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Présentation de mémoires sur la
réforme du droit de la famille
(Dix heures quatorze minutes)
La Présidente (Mme Cuerrier): Cette commission
parlementaire de la justice se réunit aujourd'hui et dans les prochains
jours pour entendre les mémoires des groupes ou des individus qui ont
manifesté l'intention de se faire entendre quant à la
réforme du Code civil en ce qui regarde la famille.
Sont membres de la commission: MM. Alfred (Papineau), Bédard
(Chicoutimi), Blank (Saint-Louis), Charbonneau (Verchères), Clair
(Drummond), Fontaine (Nicolet-Yamaska), Lacoste (Sainte-Anne), Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), Samson (Rouyn-Noranda), Vaillancourt
(Jonquière).
Les intervenants sont: MM. Ciaccia (Mont-Royal), Cordeau
(Saint-Hyacinthe), Duhaime (Saint-Maurice), remplacé par Mme Denise
Leblanc-Bantey; MM. Lavigne (Beauharnois), Léger (Lafontaine), Marois
(Laporte), Pagé (Portneuf), Roy (Beauce-Sud), Tardif
(Crémazie).
Je demanderais aux membres de cette commission de vouloir bien se
déterminer un rapporteur officiel, s'il vous plaît!
(10 h 15)
M. Alfred: Je propose M. Vaillancourt (Jonquière).
La Présidente (Mme Cuerrier): Cette motion est-elle
adoptée?
M. Lalonde: Sûrement. Cela lui donnera l'occasion de faire
un discours...
La Présidente (Mme Cuerrier): Adopté.
M. Goulet: Mme la Présidente, avec votre permission, je
demande le consentement unanime des membres de cette commission afin que mon
collègue de Nicolet-Yamaska, qui est notre porte-parole, puisse venir
prendre sa place et me remplacer, dès qu'il sera sur place.
M. Lalonde: Avec regrets.
M. Goulet: Entre-temps, je prendrai la parole.
La Présidente (Mme Cuerrier): Y a-t-il consentement?
M. Lalonde: Oui, certainement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Consentement.
M. Goulet: Cela va peut-être donner la chance au Parti
libéral de parler le temps qu'il ne sera pas ici...
M. Lalonde: Non, on a le regret de vous perdre, c'est tout!
La Présidente (Mme Cuerrier): Le premier groupe à
être entendu devant cette commission sera le Barreau du Québec,
dont le porte-parole est M. Richard Proulx. Je demanderais...
M. Proulx (Richard): Assisté de Micheline Audette
Filion.
La Présidente (Mme Cuerrier): Je demanderais, pour le bon
fonctionnement de la commission, que le porte-parole identifie, au moment de la
présentation du rapport, les gens qui sont avec lui à cette
commission. M. le ministre de la Justice, pour ouvrir cette commission.
Remarques générales
M.
Marc-André Bédard
M. Bédard: Mme la Présidente, vous me permettrez
quelques propos d'introduction à nos présents travaux. Comme vous
le savez, lors du dépôt à l'Assemblée nationale, le
20 juin 1978, du rapport de l'Office de révision sur le Code civil du
Québec, j'avais déclaré, au nom du gouvernement, que
c'était notre intention de procéder à une commission
parlementaire avant de donner suite concrètement à ce projet de
nouveau Code civil.
Le moment est maintenant venu pour le gouvernement d'engager le
processus d'adoption d'un nouveau Code civil et d'en soumettre la
première tranche touchant la réforme du droit de la famille
à la discussion publique. La commission parlementaire de la justice a
été convoquée aujourd'hui, demain et jeudi justement pour
entendre et recueillir les vues des citoyens et des groupes sur les
différents aspects de cette réforme. Je puis vous souligner, Mme
la Présidente, étant donné le très grand nombre de
mémoires et nous en sommes très heureux, qui ont
été acheminés à la commission parlementaire de la
justice, que nous pouvons dès maintenant tenir pour acquis qu'il nous
faudra également continuer nos travaux au cours de la semaine
prochaine.
Il y en a peut-être qui se demanderont pourquoi le gouvernement
n'a pas jugé à propos de procéder globalement à
l'adoption du nouveau Code civil plutôt que de procéder, comme
nous le faisons, par tranches et en proposant la réforme du droit de la
famille. Il faut bien se rappeler que le Code civil n'est pas, dans notre
société, une loi comme les autres. Parce qu'il est un
élément vital de notre culture que le Québec entend
préserver et développer selon son propre génie dans ce
vaste monde de "common law" qui l'entoure, il serait imprudent de l'adopter
à la hâte et sans consultation suffisante. De plus, certaines des
réformes qui sont proposées par l'Office de révision du
Code civil sont d'une telle ampleur et
d'une telle complexité et impliquent de tels coûts
financiers et un immense support administratif que nous devons réaliser
qu'il faudra sans doute plusieurs années avant que nous puissions les
mettre toutes en oeuvre. En revanche, la réforme du droit de la famille
ne devrait pas être retardée uniquement parce que d'autres
réformes devront prendre encore quelque temps avant d'être
implantées.
Dans le sillage des travaux de réforme entrepris depuis plus de
20 ans, plusieurs groupes de citoyens de toutes allégeances ont
intensifié leurs pressions sur le gouvernement pour que disparaissent,
partout dans le Code civil, les traces de l'inégalité des
époux, notamment dans la direction de la famille, dans l'administration
des régimes matrimoniaux et dans les présomptions de survie
basées sur le sexe et l'âge.
D'autres groupes ont insisté pour que la primauté de
l'intérêt de l'enfant soit établie en principe dans toutes
les décisions qui le concernent et que soit enfin arrivée l'heure
de la reconnaissance des droits égaux à tous les enfants, quelles
que soient les circonstances de leur naissance. La primauté de
l'intérêt de l'enfant prend une dimension particulière, je
crois, quand elle se situe dans un contexte d'adoption où les questions
de filiation par le sang et de filiation par adoption de même que les
droits de la famille d'origine et de la famille adoptive s'affrontent sur le
terrain même de l'intérêt de l'enfant.
Enfin, devant le nombre croissant de personnes vivant en union libre,
d'autres groupes se sont interrogés, à bon endroit, sur les
mesures de protection qui devraient ou non être accordées à
ces personnes. La réforme du droit de la famille serait fort
incomplète, il va sans dire, si elle ne touchait en même temps le
mariage et le divorce qui relèvent actuellement de la compétence
fédérale en vertu de l'article 91 paragraphe 26 de l'Acte de
l'Amérique du Nord britannique.
La réforme du droit de la famille n'atteindrait pas non plus
toute sa plénitude si elle ne s'appuyait en même temps sur la
création d'un tribunal de la famille mieux adapté et mieux
équipé pour répondre aux différents besoins de la
famille québécoise. Là aussi, la nomination des juges
ayant juridiction dans une large partie du droit de la famille relève,
comme vous le savez, de la compétence fédérale en vertu de
l'article 96 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Heureusement,
lors de la dernière conférence fédérale-provinciale
et à l'occasion de la révision constitutionnelle, les provinces,
comme vous le savez, et le fédéral en sont venus à un
accord unanime sur le transfert aux provinces de la compétence
législative exclusive en matière de mariage.
En ce qui concerne la compétence en matière de divorce,
les parties se sont entendues pour qu'elle soit partagée comme suit: les
provinces ont une compétence exclusive quant aux mesures accessoires
telles que pension alimentaire, garde des enfants, entretien, etc.; le
Parlement fédéral, d'autre part, est le seul à
légiférer à l'égard de la reconnaissance des
jugements de divorce rendus au Canada et à l'étranger, de
même que sur les critères de compétence juridictionnelle en
matière de divorce.
Enfin, la compétence quant aux motifs de divorce est concurrente,
étant entendu, toutefois, que les provinces auront une
prépondérance en cette matière. Nous savons
également que l'unanimité lors de cette conférence
constitutionnelle s'est également créée entre les
provinces et le fédéral pour que les provinces puissent autoriser
le lieutenant-gouverneur en conseil de la province à conférer,
concurremment ou exclusivement, à toute cour et à tout juge
nommé par elle, la compétence d'un juge de la Cour
supérieure à l'égard du droit de la famille. Bien
sûr, ces modifications à la constitution canadienne restent
à concrétiser et aucun il faut bien le dire
échéancier n'a été convenu entre les gouvernements
fédéral et provincial à cette fin.
On peut, cependant, considérer que c'est dans une conjoncture
favorable à la réforme du droit de la famille que s'amorce le
processus de révision et de modernisation du Code civil concernant
l'ensemble du chapitre II. L'intention du gouvernement n'est pas de
s'arrêter après cette première révision; au
contraire, le gouvernement entend poursuivre la révision de tout le Code
civil dans le meilleur délai possible afin de doter le Québec
d'un instrument de vie et de culture plus adapté aux
réalités de son évolution.
En terminant, Mme la Présidente, je voudrais remercier d'avance
tous les groupes qui se sont donné la peine de rédiger des
mémoires pour l'attention des membres de cette commission parlementaire
et du gouvernement. Ces auditions, en commission parlementaire, de groupes nous
semblent un élément extrêmement important qui nous
permettra, j'en suis convaincu, de nous guider afin de mieux cerner cette
réalité et de la traduire dans le Code civil, cette
réalité de l'évolution de la société
québécoise.
La Présidente (Mme Cuerrier): Cette commission est
maintenant appelée à entendre le mémoire du Barreau du
Québec.
M. Fernand Lalonde
M. Lalonde: Si vous n'avez pas d'objection, Mme la
Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: ... sans vouloir interrompre ou, enfin, retarder la
présentation de nos invités. Je sais que vous n'aviez
sûrement pas l'intention d'imiter Radio-Canada, Mme la Présidente.
C'est simplement une distraction. Voici quelques mots seulement.
Je ne pense pas qu'on puisse trop insister sur la solennité de
l'instant actuel où nous entreprenons le travail législatif en
vue de compléter la révision du Code civil. C'est un travail
auquel l'Opposition officielle entend contribuer avec tou-
te son énergie, toute sa bonne volonté et ses modestes
connaissances pour mener à bien ce travail le plus tôt possible,
compte tenu de toutes les contraintes que le ministre et le gouvernement ont
mesurées nécessairement dans une réforme aussi
considérable.
Les droits civils, c'est là qu'on définit, c'est là
que commence la libération de la personne et c'est là aussi
qu'elle peut se terminer. Il est ironique que ce soit sous un gouvernement qui
réclame sa souveraineté que nous tous ici exerçons la
souveraineté la plus précieuse: celle qui nous permet de
définir le droit des gens. On ne le répétera jamais trop
souvent. C'est donc en toute souveraineté que nous sommes réunis
ici, les élus, la population; souveraineté que nous avons
d'ailleurs exercée depuis plusieurs décennies, et que nous
continuerons d'exercer jalousement.
Quelques remarques sur le rapport de l'Office de révision du Code
civil, rapport qui conclut un travail de plus de 20 ans mais qui, il faut le
souligner, n'est quand même pas déjà vieux. C'est un
rapport qui semble très moderne, qui n'a pas 23 ou 24 ans. Plusieurs
institutions, plusieurs concepts juridiques mis de l'avant par ce rapport
appartiennent, en effet, à l'évolution actuelle de notre
société, s'y collent très facilement. On va le voir, je
pense, dans la tranche dont on entreprend l'étude actuellement.
Il y a une autre chose, je pense, qu'on devrait dire
immédiatement à l'égard de ceux qui ont
préparé ce rapport. La tentation aurait été grande
elle a sûrement existé de se laisser influencer par
le modernisme, enfin, ce qu'on peut appeler le modernisme dans la
législation, tendance qui a existé un peu dans le passé
dans nos lois statutaires, et d'imiter la manière anglaise de
légiférer. Plusieurs craignaient que cela devienne un peu comme
un code des consommateurs qui, malheureusement, participe aussi de ce style.
Mais non, je pense qu'on peut savoir gré aux membres de l'Office de
révision du Code civil d'avoir conservé le génie
français dans la façon de légiférer.
En 1979, le défi était grand, mais je pense qu'il a
été relevé et qu'il était important qu'il le soit,
d'ailleurs, parce que le Code civil fait partie de notre culture en ce qu'elle
a de plus fondamental. C'est le droit des gens, le droit qui façonne
quotidiennement la vie des gens et qui détermine les rapports des
individus les uns avec les autres. En terminant, je voudrais tout simplement
exprimer ma satisfaction que les négociations qui avaient
été entreprises il y a plusieurs années pour avoir une
entente avec les autres provinces et le fédéral relativement au
tribunal de la famille aient eu une conclusion favorable. Je me souviens de
certaines réunions de procureurs généraux où il y
avait un certain consensus; tout le monde s'entendait que c'était dans
la constitution qu'était le problème et qu'il fallait la changer.
Je pense que le gouvernement doit être félicité d'avoir
participé à cette importante modification de la constitution et
je suis sûr qu'il sera heureux, le gouvernement actuel, de signer une
nouvelle constitution cana- dienne qui contiendra, justement, ces droits
importants pour le Québec. Je tiens à remercier aussi tous ceux
qui ont bien voulu venir nous voir, nous entretenir de leurs réactions,
de leurs points de vue. Quant à nous, l'Opposition officielle, nous
allons offrir au gouvernement et à ceux et celles qui viendront nous
rencontrer notre collaboration la plus entière. (10 h 30)
La Président (Mme Cuerrier): M. le député de
Bellechasse, qui remplace M. le député de Saint-Hyacinthe
à cette commission, à la suite du consentement de la commission,
pourra intervenir au nom du député de Nicolet-Yamaska,
c'est-à-dire au nom de l'Union Nationale.
M. Bertrand Goulet
M. Goulet: Merci, Mme la Présidente. D'abord,
permettez-moi de remercier, suite à vos propos, les membres de la
commission de leur consentement, me permettant d'émettre certains
commentaires au nom de l'Union Nationale et au nom de mon collègue de
Nicolet-Yamaska qui sera présent, ici, au cours de la
journée.
Mme la Présidente, nous nous retrouvons, aujourd'hui,
réunis pour entendre les mémoires sur le projet de Code civil et
la création d'un tribunal de la famille. Bien sûr, cette
commission parlementaire traduit un sentiment unanime de la population du
Québec sur le fait que la refonte du Code civil et plus
particulièrement la mise à jour de notre droit familial sont
devenues, je dirais même, primordiales. Depuis les débuts de la
décennie, le Québec, à l'instar de plusieurs autres
sociétés occidentales, a connu de nombreux bouleversements
sociaux.
En effet, nul n'oserait contester qu'en entrant de plain-pied dans
l'ère de la post-industrialisation, avec tout ce que cela comprend,
urbanisation rapide, système de vie accéléré,
abandon des valeurs traditionnelles, etc., etc., le citoyen
québécois, homme, femme, enfant, a subi malgré lui ou
malgré elle les contre-coups de cette évolution rapide. Et que
dire de la cellule familiale, cette entité sociale unique qui a subi
à son tour une métamorphose complète à un point tel
que plusieurs ont cru même à sa dislocation.
S'il est exact d'affirmer que l'individu et la famille ont
éprouvé certaines difficultés et même des
difficultés certaines à s'adapter à ces transformations
socio-économiques, force est de constater, Mme la Présidente, que
l'Etat, ce mal nécessaire pour reprendre une expression
chère à notre premier ministre ces temps-ci a
été lent, lui aussi, à réagir, soit pour s'adapter,
soit pour devancer à l'occasion ces changements importants dans ce qu'on
pourrait appeler la manière de vivre des gens bien de chez nous.
Que nous, les législateurs, soyons appelés, enfin,
après des années de discussions et de consultations, à
étudier un projet concret qui vise à régler en termes
juridiques des réalités quotidiennes trop longtemps
négligées, voilà un progrès significatif qui
mérite, à notre humble avis, toute notre attention et tout notre
respect.
Au cours de nos délibérations, nous examinerons la
situation qui prévaut au niveau des tribunaux ayant juridiction en
matière de droit de la famille. Mentionnons, par exemple, la Cour
supérieure, la Cour des sessions de la paix, la Cour municipale, la Cour
municipale de la ville de Montréal et, bien sûr, le Tribunal de la
jeunesse, qu'on vient de connaître par la Loi 24, qui exercent leur
compétence sur certaines parties du droit de la famille.
Le temps est venu de mettre de l'ordre dans ce morcellement de
juridictions. Le projet de refonte du Code civil est le fruit d'environ douze
années de travail inlassable des membres de l'Office de révision
du Code civil qui se sont efforcés d'adopter nos règles
juridiques aux réalités d'aujourd'hui.
Nous sommes bien heureux que vous ayez choisi de soumettre en premier
lieu, pour fins de consultations, tout ce qui touche le droit ou les droits de
la famille. Or, point n'est besoin de rappeler que l'Union Nationale attache
une très grande importance à cette partie du Code civil. Nous
avons été, certes, le premier gouvernement du Québec
à réclamer la pleine juridiction des provinces en matière
de droit de la famille.
Il faut se rappeler, même dans le temps de M. Duplessis dans les
années cinquante-quatre ou cinquante-six, c'était une
priorité pour lui. Or, il y a déjà de cela, il faut le
souligner, tout près de 25 ans.
Egalement, lors de la dernière conférence
fédérale-provinciale, cette demande traditionnelle d'à peu
près tous les partis politiques qui se sont succédé,
unionistes, libéraux, comme les autres, spécialement du
Québec, a donné lieu à un accord unanime de tous les
gouvernements présents. Le fédéral ayant acquiescé
à une de nos demandes traditionnelles jugée primordiale par tous
les gouvernements, il y a maintenant lieu de croire que les embûches
constitutionnelles du passé disparaîtront afin que nous puissions
résolument et concrètement passer à l'action.
Nos discussions auront d'abord une portée juridique, bien
sûr. Il s'agit d'une première étape, à notre avis,
qui devrait être suivie, d'ici peu, par l'ébauche d'une
véritable politique familiale qui tiendra compte des contraintes
sociales et économiques de notre milieu.
L'effritement de la cellule familiale au Québec, suite, par
exemple, à un taux très élevé de divorces ou encore
au phénomène inquiétant de la dénatalité,
devrait inciter le gouvernement québécois à prendre des
décisions énergiques afin de revaloriser et de consolider
l'existence de la cellule familiale au Québec.
L'Union Nationale considère cette première étape de
la refonte du Code civil comme l'amorce d'une véritable politique de la
famille et non comme une fin en soi.
Or, c'est avec un esprit positif, Mme la Présidente, que nous
abordons cette commission parlementaire; bref, nous croyons que c'est dans un
esprit de famille que nous devons tous travailler afin de mieux servir les
intérêts primordiaux des Québécois.
Voilà, Mme la Présidente, pour ce qui est des commentaires
de l'Union Nationale, suite au début des travaux de cette
commission.
La Présidente (Mme Cuerrier): Nous inviterons donc
maintenant le Barreau à faire connaître son point de vue quant
à son mémoire sur la réforme du droit de la famille.
M. Bédard: Mme la Présidente, je demanderais
à Mme Micheline Audette-Filion, directrice générale du
Barreau, de nous faire la présentation des membres.
Audition des mémoires Barreau du
Québec
Mme Audette-Filion: Merci, M. le ministre. Mme la
Présidente, M. le ministre, MM. les membres de la commission
parlementaire, il me fait plaisir de vous présenter les personnes qui
m'accompagnent ce matin. Vous noterez l'importance de la
délégation du Barreau et aussi la présence du
bâtonnier du Québec, Me Guy Pépin, qui s'est fait un devoir
et un plaisir de nous accompagner ce matin. On sait que le Barreau
considère la révision de l'ensemble de notre Code civil comme
d'une extrême importance pour le monde juridique et pour toute la
société québécoise. Nous avons donc
consacré, à la préparation de notre contribution
énormément d'intérêt et d'énergie.
Il me fait plaisir de vous présenter, à mon extrême
droite, Me Pierrette Rayle, de la sous-commission que le Barreau a
constituée pour étudier le rapport sur la réforme du droit
de la famille; Me Michèle Rivet, également membre de la
sous-commission; Me André Sirois, président de la sous-commission
et membre de la commission; à ma gauche, Me Paul Vézina,
vice-président du Barreau du Québec, et, à mon
extrême gauche, Me Guy Pépin, bâtonnier du Québec,
à qui il me fait plaisir de céder immédiatement la
parole.
M. Pepin (Guy): Mme la Présidente, M. le ministre, MM. les
membres de la commission parlementaire, j'ai eu l'occasion, dans une lettre que
j'écrivais à l'honorable ministre de la Justice, le 21
décembre 1978, de saluer au nom du Barreau du Québec l'oeuvre
importante offerte par l'Office de révision du Code civil à la
population du Québec au mois de juin dernier. J'ai eu aussi l'occasion
de féliciter le ministre de la Justice d'avoir choisi d'étudier
l'ensemble de la refonte proposée en commission parlementaire où,
parmi d'autres citoyens, des professionnels et des spécialistes
impliqués dans des situations visées par ces réformes
pourraient être entendus et ainsi participer à leur implantation.
A mon avis, cette façon de procéder s'inscrit dans le meilleur
intérêt d'une population qui est en droit de s'attendre à
ce que ceux qui la servent et la représentent quotidiennement
évaluent non seulement si telle ou telle réforme est
nécessaire ou utile, mais également comment elle peut le mieux
être réalisée.
J'ai également assuré le ministre de la Justice, à
l'époque, de la ferme intention du Barreau de collaborer à la
réforme du Code civil et des institutions qu'elle touchera par une
participation active aux travaux de la commission parlementaire. C'est donc,
Mme la Présidente, avec un sentiment de fierté non
dissimulé que je vous présente aujourd'hui la commission
permanente d'étude du Barreau du Québec sur le rapport de
l'Office de révision du Code civil. Je vous présente aussi, au
nom du Barreau du Québec, notre première contribution à
vos premiers travaux qui porteront sur la réforme du droit de la
famille.
Comme la participation du Barreau et de la commission que nous avons
constituée portera sur autant de sujets que ceux qui seront
abordés par votre commission parlementaire, nécessitera des
budgets considérables et se réalisera sur une période de
temps sans doute étendue, il convient, je crois, de vous décrire
brièvement la structure que nous avons mise sur pied. Deux solutions
s'offraient à nous: Pour chacun des sujets d'étude entrepris par
votre commission parlementaire et au fur et à mesure que nous en
étions informés, nous pouvions comme nous l'avons fait
d'ailleurs dans le passé former des comités
composés d'avocats dont les connaissances et la compétence
particulière étaient reconnues, laissant ainsi à chaque
groupe de travail une totale liberté d'approche. Nous pouvions
également créer une structure plus permanente, aux objectifs plus
généraux, destinée à coordonner les travaux des
différents groupes de travail selon une politique et une philosophie
constante. C'est la solution que nous avons retenue. C'est pourquoi nous avons
cru plus juste de décrire ce groupe comme une commission permanente du
Barreau du Québec, dont la première responsabilité sera de
recevoir les rapports des comités ou sous-commissions, comme celle qui
se présente à vous ce matin, de les étudier, de les
présenter dans une perspective globale et selon une méthodologie
uniforme et constante.
Nous demanderons sans doute à cette même commission
permanente du Barreau d'assurer le suivi de la réforme du Code civil. La
méthodologie retrouvée dans le mémoire que nous vous
soumettons aujourd'hui sera donc la même dans tous les mémoires
que nous vous présenterons à l'avenir sur la réforme du
Code civil, de sorte qu'il vous sera plus facile de recevoir nos travaux et,
j'ose l'espérer, d'en retenir les meilleures recommandations.
Il était évident que la commission permanente
d'étude du Barreau du Québec devait être
présidée par un juriste polyvalent de grande envergure. Vous
serez sans doute heureux, M. le ministre, de constater que notre commission a
été placée sous la présidence de Me Claude Tellier,
en qui vous-même et vos prédécesseurs avez placé
votre confiance en lui demandant d'assumer la présidence de la SQIJ,
Société québécoise d'information juridique. Il ne
m'appartient pas de faire ici l'état de ses services à cette
importante société, mais je crois qu'il me suffit d'en faire
mention pour établir immédiatement les lettres de noblesse de
notre commission. Incidemment, le président de la commission, Me Claude
Tellier, vous demande de l'excuser de son absence ce matin; il était
retenu devant la Cour d'appel où on me dit que, de ce temps-ci, les
remises sont très difficiles à obtenir.
Si le Barreau du Québec était désireux de placer
les travaux de sa commission sous la présidence d'un avocat
chevronné, la commission elle-même et son président
n'étaient pas moins désireux d'avoir à la tête de
chacune des sous-commissions appelées à préparer les
mémoires des juristes de renom dans les disciplines
étudiées. C'est ainsi que le groupe de travail de la commission
permanente du Barreau du Québec, qui a été chargé
de préparer le mémoire d'aujourd'hui sur la réforme du
droit de la famille, a été placé sous la présidence
de Me André Sirois qui m'accompagne et qui présentera l'aspect
technique du rapport dans quelques minutes.
Cette sous-commission sur la réforme du droit de la famille
était composée, sous la présidence de Me Sirois, de Me
Christine Tourigny, Claude Boulanger, Pierrette Rayle et Michèle Rivet.
Je ne peux, non plus, Mme la Présidente, passer sous silence
l'importante contribution du service de recherche du Barreau du Québec
où deux avocats permanents de ce service, Me Richard Proulx et Me
Mathieu Proulx, ont déployé des efforts dont, d'ailleurs, la
qualité est vite aperçue dans le document que je vous livre
aujourd'hui. Vous comprendrez donc qu'entouré de confrères de
pareille qualité et malgré certaines caractéristiques de
ma personnalité je me ferai modeste dans la présentation
technique du mémoire et durant la période des questions, et que
je leur céderai volontiers la parole, désireux autant que vous de
m'instruire de leur science.
Je ne voudrais cependant pas, Mme la Présidente, terminer sans
souligner que, si le Barreau du Québec revendique avec beaucoup de
fierté la paternité du mémoire que nous vous soumettons
aujourd'hui et de ceux qui suivront, ces mémoires doivent être
considérés non pas comme des prises de position officielles du
Barreau du Québec engageant tous les avocats qui en sont membres, mais
plutôt comme une contribution du Barreau à l'évolution de
la société et au projet du gouvernement par un ensemble de
travaux préparés par des groupes de juristes hautement
spécialisés dans les sujets abordés. (10 h 45)
Nous avons cru, en effet, qu'il serait ainsi plus facile de soumettre
à votre commission parlementaire des recommandations qui, sans
prétendre refléter le consensus de toute la population ou de tout
le monde juridique, se veulent cependant le fruit de la réflexion et de
l'expérience de juristes et de praticiens rompus aux difficultés
des sujets abordés. J'en veux comme exemple une recommandation fort
intéressante et apparemment inédite que vous retrouverez dans le
présent mémoire à la page 14, sur le nom patronymique des
enfants, sur laquelle le président Sirois reviendra dans
quelques minutes et qui, tout en faisant voir la diversité des
solutions, montre aussi comment il appartient aux législateurs que vous
êtes, et non au Barreau, de trancher l'aspect politique de ces questions
profondément juridiques.
Autre exemple. A la page 36 du mémoire, sur le sujet des
régimes matrimoniaux, la commission du Barreau présente des
recommandations qui reposent sur l'hypothèse que les conventions
matrimoniales feront toujours l'objet d'un acte exclusif aussi
spécifique qu'à l'heure actuelle, ce qui n'est pas
nécessairement la position définitive et immuable du Barreau,
comme le Barreau l'a d'ailleurs souligné à d'autres reprises, en
d'autres occasions et pour d'autres raisons.
Je crois, Mme la Présidente, qu'il est bien qu'il en soit ainsi
et que les membres de la commission d'étude du Barreau conservent leur
totale indépendance de juristes dans la préparation des
mémoires qu'ils soumettront à votre attention. Un nouveau Code
civil ne peut se réaliser législativement du jour au lendemain.
Il faudra, en effet, évaluer la pertinence des propositions avec
l'évolution actuelle de la société, analyser l'ensemble du
code proposé en regard de la législation résiduaire dans
l'ensemble du corpus législatif, étudier l'importance et les
conséquences des dispositions transitoires de concordance et aussi
apprécier toutes les implications budgétaires et administratives
des mesures proposées.
Je vous rappelle, cependant, que nous aimerions connaître
l'échéancier à long terme du gouvernement quant à
l'étude et à la mise en vigueur des autres volets de la
réforme du Code civil. Cette information, Mme la Présidente, nous
serait grandement utile pour nous permettre d'orienter les travaux de nos
autres sous-commissions.
Voilà donc, Mme la Présidente, M. le ministre, messieurs
les membres de la commission parlementaire, les quelques notes
préliminaires que je voulais vous livrer, à l'occasion de
l'ouverture de vos travaux, sur le désir du Barreau du Québec de
collaborer étroitement avec vous dans cette vaste entreprise
historique.
Je demanderais maintenant à Me André Sirois de vous
présenter les principaux sujets de préoccupation juridique qui
apparaissent dans notre mémoire.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Guy Pepin, merci. M.
Sirois, vous avez la parole.
M. Sirois (André): Mme la Présidente, messieurs les
membres de la commission parlementaire, nous nous présentons aujourd'hui
devant vous pour déposer notre rapport sur la réforme du droit de
la famille. Pour nous, cette réforme est urgente. C'est une
priorité d'adapter nos lois familiales à la société
actuelle.
Actuellement, une grande partie des articles de notre Code civil sont
tout à fait, à notre avis, inadéquats et ne correspondent
en aucune façon aux valeurs actuellement véhiculées par
notre société. Nous avons étudié le rapport de
l'Office de révision du Code civil dans cette optique. Ce rapport
correspond-il aux valeurs véhiculées actuellement par notre
société? Telle est la question que nous nous posions.
Notre étude, en ce sens, nous a permis d'être d'accord sur
une grande partie des réformes proposées par l'Office de
révision dans le domaine. Par contre, certaines de ces réformes
nous semblent peu pertinentes en notre société actuelle. C'est
pourquoi nous sommes devant vous aujourd'hui pour vous proposer des
réformes substantielles, réformes dont je ne vous exposerai ici
que les principales, plus particulièrement, premièrement, sur le
nom patronymique des parties. Quant à l'ensemble des dispositions
relativement aux noms patronymiques, nous avons apporté devant vous une
suggestion originale sur le sujet. Nous ne pouvons accepter la solution
proposée par l'Office de révision du Code civil, ni celle
soutenue par le Conseil du Statut de la femme. En effet, l'ORCC ne cherche
qu'à perpétuer le statu quo et ne reflète en rien la
réalité en proposant que le nom patronymique soit strictement
celui du père. Par contre, le Conseil du statut de la femme nous propose
ce que nous avons appelé "la solution espagnole" qui, dans son
application, s'avère tout à fait inefficace et irréaliste.
J'attire ici votre attention sur la proposition contenue à la page 14 de
notre mémoire et plus particulièrement à la reformulation
de l'article 33 que nous présentons devant vous.
Ce dernier a été rédigé en tenant compte des
critères suivants: celui, premièrement, de
l'égalité des conjoints et celui de la liberté de choix.
En effet, depuis toujours, le législateur a laissé aux
justiciables la liberté de choisir les prénoms de leurs enfants.
Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout de notre raisonnement et leur laisser
choisir le nom principal de leurs enfants? Entre deux adultes égaux, les
parents auront à prendre, selon nous, une décision
éclairée pour le nom de famille de leurs enfants. C'est pourquoi
notre article propose que la décision du nom patronymique devrait
relever des parents qui doivent, en toute égalité et
liberté, choisir lequel de celui de la mère ou du père
sera porté par les enfants issus de leur union.
Ce choix sera fait par déclaration, lors de l'enregistrement de
l'acte de naissance du premier enfant de cette union. Nous ne pouvons admettre
l'usage des deux noms de famille tel que proposé par le Conseil du
statut de la femme, à défaut d'entente, puisqu'à court
terme ce n'est que reporter aux générations futures le choix du
nom. Faire un enfant est un geste responsable et nous croyons que les parents
doivent assumer leurs responsabilités jusqu'au point d'être
capables de choisir entre eux, de façon égalitaire, le nom que
portera cet enfant.
Il est sûr qu'il fallait statuer au cas de conflit. Face à
l'argument biologique qui nous porterait à choisir le nom de la
mère, nous avons trouvé que l'argument sociologique et la coutume
devaient nous faire opter pour le nom du père. Que l'on choisisse le nom
de la mère ou le nom du père,
l'une des parties pourra facilement crier à la discrimination.
Que l'on ne veuille pas régler le problème actuellement et le
faire porter aux générations futures à la mode espagnole,
il faudra quand même le résoudre et en venir à un choix
puisque, même selon le système espagnol, ce sont les enfants qui
doivent éliminer soit leur nom paternel ou leur nom maternel pour les
enfants qu'ils auront.
C'est donc pourquoi nous avons opté pour que le choix soit
immédiat et en toute liberté et égalité entre les
parties. Mais, à défaut d'entente, nous croyons que nous devons
résoudre le problème immédiatement, sans le faire porter
aux générations futures. Ce serait simplement se boucher les yeux
et ne pas faire face aux responsabilités directes qui incombent aux
parents.
La proposition de la commission du Barreau est celle de ne choisir le
nom du père que lorsque les conjoints n'ont pu se mettre d'accord, n'ont
pu exercer complètement leur liberté. Il est sûr que
l'argument biologique a une certaine force vis-à-vis ce sujet mais, par
contre, l'on doit tenir compte de l'usage et de la coutume
nord-américaine et même occidentale. Il est sûr
qu'actuellement, au niveau de toute l'Amérique du Nord, au niveau de
l'Europe, à l'exception de l'Espagne, il y existe un usage occidental
quant au nom du père; nous voyons difficilement comment nous pouvons
sortir du système.
En dernier lieu, nous sommes d'avis que l'argument du divorce ou de la
séparation ne peut tenir puisque les deux parties peuvent avoir la garde
de l'enfant et que fatalement, que l'on choisisse une solution ou l'autre,
celle du nom de la mère ou celle du nom du père, l'une des
parties est susceptible d'avoir avec elle des enfants qui ne portent pas son
nom; c'est pourquoi nous croyons que la proposition originale que nous vous
soumettons relativement au nom tend à respecter une évolution
consentie dans une tradition respectée.
Quant au nom de la femme mariée, nous attirons votre attention
sur le fait qu'il n'y a certes pas lieu de légiférer
au-delà de l'article 45 qui est prévu dans le rapport de l'Office
de révision du Code civil. Cet article dit que les époux
conservent en mariage leur nom patronymique ainsi que leur nom respectif. Nous
croyons même que cet article en soi donne une réalité qui
existe; il n'aurait même pas lieu d'être là pour la raison
que, si on conserve en mariage le nom patronymique qui nous est donné,
on revient aux articles de base qui disent qu'on doit toujours porter le nom
patronymique qui nous est donné à la naissance.
Nous nous sommes attardés sur le sujet à savoir si nous
devions proposer un article bien précis à l'effet que la femme,
après divorce ou séparation, devait porter son nom patronymique
d'origine, et cela nous amenait immédiatement, a contrario, à
légaliser la situation de fait que la femme pourrait utiliser le nom de
son mari en mariage.
Alors, nous attirons l'attention du législateur relativement
à toute législation dans ce domaine et nous nous
référons à l'article actuel 53 du Code civil de la
province de Québec et aux articles proposés dans le rapport de
l'Office de révision du Code civil, où il est clairement dit que
toute personne physique porte les noms et prénoms inscrits à son
acte de naissance. Légiférer pour qu'après un divorce ou
une séparation la femme doive utiliser son nom inscrit à son acte
de naissance serait prêter immédiatement flan à
l'interprétation que je viens de vous décrire, à savoir
qu'on légaliserait la coutume qui s'est établie. Le
législateur devrait s'appliquer lui-même à faire respecter
ses lois et voir à ce que les organismes paragouvernementaux, entre
autres, cessent de perpétuer cette coutume que tous veulent voir
disparaître, y inclus le Barreau.
Que nous pensions au Bureau des véhicules automobiles, à
la Régie de l'assurance-maladie, ou à différents autres
organismes du genre, ces derniers devraient cesser l'exigence de la production
d'un jugement de divorce pour émettre, par exemple, un permis de
conduire sous le nom d'origine, ou une carte d'assurance-maladie. Il s'agit
d'une pratique qui ne correspond en aucune façon à nos textes de
loi et autant une politique gouvernementale devrait être appliquée
de façon stricte au niveau de ces organismes, autant une campagne
d'information devrait s'imposer au niveau de la population en
général pour bien faire comprendre à la population que
notre nom d'origine est strictement notre nom et qu'il n'y en a pas
d'autre.
Au sujet du tribunal de la famille, nous sommes heureux de constater
que, sous peu, les Québécois pourront se voir doter d'une telle
institution. Quant à nous, c'est une urgence que de créer un tel
tribunal. Il ne faut pas oublier que, chaque année, devant l'une des
cinq cours qui touchent le droit de la famille. Plus particulièrement,
entre autres, le Tribunal de la jeunesse, différentes cours municipales,
dont celle de Montréal, la Cour supérieure, la Cour des sessions
de la paix et certaines cours provinciales, selon les districts.
Quant à la forme du tribunal de la famille, nous ne pouvons
actuellement nous prononcer, n'ayant aucun texte devant nous. D'ailleurs, on
peut facilement dire et vous souligner que presque tout a été dit
sur le sujet. En effet, l'Office de révision du Code civil a
lui-même fait une étude approfondie sur le sujet et proposé
trois types précis de tribunal de la famille. Chacun de ces types
correspondait à un des aspects particuliers des problèmes
constitutionnels ou politiques qui se posent au législateur. La
Commission de réforme du droit au Canada a aussi fait des propositions.
Quant à nous, nous croyons que nous devons, devant vous, simplement
souligner la nécessité de cette urgence, mais nous ne nous
prononcerons sur sa forme que lorsque le législateur aura soumis un
projet précis. Nous espérons, par contre, que le
législateur, dans sa sagesse, saura trouver une formule qui saura
aplanir toutes les difficultés constitutionnelles et politiques, et se
dotera dans le meilleur délai de ce tribunal. Nous désirons, par
contre, attirer votre attention sur
certains critères que nous croyons qu'il faudra respecter dans
toute législation à cet effet.
Quant à nous, le premier critère est celui de
l'application de ce qu'on appelle le "due process of law". II est, pour nous,
essentiel d'assurer l'application des règles de justice en
matière matrimoniale. Il en est de même de la
représentation des justiciables par procureur. Notre commission
était composée de simples praticiens dont l'administration au
Barreau varie entre cinq et douze ans. Tous ont pratiqué presque
exclusivement dans le champ du droit de la famille. Chacun de nous aurait pu
vous soumettre un rapport indépendant, composé d'une foule de cas
pratiques, où nous aurions constaté le pouvoir de chantage et de
menace qu'exercent certaines parties sur leur conjoint. Le grand perdant dans
la création d'un tribunal de la famille qui ne respecterait pas le
critère du "due process of law" et de la représentation de la
crise matrimoniale, surtout lorsqu'on réalise qu'en
réalité les problèmes qui sont soulevés devant les
tribunaux, à près de 90%, ne sont pas des problèmes sur
les motifs, mais bien des questions de garde d'enfant où l'un,
très souvent, veut avoir la garde pour avoir une pension plus
substantielle; où l'autre désire la garde pour en verser le moins
possible à son conjoint. Il en est de même dans bien d'autres
matières, si nous pensons au contrat de mariage, aux problèmes
d'exécution du contrat de mariage, au partage de la
société d'acquêts, au régime matrimonial, aux
questions d'assurance-vie, de partage des fonds de pension et tous ces
problèmes financiers. Les conséquences d'un divorce et d'une
séparation étant pour la plupart financières, il ne faut
pas oublier que nous faisons face régulièrement à
l'équation du plus fort versus le plus faible. (11 heures)
Chacun d'entre nous peut vous parler de cas vécus à ce
point et personnellement je peux vous souligner que j'ai vu
régulièrement dans mon cabinet des personnes qui sont venues me
souligner qu'il n'était aucunement question d'exercer leurs droits, par
peur de représailles.
Créer un tribunal de la famille sans l'application du
critère de l'exercice des règles de justice les plus
élémentaires et de la représentation serait donner
ouverture aux abus les plus incroyables.
Il est sûr que le Barreau favorise les conciliations et toutes les
améliorations du système actuel qui peuvent favoriser les
ententes, mais certes pas au détriment des droits des gens. Tant et
aussi longtemps qu'en conciliation préjudiciaire ou judiciaire les
justiciables pourront exercer et surtout exposer leurs droits avec assistance
légale, nous acceptons cet état, mais nous mettons en garde le
législateur contre l'exclusion du procureur qui ne permettrait que
d'établir la règle du plus fort.
Il est beau, il est bien de penser qu'un jour tous les couples pourront
divorcer de plein consentement, sans qu'il y ait aucune source de conflit et de
divergence entre eux. Il est beau, il est bien de penser qu'un conciliateur,
qu'un travailleur social ou quelque personne que ce soit pourra, après
une brève entrevue avec les gens, résoudre leurs problèmes
sans aucun conflit. Par contre, nous sommes d'opinion qu'il s'agit de la
théorie pure qui ne reflète en aucune façon la
réalité des choses et qui ne colle pas aux besoins de la
population comme telle.
Il faut avoir vécu le divorce personnellement pour savoir
comment, émotivement, lorsqu'on parle de motifs, lorsqu'on parle de
garde d'enfants, d'argent, plusieurs personnes sont affectées et en
viennent bien des fois à perdre toute possibilité
d'objectivité et même de sens commun. Certaines personnes, au
niveau du divorce, ont même été conduites jusqu'à
poser des actes criminels pour éviter de verser certaines sommes
d'argent et aussi intimider leur conjoint dans l'exercice de ses droits.
Enfin, nous avons souligné dans notre rapport relatif au tribunal
de la famille certains autres critères sur lesquels nous ne nous
étendrons pas plus longuement. Nous désirons vous
référer plus particulièrement à la question des
juges spécialisés, à la mobilité de ces juges et au
droit d'appel que nous considérons comme fondamental.
Telles sont les quelques remarques que nous désirons vous exposer
au sujet du tribunal de la famille.
Nous toucherons maintenant certaines des réformes
proposées dans notre rapport par ordre d'importance. Je toucherai la
question de la séparation, du divorce et de l'obligation alimentaire.
Notre droit actuel nécessite de grandes réformes dans ce domaine
et principalement au niveau du système contradictoire, au niveau des
motifs de séparation et de divorce, au niveau de la question de
l'accroissement de l'actif d'un conjoint par l'autre et, enfin, au niveau de
l'hypothèque juridi-ciaire.
Quant au système contradictoire et à la question des
motifs, nous croyons que l'échec du mariage et la preuve de cet
échec devraient constituer la base des causes de séparation et de
divorce. Nous avons modifié les articles 240 et 241 de l'Office de
révision, que l'on retrouve à la page 41, pour assouplir
grandement les réformes de l'ORCC et essayer de créer le
système le plus souple et le plus adapté à la
réalité du vécu.
Nous proposons la notion d'échec simple et de son constat, en
tenant compte du raisonnement suivant: le mariage, tel que proposé par
l'Office de révision du Code civil, est un geste responsable posé
par deux parties. Le mariage est source de devoirs et obligations. On oblige
les parties à se présenter devant un officier d'état civil
pour faire valoir leur demande de mariage. On exige un formalisme bien
précis qui est établi par l'Office de révision du Code
civil à 20 jours avant de se présenter devant l'officier
d'état civil.
On exige que cet officier d'état civil informe les parties de
leurs droits et obligations, du nom, des cours de préparation au
mariage, de l'examen médical possible. On met des exigences de base
parce que le mariage est un geste posé par les parties, qui doit
être responsable et est source de droits et obligations.
II ne faut pas oublier, par contre, que la fin du mariage, le divorce et
la séparation, est tout aussi sérieuse; tout aussi
sérieuse et source d'autant de droits et d'obligations. Nous croyons que
favoriser strictement le divorce ou la séparation de corps de pur et
simple consentement serait mener la société à la porte
ouverte vis-à-vis des divorces irresponsables. Le législateur
travaille de plus en plus à faire du mariage une institution responsable
et il doit travailler pour faire du divorce une institution responsable tout
autant, où les gens seront informés de leurs droits.
Comment, sans se présenter devant le législateur, peut-on
envisager que l'on puisse travailler au niveau de la conciliation et de la
réconciliation possible? Le tribunal ne devrait en venir au divorce ou
à la séparation de corps que sur l'établissement d'un
constat d'échec. Le constat d'échec proposé par l'Office
de révision du Code civil a été largement modifié
par le Barreau et notre commission. Nous l'avons modifié plus
particulièrement aux articles 240, 241.2 et 241.3 où, si on
applique ces trois articles, nous ne nous trouvons plus en aucune façon
dans un système contradictoire; c'est une personne qui arrive devant un
tribunal et dit: II y a échec pour telle et telle raison. Il n'y a plus
nécessité d'accuser l'autre de telle ou telle autre chose. Le
seul vestige du système contradictoire resterait l'article 241.1.
En l'absence de tout système contradictoire et en admettant le
principe que le divorce ou la séparation de corps ne se prononcera que
sur le constat d'échec, nous maintenons l'exigence que ce constat
d'échec doit être fait devant le tribunal, pour des raisons bien
précises que nous qualifions de fondamentales. Nous ne pouvons admettre
la solution extrême, qui vient d'être lancée en Californie,
du divorce par correspondance, pour la raison suivante: II est beau de penser
que les parties pourront, de consentement, régler leurs problèmes
sur les motifs, sur le constat d'échec, mais il ne faut pas oublier que
la pratique générale du droit nous a appris que 90% des dossiers
en divorce et en séparation impliquent questions financières et
questions d'enfants. Comment le tribunal pourrait-il vérifier
l'évaluation des ententes financières? Comment pourrait-il
vérifier la justesse des ententes financières ou se prononcer sur
les ententes financières sans entendre les parties? Les parties doivent
être entendues.
On proposera, un peu plus tard, que les enfants doivent être
représentés en matière familiale. Les enfants, s'ils sont
représentés en matière familiale, comment pourront-ils
faire valoir leurs droits, si on obtient le divorce sans passer devant le
tribunal? A qui s'adresseront-ils? Où exerceront-ils le forum de leurs
droits? C'est pourquoi nous pensons aussi qu'il faut passer devant le tribunal
afin de permettre au juge qui constatera le divorce, qui constatera
l'échec d'apprécier toutes les mesures accessoires de ce divorce
et permettre d'appliquer sa discrétion. Aussi, pour protéger la
population et protéger ce que j'ai appelé tantôt "le plus
faible", qui, bien souvent dans une situation matrimoniale, subit les
influences de l'autre, prenons garde, certaines statistiques américaines
prouvent que, dans certaines circonstances, parfois le plus faible peut
être le mâle comme l'épouse.
Relativement aux droits de la famille sur les questions de divorce et de
séparation de corps, j'attire votre attention sur les réformes
que nous vous proposons à l'article 264. Ces réformes sont
contenues à l'article 46 et nous semblent fondamentales. Il s'agit de
prévoir un article de loi qui permettra à son
deuxième alinéa au tribunal d'ordonner à l'un des
conjoints de verser à l'autre, en compensation de son apport à
l'accroissement de l'actif de son conjoint, les sommes jugées
raisonnables, en un ou plusieurs versements.
L'état actuel du droit a créé une situation, depuis
quelque temps, qu'on pourrait qualifier de tragique. Qu'il nous suffise de vous
référer nous vous référons à notre
mémoire à l'arrêt de la Cour d'appel:
Lévesque versus Faguy, et aussi au dernier arrêt, Lebrun versus
Rodier où le tribunal de la Cour d'appel en est venu à la
conclusion, surtout dans la cause Lebrun versus Rodier je cite, à
peu de mots près que seul un amendement législatif
permettra de corriger la situation où l'un des conjoints peut, en cours
de mariage, enrichir le patrimoine de l'autre sans aucun espoir de retour.
