ferait que déplacer le problème.
B. Donner à l'enfant l'un ou l'autre des noms des parents.
D'aucuns ont plutôt suggéré de transmettre soit le
nom de la mère, soit le nom du père, ce, conformément
à des modalités variées: Par exemple, donner le nom de la
mère aux filles et le nom du père aux garçons, ou
vice-versa; après entente, donner l'un ou l'autre des deux noms, soit
par alternance, soit par choix définitif de l'un des deux noms; ou
encore, après entente, donner l'un ou l'autre des deux noms, l'individu
devant effectuer un choix final ultérieurement.
Ces solutions impliqueraient que frères et soeurs auraient des
noms différents (sauf si un même nom était attribué
à tous les enfants, mais, dans ce cas, l'un des noms serait encore
laissé pour compte).
Les ententes dont il est fait état ici signifieraient, au point
de vue psychologique, des concessions qu'il convient de ne pas minimiser.
D'autre part, laisser à l'individu la possibilité de choisir l'un
des deux noms ultérieurement serait lui laisser également
l'odieux d'opter pour le nom du parent qu'il désire conserver en
délaissant l'autre. En outre, en optant pour le nom du parent qu'il
n'aurait pas reçu à sa naissance, il devrait faire
procéder à d'innombrables changements aux registres de
l'état civil, de l'assurance sociale, à quantité d'autres
documents officiels, etc. A notre avis, ces solutions ne sont pas davantage
acceptables.
C. Donner à l'enfant l'un et l'autre des noms des parents.
Puisque les solutions précédentes présentent des
lacunes, l'on pourrait penser régler la question en donnant tout
bonnement aux enfants et le nom de la mère et le nom du père.
Appliquée telle quelle, cette solution deviendrait impraticable.
En effet, elle aurait tôt fait d'engendrer des monstres onomastiques!
Qu'on songe au fait qu'à la deuxième génération, le
nom comporterait quatre parties; à la troisième
génération, huit parties; à la quatrième
génération, seize parties, etc.
Bien sûr, devant cette éventualité, l'on a
proposé un aménagement: la personne, dotée à sa
naissance des noms de ses deux parents, verrait, ultérieurement,
à n'en retenir qu'un seul. On comprendra aisément que ce cas est
assimilable à celui que nous décrivions en B) et que, par
conséquent, les difficultés que nous mentionnions demeureraient
les mêmes ici. Aussi, cette solution ne nous semble pas devoir être
retenue.
Ce que nous proposons. Le rejet des diverses possibilités que
nous venons d'évoquer nous conduit à rechercher une solution
assurant que se reflète dans le nom du descendant tant la part
matronymique que la part patronymique, tout en permettant d'éviter les
embûches que nous signalions précédemment.
Nous proposons donc qu'on donne à l'enfant un nom qui tienne
compte de celui de chaque parent. Avant de préciser ce que serait, en
fait, ce mode de transmission que nous avançons, une analogie nous
permettra de mieux nous situer. C'est le professeur de biologie qui parle.
La science de la génétique nous apprend que le bagage
héréditaire contenu dans les cellules de l'organisme est
réduit de moitié dans les cellules reproductrices, femelles ou
mâles, que fabrique chaque parent. Lors de l'union de deux cellules
reproductrices, point de départ d'un nouvel être, il se constitue
pour le descendant un nouvel apport génétique quantitativement
égal à celui de la mère, s'il s'agit d'une fille, ou
à celui du père, s'il s'agit d'un garçon, qualitativement
propre à l'enfant ainsi conçu. Le descendant, qui se
développera par la suite en fonction d'un tel bagage
génétique et de l'influence du milieu dans lequel il sera
appelé à évoluer, ressemblera donc à chacun de ses
parents, mais manifestera aussi son identité particulière.
Le processus de réduction préalable à la
reconstitution que provoque ultérieurement la fécondation
évite, bien sûr, que l'héritage génétique ne
double à chaque génération.
Nous nous inspirons de cette analogie pour proposer un mode de
transmission du nom de famille par lequel se traduiront dans le nom de l'enfant
les ressemblances avec le nom des parents, d'une part, et
l'individualité propre du descendant, d'autre part. En outre, ce
processus évitera la production de noms qui s'allongent à
l'infini.
Précisément, ce mode de transmission s'énonce
ainsi: tout individu, à sa naissance, reçoit un nom
composé, formé dans l'ordre suivant et uniquement dans cet ordre
de: 1) la première partie du nom de sa mère; 2) la
deuxième partie du nom de son père. Les deux parties du nom ainsi
formé sont réunies par un signe d'égalité, le signe
égal.
En d'autres termes, toute femme transmet à ses descendants la
première partie de son nom. Tout homme transmet à ses descendants
la deuxième partie de son nom.
L'annexe joint au présent texte illustre l'application du mode
proposé. Nous y reviendrons tout à l'heure.
Ce qu'implique notre proposition. Nombre de questions viennent
naturellement à l'esprit à la suite d'une telle proposition. Dans
les lignes qui vont suivre, nous tenterons d'expliquer davantage les divers
aspects liés au nouveau système.
Premièrement, le nom d'un parent est présumé
comporter lui-même deux parties constituées de la façon
indiquée. Evidemment, bien sûr, ce n'est pas le cas actuellement.
Les noms en usage présentement sont généralement des noms
simples et il faudra introduire le nouveau système à partir de
ces noms. Il faut bien commencer par le commencement.
L'exemple cité en annexe indique de quelle façon
s'effectue la mise en place initiale.
Deuxièmement. Certaines formes composées actuelles, telles
que Gérin-Lajoie, Mercier-Gouin, etc, doivent être
considérées comme des noms simples, ces noms étant
déjà transmis patrilinéairement comme tels depuis maintes
générations. Toutefois, ce n'est pas le cas des formes
composées provenant de l'association du nom d'une femme à celui
de son mari. L'on doit considérer ici le nom reçu à la
naissance seulement.
Troisièmement. Sous réserve des dispositions de la loi
relative aux changements de nom, il va de soi qu'il faut maintenir comme tels
les noms en usage actuellement, les noms reçus à la naissance. En
effet, il ne saurait être question de refaire l'histoire, ni même
d'ajouter à son nom celui de sa mère. De même, le nouveau
système ne doit s'appliquer qu'aux enfants de couples ou de parents
uniques qui n'ont pas déjà un ou des enfants afin d'éviter
que, dans une même famille, les enfants n'aient des noms
différents. Il faut toujours avoir à l'esprit les complications
multiples et l'anarchie que ne manquerait pas d'engendrer la
généralisation de modifications aux noms actuels.
Quatrièmement. Tout nouveau nom formé selon le
système proposé sera toujours un nom composé. Il pourra se
présenter selon l'une ou l'autre des formes suivantes: A=B par exemple:
Bélanger=Rochon, C-D=E, par exemple, Gérin-Lajoie=Vézina,
F:G-H, par exemple, Dupuis=Mercier-Gouin, ou encore J=J, par
exemple, Tremblay=Tremblay.
Dans ce dernier cas, notons que les parties associées pourraient
être homonymes. On aurait pu préciser homophones, par exemple:
Miller=Millaire, mais écrit différemment. Exceptionnellement, des
cas plus rares, de type C-D=G-H, par exemple, Gérm-Lajoie=Mercier-Gouin,
pourraient apparaître. Dans tous les cas, cependant, le caractère
particulier de certaines associations ou leur longueur inhabituelle ne
devraient pas constituer un obstacle insurmontable: n'existe-t-il pas,
présentement, des formes composées de celles qui sont
mentionnées précédemment, pensons aux noms de certaines
femmes mariées, auxquelles nous sommes déjà
habitués? L'on se fera progressivement à la
généralisation du nouveau système.
Cinquièmement. La formation du nouveau nom composé
comporte une origine et un ordre bien précis dans l'association des deux
parties. En effet, pour éviter l'arbitraire et faire en sorte que
l'apport matrilinéaire se distingue bien de l'apport
patrilinéaire de génération en génération,
il convient de suivre une règle stricte dans la juxtaposition des
parties de noms provenant de chaque parent.
L'on fera peut-être remarquer que l'ordre de formation pourrait
être l'inverse de celui que nous suggérons, le père
d'abord, la mère ensuite. De toute façon, il s'agit
d'établir au départ une convention; celle-ci, à notre
avis, contribue à revaloriser le nom maternel, sans plus.
Sixièmement. Le nouveau système introduit un signe
particulier, le signe =, destiné à relier les parties du nouveau
nom composé. Pourquoi, dira-t-on, ne pas se servir du trait d'union? (10
h 30)
C'est que le trait d'union est déjà réservé
à un usage très reconnu: qu'on songe à des formes telles
que St-Cyr, Gérin-Lajoie, etc.. Le signe =permet de ne pas
confondre certaines formes du système actuel et celle du nouveau,
étant entendu que les deux coexisteront. Ainsi, la forme actuelle de
Gaspé=Beaubien, n'aura pas la même signification que
l'éventuelle forme de Gaspé-Beaubien par exemple. Le trait
d'union sert déjà, également, à relier les parties
des prénoms composés, par exemple Jean-Claude. Il faut aussi,
croyons-nous, tenir compte des formes composées avec trait d'union
qu'utilisent certaines femmes mariées et que celles-ci, pour des raisons
diverses, pourraient vouloir décider de conserver. Notons toutefois que,
dans le nouveau système, toute personne conserve le nom qu'elle a
reçu à sa naissance, indépendamment de mariages
ultérieurs éventuels. Pensons enfin aux formes composées,
par exemple les noms étrangers, qui n'auront pas à
s'insérer dans ce nouveau système: il ne faudra pas non plus les
confondre avec les formes nouvelles. Dans le texte primitivement
distribué, on lisait les formes actuelles, il y avait une petite erreur.
Ce sont les formes nouvelles.
Septièmement, par son symbolisme même, le signe
d'égalité permet de faire ressortir l'apport égalitaire
tant de la mère que du père à l'édification d'un
nouveau nom. Il va de soi que ce signe ne devra être utilisé que
dans le cadre du nouveau système et que son usage devra être
réservé aux noms de famille seulement.
Huitièmement, le nouveau mode proposé implique que soeurs
et frères porteront le même nom. Bien sûr, ce nom ne sera ni
complètement celui de la mère, ni complètement celui du
père, mais tiendra de l'un et de l'autre. Qui sait, peut-être
prendra-t-on l'habitude de désigner un couple par le nom de ses enfants,
présents ou à venir, par exemple, les Bélanger=Mainguy,
dans le cas des parents de Pierre et Lise Bélanger=MAINGUY? De toute
façon, cette pratique serait moins discriminatoire que celle qui
consiste à désigner un couple par le nom du mari. Mentionnons que
des cas se présenteront sans doute où des enfants auront des noms
différents. En effet, comme dans le système actuel, il pourra
arriver que des enfants soient issus de mariages successifs et que, par
conséquent, ils continuent de porter le nom qu'ils ont reçu
à la naissance.
Neuvièmement, le nouveau système tient compte des cas
d'adoption par un parent unique ou de parenté inconnue, douteuse ou non
reconnue. L'on donnera alors à l'enfant le nom du parent unique ou
reconnu, tel quel. Si le nom est simple, on le doublera en lui appliquant le
signe =. Un nom simple, mais de forme C-D, pourrait être
transformé en forme C-D. C'est une modalité.
Dixièmement, il faudra adapter les systèmes
mécanographiques actuels à la généralisation des
noms qui, pour la plupart, seront plus longs que ceux que nous connaissons
actuellement.
Cette question d'espaces additionnels à prévoir ne devrait
pas constituer, à notre avis, un obstacle infranchissable.
Conclusion. Il va de soi que le nouveau processus que nous mettons de
l'avant est de nature à provoquer certains bouleversements dans nos
habitudes. Toutefois, il présente à nos yeux de multiples
avantages, dont le moindre n'est pas son caractère non
discriminatoire.
Il naît, en principe, autant de filles que de garçons. Le
nouveau système permet que, contrairement à ce qui se passe
actuellement, aucun nom ou éventuellement aucune partie de nom ne soit
laissée délibérément pour compte. Dans la mesure
où on s'intéressera encore à la recherche
généalogique des ascendants et des descendants, le nouveau mode
permettra de repérer plus facilement les lignées maternelles et
paternelles, non seulement par les hommes mais aussi par les femmes, ce qui
n'est pas le cas présentement. Des difficultés subsisteront.
Cependant, des millénaires d'illégalité au titre de la
transmission du nom de famille ne se corrigent pas très
aisément.
Nous croyons que ces difficultés, nullement insurmontables,
constituent un coût que, comme collectivité, nous devons assumer.
Nous donnerons peut-être l'exemple à d'autres. Ce texte
s'accompagne d'une page et demie de précisions que je vais vous lire
également, puisqu'elles permettent de comprendre davantage le
système.
La transmission du nom de famille, précisons sur le principe
proposé. 1. Sur l'application même du principe. Une annexe
additionnelle c'est le carton gris est jointe au mémoire
soumis à la commission parlementaire de la justice sur la réforme
du droit de la famille. Un arbre généalogique hypothétique
illustre davantage de quelle façon le principe proposé s'applique
au niveau de cinq générations. Vu le caractère innovateur
de ce principe et le fait qu'on soit peu familiarisé avec ses
implications, du moins au début, nous précisons que a), dans une
famille donnée, tous les enfants d'un couple, filles et garçons,
reçoivent exactement le même nom; b), la mécanique de
répartition dépend du sexe de l'individu. Une femme transmettra
la première partie de son nom, alors qu'un homme transmettra la
deuxième partie de son nom.
Dans l'exemple soumis en annexe additionnelle, à la
deuxième génération, les frères et soeurs
éventuels de Paule Dion-Roy, absente du tableau, seraient tous des
Dion=Roy. Les soeurs de Paule, comme celle-ci, transmettraient la partie Dion
du nom. Par contre, les frères de Paule transmettraient la partie Roy du
nom, ainsi de suite. 2. Sur d'autres implications du principe. Actuellement, au
Québec, certains noms sont plus répandus que d'autres,
particulièrement dans certaines régions, par exemple Tremblay,
Roy, etc. Il en résulte souvent de nombreuses confusions, les
mêmes prénoms étant accolés aux mêmes noms. La
généralisation du principe proposé rendra plus facile
d'éviter les nombreuses homonymies que le système actuel
engendre. D'autre part, il convient d'apporter une observation à la
suggestion que le projet de réforme du Code civil envisage. En effet,
pour éviter les homonymies, on suggère de donner
systématiquement deux prénoms aux enfants. Nous estimons, quant
à nous, que le choix du prénom s'en trouverait affecté de
façon inadmissible. Le prénom caractérise l'individu et ce
serait empiéter indûment sur le choix qu'ont à
opérer les parents que d'obliger ceux-ci à adopter un
prénom double si tel n'était pas leur désir.
Il faut se rappeler que le nom de famille étant, au
départ, imposé, on ne doit pas intervenir au niveau des
prénoms pour atteindre l'objectif rappelé
précédemment, éviter les homonymies.
Tout au plus, pourrait-on recommander aux parents de donner un ou des
prénoms qui soient euphoniquement compatibles avec les nouveaux noms
composés. Ces brèves précisions additionnelles nous
semblaient devoir être fournies afin d'apporter un éclairage accru
sur le projet de réforme que nous soumettons à la commission
parlementaire. Nous espérons qu'elles seront de quelque
utilité.
L'annexe, c'est-à-dire le carton gris, vous donne un exemple du
principe de transmission, de même que l'annexe au document principal. Je
suis prêt à répondre aux questions des membres de la
commission.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: Mme la Présidente, je voudrais
remercier, d'une façon tout à fait particulière M. Huot,
de son mémoire à la commission parlementaire, pour deux raisons.
Premièrement, étant donné la gentillesse dont il a fait
preuve, hier soir, en acceptant de revenir ce matin, pour nous permettre de
consacrer plus de temps à un groupe qui le précédait. Et
deuxièmement, c'est la principale, pour la contribution scientifique,
comme il l'a qualifiée, qu'il a apportée par son mémoire
aux membres de la commission parlementaire.
On peut se rendre compte que les recommandations, les propositions de M.
Huot, rejoignent essentiellement, concernant le nom, la proposition qui a
été mise de l'avant par le Conseil du statut de la femme, sauf
que vous y amenez une expertise plus poussée qui permet au
législateur d'en voir un peu plus les conséquences et
l'aboutissement.
Vous étiez présent hier, à une discussion
très élaborée que nous avons eue avec le Barreau et avec
le Conseil du statut de la femme, sur le nom qui devrait être
donné aux enfants. Je ne veux pas revenir sur toutes ces questions qui
ont été posées, mais je me permettrai globalement de vous
demander si vous avez des motifs ou des raisons additionnelles à
apporter pour étayer et soutenir la proposition qui a été
faite par le Conseil du statut de la femme et dont on n'aurait pas fait
état, hier, dans les discussions que j'ai mentionnées.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Huot.
M. Huot: Une chose que je dois dire, c'est qu'ignorant les
motifs, les allégués qui seraient présentés par le
mémoire du Conseil du statut de la femme, il est évident que la
préparation de mon propre mémoire tenait à des
considérations, comme je l'ai mentionné au début, que
j'élabore depuis bientôt près d'un an.'
M'étant intéressé personnellement à des
recherches généalogiques, il m'est apparu assez évident
qu'une profonde inégalité subsistait dans le fait que,
traditionnellement, un seul des noms des parents était transmis aux
enfants, et je me suis appliqué à me demander comment on pourrait
remédier à cette situation.
Si, au fond, je propose cette mécanique de répartition du
nom de famille, c'est qu'il me semble, après mûre
réflexion, que c'est le seul moyen d'assurer l'équité.
Nous avons, exceptionnellement, la chance, si jamais c'était
adopté, d'innover dans un domaine où, à ma connaissance
peu de pays, s'il en est, ont pu proposer des systèmes originaux. Bien
sûr, on a déjà mentionné qu'en Espagne, on transmet
des noms de plusieurs parents, mais il y a toujours un choix qui
s'effectue.
Un fait sur lequel je veux insister, c'est que cette mécanique
n'implique aucun choix. Qui dit choix dit, dans certains cas, surtout dans la
question du nom, un certain odieux à laisser aux individus. Hier, des
groupes ont soutenu, par exemple, d'une part, que cela n'entrait pas dans les
préoccupations de leur mandat de donner un nom autre que celui du
père, cela ne m'étonne pas. Je mentionne, dans le
préambule, que nous sommes quand même tributaires d'une tradition
assez longue. Il a toujours été de soi qu'on donnait à
l'enfant le nom du père. Il n'est pas étonnant que, dans bien des
milieux, cette question n'effleure pas les esprits de changer quoi que ce soit
dans ce domaine, cela ne m'étonne pas.
D'autre part, on a souligné je me demande si ce
n'était pas le même groupe que, puisqu'on veut tant
revaloriser les prérogatives de l'enfant, on devrait lui laisser le soin
de choisir. Or, encore là, non seulement il existe des complications au
niveau des états civils, sur lesquelles j'ai insisté tout
à l'heure et que vous connaissez bien, mais il est évident que de
laisser, quoi qu'on en ait dit, à quelqu'un le soin de choisir laquelle
partie d'un nom il désire retenir, c'est évidemment lui demander
de dire: Bon, je prends le nom de mon père, donc je délaisse
celui de ma mère ou vice versa. A mon avis, ce n'est pas
négligeable une telle assertion et on ne peut pas dire que cela ne
créerait aucune frustration, je suis persuadé du contraire. Cette
mécanique a l'avantage de faire en sorte qu'elle s'applique
automatiquement. Il n'existe pas de façon de s'en sortir. Je mentionne,
à un endroit donné, bien sûr, que cela pourrait être
l'inverse, on pourrait mettre d'abord la première partie du nom du
père et, ensuite, la deuxième partie du nom de la mère.
Bien sûr, l'une ou l'autre des deux modalités aurait effectivement
et exactement les mêmes effets. Je n'insiste pas davantage sur cette
question-là, cela pourra faire l'objet d'un débat. Si j'ai
suggéré d'abord comme première partie le nom de la
mère, c'est que nous sommes habitués, dans le cas actuel des noms
composés adoptés par certaines femmes mariées, d'avoir
d'abord le nom de la femme et ensuite le nom de l'homme. Cela rendrait
peut-être plus facile l'intégration du nouveau système.
Mais, poussé plus loin, je ne vois pas de raison autre, comme je le dis,
que de valoriser le rôle de la mère, étant donné que
c'est quand même elle qui porte l'enfant et non le père. Cela
pourrait peut-être être une justification à mettre d'abord,
en premier, la partie du nom qui vient de la mère.
Ce sont foncièrement des considérations que j'estimerais
d'ordre technique, peut-être même scientifique, c'est-à-dire
qu'à l'étude, en voyant comment les noms sont transmis de
génération en génération, on se demande comment il
se fait qu'on ne retrouve jamais les ascendances maternelles alors qu'on peut
facilement retracer les ascendances paternelles. Ce sont des
considérations de cet ordre qui m'ont amené à proposer le
système que vous avez devant les yeux. Je ne sais pas si cela
répond à la question de M. le ministre.
M. Bédard: Oui, cela répond à ma question.
Je laisserai les autres membres de la commission parlementaire poser des
questions.
La Présidente (Mme Guerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. Huot, je veux tout d'abord vous remercier d'avoir
eu de la patience. Hier, vous n'aviez même demandé, lors de
l'ajournement du dîner, si vous auriez la chance de passer le soir. Je
vous ai dit qu'on ferait de notre mieux, mais vous avez vu comment cela se
déroule, les questions, à un moment donné, se multiplient
et je vous remercie d'être venu, ce matin.
Je vous remercie aussi de votre mémoire qui est d'une
clarté et d'une articulation qu'on ne voit pas souvent dans des
mémoires qui nous sont proposés, à un point tel que les
questions que j'avais, après l'avoir lu la première fois, hier,
elles ont trouvé à peu près toutes leurs réponses
à une deuxième lecture et à votre présentation.
Là, cela constitue une contribution d'autant plus importante pour
nous, au moment de nos travaux, que cela vient après la
présentation de cette suggestion par le Conseil du statut de la femme,
mais vous le faites avec un appui scientifique, au niveau
génétique. Ce n'est pas nécessairement une justification,
mais, au moins, un appui. Vous prévoyez à peu près toutes
les objections. Même pour le signe d'égalité, vous avez un
plaidoyer qui se défend très bien. C'est pour cela qu'au niveau
des questions, je vous jure que, si je vous en posais, la réponse serait
là-dedans. Je pense que votre système, qu'on l'accepte ou non, se
tient, est très articulé. Ses tenants et aboutissants sont
connus. Je n'ai réellement aucune question à vous poser. Je vais
en profiter pour ne pas en poser. Je vous remercie. (10 h 45)
M. Huot: Je vous remercie de vos non-questions.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Gaspé.
M. Le Moignan: Je suis placé peut-être dans
l'embarras, parce qu'ayant lu votre mémoire hier soir, j'étais
entièrement d'accord avec vous. Il y a un petit point qui m'a
frappé tout à l'heure quand vous avez mentionné les
recherches généalogiques dans lesquelles, je crois, vous vous
êtes déjà aventuré vous-même. J'ai fait la
même expérience, pour mes ancêtres venus de l'île
Jersey, une des îles anglo-normandes de la Manche. J'ai été
très heureux, en faisant des recherches là-bas, de
découvrir la plupart du temps le nom de la mère et du
père. On le retenait, surtout dans les années 1600, 1700, et cela
s'est perpétué... Cela a facilité grandement mes
recherches. Je suis d'accord avec vous sur le fait de donner les deux noms,
c'est préférable peut-être à donner un nom
composé comme Jean-Paul, parce que, si vous regardez dans un annuaire
téléphonique, vous allez peut-être trouver Jean-Paul Blais
quinze fois de suite. Même si on retient le nom de la mère, il y
aura peut-être encore certains inconvénients, mais je suis
d'accord avec vous et je trouve que votre suggestion et votre travail viennent
nous éclairer grandement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Puisqu'il ne semble pas y
avoir de question, j'ai bien l'impression que les députés, qui
sont d'accord avec vous, aimeraient voir le ministre des Affaires culturelles
ici aussi à la commission parlementaire, il ne me reste plus qu'à
me faire le porte-parole de la commission pour vous remercier, M. Huot, de
votre participation à cette commission de la justice.
M. Huot: C'est moi qui vous remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): J'appellerais maintenant la
Chambre des notaires, dont M. Jean Lindsay est le porte-parole. Je profiterai
de ce moment pour demander à M. Lindsay de nous présenter les
membres de son groupe, de façon que, quand l'un ou l'autre des membres
du groupe voudra intervenir, je puisse les identifier aux fins du journal des
Débats. Il est très difficile pour les gens qui se trouvent ici,
quand l'un ou l'autre parmi vous peut avoir l'intention d'intervenir, de vous
identifier. Je vous demanderais de me faire un signe pour que je puisse vous
nommer. Je vous demanderais déjà de me pardonner si vous avez
déjà commencé une intervention et que je tienne à
préciser qui intervient.
M. Lindsay.
Chambre des notaires du Québec
M. Lindsay (Jean): Mme la Présidente, je veux seulement
vous présenter le président de la Chambre des notaires, Me
Jacques Riverin, qui est le deuxième à ma gauche ici, c'est lui
qui vous fera la présentation des membres du comité de
législation de la Chambre des notaires et de sa
délégation. Me Riverin.
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Riverin.
M. Riverin (Jacques): A ma droite, Me Kimmel, président de
la commission de législation; le suivant, Me Lindsay...
La Présidente (Mme Cuerrier): Pourriez-vous
répéter, s'il vous plaît, le premier nom?
M. Riverin: Earl Kimmel.
La Présidente (Mme Cuerrier): Merci.
M. Riverin: Me Jean Lindsay; à l'extrême-droite, Me
André Cossette, ex-président de la Chambre des notaires et encore
membre de la commission de législation; à ma gauche, Me Gaston
Binette, ex-député et ministre; à l'extrême-gauche,
Me Robert Lessard.
Mme la Présidente, MM. les membres de la commission
parlementaire, la Chambre des notaires du Québec, par le truchement de
son comité de législation, s'est, depuis la parution des premiers
rapports de l'Office de révision du Code civil, vivement
intéressée au travail entrepris par l'office pour le
rajeunissement du Code civil.
Les notaires, étant des praticiens du droit, se devaient de
prendre part activement à ce grand ménage entrepris dans les lois
régissant les rapports des citoyens entre eux. Ils ne pouvaient laisser
s'accomplir ce travail en témoins passifs, étant bien entendu que
le droit civil est et doit rester à la base de l'exercice de la
profession notariale.
Aussi, le dépôt à l'Assemblée nationale, le
20 juin 1978, par M. le ministre de la Justice du rapport de l'Office de
révision du Code civil assorti d'un projet de Code civil, n'a pas pris
la Chambre des notaires par surprise: les rapports des différents
comités de l'Office de révision du Code civil avaient
déjà été étudiés par son
comité de législation et avaient fait l'objet de remarques et
considérations appropriées. 33 mémoires, en effet, ont
été soumis à l'office de révision. Inutile
d'ajouter que ce comité de législation s'est remis à la
tâche pour reprendre l'étude du projet dans son ensemble, de
manière à être en mesure de contribuer le plus possible et
dans le meilleur intérêt des citoyens à cette
révision du Code civil qui s'impose depuis longtemps.
La convocation d'une commission parlementaire sur la réforme du
droit de la famille nous apparaît comme le coup d'envoi de l'étape
finale avant l'adoption définitive de ce que bien des gens appellent
maintenant le nouveau Code civil. Nous souhaitons ardemment que cette
étape soit franchie le plus rapidement possible sans pour autant
sacrifier la qualité du travail à la
célérité de son accomplissement.
Nous avons pris bonne note des commentaires qu'a faits le Barreau sur
l'article 61, concernant la déclaration de la résidence
familiale, et l'article 78, concernant les déclarations découlant
du contrat de mariage et du contrat modifiant les conventions matrimoniales et
de leur enregistrement. Toutefois, si les notaires sont disposés
à prendre toute la responsabilité que leur imposeraient les
modifications de l'article 78 dans le sens que préconise le Barreau, il
n'en est pas de même, de l'article 61 relatif à la
déclaration de la résidence familiale.
Cette déclaration, que nous critiquerons d'ailleurs, mais pour un
autre motif, dans notre mémoire, touche à la fois au droit
familial, au droit immobilier et à l'enregistrement, qui sont l'essence
même de notre travail quotidien et cette déclaration est à
la base du partage qui devra suivre nécessairement toute dissolution du
mariage.
Avant de terminer cette presentation, permettez-moi d'exprimer le
désir d'obtenir, dans le plus bref délai, le calendrier des
prochaines commissions parlementaires, afin que nous ayons tout le temps
nécessaire à la préparation des mémoires que nous
désirons vous soumettre.
Le président de notre comité de législation, Me
Kimmel, va lire et commenter maintenant notre mémoire.
Je vous remercie!
M. Kimmel (Earl): Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Kimmel.
M. Kimmel: Mme la Présidente, messieurs les membres de la
commission parlementaire, avec votre permission, je commence ma
présentation au bas de la page 2 de notre mémoire
déjà soumis.
Je voudrais d'abord vous demander pardon pour mon accent un peu
atroce.
Notre mémoire se partage en deux parties. Dans une
première, nous repassons un à un les principaux sujets
proposés dans l'avis de convocation de la commission parlementaire et
nous vous faisons connaître les sentiments des membres de notre
comité sur le traitement accordé, d'une façon
générale, à chacun d'eux.
Dans une seconde partie, que nous voulons plus technique, nous irons de
nos observations sur la rédaction ou l'à-propos de certains
articles. Nous tenons à réitérer, cependant, que le tout
est présenté avec le plus sincère souci d'aider le plus
possible à la réalisation de cette révision du Code civil
attendue depuis si longtemps.
Première partie: 1. Primauté de l'intérêt de
l'enfant. Nous souscrivons sans réserve tant à l'esprit
qu'à la rédaction des articles 24 à 29 et 31 du livre
premier du projet de Code civil établissant les dispositions relatives
aux enfants.
Pour reprendre les mots du président de l'office, une conscience
accrue des droits de l'enfant devait conduire à proposer l'abolition des
différences encore aujourd'hui fort accusées entre l'enfant
légitime et l'enfant naturel.
Les règles traditionnelles issues d'une philosophie
attachée davantage à la transmission du patrimoine dans la
famille qu'à l'épanouissement de l'enfant devaient
disparaître. Nous croyons sincèrement que l'office, dans ses
propositions, a atteint son but et nous ne pouvons que l'en
féliciter.
Cependant, nous vous référons à notre seconde
partie pour certaines observations concernant le troisième alinéa
de l'article 30.
Deuxièmement: Nom des époux et de leurs enfants. La
plupart des articles du projet du Code civil concernant l'attribution du nom de
la personne humaine sont ou bien nouveaux ou du droit nouveau. C'est donc dire
qu'on ne saura en retrouver le pendant dans le Code civil actuel, sauf quant
à l'article 45 pour lequel on avait une disposition, à l'article
56a, qui interdisait le changement de ses noms et prénoms.
L'introduction des articles 32 à 45 du projet dont certains ont
été empruntés à la Loi de l'adoption est une
nouveauté fort louable et de nature à tirer au clair bien des
situations qui sont demeurées jusqu'ici quelque peu ambiguës. A
quelques remarques près, qu'on pourra retrouver dans la seconde partie
du présent mémoire, nous souscrivons d'emblée aux
dispositions contenues dans les articles 32 à 45 du projet du Code
civil.
Troisièmement: Présomption de survie discriminatoire
à l'égard des femmes.
L'article 6 du livre 3e du projet de Code civil vient enfin
régler, en les simplifiant au maximum, les complications que nous
imposait le décès
simultané de plusieurs personnes appelées à la
succession l'une de l'autre.
En effet, les articles, 603, 604 et 605 du Code civil actuel
établissaient des présomptions de survie, lesquelles, de tout
temps, ont fait l'objet de discussions interminables et se sont
trouvées, chaque fois que l'occasion s'en présentait, à
l'origine des chicanes de familles, le plus souvent irréductibles.
C'est donc avec une grande joie et une grande satisfaction que le
comité de législation de la Chambre des notaires voit
disparaître ces présomptions de survie, lesquelles seront
dorénavant remplacées par une règle très simple,
faisant disparaître toute discrimination à l'égard de qui
que ce soit, en établissant que lorsque plusieurs personnes sont
appelées à la succession l'une de l'autre sans qu'il soit
possible d'établir laquelle a survécu à l'autre, celles-ci
sont réputées décédées au même
instant, la succession de chacune d'elles étant dévolue aux
héritiers qui auraient été appelés à la
recueillir à défaut des personnes qui ont la mort dans de telles
circonstances.
Quatrièmement: Principe de l'égalité des
époux. La réforme relative à l'égalité des
époux, amorcée en 1964 par le projet de loi 16, poursuivie en
1970 par le projet de loi 10, se trouve enfin consacrée dans le projet
de Code civil.
La Chambre des notaires est heureuse qu'on soit enfin parvenu à
consacrer définitivement l'égalité entre les époux
et le libre exercice de leurs droits.
Cinquièmement: Régimes matrimoniaux,
fiançailles.
Dans la perspective du maintien comme régime légal de la
société d'acquêts, le comité de législation
de la Chambre des notaires, compte tenu des remarques et commentaires que vous
retrouverez dans la deuxième partie de notre mémoire, est en
principe d'accord avec le projet de Code civil. Cependant, certains membres du
comité 'préconisent une modification en profondeur du
régime légal, soit: Séparation de biens; réserve
obligatoire, à laquelle nul ne sera admis à renoncer, qui
s'appliquerait non seulement aux cas de décès, mais
également aux cas de séparation et de divorce, sauf
l'échéance prononcée par le tribunal et, enfin,
résidence de la famille.
Un tel régime légal éviterait tous les
problèmes de qualification des biens dans la société
d'acquêts. (11 heures)
Sixièmement, séparation de corps et divorce. Une seule
remarque pourrait être faite, en ce qui nous concerne, sur cette section
du droit de la famille. En effet, l'article 237 du livre II du projet de Code
civil, en utilisant le mot "notamment", donne plus d'expansion aux accords que
peuvent faire les époux à l'occasion d'une séparation de
fait. Il nous semble que la rédaction de cet article n'est pas conforme
au commentaire l'accompagnant, qui juge souhaitable de limiter le contenu de
ces accords aux conventions relatives à la garde des enfants et aux
charges du mariage, y compris les aliments. L'introduction du mot "notamment"
est de nature à créer une ambiguïté qui devrait
être dissipée.
Septièmement, adoption et filiation. Quant au chapitre concernant
la filiation, tout nous apparaît acceptable. En ce qui concerne
l'adoption, cependant, le comité de législation souhaite que les
effets résultant du placement de l'enfant en vue de l'adoption soient
modifiés.
En effet, de l'avis du comité, le second paragraphe de l'article
318 du livre deuxième du projet de Code civil doit être
abrogé. Les membres du comité estiment que la reconnaissance,
même tardive, de l'enfant par son père ou sa mère doit
mettre fin aux procédures d'adoption. Le comité est d'avis que,
tant que le jugement d'adoption n'est pas prononcé,
rétablissement d'un lien de filiation entre l'enfant et ses parents par
le sang doit être permis.
Huitièmement, obligation alimentaire. Les modifications des
règles actuelles apportées par les articles 336 à 349 du
livre II du projet de Code civil touchant à l'obligation alimentaire, de
même que la philosophie générale de cette section sont
apparues au comité comme très acceptables, et en
conséquence, nous sommes heureux de souscrire entièrement aux
articles proposés.
Neuvièmement, autorité parentale. Il est heureux que l'on
ait pensé à modifier, et ce, conformément à la
philosophie générale du droit de la famille, la notion
d'autorité parentale, laquelle se voulait autrefois comme le seul
apanage du père. Le projet nous propose de la partager entre le
père et la mère, ce qui nous semble tout à fait conforme
aux aspirations actuelles. Cependant, si "l'autorité est
attribuée aux parents pour leur permettre de s'acquitter de leurs
obligations envers leurs enfants", il ne semble pas y avoir d'autorité
d'attribuée aux parents pour qu'ils puissent exiger de leur enfant,
à tout âge, le respect qu'il leur doit.
Dixièmement, constitution d'un tribunal de la famille. Nous
sommes d'accord sur cela, mais le comité de législation prend
pour acquis que les questions d'ordre constitutionnel soulevées par la
création d'un tribunal de la famille seront réglées avant
la mise en vigueur du nouveau Code civil.
La réforme du droit de la famille, telle que proposée dans
le projet de Code civil, nous est apparue comme une amélioration
nécessaire à la situation actuelle et la Chambre des notaires du
Québec est d'accord en tout point avec les propositions de l'Office de
révision du Code civil dans son projet. Nous vous soumettons, cependant,
quelques remarques et observations sur la rédaction de certains
articles. Ces remarques et observations ne doivent pas être
interprétées comme étant un signe de désapprobation
ou de désaccord sur le fond, mais plutôt comme la manifestation
d'une ferme volonté de contribuer à l'amélioration du
droit civil et à la mise en vigueur, le plus tôt possible, d'un
Code civil renouvelé.
Deuxième partie. Nous nous contenterons dans cette
deuxième partie de vous présenter nos commentaires, article par
article, sur la primauté de l'intérêt de l'enfant, le nom
des époux et de
leurs enfants, les régimes matrimoniaux, le droit de la famille
et la constitution d'un tribunal de famille.
A moins que vous ne préfériez que nous le lisions au
complet, nous ne le ferons pas, mais nous demanderons quand même, dans ce
cas que le texte de cette deuxième partie soit incorporé
intégralement dans le procès-verbal de cette assemblée.
Nous sommes à votre entière disposition pour répondre aux
questions.
M. Bédard: Nous sommes d'accord pour donner suite à
votre suggestion d'inclure au journal des Débats la transcription de la
partie du mémoire que vous avez mentionnée. (Voir annexe)
Je voudrais remercier d'une façon tout à fait
particulière la Chambre des notaires du dépôt de son
mémoire devant les membres de la commission parlementaire. Au
début de son mémoire, la Chambre des notaires mentionne que le
rapport de l'Office de révision du Code civil est sorti d'un projet de
Code civil et que son dépôt à l'Assemblée nationale
n'a pas été une surprise pour la Chambre des notaires. Je pense
que c'est un des organismes qui peut le dire avec beaucoup de
crédibilité, je tiens à le mentionner et à vous en
féliciter, puisque c'est conforme à la réalité. La
Chambre des notaires, je crois, a été un des organismes qui a
apporté à l'Office de révision du Code civil une
contribution permanente, continuelle dans ses travaux.
D'ailleurs, lors du dépôt à l'Assemblée
nationale et de la cérémonie qui avait suivi au salon rouge, je
me rappelle que Me Crépeault avait tenu à souligner la
collaboration constante qu'il avait obtenue de la part de la Chambre des
notaires. Votre mémoire, comme on s'y attendait, est très
étoffé sur toutes les parties essentielles du chapitre 2 et je ne
voudrais pas être plus long qu'il ne le faut dans les questions, mais,
comme ce dépôt ne vous a pas pris par surprise, je suis convaincu
qu'étant donné votre collaboration constante avec l'Office de
révision du code civil, nos questions ne vous prendront pas par surprise
non plus, car nous nous attendons à une argumentation très
poussée de votre part sur certains points qui semblent litigieux, entre
autres, par exemple, la recommandation du Code civil que vous endossez
concernant le nom de l'enfant.
Vous dites, à la page 5 de votre mémoire, que vous
souscrivez d'emblée à la proposition de l'Office de
révision du Code civil sur le nom de l'enfant, à savoir le nom du
père. Cette recommandation de l'Office de révision du Code civil,
comme vous pouvez le constater, est une des plus contestées à
l'intérieur des mémoires qui ont été
présentés par les organismes qui ont précédé
le vôtre. Cette recommandation est contestée par ces organismes et
par d'autres, nous le savons, qui vont suivre au nom justement de
l'égalité des époux. Elle est contestée, parce que,
dans la plupart des mémoires, les participants allèguent que
cette recommandation du Code civil, si on y donnait suite, comme
législateurs, serait discriminatoire à l'égard des femmes
et ne rejoindrait pas l'égalité juridique des époux.
Comme vous avez explicité dans votre mémoire que vous
étiez très heureux de remarquer que le rapport de l'Office de
révision du Code civil traduisait une volonté
d'égalité des époux et que la recherche de cette
égalité des époux est un des principes de base de la
révision du Code civil, j'aimerais que vous explicitiez davantage votre
pensée, tenant pour acquis que vous avez à l'esprit la poursuite
de l'égalité des époux au niveau de nos lois, que cette
égalité se traduise au niveau de nos lois, je voudrais que vous
explicitiez davantage les raisons, les motivations qui vous ont amenés
à appuyer la recommandation de l'Office de révision du Code
civil.
Autrement dit, est-ce que vous pensez que cette recommandation de
l'Office de révision du Code civil traduit bien l'égalité,
la base d'égalité des époux qu'on veut rechercher, par la
refonte? Ou encore, est-ce que ce sont des considérations,
peut-être d'ordre pratique, qui vous ont amenés à soutenir
la même position que celle de l'Office de révision du Code civil,
qui est très contestée par tous les autres participants à
cette commission parlementaire?
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Earl Kimmel.
M. Kimmel: Nous n'avons pas discuté longtemps de ce point
lors de la préparation de notre mémoire, mais on a eu une longue
discussion là-dessus lors de la présentation de notre
mémoire à l'Office de révision du Code civil qui l'a
précédée.
A ce moment-là, nous étions un comité de sept ou
huit membres, y compris deux femmes, dont une mariée et l'autre
célibataire. Je mentionne cela pour vous dire qu'on était un
comité avec des représentations diverses.
M. Bédard: Sur ce point, vous étiez allés
chercher de l'expertise.
M. Kimmel: Oui. Des notaires. Une Voix: Minoritaire.
M. Kimmel: Minoritaire, quand même. Mais c'était par
pur hasard.
M. Bédard: On ne vous demandera pas si le vote a
été unanime.
M. Kimmel: Non, mais je vous répondrai à ce sujet.
Comme vous l'avez dit, M. le ministre, nous sommes entièrement en faveur
de l'égalité des conjoints. Il était nécessaire de
discuter de ce problème du nom des enfants et du nom marié de
chaque couple.
Quant aux enfants, il fallait dire que tout le monde, à une seule
exception, était en faveur du maintien du système actuel, qui est
d'ailleurs consacré par le projet du Code civil. Il y avait diverses
raisons, surtout des raisons d'ordre pratique. Il y a une continuité de
noms, de génération en génération, dans le
système actuel, au moins du nom paternel. Il y en a d'autres. Il y a
des
membres qui disaient que c'était dans la tradition et, pour
changer la tradition, cela prend un meilleur système. On n'a pas
été capables de trouver un meilleur système.
Moi-même, j'étais la minorité à ce
comité et j'avais suggéré le système espagnol ou
quelque chose de rapproché, où les enfants portent le nom et de
leur père et de leur mère, et la femme mariée laisse
tomber le nom de sa mère pour prendre le nom de son mari. Il n'y avait
aucun assentiment favorable de la part des autres membres de ce comité
à cette suggestion, même des deux femmes qui étaient
à notre comité à ce moment-là. C'est pour cela que
j'ai expressément mentionné le fait qu'il y avait deux femmes au
comité.
Quant au conjoint, actuellement, dans notre droit, la femme
mariée garde son nom de fille comme nom légal, même sans
texte de loi qui le dit. Mais notre droit civil actuel dit qu'on a le nom qu'on
a reçu à notre naissance; donc, cela veut dire, pour une femme,
son nom de fille. C'est une habitude que les femmes prennent le nom de leurs
maris une fois mariées. Mais c'est une tradition, une coutume. Ce n'est
pas une loi. (11 h 15)
Même dans nos actes notariés pour ceux qui ont suivi
nos discussions on fait toujours comparaître des femmes
mariées sous leur nom de fille suivi des mots "épouse de M.
Untel". C'est parce que, très souvent, les femmes signent en utilisant
le nom de leur mari, comme nom de famille. Même on va plus loin; pour nos
femmes notaires, nous avons toujours insisté, dès le
début, que la femme notaire, même mariée, porte dans ses
actes son nom de fille, parce que c'est son nom légal. Nous ne
permettons pas aux notaires, femmes mariées, de recevoir des actes sous
leur nom de femme mariée, parce que le nom légal a toujours
été et reste toujours leur nom de fille.
M. Bédard: Etant donné votre affirmation de base
dans le sens que vous souscrivez à la recherche et à la base
même de la révision du Code civil qui est la poursuite de
l'égalité des époux, est-ce que je traduis bien vos
explications en disant que c'est peut-être pour des raisons plutôt
d'ordre pratique et traditionnel, de respect de la tradition et de
difficultés de trouver un meilleur système que vous avez
opté pour endosser la recommandation du Code civil tout en...
M. Kimmel: Reconnaissant...
M. Bédard: En tout cas, je perçois cela chez vous.
... reconnaissant peut-être un peu que...
M. Kimmel: L'égalité qui...
M. Bédard: ... cette recommandation ne traduit pas
très bien, au niveau du nom, l'égalité des
époux.
Je pense que votre constatation de la complexité de trouver un
meilleur système, c'est la constatation que n'importe quel membre de la
commission a pu faire, que n'importe quel participant aux travaux de l'Office
de révision du Code civil a pu trouver. Est-ce qu'à la suite du
mémoire qui vient d'être présenté par M. Huot,
mémoire quand même très articulé, très
étoffé sur le point essentiel en fonction d'essayer de
résoudre la complexité, comme vous dites, de trouver un meilleur
système, est-ce que ce mémoire, dis-je, vous amène un
éclairage nouveau qui pourrait être de nature à faire
penser que c'est peut-être moins complexe qu'on peut le croire?
M. Kimmel: Le mémoire contenait une proposition fort
intéressante, mais, à première vue, cela brise une
tradition sans...
M. Bédard: Quoiqu'il y a passablement de traditions qu'on
va peut-être briser.
M. Kimmel: Oui, d'accord.
M. Bédard: Si on veut seulement respecter la tradition, on
ne changera peut-être pas grand-chose.
M. Kimmel: ... pour autant, d'après vous, apporter une
meilleure solution. Il y a une certaine fierté des noms de famille. Avec
la proposition de M. Huot, cela disparaîtrait, parce que, de
génération en génération, les noms de famille
changeraient.
M. Bédard: Et la fierté de la femme pour son nom de
famille? Je conçois qu'il y a une fierté, pour l'homme, pour son
nom de famille. J'imagine que vous attribuez cette même fierté
aussi à la femme pour son nom de famille.
M. Kimmel: Oui, mais il y a quand même, dans la situation
actuelle, possibilité pour le couple de donner comme prénom
à ses enfants, le nom de famille de la mère. Ce n'est pas la
solution idéale, nous sommes les premiers à l'admettre,
mais...
M. Bédard: Est-ce que la solution recommandée par
l'Office de révision du Code civil est une solution idéale?
M. Kimmel: Ce n'est pas une solution idéale, mais...
M. Bédard: C'est bien difficile d'en trouver une.
M. Kimmel:... c'est la meilleure solution qu'on ait vue
jusqu'ici.
M. Bédard: Non. Remarquez que je pose ces questions sans
préjuger de la décision gouvernementale qui sera prise, mais afin
de pouvoir, si je peux employer l'expression, tâter jusqu'à quel
point les mémoires des uns et des autres peuvent influencer certaines
prises de position explicitées dans des mémoires qui avaient
déjà été préparés il y a quelques
semaines.
Sur un autre point de votre mémoire, concernant le choix du
régime matrimonial, le mémoire fait état de la
préférence de certains membres de son comité de
législation c'est votre expression pour
l'établissement de la séparation de biens comme régime qui
devrait remplacer la société d'acquêts. Comme vous le
savez, les résultats d'une étude récente
établissent à 55% environ la préférence qui est
accordée à la séparation de biens contre 45% qui est
accordée à la société d'acquêts. Plusieurs
mémoires qui ont été présentés
déplorent cette situation et l'attribuent, en partie, au rôle de
conseiller du notaire, puisque la séparation de biens exige un acte
notarié. Est-ce que vous pourriez répondre à cette
affirmation qui est contenue dans certains mémoires? Est-ce que vous
pourriez nous préciser les raisons de la Chambre des notaires et
peut-être les raisons explicitées par vos clients qui les
orientent vers le régime de la séparation de biens?
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est Me Kimmel qui
répondra.
M. Kimmel: D'abord, la majorité du comité s'est
prononcée pour le maintien de la société d'acquêts
comme régime légal. Ce n'était qu'une forte
minorité qui pensait que la solution idéale serait plutôt
ce qu'on indique à la page 7 de notre mémoire. Ce que cette
minorité proposait n'était pas la séparation de biens
qu'on connaît actuellement, mais un régime de séparation de
biens auquel serait liée une réserve obligatoire en faveur du
conjoint, non seulement en cas de décès, mais en cas de
séparation ou de divorce, sauf l'échéance de sept jours
par le tribunal, et auquel était ajoutée également la
résidence de la famille, donc, aucun droit d'aliéner cette
résidence sans le consentement du conjoint.
La majorité de notre comité ayant opté pour la
société d'acquêts, on a voté pour le maintien de ce
régime légal pour des raisons d'équité et aussi de
tradition, parce que depuis un certain nombre d'années, c'est le
régime légal actuel. Ceux qui ont choisi plutôt la
suggestion minoritaire l'ont choisie à cause de la complexité du
régime de la société d'acquêts. Même en lisant
les articles du projet de Code civil actuel, il y a des difficultés. Le
projet essaie de bien éclairer les règles de ce régime. Il
y a des difficultés à savoir parfois si un bien quelconque est
d'acquêt ou à la fois l'un et l'autre, et dans quelle proportion.
Alors, il y a des problèmes de qualification et il y a des
problèmes de récompense qui sont très complexes, qui
amènent des difficultés lors d'un partage de la
société d'acquêts au moment du décès, au
moment d'une séparation ou d'un divorce.
La séparation de biens seule, sans réserve obligatoire et
sans la résidence pour la famille, amène, par contre, la
possibilité d'une égalité très frappante entre le
patrimoine des deux conjoints. C'est pour cela qu'il n'y a personne d'entre
nous qui soit pour la séparation de biens seule, comme régime
légal, sans la réserve.
Pour ce qui concerne votre deuxième question, à savoir
pourquoi beaucoup de jeunes couples optent pour la séparation de biens,
je pense, en toute honnêteté, que ce n'est pas parce qu'un
nécessite un acte notarié et l'autre ne le nécessite pas,
car, même quand on opte pour la société d'acquêts,
dans un très grand nombre de cas, un contrat de mariage se fait ou pour
faire une donation de biens meubles, d'effets de ménage par le mari
à la femme ou pour y inclure l'institution contractuelle, le testament
réciproque, à défaut d'un autre testament. Cependant, la
plupart des notaires expliquent à leurs clients les avantages et les
désavantages des deux régimes et le couple fait un choix en
conséquence. Il y a un bon nombre qui optent pour la
société d'acquêts. Il y a un bon nombre qui optent pour la
séparation de biens. Parfois, ils sont effrayés par la
complexité du régime de la société d'acquêts,
la nécessité de tenir compte, au cours du mariage, de ce qui est
propre et de ce qui est acquêt. Il y a beaucoup de femmes actuellement
qui travaillent, qui ont des carrières comme leur mari, qui ont leurs
propres biens et qui veulent la séparation de biens.
M. Bédard: Vous dites que chaque notaire explique à
ses clients les avantages et les désavantages de la
société d'acquêts et la même chose pour le
régime de séparation de biens. D'une façon
générale, est-ce que la Chambre des notaires croit que le
régime de société d'acquêts protège autant
les époux contre les tiers que le régime de séparation de
biens, en cas de mauvaise administration ou en cas de difficultés
financières?
M. Kimmel: La protection...
M. Bédard: D'une façon générale. Je
ne vous demande pas d'entrer dans les détails, mais, selon vous, de
façon générale, est-ce que les notaires croient que la
société d'acquêts protège mieux les époux ou
protège autant les époux que le régime de
séparation de biens, en cas de mauvaise administration ou en cas...
M. Kimmel: En gros, oui, sauf le recours éventuel des
créanciers contre la moitié des biens appartenant aux conjoints.
Mais c'est un recours éventuel plutôt qu'immédiat.
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Jacques Riverin, vous
avez manifesté l'intention d'apporter un complément de
réponse.
M. Riverin: Voici! Lorsque nous recevons un couple pour un
contrat de mariage, nous lui expliquons évidemment le régime de
la communauté de biens, le régime de la société
d'acquêts et le régime de la séparation de biens. Mais je
dois vous dire que la réaction du couple parce qu'ils sont
très rares, les couples qui se présentent dont les deux ne
travaillent pas une fois qu'ils sont mariés c'est qu'ils veulent
avoir leur indépen-
dance complète pour les biens qu'ils peuvent posséder.
Parce que, en société d'acquêts, les biens communs, par
exemple, les biens acquêts ne peuvent être donnés
gratuitement sans le consentement de l'un ou de l'autre.
La réaction que j'ai, à mon bureau, c'est que le couple,
l'homme et la femme travaillant l'un et l'autre, veulent être
complètement bien souvent maintenant l'épouse va gagner un
salaire supérieur à celui du mari indépendants pour
les biens qu'ils gagnent et pour administrer ces biens, une complète
indépendance.
Voici maintenant le désavantage, peut-être: Si le mari
achète une propriété et que la femme concourt, avec ses
économies, au paiement de cette propriété. Pour ma part,
je leur suggère d'acheter la propriété ensemble. Ils sont
propriétaires indivis de la propriété. L'un et l'autre des
époux ne peuvent rien faire sans le consentement de l'autre conjoint. Je
crois que c'est une protection en cas de divorce ou de séparation.
M. Bédard: Un dernier point, parce que je sais que mes
collègues ont plusieurs questions à poser également,
concernant une proposition que vous faites, une réserve sur les biens du
conjoint en cas de divorce ou de séparation de corps. Votre
mémoire fait état de l'opinion, encore là, de certains
membres du comité de législation de protéger les
époux en cas de divorce ou de séparation de corps par le biais
d'une réserve sur les biens de l'autre. (11 h 30)
L'office propose déjà une réserve au cas de
décès en faveur du conjoint survivant, c'est-à-dire la
moitié en propriété, une demi-propriété en
l'absence d'enfant et un quart en cas d'enfant. Pourriez-vous nous
préciser davantage comment fonctionnerait cette réserve dans les
cas de séparation et dans les cas de divorce?
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Kimmel.
M. Kimmel: Vu qu'il ne s'agissait que d'une opinion minoritaire,
nous ne nous sommes pas lancés dans les détails de cette
réserve dans le cas de séparation ou de divorce, sauf que nous
avons envisagé quelque chose de semblable à la réserve
proposée en cas de décès, mais avec droit pour le tribunal
de le modifier ou même de l'enlever dans des circonstances
justifiées. Donc, une réserve obligatoire, quitte au droit du
tribunal de la modifier, mais on ne l'a pas étudiée plus que cela
parce que c'est une opinion minoritaire seulement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Riverin.
M. Riverin: Je serais en faveur d'une telle réserve parce
qu'après des rencontres que j'ai eues avec des juges de la Cour
supérieure, justement dans le cas de séparation ou de divorce, le
problème est lorsque la propriété est au nom exclusif du
mari. Alors, le gros problème est là. S'il y avait une
réserve pouvant être enregistrée sur la
propriété du mari, lors d'une séparation ou d'un divorce,
la femme pourrait avoir une compensation.
M. Bédard: Cette protection qui serait accordée au
conjoint en cas de divorce ou de séparation s'ajouterait-elle ou
remplacerait-elle les avantages résultant de la société
d'acquêts?
M. Kimmel: Cela remplacerait ces avantages, parce qu'on n'a pas
ces avantages avec la séparation légale de biens ou même
une séparation conventionnelle de biens. Dans le cas de la
société d'acquêts, cela fait partie du régime que
chaque conjoint ait la moitié des acquêts de l'autre.