Ces nouveaux arrêts créent une situation tout à fait
intolérable devant les tribunaux; des conjoints ont travaillé
à l'accroissement de l'actif de l'un et ne peuvent voir, après
quinze années ou vingt années de vie commune, un juste retour de
cet accroissement de l'actif. C'est pourquoi, pour nous, l'article 264,
deuxième alinéa, est fondamental et nécessiterait
même un amendement rapide au Code civil actuel pour éviter que
nous soyons, pendant une période d'une année ou deux si la
réforme tarde à venir, dans le cas où un certain nombre
d'épouses ou de conjoints ne pourront obtenir justice relativement au
travail. Qu'il me suffise de penser, comme dans l'arrêt Lebrun vs Rodier,
à la femme qui est fermière et travaille au
bénéfice de la ferme; qu'il suffise de penser à la femme
qui est la partenaire dans l'épicerie de son conjoint, dans le garage,
etc. Les faits sont innombrables.
Je tiens à toucher la question de l'hypothèque judiciaire
qui est traitée à l'article 343 de l'Office de révision du
Code civil et aussi, plus particulièrement, à l'article 2036 du
Code civil actuel de la province de Québec. Quant à nous, il est
urgent, tant dans la réforme du droit matrimonial qu'à court
terme, qu'il y ait une modification au Code civil de la province de
Québec sur l'hypothèque judiciaire. L'hypothèque
judiciaire est une garantie donnée au conjoint relativement à
l'exécution de sa pension alimentaire au cas de défaut de
paiement. Actuellement, le Code civil de la province de Québec permet
l'enregistrement sur les immeubles. Comme la plupart de ceux qui sont dans
cette situation ne possèdent qu'un seul immeuble, il n'y a aucune porte
de sortie et l'expérience pratique nous a montré que
l'hypothèque judiciaire peut même amener certains
contribuables qui ont toujours respecté leurs obligations
alimentaires à déclarer faillite ou à perdre
complètement leurs actifs. L'hypothèque judiciaire devrait, tant
dans le nouveau Code civil que dans l'ancien, permettre une ouverture pour
substituer à l'hypothèque judiciaire des garanties ou des
sûretés équivalentes. Il est grandement temps que l'article
2036 du Code civil de la province de Québec soit modifié, tout en
assurant les droits de celui qui a droit à une pension alimentaire
à une sûreté, mais donner plus de polyvalence au juge qui
entendra la cause, donner plus de discrétion pour choisir la
sûreté. Certains, dans la pratique, ont même
été jusqu'à souligner que l'hypothèque judiciaire
pouvait être considérée comme un certain "hold-up".
Enfin, relativement à un dernier point, je désire attirer
votre attention sur les perceptions des pensions alimentaires. L'Office de
révision du Code civil de la province de Québec n'a pas
touché telle quelle la question des perceptions de pensions
alimentaires. Le Barreau du Québec, en novembre 1976, a
déjà produit un rapport au gouvernement demandant la
création de ce service. Certains particuliers ont déjà
fait parvenir au gouvernement des projets de modification de certaines lois
pour obtenir un service de pensions alimentaires. Nous croyons que c'est un
rouage essentiel, le service de perception de pensions alimentaires, et qu'il
doit être créé dans les meilleurs délais.
Quant à l'union de fait, nous avons proposé des
modifications substantielles au texte de l'Office de révision du Code
civil. Entre autres choses, l'Office de révision du Code civil, à
notre avis, reconnaissait l'union de fait mais la dispersait dans ses articles
un peu partout sans la créer ouvertement. Le Conseil du statut de la
femme a demandé qu'on légifère sur l'union de fait, et
nous sommes entièrement d'accord. Par contre, nous soulignons tel
que le Conseil du statut de la femme l'a souligné que l'union de
fait c'est une chose, c'est un choix et ce n'est pas un mariage en soi. Nous
voyons difficilement comment l'union de fait pouvait être
insérée dans le titre du mariage ou dans le titre de la
filiation. (11 h 15)
Nous croyons que nous avons besoin d'un titre particulier qui s'appelle
l'union de fait. L'union de fait correspond à une réalité
sociale, mais il faut aussi tenir compte que l'union de fait est un choix. On
pourra exercer un choix. On ne doit pas créer les mêmes droits et
obligations entre les deux choses; il faut avoir un choix
éclairé. C'est pourquoi nous ne pouvons imposer aux gens,
à la population qui a choisi l'union de fait les mêmes
critères que pour le mariage. Il doit exister une certaine protection
dans l'union de fait; les droits et obligations que nous avons
développés dans notre chapitre. Par contre, il faut
prévoir une certaine souplesse, différente de celle du mariage
pour que les gens qui s'y engagent s'y engagent en pleine connaissance de
cause.
C'est sûr que dans notre chapitre sur l'union de fait, nous
attirons votre attention sur le fait que les enfants restent toujours les
enfants des parties, avec tous les droits, qui sont inclus dans le code. Nous
attirons votre attention sur le fait que dans l'union de fait, nous avons
permis aux gens de contracter entre eux sur des dispositions relatives à
l'union de fait. Nous avons insisté pour que, dans l'union de fait, le
contrat soit un contrat écrit, pour éviter tous les
problèmes que pourraient apporter les contrats verbaux et des
procès aussi célèbres que ceux qu'on connaît
actuellement sur la côte ouest américaine.
En ce qui a trait aux dispositions relatives aux enfants, la grande
réforme est certainement celle qui est contenue dans la modification que
nous avons apportée à l'article 27. Nous trouvons que l'article
27 de l'Office de révision du Code civil sur le droit des enfants ne va
pas assez loin. L'article 27 implique que le juge garderait discrétion
relativement aux droits des enfants. Nous avons modifié cet article en
conséquence afin que le tribunal doive, non seulement quand
l'intérêt de l'enfant l'exige, mais sur demande, désigner
un avocat pour représenter l'enfant. Si nous laissons le rapport de
l'office tel qu'il est écrit, la représentation de l'enfant
restera strictement l'apanage de la discrétion des juges lorsqu'ils
jugeront, dans leur sagesse, de l'opportunité de... C'est sûr
qu'il faut laisser cette distinction, mais il faut aussi permettre la demande
expresse et créer l'obligation.
Nous croyons que la représentation de l'enfant au niveau du Code
civil de la province de Québec s'impose de façon urgente. Il est
grandement temps, surtout depuis l'instauration de la loi 24, de mettre un
terme à l'application de deux justices pour les enfants. Actuellement,
dans notre système de droit, nous avons effectivement deux justices.
Nous avons celle où les enfants sont des objets de droit, purement et
simplement, sans aucun droit de parole, devant la Cour supérieure, le
tribunal de la famille et tout problème qui les concerne à ce
sujet. Nous avons, par contre, les enfants sujets de droit, relativement
à la loi 24, à leur droit de représentation sur toute la
question de la protection et de la délinquance. De plus, dans un petit
article du Code civil de la province de Québec, l'article 304 du Code
civil, on stipule que l'enfant peut réclamer lui-même, sans
l'intervention du tuteur, ses gages et salaire. On en est rendu, dans la
province de Québec, où, au niveau de la représentation de
l'enfant, le petit garçon de 15 ans qui n'a pas reçu de
l'épicier du coin ses gages et salaire, ou le petit garçon de 16
ans qui n'a pas été payé pour avoir passé les
journaux peut réclamer seul ses droits. Mais quand on parle de sa garde,
de son intérêt devant la Cour supérieure, il n'a pas de
droits; c'est un objet de droit.
Il faut évidemment mettre un terme à ces deux justices. Le
Barreau a déjà soumis au gouvernement, en novembre 1975, un
mémoire sur la représentation des enfants. Nous avons fait
certaines suggestions à cet effet. Qu'il nous soit permis de souligner
la nécessité de cette représentation. Il y a
nécessité, de plus, parce que cette représentation existe
déjà, mais il faut faire attention, il existe déjà
actuellement un immense problème de structure organisationnelle.
L'avocat de l'enfant,
nous l'avons au niveau de la loi 24. Il faut absolument l'inclure dans
le Code civil de la province de Québec et le permettre en Chambre
familiale, mais l'avocat de l'enfant, c'est qui? c'est quoi?
Le Barreau, dans son rapport, en 1976, a fait différentes
propositions, entre autres, celle de la création d'un service d'avocats
distinct avec la possibilité du libre choix pour assurer sa
représentation. Le Parlement doit s'assurer dans les plus brefs
délais que cette structure soit créée, pour soutenir le
droit actuel de représentation au niveau de la loi 24 et le droit
à créer au niveau du Code civil de la province de
Québec.
Enfin, je passerai rapidement sur différents autres thèmes
qui existent et que nous avons soulevés et j'attirerai votre attention
sur le chapitre du mariage et de sa dissolution.
Nous avons fait certaines réformes d'incidence moins majeure,
mais que nous désirons souligner, entre autres, certaines
réformes en ce qui concerne la rupture des promesses de mariage
où nous désirons que les dommages soient limités
strictement à des dommages matériels et nous croyons que c'est
extrêmement important.
Enfin, nous appuyons l'Office de révision du Code civil quant
à tous les articles qui obligent l'officier d'état civil qui fera
un mariage sous peu, dans les 20 jours, à parler aux conjoints de la
préparation du mariage, de l'examen médical, du nom, des droits
et obligations. Il faut, dans la province de Québec, créer un
mariage responsable, comme un divorce et une séparation
responsables.
Nous avons fait certaines modifications qui cherchent à
éclaircir certaines causes de nullité et certaines prescriptions.
Enfin, pour ce qui est de la notion de résidence familiale, qui est une
nouvelle notion que nous appuyons, que nous trouvons extrêmement
importante, nous avons proposé certaines réformes pour l'adapter
à la notion des condominiums qui existent actuellement. Nous
désirons attirer votre attention sur ceci: pour ce qui est de
l'enregistrement de la déclaration de la résidence familiale,
l'Office de révision en donne l'apanage exclusif au notariat, mais nous
croyons que cela ne respecte en aucune façon la réalité du
vécu des gens.
L'enregistrement de la déclaration de la résidence pourra,
normalement, se faire en trois temps possibles. D'abord, c'est sûr, au
moment du mariage. Mais la réalité des choses nous apprend que
les gens, au moment du mariage, n'ont pas de maison; ils sont en appartement.
C'est sûr qu'au niveau du contrat de mariage ils pourront en profiter
pour faire une déclaration devant notaire à cet effet. Mais il ne
faut pas oublier que l'achat de maison se fait de façon
ultérieure et qu'il n'y a pas nécessairement une obligation de
passer devant notaire pour acheter une maison; on peut passer devant avocat et
l'enregistrer sous les formes précises prévues au Code civil de
la province de Québec.
Il en est de même au niveau du divorce. Bien des gens ne penseront
d'enregistrer la déclaration de résidence que quelque temps avant
le divorce c'est la réalité des choses et à
ce moment ils passeront devant un avocat.
Il faut tenir compte que l'économie du Code civil de la province
de Québec fait que les questions de saisie immobilière, les
questions d'hypothèques judiciaires sont l'apanage du Barreau et que
référer la déclaration de résidence en
exclusivité au notariat pourra amener certaines embûches à
la résolution des problèmes matrimoniaux qui seront soumis aux
avocats.
Quant aux régimes matrimoniaux, une réforme importante a
eu lieu il y a près de neuf ans. Nous croyons qu'il y a
difficulté sérieuse de faire devant vous une appréciation
précise de cette réforme. Cette réforme, en soi, ne pourra
être jugée qu'après une expertise complète sur ses
conséquences directes. Nous demandons au gouvernement de faire en sorte
que cette expertise puisse avoir lieu. Mais nous désirons faire une
remarque sur une difficulté qu'éprouvent les praticiens au niveau
du droit de la famille, soit celle de la dissolution du régime
matrimonial. La dissolution du régime matrimonial est extrêmement
complexe au niveau de la réforme du droit de la famille et il faudra
certes la simplifier.
Enfin, pour ce qui est de la filiation, nous désirons attirer
votre attention sur une réforme extrêmement importante que nous
avons apportée à l'article 285, encore une fois, pour mettre un
terme à une jurisprudence qui va de droite à gauche, que l'on
réfère à la règle Guérin versus Moisan de la
Cour d'appel, vers 1945, où on disait que l'enfant est
présumé avoir pour père le mari en mariage, un point c'est
tout, ou qu'on se réfère au nouvel arrêt Brault versus
Kenny où on a créé la possibilité de la double
filiation où le père naturel, malgré le père
légal, est tenu de payer.
Nous ne pouvons admettre qu'il y ait double filiation. Un enfant a un
père. Qu'on l'établisse, que ce père porte ses
responsabilités, que ce père soit obligé vis-à-vis
de lui. Mais on ne peut pas retirer de deux pères. Nous croyons que ce
principe est inadmissible. C'est pourquoi notre réforme à
l'article 285 tend à éviter ce problème et nous osons
croire que cela pourra être accepté.
Pour ce qui est de l'adoption, évidemment, l'Office de
révision du Code civil parle de la possibilité de mettre
l'adoption au niveau du Code civil; nous sommes d'accord. Il propose un certain
projet, nous avons fait certains commentaires mais nous désirons attirer
votre attention sur un point entre autres au niveau de l'adoption qui est celui
du consentement à l'adoption. Lorsqu'une personne donne son enfant pour
fins d'adoption, nous croyons que la personne qui doit requérir ce
consentement doit être d'une neutralité extrême. C'est
pourquoi nous avons demandé que ce consentement soit fait devant le
greffier du Tribunal de la jeunesse. En effet, deux théories s'opposent
au niveau de l'adoption, tant ceux qui prônent que la fille-mère
doit garder son enfant, tant ceux qui proposent la question d'adoption. Les
arguments pour chacune des théories sont fort valables et se soutiennent
très bien. La décision qu'a à donner la personne
vis-à-vis du consen-
tement à l'adoption est une décision extrêmement
importante et on ne peut accepter, tel que le propose l'Office de
révision du Code civil, qu'elle soit donnée sous pression la
veille d'accoucher, le lendemain de l'accouchement alors que l'accouchement a
été difficile, ou devant un membre du Centre des services sociaux
qui, au départ, travaille au Service de l'adoption et qui peut amener un
conflit d'intérêts majeur. C'est pourquoi nous demandons une
réforme sérieuse à ce niveau.
Qu'il me suffise de toucher les deux derniers points: l'autorité
parentale, la réforme est toute récente, elle a une lacune
sérieuse qui est la restitution de l'autorité parentale. L'Office
de révision du Code civil a proposé un changement sur
l'autorité parentale. Le législateur a établi un projet de
loi et a modifié le Code civil, il a mis de côté l'article
sur le retour de l'autorité parentale et nous croyons que c'est
très grave. C'est nier toute possibilité de réhabilitation
de quelqu'un. Il peut arriver qu'on doive retirer en partie ou en
totalité l'autorité parentale, mais le faire de façon
irrévocable est aller contre tout principe de réhabilitation et
peut priver des personnes et, entre autres, des enfants de droit qui pourraient
être très utiles après une réhabilitation d'une
partie ou de l'autre.
Quant à la présomption de survie, on a simplement à
dire qu'on est parfaitement d'accord, qu'il est grandement temps que ce soit
changé et que les propositions de l'Office de révision du Code
civil sont, pour ainsi dire, semblables à celles du Conseil du statut de
la femme et qu'on concourt complètement à ce sujet.
La Présidente (Mme Cuerrier): Merci. M. le ministre.
M. Bédard: Mme la Présidente, je voudrais remercier
le Barreau du mémoire substantiel dont il vient de faire état
devant la commission parlementaire. Je pense bien que cela traduit bien, en
réalité, l'affirmation de Mme Audette-Filion, au début de
cette séance, à l'effet que le Barreau avait consacré
beaucoup d'énergie sur l'ensemble de ce sujet, de ce chapitre au niveau
de la réforme du Code civil. Je pense que le mémoire du Barreau,
qu'on a abrégé au niveau de la présentation, nous fait
comprendre l'ampleur du travail que le gouvernement, les membres de la
commission parlementaire ont à effectuer lorsqu'on parle de la
réforme du Code civil. Il y a bien des sujets sur lesquels nous aurions
des questions à poser. Je pense, par exemple, à l'adoption,
à l'union de fait, aux différents régimes matrimoniaux et
plusieurs autres sujets que vous avez abordés.
Etant donné que nos travaux se terminent à midi ou 12 h
30, je pense bien qu'on peut aller jusqu'à 12 h 30...
M. Lalonde: Je n'ai pas d'objection.
M. Bédard: ... je tiens à ce que tous les membres
de la commission parlementaire puis- sent, au moins, poser quelques questions
aux représentants du Barreau. Je pense bien qu'il va falloir limiter les
questions. J'en aborderai seulement une en laissant la latitude aux autres
membres d'aborder peut-être d'autres sujets selon leur convenance. Le
Barreau a, à juste titre, parlé de l'urgence de l'institution
d'un tribunal de la famille. Il se dit favorable à la mise en place de
ce tribunal, que c'est attendu depuis longtemps comme réforme tout en
mentionnant, par exemple, les contraintes juridictionnelles, les contraintes
constitutionnelles qui sont en bonne voie de résolution au moment
où l'on se parle, mais qui ne sont pas encore définitivement
concrétisées. (11 h 30)
Quand le Barreau se dit favorable à la création d'un
tribunal de la famille, il précise quand même et vous avez
mis beaucoup d'importance là-dessus que les règles de
preuve et de procédure adéquates doivent assurer le "due process
of law". Vous avez insisté sur la nécessité de garder ces
règles de preuve et de procédure et vous avez mentionné
que, si ce n'était pas le cas, au bout de la ligne ce serait le
justiciable qui serait pénalisé. Je voudrais simplement demander
au représentant du Barreau s'il pourrait préciser davantage
comment cette exigence de garder les règles, intégralement, de
preuve et de procédure pour assurer le "due process of law", peut se
concilier avec l'élimination du système du débat
contradictoire lors du premier contact avec l'appareil judiciaire. L'Office de
révision du Code civil ne va pas tout à fait dans le même
sens. L'une de ses justifications est le fait qu'on veut éliminer, le
plus possible, le débat contradictoire au niveau du premier contact avec
l'appareil judiciaire. Vous pourriez peut-être nous préciser
comment vous pouvez concilier cela, avoir les règles de preuve
adéquates pour assurer le "due process of law", et, en même temps,
s'orienter parce que c'est demandé dans plusieurs mémoires
aussi vers l'élimination du débat contradictoire au niveau
du premier contact avec l'appareil judiciaire.
Le Présidente (Mme Cuerrier): Me Sirois.
M. Sirois: Premièrement, je désire vous souligner
que nous avons dit que l'un des critères de base est de respecter le
"due process of law" par des règles précises, pas
nécessairement par les règles actuelles. Il est excessivement
important, je suis parfaitement d'accord avec vous de retoucher les
règles actuelles; il faut les adapter aux circonstances mais il faut
garder des règles de base. Le Barreau, devant vous, ne vient pas
soutenir inconditionnellement les règles actuelles. La mise en garde qui
vous a été donnée est celle d'établir des
règles et de sauvegarder certaines règles et certaines
représentations. Vous nous soulignez que, de plus en plus, nous nous en
allons vers le divorce non contradictoire. Nous vous avons fait,
nous-mêmes, des propositions à cet effet et nous croyons que le
certain nombre d'articles que nous avons modifiés sont dans ce sens.
Mais cela ne regarde que le motif, que l'échec; il ne faut
absolument pas oublier que, devant les tribunaux, plus de 90% des
débats regardent la question de garde d'enfant, regarde la question de
pension alimentaire et toutes ces choses. S'il n'y a absolument pas
possibilité de faire valoir ses droits, entre celui qui veut offrir $100
de pension par semaine et celle qui dit qu'elle a droit d'en avoir $200 pour
soutenir trois enfants, il faut prévoir des règles bien
précises où chacun a la possibilité d'exposer,
dûment assisté, devant le tribunal, son désir. C'est
pourquoi je pense que, comme réponse, je dois vous dire qu'il doit y
avoir des règles adaptées et pas nécessairement les
règles actuelles. Ce qu'on dit c'est qu'il doit y avoir des
règles.
La Présidente (Mme Cuerrler): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Bédard: Question à tout le monde...
M. Lalonde: Nous pourrons, probablement, adopter la même
méthode que le ministre, de ne pas monopoliser, par plusieurs questions,
le temps qu'il nous reste pour laisser aux autres le soin d'en poser. Je
voudrais, tout d'abord, remercier le Barreau pour, non seulement la
clarté de son mémoire y compris le tableau de modifications
suggérées, mais aussi la force et la clarté de sa
présentation. Me Sirois, vous nous avez donné des arguments qui
ne sont pas même contenus dans les textes soumis. Quant à moi, je
suis largement convaincu, sinon du bien-fondé de toutes vos suggestions,
du moins des raisons et de la justification qui vous ont inspiré lorsque
vous avez fait ces suggestions-là.
Quant au nom, je voudrais peut-être apporter ici seulement une
petite réserve. Lorsque vous faites référence au
mémoire du Conseil du statut de la femme en qualifiant la suggestion du
conseil comme étant d'inspiration espagnole, je pense qu'on doit faire
la réserve suivante. Le Conseil du statut de la femme a produit un
mémoire à cette commission, qui diffère, dans une bonne
mesure je ne vous en fais pas de reproche, on l'a eu, quand même,
seulement au cours de ces derniers jours autrement dit, qui
élimine le choix qu'on impose, que la formule dite espagnole impose,
à un moment donné, d'éliminer un nom ou l'autre,
étant donné la succession des noms d'ancêtres des deux
côtés.
C'est une formule qu'on nous a expliquée avec beaucoup
d'éloquence dans une rencontre préliminaire des
députés j'imagine que tous les députés ont
été à même de l'examiner et qui est
très astucieuse. On aura l'occasion d'en évaluer ici le
bien-fondé, mais au moins cette suggestion du Conseil du statut de la
femme, modifiée, élimine le traumatisme de savoir quel nom on
enlève du nom qu'on veut choisir.
Relativement au nom je vais m'en tenir à cette
question-là actuellement vous suggérez d'en rester
à la tradition, s'il ne peut pas y avoir d'accord entre les parents,
à savoir quel nom patronymique on va donner à l'enfant.
Ne trouvez-vous pas que cette tradition a été celle qui a
véhiculé ce qu'on reproche de discré-mination à
l'égard de la femme dans notre culture occidentale, et plus
particulièrement dans notre droit et nos habitudes ici au Québec?
J'aimerais que vous nous situiez à quelle philosophie sociale vous vous
rapportez pour suggérer d'en rester à cette coutume.
M. Sirois: Au départ, je pense que Me Michèle Rivet
va répondre en partie. Je voudrais vous souligner que lorsque j'ai
parlé du Conseil du statut de la femme, en tout temps le document sur
lequel nous avons travaillé est le rapport Egalité et
Indépendance.
Nous n'étions en aucune façon informés des
propositions qui vous auraient été faites en d'autres sens.
M. Lalonde: Ce n'est pas pour vous en faire reproche que je le
souligne, c'est simplement pour la bonne compréhension de...
M. Sirois: Pour éclaircir la question, c'est à cela
que je me référais. Quant à votre question...
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Rivet.
Mme Rivet (Michèle): Peut-être pourrais-je ajouter
seulement quelques commentaires à ce qu'a déjà dit Me
Sirois pour essayer d'expliquer davantage. Il est exact que, bien sûr, le
choix, en définitive, ou l'imposition du nom du père devient en
quelque sorte une mesure discriminatoire tel qu'on l'a reproché depuis
quelques années, tel que, notamment, certains mouvements
féministes, l'ont fait.
Il nous est apparu cependant que, dans une perspective de réforme
"évolutive", il convenait sans doute, peut-être, dans un premier
temps, de voir effectivement dans quelle mesure la majorité des couples
allaient choisir le nom de la femme pour les enfants.
Si dans cette première étape le nom de la femme est
très très souvent adopté, on peut aller progressivement
vers une réforme plus complète. Il ne faut pas oublier quand
même qu'on bouleverse, par pareille réforme, c'est-à-dire
en donnant dans tous les cas le nom de la mère aux enfants, une
tradition établie, et, de toute façon, n'est-ce pas aussi
discriminatoire de choisir le nom de la mère, finalement?
N'est-ce pas tout aussi discriminatoire de privilégier un nom
plutôt qu'un autre? Compte tenu qu'il nous apparaissait que la
réponse à cette question était affirmative, nous avons
pensé que les parents devaient pouvoir avoir le choix, la
liberté, et qu'à défaut d'une entente, le nom du
père devait être maintenu, ainsi, d'ailleurs, que le propose
l'Office de révision du Code civil, mais de manière plus globale
et plus générale.
En d'autres termes, il nous est apparu que, pour nous éloigner
complètement de ce que l'Office de révision préconisait,
il nous fallait des motifs sérieux. Nous avons vu un motif qui
était le manque d'égalité dans le non-choix en quelque
sorte. C'est pour ça que nous avons rectifié,
là-dessus, les positions de l'office. Mais, pour le reste, il nous est
apparu, effectivement, que la position de l'office pouvait se défendre
et, en ce sens, nous y souscrivons.
M. Lalonde: Je vous remercie. J'aimerais quand même
souligner que cette négociation ouverte entre le père et la
mère relativement au nom de l'enfant est un peu inégale. Le
père a deux as, parce qu'il sait que, s'ils ne s'entendent pas, c'est
son nom à lui qui va être donné à son fils. Je
voulais simplement souligner ça. La mère peut seulement
espérer que le père va être d'accord, parce que, s'il n'est
pas d'accord, c'est le nom du père qui est transmis.
Je voudrais vous poser la question suivante: Le Conseil du statut de la
femme, dans son mémoire à cette commission, suggère que le
nom des deux parents soit transmis. Je ne veux pas en faire la discussion ici;
on en aura l'occasion de le faire lorsque le conseil viendra cet
après-midi. Il dit: "Pour éviter que la difficulté du
choix se pose lors de la transmission du nom ce qui est la
difficulté "espagnole" il pourra être établi que les
filles transmettent le nom de leur mère, alors qu'il reviendra aux
garçons de perpétuer celui du père." On verra la justesse
de cette suggestion à l'examen, mais c'est une façon
d'éliminer le traumatisme du choix. Si on pouvait trouver une formule
qui éliminerait ce traumatisme du choix, seriez-vous en faveur de donner
aux enfants les deux noms? Par cette formule ou une autre, seriez-vous en
faveur de donner les deux noms, celui du père et de la mère,
à l'enfant, étant donné qu'on éliminerait le
traumatisme du choix éventuel?
M. Sirois: Relativement aux deux as dont vous avez parlé
et que le père a entre les mains, nous soulignons que, si vous optez
pour le nom de la mère, en soi la mère aura les deux as. Nous
avons mis, dans un cas extrême, pour les gens qui en font un principe
extraordinaire, que peut-être nous retrouverons ces questions au niveau
des contrats de mariage; ce sera peut-être inclus dans les contrats de
mariage, si on va à une autre extrémité. C'est
sûr...
M. Lalonde: C'est très astucieux! Je vous remercie de la
suggestion.
M. Sirois: ... qu'au niveau de la proposition que le Conseil du
statut de la femme déposera, probablement immédiatement
après nous, devant vous, nous n'étions pas au courant. Lorsque
nous avons étudié le sujet, nous avons dit que reporter le choix
était dangereux; on nous propose une solution tout aussi originale que
la nôtre en disant: Les garçons porteront le nom de leur
père et les filles porteront le nom de la mère...
M. Lalonde: Excusez-moi; transmettront le nom.
M. Sirois: Transmettront le nom du père et le nom de la
mère. Je crois qu'il est difficile je ne pourrais donner qu'une
opinion purement personnelle d'impliquer les cinq personnes qui
faisaient partie de la commission vis-à-vis d'une question aussi
originale. Peut-être pourra-t-on y venir plus tard. Mais, quant à
moi, je trouve qu'on embrouille toutes les cartes.
M. Pepin: Si vous le permettez, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Pepin.
M. Pepin: Je voudrais seulement relever l'argument astucieux
également du député Lalonde. C'est le directeur
général, Mme Audette-Filion, qui me l'a soufflé à
l'oreille. Si le père, dans la réforme que nous proposons, a deux
as, la mère a, si vous me permettez un anglicisme, une "full", parce
qu'elle a l'enfant. Alors, je pense que ça peut se discuter avant qu'il
arrive et qu'on pourra s'entendre sur le choix du nom.
M. Lalonde: Elle ne peut pas fermer sa main! M. Pepin: II
y a ça!
M. Lalonde: Parce qu'il va arriver, l'enfant. M. Pepin:
Alors, il faudra rebrasser!
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Bellechasse, vous vouliez intervenir.
M. Goulet: Mme la Présidente, très rapidement,
d'abord, félicitations aux membres du Barreau pour la
présentation de leur mémoire et les explications
supplémentaires qu'ils ont bien voulu nous fournir.
A la page 4 de votre mémoire, j'aimerais avoir quelques
explications concernant les mots "volontairement" et "mobilité" lorsque
vous parlez des juges. Vous dites: "Mais ceux-ci doivent participer
volontairement à un tel tribunal et doivent pouvoir conserver une
certaine mobilité". Pourquoi le mot "volontairement"?
M. Sirois: Au départ, avant de répondre au niveau
de "volontairement", j'aimerais me référer à Micheline
Audette-Filion à ce sujet. (11 h 45)
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Audette-Filion.
Mme Audette-Filion: II s'agit d'une partie de
représentations antérieures qu'avait faites le Barreau je
vous réfère à certains autres mémoires que le
Barreau a eu l'occasion de transmettre dans le passé et qui ont
été reprises ici. On déplorait, à une certaine
époque, le fait que certains juges qui s'astreignaient à
siéger en matière familiale, s'astreignaient, je dis bien, parce
que ce n'était peut-être pas le genre de droit ou le genre
de litiges dans lesquels ils se sentaient particulièrement
à l'aise... Quant au Barreau, l'accent que nous voulons mettre de ce
côté est qu'il nous apparaît essentiel que les juges qui
sont appelés à siéger dans le domaine en question, puisque
c'est un domaine qui a beaucoup d'implications humaines et non strictement
juridiques, s'y sentent bien à leur aise et s'y plaisent, qu'ils aiment
entendre ce genre de litiges. Je pense qu'il n'y a de secret pour personne,
beaucoup d'avocats, comme de juges d'ailleurs, beaucoup de juristes ne se
sentent pas, dans ce domaine, particulièrement compétents ou
à l'aise. Ils se sentent devoir trancher des litiges qui
découlent non seulement des principes juridiques et des règles de
droit mais aussi des situations absolument complexes sur le plan humain;
certains préfèrent ne pas avoir à se pencher sur ce
domaine. C'est pourquoi nous pensons vraiment que les juges qui acceptent de
siéger devant ces tribunaux le fassent en s'y plaisant et en le faisant
avec une option complète, non seulement juridique mais beaucoup plus
vaste humainement parlant.
M. Sirois: Ci je peux ajouter une chose, dans l'optique du
praticien, la pratique du droit matrimonial est extrêmement exigeante.
C'est une des pratiques qui, à mon avis, est des plus exigeantes, compte
tenu des facteurs humains qui impliquent les parties. Le juge qui siège
au tribunal, en plus des autres raisons mentionnées par Micheline
Audette-Filion, a une charge extrêmement lourde; il doit l'exercer en
pleine sérénité. Malheureusement, certains, pour des
questions personnelles, peuvent avoir des difficultés à y
siéger. C'est pourquoi on voit difficilement, dans l'esprit d'une
meilleure justice, comment on peut, dans ce domaine particulier, imposer la
présence à certains juges à ce tribunal.
Maintenant, pour toucher un dernier point relativement au nom de
l'enfant, qu'est-ce qu'on fait des dispositions transitoires si on adopte les
deux noms? Il y a toute une période où, pour les enfants qui
viennent de naître ou ceux qui sont à naître, etc., on se
réveillera avec une foule innombrable de noms.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Bellechasse.
M. Goulet: Si vous permettez, Mme la Présidente, suite
à la réponse de madame, est-ce que vous seriez d'accord avec le
principe que les juges doivent être aidés à
l'intérieur du procès, si vous voulez, soit pendant le
procès ou après, avant de formuler le jugement, par des gens
d'autres disciplines tels les travailleurs sociaux, psychologues, psychiatres,
s'ils ne se sentent pas à l'aise ou s'il y a des questions humaines que
les juges n'aiment pas traiter? Est-ce que vous êtes d'accord que ces
gens puissent participer, même à formuler le jugement avec le
juge?
M. Sirois: Au niveau de la collaboration multidisciplinaire, au
niveau du droit de la famine, le Barreau a toujours été d'accord.
Lui-même, le Bar- reau, a collaboré avec les instances judiciaires
pour la création du service d'expertise psychosociale qui est
attaché à la Cour supérieure. Actuellement, à
Québec, il vient de s'ouvrir un service de conciliation et de
réconciliation. Il faut évidemment ouvrir la porte au travail
multidisciplinaire. Nous ne pouvons pas avoir le monopole de la
vérité à ce sujet. Par contre, nous ne pouvons pas
admettre et les représentations ont déjà
été faites au niveau de la loi 24 que d'autres personnes
que le juge statuent; qu'on éclaire le juge mais c'est à lui de
statuer. Qu'on l'éclaire en vertu de toutes les disciplines possibles. A
ce niveau, je me réfère à toute la représentation
que nous avons faite au niveau de la loi 24 parce que cette loi avait
tenté d'instituer ce qu'on appelle les assesseurs au niveau du tribunal,
et cela a été rejeté par le Parlement.
M. Goulet: Mme la Présidente, à un moment
donné, à l'intérieur du mémoire, on parle du droit
à la représentation de l'enfant, je peux dire que je suis
d'accord avec ça, surtout pendant l'année de l'enfant. Vous
faites également une recommandation que j'apprécie, à la
page 11 de votre mémoire, lorsque vous dites: "Egalement, il importe
j'espère que le ministre a souligné ce passage que
le gouvernement et ses organismes commencent eux-mêmes à respecter
la loi". Vous faites des recommandations, elles sont très bien.
Si vous voulez, en terminant, nous allons revenir au nom de l'enfant.
Lors de votre argumentation, vous avez parlé du mémoire du
Conseil du statut de la femme. Personnellement, je n'avais pas vu la solution
préconisée par le Conseil du statut de la femme comme la solution
ou la méthode espagnole. La solution préconisée par le
Conseil du statut de la femme peut être assez difficile à mettre
en application, j'en conviens, mais au moins, on propose une solution
concrète. On veut donner le même droit à la femme
qu'à l'homme. Vous dites: "Cette solution laisse aux parents la
liberté de choisir eux-mêmes le nom que portera leur enfant". Tel
que l'a mentionné mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, le
père a les deux as dans les mains. On lui laisse le choix, mais si le
père ne veut pas ou s'il n'y a pas entente, c'est le nom du
père.
Je suis bien d'accord, lorsqu'il y a entente, c'est facile. S'il y a
entente, on n'a pas besoin des tribunaux, on en a besoin quand il n'y a pas
entente. Encore là, c'est le père qui est gagnant. Ce que propose
le Conseil du statut de la femme, j'en conviens, c'est peut-être
difficile, mais je pense que ça mérite d'être
étudié en profondeur. Il propose une solution, justement, pour ne
pas qu'il y ait de non-entente, si on peut s'exprimer ainsi, Vous dites: S'il y
a entente; et s'il n'y a pas entente, c'est le père qui l'emporte. On
n'est pas plus avancé qu'on l'était, je pense, de ce
côté-là. J'aimerais que vous vous expliquiez davantage
là-dessus parce que je pense que la solution, on ne l'a pas avec ce que
vous proposez.
M. Sirois: Je pense que, certainement, on est quand même un
peu plus avancé parce que les
gens ont la liberté du choix et que, graduellement,
l'évolution de la société pourra se faire à ce
fait. Deuxièmement, notre première crainte est vis-à-vis
du fait que, d'un côté, les filles transmettent le nom de la
mère et que les garçons transmettent le nom du père. On va
se réveiller avec des familles complètes avec des noms
différents. Vous allez avoir dans les mêmes familles des Meunier
ou des Sirois qui vont être transmis, on va complètement briser la
ligne comme telle. C'est une première remarque qu'on peut apporter.
M. Goulet: Entre cousins, mais pas entre membres de la même
famille.
M. Sirois: Me Rivet voudrait ajouter quelque chose.
Mme Rivet: Evidemment, nous sommes ici pour soutenir nos
positions, non pas pour citer d'autres mémoires qu'on n'a pas lus et qui
sont peut-être effectivement...
M. Goulet: Si vous me permettez, Mme la Présidente, juste
avant que Madame réponde, c'est sur votre proposition. Vous nous dites:
S'il n'y a pas entente, c'est l'homme qui l'emporte. Je n'ai rien contre
ça, mais je voudrais savoir si les femmes... Ce que j'ai trouvé
curieux, c'est que ce soit présenté par une femme. Remarquez que
c'est seulement une boutade.
M. Bédard: Une femme à l'intérieur d'un
comité.
M. Goulet: C'était seulement madame l'avait compris
une parenthèse. Ce que vous proposez, ce que le Barreau propose,
c'est que s'il n'y a pas entente c'est bien dit c'est le nom de
l'homme. On n'est à peu près pas plus avancé qu'avant.
Mme Rivet: Je voudrais ajouter, parce que je pense que notre
argumentation est assez développée et j'ai quand même
d'autres points, que, d'une part, il y avait trois femmes qui siégeaient
à ce comité, et je pense qu'on a davantage cherché
à intervenir en tant que juriste plutôt qu'en tant que femme et il
ne faudrait surtout pas, quelle que soit la solution qui soit retenue à
quelque niveau que ce soit, que ça devienne un débat
féministe. Si on adopte le nom de la femme, si on adopte le nom de
l'homme, qu'on le fasse pour une série de raisons données, mais
je ne pense pas que l'argument sexiste doive intervenir à ce moment-ci.
Ma seule crainte, peut-être, pour répéter un peu ce que le
président Sirois disait il y a quelques instants, dans une solution
telle qu'on l'a énoncée et que, malheureusement, je n'ai pu lire,
qui serait celle du mémoire que devant vous le Conseil du statut de la
femme vous soumettra, ma seule crainte est la suivante. Je comprends
qu'à défaut de désaccord l'enfant porte à la fois
le nom du père et à la fois celui de la mère. On en vient
donc, somme toute, avec un double nom.
Est-ce qu'à ce moment-là on devrait également
prévoir des mesures transitoires pour que tous ceux, actuellement, qui
ont des noms qui existent civilement puissent effectivement modifier leur nom?
On aura finalement, en quelque sorte, une césure avant l'adoption de la
loi et après, avec, avant, les enfants qui n'ont qu'un seul nom et,
après, des enfants qui ont deux noms. J'ai l'impression qu'il y aurait
quand même et j'aimerais porter ce problème à votre
attention si cette solution était retenue, toute une série
de mesures transitoires auxquelles il conviendrait de s'attaquer quand
même un peu.
M. Goulet: Mme la Présidente, une dernière question
à l'honorable ministre, si vous permettez, et ce sera vraiment la
dernière. A la page 34 du mémoire que nous avons devant nous,
concernant les régimes matrimoniaux, la seule façon
d'évaluer la popularité du régime légal, et ainsi
de suite, il est écrit: "II serait dangereux de procéder à
une autre réforme majeure, sans cette étude au préalable".
Est-ce que le ministre peut nous dire s'il y a une étude dans le genre
qui a été commandée et, si oui, pour quand?
M. Bédard: Oui, concernant les régimes
matrimoniaux, il y a une étude récente qui a établi
qu'environ 55% des couples se prévalaient du régime matrimonial
de séparation de biens et 45% du régime légal de la
société d'acquêts. Concernant le régime de la
communauté de biens, ce n'est pas plus de 1% de gens, à l'heure
actuelle, qui s'en prévalent.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Verchères, vous aviez demandé la parole.
M. Charbonneau: Mme la Présidente, je ne suis pas avocat
et j'aimerais avoir des éclaircissements. Je me sens un petit peu mal
à l'aise autour des collègues de cette table!
M. Lalonde: Non, non, allez, allez! Il reste seulement 35
minutes, allez-y!
M. Charbonneau: Je n'en attendais pas moins de vous, vous
savez!
Au sujet de votre recommandation sur la nécessité de
l'intervention du tribunal pour permettre une évaluation d'échec
du mariage, je regarde votre mémoire aux pages 41 et 42, au sujet de
l'article 241 du Code civil, du moins, 241, selon le rapport de l'Office de la
protection, je pense que c'est le même article. Est-ce que votre
proposition de permettre une évaluation de l'échec du mariage
signifie que vous n'acceptez pas la reconnaissance de l'entente mutuelle?
Actuellement, je pense que, tant au niveau du divorce qu'au niveau de la
séparation, on ne reconnaît pas l'entente mutuelle, mais j'ai
l'impression je ne le sais pas c'est pour cela que je disais que
je n'étais pas un juriste, j'ai l'impression qu'en lisant l'article 241,
tel qu'il est proposé au paragraphe 3, on accepte l'entente mu-
tuelle après un an de séparation, et ce qui est nouveau,
aussi, à mon avis, du moins, a priori, c'est qu'auparavant, il fallait
vraiment qu'il y ait eu une séparation, que les gens ne se soient pas
vus, qu'il n'y ait de contact d'aucune façon, alors que, là, il
peut y avoir des contacts, du moment que les gens sont effectivement
séparés, qu'ils ne vivent plus ensemble pendant un délai
d'un an.
M. Sirois: Exactement, et, sur ce point, je tiens à vous
souligner que peut-être le rapport peut être
interprété comme le fait que le divorce de consentement pourra
avoir lieu après un an de séparation de fait. Mais il faut
souligner aussi que, dans le rapport de l'Office de révision du Code
civil, il est prévu et nous appuyons cette recommandation
que dès que deux époux se séparent de fait, ils peuvent
faire déterminer entre eux les règles accessoires qui auront lieu
pendant cette séparation de fait et le faire homologuer devant le
tribunal et donner force de chose jugée à cette entente.
Le grand danger, actuellement, de proposer une séparation de fait
sans passer devant le tribunal, c'est l'exécution des pensions
alimentaires et de ne rien avoir qui donne force de chose jugée, alors
que, dans l'Office de révision du Code civil et dans notre rapport, on
dit:... "si les époux font une entente de séparation de fait
entre elles, elles peuvent le faire homologuer devant le tribunal et donner
force de chose jugée." Elles peuvent retarder d'une année la
présentation devant la cour de leur demande de consentement, parce
qu'une année de séparation, c'est de consentement.
Le bien-fondé de cette remarque est de faire extrêmement
attention à ce qu'on appelle le divorce irresponsable. Je suis
tanné, je ne m'entends pas, je m'en vais devant le juge, je demande le
divorce, le divorce à piton. Il ne faut pas chercher à faire en
sorte que la société devienne une consommatrice excessive de
divorce. Ici, actuellement, on se trouve à protéger les gens qui
veulent le faire de consentement en donnant une première mesure qui
entérine leurs ententes financières et qui leur donne une
année de réflexion pour chercher à évaluer leur
point de vue, et, s'il n'y a pas de réconciliation, cela sortira
automatiquement au bout d'une année, parce que c'est un échec en
soi qu'on ne puisse pas revivre ensemble pendant une année de temps. (12
heures)
M. Charbonneau: En fait, ce que vous proposez, je m'en
réjouis, c'est qu'on mette fin au système actuel, qui est
carrément hypocrite, où on oblige des gens à aller parfois
se parjurer devant les tribunaux, sinon mentir ou organiser toutes sortes de
scénarios, pour arriver à établir une preuve qu'on n'est
plus capable de s'entendre.
M. Sirois: Nous sommes parfaitement d'accord sur ce que vous
soutenez. De là à dire qu'on ment à longueur de
journée devant les tribunaux, je n'irais pas jusque-là, mais, ce
que je veux souligner, c'est que...
M. Charbonneau: Cela dépend des cours.
M. Sirois: Cela dépend des cours. Ce que je veux
souligner, c'est qu'on ne donne, pour ainsi dire, strictement, que
l'échec et la séparation de fait d'un an, et ceux qui veulent
aller plus rapidement, devront quand même passer à travers un
certain processus essentiel.
M. Charbonneau: Je vous remercie.
M. Clair: A la page 34 du rapport du Barreau, vous constatez la
popularité mitigée du régime légal, soit la
société d'acquêts, comme régime matrimonial, et au
dernier paragraphe, après avoir constaté, en quelque sorte, si on
veut, une certaine équité au niveau de ce système, de ce
régime matrimonial, vous dites: "En vertu de notre expérience de
la pratique, il nous apparaît que la société
d'acquêts, malgré qu'elle soit bien structurée
théoriquement, se dissout difficilement lors de la séparation de
corps ou de divorce. Elle n'a nullement été conçue pour
ces éventualités qui, aujourd'hui, sont devenues très
courantes. Ses règles de partage et de récompense s'appliquent
difficilement après plusieurs années de mariage alors qu'il
devient à peu près impossible de distinguer les propres des
acquêts".
Ma question est la suivante: Constatant la bonté
théorique, si on veut, du système, vous constatez des
difficultés pratiques au moment de la dissolution, est-ce que le Barreau
a des propositions concrètes à faire pour améliorer le
régime à ce niveau?
M. Sirois: Actuellement, vous avez devant vous une proposition
concrète pour améliorer le régime; nous avons
souligné qu'il y a un article à peu près passe-partout qui
est celui du 1266n qui permet de partager par présomption
d'acquêts indivis, il faudrait créer un système de partage.
Dès qu'on entre dans la question des rapports et des récompenses,
dès que l'on tient compte d'un propre qui a servi en partie à
acheter des biens acquêts et qui reste en partie propre, et qu'on entre
dans tout le dédale des rapports et des récompenses, on
crée un système où on n'en sort plus.
C'est sûr qu'actuellement, je n'ai pas de solution miracle, mais
nous disons devant vous qu'il faudra simplifier le système parce que le
grand des problèmes est là.
M. Clair: Merci. Maintenant, par expérience, est-ce que
vous pensez que la difficulté de dissolution du régime, du
partage, est une des raisons fondamentales de la popularité plutôt
mitigée de la société d'acquêts?
M. Sirois: On ne saura pas cela tant qu'on n'aura pas
consulté les gens, mais, d'opinion strictement personnelle, plusieurs
personnes ont choisi le régime de la séparation de biens, voulant
se protéger contre les dettes possibles ou une
société d'acquêts déficitaire future; je
crois qu'après les derniers jugements de la Cour d'appel relativement
aux conséquences de la séparation de biens je pense
à Lebrun, Rodier, Faguy et Lévesque où ils perdent
tout, en fait, en séparation de biens, il y aura peut-être un
regain vis-à-vis de la société d'acquêts; il faudra
tempérer sur chacun des niveaux, mais, pour cela, il faudra aller
directement aux gens qui choisissent.
M. Clair: Au niveau de l'hypothèque judiciaire maintenant,
vous avez dit tantôt qu'à certains égards, cela pouvait
constituer une espèce de hold-up; je vous avouerai que la pratique que
j'ai eue étant celle d'un niveau d'aide juridique, je n'ai pas eu
souvent à utiliser l'hypothèque judiciaire, mais, dans les cas
où on a eu l'occasion de l'utiliser, cela nous apparaissait être
un recours particulièrement efficace. Quand vous proposez que ce soit le
tribunal qui autorise à exiger du débiteur une
sûreté supplémentaire, est-ce qu'il n'y aurait pas une
diminution importante de la qualité de la sûreté, si elle
ne peut venir qu'après autorisation du tribunal? Est-ce que je comprends
bien la recommandation?
M. Sirois: Je m'excuse; la recommandation est la suivante:
L'hypothèque judiciaire est toujours possible; l'hypothèque
judiciaire est le fait d'enregistrer un jugement alimentaire de plein droit;
cela existe toujours et dans le Code civil actuel et dans le rapport de
l'Office de révision du Code civil. Ce qu'on dit ici, c'est que le
tribunal, lorsqu'on lui en fait la demande, pourrait substituer à
l'hypothèque judiciaire d'autres sûretés ou garanties parce
que la réalité des choses nous a appris... Je pense à un
cas bien précis où un homme avait $58 000 de dettes et un seul
immeuble sur lequel était enregistrée une pension alimentaire. La
pension alimentaire ultra-faible qui était accordée tenait compte
des $58 000 de dettes.
L'homme a trouvé acheteur à sa maison, qui n'était
pas habitée par madame et les enfants, à $65 000. Nous avons
offert l'équité qui était de $7000, en compensant par
$1000 jusqu'à $7000. Nous avons offert la pleine et entière
équité pour obtenir mainlevée. J'avais même,
personnellement, souligné que, acquittant toutes les dettes, elle
pouvait avoir une pension alimentaire supplémentaire. Elle avait
décidé de le mettre dans la rue. La seule solution qui nous est
restée était d'aller en faillite. Quand nous avons perdu notre
acheteur, le syndic de faillite a fait une requête en Chambre de faillite
pour obtenir la mainlevée des hypothèques judiciaires et madame a
même contesté la mainlevée en Cour de faillite. Le juge a
été obligé de lui dire que de droit, le faillite purgeait
l'hypothèque judiciaire. Je vous cite un cas ultraextrême, mais
l'hypothèque judiciaire est source de chantage. Je n'enlève pas
le droit d'enregistrer un jugement, c'est un droit sacré. Ce n'est pas
ce que l'on a demandé. On a dit que, dans certaines circonstances, le
tribunal puisse apprécier d'autres garanties ou sûretés. On
n'a pas dit de ne jamais donner de garanties ou sûretés au
conjoint qui a droit à une pension alimentaire. On dit: II doit y avoir
garantie ou sûreté, mais pas simplement l'hypothèque
judiciaire; il y a toute une panoplie de garanties et sûretés: des
actions de compagnie, des certificats de placements, d'autres biens à
droite et à gauche. Ce qui est important, c'est que le conjoint ait des
garanties et des sûretés, mais qu'on ne se limite pas à un
immeuble.
M. Clair: Je comprends que, l'exemple que vous donnez, vous le
reconnaissez vous-même comme un exemple extrême, limite. Mais ma
préoccupation est surtout celle, et je vous en faisais part
tantôt, de s'assurer que la qualité de garantie, de
sûreté est aussi bonne. Dans les certificats d'actions, comme vous
donnez en exemple, je ne sais pas dans quelle mesure cela peut être une
sûreté aussi forte que celle de l'hypothèque judiciaire. Je
me demande dans quelle mesure il n'y aurait pas lieu, si on adoptait ce chemin,
de voir à, non pas imposer, mais à donner un certain nombre de
critères minimaux d'appréciation pour le tribunal qui aurait
à se prononcer sur la qualité de la sûreté offerte
en remplacement de l'hypothèque judiciaire. Cela peut être facile
d'offrir en sûreté des actions qui ont peu de valeur.
M. Sirois: Je tiens à vous souligner qu'à la page
50 de notre rapport, vous voyez dans la section "commentaires", une proposition
de modification de l'article 2036, aux dernières lignes, on dit: Que
l'on doit y substituer une sûreté ou garantie équivalente.
Le juge devra donner des choses équivalentes et non pas moindres. Tel
est le but de notre rapport.
M. Clair: Cela peut être difficile de trouver quelque chose
de parfaitement équivalent.
M. Sirois: Cela dépend. Si sur une maison vous avez une
équité de $7000 et que vous avez des certificats de
dépôts garantis dans un trust quelconque ou dans une caisse
populaire pour $20 000, peut-être que, mettre en fiducie les certificats
de dépôts garantis pourrait être utile.
M. Clair: Sûrement.
M. Sirois: Merci.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Bédard: Vous parlez, à un moment donné,
de la mise en place d'un service de perception alimentaire. Vous ne vous
étendez pas sur le sujet en évoquant le fait que vous avez
déjà fait parvenir au ministère de la Justice, au
ministère des Affaires sociales, un mémoire sur l'ensemble de
cette question des pensions alimentaires. Lors du discours inaugural, le
gouvernement a indiqué son intention de procéder à la mise
en place d'un système de perception des pensions alimentaires,
étant donné la situation qui existe à l'heure actuelle,
sur cette question. Dans votre rapport, auquel
vous vous référez d'ailleurs qui se retrouve en
annexe dans votre mémoire vous mentionnez la
nécessité d'assouplir les mécanismes prévus au Code
de procédure civile; vous parlez de la création d'un service
partiel, et sur demande, mais obligatoire pour les bénéficiaires
de l'aide sociale. Pourriez-vous expliciter davantage les vues du Barreau
concernant un système de perception de pensions alimentaires et,
peut-être, expliquer aussi les motifs?
M. Sirois: Premièrement, nous sommes parfaitement d'accord
sur le service de perception des pensions alimentaires, c'est une urgence. Au
départ, lorsque nous avons étudié et produit notre
mémoire, avions en main un document interne gouvernemental qui laissait
voir la possibilité de transférer l'exercice de la perception des
pensions alimentaires au protonotaire avec certaines formulations qui,
concrètement, devenaient plus longues et plus ardues que le
système actuel et qui compliquaient le système à un point
tel que le but recherché du service des perceptions de pensions
alimentaires, d'avoir une pension alimentaire dans le plus bref délai,
était complètement oublié.
Notre rapport sur le système des perceptions de pensions
alimentaires tend à faire une procédure simplifiée. Qu'on
s'inspire largement des lois de l'impôt provincial et
fédéral qui permettent les saisies sur simple demande, par une
lettre transmise par le ministère du Revenu à un employeur.
L'employeur doit immédiatement retenir les sommes pour le
ministère du Revenu. Il y a toute une possibilité de
procédures expéditives en perception de pensions alimentaires
qu'il faut absolument exploiter. De là à mettre
général et obligatoire à tout le monde le service des
perceptions de pensions alimentaires, nous pensons que nous mettons un fardeau
sur les épaules de l'Etat qui n'est pas nécessaire, parce que
certaines statistiques disent et personnellement j'aimerais voir le
rapport qui a amené ces statistiques que 75% des pensions
alimentaires ne sont pas versées. Pourquoi s'imposer la perception des
25% autres, malgré que je mette en doute les 75%?
La pension alimentaire qui rentre très bien, il y en a plusieurs
et nous sommes cinq praticiens ici, on peut dire qu'un certain nombre rentre
très bien, il n'y a pas de problème. Quant à ceux qui ont
des problèmes, la personne, pourquoi passer par l'entremise du
ministère des Affaires sociales, l'article 26 de la Loi des Affaires
sociales à laquelle nous avons pensé, c'est le fait que
dès que vous ne percevez pas votre pension alimentaire, nous croyons que
vous avez droit immédiatement à un secours.
La femme qui a quatre enfants à faire manger demain matin ne peut
pas attendre un délai de 30 jours avant de percevoir sa pension. C'est
un secours essentiel. Elle a droit à ce système-là et on
peut créer tout un système de perception de pensions alimentaires
au niveau de cette aide-là et quant au surplus, aussi, des montants
attribués par le ministère des Affaires sociales.
M. Bédard: Qu'est-ce que vous entendez exactement par
partiel?
M. Sirois: Le service de perception de pensions alimentaires
devrait toucher les personnes qui ne perçoivent pas leur pension
alimentaire. Cela ne touche qu'une partie de la population, mais la personne
qui ne perçoit pas sa pension alimentaire a droit à un secours
précis, qui est celui de l'aide sociale et, à travers un cadre,
ceux qui aident cette personne qui ne perçoit pas sa pension alimentaire
doivent, par un service gouvernemental, voir à percevoir non seulement
pour l'aide sociale qui est donnée, mais quant au surplus aussi et le
lui remettre.
M. Bédard: C'est dans le sens de supplétif,
à défaut du paiement de la pension alimentaire...
M. Sirois: C'est exactement cela.
M. Bédard: ... pas un système partiel.
M. Sirois: Non, c'est dans le sens de supplétif. A
défaut de paiement.
M. Bédard: Vous ne voyez en aucune façon
l'à-propos d'un service de perception de pensions alimentaires
instauré...
M. Sirois: Automatique?
M. Bédard: ... par l'Etat, étatique?
M. Sirois: Automatique. Pour ceux qui les paient très
bien, je n'en vois aucunement la nécessité. Les 25% officiels qui
paient très bien, nous serions portés à croire qu'il y a
peut-être plus que 25% qui paient très bien. C'est un service qui
doit être donné aux gens qui ont des problèmes à cet
effet-là.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je voudrais simplement poser une question sur les
articles 47 et 48, concernant l'union de fait. Le rapport de l'office
suggère l'application, purement et simplement, des articles 47 et 48
à l'union de fait.
Vous suggérez que l'union de fait, étant quand même
une situation exceptionnelle au mariage, devrait être traitée
différemment. Vous suggérez donc d'abroger l'article 49, mais,
d'autre part, vous suggérez un article 47; j'imagine que vous ne voulez
pas enlever l'article 47, tel qu'il est là, c'est un deuxième 47,
si je vous comprends bien, parce que vous répétez, dans votre
tableau, l'article 47 du rapport et vous suggérez d'ajouter, dans cet
article 47, un deuxième paragraphe qui prendrait soin de la situation de
l'union de fait. Mais, est-ce que, au fond, vous n'arrivez pas aux même
fins, c'est-à-dire de conserver dans le mariage, cette situation?
M. Sirois: C'est strictement technique. Ce qui est arrivé,
c'est que nous avons, au départ, refusé un principe, c'est de
mettre l'union de fait dans le chapitre du mariage. Les articles 47 et 48 sont
dans le chapitre du mariage et l'union de fait n'est pas du mariage, c'est de
l'union de fait. (12 h 15)
Alors, en abrogeant 47 et 48, nous les avons ramenés à nos
articles 2 et 3 de l'union de fait. Effectivement, on arrive au même but,
parce que, si vous lisez 47 et 48 et que vous lisez l'article 2, c'est qu'on
les a transposés du mariage à l'union de fait pour bien montrer
que ce sont bien deux choses distinctes, complètement distinctes.
M. Lalonde: Je m'excuse, j'avais compris que ça demeurait
47, mais, avec deux paragraphes, 1 et 2, mais qui traitaient uniquement de
l'union de fait; vous avez parfaitement raison.
Maintenant, pourquoi cette distinction de cohabitation d'un minimum de
trois ans? Est-ce que c'est fondé sur une étude sociologique
ou...
M. Sirois: Sur la question de l'union de fait, l'Office de
révision fait certaines propositions, nous nous sommes attardés
à étudier les récentes lois adoptées par le
gouvernement, nous nous référons à une Loi sur l'assurance
automobile, nous nous référons à la Loi de la Commission
des accidents du travail; ce sont des critères que nous avons
retrouvés dans les lois actuelles qui touchent l'union de fait et nous
pensons que nous devons généraliser ce principe dans l'article
comme tel. Il faut que l'ensemble des concordances existe partout; maintenant,
l'union de fait, si on la limite à un délai plus court que
ça, peut amener des solutions qui peuvent devenir, à un certain
point, abracadabrantes. Si vous vivez avec une personne pendant six mois, huit
mois, un an et que vous faites cela quatre ou cinq fois pendant une
période de six ans, ça vous crée des droits et
obligations. Je me pose la question à savoir si les gens voulaient se
créer autant de droits et obligations. Une union de fait implique une
certaine stabilité. C'est sûr que, à ce moment, quand il y
a un enfant, nous l'avons ramené à un an, quand il n'y a pas
d'enfant, à trois ans. On s'est appuyé purement et simplement sur
les lois qui sont déjà adoptées par le gouvernement.
M. Lalonde: Etant donné que, au fond, vous voulez
créer si vous voulez le mettre dans la loi une loi qui
reconnaît l'union de fait, vous voulez créer certains droits et
certaines obligations.
Comment un époux de fait peut-il exercer ses droits aux premiers
mois de l'union, s'il ne sait pas si ça va durer trois ans?
M. Sirois: Est-ce que ce n'est pas une liaison, à ce
moment, au lieu d'une union de fait?
M. Lalonde: Oui, mais, à ce moment, c'est seulement au
bout de trois ans que les époux vont devoir contribuer aux
charges...
M. Sirois: Cela ne me répugne pas du tout et cela ne
répugne absolument à personne du comité. Compte tenu de
cela, s'ils n'ont pas d'enfant, ce sera trois ans; un an, s'il y a des enfants,
parce que c'est un choix libre et volontaire. Plusieurs personnes qui
s'installent en union de fait veulent il y en a qui ont parlé du
noviciat du mariage ou des choses du genre voir s'il existe une
possibilité de vie en commun et c'est le temps qui donnera la
stabilité à cette union de fait. Il faut laisser agir le
temps.
M. Lalonde: Donc, vous avez répondu à ma question.
Pendant le premier mois, les deux ans et onze mois, les trois premières
années, il n'y a pas de droits ou d'obligations.
M. Sirois: II n'y a pas d'obligations. M. Lalonde: Sauf
s'il y a un enfant.
M. Sirois: C'est cela. Il n'y a pas d'obligation l'un envers
l'autre; s'il y a un enfant, les obligations naissent au bout de la
première année.
M. Lalonde: Alors, je vais vous poser ma deuxième question
car vous suggérez, au quatrième alinéa ou au
quatrième article de votre proposition, qu'on puisse déroger par
entente écrite. Donc, c'est seulement après trois ans,
c'est-à-dire à compter du moment où il y a des droits ou
des obligations, que cet article s'applique. On peut déroger même
à la loi, à ce moment-là, par entente.
M. Sirois: Oui. M. Lalonde: Bon.
M. Sirois: On peut déroger à la loi par entente
écrite.
M. Lalonde: Maintenant, je laisse de côté les trois
premières années pour les fins de la discussion. A ce
moment-là, ne trouvez-vous pas cela un peu inusité qu'on puisse,
par entente, déroger à des dispositions légales qui sont
de droit public? Sûrement, si on a voulu reconnaître l'union de
fait sans en faire un mariage, si on a voulu reconnaître des obligations
et des droits, c'est-à-dire qu'il y ait un concept juridique qui
enveloppe cette réalité sociale, ne trouvez-vous pas cela
dangereux quand même qu'on puisse y déroger par entente et de ne
confier qu'exceptionnellement au tribunal le pouvoir de modifier ces
ententes?
La Présidente (Mme Cuerrier): Me Pierrette Rayle.
Mme Rayle (Pierrette): Même à l'intérieur du
mariage, si vous remarquez les dispositions qui s'appliquent normalement entre
deux époux, le Code civil dit que les époux doivent contribuer
selon leurs facultés aux charges du ménage. Mais on a depuis
très longtemps, dans des contrats de
mariage, des exceptions à cette règle, où le mari
seul assume les charges du mariage, contractuellement. Alors, on dit: Si, dans
le mariage, à l'intérieur d'une union reconnue, sans condition,
on peut le faire, pourquoi ne pourrait-on pas le faire à
l'extérieur de cette union? Par ailleurs, je doute que ces ententes
puissent affecter les droits des enfants, pas plus que les enfants puissent
être privés de leurs droits à l'intérieur d'un
mariage. Je ne vois pas comment deux parties pourraient, par exemple, s'engager
à ne pas demander d'aliments pour un enfant qui est né ou
à naître. C'est une situation qui est semblable, qui n'est pas du
tout plus sévère que ce qu'on trouve pour les gens mariés.
S'il y a un aspect vraiment exagéré ou abusif, à ce
moment-là, il y a une discrétion du tribunal qui peut
s'exercer.
M. Lalonde: Pour terminer, ce serait l'équivalent du
contrat de mariage, mais cela devra prendre vie, disons, seulement après
trois ans.
Mme Rayle: Là-dessus, je peux vous répondre aussi
que si, disons, après un mois de début d'union, on est
obligé de recourir aux dispositions du Code civil pour une union de
fait, je ne crois pas que l'union va durer trois ans, cela me surprendrait.
M. Sirois: Ce que je voudrais dire, qui est extrêmement
important, c'est qu'on a souligné que, dans l'union de fait, on ne
crée pas les mêmes droits et obligations que dans le mariage;
exemple: le droit alimentaire par la suite. On dit que c'est
exceptionnellement, il n'y a pas de divorce.
Par contre, si les deux parties, entre elles, font un contrat indiquant
qu'advenant la cessation de l'union de fait, il y aura versement à
l'autre conjoint d'une somme de, équivalant à son apport à
l'actif d'un tel, etc., les contrats entre les parties peuvent se faire et
pourront, d'une certaine façon, assurer le libre choix entre eux et une
certaine stabilité pour le futur. Qu'on pense au cas du
célèbre acteur de Californie où ça se trouve
actuellement. Il faut penser qu'on doit légiférer ce qui
se passe sur la Côte-Ouest s'en vient ici, dans sept ou huit ans
en vue de ces problèmes qui vont nous arriver concrètement.
M. Lalonde: Ces comparaisons étant invalides, on pourrait
toujours dire que c'est une association un peu boiteuse. C'est comme une
association économique sans lien fédéral.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Bédard: ... éloquemrnent en faveur de la
souveraineté et de la nécessité de la souveraineté,
entre autres pour légiférer dans un domaine comme le droit de la
famille. Je pense qu'il s'est rendu compte jusqu'à quel point cette
souveraineté était limitée.
Tel n'est pas le but de ma question, c'est complémentairement
à ce qu'a dit le député de
Marguerite-Bourgeoys. Quelle serait la situation juridique des tiers par
rapport à ces ententes qui seraient conclues entre deux conjoints dans
l'union de fait? Est-ce qu'il y a une publicité spéciale qui
serait nécessaire à l'égard des tiers afin de
déterminer jusqu'à quel point ces derniers peuvent être
engagés?
M. Sirois: Vis-à-vis des tiers, nous avons pensé
qu'en ce qui concerne l'union de fait, le contrat qui se passait entre deux
parties était la même chose que le contrat que je peux passer
entre vous et moi, ici. Il n'y a pas nécessairement de publicité
qui peut toucher les tiers, vis-à-vis du contrat qu'on peut passer
ensemble, mais le contrat nous lie tous les deux. Cela ne liera que les deux
parties. Il n'est pas opposable aux tiers.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): Je remarque aux pages 44 et
45 de votre mémoire que, avec raison, d'ailleurs, vous dites que le
droit de visite ne comprend pas le droit de sortie. Si le droit de visite ne
cause généralement pas de problème, on sait que le droit
de sortie cause énormément de problèmes dans la pratique.
Souvent, l'un des deux conjoints, s'il accepte la visite de l'autre au domicile
ou ailleurs, ne permet pas, ou ne facilite pas, du moins, l'exercice du droit
de sortie. Les seuls recours que nous avions, c'était le recours
d'outrage au tribunal contre la partie qui ne respectait pas le jugement.
Est-ce que vous avez pensé à une formule si vous avez
pensé aux formules de perception des pensions alimentaires de
contrainte des parties qui ne veulent pas faciliter l'exercice du droit de
sortie par l'autre conjoint.
M. Sirois: C'est une question que se posent les tribunaux et les
avocats depuis fort longtemps et on n'a pas encore trouvé la
réponse à cette question de $64 000. Le problème c'est que
c'est vrai que les droits de sortie sont souvent brimés pour ceux qui
ont ce droit, qu'il s'exerce un phénomène de chantage, de
détournement d'enfants. Récemment, dans le district de
Québec, il y a eu même des jugements qui ont imposé
quelques jours de prison à des personnes qui ont brimé des droits
de sortie.
Mais est-ce qu'on peut, par voie législative, donner un certains
sens de responsabilité à celui qui a la garde d'enfants? C'est
aller très loin; on n'a pas encore trouvé une solution à
ce niveau; on arrive à un cul-de-sac.
M. Vaillancourt (Jonquière): Par contre, il est assez
odieux d'avoir recours à l'outrage au tribunal pour faire emprisonner
quelqu'un qui ne respecte pas ce droit-là également.
M. Sirois: Oui mais...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Drummond.
M. Clair: Je voudrais revenir à la question de la
représentation des enfants par avocat et vous posez une question d'ordre
pratique. Je ne conteste pas ce principe. Comment voyez-vous la mise en oeuvre
de cette représentation par avocat? Est-ce que vous la voyez par un
service disponible, par des avocats exerçant uniquement au niveau du
tribunal pour représenter les enfants? Est-ce que vous la voyez
simplement comme possibilité, si un enfant a un oncle ou une tante qui
l'amène devant, avec un avocat, il pourrait éventuellement se
faire représenter ou si on pourrait envisager également la
possibilité d'élargir le mandat de l'aide juridique, par exemple,
au niveau de la représentation des enfants? J'aimerais vous entendre
là-dessus, sur la pratique. Comment voyez-vous que cela
s'articulerait?
M. Sirois: Au niveau pratique, nous avons déjà
présenté un mémoire au gouvernement dont les conclusions
se lisaient comme suit: "Créer, au sein de la Chambre de la famille, un
service d'avocats, ayant pour unique fonction de représenter les
enfants; b) Offrir à toute personne intéressée la
possibilité de demander la désignation d'un avocat de pratique
privée ou d'un avocat rattaché à la cour", ce qui peut
peut-être se concevoir comme un système apparent au système
d'aide juridique actuel où nous avons le permanent et le libre choix. Le
Barreau propose un système de permanent et de libre choix. Mais nous
avons des réticences d'en faire un système à
l'intérieur de l'aide juridique, parce que nous croyons que les
fonctions de représentation de l'enfant sont fort distinctes de la
représentation de quelqu'autre justiciable. Il faudra, peut-être
sous le chapeau du Comité de la protection de la jeunesse,
peut-être sous un certain chapeau dans ce sens, créer un
système autonome qui servira les enfants. Toute personne qui demandera
à la cour que l'enfant ait un avocat, le tribunal sera obligé de
le lui donner. S'il n'en connaît pas, il devra aller dans une banque
quelque part, une banque d'avocats.
M. Clair: Vous spécifiez dans vos recommandations que pour
toutes les personnes intéressées, y compris les membres des
services auxiliaires du tribunal, vous incluez parmi ces services le service
à être constitué au niveau des avocats ou non?
M. Sirois: Certainement, pour ces services, les services
d'expertise psychosociale, les services de conciliation qui existent
actuellement à Québec et même les centres des services
sociaux, tels que le DPJ, toute personne qui sent que les droits d'un enfant
sont brimés devrait pouvoir s'adresser au tribunal et dire: Je veux
qu'il soit représenté.
M. Clair: Ma question portait sur le service d'assistance
judiciaire, si on veut, pour l'enfant, qui serait créé
auprès du tribunal, ce service, lui aussi, pourrait, de plein droit,
demander au nom de l'intérêt de l'enfant d'intervenir?
M. Sirois: Certainement.
M. Clair: Je vous remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le temps qui nous
était accordé est maintenant à peu près
terminé; nous en avons disposé. Je pense qu'il y aurait sans
doute d'autres questions; malheureusement, nous n'avons pas le temps de les
entendre. Vous pourriez peut-être vous rencontrer; vous savez comment
faire des représentations auprès des différentes personnes
qui se trouvent ici à la commission parlementaire.
Il me reste à remercier le Barreau pour la contribution qu'elle a
bien voulu apporter à cette commission parlementaire. La commission se
réunira de nouveau, sans doute cet après-midi, à la suite
d'une motion du leader du gouvernement à l'Assemblée nationale.
Nous ajournons maintenant nos travaux sine die.
M. Bédard: A la reprise, nous procéderons à
l'audition du mémoire du Conseil du statut de la femme, en premier lieu,
normalement vers 16 heures.
Fin de la séance à 12 h 30
Reprise de la séance à 15 h 40
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît.
La commission permanente de la justice se réunit pour une
deuxième séance. Son mandat est d'entendre les mémoires
présentés à cette commission par différents
organismes et par certaines personnes, à titre individuel.
Cet après-midi, nous entendrons le Conseil du statut de la femme.
Mme Bonenfant en est le porte-parole. J'aimerais faire une petite mise au point
avant que nous débutions. Je demanderais aux intervenants, d'abord
à Mme Bonenfant, de bien vouloir présenter les personnes qui font
partie de son groupe et je demanderais aux personnes qui voudraient intervenir
en réponse aux questions des membres de la commission de me faire signe
pour que je puisse les identifier aux fins du journal des Débats.
Autrement, il est plus difficile pour les gens qui travaillent au journal des
Débats et qui font la transcription de nos travaux de reconnaître
les noms des personnes qu'on n'entend pas souvent. Si vous voulez, vous me
faites un petit signe, avant, ppur que je puisse identifier les personnes qui
parleront. D'accord?
M. Le Moignan: Mme la Présidente...
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Gaspé, avant que je nomme les personnes qui sont membres de la
commission...
M. Le Moignan: Ah! vous allez les nommer! La Présidente
(Mme Cuerrier): Oui.
M. Le Moignan: Très bien.
La Présidente (Mme Cuerrier): Sont membres de cette
commission puisque c'est une nouvelle séance M. Alfred
(Papineau), M. Bédard (Chicoutimi), M. Blank (Saint-Louis), M.
Charbonneau (Verchères)...
M. Lalonde: Excusez-moi. Est-ce qu'il est possible de remplacer
le nom de M. Blank (Saint-Louis) par le nom de Mme Lavoie-Roux (L'Acadie)?
La Présidente (Mme Cuerrier): Pour cette séance,
Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Charbonneau (Verchères), M. Clair
(Drummond), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplacé jusqu'à son
retour...
M. Le Moignan: Est-ce qu'il y a un autre intervenant?
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui. D'accord. M. Fontaine
(Nicolet-Yamaska), M. Lacoste (Sainte-Anne), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys),
M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Vaillancourt (Jonquière).
Les intervenants sont M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Cordeau
(Saint-Hyacinthe)...
M. Le Moignan: Je remplace M. Cordeau.
La Présidente (Mme Cuerrier): ... remplacé par M. Le
Moignan (Gaspé), M. Duhaime (Saint-Maurice), M. Lavigne (Beauharnois),
M. Léger (Lafontaine), M. Marois (Laporte), M. Pagé (Portneuf),
M. Roy (Beauce-Sud), M. Tardif (Crémazie). Mme Leblanc-Bantey
(Iles-de-la-Madeleine) remplace M. Duhaime (Saint-Maurice).
Mme Bonenfant, Mme la présidente.
Conseil du statut de la femme
Mme Bonenfant (Claire): Mme la Présidente, madame et
messieurs membres de cette commission parlementaire. Inutile d'insister, je
pense, sur le grand plaisir que le Conseil du statut de la femme éprouve
aujourd'hui de venir témoigner devant cette commission parlementaire que
nous souhaitions ardemment depuis longtemps.
Alors, avant de commencer la présentation de ce mémoire,
je voudrais vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Ce sont, de
gauche à droite: Mme Sandra Shee, avocate et conseillère
juridique attachée au Conseil du statut de la femme; Mme Jocelyne
Olivier, avocate, conseillère juridique et préposée
à la rédaction du présent mémoire.
Notre mémoire s'attache davantage aux principes qu'aux
détails techniques. Notre mémoire ne fait pas l'inventaire de
toutes les recommandations de l'Office de révision du Code civil, mais
s'applique plutôt à intervenir au sujet des articles qui nous ont
semblé davantage de nature à bien établir l'autonomie des
conjoints, puisque le man- dat de notre conseil est avant tout de conseiller le
gouvernement, les législateurs, pour tout ce qui concerne les droits et
l'égalité des femmes.
En 1866, les auteurs de notre Code civil se sont inspirés du Code
Napoléon et du droit coutumier français. Les fondements du droit
de la famille reposaient alors sur la puissance paternelle et la puissance
maritale, sur la dépendance, la soumission et l'incapacité
juridique de la femme et sur la légitimité du lien matrimonial et
de la descendance.
Ces principes apparaissent depuis de nombreuses années totalement
dépassés, compte tenu des changements socio-économiques et
de la profonde modification qu'a subis la situation des femmes depuis
l'adoption du Code civil. Les femmes du Québec ont réclamé
à maintes reprises des modifications au code. Rappelons qu'à la
suite de leur pression, on instituait en 1929 la Commission sur les droits
civils des femmes, la Commission Dorion. Les femmes durent toutefois attendre
encore quelques décennies avant que des changements significatifs
interviennent dans leur condition juridique.
On se souviendra de l'abolition du double standard en 1954, de la Loi
sur la capacité juridique de la femme mariée en 1964 et de la Loi
sur les régimes matrimoniaux en 1970. Toutefois, ces amendements
apportés au Code civil apparaissent plutôt comme des palliatifs au
statut d'infériorité qui était le lot des femmes dans
notre droit, puisqu'il s'agissait de réformes très partielles
faites sans tenir compte de l'ensemble et de l'esprit du code. (15 h 45)
Les nombreuses incongruités et les anachronismes du code
étant tels, la nécessité d'une réforme globale ne
faisait plus aucun doute. Aussi, la formation, en 1955, de l'Office de
révision du Code civil marquait la volonté de la
société québécoise de s'ajuster aux
réalités contemporaines. Lors de la rédaction du rapport,
les commissaires ont été animés du souci de doter enfin
les femmes d'un statut d'égalité et de les soustraire à la
puissance paternelle et maritale. Cette orientation est conforme aux principes
énoncés dans notre rapport. "Pour les Québécoises:
égalité et indépendance". En effet, ce principe
d'égalité domine tout le droit de la famille et on note la
volonté d'éliminer toute injustice à l'égard des
femmes.
Dans un premier temps, le Conseil du statut de la femme a voulu
souligner les points sur lesquels il est en accord avec l'Office de
révision. Dans un deuxième temps, il expliquera ses
désaccords sur certaines propositions de l'Office et les recommandations
qu'il formule.
Mentionnons que nous avons utilisé, tout au long de notre
mémoire, le terme "conjoint" pour désigner la personne
mariée et "conjoint de fait" pour désigner la personne vivant en
union de fait.
Au niveau des points d'accord du Conseil du statut de la femme avec le
projet de l'Office de révision, on pourrait mentionner rapidement
l'institution du régime de la société d'acquêts
comme régime légal et aussi les dispositions relatives aux
enfants. Le conseil ne peut, évidemment, qu'appuyer les mesures
confirmant le principe de la primauté et de l'intérêt de
l'enfant parce qu'on sait bien que tout le principe qui a présidé
à l'ancien Code civil était l'oppression de deux
catégories d'individus dans notre société, les femmes et
les enfants. Alors, on ne peut que se réjouir, par exemple, de cette loi
24 qui fait maintenant de l'enfant un sujet de droit au lieu qu'autrefois, il
était un objet de droit.
Je pense qu'on ne peut que se réjouir de savoir que
désormais, les enfants seront toujours représentés dans
tout tribunal, qu'il s'agisse de n'importe quel objet qui les intéresse.
Nous sommes heureuses, évidemment, de saluer aussi le principe de
l'égalité des conjoints qui a déjà
été énoncé au Livre I et qui est maintenu par le
Livre de la famille.
En ce qui a trait à la filiation, le conseil est heureux de
constater qu'on abolit enfin les distinctions entre enfant légitime,
naturel, incestueux et adultérin. Le principe de l'autorité
parentale, tel que prévu aux articles 350 et suivants, consacre une fois
de plus l'égalité des conjoints dans le mariage. Quant à
la constitution d'un tribunal de la famille, le conseil ne doute pas de la
priorité de cette mesure. En effet, tout la réforme du droit de
la famille est étroitement liée à la mise sur pied d'un
tel tribunal et personne ne peut nier l'importance de ce besoin.
Nous sommes cependant conscientes des difficultés qui vont
présider à l'organisation de ce tribunal; alors, nous insistons
sur la célérité qui doit animer ceux qui mettront sur pied
ce tribunal de la famille. En terminant, le conseil tient aussi à
manifester son accord à l'énoncé de l'article 6 du Livre
III, éliminant la présomption de survie discriminatoire à
l'égard des femmes.
Passons maintenant au point de désaccord du Conseil du statut de
la femme avec l'Office de révision du Code civil. Ce matin, nous avons
assisté à la présentation du mémoire du Barreau et
nous avons pu constater, dès lors, que notre mémoire faisait
déjà l'objet de discussions avant même que nous ayons eu
l'occasion de le présenter, de le commenter et surtout de l'expliquer.
On a dit que le conseil avait changé d'opinion au sujet du nom. A ce
sujet, je voudrais d'abord bien situer les choses et citer surtout un passage
de la lettre d'envoi qui accompagnait le mémoire "Egalité et
Indépendance", lorsque le conseil l'a remis à Mme Payette pour
qu'il soit transmis au gouvernement du Québec.
Dans cette lettre, on disait: "Les membres sont conscients que dans la
réalisation de ces objectifs, la pertinence et l'exigence des
recommandations peuvent évoluer avec les changements des institutions de
notre société."
Alors, la recommandation 3-20 de notre mémoire "Egalité et
Indépendance" disait ceci: "Que l'enfant porte le nom de son père
ou de sa mère, au choix des deux parents. En cas de désaccord,
chacun des parents donne son nom ou un de ses deux noms. Cette disposition
devrait s'appliquer aussi dans le cas d'adoption."
Alors, à l'usage, dans la discussion il nous est apparu
très difficile de régler la transmission des noms. C'est ce qui a
amené le conseil à réévaluer cette question du nom
et de sa transmission. On a parlé, ce matin, de la pratique espagnole.
J'ai surtout compris qu'il s'agissait presque d'une auberge espagnole, parce
qu'on semblait mettre tout ce que l'on voulait dans cette transmission
espagnole. Si vous voulez, nous allons être plus précis et nous
allons vous lire en entier la position du conseil vis-à-vis du chapitre
III du Livre I, au sujet du nom et de l'identité physique.
L'Office de révision du Code civil veut que l'enfant porte le nom
patronymique de son père. Dans le contexte actuel, cet accroc au
principe de l'égalité des conjoints tel que suggéré
par les commissaires eux-mêmes ne saurait être admis. Cette
attitude de l'Office de révision du Code civil affiche une
régression puisque le silence de la loi laisse actuellement aux parents
la possibilité de donner à leurs enfants le nom de leur
choix.
L'habitude qui veut qu'un enfant porte généralement le nom
de son père ne doit donc pas être interprétée comme
étant la seule manifestation de la volonté de ses parents.
L'origine de cette coutume résulte sûrement plus du principe de
l'autorité paternelle qui dominait nos lois, nos institutions et nos
moeurs jusqu'à tout récemment et de l'ignorance des parents quant
à la possibilité d'accorder les deux noms à leurs
enfants.
Les commissaires ont invoqué le principe de l'usage constant du
nom du père pour justifier leur décision. Le Conseil du statut de
la femme estime que c'est là légaliser une forme de
discrimination, comme il serait également discriminatoire de ne retenir
que le seul nom de la mère.
Je voudrais aussi soulever cette opinion qui a été
donnée qu'on ne pouvait en faire une revendication féministe. Je
pense que ce n'est pas une revendication féministe, mais une
revendication au niveau de la discrimination.
L'esprit qui doit animer le nouveau code doit en être un de
renouveau. On ne doit pas institutionnaliser ou reproduire des idées qui
sont déjà dépassées, encore moins lorsqu'elles
marquent un recul sur le droit existant. Puisque le père et la
mère sont égaux, puisqu'ils exercent conjointement tous les deux
l'autorité parentale, les enfants doivent nécessairement porter
le nom des deux parents. La primauté du lien biologique établi
par les commentateurs a pour conséquence logique que le nom de la
mère doit précéder celui du père dans l'ordre
d'attribution du nom de l'enfant. Le fait de porter le nom de ses père
et mère évitera à l'enfant des traumatismes inutiles dans
le cas d'une séparation ou d'un divorce, alors qu'il ira vivre avec l'un
ou l'autre de ses parents.
Mentionnons que dans un souci de précision sur l'identification
de la personne, les commissaires ont préconisé à l'article
32 l'exigence d'au moins deux prénoms. Donc, l'attribution des deux noms
(mère et père) comme nom de famille nous apparaît une
solution préférable pour remédier aux difficultés
d'identification que l'on rencontre aujourd'hui.
Il importe d'uniformiser et de réglementer l'utilisation du
double nom pour éviter les difficul-
tés qui ne manqueraient pas de surgir lors de la transmission de
ce nom. Ainsi, tous les enfants d'une même famille porteront le
même nom. On a déjà vu que le nom de la mère doit
avoir l'ordre de priorité dans l'attribution. Pour éviter que la
difficulté du choix se pose lors de la transmission du nom, il pourra
être établi que les filles transmettent le nom de leur mère
alors qu'il reviendra aux garçons de perpétuer celui du
père. Le principe d'égalité des conjoints, tant
réclamé par le Conseil du statut de la femme et
prôné par l'Office de révision du Code civil, se verrait
ainsi sauvegardé.
L'enfant des conjoints en union de fait ou encore l'enfant reconnu par
sa mère et son père portera les deux noms. Quant à
l'enfant reconnu par sa seule mère, des mesures transitoires pourront
autoriser celle-ci à transmettre le nom de ses deux parents.
Alors, en conséquence le conseil recommande que le nom de famille
de l'enfant soit composé de celui de sa mère et de celui de son
père, dans l'ordre; que lors de la transmission du nom, la mère
cède à ses enfants la première partie de son nom et le
père la deuxième partie; que des dispositions transitoires soient
prévues lorsque seule la filiation maternelle est établie, et je
vous invite à consulter l'appendice A que vous trouverez à la
suite du rapport pour voir d'une façon plus pratique et plus visuelle,
comment s'opère la transmission du nom selon cette recommandation du
conseil.
Pour continuer vis-à-vis les points de désaccord du
conseil, dans le livre de la famille, au livre deuxième, concernant les
fiançailles, le Conseil du statut de la femme ne favorise pas le
maintien de recours judiciaires spéciaux lors de rupture de
fiançailles, mais recommande plutôt que soient abrogés les
articles concernant ces recours. Il nous a semblé, dans le contexte
social actuel, que ces articles étaient devenus désuets.
Au sujet de l'âge du mariage, le conseil demande que l'âge
minimal pour contracter mariage soit de 18 ans et qu'aucune dérogation
ne soit possible, et pour l'homme et pour la femme, et que cette disposition
soit déclarée d'ordre public de sorte qu'aucune
dérogation, comme je le disais, ne soit possible.
Au sujet des effets du mariage, dans la section I des droits et des
devoirs respectifs des époux, le principe de l'égalité des
conjoints se voit confirmé par l'article 41 et le Conseil du statut de
la femme ne peut que se réjouir de cette prise de position. Cependant,
nous ne voyons pas la nécessité d'inclure au paragraphe 3
l'obligation pour les conjoints de faire vie commune. Dans un contexte de
mobilité de la main-d'oeuvre et de spécialisation du travail, le
fait pour les conjoints de ne pas faire vie commune ne saurait être
interprétée comme la volonté de ne plus être
ensemble, contrairement à la séparation de fait où cette
volonté est exprimée par l'un ou l'autre des conjoints ou
même les deux. Je crois que messieurs les députés sont un
peu mal placés parce que, s'ils doivent résider à
Québec pour leur travail, ils ne sont pas souvent à leur domicile
dit régulier. C'est aussi la même chose pour les travailleurs de
la baie James.
Même si cette obligation revêt un caractère de
réciprocité, elle n'a plus aujourd'hui sa raison d'être. En
effet, il est fort à craindre que la femme ne soit, dans la plupart des
cas, la personne dont la volonté sera sacrifiée et parfois
même la carrière si elle travaille à l'extérieur. La
présence du deuxième alinéa de l'article 53 implique de
plus que l'expression "vie commune" doit être interprétée
de façon restrictive, surtout en raison de l'utilisation du terme
"exceptionnellement".
Dans la présente section, l'article 47 prévoit que les
époux contribuent aux charges du mariage en proportion de leurs
facultés respectives et que chaque époux peut s'acquitter de sa
contribution par son activité au foyer. Le Conseil du statut de la femme
est entièrement d'accord avec le principe énoncé, mais
trouve inconcevable que par contrat de mariage les couples puissent y
déroger et, par conséquent, demande que l'exception contenue
à l'article 68 soit éliminée.
Au sujet de la résidence familiale, cette section est de droit
nouveau et manifeste l'intérêt des commissaires d'assurer
l'égalité des conjoints au sein du mariage et de protéger
la résidence familiale. Certains articles vont sans doute susciter des
remarques associées à l'entrave à la liberté des
conjoints d'organiser leur vie matrimoniale. Malgré certains
inconvénients, ces dispositions, à notre avis, s'avèrent
pourtant nécessaires. Tel que prévu dans le projet à
l'étude, la protection de la résidence familiale dans le cas des
immeubles est reliée à la déclaration de résidence
familiale. Pourtant, à aucun endroit, nous ne retrouvons l'obligation de
faire ladite déclaration. Le conseil préconise donc qu'à
l'article 53, où il est prévu que les époux choisissent de
concert la résidence familiale, il soit fait obligation pour ces
mêmes époux de faire ladite déclaration.
Les formalités exigées à l'article 61 pour cette
déclaration nous apparaissent nettement exagérées. Le but
poursuivi étant la protection de la résidence de la famille, on
ne doit assortir ce droit d'exigences si grandes qu'elles rendent alors
quasiment impossible l'exercice de ce droit. Ainsi, l'obligation qui est faite
à l'un ou l'autre des conjoints de faire la déclaration en forme
notariée portant minute nécessite des déboursés et
des démarches qui peuvent entraîner le non-exercice de ce droit.
Le but poursuivi n'aura alors pas été atteint.
L'obligation de faire la déclaration de résidence
familiale devrait être énoncée à l'article 53, mais
les formalités accompagnant ladite déclaration devraient
être amoindries et, par le fait même, plus accessibles. Une formule
les regroupant pourrait être disponible, par exemple, dans les bureaux
d'enregistrement et une clause type pourrait même être incluse dans
les contrats d'achat de la résidence familiale. Cette déclaration
pourrait être faite par l'un ou l'autre des conjoints ou les deux. Une
fois enregistrée, le registrateur devra informer au moyen d'un avis le
conjoint non-signataire de ladite déclaration.
Lors de la vente d'un immeuble, en l'absence d'une déclaration de
résidence, soit par formule ou clause type contenue au contrat, le
notaire devrait vérifier s'il s'agit d'une résidence familiale et
si le consentement du conjoint non-propriétaire a été
obtenu. Cette obligation devrait engager sa responsabilité
professionnelle. Ces remarques entraînent des modifications à
l'article 59.
Le Conseil du statut de la femme suggère que soit inclus à
l'article 67 le recours au tribunal lorsque l'un des conjoints refuse de donner
le consentement requis à la vente de la résidence familiale. Le
tribunal pourrait alors régler le différend selon les
circonstances en respectant le principe de la protection de ladite
résidence. (16 heures)
L'exclusion de la protection de la résidence familiale
rattachée aux immeubles de plus de quatre logements, prévue
à l'article 59, nous semble discriminatoire et non avenue. Concernant la
déclaration de résidence familiale, dans le cas de bail, les
formalités se résumeraient en une clause insérée
dans le bail type. Pour que la protection des meubles affectés à
l'usage du ménage soit une mesure efficace, tel que prévu
à l'article 54, le consentement exigé de l'autre conjoint devrait
être un consentement écrit. Cette formalité s'avère
indispensable pour assurer à l'un ou l'autre des conjoints son droit
face au contractant de bonne foi, contrairement aux dispositions du
deuxième alinéa de l'article 55.
Dans l'élaboration du nouveau Code civil, au chapitre de la
vente, on devra tenir aussi compte de cette disposition particulière
concernant les meubles de ménage. De plus, pour une protection
supplémentaire, nous irions jusqu'à préconiser que les
meubles affectés à l'usage du ménage soient
déclarés insaisissables pour dettes personnelles.
En résumé à ce chapitre, on peut dire que le
Conseil du statut de la femme recommande que soit incluse, à l'article
53, l'obligation pour les conjoints de faire la déclaration de la
résidence familiale. Que l'article 61, relatif aux formalités de
déclaration de la résidence familiale, soit modifié. Que
la déclaration de la résidence familiale puisse être faite
par l'un ou l'autre des conjoints, ou les deux, et que le registrateur avise le
conjoint non-signataire de la déclaration de la résidence
familiale.
De plus, il faudrait que soit modifiée la loi du notariat de
façon que les notaires participent à la protection de la
résidence familiale et engagent leur responsabilité
professionnelle. Que les articles 54 et 55 soient modifiés de
façon que le consentement exigé soit un consentement écrit
dans le cas de la vente des meubles et que soit déclarés
insaisissables pour dettes personnelles les meubles affectés à
l'usage du ménage.
Passons maintenant aux régimes matrimoniaux. Au sujet de la
mutabilité des régimes matrimoniaux, le Conseil du Statut de la
femme a déjà souligné le manque d'information relatif au
principe de la mutabilité des régimes matrimoniaux et
préconise que les formalités soient simpli- fiées,
c'est-à-dire que l'homologation par le tribunal, dans le cas de
changement de régime matrimonial, ne soit plus exigée.
Au chapitre de la communauté de biens, le Conseil du statut de la
femme prétend que le régime de la communauté de biens ne
doit pas faire exception au principe de l'égalité des conjoints
et préconise que l'administration de ce régime soit
exercée par les deux conjonts. Le Conseil du statut de la femme
recommande que la cogestion administrative gère le régime de la
communauté de meubles et acquêts.
A la section 4, quand on parle de la séparation de biens et des
contrats matrimoniaux, le Conseil constate avec étonnement la
discrimination faite aux conjoints mariés en séparation de biens.
En effet, l'article 230 autorise l'un ou l'autre des conjoints, qu'ils soient
sous le régime de la société d'acquêts ou de la
communauté de biens, à demander la séparation judiciaire
de biens lorsque le régime se révèle contraire à
ses intérêts ou à ceux de la famille.
Cet article permet à l'un des conjoints de demander
unilatéralement un changement de régime matrimonial sans
qu'intervienne une séparation de corps ou un divorce. C'est là
que les conjoints mariés sous le régime de la séparation
de biens subissent un préjudice, ne pouvant se prévaloir de
l'avantage de modifier leur régime s'ils le jugent
défavorable.
Rappelons que 57% des couples mariés au Québec sont
régis par la séparation de biens. Je ne pense pas que ce soit
exagéré de dire qu'à l'intérieur de ces 57% il y a
au moins 40% des femmes qui n'ont pas de biens et qui sont mariées en
séparation de biens. Vous voyez tout de suite le désavantage. Le
code devrait prévoir la possibilité d'un recours similaire pour
ces conjoints.
Le Conseil recommande que soit modifié l'article 230 pour que
soit étendu aux conjoints mariés sous le régime de la
séparation de biens un recours permettant un changement
unilatéral de régime matrimonial.
Nous parlerons maintenant de l'union de fait. Le Conseil constate que,
contrairement à l'avant-projet sur le droit de la famille publié
par l'Office de révision du Code civil, on ne trouve pas dans le projet
final de chapitre traitant de l'union de fait.
La reconnaissance de l'union de fait apparaît à l'article
49 et les articles concernant les conjoints de fait sont dispersés dans
différents chapitres.
Les obligations matérielles attribuées aux conjoints, aux
articles 47 et 48, s'appliquent également aux conjoints de fait.