M. Bédard: C'est à titre de suggestion... M.
Kimmel: Oui.
M. Bédard: ... comme vous l'avez mentionné, cela
n'a pas été étudié en profondeur. Je vous remercie
quand même de la suggestion et j'imagine que les travaux de
réflexion vont continuer sur ce sujet en particulier. Alors, je
laisserais mes collègues...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais tout
d'abord remercier la Chambre des notaires du Québec de son appui, appui
quasi complet des propositions de l'Office de révision du Code civil en
ce qui concerne le droit de la famille, parce que je crois que c'est la
principale réaction que j'ai à la lecture de votre
mémoire. Vous le répétez d'ailleurs à plusieurs
endroits et c'est d'ailleurs le fait de la majorité des organismes qui
sont venus jusqu'à maintenant. J'espère que cet appui sera un
moteur, un facteur important dans l'action du gouvernement.
Je suis sûr qu'avec un appui aussi général
jusqu'à maintenant, le gouvernement se sentira beaucoup plus prêt
à légiférer rapidement pour répondre à
l'attente.
J'avais quelques questions que le ministre m'a volées. C'est
à peu près dans les mêmes secteurs. Je ne vous poserai donc
pas la même question, mais je voudrais souligner quand même la
contradiction entre votre déclaration à la page 7, où vous
dites que la Chambre des notaires est heureuse qu'on soit enfin parvenu
à consacrer définitivement l'égalité entre les
époux et votre appui de la proposition du nom patronymique de l'enfant.
Le ministre vous a posé un certain nombre de questions. Je vais vous en
poser seulement une.
Seriez-vous quand même prêts à étudier
après coup la proposition du Conseil du statut de la femme,
étoffée par le plaidoyer de M. Huot aujourd'hui, de façon
peut-être à nous donner une réaction un peu plus tard?
Je sais que c'est à défaut de meilleure solution que vous
vous êtes rangés, quoique vous-même, M. Kimmel, avez dit que
vous seriez même
prêt à aller dans ce qu'on appelle la formule "espagnole".
Je ne vous demande pas de me répondre maintenant, je vous fais la
suggestion.
Quant à la séparation de corps, vous proposez d'enlever le
mot "notamment" à l'article 237. Si je comprends bien votre suggestion,
c'est pour limiter la portée des accords que peuvent faire les
époux à l'occasion d'une séparation de fait. Suivant la
façon dont je lis votre mémoire, en ajoutant le mot "notamment",
on pourrait faire porter ces accords sur autre chose que la garde des enfants
et les charges du mariage. Pourquoi vous opposez-vous à ce qu'un tel
accord porte sur d'autres sujets?
M. Kimmel: Ce n'est pas tellement qu'on s'oppose à cela,
c'est que les commentaires sur cet article disent que de tels accords devront
être limités à ces sujets, mais le texte du projet, en
ajoutant le mot "notamment", donne l'impression que ce n'est pas limité
à ces articles-là. Alors, nous voudrions que, si l'intention des
rédacteurs du projet était ce qui est indiqué dans les
commentaires, le texte soit modifié ou sinon le commentaire devrait
être modifié.
M. Lalonde: Je comprends. On dit dans le commentaire: II a
été jugé souhaitable de limiter le contenu des accords
entre époux; à la page 173. C'est simplement par mesure de
rigueur de rédaction que vous faites cette suggestion.
Selon votre recommandation relative à l'article 318; cet article
318, en fait, au second paragraphe, ferme la porte. Je vais lire l'article:
"Sous réserve des articles 303 et 305, le placement en vue de l'adoption
fait obstacle à toute restitution de l'enfant à sa famille
d'origine." Le deuxième alinéa auquel vous vous opposez: "II
empêche également rétablissement d'un lien de filiation
entre l'enfant placé en vue de l'adoption et ses parents par le sang."
Vous proposez que pendant ce placement en vue de l'adoption, les parents par le
sang, pendant cette période, pourraient reprendre. Pourriez-vous
développer cette suggestion?
M. Kimmel: Selon nous, l'idéal est que l'enfant
reste avec ses parents naturels. Une fois le jugement d'adoption
prononcé, c'est fini ses liens avec ses parents par le sang, mais
jusqu'à ce moment-là, nous pensions que l'idéal serait que
l'enfant reste avec ses parents initiaux, et on voudrait que ces parents,
jusqu'à ce moment-là, puissent récupérer leur
enfant.
M. Lalonde: Le seul commentaire que nous avons de l'office,
concernant le deuxième alinéa, c'est que le deuxième
alinéa prévoit le cas où un enfant serait reconnu par son
père ou sa mère volontairement ou judiciairement après le
placement. Une telle reconnaissance n'aurait pas pour effet de changer
rétroactivement les circonstances qui rendaient l'enfant adoptable au
moment de son placement. Ces dispositions s'inspirent de l'article 352 du Code
civil français.
Alors, vous croyez qu'en vertu du principe de la reconnaissance des
parents par le sang, les conséquences désagréables, les
inconvénients de faire une rupture dans le processus d'adoption sont
moins grandes que le principe que vous mettez à la base de votre
raisonnement.
M. Kimmel: Oui.
M. Lalonde: Ce sont toutes les questions que j'avais. Je vous
remercie encore une fois de vos commentaires.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, Mme la Présidente. Vous allez
peut-être constater un certain embarras à la suite d'une
discussion savante entre notaires et avocats, mais j'ai retenu deux points sur
lesquels je voudrais vous demander certaines précisions.
Votre mémoire qui est très bien fait, comme on l'a
souligné, dans lequel vous insistez beaucoup sur le droit sacré
de l'enfant c'est la réforme de la famille, son
épanouissement vous mentionnez, quand vous parlez de
l'autorité parentale, quand vous faites allusion à l'ancien Code
civil ou au Code civil actuel, cette notion d'autorité qui, autrefois,
était le seul apanage du père.
Maintenant, vous avez des réserves à la page 32, je crois,
alors qu'à ce moment-là, on ne mentionne pas les... je vais vous
donner...
M. Bédard: Je voudrais faire remarquer au
député que ce n'est plus le cas, l'autorité n'est plus le
seul fait du père, parce que nous avons présenté un projet
de loi concernant l'autorité parentale qui a justement corrigé
cette situation et qui met sur un pied d'égalité, en termes
d'autorité, le père et la mère.
M. Le Moignan: C'est pour cela que j'ai dit, M. le ministre, que
je pouvais m'enfarger très facilement. C'est déjà
fait.
M. Bédard: Je le fais dans un but constructif.
M. Le Moignan: Je vous remercie beaucoup. Je n'ai pas toujours
suivi la commission sur la justice.
M. Bédard: Je le comprends.
M. Le Moignan: Justement pour revenir à ma question, vous
dites: Comment les parents pourront-ils inciter les enfants à remplir
l'obligation de respect prévu à l'article 352? Qu'est-ce que vous
entendez par: Forcer les enfants au respect envers les parents?
M. Kimmel: On parle des enfants encore soumis à
l'obligation...
M. Le Moignan: Les mineurs.
M. Kimmel: On pensait à des choses, par exemple, comme
l'obligation pour l'enfant de continuer à demeurer avec ses parents, si
les parents sont responsables pour son entretien et son éducation, comme
ils le sont envers les enfants mineurs; on pense que l'enfant devrait avoir
également l'obligation de demeurer avec ses parents, comme partie
intégrante de l'autorité parentale.
M. Le Moignan: Oui, mais si l'enfant décide de ne pas y
demeurer, est-ce que vous avez des suggestions, des moyens pour le forcer
à demeurer avec ses parents?
M. Kimmel: II n'y a rien à part les procédures
à la cour, il n'y a pas autre chose.
M. Le Moignan: Ma deuxième question serait sur le tribunal
de la famille. Vous émettez certaines réserves, vous parlez de
cette supermachine et vous mentionnez qu'au lieu de laisser un juge seul, vous
inclinez à penser à une autorité judiciaire
collégiale. Alors, quel seraient vos commentaires suite à votre
suggestion concernant le tribunal?
M. Kimmel: En ce qui concerne la supermachine, c'est un peu pris
hors du contexte, dans notre mémoire, c'est décrit comme
ça. Nous ne sommes pas opposés à toutes les
différentes possibilités prévues par le projet. Nous nous
opposons à l'obligation, pour chaque cas, de passer à travers
toutes ces étapes, c'est une chose. Pour ce qui concerne la
préférence pour un genre de collégiat plutôt qu'un
seul juge, c'est parce que dans de tels cas, il y a différents facteurs
qui sont en question, il y a des facteurs psychologiques, il y a des facteurs
humains, des facteurs légaux aussi. On pensait qu'avec des tribunaux,
comme on les envisage, toutes ces questions pourraient être prises en
considération en même temps par le groupe de juristes qui forment
le tribunal plutôt qu'un seul juge.
M. Le Moignan: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Drummond.
M. Clair: Mme la Présidente, ma première question a
trait à un point qu'a soulevé brièvement Me Riverin dans
sa présentation. L'article 78, tel que proposé par l'office,
prévoit l'enregistrement des conventions matrimoniales à la
diligence des parties. Le Barreau du Québec, à la page 35 de son
rapport, affirmait que, selon lui, il "n'y avait pas lieu de laisser à
la diligence des parties la responsabilité de l'enregistrement des
conventions matrimoniales . Cette modification majeure aurait pour effet
pratique d'éteindre la responsabilité du notaire dans ce domaine
et cette pratique serait, à la longue, très préjudiciable
aux futurs époux ". (11 h 45)
Sur ce point, dans un premier temps, j'aimerais connaître plus
précisément votre position. D'autre part, en ce qui concerne
l'article 61, relativement à la déclaration de résidence
des époux, l'office prévoyait que ce devait être fait par
l'un ou l'autre des époux, en forme notariée, en minutes.
Le Barreau du Québec, à la page 18, nous disait qu'il
s'opposait aux dispositions de l'article 61, qui oblige les époux
à le faire exclusivement et obligatoirement sous forme notariée
et en minutes, parce que la chose ne serait ni pratique ni utile pour les
époux. "Dans tous les cas, cette déclaration qui doit être
enregistrée pourrait valablement être faite par acte
notarié ou par bordereau".
On argumente ensuite: "Actuellement, en matière matrimoniale,
l'enregistrement de la demande en séparation de corps ou de divorce, de
même que l'hypothèque judiciaire, n'ont pas obligatoirement
à être notariés. Nous ne voyons pas pourquoi il en serait
autrement pour la déclaration de résidence familiale".
Etant donné que nous sommes au moins cinq avocats, je demande aux
notaires que vous êtes de nous convaincre de la nécessité
absolue de procéder par forme notariée, en minutes.
M. Riverin: Je répondrai, madame, à la
première question et un de mes collègues répondra à
la seconde.
Pour l'enregistrement des contrats de mariage, je suis parfaitement
d'accord avec vous qu'il doit être la responsabilité du notaire.
Pratiquement, dans mon cas, je n'ai jamais omis de faire enregistrer un contrat
de mariage, à cause des responsabilités qu'on peut encourir,
même si mes honoraires n'étaient pas payés... C'est
seulement une question de paiement d'honoraires ou non, cette
histoire-là.
Personnellement, dans ma pratique régulière, j'ai toujours
fait enregistrer le contrat de mariage, aussitôt que les gens
étaient mariés et je crois que cela devrait découler de la
responsabilité du notaire.
Quant à la deuxième question, un de mes confrères
pourra répondre.
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Lindsay.
M. Lindsay: Quant à l'article 61, nous avons un
commentaire dans la deuxième partie, à la page 29.
Dans le rapport que nous produisions à l'Office de
révision du Code civil, nous demandions que la déclaration de
résidence de la famille soit faite par les deux époux. Cette
recommandation n'a pas été retenue et nous tenons à la
maintenir. Le but que nous poursuivons en insistant sur cette demande est
d'éviter une surprise désagréable à l'autre
conjoint au moment où il désire disposer de la résidence
de la famille.
L'enregistrement d'une telle déclaration ne se fera, à
notre avis, que dans des situations particu-
lières précédant l'engagement des conjoints dans
les procédures de séparation ou de divorce.
Ici, nous nous entendons avec la position du Barreau,
c'est-à-dire que la déclaration de résidence de la famille
se fait au moment où cela commence à aller mal. On est d'accord
sur ce point. Quant au reste, on y reviendra.
Il n'est peut-être pas réaliste, dans ces circonstances,
d'exiger que la déclaration soit faite par les deux conjoints. C'est
pourquoi, comme alternative à notre proposition, nous suggérons
de retenir le texte du quatrième alinéa de l'article 65 du
rapport de l'Office de révision du Code civil, exigeant que le
régistrateur dénonce au conjoint du déclarant, par lettre
recommandée, l'enregistrement de la déclaration de
résidence.
Ce que suggère le Barreau, c'est que, en aucun temps, la
déclaration de résidence familiale soit faite par un praticien du
droit, en l'occurrence un avocat ou un notaire, mais un avocat, pour la raison
sur laquelle nous nous sommes entendus tout à l'heure, à savoir
que cette déclaration arrive, la plupart du temps, je dis bien la
plupart du temps, au moment où la chicane est prise, où le
torchon brûle, où la machine est à la veille d'exploser.
Mais il faut ajouter ici que cette déclaration peut se faire en d'autres
temps et, considérant les propositions faites par le Conseil du statut
de la femme, hier après-midi, qui demandait dans son mémoire
qu'en tout état de cause, la déclaration de la résidence
de la famille soit faite soit à l'achat, soit au contrat de mariage;
à ce moment-là, le feu n'est pas pris et, comme les notaires
sont, de par leur exercice quotidien, des spécialistes de
l'enregistrement, de la description de propriétés et du droit de
la famille, il nous semble qu'il leur appartient de conserver la
déclaration de résidence de la famille sous forme notariée
portant minutes.
Un autre argument qui pourrait peut-être aider les gens du
Barreau, c'est le conflit d'intérêts dans lequel vous pourriez
être placés, au moment d'une instance en divorce ou en
séparation de corps. A ce moment-là, l'avocat qui serait
appelé à rédiger la déclaration de résidence
de la famille pourrait être accusé de conflit
d'intérêts alors que, s'il faisait préparer ou s'il faisait
faire la déclaration par un notaire, il y aurait là un praticien
du droit indépendant, en dehors de la cause, qui viendrait vous
libérer complètement et vous donner un instrument tout à
fait adéquat pour pouvoir procéder ensuite, continuer vos
procédures en divorce et procéder au partage des biens des
époux.
M. Clair: Je vous avouerai que je ne vois pas tellement quel
pourrait être le conflit d'intérêts pour un avocat. C'est un
professionnel au même titre que le notaire. Je ne vois pas tellement de
quelle façon il pourrait se retrouver en conflit
d'intérêts. Bien sûr qu'il officie dans cette
cause-là, mais, quand même, je ne vois pas tellement le conflit
d'intérêts. Il me semble que, dans la mesure où le feu est
pris, pour employer votre expression, cela doit être d'autant plus facile
et doit être un recours qu'on peut exercer rapidement, la déclara-
tion de résidence familiale et, dans la mesure où cela peut
être une mesure que je dirais préventive je ne pense pas
qu'on doive adopter une attitude de toujours attendre que le feu soit pris pour
protéger les droits de quelqu'un encore là, il me semble
qu'on doit rendre cette mesure la plus accessible possible, puisque limiter le
recours au seul service d'un notaire pourrait, à la limite, dans
certains cas, diminuer l'accessibilité de la déclaration de
résidence familiale et de la protection qu'elle offre.
La Présidente (Mme Cuerrier): D'accord. Me Lindsay.
M. Lindsay: C'est personnel, peut-être que c'est
prêcher pour notre clocher, c'est peut-être chauvin, mais, dans les
quelques années que j'ai exercé, avant d'être au service de
la Chambre, et je pense que c'est la même chose pour chacun de mes
confrères notaires, les 2047 notaires de la province, il nous arrive
très souvent de trouver, dans des examens de titres, des descriptions
qui ne sont pas conformes aux exigences du Code civil, qui ne sont pas
conformes aux exigences de l'enregistrement, qui ont été
expédiées comme cela, sans trop rechercher. C'est pour la
protection de la valeur de l'enregistrement de la résidence de la
famille que nous tenons à ce qu'elle soit faite devant notaire, pour
être certain d'avoir une déclaration, parce que, dans
l'enregistrement, ce n'est pas ce qui précède la description et
ce qui la suit qui est tellement important, c'est la description de
l'immeuble.
Dans des règlements de succession faits par d'autres que des
notaires, dans des déclarations, vous me permettrez, M. le
député de Drummond, qui êtes avocat, peut-être de
jeter une pierre dans votre jardin, même dans l'enregistrement de
certains jugements sur certaines propriétés, la description de
"propriété" est affreuse et le régistrateur est mal pris
et, très souvent, il ne sait pas sur quel immeuble le faire porter.
C'est à toutes fins utiles pour assurer un meilleur enregistrement, un
enregistrement qui va valoir quelque chose.
M. Clair: Comme vous dites, sans vouloir jeter la pierre dans le
jardin d'un autre, je vous dirais que dans le jardin chez nous, le
régistrateur est très exigeant et il fait bien. C'est une partie
de la responsabilité du régistrateur de voir à ce que les
actes soient réellement conformes au Code civil avant de procéder
à l'enregistrement, quoique encore là, il peut sûrement se
glisser des erreurs. Je vous remercie pour vos réponses à ce
sujet.
J'aurais une deuxième question relativement à l'union de
fait. Il nous a été proposé que l'union de fait demeure un
libre choix, que les conjoints de fait soient considérés comme
des gens qui ont décidé de s'unir librement et que les
dispositions législatives au Code civil qui prévoiraient un
minimum de droits et de recours, par exemple, au niveau de l'obligation
alimentaire après la désunion des conjoints de fait, après
un certain nombre d'années, que cela n'existe pas, qu'on
respecte la liberté la plus absolue de ce côté et
qu'on prévoie simplement la possibilité pour des conjoints de
fait de faire des ententes matérielles, financières entre eux
dans le but de s'assurer qu'après une certaine publicité, les
conjoints de fait qui veulent se prévaloir de cette possibilité
le fassent.
J'aimerais connaître votre opinion en regard de ce type d'entente
qui pourrait avoir lieu, de son contenu par rapport aux régimes
matrimoniaux. Selon votre expérience pratique, qu'est-ce qui vous
paraîtrait le plus souhaitable? Est-ce que ce serait simplement de
permettre que des ententes financières, des ententes matérielles
interviennent, advienne que pourra de l'interprétation de ces ententes,
ou s'il ne serait pas préférable d'avoir un minimum d'obligations
fixées par la loi sans faire pour autant de l'union de fait une
institution comme le mariage? Je ne sais pas si vous avez des commentaires sur
cela.
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Kimmel.
M. Kimmel: II faut que je félicite les membres de la
commission parlementaire de trouver tous les points sur lesquels il n'y avait
pas unanimité chez nous.
M. Bédard: On vous remercie de nous préciser que ce
sont des points sur lesquels il n'y avait pas unanimité.
M. Kimmel: D'accord. Il faut dire que c'est peut-être le
sujet...
M. Clair: Vous nous comprendrez si nous aussi avons des
difficultés à nous entendre.
M. Kimmel: Vous venez de soulever le sujet sur lequel on a eu les
plus longues discussions et où cela nous a pris le plus de temps pour
arriver à une conclusion. Il y en a parmi nous, quand nous avons
commencé à en parler, qui pensaient qu'il ne fallait rien
accorder légalement, sauf de permettre des ententes de consentement
mutuel entre les conjoints de fait, du fait que ces gens ont choisi de vivre
ensemble sans la sanction légale du mariage légal. Au cours de
nos discussions, je pourrais dire que tout le monde est venu à la
conclusion qu'il fallait au moins une protection minime pour les conjoints de
fait, parce qu'il y a des circonstances qui la justifient très bien.
C'est le cas des conjoints de fait depuis 25 ans ou plus pour des raisons
particulières, qui ne pouvaient pas se marier. Advenant le
décès de l'un des deux, l'autre reste peut-être sans grands
moyens. Les difficultés que nous avions, c'était de
décider quelle est la protection légale qu'on devrait accorder.
Je pense qu'on en parle à un endroit dans notre mémoire. (12
heures)
On en est venu à la conclusion que le droit de succéder,
dans des successions ab intestat lorsqu'il n'y a pas de conjoint
légitime, devrait être permis au conjoint de fait. Mais je pense
que notre mémoire indique également que ce n'était pas une
position unanime. On parle d'une position minoritaire d'une personne
c'est encore moi qui pensait que la seule obligation légale qui
devrait exister dans ce cas, c'est l'obligation alimentaire, parce que
ça, c'est pour des vrais besoins. Moi-même, j'étais
d'opinion que, parce que les conjoints ont opté pour cette union un peu
en dehors du système légal, ce sont seulement les vrais besoins
qui doivent être réglés par la loi. Mais, ce sur quoi on
était tous d'accord, c'était qu'on ne devait pas accorder au
conjoint de fait un droit successible et l'obligation alimentaire. Ce pourrait
être l'un ou l'autre. On a opté en majorité pour le droit
de succéder et seulement s'il n'y a pas de droit de succéder,
l'obligation alimentaire.
M. Clair: Mais prévoiriez-vous la possibilité
d'entente financière ou matérielle supplémentaire à
cette protection minimale de la loi et la possibilité d'y renoncer si
les gens veulent renoncer à cette protection minimale?
M. Kimmel: En ce qui concerne l'entente, oui, cela devrait
être possible, à condition que ça ne prive pas le conjoint
légitime, s'il y en a, de son droit de réserve, parce que sinon,
ce serait un moyen très facile de contourner la réserve. En ce
qui concerne le droit d'y renoncer, cela devrait être permis aussi. On
peut très bien penser à des cas où ce ne serait pas
nécessaire que le conjoint de fait ait des droits.
M. Clair: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): Merci, Mme la
Présidente. Me Kimmel, l'Office de révision du Code civil,
à la page 69 ou 68 de son livre 2, propose de maintenir la
possibilité pour les époux, lors de leur contrat de mariage, de
renoncer à certaines protections. Exemples: Institution contractuelle,
donations à cause de mort, de même succession ou renonciation non
ouverte. Ne croyez-vous pas que cette liberté, accordée
très tôt aux époux en fait, le mariage n'est souvent
même pas fait peut priver les époux justement d'une
protection dont ils pourraient éventuellement avoir besoin plus tard et
qu'en conséquence, le contrat de mariage retirerait d'une main ce que la
loi offre de l'autre main pour la protection des époux?
Quelle est la position de la Chambre des notaires là-dessus?
J'espère ne pas avoir trouvé un autre point où vous
étiez en désaccord.
M. Kimmel: Oui, vous l'avez trouvé.
M. Vaillancourt (Jonquière): J'en ai trouvé un
autre. Bon!
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Kimmel.
M. Kimmel: Notre discussion était plutôt autour de
la question de la réserve en cas de décès. Au
début, on ne voulait pas que, dans le contrat de mariage, on puisse
renoncer d'avance à cette réserve et, parmi nous, il y avait
probablement au moins la moitié qui était carrément contre
cette possibilité parce qu'on voyait la possibilité que ça
devienne une clause de style même dans les contrats de mariage, comme
l'ancienne renonciation au droit de douaire. C'était
inséré dans tout contrat de mariage qu'il n'y aurait pas de
douaire, même quand les gens ne savaient trop de quoi il s'agissait.
Le problème de ne pas permettre cette renonciation et les autres
dont vous avez parlé en est un qui fait qu'il y a toutes sortes de
mariages qui se produisent. Il n'y a pas seulement le cas d'un jeune couple,
disons, de 20 ans ou de 25 ans qui se marie, qui n'est pas en moyens et toute
la vie est devant... Mais il y a aussi les cas d'un second mariage... Disons,
si on veut on pense souvent à protéger la femme dans ces
cas-là le cas d'une femme qui possède déjà
des moyens considérables, qui se marie à un jeune homme qui n'a
pas grand-chose c'est rare mais il y a le cas de gens qui se
marient pour la première fois, non pas à 20 ans ou à 25
ans, mais plus âgés, et qui possèdent déjà
des moyens. Alors, autant cela ne serait-il pas juste de priver surtout la
jeune femme de son droit à la réserve quand elle se marie
à 20 ans, autant n'est-il pas nécessaire de le rendre obligatoire
dans le cas d'une veuve de 50 ans qui se remarie avec un veuf. Alors, n'ayant
pas pu trouver des solutions différentes pour chacun des cas possibles,
on a décidé qu'il fallait permettre la renonciation mais nous
nous sommes dit qu'advenant l'adoption du projet du Code civil, nous ferons une
grande campagne de publicité à l'intérieur de notre
profession pour que cette clause ne devienne nullement une clause de style,
mais que cela soit clairement expliqué et que les conséquences
soient clairement exposées à chaque couple lorsqu'il viendra
signer un contrat de mariage.
Donc, la jeune femme de 20 ans qui se marie ne sera nullement d'accord
pour y insérer une telle clause. Pourtant la veuve de 50 ans va
peut-être y consentir, parce qu'elle n'aura pas besoin d'hériter
d'une réserve de la part de son deuxième mari.
M. Vaillancourt (Jonquière): Mais, dans le même
ordre d'idées, si on s'en rapporte aux jeunes couples seulement,
avez-vous des indications ou des statistiques qui vous démontreraient la
popularité de la renonciation à ces clauses par les jeunes
couples en particulier, actuellement ou depuis des années?
M. Kimmel: Actuellement, il y avait l'ancien droit de douaire qui
est disparu depuis longtemps. Quand il existait, la renonciation faisait partie
de presque tout contrat de mariage, mais ce droit de douaire était
compliqué. C'est que l'usufruit était remplacé surtout par
les donations qui étaient faites dans le même contrat de mariage
par le mari à son épouse. La renonciation au droit de douaire
était quelque part justifiée par ce qui le remplaçait. On
voyait rarement des contrats de mariage dans ce temps où il y avait
renonciation au droit de douaire mais aucune donation par le mari à sa
femme.
Actuellement, vous mentionnez l'institution contractuelle. C'est une
option. Ce n'est pas un droit qui existe actuellement auquel il faut renoncer
dans le contrat de mariage. C'est plutôt le contraire. Si on veut
l'avoir, on l'insère dans le contrat de mariage. Alors, il y a beaucoup
de couples qui le veulent. Il y en a d'autres qui ne le veulent pas, même
encore, l'institution contractuelle, c'est un testament réciproque
à défaut de testament antérieur, en gros. C'est bien
justifié pour un jeune couple qui n'a aucune responsabilité
envers d'autres personnes, mais, dans le cas d'un veuf et d'une veuve, ce n'est
pas nécessairement justifié, parce qu'ils peuvent avoir leurs
propres enfants et d'autres responsabilités. Alors, dans ce cas, on ne
le met pas dans les contrats de mariage. Il y a beaucoup de contrats de mariage
qui contiennent l'institution contractuelle. Il y en a bien d'autres qui ne la
contiennent pas.
A l'article 59 du même livre, dans un autre ordre d'idées,
l'office dit ceci: "L'époux propriétaire d'un immeuble de moins
de quatre logements qui sert en tout ou en partie de résidence
principale à la famille et contre lequel une déclaration de
résidence a été enregistrée ne peut, sans le
consentement de son conjoint, l'aliéner..." ce avec quoi je suis
d'accord "... le louer..." louer la partie réservée
à la famille, ce avec quoi je suis d'accord "... et
également le grever d'un droit réel". Je vous avouerai
franchement que, personnellement, je trouve cette partie abusive, le fait de
soumettre au consentement du conjoint le fait pour l'époux
propriétaire d'un immeuble contre lequel une déclaration de
résidence est enregistrée, le droit réel... Je voudrais
savoir quelle est la position de la Chambre des notaires à ce sujet.
Un époux est propriétaire d'un immeuble. Une
déclaration de résidence est enregistrée. Il a des
problèmes financiers. Une des seules façons pour lui de s'en
sortir est d'enregistrer une hypothèque sur son immeuble. La femme, pour
plusieurs raisons, s'oppose, ne donne pas son consentement. A ce moment,
n'arrive-t-on pas justement à créer ou n'arriverait-on pas
à créer une situation quelque peu abusive? Quelle est la position
de la Chambre des notaires là-dessus?
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Riverin.
M. Riverin: Je ne donnerai pas l'opinion de la Chambre des
notaires, je vais donner mon opinion personnelle. Si l'on veut
réellement protéger la résidence familiale et en
même temps avoir des logements dans cette résidence familiale, je
ne vois pas comment on ne peut pas faire enregistrer cette déclaration;
autrement, s'il n'y a rien d'enregistré, le mari va faire ce qu'il
voudra. Il pourra l'hypothéquer, la vendre, l'aliéner, la donner,
sans
aucune restriction quelconque. Sincèrement, je ne vois pas en
quoi cette déclaration ne pourrait pas être enregistrée
sous cet aspect-là, même s'il y a plusieurs logements dedans.
Parce que, dans les faits, il ne faut pas faire une loi qui s'applique
seulement à des exceptions. Normalement, si les époux
s'entendent, s'il arrive quelque chose, la femme consent. C'est justement ce
qu'on reprochait à la communauté de biens, c'est-à-dire
que le mari pouvait disposer de quoi que ce soit sans le consentement de son
épouse.
M. Vaillancourt (Jonquière): D'accord, mais on peut avoir
une propriété qui a une valeur réelle de $25 000 et on
oblige le propriétaire, pour une hypothèque de $5000, à
obtenir le consentement de son conjoint, parce qu'on ne précise pas
ici.
M. Riverin: C'est là qu'est la protection de
l'épouse. Si vous l'enlevez, il n'y aura plus de protection.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: J'essaierai seulement de réagir à la
préoccupation du député de Jonquière. Si on ne veut
pas rendre illusoire le droit de l'épouse ou de l'autre conjoint,
disons, je pense que l'on doit même limiter la création de droit
réel ou l'assujettir au consentement, sinon vous allez avoir une
propriété qui est censée être la résidence
familiale et, pour prendre votre exemple, le propriétaire a des
problèmes financiers; il peut emprunter le maximum possible sur la
maison, disposer de l'argent, des fonds empruntés et
l'équité va rester quasiment à rien. Alors, il aura fait
indirectement ce qu'il ne peut pas faire directement. Cela enlève la
protection qui est désirée par le législateur ou qui est
proposée par l'office.
M. Bédard: Est-ce qu'il y a d'autres...
La Présidente (Mme Cuerrier): II y a Me Kimmel qui voulait
ajouter, je pense...
M. Kimmel: Malgré le fait que, dans certaines
circonstances, vous ayez raison, cela peut empêcher une
hypothèque, tel que M. le député Lalonde l'indique, il n'y
a pas d'autre solution pour éviter des fraudes, surtout dans les cas
où cela commence à mal aller, l'hypothèque au maximum, ou
faire grever l'immeuble d'une servitude qui lui enlève toute sa valeur,
juste pour nuire au conjoint; en fait, on recommence à prendre de
l'argent et à le mettre dans les poches du conjoint qui l'a fait. Je
pense qu'il n'y a pas d'autre solution.
M. Vaillancourt (Jonquière): Ce que je voulais dire, c'est
que je considérais comme normal qu'on oblige l'époux, pour
aliéner l'immeuble, à obtenir le consentement; je
considère normal qu'on obtienne le consentement pour louer la partie
réservée à la famille. Là, on protège
réellement la rési- dence familiale. Je trouvais quelque peu
abusif le fait que l'on oblige également l'époux à obtenir
le consentement pour la création d'un droit réel qui, bien
souvent, s'avère nécessaire et qui, bien souvent, est très
peu élevé par rapport à la valeur réelle de la
propriété.
M. Lalonde: C'est là que je serais d'accord avec vous,
parce qu'au fond, ce qu'on veut, c'est protéger non pas la moitié
indivise de la propriété, parce qu'il n'y a pas de
propriétaire, l'autre conjoint n'est pas propriétaire indivis ou
à 50%. Ce qu'on veut protéger, c'est la résidence
familiale, que l'épouse ou l'autre conjoint qui n'est pas
propriétaire ne se voit pas tirer sous les pieds une résidence
sans son consentement. Mais, puisque la création d'une hypothèque
peut être une façon indirecte...
M. Vaillancourt (Jonquière): Dans certains cas.
M. Lalonde: ... pour simplement emprunter le maximum, prendre les
fonds et les placer ailleurs, ne pas rembourser, et le créancier
hypothécaire, en vertu de toutes les clauses savamment écrites
par les notaires pour protéger les prêteurs, c'est normal, prend
possession de l'immeuble et la résidence familiale...
M. Vaillancourt (Jonquière): J'espère que ma femme
va vouloir donner son consentement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Kimmel.
M. Kimmel: Si le but cherché par cet emprunt ou cet autre
droit réel affectant l'immeuble n'est pas de léser le conjoint,
il n'y a pas de raison pour laquelle le conjoint ne soit pas d'accord sur
l'hypothèque ou sur la création de l'autre droit réel.
M. Vaillancourt (Jonquière): Espérons-le.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme le député
des Iles-de-la-Madeleine. (12 h 15)
Mme Leblanc-Bantey: Je m'excuse de revenir sur une question qui a
déjà été posée par deux hommes. Je les en
félicite d'ailleurs. J'espère que leur compréhension
verbale a des résonances très profondes. Je parle de
l'attribution du nom. Le député de Marguerite-Bourgeoys a
parlé de contradiction. Vous dites que "la Chambre des notaires est
heureuse, et je le répète, qu'on soit enfin parvenu à
consacrer définitivement l'égalité entre les
époux". D'autre part, vous dites: "On souscrit d'emblée", vous ne
souscrivez pas à moitié ou à peu près, parce que
vous n'avez pas trouvé la solution idéale, mais d'emblée
à la proposition du Code civil qui veut qu'on transmette le nom du
père à l'enfant. Ce n'est pas une question, c'est plutôt un
commentaire. A mon avis, c'est plus que de la contradiction, c'est une
espèce d'aberration. Comment pouvez-vous être pour
l'égalité des conjoints et, d'autre part, vous dites que vous
souscrivez d'emblée?
Est-ce qu'on pourrait dire, dans le fond, que c'est le conservatisme ou
la paresse qui vous a amenés à une telle conclusion, puisque vous
ne trouvez pas de solution idéale?
M. Kimmel: Je pense que ce n'est ni le conservatisme, ni la
paresse, mais deux choses. L'égalité des conjoints est
conservée en ce qui concerne les conjoints eux-mêmes, parce que,
comme je l'ai déjà mentionné, la femme mariée garde
son nom propre, elle le garde déjà et c'est consacré dans
le projet du Code civil, peut-être encore plus clairement que dans le
droit actuel. Donc, en ce qui la concerne elle-même personnellement, il
n'y a pas d'inégalité et nous sommes entièrement d'accord
avec les propositions du Code civil là-dessus. Enfin, le nouveau projet
exprime plus clairement ce qu'est ta situation actuelle, ce qui a
été notre pratique en parlant des femmes notaires mariées,
ce que j'ai mentionné tout à l'heure.
Pour ce qui concerne les enfants, je le répète, on a
discuté de ce sujet, donc on n'était pas trop paresseux pour en
parler, on n'a pas trouvé de solution qui éviterait la confusion
et, je le répète, devant une situation où on était
sept ou huit membres d'un comité, y compris des femmes, comme
moi-même j'ai lancé la tradition du système espagnol, il
n'y en avait pas d'autres dans le comité qui étaient favorables
à autre chose que le système actuel, parce que c'est clair, tous
les enfants ont le même nom de famille et ce serait juste que des
frères et soeurs aient le même nom de famille.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, on serait en faveur d'une autre
solution, si on trouvait une meilleure solution, maison n'en a pas
trouvée. Cela veut dire c'est évident, je ne suis pas
Québécois d'origine, tous les membres du comité le sont
qu'il n'y en avait pas d'autres qui trouvaient qu'il fallait modifier la
solution existante depuis une centaine d'années.
Mme Leblanc-Bantey: Quand vous parlez tradition, c'est
complètement en contradiction, là c'est vrai, entre
l'égalité des époux et la tradition. Tout le monde sait
que les femmes se battent depuis des années justement parce que la
tradition les encarcane et les limite dans leur droit d'être reconnues
comme des personnes autonomes responsables et adultes. Quand on parle
d'égalité des conjoints, c'est aussi la reconnaissance officielle
de la maternité, aussi bien que de la paternité. Si je comprends
bien, même si vous avez souscrit d'emblée à la solution qui
était préconisée, vous n'êtes pas
complètement fermé à une autre solution, ce serait cette
fois-ci vraiment plus égalitaire que celle proposée par l'Office
de révision du Code Civil, parce que vous comprenez l'importance de
votre groupement et la responsabilité que vous assumez, quand vous
prenez de telles positions.
M. Kimmel: On aimerait une meilleure solution. Parce qu'en tout
point, on est en faveur de l'égalité de la femme et je pense que
ça paraît...
Mme Leblanc-Bantey: Ne parlez plus des traditions.
M. Kimmel: ... dans notre mémoire. Quant au nom de famille
des enfants, si on trouvait une meilleure solution qui serait, à la
fois, pratique, on serait certainement d'accord avec elle. Le problème,
c'est qu'on n'en a pas trouvée, et la seule raison pourquoi je parle de
la tradition, c'est qu'on est en faveur de briser beaucoup de traditions, on le
fait dans notre mémoire et dont la première importance est
l'inégalité qui existait autrefois chez la femme
mariée.
Mais pour changer quelque chose, il faut trouver une meilleure solution.
Nous ne sommes pas pour changer juste pour le plaisir de changer. Quand on
brise une tradition, c'est parce qu'on a trouvé quelque chose de
meilleur. On n'a pas trouvé de meilleure solution encore.
Mme Leblanc-Bantey: Je pense que les femmes ne veulent pas non
plus bousculer toutes les traditions, mais il y a vraiment des traditions qui
sont difficiles à assumer.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice.
Mme Leblanc-Bantey: Est-ce que je peux terminer? Est-ce que vous
me permettez une toute petite question sur la résidence familiale?
M. Bédard: Certainement, au nom de
l'égalité.
Mme Leblanc-Bantey: Pardon?
M. Bédard: Je vous en prie, au nom de
l'égalité.
Mme Leblanc-Bantey: Merci. Vous êtes très
gentil.
Le Conseil du statut de la femme recommande par exemple, qu'on ne tienne
pas compte de la recommandation de l'Office de révision du Code civil
qui dit que l'époux propriétaire d'un immeuble de moins de quatre
logements qui sert de résidence familiale, donc celui qui aura plus de
quatre logements, pourra en disposer à sa guise.
Il propose qu'on annule complètement l'idée de quatre
logements pour que n'importe quel immeuble qui soit aussi une résidence
familiale soit aussi simplement considéré sur le même pied
que les autres, parce que des immeubles de quatre logements, c'est très
courant.
Quelle est votre position à ce sujet, qu'on abolisse la
restriction de quatre logements?
M. Kimmel: L'idée de quatre logements n'est pas une
nouvelle idée dans le projet. Cela existe déjà dans la Loi
de la protection du consommateur et probablement ailleurs aussi. Lorsqu'il y a
plus de quatre logements, il s'agit déjà d'un placement, d'un
investissement, plutôt que d'une résidence familiale qui serait
là plutôt par hasard que pour d'autres raisons.
S'il s'agit d'un bâtiment de plus de quatre logements, cela peut
être l'investissement principal des conjoints en question et on ne
voudrait pas les empêcher de faire quoi que ce soit avec leur
investissement. C'est pour cela qu'on était catégorique sur ce
sujet. Le principe de distinguer entre les bâtiments de moins de quatre
logements et ceux de plus de quatre logements existe déjà dans
notre droit.
Mme Leblanc-Bantey: M. Riverin disait que la plupart des cas
qu'il avait, lui c'est pour cela que je disais que vous avez
certainement des clientèles très spécialisées
c'était que la femme était très autonome et voulait
complètement l'indépendance; ce qui appartenait à l'un
appartenait à l'un et ce qui appartenait à l'autre, appartenait
à l'autre. On sait fort bien, comme c'est déjà
mentionné là, que très souvent, c'est vrai, l'homme va
payer l'hypothèque, mais le salaire de la femme va servir à payer
des meubles, va servir à payer de la nourriture, va servir à
payer des choses qui disparaissent et qui, au bout de dix ans, n'ont plus
aucune valeur, alors que l'argent que l'homme a investi sur son immeuble, il
peut toujours le vendre et en profiter.
Dans ce sens-là, c'est un peu injuste de limiter à un
immeuble de quatre logements, parce que même si cela a une valeur
commerciale... Je ne vois pas pourquoi, dès le moment où cela
aurait une valeur commerciale, ce ne serait plus intéressant pour la
femme.
M. Clair: Ce n'est même pas quatre, c'est de moins de
quatre logements. De moins de quatre.
Mme Leblanc-Bantey: C'est un peu dans ce sens-là.
D'autre part, au niveau de la résidence familiale, vous avez dit
que, de toute façon, ce n'était pas vraiment nécessaire de
réagir tant que le feu n'était pas pris. Vous semblez prendre un
malin plaisir à jouer au pompier. Le problème qui arrive, c'est
quand le feu est pris, c'est souvent la femme qui s'en tire la plus appauvrie
dans le couple. Et je pense que les avocats de l'aide juridique pourront
certainement vous apporter des statistiques qui prouvent que, dans des cas
comme cela, la femme est souvent beaucoup plus pénalisée que
l'homme.
Vous dites que ce sont des privilèges qui devraient nous demeurer
d'enregistrer le droit de résidence familiale. Les avocats disent: Dans
le fond, on ne voit pas pourquoi cela resterait aux notaires. Peut-être
que les avocats pourraient en prendre aussi.
La solution du Conseil du statut de la femme, à mon avis,
m'apparaît extrêmement simple. Elle dit: L'obligation qui est faite
à l'un ou l'autre des conjoints de faire la déclaration en forme
notariée, par minutes, nécessite des déboursés et
des démarches qui peuvent entraîner le non-exercice de ce droit.
Le but poursuivi n'aura pas alors été atteint.
Elles proposent que la formalité doit être amoindrie et
qu'une formule les regroupant pourrait être disponible dans tous les
bureaux d'enregistrement et une clause type pourrait même être
incluse dans le contrat d'achat de la résidence familiale. Il me semble
que cela est de simplifier tout le problème et cela vous enlève
un paquet de troubles, cela vous évite d'avoir à réagir
une fois que le feu est pris cela doit être difficile dans
certaines situations pourquoi n'acceptez-vous pas une solution qui
semble aussi simple que celle-là?
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Binette avait
manifesté l'intention d'intervenir et Me Riverin.
M. Binette (Gaston): Simplement pour répondre un peu
à Mme le député, maître, je ne sais pas si c'est
maître?
Mme Leblanc-Bantey: Madame. Non, je ne suis pas avocat. Parfois
je me dis: Dieu m'en garde, en entendant les discussions.
M. Binette: Madame le député, tout d'abord, vous
dites que le conjoint... Cela ne se présente pas, ces choses-là
que vous mentionniez, l'enregistrement du domicile, seulement lorsqu'il est
propriétaire ou pas, cela peut arriver, si le couple n'est pas
propriétaire. Comment est-ce que cela va s'enregistrer, si ce n'est que
par l'acte de vente ou par le contrat de mariage?
Mme Leblanc-Bantey: S'il n'est pas propriétaire, il est
à loyer à ce moment-là.
M. Binette: Oui.
Mme Leblanc-Bantey: II n'y a pas de problème, la femme ne
perd rien, le loyer lui reste quand même.
M. Binette: Elle ne perdra rien quant à la
résidence familiale, je suis d'accord, mais, quant à la
résidence, non, vous avez parfaitement raison, évidemment. C'est
une question de protection de la résidence familiale dont il est
propriétaire. Je pensais à la résidence, quant à
l'habitation tout simplement du couple...
Mme Leblanc-Bantey: Non, c'est la résidence familiale dont
il est propriétaire.
M. Binette: ... ou de la femme qui élit domicile
après... Je pense que Mme la Présidente m'avait donné la
parole. Je ne l'avais pas demandée, mais, à tout
événement, je vous remercie quand même. Je vais laisser mes
confrères répondre à cette question.
Mme Leblanc-Bantey: A première vue, sauf le
privilège que cela vous enlèverait d'avoir le droit
d'enregistrement, est-ce que vous seriez contre une solution comme
celle-là?
M. Binette: Ce n'est pas une question d'enlever un
privilège ou pas, je pense bien que c'est une question de donner cet
avis...
Mme Leblanc-Bantey: Je ne devrais pas présumer, je m'en
excuse.
M. Binette: ... dans la meilleure forme possible pour la
meilleure protection possible du client en question. Etant donné que le
notaire est un spécialiste du droit immobilier et que cela touche
à l'immeuble, c'est la raison pour laquelle on prétend que l'acte
authentique serait encore la meilleure protection pour la femme...
Mme Leblanc-Bantey: Je suis d'accord.
M. Binette: ... mais dans un but de meilleure protection.
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Riverin.
M. Riverin: Tantôt, je voulais faire une remarque, mais
madame a modifié un peu son expression en disant: Ne me parlez pas de
tradition. Je veux tout simplement dire que certaines traditions font partie de
notre patrimoine culturel.
Mme Leblanc-Bantey: Ah! mais je l'ai souligné.
M. Riverin: Ah! oui, justement, vous l'avez souligné, lors
de ma remarque, mais, la première fois, vous ne l'aviez pas
souligné.
Mme Leblanc-Bantey: Quant à la tradition du nom
patronymique.
M. Riverin: En tout cas, disons que c'est tout sur ce
point-là. Quant à la suggestion du rapport dont on nous a fait
mention, c'est une chose théoriquement possible qu'il y ait des formules
au bureau d'enregistrement que la dame ou le monsieur n'aurait qu'à
remplir, si la femme est propriétaire, mais il faut que la
désignation soit bien déterminée et bien décrite
sur cette formule. C'est tout simplement parce qu'on voit souvent des
successions qui sont réglées et, pour avoir un permis de disposer
du gouvernement, il faut avoir la désignation exacte. Bien souvent, on
n'a qu'un numéro civique sur les permis de disposer. Evidemment, si on
avait plus de garanties que les déclarations soient bien faites, je
n'aurais pas d'objection, en principe, à ce que de telles formules
soient faites, mais il faut nécessairement que la personne qui fasse la
déclaration soit bien au courant pour que la désignation
cadastrale soit parfaitement décrite.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre de la
Justice.
M. Bédard: Mme la Présidente, à moins qu'il
n'y ait d'autres questions de la part des membres de la commission
parlementaire, je voudrais remercier à nouveau la Chambre des notaires
et son président, M. Riverin, de la collaboration très efficace
qu'ils ont apportée à la commission et peut-être en
même temps les inviter à continuer la réflexion sur
certains points chauds qui ont été soulignés à leur
attention par les membres de la commission parlementaire.
Je me permettrais, avec votre permission, Mme la Présidente, de
profiter peut-être de cette occasion pour souligner qu'au niveau du
ministère de la Justice, dans tous les travaux concernant la
réforme du Code civil, nous pouvons compter sur l'expertise, la
compétence d'un notaire, je pense, respecté, très
respecté au niveau de la probation, au niveau du Québec aussi,
dans la personne de Me Marcel Guy qui est ici.
Egalement, dans le groupe d'expertise qui nous aide présentement
à cogiter et à faire avancer les travaux, nous pouvons compter
aussi sur la personne de Me Claude Rioux, qui devra cependant peut-être
nous quitter, étant donné sa récente nomination à
la Cour supérieure.
Nous avons aussi je pense que les dames se posent la question
à savoir si l'élément féminin y est
représenté Me Denise Guay-Archambault et Me Renée
Desrosiers-Delanauze. On voit, par le nom, qu'il commence à y avoir une
certaine pratique qui est mise en vigueur. De même, nous pouvons compter
sur la collaboration de M. le juge Gérard Trudel. Alors, je vous invite
à continuer cette coopération et aussi la réflexion sur
certains points. Soyez bien à l'aise aussi pour nous informer, parce que
c'est humain et normal, au cas où vous auriez changé
d'idée sur certains points.
M. Riverin: Nous n'y manquerons pas.
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, cette commission
parlementaire remercie la Chambre des notaires de sa participation et nous
ajournons nos travaux sine die.
Fin de la séance à 12 h 31
Reprise de la séance à 16 h 43
Le Président (M. Jolivet): A l'ordre, s'il vous
plaît! La commission de la justice est réunie pour étudier
les mémoires.
Sont membres de cette commission: M. Alfred (Papineau), M. Bédard
(Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M. Charbonneau (Verchères), M.
Clair (Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne), M.
Lalonde (Marguerite-Bourgeoys) remplacé par M. Ciaccia (Mont-Royal); M.
Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière).
Nous en étions rendus, ce matin, à l'étude du
mémoire de la Commission des services juridiques. J'inviterais à
venir s'installer à la table, Me Suzanne Pilon.
J'aimerais que, pour les besoins, vous vous identifiiez.
Commission des services juridiques
M. Lafontaine (Yves): M. le Président, M. le ministre, ce
n'est pas Suzanne Pilon qui vous parle. C'est Yves Lafontaine qui est le
président de la Commission des services juridiques. A ma gauche, pour
m'aider au niveau technique et au niveau de la présentation du
mémoire, Jacques Lemaître-Auger, du service de recherche de la
Commission des services juridiques; Suzanne Pilon, aussi du service de
recherche; à ma droite, Jean-Pierre Sénécal, du bureau de
Saint-Hyacinthe et, le vice-président, Pierre Langevin, de la Commission
des services juridiques. Il y a aussi dans la salle d'autres avocats de
différents bureaux de l'aide juridique.
M. Bédard: Vous pouvez les identifier, si c'est votre
désir, M. le Président, afin de bien démontrer que toutes
les parties du territoire du Québec sont représentées.
M. Lafontaine: André Soumis, Jean-Pierre Grenier,
Pierrette Dupont-Rousse. Est-ce qu'il y en a d'autres aujourd'hui? Il y en a
qui sont en Chambre et ne sont pas encore arrivés.
C'est un mémoire qui est quand même assez volumineux, 86
pages. Il est 16 h 45. On est censé ajourner nos travaux à 18
heures. Je vais essayer plutôt de le résumer d'une certaine
façon, quitte à ce qu'on procède peut-être par
questions pour les points les plus chauds ou qui semblent diverger par rapport
peut-être aux autres mémoires que vous avez déjà
entendus au préalable.
Le Président (M. Jolivet): Quant à l'heure, vous
savez que la Chambre, tant qu'elle ne permet pas de siéger, elle peut
provoquer des retards normalement.
M. Lafontaine: Disons que nous sommes très fiers de venir
en commission parlementaire sur ce sujet. Depuis la création même
de la Commission des services juridiques, depuis la mise en vigueur de la loi,
c'est un sujet qu'on a toujours eu à coeur pour une bien bonne raison,
c'est que notre clientèle se retrouve surtout aux prises avec des
problèmes matrimoniaux. Le tiers de nos dossiers sont des
problèmes matrimoniaux. A titre d'exemple, sans compter les dossiers de
cette année, jusqu'à ce jour, il y a eu 178 528 dossiers
matrimoniaux qui sont passés par la Commission des services juridiques,
qui ont été plaidés ou solutionnés soit par des
avocats permanents de l'aide juridique ou des avocats agissant sur des mandats,
des avocats de pratique privée. Ceci ne tient même pas compte non
plus de tous les dossiers de délinquance et du Tribunal de la jeunesse
aussi qu'on avait considérés à part.
Dans le fond, ce qu'on veut faire c'est d'abord expliquer le processus,
comment on est arrivé à cette étude. Il y a 314 avocats
qui ont été invités à se présenter à
des journées d'étude sur le projet malgré le court
délai que nous avions pour le faire. Effectivement, il y en a 40 qui se
sont rassemblés pendant trois jours et demi. Ce qu'on vous
présente ici est un consensus de la part de tous les avocats qui y ont
assisté; on n'a pas compté le nombre d'hommes ou de femmes; chez
nous, on ne compte pas pour savoir si ce sont des hommes ou des femmes; on a
pris tous ceux qui sont venus et on n'a pas fait de répartition entre
les deux sexes.
C'est bien sûr qu'on prend cela d'une façon très
humble, l'étude de ce projet de loi, parce qu'on sait fort bien qu'il y
a des grands spécialistes qui se sont penchés sur la question
pendant des années, au moins une douzaine d'années. C'est bien
sûr que dans le court laps de temps qu'on avait, on a toujours
l'impression, des fois, que si on va toucher une brique, cela peut
peut-être briser l'édifice. Il y a même des erreurs qui sont
comprises et qu'on a revues à la correction dans notre mémoire
comme, par exemple, la question d'opposition au mariage pour l'oncle et la
tante; c'est déjà couvert mais c'est dit d'une autre façon
et on s'était aperçu en cours de route qu'on s'était
trompé. Mais, quand même, c'est donc dire que c'est bien
humblement qu'on considère cela parce qu'on a toujours peur de faire
démolir un édifice.
Par contre, on veut aussi, étant donné qu'on nous demande
notre opinion, même s'il y a des choses qui sont des questions politiques
dans ce dossier, émettre l'opinion de notre clientèle qu'on croit
déceler. C'est pourquoi notre mémoire va peut-être
être plus concret que technique même si ce sont des avocats qui le
présentent. On va plutôt essayer de présenter la
réalité de notre clientèle.
Les principaux changements qu'on préconise, par rapport à
ce qui est dans le rapport de l'Office de révision du Code civil* sont
des changements qui apparaissent peut-être déjà
souhaitables à l'Office de révision du Code civil, qui, pour
cette partie, en avait discuté en 1974.
C'est donc dire qu'en 1974, déjà, l'Office de
révision calculait qu'il y avait des choses qui, dans le fond, dans une
ligne logique, seraient normales, mais il disait: Nous ne croyons pas que la
société soit prête, à ce stade-ci, à accepter
des réformes trop draconiennes. Pour nous, nous disons: Peut-être
que si la commission avait à refaire le même travail en 1979,
après des réalités sociologiques mouvantes depuis cette
période-là, il y a peut-être des choses qui se seraient
rendues au bout, tel que d'ailleurs il le préconise souvent dans ses
commentaires. Il va de soi qu'on endosse la plupart des recommandations de
l'Office de révision du Code civil. Pour nous, nous avons l'impression
que c'est un peu comme une révolution dans le droit qui est
proposée là-dedans, en ce sens que, pour nous, le Code civil, qui
date quand même d'un bon bout de temps, de plus d'une centaine
d'années, considérait surtout la question des
propriétés, la question de filiation par rapport à des
propriétés et à des biens, et on a souvent
considéré aussi les enfants comme étant des biens. Il
fallait donc calculer des sortes de lignées, des lignées qui
soient des lignées de bâtards ou des lignées qui soient des
lignées qui se suivent réellement suivant l'ordre du sang, parce
que de là
dépendait l'appartenance des propriétés et
l'appartenance des biens qui étaient légués. Ce sont de
vieux principes de droit qui nous venaient directement du droit romain.
Là, on voit de plus en plus l'introduction d'une certaine part
d'autonomie de la part des enfants, à qui on donne des droits, et les
questions de propriétés se regardent yis-à-vis des
entités, des personnes autonomes qui se présentent une en face de
l'autre et qui ont aussi des droits.
C'est bien sûr qu'on endosse les grands principes de base de
l'Office de révision, qui s'appellent la primauté de la personne,
l'égalité de tous devant la loi, le souci d'humanisation et
l'adaptation aux réalités sociales. C'est l'adaptation aux
réalités sociales sur laquelle je voudrais m'attarder en
résumé.
Un pas qui nous semble important, c'est que le juge, maintenant, quand
on parle de la personne et des dispositions relatives aux enfants, doit
consulter l'enfant, et on doit aussi voir à ce que l'enfant soit
représenté. Autrement dit, il y a maintenant un
représentant de l'enfant. Il va de soi que nous sommes pleinement
d'accord et il va de soi que l'aide juridique est prête à mettre
toutes ses ressources, d'ailleurs tel que sa loi le prévoit, pour
qu'effectivement ce voeu devienne une réalité.