Cependant, cette attitude constitue une atteinte au principe du libre choix qui
anime les conjoints de fait. Le Conseil du statut de la femme préconise
qu'aucune obligation ne résulte de l'union de fait pour respecter la
volonté des parties en cause.
Par contre, le Conseil déplore l'absence de mention concernant la
possibilité, pour les conjoints de fait, de faire des ententes
financières. Nous croyons qu'il est nécessaire que cette
possibilité soit clairement exprimée dans le code pour
éliminer toute tendance d'interprétation restrictive de la
part des tribunaux. De tels articles pourraient être
insérés dans la section I relative aux dispositions
générales des régimes matrimoniaux. Point n'est besoin
d'insister sur la nécessité et l'importance pour les conjoints de
fait de conclure de telles ententes pour assurer leur protection
réciproque. Notre prise de position concernant l'union de fait repose
sur une véritable reconnaissance de l'égalité des
personnes et leur autonomie. C'est pourquoi il nous apparaît essentiel
d'insister sur la non-institutionnalisation de ce genre d'union et de respecter
la volonté des parties en présence.
Nous tenons aussi à souligner l'attitude discriminatoire
adoptée par l'Office de révision à l'égard des
conjoints de fait. En effet, nous remarquons qu'à l'article 293, les
conjoints de fait ne peuvent être considérés comme des
adoptants. Cette exclusion est clairement manifestée dans le rapport des
commissaires. Le Conseil du statut de la femme voit là une grande
injustice.
Le Conseil du statut de la femme a noté avec surprise la
création d'une dette alimentaire entre conjoints de fait, après
rupture, si des circonstances exceptionnelles le justifient. Cet
énoncé à l'alinéa 2 de l'article 338 constitue une
entrave supplémentaire à la liberté et à
l'autonomie des personnes concernées. De plus, l'interprétation
de circonstances exceptionnelles pourrait entraîner des situations
très ambiguës.
Nous rappelons aux membres de la commission qu'il est indispensable
d'uniformiser les conditions de durée de l'union de fait dans les lois
à caractère universel. Nous proposons donc l'adoption d'un
délai prévu déjà dans la Loi de l'assurance
automobile, soit trois ans pour le couple seul et un an dans le cas d'un couple
ayant un enfant.
Le Conseil du statut de la femme tient à préciser que,
dans les situations conflictuelles, les conjoints de fait
bénéficient des recours de droit commun.
Alors, résumons, en disant que le conseil recommande que le
principe du respect de choix de l'union de fait soit maintenu; qu'un article
autorise les ententes financières entre conjoints de fait et que
l'article 293 soit modifié de façon que les conjoints de fait
puissent être adoptants.
Maintenant, au chapitre X, section III, de la séparation de corps
et du divorce, des causes de séparation de corps et de divorce. Le
principe énoncé à l'article 240, voulant que le divorce et
la séparation de corps soient prononcés lorsque le mariage
constitue un échec nous satisfait. Dans un tel esprit, nous nous
étonnons de la présence du paragraphe 1 de l'article 241 qui est
plutôt relié à la thèse d'un divorce-sanction.
L'échec est suffisant pour constater la rupture et n'a nul besoin
d'être précisé par des spécifications telles que le
manquement à une obligation grave.
Le Conseil du statut de la femme ayant déjà
demandé, à la recommandation 11, que l'obligation pour les
conjoints de faire vie commune soit supprimée en raison de
l'interprétation respective que veut bien lui donner le code, cette
obligation ne doit pas constituer un motif de divorce et le paragraphe 2 de
l'article 241, devrait être modifié en conséquence. Il est
à remarquer que la séparation de fait est une toute autre
chose.
Le conseil déplore qu'à la suite de la dissension qui
s'est manifestée au sein du groupe de travail sur la révision du
code on ait finalement refusé d'instaurer le divorce et la
séparation de corps par consentement mutuel. Cette mesure nous
apparaît primordiale dans un contexte de séparation de corps et de
divorce-remède. De nombreux pays ont déjà adopté
cette formule et dans certains états américains, on a même
instauré le divorce par correspondance. La révision du Code civil
nous apparaît être l'occasion idéale de s'ajuster à
des principes qui, somme toute, reflètent l'état et les besoins
de notre société. C'est pourquoi nous refusons l'obligation
émise au paragraphe 3 de l'article 241 qui impose aux conjoints
admissibles au divorce, par consentement mutuel, un délai d'un an sans
cohabitation. Cette condition n'a pas sa raison d'être dans un contexte
de renouveau.
Concernant la preuve, l'article 244 prévoit que l'aveu d'une
partie est recevable, ce à quoi acquiesce le conseil. Par contre,
l'exigence possible d'une preuve additionnelle, tel que stipulé au
deuxième alinéa, nous semble superflue et non avenue. Il est
aussi tout à fait inadmissible que subsiste la possibilité pour
le tribunal de rejeter une demande de divorce ou de séparation de corps.
Une fois que les parties se sont astreintes à tout le processus d'une
telle demande, on ne peut, il me semble, que constater l'échec du
mariage. Toutes ces mesures tiennent compte de l'implantation d'un tribunal de
la famille et cela appuie la thèse du divorce-remède.
En conséquence, le conseil recommande qu'on reconnaisse le
principe du divorce par consentement mutuel; que le paragraphe 2 de l'article
241 soit modifié de façon qu'une séparation de fait de
trois ans donne ouverture à une demande de divorce; que soit maintenu au
paragraphe 2 de l'article 241 le délai de trois ans pour une demande de
séparation de corps ou de divorce en raison de maladie incurable ou
d'emprisonnement et qu'en cas de contestation de séparation de corps ou
de divorce, le jugement final soit rendu dans un délai maximum d'un
an.
Le Conseil du statut de la femme recommande aussi que l'alinéa de
l'article 246 soit modifié afin d'étendre à l'une ou
l'autre des parties en cause la possibilité de demander la
désignation d'une personne compétente pour faciliter la
conciliation parce que là, dans le projet, c'est le juge qui doit
conseiller la conciliation mais nous pensons que les parties ont droit de
demander cette conciliation.
Au sujet du mécanisme de perception des pensions alimentaires,
évidemment, le conseil est d'accord avec la création de ce
mécanisme mais nous constatons que les commissaires ont rejeté
par contre trop facilement l'implantation de la formule d'indexation des
pensions alimentaires pour une simple question de technicité. Cette
attitude oblige les parties concernées à multiplier les
demandes devant le tribunal et alourdit inutilement les coûts de
fonctionnement de l'appareil judiciaire.
Nous suggérons que l'article 257 soit modifié de
façon que l'indexation des pensions alimentaires soit prévue.
Au sujet des effets de la séparation de corps et du divorce, le
Conseil du statut de la femme est fortement préoccupé par la
situation de la femme mariée sous le régime de la
séparation de biens qui était le régime choisi par 57% des
couples en 1976. Notre préoccupation est d'autant plus justifiée
que le projet à l'étude comporte des changements profonds pour
les conjoints de ce régime.
Ainsi, les dispositions concernant la stabilité des meubles
affectés à l'usage du ménage prévues à
l'article 56 affectent le droit de propriété sur ces dits
meubles, lequel droit, en vertu des contrats de séparation de biens est
généralement dévolu à la femme. L'article 68 rend
impératives ces dispositions concernant les meubles et cela, quel que
soit le régime matrimonial des conjoints. Le conseil ne conteste pas le
bien-fondé de l'introduction de ces articles; cependant, il tient
à souligner l'impact qu'il produit sur la situation matérielle de
la femme séparée de biens, pour revenir à la remarque que
je faisais tout à l'heure sur le fait que les femmes
séparées de biens sont, pour une grande proportion,
dépourvues de biens.
Au sujet des donations, nous tenons aussi à attirer l'attention
des membres de la commission sur certains problèmes.
Nous avons remarqué qu'à l'article 264, alinéa 2,
il est prévu que le divorce et la séparation de corps sont sans
effet sur les donations entre vifs stipulées au contrat de mariage.
Cependant, l'addition d'une exception à ce principe, soit: "sauf
stipulation contraire au contrat", nous a fait sursauter. En effet, nous ne
nous expliquons pas l'introduction dans le code de la possibilité
d'introduire des clauses dont la légalité a été
maintes fois mise en doute par nos tribunaux jusqu'ici.
Les commissaires ont eux-mêmes envisagé cette
interprétation dans leurs commentaires. Ils ont pourtant passé
outre à cette difficulté craignant que cette forme de contrat de
mariage ne soit plus assortie de donations entre vifs. Peut-on imaginer qu'un
mari assortisse une donation faite à son épouse au moment du
mariage à la condition qu'elle s'engage à ne jamais le quitter?
Quoi de plus aberrant! Pourtant, d'après les commissaires, cette
pratique serait de plus en plus courante. Cet alinéa ne doit souffrir
aucune exception et ce genre de clause devrait être prohibé,
encore moins trouver caution auprès des codifica-teurs.
L'alinéa 3 autorise le tribunal à différer le
paiement des donations entre vifs. Nous ne croyons pas que les
bénéfices consentis à la femme dans ce régime
permettent au tribunal d'intervenir à ce niveau. Face à une telle
situation, la femme devra seule décider si elle consent à des
arrangements de cet ordre.
On remarque, à l'alinéa 4, que les donations pour cause de
mort, bien qu'elles soient déclarées irrévocables dans un
contrat de mariage, peuvent être annulées ou réduites.
Par un contrat de mariage en séparation de biens, la femme
renonce aux avantages qui lui sont consentis par le régime légal
ou celui de la communauté. En retour, elle bénéficie de
certains avantages tel que le droit de propriété des meubles et
donations entre vifs ou/et à cause de mort quelquefois assorties de
clauses restrictives. Nous savons tous maintenant qu'il s'agit d'avantages bien
précaires et pour ainsi dire inexistants.
Les contrats actuels comprennent pour la plupart des clauses de partage,
des tâches et des responsabilités dans le ménage. Ces
mêmes clauses font assumer, à l'homme seul, la charge
financière de la famille, alors qu'on réserve à
l'épouse les soins des enfants et l'entretien ménager. On a
cependant prévu, très fréquemment, la situation où
la femme contribuera de ses propres deniers au mieux-être de sa famille.
Dans ce cas, on a prévu aussi que, dans l'éventualité
d'une rupture, elle ne pourra alors réclamer les sommes qu'elle aura
investies par pure libéralité.
Le Conseil du statut de la femme a déjà souligné
plus haut son refus que toute dérogation à l'article 47 soit
possible, tel que prévu à l'article 68. Cependant, il nous
apparaît indispensable que le nouveau code prévoie, au chapitre de
la famille, section VII, des effets traitant de la séparation de corps
et du divorce, la possibilité pour le tribunal de reconnaître,
d'évaluer et de rembourser l'apport de la femme séparée de
biens. (16 h 15)
En effet, les tribunaux de nos jours refusent de reconnaître cet
investissement profitable à la famille et au mari, créant ainsi
quotidiennement des injustices. Nous ne croyons pas que la reconnaissance de
l'apport d'une femme au foyer ou d'une femme qui, par son travail à
l'extérieur et sa contribution de ses propres deniers aux besoins
courants de la famille, permet alors à son conjoint d'investir dans des
biens plus tangibles tels que maison, chalet, bateau et parfois plus, soit
considérée comme une atteinte au principe de l'autonomie qui nous
est si chère. Ce n'est que l'application pure et simple du principe de
justice entre conjoints et donc la confirmation de l'égalité des
conjoints.
L'inégalité du régime de la séparation de
biens venant d'être exposée, le Conseil du statut de la femme
trouve inadmissible l'énoncé du deuxième alinéa de
l'article 265. En effet, des conjoints séparés, suite à
une réconciliation, devraient logiquement être soumis au
régime légal de la société d'acquêts,
à moins de se prévaloir des dispositions de l'article 76 et
suivants.
En conclusion, le Conseil du statut de la femme recommande, à ce
chapitre, que soit créé dans cette section un article
conférant au tribunal le devoir d'évaluer et de reconnaître
la contribution du conjoint séparé de biens et de le
rémunérer en conséquence, sans préjudice à
ses droits alimentaires. Que l'alinéa 2 de l'article 265 soit
modifié de façon que les conjoints séparés
de corps, après réconciliation, soient régis par la
société d'acquêts.
Nous avons déjà, au début, dit notre accord avec la
création du tribunal de la famille. Répétons que la
création de ce tribunal va modifier grandement le climat actuel des
tribunaux. Des conflits pourront dorénavant se régler dans la
dignité et la sérénité, en tenant compte de
l'intérêt de chacun des membres de la famille. Ce tribunal devrait
faire appel à un éventail de travailleurs compétents et
spécialisés: travailleurs sociaux, psychologues,
thérapeutes, avocats, conseillers matrimoniaux, conseillers financiers
et autres, et surtout ne pas perdre de vue que les grands objectifs de la
création de ce tribunal sont la déjudiciarisation et
l'unification des juridictions.
Vis-à-vis du tribunal de la famille, on pourrait résumer
les recommandations du conseil en disant que nous recommandons qu'il y ait une
implantation graduelle du tribunal de la famille. Quand nous disons
"graduelle", nous pensons que déjà, dans les grandes villes, il
existe des mécanismes qui ont commencé à être
rodés. Je pense que le nouveau tribunal pourrait les utiliser, dans un
premier temps, quitte ensuite à continuer dans les régions plus
éloignées des grands centres. Nous recommandons que le
fonctionnement des services reliés au tribunal de la famille soit
conforme au principe du respect de la liberté et de l'autonomie des
individus; que les critères de sélection du personnel
professionnel oeuvrant au sein du tribunal de la famille soient établis
de façon à recruter des personnes indispensables à son bon
fonctionnement; que les juges et les médiateurs choisis pour
siéger au tribunal de la famille aient des connaissances dans des
disciplines complémentaires au droit familial et fassent preuve de
qualités et d'aptitudes dans ce domaine; que soit créé un
service de fixation des pensions alimentaires à l'instar du service de
perception des pensions alimentaires.
En conclusion, disons qu'au XXe siècle sont survenus de profonds
changements socio-économiques qui ont entraîné des
modifications de la structure familiale. L'ère des familles nombreuses
et traditionnelles est désormais révolue. Au Québec, les
couples ont maintenant 1.8 enfant, 44% des femmes sont sur le marché du
travail, un mariage sur trois constitue un échec et les rôles
sociaux de l'homme et de la femme ont profondément changé. Il est
donc urgent que des législations adéquates soient adoptées
en matière familiale. Les femmes du Québec ont déjà
attendu trop longtemps ces réformes, la reconnaissance de leur
égalité et l'accession à leur autonomie.
Les commentaires qui accompagnent le rapport de l'Office de
révision du Code civil nous démontrent bien que, malgré
ces situations nouvelles, les commissaires en présence d'opinions
diversifiées se sont ralliés aux positions conservatrices. En
effet, nous remarquons cette attitude à plusieurs reprises. Il en fut
ainsi pour le nom, l'union de fait, les motifs de séparation de corps ou
divorce et leurs effets, autant de sujets qui auraient nécessité,
il me semble, d'une telle commission une prise de position novatrice. Notre
contexte social en pleine évolution et transformation ne doit
tolérer aucun compromis de cette sorte. On ne doit pas rater la chance
unique que nous avons au Québec d'adapter notre droit familial à
nos besoins et à notre identité collective. Il ne faut pas
présumer l'étroitesse d'esprit des Québécois et des
Québécoises en refusant de leur proposer des tendances
innovatrices sous prétexte qu'elles bousculeraient une tradition
séculaire. Au contraire, nous croyons que le Québec est
prêt à accepter des changements majeurs mieux adaptés
à son présent et à son avenir. Il ne faut pas oublier que
l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui ne se présentera pas dans un
proche avenir. N'oublions pas que Napoléon est mort depuis longtemps et
nous pourrions ajouter que, si nous tenons à notre héritage
français, je ne crois pas que c'est au Code civil que nous devons nous
accrocher.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre.
M. Bédard: Alors, Mme la Présidente, je tiens
à remercier le Conseil du statut de la femme qui, par la voix de sa
présidente, nous a présenté l'essentiel du mémoire
et les principales recommandations de son organisme. Je pense n'exprimer que
l'accord de tous les membres de la commission en constatant dès
maintenant, sans préjuger des décisions gouvernementales qui
pourront être prises dans un avenir le plus rapproché possible...
Je pense n'exprimer que l'opinion de chacun des membres de cette commission
parlementaire en disant que ce mémoire constitue sans aucun doute une
contribution très importante aux travaux de la présente
commission.
Vous vous êtes étonnées, à un moment
donné, avant même que vous ayez eu l'occasion de présenter
votre mémoire, que déjà celui qui vous
précédait, le Barreau, commence à le discuter. Je pense
que ce n'est que normal et que ce n'est que la preuve de l'importance que
reconnaît le Barreau au mémoire que vous avez
présenté. C'est la reconnaissance par le Barreau du poids que
vous pouvez représenter concernant l'ensemble des membres de cette
commission.
Vous avez mentionné que depuis longtemps une telle commission
parlementaire était attendue. Je pense que jusqu'à maintenant le
gouvernement a essayé de répondre le plus rapidement possible
à certaines attentes justifiées dans le milieu. Il y a, comme
vous le savez, j'en ai fait état ce matin, certaines contraintes
constitutionnelles qui pouvaient être de nature à nous inciter
à la prudence avant de s'acheminer, comme membres de la commission
parlementaire, de se plonger définitivement dans une réforme qui
serait significative, entre autres concernant le tribunal de la famille. Nous
avons de bonnes raisons de croire qu'effectivement cette situation est
appelée à se corriger, comme l'a mentionné le
député de l'Union Nationale ce matin, après 20 ans de
revendications de la part du gouvernement du Québec auprès
des
autorités fédérales. Nous sommes tellement
convaincus que cette situation va se corriger que nous avons dès
maintenant l'idée d'engager le débat, que l'on parle du tribunal
de la famille, du divorce ou du mariage, et d'aborder l'ensemble de
l'étude de ces sujets en tenant pour acquis qu'effectivement vont se
concrétiser certaines ententes qui ont eu lieu entre les provinces et le
fédéral lors des dernières discussions
constitutionnelles.
Je ne voudrais pas, Mme la Présidente, être trop long, je
sais que nous sommes quand même un peu limités dans le temps. Il y
aurait certaines questions, avec votre permission, que je me permettrais
d'acheminer à Mme la présidente.
Concernant par exemple le nom des enfants, on l'a fait remarquer ce
matin, dans un premier temps le rapport qui avait été
publié par le Conseil du statut de la femme, après consultation
des associations féminines, avait opté, cela me semblait assez
clair, pour le libre choix concernant le nom des enfants et, dans le cas
où il n'y aurait pas entente entre les parties, qu'à ce
moment-là les deux noms soient inscrits.
Vous avez une position qui est un peu différente aujourd'hui dans
votre mémoire puisque, à moins que je vous comprenne mal, vous
orientez votre position sur l'importance de l'indication des deux noms.
Est-ce que vous pourriez vous avez explicité
déjà quelques raisons de ce changement d'attitude donner
d'autres raisons qui vous viennent à l'esprit? Surtout, dites-nous quel
cheminement a pris ce changement de position, étant donné que
ce n'est pas un reproche, j'espère que vous ne le prendrez pas
comme cela dans un premier temps la position avait été
prise après consultation de toutes les associations féminines. Je
compends qu'il y a eu discussion et reconsultation pour en arriver à la
position plus précise que vous nous soumettez concernant le nom de
l'enfant...
Mme Bonenfant: La remise en question de cette position est venue
à la suite justement de nombreux reproches que l'on nous a faits sur la
difficulté d'un mode de transmission des noms. A toutes fins utiles, on
finissait par laisser tomber un nom à la majorité de l'enfant ou
au moment du mariage. C'est dans cet esprit que nous nous sommes
penchées vers de nouveaux modes de transmission du nom et que nous en
sommes arrivées à ce projet. Maintenant, j'aimerais donner la
parole à Jocelyne Olivier qui a particulièrement travaillé
à ce dossier de transmission du nom, qui va, elle, vous apporter plus de
détails.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
Mme Olivier (Jocelyne): Justement, le reproche que le Barreau a
fait ce matin au conseil sur la position qui avait été
établie dans le mémoire est justement un argument qui nous a
incitées à revoir notre position. C'est que, dans la politique
d'ensemble, on faisait quand même une déclaration de principe,
expliquant clairement la volonté d'iden- tification des enfants ou la
reconnaissance de l'autorité des deux parents. Mais les
difficultés qu'entraînaient la transmission et l'application de ce
principe d'égalité n'auraient pas manqué de surgir et
c'est ce qu'on a prévu. Les reproches qu'on nous a faits ce matin, et
qu'on aurait pu nous faire, qui disaient de ne pas se préoccuper de la
transmission, justement, on a voulu éviter que ce reproche nous soit
fait. Evidemment, si on laisse le libre choix, on laisse la porte ouverte
à toutes sortes de possibilités, que ce soit le nom de la
mère, le nom du père, suivant la volonté de chacun, que ce
soient les deux noms ou un seul nom. Que ce soient l'Etat ou les organismes
administratifs, le besoin se serait sûrement fait sentir, à plus
ou moins court terme, d'une refonte ou d'une reformulation. C'est ce qui nous a
entraînées à proposer une solution qui règle les
problèmes, qui uniformise l'utilisation et l'acceptation de notre
position.
M. Bédard: Quand vous nous dites que cela pourrait
créer toutes sortes de situations en fonction de l'avenir, est-ce que,
si on laissait le libre choix, à l'heure actuelle, dans le Code civil,
ce n'est pas le libre choix qui est reconnu comme règle
générale? Peut-être, et je serais d'accord avec vous, n'y
a-t-il pas eu suffisamment de publicité sur le droit de la mère
égal à celui du père dans la loi existant
présentement. C'est peut-être cela je m'interroge
c'est peut-être ce manque de publicité sur ce libre choix qui
existe à l'heure actuelle dans le Code civil qui fait que, d'une
façon coutumière, on adopte le nom du mari pour le nom de
l'enfant.
Mme Olivier: C'est sûrement le manque de publicité
sur le sujet qui fait qu'on l'adopte c'est d'ailleurs ce qu'on invoque
mais si la coutume ou l'usage du double nom était plus
répandu, si on laissait le libre choix au moment de la transmission, des
difficultés ne manqueraient pas de se poser. Si on laisse le libre
choix, qui va choisir quoi? C'est-à-dire qui? La mère ou le
père. Si on tient pour acquis que tout le monde a deux noms et que de
plus en plus de gens utilisent les deux noms, comme le code veut sembler le
permettre, il y aura sûrement, si on ne règlemente pas ou on
n'uniformise pas l'utilisation et la transmission de ce double nom, de
nombreuses difficultés, de nombreuses complications qui vont surgir. Si
on laisse le libre choix, on règle le problème dans
l'immédiat. Mais pour les générations futures, qu'est-ce
qui va arriver? Comment va-t-on régler ce problème? C'est
reporter ultérieurement une difficulté. (16 h 30)
C'est d'ailleurs ce qui a motivé le conseil à modifier sa
position. On a fait une déclaration de principe qui respectait la
volonté du conseil, mais on s'est dit: C'est bien, c'est bon la
déclaration de principe, mais on va nous reprocher de ne pas se
préoccuper des difficultés qui vont surgir de cela. On laisse le
libre choix, mais si deux personnes s'unissent et qu'elles ont des enfants et
qu'elles
ont toutes les deux deux noms, qui va choisir quoi pour qui? Pourquoi
une mère devrait-elle choisir de perpétuer le nom d'un de ses
deux parents, par exemple, l'un ou l'autre aux dépens... ou l'un au
profit de l'autre ou toutes sortes de complications?
Dans certains cas, on pourrait préférer retransmettre le
nom du père, dans d'autres cas, ce serait le nom de la mère. Il y
aurait toutes sortes d'embûches que vont soulever ce problème.
C'est sûr que c'est une situation qui ne se pose pas actuellement, parce
qu'il n'y en a pas ou si peu, mais qui va se poser. C'est pour cela que le
conseil a décidé d'adopter une position. Ce n'est pas vraiment un
changement; c'est face à la réalité d'application de notre
recommandation. On a voulu... on a constaté les difficultés de
l'application et on a voulu y remédier immédiatement. Cela peut
paraître à prime abord surprenant, mais c'est justement, on n'y a
pas manqué, tout de suite, ce matin..., c'est le reproche qu'on faisait
à la déclaration de principe qui avait été faite
dans la politique d'ensemble. Donc, on avait prévu ou on avait vu juste.
C'est sûr que c'est plus facile de dire seulement le libre choix, mais
toutes les difficultés qui vont surgir si on n'uniformise pas la
transmission... On ne réglemente pas. Alors, on a proposé une
solution qui confirme les principes d'égalité des conjoints, qui
confirme l'autorité parentale, qui est presque une formule
mathématique où on propose que ce soit la première partie
en tous les cas et qui nous apparaissait équitable, et avec une
explication juridique qui était conforme aux principes
énoncés dans le Code civil.
M. Bédard: Mais à votre idée, la
transmission du nom se ferait comment?
Mme Shee: Mme la Présidente, si vous me le permettez, je
donne suite à l'argumentation.
La Présidente (Mme Cuerrier): Madame Sandra Shee.
M. Bédard: Je sais que...
Mme Shee (Sandra): Je voudrais juste ouvrir une petite
parenthèse qui serait très importante suite à votre
question, c'est pour vous dire que dans certains districts judiciaires dont la
ville de Montréal, même s'il y a libre choix, la ville oblige les
parents, que ce soient les enfants naturels ou légitimes, à
donner le nom du père et uniquement lorsque c'est le nom de la
mère, on peut donner le nom de la mère, et des femmes ont
dû contester ce règlement. Alors même si le droit existe, il
y a des entités administratives qui refusent le droit de porter le
double nom. Alors, quand même s'il y a une règle qui est
établie, à ce moment, on éviterait que des femmes doivent
intenter des procédures judiciaires pour faire reconnaître leurs
droits. C'est une parenthèse que je voulais ouvrir, suite à votre
question.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
Mme Olivier: Je pense que les recommandations il y a
évidemment un tableau c'est toujours... on s'embarque sur un
terrain un peu glissant en essayant d'expliquer un tableau avec beaucoup de
monde. En tout cas, si vous voulez le prendre ou le consulter... Si vous voulez
prendre le tableau, je vais essayer, mais je trouve cela toujours difficile
d'expliquer un tableau...
Il suit la page 38... On part de notre génération, celle
qui nous concerne, où on a deux couples. Je dois préciser...
C'est une remarque qu'on m'a faite au conseil. Dans la légende, le X, ce
doit être une déformation. On voulait dire que X égale
mariage, mais on m'a bien fait préciser qu'il fallait souligner plus le
terme "union" et non "mariage", puisqu'on peut avoir des enfants en dehors du
mariage; alors si vous voulez corriger le tableau.
Alors, on tient pour acquis qu'il y a deux couples qui sont de la
génération d'aujourd'hui, qui n'ont qu'un seul nom,
c'est-à-dire, qu'un seul nom de famille. Alors, quand on voit les
Tanguay, Mme Tanguay ou Mlle Tanguay qui s'unit à M. Hébert, ils
auront des enfants et les enfants de la même famille porteront le nom de
Tanguay-Hébert. Alors, on va faire la même chose. Cela nous prend
deux familles pour qu'on fasse les liens par la suite. Alors, les Tremblay
avec... Marie Tremblay-Trudeau. Il faut aussi tenir pour acquis que dans le
nouveau code, on prévoit la conservation de son identité. Chacun
des conjoints va aussi conserver son identité. Il ne faut pas oublier
que les couples seront maintenant reconnus chacun sous son propre nom; chacun
gardera son nom de naissance.
Les enfants des Tremblay et Trudeau seront des Tremblay-Trudeau. Si vous
faites une union entre Pierre Tanguay-Hébert j'imagine
qu'à la première génération... tout le monde me
suit, ça ne pose pas de difficulté et Claire
Tremblay-Trudeau, leurs enfants, suivant notre théorie, seront des
Tremblay-Hébert puisque Claire s'appelant Tremblay-Trudeau, la
première partie du nom de la mère va composer le nom des enfants.
C'est le nom des Tremblay qu'on retrouve et la deuxième partie du nom de
Pierre qui est Hébert. Ce sont des Tremblay-Hébert. J'imagine que
ceux qui n'ont pas le tableau... Jusque-là, ça va?
A la même génération, Diane on les a unis
entre cousins justement pour montrer la distinction qui épousera
André Tremblay-Trudeau, aura des enfants qui seront des Tanguay-Trudeau
puisque la première partie du nom de Diane était Tanguay et la
deuxième partie du nom d'André est Trudeau. Si vous revoyez le
tableau, Hélène et Denis Tremblay-Hébert et Michèle
et Jean Tanguay-Trudeau sont cousins. Ce sont des cousins, mais ils n'ont pas
le même nom puisque les uns portent la première partie du nom de
la mère et la deuxième partie du nom du père. Avec le
tableau, est-ce que vous...
M. Bédard: On peut suivre.
Mme Olivier: Cela va? En fait, on pourrait continuer
indéfiniment, mais ça montre bien,
quand on dit les filles... Le but recherché n'était pas
que les filles perpétuent le nom de la mère ou que les hommes
perpétuent le nom du père, le but recherché était
je pense que notre recommandation est très claire que le
nom des enfants, à la page 9, que le nom de famille de l'enfant soit
composé de celui de sa mère et de celui de son père, dans
l'ordre, et que, lors de la transmission, la mère cède à
ses enfants la première partie de son nom et la deuxième. Si on
visualise très bien la théorie selon laquelle les gens auront
tous maintenant un nom composé, c'est très simple, ça
devient presque une formule mathématique. Tout le monde
bénéficiant d'un nom composé, on transmet la
première partie. Effectivement, il se produit que les filles se trouvent
à transmettre le nom de la mère, mais ce n'était pas le
but recherché. Le but recherché était vraiment une formule
qui satisfasse nos objectifs et qui puisse s'appliquer facilement. Nos
objectifs étaient aussi juridiques. Le but poursuivi était nos
objectifs et toujours l'égalité des conjoints, l'autorité
parentale.
M. Bédard: Peut-être que mes collègues auront
d'autres questions à poser sur ce sujet. Par rapport à un autre
ordre de préoccupations que vous avez concernant le tribunal de la
famille, dont vous réclamez l'instauration le plus rapidement possible
en alléguant que cela pourrait contribuer et j'en suis convaincu
à modifier le climat actuel des tribunaux dans ce domaine, vous
parlez, par exemple, d'une implantation graduelle du tribunal de la famille, en
commençant par les grands centres. Ce n'est pas parce que je viens d'une
région que je m'étonne de votre recommandation, non pas que je
prétende que notre région est un grand centre, mais, à
partir du moment où le tribunal de la famille constitue une
nécessité, il la constitue pour l'ensemble des
Québécois, où qu'ils soient.
Est-ce que votre proposition d'y aller d'une façon graduelle
vient de la crainte que vous avez que, si c'était implanté dans
tout le territoire du Québec en même temps, cela pourrait
représenter un peu trop de lourdeur administrative? Avez-vous d'autres
considérations spécifiques?
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Bonen-fant.
Mme Bonenfant: Ce que je voulais dire surtout, c'était que
pour éviter des délais trop longs, je pense que dès
maintenant, dans les centres les plus populeux, dans les grands centres comme
Montréal et Québec, je pense qu'on est très près
d'arriver à la structuration de tribunaux de la famille parce qu'on a
déjà beaucoup de mécanismes qui sont en place. Quand je
suggérais une implantation progressive, c'était surtout en
pensant que dans les centres de grande concentration de population, on pourrait
peut-être, dès maintenant, y arriver quitte à aller plus
rapidement ensuite vers les régions. C'était surtout dans un
souci d'accélérer la création de ces tribunaux parce que
j'ai peur que, si on attend d'être prêt pour les dix régions
du Québec, on attende encore plusieurs années avant de les
implanter. Je pense qu'il y aurait peut-être moyen d'y aller
progressivement et c'était l'esprit de notre recommandation. Si vous
êtes prêts dès maintenant, bravo!
M. Bédard: Concernant l'autre sujet, l'union de fait, vous
recommandez que l'union de fait ne crée aucune obligation pour les
époux de fait afin de mieux respecter ce que vous appelez leur libre
choix de vie et leur libre choix en termes de liberté. Vous demandez
cependant que soit reconnues les ententes financières que les
époux de fait vont conclure entre eux. Concernant cette solution, est-ce
qu'elle ne risque pas de laisser des gens qui ont vécu très
longtemps ensemble sans protection s'ils n'ont pas pris la précaution
d'écrire des ententes entre eux? Autrement dit, le couple qui n'aurait
pas de telles ententes financières, une fois que la séparation de
fait arriverait, n'ayant pas conclu d'entente, quelle sorte de protection
prévoyez-vous pour la femme dans ces circonstances?
Mme Vaillant (Jeanne-d'Arc): Suite à votre question,
disons qu'évidemment, il y a tout un débat de fond sur cela mais
ce pour quoi on a retenu simplement les ententes matérielles, c'est
qu'on s'est dit finalement que, pour les gens qui vivaient en union de fait, il
ne fallait pas institutionnaliser encore. A ce moment-là, cela devient
une autre forme de mariage. On s'est référé au principe de
droit commun tout le problème des ententes non écrites parce que,
finalement, entre les différentes parties qui ont vécu pendant
plusieurs années ensemble, il y a quand même eu des ententes,
même si elles sont non écrites, qui peuvent revenir au principe de
droit commun. On n'a pas voulu aller plus loin parce qu'à ce
moment-là cela voudrait dire qu'il faudrait prévoir tout un
système qui serait à peu près l'équivalent du
mariage, finalement, en termes d'obligation. Ce qu'on a recommandé
concernant les différentes lois à caractère universel,
c'est qu'on mette une uniformité dans le cas de l'union de fait,
c'est-à-dire trois ans de vie commune et un an s'il y a un enfant pour
que, touchant les différentes lois à caractère universel,
elles puissent s'appliquer.
Disons que les motifs qui expliquent notre prise de position, c'est
surtout le respect du choix des individus ou des deux partenaires qui veulent
vivre en union de fait. Cela rejoint une autre dimension concernant les
ententes. Il faudrait, à ce moment-là, qu'il y ait beaucoup de
publicité pour informer les personnes, qui vivent en union de fait, de
la possibilité de faire des ententes et que ces ententes puissent
exister. Donc, c'est en gros ce qui explique notre prise de position concernant
l'union de fait.
M. Bédard: Si je regarde cette ligne de votre
mémoire, ce serait de la publicité pour indiquer plus que la
possibilité, mais la nécessité d'avoir des ententes...
Mme Vaillant: La nécessité.
M. Bédard: ... parce que s'il n'y en a pas, à ce
moment-là, il n'y a que les principes de droit commun qui peuvent jouer.
(16 h 45)
Mme Vaillant: Exactement. Il y a évidemment l'institution,
les gens qui choisissent le mariage, et il y a l'autre possibilité celle
de l'union de fait, qui est un respect du choix des individus de ne pas
institutionnaliser leur union. A ce moment-là, on se dit que, si on
établit toute une série d'articles prévoyant dans les
moindres détails les règles régissant l'union de fait, on
se trouve finalement à créer une nouvelle institution.
Donc, en conséquence, on se dit: Respectons la liberté de
choix des individus, mais permettons des ententes matérielles en mettant
l'accent sur la nécessité d'informer les gens qui vivent en union
de fait de cette possibilité.
M. Bédard: Mme la Présidente, j'aurais d'autres
questions, mais je vais me limiter à celles-ci pour laisser la parole
à mes collègues de la commission parlementaire, quitte à
revenir par la suite.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys, vous m'aviez fait signe.
M. Lalonde: Oui, merci, Mme la Présidente. Quant à
moi, je vais laisser ma collègue, le député de L'Acadie,
intervenir un peu plus tard.
Je voudrais tout d'abord remercier le Conseil du statut de la femme pour
ses recommandations et pour la clarté en grande partie. Je dis en grande
partie parce que j'ai quelques questions à ajouter à son
mémoire.
Je voudrais plaider coupable: Votre recommandation concernant le nom a
été discutée ce matin par le Barreau, quoique ce ne soit
pas une culpabilité tellement grande. Je demande votre indulgence en
plus, en même temps. Le Barreau a mentionné votre prise de
position du rapport "Egalité et Indépendance" dans sa
présentation et je voulais éliminer l'équivoque en
rappelant qu'une position différente était contenue dans votre
rapport. Loin de moi l'intention de vous reprocher d'avoir fait ce changement,
au contraire, je pense que c'est la preuve que vous avez continué la
réflexion là-dessus et c'est tout à fait correct, quant
à moi.
J'aimerais vous poser une question. A la page 12, vous parlez de la
primauté du lien biologique comme d'un postulat. Je ne sais pas si vous
avez fait des études scientifiques là-dessus. Quant à moi,
je veux bien qu'on mette le nom de l'épouse avant celui de
l'époux dans le nom de l'enfant, et ce n'est pas dit d'une façon
paternaliste, madame.
Je ne suis pas en désaccord avec l'idée, mais, concernant
la primauté du lien biologique, jusqu'où remonte-t-on dans le
processus pour conclure que cette primauté du lien biologique justifie
de mettre le nom de la mère avant celui du père?
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
Mme Olivier: En fait, sur la primauté du lien biologique,
on a reproduit...
M. Bédard: Vous en avez peut-être la preuve avec Mme
Denyse Leblanc.
Mme Olivier: En fait, on a reproduit le terme utilisé par
les commissaires eux-mêmes dans les commentaires, les commissaires de
l'Office de révision, qui nous disent, je ne voudrais pas mal les citer,
mais ils partent de cette primauté du lien biologique. On doit dans le
code établir des présomptions de paternité pour assurer
celle-ci.
Dans le cas de la mère, généralement, la naissance
est faite en présence d'autres personnes. Alors, la naissance et le lien
qui existe entre la mère et son enfant sont prouvés de
façon beaucoup plus certaine que par la présomption. On doit
édicter dans le Code civil des présomptions pour la
paternité. Dans le cas de la mère, ce n'est pas
nécessaire.
M. Lalonde: Dans ce sens-là, le caractère tangible
de la preuve est sûrement plus évident.
Vous avez soulevé la question, aux pages 18 et 19 en fait,
vous commencez à la page 17 des formalités exigées
par l'article 61. La déclaration de résidence familiale pourrait
en effet être faite par l'un ou l'autre des conjoints. Vous
suggérez que ce soit tellement important dans le titre même de la
propriété que le notaire qui présiderait à une
vente ou à la création d'un autre droit réel sur la
propriété soit tenu responsable, donc engage sa
responsabilité professionnelle et qu'il devrait vérifier
je lis votre texte "s'il s'agit d'une résidence familiale et si
le consentement du conjoint non propriétaire a été
obtenu". Est-ce que vous ne voyez pas une difficulté pratique lorsque la
déclaration a été faite par un des deux conjoints? Comment
prouver que l'autre conjoint a consenti puisqu'on n'exige pas la signature des
deux conjoints.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Vaillant.
Mme Vaillant: Ce qu'on a voulu en mettant l'accent sur la
responsabilité notariale c'est que, lors du contrat comme tel, le
notaire ait l'obligation de vérifier si l'immeuble dont il est question
est bel et bien une résidence familiale. La déclaration de
résidence n'étant pas obligatoire, et si on se reporte aux
articles suggérés par l'Office de révision, il n'y a
aucune obligation créée et, à ce moment-là, on
suggère que ce soit fait sous forme notariée, la
déclaration de résidence.
Ce qu'on a voulu faire en ajoutant cette responsabilité
notariale, c'est de s'assurer que, lors de la transmission d'un bien, que le
notaire vérifie, finalement... Si vous regardez les contrats, le notaire
va vérifier le régime matrimonial. Le notaire pourrait
très bien, même si la Chambre des notaires va sûrement
réagir, vérifier s'il s'agit d'une résidence familiale en
s'informant auprès de l'autre conjoint. A ce moment-là, si tel
est le cas, le conjoint en est averti et il peut signer. Si cela se
fait à son détriment et sans qu'il ne le sache, le
conjoint peut intervenir parce qu'il faut absolument, si on veut qu'il y ait
une protection efficace concernant la résidence familiale, il faut qu'il
y ait des sanctions. On peut émettre un voeu et souhaiter que tout le
monde remplisse une formule de déclaration de résidence et
l'enregistre, mais à moins qu'il n'y ait des obligations
créées et qu'il y ait des sanctions, cela ne se fera pas.
On a songé à cette modalité technique, si vous
voulez, pour mettre l'accent sur l'importance de la protection de la
résidence familiale. Il y a peut-être d'autres suggestions. Cela
nous apparaissait une formule qui protégeait encore plus la
résidence familiale.
M. Lalonde: Je vous remercie.
Mme Drolet (Danièle): Pour compléter, en page 18,
nous soulignons que le régistrateur doit informer, au moyen d'un avis,
le conjoint qui n'est pas signataire de la déclaration. Cela peut
pallier à l'absence de signature de celui qui n'est pas
propriétaire. D'accord?
M. Lalonde: Je vous remercie. Vous semblez éliminer du
revers de la main l'article 59, c'est-à-dire l'exception
rattachée aux immeubles de plus de quatre logements. Vous
déclarez cet article discriminatoire et non avenu. Pourriez-vous
expliciter votre... en haut de la page 19.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
Mme Olivier: Dans nos recommandations, on dit: "Que soit
modifié l'article". C'est que d'après le projet de l'Office de
révision du Code civil, la protection de la résidence familiale
est liée à la déclaration, toujours dans le projet. Si la
déclaration n'est pas faite, la résidence familiale n'est pas
protégée. L'article 59 apporte une limite, c'est-à-dire
qu'on dit: La déclaration peut être faite sur un immeuble de moins
de quatre logements. Cela veut donc dire que des conjoints qui habitent un
immeuble de cinq ou de six logements ne peuvent pas avoir une résidence
familiale protégée puisqu'on ne peut pas faire de
déclaration sur un immeuble de plus de quatre logements. La position des
commentateurs à cet effet disait qu'un immeuble de plus de quatre
logements était plus qu'une résidence familiale et pouvait avoir
une valeur commerciale. C'est la position que les commentateurs ont
adoptée en disant: On peut finalement geler ou hypothéquer un
immeuble de valeur commerciale.
Evidemment, il existe des mécanismes prévus au même
chapitre de recours aux tribunaux dans le cas de refus du conjoint
non-signataire de... Alors, si le conjoint non-signataire refuse de donner son
consentement à la vente d'un immeuble, il existe des recours au tribunal
dans le projet. N'accorder la protection de la résidence familiale
qu'aux immeubles de moins de quatre logements était discriminatoire. Il
y a énormément de mai- sons qui ont plus de quatre logements,
où des conjoints habitent. Il y a de nombreux immeubles juste ici
à Québec dans le quartier Montcalm qui ont six logements, et ces
gens ne pourraient pas bénéficier de la protection de la
résidence familiale selon la formulation de l'article 59. C'est dans cet
esprit qu'on a...
M. Lalonde: Mme la Présidente, j'aurais seulement une
dernière question qui touche à l'union de fait. C'est une
question générale; je vais laisser ma collègue de L'Acadie
vous poser d'autres questions là-dessus. Vous demandez que l'union de
fait ne soit pas institutionnalisée, donc que ce soit
complètement étranger au système du droit. C'est la
liberté entière. D'autre part, vous demandez que les ententes
concernant cette union soient reconnues par la loi. Est-ce que vous ne voyez
pas une contradiction? Parce que, aussitôt que l'entente est reconnue par
la loi, cela devient une institution juridique, qu'on appelle cela contrat de
mariage, acte de vente, acte d'hypothèque, chacun de ces contrats est
une institution juridique. Cela institutionnalise l'entente, donc la situation
aussi. Je me demande dans quelle mesure ce n'est pas contradictoire.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
Mme Olivier: Ce n'est pas contradictoire selon nous parce que ce
sont les obligations que les conjoints de fait auront bien voulu se donner dans
l'entente. C'est ce que cela confirme. On refuse que ce soit
institutionnalisé dans le code, qu'on donne des obligations ou qu'on
oblige les conjoints de fait à certaines choses. Mais on dit: Les
conjoints de fait qui voudront bien se créer des obligations entre eux,
qu'on les reconnaisse. Le besoin qu'on avait de demander qu'un article soit
introduit dans le code à cet effet, c'était justement cela. Pour
ceux qui ont travaillé en pratique, ce genre d'entente c'est pour
cela que les commentateurs ne l'ont pas reproduite était mal
interprété ou était interprété comme
étant illégal. Les commentateurs n'ont pas voulu, et ils le
disent bien dans leur mémoire ou dans l'avant-projet, ils n'ont pas
voulu le confirmer dans le projet. Ils ont introduit certaines choses pour
prendre conscience de l'existence de ces unions. On ne pouvait pas les nier.
Par contre, ils se sont refusés à prévoir la
possibilité que des conjoints de fait se fassent des obligations. Alors,
c'est cela. On dit: Les conjoints de fait qui voudront bien se faire des
obligations entre eux, ce sont celles-là qui devront être
respectées et non pas celles que le code aura prévues.
M. Lalonde: Je vous remercie beaucoup.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Gaspé, est-ce que vous êtes prêt? Vous m'aviez fait signe
que vous vouliez intervenir.
M. Le Moignan: Oui, cela va être très bref, Mme la
Présidente. Je vous remercie beaucoup. Je
n'aurai pas besoin de répéter les félicitations qui
ont déjà été adressées pour ce
mémoire qui est très bien étoffé. Plusieurs points
ont été touchés et on vient de parler des conjoints de
fait. Est-ce qu'il a été question déjà des enfants,
par exemple? Est-ce que la question a été posée tout
à l'heure? Non? Si les conjoints de fait, après trois, quatre ou
cinq ans, ont un ou deux enfants, à qui, à ce moment, incombe la
responsabilité des enfants?
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
Mme Olivier: Concernant la reconnaissance du droit des enfants,
étant donné que le code prévoit qu'il n'y a plus de
distinction, que l'affiliation une fois établie, les enfants ont tous
les mêmes droits, alors il existe une présomption de
paternité dans le cas de conjoints qui vivent en union de fait. Les
droits des enfants ne sont pas du tout brimés, ne sont pas
touchés par les recommandations du conseil. Les droits des enfants
subsistent et existent. Les recours sont les mêmes que pour les enfants
d'un mariage et cela ne touche pas du tout le droit des enfants. (17
heures)
La seule distinction qui est précisée c'est que les
conjoints entre eux ne se doivent plus d'obligation, sauf celles qu'ils ont
bien voulu se donner. La reconnaissance que l'on demande aux lois à
caractère universel, c'est parce que cela introduit l'intervention des
tiers, c'est-à-dire dans le cas de l'assurance automobile, il est
important que les conjoints, au moment où l'union se fait, que leur
union soit reconnue quant aux obligations des tiers vis-à-vis d'eux.
Mais, le principe toujours poursuivi, c'est leur attitude... l'autonomie et le
libre choix de l'union. Mais quant aux enfants, cela ne brime pas le droit des
enfants: ils ont les mêmes recours que s'ils étaient nés
d'une union soi-disant légitime d'un mariage.
Mme Shee: C'est à remarquer, je m'excuse, si je peux
ouvrir une autre parenthèse, qu'à l'heure actuelle lorsque des
conjoints de fait reconnaissent leurs enfants, automatiquement ils ont
l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants. Les enfants
naturels doivent des aliments à leurs parents naturels dans le besoin. A
l'heure actuelle, il 'y a pas de problème, parce qu'il y a des
obligations qui sont créées de part et d'autre, même
actuellement.
M. Le Moignan: Mais si les deux conjoints, après
séparation, ne veulent plus s'occuper de leurs enfants, à ce
moment ils deviennent à la charge d'un organisme ou de l'Etat, ou est-ce
qu'on peut les poursuivre comme dans le cas de parents?