A cet effet, pour assurer que l'enfant ait une représentation,
nous suggérons dans le mécanisme du tribunal de la famille qu'il
y ait au service d'accueil ou "intake", qui est le mot anglais qui est plus
représentatif que le mot français, un avocat en permanence qui
soit attaché au tribunal, qui pourrait scruter les différents
dossiers qui sont présentés et déterminer si l'enfant a
effectivement droit ou besoin d'un avocat, étant donné des droits
contradictoires qu'il peut avoir vis-à-vis de ses parents. Ce que nous
suggérons, c'est que le juge, à ce moment-là, lorsqu'il
est avisé par cet avocat de l'intake" que l'enfant a besoin d'un avocat,
que le juge oblige l'enfant à avoir un avocat. Il va de soi que nous
fournirons les services d'avocat par mandat ou par des avocats permanents.
Autrement dit, la modification, c'est qu'on veut que l'avocat au service de
l'"intake" puisse exiger la désignation d'un avocat.
Le nom et l'identité physique. Vous avez entendu toutes sortes de
positions à ce sujet, nous en avons encore une autre différente.
Entre les époux, il semble bien qu'il n'y ait pas de difficulté
à ce que chacun porte le nom qui lui est donné à sa
naissance et, de toute façon, c'est une tradition que de porter le nom
du mari, mais, légalement, cela n'a jamais existé. Donc, il n'y a
pas de problème là-dessus, quant à nous. Le
problème vient du nom de l'enfant. On se demande comment le nom doit
être donné. C'est sûr que, si on se place dans un contexte
d'appartenance, de généalogie, de partage de biens, c'est
important d'avoir des règles du nom patronymique, parce que le nom
patronymique dit qu'il est issu d'Untel et qu'Untel était issu soit de
la cuisse de Jupiter ou d'un autre tel.
Nous comprenons aussi que c'est une question politique. C'est bien
sûr que c'est simplement une opinion que l'on émet. Par contre,
ça semble résoudre, pour nous, certaines difficultés
pratiques. Par exemple, pour nos clients, les gros noms patronymiques ne les
influencent pas tellement et être issus d'Untel ou d'Untel n'a pas
tellement d'importance pour eux. L'important pour nous, dans l'année de
l'enfant, c'est qu'on doit avoir le nom le plus commode pour l'enfant
lui-même, ne pas considérer le nom de l'enfant par rapport
à ses parents, mais par rapport à ce que ça peut faire
à cet enfant. Nous avons choisi à l'unanimité que ce
serait peut-être plus facile, dans les circonstances, que ce soit le nom
de la mère qui soit légué à l'enfant. La
première raison, c'est qu'on dit que c'est très facile d'unir une
mère et un enfant, parce qu'au moment de la naissance, ils sont toujours
en présence l'un de l'autre. Assez souvent, le père peut ne pas y
être. Maintenant, avec le constat d'accouchement qui est mentionné
dans le Code civil, il sera facile d'établir immédiatement une
filiation qui peut être manquante plus facilement vis-à-vis du
père.
Il y a aussi un autre élément, c'est la constante de la
garde des enfants, attribuée suite à des séparations ou
à des divorces; dans la grande majorité des cas, ces derniers
vont à la mère. Et cela peut créer des difficultés.
Entre autres, c'est surtout à l'école où les enfants sont
durs entre eux, quand l'enfant porte le nom du père et reste avec la
mère qui, quelquefois, est remariée avec un autre homme, que cela
peut amener des complications.
Mais les mêmes complications arriveraient, bien sûr, si on
choisissait le nom du père, si c'était le père qui avait
la garde. Par contre, étant donné la constante majoritaire, on
suggère plutôt que ce soit la mère.
Ce matin, M. Huot est venu présenter un système attrayant.
Par contre, il présente aussi une difficulté. Ce n'est pas parce
que je veux détruire le système, mais cela s'inscrit encore dans
un système de généalogie, ni plus ni moins, où on
fait des branches et on va voir là-dedans ce qu'il y a, on en garde
d'une branche, on en garde de l'autre, on joint cela ensemble et on dit: On a
trouvé une mécanique qui tient quand même encore compte de
cela.
La difficulté pratique et je vous laisse là-dessus
sur le nom patronymique, c'est que si une femme a trois enfants de trois
hommes différents qui les reconnaissent, à ce moment-là,
même de par son système, les trois enfants qui vont rester
ensemble et qui auront la même mère, n'auront pas le même
nom. C'est la difficulté pratique dans ce cas-là, qui ne semble
pas avoir été prévue, malgré la beauté du
système.
Dans le fond, ce que nous recommandons, c'est que les enfants soient sur
le même pied et qu'on arrête de dire: On choisit, ou on ne choisit
pas, ou quelque chose de semblable. Si on établit le fait qu'ils portent
tous le nom de la mère, c'est réglé. On ne sera pas les
premiers. De toute façon,
la nation juive, c'est par le nom de la mère que cela s'est
toujours transmis et il ne semble pas qu'elle soit plus mal que nous.
Quant à notre opinion sur la famille elle-même, il va de
soi que nous saluons l'arrivée des notions comme la résidence
familiale, par exemple. Cela va régler, pour nous, un paquet de
difficultés qu'on avait au niveau pratique, au niveau de fixer la
résidence familiale. La conciliation aussi, c'est bien sûr qu'on
l'attendait depuis longtemps.
Il y a aussi une innovation qu'on veut souligner. C'est la question que
maintenant, le législateur reconnaît les séparations de
fait. Tout ce qu'on demande, dans les séparations de fait, c'est que les
parties s'entendent et que l'écrit soit homologué par le
tribunal. Cela existe dans la plupart des provinces. Aujourd'hui, c'est
entériné et il semble que cela puisse passer dans la
réalité de la législation.
L'adoption du principe de la filiation par le sang. Nous sommes
pleinement d'accord avec cela, parce que, quant à nous, la
réalité doit passer par-dessus les présomptions.
L'âge du mariage à 18 ans. Les enquêtes sociologiques
démontrent que le mariage est plus viable s'il est vécu plus tard
par les époux.
Il y a un point sur lequel nous calculons que le projet ne va pas assez
loin, c'est sur la question de l'union de fait. Quant à nous, on doit
considérer des époux faisant vie commune comme gouvernés
par les mêmes principes que les époux qui sont mariés. Ils
devraient avoir les mêmes droits, les mêmes obligations ou la
même chose à l'égard de leurs enfants. Ce n'est pas la
formalité du mariage qui va changer ces relations-là. C'est bien
sûr que cela peut peut-être surprendre au premier abord, mais il
faut dire que le législateur reconnaît déjà cela
dans plusieurs lois statutaires. Par exemple, vous avez le Régime des
rentes du Québec, vous avez la nouvelle Loi d'indemnisation des victimes
d'accidents d'automobile où on a fixé, à ce
moment-là, la période de trois ans de cohabitation pour donner
à la concubine, c'est le mot qu'on employait, les mêmes droits
qu'à la personne qui est passée par des formalités de
mariage. En fait, c'est que, déjà, le législateur, dans
son droit statutaire, a été obligé de reconnaître
une réalité sociologique qui s'appelle un homme et une femme qui
vivent ensemble comme des époux. Il l'a déjà reconnu dans
le droit statutaire et, là, nous autres, nous lui demandons de faire le
pas dans le droit civil, parce qu'effectivement, c'est de plus en plus une
réalité sociologique nous le vivons dans nos bureaux
où les gens vivent ensemble sans être mariés. Il y a
des chances cela, on le vit qu'il y ait des abus qui se
commettent, soit par l'un, soit par l'autre des conjoints, au moment où
un décide de quitter l'autre. (17 heures)
Le régime matrimonial que l'on soumet pour l'union de fait, on
dit: Les époux de fait, établissent entre eux une
société de fait; lors de la rupture, tout bien qui ne peut
être qualifié de propre est qualifié d'acquêt. C'est
une société, à ce moment-là, c'est divisé
suivant les règles de la société.
Nous suggérons une innovation, par exemple, qu'on retrouve nulle
part, la question de l'obligation alimentaire pour un parent gardien.
Le parent gardien, c'est celui qui a obtenu la garde de l'enfant,
l'enfant issu soit d'une union légitime, comme on les appelle encore
aujourd'hui, ou d'une union illégitime, mais qui garde, de fait, cet
enfant. Présentement, c'est bien sûr qu'on peut demander du
conjoint qui, lui, n'a pas la garde, une pension alimentaire. Ce qui arrive,
c'est que cette pension n'est jamais satisfaisante pour couvrir les
problèmes qui sont encourus par le parent gardien. Disons qu'il pourrait
y avoir une possibilité. Il devrait au moins y avoir une ouverture dans
la loi pour que le parent gardien puisse prétendre à une pension
dite d'appoint, mais qui serait toujours laissée, bien entendu, à
la discrétion du tribunal. Par exemple, si une fille mère
décide de s'occuper de son enfant plutôt que d'aller sur le
marché du travail, et qu'à ce moment, elle a une petite pension
simplement pour son enfant, elle est obligée d'obtenir une pension
suivant la Loi du bien-être social pour réussir à vivre.
Elle a pris l'option de rester à la maison pour garder son enfant. Je
pense qu'elle a droit quand même à une pension d'appoint de la
part de son conjoint, étant donné ce fait. J'admets que c'est une
notion qu'on n'a pas retrouvée encore jusqu'à maintenant, mais il
serait peut-être possible de l'envisager, parce qu'effectivement, ce sont
des problèmes concrets qui se vivent par la population
présentement; du moins, c'est notre type de clientèle assez
souvent présentement.
L'erreur dont je parlais tantôt, c'est à la page 21,
veuillez l'oublier. Ce sont des recommandations qu'on ne fait plus.
A propos des donations par contrat de mariage, il y a deux suggestions
de modifications que l'on fait. Si l'on se souvient, l'Office de
révision du Code civil dit: Etant donné qu'il est possible, dans
un contrat de mariage, de prévoir l'éventualité de ce qui
va arriver aux donations dans le cas de séparation ou de divorce, nous
disons que le juge ne peut pas annuler les donations faites par contrat de
mariage au moment de la séparation ou du divorce. Nous disons, pour
avoir vécu des donations qui nous semblent tout à fait farfelues
par de jeunes personnes sans moyens et qui, trois ans après, passent par
des formalités de divorce ou de séparation qu'il y a deux
solutions: ou bien de déclarer qu'on ne peut avoir des conditions de
caducité dans cela, dans un contrat préalable au mariage, ou
surtout l'autre solution, de garder présentement l'article du Code civil
qui prévoit que le tribunal peut toujours mitiger, compenser ou annuler
des donations en tenant compte de l'état des personnes au moment
où elles les ont faites, leur capacité de donner ainsi que les
biens qu'elles possédaient.
Ceci s'inscrit aussi dans le fait qu'un tribunal de la famille doit
aussi avoir une latitude et, tel que le conçoit l'office aussi, il y a
une conciliation, il y a une négociation. Il faut aussi que le juge ait
à sa
disposition des armes financières, si je peux dire, pour
être capable de manoeuvrer quelque chose, et les conciliateurs de la cour
aussi, il faut quand même qu'ils aient certaines choses. Or, je calcule
qu'on lui donne une arme en or si on lui dit: Le tribunal aura le droit de les
modifier, de la mitiger ou même de les annuler, ces donations. Autrement
dit, nous ne sommes pas d'accord pour que ces donations soient exigibles, de
toute façon, tel que le veut l'Office de révision, parce qu'il y
a beaucoup de gens qui vont oublier, entre autres, de mettre des clauses de
caducité, et ça se comprend aussi. Pourquoi des personnes qui
veulent se marier vont-elles dire immédiatement: Si ça tourne mal
tantôt, on va prévoir immédiatement de quelle
manière ça va se terminer?
C'est un peu difficile au niveau psychologique de dire: Viens! On va
chez le notaire pour faire notre contrat de mariage, mais on va aussi
préparer notre divorce en même temps. C'est peut-être un peu
difficile.
M. Bédard: C'est une manière de voir l'amour. M.
Ciaccia: Souveraineté-association.
M. Lafontaine: C'est éphémère! Il y a une
autre différence par rapport à l'Office de révision du
Code civil. L'Office de révision, au niveau des motifs de
séparation ou de divorce, dit: Nous, nous préconisons le divorce
remède. Autrement dit, nous ne préconisons pas le divorce
basé sur la faute de l'un ou l'autre des conjoints, mais, par contre,
quand arrive le temps de les énumérer, on émet des raisons
pour lesquelles une personne peut obtenir un divorce ou une séparation.
Peut-être qu'en 1974, la réalité sociologique pouvait faire
qu'on pouvait peut-être concilier les deux choses en même temps.
Mais nous disons qu'on devrait se rendre jusqu'au bout et dire que, si c'est le
divorce sans faute, dans le fond, qu'on veut, à ce moment-là, on
ne parle pas de motif ou de faute à imputer à l'autre partie, que
le tribunal constate qu'il y a rupture dans la relation. Autrement dit, tout ce
que la personne aurait à faire, c'est de donner un avis au tribunal
selon lequel elle veut que le tribunal constate qu'il y a une rupture dans les
relations entre eux, et cette rupture serait basée sur le fait que les
deux parties n'ont plus le respect qu'elles se doivent l'une à l'autre.
C'est pourquoi la notion dont on parle là-dedans, qui comporte aussi un
élément beaucoup plus humain que les éléments de
faute qu'on retrouve, c'est la question du respect entre les conjoints.
Autrement dit, on se présente devant le tribunal et on dit: M. le juge,
veuillez constater que la rupture est arrivée entre nous deux parce que,
effectivement, je n'ai pas reçu le respect auquel je pouvais avoir droit
ou, de toute façon, ça ne fonctionne plus. C'est un constat que
le tribunal aurait à faire.
Donc, ce que nous disons, l'obligation entre époux, c'est qu'ils
se doivent mutuellement respect, simplement.
La résidence familiale: Simplement ajouter ce qu'il y a en bas de
la page 23. On dit: imposer le formalisme de l'acte notarié à
l'enregistrement de la résidence familiale nous semble, quant à
nous, réduire de beaucoup l'aspect positif de la mesure proposée.
A la page 33, excusez-moi.
Si c'est une question de difficulté d'enregistrement, il est
toujours possible de charger le régistrateur de s'en occuper ou il faut
peut-être voir aussi à ce que le système d'enregistrement
soit changé, si ça devient trop compliqué, parce qu'il y a
aussi des manières de changer les systèmes d'enregistrement sur
des propriétés.
Il existe plusieurs endroits à travers le monde où le
certificat est donné par le régistrateur qui dit: Voici, ton
titre, je te le certifie en tant qu'officier de l'Etat. C'est une autre
façon de s'y prendre.
Ce que nous préconisons, c'est qu'il pourrait y avoir des
formules au bureau d'enregistrement, dans le bureau des notaires, dans le
bureau des avocats, le greffe de la cour et différents autres endroits
qui pourraient être à la portée de tout le monde. Les gens
pourraient se rendre au bureau d'enregistrement et y compléter la
formule avec l'aide du registraire s'il le faut.
Nous introduisons la notion de conciliation. Il y aurait obligation,
sauf pour quelques cas déterminés où c'est clair qu'il ne
peut pas y avoir de conciliation, comme par exemple, l'absence ou le fait qu'il
y ait déjà eu un jugement de séparation ou de divorce au
préalable, ou qu'il y ait déjà eu une convention suite
à une séparation de fait; en dehors de ces cas, nous
préconisons qu'il y ait une période obligatoire de conciliation
une fois l'avis de rupture déposé devant le tribunal.
Durant cette période, les époux qui le voudront pourront
se soumettre à une conciliation. Nous sommes d'accord avec l'Office de
révision quand il dit que cette période ne doit pas
nécessairement servir à amener une réconciliation, mais
dans le but plutôt de concilier les intérêts des deux
parties et leur permettre de prendre les meilleures décisions entre
adultes sur des choses qui les concernent directement, bien entendu, avec le
personnel spécialisé tel que prévu dans le
mécanisme du tribunal de la famille.
Sur l'obligation alimentaire, un simple mot; c'est évident que
cela va prendre un mécanisme de perception des pensions alimentaires.
Quant à nous, avant de mettre ce mécanisme en route, il faudrait
peut-être voir à ce que les pensions alimentaires aussi soient
bien établies pour qu'il n'y ait pas de raisons, justement, pour
lesquelles les personnes ne les paient pas, soit parce que la pension est
ridicule ou parce qu'elle est trop élevée. C'est bien sûr
qu'avec un mécanisme auprès du tribunal et avec des experts, avec
aussi des grilles d'appréciation, des enquêteurs aussi qui sont
capables de vérifier les salaires, il sera possible de bien
l'établir, et lorsqu'elle est bien établie, qu'on ait un
mécanisme de la perception, cela me semble absolument normal de le
faire; mais il ne faudrait pas mettre la charrue devant les boeufs, parce que
chez-nous, si on se mettait à percevoir les pensions alimentaires, on en
rendrait
beaucoup éligibles automatiquement simplement en percevant ces
pensions alimentaires.
Rapidement, sur la filiation, nous aimerions que les présomptions
viennent seulement après le fait qu'on n'a pas pu établir la
parenté biologique. Quant à nous, la parenté biologique
s'établit quand la parenté correspond véritablement
à la réalité biologique et familiale entourant la
naissance de cet enfant. La plupart du temps, du moins chez les clients qu'on
représente, pour eux, le fait de signer un certificat de naissance dans
lequel ils se déclarent le père ou la mère, c'est
justement transcrire la réalité de ce qui a été
vécu lors de la conception et de la naissance de cet enfant. Les
présomptions ne devraient venir que lorsqu'il n'est pas capable
d'attribuer une parenté biologique à l'enfant. Cela nous semble
correspondre plus à la réalité. Les présomptions ne
doivent être là justement que lorsqu'on n'est pas capable
d'arriver à cela.
En passant, nous disons que le test sanguin, quant à nous, ne
fait pas preuve d'une parenté, il fait preuve d'une absence de
parenté c'est tout ce qu'il peut faire et, en vertu du principe de
l'inviolabilité de la personne humaine, quant à nous, le test
sanguin devrait être retiré.
Etant donné ce qu'on a dit sur l'union de fait, bien entendu, on
le transporte dans le domaine de la filiation. L'union de fait, c'est comme un
mariage; si on veut se placer selon les concepts qui existent
présentement, les enfants issus d'une union de fait ont les mêmes
droits que les enfants issus d'un mariage et les présomptions de
paternité, à défaut de relations biologiques claires,
s'appliquent de la même façon dans le cas de l'union de fait.
Sur l'adoption, rapidement encore, nous sommes partisans de ce qui peut
peut-être sembler un légalisme, mais nous disons qu'avant
d'arriver à l'adoption même, il faut être sûr de ce
qu'on a qualifié de "due process of law", c'est-à-dire qu'on a
bien respecté toutes les règles du droit, parce que c'est un
domaine qui est très délicat et, quant à nous, il est
très important qu'à chaque stade on soit sûr que la loi a
parfaitement été suivie. Les propos ancillaires à ce
sujet-là, nous disons aussi que la procédure d'adoption, dans le
cas où les parents biologiques ou les géniteurs existent, ne
devrait être mise en marche que lorsqu'il aura été
démontré au tribunal que tous les moyens qui existent ont
été pris pour essayer de permettre à l'enfant de demeurer
avec ses parents géniteurs. Ce n'est que quand on aurait
démontré au tribunal qu'on a pris ces moyens-là et que
cela n'a rien donné qu'on pourrait faire déclarer l'enfant
adoptable suivant les procédures qui sont mentionnées
là-dedans. Nous sommes pleinement d'accord pour séparer les
étapes et dire d'abord: Commençons par déclarer l'enfant
adoptable, une fois qu'il est déclaré adoptable, on pourra
procéder au placement en vue de l'adoption pendant six mois et,
après cela... Parce que cela va éviter un fameux balottement et
cela va faire une sécurité de la part des futurs adoptants qui
sauront que les parents réels de l'enfant et les géniteurs de
l'enfant ne pourront pas venir le chercher une fois qu'il aura
été déclaré adoptable. D'un autre
côté, cela va aussi sécuriser l'enfant de savoir qu'il est
passé par une étape et que maintenant il est dans une autre
étape. (17 h 15)
Cette suggestion-là, dans le fond, rejoint toute la philosophie
de la Loi sur la protection de la jeunesse où on dit qu'un des droits
primordiaux de l'enfant, c'est d'être maintenu dans son milieu naturel
autant que possible; autrement dit, si la société lui vient en
aide, peut-être qu'on réussira à en garder, mais c'est
seulement quand la société ne sera pas capable d'aider cette
famille à garder l'enfant qu'on pourra songer à le faire
déclarer adoptable, en suivant toutes les procédures
légales pour s'y rendre et, après cela, procéder à
l'adoption.
Une remarque à propos de l'article 307, paragraphe 4, qui
prévoit le fait que sur témoignage d'un psychiatre à
savoir qu'un parent ou que les parents sont inaptes à prendre soin de
leur enfant, nous disons que cela devrait être, comme dans la Loi de
protection du malade mental, sur avis d'au moins deux psychiatres. Parce qu'on
sait que la psychiatrie, ça peut être double aussi, au moins,
qu'il y en ait deux.
Deuxièmement, nous demandons que ce soit déclaré
inapte en permanence, parce que ça peut être une perte de
lucidité soudaine ou qui peut durer un temps. Peut-être que les
psychiatres peuvent le dire. Je penserais quand même, comme protection,
que, dans la loi, on pourrait dire que ces personnes sont inaptes, mais d'une
façon permanente, à avoir soin de leurs enfants.
Dans la veine du "due process of law", nous attirons l'attention du
législateur sur le fait que, quand un parent ou les parents biologiques
signent l'abandon de leur enfant, nous voulons que ça se fasse en
présence d'un avocat qui va les représenter. C'est un acte trop
important pour que ce soit une personne qui peut avoir un conflit
d'intérêts avec elle, c'est-à-dire une personne de
discipline du service social qui soit le témoin de cet abandon. Nous
voulons aussi qu'il y ait la présence obligatoire de l'avocat et un
certificat au dossier de la cour avant que l'enfant puisse être
adopté, à savoir que ces procédures ont été
suivies, un peu comme dans la loi du divorce, où on oblige l'avocat
à signer un affidavit comme quoi il a fait les tentatives de
conciliation ou, du moins, il a constaté qu'il n'y avait pas de
conciliation possible.
Une autre mesure, la position qu'on a prise à propos de l'union
de fait qu'on assimile au mariage fait que les époux qui vivent une
union de fait ont aussi le droit d'adopter des enfants. L'article 93,
présentement, défend à des concubins faisant vie commune
d'adopter un enfant. Nous disons que ça n'existe plus, les concubins,
c'est une union de fait, qu'ils ont le droit d'adopter des enfants comme
n'importe qui d'autre. Comme le souligne mon voisin de droite, dans le fond, on
veut en venir à ce qu'il n'y ait plus de catégorie d'adoptants,
que toute personne puisse adopter
un enfant. Si on parle de la loi d'adoption, qui est une loi faite dans
l'intérêt de l'enfant, on calcule qu'il faut à ce
moment-là que la société fasse tout ce qu'elle peut pour
que les enfants qui sont déclarés adoptables puissent
l'être.
Ce n'est pas parce que tu n'as pas différence d'âge
vis-à-vis de l'adopté que tu n'as pas le droit d'adopter ou ce
n'est pas parce que tu vis en concubinage que tu n'as pas le droit d'adopter,
etc.
Il y a un débat émotif qui a été
soulevé chez nous, parce qu'on fait beaucoup d'adoption, à propos
de la question de la confidentialité des dossiers du service social ou
de la cour, surtout vis-à-vis du nom des parents des enfants adoptifs.
Notre position se résume à peu près comme suit: d'abord,
l'enfant devrait, dans tous les cas, conserver le droit d'obtenir à sa
majorité les données de base concernant ses parents d'origine,
lesquelles données ne permettent pas d'identifier ceux-ci, dans tous les
cas.
Les parents adoptifs, eux, ceux qui ont adopté l'enfant, ne
pourraient pas s'opposer non plus à une telle recherche. A la
majorité, l'identité réelle pourrait être connue de
l'enfant adopté, l'identité réelle de ses parents, si ses
parents y consentent. Mais il y a un autre palliatif qui a été
ajouté après discussion.
On dit que les parents réels ou biologiques, les
géniteurs, auraient aussi le droit de demander qu'on ne les
harcèle pas pour leur demander la permission de donner leur nom à
leur enfant. Autrement dit, qu'ils puissent le faire une fois lorsqu'on leur
demande: Voulez-vous ou ne voulez-vous pas qu'on vous identifie lorsque votre
enfant sera majeur et qu'il nous le demandera? Il faudrait qu'ils puissent
aussi dire: Quand vous nous l'avez demandé une fois, ne nous le demandez
pas deux fois, parce que cela les replace, à ce moment-là, au
niveau psychologique, dans une situation où ils ont souffert.
Quant au tribunal de la famille, disons qu'il n'y a pas grand-chose dans
le projet. Cela me semble être plutôt une question de
mécanique, quoiqu'il y ait des services qui sont absolument
nécessaires pour avoir un véritable tribunal de la famille. On a
trouvé cela tellement bien fait dans le rapport que le comité
lui-même avait fait du tribunal de la famille qu'on appuie la plupart de
ces suggestions. Et, à l'épreuve, nous sommes désireux de
le voir commencer. Cela sera toujours possible de corriger s'il se
révélait y avoir des failles. Je vous remercie. S'il y a des
questions...
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je voudrais tout
d'abord remercier le président de la Commission des services juridiques
et celles et ceux qui l'accompagnent, pour les mémoires qu'ils viennent
de nous présenter qui, manifestement, ne sont pas des propos de
circonstances, mais qui représentent une préparation très
soignée, très articulée, comme mémoires. Nous
n'aurons peut-être pas l'occasion de traiter de chacun des sujets que
vous soulevez, certains ayant été déjà
discutés avec des groupes qui vous ont
précédés.
Je voudrais aussi profiter de l'occasion pour féliciter la
Commission des services juridiques de l'attention toute particulière,
peut-être plus du devoir qu'elle semble se faire, s'imposer, comme
commission, d'énoncer au gouvernement, aux membres des
différentes commissions parlementaires, son point de vue sur presque
chacun des projets de loi qui sont mis de l'avant. Je pense à plusieurs
exemples où, même si le gouvernement n'est pas toujours d'accord
avec toutes les recommandations qui sont faites par quelque groupe que ce
soit... Et je pense bien que ce serait difficile d'être d'accord avec
tous les groupes, étant donné la diversité d'opinion. A un
moment donné, il y a des choix qui s'imposent. Mais je pense que les
travaux de représentation que s'impose la Commission des services
juridiques contribuent pour beaucoup à un certain changement de
mentalité.
Vous avez dit tout à l'heure que la réalité
était mouvante. Je pense qu'elle est d'autant plus mouvante dans une
société qui est en évolution, comme on pense que celle du
Québec l'est. On peut aussi en déduire qu'il y a certaines
opinions qui peuvent être mouvantes aussi, sur certains points de votre
mémoire, par rapport à des opinions qui ont été
exprimées par d'autres groupes.
Je ne voudrais pas faire un long débat là-dessus, on en a
discuté quand même passablement à plusieurs reprises avec
les groupes précédents. Vous avez mentionné que,
concernant le nom de l'enfant, vous aviez une solution qui est
particulière, à savoir donner le nom de la mère, que,
d'autre part, vous aviez écouté les représentations qui
ont été faites, ce matin, par M. Huot. Je voudrais simplement
savoir si je perçois bien votre état de réflexion ou
jusqu'à quel point vos opinions peuvent être mouvantes sur ce
point-là en vous demandant si je résumerais bien votre
pensée dans le sens que, d'une part, vous proposez une solution
très précise. Suite à certaines représentations qui
ont été faites, ce matin, par M. Huot, doit-on comprendre que
cela peut avoir pour effet que la réflexion continue de votre part?
Personne, au niveau des groupes qui se sont présentés, ne pense
avoir la solution miracle, je pense bien. Vous l'avez dit avec raison, c'est en
toute humilité que vous faites des représentations et c'est le
cas de tout le monde, c'est le cas aussi des membres de la commission
parlementaire qui essaient de trouver la juste, la meilleure manière de
légiférer. Doit-on comprendre que cet exposé de M. Huot
vous incite, d'une façon générale, à continuer la
réflexion par rapport au nom de l'enfant?
M. Lafontaine: Si vous me permettez de réagir
peut-être immédiatement, très brièvement, je serais
tenté de dire comme Shakespeare: "What is in a name?" Mais, non,
effectivement, si l'enfant, comme la législation le propose, est moins
la propriété de ses parents qu'un sujet autonome de droit, quant
à nous, le nom a beaucoup moins d'importance, le nom est simplement une
façon de
désigner, ce n'est pas plus que cela. Dans le fond, vous me
diriez: II va prendre le nom de ses grands-parents.
M. Bédard: Ce n'est pas plus que cela pour vous.
M. Lafontaine (Yves): Je vais dire: D'accord, il va prendre le
nom de ses grands-parents. Je pense que l'essence plutôt de ce qui est
proposé comme changement de mentalité dans le projet de loi est
beaucoup plus importante que la question du nom lui-même, quoique je ne
veux pas dire que la question du nom n'est pas importante, mais je veux vous
dire que, pour nous, cela a un aspect relatif et que, dans le fond, n'importe
quelle solution qui est raisonnable...
M. Bédard: Autrement dit, ce n'est pas là que se
situerait, pour vous le critère fondamental de l'égalité
des époux.
M. Lafontaine: Non, il nous semble que non.
M. Bédard: Non, c'est qu'il y a d'autres groupes qui y ont
attaché une importance particulière.
Seulement de petits points. Concernant la reconnaissance de
paternité reliée au lien biologique, prioritairement à
toute autre méthode, vous nous dites, avec raison, que la prise de sang
ne peut constituer une preuve de paternité, d'autant plus qu'en vertu du
respect des droits et libertés individuelles, n'importe quel individu
peut refuser de se prêter à une prise de sang, même si cela
devait être un moyen d'identification, est-ce que, puisque vous
préconisez le lien biologique comme point de référence,
c'est à partir d'une certaine expertise...
M. Lafontaine: Jean-Pierre Sénécal veut
répondre à la question.
M. Bédard: ... que vous avancez cette opinion?
M. Sénécal (Jean-Pierre): En matière de
filiation, on pense évidemment que la filiation qui sera établie
par la loi doit d'abord et avant tout avoir pour assise la
réalité. C'est pour cela qu'on trouve que le système
actuel de présomption... Prenons simplement l'article 218 du Code civil
qui dit: Le mari, par exemple, est le père des enfants, c'est un
énoncé de principe et ce n'est pas toujours vrai
évidemment. Cela cause de plus en plus de problèmes à
partir du moment, par exemple, où des gens se séparent. Cela
n'est pas toujours sanctionné par les tribunaux et le mari est toujours
dans le tableau et, légalement, il est toujours le père des
enfants qui suivent. Ce que nous disons, c'est que la filiation doit d'abord
correspondre à la réalité. C'est pour cette raison qu'on
dit que la première façon de l'établir devrait être
une reconnaissance volontaire. (17 h 30)
M. Bédard: C'est-à-dire que j'ai peut-être
mal formulé ma question. Je voudrais en venir à un point
précis, parce qu'il y a des choses sur lesquelles je suis d'accord avec
vous. Il faut essayer de trouver le meilleur moyen d'identifier le bon
père de famille, mais quand vous en arrivez à la solution du lien
biologique... Il y en a plusieurs qui nous proposent cela. J'avoue mon
ignorance, mais, en même temps, je ne suis peut-être pas si
ignorant que cela. J'ai fait certaines recherches au niveau de travaux
écrits par des experts et tout cela. C'est bien beau de dire que cela va
être le lien biologique, mais, du point de vue médical, il n'y en
a pas. On dit cela.
M. Sénécal: Actuellement, du point de vue
médical, il n'y a pas de moyen. C'est pour cela qu'on dit: D'abord, une
personne reconnaît qu'elle est le père d'un enfant, par exemple.
Si l'épouse ou si la mère dit: Oui, c'est vrai, c'est lui qui est
le père et que les deux signent le certificat de naissance, je ne vois
pas de raison de mettre cela en doute au départ, en principe.
M. Bédard: Même là, c'est une question de
témoignage entre deux personnes et de crédibilité.
M. Sénécal: Oui, mais ce qu'on se dit, c'est que
cela devrait d'abord s'établir de cette façon. Ce qu'on vise, aux
articles 270 à 274 du projet, c'est d'établir ce qu'est une
reconnaissance volontaire faisant preuve à l'égard des tiers; on
établit certaines circonstances. Par exemple, quelqu'un qui
reconnaît être le père d'un enfant et, ensuite,
l'entretient, il y a des bonnes chances qu'il le soit effectivement, surtout si
la mère ne le conteste pas. On dit: Basons-nous d'abord
là-dessus. Ce n'est qu'à défaut de pouvoir
établir...
M. Bédard: C'est une reconnaissance juridique.
M. Sénécal: Mais volontaire.
M. Bédard: Oui, volontaire.
M. Sénécal: C'est cela. Ce n'est qu'à
défaut...
M. Bédard: Remarquez, je dis qu'elle est juridique parce
qu'elle n'est pas scientifique. Une femme et un homme peuvent convenir que tel
enfant, c'est leur enfant. C'est bien dommage, mais cela peut ne pas être
cela, pour d'autres raisons, etc..
M. Sénécal: C'est cela. Ce n'est qu'à
défaut que des présomptions qui sont établies par le code,
aux articles 266 et 268 du projet, pourront entrer en ligne de compte.
Actuellement, de la façon dont cela fonctionne, on ne
réfère pas plus à la vérité biologique, mais
on part d'abord et avant tout des présomptions, peu importe ce que le
père et la mère veulent établir, alors qu'on dit:
Voyons ce que les parents eux-mêmes sont prêts à
reconnaître. S'ils ne le reconnaissent pas, là, on
procédera en vertu des présomptions. Il sera toujours possible
d'aller devant les tribunaux. Là, c'est une question de preuve,
évidemment, mais il n'y a pas de preuve scientifique. On pourrait
inférer qu'à une certaine époque, une dame a
fréquenté telle personne exclusivement pendant X mois, et penser
que c'est le père, mais il n'y a aucun moyen biologique actuellement de
l'établir. Les recherches génétiques avancent,
cependant.
M. Bédard: Le plus qu'on pourrait insérer dans la
loi pour qu'elle veuille dire quelque chose, au cas où on trouverait, du
point de vue scientifique, une manière de relier un lien biologique, ce
serait la forme juridique qui serait acceptée. Vous préconisez
beaucoup, dans votre mémoire, une situation qui diffère quand
même de certains autres mémoires, en ce qui a trait à
l'union de fait. Vous proposez la reconnaissance de l'union de fait avec les
mêmes devoirs, les mêmes obligations que celle qui découle
du régime matrimonial. Vous demandez également l'application
complète du chapitre concernant le mariage aux unions de fait, sous
réserve de quelques précisions que vous avez
énoncées dans votre mémoire. En fait, c'est la
création d'un système pratiquement identique à un
mariage.
A la lumière des mémoires qui ont été
produits jusqu'à maintenant je réfère, entre
autres, à celui du Conseil du statut de la femme qui faisait
référence à la non-reconnaissance juridique de l'union de
fait, mais à la possibilité pour les époux de conclure des
ententes particulières entre eux est-ce que vous pourriez
expliciter un peu plus sur cette position, qui est quand même
opposée à celle préconisée par le Conseil du statut
de la femme, concernant les unions de fait, surtout sur l'intérêt
d'un tel système par rapport à celui...
M. Lafontaine: J'ai essayé de dire au début qu'on
avait un préjugé. Notre préjugé, c'est notre
clientèle.
M. Bédard: Oui.
M. Lafontaine:... et, chez nous, les unions de fait, c'est commun
et c'est même très commun. Autant dire, si le législateur
veut légiférer sur les relations entre des personnes
mariées et vis-à-vis de leurs enfants, aussi bien l'appliquer
là aussi, parce que c'est une des réalités
concrètes de ces gens-là.
Maintenant, quant à la façon de s'y prendre, on peut faire
embarquer du droit contractuel et le droit de protection du consommateur
peut-être aussi, des choses comme celles-là, mais c'est
peut-être plus facile de tenir ça dans le même cadre que la
famille légitime, où c'est plus facile d'avoir des schèmes
de référence à côté, où on est plus
habitué. Il n'y a rien qui s'oppose non plus à ce qu'il y ait un
régime contractuel. Nous disons que la différence par rapport au
régime de maria- ge, au niveau des biens, ce serait le régime de
sociétaires. On appliquerait les règles d'une
société simplement entre eux. On comprend qu'à ce
moment-là, ça diffère de l'autre, mais une
société peut aussi se faire contractuellement, suivant les
règles du droit civil, et il peut aussi y avoir une époque
déterminée, des obligations d'une partie et de l'autre, sauf que,
pour ceux qui décident de ne pas passer par là, quant à
moi, cela leur prend un régime légal. Le régime
légal, ce serait le même régime que tout le monde.
M. Bédard: Cela vient en contradiction avec un argument
qui... Le régime que vous proposez peut venir en contradiction avec la
solution proposée par le Conseil du statut de la femme, en ce sens qu'il
vient à l'encontre du libre choix. Vous, de ce
côté-là, vous n'y voyez pas d'inconvénient?
M. Lafontaine: Oui, des époux qui se marient ont le droit
de passer un contrat de mariage, à défaut de quoi, s'ils ne
passent pas de contrat de mariage, ils vont prendre la loi qui existe
présentement. Dans l'union de fait, ça pourrait être la
même chose, ou bien, s'ils décident de s'unir de fait, à ce
moment-là, appliquer la loi, sauf s'ils ont décidé de
passer par des formalités contractuelles pour déterminer des
choses différentes entre eux. Dans le fond, ça pourrait se faire
exactement de la même manière qu'en mariage, quant à
moi.
M. Bédard: Concernant le service, concernant un point que
vous avez à coeur depuis longtemps, parce que ça fait l'objet,
depuis quelque temps déjà, de certaines de vos recommandations en
ce qui a trait à la nécessité d'un service de perception
des pensions alimentaires, le Barreau a avancé l'idée d'un
service partiel et supplétif. Est-ce que votre opinion va dans le sens
d'un régime universel?
M. Lafontaine: Non, on va plutôt dans le sens de l'Office
de révision du Code civil, qui dit que c'est seulement dans le cas de
non-paiement; à ce moment-là, on devra s'adresser à ce
service, parce qu'il y a aussi une fierté déjà part de
celui qui paie une pension alimentaire d'aller aussi livrer cette pension, il y
a aussi une fierté de dire: Je fais vivre aussi mon ancienne
épouse ou mon ancienne compagne et mes enfants. Je pense que c'est
légitime aussi. Il ne faut pas étatiser tout ça, non plus,
et enlever la question du sentiment au niveau de la perception des
pensions.
Il y a aussi une erreur courante qui circule dans ce domaine et,
la:dessus, on a fait des recherches. Quand on prétend que les
pensions alimentaires ne sont pas payées à 75%, ça ne
correspond pas à la réalité. Les personnes qui ont fait de
la recherche sociologique à ce sujet nous nous sommes
informés auprès d'elles disent: Cela, c'est dans un
quartier de Montréal, à une époque donnée, quelques
personnes qu'on a interrogées. Depuis ce temps-là, c'est
traîné dans tous les manuels de l'Office de révision du
Code civil, parce que les pensions sont beaucoup plus
payées, suivant notre expérience à nous, et on a
fait des tests là-dessus. Cela peut monter à 50%, 60%, 70%. Il y
a toujours des raisons quand elles ne sont pas payées, non plus.
M. Bédard: C'est à la suite de...
M. Lafontaine: Donc, si c'est un véritable tribunal de la
famille...
M. Bédard:... recherches assez récentes de la part
de la Commission des services juridiques, ces pourcentages concernant le
paiement des pensions alimentaires? C'est en juin, dites-vous.
Je sais que mes collègues ont d'autres questions, M. le
Président. Etant donné l'heure...
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Merci, M. le Président, au nom de l'Opposition
officielle, je voudrais remercier le président de la Commission des
services juridiques et les membres de la commission pour leur mémoire,
qui est assez complet.
Vous avez mentionné, au début... Oui?
M. Bédard: Excusez-moi. Etant donné l'heure,
seriez-vous d'accord pour qu'on aille peut-être jusqu'à 18 h 30,
de manière à permettre...
M. Ciaccia: Aucune objection.
M. Bédard: ... que les membres de la commission n'aient
pas à revenir...
M. Ciaccia: Aucune objection.
Le Président (M. Jolivet): D'une façon ou d'une
autre, il est actuellement 17 h 40. Donc, c'est accordé, pas de
problème.
M. Ciaccia: Merci. Vous avez mentionné que, dans les
dossiers que vous aviez, vous aviez beaucoup de dossiers matrimoniaux.
M. Lafontaine: Le tiers.
M. Ciaccia: Pensez-vous que les changements que vous
suggérez ou que la commission de la refonte du Code civil suggère
vont aider non seulement à la modalité de vos dossiers, mais
est-ce que cela peut avoir pour résultat que, si ces changements sont
apportés, cela puisse régler certains problèmes, que vous
ayez moins de dossiers? Autrement dit, est-ce que cela va changer seulement la
modalité de vos activités ou bien est-ce que cela peut vraiment
toucher le fond, la substance des litiges que vous avez?
M. Lafontaine: C'est une question à laquelle il est
très difficile de répondre. C'est l'expérience qui va nous
le dire, sauf qu'il y a une chose qui vient à l'esprit
immédiatement. Le fait que deux parties puissent volontairement se
séparer de fait et écrire les conventions suivant lesquelles
elles décident de se séparer de fait et de faire homologuer cela
par le tribunal, cela peut certainement simplifier beaucoup de choses, si on
pense qu'au nouveau tribunal qui est préconisé, il y aura des
gens qui seront capables de les aider à se concilier soit sur la garde,
soit sur la pension alimentaire, soit sur le partage des biens, et
peut-être même procéder à une réconciliation.
Le juge lui-même, de toute façon, qui sera chargé d'un
dossier, va essayer de retracer la raison de cette rupture, de les placer en
présence l'un de l'autre et peut-être aussi de faire qu'ils vont
retourner ensemble.
Maintenant, quelle influence cela aura sur une société?
Bien malin qui pourrait le dire, je pense bien.
M. Ciaccia: Vous posez une question très importante dans
votre conclusion quand vous dites: Que dire du citoyen qui verra du jour au
lendemain son schème de valeurs et sa vie familiale bouleversés?
Est-ce que vous pensez que les recommandations que vous faites ici
répondent aux nouvelles moeurs de la société ou bien
est-ce que vous pensez vraiment que cela impose de nouvelles valeurs que,
peut-être, la société n'a pas aujourd'hui? De la
façon que vous formulez votre question, je me demande si, avec les
changements que vous proposez, vous répondez à l'évolution
de notre société ou bien si vous essayez d'imposer, dans
quelques-unes des recommandations, quelque chose que, peut-être, la
société va trouver difficile à accepter.
M. Lafontaine: La principale idée en arrière du
tribunal de la famille que nous préconisions, c'était d'essayer
de rendre plus humain cet aspect très difficile de la vie du couple,
autrement dit rendu au moment de la rupture. C'était l'idée
fondamentale. Cela amenait, bien entendu, des réformes dans le droit
substantif, entre autres au niveau de la faute, au niveau du système
contradictoire, beaucoup de choses, autrement dit, et il y avait aussi des
ressources matérielles qui n'existaient pas et qui doivent être
amenées. Quant à moi, c'est peut-être la création du
tribunal de la famille qui peut amener le plus de changements, plutôt que
les réformes du droit fondamental. Je ne sais pas. Mais le but
recherché était celui-là. Bien humblement, on pense qu'on
traduit la réalité sociologique de notre clientèle quand
on vous dit: Cela devrait être modifié dans ce sens parce que ces
gens, souvent, ne sont pas au courant de la loi, ils ont leur propre loi et,
dans le fond, c'est pas mal leur propre loi qu on demande au législateur
de consacrer.
M. Ciaccia: Si, d'après vous, on répond aux
nouvelles moeurs, on n'a pas vraiment un schème de valeurs qui
bouleverse la vie familiale; c'est l'évolution?
M. Lafontaine: Exact.
M. Ciaccia: Alors, on devrait répondre à cette
question en disant que les nouveaux règlements
ou les nouvelles recommandations traduisent vraiment ce que la
société accepte. Vous avez mentionné que, dans le Code
civil actuel, dans le régime matrimonial, même au niveau des
règles d'adoption, de filiation, des enfants, c'est basé sur le
concept de propriété; c'est à peu près cela,
n'est-ce pas?
M. Lafontaine: Oui. (17 h 45)
M. Ciaccia: On attache plus d'importance... Je suis d'accord avec
vous et je pense qu'on dépasse ces concepts qu'aujourd'hui, ce n'est pas
tellement la propriété des enfants qu'on devrait regarder, mais
plutôt d'autres valeurs plus humaines. Quelle serait la base de vos
nouvelles recommandations, les recommandations que vous faites et qui sont
aussi incluses dans le rapport de la révision du Code civil? Sur la base
de propriété... sur quelle base serait-elle?
M. Lafontaine: C'est l'autonomie de l'enfant, sa
personnalité propre, c'est ce qui devrait être... Il devient un
sujet de droit, pour emprunter des mots qu'on a déjà
employés dans la Loi de protection de la jeunesse, l'avant-projet qui
est maintenant devenu loi. Dans le fond, le tribunal de la jeunesse, je
présume, va s'intégrer très bien là-dedans, parce
qu'il me semble que ce sont des notions qui vont très bien ensemble,
soit que l'enfant devient un sujet de droit, autrement dit, il acquiert une
autonomie par rapport à ses parents. C'est un adulte en devenir et il
s'agit de lui permettre de devenir un adulte avec toutes les chances de son
côté.
M. Ciaccia: Moi aussi, j'ai trouvé votre recommandation
sur le nom de l'enfant intéressante. Les réactions que j'ai eues
c'est qu'on semble avoir une autre pensée. C'est la troisième
recommandation. Il y a une ligne de pensée qui dit que cela devrait
être le père. Il y a ceux qui ont recommandé les deux noms,
celui du père et celui de la mère et vous venez avec une
troisième suggestion assez intéressante. Est-ce que c'est pour
faire un contrepoids?
M. Lafontaine: Non.
M. Ciaccia: Parce qu'on sait que tous les changements sociaux ont
fait le mi-chemin entre les deux positions extrêmes.
M. Lafontaine: Je pense que l'optique est différente.
Là-dessus, je n'ai peut-être pas été bien compris.
On a toujours parlé par rapport aux époux quand on parlait du nom
patronymique, mais quant à moi, c'est par rapport à l'enfant
qu'il faut le regarder, c'est plutôt comme cela et j'espère que
c'est ainsi qu'on l'a vu. Quand nous pensons par rapport à l'enfant,
nous disons: C'est plus facile si c'est le nom de la mère dans tous les
cas.
M. Ciaccia: Mais, tout changement au Code civil va
nécessairement passer par l'Assemblée nationale.
M. Lafontaine: Evidemment.
M. Ciaccia: Et quand je regarde l'Assemblée nationale.
M. Bédard: J'avais entendu "malheureusement".
M. Lafontaine: Non, au contraire, je respecte les
désirs...
M. Bédard: Non, je sais.
M. Ciaccia: Je vois la composition de l'Assemblée
nationale, sur 110 députés, il y a six ou huit...
Mme Leblanc-Bantey: Cinq femmes.
M. Ciaccia: Cinq femmes. Je trouve que votre recommandation va
peut-être avoir quelques difficultés. Ce sera perçu...
Mme Leblanc-Bantey: Vous êtes prêt à la
défendre, cela en fait six.
M. Ciaccia: Non, je soulève seulement les questions pour
voir le point de vue des invités.
M. Clair: Je ne suis ni pour ni contre, bien au contraire.
M. Ciaccia: Je fais certaines réflexions.
M. Lafontaine: Si cela a du bon sens pour un homme, cela a du bon
sens pour une femme, quant à moi.
M. Ciaccia: Cela dépend où l'on s'assoit.
Mme Leblanc-Bantey: Vous êtes donc insécure.
M. Ciaccia: Non pas du tout. C'est mieux de soulever les
questions avant qu'elles ne viennent à la Chambre. Cela va rendre le
débat plus facile.
Mme Leblanc-Bantey: Cela dépend, des fois l'effet de
surprise est excellent.
M. Bédard: Vous faisiez allusion à trois
propositions qu'on a eues concernant le nom de l'enfant, effectivement on en a
eu cinq. Il y a eu également la possibilité que ce soit le nom
des deux ou, à défaut d'entente, que ce soit le nom du
père.
M. Lafontaine: Ou l'enfant peut choisir l'un ou l'autre.
M. Bédard: Ou, un nom à la naissance de l'enfant
avec possibilité pour l'enfant, à un certain
âge, de choisir; ce qui irait peut-être un peu dans le sens
de vos préoccupations.
M. Lafontaine: Oui, mais pour nous, c'est toujours la mère
de toute façon qui le détermine. C'est plus facile, l'enfant n'a
pas besoin de faire de choix. Il n'a pas besoin de se prononcer s'il aime mieux
son père ou sa mère; c'est la mère, il n'y a plus de
problème.
M. Bédard: Cela fait simplement ressortir ce que dit le
député de Mont-Royal, il y a plusieurs propositions.
M. Ciaccia: Pour revenir à la question de l'enfant et le
droit d'être représenté, je présume que ces
recommandations ont été faites à la lumière de
certains abus de certains changements, mais est-ce que vous voyez un certain
conflit possible, si on a ce concept et la vie familiale, l'autorité
parentale? Comment ces deux concepts pourraient-ils se concilier?
M. Lafontaine: Le concept de représenter un enfant en tant
qu'avocat et...
M. Ciaccia: Un enfant va se faire représenter et
même votre recommandation lui donnerait le droit, je pense que vous avez
suggéré qu'il y ait un avocat...
M. Lafontaine: De l'enfant, oui.
M. Ciaccia: ... de l'enfant qui soit présent et qui puisse
exiger, et non le laisser à la discrétion du juge.
M. Lafontaine: Cela, c'est dans le cas où il y aurait des
intérêts contradictoires entre les intérêts de ses
parents et peut-être les siens propres. Ce n'est pas dans tous les cas,
parce qu'au contraire, on endosse la suggestion de l'office de révision
qui dit que plutôt qu'il y ait des tutelles, qu'on soit obligé de
passer par le tribunal, désormais, les parents sont tuteurs normaux des
enfants et ont donc le droit de les représenter dans les actes de la vie
civile, donc d'engager un avocat pour lui. Il n'y a pas de problème
là-dessus, c'est dans les cas où il peut y avoir des
intérêts contradictoires.
Malheureusement, quelquefois, des parents se servent, dans les cas de
séparation ou de divorce, des enfants comme monnaie d'échange au
niveau de la pension alimentaire et toutes sortes d'autres raisons. A ce
moment-là, nous disons que ce serait quand même bon qu'il y ait
quelqu'un qui soit toujours à la cour, au niveau de l'admission des cas,
qui puisse voir s'il n'y a justement pas un cas comme ça et dire: Cela
va te prendre quelqu'un; M. le juge, il va falloir qu'il y ait un procureur
pour le représenter, parce qu'à ce moment-là, on peut
donner des droits, dans la loi, à l'enfant, mais il n'aura pas les
moyens pratiques de l'exercer si on ne voit pas à mettre à sa
disposition des procureurs.
M. Ciaccia: C'est un autre point. Sur la notion de conciliation,
votre recommandation est de suggérer une conciliation obligatoire d'une
certaine durée. Est-ce que cette recommandation, suite aux
expériences que vous avez eues dans les dossiers qui ont
été portés à votre attention, est-ce que cette
période de conciliation peut être vraiment utile,
spécialement si vous l'imposez?
Mme Pilon (Suzanne): Je peux répondre. Etant donné
que l'on préconise le divorce remède, on peut s'attendre,
étant donné qu'il n'y a plus de motifs pour donner ouverture
à la procédure du divorce ou de la séparation, que
certains mariages meurent très rapidement. Disons, un mariage, au bout
d'un an, s'il y a possibilité de s'engager dans une procédure de
rupture, on voudrait quand même que ces couples aient le temps de
réfléchir et d'essayer une conciliation. C'est simplement en
contrepartie de notre recommandation, au niveau du divorce remède. C'est
pour contrebalancer la possibilité d'avoir des échecs
prématurés après un court mariage. C'était surtout
dans cette optique qu'on a travaillé.
M. Lafontaine: II est difficile pour nous de parler de
l'influence pratique que cela aura, parce que, présentement, ça
n'existe pas. La plupart du temps, les gens ne viennent à l'avocat que
quand c'est à peu près irrémédiablement fini entre
eux et ça se comprend. Parce que l'avocat, c'est le bout de la ligne, ni
plus ni moins; on essaie tout ce qu'on peut sans se rendre jusque là,
parce qu'on sait qu'on devra aller devant le tribunal.
Mais dans le tribunal de la famille qui est proposé par l'Office
de révision du Code civil, on dit que le service de conciliation devrait
être ouvert avant même les procédures, si les gens le
veulent. Ils auront à se rendre là tout simplement et aussi
après. Autrement dit, c'est un service qui est mis à la
disposition des couples en difficulté, pas nécessairement dans le
but de prendre des procédures, mais dans le cas où ils prendront
des procédures, c'est-à-dire qu'ils déposeront un acte de
rupture du lien entre eux, il y aura au moins un an durant lequel ils ne
pourront pas se remarier. On pense que ça va peut-être les aider
à concilier la question de garde d'enfants et de pension alimentaire, de
partage des biens durant ce temps ou bien peut-être les amener à
réfléchir et dire: II y a peut-être autre chose à
faire entre nous.
M. Ciaccia: Je peux comprendre l'explication que Mademoiselle a
donnée, c'était que si vous facilitez le divorce ou la rupture du
mariage, alors, pour aider à réfléchir, je présume,
c'est le corollaire à cette autre recommandation. Juste une autre
question, parce que je sais que le temps passe et je crois bien qu'il y en a
d'autres qui voudraient poser des questions. Dans le système de
donation, vous avez suggéré que, s'il n'y a pas de clause de
caducité, ce soit le tribunal qui ait le droit. Est-ce que vous
suggérez un principe de lésion dans un tel cas?
S'il peut le réduire, est-ce que le juge peut l'augmenter?
Comment votre recommandation...
Mme Pilon: Actuellement, en vertu de l'article 208 du Code civil,
il n'est pas possible à un juge d'augmenter les donations qui sont
prévues au contrat de mariage; il peut les annuler, les différer
ou les diminuer, les réduire. Ce qu'on veut permettre, c'est que le juge
ait encore cette possibilité d'annuler, de réduire ou de diminuer
les donations contenues au contrat de mariage.
Mais il faut bien penser que ce privilège s'adresse simplement
aux donations qui sont exigibles au moment de l'audition de la cause devant la
cour. Le juge peut quand même annuler les donations à cause de
mort, mais il ne peut simplement réduire, différer que les
donations qui sont exigibles au moment de l'audition de la cause. Or, dans le
projet, on refuse ce privilège aux juges, toujours sous le couvert que
la clause de caducité sera toujours présente dans le contrat de
mariage. Mais il faut bien penser que si elle n'est pas là, par exemple
pour un jeune couple d'un an, le mari pourrait se retrouver avec une donation
de $10 000 exigible. A ce moment-là, c'est un bonhomme qui est
hypothéqué pour...
M. Lafontaine: Ou la femme.
Mme Pilon: Ou la femme, avec l'égalité des
époux. On pourrait se retrouver avec une donation exigible. Cela peut
être un couple qui est hypothéqué pour longtemps. Alors,
les possibilités de remariage ou de refaire sa vie avec quelqu'un
d'autre sont limitées, quand on sait qu'on a une somme de cette valeur
à payer, par exemple.