Mme Shee: Tout dépend de la situation et de la
reconnaissance. Si l'enfant naturel n'a pas été adopté,
les deux sont tenus. Il se peut il y a des actions qui sont entreprises
au tribunal de la famille qu'un autre organisme ait à s'en
occuper si les parents ne peuvent pas s'en occuper.
Mais si les parents peuvent s'en occuper, les obligations
persistent.
M. Le Moignan: Maintenant, une autre question. Quand vous
réclamez la séparation ou le divorce par consentement mutuel, on
sait que le consentement mutuel, même si on ne parle pas de mariage ou
d'union, peut entraîner quelquefois certaines complications. Quelle
démarche avez-vous suivie pour en arriver à faire cette
suggestion? Vous mentionnez que cela peut se faire par correspondance, par
carte postale quoi. Il me semble que j'ai vu cela "par correspondance" tout
à l'heure, à la page 26.
Mme Vaillant: Dans certains états américains. Ce
n'est absolument pas ce que nous suggérons. Vous voulez savoir quels
sont les principes qui ont motivé notre prise de position. C'est
basé, tant pour l'homme que pour la femme, sur l'autonomie et
l'égalité des individus; l'autonomie des gens, le respect et la
dignité des gens. Ce qui nous apparaît fondamental, c'est qu'entre
deux adultes autonomes, à ce moment, quand il y a échec du
mariage ou quand il n'y a plus de possibilité de vie commune, on devrait
reconnaître leur consentement mutuel. Il ne s'agit pas de
divorce-sanction, il ne s'agit pas de débat contradictoire, il ne s'agit
pas de faute, il s'agit de deux partenaires autonomes et qui, à ce
moment, peuvent, de consentement mutuel, constater que la vie commune n'est
plus possible et qu'il y a échec au mariage. C'est ce principe qui nous
a animées dans la présentation de notre recommandation.
M. Le Moignan: Vous mentionnez que le fait existe dans certains
pays, dans certains états américains; je suis d'accord avec vous.
Mais avez-vous fait des analyses là-bas? Dans la pratique, qu'est-ce que
cela donnait comme résultat.
Mme Vaillant: Bien, écoutez...
Mme Bonenfant: Mme la Présidente, je voudrais ajouter
quelque chose. Je pense qu'il faudrait se conduire vis-à-vis le divorce
comme on se conduit vis-à-vis le mariage. Je pense qu'on n'a jamais vu
que le ministre du mariage fasse des enquêtes pour savoir si les couples
s'aiment bien avant de se marier. Tout simplement, les couples vont devant le
ministre du mariage et témoignent du désir de s'unir et le
prêtre ou l'officier civil ratifie, comme témoin, le désir
de ce couple d'être ensemble. Je pense que lorsqu'on arrive à
constater l'échec d'un mariage, ces adultes doivent aussi aller devant
le tribunal et faire constater par un officier les dires qu'ils avancent,
c'est-à-dire que leur mariage est un échec et qu'ils
désirent se séparer. Le juge est là comme témoin,
comme le prêtre ou le maire a été là comme
témoin, lors du mariage. C'est comme cela que je le vois.
La Présidente (Mme Cuerrier): Madame... M. le
député...
M. Le Moignan: C'est très bien. Je vous remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme le député
des Iles-de-la-Madeleine.
Mme Leblanc-Bantey: Cela vous a coupé le souffle.
M. Le Moignan: Non, ce sont les seules questions que j'avais
à poser.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme le
député.
Mme Leblanc-Bantey: Oui, je vais revenir à une des
recommandations qui certainement touche une des cordes les plus sensibles de
nos moeurs, la transmission du nom.
D'abord, je veux souligner que je ne vois pas de contradiction entre ce
que vous recommandez dans Egalité et Indépendance et ce que vous
recommandez maintenant. J'ai l'impression que vous avez tout simplement
poussé votre réflexion plus loin, compte tenu des
difficultés d'application que le statu quo pouvait
représenter.
Vous avez émis certaines opinions à ce sujet quand le
ministre vous a posé des questions. En termes pratiques, cela existe
déjà dans la réalité, il y a quand même des
familles qui ont choisi de donner les deux noms aux enfants. Donc, il y a des
précédents qui existent. Est-ce que vous avez, au niveau
administratif ou à d'autres niveaux, des exemples très
précis de difficulté que pose dans la réalité le
libre choix quant à la transmission du nom?
Mme Olivier: Actuellement, le Service Action-Femme du Conseil a
eu des difficultés.
Actuellement, dans la province, au greffe, là où sont
enregistrés les enfants, cela ne pose pas de difficulté sauf
à la ville de Montréal. A la ville de Montréal, le
contentieux a émis une opinion juridique selon laquelle il y avait une
directive administrative et on refuse systématiquement le droit aux
parents qui veulent donner les deux noms à leurs enfants de le faire.
Alors, les gens vont dans les alentours, à Longueuil ou ailleurs, mais
à la ville de Montréal c'est refusé
systématiquement, malgré, les interventions qu'il y a eues de la
part du conseil ou du service à ce niveau-là. Le texte de la loi
actuel n'étant pas clair, on se base là-dessus, on refuse
d'inscrire les enfants sous les deux noms.
Mme Leblanc-Bantey: En fait, la question... vous m'excuserez, je
vais expliciter davantage. Supposons que je décide d'appeler mon enfant
Leblanc-Bantey et qu'il se marie à un Tremblay. Dans la
réalité, avez-vous des exemples; Quel est le nom que porte le
petit enfant, puisqu'il n'y a pas de règle précise,
concrète?
Comment cela s'organise au bout de la lignée, comment on se
retrouve?
Mme Oliver: Au bout de la lignée, il s'appellerait
Tremblay. Actuellement?
Mme Leblanc-Bantey: Oui, il prendrait strictement le nom du
mari.
Mme Olivier: Actuellement, il y a le libre choix. Il
s'appellerait, dans votre contexte, Leblanc-Tremblay.
Mme Leblanc-Bantey: Non, je ne parle pas selon vos
recommandations, je parle selon la réalité d'aujourd'hui.
Mme Olivier: Ah! selon la réalité, c'est...
Mme Leblanc-Bantey: II pourrait s'appeler n'importe
comment...
Mme Olivier: II pourrait s'appeler n'importe comment.
Mme Leblanc-Bantey: Donc, il y aurait du travail à fournir
aux généalogistes si je comprends bien.
Mme Shee: Je me permets de revenir au double nom. L'importance,
c'est que dans le projet on avait prévu un double prénom pour
éviter les complications. Quand il est question de l'ordinateur, on a
parfois des jumeaux, deux Jean Tremblay ou autres. Il me semble plus important
d'avoir un double nom parce qu'à ce moment-là on peut mieux
identifier ces personnes que celles qui ont un double prénom. Alors, je
tenais à souligner quand même...
Mme Leblanc-Bantey: A ce moment-là, le deuxième nom
pourrait remplacer le deuxième prénom pour...
Mme Shee: Exactement.
Mme Leblanc-Bantey: ... l'identification.
Mme Shee: Exactement.
Mme Leblanc-Bantey: Bon! oui...
Mme Drolet: II reste que, dans les moeurs actuelles, la tendance
est que le deuxième nom prédomine. Si ce sont de petits
Gérin-Lajoie, c'est le nom Lajoie qui va prédominer. Si ce sont
des Elliot-Trudeau, c'est le nom Trudeau qui va prédominer. C'est le
deuxième nom selon la tendance actuelle qui prédomine.
Alors, c'est pour cela qu'il n'y a pas de risque à courir en
laissant le libre choix.
Mme Leblanc-Bantey: Votre objectif, c'est l'égalité
des conjoints, autant la reconnaissance de la maternité, reconnaissance
officielle, que la reconnaissance de la paternité. Si on faisait le tour
de la table, je pense qu'aucun des hommes ici
présents ne se battraient pour que la proposition de l'Office de
révision du Code civil soit acceptée, soit que ce soit
obligatoirement le nom du père. Vous n'oseriez pas le dire, hein!
M. Lalonde: Je m'inscris en faux. Il ne faut jamais
présumer de mon accord.
M. Alfred: Pas de présomption. Il y a des hommes
évolués aussi.
Mme Leblanc-Bantey: Ils n'oseront pas le dire si c'est ce qu'ils
préconisent. D'accord?
Alors, si je comprends bien, ce que vous préconisez c'est
l'égalité des conjoints dans la transmission du nom. Votre
solution, vous la proposez comme une des solutions qui auraient pu être
proposées.
Cela vous est apparu la solution idéale, compte tenu du temps que
vous avez eu pour faire les recherches. Je suppose que vous n'avez pas
vérifié dans tous les pays du monde comment cela pourrait
être. Je ne sais pas s'il y a des pays où on a réussi
à régler le problème.
Je présume que si la commission refusait d'adopter votre
recommandation au niveau de la transmission du nom et, par contre, refusait
aussi d'adopter la recommandation de l'Office de révision du Code civil,
est-ce que vous seriez ouvertes à d'autres discussions sur la
façon de régler le problème ou si la proposition que vous
préconisez est la seule et unique solution pour régler le
problème?
Mme Bonenfant: Je pense que, jusqu'à ce qu'on nous ait
prouvé que cette solution est inapplicable, nous continuerons de la
maintenir. C'est après mûre réflexion que nous avons
évolué sur notre position. Je pense que cette position du
conseil, nous sommes prêtes à la défendre et nous sommes
conscientes que ce ne sera pas facile, puisqu'on porte atteinte à une
tradition patriarcale et on sait qu'encore à l'heure actuelle, notre
gouvernement comme je l'ai dit est mâle et patriarcal. Je
sais que ce n'est pas facile, mais je pense que nous sommes prêtes
à nous battre, à continuer de défendre cette position. Je
pense que nous avons suffisamment réfléchi et qu'elle est
suffisamment valable pour que nous fassions le combat.
Mme Leblanc-Bantey: Je vous en félicite, cela marque votre
détermination.
Mme Vaillant: J'aurais...
La Présidente (Mme Cuerrier): Est-ce que vous avez
terminé? Mme Vaillant voulait ajouter quelque chose.
Mme Vaillant: Je tiens à souligner qu'actuellement,
à la question du libre choix, on voit ce que cela donne. En fait, on l'a
actuellement dans les faits. Il y a tout le poids de la coutume qui fait que le
nom qui est transmis, c'est le nom du père. A ce moment-là, il
faut véritablement regarder vers l'avenir et voir ce qu'on peut faire en
respectant le principe d'égalité. Quand on parle du principe
d'égalité, c'est l'égalité du père et de la
mère, donc des deux conjoints. Cela doit se traduire concrètement
par une disposition législative.
Mme Leblanc-Bantey: Je suis d'accord avec vous et je comprends
fort bien le tordage de bras émotif auquel font face les femmes dans ce
dossier. Ce que je veux dire, c'est que quand vous acceptez le libre choix sans
accepter la proposition de l'Office de révision du Code civil, si nos
législateurs qui, comme on vient de l'avouer, sont encore, en
majorité, mâles arrivaient à se convaincre que c'est
absolument inapplicable comme formule, et s'ils arrivaient avec une autre
formule qui vous semblerait aussi égalitaire par rapport aux droits des
femmes, vous n'auriez pas d'objection.
Mme Bonenfant: Nous attendons la proposition.
Mme Leblanc-Bantey: Vous avez du travail à faire.
M. Bédard: C'est ce que nous étudions.
Mme Leblanc-Bantey: Vous recommandez que soit adopté un
article conférant au tribunal le devoir d'évaluer et de
reconnaître la contribution du conjoint séparé de biens et
de le rémunérer en conséquence sans préjudice
à ses droits alimentaires. Quand pensez-vus qu'il sera possible pour le
tribunal de procéder avec justice pour chacun des époux à
l'évaluation d'un rapport qui est sans doute réel mais qui n'est
pas toujours définissable dans les faits? Comment avez-vous
évalué cette question?
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Vaillant.
Mme Vaillant: Dans l'évaluation, lors de la rupture, de
l'apport du conjoint qui est au foyer, ce serait quand même
laissé, jusqu'à un certain point, à l'exercice de la
discrétion judiciaire. Compte tenu des faits, ce qu'on veut, c'est que
soit reconnu le travail ou l'apport qui est fait par le conjoint qui est au
foyer. Ce serait, lors du procès, au juge d'évaluer, en
exerçant sa discrétion judiciaire, compte tenu de la preuve qui
serait faite, d'évaluer cet apport.
Mme Leblanc-Bantey: Dans les faits, ce qui arrive c'est que,
très souvent, la femme salariée va payer la nourriture. Les
épiceries, cela se mange et ne laisse pas de preuve. La femme va
très souvent payer des meubles qui, au bout de dix ans, sont
usés, cela ne laisse pas de preuve, alors que le mari va mettre son
argent sur la maison qui est à son nom. Dans les faits, comment va-t-on
arriver à prouver que la femme a pu apporter, sur une période de
dix ans, $100 000 à la contribution du foyer? (17 h 15)
Mme Vaillant: En fait, je pense qu'à partir du moment
où on reconnaît, sur le plan juridique, cet apport, il y a moyen
au niveau des règles de preuve de voir, à l'aide de
présomptions, à quantifier et à évaluer cet apport.
On a quand même, dans l'exercice du pouvoir judiciaire, la
discrétion judiciaire qui est encadrée par certains principes
généraux de droit, mais ce qu'on se dit, c'est qu'il faut que le
principe de la reconnaissance de l'apport soit établi. De un. De deux,
l'exercice de la discrétion judiciaire, compte tenu des règles de
preuve ou des critères qui pourraient être apportés, sera
à évaluer. On sait fort bien qu'on ne peut pas, à
l'intérieur d'une loi, prévoir tous les cas possibles. Une loi
est une norme générale. Donc, notre réaction va un petit
peu dans ce sens.
Mme Leblanc-Bantey: J'ai une dernière question qui a trait
et au divorce et au tribunal de la famille. Vous dites qu'il faut
accélérer les procédures de divorce une fois qu'un mari et
une femme ont décidé qu'ils ne voulaient plus vivre ensemble.
Cela ne sert à rien de les faire niaiser pendant des années avant
de leur permettre de se séparer légalement. Par contre, vous
êtes favorables au tribunal de la famille; moi aussi, et tout le monde
autour de cette table trouve que cela peut être une façon
extraordinaire de régler beaucoup de problèmes. Comment
pouvez-vous concilier la rapidité avec laquelle les divorces devront se
régler et le tribunal de la famille dans le sens où on va faire
face à une foule de spécialistes, des travailleurs sociaux, des
psychologues, des thérapeutes, des avocats, des conseillers
matrimoniaux, etc.? Quand tout ce monde va embarquer dans le dossier d'un
divorce, comment va-t-on arriver à régler ce même divorce
d'une façon plus rapide et plus efficace?
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
Mme Olivier: On ne l'a peut-être pas lu, mais le tribunal
de la famille et tous les services qui s'y rattachent, dans notre esprit, sont
vraiment des services auxquels les conjoints voudront faire appel s'ils le
veulent bien. Si quelqu'un a décidé de divorcer ou que des gens
sont décidés à le faire, il ne faudra pas devoir
consulter... tous ces services ne seront pas utiles dans tous les cas. Ce
seront des services auxquels les gens pourront faire appel quand le besoin s'en
fera sentir mais, s'ils ne le veulent pas, ils n'iront pas. Je pense que c'est
vraiment une intervention qui doit être interprétée comme
cela.
Mme Leblanc-Bantey: Ils n'y seront pas obligés.
Mme Olivier: Encore là, l'autonomie, le respect de la
liberté des gens... si, pour déjudiciariser les tribunaux, il
faut que tu fasses appel et il faut que tu rencontres de nombreux travailleurs
sociaux, psychologues ou autres, cela ne changera rien; tu es mieux de garder
le juge et lui raconter ton histoire que de la raconter à 50
personnes.
M. Bédard: Autrement dit, on ne changera pas le juge par
le psychologue parce que cela risque d'être très long aussi.
Mme Leblanc-Bantey: C'est parfait, je vois que le ministre de la
Justice est d'accord avec nous. Le problème est réglé.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Vaillant voulait quand
même amener un complément, je pense.
Mme Vaillant: Oui. Notre prise de position sur cela se fonde
aussi sur une déjudiciarisation parce que, devant les tribunaux, c'est
de commune renommée qu'il y a énormément de délais
et que cela peut prendre un an, deux ans, trois ans avant qu'on procède
et il n'y a qu'un professionnel qui intervient, l'avocat.
Le fait de demander d'assortir la démarche auprès du
tribunal de la famille d'une intervention sociale, à notre point de vue,
cela ne retardera pas, cela va humaniser la démarche du tribunal de la
famille. Si on accepte le principe du consentement mutuel, il n'y aura plus de
stratégie de délai devant les tribunaux, de tactiques
d'écoeurement, etc., entre les parties. Il n'y aura plus cet
affrontement qui est, en quelque sorte, organisé actuellement aux termes
de la législation. Pour nous, cela va éviter les délais;
cela va éviter le formalisme et cela déjudiciarisera et
humanisera en même temps toute la démarche du tribunal de la
famille.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Bonen-fant.
Mme Bonenfant: Je me permets d'ajouter aussi que les services des
tribunaux de la famille devraient pouvoir être utilisés
après jugement. Je pense que cette vocation des tribunaux est
déjà reconnue. Ces services pourront être utilisés
par des parties, par les enfants, après qu'un jugement aura
été rendu.
La Présidente (Mme Cuerrier): Madame.
Mme Drolet: Dans notre esprit, ces services interviennent avant
la requête et non après la requête. Alors, à ce
moment-là, le temps que l'on consacre à la conciliation, ce sera
du temps qu'on épargne en chicane après la requête au
moment du procès.
La Présidente (Mme Cuerrier): C'est Mme Drolet qui avait
fait l'intervention. Est-ce que vous avez terminé? Je donnerais la
parole à Mme...
Mme Leblanc-Bantey: J'ai une toute petite dernière
question.
La Présidente (Mme Cuerrier): Alors, une toute petite
dernière question, Mme le député.
Mme Leblanc-Bantey: Si je comprends bien, vous voyez le tribunal
de la famille comme des
services. Mais pour vous autres, une des conditions essentielles aux
meilleurs règlements possible des divorces, c'est carrément le
consentement mutuel, sans autre délai.
Une Voix: Vous n'avez rien contre les...
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme le député
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
d'abord poser une question qui est peut-être un peu insuffisante à
tout le sujet qui nous préoccupe ici. Depuis que je suis à
l'Assemblée nationale, c'est la première fois que le Conseil du
statut de la femme vient présenter un mémoire et je
réalise qu'au Conseil du statut de la femme je pense que cela,
c'est autant une décision du gouvernement antérieur que du
gouvernement actuel il n'y a que des femmes au Conseil du statut de la
femme. Est-ce que, du point de vue philosophie est peut-être un
grand terme, mais à votre point de vue, est-ce que ce serait bon
qu'il y ait des hommes qui s'ajoutent au Conseil du statut de la femme?
Mme Bonenfant: Je vous dirais, madame, que je trouverais cela
prématuré! Je pense que je voudrais demander un peu de
délai avant de songer à nous adjoindre des hommes. Je pense que
nous avons, entre femmes, des choses à régler, des choses
à décider, des choses à penser. Je ne pense pas que ce
soit trop exiger de nous laisser encore quelques années fonctionner
entre femmes. Peut-être qu'au bout de mon mandat, on verra si cela a
été assez bien, on pourrait peut-être réviser. Mais
pour le moment, ce serait prématuré.
M. Lalonde: De toute façon, c'était seulement un
embryon de suggestion!
Mme Lavoie-Roux: Mais à tout événement, ce
n'est pas une chose que vous écartez?
Mme Bonenfant: Non mais...
Mme Lavoie-Roux: Parce que je pense qu'à un moment
donné, il faudra peut-être se sortir du Conseil du statut de la
femme formé seulement de femmes. Enfin, c'est tout un...
Mme Bonenfant: Mais peut-être, madame, à ce moment,
serait-il le moment de nous saborder, que nous aurons réussi
l'égalité et l'indépendance. Alors, à ce moment, il
n'y aura plus de raison d'avoir de Conseil du statut de la femme.
Mme Lavoie-Roux: On pourra en discuter plus longuement.
M. Bédard: ... enlève bien des problèmes,
l'égalité et l'indépendance.
M. Lalonde: Là, on abolira le gouvernement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme le
député.
Mme Lavoie-Roux: Je voudrais d'abord faire une remarque sur le
chapitre où vous traitez des régimes matrimoniaux. Je pense que
les suggestions que vous y faites m'apparaissent extrêmement pertinentes.
D'abord, vous semblez favoriser le régime de la société
d'acquêts. Vous faites des remarques sur le régime de
séparation de biens et de communauté de biens, mais en
particulier, sur la séparation de biens. Je ne sais pas, peut-être
que toutes les personnes qui sont ici sont trop jeunes pour réaliser
qu'à un moment donné, on est passé de la communauté
de biens à la séparation de biens, pensant que c'était une
forme de libération pour les femmes et le résultat qu'on a vu,
c'est que, finalement, il y a peut-être 57% des femmes qui se trouvent
moins bien partagées que sous un régime de communauté de
biens et à plus forte raison, évidemment, sous le régime
de la société d'acquêts.
Alors, vos remarques là-dessus et peut-être la
nécessité aussi que la population en général soit
sensibilisée bien davantage aux différentes formes de
régimes matrimoniaux... et je pense qu'il y a une ignorance tant chez
les hommes que chez les femmes de ce que cela implique au plan concret. Moi, je
suis d'accord et je ne sais pas si le ministre de la Justice est sensible
à cela, mais votre recommandation que la possibilité de
réviser le régime matrimonial s'applique également pour
les femmes qui sont dans un régime de séparation de biens...
Le ministre nous a parlé de difficultés constitutionnelles
et il ne s'est pas beaucoup impliqué dans les réponses, il ne
s'est pas beaucoup compromis dans les réponses. A tout
événement, j'aimerais suggérer que...
M. Bédard: ... dans les discussions
constitutionnelles?
M. Lalonde: ... dans les réponses ici.
Mme Lavoie-Roux: ... les réponses, je parle...
Je ne voudrais quand même pas que ce soit utilisé par un
rapport au tribunal de la famille. Je sais ce qui s'est passé à
la dernière conférence provinciale-fédérale. Mais
il ne faudrait pas que les difficultés constitutionnelles
empêchent le gouvernement d'agir dans d'autres domaines où je
pense que cela ne joue pas.
M. Bédard: Vous avez la meilleure preuve ici.
Mme Lavoie-Roux: Oui, bien, la meilleure preuve, on écoute
ici, vous savez. Il faut agir...
M. Bédard: Bien oui, on commence. Cela fait dix ans que
c'est demandé, ces choses-là, ce dont on parle aujourd'hui, et il
n'y a pas un gouvernement qui a bougé. Nous, on bouge.
Mme Lavoie-Roux: Mais quand le rapport final de la
révision du Code civil est-il arrivé?
Une Voix: C'est juin 1978.
Mme La voie-Roux: Juin 1978, bon! Alors, il ne faut quand
même pas charrier. Cela fait dix ans.
M. Bédard: Oui, de discussions constitutionnelles. Cela
fait 20 ans qu'on demandait des choses, on les a obtenues dans les deux
ans.
M. Lalonde: Je vous demande pardon, Mme la Présidente,
pourriez-vous protéger le droit de parole du député de
L'Acadie, s'il vous plaît?
M. Bédard: Alors, on continue.
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: II aura le droit de parler plus tard.
M. Bédard: Nous, on essaie de ne pas politiser le
débat, alors, ne commencez pas, parce qu'on aurait bien des choses
à dire.
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît.
Alors, Mme le député, vous aviez une question?
Mme Lavoie-Roux: En tout cas, peu importe.
M. Bédard: Ne commencez pas à politiser le
débat, parce qu'on aurait bien des choses à dire nous aussi.
M. Lalonde: Ah! non pas, un instant, madame, c'est une question
de règlement.
Mme Lavoie-Roux: Je ne vois pas une question de partisane ou une
tentative de politiser dans ce que je viens de dire.
M. Lalonde: Question de règlement.
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que je peux continuer?
M. Bédard: Alors, laissez la parole, respectez...
M. Lalonde: Question de règlement, je voudrais, Mme la
Présidente que...
La Présidente (Mme Cuerrier): A l'ordre, s'il vous
plaît!
M. Lalonde: ... si le ministre entend quelque chose qui n'est pas
agréable à son oreille, il attende au moins d'avoir le droit de
parole avant d'interrompre, premièrement.
Deuxièmement, ce n'est sûrement pas politiser le
débat que de promettre ici de s'engager publiquement à être
très vigilant; c'est notre rôle d'Opposition de voir à ce
que le ministre et le gouvernement agissent dans les meilleurs délais
sur tout ce qui n'est pas controversé dans le rapport du Conseil du
statut de la femme.
M. Bédard: D'accord, c'est ce que je voulais dire
essentiellement, ce n'est pas de vous reprocher votre rôle dans
l'Opposition, c'est de pousser le plus possible. Je voudrais juste souhaiter
que justement vous ayez poussé quand c'était le temps, lorsque
vous étiez au gouvernement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Madame...
M. Lalonde: On a quand même constitué le Conseil du
statut de la femme.
La Présidente (Mme Cuerrier): Madame le
député de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: En tout cas, si on voulait se lancer dans la
partisanerie, on pourrait faire le bilan des deux et, après cela
peut-être qu'on pourrait arriver à des conclusions plus
rigoureu-res.
M. Charbonneau: Le monde va faire cela pour nous autres.
Mme Lavoie-Roux: A tout...
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît, s'il
vous plaît!
Mme Lavoie-Roux: A tout événement, je voulais poser
une question touchant l'union de fait dans laquelle vous recommandez que la
possibilité d'adoption, en page 24, soit permise pour les conjoints de
fait. Je comprends l'esprit qui anime cette recommandation-là, mais
est-ce qu'il y a des études qui ont été faites d'abord sur
la stabilité des unions de fait et sur les répercussions que ceci
peut avoir sur les enfants? Parce que vous avez quand même émis
comme principe, peut-être pas au point de départ, mais quelque
part dans votre mémoire, que le bien de l'enfant était quand
même une préoccupation que, du point de vue de la famille, on doit
avoir.
Est-ce qu'il y a des études aussi qui permettent d'établir
la stabilité plus ou moins longue des unions de fait, qui permettraient
justement de donner suite à votre recommandation? Mais, si cela devait
venir, cela pourrait créer plus de problèmes du point de vue des
enfants, que peut-être les apports positifs que cela pourrait apporter,
j'en suis certaine, dans bien des cas. Je pense qu'il faut peut-être y
réfléchir plus longuement.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Bonen- fant.
Mme Bonenfant: Je n'ai pas de statistiques sur l'union de fait,
mais on en a sur les mariages. Quand on pense qu'il y a un mariage sur trois
qui aboutit à un divorce, je pense que de dire que c'est plus stable de
confier un enfant à un mariage
légitime qu'à une union de fait, c'est grandement
s'avancer. Je n'ai pas de statistiques sur les unions de fait, mais c'est
déjà très troublant, les statistiques du mariage, je ne
pense pas que cela puisse...
Mme Lavoie-Roux: C'est justement pour cela que je pense que le
problème des enfants des divorces résultant du bris d'un mariage,
comme vous le signalez présentent des statistiques assez troublantes sur
lesquelles il faut se pencher. D'un autre côté, on n'a pas la
contrepartie on n'a absolument aucune donnée, aucune statistique. On se
dit qu'il y a des gens qui ont des unions de fait et qui aimeraient adopter des
enfants, mais on ne leur permet pas.
Enfin, je pense qu'il faut réfléchir plus longuement et
essayer peut-être d'avoir des données plus rigoureuses. Est-ce que
par exemple, dans l'union de fait, la stabilité serait deux fois moins
grande et justifierait qu'on ne leur permette pas d'adopter, des enfants cela
aussi, c'est une autre façon d'envisager la question.
Je pense que, comme vous le suggérez, la question mérite
peut-être plus d'examen que simplement une suggestion. C'est pour cela
que je me demandais sur quoi exactement vous vous basiez?
Mme Bonenfant: Je pense que la solution, c'est de les juger avec
les mêmes critères, lorsqu'on leur confie des enfants. Je pense
que, quand on confie des enfants à un couple légitime, on a des
critères pour les lui confier, moi, je pense qu'on doit avoir les
mêmes pour des couples vivant en union de fait.
Je pense que cela serait assez raisonnable comme condition.
Mme Lavoie-Roux: II y a un autre point de vue que vous faites
valoir sur l'union, c'est-à-dire la non-nécessité, je
pense que c'est à l'article 246, sur la vie commune. C'est à la
page 16. (17 h 30)
Est-ce que je vous comprends bien lorsque vous dites: On pourrait
enlever simplement ce principe parce qu'il semble, là où on fait
cette obligation... Vous avez donné des exemples qui impliquent
davantage des hommes que des femmes, dans l'état actuel des choses. Vous
avez donné comme exemples les travailleurs de la baie James et les
députés. Est-ce que vous pensez que la communauté, les
citoyens sont prêts à accepter une telle chose? Pour toutes ces
recommandations-là, je pense qu'il faut tenir compte de
l'évolution des choses. Je ne suis pas du tout certaine que la
nécessité de faire vie commune dans le mariage enlève des
droits aux femmes ou que les femmes s'en trouvent davantage
pénalisées. Dans les faits, elles le sont davantage parce que les
situations font qu'il y en a moins qui travaillent actuellement, mais dans
l'évolution des choses ce sera assez naturel qu'une femme il y a
quelques femmes députés ici qui ne sont pas chez elles, qui sont
dans la même situation que les hommes... A ce moment-là, est-ce
que cela va se poser dans les mêmes termes? Est-ce que cela justifie,
compte tenu de votre argument, qu'on fasse sauter l'obligation de faire vie
commune? Moi, je suis d'accord pour qu'on fasse sauter I' "exceptionnellement",
parce que ce serait peut-être difficile de définir l'exception
mais, quant au principe même de faire vie commune dans le mariage...
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Shee.
Mme Shee: Je pense qu'on a très bien explicité
notre position dans notre mémoire. L'article 53, à
l'alinéa 2, disait bien "qu'exceptionnellement le tribunal pouvait
permettre aux parties de vivre à l'extérieur de leur
résidence familiale".
Lorsqu'on a rédigé le mémoire, c'est surtout en
fonction de cette interprétation restrictive qu'on a pris cette
position. Il est à remarquer aussi que, compte tenu du contexte actuel,
on s'est dit que cette obligation de faire vie commune était
peut-être superflue. Elle dépend plus des couples, de
l'organisation interne des couples. Mais notre point de départ, c'est
surtout l'interprétation restrictive de l'article 53. Notre
deuxième argument, c'est le contexte de vie actuelle qui fait que de
plus en plus on n'a pas de statistiques sur cela de femmes
tendent à travailler dans un endroit, le mari travaillant dans un autre
endroit. Il semble plus adapté de supprimer cette obligation.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme le député
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Quant à ce qui a trait à votre
projet ou à votre suggestion pour les noms qui doivent être
donnés aux enfants, cela m'apparaît personnellement une suggestion
constructive, réfléchie. J'ose faire le souhait que le ministre
ou le gouvernement l'examine de plus près. Est-ce qu'ailleurs, dans
d'autres pays, il y a une formule semblable ou s'agit-il, je n'en doute pas,
d'une formule tout à fait originale?
La Présidente (Mme Cuerrier): Madame Dro-let.
Mme Drolet: En Russie, par exemple, il n'y a pas l'obligation de
faire vie commune, justement parce qu'il y a...
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
Mme Olivier: On a parlé de l'Espagne, ce matin.
Effectivement, en Espagne, les enfants portent le nom des deux parents, tous
les enfants, sauf que lors de la transmission c'est toujours le nom du
père qui est transmis.
Mme Lavoie-Roux: Ce fait, je le reconnais pour l'Espagne. Mais
votre formule, la vôtre, est-ce qu'elle est appliquée ailleurs,
dans quelque autre pays que ce soit?
Mme Olivier: Je pourrais dire qu'on a cela en Russie.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Shee.
Mme Shee: Je dois dire qu'on n'a pas fait d'étude de droit
comparé pour aller voir quelles positions avaient d'autres pays. C'est
une position qu'on a élaborée, qu'on a construite quand
même.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. Le Moi- gnan.
M. Le Moignan: Si vous le permettez, je pourrais ajouter un petit
complément. Dans les milieux anglophones, assez souvent, on voit des...
On a parlé de Pierre Elliot Trudeau; prenez Winston Churchill, par
exemple, je suis convaincu que sa mère était une Winston. Quant
à MacKenzie King, MacKenzie était le nom de sa mère.
Alors, chez les anglophones, aux Etats-Unis, cela se fait très
souvent.
Dans la pratique, je connais des familles qui, il y a déjà
vingt ans passés, donnaient à leurs enfants le nom de la
mère, à ce moment-là, selon la solution qui est
proposée ici. On l'a fait dans certains cas dont j'ai été
témoin. Je sais que dans les milieux anglophones, cela se
transmet...
Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous avez testé cette formule
avec des familles, des personnes, des citoyens qui sont un peu plus loin du
Conseil du statut de la femme? Quelles ont été les
réactions? Ou cela n'a pas encore été soumis à
aucun type de consultation de votre part, même à une consultation
limitée et informelle. Est-ce que cela a été fait?
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
Mme Olivier: Oui, des consultations très personnelles qui
ne sont pas des recherches. Les gens ont été très
réceptifs et positifs.
Mme Lavoie-Roux: Je ne voudrais pas encore irriter le ministre
parce que ce n'était pas fait avec de mauvaises intentions. Le ministre
pourrait peut-être nous indiquer s'il est sympathique à ce type de
suggestion.
M. Bédard: Je crois que le sens de la commission
parlementaire, peut-être que les gouvernements précédents
procédaient autrement... Quand on dit qu'on va consulter les gens, je
pense qu'on doit le faire réellement, pas seulement pour la frime. Je
crois que ce qui est important... Si on part avec des idées
préétablies...
Mme Lavoie-Roux: Elle n'est pas préétablie, c'est
une idée qui vous arrive.
M. Bédard: Je sais, et il y a d'autres idées. Nous
avons trois jours de commission parlementaire. Plusieurs groupes vont venir se
faire entendre et c'est à la lumière, autant du côté
de l'Opposition que du gouvernement, à la lumière de toutes les
suggestions qui nous auront été faites de part et d'autre que
nous allons nous orienter, en ce qui a trait au gouvernement, vers une
législation qui serait probablement déposée au cours de
l'automne.
Mme Lavoie-Roux: Evidemment, je ne demande pas au ministre de se
compromettre au nom du gouvernement, mais je lui demandais simplement si
c'était une formule qui lui apparaissait sympathique, ou du moins
séduisante, comme dit Mme la Présidente. Est-ce que cela
représente un intérêt? Il reste que, quand
même...
M. Bédard: Cela représente un intérêt
certain.
M. Lalonde: Ah! Félicitations! Tu as réussi
à avoir cela.
Mme Leblanc-Bantey: Au cas où la formule serait
acceptée, est-ce que cela s'appliquerait rétroactivement? Comment
cela fonctionnerait-il? Ce serait à partir des enfants qui
viendraient?
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Vaillant.
Mme Vaillant: C'est comme toute législation, à un
moment donné. Il y a des dispositions transitoires à partir du
moment où la loi serait adoptée, cela s'appliquerait à
partir de cette date. En principe, les lois sont non rétroactives, mais
il y aurait des mesures transitoires qui pourraient permettre, finalement, que
les enfants qui sont déjà nés puissent porter les deux
noms. C'est sûr qu'il y aurait tout un système de dispositions
transitoires à prévoir. On n'est pas allé au niveau de la
technique, de l'articulation juridique de cela, lui en laissant le soin, au
ministre de la Justice, puisqu'il est sympathique à la formule.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
Mme Olivier: Pour préciser, au niveau des dispositions
transitoires qui pourraient être utilisées, pour les enfants qui
sont déjà nés, ce ne serait pas tellement difficile de
modifier puisque les extraits de naissance actuels mentionnent quand même
les deux noms. J'ai des enfants, l'extrait de naissance de mon enfant, de
l'enfant qui serait susceptible de voir ajouter un autre nom à son nom
mentionne déjà le nom de ses deux parents. Le contrôle,
pour éviter les fraudes, ne serait pas difficile à faire.
L'extrait de naissance des enfants, actuellement, mentionne quand même le
nom. On n'est pas allé jusqu'à prévoir cela, mais
ça devrait se faire sans trop de difficultés et sans trop de
heurts.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme le député
de L'Acadie.
Mme Lavoie-Roux: Une dernière question que je voudrais
poser; il y en aurait quelques autres, mais je pense que je vais laisser le
temps à mon collègue de revenir.
A la page 38, dans votre conclusion à l'avant-dernier paragraphe
ou peut-être au troisième
avant-dernier: "Notre contexte social, en pleine évolution et
transformation, ne doit tolérer aucun compromis de cet ordre. On ne doit
pas rater la chance unique que nous avons au Québec d'adapter notre
droit familial à nos besoins et à notre identité
collective".
Pouvez-vous m'expliquer la relation que vous faites entre l'adaptation,
la nécessité de l'adaptation du droit familial ce avec
quoi je suis tout à fait d'accord et quel lien y faites-vous avec
l'identité collective, quels sont les points de rattachement?
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Shee.
Mme Shee: Lorsqu'on a rédigé... lorsqu'on a fait...
je pense qu'il ne faut pas le prendre dans un sens péjoratif,
lorsque...
Mme Lavoie-Roux: Non, non, moi non plus mais je voulais voir le
lien que...
Mme Shee: Oui, oui, lorsqu'on disait: A nos besoins, on aurait pu
dire: Identité collective, puis on aurait pu mettre en tant que
Québécois et Québécoises, lorsqu'on l'a
ajouté un petit peu plus loin. C'est dans ce sens que je pourrais
simplement répondre, c'est un terme général et
peut-être que l'on peut dans une simple conclusion...
Mme Lavoie-Roux: Quel est, du point de vue de l'évolution
de la condition féminine, ce que vous appelez l'identité
collective? Vous n'insistez peut-être pas, parce que cela a
peut-être été un peu de prose ce que vous avez mis
là, mais on a un peu cette tendance maintenant, à entrer cela
couramment, sans vraiment voir si c'est toujours approprié de
l'adjoindre au principe que l'on veut défendre ou que l'on veut
expliquer. C'est pour cela que je voulais avoir un peu plus d'explication.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Drolet.
Mme Drolet: L'identité collective cela veut aussi dire
notre perception comme femme dans la société, c'est notre
situation à nous. C'est cela que cela veut dire identité
collective aussi. Ce n'est pas de la prose, c'est très important. C'est
de prendre la place qui nous revient dans la société, en tant que
femme, collectivement en tant que femme.
Mme Lavoie-Roux: Dans le sens de femme, d'accord.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Drummond.
M. Clair: Mme la Présidente, suite aux commentaires
questions du député de L'Acadie j'aimerais simplement dire que,
si on n'essaie pas d'adapter notre droit familial à nos besoins et
à notre identité collective, je me demande bien à
l'égard de quels besoins et de quelle identité collective on
essaierait de l'adapter.
La Présidente (Mme Cuerrier): II y a une question, M. le
député?
M. Clair: Ceci étant dit, j'aimerais revenir aux unions de
fait.
M. Charbonneau: II y a une question culturelle.
M. Clair: Aux unions de fait, le Conseil du statut de la femme
propose surtout de se baser sur le principe du respect du choix des partenaires
dans une union de fait. A cet égard, vous proposez... Mme la
Présidente, j'ai l'impression que...
La Présidente (Mme Cuerrier): Oui, M. le
député, s'il vous plaît!
M. Clair: Alors je disais que le Conseil se base, au niveau des
unions de fait, surtout sur le principe du respect du choix des partenaires. On
lit dans le texte: Le respect de la volonté des parties en
présence, la reconnaissance de l'égalité des personnes et
de leur autonomie. Maintenant à partir de ce principe, vous
suggérez plutôt l'utilisation d'ententes particulières,
plutôt que des obligations alimentaires, par exemple, prévues
après les unions de fait, que ce soit des ententes particulières
qui régissent ces relations plutôt que des principes inscrits dans
la loi.
Je dois vous avouer que cette prise de position me surprend. J'ai eu
l'occasion pendant quelques années de pratiquer dans des milieux
défavorisés, à l'aide juridique. Il m'apparaît que
les personnes qui ont le plus besoin de protection sont souvent parmi ces
personnes les plus défavorisées, puisque pauvreté
culturelle, pauvreté économique etc. sont souvent proches
parentes. Il me semble que cela risque d'oublier que, malgré une grande
information, une grande publicité qui pourrait être faite
relativement aux possibilités de convenir d'ententes
particulières, il y a une large partie de la population qui se trouve
ainsi défavorisée. La femme, dans une union de fait, par exemple,
qui aurait pendant cinq, six ou dix ans assumé des tâches à
la maison plutôt qu'un travail à l'extérieur, qui se
verrait, après la désunion de fait, dans une situation où
elle réclame une pension alimentaire et la garde des enfants, pourrait
fort bien se retrouver, après la désunion, dans une situation
vraiment défavorisée: soit, d'une part, qu'elle n'ait pas convenu
d'entente particulière parce qu'elle se situe, justement, dans une
classe sociale où la publicité ne s'est pas rendue, où
elle était plus facilement exploitable, pour employer une expression
commune. (17 h 45)
Enfin, elle pourrait se retrouver, au moment où elle demande la
garde des enfants et une pension alimentaire pour eux,
défavorisée parce que le père, le conjoint masculin de
l'union de fait, pourrait, lui, alléguer facilement qu'il a un domicile,
qu'il a une résidence, qu'il a un travail régulier, qu'il est en
mesure d'assumer mieux que la
mère le soin, la garde, l'entretien de ses enfants. Je dois vous
avouer que, surtout pour les gens moins bien pourvus, cela m'apparaît une
bien mauvaise protection que celle de dire uniquement: On comptera sur des
ententes particulières. On pourrait faire le raisonnement et dire:
Mettons un minimum dans la loi et les conjoints de fait dont on veut respecter
l'autonomie pourront éventuellement, eux, par des conventions,
déroger à la loi, s'ils veulent renoncer à la protection
de la loi. Je ne sais pas si vous comprenez mon approche. J'aimerais vous
entendre là-dessus.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Bonen-fant.
Mme Bonenfant: Vous avez justement dit que vous aviez
travaillé dans des milieux d'assistance judiciaire, donc, dans des
milieux défavorisés, mais je vous ferai remarquer qu'en ce
moment, même si on a des recours, quand on n'a rien, on n'a rien à
donner. Alors, je pense que c'est là que vos remarques se situent et je
ne pense pas que le fait qu'on légifère sur les unions de fait
donne plus que le fait qu'on ait légiféré sur le mariage:
la majorité des pensions alimentaires ne sont pas payées et la
majorité des familles monoparentales se retrouvent à l'assistance
sociale. Je pense que nous nous sommes situées là en disant: Nous
légiférons pour l'avenir en pensant que ce code, nous le
réformons pour des dizaines et des dizaines d'années à
venir dans un monde où les femmes, nous l'espérons, seront
autonomes et lorsqu'elles mettront au monde des enfants, elles pourront assumer
leur subsistance si besoin est qu'elles l'assument. Je pense que dans ce sens
nous avons fait des recommandations qui respectent l'autonomie des conjoints.
Nous rappelons toujours que les conjoints de fait ont des recours de droit
commun.
M. Clair: Ne pensez-vous pas que, d'une part, cette
liberté de convenir des ententes particulières est une
liberté jusqu'à un certain point théorique pour une grande
partie de la population et que, d'autre part, le libre choix, la volonté
des parties pourrait être tout aussi bien respectée si, dans le
code, il y avait un minimum de protection et que les conjoints plus
émancipés ou plus autonomes pour employer votre expression
puissent, eux, y renoncer en toute liberté? Au lieu de faire la
publicité suivante: Vous pouvez convenir d'ententes
particulières, on pourrait fort bien dire le contraire: Si vous voulez
convenir d'ententes différentes, si vous voulez renoncer à la
protection de la loi ou avoir des conventions supplémentaires, vous
pouvez le faire. Mais il faudrait retrouver, au niveau du Code civil, une
protection minimale.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Vaillant.
Mme Vaillant: Je pense que la façon dont vous soupesez la
question se soutient très bien. S'il y avait des garanties minimales, on
inverserait la situation, finalement. Vous dites: II y a une légis-
lation, il y a une norme générale qui s'applique à tout le
monde sauf s'il y a dérogation. Notre approche est différente: On
ne veut pas institutionnaliser l'union de fait; on demande que les ententes
matérielles soient reconnues et que les parties puissent en faire. On ne
demande pas qu'il y ait des normes générales comme celles que
vous proposez.
Je sais à quoi vous faites référence; un grand
nombre de personnes qui vont à l'aide juridique ont ces
problèmes. Maintenant, ce qui a motivé... Ce sont des choix qui
sont difficiles; c'est sûr que, si la situation était très
simple, il n'y aurait pas de problèmes. Mais il y a des choix qui sont
difficiles et ce qui nous a fait opter pour la solution qu'on préconise
dans le rapport, c'est surtout le respect de l'autonomie et du choix que font
les partenaires.
Maintenant, je pense que s'il y avait je n'engage que ma
responsabilité personnelle, parce que j'ai pratiqué un certain
nombre d'années dans une législation, un certain minimum
de garanties et une possibilité de dérogation, ce pourrait
être possible et ce serait peut-être une solution à
envisager. Mais on revient toujours au même problème, c'est que,
quand, au niveau du rapport, on aura atteint, hommes et femmes,
l'égalité et l'indépendance, il n'y aura plus de Conseil
du statut de la femme et il n'y aura plus de problèmes, puisque les deux
partenaires étant autonomes, à ce moment, il n'y en aura pas un
qui sera désavantagé par rapport à l'autre.
M. Clair: Mais demeurera toujours l'utilité quand
même d'avoir des recours, parce que même s'ils peuvent être
théoriques dans des milieux plus défavorisés, quand il n'y
en a pas, de recours, c'est certain qu'il n'y a rien à faire.
Sur un autre point, le 16-18 ans, l'âge pour contracter mariage
je ne sais pas la page l'Office de révision du Code civil
proposait 18 ans avec possibilité de demander une autorisation au
tribunal dans le cas des 16 ans. C'est bien cela? Dans le mémoire, vous
proposez 18 ans, sans possibilité d'en appeler au tribunal. J'aimerais
vous entendre sur les motifs qui ont justifié votre prise de position
à cet égard.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Vaillant.
Mme Vaillant: Disons qu'en gros, c'est encore le même
principe qui est celui qu'on considère que 18 ans, c'est un âge
minimum. On vous en a parlé tantôt au point de vue de la
statistique et tout. Quand on regarde la statistique, on constate qu'il y a un
très haut taux d'échecs, de mariages rompus qui viennent de
couples qui se sont mariés très jeunes. Nous, à ce moment,
on a insisté en demandant que l'âge de 18 ans soit d'ordre public
tout simplement pour ne pas qu'il y ait de dérogation, parce que
finalement, est-ce que c'est une solution qu'il y ait mariage même s'il y
a un enfant qui naît de l'union. Donc, ce qu'on s'est dit finalement,
c'est que même si entre 16 et 18 ans, il y a un enfant, il y a une
naissance, est-ce
qu'on devrait à ce moment, permettre le mariage? Parce que, de
toute façon, d'après, en tout cas, la statistique, il y a un
très haut taux d'échecs de mariage, ce qui veut dire que,
même si on permettait le mariage, dans des cas comme celui-là, les
risques sont très grands pour qu'il y ait divorce après un an ou
deux.