M. Ciaccia: La détermination du juge n'irait pas
nécessairement au temps où la donation a été faite
ou a été contractée, mais cela serait jugé en temps
où ce serait exigible. Autrement dit, il y a eu un changement des
deux.
M. Lafontaine: Des deux.
Mme Pilon: Non. Le juge peut, au moment où il se prononce,
tenir compte par exemple de l'état dans lequel étaient les
parties, au moment de la signature du contrat, quelle était leur
capacité de payer, quelle est leur capacité de payer au moment
où il a à se prononcer. Il peut tenir compte de toutes les
circonstances qui entourent la demande.
Mme Dupont-Rousse (Pierrette): Est-ce que je pourrais continuer
sur ce sujet? Mais le juge ne pourra pas tenir compte de la notion de faute,
par exemple. Actuellement, dans le code, il y a la notion de faute. Cela
disparaît, puisqu'on parle de divorce.
Mais en plus, ce qu'on dit, lorsque vous parlez de caducité dans
les contrats de mariage, c'est que c'est contre l'ordre public de pouvoir
écrire ces clauses dans des contrats de mariage. A l'heure actuelle, il
y a des contrats de mariage qui contiennent des clauses stipulant qu'au cas de
séparation ou de divorce, peu importe le tort de l'un ou de l'autre, ou
au tort de l'un ou de l'autre, toutes les donations deviennent nulles. Et si
vous êtes mariés sous la société d'acquêts,
sous la communauté de biens ou sous la séparation de biens, cela
devient discriminatoire, à un moment donné.
Alors, on veut que ce soit contre l'ordre public, qu'on ne puisse plus
écrire dans les contrats de mariage que les donations sont nulles, du
fait qu'il y a séparation ou divorce, puisqu'il n'y a plus de faute au
divorce.
M. Ciaccia: Mais si vous suggérez que ces clauses
deviennent contre la loi...
Mme Dupont-Rousse: N'existent plus.
M. Ciaccia: N'existent plus, quelqu'un qui avait cela dans la
tête quand il a contracté l'obligation, si c'est cela qu'il veut
faire, au lieu de l'écrire de cette façon, il va réduire
son obligation.
Mme Dupont-Rousse: II donnera moins comme donation, s'il le veut,
mais l'autre personne sait, en connaissance de cause, ce qui se donne. Mais la
notion de la caducité, les personnes qui passent des contrats de
mariage, en général, n'en sont pas informées et ne savent
pas ce que cela veut dire.
C'est pour cela qu'on veut que cela demeure dans le Code civil, par
exemple la possibilité pour le tribunal de les diminuer ou d'annuler
celle à cause de mort, s'il y a eu exagération, ou pour remettre
l'ordre entre les parties, mais pas pour les parties elles-mêmes,
contrevenir, faire un contrat de mariage en disant: Ce sera nul, s'il y a
divorce ou séparation. A ce moment-là, ils sont mieux avec un
système de société d'acquêts. Les donations se
trouvent à tomber à zéro.
M. Ciaccia: Je vous remercie beaucoup. Je vais donner l'occasion
à mes collègues d'intervenir.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président, Je voudrais
également remercier les membres de la Commission des services
juridiques. Depuis deux ans et demi que je suis membre de l'Assemblée
nationale, à quelques reprises, j'ai eu l'occasion d'entendre les
commentaires et les suggestions de la commission, et je pense que, chaque fois,
c'était réellement positif. Il y a de très bonnes
suggestions qui ont été retenues dans plusieurs lois.
Je vais y aller par ordre chronologique, dans votre mémoire, et
non pas par ordre d'importance. Vous parlez, à la page 5, de la
consultation de l'enfant. Vous dites au bas de la page: "L'expérience
nous a appris que, pour ce qui est de la consultation de l'enfant, certains
juges sont très réticents à l'exercer et qu'en
conséquence, il nous a semblé préférable de retirer
du projet de l'article 26 les derniers mots, à savoir "à moins
que les circonstances ne s'y prêtent pas."
J'ai deux observations. La première, c'est qu'étant
donné que cela ne sera pas appliqué immédiatement, il
faudra des modifications d'ordre constitutionnel qui vont prendre un certain
temps, et, étant donné qu'à ce moment-là, on
présume que ce seront des juges provinciaux qui auront à
appliquer la loi, je pense entre autres choses que l'âge des juges
provinciaux étant un peu plus bas que celui des juges
fédéraux, on peut peut-être aussi présumer qu'il y
aura une certaine ouverture d'esprit dans ce sens-là. (18 heures)
Egalement, si on enlève la dernière partie qui dit:
"à moins que les circonstances ne s'y prêtent pas", ne pensez-vous
pas qu'il y a des situations où un juge pourrait être pris
à être obligé de consulter, de par la loi, un enfant, ou ce
sera peut-être inutile à ce moment-là?
M. Lafontaine: Peut-être, mais la loi est encore la
meilleure garantie. Cela vient d'expériences, parce que, chez nous, il y
a des avocats spécialisés à la jeunesse. Il y en a une
vintaine qui sont régulièrement devant les tribunaux de la
jeunesse. C'est une question qui se pose assez souvent et ils nous disent: Ne
laissons pas d'ouverture suivant les circonstances, parce que... Là, je
ne veux discriminer personne, parce que c'est bien sûr qu'il y a des
individus qui ont le droit de penser différemment de certains autres,
mais c'est une garantie additionnelle. Si l'enfant est sujet de droit, ce sera
un droit pour lui. Il pourra exiger que le juge le consulte.
Quant à nous, cela apparaît très humain, de toute
façon, que, si un individu a à prendre une décision qui
influe sur la vie future d'une personne, il puisse au moins lui en parler.
M. Fontaine: Si je comprends bien ce que vous venez de dire,
c'est seulement l'enfant qui pourra exiger cela; à ce moment-là,
le juge sera obligé de le consulter, et non pas que, dans tous les cas,
le juge sera obligé de consulter l'enfant.
M. Lafontaine: Non, on dit que c'est proprio motu, le juge aura
lui-même à le faire, si l'obligation est au juge de le faire et
non à l'enfant de le demander.
M. Fontaine: Ne pensez-vous pas que, par exemple, si un enfant de
six mois ou deux ans est dans une cause, il ne pourra pas y avoir de
consultation?
M. Lafontaine: C'est évident, mais il y aura un
représentant de l'enfant, je présume, à ce
moment-là, parce que l'enfant ne peut certainement pas s'exprimer, c'est
sûr.
M. Sénécal: Si vous me permettez, si vous parlez de
l'article 26, il s'agit d'une consultation et l'article 26 précise "dans
les cas où l'enfant est doué de discernement". Tout ce nous
disons, c'est que le juge devrait consulter l'enfant et il n'est pas
lié. Il fait ce qu'il veut ensuite. Si c'est concernant les autres
suggestions, concernant l'article 27 "et éventuellement l'intervention
du service auxiliaire, lors d' "intake", etc.", on pourra donner un avocat
à l'enfant et obliger la cour à accepter cet avocat, si, par
exemple, au service de I' "intake", on pense que c'est nécessaire, mais,
concernant la consultation de l'enfant, à l'article 26, on dit
simplement: Le juge devrait toujours consulter l'enfant. Il tiendra compte ou
non de ce que l'enfant va lui dire. Autrement, c'est trop facile de dire: Ce
n'est pas nécessaire.
M. Fontaine: D'accord. Comme sujet connexe à cela, vous
venez de parler de l'assignation d'un avocat. Comment prévovez-vous que
va se faire l'assignation d'un avocat pour l'enfant? Est-ce le juge qui va
nommer tel ou tel avocat? Comment est-ce qu'on va procéder?
Mme Pilon: J'ai bien l'impression que, dès le moment
où, par exemple, la nécessité de la représentation
par un avocat pour un enfant sera établie, soit par le service de
I'"intake" ou par l'avocat qui fera partie de ce service-là, l'enfant
aura le choix de son avocat. Si ses parents peuvent lui en donner un, il
prendra celui-là. Il y a l'aide juridique qui sera là pour
l'assumer, si l'enfant n'en a pas les moyens. Il y aura aussi le service de
I'"intake" pour avoir un service d'avocat disponible pour l'enfant et la cour
pourrait, à ce moment-là, permettre à ce service de
représenter l'enfant. Ce n'est pas nécessaire que l'enfant soit
représenté absolument par les avocats de l'aide juridique ou par
le service de I' "intake". Il faut quand même laisser le libre choix.
M. Lafontaine: C'est exact, sauf que l'Office de révision
du Code civil dit que les avocats qui vont fonctionner au sein de ce tribunal
doivent quand même avoir un goût de faire cela et s'y
connaître dans ce domaine, parce que cela prend peut-être aussi des
qualités additionnelles à celles d'un bon "debater" devant un
tribunal pour peut-être représenter des enfants auprès de
ce tribunal-là. C'est simplement ce que je veux ajouter.
M. Fontaine: Je sais que vous parlez de
spécialisation.
M. Lafontaine: C'est exact.
M. Fontaine: Je voudrais quand même revenir, même si
on y a touché à plusieurs reprises, sur la question du nom. Dans
les foyers normaux, parce qu'il faut quand même légiférer
pour la population en général, quand on parle également de
l'intérêt de l'enfant, ne pensez-vous pas qu'il y a une certaine
fierté de la part de l'enfant d'avoir le nom de ses parents et non pas
seulement d'un parent?
Mme Pilon: Actuellement, la tradition veut qu'on soit fier du nom
de son père; alors, je ne sais pas dans l'avenir.
M. Fontaine: Oui.
Mme Pilon: I! faudrait développer chez l'enfant la
fierté d'avoir deux noms où on développe la fierté
d'avoir un nom. C'est une question culturelle. J'ai l'impression...
M. Fontaine: Même si, aujourd'hui, ce n'est pas encore
courant que les enfants portent les deux noms, les enfants sont quand
même fiers du nom de leur mère. Ils savent le nom de leur
mère et ils savent le nom de leur père. C'est dans ce
sens-là que je pense que, si on regarde l'intérêt de
l'enfant, la solution des deux noms serait la meilleure.
M. Sénécal: Là-dessus, je veux simplement
dire ceci: La suggestion concernant le nom de la mère a une seule
préoccupation, c'est d'éviter la discrimination. Du moment qu'on
choisit le nom du père, il y a nécessairement discrimination dans
le sens où il y a bien des enfants qui, officiellement, en tout cas,
n'ont pas de père connu. C'est très rare, au contraire, qu'il n'y
a pas de mère connue. A partir du moment où on donnerait le nom
des deux, il y a encore des enfants qui vont se retrouver avec un nom et qui
vont se faire dire à l'école: Tu n'as pas de père, toi?
Tandis qu'avec le nom de sa mère, dans la majorité des cas, il va
être avec elle, de toute façon, et, dans la presque
totalité des cas, on peut facilement, à moins de rares exceptions
d'abandon dès la naissance, établir la filiation par la
maternité.
M. Fontaine: Le Conseil du statut de la femme n'a-t-il pas
proposé que si l'enfant n'a pas de père reconnu, il puisse
prendre le nom du grand-père?
Mme Dupont-Rousse: Même si l'enfant prend le nom du
grand-père, dans le cas où il n'y a pas de père reconnu,
cette même femme a un enfant avec un père reconnu une autre fois,
celui-là va prendre un autre nom, et une autre fois, avec un autre,
parce qu'on a les unions libres. Dans les unions libres, il y a la
stabilité aussi, et il y a aussi la stabilité dans les foyers
mariés, voyez le nombre de divorces et le reste. Alors, on va se
ramasser avec le même problème. La seule différence
où est le problème, c'est qu'on va se trouver avec des enfants,
frères et soeurs, qui vont tous porter des noms différents. C'est
là qu'est le problème.
M. Fontaine: Oui, mais il y a quand même le nom de la
mère qui est toujours constant. Ce sont quand même des cas
d'exception. Je ne pense pas que ce soit la généralité
dans la société non plus.
Mme Dupont-Rousse: S'ils ont un nom double, d'accord, le nom de
la mère va être constant, mais l'autre partie du nom va varier
selon les différents pères. Alors, on n'a pas encore une solution
qui place l'enfant à l'abri de toute discrimination. Le but,
c'était vis-à-vis de l'enfant.
M. Fontaine: Si on dit que le législateur doit
légiférer pour la grande majorité de la population, les
cas que vous venez de mentionner d'une personne qui se marie deux ou trois
fois, c'est quand même l'exception.
Mme Dupont-Rousse: Peut-être, mais les cas qui vivent en
union libre sont peut-être un peu moins l'exception. Les moeurs
évoluent. Je n'ai pas de statistiques.
M. Fontaine: Vous n'avez pas de statistiques.
Mme Dupont-Rousse: Non, ce serait intéressant à
connaître, mais je n'ai pas les statistiques du nombre de gens
mariés par rapport à ceux de l'union libre, mais c'est difficile
d'avoir des statistiques d'union libre, puisqu'il n'y a aucun système.
L'ascendance est là.
M. Sénécal: Pour le nom de la mère, tous les
frères et soeurs ont le même nom. M. Huot soulignait ce matin que,
selon son système, il trouvait important que tous les frères et
soeurs aient le même nom, en général. Si on leur donne le
nom de la mère, ils l'ont tous. D'ailleurs, l'Office de révision
du Code civil dit que ce serait sans doute la solution idéale, mais
sociologiquement, nous ne sommes peut-être pas prêts. La commission
va peut-être retenir la solution idéale.
M. Fontaine: Vous avez peut-être une bonne solution, mais
je pense que cela va être difficile à faire accepter.
M. Bédard: On peut penser à un bon débat en
perspective à l'Assemblée nationale. Un "filibuster" sur le
nom.
M. Fontaine: Concernant les perceptions de pensions alimentaires,
encore dans la même perspective que cela ne sera peut-être pas
adopté d'ici quelques années, est-ce que vous verriez la
possibilité de solution qui pourrait être envisagée dans
l'immédiat, pour pouvoir régler, au moins partiellement, ce
problème?
Mme Pilon: II serait peut-être facile... Je sais,
d'ailleurs, que le premier ministre en a fait la remarque lors du discours
inaugural, savoir qu'il y aurait quelque chose qui débloquerait cette
année.
M. Fontaine: A la suite de questions de l'Union Nationale.
Mme Pilon: II serait possible certainement de mettre sur pied
à l'intérieur du service de cour actuel, un service de perception
alimentaire, soit par l'entremise d'un service assigné par le
protonotaire. Ce qui est très important, qu'on préconise
n'importe quel système de perception, il faut d'abord prévoir la
fixation de la pension alimentaire pour qu'elle soit juste et
équilibrée. Actuellement, quand on assite à la cour
à la fixation des pensions alimentaires, c'est très arbitraire
comme décision, quant à moi. Alors, on pourrait peut-être
penser à un système où on aurait quand même
une formule de base que les parties auraient à remplir et
où le juge qui se penche sur le problème, a au moins des
données de base qui sont identiques pour toutes les familles. Je sais
qu'en Ontario, en vertu de la nouvelle loi de la "Family Reform Act", ils ont
prévu une formule. Les Ontariens ont des critères de base pour
déterminer la fixation de la pension alimentaire. Ces critères
sont uniformes pour tout le monde. Je pense que ce serait quand même
assez facile, à l'intérieur de notre vieux système actuel,
de penser à une solution de ce genre.
M. Lafontaine: Pour compléter peut-être... Oui,
excusez.
M. Bédard: Si vous me permettez? M. Fontaine:
Oui.
M. Bédard: Sur ce point, voulez-vous dire que, quelque
système de pension alimentaire qu'on puisse mettre en place, le principe
de base pourrait être ou ne pas être l'égalité? Il me
semble... Est-ce que c'est ça que ça veut dire? Le principe de
base de tout système de pension alimentaire...
M. Lafontaine: Non, ce qu'on dit, il ne faut pas commencer
à percevoir des pensions...
Mme Pilon: C'est que...
M. Lafontaine: On ne voudrait pas commencer à percevoir
des pensions alimentaires suivant une façon draconienne et en passant
par le tribunal sans que le mode d'établissement de la pension ne soit
réformé. Si vous me permettez d'ajouter là-dessus, il y a
des juges de tribunaux de la famille dans d'autres provinces qui ont
vécu des problèmes semblables et qui disent: Pour ma part, j'ai
eu l'impression comme juge que, souvent, j'ai été un percepteur
de pensions alimentaires. Mais je pense qu'une façon de partir un
tribunal de la famille, ce n'est peut-être pas d'organiser d'abord un
système de perception de pensions alimentaires, parce que, dans la
tête des gens, plus tard, on dira: C'est un système de perception
de pensions. C'est moins un tribunal de la famille, à ce
moment-là. Mais ça, bien sûr, c'est une décision
politique.
M. Fontaine: Je sais qu'il y a eu un comité
ministériel qui a été formé pour étudier
cette question. Avez-vous été consultés par ce
comité?
M. Lafontaine: Pas juqu'à maintenant.
M. Fontaine: Un autre point concernant la reconnaissance de la
filiation. Quand on veut ajouter l'union de fait à ça, ne
pensez-vous pas qu'il peut y avoir des problèmes au niveau de la
reconnaissance de la filiation? Par exemple, si on dit: l'enfant est reconnu
s'il a été conçu dans les 300 jours avant. Il peut y avoir
des problèmes de preuves concernant le fait que l'union de fait a
débuté à telle ou telle date. Avez-vous une solution
à ça?
M. Lafontaine: La présomption, quant à nous, c'est
seulement quand on n'est plus capable de faire d'autres preuves qu'elle va
s'appliquer. Mais je vous garantis que, dans la plupart des cas, les deux
parties sont bien prêtes à reconnaître que c'est leur enfant
et à signer un certificat en conséquence. Les présomptions
ne viennent que pour aider l'enfant en cours de route, si on n'est pas capable
de faire de preuves. C'est sûr qu'il y a toujours une question de preuves
et être capable de prouver qu'une union de fait a débuté
à un moment donné. Il s'agit de savoir quand ces gens ont
loué l'appartement, s'ils étaient tous les deux quand ils l'ont
loué et faire venir le propriétaire, etc. Mais on le fait
déjà, entre autres, au niveau de l'aide sociale où c'est
prévu, cette distinction. On le fait aussi au niveau de la Régie
de l'assurance automobile, au niveau des blessures corporelles. On le fait
aussi au Régime de rentes du Québec où il y a
différents critères qui ont été établis,
entre autres, par la Commission d'appel des affaires sociales qui
détermine dans quels cas on peut dire qu'il y a eu cohabitation ou non
et à quelle époque celle-ci a commencé. Il y a
déjà une assez bonne jurisprudence là-dessus.
M. Fontaine: Oui, mais dans ces cas, ce sont plutôt les
parents qui ont besoin de faire reconnaître leur union. Dans le cas dont
je vous parle, c'est l'enfant qui aurait besoin de faire
reconnaître...
M. Lafontaine: Exact, mais ce seraient peut-être les
mêmes règles de preuve qui pourraient s'appliquer.
M. Sénécal: Ce sont des présomptions de fait
dans notre esprit et donc, on peut forcément faire une preuve à
rencontre de ces présomptions. Ce sont des présomptions qui ne
s'appliqueront que lorsque les parents ne reconnaissent pas volontairement
leurs enfants ou qu'il y a un litige entre deux pères, et là,
ça pourrait être utile, mais ce sont des présomptions qui
visent à aider ou à faciliter la preuve. Cela n'empêche pas
que c'est la preuve. Par exemple, si on prouve qu'à la fin du
concubinage et par la suite, la madame sortait régulièrement avec
un individu différent par soir, il me semble qu'un juge va
hésiter très fortement avant de déclarer que l'ex-concubin
est le père de l'enfant, parce que les faits vont à l'encontre de
la présomption et c'est vu comme des présomptions de fait
exclusivement.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière.
M. Fontaine: Une dernière question. Vous avez
parlé, à la fin de votre mémoire, à la page 76, de
permettre à un enfant adopté de pouvoir retrouver ou retracer sa
famille d'origine. Est-ce que vous pouvez nous dire quelle utilité il
peut y avoir à cela? Est-ce qu'il y a des études qui ont
été faites là-dessus au point de vue psychologique?
Quelles conséquences cela peut-il avoir? (18 h 15)
M. Sénécal: II est toujours très curieux de
constater que c'est un des besoins, semble-t-il, les plus forts ressentis par
les personnes qui savent qu'elles ont été adoptées, que
cette recherche d'identité. Remarquez que cela doit se produire,
j'imagine, pour n'importe quel individu. Nous sommes tous un peu à la
recherche de notre identité; le problème est peut-être
encore plus fort pour quelqu'un qui a été adopté. On
disait tout à l'heure, en discutant de ce problème, qu'il y a des
associations qui se créent aux Etats-Unis et ici au Canada, qui n'ont
que pour but de faciliter la recherche par des enfants adoptés de leur
famille d'origine. On voit que c'est une question qui est excessivement forte.
Or, le texte qui est proposé par l'Office de révision
là-dessus est le même ou à peu près que le texte
actuel. Jusqu'à ce jour, ce texte n'a jamais permis à aucun
enfant adopté, sauf dans un cas tout récent et pour une raison
strictement technique, en appel, de connaître l'identité de ses
parents d'origine. Dans tous les cas... Je connais des cas où on a
même fait la preuve médicale disant que cette personne
était en train de devenir schizophrène et qu'on devrait
peut-être l'autoriser à rechercher ses parents d'origine, sous
réserve du consentement de ceux-ci à faire connaîre leur
identité. Cela a été refusé. Le tribunal a dit:
Non, ce n'est pas un cas où on va accorder cette permission. On ne l'a
jamais accordée.
Nous disons: Si cela ne fait pas mal aux gens, c'est-à-dire que
les parents d'origine sont d'accord qu'on révèle leur
identité, cela est le droit le plus sacré pour eux de refuser, on
dit même qu'ils devraient pouvoir prévoir à l'avance et
dire par exemple au CSS: Nous ne voulons pas qu'éventuellement, vous
veniez nous poser la question à savoir si on consent à
révéler notre identité à notre ancien enfant, parce
que c'est une question qui nous angoisserait. Ils pourraient dire dès le
départ: Ne venez pas nous demander un jour si on y consent. Comme ils
pourraient dire: On laisse la porte ouverte, et si la question se pose un jour,
venez nous voir et on vous dira si on consent ou non. Et, sous réserve
de leur consentement, on pourrait le révéler à l'enfant.
Cela reprend un peu les suggestions qui avaient été retenues dans
le livre blanc sur l'adoption.
M. Fontaine: Merci beaucoup.
Le Président (M. Jolivet): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): Merci, M. le
Président.
Je voudrais tout d'abord remercier et féliciter surtout les
représentants de la Commission des services juridiques pour la
qualité de leur mémoire. Je constate et je n'en suis pas
surpris du tout que les avocats de l'aide juridique travaillent encore
très fort et très bien.
M. Bédard: C'est un ex-avocat de l'aide juridique.
M. Vaillancourt (Jonquière): A la page 7 de votre
mémoire relativement au droit donné à l'enfant
d'être représenté par avocat, c'est une question que
j'adresse au président de la commission, elle est peut-être
indiscrète, mais est-ce que je pourrais savoir si la commission pense
avoir un rôle à jouer dans cette désignation de l'avocat
et, si oui, quel rôle la commission prétend-elle pouvoir
jouer?
M. Lafontaine: La commission ne prétend pas avoir de
rôle à jouer dans la désignation de l'avocat au niveau de
la représentation de l'enfant. Le mandat de la Commission des services
juridiques est d'appliquer la Loi d'aide juridique. La Loi d'aide juridique
prévoit que la commission doit fournir les services d'un avocat à
une personne qui se qualifie à l'aide juridique, ce que la commission va
faire.
M. Vaillancourt (Jonquière): Par contre, vous avez dit
tout à l'heure que les avocats qui auraient à représenter
les enfants devront être des gens un peu plus spécialisés
que d'autres dans cette matière et on sait que la plupart des avocats de
l'aide juridique le sont. Est-ce que cette affirmation de votre part laisse
sous-entendre que les avocats je sais que je vous place peut-être
dans une drôle de situation, on a posé la question au Barreau
aussi de l'aide juridique seraient effectivement en mesure d'assumer,
non pas de se désigner eux-mêmes mais en mesure de jouer ce
rôle de façon très avantageuse pour l'enfant?
M. Lafontaine: Si le client prétend qu'on est capable de
le représenter d'une façon apte, cela nous fera plaisir de le
faire.
M. Vaillancourt (Jonquière): Pour changer de sujet, je
pense avec soulagement de votre part...
M. Lafontaine: On peut préciser là-dessus. La
difficulté, par exemple, pour le client c'est qu'il ne connaît pas
les spécialisations d'un avocat. On vient de frapper un autre
problème. Là-dessus, je ne voudrais pas expliciter, ce n'est
peut-être pas l'endroit.
M. Bédard: II y aura d'autres occasions d'expliciter.
M. Lafontaine: Oui.
M. Fontaine: Peut-être à l'Office des
professions.
M. Vaillancourt (Jonquière): Lorsqu'on regarde votre
mémoire, on constate que le mariage et l'union de fait, après une
cohabitation stable et continue de trois ans, en arrivent à donner les
mêmes droits, pouvoirs, devoirs et obligations à chacune des
parties. Par contre, on constate également que pour sortir de cette
union de fait, ou de ce mariage publiquement consenti, on y arrive par un avis
unilatéral de rupture et avec raison
d'ailleurs. En toute logique, vous préconisez une modification
à l'article 240 pour remplacer le mot "échec" par "rupture". Par
contre, beaucoup d'autres mémoires semblent souhaiter que la notion
d'échec du mariage soit contrôlée judiciairement et on doit
admettre que ce que vous avancez va beaucoup plus loin, par exemple, que le
divorce par consentement mutuel où, au moins, il y a un contrôle
de chacun des époux. Face à cela, on en arrive à la
conclusion que le juge ou le tribunal ne constate pas l'échec du
mariage, mais, par contre, la dissolution du mariage par l'avis de rupture et
cette démonstration de la rupture du mariage. Je voudrais que vous
étayiez cette position-là et me disiez si elle est conforme
uniquement, d'après vous, à la réalité de votre
clientèle ou si elle est, par contre et c'est mon avis, je vous
le dis tout de suite conforme à la réalité tout
simplement québécoise?
M. Lafontaine: Je ne suis pas mandaté pour parler de la
réalité québécoise. Ce sont les élus, quant
à moi, qui ont à parler de la mentalité de l'ensemble de
la société québécoise. C'est notre perception qu'on
vous communique à travers notre clientèle et à travers 176
000 dossiers, en excluant cette année.
M. Vaillancourt (Jonquière): Mais on sait que plusieurs
autres mémoires justement souhaitent que l'échec du mariage soit
contrôlé judiciairement. Or, même si je peux être
d'accord avec votre position et avec la réalité de votre
clientèle, qu'est-ce que vous pensez, en fait? Le Barreau recommande que
la séparation de corps et le divorce soient encore prononcés
après une constatation de la faute ou, du moins, une constatation de
l'échec du mariage.
M. Lafontaine: Nous préconisons que le juge ait à
constater qu'il y a un échec dans la relation matrimoniale.
M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce que, dans votre
esprit, le juge aura une certaine discrétion ou si son rôle sera
limité à constater qu'il a devant lui un avis de rupture et qu'en
conséquence, il doit prononcer la dissolution après la
période de conciliation obligatoire de douze mois?
M. Lafontaine: Exact. Vous avez bien compris.
M. Vaillancourt (Jonquière): Donc, le rôle du juge
serait limité à la constatation physique de la présence
d'un avis de rupture par l'une des deux parties.
M. Lafontaine: Lequel avis de rupture correspond à une
réalité, dans la pratique, autrement dit, qu'il n'y a plus de vie
commune.
M. Vaillancourt (Jonquière): D'accord.
M. Sénécal: Constater l'échec, mais pas
nécessairement aller vérifier les causes. C'est ça, la
différence. Constater la rupture plus que l'échec.