Donc, on maintenait notre position que 18 ans, pour nous, c'est un
minimum et que ce soit d'ordre public, même s'il y a naissance d'un
enfant.
Mme Lavoie-Roux: Me permettriez-vous juste une petite question
pour situer cela?
M. Clair: Oui, sûrement.
Mme Lavoie-Roux: Vous faites allusion moi aussi, c'est une
question qui m'avait intriguée un peu c'est vrai que, quand vous
parlez de la statistique qui est défavorable à la
persévérance du mariage chez les jeunes, à mon point de
vue, il y a une part d'exactitude. Mais est-ce que ce ne serait pas que
l'instabilité est due au fait qu'il s'agit de deux conjoints qui sont
très jeunes, car quand il y a un décalage d'âge entre les
deux conjoints, par exemple, une personne de 17 ans qui se marie avec quelqu'un
de 25 ans ou de 26 ans, là vous n'avez plus la même statistique
aussi défavorable que quand il s'agit par exemple, de deux jeunes de 16,
17, 18 ou 19 ans. Je ne sais pas, mais il faudra peut-être
vérifier ce point de vue, parce qu'à ce moment, je pense que cela
peut arriver qu'un homme de 25 ans veuille se marier avec une fille de 17 ans
et qu'il y ait des chances de stabilité. Alors, cela mériterait
peut-être un examen; je ne suis pas sûre.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
Mme Olivier: II est toujours arbitraire de fixer un âge.
C'est toujours... on fixe et cela joue. Ceux qui vont... mais on pense que
même dans l'hypothèse d'un homme de 25 ans qui veut se marier
à une jeune fille de 17 ans, on insiste beaucoup dans le code sur la
précision et le consentement au mariage. Les influences que diverses
circonstances peuvent avoir sur un consentement, des circonstances
exceptionnelles peuvent être très grandes: la famille ou autre ou
n'importe quoi.
Ce qu'on préconise en fixant 18 ans, c'est que 18 ans, c'est
l'âge de la majorité. Pour les jeunes qui voudront consentir,
prendre une décision, on pense que 18 ans, c'est suffisant. Il n'y a pas
vraiment de circonstances exceptionnelles qui puissent justifier l'intervention
d'un tribunal pour donner des autorisations. A 18 ans, les gens pourront
prendre eux-mêmes la décision qui s'impose. C'est arbitraire,
peut-être qu'a 18 ans les gens ne seront pas prêts. Pourquoi fixer
des délais? A 18 ans, il n'y aura plus d'intervention nécessaire,
ce sera 18 ans.
M. Clair: J'aimerais, suite à votre réponse,
ajouter un petit commentaire en relation avec la première. Etant
donné qu'entre 16 et 18 ans l'union de fait demeure possible et que ce
sont des gens qui ne l'auront pas choisie, il m'apparaît donc encore plus
important d'avoir, pour ces gens, une protection minimale dans la loi.
M. Bédard: Peut-être une dernière question,
étant donné l'heure assez tardive. Vous avez fait état de
la nécessité d'un service de perception des pensions
alimentaires. Dans votre mémoire, vous parlez des critères. Lors
du dernier discours inaugural, le gouvernement a indiqué sa
préoccupation dans le même sens. Au-delà des
critères, est-ce que vous pourriez parler un peu des modalités
que vous verriez concernant la mise en place d'un service de perception des
pensions alimentaires?
Mme Bonenfant: D'abord, j'ai dit tout à l'heure que notre
mémoire s'en voulait un de principe et que nous ne sommes pas
entrées dans les détails techniques. A ce sujet, justement, suite
à l'audition du mémoire du Barreau ce matin, le conseil pense que
ce mécanisme de perception alimentaire doit être universel. Je ne
pense pas qu'on puisse dire: 25% de la population paie bien ses pensions
alimentaires, on va faire un petit régime à part pour ces
personnes. C'est un des critères sur lesquels nous insistons, que ce
régime soit un régime universel de perception des pensions
alimentaires.
Pour ce qui est des autres détails techniques qui pourraient
présider à cela, ce serait un peu long d'entrer dans les
détails, mais je pense qu'on doit dès maintenant affirmer son
universalité, surtout. La faculté d'indexation, aussi, je pense
que c'est très important.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le temps nous presse,
maintenant. Il y avait encore le député de Marguerite-Bourgeoys
qui voulait intervenir, le député de Verchères et le
député de Papineau. Il est presque l'heure de suspendre la
séance. Je pense que nous allons devoir remercier, maintenant... Juste
une petite intervention, Mme la présidente.
Mme Bonenfant: Je voudrais, en terminant-Un point d'information.
Notre recommandation sur la transmission du nom a suscité beaucoup de
curiosité. Je voudrais signaler à Mme la Présidente et
à messieurs les commissaires que quelqu'un a aussi déposé
à la commission un mémoire qui, sensiblement, reprend les termes
de notre recommandation, mais il s'appuie, cette fois-ci, sur des arguments
scientifiques basés sur la génétique. J'invite les
commissaires à porter beaucoup d'attention, à écouter et
à prendre connaissance de ce rapport.
M. Bédard: Je comprends qu'on n'a pas eu le temps
d'aborder tous les points de l'important rapport que vous venez de
déposer. Il reste la possibilité, pour le gouvernement ou
quelqu'un d'autre, de recommuniquer avec vous sur certains points qu'on n'a pas
eu le temps d'approfondir
aujourd'hui, afin de vous demander d'expliciter davantage. J'imagine que
ce sera toujours possible de...
Mme Bonenfant: Le conseil est toujours ouvert à
communiquer avec tous les ministères.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Etant donné qu'il y a plusieurs autres
députés qui veulent poser d'autres questions, est-ce que ce
serait trop demander au conseil de revenir à 20 heures pour vingt
minutes, une demi-heure?
M. Bédard: On pourrait peut-être se donner dix
minutes de plus.
M. Lalonde: ...
M. Bédard: Peut-être une dizaine de minutes.
M. Lalonde: Je serais d'accord, M. le ministre.
La Présidente (Mme Cuerrier): II semblerait que nous ayons
le consentement pour poursuivre quelques minutes. Est-ce que vous y verriez des
inconvénients?
M. le député de Marguerite-Bourgeoys, c'est vous qui aviez
demandé à intervenir. (18 heures)
M. Lalonde: Je vais faire cela très rapidement,
étant donné qu'on a seulement dix minutes. Je vais réduire
mon intervention à une question qui ne demande pas de réponse
actuellement. Est-ce que vous ne trouvez pas qu'insister pour que l'union de
fait demeure à l'écart du système juridique, ne soit pas
institutionnalisée, comme vous le dites, est-ce que vous ne condamnez
pas cette situation de fait à toutes les avanies qui arrivent dans des
situations qui ne sont pas libérées par la loi? Le Code civil est
fait pour protéger la liberté des gens dans leurs rapports entre
eux. Ce n'est pas fait pour... Institutionnaliser, créer une institution
juridique, ce n'est pas nécessairement contraindre seulement.
Naturellement cela crée des droits et des obligations mais ce que
je crains, quand vous insistez pour que cela ne soit pas
institutionnalisé, je ne pense pas que vous ayez fait la
démonstration du besoin de ne pas institutionnaliser contre,
d'autre part, le besoin que toute société organisée
ressent de codifier, surtout en ce qui concerne le droit civil, des concepts
juridiques qui vont déterminer les rapports entre les gens. C'est comme
laisser l'union de fait dans l'obscurité la plus totale et permettre
l'exploitation du plus faible par le plus fort, qui n'est pas
nécessairement l'homme dans ce cas-ci, le plus faible peut être
l'enfant. Il me semble que l'on doit se souvenir que la loi libère et
protège la liberté. Enfin, c'est le seul commentaire que je veux
faire. On va réfléchir là-dessus, sûrement.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Papineau, rapidement.
M. Alfred: Je remercie le Conseil du statut de la femme pour son
mémoire et je dois lui dire aussi que j'ai lu, avec
intérêt, le livre qui a pour titre Egalité et
indépendance. Je dois dire, par exemple, que tout à l'heure on a
passé très vite sur une expression qui pour moi est très
importante: identité collective, et je pense que l'on doit y revenir
parce que je pense que la femme québécoise a une
spécificité propre; elle n'est pas la femme al-bertaine, elle
n'est pas la femme ontarienne, non plus. On ne devrait pas passer très
vite sur cette question, sous prétexte que l'on dit: identité
collective. Je voudrais plutôt faire un commentaire. Je me rends compte,
depuis dix ans que je suis au Québec, que le cheminement de la femme
québécoise est tel que je me demande si les hommes vont pouvoir
suivre, d'une part. Cependant et ce pourquoi j'invite le gouvernement à
être très attentif, c'est que c'est nous qui allons faire des lois
et ce sont les femmes, bien sûr, qui vont vivre les lois. Donc, à
ce moment, dans ce gouvernement où tout se discute, il y a 105 hommes et
cinq femmes, d'où tout se joue à l'extérieur du
parlement... Alors je demande au gouvernement d'être attentif aux femmes
qui parlent.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Verchères.
M. Alfred: J'ose espérer que nous, les hommes, prendrons
le temps d'intérioriser ce concept: autonomie. Pour
l'égalité cela devrait être normal. Mais je ne pense pas
qu'il y ait un terme autonomie pour les hommes aussi, parce que l'autonomie
dont on parle est extrinsèque, et je pense que les hommes aussi doivent
penser. Je pense que l'on est beaucoup plus traditionnels encore que les
femmes, et je pense qu'il ne faudrait pas qu'à la réflexion que
les femmes font, nous les hommes, soyons en retard. Parce qu'à ce moment
il y aurait un débalancement du système.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Verchères, rapidement s'il vous plaît.
M. Charbonneau: C'est simplement pour rappeler au Conseil du
statut de la femme les propos qu'on avait eus, lors d'une discussion
préalable à cette journée. Par exemple, au sujet de la
question de 18 ans, âge fixe comme âge minimum pour le mariage, on
avait souligné, à ce moment, qu'il y avait des incidences
culturelles, parce que la société québécoise a un
noyau qui est d'une même culture, mais vous retrouvez à
l'intérieur de la société québécoise,
malgré tout, des gens qui sont d'autres nationalités et qui ont
d'autres valeurs. Or, le Code civil c'est fondamentalement culturel. C'est
relié aux valeurs des gens. Je pense qu'il y aurait des problèmes
dans certains groupes ethniques à vivre avec une restriction aussi
grande que celle-là. J'ai vécu, par exemple, onze ans dans un
quartier à Montréal où il y avait moitié de
Canadiens français, moitié d'Italiens et des trucs comme
ceux-là seraient difficilement acceptables.
Je ne sais pas si vous avez tenu compte de la réalité
ethnique à l'intérieur du Québec, mais il y a
peut-être des difficultés pour certains groupes ethniques
qui se verraient heurtés dans leurs valeurs profondes. J'imagine une
petite fille de 17 ans, par exemple, de la colonie italienne, une petite fille,
une fille ou une femme, excusez. Eh Seigneur, que c'est compliqué! Je
pense que dans le cas ce serait...
Mme Lavoie-Roux: Même les Québécois...
M. Charbonneau: Si une jeune femme de 17 ans de la colonie
italienne de Montréal a un enfant en dehors du mariage, encore
aujourd'hui ce serait très mal vu s'il n'y avait pas possibilité
de mariage avant 18 ans et c'est...
Mme Leblanc-Bantey: C'est mal vu...
M. Charbonneau: ... peut-être mal vu chez les
Québécois, mais il faut avoir vécu dans les milieux
ethniques pour se rendre compte combien, et je pense que le
député de Saint-Louis est d'accord avec moi, il faut avoir
vécu dans ces milieux pour savoir combien cela heurte de front et d'une
façon beaucoup plus importante les valeurs de ces gens. Parfois, cela va
jusqu'à des vendettas à l'intérieur de familles pour des
questions comme celles-là. Peut-être que nous, au Québec,
on est plus habitués à cela, mais il y a des moeurs qui existent
encore dans ces groupes et on n'a pas à les juger. Ce sont simplement
d'autres valeurs que les nôtres.
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
Mme Olivier: Comme on l'a déjà mentionné
tout à l'heure, on peut, dans des circonstances comme celles-là,
douter de la valeur du consentement au mariage. C'est une remarque dans des
situations comme celles-là. Si on se marie parce que, par tradition, on
ne doit pas avoir d'enfants en dehors du mariage, est-ce que le consentement au
mariage, dans une telle situation, est volontaire de la part de la
personne?
M. Charbonneau: Je n'ai pas d'études scientifiques
à ce sujet, mais cela serait intéressant de voir jusqu'où,
par exemple, les mariages contractés dans certains groupes ethniques
durent plus, même si les conjoints sont plus jeunes, simplement parce
qu'il y a toute une ambiance culturelle qui les consolide...
M. Blank: ... arrangés.
M. Charbonneau: ... et, comme le député de
Saint-Louis le soulignait, dans certains cas, ils sont même
arrangés. Je ne connais pas les... en tout cas, ce n'était pas
encore comme cela dans la colonie italienne où j'ai vécu à
Montréal, mais...
M. Blank: Chez les Chinois, les Indiens, les Pakistanais, la
plupart des mariages sont arrangés et durent plus longtemps que la
moyenne des mariages nord-américains.
Mme Leblanc-Bantey: On n'est tout de même pas pour
favoriser cela!
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier.
M. Blank: Mais je vous dis qu'il y a des coutumes et des moeurs,
comme le député de Verchères...
M. Alfred: Oui, mais nous sommes au Québec ici.
M. Lalonde: Qu'est-ce que vous avez contre leur bonheur?
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme Olivier, vous aviez
manifesté l'intention d'intervenir? S'il vous plaît! S'il vous
plaît!
M. Bédard: C'est là que cela prend tout son
sens!
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît! Il y
a encore Mme Olivier qui avait manifesté l'intention d'intervenir.
Mme Olivier: Je voudrais juste souligner que si la jeune fille en
question, au lieu d'avoir 17 ans, a 15 ans, elle ne pourra pas se marier,
puisque la dispense existe pour les gens de 16 à 18 ans. Vous voyez, il
y a de l'arbitraire dans...
M. Charbonneau: C'est vrai, mais cela crée des
problèmes aux gens d'autres cultures qui arrivent dans un pays
étranger et qui doivent suivre des lois qui ne sont pas
nécessairement adaptées à leurs valeurs. Je ne vous dis
pas qu'il n'y a pas plus de problèmes à 15 ans qu'il y en a
à 17 ans, mais c'est cela la réalité, malgré...
La Présidente (Mme Cuerrier): Mme la
présidente.
Mme Bonenfant: Le dernier mot...
La Présidente (Mme Cuerrier): S'il vous plaît,
mesdames, messieurs!
Mme Bonenfant: ... peut-être à ce sujet, je pense
qu'on peut aller très loin dans ces interrogations. On peut se demander
si le fait d'attendre 18 ans pour se marier est plus traumatisant que d'aller
à l'école française. Bien oui! Si on change de culture, je
pense qu'il faut aussi accepter le rythme et les coutumes du pays que l'on
adopte. Quand on parle d'identité collective, c'est à cela qu'on
fait allusion.
M. Charbonneau: Juste des reproches... à un, mais...
M. Lalonde: C'est un point intéressant que vous
soulevez.
M. Bédard: Cela montre jusqu'à quel point vous
aviez raison d'employer les mots "identité collective" quand on parle du
Code civil.
La Présidente (Mme Cuerrier): II me reste Mme Drolet.
Mme Drolet: Je crois que c'est normal qu'on demande, à
propos du consentement au mariage, le minimum de qualité qu'on demande,
qu'on demandera, en l'occurrence, pour voter au référendum. On
demande 18 ans. C'est basé aussi un peu sur l'âge requis pour
voter. Cela a été un de nos critères. Alors, je pense
qu'on a le droit d'être aussi exigeant sur le plan du consentement
à l'union au mariage.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le ministre? Non, alors
la commission parlementaire de la justice remercie le Conseil du statut de la
femme de sa participation à ses travaux. Nous suspendons les travaux
jusqu'à 20 heures.
Suspension de la séance à 18 h 10
Reprise de la séance à 20 h 11
Le Président (M. Laplante): A l'ordre, s'il vous
plaît.
C'est la reprise des travaux de la commission permanente de la justice
réunie pour entendre les mémoires sur la réforme du droit
et de la famille.
On me dit que pour le Conseil du statut de la femme, c'était
terminé. J'appelle maintenant les Organismes familiaux associés
du Québec. Madame, si vous voulez identifier votre groupe et vous
identifier ainsi que les personnes qui vous accompagnent. Je demanderais votre
coopération pour essayer de synthétiser le plus possible votre
rapport afin que les membres de cette commission puissent vous poser le plus
grand nombre de questions possible. Merci, madame.
Organismes familiaux associés du
Québec
Mme Laporte-Dubuc (Denise): M. le Président, M. le
ministre, messieurs les députés. Je m'appelle Denise
Laporte-Dubuc, je suis permanente aux Organismes familiaux associés du
Québec. Je suis accompagnée de Jean-Guy Brochu, membre du conseil
d'administration de l'OFAQ. Après les avocats et après les
femmes, ce sont les familles qui vont vous parler. Nous représentons
l'OFAQ, les Organismes familiaux associés du Québec. C'est un
organisme qui représente, à travers ses fédérations
membres, à peu près 100 000 familles au Québec. Il s'agit
d'une confédération qui regroupe dix fédérations
d'associations familiales dans la province, dans toutes les régions de
la province.
Notre représentativité rejoint les familles de toute
forme, c'est-à-dire des familles biparentales, des familles
monoparentales et même des familles d'accueil. Notre
représentativité rejoint aussi des organismes féminins,
rejoint des organismes de couples. Nous représentons des familles
urbaines et rurales. Nous représentons des familles sans égard
à leur langue, sans égard à leur religion et sans
égard au nombre d'unions qui ont précédé la famille
actuellement représentée.
Nous visons à exprimer le plus grand nombre de familles, la
famille étant prise par nous comme le milieu où l'enfant grandit
ou comme le milieu de vie de l'enfant en 1979. Nous organisons des
consultations et la concertation des familles pour être en mesure de
rendre publique la voix de ceux qui élèvent des enfants
aujourd'hui. Un de nos objectifs les plus importants est d'obtenir enfin une
politique familiale. A travers des comités d'étude formés
parmi les membres, parmi les familles, nous travaillons à définir
ces politiques familiales. Une dizaine de mémoires ont, jusqu'ici,
été rendus publics.
Le mémoire que nous vous présentons aujourd'hui a
été précédé d'une longue consultation.
Depuis plusieurs années, on travaille en collaboration avec l'Office de
révision du Code civil. Chaque fois qu'il nous a consultés, nous
avons, à notre tour, consulté les familles et c'est la voix de
ces familles qu'on vous transmet aujourd'hui. Nous ne sommes pas des
professionnels du droit, nous n'avons pas d'avocat travaillant avec nous, ce
sont simplement des familles avec le gros bon sens de gens ordinaires. C'est ce
que nous allons vous présenter. C'est Jean-Guy Brochu qui vous
présentera notre mémoire.
M. Brochu (Jean-Guy): D'abord, quelques mots sur la philosophie
du rapport. Nous tenons à féliciter chaudement l'Office de
révision pour la philosophie générale du Code civil. Nous
sommes particulièrement fiers des orientations suivantes:
l'élargissement des droits de l'enfant allant de pair avec l'abolition
de toute notion d'illégitimité et la possibilité d'une
prise en charge personnelle sur certains points dès l'adolescence,
l'égalité juridique entre époux, de même que le
remplacement de l'autorité paternelle par l'autorité parentale,
deux points venant sauvegarder l'équilibre familial interne et la
reconnaissance des unions de fait qui permet l'abolition d'injustices envers
des parents ou des enfants et qui reflète un souci de réalisme et
d'adaptation au vécu réel du milieu familial.
Comme on vous a dit, notre démarche n'en est pas une technique.
C'est très élémentaire. On a fait quelques commentaires
sur quelques points, quelques articles du rapport qui nous a été
fourni. (20 h 15)
A l'article 40 et à l'article 45, ce sont des mesures que nous
approuvons parce qu'elles établissent l'égalité entre les
époux et par là même contribue à renforcer la
cohésion familiale en préservant l'autonomie de tous.
Aujourd'hui, on a parlé longtemps du patronyme de l'enfant. Quel
sera-t-il? Les familles ne se sont pas exprimées là-dessus,
jugeant probablement que c'était une question secondaire par rapport
à leurs soucis habituels.
A l'article 85, sur la question de la déclaration de la naissance
de l'enfant, on parle d'un délai de huit jours, qui nous semble trop
bref. Un délai de trois mois serait beaucoup plus raisonnable.
Quant à la majorité fixée à l'âge de
dix-huit ans, nous sommes tout à fait d'accord pour porter la
majorité à cet âge-là.
Sur l'article 9, la question de l'âge du mariage à la
majorité, 18 ans. Nous sommes tout à fait d'accord sur
l'impossibilité de contracter mariage avant l'âge de 18 ans.
Cependant, en tant qu'organismes familiaux, nous ne pouvons agréer tout
à fait la dispense d'âge. Le taux de divorce parmi les mariages
contractés avant la vingtaine est si astronomiquement
élevé que toutes les mesures pouvant corriger cette situation
devraient être envisagées.
Après consultation de nos membres, nous recommandons le maintien
de la dispense seulement si elle s'accompagne de restrictions très
rigides. La dispense pourrait être accordée, non pas pour des
motifs sérieux, mais pour des motifs graves.
L'article 20 demande au célébrant d'informer les futurs
époux des ressources communautaires. Nous sommes particulièrement
contents de la teneur de cet article. Il serait bon d'y ajouter une phrase
fixant un moment dans le temps pour dispenser ces informations, par exemple, au
moment de la première rencontre entre le célébrant et les
futurs époux.
Nous croyons évidemment que toutes les ressources communautaires
offertes au couple avant le mariage sont excellentes et qu'il est bon de les
utiliser. Le législateur doit même favoriser l'utilisation de ces
ressources.
Je passe par-dessus les questions de nullité. Vous pourrez les
lire, puisqu'on nous a demandé d'aller vite.
A l'article 42, on dit que les époux assurent ensemble la
direction morale et matérielle de la famille. Nous croyons que, lorsque
les conjoints sont sur un pied d'égalité, les chances de
succès d'un mariage sont élevées. L'égalité
de l'homme et de la femme répond, d'autre part, aux aspirations
actuelles des femmes.
Les règles des articles 47 et 48 s'appliquent également
aux époux de fait. Quant à nous, cette reconnaissance des unions
de fait reflète le souci de réalisme du code et son adaptation au
vécu réel de notre société.
Quant aux articles 240 et 241, nous recommandons que le divorce et la
séparation de corps légale soient traités
séparément. Concernant la séparation de corps qui est
maintenant considérée comme une période d'essai, elle
devrait pouvoir être obtenue légalement dans les cas suivants:
simple consentement mutuel, impossibilité de faire vie commune ou
lorsque la vie commune a pour effet d'affecter sérieusement la
santé physique ou morale des enfants.
Les trois autres possibilités de l'article 241 seraient retenues,
mais nous croyons que la majorité des séparations de corps se
réglerait selon les trois cas que nous évoquons plus haut. Ces
mesu- res contribueraient à simplifier la séparation de corps
tout en augmentant largement les chances de conciliation entre les
époux. A cause du statut d'essai de la séparation, nous croyons
qu'il faut tenter d'en faire une sorte d'entente à l'amiable,
sanctionnée par la cour.
Pour ce qui est du divorce, nous recommandons qu'il puisse être
obtenu, en plus de trois possibilités de l'article 241, dans les cas
suivants: impossibilité de faire vie commune et lorsque la vie commune a
pour effet d'affecter sérieusement la santé physique ou morale
des enfants.
Premièrement, nous devons souligner que notre recommandation
demandant l'obtention de la séparation de corps sur simple consentement
mutuel ne peut être applicable au divorce. Le divorce constitue un acte
trop grave pour être obtenu sur simple consentement mutuel.
Deuxièmement, concernant la première possibilité de
divorce évoquée à l'article 241, nous croyons que le
système accusatoire qui prévaut actuellement y sera lié
directement. Le système accusatoire force les personnes et même
les oblige, si on se réfère à l'article 244, à
établir la culpabilité de leur conjoint.
Nous imaginons que cette culpabilité sera reliée à
une phrase comme celle donnée à l'article 41 qui exprime les
devoirs des époux: "Ils se doivent mutuellement fidélité,
secours et assistance". Cette phrase peut être interprétée
de bien des façons. Elle est susceptible de devenir pour bien des
conjoints l'instrument idéal pour détruire l'autre. Cette
démarche ne peut qu'alimenter les mésententes et augmenter les
risques de traumatismes graves.
Dans le but de diminuer les ravages du système accusatoire, nous
recommandons que le constat d'échec du mariage soit admis comme cause de
divorce.
On dit à l'article 245: En matière de séparation et
de divorce, le tribunal, avant de statuer au fond, s'assure que les tentatives
de conciliation ont été faites. Nous approuvons le principe
implicite de la loi qui veut que toute tentative de conciliation constitue une
étape préliminaire à la demande formelle de
séparation de corps ou de divorce. Nous recommandons que les services de
conciliation ne relèvent plus du tribunal mais plutôt d'une
équipe d'experts constituée d'un psychologue, sociologue,
criminologue, sexologue et travailleur social.
Le tribunal serait chargé de vérifier si la demande de
conciliation est vraiment effectuée et, dans le cas contraire, les
conjoints devraient être fortement incités à entreprendre
cette démarche.
Par rapport au moment où un des conjoints doit quitter la
résidence familiale à l'article 250, concernant la
première phrase de cet article, nous croyons qu'il serait dans
l'intérêt des familles que cette ordonnance du tribunal puisse
être accordée sur simple requête de l'un des conjoints. Au
sujet de la seconde phrase de l'article, nous avons une recommandation
spéciale à faire: Dès le début de toute
procédure en divorce ou en séparation de corps, le tribunal
devrait nommer un administra-
teur qui verrait à inventorier les biens meubles et immeubles et
voir à ce qu'ils restent intacts jusqu'à leur répartition
équitable par la cour. Même un de nos membres, là-dessus,
nous a fait la recommandation que ce relevé administratif soit fait
rétroactivement 90 jours avant l'introduction de la demande pour
éviter que quelqu'un se prépare à une demande en divorce
en se rendant de plus en plus pauvre.
Par rapport aux articles 257 et 258 concernant la révision, nos
membres affirment clairement que la demande de révision est très
souvent une mesure non seulement inefficace mais aussi longue, ardue et
coûteuse. A la lumière de ces opinions et des
réalités quotidiennes du coût de la vie, de la croissance
des enfants, nous recommandons que les mesures provisoires ou accessoires
ordonnées par le tribunal soient sujettes à une révision
automatique tous les deux ans à condition, évidemment, que ce ne
soit pas une surcharge encore coûteuse, ardue et longue pour ceux qui
sont impliqués dans la révision.
Au sujet de la filiation aux articles 292 à 336, nous donnons
notre appui à l'ensemble de ces articles. Toutefois, nous voulons
profiter de cette tribune pour proclamer que nous sommes opposés
catégoriquement à toute forme d'illégitimité.
Les enfants devraient être totalement à l'abri de toute
forme de discrimination; en somme, une société basée sur
le respect, la dignité de la personne humaine doit, avant toute chose,
protéger ses enfants.
On parlait aussi cet après-midi de la possibilité
d'être adoptant et nous avons une remarque à faire
là-dessus. Nous suggérons aussi qu'un couple en union de fait
puisse être considéré comme un adoptant.
A l'article 338, au sujet de la pension alimentaire, nous sommes
satisfaits de constater que certaines obligations et effets du mariage
s'appliquent aux unions de fait tout en n'imposant pas les contraintes que
veulent justement éviter les époux de fait.
A l'article 347, nous recommandons, dans le cas de mesures provisoires
ou accessoires, que la pension alimentaire accordée par jugement soit
sujette à une révision automatique, ici encore, tous les deux ans
et dans tous les cas de remariage de l'un ou l'autre des ex-conjoints. Si l'un
ou l'autre des ex-conjoints devient membre d'une union de fait, le tribunal en
tiendrait compte au moment de la révision automatique tous les deux
ans.
Au sujet de l'autorité parentale, articles 350 à 354, nous
sommes très en accord avec la vision parentale et non plus paternelle de
l'autorité que le code a adoptée.
Les articles 359 à 365 méritent notre accord global. Sur
l'article 368, à savoir si l'enfant doit être maintenu dans son
milieu familial, nous ne saurions trop insister sur l'approbation que nous
apportons à la première phrase de cet article. Nous favorisons
toute mesure qui permette et encourage la consolidation de l'union familiale.
Et nous sommes heureux de constater que l'Office de révision manifeste
le même souci, particulièrement pour le bien-être des
enfants.
Au sujet des successions, nous voulons toutefois réaffirmer que
nous contestons vivement toute forme d'illégitimité.
En conclusion, la vocation des Organismes familiaux associés du
Québec est, tel que précisé dans la présentation au
début du mémoire, de promouvoir la famille et de travailler
à son épanouissement. Il nous semble que l'Office de
révision du Code civil a partagé un peu notre souci. Un grand
nombre des nouvelles mesures que nous avons commentées visent à
favoriser la permanence et la stabilité relative du mariage sans jamais
brimer l'épanouissement de l'individu.
En ce sens, nous sommes très encouragés par le travail
accompli par l'Office de révision, travail qui souligne l'importance des
questions familiales dans notre société actuelle.
Le Président (M. Laplante): Merci madame et monsieur.
Maintenant, M. le ministre.
M. Bédard: M. le Président, je tiens à
remercier Mme Dubuc et M. Brochu de leur représentation au nom des
Organismes familiaux associés du Québec. Vous avez
mentionné, au début de votre intervention, Mme Dubuc, que vous
n'étiez pas des professionnels du droit, que vous n'aviez pas toutes les
ressources d'expertise que d'autres organismes qui vous ont
procédés ont eu la chance d'avoir, mais que vous vouliez
rencontrer les membres de la commission avec un élément bien
important, à savoir votre expérience de la vie et
l'expérience de tous ceux et celles que vous avez la
respnsabilité de représenter ici.
Je suis convaincu d'exprimer l'opinion de tous les membres de la
commission en vous disant que cette contribution de votre part, à partir
de ce que vous avez appelé votre expérience vécue, est
très considérée. Etant donné qu'il y a plusieurs
points que vous avez soulevés, sur lesquels vous vous dites d'accord,
soit avec des mémoires qui ont précédé ou avec
l'Office de révision du Code civil, il y a seulement certains points,
auxquels vous avez apporté des nuances précises, sur lesquels je
voudrais avoir plus d'explication.
Par exemple, concernant la dispense d'âge pour contracter mariage,
vous dites que vous êtes d'accord que l'âge soit fixé
à 18 ans pour contracter mariage et que la dispense ne soit pas
donnée seulement pour employer votre expression pour des
motifs sérieux mais plutôt pour des motifs graves. Pourriez-vous
expliciter davantage ce que vous avez à l'esprit lorsque vous parlez de
motifs graves qui pourraient, effectivement, permettre à un juge de
donner une dispense?
M. Brochu: Notre approche ne s'est pas tellement attachée
à la définition du motif grave. Tel qu'expliqué dans notre
mémoire, l'expérience prouve du moins selon la mentalité
de la majorité canadienne-française, qu'un mariage
contracté par des jeunes de moins de 18 ans a très, très
peu de chance de succès. Une certaine jurisprudence
ecclésiale nous apprend que ces mariages sont absolument dissous
et considérés comme nuls. Sur les motifs graves, nous sommes
difficilement placés pour donner en termes de loi...
M. Bédard: Pas en termes de loi, mais au niveau de
l'expérience de certains cas. Vous avez eu l'occasion de vivre ou de
constater, d'expertiser à votre manière ce qui vous semble
être des motifs graves dispensant de contracter mariage à
l'âge de 18 ans. (20 h 30)
Mme Laporte-Dubuc: Lors de la consultation, il n'a pas
été fait mention de cas précis qui définiraient ce
qu'on entend par "grave" et ce qu'on entendait par "sérieux". Je
comprends, à travers les interventions qui nous sont venues de la base
que le nombre de permissions accordées pour qu'il y ait mariage avant 18
ans devrait être moins important avec le terme "grave" qu'il le serait
avec le terme "sérieux". C'est laissé à
l'interprétation des juges, malheureusement, parce qu'il ne s'est pas
montré de cas précis. Je me réfère à ce qui
a été dit cet après-midi. Un mariage chez les Italiens,
par exemple, cela peut paraître grave. C'est une opinion personnelle, une
interprétation personnelle que vous sollicitez et je vous donne
simplement mon opinion. J'imagine que dans ce cas précis, étant
donné l'origine italienne, cela pourrait être
considéré comme grave. J'imagine.
Nous n'avons pas eu d'interprétation, de notre base, de ce qu'ils
entendaient par "grave". Ce qu'ils voulaient exprimer, c'est que cela devrait
être restreint au maximum, sans avoir la position du Conseil du statut de
la femme qui ne donnait aucune exception. Les exceptions devraient être
restreintes. C'est dans ce sens que je l'interprète.
M. Bédard: Selon votre expérience, est-ce que vous
seriez en mesure de nous dire si cela se présente assez
régulièrement, le fait de jeunes qui se marient et qui n'ont pas
18 ans?
M. Brochu (Jean-Guy): D'après mon expérience, il
n'y a pas beaucoup de jeunes qui se marient alors que les deux ont moins de 18
ans, ou même alors qu'il y en a un qui a moins de 18 ans. C'est un
très faible pourcentage. C'est socialement mal accepté,
actuellement, le fait de se marier très jeune. On conseille beaucoup
plus aux jeunes: Pourquoi se marier si jeune? Vivez ensemble un bout de temps
et vous verrez par la suite.
Mme Laporte-Leduc: Notre philosophie vise à rendre le
mariage important, autant quand il s'agit d'y entrer que quand il s'agit d'en
sortir. C'est un peu la philosophie qu'on pouvait déduire des
interventions de nos membres. Etant donné qu'à côté
il y aura une reconnaissance des unions de fait éventuellement,
parce que c'est encore à l'état de décision qu'il y
aura éventuellement des obligations minimales reconnues aux unions de
fait, cela garantit la liberté des gens, le mariage étant
considéré comme une chose très sérieuse qui
implique un engagement et une responsabilité, tel que le Barreau l'a
défini ce matin. L'approche était de beaucoup semblable à
celle que le Barreau a défendue, d'être responsable dans un geste
sérieux qu'est le mariage, l'union de fait étant un peu une chose
moins engageante et impliquant moins de responsabilités.
C'est la philosophie qu'il y a derrière et c'est un peu pour cela
que la restriction voudrait être plus grande par rapport à
l'âge du mariage, mais sans être catégorique comme le
Conseil du statut de la femme l'est.
M. Brochu (Jean-Guy): Notre désir, c'est qu'il n'y ait pas
de mariage avant 18 ans. Mais une question de liberté... allons quand
même pour la dispense.
Mme Laporte-Dubuc: C'est cela.
M. Bédard: Dans un autre ordre d'idée, vous
proposez de séparer les causes de séparation de corps de celles
du divorce, afin de favoriser les chances de conciliation de part et d'autre.
Vous proposez également la séparation de corps par consentement
mutuel alors que vous refusez le divorce par consentement mutuel. C'est bien
cela? Pourriez-vous préciser davantage comment la séparation de
corps augmente les chances de réconciliation par rapport au délai
de X nombre d'années où les époux ne demeurent pas
ensemble? Pourriez-vous peut-être être plus explicite en ce qui me
regarde sur ces points?
Mme Laporte-Dubuc: C'est encore la même philosophie qu'il y
a en-dessous de cette option que nos membres ont présentée. C'est
encore pour donner l'importance à la question mariage. Dans la
consultation, je peux résumer la position des membres comme ceci: Le
divorce est une chose trop sérieuse pour qu'un simple consentement
mutuel puisse permettre d'y avoir accès.
Remarquez qu'on n'a pas tout lu, mais la position laisse quand
même beaucoup de place; il n'est pas question de forcer des couples
à vivre ensemble quans ils veulent se divorcer. Alors, de consentement
mutuel, avec une vie séparée pendant un an, ce serait une chose
admissible comme raison de divorce, dans le mémoire. On ne l'a pas lu
tantôt mais c'est une des positions qu'on a données et le
consentement mutuel pour un tout et pour un rien, c'est ce à quoi nos
membres s'opposent. C'est encore pour donner une importance juridique à
l'acte du mariage.
M. Blank: Peut-être, pour faire suite à votre
pensée, je donne mon expérience comme avocat qui avait beaucoup
de cas de séparation et de divorce et je trouve que vous avez raison en
disant que les motifs de séparation doivent être
complètement différents de ceux du divorce parce que, dans les
cas de séparation qui se présentaient à mon bureau,
auparavant, c'était pour des raisons religieuses qu'on se
séparait au lieu de divorcer. Maintenant, il y a moins de ces
choses-là. Il y a des questions de séparation parce qu'il n'y a
pas de
motifs pour divorce ou peut-être ne veulent-ils avoir qu'une
"trial separation" et je trouve que, si les raisons invoquées,
quelquefois, sont la garde des enfants ou la pension alimentaire, des choses
comme celles-là et qu'on passe en cour pour avoir une séparation
où il y a consentement mutuel, le fait de passer en cour sous le
système contradictoire qu'on a actuellement, c'est créer une
situation de divorce où il n'y en avait pas avant. Je pense que, comme
on le fait dans les autres provinces du Canada, il n'y a pas de
séparation. On va chez un avocat et on signe un contrat de
séparation; il n'y a pas de passage à la cour. C'est là la
séparation légale dans les provinces du "Common law".
Si on avait quelque chose de semblable, peut-être passer à
la cour, par consentement, seulement les documents sans la confrontation du
mari et de la femme devant un tribunal, en public, on pourrait avoir de vraies
"trial separations" et peut-être évitera-t-on des divorces parce
que les séparations qui passent en cour finissent en divorce. Je suis
d'accord avec vous sur le grand principe il y a peut-être des
détails, des modalités où il y aurait des changements
mais les raisons de la séparation doivent être
complètement différentes de celles du divorce et je suis d'accord
qu'on puisse avoir des séparations par consentement mais dans le divorce
et là je suis d'accord avec vous cela prend plus que
cela.
M. Bédard: Vous mettez quand même beaucoup d'accent
sur l'importance que des tentatives de conciliation soient faites et
constituent une étape préliminaire à la demande formelle
de séparation de corps ou de divorce. Vous recommandez que les services
de conciliation ne relèvent plus du tribunal mais d'une équipe
constituée d'experts. Je voudrais simplement vous demander: Si la
conciliation n'a pas réussi à se faire durant la période
où il y a une séparation de corps, est-ce qu'à ce
moment-là le divorce par consentement mutuel pourrait être
envisageable si cette conciliation n'a pas pu s'opérer à
l'intérieur de la période où il y a eu séparation
de corps?
M. Brochu (Jean-Guy): Est-ce que vous voulez dire que la
conciliation a été tentée mais n'a pas réussi?
M. Bédard: Oui, c'est cela.
M. Brochu (Jean-Guy): C'est ce que nous appelons le constat
d'échec du mariage à ce moment-là où il n'y a pas
possibilité de vivre en commun, si la conciliation a été
faite normalement avec les ressources normales et qu'elle a
échoué.
Mme Laporte-Dubuc: Je travaille assez régulièrement
avec des groupes de femmes séparées et divorcées et une
des plaintes les plus fréquentes qu'on entend, c'est: Si j'avais eu la
chance ou si j'avais eu l'occasion. On déplore toujours le
manque de support que la société a donné avant que les
événements soient arrivés.
C'est une plainte récurrente que j'entends. C'est dans ce sens
que l'intervention est faite; c'est qu'il faudrait garantir. Cela va en toute
logique avec ce qu'on prône quand on dit qu'il faut une politique
familiale. Il faudrait qu'il y ait des équipements sociaux qui
donneraient une chance à des gens qui ont effectivement une chance sans,
comme je l'ai dit tantôt, forcer les choses, tout en laissant la porte
ouverte.
M. Bédard: Demeurer ensemble s'ils ne le veulent pas.
Mme Laporte-Dubuc: II n'est absolument pas question de forcer les
gens qui ne doivent pas vivre ensemble à vivre ensemble, c'est
même néfaste pour les enfants, mais qu'on donne la chance aux gens
qui, dans le fond de leur coeur, souhaiteraient l'avoir. Ils ne l'ont pas,
actuellement, tellement.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
remercier les Organismes familiaux associés du Québec pour leur
mémoire qui respire la sincérité et le bon sens et, je
pense, la capacité de rejoindre les problèmes de façon
directe. Vous n'avez pas à vous excuser de ne pas avoir eu recours
à des avocats, je pense que c'est plus clair comme cela. Ne le dites pas
à mes confrères.
J'aimerais seulement poser quelques questions parce que, dans
l'ensemble, vous approuvez, d'une façon dont l'enthousiasme transperce,
le rapport, vous approuvez la façon dont le rapport de l'Office de
révision aborde les problèmes et les solutions proposées.
Ce que j'ai à vous demander, compte tenu des questions du ministre,
c'est simplement quelques détails. A la page 7, vous suggérez que
le délai de huit jours qui est suggéré à l'article
85 du livre premier, et non pas du chapitre de la famille, soit porté
à trois mois. Pour quelle raison pratique suggérez-vous cela?
Mme Laporte-Dubuc: Sur la déclaration de la naissance,
n'est-ce pas?
M. Lalonde: Oui.
Mme Laporte-Dubuc: Actuellement, lorsqu'il y a un baptême
parce qu'il y a encore au Quéec des gens qui font baptiser leurs
enfants on s'est demandé si, quand le ministre donne le
baptême, cela constituera encore la déclaration de naissance. Je
présume qu'il y aura une distinction, à partir des changements
apportés par la loi, entre l'enregistrement et le baptême. Si
l'hypothèse selon laquelle il y a maintenant une distinction est juste,
peut-être que le délai de huit jours suffira, pour autant que ce
n'est pas obligatoirement la mère. Mais les gens ont réagi
spontanément: c'est trop bref. Cela ne donne pas le temps aux gens
d'aller faire enregistrer leur enfant.
S'il n'y a pas de distinction entre l'enregistrement et le
baptême, c'est nettement trop bref. Les
gens ne se font pas baptiser à l'intérieur de huit jours.
S'ils font deux démarches: enregistrer leur enfant et baptiser
ultérieurement, il pourrait y avoir un délai un peu plus long que
huit jours, mais qui ne soit pas aussi long que trois mois. Cela dépend
de la façon qu'on interprète le texte de la loi.
M. Lalonde: D'ailleurs, si cela peut vous rassurer, mon
collègue de gauche, le député de Saint-Louis me dit que
dans la religion juive la circoncision il s'agit seulement des enfants
mâles, naturellement, forcément n'a lieu que le
huitième jour après la naissance et ne peut pas, de par la
religion, avoir lieu avant ou après. L'enfant n'a pas de nom avant que
cette cérémonie ait lieu. On arriverait ici au huitième
jour, un peu en retard, en fonction du délai qui est
suggéré.
M. Brochu (Jean-Guy): Si c'est l'enregistrement officiel de
l'enfant à l'intérieur de huit jours, c'est un changement
très rapide par rapport à ce qui existe actuellement, soit quatre
mois, je pense. Quatre mois à huit jours, c'est beaucoup.
Mme Laporte-Dubuc: Ce qu'on a le mandat de vous dire, c'est que,
lors de notre consultation, les gens ont trouvé cela trop court. Cela a
été spontané et unanime. On vous le transmet, tout
simplement.
M. Lalonde: Je vous remercie. Dans le cas de divorce, on parle
et vous n'êtes pas les premiers à nous le dire d'un
constat d'échec. Le code pourrait offrir des critères pour
établir cet échec, mais on semble vouloir s'éloigner des
critères particuliers, que ce soit dans le cas de séparation ou
de divorce, la vie séparée pendant un certain nombre de mois ou
d'années. Quand vous dites, à la page 14: "Dans le but de
diminuer les ravages du système accusatoire, nous recommandons que le
constat d'échec du mariage soit admis comme cause du divorce". Qu'est-ce
que c'est, un constat d'échec? Est-ce que c'est simplement le
témoignage des deux époux qui viennent dire; C'est un
échec, point, puis on ne va pas plus loin? (20 h 45)
Mme Laporte-Dubuc: Au minimum, cela pourrait être cela.
Mais...
M. Lalonde: Cela revient au consentement. Ce n'est pas loin du
consentement.
Mme Laporte-Dubuc: Oui, au minimum. Mais il y a toute une gamme
à définir qui sera votre travail, évidemment.
M. Lalonde: Aidez-nous.
Mme Laporte-Dubuc: Oui, je vais essayer. Cela a été
dit, lors de la consultation, qu'une preuve devrait être faite. Mais les
gens sont conscients que, quand ils suggèrent que preuve devrait
être faite, il y a le risque de réintroduire le système
accusatoire. Ils ne voudraient pas que l'on retrouve, à
l'intérieur de la nouvelle loi, le même système accusatoire
qui semble si traumatisant pour les couples qui passent dans la machine, tout
en ne simplifiant pas ce constat d'échec à un simple consentement
mutuel. La formule "il faudrait que preuve soit faite", cela a
été dit lors de la consultation. Preuve du constat
d'échec, il devrait y avoir moyen de définir cela,
opérationnaliser ce concept. On pourrait vous faire une tentative
peut-être, mais l'opinion des familles c'est de ne pas
réintroduire le système accusatoire tout en admettant qu'il
faudrait qu'il y ait une limite à ne pas dépasser. Le constat
d'échec doit, effectivement, être fait par le juge.
M. Lalonde: Alors constat d'échec, si on se
réfère simplement à la terminologie, constat veut dire que
le juge constate qu'il y a un échec. Mais pour qu'il y ait constatation,
il faut qu'il y ait une preuve quelconque. Pour la déjudiciarisation, je
veux bien. Mais d'un autre côté, si l'on demande à un juge
de constater quelque chose, il faut qu'il y ait un système qui lui
permette de faire une enquête, de poser des questions à quelqu'un,
que ce ne soit pas nécessairement accusatoire, mais au moins
contradictoire, que quelqu'un puisse dire le contraire de ce que l'autre dit.
Est-ce que, dans votre constat d'échec, vous n'éliminez pas cette
possibilité de preuve?
Mme Laporte-Dubuc: Non, ce n'était pas
éliminé. Nous, on a employé seulement le terme de
système accusatoire et cela fait la nuance entre système
contradictoire et système accusatoire. Je pense qu'il y a une nuance
entre les deux. J'ai l'impression que c'est inévitable qu'il y ait une
forme minimale de contradiction, de preuve. En autant qu'on l'aborde, tel qu'il
a été abordé, il n'y avait pas à en sortir, il
fallait maintenir un minimum de système contradictoire.
M. Lalonde: J'aurais une dernière question. On a entendu
cet après-midi, le Conseil du statut de la femme qui désirait que
l'obligation de vie commune soit enlevée du Code civil. Qu'en
pensez-vous?
Mme Laporte-Dubuc: L'obligation de vie commune? Ah! oui, oui, par
rapport aux gens qui étaient à la baie James, qu'on a dit, je
pense.
M. Lalonde: C'est-à-dire que l'on a donné comme
exemple les députés et autres exilés de même nature,
genre baie James etc. On a voulu éliminer le concept de vie commune,
d'accord on a donné des exemples, les députés et les
travailleurs, bien que dans certaines régions du Québec, les
travailleurs sont presque constamment éloignés de leur famille,
mais on a suggéré d'enlever le concept juridique de vie commune.
Est-ce que vous ne croyez pas que c'est quand même inhérent, il me
semble, à l'idée du mariage ou de l'union de fait que vivre
ensemble.
Mme Laporte-Dubuc: Dans les discussions, il a été
employé le terme de cohabitation beaucoup.
Mais cohabitation, j'imagine, que c'est interprété comme
ayant la même adresse. Ce qui ne veut pas dire que, pour six mois ou pour
un terme à l'Assemblée nationale, les absences ou les obligations
de s'absenter du foyer pourraient être interprétées comme
un départ. Avoir la même adresse, j'imagine, cela pourrait
être interprété comme la cohabitation.
M. Lalonde: Avoir la clé.
Mme Laporte-Dubuc: On ne peut pas en tenir compte par le nombre
d'heures de présence à la maison.
M. Lalonde: J'aime mieux votre approche.
M. Bédard: Avoir l'assurance que l'on ouvre quand on
frappe à la porte au moins!
Mme Laporte-Dubuc: Oui.
M. Lalonde: Ou que la serrure n'est pas changée quand on
arrive avec la clé après une semaine. Merci.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Je vais commencer par vous rassurer en vous disant
que je ne suis pas avocat, mais que je remplace un avocat. Je vais même
confesser mon ignorance du dossier, puisqu'on m'a demandé à la
toute dernière minute. Tout de même, j'aurais certains points
d'interrogation qui s'adressent à vous; peut-être que M. le
ministre pourrait m'éclairer sur certaines petites choses tout à
l'heure.
J'ai remarqué qu'à la fin de votre mémoire, vous
voulez travailler à promouvoir la famille, à travailler à
son épanouissement, à sa permanence, à sa
stabilité. C'est un peu dans ce sens-là que j'ai oeuvré
pendant plusieurs années de ma vie. Le mariage, on sait qu'en soi c'est
une très belle chose. Maintenant, s'il y a des échecs, on ne
commencera pas à analyser les causes. Ce n'est pas mon but dans le
moment. Cela se constate: il y a beaucoup d'échecs. On a donné
des statistiques cet après-midi. J'en ai vu déjà un
détail selon les âges des mariages, de 14, 15, 16, 17, 18
jusqu'à 21 ans. Cela se ressemble, je pense que plus l'âge tend
à baisser, plus les causes d'échecs tendent à
augmenter.
Maintenant, quand vous parlez des prénoms, je n'insiste pas sur
cela. Vous parlez de désaccord, chacun donne un nom. Comme vous
étiez ici cet après-midi, on a parlé de donner le nom de
famille du père ou de la mère, je crois. Vous avez
mentionné tout à l'heure que nous n'aviez pas approfondi cet
aspect. Dans ce cas-là, on peut le laisser de côté. Mais en
parlant de l'âge du mariage de 18 ans, cela crée des
problèmes. On a mentionné les communautés italiennes;
c'est peut-être la même chose chez les Indiens; je ne connais pas
leurs moeurs; c'est peut-être aussi une tendance. Quand on sait que la
Loi civile actuellement permet le mariage d'une fille à douze ans et
d'un garçon à quatorze ans, si cela n'a pas changé.
M. Bédard: C'est cela.
M. Le Moignan: D'un autre côté, vous avez l'Eglise
qui donne quatorze ans pour les filles et seize ans pour les garçons,
même si la pratique de l'Eglise, depuis les sept ou huit dernières
années, avait tendance à essayer de convaincre les jeunes de
retarder au moins jusqu'à 18 ans. Au moins. Anciennement, on parlait de
21 ans. Je sais que ceci crée beaucoup de problèmes. Est-ce que
la loi va subir des exceptions? Il y aura le couple, les cas de filles
enceintes, par exemple. Les mariages forcés comme on les appelait, alors
que les parents insistaient un peu trop parce qu'on considérait
peut-être cette situation comme étant un déshonneur. On
plaçait la jeune fille surtout dans une situation terrible. Elle devait
la subir pendant trop d'années, alors que le divorce n'était pas
facile, n'était pas accessible comme il l'est aujourd'hui.
C'est l'article 85 du livre premier, M. le ministre, qui m'intrigue un
peu. Si on doit déclarer la naissance dans les huits jours au directeur,
s'agit-il ici de se rendre au palais de justice, ou y aura-t-il dans chacune
des localités un endroit où on pourra aller enregistrer cette
naissance? Parce que d'après le mémoire, vous mentionnez à
la page 7 qu'on ne fait pas allusion au baptême. On se demande si le
baptême va constituer en soi un enregistrement.
M. Bédard: Voici la manière de procéder. Il
y aura des formules disponibles dans les différentes régions,
dans les différents bureaux d'enregistrement où ces gens
pourraient aller enregistrer leur enfant.
M. Le Moignan: Si je comprends bien, il y aura une obligation
pour tous, qu'ils soient catholiques, protestants ou autres, d'aller
s'enregistrer à l'Etat civil. Ceux qui désireraient, par exemple,
faire baptiser leurs enfants se rendraient...
M. Bédard: C'est une autre...
M. Le Moignan:... à l'église, après coup.
Dans le moment présent, le registre est tenu, le double est transmis au
palais de justice à la fin de l'année.
M. Bédard: C'est cela.
M. Le Moignan: Est-ce que la même coutume va se
perpétuer pour les baptêmes ou si elle va disparaître? Ce
sera alors simplement l'acte, la formule d'enregistrement. Ce sera un peu
cela.
M. Bédard: Certainement.
M. Le Moignan: Mais dans les villes, si on prend une ville comme
Gaspé, les gens devront
parcourir 40 milles pour aller enregistrer leur enfant à la
municipalité. Gaspé est une ville monstre qui a quelque 75 milles
de longueur. 40 milles dans un coin, cela peut créer des
problèmes, peut-être dans d'autres centres aussi.
En somme, je comprends très bien votre argument, c'est que tout
le monde devrait passer par l'état civil. Actuellement on a
déjà des formules qu'on remplit et qu'on transmet au service de
la démographie à Québec, par exemple. Ce serait le
même genre de formule qu'on remplit, nous, et qui serait remplie
avant.
Maintenant, un autre point. Vous avez mentionné
l'opportunité d'un examen médical prénuptial. Il n'y a pas
d'obligation dans le moment; on le conseille fortement. Je crois que votre
idée que ce soit inclus dans la loi, que cela devienne quelque chose
d'obligatoire, est-ce que c'est dans ce sens que vous le mentionnez?
Mme Laporte-Dubuc: Oui.
M. Le Moignan: C'est votre article 20, à la page 9 de
votre mémoire.
M. Brochu (Jean-Guy): Nous donnons notre accord à cet
article.
M. Le Moignan: Cela deviendrait une chose obligatoire, si je
comprends bien. On pourrait conseiller aux époux, on pourrait leur
demander, anciennement on insistant pourqu'ils se présentent à
l'examen médical.
M. Brochu (Jean-Guy): Je ne dis pas ici comme étant
obligatoire: "Le célébrant doit également informer les
futurs époux des ressources communautaires".
M. Le Moignan: Mais vous souhaiteriez que cela devienne un
article de la loi ou... non?
Mme Laporte-Dubuc: Non, on est pour la liberté.
M. Brochu (Jean-Guy): On est beacoup plus favorable au
système législatif qu'au système obligatoire.
Mme Laporte-Dubuc: Oui. Puis les gens se sont dit...
M. Bédard: On est sur la même longueur d'ondes.
M. Le Moignan: Je comprends l'incitation, M. le ministre, et je
l'ai faite une fois. J'ai eu à rencontrer un couple et j'ai
insisté beaucoup sur l'examen médical; je leur ai
conseillé fortement. Le jeune homme s'est présenté
à l'examen médical, on lui a découvert une maladie qui l'a
forcé à faire un an de sanatorium. Il est sorti guéri au
bout d'un an. Dans ce cas, il s'est marié au bout d'un an et ils sont
très heureux depuis ce temps. S'ils s'étaient mariés tout
de suite comme ils voulaient le faire...
M. Blank: Est-ce qu'il a marié la même fille? M.
Le Moignan: II a marié la même fille.
M. Bédard: Cela doit sûrement être un de vos
bons supporters.
M. Le Moignan: Je ne sais pas ce qu'il est actuellement mais,
dans le passé, si vous voulez le savoir, c'était un bon
rouge.
M. Bédard: II faut les aider. Il faut toujours les aider
pour les sauver.
M. Le Moignan: Dans le moment, j'essaie...
M. Bédard: Ils sont malades, ils ne s'en rendent pas
compte.
M. Le Moignan: Dans le moment, j'essaie de le sauver mais...
M. Lalonde: Qu'est-ce que vous avez contre les maladies?
M. Le Moignan: Pour la vie commune, je n'en parle pas parce qu'on
a parlé des députés mais il y a même des exceptions,
il y a des députés qui n'ont pas trop de problèmes avec la
vie commune. Je sais que je n'en ai pas trop dans le moment. Alors, il y a des
exceptions et je vais parler d'exceptions, cet après-midi
également. Maintenant, pour la filiation, je suis d'accord avec vous
parce que, dans le passé, je pense qu'on insistait trop et c'est bien
normal qu'un enfant, qu'on l'appelle enfant naturel ou enfant de tout ce qu'on
veut, c'est lui i I n'a pas demandé à naître
mais quand il grandit, on en connaît beaucoup, il est heureux
d'être sur terre. Je pense qu'il ne doit pas y avoir de discrimination.
Je l'ai toujours évité, je contournais la loi pour
l'éviter et je suis content de l'avoir fait, en indiquant
honnêtement...
M. Lalonde: C'est un aveu.
M. Blank: II jouit de l'immunité parlementaire.
M. Bédard: J'étais distrait au moment où
vous avez dit cela.
M. Le Moignan: Je contournais la loi; quand on émettait un
certificat, au lieu de dire: Je soussigné... Tout de suite, tu as une
preuve, quand cela arrivait au tournoi de hockey mineur ou n'importe quoi,
dès que tu ne ressemblais pas aux autres, une formule imprimée et
écrite à la dactylo: Je soussigné que, fils de, est
né à telle date... tout de suite, on en avait la preuve. On
m'avait dit dans le temps que je n'avais pas le droit; j'ai pris des formules
régulières et, aujourd'hui, on en est rendu là et personne
n'en souffre.
M. Lalonde: Vous êtes passé aux aveux. M. Le
Moignan: Oui. Je vous remercie de...
Le Président (M. Laplante): Le mot de la fin, M. le
ministre.
M. Lalonde: C'est une confession.
M. Bédard: Je pense que madame a des choses à
ajouter, peut-être?
Le Président (M. Laplante): Oui, Mme Dubuc.
Mme Laporte-Dubuc: Oui, je veux préciser; il y a
peut-être une ambiguïté qu'il me semble nécessaire de
clarifier. Vous avez dit: On fait la promotion de la famille, c'est vrai. Mais
il ne faut pas interpréter cela comme... C'est une tentative de
conserver, ce n'est pas du tout un geste de conservatisme qui est posé
au sein des organismes familiaux. La famille, pour nous, c'est le milieu
où l'enfant grandit; c'est le milieu de vie de l'enfant, peu importe la
forme de la famille, peu importe sa religion, sa langue. (21 heures)
Donc, la population avec laquelle on travaille, ce sont les
chargés d'enfants en comparaison avec ceux qui n'ont pas d'enfant. Cela
inclut une façon pluraliste de voir la famille. Cela inclut des formes
monoparentales ou des célibataires qui auraient adopté. Enfin, je
veux préciser parce que notre action n'est pas du tout de conserver un
modèle familial idéal. La deuxième chose, c'est au sujet
du nom patronymique. On a consulté sur l'ensemble des choses et,
à notre étonnement, cela n'a pas été un sujet
relevé par nos membres. On peut en déduire, surtout après
ce qu'on a entendu aujourd'hui, que, pour les familles, ce n'est pas aussi
chatouilleux que pour les femmes. C'est un peu ce que j'aurais envie de
déduire après avoir entendu les interventions cet
après-midi. Dans la proposition de l'office, c'est le nom du père
qui sera retenu et le nom de la femme... Elle conserve le nom qu'elle a
reçu à sa naissance et il y avait un accord spontané
autour de cela.
Cet après-midi, en réfléchissant, en
écoutant, je me disais... C'est une proposition personnelle, je ne veux
pas la présenter au nom de l'OFAQ, mais peut-être que c'est une
suggestion dont vous pourrez faire votre profit, je l'espère. On se
disait ensemble que, peut-être, étant donné qu'on a
donné beaucoup d'autonomie à l'enfant dès son adolescence
dans la proposition de l'Office de révision du Code, peut-être que
cela pourrait être une chose de plus, un pouvoir de plus qu'on lui donne
et qu'à 14, à 15 ou à 16 ans, à l'âge
où on estimera qu'il est assez autonome, il pourra avoir la
liberté que la loi pourrait lui garantir, la liberté de choisir
le nom de son père ou de sa mère. Ce serait peut-être une
solution qui serait plus simple que les deux noms et les trois noms.
M. Brochu (Jean-Guy): Le poste biologique pour le nom de l'enfant
conduit à des complications parce qu'il y en a toujours deux à la
naissance de l'enfant. Pourquoi ne pas faire intervenir
l'intéressé qui est l'enfant?
Mme Laporte-Dubuc: C'est ce qu'on disait cet après-midi,
mais c'est une suggestion qui n'est pas au nom de l'OFAQ.
M. Brochu (Jean-Guy): Qui est personnelle à nous
autres.
M. Lalonde: Si vous permettez, est-ce que le "traumatisme" de
choisir, donc d'éliminer un nom ne vous apparaît pas un
élément important?
M. Brochu (Jean-Guy): Si c'est un problème, cela peut
être un problème pour les parents. Un enfant bien
préparé à savoir qu'il va avoir à choisir, à
un moment donné, son nom, je ne vois pas quel traumatisme cela pourra
lui procurer, à moins que les parents ne lui transmettent un
traumatisme.
Mme Laporte-Dubuc: Est-ce que cela peut être plus
traumatisant de conserver le nom d'une personne avec qui on est en conflit, par
exemple, si c'est le père ou la mère? J'ai l'impression qu'il y a
autant de risques d'être traumatisé d'un côté comme
de l'autre, au fond.
M. Lalonde: Je parle d'un enfant dans un milieu paisible. A 14
ans, vous lui dites: choisis.
M. Brochu (Jean-Guy): II aura été
préparé.
Mme Laporte-Dubuc: Je ne crois pas qu'il y ait un traumatisme. Il
y a des enfants de gens divorcés qui choisissent d'être
adoptés par leur nouveau père parce qu'ils aiment cet homme. Je
l'ai vu. Non, je ne crois pas. Pour donner une réponse claire, je ne
crois pas qu'il y ait un risque de traumatisme plus grand de changer de nom
qu'il y a un risque d'être traumatisé si on conserve le nom d'une
personne qu'on n'aime pas et qu'on ne veut plus avoir.
Le Président (M. Laplante): Merci. Mme Dubuc, M. Brochu,
les membres de cette commission vous remercient de votre mémoire.
M. Lalonde: M. le Président, j'aurais une question de
règlement à soulever à ce stade-ci. Il reste 55 minutes et
2 mémoires. J'aimerais que cette journée se termine par un
succès complet et je pense qu'on doit savoir gré au ministre ou
à la commission de ne pas avoir invité trop de membres.
Maintenant, j'aimerais qu'on puisse terminer l'audition des deux derniers
intervenants à 22 heures. Quant à moi, malheureusement, je ne
pourrai pas donner mon consentement pour aller au-delà de 22 heures. Je
le dis d'avance. Est-ce qu'il y aurait lieu de dire: On va prendre 30 minutes
pour le prochain et 25 pour l'autre? Je sais que M. Huot est ici. Il va
paraître en dernier lieu. Est-ce que 25 minutes, ce serait suffisant pour
lui? Une demi-heure pour l'autre. Je ne fais pas de suggestion. Je mets le
problème sur la table avant que le problème se présente
à 21 h 55.
On pourrait peut-être poser la question aux prochains
intervenants, à savoir si une demi-heure, cela leur suffit, ou 35
minutes peut-être.
Le Président (M. Laplante): Madame, vous pouvez avancer,
on va appeler l'organisme puis vous allez pouvoir... Centre éducatif de
la femme.
Veuillez identifier votre organisme, vous identifier vous-même
ainsi que les personnes qui vous accompagnent s'il vous plaît.
Centre éducatif de la femme
Mme Codère (Clarisse): Je peux m'identifier, je suis
Clarisse Codère du Centre éducatif de la femme. A ma gauche,
Pierrette Boucher, vice-présidente du Conseil régional de
promotion de la femme et, à ma droite, Huguette O'Neil,
préposée à la rédaction du mémoire.
Avant de présenter les organismes que nous représentons,
je vais poser une question. Est-ce que nous avons suffisamment de trente
minutes pour regarder sérieusement ce que nous avons fait pendant
plusieurs heures de travail? Il ne m'apparaît pas clair que dans trente
minutes nous puissions le faire.
M. Bédard: M. Huot est-il ici?
Le Président (M. Laplante): M. Huot.
M. Huot (Michel-Guy): M. le Président, il faut prendre le
temps qu'il faut.
M. Bédard: M. Huot, je comprends que vous êtes de
Québec, vous demeurez à Québec. On pourrait
peut-être commencer et puis...
Le Président (M. Laplante): Vous seriez d'accord pour
demain dix heures.
M. Lalonde: Je suggère, M. le Président, qu'on
assure M. Huot qu'il va être entendu demain à dix heures, en
priorité.
Le Président (M. Laplante): Demain, il y a seulement deux
organismes invités dans la matinée.
M. Bédard: Cela va. Je voudrais remercier M. Huot de sa
compréhension. Demain matin il sera le premier à être
entendu.
Le Président (M. Laplante): Allez madame.
Mme Codère: M. le Président, M. le ministre,
messieurs, il nous fait plaisir de vous présenter un mémoire sur
la réforme du droit de la famille, mais on a dû retarder ce
plaisir de quelques heures.
Nous sommes conscientes de l'importance de votre commission
parlementaire pour l'avenir de la famille québécoise.
Malgré les contraintes de temps et les moyens financiers restreints,
nous avons tenu à formuler des recommandations tirées d'un
vécu qui leur donne une résonnance concrète, collé
à la réalité.
Avant de vous présenter le mémoire, j'aimerais vous
présenter notre organisme. Le Centre éducatif de la femme
relève de Fer de lance, qui est un mécanisme de concertation de 4
maisons d'éducation des adultes à Sherbrooke, soit
l'Université de Sherbrooke, le CEGEP, la Commission scolaire
régionale de l'Estrie et la régionale de l'Eastern Township.
Le Centre éducatif de la femme a deux objectifs, celui de la
promotion individuelle et celui de la promotion collective de la femme. Le
centre a créé en 1977 un Conseil régional de promotion de
la femme. Ce conseil regroupe 10 associations dont vous avez les noms à
la page 2. Les AFEAS, l'Association des familles monoparentales, les Cercles
des fernières, l'Association de l'Estrie pour la planification des
naissances, le réseau d'entraide des mères célibataires,
l'Escale, la Villa Marie-Claire, l'Association des auxiliaires
d'hôpitaux, la Société Saint-Jean-Baptiste, section
féminine et l'Association des femmes diplômées des
universités.
Pour vous expliquer un peu notre méthode de travail, étant
donné le peu de temps que nous avions, nous avons constitué des
équipes de travail, c'est-à-dire des ateliers de travail,
où il y avait une représentante de chaque association dans les
ateliers. Après avoir travaillé 10 heures, nous avons fait une
plénière qui a fait un consensus sur les recommandations que nous
allons vous proposer, à l'exception d'une.
J'aurais quelques notes à vous signaler, c'est-à-dire que
dans la table des matières nous avons voulu au chapitre 4 vraiment
changer les termes et finalement nous avons mis Régie des rentes; c'est
une erreur, on devrait lire Régie de la famille.
Une note que je voudrais aussi vous signaler, c'est que les
recommandations qui sont contenues dans le document ne sont pas
nécessairement l'expression de l'opinion des institutions qui
chapeautent le Centre éducatif de la femme, mais elles expriment
plutôt l'opinion des membres des organismes qui ont participé
à l'étude. Cela ne veut pas dire nécessairement que les
demandes des institutions sont en désaccord avec notre mémoire.
Cela veut dire qu'il n'a pas été présenté aux
institutions avant qu'on vienne vous le présenter faute de temps.
En tablant sur le principe que les lois devraient être
formulées en tenant compte des us et coutumes d'une
société à une époque donnée, puisque selon
l'évolution des mentalités, ce qui était
repréhensible hier peut devenir acceptable aujourd'hui, il nous
apparaît plus qu'urgent que la révision du Code civil,
particulièrement le livre de la famille, devienne effective dans les
plus courts délais.
Depuis le début des années soixante, l'institution
familiale au Québec a subi de sérieux remous. Les balises morales
maintenues par la religion sont tombées en même temps que le taux
de natalité et l'éclatement du mariage. Enferrés dans un
tourbillon de mouvance rarement observé dans notre passé, les
couples québécois ont vécu et connaissent encore
malheureusement une révolution affective et sexuelle pas du tout
tranquille.
A ces bouleversements, où il est si facile de perdre pied,
puisque le système de référence se bâtit
simultanément, s'ajoute un sentiment de culpabilité
bicéphale: un héritage religieux que l'on voudrait oublier, mais
dont le souvenir s'incruste et une juridiction familiale basée sur la
faute.
Les réflexions et les recommandations de ce mémoire ont
été formulées en partant d'un désir et d'un besoin
commun de déculpabiliser la vie amoureuse des couples, de sauvegarder
l'équilibre affectif des enfants et d'égaliser le poids des
devoirs et des responsabilités de l'homme et de la femme.
Il n'est pas de notre propos de faire étalage des données
tirées des recherches sociologiques sur le sujet. Nous savons,
cependant, que le gros bon sens trouve toujours oreille pour se faire entendre.
Ainsi, il semble juste de dire qu'un serment tel: "Nous sommes unis à la
vie, à la mort" ne tienne plus, puisque les gens ne meurent plus, ou
presque. Entendons-nous. Nous mourons, oui, mais nous n'avons jamais
vécu aussi longtemps, et ceci, depuis le début des temps.
L'espérance de vie est d'environ 71 ans pour les hommes et 74 ans pour
les femmes. Au temps de nos grands-pères, les familles de deux ou trois
lits étaient monnaie courante. Les femmes, encore jeunes, mouraient en
couche. Les hommes, à faire des journées de douze à treize
heures d'ouvrage, s'usaient rapidement. Le veuvage prématuré
tenait lieu de divorce. Il y aurait gros à parier que les couples
mariés de 1980 n'auront jamais eu de précédent quant au
nombre d'années qu'ils auront à vivre ensemble, et la recherche
médicale n'en est qu'à ses premiers pas.
Dans cette ligne de pensée qui est celle du gros bon sens, nous
avons abordé le chapitre de la filiation et de l'adoption. Il nous
semble logique que la mère légale de l'enfant soit sa mère
biologique et que le père biologique soit le père légal de
l'enfant. Les régimes matrimoniaux ou contrats financiers passés
entre conjoints devraient avoir pour principe l'égalité de
l'homme et de la femme sur deux plans: l'administration conjointe des
ressources et des biens du ménage et une compensation monétaire
pour les tâches essentielles accomplies en fonction de
l'intégration de la famille dans la société, mais non
rémunérées.
Au chapitre de la séparation et du divorce, il nous
apparaît souhaitable de changer les termes de durée du contrat de
mariage. Un contrat renouvelable tous les cinq ou dix ans aurait
peut-être l'avantage de changer la notion d'échec rattachée
au divorce en une satisfaction d'avoir mené son contrat à terme.
D'ailleurs, toutes les consultations conséquentes au divorce devrait
être déjudiciara-sées et "déculpabilisées",
ceci, dans le but de dédramatiser ce qui peut être
considéré comme une période de réorganisation de la
vie familiale.
Dans cette optique, nous suggérons la création d'une
régie de la famille qui regrouperait les services administratifs
concomitants au divorce. Cette régie serait rattachée au tout
nouveau ministère de la famille, dont la priorité serait
orientée vers la mise en place d'une politique nataliste.
Le chapitre de l'adoption et de la filiation: A la naissance, tout
enfant légitime ou illégitime devrait être reconnu enfant,
avoir les mêmes droits et les mêmes protections. Actuellement,
l'enfant naturel subit de graves préjudices, à cause de cette
distinction établie par la société et inscrite dans les
lois et les registres de baptême. A cet effet, nous recommandons que la
formulation de la loi élimine tout qualificatif: légitime,
naturel, incestueux, adultérin, à la suite du nom de l'enfant.
Que seul un certificat civil de naissance soit reconnu document légal et
ne fasse mention d'aucun adjectif à la suite du nom de l'enfant. (21 h
15)
Contestation de paternité. Selon la loi actuelle, la femme n'a
aucun pouvoir de contester la paternité de son mari et d'établir
une véritable filiation de son enfant. La réforme du Code civil
prévoit créer une présomption de paternité
automatique, sans distinction entre enfant naturel et enfant légitime.
Dès que l'enfant naîtra, son père présumé
sera celui qui demeurera avec sa mère.
Pour notre part, nous recommandons que le père biologique soit le
père légal de son enfant. Ce principe élimine la notion de
"père présumé".
Que, dans le cas de dissension ou d'impossibilité de preuve, on
applique dans la section II les articles 275 à 281 de la révision
du Code civil;
Que la mère, en tant que personne humaine responsable, soit
habilitée à exercer son droit en contestation de
paternité.
Adoption d'enfants par conjoints de fait.
Présentement, l'un des deux conjoints de fait doit adopter son
enfant naturel pour le légitimer. Nous trouvons cette démarche
insensée et contre nature, d'autant plus que l'autre conjoint de fait y
perd ses droits sur l'enfant.
Afin d'humaniser la loi nous recommandons:
Que toute mère biologique soit reconnue légalement
mère de son enfant, ceci indépendamment de son état civil.
Il en va de même pour le père biologique, tel que
recommandé plus haut.
Au chapitre des régimes matrimoniaux.
Le Président (M. Laplante): Mme Codère, excusez si
je vous interromps. C'est qu'au train où on va, vous avez 25 pages
à lire, 25 pages que vous ne pourrez même pas finir, d'ici 22
heures; et la commission ne sera pas plus avancée, elle ne pourra pas
vous poser de questions. M. le ministre m'informe qu'il a lu tout votre rapport
et M. le député de Marguerite-Bourgeoys de même. Si vous
avez des points essentiels que vous voulez appuyer plus fortement que d'autres,
je vous prierais de suggérer des données, si possible.
M. Bédard: Je pense que vous voulez surtout en discuter le
plus possible dans le temps qui nous est imparti. Maintenant, même si
vous n'avez pas eu grand temps pour le préparer, comme vous l'avez
mentionné, je dois dire que votre mémoire est très
substantiel, très intéressant et nous avons eu l'occasion de le
parcourir, de
l'analyser le mieux possible. Pour le bénéfice,
peut-être, de tous ceux qui sont intéressés par l'ensemble
des travaux de cette commission parlementaire, il y aurait peut-être la
possibilité, afin de nous donner plus de temps pour discuter, de vous
assurer que votre mémoire sera consigné textuellement dans le
journal des Débats.
M. Lalonde: Si vous le demandez.
M. Bédard: Si vous le demandez, autrement dit, votre
mémoire sera consigné textuellement au journal des Débats,
comme si vous l'aviez parcouru au long. Si vous êtes d'accord sur cette
manière de faire, peut-être que vous pourriez insister sur les
points que vous pensez les plus importants et nous pourrions engager la
discussion avec quelques questions.
Mme Codère: M. le Président, je pense que l'on vise
l'efficacité, la rapidité dans l'efficacité. Si vous
êtes prêts, déjà, à nous questionner,
peut-être que mes deux consoeurs pourraient, tout en révisant le
mémoire, regarder les points et les ressortir. Mais si vous êtes
déjà prêts à questionner, je suis disposée
à vous répondre.
Le Président (M. Laplante): Merci de votre
coopération. Est-ce que vous en profitez pour demander que votre
mémoire soit consigné au journal des Débats?
Mme Codère: Oui.
Le Président (M. Laplante): Accordé, madame, (voir
annexe) M. le ministre.
M. Bédard: Au chapitre IV, c'est un peu plus loin dans
votre rapport, vous avez un chapitre consacré essentiellement à
la régie de la famille plutôt que le tribunal de la famille. Vous
semblez privilégier l'expression régie de la famille par rapport
à tribunal de la famille, parce que c'est moins judiciaire, j'imagine,
comme appellation, ou encore est-ce que c'est seulement pour vous une
manière d'exprimer votre préférence pour une approche plus
administrative que judiciaire, vis-à-vis du règlement des
conflits de la famille?
Mme Codère: En ce qui concerne le tribunal de la famille,
nous pensons que c'est vraiment mettre un terme qui déjà fait
peur à des gens qui devraient passer par un tribunal de la famille. Une
régie de la famille, au plan administratif, d'accord; cela permettrait
de rassembler dans une même régie tout le plan administratif et le
plan consultatif, ce qui pourrait servir lors d'un moment d'arrêt ou de
la fin d'un contrat de mariage. Si on considère que le mariage est un
contrat de cinq ou dix ans, évidemment, s'il y a une régie de la
famille, tout ça pourrait se passer à cet endroit, ce qui veut
dire que ça déjudiciariserait et ça permettrait de faire
un genre de sollicitation pour une séparation d'une façon
très courante, facile, ne donnant pas nécessairement le terme
"tribunal " qui déjà donne un terme de justice et qui fait
très peur à certaines gens.
M. Bédard: Mais, à partir du moment où on
explicite bien, on fait bien connaître le fait qu'à ce tribunal de
la famille, on retrouvera toute une série d'experts qui n'ont absolument
rien de commun avec la profession d'avocat, est-ce que ça ne peut pas
contribuer, avec le temps, à peut-être donner une image moins
judiciaire de ce qu'on pourrait appeler "tribunal"? Le terme lui-même
fait peut-être judiciaire, mais, si toute la réalité autour
du terme est plus humanisante, est plus proche des problèmes des gens
pour, au fond, essayer de régler les problèmes, au lieu de ce qui
existe présentement autour des tribunaux que nous connaissons, est-ce
que...
Mme Codère: Oui, je pense que, même si nous sommes
sensibilisées au fait que, au tribunal de la famille ou à la
régie de la famille, il y aura une équipe multidisciplinaire qui
pourra s'occuper des problèmes familiaux, des enfants, etc., ça
risque quand même que, dans nos mentalités qui sont longues
à changer, le terme "tribunal" restera toujours une chose... on va faire
trancher des choses au tribunal; alors, c'est quelque chose qui, à notre
avis en tout cas, irait beaucoup plus vite. Il y a une espèce de
traumatisme dans le fait de passer devant un tribunal pour régler des
choses qui sont vraiment de relations humaines, finalement. On les porte devant
un tribunal, alors que c'est là que passent vraiment les coupables, les
gens qui ont fait des choses graves. On considère qu'une fin de contrat
si on avait des contrats de mariage de cinq ou dix ans n'est pas
nécessairement une chose très grave, ce serait plutôt une
réussite. On voudrait que, plutôt que de voir passer le mariage
comme un échec, on aimerait voir le mariage réussi à
terme.
M. Bédard: Enfin, c'est votre souci de la
déju-diciarisation qui vous amène à demander ce changement
d'appellation.
Mme O'Neil (Huguette): II y a quand même une philosophie de
base très positive à l'intérieur de ces consultations que
nous avons menées auprès des représentantes des
associations féminines. Cette philosophie de base positive est justement
que les mariages à vie, nous croyons que c'est de moins en moins une
réalité et que, justement parce que le mariage à vie ne se
vit plus à vie, nous devons le repenser positivement en termes de
contrats qui, pour la longueur, peuvent être repensés en fonction
des individus; ils peuvent avoir la liberté de choisir. Mais la
façon dont les choses sont envisagées présentement
concernant le divorce, c'est vraiment une entreprise de démolition, un
traumatisme qui dure six mois, un an et souvent deux ans, selon les individus.
C'est souvent la première fois que les gens se présentent en
cour, c'est la première fois qu'ils ont affaire à un avocat,
c'est la première fois, en fait,
qu'ils se sentent un peu criminels d'avoir fait quelque chose. Ce
quelque chose, c'est tout simplement que, à un moment donné, ils
ont considéré, dans le fonctionnement de la société
actuelle, qu'ils doivent tout simplement réorganiser leur vie conjugale
et familiale. Vraiment la philosophie de base de notre rapport se veut positive
en ce sens que nous nous refusons à considérer le divorce comme
un échec.
M. Bédard: Un autre, à la page 4, vous en faites
état de même qu'à un autre endroit, dans votre
mémoire, concernant la filiation. Vous recommandez que le père
biologique de l'enfant soit d'abord recherché, en paternité,
à défaut de le trouver, ce sont les présomptions
légales de paternité qui s'appliquent, qui découleraient,
par exemple, du mariage. Comment, en pratique, voyez-vous cette recherche,
comment voyez-vous que cette recherche pourrait s'effectuer?
Mme Codère: Lorsque vous êtes en situation
régulière, c'est-à-dire un homme et une femme qui
cohabitent en union de fait ou mariés, je pense que c'est assez facile
de voir une filiation, c'est-à-dire un enfant reconnu biologiquement
d'un père et d'une mère, parce qu'il provient de gens qui vivent
ensemble. Mais lorsque vous avez affaire à des mères
célibataires qui n'épousent pas... ou ne vivent pas justement
avec l'homme, cet enfant-là a un père et ce père n'est pas
nécessairement le père légal, c'est-à-dire que
l'enfant n'est pas nécessairement de l'homme avec lequel la femme
demeure. Vous comprenez très bien?
M. Bédard: Mes interrogations sont peut-être
beaucoup plus médicales que légales. Je me demandais comment
cette recherche peut vraiment s'effectuer, jusqu'à quel point elle peut
être concluante.
M. Blank: Notre professeur de droit nous a toujours dit qu'une
maternité, c'est une question de fait, une paternité, c'est une
question d'opinion.
M. Bédard: Cela, c'est la partie des présomptions
légales.
M. Lalonde: C'est une opinion subjective...
Mme Codère: II est très clair que si vous
êtes dans un hôpital, qu'une femme est en train d'accoucher
biologiquement, vous allez reconnaître qu'elle est en train d'accoucher
de tel enfant, et que c'est à cet enfant-là, qu'elle...
M. Bédard: Oui.
Mme Codère: Bon, d'accord. On ne peut pas dire la
même chose pour le père.
M. Bédard: Non, mais cela va être quoi...
Mme Codère: II n'y a pas de recherche médicale
comme telle, mais le fait prouve.
M. Bédard: Ecoutez, je m'excuse de mon ignorance, je su is
prêt à l'admettre, mais cela va être quoi, la recherche? Au
niveau de la paternité, la recherche, sur le plan biologique, cela
s'effectue comment?
Mme Codère: II y a la mère.
M. Bédard: Cela s'effectue médicalement,
comment?
Mme Codère: II y a la mère qui... La loi
prévoit justement la paternité présumée. La
mère peut vraiment déterminer la paternité, en disant quel
homme a fait l'enfant.
M. Bédard: Oui, mais...
Mme Codère: Et médicalement, vous pouvez faire la
recherche pour voir si vous pouvez trouver les mêmes...
Médicalement, cela se trouve. Je ne suis pas médecin pour vous
expliquer, mais peut-être...
Mme Boucher (Pierrette): II arrive qu'un homme...
M. Bédard: Comme vous l'avez mis dans votre
mémoire, j'imagine que c'est à partir, peut-être de
certaines expertises médicales qui...
Mme Codère: Nous sommes parties du bon sens qu'une femme
qui accouchait, elle devait avoir son enfant, parce que maintenant, une
mère célibataire qui accouche, doit adopter son enfant, alors
qu'on sait très bien, lorsqu'on a passé par la
maternité...
M. Bédard: Cela, pour la mère, il n'y a pas de
problème.
Mme Codère: Bon.
M. Bédard: Là, c'est la recherche de la
paternité du père biologique. Et je vous demande simplement
comment cela s'effectue, cette recherche-là? Vous me dites à
partir, peut-être, du témoignage de la femme qui nous dit: Le
père, c'est un tel, mais c'est là une preuve testimoniale qui
peut être contredite, etc. Est-ce que...
Mme Codère: Mais si cela ne se prouve pas
nécessairement facilement et si la mère dit: c'est un tel et que
l'autre rejette la présomption, alors à ce moment-là,
c'est sûr qu'ils vont avoir affaire à la cour, demander des choses
à la cour et, médicalement, cela se prouve.
M. Lalonde: Excusez-moi, médicalement cela se prouve, qui
est le père? Est-ce que plutôt cela se prouve qui ne peut pas
être le père? Mais cela laisse tout un éventail de
possibilités qui pourrait être le père. Je ne suis pas
médecin, mais il y a sûrement, d'après les
caractéristiques du sang, on pourrait prouver qui ne peut pas être
le père, ne l'est sûrement pas, mais qui l'est exactement, je
pense que, d'après ce que j'ai lu, c'est plus difficile à
prouver, médicalement. Enfin, je ne veux pas faire... (21 h 30)
M. Bédard: On va essayer de mettre au point nos
connaissances médicales.
Mme O'Neil: A vrai dire, il est bien sûr que quand la
société en sera rendue à donner une
crédibilité sans faille à la femme, on pourra dire,
à ce moment-là, que son témoignage sur la
personnalité de l'enfant, quand elle vient d'accoucher, pourra
être tenue pour vraie.
M. Bédard: Si on parle du...
Mme O'Neil: A moins, bien sûr, de cas d'exception.
M. Bédard: Si on fonctionne selon le principe de
l'égalité, en termes de crédibilité, pour la femme
et pour l'homme, il faudra aussi croire l'homme si on croit à
l'égalité qui dit: Non, ce n'est pas moi.
M. Lalonde: Combien de vengeances seraient liquidées dans
ce témoignage?
M. Lavoie: Le malheur, c'est que l'enfant ne vient pas au monde
dès sa conception. Il y a une période de temps entre la
conception et l'accouchement.
M. Bédard: C'est un docteur qui vous parle.
M. Lavoie: II peut se passer beaucoup de choses entre-temps.
Mme O'Neil: Nous regrettons que les biologistes n'aient pas de
tendance vers la politique.
M. Bédard: Enfin, ils sont toujours ouverts aux
consultations. On essaiera de parfaire nos connaissances médicales
là-dessus.
Vous avez, à la page 5 de votre mémoire, une proposition
très originale, qu'on pourrait qualifier de très nouvelle. Vous
proposez d'instaurer le mariage à terme, un contrat de mariage à
terme, si je comprends bien, pour une période définie à
l'avance et renouvelable au gré du couple. Quel serait le contenu de ce
type de contrat de mariage à terme? Pour les fins de la discussion, on
parle de votre proposition, il y a sûrement des questions que je voudrais
vous poser à savoir quel serait le contenu de ce type de contrat de
mariage à terme, la pension alimentaire, les droits de garde et de
visite des enfants, tous les effets de la dissolution qui devraient être
prévus, si on parle de contrat de mariage à terme. Est-ce qu'en
même temps qu'on se marie, on devrait prévoir comment cela va se
passer quand le terme sera expiré? Est-ce que ce contrat à terme
serait renouvelé automatiquement, renégociable?
Vous avez fait la proposition avec sérieux, à partir d'une
certaine expertise dans le milieu que vous avez consulté. Est-ce que ce
mariage à terme pourrait être renouvelé,
renégociable? Est-ce qu'il y aurait des préavis qui pourraient
être prévus? Est-ce que l'échéance du mariage serait
ainsi, de plein droit, la dissolution du mariage? La requête en divorce
serait-elle possible entre-temps, lorsque les gens ne seraient pas capables de
se rendre à terme, autrement dit, au niveau du contrat qu'ils auraient
signé ensemble? J'aimerais que vous me donniez plus d'explication sur
cette approche carrément nouvelle de la situation.
Mme Codère: Je ne suis pas sûre de me souvenir de
toutes vos questions. Toutes vos questions font partie de nos interrogations.
Il est bien évident que lorsque nous avons fait ces recommandations,
comme nous l'avons dit, nous nous sommes basées sur du vécu de
femmes qui ont participé à la consultation. Nous ne sommes pas
une commission qui a étudié le rapport longuement. Evidemment,
nous n'avions pas suffisamment de temps. Mais, je vous ferai rapport de ce qui
a été mentionné. Nous n'avons pas prévu ce qu'il y
aurait dans ce contrat. Je ne pense pas que nous soyons placées pour le
faire, mais je pense que l'idée d'un contrat de cinq ans permettrait
à un jeune couple qui décide de vivre ensemble ou de faire un
engagement sérieux, parce que le mariage est un peu plus sérieux
qu'une union de fait, parce que le contrat serait un peu plus exigeant.
Psychologiquement, cela amènerait le couple à vouloir
réussir au moins le terme qu'il s'est donné, le terme de cinq ans
ou de dix ans. C'est le couple qui définirait s'il doit faire un contrat
de mariage de cinq ans, dix ans ou quinze ans. Au bout de cinq ans, lorsque le
terme serait terminé, il serait renouvelable au gré du couple.
S'il n'y avait pas, au moment de la fin du contrat de cinq ans. consentement
mutuel d'abandonner, c'est-à-dire de ne pas renouveler le contrat, ce
qui pourrait arriver parce qu'en cinq ans un homme peut continuer d'aimer sa
femme beaucoup mais sa femme peut cesser de l'aimer, s'il n'y avait pas
vraiment continuité d'amour et volonté de vivre ensemble d'un
commun accord, il y aurait besoin de la régie de la famille pour les
aider à prendre un autre contrat ou à faire un autre essai, mais
il y aurait beaucoup de procédures qui pourraient les aider ou faciliter
la décision d'abandonner, dans le cas où l'un des deux ne
voudrait pas résilier le contrat. Un veut renouveler le contrat, l'autre
ne le veut pas.
M. Bédard: Vous ne trouvez pas que ce serait un petit peu
assimiler le mariage à une simple formalité de contrat. Je pense
qu'au-delà des contrats, au-delà des régimes matrimoniaux,
de tout ce que vous voudrez, la base du mariage est avant tout l'amour de deux
personnes qui désirent vivre ensemble. Ils peuvent difficilement,
à mon sens, évaluer le temps que le désir de vivre
ensemble existera entre eux, autrement dit, évaluer par contrat le temps
de leur amour.
Mme Codère: C'est difficile à concevoir.
M. Bédard: Je vous avoue honnêtement que j'ai de la
misère à le concevoir, indépendamment de toutes les
difficultés que peut représenter le mariage. Essentiellement, la
base du mariage est avant tout le désir de deux personnes qui s'aiment
de vivre ensemble, et non pas le désir de deux personnes de passer un
contrat pour un certain temps.
Mme Boucher: L'assemblée a été
partagée sur cette recommandation.
M. Bédard: Je le conçois facilement. Mme
Boucher: Certainement.
M. Bédard: Vous me rassurez, il devait y en avoir
quelques-uns qui pensaient comme moi.
Mme Boucher: C'est cela. On avait décidé
d'écouter tout le monde et de donner la chance à tout le monde de
s'exprimer. C'est à la suite de cela que l'on a décidé
qu'il fallait le mettre dans le rapport. Maintenant, il y a certains cas
où, vraiment, ce qui existe aujourd'hui ne répond pas aux
besoins. S'il y a des cas particuliers où ce contrat donne une chance,
si on se sent bien, si on est convaincu que c'est cela, qu'on ait la chance de
le faire. C'est dans ce sens que nous l'avons fait.
Mme O'Neil: Je n'exclurais pas la possibilité d'avoir
aussi un contrat à vie, comme on le fait depuis bien longtemps.
Mme Boucher: Option vie entière, comme on l'a
appelé.
Mme O'Neil: II reste que toute la pléiade des
termes...
M. Bédard: L'essentiel du mariage ce n'est pas tellement
le contrat à vie ou pour cinq ans et tout cela. C'est avant tout le
désir de deux personnes de vivre ensemble, sans qu'elles soient capables
d'évaluer combien de temps cela durera, en espérant que cela va
durer le plus longtemps possible. Sinon, pourquoi se marier?
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je peux difficilement retenir
l'impression que j'ai de votre mémoire; il est négatif et il
manque de rigueur. Je vous remercie quand même de l'avoir fait, parce que
cela nous force à réfléchir.
Je veux simplement, pendant quelques secondes, m'arrêter aux
derniers propos du ministre. Le contrat à terme fait penser, pour
éviter le traumatisme d'un divorce, à une comparaison qui est
toujours boiteuse, naturellement: pour éviter le traumatisme de tomber
dans l'eau froide, on va vous faire vivre constamment dans l'eau froide.
C'est un peu cela. Vous suggérez, étant donné que
le divorce est une brisure, de s'arranger pour qu'il n'y ait jamais
d'engagement à long terme. Cela me semble contredire le principe, et je
suis heureux que le ministre ait touché ce problème
fondamental.
On fait des lois ici. Mais il ne faut pas oublier que deux personnes qui
se marient, au moment où elles se marient, ces deux personnes d'abord
s'aiment et deuxièmement veulent vivre ensemble tout le temps. Ce n'est
pas seulement un contrat de notaire. Cela prend, naturellement, un cadre
juridique pour organiser la société et, de là, le contrat
pour la protection des droits. Mais il me semble que le faire temporaire, de
façon institutionnalisée, c'est nier tout cela. Aussi bien
institutionnaliser l'union de fait et dire: Bon, on vivra ensemble trois mois
et un "bye". Il me semble que ce n'est pas sérieux.
Votre suggestion sur le père biologique aussi ce que le
ministre a touché manque aussi de rigueur, parce que vous dites
qu'on devrait je cherche votre suggestion sur le père biologique
à la page 7 "... que le père biologique soit le
père légal de son enfant. Ce principe élimine la notion de
père présumé." Là, vous venez de faire une grande
déclaration, une prise de position catégorique. A 1.4 vous dites
"que dans les cas de dissension ou d'impossibilité de preuve, on
applique dans la section II, les articles 275 à 281" qui sont exactement
des présomptions. Avouez que, quand on regarde cela, on ne trouve pas
très, très, très sérieuse votre première
proposition, à l'effet que ce soit un père biologique.
Dans les régimes matrimoniaux, vous dites, à la page 8:
"Dans notre étude sur les régimes matrimoniaux, nous nous sommes
penchées particulièrement sur la société
d'acquêts qui nous apparaît, pour l'instant, le régime
matrimonial qui assure équilibre entre les conjoints à quelques
exceptions près. Ainsi, le principe d'égalité des
conjoints pourrait y être introduit avec cette recommandation à
laquelle nous souscrivons." Là, vous arrivez, avec la recommandation
à laquelle vous souscrivez, j'espère, puisque c'est votre
recommandation à: "Que les conjoints administrent ensemble les biens de
la communauté". Est-ce qu'on parle d'acquêts ou de
communauté à ce moment? Parce que la loi prévoit que
chaque conjoint administre son morceau des acquêts. Il est possible que
votre suggestion soit que les deux conjoints ensemble administrent les deux
morceaux, mais on ne parle plus de communauté là. Est-ce que vous
revenez à la communauté de biens?
Mme Boucher: Oui, c'est dans le chapitre de la
société d'acquêts.
M. Lalonde: Mais c'est pour cela que je vous pose la question.
Vous dites...
Mme Boucher: C'est dans le chapitre de la société
d'acquêts.
M. Lalonde: A l'article de la société
d'acquêts, vous avez dans l'administration de la société
d'acquêts, aux articles 80 et suivants: "Que l'administration des biens,
la responsabilité des dettes... chaque époux" à l'article
93 "a l'administration des jouissances et la libre disposition de ses biens
propres et de ses acquêts". Mais vous, vous suggérez que les
conjoints administrent ensemble les biens de la communauté. Est-ce qu'on
parle d'acquêts ou bien est-ce qu'on parle de communauté?