M. Vaillancourt (Jonquière): C'est ça, il va
constater la rupture, c'est dans ce sens que vous modifiez l'article 240. Donc,
pour contrebalancer cet avis unilatéral de rupture, vous en arrivez avec
une conciliation obligatoire de douze mois pour éviter
qu'évidemment, avec raison, certains abus se produisent. N'y aurait-il
pas lieu de limiter ou d'accorder une certaine discrétion relativement
à cette conciliation, puisque si elle est obligatoire, on peut fortement
présumer que dans bien des cas, cette conciliation sera, en pratique,
inutile. Est-ce que vous avez une opinion là-dessus?
M. Lafontaine: C'est toute la philosophie du tribunal de la
famille, quand il parle de la conciliation. Il ne parle pas
nécessairement d'une conciliation dans le but d'une
réconciliation, il parle d'une conciliation dans le but d'une
séparation ou d'un divorce réussi, c'est-à-dire où
les parties auront constaté qu'elles ont eu un échec dans leurs
relations, qu'elles auront essayé d'identifier quelle était la
cause de cet échec, pour s'en sortir le mieux possible, les deux
parties, ainsi que les enfants surtout.
M. Vaillancourt (Jonquière): Bien réussir son
divorce.
M. Sénécal: Surtout s'il y a des enfants.
Mme Pilon: Nous recommandons, à la page 40 de notre
mémoire, que le processus de conciliation obligatoire de douze mois
pourra être abrégé par le tribunal, dans certaines
circonstances. On n'a pas énuméré toutes les
circonstances, on en a énuméré quelques-unes, au
début de notre mémoire, par exemple un cas d'absence ou un cas de
séparation de fait avec homologation par le tribunal. On pourrait penser
à d'autres circonstances qui pourraient justifier un abrègement
du délai.
M. Vaillancourt: Si la conciliation obligatoire n'a pas
nécessairement pour but de réconcilier les couples, mais de faire
en sorte que leur échec se termine bien, d'autre part, vous dites,
à la page 40, "le dépôt de l'avis de rupture délie
les époux de l'obligation de faire vie commune." On peut penser, qu'en
fait, dès le dépôt de l'avis unilatéral de rupture,
les époux s'empresseront de ne plus faire vie commune.
M. Lafontaine: Cela met en marche les mesures accessoires qui
sont, entre autres, la permission de demeurer au domicile conjugal, l'expulsion
de l'autre, c'est sûr. Un avis de rupture, ça veut dire qu'il n'y
a plus de vis commune, parce qu'il faut être deux et, consentant à
vivre ensemble, si on dit: constater la rupture, il faut être logique et
dire qu'on n'est plus ensemble.
M. Vaillancourt (Jonquière): J'ai de la misère
à concilier ça avec votre conciliation obligatoire.
M. Lafontaine: Oui, la conciliation obligatoire est une
négociation entre deux parties, soit pour...
M. Vaillancourt (Jonquière): ... qui ne vivent plus
ensemble.
M. Lafontaine: ... qui ne vivent plus ensemble, c'est exact. Des
fois, c'est mieux, pour réussir à concilier deux parties. En tout
cas, en droit ouvrier, c'est quasiment mieux quand les deux parties ne sont pas
ensemble constamment pour réussir à négocier une solution
qui va agréer aux deux parties.
Mme Pilon: Actuellement d'ailleurs, dans le système actuel
de la séparation de corps et de divorce, même si les parties ne
restent pas ensemble, on assiste souvent à des réconciliations.
Et les parties ne font pas vie commune à ce moment-là. La
réflexion porte fruit.
M. Lemaître-Auger: Elles peuvent aussi se séparer
sans dépôt de procédures judiciaires. Ce n'est pas parce
qu'il y a un avis de rupture que cela les libère et qu'elles peuvent se
séparer. Elles peuvent se séparer bien avant. D'ailleurs, elles
le font. C'est la séparation de fait et c'est très
fréquent.
M. Vaillancourt (Jonquière): Lorsque vous parlez de droit
de visite dans votre mémoire, vous ne parlez jamais de droit de sortie
et on sait qu'en pratique, cela inclut...
Mme Pilon: Cela inclut le droit de visite.
M. Vaillancourt (Jonquière): On sait qu'en pratique,
l'exercice du droit de sortie des enfants est beaucoup plus difficile à
exercer que le droit de visite des enfants. Et on sait également que le
seul recours actuellement donné au procureur ou un de ses seuls,
mais je pense que c'est le seul c'est l'outrage au tribunal contre celui
qui ne respecte pas le jugement.
Je sais pertinemment du moins lorsque j'étais là
que les avocats de l'aide juridique avaient énormément,
dans bien des dossiers, de la difficulté à faire respecter le
droit de sortie qui avait été accordé par un juge.
Est-ce que vous avez des solutions miraculeuses à nous
proposer?
M. Lafontaine: La conciliation, monsieur, consiste justement
à mettre les deux parties en présence et leur expliquer que le
chamaillage qu'ils sont en train de faire, cela a des conséquences sur
cet enfant et qu'au niveau de sa stabilité émotive, cela serait
quand même bon que les parents s'entendent parce que, dans le fond, cet
enfant n'a pas demandé à venir au monde et n'a pas à
souffrir du fait qu'ils veulent se l'arracher. C'est ce à quoi peut
servir le service de conciliation qui est attaché au tribunal.
C'est difficile de concevoir tout cela, parce que c'est un tout, en
fait, ce tribunal de la famille. La conciliation, ce n'est pas
nécessairement pour la réconciliation, c'est surtout pour cela
aussi.
M. Vaillancourt (Jonquière): Si la conciliation donne ce
résultat, ce sera déjà un très bon résultat
puisque c'est un des problèmes très graves auxquels on assiste
actuellement.
M. Lafontaine: C'est déjà pas mal bien, pour
l'enfant, en tout cas.
M. Vaillancourt (Jonquière): Relativement à la
déclaration de résidence principale ou familiale, on sait que la
Chambre des notaires, ou l'Office de révision du Code civil propose que
cette déclaration soit faite en forme notariée et minutes, et que
le Barreau dit que ce n'est pas nécessaire. De quelle façon les
droits de votre clientèle pourraient-ils être affectés
qu'une position ou l'autre soit adoptée par les membres de la
commission, relativement à la forme, notariée ou non, de la
déclaration de résidence principale?
Mme Pilon: Disons que c'est assez bien expliqué dans notre
mémoire.
Il est évident que le fait d'obliger des personnes à
procéder par acte notarié impose une charge que beaucoup de
personnes de la clientèle de l'aide juridique ne sont pas prêtes
à assumer. Il y a d'abord, dans certains cas, l'éloignement du
bureau du notaire. Il y a aussi le problème de la publicité. Cela
va mettre vraiment un frein à l'application de cette mesure qui pourrait
autrement être très disponible pour tous les clients. Tel que
c'est suggéré par le Barreau d'ailleurs, il pourrait y avoir une
formule.
Le Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Bédard: Peut-être une dernière question
sur votre mémoire, concernant l'union de fait et la
société de fait. Vous amenez une nouvelle notion, qui est
d'associer le régime d'une société de fait avec notion de
biens propres et de biens d'acquêts. Pourriez-vous préciser
davantage ce que vous entendez précisément par
société de fait et peut-être nous indiquer jusqu'à
quel point ce ne serait pas plus simple tout simplement que ce soit
intégré à une société d'acquêts?
M. Lafontaine: D'accord.
Mme Pilon: Disons la réflexion à laquelle on s'est
adonné dans notre rapport; on a tenu compte des décisions
jurisprudentielles auxquelles on se réfère d'ailleurs dans notre
rapport et sur la solution qu'ont adoptée les juges face aux
problèmes qui leurs étaient soumis, suite à des ruptures
d'unions de fait, étant donné qu'il n'y a rien actuellement qui
réglemente les ruptures d'unions de fait. Les juges ont tenté,
à l'intérieur de leurs décisions, d'essayer de
régler le problème. Actuellement, ils ont opté pour la
solution de la société de fait entre des époux de droit
commun et on retrouve d'ailleurs ce même processus dans les autres
provinces du Canada, de "common law"
actuellement. C'est une tendance jurisprudentielle que l'on retrouve
actuellement.
M. Bédard: Je comprends que vous le proposiez à la
lumière des expériences.
Mme Pilon: Mais je veux dire qu'il y a certainement ouverture. Si
on veut, par exemple, inté- grer l'union de fait, on peut certainement
l'intégrer au régime légal actuel. Je veux dire qu'il n'y
aurait pas d'objection majeure.
Le Président (M Dussault): Je vous remercie d'être
venus. La commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures, au salon
rouge.
Fin de la séance à 18 h 30
ANNEXE A Deuxième partie du mémoire de
la Chambre des notaires du Québec
Nous nous contenterons dans cette deuxième partie de vous
présenter nos commentaires, article par article, sur la primauté
de l'intérêt de l'enfant, le nom des époux et de leurs
enfants, les régimes matrimoniaux, le droit de la famille et la
constitution d'un tribunal de famille.
1. La primauté de l'intérêt de
l'enfant Article 30
Le Comité note que le troisième alinéa de l'article
30 pose des difficultés d'interprétation en regard des
dispositions prévues aux articles 44 et 254 du livre trois sur les
successions.
La définition du mot "descendants" rend difficile
l'interprétation des règles de la représentation. A titre
d'exemple, nous vous soumettons le cas suivant: Arthur
décède laissant trois enfants: A, B et C ainsi qu'un petit-enfant
D, fils de A qui est toujours vivant. Le testament d'Arthur contient la
clause suivante: "Je lègue tous mes biens à mes descendants."
Dans un tel cas, comment se fera la dévolution des biens? Le
petit-enfant D vient-il à la succession de son grand-père et
diviserons-nous la succession en quatre parts égales? Le petit-fils D
sera-t-il écarté de la succession parce que son père A est
vivant? La définition de "descendants" donnée à l'article
30 du livre I semble favoriser la première interprétation,
laquelle est, à notre avis, difficile à concilier avec les
dispositions des articles 44 et 254 du livre III. Admettre cette
interprétation, c'est écarter la représentation dans tous
les cas où le testateur lègue ses biens à ses
descendants.
Or, une jurisprudence contraire a, depuis plus de vingt ans,
interprété ce terme, en droit des successions, comme suit: Les
descendants qui viennent à la succession sont ceux qui sont
situés au degré le plus rapproché du défunt, de
même que ceux qui y sont appelés par représentation. Ainsi,
pour reprendre l'exemple ci-dessus mentionné, D ne pourrait
succéder à la succession de son grand-père que si A, son
père, était prédécédé et il
recueillerait la part de A par l'effet de la représentation.
En conséquence le Comité demande que le 3e alinéa
de l'article 30 soit modifié pour y ajouter cette règle
jurisprudentielle depuis longtemps admise.
2. Le nom des époux et de leurs enfants Article
33
Dans le but d'éviter toute ambiguïté, nous
souhaiterions qu'au deuxième alinéa de cet article, il soit dit
que lorsque seule la filiation maternelle est établie, l'enfant porte le
nom "patronymique" de sa mère.
Article 38
Le Comité trouve discriminatoire envers le majeur, la
déchéance qui frappe celui-ci de présenter une
requête en rectification des registres de l'état civil, lorsqu'il
est reconnu par son père. Que l'enfant qui aurait été
ainsi reconnu par son père durant sa minorité, doive, à
peine de déchéance, présenter sa requête dans les
deux ans suivant sa majorité, ceci se comprend très bien.
Cependant, quel délai peut-on accorder à l'enfant reconnu
après sa majorité?
En conséquence, nous proposons que le deuxième
alinéa de l'article 38 soit reformulé ainsi: "L'enfant devenu
majeur doit, à peine de déchéance, présenter sa
requête dans les deux ans de sa majorité ou de la reconnaissance,
suivant le plus éloigné de ces événements."
3. Les régimes matrimoniaux Article 71
Le régime de la société d'acquêts existe
depuis 1970. Cet article devrait préciser si le régime de
société d'acquêts, tel que modifié, s'appliquera aux
conjoints mariés depuis 1970 ou seulement aux conjoints mariés
après l'entrée en vigueur du nouveau code. Il y aurait lieu
à tout le moins de prévoir des règles transitoires dans le
but d'éviter toute ambiguïté quant à l'application,
dans le temps, du régime de la société
d'acquêts.
Article 76
Le troisième alinéa de l'article 75 prévoit que les
enfants à naître seront représentés par les futurs
époux lorsqu'il s'agira de modifier ou de supprimer une donation qui
leur aura été faite. Une disposition semblable devrait
apparaître à l'article 76 autorisant les époux à
représenter leurs enfants à naître, le cas
échéant.
Article 78
L'enregistrement d'un avis au registre central des régimes
matrimoniaux donne, à l'égard des tiers, tout son effet à
cette partie de la convention matrimoniale concernant le choix du
régime. Les autres stipulations de l'acte, i.e. donations entrevifs ou
à cause de mort, institution contractuelle, devraient n'avoir d'effet
à l'égard des tiers que suivant les règles ordinaires de
l'enregistrement des droits aux bureaux des divisions concernées. Il
serait souhaitable que ces différentes règles de publicité
des droits soient clairement établies.
Articles 83 et suivants
Ces articles soulèvent des difficultés
considérables et des problèmes d'interprétation.
Le deuxième alinéa de l'article 83 prévoit qu'un
bien peut changer de nature, c'est-à-dire de propre qu'il était,
devenir un acquêt, à charge de récompense. Le
critère de base retenu et autorisant ce changement est que la valeur des
acquêts doit être égale ou supérieure à celle
des propres employés à acquérir le bien. A quelle
époque cette valeur doit-elle être établie? Est-ce à
dire que pendant une période plus ou moins longue il sera impossible de
déterminer la nature du bien? Faudra-t-il attendre la dissolution du
régime et le partage pour classer le bien et procéder aux
récompenses dans un sens ou dans l'autre? Il est de pratique courante
d'échelonner le paiement d'un bien dans le temps, et tant que le prix
n'en aura pas été acquitté ne sera-t-il pas impossible de
déterminer si la valeur des acquêts employés à
acquérir le bien est égale ou supérieure à celle
des propres?
Le troisième alinéa de l'article 83 devrait
préciser plus clairement que le rachat par anticipation s'applique
autant aux pensions de retraite qu'aux autres rentes.
Le troisième alinéa de l'article 83 soulève aussi
certaines questions relatives à l'assurance de personnes. Dans un
premier temps, il faut distinguer entre le droit de propriété et
le droit au bénéfice de cette assurance. Si le droit de
propriété est acquis en partie avec des acquêts et en
partie avec des propres, suivant la règle de cet alinéa, est-ce
que le bénéfice, accessoire du contrat, suivra la qualification
donnée au contrat? Si oui, comment concilier cette règle avec
celle du quatrième alinéa de l'article 82? Le même
problème se soulève pour la qualification de la valeur de rachat.
Enfin, quelle solution doit-on adopter lorsqu'il s'agit d'une assurance
à prime unique?
Le Comité reconnaît qu'il est difficile d'en arriver
à des solutions claires et satisfaisantes dans ces cas; cependant, il
soumet les propositions suivantes: -Dans cette ligne de pensée, le
Comité propose qu'un bien ne change jamais de nature au cours du
régime. La sécurité des transactions concernant un bien
sera ainsi assurée et cette règle éviterait que naisse
l'incertitude quant à la qualification d'un bien pendant une
période donnée. En conséquence, si un bien est propre au
départ, il devrait toujours rester propre et la même règle
s'appliquerait aux acquêts. - L'assurance de personnes, les rentes et les
pensions de retraite constituent des régimes distincts les uns des
autres auxquels on ne peut appliquer une même règle. Il serait
donc souhaitable que des règles de qualification particulières
à chacun de ces régimes soient énoncées à
l'article 83. Quant à chacune des solutions, le Comité demande
qu'elle consiste en une formule mathématique précise qui soit
relativement facile à appliquer, la formule devant équivaloir
à la solution optimale dans chaque cas. Le Comité est conscient
que sa suggestion peut dans certains cas pénaliser une personne aux
dépens d'une autre, mais il estime qu'elle s'avère plus
équitable que tous les conflits et les procès qui
résulteront des embûches et des difficultés
d'interprétation soulevées par l'article 83 tel que
rédigé présentement. - Le Comité favorise
également une solution mathématique pour l'établissement
des récompenses. Cette solution a l'avantage d'être claire,
précise et facile à appliquer. Elle comporte cependant le
danger
de générer des injustices et pour cette raison elle doit
être reliée à la théorie de l'enrichissement
prévue à l'article 1267 Cc. et aux articles 107 et 108 du projet
de code.
Le jeu des récompenses se ferait en tenant compte de
l'enrichissement, ou du montant de la dépense effective si celui-ci est
supérieur à l'enrichissement, et adopterait la règle de la
proportionnalité pour effectuer le calcul. Cette dernière
règle a d'ailleurs été envisagée par l'Office (voir
le commentaire aux articles 107 et 108) qui soulignait que la logique
même de la société d'acquêts militait en faveur d'un
tel choix. L'Office a ensuite rejeté cette solution pour adopter celle
visant à renverser la règle de l'article 1267 Cc. la croyant plus
équitable. Nous croyons que c'est à tort.
Article 85
Le Comité demande que la portée de cet article soit
précisée i.e. "... quelqu'autre avantage de même nature..."
pour les motifs énoncés plus haut concernant les pensions de
retraite et autres rentes. Il est intéressant de noter ici qu'une loi
récente de l'Etat de New York, portant sur la protection du
consommateur, exige que la formulation de documents qui le concernent soit
claire et précise.
Article 89
Nous tenons à signaler que cet article est un bon exemple de
rédaction d'une règle précise que nous aimerions retrouver
aux articles 83 et suivants.
Article 92
La rédaction de cet article semble ambiguë. Une meilleure
rédaction devrait s'inspirer de l'article 1266n du Code civil actuel et
se lire comme suit: "Les biens sur lesquels aucun des époux ne peut
justifier d'une propriété exclusive sont présumés
appartenir aux deux indivisément, à chacun pour
moitié."
Article 98
II faut ici faire la concordance avec le livre des successions. Si
l'époux est réputé avoir accepté les acquêts,
est-il déchu de son droit d'accepter la succession "ab intestat"? (N.B.
Le Comité propose dans son mémoire sur les successions de
conserver l'article 624 c Cc).
Celui qui recèle à la fois des acquêts et des biens
de la succession est-il réputé avoir accepté les deux?
Cette contradiction centenaire devrait maintenant être
réglée.
Articles 99 et 169
Le Comité propose d'enlever le délai d'un an pour
l'enregistrement de la renonciation; la règle dans ce cas serait la
même qu'en matière de succession où cette option est
imprescriptible. Cependant, nous maintenons que cette renonciation devra
être enregistrée. Le même commentaire s'applique à
l'article 169 et une modification de concordance devrait être
apportée à l'article 104.
Article 101
Le sens du pronom adverbial "y" peut prêter ici à
confusion. La renonciation s'applique-t-elle aux acquêts
recélés ou au droit au partage?
Articles 107 et 108
Voir commentaires sous l'article 83.
Articles 124 et 125
Le Comité entend proposer ici la même solution que celle
suggérée dans nos commentaires des articles 83 et suivants.
Article 127
Cette disposition s'applique au cas déjà prévu
à l'article 89; les deux rédactions devraient donc être
identiques.
Articles 128 et 129
La suggestion que nous faisions sous les articles 83 et suivants
reçoivent ici encore une application pratique. Ces biens devraient
demeurer propres sujet à récompense suivant le mécanisme
proposé.
Article 130
Le commentaire que nous faisions sous l'article 85 s'applique aussi dans
ce cas.
Article 150
II est très important de connaître d'une façon
certaine l'identité de l'administrateur de la communauté. Or le
deuxième alinéa de cet article en employant l'expression "Ils
sont présumés..." emporte présomption simple (voir article
53, Livre de la preuve). Le Comité estime que cette présomption
devrait être absolue et qu'en conséquence l'expression "Ils sont
réputés..." devrait être employée.
S'il en était autrement, il serait facile pour un conjoint de
prétendre être l'administrateur de la communauté alors
qu'il ne l'est pas. De plus, il serait possible de changer l'administrateur
sans avoir à utiliser la procédure du changement conventionnel.
De telles situations pourraient causer préjudice aux tiers.
Si notre suggestion n'est pas retenue, le Comité recommande que
le contrat de mariage contienne la mention obligatoire de la personne qui
administrera la communauté.
Article 159
Le Comité soumet que la dernière phrase du premier
alinéa de cet article n'ajoute rien à la règle actuelle de
l'article 1305 Ce. qu'il y aurait lieu tout simplement de maintenir.
La règle prévue au deuxième alinéa de cet
article suscite les mêmes commentaires que nous faisions sous l'article
83.
Articles 179 et 180
Les commentaires que nous faisions sous les articles 107 et 108
s'appliquent ici aussi.
Articles 208 et suivants
La possibilité accordée aux époux de déroger
au partage égal établi par la loi peut être l'objet d'une
convention matrimoniale. Il serait important que la disposition
législative édicte clairement qu'il s'agit bel et bien, dans ce
cas, d'une convention matrimoniale. Ceci éviterait les discussions et
les interprétations tendant à qualifier ce genre d'entente de
donation.
Article 231
Le Comité estime que la séparation de biens devrait
produire ses effets à la date du jugement, comme pour le cas de divorce
ou de séparation de corps, cette dernière emportant d'ailleurs
celle de biens (voir articles 261 et 262). Nous ne voyons aucune raison valable
justifiant l'adoption d'une règle particulière quant aux effets
d'un jugement de séparation de biens. Il est à noter aussi que le
régime matrimonial modifié pendant le mariage prend effet du jour
de l'homologation de l'acte constatant le changement (voir article 72). Il est
souhaitable d'uniformiser la législation relative aux effets de ces
jugements.
4. Le droit de la famille Article 27
Le commentaire que nous faisions sous l'article correspondant du rapport
de l'Office n'a pas été retenu. Nous désirons maintenir
notre recommandation, dont voici le texte: "Tel que rédigé, le
paragraphe de cet article est ambigu. Le commentaire précise le sens
qu'il faut lui donner en énonçant qu'il s'agit uniquement d'une
erreur portant sur l'identité civile de la personne.
Afin d'éviter toute ambiguïté, nous recommandons que
le paragraphe 2 de l'article soit modifié comme suit: 2. dont le
consentement a été entaché d'une erreur sur
l'identité civile de son conjoint".
Article 55
Le mot "meuble" employé à cet article est un terme qui
englobe une multitude de biens, ce qui tend à créer une confusion
certaine.
Le Comité constate que le Projet a remplacé l'expression
"meuble meublant" par "meuble garnissant la résidence principale de la
famille et affecté à l'usage du ménage", cette
dernière expression n'étant nulle part définie ailleurs
dans le Projet.
Le Comité suggère de remplacer l'expression "meuble
garnissant la résidence principale de la famille et affecté
à l'usage du ménage" par le terme "ameublement",
équivalant aux "furniture and household effects".
Le Comité présentera une recommandation très
détaillée sur les diverses définitions du mot "meuble"
qu'il suggérera dans son mémoire portant sur le livre des Biens
du Projet.
Article 60
Nous suggérons d'ajouter à l'article 60 du projet une
disposition identique à celle du deuxième alinéa de
l'article 55, à l'effet que l'acte à titre onéreux ne
puisse être annulé si le co-contractant était de bonne foi;
un recours en dommages, entre conjoints, pourrait cependant être
maintenu. Nous appuyons cette suggestion sur les arguments suivants: a) La
situation décrite à l'article 60 nous semble identique à
celle prévue à l'article 55 du projet; b) Le principe de
consensualisme en matière de vente a été maintenu; (Voir
l'article 390 du livre des obligations) c) La loi ontarienne "Family Law Reform
Act 1978" traitant du "matrimonial home" décrète à
l'article 42.2:
Setting aside transactions. Where a spouse disposes of or
encumbers an interest in a matrimonial home in contravention of sub-section 1,
the transaction may be set aside on an application under section 44 unless the
person holding the interest or encumbrance at the time of the application
acquired it for value, in good faith and without notice that the property was
at the time of the disposition, agreement or encumbrance a matrimonial
home.
Article 61
Le Comité demandait que la déclaration de résidence
de la famille soit faite par les deux époux. Cette recommandation n'a
pas été retenue et nous tenons à la maintenir. Le but que
nous poursuivons en insistant sur cette demande est d'éviter une
surprise désagréable à l'autre conjoint au moment
où il désire disposer de la résidence de la famille.
L'enregistrement d'une telle déclaration ne se fera, à notre
avis, que dans les situations particulières précédant
l'engagement des conjoints dans des procédures de séparation ou
de divorce. Il n'est peut être pas réaliste, dans ces
circonstances, d'exiger que la déclaration soit faite par les deux
conjoints. C'est pourquoi, comme alternative à notre proposition, nous
suggérons de retenir le texte du quatrième alinéa de
l'article 65 du rapport de l'Office exigeant que le registrateur dénonce
au conjoint du déclarant, par lettre recommandée,
l'enregistrement de la déclaration de résidence.
Article 237
Dans le commentaire accompagnant cet article, on laisse entendre que les
accords entre époux, à l'occasion d'une séparation de
fait, doivent se limiter aux conventions relatives à la garde des
enfants et aux charges du mariage, y compris les aliments. L'article 237 en
utilisant le mot "notamment" donne plus d'extension à ces accords. Il y
aurait lieu de dissiper cette ambiguïté.
Article 100 du rapport de l'Office
Nous ne retrouvons pas au projet de code l'article 100 du rapport de
l'Office concernant le nom de l'époux divorcé. Nous recommandons
que cette règle soit intégrée au projet de code.
Article 318
Le Comité entend maintenir la demande qu'il faisait à
l'Office de révision et qui était formulée comme suit: "Le
Comité souhaite que les effets résultant du placement de l'enfant
en vue de l'adoption soient modifiés.
De l'avis du Comité, le second paragraphe de l'article doit
être abrogé. Les membres du Comité estiment que la
reconnaissance même tardive de l'enfant par son père ou sa
mère, doit mettre fin aux procédures d'adoption.
Le Comité est d'avis que tant que le jugement d'adoption n'est
pas prononcé, l'établissement d'un lien de filiation entre
l'enfant et ses parents par le sang doit être possible".
Article 351
Cet article ne semble pas permettre que l'autorité parentale
puisse être exercée pour faire en sorte que l'enfant s'acquitte de
ses obligations envers ses parents. Ainsi, comment les parents pourront-ils
inciter l'enfant à remplir son obligation de respect
prévue à l'article 352? Les membres du Comité sont surpris
de constater que la réciproque de l'attribution d'autorité
édictée à l'article 351 ne soit pas prévue à
l'article 352.
5. Constitution d'un tribunal de la famille
Mises à part les questions d'ordre constitutionnel, le
Comité se dit d'accord, en principe, avec la constitution d'un tribunal
de la famille.
Il craint, cependant, qu'une structure aussi lourde que celle qui est
proposée ne vienne annihiler les bienfaits que le public et les
justiciables seraient en droit d'en attendre par la trop grande
complexité de cette super machine dans laquelle les rouages pourraient
très facilement s'enrayer à cause des contingences de la vie et
de la fragilité humaine.
Quant au juge, le Comité constate que l'approche du rapport est
fort légaliste et dans la tradition que l'on connaît des tribunaux
judiciaires. Quant à innover, pourquoi ne pas penser à une
autorité judiciaire collégiale plutôt qu'à un seul
juge? Un des dangers qui guette les justiciables est celui de la
facilité de faire des procès pour le plaisir d'en faire, de
susciter des causes de désaccord pour le plaisir d'en susciter.
Pour ce qui est du rôle du médiateur, tous les membres du
Comité ont été unanimes pour souhaiter qu'on ne soit pas
obligé de passer par tous les services suggérés par les
recommandations 32 à 61 du Rapport sur le tribunal de la famille.
Dans les cas où les conseillers (Recommandation 73) seraient dans
l'impossibilité de concilier les parties, ceux-ci devraient avoir le
pouvoir et le loisir de référer les époux à un
notaire pour procéder au partage des biens, en tenant compte des biens
de chacun (Recommandation 75) au moyen d'un inventaire.
Enfin, quant à la publicité entourant les causes entendues
par le tribunal, que celui-ci puisse, dans l'intérêt des parties,
exclure les journalistes de la salle d'audience. (Recommandation 89).
Montréal, le 16 février 1979.