Mme Codère: C'est évident que ce sont les
acquêts qui sont faits après le mariage, qu'ils administrent
ensemble ces acquêts faits après le mariage, après qu'ils
ont mené une vie commune.
M. Lalonde: Alors, à quel article vous
référez-vous dans le projet de l'Office de la
révision?
Mme Codère: Nous ne nous référons pas
particulièrement à un article spécifique. Nous nous
référons au gros bon sens de femmes qui ont vécu des
situations et qui avaient le goût d'exprimer des idées à la
commission parlementaire sur la révision du Code civil.
M. Lalonde: Je veux bien, mais malheureusement, on a des textes,
nous, à propos desquels vous faites des recommandations ou des
suggestions. Réellement, je ne compends pas de quoi vous voulez parler,
quand vous parlez des biens de la communauté, parce qu'il y a la
communauté de biens, il y a la séparation de biens et il y a la
société d'acquêts. Maintenant, réellement, je ne
vous suis plus. Est-ce que vous voulez dire que les conjoints administrent
ensemble des biens? (21 h 45)
Mme Codère: L'expression de ces femmes est qu'elles
sentaient nettement que les biens acquis après le mariage devaient
être administrés par les deux et pas uniquement par l'homme. Si on
est mariés en société d'acquêts, je vous dis, comme
je connais un petit peu la société d'acquêts, que c'est
sûr que cela devient automatique, mais nous avons réellement
inscrit ce que les femmes ont exprimé les soirs de la consultation. Les
femmes qui se sont exprimées, la majorité de ces femmes,
étaient des femmes mariées en séparation de biens et elles
ont insisté énormément sur la possibilité de
l'enregistrement de la résidence, que la loi future prévoie
qu'une femme mariée en séparation de biens puisse enregistrer sa
déclaration de résidence et que le mari ne puisse pas la mettre
dehors en 24 heures, ce qui se fait actuellement couramment. Des hommes
décident qu'ils en ont assez de leur femme et leur disent: Prends tes
biens, c'est-à-dire tes vieux meubles, et débarrasse. En 24
heures, ils les mettent à la porte. Ces femmes disent: On a besoin de se
sentir au moins en sécurité dans la maison qui est la
résidence familiale.
Il y a un article qui prévoit cette chose et les femmes
mariées en séparation de biens l'appuient fortement, parce que
les femmes qui sont mariées en séparation de biens, si vous
voulez le savoir, n'ont aucune revendication. Elles peuvent refaire leur
contrat de mariage mais allez trouver des hommes qui sont très
consentants et qui vont offrir comme cadeau de Noël ou cadeau de
Pâques la révision de leur contrat de mariage fait il y a 20 ans.
Il n'y en a pas une, en tout cas, qui avait vécu cette situation.
M. Lalonde: Je pense d'ailleurs qu'on a exprimé ici
aujourd'hui de très grandes réserves sur la séparation de
biens. 57% des mariages, je pense, étaient, a-t-on dit, fondés
sur ce régime matrimonial et, dans un grand nombre de cas, se
résument à une injustice pour la femme qui y contribue mais qui
ne revoit jamais, lors de la dissolution du mariage ou de la séparation,
ce qu'elle a apporté dans la séparation de biens.
Maintenant, je veux revenir à votre mémoire; est-ce que
c'est la communauté que vous voulez dire ou simplement que les
acquêts sont...
Mme O'Neil: Administrés en commun.
M. Lalonde: Les biens propres sont administrés en
commun.
Mme O'Neil: En commun.
M. Lalonde: Alors, vous n'êtes pas d'accord avec le fait
que chaque époux administre la jouissance et la libre disposition de ses
biens propres et de ses acquêts?
M. Bédard: On voudrait bien qu'il y ait une administration
conjointe...
M. Lalonde: Commune, conjointe, même pour les
acquêts.
M. Bédard: ... à l'intérieur de la
société d'acquêts.
Mme Codère: C'est cela. Lorsqu'il s'agit d'un salaire,
qu'il n'y ait pas une loi qui exige que le salaire de l'un ou de l'autre soit
divisé ou organisé de telle façon, mais, en ce qui
concerne les biens, les acquêts après le mariage, on désire
que...
M. Lalonde: II y a une autre chose; à cette page 8, vous
dites: Par ailleurs, il nous apparaît préjudiciable à la
vie privée d'un couple que le système judiciaire s'introduise par
le biais de clauses contractuelles dans le partage des gains et des salaires.
Nous croyons que ces questions budgétaires doivent être
laissées à la discrétion des conjoints.
Je n'ai pas très bien compris si vous vouliez vous en prendre aux
dispositions du code qui prévoient la dissolution et la liquidation du
régime d'acquêts. Est-ce que c'est à cela que vous voulez
vous en prendre?
Mme Codère: Non, on s'est tout simplement dit: On
administre les biens ensemble. Cela veut
dire qu'il y a possibilité que, dans quelques années, les
hommes et les femmes travaillent. On a envisagé cette
possibilité. La consultation s'est faite en disant: Est-ce qu'on doit
faire en sorte que les biens soient tellement mis en commun que les salaires
des deux soient mis en commun et que tout cela soit administré par le
couple? On était plutôt d'accord sur le fait que ces biens acquis,
que sont les salaires, c'est-à-dire le salaire du couple, autant celui
de l'homme que celui de la femme, soient vraiment administrés par eux,
mais selon leur consentement, une entente mutuelle entre les deux conjoints,
sans avoir une loi qui dise: Tu vas faire cela ou tu ne feras pas cela.
M. Lalonde: Très bien, merci. Un peu plus loin je
vais passer rapidement si je comprends bien l'article 3.2 à la
page 12, vous êtes en faveur du divorce de consentement. Cela
équivaut, le divorce de consentement, à la séparation de
coprs ou un divorce sans notion de faute en invoquant, pour seul motif, que la
vie commune est devenue intolérable. C'est à la page 12.
Mme O'Neil: Par ailleurs, nous suggérons comme vous
voyez un peu plus loin une période de prédivorce d'une
année qui serait un peu un divorce à l'essai et qui permettrait,
aux mécanismes qui seront mis en place par la régie de la
famille, un mécanisme de consultation, qui permet aux couples qui sont
dans une période de prédivorce de consulter les mécanismes
qui sont à leur disposition en vue d'une conciliation, si la chose est
possible.
M. Lalonde: Cette année commence quand?
Mme O'Neil: Elle serait enregistrée au moment où le
couple déciderait de se séparer. Il faudrait l'enregistrement et
le processus de consultation et de réconciliation du couple pourrait se
faire à ce moment-là. L'enregistrement de la séparation
obligerait l'homme et la femme à la consultation.
M. Lalonde: Je vous remercie. Je suis parfaitement d'accord avec
le contenu du paragraphe 3.5, que les droits des enfants devraient avoir
préséance sur les droits des adultes en ce qui concerne les
séparations, sauf que je me demande, à 3.7, à la page 13,
quand vous dites que toute contestation quant à la garde des enfants
soit référée à un service d'expertise
psycho-légal. Je veux bien qu'on consulte les experts, les psychologues,
etc., mais qui va juger? Est-ce que vous suggérez que ce soit l'expert
qui décide ou si ce serait un juge ou votre régie?
Mme Boucher: Cette clause s'applique dans le cas où il n'y
a pas entente sur la garde des enfants.
M. Lalonde: En cas de contestation, qui va décider?
Mme Boucher: Qu'on ait des personnes, des travailleurs sociaux
qui ont déjà pris connaissance du dossier pendant le
période prédivorce, à partir de la demande, et que ce soit
ces personnes qui décident plus qu'un juge qui a seulement
regardé le dossier et qui rend jugement sur cela.
M. Lalonde: Je vous dis tout de suite que je ne suis pas d'accord
avec votre recommandation. Qu'on consulte des travailleurs sociaux, des
psychologues, des psychiatres, tous ceux qui peuvent donner des conseils pour
éclairer les parents et, éventuellement, le juge, en cas de
contestation, d'accord. Je pense qu'on doit laisser à un juge le soin de
juger, ou à votre régie, quoique je reviendrai à votre
régie tantôt.
Je passe par l'emprisonnement pour dettes, à la page 14, à
3.10. Il me semble que c'est un concept juridique qu'on a essayé
d'éliminer de notre droit civilisé. Je constate que, dans les cas
de pensions alimentaires, vous suggérez qu'on revienne à
l'emprisonnement pour dettes.
Mme Codère: II y avait, dans l'ensemble de la
consultation, des personnes qui vivaient la situation, qui n'avaient pas leur
pension alimentaire, qui vivaient du bien-être social et vivaient bien en
bas du seuil de la pauvreté.
M. Lalonde: Je ne fais pas d'ironie, je veux simplement que vous
soyez bien consciente que c'est revenir à un concept de droit qu'on
essaie d'éliminer de notre civilisation. Quant à la régie
de la famille, je pense que ce que vous voulez est très clair. Vous le
faites d'une façon très articulée. Vous suggérez
même qu'il y ait un ministère de la famille et que la régie
de la famille deviendrait une partie intégrante de ce ministère.
Je veux vous dire tout de suite que je ne suis pas d'accord avec cela. Je ne
sais pas jusqu'à quel point vous vous rendez compte qu'en enlevant au
pouvoir judiciaire indépendant le soin de déterminer ces
questions pour le remettre au pouvoir exécutif ou quasi judiciaire, vous
embarquez toutes les questions familiales dans un long dédale de
lourdeur administrative qui va aliéner rapidement toute la population et
surtout la clientèle qui va être appelée à faire
appel à ces services.
Je tiens, quant à moi, à l'indépendance judiciaire
dans ces cas comme dans les autres et, avec la multiplication des
régies: régie d'assurances-ci, régie
d'assurances-ça, je pense qu'il faut mettre un frein à cette
tendance de "big government" et que ce n'est sûrement pas et surtout pas
dans le domaine du droit familial que j'accepterais, mais jamais, qu'on
transforme le tribunal, qu'on remplace le pouvoir judiciaire indépendant
par une régie gouvernementale. Je suis d'accord pour que les efforts les
plus sérieux soient faits pour humaniser, déjudiciariser le
système le plus possible, mais je vous assure que le remplacer par une
régie gouvernementale, cela ne réglerait pas le problème,
cela l'empirerait. C'est mon commentaire à votre suggestion. Je vous
remercie.
La Présidente (Mme Cuerrier): M. le député
de Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais
toucher deux points tout simplement. Le premier concerne votre premier
chapitre. Quand vous parlez de la légitimité, je suis bien
d'accord avec ce qui est écrit ici, à la page 6. Mais il me
semble que vous vivez un peu dans le passé. Vous avez une affirmation,
vous dites: "Actuellement, l'enfant naturel subit de graves préjudices
à cause de cette distinction établie par la société
et inscrite dans les lois et les registres de baptême". Maintenant, pour
ce qui est inscrit dans les lois je ne suis pas avocat, je vous l'ai dit
mais pour ce qui est des registres de baptême, dans le milieu que
je connais, depuis au moins dix ans, il n'y est pas question d'enfants
naturels, incestueux, illégitimes, jamais, depuis au moins dix ans. Je
ne sais pas ce qui se fait à la grandeur de la province, mais je sais
très bien qu'on inscrit: "... enfant de... je soussigné, avoir
baptisé... enfant de Jean-Pierre Untel et d'Unetelle, né telle
date" sans aucune mention. Je sais très bien, si vous voulez un exemple,
que, au diocèse de Gaspé, déjà depuis des
années, il n'est pas question, dans les registres paroissiaux, du fait
d'un enfant illégitime. C'est réglé par un mandement
diocésain. Alors, c'est cela... Oui, madame?
Mme Boucher: Suite à cela, actuellement, c'est
enregistré comme cela. Mais parlons des personnes qui vont chercher des
certificats de naissance qui datent de plusieurs années. A ce niveau,
quelqu'un pour se marier, va chercher un certificat de naissance, une personne
qui a 25 ans, c'est ce point aussi qu'on voudrait faire disparaître.
M. Le Moignan: Vous voudriez corriger le passé, les
registres.
Mme Boucher: Pas toucher aux registres, mais quand il
s'émet de nouveaux certificats, que ce soit tout simplement la formule
actuelle de produire un certificat.
La Présidente (Mme Cuerrier): Le ministre de la
Justice.
M. Bédard: Je pense que vous voulez avoir une assurance,
ne sachant pas exactement ce qui se passe partout dans le Québec.
Peut-être qu'à Gaspé, tout se fait dans l'ordre, tel
qu'indiqué, depuis dix ans...
M. Le Moignan: Mais dans...
M. Lalonde: On aura...
M. Le Moignan: A ce point-là...
M. Bédard: ... maintenant, qui dit, en fonction de la loi,
que cela se passe comme cela partout dans le Québec. Mais ce que vous
voulez voir, et je suis bien d'accord avec vous, c'est l'assurance que, dans la
loi, ce soit clair qu'il n'y a aucune discrimination qui peut être
exercée à l'endroit d'un enfant, qu'il soit naturel...
M. Le Moignan: Je suis bien d'accord avec vous et avec M. le
ministre que, peut-être que la loi actuelle, c'est encore l'ancienne loi
qui stipule qu'un enfant naturel doit être inscrit comme tel,
peut-être actuellement.
Mme Boucher: On ne demande pas d'effacer les registres de...
M. Le Moignan: Non, non, je comprends.
Mme Boucher:... mais même chez les adultes, à un
moment donné, il y a des personnes qui n'ont jamais dit à leur
entourage qu'elles étaient adoptées et cela n'a rien à
voir avec cela. Un beau jour, elles ont à apporter un certificat de
naissance, comme on va encore les chercher au presbytère. Si elles
arrivent avec cela, bien, des fois, cela leur cause un peu de préjudice.
(22 heures)
M. Le Moignan: Oui, par expérience; c'est pour cela que ce
qui est proposé pour l'avenir, c'est très bien. C'est pour cela
que je suis d'accord avec vous.
Mme Boucher: Enfin!
M. Bédard: Vous avez parfaitement raison aussi, en
fonction de corriger, de passer. Il faudrait que tous les enfants, quelle que
soit la date de leur naissance, eh bien, ce n'est pas parce que cela fait 15
ans qu'ils sont venus au monde et qu'il existe certaines pratiques qu'ils
doivent subir un préjudice que ne subissent pas ceux qui naissent
présentement.
M. Le Moignan: Le deuxième point que j'aimerais toucher et
que mes prédécesseurs ont mentionné, ce sont les termes de
la durée du contrat de mariage. Parce qu'à ce moment-là,
c'est l'institution du mariage comme telle que vous mettez en cause. En somme,
c'est un mariage à l'essai, comme vous avez mentionné tout
à l'heure, un divorce à l'essai.
Alors, s'il est vrai que la famille, c'est tout de même la
cellule, la base de la société, dès qu'on parle d'un
contrat de cinq ans ou de dix ans, voyez toutes les implications juridiques,
légales qu'il peut y avoir là-dedans, du côté des
enfants, des biens acquis ou à acquérir, tout ce long processus;
à ce moment-là, on est aussi bien de dire qu'on abolit le mariage
tout simplement. Parce que, l'une de vous a mentionné, vous l'avez
mentionné une de vous mesdames, que c'est beau le mariage; on parle
d'amour, on vit d'amour, on aimerait que cela dure toujours, mais vous avez
mentionné des chiffres. Il y a peut-être un tiers d'échecs
actuellement. Mais il reste qu'il y a deux tiers, à peu près, des
mariages qui sont, disons, réussis.
C'est pour cela qu'à ce moment-là, si on ne croit plus
dans l'institution du mariage comme telle, moi je pense que cela devient
inquiétant pour la société; on s'organise et on ne parle
plus de mariage, on parle de terme, de contrat, d'arrangement pour quelques
années. Mais je pense que, si on assistait... Cela a été
tenté en France, d'ailleurs, dans les années trente, ce mariage
à contrat, à terme ou à essai, et on sait les
résultats que cela a donnés à ce moment-là.
Alors, c'est le point sur lequel je voulais peut-être insister
parce que cela m'inquiète énormément; c'est qu'à un
moment donné, si on entrait des choses comme cela dans la loi, c'est que
le législateur ne reconnaîtrait plus la permanence, le lien du
mariage. Qu'il y ait des accidents en cours de route, d'accord, je n'ai pas un
mot à dire sur cela. Qu'il y ait des divorces, des séparations,
des types qui vivent, des conjoints qui ne sont pas mariés, cela les
regarde, on ne discute pas de ces choses. Il reste que, pour ceux qui sont
mariés, ceux qui vivent ensemble pendant des années, puis,
à un moment donné, décident de légaliser ce
n'est peut-être pas le mot que je devrais employer mais, de toute
façon, on en connaît comme cela, à un moment donné,
qui se décident, puis ils vivent et ils sont heureux.
Je pense que c'est un point dangereux que vous avez soumis et je ne peux
pas partager l'idée de ce contrat à cause de toutes les
complications, surtout complications légales et, en même temps,
cette idée de mariage alors qu'on grandit, qu'on veut un mariage
d'amour. Vous allez me dire que je ne suis pas marié et que c'est bien
facile de parler.
C'est pour cela que le mariage, on n'est pas marié, mais on peut
en rêver et trouver cela beau.
M. Bédard: II y aurait peut-être des
amendements.
M. Le Moignan: Merci beaucoup.
M. Bédard: Sur ce sujet, je suis convaincu, lorsque vous
parlez de mariage à terme, que c'est peut-être une expression choc
que vous avez employée pour faire ressortir une autre
préoccupation que vous avez. Je pars du principe, parce qu'on le voit
dans le sérieux de d'autres recommandations que vous avez faites, qu'il
n'est pas question pour vous, en tout cas je pars de ce principe, de parler de
l'amour à terme, tout cela.
Je pense bien qu'on est d'accord, vous le reconnaissez, que l'amour est
la base essentielle, en fait, de ce qui amène des gens, des personnes
à vouloir vivre ensemble et qu'effectivement, peut-être par cette
manière de vous exprimer, vous recherchez sûrement un objectif
plus précis. Je remarque que, dans votre mémoire, vous n'avez pas
parlé de l'union de fait. Peut-être que cela rejoint votre
préoccupation, c'est peut-être pour rejoindre celle qui a
été exprimée, à un moment donné, par le
Conseil du statut de la femme, voulant qu'il n'y ait pas de législation
minimale minimum concernant l'union de fait, mais qu'il y ait la
possibilité d'avoir des contrats entre les personnes qui ont
décidé de vivre ensemble, des contrats non pas sur la
durée du mariage, mais sur la durée, indiquant un terme à
certains accords sur le plan matériel que l'homme et la femme veulent
faire ensemble. Est-ce que cela peut rejoindre, peut-être, une de ces
préoccupations que vous voulez faire ressortir et, en même temps
peut-être, si vous avez des remarques, ce sera d'ailleurs ma
dernière question, sur l'union de fait? Même si vous n'en avez pas
parlé dans votre mémoire, on serait très heureux de savoir
ce que vous en pensez.
Mme Codère: Je vais seulement revenir sur le contrat
à terme. Si on le regarde de façon très objective, ce qui
est très difficile, mais, quand même, je pense que lorsque l'on
regarde l'institution du mariage, c'est une institution relevant au
Québec de l'Eglise catholique et se rattachant à tout un
catholicisme. Si, aujourd'hui, on se rend bien compte que l'espérance de
vie est beaucoup plus longue qu'autrefois, on peut considérer que l'on
peut être marié 50 ans. Autrefois, il y avait très peu de
gens qui fêtaient leur 50e anniversaire de mariage; aujourd'hui, il n'y
en a pas beaucoup non plus, parce que les gens divorcent. C'est très
long d'envisager un contrat à vie, aujourd'hui. Des contrats de 50 ans,
même aujourd'hui, dans des professions il y a des changements
d'orientation. C'est possible que, dans le mariage, il y ait des changements
d'orientation aussi, à cause de la longueur de temps, justement. Si on
veut être objectif, c'est peut-être une façon d'arriver
à faire perpétuer le mariage. Loin de vouloir briser le contrat
au bout de cinq ans, on la bien dit, on le désire, on veut le voir se
perpétuer, mais, dans un espoir de réussir cinq ans par cinq ans.
C'est une espérance, c'est objectif de regarder cela comme ça. On
a un objectif de cinq ans à atteindre, et on passe au travers. Au bout
de cinq ans, on a passé au travers, donc on peut peut-être
s'entreprendre pour dix ans. Il faut le voir dans une optique beaucoup plus
positive que négative. A ce moment, terme par terme il est
peut-être possible de regarder qu'une femme ou un homme qui sont
entrés dans le mariage, ce n'est pas nécessairement une chose
acquise, mais à conquérir, si on regarde toujours dans l'optique
positive. C'est dans un terme de vouloir continuer ou perpétuer cet
engagement, mais en facilitant la relation de l'homme et de la femme, dans des
ententes contractuelles de cinq, dix, quinze ans ou comme ils voudront. On
n'est pas contre le fait qu'ils le fassent pour la vie.
La Présidente (Mme Cuerrier): Bon, madame.
Mme O'Neil: Juste une minute. Il est important de souligner que
nous sommes les porte-parole d'un groupe d'une trentaine d'individus et que les
idées qui sont dans ce mémoire ont quand même
été exprimées et approuvées par cette trentaine de
personnes qui représentent, elles, une dizaine d'associations de femmes
de la région des
Cantons de l'Est. Cela fait quand même beaucoup de monde! Tout
ceci pour vous dire que les idées que nous vous avons
présentées dans le mémoire, autant question de père
biologique ou de contrat à terme du mariage, nous sommes très
conscientes que ce sont des idées tout à fait nouvelles et qui
peuvent porter à rejet, parce que, justement, nous ne sommes pas
familiers avec ce genre d'idées. Cependant, je pense qu'un gouvernement
sérieux... Nous n'avons pas, nous, l'argent pour faire des expertises,
par exemple, sur des recherches sociologiques sur ces fameux contrats à
terme, est-ce que ce serait possible? Quels seraient les termes des contrats
à terme, etc. des expertises au niveau biologique, voire des recherches
médicales? De quelle façon peut-on prouver le père
biologique de tel enfant de façon médicale? Tout ceci pour vous
dire que gouverner, c'est prévoir, je ne vous annonce rien, et que, dans
ces termes, nous avons osé bien modestement peut-être vous mettre
sur quelques pistes vers l'avenir.
M. Bédard: Je comprends l'esprit dans lequel vous avez
fait certaines de vos propositions.
La Président (Mme Cuerrier): II m'appartient de faire
remarquer à cette commission que le temps qui nous était
dévolu est maintenant écoulé. Je me dois de remercier le
Centre éducatif de la femme d'avoir bien voulu apporter sa participation
aux discussions de cette commission parlementaire de la justice. Nous vous
remercions et nous devons maintenant ajourner nos travaux à demain, 10
heures.
Fin de la séance à 22 h 10
MEMOIRE SUR LA REFORME DU DROIT DE LA FAMILLE
présenté lors de la Commission
Parlementaire de la Justice
au Ministre Me Marc-André Bédard
par
le Centre Educatif de la Femme ( Sherbrooke )
et
le Conseil Régional de Promotion de la Femme
Avant-propos
Créé en septembre 1977, le Centre Educatif de la Femme est
un service de Fer de Lance, mécanisme de concertation de quatre
institutions d'éducation permanente, soit: l'Université de
Sherbrooke, le Collège de Sherbrooke, la Commission Scolaire
Régionale de l'Estrie et l'Eastern Townships Regional School Board
. Le Centre Educatif de la Femme offre des programmes de promotion
individuelle et collective.
Les objectifs de la promotion individuelle sont de permettre à la
femme rejointe une actualisation de son potentiel, selon les
intérêts propres à chaque personnalité, en
favorisant chez elle une implication plus large dans tous les secteurs
où elle évolue.
La promotion collective a pour objectifs de permettre à la femme
de se sensibiliser à la condition féminine, pour l'amener
à une prise en charge d'elle-même, dans le but de solutionner ses
propres problèmes et par la suite, en arriver à une participation
active dans les intérêts de la collectivité.
Le Centre Educatif de la Femme, en deux ans d'existence, a offert des
services en promotion individuelle à près de 1000 femmes et a
rejoint entre 8000 à 10 000 personnes par le biais de sa promotion
collective.
A ces activités, s'ajoute un programme d'échange
franco-québécois, c'est-à-dire entre Sherbrookoi-ses et
Chambériennes dans le but de faire collaborer, dans chacun des pays, des
institutions de formation et des associations dans le domaine
socio-culturel.
Le Centre Educatif de la Femme est une réalisation ambitieuse et
novatrice. Son implication dans le milieu, par ces temps de profondes remises
en question de la condition féminine, est un fleuron à la
couronne des directions de l'éducation des adultes de l'Estrie.
Le Conseil Régional de la Promotion de la Femme est une
création du C.E.F. et est formé de représentantes des
associations suivantes: l'A.F.E.A.S., l'Association des Familles
Monoparentales, les
Cercles des Fermières, l'Association de l'Est rie pour la
Planification des Naissances, le Réseau d'Entraide des Mères
Célibataires, l'Escale, la Villa Marie-Claire, l'Association des
Auxiliaires d'Hôpitaux, la Société Saint-Jean-Baptiste
(section féminine) et l'Association des Femmes Diplômées
d'Universités. Ces associations regroupent près de 20 000
femmes.
La direction du C.E.F. a assumé la direction du Conseil
Régional de la Promotion de la Femme jusqu'en novembre 1978, alors qu'un
conseil exécutif a été élu.
L'objectif du C.R.P.F. est de regrouper les associations
féminines dans le but d'un travail en commun en vue de promouvoir la
condition féminine. Suite à des débuts prometteurs, il est
permis d'espérer que dans un avenir prochain, cette table-ronde
régionale s'élargisse à toutes les associations de femmes
et devienne un mécanisme de consultations permanent sur la condition
féminine dans les Cantons de l'Est.
Introduction
En tablant sur le principe que les lois devraient être
formulées en tenant compte des us et coutumes d'une
société à une époque donnée, puisque selon
l'évolution des mentalités, ce qui était
répréhensible hier, peut devenir acceptable aujourd'hui, il nous
apparaît plus qu'urgent que la révision du Code civil,
particulièrement le livre de la famille, devienne effective dans les
plus courts délais.
Depuis le début des années 60, l'institution familiale au
Québec a subi de sérieux remous. Les balises morales maintenues
par la religion sont tombées en même temps que le taux de
natalité et l'éclatement des mariages.
Enferrés dans un tourbillon de mouvance rarement observé
dans notre passé, les couples québécois ont vécu et
connaissent encore malheureusement une révolution affective et sexuelle
pas du tout tranquille. A ces bouleversements, où il est si facile de
perdre pieds puisque le système de références se
bâtit simultanément, s'ajoute un sentiment de culpabilité
bicéphale: un héritage religieux que l'on voudrait oublié
mais dont le souvenir s'incruste et une juridiction familiale basée sur
la faute.
Les réflexions et les recommandations de ce mémoire ont
été formulées en partant d'un désir et d'un besoin
communs de déculpabiliser la vie amoureuse des couples, de sauvegarder
l'équilibre affectif des enfants et d'égaliser le poids des
devoirs et des responsabilités de l'homme et de la femme.
Il n'est pas de notre propos de faire étalage de données
tirées de recherches sociologiques sur le sujet. Nous savons, cependant,
que le gros bon sens trouve toujours oreille pour se faire entendre. Ainsi, il
semble juste de dire qu'un serment tel: "Nous sommes unis à la vie,
à la mort" ne tient plus, puisque les gens ne meurent plus, ou presque.
Entendons-nous! Nous mourons, oui! mais, nous n'avons jamais vécu aussi
longtemps, et ceci depuis le début des temps. L'espérance de vie
est d'environ 71 ans pour les hommes et 74 ans pour les femmes. Au temps de nos
grands-pères, les familles de deux ou trois lits étaient monnaie
courante. Les femmes encore jeunes, mouraient en couche. Les hommes, à
faire des journées de 12 et 16 heures d'ouvrage, s'usaient rapidement.
Le veuvage prématuré tenait lieu de divorce. Il y aurait gros
à parier que les couples mariés de 1980 n'auront jamais eu de
précédent tant qu'au nombre d'années qu'ils auront
à vivre ensemble. Et la recherche médicale n'en est qu'à
ses premiers pas!
Dans cette ligne de pensées, qui est celle du gros bon sens, nous
avons abordé le chapitre de la filiation et de l'adoption. Il nous
semble logique que la mère légale de l'enfant soit sa mère
biologique et que le père biologique soit le père légal de
l'enfant.
Les régimes matrimoniaux ou contrats financiers passés
entre conjoints devraient avoir pour principe l'égalité de
l'homme et de la femme sur deux plans: 1° L'administration conjointe des
ressources et biens du ménage: 2° Une compensation monétaire
pour les tâches essentielles accomplies en fonction de
l'intégration de la famille dans la société, mais non
rémunérées.
Au chapitre de la séparation de corps et du divorce, il nous
apparaît souhaitable de changer les termes de durée du contrat de
mariage. Un contrat renouvelable toutes les cinq ou dix années aurait
peut-être l'avantage de changer la notion d'échec rattachée
au divorce en une satisfaction d'avoir mené son contrat à terme.
D'ailleurs, toutes les consultations conséquentes au divorce devraient
être "déjudi-ciairisées" et
"déculpabilisées", ceci dans le but de "dédramatiser" ce
qui peut être considéré comme une période de
réorganisation de la vie familiale.
Dans cette optique, nous suggérons la création d'une
Régie de la Famille qui regrouperait les services administratifs
concomitants au divorce. Cette Régie serait rattachée au tout
nouveau ministère de la Famille dont la priorité serait
orientée vers la mise en place d'une politique nataliste.
Chapitre 1 Filiation et adoption
Légitimité
A la naissance, tout enfant légitime ou illégitime devrait
être reconnu enfant, avoir les mêmes droits et la même
protection. Actuellement, l'enfant naturel subit de graves préjudices
à cause de cette distinction établie par la société
et inscrite dans les lois et les registres de baptême.
A cet effet, nous recommandons:
1.1 Que la formulation de la loi élimine tout qualificatif
(légitime, naturel, incestueux, adultérin), à la suite du
nom enfant; 1.2 Que seul un certificat de naissance civil soit reconnu document
légal et ne fasse mention d'aucun adjectif à la suite du nom de
l'enfant;
Contestation de paternité.-
Selon la loi actuelle, la femme n'a aucun pouvoir de contester la
paternité de son mari et d'établir la véritable filiation
de son enfant.
La réforme du code civil prévoit créer une
présomption de paternité automatique, sans distinction entre
enfant naturel et enfant légitime. Dès que l'enfant naîtra,
son père présumé sera celui qui demeurera avec sa
mère.
Pour notre part, nous recommandons: 1.3 Que le père biologique
soit le père légal de son enfant. Ce principe élimine la
notion de "père présumé". 1.4 Que dans les cas de
dissension ou d'impossibilité de preuve, on applique dans la section II,
les articles 275 à 281 de la révision du code civil. 1.5 Que la
mère en tant que personne humaine responsable soit habilitée
à exercer son droit en contestation de paternité.
Adoption d'enfants par conjoints de fait.-
Présentement, l'un des deux conjoints de fait doit adopter son
enfant naturel pour le légitimer. Nous trouvons cette démarche
insensée et contre nature, d'autant plus que l'autre conjoint de fait y
perd ses droits sur l'enfant.
Afin d'humaniser la loi, nous recommandons: 1.6 Que toute mère
biologique soit reconnue légalement mère de son enfant, ceci
indépendamment de son état civil. Il en va de même pour le
père biologique, tel que recommandé plus haut.
Chapitre 2 Les régimes matrimoniaux La
société d'acquêts
Dans notre étude sur les régimes matrimoniaux, nous nous
sommes penchées particulièrement sur la société
d'acquêts qui nous apparaît, pour l'instant, le régime
matrimonial qui assure l'équilibre entre les conjoints à quelques
exceptions près. Ainsi, le principe d'égalité des
conjoints pourrait y être introduit avec cette recommandation à
laquelle nous souscrivons: 2.1 Que les conjoints administrent ensemble les
biens de la communauté et disposent de pouvoirs identiques dans cette
administration.
Par ailleurs, il nous apparaît préjudiciable à la
vie privée d'un couple que le système judiciaire s'introduise par
le biais de clauses contractuelles dans le partage des gains et des salaires.
Nous croyons que ces items budgétaires doivent être laissés
à la discrétion des conjoints.
Clause facultative de
copropriété.-
Tenant compte du fait primordial que les seules économies d'un
couple, ceci dans la majorité des cas, se trouvent dans la possession
d'une résidence familiale, et qu'en cas de divorce, ces économies
ramassées à deux devraient être partagées
également, nous recommandons: 2.2 Que les notaires incluent dans les
contrats de séparation de biens et de société
d'acquêts une clause facultative de copropriété de la
résidence familiale dans l'éventualité de l'acquisition de
cette résidence.
Déclaration de résidence.-
Toujours dans l'optique d'assurer la protection du domicile, nous
recommandons: 2.3 Que les notaires incitent fortement les couples, lors de la
signature d'un contrat de mariage, à signer par la même occasion
une déclaration de résidence familiale.
Et que les femmes mariées en séparation de biens puissent
se prévaloir de l'article 59, la déclaration de
résidence.
Recyclage des notaires.-
Pour ce qui est de l'implication des notaires dans des cours de
recyclage relatifs aux régimes matrimoniaux, il nous apparaît
important, en effet, que ces professionnels qui ont une influence directe sur
le choix des contrats financiers entre époux, soient aux faîtes
des dernières tendances en la matière.
A cet effet, nous recommandons: 2.4 Que le ministre de la Justice fasse
pression sur la Chambre des notaires afin que, lors de consultations, le
notaire tienne compte de la situation particulière du couple, explique
les avantages et les inconvénients des différents régimes
matrimoniaux, tout en ayant comme objectif, la protection financière
autant de la femme que de l'homme.
Chapitre 3 La séparation de corps et le
divorce
Nous sommes toutes, divorcées ou non, bouleversées par le
phénomène d'éclatement du mariage que le Québec
expérimente depuis dix ans. Les statistiques grimpent d'une façon
vertigineuse. En 1969, nous avions 8 divorces pour 100 mariages; six
années plus tard, (1975) nous en étions à 36 divorces par
100 mariages. En 1979, où en sommes-nous avec l'indice? Sommes-nous
près d'atteindre le niveau stabilisateur? Les données
récentes ne sont pas disponibles. Cependant, nous savons pertinemment,
suite à des observations du milieu social où nous
évoluons, que le mouvement est loin d'être résorbé
et que tous et chacun sont sur leurs gardes. Qui seront les prochains à
se faire happer au passage?
"Déculpabilisation" du divorce.-
Suite à un divorce vécu dans le déchirement ou
sensibilisées par personne interposée à l'entreprise de
démolition en règle suscitée par les procédures de
divorce en vigueur présentement, nous recommandons: 3.1 Que pour
éliminer le constat d'échec du divorce suite à la brisure
du contrat à vie du mariage, il soit possible pour les couples qui le
désirent, de choisir un contrat de mariage à terme, ceci pour une
période définie à l'avance et renouvelable au gré
de chaque couple. (L'assemblée a été partagée sur
cette recommandation).
Considérant qu'il est impérieux de "déculpabiliser"
toute la procédure du divorce et de déchirements qui s'y
rattachent, un mécanisme psychologique concomitant au système
judiciaire, nous recommandons: 3.2 Que le code civil soit amendé afin
que les conjoints puissent obtenir une séparation de corps ou un
divorce, sans notion de faute, en invoquant pour seul motif que la vie commune
est devenue intolérable. 3.3 Qu'une période de réflexions
et de consultations psycho-sociales sous forme d'enregistrement
pré-divorce soit obligatoire. Le divorce ne deviendrait effectif
qu'après un terme de six mois ou d'un an, selon les cas. 3.4 Que dans le
plus grand respect de la vie privée des citoyens, la discrétion
de la Cour en matière de divorce soit inéluctable. Dans ce
domaine, la coutume du huis clos aurait dû s'instaurer au rythme de
l'évolution des critères de civilisation de composantes du milieu
juridique.
La garde des enfants.-
Considérant que l'un des pièges du système
accusatoire de la procédure du divorce est que la garde des enfants
devient trop souvent l'enjeu du procès et qu'ainsi les adultes
règlent leurs problèmes sur le dos des enfants, nous
recommandons: 3.5 Que les droits des enfants devraient avoir
préséance sur les droits des adultes. 3.6 Qu'en
conséquence, la première démarche vers le divorce devrait
être celle concernant l'aménagement des enfants. 3.7 Que toute
contestation quant à la garde des enfants soit
référée à un service d'expertise psychosociale.
Pension alimentaire.-
A venir jusqu'à maintenant, ou à peu près, le
mariage a été une institution qui conservait la femme dans un
état de dépendance affective et financière.
Subordonnée à son rôle biologique, la survivance de la race
voulait qu'on conserve la femelle dans un cocon protecteur afin d'éviter
tout heurt au foetus qu'elle portait. Ce cocon protecteur se volait
ouaté et la mettait à l'abri des tracas qu'apportent les
responsabilités d'une vie communautaire dans un milieu
socio-économique. L'homme répondait de tout, ou presque. La femme
dans sa cage dorée, la maison (elle était un foetus contenant un
autre foetus) évoluait presque uniquement vers un rôle de
mère protectrice de ses enfants. Projetant sa propre protection vers sa
progéniture, le mécanisme d'identification
enfant-protégé à enfant-protégé était
son univers.
Ce compromis, justifié par la primauté de la conservation
de la race, a fait des femelles deux choses: des mères et les
femmes-enfants. Dorénavant, suite à des bouleversements sociaux
dont elle n'a pas le contrôle, elle se trouve bien souvent forcée
à s'engager sur la voie de l'autonomie où elle deviendra,
peut-être, femme! Pour cette période de transition, nous
recommandons: 3.8 Que le Code Civil soit amendé de façon à
ce que le droit au soutien soit évalué à partir des
besoins tenant compte: de l'âge des conjoints au moment de la
séparation; de l'investissement en temps et énergie aux
soins de la famille; du travail accompli durant le mariage selon la
répartition des tâches et des responsabilités que cela peut
comprendre; de l'apport de la femme à la carrière de son
mari de l'état de santé du conjoint sans revenu; de
la possibilité socio-économique et de la conjoncture du
marché en vue de trouver un emploi rémunéré;
du nombre d'enfants commun à charge. 3.9 Que le mode de paiements de la
pension alimentaire vise à neutraliser les rapports entre les
exconjoints. 3.10 Que les pensions alimentaires soient payées à
un Fonds central des compensations qui assurerait leurs versements et au besoin
pourrait prendre en charge l'application de contraintes allant jusqu'à
l'emprisonnement. 3.11 Que des ententes avec réciprocité soient
négociées entre les provinces canadiennes, les Etats-Unis et le
Québec afin que ces contraintes soient également
appliquées aux ressortissants québécois qui tenteraient de
fuir leurs responsabilités.
Chapitre 4 La régie de la
famille
En s'appuyant toujours sur le principe de "déculpabilisation" de
la procédure de divorce tout en se raliant à la
nécessité de regroupement des différentes juridictions et
services sociaux s'y rattachant, nous recommandons: 4.1 Qu'une Régie de
la Famille regroupe et administre toutes les juridictions concernant la
famille. Nous rejetons l'expression: "Tribunal de la Famille" à cause de
sa consonnance judiciaire. Nous proposons de remplacer "Tribunal" par
"Régie de la Famille". 4.2 Que des services complémentaires
spécialisés, tels: accueil, conciliation, évaluation
psychosociale,, consultation médicale, perception de pension alimentaire
et probation soient regroupés dans les meilleurs délais dans un
Ministère de la Famille. La Régie de la famille deviendrait
partie intégrante de ce ministère. 4.3 Qu'un projet pilote de
Régie de la Famille soit mis sur pied dans une région
déterminée, afin de permettre une première
évaluation de son fonctionnement et des éléments qui la
composent. 4.4 Que tout processus de signification de demande de divorce par
huissier soit faite avec la discrétion et le discernement qui
s'imposent. 4.5 Que les services gouvernementaux complémentaires
à la procédure de divorce soient offerts dans un objectif bien
précis d'humanisation et d'éducation à la prise de
décisions justes et réfléchies. 4.6 Que la conciliation
après jugement soit faite en étroite collaboration avec les
organismes du milieu, compétents en consultation familiale. 4.7 Que
seuls les débiteurs fautifs soient référés au
service de perception des pensions alimentaires.
Conclusion
En conclusion, il nous semble important de souligner que l'ensemble de
nos recommandations sont formulées dans une recherche de
simplicité, de logique et de gros bon sens. Un homme, une femme, un
enfant, c'est une famille. Dans un vécu quotidien, cela implique des
responsabilités individuelles de père et de mère et de
responsabilités collectives de services communautaires
appropriés.
L'Etat, en fournissant des services communautaires positifs, comme des
garderies, pour ne donner qu'un exemple, facilitera la prise en charge des
individus vers une autonomie responsable.
Les services communautaires positifs devraient nécessairement
faire diminuer l'usage des services gouvernementaux négatifs, tels les
services juridiques, qui fonctionnent au niveau du curatif plutôt que du
préventif.
A cet effet, il nous semble indéniable et observable que la
société québécoise évolue vers une
maturité tant collective qu'individuelle et que ce cheminement devrait
nous amener à moins d'émotivité et à plus
d'objectivité.
Un nouveau peuple se fortifie non pas dans des contraintes mais bien
plutôt dans des libertés responsables.
Sherbrooke, février 1979.
LISTE DES RECOMMANDATIONS Chapitre 1 : Adoption et filiation
Pages 6 et 7 1.1 Que la formulation de la loi élimine tout
qualificatif (légitime, naturel, incestueux, adultérin), à
la suite du nom enfant; 1.2 Que seul un certificat de naissance civil soit
reconnu document légal et ne fasse mention d'aucun adjectif à la
suite du nom de l'enfant; 1.3 Que le père biologique soit le père
légal de son enfant. Ce principe élimine la notion de
"père présumé". 1.4 Que dans les cas de dissension ou
d'impossibilité de preuve, on applique dans la section II, les articles
275 et 281 de la révision du Code civil. 1.5 Que la mère en tant
que personne humaine responsable soit habilitée à exercer son
droit en contestation de paternité. 1.6 Que toute mère biologique
soit reconnue légalement mère de son enfant, ceci
indépendamment de son état civil. Il en va de même pour le
père biologique, tel que recommandé plus haut.
Chapitre 2: Les régimes matrimoniaux Pages 8 à
10 2.1 Que les conjoints administrent ensemble les biens de la
communauté et disposent de pouvoirs identiques dans cette
administration.
Par ailleurs, il nous apparaît préjudiciable à la
vie privée d'un couple que le système judiciaire s'introduise par
le biais de clauses contractuelles dans le partage des gains et des salaires.
Nous croyons que ces items budgétaires doivent être laissés
à la discrétion des conjoints. 2.2 Que les notaires incluent dans
les contrats de séparation de biens et de société
d'acquêts une clause facultative de copropriété de la
résidence familiale dans l'éventualité de l'acquisition de
cette résidence. 2.3 Que les notaires incitent fortement les couples,
lors de la signature d'un contrat de mariage, à signer par la même
occasion une déclaration de résidence familiale.
Et que les femmes mariées en séparation de biens puissent
se prévaloir de l'article 59, la déclaration de résidence.
2.4 Que le ministre de la Justice fasse pression sur la Chambre des notaires
afin que, lors de consultations, le notaire tienne compte de la situation
particulière du couple, explique les avantages et les
inconvénients des différents régimes matrimoniaux tout en
ayant comme objectif la protection financière autant de la femme que de
l'homme.
Chapitre 3: La séparation de corps et le divorce Pages
11 à 15 3.1 Que pour améliorer le constat d'échec du
divorce suite à la brisure du contrat à vie du mariage, il soit
possible pour les couples qui le désirent, de choisir un contrat de
mariage à terme, ceci pour une période définie à
l'avance et renouvelable au gré de chaque couple. (L'assemblée a
été partagée sur cette recommandation). 3.2 Que le Code
Civil soit amendé afin que les conjoints puissent obtenir une
séparation de corps ou un divorce, sans notion de faute, en invoquant
pour seul motif que la vie commune est devenue intolérable. 3.3 Qu'une
période de réflexions et de consultations psycho-sociales sous
forme d'enregistrement pré-divorce soit obligatoire. Le divorce ne
deviendrait effectif qu'après un terme de six mois ou d'un an, selon les
cas. 3.4 Que dans le plus grand respect de la vie privée des citoyens,
la discrétion de la Cour en matière de divorce soit
inéluctable. Dans ce domaine, la coutume du huis clos aurait dû
s'instaurer au rythme de l'évolution des critères de civilisation
des composantes du milieu juridique. 3.5 Que les droits des enfants devraient
avoir préséance sur les droits des adultes. 3.6 Qu'en
conséquence, la première démarche vers le divorce devrait
être celle concernant l'aménagement des enfants. 3.7 Que toute
contestation quant à la garde des enfants soit
référée à un service d'expertise psychosociale. 3.8
Que le Code Civil soit amendé de façon à ce que le droit
au soutien soit évalué à partir des besoins, tenant
compte: de l'âge des conjoints au moment de la séparation
de l'investissement en temps et énergie aux soins de la famille;
du travail accompli durant le mariage selon la répartition des
tâches et des responsabilités que cela peut comprendre; de
l'apport de la femme à la carrière de son mari; de
l'état de santé du conjoint sans revenu;
de la possibilité socio-économique et de la
conjoncture du marché en vue de trouver un emploi
rémunéré; du nombre d'enfants commun, à
charge. 3.9 Que le mode de paiements de la pension alimentaire vise à
neutraliser les rapports entre les ex-conjoints. 3.10 Que les pensions
alimentaires soient payées à un Fonds central des compensations
qui assurerait leurs versements et au besoin pourrait prendre en charge
l'application de contraintes allant jusqu'à l'emprisonnement. 3.11 Que
des ententes avec réciprocité soient négociées
entre les provinces canadiennes, les Etats-Unis et le Québec afin que
ces contraintes soient également appliquées aux ressortissants
québécois qui tenteraient de fuir leurs
responsabilités.
Chapitre 4: La régie de la famille Pages 16 et 17
4.1 Qu'une Régie de la Famille regroupe et administre toutes les
juridictions concernant la famille. Nous rejetons l'expression: "Tribunal de la
Famille" à cause de sa consonnance judiciaire. Nous proposons de
remplacer "Tribunal" par "Régie de la Famille". 4.2 Que des services
complémentaires spécialisés, tels: accueil, conciliation,
évaluation psychosociale, consultation médicale, perception de
pension alimentaire et probation soient regroupés dans les meilleurs
délais dans un Ministère de la Famille. La Régie de la
Famille deviendrait partie intégrante de ce ministère. 4.3 Qu'un
projet pilote de Régie de la Famille soit mis sur pied dans une
région déterminée, afin de permettre une première
évaluation de son fonctionnement et des éléments qui la
composent. 4.4 Que tout processus de signification de demande de divorce par
huissier soit faite avec la discrétion et le discernement qui
s'imposent. 4.5 Que les services gouvernementaux complémentaires
à la procédure de divorce soient offerts dans un objectif bien
précis d'humanisation et d'éducation à la prise de
décisions justes et réfléchies. 4.6 Que la conciliation
après jugement soit faite en étroite collaboration avec les
organismes du milieu, compétents en consultation familiale. 4.7 Que
seuls les débiteurs fautifs soient référés au
service de perception des pensions alimentaires.